pense S l D smsnemketpem® | 1 MÉMOIRES | SOCIÉ TÉ IMPÉRIALE DES SCIENCES, DE L' AGRIC ULTURE ET DES ARTS, 73 LILLE. ANNÉE 1852. Rs À ? LILLE, TOU PARIS . 7 DERACHE, E DÜ BOULOY 1853. | hi F E LE. : 5 Gadgh«best | A ca MÉMOIRES SOCIÉTÉ IMPÉRIALE DES SCIENCES, DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS, DE LILLE. MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ IMPÉRIALE DES SCIENCES, DE L'AGRICULTURE ET DES ARTS, DE LILLE. ANNÉE 1852. CHEZ TOUS LES LIBRAIRES, PARIS, CREZ DÉRACHE,, RUE Du 8ouLox, «.° 17, av 4.er 1853. MELLE 0,0 ti TE 2,2 NON à (1) a ESSAI DE GÉOLOGIE PRATIQUE Sur la Flandre française, Par M. Meucy, Membre résidant, (Suite.) (1) de Pet 4 + CHAPITRE IT. Formation tertiaire, : _….…. - - 2 Re pe - Les terrains tertiaires du‘département du Nord qui font suite a ceux dela Belgique, comprennent cinq systèmes principaux que M. +4 Dumont a appelés : landenien, ypresien, bruellien , tongrien, et diestien, du nom des localités belges où ils sont le plus développés et où par suite l'observateur peut le mieux en étudier les caractères. Les trois premiers systèmes ont été formés pendant la première ou la plus ancienne période du dépôt tertiaire , la période éocène. — Le système tongrien appartiendrait, d’après des considérations? toutes géométriques émises par M. Dumont: au terrain tertiaire - moyen ou miocène et le système diestien au terrain tertiaire supé- rieur ou phocène (2). « (x) Voir le volume de 1850, page 82, et celui de 185r, page 114. \ (3) Extrait du rapport de M. Dumont sur la carte géologique de Belgique (1849), page 16. a . . . . Des études indépendantes de toute considération paléontologique m'ont prouvé que le système tongrien devrait être séparé du terrain tertiaire in- férieur ou éocène et rangé dans le terrain tertiaire moyen ou miocène. En effet, si les couches marines de la formation miocène du bassin de Paris sont nettement séparées du calcaire grossier par une formation nymphéenne ou d’eau douce , les couches tongriennes de la Belgique sont séparées d’une manière encore plus trau- chée des couches bruxelliennes et landeniennes par la différence de leur strati- fication. Or, comme sur des points si voisins, l'équilibre n’a pu être dérangé d’un côté sans être troublé de l’autre , on peut conclure que l'envahissement du lac parisien par les eaux marines de l'époque miocène et la dénudation du système bruxellieu par les mers tongriennes sont des événements contemporains . Je rangeais déjà eñ 1839 le système diéstien dans le terrain tertiaire supé-, (2) Æ SI. — Système landenien de M. Dumont (partie inférieure de de la période éocène ; argile plastique du bassin tertiaire parisien.) « Le système landenien repose immédiatement sur la craie et © correspond au terrain d'argile plastique du bassin de Paris. On y distingue deux étages. L'un inférieur, de formation marine (indiqué sur la carte par une teinte vermillon foncé), consiste en macignos (grès argilo-calcaires), psammites {grès schisteux), sables argileux plus ou moins consistants, glaises sables fins et argilites glau- onifères à la base desquels on trouve souvent des cailloux. L'autre supérieur, de formation fluvio-marine (teinté en vermillon pâle) est composé de sables verdâtres plus ou moins gros avec rès , lignites et veines de glaise. L'épaisseur maximum de ces deux étages réunis atteint environ 55 mètres dans la Flandre-Française. En général, on trouve au-dessus de la craie un système argilos sableux fossilifère dans lequel il faut comprendre le ciel de marne, le tuf et les durs bancs d'Anzin, les glaises dures et compactes que traversent la plupart des forages avant d'atteindre la craie et les grès verdâtres et coquillers de La Bassée et de Phalempin, puis 2° .P un dépôt de sable vert très-fin auquel succèdent des sables plus Ë ME SR g . gros et de moins en moins glauconifères avec rognons de grès, rieur ou pliocène ; or, j'ai de fortes raisons pour le maintenir à cette place; car il diffère des systèmes précédents non seulement par sa composition mais encore par sa stratification ; ainsi tandis que les étages du terrain miocène sont échelonnés suivant une direction générale de l'O.-N.-0, à l’E.-S.-E., le système diestien est dirigé de l'O. un peu S. à l'E. un peu N., d’où il résulte que depuis Cassel en France jusqu’au Bolderberg en Campine, il recouvre successivement ces divers étages. Quelques géologistes ont considéré les sables de Diest comme éocène où miocène en les rapportant soit aux sables moyens soit aux sables supérieurs du bassin de Paris; mais je me suis assuré que le système diestien n'existe pas plus aux envi- rons de Paris que les systèmes supérieurs du terrain miocène, » (-3°) veines de glaise et lits de cendres noires ou de lignite pyriteux. Les grès blancs de Bavay et les cendres pyriteuses de Sars- Poteries (arrondissement d'Avesnes), que je considère comme au même niveau géologique que les lignites du Soissonnais, appar- tiennent à la partie supérieure du système landenien. On sait déjà, par ce que nous avons dit dans le chapitre pré cédent, que la formation tertiaire existe de chaque côté du massif crayeux qui traverse l'arrondissement de Lille, de Cysoing à Faches et à Carvin, Les terrains postérieurs à la craie forment donc deux bassins distincts, l’un situé au Nord des marais de la ‘4 7 Deüle et de Ta Marque, l’autre appuyé sur le versant sud de la proéminence_ crayeuse que je viens de rappeler. La direction de l’affleurement du premier bassin figure comme une espèce / Ÿ d'angle obtus_qui aurait-son "Sommet à Lille. et dont les deux côtés aboutiraient , d’une part à La Bassée , de l’autre à Baisieux. Celui du second bassm décrit une ligne courbe qui suit la cein ture crayeuse dont il est entouré. Cette ligne passe à Bourghelles, Avelin, Seclin, Gondecourt, -Chemy, Camphin , Carvi Hu le canal de la Haute -Deüle, trayerse les marais de la Scarpe entre Roost- -Warendin_et Lalaing ,_et se continue ensuite par Somain, _Wallers et Anzin. Le plateau tertiaire d'Abscon et BL, et les îlots sableux de Montigny, Erchin, etc., ne sont eux-mêmes que les relèvements du du bord méridional de ce bassin auquel ils se | rattachent plus où moins directement à cause des nombreux | affleurements de craie produits par les dénudations du sol au pied ae ces collines. Cette disposition est d'ailleurs parfaitement mise en evidence par les coupes N.° 2 et 6. Landenien inférieur. — La partie inférieure du système lande nien est à découvert en plusieurs points de la Flandre. La petite colline de Bourghelles en est entièrement formée. On observe en effet, le long de la route de Lille à Saint-Amand , dans le village même, des sables argileux glauconifères d'an gris blanchâtre sou | veinés de jaune et plus où moins consistants, qui acquièrent (4) quelquefois une certaine dureté et happent fortement à la langue (1). Une tranchée ouverte pour l'extraction du sable au sommet de la même colline présentait la série suivante de haut en bas: Sable gris verdâtre, très-fin....: ...... Eee | Glaise grise et sable, agglutinés........... O0 20 Sable Snis nt CLOSE Sa 3110 Sables argileux avec veine de glaise (même niveau que ceux des talus de la route)... 2 .. 50... MAD eris VORATe RRQ 2 5 08 D 4m 50 . Les puits domestiques déBoryghelle$ sont foncés jusque dans la marne crayeuse, qui se trouve à 12 mètres environ de pro- fondeur. Ils traversent, en général, 9 mètres de sable plus ou # moins argileux et 3 mètres de terre glarse-mékée=de silex à la partie inférieure avant d'atteindre le massif marneux. Cette couche ? de terre glaise affleure au pied de la montagne et s'étend vers * Wannehain, Cobrieux et Louvil. Ce dernier village est bâti sur une petite éminence très-peu élevée au-dessus des marais qui l'entourent. La terre glaise compacte forme la base de cette émi- nence et même est exploitée dans le bois du Chêne à Louvil, par les fabricants de pannes de Cysoing; elle est recouverte au sommet par un sable grossier mêlé d'argile que je considère comme quaternaire. En montant vers la frontière belge par le chemin qui conduit de Wannehain à Rumes, on voit très-bien les roches tertiaires de même aspect qu’à Bourghelles, superposées à la marne grasse du système nervien. Ces roches, bien qu'ayant l'apparence d’un grès (x) C’est exactement la même roche qui constitue la surface du sol aux environs de Tournai où elle repose tantôt sur les marnes nerviennes, tantôt sur les graviers aacheuiens. (5) argileux parsemé de petits grains de silicate de fer, donnent cependant une légère effervescence avec les acides, ce qui mdique qu’elles renferment un peu de carbonate de chaux. Ce sont donc des espèces de macignos dont la faible proportion de calcaire est due sans doute à la proximité du terrain de craie que baignaient les eaux tertiairessmeképoque de leur dépôt. La glaise qu’on rencontre à la surface du sol entre Ennevelin a —— — et la ferme d’Argremont , représente aussi la partie inférieure du système landenien. On la retrouve à Pont-à-Marcq au-dessous du sable vert à 8" environ de profondeur. Cette même glaise se poursuit à l’ouest par le pont Thibaut et Avelin. Le bas fond, qui comprend le château de M. Desrotours et la majeure partie du bois d'Avelin, en est entièrement formé. Elle existe aussi à Seclin. Un puits foncé chez M. Desmazières, filateur de lin rue d'Arras, en atraversé une épaisseur de 2 " avant d'arriver à la craie. A la nouvelle filature de MM. Labbe et Prage, sur le chemin de l'Hôpital où la craie se trouve à 10 mètres de profondeur , on en a aussi constaté une couche de 3 mètres de puissance. La glaise d’un gris assez foncé est ici mélangée d’un peu de sable glauconifère. Un forage pratiqué chez M. Dillies, fabricant de sucre à Pha- lempin. a donné la série suivante : ——— MODROAVE DÉLAI Ses cs eee 0e ES MU AD Argile plus ou moins sableuse de couleur grise. . 1 SADIE HIOUYANT = sc euh ane ef a CN Banc de grès verdâtre ARE RAR TE EG 1 Se 0 0 Second banc de coquilles... A AR I à ue Glaise noirâtre très-grasse “h très- FA PP 1 CDR es sésame 00 OÙ A cette profondeur on a trouvé l’eau qui s’est élevée jusqu’à 13 mètres au-dessous du sol. JH ac (6) Au nameau de la Beuvière, près de Phalempin, on a aussi trouvé sous l'argile sableuse grise un banc de coquilles superposé à la glaise noire. Ces coquilles, parmi lesquelles domine le genre cypris, sont marines. Leur têt a, en général, conservé toute sa blancheur. Les mêmes couches affleurent près de Carvin où l'on extrait du sable et de la glaise. La sablière est située à environ 700 mètres de la route nationale entre cette route et le hameau de Buqueux. En voici la coupe : Terre vésétale et argile... 202... 108 230 Sable argileux verdâtre.................. 1 30 Banc coquiller où l’on remarque les genres : cyprine (cyprina planata) turritelle , ostrea , arc (D) rest cote. 2 Er r ot NT EN Sable fin semblable à celui de Bourghelles.. » » Une partie de cette sablière éta tremblayée quand je l'ai visitée, de sorte que je n'ai pu en prendre une coupe complète, L'extraction de glaise a lieu près du chemin qui conduit direc tement de la place de Carvin à la station du chemin de fer et à un -demi-kilomètre du bourg. On en tire une terre glaise grise com- pacte et tenace qui renferme quelques rognons de fer carbonaté. _ Cette glaise se montre à la superficie du sol qui est en ce point un peu moins élevé que celui de la sablière. IT est donc probable, surtout d'après l’analogie que ces terrains ont avec ceux de Pha- lempin , que la glaise est inférieure au sable. D'ailleurs, il m'a été assuré qu'on avait trouvé du sable au-dessus de la glaise à peu près à égale distance des deux extractions. Si l’on se rapproche de Carvin en partant de la glaisière , on arrive à une briquettrie dont-le-puits-a traversé au-dessous du limen, { mètre de sable argileux de couleur noirâtre avec cailloux roulés à là partie inférieure ; cette couche repose sur la craie qu'on voit dans le puits à 4 mètres de profondeur, et semble être infé- (972) rieure elle-même à la glaise qui paraît à la surface à quelques pas de la briqueterie. Le système landenien inférieur affleure aussi en quelques points du territoire" d'Oignies où il éSt Souvént caché par le limon. Un sondage pour recherche de houille pratiqué par M. Mulot, sur la rive gauche du canal de la Haute-Deüle, entre les commünes” d'Oignies et de Courrières ,a,en effet, traversé les couches sui- vantes: Terre rapportée. ....e.....ue........... 4 M 00 Aroileatnens st 59 PMR RON Se 100 Sahlenvente ts Rene. RÉ RTEMIO 690 Glaise noire très-compacte........ FENTE" 00 Glaise sableuse avec silex à la partie inférieure 2 10 CRE ee D ER Re mÈtres Le même système borde les marais de la Scarpe dans les com- munes de Masny, Ecaillon, Bruille-lès-Marchiennes, Somain , etc. Il consiste en roches plus ou moins dures qui ne sont autres que des sables ou des grès argileux. On donne aux parties dures le nom de tuf ou de turc, et aux parties molles celui de rougeon… Ces roches ont été mises à découvert quand on a fait les fondations de la sucrerie de Somain. Elles reposaiént sur la craie à 3 ou 4 mètres de profondeur. Le chemin de grande communication de Somain à Erre est tout enfier dañs le rougeon , qui est même exploité comme terre à bri- ues dans cette dernière commune où il forme une couche d' un, mètre sur la craie. f Les roches de la formation tertiaire inférieufé sont aussi bien visibles dans la tranchée du chemin de fer de Somain à Abscon. On rencontre dans ce terrain certaines parties où la glaise domine et communique au sol une grande humidité. Il y a même certains points où elle forme des couches assez épaisses. Ainsi à Bellaing, on l’exploite pour la fabrication des tuiles et des pannes. Cette glaise, dans laquelle j'ai aussi remarqué quelques rognons 544 a” as Là" La (8) de fer carbonate, me parait être exactement parallèle à celle de Carvin. Dans la grande carrière d’Abscon, on voit la craie à 2 m. 50 net d RER end de profondeur recouverte par des couches de grès argilo-calcaire M9" tendre_{macigno ) faisant une légère effervescence avec les acides et au milieu desquelles sont stratifiées des veines de glaise noirâtre très-minces. Ces roches rappellent bien celles des environs de Wannehain. C'est le même terrain qui forme le sous sol du plateau d'Emer- chicourt, et dont l’affleurement longe au nord ce plateau en tra- versantles communes d'Aniche, Auberchicourt et Masny. Ce sont encore les mêmes roches qui affleurent, au pied de la côte d'Erchin. Seulement elles ne sont pas toujours calcaires bien qu'elles aient tout-à-fait le même aspect. On les a rencontrées aussi sous le limon en creusant un puits dans une briqueterie située au sud-est du village de Cantin, près de la grande route. En ce point la craie existe à 5 ou 6 mètres de profondeur et le niveau d’eau se maintient à une dixaine de mètres au-dessous du sol. Enfin elles recouvrent tout le plateau d’Anzin, où on les connaît sous les noms de tuf, durs bancs, ciel de marne. La formation tertiaire d’Anzin se compose d’alternances de sables argileux jaunâtres (rougeon), d’argilites gris blanchâtre glauconifères quel- quefois calcareuses et avec veines de glaise, de grès argilo- calcaires d’un gris bleuâtre et de roches siliceuses bleuâtres assez, * dures. Ces dernières ont été désignées par M. Dumont sous le nom de sammites ; elles se divisent souvent, en effet, en feuillets minces et sonores. J'ai pu les observer dans une ancienne carrière voisine de la routé de Fresnes (p. 154, vol. de1851). Quelquefois la silice s'est condensée en certains points de la masse où elle forme des géodes d’opale mamelonnée et translucide d'un gris perle. On trouve dans toutes ces couches des coquilles ou des empreintes qu'il est difficile de se procurer complètes et intactes et qui parais- Lo. sent appartenir au genre ostrea. Elles renferment toutes aussi = (9) des grains verts, qui, à la base de la formation deviennent plus gros et plus fréquents. Le nom de dur banc s'applique aux roches siliceuses dont 1l vient d'être question ; celui de tuf comprend toutes les autres roches parmi lesquelles on distingue le ciel de marne, qui repose immédiatement sur la craie et qui n’est autre qu'une argilite cal- caire criblée de glauconies. Les argilites glauconifères du système landenien inférieur ont quelquefois une assez grande analogie d'aspect avec le grès vert supérieur du terrain crétacé représenté par /a meule de Bernissart , et par la gaise de Vouziers. Or, il est un fait digne d'intérêt; c'est que ces argilites renfermentcommeles roches crétacées auxquelles elles ressemblent, une grande quantité de silice soluble dans la potasse liquide. Je n’en ai pas fait l'analyse complète; mais les essais qualitatifs auxquels j'ai soumis des échantillons provenant d’Anzin ne peuvent me laisser aucun doute à cet égard. Ainsi donc , voici deux roches d’âges très-différents séparées l’une de l’autre par une épaisseur considérable de terrain crayeux , et qui cependant offrent une analogie de composition des plus remar- quables. Ne pourrait-on pas tirer parti de cette compositioncomme nous l'avons dit en décrivant les roches du grès vert supérieur? Et, à cet effet, ne serait-il pas possible d'utiliser les résidus des fabri- ques de potasse? La silice des roches tertiaires inférieures étant soluble dans cet alkali, il serait facile d'obtenir du silicate de potasse qui est, comme on sait, un puissant engrais. Ce sel serait susceptible aussi d'être employé comme enduit pour rendre les étoffes incombustibles ou pour silicatiser diverses substances. Le système landenien inférieur n’est pas moins bien caractérisé peche au nord du plateau crayeux qui traverse l'arrondissement de Lille qu'au sud de ce plateau; mais ses affleurements sont beaucoup moins étendus. Il suit les côtes de Willems, de Mons-en Barœul et disparait sous le limon à partir de Lille pour ne plus se montrer que près de La Bassée. (Ans 1) (10 ) A Willems, chez M. Truffaut, filateur , on a fait un sondage qui a traverse : Terre végétale et argile...........r.:...: 3 m 00 Sables argileux glauconifères blanchâtres avec empreintes d'arca, alternant avec des cou- ches de sables moins argileux qui donnent de l'eau. ; ice OR M EE 42 00 Marnes grasses (dièves du terrain de craie).. 38 00 Terre noire pyriteuse du système aachenien. 2 00 * 55 " 00 Les puits de Forest prennent l’eau dans le sable à 5 mètres de profondeur au plus. Un forage entrepris chez le charpentier De- clerc a traversé d'abord de l’argile sableuse, puis le sable argileux gris cendré du système landenien inférieur et une couche de glaise noirâtre avant d'arriver à la craie qui a été rencontrée à la pro- fondeur de 18 m. . L'eau de la craie s’élève jusqu'à 2 m. de la surface du sol. Chez M. Esprit, teinturier au hameau de l'Empenpont {com- mune d'Hem), la craie se trouve à 10 mètres de profondeur recou- verte par de la glaise noire et par du sable argileux verdâtre caché sous 2 mètres au plus de limon. Au château de M. Smet, situé dans la commune de Flers, près de la route de Lille à Lannoy et sur la rive gauche de la Marque à peu de distance de la rivière, la craie existe à 5 mètres du sol sous les mêmes terrains. Le système landenien inférieur est à découvert à la base de la anchée du chemin de fer, à Fives. J'ai eu occasion de l’observer à 250 mètres environ au nord du pont où il est caractérisé par des sables argileux, blanchâtres et jaunâtres, et par des glaises ._ grises plus où moins sableuses. Le remblai du chemin de fer de Dunkerque à la traversée de la Deüle a été presqu'entièrement.exécutésau moyen de sables argi- +? & jet “tr l'E EN (11; leux semblables à ceux de la tranchée de Fives, qui forment sur la craie une assise de 100 pieds d'épaisseur , et qui ne sont recou- verts que par une faible couche d'argile. Ce terrain forme le sous-sol de toute la plaine qui s'étend sur la rive gauche de la Deüle au nord et à l’ouest de Lille. ‘A la briqueterie du Mont-Aquant (commune de Lomme, le sable argileux connu sous le nom de sable mouvant a été ren- contré à 2 m. 50 environ sous l'argile. Il passe à une glaise sablonneuse de couleur bleuâtre qui renferme de gros grains de glauconie et qui repose sur la craie à 25 mètres de profondeur. ” Cette même glaise désignée par le nom de terre bleue, existe aussi tops chez M. Solignac, blanchisseuT#-près de l’anciénne abbaye de Marquette, où elle a été atteinte à 23 mètres au-dessous du sol et $ où elle forme une couche de 12 mètres sur la craie. Les forages exécutés dans les fabriques desucre de MM. Bonzel, *- à Haubourdin, de MM. Bernard frères, à Santes, et de M. Coget, à Marquillies , ont traversé aussi les mêmes terrains. AÇantes, te la craie est à {8 m. du sol et supporte des sables argileux plus ou moins mouvants qui, à la base sont plus glaiseux et mêlés de silex. Ces sables sont recouverts par 8 mètres de terrain quater- LEE naire. La coupe du sondage pratiqué chez M. Coget, à Marquillies , est la suivante : D Terre végétale MSN, MP. NI (OMR 0 s MOUES RS eee) don CUPMPMODD Argile sableuse avec petits frag- | alluvions ments de grès ferrugineux et de \ anciennes. DTOS TOUS ER PEN NAS AE O0 SAPIEVÉE PA ce NE A, JA ue: 12 00 ane À Banc coquiller................ D » ! D a ie à Fa landenien erre grise_grasse plus dure, près nférieur rai # on Es de lement 20 00 00 4..9p) 150 Craie re os XL AV20 111 "00 Total ... 50 " 00 a S (12) L'eau monte jusqu'à 41 mètres du sol, Enfin, le système landenien inférieur affleure sur le versant sud de la colline au bas de laquelle se trouve le bourg de La Bassée. La couche fossilifère que j'ai déjà eu occasion de citer plusieurs fois affleure même en différents points , et j'ai recueilli moimême-dans les fossés de la route d’Estaires , en sortant de La Bassée, des débris de ces coquillés parmi lesquelles on dis- bi tingue des turritelles, des cyprines et des moules intérieurs de crassatelles. Ces fossiles sont inférieurs au sable vert fin qui cou- ronne le sommet de la colline. Ils existent aussi près de la fabrique e sucre de M. Barbry, à Salomé, où l’on compte exactement 53 pieds jusqu’à la craie. Le système landenien inférieur est re- À présenté ici par des sables argileux et par des glaises compactes ” comme à La Bassée où on trouve généralement au-dessus de la craie 4 mètres de glaise dure noirâtre et 4 mètres de sable vert argileux. e--Ces-faîts-sont, comme on le voit, exactement les mêmes que ceux qui ont été observés près de Carvin. 0) T eve Landenien supérieur. — Cet étage est composé principalement, comme nous l'avons dit, de sables plus ou moins gros avec lignites et veines de-glaise. Les sables sont d’abord très fins et verdâtres, et l’étage se termine par des sables à plus gros grains moins glau- conifères, qui supportent la glaise ypresienne. Ils sont assez sou- vent colorés par l’hydrate de fer dont l'accumulation en certains points peut donner naissance à une sorte de grès ferrugineux sans solidité. On ne rencontre aucun fossile dans ces sables, au milieu desquels des lignites se sont formés dans certaines circonstances comme les tourbes se forment de nos jours. Ces lignites sont toujours accompagnés de pyrites qui se rencontrent même en veines ou en amas isolés dans le sable (l'Empenpont, le Trou de La Magdeleine, Templeuve, etc). On n’en à pas découvert jusqu'ici de gisements importants dans notre contrée, bien que leur pré sence ait été constatée par sondages dans différentes localités (13 ) (Tourcoing , Merville); mais ils sont exploités en divers points du bassin tertiaire parisien pour la fabrication du sulfate de fer (cou- perose verte) et de l’alun. Il en existe aussi dans la partie sud-est du département du Nord, qui sont connus et éxploités depuis plusieurs années (Sars-Poteries, Sains) pour l'amendement des terres ; et même on en a trouvé à Maubeuge, à Hargnies et à Raismes, qui paraissent dignes d'être examinés avec intérêt. Je n'ai observé jusqu'ici le lignite que dans les sablières ouvertes sur la côte de l'Empenpont (commune d'Hem) (fig. 3). La plus élevée touchait au chemin qui conduit au château de M. Brame, et présentait la coupe suivante : Argile jaune avec cailloux roulés à la base (OO EST RU fo el | DAOD Argile plastique jaunätre plaise ypresienne! 1 00 Id. bleuâtre < 02/00 Glaise sableuse grisâtre. . .............,... "2 00 Lignitestres-pyriteux. 0. eehiaensse.. 10 420 Sable vert fin. ........ Re ra nie dates EE) Profondeur de la sablière 11 à 12 mètres. Le lignite pourrait être utilisé par les cultivateurs soit en répan- dant sur les terres les cendres provenant de sa combustion, soit en le laissant s’effleurir à l’air et le mélangeant avec de la chaux pour former du sulfate de chaux, ou avec des engrais ammoniacaux dont le principe volatil serait fixé par l’acide sulfurique du sulfate de fer. Voici la coupe d’une sablière de l'Empenpont, ouverte à un niveau un peu moins élevé que la précédente : (14) Argile à briques avec galets ferrugineux et silex roulés à la partie inférieure..... .. 2" 00 Argile plastique DIR." ere... | L C0 Sable Vert... des s ce Mage te ID UD Veine'de plaise. 2eme ere 0 » Glaïse sableuse grisätre. ....26,%.,....... 1 (00 Sable vert avec cailloux roulés de silex..... 2 00 Veine de last; ee MR Eee. D » Sable plus blanc .…mmmvttmw’epe,., np » Fe m200 Dans deux autres sablières situées encore à un niveau plus bas, on voyait : Aroile jaunes... RME 2e eur (Or OÙ Sable argileux propre au moulage avec silex et galets de grès ferrugineux à la base.... 1 50 SADIE VERS semer Ales Stat HE: Le sable de l’'Empenpont est le type du sable vert fin. Ceux qu'on observe dans la tranchée de Fives, à Ennetières- en-Weppes, sur le plateau de Salomé, à Illies, Herlies, aux en- virons de Genech et à proximité du château du baron de Lagrange (commune de Cobrieux), sont complètement semblables au précé- dent et se trouvent exactement ou même niveau géologique. Il en est de même des sables qui affleurent le long de la côte d'Avelin, entre ce village-et celui d’Attiches ; de ceux qui affleurent dans les fossés des fortifications de Lille, dérrière la manufacture des tabacs, et qui se retrouvent au trou de la Magdeleine , sur la rive droite de la Deüle. (15) La tranchée du chemin de fer de Fives a 1200 mètres environ de longueur. Je l'ai visitée il y a plusieurs années, avant qu'on ne garnit les contrefossés de revêtements en briques destinés à prévenir leur éboulement, et aussi avant que les talus ne fussent couverts de végétation. J'ai donc pu étudier complètement les terrains qu’elle a traversés. Cette tranchée dont on voit la coupe (fig. 4) a 10 mètres environ de hauteur à son point culminant. Le sable fin qui paraît encore aujourd'hui dans. différentes parties des talus et qui ne commence qu’à 3 ou 400 mètres du pont, repose directement sur les sables argileux inférieurs. On voit ces der- niers au fond des fossés dans la partie la plus profonde de la tran- chée. La couche de sable fin a en ce point une épaisseur d'environ 6 mètres. Elle est recouverte par une veinule d'argile plastique et par 0.50 à 0.60 de glaise sableuse grossière qui représente sans doute la base de la formation glaiseuse ypresienne; car on voit dans le sable une cavité (g) remplie par une argile plastique compacte d’un gris bleuâtre: qui semble reposer sur cette nappe de glaise sableuse. La partie supérieure de la tranchée consiste en limon avec veines ou lentilles de sable de même nature que le pré- cédent. Le sable vert forme donc le sous-sol de toute cette colline qui est dirigée de l’ouest à l’est et sur laquelle est bâti le village de Mons-en-Barœul. On en a extrait d’ailleurs il y a quelques années “pres de l'église pour l'entretien de la route. De l'autre côté du chemin de fer il existe encore aujourd’hui au sommet de la colline une carrière appartenant à M. Collette, où l’on exploite le sable sous 4 mètres d'argile plastique. Ce sable a exactement les mêmes caractères que celui de la tranchée de Fives, et il est veiné de glaise. On l'extrait sur une épaisseur de 2 mètres jusqu’au niveau d'eau. Aux environs d'Englos et d'Ennetières-en-Weppes, le sable fin se trouve aussi à peu de profondeur et constitue le sous sol sur une assez grande étendue de territoire. M. Lelong de Sequedin en à fait extraire à 300 mètres au nord-est du cabaret du Vert- (16 ) Ballot , sur le chemin d'Englos à Haubourdin. M.° Delangre en a fait tirer aussi près de l’église d'Englos. Enfin, plusieurs sa- blières sont ouvertes dans la commune d’'Ennetières. La plus rap- prochée du village touche au chemin d'Ennetières à Escobecques et appartient au sieur Ridez. On y trouve le sable sous 0.30 de glaise. A la sablière du sieur Auguste Wemel, près du hameau du Paradis, 1] y a 2 mètres environ de glaise sur le sable. Il existe encore trois autres carrières de sable à droite et à gauche d'un chemin qui descend dans la vallée à l’ouest d'Ennetières. Elles appartiennent à MM. Bonzel, Crespel et Flouré. Chez M. Flouré, au sud du chemin, le sable est recouvert par 2 ou 3 mètres de limon, et on l'exploite jusqu'au niveau d’eau sur 2 mè- tres d'épaisseur. Dans les autres sablières qui se trouvent au nord du même chemin, il y a une couche de glaise de 2 mètres d’é- paisseur sur le sable qui affleure au pied de la côte. De nom- breuses sources se font jour sur les pentes. Ces sources sourdent du sable et sont recueillies dans des becques ou ruisseaux qui se rendent à la Lys. Le sable à grains plus gros qui succède au sable fin_est exploité dans les communes de Wattrelos, Fournes, Mérignies, Phalem- pin, Wahagnies, Ostricourt, Le Forest, Raïmbeaucourt, Raches, > Klines, Coutiches, Beuvry, Landas, Lalaing, Montigny , Loffre, ne à , Erchin, Fressain, Bugnicourt, Cantin, Gœulzin, rleux, Hamel et Estrées. r PET Il affleure dans ces différentes communes où il n'est recouvert que par une couche pèt épaisse de limon. C'est un sable à grains moyens, plus ou moins chargé de glauconie, quelquefois jaunâtre mais ordinairement de couleur verdâtre ou grisâtre. Les grains de quartzsont transparents etontun certain éclat, et ce caractère permet souvent de distinguer les sables tertiaires des sables aacheniens dont les grains sont presque toujours opaques et d’un aspect mat. Les sables des localités ci-dessus désignées, bien que se trou- vant à des niveaux différents, sont parallèles au point de vue géologique. Leurs caractères minéralogiques et leur position rela- (9) tivement aux sables verts inférieurs en sont la preuve. Je ne sache pas qu'on y ait jamais trouvé de lignites , et je suis porté à croire, d'après les observations que j'ai faites jusqu'à présent dans les arrondissements de Valenciennes et d'Avesnes, que ces sables sont encore inférieurs à ceux de la hauteur de Raismes et à ceux de Bavay qui, en général, sont beaucoup plus blancs, renfer- ment très-peu de glauconie et sont accompagnés, comme a Sars- Poteries, de bancs de lignites assez épais. A l'entrée du village de Fournes en venant de Lille , on voit à gauche de la route une tranchée de 3 à 4 mètres de profondeur, où l'on extrait un sable gris jaunâtre à assez gros grains pour l'entretien des routes. On a remarqué que ce sable ne laisse pas passer l’eau assez librement, circonstance qui le rend souvent impropre au pavage. Ce défaut tient à la présence de petites veines de glaise intercalées au milieu de Ja couche. Voici du reste la coupe de la tranchée (fig. 5) : lerre végétale." ne a nl BU Argile jaune (en moyenne).............. 1 00 Sable fin argileux avec Le de silex et fr. ag- MEN ICROSIMEUR ES Une ces nee oo D UD Glaise sableuse...,.... a Lan ne CNT 0 40 Sable avec veines et lentilles Fa ul AS" al 7 0 30 3 30 Au hameau de Plouy (commune de Wattrelos), le sable est jaune mais plus fin qu'à Fournes. Il est recouvert par 0.30 d'ar- gile et 0.30 de terre végétale. Près du village de Mérignies , à l'est, on extrait un sable gris verdâtre sous { mètre environ d'argile plastique ypresienne. À droite du chemin de Phalempin à Wabagnies et à l'entrée du bois, se trouve une sablière qui fournit un sable semblable à celui de Mérignies ; ce sable s'enfonce sous la côte et dans la partie est de la carrière, 1l est déjà recouvert par 3 mètres de glaise. 2 18) se prolonge en longeant la côte de Wahagnies jusqu'aux impor- | tantes sablières d'Ostricourt,_où l'on a abondamment puisé pour le chemin de fer du Nord. On voit très-bien dans ces carrières le . sable recouvert par la terre glaise qui est elle-même recouverte vers le nord-est par le limon. Une couche de glaise sableuse com- pacte et dure de { à 2 mètres d'épaisseur forme le passage du sable à la glaise. Dans la carrière de Le Forest, au bas. de la côte de Moncheaux, le sable est gris blanchâtre. La surface du sol consiste en un mé- lange de glaise et de sable rougeâtre d’une épaisseur variable qui se prolonge jusqu'à la station du chemin de fer et que je rapporte au limon. À Raimbeaucourt , entre le village et le marais, il existe aussi une sablière où l’on voit au-dessus du sable une couche de 1 à 2 mètres d'épaisseur, consistant en un mélange compact de sable et de glaise qui fait comme à Ostricourt le passage du sable lan-' denien à la glaise ypresienne. On y remarque parfois des veines de glaise et des concrétions ferrugineuses et calcaréuses. Plus loin vers l'est, on rencontre près de la route de Douai à Lille, dans la commune de Raches, une excavation où l'on a tiré du sable, et plus loin encore, dans la même direction, la grande sablière de Flines qui est ouverte au pied même de la côte. Le sable de Flines est gris et assez semblable à celui de Le Forest. — Dans la partie nord de la carrière , on observe l’affleurement de la glaise sous { mètre de sable argileux quaternaire dans lequel sont mé- langés des fragments de diverses natures, quartzeux, ferrugi- neux , etc. Il se trouve encore d'autres sablières dans la même commune, contiguës à la route de Douai à Tournai. Dans l’une d'elles, derrière la maison d'un -douamer;-le sable est pres- qu'à fleur du sol et n'est recouvert que par très-peu d'argile sableuse avec fragments de grès. C’est un sable gris analogue à celui de Flines qu'on extrait à proximité de la même route avant d'arriver à Coutiches. 19 ) La sablière de Beuvry-lez-Orchies, située à { kilomètre à l'ouest du village et celle du moulin de Landas fournissent aussi du sable gris et sont ouvertes comme les précédentes près du contact des formations sableuse et glaiseuse. Dans cette dernière, le massil sableux est traversé par des veines de sable ferrugineux agglu- tiné, et on remarque à la partie supérieure une veine de glaise , puis 0.20 de sable glaiseux , enfin 0.80 d'argile avec fragments roulés à la base. Le sol de toute la contrée qui s'étend de Beuvry à St.-Amand _e’est-à-dire depuis l'affleurement de la glaise jusqu'aux marais de la Scarpe, est sableux à une très faible profondeur. Cette plaine qui comprend les communes de Bouvignies , Brillon, Sars- et-Rosières, penche très-légèrement vers le marais. Le sable peut y affleurer à certains points; mais il est généralement caché par un peu de limon. Au midi de la Scarpe , le sable glauconifère supérieur qui cons- titue les petits mamelons tertiaires indiqués sur la grande carte au so fait l'objet d'assez nombreuses exploitations disséminées dans les communes que nous avons désignées plus haut. Le plus sou- vent, il y a sur le sable même, au sommet des mamelons une couche d'argile mêlée de sable, de silex roulés et de fragments de grès dont l'épaisseur peut aller jusqu’à 3 mètres. C’est dans ces loca- lités qu'on extrait les grès blancs pour pavés. On les découvre au moyen de la sonde. L'espèce de promontoire sableux dirigé à peu près du sud au nord d'Erchin à Lewarde, est coupé par le chemin de fer de Douai à Valenciennes, près de Montigny. Il se prolonge jusqu'à Lalaing , où l'on extrait près du moulin à vent un sable diverse ment coloré qui renferme des rognons de grès assez volumineux La ligne_de contact entre le_système_Jandenien et le système vpresien àu sud de Lille est assez nettement indiquée sur la carte & pour que nous soyons dispensés de nous y arrêter; mais elle est moins visible au nord, el il est nécessaire de faire con- { naître en quelques mots sa LA souterraine. C ette ligne pas£e er > - +. ess à + < n ge SÈ 2 20 au hameau de l'Empenpont , tourne autour de Hem et de Sailly, - traverse Lannoy et va gagner la frontière belge au « Plouy, en laissant le village de Leers à l’est, D'un autre côté, elle Suit à peu près la Marque à partir de l'Empenpont jusqu'au pont de Marquette. Là elle fait un crochet et se relève au nord en en- veloppant le village de Wambrechies, puis elle suit les côtes de Lomme et d'Ennetières, se contourne fortement d'Ennetières à Radinghem, passe à Escobecques et à Erquinghim-le-Sec.,_cotoie Au nord l'éminence de Fournes et va joindre les affleurements des, environs d’Aubers. Ainsi les affleurements souterrains du système landenien for- ment des zônes plus ou moins larges comprises entre ceux de la craie et de la glaise. Ces affleurements prennent un grand déve- loppement le long de la Scarpe, et abstraction faite des alluvions de cette rivière , s'étendent, sans discontinuité, de Beuvry jusqu'à Anzin près de l’Escaut , et de Flines à Bugnicourt, à une demi- lieue de la Sensée. Les terrains qui appartiennent à ce système sur la rive droite de la Scarpe et dont les contours ne touchent qu'à la craie, puisqu'il n'existe plus de glaise de ce côté, se relient donc souterrainement avec ceux de même époque qui se trouvent sur la rive gauche de la même rivière corame la coupe N,9 2 le fait voir. Il résulte de ce qui précède qu’en négligeant le terrain quater- naire , la surface du système landenien dans les arrondissements de Lille et de Douai serait d'environ 32,600 hectares. Elle em- brasse en partie ou en totalité : gu nord de Lille, les communes de Wattrelos, Leers, Lann6ÿ” TE iers, Sailly, Baisieux, Forest, Hem, Flers, Wasquehal, Marcq-en-Barœul, Mons-en-Barœul, Fives, la Magdeleine, Lille, Saint-André, Marquette , Wambre- - chies, Verlinghem, Lambersaert, Lomme, -Sequedin . Englos, Ennetières-en-Weppes, Radinghem, Escobecques, Hallennes, Haubourdin, Santes, Erquinghem-le-Sec, Beaucamps, Ligny, Wavrin , Sainghin-en-Weppes , Fourné- Wicres , Herlies._ lllies, Marquillies, Hantay, Salomé, La Bassée ; g. es en h. 20 an LT y 3e (M) Au sud de Lille, les communes de Wannehain, Bourghelles, Cysoing, Louvil, Cobrieux, Genech, Templeuve, Ennevelin, Pont-à-Marcq, Avelin, Seclin, Gondecourt, Chemy, Camphin, Phalempin, Wahagnies, Ostricourt, Raimbeaucourt, Roost- Warendin, Raches, Flines, Coutiches, Bouvignies, Marchien- nes, Tilloy, Beuvry, Landas, Saméon, Aix, Mouchin ; Et au midi de la Scarpe, celles d'Hornaing, Erre, Fenain, Somain, Villers-Campeau , Rieulay, Bruille-lez-Marchiennes , Ecaillon, Masny, Pecquencourt, Lalaing, Montigny, Loffre, Le- warde, Roncourt, Erchin, Cantin, Gœulzin, Estrées, Hamel, Arleux, Bugnicourt, Fressain, Villers-au-Tertre, Monchecourt , Auberchicourt et Aniche. Enfin, il existe un petit affleurement de sable landenien dans la commune de Blaringhem (arrondissement d'Hazebrouck), à la limite des deux départements du Nord et du Pas de-Calais. La rivière de la Melde qui coupe la pointe sud-ouest de cette com- mune sépare en effet le sable de la glaise. La portion du terri- toire de Blaringhem au sud de ladite rivière est donc comprise dans les sables du terrain tertiaire inférieur. ol Le sol landenien atteint son niveau maximum dans la commune de Villers-au-Tertre, où il se trouve à la cote 90 (90 mètres au- dessus du niveau de la mer). Les points les plus élevés sont dans l'arrondissement de Lille : Bourghelles (cote 46), et Comines (cote 44). Je crois devoir donner ici les résultats de quelques sondages qui ont traversé les roches du système landenien dans l'étendue des zônes où il n'est recouvert que par des alluvions et que j'ai définies précédemment (1). ———— ne ee ne (1) Nous laissons subsister autant que possible dans ce compte-rendu les ex- pressions qui ont été employées par les.foreurs pour désigner les terrains tra- versés. LANNOT. Argile jaune em Lee, x 4 80 ÉMdenien Sable jaune avec pyrites à la not rite. SES 1 supérieur. | Sable avec pyrites. . . . . . . . . . - . . . 3 00 ! Glaise bleue mélée de sable. . . . 7 20 Sable VOLE LE FRE. ns 0 90 Landeniu. / Glaise bleue mêlée de sable. . 4 50 iuférieur. ) Grain fin , dur etsec.. . . . . . : 1" 2040 Glaise très-compacte avec cornus à la parie in- féTIEUNCr TE ERP ne : re En Craie. 44 40 CODEN WASQUEHAL (fabrique de potasse de M. Lefebvre.) Terre végétale: 57, al PT DS ARE ACT ÉTE ONE A PE Sablemmouvant liquide." 6 00 Landenien supérieur Sable vVertifin ER NE CE ae sen a 200 Landenien Terre glaise mêlée de sable. . . . . . . . . . 11 66 inférieur. | Glaÿ solide avec cornus. . . . . . . + . . 15 00 Craie EE: Mate AN à AM RETOUR CO NC ON 11 33 51 65 STEP rives {filature Delecroix. ) Argile jaune . is LE NES 8 2E Ë 2 20 Sable vert mouvant . . . . :!. 1.0... .. 38 00 HUBERT) COLCHOMUTS 2 1 EN ee » 0 30 supérieur. SADIGANENTE NS MES ee en noel e 12 00 Landenien ( Terre glaise verte et luisante . . . . . . . . . 8 00 inférieur. Sable argileux noirâtre . , . . . . « . . . « & 50 Craie 30 00 (®) Landenien inférieur, Landenien { superieur . l Landenien inférieur, (23 } LILLE (Hôpital-Général. ) Terre rapportéeet terre végétale. … : : … : : 2 30 ACTCALUC SR EN ER NU RE re SN Le. LA 1 20 ous gris jaunâtres argileux sous la dalle äo MAQUEQUC RE NE TP PE SE à: 1 06 Sable gris ver dâtre argileux avec petits fr sente de silex à la partie inférieure. . . . . 19 50 Craie blanche. (Voir p. 166, vol. 1851.) 24 00 RE 2) WAMBRECHIES {distillerie Lenssen. | INR al SR SE TES EME TE EN MN EN AS PRET 1 00 SADICR ATP DMSAITE RU CT 15 00 Sable vert mouvant très-fin. . . . . . . . . . 15 00 (ASaplevertareilenuxé ee CAR SE 15 00 GATSOTBTISE SNS PAT SU 7e NT ALU Le . o1200 Craie DIANCRe SE TEE 33 00 84 00 Le — La sonde s'est arrêtée sur une pierre dure {tun?) L'eau de la marne qui a été rencontrée à 63 mètres, jaillit à un mètre au-dessus de terre, et le produit de la source est de 1 hectolitre par minute au niveau du sol. Terre végétale et sable mélangé d'argile. . . . 2 00 Landenien supérieur. aie NOT RAM etes STE ee Re , + 37 00 Landenien L : ; : 10 50 inférieur. à Argile plastique bleuâtre. . . . . . . . = . . Craie. (Voir p. 167, vol. 1851.) 39 50 TEMPLEUVE (sucrerie de M. Demesmay. ) On a rencontré des grès à 18 mètres 50 de profondeur. (24) PONT-A\-MARCQ | sucrerie dé MM. Derick et Bulteau.) Ferté É TMD LL MUR Res. 2 à ce AUTO ATEN ne LR PACS RME TT ee CUNION Landenien supérieur. Sable Ver MOUVANLE MER he ROLUOD Laudeuien ; ; APE CSD TES MURS Lu SE LE deb en €1 do CE Craie, (ut be AAA art nets 010) 878 63 09 LR FEES ARR SEX L'eau prend son niveau à 9 mètres au-dessous du sol. L'ESCARPELLE. Terre végétale et sable blanc. Sable blanc. Sable mouvant . Sable bleu... c { Sable ct gravier van de : Idem très-mouvants. . Sable mêlé de gravier. . . . .… , Grès verdàtre. RU PRO ES AR AE ST SC NEC Argile sableuse . Sable vert.. , Sable bleuûtre. : + Craie blanche. (Voir p 168. A 1851. ) Landenien, TL mm Se © © © © o = 1735 PSE LEO T CARTE FLINES. Landenien ; Sable jaune mélangé de sable blanc très-fin. . 8 66 supérieur. À Sablenert 0 0 SE NE NE AR AL UD Landenien | ei at argile RADEON Ale. ET ET D | Sableinoiratre Ars lee A 0. 8100 Glaise sableuse noirâtre . . . . . A TE) Craie blanche. (Voir p. 168, Vol. 1851) 43 49 e1054 Voie LE of . Voir 71008 Landenien férieur. Landenien supérieur. Landenie: inférieur. Landenien supérieur. Landenien inférieur. | | | ( { | { 25 ) VRED. Sable jaune légerement argileux Sable vert argileux très-chargé de grains desili- BAT GO RER ARE UE CE LR Grès quartzeux avec grains de silicate de fer. . Argile plastique gris verdâtre feuilletée . . . . Craie blanche. (Voir p. 170, vol. 1851.) MARCHIENNES. Terre végétale et argile sableuse jaune . TOURDEN EE MR EEE Sable bleuâtre . . . Sable vert argileux .: . . . . . . Argile grise compacte . . . . . . Craie. (Voir p. 168, vol. 1851.) WARLAING. Terre végétale et argile sableuse . Sable mouvant gris . . . . . . . Sable bleu et argile. . . . . Argile plastique compacte. . . . Craie blanche. Le sable landenien.a été atteint aussi à diverses profondeurs Jo À Faumont à la profondeur de A Orchies ...... eme et sHterie At ACAPPETE eee EE M jee A HOmerÉS TES ad JUS ni RE que en dehors de ses zônes d’affleurement dans plusieurs localités de la Flandre, entr'autres : 4 2t A Lys-lez-Lannoy...................... 16 80 A'Rouübaix 4 ere mer gt AS PMR 25 50 À Bondues RER Ms APE OO 00 L'TOUROINRES Terne reset ME DUT UU A'Roncpeetiuts 2h den + MARNE 80 00 À Hillain 2 Nan enr TS ARE Nas 70 00 A'ArTMENTIBTÉR Te Lee ee en a vd dc 24 00 A Merville M ET PUCES LEE. LEE 00 À Hazebrouck . .... ACL EEE RS SRE RE An 100 Go À Bailleul. ete sur ha ale MR eT106 33 $ 2. Système ypresien de M. Dumont. ( Argile de Londres, London-clay.) Le système ypresien dont le nom rappelle les collines d'Ypres où il prend un très-grand développement, comprend une puis- sante fformation glaiseuse superposée aux sables landeniens et inférieure aux sables de Cassel qui représentent chez nous le calcaire grossier parisien (1). Il correspond stratigraphiquement et miné- ralogiquement à l'argile de Londres (London-clay) et manque dans le bassin de Paris où le calcaire grossier repose immédiate- ment sur le terrain à lignites. Il faut considérer qu'après le comblement de la mer parisienne par les sables landeniens, il s’est produit dans la contrée comprenant Londres , Bruxelles et Lille , un affaissement progressif qui a prolongé la submersion de ces parages et permis le dépôt de la +glaise par.coyches suc (1) M. Dumont comprend aussi dans son système ypresien une partie des sables supérieurs à la glaise qui affleurent au sommet de Mons-en-Pévèle et au pied du Mont-Cassel ; mais j'ai cru pouvoir, en m’appuyant sur les caractères minéra- logiques, considérer ces sables comme faisant partie de l'étage du calcaire grossier et réserver la dénomination de formation ypresienne à la glaise sous-jacente si remarquable par sa puissance et par son homogénéits. ("27 cessives pendant que le sol des environs de Paris réstait à sec. Cette formation présente donc un certain intérêt sous le rapport scientifique puisqu'elle établit une distinction entre les deux bas eins tertiaires de Londres et Paris et qu’elle relie géologiquement une partie du sol de l'Angleterre avec le nord de la France et de la Belgique. — Elle est remarquable aussi par sa puissance. Ainsi, à Hazebrouck, la glaise à déjà 100 mètres d'épaisseur ; mais la surface sableuse sur laquelle elle s’appuie se relève au sud et vient paraître au jour près de la limite des départemeuts du Nord et du Pas-de-Calais. Les derniers affleurements de glaise se voient à Wittes, Isbergue, Mazinghen , Choques , Fouquereuil (Pas-de-Calais), entre Béthune et Merville et près de Raches au nord de Douai. De ce point, la ligne de séparation entre la glaise et le sable landenien qui jusque-là avait affecté une direction générale de l'O. un peu N. à l'E. un peu S. se courbe vers le N.-E, va couper le canal d’Anthoing entre Mortagne et Mau- bray et se continue jusque dans les environs de Louvain. -- Au sud de la ligne brisée dont nous venons de poser les principaux jalons, il n’existe plus trace de glaise ypresienne. Les détails dans lesquels nous sommes entrés en parlant des limites du système landenien ont fait connaître en même temps celles de la glaise. — Celle-ci forme dans la Flandre, comme les sables landeniens, deux bassins distincts ; l’un, au milieu duquel s'élève la colline de Mons-en-Pevèle, parfaitement circonscrit dans tous les sens et dont on peut facilement suivre les contours en jetant un coup d'œil sur la carte; l'autre , embrassant toute la superficie des arrôndissements de Dunkerque et d'Hazebrouck et une partie de l'arrondissement de Lille. On peut ajouter comme appendice à ce second bassin le monticule de Fives et de la Magdeleine et celui de Willems dont le sous-sol glaiseux n'est indiqué que sur la deuxième coupe. Avant de passer en revue les localités où l'on peut observer la glaise, il est nécessaire de dire quelques mots de la nature de cette roche et des circonstances particulières de son gisement. La glaise est une argile compacte de couleur gris bleuâtre ou gris jaunâtre et à texture souvent feuilletée. Elle est imperméable à l'eau et jouit de propriétés plastiques qui la rendent propre à la fabrication des poteries ; elle est aussi éminemment onctueuse et délayable et on l'emploie pour le foulage des étoffes de laine. On trouve assez fréquemment au milieu de la glaise des no- dules de calcaire blanchâtre connus sous le nom de septarias, quelques veines de silex roulés et de sable, du fer carbonaté en lits minces ou en rognons et des coquilles marines de différentes espèces. Les nodules calcaires forment des amas assez considérables en Angleterre où ils sont exploités pour la fabrication du ciment romain (1); mais on n’en connaît pas de gisements importants dans le département du Nord. Cependant j'ai constaté l'existence de ces nodules en plusieurs points, notamment à Moncheaux, à Pérenchies et le long du chemin de fer de Dunkerque dans la plaine com- prise entre l’Yser et la tranchée d'Arnecke. Je ne doute pas qu'ils n'aient été rencontrés dans la plupart des sondages. Seulement comme on n'y attachait aucun intérêt, on a sans doute négligé de noter la profondeur et l'épaisseur des couches qui renfermaient ces nodules. J'ai reconnu le fer carbonaté dans la glaise en divers points, mais jamais en quantité suffisante pour pouvoir être exploité utilement. Toutefois comme il existe à peu de profondeur dans beaucoup de localités, les propriétaires des carrières de glaise et de sable qui le rencontrent, pourraient le mettre de côté et en réunissant les quantités partielles provenant de chaque exploita- tation, on obtiendrait une assez grande masse de minerai qu'on pourrait peut-être transporter avec avantage à Denain où il arriverait facilement par bateaux. Je l'ai observé à la surface du sol dans les communes d’Aubers, de Fives, de Raches, de Worm- (x) Lyell, Éléments de géologie, p. 359. hout. À Pérenchies, on en avait extrait de la glaisière de M. Bonzel, dont on avait dallé la devanture d'une maison. On l'a trouvé aussi par sondages à Faumont, à Moncheaux, à Roubaix ainsi qu'à Ostricourt et à Phalempin où la société des Hauts- Fourneaux de Denain a même fait exécuter des travaux de recherche il y a quelques années. Ce minerai est de couleur grise et jaunit après un séjour pro- longé à l'air. Sa richesse est variable à cause de la plus ou moins grande quantité d'argile dont il est intimement pénétré. Celui - qu'on a rencontré à Roubaix, dans la fabrique de M. Dervaux, à 50 pieds de profondeur, a une texture très-serrée et un poids assez considérable. Les débris organiques de la glaise sont assez rares. Les seuls que j'ai recueillis proviennent d’un puits creusé dans l'atelier à vapeur de M. Delahousse-Delobel, taillandier au hameau de la Rousselle (commune de Roncq). La coupe de ce puits est la suivante : Arete Sabine natale is lu té tn140 Cailloux roulés......... MR re mois, 0Rér 50 Ghuseqannäte. las. ossi vaut RTC A Banc de calcaire argileux An fossilifère. 2 00 Glaise bleue schisteuse avec quelques fossiles. 11 30 Glaise mêlée de sable avec quelques coquilles. » » Cette dernière couche donne une source dont le produit paraît devoir suffire à l'alimentation de la machine à vapeur. L'eau s'élève jusqu'à 5 mètres du sol. Le premier banc coquiller que ce puits a traversé consiste en un calcaire argileux gris jaunâtre mélangé d’un peu de sable fin. On a mis deux jours pour percer ce banc qui est assez dur et qui donne un peu d’eau. il serait intéressant de rechercher { 30. si Ja chaux qui en proviendrait ne jouirait pas de propriétés hy- drauliques et s'il n’y aurait pas quelqu'analogie de composition entre ce calcaire et les nodules du London-clay. Les fossiles sont en général de petites dimensions et assez abondants. On distingue surtout des turritelles qui ont jusque 4 et 5 centimètres de longueur , des nummulites de l'espèce planulata dont le dia- mètre n'est que de quelques millimètres, des vénéricardes, des cardium , des lucines, des ostrea avec leur têt nacré, des pleurotoma , etc. On remarque dans la glaise bleue les mêmes fossiles et sur- tout de petites nummulites et de petites coquilles univalves. Enfin la couche sableuse qui se trouve au fond du puits renferme aussi quelques fossiles parmi lesquels je puis citer des pecten, des dentalium, de petites ostrea. Ces fossiles sont malheureuse- ment très-fragiles et très-difficilement conservables à moins qu'ils ne se trouvent dans des bancs durs tels que celui qui a été tra- versé chez M. Delahousse. Le sondage de Bailleul dont la coupe sera donnée à la fin de de ce paragraphe a aussi traversé plusieurs lits coquillers. La glaise ypresienne présente de nombreux affleurements dans la Flandre. On peut l'observer en montant les côtes de Bachy, Templeuve, Avelin, Phalempin, Wahagnies, Moncheaux, Raimbeaucourt, Raches. Elle s'étend au pied de la colline de Mons-en-Pevele jusqu'a Tourmignies et Pont-à-Marcq au Nord, et jusqu'au bois de Flines au Sud. En un mot on la trouve à la surface du sol sur de grandes étendues de terrain dans les can- tons de Cysoing, Pont-à-Mareq et Orchies où elle parait presque partout sur les bords du bassin dans lequel elle est comprise. D'un autre côté elle affleure , entre la Deüle et la Lys, de Ra- dinghem à Aubers et d'Ennetières-en-Weppes à Verlinghem. On la trouve aussi sur la hauteur de Fives, à l'Empenpont et en dif- férents points des cantons de Roubaix, Tourcoing et Quesnoy, sur la rive droite de la Deüle, notamment sur les monts de Bon- dues, d'Halluin et de Wervick. 31 C'est surtout dans tes arrondissements d'Hazebrouck et de Duz kerque que ce terrain , désigné en flamand par le nom de clyte, est le plus développé. Il forme , entre Estaires et Merville, comme une espèce d'ilot au milieu de la plaine de la Lys, qui, de Bail- leul à Hazebrouck et à Aire, est ceinte par une suite de collines glaiseuses. La glaise paraît encore au pied des côtes des environs de Wittes, de Blaringhem et de Lynde, et elle forme une large bande qui borde pour ainsi dire sans discontinuité les marais de St.-Omer et la plaine alluvienne de Dunkerque, d'Ebblinghem à Watten, à Looberghe, à Stecne, à Bergues et à Hondschoote. On a retiré sur la place de Bergues des milliers de voitures de glaise qu'on a remplacée par du sable afin de faciliter l'écouiement des eaux. Il existe aussi de larges affleurements de ce terrain autour des mon- tagnes de l'arrondissement d'Hazebrouck, surtout dans les com- munes d'Esquelbeeq, Bambecque , Noordpeene, Zermezeele, Win- nezeele, Steenvoorde, Godewaersvelde, Eecke, Flêtre, Boeschepe et St.-Jans-Cappel. La Holle-Becque , qui passe à Winnezeele , coule sur la glaise depuis sa source jusqu'à l'Yser. Il en est de même dela Zimine-Becqueet de l'Ey-Becque qui sépare le terri toire français du territoire belge. On voit encore cette roche le long de la Peene de Wormhout à l'Yser ; cette dernière rivière coule aussi sur la glaise, près d’Es- quelbecq et de Wilder. Enfin la glaise est à découvert sur la ligne du chemin fer du Nord, dans les deux tranchées situées de part et d'autre de la station de Roubaix , dans celle de Pérenchies, de Steenwerck à Bailleul, entre Strazeele et Hazebrouck, dans les tranchées d'Hondeghem, de Bavinckove, de Noordpeene , d'Ar- necke , de Bissezeele, de Soex et dans les communes d'Ebblinghem et de Renescure. Les principales extractions de glaise ypresienne sont ouvertes dans les communes de Raches ; Orchies, Beuvry , Landas (arron- dissement de Douai) ; Mouchin , Bersée, Moncheaux , Wahagnies, Mérignies , Templeuve , Aubers , Ennetières-en-Weppes , Prémes- ques, Pérenchies, Fives, Hem, Halluin, Wervick {arrondissement 32 de Lille) ; Merville, Bailleul. Hazebrouck , Morbecque , Renes- cure , Steenvoorde (arrondissement d'Hazebrouck) ; Wormhout , Lederzeele, Bollezeele et Rexpoede (arrondissement de Dunkerque). Les terrains glaiseux sont généralement très-difficiles à cultiver à cause de leur ténacité, et la plupart sont pour ce motif en nature de bois ou de prairies. Cependant ils peuvent donner de riches ré- coltes quand ils sont convenablement préparés. J'ai souvent en- tendu dire par des praticiens que le blé qui croît sur un sol glai- seux pèse plus que celui qui a été semé sur une terre légère, et ce fait peut s'expliquer par la plus grande proportion d'engrais que retient la glaise. On peut évaluer approximativement à 30,000 hectares la surface totale des affleurements de la glaise dans le département du Nord. Cette formation s'élève jusqu'à 76 mètres au-dessus du niveau de la mer, au pied des collines de Cassel et de Mons en Pevèle. Elle atteint la côte 69 aux monts d'Halluin , de Blaringhem et de Watten. Voici maintenant les coupes de quelques puits on sondages qui ont traversé la glaise et dont quelques-uns indiquent l'épaisseur des terrains sous-jacents : ORCHIES. Terre végétale. 1.193 Argile. . ue 14102 Sable smouvant ee CUT. ROME 2 59 pÉc \ Glaise avec parties calcaires blanches. . 0 76 PEU À Claseibletee CC UE 5 42 : Sable gris mouvant. . ORNE EL FH Landenten } Cable Ne EM MELON HO A M AERRSEE.-1121. 189 supérieur. \ Lit de glaise. . . 0 05 Sable mouvant. . . . . 0 356 Sable dur EN ET UE 8 70 Errdensen Glaisé: SPRL ES PCT TER ne 6 64 inférieur Sable dur. Le es, re 1 96 \ Cia ebsbie 1 50 Craie. (Voir p. 187, va 1851 ) 133) FAUMONT. (Entre les villages de Faumont et de Flines. ) Ypresien. Terre végélale et glaise.. AR idee LT O0 Landenien { Sable très-mouvant noirâtre. . . . . . . . QE PCT supérieur. Sable vert mouvant avec couche de glaise bleue. 19 20 Tandenien Sable vert et glaise dure. 20.1... 40.1, 1 20 inférieur, Argilelplastique. Ne eine M8) T0 Craie. à 45 00 De TE THUMERIES. ( Sucrerie Coget. ) TEFTENEPÉTAlC SET AMEN RCE RE Le 100 PS LEONE PME EE nl AU RLENERS Stone aus) d00 Sables mouvants de diverses couleurs. . . . . 8 00 Ypresien, Glaise bleuâtre. . . . . .. ae ee O0 pee { SADIES VEN IS AQU ETES EN NE EEE ST O0 CIRISON EUR Dave ELITE: ee EM es ue 24% 00 CTAÏBE RENE 45 00 126 09 ESRRREUMEERIRERREAN TT MONS-EN-PEVÈLE. (Sucrerie Vallois. } Mélange d'argile et de sable. . . . . . . . . 2 00 Sable gris mouvant très liquide. . . . . . . RE 30 Ypresien. GS NDIeUEICOMNACIe ER 16 60 Landenien. ; «Sable Vert... 1, 1.0 0. RL 50110) 26 00 RE MÉRIGNIES. ( Ferme du Blocus. — Sucrerie Desmoutiers. ) Ypresien, "Glaise.jaunâtre. . . . . . . ... . . . . . © 50 Landenen Sable vente 0.0: 0 Pen Con SES 000 10 50 Re 3 (34) CAPELLE. ( Sucrerie Gapan. ) APCE SE Te Ms NS LD SaDIe/MOUvANt. 2. AP ENNEERNN TES!" , CNET Ypresien. Glaise bleue. . . . . . . Re Ne. L NO NEUD ation Sable noir très dur. . . . . . . D Ne 0e 20 TES supérieur, ( Sable vert aquifère. 10 05 > . A Rs PORTER L'eau monte jusqu'à 1" 20 du sol. TEMPLEUVE. ( Brasserie de M. Cuisinier. } APETIO ES, Er PROS PRE Ru Ce di n0 Sable MOUVANEL SE PET TO AE er TE 0 Ypresien. GAISOR, PT PRE UE ES Re EEE NEO 17 0 Yéddenien (A PADIE NET RTL A UE CC Va PMR UT AE ER) supérieur, PUNTO TA RS LENPALE et CeR ARS ER SO NA Landenien : Glaise noirâtre et compacte avec pyrile. . . . . 17 79 inférieur. Sénonien. CHAR EN. Vi oies EUR Here VO LCL) M: LUN Fe MR ce ne eee she (°° C'ORREL ervien. $ MANNETAYEC STE EEREE 1 40 80 91 M 2 ZA MAGDELEINE. (Atelier de chaudronnerie de MM. Fontaine.) Terre Nés Ale: Re 2e PE OR à 0 60 Argile sableuse jaune passant aw@sable mouvant, 7 09 Ypresien, GIAÏS6RDIENAITES NS EN NE NT BE GO Tan lement (POADIEN UNIT EN ENt-S R EE cu CN) supérieur. dé Pavec veine deglaise me tr een. 0 60 Sable vert argileux faisant effervescence avec les Tandensen ACITOSETT NUE NN Ti e EU, 14 00 inférieur. } Glaise gris-noirâtre très compacte. . . . . . . 8 60 Sable argileux grisâtre (effervescence ). . . . . 3 30 Craie. 45 70 Ypresien. Landenien, Ypresien. Landenien, Ypresien. Landenien. (35) LOMME. (Puits domestiques.) RME Le ES eo AR TNRT AMEN PE OÙ CHERE LUNA SIRET 5 OMIONKO Sable boulant aquifère. 14 00 RE NT PÉRENCHIES. ( Puits domestiques. } LÉO RE nanas ed me ce TE MR ne GONE GASOIL be LES CUT Ds ETS CO | AE 12 00 SADIC EME NET I RNRNENRe. Ses te EE 00) 18 00 RÉ RS Res BONDUES. { Sucrerie Vandonghem. } Argile. OU EN Den RAT NN PPS SI 9 4 A 0) Sable mouvant ou argile sableuse coulante , avec galets de silex roulés à la partie inférieure. . 9 00 CHAISCIDIEUC RME NO EEE ne nu 39 00 Sable vert aquifère. 51 00 CR DS L'eau prend son niveau à 21" 60 du sol. MOUVEAUX. ( Puits creusé dans la sucrerie de M. Lemaire- Ypresien. Landenien, Requillart.) Terre vépétaleetiareile. 0 Lee UN O5 00 CANOUL IE SA DIE RCE LEARN 13 00 CHSCT AU RSR Er CU PR "156 00 SADIGNVOL TES Am INDE ER. Pat 1 1 00 Ypresien. Landenien. crétacé. Terrain carbonifère, Terrain Ypresien. Landenien supérieur. Landenien inférieur. Ypresien. Landenien supérieur. inférieur, | | (36) LYS-LEZ-LANNOY. ( Sucrerie Duthoit. ) Argile et sable mouvant. . . . . eoNdcs. Et «0100 Graise bléties se . 0. es Hit. LONO Gablacvent. 1 etes RDA Het: nt nU Case letSADIe Ar CCE. ARR A0 ou Glaise noirâtre avec cornus à la base. . . . . . 26 10 MATDeS CANONS me Eee UE Ce NC ONAIT 70 Calle BIO UE D ee et ra DNS 75 00 CORRE ROUBAIX. Terre végétale et argile sableuse grise ne au sable mouvant. = 00 Sable mouvant argileux gris- dire EL GAS IDIEUE RE 2. CPL EN USER 181300 SADIE VO ES RES RE D AN Ie 10e ML ‘#0 Glaise mélée de sable. . . . . . . . y. 12400 SADIC NET Pete de ete ie D 2 er PE ETS 1 50 51 00 . RETIENS TOURCOING. | Petite Place. ) ANGES SC TT OT er 2133 Sablemouvant. 2147 -0- HR EURE. 11 1400 Glisse ble RE RENE 32 66 Pierre ressemblant à l’émeri. . . . . . . . . 0 33 CAS D NT etre CL eee Po ie qe 12 00 (_ SADIE NET ANIME ET Ur. 5 00 Veine de lignite de #4 à 5 centimètres d'épaisseur Sable Vert es ARRETE NN Er. 13 66 Glaise"mélée de sable ER EU 6 66 Glaise avec veine de pyrite de 3 cent. d'épaisseur. 1 00 Glaise mêlée de sable , suivie d’une pierre très dure , couleur gris-pâle, d’une épaisseur de 8 à 10 centimètres ( fer carbonaté ?.). . . .. 10 00 Glaise sableuse noire et sèche avec cailloux. . . 17 36 Afrenorter-.... 1119.00 Report 112 00 PÉCEME DIQRCRe 7 FR M, TOO SAGE S ) J1INb09-S94 S913 2948 XN9/I34 SUIOLU NO snfd 91Rp194 91qeS ‘JURIG 2IRS (4) Cou] -Op(DA Soppuunu au2N09) S9419} -I[ISS0] S918 9948 OIVIIRO SH 9[4{RS “OAJRIOU XN9]ISAIL { saguioddue 994b 947eunef STIS UN, P 9419JIU09NEIS 2SNO[AES 9191 Y 77: ose) "128829 op jauuos| -ounefin9[n09 9p SUIRAS SO18 e 2[qPS * SXLTIVION ‘SHH9N0) SA AANLVN ‘91oddez UIRI19) 39° 28JAns EI & aIu | =RUU91 XNQUISNIO] SAIS 99AP ISUPIO 0 Numéros rer. "N DUDnOD | e] “Ar — [a “UOITIOXNAIG oc) Lr] “‘UATIDUOT, *SHNHLSAS d'ordre. (5) Les grès coquillers de Cassel ne sont employés que pour paver les étables et les cours des fermes. On pourrait faire aussi un très-utile emploi des sables calcaires qui les accompagnent en répañdant ceux-ci sur les terres argileuses dans lesquelles on ferait entrer ainsi les deux éléments principaux qui leur manquent : Le sable et le calcaire. Nous n'insisterons pas sur cette applica- tion agricole qui ressort de tout ce que nous avons dit dans les one précédents. Je n'ai pas remarqué à la base du mont Cassel les sables gris très fins avec nummulites planulata de Mons-en-Pevèle. Il existe cepen- dant quelques localités de la Belgique (Renaix, Mont de la Trinité) où les mêmes sables sont inférieurs au calcaire grossier Bruxellien. Toutefois je dois dire que j'ai vu en un seul point des sables fins qui paraissent avoir la plus grande analogie de couleur et de finesse avec ceux de Mons-en-Pevêle. Ce point est situé dans un fond au N.-E. du Mont des Récollets sur un petit chemin qui conduit à Winnezeele par le bois du Temple. MONT DES CHATS. Éloigné des grandes routes et des centres de population, le Mont des Chats {Cassberg) a été beaucoup moins fouillé que le Mont-Cassel ; aussi n'est-il pas aussi bien connu. La chaine du Mont des Chats dont le point culminant est à la cote 158, com- prend le moulin de Boeschepe (cote 137), le mont Kollæreele, et se prolonge vers la frontière jusqu'au moulin de Westen en traversant les communes de Meteren, Godewaersvelde, Berthen et Boes- chepe. Sa surface est d'environ 700 hectares. Si l'on se rend de Flètre au Cassberg, on commence à s'élever à 2 kilomètres de ce village sur le terrain à cailloux et on arrive au pied de la colline où est ouverte une carrière dans le sable verdâtre inférieur de la formation Bruxellienne, lequel est tra- versé par des veines de glaise sur lesquelles on voit nettement se dessiner de petites failles (fig. 14). La coupe de cette carrière est la suivante : s it ( 56 ) Fragments de grès ferrugineux plus ou moins volumineux empâtés dans l’ar- For BHO ER ORNE RS ISSUES 21 à Veines de sables jaunes, gris, rougeà- cailloux. eines qe s SJ] BARS os tres mélangés. ....... ...... 0 40 Sablejaunâtre:ss 2. met, 0:80 Sable argileux jaune-verdâtre....... 1 ,00 sine Deux veines de glaise séparées par une ; : veine de:sable, 45.5 402... 01:90 bruxellien, À ; à D Sable verdâtre à grains moyens, mi- (1 CAC Re ee De be eue se EU OU 7 50 On peut observer le sable verdâtre le long des chemins d'Eecke, de Bailleul, de Godewaersvelde, au Spotterkus, au bas du Mont Kollæreele sur le chemin qui conduit au Mont noir et en beaucoup d'autres points tout autour du Mont des Chats, ainsi qu’à la base des collines qui s’y rattachent. Mais il n'existe pas de trace des sables coquillers supérieurs de Cassel. En revanche, les systèmes Tongrien et Diestien y sont bien développés. Dans la partie la plus élevée du Mont qui est très-ondulée et couverte de bruyères, on voit très-bien le gros sable Diestien en place avec veines de grès ferrugineux. - Le couvent de la Trappe est compris dans ce terrain où les religieux ont creusé un chemin qui gagne le sommet de la mon- tagne. Sur le versant nord de la colline, au dessous du monastère, on voit dans la tranchée du chemin de Boeschepe, des sables jaunes- bruns à grains fins avec grès fossilifères de même couleur, super- posés à des sables jaunes ou gris pâle très-fins, veinés de rouge, que l'on rencontre aussi au Mont noir et qui étantcompris entre les sables bruxellien et diestien, doivent être rapportés à quelque étage de la formation Tongrienne. Le même fait s’observe sur le chemin de Godewaersveide au-delà du moulin à vent. (57) En suivant le chemin du Mont des Chats à Boeschepe, on des- cend d’abord dans un bas-fond où affleurent les sables verts infé- rieurs du système bruxellien , puis on remonte sur une nouvelle % “éminence qui fait suite au Cassberg et au sommet de laquelle se ù trouve le moulin de Boeschepe. Cette éminence est couronnée par 244 7% de gros sables diestiens , veinés de grès ferrugineux (3".) au- dessous desquels s'étend une couche de silex roulés de 1 à 2" d'épaisseur. Ces silex sont exploités pour la construction du che- min vicinal de Bailleul à l’Abeele, en même temps que les grès qu'on passe à la claie pour les séparer du sable. Si l’on va rejoindre cette nouvelle voie de communication à un demi kilomètre au midi de Boeschepe, on observe dans un petit | chemin creux dirigé à l’est les sables jaunes fins tongriens très- EL - bien caractérisés sous le système diestien; puis on arrive à la route, où une tranchée de 6 mètres de profondeur a fait découvrir au Jilieu, des sables verts supérieurs à la glaise , une petite couche Jossilifère consistant en une pâte argilo-sableuse blanche, dans laquelle on distingue des grains noirs de silicate de fer et de petites lentilles vert-pâle de glauconie altérée. Les fossiles qui 7 sont tous à l’état de moules appartiennent aux genres turritelle Lust (turritellaimbricataria), cardium(porulosum), ostrea, cypricardia, : cythérée, voluta, mytilus, ete. On y a trouvé aussi le moule inté- rieur d'une grosse coquille univalve qui n’a pas moins de 1 décimè- re de hauteur et dont la forme se rapproche de celle du strombus, mais qui, d'après l'opinion de paléontologistes anglais, serait de l'espèce cypræa coombii ou ovula tuberceulosa (Deshayes) (1). MONT NOIR Le Mont noir n'est séparé de la côte de Boeschepe que par un kilomètre de terrains glaiseux ou le sous-sol est seulement Te (x) I paraît que des terrains analogues existent au mont Panisel près de Mons, ei qu'ils sont assez développés pour que M. Dumont ait cru devoir en faire un système particulier auquel il a donné le nom de paniselien lequel est classé eptye les systèmes ypresien et bruxellien. (58 ) recouvert en quelques points par de l'argile sableuse mêlée de cailloux. Les sables fossilifères de Cassel ou le calcaire grossier bruxel-., F , lien n'existent pas plus au Mont noir qu’au Mont des Chats, Ici le ninove système bruxellien n'est représenté comme au Cassberg que par les sables verdâtres qui succèdent immédiatement à la glaise. Ces sables sont visibles au bas du mont sur les chemins de Boeschepe et de St Jans Cappel, et dans la tranchée du chemin qui conduit à Bailleul. À l'extrémité de ce dernier on voit sur le système Bruxellien des sables fins quartzeux, gris, jaune pâle, rouges (tongriens) au milieu desquels une carrière était ouverte 1l y a quelques années. Ces sables dont l’épaisseur est de 6. renferment A4 beaucoup_de, fossiles à l'état ferrugineux (cardium, dentalium, ampullaria, turritelles, cypricardia, cythérée, etc.) et sont tra- - versés par de petites veines de glaise grise quelquefois imprégnée d’oxide de fer et tachant le papier comme la sanguine. Viennent ensuite d’autres sables d’un jaune-brun un peu argileux dont la puissance est de 8 à 10 mètres et qui sont traversés par plusieurs 2 lits minces de grès ferrugineux disposés en bandes horizontales. Ces sables sont parfaitement à découvert dans la dernière tranchée que l’on rencontre avant d'arriver au sommet de la montagne et terminent l’étage tongrien. Ils supportent le système diestien qui n'a que 6" environ d'épaisseur et qui consiste en un sable brun- rougeàtre à gros grains traversé par des veines irréguliéres de grès ferrugineux. On remarque de nombreux cailloux roulés de silex à la base de ce système qui n'existe qu'à la partie tout à fait supérieure de la montagne; car pour peu qu'on descende, on rentre aussitôt dans les sables jaunes dont on voit des affleurements dans les chemins de Boeschepe et de Berthen. Ces deux chemins se réunissent au Mont noir qu'ils traversent de l’ouest à l’est dans toute sa longueur et séparent les communes de Boeschepe et de St-Jans-Cappel sur lesquelles s'étend la colline dont la surface n'est que de 230 hectares environ. Le système tongrien affleure encore près de la frontière belge dans le chemin de Bailleul à pere. (59) Ypres où l'on voit du sable jaune pâle très-fin inférieur à une couchede sable argileux jaunâtre à la base de laquelle on remarque une croûte ferrugineuse coquillère. Le sommet du Mont noir quiest couvert de bois, est à la cote 131. Ses flancs sont très-ondulés, très-ravinés. Ses pentes assez rapides atteignent quelquefois 45 degrés sur le versant sud, tandis que la côte du Cassberg, vue du Mont noir, n’est pas inclinée de plus de 10° à l'horizon. On embrasse du haut du Mont noir, près du moulin à vent, un panorama très-étendu qui comprend le Mont des Chats, Poperinghe, Ypres, Bailleul, Armentières, etc. (60 ) CHAPITRE IV. Formation quaternaire. { Système diluvien ; alluvions anciennes.) La formation quaternaire se distingue des terrains décrits pré- cedemment, en ce qu’elle n'est pas, comme ces derniers, composée de couches régulières et horizontales. Elle recouvre au contraire les roches antérieures comme un rideau plus ou moins épais qui s'est pour ainsi dire moulé dans toutes les inflexions du sol préexistant. Ce système se trouve donc en discordance de stratifi- cation bien tranchée avec les terrains sous-jacents , dont on peut encore apercevoir à l'extérieur les ondulations les plus prononcées, à cause de la faible épaisseur des alluvions qui les recouvrent. La physionomie du sous-sol est en effet pour ainsi dire mdépendante du limon superficiel, et c’est pour cette raison qu’en s’aidant de quelques observations faites en divers points, on peut en quelque sorte deviner la nature du terrain en d’autres points que des cir- constances locales ne permettent pas d'explorer directement. Ainsi les caractères généraux de la formation quaternaire sont de recouvrir indistinctement toutes les couches plus anciennes , d’embrasser par suite de larges étendues de territoire, et d'exister à tous les niveaux depuis les sommets les plus élevés jusqu'aux plaines qui bordent les vallées modernes, avec une épaisseur va- riable, mais ordinairement très faible, relativement à la puissance des roches crétacées et tertiaires auxquelles elle est superposée. Cette formation est d'une haute importance au point de vue agricole, en ce que d'abord elle comprend plus de la moitié du sol de la Flandre, et aussi parce qu'en vertu de ses variations de (61) composition et d'épaisseur elle influe puissamment sur la qualité des terres cultivables. Il est rare que son épaisseur soit supérieure à S mais elle s'élève quelquefois jusqu'à 10, 12 et 15 mètres (Thume- ries, Templeuve, Wasquehal, Bondues, Mouveaux, Tourcoing, Wambrechies, Cassel. Les roches qui constituent le terrain quaternaire sont des cail- loux roulés, des sables et des argiles plus ou moins sableuses. Je n'ai point encore entendu dire qu’on ait trouvé dans nos environs, au milieu de ce terrain, des ossements d'éléphants ou de ces grands mammifères dont les débris sont mêlés aux cailloux et aux blocs erratiques dans d’autres parties de la France et de l'Eu- rope. Les coquilles fossiles qu'il renferme sont terrestres ès- rares. Je n’ai recueilli que deux Aélices, l'une au nord d'Haze- brouck, sur la route de Saint-Sylvestre-Cappel , l’autre au pied sud-ouest du Mont des Récollets. Le terrain quaternaire peut donc être considéré comme une formation d'eau douce due au dernier cataclysme dont l'effet a été d'amener de grandes imondations dans diverses parties du continent (1). Les eaux qui ont fait irruption à cette époque se sont élevées jusqu'à une certaine hauteur au-dessus du niveau actuel de la mer et ont couvert des espaces plus ou moins considérables suivant le niveau primitif des contrées où elles se répandaient. C’est ainsi que notre Flandre a été totalement envahie tandis que d’autres pays dont le sol est plus élevé n'ont reçu les eaux diluviennes que dans les dépressions de leur surface. (x) Ce cataclysme correspond-il au déluge de Noé? Le fait de la non décou- verte d’ossements humains dans les terrains de la période quaternaire observés dans nos contrées ne tend à prouver autre chose, ce me semble , si ce n’est que cette partie du continent européen n'était pas habitée à l’époque du déluge histo- rique.— Et quant aux espèces animales éteintes depuis le déluge, on peut concevoir que certaines races telles que celles des mastodontes , des #lans, des aurochs, se trouvaient alors dans des conditions climatériques défavorables qui neleur permet- taient plus de se reproduire avec abondance et devaient provoquer leur anéantisse- ment prochain. fol (62) Les dernières vallées ont été creusées à la fin de cette période par les grands courants qui alors sillonnaient le globe. C’est sans doute au milieu de ce cataclysme qu'a été détruit l'isthme qui réunissait les côtes actuelles de France et d'Angleterre et qu'ont été produites, par de profonds déchirements de la-craie, les hautes falaises de Douvres et du cap Blanc-Nez près Calais. - Les mers entreprenaient alors un travail d’érosion dont-les traces- ne devaient plus être effacées et la géographie physique du globe prenait peu à peu la physionomie qu'elle devait définitivement conserver. Dans le département du Nord les eaux diluviennes ont atteint la cote 220 ; car on trouve du limon dans l'arrondissement . d’Avesnes à ce niveau. Nous avons distingué sur notre carte au —+— deux parties dans le terrain quaternaire : l’une inférieure teintée en jaune d'ocre foncé et l’autre supérieure teintée en jaune pâle. La pre- mière représente les matières les plus lourdes telles que les cailloux et les sables; l’autre les parties les plus fines qui con- sistent en une masse d'argile plus ou moins sableuse et plus ou moins colorée par l’hydrate de fer. Quand toutes ces roches sont réunies dans un même lieu, on observe qu'elles sont disposées par ordre de pesanteur spécifique, c’est-à-dire que les cailloux occupent la partie la plus basse avec les sables et sont recouverts par des sables argileux et de l'argile de moins en moins sableuse qui forme la partie supérieure du dépôt. Mais il arrive rarement que la formation soit complète en un point donné et on remarque généralement que les cailloux sont plus gros et plus nombreux sur les plus hautes collines et que les sables les plus purs se rencontrent au contraire dans les plaines basses comme par exemple le long de la Deüle et de la Lys, de Wambre- chies à Comines et à Menin. Au premier abord, cette disposition paraît contraire aux lois de la pesanteur; mais il faut obser- ver que le dépôt n'a pas eu lieu comme dans un vase à fond plat et uni, mais bien dans un bassin, hérissé d’aspérités ou de monti- (63 ) cules plus ou moins élevés, et qu’à la première période qui a été toute d’érosion et de transport, et pendant laquelle ont été roulés et ballotés les fragments les plus volumineux, à succédé une période de tranquillité, de calme, de repos, qui a permis le dépôt lent et successif des particules argileuses les plus tenues. Or, lorsque les eaux ont fait irruption dans ce bassin et qu'elles se sont chargées de débris provenant de la dégradation de diverses roches, leur force vive a dû nécessairement croître en raison de leur profondeur et diminuer au-dessus des hauts-fonds rapprochés de leur surface. On concoit donc que les cailloux-les plus volumineux aient pu rester en suspension à la traversée des passages profonds et soient tombés au contraire sur les îlots sous- marins où le volume d’eau en mouvement ne suffisait plus pour empêcher leur chûte. Supposons encore que les eaux aient atteint un sommet élevé comme celui de Cassel et aient soulevé les grès ferrugineux et les sables diestiens qui se trouvent à la partie supé- rieure de la montagne. Ces grès ferrugineux ont dû se briser et suivre une direction qui n’a pu être que la résultante de la force de transport des eaux et de la pesanteur. Il n'est donc pas éton- nant que des blocs de grès quelquefois énormes soient amoncelés sur les flancs du mont, et qu'on en retrouve encore, mais de dimensions moindres sur des sommets moins élevés tels que ceux de Strazeele, de Verwick et d'Halluin (1). Pendant la période agitée de la formation quaternaire , il n’y avait aucun courant ayant une direction déterminée; mais les eaux devenant plus tranquilles, favorisaient le depôt des sables qui devaient gagner les points les plus bas du bassin, tandis que les (1) Nous admettons implicitement ici un principe que tout le monde connaît, Savoir, que deux corps de même densité mais de volumes inégaux, ne tombent pas avec la même vitesse dans un même milieu parce que Ja surface extérieure de ces corps contre laquelle s’exerce la résistance du milieu ne croît pas en raison du volume ; et que par suite, un petit fragment a une surface proportionnellemenut plus grande qu’un plus grus, (64) grands fleuves qui prenaient naissance laissaient les matières argileuses les plus fines sur les pentes des collines qui bordaient leur lit. La partie inférieure du terrain quaternaire comprend le terrain à cailloux et le sable campinien de M. Dumont. La partie supé- rieure correspond au limon hesbayen du même géologue. Nous avons cru devoir distinguer deux étages dans la formation dont il s'agit. Cette division a l'avantage en effet de séparer des roches différentes au point de vue minéralogique et de rappeler les deux périodes d’agitation et de repos qui se retrouvent dans toutes les formations géologiques et qui sont caractérisées, l’une par des matériaux de transport ou des roches arénacées, l’autre par des dépôts opérés au sein d'eaux tranquilles et consistant en argiles de diverses natures ou en calcaires déposés par voie de précipitation chimique. L'argile jaune ou le limon superficiel des plaines de la Flandre est exploitée en beaucoup de points pour la fabrication des bri- ques. C'est un silicate d’alumine coloré par l'hydrate de fer et mélangé intimement de sable très-fin en proportion variable dont on peut effectuer la séparation par le lavage. Cette argile est bien développée aux Moulins, à Wazemmes, à Seclin , à Haubourdin, à Hallesnes, à Bollezeele, et dans beaucoup d’autres communes qu'il serait superflu d'énumérer ici. On trouve souvent de petits fragments de craie dans le limon qui participe d’ailleurs plus ou moins des propriétés du sous-sol qu'il recouvre. Ainsi, l'argile peut être plus ou moins glaiseuse (Mouchin), sableuse (Raimbeaucourt, Leforest, Ostricourt) ou crayeuse (Wattignies, Seclin) suivant la nature du terrain infé- rieur. L’argile étant, comme nous l'avons déjà dit, le produit de la désagrégation de roches plus anciennes, ne doit renfermer que des traces de chaux à l'état de silicate, quand elle en renferme ; de sorte que la chaux qu’elle peut contenir s’y trouve à l'état de carbonate ou de craie mélangée en fragments plus ou moins gros. Il y a des argiles qui ne renferment pas un atôme de chaux et (65) cependant on voit souvent des forêts épaisses sur de semblables terrains, bien que la chaux entre comme élément essentiel dans la cendre des arbres. Cette anomalie n’est qu'apparente; car les vents et les pluies suffisent pour amener sur ces terrains les sels minéraux dont ils manquent. La forêt de Raismes, par exemple, située au N.-O. de Valenciennes , est rapprochée de nombreux affleurements crayeux dont les débris réduits en poussière et en traînés par les vents peuvent fournir et bien au-delà aux besoins de la végétation. De plus, elle croît sur des sables tertiaires qui empêchent l'excès d'humidité et fournissent des aliments à la plante par le limon dont ils sont mélangés près de la surface du sol. La forêt de Mormal dans l'arrondissement d’Avesnes est dans le même cas. Il faut considérer qu'un sol, pour être propre à la croissance spontanée des essences forestières, doit remplir plusieurs conditions, entr'autres celles de conserver une certaine quantité d’eau et de renfermer de la silice, des alkalis, ete. Or, ces condi- tions se trouvent réunies dans les terrains silicéo-argileux et c’est pour cela que les forêts s’y plaisent tout particulièrement. L'argile passe à une faible profondeur à une argile sableuse et souvent calcareuse à pâte fine jaune ou grise dans laquelle on trouve de petites concrétions calcaires semblables aux septarias de la glaise; ces concrétions sont quelquefois très-abondantes et font éclater les briques lorsqu'il s’en glisse dans la pâte argileuse. Parmi les localités où cette argile sableuse existe à la surface du sol, on peut citer le bas des côtes de Wahagnies et de Phalempin, le plateau de Forest et celui de Bondues au sud du village, Rou— baix, Leers, “Ja plain a plaine Saint-André, le calvaire de Wambrechies , : Péréchies, La Magdeleine, la tranchée de Fives, le bas-fond entre Illies et Herlies, les environs de Terdeghem, de Crochte,-les bords de l’Yser de Bollezeele à la station d’Esquelbecq, et le territoire compris entre Oost-Cappel et Hondschoote. Dans presque toutes ces localités, l'argile sableuse fait effervescence avec les acides. Elle peut donc être mélangée avec avantage à la terre végétale quand celle-ci ne renfermejpas de chaux. Aux environs de Cassel, 5 y { 66 ) on la connaît sous le nom de marne et on s’en sert pour amender les terres trop argileuses ou trop sableuses (1). A un niveau inférieur au limon argilo-sableux , la proportion de sable augmente de plus en plus et donne lieu à un sable plus ou moins argileux connu des foreurs sous Je nom de sable boulant ou mouvant. Ce nom s’applique aussi aux couches d'argile sa- bleuse qui coulent avec une extrême facilité quand elles sont im- prégnées d’eau. Les tranchées du chemin de fer de Lille à la frontière de Belgique , dont les talus se sont éboulés à plusieurs reprises, offrent de nombreux exemples de la pénétrabilité et de la mobilité de ce terrain. Le sable argileux est ordinairement de couleur grisâtre et à grains très-fins. Je l'ai observé sur la hauteur de Mons-en-Barœul, à Baisieux dans la sablière Defontaine, dans les briqueteries des Moulins , de Loos, d'Haubourdin; je l'ai vu aussi près de la station de Seclin , dans une excavation qui avait été ouverte sur l'emplacement actuel de la filature de lin de M. Duport; en montant de Martinsart à Attiches ; sur la hauteur de Fournes; au hameau de l’Ermitage, près d’Estrées; dans le chemin creux de Fressain à Marcq. — On exploite ce sable, soit pour les constructions, soit pour le moulage. Celui d'Estrées revient à la fonderie de canons de Douai à 5 fr. le mètre cube. — Le sable argileux renferme souvent des débris des terrains infé- rieurs. Ainsi, dans la plupart des localités que nous venons d’énu- mérer, il est mélangé de petits fragments de craie qui lui commu- niquent une teinte blanchâtre et fait même une assez vive effervescence avec les acides. C'est alors un sable calcaire dont on pourrait se servir très-utilement pour amender l'argile trop compacte qui le recouvre. On trouve aussi dans le même sable des fragments de catillus mêlés aux débris crayeux. Dans d’autres localités , il renferme d’autres fossiles qui proviennent toujours de la destruction des (x) Aux environs de Bruxelles, on marne les terres avec la même argile qu’on retire des fossés ou d’excavations peu profondes. (67) couches inférieures. Ainsi, on a rencontré dans le village de Bon- dues, à la partie inférieure du limon et au-dessus de la glaise, un banc de sable mêlé d'argile et de gravier d’une épaisseur d’un mètre au plus, dans lequel on remarque de petites nummulites , des turritelles, des fragments d'ostrea, etc. Il n’est pas douteux que ces fossiles qui sont ceux de la glaise ypresienne, n'aient été remaniés à l’époque du limon. C’est probablement aussi dans les mêmes conditions que se trouvaient les univalves turriculés qu'on m'a dit avoir découverts à 3 mètres de profondeur en faisant un puits chez M. Bouillet, brasseur à Tourcoing. Le sable jaune plus ou moins argileux qu'on rencontre surtout le long de la plaine de la Lys doit être aussi rapporté à la partie inférieure du limon, eu égard aux caractères particuliers de son gisement. Ce sable est rarement parfaitement pur ; il est presque toujours un peu argileux , ne renferme presque pas de glauconie et fait suite au terrain à cailloux. C’est le sable campinien de M. Dumont. Il existe à une profondeur maximum de 4 à 5 mètres sous les alluvions de la Lys, à Fleurbaix, Armentières, Houplines, Frelinghien, Delémont, Comines. Il se montre même au jour sur de petits mamelons rapprochés de cette rivière entre Houplines et Frelinghien. Un large affleurement suit aussi la vallée de la Lys de Pérenchies à Comines et à Menin. On le voit en effet reposer sur l'argile plastique dans la glaisière de M. Bonzel au bas de la côte de Pérenchies et on l’exploite au hameau de la Prévoté pour l'entretien des routes et pour les constructions. Entre Halluin et Menin, sur le chemin de Bousbecques, on extrait du sable jaune pour les routes et la moulerie qui est exactement semblable à celui de la Prévoté. Le village de Quesnoy-sur-Deüle est bâti sur le même sable que j'ai eu aussi occasion d'observer au hameau du Chien, à 2 kilo- mètres à l’est de cette commune. J'ai encore vu le sable jaune au fond d’une grande briqueterie sise à peu près à mi-route de Quesnoy à Deülémont et dont la . . RIVES For OT coupe était la suivante : (68) AliSion Argile glaiseuse jaune. ..... see 1 20 moderne. | Sable argileux jaune, très-fin...... 0 60 24 Argile sableuse grise, à pâte fine, avec B ES concrétions ferrugineuses ..,...... 1 20 ë & È Sable argileux gris-jaunâtre, très-fin LE ë avec beaucoup de petites paillettes à » d'derhiear.s : 60 AR 1 20 dé 5 Sable fin gris-jaunâtre. . ..…. de AA te 0020 Profondeur de la tranchée. ...... EU 5 00 Des terrains semblables existent aussi à Wambrechies sur la rive gauche de la Deüle, près d'Erquinghem-sur-Lys, à Mer- ville, à Caestre, à Roubaix, à Tourcoing, et il est remarquable que tous ces sables, quoiqu'à une assez grande distance des affleu- rements de craie , font néanmoins effervescence avec les acides. Voici la coupe d’un puits foncé à Roubaix dans la nouvelle fila- ture de laine de M. Ernould Bayard et qui a traversé un sable tout-à-fait analogue à celui qui affleure à Wambrechies : Terre végétale Er a 0 60 Argile sableuse grise. ............. 0 90 Limon, Sable argileux grisâtre, aquifère (sable DOUN ANNE PE nee nee eme e Le 4 20 Ypresien. | Glaise bleue.................... ; 0 90 6 60 On a aussi creusé un puits près de l'intersection du chemin de fer avec la route d'Erquinghem à Armentières, dans un sable fin argileux grisätre de même nature que les précédents. Le sable campinien existe sous une partie de la ville de Tour- coing avec une épaisseur d'au moins 10 mètres. Chez M. Lemaire- Réquillart, rue de la Cloche, on l’a trouvé sous 2 mètres d'argile sableuse avec septarias. à: (69) Les puits domestiques du village de Caestre prennent l’eau dans un sable argileux gris jaunâtre qui renferme aussi du car- bonate de chaux ; leur profondeur est de 6 mètres et le niveau d’eau se maintient à 2 mètres du sol. Enfin, à Merville, ce même sable argileux, toujours très-fin et calcaire, est visible dans une excavation voisine d’une fabrique de pannes où il n'est recouvert que par { mètre environ de terrain moderne. En dehors des localités voisines de la vallée de la Lys, on peut observer le sable campinien dans plusieurs parties des arrondisse- ments d'Hazebrouck et de Dunkerque, dont le sol toujours sec décèle son existence à très-peu de profondeur. Il existe des ter- rains sableux près de la frontière belge au N.-E. de Boeschepe, au hameau de Drogelande (commune de Winnezeele) qui signifie en flamand terre sèche, dans la vallée de la Jole-Becque, dans celle de l’Yser, près de Wilder et de Bambecque et entre Honds- choote et le canal de Furnes. On voit le sable jaune campinien dans une briqueterie près d'Herzeele , sous { mètre environ d’ar- gile, et dans la tranchée du chemin qui monte de-l’Yser à Bam- becque où il est aussi recouvert par une couche d'argile de 4 mètre 90 c. à 2 mètres d'épaisseur. On trouve quelquefois dans le sable argileux du limon (tran- chées du chemin de fer entre Hazebrouck et Hondeghem), des con- crétions ferrugineuses qui ont la forme de petites baguettes d’un centimètre au plus de diamètre, traversées, suivant l’axe, par un tube effilé de la grosseur d’une aiguille. Nous avons déjà eu occa- sion de remarquer des concrétions de cette nature dans l'argile sableuse grise et micacée du limon, et nous pensons que la liqueur ferrugineuse à laquelle elles doivent leur origine n’est que le résultat de la décomposition des pyrites dont il devait exister des débris dans les eaux diluviennes. Cette supposition est confirmée par un fait assez intéressant qu'il importe de citer ici, savoir : la présence en certains points, au milieu des sables argileux et des cailloux quaternaires, de cristaux prismatiques de gypse trans- (70) parent, dont les arêtes assez vives et les pointements bien con- servés indiquent que ces cristaux n’ont pas été roulés, mais qu'ils se sont formés dans les points mêmes où on les rencontre. Or, il n'est pas douteux qu’à l'époque du limon, les eaux renfermaient du carbonate de chaux en dissolution, puisqu'on trouve des con- crétions calcaires dans l'argile sableuse. Ce carbonate a donc pu donner lieu à du sulfate de chaux en réagissant sur le sulfate de fer provenant de l’altération des pyrites. Le gypse est connu depuis longtemps des habitants de Bailleul qui le ramassent dans leurs promenades au Ravensberg et le gardent comme une curio- sité. J'ai constaté aussi sa présence sur le flanc N.-E. du mont d'Halluin, en suivant le chemin qui conduit au village. Il paraît qu'on en a trouvé aussi à la traversée de la côte de Soex par le chemin de fer de Dunkerque. Enfin, un puits pratiqué dans la sucrerie de M. Lemaire-Requillart à Mouyeaux en a fait découvrir un gisement au-dessus de la glaise. Ce puits a traversé : Terre végétale et argile. ........... 4 00 Sable/mouvant: sonner 8 00 Cristaux de gypse au milieu du sable et des cailloux (couche aquifère)... 1 00 Glaise ypresienne. Formation quaternaire, Les cailloux se trouvent, comme nous l'avons dit, à la base du terrain quaternaire. Îls consistent en fragments plus ou moins gros de silex roulés, de grès ferrugineux , de fer carbonaté, de grès blancs, empâtés dans des argiles de natures diverses sui- vant la nature même du sous-sol des terrains environnants. Ils se trouvent tantôt au milieu d’une glaise brune qu'on rencontre assez généralement sur la craie entre Lille et Cysoing , tantôt dans la glaise ypresienne remaniée, tantôt dans des mélanges d'argile et de sable en proportions variables et plus ou moins colorés. Assez souvent les cailloux sont enveloppés dans l'argile grise compacte et micacée que nous avons déjà signalée à Pérenchies et le long (71) de l'Yser, de Bollezcele à la station d'Esquelbecq. Il n'y a rien d’ailleurs qui doive surprendre dans la diversité des roches qui accompagnent les cailloux. Cette diversité s’explique très-bien, en effet, par l'état d’agitation qui régnait à l'époque de leur dépôt et contraste d’une manière frappante avec l’homogénéité du limon dont les différentes couches conservent les mêmes caractères sur de si grands espaces. Les paillettes de mica qui existent dans l'argile jaune et qui deviennent plus fréquentes vers la partie infé- rieure de la formation sont bien aussi l'indice du retour à une pé- riode de calme et de repos. Les galets de silex atteignent rarement la grosseur du poing. Ils sont souvent de forme ovoïde , tandis que les grès ferruginenx de la chaîne de Cassel et ceux-de fer carbonaté qui ont été déta- chés de la glaise, se présentent sous forme de plaquettes angu- leuses à cause de leur moindre dureté. Les silex n'ont pu être ainsi arrondis ou usés à la surface sans avoir été roulés et ballotés un certain temps avant de se déposer. L'épaisseur des couches dans lesquelles on lesçrencontre démontre aussi d’ailleurs que le mouvement des eaux a été d’une assez longue durée: Ainsi dans le village de Mouveaux , l'argile superficielle qui renferme des silex recouvre une argile beaucoup plus sableuse qui passe à un sable de moins en moins argileux. Les puits domestiques ont dans cette localité de 8 à 12 mètres de profondeur et traversent en général 2 mètres d'argile avec cailloux roulés et 6 mètres de sable boulant avant d'atteindre la glaise. Un fait analogue se présente dans la carrière du Mont-des-Chats dont nous avons donné la coupe dans le chapitre précédent. Jai vu à Tourcoing, dans une excavation pratiquée au milieu de l’enceinte de la brasserie de M. Bouillet, la série suivante de bas en haut (fig. 12): (72) a Glaise impure un peu sableuse....,.......... 0 60 b Argile mélangée de sable très-fin micacé .. .... 0 50 é Glaise IMPOTS es ne à A6 d Sable argileux grisâtre micacé............,,. 0 40 e Argile sableuse avec silex à la partie inférieure.. 1 00 2 90 Au milieu des couches dont le détail précède se trouvait en f une lentille d'argile sableuse très-fine d’un gris pâle avec cailloux arrondis. La glaise compacte a été rencontrée en ce ppt. à 7 mètres environ de profondeur. La tranchée du chemin de fer à Arnecke présentait une coupe analogue (fig. 13). a Glaise bleue. b Glaise grise mêlée de sable. c Sable argileux grisâtre avec veines de glaise. d Glaise impure mêlée de cailloux. e Argile jaune. Les silex roulés sont exploités pour l'entretien des routes. Une carrière importante est ouverte dans la commune de Bollezeele, près de l’Yser, où la couche de gravier atteint en certains points 6 mètres de puissance. On lave les silex pour les débarrasser de l'argile et du sable dont ils sont mélangés. Une autre carrière est située au pont de la Creuille, à 2 kilomètres au nord de Worm- hout. La couche de gravier dans laquelle on remarque des frag- ments de fer carbonaté repose sur la glaise et a 3 mètres d’épais- seur. Elle est recouverte par 1 mètre de sable argileux et calca- reux et par 1 mètre d'argile et de terre végétale. Il existe aussi du gravier sur les éminences de Pitgam, Zeggers- Cappel, Merckeghem, Volckerinckove, Watten, Lynde, Blarin- ghem, Wittes, Boeseghem, Morbecque cet autour des montagnes de l'arrondissement d'Hazebrouck. (73) Au nord-est du village de Godewaersvelde, près de la frontière belge, un mamelon glaiseux est couvert de cailloux qui lui ont même fait donner le nom de Sfeenacker (en flamand, Champ de Pierres). Le petit village de Strazeele est bâti sur le terrain à cailloux; les cours des habitations sont pavées avec des grès ferrugineux tirés sur les lieux mêmes. Au sommet du Ravensberg, près Bailleul, sur 250 mètres de longueur et 50 mètres de largeur environ, la surface du sol con- siste en un sable rougeûtre mêlé de glaise avec des fragments de grès ferrugineux souvent très-abondants. Le mont du Pile, près de Wittes, sur la route d’Aire à Saint- Omer, est aussi couronné par une couche assez épaisse de silex empâtés dans un mélange de glaise et de sable. Lorsqu'on s'occupait de la construction du chemin de fer de Calais, quelques sondages exécutés dans le bois situé entre Mor- becque et Wallon-Cappel firent découvrir des indices de sable et la compagnie se décida à y ouvrir une grande tranchée dans laquelle on établit même une petite voie de fer destinée à trans- porter les matériaux sur la ligne principale. Mais le gisement sableux ne répondit pas aux espérances qu’on avait conçues, et on fut obligé d'abandonner les travaux. Cette tranchée laisse voir des alternances irrégulières de gravier, de glaise , d'argile grise compacte et de sables de diverses couleurs plus ou moins argileux. Les silex sont très-nombreux en certains points de cette hauteur et servent à l'entretien des chemins. Des enfants les ramassent et les transportent dans des paniers à la façon des porteurs d’eau. Les cailloux sont aussi très-abondants au mont d'Halluin et au bas des bois sur le chemin de Roncq à Bousbecques. Ils ont même donné leur nom à un hameau de la colline d'Halluin. Sur la hauteur de Salomé, on voit des cailloux roulés dans une couche d'argile rougeâtre de 1 à 2 mètres d'épaisseur qui recouvre le sable vert landenien. Je ne mentionnerai que pour mémoire les quelques silex qui (74 ) existent au sommet de Linselles et qui sont mélangés dans l'argile comme à Mouveaux et à Tourcoing. Les cailloux siliceux sont très-souvent accompagnés de pla- quettes de grès ferrugineux. J'en ai rencontré sur les collines de Watten, Verwick, Fives ; mais c’est surtout sur les flancs du mont Cassel d’où ces grès proviennent, qu’ils sont accumulés en plus grande abondance et qu'ils présentent le plus gros volume.Les sables de la colline figurent en coupe verticale une succession de paliers et de rampes qui ressemblent à des espèces de marches d’escaliers gigantesques sur lesquels le terrain à cailloux s’est déposé. On extrait à Cassel de très gros blocs de grès ferrugineux qu'on taille sous forme de larges pavés et qu’on dispose le long des che- mins vicinaux où il servent de trottoirs. On les emploie aussi dans les constructions. Parmi ces grès ferrugineux, il existe de vérita- bles minerais de fer qui rendent jusqu’à 45 p. °/0 à l'essai. On en exploite pour les hauts fourneaux de Denain, au sud de Cassel, où ils se trouvent en morceaux de diverses grosseurs au milieu du limon argilo-sableux qui recouvre les pentes de la montagne. J'ai recueilli de très-beaux échantillons du même minerai avec em- preintes de coquilles sur le haut du Ravensberg, près Bailleul. On trouve aussi, mais moins fréquemment, des débris de fer carbonaté à la partie inférieure de la formation quaternaire. Ils sont assez fréquents à Pérenchies. J’en ai vu aussi dans quelques autres localités, à Wormhout, à Fournes, dans des carrières de Flines, de Landas, de Beuvry, etc. Les grès blancs tertiaires n'existent pour ainsi dire que dans l’arrondissement de Douai à l’état de fragments plus ou moins gros, mélangés au limon. On les trouve ordinairement au sommet des éminences sableuses sises entre la Scarpe et la Sensée. Ainsi à Cantin, par exemple, il y a jusqu’à 3 mètres d'argile mêlée de sable, de silex roulés et de fragments de grès, sur le massif sableux exploité. Ces grès atteignent quelquefois un volume assez considérable pour qu'on puisse les extraire et en faire des pavés. (75) J'ai reconnu aussi dans l'arrondissement de Dunkerque au mi- lieu du terrain à cailloux qui recouvre une hauteur au S.-E. de Pitgam des fragments de grès blanc chlorité avec empreintes de fossiles. Ce grès appartient sans doute à la formation bruxellienne. (Grès lustré ?) A 1 kilomètre à l’est du village de Capelle {arrondissement de Lille), j'ai remarqué sur la glaise des fragments roulés du calcaire nummulitique de Mons-en-Pévèle. On voit par ce qui précède que les débris qui existent à la base du terrain quaternaire sont de natures très-variables. Il y a dans ce terrain un nombre assez restreint de roches bien caractérisées ; mais ces roches changent d’une localité à une autre. Ainsi à Louvil, par exemple, on trouve, de même qu'à Neuville-en-Fé- rin, un mélange d'argile et de sable peu propre à la briqueterie. Sur la hauteur de Mons-en-Barœul au contraire, c’est de l'argile qui renferme des lentilles de sable et des veinules de glaise grise. Il existe aussi dans les arrondissements de Dunkerque et d'Haze- brouck , surtout dans les plaines comprises entre Wormhout , Houtkerque et Cassel un terrain d’une nature particulière qui est connu dans le pays sous le nom de brouck (en flamand , marais, marécage). Ces broucks ne sont autres qu’une terre glaiseuse dans laquelle il entre un peu de sable et qui est très-tenace et très- difficile à travailler. Elle doit son origine au remaniement de la glaise opéré par les eaux de la période quaternaire. (76 ) CHAPITRE V. Formation postdiluvienne. { Alluvions modernes.) Cette formation, la plus récente de toutes celles qui constituent la croûte extérieure du globe, est Join d’être aussi étendue que celles qui se sont produites antérieurement. Elle suit le cours des rivières ou les bords de la mer, et n'atteint jamais qu'une très- faible hauteur relativement au niveau actuel des eaux , bien diffé- rente en cela du limon quaternaire qui tapisse les pentes des vallées et recouvre même des plateaux élevés sur de grandes étendues. Les roches qui la composent diffèrent aussi de celles de la période diluvienne par la finesse et la variété de leurs élé- | ments , et en effet les détritus ou fragments des terrains désa- grégés doivent être en rapport avec le volume des eaux ou avec la force de leur courant, et d’un autre côté la nature de ces dé- tritus dépend nécessairement de la composition du sous-sol de chaque vallée. Les terrains modernes représentent les dépôts formés par les débordements des cours d’eau qui ont eu lieu depuis l’établis- sement de la civilisation sur le continent. La date récente de ces dépôts nous est revêlée par les médailles, les poteries, les objets de toutes natures qu'ils récèlent, et d’ailleurs ilsse continuent encore de nos jours , sous nos yeux, par l'effet des inondations qui se produisent à la suite de pluies torrentielles et persistantes. Dans la Flandre française , les alluvions modernes comprennent des cailloux, des argiles de diverses sortes plus ou moins sa- bleuses , quelques dépôts de minerais de fer, de la tourbe et des sables. (77) Ces roches, à l'exception de la tourbe et du fer hydraté, ne sont que le produit de la désagrégation des terrains qui forment les parois et le fond des vallées, et comme en Flandre, ces terrains ne diffèrent pas beaucoup d’un point à l’autre, il en résulte que leurs débris ressemblent souvent aux roches originaires, au point qu'il n’est quelquefois permis de les en distinguer que par leur niveau ou par les fossiles qui s'y trouvent renfermés. On y trouve assez fréquemment, en effet, diverses coquilles d’eau douce (paludines , planvrbes , lymnées , etc.) des ossements d'animaux et des vestiges de l'industrie humaine, tels que fragments de briques, de tuiles, de vases en terre cuite, etc. Il existe des alluvions modernes dans les vallées de la Sensée, de la Scarpe, de l'Elnon, de la Marque, de la Deüle , de la Lys et dans la plaine de Dunkerque. Vallée de la Sensée. La vallée de la Sensée dont la largeur maximum de dépasse pas un kilomètre et demi, se trouve sur la lisière des deux départements du Nord et du Pas-de-Calais. Elle est bordée par les sables tertiaires de Lécluse à Brunémont et par la craie de Brunémont jusqu'à l'Escaut. Les communes qu’elle traverse dans l'arrondissement de Douai sont celles de Lécluse , Hamel, Arleux, Brunémont, Aubigny-au-Bac et Féchain; son étendue dans cet arrondissement est de 1,100 à 1,150 hectares, et son niveau est à la cote de 40" environ. On y exploite de la” tourbe au moyen de la drague, jusqu’à une profondeur de 5 à 6". Ce combustible est employé surtout au chauffage domestique et se vend 3 francs le bateau contenant 400 tourbes. (1) C’est ce que peut faire un ouvrier dans sa journée. Les cendres dont les cultivateurs fontusage comme engrais, coûtent 0,25 c. l’hectolitre. (x) Ces tourbes ont 15 cent. de longueur sur 9 de largeur et 6,5 d'épaisseur. Elles cubent o décim. 88 et pèsent environ 1/2 kilogr. Les tourbières de Lécluse, P g : Arleux, Brunémont , Aubigny-au-Bac et Féchain, produisent annuellement 20,000 mètres cubes pesant chacun de 350 à 400 kil, et occupant 440 ouvriers pendant trois mois. — La journée du tourbeur est d'environ 1 fr, 20 c. (78) Le marais est traversé du nord au sud , entre Lécluse et Hamel par une ancienne voie romaine, qui est recouverte par une couche de tourbe de 0",30 à 2" d'épaisseur, et par 1" au plus d'argile, — Ce monument a été l'objet d’un rapport fort intéressant com muniqué à l'académie en 1757 par le comte de Caylus (1). Vallée de la Scarpe. La Scarpe coule au centre d’une large vallée qui n'a pas moins d’une lieue et demie de largeur entre Fenain et Bouvignies, et qui est tourbeuse en beaucoup de points. On y a découvert des indices de limonite près du hameau de Do rignies où des recherches de minerai, entreprises il y a quelques années, sont restées sans succès. Sa surface, y compris celle des vallées secondaires qui s’y rattachent, peut être évaluée à 11,000 hectares dans l'arrondissement de Douai; son niveau moyen est de 18 à 20 mètres au-dessus des eaux de la mer. Elle s’étend sur les communes de Tilloy, Warlaing, Alnes, Wandignies, Hor- naing , Erre, Somain, Marchiennes, Vred, Rieulay, Pecquen- court, Ecaillon, Masny, Bouvignies, Flines, Lalaing ; Loffre, (1) « Cette chaussée qui est dirigée à 5 degrés 1/2 nord-ouest de la boussole est placée dans la partie la plus étroite du marais. Sa longueur est de 366 toises et sa largeur depuis 18 jusqu’à 24 pieds ; mais il faut attribuer cette diminution dans la largeur aux dégradations causées par les hommes qui tirent la tourbe et qui fouillent à côté de l’ouvrage, et mème en quelques endroits par-dessous jusqu’à la profondeur de 18 pieds; ils font chaque jour crouler les bordures de cette chaussée. Cette belle levée est composée d’un empierrement crayeux de 6 pouces à 5 pieds de hauteur sur lequel on a posé un lit de cailloux égal partout et d'en- viron 8 pouces qui lui-même supporte un second lit de grès bruts de grosseurs différentes liaisonnés avec de la menue craie et du gravois; on a seulement re- marqué par rapport à l’arrangement de ces grès que les plus longs et les plus larges étaient posés sur les bords; huit hommes peuvent à peine remuer quelques-uns de ces blocs... une des plus grandes singularités de ce monument, c’est que l’on trouve depuis 6 jusqu’à 18 pieds de tourbe fine dessous la chaussée et qu’il y a dessus un autre lit dont la tourbe est de beaucoup moindre qualité. Aussi les tourbiers en font peu de cas, et n’en ont tiré qu’autant qu’il a été nécessaire pour pratiquer les coupures ou séparations qui servent au passage des barques pour communiquer d’un côté du marais à l’autre, ... » (Histoire de l'Académie royale des Inscrip- tions et Belles-Lettres, tome XIII, page 235.) (79 ) Guesnain, Dechy, Sin, Waziers, Anhiers, Raches, Raïmbeau- court, Roost-Warendin , Auby, Flers, Cuincy, Lauwin-Planque, Esquerchin, Douai, Lambres, Courchelettes, Férin et Gœulzin. On extrait chaque année de la tourbe dans quelques unes de ces communes pour les besoins des habitants, et aussi pour quelques industries particulières. M. le comte de Montozon, pro- priétaire à Lalaing, en a livré à des blanchisseries d'Arras. La fon- derie de canons de Douai consomme elle-même annuellement pour le séchage des moules, 150,000 tourbes provenant de Dechy et re- venant à 4 fr. 50 le mille à l'établissement. (1) La tourbe s’extrait sous l’eau et on se garde d'attaquer les parties intactes qui ser- vent deséchoirs ou de pâtures. Dans les marais communaux, il est expressément défendu aux extracteurs de s'approcher de plus de 6 à 8 mètres des talus. Les propriétaires de marais particuliers ne cherchent pas d’ailleurs à agrandir leur champ d'exploitation quand le sol qui recouvre la tourbe est susceptible d’être cultivé avec quelque avantage. Un étang connu sous le nom de Mer de Flines et situé sur le bord septentrional des marais, à deux kilomètres à l’est de la route de Douai à Lille , est depuis longtemps renommé par la quantité d'objets d'art qui s’y trouvent enfouis. On en a retiré , d'après M. Derode (2) , deux bateaux de près de 12 mètres de longueur, taillés dans un tronc d'arbre, des haches de silex, des monnaies, des bronzes, des statuettes. Des forages pour recherche de houille ont été entrepris au mi- lieu de la vallée de la Scarpe, à l’Escarpelle, à Vred, à Mar- chiennes, à Warlaing. Les coupes de ces forages qui ont été rap- portées ci-dessus (page 138), montrent que les alluvions de cette rivière consistent en sables et argiles sableuses avec veines de tourbe, et ont une épaisseur de 4 mètres au plus. (1) Ces tourbes ont 14 cent. de longueur sur 6 de largeur et 4 d'épaisseur ; un mètre cube en renferme 3386 et pèse 690 kil, Elles coûtent sur place4 fr, l£ mille, (3) Derode, Histoire de Lille, page 21. (80) Vallée de l'Elnon. La petite vallée de l'Emon, entre Mouchin et Bachy, ne doit être mentionnée que pour mémoire. — L'alluvion n'a ici qu'un à deux mètres d'épaisseur, et consiste en une terre glaiseuse renfermant quelques débris de végétaux décomposés. On y a trouvé dans une propriété appartenant à M. Nicole, de Mouchin, une croûte de minerai de fer limoneux et calcaire, de 0"15 environ qui setrouvait comprise entre une couche de glaise blanchâtre et une argile ocreuse. Il parait que la société de De- pain y à fait quelques recherches qui n’ont amené aucun bon ré- sultat. i Vallée de la Marque. La vallée de la Marque n’a une largeur appréciable qu'entre Ennevelin et Hem. Elle peut être partagée entre ces deux points extrèmes en deux parties situées à des ni- veaux différents, l’une d'Ennevelin à Gruson dont le niveau se trouve à la cote moyenne de 30" et qui est tourbeuse dans toute son étendue, l’autre comprenant la plaine des environs de Forest (cote 21), où le limon quaternaire n’est recouvert que par une faible épaisseur d’alluvion. La surface totale de cette vallée est d'environ 2,000 hectares. — Elle comprend une partie des com- munes d'Ennevelin, Fretin, Templeuve, Louvil, Péronne, Cy- soing, Bouvines, Sainghin, Gruson, Anstaing, Chéreng, Tressin, Ascq, Willems, Forest, Hem, Flers et Annappes. La tourbe a été exploitée anciennement le long de la Marque, d'Ennevelin à Bouvines et Cysoing, et ces extractions avaient pris, à ce qu'il paraît, assez d'importance vers la fin du siècle dernier; mais n'étant soumises à aucune surveillance, et les travaux s’exécu- tant isolément dans chaque propriété sans ordre ni ensemble, il en est résulté des inconvénients graves qui les ont fait interdire. Je n'ai pu me procurer aucun renseignement précis sur ce gîte tourbeux dont la profondeur allait, dit-on, jusqu’à 5 et 6 mètres et qui était intercalé au milieu d’une argile sableuse très mouvante. — Il ne peut être question de la mise en valeur de ces tourbières au point de vue du besoin de combustible dans le département du ( 81 ) Nord qui fournit la houille abondamment et à bas prix pour tous les usages. Il y a dans les bruyères entre Cysoing et Cobrieux, et dans les marais de Wannehain , des sources ferrugineuses qui peuvent donner lieu à un dépôt de minerai semblable à celui que nous avons signalé dans la vallée de l'Elnon; ces sources sont dues aux eaux pluviales qui, en filtrant à travers les collines environ- nantes, entrainent les matières ferrugineuses qu'elles trouvent sur leur passage et les déposent dans les bas-fonds où elles peuvent séjourner. Le village de Forest se trouve sur un petit plateau argileux no- tablement élevé au-dessus des terrains marécageux quil’entourent. — Ces terrains consistent généralement en une argile sableuse et calcaire qui a été souvent couverte d'eaux stagnantes. Aussi re- marque-t-on la plupart du temps que leur surface est noircie par des détritus de plantes qui pourrissent sur place. — On a observé aussi à peu de profondeur des arbres entiers renversés. — Enfin, la présence de coquilles d’eau douce démontre aussi la date récente des couches superficielles de cette plaine. Jé me conten- terai de citer pour exemple la coupe d’un petit sondage que j'ai fait pratiquer dans la partie la plus reculée du marais vers l’ouest près de la ferme Ridez (commune de Flers). Ce sondage à traversé paie ER PONT Le ONE PER EUER Terre végétale ou argile noirâtre avec coquilles (planorbes , lymnées). . . . . . . .. AU 30 Argile grise avec coquilles semblables. . . . . 0 70 Sable argileux gris blanchâtre, avec fragments de coquilles et beaucoup de parties calcaires. © 50 Argile sableuse jaune, micacée, avec nodules calcaires et débris de coquilles. . . . , . . © 20 [= Profondeur totale du trou. . . 1 70 (82) Toutes ces couches fent une vive effervescence avec les acides et je regarde l'argile sableuse jaune du fond comme annonçant la proximité du limon quaternaire dont cette argile ne serait que la partie supérieure désagrégée et remaniée par les eaux de la Marque. Vallée de la Deûle. Les marais de la Deüle, entre Bauvin et Lille, occupent une surface de 4,400 hectares environ et sont à la cote moyenne de 21 mètres. Ils s'étendent sur les communes de La Bassée, Salomé , Hantay, Bauvin, Annœullin, Marquillies, Sainghin-en- Weppes, Wavrin, Don, Allennes-les-Marais, Herrin, Gondecourt, Seclin, Houplin, Santes, Noyelles, Wattignies, Em- merin, Haubourdin, Sequedin, Lomme, Loos, Esquermes, Wa- zemmes et Lille. — On extrayait anciennement de la tourbe dans presque toutes ces communes pour le chauffage domestique. — Aujourd’hui l'usage de ce combustible devient de plus en plus restreint et on ne l’exploite plus qu'accidentellement. Les seules tourbières ouvertes aujourd’hui dans la vallée de la Deüle sont celles d'Haubourdin et d'Emmerin. Encore la tourbe n’est-elle ici considérée que comme un produit tout-à-fait accessoire et ne la fait- on extraire que dans les parties de terrain où la végétation languit et dans le but d'utiliser les cendres comme engrais. La tourbe se trouve souvent à la surface du sol.dans ces localités eirelle forme une couche de 1 à 3 mètres d'épaisseur reposant sur un lit d'fs gile blanche. On l'extrait à la drague. La tourbière d'Hsé#ourd, ‘l occupe vingt-cinq ouvriers pendant cinq à six mois. El produit journellement 30 mètres cubes de tourbe humide ou 40 mètres cubes de tourbe sèche pesant 600 kil. le mètre cube. 10fares four- nissent au moins 30,000 tourbes équivalant chacune à 2 déci- mètres cubes et valant 6 fr. 50 le mille. Les cendres se vendent 0,75 l’hectolitre. La vallée de la Deüle se rétrécit beaucoup d’ Hanbonrdin: à Lille, et se trouve limitée par la rivière elle-même sur près de la moitié de son étendue. Les marais n'existent plus en effet que sur la rive ( 83 } gauche de la Deüle entre Haubourdin et Loos. Ainsi la fabrique de produits chimiques de M. Kulmann, qui touche à sa rive droite, est bâtie sur l'argile; tandis que de l’autre côté de la ri- vière, à la teinturerie de M. Fiévet , le terrain tourbeux se re- connait à la nature tremblante et élastique du sol. On a trouvé, en effet, en faisant une excavation dans cette usine : Vase noirâtre ou argile noire avec coquilles PRÉC NO OULE OI T Re OMEE PRE 70 RE RE te te ain de de 20 Argile grise sableuse avec coquilles. . . , . 1 00 © © Sable mouvant (quaternaire), à . . . . 1 90 A partir de la Planche-à-Quesnoy, le canal se sépare de l'an- cienne Deûle qui prend le nom d’Arbonnoise. Il se dirige vers le Pont de-Canteleu en traversant l'argile du limon, et ne rentre dans le marais qu’à l’écluse du faubourg de la Barre. Toutefois les prairies Saint-André dans lesquelles circule le .canal de la Deüle, à l’ouest de la citadelle, sont marécageuses en plusieurs points. Dans les parties basses de ces prairies, entre la rue du Bois et le chemin de Lambersart, on trouve en effet 0"60 à 0"80 de vase ou de glaise sableuse noirâtre avec coquilles superposée à une argile sableuse grise que je rapporte à la base du limon et dont les caractères annoncent la présence du sous-sol tertiaire à une faible profondeur. Dans la commune de Wazemmes , le long du canal de Vauban, la largeur du marais, qui est de 7 à 800 mètres à Esquermes et à Lille, diminue de moitié à cause du terrain de craie qui en ce point s’approche beaucoup du sol. Au centre de cette espèce de détroit, sur l'emplacement de la filature de lin de MM. Decock et Lahousse , on a trouvé seulement 1"10 d'argile sableuse d'un jaune sale sur le massif crayeux, et il paraît qu'anciennement on a extrait de la tourbe dans le même verger où est établie cette (84) fabrique. La craie se rapproche encore de la surface depuis le canal des Planches jusqu'à celui des Stations. Elle se trouve à la profondeur de 0"60 à 1" à la teinturerie Duvivier, située entre ces deux canaux, où elle est recouverte par une argile sableuse d'un gris noirâtre faisant effervescence avec les acides et renfer- mant des fragments de craie et des coquilles. Dans l'enceinte de la même usine , on voit à la surface du sol une roche argilo-sableuse avec fragments de craie, de catillus, de silex , que j'ai observée aussi dans les fossés des fortifications de Lille voisins de la porte de Tournay lorsqu'on s’occupait de la construction du raccorde- ment destiné à faire pénétrer le chemin de fer dans l'intérieur de la ville. On a même découvert en ce dernier point beaucoup d’osse- ments disséminés au milieu d’un sable argileux verdâtre supérieur aux fragments de silex et de craie et inférieur à une terre noire tourbeuse. J'ai remarqué parmi ces ossements des dents de rumi- nants et la machoire inférieure d’un petit sanglier. Tout le centre de la ville de Lille est compris dans le marais. Le terrain tourbeux y pénètre entre les portes de la Barre et de Béthune et s'étend jusqu’à la rue des Jardins. Tout le sol est tourbeux entre St.-Maurice et la place du Concert. Les rues Basse, Marais, des Molfonds , ont d’ailleurs des noms significa- tifs. Le puits artésien pratiqué à l'hôpital militaire a traversé 0,50 de tourbe sous 1" de remblai et 1" d'argile sableuse jaune. — La tourbe existe aussi sous touté la surface de l’ancienne butte du Cirque que l'administration municipale a fait raser pour don- ner de l'occupation aux ouvriers sans travail après la révolution de 1848. On en a retiré 30,000": de terre qui ont servi à relever le sol de quelques parcelles sises en dehors des fortifica- tions sur la commune de St.-André. Cette butte, dont la forme était celle d’un cône tronqué, avait 42. de diamètre à son sommet et 9%. de hauteur. Elle provenait suivant toute probabilité d’un remblai exécuté de main d'homme à une époque très-reculée et formait au milieu des terrains bas et marécageux qui l’environ- naient une espèce d'île d'où la ville a tiré son nom. J'ai fait faire (85) sur le lieu de cette ancienne butte quelques sondages qui tous ont traversé une couche de tourbe de 0",20 à 0",50 d'épaisseur. Voici la coupe d’un de ces sondages que j'ai fait pousser jus- qu'à la craie : Sable argileux gris jaunâtre ne donnant aucune effervescence avec les acides. Tourbe sableuse................. 0 30 Argile sableuse grise tachée de jaune => D =] Alluvions faisant effervescence. aise era ol A OU 4 Sable REIlen RAR sans sé PER D DRE Ne oem 0-d, UU Argile jaunitre avec petits fragments de craie , plus sableuse à la partie infénienters semis rbocraratha0"100 / Sable argileux gris- a die sent fère et calcareux... 010 pin sat à plus gros grains..... O0 45 inférieur. d. veiné de jaune........ ,0 60 | à plus gros grains mêlé de er se et de nombreux débris CPE ES RARE RER "68 Craie blanche à la profondeur de..... ‘7 00 Ce sondage a été pratiqué tout-à-fait au centre de la butte. On pourrait demander où se trouvait le plan de séparation entre le terrain vierge et le terrain rapporté. — Mais il serait très-difficile de répondre à cette question parce que le terrain dont la butte était formée consistait en une argile sableuse et calcareuse sem- blable à celle qui recouvre la tourbe dans les autres sondages que nous avons fait exécuter vers la circonférence de ce mamelon. — Seulement la présence du sable argileux sans calcaire qui se trouve indiqué au-dessus de la tourbe dans la coupe précédente autorise à douter que ce sable ait été remué. Il est probable qu'il se trouve ( 86 ) bien en place de même que l'argile jaunâtre qui repose immédia tement sur la tourbe dans d’autres parties de la butte. Il est donc permis de supposer que le sol naturel était en ce point un peu plus élevé que dans le marais environnant et formait une légère proéminence dont les premiers habitants du nord ont profité pour s'établir en le relevant encore au moyen de terrains rapportés. Les plans de Lille montrant les agrandissements successifs que cette ville a reçus de l’an 1000 à l'an 1670 et qui sont déposés au Musée, prouvent en effet que c’est là que notre grande cité a pris naissance.— En aval de Lille, les alluvions modernes de la Deüle sont pour ainsi dire limitées à ses deux rives. Je ne les ai observées qu'à l'intersection de cette rivière et du chemin de fer de Dun kerque où l’on a trouvé à quelques mètres de la rive gauche un sable argileux noirâtre et tourbeux avec un grand nombre de coquilles (paludines, planorbes, lymnées, etc.). Vallée de la Lys. Cette vallée est la plus large de toutes celles de la Flandre. Sa largeur est de 4 lieues entre Merris et Aubers, et va en diminuant à la hauteur d’Armentières jusqu’à Deulémont et Comines. J'évalue sa surface totale à 29,000 hectares. Elle comprend en tout ou en partie les communes d'Haverskerque, Thiennes, Steenbecque, Morbecque, Hazebrouck, Borre, Strazeele, Merris, Merville, La Gorgue, Estaires, Neuf-Berquin, Vieux- Berquin, Bailleul, Steenwerck , Nieppe, Aubers, Fromelles, Le Maisnil, Radinghem, Ennetières-en- Weppes, Erquinghem-sur-Lys, Armentières, La Chapelle d’Armentières, Prémesques, Péren- chies, Verlinghem , Houplines, Frelinghien, Quesnoy-sur-Deüle, Deulémont, Warneton et Comines. — On voit la coupe transver- sale de cette vallée (fig. 14) a” b" représente le lit actuel de la Lys ; a’ b' les prairies qui la bordent à la cote 14 et sur lesquelles se répandent encore les eaux de la rivière dans les grandes crues ; a b la grande plaine élevée de 17 à 20 mètres au-dessus du niveau de la mer et que les inondations n'ont atteinte qu'à une époque reculée, — Ce sont ces anciennes inondations qui ont nivelé le sol (87) déjà très plat de la vallée primitive et y ont déposé les terrains de toute nature qui existent maintenant à sa surface. —Les ruisseaux qui sillonnent cette grande plaine, comme la Lawe, la Clarence, la Bourre et la Lys elle-même n'ont creusé leur lit définitif qu'à une époque plus récente puisqu'ils coulent à un niveau inférieur aux alluvions qui les bordent. Immédiatement après la période tertiaire, il existait déjà au- dessous du sol actuel de la vallée de la Lys un bassin dans lequel se sont déposés les sables cumpiniens si bien développés aux en- virons de Quesnoy-sur-Deüle; mais les affleurements de glaise qui se montrent sur les bords de la plaine au-dessous du limon des plateaux prouvent aussi que les eaux diluviennes en se retirant ont modifié la-physionomie de ce vaste bassin dont la surface irré- gulière a été nivelée ensuite par les alluvions récentes. On conçoit que la nature de ces alluvions varie suivant le point de la vallée que l’on considère, puisqu'elles doivent participer nécessairement de la nature du sous-sol sur lequel se balançaïent les eaux modernes. Ainsi entre Hazebrouck, Bailleul et Merville, c’est la glaise et les cailloux qui dominent, tandis qu'entre Armen- tières, Quesnoy et Prémesques, on trouve ‘surtout de l’argile et du sable. — On remarque que les silex se trouvent en plus grande abondance sur les bords de la vallée aux environs de Bailleul, Merris, Hazebrouck, etc., et ce fait résulte de ce que ces cailloux ont été détachés de la glaise par les eaux qui, en dégradant le pied des collines, provoquaient leur éboulement sur le rivage où ils étaient ensuite plus ou moins remués, mais ne pouvaient dans tous les cas être transportés à une grande distance à cause du faible volume des eaux en mouvement. En certains points, les cailloux sont accumulés en assez grande quantité pour pouvoir être exploités utilement. — La Compagnie du chemin de fer du nord en a fait extraire à moitié chemin de Bailleul au hameau d’Outtersteene, à la limite de la colline et du terrain plat. On a trouvé d’abord 1" d'argile avec quelques silex, puis une couche de gravier dont l’épaisseur va jusqu'à (88) 1,80 mais diminue vers l'intérieur de la plaine. — Cette couche repose sur l'argile sableuse du limon qui affleure à un niveau plus élevé. — Une coupe faite normalement à l'axe du chemin de fer donnerait donc la figure 15. Les silex sont mélangés avec un sable quartzeux, grossier et à gros grains. Il y en a de toutes grosseurs, de toutes formes, de toutes couleurs. J'ai reconnu des fragments de pthanite à éclat gras et à cassure droite et d'assez belles agathes. Il y a aussi des fragments de grès blancs et des poudingues ferrugineux du système diestien. = Comme cas particulier assez intéressant, je dois citer la découverte au-dessous de la couche de gravier d’un gros frag- ment de lignite schistoïde, compact, parfaitement noir et à cassure très unie, de l’espèce connue sous le nom de Jayet. Il est présu- mable que ce lignite provient des sables tertiaires et aura été entrainé en même temps que les cailloux qui l'accompagnent. En face d'Outtersteene et à 1500 "au sud du chemin de fer, un forage a fait reconnaître les couches suivantes : ; Kerresyésétale et.arile: series ans 1m 20 Sable glaiseux........... Mode Suit Dca0 Sable pur avec veine de glaise.........: 4 00 Sable, gravier et glaise. ....,......,.. 0 45 La Compagnie se proposait de remplacer le sable de Cassel par celui qu'elle avait découvert en ce point. Quand on descend du moulin de Strazeele vers le chemin de fer, on ne rencontre que de la glaise et on peut penser au pre- mier abord que celle de la plaine est la même que celle qui affleure sur le versant de la côte. Mais si l'on s’avance jusqu'à la sablière ouverte dans le bois de Merris, entre Strazeele et Vieux- Berquin, on reconnaît que cette glaise appartient à l’alluvion et ( 89 ) recouvre des sables et des graviers. — Voici la coupe de la sa- blière de Merris : Glaise avec quelques silex.............. Fa 80 Gravier . D CARE EMULE ENCUS RTARC SAC 0 40 Veines is es de re plus ou moins claiseuxavecgravients. he ete. 40:60 = Ghisbréonipacie nes. LULU: mutedss umo La couche de sable varie de 0"50 à 3 mètres. Il peut arriver que le sable manque comme à la féculerie de M. Houvenaghel, près d'Hazebrouck , où l’on n’a trouvé à la sur- face que 2 mètres de glaise blanchâtre mêlée de gravier sur l’ar- gile plastique du système ypresien (page 40). A 1 kilomètre au sud-est d'Hazebrouck, et à peu de distance de l'usine dont il vient d’être question, on extrait aussi près d'un petit bois sous une couche de glaise sableuse avec silex, un sable plus ou moins argileux analogue à celui de Merris et renfermant quelques petits galets. Si l’on suit la route d'Hazebrouck à Merville, on remarque encore de la glaise plus ou moins sableuse avec quelques cailloux. Mais au fur et à mesure qu’on s’avance, les silex deviennent moins fréquents et finissent par disparaître presqu'entièrement. Ainsi la forêt de Nieppe en est pour ainsi dire dépourvue , bien que la superficie du sol soit glaiseuse. Cette glaise paraît cesser à peu de profondeur ; car à l’écluse de la Motte-au-Bois , on n’en voit sur les talus du canal qu’une couche de 1 mètre 50 superposée à une glaise sableuse avec concrétions calcaires. La glaise de cette forêt a donc été remaniée par les eaux modernes. M. le baron de La- grange a essayé de faire des briques avec cette terre à laquelle il a dû ajouter une certaine quantité de sable, et il n'aurait certai- [90 ) nement pu songer à faire cet essai, si la glaise eût été en place comme sur les éminences de l’arrondissement d'Hazebrouck. La nature a ici épargné les labeurs de l'habitant des campagnes en rendant le sol qu'il cultive plus accessible aux instruments ara- toires , et en ajoutant à la propriété qu'il possède de bien retenir l'engrais, une autre qualité aussi précieuse qui est celle d'être assez meuble, assez poreux pour laisser filtrer les eaux pluviales. Néanmoins ce terrain est encore trop humide pour que les plantes oléagineuses telles que l’æillette et le colza puissent y réussir ; mais il-donne de très-beau tabac , de très-beau blé. A Merville, on exploite la même glaise d’alluvion pour la fabri- cation des pannes dans l'angle sud-ouest formé par le canal de la Bourre et la route d'Hazebrouck. On trouve en ce point 0"70 de glaise et 0"30 d'argile jaunâtre veinée de blanc (marlette) sur le sable jaune mouvant argileux et très-fin du limon. On rencontre encore le même terrain en amont de Merville, où sont établies plusieurs briqueteries sur les bords du canal. Les trois couches de sable argileux, de marlette et de glaise sont mé- langées entre elles, et c'est avec ce mélange qu'on fait les briques. D'Estaires à Steenwerck , on constate les mêmes faits que ceux observés entre Merville et Hazebrouck. Ainsi dans tout ce parcours, les terres sont brunes et présentent tout-à-fait l'aspect glaiseux. La couche superficielle qui correspond à l’alluvion moderne, n'est en effet qu'un mélange en proportions variables de glaise et de sable de 1 à 2 mètres d'épaisseur superposé à l'argile sableuse ou au sable mouvant quaternaire. Les puits domestiques prennent l'eau dans ce sable mouvant à la profondeur de 7 à 8 mètres. Près de Steenwerck , l’alluvion renferme des cailloux qui de- viennent plus nombreux quand on se rapproche des collines glai- seuses des environs de Neuve-Eglise et de Bailleul. à A 1 kilomètre de la station de Bailleul vers Hazebrouck, il existe une briqueterie près du chemin de fer, où l'on remarque 1 mètre de terre végétale sur une glaise blanchâtre parfois un peu sableuseet graveleuse. C'est aussi une glaise alluvienne semblable (91) que M. Lecomte, de Bailleul, extrait près du chemin de fer de l'autre côté de la station. La même glaise affleure , au reste , dans les contre-fossés de la voie jusque la station de Steenwerck, et le long de la route de Lille jusqu’à la limite de la commune de Nieppe. L'alluvion est encore sableuse et caillouteuse près de la rue du Sac et du Ro- marin au nord de Nieppe, où l'on a même extrait du sable pour l'entretien de la grande route. On voit par ce qui précède que le sous-sol de la plaine d'Haze- brouck a été presque partout recouvert par les eaux modernes, et que la glaise qu'on rencontre au milieu de cette plaine a été la plupart du temps remaniée, et peut même recouvrir des veines de sable et de gravier. Aux environs de Nieppe, d'Erquinghem, d’Armentières, d'Hou- plines, et en général, tout le long de la Lys jusqu'à Deülémont et Comines, l'alluvion moderne est représentée par une argile jaunâtre compacte, dont on fait d'excellentes briques. Cette argile est quelquefois sableuse et repose sur le sable mouvant quater- naire. Elle à 4 à 5 mètres d'épaisseur près des rives de la Lys; mais à une plus grande distance elle s’amincit, et on n’en retrouve plus qu'un à deux mètres à la briqueterie de Quesnoy (page 182). Toutefois l’épaisseur de l’alluvion peut diminuer près des émi- nences de sable campinien qui existent aux environs d'Houplines sur les bords de la Lys, et qui sont comme autant de petites îles isolées au milieu du terrain moderne. Ainsi dans la grande brique- terie d'Houplines, il n'y a que 2 mètres 50 au plus d’alluvion reposant sur une argile sableuse grise. L'argile glaiseuse compacte de la surface passe à une argile ferrugineuse veinée de sable très- fin dans laquelle on remarque quelques cailloux, des débris de / coquilles et divers ossements. Les briqueteries Mille et Dubois , à 'okileg Armentières , sont alimentées par une argile glaiseuse de 5 mètres, de puissance qui renferme des coquilles et des débris de diverses natures , tels que grès , fragments de maçonnerie, etc. Ces débris attestent bien que les couches supérieures de la vallée ont été (92) déposces postérieurement à l'habitation de cette contrée par les anciens. A Comines, l’alluvion est représentée aussi par une couche d'ar- gile glaiseuse qui a environ deux mètres d'épaisseur et qui repose sur le sable campinien. On y a trouvé, à la filature de M. Dehem, un petit vase en poterie enfoui à { mètre de profondeur. On retrouve encore quelques lambeaux de cette argile sur la route de Comines à Quesnoy-sur-Deüle (ferme de la Grande-Perle), et même assez avant dans les terres (hameau du Chien près Ques- n0y). Les grandes briqueteries de Deulémont , dont les produits sont si renommés , sont établies au milieu d'un dépôt alluvien d'une épaisseur de 5 mètres qui consiste en une argile grasse de couleur jaune. Cette argile est mélangée intimement de sable à sa partie supérieure et renferme aussi des silex ; elle paraît plus glaiseuse et moins sableuse à la partie inférieure. Sa nature compacte et les grains de sable qu’elle renferme communiquent aux briques une grande solidité. L’argile moderne s'étend sur la rive droite de la Lys entre Ar- mentières et Prémesques. Mais elle devient sableuse et renferme même des veines de sable pur à peu de distance de la côte. La nature minéralogique du dépôt alluvien dépend ici, comme dans les autres parties de la vallée, de la nature même des terrains les plus rapprochés. Ainsi au hameau de la Prévôté près de Péren- chies, on extrait du sable campinien sous { mètré d'argile sableuse ferrugineuse qui représente l’alluvion. A la Croix-au-Bois, commune de Frelinghien, on voit à la surface du sol de l'argile calcaire et du sable plus ou moins ar- gileux. : Des extractions de sable sont opérées au hameau de Woz:Mac- quart sur la route de Lille à Armentières, dans l'alluvion mo- derne qui a au plus 3" d'épaisseur, et qui recouvre la glaise ypresienne. Voici la succession, de haut en bas, des différentes couches ou plutôt des veines irrégulières que j'ai remarquées aux (93) deux extrémités d’une même sablière dont la {profondeur n'excé- dait pas 2" 50: 1.0 Mélange de glaise et de sable de couleur gris-jaunâtre. Sable gris veiné de glaise. Sable argileux jaune très fin, employé au moulage. Argile grise micacée avec noyaux calcaires. 2.° Sable argileux et calcareux de couleur jaune. Sable argileux et calcareux grisâtre avec coquilles (/ym- nées. )" Argile sableuse et calcaire. Sable gris très pur glauconifére , semblable à celui d'En- netières et employé à l'entretien des routes. Veines de sable rougeâtre et de sable gris. La couche de sable exploitée avait 1" 95 d'épaisseur. On trouve quelquefois dans cette localité, au milieu de l'argile et du sable, des coquilles d’eau douce, des silex et des débris de briques et de poteries. Au hameau du Paradis ( commune d'Ennetières ) et dans le bas de Radinghem, il y à des terrains analogues aux précédents, c'est-à-dire des mélanges de sable de différentes couleurs, des sables argileux , des argiles jaunes et des glaises marneuses avec coquilles. On n’a jamais signalé de banc de tourbe exploitable dans la vallée de la Lys, si ce n’est en dehors du département , aux en- virons d’Aire et de Béthune. Il paraît qu’on en a trouvé quelques indices (0" 20 au plus) à la traversée de la Lys par le chemin de fer de Dunkerque et dans quelques localités entre Steenwerck et Bailleul. Plaine de Dunkerque. — La plaine de Dunkerque est contigue à la mer et dirigée comme le rivage de l’ouest un peu sud à l’est un peu nord ; sa largeur maximum , de Watten au fort Philippe, (9%) près Gravelines, est de cinq lieues et se réduit à deux ou trois lieues près d'Hondschoote, le long de la frontière belge. Elle se trouve sur le prolongement de la vallée au milieu de laquelle coule la rivière de l'Aa qui y débouche près de Watten , et qui dans l'origine formait près de son embouchure une espèce de delta dont la vieille Colme n’était sans doute qu’une des ramifica- tions. La vallée de l’Aa, près de St.-Omer, comprend environ 350 hectares des communes de Lederzeele (canton de Wormhout) et de Noordpeene (canton de Cassel). La plaine dé Dunkerque em- brasse en partie ou en totalité, les territoires des communes de Bourbourg, Brouckerque, Cappellebrouck, Dringham , Holque, Looberghe, Millam , St.-Pierre-Brouck , Spycker, Watten (canton de Bourbourg); Craywick , St.-Georges, Gravelines, Loon (canton de Gravelines); Coudekerque, Coudekerque-Branche, Dunkerque, Leffrinckouke, Teteghem, Uxem, Zuydcoote, Armbouts-Cappel- Cappelle, Mardyck, Grande-Scynthe, Petite-Scynthe (cantons de Dunkerque E. et O.); Armbouts-Cappel, Bergues, Bierne, Erin- ghem, Hoymille, Pitgam, Soex, Steene (canton de Bergues); Ghyvelde , Hondschoote , les Moëres et Warhem (canton d'Honds- choote), dont la surface totale peut être évaluée à 39,000 hec- tares. Le sol de la plaine de Dunkerque est pour ainsi dire complète- ment plat ; cependant il penche légèrement de l'Ouest à l'Est, et baisse d’un mètre de la limite du Pas-de-Calais à la Belgique. Les aivellements faits pour l'établissement de la voie de fer montrent aussi que de Dunkerque à Bergues , transversalement à la plaine, le sol baisse d'abord de 4" 80 pour se relever ensuite au-delà de Bergues, jusqu’à 2 et 3 mètres au-dessus du point de départ. Ainsi, - cette plaine coupée normalement à sa longueur, a la forme d’un bassin dont le point le plus bas se trouve à 1 kilomètre 112 environ au nord de la station de Bergues. Ce bassin correspond au terrain tourbeux qui prend naissance entre le Fort-Louis et le Fort-Fran- çais et qui se développe de plus en plus vers le midi. (9%) Au ruisseau de Rockamer Dick , entre Bergues et le fort Fran- çais, il y a déjà 0" 90 de tourbe. Un sondage exécuté par la Compagnie du chemin de fer a traversé en effet : DÉRORO EIE merne sc eesseoecsst OUT DA EDDEETE nee Ponesciesns canseces 00 OÙ DODP eee en eemmeuedaescessc OÙ OÙ De l’autre côté de Bergues, près de Ja Croix-Rouge, à l'extrémité la plus méridionale du terrain tourbeux, on a trouvé 1" 70 de tourbe sous 0" 60 de glaise moderne. A Bergues même, où le passage du chemin de fer a nécessité l'ouverture de larges fossés pour la construction de nouveaux rem- parts, on a découvert à 1" 50 de profondeur une couche de tourbe d'une épaisseur variable au milieu d’un sable bleuâtre avec veines de glaise et débris de végétaux. Cette couche présente des gonfle- ments où elle acquiert jusqu'à 2 mètres de puissance, et elle s’a- mincit jusqu'à disparaitre entièrement. L’étendue des excavations a permis de constater quelques faits curieux. On y a observé des ossements d'animaux ( cornes de bœufs , têtes et mâchoires de moutons , etc.), divers ustensiles én fer (un couteau , une espèce de poëlon à demi-rongé par l'oxidation} , un sommier en bois, etc. Au milieu de la tourbe se trouvait un gros chêne de 9 mètres de longueur , orienté N. 14° O. eomme s'il avait été renversé du Nord au Midi. Il avait 0" 80 de diamètre à sä base et 0" 50 à l’au- tre extrémité. La tourbe était de couleur brune, à tissu lâche, et renfermait une multitude de branches d'arbres de diverses essences à peine décomposées ( saules, chênes, noisetiers, peu- pliers blancs , etc. ). Aux environs de Looberghe et le long dela Colme jusqu'à Wat- ten, c'est une tourbe spongieuse comme à Bergues. La couche, dont la puissance est de 1" 50 environ, est recouverte par un dépôt d'argile et de sable avec coquilles terrestres et d’eau douce ( cy- clostomes, paludines, lymnées, etc. ). La profondeur de la tourbe est très variable; souvent on la ( 96) rencontre à 1" ou 4" 50 au-dessous du sol, et quelquefois elle n'existe qu'à 6 mètres de profondeur. M. Cuel , ingénieur en chef des ponts-et-chaussées à Dunkerque , a trouvé en effet le long de la Colme , en faisant des fondations d’écluse, un pied d'épaisseur de tourbe à la cote de (—2"), le radier des écluses de Dunkerque étant pris pour zéro. Dans la commune de Warhem, près du canal de Bergues à Furnes, on a exploité un banc de tourbe d’un mètre de puissance, qui était recouvert par un mètre environ de glaise blanchâtre co- quillère. En certains points, la tourbe n’était autre qu'une accumu- lation de troncs d'arbres ( chêne , sapin, etc. ) presqu’à l'état na- turel et renversés pêle-mêle les uns sur les autres , comme si à une certaine époque, les forêts qui bordaient le marais dans sa partie méridionale avaient été tout-à-coup détruites par l'effet d’une vio- lente inondation. Si l’on se reporte plus au nord, vers Uxem, Teteghem , Ghyvelde, l'épaisseur du gîte tourbeux n’est plus que de 0" 60 à 0" 70 ; mais la tourbe est plus noire et plus compacte que du côté de Looberghe. — On voit donc que le terrain tour- beux s’amincit vers le nord où il finit par disparaître à une cer- taine distance de la côte. Les tourbes extraites aux environs de Dunkerque ne servent plus qu’au chauffage domestique et se vendent 8 fr. 50 c. le mille. Elles ont un volume de 2 déc. cubes 1/2 et pèsent environ 2 kilog. On les employait autrefois en même temps que la houille pour le chauffage des chaudières à vapeur ; mais la baisse successive du prix des charbons y a fait complètement renoncer. Les principales tourbières sont concentrées dans les communes de Ghyvelde, Uxem, Teteghem , Warhem et Looberghe. Il en existe aussi dans la vallée de l’Aa , entre Watten et Saint-Omer. En face de cette dernière ville, on extrait la tourbe à la drague. Le banc tourbeux a de ce côté une épaisseur qui varie de 0" 50 à 7", et repose sur un sable coquiller auquel se sont arrêtés les pilotis \qui ont servi à établir les fondations du chemin de fer à la traversée du marais. Près de la station de Watten , la tourbe est recouverte par 0" 30 de vase grisâtre renfermant de nombreuses coquilles.On Vohei (97) fabrique dans cette localité de petites tourbes de 8 centimètres en carré sur 16 centimètres de hauteur qui coûtent 3 fr. le mille, Au chauffage domestique qui est le principal débouché des tourbières de l'Aa, il faut ajouter les brasseries et les fonderies de suif de St-Omer. Le niveau moyen de la plaine de Dunkerque se trouve à 0" 80 environ au-dessous de la haute mer, de sorte qu’en temps de guerre on peut inonder toute cette plaine en ouvrant les écluses, Son élévation au-dessus de la basse mer, qui est de 3 à 4 mètres, permet de la dessécher au moyen d’une série de canaux aboutis- sant à des éclusesouvertes à marée basse et fermées à marée haute. On a donné à ce pays le nom de Wateringues d’un mot flamand qui signifie canal. — Ces Wateringues, qui sont sillonnées de 100 à 150 canaux dits Watergangs, sont divisés en quatre sec- tions ayant chacune leur administration et leur caisse particulière sous la direction d'une commission composée de cinq membres rééligibles tous les ans par l’assemblée des principaux proprié- taires. — Un réglement de police prescrit diverses mesures dont l'objet est d'assurer la conservation des canaux, digues, chemins, ponts et ouvrages d'art établis pour le desséchement du pays et l'amélioration de l'agriculture. Les Watergangs communiquent avec de grandes artères ou ea- naux de navigation qui débouchent dans la mer. La chûte moyenne des écluses de ces Watergangs est de 0" 30 à 0" 35. On maintient l'eau dans les canaux de navigation à 2" 66 (8 pieds) au-dessus de la mer basse. — Les radiers des écluses de Dunkerque sont établis au niveau moyen de la basse mer de viveauæ, ou de la basse mer à l’époque de la nouvelle ou de la pleine lune. Dans ces vi- veaux , la mer monte ou baisse de 5" 50. Dans les quartiers de lune ou à l’époque des morteaux, la marée monte et descend à 4" de moins (1). La figure 16 montre les niveaux relatifs des hautes et basses mers en viveaux et morteaux, du sol des environs de Dun- kerque , de la tourbe qu'il renferme et de l’eau des canaux de desséchement. (1) Ces renseignements sont dus à M. Cuel, ingénieur en chef du port de Dunkerque, 7 (98) Le sol des Moëres , qui est à un niveau inférieur de 4" 60 à la haute mer , est encore plus bas que les terrains environnants. — On n’a donc pu l’assécher que par des moyens mécaniques. Ces Moëres formaient une espèce de lac de 3,200 hectares d'étendue qu'on à rendus à la culture en élevant l'eau dans les canaux au moyen de vis d’Archimède , mues par des moulins à vent. Nous avons adopté deux teintes pour différencier la zône où existe de la tourbe de celle plus rapprochée de la mer où il n’en existe pas. La ligne ondulée qui sépare ces deux zônes indique en quelque sorte le passage des eaux marines aux eaux douces , ou si l’on veut, la démarcation entre la plage sableuse autrefois constam- ment submergée par les eaux de la mer et où ne pouvait régner aucune végétation, et la zône marécageuse baignée par les eaux douces de la rivière de l’Aa et où la mer ne pénétrait qu'acciden- tellement ou par intervalles. Toute cette plaine a été un peu relevée par les attérissements successifs de l’Aa , qui ont donné lieu au limon argileux et sableux superposé à la tourbe. Le dépôt formé par les eaux douces s’est donc étendu peu à peu jusqu’à ce que par suite du comblement du delta , les sables amenés par le flux de la mer vinssent eux-mêmes recouvrir l'argile moderne. Dans la région la plus voisine de la mer on ne rencontre, en effet, que de l'argile glaiseuse et des sables qui souvent sont amoncelés sous forme de dunes près du rivage. Chez M. Angellier, scieur de bois, rue David d'Angers , à Dun- kerque , on a creusé un puits dont la coupe est la suivante : Sable nue PAIN PT RTE SSD) Terre/glaise....4..,.14 TRS ENIOU Sable ‘aquifère. . 1,464, Re 00 Profondeur... 7 50 Ce puits donne de l’eau douce dont le niveau se maintient à 4% 50 au-dessous du sol. Il paraît que la couche de glaise traversée par ce puits est très-régulière et qu'on la retrouve partout à Dun- kerque. (99) La même glaise affleure à Bourbourg où elle est exploitée avec avantage pour la fabrication des briques. — Elle est ici mêlée d’un peu de sable et fait effervescence avec les acides. — On la trouve au-dessus d’un sable glaiseux qui renferme aussi des parties cal- caires en mélange intime. En certains pots on remarque une grande quantité de coquilles ( lymnées , etc. )}; mais on évite de se servir de l'argile où elles se trouvent, parce que la chaux. qu'elles produiraient ferait éclater les briques en foisonnant par l'humidité. Les dunes occupent sur les bords de la mer une étendue d’en- viron 4,900 hectares. On essaie de s'opposer à leurs envahisse- ments en fixant le sable au moyen de plantations de luzerne , de petits peupliers , de hoyas , de genêts , de sapins, etc. Mais il ar- rive quelquefois que par de grands vents, ces plantes sont noyées de sable. — On cite des peupliers, des frênes de douze pieds de hauteur qui ont été ensevelis de cinq pieds dans le sable. On sait comment a lieu la marche des dunes. Les grands vents qui soufflent du côté de la mer chassent le sable et le rassemblent sous la forme de petits monticules qui n’ont qu'une légère pente vers le rivage, et inclinent , au contraire , fortement vers la plaine. — Ces monti cules présentant de ce côté des talus de plus en plus rapides finis- sent par s'ébouler , et le pied des talus gagnant du terrain , em- piète de plus en plus sur la campagne. — C’est ainsi que des champs , des habitations , des villages , sont engloutis au milieu des dunes. On voit à Zuydcoote un exemple de leur effet destructeur. Une tour entière de forme carrée et de 20 mètres de hauteur est entourée de sable de toutes parts (Fig. 17). Ses quatre faces por- tent les traces de la toiture de l’église dont elle faisait partie. Cette ancienne église devait avoir la forme d’une croix, au centre de laquelle se trouvait la tour. On connaît des vieillards de 85 ans qui y ont fait leur première communion. Elle était donc encore debout vers 1775. La butte de sable voisine de la tour au sud-est n'existait pas en 4829. Cette butte a 10 mètres de hauteur sur une largeur de 150 mètres. On peut juger d’après cela des pro- grès que font les dunes dans un court espace de temps. | 400 | APPENDICE A LA 3.° PARTIE. EXPLICATION DES PROFILS. — SOURCES. -— PUITS ARTÉSIENS. Nous avons ajouté à notre grande carte 18 coupes géologiques montrant la succession des différentes couches qui constituent le sol jusqu’à une profondeur maximum de 200 mètres. Trois sortes d'éléments nous ont servi pour la construction de ces coupes. 1.° Les cotes de nivellement fournies par la carte du dé- pôt de la guerre; celles qui ont été déterminées pour l’établisse- ment des chemins de fer; et celles des routes nationales et dépar- tementales et des chemins de grande communication des arron- dissements de Lille et d'Hazebrouck résumées avec beaucoup de soin dans une note de M. Davaine, ingénieur des ponts-et-chaus- sées (4); 2.0 les observations recueillies par nous à la surface du sol sur les affleurements des diverses roches ; 3.2 les résultats des nombreux sondages qui ont été entrepris soit pour recherche de houille, soit pour l'obtention des eaux nécessaires aux établisse- ments à vapeur.— La multiplicité de ces documents nous a permis de tracer des profils qui, joints à la carte, peuvent être la source d'une foule d'applications utiles. C’est ce qui justifie l’épithète de Pratique que nous avons cru pouvoir donner à notre Essai de Géologie sur la Flandre française. Et, en effet, nos coupes étant le résultat, non pas de données incertaines ou d’hypothèses gra- tuites, mais bien de faits positifs et bien constatés, seront le guide (1) Nivellement des routes nationales et départementales ( Mémoires de la Société des Sciences, de l'Agriculture et des Arts de Lille, 1844-1845). (101) le plus sûr qu'on pourra suivre pour la découverte des matériaux de construction, des amendements et aussi pour le creusement des puits destinés à absorber les eaux de la surface ou à procurer cet élément si essentiel aux usages domestiques ainsi qu'aux indus- tries de toutes sortes qui font la richesse du pays. Les agricul- teurs surtout pourront tirer le plus grand profit des renseigne- ments qu'elles fournissent, non-seulement pour améliorer leurs terrains au moyen des amendements, mais aussi pour perdre dans des puits absorbants les eaux provenant de l’asséchement du sol par le drainage. Notre carte est encore pratique en ce sens que chaque teinte réprésentant en quelque sorte une seule et même roche, les limites qui s’y trouvent tracées sont aussi les lignes de démarcation d’une série de zônes dans chacune desquelles existent des terrains possédant, toutes choses égales d’ailleurs, les mêmes qualités, les mêmes propriétés inhérentes à la nature du sous-sol. Ces données sont complétées par les coupes géologiques qui indi- quent l'épaisseur des couches superficielles dont l'influence se fait sentir sur la végétation jusqu'à une certaine profondeur, soit en retenant les eaux pluviales, soit en les laissant filtrer avec trop de facilité. — La carte et les coupes combinées permettent en un mot de définir aussi exactement et aussi complètement que possible les propriétés d’un terrain quelconque, ses ressources agricoles, et par suite, les cultures qui peuvent le mieux y réussir. On remarquera que plusieurs coupes se croisent quelquefois au même point. Si je n'avais eu pour objet que de donner une idée générale de l'allure et de la disposition relative des diverses cou- ches superposées, j'aurais pu certainement réduire le nombre de ces coupes ; mais ce n’est pas sans raisons que j'ai été porté à les multiplier ainsi. — D'abord j'ai eu l'avantage d'y faire figurer les résultats d’un plus grand nombre de sondages ; puis j'ai facilité les moyens d'en construire une infinité d’autres; car si l’on ima- gine un plan vertical transversal à plusieurs profils, on aura à chaque point d’intersection des données suffisantes pour la cons- truction d’une nouvelle coupe suivant ce plan. Ainsi les profils ( 102 ) joints à la carte géologique ne sont pas seulement utiles aux loca- lités par lesquelles ils passent, mais ils peuvent encore être facile- ment rendus applicables aux localités voisines. L’échelle des coupes pour les distances est la même que celle de la carte (4); mais pour les hauteurs j'ai dû adopter une échelle beaucoup plus grande; autrement les inflexions du sol, les épaisseurs des couches et l'inclinaison des parois des bassins qui les renferment, auraient été insensibles et inappréciables. Une échelle de = (1 millimètre pour 4 mètres) m'a paru la plus con- venable pour les hauteurs. La coupe N.° 1 de Tournai à Douai montre le terrain tertiaire {systèmes ypresien et landenien) compris dans une dépression du terrain crétacé qui lui-même repose sur le terrain houiller et sur le calcaire bleu. — Les forages d'Orchies, de Flines et de l'Escar- pelle y sont indiqués. La même série est représentée sur les coupes N.°5 2, 4, 5, 6 et 7 où l’on voit les deux bassins tertiaires au nord et au sud du plateau crayeux qui traverse l'arrondissement de Lille, ainsi que les sondages de Lys-lez-Lannoy, Orchies, Vred, Auberchicourt, Emerchicourt (coupe N.° 2, nord-sud, par Orchies); Tourcoing, Wasquehal, Fives, Wattignies, Seclin , Camphin, Courrières (IN. 4, de Tourcoing à Seclin); Halluin, Roncq, Bondues, La * Magdeleine, Lille, Wattignies, Seclin, Oignies(N.°5, d'Oignies à Seclin, Lille et Menin) ; Marquette, Lille, l'Escarpelle (N.° 6, de Wervick à Lille, Mons-en-Pévèle et Brunémont) ; Lomme, Tem- pleuve, Orchies, Warlaing (N.° 7, de Warlaing à Orchies, Tem- pleuve et Pérenchies).— La coupe N° 6 est la plus étendue : elle traverse le département depuis Wervick sur la Lys jusqu'à Bruné- mont sur la Sensée. — On y remarque la colline de Mons-en- Pévèle et l’'éminence sableuse de Cantin dans l'arrondissement de Douai. La coupe N.° 3 est dirigée de l'Ouest à l'Est par Mons-en- Pévèle et porte les forages de Thumeries et d'Orchies. Celle N.08 (d'Estaires à Bouvines) a sensiblement la même direc- (403 ) tion que la précédente; on y voit figurer le forage d'Estaires, Les coupes N.° 12 (de Bauvin à Armentières) et N.° 13 (de Mar- quillies à Ennetières) donnent des détails sur les environs de Fournes et d'Ennetières-en-Weppes. Les forages d’Armentières et de Marquillies s’y trouvent indiqués. Enfin, les profils N.° 9 (de Watten au Mont-Noir), N.° 10 (d'Ha- zebrouck à Cassel et à Dunkerque), N.° 41 (de Gravelines à Cassel), N.° 14 (du Mont-des-Chats à Merville), N.° 15 (de Watten à Dun- kerque), N.0 16 (de Saint-Momelin à Ghyvelde), N.° 17 (de Wittes à Cassel), et N.° 18 ( d'Estaires à Bailleul), traversent en divers sens les arrondissements d'Hazebrouck et de Dunkerque et mon- trent les systèmes bruxellien, tongrien et diestien du Mont-Cassel, du Mont-des-Chats et du Mont-Noir. — La teinte dominante dans toutes ces coupes est celle de la glaise ypresienne dont les affleu- rements sont si fréquents et si étendus dans cette partie du dépar- tement du Nord. Il n’y a que les forages d'Estaires, de Bailleul et d'Hazebrouck (coupes N.°5 10 et 18) qui indiquent la profondeur du sable landenien et celui de Merville (coupe N.° 14) qui montre l'épaisseur des terrains supérieurs à la craie.—Les sondages entre- pris à Cassel et à Dunkerque pour recherche d’eau sont aussi représentés sur les profils N.°5 15 et 17. On conçoit de quelle utilité peuvent être ces coupes, quand on veutse procurer de l’eau pour un usage quelconque ou quand on veut connaître les chances d'obtenir une source jaillissante en un lieu déterminé. Il existe dans la Flandre plusieurs niveaux d’eau correspondants aux diverses couches perméables de la série géologique. I est facile de les énumérer en partant du sommet de l'échelle et des- cendant jusqu'aux profondeurs les plus grandes que les sondages aient atteintes. Seulement, pour qu’une couche perméable soit aquifère, il est nécessaire qu’elle repose sur un banc imperméable ou moins perméable qu’elle. C’est cette condition qui détermine les niveaux des nappes d’eau souterraines que nous allons passer en revue. (104) Le sable argileux du hmon , quand il est superposé à la glaise, peut donner des sources, et c’est souvent en eflet dans ce terrain qu'on prend l'eau pour les usages domestiques. Nous pourrions citer pour exemples les environs de Moncheaux , la Neuville-en- Phalempin, Capelle, Orchies, Bachy, Croix, Roubaix, Tourcoing, Mouveaux , Bondues, Comines, Armentières, Meteren, Caestre, Hondeghem et une foule d’autres localités. Le limon étant d'une nature argilo-sableuse, se laisse difficile- ment pénétrer par les eaux pluviales dont une partie s'écoule à la surface du sol ou s'échappe par évaporation après avoir pénétré à une faible profondeur. La lenteur de la filtration à travers l'argile qui justifie les travaux de drainage pratiqués dans ces sortes de terrains, s'oppose donc à ce que le sous-sol reçoive toutes les eaux qui tombent à la surface. D'un autre côté, la faible épaisseur du limon augmente encore la perte occasionnée par la chaleur solaire. Aussi l'eau qu'on rencontre à ce niveau n'est-elle jamais très- abondante. Un deuxième niveau est donné par les sables diestiens du sommet de Cassel. La glaise tongrienne qui les supporte, retienten effet les eaux dans ces sables où viennent puiser la plupart des puits domestiques du bourg. Ce niveau est indiqué par plusieurs sources qui se font jour autour de la montagne, vers le plan de séparation des systèmes tongrien et diestien. Le puits dela gendarmerie de Cassel indique un troisième niveau compris entre la glaise tongrienne et l'argile sableuse glauconifère et compacte qui se trouve à la base du même étage. Un quatrième niveau existe entre les sables bruxelliens et la glaise ypresienne et produit les sources de la Peene-Becque à Cassel, de la Vliete-Becque ou du ruisseau de Poperinghe, au pied du Mont- des-Chats, de la Marque à Mons-en-Pévèle et les fontaines du Mont-Noir dont les eaux sont amenées à Bailleul. Le sable landenien reposant sur des sables argileux et sur des argiles très-compactes qui existent à la base de la formation ter- tiaire, donne lieu à un cinquième niveau qui alimente un grand ( 405 } nombre de machines à vapeur, notamment celles de Tourcoing et de Roubaix. Vient ensuite le sixième niveau, celui de la craie, qui doit être l'objet d’une courte observation. Quoique la craie soit supportée par une couche de marne ou d'argile marneuse imperméable (dièves du système nervien), l'eau peut cependant ne pas s’y trou- ver partout au même niveau. Cette roche jouit bien d'une cer- taine porosité qui lui permet d'absorber les eaux de la surface ; mais elle n'est pas perméable à la manière du sable dont toutes les parties, indépendantes les unes des autres, laissent entre elles des interstices qui donnent à l’eau un facile accès. La craie forme au contraire des massifs puissants, sillonnés à la vérité par de nombreuses fissures qui communiquent entre elles plus ou moins directement. Quand un puits rencontre une ou plusieurs de ces fissures, on peut obtenir de l’eau en plus ou moins grande quantité; mais il peut arriver aussi qu'il n'en traverse aucune et qu'il y ait absence de sources. Aussi arrive-t-il quelquefois qu'après avoir pénétré à une certaine profondeur dans la craie, on se décide à pousser en divers sens des galeries horizontales qui recoupent des fentes d’où l’eau afflue en assez grande quantité pour l'usage au- quel on la destine. Beaucoup de machines à vapeur prennent leurs eaux dans la craie, entr'autres celles de Lille, Wazemmes, Armentières , Seclin, La Bassée, Douai , Aniche , etc. Au-dessous des dièves, on rencontre quelquefois dans des loca- lités très-circonscrites, comme aux environs d'Anzin par exemple, des sables et des graviers aacheniens où s'accumulent des masses d’eau considérables retenues par les glaises du même étage. Ces masses d’eau forment des espèces de grands lacs souterrains qui font désigner par lenom de torrent les terrains qui les renferment. C'est là un septième niveau. Enfin à une profondeur plus grande, on peut trouver un hui- tième niveau dans le calcaire bleu doni les assises sont superposées aux schistes imperméables du système dévonien. Ce calcaire ayant été soumis à de violentes secousses, est crevassé, fendillé en diver (106 ) sens, et peut par suite renfermer de l’eau. Mais on doit lui appli- quer l'observation que nous avons faite ci-dessus relativement à la craie, à savoir qu'il est impossible de prévoir si un forage pra- tiqué en tel ou tel point dans le calcaire amènera la découverte d'une source plus ou moins abondante, et que par conséquent, la réussite d'une semblable entreprise est pour ainsi dire subor- donnée aux chances du hasard. Toutefois nous devons dire que plusieurs sondages exécutés à Lille par M. Degousée , et poussés jusque dans le calcaire bleu, ont été couronnés d'un plein succès. Nous reviendrons plus tard sur ces sondages qui, pour la plupart ont même donné des eaux jaillissantes. En général , plus une couche aquifère est profonde, plus la quantité d’eau qu'elle est susceptible de fournir est considérable. On le conçoit facilement. Les couches calcaires, argileuses et sa- bleuses qui font partie des diverses formations géologiques, étant disposées en forme de bassins emboîtés les uns dans les autres, et les eaux de la surface s’infiltrant par les affleurements des couches perméables, il est clair que ces couches sont susceptibles de re- cueillir une quantité d’eau d'autant plus grande qu'elles sont plus anciennes ou que leurs affleurements sont plus éloignés du centre des bassins, et conséquemment plus développés. Par suite de la même disposition, il y aura en général d’autant plus de chance d'obtenir de l’eau jaillissante qu'on ira la chercher à une plus grande profondeur, puisque l’affleurement du terrain qui la recè- lera, se trouvera à un niveau relativement plus élevé que ceux d’un âge plus moderne. C'est ce qui explique un fait qui a dù frapper les industriels de l'arrondissement de Lille, savoir : l'insuffisance des eaux extraites des sables tertiaires, comparati vement à celles de la craie. Aussi ne fait-on usage, aux environs de Roubaix, que de machines à vapeur à haute pression, tandis qu'à Lille, celles à moyenne pression qui exigent plus d’eau pour condenser la vapeur, sont en grande majorité. Nous avons négligé de mentionner dans l’énumération des diffé rentes sources, celles qui peuvent exister dans la partie inférieure (107) du système bruxellien (Mons-en Pévèle); dans le système ypresien (Roncq , hameau de la Rousselle); dans le système landenien infé- rieur (Willems), ou même dans les dièves du système nervien (environs de Cysoing). Ces sources sont ordinairement peu impor- tantes et doivent leur existence aux alternances de veines per- méables et imperméables qusse.présentent quelquefois au milieu de ces étages. Il y a dans la Flandre française plusieurs puits artésiens qui donnent de l’eau jaillissante. Ces puits sont creusés dans le cal- caire bleu à Lille et à Wazemmes, et dans la craie à Wasquehal, Marquette, Wambrechies et Merville. Les eaux de la raie s'élèvent à { mètre environ au-dessus du sol dans ces localités. Chez M. Lenssen , distillateur à Wambre- chies, le produit de la source n'était que d'un hectolitre par mi- nute au niveau du sol, parce qu'une partie de l’eau s'échappait par des fissures latérales; mais on a doublé ce produit en abaissant le niveau d’eau jusqu'à 66 mètres de profondeur pour éviter les déperditions. M. Degousée à trouvé aussi des eaux fortement jaillissantes dans la crate-à-Vred-(à-25-mètres de profondeur) et à Marchiennes (à 32 mètres). C'est cet habile sondeur qui a dirigé les forages de l'Hospice- Général, de l'Esplanade et de l’Hôpital-Militaire de Lille en 1839, 1840 et 1841 (1). A l'Esplanadé le calcaire bleu a été rencontré à 85 mètres 45 et la principale nappe à 108 mètres 30. L'eau à jailli de 0m60. Le volume débité par minute était de 2 litres à cette hauteur et de 40 litres au niveau du sol. A l'Hôpital-Mililaire, on a atteint le calcaire à 69 mètres 75 et la nappe jaillissante à 107 mètres. L'eau s’est élevée à une hau- (x) Le premier à 180,60 de profondeur et a coûté 8,000 fr. ; le second a 121,50 et a coûté 6,427 fr. ( 160 jours de travail ; approfondissement moyen : 0m,79 par jour). Enfin le troisième a été poussé à r20M,30 moyennant 6,250 fr. (192 jours de travail ; approfoedissément journalier moyen : o",62 ). ( Degousée, Guide du Sondeur, p. 446.) ( 108 ) teur de 2 mètres 40. À 2 mètres 38 le produit de la source était de 1 litre par minute et de 4 hectolitres au niveau du sol. Voici les coupes de ces deux forages extraites de notes qui m ont été communiquées par M. Degousée : ESPLANADE, fig pr Sables argileux verdâtres............. EE 16 90 Craie blanche et silex à la partie inférieure..... 32 50 (Grande nappe d’eau de la craie à 48,30.) Craie marneuse grise avec silex à la partie supé- Terrain rieureseulementsp. ane: e-cot te 24 20 crétacé. Dièves chargées de grains de silicate de fer à la ASP eee etre PE See Et Ce PRES 11 20 Conglomérat à ciment argilo-calcaire, gris, jaune, verdâtre, avec beaucoup de noyaux de quartz. 0 65 Calcaire carbonifère plus ou moins cohérent pre- nant quelquefois une texture lamellaire........ 36 05 121 50 HOPITAL-MILITAIRE. SOTETTAINTADPONÉ- ere mr Le Ce 1 00 Atrgile sableuse jaune........,.....,..... a My ANTOD MSG | TOUTDEMDVNÉEHSC SN EE Sn e see ee Es.e PAT RG À modernes. } Argile sableuse jaune sale...... PSS TO DE ao SU 200 Sable jaune argileux avec fragments de craie. en 0 200 P | Sables quartzeux légèrement cimentés d'argile.. 2 10 Craie blanche sans silex, fort tendre, impure à la | partie supérieure. .......... 15 00 ru À Idem avec silex noirs 4... ... ges. 14 00 crétacé. Craie marneuse grisätre plus ou moins dure.... 21 00 | DIÉVPS Arena E BAR sérure Rire en 11 85 \ Conglomérat avec beaucoup de noyaux de quartz 0 40 Calcaire carbonifère plus ou moins cohérent... 50 55 120 30 Le forage pratiqué, en 4839, dans la blanchisserie de M.me veuve (109) Selby, cour du Beau-Bouquet à Lille, a 100 mètres de profondeur et pénètre de 20" environ dans le calcaire. La source jaillit à 2 mètres au moins au-dessus du sol et débite 66 litres par minute à 4 mètre de hauteur. Un résultat analogue avait été obtenu à peu de distance de là dans la brasserie de M. Vandame, sise rue du Gros-Gérard. Il est remarquable que l'eau de ces sondages n’est nullement calcaire et dissout par suite très-bien le savon. Elle est au con- traire légèrement alkaline, et quand on la reçoit dans un verre à sa sortie du trou de sonde, on la voit se troubler presqu'instan- tanément par suite du dégagement de petites bulles de gaz acide car- bonique. L'eau de l'Hôpital-Militaire, évaporée à sec, a laissé un résidu de 1 décigramme par, litre consistant presqu’entièrement en bicarbonate de soude et en chlorure de sodium. En 1830, la ville de Bailleul a fait faire un sondage dans l’es- poir de trouver de l’eau jaillissante; ce sondage exécuté sous la direction de M. Flachat , n'a pas réussi, bien qu'il ait atteint le sable landenien au-dessous de la glaise. Du reste, ce résultat n’a rien de surprenant et on peut même prédire à l'avance qu’une entreprise de ce genre n’aurait aucune chance de succès dans cette commune, quand même on sonderait jusque dans la craie. En effet, à Merville(cote 17), l'eau de la craie ne s'élève qu’à { mètre au dessus du sol. Si donc on se porte à Bailleul , à la cote 44, il est très-probable que dans le cas où on rencontrerait les mêmes sources qu'à Merville, le niveau d'eau se maintiendrait à la pro- fondeur de 26 mètres. + Il est certaines localités où la découverte de l’eau douce en suffisante quantité pour l'alimentation domestique ou pour le ser- vice des chemins de fer serait extrêmement importante, en suppo- sant même que l’eau ne s’élevât pas jusqu’à la surface du sol.Ainsi, à la station de Cassel, par exemple, on a foré sans succès jusqu’à 92%. de profondeur, et à Dunkerque on a été jusqu’à 417 mètres. Les résultats des sondages qui ont été exécutés dans la plaine d'Hazebrouck combinés avec la distance et la direction des affleu ( 110) rements sableux et crayeux au midi, pourront peut-être nous conduire à former quelques conjectures assez plausibles sur la profondeur probable du sable landenien ou de la craie à Cassel et à Dunkerque. — Je remarquerai d'abord qu'une ligne droite tirée de Merville à Hazebrouck va passer précisément par la station de Cassel, et que le forage de la féculerie Houvenaghel à Hazebrouck est à très-peu près à égale distance de cette station et du village de Merville. — La surface de la plaine aux environs d'Hazebrouck étant moyennement à la cote 20, si l’on jette un coup d’æil sur les coupes des forages de Merville et d'Hazebrouck (pages 38 et 40 ), on reconnaîtra que le sable landenien existe à Merville à 31" et à Hazebrouck à 80" au-dessous du niveau de la mer. Si donc l'in- clinaison de la surface sableuse n’augmente pas entre Hazebrouck et Cassel, on peut prévoir qu'en ce dernier point le sable se trou- verait à (80 x 2) — 31 — 129 au-dessous du même niveau ou à 168" de profondeur, la station de Cassel étant à la cote 39. Maintenant si l’on observe qu'une droite allant d’Aire à Moulle (Pas-de-Calais) représente assez bien la direction de l’affleurement des sables landeniens ou des bords du bassin dans lequel est dé- posée la glaise ypresienne et que la ville de Dunkerque se trouve à une distance de cet affleurement 2 fois plus grande que la station de Cassel, on arrivera à cette conclusion que la profondeur du sable au-dessous du niveau de la mer serait à Dunkerque de 129x2 — 258 mètres. Toutefois cette profondeur peut être con- sidérée comme un maximum ; car en Angleterre où la glaise ypresjenne est très-développée, on n’en a pas traversé plus de 700 pieds. Voici la coupe du sondage qui a été entrepris à Dunkerque en 1836 : (111) Ferrain rapporté.,......... Cotes 20 pieds 6" 66 Sable fluide... ne SES: schay20 6 66 Sable avec coquilles analogues à Dee vulgairement connues sous le nom de St.-Jacques et renfermant des Sable veines très-minces de limon va- de mer. SOUX SL AAC rie ete 2 23 1 66 Sable mouvant de couleur noirâtre.. 13 5 00 Sable mouvant. jaunâtre, mélangé de coquilles brisées 22." ..trre 17 5 66 Sable noirâtre aussi mêlé de coquilles. 13 4 33 Glaise compacte ......... co bee ... 242 80 66 FA FnS On y a trouvé quelques petits dis à la profondeur de 314 à 320 pieds. Profondeur totale 350 p. 116% 63(i) Il peut être utile de mettre en regard de cette coupe celle du puits creusé à Calais en 4844 par M. Mulot : ( Sable et gravier rapportés. ............, DUR 3m 00 Sables ! Sable gris, jaune, bleuâtre , avec coquilles et de mer. ; | débris végétaux...... EURE ARC € SE 20 30 rgile brune sableuse...... SARA DROLE 0 50 Système Cailloux roulés avec veines d'argile ( gros landenien, silex) A reporter. .... 32 70 (1) On peut remarquer que la profondeur à laquelle on a commencé à rencontrer la glaise , coïncide avec la partie la plus profonde de la pleine mer en face de Dunkerque (23 brasses de 5 pieds ou r10 pieds). Ge forage a été entrepris par un nommé Chartier de Lille. La dépense totale a dépassé 8,000 francs. — Le prix était fixé à 19 fr, par pied jusqu’à 100 pieds de profondeur , à 17 francs de 100 à 250 pieds, et à 20 fr. au-delà. — Dans le cas où on aurait rencontré un banc de roche , le forage à travers cette roche devait être payé à raison de 30 fr. par pied. — Le sieur Chartier devait fournir avec la main-d'œuvre tous les outils, coffres, etc,, nécessaires pour contenir les terres et tuber le tuyau d’es- cension, ; ; (112) Sable verdâtre argileux................. À 0° 35 Sable vert avec pyrites..........,.....1..., 2 70 Cailloux roulés très-gros ....,..... TU CEUX 1 10 SADIEETIS VEN AARENS LMI PAR eee e 10 00 SADIE gris (OS re NIMNTEr 5 20 Système Arellbsableuse. 2.242 enthe... tnt Fn%: 0 55 landenien {Sable aggloméré avec pyrites. ............. 0 30 Guite). ‘ \sable are: Tant, Jus ORNE 1 80 Argile sableuse compacte avec pyrites ..... , 3 30 Argile brune sableuse très-dure.......... 9 00 e Sable gris verdàtre argileux ,.......... AU 3 30 Argile brune sableuse ........ IDORPAMTAA, 2 40 id. - avec SRE NO 0 25 Craie blanche friable....... Dette nel 8 05 Système id. AVEC SIIEX ÉPArS ere o » 83 45 sénonien, , a É CrAIe ETS AVECISIIÈX ee see. coche se + & 15 Alternances de marne et de calcaire siliceux L gris bleuâtre très-dur avec pyrites....... 122 30 FRERE (Fortes toises, bleus, dièves). Id. marnes de couleur plus foucée.. ... 15 29 Marne glauconieuse (Tourtia)........... gs 0 90 ÉE Argile brune micacée. .......sssm.s sun... & 95 Système AS . "14 : an: hervien \Argile à grains verts avec pyrites de fer... 1 05 (Gaultet (Argile brune avec grains de quartz et pyrites. 1 80 nt) Grès à grains fins très-durs avec points verts de silicate de fer.....:...... Rire DE HO 5 81 Système calcareux supérieur, (Calcaire carbonifère gris compacte. ........ 26 16 (Calcaire de Tournai.) 346 86 TE 77") Il est à remarquer qu'ici les sables landeniens ne sont pas pré- servés des infiltrations des eaux de la mer par une couche d'argile suffisamment épaisse et imperméable, de sorte que l'eau de ces sables doit être saumâtre à peu de distance de la côte. I pourrait en être de même des eaux de la craie dont les falaises sont bat- tues par les flots entre Sangatte et Wissant. — On voit d'ailleurs, (113) en comparant les forages de Dunkerque et de Calais, que ces deux villes ont des situations toutes différentes au point de vue géolo- gique et que, si à Calais on en est réduit à courir la chance de rencontrer une crevasse dans les couches de calcaire bleu, on peut à Dunkerque trouver l’eau dans le sable landenien ou dans la craie comme aux environs de Londres où sont creusés une quan- tité de puits artésiens dans l’une ou l’autre de ces formations. Les fontaines de Trafalgar square, à Londres, sont alimentées par les eaux de la craie qu’on a rencontrée à une profondeur de 450 p. Leur niveau s'établit à 56 p. du sol, et des pompes mues par la vapeur l’élèvent jusqu'à une hauteur déterminée. Admettons qu'à Londres l'épaisseur moyenne des terrains à traverser pour atteindre la craie soit de 500 pieds (1). L’affleurement de la craie, ou plutôt la ligne de séparation entre la craie et le terrain tertiaire passant à 20 kilomètres au sud de cette capitale, tandis que la distance de Dunkerque au prolongement de la même ligne dans le Pas-de-Calais est de 35 kilomètres environ , il en résulte que la profondeur de la craie à Dunkerque serait, proportion garuée, de 875 p.ou de 292". En extrayant de ce nombre la puissance des couches du système landenien qui est au plus de 55", on obtient pour l'épaisseur pro- bable des terrains supérieurs au sable sous la ville de Dunkerque le chiffre de 237%, qui s'éloigne peu de celui que nous avons cal- culé précédemment d'après d’autres considérations. Sans doute ces calculs n’ont rien de bien précis ; mais ils suffisent néanmoins pour donner une idée assez exacte de la profondeur à laquelle il serait possible de trouver de l’eau douce à Dunkerque. En admet- tant une profondeur moyenne de 250% jusqu'au sable landenien, la dépense d'un forage exécuté à la journée d’après les prix de M. Degousée s’élèverait à une vingtaine de mille francs. Cette question présentant un certain intérêt pour la ville de Dunkerque, j'ai cru devoir lui consacrer quelques lignes qui peut-être ne seront pas perdues pour l'avenir. (1) La profondeur de la craie aux environs de cette capitale varie de 200 à 600 pieds, (Lyell, Æléments de Géologie , page 360.) 8 (114 ) QUATRIÈME PARTIE. DOCUMENTS STATISTIQUES. — PRODUITS ET CONSOMMATIONS. MINES. (1) Les seules mines exploitées dans la Flandre française sont celles d’Azincourt, d’Aniche et de l’Escarpelle, Ces dernières ont été concédées par décret du Président de la République, en date du 27 novembre 1850. (2) Elles sont donc toutes récentes et n’ont pas encore donné lieu à une exploitation bien active. Une seule fosse, la fosse Soyer , a servi jusqu'ici à (x) Il n’entre pas dans le cadre que nous nous sommes tracé de faire une description détaillée de l’exploitation des mines de houille , ni même d’envisager le terrain houiller au point de vue de l’allure et de la configuration des différentes couches. Une étude semblable exigerait à elle seule un volume et rentre d’ailleurs dans la topographie souterraine qui s'exécute en ce moment à Valenciennes sous les auspices de l’administration. Nous nous contenterons de donner un apercu très-succinct sur l'importance de ces mines et sur les produits qu’on en retire. (2) « Il est fait concession à la compagnie de la Scarpe, constituée par acte notarié du 4 février 1847 et représentée par les sieurs Eugène Soyer, Marc Douai, Amable Deleau , Clément Courtois, Charles-Martin Taverne et Jules Baralle, des mines de houille comprises dans les limites ci-après définies sur les communes de Douai, Flers, Raches, Roust- Warendin, Raimbeaucourt, Moncheaux, Thu- meries, Ostricourt, Auby, Lauwin-Planque , Cuiney (dép.t du Nord), et sur les communes d’Evin, Courcelles et Le Forest (dép. du Pas-de-Calais). Cette conces- sion qui prendra le nom de Concession de l’Escarpelle, est limitée conformément au plan annexé au présent décret ainsi qu'il suit : au Sud-Est par la rive droite de l’ancien cours de la Scarpe à partir du point M où elle est coupée par une droite joignant le clocher de Courrières au beffroi de Douai jusqu’à l’axe du pont de Raches (point n), puis par l'axe de la route nationale de Douai à Lille jusqu’au point p de (145) “extraction , sa profondeur est de 203 métres. Une machine à vapeur de 30 chevaux y est établie pour élever les tonneaux de houille et épuiser les eaux. Cette fosse a traversé quatre couches de houille de 0" 55 à 2" de puissance qui sont inclinées vers l’ouest de 16 degrés environ. L'épaisseur exceptionnelle de ces couches ne s’est pas maintenue et n'était due qu’à un renflement tout-à-fait local. Une galerie de recherche a été dirigée, en effet , sur une longueur de 500 mètres vers le nord-ouest, dans une veine régulière de 0" 20 au plus. C’est ce qui a décidé la compa- gnie à faire creuser un nouveau puits au nord-ouest du premier, près de la station de Leforest. Ce puits est sur le point d'atteindre le terrain houiller. La mine de l'Escarpelle occupe 170 ouvriers , dont 140 à l'intérieur et 30 à l'extérieur, et produit annuellement 216,000 quintaux métriques ou 240,000 hectolitres de houille demi-grasse , semblable à celle des fosses de la Renaissance, Saint-Louis, etc., à Aniche. La valeur de ce produit est de 240,000 francs. La concession d'Aniche a été définitivément limitée par arrêt du Directoire exécutif en date du 4 messidor an V (1). Elle a une son intersection avec une droite tirée du clocher de Raches à celui de Wahagnies ; au Nord-Est, à partir du point p par ladite droite jusqu’au point r où elle est coupée par une autre droite alignée sur le clocher d'Evin-Malmaison et sur celui de Courcelles ; au Nord-Ouest, à partir du point r par cette dernière droite prolongée du côté du Sud jusqu’au point $ où elle est rencontrée par la ligne joi- gnant le clocher de Courrières au beffroi de Douai; au Sud-Ouest à partir du point $ par cette dernière ligne droite jusqu'au point de départ m situé sur la Scarpe; lesdites limites renfermant une étendue superficielle de 47 kilomètres quarrés 21 hectares. » { Extrait du décret de concession.) (1) Les étendues de terrain concédées successivement au marquis de Traisnel par arrêts du ro mars 1774 et du 25 septembre 1979, ont été réduites à 6 lieues carrées, conformément aux dispositions de la loi de 1591 sur les mines et leurs limites fixées comme suit : À l'Est par la chaussée de Marchiennes à Bouchain, depuis Marchiennes jusqu'à 460 toises au midi de la rive droite du vieux chemin qui conduit de Douai à Valenciennes; au midi par une ligne qui de ce dernier point se dirige sur le clocher d'Erchin, puis sur celui de Brebières jusqu'au che- min de Douai à Arras ; à l'Ouest par ledit chemin d'Arras à Douai jusqu’à cette (16) étendue de 11,850 hectares. On y connaît 22 couches de houille , dont 13 de charbon sec (Fosses Renaissance et Saint-Louis) et 9 de charbon gras (Fosses Fénélon et d’Aoust). Les anciens puits de la compagnie d'Aniche qui sont situés au sud des puits actuels ne produisaient que des charbons gras. Ils ont traversé 26 couches plus ou moins exploitables qui sont comprises entre celles d’Azin- court et celles des fosses d’Aoust et Fénélon ; maisil est probable que ces 26 couches ne sont pas toutes distinctes et que les mêmes veines se reproduisent plusieurs fois par suite du renversement du terrain au midi. Leur épaisseur varie de 0" 30 à 1"; moyenne, 0" 55. Il n'y a que 10 veines dont la puissance soit supérieure à cette moyenne. On n'exploite à Aniche que 14 couches qui ont de 0" 35 à 0" 80 de, puissance, savoir : 5 à la Renaissance, 5 à Saint-Louis et 4 aux autres fosses. L'inclinaison de ces couches va en augmentant du nord au midi. A la Renaissance, elles penchent de 30 degrés au sud ; à Saint-Louis, de 35 ; à d'Aoust , de 42 ; et à Azincourt , elles se redressent et se renversent même au-delà de la verticale de ma- nière à incliner toujours au midi. Leur direction peut varier beau- coup d’un point à un autre. Toutefois, en les considérant dans leur ensemble et les suivant sur une assez grande longueur, on remarque qu'elles courent moyennement de l'E.S.E. à l'O.N.0. A la Renaissance, la direction moyenne reconnue sur 1,500 mètres de développement est de E. 13° S. à O. 13° N. Dans l’ancienne exploitation d’Aniche, où les veines de houille ont été explorées sur une étendue de 4,500 mètres , elle a été trouvée de E. 290 $. à O. 200 N. C’est la direction générale du bassin à la hauteur d’Aniche. Les couches de charbon sec exploitées aux fosses de la Renaissance et Saint-Louis ont une allure très-régu- lière qui n'est interrompue dans un intervalle de 1,500 mètres dernière ville et de ce point en suivant la rive droite de la Scarpe jusqu’au Pont- à-Raches ; au Nord, en suivant la rive droite du Pont-à-Raches jusqu'à Mar- chiennes, (447) que par deux petits crains ou étranglements de 6 à 8 mètres d'épaisseur ; mais le faisceau de houille grasse qui se trouve plus au sud est beaucoup plus accidenté. A d’Aoust notamment, il est fréquemment traversé par des failles dans le sens de la direction et de l'inclinaison. Cette irrégularité est encore plus sensible à Azincourt et dans les anciennes mines d'Aniche qui, pour cette raison, n'ont jamais été très-productives. 5 puits [d'extraction d'une profondeur maximum de 350 mètres sont desservis par 5 machines dont la force totale est de 206 chevaux. 716 ouvriers, dont 545 à l'intérieur, recoivent 348,000 fr. pour 195,000 jour- nées. La production annuelle est de 1,100,000 hectolitres, dont 680,000 de charbon demi-gras (à 1 fr. l'hectolitre) et 420,000 de charbon maigre (à 0 fr. 90) valant ensemble 1,058,000 fr. Ces charbons sont employés pour les usages domestiques, le chauffage des chaudières à vapeur, la cuisson des briques, etc. L'acte de concession des mines d’Azincourt est du 29 décembre 180 (1). On connaît dans cette concession, dont la surface est de 870 hectares, 9 couches de houille dont 5 sont exploitées. L'épaisseur maximum de ces couches est de 0" 70 {veine N.° 5), et l'épaisseur minimum de 0" 35 {veine N.0 4). Deux puits d’'ex- (1) « Il est fait concession des mines de houille comprises dans les limites ci- après définies (communes d’Abscon , Aniche , Emerchicourt et Erchin , arrondisse- ments de Douai et de Valenciennes ), à MM. E. Lanvin, L.-J. Wacrenier, N.-V. Delaune, P.-A.-F.-G. Bossut, G. Toussin , J.-A. Toussin , P.-G. Ghiolin , A. de Saint-Franeau , E.-C. Grimonprez, L.-A.-C.-J. Lanvin, J.-F-M. Cheradame , FE.-L.-C. Colombier, A.-D. Bougenier, A.-J. Leclercq, A.-N. Taigny, P.-F.-G.-B. Carette, L. Minguet, Cirier-Deloine, Boudard-Horris, Deparis et A.-F. De- planque. Cette concession. qui prendra le nom de concession d’Azincourt est limitée ainsi qu’il suit : au Nord par la limite de la concession d’Aniche, depuis le poiut où cette limite rencontre la chaussée de Bouchain à Marchiennes , jus- qu'au clocher d'Erchin ; au Sud , par une ligne droite tirée du clocher d'Erchin à l'intersection des chemins d'Emerchicourt à Auberchicourt et à Aniche, et par une autre droite menée de ee dernier point à la jonction du petit chemin d’Azin- court avec la cliaussée de Bouchain à Marchiennes ; à l'Est par cet*e chaussée jusqu'à la rencontre de la limite nord de La concession d’Aniche , point de départ. (Extrait de l’ordonnance de concession.) (418) traction et deux machines à vapeur de 30 chevaux chacune. Pro- fondeur maximum des travaux : 318 mètres. 282 ouvriers à l'in- térieur et 76 à l'extérieur, recevant un salaire de 161,100 fr. pour 100,700 journées. Extraction annuelle : 400,000 hectolitres valant 400,000 fr. et employés à la fabrication du coke, au chauf- fage des chaudières à vapeur, des fours de verreries, etc. La production totale du bassin houiller de Valenciennes peut être évalué à 13 millions d’hectolitres ou 1,100,000 tonnes de houille (4) provenant de 84 fosses d’une profondeur maximum de 519 mètres desservies par 87 machines dont la puissance totale est de 2,543 chevaux-vapeur. Le nombre-d’ouvriers employés est de 9,400, dont 7,800 à l'intérieur. Ces 1,100,000 tonnes sont expédiées pour plus de moitié dans les départements voisins (Pas-de-Calais, Aisne, Somme, Seine, ete.), et il en reste dans le département du Nord de 4 à 500,000 tonnes qui sont consommées surtout dans les arrondissements de Valenciennes, Douai et Cambrai. L'arrondissement d'Avesnes ne consomme que des charbons belges, et ceux de Lille, Hazebrouck et Dunkerque n’entrent pas pour plus de 1/10° dans la consom- mation de houille française qui se fait dans le département. On concevra pourquoi les houilles de Valenciennes ne pénètrent que difficilement à Lille, si l’on compare leur prix à celui des houilles de Mons. (x) La production en 1843 a éte de 857.783 tonnes. en 1844 _ 927.176 en 1845 _ 945.803 en 1846 — 1.039.173 en 1847 — 1.990.141 en 1848 — 927.312 en 1849 — 903.386 en 1850 — 1.018.693 Tous les bassins houillers de France réunis ont produit en 1847, 45 millions de quintaux métriques pour une consommation totale de 66 millions. Ces dernières valent : L'hectolitre sur place. 2... ,.....: 0 S5 Annie dans Le (Etenon sis me de sue ste NM Frausport de Mons a Lille... ..... 0 25 Droits d'entrée en France, décime compris... 0 17 Octroi (12 centimes par quintal)......... OU 0 1 42 Tandis que celles de Denain coûtent : SHC: sos LE st SPA 1 00 Sun A One Land ste Mr amine srl 0 275 Transport de Denain à Lille. .............. 0 18 LÉ OESEAMER ET R E A LE 0 10 1 555 L'importation y compris le transit est moyennement de 1,600,000 tonnes, dont la moitié sort du département qui, par suite, acquiert pour sa consommation intérieure de 12 à 1,300,000 tonnes tirées pour les 2/3 des charbonnages belges. Il entre, en outre, par les ports de Dunkerque et de Gravelines une certaine quantité de charbon anglais (8,000 tonnes) provenant des environs de Newcastle : 3 à 4,000 tonnes sont consommées par les bateaux à vapeur et le reste est exporté pour la plus grande partie dans les colonies, après avoir séjourné en entrepôt. Il y a aussi une quantité d'environ 1,800 tonnes qui acquittent les droits et sont consommées dans la localité; mais c’est là une exception; car on ne consomme pour ainsi dire à Dunkerque que des houilles de Mons et d’Anzin. Voici les prix de ces divers char- bons rendus à l’intérieur de la ville : … Moxs L'hectolitré amibateat me NO 9D Droits d'entrée. . ER RS er NOR AP 1-17 Transport par Jérie canaux bel#e cnraatis es 0 40 OO UE eee RÉ IENERS SL Bteiet es SON TS 4 65 ANZIN. L'hectolitre aubatéausss ss rene TE © & © Franeport.s 0er srethnstineh ess et Qotrélis..tissss sense amenutnenex MSN ONÉS 4 755 BassiN DE NEWCASTLE. Les:#,000 kilog.smis à border 8e... 5: 00 Transport par mer (150 à 200 lieues)........ 8 75 ASBUTUE dsisies cisis ee ce Ce ne a NU LE OSEO MP RE LA A AT Eng 5 DRMDI Se eee ea celle nes ra NII AUTEUR 2 55 Soit par hectolitre de 80 kilog. ....... Hans DATE D) En 1850, il a été importé de Belgique 4,633,315 tonnes de houille et 118,099 de coke, dont l'équivalent en charbon est de (1) I faudrait en outre ajouter à ce prix les frais de magasin qui n'existent pas pour les autres charbons. On compte que la houille revient à Dunkerque de 9» fr. à » fr, 20 la razière de a hectolitres combles pesant 190 kilogrammes. hectolitre comble fait en volume 1 hectolitre et 1/5. {121 ) 202,468 ; total : 1,835,783 tonnes, dont 1,046,176 sont entrées par Condé. Ce dernier chiffre se décompose ainsi qu'il suit : Chargements dirigés vers l'intérieur par l'Escaut. 463,630 — descendant l'Escaut pour prendre la SÉATOR LS ns . 395,674 — Id. pour prendre à Mortagne les eaux belges....... 186,872 + 1.046,176 Le reste pénètre sur le territoire français soit par le chemin de fer, soit par la Sambre, soit par diverses voies de terre. Les 463,630 tonnes qui suivent l'Escaut sont exportées en presque totalité hors du département, sauf 10,000 environ qui restent dans l'arrondissement de Cambrai. Quant aux 400,000 tonnes que transporte la Scarpe, elles s'écoulent partie dans le département, partie hors du départe- ment, savoir : Vers Lille, Wazemmes, Armentières, etc... 240,000 1. PDU) RCE TERRE SAR sa RE . 16,000 NEAFrAR SL MOUI LRERL RNA, EUR FE Four 40:000 Par le canal de La Bassée............ 64,000 Sur les bords de la Deüle, entre Douai et Lille 40,000 400,000 Les charbons de Mons qui sortent du territoire français à Mor- tagne sont destinés pour la plupart aux cantons de Tourcoing Roubaix, Lannoy, etc. La majeure partie rentre en France par le canal de Roubaix: le reste suit la route de Tournai à Lille ou est dirigé vers Dunkerque par les canaux belges. Les arrondissements de Lille, Hazebrouck et Dnnkerque réunis ( 122 ) consomment environ 500,000 tonnes de houille. La consommation intérieure de Lille est de 1,200,000 hectolitres, dont 500,000 sont absorbés par les établissements à vapeur, 175,000 par di- verses industries et 525,000 par le chauffage domestique. Elle a été réduite à { million d’hectolitres en 1848. On peut admettre que la consommation moyenne de charbon dans la Flandre française est à peu près moitié de celle du dépar- tement du Nord tout entier, soit 600,000 tonnes. Les machines à vapeur qui entrent, à peu près pour 1j3 dans la consommation totale sont au nombre de 537 et ont une force de 6,968 chevaux- vapeur. On en comptait en 1850 : 63 dans l'arrondissement de Douai. 460 _ Lille. 6 — Hazebrouck. 9 — Dunkerque. Ces machines desservent 14 puits de mines, 254 filatures , 7 fabriques de cardes, de broches, etc. ; 47 fonderies et ateliers de construction ; 37 teintureries , fabriques d'indiennes, etc. ; 81 sucreries; 17 féculeries, distilleries ou brasseries ; 15 fabriques d'huile; 13 moulins à blé; 1 verrerie; 7 fabriques de céruse ; 4 plomberies ; 2 fabriques de bleu ; 4 fabriques de produits chi- miques ; à scieries de bois ; 2 ateliers de tourneurs ; 6 fabriques de chicorée ; 2 imprimeries et 13 autres industries. MINIÈRES. [n'y a qu'une seule minière de fer dans la Flandre. Elle est ouverte au milieu du terrain à cailloux quaternaire, sur le flanc sud du Mont-Cassel, près du chemin qui descend à Oxelaere {1). (1) C’est le sieur Grondel , marbrier à Cassel, qui en est propriétaire, (193 ) Cette minière est exploitée à cielouvert et fournit un fer hy- draté siliceux, en morceaux plus ou moins gros et plus ou moins riches, empâtés dans un mélange d'argile et de sable. 4 ouvriers à 4 fr. 50 extraient 4 mètres cube de pierre en douze heures ; mais on doit faire un triage pour séparer le bon minerai du grès ferrugineux impropre à la fabrication de la fonte et dont la proportion est très-variable. On crible aussi l'argile sèche pour en retirer les petits fragments qui s’y trouvent disséminés. Ces minerais pèsent 1,500 kilog. le mètre cube et peuvent rendre à l’essai jusqu'à 45 p. 010 de fonte. Ils coûtent sur place & fr. la tonne et 5 fr. rendus à la station de Cassel. Il faut comp- ter, en outre , 8 à 10 fr. de transport par chemin de fer de Cassel à Denain. Le propriétaire n’en a expédié que 468,667 kil. du 4.9 juillet 1849 au 31 mai 1852. La découverte de ce gîte date de 1849 ; mais il est douteux qu’elle soit d’une grande importance pour l'avenir. Les minerais de Cassel proviennent, suivant toute probabilité, de la destruction des couches tertiaires qui couronnent le sommet de la montagne. On observe, en effet, des grès ferrugineux semblables au Mont- Noir, au Mont-des-Chats et au Moulin-de-Boeschepe , soit dans le système tongrien, soit dans le système diestien. TOURBIERES. Les seules tourbières où l'extraction ait lieu régulièrement dans la Flandre française, sont celles des environs de Dunkerque. Chaque année pendant les mois d'avril, mai et juin, les fermiers font tourber une certaine étendue de terrain dont le produit est destiné exclusivement au chauffage domestique. Ils ont ainsi l'avantage de niveler le sol dans les parties où il présente des inégalités, de l’ameublir et de l'améliorer en enlevant la tourbe dont les principes acides brülent les récoltes en même temps que la chaleur due à la couleur propre de ce terrain. Tant que la (124) tourbe est mouillée, les tiges restent vertes; mais dès que le niveau d'eau descend et laisse la tourbe à sec, les plantes se flé- trissent et meurent. Les terrains de la plaine de Dunkerque dont la superficie est en général sableuse sont trop secs en été et sous ce rapport, l'extraction de la tourbe a encore pour heureux effet de rapprocher la terre végétale du niveau d’eau et de permettre de lui donner plus de consistance en jetant au fond des entailles le sable le plus pur et en ramenant à la surface l'argile qui ordi- nairement recouvre immédiatement la tourbe. Enfin ce combus- tüible procure des cendres qu'on emploie comme engrais en les mêlant au fumier des étables. Les principales tourbières sont situées aux environs d'Uxem et de Looberghe et produisent une tourbe ligneuse où abondent les fragments de bois. Elles sont exploitées en vertu d’une auto- risation donnée par le préfet sur le rapport des ingénieurs. L’ar- rêté rappelle les conditions à remplir pour sauvegarder les inté- rêts de la salubrité publique, la conservation des propriétés et la sûreté des ouvriers. Ainsi il prescrit de faire connaître chaque année par une déclaration adressée à la préfecture, le point précis où doit s’exécuter le tourbage, de donner aux parois des excava- tions un talus suffisant pour prévenir les éboulements, de rem- blayer les entailles tourbées au fur et à mesure de l'avancement des travaux au moyen des couches d'argile et de sable superpo- sées à la tourbe et de faire en sorte que le niveau du sol après le remblai soit supérieur à celui des plus hautes eaux. Ces mesures essentielles sont strictement observées et il n’en peut être autre- ment. Les terrains anciennement submergés des environs de Dunkerque ayant été acquis à la culture par l'ouverture de canaux de desséchement , il est d’un haut intérêt pour les propriétaires de ne faire aucune excavation permanente où les eaux puissent de nouveaux s'infiltrer. Pour que la tourbe soit exploitable, il faut qu'elle ait une épaisseur suffisante et qu'elle se trouve à une profondeur assez restreinte pour que les eaux puissent être enlevées avec facilité, (1%) A Looberghe, le gîte tourbeux à 1 m. 30 c. de puissance moyenne et est recouvert par une épaisseur à peu près égale d'argile et de sable. L'extraction s'opère au moyen du petit louchet qui a 20 c. de longueur sur 15 c. de largeur. La briquette de tourbe à done la forme d’un prisme carré de 15 c. de côté sur 20 c. de hauteur. On s'arrange de manière à ce qu'après le remblai, le niveau du terrain soit abaissé de 40 à 50 c. Aussi est-on souvent obligé de laisser au fond de l'excavation une tranche de tourbe plus ou moins épaisse. Dans les conditions de gisement que nous venons d'énoncer, on n’enlève que { m. en- viron de tourbe (cinq fers de louchet) en ayant soin de jeter celle qui provient de la première tranche et qui est de mauvaise qua- lité. On perd donc une partie notable de la couche (50 c.) tant par ce qu'on rejette que par ce qu'on laisse intact dans la pro- fondeur. Dans une exploitation active et bien conduite, les tra- vaux sont disposés comme on le voit (fig.18). Les entailles tourbées ont 2 m. de largeur sur 12 m. 50 c. de longueur. L’extraction a lieu dans l’une de ces entailles pendant qu’on remblaie l’entaille voisine en découvrant la tourbe sur une surface égale. Les eaux d'infiltration sont jetées dans une rigole qui aboutit au watergang le plus rapproché. J'ajouterai que pour prévenir la destruction des canaux, digues et chemins établis pour faciliter la culture des terres ainsi que des divers ouvrages d’art qui en dépendent , le réglement de police des wateringues défend d'extraire des tourbes à moins de 60 m. des dits canaux. On fait sécher la tourbe en la disposant en tas coniques sur le terrain tourhé l’année précédente, lequel recoit aussi la terre végétale qui re- couvrait le sol de la nouvelle exploitation. De sorte qu'une terre soumise au tourbage reste improductive pendant deux ans. Huit ouvriers, dont deux tourbeurs et trois remblayeurs à 2 fr. par jour, un brouetteur à 1 fr. 50 c., un chargeur à 75 c. et un arrangeur de pyramides à 40 c. par mille, peuvent extraire 7,006 tourbes en douze heures, ce qui porte à 525,000 le produit maximum d'une campagne de trois mois. Ces ouvriers sont diri- ( 126 ) gés par un entrepreneur auquel le fermier paie 3 fr. 50 c. par mille. L'arpent ou la mesure du pays, est de 44 ares et équi- vaut à 300 verges carrées de 3 m. 83 c. de côté. Sa valeur varie de 600 fr. à 2,000 fr. Une are pouvant donner environ 17,600 tourbes, en supposant une épaisseur exploitable de 80 c. ou de quatre fers de louchet, il en résulte qu'à Looberghe, une extraction ne s'étend pas sur plus de 30 ares dans le courant d'une année. Un fermier ne fait en effet tourber ordinairement qu'une demi mesure au plus, ren- dant environ 380,000 briques de tourbe. Ces briques se vendant 8 fr. 50 c. le mille, le bénéfice que le propriétaire partage avec le fermier est de 5 fr. par mille, ou de 1,900 fr. par demi mesure de 22 ares. Si l’on retranche de ce chiffre le produit que donne- rait cette surface pendant deux ans, si elle était cultivée, produit qu'on peut évaluer à 120 fr., il reste 1,780 fr. pour le bénéfice net acquis dans une période de deux années par suite de l’extrac- tion de la tourbe, abstraction faite des avantages qu'on retire de l'amélioration du terrain. La tourbe en se desséchant se contracte de la moitié aux 2/5 de son volume primitif. Un prisme de tourbe humide qui à un volume de 4 déc. cubes 1/2 se réduit en effet à 2 déc. cubes : 45 par le séchage (0 m. 12 sur 0 m. 12, sur 0 m. 17). La tourbe sèche à une densité de 0,7 à Looberghe. Une briquette pèse donc 1 k. 715. A Teteghem et à Uxem, le banc de Tourbe n'a que 0 m. 60 à 0 m. 80 (3 fers de louchet) d'épaisseur et se trouve à la profon- deur de 1 m. 20 environ. Il est, comme on le voit, notablement moins puissant qu'à Looberghe; mais la tourbe est de meilleure qualité et a un plus grand poids (0,850). Un morceau sec pèse 2 kil. et on en extrait environ 2,000 dans une verge carrée ou 13,000 dans un are; mais le produit d'une exploitation ne dé- passe guère annuellement 60,000 tourbes qui se vendent 1 fr. le cent. Trois ouvriers, dont un brouetteur épuisent en un jour une entaille de 9 à 10 mètres de longueur sur 1 m. 50 de lar- (127) geur et préparent une nouvelle entaille. On peut admettre qu'un ouvrier dans sa journée extrait 7 à 800 tourbes y compris le temps employé à déblayer et à remblaver. 25 tourbières sont ouvertes dans les communes de Ghyvelde , Uxem, Teteghem, Brouckerque, etc. Elles occupent environ 125 ouvriers et produisent annuellement 100,000 quintaux mé- triques , où 22,222 mètres cubes de tourbe représentant une valeur de 50,000 fr. CARRIÈRES. Le tableau récapitulatif par commune que nous donnons plus loin indique le nombre et l'importance des carrières de grès, de sable, de gravier et de craie ouvertes dans les arrondissements de Dunkerque, Hazebrouck, Lille et Douai. Toutes ces carrières sont à ciel ouvert à l'exception de celles de craie qui sont quelquefois exploitées à l’aide de puits peu profonds. Voici quelques détails sur les carrières souterraines de l'arrondissement de Lille. Le système d'exploitation consiste à creuser successivement à 7 ou 8 mètres d'intervalle des puits évasés qui ressemblent à des espèces d’entonnoirs renversés et dont la profondeur maximum est de 20 mètres jusqu'au niveau d’eau. L’extraction n’a lieu que durant la belle saison, les eaux étant trop élevées pendant l'hiver. Quand un puits est terminé, on en creuse un autre dont on jette les menus débris dans le précédent qu'on remblaie ainsi en partie. Ces puits sont circulaires et ont 4 mètre d'ouverture jusqu’à la craie solide. À partir de ce point, on les élargit de plus en plus jusqu’à ce que leur diamètre atteigne 7 et 8 mètres. Tous commu- niquent entr'eux par de grandes arcades de 4 mètres de largeur ; de sorte que quatre puits placés aux quatre angles d’un carré de 8 mètres de côté laissent entr’eux un pilier octogone dont l’épais- seur est de 4 mètres environ. Le service d’un puits est fait par quatre hommes dont un ouvrier et son aide à l'intérieur, recevant, (128 ) l'un 2 fr. 50, l’autre 1 fr. 50 par journée de travail, et deux à l'extérieur, dont le salaire journalier est de 1 fr. 50, et qui sont occupés à élever la pierre dans des paniers au moyen d’un treuil, L'ouverture du puits donne ordinairement assez de jour pour qu'on puisse travailler sans le secours d’une lumière. Les seuls outils en usage sont des pics, des leviers en fer et des pelles. Ce mode d'exploitation semble vicieux en ce que les parois des exca- vations surplombent au-dessus des ouvriers qui travaillent ainsi sous une espèce de voûte dont la clef, remplacée par l'ouverture du puits, manque; cependant les états transmis chaque année à l'administration prouvent que le nombre d'accidents est très res- treint. Des effondrements se produisent souvent pendant l'hiver, lors- que les travaux sont suspendus, et sembleraient exiger que chaque puits fût entouré d’une balustrade circulaire d’un diamètre égal à sa profondeur. Ces effondrements sont dus à l'infiltration des eaux qui, en se répandant au milieu des fentes dont la craie est sillonnée, font écrouler les puits sous l'action de la gelée. Les ou- vriers ont soin, quand ils rencontrent ces fentes, de laisser subsister au-dessous d'elles un massif qui puisse servir de sup- port et empêcher l’éboulement des parties supérieures. Leur sûreté personnelle exige aussi qu'ils sondent la pierre au fur et à mesure qu'ils approfondissent le puits. Si le son qu'elle rend, lorsqu'ils la frappent avec le pic, leur donne quelques doutes sur sa solidité, ils provoquent immédiatement la chûte des parois qui menacent ruine et modifient, suivant les cas, la forme intérieure de la cavité de manière à prévenir les accidents. Malgré ces précautions, il arrive quelquefois que la chûte de petits fragments de craie leur présage un éboulement prochain et alors ils se réfugient dans l’une des chambres voisines pour se mettre à l'abri du danger. Il doit donc toujours y avoir deux puits en communication dans l'intérêt de la sûreté des ouvriers. Il est aussi très-important dans le système d'exploitation suivi, que les cordes dont on se sert soient très-solides ; car les ouvriers étant fréquemment placés vers ( 429 ) le centre de la fosse, ne seraient nullement préservés de la chûte des matériaux en cas de rupture. Ces cordes ont 2 centimètres de diamètre, pèsent © kil. 260 le mètre courant et coûtent 2 fr. le kilogramme ; elles sont garanties pour deux mois et demi. L’ex- traction journalière par un puits est de 250 paniers contenant un demi-hectolitre et pesant 50 kilogrammes. On fait douze puits dans un cent de terre (8 ares 86), duquel on retire 5 à 7,000 mètres cubes de moëllons, suivant la profondeur des travaux. Chaque puits produit en moyenne 25 verges(1)ou 425 mètres cubes de moëllons et dure environ six semaines. Voici les conditions économiques de ces sortes d'extraction : On achète au propriétaire du sol le droit d'ouvrir une crayère moyennant 400 fr. par cent de terre ou par surface de 8 ares 86 et on paie en sus une indemnité de 20 fr. par surface égale pour les terrains occupés par les travaux et les dépôts de moëllons. L'extraction se donne à l’entreprise à raison de 10 à 12 fr. par verge de 17 mètres cubes, non compris les frais d'outils, cordes, treuils, etc., qui sont à la charge de l'exploitant. Le mètre cube revient sur place, d'extraction, d’indemnité et de frais accessoires, à 0 fr. 75 c. Une partie de la craie provenant des carrières de Loos et d’'Es- quermes, est expédiée en Belgique et dans les environs d’Armen- tières et de Nieppe par la Deüle et la Lys, pour être convertie en chaux destinée surtout à l'amendement des terres. Les registres de l'octroi de Lille constatent que chaque année il en passe envi- ron 200 bateaux ou navées contenant ensemble de 25 à 30,000 mètres cubes. La navée de Loos contient 8 verges ou 136 mètres cubes de moëllons et coûte 300 fr. rendue au bateau, soit 2 fr. 20 le mètre cube. Ce prix de 2 fr. 20 comprend 1 fr. de transport des carrières au canal. (1) La verge est une espèce de pyramide tronquée à base carrée qui a à-peu-près 9 pieds de haut sur 10 de largeur à la base et 5 au sommet, Sa contenance est de r7 mètres cubes, 9 ( 130 | Un mètre cube de moëllons récemment extraits pèse 4,000 kil. Ce poids est réduit à 850 kil. par la dessication. Les silex qu'on retire de la craie valent 3 fr. le mètre cube sur le carreau et reviennent à 6 fr. aux environs de Lille. On ne compte pas moins de 45 carrières de craie dans les arrondissements de Lille et de Douai, lesquelles occupent environ 225 ouvriers et produisent annuellement 70,000 à 80,000 mètres cubes. Il n’y à qu'une très-petite quantité de moëllons qui soient taillés pour être employés comme pierres de construction. La carrière d'Annappes est peut-être la seule qui fournisse spéciale- ment pour cet usage une craie chloritée semblable à la pierre d’Hordain. Presque toute la craie extraite aux environs de Lille et de Douai est donc destinée aux fours à chaux du département et de la Belgique. Le sable est employé à la confection des briques, à la fabrication du mortier et aussi à l'entretien des routes avec les grès et le gra- veir. En admettant que la construction absorbe annuellement 240,000 mètres cubes de maçonnerie (article Briqueterie), comme il entre dans un mètre cube 3 hectolitres, 38 de mortier renfer- mant = de sable, la quantité de sable afférente aux constructions serait de 54,000 mètres cubes (1). Les briqueteries en consomment 15,000 {méme article ; À hectolitre par mille briques). Enfin, l'en- tretien des routes nationales, départementales et des chemins vici- paux de grande communication, dont le développement est de 951 kilomètres dans la Flandre, exige, année moyenne : 20,715 mètres cubes de sable au prix moyen de 5 fr. le mètre cube rendu à pied d'œuvre, 970 de grès à 200 fr, le mille et 7,268 de gravier au prix moyen de 7 fr. 50 le mètre cube (2). Le sable est tiré de Béthune et de Saint-Omer, les grès de la même localité et de (1) Les registres de l'octroi constatent qu’il entre à Lille, dans une année, 14,800 mètres cubes de sable. (2) Ces derniers chiffres m'ont été communiqués par M. Lamarle , ingénieur en chef des ponts-et-chaussées. (131) Quenast | Belgique), et le gravier du hameau des Fontinettes , près Saint-Omer. Les carrières de grès et de gravier ouvertes dans la Flandre française sont peu importantes. Mais il n’en est pas de même des sablières qui sont au nombre de 90 à 100 et qui ne fournissent pas moins de 200,000 mètres cubes à la consommation. Une des sablières de Cassel, exploitée par MM. Moisson et Ci, a fourni à elle seule, pour le chemin de fer de Dunkerque, 150,000 mètres cubes à raison de 2 fr. 50 le mètre rendu à la station de Cassel et mis en tas sur 5 mètres de hauteur. Cent ouvriers étaient employés à cette extraction qui produisait par jour 460 mètres cubes de sable. On payait aux ouvriers 0 fr. 40 par mètre cube et 0 fr. 75 de transport jusqu'à la station. Le sable se vend en général 0 fr. 75 le mètre cube sur place. Celui d'Ostricourt revient à 2 fr. 60 rendu à Seclin et à 4 fr. 56 rendu à Fives. Le gravier des Fontinettes passé à la claie coûte 2 fr. 50 mis en bateaux et revient à Lille a 6 fr. Les grès de Bé- thune (1.' classe, de 48 à 20 centimètres) valent 250 fr. le mille y compris la mise en bateaux, et 300 fr. rendus à Lille. On em- ploie aujourd'hui de préférence les grès en porphyre de Quenast qui reviennent à peu près au même prix et qui ne coûtent que 150 fr. sur la carrière. (132) ARTS MINÉRALURGIQUES. BRIQUETERIES. Le nombre de briqueteries qui existent dans la Flandre fran- caise est considérable. On n’en compte pas moins de 150 dans les quatre arrondissements de Dunkerque, Hazebrouck, Lille et Douai. L’argile jaune du limon est le plus souvent la matière pre- mière qui donne lieu à ce produit. Toutefois les argiles d’alluvion de la vallée de la Lys et de la plaine de Dunkerque servent aussi à la confection des briques, et ces dernières ont même des qualités supérieures à celles fabriquées avec le limon argilo-sableux des plateaux. Aussi sont-elles en général d’un prix plus élevé : Les briques jaunes valent 18 fr. le mille aux environs de Dunkerque et celles de Deulémont 14 fr. 75 rendues à Lille, tandis qu'aux Moulins, à Wazemmes, à Roubaix, etc., le mille ne coûte que 12 francs. Les briques ont généralement 21 centimètres de longueur sur 10 de largeur et 5 d'épaisseur. Chacune pèse 2 kil. 1/4. Un mètre cube de terre non remuée en donne 750. On les fabrique partout en plein air par le procédé hollandais. Des ouvriers du pays extraient en hiver l'argile que d’autres manipulent dans la belle saison. Voici comment on peut établir le prix de revient du mille de briques aux environs de Lille : Main-d'œuvre. — Un ouvrier bèche moyennement dans sa journée, 20 mètres cubes de terre et gagne 0 fr. 10 par mètre, ou par 750 briques, soit par mille 0,13 On admet que cet homme peut extraire en 150 jours A reporter. . . 0,13 (433) Report... 0,13 une quantité de terre suffisante pour alimenter trois tables produisant chacune 750,000 briques durant une campagne de six mois. Une table est desservie par une brigade de 6 ouvriers, ordinairement belges, dont 1 mouleur, 1 déméleur, 1 brouetteur, et 3 ga- mins ou femmes pour porter les briques, le sable et l’eau. Ces ouvriers sont payés ensemble à raison de PU MAOUIE ne LL Ne cdd cie 1 ce SZ UN Un mouleur fait au moins 7000 RE rte ls ment (1). Sable. — 11 faut par mille briques un hectolitre de sable à 3 fr. 50 le mètre cube (Prix moyen). . . . . 0,35 Enfournement. — L'enfournement a lieu à raison dé 2°ir: 35 panaille Daiquest. 2 hate tit 90 Combustible. — On consomme par mille briques { hectolitre 1/2 ou 135 kil. de charbon de Fresnes à 1'fc. HO l'bhectoltre eo MMM, Bal THON 102 9 2,25 Défournement.— Le défournement est opéré par les ouvriers qui extraient l'argile. Il se paie aussi aux mille briques à raison de 0,50. . . . . . . . . . 0,50 Frais divers. — Les paillassons pour couvrir les briques, les planches qui servent au brouettage, l'en- ABTÉDOT(Er. ,U:, 42 410708 (1) Les 14 fr. que gagnela brigade en une journée de travail sont répartis entre les ouvriers de la manière suivante : Mouleuss.02 AMAROIOU St ' Démelente 020% css 3, 95 Brouetteur, . . . « : 2, 51 GARE. 3, 33 134) Report. tretien des brouettes, des tables et de tous les acces- soires d'une briqueterie donnent lieu à une dépense qui peut être évaluée par mille briques, à 0 fr. 50. Location de terrain. — On compte par table 3 cents de terre (3 fois 8 ares, 86). Chaque cent coûte 20 fr. de location par an, plus 400 fr. d'indemnité une fois payée pour la moins value du terrain après l'extraction de l'argile. En supposant à la couche exploitable une épaisseur de 1.50, on trouve que cette dépense s’é- lève par mille briques à 0 fr. 48. . . . . . . Déchet. — Tel serait le revient des mille briques si l'on faisait abstraction du déchet ; mais celui-ci est loin d’être négligeable et on l’évalue à 1/6 au moins, soil. + sanmad: lt c6t4 mené) 1 I y a des briques vitrifiées qui ont perdu leur forme et dont on se sert pour les fondations de bâtiments ; celles des parois qui n’ont pas été assez cuites sont reportées dans une nouvelle fournée, ou on les emploie pour les murs de refend ; enfin celles qui sont brisées servent à empierrer les chemins vicinaux. Ces briques se vendent moitié moins cher que celles qui sont bien cuites et bien réussies. Les mauvaises briques concas- sées entrent aussi dans la composition du béton. Elles coûtent 4 fr. 50 le mètre cube, cassage compris. Intérêts de fonds. — Enfin il faut tenir compte des avances de fonds. Le crédit accordé étant d’une année environ, les 8 fr. 82 produiront pendant ce temps un un intérêt de. . . . . . Total 6,58 0,50 7,56 8,82 0,44 9.26 (135) Les grandes fournées contiennent { million à 1,200,000 briques: et on n'en fait guère où il en entre moins de 400,000. Ea cuisson dure 20 à 25 jours. Les briques des Moulins reviennent à Lille rendues à pied d'œuvre à 13 fr. 50 le mille (1). Les 150 briqueteries qui existent dans la Flandre française, produisent environ dans une année 150 millions de briques repré- sentant une valeur moyenne de 1,800,000 fr., et rapportent à la classe ouvrière la somme de 600,000 fr. qui se répartit entre 2250 ouvriers. Les débouchés étant concentrés près des lieux de fabrication, la production annuelle exprime aussi la consommation locale du pays, et comme il entre 630 briques dans { mètre cube de maçonnerie, on peut en conclure que l'importance de la cons- truction est de 235 à 240,000 mètres cubes dans une année. POFTERIRES. Il y à dans les arrondissements de Douai, Lille, Hazebrouck et Dunkerque , 60 fabriques de pannes et poteries diverses qui sont établies dans les communes de Watten, St.-Momelin, Pitgam , {arrondissement de Dunkerque); Wormhout, Lederzeele, Bolle- zeele, Rexpoëde, Steenvorde, Renescure, Morbecque, Haze- brouck, Merville, Caestre, Bailleul (arrondissement d'Hazebrouck); Fives, La Magdeleine, Marcq-en-Barœul, Lomme, Haubourdin , Templemars, Avelin, Phalempin, Wahagnies, Moncheaux, Ber- sée, Templeuve, Mouchin, Cysoing, Hem, Roubaix, Watrelos, Halluin, Armentières, La Bassée (arrondissement de Lille); Douai, Raches, Orchies, Landas (arrondissement de Douai). Le nombre total des fours est d'environ 130. (1) I entre annuellement à Lille, d’après les registres de l'octroi près de 13 millions de briques. (12,922,034 : moyenne de ro ans.) (136) Les produits de ces usines consistent principalement : 1.0 en carreaux et pannes; 2.° en poteries grossières vernissées et non vernissées ; 3.° en tuyaux pour cheminées (1). M. Salomon, à Fives, confectionne en outre depuis quelque temps des tuyaux de drainage au moyen d’une machine analogue au tubuforme mécanique qui sert à la fabrication des tuyaux de plomb. On fait aussi des briques réfractaires, notamment chez M. Bon- el à Haubourdin, où les meules sont mises en mouvement par une machine à vapeur de la force de trois chevaux. La glaise ypresienne alimente exclusivement toutes les fabriques de poteries de la Flandre qui sont placées pour la plupart sur les affleurements de ce terrain, On mélange à la glaise environ moitié d'argile jaune pour prévenir les bris qu’entraînerait le retrait d’une argile trop pure. La houille est le seul combustible consommé. On cuit dans des fours qui peuvent contenir au plus 2,500 carreaux et dans lesquels on brûle 14 hectolitres de charbon par fournée. Les pannes, car- reaux et poteries diverses sont exposées pendant douze heures consécutives à une flamme ardente , et on défourne trois jours après la mise à feu. M. Salomon fait 300 fournées par an avec quatre fours et pro- duit pour une valeur de 30,000 fr. Un carreau a 19 centim. de côté sur 27 mill. d'épaisseur et pèse 2 kil. Un mètre cube de terre en donne 700. Une panne pèse autant qu'un carreau mais coûte un peu moins de façon. Elle à 35 centim. de longueur sur 24 de largeur, et 12 millim. d'épaisseur. Il y à en général pour chaque four cinq ouvriers qui gagnent moyennement 1 fr. 70 c. par jour. Chacun d’eux peut mouler en (1) L'argile du pays n'est pas propre à la fabrication des poteries dites de grès. (137) dix heures 700 carreaux ou pannes qui lui sont payés 0 fr. 30 le cent. Mais ces pièces exigent une manutention beaucoup plus mi- nutieuse que les briques et sont retouchées à trois reprises diffé- rentes avant d’être passées au four. La main d'œuvre coûte en effet 9 fr. par mille carreaux, tandis qu'elle n'est que de 2 fr. par mille briques. ‘ Voici les prix des produits qui sortent de ces usines : LU FA nus mE dass lose.act ..chwng6fr. le 100. Poanmesniunt -alonNuail 4 2 Re s o fr se) Briques réfractaires. .,...... ........ 15 fr Soupières de 0 "25 de diamètre. ..... 0,50 la pièce. Pots à fleur de 0" 08 à0m925........ 0,02 à 0,20 2.0 4 Telles à lait (0" 40 à Om 45 de Lane 0,60 à 0,75 Chaufferettes à manche. ........ ses LUS TU . Cruches de 0"35à 0" 45 de pop ent 0,50 à 0,75 Tuyaux de cheminées de 12 à 22 cent. de diamètre. 0,70 à à 1,70 Ie mètre courant. 3.9 ( Tuyaux de drainage. 28 fr. les mille tuyaux de 0 " 30 de longueur sur 0 "05 de diamètre intérieur et 0 m 02 d'é- paisseur. 18 fr. ceux dont le diamètre est de 0" 03. \ On fabrique annuellement pour une valeur approximative de 800,000 fr., et on emploie 650 ouvriers qui gagnent en salaire à peu près 200,000 fr. (1) (1) Les registres de l'octroi constatent qu'il entre chaque année à Lille, à : CR 1,911,608 tuiles, paunes , faitières, etc. (138 FOURS A CHAUX. On compte dans la Flandre française 68 fours à chaux, dont 15 à Dunkerque, Coudekerque-Branche , Hondschoote, Bergues, © Watten, Saint-Momelin, Wormhout, Lederzeele, (arrondisse- ment de Dunkerque) ; 6 à Hazebrouck, Nieppe, Haverskerque , Vieux-Berquin (arrondissement d'Hazebrouck); 33 à Armen- tières, La Bassée, Marcq-en-Barœul, la Magdeleine, Lomme, Wazemmes, Esquermes, Loos, Haubourdin, Seclin, Phalempin , Avelin, Faches, Lezennes, Ronchin , Bouvines, Cysoing, Bour- ghelles, Wannehain, Baisieux , (arrondissement de Lille); 14 à Douai, Hornaing , Fenain, Aniche , Auberchicourt, Masny, Le- warde, Bugnicourt, Auby, Lambres, Esquerchin, (arrondissement de Douai.) Tous ces fours marchent à la houille et n’emploient comme matière première, que la craie blanche des environs de Lille , de Douai ou de Saint-Omer. Ils ne produisent que de la chaux grasse dont les agriculteurs font une consommation très-considé- rable. On l'emploie aussi pour les constructions concurremment avec la chaux hydraulique de Tournai qui est plus spécialement réservée aux fondations. Il faut encore ajouter à ses débouchés principaux , diflérentes industries telles que les sucreries, les sa- vonneries, les teintureries, les fabriques de produits chimiques , de gélatine, de gaz d'éclairage, ete. Les fours ont la forme d'un cône tronqué renversé avec quatre ouvertures à la partie inférieure par lesquelles s'écoule la chaux. Quelques-uns sont munis d'un grille à barreaux mobiles placés au-dessus d’un plan incliné qui facilite le défournement. Ces derniers ont un avantage marqué sur les autres , en ce que le tirage y est plus actif et la calcinalion plus parfaite. Tous ces fours sont construits en briques. Leurs dimensions sont très-va- riables. On peut admettre qu'un four moyen a une contenance de 10 mètres cubes et fournit par jour environ 50 hectol. de chaux. (139 ) La calcination a toujours lieu à feu courant. Pour 100 hectolitres de chaux , on dépense : 11 m. c. 50 de moëllons à 2 fr. 05 le mètre cube. Nous supposons que le chaufournier ne soit pas lui- même extracteur et tire la craie d’une carrière située à 3 kilomètres environ de son four à chaux. . . . CAT 20 hectolitres de houille maigre à 1 fr. 50. . . . 30,00 Frais de fabrication. — Un ouvrier entrepreneur recoit 0,10 c. par hectolitre de chaux, y compris le cassage , la cuisson et la mise en voiture. . . . . 10,00 Frais d'établissement, entretien des outils, etc. . 3,00 66,57 Déchet pour pierres non cuites (1/10). . . . . . 6,65 Total. 1:25, 0073722 Tel est le prix de revient de la chaux choisie destinée aux plafonneurs , laquelle revient à Lille à 1 fr. 20 l’hectolitre trans- port et droits compris (4). Le poids de l’hectolitre de chaux est de 54 kilog. Les fours à chaux marchent en général la moitié du temps. Ils occupent environ 272 ouvriers pour une production annuelle de 61,200 mètres cubes. Aux environs de Tournai et de Basècles, sont établis 70 fours à chaux, dont les plus grands donnent jusqu’à 40 mètres cubes de chaux en vingt-quatre heures. [ls consomment 2 hectolitres 4/2 de houilice par mètre cube de calcaire à calciner et produisent de 4 à 500,000 mètres cubes de chaux dans une campagne de 8 mois. Les renseignements fournis par l'administration des douanes indiquent que l'importation s’est élevée en 1850 à 24,462,929 kil. de chaux hydraulique provenant de ces localités. (1) Il entre à Lille annuellement 18,426 hectolitres de chaux du pays, et 42,336 de chaux hydraulique ou de cendrée de Tournai. | 140 VERE Il y a quatre verreries dans la Flandre française, savoir : une à Dun quelques renseignements statistiques sur ces établissements. (1) | OUVRIERS MATIÈRES PREMIÈRES ÉLABORÉES. | employés. | | NOMS au CET NC on LL mic | : ; © [Journées Poids moyen des établissements. À de Salaires. Naite, a 0 © | travail. ou volume. | ou def | CS l'hectoll}, Verrerie de Dun-| 35 | 8500 | 19000 |Sable. 1650 hect. | 0 50 à kerque. Sulfate de soude. 580 qx. 25 Cendres lavées. 3000 hect. 2 | Croutes de sel. 260 qx. 16 | Vase de mer. 1350 hect. | 0 0 | Groisil. 2080 qx. 3 | Terre réfractaire. 200 qx. 9 | | | | | | | | | —————_———_——_—_———————————"— | VerreriedeDouai| 40 | 10000 | 22500 |Sable. | 2000 hect. | ë, 40 (ville). Sulfate de soude. 700 qx. Cendres de bois. 3600 Hot. &- Croutes de sel. 200 qx. 18 Groisil. 2500 qx. 5 À Terre réfractaire. 250 qx. 8 ] VerreriedeDouail 50 | 12500 | 28125 |Sable. 2500 hect. 0 (banlieue). Sulfate de soude. 875 qx. 24 Cendres de bois. 2500 hect. 2 Croutes de sel. 250 qx. 18 Vase de mer. 2050 hect. 1 Groisil. 3125 x. 5 Terre réfractaire. 310 qx. 8 } f ! Verrerie d’En- | 200 | 60000 | 213000 |Sable blanc. 24000 hect. | 0 | Haut, à Ani- Sulfate de soude. 7200 qx. 24 4 che. Calcaire. 8000 qx. 0 Oxide de manganèse 32 qx. 85 Acide arsénieux. 128 qx. 65 Charbon de bois. 160 qx. 7 Groisil. 1440 qx. 10 Terre réfractaire. 3200 qx. »1 (1) Ces renseignements ont été recueillis en 1849, (141) I1ES. erque, deux à Douai et une à Aniche. Voici, sous forme de tableau, COMBUSTIBLE PRODUITS ORIGINE CONSOMMÉ. FABRIQUÉS. ne DÉBOUCHÉS SL. Qu ir. matières premières des OBSERVATEONS, Poids F du | Quantité. | Prix. cure odutte. bu volume.| ou de combustibles, l'hectol. 14130 ax. 2 25 | 700000 15 fr. [Sable de Cassel. | Les départ.1s | 1 four à 8 de houille. bouteilles | le cent. |Soude d'Amiens |voisins, celui! pots. — En commu- ef Lille. de la Seine, chômage nes. Sel desraffineries| le Hâvre, | depuis plu- de Dunkerque. |[Rouen,l’Amé-|sieursannées. Vase du port de rique. Dunkerque. Groisil de Paris. Terre à pots de Forges. Houille d’Aniche. 16150 | 1 50 | 850000 | 15 fr. [Sable de Béthune| Le Nord, |1 four à 6 bouteilles.| le cent. |Terre réfractaire! la Somme, pots. de Belgique, etc.|la Seine, etc. 20187 1 50 | 1000000 | 15 fr. [Sable des envi- Id. 1 four à 8 de le cent. | rons de l’usine| Les dames- pots. bouteilles. et de Compiè-| jeannes 50000 45fr. | gne, etc. s’expédient dames- | le cent. dans les colo- jeannes. nies. 96000 qx.| 1 30) 24000 |32fr. la|Sable de Béthune Le Nord et lal 5 fours à 8 ehouille. caisses de| caisse. |Soude deSt-Gobin Seine surtout.! pots dont un 6400 11 »|60 feuilles Manganèse et ar- inactif. Une stères de chaque. senic d’Allemag. machine à bois. Calcaire de Bel- vapeur de 15 gique et de Mar- chevaux pour baix (arrondiss. le broyage d’Avesnes), etc. des matières. 10 (14) TABLEA PRÉSENTANT PAR COMMUNE LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE DU SOL ; LA NATURE DES SUBSTANCG DESCRIPTION NOMS À \ géologique sommaire du COMMUNES. SOUS-SOL. ARMBOUTS-CAPPEL | Alluvions modernes. (Sable, argile glai- | seuse el tourbe.) Alluvions modernes... Système ypresien. BISSEZEELF.. . . | D 1 | | | BERGUES. . Alluvions modernes. . Alluvions anciennes. MDFOBIBNS: ee ane Alluvions ancivnnes.. Wpresien..”. | : Alluvions anciennes. XPrOSION = e0Ce Aïlluvions modernes. . BIERNE. . . . CROCHTE.. . . . Alluvions anciennes. NOTORIÈN, 1-16, ERINGHEM. . . . Alluvions modernes. Alluvions anciennes.. YDIESIER T1. LE Le Alluvions modernes. Alluvions anciennes. XDresiEn,. EU Alluvions modernes. Alluvions anciennes. Ypresien. Alluvions ARR Alluvions anciennes... MDrESIENS - ee Luce Alluvions modernes. Alluvions anciennes. Ypresien. . . -. dus Prraun. . . . | | QUAEDYPRE, . . STRENS. . . . . Wasr-CaPreL.. - EDpresien.. . 4.1. Wrpss . . : : Xpresien:.! 2114 BOURBOURG - Ville , . . . |Alluvions modernes. BOURBOURG - CAMPAGNE. . . |Alluvions modernes” BROUCKERQUE. . |Alluvions modernes. CAPPELLEBROUCK. 4 Alluvions modernes. Alluvions anciennes. presence DRIN6BAM. . . Argile glaiseuse.} 4 Alluvions anciennes. Alluvions anciennes. Alluvions modernes. | SUBTANCES MINÉRALES EXPLOITÉES. s c 4 = Prost NOMS È ä aunuel A ? NATURE. des E£| e DEBOUCHES. PROPRIÉTAIRES. [22 | MAS 6 |: à | cubes. Carpentier -Bi- | gorne... . . | Veuve Oulters. Jean Cailleau.….. Sable 2e Eee 2 2 : Gontier. Dee 3 Ciesen. { LÉ Argile jaune... . £ : Meesemaecker. . £ Argile glaiseuse.| 2 Ha pandenr | 2 Dehaye 1 SADIE Ar 34 VeuvéDeherripon| 4 DavES- 1. ce 1 TOUNHE SES. 4 |Lebureau de bien- faisance . 3 Argile glaiseuse.| 4 |Beens.. . . .. 3 Wissocq.. 43 Tourbe . 2 |coppey. . . . & |... : MR hnE Arrondissemen CANTON D La commune et celles enwi ronnantes. . .,.4..4 0 | 2 | 4 4500! Canton de Bergues. CANTON E : | : 410C0| Dunkerque et Calais. 1000 Id id. 100! Bourbourg-Ville et Campagn 40 Id. id. 80 Id. id. 2106| La commune... . . . . . 3000! Bergues, Dunkerque, St.-0me OPGOIAIS. . … se ‘4 h Et } La commune et les environ$ (143) ÿTATISTIQUE TILES EXPLOITÉES ET NON EXPLOITÉES, LA POPULATION ET L'ÉTENDUE SUPERFICIELLE. UTILES Population par Étendue COMMUNE NON _ de chaque OBSERVATIONS. EXPLOITÉES. 4.er janvier | commune. 4846. RE | RS A PC PP SR e Dunkerque. is | | | hect | Tourbe, sable.. . . . . .| 833 | 937 89 Le sous-sol est généralement du sable pur. . . | 5967 | 454 Où La commune de Bergues est limitée à ses murs d'enceinte. | | Tourbe, ete... .....| dl4 | 1089 63 | Argile jaune. | | | Glaisc. | | Argile jaune, etc.. . . . . 192 347 38 Glaise. | | Argile jaune, etc... | 156 | 762 22 Glaise. | | ROUrDE EC. 0. € 719 4139 82 | Argile jaune. | Gla se. | MTourbe, etc... * . . . | 539 551 95 Le sable ne s'extrait que dans les terrains dont le sol est assez élevé Argile jaune. | pour qu'on n'ait pas à craindre d’inondations. | Glaise. | MTourbe, sable.. . . . . . 4695 2293 45 Sous-sol glaiseux, argileux ou sableu ; | Argile jaune, gravier. | Glaise. Mtourbe, elc.. . . . . . . 4875 4821 81 La terre cultivable a en général une épaisseur de 22 centimètres. Argile jaune. Sous-sol] la plupart du temps argileux. Glaise. | Tourbe, etc. | 719 193 64 Les deux briqueteries ont été établies par la compagnie du chemin | | de fer, en 4847. | Glaise, | tourbe; etc.. … _. . . « 834 4076 20 | Argile jaune, sable. Glaise, PATPIORAUNE 0.0 - | 962 745 77 | Glaise. | Argile jaune, sable. . . . | 359 249 23 L'épaisseur de la terre labourable n'est que de 5 à 40 centimètrea. Glaise,. l Le sous-s0] consiste en terre glaise. BOURBOURG. BAS NE ES 2503 21 95 La commune de Bourbourg-Ville est limitée à la ville elle-même. L'orge est la spécialité commerciale de Bourbourg On en expédie considérablement à Lille, Valenciennes, Cambrai, St.-Quentin, etc. | MANEDE- 2 es + + 0 2325 784 2% Les briques de cette localité sont très-recherchées comme toutes celles qui sont fabriquées avec l'argile glaiseuse des alluvions à modernes. : É a | bles M. 0: + … La seule tourbière qui existe actuellement dans cette commune a le 948 1487 58 43 ares d'étendue ; on extrait pendant deux mois 46,000 tourbes qui | sont distribuées aux indigents, Sous-sol sableux. Rd oise à à 4487 471 37 Le nombre total d'ouvriers attachés à la briqueterie est de 25. Hourbe,etc.. . . . , ‘« 260 336 22 Argile jaune. Glaise. ( 144) SUBSTANCES MINÉRALES|] OMS DESCRIPTION = = géologique sommaire TS ; RE. | es | æ | Produit du NOMS [2 & | annuel COMMUNES NATURE. des EE) DÉBOUCHÉS. SOUS-SOL. ñ © | mètres PROPRIÉTAIRE. Ca rs eubes. HOoLQuE - . . . |Alluvions modernes : . | à . . . . . a RS se ee | : Ë | eus Se ce tale 4 Argile glaiseuse.| 4 [Fauvel. . . . . 2 LE F Hocquette. . . . SADIBS 1. 34 Smecchaert. . . ? à 300 GONE ES Alluvions modernes. Hocquette. . . . Facqueur. . . . LOOBERGHE. . . Grenou . PILOTES ER Tourbe. . . -. 1 OC Gardi 250 20 | 7200 Dron tete. DriPlx ee. 0. Dreux cie - Lecocq. .:. . - Alluvions anciennes..| . . . . . . . . Ho lle: 106 01078 BE ee l'ARN «7. | MDÉERIENS. deteste ee Ut sels. TUEUR ae PC LE PROMO Re TO Alluvions modernes. |Tourbe.. . . . . | 4 |Winoc. . . . . IQ PEN NÉ EC REORE SC Hi EUROS MizLam.. . . . 9 Alluvions anciennes..|Gravier. . . . . | 4 |Veuve Heban AE . |. |Chemin de Millam à Lederzeelt INCONNU ES DORE 20 ST RS RER RE Re À AUUVIONS ANCIENNES A er 2. 02. ils delle ele soie ill lle ctlheeateiete he ce. MOMELIN(SAINT-), { Ypresien . . . . . . Glaise NI OR ele Pannerie de Watten. SAINT - PIFRRE- { Alluvions modernessile de à ae Le nirsilé chose AIRE ES CS ARE BROUCK.. . . . Scene. OA MAINViONS morernes let. ue 2 elle led tie |... LES 1e 45. CNE ANS Alluvions modernes..| . . . . . . . . RON ESRAT Pr QUE A PA | RL CE Ur SRG ER WATTEN . . . . à Alluvions ancionnes..| . . . . . . . . bag 014 de RE. DU NE NET RE Le YDrESEN PA UE UNE ER FT |... | EL MAT CRE à | ARS RAM AC RSR AE ARE ro ae rl EE SN: "0 CANTON I COUDERERQUE . . tri modernes... |Sable ; tourbe. . |. . [. . . . . . . . Les habitants de la commune COUDERERQUE- Sable d : Les habitants de I: BRANCHE . . ; 4 Alluvions modernes. |Sable des dunes..| . . |. . . . . . . . es habitants de la conne DUNKERQUE. . . sus Moderne IL rene CONTRE NN SET Er Ce CCR ES ÉRPFENCEROULE, I ALIUVIONS MOETNES: 1e + de eee. eillene le CPS ONE MEET EE Ne RE Faveau: ."2", . | Wispelaere... . q à : s L'ANTOUHE: 0. L'RÉMES AEE 16 923 |La classe pauvre de la comn TETEGHEM . . . < Alluvions modernes. Lresanoote À et les communes limitropht Li same thé ou HAS TEST ETARE [NS . Les habitants de la commun ( Vanlansdschoote. | UxEM . . . . . < Alluvions modernes. ; Tourbe. . . . . 34 V.eBaccheroot.. ? 8 | 260 |La localité . . . . . . . 2 l Manthé. . . .. | Zuypcoote. . . } Alluvions modernes. | . . . . . 4! ANUDI. . ON late URL TS CT CANTON | Pa Alluvions modernes. |Argile glaiseuse .| 4 |Vermesch,. . . | 3 | 3200 [Dunkerque et environs... . Manpyck. . . . }Alluvions modernes..| . . . . . . . . OU ENE NE ee den se Gaaxve-Synrue. |Alluvions modernes... |Argile glaiseuse.| 4 |Hurtrel. . . . . 1 &85 |La commune et les villag circonvoisins. . . . . PenTE-SyNTE . JAMuvions modernes..|. . .....)..1........1 .1...1............. CANTON (LS ” Ce] DS PER il LA À NOTE VIT Ro Ce. CRATWICK. . <). { Alluvionsmodernes , ( 445) URLS. Population È par Etendue NON COMMUNE | Ge chaque OBSERVATIONS. au EXPLOITÉES. Aer janvier | COMMUNÉ | 4846. mm RoOurDE etc... 164% | 371 88 : DONNER RE 1577 1922 17 | | | | | | | | | “ | | | { argile jaune. | | Glaise. £ | SAGE OO 874 | 1221 58 Argile jaune. Glaise. EN OP RO MERE | 267 596 74 | | Hourbe, etc... . . . . . 483 881 20 | fourbe, etc... ..... ... | 704 938 48 Hourbe, etc. . . . . . . 1237 714 43 Gravier. Glaise. Argile jaune, gravier. . . | 2 291 77 Glaise. j | DUNKERQUE-E. GO, à 494% 4473 75 Sous-sol sableux et tourbeux. — Les propriétaires ou occupeurs éxtraient de temps à autre du sable ou de la (tourbe, mais seulement pour leur usage personnel. Il n'en est fail aucun commerce. h à CONSO EORMEITECNE 1905 1188 09 Le sable des dunes ne donne lieu à aucune exploitation régulière. PE 7355 247 62 La commune de Dunkerque est limitée à ses fortifications. BA GE US ds à 281 708 49 Le sous-sol est de nature argileuse. Sable, argile glaiseuse . . 2353 2401 07 On exploite annuellement 100 verges de terrain contenant chacune 2,400 tourbes. — La terre végétale, dont l'épaisseur est de 30 centi- mètres, recouvre tantôt l'argile, tantôt le sable. Argile et sable. . . . . . | 460 130 41 | Argile glaiseuse, sable. . | HT 263 87 Sous-sol sableux ou argileux. NKERQUE-O. h 3 La tourbe n'existe que dans ure partie de la commune, et n'a qu'une EEE | 311 538 94 faible épaisseur. Le nombre Lotal d'ouvriers attachés à ja briqueterie Sable, argile glaiseuse. . | ti 682 08. | 251 de 25. 5 44 à MOST 4260 1647 45 | | Sable, argile glaiseuse.. . | 1877 1847 44 RAVELINES. able, argile glaiseuse . | 299 | 772 57 | NOMS des COMMUNES. NATURE. | DESCRIPTION géologique sommaire | du SOUS SOI, ll Nombre SUBSTANCES MINÈRALES JUDO …—…"……"…—…—_—_—_—_—_—.—. .—_— EXPLOITÈES. 2 “ æ | Produit = 0 È ë annuel = des ££| en = , E êtres 2 | prormérames. [22 | "re = “a | cubes. DÉBOUCHÉS + or SAINT-GEORGES . |artuvions modernes. GRAVELINES. . . Loex . BAMBECQUE. . GBYVELDE . HOoNpscnoGri KINEDEN.. : . LES Mognes. OosT-CArrEL. REXPOEDE . WARBEN. . . \Alluvions modernes . Alluvions anciennes . © À Ypresien Alluvions modernes . Î \ ci Ypresien { Alluvions anciennes . l Ypresien - | Alluvions modernes . \ Alluvions anciennes , d l Ypresien i Alluvions anciennes . È t Ypresien | Mens modernes. | Alluvions anciennes . \ Ypresien | Ailuvions anciennes , | BOLLEZEELE, . , BROXEELE . . . ESQUELBECK . . , HERYPELE . Ypresien . Ypresien \ Alluvions anciennes . * L'Xpresien { Alluvions modernes . Alluvions anciennes , LEDERZEELE. . . LEDRINGUEN . MERCKEGHEN | Ypesien { Alluvions anciennes , ° { Ypresien \ Alluvions modernes. } Alluvions anciennes . \Ypresien . . . Alluvions modernes. } Alluvions modernes . Alluvions anciennes . | . |Glaise | Alluvions anciennes . | } Aljuvions aucieunes . | Argile glaiseuse. | Argile jaune. . . léreners a" | 4 |Decarpentry.. . | 3 900 | Devulder . . . . SJADEEENS 0e + le CUT 118 Ve. Jordaens . . 4 [Vandaele. : : . | 2 | 65 4 |Vandaele. 2 750 { Verquaille. . SCA | 200 3 Wemaere. . . . 1 200 ÜPlanckeel. . . . | 1 | 500 (1a2 mois ) | Desaussois . . . 2 \ (RE 5 aie 3 313 a{Luvin.. . . .. 1 | 1200 UDeurSEe. 180. AA j'Gouüère eee je l HE SONT: JON SNS 43 | 3000 | Vandenbroucke . | 4 |Mme. Vitse. À 35 | [4 m. | BE + HENRI FE : ha dore af | * 700 1) CNT 4 |Lhuillier . 10 | 2000 Mecs . . . . . | 11 |° 60 CAUYE us 0 + 2 | 9200 B'ACIen ne > 2 200 Devulder. . . . 2 200 Dewynck. . 1 50 A |Créton ai DEBNS. Ds : - Ne pie. “1 Smuckaert. . . |. - | Les dép. du Nord et du Pas de-Q je cantons de Bergues, Hondschcote et Worm- DOUUR Pie 0e CCR CANTON Di La commune. Routes de Bergues à Sainl Omer et de Cassel à Gra velines, Bollezecle. na Watten etc. La localité - NON EXPLOITÉES. Sable ; argile glaiseuse. . Sable; argile glaiseuse. . D'HONSCHOOTE. Argile jaune ; sable. .. . TOO Tourbe, etc. . . . . . . Argile jaune ; ‘sable. Glaise. Argile jaune. . . . . . . Tourbe, etc. Argile jaune... . . . . . Glaise. Argile jaune. Glaise. WORMHOUDT. Argile jaune. . Glaise. fi Argile jaune ; sable . . Glaise. Argile jaune. Gravier. Glasie. Population par COMMUNE au 4er. janvier 1846 2571 1800 1 e L£ Etendue de chaque COMMUNE. 1927 97 3430 26 1475 92 2449 27 2474 37 4196 97 1932 82 288 81 1321 20 2799 22 4755 72 76 45 1242 65 1705 95 4877 90 704 41 1066 » OBSERVATIONS, Le nombre d'ouvriers employés est porté à 42 du 4er. mai au 4er, septembre. — La terre végétale de cette commune est forte ét | grasse et participe de la nature du sous-sol qui consiste en une | couche d'argile glaiseuse d'un mètre d'épaisseur. à Sous-sol sableux ou argileux. Les terres glaiseuses de cette commune ne produisent guère que des osiers. Les terres où l’on a extrait l'argile à briques peuvent être converties en bonnes prairies. Le nombre total d'ouvriers attachés à la briqueterie est de 40. On exploite la tourbe pendant trois mois de l'année dans les terrains les moins bas et à une profondeur telle qu'on n'ait pas à redouter d’inondations. Les terrains ou s’opèrent ces extractions sont en | général sableux et peu productifs. Le nombre total d'ouvriers attaches à la briqueterie est de 14, (ra- vaillant pendant 3 mois 4 2. La glaise se trouve à environ Om. 50 sous la terre cultivable. Un seul four de 300,000 briques a eté fait en 1843 pour la construction d'une ferme. Nombre D'OUVRIERS Alluvions anciennes. WORMHOUDT. . . Gravier. . .. Condeville. . . | L Sat ie 6 | 2000 |: Wormhoudt et les villes en vironnantes. , . . . . . Wormhoudt, Quaëdypre, Her- zeele, et Bambecqne. Wormhoudt : et les villages! environnants . . . . . . . Desmyttère. . Argile jaune. .| 3 4 | Decroos. . . «| 45 | 1200 ( Alluvions anciennés.. ZEGGERS-CAPPEL. } Alluvions a g YDresiEn. Lt. = -. - hou She aie 4 | Lootenfalquin .} 3 30 | MORE Ter he de | pa Cet MO eo) MOTOR Le TN cote A OM C1 201 SEL EE DRE RE CANTON DI * Gravier. | Alluvions anciennes..| Argile jaune. LIN ONMEDA » ( attuvions EE Lecomte. . [4 L 340 | Pour la poterie du propriét . L'hospice civil: 850 | Entretien des chemins vicin. | | LE ras “De 2260 | La localité. . . . . . . . | Gi : : :| BAIÉLEUL. . . , Alluvions UT CNET! PERS SPP AT © ST.-JANS-CAPrEL. / Tongrien. . . . . . SADISEE 2 de cles LE LNOINE. - - 1: ‘e © 300 | Bailleul Bruxellien Le pare) à Sato relie Dal LS CR CRE A0 Malta dates | MMM APR Te Res bte { INRP: :. de PRE modernes . | Argile grasse... 22 1aCompagniedu chemin de fer. STEENWERCK . . |Alluvions modernes , | Argile grasse. . 1 | Charlot . . . . | Debailleul. & 19 Lu 2 e 1 œ 3 S D ps = 41 S = Éa æ E 5 2 = & CANTON DE { Alluvions anciennes . : SUBSTANCES MINÉRALES | NOMS DESCRIPTION = NOM: ; EXPLOITÉES. : géologique sommaire Re es 3 6 | Vrodni du È NOMS aunrel 2 ; COMMUNES. NATURE. E des E eu DEBOUCHES. SOUS-SOL. S = , uétres ZÆZ| PROPRIÉTAIRES. ae RE PP Alluvions anciennes..| Gravier... . . |. . | Veuve Bernard .| . . |. . . Chemin de Millam à Leder- VOLKERINCKOYE . IE" CEE, Diem a MUC ENNS EE ERTHEN. : BERTS MONENEN Se EE CIEL IR EU { | NT CT MR HR me HE UE EURE { Alluvions anciennes . |. . . . . . . . SUBI Late 10 CU RUES ef es + 0 + + CE FABEREL. - : - MOPES ONE ra le ER eee Se ES ote le DE latte te CO TCR {Aïluvions modernes , | Sable. . . . . 4 | Deharchies. . . | 70 |. . . | Chemin de fer de Dunkerque. MEnnis.. , . . | Alluvions anciennes . PEN M ARS Se SR ROLE 2 2AL SPP 7 RS DDR ol sé reulletis ete Die clones SV OR A 8 ET CR OR n : - Deswarte.. , , 0: » 9 \ MÉTEREN. . . . {atuvions anciennes . | Argilejaune . . 2 PATES \ 1200 MER IENS Sa ur De pics ess à ré | AM Di AS Vieux-BERQUIX . | Alluvions modernes , | Argile glaiseuse.} 4 | Lamps-Binaut. .| 2 800 |} Communes environnantes. . | CANTON BE LÉ TN \ Alluvions anciennes . | Argile jaune . . 1 | Hemart.. A TO CL Me 6 0e VASTE, 7e rs re res rs BAVINCKBOYE. . € Bruxellien. , , . . . Sable. | NDFONLE UE A CE ON NERO Alluvions anciennes . |. . . . . . . . Cl ENESNT. { Aluvions anciennes . £ € FPE } Ypresien. . . HS ts be BUYSSCHEURE. . DRE RSe - Population ë | par Etendue _. | NON | COMMUNE | Ge chaque | OBSERVATIONS. | au | EXPLOITÉES. |4.er janvier | comuune. | 1846. | HIBLIE jaune. : :.: * : 936 | 983 15 La carrière de gravier a été ouverte en 4847, par le sieur Robert, FI | entrepreneur du chemin de grande communication N°46, de Millam | ENS à Lederzeele.— La terre végétale a de 35 à 40 centim. d' épaissseur. 1 ESSOR Te 3991 2713 23 La terre vegétale de Wormhoudt forme une couche de 10 à 30 cen- timètres sur toute la surface de la contrée. Elle est composée d'argile mélée de sable et de glaise. Le plus souvent elle est grasse et assez eonsistante, circonstance qui oblige le cultivateur à l'amender avec | de la marne qu'il va chercher au loin dans le Pas-de-Calais. Î \rgile jaune. sable, gravier 1746 17143 91 | slaise. Hazebrouck. ILLEUL N.-E. 404141 1322 03 Les huit ouvriers ne sont employes que pendant l'eté. rgile jaune et gravier. . irès ferrugineux. able. aise. 1099 790 70 3550 1725 39 Sous sol argileux recouvert quelquefois par 20 centim. seulement de terre végétale. 4761 737 63 Faible couche de sable près du chemin de fer. Il existe aussi du gravier mais qui n’est pas exploitable. La terre végétale qui re- couvre l'argile a 50 centimètres d'épaisseur. ILLEUL S.-0. able et grès ferrugineux ‘able. rgile jaune, cailloux et 1173 886 98 1247 1014 18 7 à 8000 mètres cubes de sable ont eté extraits en 1846 et 1847. rgile jaune et gravier, . . 588 511 93 gi ise. 0) PS 2512 1838 35 able. able et gravier, glaise. 3163 2538 63 | Sous sol : terre forte mais assez perméable à l'eau. SSEL, M... 1179 434 1% |! ilaise. { rgile jaune , etc. . . . 983 831 48 aise. MBile jaune. . . . . . . | 851 615 12 slaise. | ( 150 ) SUBSTANCES MINÉRALES |, | ES N ouis ee , EXPLOITÉES. géologique sommaire - des °o* NOMS © 2 | Produit dn == É*| annuel : COMMUNES. NATURF. ce des E>| en DÉDOUCHÉS. SOUS-SOL. 2e , Z 3 | mètres Æ] PROPRIÉTAIRES. = | er |A ilej 115 l 4 | 1600 : : rgile jaune. . . Swemerg-l 41) A6 ER ER EEE ne AncIenness trs ferrugineux| 4 | Grondel... . . | & Diestien MONBTIO RER me elle en ee ete Le msn (cle SOUMIS oe ER EE SP A Se 4 | Planque. 2 | 4000 CASSEL. . ; ST d Mg su È su [roues de l'arrondissement el Bruxellien . . . . . Sable ru #: 2 4 | Moreel.. . . . | 4 | 400 du canton de Wormhoudt; À | Libaert . : : : | 2 | 4000 briqueteries ; chemin de fer! 4 | Swembergh.. . | 4 | 4800 de Dunkerque. 2 | Moisson. 100 |75000 LL NC O SP NA rt a de ste ls nes Ne RSS EEE Al Ainodons anciennes: L à 0e ele RS SEE EE, CROSS | HARDIFORT. LE ONE ER REA LT LEE SON LENS SR A RE ee LEUR USER PR RS UE OP PC CE ce al RES DE ER) ER OR Rs 4 : + Alluvions anciennes .| . . . . . . . .|. .|. . . . . . . .|. .|. . . |... . . . . . . . . .. . Sto-MARïE-CAPPEL LOTO NE A PRE A EE DE A ES 0 LS RSR M Car à d Alluvions modernes . |. . . . . . . . ail l'E PORC UNE muse ee ft ARR NOORDPEENE . . 4 Alluvions anciennes . | Argile jaune 1 | Spanneut . 1 350 | Les environs. VOL) CN MENOAONOMON FENETRE one ER EN AUE A l'OS ONO Go { ATUOVIONS ANCIENNES TN Male eu = eh ere llolee ten ligue | dés l'en eue cum sc RER DMREEENE en Bruxellien. Le. dl. une oeil e lets cit lc te... . "TAN .| # CITES En Re LUE MORE SP PE NES ne cl DEAR US IR RENE RE | CAtlurtons antiennes | Rem AN AIN EE TE MM Ours Le CCE ETES | OXELAERE . . . | rusetien M A emeperea elions res rr NT Sr s aus ins es MOIS | CC ANS EE ER PA ELA] EME ln ES A] Pen é) COR PO ee: + | ATIUYIONS ANCIENNES MT IE I ER RITES. FN METRE | “ET SE TS CAN RER OR CR SNS EN LEE A RES RC OSEO SE AEVIONS ATSIONNES SNS US Le lcd Ernie ces le liae ele PONTS AU TI El NEMAERS CAPE NBTUr CL en AMP ATP PARUS RENTE CENTS ET LS PE SE LE le) Se TON « PR DROSION Re D meme lise ane ler etietielle aile eee ee Ne Rolls ere De ARR EST TS } ATINIONRANDIeNNOR Elle CI. ace UE CUS Ua ne elles NO SAN ICERE ZEPMETERUE >, ARYDreS En PAP ET Ab ar ARR MR PU MS 9 fe et tete d MAITEVIONRIANCIENNES IN ee D AT De... el RIM Le Cat 10 rem re .| ZUYTPEENE.. . . | raxeien A Re UT ten elle elle eee elle ie tue ele ne RCE ‘| DPI Me Me Rene eos scale elle een he ts) IS NE ER ER EE REEREES | 1 CANTOH Alluvions modernes. . a CE { pére) a 1e laut M NN IS VEN oite ce at et 4 SX rond RO RE ER DRE RTE EL L'ANÉLARARES | Landenien. | | CAESTRE . . . . | Alluvions OV e CUN CIOE NON : Te | sv en dpt: SR RSR DE ce à 1e 002 CNRS { Alluvions anciennes..| . . . . . . . . LS MER ORe: LOMME nl ele 008 à à CRORONERS (| EBBLINGHEM, . | rresien NU EE LE PS Hier Le sat 0 l'a lun 54e che CES 4 | | Alluvions modernes. .| . . . . . . . . : | PAM IR ENT L | 1. | 25 Led ae TRES | { Vandervalle . . } | | pds : ile à Lemettre. . . . “QY Er Ho Alluvions anciennes . | Argile jaune. . . | Demayer. . . : 8 | 4795 | Les environs. . . . . . . | Vandamme.,. . | è : : Massart. . . .! sut 11 WDFÉBIEN Me ee GIAÏSe. à 2{ Veuve François. 400 |Id HONDEGREM. . . lAlluvions ANCIENNES Ve ete eee) e « 0) FNOICNOIONTIONS |. RER ER 75 € 1 É jainnns ANTENNES lee LLC AN Ne al ti ER RS QE TC RER | ANDRE 6 0 SAPPDEESIE DEAN) à LR Ce: © E - | AL. GMT lé AT Re PA de | EE { Alluvions anciennes..| . . . . . . . . hs 1 A CHISRORORRE : 414 Sd OR | RENESCURE. . . | Ypresien. . . . . . Glaise . 1 | Vandamme. | n 55 | Fes \ Alluvions anciennes..| . . . . . . . . Dhs LR l'OMS RS EN 4 n LIN | SERCUS PYDreRIOn USE | RUSSE DANS ane LE | TAPIE." : { Alluvions anciennes... | Se CNE EI rene 70 RSS ets 2:52 2 OS | { 7 i | | UNS le … 5 CUT RCRNTRE TON Cire \ Alluvions anciennes..| . ......|..1|... .. # | } | Ypresien . . | | AE ie re ne | NON EXPLOITÉES. Population par COMMUNE au 4er. janvier 1846. Etendue de chaque COMMUNE. OBSERVATIONS EE ——_—_—_—a——ZE Glaise. Argile jaune, gravier . . Sable. Gaise. Argile jaune , sable etc. . Glaise. LIEU r T-ONSRSRREMERERERE"S Glaise. Argile jaune... . . Sable. Glaise. Argile jaune, gravier . . Sable. Glaise. Argile jaune... : . . . . Glaise. Argile jaune,, gravier . . Sable. Glaise. Argile jaune , etc. . . . Glaise Argile jaune... . . . . . Sable. Glaise. ’HAZEBROUCK N. RONDE 2 US Argile jaune , gravier. Glaise. Argile jaune... - .:. . . Argile jaune. . . . . . . Glaise Argile glaiseuse , sable et PÉAVIOT et Gravier, etc. Argile jaune. . . . . . . Argilerjaune..… .:: ..: . Glaise. Argile jaune, gravier . . PArgile jaune. . . . . . . Glaise. Argile jaure SN 1 Argile jaune. gravief Glaise. 1231 75710 1375 809 1681 511 1096 646 4300 71 614 04 156 21 1741 96 557 88 465 M1 1487 74 M2 89 483 38 4180 45 1819 84 1009 60 908 12 2725 78 1259 08 896 4% 1881 08 495 46 995 40 539 79 Il | | | | | | | | | Les grès ferrugineux empatés dans l'argile rouge servent aux fon- dations des bâtiments, au pavage des étables, des cours et des chemins. 11 en existe quelques fois jusqu'a 142 mètres d'épaisseur au- | dessus du sable. On trouve partoul à la surface 33 centimètres au moins de terre végelale. Le terrain tourbeux n’er:brasse qu'une petite partie du territoire, ainsi que Le sable landenien. Les cailloux se trouvent en général au sommet des collines glaiseuses. 40 centimètres de terre vegétale sur l'argile. Le peu de petites pierres mélangées à la glaise sont rassemblées par les cultivateurs qui les déposent dans les chemins vicinaux, pour aider à la viabilité. L'épaisseur de la couche végétale est de 60 à 90 centimètres. On rencontre la glaise bleuâtre de # à 6 mètres de profondeur. La Compagnie du chemin de fer a fait dans +ette commune une | grande tranchée dans l'espoir de rencontrer nne couche de sable ex- ] ploitable, mais elle n'a pas réussi, l { l | HOUTKERQUE . ! STEENWOORDE. . NOMS des COMMUNES, BOESEGAEM . . BORRE. . MORBECQUE . . . PRADELLES . . STEENBECQUE.. . STRAZEELE. . . THIENNES. . . . ESTAIRES. HAVERSKERQUE . La GORGUE. . . MERNILLE. . . . NEBUF-BERQUIN. . BOESCHEPE . . . GODEWAERSVELDE OUDEZFELE. . . { Alluvions - À Alluvions } Alluvions l | ( | À | Alluvions modernes... | Alluvions | Ypresien | DESCRIPTION géologique sommaire du SOUS-SOL. | Alluvions modernes... Alluvions anciennes... MNTREN TS 40 0. modernes. anciennes.. Alluvions modernes. anciennes. Ypresiens .u.:. modernes. anclennes.. modernes. Alluvions Alluvions Alluvions Alluvions Ypresien Alluvions Alluvions modernes. anciennes. MONT MONO Alluvions modernes. Alluvions anciennes... Ypresien Alluvions Ypresien modernes... |A modernes. Alluvions Ypresien | Alluvions Alluvions anciennes... { Alluvions anciennes. Ypresien Alluvions anciennes. | DIOAMEN EME, Tongrien Bruxellien | Ypresien Alluvions anciennes. Ypresien Alluvions anciennes... Ypresien Alluvions anciennes... Ypresien . anciennes... | / (152 |} NATURE. Nombre d'exploitations. 4] A Argile jaune... . JE à Argile RS Glaise . . . Glaise Id. et argile . Gravier.. 1 Gaise EXPLOITÉES. NOMS des PROPRIÉTAIRES. [La commune . Desw arte. È Carrez de Bone Borteele. Massart. 4 |Delassus . . . . d Arnould. . . Graux Courty Beke . . à Vandaele... 1 | Vandaele Nombre D'OUVRIERS. SUBSTANCES MINÉRALES Vroduit anauel en mètres cubes. — DÉBOUCHÉS. CANTON Borre et les environs. 6 M LE ni 6000 Morbecque et les comm. vois. 1800 18540 3700 Steenb., Boeseghem, Thiennes, Haverskerque, Morbecque. "700 Fabrique de poterie d° Éstaires. 420 (Sa fabrique de poteries. 8400 Aire, Arques, St-Omer, Watten 1800 Ardres. 2400 ) - À CANTON DE pro A POP NOR ARR ET 1790 95 Le canton ( 153 UTILES. Population | , par Etendue NON COMMUNE | de chaque OBSERVATIONS. au EXPLOITEES. 4.er janvier COMMUNE. 4846. 'HAZEBROUCK S. SN 1002 695 03 Le travail s'effectue par prestations en nature. Argile jaune. Glaise. Mais etc. 2 « - c0 715 595 05 Dix ouvriers attachés à la briqueterie. Glaise, gravier, etc. 3817 &384 85 Idem. DRE MEIC ES Re +7 376 323 20 Argile jaune. HEURE Glaise. 1961 4775 74 Cinq ouvriers en éte Glaise, sable, etc. 559 466 22 Une briqueterie a été établie par la compagnie du chemin de fer. Gravier. Glaise. Glaise, gravier, etc. Aroile” jaune, etc. Glaise. 4434 743 17 JIERVILLE, Glaise. Argile glaiseuse . . 4630 9924 28 : 3274 1:88 11 6079 2705 41 Un puits artésien de 360 pieds de profondeur a été creusé en 1781 au milieu de la place; mais on a établi la fontaine à un niveau un peu plus bas pour avoir l’eau jaillissante. Glaise. Argile glaiseuse . . 1478 631 08 TEEN WOORDE. Argile jaune, sable, ete. 1953 1358 83 Gravier, sable, grès ferru- gineux. Sable. Glaise. Argile jaune, gravier. . Glaise. Argile jaune, sable, etc. Sable, grès ferrigineux. 4193 1029 33 41803 4189 36 Le sable entre dans la composition du mortier et sert aussi pendant l'été à couvrir le fumier pour le mettre à l’abri de l’ardeur du soleil. On ne trouve point de terre végétale sur le Mont-des-Chats ; celle qu'on culuve dans la commune a environ 0,30 d'épaisseur. Glaise. Argile jaune et sable. Glaise. 1332 4312 52 On a fait des recherches de gravier qui n’ont pas eu de succès.—La terre végétale, qui est forte, pesante et humide, a une épaisseur de 0,30 à 0,50. — On trouve presque partout des sources d’eau à & mètres de profondeur. 4037 935 50 Le gravier qu'on extrait dans cette commune est, dit-on, impropre Argile jaune. . . . . . . à faire de bonnes routes. Glaise, 3982 2981 53 Seize ouvriers attachés aux deux briqueteries. Argile glaiseuse . . | 6890 2523 17 | La fabrique de poteries d'Estaires tire la glaise de La Gorgue. il Sable gravier. . . . . . NOMS DESCRIPTION géologique sommaire des | du COMMUNES. SOUS-SOL. SAINT-SYLVESTRE- | | CAPPEL. . . . . |Alluvions anciennes . { Alluvions anciennes . TERDEGHNEM . . . : - ( Ypresien { Alluvions anciennes . WWINNEZEELE. . . | Ypresien ARMENTIÈRES. . . | Alluvions modernes . CarINGBEM. . . . | Limon LA CHAPELLE-D'AR- MENTIÈRES . . . Alluvions modernes . ERQUINGREM-LYs | Alluvions modernes . | FRELINGHIEN. . . | Alluvions modernes. HOUPLINES. . Alluvions modernes . Alluvions anciennes . Alluvions modernes . PRÉMESQUES.. . Alluvions anciennes . | Ypresien Alluvions anciennes . Ypresien. . Alluvions AR : Alluvions anciennes . Landenien supérieur . Landenien inférieur . l Alluvions anciennes . Alluvions modernes . |AUBERS.., . . La BASSÉE. . . FOURNES. . . + + | Landenien supérieur . \ Alluvions anciennes . Ypresien . . Alluvions modernes . Alluvions modernes . Alluvions anciennes . Landenien superieur . Alluvions anciennes . Ypresien . Landenien supérieur. Alluvions anciennes . Ypresien Alluvions modernes . Alluvions anciennes . Landenier supérieur. Alluvions modernes . Alluvions anciennes . Landenien supérieur. MARQUILLIES . SAINGHIN « EN — | WEPPES . . . Ll | | "4 | Landenien supérieur. — g — = SUBSTANCES MINÉR A LES | EXPLOITÉES. se æ | Vrodui È = NOMS È Ë annvel , - NATURE. E= des El eu DEBOUCHES. 22| pnorméranes. [22 |" = à | . [ÉRBAE jaune. . . 4 |Duranel . 2 549 |Les environs. . . . . . . « x ARE NS A Se le lier EE ARR IE i | | Pre ip ree TR LE ES I à + EN ES f RE EE Ov qu TE os LS ON TEEN RTS j (és 2 | Aider lle le S'oionte Er 4 SUN es ASC l'argile glaiseuse Argile glaiseuse.| 1 A |Dubois 4 [Mille : Sauvage . « . Caucheteux. Blaise ET. °4 |Guvelier . AE Argile jaune. . so eva ie, Rique : Ro Glaise . - 4 |Leroy . 2 UE EE ETS et © Argile jaune 1 Lelenx.. Sable 2. 2 4 |De Roùvroy. . . 2 & Arrondissement! CANTON! Armentières el ses environs} " + + e © ve © ss, CDI 1 ie) s+e 4 1e [QU SIRRRES 1! nor aie eee OT IPS 1 + + « PROS [ 2666 |La communeel ses environs}, n'a Ve le cote) ele OS a ER L 200 ( Lille, Armentières et les col 400 munes voisines . . . . 2 | Dee 0: Motiils -] Haubourdin. . . . . . . NTON DE] | peer cet 450 |La Bassée. . . . . . . - « | 1960 Fournes et les environs. . : 300 [Entretien des routes et b queteries. TILES. NON EXPLOITÉES. de Lille. D'ARMENTIÈRES. rgile glaiseuse, sable. . rgile glaiseuse. . . . . rgile glaiseuse , sable. . 2 AO EUU CERN Glaise. Sable. Argile jaune. . . . . . . Glaise. Population par COMMUNE au 4er. janvier 1846. 4391 1360 445 1004 1476 1097 2093 Étendue de chaque COMMUNE. 813 61 822 50 1553 55 649 10 485 09 4366 14 4332 5% 4119 39 4129 93 505 57 1043 86 344 45 822 06 770 60 a —— OBSERVATIONS. | La Compagnie du Chemin de fer du Nord a établi temporairement de grandes briqueteries sur le territoire de cette commune pour fabri- quer le ballast destiné à la voie de Lille à Dunkerque. | Il y avait autrefois des exploitations de sable et d'argile à briques qui n'existent plus. On a exploité temporairement quelques terrains argileux pour faire des briques à destination du chemin de fer. Le sous-sol est composé , partie d'argile à briques, partie de sable. | On fait annuellement deux fours ; l’un de 440,000 , l’autre de 900,000 briques. L'épaisseur de la terre végétale qui recouvre l'argile est de Om. 70 à Om 80. Le terrain glaiseux n’affleure que dans une très-petite partie de la | commune. N OWS DESCRIPTION éologique sommair. ps géologique sommaire du COMMUNES. SOUS-SOL. Alluvions modernes . Alluvions anciennes . Landenieu supér eur. Landenieu inférieur . À Alluvions anciennes . SADOME LS». -de NVIORES... . Al uvions anciennes . Xpresien . . . . . . Landenien inférieur - MAGHAT .. : Alluvions anciennes. VÉDT O TS Landenien supérieur. Landenien inférieur . Nervien BOURGRELLES.. Alluvions modernes . ROUVINES! Alluvions anciennes . % | | 1 Nervien CAMPHIN - EN-PE- | VELE. . . . . | Alluvions anciennes . Alluvions anciennes . Ypresien { Landenien supérieur. { Ypresien Landenien supérieur. Landenien inférieur . Alluvions modernes . Alluvions anciennes . Landenien inférieur . CAPPELLE. . . . COBRIEUX. . . . CYSOING.. . NENVIERS 0 LS 46076 eve Alluvions anciennes . Ypresien Landenien supérieur. Landenien inférieur . Alluvions modernes . Alluvions anciennes . Landenien inférieur . GENECH . . LOUVIL. . . Alluvions modernes . Alluvions anciennes . Ypresien Landenien supérieur. Alluvions modernes . {Alluxi ions anciennes Alluvions modernes . Alluvions anciennes . MOUCHIN.. . . PÉRONNE. . . . SAINGHIN-EX-ME- HISJAUES Nervien.. . .,..... Alluvions modernes . Alluvions anciennes . TEMPLEUVE. Ynresien. Landenien supérieur. Landenien inférieur . Alluvions anciennes . Landenien inférieur . Nervien WANNEHAIN . 1 : BEAUCAMPS . . . Ï EMMBRIN . . . . | NATURE. | Landenien supérieur. | | Alluvions anciennes. . { Alluvions modernes. { Alluvions anciennes... Sable. : : : : . | 4 |Hospices de Lille.| 4 |‘ 500 Argile jaune : : | 14 |Constant: : : : | "4 6 m. Craie marnense ln AI 8 0. CE Argile jaune. . #, " Ve. Toussaint . . Ë ago Ve. Toussaint . . Glaise . .. .. 2} Ve. Damide.. .| & 60 Craie marneuse Rs on . ni SR LE CORRE 4 LÉ 12 POP A ne a Glaise . . . . . Sourdeau .. . . 1 20 Maine grasse. À À Argile jaune. : © | & [Havez et divers . | 16 3200 (A ECTS AAIHAVEZ LS . .- . 3 100 Argile jaune  | LANGE NR 1 533 Argile jaune. . : | 4 Icazier . : : : : | 4 | 800 EXPLOITÉ ÉES. Produit avnuel LL NOMS des 1 2 = VE B= ES AS "a __SUBSTANCES ! MIN ÉRa LEÎ DÉBOUCHES. La commune . Fours a chaux de la commu | La contrée . | Agriculture et bâtisse . | La commune ne Ce TEL : Id . CANTON » UTILES. Population par NON COMMUNE : au EXPLOITEES. 4er. janvier 1846. Î père : Arpilejaune. . . . . . . RE UN, 7 870 Grès, sables argileux . . pArsile jaune. . . . . . . | 258 Sable. ! CYSOING. Argile jaune . .. . . . . 950 laise. Argile jaune... . . . . . 1204 Glaise. able argileux. Marne. HOUTDe JMS REUSE: 563 Argile jaune... : 1479 Beaune... . . . . 4518 laise. Sable. MARIO. GONE. Ut. 482 Sable HRNDOS re. has 2186 Argile jaune = 4125 Glaise. 1 Sable. OT 760 Glaise RS ne 1267 argile jaune. Sable. | TORRES Sul: 573 Argile jaune. ! EN). are ei: | 4706 argile jaune. | pouhe.. ... DUR: 3180 Sable. \ Argile jaune. . . . . . . | 498 Marne. | D'HAUBOURDIN. DRM EURE. | 750 | NS RSS 134 de chaque COMMUN&. 268 87 639 411 806 41 18 57 1354 65 740 08 248 11 319 29 143 M 1036 68 1565 31 367 68 422 63 490 47 OÜBSERVATIONS. Pendant quelques années, le sieur Leleu, de Fournes, à fait des briques sur une pièce de terre de 89 a. £0 c., dontil est propriétaire. On a recherché du minerai de fer danse la commune en 484 On à extrait du sable pour quelques briqueteries particulières , mais il ny a pas d'exploitation suivie. On a découvert depuis peu un gisement de sable que l’on a exploité pour la construction du pavé communal. Une faible couche de minerai de fer a été découverte dans les | alluvions modernes de la vallée de VElnon. On ne fait qu'un petit four de 400,000 briques par an. L'argile, dont ! l'épaisseur est de 2 mèt. est recouverte par @ m. 80 c. de terre végétale. | ii | L : DESCRIPTION SUBSTANCES MINÉRALE | . NOMNS a | géologique sommaire EXPLOITÉES. des | 5 Produit | du | È=£ NOMS È É anuuel | COMMUNES. | NATURE. ÉS des EE] DÉBOUCHÉS. | | SOUS-S0L. | = : £ 2 iuèlres | | Æ | PROPRIÉTAIRES. S L'eubes. ! | | Alluvions anciennes | | £ 10DS ANCIEDUOS. 1 , . , . à . D MOREL CRE EN er CRAN LE POTTER EE Pas a EX6LOS.. * } Landenien supérieur LE RER PS NADRE ET : Le ve CSS Alluvions moderues.. | d'en ttU ee Se _. | T1 .… - srrelonte #t8le Lu ie ONE LCR LE eee .. | ane ri . - : RE 4 « EnnariÈnEs EN Ypresien. . . . . . |Glaise . 2 el ARS, n | 54 | Hauhourdin Wazemines : TS | | AVOMRI À l 1 Landeni érieur. |: | ; )Ridez. . . 4 | 400 } Loos, Wazemmes, Esquer ACER CD SUROTeNr 1ÉaUIe FAO Le } crespel. . . . 4 | 4000 | mes, Haubourdin, Lille, #0 | Lu ; | | | Rouvroy. 1 | 4500 | plines”.. ‘2 OC, Enquinenem-pe-S, |Alluvious anciennes . |, , . . . . .. AS TEE: nee ON RS RER -| Escopecques . . |Alluvions anciennes . |. . . . . . .. LENS RE COR AE | sheis us cl SR | mn Auvione anciennes . arte jaune. . | 2 fon el 2 | 000 | Les communes voisines. , | : { Alluvions modernes. |. . . ..... li... HA re | ADO. - }'Aluvions anciennes. | ARS ES RE RE ASSURER | Alluvions anciennes . |. . . . . . .. LSUIECTE ar [UEE 1: PATES TEEN Ÿ Landenien supérieur. | : ! : ! ! ! | A out dorer M lo TL oi ct RER { Alluvions modernes . | | Loune * } Alluvions anciennes . [Argite jaune. . : | 4 |Jacques. . . | 2 Les environs. . : : : . à / Alluvions modernes . |, . . . . . . . TRS | l'O MONT ICE PE CN LS PEER cc Ne Aluvions anciennes..|Argile jaune. . | 41 Son Dre 1100 [Les.environs . nan 1585 | | euve Fournier . \ | Deleval. . . .. 10 | | Wambre : 10 ODA 1e CRE | | Denoyelles . 10 \Sénonien . . . . . . FOPAIG A UN ES | 9 { Gilquin.… 40 »314200/4/% aux euvirons, 4/4 pül | | Brunel . 10 | l'arrondissem. d'Hazebrout | Pottier. . . .…. 10 | et 4/2 pour la Belgique. | Pelicier-, 7: . 10 Andries. . . . . | 40 { Alluvions MOUPENER Ne HAN. 1. Re LR Rae Le MAlSNIT Alluvions anciennes. | . . . . . . . . ER NE rue À EU 62 oi lo PR ee | © À Ypresien. M 0 M latte et En |. MORE 1e. è | 250 Pt CR RE Î | { Alluvions modernes . |. . . . . . . RL ES SEE M CT LS Re eg ue RADINGHEN . . 4 Alluvions anciennes . |. . . . . . . . PAR AUINNLE CR ENS : CARRE AE 5000 1 CNT | present. cel ANQCS ERA, 1123 | 0 TNT SN RAS CE PSE nl Alluvions modernes . |. . . . . . . . PIE DS OPA) 2 PR nés es Alluvions anciennes . | He ARE RAR ARR A OM © DU Alluvions modernes . | . . . . . . . . Are moe SU ec el CG RONA SBQUEDIN.. . : . À Alluvions anciennes . |. . . . . . . - | MEN RES OM Val 5 CNE SERRE | Alluvions modernes . |. . . . . . . . RTE R e. : SA l'a ILE OR RER ne | WAYBIN, . . . . À Alluvions anciennes. . | Argile jaune y 1 |Liénard. . . . . 1 26 [La commune. . . . . . . Landenien supérieur. | À 2 pad ASS (RP à AAA CR EPP en es | Alluvions modernes . Ÿ i 1 ANNAPPES. . . . jo ions anciennes Alluvions modernes . ANSTAING - Alluvions anciennes. Den Alluvions modernes . | _L'OOOE Alluvions anciennes. | , Alluvions modernes . | Alluvions anciennes. ni PA 2 Landenien AA | | Nervien. } { Alluvions modernes , Alluvions ancionnes. Landenien supérieur. | Alluvions modernes . | FLERS . Alluvions anciennes. . | | Landenieu supérieur. Log AU À CANTON DH PRES re 22 A ES ee dE PNR RER) 14 dote TN NO CROIS CIS © 4 |Deroo 2 | 4000 [Pierres de construction pl | [20e et les communes en# de HOME RE ed D LUE CARTES ue, MGR . RC ER RE |. | 48 CHEN MT NES A RE 1 MTS FAT CORSA va Marey ds ado"! 1 | 108 Baisieux, ‘Ghéreng et Willet 3 RE AE RE tot ER RRNMTR Lee + AR TT ER dr de - ARTS LR lee À UTILES Population | par NON COMMUNE : au EXPLOITEES, 4er. janvier 1846. Argile jaune... . . . . . 3x Sable. 2 TER RREIRE 1724 à Argile jaune. Ve Argile jaune... . . . .. 234 Argile j:, sable argileux. 261 Sable argileux. . . . . . 807 MAOUEDe 4 : . . - | 130 Argile jaune... . . . ., argile j., sable argileux. 440 Sable. DURE PME dors 2480 Mburbe: 1..." 10. 417 | - ROC PRE 558 Argile jaune. laise. nt bles ado 6 4 1380 Argile jaune laise. MHEDDNE ES es ee 1667 rgile jaune TS OI ME 585 Argile jaune MN 0.0. : 2780 able. ANNOY, Ce ROME tn 1 NO 1945 hrgile jauue. Dr neo sus ot Ju Cite 439 rgile jaune. 0 1774 Mirgile janne. 1900 Ne 2... . . 1290 MArgile jaune rne 2274 | Etendue COMMUNE, hect. 134 86 1038 20 178 55 183 83 434 94 528 26 82 1 327 50 750 02 345 87 683 49 764 15 408 04 4367 H Hi 69 307 24 de chaque OBSERVATIONS. Le sable d'Eunetiéres est cinploye pour les briqueteries et pour les routes. I] existait autrefois une sablière appartenant au sieur Bonzel d'Haubourdin, qui est supprimée, celle du nommé Wemel 2'a été ouverte que récemment au hameau du Paradis. Douze ouvriers altachés à la briqueteris. | Les terrains tourbeux ont dlé livrés à la eulture 8 produisent de bonnee récoltes La craie sénouienne £e trouve à uue faible profondeur 160 | | | | NOMS DESCRIPTION |géologique sommaire des = | du 2Ë COMMUNES NATURE. 22 sOUS-S0L. | 23 | | CA { Alluvions modernes . Alluvions anciennes. Alluvions anciennes... Alluvions modernes. Alluvions anciennes... Alluvions modernes. WVILLEMS . . . . 4 Alluvions anciennes. | Landenien inférieur. SAIELY. . - . - TOUFFLERS . . . TRESSIN . . . . Alluvions modernes. Alluvions anciennes. KIVESL EU... Ypresien Landenien supérieur. Landenien inférieur. Alluvions anciennes. HELLESNES à Sénonien . . . . . . Alluvions modernes. LÉLENAEU EN, Alluvions anciennes. Landenien inférieur. Alluvions anciennes. Landenien supérieur. . | Landenien inférieur. Alluvions anciennes.. La MAGDELEINE.. Alluvions anciennes... FACBES. , ; cs Alluvions anciennes. Alluvions anciennes. ° ) Sénonien . LEZPNNES.. . RONCHIN . FOBsT . . .. 1 Alluvions anciennes . | Alluvions modernes . | GAUSON . . . . | NODHERSE LU { Alluvions modernes . \ Alluvions anciennes . Hex CORDTEMIER 0-11: | Landenien supérieur. LaNNoy Alluvions anciennes. . DR se eue Alluvions anciennes. Lys-Lez-LANNoy. |Alluvions anciennes. Aliuvions anciennes . |. . . . . . . Argile sableuse . 2 | 1 FT CTRSNSRERT 1} SAHI6 17-27 | 3 MAIRE CE Le | nil LÉ sédaeax ra | Argile jaune e Argile jaune. . . | & Glaise 41 Sable Argile Sable argileux. . nm Argile jaune. . . | [Sabte A ee Ï 5 3} Deschamps . SUBSTANCES MINÉRALES EXPLOITÉES. | S & { Produit de È ë annuel ; Fe EE] ! DÉBOUCHES. pROPRIETAIRES. | 2 | MATE | al cubes. Leclercq. Deleeroix . . . Agache . . . Pennel Louis) . Pennel (Alex.) . Leclercq.. .. EN the ER CARS | Fan à UNE la Agache Defontaine. EE" tes Salomon . . . . Salomon . . . . Goletter. 125 252. Liénard Duhayon . : ‘ Desaint frères . . Defretin. : Planquetle | LAS Cotils-Bernard . Morelle. La commune Poteries d'Hem,Roubaix, Marcq} | Tourcoing, Roubaix et les com munes environnantes. . . .{ & FT sal Willems I CANTON DE OO RS A D COR | min. 2000 | Li on Les environs. id. | 4000 mém.| 400 | Les environs. 48 550 | 2 mr Pour la fabrication des brique 45 900 | || RARE TT. 1 DISEASES | % | Les environs | l'oltn ve Dre à so « © © cs RER | | U | CANTON DE. | ; Chemin de fer de Dunkerque È * | Lille et les environs. . . # CANTON DE LL : À TE MALE MR 7 | & | 4 Les communes voisines | 3 | 4 3 "900 Les communes voisines. "4 | | ; io |La localité UTILES. NON EXPLOITÉES. Argile jaune. Marne. Lignite pyriteux. Argile jaune. . Argile jaune. . . Argile jaune. . . Argile jaune. . Argile jaune. LILLE N.-E. Argile jaune. . Craie. Sable. ILLE CENTRE. ILLE S.-E. Argile jaune, . Argile jaune. . . . Argile jaune, . Population par COMMUNE au 4er. janvier 400 2209 1602 2140 1375 917 772 453 199% LA cri L=2 1® 4043 2188 | Etendue de chaque COMMUNE, 103 43 311 32 956 56 14 77 526 40 320 67 430 45 237 14 186 32 570 56 543 76 329 43 LA 63 288 0% 285 12 463 25 213 82 539 72 OBSERVATIONS Le sable qu'on exirait près du hameau de l’Empenpont sst surtout | | employé pour les briqueteries. — Des recherches de houiile qui n'ont | produit aucun résultat ont été faites en 1842 dans cette commune. La commune de Lannoy est limitée par l'enceinte même de la ville. On mélange parfois la terre cultivable avec l'argile jaune pour la fabrication des briques. — Le lerrain peut, après plusieurs années de jachères, être rendu à la culture et produire une demi-récolte. On a extrait autrefois de la craie sur le territoire de cette commune | vers Lezennes. La pierre servait aux constructions. La commune de Lille est limitée à ses murs d'enceinte. | On exploite dans la même carrière, sur la hauteur de Mons, du sable | ; argileux pour mortier et pour fonderies, et de l'argile destinée à être mélangée à la glaise dans la fabrique de poteries de Fives.—On a extrait | autrefois du sable blanc pourles routes dans l'intérieur de la commune. ! L'extraction d'argile et de sable a licu au trou de La Magdeleine où est établie une grande briquelerie. La glaise et le sable landenien supérieur se trouvent à peu de profondeur. { La craie convertie en chaux est consommée dans les communes voisines pour amender le sol ou pour faire le mortier, déféquer les | sirops de betteraves , fabriquer le savon, ete.; une petite partie est | | employée aux constructions après avoir êté taillée. | | | La craie sénonjienne existe à peu de profondeur | 162) . - ; SUBSTANCES MIN fc “DE DESCRIPTION I INERALES géologique sommaire EXPLOITÉES. | des 28 NOMS é| Produit du | Le : ; £Ë annuel COMMUNES. NATURE. |È2 des SE| m DÉBOUCRÉS. SOUS-80L. S= L AIT Æ=| PROPRIÉTAIRES. |Æ©| ones ner ennttntos mme ce atomes mr mo ue "# a L : Il CANTON DE | : Ü Alluvions 7 ie] SONORE. CR Gore À EN ÉEN L S c Alluvions anciennes. | Argile jaune. . 2{ prntengne; : à Les communes voisines. sagas pos Lhermite. . . . 5 | 1290 | Sénonien. . . . .. | Craie 3? Deleplanqne. . | 5 | 4280 Idem. | À | HMAROD EE 1. | 10 | 2560 | en | { 2! Bériot. . ... PA As uvions anciennes . | Argile jaune. . 1 | Courmont . . . 2 14% Lille et les environs, . . . . MT. | l 4 | Duchange. . . }4m. CSCHONIENC ER OMR US Cor JTE Es : SOU cs... 2 eue a cie cd: h, Alluvions modernes... |. . . . . . . . A ME RE Pre el LS AM Es cendue VIOLE WAZENMES . Alluvions anciennes . | Argile jaune. . 4 } Hatton-Bissez. . ! 6 | 6000 } Les environs’ CANTON DE F Ir ce { Alluvions anciennes. | . . . . . . . . D EM ATS Ie | ET ER PORN 7 À BAN-ANDRE. . Landenien inféricur . | TEE se | LS | AE ie Ce OO CES Alluvions modernes..! . . . . . . . . rer Ne : a6 l'ai Or he Mo soe Lawsensant . . | Alluvions anciennes. | Argile janne. . . | 2} PE EE % 7 c Re de Lille à Duna | | Landenien inférieur’. | . . . . . . . . He CINE EN | + on TP CL | { l MARQUETTE. . . |Alluvions anciennes..| . . . . . . . . RE AP Er ne de = ‘| EME ee dei RAS pl WAMBRECHIES Alluvions anciennes. | . . . . . . . . CRETE | fete le ur ORNE RER | ; [1 CANTON DE, Ar ( Alluvions anciennes . |. . . . . . . . Ne | 1 TM OROMONE | Se | MATE SR TORDONCR # AITICHES,/. - . SDIERION ES 0 =. + lle + à »:. ce, IPC Le RS RSS" SENRARNe OR Landenien supérieur. |. . . . : . . BE: SAONE ALORS : ; | RAT oc OR En. | { Alluvions anciennes. | Argile jaune. 4 | Delannoy. .. .| 2 |...7} Lalocalité. . . . . . . . . M" NAIL DONNE EN OR CONS EE EN PRES TA. PA ARE C2 SEA LEO COERDES. AYALN.. . . . 4 Landenien supérieur.| . . . . . . . . HENRI LAC TA SERRE .. 1h | Landenien inférieur . | . . . . . . . . SN LES CRÉES EP | OM PROS ES | Sénonien. . . . . . Craie ; | 1 | Delinselle | 3 | . . . | La localité , ( Alluvions anciennes... Argile jaune . . | 1 | Demessine. 4 ! 800 | Les villages voisins el surtonb}}. L'ILE | | . Pont-a-Marcq. . . . - . : À Ypresien hé Seat 4 Glaise . : d | 4 | Levrin. he | Lille et Hénin-Lieétard. L { Auvions modernes. |... . 00) CORRE CON TT . fées [ones ; Alluvions anciennes. |. . . . . . . . SENS LAS PT à en ET EN AA AN LC PAPER € DL. à | Landenien inférieur. ER CHARS AE ASE ISERE ere nb + 2e CES : SÉnoNAn RE ee SD VA ES TO sa TOO AOIOREONORE b | { Alluvions moderne: RCE CIS T'ON | 414 | KA NAN ES | FRFTIN, . . . . Alluvions anciennes. | . . . . . . . . Mein: Eee | ME ee es 000 CR ® { Sénonien. éistiontlune se dise à UT SEE FNENT ete LOC EME B (OXDrESIEn. 00 GARE 7 ANR EF ER ne |. . . . | Panuerie d'Avelin. . . . . .-ÆRu | Mémienres . . . | P | Ë o\ Marquette. . . |. | ,500 | } Landenien supérieur. |Sahle. . 2} Deseloquemont. | .. | 4800 | Alluvions anoiennes . |. . . . . . . . PCT PDA eo Ni RON LE EE COS En EE va L MONCHEAUX, . . déviecten nu}. Abu Glaise pour briq. 4 | Dehaies. . à 500 | La commune et celles environn | , . ( Alluvions anciennes. |. . . . . . . . tete | du HE | Dé ls) RASE TEERMENENEIS A Mons-Fx-PÉVELE. | Bruxellien NT RÉ E EE ERe ES AE ne A RARE ER sr Re [: | NRA EE 0. Fe A EN feet | AMAR IE CEE | | | | La Neuve. . |Alluvions anciennes. | . . . . . . . . UN ST SU NOR TS TEE | | | Alluvions anciennes. . ADERPETE ER OET PEETIOT IE SES | ES RNE CRPEN LE | ORTAICOURT. . . rural supérieur. Sable. 8 NURE ‘a | Ségard. . we a) ‘4 »000 Là localité. Routes et chemins | | mois divers. PA RE D CRE Dr À rpremen. me À | RE mA | : |: 2: | poteries de Phatempin et de PHALEMPIN. ; | | Templemars, { Landenien supérieur. | | ATEN SAR LIRE k | Landenien inférieur . Earl ER ER SALE MES à 72 | 15 LHES,. Population ( | par COMMUNE C au EXPLOITÉES. 4er. janvier 1846. NON ILLE S.-0. |: TC EEE" | °639 | | 4447 raie | MAO NE ire dre lee | 10483 E LILLE O. RÉAGIR. + 2. à à $:5 fable argileux. 1161 able argileux. Wgile jaune. . . . . . . 1746 Mrgile jaune, sable. . , 3542 NT—-A-MARCO. rgile jaune; sable argil.} 938 aise able Î cd Aa | 4767 laise ; fer carbonaté ble. aise. | | LÉ Go dore 1759 RD Ut: Le 1625 gile jaune. aise. raie. DEUP RER 2.1.2. 2. 2079 gile jaune raie. Re 964 Mila jaune, . : , 10410 | re ile jaune ; sable argil. | 1796 le fin, calcaire. | aise. | nlb jaune, : . . . ….. 4041 Msile jaune. . . . . . . | 820 flaise , fer carbenaté. | able. | | &ile jaune... . . . .. 1376 S, sables argileux 183 z Etendue de chaque COMMUNE, 575 43 219 82 292 18 re 313 625 M 185 48 1542 79 668 39 1376 34 1093 09 991 146 1317 03 861 22 497 27 1236 87 792 51 ci | —|— | | | | | Ê OBSERVATIONS, 42 tahles pour les quatre briqueteries ; 72 ouvriers employes. C Des recherchez de houille tout a fait inutiles ont ele faites ET | Lambersart, il y à une vingtaine d'années, 1 Dans les parlies glaiseuses. l'eau sejournerait d'üne mäniere nui- Sible à la surface, si le cultivateur n'avait soin de pratiquer des rigoles ou des fosses au milieu des terres. — C’est dans la glaise que | l'on a découvert, en 1843, quelques veines de fer carhonaté. | | \ Le sous-s0lest nn melange de sable et de glaise que l'eau ne penètre | UE diffieulte. Des recherches de minerai de fer ont étà faites | cd EE de minerai de fer ont eté faites anssi à là même | époque. | DES GRO NOMS 7 à igéologique sommaire _ ERPROITRES. d | au BE] Nous {eä|iu COMMUNES. | | NATURE. ce des 2E| en | SOUS-SOL. | S = ; 6 BE] mètres } | A2] PROPRIÉTAIRES [ZE | l Æ a ! Alluvions anciennes . | . . . . . FES 1e JE + a PONS MLRCO. : ) Xpresion... 20.10 © à . . , | ; QE ch PER Landenien supérieur. 21 RAI] CRC Leu] PARA PRO \ Alluvions anciennes , | Argile jaune. . . | 4 [Bruneau . 20 (A | 500 TAUMERIES. | Ypresien CL ous Du-0N)| TROP AREPRCr |: ; «| MAO à 168 CU Dan | FE EU FA } | n j Alluvions anciennes . | . . . . . . .. Fate: SL RODHSIENTEEN € us ACER lose... x «| RE de «Ve aa. Alluvions anciennes . |Argile jaune. . . | 4 |Plouvier . . . . | 4 | 600 | 6 mois “ | À Meureau . A 300 MDEORIEN ES 6. à jGlaise.. . .. 34 Declercq, Ve. 1 800 WABAGNIES . . . | Vallois. 1 200 3 mois " FÈE . Declercq, Ve.. 2 | 3000 Landenien supérieur. |Sabte. 17 Poirier 4 | 4200 \ Landenien inférieur . s { Alluvions modernes . se MEN SP e de LR PITRENS COMINES . . . . | Atirions ÉTOTT CON ARLES EUNIERE Lo] RE | Eee VTT) TON ANS | PRESS | | FAN D LEE { Pere 7 | 5333 \ Alluvions modernes . |Argile glaiseuse.| 34 Laloy.. -. . . | 7 | 5333 DEULÉMONT. . . | Delattre.. . . . | 7 | 5333 | Alluvions anciennes . | RTE SERRE METRE Bree { | LOMPAFT. 3: Alluvions anciennes . |. . . . . . . 5 1 ESPERt L Altuvions MONET dec romcieale DOUCE Re . | Te , : Kluvionganciennes.. Sable... 4. 1 LE SRE Ln, 5 PERENCHIES. Sue 4e : ai Vankersachaver .| 2 !. : L'ipresien mé ete Glaise . 2 | BON Ne a |: HA - SUR- DEULE. Alluvions modernes . Alluvions anciennes . VERLINGHEM . à Alluvions anciennes . Ypresien s-)! Alluvions modernes . 1 Alluvions anciennes . WARNÊTON (SUD) | Alluvions modernes . Alluvions modernes . AÏluvions anciennes . WARNÊTON (BAS WERVICK (SUD) . | Ypresien { Allurions anciennes . RON: . TO CSN ASE | Landenien supérieur. Ë SRE Ie | RoupArs Alluvions apciennes.. ea jaune. . | Ypresien. . 11 \Demessine. . CRE. Six Paret. Hynderynet. Persegaele . . Pennel AE 4\ | Pennel (Louis). Wattine-Dazin. Frère (Louis), . Frère-Destombes. Delvinquière. . . Hennion. . . . Rasson. Lavaine .. Beaucarne. . î —bOIDES, . SUBSTANCES MINÉRALESII j l | DÉBOUCHÉS. ROMANE » AURA NE ARR ARTE ü NE MU « à Thumeries AT 7. AL AE ll ee à 3 4 l' La commune . . . . . . .… celle de Wahagnies et cell | Les 3 panneries de Phalempin! de Libercourt. Briqueter., panner. et constre chemins vicin. Nos. 8 et 301 CANTON DE QUESNOY | hu, #5 415.48 FN UV : «rot OR [ 5 [ {Lite et ses environs. . , . . Es à ORNE ER À ro Ne) EUR A L (ra Belgique et Deülémont.. , | CANTON DE | | | | 30000 | Roubaix MPTILES. NON EXPLOITÉES. ‘Glaise ; fer carhbonaté Rrpile jaune . . . . . . HGlaise. ‘er carbonaté. SUR-DEULE, Argile glaiseuse. . . . . 4 rgile jaune , sable laise. Argile jaune. Fer carbonate. Mrgile glaiseuse. . . rgile jaune , sable. Argile jaune, sable. . . ilaise. Mrgile glaiseuse. . , . . fable. Aréile glaiseuse. . . . . rg. jaune, cailloux, sable. ROUBAIX. HeUgjaune. . . /, .. laise. Fable. | | Glaise. ——— = Population par GONMUNE au 4er, janvier 1846. 826 5225 2440 42041 1890 31039 Étendue de chaque GOMMUNE. 1578 72 966 16 166 14 | | | | | | | | | OBSERVATIONS Le sous-sol consiste en grande partie en argile mélee de sable recou- verte par 20 cent. de terre végétale. ïl a été fait il y a quelques années des recherches de minerai de fer qui n’ont pas eu de suite. On a trouvé le minerai de fer à quelques mètres au-dessous du «0l dans plusieurs partics de la commune , mais il n’était pas assez abondant pour pouvoir être exploité d’ une manière utile. Ces fouilles ont été faites vers 4840, Les fonds sur lesquels les briqueteries ont été établies sont transfor- més en prairies moyennani de grands sacrifices pour les améliorer. avec des vases de rivière , dela chaux, du fnmier, etc. Les briques de Deülémont sont très-renommées. Les terres noires d'alluvion de la Deüle recouvrent immédiatement la glaise. Sur les deux rives on trouve d'abord de l'argile avec veines de sable (sable mouvant), puis la glaise. | DESCRIPTION SUBSTANCES MINFRALES NOMS 7 ( éologique sommaire PRRÈES. den & gique $ 55 NOMS | æ | Produit ! ES FAURE 2 € | annuel | . du ; 22 LE | à ! COMMUNES. DATES. eZ des Es "| DEBOUCHES | SOUS-SOL C4 , ; © >| melres Z | PROPNÈTAIRES |ZS | s a) cubes. | ( l , | Droulers 322 l L WAsQuEmAL . . |Alluvions anciennes . | Argile jaune. . . | 34 Houzet. . . . . 6 } 3200 {Roubaix , Tourcoing el les | ( Lepers . . KA | villages voisins. nn Alluvions anciennes . |. . . . . «| UTH PR EAST AT EU WATTRELOS . . à Ypresien. . . . . . |Glaise … . | Le : fra poterie d de la commune. Landenien supérieur . | 3 GANTON 7e . { Alluvions modernes . à ef RES | 2 : ; ARE LES À Aluions anciennes AN HERS.- SEE l.4. Re er E ** * * (Sénonien... site NEC | NE SM LES Re th». ducs a Ÿ Alluvions modernes . : je ; #6 ME tee : ANNOŒUELIN. . À Alluvions anci lente de { Pecqueux.. & | 4470 LE | Alluvions anciennes . |Argile jaune. . j Debarge . | & | 4460 ÎLa commune “ ' BAUVIX Alluvions modernes et | Den] eee Ed Free co RU Dr 1. CORNE x vila S Chrétien . . & 42 | Heurchiu , Beauvin , Provin Alluvions anciennes . |Argile jaune. . 2 | Horteluque|. : k 1 À Billy-Berclau. SR Alluvions anciennes |. . 10 VERS d N -EN-CA- Fee e | Landemien supérieur. ASE LE à U Sénonien SNS ; | ë x : | GARNIN. . - Alluvions anciennes . PR RCE Ph Did EE D Clin | ET CURE es Alluvions anciennes . : ; 5 Û CHBNY . Landenien inférieur . s PE dE : Alluvions modernes . ux SELF 5 ROER AE EVA ! Seclin, Chemy, Herrin , Alles GONDEGOURT . . Alluvions anciennes . |Argile jaune. . . HenRIN. . HOUPLIN.. . LESQUIN : . NOYELLES. . PROwIX. . SEGLIN. VENDEVILLE. . WATTIGNIFS BoUsBrCOUr*. HALLUIX. TEMPLEMARS, . . Laudenien inférieur . Alluvions modernes . Alluvions anciennes . | Alluvions modernes . Alluvions anciennes . \ Alluvions anciennes . ! - = Sénonien... . . . { Alluvions modernes . Alluvions anciennes . Sénonien... . . . | Alluvions modernes . Alluvions anciennes : |A | Sénonien.. . . . ! Alluvions modernes . Alluvions anciennes . } Landenien inférieur . (Sénonten.. ae l ] { Alluvions anciennes | Sénonien.. . . . . | Alluvions anciennes , { Sénonien.… . ME Alluvions modernes . Alluvions anciennes { Sénonien.…. / Alluvions modernes . Alluvions anciennes \ Ypresien . . { Alluvions modernes . : | Alluvions anciennes . Ypresien.. Argile jaune, . Craie. . Argile j jaune Craie. . | | Craie, . Le Argile jaune . Glaise . 1 [Marquant. . . . Taffin-Peuvion. Chuffart .. . . ne * 1” NI] - a A { |Gramette. dE Se à Re e Leroy . :) Houzé. . ‘) Delecourt. Deletombe . MAT Thibaut. ; { Venant . Demeestère 1 1 Baggio . t 3! ee æ , 3 320 nes et Gondecourt Î L'arrondissement LE à {provin et Bauvin e [9 | 1200 [ra localité : | 3 | 4136 | F 3 | 4050 CONTE 4 | 4100 (ce localité. 3 | 4430 j 2 | 50 ; Les communes voisines : CANTON DE La communs . Id, 3100 600 { 167 ) { UTILES. Di Population ; | par Etendue \ON | COMMUNE | de chaque OBSERVATIONS. | au EXPLOITEES. Aer. janvier | COMMDNE. 1836. » ANDIO MAT ONCE | 2034 679 62 30 ouvriers attaches aux hbriqueteries Rôlle jaune. . . . . . 8736 1358 80 fuble. | DE SECLIN. TORRES | 370 546 61 gilejaune. . .‘. . . . SAIS EAP PENPNPIEOE | RD MEN | 346 4144 09 RE T | 41468 393 Hl | frgile jaune. . . . . . . 923 737 56 | Maïise, sables argileux. : Faie. Bgile jaune. . . . . . . 129 231 93 L'épaisseur du sol cultivable raria de Om. 30 à 6 m, 80. Pile jaune...” . . . . 405 343 53 flaise nee 1639 196 68 aise. | TRACE | 3 244 gile jaune. =: TE PO CS 1320 638 78 | Mile jaune. | | | RAA TT RENE 1249 | 837 58 La terre végétale est ires-lôgère, mais cependant assez bonne pour ! | | la récolte du froment. — Sous-sol argile mêlée de craie. | | 1 ORNE | 439 : Ju 233.15 | gile jaune | aie. | | | MORT RP Neue de 1159 | 336 40 | L'épaisseur de la terre cultivable varie de 0 m. 40 à 4 m. 10. — Le | : | sous-sol se compose d'argile à briques. sauf 4/4 environ du lerri- faic. | toire où il existe da la craie MODE... . ne 3240 | 1728 63 | Mhble argileux. | Mise. | | | gile jaune. . . . . . . | 996 | 156 58 | aie | Elle jaune. . . . . . . 481 252 17 | Les terrains d'ou l'on tire la craie ne sont que de 3e classe MEN . - . . . 2226 | 623 90 | Wrgile jaune. | raie. | TOURCOING-N. STARS PEN 1900 638 66 | Mrgile jaune, gravier el, | sable. | | aise. | | | uvre | ses | vus a Milloux , sable argileux.. | (168 ) EE Ù | DESCRIPTION SUBSTANCES MINÉRALES | NOMS D | | géologique sommaire EXPLOITÉES. | des | [_£ a | Produit | | du £ 5 NOMS ES annuel | COMMUNES | NATURE & = des £Ë en DÉBOUCHES. | CS , © etr | ES | ZE rrornérames. |2£ er à | Alluvions anciennes..| . . . . . . . . A Cal nt, Sao OO se Ses ASC AIL 65 1 8 K 277 RSS | Ypresien COPA SERRE LE D RES RUE A ÉCRAN NET DAEUILBeRn - FE- ( Alluvions anciennes..| . . . . . . . . dci LS L'or LS A Mr D tn RL LUZ Or - FA RE DE AS 0, SN APRES) PR EC CE, À CO AA PE 3e 0 OR CR PES 2: { : ile i Vansteenkiste. . | 4 | 43 [once L seit anciennes..|Argile jaune. . . } 2 Ms FO dl4g |: ETES ST NS M DORIE TE ee lenlle ele ne» jee ile À ‘| LR NORTON |. 2) SON RE à Alluvions anciennes. |Argile jaune. . . |. . |. . . . . . . . |- A Set RC cat, qu nè ce . TOURCOING. . + À Ypresien RS ARLES € PR LÉ NET Eee ERA] RARES RTE | | CANTON DE Alluvions anciennes..| . MMS 0 INEMELRT. LICE NES IR RP Sd DORE: "4 Lena SRE | ik MT SERA À S Alluvions anciennes. .| . . . . . . . À RE Pro dec à ET attillenteht "Fou PRÉ Mance-x-Banaos | INVIONS anciennes. PE PROS ec ste EE Sata RE ls He SEE NO FRERES Alluvions anciennes... | | A RE RS à ON MOUVEAUX. . . Ypresien . . 5 | > | RAR. à Arrondissement| CANTON! : ! Alluvions modernes . {Tourbe... . . . {. .{La commune et | ! Rare \ celle d'Hamel. . |. . ! . . . [Les com. d'Arleux et d'Hamh SE Alluvions anciennes . |Argile jaune. | | ! | Landenien supérieur.|Sable. . . . . . 4" |Déprez. 0... le . . . [La commune ; ; Alluvions modernes . [Tourbe.., . , . |. . [La commune. : 400 BAD] 4e Moss vhs RU TH én: à Sédunien RNA Rule 2e à ER REA PAU EE CNP le a re 741 RS san TE 0 | l : Alluvions modernes . |Tourbe.. . . . . {. . [La commune . . su 5300 |La commune et celles avoisi] IBRUNÉMONT . . . < Alluvions anciennes... |. . . . . NP ET Sc RON ER SENS. | Sénonien . . . . . . 6 BE Lo - 1 Abies] RESTES D CLSC REC | Alluvions anciennes. |Argile jaune. el EC À Garlir : dE À > | 330 |La localité. . . ‘3 sieur Sable. . . . . . | 4 (Maurice. . . . . | & | 2000 | Idem. | |BuéNicouRT.… . Landenien supérieur? Grès. . . . Divers « | 2 | 29 |Routes diverses. Wû— | ment Sénonien . . : . . . Craie. | | | | | CANTIN { Alluvions anciennes. 54 SE PAR A 5 apré 0 2 1 © 0) SOS SR gs | TVR 1 Landenien supérieur. San | 4 [Lemaitre. . . . | 4 800 | Route départementale | joue anciennes. . HE CU LAS Ci SOUS | -.. « Landenien supérieur.| . : . . . . . . |. . |. . . .. A LA El UD ol PRE PRE Le 2: | | Lo - (Es inférieur . | | | SEROEN M ER ee A ND Le Loin STARS El] LE | LPS ae es TR ETES \ Alluvions anciennes. | Argile jaune. , . | 4 [Drancourt. . . . | 4 son |L La commune et les environsl ESTRÉES : AN AC Ce NET EEE CPS ne 200 |La commune. | | téion Supérieur : Grès, ... . . . | IDE UE | 10343 50 | Les communes environnant , Alluvions modernes . [Tourbe. . . . . IE 0 Divers. . . . .| 50 | 2000 |Lacommune. . . . . . D : . . . 4 Alluvions anciennes. | Argile jaune... . 1 |Ladrierre. . . . LEA 200 Idem TS ÉGon Guess ON FN AE € DEN NO Ë à SIMS E TE MO es Et ENS | Alluvions anciennes. ARR QOre . . |! 4 [Pollart(J.-B.. .}! 4 | 300 SR FRESSAIN . . . ‘ Landenien supérieur. Sable Un MAN POlIart(F). CIN 4 1 R20N0 La commune et ses environ | { Sénonien. .. . . . .! AE | SPORE Ts Alt ete | Alluvions modernes . |. . . . . . . .|..|..... RMS ETS RO RER G : Alluvions anciennes. |Argile jaune. . . | 4 |Dessine. . Fe. |: 4 200 |Les communes environnant FAMEARTE 4 sa érieur 4 Sable. + . ..- . | 4 [Tafün.. . . .. | 4 80 | La commune. | {| Landenien supérieur Grès PRCEUR 7 |. Ipivers | | | ! Î | { Alluvions modernes: |: . lee à SE le 1e 7 5 SE FRRROT À } : ; < | Argile jaune. . . | 1 }CGambrav. . À 2 La commune, . (Puum 2 ni u ANCIENNE ER EE | 4 [veuve Thomassin | 3 | 400 | Landenien supérieur | Sable. ,. . , . .: 4 |Detournay. 2 | 800 | La commune Population ! Ÿ UTILES. par | Etendue | NON Me: par | ÜBSERVATIONS } EXPLOITÉES. 4er. janvier | COMMUNE. 486. | Î l hect. 4469 6% Î 614 02 2 1509 36 | | | LRO E | 1056 26 | | um | able argileux. . . . . 26834 Hlaise Î RUE UTC MANS ENS | 3027 1292 26 fhrgile jaune. . . . . . 3937 1390 01 | Argile jaune, sable argil. 2449 lA& 88 laise. Ne ne dan € j 1685 1446 42 Les cailloux que l’on ramasse dans les terres servent à l'entretien | des chemins. Le sable se vend à la voiture à raison de 0 fr. 2 c. | par chaque cheval attelé. MAUR | 4457 516 43 Craie. | D Ne 584 198 79 argile jaune. 5 LÉBREEEERER 833 626 40 | Size ouvriers attachés aux briqueteries pendant deux mois. Argile j., cailloux et grès. 853 926 58 argile j., cailloux et grès. 469 527 98 able. traie. Sable argileux. . . . . . 1046 452 178 La briqueterie occupe six ouvriers. SU 1438 508 00 Idem. Sable argileux. raie. Idenr. Sable arg. cailloux et grès. 827 630 32 NONS des CONNUNES. LRCLUSE + . 2. ; MAROQ MONCHECOURT . . VILLERS-AU-TRR- ANBIERS . . . . NAT SC RU FLINES-LEZ-RACHES LaLAING.. . NVIRERE. . -.- ANICHE. . . AUBERCHICOURT.. DECET... . . LEWAnDE . . . . F DESCRIPTION | géologique sommaire! du | | | Sous-S0L. | \ Alluvions modernes. . l Alluvions anciennes. Alluvions anciennes. Sénonien { Alluvions anciennes. À Sénonien { Alluvions anciennes. | Landenien supérieur... | Sénonien } Alluvions modernes. . | { Alluvions modernes . | Alluvions anciennes. l Sénonien / Alluvions modernes. } Alluvions anciennes . | Ypresien Landenien superieur. :$ Alluvions modernes. . | Alluvions anciennes. | } Landénien supérieur | j Alluvions modernes... L vions anciennes. | Alluvio nes... | | Sénonien. .: . . .| | APTE anciennes. . | Ailuvions anciennes... Landenien inférieur . l Sénonien Alluvions anciennes. : Landenien inférieur... ! Sénonien { Alluvions modernes. . 4 . Alluvions anciennes. . Sénonien : Alluvions modernes... Alluvions anciennes . Landenien inférieur. | Alluvions modernes. . Alluvions anciennes. Sénonien { Alluvions modernes... ‘ } Alluvions anciennes. Alluvions anciennes. Laudeuien supérieur. Séponien Tourbe ... Argile jaune. . . | RE SUBSTANCES MINER A LEBlu EXPLOITÉES. =! æ gE| nos || 25 £È , Es des EE F DÉBOUCHRS. 2 É mètres AS) PROPRIÉTAIRES. |Z S ] cubes. [ | { De Larianderie. . | 32 | 1300 l | 3} Loi À. et SU | 45 600 }La commune et les villag}. (La SRE . . | 45 | 2000 j YDEINE -UR 2! Sa RUES - . _…. | La commune el les environs FOR RAR En PE É e ges SR ARR os UT RS RE AA: CORE his ET RES Cou ÉR SUD s mate |. SAR RS T l RES | CANTON D} Ce te = 2 DE 28 ENS QE L ârgit jaune. : : |° 5 |bivers : : © © ! | 46 | 6ésé [ia vie, iogénicsies rome" | | | | chaussées, la banlieue. . Craie ace { IDauchy.. . . .! 40 | 500 |La ville et la banlieue . . 2 PR rte AN TUE REA RER Argile jaune. . . | 2 MOTOhOn > Fa | 2 | 4500 |La commune et celles circon) AE EN + PR OC] PER RE TO PRE EPS CS buchätel . x Sable | 4) Godin... :: Ü 5 | 6000 [ch der bâtiments * | *)Despinoy. . . . { Ÿ | - de fer, pavage, bâtiments | ATARONET EE AU à: | | | MONTHS. eue « | { |De Monthozon . | ë | 460 |Blanchisseries d'Arras . 1h ut Moi if 2 LEO RERO AE ARS 16 7 ONCE RENE 2 fD'aremberg. . . | | 650 |Lalaing et les communes envi © | De Monthozon. . | ARENTL" APCE fer. | D LE NE Te NE MTS | 4. { Martin Rogez . . Argile jaune. , . 2] Cie. des Mines de | 2 | Warendin. . . nes fee Cote RS: ME AR A 1 LS Grète : | | Houdron : : : : | DR OA Le en LE 0) LM Te | 4 {Houdron. . . . | 16 Tourbe 4 |La commune . . | 1: RES CL ET ee 1 SR ne ln los ee ECS à OR fr n aziers et Douai. . . . . | | CANTON Di} | Sucrer., chauffours et bâtisset La commune et les environs. La commune et la fondege d|. Douai. Guénez, . . .. | | 3 pus TR 6 | 700 [Pegir et les comm, voisines AN OS à TR À ON RER AS 0 DU A î EE ae k | | He Long MORT RER 0 PO AEEE |" SAONE TES 4 ; | | : STE |: AU EN CT re OP DS «M LR tas PE be se RE NN Der CONS | | . : > ; USE AUS a" die e. 6 CARRE {l A (fe CRT D TR EE Le 15 - Ce CORNE (| { Dervaux . . .. | 3 | 5000 _ | Santhieux. : ! : | 3 40000 | 54 Ponthieux, . , , | 2 | 4500 : Douai, Bouchain, Aniche. el Jouvenet . . . , | 4 | 1000 | Fable ai CE - 4 500 } | Î 4 (tt UTILES. Population par £ COMMUNE NON au EXPLOITÉES. er. janvier 41846. 2 ATEN AIRE 1687 Sable argileux. Argile jaune, sable argil.. 528 Craie. argile jaune , . . . . . 102 Jraie. Argile jaune, cailloux . 455 Sable et grès. Craie. QUAI-N OURS - +." » 400 GET ANSE 20483 CUS ER ES 3664 Sable argileux. laise. se RONA AS Te 1837 Krgile jaune CMS le ee 3063 rgile jaune. Draie. RE nu PUENSTERRS s23 QOUAI-S. rgile jaune . . . . . . | 2537 rgile jaune. , . . . . . 1462 A ee ou ee A OU 1467 raie. LUS PNR O2 ê84 rgile jaune Ourbe? : : . .. : 552 gile jaune. raie. | TI PER IERR | 479 gile jaune. 4138 rgile jaune, cailloux et grè | | | Etendue de chaque COMMUNE. 495 71 462 37 1674 38 1959 59 100 2 882 59 398 08 544 83 396 89 393 46 | OBSERVATIONS L'épaisseur de la lerre vegétale est de 0,60. — Sous-sol argileux. — Treute-deus ouvriers sont attachés aux briqueteries. | | “4 : = | | | Uue socielé s élail formes eu {842 pour l'exploilation du miperai de | fer dans le terrain moderne au hameau de Dorignies, — Cinquante | ouvriers attachés aux briqueteries ! | | Ou a fait en 1839 ua forage prés des sablières pour la recherche de | la houille La plupart des märais à Lourbe ont été vendus au profit de la eom- mune.— Le terrain où l’on pourrait encore exploiter ce combustible n'est pas utilisé parce qu'il est consacré au rouissage du lin RE ae SUBSTANCES MINÉRALE NOMS DESCRIPTION ll géologique sommaire -- = 5 EXPLOITÉES. D tp des É a | Produit du AE NOMS Ê & | aonuei COMMUNES. NATURE. £ = des = 5 en DÉBOUCHÉS. SOUS-SOL. SE , © à | mètns ZÆ2| PROPRIÉTAIRES. © | js LS = ALL CAEN Lee | | Alluvions modernes . |. . . . . . . . APR PAPE ou GE | 14- ES EN PAPER ES ES. lo Alluvions anciennes . |. . . . . . . . RS PCR Le 2e DNA LE PAM RER AE Der. - » : Milon i Douai et chemin de gran! Landenien supérieur .| Sable. . . . . 2{ TON EE NE & 800 RAA ont { Alluvions modernes . |. . . . . . . . CO! An ER 435 EE ES Ce RO Alluvions anciennes . | Argile jaune . . 4 | Lestienne 1 420 | Masny et communes envirot Masnr. : | nantes. Ù Hantenien uférieur. |}. .:.-.:.. "MOIS TER EN PS D PR Re A Sénonien. . . . . . Grue FE UCte "4 [Nve. Fiévet : 2 600 | Masny Alluvions anciennes . |. . . . . . . . PP PS AC À à “0 > selle VUE SEE ARE MONTIGNY . . Landenien supérieur .| Sable. . . . . | 4 | Jovenet. . . . | 1 | 1000 | Montigny et communes v£ | | sines. : nitro Alluvions anciennes . SR AE EN at 7 de | ES POS PARU ETES lu * * * À Landenien supérieur .| . . . . . . . PE RES RE ARC LE EE | 4 CANTON ap Alluvions modernes . |. . . . . . . . EC CTP CU it ST SP MORE 7 6,000 DENT AP DASANR LE JS. 5,000 Ru 4,800 Re ur leu PES 3,600 HR Ra ru 2) 2,400 CRU Ad, de Lo SI LT RE 1 6 ee EL ANSE PET TO 1,500 Vingt-quatse 4 es os jo 00 « 1,200 L'administration arabe, en ajoutant à ces appointements le sa- laire des agents subalternes , ceux des chefs à la disposition du gouverneur-général , les subsides accordés à certains personnages placés dans nos rangs , nous coûte 330,000 fr. ; les frais d'inves- titure sont de 30,000 fr. En outre, les frais de la justice musulmane, administrée par des Kadis , s'élèvent à 37,000 fr., ceux du culte exercé par les Muphtis , les Thaleb, les Imans, s'élèvent à 50,000 fr. L'entretien des prisonniers arabes coûte 178,000 fr. , et les se- cours temporaires sont de 35,000 fr. Les chefs arabes n’en sont pas réduits aux traitements que nous leur allouons ; la plupart ont des revenus particuliers qui sont considérables ; de plus, ils sont chargés par nous de prélever les contributions que nous imposons aux tribus, et pour remplir cet office nous leur abandonnons le cinquième de la perception. Les impôts que nous exigeons des Arabes sont les suivants : ‘L'Achour ou la dime sur les produits du sol. ‘Le Zekkah ou l'impôt sur les bestiaux : c'est 1 bœuf sur 32, { mouton sur 100. ; “L'Hockor est la rente payée pour la terre, quand elle n'appar- tient. pas aux tribus, mais à l'État. L'Eussa est la taxe payée pour avoir le droit de vemr acheter du blé dans le Tell. C’est, si l'on veut. le droit d'exportation du blé du Tell dans le Sahara. Le Lezma est l'impôt établi sus tes datiiers ; il est de O fr. 25 c. par pied de palmier. Il y a encore d'autres impôts: par exemple, les chefs paient un droit d'investiture (hac), quand on leur donne le burnous de com- mandement , et comme l'investiture se renouvelle à des époques fixes , c'est un revenu ; mais ilest peu important et presque aban- donné. On ne prélève plus de chevaux. Le produit des amendes infligées par les Bureaux arabes forme- rait encore une source de recettes, mais il n'en esi pas rendu compte. Il sert à couvrir des dépenses diverses. Les sommes que l’on prévoit devoir être obtenues des impôts arabes , sont portées au budget des recettes de 4850, au chiffre de 4,000,000; cet impôt est considéré comme devant s’accroître en 1853. Mais trois dixièmes, au lieu de un dixiine, ceront af- fectés aux dépenses communales et provinciales : de sorte qu’il n'y a pas lieu d'accroitre ce chiffre. Avec les impôts dont nous avons énoncé le chiffre plus haut, il forme un total de 14,3:0,000 fr. L'impôt n'esi pas toujours perçu en argent; il peu: l'être en nature. Mais dans ce cas, l'administration tire rarement un bon parti des denrées qu'elle reçoit ; ainsi nous avons vu des comptes desquels résultait que des bœufs avaient été recus pour 32 fr., et vendus 9 à 10 fr. Les sommes perçues sur les Arabes ne représentent ceriaine- ment pas la somme \'utilité qu'ils retirent de noire administration ; nous les avons débarrassés de maîtres qui les frappaient d'impôts plus lourds et les levaient par des mayens beaucoup plus durs ; qui ne les faisaient point jouir d’une justice aussi impartiale , qui ne leur procuraif pas une sécurité aussi parfaite, qui ne faisaient rien enfin pour l'amélioration du pays ; les Arabes profitent autant et plus que nous de tous les travaux que nous entreprenons pour assainir les contrées marécageuses, créer des voies de communi- (376) cations , etc., etc. Leurs denrées ont un prix considérable qu'on peut même dire exagéré ; nous favorisons leur production par nos consommations et l’enseignement de nos exemples ; nos ouvriers leur construisent des demeures commodes , etc. L'exploitation agricole devait fixer l’attention toute spéciale du gouvernement français. Ce n’est pas assez de conquérir le pays, d'occuper les villes, de bâtir des villages , de tracer des routes, d'armer des forteresses, de creuser des ports, d'élever des hôpi- taux, des casernes, tous les bâtiments qui satisfontaux nécessités de l'occupation, de détourner Jes sources , de barrer les fleuves, d’édifier des fontaines , d'organiser l'administration du pays , tous ces travaux n'avaient pas une utilité propre, ils n'étaient entrepris que pour préparer et rendre possible la culture de la terre con- quise , la production par les mains conquérantes , la création de richessessuffisantes pour payer les frais de la conquête et favoriser les échanges entre la métropole et la colonie. Pour arriver à ce résuliat, il faut choisir la région sur laquelle on établira les cultures, distribuer des terres aux immigrants, choisir les végétaux qui. donneront des produits convenables, enfin faciliter l'établissement des colons. Les régions à cultiver ont naturellement été déterminées par la marche de notre occupation. Les centres de population ont été groupés autour des villes qui devaient leur donner un appui souvent indispensable, les approvisionner, et recevoir les den- rées qu'ils produisaient , ou bien on les a placés aux lieux des étapes obligées, sur le terrain des anciens camps , ou des postes militaires , sur les lignes ordinairement parcourues par nos troupes. Ainsi les premiers colons se sont établis autour des villes du littoral que nous occupions, c'étaient Alger, Bône, Oran. Quand nos troupes se sont portées en avant , ils les ont suivies , et ont rempli ies postes qu'elles abandonnaient ; par exemple lorsque l’armée quittait Douéra et Koléah pour traverser la Mitidja, et prendre position au pied de l'Atlas, à Blidah, etc. les euro- (371) péens se répandaient dans le Sahel, occupaient les camps , où ils avaient vécu du commerce qu'ils faisaient pour l’approvisionnement de nos soldats. Ils suivaient encore les corps militaires quand ils franchissaient l'Atlas et allaient prendre possession de Médéah et de Milianah, ou planter leur drapeau sur les murs de Constan- tine, s'arrêtant dans les enceintes fortifiées dans lesquelles avaient habituellement séjourné les troupes expéditionnaires. Guelma sur la première route choisie pour aller à Constantine a été un camp; Philippeville fut fondée pour ouvrir une voie plus facile vers la capitale de la Numidie; El-Arouch, El-Kantour , Smendou, furent les étapes établies sur cette route; Milianah, Orléansville, furent des lieux de séjour sur le chemin d’Alger à Oran; Aumale, Sétif, etc., sur celui d'Alger à Constantine ; Téniet-el-Had, comme Batna et Biskara sur les voies suivies par les expéditions du Sud. Les terres distribuées aux colons sont encore peu étendues; on les a obtenues avec difficulté. Le gouvernement a établi en prin- cipe qu'il respectait le droit de propriété du peuple vaincu: il a admis qu'une longue possession d’un domaine délimité équivau- drait au droit écrit de posséder, et jusqu’à vérification de titre, il a laissé la jouissance des terres à ceux qui les occupaient. Il a dis- tribué celles qui constituaient le domaine de l’État et qu'on nomme terres du beylick; celles des mosquées et des fondations pieuses , en se chargeant de pourvoir aux besoins auxquelles elles étaient consacrées ; celles qui sont restées vacantes par suite @e l’émigra- tion de quelques tribus, et qui ont été confisquées; celles qu'ont abandonnées les Arabes pour obtenir des titres qui leur assurent la propriété définitive des espaces sur lesquels ils ont été cantonnés; entin celles qui, dans quelques cas, avaient été acquises à prix d'argent. Le tableau suivant indique le nombre d'hectares que l'État avait livrés aux colons dans chaque localité au 31 décembre 1850, le nombre de ceux qui déjà sont mis en culture et de ceux qui restent disponibles : 978 | Province d'Alger. — Territoires civils. Nombre Noms des localités. d'hectares concédés. Médéah. 3,803 Milianah. 470 72 Boufarick. 1,586 Cherchel. 2,070 Fouka. 714 39 Dély-Ibrahim. 252 Drariah. 197 El-Achour. 568 Cheragas. 540 Ouled-Fayet. 544 Douéra. 1,019 33 Saoula. 403 Baba-Hassèm. 549 42 Saint-Ferdinand. 594 52 Sainte-Amélie. 621 59 Crescia. 375 38 Douaouda. 672 99 Joinville. 396 59 Montpensier. 338 91 Beni-Mered. 870 03 Mahelma. 567 66 Dalmatie. 666 Zeralda. 399 45 Fondouk. 951 94 Sidi-Ferruch. 30 Aïn-Benian. 158 Souma. 7190 40 Mouzaïa. 1,268 94 La Chiffa. 594 2% Affreville. 470 Arbà. 355 Fort de l'Eau. 349 TOTAL. 23,411/37 Nombre d'hectares disponibles. 47 13 976 18 115 42 = D + 19 Nombre d'hectares défrichés. ( \ 379 | Province d'Alger. — Territoires mihtaires. Nombre Nombre Nombre - té d'hectares d'hectares d'hectares NON ERUUS concédés. disponibles. défrichés. Dellys. 215 71 1 86 223 Orléansville. 813 912 811 Aumale. 556 44 81 56 300 Boghar. Teniet-El-Had. 200 50 70 TOTAL. 1,785 65 1,065 1,334 ToTaAL de la province 25,234 02 2,374 35 11,461 Province d'Oran. — Territoires civils. Oran. 17,845 13 653 76 2,655 Mostaganem. 1,071 44 855 La Senia. 687 520 Misserghin. 911 50 15 405 Arzeu. 867 45 402 290 Sidi-Chami. 709 67 300 Mazagran. 1,152 C4 158 832 Valmy. 32% 42 16 189 Arcole. 128 62 18 30 240 Aïn-el-Turk. 350 88 674 92 49 ToraL. 24,348 15 1,938 40 6,425 Province d'Oran. — Territoires militaires. Saint-Denis-du-Sig. 6,386 36 24 84 1,040 La Stidia. 910 400 220 Sainte-Léonie. 596 36 304 514 Militaires libérés. 382 375 Saint-André. 1.003 80 34 800 Saint-Hippolyte. 168 84 12 06 104 Bréa. 415 22 16 Négrier. 422 25 72 14 Mansourah. 209 34 9 06 13 La Seysaf. 373 72 40 24 21 TOTAL. 10,913 77 896 62 2,977 ToraL de la province. 35,226 32 2,835 03 9,403 ( 380 ) Province de Constantine. — Territoires civils. Nombre Noms des localités. d'hectares concédés. Constantine. 2,459 85 Bône. 1,976 73 Bougie. 126 95 Philippeville. 1,230 93 La Calle. 17 50 Saint-Anloine. 662 40 Valée. 612 Damrémont 605 Guelma. 1,771 87 TOTAL. 9,463 32 Province de Constantine. — Territoires El-Arrouch. 1,845 85 Sétif. 2,595 57 Saint-Charles. 926 40 Condé. 391 61 Penthièvre. AZI Batna. 8 87 TOTAL. 7,945 32 ToraLde la province. 17,408 67 ToraL des trois pro- vinces. 77,947 65 Nombre Nombre d'hectares d'hectares disponibles. défrichés. 1,204 05 852 659 75 165 105 1,503 05 475 16 26 20 324 150 485 8 316 1,440 91 1,425 4,985 926 4163 militaires. 179 1,000 3,168 66 2,591 283 60 269 101 38 4 658 96 8,693 89 31 13,086 79 3,895 18,072 05 8,058 23,281 42 28,921 Voilà donc 101,229 07 hectares ou concédés aux européens ou dispo- nibles en leur faveur. Des villages nouveaux ont été fondés depuis ; des concessions ont été faites. Ainsi dans la vallée du Saf-Saf 12,000 hectares ont été concédés ; d’autres terrains ont été distribués en diverses loca- hités, mais l'administration n’en a pas encore fait la récapitulation exacte. ( 381 ) Les particuliers ont achété directement des terres ; on estime que la quantité qui est ainsi entré dans notre domaine agricole s'élevait pour la province d'Oran à 2,000 h. environ. Si on admet que celle de Philippeville en a acquis autant, et celle d'Alger le double , on aura de ce chef 8,000. En 1848 , quand l’Assemblée nationale eût ouvert un crédit de 50,000,000 fr. pour Les colonies agricoles ou militares, 57,000 hectares leur furent assignés. Voici l'indication des terres qui ont été attribuées à chacun et de celles qui ont été défrichées : Nombre d'hectares formant le territoire. Hectares défrichés. El Affroun et Bouroumi. 1,311 83 Marengo. 1,922 674 Zurich. 1,170 200 Novi. 1,300 30 Castiglione et Tefeschoun. 1,535 28 Lodi. 1,200 25 Damiette. 1,843 ” Montenotte. 855 29 Ponteba. 1,016 » La Ferme. 550 » Aboukir. 1,300 155 Rivoli. 1,400 105 Aïn Nouisy. 1,200 25 Tounin. 1,200 28 Karouba. 600, 26 Aïn Tedeles. 2,200 108 Souck-el-Mitou. 2,000 66 Saint-Leu. 376 71 Damesme. 304 43 Arzeu. 117 43 Muley-Magoun. 84 8 Kléber. 1,400 75 Mefessour. 1,000 25 Saint-Cloud. 5,000 101 Fleurus. 1,520 41 Assi-Ameur. 1,040 36 ( 382 | Nombre d'hectares , formantle territoire. Hectares défrichés. Assi-Ben-Ferah. 1,016 32 Saint-Louis. 2,500 38 Assi-ben-Okba. 930 18 Assi-Bou-Nif. 1,060 20 Mangin. 1,200 17 Jemmapes. 2,400 » Gastonville. 1,870 220 Robertville. 1,750 331 Héliopolis. 1,843 103 Guelma. 1,216 600 Milesimo N.° 1. 2,450 73 Milesimo N.° 2 ( Petit.) 2,080 86 Mondovi N.° 1. 1,656 149 Mondovi N.° 2 ( Barral.) 1,613 130 51,569 3,882 Aux 12 villages de 1849 , une superficie de 17,853 hectares a été affectée. Ces villages dont on devait donner les maisons à des colons libres vont recevoir les individus condamnés à la transpor- tation , en vertu des décrets de décembre 1851. En dehors des centres dont il vient d'être parlé , la colonisation libre s'est étendue , soit par achat de terrain soit au moyen de concessions isolées. À Staouéliles Trappistes ont obtenu une concession de 1,020 hect. Dans le Sahel, notamment à Dely-Ibrabim, Ouled-Fayet et Cheragas , sur le territoire des Beni-Moussa et des Beni-Khelil , occupant les deux rives de l'Harrach, des exploitations agricoles ont été fondées , sur celui des Krachenas 18 fermes sont établies, d'autres ont été fondées dans l'arrondissement de Blidah. Ces établissements occupent 13 à 14,000 hectares. Dans le territoire militaire de la province d'Alger , 310 hectares ont été concédés à Haouch-Kaïd-el-Sebt (subdivision de Blidah), 507 à Haouch- Ahmeda-Nita-el-Habous, 390 à Ben-Meïda , 279 sur la rive droite du Bou-Roumi, en tout 1,486 h. Quelques exploitations parti- (383 ) culières seront formées à Medéah , Milianah , Orléansville ; dans la banlieue d'Oran, 195 fermes plus ou moins importantes ont été créées , 30 concessions ont été faites dans la vallée des jardins de Mostaganem plusieurs dans les banlieues d’Arzeu et de Mascara; dans le territoire militaire de la province d'Oran 2,841 h. ont été voncédés à un adjudicataire qui s’est chargé de la création de Ja commune de Sainte-Barbe ; des concessions pour 170 familles ont üté-faites à: Christine: San-Fernanda et Isabelle ; 3,059 h. ont été donnés à {Union ‘du Sig ; la terre domaniale d’Arbal, de la con- tenance de 940 h. à été donnée à un concessionnaire ; de petites concessions ont été faites à des auberges sur la route de Sidi-bel- Abbès, de Mascara , d’Arzeu et du Vieil-Arzeu, 15 fermes isolées possèdent 1,000 h. Des concessionnaires s’établissent dans les environs de Constantine dont la banlieue agricole à 14,000 b. Dans la vallée du Bou-Merzoug, 53 concessionnaires ont obtenu en- viron 4,000 h. Quelques exploitations existent près Sétif et de Batna; enfin la colonie pénitencière de Lambessa , où sont placés les déportés de juin, possède 3,000 b. Si on récapitule le nombre des hectares livrés à la colonisation, on trouve quil est , en totalité . de 330,000 h. Ilest bien entendu que les forêts, qui doivent former le domaine de l'Etat, ne sont pas comprises dans cette superficie: celles qui ont été reconnues avant 1846 contenaient 368,519 hectares; des appréciations plus exactes et des découvertes nouvelles ont porté ce chiffre à 868.015 k dont 314,011 h. de futaies. 250,685 de futaies et taillis. 93,350 de futaies et broussailles. 67,600 detaillis. 118,194 de taillis et broussailles. 24,175 broussailles. On ne comprend pas dans ce chiffre sept forêts du Sahara de la contenance de 27,200 h., ni les 104,709 h. de forêts de Batna, de ji? ( 384 ) l’Aurès et de Tebessa; en les ajoutant, on aurait un domaine forestier de 999,915 hect., soit un million. Les cultures généralement adoptées ont été celles des céréales : celle du blé et celle de l'orge ont prédominé; celle de l’avoine, quoique productive , a été négligée. Les prairies naturelles, assez nombreuses en Algérie, ont fourni une exploitation plus facile et plus productive. Les prairies artificielles, formées de plantes semées, ou croissant spontanément, après les diverses récoltes, ont formé une ressource extrêmement précieuse: le sol de l'Afrique septentrionale est re- marquable par la quantité d'herbes et de plantes fourragères qu'il produit sur les surfaces qui ont été labourées; elles se dévelop- pent dans la saison des pluies, et croissent avec une telle vigueur qu'elles sont fauchées avec avantage. Les plantes qui sortent ainsi du sol varient selon les années et selon les cantons : tantôt ce sont des graminées, tantôt des légumineuses; on les voit alterner entre elles : ainsi chez M. Rouzé à Ouled-Fayet, dans le Sahel » tous les deux ans on voit croître l'hedysarum (sainfoin d'Espagne) qui donne des tiges serrées et de plus d’un mètre de hauteur ; chez M. Chuffart, c'est le medicago lupulina (minette) qui couvre la terre en certaines années. Quelques plantes industrielles ont été cultivées; le tabac est celle qui l’a été sur la plus grande surface, et dont les produits ont été le plus assurés : nous donnerons plus loin des détails à ce sujet. Le tabac algérien, contenant seulement 4 p. O0 de nicotine, n'en contenant même que 1 p. 010 quand il est produit par la culture arabe, égale, par cette qualité, les meilleurs tabacs à fumer que nous tirons de l'étranger. La culture du coton a été essayée sur plusieurs points : nous en avons rapporté des échantillons pris au jardin d'essai d'Alger et à l'exposition du comice agricole de Philippeville qui étaient beaux. Le coton d'Algérie peut être comparé à celui d'Egypte ; mais on ne sait pas quels bénéfices il donnera au cultivateur. La culture du cactus qui porte la cochenille se fera avec succès. Celle de la canne à sucre n’a guère été tentée. On a peu planté d'oliviers ; mais le mürier a été plus répandu : nous avons cité ceux de M. Gourgas , ceux de Robertville , etc. On cultive le bananier (musa paradisiaca) avec quelque succès, à Alger et dans d'autres cantons. Il donne de bons régimes, mais les soins qu'il exige, l'exposition qu'il réclame, les irrigations qui lui sont nécessaires n'en permettent la culture que d’une manière fort circonscrite ; nous reviendrons sur ces diverses cultures en parlant du jardin d'essai. Les cultures régulières entreprises en Algérie par les Européens occupent encore des espaces fort restreints : en 1846 , les colons civils n’avaient cultivé que 7,338 hectares ; en 1850 le nombre en était arrivé à 28,921 h.; les colonies agricoles fondées en 1848 avaient défriché 3,882 h. quand elles ont été visitées par la com- mission parlementaire , et 10,491 h. à la fin de 1850. L'installation des colons a pourtant été l'objet de toute la solli- citude du gouvernement, et il a fait de grands efforts pour la faire réussir. Il est facile de le prouver par l’énumération des tra- vaux exécutés, et des encouragements distribués par ses ordres. Les défrichements opérés par l'armée ont été nombreux: ainsi à Staouéhi, chez les Trappistes, qui doivent plus partieulièrementse livrer aux travaux du labourage, nous avons vu des militaires occupés à arracher les palmiers nains. Sur presque tout le terri- toire des colonies agricoles, la charrue n’a été maniée que par les hommes appartenant à l’armée. Nous avons vu à El-Afroun quatre compagnies dezouaves dont deux étaient occupées à établir la route, et deux à faire les défrichements. Les colons restaient dans l’oisi- veté. On leur bâtissait leur maison, ils vivaient sous un abri commode, ils ne cultivaient même pas leur jardin, et le soldat, qui a avait qu'une tente, était encore obligé de labourer seul le ter- ritoire du village, de semer et de récolter. Le courage, le dévoue- ment, l'abnégation de nos troupes sont vraiment admirables. Des semences ont été distribuées soit à titre gratuit, soit à titre de prêt, ou ont été vendues par l'administration. Des instruments aratoires ont été mis dans les mains des colons: 26 : 386, on leur a hvré des charrues , des herses , etc. Dans l’origine, ces instruments ne fonctionnaient pas avec perfection , ou subissaient promptement des détériorations ; ils ont été perfectionnés. Les charrues de Grignon et de Dombasle sont celles qui sont confec- tionnées dans l'atelier d'Alger ; malgré leurs bonnes qualités, elles n'ont pas été maniées avec facilité par tous les cultivateurs. Ceux qui étaient inexpérimentés les ont munies d'un avant-train : on doit convenir que si le brabant à sabot est plus simple, plus léger, moins couteux, s’il fonctionne parfaitement lorsqu'il est conduit par des laboureurs exercés, il est plus difficile à diriger, par ceux qui n’ont point un long apprentissage dans l’art agricole. Nous avons vu de louables efforts pour arriver au meilleur choix des instruments et des méthodes de labour dans les diverses circonstances de sol, de pente, etc. Nous avons dit qu'à Ouled- Fayet on emploie la charrue à deux socs et deux versoirs en sens inverse, inventée dans le Nord pour labourer en revenant sur le même sillon. C'est M. Chuffart, cultivateur du Nord, qui a introduit cette charrue en Algérie. La distribution des bestiaux faite par l'administration a été l'un des secours les plus utiles. Sans animaux, pas d'agriculture possible ; ce n'est que par eux qu'on se procure le fumier né- cessaire à la fertilisation du sol; ce n’est qu'à l'aide des bêtes de trait qu'on peut préparer la terre pour la grande culture. L'agriculture qui se propose de favoriser le développement des végétaux , est tenue d'élever en même temps des animaux, parce que ceux-ci vivent des produits du règne végétal qu'on ne peut transporter , et créent la viande et d'autres substances utiles à l'homme qu'on peut facilement porter au loin ; de plus par tous les actes de leur vie, ils restituent aux plantes les principes qui font la base de la nutrition de ces dernières. L'administration a donné des bœufs de travail à titre gratuit ; elle a distribué les animaux provenant des impôts ou des razzia; elle en a prêté; elle a placé chez les cultivateurs les troupeaux conservés pour l'alimentation de l'armée. Elle a souvent mis un (387) bœuf à la disposition de chaque famille, de telle facon que deux familles s'unissaient pour former un attelage. Les pépinières fondées par l'administration ont été d'un grand secours, celle d'Alger, placée à Moustapha, est vaste , son sol est excellent, arrosé par des sources abondantes; sa position au pied du Sahel , sur le bord de la mer , parait très-convenable. Le bâtiment qui renferme l'habitation, les collections de graines, l'herbier, etc., etc., est un véritable monument , trop splendide peut-être, Des ateliers divers y sont annexés: on y débarrasse les cotons de leurs graines; on y file les cocons achetés aux colons, et on obtient une soie qui a mérité les plus grands éloges à l'exposition de Londres ; des serres et des hangars, des couches pour les multiplications sont répandus dans le jardin, pour la culture des végétaux tropicaux que les hivers et les nuits froides de l'Algérie tueraient. Les arbres qui sont cultivés pour les distributions sont les frui- tiers, tels que poiriers, pommiers, abricotiers, cerisiers, aman- diers, jujubiers, noisetiers, noyers, pêchers; plusieurs variétés de cognassiers, par exemple celle de Chine qui donne des fruits énormes; de très-nombreuses variétés d'orangers et de citronniers. Sur le coteau qui abrite le jardin au sud, sont cultivées 500 va- riétés de vignes dont les fruits sont prepres à la fabrication du vin ou sont destinés à la table, à l’état sec ou à l'état frais ; 80 va- riétés de figuiers sont plantées sur le même coteau, au milieu des broussailles qui seront détruites plus tard; des müriers occupent le bas de la côte. Le mürier tient une place considérable dans le jardin ; les variétés de cet arbre précieux y sont multipliées, greflées et distribuées, en très- grande quantité ; il ycroît avec une vigueurextraordinaire. L'olivier , plus précieux encore , peut-être , n’a pas obtenu au- tant de faveur. Il n'était pas indiqué sur le catalogue des végétaux qui pouvaient être distribués aux colons en 1849. Il est juste de dire cependant que, si on a négligé d’abord cet arbre , qui doit être l’une des sources de la prospérité de l'Algérie, il a depuis ( 388 |) attiré l'attention del'habile directeur du jardin. De magnifiques semis donnent les plus belles espérances ; les jeunes sujets seront bientôt greffés en couronne ou en écussons , et livrés aux colons. Une école formée des diverses variétés d’olivier fera connaître celles auxquelles il faut donner la préférence. Le caroubier, arbre de grande utilité, dont les feuilles sont données aux bestiaux , et dont les gousses servent à faire une boisson rafraichissante, y est de belle venue. Certains fruits exotiques sont cultivés avec succès dans l'éta- blissement de Moustapha. On peut considérer comme réussissant le bananier (musa paradisiaca), le goyavier (psidium pyriferum), l'avocatier (laurus persea), fruit délicieux des Antilles, le bibanier ou néflier du Japon {eriobotrya japonica), qui fleurit en décembre, et donne ses fruits au premier printemps , l’anone (anona cheiri- molia) dont le fruit qui a la forme de celui du pin, a une pulpe intérieure blanche, abondante, fondante, d’un goût excellent ; le bananier de Chine ‘ musa sinensis ) dont, le fruit est parfumé , ne réussit pas bien La culture Ges arbres de haute futaie a été l'objet de sérieuses études, quoiqu'ils présentassent moins de chances de réussite. Nous avons vu des pépinières d'érables, d'ormes, de frènes, de mico- couliers, de platanes, et de peupliers blancs arrachés dans les broussailles et transplantés; des pins sont plantés sur le coteau, au nord-est des vignobles. Le cassia fistula, le pandanus utilis, le pinus tenuifolia du Mexique, le bombax ceiba, letamarindus indica ont une végétation assez triste ; les camelia, les rhododendrum, les azalea, les erica ne trouvent pas sur le littoral un climat convenable. Les plantes polagères d'Europe réussissent bien dans le jardin d'essai : choux, choux-fleurs, raiforts, navets, betteraves, épinards, laitues, pois, fèves, haricots, chicorées, estragons, pimprenelle, les cucurbitacées de toutes sortes y sont cultivés , et fournissent d’u- tiles assortiments de graines , qui sont distribuées aux colons. En génér al, les racines sont peu savoureuses: la pomme de terre ( 389 ) ne réussit pas parfaitement; en revanche, la patate donne par hectare 35,000 kil. de tubercules farineux et légèrement sucrés, et des feuilles que mangent les bestiaux. Le chou-cavalier brave les sécheresses de l'été, et forme une ressource pour la nourriture des ruminants. Le sechium edule, cucurbitacée du Mexique, donne en abondance ses fruits, qui forment un légume très-agréable. L'arum colocassia d'Egypte, et d'autres espèces, fournissent un aliment succulent, Le riz de Java vient bien dans les bassins ; le riz de Chine croît d'une manière satisfaisante quand il est irrigué; un bousingaultia, de deux ans, a donné 44 kilogrammes de tubercules mucilagineux recherchés par les bestiaux. Le cèdre , qui se plaît sur les versants nord du grand Atlas, ne prospère pas dans la plaine ; le cèdre deodora de l'Hyma- laya y vient bien. Le dattier croît, sans mürir ses fruits ; le latanier a une croissance assez belle. L'araucaria excelsa végète parfaitement , les autres espèces de ce genre de conifères ne réussissent pas. Le jacaranda mimosæfolia, qu'on dit être le palissandre, et dont les fleurs sont fort belles, le mimosa latifolia, bel arbre de futaie ou de promenade, dont le bois est très-dur et dont le tronc a acquis 35 pieds de haut en sept ans, les mimosa lebeck et falcata, le casuarina indica, quelques eucalyptus , le pinus longifolia de l'Hymalaya, les cyprès qui forment des rideaux impénétrables et donnent un bon bois de charpente, le cœsalpinia sappan que ses feuilles et ses rameaux garnis d’aiguil- lons rendent propre à former de bonnes haies , le moringa , etc., sont d'une belle croissance ; le quercus robur se développe avec vigueur; mais le quercus fastigiata ne pousse que médiocrement; les quercus annularis, insignis, originaires du Mexique, les quercus alba et coccinea végètent avec peine. En général, les chênes de l'Amérique septentrionale ne s'acclimatent pas. Les cyprès chauves ( cupressus disticha ) les pins, et les peupliers ont eu leur cime desséchée. Ces faits conduisent à croire qu'en général les arbres de haute futaie réussiront difficilement , si ce ‘ 390 ) nest sur les versants nord des montagnes assez élevées pour abriter les arbres des vents du sud. Ils ont conduit ceux qui ont réfléchi sur la manière de diriger les végétaux ligneux à tenir les arbres peu élevés; ils pensent que les fruitiers mêmes doivent être formés en quenouille. On cultive encore différents arbres d'ornement : le cercis, le phytolacca dioica (bellas umbras) dont l'accroissement est si rapide, l'azedarach, des acacias, le broussonetia papyrifera, le sophora japonica ont été cultivés avec succès, ct ont peut-être pris trop de place dans le jardin de la colonie. On y voit aussi des gleditschia , le cratægus oxyacantha et autres espèces, les ficus lævis, religiosa, rubiginosa, elastica, bengalensis, syco- morus (le vrai sycomore), l'allamanda verticillata, le cordia domestica , l'hibiscus rosa sinensis, le thespezia populnea, plu- sieurs cassia, l’astrapæa wallichii, le mimosa bifurcata, les bignonia, les malvacées arborescentes , le grevillea robusta, le cerbera mangas, le jatropa curcas (pignon d’Inde), le citharexylon, le paratropia umbraculifera , le leptospermum, le datura arborea qui forme des haies énormes et embaume tout le jardin ; le budleja glaberrima , le myoporum pictum, des dombeya, le schinus molle que les Maures avaient dans leurs jardins, le magnolia grandiflora, les bamboux qui rendront de bons services, les laurus indica et borbonica, le justicia adhatoda, l'erythrina cristagalli, etc. Les plantes industrielles ont été l’objet de soins tout spéciaux, notamment le tabac, qui est définitivement acquis à la culture algé- rienne, et plusieurs plantes textiles qui donneront de bons produits. Le lin a acquis dans le jardin d'essai 1" 20 de hauteur, etmême 1" 50. Le chanvre (cannabis gigantea) s'est élevé à 10 pieds. Le phormium tenax réussit, mais on détruit difficilement la suh- stance glutineuse qui réunit ses fibres ; il paraît, du reste, quece n'est pascette plante qui produit la filasse de la Nouvelle-Hollande. L'agave americana prend de très-grandes dimensions, mais on ne le cultive pas pour en retirer les fibres. Le musa textilis n'est pas à la pépinière, il est trop délicat pour prospérer sans abri. (391 Plusieurs variétés de coton y sont cultivées ; le gossypium viti- folium (jumelle), le gossypium religiosum (nankin) prospèrent, quand ils sont arrosés, et leurs filaments filés à Lille ont été fort appréciés. Le gossypium arboreum a fleuri, mais n’a pas müûri ses capsules. Quelques graines oléagineuses ont été fort productives; le sésame végète facilement ; il a l'inconvénient de mürir ses graines successivement, mais si On l'écème, et si on fait la récolte après la maturité des premiers rameaux, on obtient une maturité moyenne satisfaisante. L’arachide a donné 30,000 kilog. de graines sur un hectare arrosé. Le ricin (ricinus communis), qui croît spontanément en Algérie, procurera , sans frais, de bonnes récoltes. Le ricinus ameri- canus produit des fruits, pendant plusieurs années, sans culture. Le colza et la caméline viennent bien, mais ne paraissent pas devoir donner des produits aussi satisfaisants que les plantes précédentes. Le pavot (papaver somniferum) permet d'extraire l'huile de ses graines, l'opium de sa capsule; maissa culture n’est pas répandue. Le safran (crocus sativus) réussit parfaitement. Les indigotiers ne passent pas l'hiver en pleine terre , et ne paraissent pas devoir être cultivés èn grand. Le cactus nopal croit admirablement, et la cochenille qui vit sur cette plante se développe et se multiplie convenablement en Al- gérie. Le jardin d'essai a de très-belles plantations de nopals, disposés en lignes , écartés d'un mètre à-peu-près , et couverts de cochenilles, qu'on abrite par des paillassons pendant les nuits ; les plantes épuisées sont coupées vers la base, et servent à fumer le sol; ainsi traitées elles redeviennent propres à nourrir de nou- veaux insectes. Par des soins bien entendus les récoltes sont abondantes et productives; on peut regarder cette production comme acquise à l'Algérie ; toutefois les soins et les dépenses qu'elle exige empêcheront qu'elle ne forme promptement une branche de culture très généralisée. (392 ) La eanne à sucre croit avec beaucoup de vigueur dans le jardin d'essai ; mais elle reste verdâtre et peu ligneuse. Le vetiver {andropogon squarrosum) dont les racines odorantes se répandent dans le commerce, et dont les feuilles peuvent servir à faire des paillassons, se multiplie avec une facilité extrême. Les plantes aromatiques naissent spontanément dans toutes les parties de l'Algérie, et fournissent des essences abondantes; on ne les a pas négligées dans le jardin d'essai. A tous ces végétaux utiles on a joint une multitude de plantes d'ornement : le strelitzia reginæ , le passiflora alata, le nymphæa cœærulea, l’aponogeton distachyon etc. La plupart des scitaminées, des aroïdées , des musacées fleurissent à Pair libre ; les mimosa sensitiva et pudica, beaucoup d’hibiseus , le vinca rosea, le car- diospermum donnent facilement leurs graines ; les plantes bul- beuses d'agrément s’y multiplient avec facilité ; beaucoup d'es- pèces d'oxalis, de renoncules, d’anémones , etc. , sont cultivées presque sans soins. Nous ne ferons pas de plus nombreuses citations pour indiquer les cultures du jardin d'essai, celles que nous venons de faire suffisent pour les faire apprécier. Outre le jardin d’Alger, sur lequel nous avons donné quel- ques détails, parce qu'il est fort important , le gouvernement à établi des pépinières dans les centres de population appelés à un prompt développement comme Bouffarick , Blidah, Medeah, Milianah, Misergbin, Philippeville , etc. Les travaux de ces établissements coûtent des sommes consi- dérables, Le personnel seul des pépinières de la province d'Alger est porté au budget de 1850 pour la somme de..... 18,800 fr. Celui des pépinières de la province d'Oran pour. 11,100 Celuides pépinières de la province de Constantine 14,700 En outre le matériel de ces établissements coûte. 150,000 Les essais de eulture..........,:.. .:,...... 40,000 Total pour le service des pépinières. . . .. 234,600 Des dotations véritables ont eté faites par l'administration : ( 393 ) elle a concédé des domaines déjà en valeur et qu'elle aurait pu consacrer à des établissements d’une utilité générale, en même temps qu'ils auraient servi à donner de l'extension à la culture du sol. La fermé de Soukati, qui était le haras du dey d'Alger, a été ainsi donnée. Elle a accordé des subsides à des colons, soit à titre de prêt , soit à titre gratuit moyennant quelques obliga- tions imposées. Les Trappistes de Staoueli ont reçu en prêt 100,000 fr. (Étab. fr., volume de 1850.) Les orphelins de Ben Aknoun ont reçu des encouragements : on a donné au père Brumeau qui les dirige , un établissement à Bouffarick, et en juillet 4852 on lui a confié 200 orphelins au prix de 80 ©. par jour, c’est-à-dire 24 fr. par mois, ou 299 fr. par an, et en outre un trousseau de 40 fr., tandis que les hospices de Paris ne paient que 50 ou 60 c. pour les enfants qu'ils placent à la campagne. Les orphelins de Miserghin ont reçu la caserne des spahis. Le village fondé par l'association de capitalistes et travailleurs provencaux a recu une ample concession. L'union du Sig est une sorte de phalanstère qui a obtenu aussi les faveurs du gouvernement ; on n’a voulu écarter aucune des combinaisons qui promettaient de concourir au succès de la coloni- sation : le champ des expérimentations a été ouvert à tous les systèmes , et le gouvernement a favorisé toutes les créations qui pouvaient donner de l'essor à la colonie, soit en appelant de nou- veaux colons, soit en développant la culture, soit en offrant des exemples utiles à la population existante. Nous avons donné dans notre itinéraire des détails sur les divers établissements que nous avons visités : il est inutile d'y revenir. Des sociétés d'agriculture , des comices, des expositions des produits du règne végétal et du règne animal ont été institués dans les départements de l'Algérie, des primes ont été distri- buées. Nous avons assisté avec un vifintérêt à une séance du comice agricole d'Alger , présidée’ par le préfet , M. Latour Mezeray; nous avons vu l'exposition de Philippeville, dont le progranime annon- çait la distribution de 5,000 fr. de primes. Des inspecteurs d'agrt- ( 394 ) culture ont êté institués pour constater le progrès de la culture, donner des conseils , veiller à l'emploi des dons de l'Etat , favo- riser l’acclimatation des agriculteurs, etc. Tant d'efforts n'ont pas eu pourtant des résultats bien consi- dérables : la colonisation a fait peu de progrès; la population ne s'est pas accrue aussi rapidement qu'on le désirait ; la culture n'a pris qu'une fort médiocre extension , et les Arabes ne sont pas devenus plus producteurs. Il ne restait plus qu'une seule chose à demander: l'installation des colons, aux frais de l'État, a sembléle seul moyen qui pouvait fare atteindre le but qu'on poursuivait. On à cru qu'on n'arriverait à coloniser notre belle conquête que par les efforts directs du gouvernement et l’on a demandé que des colonies fussent établies aux dépens du Trésor public. Les esprits les plus élevés se sont appliqués à chercher le meil- leur système de colonisation par l'Etat. Le maréchal Bugeaud, les généraux Bedeau et de Lamoricière on préconisé des systèmes divers : mais ils n'ont point été mis en pratique. Nous n'avons donc pas à en parler ici, nous les appré- cierons quand nous rechercherons ce aui reste à faire pour assurer le développement de la colonisation africaine. Nous ne devons indiquer ici que les essais qui, sur la proposition du général de Lamoricière , ont été réellement tentés par l'État , nous voulons parler de colonies qu'on a appelées agricoles, qui ont été peuplées par des familles appartenant à l'ordre civil, mais qui ont été administrées militairement. Nous avons précédemment fait con- vaitre jeurs noms, la population qu'elles ont renfermée , les sommes qu'elles ont coûtées , la quantité d'hectares qui leur à été assignée , celle des hectares qu'elles ont mis en culture. Ces détails ont suffi pour montrer dans quel état précaire elles se trouvent et combien les résultats obtenus ont été peu proportionnés aux dépenses faites. Nous nous contenterons de dire que les rap- ports de la commission chargée de les examiner , sans condan- ner le principe qui a préside à leur établissement , ni la mamière dont elles ont éte gérées , admet, pour conclusion, qu'il faut s'ar- 3% ) rêter dans cette voie , et ne donner aucun développement aux co- lonies qui ont été fondées. Les colonies agricoles ont coûté 24,500,000 francs à l'État. Le matériel de la colonisation civile coûte annuellement 1,610,000 fr.; les inspections des colonies , 46,200 fr. ; les dépôts d'ouvriers, 44,200 fr. ; l'administration n’a donc rien négligé pour favoriser les progrès de l’agriculture. Le commerce a attiré aussi l’attention du gouvernement ; en offrant un débouché aux produits agricoles, il développait la colo- nisation ; en facilitant l'importation en Algérie des produits français, il donnait à la métropole une compensation pour ses sacrifices ; en achetant les produits arabes , il liait les tribus à nos intérêts ; enfin, en favorisant l'établissement en Afrique de négociants achetant les produits du Tell et même du Sahara , et vendant les marchandises européennes aux indigènes, il appelait une popu- lation utile , comme celle des laboureurs , et plus facile à installer. Les débouchés que l'administration pouvait offrir aux colons se présentaient naturellement; les divers services ont acheté sur le marché algérien , les laines , les fourrages, les blés, les orges qui leur étaient nécessaires ; l'administration a même accordé aux cul- üvateurs de la colonie des prix plus élevés que ceux exigés par l'étranger et par les Arabes. Mais, même à ces conditions , elle n'a pu obtenir, en quantités suffisantes, les denrées dont elle avait besoin ; ainsi, en l’année 1849, les Européens n'ont pu vendre à l'administration que. . 17,283 q de blé dur. 13,837 q.* de blé tendre. Total. . ... . 31,120 q.: de blé. 6,536 q.: d'orge. C'est-à-dire que le blé vendu a pu être récolté sur 3,112 hectares, et l'orge sur 653 hectares. Les indigènes ont fourni par l’achour, 10,722 q.: de ble dur. Par vente, 20,514 id. Total.9. 121 9.34,236 ou le produit de la culture de 3,123 hectares. ( 396 Enorge, les Arabes ont fourni par l’achour , 26,842 q. Par la vente, 63,724 Total. . . . . 97,102 ou le produit de 9,056 hectares. Ainsi l'administration n'a recu que les produits de 14,944 hectares. Elle a dû prendre à d’autres sources 106,394 q.: de blé. 198,458 q.; d'orge L'administration a éncore acheté aux colons les marchandises qui étaient en trop petites quantités pour appeler les acheteurs, comme les cotons, les cochenilles, les cocons , et surtout les tabacs qui n'étaient pas demandés par la consommation et l'ex- portation. Le tableau suivant fait connaître la surperficie plantée en tabac, le nombre dés planteurs , les quantités achetées aux colons et aux Arabes, et la somme payée par la Régie, depuis 1844 jusqu'en 1851. Nombre Tabacs achetés TT M Sommes dés planteurs, des hectares, aux colons, aux Arabes. payées. 1844 3 1,42 2,007 k. 21,462Kk. 20,863 fr. 1845 32 12,28 53,295 35,077 100,920 1846 67 73,45 191,464 71,150 200,308 1847 129 101,98 95,866 120,000 234,041 1848 166 122,94 73,263 118,332 152,950 1849 929 169,72 107,431 65,434 146,363 1850 428 235,10 157,778 93,388 204,703 1851 537 600 232,922 102,832 304,000 On a estimé que la consommation locale de 1851 a absorbé 326,000 kilog. Pour 1852, on évalue à 917 le nombre de plan- teurs européens, à 4041 hectares la superficie plantée ; la récolte pourra fournir à la régie 900,000 kilog., dont 130,009 kilog. par les indigènes. La consommation et l'exportation absorberont 500,000 kilog. , en tout 1,400,000 Kilog. En 1853, on évalue que dans la province d'Alger on cultivera en tabac 1,500 hec- tares, donnant 1,500,000 kilog. Les provinces d'Oran et de (397 ) Constantine donneront chacune 300,000 kilog. La production totale serait donc de 2,100,000 kilog. Le commerce a enlevé certains produits de l'Algérie , et il a apporté des marchandises françaises sur ce marché. Voici les chiffres du mouvement commercial depuis 1841 jusqu'à 1850 : Valeur des produits Algériens im- | Valeur des produits Francais ex- portés en France, portés en Algérie, En 1841, 1,800,000 fr. — 29,600,000 fr. 1842, 2,500,000 — 33,600,000 1843, 2,200,000 — 41,400,000 1844, 2,300,000 — 63,400,000 1845, 3,200,000 — 89,400,000 1846, 3,800,0900 — 94,500,000 1847, 2,700,000 — 83,100,000 1848, 2,200,000 — 12,200,000 1849, 7,100,000 — 718,800,000 1850, 5,200,000 — 75,500,000 Le mouvement du commerce général de l'Algérie a dépassé son commerce spécial avec la France d’une somme qui n’est pas sans importance. Son maximun répond à l’année 1846. La totalité du mouvement commercial pour les importations est de 115,900,000, pour les exportations de 9,943,000. Pour cette année , le mouve ment de navigation est exprimé par le chiffre de 7,107 navires jaugeant 533,587 tonneaux , savoir : Navires français. ... 2,523 jaugeant.... 247,000 tonneaux. — algériens... 1,506 — .... 23,587 — étrangers... 3,078 — .... 263,000 Le chiffre de l'importation des produits français en Algérie égale le chiffre de l'exportation des produits d'Algérie en France accru des frais d'occupation , en d’autres termes nos frais d'occupation sont à peu près intégralement soldés par des pro- duits français, c’est-à-dire par des valeurs sur lesquelles les pro- ducteurs français ont fait des bénéfices. Si dans les années 1847-48 nosimportations ontété inférieures à celles des années antérieures, cela tient à la fois à la diminution de l’armée et à la crise com- merciale causée par les événements politiques. 1 398 | L'exiguité de l'exportation algérienne a conduit à proposer de faire disparaître le reste d'entraves qui s'opposaient à l'intro- duction en France des produits de l'Afrique française. L’assimi- lation des produits algériens aux produits français a été décrétée par la loi du 11 janvier 1851. Le commerce arabe a été favorisé comme celui des colons : l'ad- ministration a tenté de ramener vers les marchés de l'Algérie les caravanes qui autrefois les approvisionnaient. Pour en faciliter l'arrivée , elle a fait bâtir, à grands frais , des caravansérails à Boufarik , Koléah, Cherchell, Oran et Bône et des fondoucks à Tlemcen , Constantine et Sétif; mais elle a manqué son but ; ces bâtiments étaient trop dispendieux et généralement mal placés. Jusqu’à présent on ne voit pas que le commerce indigène ait pris des proportions considérales : Les produits du pays n'ont fourni à l'exportation qu'une valeur de 3,879,000 fr. Les plus importants sont les peaux brutes, dont la valeur arétédehaih due hoeries enu'b 13937:000sér; Les sangsues. ... . . . 205,000 hesdlainest at: 123 Gusvo 369,000 Lancine, nôuus jo ed. 131,000 Hescorail.r si Afdo@t 7 969,000 Les os, cornes, etc. - .:: 126,000 Le fhbacatwie. 1070 114,000 Les végétaux filamenteux. . 165,000 Les minergisese. . . - : 164,000 Ainsi l'on voit que les Arabes n’ont pu nous fournir que deux articles importants , les peaux brutes et les os; et ces marchan- dises ne proviennent d'aucune culture , d'aucune fabrication. Les huiles exportéesne représentent qu'une valeur de 3,350 fr. lesniénlessestooffétheltr 96 Ag sh 2.109 14,100 C'est par ces minces résultats qu'ont été payés les immenses sacrifices que la France s'est imposés , et que nous avons succes- sivement fait connaître , en traitant des divers objets qui intéres- sent la colonisation. | 399 ) Le résumé des dépenses faites en Algérie en 1850 sera mis en regard avec celles qui pèseront sur notre budget en 1853, afin de mieux établir la situation. Budget de la guerre, en 1850, en 1853, États-Majors, Intendance militaire. . . 1,866,054 2,099,486 Gendarmerie, voltigeurs algériens. . . 725,940 768,427 Justice militaire ele. : . 263,529 304,175 SOA 2 0 cle un 17,028,347 20,660,666 Vivres et tags santa 27 as 11,380,244 5,544,937 HODHAUS PME REP UN TAT MEME, 5,711,486 _ 4,942,484 sérvicerdemmarchess .nratén. #9)00. 2; 685,759 1,095,685 Habillement, campement. . . . . . . 3,471 ,406 2,813,065 DÉS ÉMAMAÎTESN LAPS ES LC 1,095,259 1,053,677 ATANSPONIS, LÉNÉTAUX.- .… ... ,. .:. . … 502,828 598,565 RETTONLEBÉNELAIE. 0 Mie Dee 0e 898,150 919,250 HARTACNEMENT MEME SMENEEr, RER 132,325 120,325 fourtagesttie Ne neounel one 5,872,810 4,473,315 Népotigénéralsg is use Monte 11,000 11,000 Matériel del'artillenes eu 06 2. 470,300 337,958 Matériel du génie. . . . A 4,300,000 3,350 ,000 Mao Eerale de Lalesre FA 771,000 929,300 DONVICESILUITÈNES AE RE Ne 7,460,700 8,626,680 SOTVICES MATIUINES MAN ID NE MTEUN 532,000 532,000 Administration provinciale. . . . . . . 695,300 729,500 Services fantiers.. r +: 2.450412, 1,148,160 1,367,375 EXDÉODTIAUONS Et Re TE 400,000 1,000,000 COIDNTSALEONS Re ENS RENE 1,715,000 1,715,000 Colonies agricoles. . . . . À 4#,500,000 » Établissement des ste a 1848. » 700,000 Idem des transportés de 1851. ; » 1,500,000 LE NES CN ROUES Ent 5,528,660 6,072,040 Dépenses secrètes. . . . . 200,000 150,000 Budget de la marine, Sono LCuUle TL 51,875 (1) 51,505 Budget des finances, douanes. . . . . 115,000 127,000 Budget de la justice, tribunaux européens 623,000 639,050 Budget de l’instruct. publ. des européens. 179,200 184,200 Budget des cultes catholique et protestant 450,000 544,100 19,385,832 74,555,715 (1) Indépendamment des frais d’hôpitaux pour les marins, des dépenses de navires affectés au service de la colonie, { 400 La plus grande réduction du budget de 1853 provient de la dé- cision prise de ne pas donner d'extension aux colonies agricoles , et de supprimer leurs subsides. Le chapitre des vivres et chauffage parait avoir subi une grande diminution. Mais elle n'est qu'appa- rente ; la dépense est reportée au chapitre de la solde, qui est augmenté , malgré la diminution de l'effectif de l’armée. La France , en compensation de ses sacrifices , fait quelques recettes. En 1846 , les recettes montaient à 27,196,171 fr. en comptant les produits extraordinaires ; à 22,911,771 fr. en défalquant ces derniers. Dans cette somme sont comprises les recettes locales qui couvrent les dépenses municipales et provin- ciales, lesquelles viendraient accroître le budget, si on ne les soldait avec ces fonds. Il faut done déduire les recettes locales pour connaître celles qui viennent en défalcation de la somme inscrite au budget général. Cette déduction faite, les recettes de ‘Algérie s’élevaient à 17,961,346 fr. Mais ce chiffre s’est réduit : en 1849 il n'était plus que de 14,437,971 fr. L'enregistrement à subi une réduction de. . . 1,100,000 fr. Pestouanes dE... RAM." SA NEON ONR lhrinostes deg sen s : + : LM: OUR ADN DON Les produits divers de.. . . . . . . . . . 2,500,000 Quelques articles se sont accrus : l'impôt arabe s’est élevé de 2,869,000 à 4,854,000. En 1853 , on prévoit une nouvelle réduction. On ne porte au budget que 12,740,000. L'impôt arabe doit s’'accroître, mais 3/10 en seront affectés aux dépenses locales ; ce qui restera au Trésor sera diminué de près de.. . . . . , . 600,000 fr Les contributions indirectes baisseront de. . . 700,000 Lescpostes desne das : menait 1%)800/000 Les produits divers de.. . . . . . . . . . 3,300,000 Les douanes augmenteront de. . . . . . . 1,400,000 L'enregistrementadesr . . … . . . . . . .: 1,200,000 (401 ) KEX. Avenir de la colonisation, OU Ce qui est à faire. Nous avons présenté , en résumé , ce qui à été entrepris pour effectuer la conquête , assurer l'occupation, tenter la colonisation de l’Algérie : nous avons vu que si l'énergie et l'héroïsme de notre armée ont été incomparables , si les travaux préparatoires de la colonisation ont été immenses , ses résultats ont été peu productifs pour notre trésor. Nous avons à rechercher maintenant si nous ne luttons pas con- tre des difficultés insurmontables , si nous pouvons donner à l'Atlantide un avenir prospère. Choseredoutable à dire, nos soldats y sont descendus depuis 20 ans , et la colonisation de ce pays est encore presque à l'état problématique; quand le voyageur stu- dieux qui l’a parcouru remet le pied sur le sol de la patrie, la question, la seule question qu'on lui adresse, est celle-ci : pourrons-nous coloniser l'Afrique ? C'est à cette question, qui reste.en suspens depuis tant d'an- nées , après tant d'examens approfondis et consciencieux , c'est à cette question ardue , dans laquelle la puissance et les finances de la France sont engagées, que nous allons essayer, témérairement peut-être, de répondre. Nous l'avons dit, devant l’immensité des obstacles nous sommes nous mêmes restés longtemps irrésolus; notre impression pre- mière a été que nous nous épuisions dans une œuvre impos- sible. Mais, après une étude sérieuse et continue des ressources de l'Algérie, notre sentiment s’est modifié, et maintenant, examinant froidement et pratiquement les choses , sans illusion, comme sans préoccupation , nous croyons pouvoir dire: oui! la colonisation est possible ; mais elle ne pourra s'achever et devenir une source de richesses et de puissance pour la France qu'à force de persé- vérance, d'énergie, de combinaisons économiques, et qu'à la condition d'obéir rigoureusement aux nécessités du climat. Bien 27 (402) des choses restent à faire, bien des perfectionnements sont récla- més par les choses déjà faites; nous allons, avec franchise, dire quelles modifications doivent être apportées aux travaux en- trepris, quelle extension doit être donnée à ce qui est com- mencé, quelles méthodes nouvelles il faut mettre en pratique, quelle base d'exploitation il faut choisir. Pour procéder réguliè- rement dans cette exposition, nous examinerons, dans l'ordre que nous avons déjà adopté, le système d'occupation, les travaux militaires, civils et agricoles, l'installation des cultures et du commerce, sources véritables des richesses, et nous chercherons à apercevoir la compensation défimtive des peines, des dangers, ‘des dépenses de l’entreprise mémorable que la France a poursuivie. La conquéte et l'occupation sont, pour ainsi dire, achevées. Grande et pénible fut la tâche de la France! Nos succès ont été lents, difficiles, incessamment compromis ; nous avons attaqué l'Afrique comme les Carthaginois et les Romains ; par le littoral, par les vallées sans issue et sans liaison : Carthage ne posséda que son territoire, et en dehors de la Numidie, n'eut que des comptoirs sur la côte. Les progrès des Romains furent si lents que ce n’est qu’au temps de Marius que succomba Jugurtha ; ce n'est que sous César que furent conquises les Mauritanies, ce n’est qu'au temps des empereurs que s'y fixèrent les populations romaines , et que la colonisation s'installa sur une large base. L’invasion des Vandales et des Arabes fut rapide comme la flamme : les premiers arrivaient par l'ouest ; ils voyaient devant eux les plaines de la province d'Oran se succédant sans difficulté, et conduisant dans la vallée du Chélif qui s'élève jusque vers les régions du sud ; aussi, appelés par les ministres du faible Valentinien pour lui prêter secours, ils eurent bientôt asservi et la Mauritanié et la Numidie elle-même. Les Arabes arri- vaient par l’est , où les hauts plateaux et les oasis sont si près des Syrtes ; du premier pas , ils pénétraient dans tous les défilés, ils avaient l'accès de toutes les vallées ; ils tombaient sur une proie facile à partager. Quant à nous, nous connûmes tardivement le pays: 403 ) ce n’est que la guerre qui a révélé au maréchal Bugeaud le sys- tème d'occupation que les enseignements historiques devaient nous indiquer. Il a reconnu , par expérience, que la possession de quelques points de la côte était impossible, ou qu'elle coûterait presqu'autant que celle de toute la régence. Les stations mari- times, les plaines abordables sont isolées , sans communication possible entre elles , si ce n’est par la mer ; les grandes voies de communications sont au sud ; elles s'opèrent par les vallées in- teratlantiques , par les bauts plateaux, par les plaines abaissées qui sont au-delà du grand Atlas ; se cantonner sur le littoral, et permettre à toutes les tribus de faire une vaste confédération contre nous, ce serait leur donner la possibilité de tomber, à l'improviste, et à telle heure qui leur conviendrait, sur la frac- tion de notre armée qu'elles chôisiraient , alors que nous , habiles dans l’art de la guerre, nous pouvons nous porter en masse sur les points stratégiques, et accabler, tour à tour, les tribus iso- lées. Nous avons choisi ce dernier parti. Notre base d'opération est formée par les places du littoral , en communication avec la mère-patrie: Oran, Mers-el-Kébir, Ar- zeu , Mostaganem , Tenès , Cherchell , Alger, Dellys, Collo, Bou- gie, Stora, Püilippeville , Bône , La Callé , forment nos ports et nos principales places de guerre. Une deuxième ligne d'opération est établie au cœur du pays, sur le versant sud du petit Atlas, et dans les vallées interatlan- tiques , elle s’appuie sur Sidi-bel-Abbés , Mascara , Saint-Denis , Orléansville, Milianah , Médéah , Sétif, Constantine. Puis la troisième ligne des postes est établie aux confins des hauts plateaux, aux portes du Sahara : elle est formée de Lala- Maghnia, Sebdou , Tlemcen , Daya , Saïda , Frenda , Tegdemt, Tiaret, Teniet-el-Had, Boghar, Aumale, Tebessa , et plus au sud encore . Batna et Biskara , puis l’Aghouat. Par ces fortes positions nous tenons la grande voie intérieure ; nous pouvons établir des communications perpendiculaires avec tous les points du littoral , et les unir entre eux ; nous séparons 404 profondément les tribus de la grande Kabylie et de l’Aurès, celles du Dahra et de l'Ouanséris, etc ; nous maintenons les Arabes du sud écartés de nos possessions , de leurs alliés du petit Atlas; nous avons moyen de faire invasion dans les hauts plateaux : maîtres des gorges du grand Atlas , nous pouvons pénétrer dans la région des oasis, empêcher les peuplades du désert d'entrer dans le Tell pour y faire paître leurs troupeaux, pour y acheter le blé, pour y vendre leurs burnous, leurs tapis , leurs dattes, où pour se pourvoir des produits que répand le commerce européen. Nous tenons ainsi dans les mains les sources dé la vie de ces peuples , auxquels le climat et le sol imposent un mode d’exis- tence qu'ils ne sauraient changer : le Tell seul produit le blé qui doit alimenter les hauts plateaux et les oasis ; les hauts plateaux, pendant l'hiver et le printemps , se couvrent d'herbes , pendant l'été ils sont brûlés et nus : ses habitants sont donc pasteurs et nomades. Les oasis donnent des plantes potagères , des fruits divers, la datte surtout, fruit délicieux, mais insuffisant pour entretenir la vie de l’homme. Leurs cultures exigent des soins assidus et de constantes irrigations : les habitants de cette zone sont donc sédentaires ; ils doivent quitter la tente et bâtir des villages, devenir industriels en même temps qu'agri- culteurs , et faire des échanges pour obtenir les objets qui leur sont indispensables. Ce sont les nomades qui sont les intermé- diaires de leurs transactions commerciales : ils passent l'hiver sur les hauts plateaux et dans les déserts qui entourent les oasis. dans lesquels beaucoup ont des propriétés , et oùils comptent tous des alliés ; au printemps ils emportentlesdattes et les tissus de ces contrées lointaines , et s’en vont dans le Tell, où beaucoup de tribus possèdent aussi des terres ou des droits de parcours. Ils v vont faire paitre leurs troupeaux , concourir à faire la moisson , vendre les marchandises qu'ils ont prises aux oasis, telles que burnous, tapis, etc.; en retour, ils achètent du bléet des produits européens ; puis l'hiver venu , ils regagnent leurs pâturages , vont déposer leur blé dans les oasis, trafiquent de leurs objets { 405 | d'échange, et recommencent perpétuellement les pérégrinations qui leur sont imposées par les premières nécessités de la vie. Ainsi les trois grandes régions de l’Atlantide sont unies par des liens indissolubles. Celui qui règne sur la terre à blé, qui domine les défilés du grand et du petit Atlas, celui-là dispose de la vie des populations qui habitent le pays depuis le bord de la mer jusqu'au fond du Sahara. La guerre nous en a rendus les maîtres. Elle nous a paru longue ; mais elle a achevé ce que les autres peuples , placés dans les mêmes conditions , ont mis des siècles à exécuter. Nous n’aurions accompli que cette difficile entreprise qu'on ne pourrait dire que nous n'avons rien fait pour la colonisation : nous avons conduit à bonne fin la préparation la plus nécessaire , la plus périlleuse , la plus dispendieuse qu'on pût imaginer. Le pays n’était pas vacant comme les régions sur lesquelles se sont répandus les européens ; il restait comme inconnu : nous l'avons découvert , conquis et possédé ; le voilà dans nos mains , soumis et préparé, non qu'il ne soit frémissant, et tout disposé à se sou- lever encore ; mais nous avons les moyens d'empêcher les bar- bares de nous entamer ; nous ayons les moyens de les refouler ; de les écraser , de les assujettir au tribut. L'occupation est done complète, et fondée sur le système le plus rationnel : nous n'avons qu'à louer les hommes habiles qui l’ont entreprise et conduite à fin. Nous avons seulement à dire qu'il faut la consolider, non l’étendre ; qu'autant 1l était nécessaire de briser la résistance des Arabes quand elle était compacte et générale, autant il faut s’attacher à prévenir les causes de soulè- vement quand ils sont soumis ; autant il fallait entreprendre réso- lument la conquête des lignes qui ouvrent, divisent, assujettissent le pays, autant il serait funeste et dispendieux d'envahir des contrées sans valeur politique et disperser nos forces sur des points sans utilité stratégique. L'occupalion est achevée par la force des armes, rendons la durable par la puissance de nos établissements, comme par l’habileté de notre conduite. ( 406 ) Les ports et les fortifications maritimes, bases premières de notre conquête et de notre domination , ont attiré tout d’abord notre attention ; l'autorité n’a qu'à poursuivre l'exécution des plans qu'elle a adoptés , pour les mettre en parfait état. Alger a été choisie comme la capitale de l'Afrique française; elle est bien propre à commander le pays, puisqu'elle en occupe le centre, qu’elle domine une plaine qui conduit au point culminant de l'Algérie, d’où descendent à l’est et à l’ouest les grandes val- lées, et au pied duquel s'ouvre la vallée du Haut Chélif, qui va au sud jusqu'aux limites du Sahara. C’est donc à bon droit qu'on a donné au siège du Gouvernement un système de fortifications solides et considérables , capables de résister aux attaques du dedans et à celles de l'extérieur , et qu'on a construit, avec des dépenses énormes, le grand port militaire qui maintenant est presque achevé. Il faut se hâter de former le couronnement de la digue qui fait face à la mer, de bâtir le fort du Musoir et de former la jetée qui doit partir du fort de Bab Azoun, afin de mettre les navires à l'abri du ressac. Tout le monde a compris, qu'outre le port d'Alger , il était in- dispensable d’avoir des abris pour nos flottes, à l’est et à l'ouest, vers le détroit de Gibraltar et vers le canal de Malte. Dans l’ouest, Mers-el-Kébir, près d'Oran, est déjà dans un état fort respec- table ; il faut désirer qu'on en achève les travaux le plus promp- tement possible, et qu'on rende ce port tout-à-fait sûr. Nous pen- sons même qu'il y aura lieu de compléter ce que la nature a fait pour le port d’Arzeu , au centre des belles plaines qui sont le dé- bouché des vallées interatlantiques, et qui peut former un ad- mirable lieu de relâche, sans dépenses fort importantes. Dans l’est, on n’a rien fait ni pour La Calle, ni pour Bone, ni pour Stora, ni pour Collo que nous venons d'occuper, ni pour Bougie. Le port de La Calle est bon; des travaux d’approfondis- sement permettraient aux grands navires de s'y réfugier. Il faut les entreprendre. Pour Stora, nous dirons la même chose que pour Arzeu : ce port donne accès à de belles vallées et ( 407 } conduit à Constantine , l’une des positions les plus importantes de l'Algérie. Les dispositions naturelles de la côte permettent de le rendre excellent. Mais, dans l’état actuel, il est exposé, comme tous ceux de l'Algérie, à être le théâtre de grands désastres , quand les vents du nord-est soufflent avec violence. Nous avons eu occasion de le constater quand nous attendions les moyens de quitter Philippeville; tous les marins avaient abandonné les na- vires à l'ancre. Dans la nuit du 27 au 28 janvier, cinq navires ont été brisés ou fort endommagés dans le port de Stora ; neuf bâtiments ont été jetés à la côte dans la rade de Bone, et ont été détruits ou ont subi de grandes avaries. On ne peut hésiter à entreprendre des ouvrages qui préviendront de pareils sinistres, et qui seront utiles à la sûreté de notre colonie dans une guerre maritime. Le défaut de communications intérieures, dans les premiers temps de la conquête , nous faisait une loi de rechercher le plus grarc nombre de points maritimes qu'on pourrait mettre en rapport, par des voies perpendiculaires , avec les villes importantes situées au cœur du pays. Cette nécessité sera moins urgente , quand nous aurons établi les grands chemins qui parcourront, au-delà du petit Atlas, les contrées d’un accès facile; alors il faudra se borner à quelques travaux d'amélioration pour queles rades foraines et les ports de médiocre valeur satisfassent anx nécessités de notre com- merce. Mostaganem, Pellys, Djidjelli, Tenès, ne méritent pas des allocations considérables de fonds. Nous ne saurions approuver les travaux qu'on a exécutés à Cherchell; le nouveau bassin, creusé dans le port romain, inaccessible dans les gros temps, n’aurait qu'une utilité bien médiocre , lors même qu'on aurait pu lui don- ner la profondeur nécessaire pour recevoir les bateaux à vapeur. Bougie à un excellent abri ; Collo paraît susceptible de nous donner un très-bon port : il ne faut pas le négliger. Mais il faut re- server toutes nos ressources pour les grandes positions maritimes. C'est dans les travaux à la mer surtout qu'il ne faut pas éparpil- ler les ressources ; il faut les concentrer sur les points inexpu- ( 408 ) gnables ou de première importance, comme Alger, Mers-el-Kébir ét Stora auxquels on peut ajouter Arzeu , La Calle, Bougie. S'il est malheureusement vrai que les ports algériens laissent beaucoup à désirer , il faut constater que, par compensation, plusieurs sont susceptibles d’une vigoureuse défense , et qu'en même temps, l'escarpement général de la côte rendrait le pays peu abordable et peu exposé aux attaques du côté de la mer. Il est évident qu'un ennemi, même puissant, ne pourrait tenter un débarquement que pendant les mois d'été; qu'il trouverait peu de lieux propices pour l’opérer, et qu'il lui serait, pour ainsi dire , impossible de faire des progrès dans cette âpre contrée , si elle était défendue par des soldats européens, maîtres des grandes positions militaires. Les fortifications intérieuresétaient plus urgentes encore que les fortifications de la côte; nous approuvons de toutes nos forces le soin qu'on a pris de mettre en bon état de défense les villes, les villa- ges, les maisons mêmes, bien qu'à l'époque où nous avons visité l'Algérie , la sécurité était telle que nous avons pu parcourir les plaines désertes, la nuit, sans armes et sans escorte. Il est évi- dent pour tout le monde que cet état peut changer d’un instant à l’autre. Déjà on nous annonce que les assassinats commencent à désoler de nouveau la province d'Oran. Une insurrection à eu lieu non loin de Guelma , en 1852. Un soulèvement presque universel est toujours possible ; il faut que tous les Européens soient à l'a- bri d’une attaque inopinée. La férocité des Arabes peut être as- soupie ou contenue : mais elle est toujours à redouter. Cependant nous croyons que les dépenses qu’on a consacrées à assurer la sécurité ont été parfois exagérées. On a donné à certaines enceintes un énorme développement : celles de Dellys, de Philip- peville sont immenses. Nous savons que les règles de l'art mili- taire exigent l'occupation de certains points éloignés ; qu'on doit compter sur l’accroissement rapide de certaines villes; qu'ila fallu enfermer des terrains de culture dans le mur de clôture , pour les mettre à l'abri des vols continuels. Mais si de telles précautions { 409 ) étaient nécessaires dansle principe, on pourra maintenant réduire les travaux dont il est question. À l’origine aussi, on a étendu, outre mesure , le système de défense de certains points ; cela a tenu à la manière dont nous avons procédé dans l'occupation. Nous nous sommes avancés, pas à pas, sans système arrêté : nous nous installions d’une manière forte et définitive dans des lieux qui, alors avant-postes, devaient être bientôt tout-à-fait imté- rieurs et sans aucune valeur stratégique. Ainsi, il fut un temps où nous devions nous retrancher soigneusement à Delly-Ibrahim , puis à Douera, à Koléah, puis à Blidah. Maintenant nous sommes aux portes du désert. Le système qui a été adopté pour défendre les villages, el qui consiste en un fossé garni d’un parapet du côté intérieur, nôus paraît essentiellement défectueux , et si, parfaitement étran- ger à l’art militaire, nous pouvons émettre une opinion , nous dirons qu'il nous semble qu'il devra être remplacé par un autre. Les vices de ce système sont faciles à apprécier ; il cause des remuements de terre très-considérables, et, de l’avis de tous les observateurs, c'est là une cause constante d’insalubrité , dans les pays nouvellement habités ; il permet la stagnation des eaux, cir- constance qui détermine les maladies. Le fossé forme une assez bonne défense quand il vint d’être creusé , parceque les bords en sont escarpés ; mais bientôt des éboulements le comblent en partie et forment des rampes qui permettent de le franchir avec facilité. Si les Arabes se sont arrêtés devant cet obstacle , on peut dire que cela tient à une appréciation morale , qui peut changer immédiatement, et non à la force même de la défense. Ces fossés sont fort dispendieux quand on les fait avec soin : ainsi, près de Tlemcen , les fossés avec terrassements réguliers , et les angles bastionnés et muraillés ont coûté 20,000 par village. Lorsqu'on se contente de creuser le fossé et de rejeter les terres sur le bord intérieur sans parer le parapet, on peut réduire la dé- pense à 3,000 fr. Mais la sûreté de la défense est encore amoindrie. Aux inconvénients signalés il faut en ajouter un autre qui nous ( M0) paraît avoir une extrême gravité, c'est que l’intérieur des villages est généralement vu de l'extérieur , de sorte qu'en cas d'attaque les communications des maisons entre elles seraient excessivement dangereuses. Autour de certains villages on a construit un mur d'enceinte : ce système est assurément préférable , mais il est énormément dis- pendieux ; ainsi le mur de Jemmapes à coûté 83,000 fr. Ce sont là évidemment des dépenses qu'il n'est pas possible d'admettre. Il est un autre système qui réunit la salubrité, la sécurité, l'éco- nomie: c'est celui que nous avons vu mettre en pratique à Mousaïa-les-Mines. Les bâtiments de ce centre d'exploitation sont disposés de telle manière qu'ils forment unrectangle complétement clos, dont les angles sont en saillie, et représentent des. bastions dont les faces défendent les courtines ; tous ces bâtiments sont crénelés , ils sont composés d’un rez-de-chaussée et d'un étage ; un corridor règne le long de la muraille dans laquelle sont pra- tiquées les meurtrières, de sorte que les habitants des maisons qui constituent le périmètre de l'établissement général, peuvent passer de leur lit à la défense, et communiquer les uns avec les autres, à l'abri de tout danger. On remarquera que ce système de défense n'a rien coûté, puisque ce sont les maisons mêmes qui forment l'enceinte ; elles constituent de véritables places d'armes, qui défient tous les moyens da’ttaque des Arabes, et dans lesquelles les colons cireu- lent en toute sécurité. Les bâtiments de l'Association du Sig doivent être disposés d'une manière analogue à ceux de Mousaïa-les-Mines ; mais ils ne constituent pas encore une enceinte continue , et on a laissé dans les murs de larges ouvertures ceintrées qui sont dangereuses. On doit noter que les maisons formant une enceinte continue circonserivent et mettent à l'abri un terrain intérieur plus ou moins étendu, et toutes les richesses agricoles ; que, de plus, ces agglomérations de fermes et d'habitations , si on les dispose d'une manière bien entendue, peuvent défendre tout le terri- (41) toire d’une commune , comme autant de forts détachés, et don- ner l'avantage de placer les agriculteurs très-près des champs qu'ils doivent occuper ; tandis que dans le système adopté, on les en tient éloignés de plusieurs kilomètres , et on laisse le territoire d'exploitation exposé à toutes les déprédations. Il faut dire qu'il y aurait peut-être, en certains cas, plus de difficulté pour distri- buer les eaux à ces groupes d'habitations ; mais ces difficultés ne seraient pas générales , et certainement les dépenses qu'il faudrait faire pour les surmonter seraient loin d’être égales à celles qu'exige le système de défense adopté. D'ailleurs, la disposition qui nous a frappé n'exige pas nécessairement la dispersion des groupes d'habitation , seulement elle permet de les distribuer selon les né- cessités, et c'est un avantage à ajouter à ceux que nous avons énumérés. Nous ajouterons que les groupes naturellement forti- fiés pourraient servir à protéger les conduites d’eau, ce qui est quelquefois d’une indispensable nécessité. Nous pensons donc qu'il y a lieu d'étudier avec soin et impar- tialité le système de défense des villages : celui qui est adopté a évidemment des vices considérables ; celui dont nous avons trouvé des exemples, nous paraît infiniment préférable. Les habitations solitaires sont parfaitement sûres , quand elles ont la forme d’un blockhaus : ce genre de construction a rendu les plus grands services. Un blockhaus n’est rien autre chose qu'un bâtiment dont les ouvertures et les parois sont défendus contre l'escalade et contre l'incendie par des parties qui surplom- bent le rez-de-chaussée, de manière à permettre aux gens de l’intérieur de faire des feux plongeants sur les agresseurs. S'il est construit en maçonnerie, et s’il a un étage couvert d'une terrasse, l'est, en quelque sorte, une réduction des tours du moyen-âge , munies de machicoulis, de crénaux et de meurtrières : les ouver- tures , au rez-de-chaussée, doivent être assez élevées , pour qu'on ne puisse venir faire feu du dehors dans l'appartement. Ces petites forteresses peuvent braver tous les Arabes ; jamais ils n’ont pu en prendre une. En réalité, ces constructions ne coûteront pas plus (M2) que les maisons ordinaires qui s’établissent sur le sol africain. Il suffit d'ajouter à celles-ci des balcons fermés, placés au-dessus des portes et fenêtres du rez-de-chaussée ; et garnis d'un plancher percé d'ouvertures par lesquelles puisse passer le canon d’un fusil. Toute maison isolée devrait être construite d'après ce système; toute exploitation devrait, au moins, avoir un refuge ainsi disposé ; sans aucun frais, la vie des hommes serait alors à l'abri de tout événement de guerre. Les villes ont presque toutes été appropriées à nos usages. Il reste peu de choses à faire actuellement sous ce rapport; peut- être même a-t-on trop fait pour elles , non que nous ne pensions qu'elles ne réclament plus aucun établissement utile, aucune amélioration , aucun embellissement, mais, à notre avis, on a bâti les cités comme si la colonie était faite, comme si elle était grande , prospère , incontestée , comme si elle devait faire naître à l'instant un commerce immense. On a commencé par où l'on aurait dû finir ; on a devancé les nécessités, et d’énormes dépenses resteront longtemps improductives. La spéculation sur les terrains à été effrénée à Alger , même à Oran. Le sol s’est vendu aussi cher dans la première ville qu'à Paris. On voulait créer une capitale, quand les sources de richesses qui devaient l’alimenter n’existaient pas encore, et on la construi- sait au moyen du crédit. Aussi, quand la révolution de février vint arrêter les transactions, paralyser les affaires, et forcer chacun à liquider sa situation , une crise énorme éclata et vint causer des désastres immenses. On dit que les individus seuls ont perdu , que les constructions resteront , et qu'en définitive la ville gagnera. Faux calculs ! ce qui est funeste aux particuliers , ne peut être utile au public. Si les sommes énormes consacrées aux constructions , qu'on pouvait différer ou réduire, avaient été employées à des travaux Immé- diatement productifs , 1ls seraient conservés également , et les malheurs des premiers émigrants ne seraient pas venus effrayer ceux qui devaient les suivre. Il va sans dire que nous ne blämons (413) que la spéculation sans frein, n'ayant aucun but d'utilité actuelle, mais non celle qui a pour but de satisfaire à des besoins réels. Des cités nouvelles , prospères un moment, ont vu déjà com- mencer une période de déclin, telle est par exemple Douera, qui, bien qu'à quelques lieues d'Alger, dans le Sahel, formait un poste-avancé de notre armée, et s’enrichissait des dépenses d’une nombreuse garnison. Elle a été ‘bâtie avec un assez grand luxe, en raison de sa richesse qui chaque jour s’aceroissait. Maintenant, la principale source de sa prospérité est tarie , ses constructions sont hors de proportion avec ses besoins actuels ; mais elles ne seront certainement pas toutes perdues. Les idées de ses habitants se dirigent vers l’agriculture. Ainsi, ces trafics qu'on a blâmés, qu'on à considérés au moins comme inutiles à la colonie, ont permis de construire des maisons, de réunir des capitaux, et concourront, en définitive, à faire exploiter le sol. El-Arrouch , qui a subi des dépréciations analogues, devra suivre une voie semblable, pour reconquérir son importance, que l'occupation de Constantine a diminuée momentanément. Dans certaines circonstances, la valeurdes villes à changé, non par la progression de nos établissements intérieurs , mais par le changement des routes qui v conduisent. La première route qui nous mena à Constantine partait de Bone et passait par Guelma ; ce dernier poste avait une haute utilité ; il en eut mo:ns quand les communications se sont établies par Philippeville, bâtie expressé- ment pour faciliter ce changement. La route actuelle passe par Saint-Antoine, El-Arrouch, El-Kantour, Smendou ; ces localités auront une importance évidente. Mais on projette de placer la route de Constantine dans la vallée de Saf-Saf. Ce changement transportera évidemment la prospérité sur la ligne rectifiée. On trouvera peut-être un jour que la meilleure voie serait celle qui suivrait l'Oued-el-Kébir , qui débouche près Djidjelly, et va droit sur Constantine. Alors il y aurait encore de notables perturbations dans les intérêts ; mais ce sont là des accidents inhérents aux s0- ciétés nouvelles ,’et dont ne sont pas exemptes:les:plus anciennes, (414) L'autorité a pu, dans presque tous les grands centres, se dis- penser de construire des habitations pour les fonctionnaires. En cela, elle a évité des causes de dépenses souvent considérables ; à Alger, le gouverneur-général , l’évêque, le préfet, l’intendant militaire habitent de belles maisons mauresques ; à Blidah, à Médeah , à Constantine, à Milianah , à Oran, les commandants habitent d'anciens palais ou d'anciennes maisons élégamment construites. Il Y à peu à critiquer dans les aménagements qui ont été faits. Lorsqu'on a fondé des villes sur les ruines des anciennes cités romaines, On na pas toujours assez médité sur les dispositions adoptées par ces sages conquérants. Ainsi à Philippeville, les fon- dations des anciennes constructions attestent que les rues laté- rales montaient obliquement sur les flancs du coteau. Celles de la ville moderne sont perpendiculaires. Elles perdent ainsi les deux avantages que s'étaient ménagés les Romains : elles n'ont plus une pente adoucie , elles ne s'ouvrent plus en éventail pour recevoir la brise de mer. Quand on faisait cette observation au capitaine du génie qui a dirigé les travaux, il répondait : « Les Romains avaient leur système , nous le nôtre, et le nôtre est le bon. » Tout le monde ne sera pas de son avis. L'amour des lignes droites et des angles droits, avec le défaut d’études pratiques, ont produit de bien mauvais résultats dans les créations françaises ! Les villages créés en Algérie sont déjà nombreux : les uns bâtis aux frais des colons , sont les villages civils ; les autres bâtis aux frais de l'État, constituent les colonies agricoles ; enfin les vi/lages arabes ont été bâtis par l'autorité militaire aux frais des indigènes. Ces centres de population suffiront à bien des besoins et l'on devra s'attacher à les compléter avant d'en fonder d'autres. Nous ne saurions trop insister à cet égard , on n’a pas assez apprécié les difficultés qui accompagnent toute fondation nouvelle ; quand des hommes s’établissent sur une terre où tout manque à la fois, où ils ne peuvent espérer ni aide , niexemple, ni ensei- gnement, ni approvisionnements , ils sont bien vite saisis de ( 445 ) découragement, ils ont bien souvent à lutter contre des obstacles insurmontables. Combien il est plus facile de réussir à un individu qui vient se placer près de compatriotes déjà installés, qui peu- vent le garantir des écoles qu'ils ont dû faire , leur ouvrir un asile hospitalier, leur prêter leurs bras et leurs machines , leur offrir tous les objets qui s'accumulent dans les lieux où la civilisa- tion à pris pied , et doné la privation se fait si cruellement sentir à l'origine de toutes les entreprises. Sans doute il y a des positions si indiquées , dont l'occupation est si nécessaire qu'il faudra bien édifier encore quelques villages d'étapes ou de défense , mais ils seront très-rarement indispensables pendant quelques années. Les agglomérations d'habitations ont été, en général, judicieu- sement établies pour servir aux troupes de lieu de séjour, proté- ger les relations, tirer parti des richesses du pays, mettre les habitants à l'abri de causes d'insalubrité. Pourtant il est des communes qui ont été littéralement dépeuplées : Bouffarick a re- nouvelé plusieurs fois sa population ; Zurich, sur 153 familles en a gardé 40; Robertville a eu des pertes aussi grandes. Peut-être ces affreux ravages ne tiennent pas expressément à leur position; pourtant il est vrai que Bouffarick et Roberville sont dans un terrain marécageux , que Zurich, quoique dans une charmante position, est au fond d’une vallée difficilement acces- sible aux vents du nord ; le général Mac-Mahon nous disait, quand nous visitions avec lui les villages qu'il a fondés et les positions de ceux qu'il projetait, que la facilité de recevoir les brises venant du rivage lui paraissait une condition indispensable. Nous parta- geons son avis sur les avantages qui résultent d'une telle situa- tion ; mais les exigences de la culture ne laissent pas toujours le choix et exigent impérieusement qu'on se résigne à s'établir dans des lieux moins salubres. Nous n'acceptons pourtant pas, comme certains fanatiques de la colonisation, la nécessité de renouveler deux ou trois fois la population , avant d’avoir créé des colonies définitives ; à ce prix nous aimerions mieux renoncer à l’entreprise. Mais nous croyons qu'on peut, au moyen des précautions que nous (M6 ) indiquerons en parlant de la manière d'installer les cultures, éviter les désastreuses épidémies qui ont sévi si cruellement sur nos colons. I faut d’ailleurs s'astreindre aux règles hygiéniques les plus mi- nutieuses pour assurer la santé des habitants, et nous pouvons dire ici que les conditions de salubrité des villages n'ontpasété toujours conservées ; leurs rues le plus fréquemment sont excessivement boueuses , elles ne sont ni pavées, ni empierrées, bien que dans le plus grand nombre des localités , il soit très-facile de trouver les matériaux d'un bon empierrement ; les fossés d'enceinte ont sou- vent conservé des mares d’eau stagnante ; enfin dans quelques lieux, des déblais assez considérables ont été effectués dans la seule vue d'obtenir des chemins d'exploitation un peu plus courts ou plus réguliers. Nous avons dit que l'autorité française se charge de faire con- struire des villages pour les indigènes, qui en paient les frais. Elle les encourage à ces entreprises qui sont faites pour changer les mœurs des peuples vaincus et les soumettre plus facilement & uotre loi. Nous avons vu un village arabe en construction près de Milianab ; 13 autres ont été achevés ; il v a un village arabe et un village de nègres près d'Oran. Nous croyons ces constructions très- utiles, mais nous pensons qu'il serait prudent de ne les générali- ser que lorsque nous aurons effectivement en notre possession la terre nécessaire à une colonisation européenne vaste et compacte. Les maisons donnent lieu à quelques remarques essentielles. Nous avons dit que, dans les villes, on avait utilisé les grandes et belles maisons mauresques bien appropriées au climat, mais fort peu à nos usages, dont la disposition devait être modifiée, mais non changée totalement ; les constructions modernes ont été faites d’après les idées européennes , les fenêtres sont extérieures, nombreuses et larges. Un toit les couronne. On doit regretter, surtout dans les villes, l'usage des ter- rasses qui mettent bien plus que les toits à l'abri de la chaleur, et donnent la possibilité de jouir de la brise du soir si salutaire dans (A7) ces climats brülants ; la grandeur des appartements que nos mœurs réclament apporte quelques difficultés à l'établissement de ces terrasses, mais non des obstables insurmontables ; ainsi, quoique l’ancienne habitation consacrée à la préfecture d'Alger, ait été profondément modifiée, et que les salons qu'elle renferme soient d'une belle étendue, on n'en a pas moins conservé des plates- formes , d’où l’on jouit d’une vue magnifique. Les habitations des villages civils sont variées dans leur forme et leur distribution , en raison des goûts et des facultés de leurs propriétaires. Généralement elles sont moins grandes, moins éle- vées, moins solides que celles bâties aux frais de l'État. Nous avons fait connaître la disposition de ces dernières: elles sont formées d’une ou deux pièces, etont 3.",50 de large sur 5 ou 6." de longueur. Les murs sont solidement bâtis en moellons et terre ; dans les angles, le mortier à la chaux est substitué à la terre. Le toit est en tuiles courbes, ets’avance au-delà des murs. 2,457 maisons ont été construites sur ce modèle, 2,345 étaient commencées , quand nous avons visité la colonie. On leur a reproché de n'avoir pas de carrelage , d’avoir un toit qui laisse pénétrer la pluie et la chaleur , d’être privées d'étage et même de greniers, de caves et des accessoires nécessaires à une exploitation rurale. Le carrelage est en effet nécessaire pour entretenir la propreté et la salubrité ; le béton dont on recouvre le sol de certaines mai- sons n'a pas assez de solidité ; il se fend, perd son niveau, se brise, de sorte qu'il cesse bientôt d'être uni et qu'on ne peut plus le laver et le nettoyer facilement; c’est bien pis lorsque le sol n’est que de la terre battue, qui se charge de boue et s’imprègne d’humi- dité. I y a donc lieu de généraliser l'emploi des carrelages ; ce ne sera pas une dépense considérable. Les toits sont réellement traversés par la pluie, les vents , la chaleur. La commission chargée d’inspecter les colonies agricoles à attribué la filtration des eaux pluviales , à ce que les planches qui supportent les tuiles ne sont pas jointives. Nous ne partageons 28 { 418 ) pas son sentiment. Ces planches sont soumises à de tels change- ments de température qu'elles ne pourront jamais avoir des joints serrés, et jamaiselles ne pourront empêcher l’eau de pénétrer dans les habitations , lorsque les tuiles la laisseront passer. À notre avis , c’est à la forme de celles-ci qu'il faut attribuer l'inconvénient dont on se plaint. Ces tuiles sont celles qui sont employées dans le Midi de la France, où elles semblent en usage depuis la domi- nation romaine. Elles sont disposées à côté l'une de l’autre er rangées parallèles et ont leurs bords recouverts par des rangées dont la courbe est placée en sens inverse. Ces tuiles n'ont aucun moyen d'attache; pour les empêcher de glisser , on est donc forcé de faire les toits très-plats; de plus, elles touchent les planches par leur face convexe; elles n'ont donc aucune assiette , et se dérangent facilement sous l'action des vents Ces circonstances favorisent singulièrement les infiltrations. On aurait dû ne pas ignorer les perfectionnements admis depuis long- temps en Italie. A Rome, depuis Michel-Ange, et depuis peut- être plus longtemps, les toits sont presque tous formés de deux espèces de tuiles : l'une appliquée sur la charpente est large, plate, pre sur la surface inférieure, garnie de rebords latéraux sur la face supérieure, rétrécie à la partie inférieure afin qu’elle puisse se loger entre les rebords de la tuile inférieure. L'autre espèce de tuile, courbe comme la tuile antique, sert à recouvrir les rebords des tuiles plates. Celles-ci serrées l'une contre l’autre ont une assiette parfaite . elles peuvent être posées sur un plan plus incliné ; celles qui ca- chent leurs bords, n’ont peut-être pas encore une stabilité suffi- sante ; mais elles ne recouvrent plus que des joints très-étroits , de sorte que la pluie ne peut plus s’introduire avec autant de fa- cilité. Ce genre de toiture l’emporte évidemment beaucoup sur celui qui est en usage en Algérie. I n’est cependant pas aussi satisfaisant, ni surtqut aussi écono- mique que la panne du Nord de la France. Cette tuile a deux courbures en sens inverses, et l’un des bords recouvre le bord (419) correspondant de la tuile de la rangée voisine. On évite ains; la rangée de tuiles courbes qui est en recouvrement ; la toiture est ainsi plus légère; elle exige une charpente moins forte, et permet l'emploi de lattes au lieu de plancher. Toutefois il faudrait que la panne fût un peu plus solide et mieux assise que celle qu'on em- ploie généralement dans les campagnes de la Flandreetde l’Artois. On arrivera ainsi à constituer un mode de couvertures préférable à celui actuellement en usage. Un reproche essentiel qu’on a fait aux maisons des villages al- gériens c'est de se composer uniquement d’un rez-de-chaussée. Rien n'est plus incommode qu'une habitation dépourvue de chambre haute et de grenier. La commission des colonies agri- coles a reconnu la justesse des réclamations qu’on lui a adressées à ce sujet; mais elle a pensé que le chiffre de la dépense occasionnée par cette création nouvelle devait la faire ajourner. Elle évalue à 400 fr. le prix du plancher qui serait nécessaire pour diviser la bauteur de l'habitation. Nous avons vu des colons , à Gastonville . par exemple, qui contraints par la nécessité, avaient construit le plancher d'un étage, formé de planches brutes établies sur des so- lives écartées de 0.", 80. ; il leur coûtait 100 fr. : si les solives eussent été rapprochées , il eût coûté 125 fr. ; si les planches eus- sent été rabotées , il aurait coûté 6 fr. le mètre carré, ou 436 fr. pour une maison ayant 3." 80 sur 6." de longueur. On voit que les colons obtiendraient un étage à un prix bien inférieur à celui qui serait demandé à l'administration. Nous pen- sons donc qu'il y a lieu d'adopter un procédé économique de faire un plancher et de créer le bien-être que donnerait une chambre haute. Selon nous, la suppression du plancher du toit, qui peut- être remplacé par des lattes ou même des reseaux dans le système de toiture que nous avons décrit, donnerait presque le moyen de l'obtenir. Dans l’état actuel des choses , les maisons sont trop hautes ou trop basses : trop hautes si l’on ne divise pas la hauteur par un plancher; un peu trop basses si l'on veut faire l'étage. Le général ("420 ) Mac-Mahon , reconnaissant la nécessité de construire l'étage pos- térieurement , à fait donner aux maisons des environs de Tlemcen moins d'élévation ; il a aussi pris des dispositions pour que le toit püt être relevé sans beaucoup de frais. Dans cette vue il a fait éta- blir les tuiles sur des roseaux ; il a donné aux toits moins de saillie au-delà des murs. et a formé les combles en bois bruts, comme ceux des maisons des Arabes ; par ce moyen il a obtenu les maisons à 4,500 fr. quand elles coûtaient 2,500 fr. dans beaucoup d'autres localités. Ainsi la différence des prix ne tient pas essentiellement , comme on l’a cru, à la valeur différente des matériaux dans chaque province, mais à la meilleure entente des constructions. Il est nécessaire de réduire les prix, parce que, dans le système adopté, les dépenses sont excessives, et que pourtant les habitations n'ont rien encore de ce qui constitue une exploitation agricole : une cave est indispensable pour la conservation des aliments dans les climats brülants ; nous avons vu peu de colons qui ne nous aient fait des réclamations à ce sujet, et beaucoup se sont effor- cés de suppléer, par quelques excavations grossières, à ce qui leur manquait sous ce rapport. Il serait bon d'encourager les es- sais économiques qui ont été tentés. Tous les accessoires d’une ferme doivent être ajoutés aux habi tations ; l’administration ne pouvait les prendre à sa charge; la dépense qu'elle aurait eu à supporter aurait été écrasante. Les 4,500 maisons dont la construction a été entreprise coûteront 9 à 10 millions sans les accessoires , ni les édifices publics. Les colons s'efforcent de construire en branchages, en planches, en pisé, étables, écuries, porcheries , remises, etc., etc. Ils auraient be- soin d’être mieux dirigés dans ces constructions , et un peu aidés. Les casernes , les hôpitaux, manquèrent dans les premiers temps, et les maladies faisaient d’horribles ravages dans les rangs de notre armée quand nos soldats couchaient sur la terre. sans matelas , sans couvertures , sans abri, et lorsque les hommes attaqués de lièvre et de dysentérie ne pouvaient être recueillis dans des sailes fermées. Le soldat a concouru lui-même a inventer les moyens de ( 4%4;) conserver sa santé : en déployant le sac de toile qu'on lui donnait, en l'unissant à ceux de trois de ses camarades, ila établi, à Faide de 2 piquets, une petite tente très-aisément emportée par ceux qu'elle abrite. Lorsque le maréchal vit cette heureuse création de l'esprit inventif de nos soldats , il s’écria : « Maintenant rien ne peut plus arrêter notre armée, » Aux toiles on ajoute des couver- tures dont les soldats restent munis, même sur les navires, quand ils s'embarquent ; ils sont ainsi préservés du froid des nuits qui détermine tant de maladies funestes. Il est curieux d'observer ces hommes intelligents dans leurs emménagements : vous les voyez se coucher trois à trois sur une couverture étendue , plaçant sur eux deux autres couvertures et parvenant ainsi à conserver une chaleur nécessaire. De bonne heure on songea à créer des abris solides. Nous avons constaté que dans la plupart des localités importantes, des casernes et des hôpitaux , ces indispensables accessoires de Foc- cupation, avaient été construits avec tous les développements que réclamaieni les besoins de l’armée. Les colons profitent des hôpitaux comme les militaires ; les femmes et les enfants y sont même admis. C’est une heureuse disposition , dont on a eu à se louer beaucoup , dans les années pendant lesquelles une cruelle épidémie a exercé ses ravages dans notre colonie. On a en outre établi des infirmeries dans les villages. Elles ren- dent de bons services , et il serait à désirer qu’elles fussent mieux installées et mieux fournies. Nous ne pouvons nous dis- penser cependant de faire une observation sur la généralisation de ces établissements ; outre qu’ils ne peuvent jamais réunir tous les moyens de traitement obtenus dans les grands hôpitaux , il est une indication à laquelle ils ne satisfont pas : souvent il est indis- pensable que les malades abandonnent le foyer dans lequel ils ont contracté les affections qui menacent leur vie ; ils ne doivent pas rester exposés aux causes qui agissent incessamment sur leur consti- tution détériorée. Pour obtenir leur guérison , il faut absolument les déplacer et leur faire respirer un air débarrassé de miasmes. Les (42) infirmeries leur offriront un asile moins salutaire que les hôpitaux. Ces derniers établissements sont, en général , placés dans les sites les plus salubres et les plus riants ; l'air y est pur, le sol élevé, les points de vue fort beaux, les distributions bien appropriées aux usages auxquels 1ls sont consacrés ; les accessoires réclamés pour l'utilité et l'agrément des malades n'ont pas été négligés. Les sal- les sont spacieuses, élevées, éclairées et ventilées convenablement. Quelquefois cependant, il nous a paru que les constructions étaient trop massives : ainsi à Médéab, le plafond des salles de l’hôpital est porté par d'énormes piliers et des arcades en maçonnerie qui divisent la salle en 3 allées, et interceptent l'air et la lumière. On dit que, lorsqu'on a construit cet édifice, les communications étaient si difficiles qu'on ne pouvait transporter des poutres de grande dimension ; on aurait dû alors soutenir le plancher par de simples piliers de bois, comme on l’a fait à Milianah dont l'hôpital est magnifique. Les hôpitaux et les casernes de certaines localités ont perdu beaucoup de leur importance parce que l'occupation a changé de base. Nous citerons en particulier, ceux de Douéra. Mais les chan- gements de nos garnisons étaient indispensables, et certainement les bâtiments construits ne resteront pas sans utilité. Cela doit être pourtant un avertissement. L'on ne doit, dans une colonie naissante , se déterminer à faire des constructions d'une grande importance qu'après mür examen et certitude acquise que tous les caractères de permanence leur sont assurés. Les magasins militaires, manutentions, elc., nécessité pre- mière de l'occupation, ont été établis sur de larges bases; on ne peut regretter les sommes qu'on y a consacrées. Il eut été dési- rable seulement que les constructions fussent faites avec un tel soin qu'elles pussent pleinement satisfaire à tous les besoins des services auxquels on les destinait. C’est ce qui n’est pas toujours arrivé. Ainsi le magasin situé près la porte Vallée à Constantine semble fléchir quand on emplit ses greniers ; on ne peut charger sans danger les chambres du bâtiment édifié sur les réservoirs 0 AS | de Philippeville. I'est fâcheux de voir des constructions d'hier menacer ruine, quand leurs bases romaines bravent les siècles. Les églises , les mosquées ont été quelquefois construites avec trop de luxe architectural : le sentiment religieux, dans les sociétés naissantes, ardent et sincère , n’est pas exigeant, il ne demande pas de somptueux monuments. Des localités d’une importance médiocre, Douera, Bouffarick, par exemple, ont été dotées d'églises peut-être un peu splendides; à Alger on a adopté une combinaison doublement malheureuse : au lieu de consacrer au culte chrétien la vaste mosquée , dont la forme est celle d’une croix latine , on à voulu lui donner la petite mosquée remarquable par ses marbres sculptés , et lorsqu'on eût dépensé des sommes importantes pour l’approprier , on reconnut qu’elle était trop petite. Il fallut raser l’ancien édifice, pour bâtir une cathédrale nouvelle, et faire ainsi une dépense double en détruisant un précieux spécimen de l'art algérien. A Philippeville , on a construit une fort élégante mos- quée qui n'est pas fréquentée, et, faute de fonds , on n'a pas achevé la belle église dont la grandeur dépasse ce qu'exige la va- leur actuelle de la ville. Dans les villages on construit souvent une église avec deux maisons réunies, et on fait bien. Ce n’est pas quand un centre de population est encore , pour ainsi dire , problématique, qu'il faut songer à des constructions qui n'auront d'utilité que lorsque de nombreux habitants seront installés et promettront une résidence non interrompue. Les écoles ont parfois reçu une existence prématurée. On veut instruire les enfants, rien n’est mieux, mais il faut d’abord les laisser naître et grandir. Sous un soleil qui ne leur est pas favo rable , et au milieu de circonstances qui les vouent à tant de chances de mortalité, ils sont bien loin d’être assez nombreux pour exiger sans délai des établissements spacieux. Il ne faut à l'origine des sociétés que le strict nécessaire ; on ne peut, au jour de la fondation du moindre village, le doter de tous les avantages que réclament en vain toutes les communes de la mère ( 424 ) patrie. Il faut consacrer toutes les ressources à ce qui enfante le travail et la production , sans lesquels rien ne peut durer. On à perdu de vue ces principes incontestables en maintes circonstances. Les caravansérails , construits aux portes de beaucoup de villes donnent une irrécusable preuve qu'on a pu oublier les règles de l'utilité et de l’économie. On avaitlu que le commerce de l'Orient se faisait par caravanes. On a pensé qu'il suffisait, pour déterminer leur arrivée et fixer les voiescommerciales, d'établir des bâtiments qui les abriteraient. On ne s’est pas inquiété des lois auxquelles le trafic est assujetti ; on a négligé les conditions d'habitude , d'éco- nomie , de rapidité et de sûreté de parcours, la possibilité d'écou- ler les marchandises et de faire les acquisitions qu'on recherche, à des prix acceptables ; on a bâti les caravansérails avec le carac- tère que notre fantaisie se plaît à donner aux choses de l'Orient. Celui de Bouffarick a coûté 120,000 ; celui de Cherchell 80,000; celui de Koleah 40,000; celui d'Oran est construit avec un grand luxe et a dù coûter des sommes considérables , on en à fait un hôpital , faute d'emploi ; tous les autres sont restés parfaitement inutiles ; dans aucun d'eux ne sont jamais entrés ni un chameau ni un arabe. D'ailleurs on n'aurait pas dù oublier que pour des hommes qui passent leur vie sous la tente, ou sous de misérables gourbis , il n’était pas nécessaire de bâtir des palais. I] suffit pour l'arabe d'un hangar , du plus simple abri, du fondouck même qui abrite ses animaux et ses marchandises. Ce qu'il cherche c'est le bon marché ; il craindra toujours qu'on lui demande un grand tribut pour l'usage d’une chose qui a coûté beaucoup. Voyez ce qui se passe dans les marchés réels : à Blidah, par exemple, les indigènes qui viennent apporter les approvisionnements se retirent dans le bâtiment de la plus chétive apparence. Aux portes de Constantine, ils ont bâti un village qui ne se compose que de ca- banes, les plus pauvres qu'on puisse imaginer , et tous les jours elles sont remplies par des troupes nombreuses de marchands. Les grands marchés indigènes, comme ceux de l'arba du Djendel , se tiennent en rase campagne; les marchandises sont déposées ( 425 ) sur la terre; quelques tentes seulement sont dressées pour Les chefs qui réglent les différends et maintiennent le bon ordre. D'immenses transactions s'effectuent ainsi sans appareil, sans construction, sans dépense, mais avec une entière liberte. Si l'on veut faire quelque chose d'utile, 1} faut construire quelques bäti- ments légers et très simples dans les localités consacrées par un usage immémorial, fonder des colonies près des marchés fre- quentés de tous temps, y réunir des marchandises de bon aloi, satisfaisant les goûts et les besoins des indigènes; on donnera ainsi de l'extension à notre commerce. Mais bâtir dans des lieux où aucune habitude n'existe, des monuments d'une grande étendue et d'un grand luxe, c’est dissiper, sans avantage, des ressources que réclament impérieusement des objets de première nécessité. Les routes de l'Algérie ont reçu un commencement d'exécution: nous avons dit quelles sont les sections qui ont été ou achevées ou entreprises. La manière dont elles sont faites est généralement digne d'éloge. Elles n'ont pas cet excès de largeur qu’on remarque dans beaucoup de contrées de la France et qui entraine des de- penses inutiles. Mais on a peut-être, dans quelques cas, diminué leur largeur outre mesure : on a été forcé de donner à quelques- unes des gares kilométriques pour le dépôt des matériaux; ce système nous semble devoir entrainer des difficultés dans les réparations; 1l est moins dispendieux de voir les pierres uniformé- ment disposees sur le bord de la route dans un pays où le terrain n'a généralement pas de valeur. Les parties de chemins achevées sont bien empierrées. On reproche aux matériaux employés d'être trop tendres et de s'user rapidement ; sans prétendre que le reproche soit tout-à-fait imme- rité, nous devons dire que les dégradations de routes tiennent plus spécialement au mode d'entretien qui est admis , aux len- teurs administratives et au système adopté pour les transports. Le gros roulage emploie habituellement des charrettes pesam- ment chargées, traînées par 6 et 7 chevaux ou mules ; ces véhi- cules fatiguent énormément la chaussée , et la défoncent quand ( 426 ) l'épaisseur du gravier est diminuée et que les formalités adminis- tratives empêchent de le recharger en temps opportun. Ainsi, sous nos yeux, au retour des pluies, la route de Philippeville à Constantine a été littéralement labourée et retournée par le sros roulage , si bien que 18 et 20 chevaux ou mules attelés à une même voiture ne pouvaient la tirer des ornières dans lesquelles elle était enfoncée; pourtant des pierres concassées étaient rangées sur les bords de la voie, dans toute sa longueur ; mais on n'avait pu les étendre pour donner de la solidité à la chaussée , autori- sation n'était pas venue. Enfin quand la route fut bouleversée et pour ainsi dire perdue, l'ordre de les mettre en œuvre arriva : on peut juger ce que coûtent des réparations faites dans de telles conditions. Les dépenses improductives des routes ont été augmentées en- core par les projets de rectification proposés, et souvent immé- diatement commencés. Généralement les voies de communication sont établies pour les besoins d’une expédition ou l'établissement d'un poste permanent. L'armée fait un tracé ; elle exécute parfois des terrassements considérables ; puis viennent les ingénieurs qui proposent rectifications, redressements, adoucissements de pen- tes, choix de vallées plus directes ou moins abruptes : un second tracé est adopté ; 1l arrive que lorsqu'il est en partie exécuté , un troisième est proposé. Nous ne faisons aucune difficulté de. con- venir que, dans la plupart des cas, ces changements ne soient con- venables ; mais dans un pays qui est presque entièrement privé de voies de communication , tracer de nouveaux chemins vaut souvent mieux que de poursuivre l'entier perfectionnement de ceux qui sont en état de viabilité. Du reste ces changements deviendront de moins en moins fréquents. Le système des routes tracées et exécutées par notre armée à eté judicieusement conçu. Maiîtres de la mer, nous devions éta- plir des voies perpendieulaires au littoral, partant des principaux ports et se dirigeant, en traversant le petit Atlas, vers les villes et les postes militaires des vallées centrales du Tell, et des (427) crètes du grand Atlas, c'est ce qu'on a fait : presque toutes les villes du petit Atlas sont liées à celles du littoral par des routes plus ou moins avancées, Médéah avec Alger, Milianah avec Alger et Cherchell, Orléansville avec Tenès, Mascara avec Mosta- ganem , Arzeu et Oran, Sidi-bel-Abbes avec Oran, Sebdou et Tlemcen avec Nemours, Aumale avec Alger, Sétif avec Bougie, Constantine avec Philippeville, Guelma avec Bone. Ce système de voies sera bientôt complété : l'administration a le projet d'unir Constantine à Djidjelli, par une route qui suivrait la vallée du Rummel , et à Collo, par un embranchement se dirigeant de Ro- bertville vers ce port , enfin à Bone par une route qui atteindrait Guelma. La grande position de Constantine sera donc reliée à quatre des principaux ports de l'Algérie. Il sera d’une grande utilité d'unir Aumale avec Bougie. Les villes du petit Atlas communiquent presque toutes avec les postes qui bordent les hauts plateaux : Sidi-bel-Abbès avec Daya, Mascara avec Saïda et Tiaret, Milianah avec Teniet-el-Had. A l'est d'Alger, les hauts plateaux se confondant pour ainsi dire avee le Tell , la limite de cette dernière région n’a point été marquée par une ligne de postes fortifiés ; mais nous nous sommes établis à Batna dans les hauts plateaux, à Biskara sur le versant sud du grand Atlas. D'autres routes ont été proposées pour assurer notre domination dans le sud , ce sont celles de Médéah à Bogar , d'Au- male à Bousada , de Guelma à Tebessa. Mais si l'établissement des routes perpendiculaires était indi- quée par la première nécessité, elles ne nous donnent pas les communications les plus satisfaisantes : la mer n’est pas tou- jours facilement parcourue; elle ne permet pas de bien rapides mouvements de troupes entre les postes interatlantiques, puisque , pour passer de l’un à l’autre, nos soldats doivent se porter surle rivage par fa voie perpendiculaire, s’embarquer, gagner le port où débouche une autre voie perpendiculaire, et remonter cette dernière; la mer, d’ailleurs, peut nous être fermée. Notre système de communication ne sera parfait que si l’on établit des (428 | routes parallèles à la mer reliant toutes les .:gnes perpendiculaires. Trois grandes routes marchant de l'est à l'ouest, sont indiquées comme urgentes, ce sont celle qui unirait les places du littoral , celle qui unirait les postes du sud, celle des vallées interatlantiques. La ligne du littoral présentera de grandes difficultés : pourtant elle a déjà été exécutée en certains points ; nous avons indiqué les parties de cette voie qui ont été déjà entreprises. La route d'AI- ger à Dellys est achevée; celle d'Alger à Cherchel à encore de longues lacunes. Dans l'ouest, où les grandes montagnes s'éloignent du rivage, on a promptement mis Mostaganem en communication avec Oran; la route d'Oran à Tlemcen, qui suit la direction de la côte, sur les bords du grand lac, doit être achevée ; des bords de l'Isser , un embranchement s’éten- dra facilement jusqu'a Nemours, et suppléera longtemps la route qu'on a le projet d'établir sur le bord même de la mer. Un projet d’unir Cherchel, Ténès et Mostaganem a aussi été conçu ; mais les difficultés qu'on rencontrera dans les montagnes du Dabra seront telles que ce projet, qui sera d’une médiocre impor- tance quand Ténès sera uni à Orléansville, sera fort longtemps ajourné. Dans l'est, la route de Stora à Bône sera bientôt ter- minée ; celle de Bône à la Calle est commencée ; il faudra en pousser les travaux avec activité. La route de Philippeville à Collo est en projet ; entre Collo et Dellys, c'est-à-dire dans la Kabylie, l'établissement de la route du littoral rencontrera autant et plus de difficultés que celle du Dahra ; des travaux plus impor- tants et plus indispensables devront en faire différer l'exécution La ligne du sud entre Sebdou, Daya , Saïda, Frenda Tiaret, Boghar, Aumale, les Portes-de-Fer (Bibans), Bordj Douairjdj , Sétif, Batna , est en projet. Mais de nombreuses sec- tions de cette ligne pourront longtemps être suppléées par la grande voie des vallées interatlantiques. La ligne interatlantique est, sans aucune comparaison , la plus importante des trois routes parallèles dont nous venons de parler : parcourant les vallées qui s'étendent entre le grand et le petit Atlas, ( 429 ) ef qui sont séparées par des faîtes peu élevés, son exécution ne ren- contrera pas de grandes difficultés ; les services qu’elle rendra seront immenses : elle traversera les plaines les plus étendues de l'Algérie , dans lesquelles peut s'établir la plus riche culture ; elle mettra en communication Loutes les places du littoral , et tous les postes du sud ; elle permettra de les secourir tous les uns par les autres; elle suppléera à la mer si celle-ci vient à nous être fermée, et, couverte par l'Atlas, elle se dérobera aux attaques extérieures ; elle séparera les nomades du sud de nos villages, les Kabyles de l’Aurès et del'Ouanseris, de ceux du Dabra et du Jurjura; elle constituera ainsi la grande artère qui doit vivifier l'Atlantide , et formera la ligne stratégique qui en assure la possession. De Médeah , point central et culminant, elle doit descendre dans le Djendel par un des affluents du Chélif, et suivant le cours de ce long fleuve , passer au pied de Milianah , traverser Orléans- ville et arriver à la hauteur de Mostaganem : depuis Milianah jusqu'à ce point , elle est préparée par des travaux de campagne. Au-delà de la vallée du Chélif, les vastes plaines de l'ouest se continuent et ouvrent des communications faciles ; déjà la voie du littoral qui s'étend de Mostaganem à Tlemcen et Nemours peut suppléer la voie interatlantique. Une autre voie s'ouvrira facile- ment au pied du versant nord du petit Atlas: elle traversera les vallées de l'Habra et du Sig, de l'Isser et de la Tafna ; une autre enfin, qui sera réellement la ligne interatlantique , sui- vra les vallées supérieures de la Mina ét des rivières que nous venons de nommer , el se rendra à Mascara , à Sidi-bel-Abbès et à Sebdou qui surveille l’une des grandes vallées du Maroc. Dans l’est , presque rien n’a été fait pour la voie interatlan tique , c'est celle du sud qu'on emprunte. De Médeah la route centrale doit descendre dans la vallée que domine Aumale: elle arrivera , sans grande difficulté, dans la plaine du Hamsa | grand affluent du Bou-Messaou qui s'élève à l'ouest , et, s’avan- çant dans la vallée de Bou-Sellam , autre affluent du Bou- Messaou qui vient de l’est, elle atteindra Sétif. 1 est abso- | 430 lument indispensable d'occuper le cours de ces deux rivières qui, bordant au sud la Kabylie, marchent à la rencontre l’une de l'autre pour former la rivière de Bougie. Les campagnes de 1851 et 1852 nous en assurent la domination, et la route faite de Sétif à Bougie, suivant le cours du Bou-Sellam , constitue une notable partie de la voie transversale ; il faudra l'achever dans les vallées interatlantiques , au lieu de la faire remonter par les Portes-de- Fer jusqu'à Bordj Douairjdi, comme l'indique le projet tracé sur les cartes nouvelles { tableau des établ. fr. 1846-1849). Cette direction appartient à la ligne des postes du sud. De Sétif à Cons- tantine la route a été tracée dans la vallée du Rummel qui se re- courbe à l’ouest. Elle pourra s'élever moins au sud, en suivant un des grands affluents de cette rivière. En se prolongeant à l’est, la route interatlantique atteindra les sources de la Seybouse , soit par le Smendou , soit par le Bou- Merzoug affluent du Rummel; les affluents orientaux de la Seybouse conduiront ensuite la route jusque dans la direction de l'ebessa qui domine la Medjerdabh, la grande rivière de Tunis. L'intérêt de la défense et de la colonisation exige qu'on se hâte d'établir et perfectionner cette route , et qu'on lui consacre tous les fonds dont le gouvernement peut disposer ; il faudra en même temps perfectionner ses communications , avec les voies per- pendiculaires. Parmi ces dernières , la plus importante est évi- demment celle qui l’unit à Alger, le centre militaire, administratif et commercial de la régence. Pour atteindre le point qui commande aux vallées interatlantiques , on avait d'abord tracé la route miii- taire qui passe au col de Mouzaïa et mène ensuite à Médeah; cette route permettait en même temps, de descendre sur Milianah par le plateau des Réguliers. Depuis on a taillé dans les gorges de la Chiffa une route en corniche qui arrive au Nador, le franchit par des rampes en lacet, et descend à Médeah ; mais cette voie de communication étroite , sans parapets , placée quel- quefois à des hauteurs considérables, sur un terrain souvent sans solidité, sera toujours difficile. (431) De la capitale de nos possessions on peut passer avec moins de difficulté dans les vallées de l’est et de l’ouest , en se dirigeant obliquement par la plaine de la Mitidja, dans les deux directions opposées , sans toucher le point culminant : à l'est , la vallée de l'Harrach conduit à Aumale et dans les plaines du Hamza , de Sétif, de Constantine ; à l’ouest, la vallée de l'Oued-Dijer se di- rige sur Milianah en s’élevant vers le Zaccar. Il serait bien préfé- rable de pénétrer directement dans la vallée de Chélif en perçant le Gontas , comme en France on a percé le Cantal. Le Gontas pré- sente des points qui, au témoignage d'officiers du génie que nous avons consultés, n’ont guères que 4 à 6 kilomètres d'épaisseur ; on arriverait ainsi, sans gravir les sommets qui surmontent Milianah, et sans descendre ensuite des rampes rapides, au point où le maré- chal Bugeaud voulait fonder une cité nouvelle , et où il a établi un vaste camp : il sentait que c'etait dans la vallée qu'il fallait s'installer. Cette communication tracée entre les deux Atlas donnerait à notre conquête un tel caractère de grandeur et de puissance, qu’on se prend à demander s'il ne serait pas possible d'établir un chemin de ler au cœur même de l’Atlantide. A notre avis, il faut l’entreprendre, si l'on veut dominer, civiliser, et garder l'Algérie. Le rail-way inter- atlantique suppléerait a ces grandes voies fluviales , qui appellent certaines contrées de la terre à prendre une large place dans le commerce et la politique du monde; couvert par l'immense rideau du petit Atlas, il serait à l'abri de toute attaque ex- térieure ; touchant Alger au centre, communiquant avec Oran , Stora ou Bone à ses extrèmités, portant en face de toutes les par- ties abordables du littoral, vis-à-vis toutes les portes du sud , des convois plus rapides que des navires, chargés d'hommes, d'armes, de munitions, de vivres, il donnerait la possibilité de réunir instantanément la masse de nos forces sur tout point menacé. Mais ce projet est-il réalisable ? Au premier aperçu on répond promptement par la négative : l’immensité et la difficulté des tra- vaux , l'énormité de la dépense , en raison des profits qu'on reti- 132 rerait de l’entreprise , l'impossibilité de la conservation, la rarete du combustible , semblent des raisons péremptoires pour écarter une pensée qui serait si féconde. Voyons pourtant si les raisons qui semblent la repousser sont bien fondées. Les difficultés de terrain ne sont pas considérables : nous nous sommes attaché à montrer que les vastes plaines d'Oran com. muniquent très aisément avec les vallées du Sig et de l'Habra, affluents de la Macta , avec celle de la Mina , affluent du Chélif, de sorte que le tracé peut être conduit du grand port militaire de l’ouest derrière la Mitidja : au pied de Médeah , jusqu'à la crète centrale de l'Algérie. Là , deux obstacles sérieux s'élèvent : ce sont le Zaccar et le Nador , monts du petit Atlas, qui se dressent, le premier entre le bassin du Chélifet la plaine d'Alger, le second dont les contreforts. s’unissant au grand Atlas, s’interposent entreles vallées de l’ouest et celles de l’est. Mais nous avons dit qu'on peut s'élever au- dessus du Gontas , ou mieux le percer, sans travaux immenses, descendre dans la vallée de l'Oued-Djer, et arriver jusqu'à Alger par une plaine fort unie ; ainsi la moitié de la voie inter- atlantiqne serait complétée. Quant au deuxième obstacle, il serait tourné et l’on n’en tiendrait pas compte, au moins provisoirement ; on pénétrerait dans les val- lées de l’ouest par l'Harrach et ses affluents qui conduiront jus- qu'aux plaines arrosées par les eaux de l’Isser. On se dissimule- rait en vain que la section orientale du chemin interatlantique ne dût rencontrer des obstacles nombreux si l’on était forcé, comme à présent, de pénétrer dans la province de Constantine par le sud, c’est-à-dire par les Bibans. Mais l'expédition de la Kabylie a eu cet inappréciable avantage de faire reconnaître notre pouvoir dans les longues vallées qui s'étendent derrière les monts énormes qui bordent le rivage depuis Dellys jusqu’à Collo, le chemin pénétrera donc hardiment dans la vallée de la grande rivière de Bougie qui, à l'ouest, se rapproche de l’Isser; il en suivra le cours jusqu'au confluent du Bou- (433) Sellam qui, se portant brusquement vers l’est, s’élévejusqu'à Sétif. Au-delà de cette ville , pour atteindre Constantine , le chemin peut suivre les plateaux du sud , ou s'étendre dans les vallées de deux rivières , courant encore l'une vers l’autre , la Djeradna et le Rummel qui s'unissent pour former l'Oued-el-Kébir ; le cours de cette dernière rivière pourrait conduire vers le Djidjelli, mais ce port n'a pas une importance suffisante pour qu'on néglige pour lui les belles stations de Stora et de Bone. Le Smendou conduit tout à la fois au pied des monts qui séparent les eaux du Rum- mel des sources du Saf-Saf et de celles de la Seybouse. Ce ne sera pas sans des travaux considérables qu'on franchira les faîtes qui séparent ces rivières, mais le chemin aura une grande utilité même avant d'atteindre les deux grands ports de l’est. Déjà d’ailleurs on annonce qu’on demande la concession du che- min de fer de Philippeville à Constantine. Les dispositions du terrain ne sont donc pas de nature à for- mer un obstacle insurmontable à l'établissement du chemin de fer interatlantique. Il en rencontre un plus sérieux dans l'élévation de la dépense qu'il occasionnera : la France qui fait pour l'Algérie un sacrifice immense, ne consentira pas à l'accroître encore. Celà est vrai, mais si l’on se place dans des conditions raison- nables d'exécution, on verra que la dépense serait loin d’être excessive , et qu'au lieu d'être une charge nouvelle , elle amène- rait une prochaine réduction de notre budget algérien. On a établi, en effet, que les chemins de fer français, à double voie, ont coûté, en moyenne, plus de300,000 fr. par kilomètre : à ce taux les 1,000 kilomètres que mesurera le chemin interatlantique coûteraient 300,000,000 fr., c'estexorbitant. Mais en recherchant les causes qui ont élevé le prix de nos rails-ways, on acquiert très facilement la conviction qu'on peut le réduire énormément. La cherté excessive de nos chemins de fer a été amenée par la dou- ble voie, la valeur des terrains, les conditions fort rigoureuses de courbes et de pentes, la perfection excessive, on peut dire le caractère grandiose des travaux d'art , le luxe du matériel rou- 29 ( 434 ) lant, l’enchérissement des matériaux, notamment du fer et des machines , sur lesquels pèse des droits de douane élevés , enfin le prix de la main-d'œuvre , etc. Ces causes enlevées, nous nous trouverions dans une position infiniment plus favorable , et ana- logue à celle des chemins américains. Ces derniers ont coûté 111,000 fr. par kilomètre ; d’après M. Michel Chevalier , il en est dont la dépense n’a été que de 50,000 fr. , et même de 28,000 fr. par kilomètre, quoique la main-d'œuvre coûte en Amérique le double de ce qu’elle coûte en France. Peut-être est-il permis de penser que le chiffre de 50,000 fr. serait celui de l'Algérie. Effectivement, une simple voie est parfaitement suffisante ; avec les gares d'évitement , elle satisfera à tous les besoins du service , soit sous le rapport militaire, soit sous le rapport de la colonisation. Les terrains seront obtenus gratuitement , et l’on ne rencon- trera pas de propriétés bâties , à bien peu d’exceptions près. On adoptera pour les courbes et les rampes des conditions beaucoup moins rigoureuses : En France on a voulu que le ma- ximum des pentes ne fût que de 5 ou mème de 3 millimètres par mètre , que le minimum des rayons des courbes fût de 500 et même de 1,000 mètres. Ces exigences ont déterminé des rem- blais et des déblais immenses , des souterrains , des viadues gi- gantesques , sans nécessité absolue. Quant aux courbes, l’ex- périence a démontré que les grandes locomotives de Crampton, qui développent une vitesse extrême, peuvent suivre des courbes de 300 mètres de rayon; les locomotives plus courtes, dont la vitesse est bien suffisante, admettent facilement celles de 200 mètres : on aide leur marche, et l'on prévient tout accident , en élargissant un peu la voie dans les courbes, en relevant un peu leur rail extérieur , en modérant la marche du convoi quand il les parcourt; les waggons de M. Arnoux, dont les essieux peuvent cesser d'être paralièles circulent sur des courbes de 80 mètres et même de 25 mètres. Quant aux pentes on peut, sans inconvénient, admettre qu elles ( 435 } aient 10 et même 14 millimètres par mètre. En Belgique , près de Liége, on à admis des plans inclinés; en les adoptant, on obtiendra évidemment toute la vitesse nécessaire. Dans un pays où toutes les communications manquent, une vitesse de 6 à 8 lieues à l'heure paraîtrait admirable, et satisferait, sans nul doute, à tous les besoins. On a cru qu'on paierait en frais de traction ce qu'on n'aurait pas dépensé en frais d'établissement : il n’en est rien, parcequ'il est de l'essence des chemins de fer de n'avoir pas les convois complètement chargés, et parceque l’on peut, à un moment donné, développer une plus grande puissance de vapeur. Il est donc évident qu'on ne doit pas s'imposer les énormes sacrifices qu'on a subis pour obéir à des lois théoriques , plutôt que pour obtenir des avantages réels. Les travaux d'art , les stations , les magasins, etc., seront ré- duits à ce qui est strictement nécessaire ; les matériaux pourront être obtenus à bas prix : la pierre se trouve partout ; le bois des traverses serait obtenu avec facilité, puisque la route approche la région des forêts et que les cours d'eau deviennent flottables en certaines saisons ; le fer et les machines seraient , sans aucun doute , importés en franchise , puisque l'introduction en Algérie des objets servant aux constructions n’a pas été frappée de taxes semblables à celles qui pèsent sur les mêmes objets dans la métropole. Enfin la main-d'œuvre ne serait pas chère : l’armée qui a donné des preuves d’une si grande énergie et d’un dévouement si sou- tenu , qui à exécuté des travaux si admirables , serait digne d'elle-même ; elle pourrait être presque complétement employée à l'exécution de la voie ferrée , car la série des vallées interatlan- tiques forme la ligne sur laquelle elle est concentrée avec le plus d'avantage. Dans certaines régions pourraient être installés, à part, les condamnés. Ces hommes sont à la charge de l'Etat, même lors- qu'ils ne font rien ; il serait donc profitable de les employer à des travaux éminemment utiles. Enfin il faut compter sur le concours 436 | des arabes : des corvées doivent leur être imposées pour le travail et les transports ; dans beaucoup de circonstances , ils ont volon- tairement payé de leurs deniers une partie des travaux publics ; ils feront de même dans cette occasion. Le peuple vaincu a con- tribué partout aux constructions qui le font parvenir à une civili- sation plus élevée. Quant au matériel roulant, 1l serait dela plus austère simplicité; il se composerait exclusivement de voitures de troisième classe. Ainsi l’on arriverait à réduire, dans des proportions énormes , les sommes exigées pour la confection du chemin de fer ; on les ramènerait à des chiffres immédiatement admissibles. Nous ayons dit que le kilomètre pourrait ne coûter que 50,000 fr. ; les 1,000 kilomètres exigeraient donc 50,000,000. En consacrant à cette grande entreprise 5,000,000 par an, en cinq ans on unirait Alger à Oran ; cinq autres années conduiraient à Constantine et à l'un des ports que cette ville commande. Nous demandons si les avantages d'une circulation rapide et peu dispendieuse ne dépasseraient pas énormément un pareil sacrifice : il obtiendrait d'ailleurs immédiatement sa compen- sation par les économies qu'on pourrait faire. Il faut considérer que la route interatlantique doit être exécutée, et qu'elle cesserait d'être nécessaire , si l’on construisait le rail-way ; or, dans les conditions énoncées , les dépenses de celui-ci seraient à peine supérieure à la somme qui aurait étéconsacrée à une voie.ordinaire de communication. Nous ajoutons que l’armée d'occupation serait réduite.Les gens les plus compétents estiment que les troupes établies au cœur de l’Atlantide , trouvant dans un chemin à vapeur le moyen de se concentrer, en quelques heures, sur tous les points menacés , pourraient être diminuées de 20,000 hommes , c'est-à-dire que le budget de l'Algérie pourrait être réduit de 20,000,000 fr. si l'on tient compte de l'économie qu'on, opérera, sur les frais de, trans- ports. Ainsi le chemin serait immédiatement payé: on peut dire qu'il serait fait gratuitement, qu'il produirait une, économie, Mais , dira-t-on , la difficulté n’est pas dans l'établissement du 12 chemin de fer, elle réside bien plutôt dans l'absence de la houle, élément indispensable d'exploitation. Partout où l'Angleterre mêt le pied, elle a du charbon ; est-ce bonne fortune , est-ce calcul ? nous ne savons ; mais la France est bien peu favorisée sous ce rapport , et l'Algérie est tout-à-fait déshéritée. On n’a trouvé que des traces légères de lignite dans la province de Constantine , et l’on conserve peu d'espoir de rencontrer dés gîtes houillers dans les autres provinces. Toutefois il n’y a pas là d’ohstacle absolu à l’éta- blissément des chemins de fer : la houille n’est pas plus chère à Alger qu’à Marseille ; on peut même l’obténir à plus bas prix dans lés différents ports de la Méditerranée où elle jouit de l’exemption des droits : ainsi le bâtiment qué nous montions, a pris son char- gement de combustible sur la rade dé Cagliari au prix de 30 fr. le tonneau. Il est donc évident que l'Algérie pourrait acheter son combustible dans de meilleures conditions que la plupart des départements français ; on serait seulement astreint à prendre le soin de faire des approvisionnements, pour le cas d’une guerre générale. En tout état de cause, le service du chemin de fer pourra se faire en employant le bois au chauffage, comme cela s'est pratiqué quelquefois en Allemagne : en émménageant en taillis ce qui n'est maintenant que broussailles , on aura des res- sources parfaitement suffisantes en combustible végétal. Il reste une dernière objection qu'on ne manquera pas de faire contre l'établissement d’un chemin de fer en Algérie. Pourra-t-on le mettre à l'abri des déprédations et des tentatives malveillantes des Arabes. Nous ne pensons pas qu'on puisse avoir de sérieuses inquiétudes à cet égard. A la vérité, plusieurs ponts de bois ont été brûlés dans la grande insurrection de 1845, mais les temps de ces vastes soulèvements sont loin de nous. Le pont de la Chiffa a été la proie des flammes, mais par accident et non par suite d'une pensée criminelle. Nous avons vu sur maintes routes , n0- tamment sur celle de Cherchel à Milianah, uné multitude de pon- ceaux formés de madriers qu'on pouvait déplacer sans effort ; pas un seul n'a été enlevé. Faites bonne garde, réunissez tous vos (438) moyens de surveillance sur la grande voie sur laquelle viendra se réunir la totalité des transports ; placez-y les postes arabes , qui maintenant sont disséminés dans toutes les directions pour la sûreté des voyageurs ; rendezles tribus responsables des dégâts qui pourraient se commettre ; concentrez vos troupes, selon les lois de la stratégie, sur le chemin qui conduit à tous les points de défense et d’attaque ; ordonnez que de fréquents convois armés circulent, quand les circonstances donnent quelques inquiétudes ; substituez les communications électrographiques aux communica- tions incertaines que donnent les télégraphes aériens , et fortifiez tous les postes des employés ; établissez tous les nouveaux colons sur le bord de la voie, et donnez à leurs habitations la forme de blockhaus; enfin faites de terribles exemples , si, ce qu'onne peut croire , ils devenaient nécessaires, et vous pouvez être assurés que vous obtiendrez la sécurité la plus complète. Si l'on avait bâti, le long de la grande voie algérienne, les 5,000 maisons des colonies agricoles, on aurait eu un poste armé de 200 mètres en 200 mètres. C’est plus qu'il ne fallait. Le jour où vous aurez achevé le chemin interatlantique , vous posséderez l'Afrique ; vous aurez mis en communication tous les ports et tous les défilés du grand Atlas ; vous aurez séparé et enveloppé les régions presque inaccessibles, dans lesquelles s’en- ferment les tribus indépendantes; vous aurez la possibilité de réunir votre armée en une seule masse sur tous les points du lit- toral, dans toutes les plaines du sud, au cœur de tous les massifs insoumis; vous pourrez défendre la partie centrale de vos colonies, aussi bien contre les ennemis intérieurs que contreles attaques du dehors ; vous serez enfermés dans des vallées dont vous occuperez toutes les crêtes , tous les cols, et qui se défendent à l'ouest, dans la partie la plus ouverte, par la ligne du Chélif et de la Mina. Tout cela vous l'aurez fait, non en vous imposant une dé- pense réelle , mais en opérant une réduction considérable de votre budget. Si l'on devait différer l'exécution d'un projet qui réunit de tels (439 ) avantages , il serait nécessaire de le faire étudier dès à-present, afin de ne pas laisser à la colonisation la possibilité d’accumuler des obstacles sur son tracé, Il faudrait chercher encore si l'on ne peut employer la méthode américaine, qui consiste à faciliter , par des concessions de terre, la formation des compagnies qui en- treprennent de poser des rails dans des contrées privées de res- sources. Ces terres, favorisées par des débouchés faciles, ne tarderaient pas à acquérir une grande valeur, et donneraient des ressources qui compenseraient les faibles produits de la voie dans les premiers temps. On développerait ainsi la colonisation, en même temps qu'on créerait les communications qui rendraient notre em- pire indestructible et qu'on appellerait les gardiens de ces com- munications. Les ponts sont encore en petit nombre ; il faudrait les multi- plier. Beaucoup de rivières sont traversées à gué , mais les pluies grossissent rapidement leurs cours ; en quelques jours elles sont infranchissables. La plupart des ponts existants sont en bois, et conséquemment sont d’un entretien dispendieux et susceptibles d'être incendiés. Plusieurs sont construits selon le système américain, à très larges travées, afin qu'ils ne soient pas emportés par les eaux torren- tielles, tels sont les pont du Rio-Salado, du Massafran, du Saf- Saf ; etc. Oa a construit quelques ponts de pierre, par exemple, sur l'Tsser, au point où la route d'Oran à Tlemcen traverse cette rivière, sur lOued-Amar , au point où la route de Philippeville à Con- stantine le traverse, près Saint-Charles. On voit plusieurs ponts neufs sur la route de Cherchel à Zurich; nous savons que ces constructions n'ont pas toujours les caractères de solidité désira- bles , et qu'ils paraissent bien peu durables , à côté des arceaux romains, debout depuis tant de siècles. C’estun devoir de prendre nos devanciers pour modèles. Les ponceaux des chemins, sur lesquels on n’a fait que des tra- vaux de campagne , ne sont habitucllement que des madriers jetés ( 440) sur la partie la plus étroite des ravins qu'on a suivis presque jusqu'à leur origine. Il faudra les remplacer par des ponts solides et recti- fier les immenses sinuosités des routes, car en suivant ainsi toutes les anfractuosités des montagnes, on allonge démesurément les distances. Les canaux à creuser sont nombreux et auront des destina- tions diverses. Les canaux de navigation seront ceux qui auront le moins de développement. Les canaux de desséchement réclament plus impérieusement la sollicitude de l'administration. Ainsi, les marais de la Macta, de la Mitidja, de la plaine de Bone, près de l’Oued-Kébir, de La Calle demandent à être desséchés dans le double but d'assurer la salubrité de vastes contrées, et de donner à la culture des terres extrêmement fertiles. Dans la Mitidja, des travaux ont été commencés pour satisfaire à ces nécessités ; mais le but est bien loin d’être atteint. Cependant aucunes difficultés graves n'existent : Bouffarick, dont le sol est encore marécageux , est à 14 mètres au-dessus des marais du nord-est qui ne sont éloignés que de 2,000 mètres, de sorte que le canal d'écoulement pourrait avoir 0,007de pente. Ces marais sont à 41 mètres au-dessus de la mer, à 25 mètres au-dessus de l’Harrach, distant de 10 kilomètres. La Maison Carrée qui est le point le plus bas de la plaine est à 6 mètres au-dessus de la mer. Les moindres pentes entre l’Harrach et l'Oued-Kmis, qui parcourt les terrains marécageux, sont de 0,002. Les rivières qui ont de pareilles pentes sont torrentielles. Un canal qu’on entreprendra pour dessécher la Mitidja , sera de ceux qui pourront servir à la fois aux desséchements et à la navigation; en mettant à secle lac Halloula et les marais qui se trouvent au pied du massif d'Alger , il coterait l’agriculture des plus riches terrains; en unissant l'Harrach etle Massafran, il faciliterait le transport de tous les produits du Sahel et de la Mitidja ; 1l rendrait assurément de très-grands services. Les marais de La Calle et de Bone semblent d’un dessechement (44) très-facile ; les travaux qu'on a exécutés donnent déja de bons résultats, Les marais de la Macta, du Sig et de l'Habra paraissent les plus bas ; ce sont ceux dont le desséchement sera effectué avec le plus de difficultés, mais ils occupent un terrain si admirablement situé, qu'il faudra nécessairement les entreprendre. Nous qui avons vu les Polders et lesWatteringues du nord et de la Hollande, dont le niveau est beaucoup moins élevé que celui de la haute mer , et les Moëres, dont la superficie a un niveau inférieur à celui de la basse mer , nous ne comprendrions pas qu’on fût ar- rêté par les faibles obstacles qu’on rencontrera pour le dêsséche ment des marais de l'Algérie. La plus sérieuse difficulté con- sistera dans l’insalubrité des travaux ; il ne faudra y employer quedeshommes bien acclimatés, des indigènes particulièrement; il faudra prendre les précautions les plus grandes pour mettre les travailleurs, à l'abri des causes de maladie, ne point les laisser séjourner, pendant les nuits, sur le bord même des canaux , les faire transporter dans des hôpitaux bien situés aussitôt que la fièvre les atteindra , pourvoir avec un soin extrême aux bonnes qualités de leurs aliments, de leurs vêtements, de leurs habi- tations. On devra considérer comme marais et dessécher quelques-uns des lacs intérieurs, formés par des eaux qui n’ont point d’issues. Dans la province d'Oran ils forment un chapelet , depuis les col- lines qui bordent le Rio-Salado jusqu'à Arzeu. Le plus considé- rable, nommé le grand lac Salé, à 30,000 hectares de super- ficie. Les eaux qui s’y rassemblent ne se perdent que par évapo- ration et déposent sur le sol le sel qu’elles ont dissous dans les terrains qu'elles ont parcourus. Dans le lac d’Arzeu, le sel déposé forme des couches assez épaisses pour qu’on puisse les ex- ploiter fructueusement. Dans le grand lac, il n’est pas en assez grande quantité pour qu'on puisse l’extraire; mais il imprègne la terre à un degré suffisant pour la rendre totalement stérile. Pour mettre en. culture ces vastes terrains, il faudrait qu'ils ( 442 ) fussent lavés par les eaux pluviales , et que celles-ci pussent , en trouvant une issue, emporter les sels dont elles se seraient char- gées. On ne peut les enlever au moyen de moulins à vent, comme celles des Moëres ; le fond du lac, à la vérité, est à 50 ou 60 mètres au-dessus du niveau de la mer, mais aussi il est à 60 mètres à peu près au-dessous de la crête qui sépare la plaine du ravin d'Oran. On ne peut songer à élever les eaux à une pa- reille hauteur. On ne peut s’en débarrasser au moyen de puits absorbants. M. Renou a établi que les couches decraie perméable, et que le terrain subapennin peu perméable sur lequel elles reposent, se relèvent du côté de la mer d'une manière très-notable. L’affleurement de la couche imperméable est à 80 mètres au-dessus de la mer, point où vient sortir la belle source d'Oran , formée par les eaux infiltrées sur les plateaux et les flancs des montagnes. Le fond du lac est donc à 20 mètres au-dessous du point où sont déversées les nappes d'eau de la craie. Si donc dans Ja partie déclive de la plaine on enfoncait un puits jusqu'à la craie, au lieu d’être absorbant, il de- vrait donner des eaux Jjaillissantes. On a proposé, pour faire écouler les eaux du grand lac, de creuser un canal qui, partant de l’une de ses extrémités , irait dé- boucher dans le Rio-Salado , ou dans le ravin d'Oran, à 40 ou 50 mètres au-dessus de la mer. Ce canal d'écoulement aurait une longueur de 10,000 à 10,500 mètres. La moitié à peu près serait à ciel ouvert, l’autre moitié serait formée par une galerie souter- raine. M. Renou estime qu'il devrait coûter un million. Le canal souterrain traverserait un terrain plus solide, et entrainerait con- séquemment moins de dépenses si l’on voulait jeter les eaux dans le Rio-Salado ; il produirait une chute utile , quoiqu'intermittente, si on le dirigeait sur Oran. La dépense qu'entrainerait l'exécution de ce projet est trop élevée pour qu'on puisse songer à la proposer actuellement. D'ail- leurs, le canal partant du fond du lac d'Oran, porterait ses eaux à la mer, en traversant les couches de craie, puis le terrain sabapennin (443) pour sortir à 40 mètres plus bas que la source d'Oran ; ilchangerait le régime de cette dernière , il l’abaisserait de toute cette hauteur puisqu'il en entraînerait les eaux , et de plus, il les mélangerait avec les eaux salées du lac. Ces deux inconvénients très-graves pour les cultures et les ha- bitants feront probablement écarter ce projet. Peut-être on pourra arriver au résultat cherché, par des moyens plus économiques, et dont les conséquences seraient moins fâcheuses. Le but qu’on doit se proposer, c'est d'empêcher l'eau de s’évaporer sur une vaste surface unie, et de déposer conséquemment sur toute l'étendue du sol le sel qui le frappe de stérilité. Pour atteindre ce résultat, 1l suffirait de creuser un canal qui parcourrait la partie la plus déclive des lacs et les mettrait en communication ; ce canal contiendrait toutes les eaux lorsque l’évaporation en au rait diminué le volume, et qu’elles seraient saturées de sel ; con séquemment, les terres seraient déjà émergées lorsqueles eaux se- raient encore peu chargées du principe salin qui s'oppose au déve- loppement des végétaux. Le lavage des terres serait d'autant plus prompt que la capacité du canal serait plus considérable relative- ment à la superficie desséchée. Il s’accélérerait si le terrain était entrecoupé de fossés qui recevraient les eaux avant leur concen- tration , et dont les déblais rehausseraient le sol. Il deviendrait plus rapide encore si les terres extraites des fossés formaient digue autour des espaces cultivés , si des pompes ou des vis d’Ar- chimède , dont le vent serait la force motrice, puisaient l’eau de bonne heure, pour la jeter dans les fossés, et si enfin le sel cristallisé , dans le lit du canal et du lac le plus déclive, fournissait matière à une vaste exploitation, qui ferait extraire chaque année une quantité notable des substances que l'eau peut dissoudre et porter sur la surface arable. Ce système serait complété si l'on pouvait obtenir des eaux jailhssantes qui permettraient de faire plusieurs lavages des terres dans la saison des sécheresses , et qui assureraient ensuite les 1rrigations. Ainsi , sans de grandes dépenses, on rendrait à la culture d'immenses terrains qui paraissent devoir être féconds. (44) Les canaux d'irrigation , les rigoles, les agueducs , qui condui- sent les eaux vers les lieux habités et sur les terres cultivées , sont plus nécessaires encore que les ouvrages précédents. Dans le plus grand nombre des cas, on s’est contenté de simples rigoles établies sur le terrain, et en suivant les contours ; ces dérivations sont quelquefois recouvertes comme celle d'El-Arrouch, quelquefois à ciel ouvert comme celle de Saint-Cloud, et quelquefois elles sont en conduits de poterie , ou én maçonnerie. Les Romains se sont illustrés par les constructions qui avaient pour but d'amener des eaux salubres et abondantes dans les cités populeuses. On voit de magnifiques restes d’aqueducs à Cherchel, à Constantine , à Bone, etc. , etc. Tout le monde sait que le sys- tème adopté par les grands conquérants consiste en une série d'arcades sur lesquelles est établi un canal qui va prendre les sources à une distance plus ou moins grande, et lui fait franchir , avec un niveau uniforme, les vallées et toutes les anfructuosités du terrain. Nous avons vu un aqueduc, bâti sur ce modèle, fonctionnant encore ; c'est célui qui amène les eaux à Médéah et fait partie de l'enceinte de cette place. Nos ingénieurs ont suiv; un autre système, quand il a fallu traverser des vallées profondes, ils ont employé le siphon , fondé sur des données scientifiques ignorées des Romains. Sa construction est infiniment moins dis- pendieuse que celle des ouvrages auxquels on a donné plus spécidlement le nom d’aqueducs. Il a été préféré à Constantine et a Bone. Leservice des irrigations estencore peu avancé. Elles n'ont guère été pratiquées que dans les cultures potagères établies aux environs des villes , dans les pépinières du Gouvernement. Celles de Médéah , de Milianah, de Miserghin, et des villages de Damiette, Saint-Cloud, Affreville, El-Afroun, reçoivent les eaux de sources abondantes ; mais dans un grand nombre de localités » les sources manquent; 1l faut y suppléer par des barrages, des réservoirs, des puits. Les barrages des cours d'eau de l'Algerie sont encore’ infiniment 44 | rares. Le plus important est sans contredit celui qui a été établi par le général Lamoricière, sur le Sig, à la sortie de la gorge qu'il parcourt dans le petit Atlas ; ce barrage n’est que la restau- ration d’un ouvrage construit par les anciens conquérants du pays. Nous avons dit qu'il aurait pu avoir un niveau plus élevé , et distribuer les eaux dans la partie supérieure de la plaine ; on de- vrait dès à-présent réglementer les prises d'eau , afin de réserver pour l'avenir le droit de toutes les terres. Cela est d'autant plus facile, qu'en Algérie, par des dispositions législatives nouvelles , tous les cours d’eau appartiennent à l’État. Le plus grand nombre des rivières qui sortent des gorges de l'Atlas pourront être barrées pour servir aux irrigations de la Mitidja, L'Arrach, et ses affluents comme la Cheebak, le Massafran et ses affluents, comme la Chiffa, le Bouroumi , lOued-Djer, ete., rendront alors d’éminents services : dans l'ouest, le Chélif, l'Habra , le Hilhil, etc., fertiliseront les vastes plaines qu'ils parcourent. Les réservoirs sont de première nécessité sur une terre où les cours d'eau et les sources sont rares et peu abondants, où les pluies manquent pendant tout l’été ; on a proposé d’en former au moyen de barrages, qui non seulement serviraient àélever le niveau des rivières , mais à faire des emmagasinements d’eau dans les vallées. Il est des gorges étroites, profondes , incultes , qu’on pourra en effet convertir en réservoirs. Mais ces travaux seront à la fois et plus dispendieux et moins productifs , parce que les barrages pour tenir les eaux à une hauteur considérable coûteront des sommes immenses. Les réservoirs créés en France pour l’ali- mentation des capaux à point de partage, celui du canal de Bourgogne, par exemple, nous offrent des exemples de ces entreprises admirables mais très coûteuses, et en Afrique, l’excessive évaporation qui s'effectue pendant l'été fera évanouir une, partie des avantages qu'on s'en promettrait. Nous ne pouvons cependant dire que, dans des circonstances tout-à-fait favorables, ou ne pourra tenter ce genre de travaux. { 446 Les Romains ont construit, avec le caractère grandiose qu'ils savaient imprimer à leurs œuvres, de vastes citernes dans lesquelles les eaux des ruisseaux étaient conduites directement ou au moyen d'aqueducs, et dans lesquelles étaient rassemblées les eaux des pluies. Nous n'avons rien bâti dans ce genre ; nous avons seulement restauré et en partie utilisé les travaux de nos devan- ciers à Arzeu, à Stora, à Philippeville, à Constantine, à Tlemcen. Nous dépasserions l'effet utile des travaux de nos devanciers, si nous fermions les vallées sauvages parcourues par des torrents fougueux. Les puits creusés en Algérie sont encoreen nombre peu considé- rable. I! fautles multiplier, soit pour suppléer à l'insuffisance des sources , soit pour obtenir une eau de meilleure qualité. Ceux qui ne recoivent que les eaux qui ont pénétré dans les couches superficielles du sol peuvent souvent suffire aux besoins des centres des populations. Selon la remarque de M. Renou, l'Algérie est aussi riche en eau que le centre de la France. Si dans cette partie de notre pays, on n’avait pris le soin de creuser des puits , les populations n'auraient pu y vivre. Quand les tra- vaux de l'homme auront pu prendre le même développement en Algérie , telle contrée qui n’admet pas d'habitants aujourd’hui se peuplera facilement. Les puits artésiens, qui vont chercher et font remonter les nappes d’eau situées à de grandes profondeurs, rendront plus de services encore. On peut en établir dans le Sud ; mais nous avons dit que la constitution du sol du Tell ne permettait pas d'espérer qu'on obtiendrait, en beaucoup de lieux, des eaux jaillissantes. Il faudra tenter de les atteindre partout où les connaissances géologiques font supposer qu'elles existent. Le gouvernement doit s'imposer l'obligation de fournir à ce sujet des renseignements précis. Les puits absorbants , d'un effet inverse , seront établis pour servir aux desséchements, quand des terrains sans écoulement seront séparés des couches perméables par des bancs de glaises, etc. Les norias, sont l'accompagnement ordinaire des puits , ce sont ( 447 ) des roues garnies d'une chaîne sans fin portant des pots , qui à la partie inférieure s’enfoncent dans l'eau, s'emplissent de liquide, qu ils vont déverser à la partie supérieure. Ce système est géné- ralement mis en mouvement par un manége. Les vases des norias ont généralement un trou assez grand , à leur fond , pour permettre à l'air de s'échapper quand ils plongent dans l’eau par leur ouverture supérieure: quand le vase remonte, l'eau coule par les trous du fond. On a voulu garnir les trous du fond d’un clapet , pourremédier à ces déperditions , mais ces con- structions sont généralement si imparfaites que les clapets laissent perdre autant d'eau que les ouvertures libres. Il y a là quelques études à faire. Les fontaines , les abreuvoirs , les lavoirs publics , sont des con- structions d’une grande utilité; mais parfois , au lieu de bâtir de petits monuments qui ne servent que de décoration , on aurait dù employer les fonds en travaux nécessaires , pour amener l’eau qui manquait dans la localité. Ainsi dans le village de Mousaïa , on à construit une belle fontaine et un lavoir, sur le plan ordinaire, d'autres fontaines sont en projet, mais cette localité n'a pas d'eau courante , elle n'a que des puits. Par contre, on ne voit pas de fontaine à Saint-Denis du Sig qui a des eaux abondantes. Les fontaines avec leurs accessoires coûtent 3,000 fr. et plus. Les bains thermaux sont des établissements utiles qu'il{aut con- server : on pourra former des établissements aux lieux qui ont été indiqués ; celui situé sur la route de Milianah à Cherchel a de l'importance. Les moteurs hydrauliques, ces précieux agents de l'industrie, sont rares en Algérie; l'on nedoit pas désirerqu'ilsse multiplientailleurs que dans les lieux où les cultures ne sont pas possibles, comme dans les gorges étroites et profondes. Hors de là , les eaux sont trop précieuses, sous un climat brûlant, pour n'être pas plus pro- ductivement consacrées à favoriser la végétation. Qu'on ne croie pas que l’eau employée par un moulin ait encore toute son utilité: elle ne communique le mouvement à la roue hydraulique qu'à la (448 ) condition de descendre par une chute à un niveau inférieur ; éhe ne peut donc plus être répandue sur la surface du terrain supé- rieur; l'étendue des terres irrigables est diminuée quelquefois dans une proportion considérable , et la force obtenue est payée bien chèrement. Pour relever l’eau il faudrait une force plus grande que celle qu'on a obtenue par la chute ; ce serait donc un mauvais cal- cul que de la ramener à son niveau. Du resté pour juger de l'utilité d'un moulin, il faut comparer la valeur de la force motrice à la valeur des terrains irrigables, dans un lieu déterminé. Cette det- niere finira par l'emporter en beaucoup de localités ; aussi le gou- vernement fait-il sagement de se réserver dans toutes les conces- sions de forces hydrauliques le droit de disposer des eaux dans un but d'utité publique et notamment pour les irrigations. Quoi qu'il en soit, la pente des rivières est telle que presque toutes peuvent permettre de créer de nombreuses usines, dont l’eau serait le moteur; parexemple, la Seybouse entre Guelma et Bone a 240" de pente sur 60 kilométres de parcours , non compris les détours ; c'est 0",004 de pente par mètre. En réduisant la pente à 0,001, on aurait, de kilomètre en kilomètre, une chuté de trois mètres, qui , fournissant 1 mètre cube d'eau par seconde, don- nerait une force de 40 chevaux, et un effet utile de 20 à 25 che- vaux. Le Rummel, au-delà de sa cascade, à encore une pente dé 400% jusqu’à la mer; le Bou Sellam à près de 900" de pente, dans la traversée des montagnes , sur une étendue de 80 kilom. Dans tous les cas, ce qu'il faut obtenir , c’est la plus complète utilisation des forces hydrauliques; ainsiles moulins placés, à Con- stantine, près de la cascade du Rummel, qui a 70 mètres d'élévation, sont bien loin de produire tout l'effet dont ils sont susceptibles ; il en ést de même de ceux établis sur les chutes de Milianah. Presque partout les constructions dés moulins sont imparfaites. Il faut s'attacher à obtenir de meilleurs dispositions. L'organisation administrative de l'Algérie a soulevé de longs dé- bats, Le caractère presque exclusivement militaire du gouver- uement général a suscité lés plus vives attaques. Nous avons dit ( 449 ) que le gouvernement de la terre conquise est placé dansles attribu- tions du Ministère de la guerre; il délègue une large part de son pou- voir au chef de l’armée; des généraux de division sont à la tête des provinces ; les autorités qui administrent les territoires civils sont dans la dépendance des commandants militaires, et toute la popula- tion indigène est gouvernée par des officiers constituant les bureaux arabes et transmettant leurs ordres aux chefs immédiats des tribus. C'est à cette organisation qu'on a attribué la lenteur des progrès de la colonisation. Bien des personnes croient que si le gouver- eur est militaire, son esprit, son intérêt, sa passion le porteront plutôt à la guerre qu'à la colonisation. La guerre augmente son influence, offre l'illustration à une noble ambition , fait obtenir les récompenses dues aux grandes actions : dans une telle situation les administrateurs militaires recherchent sans cesse des conquêtes nouvelles et non la pacification du pays. Ils emploient volontiers la force à la place des négociations et des moyens de persuasion ; ils indisposent les populations indigènes au lieu de les attirer à nous et de les assimiler. Quant à la conduite de l'autorité militaire vis-à-vis des européens, on l’accuse d’être hautaine, dure, arbi- traire; oncroit les généraux, qui ont l'habitude dene donner que des ordres à des subordonnés, peu propres à administrer une popu- lation civile, surtout celle dela France constitutionnelle, qui a vécu de la vie républicaine. On a cité des actes arbitraires , qui révoltaient les esprits généreux , des expulsions violentes du ter- ritoire , même des dépossessions. Enfin on a déclaré que les chefs militaires manquaient tout-à-fait des connaissances nécessaires à la gestion des intérêts de notre colonie naissante, qu'ils ne pou- vaient savoir quelles étaient les mesures économiques et scienti- fiques qui devaient favoriser son développement. La conclusion tirée de ces considérations était qu'il fallait rem- placer le gouverneur militaire par un administrateur civil, d’un titre quelconque , et comme conséquence, qu'il fallait enlever au Ministre de la guerre l’administration de l'Algérie. L'armée a trop d'importance en Algérie, son action est trop 30 ( 450 ) indispensable , trop continue, trop décisive, trop mêlée à toute chose pour que le chef de l’armée ne soit pas en même temps le commandant du pays. On ne comprendrait pas que le général, qui commande à une si grande masse de troupes et accomplit une tâche si rude et si vaste, füt subordonné à un homme chargé des intérêts civils , actuellement si peu développés et si petits , si on les compare à l'immense mission de subjuguer un peuple presque indomptable et de conquérir une contrée si hérissée de difficultés. Les griefs qu'on a présentés contre le gouvernement militaire n'ont pas d’ailleurs toute la valeur qu'on leur a attribuée. Les con- quêtes dont on s’est plaint sont bien loin d’être aussi injustifia- bles et aussi infructueuses qu’on l’a dit. Nous ne soutiendrons pas que l'esprit guerrier n'ait quelquefois entrainé nos généraux dans des entreprises d’une utilité douteuse. Mais , en somme , les expéditions nombreuses , dont on fait la critique , étaient la con- séquence inévitable du caractère des populations indigènes , de la configuration du pays. La description que nous en avons donnée a suffisamment fait comprendre que nous ne pouvons atteindre les grandes communications , les plaines cultivables , les lignes stra- tégiques qui assurent la domination et rendent maîtres du com- merce et de l'existence même des habitants de l’Atlantide, qu'en quittant le versant maritime du petit Atlas, en se transportant entre les deux grandes chaînes de montagnes qui traversent l'Algérie , en nous établissant solidement dans les grandes vallées qui se succèdent les unes aux autres et s'ouvrent une issue sur les points importants du littoral , enfin en occupant fortement les crêtes qui s'élèvent aux limites du Tell et les défilés qui conduisent dans le Sahara. On a essayé de l'occupation restreinte à quelques points du littotal : on n'a fait que créer près de nous un ennemi puissant, nous enveloppant et nous resserrant tous les jours de plus près, et venant enfin nous déclarer insolemment la guerre , incendier les demeures de nos colons et les décapiter jusqu'aux portes d’Al- ger. La conquête totale des voies du sud était nécessaire. Les (451 ) règles de l’art militaire nous ont prescrit de porter la guerre chez les Arabes , non de les attendre en restant sur la défensive. Le succès a justifié ce système. Si , la conquête achevée , on voulait continuer à guerroyer , si on ne profitait pas de l’ascendant que nous donne la valeur de nos troupes et nos victoires, pour régler par les voies pacifiques les différends qui peuvent naître entre nous et les indigènes , si nous ne demandions pas à une bonne politique tout ce qu’elle peut enlever aux armes , le reproche de rechercher les batailles serait mérité. Mais jusqu'ici nous ne saurions qu'applaudir à la manière dont a été conduite la grande entreprise dont nos soldats ont été chargés. La paix est conquise, il faut savoir la conserver ; il serait imprudent, nous dirions presque impossible, d’ôter ce soin à ceux qui ont su l'obtenir par la force de leurs combinaisons et leurs périlleux travaux. L'arbitraire de l'autorité militaire dans la gestion des intérêts civils constitue-t-il une raison suffisante pour la détruire ? sans doute des actes absolus , insupportables , ent été commis , mais il faut se reporter aux temps , et comprendre les nécessités d’une société qui se forme au milieu de circonstances si exceptionnelles. D'ailleurs le despotisme et l'arbitraire ne sont pas indissoluble- ment inhérents à l'autorité militaire ; les actes qu'on lui reproche tiennent à l'absence de règle et non au caractère nécessaire des chefs ; il faut limiter leur pouvoir , lui imposer un frein, garantir avec soin les droits du citoyen , mais il ne faut pas énerver le commandement , ni le diviser , ni le confier à des mains qui ne peuvent encore l'exercer , quand la force est le principal moyen d'ordre , le seul peut-être qu'on rencontre sur un sol ébranlé, au milieu de populations toujours frémissantes. L'ignorance des choses civiles dont on accuse les généraux, ne saurait être un motif de les dépouiller des commande- ments qu'ils exercent. S'il est vrai que leurs études n’ont que par exception été tournées vers l'administration et l'économie publi- que, cest précisément à cause de cette circonstance qu'on ( 452 ) à placé à côté d’eux des administrateurs civils : il faut bien dé- terminer les attributions de ces derniers , les étendre , les rendre indépendantes dans tous les cas possibles , localiser les déci- sions aussi souvent que le permet l'intérêt général ; on arrivera ainsi à une bonne et profitable gestion , en conservant tous les éléments de forcé que les événements peuvent exiger. Nous ne faisons aucune difficulté d'admettre qu'on pourrait avec un grand succès , mettre à la tête dé la colonie un homme sans grade mili- taire, mais d'un caractère élevé, d'un esprit éminent, d'une grande autorité, unissant à la vigueur de la volonté, le savoir théorique et là connaissance pratique des grands moyens de production, se dévouant tout entier à son œuvre, s’identifiant avec elle, lui con- sacranttoutes ses facultés et toute sa vie, y attachant son avenir et sa gloire, comprenant bien qu'il ferait plus pour l'illustration de son nom en fondant une société prospère, qu’en livrant quelques combats aux barbares, ét en conquérant quelques parcelles de terre inutile; mais un homme de ce caractère peut se rencontrer parmi les militaires comme parmi les personnages civils, et, s’il a conquis jes épaulettes de général, il réunira certes une condition de plus pour lutter contre les difficultés de l’entreprise qui lui est confiée et en triompher. Où proposa plus sérieusement de créer un ministère spécial pour l'Algérie. I y avait là une pensée profonde, qui appréciait l'importance de notre conquête, s’attachaït essentiellement à réa - liser l’entreprise de la colonisation, et faisait ressortir la nécessité d'en confier la direction à un grand administrateur faisant son unique occupation de cette œuvre compliquée ; mais un obstacle insurmontable s’opposait à la réalisation de cette proposition qui pouvait sous certains rapports être féconde en heureux résultats : la défense du pays était toujours une affaire qui l'emportait im- mensément sur toutes les autres ; l’armée devait encore avoir uné importance plus considérable que les institutions administratives , il était impossible de la mettre dans les mains d'un adminis- träteur civil, de la faire diriger par un ministre étranger à la spécialité des armes, et nommer un nouveau ministre militaire ( 453 ) c'était instituer deux ministres de la guerre, c'était partager l'armée , sans pouvoir combiner les éléments des deux portions pour la meilleure défense du pays. On n’admit pas ce projet. Un autre système a été préconisé : il consistait à reporter toutes les affaires de notre établissement algérien entre les différents ministères, comme s’il ne composait qu'une province de France. C’eût été jeter la colonie dans l'anarchie ; c'eût été en rendre la conservation impossible : au milieu des volontés diverses, toute direction serait disparue , ou plutôt on aurait conservé la même pensée et le même chef, mais en les énervant , en les frappant d’impuissance ; car l’armée n'aurait pas cessé d’être la force pré- dominante , et conséquemment le ministre directeur aurait été le même , seulement il aurait eu sans cesse à lutter contre ses colle- gues, et à prendre leur avis quand il aurait fallu agir. On n'a pas tenté d'opérer cette décentralisation complète , et d'ôter au ministre de la guerre ses principales attributions ; mais on a essayé de lui en enlever quelques-unes; on a voulu rattacher les administrations spéciales aux divers ministères auxquels elles ressortissent: les tribunaux au ministère de la justice, les cultes à l'instruction publique , toutes les administrations financières aux finances. Ces dispositions amenèrent de graves perturbations, car dans un pays dont le gouvernement doit lutter contre des attaques incessantes , 1] faut que la volonté suprême du commandant soit promptement et énergiquement accomplie ; la sécurité publi- que exige des décisions rapides et homogènes. Le gouvernement de l'Algérie devra donc longtemps encore être énergiquement constitué, et les affaires de ce pays concentrées au ministère de la guerre ; il est difficile de se soustraire à cette nécessité. Ce qu'on doit seulement chercher, c’est une organisation de l'Algérie, telle que la pensée colonisatrice devienne prépondérante, et que !les résolutions bien méditées soient suivies d'une manière continue et efficace. Pour étu- dier les systèmes de colonisation , les préparer , les appliquer, conserver les traditions, il faut donner une grande force au ( 454 ) comié consultatif établi près le ministère de la guerre, lui accorder une autorité pareille à celle du comité de l'infanterie, de l'artillerie , du génie, de l’amirauté , ete., le former d'hommes éminents choisis dans les sciences , dans le commerce, l'industrie, l’agriculture , l'administration , les corps délibérants , et surtout parmi ceux qui ontétudié pratiquément intéressante contrée dont nous voulons ressusciter la splendeur. Un tel comité, sans rien ôter à l’action militaire, sans faire sortir le commandement et l'indispensable soin de la sécurité, des mains du ministre compé- tent , doit lui donner la connaissance des théories économiques et des pratiques administratives, et perpétuer les saines doc- trines d'exploitation. La commission permanente, qu'on avait instituée au sein de l’Assemblée nationale , n'avait évidemment pas le même caractère et ne pouvait le remplacer : cette com- mission avait un caractère législatif, non une mission adminis- trative ; elle était plus propre a exciter des conflits et troubler l'harmonie des pouvoirs qu'à élaborer les vastes questions qui se rattachent à l'énorme entreprise qu'on indique par le mot colo- nisation. Ne dépendant pas du ministère, elle devait en alarmer la responsabilité, plutôt que lui prêter aide et concours; elle n'avait pas, du reste, le caractère de durée qui est indispen- sable , et le choix de ses membres n'était pas fait dans les condi- tons les plus profitables , puisque la politique le dominait. Ou nous nous trompons fort, ou le comité de colonisation algérienne, établi sur les larges bases que nous avons indiquées , satisferail aux besoins de la création de la société européenne sur le rivage de J’Atlantide, et permettrait d'attendre le moment où le développement de la population civile , et la pacification complète de la contrée fera songer à l’organisation définitive d’une région qu'il est dans l'esprit de la France de s'assimiler complètement. Persuadons-nous, d’ailleurs, qu'une bonne direction est compatible avec tous les régimes, et que ce qui est essentiel, c’est de perfec- tionner l’action gouvernementale en ce qui concerne l’armée , les services généraux, l'administration des territoires civils, celle des territoires militaires. ( 455 ) L'armée ne nous occupera pas ici ; c’est à des gens plus com- pétents à dire si son organisation laisse quelque chose à désirer. Nous avons dit en traitant des voies de‘communication, par quels moyens on pouvait diminuer l'effectif ; nous dirons en traitant de l'administration des tribus, ce qu'il faut attendre des troupes arabes. Les services généraux sont organisés comme en France , nous n'avons pas à nous y arrêter. Les fonctionnaires, qui doivent avoir des connaissances bien déterminées , sont choisis dans les corps spéciaux ; mais pour l'harmonie des décisions , ils doivent être placés sous la direction du ministre de la guerre qui leur donne l'emploi. L'administration des territoires civils doit avoir une influence plus directe sur le développement de la colonisation , nous ferons à ce sujet quelques réflexions. Si l’on considère les difficultés de l’administration algérienne, on reconnaîtra qu’elle doit être confiée aux hommes les plus dis- tingués : en France , sous les yeux de l’autorité supérieure , lors- que l’on n’a, pour ainsi dire, qu'à laisser à l’activité des citoyens tout son essor , les fonctionnaires d’une capacité ordinaire peuvent remplir leur mission d’une manière satisfaisante, mais dans un pays où tout est à créer , les qualités les plus grandes , le zèle le plus éprouvé sont à peine suffisants. Le choix des préfets et des agents placés sous leurs ordres doit être fait avec le plus grand soin, C’est pour avoir vu à l’œuvre quelques uns de ces fonctionnaires que nous avons pu reconnaître l’immensité de la tâche qui leur est imposée et le dévouement sans borne qu'elle exige. Leurs attributions doivent être larges ; autant que possible il faut que les résolutions puissent être prises promptement , et en évitant toutes les lenteurs d’une administration trop centralisée ; sur ce point tout le monde est d'accord. La même unanimité n'existe pas sur le contrôle que doit subir l'autorité civile : bien des personnes émettent l'avis de créer en Algériedes institutions parfaitement calquées sur celles de la France, : 456) et de donner à chaque commune, à chaque département , des con- seils électifs, ayant les mêmes prérogatives que nos conseils municipaux et nos conseils départementaux. Nous admeitons que la libre discussion des intérêts locaux est féconde en bons résultats : mais quand rien n'est organisé, quand les communes et les provinces ne dépensent, pour ainsi dire, que les fonds alloués par l'État , quand les particuliers ne possèdent que ce qui leur a été libéralement concédé, lorsqu'au milieu des plus excellents citoyens sont des aventuriers de toute nation, qui peuvent oublier l'intérêt français , lorsque nous sommes en présence d’un ennemi habile à profiter des divisions qui peuvent naître parmi nous, il est dangereux de procéder à des élections souvent renouvelées, et faites par tous les habitants, sans distinction d’origine ni de situa- tion; il faut se garder d'organiser la lutte et l’antagonisme. Mais, si nous admettons qu'il y a des restrictions à apporter aux droits mu- nicipaux des habitants de l'Algérie, et qu'il y a nécessité de donner une grande prédominance à l’action administrative , nous ne pensons pas qu’il y ait utilité à circonscrire si étroitement le champ dans lequel doit s'exercer l’autorité civile, à le restreindre aux banlieues de quelques grandes villes. Nous croyons que tous les centres européens doivent entrer dans le domaine qui lui est réservé ; nous admettons parfaitement que les commandants militaires , dans les cas de guerre , dans les temps de troubles, puissent ressaisir immédiatement toute autorité , et décréter l'état de siége pour les centres de population européenne ; mais ce sont là des circonstances exceptionnelles et transitoires ; dans les temps ordinaires, l'action administrative doit être exercée par des mains civiles dans tout ce qui touche les personnes qui appartien- nent à l’ordre civil. Les raisons qui nous ont fait penser que l'autorité supérieure devait être conservée au chef militaire n'existent plus ici. L'unité de volonté , la rapidité d'exécution sont sauvegardées , si l’action gouvernementale reste entière en ses mains ; il n’est pas néces- saire que des délégués militaires administrent à tous les degrés : ( 457 les officiers sont tout-à-fait inaptes à remplir quelques-unes des fonctions qu'on leur attribue, et ils manquent, sans exception, de la qualité principale de l’administrateur , la fixité, e£ par consé- quent l'attachement aux localités et l'étude persévérante de leurs besoins; tous considèrent leur position d’administrateur comme transitoire ; leur carrière est autre , leur vocation les appelle ail- leurs; ils remplissent leur devoir, maiss’en font décharger au plus tôt. Ils n'aiment pas à vieillir dans un emploi qui ne mène à rien, comme ils disent ; un nouveau grade est l’objet de leur ambition. Une objection se présente pourtant contre l'institution de fonc- tions civiles , en tous les points habités par des européens : c’est la multiplicité des fonctionnaires , et l'exiguité de la tâche qu'ils auront à remplir. Cette objection ne serait très fondée que si l’on était forcé de placer, en tous lieux, des agents salariés de la puissance publique ; mais l'autorité peut choisir les fonctionnaires civils parmi les habitants notables ; en recevant l'institution , ils acquièrent un pouvoir suffisant ; leur zèle est assez stimulé par quelques avantages spéciaux. Si les fonctions administratives ne sont pas confiées avantageu- sement aux officiers de l’armée , les fonctions judiciaires peuvent moins encore leur être attribuées. Des juges-de-paix et des tri- bunaux civils doivent connaître de toutes les affaires conten- tieuses. On ne manquera pas de dire qu’il est impossible d'établir des justices-de-paix dans toutes les localités, et que si on n’en instituait que dans celles qui ont quelque importance , les justiciables au- raient des espaces considérables à parcourir pour faire juger leurs différends. Il faut, au moins, ies multiplier dans la limite du pos- sible , et tant qu’elles seront rares encore, les juges peuvent, à des jours déterminés, prendre siége successivement dans plu- sieurs centres de population. C'était ainsi qu'on procédait à l'ori gine de l'établissement de l'autorité centrale sur la terre de France :les missi dominici, les envoyés du souverain, allaient pré- sider aux décisions de la justice locale. Il en est encore ainsi dans la { 458 ) grande Bretagne ; les juges voyagent : ce ne sont pas les plaideurs ou les accusés qui vont chercher justice, ce sont les juges qui vont à eux ; aussi 12 juges suffisent pour toute l'Angleterre. Nous insistons beaucoup sur ce point parce que ce que nous pro- posons est essentiellement praticable : nous connaissons en France beaucoup de juges de-paix qui ne résident pas au chef-lieu de leur canton, et qui vont y prendre siége à des jours connus ; pourquoi en Algérie n'iraient-ils pas à des jours différents dans des localités diverses ; l'expérience des temps passés et des temps actuels nous montre la possibilité de ces arrangements. Ils nous paraissent devoir hâter plus que toute autre chose l'organisation civile de l’Algérie , et, les frais de prétoire étant faits , la dépense ne sera pas démesurément forte. L'administration des territoires militaires , c'est-à-dire de ceux qui sont habités par les Arabes a présenté la difficulté la plus sérieuse qui ait été rencontrée dans l'Algérie ; elle est tout en- tière dans les mains des chefs de l’armée. Nous avons dit que sous eux , des officiers de différents grades constituent les direc- tions et les bureaux arabes, qui sont en rapport immédiat avec les chefs indigènes commandant les tribus. Les directions et bureaux arabes sont formés par des officiers qui ont été choisis avec discernement : tous ceux avec lesquels nous avons été en rapport nous ont paru avoir un mérite incon- testable ; quelques-uns avaient des qualités éminentes. Les chefs indigènes sont consacrés par notre investiture , mais ils sont désignés par leur naissance chez les Arabes , par les in- fluences qui assurent l’élection chez les Kabyles ; ils exécutent les ordres des chefs militaires, ou rendent au moins hommage à notre autorité ; ils lèvent les impôts qui étaient accordés au temps des Turcs. Cette organisation simple , par laquelle nous avons rattaché la population indigène à notre gouvernement , était celle qui était exigée par les usages traditionnels du pays. Elle nous a rendu les plus grands services. L'arabe a instinctivement , et à un degré (459) éminent, le respect du pouvoir ; mais pour lui l'idée du pouvoir est inséparable de la force : les militaires sont les meilleurs repré- sentants du souverain. Nous avons vu à quel point on environne de déférence les chefs des bureaux arabes ; ils n’ont pas voulu que le vulgaire leur rendit des hommages publics; mais quand les chefs les rencontrent, ils descendent de cheval pour venir leur baiser la main , comme font les Arabes quand ils rencontrent les caïds, etc. Lorsque les chefs des bureaux se rendent chez les aghas, leur réception est véritablement splendide, et rappelle les dé- monstrations que les seigneurs , escortés de leurs vassaux , pro- diguaient à leur suzerain ; quand les généraux vont visiter les tribus, ce sont des prises d'armes, des fantasia ; des cortéges avec déploiement d’enseignes, musique, baise-mains , offrandes du lait à l'entrée des tentes , out le cérémonial qui, au moyen-âge, signalait l’arrivée des maîtres de la terre. Certes il y a dans tout cet appareil, autant de dissimulation que de véritable soumission; mais enfinil y a respect de l'autorité et appréciation de notre puissance. L'action des bureaux arabes ne se borne pas à obtenir des démonstrations stériles ; depuis qu’elle s’est généralisée , la sécu- rité du pays est grande; on voit peu d’attaques contre les per- sonnes , et les attaques contre la propriété sont le plus souvent punies. Nous avons dit que dans presque toutes les parties de l'Algérie , on pouvait voyager isolément sans danger, et les choses volées sont fort souvent retrouvées et restituées. L'instruction criminelle qui a pour but de découvrir les atten- tats contre les européens a des résultats souvent plus sûrs lorsqu'elle est confiée aux bureaux arabes que lorsqu'elle est suivie par la justice ordinaire. Il est vrai qu'ils emploient des procédés qui rappellent un peu la justice à la turque ; la baston- nade est administrée aux accusés contre lesquels se réunissent des présomptions graves. C'est , il faut le dire , une sorte de question appliquée à ceux qui sont véhémentement soupconnés d'un crime. Mais ce système est accepté par les indigènes ; il ne répugne ni à leur caractère , ni à leur tradition, et, s’il n’était mis en pratique, ( 460 ) on courrait risque d'assurer l'impunité au plus grand nombre des coupables * car, dans aucune cause, on ne peut obtenir le témoi- gnage d'un Arabe contre un de ses compatrioles accusé par les européens. Il est une autre méthode fort efficace employée pour arriver à la découverte des auteurs de crimes ou délits, c'est d’en rendre responsables les tribus sur le territoire desquelles ils ont été com- mis , ou celles auxquelles appartiennent les malfaiteurs , quand ils sont suffisamment désignés. On leur inflige une forte amende jusqu’à ce que les criminels soient livrés ou les objets dérobés restitués. Ce procédé a peut-être quelque chose d’excessif ; mais il est indispensable , et le principe en est déposé dans notre propre législation, puisque nos communes sont responsables des pillages, etc. On admet que l'autorité locale a l'obligation et la puis- sance d'empêcher les méfaits qui s’accomplissent dans sa juri- diction. A l’aide de ces moyens , nous le répétons , la sécurité est grande en Algérie, dans les temps ordinaires. Les impôts ren- trent avec assez de régularité. Il faut dire cependant que la sécu- rité que procure l’action des bureaux arabes cesse aussitôt que le fanatisme des populations se rallume, et que des insurrections éclatent sur un point. Pendant et après la guerre de Zaatcha on a commis des assassinats en plusieurs cantons qu'on croyait soumis. Quoi qu’il en soit, les services rendus par les bureaux arabes sont grands ; nous disons plus, l’organisation qu'on a choisie pour agir sur la population indigène était la seule appropriée au pays et aux mœurs de ses habitants; elle était la seule pos- sible. Toutefois chaque chose a ses inconvénients, et après avoir rendu pleine justice au dévouement, au courage, à l'intel- ligence de nos officiers, nous dirons sans crainte ce qui nous semble pouvoir être reproché à l'institution. La première impression que nous avons reçue en l'étudiant c'est qu'elle est comme enveloppée de mystères ; elle n’est connue que de ceux qui en tiennent les fils, ou y prennent une part active ; les chefs des bureaux ont des chaouchs, des cavaliers et des fan- ( 464 ) tassins, qu'ils commandent d’une manière absolue, et auxquels ils donnent des missions. Ils ont des rapports directs avec les chefs des tribus , connaissent toutes leurs affaires , se tiennent au courant de ce qui se passe, perçoivent les impôts, jugent les différends , infligent des amendes, poursuivent les criminels, recoivent à chaque instant les indigènes qui viennent conférer avec eux sur tout ce qui intéresse les populations placées sous leur autorité, et tous leurs rapports ont lieu au moyen d'agents dont seuls ils connaissent les noms , le mode d'action, le lieu de résidence, les intermédiaires, les affiliations'; tout cela fonctionne, en quelque sorte, dans le secret, et presque sans contrôle possible. Si l’on observe la tendance des bureaux arabes, elle semble peu propre à favoriser la colonisation européenne : leurs chefs, par un inévitable effet de leur position , par le sentiment même de leur devoir , comme par un invincible entraînement de l’homme à fa- voriser ce qui est sa création , ont une propension à consolider la nationalité arabe. En l’accroissant ils accroissent leur importance et leur sphère d'action. Aussi ils se constituent les défenseurs non toujours impartiaux des droits des indigènes; ils les récompensent quelquefois au détriment de nos compatriotes : par exemple, ils font rétribuer au-delà de ce qui est juste le concours des indigènes employés pour retrouver les objets volés , etc., etc. Ils ne voient qu'avec déplaisir les parcelles du sol enlèvées à la possession de leurs administrés ; ils s'opposent en quelque sorte à ce que ces derniers abandonnent leurs douaires et viennent offrir leur travail aux européens ; ils maintiennent et consolident par tous les moyens, les tribus et leur organisation : ils font quelque chose d’analogue à ce qu'a fait l'intronisation d’Abd-el-Kader par nos propres mains. Le moyen spécial qu’ils emploient pour arriver à cette fin, c’est d'exiger un fort impôt (60 fr. par paire de bœufs) des Arabès qui exploitent les terres des européens, moyennant un prix de loca- tion ou une part de récolte, et d'exiger, en outre, qu’ils paient leur impôt dans la tribu à laquelle ils appartiennent ; c’est mettre les Arabes dans l'impossibilité de travailler à nos côtés, et de s'habi- (462 ) tuer à nos mœurs , à nos pratiques, à notre direction. C'est à se demander quelquefois, si ceux qui gouvernent les populations musulmanes ne se sont pas persuadés que la France a fait la con- quête de l'Algérie expressément pour donner de l'extension aux tribus arabes , accroître leur cohésion , les instituer comme corps de nation , et favoriser leur civilisation spéciale et distincte. Ainsi, tout en reconnaissant les immenses services qu'ont rendus les bureaux arabes, nous ne pouvons dissimuler que leur action exagérée peut amener des résultats contraires à ceux qu'on en attend ; ils fortifient, on pourrait dire plus justement, ils font naître la nationalité arabe. Cette mission on la concevrait , dans une certaine limite, si l’on pouvait croire que nous arriverons à assimiler les races indi- gènes à notre grande famille , que les deux nations se confondront sous la même loi pour former un tout politique dont les éléments, fort disparates à l'origine , s’harmonieraient par l'action du temps . Aux yeux de quelques personnes, l'assimilation paraît possible , pour d'autres, elle est restée douteuse , même impossible. Tout sépare les deux races : l'origine , la langue, la loi civile et religieuse , les traditions , les événements actuels , les intérêts d'avenir. Les Arabes. qui vivent en recueillant, presque sans travail, ce que produit une large surface de terre , sentent que nous tou- chons à leur vie, en nous installant sur le sol qu'ils occupent ; ils comprennent que nous venons soustraire quelque chose à leur part, et limiter, non seulement leur richesse , mais leurs moyens d'existence les plus strictement nécessaires, car ilsne comprennent pas une transformation de culture. Ils joignent donc à la haine hé- réditaire du nom chrétien, la douleur de la spoliation commencée, et l’appréhension de la spoliation future. Nous avons interrogé ceux des chefs des bureaux arabes qui se montraient les plus intrépides défenseurs des indigènes , les plus dévoués aux intérêts du peu- ple vaincu , nous leur avons demandé s'ils croyaient à la sincérité de la soumission des tribus , s'ils pensaient qu'elles resteraient dévouées lorsqu'on viendrait réveiller leur fanatisme , ou la vieille ( 463 ) haine contre l'étranger ; il n’est pas un officier qui n’ait répondu qu'il ne fallait compter sur l'amitié d'aucun arabe , pas même de ceux qui se battent dans nos rangs. Ces causes d'éternelle inimitié ne subsisteraient pas que l’orga nisation sociale des deux peuples, que la constitution de la famille s'opposerait à toute assimilation. Il faudra deux lois, deux administrations, parce qu’il y aura deux sociétés diffé- rentes sur une même terre. Les Maures et les Espagnols restè- rent distincts ; les Turcs et les Grecs n'entrèrent dans aucune union ; les Français et les Arabes ne se confondront pas : la religion de Mahomet est la réaction du sensualisme de l'Orient , contre ce que le christianisme avait de trop spirituel pour cer- tains climats, pour certaines races ; les sectateurs du Prophète v'arriveront pas à s’unir avec les adorateurs du Christ, les uns doivent écarter les autres, selon le temps et selon les lieux. L'Arabe abandonnera les rives de la Méditerranée ; il cèdera la place aux peuples qui ont plus de lumière et qui portent en eux plus de puissance scientifique et morale. Descendu dans la barbarie , il ira vivre dans les zones qui semblent créées pour ses mœurs et ses instincts, les pays de parcours , les régions saha- riennes ; les bords de cette mer qui füt le centre du vieux monde romain redeviendront le centre de la civilisation moderne. Mais c'est là l’œuvre des siècles ! En attendant nous devons gouverner ce peuple qui habite une terre que nous avons voulu rendre française. Qu'avons nous à faire dans la situation produite par l’antagonisme des races ? Notre caractère , nos mœurs, la mission civilisatrice que nous avons acceptée et que nous acceptons toujours, sont un sûr garant que nous ne hâterons pas, par la violence , la destruction d’une nation abaissée. Nous sommes plutôt enclins à soutenir et à relever des hommes dont les ancêtres ont été brillants et braves, et qui conservent encore des qualités personnelles remarquables. Nous avons garanti les droits, les propriétés, les croyances ; nous avons travaillé et travaillons à l'amélioration morale et matérielle (464 ) des vaincus, il faut songer aussi à notre devoir comme na- tion et travailler au développement de la puissance française. Les bureaux arabes’, qui ont rendu de si éclatants services, et qu'on serait dans l'impossibilité de remplacer, doivent modifier leurs erremeuts : Notre politique doit consister à isoler le plus pos sible} les tribus , à abolir successivement les grandes existences, les vastes commandements, les appointements qui se sont élevés autrefois jusqu’à 24,000 fr., et à refuser les vastes concessions comme celle de 1,500 hectares faite au descendant de Sidi- Embarrack , dont la juridiction s’étend de la Mitidja au Chéhf. Il faut tendre à diminuer de jour en jour l'autorité des califats , des aghas, etc. , et à placer le chef de chaque tribu sous l'autorité directe des bureaux arabes. Nous devons aller plus loin : nous devons favoriser par tous les moyens, la séparation des individus de la tribu et leur associa- tion aux travailleurs européens. Les Arabes, en grand nombre, vivent à l’état de prolétaires, ils ne possèdent point de troupeaux ; ils n’ont pas les moyens de cultiver la terre ; ils travaillent pour les chefs , pour les riches , et la part qu'on leur laisse est bien chétive ; les exactions auxquelles ils sont soumis sont bien crian- tes ; ils ont une tendance à travailler pour nous, ils ont foi en votre justice , ils savent que les bénéfices que nous leur laissons sont plus élevés. Il faut favoriser cette tendance ; il faut égrener la tribu, si nous pouvons parler ainsi : à l’état de nation, au milieu des douaires , sous des chefs intéressés à les tenir isolés , les Arabes resteront nos ennemis ; mais à notre contact , les individus oublieront la tente , les mœurs nomades et leurs anciens compa- triotes ; ils deviendront d’utiles travailleurs. II faut se persuader que le fanatisme n'est pas la cause principale qui nous rend les Arabes hostiles ; c’est la cupiäité et l'ambition des chefs qui, le plus souvent , les soulèvent contre nous. Les associer à nos travaux , à nos mœurs, à nos profits, à nos garanties, à nos libertés, c’est accroître notre puissance , c’est diminuer nos dangers. S'il est nécessaire de laisser sous le commandement des (465 ) bureaux arabes les tribus qui habitent les territoires militaires, on n'a pas les mêmes raisons de maintenir sous les ordres de nos officiers, les tribus qui sont enclavées dans les territoires civils ; rien n'empêche de confier à nos administrateurs la direction de ces tribus isolées , tant qu'elles seront animées d’un esprit paci- fique ; on ne les placerait sous le régime militaire qu'autant qu’elles auraient des habitudes hostiles. Nous penchons à croire que, dansles localités voisines de nos centres de population , une gendarmerie intelligente et bien organisée obtiendrait, pour la répression des délits, des résultats satisfaisants. Cette partie de la force publique est fort respectée des indigènes , et le courage ne manque pas aux agents qui la composent : on nous a donné la preuve que des gen- darmes s’en allaient quelquefois, au nombre de deux, saisir des coupables au milieu des tribus, et les ramenaientpour les mettre dans les mains de la justice. Si la gendarmerie algérienne pouvait suffire à cette tâche difficile, 1l faudrait Jui donner l'extension nécessaire, par plusieurs raisons : ce serait d’abord économique , tous les services publics faits par les indigènes coûtent plus que lorsqu'ils sont confiés à nos nationaux. Ensuite on constituerait en Algérie une force vrai- ment française et un élément de population. On facilitera beau- coup par ces moyens la dissociation et la métamorphose des élé- ments arabes. L'administration de la guerre est disposée à adop- ter ces arrangements , il faut la louer. Elle est, de plus, disposée à étendre une mesure utile qui con- siste à soumettre les indigènes des villes à des bureaux civils, qui les rattacheront aux administrations ordinaires; on séparera ainsi plus profondément des véritables nomades, les Maures et les Arabes des cités. On songera probablement à nationaliser les israélites, dont la loi civile n'est pas en opposition avec la nôtre, et qui au- raient tout à perdre à notre expulsion; on pourra , au moins, les rattacher plus étroitement à notre organisation administrative. Sans doute les Arabes qui les méprisent, verraient avec étonnement leur 31 ( 466 assimilation aux citoyens français , mais il serait facile de faire comprendre aux tribus musulmanes qu'il leur est loisible de se rapprocher de nous plus intimement. Ce qui peut contribuer le plus directement à établir notre puis- sance souveraine , c’est la distribution de la justice. Les Arabes préfèrent nos tribunaux à ceux de leurs cadis ; ils reconnais= sent qu’ils sont plus éclairés, plus impartiaux, plus à l'abri des influences et de la corruption ; c’est un sujet d'admiration pour eux de voir le pauvre protégé contre le riche et le puissant. C'est une disposition dont il faut profiter. Il sera utile d'amener pro- gressivement les Arabes à en appeler de la sentence de leurs juges aux tribunaux français : cela deviendrait surtout praticable si les siéges judiciaires étaient institués en nombre suffisant dans toute la zone colonisable. C’est à l'aide des corps chargés de dis- penser la justice que le pouvoir central de la France a éteint la juridiction féodale, amoindri la puissance des grands vassaux de la couronne et des seigneurs indépendants , et constitué la véritable force souveraine ; par les mêmes moyens, il obtiendra les mêmes succès en Algérie. La création des écoles , des mosquées, des institutions reli- gieuses, peut concourir à étendre et consolider notre influence. Nous avons l'obligation de les entretenir, puisque souvent nous nous sommes emparés des biens qui avaient été consacrés, par des fondations pieuses, à secourir les pèlerins, les pauvres, les mara- bouts, etc.; ces institutions habilement gérées , peuvent nous être fort profitables, en faisant apprécier notre esprit de justice et de libéralité ; elles seront parfaitement nuisibles si elles sont abandonnées à elles-mêmes , et exploitées par le fanatisme. Elles contribueront alors à perpétuer et constituer plus fortement la nationalité arabe et accroître ses dispositions anti-chrétiennes. Après avoir laissé tomber en désuétude les habitudes de subordi- nation des tribus entre-elles, il faut surveiller les actes administratifs qu’accomplissent pour nous les chefs indigènes : ils lèvent le tri: but, et pour cette fonction nous leur abandonnons , outre leurs appointements, le cinquième de ce qu'ils versent dans nos (467 ) caisses. C’est déjà beaucoup ; mais il est avoué que cette quo- tité est la moindre part de ce qu'ils retiennent. Des généraux, des colonels qui ont dirigé des expéditions pour contraindre les tribus récalcitrantes à payer l'impôt qu'elles devaient , nous ont dit qu’en arrivant sur leur territoire , ils les trou- vaient disposées à s'acquitter au plus tôt, et même à payer le tiers ou la moitié en sus pour couvrir les frais d'expédition , et quand ils leur demandaient pourquoi elles n'avaient pas évité l'amende, en s’acquittant en temps utile, elles répondaient qu'elles avaient encore du bénéfice à payer ainsi , en nos mains; les chefs que nous reconnaissons commettent donc des exactions en notre nom , ils y trouvent le doubie avantage de s'enrichir et de faire détester notre domination. Une preuve suffit pour montrer combien nous profitons peu des impôts levés sur la population indigène : les Arabes ont payé pour 1850 la somme de 4,000,000 fr. pour les impôts de toute nature; parmi eux est l’Achour, ou le dixième des produits du sol ; ces produits nous ne les connaissons pas ; mais on évalue à 2,500,000 âmes, au moins , la population arabe ; si chaque indi- vidu consomme en moyenne 2 hectolitres de blé par an (nous en consommons ® 1/2), la production doit s'élever à 5,000,000 d’heet. La dime devrait être de 500,000 hectolitres. La valeur supputée à 10 fr. serait de 5,000,000 fr. pour le froment seul ! L'orge devrait donner davantage , et ainsi du reste. Certes cette dime est exigée par les chefs, mais elle n'entre pas dans nos caisses. A en juger par ce que nous tirons des chefs, les populations devraient être bien ménagées , puisque 4,000,000 fr. payés par 2,500,000 individus ne donnent que 1 fr. 60 c. par tête : les plaintes qui nous parviennent nous donnent la certitude que les indigènes ont bien autre chose à payer. On amènerait facilement les Arabes à comprendre combien il serait avantageux pour eux d’acquitter leurs contributions dans les mains de nos percepteurs ; là où ceux-ci ne pourraient régulière- ment s'établir , il faudrait faire bien savoir aux Arabes ce qu'ils ( 468 ) ont à payer, ce que leurs chefs versent effectivement en nos mains : on diminuerait ainsi les charges qui pèsent sur les vain- eus ; on ieur ferait plus aimer notre domination ; on diminuerait la richesse et l'influence des chefs ; on accroîtrait notre prédo- minance ; l'exercice de la souveraineté passerait en entier dans nos mains ; On ne laisserait, pour ainsi dire, aux chefs indigènes que les fonctions municipales. C'est ici le lieu de parler de armement des Arabes. Nous avons dit qu'on a organisé des régiments d'infanterie et des régiments de spahis ou cavaliers indigènes; les bureaux arabes ont à leur service des fantassins et des cavaliers irréguliers ; certaines tribus forment le magzem ; quelques-unes forment un contingent extraordinaire de guerre ou Goum. Les militaires les plus distingués n'hésitent pas à déclarer que les fantassins arabes ne rendent que de bien médiocres services , qu’il n’y a pas la moindre similitude à établir entre eux et l’infan- terie française ; ils n ont pas le même savoir , la même solidité, la même valeur que nos soldats. Nous ajouterons à ces considérations que les Arabes ne sont point propres à tous les travaux comme nos troupes, et que leur solde est à peu près perdue pour notre commerce. La cavalerie arabe a généralement mérité des éloges ; sans doute elle ne saurait être rivale de la cavalerie française pour la bravoure, mais elle se bat bien ; elle a une rapidité parfaite, connaît les difficultés du pays et en parle la langue ; elle peut donc rendre de bons services à titre d’éclaireurs et de guides. Mais les bureaux arabes ont des cavaliers qui , sans être enré- gimentés, sans être instruits dans la manœuvre européenne, rempliraient les mêmes fonctions. Ils s'en acquitteraient même d’une manière plus utile, puisqu'ils fourniraient des renseigne- ments plus exacts et plus étendus sur chacune des localités aux- quelles ils appartiennent.On a conduit des spahis de Philippeville et de Bone à Constantine, etjusqu'à Zaatcha; quelles notions pou- vaient-ils donner sur une région qui leurétait tout-à-fait inconnue? : 469 ) Il vaudrait donc mieux employer , comme courriers, comme éclaireurs , les spahis attachés aux bureaux arabes , plutôt que d’en faire des corps réguliers et instruits , comme on l’a fait. En thèse générale, on ne peut dissimuler que ces corps indigènes ne présentent des dangers sérieux ; il est imprudent d’armer des populations d'humeur belliqueuse , nombreuses, toujours prêtes à s’insurger contre nous. Dans une circonstance donnée , elles four- niraient un moyen d'action énergique pour l'ennemi intérieur ou extérieur : on dit qu'enrôler un Arabe c’est se donner un soldat et en enlever un à l’ennemi; cela serait vrai si l'Arabe était sùr, mais tout le monde s'accorde pour déclarer qu'il faut le tenir pour suspect. Quoi qu’on fasse, pendant des siècles on n'aura pas le cœur des Arabes. Nous avons rapporté le propos que tenait un spahis à un général éminent qui l’engageait à faire entrer son fils dans son régiment: lui qui nous avait donné son corps et son âme , il ne voulait pas nous donner son fils, car il comptait que nous serions partis avant que ce fils ne fût mort, et ne voulait pas qu'il fût en exécration aux siens. C’est là l'expression du sentiment intime de toute la population indigène. Outre le danger d’entretenir des corps entiers qui peuvent de- venir ennemis , il y a de graves inconvénients à renvoyer inces- samment dans les tribus, des hommes instruits dans la tactique militaire : les spahis ne veulent contracter d'engagement que pour trois années ; on juge le nombre des hommes exercés qui peu- vent retourner dans les tribus. Le maréchal Bugeaud recommande {l’Atgérie, p. 30), d'aug- menter nos moyens d'action par une bonne composition du Magzem ; les cavaliers des tribus qui le composent sont chargés de faire rentrer les impôts, ils accompagnent à la guerre le gou- verneur et ses lieutenants, et veillent à l'exécution de tous leurs ordres ; le maréchal conseille de leur conserver la plupart de leurs priviléges, et de leur donner en remplacement de ceux qu'on leur enlèverait une solde mensuelle de 15 fr. par chaque cavalier , qui serait tenu d'être toujours bien monté et bien armé. ( 470 ) Mais en conseillant d'organiser le Magzem , le maréchal, déclarait (p.31) que cette manière économique d'augmenter nos troupes à cheval, « ne pourra en aucune facon nous dispenser d’avoir une bonne et forte cavalerie régulière. Ne nous faisons pas illusion à l'égard du concours des Arabes : ceux qui nous parais- sent les plus dévoués ne viendront accroître nos forces qu'autant qu'ils nous verront forts et en mesure de nous passer d'eux et de châtier leurs infidélités. » Il nous paraît donc évident qu'il faut rester en défiance de tels auxiliaires. On objecte que l'Angleterre domine les Indes à l’aide des Cipayes , que les troupes qu'elle entretient dans ses possessions orientales ne sont qu'une partie presque insignifiante de son armée totale. A la bonne heure! Mais l'armée indigène qu’elle entretient lui coûte infiniment moins cher que ne lui coûterait des régiments anglais, tandis que les cavaliers arabes nous coûtent plus que les nôtres. Il serait, de plus , impossible au gouvernement britanniqne de transporter une armée suffisante dans son empire indien , tandis que rien ne nous est plus facile que de faire traverser la Méditerranée à nos soldats. D'ailleurs les conditions de l'Inde et de l'Algérie n'ont aucune analogie. Les populations indiennes sont douces, non aguerries pour la plupart , sédentaires , industrielles , livrées de toute an- tiquité à la culture , conséquemment soumises sans efforts ; elles ne sont nullement inquiétées sur la possession du sol qu’elles cul- tivent, car les Anglais ne font et ne veulent faire, en ces régions, aucune colonisation ; il est interdit aux habitants de la Grande- Bretagne d'acquérir des propriétés dans toute l'étendue des pos- sessions de la compagnie des Indes ; ils n'ont qu'à exploiter le commerce de ces riches contrées. En Algérie, c'est tout autre chose; nous avons affaire à des peuples guerriers, turbu- lents, fanatiques jusqu'à la férocité , insaisissables, vivant de peu et ne produisant rien , ayant besoin de vastes espaces pour leurs troupeaux, et voyant d’un œil inquiet les établissements que nous avons formés et que nous avons l'obligation d'agrandir. (471) . Quelle ressemblance y a-t-il entre des positions si différentes , et à quoi peut nous servir l'exemple de l'Angleterre ? Nous n’allons pas jusqu'à dire qu'il soit sans utilité d'attirer les indigènes dans nos rangs , de les habituer à notre commande- ment , à nos pratiques, de les compromettre aux yeux des leurs ; de même qu'il est utile de les associer à notre travail , il est avan- tageux de les faire combattre avec nous ; mais, en présence des faits rapportés, nous dirons qu'il paraît préférable, sous le rapport financier, politique, agricole et commercial, d’em- ployer des Français que des Arabes; que les conséquences du décret du 13 février 1852, qui augmente les régiments arabes, doivent être suivis avec sollicitude. Il faudra demander à une expérience assidüment suivie s’il ne faut pas réduire l'instruction militaire des indigènes au strict né cessaire ; s’il ne serait pas moins dangereux de se borner à la for- mation du Magzem , conseillée par le maréchal Bugeaud ; si les fantassins arabes ne doivent pas être congédiés; si les spahis irré- guliers des bureaux arabes attachés à chaque localité, ne ren- draient pas plus de services que des corps complètement organisés; si, dans le cas où l’on reconnaïîtrait utile de faire entrer les Arabes dans des cadres réguliers, il ne serait pas préférable de les placer dans les rangs mêmes de nos régiments, ou d'en faire seulement des compagnies d'éclaireurs ; enfin, en admettant qu'on reconnût l'opportunité de les constituer en corps distincts, s’il ne serait pas d’une bonne politique de les faire servir en France, et de les tenir plus longtemps sous les drapeaux. Exploitation agricole. Nous voici arrivés à la partie prin- cipale de notre sujet : la production est le but qu'on se | propose ; c'est pour elle que tous les autres travaux ont été entrepris; si elle est féconde, elle paiera, par les béné- fices qu'elle procurera , tant de dépenses, tant d'efforts , tant de sacrifices d'hommes braves et utiles à leur patrie. Mal- heureusement son succès est encore douteux ; il y a certes, en Algérie quelques champs en bon état de culture , mais je ne sais ( 472 ) s’il y à un domaine rapportant l'intérêt du capital qu'il a absorbé, et n’exigeant plus de capitaux pour être mis en valeur. On a donc fait beaucoup de préparations , on n’a pas de résultats assurés. Qu'y a-t-il donc à faire pour arriver à fonder une vaste exploita- tion agricole ? il faut choisir les régions dans lesquelles doivent s'étendre les champs à cultiver , distribuer aux colons des terres en quantités suffisantes, déterminer les cultures capables de donner des résultats avantageux, installer les colons et les mettre en mesure de travailler. | Des régions à cultiver. Nous avons vu qu'on à été conduit natu- rellement à livrer aux Européens les terres disponibles aux environs des postes que nous avons fortifiés, d’abord sur le rivage et successivement dans l'intérieur du pays, le long des voies perpendiculaires à la mer, conformément aux règles d’unejudicieuse occupation ; en suivant le mouvement de nos troupes , nos éta- blissements agricoles trouvaient une protection nécessaire, el assu- raient l'écoulement de leurs produits. Ces points isolés étaient les p remiers jalons qui devaient guider notre marche progressive ; mais 1 possession de l'Afrique ne sera assurée que lorsque nous aurons installé sur celte terre une population dense, bien limitée , et bien agglomérée , formant en quelque sorte un corps de na- tion, capable de résister lui-même aux invasions des Arabes , occupant un territoire dont toutes les parties communiquent rapidement entre-elles et sont en rapport facile avec les grands ports des trois provinces. Il s’agit maintenant de déterminer l'assiette générale de cette colonisation algérienne, de fixer d’une manière précise ce qui doit former le domaine véritablement européen , ce qui doit rester essentiellement arabe. Nous ne pou- vons point prétendre coloniser toute l’Atlantide; il est des régions auxquelles il faut renoncer tout d'abord : les Hauts plateaux, la grande Kabylie , le Dahra , l'Ouanseris sont dans ce cas. Il en est d’autres qui sont indispensablement destinées à l'exploitation française; la description du pays, que nous nous sommes attachés à donner, a fait suffisamment comprendre que le véritable champ ( 473 ) colonial doit s'étendre dans la grande série des vallées qui sépa- rent les deux Atlas , à l’ouest dans celle du Chélif, de l'Habra, du Sig, qui communiquent sans obstacle avec les vastes plaines d'Oran; à l’est, dans celles de l'Hamza , du Bou-Sellam et des affluents du Rummel. Ces contrées sont fertiles, généralement salubres ; elles pourront se rattacher sans peine à toutes les villes populeuses du littoral , à l’ouest à Oran et Arzeu , au centre à Alger , à l'est à Bougie , Djidjelli, Stora et Bone; elles recevront ainsi les marchandises nécessaires , les troupes et les munitions, en restant cependant à l’abni des attaques extérieures , car les points abordables sont rares et fortifiés d’une manière redoutable. Toutes les sections de cette grande base de la domination européenne seront très-facile- ment unies entre-elles par des routes qu’on peut dès aujourd’hui rendre parfaitement accessibles , dans tous les temps, aux divers modes de transports. Dans un prochain avenir un chemin de fer pourra la parcourir dans toute sa longueur, en jetant des embranchements vers les grands ports militaires , décuplant ainsi les forces de l’armée qui, du point culminant de Médéah , serait portée instantanément aux frontières tunisiennes et ma- rocaines, et défendrait énergiquement par sa concentration la zone maritime, la limite du sud, et tous les débouchés des hautes montagnes; cette grande voie remplacerait pour les transports commerciaux , les vastes fleuves qui ont favo- risé la colonisation des contrées américaines ; elle serait protégée par la puissante agglomération des européens, défendue par les places d'armes qui s'élèvent sur le versant sud du petit Atlas, sur la longue ligne du versant nord du grand Atlas, et s'interposent entre les Kabyles du littoral et les Arabes du sud, entre le Dahra et l'Ouanseris. Tant que la colonisation française ne sera pas assise dans cette contrée centrale, elle n'aura ni consistance ni durée. C’est là qu'elle doit avoir son siége, si elle veut prospérer, et délier les efforts de ses ennemis extérieurs et intérieurs. ( 474 ) Nous ne voulons pas dire que pour fonder notre domination il faut que toutes les terres des grandes vallées soient livrées aux Européens ; les Arabes n’en doivent pas être expulsés ; nous croyons seulement qu'on ne fondera rien de véritablement puis- sant, si nos coreligionnaires n’y sont pas dominants, si une portion considérable de la surface cultivable de cette région n'arrive, par des transactions quelconques , dans des mains civilisées. Nous ne prétendons pas non plus renfermer absolument nos ef- forts colonisateurs dans la zone que nous avons indiquée; les val- lées et les plaines du littoral, comme celles de laprovince d'Oran , de la Mitidja , de Cherchell, de Philippevillè , de Bone , de La Calle, les territoires qui entourent les points nécessaires d’occu- pation , ces premiers siéges de nos travaux , les lignes perpen- diculaires qui relient la zone interatlantique à la mer compléte- ront la région qui formera la base de notre domination. Nous n'insisterons pas sur ces faits, ils nous semblent trop évidents ; la configuration du pays détermine impérieusement le champ ouvert à notre travail, le lieu où doit s'installer l'élément français. | Distribution des terres. Lorsqu'on concut la pensée de mettre en culture l’Algérie, pour nous indemniser des énormes dépenses que nous y faisions, chacun admit ce projet comme possible, réel , facile même ; on répéta tant de fois : #7 faut coloniser l'Afrique, que sans trop s'inquiéter du moyen d'exécution , on crut que cette entreprise allait s'achever incontinent , et l'on fut étrangement étonné, quand, après vingt ans d'occupation, on vit que la colonisation n’était pas faite, et ne présentait que des commencements si inconsistants que tout pouvait s'évanouir au moindre accident. Nous avons dit les difficultés énormes qui devaient s'opposer à nos progrès, dans une contrée presque inaccessible du côté de la mer , n'offrant que d'étroites vallées sans communication , tant qu'on n’avait pas conquis les grandes veies du sud, privée de routes et de rivières navigables, dont le sol est calciné pendant l'éte, ( 475 } fangeux durant l'hiver , meurtrier pour ceux qu'assiégent les pri- vations , à tout instant exposé aux incursions de hordes rapides qui , après leurs dévastations , se dérobaient derrière le rideau de l'Atlas et dans l’immensité du désert. Mais lors même que toutes ces difficultés eussent été surmontées plus tôt, il en est une qui eût paralysé nos efforts, même dans les lieux où notre puissance était le plus incontestée. Il nous manquait pour coloniser la condition sine qu& non ! Nous N'AVIONS PAS DE TERRES A DONNER! Nous ne pouvions offrir une superficie arable qui répondit à la grandeur du projet que nous avions formé. Les nécessités imposées par la politique, la mansuétude de l'administration pour le peuple conquis et tous les jours révolté , l'institution des bureaux arabes défendant les prétentions des indi- gènes, notre caractère chevaleresque et aussi notre incurie , nous empêchèrent de nous créer un domaine colonial. Nous avons dit qu'en 1850 l'administration n'avait pu distribuer que 137,000 hec- tares (1), c'est-à-dire moins que le quart d’un département fran- çais (2). Pour arriver à ce chiffre, il a fallu faire des efforts inouis, lorsqu'on a voulu installer sur le sol algérien les popula- tions que les événements de 1848 avaient privées de toute res- source. Le défaut de terrain, non-seulement ne permit pas une grande extension à nos entreprises agricoles, il empêcha même de tirer parti des terres qui étaient réellement disponibles. Nous devions faire subir des lenteurs infinies aux immigrants qui attendaient un champ. Ils tombaient dans la misère la plus profonde avant d’être pourvus, et leurs concessions étaient obtenues à des conditions qui n'étaient pas en rapport avec leur goût, leurs études, leur ap- titude, leur capital. La terre à coloniser étant fort restreinte , l'administration ac- (x) Voir le rapport du Ministre ge la guerre au Président de la République (Moniteur du 15 septembre 1850). (2) La France à 53,000,000 d'hectares, ou 616,000 hectares par département. | 476 | cordait deslots qui, pour donner l’aisance, auraient dù être immé- diatement défrichés et cultivés d’une manière parfaite , couverts rapidement d'habitations et de travailleurs. Dans aucune région, l'agriculture n’a débuté ainsi; partout on a commencé par tirer parti de la force productive du sol, en établissant des ja- chères , en conservant les pâturages naturels qui nourrissent les bestiaux, sans travail et presque sans capital. Ce n’est qu'au moyen des économies faites pendant des siècles que l'exploitation rurale est arrivée à ce degré de perfection que nous voyons dans les con- trées très-populeuses, très-riches , très-intelligentes, comme la Flandre, par exemple. L'administration demanda, pour les grandes concessions , une redevance de 2 à 3 francs par hectare, et imposa l'obligation de verser, à l'avance, un cautionnement ; elle n'accorda que des titres provisoires aux concessionnaires , se réservant de prononcer l'éviction, de faire perdre les capitaux dépensés , de confisquer le cautionnement , si les conditions imposées n'étaient pas remplies. Quand on fait une telle situation aux colons, on n'en rencontre guère. Comparez-la à celle qui est faite aux émigrants qui se ren- dent en Amérique , terre fertile, parcourue par de magnifiques voies navigables , sur laquelle le travail est facile parce qu'il peut se répartir en toute saison , et où le travailleur n'a plus à redouter que quelques faibles indiens. Dans cette contrée, l’acre de terre se paie de 1/2 dollar à 2 dollars 4/2, en moyenne { dollar l’acre ou 10 fr. l'hectare. C’est le chiffre du cautionnement , et le colon américain n’a plus de redevance à payer; il a son titre dé- finitif; il fait de sa terre ce qu'il veut ; s’il a la fantaisie de chan- ger de résidence , il la vend, et ne court pas le risque de perdre ses premiers travaux. Nous sommes persuadés que si, en Algérie, comme dans les contrées vers lesquelles se dirige le courant des émigrations eu- ropéennes, de vastes terrains eussent été disponibles, et mis promptement à la disposition des arrivants, concédés sans condi- tions , acquis immédiatement à titre de propriété définitive , avec faculté d'exploiter selon la convenance du cultivateur , de manière ( 477 ) à économiser le plus possible et le travail et le capital, la popula- tion serait arrivée , et la colonisation se serait faite. Le voisinage des côtes de la France , la beauté du climat, la situation sur une mer qui est le centre commercial du monde, la richesse des produits eussent compensé l'absence des fleuves magnifiques et des forêts vierges , la nécessité de concentrer les travaux agri- coles en un temps fort court, et les périls que fait courir le fana- tisme d’une race farouche. La colonisation se serait faite par des hommes doués de ressources pécuniaires , qui auraient été tra- vailleurs et propriétaires , et par de grands capitalistes qui au- raient installé des fermiers riches seulement de leur vigueur et de leur intelligence. Quoi qu’il en soit, si l’on ne peut songer pour l'Algérie aux mé- thodes qui ne conviennent qu'aux pays entièrement innocupés, au moins faut-il que les terres concédées soient assez étendues pour qu'une colonisation de quelque valeur puisse s’y asseoir, et que les concessions soient faites à des conditions acceptables. L’admi- nistration a reconnu tous les empêchements qu'apportaient à la colonisation les règlements qui entravaient la liberté du cultivateur et du propriétaire. Elle les a presque tous annulés. I lui reste un pas de plus à faire ; elle doit persévérer dans les efforts qu'elle a faits pour livrer une étendue convenable de terrain. Nous avons à chercher quelle superficie serait indispensable pour constituer une colonie qui puisse défier toutes les attaques, et rendre à la France ce qu’elle lui aura coûté. Pour résoudre ce problème , il faut savoir quel est le minimum de la population européenne qu'il faut installer, et quelle est la quantité de terre qu'il faut lui délivrer. Nous disons qu’il faut établir au moins 100,000 familles, composées de cinq individus chacune , ou une population de 500,000 âmes , et donner à chacune 10 hectares , ou 1,000,000 d'hectares pour toutes. Assurément, ces chiffres sont bien faibles : les Européens ne représenteraient que le cinquième de la population arabe, la population moyenne d'un de nos départements , ou moins que la moitié de la population du dépar- ( 478 ) tement du Nord. Quant à la quantité de terre assignée à chaque famille elle n’est certes pas trop considérable. Le lot de 10 hectares, est celui adopté pour les colonies agricoles ; c'était le minimum admis par le maréchal Bugeaud. Une famille peut labourer 8 hec- tares, selon les calculs du général Lamoricière, et si, ce qui est in- dispensable, elle laisse des pâturages et des jachères, son lot pour- rait avec avantage s'élever à 16 hect. Le général Bedeau, dans son projet de colonisation , demandait pour chaque famille 30 kect. , mais il lui permettait d’en louer une partie à des Arabes aidant la famille. Si l'on calcule quelle superficie est nécessaire pour nourrir les cultivateurs , l’armée et les populations urbaines , alimenter le commerce , qui seul peut procurer aux populations algériennes tous les objets que réclame la vie civilisée, on verra que la quan- tité d'hectares que nous demandons est à peine suffisante. En effet, 1 hectare produit 8 quintaux de blé ou d'orge, semence déduite. Chaque famille, composée de 5 à 6 personnes, consommera 2 quin- taux de blé par personne , ou. ...... 12 quintaux de blé. Les bêtes de somme et bestiaux con- SipMErONt A Lt cé Ue 12 q*. d'orge. Fotal...... 2% q.' de grains. Et pour les 100,000 familles. ... 2,400,000 q.' de grains. L'armée est de.......... 75,000 hommes. La population urbaine de. 75,000 individus. Entant sus. VU moe. 150,000 individus. Consommantchacun2 q'ou 300,000 q.* de blé. Les chevaux de l’armée sont au nombre de 18,000 Ceux de la population civile doivent être au nombrede:st. ::.. 1438 8i8 PAU dite «so . 6,000 UE It APR 24,000 chevaux. Qui consommeront 300,000 q.’ d'orge ( 479) Les villes et l’armée consommeront donc 600,000 quintaux qui, ajoutés à la consommation de la population agricole , formeront un total de 3,000,000 de quintaux , ou le produit de 375,000 hectares produisant chacun 8 quintaux. Les 100,000 familles n'ont vendu que 600,000 quintaux , soit 6 quintaux pour chacune ; elles n’ont donc obtenu qu'une somme de 60 à 72 fr., tout-à-fait insuffisante pour pourvoir à leurs nombreux besoins. Il faut donc qu'elles cultivent des plantes commerciales. Si l’on admettait qu'elles puissent consacrer à cette culture toujours difficile 1 hectare 25 ares, il faudra 125,000 hec- tares pour les 100,000 familles ; ce sera donc 500,000 hectares en exploitation. Mais la culture perfectionnée des plantes com- merciales ne peut s'effectuer sans bestiaux , il faut des pâturages ; les pâturages , les jachères, les terrains consacrés aux jardins, aux bâtiments, etc., exigent au moins une quantité d'hectares égale à celle qui est mise en culture. On arrive donc au chiffre de 10 hectares par famille ou de 4,000,000 d'hectares pour la popu- lation indiquée. Dans une situation pareille, le sort de la population agricole se- rait loin d'être bien fortuné , car elle n’aurait pu vendre que 6 quintaux de grains, et les produits commerciaux récoltés sur 1 hectare 25. Son sort ne serait tolérable qu'autant qu’elle joindrait à ces bénéfices, les produits des bestiaux pour lesquels nous ayons laissé un espace de terrain. Nous estimons donc que le million d'hectares que nous avons demandé pour la culture des Européens, en Algérie , est une quantité au-dessous de laquelle on ne peut descendre. Si l'on disait à la France qu’elle doit être le maximum de ce qu’elle peut prétendre , elle prendrait peut-être, après un profond désen- chantement, la résolution de renoncer à une entreprise restée si mesquine , malgré la grandeur des efforts qu’elle a faits. Mais il faut songer que si le Gouvernement arrivait à obtenir le minimum de population et de culture strictement nécessaire pour nourrir l’armée et les habitants des villes et des campagne, ( 480 }) et si le travail des colons les enrichissait, des transactions s'opéreraient de gré à gré entre les indigènes et de nouveaux arrivants. L'assimilation plus ou moins complète de certains individus appartenant aux tribus, porteraient au double, où à 2,000,900 le nombre des hectares soumis au régime de la civilisation, et à 1,000,000 celui des habitants que la mère patrie pourrait adopter. Dans ces conditions, la France devrait compter que ses sa- crifices obtiendraient une notable compensation. Sa dépense était de 84,000,000 francs, lorsque l'effectif de l’armée était de 75,000 hommes; elle est descendue à 74,000,000 fr., lorsque l'armée a été réduite à 70,000 hommes; les impôts levés sur les Européens donnent 10,000,000 fr. et ceux des Arabes 4,000,000. Nous supposerons que si une popula- tion d'un million d'Européens était implantée d’une manière compacte au milieu des Arabes, et si les routes étaient dans un état tel queles mouvements de troupes pussent s’exécuter toujours avec rapidité, une armée de 50,000 hommes serait plus que suffi. sante pour la défense de nos intérêts; la dépense descendrait certainement au chiffre de 66,000,000 fr. On peut d'autant mieux accepter cette réduction que les autres services exigeraient moins de frais, et la colonisation cesserait d’avoir besoin des mêmes encouragements. Les recettes, au contraire, devraient suivre une progression ascendante : on pourrait admettre que si une population de 175,000 individus donne un impôt de 10,000,000 fr. , une popu- lation de 4,050,000 individus, avec l’armée, donnerait six fois autant, soit 60,000,000. L'impôt des Arabes devra s’accroître aussi, parceque de plus nombreuses tribus y seront assujetties et parceque la perception sera assise sur de meilleures bases ; cet impôt, au lieu de 4,000,000, pourra donner 6,000,000. En tout 66,000,000 , chiffre égal à la dépense. Cette évaluation peut paraître trop élevée, car toutes les recettes ne croîtront pas dans le rapport de l'accroissement de la (481 ) population européenne ; mais les colons seront plus riches; ils pourront payer la rente de leurs terres ; ils feront de plus fortes consommations , et opéreront de plus nombreuses transactions. L'impôt doit donner plus, par tête, qu'en France, parceque presque tous les contribuables seront propriétaires. Il faut noter de plus, que les terrains domaniaux, par le système de culture que nous proposerons , devront procurer un revenu considérable. Nous croyons donc être dans le vrai, quand nous disons que le territoire colonial dont nous fixons le minimum, et la population qu'il comporte, suffiraient pour affranchir la France de la charge que l’Algérie impose à son budget. Sachons maintenant si la quantité de terre que nous avons indiquée comme indispensable à la première installation d’une colonie forte, peut être obtenue avec facilité : le versant mé- diterranéen contient 14,800,000 hectares ; les Hauts - pla- teaux qui ne portent pas leurs eaux à la Méditerranée et le versant sud du grand Atlas contiennent 14,000,000 d'hectares ; la région des Oasis qui s'étend au pied de cette dernière chaîne, contient 13,200,000 d'hectares, en tout 42,000,000 d'hectares. — Nous ne demanderions donc que 1/42 du territoire total , ou 1/14 du Tell. Les grandes vallées du Tell se composent de 880 kilomètres carrés; c’est-à-dire, 8,800,000 hectares ; savoir : le bassin du Chékf. 4,500,000 — del’Habra et du Sig.. 1,300,000 — dela rivière de Bougie. 1,000,000 0 ea ma TU 750,000 — du Rummel.. . . .. 650,000 — de la Seybouse. . . . 600,000 Total . . . . 8,800,000 h. On ne doit pas prendre les 2/3 de la terre coloniale dans ces vallées. Ce n’est donc pas le dixième qu'il faut mettre dans la main des Européens. 32 ( 432) Une grande partie des terrains nécessaires pour former la base de la colonie pourraient être obtenus par des travaux de dessé- chement : les lacs salés d'Oran et d’Arzeu , le lac Halloula , celui de Fetzara etc., etc., contiennent une très-grande quantité d'hectares. Si à ces surfaces on ajoute les marais de l'Habra, ceux de la Mitidja, de la Mina, , etc., etc., on arriverait à la moitié du chiffre que nous avons fixé. Cependant il ne fau- drait pas tenir compte de tous ces terrains, parce que tous ne seraient pas susceptibles d’être donnés à la culture, que des frais considérables devront être faits pour arriver à les mettre en valeur, qu’il faudra beaucoup de temps pour les assainir, et qu'en raison même de l’exiguité du chiffre proposé , il est nécessaire de garder quelques réserves. Nous pouvons , certes, demander aux Arabes plus qu'on ne leur a demandé jusqu'aujourd'hui. La France a montré une longanimité vraiment incomparable envers les indigènes; ils lui ont fait une guerre atroce; ils ont incessamment manqué à tous leurs engagements; ils ont procédé par la trahison, l'assassinat , l'incendie; ils ont usé des traitements les plus barbares envers nous; ils ont égorgé de sang-froid nos prison- niers ; ils en ont appelé aux armes, après avoir invoqué cent fois le pardon, chaque fois qu'ils ont aperçu la moindre chance de succès, et après leurs défaites itératives nous les avons reçus à merci, leur imposant tout au plus une légère amende ; nous avons quelquefois mis sous le séquestre les domaines des tribus qui s’expatriaient pour obéir à notre ennemi ; mais le plus souvent , nous nous sommes empressés de {eur rendre leurs terres quand elles n'avaient pas été distribuées. Nous succédions à des dominateurs dont la loi est que la terre est au souverain , et nous en sommes venus à établir que la jouissance est presque un droit absolu de propriété ; nous acceptons avec une facilité exemplaire tous'les titres qu’on peut produire devant nous , et nous ne man- quons jamais de trouver parmi nous des autorités instituées qui se regardent comme les défenseurs obligés de ce qu'ils nomment (483) les droits des Arabes. Nous sommes prêts à les laisser jouir sans com- pensation de tous les avantages et plus value qui résultent de nos travaux et de notre présence. Cen'’est pas quel’administration n’ait posé d’utiles principes sur la propriété, n’ait conservé aux terres du Beylick leur caractère, n'ait distingué entre le droit de parcours et la propriété , entre la jouissance ou l'usufruit et les titres d'ac- quisition individuelle ; mais, dans l'application, elle est restée souvent dans l'impossibilité de découvrir la vérité , au milieu des obscurités dont nous environne la mauvaise foi, l'absence volon- taire de tout témoignage, et la production des titres fabriqués. Si nous voulons arriver à des résultats positifs , et ne pas nous consumer dans des sacrifices inutiles, il faudra pourtant changer de pratiques : nous devons, sous peine de ruiner la France, en lais- sant la terre africaine stérile, constituer un domaine colonial sérieux qui cesse d’être une illusion. Nous savons, pour l'avoir entendu répéter souvent, que l'opinion des militaires est que la dépossession des Arabes entraînerait des guerres interminables sur toute la surface du pays. Nous ré- pondrons que le maintien des indigènes dans tous leurs privi- léges ne les empêchera pas de nous faire la guerre quand ils en auront le pouvoir. Nous ajouterons que la spoliation est loin, bien loin de notre pensée. Il s’agit seulement de décider que la coloni- sation de l'Algérie n’est pas exclusivement le gouvernement et le développement des races indigènes. Il faut accorder beaucoup à la nation vaincue ; il faut lui abandonner, sans conteste, pourvu qu'elle reconnaisse notre domination, les régions qui conviennent à ses mœurs, et que la nature lui a spécialement réservées ; il faut lui laisser une bonne part dans les contrées où nous pouvons et devons nous établir, et ne nous attribuer jamais les propriétés constatées par des titres irrécusables , sans juste indemnité. Mais il ne faut jamais perdre cette idée, qu'on doit, sans violence et sans injustice, donner un vaste terrain à la colonisation compacte des Européens. ( 484 ) Pour y parvenir il faut 1.° rechercher avec un soin extrême toutes les terres du Beylick, et celles des fondations de main- morte dont noùs avons les charges. Sous ce rapport, l’action de l'administration est moins impuissante que sous les autres. 2,0 Constater la validité des titres, en ne s’en laissant pas imposer par la falsification, et en distinguant surtout ceux qui n’assurent qu'un droit de jouissance de ceux qui forment un titre de propriété réelle. 3.0 Cantonner les tribus , qui n'ont qu’un droit de jouissance, dans l’espace qui suffit à leurs besoins et leur donner des titres pour les parties qu'ils occupent , en les faisant renoncer complète- ment à l'usage des autres. L'administration est entrée dans cette voie , et doit y persister énergiquement. 4.0 Priver d'une partie de leurs terres, à titre d'amende, les tribus qui, trahissant leurs promesses, se livrent éternelle- ment à la révolte, et maintenir rigoureusement séquestrés les domaines passés en nos mains. 5.° Ne pas concéder aux Arabes à titre gratuit, la jouissance de nos travaux d'irrigation, de desséchement, de tous ceux, enun mot, qui donnent une plus-value à leurs terres ; ils nous doivent une indemnité payable en terres; c’est la loi d'équité, c'est la loi de la France. Tout a pris une plus grande valeur dans leurs mains depuis notre séjour sur leur sol: un mouton qui valait 2 fr. en vaut 6. Une charge de petit bois, qui jadis ne valait rien chez eux, et qui ne vaudrait pas 1 fr. à Paris, se vend 1 fr. 50; c'est duperie que féconder leurs champs sans rien obtenir pour nous. Îls ont assez de fois répété que nous étions des brebis. 6. Il fant dessécher, et faire entrer dans le domaine de l’État les marais et les lacs dont les eaux peuvent trouver une issue. 7.0 Enfin, si l’on ne peut faire autrement , il faut arriver à des acquisitions à prix d'argent , suivant le système américain: il est moins onéreux d'acheter que de conquérir ; la justice est plus lu- crative que la spoliation. Nous sommes en position de ne pas nous laisser faire de conditions trop dures sous ce rapport. 485) Ces mesures sont de première nécessité : pour fonder une colo nie, là première condition c’est d’être maitre de la terre. Cultures. Lorsque la dernière et la plus importante des disposi- tions qui préparent la colonisation sera arrêtée, lorsqu'on aura enfin acquis le terrain sur lequel elle doit s'installer , le succès de l'œuvre ne se fera pas attendre ; toutefois des difficultés nouvelles surgiront, qui ne seront pas sans gravité : il s'agira d'assor- tir la eulture au climat et au sol, de mettre les colons en. position de faire une exploitation profitable, et de vendre les produits qu'ils ont récoltés, afin d'obtenir en échange tous les objets dont ils ont indispensablement besoin. Nous avons dit quelles cultures ont été essayées en Algérie ; nous allons dire quelles sont celles qui nous paraissent devoir être lucratives et conséquemment possibles. On s’est fait d'étranges illusions sur les cultures qu’on devait acclimater dans l'Afrique septentrionale : beaucoup de personnes ontimaginé que nous allions y transporter les végétaux des tropiques et appeler la côte méditerranéenne à remplacer les colonies équa- toriales qui nous manquent. C’est là une erreur fondamentale. Nous avons dit que la région colonisable de l'Algérie, par son climat, appartenait à la partie chaude de la zone tempérée; qu’elle en était Ja limite, mais qu’elle n’en perdait pas le caractère. 1 faut donc que ceux qui ont cru que l'Afrique allait nous ap- provisionner de sucre, de café et d'épices renoncent à leur rêve : la canne à sucre végète bien en Algérie, mais elle n'y acquière pas un degré de maturité supérieur à celui où elle parvient en Anda- lousie. Nous en avons reçu des échantillons de cette dernière con- trée, et les avons comparés avec les plus beaux produits du jardin d’Alger, qui réunit les meilleures conditions de culture , nous ne saurions accorder une préférence bien marquée à ces derniers. Or, on sait que la production saccharine d'Espagne estinsignifiante. Elle serait aussi restreinte dans le Tell : on y ren- contrerait difficilement des terrains tout-à-fait propres à la végéta- tion de la canne. A plus forte raison faut-il cesser d'espérer y pro- ( 486) duire des denrées qui exigentune chaleur, sinon plus forte, au moins plus prolongée , et non accompagnée d'une sécheresse absolue. On peut affirmer que l'extrême limite des cultures méridionales seront la patate, l'indigo, le coton, le nopal ou cactus à coche- nille. La patate donne des produits énormes : M. Hardi nous a assuré qu'un hectare pouvait produire jusqu'à 45,000 kilogram- mes de tubercules. C'est une plante acquise à la colonie , et pour la nourriture de l’homme et pour celle des bestiaux. Desfontaines a trouvé le coton et l'indigo cultivés, en 1784, mais en petite quantité ; il a même rencontré des cotonniers à l'état sauvage. Il n’est donc pas douteux que le climat ne con- vienne à cette plante ; les essais faits dans le jardin d’Alger et sur le terrain de plusieurs concessions , ont confirmé ce fait; nous avons vu à l’exposition des produits agricoles de Philippeville et à l'exposition de Londres de beaux échantillons de coton. Le coton algérien a été filé à Lille et à Rouen , et les manufacturiers l'ont déclaré d'une valeur égale au coton jumel produit par l'Egypte. L’indigo souffre pendant les saisons froides, et sera fort peu productif. Le cactus nopal prospère dans le jardin d’essai d'Alger, et la cochenille qu'il nourrit donne des résultats satisfai- sants, quoiqu’elle exige de très-grands soins. La cochenille est ré- coltée avec avantage en Espagne , aux Canaries. Il n'y a aucune raison pour qu'elle ne le soit pas en Algérie. On ne peut donc pas contester la possibilité d'y obtenir au moins trois des produits com- mérciaux que nous venons de nommer; mais y seront-ils récoltés en quantités assez considérables pour enrichir une grande colonie ? personne assurément ne peut le dire. Ils viendront, selon les espérances conçues, accroître le bien-être des colons , mais dans l’état des choses, ils ne peuvent servir de base à la création même de notre établissement en Afrique. Quelques fruits ont été cultivés avec succès , le bananier , le néflier du Japon , le goyavier , l’avocatier , l’anona réussissent. Ce sont là des résultats acquis. Mais ces cuitures seront nécessaire- ment restreintes. On en retirera quelqu'agrément, mais c'est tout ( 48T ) Le bananier par exemple ne réussit que par le choix d’une bonne exposition et par des soins bien entendus; ses produits restent à un prix fort élévé ; un régime de bananes coûte à Alger de 8 à 15 fr. ce fruit ne peut donc entrer dans la consommation vulgaire. Le bananier de Chine, dont le fruit est parfumé , n’a pas encore plei- nement réussi. Le sud nous donnera la datte, véritable article de commerce, auquel il faut attacher une grande importance : mais il sera l’ob- jet de nos transactions avec les oasis, il ne sera pas un produit de notre travail ; il n'ouvre pas carrière à la culture colonisatrice. Ce simple exposé suffit pour prouver qu’il faut tenir comme non avenue la prétention de tirer de l’Algérie les denrées qu'on est convenu d'appeler coloniales et qu'on va chercher dans les régions qui avoisinent l'équateur ; ce qu’elle peut donner ce sont les fruits du midi. Si nombre de personnes se sont bercées d'illusions à ce sujet, il en est d'autres qui affirment que la terre africaine ne produira jamais rien, qu'elle restera stérile, malgré nos efforts, nos dé- penses et nos sueurs. Nous savons que l'expérience a presque donné raison a cette cruelle affirmation. Notre conviction cepen- dant est que les mauvais résultats sont dus , non à la nature du sol , mais à la manière dont on a tenté d'en tirer parti. Cela nous semble devoir ressortir des faits que nous allons présenter. Rap- pelons d’abord quels sont les végétaux qui prospèrent dans l'Ailantide. Il est un arbre qui y croît spontanément avec une vi- gueur exceptionnelle , qui s'empare en quelque sorte de la terre, couvre les plaines, les coteaux , les montagnes, et acquiert par- tout des dimensions colossales , qui résiste à toutes les causes de destruction provenant de la nature et des hommes, qui donne des fruits ahondants, d’où l’on extrait un produit précieux , facile- ment exportable, recherché de toutes les nations , d’un prix élevé. Cet arbre c’est l'olivier ; l'huile qu'il produit est l'upe des den- rées commerciales les plus précieuses et dont le placement est le plus sûr ; la France n’en fabrique pas une quantité suffisante pour ( 488 ) sa consommation et les besoins de son industrie , et il est remar- quable que les nations civilisées sont en grande partie situées sous une latitude qui ne permet pas la culture de l'arbre qui la four- nit. Elle peut donc être impcertée en France sans détriment pour son agriculture et au grand avantage de son travail industriel. Elle peut faire l'objet d'un commerce extérieur considérable ; nous pouvons , en possédant l'Algérie , vendre de l'huile à toutes les nations du monde, comme nous leur vendions du sucre lorsque nous possédions Saint-Domingue. Or, chacun sait quel est le produit de l'olivier, En Espagne il est des arbres qui rapportent 154 kil. d'huile; en Corse il en est qui rapportent 450 k. d'huile sans culture , et le gazon restant sur le sol ; beaucoup rapportent 64 kil.; mais les mauvais soins et les accidents de la récolte sont tels que l'on peut réduire à 10 kil. d'huile la production moyenne de chaque arbre ; d’après M. Mohl, les arbres sont à 15.m de distance, à peu près et sont au nombre de 45 par hectare. C’est donc 450 k. d'huile, à 0,90.°, ou 378 fr., par hectare. Dans le département des Bouches-du-Rhône, d’après M. Gas- parin, la plantation d’un hectare en oliviers âgés de 14 ans, et au nombre de 400, c’est-à-dire placés à 5 mètres de distance, coûtera 919 fr. 90. | Dès la 2.° année les arbres produiront des: fruits. Pendant les 10 premières années, ils donneront, en moyenne, 6 décigrammes d'huile, soit par hectare 240 k. d'huile, à 1 fr. 55, ou 372 fr. Les frais de culture et de fabrication, y compris les intérêts de la somme dépensée pour la plantation, s'élèvent à 240 fr. ou 1 fr. par Jitre d'huile. Il reste donc une somme de 132 fr. par hectare, c'est-à-dire, plus de 25 pour 100 de la première mise, dont l’in- térêt a, du reste, été compris dans les frais de culture annuelle. Le prix de location de la terre ést payé par la culture faite sous les oliviers. Dans la 2.° période décennale, les arbres donneront en moyenne 1 k, d'huile, soit 400 k. par hectare. Les frais de culture augmen- teront absolument parce que le fumier, la cueillette, la fabrication | 489 couteront plus ; mais relativement la dépense sera moins élevée ; elle ne sera que de 0f,96 par kilogr, d'huile ; il restera donc 0f,59 de bénéfice par kilogramme d'huile, qui se vend 1 fr. 55.°; cela donnera un produit de 236 fr. par hectare. Dans la 3.° période décennale le produit moyen sera de 2 k. 50 par arbre ou 1,000 par hectare , les frais seront de 0,76 par kilo- gramme d'huile; il restera donc 0,79 cent. par kilog. d'huile, ou 790 fr. par hectare. En donnant plus d'engrais aux arbres, on obtiendrait plus d'huile, et on l'obtiendrait plus vite. M. Bousquet en fournissant à ses arbres 75 k. de fumier, leur a fait produire 2 k. 50 d'huile après 15 ans de plantation. M. Gasparin admet qu en multipliant les engrais , on pourrait obtenir jusqu’à 12,000 kilog. d'huile sur un hectare; les fraisalors ne seraient que de 0f,65 par kilogramme, le bénéfice conséquemment de 0f,90 par kilogramme ou 10,800 fr. par hectare. Mais pour obtenir un tel résultat, il serait impossible d'employer le fumier : la terre serait trop soulevée ; il faudrait des engrais riches, comme les tourteaux , etc. Nous ne pouvons établir nos calculs sur de telles données. Nous reconnaissons qu'on ne pourra en Afrique accorder aux oliviers tous les soins nécessaires, mais dans un pays où les arbres n’ont aucunement à souffrir des gelées , il faut admettre la possibilité d'obtenir sans culture ou à l'aide d’une culture médiocre, un pro- duit supérieur à celui acquis en Provence, par une culture avan- cée, ou en Corse par une culture presque nulle. Or, il est établi que l'hectare peut donner en Provence 1,000 k. d'huile , ce serait un produit de plus de 1,000 fr. par hectare quand la fabrication de l'huile sera perfectionnée. Cette évaluation serait fort peu élevée ; nous avons vu que dans la Corse, beaucoup de pieds donnaient 6% k.; les arbres sont plantés à peu près à 15 mètres, ce qui peut donner 49 pieds par hectare et 3,136 k. d'huile par hec- tare A la vérité, par la perte de récoltes cette quantité se réduit à 10 k. d'huile par arbre ou 490 par hectare. Mais M. Gasparin pense qu'en raison de la hauteur du soleil en Algérie on peut plan- © 490 ) ter les pieds à 7." 50 de distance sans que l'ombre des uns nuisent aux autres; onaurait ainsi 169 pieds par hectare, cequi donnerait, même à 10 k. par pied, 1,690 k. d'huile qu'on peut évaluer à un franc. Cette quantité nous paraît devoir être considérée comme un minimum. 3 Le mürier doit concourir , avec l'olivier , à la splendeur de la colonie. De vieux pieds de ces arbres témoignent qu'ils végètent en Algérie d'une manière luxuriante ; mais ils ont été plantés par la main des hommes. On ne les voit pas partout, s‘emparant du sol comme de leur domaine, et s’élevant malgré tousles obstacles. Ils ne réussissent pas dans les terrains argileux ; ils aiment un sol frais , léger , même sablonneux , pourvu qu'il soit mis à l'abri des excessives sécheresses de l’été. On ne peut tirer un bon parti de cet arbre qu’au moyen d’une population déjà nombreuse; il ne peut rien donner qu’autant qu'on en cueille les feuilles, qu’on élève des vers à soie , et qu’on récolte les cocons. Ces soins demandent le travail de beaucoup d'hommes, de femmes et d'enfants. Pour- tant comme l'opération qui emploie le plus d'hommes est la cueille des feuilles, que tout individu , Arabe ou Européen , est propre à ce travail, nous pensons que le mürier , qui réussit à merveille dans de très-nombreuses localités, pourrait couvrir bientôt de vastes espaces; il rendrait des services d'autant plus grands que ses feuilles, même quand elles tombent , sont recher- chées par les bestiaux. Les avantages de la plantation du mürier ont été bien reconnus : c’est l'arbre qui est le plus communément distribué aux colons. Cette préférence tient sans doute à ce qu'il croit plus rapidement que l'olivier, et que si l'utilisation de la feuille exige une main-d'œuvre considérable, elle est peu coù- teuse , et n’entraîne pas l'établissement d'usines comme la fabri- cation de l'huile ; les cocons sont facilement transportables , et le jardin d'essai les achète et prend soin de filer la soie. Les produits des müriers sont considérables ; nous devons à M. Hardi les éléments des calculs suivants : il suppose la planta- tion faite dans un terrain couvert de broussailles; les pieds, écartés ( 491 ) de 5 mètres , seront au nombre de 361 par hectare , si on laisse une demi-distance sur la lisière ; ils seront plantés dans des trous de { mètre 60 de côté, et de 1 mètre de profondeur. Ces trous coûteront 1 franc 25 centimes l’un, total par HECATE RENE PRISONS ER ETIENNE 451 25 Éepieenmen T2 0 BOL 9 21 on : 21 180 50 Frais de plantation. 0 DOPHONERIQU EUR, 180 50 JAETOSABO ee DANS 1 OUI ET UPS Culture pendant 6 ans, et défrichement successif de tout le terrain, chaque année 0f,50° par pied. .. . 1,083 » 2,256 50 En ajoutant l'intérêt au capital dépensé, on arrive à 2.733 fr. À la sixième année, chaque arbre donnera 30 kilog. de feuilles ; l'hectare donnera donc 108 quintaux de feuilles à 4 fr., ou 432 fr. Les 108 q.* de feuilles nourriront les vers de 340 grammes d'œufs, qui donneront 640 k. de cocons à 3 fr. le k., OUR ET US SL MR RON UMR 607 1,980 fr. Les frais d'éducation sont de. . . . . .. .. 770 H'reste"dontianes nottefhinqgee b oraf: et ir01045250) C'est 55 p. 0/0 du capital engagé. Cependant tous les frais ont été portés au taux le plus élevé ; les arbres de M. Gourgas n’ont coûté que 0,50 c. pour la plantation , trous compris ; ils n’ont pas exigé de frais de culture, ni de défrichement , ni d’arrosages , parce qu'ils ont été plantés dans des prairies fraîches. En tout état de cause , il ne faut pas porter la dépense du défrichement au compte des plantations, puisqu'on peut cultiver sous les arbres. Enfin , les feuilles ont pu être cueillies dès ja quatrième année , et les cocons se sont vendus 4 fr. Sans tenir compte de ces derniers avantages , on trouverait que 361 müriers , ayant coûté { fr. pour achat et plantation , ou 492 ; 361 fr. par hectare , et avec les intérêts 451 fr. 25 c., produi raient 1,210 fr., après la cinquième année , et qu'ils donneraient conséquemment un intérêt de près de 300 p. 0/0 de la somme dépensée. La vigne doit obtenir autant d'attention que le mürier ; elle peut venir partout : nousen ayons trouyé des pieds dans les baies , et à la lisière des bois. Nous avons dit que de vieux vignobles existent , que les nouveaux réussissent, quand , au moyen de précautions conyenables, on met les jeunes pieds à l'abri des sécheresses. Le raisin peut servir à la table, à l’état frais ou sec, et peut être employé à la fabrication du vin. On doit croire que les vins obtenus seront très-variés, en raison de Ja différence que les localités présentent dans leur exposition et leur élévation. Tout fait penser qu'on pourra récolter des qua- lités précieuses. Le vin de Médeah a un goût de terroir qui rap- pelle un peu celui du vin du Rhin. Dans des situations plus chau- des on obtiendra des vins liquoreux , analogues à ceux d'Es- pagne ; il est toujours certain que partout la vigne donnera aux colons une boisson salutaire , à bas prix. Mais c’est surtout pour faire des raisins secs qu'il faut cultiver lu vigne en Algérie ; il nous semble que les meilleures espèces y peuvent être obtenues ; elles alimenteront un commerce d'exportation considérable. Les orangers ne viendront pas dans toutes les localités : 11s doivent être plantés dans des terrains arrosés, bien abrités et peu élevés : ils donneront de magnifiques produits. Les oranges de Blidah sont célèbres ; elles sont très abondantes, de grosseur modérée, mais très sucrées. Celles du beau jardin de Coléah ne sont pas moins bonnes. Alger en produit aussi d'excellentes ; les oranges de Tlemcen sont petites et un peu acides ; la situation de cette ville est trop élevée. Nous avons vu chez M. Gourgas des orangers de quatre ans couverts de fruits. L’oranger sera donc une ressource pour l'Algérie. Le citronnier y vient plus facilement que l'oranger. Le figuier s'y développe vigoureusement et donne des fruits (493) abondants. Les fisués qu'on récolte actuellément sont pétites et peu suérées , mais nous avons la conviction que les plus belles variétés réussiraient. L'amandier vient partout et avec une grande facilité. L’'abricotier est magnifique dans presque toutes les localités. Ses fruits nous ont paru quelquefois avoir un goût peu agréable ; il faudra changer peut-être les variétés. Tous ces arbres peuvent donner des produits d'exportation. Le poirier et le pommier croissent avec une grande vigueur, dans les terrains frais. A la culture des arbres, il faut ajouter celle des plantes mdus- trielles qui nous semblent les mieux appropriées au climat, et pour lesquelles il n’y a point d’éssais à faire ; ce sont les suivantes : Le tabac qu'on a déjà cultivé sur une assez grande échelle donnera des produits assurés et propres à être fumés; c'est précisément cette qualité qui manque à la France : les feuilles cultivées par les Européens contiennent 4,07 pour 100 de nicotine; mais celles cultivées par les Arabes , c’est-à-dire sans engrais, ne contiennent que 1,03 pour 100 de nicotine, c'est à-dire moins que les tabacs du Maryland et de la Havane, qui sont renommés pour la douceur de leur parfum , et qui contiennent pourtant 2 et 2,29 pour 100 du principe âcre et vireux. Le lin croît naturellement dans les prairies , et est cultivé en certaines localités; 1l réussira. Le climat exigera seulement qu'on en modifie la culture : dans le Nord on sème cette plante en mai et en mars ; le lin de mai a à craindre la sécheresse de l'été; le lin de mars est souvent châtié par les froids du printemps. En Algérie , les chaleurs sont mortelles pour cette plante , mais en revanche, les gelées printannières ne la menaceront pas; il faudra le semer de très bonne heure. Le chanvre acquerrait en Algérie les dimensions qu'il a dans la Syrie , l’Asie-Mineure , l'Inde, etc., c’est-à-dire 3 à 5 mètres mais il ne peut réussir que s’il est bien arrosé ; la culture n’en pourra donc être adoptée que dans certaines localités. 494 ) La sésame, au contraire, pourra se répandre partout ; il vient fort bien dans les terrains secs ; il suffit que les pluies arrivent dans la quinzaine des semailles pour en assurer la réussite. Cette plante a un inconvénient : elle mürit ses graines successivement , de sorte que pour en tirer tout le parti possible , on doit faire des cueillettes multipliées. Mais si cette main-d'œuvre coûtait trop , ou était impossible dans la situation de la population , on pour- rait prendre une époque de maturation moyenne ; on perdrait une certaine quantité de graines , mais on éviterait les frais. Quoiqu'il en soit , on est assuré de trouver dans cette culture des profits asssz considérables. Le ricin, qui croît naturellement dans les lieux humides, donnera une huile qui se placera bien ; le colza et quelques au- tres plantes oléagineuses sont susceptibles de réussir. Il nous sem- ble cependant qu'il faudra leur préférer d’autres cultures. La garance réussira en Algérie , mais il lui faut des arrosages. Le pavot fournira un opium de bonne qualité; les plantes aro- matiques, des essences estimées; mais ces cultures exigent des soins qu'il sera bien difficile d'obtenir dans les premiers temps. La pomme de terre vient bien. Nous en avons vu en décembre, chez M. Gourgas , en pleine verdure ; elles avaient été plantées après les premières pluies d'octobre , et devaient être récoltées en janvier. On s’accorde à dire que la quantité des tubercules que cette solanée produit en Algérie est médiocre. Les patates donnent des récoltes fabuleuses , 45,000 k, par hectare, dans le jardin d'Alger. Son tubercule sucré est d’un goût qu'on trouve fort agréable lorsqu'on y est habitué. Les fèves sont très productives ; les Arabes en font une grande consommation. Je ne parlerai pas des plantes potagères , telles que pois, len- tilles, pois chiches. Cependant ces plantes pourront former de bons fourrages ; elles croissent admirablement. Les racines nous paraissent de qualité fort médiocre en Algé- rie ; carottes , scorsonères, panais , nous ont semblé insipides. (495 ) Les artichauts y croissent avec une facilité prodigieuse , leur goût est peut être trop prononcé. Les choux-feurs y deviennent énormes. Bien que beaucoup de plantes potagères ne puissent pas être cultivées en grand , il est cependant certaines localités du littoral qui pourront produire avec beaucoup d'avantages des primeurs qui s'exporteront en France , quand les voies ferrées s’étendront de Paris jusqu'à Marseille. Les céréales complèteront la série des plantes herbacées pro- fitables à l'Algérie. Le blé et l’orge y donnent de superbes moissons : c’est le blé dur qui est habituellement cultivé, le seul qui soit produit par les Arabes ; mais nous avons vu de magnifiques blés tendres ré- coltés en diverses localités ; il parait que la semence dégénère, mais il suffirait de la renouveler. Nous sommes d’ailleurs con- vaincus qu'une bonne culture conserverait au blé ses qualités, et converürait même le grain dur en grain tendre. Quant à l'orge , c’est la plus belle que nous ayons jamais vue. L'avoine est peu cultivée , mais elle réussit admirablement , et ce grain donne aux chevaux une grande vigueur. Peut-être les exciterait-il trop dans un pareil climat, mais on peut le mélanger avec l'orge, au moins pendant l'hiver , et nous croyons qu'il serait fort utile aux chevaux de trait. Les plantes fourragères sont abondantes en Algérie : les prai- ries naturelles sont magnifiques sur les bords des cours d’eau ; les terres qui ont été labourées se couvrent d'herbes, de légu- mineuses, etc., dès que les pluies d'automne viennent les humecter. Rien ne manque donc à l’agriculture algérienne ; il faut en tirer parti par un système de culture approprié aux exigences du cli- mat et aux facultés des colons. Nous avons dit queles colons européens ne pourront pas se livrer à l’agriculture pastorale, qui consiste fondamentalement à tirer profit de vastes espaces , nourrissant denombreux troupeaux, sans 496 ; dépenses et sans travail excessif : les terrains manquent.Ce mode d'exploitation ne serait d’ailleurs qu'une introduction à d’autres systèmes. La grande culture sera pratiquée sur les concessions étendues , au grand avantage des fermiers que les capitalistes y installeront, car c’est une opération plus lucrative de tenir à bail une vaste terre dont les produits naturels sont abondants et qui est munie des agens de production, qu’à féconder péniblement un champ restreint dont les produits ne s'obtiennent qu’à force de sueurs : un homme qui obtient la moitié des récoltes de 100 ou 200 hectares couverts de bestiaux a plus de profits que celui qui possède dix hectares qu’il laboure avec peine et sans moyen de les féconder. Mais l'administration disposant de terres d’une étendue trop restreinte , et convaincue que le riche climat de l’Atlantide peut donner immédiatement sur une petite surface d’abondants et riches produits, n'a pas généralement fait de larges conces- sions, et a imposé aux concessionnaires des conditions en concor- dance avec cette pensée. Elle n’a donné, comme nous l'avons dit, que des concessions provisoires, non susceptibles d’être hypothé- quées ; elle a exigé une redevance élevée et un cautionnement ; elle a imposé l’obligation de bâtir des maisons capables de loger un nombre de familles déterminé ; elle a fixé la quotité d'hec- tares à défricher chaque année, etc., etc. ; toutefois , elle a compris plus tard que la nécessité la plus urgente était de fonder la propriété , de laisser le cultivateur libre dans son tra- vail ; de ne pas lui enlever sous forme de cautionnement le ca- pital dont il avait si grand besoin ; elle a aboli les conditions les plus onéreuses qu'elle avait imposées. Par cette résolution , si l'adinistration parvient à obtenir des terres en quantités sufli- santes dans la grande région interatlantique et le long des routes strätégiques , elle parviendra à développer une colonisation com- pacte ét fructueuse. Lorsque les fermiers se seront enrichis , que la popülation se sera accrue, la terre sera divisée ét pourra (497 ) être cultivée d’après des méthodes de plus en plus avancées. Mais jusqu’à présent , on a dû procéder, dans les cas les plus ordinaires à la culture immédiate des lots restreints , si hérissée de difficultés à l’origine. C’est donc de ce mode d’exploitation que nous devons nous occuper spécialement. Il a peu réussi jusqu’au- jourd'hui. Les causes de cet insuccès ont été appréciées : la guerre, le climat, l'absence de voies de communication, le caractère des populations qui se sont donné rendez-vous en Afrique, la pénurie des capitaux ont formé d'immenses obstacles à nos progrès. Ces causes générales sont en partie disparues. Mais il en est d’autres non moins funestes , dépendant de notre volonté, qu'il faut faire disparaître de même. Essayons de dire ce qu'il faut faire pour empêcher le travail de rester stérile. Nous supposons les colons pourvus de leurs lots, qu'on a reconnu devoir être de 10 hectares au minimum. Tout n'est pas fait : si on suit les errements adoptés, si on se contente de deman- der à chaque famille la culture des céréales sur quelques hec- tares , il est impossible qu'elle atteigne l’aisance. Nous avons dit que chaque hectare pouvait produire net 8 quintaux de grains, qu'à peine la moitié du lot pouvait être mis annuellement en cul- ture. Voilà donc 40 quintaux de grains obtenus, desquels il faut déduire 24 quintaux pour la nourriture des hommes et des ani- maux ; il en restera donc 16 disponibles ; si on les vend à 10 fr. c'est un revenu de 160 fr. que chaque famille obtient. Admettez, si vous voulez, un prix un peu supérieur : cette famille n'en restera pas moins dans un état bien triste, si ellene succombe pas, et pourtant nous avons supposé toutes les circonstances favorables ; nous n'avons pas tenu compte des terribles maladies qui laissent souvent une maison sans chefs et sans travailleurs. Dans l'hypothèse la plus avantageuse , le sort des colons sera pareil à celui des Arabes, mal vêtus, mal nourris, marchant pieds nus , privés de tous les objets que la civilisation a rendus sl nécessaires à ceux qui ont habité l’Europe ; évidemment , si les 33 (498) Européens produisent les mèmes objets ; s'ils ont à soutenir la concurrence avec des hommes qui se contentent de si peu et qui abaissent les prix de leurs denrées au niveau de leurs besoins , ils devront être aussi dénués que leurs concurrents ; nous disons plus , ils le seront davantage : les colons n’ont que leur faible lot de terre et un très petit nombre d'hectares cultivés en blé ; l'Arabe a pour lui l’espace et avec l'espaceune culture plus facile et de nombreux troupeaux. Il est donc infiniment plus riche que nos cultivateurs qui n'ont que le champ arrosé de leurs sueurs. On a , nous le savons , entrepris d’autres cultures, on a encou- ragé surtout celle du tabac, et l'administration a acheté toutes les récoltes qu’on lui a présentées. On entre là dans une voie qui nous paraît la bonne, d'autant meilleure que le tabac sur une terre peu engraissée, s'il rapporte des quantités moindres, donnera des pro- duits plus précieux. Mais le tabac seul ne peut suffire à améliorer la position des colons, et la culture des autres plantes commer- ciales et industrielles sera impossible dans les commencements : elles exigent des travaux multipliés , des avances , et surtout des engrais que les colons ne sont pas en mesure de fournir : elles produiront bien une première récolte, mais ce sera souvent au détriment de la terre , et l’on ne pourra pas les maintenir dans l'assolement. On ne pourrait les intercaler entre les céréales , et les substituer aux jachères que si l’on prodiguait à la terre les prin- cipes fécondateurs que lui enlèvent les végétaux épuisants : la production des plantes industrielles appartient aux contrées dont l'agriculture est très avancée, et la terre fécondée par des engrais longtemps déposés dans son sein et sans cesse restitués; elle n'est pas propre aux régions dont la culture est nouvelle, à moins qu'elles soient dans des conditions de fertilité spéciale, qu'une végétation luxuriante y ait formé des couches profondes de terreau, que des alluvions y aient amené un humus abondant, que des sécheresses immenses n'aient point fait évaporer les gaz qui forment la base de la nutrition des végétaux , ou que la quan- tité des terres disponibles soit telle qu'on puisse, en quelque sorte, (499 ) promener la culture sur leur surface ; ces conditions n'appartien- nent généralement pas à l'Algérie, la pauvreté menace donc les petits cultivateurs. Des fanatiques de culture , peu touchés de la misère des immi grants, nous disaient, dans leurs missions officielles , le colon n’a pas d'argent , mais il ne doit rien acheter, il doit tout tirer de la terre. Singulière hérésie économique! ceux qui prononcent de telles assertions ne savent donc pas où conduit la division du travail ; ils ignorent combien il est impossible à ceux qui ont joui des fruits admirables de cette division , de satisfaire à leurs pro- pres besoins par leurs seuls efforts : ils ne sauront produire les plus vulgaires objets , ceux qu'on distribue au plus bas prix , une aiguille , une épingle , un couteau , dont l' usage est pourtant si indispensable. Il faut les demander aux arts perfectionnés des peuples civilisés. L’Arabe, lui-même, dans ses mœurs à peu près sauvages, sent la nécessité de se livrer aux transactions com- merciales et d'acheter des métaux , des épiceries , des teintures, des drogues , des tissus, de la mercerie et de la quincaillerie, etc. , etc. , et vous voulez que le colon algérien tire tout du sol! cest impossible, il faut qu'il achète et conséquemment qu'il vende. Jamais une grande colonisation n’a pu s'effectuer , dans les temps modernes, sans que le pays quien a été l’objet n'ait fourni de nombreux objets d'échange : nos colonies tropicales ont donné le sucre et le café, qui se consomment par centaines de millions de kilogrammes ; les îles de l'archipel indien ont donné les épices ; l'Amérique du Nord a fourni le coton , la farine, qu'une terre fer- tile, des chûtes d’eau, les plus belles voies fluviales du monde lui ont permis de livrer à bon marché, les suifs, le saindoux, les cuirs qu'un bétail élevé sans soins et sans frais lui procure dans les meilleures conditions. L'Algérie ne prospèrera qu’autant qu’elle trouvera une source d'exportation abondante et lucrative ; c’est là un arrêt économique dont il n’y a pas à appeler. Si la culture persistait dans les errements qu'elle a suivis, ( 500 ) si le colon restait aussi mal pourvu qu'il l'est maintenant , la colonisation s’arrêterait. On ne s’expatrie pas pour obtenir une pareille situation , mieux vaudrait assurément cultiver le sol de la patrie que d'aller affronter une acclimatation difficile et les périls qu'on rencontre sur une terre ennemie : on peut souvent tirer moins de fruits d’un sol obtenu gratuitement que des terres de la métropole, pour lesquelles on doit payer loyer , car le loyer n'é- gale pas toujours le bénéfice qu’on trouve dans les facilités de transports, d’approvisionnements et de ventes qu'on rencontre dans les contrées civilisées ; ainsi il peut y avoir plus de profit à louer 40 à 45 fr. l’hectare , comme dans le centre de la France, qu’à cultiver sans redevance les champs de l'Afrique. Pour sortir de la position dans laquelle se trouve le plus grand nombre des colons , il faut donc modifier profondément l'exploitation adoptée jusqu'à présent. Le système de culture qui convient à notre colonie est facile à déterminer ; ce que nous avons exposé suffit pour l'indiquer. C’est la culture des arbres qui donnera les produits susceptibles de former la base de grandes transactions commerciales ; elle est facile en Algérie , elle est même exigée par le climat : les végé- taux ligneux , qui étendent leurs fortes racines dans les couches profondes du sol, peuvent seuls utiliser , pendant toute l’année , la terre , l'air , le soleil de ces régions , dont la surface est dessé- chée durant l'été ; ils profitent des engrais déposés profondément , tandis que les cultures sans ombrages sont privées par l'évapora- tion superficielle de ceux qui sont à leur portée. Ils ne deman- dent pas un travail qui doit être commencé et achevé pendant les premières pluies , sous peine d’être infructueux. Ils ne sont pas exposés, comme les plantes annuelles, aux accidents qui mena- cent souvent les moissons de l’Atlantide, le vent du désert, les sécheresses prolongées , les sauterelles. Ils protègent les cul- tures herbacées elles-mêmes , et en assurent le succès quand ils sont suffisamment espacés ; ils ne demandent à l’homme que le travail qu'il peut donner dans les contrées brûlantes , celui qu'il veut donner quand il est libre. ( 501 | L'une des erreurs qui a le plus contribué à rendre nos efforts stériles , a été de croire que nos cultivateurs , transportés sur le sol africain, pouvaient s'y adonner à un labeur soutenu, comme dans les fraîches campagnes de la Flandre. Les climats chauds de- mandentuneaction corporelle moindre, conséquemment, une autre culture que les climats tempérés. Il est remarquable qu'à mesure que la civilisation à exigé de l’homme un travail plus énergique et plus continu , elle l’a conduit dans des régions plus froides. Dans les premiers temps historiques c'est dans les latitudes des Indes et de l'Egypte, même de l’Æthiopie qu’elle s'établit ; puis dans celles de lAsie-Mineure, de Tyr, de Carthage, de la Grèce, de la Sicile , plus tard en Italie , enfin en France, et déjà elle se porte plus au nord. Au siècle où nous vivons , il n'existe plus de civilisation en progrès , que dans les empires dont une partie au moins est au-delà du 40° degré de latitude boréale , on pour- rait même dire du 45° degré. Ces contrées, où le travail a toute son activité, donnent l'impulsion; les autres prodiguent volontiers les fruits , aux principes fortement élaborés , que les arbres, sous un soleil ardent, donnent presque sans travail. Le mürier, la vigne, l'oranger , le citronnier, le figuier, l’amandier , l'abricotier , qui forment la couronne des plus beaux climats , seront répandus sur le sol arabe. Il n’y a pas là d'essais à faire , il ne faut pas pour eux se servir de moyens artificiels et dispendieux ; il n’y a pour ainsi dire qu’à les abandonner à la nature.Le plus précieux de tous, l'olivier, réussira, pourvu seule- ment qu'on ne s'attache pas à le détruire. C'est donc la culture des arbres qu'il faut adopter de suite, sans délibération et sans délai, il faut planter immédiatement , même avant le défrichement. Plus tard, successivement, on enlèvera les broussailles qui se trouveront entre les arbres espacés, et bientôt grandis et puissants. Si depuis 20 ans que nous sommes en Afrique, si depuis 10 ans qu'on a pu songer sérieusement à la colonisation , on avait planté ou greffé des oliviers, la richesse du pays serait déjà une réalité. { 502 } C'est surtout l'olivier, le joyau de l'Afrique, qui doit fixer le choix des cultivateurs , bien que ses produits se fassent beau- coup attendre. Le mürier assure de plus prompts bénéfices ; on doit l’entremêler avec l'olivier , ainsi que les fruitiers que nous avons désignés. Les hautes futaies ne prospèrent pas dans les plaï- nes africaines ; nous avons vu que même dans le jardin d'Alger, beaucoup d'espèces ont eu leurs cimes desséchées ; il faut pré- férer aux arbres qui ne donnent que du bois, ceux qui donnent de riches produits sous un petit volume. Les grands arbres seront réservés pour les régions montagneuses, et surtout pour les ver- sants nord. Les fruitiers seuls feront la fortune du Tell. Mais les arbres ne produisent pas rapidement ; la plupart des colons ne peuvent en attendre les fruits; il faut planter pour l'avenir, mais il faut des produits dans le présent : c’est aux cultures her- bacées qu'il faut les demander. Pour lesobtenir les colons algériens doivent suivre la marche qui a été suivie par les habitants de toutes les contrées : ils doivent adopter, pour des lots restreints, comme pour les vastes concessions, des cultureslentement progressives ; peu nombreux, privés d’auxi- liaires et de ressources considérables , ils doivent profiter d’abord de ce que donnent les forces productives de la terre , et la féconder ensuite par le travail , par les engrais , et les capitaux que le sol lui-même a fournis : la terre doit créer les moyens d'accroître la fertilité de la terre. Pour adopter une autre méthode , il faut des sommes immenses, qu'on ne possède pas, qu'on ne voudrait pas consacrer , si on les possédait, à une opération périlleuse , et qui, certainement, ne rapporterait pas un légitime intérêt : la fécondité de la terre ne s’achète pas avec profit ; elle s'obtient par une lente accumulation des éléments producteurs , créés sur place, et recueillis avec entente et vigilance. Pour arriver à ce résultat, il faut élever des bestiaux et les élever aux moindres frais possibles ; conséquemment il faut de l’espace. ILest nécessaire de réserver au bétail la moitié, au moins, du lot concédé, cinq hectares sur dix, et chercher à agrandir encore ( 503 ) la superficie qu'on peut lui livrer. On y arrivera en laissant à chaque village la jouissance d'un domaine communal. Si l’admi- nistration parvient à se procurer , sans délai , la plus grande par- tie des terres qui sont nécessaires à la colonisation , les colons n'arrivant que successivement, de larges pâturages communaux devront à l’origine, alors que le besoin en est plus urgent, être livrés aux troupeaux de chaque habitant. Ce sera encore augmenter en quelque sorte la superficie des herbages, que de pratiquer des irrigations , car on en doublera, on en triplera la production. On obtiendra de plus la faculté de nourrir les animaux utiles durant la saison des sécheresses , sans pren- dre le soin de faucher et de conserver les fourrages. On devient alors facilement propriétaire de bestiaux , car, on le sait, durant l'été, quand les Arabes ne peuvent plus trouver sur la terre desséchée le moyen d'alimenter leurs troupeaux, ils les vendent à vil prix. Il est nécessaire d'élever d’abord les animaux qui coûtent le moins et rapportent le plus vite. Nous avons vu avec quelle facilité se crée un troupeau de porcs , c'est par eux qu'il faut commencer. Avec le prix de leur vente, le cultivateur obtient bientôt des vaches, des bœufs et des moutons; dès lors, il est dans l’aisance , il a du lait , du beurre , de la viande, de l’ar- gent pour acheter ce qu'il ne peut et ne doit pas produire. Il a des bêtes de trait , n'eût-il que des vaches , pour labourer , faire les transports , élever l’eau des irrigations ; il a des engrais. Il peut donc opérer avec succès une culture complète. Le choix des denrées à produire n’est pas difficile à notre avis: la majorité des colons n’a pas le moyen de tenter des essais ; il faut qu'ils se contentent de cultiver les végétaux dont le parfait développement est assuré sous le climat algérien; ils cultive- ront donc, sur les espaces qui ne sont pas laissés aux fourrages, les céréales pour la nourriture des populations rurales et ur»ai- nes , pour l’armée, pour les animaux qui font le service des trou- pes et de l'agriculture ; ils auront ainsi leur pain et de l’argent. (504) Les colons cultiveront de plus les plantes qui , en donnant des moyens d'alimentation plus abondants pour les hommes et les ani- maux, permettront un meilleur assolement, en rendant la terre plus meuble et mieux nettoyée ; ce serait la pomme de terre, la patate, les navets, les betteraves, les fèves, les choux, les légumes de toutes sortes. Is se livreront à la production des plantes industrielles comme le tabac , le sésame, le colza, le lin , le chanvre , la garance , dans quelques localités le cotonnier , le nopal , mais d’abord sur un petit espace. La condition essentielle pour obtenir le plus sûrement les meil- leurs résultats , c'est de n'étendre sa culture que sur la quantité de terre qu'on peut facilement labourer, nettoyer et fumer d’une manière parfaite. On obtient ainsi les plus riches récoltes avec le moins de travaux et de frais possibles : cultiver incomplètement te vastes étendues, c'est multiplier sa peine et diminuer ses arofits. Pour arriver au succès, par un travail relativement peu considé- rable , il sera éminemment avantageux que le laboureur euro- péen s'associe l’Arabe. Nous avons dit quels seraient les bons effets politiques de cette association, qui serait facilitée par les dispositions des indigènes qui apprécient notre justice. Les résultats économiques de l'association ne seraient pas moindres ; le taux minimum de la part à concéder aux Arabes est un cinquième de la récolte pour son travail : les quatre autres cinquièmes représentent la terre , les bœufs, les instruments, l'habitation. Si le colon ne livrait que la terre, il n'aurait donc que 1/5. Il faut qu'il arrive à ne demander à l’Arabe que son travail, et à ne lui laisser conséquemment que 1/5 ou 1/4 de la récolte. Par ces arrangements , le colon peut facilement prospérer : une large surface est laissée aux bestiaux, qui donnent des produits in- dispensables à l'alimentation eten même temps d’une vente facile; des engrais abondants sont créés ; une riche culture concentrée sur une superficie restreinte , mais fumée , nettoyée, ameublie, ( 505 ) ombragée, fournit des récoltes abondantes ; l'hectare qui donnait 8 quintaux de grains en donnera 25; la terre , qui ne pouvait se couvrir que de moissons sans valeur, enfantera des produits commerciaux d'un grand prix, et le rude labeur sera évité. Le colon n'aura à faire que les efforts qu'on peut demander à l'homme de la race blanche dans les contrées méridionales , et le travail peu étendu pourra s’accomplir , dans le laps de temps laissé par un climat exceptionnel. Enfin les arbres auront développé leur couronne; ils élabore- ront , d’abord avec parcimonie , puis avec abondance, les plus précieux principes ; ils n’éprouveront aucuns dommages des cul- tures superficielles , si par des labours de plus en plus profonds on a forcé leurs racines à s'étendre dans les couches inférieures du sol. Ainsi, par une production graduelle, proportionnée aux facultés des colons , trouvant sa cause et sa facilité dans l’ac- cumulation successive des agents fertilisants , on peut rendre au sol algérien son antique splendeur. On peut sans capitaux consi- dérables , arriver à une culture perfectionnée et lucrative Toutefois, il fautle déclarer , quelques ressources qu'on trouve dans le système que nous conseillons, encore faut-il certaines avances pour le mettre en pratique : il faut des semences , des instruments, des bestiaux, une maison, des vêtements, des vivres, etc. , jusqu’à ce que les produits arrivent; il faut parer aux acci- dents et aux besoins des maladies. Pour déterminer l’arrivée des colons dans un pays que les relations n’ont pas décrit sous un jour avantageux , il faut donc encore un peu d’aide et d’encourage- ment. [len est que le gouvernement peut donner ; tels sont les défrichements , les semences , les instruments , les arbres, etc. Les défrichements, qui rendent la terre susceptible de culture , sont quelquefois si difficiles, dans un pays où les broussailles et surtout le palmier nain (chamærops humilis) se sont emparés du sol, qu'ils sont presque toujours au-dessus des forces indivi- duelles des colons ; ils ne peuvent être obtenus par leurs res- { 506 | sources pécuniaires. L'État les fait entreprendre avec assez de faci- lité par les soldats ; leur concours sera donc utile, souvent indis- pensable aux colons ; on ne peut pas donner à ceux-ci un secours plus profitable, et qui tourne mieux à l'avantage’de l'État lui-même. La distribution des semences peut se faire aussi avec avantage par l'administration. Souvent elle n'a qu'un prêt à faire pour obtenir des résultats très heureux , mettre les colons en mesure de tirer parti de leurs terres, améliorer les espèces , répandre des cultures plus lucratives. La distribution des instruments aratoires est chose utile, l'ad- ministration fera bien de donner, de prêter, d'entretenir ces ins- truments ; pour leur fabrication le grand atelier fondé près d'Alger présentera des avantages ; mais quant aux réparations, nous ne pouvons nous empêcher de remarquer qu'il peut y avoir des inconvénients à faire arriver au même point des instruments qui ont servi dans toutes les régions de la colonie. Des établis- sements centraux sont indispensables à l'origine ; mais il faut tendre à les remplacer par des artisans dispersés dans les centres de population. Quoiqu'il en soit , on doit s'attacher à suivre les modeles les plus simples et les plus généralement adoptés, proscrire absolu- ment les mauvaises constructions, fabriquer toutes les pièces d’après un type uniforme , pour que les réparations et les rem- placements , si difficiles dans un pays non peuplé, puissent se faire sur place, avec promptitude et économie. Ainsi, pour les charrues, il faut prendre le modèle dit Brabant ou de Grignon, bannir les charrues en fonte, qui sont fragiles et trop lourdes , arriver à fabriquer ces instruments en fer , à bas prix, en commandant les pièces dans les grandes forges, vendre des pièces de rechange de dimensions constantes. Nous devons noter ici qu'il est nécessaire &’avoir des charrues de plusieurs grandeurs : on ne peut, en effet, se servir des mêmes instruments pour les défrichements et pour Ja culture des terres déjà ameublies et nettoyees. Il serait utile de placer dans ( 507 | chaque village les grandes charrues qui servent à entamer le sol depuis longtemps inculte ; elles seraient prêtées aux colons , car ceux-ci ne peuvent acheter des instruments qui bientôt ne leur seront plus nécessaires. [l'est bon de disposer les charrues de manière à recevoir un avant- train :1lest des cultivateurs dont l’inexpérience exige cette com- binaison. On adoptera enfin un modèle de soc travaillant dans les deux sens, pour les circonstances nombreuses où cette disposition est réclamée. Quant aux autres instruments , tels que herses, bineaux , rou- leaux , etc, , l'administration s’en tiendra à ceux qui sont vulgai- rement en usage dans les pays de bonne culture. Elle favorisera l'établissement d’une machine à battre le blé dans les grandes communes. Sous le ciel de l’Afrique , l'on peut toujours séparer le grain de la paille ; en plein champ, au moyen des animaux ou par le secours d’un rouleau; mais la machine aug- mentera la récolte du grainet facilitera la conservation de la paille. La distribution des bestiaux est surtout profitable et doit être continuée, parce que le bétail est le plus indispensable auxiliaire de l'agriculture : c’est peut-être aussi le secours que l’administration peut offrir le plus facilement : par les impôts elle recoit des bœufs au prix de 32 fr. , elle ne peut souvent les vendre que pour la somme de 10 à 12 fr.; par les razzia qu’elle est forcée d’infliger aux tribus rebelles , elle conquiert des trou- peaux qui sont en grande partie abandonnés aux goums des tri- bus amies. L'administration a quelquefois donné des bœufs aux colons : quelquefois elle les leur a prêtés. Si, ce qui est le cas ordinaire , ‘es dons sont impossibles, les prêts rendront de grands services, et c'est à ce système qu'il faut s'attacher , parce qu’on pourra par là aider un plus grand nombre de cultivateurs. Malheureusement les secours de ce genre ont été bien souvent insuffisants : on n’a pu mettre à la disposition d'une famille, qu'un bœuf ; il fallait que deux familles s'unissent pour mener une charrue. C'est trop peu ! 508 ) dans un pays où les travaux de l’agriculture doivent être achevés dans un temps très court, et celte dépendance des colons cause les plus redoutables inconvénients. Le système d’attelage des bœufs est généralement très vicieux ; on les soumet au joug placé à la base des cornes : ainsi assem- blés, gènés dans leurs mouvements, tirant d'une manière tout-à- fait défavorable, ces animaux perdent plus de 50 p. 0/0 de leur force. Le joug arabe qui se place sur le gareau est beaucoup plus avantageux. Rien n’est plus simple : une traverse est posée sur le saillant du col; elle porte deux attelles qui descendent per- pendiculairement jusqu'au delà du conduit respiratoire , et sont unies par une corde d’alpha ; c’est sur cette sorte de collier, qui trouve son point d'appui en arrière , sur la dernière vertèbre du col, que sont attachés les traits. L'usage du véritable collier serait encore beaucoup plus avan- tageux ; il coûte un peu plus ; mas la force utile qu'on obtient , en l'employant, est infiniment plus considérable : l'administration devrait en favoriser l'usage. Elle devrait surtout répandre les vaches qui sont la fortune du cultivateur par le lait, le beurre, le fromage qu'elles donnent, les élèves qu'elles créent , le fumier qu'elles fournissent , et même le travail qu'elles font. Quoique la besogne qu'elles accomplissent soit beaucoup inférieure à celle du bœuf, il vaudrait mieux les mul- tüiplier que de persister dans l'emploi exclusif d’un animal stérile. On ouvrirait ainsi aux cultivateurs la voie de la prospérité et du bien-être; on les affranchirait de la dépendance qui les lie à leurs voisins ; on leur donnerait le moyen d'entretenir à toujours et d'agrandir leur étable. Malheureusement ces vérités ont été absolument méconnues. Nous avons vu fort peu de vaches en parcourant toutes les colonies agricoles. C'est là une des causes essentielles de leur misère. Une mesure qui était excellente, était de placer chez les colons, les troupeaux de l’armée: cela ôtait à l’administration le soin ( 509 de les nourrir, et donnait aux fermes une immense valeur. Sans doute l’approvisionnement de l'armée eût subi quelque pré- judice si les bêtes , mal soignées , eussent été rendues chétives et maigres ; mais on avait remédié à cet inconvénient en livrant le troupeau au poids , en le reprenant de la même manière : le cul- tivateur profitait de l'accroissement du troupeau ou payait le déficit. On est sorti de cette voie en accordant aux instances de l'industrie particulière le soin de fournir la viande à l’armée. Mais comme il y a infiniment plus de personnes qui ont besoin de trou- peaux, qu'il n’y en a qui peuvent en vendre , nous pensons qu'on reviendrait avec avantage aux mesures antérieurement adoptées : nous ne saurions trop le répéter , dans la multiplication du bétail est le sort de la colonie. L'établissement des pépinières , la distribution des arbres utiles sont choses indispensables : les cultivateurs ne se décideront à planter que s’ils ont à leur disposition des espèces bien choisies , promettant de bons fruits , dans un avenir prochain. L'administration a satisfait en partie à cetle nécessité en fon- dant les pépinières d'Alger , de Blidah , de Bouffarick, Médeah, Milianah, Miserghin, Philippeville, etc. , ete. Ces établisse- ments ont rendu de grands services ; cependant ils ont causé des dépenses considérables , et n’ont peut-être pas toujours favorisé la colonisation autant qu'ils auraient pu le faire. Nous concevons que le jardin central de l'Algérie puisse à bon droit entraîner des frais élevés : sa destination est très haute et complexe. Il doit : 1.0 Créer les végétaux qu'on veut répandre dans la colonie ; 2.9 Essayer la culture de ceux qu'on se propose d’acclimater ; 3.0 Expérimenter les meilleurs systèmes de culture et de mul- tiphcation des végétaux appartenant déjà à l'Algérie , et de ceux qu'on veut y introduire ; 4.° Réunir les diverses variétés des espèces utiles , les étudier dans leurs rapports avec le climat, répandre les bonnes , écarter les mau vaises ; (510: 5. Multiplier les végétaux qu'on se procure difficilement en France , soit pour les établissements scientifiques , soit aussi pour les cultures plus générales , produire les graines de ceux qui fruc- tifient mal dans les climats européens ; 6.° Exercer les diverses industries agricoles qui ne peuvent encore prospérer dans les mains des colons, à cause de leur inex- périence et du défaut de machines, telles que le dévidage de la soie , l'égrenage du coton , etc. ; 7.° Former enfin des hommes habiles pour la direction des pépinières et des établissements agricoles de l'Algérie. Telles sont les principales nécessités auxquelles on a voulu satisfaire en créant le jardin d'Alger dans une magnifique situation ; il remplit dignement sa destination, sous l'habile direction de M. Hardy, et l'on ne doit pas regretter les sommes considéräbles qui sont consacrées à son entretien. Peut-être seulement la création des végétaux les plus utiles a été un peu négligée : par exemple , nous ne voyons pas un pied d'olivier dans la liste des arbres à distribuer en 1850. Par contre, on a donné trop de soins aux espèces d'une utilité bien douteuse comme le melia azédarach , le phytolacca decandra , etc. , etc. Pour être juste cependant il faut dire que le jardin d'Alger, in- stitution centrale et réellement scientifique, a dû , jusqu'à un cer- tain point , se croire moins obligé que les autres à s'occuper des végétaux vulgaires et par cela répandus facilement, sans sa coopération : on y a commencé d’ailleurs les semis d'oliviers ; ils ont parfaitement réussi , et des pieds de ces arbres précieux seront répandus aussitôt qu'ils seront greffés. Les autres pépinières doivent être renfermées étroitement dans l'obligation de faire des distributions abondantes, toujours renou- velées, de végétaux dontles qualités sont bien constatées. Sous ce rapport , elles laissent peut être quelque chose à désirer , et dans tout état de cause, elles ne peuvent satisfaire à tousles besoins de la colonie : elles sont trop éloignées des établissements agricoles ré- pandus surla surface de l'Algérie : le choix des espèces est impos- ( 511 “sible aux cultivateurs, leurs demandes arrivent tardivement, les ex- péditions éprouvent des délais extrèmement préjudiciables. Nous sommes montés à bord d’un bâtiment transportant des arbres d'Alger à Philippeville ; ils avaient sans doute été déplantés plusieurs jours avant leur embarquement ; ils ont subi pendant une mauvaise saison, une traversée fort longue ; ils ont ensuite séjourné plusieurs semaines sur le quai de Philippeville , puis expédiés à une distance plus ou moins grande. Dans de telles circonstances, la réussite nous paraît bien compromise, et beau- coup de frais auront été faits en pure perte. Nous pensons qu'il serait bien plus avantageux d’avoir des pépi- nières plus nombreuses et moins étendues, placées pour ainsi dire dans craque village , réduisant leurs frais aux sommes les plus faibles , circonscrivant leurs cultures aux végétaux partout admissibles. Il faudrait accorder des encouragements à tous les individus qui fonderaient des pépinières dans les communes rurales ; nous avons communiqué ces pensées au préfet d'Alger ; elles nous ont paru être accueillies par lui. Mais quelque soin qu’on prenne pour que les distributions d’ar- bres soient faites dans les meilleures conditions , les plantations ne réussiront pas si les colons eux-mêmes ne les dirigent avec sollicitude ; 1l faut que les trous qui reçoivent les arbres soient larges et profonds, que la terre qui entoure les racines soit meu- bleet de bonne nature, que des irrigations abondantes soient pratiquées Gurant les premières années dans les sols glaiseux qui, par l’action de la chaleur, se fendent à de grandes profondeurs. Alors les racines sont desséchées et déchirées ; c’est sans doute une des causes qui ont fait disparaître les végétaux ligneux des vastes coteaux glaiseux qui forment le versant sud du petit Atlas : la dent des bestiaux et l'incendie qu'emploient les Arabes pour faire leurs coupes de bois ou nettoyer la terre ont préparé la destruc- tion , la sécheresse a fait le reste. Les dotations et les subsides divers qui ont été accordés ont pu : accélérer le mouvement colonial ; mais si l’on doit approuver (512) beaucoup les distributions de semences, d'instruments, de bestiaux, qui sont faites aux colons, dans les limites des ressources de l'État, peut être ne doit-on pas louer sans res- trictions tous les dons qui ont été faits à des particuliers ou aux institutions diverses qui ont été fondées en Algérie. Ce n’est pas qu'ils jaient été faits sans utilité: tout ce qui fait naître une culture européenne sur le sol algérien est utile; mais on pou- vait quelquefois obtenir des avantages plus grands et plus géné- raux. Des domaines déjà productifs ont été cédés à titre gratuit, des sommes d'argent ont été prêtées , et mêmes abandonnées pour fa- voriser l'établissement de grandes exploitations ; les fermes culti- vées par l’armée, les jardins des garnisons et des camps ont été livrés à des personnes plus ou moins capables de les faire fructi- fier : il eût été vraisemblablement plus profitable de les faire servir à des institutions d'utilité publique que nous indiquerons. Les mines ont été libéralement concédées ; on a même accordé des bois pour le traitement des minerais de fer, de cuivre, etc. ; c'est là un concours profitable. Nous croyons devoir dire un mot sur les établissements qui ont été le plus fortement encouragés. Le couvent des Trappistes à Staoueli est un fort bel établisse- ment , et la description que nous en avons donnée doit suffire pour faire comprendre qu'il constituera une exploitation agricole très remarquable. Il a obtenu une concession énorme et un prêt considérable , pour le remboursement duquel le gouvernement se montre peu exigeant; il pourra former une ferme modèle qui secondera puissamment l’essor de l'agriculture africaine. Mais il ne nous semble pas avoir une utilité aussi immédiate qu'un éta- blissement destiné spécialement à recevoir les arrivants, à les acclimater, et à contribuer pour sa part à accroître la population active , ou à l’élever. L'établissement de Miserghin , qui recoit les orphelins , peut rendre les plus grands services et mérite les encouragements qu'on lui a donnés : il formera des agriculteurs instruits , moraux , (513 ) laborieux , acclimatés, qui contribueront largement à l'extension de la colonie. Les établissements de Ben Aknoun et de Bouffarick qui reçoi- vent en pension les enfants abandonnés sont aussi de ceux qui font naître le plus d’espérances ; malheureusement la somme exi- gée de chaque élève est trop élevée pour que tous les départements français , à la charge desquels sont les enfants trouvés, puissent facilement les confier aux pères de la société de Jésus. Ceux-ci ont dû acquérir, à titre onéreux, leur établissement de Ben Aknoun, et le développer à leurs frais ; ils ont, donc dû exiger un prix de pension assez élevé. L'institution de Bouffarick n’a pas été dans les mêmes conditions ; on doit donc espérer que ses exigences seront moindres ; on élèverait alors une population nouvelle sur la terre algérienne , au moyen de sacrifices que les ressources départe- mentales pourraient supporter. Un orphelinat pour les jeunes filles a été établi et rendra de grands services. Les pénitenciers, qui doivent recueillir les jeunes condamnés , et dont la fondation est poursuivie par le respectable abbé Bru- mault, ont formé avec les précédents établissements un des moyens les plus précieux de colonisation. Les pénitenciers consacrés aux condamnés politiques, à Lam- bessa , et dans les villages dont on a achevé la construction en 1851, pourront aussi accélérer le mouvement colonisateur. Si, par des raisons que nous allons bientôt développer, iln’est plus possible de fonder des villages aux dépens du trésor public , on ne peut faire les mêmes objections contre la fondation des institutions dont nous venons de parler : l'État, les départements ou les communes, ont l'obligation de pourvoir à l'entretien des jeunes gens des deux sexes, placés dans les catégories qui viennent d'être indiquées ; il ne leur en coûtera pas davantage de les faire vivre dans la colonie, et là ils seront plus utiles à la société, puisqu'ils concourront à la prospérité d’un établissement nécessaire à la grandeur de la France. Ils auront eux-mêmes une situation meilleure : leur travail sera plus lucratif, plus moralisateur, et pourra les conduire faci 34 ( 514) lement à l'obtention d'une propriété susceptible d'acquérir une grande valeur; ainsi leur établissement n'occasionnera pas une nouvelle dépense, s'il est rationnellement opéré, et aura l'avantage de laisser développer sur une terre féconde une génération qu'il est si difficile de faire prospérer sur le sol de la mère-patrie; on ne peut donc trop applaudir aux essais qui ont été faits; on doit désirer que des mesures soient prises pour que la presque totalité des enfants trouvés et des jeunes condamnés soit placée en Algérie, où ils seront in- struits dans toutes les parties de l'art agricole , en même temps qu'ils recevront les connaissances générales qui leur sont utiles. L'instruction générale et l'instruction agricole favoriseront à un haut degré la colonisation; par elles on donnera plus de valeur à la génération qui s'élève ; par elles on appellera une plus nom- breuse immigration. Les hommes qui quittent un pays comme la France , sont préoccupés surtout de savoir si, dans leur nouvelle résidence , ils trouveront le moyen de développer l'intelligence de leurs enfants, et d’en faire des hommes dignes de leur patrie, en position de s’y montrer avec honneur, si les circonstances les y rappelaient. L'administration a donc accompli un devoir essentiel en fondant des écoles dans les centres de population, et un collége à Alger. Il faut seulement ne pas devancer les besoins , et laisser se créer la véritable colonie, avant de prodiguer les moyens de l'instruire. L'enseignement pratique de l’agriculture mérite une attention particulière dans un pays qui doit être spécialement agricole , et qui ne peut prospérer qu'à l’aide d’un travail perfectionné. Nous regardons comme un moyen d'instruction les sociétés d’agri- culture , les comices , les chambres consultatives qu'on vient d'in- stituer : les hommes en se rapprochant, en se communiquant leurs observations , en profitant de l'exposition des produits et des in- struments aratoires , apprennent plus que s’ils suivaient un cours théorique. Les encouragements, les primes, lesrécompenses magni- fiques excitent le zèle et font avancer dans la voie des perfection- (515) uements. Cependant il faut une mesure dans les encouragements ; il est arrivé que les récompenses données avaient presque la valeur de tous les objets admis aux concours. Les inspecteurs d'agriculture rendent de bons services, en répandant les vérités utiles, en s'enquerrant des besoins de cha- cun , en suivant l'emploi des secours accordés par l'État , et en veillant à la conservation des propriétés et de tous les objets qui lui appartiennent ; mais c’est à la condition qu'ils seront parfaitement initiés aux connaissances pratiques et théoriques de l’art au développement duquel ils travaillent, et qu'ils consacreront leur temps plutôt aux inspections qu’au travail de bureau. Mais quelle que soit l'utilité réelle de toutes les institutions créées sur le sol africain , au moyen des sacrifices faits par la France , elles ont paru tout-à-fait insuffisantes pour favoriser les progrès de la colonisation. On n’a rien trouvé de mieux , alors, pour les hâter, que d'installer les colons aux frais de l'État. L'installation des colons, par le gouvernement lui-même, a paru chose si naturelle qu’elle a fait la base de toutes les discus- sions. Mais si l’on a été d'accord pour gréver le trésor public des frais d'établissement des Européens dans l’Atlantide, ily a eu peu d'unanimité sur les moyens à employer pour obtenir la réussite la plus complète avec la dépense la plus faible. Divers systèmes ont été proposés pour atteindre le but. Les hommes les plus éminents de l’armée d'Afrique ont exposé leurs projets , et des sommes con- sidérables ont été consacrées à la réalisation de quelques-uns. Nous allons dire un mot sur chacun de ceux que les noms de leurs auteurs ont recommandés à l'attention publique. Le plus célèbre est celui du maréchal Bugeaud, Il a proposé, dès 1842, dans sa brochure intitulée de l’Atgérie , d'établir aux frais de l’État des militaires qui ont servi en Afrique ; il pensait alors , et il faut penser encore, que le premier intérêt est celui de la sécurité, et que les anciens soldats sauraient mieux se défendre que les colons civils. Il ne repousse aucun des modes de colo- -nisation ; mais il croit qu'on reconnaîtra vite que la colomsation (516 ) civile , si'elleest prévoyante , deviendra très ‘militaire ; de‘même qué la’colomé militaire deviendra vite civile. En 1847 , dans sa brochure portant pour titre De la Colonisation de l'Algérie , il'est revenu’ plus spéciaälenient sur le système des colonies militaires. Il à pensé que le‘soldat ; habitué au eélimat d'Afrique et aux rudes travaux de la guerre , surtout s'il est né dans les’champs , for- ‘mérait”le° meilleur colon , celui qui est ‘tout à-la-fois capable de défricher le’ sol , et de le défendre contre les incursions toujours ménaçdntes des Arabes : il voulait que les hommes qui ont encore quelques années de service à donner à l’État , fussent autorisés à se marier ; et fussent dotés d'un pétit lot detterre et de la somme nécessaire pour lé féconder. Il estime que les ‘frais d'installation d’unefamille s’élèveraient à 2,600 fr..; il les porte à 3,000 fr: àcause des“dépenses imprévues. Dans'ses calculs il n'évalue qu’à 600 fr. la déperse dé la maison ; parce qu'il ne fait payer ‘par l'Étatque le bois et le fer ; la main-d'œuvre était faite par l’armée. Le chiffre de‘trois mille francs est done un minimum ; à ce-compte , 400,000 familles coùteraient *300,000,000 fr. Ce système conduit donc l'État à des dépenses excessives auxquelles il ne saurait pourvoir ; il est d’ailleurs fondé sur une méthodé de culture qui exigérait ‘ trop de travail, trop de ressources et donnérait des résultats trop éloignés ; il réussirait donc difficilement. Le général Bedeau à présenté un projet de colonisation /spé- ‘cialèment applicable à la province de Constantine. Il admet la colonisation civile, ‘en accéptant cependant dans’ chaque, com- "munie l'installation de cinquante à soixante soldats, auxquels l'État accorderait un Subsidé dé 800 francs ; selon lui, la colonisation doit avoir sa base à la mer, le saillant à l'intérieur ; elle doit com- “méricer dans le rayon des grandes cités : autour de celles-ci doivent être disposés des bourgs principaux , situés à 30'ou 40 kilomètres les uns des autres et formant un polygone dont lé centre serait occupé par les villes ; le territoire enfermé dans le ‘polÿ&one serait concédé aux villages qui seraient successivément construits. Ultérieuremént séraient construits lesvillages de grandes haltes sur les lignes qui uniront les divers polygones entre eux. ( 517 Pour arriver à la distribution et à la culture des terres, le, général Bedeau pose comme. base essentielle de respecter les propriétés particulières des Arabes ou les terres dites Melk, Il ne concédera aux Européens, qu'une partie des terres doma- niales et des arches ou terres dont les Arabes ont la simple jouis- sance; il voudrait concéder aux Arabes une partie des terres domaniales , leur accorder la propriété de ce qu'on leur laisserait des arches et les exonérer de l'hokor ; il estime que les terres domaniales de la province de Constantine s'élèvent à 160,000 hec- tares; selon lui on pourrait rendre seulement 37,000 hectares disponibles, et concéder 30 hectares à chaque famille. Enfin, pour accélérer la culture et assurer l’aisance des colons, il tolérerait et même encouragerait l'association des Européens et des, Arabes, et permettrait aux Européens de louer aux Arabes 20 hectares sur 30, ce qui donnerait à, chaque famille un revenu de 500 francs. Quant aux dépenses laissées à la charge de l'État, iln’admet que celles qui sont relatives 1.° à la sécurité, comme celles qu’exigent l'établissement des enceintes fortifiées; 2.° à la salubrité, comme celles qu’exigent les desséchements, les conduites d’eau, etc. ; 3.0 aux communications , comme celles des routes , des ponts, etc. Il estime que les travaux de la première catégorie s'élèveront à 553,000 fr. ; ceux de la deuxième catégorie, à.2,200,000 fr. ; ceux de la troisièmecatégorie de première urgence, à 1,112,000fr,; ceux de deuxième urgence, 1,162,000 fr. ; en tout, 5,027,000 fr. Si le général Bedeau donne à chaque famille 30 hectares , ses 37,000 hectares disponibles ne doteront que 1,233 familles, ce qui porte la dépense pour chacune d'elles à 2,625 francs, et consé- quemment pour 100,000 familles, l’État dépenserait 262,500,000 francs. C’est presque le chiffre du maréchal Bugeaud. Quant au. nombre des hectares exigés pour ces familles, il serait de 3,000,000. Ces conditions sont irréalisables , cependant.1l faut reconnaitre. que le plan du general repose sur des idées vraies : il a reconnu la ( 518 ) nécessité de ne pas mettre les colons à la charge et sous la con- duite de l'État, de leur accorder de grandes surfaces de terre ; enfin d'associer le travail arabe au travail européen, et de créer aux colons un revenu indispensable ; mais la quantité de terres qu'il demande sera réputée introuvable, s'il s'agit d'une grande colonie, et les dépenses publiques resteront énormes si elles ne s'appliquent qu'à un petit nombre de familles. Le général Lamoricière, qui a gouverné la province d'Oran, s'est préoccupé d’une seule pensée, en présentant un plan de coloni- sation : il a voulu fonder une colonie qui pût se nourrir, nourrir les habitants des villes et l’armée. Pour arriver à ce résultat, il établit que pour défendre notre conquête, 25,000 hommes et 6,000 chevaux sont nécessaires dans chacune des trois provinces : l’armée devrait donc se composer de 75,000 hommes et de 18,000 chevaux. Il admet que les habitants des villes sont en même nombre, soit 75,000 habitants, pour les trois provinces et qu'il y a 2,000 chevaux pour leur service dans chaque province, soit 6,000. Cela posé, il cherche si le territoire de la province d'Oran présenterait une superficie disponible, suffisante pour nourrir cette population ; il établit qu'on obtiendrait dans le territoire vi d'Oran 2 NO LR Te NS re DUR MHEDTATÉS: Dans 'celui:d'ATZER. PET O0 Les terres du Beylick donneraient. . . . 2,365 Les terres dites Melk ou propriétés des Ara- bes dont on pourrait faire l’acquisition.. . . 11,400 Les terres dites Sabega, dont les Arabes n’ont que la jouissance. . . . ... . . . . 56,000 Terres à l'ouest d'Oran, partie Welk, partie SOIN AP US DE RRRRNIR FREE RARE ES TEU Total. . . . . . 93,765 hectares. Cette superficie nourrirait une armée, une population urbaine et une population rurale ,composée chacune de 25,000 individus, plus 6,000 chevaux appartenant à l’armée, et 2,000 à la popu- (519) lation urbaine; en effet, 5,000 familles composées de cinq indi- vidus chacune, possédant 16 hectares, en tout 80,000, ensemen- ceraient chacune 8 hectares en céréales , orge et blé, Chaque hectare produit huit quintaux, après la semence dé- duite; donc, les huit hectares donneront 64 quintaux de grains, 32 quintaux de blé et 32 quintaux d'orge. La nourriture de la famille et des animaux quelle possède exige 12 quintaux de blé, 12 quintaux d'orge, reste 20 quintaux de blé et 20 d'orge. Les 5,000 familles pourront donc vendre 100,000 quintaux de blé et 100,000 quintaux d'orge, quantités suffisantes pour nourrir 25,000 soldats, 25,000 citadins, 6,000 chevaux appartenant à l’armée, 2,000 appartenant à la popu- lation civile. En appliquant les mêmes calculs aux trois provinces, on trouverait que 15,000 familles établies sur 240,000 hectares nourriraient l'armée et la colonie. Le général réduit les dépenses à faire au strict nécessaire, c’est- à-dire qu’il charge l'État de mettre seulement les cultivateurs en possession de la terre, de leur fournir l’eau, de leur assurer la sé- curité au moyen d’un fossé ou d’uneenceinte; il reporte à l'époque où les colonies auront une vie assurée la construction de l’église, de l’école, etc. La subvention qu’il demande pour établir d’abord 2,322 familles, est de 200,000 francs , c’est-à-dire 86 francs par famille. Mais dans ces frais ne sont pas comprises les sommes exi- gées pour créer les communications, assainir les terres actuelle- ment impropres à la culture, etc., etc. Quant aux frais de construc- tion des habitations et à ceux de premier établissement, le général a cru qu'on pourrait les faire supporter par des capitalistes auxquels on ferait concession de toutes les terres, et qui se chargeraient d'installer les travailleurs. A cet effet on concèderait les villages par adjudication publique. On a procédé à ces adjudications ; mais , ou il ne s’est pas pré- senté d'entrepreneurs,ouils n’ont pas eu de succès ; on n’a donc pu poursuivre l'exécution de ce plan; d’ailleurs, le général Lamoricière ( 520 ) lui-même a proposé, fait adopter et mis en pratique , un système qui est diamétralement opposé à celui dont nous venons d'indiquer les points essentiels: c’est celui des colonies agricoles. Ce système a consisté à réunir les ouvriers des villes que les circonstances laissaient sans travail, à les transporter en Afrique, à les installer dans des maisons construites aux frais de l’État, sur des terres généralement défrichées et ensemencées par l'armée, à les munir d'instruments aratoires et de bœufs de travail, à leur délivrer des vivres pendant trois ans, à leur accorder même une solde pour leur permettre d’acheter les objets que le sol ne pouvait produire. Ces colonies étaient conduites par des ofliciers de diffé- rentes armes et administrées militairement. Ce régime élait néces- saire : l’État distribuait tout, il n'avait de garantie contre les abus que dans une action énergique et une discipline sévère. Les cultures se faisaient sous le commandement des officiers et comme par corvées ; tantôt elles s’appliquaient à la propriété désignée pour chaque colon ; tantôt elles s’appliquaient au domaine com- mun de chaque colonie, les directeurs trouvant un meilleur emploi des forces des hommes et des animaux de trait, en for- mant de tout le territoire une sorte de communauté provisoire. Ces colonies avaient les inconvénients du système du maréchal Bugeaud , sans avoir aucun de ses avantages. L'illustre gouver- neur de l'Algérie établissait au moins des hommes habitués au climat, sachant faire la guerre, etendurcis aux travaux des champs. Dans les colonies agricoles on a envoyé, avec autant et plus de dépenses, des hommes non acclimatés, parmi lesquels la mortalité a fait d'énormes ravages, nullement aguerris, parfaitement indis- ciplinés, pour la plupart impropres aux travaux de l’agriculture ; c'étaient des artisans de différentes professions, doués de beau- coup d'intelligence, mais incapables d'efforts musculaires , et ne pouvaat se promettre d'acquérir jamais cette constitution vigou- reusé ,> ette fibre rigide que doit avoir l’homme qui supporte le poids du jour, surtout sous le ciel d'Afrique. La: culture est ruineuse si on la fait avec indifférence et negli ! 52%.) gence ; elle ne peut devenir productive que si on:y apporte une constante étude, une'infatigable persévérance ; elle n’est en défi- nitive qu'une affaire d'économie journalière. Comment des individus vivant aux dépens du trésor, ayant leur pain assuré, s’y consacreraient-ils ? Les chefs, militaires instruits , dévoués , mais transitoirement hors de leur carrière, sans but marqué, sans pratique, ne connaissant l’agriculture que de renom, coem- ment pourraient-ils créer et développer une immense exploitation agricole, celle de 1,000 à 1,200 hectares et plus, sur lesquels doivent vivre une ou plusieurs centaines de familles ? cela est impossible. D'ailleurs les ressources affectées par le gouvernement à la fondation des villages agricoles, tout énormes qu'elles fussent, ne pouvaient suffire. Quelques hectares défrichés , des semences, et une charrue avec une paire de bœufs pour plusieurs familles, ne sont pas des éléments capables de faire fructifier une exploi- tation, si on n'y ajoute un capital, le moyen de multiplier des bestiaux et de payer la main-d'œuvre. De ce que nous venons d'exposer, il résulte évidemment que les exploitations faites aux frais de l'État , sous la direction de gens non intéressés à l’entreprise, ne sont pas un bon système, et que le plus mauvais, au point de vue de la production, est celui qu'on a adopté finalement, celui dans lequel l'État entretient tous les colons intelligents ou ineptes, actifs ou paresseux, débiles ou robustes, de bonne volonté ou résistant à toutes les règles, celui dans lequel la culture est entreprise, avec les fonds de l'Etat, par une administration indifférente au succès, nullement préparée à l'œuvre à laquelle elle se consacre, et manquant sou- vent des premières connaissances qu’exigent les exploitations agricoles. Pourtant il reste vrai qu’il y a nécessité d'appeler des colons sur la terre d'Afrique, et qu'il y a pour eux impossibilité absolue de s'installer sans un capital; outre les instruments, les semences, les bestiaux , 1l faut une maison, des vêtements, des vivres, etc., en attendant que la prospérité de la colonie y attire les hommes (522) qui possèdent des ressources plus ou moins étendues. Il est donc important que l'État y favorise l'installation des travail- leurs, et il ne nous paraît pas démontré qu'il ne puisse fonder, a ses frais, des établissements dans lesquels seraient reçus certaines catégories d'individus déterminés, qu'il ne puisse ouvrir des ateliers agricoles qui auraient pour but, non de substituer l'action administrative à la vigilance de l'intérêt individuel, non de diriger l’ensemble de la production coloniale, non d'entretenir ceux qui ne veulent pas travailler, et de solder ceux qui ne produiraient rien, mais d'offrir du travail aux ou- vriers qui débarquent, et de permettre à ceux qui ont de l’intel- ligence et de la borne volonté de constituer un capital. Il est évident d’abord qu'il y a profit à installer sur le sol algérien les individus que nous avons indiqués comme étant à la charge du trésor public, par exemple les orphelins, certains condamnés.De nombreux orphelins ont déjà été dirigés vers les éta- blissements privés fondés pour recevoir les enfants auxquels l’État doit sa sollicitude; mais bien que préférables aux maisons dirigées par l'administration, ils sont trop peu généralisés et imposent des conditions trop onéreuses pour qu'ils puissent satisfaire à toutes les nécessités. L'État devra faire des efforts pour que ces établissements puissent rendre tous les services qu'on attend d'institutions si utiles, ou leur préparer lui-même des asiles. Dans le rapport que nous avons rédigé pour demander l'achèvement des villages de 1849 , nous avons exprimé le vœu que plusieurs réunissent des orphelins et des jeunes détenus. Nous persistons à penser que ce serait une heureuse destination. Quelques uns des douze villages, dont nous avons demandé l'achèvement en 1851, seront peuplés par d’autres transportés sur lesquels n'ont pas pesé les mêmes condamnations! ainsi seront utilisées les constructions de 1849, qu'on n'avait entre- prises que pour donner de l’extension à un système qu'on a dû abandonner. L'Etat pourrait faire plus que recueillir les individus qui sont (528 ) obligatoirement à sa charge ; il lui serait facile de fonder des éta- blissements qui, en lui procurant un revenu, lui donneraient un moyen facile et immédiat de recueillir les colons dénués de capi- taux. Évidemment , si on allait établir des fermes écoles comme on a fait en France, on dépenserait beaucoup et on recueillerait fort peu ; on sait que l'Etat est mauvais producteur. Toutefois en Afrique , il est dans une situation exceptionnelle ; il tient dans les mains les éléments de la production ; il n’a pas à les acheter, il peut donc produire à bas prix; de plus n’obtint-il pas de béné- fices, son but serait encore atteint : il ne s'agit pas principa- lement pour lui de créer des produits, mais d'attirer, de former, d'installer des producteurs qui bientôt sortiraient de ses mains, pour entrer dans une vie indépendante. En tout état de cause, il est bien évident que mieux vaudrait encore qu'il exploität un peu chèrement , que de donner tout ce qu'il possède pour rien, afin qu'on lui revende ce qui était à lui, heureux quand on ne détruit pas la richesse qu'il a livrée, quand on ne lui demande pas des primes pour la production et des priviléges pour la vente. Malgré ces considérations, nous n’aimerions pas de charger directement l'État des entreprises de culture, nous voudrions seulement qu'il utilisât les instruments de travail dont il dispose, et qu'il s’associâät des travailleurs intéressés. Les institutions que nous proposerons à cet effet, ne sont rien autres que la mise en pratique des pensées du maréchal Bugeaud, qui se distingua par une si juste appréciation des nécessités du pays et de l'in- térêt de la France. L'armée d'Afrique a besoin de céréales, de viande, de four- rages, de chevaux et autres bêtes de somme ; les corps de troupes doivent entreprendre des cultures diverses pour améliorer leur régime alimentaire. On a donné aux régiments des terres à cultiver, et 1ls ont obtenu des résultats fort satisfaisants; on leur a même donné des fermes à créer, ils l'ont fait avec beaucoup de succès ; des fourrages ont été récoltés par différents corps avec des avantages divers; l'administration militaire a entretenu des (524) troupeaux qui provenaient des contributions , des razzia , des ac- quisitions , etc., et. qui servaient à l’alimentation des troupes ; tout cela à été abandonné. Le maréchal Bugeaud avait proposé la création de grandes fermes, dans lesquelles les corps de ca- valerie s’occuperaient de l'élève des.chevaux nécessaires aux re- montes. Ce projet n’a pas été mis à exécution. L'administration forestière est chargée de reconnaître, d'emménager, de repeupler, d'exploiter le vaste domaine des forêts. Il y a. là une source fé- conde de travaux qu'il faut utiliser; il faut faire revivre toutes les exploitations qu'on a abandonnées, tirer un plus grand parti de celles qu'on a été forcé d'entretenir. Nous voudrions donc qu'on créàt, ou qu'on maintint les insti- tutions suivantes : Les fermes régimentaires : Les établissements de remonte ; Les établissements d’arboriculture. Les fermes régimentaires étaient constituées par des terres concédées à des régiments et cultivées par les, soldats qui pro- litaient des produits.On a obtenu par ce moyen des défrichements importants et des cultures bien entendues. Ces. établissements ont cessé d'exister : 1° parce que , dans l'état de guerre qui s’est perpétué, les troupes étaient trop mobiles , trop, occupées. pour se livrer assidûment à des cultures continues ; 2.° parce que les terres défrichées et bien préparées faisaient envie à beaucoup de personnes et ont été concédées ; 3.° enfin, parce que les travaux n'étaient pas organisés de manière à produire tous les ayantages qu'ils pouvaient donner. La pacification semble consolidée: les troupes pourront bientôt être définitivement cantonnées ; elles devront alors. se livrer à la culture. Ainsi ont fait les Romains dans, les Mauritanies. On peut donc reconstituer les institutions que la guerre avait fait aban- donner, et leur donner un caractère d'utilité plus générale, Pour acquérir ce caractère, les fermes régimentaires doivent rester propriétés de l'État, être remises aux divers corps de (525 } l'armée , être situées dans les localités qu'ils sont chargés d’oc- cuper et défendre , être exploitées par les soldats payés chacun pour le travail qu'ils font, la haute paie étant prise sur les pro- duits qui appartiendront aux corps, sauf peut-être un prélèvement fait au profit du trésor; enfin ces fermes doivent recevoir des travailleurs civils, contractant un engagement de travail, qui seront mis en subsistance dans les corps , et associés aux travaux des militaires. Par la réunion de ces conditions, l’État pourra transmettre les fermes aux différents corps qui se succèderont dans les diverses localités puisqu'ilest propriétaire; le travail sera fructueux, parce qu'il sera intéressé; la production coloniale s’accroîtra, puisque les cultures se développeront. La prospérité commerciale en suivra les progrès; les exemples d'entreprises agricoles lucratives encou- rageront de nouveaux colons à se fixer sur un sol dont la fertilité sera prouvée; les meilleures méthodes de cultures applicables à l’Afrique seront expérimentées et celles dont les produits se font longtemps attendre, mais qui seules peuvent enfanter la richesse de la colonie , acquerront de l'extension. Les soldats et les cultivateurs civils pourront amasser un pécule qui leur permettra, à la fin de leur engagement, de former un éta- blissement personnel; et l'État, s’il participe aux bénéfices, trouvera ses charges allégées, et pourra donner des subsides aux émigrants.. Mais même sans cette condition, il aura atteint son but principal : H aura la possibilité de placer les arrivants dans des centres déjà assainis , défrichés, approvisionnés, au milieu d’auxiliaires et d'amis expérimentés, de sorte que, par un travail modéré, ils seront assurés de pourvoir à leurs besoins , et d'accumuler le capital nécessaire pour se livrer individuellement à une exploita- tion agricole. Enfin, quand la colonisation sera avancée, les fermes régimen- taires pourront être successivement louées, sans aucune lésion pour personne , puisque les travailleurs auront été payés de leurs travaux effectifs, et que d’ailleurs les premiers créateurs auront ( 596 ) quitté les drapeaux et le pays, ou seront devenus propriétaires par des concessions qui leur auront été faites. Les établissements de remonte ne diffèrent pas essentiellement des fermes régimentaires ; ils s’appliquent seulement à un ordre particulier de production parfaitement en harmonie avec les con- ditions du climat et propre à satisfaire l’un des besoins les plus impérieux de l’armée. L'Afrique a des paturages fertiles; elle produit une race de chevaux éminemment propre au service de la cavalerire légère : il est donc profitable d'en entreprendre la multiplication. Certains can- tons, par l'étendue de leurs herbages et la facilité de leur protec- tion, se prêteront à la création de vastes haras, où les chevaux seront élevés en liberté et à peu de frais , comme dans quelques contrées du Brésil, de la Russie, de la Hongrie ; bien des vallées, facilement closes, pourraient être consacrées à cet usage. L'État pourrait même mettre facilement en valeur des plaines qui offriraient toutes les ressources exigées pour des établissements de remonte. Si, par exemple, il desséchait le grand lac salé dela province d'Oran, il aurait un immense terrain sur lequel se multiplieraient presque sans soins les élèves que réclame sa cavalerie , et qui seraient en- fermés par les seuls fossés de desséchement. On a toutefois présenté une objection contre la proposition du maréchal Bugeaud : on a trouvé qu'il y aurait impossibilité de confier ces établissements aux régiments de cavalerie, attendu que les besoins du service peuvent exiger le déplacement des troupes et laisser les cultures et les animaux sans soins et sans gardiens. Mais chacun reconnaitra qu'il n’est pas de regiment qui puisse quitter son cantonnement en masse et entrainer avec lui tous ses cavaliers, ses ouvriers , les chefs de dépôt, les recrues, etc. D'ailleurs, ces fermes régimentaires, pour acquérir toute leur utilité, doivent, selon notre proposition, recevoir des émi- grants qui veulent s’instruire, s’acclimater, constituer un capital nécessaire à leur établissement, ou réparer leurs forces épuisées par les maladies, etc. Les Arabes qui ne sont que serviteurs de (527) leurs compatriotes s’uniront, comme d’utiles auxiliaires, aux travailleurs Européens, quand les circonstances l’exigeront. L’ad- ministration pourra donc toujours trouver des aides : de sorte que les fermes, en aucun cas, ne resteront sans direction, sans gardiens, sans travailleurs. L'exploitation se restreindra, les progrès pourront être suspendus un instant, mais ce qui a été entrepris pourra toujours être conservé. Les établissements d’arboriculture sont, de toutes les créations que l'Etat doit favoriser pour obtenir des produits, donner des exemples 'et attirer des travailleurs, celles qui méritent le plus l'attention et qui, en même temps, peuvent se développer le plus aisément. Une administration puissante est chargée de la con- servation des immenses forêts de l’Algérie. Pour assurer l'exploi- tation des bois, le ministre de la guerre a ordonné la formation de compagnies de bucherons prises dans les rangs de l'armée; pour reconstituer la richesse forestière , si compromise par les dévasta- tions, 1l vient de constituer des compagnies de planteurs chargés de reformer les futaies, qui fournissent les bois de construction , si précieux pour la colonie. L'administration doit faire plus. Elle ne doit pas se borner à emménager les terrains qui donnent des es- sences forestières, elle doit organiser les moyens de récolter des produits infiniment plus précieux ; elle doit étendre sa sollicitude sur les arbres qui donnent des denrées commerciales, sur l'olivier particulièrement, l'arbre que le ciel a donné à l’Atlantide pour sa prospérité. Peu de choses sont à faire pour obtenir d'immenses résultats : l'olivier croît partout, végète sans soins et sans frais, il compose des forêts entières ; il y en a à Guelma , à l’origine de la vallée de la Chiffa, à Mousaia , etc. La forêt d’Ismaël, dans la province d'Oran, en contient un nombre immense ; dans la vallée du Saf-Saf, etc., cet arbre descend du flanc des collines jusqu’au bord de la rivière; il ne faut que le défendre et l’exploiter pour re- cueillir des richesses considérables, maintenant négligées, perdues, détruites. Dans la Chiffa, nous avons vu des tuileries qui n'a- limentent leurs fourneaux qu'avec des troncs de cet arbre précieux. ( 528) Le moyen d'organiser cette vaste et productive exploitation est trouvé, il suffit que l'administration donne de l'extension à ses compagnies de planteurs, qu'elle les charge de s'occuper, à la fois, des végétaux qui ne donnent que du bois, et de ceux qui donnent des fruits et conséquemment des profits annuels, qu'elle mette à la tête des planteurs des hommes intelligents et pratiques, qu’elle : les installe dans les localités convenables , qu’elle appelle encore l'intervention des travailleurs quise préparent à devenir des colons libres, et des Arabes qui se détachent des tribus, qu'enfin elle les intéresse tous au succès, en leur laissant une part des bénéfices ; ces associations seront fixées dans les cantons où l'olivier pullule déjà, où il forme des forêts étendues ; elles grefferont les arbres âgés, soigneront et dirigeront les jeunes , planteront les espaces vides, accroîtront le nombre et la qualité des fruits par une culture fertilisante , abattront les troncs dont on ne peut plus tirer parti, afin de faire sortir des souches des jets vigoureux, susceptibles de recevoir facilement la greffe et de donner des produits dix ans plus tôt que s'ils étaient venus de graines ou de boutures ; elles formeront des pépinières dont les plants seront distribués dans tout le pays, et, finalement , elles exprimeront l’huile des fruits récoltés. Ces travailleurs expérimentés ne se contenteront pas de se livrer à la culture sur les domaines qui leur seront assignés, mais ils iront faire les plantations sur les concessions particulières et en assureront le succès. Par ce moyen, on ne fera plus une multitude de tentatives de plantations vaines et improductives , soit parce que les arbres expédiés des pépinières lointaines ont été à l'avance frappés de mort, soit parce qu'ils ont été mis en terre sans les soins requis, soit parce que leur culture a été négligée, leur greffe mal opérée, etc. Les ouvriers instruits et associés pourront garantir le succès ; cette manière de procéder est la seule qui puisse satisfaire les propriétaires, les exciter à la dépense, et donner enfin à la colonisation tout son essor. Elle a déjà réussi : M. Ricetti d’el Arrouch a fait marché pour faire greffer ses oli- (529 ) viérs ; il a payé 10 cent. par greffe réussie, et a obtenu ainsi une très-belle olivette. On fera des objections contre ce système: on dira que l'Etat sera conduit à faire des dépenses considérables, et que les pro- duits des arbres se feront longtemps attendre. Mais dans les systèmes qu'on lui à proposés, on lui a fait donner la terre, les bestiaux , les outils, les maisons, les semences, les vivres, les secours de toute nature, enfin la totalité de ce qui est nécessaire à la production ; il a fait tous les frais, et le domaine public n’a rien conservé. Malgré ces sacrifices , les donataires ont été dans une situation telle qu'ils n'ont rien produit. Dans le système que nous indiquons , l’Etat ne fait que diriger convenablement des domaines dont 1l doit prendre soin ; il ne fait que donner de l’extension à une exploitation qu'il doit entreprendre ; il prépare des propriétés productives dont il garde le revenu ; il assure une position aisée et un avenir certain aux travailleurs qu’il emploie. Est-il vrai d’ailleurs, que les produits des arbres se feront longtemps attendre ? Il n’en est rien! Nous avons dit qu’en cer- taines localités, des oliviers d'une grande taille constituent des forêts entières : celle de Guelma a huit lieues de longueur. Ces arbres produisent, même sans être greffés, des fruits qui peuvent donner une huile excellente. Nous avons parlé de la fabrique que MM. Ricetti ont établie à el Arrouch, et des résultats qu'ils ont . obtenus en retirant l’huile des olives sauvages : un quintal de ces fruits , coûtant 3 fr., leur a donné 12 litres d'huile; c’est 25 cent. le litre. Le travail de l'expression est payé par un 1/5 de l'huile ; le prix d'un litre d'huile s'élève donc à 30 cent. A ces produits se joindront les bénéfices faits sur les jeunes pieds fournis aux concessionnaires divers, sur les travaux entrepris dans leur intérêt, etc. Enfin à l’arboriculture se joindront très-facilement la culture des jardins , celle des céréales , des plantes fourragères et bien- tôt celle des plantes industrielles. Ces cultures, promptement développées, permettront de pourvoir abondamment aux dépenses 35 ( 530 de celles dont les produits se font longtemps attendre et exi- gent de grandes mises de fonds, et quand toutes ces cultures , qui se prêtent un mutuel appui, seront installées, on trouvera à affermer les terrains mis en vaieur à des producteurs habiles, surtout à ceux qui ont concouru à les fertiliser par leur travail. Nous nous trompons fort , ou en adoptant ce système, l'Etat trouverait le moyen de se créer des capitaux considé- rables , des revenus assurés ; il installerait sur le sol algérien des colons laborieux, intelligents , sains, vigoureux, entourés de compagnons qui leur donneraient exemple, aide et gaîté; il les ferait arriver bientôt à une position aisée , même à la for- tune. Il ne courrait pas le risque d’être forcé de remplacer deux et trois fois les habitants de certaines localités , de voir les horribles douleurs et les désastres qui affligent les émigrants qu’on place dans les plus mauvaises conditions. Dans notre opinion , ces établissements de culture créés et fé- - condés par l’armée , produisant des céréales , des fourrages , de la viande , s'appliquant à l'élève des chevaux , à la culture des arbres et notamment à celle de l'olivier, recevant des Européens et des Arabes, les admettant comme ouvriers d’abord, comme associés en participation ensuite , enfin comme fermiers et même propriétaires, seront les institutions les plus propres à tous égards à implanter sur le sol algérien de vigoureux cultivateurs auxquels manquait le capital indispensable , et attirer par de beaux succès ceux qui ont des ressources disponibles. Quand les travailleurs auront réussi, les fermiers capitalistes s’en méleront, et tel qui n'aurait pas voulu courir les risques d’une création, prendra volontiers à bail , pour un terme plus ou moins prolongé, une propriété qui est en plein rapport ; on aura ainsi amené à se fixer sur la terre algérienne une population appelée en vain par de simples promesses. Cependant, il faut le déclarer, tous ces moyens de favoriser la (531) production de nos provinces africaines resteraient stériles , si l’on ne s’appliquait à leur donner un complément indispensable : a certitude de vendre les produits à des prix rémunérateurs. Si le producteur ne trouve pas de débouchés, si le commerce ne vient pas lui acheter ses denrées, il se consumera en efforts im puissants. Le commerce algérien a excité vivementla sollicitude de l’adminis- tration : elle a reconnu que le colon ne pouvait avoir une vie sup- portable s'il n'obtenait tout ce que crée une industrie perfec- tionnée; qu'il ne pouvait acheter les produits manufacturés , s’il ne trouvait le placement des fruits de saculture ; elle a com- pris que la France ne serait payée de ses sacrifices que si elle fournissait à uneterre peuplée deses enfants, les marchandises qui surabondent sur son sol, en lui demandant en échange des matières premieres et des objets de consommation. Il est difficile d'adopter des mesures plus favorables à nos possessions africaines que celles qui ont été proposées par le Gouvernement et decrétées par les pouvoirs publics ; elles ont même excité des alarmes. Nous avouons que nous ne saurions les partager, et si nous ne donnons pas une entière approbation à toutes les mesures qui ont été prises , nous applaudissons de grand cœur au système général qui a dominé. Les débouchés offerts à nos colons ont été de plusieurs sortes. Alors que les quantités produites étaient si faibles qu'il n’y avait pas de marché créé , alors que les routes étaient si peu frayées que les transports étaient impossibles , l'administration crut avec raison devoir acheter elle-même les produits des cultivateurs : elle donna un bon prix de leurs tabacs, de leurs cocons, de leurs cochenilles , de leur coton , de leur blé, de leur orge, de leurs bestiaux. L'achat des tabacs algériens nous semble une chose juste et productive. La régie ne fait que demander à l’Atlantide des qua- lités que ne peut donner le sol de la France ; ce sont celles qui, par la proportion des principes actifs et la douceur de leur par- (5% ) fum , sont propres à être fumées. Le perfectionnement de la cu.- ture les améliore d'année en année. Il y a avantage évident à acheter ce riche produit à nos colons plutôt qu’à des étrangers ; aucune contestation ne peut s'élever à ce sujet : ce sera pour l’Al- gérie une fortune qui ne coûtera rien aux cultivateurs métropoli- tains : la France importe 10,000,000 de kil. de tabac par an ; l'Algérie ne lui en a encore livré que 326,000 kilog. Les progrès de notre colonie ne peuvent donc exciter aucune appré- hension. La seule chose qu'on soit en droit d'exiger , c'est que, bien qu'elle soit considérée comme française , ses tabacs, qui ne sont pas assujeltis aux mêmes conditions que ceux produits par la métropole , ne diminuent pas les quantités achetées à nos agri- culteurs, mais seulement celles demandées aux contrées étrangères. Les prix accordés par l'administration des contributions indirectes sont plus élevés que ceux donnés aux cultivateurs français, mais les qualités ne sont pas les mêmes ; il faut veiller seulement à ce que les prix ne dépassent pas ceux des tabacs étrangers. L'achat des cocons obtenus en Algérie est aussi bien justifié ; dès l’origine, les cultivateurs ne peuvent les dévider et vendre leur soie ; ils manquent d'expérience, ils n ont pas de machines, les quantités qu'ils produisent sont trop peu considérables pour qu'il se présente des acheteurs. Il est donc utile que l’adminis- traon achète les cocons, et charge un établissement central, comme le jardin d'essai d'Alger, de les soumettre à l'opération du dévidage. Les mêmes raisons doivent conduire l'administration à acheter les capsules de coton, et à charger le jardin d'essai de séparer les filaments des graines. Rien n'est mieux aussi que prendre aux colons le blé, l'orge, les fourrages qui sont nécessaires à l’armée ; mais ce que l’on ne saurait approuver, c'est de donner pour le blé et l'orge produits par les colons, un prix de 3 et 4 fr. au-dessus des cours réguliers. La culture des céréales n’est pas une de celles à laquelle on doive accorder, des primes, car elle n'est. pas destinée à servir de base (533) à la production coloniale, et accorder des prix exagérés pour ces denrées , c’est tout simplement faire peser indirectement sur le Trésor, les frais de la colonisation qui n’est entreprise que pour diminuer les charges du Trésor. C’est en même temps ouvrir la porte à toute fraude , car quelque mesure qu'on prenne, on ne pourra empêcher les hommes de mauvaise foi de présenter comme produits de leur culture des grains achetés aux indigènes , et de palper ainsi des primes illicites. Il aurait fallu faire plus encore si l'on avait voulu contenter les colons : ils demandaient que l’ad- ministration achetât sur place et fit les frais des transports. Ces exigences sont vraiment exorbitantes. L'obligation qu’on a voulu imposer à l'administration de la guerre d'acheter les fourrages indigènes à des prix supérieurs aux cours , a eu aussi des inconvénients sérieux : on a Ÿu les colons obtenir gratuitement les prairies, employer aux transports les bœufs prêtés par l’administration pour faire les labourages , venir exiger des prix plus élevés que ceux accordés aux fourrages im- portés de l'étranger. Ce n’est pas là de la colonisation utile , et l'administration fait bien de résister. Pour les bestiaux , elle a cédé : elle possédait des troupeaux provenant ou de l'impôt, ou des razzia ; elle les entretenait et les faisait servir aux distributions de l’armée. La spéculation a voulu se réserver la fourniture de la viande consommée par nos soldats; l'administration n’a plus entretenu qu’une réserve, pour le cas où les fournisseurs particuliers ne pourraient accomplir leurs engagements. On a cru favoriser ainsi la multiplication du bétail par les colons; c'était, selon nous, une erreur : les bestiaux seront achetés sur les marchés arabes, le cultivateur ne recevra aucun encouragement ; les bœufs que l'administration reçoit des tribus , au prix de 32 fr. par tête , seront vendus par elle au prix de 10 fr., comme cela a été fait en mainte circonstance , puis on lui fournira la viande à un prix excessif. Il eut été bien préférable qu'elle gardât ses troupeaux et les plaçât chez les cultivateurs , en les livrant et les reprenant au-poids , tenant compte aux nour- (534 ) risseurs du plus ou du moins. C'était là le plus grand encourage- ment qu'on pouvait donner à des colons , qui souvent n’ont pas un capital suffisant pour acquérir le bétail, cette condition pre- mière d'une bonne culture. La mesure prise paraît contourner seulement au profit de quelques marchands, au détriment de l'Etat et de la culture. Tous les achats faits directement parl’administrationne pouvaient évidemment offrir un débouché suffisant à une puissante colonie. De bonne heure on a reconnu la nécessité d'accorder aux produits algériens une faveur qui leur permit l’accès du marché de la France ; mais la diminution des droits de douane ne rendit pas les importations de l’Algérie fort considérables ; on en peut juger par les tableaux que nous avons donnés , et si le chiffre de l’im- portation des marchandises françaises en Algérie fut assez élevé , on doit l’attribuer principalement à la consommation de l'armée et de toutes les personnes vivant de l’armée , de l'administration, des travaux publics. En présence de ces faits, l'administration jugea que les faveurs accordées étaient insuffisantes ; elle prit une résolution décisive : elle présenta un projet qui avait pour base l'assimilation complète des produits algériens aux produits français, la suppression de toutes les taxes qui pesaient sur eux, à leur entrée en France, à leur sortie des ports d'Afrique. Cetie mesure excita une très vive émotion ; elle alarma beau- coup d'intérêts : on dit que l’agriculture de l'Algérie écraserait celle de la Métropole courbée sous le poids de l'impôt, que surtout la production des Arabes, encore ennemis de la France, ferait une concurrence illégitime aux travailleurs français , enfin , que les produits étrangers s’infiltreraient en Algérie, dont les frontières ne sauraient être gardées , et seraient ensuite exportés , sous le nom algérien, jusque sur nos marchés. Il faut oser aborder ce grave sujet en face , et ne pas se laisser effrayer par des appréhensions qui ne sauraient se justifier. Nous remarquons d'abord que lorsqu'on veut pénétrer dans cette grave ( 535 ) question, on s’avance au milieu des contradictions : on ne veut pas admettre sur notre marché les produits algériens , en franchise, on craint que leur bas prix ne consomme la ruine de nos cultiva- teurs ; puis, quand on demande de protéger au moins les produc- teurs algériens contre la concurrence des étrangers, on repousse cette demande sous prétexte que si les denrées étrangères n'ap- provisionnaient pas notre colonie , le prix des subsistances y de- viendrait excessif : on forcerait ainsi d'augmenter le budget de l'armée ; on éloignerait l’arrivée des ouvriers de toute sorte. Recherchons le vrai au milieu de ces contradictions , et sachons nous défendre de toute exagération. On a à se demander s’il est possible , en principe , de séparer la France et nos possessions d'Afrique, par une ligne de douanes; si, en fait, la suppression de toute entrave douanière pourrait nuire à la production de la Métropole. Pour répondre à ces ques- tions que j'ai déjà traitées , je me contenterai de transcrire ici ce que j'ai dit, sur ce sujet, au Conseil général de l’agriculture, des manufactures , et du commerce, réuni au Luxembourg , en 1850 , et consulté par le gouvernement sur le projet de loi qu'il se proposait de présenter à l’Assemblée nationale , afin d'arriver à la suppression des droits qui frappaient les produits algériens à leur entrée en France ; j'adoptais ce projet , et, pour le soutenir, je m’exprimais ainsi : (1) N nt SEE À Je suis partisan zélé du système protecteur, je l'ai toujours défendu dans les discussions économiques auxquelles j'ai été appelé à prendre part ; ma conviction est fondée sur une raison bien simple, elle est unique , mais elle est bien forte: il faut que le travailleur français soit défendu contre le producteur étranger , parce que l'existence et la richesse du travailleur fran- çais , c'est la force , c’est la puissance de la France ; les richesses des pays étrangers, de l'Angleterre, de la Belgique, par exemple, (4) Moniteur du 26 avril 1850, page 137. | 536 ) ne concourent pas à notre grandeur , elles peuvent menacer notre sûreté. Voilà la seule raison du système protecteur. » Cette raison peut-elle être donnée pour limiter nos échanges entre l'Algérie et la France ? Est-ce que la population qui habi- tera la côte africaine ne sera pas française ? ne défendra-t-elle pas l'honneur , l'existence, l'intérêt, la politique de la France ? Limiter sa richesse, c'est donc limiter la nôtre , c’est un non-sens. L'Algérie est française , elle doit l'être, ou il faut abandonner l’Afrique ; si vous la conservez , si vous voulez qu'elle soit partie de la République française , il faut qu'elle soit traitée comme toutes les autres parties de son territoire. » J'ai compris qu'on ait repoussé l'assimilation douanière entre la France et la Belgique, celle-ci devant rester séparée de la France, étrangère à notre fortune et à notre politique ; mais qu’eüt-on dit si on eût décidé la réunion absolue de cet état à la France, si on l’eût incorporé comme avaient fait la première République et l'Empire ? Eût-on dit qu'il fallait séparer les deux pays par une ligne de douane ? on eût proposé un non-sens ! Je ne crains pas de dire qu'il faut appliquer la même expression à Ja proposition qui a pour but d'arrêter ou de menacer la produc- tion d’une province que nous voulons conserver sous notre loi, pour laquelle nous dépensons tous les ans 80 millions et employons une armée de 80,000 hommes , qui sera pour nous une charge tant qu’elle restera improductive , qui sera pour nous un élément de force, quand elle sera féconde et prospère. En vérité, cela a un tel degré d’évidence que je ne crois pas utile de m'y arrêter plus longtemps. Si l’Algérie développe sa production, elle consommera ses produits, elle nous en vendra une partie, elle consommera les denrées sorties de notre sol, elle sera dans la situation des autres parties du territoire français : la situation de notre agricul- ture ne sera pas plus modifiée que si un département nouveau était annexé à la France. » Je pourrais me borner à fixer les principes incontestables qui doivent régir , j'allais dire notre colonie, ce serait une expression { 837 ) impropre , j'aime mieux dire notre possession, j aime mieux dire la France africaine. Mais je veux démontrer que l'invasion des produits algériens est une chimère, une illusion malheureusement complète. Je veux prouver qu'ils n'envabiront pas, qu'ils ne peu- vent envahir notre marché. Quels sont les produits qu'on redoute le plus? les céréales , les laines , les huiles! » Les céréales ne sont pas produites, ne peuvent être produites et ne pourront être produites en quantités suffisantes pour donner lieu à des exportations importantes. » Aujourd'hui l'Algérie ne peut satisfaire à ses propres besoins. J'ai là, en main, des pièces qui prouvent que la culture euro- péenne et la culture arabe réunies n’ont pu fournir à l'adminis- tration militaire la moitié de ce qui était nécessaire pour nourrir l’armée. Le général Lamoricière a démontré que, pour nourrir 25,000 soldats et 6,000 chevaux , 25,000 habitants et 2,000 bêtes de trait, il faudrait 93,000 hectares, nombre qu'il faut tripler dans un assolement régulier : eh bien , l’administration n’a pu dis- poser pour la colonisation que de 100,000 hectares, et le quart de ce nombre n'est pas en culture régulière. Or nous avons déjà une armée triple et une population quadruple de celle qui serait nour- rie par 300,000 hectares. Non! la culture européenne n’est pas en mesure d'exporter des céréales ; elle ne le pourra jamais ; ce nest pas cette culture qu'elle doit, qu’elle peut adopter. Si elle s'y livrait, elle arriverait évidemment au même degré de bien- être que possèdent ses concurrents , les Arabes, qui marchent pieds nus, s’abritent sous une pauvre tente, se couvrent d'un lambeau de laine , se nourrissent d’un peu de farine et boivent de l’eau. On ne quittera pas le sol de la patrie pour obtenir un pa- reil sort, et encore nos compatriotes n’auraient-ils pas la situation des Arabes , qui ont pour eux l’espace, et par conséquent la pos- sibilité d'entretenir des troupeaux. » Si ce n'est la culture européenne, ce sera peut-être la culture des Arabes qui viendra inonder nos marchés? Ah ! Messieurs, si vous connaissiez la grossièreté des procédés agricoles des tribus , ( 538 ) si vous saviez combien les terres à blé sont bornées, relativement aux populations qu'elles doivent nourrir, vous auriez bien peu d'appréhension. Les plaines étroites du Tell, de la région médi- terranéenne , de la zone du littoral , peuvent seules produire du blé ; elles doivent nourrir les régions montagneuses, les Hauts- plateaux , tout le Sahara, qui sont quatre fois plus étendus. Un commerce indispensable unit les populations du Tell avec les régions sahariennes; les tribus nomades viennent annuellement apporter aux Arabes les produits que nous ne saurions leur four- nir, et emporter leurs approvisionnements de blé. À quelque prix que ce soit , 1] faut qu'ils l'obtiennent. Nous osons dire que , s'ils ne pouvaient l’acheter , ils viendraient le prendre à main armée. On ne procède pas aux limites du désert d’après les usages des peuples civilisés ; quand la nécessité parle, on lui obéit ; et ici la nécessité la plus inexorable force toutes les populations du sud à prendre dans le Tell le blé dont elles manquent. » Cette nécessité est si fortement sentie, qu'il y a alliance intime entre les populations sédentaires et les populations du sud; les tribus nomades ne sont qu'un démembrement des tribus du Tell, et sont pour ainsi dire la même famille. Les gens du Sahara sont souvent propriétaires dans le Tell, viennent cul- tiver et récolter dans cette région, puis conduisent leurs trou- peaux dans les pays de parcours. Et vous pensez qu'on peut venir leur acheter leur blé à bas prix, pour le conduire sur nos marchés et le mettre en concurrence avec nos produits agricoles ! Vous pensez que les frais de transport ne viendraient pas apporter ob- stacle à ces exportations ! Quand on a vu ces contrées et réfléchi sur leur situation, on n’hésite pas un instant à dire que c’est là une impossibilité absolue. » Passons aux laines. Oui, l'Algérie produit beaucoup de lai- nes et la produit à bas prix , mais aussi les populations en con- somment de très grandes quantités : leur habillement, leur loge- ment, leur ameublement se composent exclusivement de laine ; c'est avec cette matière qu'elles tissent leurs burnous, leurs tentes, ( 539 ) les tapis qui forment leurs lits , leurs siéges, leurs tables ; elles pourraient néanmoins en fournir une certaine quantité; mais cette quantité est restreinte ; pourront-elles l’augmenter sensiblement ? Nous ne le croyons pas: toute l'Afrique possède, ou possédait avant la guerre tout ce qu’elle peut nourrir de troupeaux , et les quantités de laines vendues ont été fort limitées. Le climat s’op- pose à l'extension indéfinie des troupeaux ; pendant quatre à cinq mois de l’année, la terre est brülée ; les animaux ne trouvent plus un brin d'herbe; on est obligé de les conduire dans les montagnes, dans quelques parties privilégiées ; aussi, à cette époque , tous les animaux sont-ils à vil prix et périssent en grand nombre. Leur multiplication est donc nécessairement bornée. Les Arabes modi- fieront-ils leur culture , faucheront-ils des herbes pour conserver des fourrages dans la saison des chaleurs ? Non, les Arabes ne sont point novateurs. S'ils changeaïent leurs méthodes , s'ils vou- laient s’astreindre à un travail assidu , ils préféreraient d’autres cultures , et d’ailleurs croit-on que les pâturages susceptibles de donner du foin soient bien communs en Afrique ? Ne voit-on pas que la culture européenne tendra toujours à diminuer les terres vagues et conséquemment les troupeaux ? En tout état de cause, si l'agriculture change sur le sol algérien , les frais qu’elle aura à sa charge seront plus grands aussi, et les produits des animaux se vendront beaucoup plus cher. Ni pour le présent, ni pour l'avenir, on n’a à redouter l'avilissement des prix. Si nous deman- dions pour 4 ou 5 millions de laine à l’Afrique, la valeur de cette marchandise hausserait d’une manière démesurée, et qu'est-ce que cette quantité, comparativement à celle que tous les ans nous achetons à l'étranger? Nous en importons tous les ans pour plus de 40 millions (1); nous introduisons en France de très grandes quantités de laines communes et essentielles au bien-être des po- pulations pauvres. On vient de remettre en mes mains une lettre d'un fabricant de couvertures , qui prouve que les 2/5 des laines (x) Importation de 1849 : 40 millions ; de 1850 : 47 millions. (640 ) qu'il emploie sont achetées au loin , en Syrie , en Perse, etc.; ne voulez-vous pas qu'on les prenne dans une contrée qui dait être française? ceci ne peut donner matière à un doute. » J'arrive aux huiles et aux soies qui seront obtenues en Afri- que. Le dernier produit ne donne lieu à aucune réclamation : je ne parlerai que des huiles. Il est vrai que l'Afrique peut se cou- vrir d'oliviers , c’est la terre natale de cet arbre ; il y végète avec vigueur, avec luxe. avec exubérance; nous avons mesuré des troncs qui avaient plus d’un mètre de diamètre , nous pourrons donc obtenir en grande quantité le riche produit qu’il promet. Mais ces espérances ne se réaliseront pas avant vingt ans ; ainsi pas de craintes sérieuses avant cette époque. Et quel tort la cul- ture de l'olivier peut-elle faire à la France? Nous achetons à l'étranger , tous les ans, pour plus de 25 millions d'huile d'olive (1), et tous les ans la culture de l'olivier est plus compromise sur notre sol, et se restreint, parce que les conditions climatériques de la France sont changées. Cet arbre , que nous ont apporté les Phocéens , semble vouloir quitter notre terre, et retourner aux lieux qui l'ont vu naître ; cette terre c’est l'Algérie. La fortune et la puissance de cette contrée tiendront à la multiplication de cet admirable végétal que les Grecs portaient partout avec eux. Ne nous en plaignons pas, applaudissons au contraire. Cet arbre nous donnera un produit dont nous manquons , et dans lequel nous trouverons un moyen propre à alimenter notre commerce , car le monde entier est tributaire des rives de la Méditerranée pour ce produit ; il ne croît que sur ses rivages et dans une zone très étroite. La France sera heureuse si elle obtient l'exploitation de cette immense source de richesses. » Je ne veux pas cacher que les graines oléagineuses . le sésame en particulier , ne doivent être produites par l'Afrique , et produites en quantités grandes ; mais aussi nous achetons de ces {r) Importation de 1849 : 25 millions. ( 541 ) graines pour 40 à 50 millions par an (1). C’est encore demander à des mains françaises ce que nous recevons des mains étrangères. En présence de pareils chiffres, on peut croire que la production algérienne ne pourra faire abaisser notablement le prix. Si elle portait préjudice à notre culture, si l’on avait à se plaindre que notre possession, exonérée des charges qui pèsent sur la Métro- pole, peut produire à trop bas prix, un moyen bien simple exis- teraitpour rétablir l'équilibre : on imposerait les terres algériennes; on étendrait sur elles, si elles devenaient riches, notre système de contributions; il n’y a pas une concession qui ait été faite, sans que , parmi les conditions , on n'ait introduit non seulement la stipulation de payer une rente à l'Etat, mais la déclaration que cette rente était indépendante des contributions que le gouver- nement jugerait utile d'établir sur les terres de la régence. La réserve que M. de Romanet veut introduire dans le projet de loi est donc faite ; il n'y a rien à craindre pour les productions de la Métropole; on procéderait par voie d'impôt. Mais établir une ligne de douane entre les provinces d’un même empire, arrêter par un système de soupçons les capitaux qui se disposent à féconder une terre nouvelle, empêcher par menace la production de se développer sur une terre qui est française, qu’on doit considérer comme française ou qu'on doit abandonner incontinent, c'est détruire tous les principes économiques , c’est adopter l’ano- malie la plus étrange, c'est s’obstiner à dépenser des sommes énormes pour atteindre un but, et s'attacher avec soin à rendre le but inaccessible. Vous n’entrerez pas dans une pareille voie. Je vous demande de repousser la proposition qui vous est faite. » Ces considérations nous semblent établir nettement qu'il faut traiter l'Algérie comme française. Nous ajouterons seulement un mot à ce que nous avons dit sur le blé , contre l’affranchissement duquel on a fait surtout des objections : nous voulons indiquer son (r) Importation de 1847, graines oléagineuses, 38,800,000 fr.; arachides, etc., 10,300,000 fr. ; suif, saindoux, 4,800,000 fr, ; total, 4g;g00,000 fr. (54) prix afin de calmer toutes les inquiétudes. Les prix paraissent quelquefois si bas , lorsqu'on les considère superticiellement , et sans prendre en considération les circonstances dans lesquelles ils se présentent, qu'ils semblent menacants pour notre industrie agri- cole. En 1849, après la récolte, le prix du blé dur, à Constan- tine , était de 12 fr. la charge de 160 litres , soit 7 fr. 50 l'hecto- litre. Mais ce prix, pour ainsi dire accidentel , tient à la diffi- culté que rencontrent les Arabes de faire des approvisionnements : en janvier , à l'époque où nous étions dans cette ville , le blé dur valait 10 fr. l'hectolitre ; le blé tendre valait 13 fr., mais il s’en rencontrait des quantités extrêmement minimes. Nous sommes convaincus que quelques achats auraient produit une hausse con- sidérable. À la même époque, le blé dur se vendait à Alger 14 fr. 40 , et jusqu’à 16 fr. 80 l'hectolitre ; le blé tendre 17 fr. 60 à 19 l’hectolitre , pesant 80 k. C’est certainement le prix minimum auquel on pourrait obtenir des quantités notables dans les ports d'embarquement. Si à ces prix on ajoute le frêt d'Algérie en France, on atteindra le prix de 20 à 21 fr., qui est celui auquel se vendent les blés de Bretagne à Marseille, dans les années de chèreté, A la même époque le blé de Bretagne valait 16 à 17 fr. Nous ré- pétons que le commerce ne pourrait dans ces conditions faire de grands approvisionnements; c’est donc bien à tort qu’on appré- hende une baisse énorme dans la valeur des blés français. Nous dirons de plus, que la France vend du blé en Angleterre, que conséquemment l'Algérie porterait ses froments dans cette der- nière région , si elle en avait à vendre. Peut-être quelques autres produits algériens exciteront-ils les appréhensions des défenseurs de nos interêts agricoles : les lins et les chanvres seront-ils placés dans cette catégorie ? L'Algérie n'en produit point encore , et la France demande à l'étranger pour 24 millions de lin, valeur actuelle, et pour près de 2 millions de chanvre. Quant aux bestiaux, nous en demandons pour 6 mil- lions aux marchés étrangers; nous leur fournissons pour 7 mil- lions de chevaux. La soie , les peaux brutes , etc., ne sauraient (243) exciter la moindre alarme; la production étrangère nous livre pour 93 millions de soie , pour 29 millions de peaux brutes. Les tabacs, ne peuvent être l’objet d’une réclamation, car l'entrée n’en est point libre, la régie achète les quantités dont elle peut avoir besoin et prohibe l’excédant. D'ailleurs nous avons vu que l'Algérie ne nous a pas vendu la vingtième partie de ce que la France demande aux marchés étrangers. Les craintes manifestées par les adversaires de l'assimilation douanière de l'Algérie pouvaient donc passer pour chimériques. Voyons ce qu'ont dit les faits : la proposition de supprimer les droits de douanes qui pesaient sur les produits algériens a été convertie en loi le 11 janvier 1851. Il ne faut pas le cacher, l'impor- tation des produits algériens s’est accrue depuis d’une manière notable: en 1849, elle était de 7,600,000; en 1850, de 5,006,000; en 4851, elle s’est élevée à 16 mullions, valeur actuelle ; l’aug- mentation est de 9 et 41 millions. Mais il faut dire aussi que l'ex- portation des produits français pour ce pays s’est accrue d’une manière encore plus considérable. Pour le commerce spécial , elle était, en 1849 , de 78,800,000 fr. ; en 1850, de 75,500,000 fr. ; en 1851 , elle a été de 94,200,000 fr. , valeur officielle. On notera que la valeur actuelle de l'exportation est moindre que la valeur officielle : elle n’est que de 60,900,000 fr. ; mais cela ne change pas la proportion de l'accroissement ; il a été de 15 et de 18 millions. Si l'on proposait une union douanière avec une nation qui achèterait pour 61,000,000 de nos produits, tandis qu'elle ne nous vendrait que pour 16,000,000, c’est-à-dire qui prendrait quatre fois autant qu'elle ne nous livrerait, on se hâte- rait de conclure le traité ; comment se ferait-il qu’on repoussât l'Afrique qui se présente dans cette situation, et qui de plus, nous donne en entier et exclusivement tous les avantages poli- tiques de sa position. Pour montrer par les détails les plus complets que les produits algériens introduits en France n’ont pu nuire à la production de (54) la métropole, nous donnerons le tableau des marchandises qui alimentent l'importation et l'exportation ; le voici : 1851. — COMMERCE SPÉCIAL. — IMPORTATIONS D'ALGÉRIE EN FRANCE. Désignation des marchandises. Quantités. Valeur actuelle. Huiles d'olive. 73,210 quint. 7,174,597 fr. Laines en masse. 24,205 id. 2,372,196 Céréales. 120,817 hect. 1,466,092 Peaux brutes. 9,669 quint. 1,578,909 Bestiaux. 27,699 têtés. 728,534 Tabac. 2,307 quint. 191,448 Cuivre de première fusion. 1,445 id. 310,613 Minerai de plomb. 5,771 id. 173,144 Tissus de coton. 183 kil. 1,043 Antimoine (minerai). 5,170 quint. 206,813 Suif brut. 3,686 id. 287,534 Os, sabots, cornes 9,792 id. 229,781 Feuilles de palmier naïn. 167,459 kil. 167,459 Cire jaune et brune. 59,382 id. 184,084 Citrons, oranges , elc. 2,530 quint. 75,909 Tissus de laine. 1,838 kil. 14,702 Sparte en fige. 63,973 id. 7,167 Chevaux entiers. 160 têtes. 120,000 Racines médicinales. 26,937 kil. 53,874 Drilles. 6,489 quint. 64,887 Autres articles. , 871,180 Total des importations. . . . : . .. 16,280,476 EXPORTATIONS DE FRANCE EN ALGÉRIE, Désignation des marchandises. Quantités. Valeur actuelle. Tissus de coton. 2,674,762 kil. 15,592,563 fr. Vins. 403,364 hect. 8,807,473 Tissus de lin ou de chanvre. 399,652 kil. 9,015,988 Effets à usage. , 4,679,678 Tissus de laine. 159,196 kil. 3,813,538 Sucre raffiné. 27,625 quinl. 1,934,472 (545) Tissus de soie. 24,692 kil. 3,008,717 fr. Peaux ouvrées. 127,124 id. 2,350,020 Céréales (farines). 80,524 quint. 2,142,214 Eaux-de-vie, esprits et liqueurs. 17,873 hect. 1,860,969 Poteries, verres, cristaux. 19,124 quint. 1,070,531 Acide stéarique ouvré. 938,472 kil. 524,638 Carton, papiers, livres, gravures. 520,518 931,515 Outils, ouvrages en métaux. 8,249 quint. 1,135,749 Huile d'olive et de graines grasses. 446,592 kil. 389,662 Mercerie, boutons. 135,212 id. 1,323,674 Peaux préparées. 236,316 id. 1,195,45$ Café. 48 id. 64 Savons. 1,294,577 id. 776,746 Légumes secs, pommes de terre. 29,379 quint. 480,400 Soie, bourre de soie. 5,488 kil. 241,200 Céréales (graines). 338 hect. 4,438 Tabacs fabriqués. 51,443 kil. 59,159 Graisses, saindoux. 2,253 quint. 178,740 Fromages. 472,271 kil. 472,271 Fruits de table. 441,519 id. 319,942 Fils de toutes sortes. 49,536 id. 257,122 Fers et aciers. 4,940 quint. 184,537 Médicaments composés. 37,428 kil. 170,822 Orfévrerie , bijouterie. 3,312 hect. 229,632 Parfumerie. 33,223 kil. 232,561 Bois communs. » 103,687 Huiles volatiles, essences. 1,549 kil. 9,294 Viandes salées. 258,873 id. 207,098 Beurre. 1,191 id. 192,940 Meubles. » 149,977 Autres articles. » 3,832,837 Total des exportations. . . ,. . . . 60,880,878 Ce tableau, tout d’abord, prouve ce que nous avancions , savoir : que l'accroissement de l'importation porte principalement sur l'huile d'olive , denrée dont la France manque , et dont elle ne peut accroître la production sur son sol : nous avions importé d'Algérie pour 3,350 fr. d'huile d'olive ; en 1851, nous en impor- 36 ( 546) tons pour 7,174,597 fr. Les peaux brutes forment toujours un des articles principaux de notre importation ; nous en achetons pour 1,578,000 fr. , mais nous vendons pour 2,350,000 fr. de peaux ouvrées. Les céréales semblent importées en quantités plus con- sidérables ; nous en achetions, en 1850, pour 14,100 fr., et en 1851 , pour 1,466,092. Toutefois, il n'y a pas là de quoi effrayer notre agriculture : cette quantité va à Marseille, où le prix est plus élevé qu'en aucune localité de France ; et ce n’est pas tout : on peut dire que la quantité importée n'est qu'apparente, car on voit au tableau des exportations , que nous expédions à l'Algérie pour 2,142,214 fr. de farines et 241,200 fr. de grains , en tout pour 2,383,414 fr. de ces denrées alimentaires, c'est-à-dire, que nous lui en vendons pour 1,917,322 fr. de plus que nous lui en achetons. C’est nous qui concourons à son approvisionnement. Si nous lui achetons des blés, ce sont des blés durs propres à la fabrication des pâtes dites d'Italie, que la France ne produit pas ; mais nous lui revendons des blés tendres , et surtout des farines. L'intérêt de notre agriculture qu'on invoquait pour s'opposer à l’union douanière est donc loin d'être compromis. L’importation des laines qui était de 369,000 fr., a atteint le chiffre de 2,372,000 fr. ; mais , nous l'avons dit, nos achats à l'étranger se sont élevés en 1849 et 1850, à 40 et 47,000,000fr. (valeur officielle), et nous ajoutons que si nous achetons à l'Algérie pour 2,272,000 fr. de laines brutes, nous lui vendons pour 3,813,000 fr. de tissus de laine ; notre malheur n’est donc pas grand. L'importation des bestiaux algériens acquiert quelque im- portance, elle s'élève à 728,000 fr.; nous en achetons à l'étranger pour 5,000,000; et les bestiaux algériens sont transportés en Pro- vence , qui ne peut fournir la quantité de viande que réclame sa population. Notre agriculture est donc réellement désintéressée dans cette question. Le tabac ne l’affecte pas davantage , puisque la quantité introduite vient en déduction du tabac exotique que nous recevons , et que d'ailleurs, cette substance n'est pas comprise parmi celles qui entrent en franchise. Les (547) autres articles d'importation sont sans aucun rapport avec notre production ; de la soie, du lin, du chanvre, des graines oléagi- neuses , nous n’en recevons pas la plus minime quantité; loin de là , nous portons en Algérie pour 389,662 fr. d'huile d'olive et de graines grasses. En présence de ces faits, on ne peut nier que c’est avec raison qu’on conseillait aux grands pouvoirs de l'Etat d’abaisser lesbarriè- res qui s’élevaient entre l'Algérie et la mère-patrie ; ceux qui défendaient cette mesure appréciaient avec justesse les besoins du pays ; ils avaient le sentiment de ce que réclamaient la prospérité et la grandeur de la France. Ils faisaient ce qui était urgent dans le présent, et ne compromettaient pas l'avenir , car si les produce tions algériennes portaient atteinte à la prospérité métropolitaine, on ferait peser sur elles des impôts qui rétabliraient l'équilibre et viendraient en aide au trésor public. Il estune mesure qui semble la conséquence indispensable de l'admission en franchise des produits algériens sur le marché fran- çais : c’est l'application à l'Afrique française des droits que notre tarif fait peser sur les produits étrangers. Si, en effet, à leurentrée, ils n'y payaient pas les mêmes droits qu’en France , ils iraient faire escale en Algérie , s’y nationaliseraient en quelque sorte, et seraient ensuite rapportés sur notre marché. Nous admettons que des exceptions sont nécessaires pour les objets qui servent aux constructions , mais elles doivent être temporaires. i On a fait de vives objections contre la taxation des céréales étrangères importées en Algérie : on a dit que si elle favorisait la production algérienne , elle accroîtrait la dépense de l’armée et hausserait le prix de la main-d'œuvre en faisant hausser le prix des subsistances. Nous ferons remarquer d’abord que si les céréa- les de l'Algérie ont besoin de protection, leur introduction en France n'est pas fort redoutable, et quant aux deux objections présentées , nous dirons d’une part , que si la différence des prix était considérable, le ministre de la guerre n’en pourrait pas moins faire ses approvisionnements à l'étranger : il acquitterait les droits (548 ) et augmenterait son budget ; mais la douane ferait une recette qui formerait une exacte compensation. D'autre part , nous dirons que le prix des subsistances ne pourrait être accru notablement , et le prix de la main-d'œuvre fort augmenté ; en effet , les droits d'entrée ne pourraient faire hausser les prix que dans les villes du littoral , là où les blés indigènes arrivent avec des frais consi- dérables, et où les blés étrangers sont facilement apportés; à l'im- térieur, les deux produits sont dans une situation inverse ; les ouvriers y seraient donc nécessairement nourris des produits du sol; mais dans les villes du littoral, le développement de la pro- duction indigène appellerait le développement dela minoterie.Cette circonstance ferait baisser le prix du pain beaucoup plus que ne le ferait enchérir le droit protecteur. Aujourd’hui la minoterie de Marseille exerce un véritable monopole. On affirme qu’elle s’est, en quelque sorte, emparée des boulangeries des villes ; elle fournit les farines ; elle est maîtresse de la manutention ; elle devient régula- trice des prix du pain. Ce serait là , dit-on , la source de l’opposi- tion très active qu'a rencontrée le projet d’assujettir à l'échelle des droits l'introduction des grains en Algérie. Quoi qu'il en soit, il est évident que le prix du pain dans les villes de la côte , serait plus bas sous un régime régulier , qu'il ne l’est actuellement, et l'on ne pourra se refuser à l’adoption des mesures qui dérivent natu- rellement de l'assimilation de l'Algérie à la France, sous le rapport douanier. Le commerce arabe , comme celui que la France fait avec les colons européens, mérite notre attention. Il doit nous lier avec les populations musulmanes, ouvrir des débouchés à la France, fixer en Afrique des négociants européens , qui formeront un élé- ment de population qu'il ne faut pas négliger ; conséquemment toutes les mesures efficaces qui sont nécessaires pour le reconsti- tuer et lui donner de l'extension doivent être prises. Autrefois de grandes caravanes apportaient dans la régence d'Alger les produits du Sahara , et emportaient les marchandises variées qui se trouvaient en entrepôt dans les villes du littoral. ( 549) Les remarquables études de M. le général Daumas, ont fait con- naître toute l'importance du trafic qu’elles faisaient ; il a indiqué les routes qu'elles suivaient pour transporter les denrées coloniales et les produits manufacturés, à travers les Hauts-plateaux, dans les Oasis, et jusqu'au cœur de l'Afrique , par delà le désert. Les caravanes ont suivi d’autres voies : les laines sont particu- lièrement portées par la route de Tebessa à Tunis, où les Arabes s’approvisionnent de marchandises anglaises. On a proposé, pour changer ce courant commercial, d'empêcher les caravanes qui ex- portent des produits algériens ou importent des marchandises étrangères de traverser Tebessa que nous occupons. Cette mesure n'aurait d'autre résultat que de forcer les caravanes à suivre des voies peut-être moins faciles, mais qu'elles n’hésiteraient pas à pratiquer. Pour les ramener en Algérie, il faut détruire les causes qui les en ont éloignées : ces causes sont les guerres, les habitudes commerciales de nos négociants, la qualité de nos marchandises et leur prix. Les guerres ont cessé, ou ne tarderont pas à devenir plus rares qu'elles ne l'étaient parmi les tribus, sous le régime des Turcs. Tous les jours notre puissance deviendra plus incontestée, la pacification de l’Atlantide en sera la conséquence. Les habitudes de notre commerce ne sont pas toujours très louables ; on a reproché à quelques-uns de nos négociants de tromper sur l’aunage de leurs étoffes, et de fournir des marchan- dises de mauvaise qualité; en France, lorsqu'il s'agit d’ex- portation , il semble qu’on peut expédier les produits les plus défectueux. Nos rivaux procèdent d’une manière toute différente. Il est urgent de faire disparaître les abus qui ont été signalés par les marques de fabrique , et un contrôle sévère des aunages et des qualités de nos tissus. Il faut qu'on se persuade bien que pour attirer le commerce, il ne suffit pas de faciliter l'arrivée des cara- vanes , il faut qu'elles trouvent dans nos ports et dans nos villes à acheter des marchandises à de bonnes conditions. Si sous ce rapport les Arabes n'ont pas eu confiance, ils n'hésiteront pas à se ( 550 ) transporter à de grandesdistances pour faire leurs emplêtes. C'est à ce point qu'on les a vus apporter leurs marchandises à Alger, se faire payer en argent, prendre des traites sur Tunis, et aller faire leurs acquisitions dans ce port. Le prix de nos produits est généralement supérieur à celui des produits anglais. Cette circonstance, jointe au doute qui s’estélevé sur notre loyauté commerciale, a éloigné les traficants du Sahara. Il nous est possible cependant d'empêcher les grandes caravanes de fréquenter exclusivement les états musulmans qui bordent notre frontière à l’est et à l'ouest: si la probité de notre com- merce devient complète, nous pourrons compenser par certains avantages l'élévation des prix des objets fournis par notre indus- trie : nos routes seront plus faciles et plus sûres , la sécurité des transactions plus garantie que chez les puissances barbaresques. Enfin, en occupant plus complètement les portes du Sahara, nous pourrons percevoir avec plus de rigueur et de certitude les droits sur les marchandises étrangères , et frapper d’un droit la sortie des marchandises algériennes. Il faudra toutefois que les droits soient assez faibles pour qu'ils n’engagent pas les Arabes à suivre des routes plus longues et plus difficiles. Les frais de transport des indigènes sont peu élevés parce qu'ils font paître leurs cha- meaux dans les lieux qu'ils traversent et qu'ils ont l'obligation de se déplacer en certaines saisons pour assurer la nourriture de leurs troupeaux : souvent les transports se font par des tribus qui se relaient, afin de ne pas sortir des contrées qu'elles ont l'habitude de fréquenter. Par les dispositions que nous recommandons, on assurera à la France le commerce de l'Afrique centrale, immense région presque inconnue, soustraile à la civilisation; on complétera les mesures qui faciliteront la vente des produits de l’Atlantide, qui en facilite- ront conséquemment la création ; ainsi nous achèverons notre glorieuse entreprise. Pour rendre cette œuvre digne de notre nation, de gigan- tesques efforts sont encore nécessaires. Nous avons dit quel but ils (551) devaient se proposer, quel succès on pouvait en attendre ; nous avons essayé de faire connaître l'Algérie, et d'indiquer ce qu'on en pouvait faire. Nous résumons en quelques lignes nos pensées. Résumé. — Lorsqu'après avoir étudié l’Atlantide dans ses dé- tails , on la considère dans son ensemble , et comme de loin, qu'on cherche ce qu'elle est, ce qu’elle vaut pour notre patrie, ce que nous avons fait pour la lier à notre vie politique , ce qu'il reste à accomplir pour achever la tâche immense que notre place dans le monde nous a imposée, on sent qu'on peut , en quelque sorte, affirmer sa destinée. Cette terre qui s'étend en face des côtes de France, enferme, avec notre littoral méditerranéen, l'Espagne et l'Italie, cette mer centrale, qu'au grand temps de l'empire , on a pu, sans trop d'orgueil, appeler un lac français, qu'on peut sû- rement et toujours appeler la mer des races latines : elle la domine dans sa plus grande largeur. Constituée par l'Atlas, massif énorme quadrilatère dont la partie centrale forme d'immenses plateaux , elle a quatre versants qui s'inclinent vers des mers différentes : le versant oriental ou syrtique regarde les Syrtes et les mers de l'Orient ; l'occidental ou océanique, borde l'océan auquel l'Atlas a donné son nom ; le méridional ou saharien, fait face au désert, océan desséché ; le septentrional , franco-méditerranéen , descend vers la Méditer- ranée occidentale , et semble s’avancer vers la France. Le ver- sant syrtique, c’est la régence de Tunis ; l'océanique, c’est l'empire du Maroc; le versant septentrional, c'est le Tel!, qui, avec les hauts plateaux et le versant saharien, constitue l’Afgérie. Lelongrivage algérien, ouvre son port central vis-à-vis notre prin- cipalarsenalmaritine ; il a de vastes et magnifiques rades à l'ouest. à l'entrée de l'Océan. et à l’est, à l’entrée de la Méditerranée orientale ; cette ligne redoutable d'attaque et de défense, repaire inaccessible d'une piraterie séculaire , borde la grande voie com- merciale des temps antiques, qui devient celle des temps modernes depuis que la France a affranchi la chrétienté des tribus d’or et de sang qu'elle payait aux barbaresques. (552) Interposée entre le Maroc et la régence tunisienne , tôt ou tard l'Algérie les entraînera dans sa sphère d'action ; elle surveillera le détroit océanique aussi bien que Gibraltar, les Dardanelies et Suez, aussi bien que Malte. Adossé aux contrées sahariennes, le Tell en garde tous les chemins ; il leur vend le blé dont elles ne peuvent se passer , il achète leurs dattes et leurs laines qu’elles ont en surabondance, les tenant ainsi dans les liens d’une double dépendance : l'achat de leurs produits d'exportation, la vente de l'aliment le plus indispensable à Ja vie, et assurant le monopole du commerce des hauts plateaux, des oasis , des contrées qui s'étendent par delà le désert. La configuration de cette contrée en a rendu la conquête diffi- cile ; par cela même, elle en assure la possession durable : par- courue dans toute sa longueur , parrallèlement à la grande masse Atlantique , par le petit Atlas, qui semble sortir du sein des flots, son rivage est presque partout inabordable. Entre les deux chaînes de monts règne une longue série de vallées, dont les eaux se rendent à la mer par les étroites coupures du petit Atlas; et que la barrière infranchissable des deux rangées de montagnes met à l'abri des attaques. Ces vallées interatlantiques, séparées par des contre-forts peu élevés, s’abaissent à l’est et à l'ouest de- puis le point où le grand et petit Atlas se confondent, derrière Ja Mitidja , au lieu même où le Chélif se recourbe au sud pour aller, à travers les hauts plateaux, jusqu'aux portes des oasis; elles forment ainsi de longues voies qui donnent aux armées la faculté de se porter en face de toutes les ouvertures du rivage ou des défilés du sud, et de se placer entre les Kabyles du Jurjura et ceux de l’Aurès, entre ceux du Dahra et ceux de l'Ouenseris. Le versant de l’Atlantide, qui constituele Tell, permet les plus riches cultures ; son climat chaud, mais fort différent de celui des régions tropicales, convient encore aux races caucasiques ; ses montagnes, comme les immenses plateaux, nourrissent de nom- breux troupeaux, et ses vallées perpendiculaires à la mer, comme (53) celles qui courent entre les deux Atlas, produisent les céréales, et en même temps des denrées d'un placement universel : l'huile d'olive et la soie, les raisins, les figues, les amandes, les oranges, les citrons, le tabac, le sésame, la cochenille, le coton, la garance, le chanvre, le lin, etc. Telle est la terre que la fortune a donnée à la France pour la gloire et le profit de la civilisation ; tel est le champ qu'elle a ouvert à sa conquête, au moment où les grandes nations de la race japhétique sont comme en état d'expansion , et s'apprêtent à asservir le monde sous les efforts de la science, et du travail industriel. La France n’a point reculé devant la tâche qui lui était donnée, tâche bien rude ! Des points isolés du rivage, elle s’est avancée sur cette terre inculte , rendue insalubre par la barbarie des hommes, hérissée de montagnes abruptes , souvent inaccessibles, dépour- vue de routes et de rivières navigables , desséchée durant l'été, défendue par des populations errantes, fanatiques, belliqueuses. montées sur des coursiers rapides, et maniantlefusil avec habileté. Par vingt années d’une guerre incessante , nous avons vaincu ces tribus nomades, abattu les chefs qui prétendaient créer et représenter une nationalité rivale et ennemie de la puissance française, assujetti à l'impôt les Arabes du Tell, dompté ou contenu les Kabyles, fait sentir notre influence au cœur des Hauts-plateaux et jusque dans la région des oasis; nous avons occupé et fortifié les points les plus importants de la câte, entrepris la création des grands ports d'Alger et de Mers-el-Kébir, entouré d’une enceinte les villes de l’intérieur, établi nos troupes dans les principales étapes des voies stratégiques, d'abord à Médéah point dominateur adossé à la Mitidja, et se dressant à l'origine des grandes vallées de l’est et de l’ouest, et de celles du Haut-Chéhf, puis successivement dans toutes les villes du Petit Atlas et des vallées interatlantiques, dans tous les postes qui gardent les gorges de la crête tellienne du Grand Atlas, et jusque dans les dé- filés de sa crête saharienne. L'armée a accompli des prodiges ; elle (554 ) nesest pas contentée des campagnes audacieuses, des vic- toires continues et chèrement achetées; elle s’est dévouée aux travaux de la paix avec un infatigable zèle : il n'est pas une grande entreprise dont elle n'ait eu l'initiative, ou qu’elle n'ait contribué à faire réussir. Dans tous les centres d'occupation nous avons créé des casernes , des hôpitaux , des magasins, des manu- tentions ; nous avons fondé des villes nouvelles, ou des villages dans les points qui avaient quelque valeur, renouvelé et fortifié les antiques cités. Nous avons créé des routes importantes de la mer aux villes principales du Tell, ébauché le système des voies transversales , établi des services de paquebots entre les ports, des lignes télégraphiques entre les provinces, construit des ponts, fait des barrages, des aqueducs, tenté des desséchements. Le pays a été doté d’une administration civile dans les lieux où la population européenne se développe, d'une administration mili- taire où vivent presque exclusivement les peuplades indigènes ; le système d'impôt a été établi et rendu productif; la colonisation a commencé; des terres ont été distribuées, des défrichements opérés par les soins de l’armée, des instruments , des semences, des bestiaux donnés ou prètés aux colons, des pépinières, des jardins d'essai . des sociétés d’agricullure , des comices institués , des tra- vailleurs installés; leurs principaux produits ont été achetés; enfin la liberté des échanges entre la mère-patrie et la France atlan- tique a été décrétée, sans crainte de porter préjudice à la produc tion métropolitaine ; car l'établissement des impôts en Algérie rétablirait l'équilibre si la production de cette contrée menaçait nos industries ; on a de plus tenté de renouer les relations commer- ciales établies de temps immémorial entre l'Algérie et le Sahara, que la guerre avait interrompues ; mais l'œuvre n’est qu'ébauchée. Pour conduire à fin cette gigantesque entreprise, il est néces- saire d'achever le port militaire d'Alger, les vastes ouvrages de dé- fense qui couvrent ce point central de notre domination, les formi- dables batteries de Mers-el-Kebir qui nous donnent un sûr abri dans le voisinage de Gibraltar, créer dans l’est, vers les mers dont Malte { 555 | garde l'entrée , un port capable de recevoir nos flottes , se borner ainsi à fonder quelques établissements inexpugnables et ne point éparpiller les ressources du Trésor dans les petits ports intermé- diaires, aussi longtemps que les progrès de la colonisation n’au- ront pas rendu les améliorations lucratives. A l'intérieur il faut terminer exactement les fortifications des villes et de leur Casbah, assurer la défense des villages, mais sans dépenses et par la seule disposition des habitations , s'abstenir de donner trop d’extension aux établissements que les progrès de la conquête doivent réduire à une moindre importance, suivre dans le choix des emplacements et le tracé de nos cités les exemples donnés par les Romains , ces conquérants civilisateurs , et ne pas mépriser l'expérience des indigènes ; ne pas bâtir de nouveaux centres de population sans utilité urgente, proscrire les monu- ments fastueux, surtout quand ils sont inutiles, commeles caravan- sérails, ou les mosquées que ne fréquentent pas les indigènes, ne rien donner au luxe, sacrifier peu à l'utilité lointaine, comme lorsqu'il s’agit d’églises monumentales et d'écoles trop spacieuses, se garder de renverser avant de s'être assuré qu'on peut se dis- penser de reconstruire. Ii faut perfectionner , autant que possible sans accroître les dépenses , le système de construction des maisons , modifier leur toiture , les doter d’une cave, d’un étage, d’un grenier, de dépendances agricoles. . I ne faudra pas rendre plus nombreux, nous l’espérons, les bà- timents consacrés aux casernes, aux hôpitaux, aux magasins mili- taires ; l'armée plus mobile diminuera son effectif, les travaux productifs pourront ainsi recevoir plus d'extension : au premier rang seront placés ceux qui ont pour but l'utilisation des eaux que la nature a versées d’une main avare sur l’Algérie : les rivières et les ruisseaux, à peu d'exception près, recevront des bar- rages, qui en modéreront le cours torrentiel , et les rendront propres à alimenter les fontaines , les abreuvoirs, les bains, les rigoles d'irrigation , les canaux de navigation dans les rares loca- ( 996 } lités où 11 sera possible de les établir, les moteurs hydrauliques, quand les besoins de la culture et des populations le permettront. Les puits, sans lesquels de vastes contrées seraient inhabitables, recueilleront les eaux des couches plus ou moins profondes de la terre, quand la surface en sera dépourvue. Après ces soins matériels, l’organisation administrative du pays contribuera puissamment aux progrès de la colonisation, consolidera le pouvoir, en assurera l'unité; on consacrera l’au- torité militaire, qui a tout fait pour le pays , sans négliger les in- térêts des citoyens : tous les centres de population européenne seront administrés par «les fonctionnaires de l’ordre civil, toutes les personnes qui les habitent seront justiciables des tribunaux ordi- aires. L'administration des Arabes, si heureusement confiée aux vfficiers del’armée, poursuivra sa mission dans l'avenir, animée de cette pensée que le gouvernement des races indigènes n’est pas le but exclusif denos efforts, que l'immensesurface du pays ne doit pas rester en leurs mains, que leur incorporation dans la famille fran- çaise n'est pas possible dans leur état de cohésion : les grands com- nandements des Arabes seront supprimés, les tribus nombreuses fractionnées, celles qui habitent nos villes et nos villages, soumises à l'autorité administrative, ou à des bureaux civils, les familles et les individus qui s’en séparent accueillis , encouragés , protégés , associés à nos travaux et confondus avec nos travailleurs. La nationalité arabe, qui n'existe pas, nedoit pas être créée par nous, les agglomérations, qui existent, doivent marcher versle fraction- nement. Les encouragements donnés à l’agriculture continueront à favo- riser ses progrès ; les semences, les arbres , les instruments, les hestiaux seront distribués, selon les besoins ; les défrichements se- ont entrepris par les troupes ; ce sont là les seuls secours profita- hles. Il faudra renoncer tout-à-fait aux systèmes de celonisation par l'Etat : 1] ne faut transporter en Afrique, aux dépens du Trésor public, que les individus qui sont à sa charge sur le sol métropo- Hitain : les o1phelins , les jeunes détenus , les condamnés pour cer- (| 557 ) tains délits : ceux-là, sans dépense nouvelle, formeront d’utiles colons. La production coloniale sera favorisée par l'achat des produits dont les quantités sont petites, ou qui sont nécessaires à l’armée, par la libreexportation en France des denrées algériennes , par la protection contre la concurrence étrangère , par l'établissement de maisons commerciales en Algérie. On étendra le commerce, on habituera les Arabes à s’approvisionner dans nos ports en procurant la sécurité la plus complète, en garantissant la loyauté des transac- tions , la qualité des marchandises et des mesures, en étudiant les goûts et les besoins des peuples africains, en formant des ap- provisionnements aux lieux habituellement fréquentés par les im- digènes , en établissant des fondoucks, simples hangars , pour abriter les hommes et les animaux, en assurant la facilité et l'économie des transports , choses absolument nécessaires. Mais entre toutes les mesures qui contribueront au développe- ment de la colonisation, ilen est quatre qui en assureront le développement rapide, et la fonderont sur des bases iné- branlables ; ce sont l'établissement de voies de communication , la distribution des terres, le choix des cultures et la formation de grands établissements qui, restant lucratifs pour l’État, puissent servir d'asile temporaire aux ouvriers immigrants. Les routes sont le premier besoin du commerce, la condition indispensable de l'exploitation agricole, lirrésistible instrument de domination ; elles permettent l'exportation des produits , l’ap- provisionnement des colons , le transport rapide des troupes , des vivres, des munitions, du matériel de guerre ; elles décuplent notre force. [1 faut done, et sans délai, appliquer toutes nos res- sources à la création de la grande voie interatlantique, se reliant par des voies perpendiculaires aux principaux points du htteral, aux défilés des Hauts-Plateaux et des Oasis, et si l'on veut im- planter en Algérie la civilisation, y fonder la domination française d'une manière indestructible, il faut que cette voie soit un chemin de fer! parcourant l’Atlantide dans toute sa longueur, abrité ( 558 | derrière la chaîne fortifiée du Petit-Atlas, transportant toute l’armée en un instant sur tout point menacé du littoral ou de la limite du sud ; il rendrait vaines toutes les attaques extérieures , écra- serait toute résistance intérieure, faciliterait la réduction de l’ef- fectif des troupes dans une énorme proportion, et trouverait con- séquemmen{ son revenu dans la seule économie qu'il procurerait. Il favoriserait l’établissement de la télégraphie électrique dont l'action sans interruption forme un nouvel élément de domination. Il suppléerait aux grands fleuves, moyens de prospérité dont manque l'Algérie. L'établissement en sera peu dispendieux , si on obtient, par les moyens administratifs, les terrains qui porteront les rails et les zones qui toucheront les bords du chemin, les bois qui croissent à proximité de son parcours, l'emploi de l’armée et des cor- vées arabes pour l’exécution des terrassements, les fers, les machi- nes, les voitures en franchise de droits. Il sera suffisamment protégé si l’armée presque tout entière forme ses cantonnements sur cette ligne stratégique, si les maisons des cantonniers, les stations , les magasins, les postes télégraphiques sont en état de défense, si les maisons des colons , qui viendront exploiter les zones concédées, sont construites comme des blockhaus , si de terribles châtiments frappent ceux qui tenteraient d'interrompre la circulation. Tout convie donc la France à se préoccuper de cette creation, qui sera la force et la richesse de l'Atlantide , conséquemment une source de puissance et de splendeur pour la métropole. La distribution des terres, cette condition première de toute entreprise coloniale , jusqu’à présent incomplète , doit être faite dans de larges proportions , sans conditions onéreuses ni gênan- tes, en toute propriété, et conformément aux règles d’une in- stallation rationnelle. Le tracé d’un chemin de fer indiquerait la situation qu’elles doivent occuper ; elles seront assez étendues pour nourrir la population agricole, l’armée, les populations urbaines, les animaux consacrés au service des troupes , des industries , de l'agriculture, et pour fournir les denrées qui solderont les - marchandises d'importation. Ces terres seront obtenues par la ( 559 revendication de celles qui appartenaient au Beyliek, de celles sur lesquelles les indigènes n’ont qu'un droit de parcours et qui ne leur sont pas indispensables, de celles qu'on peut obtenir d'eux en leur octroyant des titres de propriétés individuelles , ou en améliorant par des desséchements ou des irrigations celles qui leur resteront, enfin par achat, ou par confiscation dans les cas d'incorrigibles révoltes et d’attentats sanguinaires. Aussi long- temps qu'on n'aura pas ouvert un vaste champ au travail euro- péen, la colonie n'aura pas de base. Ce champ, il faudra ensuite le féconder par un choix de culture qui n’exige de l'homme que le travail possiblesous un soleil ardent, qui soit en relation avec les exigences d’un climat sous lequel la terre est brülée durant l'été, travaillée difficilement durant les pluies , et privée de ses récoltes par des causes nombreuses ; cette culture est celle des plantes fourragères qui croissent spon- tanément et alimentent des bestiaux, car ceux-ci fournissent des produits alimentaires, des vêtements , des marchandises d’expor- tation , des bêtes de travail, des moyens de fertilisation. Il faut y associer les arbres qui, enfonçant leurs racines dans les couches profondes du sol, continuent leur végétation pendant toute l’année, protégent les herbages ainsi que les animaux et pro- duisent les denrées commerciales du placement le plus facile : parmi celles-ci se signalent par excellence l'huile et la soie. A ces végétaux qui forment la base de la culture, viennent se joindre les céréales, pour l’alimentation de l’homme et les bêtes de trait qui sont ses auxiliaires, plutôt que pour la vente, et comme an- nexes les plantes commerciales, au premier rang desquelles se trouve le tabac. Enfin , pour compléter ces éléments de succès , suffisants lors- qu'on possède un capital d'exploitation, il est nécessaire d’ajouter les moyens de donner au travailleur privé de ressources la facilité de créer une exploitation, et de devenir propriétaire, sans deman- der à l’État de faire les frais de son installation. La fondation des grands établissements agricoles recueillant , 960 instruisant , aidant les ouvriers , les mettant en position de former un pécule et d'exploiter fructueusement une concession, rem- plira ce but. Au nombre de ces établissements seront les fermes régimentaires , les dépôts de remonte s’occupant de l'élève des chevaux , les écoles pratiques d’arboriculture , dirigées par l’ad- ministration forestière , prenant pour auxiliaires des compagnies de büûcherons, des compagnies de planteurs chargées d’emmé- nager les forêts qui fourmssent les bois de constructions , mais surtout de cultiver, greffer, multiplier et répandre l’olivier et les arbres qui donnent des produits commerciaux. Ces créations loin d’être onéreuses à l'État, mettront ses do- maines en valeur , et lui créeront des revenus ; ces combinaisons assureront alors la sécurité, la salubrité, la facilité du travail. La terre de la conquête se cultivera, se peuplera , s’enrichira, cessera d’être une lourde charge pour la France ; elle:sera pour ses producteurs un immense débouché, pour ses populations mal- heureuses un asile assuré , pour certains de ses condamnés un moyen de moralisation , pour la France entière un formidable élément de puissance et d’action sur les mers qui vont devenir le centre de la vie des peuples civilisés et le théâtre des plus grands événements politiques. Déjà la situation de la colonie, au commencement de 1852, était faite pour nous donner de fermes espérances : la population européenne était de 131,283 individus, dont une moitié est d'ori- gine française et dont l’autre appartient presque exclusivement aux races latines (1). La population nomade, en face de laquelle se trouvent les chrétiens dans le Tell, n’était que de 1,843,338 âmes(2) L'effeetif de notre armée était descendu de 71,496 hommes (1) On comptait 63,044 Francais, 6,974 Maltais, 41,525 Espagnols, 7,36 x Ita- liens, 2,660 Allemands, 1,291 Suisses, et 3,959 individus de nations diverses ; en 1849 la population était 112,607 ; en 1850 de 125,748 âmes. (2) Le déuombrement de 1844 avait fait supposer que la population des tribus était de 2,938,338 individus , soit 3 millions; mais des relevés plus exacts faits en 1851 ont montré qu’elle ne se composait que de 2,323/855 individus, dont 1,843,087 habitent le Tell, 480,768 habitent le Sahara. { 561 ) à 65,598 ; notre milice avait dans ses rangs 14,374 hommes. On ne comptait plus dans le Tell qu'une vingtaine de tribus insoumises , et ce nombre sera réduit par les expéditions en Kabylie, 3,152 maisons ont été bâties par les colons, et partout des travaux ont été entrepris pour leur procurer l’eau , cette première nécessité de la vie: 200,000 mètres de canaux, débitant 24,108,310 litres d'eau, et 600 puits, ont été creusés; 500 norias ont été établies. En 1852, dans les lieux occupés par les Européens, ja culture s'est étendue sur 155,508 hectares , qui ont produit 1,643,000 hectolitres de céréales , d'une valeur de 15,771,000 fr. Sur cette étendue, 47,894 hectares étaient cultivés par les Européens, 26,287 en territoire civil, le reste en territoire militaire. 407,617 hectares étaient cultivés par les indigènes. En 1851, la France a expédié en Algérie pour 60,880,878 fr. de marchandises françaises (1), pour 5,447,416 de marchan- dises étrangères sortant de ses entrepôts. L'Algérie a recu en outre de l'étranger pour 10,682,846 fr. de marchandises. (2), Elle a livré à la France, pour 16,280,476 fr. de produits (3), et à l'étranger, pour 4,712,704 fr. (4). C’est un mouvement commercial de 95,004,310 fr. Après avoir examiné dans son ensemble la question algérienne, nous aurions à résoudre les questions spéciales que nous devions étudier ; les solutions qu'elles doivent obtenir sont données par les discussions qui précèdent, et nous pouvons les formuler en (x) Tableaux publiés par l'Administration des douanes, Le tableau publié par le Ministère de la guerre ne porte qu’à 47,797,000 fr., la valeur des marchavdises francaises. (2) Tableau publié par le Ministère de la guerre. (3) Tableau de l'Administration des douanes, Le tableau publie par le Minis - tère de la guerre porte l'exportation de la France à 18,08r,000, (4) Tableau publié par le Ministre de la guerre. 87 ( 562 ) quelques mots : ces questions avaient trait à l'acclimatation des cul- tivateurs du Nord, à l'introduction de la culture des plantes indus- trielles, au commerce des laines. On nous engageait à y joindre l'étude des plantes nouvelles qu'on pourrait acclimater en Algérie : 1.0 Les conditions climatériques de la zone colonisable de l'Atlantide ne s'opposent pas à l'installation , dans cette contrée, des Français du Nord.La température du Telln’est pas extrême ; l'influence de sa latitude est atténuée par le rideau de l'Atlas , par l'élévation de la plupart des plaines, par le voisinage de la mer. L'été est infiniment plus chaud que celui de nos régions tempérées, mais la durée des grandes chaleurs n’est pas telle que les habitants des départements septentrionaux ne puissent les supporter , dans la plupart des localités. Évidemment ils s’acclimateront avec un peu plus de difficultés que les hommes qui sont nés dans notre zone méditerranéenne , mais il n’y a pas d'obstacle sérieux à ce qu'ils deviennent d’utiles travailleurs dans l'Afrique française. 2.0 La plupart des cultures industrielles du département du Nord , pour ne pas dire toutes, peuvent réussir dans le Tell. Le tabac, le lin, le chanvre, la garance , les graines oléagineuses prospèrent sur la terre atlantique. Quelques-unes de ces plantes, notamment le tabac, y acquerront des qualités nouvelles qui les rendront plus propres à des usages spéciaux. D’autres, comme ies graines oléagineuses, seront utilement remplacées par des succédanées donnant, comme le sesame, l’arachide, des produits plus estimés. Les plantes à racines charnues paraissent devoir être moins productives que dans les zones tempérées ; la betterave, selon toute apparence, ne servira pas en Algérie aux usages indus- triels auxquels on la consacre dans le Nord ; la pomme de terre sera quelquefois délaissée; on lui substituera souvent, d’une ma- nière plus utile, la patate. Enfin quelques cultures toutes nouvelles, comme celles du nopal et du coton pourront s'introduire, et bien que n’entrant pas dans les assolements du Nord, elles pros- péreraient certainement si elles étaient confiées à l'aptitude des cultivateurs les plus experts de la France. Mais , s’il est vrai que {| 563 : nos cultures industrielles peuvent trouver place sur le sol africain et occuper les bras des colons du Nord, il est parfaitement certain que les conditions du travail en Algérie empêcheront que les plantes industrielles forment la base générale et essentielle de la culture dans notre colonie. L'exploitation agricole sera nécessaire- ment modifiée par la brièveté des saisons pendant lesquelles la terre peut être travaillée, et pendant lesquelles la végétation des plantes herbacées peut avoir lieu, par l'impossibilité de se livrer à un travail assidu et prolongé dans un pays dont la température est élevée, par le manque de capitaux, et par l’absence d’une po- pulation expérimentée, enfin , par le défaut d'engrais et par l’état de la terre, dans laquelle une longue culture n’a pas déposé les principes fécondants en surabondance. Les plantes industrielles viendront successivement prendre place dans l'assolement, mais ne peuvent être considérées comme devant immédiatement former l’élé- ment le plus important de la culture. La plantation des arbres et l'élève des bestiaux seront la source des plus grands et des plus prochains profits ; mais il ne sera pas difficile aux cultivateurs des contrées du Nord de modifier leurs travaux assidus, et de modérer leurs efforts selon les exigences du climat. 3.0 Le commerce des laines est fait pour attirer toute la sollici- tude du Gouvernement ; il sera une source de prospérité pour la colonie, et d'avantages pour la mère-patrie. L'Algérie doit nourrir de nombreux troupeaux. Sans doute les Arabes emploient une quantité considérable de toisons à leurs usages , mais la production dépassera leur consommation, aussitôt que les guerres et les razzias ne viendront plus détruire les ressources du pays, et surtout lorsque les indigènes auront assez de prévoyance pour conserver les moyens de nourrir leurs animaux pendant la saison de sécheresse et des très grandes pluies. [1 faut admettre pourtant que les quantités des laines exportées ne s’accroîtront jamais au point d’inquiéter la pro- duction métropolitaine ; elles pourront à peine remplacer les quan- ütés que nous achetons maintenant sur les marchés étrangers. Les qualités que l'Algérie produit aujourd'hui sont généralement : 564 ) communes ; mais elles pourront être facilement améliorées. L'Espagne paraît avoir recu ses mérinos de la côte africaine, et certainement les laines les plus fines seront obtenues, dans ces beaux climats, par des soins bien entendus. Les prix dela laine, sans être aussi. bas qu'on l’annonçait, promettent des bénéfices à la spéculation. Les documents que nous avons recueillis mettent hors de doute que le commerce des laines sera pour la colonie une source de richesses, et qu’il donnera au travail national une ma- tière première nécessaire. Déjà les renseignements que nous avons fournis à plusieurs négociants des grandes cités industrielles du nord, les ont engagés à visiter les marchés de l’Algérie, et à faire acheter des toisons pour des sommes fort importantes. 4. Nous avons été invites à apporter notre attention sur les plantes nouvelles qu'on naturaliserait avec utilité en Algérie. Le temps que nous pouvions consacrer à notre voyage ne nous à pas permis de nous livrer à une étude suffisante à ce sujet ; mais il est resté évident pour nous que cette contrée n'a pas besoin de végé- taux étrangers pour acquérir une immense prospérité ; que les premiers colons gagneront plus à recueillir les richesses végétales prodiguées sur cette terre admirable qu'à tenter des essais dis- pendieux, et qu'on s’est fait la plus étrange illusion, quand on s’est figuré que le versant septentrional de l'Atlas, la seule région vrai- ment çolonisable , était propre aux cultures tropicales. Telles sont les vérités qui nous semblent ressortir de l'étude gé- nérale que nous avons faite. Les observations auxquelles nous nous sommes livrés ont pour but d'en faire ressortir l'évidence, et de les mettre hors de contestation ; nous pensons donc devoir ne pas donner plus de développement au simple résumé que nous venons de faire. : 565 |) TABLE ANALYTIQUE. Pages INTRODUCTION. 179 NÉS ONE ne a tee 179 LTHÉT AIT Re NS ee re 182 CHÉMINAB Ter ASE 182 TOR EE ner Me rte 182 CRATONS ESS A PRN A ES RES 183 SEE MONET 183 MA CONS RS PANIER 183 VOD ee den 18% RONDES PE nets 184 ANTON MA ete Mterosieicle 186 CH ON RNA . 186 MASTER een 187 MTANBESÉ EEE Cercle net 189 Lana détente 192-238 MOUSTAPNAR Ne ee: 193 SAR ER A AR 202-205-2359 SAUUO Re Se Ne 202-272 Stdr Ferruch: ur. 202-272 Saïint-Ferdinand........... 202 Sainte-Amélie............. 202 Ouled-Fayet......... !.. 202-273 Birmandreys...... si Deren 205 Birkadem::5:."#43n ru. 205 Bouffarick.".".. 1... 205-272 SOUKALIS te ee M OR 206 SOMMA. rue 2. ce IRON 208 BaMMAtIe. ......-....1. 00 208 1521 CV CORTE 208-234-272 MONIDENSIER. 1400 211 JOIDVUIB ARE Et 211 La Chiffa (vallée). ......... 211 Médéah een AA tee 212 Damiette re eee 212 RON". + nee LUS 216 Mousaïa-les-Mines......... 217 Diendel 2%: teetl 218 MONA, LUS RER 225 Oued-Djer (vallée)... .... 230 Pages AID-BONIANM AE SU AU 230 Sidi-Abd-el-Kader Bou Medfa. 230 MATONCO RE Sn v 230-270 HacHallona re Rene 232 ROULE ASS ee Ne 232 AMEUT-CL AIN ST ARE 232 BRAÎTOUNS- rer 233-272 Mousaïa (village).......... 233 La Chiffa (village)......... 234 RDICARE ES ISLE EURE 936 DAHOrA NE serein 237-213 Delly-Ibrahim........... 237-273 RENFARKNOUN TE cr 0 ee 237-273 CHENE er. ce 239-257 ÉD SM EL ee qe . 239-268 MOSS AN E-reee 239 ALZCLPDOR) een 239 VICIPATZEU NE eee 240 SŒnt-Lemiinai, i NG RUITE 241 Damesme: :: MAMAN UMR 242 Négrier2%35::3743 08.000 242 MÉfESSOUr 55344. 525 00 242 Saint-Cloud............... 242 OMAN. 558 ee OR : 243 Mers-el-Kebir. :: ......... 245 Pa'Senia:.... "1000 246-247-262 Valmy (figuier). ........ 246-262 Mangin.:.... SARA re ia 246 SUR CRAMY A EN N AN TeNUES 246 Maison-Carrée (Dar-Beida). 247 DUC CNET RME RARE ES 247 Misenghinasg. 4 ...... 248-266 Bredia. 4930 0h 6er 1 248 GANG. ne emeserete M 248 SHAIDUIÉS eee he 239 Aïn Témouchent........... 254 CAM pi CAISSE ser or 25% Hémcen.. FMI. 200: 252 ( 566 ) Pages. Négrier:s.senee M 252-258 BTS ete se 0 258 ROIS AUSMAUIS mener ses 262 SRE Er PRES RE CR 263 Saint-Denis-du-Sig......... 264 Union dus ee. 264 ANATIODE meer mecs sectes 269 Plaine des Hadjoutes..... 232-271 Beni: Merede ns. AE 272 BESOINS ERA ES 272 BAND HASSINS roc -rces 272 PÉHACHOURR re 272 Tombeau de la Chretienne.. 273 ADIAUL 2e à je NT NES 5 273 NP Res see 277 BOURIB RE Das ee ner ecoles 277 DEMAIN EE RE re 277 SOA te MAS ceci 277 HRIDOENIIE CEE. _ 278 Zerumna (vallée)........ 278-280 VANEG MR LHOPEPINMALAE 280 COLONISATION DE L'ALGÉRIE 281 1. Du pays à coloniser... 307 GÉDPETANRNIC: -- LS... 307 Grand'ANAS EN LE 308 Hauts plateaux....... . 308-309 Versant occidental........ 308 oriental. .. {2% 308 méridional.. .... 308 ———— septentrional..... 308 Maroc: Leefs etc ic Bot 308 MAIS TS SN ae 308 Algérie... set à Er 308 Pages Damrômonts. ? E.....…, 280 Saint-Antoine... ....... 282 Saint-Charles. .......... 282 OuedAmar: truite 282 PÉArTONCIL cette des .... 283-293 BÉKRANEONE... Re eee 283-292 SMBTAOS.-. - 2er 284-292 HAMMAS A. ET SE 284-292 Constantine... 284 CARONMIIO EE. -- 7... 283-294 RODONIVIIB. 2e mere 295 HEMMAPDESI EEE RER 296 Cashari-te + Liu ee 298 Givita-Vecchia........... 299-300 HOMO Serenata 299 TOUION PR RER 300 Marseille sites er Line 300 ARR 20 ne Le 2h 300 DVOHE LR CS En sien es see 300 Benrees : LMP. # 300 Tellgue #5...) 309 Pelit A(aS. ... ….wéveite 309 Vallées interatlantiques... 310-312 Région des forêts. .... .. 312 OBS 25 agé de 317 Déserte nr cl 318 GÉpIOgIE. eh renves 318 Hydrographie 26 Set 324 Météorologie ... . ...... 326 BOQNIQUES 2 328 ZOQlOBIC RUE 2-2: 338 BOBUATONRAENALR. I LSUE 341 2e. partie pages. 1}. Elat actuel de la coloni- ROOMS CL. -recrec te 345 (ET NUS CSM ES | 345 Occupation. ........, aH00'F845 ROSE LEE Lie DORE 352 Fortifications maritimes... 352 Fortifications intérieures... 354 3e. parte, pages. III. Avenir de la colonisa- TON EnRcrereReR EEE 401 FR: ulétentesnhrentee 402 Roses ee M 402 M OUT ES PER UR 106 406 408 (567) 2e. partie, pages. MES. nn Mn ea 347 VTIABRS Sommes nene 348 MAISONS Remb reniennt 356 CaSerhes. metiers 355 M'HODIAUR A TL NON 01955 Magasins militaires......... 355 Manutentions: .." "227 355 Holises Rent 036 MOSqUÉES Re... . 356 | DUT CORSA DEEE CELA 356 Caravansérails. ............ 356 Téléeraphes se iii 358 Haquehois:=-c ur -crreeree 358 Routes et Chemins de fer.... 359 BONES 2eme -terecet 362 Canaux de navigation....... 362 ———— de desséchement..... 362 d'irrigation: 277. 363 Aquedues, rigoles, réservoirs. 363 DATTAOS A Deere 36% Puits Lshrintn Ris ee 4 364 RONLAINES ANA Ne ARR 364% LAVOIrS. et on «de 364 ADTEUVDIRS SRE dd 364 Eeaux thermales. .......... 364 Moteurs hydrauliques... ... 364 Organisation administrative. 365 ApMÉERS.S. METRE Bt 366 Services généraux.......... 366 Administration des territoires CE NAT CET PR EL PT 369 Administration des territoires militaires. (Bureaux arabes) 371 Exploitation agricole. ...... 376 Régions à cultiver.:......... 376 Distribution des terres...... 377 Cultures. CARE An pe: de 384 Défrichementss ...:. 2.1... 385 Distribution des semences.... 385 — des instrum. aratoires.... 385 — des bestiaux. ........... 386 Pépinièr est. musee 387 Dotations rte. ARR CNE 3e. partie, pages. rues nn nt nn nn CC CC none nn ss CC 412 414 416 420 420 422 422 493 422 423 424 425 429 440 440 444 444-445 444 446 44T 447 44T 4A4T 447 448 455 455 455 458 471 472 474 485 505 506 506 507 509 511 { 568 | 2e. partie, pages. Page.Ligne. 247 31 exploitée, lisez : exploité. 219 98 extérieur. lisez:extérieure 230 1 aire, lisez : faire. 232 19 Alloula, lisez : Halloula, — 21 Adjoutes, lisez: Hadjoutes. 239 20 etl. 34, p.64.1.34, 4rzen lisez : Arzeu. 241 1 et p.66 I. 4. Daméme. lisez: Damesme. 292,09 1lr.. lisez: at fr. 242 94 (amarins. lisez : tamarix. 254 12 grades vallénes, lisez : grandes vallées. 256 19 not, lisez : ont. 258 15 que, lisez : à ce que. 259 17 roncs . lisez : troncs. 269 24 où, lisez : ou 270 9 ses, lisez : les. 274 33 elles, lisez: ces charrues. 277 19 puisqu il, lisez : pnis qu'il. 278 G continuer. lisez:compléter. 278 8 le nord, lisez : l'est, 2e. partie, pages. Orphelinat.— Pénitenciers. 393 DEEE. entente 512-513 Instruction générale et agri- COOPER RE 293... pere. roues 514 Installation des colons... 385-394: meme... 0.08 515 Système de colonisation : . — du maréchal Bugeaud.. SO HRÉLSIEUS : -- Rouoiliin 515 — du général Bedeau..... SOËY aa... .sNO 516 — du général Lamoriciére. SEL Me LE EC ARLES 518 Colonies agricoles........ SOR-HOE ep s mn. 1 520 Hermes régimentanes... 0 MAR | ARR N EE. sr à 524 Etablissements de remonte, 05 pi. 250: ....:..8tenhs 526 Etablissements d’arbori- Culture: ne Cet Le PE, CRM CUIR ee ES 527 dommerce.. = terne 395 doéle: Moses 531 DIÉDOUCNÉS-EC 5: 20e DD ee MR Cave 531 Commerce arabe......... 398 | ABB ce SONT. CP 248 Recettes et dépenses..... 598. bar... ddonmedoteaat pt 480 RÉSUMÉ: 452 2 rue 20 0 00 PE Où RS sc CONÉBITUE 561 ERRA'TA. Page.Ligne. 310 5 Gontar, lisez : Gontas, 311 1 etp. 136 , 1. 9. abrupt, lisez : abrupte, 313 20 et p. 138, |. 14, Darah, lisez : Dahra. 314 8 etp. 139,1. 6, Seybousse, lisez : Seybouse. 18 de, lisez : de la. 15 Bouairidj, lisez: Douairjd) 4 la, lisez : le; elle, lisez : il. 16 marbrés, lisez : marbrées. 2 cynosaroïdes, lisez : cyno- suroides. 34 senecons, lisez : seneçons. 13 de la, lisez : la. 4 Abd-el-Kader, Bou Mefla, lisez : Sidi Abd-el Kader Bou Medfa, 363 23 pour, lisez : dans. 36% 25 Ben-Amour , lisez: Ben Aknoun. 381 13 Affroun, lisez : 315 315 321 323 332 333 338 352 Afroun. ( 569 ) L'HIVER, TRADUCTION DE THOMSON Par M. Mouras, membre résidant. ARGUMENT. — Exposition du sujet. Dédicace au comte de Wilmington. Première approche de l'hiver. Description de différentes tempêtes qui accom- pagnent la marche naturelle de la saison. Pluie. Vent. Neige, Danger des neiges. Un homme périssant au milieu d'elles. De là, réflexions sur les besoins et les misères de la ve humaine, Loups descendant des Alpes et des Apennins. Descrip- tion d’une soirée d'hiver ; comment elle est employte par les philosophes , par les gens de la campagne, par les habitants des villes. Gelée. Tableau d2 l'hiver sous la zone glaciale. Dégel: le tout conclu par des réflexions morales sur la vie future, Le triste hiver arrive et vient fermer l’année ; Il vient avec sa suite horrible , déchaïnée ; IL est ceint de vapeurs , d'ouragans furieux. Qu'il devienne mon thème! Oh ! thème précieux ! A de graves pensers il élève mon âme; Et j y puise , rèveur , une céleste flamme. Vous ténèbres, horreurs ; vous que j'aimai toujours, Salut! Combien de fois au printemps de mes jours, Lorsque négligemment parmi la solitude, A des hymnes joyeux consacrant mon étude, Je chantais la nature , ai-je en errant, troublé, Votre rude domaine , et de mes pieds foulé La neige vierge encor, moi-même aussi pur qu'elle! Des vents qui combattaient entendu la querelle, Et les torrents rouler leurs flots avec fracas ! Où le soir , toute prête à lancer ses éclats, Dans un sombre nuage apercu la tempête ! Ainsi passaient mes jours, tant que montrant la tête 38 (50) Dans le sud , lumineux le printemps épiait Le moment de venir, venait et souriait. La muse de ce chant l'offre la dédicace, Wilmington, près de toi son luth a trouvé grâce ; De ses premiers essais , Ô toi, le protecteur ! Elle a suivi l’année en son cours enchanteur : Du doux printemps d'abord elle esquisse l’image ; Sur les ailes de l'aigle avec plus de courage, Ensuite tout entière à sa témérité Elle affronta les feux que nous verse l'été ; Puis elle dépeignit l'automne au teint plus sombre ; Et maintenant au sein des nuages sans nombre, Cortége de l'hiver, des tempêtes , encor , Elle veut dans son vol élever son essor : Mugir pour imiter des vents la violence , Au fracas des torrents assortir sa cadence, Et forte , enfin monter au ton de son sujet ; Heureuse , si pouvant accomplir ce projet, Par de hardis récits, par de mâles pensées, Elle satisfaisait les oreilles sensées (1) ; Es-tu donc seulement habile à présenter Des plans amis du peuple et qu'il puisse goûter. Non, grande est ta bonté, ton intégrité sûre, Ton âme toujours ferme , inébranlable , pure; Dans un âge qui tend à la corruption , Ton esprit prompt, actif, n’a que l'ambition De servir son pays , et sans vaine jactance Tes diverses vertus se prêtent leur puissance, Et de l’homme d'état le patriote aidé, A sa lumière marche et marche mieux guidé. Mais ces vertus qui font l'espérance publique, (1) Judging ear, (Note du traducteur.) (571) Et tous les veux fixés sur toi, leur centre unique, Avertissent la muse; elle doit éviter, Quelque eflort que d’ailleurs cela puisse coûter, Un éloge plus long, et dont même l'envie N'oserait dépouiller la gloire de ta vie. Maintenant que des cieux l'empire possédé Par le centaure archer ({) est par lui concédé Au rude Capricorne, et qu'épanchant son urne, Le farouche Verseau , du monde taciturne Ternit la face, au bout de l'horizon couché Le soleil moins brillant, de son disque penché, Laisse échapper à peine un jour languissant , pâle ; Ses rayons sans vigueur luttent par intervalle ;: Horizontalement il lance chaque trait ; Il cherche vainement pour leur grisâtre jet A travers l'air épais un facile passage, Le globe lumineux , comme au sein d’un nuage Quelque temps flotte encor en un cercle agrandi, Il s’épuise en efforts du côté du midi, Et bientôt il descend. Messagère des ombres , La nuit à son retour jette ses voiles sombres. Elle n’est pas sans charme , à présent que les jours Sans lumière , douteux, accomplissent leur cours, Qu'ils sont vides de joie et de chaleur féconde ; D'une noire ceinture environnant le monde. Des nuages l’amas, les humides brouillards, Les funèbres vapeurs naissent de toutes parts ; Des éléments jaloux enfin la turbulence De toute chose aux yeux altère l'apparence. Ainsi paraît l'hiver ; lourde, obscure vapeur Si fatale aux mortels ; d’un poison destructeur (2) Le Sagittaire. (Note du traducteur.) ( 572 ) Îl traîne sur ses pas l'influence fâcheuse ; Là , germe de nos maux la semence hideuse! De l'homme s'éteint l’âme ; il ressent du dégoût, L'ennui l’accable ; un crêpe à ses yeux noircit tout ; Il devient malgré lui sombre, mélancolique. Le bétail souffre, et loin de leur guide rustique Les troupeaux abattus , maigres, décolorés, Cherchent dansdes sillons des terrains labourés , A brouter quelques brins d’une herbe salutaire. Le long du triste bois, du marais délétère, Des tempêtes gémit l’affreux génie. Aux joints Des rochers fracturés, aux flancs des monts disjoints, Du ruisseau qui murmure , et de l’antre sauvage Les plaintes n'en font qu'une et d'un sombre présage Viennent frapper longtemps l'imagination Qui recueille ces bruits avec émotion. L'arbitre souverain, père de la tempête Paraît , d’une nuée il entoure sa tête , La pluie obéissante échappe aux longs replis Des nuages épais par la vapeur salis, Rejaillit en tombant sur le front des montagnes ; Elle se précipite à travers les campagnes, Fait ondover des bois l’ombrage murmurant. La pleine désolée est changée en torrent ; Car l’amas nuageux à flots déverse l'onde, S’abaisse vers la terre , et son urne féconde Bien loin de s’épuiser , incessamment s'emplit. I 'obscurcit les airs dont la face pâlit. La nuit chasse le jour et vient prendre sa place. Les oiseaux qui volaient égarés dans l’espace Au sein de leur abri se hâtent de rentrer. Toutefois , il n'est pas rare de rencontrer Ceux qui ne craignent pas l’état de l'atmosphère (573) Et des vents irrités affrontent la colère. De ce moment critique heureux de profiter Tout autour d’un étang on les voit voleter (1). De ces prés qui jadis lui servaient de pâture Dédaignant de tirer sa maigre nourriture Le gros bétail revient, il revient quoiqu’à jeun, Et d'un mugissement fréquemment importun , Mais toujours expressif , réclame son étable : Ou bien rumine auprès sous l'ombre secourable. Non loin, le peuple ailé, compagnon du bétail Se rassemble ; le coq avec tout son sérail , Tristes et secouant l’eau dont leur corps dégoutte. Tandis que très fécond en gais récits qu’on goûte, Le simple paysan, habitant de ce lieu, Occupe l'auditoire , et penché sur son feu Dont la flamme joyeuse éclaire la chaumiere Babille, tour à tour rit, change de matière, Bravant le vent qui souffle et dans plus d’un endroit Fait crier sous ses coups son humble et chétif toit. Du tribut des torrents dans sa marche gonflée, De ses digues trainant la ruine mêlée, La rivière emportée au loin roule ses eaux ; Plus orgueilleuse encor de ses trésors nouveaux, Terrible , elle descend du sein de la montagne Et rugissante, court à travers la campagne, Elle franchit les rocs , la mousse des déserts, Et d’un bruit effroyable épouvante les airs , Partout impétueuse et partout menaçante ; Jusqu'à ce que son onde enfin plus innocente Au sablonneux vallon qui vient la recevoir Présente maintenant un tranquille miroir , (1) Les canards. (Wote du traducteur.) (574 ) Et s écoule en silence : en attendant qu'étreinte Entre deux monts, par eux la rivière contrainte S'ouvre une étroite voie et rencontre à propos Des rochers et des bois qui dominent ses flots ; D'une triple vigueur elle arme alors son onde, S'élance au même instant et rapide et profoude ; Elle écume, bondit et tonne avec fureur. Nature , mère auguste , à toi dont la faveur En cercle devant nous dans leur marche ordonnée , Déroule les saisons , ceinture de l'année , Quelle force hardie et quelle majesté Dans tes œuvres, cachet de ton autorité ! Quel agréable effroi notre âme en elles puise! Surprise , elle contemple et chante sa surprise. Vous vents, qui maintenant commencez à souffler Balayant tout, ma voix a besoin de s’enfler Pour atteindre à la vôtre: êtres pleins de puissance, De vos munitions où donc est l'abondance? Où sont vos arsenaux ; où veille, dites-moi , La tempête qui couve attendant votre voix ? Dans quelle région lointaine, solitaire , Sommeillez-vous aux cieux quand vous quittez la terre, Et que sur l'univers le calme s’est assis. Quand le soleil descend des cieux plus obscureis Sur son orbe les yeux découvrent mainte tache, Incertaines d’abord , et bientôt il se cache Sous des bandes de rouge autour de lui naissant. Les nuages troublés par un effroi croissant, Dans une marche oblique et néanmoins plus libre Paraissent chanceler, perdre leur équilibre , Et chercher à quel maître ils doivent obéir. De l’est pâle et plombé disposée à surgir , _ (575) La lune à son croissant dont l'aspect se déforme Porte un cercle blafard qui déguise sa forme. Parmi l’air fluctueux et maintenant confus Les astres indécis lancent des rais obtus, Ou bien tracent dans l'ombre un court sillon d’albâtre , Et traînent derrière eux cette clarté blanchâtre ; La feuille sèche joue en cercles vagabonds, Et flottant sur l’eau la plume fait des bonds. De ses pressentiments la génisse inquiète, D'avance dans la brise aspire la tempête. La matrone fidèle à sa tâche du soir Près de sa quenouillée , elle-même peut voir Sur sa lampe épuisant l'éclat dont elle brille, L'huile qui s'épaissit, la flamme qui pétille, Présage non douteux ; mais les êtres formés Pour habiter les airs, ces hôtes emplumés, Prophétisent bien mieux ; abandonnant la plaine Où pendant tout le jour ils n’ont trouvé qu’à peine Un modique repas, des bataillons nombreux De corbeaux croassants obscurcissent les cieux. Fatigués de leur vol, pourtant avec courage Ils cherchent un abri sous le prochain bocage. Le hibou solitaire en son trou se cachart Répète de nouveau son lamentable chant. ’arti du sein des mers , le cormoran s'élève, Il crie , et toujours plane au dessus de la grève. Conjurant un danger pourtant lointain encor, En jetant ses clameurs le héron prend l'essor , Et les oiseaux de mer , précurseurs des orages Tournovant dans les airs, traversent les nuages ; L'océan moins égal , sur un côté penché Et qui sent se briser son courant empêché, Par la secousse monte, il échappe à la rive Qu'en cavernes creusa la vague plus active , (9176 | De la forêt qui bruit et va frapper du son Les hauteurs , une voix solennelle en son ton Dit de se préparer et d'attendre en silence. La tempête soudain fond avec violence Et lance sur la terre en rapides torrents Les vents dans l'atmosphère en ce moment errants. Calme , la mer subit cette force éthérée , Et sa face aussitôt pâlit, décolorée , Veuve de son azur . les flots des vents fouettes Jusqu'au fond de leur lit bondissent culbutés. Parmi la noire nuit qui sur les ondes siége , En butte à l'ouragan dont la fureur l’assiége , Dans sa lutte, la mer ne cesse d’écumer , Monte sur chaque lame et semble s’enflammer. Cependant jusqu'au ciel en montagnes affreuses S’enflent avec fracas mille vagues houleuses. Lame sur chaque lame , en leur rugissement Se brisent en désordre, et forcent fréquemment Par un terrible choc les vaisseaux à l’ancrage Que brusquement on voit délaissant leur mouillage Sur les ondes courir avec célérité ; Tel sur la haute mer Borée est emporté ; De la vague tantôt ils franchissent la cime, Et tantôt avec elle enfoncent dans l'abîme ; L'orageuse Baltique au-dessus d'eux tonnant. Frompent-ils néanmoins le péril imminent ; Au souffle qui les chasse et devient leur ressource Leur vitesse renaît ; ils poursuivent leur course , Bien loin sur une côte heureux de relâcher, À moins que quelque roc ne vienne les toucher, Que quelque écueil caché par la vague inconstante Ne disperse en débris leur carcasse flottante. , Sur la terre non moins dans ses efforts jaloux ( 577 : La tourmente sévit : le mont tonne en courroux. Ses robustes enfants inclinent leur branchage Jusqu'au pied de ces rocs que couvre leur ombrage. Gravissant les hauteurs, seul, dans la nuit, troublé Le voyageur eulbute, il poursuit, essoufflé, Marche contre le vent qui toujours le repousse. La forêt qui n'a plus sa parure si douce Perd ses derniers trésors par les vents fracassés , Des arbres les plus forts les rameaux dispersés , De membres de géant étalent l'apparence. Après avoir ainsi déployé sa vengeance La tempête s’écarte et maitresse des airs Va ravager la plaine et les lieux découverts ; Harcèle également , de ruines avide, La chaumière du pauvre ct le palais splendide ; Les ébranle tous deux jusqu’en leurs fondements. Le sommeil fuit et cède à ces longs tremblements. Au dôme qu'il remue en sa rapide rage Le vent obstiné hurle et demande un passage ; On dit qu'en ce moment, au sein des airs émus, De sourds gémissements parfois sont entendus ; Des cris ou des soupirs à certaine distance Du démon de Ja nuit, selon toute croyance ; C'est la voix qui prédit en révélant leur sort À des infortunés le malheur ou la mort. Tout n'est plus que tumulte, effroyables désastres , Les nuages confus courent avec les astres ; Et la nature enfin chancelle, est aux abois : Mais l'arbitre puissant qui lui dicte ses lois, Celui qui fréquemment , quand mugit la tempête Sans la craindre en son sein aime à poser sa tête, Qui sur l’aile des vents, armé de majesté Voyage impertubable en sa sérénité , \ 578 | À commandé le calme, et soudain l'air , la terre Et la mer à la fois sont forcés de se taire. Minuit couvre les cieux : les nuages lassés En solides vapeurs se mêlent condensés , Lents à se rencontrer. A cette heure où le monde Esclave du repos que le calme seconde , Git, assoupi, perdu dans les bras du sommeil, A de graves pensers ici donnons l'éveil ! Oh! que je m associe à la nuit sérieuse , Et que je fasse appel à sa compagne heureuse , La méditation ! Exilons loin de nous Tous les soins importuns dont le jour est jaloux , Et seconons des sens l'impression grossière ! Vanités de la vie, à troupe mensongère! Plaisirs qui ramenant en cercle votre cours, Nous seduisez sans cesse et nous trompez toujours, Qu'êtes-vous devenus ? et qu'offrez-vous en compte ? Le désappomntement , le remords et la honte. Triste, amère pensée. et l’homme cependant Qui voit s évanouir son rêve décevant Désabusé, mais plein d'un désir qui s'irrite En aveugle s’adonne à la même poursuite ! Du jour et de la vie, à père souverain, O toi, le bien suprème, enseigne-moi le bien ! Ecarte de mes pas la folie ou le vice ; Qu'aucun désir honteux jamais ne m'avilisse : Nourris-moi de savoir ; à la secrète paix Ajoute la vertu dont l'âme se repaîit ; Présents pur: et sacrés, félicite réelle Et dont rien ne flétrit la couronne immortelle ! (579 | Mais de l'est qui palit ou du nord rigoureux Des nuages fumeux s’avancent dans les cieux ; Épais, de couleur sombre , ils montent sur nos têtes, Devenus le signal de bien d’autres tempêtes. Leur sein, leurs vastes flancs contiennent rassemblé Un vaporeux déluge (!) en neige congelé. ils sont gros de flocons semblables à la lame, Leur troupe se condense et la céleste plaine S'attriste à cet aspect. Vague , très fine encor, Descend ia blanche pluie. Elle prend son essor Au travers de l'air calme. À la fin plus épaisse En flocons abondants , larges, elle s’abaisse Et tombe plus pressée ; elle offusque le jour ; Son flux est continu. Tous les champs alentour Portent un vêtement de blancheur éclatante. Tout brille, sauf aux lieux où la neige tombante Fond le long du courant; à la face des bois L'amas néigeux s’imprime ; ils cèdent à son poids. Avant que le soleil achevant sa carrière De l’ouest au soir épanche une faible lumière , La figure du sol en son aspect nouveau , Éblouissant désert, se couvre d’un manteau Qui dérohe aux regards les ouvrages de l’homme. Le bœuf, bon serviteur , travailleur économe, S'abat, chargé de neige , et de ses longs travaux Sollicite le fruit ; en bandes, les oiseaux Rendus plus familiers par la saison cruelle , Près du tas des vanneurs vont faire sentinelle ; Avecempressement ils viennent demander La mince part que Dieu voulut leur accorder. À Ja famille cher comme aux dieux domestiques , Un seul, le rouge-gorge , en ses sages pratiques (z) Vapoury, déluge (Wote du traducteur.) : 580 } Prévoyant, dans les champs et les tristes buissons Laisse gémir de froid ses pauvres compagnons, Et tous les ans il fait à l’homme sa visite. D'abord contre la vitre il s'abat , il hésite , Puis entre, moins timide , approche du foyer , Sur le plancher bientôt se met à sautiller ; Du coin de l'œil après observe la famille Qui rit de son manége ; avide , il happe, pille Quelque miette , tressaille et se montre surpris En contemplant les murs de son nouveau logis. Enfin apprivoisé , devenu plus aimable Il vole et vient briguer les miettes sur la table. Les champs qui n'offrent plus de trésors sustentants Repoussent de leur sein leurs maigres habitants. Le lièvre si craintif , que tant de fois assiége Un trépas varié, soit au moyen du piége, Ou des chiens , ou de l’homme encore plus cruel , Pressé par le besoin , à son sévère appel Qui triomphe de tout et bannit toute crainte, Recherche les jardins pour en franchir l'enceinte. Au ciel la gent bêlante élève souvent l'œil , Et le baisse , du sol contemple le linceul , Muette , au désespoir, puis sombre , se disperse, Et creuse obstinément la neige qu'elle perce. Pour elle maintenant , bergers , soyez humains, De l'hiver courroucé rendez les efforts vains. Donnez à vos troupeaux de bonne nourriture , Et qu à l'abri des vents , une forte clôture Les protége. Sur eux veillez assidüment, Car dans cette saison élancé brusquement Des cavernes où l’est trop souvent le recèle , Un tourbillon puissant emporte sur son aile Comme par un signal, le blanc fardeau que l'air (581) Avait accumulé sur le corps de l'hiver ; Sur les moutons cachés au creux de deux collines La tempête alors fond couvre tout de ruines ; A tel point qu'exhaussée et transformée en mont Jusqu'au ciel la vallée ose porter le front Qui brille et montre au loin sa couronne d’albâtre. Lorsque les champs ainsi deviennent le théâtre De neiges en monceaux , lorsque farouche et dur L'hiver au sein des airs jette son crêpe obscur, Le berger dans ses prés où se porte sa vue, Troublé, déconcerté, chemine ; dans la nue Il aperçoit des monts formés nouvellement Qui sont pour lui l'objet d’un long étonnement. De plus tristes tableaux viennent prendre leur place Sur la plaine où de pas il cherche en vain la trace, La rivière , le bois, jadis si bien connus, Iles cherche des veux , il ne les trouve plus. De colline en vallon il se guide avec peine, Il égare toujours sa démarche incertaine. Dans la neigeil enfonce , et s’obstine excité Par le désir ardent du toit qu'il a quitté, Ce désir le tourmente , il fait bouillir ses veines, Mais sa vigueur s'épuise en tentatives vaines. Que son âme est navrée ! Oh ! de quel désespoir Son cœur est-il saisi , lorsque bien loin de voir Selon ses plus doux vœux sa cabane apparaître , La triste vérité lui laisse reconnaître Un sol aride , inculte , un sauvage terrain Sans limite , éloigné de tout séjour humain ! Et cependant la nuit enveloppe le monde : La tempête qui hurle et sur sa tête gronde De ce désert étrange augmente encor l'horreur. Mille images alors viennent glacer son cœur : 582 | Ou de fosse profonde et que rien ne découvre ; Ou d'un abime affreux qui sous ses pieds s’entr'ouvre : De quelques cavités qui ne sauraient geler : De gouffres dont l'aspect ne peut se déceler, Dont souvent la neige aime à déguiser la face. Sait-il foulant du sol la trompeuse surface , Si le dessous est terre ou de l'eau s’élançant D'une source qui bout et sort en jaillissant Soit d'un marais secret, soit d'un lac solitaire ? Son cœur tressaille , il craint de percer ce mystère, I tremble d'avancer, chancelle , et sur la neige enfin I est tombé sans force et voit déjà sa fin. De la mort si l’idée elle-même est pénible , Ah ! combien elle doit lui paraître terrible, Quand il se représente , en face du trépas, Sa femme, ses enfants qu'il ne reverra pas! C’est maintenant en vain qu'une épouse attentive D'un feu brillant , pour lui hâte la flamme active, Et dans ses tendres soins tient prêt pour soa retour Un vêtement bien chaud ; c’est en vain qu'à leur tour, Ses enfants inquiets, au sein de la chaumière Dans leurs pleurs innocents redemandent leur père. il ne reverra plus le foyer protecteur. Tombé sous le pouvoir de l'hiver destructeur , Le tyran s’en saisit , dans ses veines pénètre , Eteint le sentiment et glace tout son être ; Sur la neige l'étend par un dernier effort , Cadavre blanchissant sous le souffle du nord. Ah ! le monde si fier de sa folle licence, Que bercent les plaisirs, le pouvoir , l’opulence, Au sein des voluptés mollement ballotté , Et fréquemment cruel dans sa légèreté ; Ce monde qui s agite avec étourderie , ( 583 | Qui ne voit sur ses pas que scènes de féerie , Songe-t-il enivré de vains amusements , Qu’à tant de malheureux en ces mêmes moments Ou la mort vient s'offrir ou la vive souffrance ? Oh! combien dans les flots laissent leur existence ; Oh! combien dans je feu , par autrui déchiré , Oh! de combien d’entr'eux le cœur saigne navré ; Supplice par lequel les hommes se punissent ! Combien dans le besoin ! sans air combien languissent Privés dans un cachot de cette activité Dont la nature a fait une nécessité ! De la douleur combien boivent la coupe amère, Ou dévorent le pain si dur de la misère ! Percés des vents au nord , compagnons de l'hiver, Combien épuisent-ils l'inclémence de l'air, Transis et grelottant dans leur pauvre cabane ! Et maintenant combien que leur orgueil condamne Qui dans une autre sphère , aux passions livrés, De crimes, de remords s’agitent dévorés : Puis se précipitant des hauteurs de la vie, Fournissent ces sujets qu'aime la tragédie ! Même dans le vallon qu'ont choisi pour séjour La sagesse , la paix , qu'habitent à leur tour La méditation et l'amitié discrète, N'en est-il pas beaucoup qu'un sentiment honnête Fait gémir à l'écart et dévoue au malheur ? Auprès du hit de mort de l'ami de leur cœur, Combien n'en voit-on pas accroître encor leur peine En lisant sur son front une fin trop prochaine ! Ah !'si l’homme à ces maux pouvait jamais songer , A ceux qui chaque jour viennent nous assiéger , Et qui font de la vie un combat, une arène, De deuil et de douleur une pénible scène, Désormais 1] verrait les choses d’un autre œil. (584 ) Le vice haut placé qu'aveugle son orgueil , Tout près de parcourir sa honteuse carrière S'effraierait ; l'étourdi retournant en arrière Apprendrait à penser ; l’ardente charité Échaufferait le cœur , il serait dilaté Par l’indulgence douce , inépuisable , active : Une émotion douce et communicative Arracherait des pleurs , des soupirs de pitie , Dans les douleurs d'autrui nous mettrait de moitié ; Nos passions toujours s'épurant davantage . De la perfection reproduiraient l'image. Puis-je oublier ici la généreuse main (1) De celui qui touché d’un sentiment humain, Ea d’horribles cachots dignes qu'on les maudisse, Se plut à pénétrer pour Y faire justice? C'est là que sans secours la misère gémit, Qu'accablé de douleurs le malade languit ; Là que la fin harcèle et la soif importune ; Et que comme le vice on flétrit l'infortune. Quoi, de petits tyrans , armés d’iniquité , Dominant sur ce sol , terre de liberté, Où dans chaque assemblée elle frappe la vue, Brille en chaque maison , circule en chaque rue, D'une bouche affamée ôteront l'aliment, La privant de haïllons, unique vêtement, Aux rigueurs de l'hiver livreront la misère ! Que dis-je? le sommeil qui ferme sa paupière , Dernier consolateur , on le lui ravira ! Quoi, le Breton nélibre , on l'emprisonnera, On viendra l'enchaïîner. Quoi, leur rage ennemie (1) Le comité des prisons en 1729. On voit ici qu'il s’agit de l’auteur lui- même, (Vote recueillie par le traducteur.) ( 585 | Le stigmatisera de marques d’infamie ! Ou bien dans les tourments au gré de leur désir Ils feront endurer mille morts à plaisir À ceux dont les travaux honorent la patrie, Dont peut-être le sang plus tard l'aurait servie! Votre dessein est grand , vous hommes d’action , O comité, pressez son exécution ! Il demande des soins, beaucoup de patience, Un zèle que toujours dirige la prudence. Marchez dans cette voie, êtres compâtissants Que les monstres légaux , fléau des innocents , Par vous soient démasqués : que votre main saisisse , Arrache de la leur l'arme de l'injustice ! Qu'en leur coupable espoir les cruels abusés Ressentent à leur tour Les maux qu'ils ont causés ! Ah !'je le sais , beaucoup vous reste encore à faire. L'œil du pur patriote et sa raison austère , Voilà ce que requiert un âge corrompu ! Qu'il serait beau le jour où l'on verrait rompu Le filet de Thémis { que la malice avide Tend pour prendre le vrai dans un piége perfide : Justice transformée en un trafic adroit) Où chaque homme pourrait se fier à son droit. Poussés par la famine et lancés à la hâte Des Alpes dont la cime aux feux du jour éclate, Des sommets ondoyants des sombres Apennins , Et des rocs variés des monts Pyrénéens, Démesurés géants à travers l'étendue, De leur taille imposante épouvantant la vue, Ainsi que le trépas cruels et dévorants Tout autant que la tombe, en bataillons errants Les sanguinaires loups dans les plaines descendent Monstrueux, menaçants. Partout ils se répandent , 39 ( 586 ) Partout donnent la mort. Tel Borée emporté Sur l’éclatante neige avec vélocité Fond en son vol ardent ; de tout ils font leur proie, Ils cernent le cheval qu'ils trouvent sur leur voie, L'attaquent, par le nombre accablent sa vigueur, Le terrassent bientôt et lui percent le cœur. Les cornes du taureau ne sauraient le défendre , De ses fiers agresseurs il ne peut se déprendre. Voraces, élancés jusqu'au sein maternel, Mesurant le carnage à leur instinct cruel, Ils viennent se saisir de l'enfant qu'il allaite, Ils dédaignent ses pleurs, les cris perçants qu'il jette Les traits que sur son front Dieu se plût à graver, image du Très Haut, rien ne peut le sauver. Et jusqu’à la beauté dont la vive puissance, Du lion , d’un regard enchaïne la vengeance, Tout sans distinction déjà gît immolé. Si du ravage enfin le bruit a circule , Et si dans la campagne on leur livre la chasse, La troupe fuit le coup qui par là la menace. Larrons désappointés , attirés par l'odeur, Ils vont aux cimetières exercer leur fureur. Ils déterrent les corps et parmi ces lieux sombres Hurlent au-dessus d'eux et se mêlent aux ombres, Aux esprits effrayés qui peuplent ce séjour. Parmi ces régions dont le hardi pourtour Des Grisons fortunés embrasse les vallées , Souvent au haut d’un pic en masse amoncelées Des neiges brusquement s’élançant des hauteurs Roulent avec fracas leurs monts dévastateurs. De rocher en rocher descendant , elles tonnent ; Tout tremble , les échos dans le lointain résonnent , Et bétail et troupeaux , voyageurs et bergers, (287 | Jusqu’aux soldats en marche en butte à ces dangers, Jusqu’aux hameaux la nuit plongés dans le silence Tout reste enseveli sous l’avalanche immense. Maintenant que l’année étale ses rigueurs , Que l'intraitable hiver épuise ses fureurs ; Quand toujours au-dehors les vents soufflent la glace , Pour retraite je veux me choisir une place C’est entre la forêt dont l'ombrage gémit, Et la rive où luttant pour sortir de leur lit Des flots la multitude incessamment s’agite. Abri champêtre , doux , et solitaire gite, Là l'éclat du flambeau , la flamme du foyer Parmi l'obscurité, brille et vient l'égayer. En ce paisible lieu livrons-nous à l'étude, Causons avec les morts selon notre habitude, Avec les doctes morts, sages des anciens temps, Comme dieux révérés, et comme eux bienfaisants, Dont l'inspiration et puissante et féconde Par les armes , les arts, civilisa le monde. Par de nobles pensers à l'instant suscité, Lelivre que je tiens, je l'ai mis de côté. Plongé dans une douce et sainte rêverie, Je salue étonné leur présence chérie, Les ombres devant moi se lèvent lentement. Socrate, que d’abord je distingue aisément Dans l’état corrompu, bon avec énergie, Inflexible et qui sait braver la tyrannie : Conduit par la raison , principe calme, actif, Voix de Dieu qui s'adresse à l'esprit attentif ; Soumis , il obéit à cette voix si sainte Dans la vie ou la mort toujours exempt de crainte. Grand maître de morale et des mortels enfin Le plus sage, Solon, qui sut sur le terrain ( 588 ) D'une large équité fonder sa république, En de prudentes lois il met sa politique , Réforme sans rigueur un peuple vif, léger , Qui conserve toujours sans se décourager Le feu dont 11 pétille ; à sa vive lumière Il parcourt des beaux-arts la savante carrière , Celle qu'ouvre pour lui la fière liberté, Et brille sans rival de sa propre beauté. La glaire de la Grèce et de l'espèce humaine , Lycurgue vient après. Sage, austère , il enchaîne, Il sait discipliner toutes les passions. Des doctrines je vois, passant aux actions, Le chef si glorieux (4) qui meurt aux Thermopyles : Il goûta des leçons à suivre difficiles , Et prouva par des faits ce que l’autre enseigna. Puis celui que du nom de Juste on désigna, Surnom qu'un pays libre à ses vertus attache, Il lève un front honnête et montre un cœur sans tache. C’est Aristide, pauvre et toujours respecté , Lui qu'on vit dédaigneux de la célébrité , Sacrifier sa gloire au bien de sa patrie, Et d’un rival hautain (2) enorgueillir l'envie ; Élevé par ses soins, plus doux en son aspect , Cimon vient. Son génie inspirant le respect, S’est soustrait de bonne heure au joug de la débauche. Dehors , l'orgueil Persan redoute son approche ; il en est le fléau ; mais retiré chez lui, Du mérite, des arts, il se montre l'appui ; Modeste et simple encore au sein de l’opulence, La Grèce qui déjà touche à sa décadence Découvre, mais pensifs, à mon triste regard (1) Léonidas. (s) Thémistocle. (Notes du traducteur.) (589 ) Des héros appelés à la gloire trop tard ; Ses derniers défenseurs et plus grands que leur âge, Timoléon à qui Corinthe rend hommage , D'un caractère heureux à la fois ferme et doux, Qui tuant le tyran dans un juste courroux, En l’immolant versa des larmes sur son frère. Des Thébains aux plus grands est égale la paire(1} Et le pays recoit de sa noble union La douce liberté, l'empire, le renom. Celui qui sur leurs pas à son tour va paraître, À son premier regard je sais le reconnaître ; Lui par qui se fondit l'honneur Athénien, Ne laissant après lui qu’un indigne levain : Le probe Phocion, homme en public sévère , Dans sa vertu toujours inexorable, austère ; Mais quand sous l’humble toit qu’il savait illustrer , La paix et la sagesse accouraient se montrer, Et déridaient son front ; pour qui pouvait l'entendre . Point d'amitié plus douce et point d'amour plus tendre. Et des fils de Lycurgue apparaît le dernier , Noble victime, ardente à se sacrifier Pour sauver un État dans son danger extrême , Et sans succès , Agis, qui vit Sparte elle-même, Avare , succomber par ce vice honteux. Les héros Achéens viennent enfin tous deux : Aratus quelque temps ranimant dans la Grèce Ce feu de liberté qui languissait sans cesse ; Cet autre chéri d'elle et son dernier espoir , Philopémen, lui qui désormais sans pouvoir Contre un luxe effréné, dont on aimait les charmes , Sut le faire servir à la gloire des armes. (x) Pelopidas et Epaminondas, (Note du traducteur.) { 590 ) Il conduisait sa ferme en simple laboureur Ou dans les champs de Mars inspirait la terreur ; Toujours prêt à montrer son utile vaillance. Sous de plus rudes traits, emblême de puissance En des temps vertueux accourt se présenter , De héros une race ; elle fait regretter Pourson propre pays une ardeur exclusive. Je passe Romulus ; Numa d’abord arrive , Lumière de l’État et son vrai fondateur : De ses farouches fils le penchant destructeur , Par lui fut adouci. Servius, politique Posant le fondement sur qui la république S'éleva pour s'étendre à l'univers entier. Mais je vois les consuls à mes regards briller , Augustes, imposants. Brutus, juge sévère Qui sachant réprimer ses sentiments de père Triste, pourtant ne songe au milieu du Sénat Qu'à remplir le devoir de père de l'État (1). Pour prix de ses bienfaits payé d’ingratitude, Camille , à servir Rome il voua son étude, Et d'elle ne punit que ses seuls ennemis. Fabricius, de l'or à qui tout est soumis , Méprisant le pouvoir. Cincinnatus qui laisse La charrue et surgit, gloire d'une autre espèce. Et Carthage , celui qui de ta cruauté Victime volontaire (2) et, sans être arrê'é Par les efforts que font en cette conjoncture La voix de l'amitié, celle de la nature, Celle d’une cité, marche résolument Au supplice qui doit acquitter son serment. er (x) Marcus Junius Brutus. (2) Regulus, (Notes du traducteur.) {591 ) Scipion , noble chef, compatissant et brave, La gloire de bonne heure en a fait son esclave. Plein de jeunesse encor, par de plus doux plaisirs Heureux, dans la retraite il charme ses loisirs Au sein de l'amitié , de la philosophie. Tullius, lui qui tient au gré de son génie De Rome quelque temps les destins balances. L'invncible Caton , vertueux à l'excès. Infortuné Brutus , toi dont l'âme était bonne, Mais qui fier d’arracher une indigne couronne, Par le poignard romain, vengeur de la vertu Fis tomber ton ami sous tes coups abattu. Ah ! de leur vive gloire en étalant l'image, Combien d’autres des vers me demandent l'hommage ! Mais qui pourrait compter les étoiles du ciel, Marquer sur l'univers leur pouvoir éternel ! Voyez qui resplendit en sa grandeur si belle ; Pur comme le soleil en la saison nouvelle! C’est ou Phébus , ou bien le berger Mantouan, Mais Homère apparaît. Aigle au sublime élan Père de l'harmonie ! A ses côtés, rivale La muse des Anglais s’avance son égale. Chacune des deux marche en se donnant la main ; Et de la renommée a trouvé le chemin. A touche pathétique , en même temps savante, D’autres ombres la foule est-elle donc absente, Elle qui sur la scène allait chercher le cœur , Et dont Athène aima le prestige vainqueur ; École de morale où notre cœur s’épure ? Et d’autres dont la voix mélodieuse et pure A la Iyre emprunta les plus aimables chants ? Images qui flatiez , épurez mes penchants, {592 ) Douce société, la meilleure de toutes; Du vrai bonheur , à vous qui m'enseignez les routes , Ne m'abandonnez pas; embellissez mes nuits, Ah! je vous les consacre. En recueillant les fruits , Au ton de vos pensers que mon âme s'élève ! Silence ! heureux pouvoir ! que ton œuvre s'achève ! Cèle ma porte , fais que de mes doux loisirs Un indiscret jamais ne trouble les plaisirs ! Introduis seulement certains amis d'élite Qui daignent quelquefois d’une aimable visite , Charmer mon humble toit : tous, d’un goût épure , D'un savoir étendu, surtoût bien digéré , Dans leur parler naïf de pieuse croyance , Et dont la bonne humeur anime la science. Me trompé-je, je crois au gré de mon transport , Que du haut du Parnasse abaissant son essor, Pope viendra toucher le seuil de ma demeure , | De l'étude pour moi marquer et bénir l'heure , De son génie au mien infuser la chaleur, | Et lui faire goûter tous les plaisirs du cœur ? | Car s'il n’efface pas Homère (1) en harmonie , Aucun chant néanmoins n’est plus doux que sa vie. Hammond , où donc es-tu ? toi devenu l’orgueil Des amants des neuf sœurs dont tu causes le deuil ; Toi leur ami , jeune homme ? à la fleur de ton âge Lorsque dans leurs progrès chaque jour davantage Ton mérite précoce et ta mâle vertu Frappaient nos yeux. Pourquoi nous abandonnas-lu , Pourquoi sévrer l'espoir de notre âme charmée ? A quoi sert maintenant la soif de renommée Qui brülait dans ton cœur ; ce trésor de savoir (1) On sait que Pope a traduit Homère, (Nole du traducteur.) ( 593 | De bonne heure amassé ; cette ardeur de vouloir Cet amour du pays, dont plus d’une jeune âme Digne de son renom, nourrit chez nous la flamme ? A quoi bon cet esprit séduisant , éveillé, Cet amour pour la muse, à la vive amitié Ce cœur toujours ouvert ; ce joyeux caractère Que venait embellhir d’une douce lumière Tes aimables vertus? .. . .. Ab! ta désertion Doit désormais suffire à notre instruction : Elle abat les projets dont notre orgueil se vante, Et nous dit que la vie est chose décevante. Ainsi dans quelque asile à l'écart confiné, J'exerce mon esprit sur un thême donné ; Avec quelques amis d’aimable caractère Tristes ou gais, selon le ton de la matière, De l'hiver passeraient les soirs ; nous enquérant Si la création a surgi du néant En certain temps , ou si dans son pouvoir suprême , L’Eternel l’a lancée éternelle elle-même. L'investigation voudrait connaître enfin Et sa vie etses lois, et sa marche et sa fin. De ce grand tout après le sublime miracle Déploirait par degrés un plus vaste spectacle ; Notre âme s'ouvrirait pour mieux le contempler. Dans l'immense tableau qui vient se dérouler Nos yeux surpris verraient , épris de sa magie, Dans la perfection s'unir chaque harmonie. De là nous tomberions sur le monde moral Si bien organisé, quoiqu'il le semble mal , Accordé, dirigé des mains de la sagesse ; D'où le bien général naît , résulte sans cesse. La muse de l’histoire éclaire notre ardeur , Des siècles reculés sonde la profondeur , ( 5%) Des empires détruits soulève la ruine, Elle montre comment chacun brille, décline, Tombe; des nations ce qui fait le bonheur , Fertilise leur sol et du climat vainqueur Leur donne deux soleils ; tandis que de lumière Où l’astre constamment inonde l'atmosphère, Des peuples sous les cieux les plus favorisés Aux rigueurs de la faim sont sans cesse exposés : Jusqu'au transport alors s'exalterait notre âme Et s’assimilerait dans sa brülante flamme A cette portion de la divinité , A ce rayon des cieux , le plus pur en clarté Qui vient illuminer l'âme du patriote , Ou celle du héros. Que si le sort nous ôte L'espoir de réussir, réprime notre élan, Si nous sommes , hélas ! au-dessous d’un tel plan, Abandonnant alors ces sphères élevées, Nous nous exercerions à des vertus privées : Notre esprit parcourrait les plaines et les bois , Et là de la nature écouterait la voix. Rêveurs nous coulerions une champêtre vie, Ou distraits par des soins bien pius dignes d'envie , Élancés en idée aux champs de l'avenir Qui quoiqu'obscurs pour nous, flattent notre désir, Nous anticiperions les scènes glorieuses , Scenes d’étonnement, où les âmes heureuses Plus pures par degrés , dans l'infini montant Poursuivent dans les cieux leur essor éclatant, Toujours changeant d'état , toujours changeant de monde. | Las de cette recherche et savante et profonde, Nous laissons des pensers pour nous trop sérieux ; L'imagination vient nous prêter ses jeux , Ses scènes si souvent fantasques , hasardées , Et nous associons une foule d'idées en. {595 ) Entr'elles sans lien ; dont l'esprit raffiné Fait jaillir Lout à coup un rire inopiné ; Ou sous sa gravité déguise leur folie Et donne pius de sel à la plaisanterie. Cependant au village on réveille le feu. D'un revenant l’histoire attestée en ce lieu Pareillement est crue et parmi l'assistance Cireule, produisant le plus profond silence ; Tant qu'enfin la frayeur glace chaque écoutant. ; Ou de rustiques bonds que l’on forme en sautant La pièce retentit. Ame de tout ce monde La champêtre gaîté fait alentour sa ronde. Quelques simples bons mots enchantent le berger, Qui s'amuse de peu. Là, sans rien ménager I rit à longs éclats , rire du moins sincère ! Là parfois il dérobe à la svelte bergère, Un baiser sans qu'elle ait l'air de le soupconner, Ou que feignant dormir elle laisse donner. On setire, on se pousse, on gambade, l’on danse Pour musique l’on suit la native cadence. À la campagne ainsi s'écoule un soir d'hiver. La foule en la cité passe comme l'éclair. Les lieux publics sont pleins , on traite chaque thème ; On s’entête, on s'échauffe et l'entretien lui-même À chaque instant se change en murmure confus. Blasés par le plaisir , ne se connaissant plus, Les fils de la débauche à son ivresse en proie Nagent dans le torrent d'une infidèle joie , Qui s'échappe bientôt. Mais du jeu la fureur Dans l'âme déréglée allume son ardeur , ën un abime affreux de ruine commune Plonge honneur, vertu, paix , famille , amas, fortune. ( 596) Dans le salon pompeux où se mélent les pas, La danse développe , embellit mille appas. De la royale cour le luxe se surpasse ; Le cercle toujours croît. Jaillissant avec grâce Des flambeaux , du reflet des riches vêtements, Des veux étincelants, rivaux des diamants , Un doux rayonnement sur le palais scintille ; Tandis que glorieux de l'éclat dont il brille Insecte qui ne doit goûter qu’un jour d'été, Le freluquet voltige avec légereté. Mais l'ombre de Hamlet s'avance sur la scène, Du fougueux Othello la fureur se déchaine ; Monime gémissante apparaît à son tour, Et de Belvidéra l'âme est toute à l'amour. L’effroi serre les cœurs, les larmes enfin coulent , Ou bien dans les tableaux que ses jeux leur déroulent , Aux spectateurs, Thalie au gré de son pouvoir Présente de leurs mœurs le fidèle miroir , Et joyeuse fait naître un rire légitime. Quelquefois on la voit prendre un ton plus sublime ; De la société tout ce qui fait l'honneur, Sous des traits vertueux, tout ce qui plait au cœur, Le généreux Bevil (4) à nos regards le montre. O Chesterlield , 6 toi, dans qui chacun rencontre La sagesse solide , épurée à la fois, Le zèle généreux à défendre nos droits ; De qui la politique en ressources féconde Met en jeu des ressorts qui dirigent le monde, Et qui joins à ces dons , des grâces couronné (1) Fersonnage des Amants sincères, pièce de sir Richard Steele. (Note du traducteur.) (597 ) Les attributs riants dont elles ont orné , Tout le feu qu'Apollon à ses favoris donne Avec la dignité qui toujours environne ; Aimable , et qui du monde au gré d’un art charmant Fais reconnaître en toi l'instructeur , l’ornement : Permets , lui souriant, que ma muse champêtre Pare de ton beau nom le chant qu'elle à fait naître, Avant qu'humble elle fuie en l'épaisseur des bois. Sa grande ambition consiste , tu le vois, A marcher sur tes pas (courtisant ton mérite . En effet chaque muse aime à former ta suite ). Elle voudrait marquer tes talents variés , Ce mépris qui te pousse à fouler à tes pieds En cœur anglais que rien ne séduit , ni n’effraie , Toute corruption que ie pouvoir essaie ; Cette fleur de bon ton, de goût , d’urbanité Qui même de l’aveu du Français (4) si vanté , De sa brillante cour efface les manières ; Cet esprit si piquant et ces touches si fières , Touches de la nature elle-même , en leur cours D'un sel vraiment attique assaisonnant toujours Une fine satire avec art tempérée ; Dont la pointe légère et pourtant acérée Réveille notre esprit , pénètre notre cœur Et guérit nos défauts , sans causer de douleur : Mais si brûlant encor d’une plus vive flamme, La cause du pays vient échauffer ton âme, Dans ces jours glorieux combien j'aime à te voir Quand les fils d’Albion dont tu formes l'espoir Courent dans le sénat écouter ta parole! a (1) Tout en rendant une parfaite justice an mérite de Chesterfield , soit comme homme, soit comme auteur, nous ne croyons pas avoir besoin de répondre à cette attaque , dont chacun sentira l'injustice. (Note du traducteur.) ( 598 ) Vêtue alors par toi, mais sans changer de rôle, L'aimable vérité de la persuasion Prend le ton , la couieur : l'inflexible raison Qui seule contre nous a de si fortes armes En marque le triomphe; elle y puise ses charmes. On voit les passions , soumises à tes lois , Répondre à ton appel, fidèles à ta voix, Et l'esprit de parti, malgré sa répugnance , Est forcé d’avouer ta magique puissance, Quand de ton éloquence épanchée à longs flots Et nous émerveillant par des secrets nouveaux , Le torrent tantôt lent et tantôt plus rapide , Énergique, toujours d'une clarté lucide, Magnifique poursuit son cours victorieux. Retourne maintenant à ton asile heureux, O muse, il en est temps. La salubre gelée Tardive, enfin sévit, par nos vœux appelée. Sur la face des cieux d’un bleu clair, azuré, Trop ténu pour notre œil , court le nitre éthéré. En tuant des brouillards la vapeur ennemie, Il vient fournir à l'air des principes de vie. L'atmosphère lucide enlace étroitement Nos corps et les étreint d’un froid embrassement, Restaure notre sang redevenu plus libre, Épure nos esprits , retrempe chaque fibre. Vers le cerveau les nerfs pour dernier résultat Montent plus vifs : alors, dans son nouvel état L'âme unie en un point, intense, froide , agile, Brille comme le ciel, comme l'air est subtile ; Du vigoureux hiver le pouvoir fécondant A frappé la nature ; elle qui, cependant , Pour l'ignorant n’étale a présent que ruine. La glèbe par la glace et se cuit et s’affine ; ( 599 }) Y puise abondamment tous les sucs végétaux. Ils fermentent pour l’an, source de fruits nouveaux, D'un plus ardent éclat se peint le feu rougetre ; Et prodigue de flamme il illumine l'âtre. Pendant que le courant entraîne au loin leurs eaux, Des rivières plus purs on voit couler les flots, Lucides du berger elles sont le spectacle ; Et murmurent plus haut pressentant un obstacle. 0 gelée, apprends-moi d’où naissent tes trésors ; Et toi-même qu'es-tu ? par quels secrets ressorts Te saisis-tu de tout dans ta course rapide ; Même enchaïnant le pas de l’agile fluide? Dois-tu ton énergie et ton activité A des sels ou crochus ou tranchants de côté, Répandus sur les eaux, dans les airs , sur la terre ? C'est ainsi quand le soir descend avec mystère Qu’âprement exhalé du bout de l'horizon Un vent glacé qui vient de quitter sa prison, Et que l'hiver arma d’une terrible rage, Se cramponne sur l'onde en un brusque passage , Et malgré sa furie enchaïne le courant. La glace aux feux du jour lâche le flot errant ; Plus qu'à demi dissoute elle a cessé de bruire; Mais aux bords se maintient et garde son empire, Ou forme un rond pierreux d’aspérités garni, Pavement de cristal d’un dur ciment uni Par le souffle du ciel; tant que de rive en rive Enfermée au-dessous gémit l’onde plaintive. Le sol sous les effets que la glace produit A l'oreille aisément transmet un double bruit. Au village, le chien , bruyante sentinelle Y trompe du voleur la veille criminelle, La génisse mugit. En son jaillissement ( 600 : De la cascade croît le retentissement Apporté par le vent; de l'écho répétée Du voyageur tremblant la démarche hàtée L'annonce dans la plaine; à cette heure les cieux De mondes infinis le siége radieux Lancent tout leur éclat : à nos yeux dévoilée Du magnifique azur la splendeur étoilée Brille d’un pôle à l’autre ; et des pôles enfin Maitresse , en étendant son sceptre souverain Sans obstacle prévaut la rigide influence. Dans la tranquille nuit, témoin de sa puissance, Incessante, obstinée et pleine de vigueur , Bourreau de la nature , elle perce son cœur. Après beaucoup d'efforts la froide matinée Lève tardivement sa face consternée Sur un monde abattu; c’est lorsque le jour luit Que l’on peut discerner le travail de la nuit : Aux toits, à la cascade où règne le silence, Dont les torrents oisifs gardent leur apparence , Des glaçons suspendus les fantastiques traits, Les fugaces reflets, les bizarres portraits , Enfants de la gelée ; élancé de sa source Le flot qui ruisselait, au milieu de sa course Fixé sur la colline , aux rayons du soleil Scintillant froidement, sorti de son sommeil ; Sous l’ondoyant duvet fardeau de chaque branche La forêt qui s'incline; et la neige plus blanche Qu'épure la gelée et qu'incrustent ses feux , Qui craque sous les pas du pâtre matineux , Soit que pensif il erre à travers la campagne Pour guider son troupeau , soit que de la montagne Dans son ardeur joyeuse il descende en glissant. D'un court repos l'hiver quand l'homme est jouissant , ( 601 ) La jeunesse livrée à des jeux de son âge, Sur les solides eaux en son humeur volage S'assemble ; c'est le lieu des divertissements. Sur le même terrain dans ces heureux moments . Plus gaie encor d'enfants une troupe folâtre Tourmente le sabot (4) dont elle est idolâtre. Où le Rhin se divise en de larges canaux, De cent lieux à la fois, libre de ses travaux, Arrive le Batave , et lorsque sur la glace Les nombreux patineurs glissent avec audace, Et gardent l'équilibre en leurs cercles divers, Aussi prompts que le vent rasant les flots amers; Le sol tout alentour se meut, bondit de joie ; A cette ardeur aussi les cours du Nord en proie, Étalent sur la neige un faste inusité, Et viennent disputer le prix de la célérité ; La jeunesse en traineaux s’élance impétueuse, Jalouse en ce concours d’être victorieuse ; Par leur présence encore animant le débat, Rayonnantes de pair, du plus vif incarnat, On y voit les beautés de la Scandinavie, Et les vierges, trésor qu’au Russe l’on envie. Pur, rapide, joyeux , le jour touche à sa fin ; Car son astre à midi du couchant est voisin. [ va frapper le roc qui, hérissé de glace, Brave cette clarté timide, inefficace. De leur bleuâtre éclat brillent toujours les monts, Et d'un pâle soleil repoussent les rayons. À peine le vallon qui ressent leur atteinte, Sous les rais réfléchis s’amollit et suinte. Ou bien au front du bois formée en pelotons, (1) La toupie, jeu également connu en France, (Note du traducteur.) 40 mt » ( 602 ) La neige en s’échappant disperse aux environs Comme autant de milliers de pierres précieuses, Qui doivent au soleil leurs teintes radieuses. En foule cependant les avides chasseurs , | D’armes à feu munis et de chiens destructeurs, Qui dès que le coup part sur le gibier s’élancent, A désoler les champs avec ardeur commencent; Par leurs amusements, redoutable fléau , Pire que la saison qui met tout au tombeau ; Et détruisent au gré de leur fureur charmée Et l'espèce velue et l'espèce emplumée. Qu'’ai-je dit toutefois ? faible enfant , notre hiver Dans ses proportions peut-il aller de pair | Avec celui que voit la zone glaciale Apparaître géant ? Là, sans nulle intervalle Durant des mois la nuit et ses astres brillants Règnent sur des déserts de clartés rayonnants. C’est en des lieux pareils d’une immense étendue , Dont la nature eut soin d'interdire l'issue Qu'’erre l’exilé russe ; à ses tristes regards Ce théâtre de deuil n'offre de toutes parts Que des déserts perdus et cachés sous la neige, Des bois que son poids courbe ou sa fureur assiége ; Des flots solides , durs, au nord se dirigeant, Dont la mer glaciale attend le contingent ; Et dans l'éloignement des villes désolées Après un an d'attente un moment consolées En entendant encor parler du genre humain, Lorsque la caravane achève son chemin Vers le riche Cathay (1). Pourtant ici la vie (1) L'ancien non de la Chine. (Note du traducteur.) ( 603 ) Comme ailleurs est connue et comme ailleurs chérie. C’est dessous ces terrains où la neige reluit, Là que des nations ont placé leur réduit. Là chacun est vêtu de la chaude fourrure Que fournissent lhermine exempte de souillure , Et semblable à la neige où s'impriment ses pas, La noire zibeline , hôte de ces climats, Et d’autres animaux de couleurs différentes Ou dont le poil est teint de nuances changeantes ; Dépouilles , cependant que voyant d'un autre œil, Nous payons chèrement pour flatter notre orgueil. Là de daims étendus sur la neige naissante Côte à côte s'endort une foule innocente ; Ei l'élan lève à peine un front qu'il a fléchi Vers l’abime sans fond que la neige a blanchi ; Le barbare chasseur pour atteindre sa proie , N'a besoin ni de chiens éclaireurs de la voie , Ni de carquois , ni d'arc lançant de loin la mort A l'animal qui fuit pour éviter son sort. Le sauvage habitant chargé d’une massue, Presse les animaux qui cherchent une issue Et courent se heurter contre les flancs du roc Qui déchirent les leurs trop tendres pour le choc. Il porte un coup , du sang de son gibier sans vie La blancheur de la terre à l'instant est rougie. D'un facile succès le bourreau réjoui Traîne en poussant des cris sa victime chez lui. Dans le sein de forêts informes , rabougries , Où languissent des pins aux tiges appauvries, Rude et dur habitant de cet affreux séjour, Rarement consolé par les regards du jour , Et qu'il occupe seul , horrible et lourde masse, L'ours chemine , le poil tout hérissé de glace ; Il s'avance à pas lents ; et plus les éléments ( 604 Dans leur äpre rigueur , se montrent incléments, Plus il creuse son lit sous la terre glacée, Et ferme , dédaignant toute plainte insensée S’habitue en stoïque à souffrir le besoin. Dans ces pays du Nord qui s'étendent au loin, Sous le ciel rigoureux où l'ourse vigilante De son char paresseux hâte la marche lente. Une autre race encor que harcèle Caurus (1), Connaît peu la douleur, le plaisir guère plus ; Féconde , elle s'accroît. Réveillant le courage D'un monde qui dormait au sein de l'esclavage, Soudain , horde sur horde (2) , en leur élan hardi, Es fondirent un jour sur les champs du Midi. Tout s’effaçait devant leur course impétueuse. Invincibles , au gré d’une conquête heureuse, A ces peuples soumis ils donnèrent des lois. Tels ne sont pas sans doute. étrangers aux exploits Les paisibles Lapons : ils méprisent la guerre, Ils l’appellent barbare, absurde, et de la terre Attendent simplement ce qu'elle veut donner. . L'amour de leur pays peut seul les dominer. Ils chérissent ces monts qui menacent leurs têtes ; Trouvent même du charme à la voix des tempêtes. Nul désir, nul besoin, fils de la vanité, Ne vient troubler le cours de leur tranquillité, Et ne les fait passer par la mer orageuse Où voguent le plaisir , l'ambition trompeuse. Leurs rennes sont leurs biens. Ce peuple leur doit tout, Vêtements, tentes, lits, mets qui flattent son goût , Salutaire boisson, dont il fait ses délices , (1) Le vent du nord-ouest. errantes des Scythes. (Notes du traducteur.) ( 605 ) Meubles , même docile à leurs moindres caprices, Le renne à l'instant vient s’atteler au traineau. De colline en vallon, de vallon en coteau , Par leurs maîtres guidés , ils dévorent l’espace ; Franchissent avec eux la neigeuse surface Dans le lointain semblable à du marbre schisté Qu'une glace bleuàtre a partout incrusté. Dans leurs profondes nuits sous le cercle polaire, Un jour brillant parfois les frappe et les éclaire : Le météore errant, qui sans cesse agité Projette un vif éclat par le ciel refracté; Des lunes dont la face à chaque moment change ; Des astres rayonnants et dont l’image étrange Luit encor mieux parmi la sombre obscurité ; Ils mettent à profit leur propice clarté, Soit qu'en chassant leurs pas s'égarent dans la lande, Soit qu'un besoin les guide aux foires de Finlande ; Le printemps désiré revient; du sud brumeux De l'aurore le char s'échappe nébuleux ; Et pâle, elle paraît dans le ciel la première. L'astre resplendissant suit la jeune courrière ; Mais sans force d’abord , à pas lents s’avançant , Il montre par degrés son flambleau renaissant. Il opère pourtant sa course circulaire , Pendant des mois entiers il répand sa lumière , Source pour eux de joie et leur plus grand trésor. Chaque soir , dans les flots plongeant son disque d'or, Ses feux le lendemain illuminent le monde. C'est dans cette saison que sa chaleur féconde, Que leurs lacs , leurs torrents regorgent de poissons, Et donnent aux Lapons de faciles moissons, Où du pur Niémi (1) les coteaux reverdissent , (x) M. de Maupertuis, dans son livre sur la figure de la terre, après avoir { 606 | Ou du clair Tenglio (4) les roses refleurissent. De leur péche chargés ils retournent chez eux , Et cessent leurs travaux. Avec un air joyeux , Leurs fidèles moitiés , d’une ardeur diligente Suscitent d’un feu vif la flamme pétillante. Race heureuse cent fois ! toi, dont la pauvreté Brave le fisc avare et sa rapacité ; Et chez qui l'intérêt corrompant la justice , N'a pu faire germer les semences du vice ; Où le pâtre sans tache et dans ses mœurs regle, De désirs criminels ne se sent pas troublé, Où la vierge en sa fleur, honorée et chérie Par l'impudique amour ne fut jamais flétrie! Mais la muse a franchi dans son vol hazardeux Le lac de Tornéo , puis l'Hécla, dont les feux S’élancent par torrents d'un cratère de neige. Toujours seule au Groenland un moment elle siége , Elle va plus avant , touche au pôle glacé , Ou s’éloignant bientôt , toute vie a cessé. Alors avec stupeur planant sur l'étendue, D'autres mers, d’autres cieux paraissent à sa vue (2). Sur son trône au milieu d’un palais radieux , Qu'une éternelle glace éclaire de ses feux, décrit le beau lac et la montagne de Miémi, en Laponie. dit : « De cette hauteur » il nous fut facile de voir plusieurs fois s’élever du lac de ces vapeurs que les » habitants du pays nomment haltios , et qu'ils pensent être les esprits gardieus » de la montagne. On nous avait effrayes par des contes d'ours qui hantaient ces » lieux : maïs nous n'en vimes aucun, Cette place semblerait plutôt faite pour » servir de rendez-vous aux fées et aux génies qu'aux ours, » (1) Le même auteur fait ectte observation : « Je fus surpris de voir sur les » bords de cette rivière (Le Fenglio) des roses offrant des couleurs aussi vives que » celles qui naissent daus nos jardins, » (Votes recueillies par le traducteur.) (2) L'autre hémisphère, (Note du traducteur.) (607 ) L'hiver tient là sa cour : cour affreuse et bruyante, Dans ses salles mugit la tempête effrayante. C'est là que le tyran qui prépare ses coups, D'une gelée aiguë arme les vents jaloux , Moule ja rude grêle et forme en sa colère La neige qui désole à présent l'hémisphère. Elle vole vers l’est pour achever son tour Aux lieux que le Tartare a gardé pour séjour ; Elle longe la mer à ses pieds mugissante. Qu'y voit-elle ? En amas une neige croissante , Et qui ne fond jamais s'élever jusqu’au ciel ; Des monts de glace affreux qu'en son effroi mortel A leur blancheur , leur forme , au sein de ces parages De loin le matelot croit être des nuages ; Ces monts ou s’élançant , dominent dans les airs, Hideux , démesurés , ou bien au fond des mers De toute leur hauteur à la fois ils s’écroulent, Suivent avec fracas les vagues qui les roulent, Et fatiguent les flots qui cèdent à ce poids; Image du chaos qui rentre dans ses droits. Sur son axe solide ils font trembler le pôle. . Lui-même l'océan, que leur rage désole, Malgré tous ses efforts , par le froid enchaîné A cessé de mugir , de son calme étonné. On ne remarque plus sur sa pâle surface Que des rocs velus, noirs, surgissant dans l’espace. [ei tout est muet : la vie a déserté Pendant ces rudes mois un séjour détesté. Malheur aux marins pris dans ces glaces flottantes Au moment où du jour les clartés expirantes Délaissent l'horizon ; quand une longue nuit Que présage de mort , un froid rigoureux suit, Venant envelopper les plages de ses ombres { 608 ) Sur les tristes vaisseaux jette ses voiles sombres ! Et tel fut cependant le destin d’un Anglais. Il osa le premier ( car le danger jamais Arrêta-t-il ce peuple) essayer un passage, Essai renouvelé toujours avec courage, Et toujours vainement ; jalouse du succès La nature en ces lieux interdit tout accès. L'infortuné surpris dans le golfe d’Arzine , À heurté de la proue une glace assassine. Son navire à l'instant y demeure scelle. Tandis que l'équipage à la hâte appelé, En ce péril pressant s’agite et s’éverlue, Chaque homme tout à coup se transforme en statue. Le matelot se trouve aux cordages fiché ; Et sur le gouvernail le pilote attaché. Auprès de cette rive inculte , désolée Où l'Oby roule mal une onde congelée , Paraissent végéter les derniers des humains. Recevant à demi dans ces pays lointains De l’astre bienfaisant les clartés fécondantes Qui développent l'homme aussi bien que les plantes , La nature s’y montre en ses plus rudes traits. De l’intraitable hiver pour repousser les traits , Dans des antres profonds qu'occupe leur misère. Auprès d’un triste feu, d’une plus triste chère, Les habitants luttant contre l'obscurité, Traïnent leur existence avec grossièreté ; Du froid le plus extrème ils sentent les injures, Et sont ensevelis dans d’épaisses fourrures. Les bons mots, les chansons, de là sont exilés, La tendresse jamais ne les à consoles. Aucun être vivant autour d'eux ne s'assemble, Si ce n'est l'ours hideux , hôte qui leur ressemble. 609 ) Du matin cependant les rais décolorés D'une assez longue aurore iliuminent leurs prés. 1 remplace à regret les ténèbres qu'il chasse Et donne à son retour le signal de la chasse Au barbare sauvage armé de son carquois. Mais un gouvernement aidé de sages lois , Réformant les humains, que ne peut-il pas faire ? Un mortel inspiré par le ciel qui l'éclaire Sur ces bords à vengé de leur obscurité Des peuples subsistant de toute antiquité, Un empire fameux négligé par la gloire Pierre , nom immortel que consacre l'histoire ! O le premier des rois ! il plia leurs humeurs ; De son pays sauvage , il adoucit les mœurs , I changea tout : ses rocs , ses marais infertiles, Ses rivières, ses mers ef ses fils indociles. Et tandis qu'il domptait leur caractère brut A leur ambition 1l montrait un grand but. Ombres de ces héros dont le rare génie Épuisa si longtemps une peine infinie, A modeler le plan d’un bon gouvernement, Réveillez-vous ; voyez en votre étonnement Le prodige opéré. Voyez loin de son trône, Ce prince sans égal mépriser la couronne Et l'ombre d'un pouvoir jusque-là peu flatteur , Dédaigner d’autres cours le prestige enchanteur, Inspecter chaque ville , explorer chaque plage, Et pour s’instruire errer de rivage en rivage. Débarqué dans un port , du plus simple ouvrier Déposant sa grandeur , exercer le métier ; Du commerce, des arts, des armes, des sciences, Sur sa route, partout, recueillir les semences ! Des trésors de l'Europe abondamment pourvu { 610 ) Le sol qui l’a vu naître à la fin l'a revu. De brillantes cités étalant leurs prestiges Soudain de tous les arts attestent les prodiges ; La campagne se pare , et la stérilité Dans les déserts fait place à la fécondité ; Des fleuves ont mêlé leur onde pacilique ; L'Euxin entend mugir les flots de la Baltique, Des monts sont aplanis ; d'innombrables canaux Deversent en cent lieux les trésors de leurs eaux ; Des flottes ont paru sur les mers étonnées Qu'aucun esquif n'avait jusque-là sillonnées : Des bataillons nombreux combinant leur effort, Répriment d’un côté l'Alexandre du Nord, Ils imposent de l’autre à la race ottomane. La paresse coupable et dont la honte émane, L'ignorance et le vice ont quitté ce pays : Le commerce, les arts, les armes réunis, Forment un grand tableau qui brille en tout son lustre. Ouvrage d’une main vraiment royale, illustre ; Car ce que le génie et le pouvoir trouva , Bien plus puissant encor l'exemple le grava. Un soir pourtant les vents dont la pointe s'émousse Murmurent au midi d’une voix lente et douce , Et la gelée enfin se résout en dégel. Le mont brille, a changé de face à cet appel, Et des torrents neigeux que la pluie accompagne Rapides, descendant , inondent la campagne. Les rivières, alors, dont le courant grossit , Franchissent tout obstacle, abandonnant leur lit, Et soudain s’élançant du sommet des collines Fondent de roc en roc sur les forêts voisines; Mille et mille torrents que la neige a gonflés, Déchargent à la fois tous leurs flots rassemblés ; ( 611 ; Et partout où passant , leur rage éclate et tonne , Echo de ces grands bruits, la plaine au loin résonne. Des tristes , sombres mers dont le pôle glacé S'environne , le flot maintenant courroucé, A qui le vent du nord n’oppose plus d'obstacle , Va s’enfler et produire une immense débâcle. En ses mugissements entendez-vous la mer De bruits inusités, se fendant, frapper l'air ? A force de lutter elle rompt sa barrière , En montagnes , au ciel s’élance tout entière Hélas ! combien je plains le léger bâtiment Qui plein de malheureux essaie en ce moment De chercher un abri contre une île de glace ; En courant sur les eaux , lorsque la nuit menace ; Quand de ces pâles lieux tout augmente l'horreur ! Oh! des humains qui donc se sentira le cœur De braver tant de maux dont la troupe se ligue ? La dévorante faim, la mortelle fatigue ; Des ondes et des vents l’affreux rugissement , De la glace qui fond l'horrible craquement, Qui cesse , mais bientôt renouvelle sa rage, Et par de longs échos dans la nuit se propage! Le fougueux Léviathan , sa suite avec fracas , Tempêtent sur la mer, prolongent leurs débats : Loin de la rive encor , rive inhospitalière, Dans l'ombre l’on entend d’une voix rauque et fière, Des monstres affamés qui redoublent leur cris, Tout prêts à s’élancer dans la barque en débris. Mais l'œil toujours ouvert , la divine sagesse De ces infortunés soulage la détresse, Et relève leur cœur déjà mort à l'espoir. Aïdés de sa lumière , ils parviennent à voir La route qu'il faut prendre et suivre avec prudence . Pour tromper du destin la jalouse puissance ( 612) C'en est fait, et l'hiver déployant son manteau Enveloppe le monde en un vaste tombeau. Les arbres dépouillés ont perdu leur ombrage ; Et des oiseaux craintifs a cessé le ramage. L'horreur étend partout son sceptre désolant. Contemple, homme léger, ce spectacle accablant ! Et qu'il t’engage à faire un retour sur ta vie. D'un peu de temps, s’il faut, contente ton envie. Vois, ton printemps paraît ; l'été plein de vigueur Le suit ; bientôt l'automne amortit ton ardeur ; L'hiver met fin à tout. N'est-ce pas ton histoire ? Où sont donc à présent tes vains désirs de gloire ; Cette soif du pouvoir , ces rêves de bonheur ; Ces soucis inçessants qui dévoraient ton cœur ; Ces Jours mal employés, ces joyeuses orgies Qui voyaient expirer les dernières bougies ; Cet esprit inquiet, toujours se combattant , Passant du bien au mal, indécis et flottant ? Homme, j'ai décrit là toute ton existence ; Elle est évanouie avec ton espérance. La vertu, cet ami qui ne nous quitte pas, Et vers un terme heureux sait conduire nos pas, Survit. Quel nouveau jour tout à coup vient d’éclore ! Et la terre et les cieux sont enfantés encore. L'Éternel donne l'ordre. À sa voix aussitôt, La nature tressaille et s'éveille en sursaut ; Tout respire et revêt une forme brillante , Des douleurs , de la mort à jamais triomphante. Le plan du Créateur, ce plan qui comprend tout, Chaine qui vient s'unir d'un bout à l’autre bout, Se découvre et s'explique à présent que la vue D'un plus vaste horizon mesure l'étendue. Vous qui dans votre erreur, sages présomptueux , D'injustice souvent avez taxé les cieux ; (613) Maintenant confondus, du sein de la poussière, Vous révérez celui chez qui tout est lumière. Vous concevez pourquoi le talent méconnu Vécut dans l'indigence et mourut inconnu ; Pourquoi l’homme de bien au lieu de récompense Ne recueillit jamais que peine et que souffrance ; Pourquoi dans l'abandon et solitairement La veuve et l'orphelin traînaient leur dénûment : Tandis qu'en sa demeure où règnait l’opulence Et dédaigneux des pleurs que versait l'indigence , Le riche las de tout, à ses tièdes désirs Promettait chaque jour de coupables plaisirs ; Pourquoi la vérité, du ciel auguste fille, La sagesse, malgré l'éclat dont elle brille, Rencontrant sur leurs pas la superstition , Ne pouvaient éviter sa persécution : Pourquoi, ver dévorant, en notre âme inquiète Se glissait si souvent une peine secrète , Qui venait nous troubier même au sein du bonheur. O vous, si peu nombreux , restés purs, dont le cœur Ici bas se raïdit, lutte avec l’infortune. Sur le pont de maudire une vie importune, Arrêtez !..... Votre vue en son faible rayon N'embrassait que moitié d’un immense horizon. Qu'est devenu le mal qui causait votre plainte ? Triomphants, désormais . vous voilà hors d'atteinte. L'hiver a fui, pour vous désarmé de rigueurs : D'un éternel printemps vous goûtez les douceurs. O père , tout puissant, être éternel, suprêine , Le cercle des saisons te figure toi-même ; Et l’année en son cours . ... Elle est pleine de toi. La beauté au printemps de ta beauté fait foi. L'on reconnaît en lui ta bonté , ta tendresse, Les prés alors , les champs , sont brillants de jeunesse, L'air est doux, embaumé; de joyeux chants d'amour Sont apportés des monts par l'écho d’alentour ; La forêt reverdie a tressaiili de joie; Et les sens et le cœur au plaisir sont en proie. Ta gloire étincelant de toute sa splendeur, Dans l'été se révèle avec plus de grandeur ; C'est alors que fidèle à sa marche ordonnée, Ton soleil vivifie et féconde l'année. Dans la foudre souvent nous entendons ta voix. Durant le pâle automne encor combien de fois , » Lorsque l'aurore naît, quand le midi rayonne , Où de voiles épais quand le soir s’environne , Des forêts, des ruisseaux , les bruits harmonieux, Du zéphyr soupirant le souffle gracieux, Charme qui fait si bien ressentir ta présence, Pour tout ce qui respire est une jouissance ! Mais dans l'hiver surtout que tu parais puissant ! De nuages affreux quand l'amas menaçant Déroule autour de toi tempêtes sur tempêtes ; Sur les ailes des vents tu montes, tu L'arrêtes ; Et de là contemplant l'univers à genoux, Armé des aquilons , tu lances ton courroux ! ( 615 ; O changeantes saisons , queile force divine Quel occulte pouvoir vous règle et vous domine ? En vous quel ordre simple et pourtant varié, Toujours à nos besoins si bien approprié ! Où tant de beauté règne, unie à la largesse ! Ombres qui vous fondez avec tant de molesse Dans l'ombre qui vous suit, votre accord merveilleux Produit par son ensemble un tout harmonieux Qui va se succédant en son nouveau miracle. Pourtant l'homme étonné que frappe ce spectacle A la brute semblable en son aveuglement , Demeurant insensible à pareil mouvement , N'admire pas la main qui seule avec mystère Souveraine, régit , fait mouvoir chaque sphère ; Agit au fond des mers, ensuite va versant Avec profusion cet éclat renaissant Dont se pare l’année aux mois chéris de Flore ; Lance le jour sorti d’un rayon qui dévore ; Nourrit tous les mortels, fait gronder l'ouragan. Les saisons dans leur cours la décèlent chaque an ; Sa vive impulsion dont leur marche est suivie Anime , met en jeu les ressorts de la vie. Nature, exauce-moi, plein d’un transport fervent, Sous la voûte des cieux que chaque être vivant, Dans l’adoration de celui qui l’anime, En tombant à genoux se confonde et s’abîme ; Qu'ils élèvent vers lui de longs concerts d'amour! Vous brises qui naissez à l'approche du jour , Vous quand le jour s'éloigne, en de tendres murmures, Faites-le nous sentir par vos haleines pures. Oh ! parlez-nous de lui dans l'épaisseur des bois! Où debout sur un roc, et là bravant la voix Des fiers autans, le pin à la tête géante, (616 } Verse sous son ombrage une sainte épouvante ; Vous qu'on entend de loin, à terribles autans Qui faites tout trembler sous vos coups éclatants, Venez nous révéler en rompant le silence , L'êtrequi vous arma d'une telle puissance ; Célébrez sa louange , Ô ruisseaux murmurants : De votre aimable bruit charmez mes pas errants ; Impétueux torrents et profonds et rapides ; Vous , étalant l’orgueil de vos nappes humides , Ceintures du vallon, à vastes amas d’eau, Rappelez sa mémoire en des accords rivaux ; Majestueuse mer, à monde de merveilles , De tes rugissements en frappant nos oreilles Proclame le grand nom du maître souverain Qui fait gronder ta voix, la fait taire soudain ; Fruits, herbes, fleurs , chargés d’un encens balsamique , Qu'il monte vers celui qui d'un pouvoir magique Vous dota de l'éclat dont vous vous décorez, Vous versa les parfums dont vous nous enivrez ; Forêts, en son honneur inclinez votre ombrage ; Des moissons se courbant qu'il recoive l'hommage ; Que de leurs blonds épis le murmure enchanteur ” Accompagne les pas du joyeux moissonneur. Quand la reine des nuits caresse la nature , Vous répandez aussi votre clarté si pure, O vous gardiens des cieux , qui d’un soin diligent Allumez sur leur front tant de lampes d'argent ; Tandis que des humains la foule en paix sommeille , Que des cieux étoilés où leur cohorte veille, Les anges de la lyre éveillant les accords Font éclater leur joie et leurs brülants transports. Et toi, source du jour , océan de lumière Du Créateur l'image , en ta vaste carrière Donnant au sol la vie et la fécondité, (617 | Que tes rayons partout gravent sa majesté ! La foudre a retenti , du front touchez la terre Vous tous , mortels frappés d’un effroi salutaire , Pendant que son bruit roule en hymne solennel De nuage en nuage, écho de l'éternel ! De bélements lointains , résonnez , 6 collines ; Vous rochers dont la mousse a couvert les ruines, Retenez ces accents , en longs mugissements O vallons , répondez à ces doux bêlements, Adressez-les au ciel : ear le grand berger veille ; Car il règne, et son règne, indicible merveille, Doit arriver! bosquets, forêts , de votre sein Sur des tons variés que des concerts sans fin Ne forment qu’un concert quand chaque voix expire, Et que sur nous Morphée a repris son empire, O des chantres ailés le plus mélodieux Dans l'ombre modulant tes sons harmonieux, A la nuit qui t’écoute et t'admire , en échange De l'être souverain enseigne la louange ! Et vous pour qui tout prend un aspect si flatteur De la création, vous, l'élite et la fleur , Humains de qui la race en nos cités fourmille , Couronnez ce grand hymne où l’allégresse brille, Au concert général mariez votre voix ; Que perçant dans le chœur , elle monte parfois Quand il cesse et qu'il fait des pauses solennelles ; Et comme chaque flamme en nourrit de nouvelles , Que vos voix s’unissant, croissent, montent aux cieux: Si pourtant des forêts le temple harmonieux , Vous charme, du berger que la flûte amoureuse, De la vierge des champs que la ronde joyeuse, Que les pieux concerts des brülants séraphins, Du poète inspiré que les accents divins Y célèbrent ce Dieu, des saisons toujours guide, 4 (618 ) Qui sur elle influe , à leur marche préside. Pour moi si j'oubliais mes premiers passe-temps , Soit lorsque la fleur s'ouvre au souffle du printemps, Soit quand l'été dessèche et dévore la plaine, Ou que de fruits l'automne arrive la main pleine, Ou que le triste hiver assombrit l'horizon ; Que ma langue inhabile à produire aucun son Se glace pour toujours ; que venant à s'éteindre L'imagination chez moi cesse de peindre, Et que mort désormais à tout pur sentiment Mon cœur ne batte plus , privé de mouvement ! Que le destin jaloux par un arrêt sévère, Me relègue à son gré dans un autre hémispbère ; Vers les monts indiens, tristes , affreux climats, Où le soleil levant marque ses premiers pas ; Où qu'il m'exile au sein des îles atlantiques Que l’astre en se couchant frappe de traits obliques ! Que m'importe? partout Dieu n'est-il pas présent ? Ah ! toujours l'œil le voit, toujours le cœur le sent, Au milieu des cités, comme en la solitude. D'un souffle il sait bannir toute sollicitude , Et tout à son aspect respire le bonheur. Quand arraché pourtant à mon thème flatteur, L'heure m'avertira venant presser ma fuite, Qu'à des mondes nouveaux il faut faire visite, Je prendrai mon essor , satisfait d'obéir. C'est là que mon talent se sentira grandir : Que je pourrai chanter des merveilles sans nombre, Je n’y trouverai rien de fàächeux ni de sombre. L'amour seul y sourit : il nourrit de ses feux Tous ces mondes et ceux qui sont engendrés d'eux; De ce qui paraît mal fait jaillir le bien mème, Avec progression dans son pouvoir suprême, (619 ) Montre le mieux toujours : mais ici je me perds. ilest temps de cesser de trop faibles concerts. Je m'abime en ton sein, ineffable puissance : Et pour mieux te louer, je te loue en silence. ( 620 | Le 14 octobre 17986 accordé au frère du S.Y Wicar un employ dans la banlieue et le 38 dud, envoié aud. Wicar douze cens frans. MESSEIGNEURS, Quand j'ai pris la liberté de présenter mon tableau de Joseph à MM. du Magistrat et que je les ai priés de vouloir bien l'agréer comme une marque de ma reconnaissance, vous avez daigné, Messeigneurs, ajouter à l'honneur qu'ils m'ont fait de l’accepter et de l’honorer d’une gratification bien-ample, celui de m'encourager de la manière la plus puissante. 11 ne fallait rien moins qu'une satisfaction de cette espèce pour me relever de l'abattement où m'avait plongé la mort d'un père qui faisait notre unique soutien. Qu'allaient devenir ma malheureuse mère, mon jeune frère et ma sœur privés de ces deux bras uniques qui pourvoyaient à leur subsistance ? Je ne pouvais rien faire pour eux, étant moi-même obligé de lutter contre tous les obstacles pour continuer mes études, si je voulais être un jour à même de les secourir puis- samment. Vous avez eu la bonté de m'encourager! L'honneur de votre protection m'a fait concevoir de meilleures espérances. Je me suis flatté qu'en me l'accordant aussi pleine et entière, il pourrait en rejailir quelque chose sur ces trois têtes chères que je suis obligé de Jaisser à Lille aux prises avec tout ce que les circon- stances les plus malheureuses ont de plus affreux. J'ai espéré que, si je pouvais mériter la continuation de vos bontés, mon frère (621) pourrait remplir un jour un de ces emplois subalternes, qui, sans exiger des connaissances bien recherchées, peuvent être dignement exercés par quelqu'un qui, à des notions ordinaires joint une exacte probité. Dès lors, mon frère occupé, ma mère et ma sœur retrouvent en lui un dédommagement de leur perte. Je suis tranquille sur leur sort. Libre de cette inquiétude mortelle qui en avilissant l'âme énerve le talent, en étouffe le germe, je me livre tout entier à l'étude qui est nécessaire à mon avance- ment , et si jamais je suis assez heureux pour obtenir vos éloges, vous louerez votre propre ouvrage, puisque ce sera vous qui m'aurez mis à même de les mériter. J'aurai bien désiré que mon Salomon, que je vous prie d’agréer aujourd'hui eùt eu l'honneur de vous être présenté à mon retour de Rome. Mais à peine ai-je pu l’ébaucher dans cette capitale ; Dieu seul sçait les obstacles que j'ai eu à vaincre et les dégoûts au-dessus desquels il a fallu m'élever. Il ne m'a pas même été possible de l'envoyer au Salon où je n'aurais pas voulu qu'il pardt sans l'avoir montré à M. Pierre, premier peintre du Roy et directeur de son académie. Les éloges que cet homme respectable a tous égards à bien voulu donner à mes efforts m'enhardissent à vous le présenter avec confiance ; ce n’est pas un tableau parfait, il s'en faut, j'y vois même bien des défauts. Mais c'est tout ce j'ai pu faire de moins mal, sans secours, sans moyens, au milieu de toutes les contradictions imaginables. Agréez en même temps le profond respect avec lequel j'ai l'honneur d’être, Messeieneurs, Votre très-humble et très-obéissant fidèle serviteur, Signé 3, B. Wicar. (62) MESSEIGNEURS , La générosité de vos procédés me pénètre de la plus vive recon- naissance , et tout mon embarras dans ce moment ici, est de vous l'exprimer telle qu'elle est : que ne vous dois-je pas pour l’état de tranquillité que va me procurer cet employ que vous avez eu la bonté d'accorder à mon frère. Je m’attends très-certainement à rencontrer bien des obstacles, mais l'esprit tranquille sur le compte de ma famille, pour laquelle je ne cesserai jamais de réclamer l'honneur de votre protection, je ne crois pas qu'il y en ait un seul qui soit capable de ralentir l’ardeur dont je me sens dévoré; ou la chose me sera bien impossible, ou je tâcherai toujours de mériter vos éloges ; l'honneur de votre estime et de votre protec- tion étant pour moi le plus grand motif d'encouragement. Agréez , je vous prie, les très humbles remerciements que je vous dois en mon particulier pour la somme dont vous avez bien voulu gratifier mon Salomon, ainsi que Île profond respect avec lequel je suis Messeigneurs , Votre très-humble et très-obéissant serviteur , Signé 3. B. Wican, peintre. De Paris ce 1.: novembre 1786. (63 ) Le dimanche 4.9 septembre 1850, la Société des Sciences, de l'Agriculture et des Arts de Lille, a tenu sa séance publique annuelle. M. Vaïsse , Préfet du Nord, a ouvert la séance par une brillante allocution. M. Miscox, président de la Société, a prononcé le discours suivant : (1) MESSIEURS , Vous entendrez proclamer dans quelques instants les prix que la Société décerne, chaque année ; dans le programme qu'elle trace d'avance, elle tâche sans doute de susciter et de féconder tous les efforts utiles ; aussi les cadres qu'elle ouvre sont-ils régulièrement remplis. Mais, au milieu de cette récolte annuelle des produits de l'intelligence et de l’activité, imprévu, la spontanéité, l’inspira- tion libre prennent toujours quelque place. C'est un excédant de richesse auquel la Société ne se croit pas étrangère, car tout se lie à travers ces affinités mystérieuses de l'esprit où le moindre mou- vement communique parfois des impulsions immenses. | Au reste, la Société se réserve d'encourager à part toutes ces heureuses anomalies ; la porte a toujours été entr'ouverte ; au- jourd'hui j'ai la certitude de répondre à ses désirs les plus intimes en élargissant le seuil. Ainsi quittons un moment Île programme ofliciel ; passons en revue ces œuvres hors cadre qui ne se rangent pas en classes mé- thodiques, qui ne poussent pas comme semis en ligne, mais élan- cent , ça et là , les jets indisciplinés d’une forte végétation. Enregistrons, avant tout, l'œuvre d'un de nos correspondants, (r) Cette pièce n'ayant pas élé imprimée dans les Mémoires de la Société, aunee 1850, où elle aurait dû figurer, nous réparons ceïte cuistion, qui consti- tuerait une lacune regrettable dans les discours des Présidents de la Société. (624 ) M. Decoussemaker. Ce savant confrère avait fait hommage à la Société d'un travail considérable intitulé : Recherches sur la mu- sique du moyen-âge.ll désirait que cette œuvre capitale, à laquelle il a préludé par d'importantes recherches d'archéologie musicale, fût insérée dans les mémoires de la Société. Est-il besoin de dire que ce désir fut bientôt unanime parmi nous ? Quelie acquisition précieuse ! Quelle occasion excellente d'enrichir notre recueil! Il a fallu résister à la tentation. Vous devinez qu'il y avait là une de ces maudites questions de budget. Avouons noblement notre mi- sère : Un extrait mutilait l'ouvrage de M. Decoussemaker et ne nous suffisait plus, après la pleine possession ; puis l'impression était inséparable de dessins magnifiques et nombreux , à dévorer nos ressources de plusieurs années. Comprenez-vous la douleur de se voir un inestimable bijou qu'on ne gardera qu'à la condition impossible de le porter ? En face de ce travail d'érudition profonde, tentative indivi- duelle , étude rétrospective sur l'art musical, se place une œuvre collective , un essai pratique, actuel : l’Association musicale de Lille. Je ne puis la juger mieux qu'en détachant une page d’un livre qui sera bientôt entre les mains de tous les Lillois et que la ville doit à l’un de ses plus délicieux écrivains : « Cette association , dit M. Henri Bruneel (4), a pour but d'a- méliorer la position matérielle et morale de nos artistes-musiciens, en combattant les funestes effets que produisent habituellement dans cette classe de citoyens , l'isolement, les animosités jalouses et surtout cette incurie, cette insouciance de l'avenir qui sont des défauts pour ainsi dire inhérents au caractère particulier de l'ar- fiste. L'Association musicale de Lille se compose de membres exécutants et de membres honoraires ; ces derniers, seuls, paient une cotisation qui leur donne le droit d'assister aux répétitions, soirées et concerts de la Société. L'Association traite directement avec tous ceux qui lui demandent soit des exécutants solistes , (1) Guide dans la ville de Lille. ( 625 ) soit un orchestre complet. Les bénéfices de l'Association sont di- visés en deux parts, dont l’une est remise à l'artiste suivant une échelle de prorata basée sur son mérite et sur son travail, et l’autre entre dans la caisse de l'Association , pour assurer les divers services, couvrir les dépenses générales, former une caisse de secours et constituer des pensions de retraite. L'Association ainsi organisée stimule le talent des artistes, améliore les con- ditions de leur existence et dérobe enfin leur vieillesse au grabat de l'hôpital. » Il n’est pas d'ami éclairé de l'art musical qui n’applaudisse à cette conception ; nous nous réjouissons tous ici du vivifiant essor qu’elle promet aux vocations heureuses et de la répartition équi- table qu’elle leur prépare. Mais pour que ces entreprises s'élèvent et surtout pour qu'elles subsistent , il ne suffit pas, vous le savez, qu'une idée vague et généreuse d'association ait séduit quelques esprits. I faut avant tout une connaissance profonde de l'objet, ici de l'art; le secret de ses détails pratiques; une grande aptitude d'observation; une patience rare à discipliner les élé- ments de l'œuvre, hommes et choses, un maniement habile des moindres ressorts, enfin une résignation parfaite à se plier au génie du lieu. Si le concours de plusieurs hommes procure quelquefois cet assemblage de qualités, il peut arriver ainsi qu'un seul homme , fondateur et régulateur , imagine, prépare, exécute. Tous Îles membres de l'Association musicale reconnaissent que cet homme existe parmi eux ; tous l'entourent d'une étroite confraternité, tous l'honorent comme un bienfaiteur, ils ont tous prononcé avant moi le nom de M. Ad. Sinsoilliez. Apres un pareil titre, je ne ferai pas l'énumération des titres divers qui distinguent encore M. Sinsoilliez, je me contenterai d'ajouter que la Société des Sciences qui apprécie le but moral et vraiment civilisateur de l'Association musicale de Lille, accepte entièrement la part d'organisation qu'on attribue à M. Smsoilliez et n'ignore pas le rôle admirablement désintéressé qu il y remplit. { 626 } Poursuivons, Messieurs; avançcons encore sur ce terrain si fer- tile de l'art. Les images obtenues par le daguerréotype ont excité une curio- sité générale ; un de nos compatriotes, M. Blanquart-Evrard, s’est attaché avec persévérance à l'étude de ces phénomènes nouveaux, el son nom est aujourd'hui inséparable de l’histoire du progrès de la photographie. Vous avez tous admiré la merveilleuse découverte de Daguerre : la plaque métallique qu'il prépare fixe l’image avec une netteté et une précision telles que l'examen microscopique lui-même trouve le détail irréprochable, et pourtant ce fini des contours ne nuit pas à l'effet d'ensemble des masses. Mais, après un premier tribut d'admiration, vous avez certainement regretté que l'em- preinte fidèle ne puisse se dégager de la surface du métal, bril- lante, éblouissante et qui poursuit l'œil de son miroitement. Il faut savoir en outre que ces plaques argentées sont d’un prix assez élevé, qu'elles se polissent difficilement, que l’argenture en est souvent imparfaite et qu'elles sont sujettes à se détériorer. Aussi, tandis qu'en France, MM. Niepce, Daguerre et leurs imilateurs cherchaient la perfection à peu près réalisée, dans le sens des premiers résultats, c’est-à-dire en recevant toujours l'image sur une couche d'argent métallique, M. Talbot, à Londres, s’efforçait de découvrir des substances impressionnables à la lumière. Il est parvenu à trouver des préparations de papier aussi sensibles que les plaques daguerriennes. C'est à cette photographie sur papier que M. Blanquart-Evrard a consacré ses efforts ; c'est là qu'il a introduit de notables per- fectionnements. Avec le papier photographique, plus de miroitement, plus de polissage pénible, plus d'altération ultérieure. Le bagage du travailleur et tout son matériel de réactifs chimiques devient plus simple et plus portatif: l'image une fois obtenue se multiplie cemme avec un cliché d'imprimerie. Si la pâte du papier exige qu'on la travaille avec soin , la feuille préparée reste encore d’un (627) prix peu élevé et se loge sans peine dans les cartons de l'artiste. Si l'objet retracé a moins de pureté, moins de fermeté de lignes que sur les plaques métalliques, il possède plus de moelleux et plus de puissance dans les tons. L'image ne semble pas un reflet de la surface, mais elle pénètre dans la pâte même du papier rendue photogénique , elle y dépose harmonieusement ses plars , et prend de la sorte le caractère d’une belle œuvre d'art, carac- tère que l’empreinte superficielle ne présente jamais. Les éloges que je donne à la photographie sur papier reviennent surtout aux produits incessamment perfectionnés de M. Blan- quart-Evrard. Cependant, convenons-en, son œuvre reste bien longtemps enfermée dans son album ; qu'elle se répande enfin sur les murs de Lille; qu’elle s'y popularise, qu'elle y dispute la place aux plaques daguerriennes et qu'elle sorte, comme celles- ei, avec facilité, de toutes les mains intelligentes et soigneuses. Je n'en doute pas, la Société, qui observe sympathiquement les travaux de M. Blanquart-Evrard , attend ce moment de consécra- tior décisive pour lui donner un nouveau témoignage d'estime. N'est-ce pas encore un artiste d’un sentiment créateur, celui qui, le premier en France, conçoit l'idée de rassembler mille objets d'une variété merveilleuse, collection pour laquelle il à bien fallu faire un mot propre, tant la chose est spéciale, et que nous appelons Musée ethnographique. Au premier aspect, ce n'est qu'un entassement de curiosités ravissantes , mais bientôt on y découvre un côté fortement instructif. Tout ce que l’homme a faconné de sa main, par besoin ou par fantaisie, porte le cachet de ses mœurs, de son idée, de sa civilisation. Armes, étoffes, vêtements, ustensiles, hamac et pirogue, ornements d'intérieur ou parure, fétiche, idole et magot, l’homme est tou- jours là ; il nous livre là une pièce vivante , un sujet d'étude et de réflexions que le dessin et la peinture traduisent mal et dont le style ne donne jamais qu'une image altérée. Cette invention d'un musée ethnographique appartient entiere- ment à l'un de nos compatriotes, M. Alphonse Moillet. Dans les (628 ) conditions d'une existence modeste, avec des goûts retirés , il accepte toutes les démarches et noue tous les rapports qui con- tribuent à augmenter sa collection; il ne recule pas devant les courses ni devant les voyages, quoiqu'il sente très-bien qu'il y use rapidement sa santé. Il reste tout entier à la poursuite de son œuvre; il l’aime tant qu'il veut en assurer l'avenir , lorsque vient prématurément pour lui le terme de la vie. Ici se montre une pensée très-remarquable de M. Alphonse Moillet ; bien que rempli des sentiments de famille les plus pieux, il a fait don de sa collection à ses concitoyens, il l’a léguée à l'administration municipale ; il a fait en outre , en mourant, un appel à la Société des Sciences pour qu’elle présidät à l’arrange- ment et à la conservation du legs précieux. Il a compris que c'était avec le concours de la science et sous l'aile de la commu- naute que son œuvre devait durer indéfiniment et s’accroitre. ({) La vie de M. Alphonse Moillet est celle d’un collecteur de goût, zele, passionné , original ; sa volonté dernière marque une portée plus grande. Ses compatriotes l'en récompensent aujourd'hui ; ils le placent à côté de Wicar, et pour eux le Musée ethnogra- phique s’'appellera bien plutôt Musée Moiliet (2). Après Lille artistique, j'arrive à Lille industrielle et agricole. En agriculture, nous assistons à deux faits d'organisation d'un intérêt général : l'exposition des produits de la terre et l'institution de la ferme-ceole, Cette idée d'exposer aux veux du publie Les produits du travail de l'homme nous vient de la Grèce ; elle l'a conçue pour ses neaux-arts; elle lui a dù des chefs-d'œuvre sans nombre qui contribuèrent à sa gloire autant et peut-être plus que ses poètes, ses orateurs et ses guerriers, N'est-ce pas ainsi qu’on relie entre eux les actes épars d'une — EE sr 2 (1) La dotation de M. Moillet s'est effectivement augmentée déja d'un don foit important d'objets de l'Océanie, fait par notre savant confrère, M. Macquart. (2) M. Alpbh. Moillet n'avait laissé aucune disposition écrite; mais sa famille, qui connaissait ses intentions, s'est fait un scrupule de les exécuter. (1629 ) pratique éclairée ? N’est-pas ainsi qu'on se soustrait à un isole- ment funeste et à un étroit égoïsme ! Oui, nos agriculteurs ont aussi à s’instruire par des exemples réciproques , par des rappro- chements multipliés; ils ont à se communiquer des doutes et des espérances , des succès et des revers. [l n'y à pas de rivalités à craindre quand il s’agit de la terre, car la terre suffit à tous, comme elle est juste et bienfaisante pour tous, rendant toujours avec usure en proportion de ce qu'on lui donne. Que nos agriculteurs le sachent bien, ce n’est pas l’’invention incessante de procédés nouveaux et de machines nouvelles que la Société leur demande; c’est bien plutôt une émulation salutaire à présenter de riches produits et à propager les meilleures méthodes. C'est aussi l'honneur de ces dernières années que la formation large et vraiment libérale des fermes-écoles. La ferme-école du département du Nord, établie à Templeuve, a été ouverte le 4..." septembre 1849; dix élèves ont pris part à ses travaux de l’année ; ils ont fait preuve déjà de notions utiles et solides. Outre les opérations manuelles auxquelles ils se sont livrés , ils ont été initiés aux éléments des sciences qui se ratta- chent à l'agriculture. Leur savant et laborieux directeur, M. Demesmay, ne sépare pas un instant l'application de la théorie. Enseigne-il quelques règles mathématiques? aussitôt elles servent à soumettre les opérations de la culture à une comptabilité exacte ; s'agit-il de problèmes de géométrie? ils les applique à l'arpentage des champs et au mesurage des bois. Les leçons de botanique se font sur les récoltes, et les principes raisonnés de l’art vétérinaire servent à diriger des écuries de travail et de vastes étables d'engrais. Cet enseignement professionnel de l'Agriculture a été vivement et longuement sollicité; la République qui Finstitue le livre gratuitement à nos populations rurales ; le don qu'elle leur fait est complet ; il ne laisse rien à désirer. Mais nos agriculteurs comprennent assurément que cel établissement concédé par l'État , ne peut être fécondé que par eux. Il faut maintenant qu'ils ( 630 | s'inquiètent de son avenir, qu'ils le fassent accepter autour d'eux, et qu'ils en assurent avant tout le recrutement, en proclamant son utilité, en disant hautement ce qu'il est, et à quelles mains habiles il est confié. Parmi les résultats considérables que l'industrie de Lille enfante chaque jour, je ferai mon choix sans hésitation : je signa- lerai de préférence les efforts qui ont pour but principal le bien- être du travailleur, qui tendent à économiser et à régler Ja distribution de ses forces, qui tendent à diminuer le prix de son logement, de sa nourriture, et à rendre l'un et l’autre plus salubres. Ce que le travailleur consomme en accroissement de nourriture, ce qu'il gagne en santé, il le rend en surcroît de forces. C’est d'ailleurs la seule base solide à tout progrès moral. « L'abondance et la modicité du prix des vivres, a dit Robert Peel, tendent à diminuer le chiffre des crimes et à répandre la moralité. » Ces essais d'amélioration viennent d’être tentés hardiment par MM. Scrive et couronnés de succès, Dans leur établissement de tissage mécanique de Marquette, ils ont joint aux constructions de la fabrique des logements propres à recevoir jusqu à deux cents ouvriers. Cette proximité de l'habitation n’a pas tardé à révéler les secrets économiques d'une cuisine commune ; puis sont venus les jeux, les fêtes et les plaisirs que le rapprochement facilitait aussi. Il est vrai que partout se fait sentir la main paternelle des chefs de l'établissement; mais l'ouvrier conserve dans tous les actes qui le concernent une participation honorable. Ainsi, MM. Scrive ont fait établir à leurs frais un appareil à vapeur qui alimente la cuisine, mais les ouvriers forment entre eux une commission composée de dix membres et présidée par l’un des chefs. Chaque semaine deux membres de cette commission sont de service pour l'achat des aliments et leur distribution. Dès le lundi, un menu lort attrayant fixe l’ordinaire de tous les jours de la semaine. Chaque matin, se prépare du thé au lait, et chaque jour l’ouvrier (631 ) trouve, à sa disposition, du bouillon, de la viande ou du poisson et des légumes. Si la viande n’est pas de nature à se découper en morceaux équivalents et également présentables, on se tire d'affaire en recourant à l’innocente promiscuité du hâchis. Pas de contrainte, dans tous les cas, pour le consommateur, qui reste libre de porter ses préférences ailleurs. Après tout , rien n’a l’éloquense des chiffres; or, la dépense par tète et par semaine est réduite à 35 centimes pour le logement, et 3 francs 90 centimes pour une nourriture saine et abondante ; le salaire de la semaine est de 10 à 25 francs. Cette organisation libérale, qui comprend encore les secours de la médecine et de la pharmacie, et dont je regrette de ne pouvoir signaler tous les détails ingénieux , a été conduite avec prudence. MM. Scrive ont marché pas à pas ; c’est ainsi que la salle de bains gratuits a été récemment établie, l’école pour les jeunes en- fants s'organise, et le four commun se construira prochainement. Le dernier trait de cette œuvre admirable, vous le connaissez tous ; c’est l'engagement pris par les chefs de cet établissement de verser annuellement une somme de 1,500 francs, destinée à for- mer une caisse de pension et de retraite en faveur des ouvriers auxquels l’âge ou les infirmités ne permettent plus d'accomplir le travail nécessaire à leur existence. L’ouvrier qui a servi trente ans consécutifs chez MM. Scrive et qui se trouve dans les conditions précédentes, reçoit une pension de 300 francs , ou bien, s'il le préfère , est logé et nourri à Mar- quette , mais alors sa rente est réduite de moitié. Cet avantage d’une retraite s'étend à toutes les manufactures de MM. Scrive qui n’occupent pas moins de deux mille cinq cents ouvriers. L'application en a déjà été faite à quatre travailleurs ; l'un d'eux, Aimable Malo, a succombé ces jours derniers. Il comptait quarante-six années consécutives de services, mais, avant de fermer les yeux, ce respectable invalide du travail a recu du Ministre de l’agriculture et du commerce une Médaille d'argent qui consacre la constance de ses services. (1632 ) Les trois autres pensionnaires de MM. Scrive recevront ici- même, dans quelques instants , une Médaille pareille. Nous pro- clamerons leurs noms, heureux et reconnaissants de voir la So- ciété des Sciences choisie pour intermédiaire dans cet acle de haute rémunération. Une remarque qui frappe quand on examine la fondation in- dustrielle dont je viens de vous entretenir, c’est que le bienfait de l'habitation a été le prélude de tous les avantages obtenus ; c'est la condition première et principale. Mais ce qu’on peut faire pour le logement des ouvriers , aux portes de Lille, à Marquette, on ne peut plus le faire à Lille même. Et pourtant, Messieurs , quel besoin urgent d'y développer le bien-être de la masse et d'y combattre la misère à toutes ses sources! [ci les difficultés gran- dissent avec l'étendue du mal. Néanmoins , nous constatons dans la ville même un autre essai également philanthropique et novateur. Plusieurs ouvriers familiarisés depuis longtemps avec le bien- fait des caisses de prévoyance et de secours mutuels ont donné plus d'extension au principe d'association ; « ils ont tâché, comme ils le disent dans leur règlement , de procurer à bon compte et de boune qualité aux sociétaires , les objets de consommation , les vêtements et le chauffage ; de les secourir eux et leur famille dans leurs besoins et maladies, ou dans les malheurs imprévus qui pourraient les atteindre. » Cette association ouvrière, sous le nom de Société de l'Humanité, a poursuivi son but avec une véritable obstination. Des économies sensibles obtenues assez promptement dans l’achat des denrées de première nécessité ont permis d'étendre les opérations ; les sociétaires se sont décidés , depuis plusieurs mois, à devenir eux-mêmes les acheteurs de la viande qu’ils consomment. Ils possèdent maintenant une bouche- rie qui alimente de huit à dix mille consommateurs. L'achat du bétail, son abattage , son rendement, le débit de la viande, la recelte de chaque jour, le produit net de la vente , tout est réglé, ordonné , enregistré avec un ordre et une ponctualité qui défient ( 633 ) la critique la plus sévère. Les achats continuent d’être faits par un habile boucher de la localité dont les services ont été primiti- vement désintéressés ; mais ces achats sont devenus assez nom- breux pour qu'une faible remise, par tête de bétail, assure à l'acheteur une indemnité mensuelle très-raisonnable. Le personnel de la boucherie est réduit au strict nécessaire, et quelques socié- taires trouvent dans leurs loisirs des moments que chacun d'eux consacre gratuitement à l’entreprise générale, selon son aptitude et dans la mesure de ses forces et de son zèle. Il résulte de ce mécanisme une atténuation de dépenses dont le consommateur a le profit immédiat. Cependant tout est calculé pour un excédant de recette qui couvre les frais généraux et verse en outre, chaque semaine , ure somme plus ou moins forte à la caisse de secours. Au total, la situation de la Société de l'Humanité est prospere ; elle répond dignement à son titre et a son but. Sans doute elle est loin d'avoir rempli tout son programme : mais, elle aussi marche pas à pas. Elle assure un résultat avant d'en ambitionner un autre, et, sans se laisser entrainer par aucun esprit de système , elle résout les difficultés par l'expérience , qui est devenue son véritable principe d'action et sa loi souveraine. Que MM. Scrive trouvent des imitateurs , que la Société de l'Humanité persévère dans sa direction, et ces deux extrémités d’une même pensée, d’une même œuvre, se réuniront un jour dans la mémoire et dans le cœur des hommes de bien. Messieurs , en passant celte revue de faits épars , isolés, dé- classés , comme j'ai dû le dire , faits st nombreux et qui pourtant se produisent ou s’achèvent dans le cours d'une seule année , en recueillant ces étincelles échappées au foyer général, 11 me semble que vous devez sentir la chaleur et la vie qui résident dans le foyer lui-même. Un moment, je l'avoue, m'est venue l'idée [idée bien téméraire) de tout examiner, d'indiquer tous les points de ce cercle annuel. Je devais peut-être tenter l'entreprise, pour être juste; mais vous reconnaîtrez sans peine que je ne pouvais pas y suflire. 42 ( 634 ) Comment vous parler, suivant leur degré d'importance et avec une autorité suffisante , de loutes ces œuvres qui honorent la litté- rature (1), le droit (2), l'architecture (3), la musique (4), l'archéo- ogie (5), l'histoire (6), la médecine (7), la mécanique (8), l'ento- mologie (©), l'ornithologie (10), la physique et l'acoustique (11). la chimie (12), l'industrie (13), l’agriculture (14), la botanique (15) et la science des nombres (16) ? Ne vous êtes-vous pas aperçus que je n’ai rien dit d’un confrère qui, cette année, a fait exécuter une grande symphonie au Conser- vatoire de Paris, et s’y est couvert de glorieux applaudissements ? Noble chemin qu'il trace le premier aux artistes de Lille. Je n'ai pas même nominé le statuaire du Nord , Bra , l'artiste aux mâles conceptions, Bra qui découvre en quelques mois et livre à l'admi- ration de ses compatriotes plusieurs morceaux de sculpture du premier ordre. Au milieu de toutes ces omissions nécessaires, il en est une que vous ne me pardonneriez point ; je n'aurai garde d'oublier, après tant de travaux, la récompense qui a été chercher notre excellent collègue, M. Delezenne. Récompense bien sobre, qui a séparé, je le dis avec regret , les noms de vos deux plus anciens collègues , MM. Macquart et Delezenne, deux noms réunis et présentés par vous dans le désir de les voir distingués et honorés en même temps ; deux noms confondus dans un même sentiment d’attachement et de vénération ! Heureuse la société savante où les derniers venus reposent avec confiance leurs regards sur les plus anciens maîtres et se répètent unanimement : « Étudions leurs travaux, respectons leurs conseils et imitons leur vie. » (1) M. Moulas, M. Delerue, M. Deligne. — (2) M. Legrand, M. Dupuis, M. Molroguier. — (3) M. Benvignat, M. Ciloine, — (4) M. Lavainne. — (5) M. Le Glay. — (6) M. Chon. — (7) M. Parise, M. Cazeneuve, M. Chrestien. — (8) M. Meugy. — (9) M. Macquart. — (10) M. Degland. — (11) M. Delezenne. — (12) M. Corenwinder. — (13) M. Kubhlmann. — (14) M. Lefebvre, M. Demesmay, M, Loiset, M. Bachy.— (15) M. Lestiboudois. — (16) M, Heegmann. (635) TABLE DES MATIÈRES CONTENUES DANS CE VOLUME. Essai de Géologie pratique sur la Flandre française, par M. MEUSY MEMPrE LÉSITAN EE Se Ce PPT Voyage en Algérie ou Études sur la colonisation de l'Algérie française , par le docteur Thém. Lestiboudois, membre D'ÉSITAN UE het Lunettes he cle nee ae L'Hiver , traduction de Thomson, par M. Moulas, membre DOSIDAN PT ne see eee Lettres du peintre MICAT: APS RUE E ARNO Discours prononcé par M. Millon , à la distribution des prix du 1.® septembre 1850 29 JUN 1886 £-Imn. Pages. nb 2m te, F «a "de mltsainolon &t PL roche mê sit 14 NA | rene Lu en s she: seed Cr » «br@ ivresse ce à ‘À | | & | RS 140 EAN NTE +