MEMOIRES DU MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE NOUVELLE SERIE Série A, Zoologie TOME XXXV FASCICULE UNIQUE Françoise MONNIOT ASCIDIES INTERSTITIELLES DES CÔTES D’EUROPE PARIS ÉDITIONS DU MUSÉUM 38, rue GeoiTroy-Saint-Hilaire(V B ) 1965 Source : MNHN, Paris Bl ^co c MÉ MOIRES DU MUSÉUM NATIONAL D’HISTOIRE NATURELLE NOUVELLE SÉRIE Zoologie TOME XXXV FASCICULE UNIQUE PARIS ÉDITIONS DU MUSÉUM 36, rue Geoffroy-Saint-Hilaire (V e ) 1965 Source : MNHN, Paris Source : MNHN, Paris Source : MNHN, Paris Frontispice. — En haut, Psanvnoslyela delamarei Wcinstein dans le sable • — en bas, la même à un plus fort grossissement. Source : MNHN, Paris MÉMOIRES DU MUSÉUM NATIONAL D'HISTOIRE NATURELLE Série A, Tome XXXV, fasc. unique. ASCIDIES INTERSTITIELLES DES CÔTES D’EUROPE Françoise MONNIOT Laboratoire d'Écologie Générale du Muséum SOMMAIRE Introduction. 1 Méthodes. 5 Chapitre I Systématique des Ascidies interstitielles : I. — 0. Stolidobranches. A. Styelidae • Psammostyela delamarei, F. Weinstein 1961. 11 • Polycarpa pentarhiza n. sp. 14 • Polycarpa arnbackae, F. Monniot 1964 . 20 B. Pyuridae • Heterostigma fagei, Q. et F. Monniot 1961 . 23 • Heterostigma replans, C. et F. Monniot 1963 . 23 • Heterostigma separ, À. C. L. 1924. ... 24 • Heterostigma gonochorica n. sp. 27 C. Molgulidae • Molgula hirta n. sp. 33 • Formes jeunes de Molgulidae . 39 II. — O. Phlébobranches. A. Ascidiidae • Psammascidia leissieri, F. Monniot 1962. 42 B. Corellidae • Dextrogaster suecica, F. Monniot 1962 . 44 Chapitre II Examen critique de certaines données éparses dans la litté¬ rature . 47 Chapitre III Répartition géographique . 59 Chapitre IV Développement des Styelidae et des Pyuridae interstitielles 67 Source : MNHN, Paris FRANÇOISE MONNIOT Chapitre V Apport des Ascidies interstitielles au schéma classique de l’évolution branchiale. 83 Chapitre VI Le gonochorisme chez une Ascidie . gj Chapitre VII Écologie : I. — Le milieu 1° Le sédiment. gg 2° L’eau interstitielle. 101 3° Caractères physiques externes influant sur le sédiment et son contenu. 103 II. — Observations et expérimentations en aquarium 1° Observations des Ascidies en eau courante dans leur sable d’origine. IO5 2° Influence des conditions écologiques en élevage. ... 108 III. — Recherche raisonnée des milieux favorables : rôle de la faune associée. H2 IV. — Les adaptations des Ascidies au milieu mésopsammique : caractéristiques des « Ascidies interstitielles ». ng V. — Prédateurs et parasites. 12i Chapitre VIII Influence du milieu sur le cycle annuel et la néoténie des Ascidies endopsammiques : I. — Les Ascidies interstitielles par rapport aux Ascidies des eaux libres. 12$ II. — Développement des Ascidies interstitielles en relation avec les caractéristiques physico-chimiques du milieu . . 126 III. — Action des ions métalliques sur les Ascidies. 123 Chapitre IX Convergence entre les Ascidies interstitielles et quelques Ascidies des grands fonds océaniques. 12^ Chapitre X Place des Ascidies interstitielles dans l’évolution générale des Ascidiacea . 14- Conclusions. 14g Source : MNHN, Paris INTRODUCTION D’année en année les travaux sur la faune des sables marins acquièrent de nouveaux adeptes. Nous avons nous-même consacré nos premières recherches à l’étude de la microfaune du sable à Amphioxus des environs de Banyuls-sur-Mer. Nous avons utilisé différents procédés pour extraire les animaux. Ils avaient le défaut commun de s’appliquer exclusivement à un type d’organisation particulier. L’extraction restait incomplète jusqu’au jour où nous avons employé une méthode beaucoup plus brutale : le lavage en eau courante. Ce procédé s’est immédiatement révélé efïicace. Nous avons remarque dans les résidus de lavage toute une série d'animaux invisibles jusqu’alors et plus particulièrement un élément tubulaire, contractile, incolore, qui ne possédait ni les spiculés des Ëchinodermes, ni la trompe évaginable des Sipuncles, mais dont l’aspect se rapportait à l’un ou l’autre de ces deux phylum. Ce premier exemplaire fixé et disséqué nous a confirmé une hypothèse que nous avions émise sans trop y croire : ce spécimen libre et mobile était une Ascidie adulte. Sa forme aberrante laissait supposer que sa biologie pouvait être interstitielle. Toute une série de dragages successifs nous apporta quelques individus de même type. Les essais d’anesthésie, puis de dissection, assez peu réussis alors, nous engagèrent à poursuivre nos récoltes avant d'entreprendre une étude morphologique qui s’annonçait délicate. A la fin de l’été, les animaux adultes se raréfiaient tandis que les jeunes devenaient abondants, puis ils disparurent complètement. Nous avons entrepris alors des dissections systématiques. Nous nous sommes rapidement aperçue que nous n’avions pas une espèce unique, mais deux sortes d’individus, plus nettement différenciables une fois fixés. Les uns opaques appartenaient aux Slyelidae et nous les avons placés dans un nouveau genre : Psammoslyela delamarei; les autres avaient une position systématique plus discutable puisqu’ils possédaient des stigmates branchiaux spiralés comme chez les Molgulidae, mais n'avaient pas de rein. Nous avons placé notre nouvelle espèce dans les Pyuridae, dans un genre créé par Ârnbâck- Christie-Linde, pour un animal de même type, en lui donnant le nom de Heterosligma fagei. Nous possédions donc deux petites Ascidies, vivant dans le sable, appar¬ tenant à deux familles très différentes : les Slyelidae et les Pyuridae, et pourtant si semblables que nous ne les avions pas différenciées au départ. Il devenait indispensable de déterminer quels milieux pouvaient coloniser ces animaux, puisque jusqu’alors aucune Ascidie endopsammique n’avait été signalée, malgré les examens attentifs de très nombreux chercheurs spécialisés dans l’étude des sables. La prospection systématique des fonds devait permettre de définir le sédiment peuplé de ces Ascidies. 11 devenait nécessaire de connaître la dispersion de formes aussi adaptées. Au moment où s'effectuaient ces premières recherches, notre centre d’intérêt restait axé sur la biocénose des sables à Amphioxus et ces sédiments Source : MNHN, Paris FRANÇOISE MONNIOT ont été prospectés en premier lieu. Nous avons eu la chance que ceux-ci correspondent à peu près exactement aux exigences de nos petites Ascidies et qu’elles y soient bien représentées. Aucun autre fond ne s’est montré favorable à Banyuls. Il restait à préciser les caractéristiques physico-chi¬ miques des fonds abritant les Ascidies interstitielles afin de les rechercher sur d’autres côtes. Les techniques essentielles de récolte et de détection des fonds étant mises au point, nous devions étudier les animaux à tous les points de vue : morphologique, systématique, écologique et évolutif. La morphologie et la systématique seront successivement envisagées, en considérant non seulement les premières espèces découvertes, mais éga¬ lement celles qui ont été trouvées ultérieurement en Europe. De nombreuses questions viennent à l’esprit en présence d’un groupe découvert pour la première fois dans le sable. La plus fondamentale consiste à se demander si l’on se trouve réellement en présence d’animaux « inters¬ titiels ». Pour cela il faut déterminer les critères qui permettent de diffé¬ rencier un animal qui vit dans une microcavité d’une forme simplement fouisseuse. Remane, et son école, se sont attachés à démontrer l’importance du monde endopsammique. Ils en ont donné les caractères essentiels. La succession des travaux de même ordre a nécessité une plus grande précision dans la définition de l’adjectif « interstitiel ». Delamare Deboutteville et Swedmark ont tous deux exprimé ce qui permettait de dire qu’un animal était interstitiel, mais en donnant les limites d’utilisation de ce terme plutôt qu’une définition précise. Nous admettrons pour notre part, et nous croyons en cela suivre l'avis général, qu’un animal a un mode de vie interstitiel quand sa taille lui permet de se loger dans un interstice, quand il se nourrit de particules en suspension dans l’eau ou fixées à la surface des grains, vivantes ou non, quand il se reproduit dans le sable. Ses déplacements ne doivent pas occasionner de modifications dans la disposition des grains de sable les uns par rapport aux autres. Ces animaux « interstitiels » peuvent être libres et mobiles fixés temporairement ou fixés en permanence. Nous verrons dans quelle mesure les petites Ascidies de sable se conforment à cette définition générale. Les Ascidies interstitielles sont-elles nombreuses et diversifiées ? Il est étonnant qu’elles n’aient jamais attiré l’attention des biologistes marins surtout sur les côtes européennes dans les stations les plus connues, c’est- à-dire à l’emplacement même des laboratoires les plus anciens tels que Kristineberg, Banyuls et Roscoff. L’insuccès de nos collègues dans* la recherche de ces animaux, même à ce jour, doit avoir des causes techniques et ce travail a aussi le but de les aider à retrouver les animaux qui les intéressent. En effet, en dehors des curiosités d'adaptation réalisées, les Ascidies interstitielles ont des intérêts multiples : — Elles font partie d’une biocénose stricte, en dépendant étroitement de la faunule qui leur est associée. — L’étude de leur développement pourra éclairer quelques problèmes restés sans solution pour de plus grosses Ascidies appartenant aux mêmes familles. Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES — Les adaptations à la vie dans les sédiments meubles existent déjà chez les jeunes, ou apparaissent au cours du développement. — Il est naturel de se demander également comment un groupe aussi ancien que les Ascidies, toujours cité en exemple d’une évolution presque ter¬ minée, peut donner naissance à des formes si particulièrement adaptées à un milieu qui, en principe, devrait leur être défavorable. Le but essentiel de ce travail ne consiste pas à faire exclusivement une étude systématique d’un groupe nouveau. Nous nous attacherons surtout à donner une idée de la diversité des familles et des types d’organisation des petites formes psammiques, à montrer comment on peut les rechercher à partir de leurs exigences biologiques, et quel est leur cycle de développe¬ ment, obligatoirement modifié par rapport à celui des espèces vivant en eau libre. Remarque : Nous ne donnerons pas dans ce travail une bibliographie complète des travaux effectués sur la faune interstitielle. Ces références peuvent être facilement retrouvées dans quelques ouvrages principaux dont nous donnons la liste ci-dessous. Nous donnerons en infrapaginales les références des articles auxquels le texte fait plus particulièrement allusion, et en fin de chapitre la bibliographie qui ne concerne pas particulièrement la faune interstitielle (dans ce dernier cas, s’il existe des ouvrages généraux compre¬ nant eux-mêmes un grand nombre de références, nous ne reprenons que les plus importantes). Delamare Deboutteville (C.), 1960. — Biologie des eaux souterraines littorales et continentales. Suppl. Vie et Milieu, n° 9 (740 p.) Hermann ed. Paris. Monniot (F.), 1962. — Recherches sur les graviers à Amphioxus de la région de Banyuls-sur-Mer. Vie et Milieu, 13, 2, (231-322). Renaud-Debyser (J.), 1962. — Recherches écologiques sur la faune inter¬ stitielle des sables (bassin d’Arcachon, île de Bimini, Bahamas). Suppl. Vie et Milieu, n» là, (1-157). Swedmark (B.), 1964. — The interstitial fauna of marine sand. Biol. rev., 39, (1-42). Thorson (G.), 1957. — Bottoin coinmunities (sublittoral and shallow shelf). Geol. soc. America Mem., 64, 1, (461-534). Au cours de travaux sur les sables grossiers, nous avons eu la chance de découvrir un nouveau phylum pour le monde endopsammique, celui des Ascidies interstitielles qui nous fournit le sujet de ce travail. Nous remercions Monsieur le Professeur Prenant d’avoir accepté de présider le jury de notre thèse et de s’être intéressé à un groupe nouveau pour la faune psammique, à laquelle il a consacré une grande partie de ses recherches. Nous remercions très vivement Monsieur le Professeur Drach qui, le premier, a su nous donner le goût de la recherche et nous a orientée vers l’océanographie biologique; il s’est intéressé à nos premiers résultats nous engageant à continuer et à suivi constamment les progrès de notre travail. Source : MNHN, Paris FRANÇOISE MONNIOT La réalisation de cette thèse à partir de notre découverte des Ascidies interstitielles est due aux encouragements de Monsieur le Professeur Delamare Deboutteville qui, non seulement nous a fourni tous les moyens matériels dont il disposait pour mener à bien nos recherches, mais nous a toujours fait profiter, sans réserves, de sa grande expérience de la micro- faune. Nous tenons à le remercier tout particulièrement ici de ses conseils et de la très grande gentillesse qu’il a toujours manifestée à notre égard. Nous devons beaucoup aux Directeurs des Laboratoires Marins qui ont bien voulu nous accueillir en nous faisant profiter de toutes les facilités propres à leurs stations : nous les en remercions vivement. Monsieur le Professeur Teissier nous a permis de séjourner à Roscoff aussi souvent que nous le lui avons demandé. Monsieur le Professeur Petit nous a reçue plusieurs années de suite à Banyuls, avant même la fin de nos études. Monsieur le Professeur Swedmark nous a accueillie dans son laboratoire, s’inquiétant personnellement de nous procurer les facilités maximales pour les sorties en mer et le travail au laboratoire, nous lui en sommes extrê¬ mement reconnaissante. Nous remercions également Messieurs les Profes¬ seurs Thorson et Brattstrom de leur hospitalité et du souci qu’ils ont manifesté pour nous permettre le plus grand nombre possible de récoltes. Nous remercions tout spécialement les chercheurs du laboratoire d’Écologie du Muséum qui ont amicalement accepté de sacrifier une partie de leur temps pour nous aider à réaliser les photographies de cette thèse, grâce à leurs compétences : Madame Cerceau-Larrival, Monsieur Saint- Girons, Monsieur Vannier. Je n’aurai garde d’oublier dans mes remer¬ ciements tous mes camarades, de Banyuls, de RoscolT et du Muséum qui ont contribué à ce travail par l’ambiance amicale qu’ils ont su entretenir. Je dois beaucoup au Centre National de la Recherche Scientifique qui m’a accordé la mission demandée pour étudier les côtes Scandinaves. Source : MNHN, Paris MÉTHODES Bien que nous ayons déjà eu l’occasion de donner quelques indications à ce sujet (F. Monniot, 1962) nous pensons qu’il est nécessaire, dans cette étude monographique, de fournir des renseignements précis et développés sur les méthodes utilisées. En effet, depuis la découverte de la première Ascidie interstitielle, de nombreux zoologistes se sont intéressés à ces ani¬ maux. Ils ont recherché ces petites formes, la plupart du temps sans succès. Certains nous ont fait part de leur déception. Nous croyons que ces échecs sont dus essentiellement aux méthodes mises en œuvre par ces Chercheurs. Nous préciserons donc ici quelques détails indispensables à la récolte des animaux. 1) La récolle. Les Ascidies interstitielles vivent dans des sédiments très meubles assez grossiers, de la zone infralittorale. La récolte peut s’effectuer selon deux procédés : la drague et la plongée. La drauue Le moyen de récolte auquel on pense tout d’abord est évidemment la drague. Il en existe deux types qui peuvent être utilisés séparément ou simultanément : les dragues à cadre lourd qui pénètrent dans le sédiment, ou les dragues légères. Pour les dragues lourdes, que le cadre soit rond (Rallier-Du Baty) ou rectangulaire, le principe d'utilisation est le même : le cadre lourd s’enfonce dans le sédiment meuble et celui-ci est amassé dans la poche de la drague. Cette dernière est constituée d’un filet à mailles assez larges et solides, doublé intérieurement d’une toile (type toile à sac). Nous avons modifié légèrement la drague rectangulaire en adaptant obliquement, sur les deux côtés les plus longs, un peigne découpé dans une plaque de fer épais. La pénétration dans le sédiment se trouve très nettement améliorée. Les deux dragues, rondes ou rectangulaires ont été utilisées et donnent des résultats similaires. Elles ont l’inconvénient de ne prélever que peu de sable profond par rapport à la quantité de sable de surface. Un autre ennui provient du lavage du prélèvement au cours de la remontée sur le bateau, et du tassement dans la poche de la drague. Mais ceci peut être amélioré avec quelques précautions. La benne a été essayée, mais les résultats se sont révélés si mauvais que nous avons abandonné cette méthode. Les graviers, trop grossiers pour ces sortes d’instruments, en bloquent la fermeture. La surface de sédiment atteinte à chaque opération ne permet d’obtenir que très rarement les animaux recherchés. En fait, le Lri reste de toutes façons l’opération la plus fastidieuse. Il doit être effectué dans les 24 heures qui suivent le dragage, sinon les Source : MNHN, Paris 6 FRANÇOISE MONNIOT animaux meurent. Le tassement du sable est toujours très important après les manipulations dont il est l'objet. L’extraction des Ascidies s’effectue par lavage sur filet à plancton de petites portions de sable. Il nécessite de grandes quantités d’eau de mer et surtout beaucoup de temps. Il abîme peu les animaux mais provoque une contraction durable. Ceci devient très gênant quand on dispose de peu de temps. Les fixations d’Ascidies dans cet état de contraction donnent de très mauvais résultats et sont la plupart du temps inutilisables. 11 est absolument nécessaire de remettre les animaux en eau courante pour obtenir leur extension. Elle se produit entre 12 et 24 heures. Si l’on compte encore le temps d’anesthésie, il est évident que 48 heures au moins sont nécessaires, dans les meilleures conditions, pour l’exploitation d’une station. Mais, bien souvent, il faut effectuer plusieurs dragages successifs, et ajouter le temps de. tri correspondant avant de trouver l’animal recherché. Dans une localité bien définie, on peut compter sur 3 ou 4 Ascidies par coup de drague, à la saison convenable. La drague légère permet de travailler très différemment. Le but essen¬ tiel est de supprimer le plus possible le tri ce qui diminue aussi le temps réservé à l'extension des animaux qui ont subi moins de manipulations. 11 existe un type de drague traîneau, sur patins, ou « détritus sledge ». Nous l'avons utilisée pour la première fois à la station marine d’Helsingor (Danemark) (1). Cette drague est une adaptation du système de Mortensen 1925. Elle a été utilisée par Remane 1933 et Thorson 1957. C’est avec des modi¬ fications apportées par Ockelmann que nous l’avons utilisée. Nous remer¬ cions ici ce collègue des précieux renseignements qu’il nous a fournis et de son aide pour l’obtension d'un modèle identique au sien, entièrement en duralumin. Cette drague, très légère, glisse sur le fond, plat ou irrégulier. On attache sur le câble de traction un système permettant de brasser le sable : triangle métallique lourd, chaînes, griffes, etc., suivant la nature du sédiment. Le sable est soulevé en nuages. Les animaux mis en suspension flottent un peu plus longtemps que les particules minérales plus denses, et se trouvent pris pendant leur descente dans le filet trainé dans le cadre de la drague, au ras du sédiment. Le filet est amovible et il est très facile d’en avoir un jeu dont les mailles sont de dimensions différentes. Les animaux ainsi récoltés sont en parfait état. Très peu de particules sableuses pénètrent dans la drague. En choisissant convenablement l’ouverture des mailles, on ne conserve dans le filet que des granules de taille presque égale ou supérieure aux animaux recherchés. Les plus fins passent à travers le filet, les plus grossiers retombent trop vite sur le fond pour être ramassés en abondance. Il y a pourtant un cas où les avantages que nous venons de citer sont en défaut : lorsque le fond est couvert même partiellement de débris orga¬ niques. En fait, pour le milieu qui nous intéresse, cette éventualité est peu fréquente. Nous avons beaucoup employé la « détritus sledge », pour de nombreuses raisons : — Il est possible de savoir immédiatement après la remontée de la drague, en observant rapidement le contenu du filet, si le dragage est (1) Mission C. N. R. S. 1962. Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES réussi ou non, et si les animaux recherchés sont présents. Ceci est évidemment impossible si l'on rapporte le sédiment in tolo. — Le tri est beaucoup plus rapide et s'elïectue en général sans lavage préalable du contenu du filet, puisque ce tri a été effectué en grande partie au fond. — Les animaux ne sont ni écrasés, ni frottés, donc beaucoup moins contractés. — Le poids réduit de la « détritus sledge » permet de n’utiliser qu'un très petit bateau et de la remonter à la main sans effort. Enfin si l’on manque de temps ou de place on concentre le résidu du dragage dans un bocal et l’on peut même fixer à bord, réservant le tri à une période ultérieure. Il est certain que cet avantage devient énorme quand il n’y a pas de laboratoire marin à proximité. Pourtant la « détritus sledge » a des inconvénients, elle aussi : les animaux qui agglomèrent les grains de sable sont difficilement mis en suspension, ou retombent avant le passage du filet. Le réglage de la distance entre la drague et l’engin pénétrant le sable attaché sur son câble est délicat et nécessite des essais. Pour des sédiments très grossiers, la difficulté est due cette fois au système de mise en suspension du sédiment : il est difficile d'attacher à une drague très légère un engin forcément très lourd pour pénétrer un gravier assez grossier. De toutes façons, il est très intéressant d’employer simultanément les deux types de dragages pour une récolte meilleure quand on en a la possibilité. La plongée La récolte directe paraît peu réalisable pour des animaux interstitiels, et pourtant nous sommes arrivée à la mettre en pratique. Le plongeur en scaphandre autonome (Cousteau-Gagnan), allongé sur le fond peut effectuer exactement les mêmes opérations que la « détritus sledge ». Le sédiment est très meuble, il est donc facile de prélever une poignée de sable et de la disperser dans l'eau. Le sable est propre, et les particules animales ou minérales deviennent très visibles. Avec un peu d’habitude, on distingue alors assez facilement des animaux ayant une taille de l’ordre du millimètre. Il suffit de les récolter pendant leur chute. Les Ascidies qui possèdent un rhizoïde long sont très facilement repérables. Le sédiment à nouveau déposé, les animaux couverts de graviers deviennent extrêmement visibles puisqu’ils constituent de petits blocs dépas¬ sant sensiblement la granulométrie moyenne. En dehors de cette récolte sélective, le plongeur a toute latitude pour prendre un échantillon complet du milieu à l’endroit convenable. L’aspect du fond est très important. Il est assez caractéristique pour que l’on puisse reconnaître a priori s’il peut héberger ou non la faune recherchée. Le plongeur peut surtout se rendre compte facilement du mode de vie des animaux et de leur place dans le sédiment. Le contrôle du fonctionnement des dragues et le réglage du « train de pêche » s’effectuent aussi en plongée. Source : MNHN, Paris FRANÇOISE MONNIOT 2) Le tri. Il est absolument nécessaire. Il n’est pas possible d’examiner direc¬ tement une fraction de sédiment sous la loupe binoculaire, pour en extraire la matière vivante. Il faut d’abord éliminer une grande partie des particules minérales. Le procédé que nous avons retenu est le suivant : on prend dans le fond d’un bocal d’un litre environ, une fraction de sédiment (1/4 ou 1/5 de la hauteur du récipient). On lave en envoyant un fort courant d’eau de mer dans le sable jusqu’au remplissage du bocal, pour mettre en suspension les éléments les plus légers. On jette rapidement toute la partie supérieure du liquide sur un filet à plancton. Les animaux sont entraînés, le sable reste. Cette opération doit être répétée plusieurs fois pour le même échan¬ tillon de sédiment. Le résidu récolté sur le filet est déposé dans des boîtes de Pétri contenant de l'eau de mer. Le tri s’effectue alors à la pipette. Il est possible aussi de fixer les animaux une fois concentrés, mais le tri est beaucoup plus difficile en présence d’animaux immobiles et décolorés. 3) Anesthésie et fixation. Le seul anesthésique efficace pour les Ascidies est, paraît-il (Lacaze- Duthiers), le chlorhydrate de cocaïne à 25 grammes au litre. Le prix élevé de ce produit et les difficultés pour se le procurer nous en ont interdit l’emploi. Nous n’avons pu trouver pour les Ascidies aucun agent chimique vraiment efficace. Nous avons essayé toutes sortes de recettes pour Ver¬ tébrés et Invertébrés. Nous nous sommes arrêtée finalement à une solution de « Ms 222 » (utilisée pour les petits vertébrés) additionnée de quelques cristaux de menthol (efficace chez les Mollusques). Les résultats sont variables selon la température, bons pour les Pyuridae et les Molgulidac assez mauvais pour les Styelidae. L'anesthésie est réversible dans une certaine mesure, mais elle est très lente. La fixation est effectuée dans le liquide de Bouin Duboscq chaud ce qui assure une meilleure pénétration à travers la tunique. Nous avons employé aussi le Bouin alcoolique (meilleur pour les jeunes), le formol à 10 %, le Helly, etc. Le Halmi donne de bons résultats pour l’étude histologique. Il est pratique pour les dissections par la coloration des animaux qu’il produit et le durcissement des tissus; mais conservés ensuite en alcool, les animaux deviennent rapidement cassants. Le fixateur le plus pratique, aussi bien pour l’étude morphologique que pour l'histologie reste le Bouin. 4) Techniques d'étude des animaux fixés. a) La dissection. Nous avons essayé au début, de conserver la tunique des animaux et de les ouvrir simplement en deux dans le plan dorso-ventral. Cette méthode a l’avantage de conserver une certaine rigidité à la dissection et de déterminer très exactement l’emplacement des organes (1). Mais l’observation est très (1) Cette méthode semble bien avoir été employée par ârnbai étant donné le mode de présentation de ses ligures. C-CllniSTIE-LlNDE, Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES difficile : la profondeur du champ d’observation nécessite un éclairage très délicat, et la tunique, opacifiée par le fixateur, ne peut permettre l’obser¬ vation des détails branchiaux par transparence. Nous sommes donc revenus aux méthodes classiques pour les Ascidies : la tunique est entièrement enlevée, le corps ouvert d’un siphon à l’autre le long de l’endostyle. La branchie est extraite en entier en coupant successivement les ponts dermato- branchiaux, tandis que le reste du corps est épinglé par des minuties sur une couche mince de paraffine. La branchie est colorée et montée au baume du Canada, ce qui est souvent nécessaire aussi pour le reste du corps. De toutes façons les préparations sont permanentes et beaucoup plus faciles à réutiliser que les animaux en tubes. La coloration in tolo prend mal; elle est inutile de toutes façons puisqu’il faut monter tout de même la branchie séparément et le plus possible à plat. C’est par une série d’essais sur des Ascidies communes que nous avons déterminé les colorants à employer. La coloration rouge est de beaucoup la plus visible pour les tissus aussi fins que les branchies. Elle doit être précise. H. de Lacaze-Duthiers employait le carmin. Nous l'avons essayé : le carmin acétique ne donne pas une coloration très intense, mais il ne pro¬ voque aucune contraction tissulaire. Nous ne l’avons pourtant pas retenu. Nous avons préféré une solution d’hématéine dans l’alun de potasse, addi¬ tionnée d’un peu d’acide acétique. Cet hémalun acide a l’avantage de colorer le cytoplasme en rose et les noyaux en rouge très foncé. Les images branchiales deviennent alors très précises sous le microscope et il est possible de voir la différence entre la lame fondamentale, l’épithélium cilié des stig¬ mates, les vaisseaux sanguins, les points bourgeonnants, etc. Malheureu¬ sement les contractions sont souvent difficiles à éviter, surtout pour les espèces dont la branchie est riche en fibrilles musculaires. Le montage au baume du Canada doit être effectué sans passage des tissus dans le toluène qui provoque des contractions importantes. Ce liquide est avantageusement remplacé par l’alcool butylique. La même coloration appliquée au reste du corps colore peu le manteau, intensément le tube digestif et les gonades. Les conduits génitaux, invisibles avant le traitement, apparaissent nettement. b ) Histologie. Les animaux ont été inclus en entier, ou simplement débarrassés de leur tunique, chargée parfois de particules siliceuses. La taille réduite de ces Ascidies facilite la sériation des coupes, indispensable pour une recons¬ titution totale. L’orientation est réalisée grâce à une double inclusion gélose-paraffine selon la méthode de Chatton. Les colorations employées sont celles de topographie normale, trichromiques. L’hématoxyline ferrique- éosine-vert lumière de Prenant donne d’excellents résultats, mais cette technique est longue et nécessite des différenciations. Nous lui avons préféré un procédé plus rapide : l’Hemalun-picro-indigo-carmin de Masson. En principe, le picro-indigo-carmin devrait différencier l’imprégnation à l’hémalun et diminuer la précision de la coloration nucléaire. En réalité, l'addition d’acide acétique dans l'hémalun le fixe et il n’y a aucune décolo¬ ration par le traitement ultérieur. Les préparations effectuées depuis plu¬ sieurs années n’ont subi ancune décoloration. On obtient ainsi le cytoplasme rose, les noyaux violets, les nucléoles noirs, les muscles et les lipides verts, les mucus bleus. Les limites des organes sont donc très nettes. De plus, la Source : MNHN, Paris 10 SANÇOISE MONNIOT coloration dure en tout 10 minutes. Les coupes ont été effectuées à 5 n d’épaisseur. L’examen des coupes sériées permet d’étudier la disposition de tous les tissus, sauf lorsque la branchie, trop plissée et trop ajourée, ne peut pas être reconstituée. C’est ce qui a rendu la dissection absolument nécessaire dans tous les cas, même pour de très petites formes, les jeunes par exemple. 5) Les élevages. L'élevage a été tenté et partiellement réussi pour les Slyelidae et les Pyuridae, en eau courante, dans une faible épaisseur de sédiment (5 cm). Un courant d’eau assez violent est nécessaire, d’une part pour rendre le sable meuble et éviter le tassement dû aux vibrations, d’autre part pour limiter l’extension des bactéries anaérobies. Nous reverrons les problèmes d’élevage dans un chapitre ultérieur. 6) Elude physicochimique du milieu. Elle fera l’objet d’un chapitre spécial. Source : MNHN, Paris Chapitre Premier SYSTÉMATIQUE DES ASCIDIES INTERSTITIELLES Nous emploierons, pour la partie systématique de ce travail, la clas¬ sification actuelle, adoptée dans le traité de zoologie de Grasse. Selon cette classification, admise par tous les spécialistes, la classe des Ascidiacea se divise en trois ordres : les Aplousobranchiata, représentés exclusivement par des Ascidies composées et dont nous ne nous occuperons pas ici, les Phlebobranchiala (familles des Diazonidae, Cionidae, Perophoridae, Asci- diidae, Corellidae, Agnesiidae, Hypobythiidae), et les Slolidobranchiata (Botryllidae, Styelidae, Pyuridae, Molgulidae). Les deux ordres d’Ascidies simples Slolidobranchiata et Phlebobran¬ chiala ont des représentants interstitiels dont nous donnerons les caracté¬ ristiques. Cette coupure systématique correspond à deux types d’adap¬ tation, en fait bien différents. I. — ORDRE DES STOLIDOBRANCH1ATA A. — Famille des styelidae 1° Psammostyela delamarei Weinstein 1961 (fig. I et 1). Il s’agit de la première forme découverte (1). Cette petite Styelidae interstitielle est représentée en assez grande abondance dans les graviers de la « Côte Vermeille » : Argelès, Cap Oullestreil, Elmes, Banyuls, Troc, Cap d’Abeille et Cap Rederis. Elle a été retrouvée ensuite par II. Massé à Marseille. Cette forme, qui nous avait paru tout à fait originale et excep¬ tionnelle, a donc une répartition étendue en Méditerranée occidentale. De plus, nous avons trouvé trois exemplaires d’une petite forme tout à fait semblable dans le fjord de Bergen en Norvège. Ces exemplaires présen¬ taient tous les caractères de Psammostyela delamarei, mais ils étaient en très mauvais état. Nous les attribuons provisoirement à la même espèce. L’espèce, ou tout au moins le genre, aurait donc une répartition relativement large. Nous rappellerons, en premier lieu, les caractères anatomiques de cette espèce, puis nous essaierons de donner un aperçu du développement et du cycle biologique; nous parlerons ensuite du mode de vie et de l’écologie. Enfin, nous tenterons, par une comparaison avec d’autres Styelidae psammi- coles, de situer le genre dans la famille des Styelidae. (1) Weinstein (F.), 1961. — Psammostyela delamarei n.g., n. sp., Ascidie intersti¬ tielle des sables à Amphioxus. C.lt. Acad. Sri.. 252 (1843-18-14). — Monniot (F.), 1962. — Recherches sur les graviers à Anwhioxus de la région de Banvuls-sur-Mer. Vie et Milieu, 13, 2, (296-301). 6 Mémoires du Muséum. — Zoologie, t. XXXV 2 Source : MNHN, Paris 12 FRANÇOISE MONNIOT Psammoslyela delamarei mesure 2 à 3 mm. Son corps ovoïde possède des siphons opposés coniques. Il est protégé par une tunique assez mince, lisse mais peu transparente. Souple, elle peut se plisser et suivre tous les mouvements du manteau auquel elle adhère étroitement. Ce caractère est très important et explique les possibilités de mouvements de cette petite espèce. Il ne s’agit pas d’un caractère spécifique, ni même générique, on le retrouve chez les Pyuridae interstitielles (g. Helerostigma), mais nous le signalons en raison de son importance. La tunique porte généralement un seul rhizoïde fixé ou non à un gravier (lig. 1), et dont le rôle n’a pas pu être défini. S’il est cassé ou arraché, il n’est pas régénéré. Les caractères internes ne sont pas aussi originaux que l’on aurait pu le supposer pour un animal aussi adapté. Ils sont, en effet, très carac¬ téristiques de la famille des Slyelidae à laquelle appartient notre espèce. Chaque organe est un peu adapté et c’est l’addition de toutes ces modi¬ fications de faible importance qui aboutit à faire de cet animal une forme vraiment interstitielle (fig. 1). Le manteau est épais. 11 contient de nombreuses granulations de ptérines. Dans son épaisseur sont placées deux couches de fibres musculaires bien individualisées et continues. La couche externe se compose de fibres circulaires disposées en sphincter au niveau des siphons, et dont les anneaux successifs recouvrent tout le corps d’un siphon à l’autre. La couche interne est formée de fibres longitudinales partant des siphons. Du côté ventral ces fibres ont une longueur égale aux deux tiers de la longueur du corps' Latéralement elles partent des deux siphons, s’entrecroisent et dorsalement les fibres ne sont pas interrompues d’un siphon à l’autre. Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 13 Les tentacules coronaux simples, arqués, sont isodiamétriqués, leur extrémité est arrondie. Leur nombre varie de 12 à 18; il peut y en avoir de deux ou trois ordres. Un mince vélum s’étend à leur base. Il existe aussi un vélum atrial, plus large que le vélum cloacal. Il porte à sa base, de façon irrégulière, quelques tentacules atriaux, allongés, simples. Parfois deux de ces tentacules partent du même point, ce qui donne l’impression de tentacules bifurqués (lig. 1). Le raphé est droit, entier, élevé, surtout à proximité de l’œsophage. Le tubercule vibratile est petit, arrondi, ou ovale, fermé en bouton ou ouvert en C sur le côté gauche. La branchie est très simple, typique de la famille des Stijelidae. La lame fondamentale est percée de stigmates droits, quadrangulaires, assez courts, régulièrement disposés. Des sinus longitudinaux la parcourent depuis le sillon péricoronal jusqu’à l’entrée de l’œsophage où ils se resserrent. Ils sont munis d’une lame membraneuse peu élevée. Ces sinus se groupent en deux plis de chaque côté de la branchie, séparés par un sinus isolé. On a généralement à partir du raphé un groupe de quatre à six sinus resserés en plis, puis un sinus isolé (exceptionnellement deux chez les animaux de très grande taille), à nouveau un pli de trois ou quatre sinus, un sinus isolé et l’endostyle. Ceci correspond à la disposition classique à quatre plis des Slyelidae. Il existe des sinus transverses de premier ordre, assez larges, qui séparent nettement les rangées de stigmates. Des sinus transverses de deuxième ordre sont surtout localisés dans la partie la plus antérieure de la branchie près du sillon péricoronal. La branchie de Psammoslijela delamarei a une taille importante par rapport au volume général de l’Ascidie. Nous avons observé que pour des animaux fixés, en extension totale, comme pour la plupart des Slyelidae, la branchie n’est pas étendue comme cela se produit normalement chez d’autres familles d’Ascidies : les plis sont saillants à l’intérieur du sac bran¬ chial. Sous le sillon péricoronal se forme un pli transversal qui s'enfonce, lui aussi, dans la cavité respiratoire. La fixation accentue le phénomène. Il est donc extrêmement difficile d’obtenir des préparations planes et claires. Le tissu branchial est assez épais et contient de très nombreux noyaux, ce qui opacifie encore les images. Nous étudierons plus loin comment se développe la branchie chez le jeune. Le tube digestif se compose d’un œsophage large mais court, d'un estomac peu plissé muni d’un cæcum pylorique externe bien individualisé, placé au tiers postérieur de l’estomac. Celui-ci est entièrement situé sous la branchie dont le fond s’aplatit à son contact. L’intestin remonte à gauche du corps en une courte boucle fermée puisque le rectum passe sous l’estomac. L’anus est simple (fig. 1). Les polycarpes arrondis, hermaphrodites, sont petits et nombreux pour la taille générale de l'animal et semblables à ceux que l’on trouve chez les espèces du genre Polycarpa. Ils sont munis d’un très court oviducte dirigé vers le siphon cloacal. La partie mâle est externe, située entre le manteau et la partie femelle. Les polycarpes sont disposés sans ordre sur la surface du manteau (fig. 1). Les endocarpes sont peu nombreux, globu¬ leux mais non pédiculés. Ils sont dispersés entre les gonades. Les inter¬ valles entre les polycarpes et les endocarpes sont occupés par des œufs en cours de maturation ou des têtards. Source : MNHN, Paris 14 FRANÇOISE MONNIOT 2° Polycarpa pentarhiza, n. sp. (fig. 2 et 3). Cette petite Slyelidae a été récoltée à la drague dans les sables grossiers littoraux de Banyuls-sur-Mer, à faible profondeur (Troc 20 mètres, Elmes 7 mètres). Les stations sont celles où l’on a trouvé les deux espèces intersti¬ tielles : Psammostyela delamarei Weinstein et Heterosligma fagei C. et F. Monniot. Au cours de différents dragages, nous avons obtenu cinq exemplaires adultes de cette nouvelle espèce. L’habitus ne correspond pas à celui des espèces interstitielles récoltées dans les mêmes stations : tous les animaux étaient couverts d’un revêtement continu de fins graviers de dimensions sensiblement égales. Les mesures que nous allons donner comprennent les siphons étendus, mais non les rhizoïdes. Nous obtenons ainsi : 3,8 mm; 4 mm; 5 mm; 5,6 mm; (8,6 mm). (La dernière mesure est donnée à titre indicatif mais l’échantillon avait subi une dilatation énorme de la tunique après fixation.) Fig. 2. — Polycarpa pentarhiza n. sp. : A, face interne du manteau; n hahi».,. C, tentacules atriaux. ’ ' aUltus : Vivant, l’animal a un corps à peu près sphérique. La face dorsal légèrement plus aplatie est assez étendue entre les siphons. Les axes d^ ceux-ci délimitent un angle de 90° environ. La face ventrale porte une cou¬ ronne de cinq rhizoïdes ramifiés (fig. 2, B). Très épais à leur base, ces pro ~ longements diminuent progressivement de diamètre vers leur extrémif" Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 15 Ils peuvent atteindre trois à quatre fois la longueur du corps de l’Ascidie. Leur extrémité peut être libre ou fixée à un grain de sable, mais des parti¬ cules minérales sont le plus souvent attachées en plusieurs points du parcours des rhizoïdes. Ces prolongements n’ont d’ailleurs pas un diamètre régulier mais s’épaississent en sortes de nœuds qui correspondent souvent à un point d'attache sur un gravier. Le chevelu de rhizoïdes, dans son ensemble, est extrêmement souple. Les siphons sont susceptibles d’une extension considérable. Le siphon buccal, quadri-lobé, est aussi long que le reste du corps. Le siphon cloacal, quadri-lobé également, est nettement plus court. Les muscles qui consti¬ tuent les sphincters de ces siphons sont doublés d’une musculature longi¬ tudinale importante qui se prolonge sur la face dorsale. Au moment de la contraction on observe non seulement une invagination des siphons dans le corps, mais aussi un raccourcissement important de l’espace intersiphonal. Ainsi, pour des animaux contractés au moment de la fixation, les siphons sont presque contigus. La tunique présente sur le vivant une coloration grisâtre uniforme sauf aux ouvertures buccale et cloacale, d’un rouge orangé pâle. Cette tunique très résistante, d'épaisseur irrégulière, prolifère autour de chaque petit gravier fixé à sa surface et assure ainsi une fixation solide du revê¬ tement sableux. Le manteau, très épais, musclé sur toute sa surface, adhère étroitement à la tunique. Aucun organe n’est visible par transparence. Les tentacules bien développés sont insérés à la base d’un vélum court. Simples, arqués, inégaux, on en compte 16, de trois ordres. Entre eux, prennent place irrégulièrement de petits boutons intermédiaires. La cou¬ ronne tentaculaire s’insère tout à fait à la base du siphon buccal. Le sillon péricoronal en est très proche. Polgcarpa penlarhiza possède un vélum atrial très important qui ferme le siphon cloacal. Il porte un cercle continu de tentacules très développés, en nombre variable, simples du côté dorsal et du côté ventral, terminés en boutons, mais très ramifiés à droite et à gauche (fig. 2, C). Chez quelques individus, ces ramifications prennent un si grand développement qu'elles peuvent se substituer aux tentacules simples qui occupent le plus fréquem¬ ment les deux pôles : dorsal et ventral. Ces tentacules atriaux existent aussi chez d’autres espèces du genre Polgcarpa, mais prennent une impor¬ tance accrue chez une espèce d'aussi petite taille. Le tubercule vibratile se distingue facilement. Grand, élevé, circulaire, il s’ouvre à gauche. Le sillon péricoronal forme un V peu accentué. Le raphé est constitué d’une lame épaisse, à bord lisse, d’abord ondulée près du tubercule vibratile, puis droite. Cette lame s’élève progressivement vers l’entrée de l’œsophage. L’endostyle est large, élevé, sinueux. Comme tous les organes de Polgcarpa penlarhiza, la branchic est formée d’un tissu épais. Elle porte de chaque côté quatre plis. En réalité deux de ces plis sont bien marqués, les deux autres plus minces ne sont formés que de sinus longitudinaux rapprochés. Ceci n’est pas très visible sur une branchie qui n'a pas été colorée, mais devient très net, surtout chez les individus les plus jeunes, sur une préparation (fig. 3). Les stigmates sont droits. Ils percent régulièrement la lame fondamen¬ tale jusqu'à la base du raphé. Source : MNHN, Paris Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 17 La branchie se développe encore beaucoup après la maturité sexuelle; ce phénomène a été observé chez toutes les petites Ascidies libres psammi- coles. Il existe, entre les plis, des sinus longitudinaux intermédiaires. Ils ne sont pas tous complets (fig. 3). Beaucoup s’arrêtent avant d’atteindre l’entrée de l’œsophage. Ceci est valable aussi bien pour les sinus placés entre les plis que pour ceux qui constituent les plis. Nous donnerons deux exemples de formules branchiales. G-R - 0- 7- 0- D - R -0-8-0- 7 G-R-0-6-1 - D - R - 0 - 8 1 7 3 2 - 1 4 3 - 2 1 3 2 - 1 4 3 - 2 1 1 1 - 6 - 1 - 4 0 1 - E 0 1 - E 0 Cette disposition pourrait faire penser à un stade extrêmement âgé de Psanimoslyela delamarei. Le premier examen des branchies de Polycarpa pentarhiza nous avait fait supposer qu’il pouvait exister deux générations de Psammoslyela, dont l’une aurait une durée de vie accrue. La branchie aurait plus de temps pour se développer, le stade final comprendrait de plus nombreux sinus longitudinaux. La branchie d'un jeune individu de Polycarpa pentarhiza (deux observations) est tout à fait comparable à la branchie d’un adulte âgé de Psammoslyela. Mais la disposition très claire des sinus et l’absence de papilles chez cette dernière peut difficilement faire admettre une évolution ultérieure. Nous reprendrons une discussion plus poussée à ce sujet après la des¬ cription de notre nouvelle espèce. Le tube digestif de Polycarpa pentarhiza est entièrement localisé au niveau de la région postérieure de la branchie. Il débute par un œsophage long, très large. L’estomac plissé (environ 16 plis) possède un cæcum pylo- rique net, arqué en virgule, placé à la limite de l’estomac et de l’intestin sur la face externe. Le tube digestif est situé à gauche de la branchie, mais seulement pour la partie intestinale. L’estomac se place sous la branchie. L’intestin se replie en boucle très fermée, peu élevée, et se courbe sous l’entrée de l’œsophage pour remonter à angle droit vers le siphon cloacal. L’anus en corolle est bordé de lobules arrondis (fig. 2, A). Un mésentère important relie les deux côtés de la boucle intestinale. Les gonades constituent de chaque côté du corps trois ou quatre rangées longitudinales de polycarpes hermaphrodites arrondis; chaque polycarpe comprend une partie centrale femelle sur laquelle sont appliqués des lobules testiculaires. Il y a un oviducte et un spermiducte courts par gonade. Source : MNHN, Paris FRANÇOISE MONNIOT dirigés vers le siphon cloacal (fig. 2, A). Des endocarpes arrondis s’inter¬ calent entre les rangées de polycarpes. Ils restent de petite taille. Les œufs, puis les têtards, sont incubés contre la branchie dans la cavité atriale, mais se trouvent souvent accumulés sous l’estomac et dans les replis du mésentère entre, le tube digestif et le manteau. Cette espèce, Polycarpa pentarhiza a été retrouvée à RoscofT par J.P. L’Hardy à la station de Bloscon. Nous l’y avons récoltée également ainsi que dans les sables voisins de Men Guen Braz et à Tercnez. L’habitus pour les individus de la Manche est exactement semblable à celui de Médi¬ terranée. La taille moyenne est de 4 mm. La tunique porte également 5 rhizoïdes chez l'adulte, I à 5 chez le jeune, mais l’un d'entre eux est toujours nettement plus gros, les siphons sont également colorés en rouge. Les tentacules buccaux, le tubercule vibratile, les tentacules atriaux sont exactement, semblables pour les individus de la Manche et de la Médi¬ terranée. Aucune différence ne peut être mise en évidence en ce qui concerne le tube digestif. Les formules branchiales sont les mêmes dans les deux cas ainsi que la disposition des gonades. Le développement du mésentère si caractéristique, chez les individus de Banyuls est, là aussi, de même impor¬ tance. Il n’y a donc aucun doute sur l’identité des formes des deux régions. Affinités et discussion. Comparons maintenant cette nouvelle espèce, Polycarpa pentarhiza avec Psammostyela delamarei. Nous avons vu plus haut à propos de la structure branchiale, qu’il était raisonnable de se demander si Polycarpa pentarhiza ne serait pas un stade plus évolué, plus âgé, de Psammostyela delamarei. Nous nous sommes très longuement posé la question. Pour y répondre, nous avons essayé d’élever les deux espèces dans les mêmes conditions. Malheureusement nous n'avons eu à notre disposition que deux jeunes « présumés » de Polycarpa et quelques adultes. La mortalité a été trop rapide pour que nous puissions faire des observations valables. Nous avons cependant assisté à la ponte de Polycarpa pentarhiza. Les têtards ne nagent pas, mais s’agitent quelques secondes en réponse aux excitations externes. Ils se sont fixés presque immédiatement aux grains de sable et au fond des coupelles. La forme du têtard, sa taille, les premiers stades de développement sont tout à fait comparables à ceux de Psammostyela, mais tous les individus sont morts dans un délai de trois jours et nous n’avons pu suivre leur développement Les jeunes Psammostyela élevées de la même façon, se développent normalement. Nous avons gardé un élevage pendant deux mois avec de jeunes Ascidies en bon état. Ne réussissant pas à obtenir un développement correct de notre espèce de Polycarpa en partant des têtards, nous pensions obtenir parmi les jeunes individus obtenus à la drague, un pourcentage de Psammostyela, mais aussi quelques formes susceptibles de se développer en Polycarpa. Cette hypothèse pouvait se justifier : nous récoltions en très grand nombre de très jeunes Styelidae à siphons opposés tout à fait semblables à ceux provenant d’une ponte de Psammostyela. Les exemplaires des deux espèces âgés de quelques jours, obtenus par élevage, ne pouvant être diffé¬ renciés, les adultes habitant le même gravier, nous espérions trouver deux types d’adultes en élevant tous les jeunes triés par la méthode habituelle Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 19 Malheureusement il n’en a jamais rien été. Tous les jeunes ont donné des Psammostyela typiques, dans la mesure où ils survivaient. Une réserve reste à faire : les gonades n’apparaissent chez les Psammostyela que l’année suivant la ponte. Les adultes existent pendant une courte période seulement, et ce sont les jeunes qui représentent la plus grande partie du cycle annuel. Nous n'avons jamais réussi à garder un même élevage pendant un an. Mais nous avons récolté au printemps des jeunes qui sont devenus adultes. (Nous avons trouvé par dragage, deux jeunes Ascidies qui pourraient appartenir à l’espèce Polycarpa pentarhiza. Elles possédaient déjà la morphologie externe de l’adulte. Nous avons préféré les fixer immédiatement.) Nous pouvons donc adopter deux solutions : ou considérer que cette « Polycarpa » n’est en réalité qu’une Psammostyela très âgée et exception¬ nellement développée (une sorte de monstre), ou admettre une nouvelle espèce. On considère généralement qu’il ne peut y avoir dans la même station géographique, et dans le même milieu, deux espèces de morphologie et de biologie voisines qui occupent une position systématique proche. Mais cette considération générale est tout à fait empirique. C’est elle qui nous a influencée dans nos réserves et amenée à cette discussion. Nous nous sommes décidée à créer une nouvelle espèce et nous allons maintenant en exposer les raisons. Parlons d’abord des différences morpho¬ logiques. En présence d'un adulte de chaque espèce, il est impossible de les confondre. Rappelons qu’à première vue on peut très bien prendre une Heterosligma fagei (Pyuridac) pour une Psammostyela (Styelidae ). Nous n’avons jamais trouvé d’intermédiaire entre Psammostyela delamarei et Polycarpa pentarhiza. Avant de disséquer un exemplaire on sait déjà à quelle espèce l’on a à faire. Les différences de morphologie externe sont les suivantes : les siphons ne sont pas opposés dans notre nouvelle espèce : la tunique est entièrement couverte de sable. Les rhizoïdes sont ramifiés dès leur base et beaucoup plus nombreux. A ces caractères purement morphologiques sont liés des carac¬ tères biologiques. Nous avons vu les possibilités de mouvement exception¬ nelles de Psammostyela (1). Pour les exemplaires de Polycarpa nous n’avons jamais rien observé de comparable. Les siphons sont rétractiles ce qui pro¬ voque un certain déplacement des animaux dans le sable, puisque les siphons ont un volume important par rapport au corps. Mais les mouvements ont une amplitude très faible par rapport à ceux de Psammostyela et ils ne sont ni orientés, ni rythmiques. Leur efficacité (en élevage) est nulle. Pour la morphologie interne, les différences sont aussi marquées. La disposition des sinus diffère dans les deux espèces, mais le caractère important est à notre avis la présence de sinus longitudinaux incomplets, qui existent toujours chez Polycarpa pentarhiza, jamais chez Psammostyela. On ne voit pas comment cette dernière pourrait, elle, acquérir brus¬ quement des sinus supplémentaires. Les caractères branchiaux sont extrêmement importants du point de vue systématique, depuis les plus grandes coupures à l’échelon de l’ordre jusqu’aux différences spécifiques. Il est donc absolument nécessaire d'in¬ sister sur les différences branchiales de nos deux espèces. (1) Monniot (C. et F.), 1961. — Hecherches sur les Ascidies interstitielles des gravelles à Amphioxus (2° note). Vie et Milieu, 12. fasc. 2. (269-2S3). Source : MNHN, Paris 20 FRANÇOISE MONNIOT Le tube digestif, semblable chez presque toutes les Styelidae, présente de faibles différences dans nos deux espèces, l’anus, lobé chez Polycarpa, est lisse chez Psammoslyela. En ce qui concerne les gonades, la disposition est différente dans les deux formes. L’incubation des têtards ne se fait pas de la même façon. Enfin un dernier caractère éloigne encore les deux espèces, la présence de tentacules atriaux, ramifiés, très développés chez Polycarpa, alors qu’ils sont simples chez Psammoslyela. Si l'on considère la liste de toutes les différences, nous croyons que l’on ne peut mettre en doute l'existence de deux espèces distinctes, surtout lorsque les caractères essentiels sur lesquels est basée la systématique, c’est-à-dire la branchie et les sinus longitudinaux, sont aussi éloignés pour les deux formes. La place de notre nouvelle espèce dans le genre Polycarpa était alors normale : elle se rapproche plus, par tous ses caractères, des très nombreuses espèces du genre Polycarpa que de Psammoslyela delamarei. Le genre Poly¬ carpa contient actuellement une très grande quantité d’espèces et devrait être divisé. Notre nouvelle espèce représenterait alors un intermédiaire certain dans la lignée évolutive allant du genre Psammoslyela aux grosses Polycarpa typiques. Comparons maintenant Polycarpa penlarhiza à une autre espèce Poly¬ carpa arnbackae qui ne vit plus dans la même région cette fois, mais dans un milieu tout à fait semblable. Nous donnerons d’abord un bref résumé de la description de cette espèce (1). 3° Polycarpa arnbackae F. Monniot 1964, (2) (PI. II). Cette Styelidae vit dans les sables coquilliers proches de la station marine de Krislineberg, à l’entrée du Gullmar fjord (côte ouest de Suède) Les populations qu’elle constitue là sont importantes mais très localisées Le corps est globuleux, toujours couvert de graviers ou de débris coquill liers. II mesure au maximum 5 mm. La tunique porte de courts rhizoïdes sur toute sa surface et quatre ou cinq longs prolongements ramifiés sur la face ventrale. Les siphons éloignés l'un de l’autre forment un angle de 90° environ. Leurs ouvertures à quatre lobes sont légèrement colorées en rou«e à l’état vivant. Le manteau épais n’a pas de caractères particuliers. Les tentacules coronaux simples sont nombreux (32 environ). Ils sont tous assez longs mais de deux ordres, sauf dans la région dorsale où ils gardent la même longueur. Us sont insérés à la base d’un vélum mince et découpé. Au-dessus du vélum, dans le siphon buccal, s’étend une zone triangulaire dorsale hérissée de papilles molles dont l'extrémité est arrondie Il existe à la base du siphon cloacal, un vélum atrial étroit bordé dé quelques tentacules atriaux simples, arrondis à leur extrémité. il) Monniot (F.). 1964. — Polycarpa arnbackae des sables coquilliers de la côte ouest de Suède. Cahiers de Biologie marine. 5, (27-31). n. sp„ Styelidae Interstitielle i2) Conformément à l'article 27 du Code de Numencla l'orthographe de Polycarpa ârbâckae Monniot F. 1964 en dure nous devi Polycarpa arn Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 21 Le tubercule vibralile, ouvert en G sur la gauche, surmonte un raphé entier, dont la hauteur croît vers l’œsophage. La branchie porle quatre plis bien formés, séparés les uns des autres par un sinus longitudinal. Les sinus longitudinaux atteignent tous l'œso¬ phage. La lame fondamentale est plane entre les plis mais, sous ceux-ci. elle est resserrée par le développement de sinus transverses très importants. Les stigmates, droits à l’origine, se trouvent alors courbés par une compres¬ sion et une soudure des tissus sous les sinus transverses de premier ordre. Entre ces sinus, sur la face externe de la branchie, le pli reste creux. 11 se forme donc des sortes d’entonnoirs que nous avons appelés « pseudo infun- dibula ». Ce terme rappelle l’aspect des branchies de Pyuridae. Cette structure est constante dans tous les exemplaires de Polycarpa arnbackae. Le tube digestif a un aspect banal. L’œsophage large est allongé; il débouche dans un estomac plissé (16 à 18 plis longitudinaux) qui se prolonge sans séparation nette par une boucle intestinale fermée. II existe un cæcum pylorique sur la face externe de l’estomac. L’intestin est parcouru d'un sillon marqué sur sa face interne. L'anus est divisé en lobes arrondis. Les gonades sont nombreuses. Il s’agit ici de polycarpes hermaphrodit es, ovales, disposés sans ordre des deux côtés du manteau. La partie femelle est centrale. Des lobules mâles périphériques s’y superposent et leurs canaux spermatiques sont visibles sur la face interne des polycarpes. Nous n’avons pu mettre en évidence de papilles où déboucheraient les spermiductes. Les oviductes très courts sont généralement tournés vers le siphon cloacal. mais cette disposition est beaucoup moins nette et bien moins constante que chez P. pentarhiza, n. sp. Les endocarpes en forme de feuilles aplaties sont disposés sans ordre dans les espaces laissés libres par les polycarpes. 4° Comparaison avec P. pentarhiza n. sp. Les caractères appartenant à P. arnbackae que nous venons de rappeler montrent à quel point cette espèce se rapproche de P. pentarhiza. Le mode de vie des deux espèces est tout à fait semblable : le sable coquillier suédois du Gullmar fjord est tout à fait équivalent au Fin gravier de Banyuls quant à sa granulométrie, sa mobilité, son tassement. Les deux sédiments sont rassemblés dans des passes parcourues par de forts courants. Cette similitude de milieux est d’ailleurs prouvée, par l’identité de la microfaune pour tous les phylums. Les mêmes espèces caractéristiques y sont présentes. Nous reprendrons ce point dans un autre chapitre. Polycarpa arnbackae a une taille moyenne légèrement inférieure à celle de P. pentarhiza; les rhizoïdes sont comparables, bien que leurs rami¬ fications partent moins près du corps chez P. arnbackae. L'aspect externe ne peut en aucun cas être un caractère distinctif suffisant entre les deux espèces. La morphologie interne diffère au contraire pour tous les organes malgré les traits communs. On admet, au premier coup d’œil, les deux formes dans un genre commun, tout au moins tel qu’il est défini actuellement. Mais il ne peut être question d'en faire une seule espèce. Les tentacules sont plus fins, plus réguliers et plus nombreux chez P. arnbackae. P. pentarhiza ne possède pas de papilles dans le siphon buccal. Source : MNHN, Paris FRANÇOISE MONNIOT Quant au vélum buccal, déchiqueté chez la première espèce, il est entier chez l’autre. Le siphon cloacal se présente différemment, aussi, dans les deux cas, puisqu’il porte, pour l’un des tentacules simples, pour l'autre des tentacules atriaux ramifiés. La branchie. essentielle pour la systématique, montre un aspect diffé¬ rent chez nos deux Polycarpa. Pour P. penlarhiza, nous avons deux vrais plis et deux plis incomplets; les sinus longitudinaux n’atteignent pas tous l'entrée de l’œsophage. Chez P. arnbackae les quatre plis sont bien formés régulièrement séparés par un sinus longitudinal isolé; la lame fondamentale est resserrée en une série de « pseudo infundibula » sous chaque pli; les plis eux-mêmes sont beaucoup plus élevés. Les gonades, importantes aussi pour la détermination des espèces, sont dans un cas disposées sans ordre, ovales, tandis que dans l’autre elles forment des polycarpes sphériques, bien alignés en séries longitudinales! Tous ces caractères concourent à faire, sans hésitation, deux espèces! malgré la ressemblance externe qu’elles affectent. Cette similitude n’est en fait qu’une convergence. Les individus jeunes des deux espèces se ressem¬ blent énormément, avec leurs siphons opposés, leur seul rhizoïde, la simpli¬ cité de leur branchie. Leurs mouvements sont comparables et beaucoup plus amples et plus variés que ceux des adultes. Ces jeunes ressemblent tout à fait à des adultes de Psammoslyela. Tout se passe comme si le déve¬ loppement était arrêté pour Psammoslyela, en quelque sorte fixé à une certaine étape, tandis qu’il continuerait pour les autres. Cet arrêt corres¬ pondrait à une meilleure adaptation aux conditions de vie. Si l’on adopte cette hypothèse, on devrait considérer que le genre Polycarpa est plus évolué que le genre Psammoslyela. Mais n’est-il pas plus satisfaisant de croire que le développement chez Psammoslyela est ralenti avec l’apparition de la néoténie, caractère qui a toujours été considéré comme très évolué ? Nous reprendrons cette question au chapitre de l’évolution. B — Famille des Pyuridae Toutes les Pyuridae qui ont été récoltées dans les sables grossiers littoraux appartiennent au genre Heterosliyma. Ce genre avait été créé en 1921 par Arnbâck-Christie-Linde pour l’espèce H. separ ( 1 ). Le même auteur en 1928 (2) élargissait le genre pour y inclure une. espèce que Van Name 1912 avait placée dans les Molyulidae sous le nom de Caesira sinyu- laris. Pérès (3) en 1955 décrit une troisième espèce II. gravellophila très proche de H. singularis. Mais c’est la présence d’une quatrième espèce à Banyuls-sur-Mer qui nous a permis (4) de reprendre la diagnose originale (1) XRNBXoK-CnmsTiE-I.rNDE (A.), 1924. A remarkable Pvurid Tunicate Novaya Zemlya - Arkiv f r znologi.. 16. n" 15, (1-7). ' e Irom (2) Arnbâck-Christie-Linde (A.), 1928. — Tunicata — 3 Molgulidae and Puuriri» in Northern and arctic invertebrates in lhe collection ot the svredish State M , Kungl. Sa. Vel. Akad. Ilandlingar, 4. n” 9, (90-93). USeuni - (3) PÉnfcs (J. M.). 1955. — Sur une Ascidie nouvelle récoltée dans la Rravelle Castiglione Ulelerosligmti gravellophila n. sp.). Pull. SI. Aquicult. Peche CasligU 0 ^S (î) Mon-niot (C.) et Monniot (F.), 1961. — Recherches sur les Ascidies inlepcii tielles des gravcllcs à Amphinxus (2' note). Vie el Milieu, 12, 2, (269-283). 5U " Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 23 du genre Heterostigma pour y inclure H. fagei C. et F. Monniol, en créant un nouveau genre pour les espèces de Pérès et Van Name. L'existence des 4 espèces montrait clairement la nécessité d’une division générique. Depuis, l'apport de nouvelles especes du genre Heterostigma (toutes interstitielles) est venu confirmer l'unité du genre. 1° Heterostigma fagei, C. et F. Monniot 1961 (4), (PI. I). Nous ne donnerons ici que les caractères essentiels de la diagnose des espèces du g. Heterostigma déjà décrit, ce qui nous permettra ensuite une étude comparée de toutes les espèces de ce genre. Nous ajoutons quand cela est possible des précisions nouvelles fournies par de plus amples récoltes. L'animal, arrondi quand il est contracté, prend normalement une forme de fuseau due aux siphons opposés, 4 lobés et couverts de spinules. La tunique transparente, mais dont l'épaisseur peut être irrégulière, adhère étroitement au manteau. Elle porte un rhizoïde ramifié ou non à son extré¬ mité, qui ne contient jamais de prolongement du manteau. Souvent cassé, ce rhizoïde peut être double ou manquer totalement. Les tentacules coronaux simples (16 environ) sont alternativement, courts et longs. Il n'y a pas de tentacules atriaux. Le raphé, lisse, peu élevé, part du tubercule vibratile en bouton, vers l'oesophage en augmentant progressivement de hauteur. La branchie comprend deux sortes de perforations : 7 à 8 protos¬ tigmates non recoupés et deux, au maximum trois rangs de spires non recoupées, le plus postérieur restant moins développé. Il existe de chaque côté six sinus longitudinaux dont les plus médians portent des papilles dirigées vers le raphé. Ces papilles n’existent que chez l’espèce H. fagei et sont toujours présentes chez les individus adultes (PI. I). Le tube digestif ne comporte pas de caractères particuliers. Il décrit une courbe régulière, fermée. Il existe une seule gonade hermaphrodite à droite, de forme arrondie qui comprend au centre un ovaire, et à la périphérie quelques lobules tes¬ ticulaires. La cavité incubatrice, présente chez tous les individus adultes, contient un petit nombre de têtards. Le développement branchial de cette espèce sera décrit dans le même chapitre que celui de H. gonochorica n. sp. 2° Heterostigma reptans C. et F. Monniot 1963, (fig. 4 et 5). Comme pour H. fagei, nous ne reproduirons ici la description de cette espèce (1) que pour les points importants. Les siphons quadrilobés, ne sont pas opposés mais font un angle de 120 degrés environ. Le corps porte zéro, un, deux ou trois rhizoïdes et quelques papilles tunicales. L’aspect externe est très variable, le corps pouvant èlre nu ou couvert de sable; l’animal mesure 2 à 3,5 mm au maximum. Le raphé est lisse et élevé; sa hauteur croît régulièrement du tubercule vibratile à l'œsophage. (1) Monniot (0.) cl Monniot (F.). 1SH53. — Présence à Bergen el Roscolï de Pyunaae Psammicoles du genre Helerosligma. Sarsia, 13, (51-57). Source : MNHN, Paris 24 FRANÇOISE MONNIOT Fio. 4. — llelerosligma replans : habilus. La branchie possède 6 sinus longitudinaux élevés. Au-dessus des pro¬ tostigmates indivis (7 à 10) on trouve 3 rangées d’intundibula, dont la spirale est souvent recoupée. Près du raphé, on distingue le début d’une 7 e rangée de spirales (ce qui n’existe jamais chez H. fageï) (fig. 5). Les sinus longitudinaux ne portent jamais de papilles. La gonade massive ovale est hermaphrodite, la partie femelle en occupe le centre. La cavité incubalrice généralement très développée contient un grand nombre de têtards. Le nombre d’exemplaires trop réduit ne nous a pas permis d’étudier les jeunes. 3° Heterostigma separ Ârnbâck-Christie-Linde 1924 (1), (fig. g PI. III). Nous avons déjà signalé en 1963 à RoscolT, dans les sables coquilliers de Bloscon, la présence d’une espèce du genre llelerosligma A. C. L. Nous l’avons attribué à l’espèce H. separ, malgré l’éloignement géographique de la station d’origine. Nous n’avons pu trouver de caractères permettant une distinction suffisante. L’ensemble des traits morphologiques est le même dans les deux localités. Nous nous en sommes assurée grâce à l’examen des exemplaires récoltés par Arnbâck-Christie-Linde, communiqués par le Riksmuseum de Stockholm. Le corps est arrondi, couvert de graviers et de débris coquilliers qui ne sont parfois que faiblement fixés à la tunique. La taille et l’aspect externe sont semblables. En Nouvelle-Zemble il existe un rang de ^tentacules atriaux serrés. Cette formation manque chez les individus de Roscoff, mais pour certains d’entre eux il existe à la base du siphon un fin liséré, formé d’un (1) Ârnback-Christie-Linde (A.), 1924. — A remarkablc Pyurid N’ovaya Zcmlya. Arkiv for zoologi, 16, 15, (1-7). Tunicate from Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES vélum très bas découpé en festons. Chez un exemplaire, les bords du feston étaient développés en papilles. Nous ne pouvons donc considérer la présence ou l’absence de tentacules atriaux comme un caractère spécifique. 11 s’agit très certainement d’une variation géographique. Fig. 5. — Hetcrostigma replans : demi-branchie gauche. Le tubercule vibratilc est toujours petit, arrondi et placé à droite d'un ganglion nerveux très allongé. Le raphé s’étend en une lame élevée, large à sa base. L’endostyle droit ne présente aucun caractère particulier. Assez court, il ne se recourbe pas sous la branchie. Source : MNHN, Paris 2G FRANÇOISE MONNIOT La branehie (PI. III) (comme chez toutes les autres espèces du g. Helerostigma), montre un aspect variable selon l’âge de l’Ascidie. La mauvaise conservation et la fixation à l’alcool des exemplaires de Nouvelle- Zemble ne nous ont pas permis un examen aussi minutieux que nous l’aurions désiré. Cependant, nous avons pu constater que les exemplaires venant du Ricksmuseum étaient semblables à ceux de Roscoff. Malgré les contractions importantes dues à l’alcool, les ligures des infundibula sont plus proches que celles obtenues sur des animaux récemment fixés que ne le feraient croire les figures publiées par l’auteur suédois. Il y a toujours six sinus longitudinaux, et sous ces sinus six rangées transversales (dans le cas général) d’infundibula, au-dessus d’une dizaine de protostigmates. Ârnback- Ciiristie-Linde signale dans sa description des spirales très aplaties et doute même de la présence d’infundibula. Ceci est démenti par l'examen de l’animal. Dans les exemplaires contractés les spires supérieures sont télescopées tandis que les plus inférieures sont étirées, le nombre de sinus parastig- matiques étant élevé. Au niveau de chaque infundibula, la spirale primitive (qui reste entière dans les infundibula incomplets du premier rang), se recoupe régulièrement sous le sinus longitudinal, du côté ventral. Cette régularité représente à notre avis un bon caractère spécifique. Fio. 6. — Helerostigma separ : A, tube'digestif — face interne; B, gonade jeune- C, gonade âgée. Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 27 Ce dessin est très net également dans les deux figures données par Àrnbàck-Christie-Linde. Le tube digestif est exactement semblable pour les animaux des deux stations. 11 porte les mêmes papilles hépatiques, le rectum est marqué du même pli sur son bord externe (fig. 6, A). La forme et la disposition de la boucle intestinale sont identiques. La gonade, par contre, diffère. Dans la description de Àrnbâck- Christie-Linde, il y a un ovaire et deux faisceaux de lobules testiculaires. Ayant à notre disposition de plus nombreux exemplaires, nous avons remarqué une très grande variabilité de proportions entre la partie mâle et la partie femelle suivant les individus. La gonade, dans son ensemble, a presque toujours une forme de haricot, telle que la figure l’auteur suédois. Mais le développement des lobules mâles, très accentué chez l'animal jeune (fig. 6, B), est considérablement réduit chez une Ascidie âgée (fig. 6, C) dont la cavité incubalrice est très développée. Le stade représenté pour l’exemplaire de Nouvelle-Zemble peut très facilement s'intercaler dans la série observée pour les exemplaires de Roscolï. La disposition de l’oviducte et du spermiducte correspond exactement pour les exemplaires de Roscoff à la description de Ârnback-Christie-Linde. 4° Heterostigma gonochorica n. sp., (fig. 7 à 10, PI. IV à VII). — Description de l'espèce. Cette petite Ascidie à siphons opposés vit dans le sable grossier à Fon- dachello (côte Est de Sicile). Elle est localisée très précisément à la base du talus de déferlement, à 5 mètres de profondeur environ, dans un milieu constamment agité. Ces Ascidies ont été récoltées d'une part en plongée en brassant le gravier à la main, d’autre part en traînant une drague légère type •> Détritus sledge » à la nage le long du rivage. Nous avons pu obtenir de cette façon un très grand nombre d'individus à tous les stades. La taille des individus possédant des gonades varie de 0,90 mm pour les plus petits à 5,5 mm pour les plus grands. Tous les caractères qui seront donnés dans la diagnose correspondent à ceux des plus grands exemplaires. Nous avons remarqué, en eltet, que les caractères branchiaux surtout, mais tous les autres organes aussi, évoluent; la croissance continue bien après l’apparition des gonades. L’habitus ressemble exactement à celui des autres espèces du genre Helerostigma (PI. IV). Les siphons opposés sont couverts de spinules, ils sont assez allongés et susceptibles de se rétracter entièrement. La tunique mince et souple peut se couvrir de graviers grâce à des papilles, ou rester lisse. Elle est incolore, transparente. Le rhizoïde ventral, long et fin, atteint généralement le double de la longueur du corps. Son extrémité est fixée ou non à un gravier, elle peut être ramifiée. La tunique de cette espèce apparaît régulièrement ponctuée à un faible grossissement. Un examen plus approfondi permet de distinguer un réseau très régulier de vaisseaux tunicaux, qui possède des ampoules vasculaires très développées. Ce sont ces ampoules vasculaires opaques très visibles dans la tunique transparente qui produisent cette ponctuation (PI. IV). Ce réseau vasculaire existe aussi dans les autres espèces du g. Heterostigma, mais il est mémoires ou Muséum. — Zoologie, t. XXXV 3 Source : MNHN, Paris 28 FRANÇOISE MONNIOT moins développé et moins régulier. Chez H. gonochorica, il est présent chez les adultes et chez les jeunes. Les deux siphons sont quadrilobés. Le manteau épais et musclé, surtout au niveau des siphons, n’adhère que très peu à la tunique. Il comprend des fibres musculaires régulièrement disposées longitudinales et transversales (fig. 7, B) les muscles circulaires (par rapport aux siphons) sont externes. Les tentacules coronaux présentent une forme particulière (fig. 7, A). Disposés sur un rang, ils sont de trois ordres, régulièrement alternés. Leur extrémité libre se divise en deux parties ce qui donne aux tentacules (les plus grands seulement) une forme de T. Ce caractère pourrait avoir, à notre avis, de l’importance pour discuter la place évolutive du genre Helerostigma dans les Pyuridae. Cette forme en T est peut-être le début, ou au contraire, l’aboutissement d’une régression des tentacules ramifiés qui sont la règle générale dans la famille. Fig. 7. — Helerosligma gonochorica n. sp. : A, tentacules coronaux; B, race intérim du manteau montrant les faisceaux musculaires, le tube digestif et la gonade nulle ; C. Konad' femelle et cavité incubatrice; D, gonade mille — position par rapport à l’endostyle Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 2 ‘) Le sillon péricoronal forme un V très profond dans la partie dorsale. Le tubercule vibratilc, petit, apparaît en bouton peu élevé. La glande hypo- neurale est très visible ainsi que le ganglion nerveux allongé (fig. 8). Le raphé, entier, à bord lisse, s’élève progressivement depuis le tubercule vibratile jusqu’à l'entrée de l’œsophage qui s’ouvre à sa droite. L’endoslyle Fig. 8. — Helernsligmu gonoclwrica du raphé et du tubercule vibratile. sp. : détail de la branchic dans la région Source : MNHN, Paris 30 FRANÇOISE MONNIOT est droit, large. Assez court, il est loin d'atteindre l’œsophage. Sa longueur est généralement égale à celle du raphé. La branchie se présente donc sous forme de deux champs à peu près rectangulaires. On y distingue six sinus longitudinaux, surmontés de lames élevées. Sous ces formations sont centrées les rangées d’infundibula (fig. 8, fig. 9). Mais il v a 7 rangs d’infundibula, même chez les sujets peu âgés. Le rang apparaît de chaque côté du raphé entre le dernier sinus et celui-ci Chez les individus très âgés, on reconnaît aussi de chaque côté de l’endostyle un début de spiralisation des protostigmales les plus antérieurs (fig. 9). Mais nous n'avons pas pu observer un 8 e rang d’infundibula. Fio. 9. — Hc.terosligma gonochorica n. sp. : détail de la branchie au voisinage de l’endostyle. (e. endostyle; l.m. lame membraneuse; r. rapbé: pr. protostigmate; s.l. sinus longitudinal; s.lr. sinus transverse; si. spir. stigmate spiralé). Sur la septième rangée d’infundibula, et de chaque côte de l’endostyle, on peut découvrir des sinus longitudinaux irréguliers traversant toute là série de protostigmates. Mais ils ne sont jamais surmontés d'une lame mem¬ braneuse (fig. 8). Les protostigmates (9 ou 10) restent indivis. Leurs extré¬ mités, surtout du côté du raphé, se terminent en crosse. Ils sont réguliè¬ rement séparés par un sinus transverse. Les infundibula, constitués d’un Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 31 seul stigmate montrent jusqu’à 7 tours de spire, selon l’âge. Le stigmate qui les constitue est irrégulièrement recoupé dans les tours les plus externes. L’ensemble de l'infundibula est parcouru de sinus radiaires d’ordre plus élevé. Les sinus transverses entre les infundibula sont très irréguliers. Le tube digestif forme une boucle fermée. L’œsophage long, hori¬ zontal, débouche dans un estomac semblable à ceux des autres Helerosligma. L’intestin monte ensuite verticalement jusqu'à la 2 e ou 3 e rangée d’infun- dibula, puis se replie sur lui-même. Cette 2 e partie de la boucle présente un renflement en tonnelet. Le rectum forme alors un angle droit et croise l’œsophage. L’anus est lisse à deux lèvres peu marquées (fig. 7, B). Fio. 10. — llderosligma gonochurica n. sp. : dissection d’un individu femelle mons¬ trueux. La face externe de l’estomac est le plus souvent dépourvue de papilles hépatiques. Les gonades ne sont pas hermaphrodites. On a réellement ici une espèce gonochorique. Nous décrirons successivement les gonades des individus 3 et $. Nous donnerons dans une discussion ultérieure, les preuves de ce gonochorisme. La gonade 3 apparaît au stade jeune avec 3 lobules spermatiques (fig. 31, 7). La gonade adulte a une forme générale de haricot. Elle est composée de très nombreux lobules de structure uniforme. Ces lobules débouchent à maturité dans de petits canaux spermatiques qui se réunissent dans le hile du « haricot » en un spermiducte long, parallèle à l’endostyle, qui débouche par une papille dans la cavité atriale, à la base de la branchie (fig. 7, B et fig. 7, D). La gonade des individus $ a une forme variable, généralement ovale; elle peut être déformée selon l’importance prise par la cavité incubatrice. Source : MNHN, Paris Caractères comparatifs des espèces du genre HETEROSTIGMA II. fagei II. replans II. gonochorica H. separ Taille max . . . . 2 mm 3,5 mm 5,5 mm 7 mm Rhizoïde. 0 à 1 1 à 4 0 à 1 0 à 1 Siphons. opposés à 120° opposés à 90° Tentacules . . . . simples 2 ordres simples 2 ou 3 ordres en T et simples simples 2 ordres T.V. petit rond petit rond petit rond petit rond Sinus longit.. . . 6 avec papilles 6 sans papilles 6 sans papilles 6 sans papilles Protostigmates . . 5 à 6 rangs 10 rangs environ 10 rangs environ 5 à 12 rangs Infundibula. . . . 6 rangs section ronde 7 rangs section carrée 7 rangs section ronde 8 rangs section ronde Stigmate spiralé. . 3 tours non recoupés 4 tours non recoupés 7 à 8 tours irrégu¬ liers recoupés 5 à 8 tours réguliers recoupés Boucle intestinale. fermée ouverte fermée fermée Papilles hépatiques 1 sorte 2 sortes 2 sortes 2 sortes Rectum. lisse lisse renllé aux 2/3 1 côte saillante Anus. entier entier bilobé bilobé Gonade. .t ronde g ovale réniforme 0 arrondie £ réniforme Oviducte. long court court court Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 33 Située un peu plus haut que ne l'est le testicule chez les individus Ascidie interstitielle des Source : MNHN, Paris ASCIDIES 4TERSTITIELLES 45 la musculature cloacale manque totalement. Par contre on distingue quel¬ ques très fines bandelettes musculaires longitudinales sur le siphon buccal, invisibles chez Psammascidia. Dexlrogaster suecica a d'abord été trouvée dans les graviers de la côte Ouest de Suède à 25 mètres de profondeur environ. C,ette espèce a été retrouvée ensuite en 5 exemplaires dans des graviers proches de la station Fig. 16. — Dexlrogaster suecica : A, habitus face droite; B, tube digestif et gonade face interne; C, détail de la branchic. Source : MNHN, Paris FRANÇOISE MONNIOT marine d’Espegrend (Norvège) à 4 mètres de profondeur dans la même localité que la petite Pyuridae, Helerostigma reptans. Les individus de Norvège récoltés à la fin du mois d’Août possèdent tous des gonades. Ils sont identiques à ceux de Suède. Comme chez Psammascidia, le corps est aplati latéralement et n’adlière à la tunique que par les siphons. La structure branchiale est très simplifiée : il existe des ponts longi¬ tudinaux complets seulement dans la partie moyenne de la branchie. Ils sont réduits ailleurs à des papilles trifurquées. Il n’existe pas de ponts transverses, mais des sinus régulièrement disposés. Aux angles de chaque maille s’élèvent des papilles simples mais très développées (fig. 16, C). Les stigmates sont droits, disposés en 8 rangs, chaque maille en contient deux ou trois. Le raphé est court en languettes. Le tube digestif (fig. 16, H) est situé à droite de la branchie. L’œso¬ phage est long, arqué. Il débouche dans un estomac divisé en deux parties : la première est bien individualisée, cylindrique, séparée de la deuxième plus petite par un étranglement. L’intestin se replie pour former une boucle ouverte. Il est divisé lui aussi en deux parties par un étranglement. La gonade hermaphrodite est logée dans l’anse intestinale, et déborde le tube digestif du côté externe. La partie mâle est placée contre l’estomac, elle n’est jamais très étendue. L’oviducte n’est pas visible sur nos échan¬ tillons. Nous n’avons pas trouvé d’embryons en incubation. Le genre Dextrogasler présente plusieurs convergences avec le genre Psammascidia : aspect externe, tube digestif divisé, structure branchiale simplifiée. La taille de ces deux genres est considérablement réduite par rapport à toutes les autres Phlébobranches connues. Source : MNHN, Paris Chapitre II EXAMEN CRITIQUE DE CERTAINES DONNÉES ÉPARSES DANS LA BIBLIOGRAPHIE L’existence d'Ascidies réellement interstitielles n’a été reconnue, que depuis notre note de 1%1 à l'Académie des Sciences. Mais on peut se demander si des descriptions anciennes d’animaux récoltés par dragages, publiées dans certains ouvrages, après avoir été trouvés par hasard, ne correspondent pas à ce type biologique. Il faut se souvenir en effet de ce que la plupart des auteurs n’avaient pas récolté eux-mêmes le matériel sur lequel ils travaillaient et étudiaient des collections conservées dans des liquides fixateurs après avoir été collectées au cours d’expéditions lointaines ou par des zoologistes isolés. Les prélèvements des expéditions modernes sont extrêmement minu¬ tieux et le tri permet de trouver maintenant de très petits animaux. D’autre part, les sédiments qui n’ont pu être examinés sur place, sont actuellement fixés in loto et réexaminés par la suite. Ces recherches très fines ont surtout porté sur les milieux rocheux et les vases qui ont été assez fréquemment explorés. Par contre, les graviers ne sont que très rarement examinés. Il est vrai que ces milieux sableux grossiers ou coquilliers n’existent que sur des étendues réduites, généralement dans des passes parcourues par des courants, ou à proximité des côtes. Ils sont de toutes façons localisés dans la zone infralittorale. Ils ont toujours été considérés jusqu’à ces dernières années comme un milieu très pauvre. Les dragages y sont difficiles avec de gros bateaux; les modèles habituels de dragues ne sont pas adaptés aux gros sédiments; les dragues mordent toujours par leur simple poids dans les vases, mais ceci ne se produit plus dans un sédiment grossier. Contrairement à ce qui se passe pour les Ascidies des milieux rocheux, les formes libres qui vivent dans les sédiments meubles ne sont pas groupées en populations denses. Ce sont des individus isolés. Leur découverte devient plus difficile même si on explore une grande étendue de sédiment. Il existe encore une difficulté supplémentaire pour récolter les petites epèces du sable. Ces animaux sont assez fragiles, et quand on brasse le sable, ils se trouvent frottés contre les graviers, ce qui les fait le plus souvent éclater. Ceci est valable plus particulièrement pour les Ascidies à tunique molle : les Phlébobranches. Quand on a l’habitude d’examiner des prélèvements de sable, on rencontre souvent des lambeaux et il est alors très difficile de déterminer à quel phylum ils appartiennent, tubes de Polychètes, d’Am- phipodes, Siponcles ou tunique d’Ascidie. Afin de tenir compte de toutes les espèces déjà décrites dans la litté¬ rature, nous avons décidé d’examiner toutes les Ascidies simples dont la taille ne dépasse pas un centimètre. Nous nous sommes limitée aux Ascidies simples. Les Polystyelidées ont été exclues, car nous estimons qu’une colonie ou un agrégat ne peut être interstitiel. La taille d’un centimètre est déjà très grande pour une Ascidie vivant dans le sable; nous l’avons choisie Source : MNHN, Paris 48 FRANÇOISE MONNIOT pour ne pas risquer de manquer une espèce interstitielle dont ce serait la taille maximale, graviers compris. Nous avons examiné chaque espèce de cette liste en recherchant dans quel milieu elle avait été trouvée. De ce fait, nous en avons déjà éliminé un grand nombre. Plusieurs de nos éminents collègues étrangers ont recherché, depuis nos premières trouvailles, les Ascidies interstitielles dans diverses régions. Nous pensons que leurs insuccès tiennent avant tout aux méthodes utilisées. Ceci n’exclut nullement que certaines espèces décrites, que nous allons maintenant passer en revue, puissent être réellement interstitielles. Nous donnerons tout d’abord une liste de ces espèces, famille par famille. Puis nous analyserons quand cela sera possible, le milieu dans lequel elles vivent. Les indications à ce sujet sont très réduites. Nous essaierons enfin de juger si ces espèces possèdent des caractères anatomiques ou des adap¬ tations semblables à celles que nous avons trouvées nous-même chez les Ascidies réellement interstitielles. LISTE DES ESPÈCES RETENUES 1) O. DES Stolidobranchiata. — Famille des Slyelidae. Slyela schmilli Van Name 1945. Slyela sclimilli f. simplex Millar 1960. Cnemidocarpa rhizopus var. murmanensis Redikorzev 1911. Cnemidocarpa mollispina Àmbâck-Christie-Linde 1922. Cnemidocarpa psarnmophora Millar 1962. Polycarpa fibrosa (non Stimpson), Ârnbâck-Christie-Linde 1923. = Polycarpa arnbackae F. Monniot 1964. — Famille des Pyuridae. Helerosliyma separ Ârnbâck-Christie-Linde 1924. — Famille des Molgulidae. Molgula minuta Kott 1952. Molgula braziliensis Millar 1958. Eugyra woermanni Michaelsen 1914. Eugyra arcloa Ârnbâck-Christie-Linde 1928. Eugyra brewinae Millar 1960. Paraeugyrioïdes macquariensis, Kott 1954. 2) O. des Phlebobranchiata. — Famille des Corellidae. Corella halli Kott 1951. PARTICULARITÉS MORPHOLOGIQUES DES ESPÈCES ET NATURE DU FOND FRÉQUENTÉ — Slyela schmilli, espèce dont la plus grande dimension est 8 mm est un animal de corps arrondi, couvert de sable grossier. Il vit sur la côte de l’Uruguay, sur un fond de sable et de coquilles à 20 mètres de profondeur Source : MNHN, Paris ujuj -V ASCIDIES INTERSTITIELLES 49 Fig. 17. — Slyela schmilli Van habitus de trois spécimens; D, spéci (D’après Millar 1960). Name 1945, forme simplex Millar 1960 ; A, B et C. men dont la partie droite du corps a été enlevée. Source : MNHN, Paris 50 FRANÇOISE MONNIOT Van Name, signale une tunique dure et résistante, un rhizoïde nu. Les caractères anatomiques internes n'ont rien de particulier. La branchie possède 4 plis, mais le 4« est aplati. La taille importante de cette espèce ne nous permet pas de dire que son mode de vie peut être interstitiel; il est possible d’ailleurs qu’elle soit fixée à un caillou ou une coquille; il n’y a aucune précision de l’auteur à ce sujet. Il nous est toutefois permis de supposer, d'après l’habitus de l'adulte, que les jeunes peuvent avoir une période de vie endopsammique, mais c’est une pure hypothèse. Pour la forme simplex de la même espèce, Millau donne des dessins que nous reproduisons ici (fig. 17). Un peu plus petite que la précédente, 7 à 5 mm, l'espèce est allongée. Le corps adhère à quelques graviers, mais il reste presque nu. Le rhizoïde est beaucoup plus fort que dans la forme normale de Styela schmitti et fixe quelques particules minérales sur ses ramifications. La forme de l’habitus ressemble énormément aux petites Polycarpa que nous avons décrites comme interstitielles. L’anatomie interne est simplifiée par rapport à l’espèce de Van Name : par exemple le nombre de tentacules est réduit, la branchie n’a plus que deux plis, dont un rudi¬ mentaire, au lieu de quatre. Cette simplification de l’anatomie interne, qui n’afïècte pas les gonades, plaiderait en faveur d’un animal interstitiel. Mais pour l’une ou l’autre forme, aucune indication n’est donnée sur le mode de vie. D’autre part, les siphons dans les deux cas sont rapprochés mais il faut tenir compte de la contraction; le corps est allongé dans le sens dorso-ventral et il est très possible dans ce cas que les siphons affleurent la surface du sable. Il serait très intéressant de retrouver cetLe forme et de vérifier si elle ne pourrait être une forme plus jeune de la Styela schmitti Van Name. Les lieux de récolte sont éloignés, ce qui justifierait 2 formes géographiques. S’il y a un cycle annuel, il est possible que Millar n’ait obtenu que des individus jeunes à peu près tous au même stade de déve¬ loppement, mais déjà mûrs. Les différences anatomiques entre les deux formes de cette espèce ne sont pas très importantes. Le nombre de tentacules est réduit chez la forme simplex, le tubercule vibratile a une forme différente, mais ceci est un caractère toujours variable chez les Ascidies. La branchie présente des plis peu développés chez la forme simplex mais rien ne prouve qu’à un âge plus avancé, le développement branchial ne puisse continuer, bien que les gonades soient déjà formées. La boucle intestinale et le nombre de plis stomacaux sont les mêmes. Millar signale chez la forme simplex un anus à 2 lèvres, dont chacune est lobée. Van Name, chez la forme typique décrit des lobes marqués. Là aussi, il ne s’agit peut-être que d’une croissance en cours. Les gonades confirment encore l’hypothèse d’un développement non terminé de la forme simplex par rapport à la forme typique. Pour les deux, il existe deux gonades de chaque côté avec des ovaires tubulaires. Pour la première, les testicules sont groupés dans la partie apicale des ovaires. Pour la deuxième, les testicules sont logés à la fois à l’extrémité de l'ovaire, mais également tout le long et de chaque côté de celui-ci. Nous considérerons donc, pour l’espèce Styela schmitli, que les deux formes, si elles correspondent à deux étapes différentes du développement pourraient représenter les stades terminaux de la croissance d’une espèce néoténique. Il y aurait dans ce cas, une correspondance nette avec nos espèces réellement interstitielles. Il serait nécessaire de découvrir maintenant Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 51 des stades encore plus jeunes de la même espèce qui, eux, risqueraient fort d’avoir un mode de vie réellement endopsammique. Le cycle ressemblerait alors à celui que nous avons tracé pour Polycarpa arnbackae F. Monniot. De toutes façons, la précision des diagnoses et l’absence d’indications écologiques au sujet de ces animaux sont tout à fait insuffisantes pour nous permettre une interprétation précise, nous dirons qu'il s'agit d’une simple hypothèse. Cnemidocarpa rhizopus. Examinons maintenant quelques espèces du genre Cnemidocarpa : C. rhizopus var. murmanensis, récoltée dans la Mer Blanche, présente un habitus similaire à celui que nous venons de voir pour Styela schmilli. La forme est allongée dans le sens dorso-ventral. Le corps muni d’un long et fin rhizoîde, est couvert de sable mais le rhizoïde reste nu. Cette Ascidie a été retrouvée par ArnbaCk-Ciimstie-Lindf. en 1922 à une profondeur de 28 à 90 m sur un fond de sable et de coquilles (mer de Kara). Deux spé¬ cimens appartenaient à la forme typique, un à la variété murmanensis de 4 mm. Ce dernier est considéré par l'auteur suédois comme un individu jeune. Pourtant elle signale qu’il existe de nombreuses gonades de chaque côté du corps. Ayant vu à la fois la forme typique et la variété murmanensis, l’auteur prétend que tous les caractères anatomiques principaux sont sem¬ blables. Dans l’individu considéré comme jeune, la branchie possède des plis plus réduits que dans la forme typique. Ârnback-Christie-Lindf. signale : « In the individual in question tliey are more redueed than in any other known Cnemidocarpa. Tliey are substituted by longitudinal vessels which are distributed as follow : Right = D 3 1 - 1 - 1 E Left = D 2 - 1 - 1 - 1 E». D’autre part, l'auteur signale que les gonades sont peu développées. Nos conclusions pour l’espèce Cnemidocarpa rhizopus et pour la variété murmanensis seront les mêmes que pour Styela schmilti. Il s'agit peut-être d’une espèce dont les stades jeunes sont interstitiels. L’hypothèse est cependant moins vraisemblable dans ce cas puisque la forme normale de Cnemidocarpa rhizopus atteint 12 mm de longueur pour les individus du Kattegat. Nous préférons signaler les possibilités d’un stade endopsammique pour ce genre d’animaux, mais en réalité nous ne pouvons les classer avec certitude comme tels. Cnemidocarpa mollispina. Une autre espèce Cnemidocarpa mollispina vit aussi dans le sable. Elle a été décrite d'après un seul exemplaire de 6 mm/7 mm provenant de la péninsule de Kola à 60 m de profondeur environ. Son seul caractère ana¬ tomique particulier est la réduction de la branchie, le pli n° 2 est rudimentaire puisque la formule branchiale serait d’après Arnback-Christie-Linde : R - 4 - 1 - 4- 3-E. Cette espèce a été retrouvée par Millar en 1959 dans l'Oresund. Les animaux se trouvaient cette fois dans du sable grossier à la limite de la vase et des zostères par 30 ou 40 m de profondeur. Les spécimens étaient nombreux, la taille maximale signalée est de 7 à 8 mm. Comme dans le premier exemplaire le corps est couvert de sortes d’épines souples et il existe Source : MNHN, Paris 52 FRANÇOISE MONNIOT un rhizoïde basal plus fort. La branchie est assez simple : elle a quatre plis, mais le deuxième à partir du raphé est toujours réduit à un seul sinus. Mi Lear donne cette fois quelques indications sur la biologie de cette espèce. 11 signale en particulier : « It will be locally restricted to bottoms of sand, mud and broken shell ». Là, moins encore que pour les espèces précédentes, on ne peut décider si ces animaux vivent au-dessus du sable ou s’ils s’y enfoncent. De toutes façons, la taille des Cnemidocarpa mollispina l’exclut des Ascidies inters¬ titielles. Il est possible que les Ascidies étudiées aussi bien par Ârnbâck-Christie- Linde que par Millar soient les exemplaires les plus grands de l’espèce, visibles à l’œil nu, alors que de plus petits échappent à l’observation sans une technique de tri spéciale. Les représentations de cette espèce ressemblent tout à fait aux habitus des Slyelidae interstitielles que nous avons décrites dans un chapitre antérieur. Cnemidocarpa psammophora (fig. 18). Une autre espèce de petite taille a été décrite récemment d'après 3 spécimens par Millar en 1962 : Cnemidocarpa psammophora provenant d’Afrique du Sud. Là encore il s’agit d’un animal couvert de sable, mais qui mesure 1 centimètre environ. Six forts rhizoïdes sont insérés sur la face ventrale. L’anatomie interne ne présente rien de particulier pour le genre Mais à propos de cette espèce, Millar remarque : « Several species of Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 53 Cenmidocarpa are adapted to 1 ife on sandy bottoms. Cnemidocarpa psammo- phora is one of these and shows the adaptative feathures of this ecological group namely small size, spherical form, and rooting processus of the test ». En ce. qui concerne toutes les espèces de Cnemidocarpa que nous avons vues, nous ne pouvons conclure à des espèces interstitielles. Il s’agit de formes d’allure très voisine de celles-ci, présentant des adaptations de même ordre, avec une néoténie plus ou moins marquée, mais certaine. Nous avons vérifie chez les Slyelidae de petite taille, mais cette fois fixées, qu'il y avait de très faibles différences entre les caractères des individus juste matures et ceux d'animaux plus âgés et de plus grande taille. Toutes les Ascidies continuent à croître après l’apparition des gonades, mais sans modifications importantes : les tissus grandissent, mais il n’y a plus d’acqui¬ sitions anatomiques nouvelles. Polycarpa arnbackae. Voyons maintenant ce qui concerne Polycarpa arnbackae F. Monniot. Nous avions signalé au cours de la description de celle espèce en 1964 qu’il s’agissait certainement du spécimen trouvé dans la même région par Arnback-Christie-Linde en 1923 et interprété comme jeune Polycarpa fibrosa (Stimpson). Cet individu avait 5 mm. Ceux que nous avons récoltés en Suède ont une taille généralement inférieure, mais il est possible qu’ils puissent devenir plus gros. Le seul exemplaire connu avant nos récoltes était peut-être au maximum de sa taille, et a pu être découvert pour cette raison. Cette fois, nous avons trouvé les jeunes en même temps que les adultes, puisque nous avons fait nous-même les dragages et le tri nécessaires. Nous avons déjà signalé en décrivant cette espèce que les jeunes ressemblent tout à fait, dans leurs grands lignes, aux adultes de Psammoslyela delamarei. Par contre, nous ne savons pas exactement quelle position occupent dans le sable les adultes de grande taille de Polycarpa arnbackae. Il est certain que cette espèce est interstitielle au moins pendant la plus grande partie de son cycle. On pourrait penser qu’il s’agit d'une deuxième étape dans un passage possible de Slyelidae. du milieu endopsammique à une vie en eau libre au-dessus du sable. II. — Pyuridae Aucune Pyuridae de petite taille n’est citée dans la littérature, sauf Helerosliyma separ dont nous avons déjà repris la description plus haut, nous n’en reparlerons donc pas ici. III. — Molgulidae Au cours de l’étude des Ascidies interstitielles, nous avons été extrê¬ mement prudente en ce qui concerne les Molgulidae. En effet, il existe de très nombreuses petites Molgules n’ayant parfois que 3 ou 5 mm, qui vivent fixées ou agglomérées entre elles. Il y a aussi un très grand nombre de formes de 1 cm ou moins, vivant sur le sable ou à moitié enfouies, sans aucune différence adaptative avec les Molgules plus grosses. Il est donc très délicat de préciser si les petites Molgules vivent réellement à l’intérieur Source : MNHN, Paris 54 FRANÇOISE MONNIOT du sable ou simplement dans les creux de surface. Tant que des élevages n’auront pas été réalisés, nous ne pourrons pas dire si les petites Molgulidae de la littérature sont interstitielles ou non. Eugyra woermanni. Mesure 5 mm et provient de 8 mètres de profondeur à Walfish bay, Sud-Ouest Africain. Un an après sa première description Michaelsen reprend l’étude de cette espèce. Elle a les caractères externes des petites Molgulidae, couverte de sable, avec des rhizoïdes surtout ventraux, des siphons assez éloignés. L’anatomie interne est banale, sauf la branchie qui est d’une remarquable simplicité. Eugyra brewinae (fig. 19). A 5 mm de diamètre. L’habitus est semblable à celui de l’espèce précédente. La branchie est sans caractère bien marquant si ce n’est le petit nombre de tours de stigmates spiralés. Cette espèce a été draguée en Nouvelle-Zélande à 50 mètres de profondeur. Fio.^19.^ — Eugyra brewinae Millar 1960 : détail de la branchie et gonade. (D'après Eugyra arcloa. Est une espèce plus profonde (400 in) de la mer de BafTin. Elle n’est connue que par un seul spécimen : l’animal mesure 3,5/4,5 mm, il est couvert de sable et de vase. La branchie est ici très originale. Àrnbâck-Christie- Linde la décrit très soigneusement : elle signale 7 rangs longitudinaux de spirales stigmatiques, le 1 er , le 2 e et le 7 e beaucoup plus réduits que les autres. Dans la partie antérieure du corps les stigmates ont une grande longueur, tandis que dans la partie postérieure et sur les faces dorsale et ventrale, les stigmates sont courts et les spirales peu développées. Il n ’v a que 5 sinus longitudinaux et pas d’infundibula. ^ L’auteur attire notre attention sur cette branchie primitive : « jj might be suggested that E. arcloa represents, as it were, an original stage in the phylogenelic development of Eugyra areriosa answering lhe condi¬ tions from anatomical and zoogeographical point of view. This specimen is thus important from a phylogenetic point of view, though lhe scantv material allows only of hypothelical statements for the présent ». Cette conclusion nous semble tout à fait justitiée. Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 55 Molgula minuta. Récoltée en Australie ne mesure que 3,2 mm. Kott signale que les individus sont agrégés, parfois avec un rhizolde. Il apparaît difficilement conciliable d’admettre une agrégation des individus et un mode de vie interstitiel. Il est vrai que l'auteur ne précise pas si les animaux sont très nombreux, ni s’ils adhèrent à un support. Molgula braziliensis. A toujours la même forme, arrondie avec des rhizoïdes et couverte de sable. Il n’en existe que deux spécimens dont le plus grand mesure 5 mm. La branchie ne possède pas de vrais plis, mais 6 sinus longitudinaux. Les infundibula n'ont que 3 tours de spire. Il s’agit encore d'une branchie extrêmement simple, d’allure juvénile. Paraeugyrioides macquariensis. Provient du sable littoral de l’île Macquaric. Les 3 spécimens repré¬ sentant cette espèce mesurent 3 mm de diamètre. L’anatomie n'a rien de particulier et nous n’avons aucun renseignement sur la biologie. Dans l’ensemble, on peut remarquer que toutes les petites Molgulidae libres citées ci-dessus ont des caractères branchiaux extrêmement primitifs ou juvéniles, tandis que les gonades sont normalement développées. On peut alors parler aussi de néoténie. Quant au mode de vie interstitiel, il existe peut-être, mais l’absence totale d’indications écologiques ne nous permet pas d’en parler. IV. — Lf.s Phlébobranches, famille des Corellidae Nous n’avons retenu dans la littérature qu’une seule espèce de Phlébo¬ branches, Corclla halli, mais elle nous a paru particulièrement intéressante à plusieurs points de vue. Malheureusement, dans ce cas encore, il n’existe qu’un seul spécimen dragué dans la Manche. Les figures qui accompagnent sa description sont reproduites ici (fig. 20). Cet animal, libre, n’a que 4 mm. de diamètre et 2 seulement sans tunique. Sur cette tunique, sont fixés quel¬ ques grains de sable. La branchie, puisque c’est toujours elle qui constitue le centre d’intérêt, est restée à un stade vraiment très juvénile. Kott elle- même, signale que les stigmates ressemblent à ceux de jeunes Corella paral- lelogranima. Les gonades sont présentes sans aucun doute. Kott, après sa description, conclut à une forme primitive dans l’évolution des Corella. Il est cette fois très possible que cette espèce ait un mode de vie interstitiel. Il est dommage que la nature du fond, encore une fois, ne soit pas précisée à l’endroit de la récolte. Par contre, nous avons une précision inhabituelle : la date du prélèvement. Il se trouve que cela présente une grande impor¬ tance : il s’agit du 30 août. Cette, date correspond justement à l’époque où l’on peut trouver des Phlébobranches interstitielles à Roscoff, puisqu'elles ne sont visibles dans le sable qu’à la fin de l’été. Nous pensons que le cycle pourrait être semblable pour Corella halli et les espèces de Roscoff et cela expliquerait pourquoi un seul exemplaire ait été signalé malgré les récoltes intensives effectuées dans toute la Manche. Source : MNHN, Paris 56 FRANÇOISE MONNIOT En conclusion, nous dirons que vraiment peu d’espèces déjà décrites ont la possibilité d’être interstitielles. Il doit pourtant en exister un assez «rand nombre, et il n’y a aucune raison pour qu'elles soient limitées à l’Europe. Fio. 20. — Corella halli Kott 1951 : reproduction de la figure originale. Elles ont certainement échappé aux récoltes, pour différentes raisons : les dragages sont difficiles près des côtes à faible profondeur, ou dans les passes de sable étroites, parcourues de forts courants et semées d’écueils. Les animaux contractés sont difficiles à voir : immobiles, ils prennent des formes arrondies et leur coloration se rapproche beaucoup de celle du sédiment. L’exploration des sables grossiers littoraux reste entièrement à faire et apportera très certainement un grand nombre de spécimens. Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 57 PUBLICATIONS OU SONT DONNÉES LES DIAGNOSES DES ESPÈCES CITÉES ÂrnbXck-Christik-Linde (A.), 1922. Northern and arctic invertebrates in the collection of the swedish State Muséum — VIII Tunicala 1. Slyelidae and Polyzoidac. Kungl. Sv. Vet. Akad. Handlingar, 63, n° 2, (5-62), 3 pl. Ârnback-Christie-Linde (A.), 1923. — A list of Ascidians collected oil Gothenburg. Meddel. Gôteborgs Mus. Zool. avdel., 29, (1-9). Ârnback-Christœ-Linde (A.), 1921. — A rcmarkable Pyurid Tunicate from Novaya-Zcmlya. Arkiv /or Zoologi, 16, - 15, (1-7). ÂrnbXck-Christie-Linde (A.), 1928. — Northern and arctic invertebrates in the collection of the Swedish State Muséum. IX Tunicala 3. Molgu- lidae and Pyuridae. Kungl. Sv. Vet. Akad. Handlingar, n° 9, (1-99), 3 pl. Kott (P.), 1951. — Corella halli n. sp. a new ascidian from the English Channel. J. Mar. Biol. Ass. U.K., 30, (33-36), 1 fig. Kott (P.), 1952. The Ascidians of Australia I. Slolidobranchiala Lahille and Phlcbobranchiala I.ahille. Auslr. j. Mar. Fresh. res. Melbourne, 3, n° 3, (205-236). Kott (P.), 1954. Tunicata Ascidians — in Antarctic research expédition 1929-1931. Reports, ser. H, 1, part. 4, (123-182). Michaelsen (W.), 1914. Über einigc westafrikanische Ascidien. Zool. Anz. Leipzig, 43, (423-432). Millar (K. H.), 1958. — Soine Ascidians from Brazil. Ann. Mag. Nat. Hisl., ser. 13, 1, (497-514). Millar (R. H.), 1960. — Ascidiacea. In Discovery reports, 30, (1-160). Millar (R. IL), 1962. — Further descriptions of South African Ascidians. Ann. South A/rica Mus., 46, 7, (113-221). Redikorzkv (\V.), 1911. — Thethyum rhizopus var. murmanense eine neue Ascidie von der Murmanküste. Ann. Mus. zool. Sl-Petersburg, 16, (61-64), 1 pl. Van Name (W. G.), 1954. The North and South American Ascidians. Bull. Amer. Mus. Nat. Hisl., New York, 84, (1-476). Source : MNHN, Paris 58 FRANÇOISE MONNIOT Fig. 21. — Emplacement des stations étudiées. Source : MNHN, Paris Chapitre III RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE Il est encore difficile de parler avec beaucoup de détails de la réparti¬ tion géographique des Ascidies interstitielles. Même en Europe nous n’avons pas pu faire une prospection de. toutes les côtes, même aux profondeurs limitées de 0 à 50 mètres. La nécessité de disposer d’un bateau et d’une loupe binoculaire pour le tri, qui, nous l’avons vu, doit être immédiat, limite les possibilités de prospection. Nous nous bornerons donc pour l’instant à donner sous forme de cartes la liste des stations où nous avons rencontré une ou plusieurs espèces d’As- cidies interstitielles. La carte de l’Ouest de l'Europe (fig. 21) indique les principaux centres où nous avons pu rechercher des Ascidies mésopsammiques. Nous savons que les sables grossiers propres se localisent dans des stations d’étendues très limitées. Ceci nous amène donc à donner des cartes détaillées de chaque zone prospectée, pour la plupart situées à proximité de laboratoires marins. En France, les fonds à proximité de Roscofï ont pu être étudiés à partir de la Station Biologique, où de nombreux travaux sur les sédiments meubles avaient été déjà entrepris. Il nous a donc été plus facile de trouver là les sables de granulométrie convenable au cours de différents séjours. Pour Banyuls-sur-Mer, des dragages systématiques ont été entrepris depuis Argelès jusqu’à la frontière espagnole, pendant plusieurs années. L’essentiel des études sur les Ascidies interstitielles provient du laboratoire de Banyuls-sur-Mer où ces animaux ont été recherchés pendant plusieurs années consécutives et élevés en aquarium. Enfin H. Massé nous a envoyé les mêmes espèces que celles de Banyuls : H. fagei et P. delamarei trouvées par lui dans des sables meubles de la région de Marseille (passe entre les Iles de Riou et Calseragne). La station d’Ascidies mésopsammiques la plus méridionale se situe sur la côte de Sicile. Elle a été exploitée au cours d’un voyage touristique grâce à des moyens de fortune, mais c’est de loin celle qui s’est révélée la plus riche quant au nombre d’individus. Voyons maintenant si l'on peut tirer des conclusions biogéographiques de ces récoltes fragmentaires, mais disposées le long d’une ligne Nord-Sud. — A 60° 15" de latitude Nord, près d’Espegrend en Norvège, nous avons une Psammoslyela sp., (Styelidae), Helerostigma replans (Pyuridae) et Dexlrogasler suecica (Corellidae) (fig. 22). — De 58° 13" à 58° 16" de latitude Nord près de Kristineberg en Suède: Polycarpa arnbackae (Styelidae), Molgula hirta (Molgulidae), Dexlrogasler suecica (Corellidae) (fig. 23). — A 48° 42" de latitude Nord, près de RoscofT : Polycarpa penlarhiza (Styelidae), Heierosligma separ (Pyuridae), Psammascidia leissieri (Ascidii- dae) (fig. 24). Mémoires du Muséum. — Zoologie, t. XXXV 5 Source : MNHN, Paris 60 FRANÇOISE MONNIOT Fig. 22. — Carte de la région d’Espcgrend (Norvège). Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 61 Source : MNHN, Paris 62 FRANÇOISE MONNIOT Fig. 24. — Carte Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 63 Fig. 25. — Carte de la région de Banyuls-sur-Mer (France côte méditerranéenne). Source : MNHN, Paris 64 FRANÇOISE MONNIOT Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 65 — A 42° de latitude Nord, près de Banyuls et à Marseille : Psammoslyela delamarei, Polycarpa penlarhiza, Heterostigma fagei (fig. 25). —■ A 37° de latitude Nord à Fondachello, Sicile : Heterostigma gono- chorica et deux exemplaires de Polycarpa jeunes indéterminables (fig. 26). Plusieurs remarques s’imposent : dans chaque station, il y a au moins une Slyelidae et une Pyuridae (sauf à Kristineberg, mais tous les fonds n’ont pas été prospectes) et cela au Nord comme au Sud. Par contre les Phlébobranches Corellidae et Ascidiidae semblent être limitées aux stations atlantiques et manquer totalement en Méditerranée. Ceci correspond bien à la répartition géographique des familles d’Ascidies fixées : les Slyelidae, Pyuridae, Molgulidae sont abondantes au Sud de l’Océan Atlantique et plus encore en Méditerranée. Au contraire les grandes Ascidiidae et Corellidae surtout, sont très rares en Méditerranée, par rapport à leur fréquence dans les mers nordiques. La seule conclusion pour l’instant consistera à remarquer que la répar¬ tition des grandes familles d’Ascidies est semblable pour les grandes formes d’eau libre et les micro-ascidies psammiques. SYMBOLES DES ESPÈCES SUR LES CARTES Slyelidae • Psammoslyela delamarei . O • Polycarpa penlarhiza n. sp. © • Polycarpa arnbackae . ® Pyuridae • Heterostigma /agei . □ • Heterostigma reptans . H • Heterostigma separ . • Heterostigma gonochorica n. sp. H Molgulidae • Molgula hirta n. sp. X Ascidiidae • Psammascidia leissieri . /\ Corellidae • Dexlrogasler suecica. A. Source : MNHN, Paris Source : MNHN, Paris Chapitre IV DÉVELOPPEMENT DES STYELIDAE ET PYURIDAE INTERSTITIELLES Nous avons voulu surtout faire part dans ce chapitre d’observations sur les têtards et leur mode d’incubation, leur ponte, la métamorphose en jeunes Ascidies qui pourront peut-être donner des indications à des asci- diologues spécialisés en embryologie. Mais le but essentiel consistait à élucider le mode de développement de la branchic, l’apparition des stigmates et des sinus longitudinaux, essentiels, aussi bien pour les discussions sys¬ tématiques que pour les interprétations évolutives. I. — Les Styelidae L’étude portera exclusivement sur l’espèce Psammoslyela delamarei. Les premières étapes sont tout à fait analogues chez les petits Polycarpa jusqu’à l’apparition des plis branchiaux. a) Développement embryonnaire. Les premiers stades de développement des œufs se rencontrent toujours à proximité du manteau, tandis que les têtards plus âgés migrent dans la cavité cloacale et se rapprochent de la branchie. Leur croissance déforme la lame branchiale et provoque la formation de sorte de poches. Les têtards sont alors entourés d’une très fine membrane qui se déchire quand ils vont être libérés. Ils sont peu nombreux et ne sont émis à l’extérieur que tardi¬ vement. Leur queue, à ce moment, a déjà subi une régression. Ils ne sont plus capables de nager activement dans l’eau de mer. Leur fixation est immédiate (expérimentalement). La dispersion des jeunes est très faible. Les dragages pendant la période de ponte donnent des récoltes de jeunes abondantes pour un ou deux adultes seulement. Il semble que la dispersion à ce stade soit réduite dans la nature comme en aquarium. b) Ponte et métamorphose. Dans les conditions expérimentales, dès qu'il est libéré, le jeune se laisse tomber sur le fond des coupelles. Il ne se fixe pas par le moyen de papilles exsertiles, mais sa tunique est adhésive et possède des ampoules vasculaires. L’animal est en quelque sorte collé au verre ou aux petits graviers. Si des grains de sable sont présents, le têtard se loge entre eux et s’y attache très légèrement, beaucoup plus faiblement que sur le verre. Cette fixation est de courte durée (quelques jours). La queue se résorbe immédiatement dans sa gaine tunicale qui seule subsiste quelques heures. La « fixation » s’effectue par n’importe quel point de l’animal et ne dépend que de sa position au moment de la libération. Source : MNHN, Paris FRANÇOISE MONNIOT Les femelles adultes perturbées émettent assez souvent des têtards qui n’ont pas terminé leur période d’incubation et ont une queue développée. Cette queue, d’abord enroulée autour du corps, devient droite dès la libé¬ ration. Les têtards sont susceptibles de vibrations mais on ne peut pas parler de nage. Nous n’avons jamais pu obtenir leur développement : après deux ou trois jours ils possèdent toujours une queue mais meurent. c) Les jeunes ascidies (fig. 27, 28, 29). Les jeunes individus examinés pour effectuer cette étude proviennent autant de dragages que d’animaux obtenus par élevage à partir de l’Ascidie adulte. Fig. 27. — Développement de Psammoslyela delamarei : A, B, C et D. stades suc¬ cessifs de l’organogenèse. Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 69 Dès les premières quarante-huit heures, l’organisation interne est définie. Le tube digestif apparaît d’abord comme une masse compacte qui se divise rapidement en un estomac (est.) à droite et un intestin (i.) à gauche. Cette masse occupe la moitié postérieure du corps de l’Ascidie, déjà étirée, où l’on distingue l’emplacement du siphon cloacal. Le statocyste, bien visible, se situe à ce moment au milieu du corps. Très tôt, l’endostyle (e.) s’individualise. Le statocyste migre vers la paroi dorsale du corps. Le tube digestif se différencie mais ne s’accroît pas. La branchie n’est pas encore bien définie mais on aperçoit déjà de chaque côté une première perforation (pr. 1). Le deuxième protostigmate (pr. 2) se perce indépendamment du premier, entre celui-ci et l’ébauche du tube digestif. Les siphons bien formés ne sont pas encore fonctionnels à ce stade. Ils portent déjà des fibrilles muscu¬ laires (m.). Au moment où se perce le troisième protostigmate (pr. 3), toujours de façon indépendante, la circulation d’eau est effective et les siphons sont ouverts. Selon les individus et les conditions du milieu, le développement jusqu’à ce stade peut avoir une durée variable. En moyenne, il faut une semaine en aquarium à 20° environ, pour obtenir des jeunes à trois proto¬ stigmates. Mais il semble bien que la croissance très rapide du début subisse un ralentissement très net ensuite. Dès l’apparition du deuxième protostigmate. Les sinus longitudinaux (s.l.) commencent à se former. Le premier apparaît sous forme d’une papille située entre les deux premiers protostigmates. Cette papille prolifère et fonne un pont membraneux longitudinal au-dessus des perforations branchiales. Quand un troisième protostigmate apparaît, on assiste à la formation d’un deuxième sinus longitudinal, ventral par rapport au premier et parallèle à lui. Le même phénomène se reproduit du côté dorsal pour le troisième sinus longitudinal. Donc lorsqu’on observe quatre protostigmates (fig. 27, A), le troisième sinus commence à s’élever, et l’apparition du cinquième pro¬ tostigmate coïncide avec l'édification du quatrième sinus longitudinal (s. 1. 4). Mais cette dernière étape se complique : au moment où se perce le cinquième protostigmate transversal, le premier formé commence à se recouper dans le sens antéro-postérieur; il est maintenant repoussé contre le sillon péricoronal (sil. per.) qui commence à s’édifier. Pendant ce temps, des modifications ont eu lieu sur la paroi du siphon buccal. Le ganglion nerveux (s.n.) s’individualise et au-dessus de lui apparaît un petit bouton qui représente le tubercule vibratile (t.v.). Au- dessus, à la base du siphon, poussent des tentacules (t.), deux d’abord à droite et à gauche, puis deux autres : un dorsal et un ventral. Au stade de cinq protostigmates l’Ascidie comprend donc tous les organes de l'adulte, au moins à l’état d’ébauches : les tentacules, le tuber¬ cule vibratile, le ganglion nerveux, un épaississement qui donnera le raphé (r.), l’endostyle, la branchie déjà fonctionnelle, le tube digestif. Seules les gonades restent invisibles. Elles n’apparaîtront que beaucoup plus tard. Quand il n’existe encore que des protostigmates et des sinus longitu¬ dinaux, les sinus transverses (s.tr.), de premier ordre parcourent déjà la branchie et se relient aux vaisseaux antéro-postérieurs (fig. 28). Nous allons maintenant assister au découpage des protostigmates en stigmates vrais (st.). Certains points de la bordure des perforations (pap. st.) bourgeonnent et prolifèrent vers l’intérieur de la perforation jusqu’à ce Source : MNHN, Paris 70 FRANÇOISE MONNIOT qu’ils atteignent l’autre bord (fig. 28, B). Ces expansions se forment aussi bien sur le bord supérieur que sur le bord inférieur des prolostigmates, mais toujours dans le plan de la lame fondamentale. Ces cloisonnements des protostigmates ne se placent pas de façon précise par rapport aux sinus longitudinaux, ils se situent sous ceux-ci ou entre eux. Nous verrons plus loin qu’il s’agit d’un caractère très différent du mode de cloisonnement normal chez les Pyuridae. Pendant que les trémas s’étirent longitudinalement toute une série de cloisons prend ainsi place d’abord sur le. premier protostigmate puis sur le deuxième et ainsi de suite : au fur et à mesure qu’un protostigmate se découpe, une nouvelle perforation apparaît contre le tube digestif On obtient alors une branchie en deux parties : la partie antérieure qui possède les stigmates de l’adulte, rectangulaires, petits, régulièrement disposés Source : MNHN, Paris Fio. 29. — Développement de Psammoslyela delamarei : état de la branchie à l'apparition des gonades — début de la formation des plis branchiaux. Source : MNHN, Paris 72 FRANÇOISE MONNIOT et une partie postérieure restée à l’état de protostigmates. Les sinus longi¬ tudinaux, eux, sont continus; le premier, en partant du raphé, et le troisième sont bordés de papilles sur leur face dorsale (lig. 29). Ces papilles qui prennent leur origine sur la lame fondamentale s'allongent pour donner à leur tour en se soudant les unes aux autres de nouveaux sinus longitudinaux. Les plis se forment ensuite par adjonction de nouveaux sinus de la môme manière. Au moment où les plis se constituent, il ne se perce plus de protostigmates à la base de la lame branchiale. Les protostigmates continuent à se diviser. Dans la partie la plus proche du sillon péricoronal, sur les stigmates apparaissent de lins sinus parastigmatiques, d'abord partiels, puis beaucoup plus étendus, allant d'un sinus longitudinal à un autre.  un stade avancé du développement, les stigmates se recoupent sous les sinus transverses de second ordre ainsi formés. Chez l’adulte la branchie continue à évoluer; de nouveaux sinus longi¬ tudinaux accroissent l’épaisseur des plis branchiaux, tandis que les sinus transverses de second ordre continuent à apparaître de plus en plus près de l'iEsophage. Cette évolution continue pendant la maturation sexuelle et l’incubation des têtards. Nous avons donné une description de l’évolution branchiale qui pourrait faire croire à un phénomène se déroulant de façon continue. Il n’en est rien, la ponte a lieu d’août à septembre à Banyuls. Elle dure environ un mois. En novembre tous les adultes ont disparu. Nous supposons qu’ils meurent après la ponte, dans la nature comme en aquarium. Nous trouvons, par contre, à cette époque, des jeunes sans gonades, avec une branchie peu déve¬ loppée qui comprend seulement deux protostigmates déjà recoupés et les quatre premiers sinus longitudinaux formés. Des dragages ont été effectués au cours des mois de novembre, décembre, janvier, février, mars, avril. Ils n’ont permis de récolter que des jeunes Psammoshjela au même stade d’évolution et de même taille. Tout se passe comme s’il y avait un arrêt de la croissance pendant les mois d’hiver. Il y a des variations individuelles dans le nombre des stigmates, bien entendu, mais on peut considérer que la branchie reste à l’état jeune pendant plus de la moitié de l’année. La reprise de la croissance se fait d’abord lentement puis elle s’accélère de plus en plus. En mai ou juin, l’aspect externe de l’animal change : transparente au départ, la tunique devient opaque et adhère quelquefois à des grains de sable. Le manteau épaissit beaucoup et sur sa face interne apparaissent les ébauches des polycarpes. La branchie à ce moment ne possède pas encore de plis, mais elle montre toujours des protostigmates dans sa partie ventrale. Le tube digestif s’allonge et prend son volume définitif en juillet. Au cours de ce mois, les polycarpes se développent et l'on peut considérer qu’ils sont adultes. Il n’y a pas encore cependant de têtards. Mais si les Psammoslyeta sont sexuellement mûres à ce stade, la branchie n’a pas terminé son développement; les plis commencent seulement à apparaître ainsi q Ue les sinus transverses de 2° ordre et on assiste ici à un véritable phénomène de néoténie. Au début du mois d’août, la croissance des gonades, l’apparition de très nombreux polycarpes et la maturation des produits sexuels deviennent très rapides. On trouve brusquement dans les sables une grande quantité d’individus incubateurs. Leur aspect externe esL plus massif, ils portent souvent 3 à 4 grains de sable fixés au hasard sur la tunique, mais jamais sur Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 73 les siphons. La branchie commence alors à évoluer nettement plus vite : la lame fondamentale grandit et se perce de nombreux stigmates, à tel point qu’elle ne peut plus s’étendre totalement dans le corps de l’Ascidie. Mais il est tout de même fréquent de trouver encore des protostigmates dans la partie ventrale d’une telle branchie. Au début du mois de septembre, les Psammoslyeta ont déjà pondu de nombreux têtards. La branchie des différents individus n’est pas toujours au même stade, mais les sinus se rassemblent en plis. De nouveaux sinus peuvent venir grossir les plis et la croissance n’est toujours pas terminée. Il faut attendre la fin du mois de septembre pour trouver des individus ayant à peu près tous le même développement branchial. Beaucoup ne possèdent plus alors que des polycarpes vides. La branchie elle-même est très abîmée à ce moment là par les logettes creusées par les têtards dans sa paroi, succes¬ sivement au cours de leur incubation. Je crois qu’il est vraiment permis de parler ici d’une néoténie. La néoténie se définit par l’acquisition de gonades fonctionnelles chez un animal dont les organes sont encore à l’état jeune. Cet état jeune est déterminé par comparaison avec les mêmes organes chez les autres spécimens de la même famille. Or, Psammoslyela est bien dans ce cas. Nous venons de voir que la branchie est encore embryonnaire au début de la maturation sexuelle. Mais il en est encore de même pour le tube digestif qui continuera à s’épaissir, s’allonger, et dont la courbure se modifie. De même les endocarpes peu nombreux à l’apparition des premiers têtards se multiplient pendant toute la période de ponte. La tunique elle-même change, la jeune Ascidie adulte et incubatrice possède un corps assez lisse, libre, tandis que des individus plus gros, plus âgés, contenant plus de têtards ont tendance à former des papilles tunicales qui adhèrent à quelques grains de sable. Ce sont toutes ces raisons qui me permettent de conclure à la néoténie vraie de cette espèce interstitielle. II. — Développement des Pyuridae du genre Heterostigma Cette élude a été possible pour deux espèces du genre Heterostigma : H. fagei et H. gonochorica dans des conditions particulièrement favorables. Le nombre d’individus récoltés était suffisant pour permettre à la fois une étude morphologique des stades jeunes et une étude histologique des pre¬ miers stades enbryonnaires. Nous n’avons pas l’intention, dans ce travail, de détailler la structure fine des têtards, ce qui nécessiterait une compétence d’embryologiste. Nous nous attacherons surtout au développement des caractères qui interviennent constamment dans la systématique des Ascidies. a) La ponte et ta fécondation. Les œufs semblent être émis directement dans la cavité incubatrice, toujours située au contact de l’ovaire, par l’intermédiaire d'un oviducte plus ou moins long selon les espèces. Les ovocytes sont alors très chargés en vitellus. La fécondation se produit soit à la sortie de l’oviducte au moment du passage des ovocytes dans la cavité incubatrice, soit dans cette cavité elle-même. On ne trouve pas sur les coupes de spermatozoïdes dans la cavité atriale. Par contre ils sont présents dans la poche incubatrice, mais ils peuvent y avoir été entraînés par les œufs. En effet, les très jeunes Source : MNHN, Paris 74 FRANÇOISE MONNIOT embryons qui n’ont encore que quelques cellules sont entourés sur les coupes d’une couronne de spermatozoïdes au contact de la membrane externe de l’œuf. b) Le développement embryonnaire. Les premières divisions de l’œuf sont extrêmement rapides, on ne les trouve qu’exceplionnellement sur les coupes. En général, on observe dans la cavité incubatrice, des embryons à partir du stade « Gastrula ». Toutes les cellules sont encore chargées de vitellus. La taille de ces embryons est semblable à celle de l’œuf (PI. VI). A côté de ces stades très jeunes, et disposés sans ordre particulier dans la poche incubatrice, se trouvent des têtards d’évolution plus ou moins avancée. Les têtards ovales possèdent une queue très développée généralement droite ou très peu enroulée autour du corps. Ils sont munis de deux corpuscules : le pliotolithe et l'otolithe plus gros (PI. IV). La tunique se développe pendant l’incubation et prend l’aspect exact de la tunique de l’adulte. Son épaisseur est à peu près égale au 1/5 du diamètre du corps. Sous cette tunique le manteau est déjà diffé¬ rencié. Les papilles de fixation caractéristiques des têtards d’ascidies sont ici invisibles sous la tunique. Par contre des ampoules vasculaires (a.v.) très caractéristiques (8 le plus souvent) sont régulièrement réparties dans la tunique (iig. 8(1). A un stade assez avancé, les siphons sont discernables sous forme d’invaginations de la tunique et du manteau; la cavité atriale s’individualise ainsi que la cavité branchiale. Le tube digestif apparaît seulement sous forme d’une masse arrondie dans une accumulation de réserves vitellines (fig. 30, D 2). Les fibres musculaires du manteau commencent a se différencier quand les têtards sont encore dans la cavité incubatrice (PI. VII). Les têtards âgés s’orientent chez IL replans; ils ne le font pas dans les autres espèces. Leur émission dans l'eau de mer est successive, un seul têtard à la fois franchit le siphon cloacal et en obture complètement le diamètre. . , . . , Les embryons énns dans leau de mer de façon normale sont munis d’une queue mais ne nagent pas. Pour les espèces observées en élevage (//. fagei, IL separ) les jeunes se collent près de l'individu mère ou même sur sa tunique (PI. III). L’agitation de l’eau, les vibrations provoquent la formation de papilles tunicales qui dépendent des ampoules vasculaires dont nous avons parlé et qui fixent le jeune au substrat, dans une orienta¬ tion quelconque. c) Développement des jeunes (fig. 30 à 32). La métamorphose est très rapide (quelques heures). La queue régresse et disparaît ainsi que la tunique qui l'entoure. Les siphons sont déjà nette¬ ment formés mais ne s’ouvrent pas. Le tissu branchial est présent et se perce immédiatement d’un stigmate de chaque côté. Ce stigmate grandit tandis qu’un deuxième apparaît contre le tissu digestif. Les siphons s’ouvrent à ce moment. Les réserves vitellines (vit.) sont encore très importantes. L'endostyle (c.) est marqué par un épaississement tissulaire. Opposé à lui, le statocyste (st.) est très visible et s’est rapproché du manteau par rapport à celui du têtard dans la cavité incubatrice. Le ganglion nerveux (s.n.), peu net, est représenté par une accumulation de noyaux antérieure au statocyste (fig. 30). Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 75 Ce développement représente la répétition exacte de ce que nous avons vu pour Psammosltjela. A partir du moment où la branchie est fonctionnelle, la forme Ascidie est réalisée. On distingue de chaque côté de la branchie le premier proto- stigmate (pr.) très élargi sur lequel on peut déjà observer un pont cellulaire très fin, antéro-postérieur (fig. 30, D2). Sous ce premier protostigmate apparaît une petite perforation, au milieu d’une accumulation cellulaire. L’estomac (est.) est visible ainsi que l’œsophage (ces.) et l’intestin (i.). Au contact de l’estomac et de la branchie une vésicule arrondie représente l’ébauche du cœur (c.). Dès ce premier stade l’animal est contractile, les muscles des siphons sont fonctionnels et capables de les fermer et de les rétracter. Fio. 30. — Développement de Helcrosligma gonochorica n. sp. : Tl, têtard dans la cavité incubatrice; T2, têtard au moment de la ponte; 1,2 et 3, premiers stades de l'organogenèse; D2 et D3, détails des stades 2 et 3. Source : MNHN, Paris 76 FRANÇOISE MONNIOT Dans un deuxième slade, le deuxième protostiginale s’élargit tandis qu’une condensation de cellules apparaît plus postérieurement annonçant le troisième protostigmate. Le pont membraneux qui barrait la première Fio. 31. — Développement de Heleroslignia gonochi successifs à 4, 5, 7 et 8 protostigmates. n. sp. : 4, 5, 6 et 7, stades perforation se prolonge au-dessus de la deuxième sur la face interne de la branchie. Les réserves vitellines diminuent tandis que sur la face dorsale le statocyste se déplace vers le siphon cloacal. Les deux siphons sont parfaitement opposés. Source : MNHN, Paris CID1ES INTERSTITIELLES 77 Dans le stade à trois protostigmates, il n’y a pas de modifications essen¬ tielles. Sur le premier protosligmate formé, apparaît dorsalement par rapport au premier, un deuxième sinus longitudinal (s.l.). Le développement est absolument symétrique des deux côtés. L’animal au troisième stade présente parfois de petites expansions de la tunique à partir de ce moment, mais le phénomène s’accentuera ultérieurement. La branchie semble pivoter autour de l’estomac. Ceci n’est pas une véritable rotation : en réalité l’accrois¬ sement des protostigmates est plus rapide du côté dorsal que du côté ventral. Le tissu branchial atteint rapidement la paroi constituée par le manteau. La boucle intestinale se développe en môme temps et repousse aussi la branchie dorsalement. Les protostigmates qui suivent le tissu bran¬ chial se courbent donc en croissant (fig. 30, D 3). L’estomac reste médian et postérieur mais l’intestin commence à s’incliner vers la gauche. Avec quatre protostigmates, la jeune Hclerosligma acquiert deux tenta¬ cules (t.) (en position latérale) et un troisième sinus longitudinal commence à s’élever du côté de l'endostyle (fig. 31). Au stade de cinq stigmates (fig. 31, 5) cinq sinus longitudinaux sont formés, et le premier protostigmate prend une allure ondulée. Il existe à ce moment quatre tentacules. Le statocyste est toujours présent. Le réseau musculaire (m.) couvre maintenant l’ensemble du corps. La taille de l’animal a très nettement augmenté. Mais les mesures effectuées sur plusieurs ani¬ maux au même stade d’évolution branchiale ne donnent pas les mêmes résultats. La forme du corps n’est pas toujours la même et passe, selon les individus, d’une sphère à un fuseau allongé. Pendant que de nouveaux protostigmates apparaissent, le premier se découpe et les tronçons se spiralisent. Les coupures n’ont pas lieu sous les sinus longitudinaux, mais entre ceux-ci, régulièrement (fig. 31, 6 et 7). Contrairement à ce que nous avons vu pour les Styelidae, les stigmates ainsi constitués prennent une forme arquée, les deux extrémités latérales prolifèrent vers la face postérieure mais l’une des deux progresse beaucoup plus vite. Le dernier sinus longitudinal apparaît du côté du raphé dorsal qui n’est toujours pas formé, alors que l'endostyle glandulaire présente une morphologie adulte. C’est à ce stade que l’on commence à distinguer les gonades. On peut résumer l’ordre d’apparition des sinus longitudinaux par le schéma suivant : 6 5 4 3 E Source : MNHN, Paris 78 FRANÇOISE MON NIOT Il semble bien qu'il y ait une différence dans la structure de la branchie entre le côté dorsal par rapport au premier sinus longitudinal formé et le côté ventral. Dès la formation des premiers infundibula on constate que les stigmates du côté dorsal s’enroulent dans le sens des aiguilles d’une montre, et dans le sens inverse du côté ventral, sous le sinus le plus proche de l’endostyle (fig. 32). C’est aussi au-dessous de ce sinus ventral que se développe la gonade. Les sinus transverses, dont nous n’avons pas parlé jusqu’à présent prennent naissance dès le troisième et le quatrième stade. Ils s’étendent en même temps que les protostigmates. Les lames qui surmontent les sinus longitudinaux apparaissent immé¬ diatement avec ceux-ci puis s’élèvent progressivement. Le raphé ne commence à se former qu’au cinquième stade. Son déve¬ loppement sera plus particulièrement étudié chez Heterosligma fagei. La branchie divisée en deux plans, droit et gauche, par le raphé et l’endostyle, forme un sac fermé dans sa partie postérieure contre l’estomac Cette sorte de poche est ouverte largement dans sa partie supérieure bordée par le sillon péricoronal. Les deux plans branchiaux, soudés sur leur face postérieure s’écartent l'un de l'autre formant un angle dièdre de 90° au moins dans les tout premiers stades de développement (4 à 5 protosligmatesl Au cours de la croissance, cet angle se réduit progressivement. Les portions dorsales et ventrales de la lame fondamentale qui n’étaient pas percées sont atteintes par la prolifération des stigmates. Les deux plans perforés se rapprochent l’un de l’autre mais ne deviennent jamais complètement parallèles, un angle dièdre de 40° environ subsiste. Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 79 Le développement qui vient d’être décrit se rapportait jusqu'à pré¬ sent à l'espèce Helerostigma gonochorica dont les très nombreux exemplaires permettaient des dissections répétées d’individus jeunes. Les branchies ont été colorées à l'hémalun acide de Masson et montées au Baume du Canada. Remarque Chez 11. fagei, on constate une différence dans l’ordre d'apparition des sinus longitudinaux. Si l’on numérote les sinus comme pour //. gono¬ chorica, on obtient le schéma suivant, à gauche R5-4-2-1 - 3 - 6 - E (voir les fig. 33, A et B et 3-1). Mais dans le cas le plus général, les cinquième et sixième sinus apparaissent en même temps. Il y a là une différence nette avec //. gonochorica où il n'apparaît plus de sinus longitudinal dans l’intervalle compris entre le troisième sinus et l'endostyle. Le développement n’a pu être suivi de façon complète pour les deux autres espèces du genre Hetcrostigma. Nous n’avons eu que très peu d’exem¬ plaires de H. replans, seulement deux jeunes, dont le développement était déjà trop avancé. Pour H.separ, nous n’avons pas récolté d’Ascidies jeunes; nous avons seulement assisté à la ponte et au développement des têtards jusqu’au stade à trois protostigmates. d) Formation du raphé (fig. 33 et 34). Les figures du développement branchial de Helerostigma gonochorica ne montrent pas l’importance ni l’emplacement du raphé. En effet, les premiers stades en sont dépouvus. Le raphé semble apparaître à un âge avancé, brusquement. En réalité il n’en est rien. La lame dorsale de l’adulte provient de la soudure de papilles formées successivement. Ces papilles apparaissent de bas en haut, la première étant située près de l'entrée de l’œsophage, la dernière sous l’extrémité du premier protostigmate. Les figures qui correspondent à la description donnée ci-dessous appar¬ tiennent à l’espèce II. fagei. Les images données par H. gonochorica sont semblables, mais nous avons choisi des préparations de l’espèce française pour des raisons techniques : les préparations de H. fagei sont d'une qualité supérieure. Il est nécessaire, pour voir les détails branchiaux, de disséquer des individus très jeunes et très petits, et les fixations successives pendant plusieurs années de l’espèce de Banyuls permettaient une dissection et une coloration meilleures. Les dessins présentés ici ne sont jamais une interprétation mais reproduisent exactement, par le moyen de la chambre claire, les structures existantes. La première ébauche du raphé se manifeste au moment où se perce le cinquième protostigmate. 11 y a alors du côté dorsal, entre les deux faces droite, et gauche de la branchic une étendue assez large de tissu non perforé, parcourue seulement par un filet nerveux (s.n.) (fig. 33, A). Ce nerf arrive jusqu’à l’entrée de l'œsophage (œs.). Sur sa gauche, bordant ce qu'il est convenu d’appeler la bouche vraie de l’Ascidie, s’élève un bourrelet du tissu digestif. Ce bourrelet se prolonge par une ride qui borde la partie posté¬ rieure de la laine branchiale gauche. Cette ride marque le contact de l’es¬ tomac et de la branchie. Au même stade une papille ciliée (pap. r.) pousse entre les extrémités dorsales des troisième et quatrième protostigmates gauches. Cette papille ressemble tout à fait aux bourgeons (non ciliés cette fois) destinés à former les sinus longitudinaux. Elle apparaît comme une prolifération de la paroi interne du troisième sinus transverse. Source : MNHN, Paris 80 FRANÇOISE MONNIOT Au stade suivant (6 protostigmates), la crête œsophagienne s’est élevée. Elle se sépare de la ride de contact branchie-tube digestif. Au-dessus de la première papille dorsale qui s’est allongée, une deuxième formation analogue également ciliée pousse entre le deuxième et le troisième protostig¬ mate gauche (fig. 33, A). n Pr.i pr. 2 pr.3 Pr.4 Pr.5 Pr-6 Fig. 33. — Formation du raphé chez llelerostigma fagei : deux stades successifs Quand le premier protostigma le se découpe et commence à former des spirales, la crête œsophagienne s’est totalement isolée du côté posté rieur, mais s’est, par contre-soudée, à la première papille dorsale. Cett" première papille se soude elle-même à la deuxième (lig. .33, B), tandis "qu’un Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 81 troisième expansion du même ordre s’élève entre les extrémités du premier et du deuxième protostigmate. On obtient alors à ce stade une lame lobée et ciliée, surmontée d’une papille longue, ciliée également. Enfin dans une dernière étape, la troisième papille s’unit à la lame dorsale (lig. 34). Celle-ci ne présente plus que de faibles traces des papilles qui l’ont formée. Le raphé prend sa forme définitive. Le raphé prend donc entièrement son origine dans la partie gauche de la branchie. C’est une position qu’il conservera d’une façon moins accentuée chez l'adulte. Source : MNHN, Paris Source : MNHN, Paris Chapitre V APPORT DES ASCIDIES INTERSTITIELLES AU SCHÉMA CLASSIQUE DE L'ÉVOLUTION BRANCHIALE I. Bref historique des travaux sur le développement des Ascidies Le développement des larves, et surtout 1’embryogencse des Ascidies ont fait l’objet de très nombreux travaux, depuis 1880 environ. Mais les études se rapportant à la branchie, n'ont pas suscité dans ce groupe autant d’intérêt que la morphogenèse générale, en particulier des diverses lignées cellulaires et la recherche des trois feuillets : ectoderme, endoderme et méso¬ derme. Ces recherches menées parallèlement à celles qui se faisaient sur l'Amphioxus avaient aussi un intérêt évolutif puisque les Ascidies constituent le groupe de Chordés le plus primitif. Ce n'est que plus tard, après les travaux de Krohn et de Van Beneden et Julin, qu’une véritable école d’ascidiologistes se constitua pour étudier la formation des stigmates de la branchie des Ascidies. Des Anglais (Gars- tang, Willey), des Allemands (Seemger, Traustedt), des Français (Pizon, Damas), ont dirige leurs efforts dans le même sens. Üne collaboration s’est alors établie entre Damas et les Belges De Selys Longchamp et Julin. C’est à ce moment, c’est-à-dire vers 1904, que s’établirent les premières conclusions sur l’évolution de la branchie des Ascidies, en ne considérant pas seulement les espèces composées, bourgeonnantes, mais toute une série d’Ascidies simples choisies dans toutes les familles. Ces résultats, qui étaient le sujet de polémiques interminables à cette époque, ont été repris et admis de nos jours. L’essentiel des travaux de Damas et De Selys Longchamp font encore autorité en ce qui concerne l’apparition et l’évolution de la branchie, l’organisation essentielle des stigmates qui s’y développent. Pour comparer ces données classiques, à ce que nous avons observé nous-même pour les Ascidies interstitielles, nous avons essayé de suivre le développement branchial à partir du massif cellulaire indifférencié de l’embryon. Nous avons préféré étudier ce tissu plus que tout autre parce qu’il est vraiment propre aux tuniciers et qu’il constitue toute la base de la systématique. Nous avons donc tenté de déterminer le plus nettement possible le passage d'un tissu épais à la fine trame branchiale définitive en suivant la percée successive des stigmates, l’accroissement de la lame fondamentale et l’irrigation sanguine progressive des tissus en voie de diffé¬ renciation par l’intermédiaire de deux sortes de sinus : transversaux et longitudinaux. Enfin, nous parlerons du rôle inducteur des sinus longitu¬ dinaux, sur la trame branchiale. Malheureusement si des travaux similaires ont toujours constitué une masse importante des publications sur les Ascidies, ils concernent presque tous les Ascidies composées. Les Ascidies simples sont en effet plus difficiles à récolter et à étudier. Généralement ovipares, alors que les zoïdes de Source : MNHN, Paris 8-1 FRANÇOISE MONNIOT nombreuses colonies sont vivipares, la récolte des embryons est délicate. D'autre part, les animaux coloniaux ont l’intérêt de susciter une étude parallèle de la reproduction sexuée et de la reproduction asexuée. Des auteurs actuels ont entrepris à leur tour des études un peu plus variées sur le développement des Ascidies, en envisageant l'action d’hormones ou de facteurs physico-chimiques externes (Berrill). Mais l'essentiel des publications concerne toujours les Ascidies composées. Il n’y a pas eu d’apports, ni de modifications importantes par rapport aux travaux anciens. Quelques systématiciens ont parfois précisé une particularité de dévelop¬ pement des espèces qu’ils rencontraient (ex. : Millar) (1). Nous ne parlerons, par la suite, que des données classiques de Damas et Berrill qui résument les opinions les plus généralement admises. Nous comparerons nos observations à celles-là. Les publications tout à fait récentes sur les Ascidies ne concernent pratiquement plus que la systématique, sauf quelques études de Millar en Angleterre, et l'école du Professeur Abbott aux U. S. A. Mais là encore, les Ascidies composées sont le plus souvent employées et la plupart des observations ne sont pas publiées. II. — Quelques données sur les embryons et les têtards Chez les Slyelidae et les Pyuridae, les deux familles qui nous intéressent plus particulièrement ici, la règle générale est l’oviparité. Nous ne connaissons pas de Slyelidae possédant une cavité incubatrice différenciée et le dévelop¬ pement des têtards dans la cavité atriale est tout à fait exceptionnel [ Slyela yakulalensis Ritter, Polycarpa tinelor (Quoy et Gaimard)]. Chez les Pyuridae, il n’existe que trois exemples de viviparité : Dollmia echinata (L.), Cratos- ligma gravellophila (Pérès), Cralosligma regularis C. Monniot. Il est intéressant de remarquer à cette occasion que les stades jeunes du genre Cralosligma sont certainement interstitiels, bien que les récoltes soient insuflisantes pour pouvoir prendre une position nette à ce sujet. Les autres genres cités vivent sur les sables. Actuellement toutes les Slyelidae et les Pyuridae interstitielles sont vivipares. Leur développement est particulièrement condensé. On ne peut distinguer les structures larvaires transitoires étudiées par Berrili Il n’existe qu’une cavité et qu’un seul orifice atrial. Le premier protostigmate percé est visible dans l’embryon encore situé dans la cavité incubatrice Il n’est pas cilié au début, mais l’apparition des cils se fait au moment de la ponte. Sous ce premier protostigmate, toujours chez le têtard, on aperçoit une condensation de noyaux, et cet amas sera à l'origine du deuxième pro¬ tostigmate, immédiatement après la ponte ou la métamorphose, puisque les deux phénomènes sont simultanés ou presque. La métamorphose des Ascidies interstitielles n’apporte pas de rema¬ niements internes importants par rapport à la structure du têtard. Elle est marquée seulement par la régression totale et rapide de la queue et l’ou- (1) La bibliographie relative au développement branchial des Ascidies simples sera donnée en fin de chapitre. Celle qui concerne les Ascidies composées est tellement importante qu’elle nous éloignerait beaucoup de notre sujet. Nous avons étendu les réfé¬ rences à toutes les familles d'Ascidics simples, mais cette bibliographie essentielle reste volontairement très incomplète. Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 85 verture plus lente des deux siphons : branchial d'abord, puis atrial. La musculature, Fendostyle, l’ébauche du tube digestif étaient déjà présents chez le têtard ainsi que la tunique, munie de ses ampoules vasculaires. III. Le développement post-embryonnaire. — Les protostigmates Chez les Slyetidac, comme chez les Pyuridae interstitielles, les stigmates apparaissent successivement. On ne peut distinguer aucune différence dans les tous premiers stades, entre les jeunes des deux familles. Il est nécessaire d’isoler les parents au moment de la ponte pour savoir quel est le type d’animal étudié. A la métamorphose, sous la première fente branchiale se place une accumulation de noyaux dans la lame fondamentale. Ce nodule se perce en son centre et s’agrandit pour former un nouveau protostigmate sous le premier, tandis qu’un troisième bourgeon apparaît sous les deux premières fentes. C’est ce que nous avons déjà décrit (fig. 27 à 32). Les protostigmates se percent donc indépendamment et successivement d’avant en arrière. Cela correspond exactement à la classification donnée par Damas 1904, pour les différentes familles de tuniciers, classification que nous résumons ici : Polyprosli y mata — Formes à nombre indéterminé de protostigmales ; ouvertures formées successivement et régulièrement d’avant en arrière. Hexaprostigmata — Formes pourvues de six paires de protostigmates. T elraprostigmata — Formes pourvues de quatre paires de protostigmates. , Pyuridae 1 Styelidae j (Polystyelidae) I (Botryliidae) , Molgulidae ) Corellidae j Ascidiidae ' Cionidae (Perophoridae) Diprostigmala ^ (Clavelinidae) — Formes pourvues de deux paires de protostigmates, \ (Polyclinidae) ( (Didemnidae) Nous regrettons beaucoup de n’avoir pu obtenir la ponte et le dévelop¬ pement post-embryonnaire des Phlébobranches qui auraient pu donner une précieuse vérification à la division des Ascidies en Polyprosligmata, Hexaprostigmata, Telraprostigmata, et Diprostigmala. Nous espérons poursuivre ce travail ultérieurement. IV. Évolution des protostigmates en stigmates vrais La règle du polyprostigmatisme admise, voyons comment Damas a interprété la transformation des protostigmates (terme créé par Garstang 1892) en stigmates vrais, cette évolution ne suscitant aucune discussion d’ordre général jusqu'à présent. « Ces protostigmates se subdivisent en stigmates ovalaires d’abord, transversaux, puis s’orientent longitudinalement, constituant enfin des rangées transversales de stigmates droits »... « le nombre total de Source : MNHN, Paris 86 FRANÇOISE MONNIOT protostigmates et celui des replis sont choses variables suivant les genres et les espèces et forment par conséquent des éléments de diagnose excellents ». Cette division progressive des protostigmates est valable pour les Styelidae et les Pytiridae interstitielles jusqu’au sladc où la branchie comporte six protostigmates. Nous séparons à partir de là l’évolution ullérieure de la branchie dans les deux familles. 1) Les Styelidae : Les premiers proLostigmales formés sont ceux qui se divisent en premier lieu selon le schéma de Damas cité plus haut. Les Protosligmates se divisent par l'apparition de bourgeons de chaque célc (antérieur et postérieur) du protostigmate transversc. Ces bourgeons s’accroissent se rejoignent et se soudent séparant ainsi deux tronçons du protostiginate comme l’indique de Selys Longchamp. Les divisions successives abou¬ tissent à des stigmates droits séparés par des cloisons perpendiculaires aux stigmates transverses. Nous n’avons pas trouvé de références indiquant le rôle joué par les sinus longitudinaux dans l’apparition des bourgeons à l’origine de la division des fentes primordiales en stigmates vrais. Chez les Styelidae inters¬ titielles ces coupures apparaissent de façon irrégulière, en n’importe quel point du protostigmate, entre les sinus longitudinaux, mais à n’importe quelle distance de ceux-ci (lig. 28). Cette division irrégulière au départ semble caractéristique des Styelidae. Chaque fragment de protostiginate ainsi divisé va pousser vers l’avant eL vers l’arrière pour former le stigmate longi¬ tudinal. Une fois les stigmates longitudinaux constitués, il apparaît encore des protostigmales dans la partie postérieure de la branchie. Mais ces néo¬ formations ont une limite (variable probablement selon les espèces). Les stigmates vrais ainsi formés sont disposés en rangées, séparées par les sinus transvcrscs dits de 1 er ordre, ceux qui parcouraient les espaces intermédiaires entre les protostigmates. De nouvelles subdivisions, mais celte fois perpendiculaires aux premières, vont découper en deux les stigmates par extension progressive de ponts très fins. Ceux-ci sont formés par la soudure de papilles qui s’élèvent au-dessus des sinus longitudinaux interstigmatiques jusqu'à diviser coirmlè tement une rangée transversale de stigmates longitudinaux. Ces ponts se rejoignent petit à petit, les sinus sanguins qu’ils portent entrent en communication et l’on obtient de cette manière les sinus transverses de second ordre (lig. 29). De la même façon, on peut obtenir des sinus de troisième ordre. Chez les Styelidae interstitielles l’évolution branchial s’arrête aux sinus transvcrscs de premier ou de second ordre. Il D ~. . exister des sinus parastigmatiques, c’cst-à-dire des ponts équivalents à ceux qui forment les sinus transverses de second ordre, mais qui n „ couvrent que quelques stigmates, sans parcourir la branchie d’un sinus longitudinal au suivant. Ce mode de développement branchial est très net chez les Sluelidae interstitielles parce qu'elles subissent un retard et sont bloquées à un sta 1 jeune. Il correspond à la description classique de l'évolution post-embryon¬ naire des Styelidae. y Source : MNHN, Paris ES INTERSTITIELLES 87 2) Cas des Pyuridae : Pour les espèces du g. Heterosligma, seules Pyuridae interstitielles jusqu’à présent, le développement ne suit pas celui que nous venons de décrire pour les Styelidae. A partir de 5 ou 6 protostigmates, le premier formé (comme nous l'avons vu dans le chapitre antérieur) se divise entre les sinus longitudi¬ naux (fig. 31). Il se découpe ainsi en 6 tronçons seulement. Chaque tronçon évoluera de la même façon, sous un sinus longitudinal, les plus centraux avec une vitesse un peu plus grande. Au fur et à mesure de la différenciation du premier protosligmate, le deuxième, puis le troisième, etc... subissent la même évolution, tandis que de nouvelles perforations apparaissent dans la partie postérieure du sac branchial. Une différence importante entre les Slyelidae et les Pyuridae se mani¬ feste très tôt. Chacun des six tronçons provenant d'un protostigmate prolifère par ses extrémités dorsale et ventrale, qui se courbent vers la partie postérieure de la branchie pour atteindre une première forme en arc de cercle. A partir de cet arc, dont le centre se trouve toujours sous un sinus longitudinal, une des extrémités du stigmate prolifère beaucoup plus que l’autre et s’enroule en une spirale dont les tours deviennent de plus en plus serrés. L'autre extrémité du stigmate pousse en sens inverse (fig. 32). Le développement de la spirale entraîne donc une élévation des tissus au-dessus du niveau primitif en soulevant le sinus longitudinal. Donc la structure fondamentale du stigmate vrai des Pyuridae interstitielles est une spirale, plus ou moins développée. Cette spirale, ininterrompue est doublée d’un sinus équivalent, longi¬ tudinal, interstiginatique, qui se spiralise en même, temps que le stigmate. Comme dans le cas des Slyelidae ces sinus peuvent bourgeonner et former des ponts ou sinus parastigmatiques au-dessus des perforations. On atteint alors le stade final chez le genre Heterostigma, en ajoutant une précision : la lame fondamentale s’étend elle aussi pendant l’accroissement circulaire du stigmate; elle est plus resserrée entre les spirales, ce qui accentue l’enfoncement de la spirale en cône vers la partie interne de la branchie. Ce cône est plus ou moins profond suivant le nombre, de tours de spire et le mode d’enroulement : lâche ou serré. Il porte le nom d’« infundibulum ». Une deuxième différence importante entre les Pyuridae et les Slyelidae interstitielles consiste en un arrêt de la transformation des protostigmates en infundibula à un stade donné. Il subsiste toujours des protostigmates indivis chez les Helerosligma adultes. Mais ce n’est plus vraiment une struc¬ ture fondamentale des Pyuridae, il s'agit simplement d’un caractère géné¬ rique. La structure spiralée n'est pas toujours aussi régulière dans toutes les espèces. La spirale peut se diviser de plusieurs façons, par l’apparition de sinus parastigmatiques : soit le long d'une ligne définie, par exemple sous le sinus longitudinal, cas de II. separ ; soit de façon irrégulière dans les derniers tours de spire : II. gonodwrica et II. replans pour les individus très âgés. Ces tronçons ont une tendance à devenir rectilignes. Claude Monniot (1) a monlré que cette structure spiralée provenant (t) Monniot (C.), 106. r >. — Étude systématique et évolutive de la famille des Pyuridae. Mém. Mus. Nul. llist. Nat. Sous presse. Source : MNHN, Paris gg FRANÇOISE MONNIOT directement des protostigmates était fondamentale dans la famille des Pyuridae. 11 a pu suivre toutes les étapes intermédiaires entre le passage de la structure primitive du g. Helerosligma et la branchie à stigmates droits, ressemblant beaucoup à celle des Styelidae. En eiïet, le g. Cratosligma à biologie « semi-interstitielle » a une branchie constituée exclusivement d’infundibula : tous les protostigmates ont subi une évolution. Puis, dans le g. Harlmeyeria, les infundibula existent toujours sous les plis branchiaux, tandis que les parties externes des spirales se sont découpées pour former des stigmates droits entre les plis. Chez Microcosmus, les spirales sont encore visibles sur les branchies d'individus jeunes, tandis que le découpage du stigmate primitif en stigmates droits prend la plus grande importance. Enfin, pour le g. Pyura, le développement est très condensé et même chez de très jeunes exemplaires on ne retrouve que très rarement une indication de spirale au sommet des plis. L’étude du développement branchial des Ascidies interstitielles a donc permis d’apporter des données nouvelles très importantes sur l’évo¬ lution de la famille des Pyuridae, et permet de comprendre la différence essentielle entre la signification des stigmates droits dans les adultes des deux familles : Styelidae et Pyuridae. Abbott (D. P.), 1955. — Larval structure and activity in the ascidian Metan- drocarpa laylori. J. morph., 97, n° 3, (569-594). Van beneden (P. J.), 1846. — Recherches sur l'embryogénie, l’anatomie et la physiologie des Ascidies simples. Mem. Acad. Roy. Belge, 20, n° i, (1-66)', pl. 1-4. Van Benf.den (P. J.), -Iulin (C.), 1881. — Recherches sur le développement post-embryonnaire d’une phallusie (Ph. scabroïdes n. sp.). Arch. Biol., 5, (611-637). Van Beneden (P. J.)» Julin (C.), 1887. Recherches sur la morphologie des Tuniciers. Arch. Biol., 6. Berrill (N. J.), 1929. — Studies in Tunicate development. Part. 1 General physiology of development of simple ascidians. 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Enfin nous avons essayé de déter¬ miner le se.t ratio et la répartition des mâles et des femelles en fonction de la taille pour tous les individus en notre possession. 1. — Examen morphologique Dès la récolte de ces ascidies, nous avons constaté, grâce à la trans¬ parence de la tunique, la présence de gonades de deux formes différentes. Nous avons remarqué aussi que, pour une taille semblable, certains exem¬ plaires possédaient de très importantes cavités incubatrices, chargées d’embryons, alors que d’autres n’avaient pas un seul têtard. Nous pensions alors à des cycles successifs de maturation sexuelle et d’incubation. La dissection de plusieurs spécimens des deux types nous a montré que lorsqu’il existait une gonade en forme de haricot, avec des lobules mâles très nets, il n’y avait jamais de têtards. Au contraire la présence d’une cavité incu- batrice était toujours liée à une gonade massive qui semblait constituée uniquement d’ovocytes. Cette observation, faite sur des individus de grande taille surtout, a été poursuivie sur des Ascidies plus petites, avec le même résultat. Mais chez les très jeunes femelles, la cavité incubatrice n’était pas toujours développée. Parmi tous les spécimens examinés, nous n’avons jamais rencontré une seule Ascidie possédant deux gonades. Nous avons cité au cours de la description de H. yonochorica, l’existence d’un monstre, cet animal présentait d’importantes anomalies de la branchie, mais la gonade, femelle dans ce cas, avait une structure normale. Chez tous les individus observés, non seulement il n’y a qu’une seule gonade, mais elle apparaît toujours unisexuée. Cette constatation morphologique était, bien entendu, insuffisante pour décider si, dans toute leur épaisseur, ces gonades étaient entièrement mâles ou femelles. Il fallait faire appel à l’histologie pour étudier les parties internes de ces organes. (1) Beriui.l (N. 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Pour vérifier s’il n’y avait pas d autres gonades dans le reste du corps à des emplacements différents, les exemplaires ont été coupés entièrement (coupes sériées à 5 n d’épaisseur). Chez les individus présumés mâles, nous trouvons des ligures de sper¬ matogenèse nettes, tout à fait incontestables (PI. V, PI. VII). La gonade se présente en lobules polyédriques, aux angles arrondis. Selon l’âge de l’animal, il existe un plus ou moins grand nombre de ces lobules, qui peuvent devenir confluents. On distingue, sur les coupes, la partie périphérique formée de petites cellules : les spermatogonies (PI. V). A cette couche suc¬ cèdent, de l’extérieur vers l’intérieur de la gonade, une strate de sperma¬ tocytes, cellules beaucoup plus grosses où l’on peut observer de fréquentes ligures de division et de migration des chromosomes; on arrive ensuite à des cellules plus petites, intensément colorées par l’hématéine, qui repré¬ sentent les spermatides. Enfin, dans la partie la plus interne des lobules testiculaires, on distingue les spermatozoïdes flagellés dont la tète a une forme de croissant. Tous les lobules testiculaires d’une même gonade sont fonctionnels en même temps. Ces lobules se prolongent en canaux spermatiques qui se joignent entre eux pour constituer un spermiducte long à paroi plus épaisse. Les spermatozoïdes sont présents sur toute la longueur des voies génitales mâles. Nous avons cherché, entre les lobules testiculaires, des îlots cellulaires qui auraient pu représenter des traces de gonades femelles à un stade embryonnaire ou en évolution. Nous n'avons pas pu mettre en évidence de semblables tissus. En effet, les lobules testiculaires sont isolés entre eux et isolés de la cavité atriale par une très fine membrane appliquée contre la couche la plus externe de spermatogonies (PI. VII). Les figures présentées par les gonades femelles sont tout aussi nettes Il n'y a qu’un seul ovaire contenant peu d'ovocytes chez la jeune femelle (PI. VII) et beaucoup plus chez la femelle âgée (PI. VI). L’ovaire, comme le testicule, est entouré d'une paroi propre qui l'isole du milieu extérieur Il existe plusieurs centres d’ovogenése, situés dans la partie la plus interné de la gonade. Au centre de cette gonade se creuse une cavité ramifiée à paroi mince qui n’est autre que l’épithélium germinatif (e.g.), qui prolifère en certains points, origine de l'ovogenèse. Les ovogonies sont de petites cellules à gros noyaux fortement chromophiles. Elles se transforment en ovocytes qui grossissent jusqu’à une taille considérable. Ceux-ci sont alors constitués Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 93 d’un noyau central qui contient un nucléole excentrique, d'une couche de cytoplasme qui se charge peu à peu de globules de vitellus et d’une enveloppe externe de cellules thécales aplaties. Cette évolution cellulaire est visible sur la planche VI. A partir d’un stade très jeune, et déjà pour le plus petit individu femelle que nous ayons coupé, il existe une cavité incubatrice (c.i.), accolée à l'ovaire, et constituée d’une membrane d’aspect semblable à l’enveloppe ovarienne externe. Cette cavité contient des œufs qui commencent à se diviser et des embryons à tous les stades jusqu’aux têtards à tunique très développée (PI. VI). On y trouve aussi des spermatozoïdes. L’incubation n’est pas très fréquente chez les Ascidies simples, par contre elle semble de règle pour les Pyuridae et Slyelidae interstitielles. Chez les espèces du genre Heterosligma, la poche incubatrice, creusée dans un tissu différencié, marquerait une adaptation et une évolution importantes. Les figures histologiques de cet organe chez H. fagei sont tout à fait semblables à celles données pour H. gonochorica. L’ovaire de II. gonochorica ne montre donc aucune trace de tissus mâles. Il n’y a ni spermatogenèse, ni subsistance de conduits qui pourraient longueur totale Source : MNHN, Paris 94 FRANÇOISE MONNIOT faire penser à une phase mâle antérieure (donc à une protandrie) et cela à aucun stade de la croissance. Les figures ovariennes sont semblables pour les quatre spécimens de taille croissante étudiés. On peut donc affirmer que les sexes sont séparés chez H. gonochorica. Il y a non seulement des gonades mâles et des gonades femelles mais des individus mâles et des individus femelles distincts. Nous avons eu la chance d’avoir en notre possession une centaine d’individus, ce qui nous permet une étude statistique valable. Nous avons compté et mesuré tous les individus sexués. Les résultats sont donnés dans le tableau p. 95. Dans quelques cas les gonades, étaient abîmées ou non visibles. Nous n’avons pas tenu compte de ces spécimens dans les calculs. On remarque que la sex-ratio est égale à 50 %. Nous avons cherché à représenter la croissance continue, des gonades mâles et femelles au cours de la vie des animaux de façon mathématique. Le nombre de spécimens particulièrement élevé, la transparence de la tunique, permettaient des mesures directes de la longueur totale du corps et de la dimension des gonades pour chaque individu. Les causes d’erreur sont de deux sortes : d’une part les animaux ne sont pas fixés en extension mais à divers degrés de contraction. C’est pour cela que nous donnons les mesures du corps à 0,05 mm près. D’autre part la gonade n’est pas toujours bien visible sous la tunique surtout dans le cas des femelles. Pour ces dernières nous avons compté seulement les individus possédant une cavité incubatrice, et la taille de la gonade représente alors la somme des tailles de l’ovaire et de la cavité incubatrice. A partir d’une certaine taille, la ponte est souvent provoquée accidentellement et fausse les résultats. Nous représentons sur le graphique 1 la dimension totale de l’animal en fonction de la taille de la gonade, elle-même fonction de l'âge. Nous obtenons des points qui se groupent le long d’une droite. La croissance de la gonade est proportionnelle à celle du reste du corps, pour les mâles comme pour les femelles. Il ne peut donc y avoir d’alternances de périodes mâles et femelles. En appliquant à ces données quelques relations mathématiques employées en statistique, nous pouvons calculer la « régression linéaire ». Nous prenons pour références le nombre d’individus : N, la taille de l’animal : Y et la dimension de la gonade : X. L’équation de régression se présentera sous la forme : L’équation de régression devient : (Y — ÿ) = r (X — ï) si : a = ÿ — r x y et z représentent les b = + r moyennes de Y et X r est le coefficient de régression : = ^ ( x ~ x) ( Y — g) 6 (X — x)* Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 95 94 INDIVIDUS taille dimension de la en mm gonade en mm 0,90. 0,10 0,95. 0,10 1,10. 1.15 . 0,16 1,20. 0,16 1,25. 0,20 1,25. 0,16 1,25. 0,16 1.25 . 0,18 1,30. 0,16 1.50 . 0,20 1.55 . 0,36 1.70 . 0,36 1,75. 0,40 1,75. 1,80. 1,90. 0,44 2,00. 0,40 2,00. 0,44 2,05. 0,40 2,05. 0,30 2,05. 0,48 2,05. 0,48 2,05. 0,72 2,10. 0,48 2,10. 0,48 2.20 . 0,36 2.25 . 0,42 2,40. 0,48 2,40. 0,54 2,40. 0,44 2,40. 0,48 2.40 . 2.50 . 0,52 2.55 . 0,52 2.60 . 0,64 2.70 . 0,80 2,85. 0,72 2,85. 0,80 3,00. 0,90 3.15 . 0,80 3.20 . 0,94 3.40 . 1,12 3.60 . 1,20 3,80. 1,12 4,00. 1,52 taille ? en mm ovaire cavité incu- batrice 0.V.+ 1,05 0,05 1,25 0,10 1,30 0,10 1,30 0,10 1,30 0,10 1,30 0,10 1,30 0,12 1,40 0,12 1,40 0,12 1,40 0,18 1,45 0,18 1,50 0,14 0,20 0,34 1,55 0,10 0,20 0,30 1,55 0,12 0,20 0,32 1,60 0,24 0,20 0,44 1,60 0,18 0,30 0,48 1,60 0.18 0,20 0,38 1,65 0,12 0,24 0.36 1,70 0,28 0,22 0,50 1,80 0,24 0.20 0,44 1,80 0,24 0,25 0,49 1,80 0,20 0,20 0,40 1,85 1,85 1,90 0,14 0,32 0,46 2,00 0,20 0,40 0,60 2,00 0,32 0,20 0,52 2,05 0,24 0,26 0,50 2,05 2,10 0,20 0,16 0,36 2,15 0,24 0,36 0,60 2,25 0,28 0,36 0,64 2,30 0,44 0,60 1,04 0,20 0,48 0,68 2,50 0,28 0,40 0,68 2,60 0,24 0,24 0,48 2,60 0,28 0,56 0,84 2,80 0,36 0,40 0,76 2,85 0,28 0,40 0.68 2,90 2,95 3,05 0,52 0,88 1,40 3,40 0,52 0,88 1,40 3,90 0,44 0,80 1,24 4,25 0,56 0,84 1,60 4,65 1,12 1,16 2,28 5,35 2,00 5,50 3,08 total 46 individus. total 48 individus. Source : MNHN, Paris FRANÇOISE MONNIOT pour les mâles : Y est moins intensément colorée et reste jaunâtre. La plus grande partie des pigments est formée d'éléments pyuriques, qui existent chez toutes les Ascidies. Il est intéressant de remarquer que ces pyurines (produits de déchet) sont éliminées par des organes spécialisés dans certaines familles (rein des Molgulidées, vésicules pariétales des Source : MNHN, Paris FRANÇOISE MONNIOT 116 Phlébobranches). Or ccs groupes ont des colorations beaucoup moins intenses (pie les Slyelidae ou les Pyuridae dont les pyurines restent blo¬ quées dansles tissus (manteau et branchie). Nos Ascidies interstitielles possèdent des pyurines qui existent chez toutes les Ascidiacées, visibles sous forme de granules blancs dans le manteau et la branchie des Slyelidae et des Pyuridae. Mais les autres colorations font défaut, probablement par manque de lumière, les tissus sont seulement opaques (il faut signaler cependant que cette perte de coloration est peut-être définitive, car des individus élevés pendant plus de 3 mois à la lumière n’ont pas présenté la moindre trace de coloration). La présence d’une musculature bien développée est aussi un caractère morphologique des formes mésopsammiques. Il est curieux de remarquer l’importance des fibres musculaires dans des groupes où les déplacements ne sont ni très rapides, ni de grande amplitude. Mais la locomotion dans le sable nécessite une spécialisation musculaire : pour la reptation, la fixation aux grains de sable, la résistance aux courants d’eau interstitielle, à l’arra¬ chement par d’autres grains de sable, ou tout simplement pour écarter deux particules afin de passer d’un interstice à un autre. Si l’on admet facilement la nécessité d’une musculature puissante et très spécialisée, sa présence est cependant étonnante. Si l’on pense à la taille très réduite des animaux, la proportion des cellules du corps différenciées en cellules musculaires est énorme, puisque la taille des cellules est sensiblement la même chez les individus endopsammiques comparés aux autres, dans un même groupe. Les Ascidies suivent la même règle. Leurs muscles sont puissants, extrê¬ mement développés au niveau des siphons. Ils couvrent tout le corps chez les Pyuridae et les Slyelidae. Cette musculature est beaucoup plus importante pour ces petites formes que pour les Ascidies fixées. Mais on ne constate pas seulement un accroissement de la masse du réseau musculaire. Sa dis¬ position est bien différente si l’on compare des Ascidies interstitielles à des Ascidies d'eau libre. Prenons quelques exemples. Chez Psammascidia il existe un champ musculaire cloacal tout à fait original pour la famille des Ascidiidae, avec des fibres nettes, parallèles entre elles, disposées en faisceaux denses sur une aire très précisément limitée. Chez Psammoslyela, Heteros- tigma, et à un degré moindre chez Polyearpa, la structure des muscles n’est pas celle que l’on trouve habituellement; elle correspond à des mouvements plus variés. Pour une Ascidie fixée, les seules actions musculaires consistent en une rétraction des siphons, généralement simultanée pour les siphons buccal et cloacal, accompagnée d’un gonflement du corps par la pression de l’eau qui s'y trouve enfermée. La réextension de l'animal est passive Chez les Ascidies interstitielles, au contraire, si la contraction a lieu de là même façon (en dehors d’une coordination des mouvements) l’extension des siphons est active. Un animal décontracté est susceptible d’allonger ses siphons en réduisant leur diamètre. Ceci ne se produit jamais dans les espèces courantes. D’autre part, le corps peut aussi avoir des mouvements propres indépendants de ceux des siphons et susceptibles d'agir dans une région limitée. Il est possible que ces contractions des fibres musculaires pariétales existent chez d’autres Ascidies, mais elles ne provoquent pas des mouvements visibles extérieurement. Pour les Ascidies psammiques, la tunique est accolée au manteau sur toute sa surface et suit tous ses mouvements. Pour les autres l’animal subit des déplacements par rapport à sa tunique, il n’y esl fixé Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 117 que par quelques points bien définis, mais cette tunique ne suit pas les mou¬ vements du corps. Swedmark voit dans cette adaptation une forme de protection « one form of mechanical protection in fragile organisms is ability to contract ». Le fait est encore accentué par une possibilité de fixation temporaire de grains de sable sur des papilles tunicales, rendues elles aussi mobiles par les contractions et le plissement du corps. La locomotion et la protection assurées par le revêtement externe du corps sont citées aussi par Delamare Deboutteville qui y attache une égale importance. Les organes adhésifs, fréquents dans les groupes mésop- sammiques manquent chez les petites Ascidies adultes. Pourtant, les rhizoïdes courts ou longs terminés par des ampoules vasculaires élargies se collent aux particules par secrélions épithéliales. Elles sont susceptibles de régresser aussi vite qu’elles sont apparues. Leur adhérence n’est pas aussi efficace que celle des ventouses, de griffes ou d’organes bien spécialisés, mais elle est assez forte pour entraîner des grains de sable. La protection de ces petits organismes ne peut être assurée par une ciliature, une cuticule rigide ou des spiculés, mais on remarque que la tunique des Ascidies interstitielles est adaptée à bien des points de vue : elle est plus épaisse que la normale, plus souple, mais garde une grande résistance, bille est capable de régénérer rapidement après une blessure. La possibilité de fixer à sa surface des particules minérales en fait un revê¬ tement vraiment très protecteur pour la vie dans les interstices. 2° La reproduction. La réduction du nombre de gonades et du nombre d’œufs semble générale pour les animaux endopsammiques. Delamare Deboutteville insiste sur ce fait, particulièrement net chez les Crustacés. Cette fois on ne peut en dire autant des Tuniciers. Les Styelidae ont de nombreux polycarpes, et les têtards envahissent tout le manteau pendant leur période d'incubation. Si les Pyuridae ne possèdent qu’une gonade à droite, ce qui représente une réduction pour la famille, le nombre d’œufs est élevé. Les gonades des Molyulidae, n’ont rien de particulier par rapport aux animaux fixés. Celles des Ascidiidae, Corellidae, semblent plus différenciées, par leur forme lobée définie. Delamare Deboutteville dit encore « Dans l’ensemble, les animaux des eaux souterraines littorales semblent se reproduire toute l’année ». Or, la période de ponte des Ascidies est de courte durée (1 mois) elle est annuelle. Swedmark, et avant lui Remane, ont montré aussi que la repro¬ duction s’étale sur toute l’année pour la plupart des espèces du sable, avec une production très faible de gamètes. Le phénomène exactement inverse pour les Ascidies interstitielles est d’autant plus curieux qu’il s’oppose aussi au mode de reproduction le plus commun chez les Ascidies fixées, il est plus proche des Molyulidae libres sur le sable. 3° Le développement larvaire. En ce qui concerne les premiers stades de développement, les Ascidies interstitielles ont acquis exactement les mêmes adaptations que l’ensemble des groupes mésopsainmiques. Parallèlement Delamare Deboutteville Source : MNHN, Paris 118 FRANÇOISE MONNIOT et Swedmark citent la réduction des stades larvaires pélagiques, le déve¬ loppement plus direct, et l’acquisition d’une cavité incubatrice. Voyons quelques détails concernant les Ascidies. Les larves des Ascidies sont normalement pélagiques, la durée de nage du têtard est plus ou moins longue, mais l'existence même de ce têtard avec une queue développée en nageoire est fondamentale pour le groupe. Il n’v a que deux exceptions : les têtards anoures de certaines Molgules et les têtards à queue régressée des Ascidies interstitielles. Cela correspond exac¬ tement au résumé de Swedmark de tout ce que l’on connaît dans les formes psammiques : « Among interstitial représentatives of such groups of inver- tebrates as normally bave pelagic larvae, \ve find morphologically or bio- logically modified larvae in conjunction with a suppression of lhe pelagic phase in the development cycle » — le développement direct est fréquemment cité par Delamare Deboutteville pour presque tous les groupes. Chez les Ascidies, il n’est pas entièrement direct puisque le stade têtard existe mais il est réduit. Le têtard n’a plus de structures internes propres chez les Styelidae et les Pyuridae, mais régresse pour laisser la place aux structures adultes. Ces structures sont directement mises en place et la métamorphose n’est plus représentée que par la disparition de la queue du têtard. Chez les Ascidiidae et les Corellidae normalement ovipares, les œufs sont conservés un certain temps dans l’oviducte très développé pour les espèces de sable. De plus, comme le remarque Swedmark « the benthic larvae contain more yolk, and are more un wieldy and less active than the corresponding pelagic larvae ». Delamare Deboutteville, de la même façon, parle de « cette tendance au développement direct qui se produit par accroissement du développement embryonnaire au détriment du développement postembryonnaire ». Enfin la présence d’une cavité incubatrice dilïérenciée, dont nous avons déjà parlé dans la description des Slyelidae et des Pyuridae est un caractère typique des animaux du sable et cela d’autant plus que la viviparité est tout à fait exceptionnelle dans ces deux familles. Swedmark attache un sens particulier à cette incubation, et à la protection des jeunes. Il considère que cela a une grande importance pour éviter la disparition d'une espèce à faible pouvoir de reproduction. 4° Néoténie. « La néoténie est la propriété qu’ont certains animaux de se reproduire à un stade juvénile. Il semble que ce phénomène soit assez général chez les animaux de la faune interstitielle. Cette néoténie peut d’ailleurs jouer à des niveaux très variés du développement ontogénique et se répercuter de façon inégale sur la morphologie de l’adulte. » (Delamare Deboutteville). Nous avons déjà parlé à plusieurs reprises de la néoténie des Ascidies interstitielles et nous tenterons de l’expliquer plus loin. Nous n’y revien¬ drons pas dans ce chapitre. II sufiit de dire que, là encore, les Ascidies s’intégrent parmi les animaux à biologie interstitielle. 5° Léthargie ou enkystement. C’est le titre d’un paragraphe de l'ouvrage de Delamare Deboutte¬ ville qui commence ainsi : « Un certain nombre d’animaux de la faune Source : MNHN, Paris RS INTERSTITIELLES 119 interstitielle peuvent avoir des périodes de vie latente ». C'est exactement le cas pour les Ascidies. Cette vie ralentie est accompagnée ou non d’un enkystemcnt. Odhneu signale simplement une rétraction des animaux pour les Microhedylidae (Mollusques), tandis que Jâgersten décrit l'enkys- tement des jeunes Dinophilidae (Archiannélides). Ce sont les deux seuls groupes, avec les Ascidies interstitielles, qui présentent un arrêt prolongé de développement. 6° Eurythermie et euryhalinité. Ces deux facteurs démontrés pour l'ensemble de la faune interstitielle ont été réétudiés dans un chapitre antérieur pour les Ascidies. Les animaux supportent les variations de température et de salinité aussi bien que l’ensemble de la faune mésopsanimique. 7° Les mouvements. Décrits plus haut, ces mouvements par leur existence même prouvent une adaptation à la vie interstitielle. Rien de semblable n’est connu chez les Ascidies simples. Les déplacements observés chez certaines colonies d’Ascidies sont dus seulement à l'émission de diverticules vasculaires cutanés d’une mince pellicule lunicale qui se fixent au substrat, puis par leur rétraction, entraînent l'animal. C'est un phénomène que nous avons observé personnellement chez une espèce de Diplosoma non déterminée, trouvée dans le sable (1). Les mouvements étaient très rapides, mais sans aucun rapport avec les mouvements dirigés et coordonnés des Ascidies simples. La migration de jeunes Ciona par le même moyen d’ampoules vasculaires a été observée à plusieurs reprises par d’anciens auteurs et assimilée à celle des Diplosoma. Les déplacements des jeunes Ciona ont été réétudiés par Carliste en 1961 (2). Les extensions et retraits des ampoules vasculaires existent aussi dans les tout premiers stades (1 à 2 jours) des genres Psammoslyela, Polycarpa et Helerostigma. Mais ces prolongements vasculaires, avec leurs sécrétions adliésives disparaissent très vite chez ces animaux, c'est alors que commence la véritable locomotion : extension alternée des siphons, reptation sur le substrat par ondes de contraction, et mouvements de chenilles arpenteuses pour les espèces munies de spinules sur leurs siphons. Cette locomotion des Ascidies interstitielles est étonnante, car parmi la faune mésopsammique, la mobilité n’est pas un phénomène général. » The great majority of the inlerstitial animal species are freemoving, but they are also a few semi-sessile or coinpletely sedentary forms » (Swedmark). 8° Le thigmotactisme. Comme l’a très bien décrit Delamahe Deboutteville (p. 147-148) les animaux ont un comportement désordonné en l’absence de grains de (1) Monniot (F.), 19112. - Recherches sur les graviers Amphioxus de la région de Banyuls-sur-Mer. Vie et Milieu, 13 . 2, (231-322). (2) Caki.isi.e (D. B.). - J.ocomotorv powers of adult ascidians. I’roc. Zool. Soc. Lontl., 136, 1, (141-Mfi). Source : MNHN, Paris 120 FRANÇOISE MONNIOT sable. Les Ascidies se comportent à la façon de tout autre animal. Une petite Pyuridae dans une coupelle, se glisse facilement entre les particules, mais en l’absence de ce sable, elle ne progresse pas sur le verre, roule, et devient rapidement immobile. La description du choix de l’interstice que nous avons donnée plus haut montre que chez les Ascidies, le thigmo- tactisme doit jouer un rôle de toute première importance. Il intervient aussi dans le mode de nutrition de façon indispensable. 9° La nourriture. La nutrition des Ascidies est assez peu connue. Ces animaux sont fil- treurs, et on a coutume de dire qu’ils absorbent essentiellement des diatomées et des bactéries. Mais les coupes histologiques d’Ascidies interstitielles font apparaître dans le tube digestif des morceaux de cuticule d’arthropodes, des pattes, des soies. Il est probable qu’il n’y a pas une sélection très active : toutes les particules organiques de l'eau interstitielle doivent être filtrées par les Ascidies. On rencontre parfois, ainsi, dans l'estomac, des œufs, toujours de petite taille, et qui ne sont pas des œufs d’autres Ascidies. Ils doivent être digérés, puisqu'on ne les retrouve jamais dans la partie terminale du tube, digestif. Swedmark classe les Ascidies interstitielles dans les « Suspension-feeders », et cela correspond bien au contenu digestif de ces animaux. Les observations que nous avons faites « in vivo » montrent de façon certaine que le courant d’eau qui sort du siphon cloacal n’est jamais repris par le siphon buccal, les deux ouvertures correspondant à deux interstices différents, même pour les petites Polycarpa dont les siphons ne sont pas opposés. De toutes façons les excréments sont rejetés sous forme de boulettes solides, de taille suffisante pour être refusées à coup sûr à l’entrée du siphon buccal. 10° Convergences. Il est tout à fait remarquable que les différentes espèces d’Ascidies appartiennent à des familles différentes. Il y a là des convergences ana¬ tomiques et biologiques tout à fait exceptionnelles. 11 est rare de trouver dans un phylum plusieurs familles adaptées de la même façon à un milieu aussi particulier. Il est nécessaire de signaler cependant une différence entre les deux grandes divisions d’Ascidies simples : Stolidobranches et Phlébobranches. Les premiers sont des animaux mobiles (semi-vagiles) tandis que les seconds sont franchement sédentaires. Celte différence corres¬ pond à deux des trois modes d’adaptation à la vie interstitielle cités par Swedmark : animaux libres, semi-sessiles, sédentaires. 11° Conclusion. Nous avons pris soin d’étudier successivement tous les caractères adaptés cités jusqu'à présent au sujet de la biologie des animaux mésop- sammiques. Pour chacun d’eux nous avons vu que les Ascidies trouvées dans le sable présentaient les mêmes tendances, aussi bien pour la mor¬ phologie que pour la biologie, le développement des jeunes, la néoténie le comportement et l’éthologie. Une seule différence est signalée : la période Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 121 de reproduction et le nombre d'œufs pondus. Mais ce caractère est lui-méme variable dans les groupes considérés depuis très longtemps comme inters¬ titiels. Nous pouvons donc admettre sans réserves que les Ascidies du sable sont bien des « Ascidies interstitielles » et qu’elles représentent un nouveau phylum dans le monde mésopsammique déjà si varié. La présence des Tuniciers parmi la microfaune du sable est d’autant plus intéressante que les Prochordés constituent un phylum très ancien et très peu plastique, dont les grandes directions adaptatives semblaient tout à fait fixées. V. — PRÉDATEURS ET PARASITES La quantité d’Ascidies adultes récoltées dans les sables grossiers est très faible dans la plupart des stations par rapport à celle des autres groupes. Sur la côte Ouest, de Méditerranée, de Marseille à Banyuls, les milieux favo¬ rables ne manquent pas. Cependant, il est souvent nécessaire d’effectuer plusieurs dragages pour obtenir deux ou trois individus adultes en bon état. Par contre, au début de l’hiver, aux mêmes points, il est beaucoup plus facile de trouver les jeunes. Dans un sable reconnu comme favorable, un seul dragage suffit pour obtenir à coup sûr de très jeunes Ascidies : Psammostyela et surtout Heterostigma. Nous nous sommes demandé si le nombre réduit d’adultes par rapport au nombre de jeunes n’était pas dû à l’action de prédateurs. II est fréquent de trouver en été des tuniques vides d’Ascidies interstitielles. Elles sont bien reconnaissables grâce à leurs rhizoïdes et aux siphons qui subsistent souvent. Ces tuniques sont alors peuplées d'Amphipodes de différentes espèces (surtout des jeunes) et de Copépodes Harpacticides. Ces crustacés sont peut-être des prédateurs d'Ascidies, mais nous admettons difficile¬ ment cette hypothèse : nous n’avons jamais trouvé en aucune station, d’Ascidie à demi consommée. Quand les crustacés sont présents dans la tunique, il reste tout au plus des lambeaux courts du manteau de l’Ascidie au niveau des siphons. Nous envisageons plutôt une attaque des Amphi- podes, puis des Copépodes après la mort de l’Ascidie. La tunique est alors gonflée, beaucoup moins résistante et les tissus internes liistolysés. Les produits de la décomposition très rapide de la branchie, du tube digestif et du manteau pourraient attirer la microfaune voisine. Mais on ne peut plus parler dans ce cas de prédateurs. Pour les larves et les jeunes, il est très probable, au contraire, qu'ils subissent une attaque de nombreux animaux. La tunique des adultes est épaisse, résistante, et surtout, moule complètement la micro-cavité qu’elle occupe : cela assure une protection efficace. Il en est de même pour les jeunes qui ont acquis la morphologie de l’adulte, et qui possèdent très tôt une tunique résistante (stade où les protostigmates se recoupent). Pour les têtards et les larves, pour les œufs des Phlébobranches interstitielles, la question est différente. Beaucoup d'animaux mésopsammiques se nour¬ rissent d'œufs, et ceux des Ascidies de sable ne flottent pas, comme cela se produit dans le cas général, mais restent dans le sable, grâce à leur densité forte. De même les têtards, pendant la très courte période où ils sont libres, sont immobiles, non fixés, ainsi que nous l'avons vu. Ils constituent une proie facile. Les jeunes Ascidies qui ne possèdent encore que deux ou trois Source : MNHN, Paris 122 FRANÇOISE MONNIOT protostiginates ont une tunique développée mais molle, fixée ou non à un grain de sable par des ampoules vasculaires très fragiles. Elles n’occupent pas la totalité d’un interstice. Elles sont à la merci de n’importe quel car¬ nivore. En élevage, elles attirent les Microsyllidiens, et il est probable qu’il en est de meme dans la nature. Les Turbellariés, les Némcrtes, les Néma¬ todes. les Polychètes, les Crustacés (Copépodes, Amphipodes, Isopodes, Décapodes), les Sipunculiens, les Halacariens, les Ophiures, sont suscep¬ tibles de se nourrir d’Ascidies jeunes. Le rôle des prédateurs dans les tout premiers stades de développement est certainement très important, bien qu'il ne puisse être démontré pour l’instant, et cela pour plusieurs raisons : _ Les carnivores constituent la majorité de la microfaune mobile. - La protection des jeunes stades d'Ascidies est pratiquement nulle. Les premiers stades de développement s’ils sont fixés, le sont d'une façon temporaire en étant susceptibles de se libérer rapidement. Mais ils ne sont que très peu mobiles. _ Les jeunes sont beaucoup moins denses que les adultes et le remaniement du sédiment peut les amener près de la surface, là où les prédateurs sont plus nombreux. — La mortalité entre le stade têtard et l’adulte est énorme chez les Ascidies interstitielles, qui semblent avoir pourtant un taux de reproduction plus élevé que la majorité des autres groupes de la faune du sable, et une adaptation très poussée au mode de vie endopsammique. Si les prédateurs jouent un rôle important dans la mortalité, ils sont peut-être beaucoup aidés par la flore bactérienne du sédiment. Il est très probable qu’un individu blessé, malgré ses possibilités de régénération rapide, soit attaqué immédiatement par les bactéries. Cette hypothèse n’est pas émise au hasard. Au cours des récoltes, il est fréquent de trouver des déchi¬ rures mêmes minimes, envahies par des colonies bactériennes plus ou moins colorées. Ce phénomènes s’observe aussi en élevage. Deux cas peuvent alors se présenter : ou l’envahissement bactérien progresse et l’hôte meurt par dégénérescence progressive des tissus à partir du pôle de départ, ou ces bactéries attirent une faunule de microphages qui agrandissent la place. Mais en dehors de l’attaque externe par les prédateurs, il existe une attaque interne : les Ascidies interstitielles hébergent des Copépodes para¬ sites. Malgré la petite taille de l’hôte, les Copépodes atteignent une taille normale. Habituellement les Ascidies hébergent un plus ou moins grand nombre de Copépodes dans leur branchie. Ces Copépodes n’attaquent pas les tissus de l’Ascidie, ils se nourrissent seulement des particules enrobées par le mucus au cours de la filtration de l'eau, amenées peu à peu vers l’endostyle. De même, les Copépodes Enlérocoliens vivent dans le tube digestif en se nourrissant du boudin alimentaire qu’il contient. Une troisième sorte de Copépodes semi-parasites, les Lichomolgides vivent dans la cavité atriale où ils nagent librement. Les trois sortes de Copépodes ascidicoles se retrouvent chez les Ascidies interstitielles. Les Lichomolgides sont rares, petits. Par contre, les Copépodes de la cavité atriale ( Notodclphyidae ) et ceux du tube digestif ( Enlerocolidae) ont des tailles normales quand ils sont adultes. Peu fréquents chez les Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 123 Ascidies interstitielles, ces parasites ont cependant été récoltés à plusieurs reprises. Leur étude a été confiée à C. Monniot. La plupart du temps il s’agit d'individus jeunes ou de taille assez réduite, mais parfois un adulte est également présent. Dans ce cas il occupe la totalité de la cavité branchiale, la branchie elle-même est déchirée. La circulation d’eau à travers les stigmates ne peut être qu’extrêmement réduite et le Copépode fait littéralement éclater l'Ascidie. Comme les jeunes Copépodes sont tout de même fréquents surtout dans les Pyuridae, il est très possible que la mortalité des Ascidies soie due, pour une part non négligeable, à l’accroissement de taille du Copé¬ pode qui l'habite. La dernière mue de celui-ci surtout, qui le transforme en adulte, traumatise l’Ascidie. Cela est d’autant plus accentué que les femelles sont numériquement beaucoup plus représentées que les mâles, et qu’elles possèdent une cavité incubatrice énorme. La femelle de Copépode adulte est généralement plus grosse que la moyenne de taille de l’espèce d’Ascidie hôte, tunique comprise. Nous n’avons pas trouvé d ’Enlerucolidae adultes dans le tube digestif. Nous donnons ci-dessous un tableau des Copépodes parasites avec leurs hôtes respectifs. 11 ne semble pas y avoir de spécificité parasitaire. Ascidies hôtes et stations Parasites Psammostyela delamarei : Banyuls Polycarpa pentarhiza : Banyuls Polycarpa pentarhiza : RoscolT Polycarpa arnbackue : Kristineberg Heterostigma fagei : Banyuls Heterostigma separ : Roscoff Heterosligma replans : Espegrend Molgula hirta : Kristineberg Dextrogaster sueeica : Espegrend Bonnierilla sp. Gunenotophorus globutaris Buchholtz, jeunes. Lichomolgides. très jeunes indéterminables dans la branchie. Bonnierilla sp. Gunenotophorus globutaris B., jeunes. Enterocolidés, jeunes. Bonnierilla sp. parasite enkysté (1) parasite enkysté. Lichomolgides. très jeune indéterminable. En dehors des Copépodes, les Ascidies montrent parfois de grandes quantités de ciliés parasites, situés surtout dans le siphon buccal et sur les tentacules coronaux, et parfois, dans la partie antérodorsale de la branchie, côté interne. Ces ciliés sont très solidement fixés sur les tissus de l’hôte. Ils sont beaucoup plus fréquents dans les Ascidies des stations méridionales. Us existent toujours chez Heterostigma gonochorica de Sicile où ils semblent provoquer des déformations des tentacules coronaux au cours de la crois¬ sance. Ils existent aussi, mais moins fréquemment, chez Heterostigma fagei et Psammostyela delamarei à Banyuls mais sont encore abondants dans cette station chez Polycarpa pentarhiza. A Roscoff on ne les trouve plus que chez Polycarpa pentarhiza. exceptionnellement chez Heterostigma separ. Nous n’en avons pas trouvé dans les Phlébobranches. Plus au Nord nous n’avons retrouvé nulle part ces ciliés. (1) Des kystes à l’intérieur des sinus branchiaux ressemblant à ceux formés par Gonophysema gnltmarensis Hresclani et Lfitzen 1960, ont été trouvés dans H. separ de Roscoll et II. reptans de Bergen. I.eur étude est en cours. Mémoires nu Muséum. — Zoologie, t. XXXV 9 Source : MNHN, Paris 124 FRANÇOISE MONNIOT QUELQUES RÉFÉRENCES CONCERNANT LES ÉTUDES PHYSICO-CHIMIQUES DES SABLES SUBMERGÉS AuminFiiN (I. ). 1963. — Étude des teneurs en Oxygène dans les eaux intersti¬ tielles de l’Aber de Roscofl. Cah. Biol. Mur., 4, 1, (23-32). Rn . nl ,v (\> T s.). 1962. — Colonisation of graded sand by an interstitial D 3 ULLÂ-t.lXl fauna. Lan. moi. mur., o, Bruce (J. R.), 1928. — Physical factors on the sandy bcacli. Part. I tidal, climatic and edaphic. Part. II Chemical changes carbon dioxide. Concen¬ tration and sulphides. ./. mur. biol. Ass. U.K., 15, (535-565). r„, cb l 1963. — Le milieu interstitiel dans les sédiments sableux inter- coditaux. Bull. 1.0. Monaco, 60, n» 1271, (32 p.). 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Source : MNHN, Paris Chapitre VIII INFLUENCE DU MILIEU SUR LE CYCLE ANNUEL ET LA NÉOTÉNIE DES ASCIDIES ENDOPSAMMIQUES Après avoir décrit une dizaine d’espèces d’Ascidies interstitielles nous pouvons nous demander quelle peut être l’impression d’ensemble laissée par cette étude. Imaginons l’état d’esprit d’un zoologiste qui se représente facilement une Ascidie normale, vis-à-vis de ce groupe endopsammique encore nouveau, et d’aspect si peu habituel. I. — LES ASCIDIES INTERSTITIELLES PAR RAPPORT AUX ASCIDIES DES EAUX LIBRES Je pense que ce qui frappe en premier lieu, est la convergence des habitus et des adaptations réalisées pour coloniser le sable, dans chacun des deux ordres d’Ascidies : d’une part les Slolidobrunchiala et d’autre part les Phlebobrancliiala. On se félicite qu’une coupure systématique se justifie par une différence écologique. Mais il faut dépasser la description des espèces prises une à une et comparées d’organe à organe pour qu’un nouveau sujet d’étonnement s’impose : toutes les formes examinées paraissent juvéniles. Nous avons considéré successivement des Styelidae, des Pyuridae, des Molgulidae. Pour toutes les espèces nous sommes arrivée à résumer leurs principaux caractères en parlant de « néoténie ». Pour les Ascidiidae, les Corellidae, la conclusion est semblable mais un peu moins nette. Il est remarquable, qu’au-delà de la diversité familiale, un phénomène aussi ori¬ ginal soit à ce point constant. Il faut signaler néanmoins, que chez les autres Ascidies, l’évolution de la branchie continue souvent un peu après l’apparition des gonades, mais jamais on ne rencontre une telle néoténie. Chez les Ascidies intersti¬ tielles, ce trait est constant pour toutes les familles, et c’est cela qui est vraiment très curieux. D’autre part, cette néoténie porte sur la branchie, organe essentiel des Ascidies, mais aussi sur le tube digestif et les gonades elles-mêmes. En effet, la forme des gonades reste toujours très simple, ainsi que les conduits génitaux. La maturation des œufs et l'incubation se font pourtant de façon évoluée. Il existe, dans la plupart des cas, une poche incubatricc différenciée ou des logettes creusées dans la paroi branchiale. On aurait donc pu s’attendre à une complication plus grande de la forme des gonades. Une remarque s’impose : aucune de ces Ascidies interstitielles qui paraissent étonnantes à première vue, ne présente en réalité de caractère vraiment exceptionnel pour une Ascidie. II n’y a dans ce groupe aucun trait inédit que l’on ne puisse rencontrer au niveau de la famille, du genre ou de l’espèce. II y a des réductions d’organes, des dispositions spécifiques, mais on ne décèle jamais l’apparition d’une acquisition nouvelle. Source : MNHN, Paris 126 FRANÇOISE MONNI Chaque organe est fonctionnel et utilisé de la même façon par les Ascidies interstitielles et les autres. Mais pour les premières, il semble toujours fonctionner dans la forme la plus simple possible, la plus simple qui existe pour la famille considérée. En somme, tout se passe comme si la croissance était arrêtée dés que l'organe a une fonction suffisante, sans améliorations ou ornementations ultérieures. Le développement lui-même est raccourci, condensé, simplifié. Finalement pour chaque famille, l'Ascidie interstitielle repré¬ sente l'individu jeune de type moyen, qui a acquis des gonades sans grandir, possédant des organes simples, mais typiques. II. — LE DÉVELOPPEMENT DES ASCIDIES INTERSTITIELLES EN RELATION AVEC LES CARACTÉRISTIQUES PHYSICO-CHIMIQUES DU MILIEU Remarquons que chaque espèce subit à un stade jeune, un arrêt réel de développement puisque la croissance est très rapide pendant un mois au plus, puis pratiquement stoppée. Lorsqu’elle reprend, les gonades appa¬ raissent. La croissance d’un individu est habituellement un phénomène continu, sauf dans le cas où il existe des formes de résistance, avec des adaptations spéciales. Par exemple chez les Clavelinidae, ou de nombreuses autres Ascidies composées, le corps subit une désorganisation totale dans de mauvaises conditions du milieu. La tunique s’épaissit et les tissus se différencient pour se rassembler en une masse uniforme embryonnaire. Cette sorte d’enkystement peut durer pendant plusieurs mois, puis les tissus se réorganisent pour reconstituer une Ascidie de forme normale. Or, on n’a jamais observé de modifications de ce genre pendant une période de l’année pour les Ascidies interstitielles. Celles-ci se reproduisent pendant un mois environ. Aussi bien pour les premiers têtards pondus que pour les derniers, l'arrêt de croissance se produit exactement au même stade (1). La ponte ayant lieu à la fin de l’été, les conditions hydrologiques de l’eau libre sont différentes pour les premiers embryons pondus et les derniers. Le blocage de la croissance ne peut donc pas être dû uniquement à de mauvaises conditions hydrologiques de surface. Il s’agit certainement d’une action plus complexe qui touche le métabolisme interne. Nous pouvons nous demander alors ce qui provoque ce blocage. Nous envisagerons plusieurs solutions : 1° L’arrêt de croissance pourrait être dû simplement à un manque de place dans les interstices et à une croissance différentielle des tissus (1) Sabiiadin, 1957-1958. a remarqué à propos de plusieurs espèces : Ciona intes- linalis, Molgula mnnhattensis et Slyela plicutu, un arrél de croissance pendant l'hiver, les animaux restant bloqués à un stade jeune. Mais dans ce cas, il précise que le phénomène n'a lieu que pour les derniers têtards nondus à la lin de la saison de reproduction qui est très longue. Cet auteur attribue la durée du développement des larves tardives à un changement important de la tempé¬ rature de l’eau de mer. Les études ont été eltectuées à Venise (Italie). Nous verrons plus loin une toute autre interprétation. Source : MNHN, Paris ASC1 ES INTERSTITIELLES 127 internes et de la tunique. Le développement plus rapide de la branchie provoquerait une compression, cette fois d'origine interne. Ceci avait déjà été supposé par Millar, mais nous avons du mal à admettre cette hypothèse pour la raison suivante : il n'est pas rare de trouver dans le corps de ces très petites Ascidies des Copépodes parasites de taille normale. Il en existe chez les jeunes comme chez les adultes, on en trouve même parfois plusieurs (Copépodites et adultes) dans la même Ascidie interstitielle. On ne peut observer dans ces exemplaires parasités aucune réduction d'organes, aucune anomalie, sauf des déchirures de la branchie provoquées par les mouvements des Copépodes. Or, le volume du parasite est parfois égal au 1/3 ou au 1/4 du volume total de l’Ascidie. Le manque de place pour le développement des organes, dû au manque d’élasticité de la tunique, ou au tassement du sable devrait donc se faire sentir; on devrait pouvoir constater une diffé¬ rence dans l’état de développement entre les animaux parasités et ceux qui ne le sont pas, d’autant plus que la croissance de l’Ascidie est extrêmement rapide au moment de l'infestation. Cette différence n'existe pas. 2° Dans une deuxième hypothèse, il pourrait s'agir d’une impasse évolutive. Certains individus ayant appartenu à un archétype ancien, auraient acquis des caractères les menant dans un cul-de-sac, en les empêchant d’évoluer. Ces espèces garderaient des caractères primitifs et coloniseraient des milieux très spécialisés et d’étendues réduites. Elles constitueraient des sortes de « fossiles vivants » dans un milieu limite, impropre à la survie des Ascidies. Il est certain que les Ascidies interstitielles vivent dans des sables ou des graviers agités, dans des conditions difficiles; mais la concur¬ rence est faible, d’où leur possibilité de subsistance. Cette survie est elle- même accompagnée d'adaptations qui constituent une évolution non négli¬ geable, surtout pour un groupe aussi peu plastique que les Tuniciers. Cette théorie de « fossile vivant » devient très discutable dans la mesure où il existe au moins une espèce dans ce cas pour chaque famille et pour chaque type d’organisation des Ascidies. Cette régularité choque un peu, mais la notion de fossile vivant ne doit pas être totalement rejetée. Nous la discu¬ terons dans un chapitre sur l’évolution. En tous cas, elle n’explique pas le blocage du développement, puis sa reprise. 3° On pourrait encore envisager une réduction de taille et une régression généralisée des Ascidies interstitielles, dues à une barrière géographique. Des genres nordiques coloniseraient des milieux de plus en plus particuliers à la limite de leur répartition, en atteignant des eaux plus chaudes; ou au contraire, des animaux tropicaux, ayant à subir des variations saisonnières, prendraient des formes réduites. Ces arguments ne sont pourtant pas à envisager. Les familles et les genres auxquels appartiennent les Ascidies interstitielles sont bien développés dans les mêmes régions et dans des conditions écologiques normales. On peut éliminer sans hésitation le rôle du facteur climatique. Nous venons d’envisager sans les retenir trois hypothèses pour tenter d’expliquer l’action du milieu sur le blocage de la croissance des Ascidies interstitielles et l’apparition de leur néoténie. Nous exposerons maintenant le raisonnement et les observations qui nous ont conduite à envisager une quatrième, hypothèse. Puis nous tenterons d’interpréter à la lumière des faits précis les points restés inexplicables jusqu’à présent. Source : MNHN, Paris 128 FRANÇOISE MONNI 4» Il reste à étudier l’influence possible de conditions chimiques sur les organes des Ascidies, conditions dues à un milieu très particulier : le milieu endopsammique. Un arrêt du développement pourrait être dû à une action directe du milieu, ('.'est en un sens un mode d’adaptation, puisque l’animal suivit et se reproduit. On peut difficilement invoquer la lumière et la température qui pourraient tout aussi bien agir sur les espèces des milieux rocheux voisins. Pour la même raison, on ne peut parler ni de profondeur, ni de salinilé. Il faut donc chercher des conditions différentes pour les Ascidies fixées des milieux voisins, et les Ascidies endopsammiques. Celte différence, bien entendu, est celle qui existe entre l’eau libre et l’eau interstitielle. Ce facteur est d’autant plus important que les animaux envi¬ sagés sont filtreurs. De nombreux auteurs ont insisté sur la quantité d’eau de mer énorme qui traverse la branchie d'une Ascidie en très peu de temps. Il devient donc normal qu'une différence même très faible dans la compo¬ sition de l’eau de mer, influe énormément sur la physiologie des Ascidies. D’autre part, des éludes sur le sang des Tuniciers ont montré (pie les Ascidies sont capables d'extraire et d’accumuler des ions, contenus dans l’eau de mer en proportions infimes, et je pense aux célèbres exemples, anciens et modernes du Titane, du Vanadium et du Chrome, mais aussi aux métaux plus communs : Cuivre, Fer, Zinc. HI. — ACTION DES IONS MÉTALLIQUES SUR LES ASCIDIES La composition de l'eau de mer libre est extrêmement constante, pour une région donnée. Mais il n'en est pas de même quand il s'agit d'eau interstitielle. L’eau de mer a un très grand pouvoir de dissolution, elle peut se charger très facilement en ions métalliques par exemple (il suffit de placer un objet de cuivre dans un aquarium pour qu’une grande quantité d’animaux y meurent). D’autre part, celle dissolution est augmentée dans l’eau interstitielle par l'action très étendue des bactéries. Enfin, dans un sédiment, même très meuble et très bien irrigué, la circulation de l’eau n'est pas très rapide et cela est démontré facilement par les dosages d'oxvgène, dont la teneur diminue de moitié environ dans les cinq premiers centimètres de sédiment. L’action chimique peut s'exercer aussi de façon directe, par les catégories de micro-organismes servant à la nutrition des Ascidies endop¬ sammiques qui, eux aussi, habitent le sable et concentrent peut-être parti¬ culièrement certains ions. Des expériences américaines ont montré que les Ascidies sont parti¬ culièrement sensibles aux ions métalliques au cours de leur développement. A propos de Ascidia nigra, Goodbody déclare : « They are probably acti- vely attracted towards iron, as submerged iron structures, wich are not painted, often hâve dense, growths of this species attached to them. Grave and Nicoll (1940) showed that iron accélérâtes metamorphosis in A. nigra ». En réalité Goodbody se réfère à des travaux anciens et ne considère qu'un seul métal : le fer. Nous allons voir que d'autres métaux ont un rôle biologique important dans l'eau de mer. Toute une série d'études ont été effectuées dans ce sens sur plusieurs phylums animaux. Il a été possible, grâce à des dosages de très grande précision, de réaliser des élevages et de démontrer une action très nette Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 129 sur la croissance et la survie de divers organismes par l’adjonction d'ions métalliques divers. La plupart des travaux effectués jusqu’à présent sur l’influence des ions métalliques ont concerné presque exclusivement le cuivre. Les auteurs se sont intéressés à l'action des métaux sur les animaux marins depuis de nombreuses années. Ce sont surtout Chow et Thompson en Amérique qui ont rassemblé toutes les données antérieures à 1954 et contribué à la connais¬ sance de l'effet biologique du cuivre. Jusqu’à une époque tout à fait récente (1965), Bougis a repris ces études sur les larves d’oursins, en faisant varier les proportions de cuivre dans les eaux d’élevage des larves pluteus. 11 a pu confirmer les résultats précédents et apporter des données nouvelles. Une mise au point générale sur l’action du cuivre a été publiée par Bougis (1). Nous jugeons inuLile de parler de tous les travaux précédents que l'on peut retrouver dans cet article. Nous préférons citer ici plus lon¬ guement les résultats et les conclusions actuelles, en donnant un résumé de cet article, extrêmement important pour nous. 1° Teneur en cuivre des eaux européennes. Eau de surface de 0,5 à 25 p g/litre. Ces valeurs sont données pour des eaux de surface. Dès que l’on mesure la teneur en cuivre à une plus grande profondeur, on obtient des valeurs beaucoup plus élevées. Des mesures dans l'eau interstitielle du sable de Roscoff à marée basse en août (Bougis) ont montré des teneurs en cuivre beaucoup plus élevées que dans l'eau de surface. A Plymouth si on a 8,1 p g/l en surface, à 50 mètres de profondeur la concentration atteint 18,3 p g/l. En Atlantique nord, les mesures attei¬ gnent 30 (A g/l en profondeur. La mer Méditerranée a été très peu étudiée en ce qui concerne le cuivre, des dosages de Bougis à Villefranche-sur-Mer donnent une moyenne de 1 ia g/l. Il existe des variations saisonnières : à Plymouth, la teneur en cuivre est maximale en hiver, 20 à 25 p g/l. elle diminue jusqu’à 10 p g/l au printemps, elle esl minimale au début d'octobre avec 1,5 t* g/l. Chow et Thompson en 1954 ont mesuré la teneur en cuivre de l'eau située immédiatement au-dessus du sédiment : 21,5 p g/l. A cet endroit les sédiments eux-mêmes contiennent 37 |xg au Kg de cuivre. Ces auteurs signalent qu’au même endroit l'eau interstitielle atteint cette fois 55 ix g/l. L'eau interstitielle contiendrait au moins deux fois plus de cuivre que l'eau située immédiatement au-dessus du sédiment, elle même plus riche que l'eau de surface. 2 ° État physico-chimique du cuivre dans l’eau de mer. Il y a trois possibilités : soluble ou ionique, organique ou contenu dans le plancton et les détritus. 3° Organismes marins contenant du cuivre. (Bougis utilise surtout les travaux de Vinogradov.) Chez les Tuniciers qui nous intéressent tout particulièrement, le cuivre a été délecté et signalé par de très nombreux auteurs. Malheureusement nous n’avons pas de données quantitatives. (1) Bougis (P.), 1962. — Le cuivre en écologie marine. Publ. Staz. zont. Napoli, 32, suppl., (497-514). Source : MNHN, Paris 130 FRANÇOISE MONNIOT 4° Toxicité du cuivre. Elle est généralement reconnue puisqu'on utilise depuis très longtemps le cuivre pour protéger les coques des bateaux contre la salissure. Des expériences plus scientifiques ont été poursuivies sur plusieurs sortes d’animaux. Pour les espèces les plus sensibles, Bougis remarque que le seuil de toxicité égale des concentrations que l’on trouve normalement dans l’eau de mer. Le cuivre a donc un rôle imporlanl en écologie marine. Il serait extrêmement intéressant d’étendre ces études à la faune interstitielle. En contradiction avec cette toxicité, il faut envisager l'existence de complexants naturels, mais on n'a pas encore réussi à les découvrir dans la nature. Quelques-uns agissent expérimentalement. La métamor¬ phose des larves est accélérée dans de nombreux cas (Jlydraires, Mol¬ lusques, Balanes), par une dose élevée de. cuivre dans l’eau de mer. Bougis à Villefranche-sur-Mer a montré que l’augmentation de la teneur en cuivre de l'eau d'élevage provoque un retard dans la croissance des larves pluteus d’oursins. Le retard est de plus en plus sensible de 5 à 20 jig/1./ Enfin, il faut signaler des travaux parallèles poursuivis sur les Ascidies. Bertholf et Mast ont étudié des têtards de Styela partita placés pendant 3' dans de l’eau de mer contenant 126 n g/l de Cu. Les têtards se fixent et se métamorphosent de façon accélérée. Grave obtient les mêmes résultats avec des doses plus élevées sur les espèces : Amaroucium constellâtum, Ascidia nigra, Polyandrocarpa sp. Pour les Ascidies, l’action du cuivre est nette et correspond à ce qui se passe pour les autres phylums animaux. Bougis conclut : L’eau de mer étant très enrichie en cuivre au niveau des sédiments, le rôle écologique du cuivre est extrêmement important pour la fixation des larves chez les peuplements fixés. 5° Rôle du zinc. Bougis a montré que le zinc agit exactement comme le cuivre, mais la concentration nécessaire pour atteindre le même eiïet doit être quatre fois plus grande. On remarquera que l’eau de mer contient normalement quatre fois plus de zinc que de cuivre. Enfin il faut signaler que les effets du zinc et du cuivre s'ajoutent. Le résumé que nous venons de donner sur les très importants travaux de Bougis pourrait faire croire que, seules, les actions du Cuivre et du Zinc sont fondamentales. Ce n’est certainement pas le cas, ni l’opinion de Bougis lui-même. Tous les métaux sont présents dans l’eau de mer, à des concen¬ trations très diverses. Certains sont extraits électivement par un groupe d’animaux, concentrés pour édifier un système d’oxydo-réducteurs localisés dans le sang ou tout autre tissu (Prenant), ou participer à un mode d’excré¬ tion. Les dosages des corps simples ont été entrepris dans quelques groupes. Mais il y a souvent des difficultés de dosage considérables, et la nécessité de posséder de nombreux individus de la même espèce, d’autant plus nom¬ breux que la taille est plus réduite, ne facilite pas les recherches dans ce domaine. Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 131 Nous donnerons une liste forcément incomplète mais déjà longue des éléments minéraux isolés chez les Ascidies. Les métaux sont classés selon leur structure, ionique, c'est-à-dire à leur place respective dans la classi¬ fication périodique des éléments. Na, Sodium K, Potassium Nb, Niobium Mo, Molybdène Mg, Magnésium Ca, Calcium Ag, Argent Al, Aluminium Ti, Titane Sn, Étain Si, Silicium V, Vanadium Au, Or P, Phosphore Mn, Manganèse Fe, Fer Cu, Cuivre Zn, Zinc Hg, Mercure Pb, Plomb Un certain nombre parmi ces métaux ont une importance particulière en biologie. Ce sont ce que l’on appelle les métaux de transition. Ils forment facilement des » complexes » parce qu’ils donnent des ions positifs à couche externe incomplète. Mais nous ne pouvons exposer ici le mode d’action de ces corps, nous les citerons simplement : Ti, V, Mn, Fe, Cu, Zn, Mo. Le cuivre a une importance particulière, il est le seul avec le Chrome à n’avoir qu’un électron sur la couche la plus externe. Nous venons de citer 6 métaux de transition présents chez les Ascidies. Il en existe d’autres qui n’ont pas encore été signalés : le Cr recherché par Levine mais il n’a pu être décelé chez les Ascidies, le Co et le Ni. Il est important de remarquer surtout la place privilégiée du Cuivre dans cette liste d'éléments. La plupart des recherches sur la composition biochimique des Ascidies sont anciennes. Cependant un auteur américain Estees P. Levine reprend actuellement des études dans ce sens, faisant l’objet d’une thèse malheu¬ reusement non encore publiée. Une note préliminaire parue en 1961, donne déjà quelques indications intéressantes bien que le matériel envisagé comprenne essentiellement des Ascidies composées. Levine pense aussi que les métaux mis en évidence jusqu'à maintenant ne sont pas les seuls présents chez les Ascidies : elle dit à ce propos « The reports of quantifies of manganèse in several ascidians, the discovery that individuals of Mol- gula manhaitensis may concentrate either vanadium or niobium, and the finding that Pyura slolonifera accumulâtes iron, suggested thaï other related métal might also be présent in ascidians ». De la même façon, le sang faisait seul l’objet de recherches biochimiques pour les anciens auteurs. Levine montre que toute la couche épidermique réagit aux mêmes tests. Elle précise que la tunique à pH très bas (1,5) contient une forte proportion d'acide sulfurique. Cet acide fort peut per¬ mettre un grand nombre de réactions s’il se trouve sous une forme ionisée. Une autre remarque du même auteur nous a paru intéressante : « Ti, V, Nb, Cr, Mn, Fe ail belong to the « related metals » class and hâve a similar number of électrons in the outermost and the next to the outermost shells ». Il est possible que l'action biologique de ces métaux soit fonction de la disposition superficielle de leurs électrons et que cette action soit similaire pour des métaux différents mais de micro-structure proche. Levine semble partager cet avis : « The Chemical similarities among at least some of the substances listcd suggests the possibility that these Source : MNHN, Paris 132 FRANÇOISE MONNIOT mêlais may play more or less interchangeable physiological rôles ». 11 est dommage que Levinf. ne fasse pas mention du Cuivre et du Zinc. Ces deux métaux, appartiennent à une même catégorie, différente de la précédente et leur rôle similaire a été largement démontré. Il y aurait là un sujet d'étude très intéressant et peut-être une compa¬ raison possible entre les métaux favorables cl défavorables au métabolisme des Ascidies. p- n dehors des travaux précis qui incitent en évidence 1 action indis¬ cutable du Cuivre et du Zinc sur le développement de certains animaux marins, et en particulier les Ascidies, et ceux qui démontrent la présence de métaux divers dans les tissus des Tuniciers, des études purement chi¬ miques ont été poursuivies sur les échanges d’ions et leurs proportions diverses entre l’eau interstitielle et l’eau qui recouvre le sable : Cai.lame 1960-1961. Enfin des études biochimiques très importantes sont en cours depuis plusieurs années, en ce qui concerne le Vanadium et le Molybdène. Didier Bertrand, à l'institut Pasteur, a réussi à mesurer les proportions de ces éléments d'ans les tissus de diverses espèces d’ascidies et a constaté l’énorme pourcentage de Vanadium par rapport au poids sec de certains animaux. Ces teneurs très élevées (jusqu’à 6 % du poids sec chez Ascidia) sont d’autant plus étonnantes que l'eau de mer environnante contient des doses faibles de cet élément. Il en est de même pour le molybdène. L’intérêt de ces métaux provient de leur intervention dans les réactions enzymatiques. Leur plus ou moins grande abondance dans un organe pourrait provoquer le rempla¬ cement du métal intervenant normalement dans une réaction enzymatique par un autre, mais on ne connaît pas l'effet biologique de cette substitution chez les Ascidies. La dominance d’un élément sur un autre provoque dans une série de réactions enzymatiques le blocage du premier élément; son remplacement est possible dans une certaine mesure, mais il ne peut être total. On aboutit vite à un effet léthal. On ne sait pas encore dans quels tissus se localise le vanadium chez les Ascidies. Harant prétendait qu’il était contenu dans les cellules sanguines, line communication personnelle de Monsieur D. Bertrand nous permet de dire qu’il n’en est rien. Des recherches en cours nous permettront peut-être, grâce aux méthodes de dosages modernes, très précises, de pouvoir donner les concentrations existant dans chacun des principaux organes des Tuniciers. Tous les résultats que nous venons de citer nous autorisent à penser que dans la nature, pour une différence de concentration en ions métalliques (fer. cuivre, zinc, etc.) même faible, entre l'eau au-dessus du sédiment et | eau interstitielle, le développement des Ascidies peut être modifie. Nous avons vu que l'eau interstitielle est beaucoup plus riche en ions métal¬ liques que l’eau libre. Le rôle des métaux sera d’autant plus grand si les animaux vivent plus enfouis dans le sédiment. Les Ascidies étant des ani¬ maux filtreurs, se nourrissent d’animaux ou de végétaux qui vivent dans leur milieu. Dans le cas des Ascidies interstitielles, la nourriture est aussi interstitielle, donc elle-même plus chargée en ions que pour une Ascidie d’eau libre. Nous avons vu que les eaux littorales sont plus riches en métaux que les eaux du large. Les sédiments grossiers sont essentiellement littoraux, et cela ajoute encore un argument à la proportion exceptionnellement élevée de ceux-ci en cuivre et autres métaux communs. Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 133 La toxicité du cuivre et du zinc, ou le blocage de certaines réactions enzymatiques nous fournissent une explication extrêmement simple à l’arrêt du développement que nous avons signalé chez les Ascidies inter¬ stitielles européennes. Nous avons cité les variations saisonnières de la teneur de l’eau de mer en cuivre à Plymouth, la proportion minimale se situant au début du mois d’octobre. Ce résultat n’a aucune raison de ne pas être général sur les côtes françaises. Or, cette faible teneur en cuivre correspond justement pour les Ascidies interstitielles à la période d’activité cellulaire intense : croissance très rapide et reproduction. Au contraire, en hiver, la teneur en cuivre est maximale. Cette teneur deviendrait toxique et pro¬ voquerait l'arrêt du développement des jeunes que nous avons constaté, justement en hiver. Au printemps, la croissance reprendrait lentement avec la diminution du taux de cuivre dans l’eau. De plus, si on imagine que cette toxicité ne s’exerce pas de la même manière sur les différents organes, si le seuil est dilîérent pour la brancliie, le tube digestif et les gonades, la néoténie s’explique. Les gonades subiraient moins l’action du cuivre et du zinc. Enfin l’action des métaux sur la fixation et la métamorphose expliquerait très bien aussi la biologie des têtards, qui, pour les espèces interstitielles, ne nagent pas et effectuent leur métamorphose de façon très accélérée. Presque tous les caractères qui faisaient l’originalité biologique des Ascidies interstitielles se trouveraient donc expliqués de façon rationnelle. Les convergences entre les formes des diverses familles sont moins étonnantes puisque l’action du milieu joue un rôle essentiel. Nous verrons ultérieurement que ce raisonnement s’applique aussi en ce qui concerne les Ascidies des grands fonds. Il serait très intéressant d’entreprendre des séries d'élevages pour vérifier l'influence de ces actions chimiques. Mais aussi séduisante que soit l’action des ions métalliques, nous ne devons pas encore y attacher trop d'importance pour l'instant. Il est cer¬ tain qu'une action biologique s'exerce par l’intermédiaire des métaux, mais les expérimentations ne sont pas suflisanlcs pour une allirmation caté¬ gorique. Bien que de nombreux problèmes semblent trouver une solution, il ne faudrait pas considérer un seul facteur intervenant dans l’évolution des Ascidies, phénomène impensable en biologie animale. QUELQUES RÉFÉRENCES A PROPOS DES IONS MÉTALLIQUES CHEZ LES ASCIDIES Azema (M.), 1937. — Recherches sur le sang et l’excrétion chez les Ascidies. Ann. Inst. Ocèanogr. Monaco, 17, (1-150). Azema (M.) et Pied (IL), 1930. — Recherches du Vanadium dans le sang des Ascidies. G.II. Acad. Sci. Paris, 190, (220-222). Berrill (N. J.), 1930. — St.udies in Tunicatc development. V Évolution and classification. Phil. Trans. Boy. Soc. London, ser. B, 226, (43-70). Bertholp (L. M.) et Mast (S. O.), 1914. — Metamorphosis in the larva of Tunicate Slyela parlita. Biol. Bull., 87, (166). Bertrand (D.), 1950. — Survey of contcinporary knowledge of biochemistry. 2 — The biogeocheinistry of vanadium. Bull. Amer. Mus. Nat. Ilist., 94, 7, (407-455). 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Source : MNHN, Paris Source : MNHN, Paris Chapitriî IX CONVERGENCES ENTRE LES ASCIDIES INTERSTITIELLES ET QUELQUES ASCIDIES DES GRANDS FONDS OCÉANIQUES Nous avons déjà parlé de la bibliographie nécessaire pour la compa¬ raison des espèces interstitielles, aux espèces décrites. Nous avons en même temps prêté une attention particulière aux genres aberrants de la littérature. Bien entendu nous ne parlons toujours que d'Ascidies simples. Au cours de nos lectures successives, nous avons appris l'existence d’animaux d'habitus parfois très semblables à ceux que nous trouvions nous même. Nous avons été tout particulièrement frappée par les travaux effectués par les grandes expéditions, ceux de Millar surtout, qui décrivent les Ascidies récoltées dans les grands fonds océaniques au-dessous de 2 000 ou 3000 mètres et jusqu’à plus de 6 000 mètres de profondeur. La biologie de ces Ascidies des grands fonds était évidemment très attirante, mais aussi la variété de leurs adaptations morphologiques. Habituée à porter une attention toute, particulière aux petites espèces, au cours de la lecture de ces travaux, nous avons remarqué une division nette des Ascidies des grands fonds en deux groupes : de grandes espèces de l’ordre du centi¬ mètre et plus, et de plus petites, de taille parfois très inférieure au centi¬ mètre. Cette distinction n’apparaît évidemment pas dans les descriptions et les listes d’espèces publiées par les grandes expéditions. Elle n’apparaît pas non plus dans les chapitres qui concernent leur répartition géographique ou les conditions écologiques où elles vivent. Pour nous cependant, la diffé¬ rence entre les deux catégories de taille va prendre une toute autre signi¬ fication. La petitesse de quelques espèces (par exemple Dicarpa simplex Millar 1955, ou Dicarpa pacifica Millar 1961, ou bien encore Cncmidocarpa plalybrancliia Millar 1955) a tout d’abord attiré notre attention. Il n’est pas du tout question pour nous de considérer comme interstitielles ces espèces des grands fonds qui vivent dans la vase. Pourtant une comparaison s’impose. La réduction de taille n’est pas seule en cause dans les ressemblances entre les petites formes des deux milieux. Pour les formes de sable comme pour les animaux de fines vases profondes, nous ne considérons que des Ascidies simples. Les Ascidies composées sont rares à grande profondeur. Millar avaiL déjà remarqué ce caractère en 1955, dans son étude de la collection rapportée par l’expédition suédoise : « A high proportion of the species of abyssal ascidians are simple forms and a low proportion compound. The collection made by the Swedish Deep-sea Expédition contains no compound ascidians, a resuit whicli confirms the view that the simple forms arc belter adapted to abyssal conditions ». Les Ascidies simples de très petite taille ont des habitus extrêmement proches les uns des autres. J’ai donc repris systématiquement tous les ouvrages se rapportant aux Ascidies des grands fonds (1). J’ai retrouvé (1) Voir la bibliographie en fin île chapitre. Source : MNHN, Paris 138 FRANÇOISE MONNIOT à peu près exactement les mômes types d’organisation externe pour les animaux des sables et pour ceux des vases (il ne s’agit ici évidemment que des petites espèces). Par exemple, chez Dicarpa simplex nous avons un animal de deux millimètres environ, dont les siphons sont opposés, situés aux extrémités du corps, qui possède un long rhizoïde de 6 mm environ Fio. 35. — Dicarpa simplex Millar 1955 : A, spécimen entier; B, individu dont la partie droite a été enlevée; C, détail de la branchic; D, gonade. (D’après Millar 1955). inséré au milieu de la face ventrale (fig. 35). Cette forme est tout à fait comparable à ce que nous avons décrit dans les genres interstitiels Psam- moslyela et Helerosligma. Pour Dicarpa pacifica (fig. 36), Cnemidobranchia platybranchia (fig. 37, A) Hemislyela pilosa, nous n’avons plus un fin pédoncule, mais une série de rhizoïdes, denses ou plus ou moins espacés, en bouquets ou en couronnes Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 139 des siphons un peu plus rapprochés l’un de l’autre. Ces habitus font penser immédiatement à nos espèces du genre Polycarpa. Le corps a une tunique ferme, souvent couverte de débris divers, ce qui constitue une ressemblance supplémentaire. Par contre, les siphons sont toujours nus, pour les formes de sable, comme pour celles de vase. Fig. 36. — Dicarpa pacifia Millar 1964 : A et B, habitus; C, rhizoïde; D, tentacules atriaux d'un spécimen; E, tubercule vibratile; F, partie gauche de l'animal; G, détail de la branchie; H, gonade. (D’après Millar 1964). Chez Balhyslyeloïdes enderbyanus, une espèce beaucoup plus ancienne, puisqu’elle a été décrite par Michaelsen en 1904, les siphons sont aussi opposés, l’animal est couvert d’un chevelu de rhizoïdes. Cette forme ressemble aussi bien aux petits Polycarpa de sable qu’à la Molgula hirla décrite plus haut. Les Phlébobranches de petite taille sont aussi représentées dans les grands fonds : je pense particulièrement à deux espèces : Agnesia depressa Millar 1955 (fig. 37, B) et Abyssascidia pediculata Sluiter 1904. Mais en Mémoires du Muséum. — Zoologie, t. XXXV 10 Source : MNHN, Paris 140 FRANÇOISE MONNIOT profondeur comme dans le sable, les Phlébobranches ne présentent pas une morphologie externe beaucoup plus caractéristique pour les espèces de petite taille libres, que pour les espèces de grande taille fixées. En ne parlant toujours que de l’habitus, les grandes espèces de pro¬ fondeurs sont beaucoup plus variées de forme et beaucoup plus aberrantes que les formes naines; elles possèdent, soit d’immenses prolongements les soulevant au-dessus du fond (g. Culeolus Herdman 1881) et des siphons Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 141 rapprochés sur la face dorsale, ou encore de grandes expansions tunicales qui bordent les siphons : disposées en ailes chez Dicopia fimbriata Sluiter 1904; étirées en lambeaux multiples chez Octacnemus bythius Moseley 1876; lobées et épaissies le long d'une fente chez Hexacrobylus indicus Oka. Pour Plerygascidia mirabilis Sluiter, les orifices sont couverts d'une sorte de cupule membraneuse, formant casque. Au contraire, pour les petites espèces la forme est toujours ramassée, arrondie, et sans expansions autres que les rhizoïdes. Les siphons, en parti¬ culier, sont toujours simples et assez courts. Voyons maintenant comment se présente l’organisation interne des formes naines des grands fonds. Certaines convergences nous ont, là encore, laissée un peu étonnée, et cela d’autant plus que les caractères les plus proches les uns des autres pour les animaux des deux milieux sont justement ceux auxquels on avait attribué le plus d’importance dans le chapitre systématique des Ascidies endopsammiques littorales. Voyons quelques exemples : les siphons dans les petites espèces de vase sont écartés, et toute la morphologie interne s’en trouve modifiée. C’est surtout le tube digestif qui est concerné en premier lieu. L’estomac se trouve placé dans la partie tout à fait posté¬ rieure de la branchie, on pourrait presque dire : sous la branchie. Au lieu d’avoir la forme d’un S, la plus commune chez les Ascidies, il a souvent la forme d’une simple boucle disposée de telle sorte que la partie terminale de l'intestin, le rectum, atteint directement le siphon cloacal. De toutes façons, la boucle intestinale est très basse ( Dicarpa simplex, Dicarpa pacifica, Cnemidocarpa plalybranchia, Cnemidocarpa bathyphila, Balhystyeloïdes enderbyanus, Hemislyela pilosa, etc.). L’estomac reste simple, typique de la famille à laquelle appartient l’Ascidie. Il faut signaler ici que presque toutes les petites Stolidobranches des fonds océaniques appartiennent à la famille des Slyelidae. Or, dans cette famille, le tube digestif est très peu susceptible de variations. Il existe cependant une exception pour Hemislyela pilosa Millar 1955, qui possède sur l’estomac des sortes de papilles rappelant un peu celles des Pyuridae. Cette espèce est d’ailleurs considérée par Millar comme pouvant être un inter¬ médiaire entre les Styelidae et les Pyuridae. En dehors des papilles dont nous venons de parler elle possède un raphé en languettes, une gonade de chaque côté, mais la gonade gauche placée sur l’estomac n’a aucune trace d’endo¬ carpes. Cette espèce est de toutes façons très primitive. Il est dommage que les auteurs qui ont décrit les Ascidies de profondeur n’aient jamais parlé des tissus conjonctifs. Il serait très intéressant de savoir s’ils sont aussi bien représentés que chez les Ascidies interstitielles. Le rôle de ces tissus n’est certainement par le rôle habituel d’emballage qu’on leur attribue puisqu’il occupe un volume important dans des individus extrê¬ mement petits, déjà très comprimés dans leur tunique (1). Chez les Ascidies des grands fonds la branchie devient soit très simplifiée, soit aberrante. On constate, soit une réduction du nombre de plis branchiaux [Polycarpa albalrossi (Van Name) 1912], soit leur suppression complète fCnemidocarpa plalybranchia, g. Dicarpa). Les stigmates eux-mêmes sont simples ou transverses (g. Balhystyeloïdes). (1) Pour les Ascidies des grands fonds provenant de l’expédition américaine : ■ ATLANTIS II . que nous venons de recevoir, ['importance du tissu conjonctif confirme notre hypothèse. Source : MNHN, Paris 142 FRANÇOISE MONNIOT Très souvent, il y a aussi une simplification chez les Phlébobranches, par exemple des stigmates spiralés de quelques tours seulement chez Agnesia depressa Millar 1955, des papilles en languettes régulières chez Abyssascidia pediculata. Il y a des simplifications plus étonnantes encore; par exemple chez Cnemidocarpa bylhia (Herdman) 1882, le raplié est resté à l’état de languettes isolées. Nous avons vu que ces languettes représentent le stade jeune et primitif du raphé au cours du développement du genre Heterostigma. Il en est peut-être de même chez les Styelidae, mais nous n’avons pas réussi à le démontrer. Les organes sexuels sont aussi atteints par cette simplification géné¬ rale : la plupart du temps il n'y a plus qu’une gonade de chaque côté (g. Dicarpa, Cnemidocarpa platybranchia, C. bylhia, C. bathyphila, Hemistyela pilosa, Balhystyeloïdes enderbyanus) ou un nombre réduit de polycarpes (3 à droite et 2 à gauche chez Polycarpa albatrossî). En conclusion, la simplification générale des organes est commune aux espèces vivant dans le sable littoral et aux espèces situées au niveau de la vase des grands fonds, jusque dans les caractères les plus variables, les tentacules par exemple, très peu nombreux dans les deux cas, tubercule vibratile en bouton arrondi, les endocarpes très peu développés. A un premier degré nous avions attribué les ressemblances des espèces psammiques entre elles, de familles pourtant différentes, à une adaptation, dans une direction donnée, à un milieu très caractérisé et très constant. Ce milieu est si bien défini et si isolé parmi les autres sédiments qu’il nous semblait pouvoir abriter seulement les espèces capables de s'adapter dans un seul sens, quelle que soit leur position systématique. Pour les Stoli- do branches on considère alors les modifications suivantes ; allongement du corps, croissance de rhizoïdes, simplifications internes et néoténie, condensation du développement. Pour les Phlébobranches, la fixation s’effectue non plus sur un support unique par toute une face du corps mais par de multiples points, fixation faible, adaptée à un milieu très fragmenté. L’organisation interne est aussi juvénile, mais la présence d’un début d’incu¬ bation est certaine. Tout se résume pour ces deux ordres et dans le milieu interstitiel, à une néoténie, comme nous l’avons déjà vu dans un chapitre antérieur. Observons maintenant ce qui se passe dans les vases des grands fonds, extrêmement fines et toutes en eau peu renouvelée. Cette fois les animaux ne vivent certainement pas dans le sédiment, mais à sa surface (une sorte de preuve nous en est donnée puisque personne n’a jamais signalé la pré¬ sence de vase dans le tube digestif ou la branchie). Pourtant on constate pour les petites formes, le même écartement des siphons, le même déve¬ loppement de rhizoïdes, la simplification de l’anatomie interne. Ici aussi la branchie paraît juvénile ou aberrante. Ces animaux, géographiquement très éloignés présentent des conver¬ gences remarquables, bien qu’ils peuplent des milieux meubles il est vrai, mais très différents. Les adaptations réalisées dans le même sens, ont la même « efficacité ». C’est à dessein que j'emploie ce dernier terme. Nous avons déjà discuté des avantages que représentent les dispositions ana¬ tomiques des Ascidies interstitielles pour le mode de vie endopsammique. Voyons si cette morphologie similaire des Ascidies des grands fonds pos¬ sède le même intérêt ou s’il s’agit d’une phylogénie commune, ou tout Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 143 simplement d'un hasard. Malheureusement, ce genre de discussion devient très difficile si l’on pense que les deux groupes ont été extrêmement peu étudiés. Les Ascidies interstitielles sont de découverte très récente et elles n’ont été récoltées jusqu’à présent qu’en Europe. Pour les Ascidies des grands fonds, leur répartition est actuellement plus étendue, mais elles n’ont été rapportées que par les grandes expéditions, dont le nombre est réduit. Ces expéditions suivaient un parcours défini et leurs prélèvements sont sporadiques par rapport à la surface de sédiment habitable. Il est d’ailleurs remarquable de constater que dans chaque compte rendu publié, le pour¬ centage d’espèces nouvelles est très élevé par rapport au nombre d’espèces déterminées. Des études physicochimiques poussées des conditions de vie dans les grands fonds sont actuellement en cours. Il a déjà été démontré que les interactions ioniques avaient une importance considérable à grande pro¬ fondeur, dans la zone de dépôt des micro-organismes, radiolaires, globi- gérines, etc... Cette zone est le siège d’une activité chimique intense. Les articles de vulgarisation sur ce sujet se sont eux-mêmes multipliés; ils ont cité le phénomène curieux des accumulations de nodules de manganèse formés par attractions ioniques, qui avaient été récoltés par l’expédition de H.M.S. Challenger. Or nous savons que les Ascidies contiennent du man¬ ganèse. Ces connaissances modernes sur les activités biochimiques intenses du fond des mers nous confirment dans l’idée qu’une influence des ions libres doit agir tout particulièrement sur le développement des Ascidies. C’est ici qu’intervient l’importance de la séparation arbitraire que nous admettons entre les espèces de petite taille et les grandes espèces pour les Ascidies profondes. Les Ascidies naines incapables de se soulever au-dessus du sédiment subiraient une action chimique importante, due à la division du sédiment et à sa composition très particulière (action qui peut s’exercer soit directement, soit par l'ingestion de micro-organismes ayant absorbé des ions). Elles seraient alors freinées dans leur développement et leur évo¬ lution, au même titre que les Ascidies endopsammiques comme nous l’avons supposé dans le chapitre précédent. Au contraire, les Ascidies de grande taille, sur des vases aussi profondes mais soulevées sur de longs pédoncules ou tout simplement des animaux qui ont des siphons sur leur face supé¬ rieure, protégés par des lobes ou des systèmes filtrants, écartés du sédiment par l’épaisseur importante de leur corps, subiraient l’action directe des vases avec un effet amoindri. Les formes aberrantes que l’on rencontre chez ces espèces témoignent d’une évolution cette fois très poussée. La concentration des ions à quelques centimètres au-dessus du sédiment plus faible qu’à sa surface favoriserait alors le développement et la croissance des grandes Ascidies. Le phénomène est très bien connu, dans le règne animal comme dans le règne végétal : un agent chimique favorable à une faible concentration peut devenir très nocif à une concentration légèrement supérieure. On peut appliquer ce principe aux Ascidies des grands fonds. Parmi les auteurs qui ont étudié ces animaux si particuliers, aucun n’a tenté d’interpréter l’étrangeté des formes ni la diversité morphologique. Nous n’avons jamais trouvé de références à ce sujet. Il est techniquement très difficile de prélever de l’eau à la surface même du sédiment et à une dizaine de centimètres au-dessus à de pareilles profondeurs pour effectuer des dosages très précis. Source : MNHN, Paris 144 FRANÇOISE MONNIOT Ârnback-Christie-Linde (A.). 1928. — Northern and Arctic invertebrates in the collection of the swedish State Muséum. Tunicala, 3 Molgulidae and Pyuridae. Iiungl. Svenska. Vetensk. Akad. Handlingar, ser. 3, 4. n° 9, (4-101), 3 pl. Stockholm. 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Envisageons en premier lieu les caractères anatomiques, les plus faciles à étudier : 1) L’animal est symétrique chez les Slyelidae (sauf pour le tube digestif qui l’est au départ, puis passe sur la face gauche), les gonades, la branchie, les endocarpes sout semblables des deux côtés. Chez les Pyuridae, la symétrie est altérée par la présence d’une seule gonade à droite, ainsi qu’une cavité incubalrice. Elle est plus nette chez Molgula hirla. Les Phlé¬ bobranches sont asymétriques, caractère normal pour les familles aux¬ quelles elles appartiennent. Donc il faut abandonner la symétrie comme caractère primitif, puisque l’on trouve les deux cas opposés. 2) Par contre, la simplification du tube digestif est plus constante mais là, nous devons séparer Stolidobranches et Phlébobranches. Chez les Stolidobranches, il n'y a ni complication de courbures, ni ornementa¬ tions, ni variations de diamètre... Les plis et le cæcum pylorique des Slyelidae représentent la forme la plus simple pour la famille, le foie des Pyuridae constitué de papilles isolées régulièrement réparties est un organe simple aussi, et la Molgulidae possède une boucle intestinale banale. Chez les Phlébobranches, au contraire, aussi bien pour Dexlrogasler que pour Psam- mascidia l’intestin est différencié en plusieurs parties. Or, cette compli¬ cation ne représente pas la structure commune des deux familles Ascidiidae et Corcllidae. Nous avons à faire dans ce cas à deux facteurs importants : une convergence remarquable entre les deux genres d'Ascidies interstitielles, et une différenciation qui pourrait marquer un passage, ou un reste évolutif entre les Phlébobranches et une famille tout à fait différente et stoloniale, les Perophoridae. Pour le tube digestif, il nous faut donc conclure à une structure pri¬ mitive chez les Stolidobranches, et à un état soit évolué, soit régressé chez les Phlébobranches, mais nous pensons plutôt à un caractère évolué. 3) Les gonades des genres d'Ascidies mësopsammiques ne sont pas toutes caractéristiques de la famille à laquelle elles appartiennent. Les Styelidae à polycarpes arrondis hermaphrodites, sont banales à ce point de vue ainsi que la Molgule. Mais il en est tout autrement chez les Pyuridae. Source : MNHN, Paris FRANÇOISE MOKNIOT 146 Les gonades, dans cette famille, sont le plus souvent symétriques, la gonade gauche prenant place sur le tube digestif. Ici la gonade gauche a disparu. Mais la gonade droite au lieu de s'étaler et de s’appliquer sur le manteau, est rassemblée en une seule masse, bien isolée, étroitement appliquée à la branchie. Sa forme est très nettement définie dans chaque espèce et les conduits génitaux sont différenciés. Donc, dès maintenant, ces caractères permettent de dire que cette gonade est évoluée. Chez les Phlébobranches il en est de même. La gonade est normalement diffuse sur la boucle intestinale. Or, celle de Psammascidia est divisée en lobes $ dans sa portion périphérique, réunis en une masse compacte au niveau de l’oviducte, tandis que les éléments restent en contact avec l’estomac et l’ovaire, sans s’y mêler. Il y a dans cette disposition une dif¬ férenciation nette par rapport aux autres genres de la famille. De même chez Dextroaasler la gonade bien isolée à éléments (J et $ accolés mais séparés, l’oviducte dilaté en une cavité de maturation des œufs, montre une évolution par rapport au type moyen des Corellidae. i) Enfin la branchie, point essentiel de la discussion, peut être inter¬ prétée dans un sens comme dans l’autre. Sans prendre position, on peut dire que dans tous les cas elle représente un stade jeune pour les spécimens de chaque famille, et cela pour les Stolidobranches comme pour les Phlé¬ bobranches. Aucune complication, aucune ornementation ne vient s’ajouter sur cette branchie. Nous avons vu précédemment que cette structure de larve était due probablement à une néoténie, due à l’intervention de fac¬ teurs physicochimiques du milieu. Cette hypothèse d’individus jeunes, néoténiques parce qu’ils ont subi un arrêt de développement, est séduisante : elle correspond très bien aux dispositions morphologiques que l’on rencontre. Malheureusement, il est difficile de l’accorder avec les notions que l’on a sur l’évolution. D’après ce que nous venons de dire de la branchie, il faudrait considérer les Ascidies interstitielles comme des animaux extrêmement primitifs, situés à la base de chaque famille. Leur habitat commun, mais géographiquement très morcelé, très spécialisé, les isolerait par groupes dans une sorte d’endémisme (voir chapitre sur le milieu). En un sens, chaque genre d’Ascidie inters¬ titielle serait proche d’un « archétype ». Malheureusement, cette théorie très satisfaisante par sa simplicité se heurte à quelques critiques que l’on ne peut manquer de faire : comment considérer que cette néoténie est elle-même primitive ? Elle a toujours été admise comme un signe d’évolution dans tous les groupes animaux et elle ne peut être mise en doute pour les Ascidies interstitielles. Il y a là une contradiction importante. Il deviendrait alors beaucoup plus simple et plus commode de dire que les caractères que nous avons considérés comme primitifs sont en réalité régressés. Mais il ne reste aucun signe d’une évolution antérieure de la branchie. Chez les animaux considérés comme évolués de nombreux stades du développement branchial sont condensés au départ. Au contraire, pour les Ascidies interstitielles, ils semblent développés. L’explication chimique, d’une action très active sur la vitesse de développement même si elle agit sur la branchie tout particulièrement, ne nous paraît pas tout à fait suffisante pour élucider le problème. Il faut penser que pour les autres organes, et en particulier pour les gonades il n’y a pas de structures primi¬ tives, mais bien au contraire des formations particulièrement évoluées. Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 147 beaucoup plus différenciées que dans la plupart des Ascidies fixées. Nous allons voir maintenant que cette évolution poussée du système reproduc¬ teur n’est pas simplement une forme et une disposition des gonades, mais qu'elle concerne tout le développement. •5) Les Slyelidae et les Pyuridae sont incubatrices. Chez les premières les têtards sont fixés isolément dans des logettes creusées dans la paroi branchiale elle-même. Cela n’existe nulle, part ailleurs. C’est une structure particulièrement bien adaptée, donc évoluée, puisque les œufs et les têtards se trouvent dans la position la plus favorable pour une bonne oxygénation Chez les Heterostigma, il existe une cavité incubatrice différenciée, limitée par un tissu parfaitement isolé, ce qui n’existe dans aucune autre Pyuridae sauf dans le g. Cratosligma très proche et qui vit aussi dans le sable, sans être interstitiel. Cette cavité incubatrice bien isolée constitue un véritable organe; il n’est vraiment pas possible de le considérer autrement que comme très évolué. D’autre part, les larves après leur période d’incubation, dans les deux familles, ont perdu la faculté de nager. Au lieu d’être pélagiques ce qui représente le cas normal, elles sont benthiques. Là encore il faut se rendre à l’évidence d’une évolution non négligeable. C’est d’ailleurs l’opinion de Delamare Deboutteville (1960, p. 130). D’autres facteurs plaident en faveur d’animaux évolués, par exemple le gonochorisme de H. yonochorica. Mais une discussion est possible à ce sujet, le cas reste exceptionnel. Des détails pourraient plus sûrement jouer un rôle : nous pensons par exemple aux tentacules des Pyuridae. Ils sont simples chez les Ascidies interstitielles et composés dans le cas général. Est-ce en faveur d’un animal primitif ou régressé ? Chez H. gonochorica, pour quelques exemplaires, les tentacules sont bifides. Il y a donc bien eu évolution ou régression puisqu'il existe au moins un intermédiaire. Là encore on pourrait invoquer la néoténie : les jeunes Pyuridae ont des tenta¬ cules simples. Toute cette discussion à propos de la morphologie peut se résumer en deux éléments principaux et opposés : la structure primitive incontes¬ table de la branchie, et la marque d’évolution avancée du système repro¬ ducteur. Si la morphologie ne peut nous dire si les Ascidies interstitielles sont vraiment évoluées ou très primitives, l’écologie de ces animaux apportera peut-être quelques précisions par de nouveaux éléments de discussion. Les Tuniciers sont fort anciens, bien qu’on ne les connaisse malheu¬ reusement pas à l’état fossile. Il serait pourtant très intéressant de savoir si les toutes premières Ascidies qui ont existé vivaient fixées sur les rochers, ou libres dans les sédiments meubles. Il est d'ailleurs possible que les deux cas aient été simultanés ou presque. Cependant, il y a une raison au moins qui nous incite à penser que les premières Ascidies étaient fixées : toutes les larves, qu’elles appartiennent aux ascidies simples de n’importe quelle famille, ou aux Ascidies composées, possèdent des organes de fixation qui entrent en action à la métamorphose. Quelle que soit la forme sous laquelle l’embryon se présente, têtards planctoniques ou larves anoures de certaines Molgules, ou encore têtards benthiques des Ascidies interstitielles, la métamorphose s’efTectue quand l'animal se fixe, qu’il se libère ou non par la suite. Donc le stade fixé est tout à fait fondamental et ne souffre aucune exception chez les Ascidies Source : MNHN, Paris 148 FRANÇOISE MONNIOT Si on imagine alors, à l’origine, une vie fixée des Ascidies, les formes libres en dériveraient, probablement de façon précoce, mais certainement à plusieurs époques successives, les divisions systématiques étant déjà constituées. On pourrait admettre, mais nous rentrons ici dans le domaine des hypothèses, que les Ascidies interstitielles se seraient isolées séparément de chaque groupe systématique, au niveau de la famille. Elles auraient colonisé les milieux meubles grossiers et s’y seraient adaptées. Primitives au départ elles auraient évolué dans le sens de la famille mais inégalement pour tous leurs organes. Les conditions difficiles du milieu auraient provoqué à la fois leur néoténie, et une évolution indispensable du système reproduc¬ teur et musculaire. Les difficultés de survie les confinent obligatoirement dans des stations de faible extension et très éloignées les unes des autres. Cette survie en micro-milieux d’animaux d’origine ancienne et très iné¬ galement répartis, fait penser aux « fossiles vivants ». L’interprétation est séduisante mais se heurte encore à de nouvelles critiques. Si l’hypothèse des fossiles vivants est admise, comment se fait-il que la faune d’Ascidies interstitielles soit si diversifiée, et qu’il existe un exemplaire au moins, adapté à la vie dans le sable dans chacune des familles d’Ascidies simples ? En conclusion nous admettrons provisoirement que les Ascidies inters¬ titielles proviennent des différentes familles d’Ascidies simples dès la cons¬ titution de leurs souches, qu’elles ont subsisté avec des caractères pri¬ mitifs tout en subissant une évolution propre et une série de régressions quant à la taille par exemple, la simplification ou à l’arrêt de la croissance de la branchie. Elles auraient acquis indépendamment, mais d’une façon convergente, la possibilité de se déplacer, d’incuber leurs embryons, et de se mettre en état de vie latente pendant une grande période de l’année. Source : MNHN, Paris CONCLUSIONS A la fin de cette étude morphologique, embryologique et écologique des Ascidies interstitielles découvertes par nous voici cinq ans (avec adjonc¬ tion de quelques espèces nouvelles), il nous est possible de brosser un tableau des points essentiels qui contribuent à donner à ce groupe un caractère hautement original parmi les Tuniciers. Diversité, adaptations et homogénéité profonde des Ascidies interstitielles. Nous avons déjà signalé la diversité des genres d'Ascidies endopsam- miques. Ils appartiennent à toutes les grandes familles d’Ascidies simples. Cette diversité dans la position systématique s’oppose à une convergence poussée de la morphologie. Les Ascidies interstitielles forment deux groupes dont chacun possède un habitus commun. Cette division correspond d’une part, à des animaux à tunique épaisse et résistante, adhérente au manteau, dont le corps arrondi est muni de siphons opposés ou très éloignés l’un de l’autre, extrêmement contractiles. L'animal est libre, même si des rhizoïdes fixent quelques grains de sable : il peut se déplacer par rapport au sédiment environnant. A ce premier groupe appartiennent les Styelidae, les Pyuridae et les Mol- gulidae. Un deuxième groupe est constitué d’Ascidies sans forme externe bien définie, à tunique molle et très transparente, reliée au manteau seulement au niveau des siphons. Immobiles, sans rigidité, ces animaux enrobent partiellement dans leur tunique les particules minérales environnantes; les rhizoïdes n’existent pas. Leurs seuls mouvements consistent en une rétraction du corps à l’intérieur de la tunique qui ne change ni de forme, ni de place. Dans ce groupe nous trouvons les Ascidiidae et les Corellidae. Ces deux types d'Ascidies interstitielles, d’allures très différentes correspondent à la grande coupure des Ascidies simples en deux ordres : les Stolidobranchiala pour les premières, les Phlebobranchiata pour les secondes. Malgré la présence de deux aspects morphologiques, l’unité des Asci¬ dies interstitielles est profonde et leurs adaptations à la vie dans les inters¬ tices conduisent à des convergences remarquables. Reprenons rapidement les modifications réalisées chez ces animaux par rapport à ceux des eaux libres : — La taille est réduite, à un tel point que les organes sont souvent comprimés et déformés chez les adultes en dépit de leur simplification. — La morphologie propre à chaque famille est abandonnée pour réaliser l’un des deux types dont nous venons de parler. Les convergences très poussées des habitus correspondent à des convergences dans l’orga¬ nisation interne : disposition du tube digestif, du réseau musculaire, des tentacules, etc. — Le moulage du corps sur la forme d'un interstice est réalisé grâce à une tunique molle ou déformable parce qu’elle suit la musculature. Source : MNHN, Paris 150 FRANÇOISE MON MOT — Le développement condensé et le petit nombre des jeunes existent dans les deux groupes d'Ascidies interstitielles. — L’incubation est générale. — La néoténie constante est indubitable quelle que soit l’espèce considérée. — Les exigences écologiques sont identiques (granulométrie, pro¬ preté du sédiment, mobilité et courants d’eau, richesse en micro-organis¬ mes). Les stations de récolte, dans chaque région abritent plusieurs espèces. Nous pouvons donc affirmer que toutes les espèces décrites au cours de ce travail sont réellement interstitielles et qu'elles ont réalisé des adap¬ tations de même ordre pour coloniser le sable, mais en choisissant deux formes de résistance au lessivage du sédiment : soit le développement de la musculature et des rhizoïdes, soit leur prolifération tunicale assurant une lixation permanente. Ces différences, qui correspondent à des structures typiques des deux ordres Stolidobranches et Phlébobranches n'ont que peu d'importance. Chez les grandes Ascidies d’eau libre, il existe d’ailleurs des intermédiaires. L'unité des Ascidies interstitielles s’oppose à la diversité des adap¬ tations que l’on rencontre chez les autres Tuniciers. Les principales oppo¬ sitions entre les animaux endopsammiques et les Ascidies qui étaient connues précédemment concernent essentiellement la néoténie, l’incubation, l’absence de larves planctoniques. D’autre part fa vie dans les interstices, pour le groupe d’animaux filtreurs le plus efficace représente un véritable tour de force. Rôle des Ascidies interstitielles dans la compréhension des Ascidies en général. — La branchie. Toutes les études du développement branchial des Pyuridae et des Styelidae ont été fondées jusqu’à présent sur l’embryogenèse et la croissance de grandes espèces évoluées. La branchie des Ascidies interstitielles s’édifie lentement et se stabilise à un stade encore très primitif. Chez les grandes espèces, au contraire, les premiers stades sont escamotés ou se succèdent très rapidement par condensation du développement. L’étude des Ascidies interstitielles a permis d’observer la branchie depuis son origine en suivant tous les stades successifs de son évolution, ce qui n’avait jamais pu être réalisé. La succession des stades jeunes a permis de mettre en évidence la différence fondamentale qui justifie au tout premier chef la séparation des deux familles Styelidae et Pyuridae. Les adultes sont pourtant assez proches les uns des autres, mais cette ressemblance entre les branchies des espèces communes n’est que superficielle et secondaire : une Pyura ou une Slyela possèdent des sinus longitudinaux groupés en plis au-dessus d’une lame fondamentale percée de stigmates droits. Voyons maintenant comment s’explique cette structure finale. Les Pyuridae interstitielles montrent l’ouverture successive de pro¬ tostigmates selon un gradient antéro-postérieur, puis la spiralisation qui résulte de la coupure des premières perforations en six tronçons qui pro¬ lifèrent. Chaque spirale, puis chaque infundibula se situe sous un sinus longitudinal principal. Cette spirale formée d'un seul stigmate se découpe Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 151 régulièrement ou non, de plus en plus fréquemment dans les espèces les moins primitives. On arrive ainsi à des infundibula dont le centre comprend toujours une spirale, mais dont la périphérie n’est plus constituée que de tronçons qui s’étendent entre les sinus longitudinaux et prennent l’allure de stigmates droits. Par la suite, chez les grandes espèces adultes, la spirale centrale arrive à disparaître complètement. Cependant, chez les jeunes des genres les plus évolués, on retrouve des spirales au sommet des plis branchiaux constitués de sinus longitudinaux secondaires venus s’ajouter au premier sinus fondamental. Chez les Slyelidae, au contraire, les protostigmates transversaux apparus comme chez les Pyuridae, se découpent simultanément en de très nombreux points. Chaque stigmate ainsi formé ne se spiralise pas, mais s’allonge dans le sens antéro-postérieur. La multiplication des stigmates s’effectue par cloisonnements transverses successifs, et allongement antéro-postérieur de chaque orifice. Les sinus longitudinaux se multiplient pour constituer des plis. Les stigmates des Slyelidae sont donc fondamentalement droits. La coupure systématique entre Slyelidae et Pyuridae se trouve renforcée par l'étude des Ascidies interstitielles, mais ces dernières ont surtout servi à démontrer (1) l’unité profonde de la famille des Pyuridae qui n’avait jamais été entrevue. Pour les autres familles, les Ascidies interstitielles apportent moins de renseignements. Elles rendent seulement compte, à l’état adulte, de la structure des jeunes de la même famille vivant en eau libre. Les très jeunes Phlébobranches interstitielles n’ayant pu être trouvées jusqu’à présent, aucune autre précision ne peut être donnée actuellement. — Appareil reproducteur. Si les Ascidies interstitielles montrent une structure branchiale extrê¬ mement primitive, il en va tout autrement pour le développement. Les Slyelidae sont généralement ovipares. Dans le milieu psammique nous assistons au contraire à une incubation très particulière. Les œufs restent d’abord au voisinage de l’ovaire après la fécondation, puis au cours du développement, les têtards se rapprochent de la branchie et y creusent des sortes de logettes. Ils subsistent là jusqu’au début de leur métamorphose. Ce mode d’incubation n’a jamais été décrit. Les Pyuridae interstitielles réalisent, elles aussi, un nouveau mode d’incubation. Après la ponte, les œufs sont accumulés dans une véritable cavité incubatrice, qui possède une paroi propre. Cette cavité existe chez un schI autre genre de Pyuridae : Cralosligma, mais il s’agit d’animaux enfouis dans le sable, très proches du genre Ilelcrosligma et dont les jeunes sont très certainement interstitiels. Nous assistons donc ici à la formation d’un nouvel organe. Les deux exemples que nous venons de donner témoignent d’une évo¬ lution très avancée. A un degré moindre un phénomène parallèle s'ébauche chez les Ascidiidae et les Corellidae interstitielles, qui incubent leurs œufs pendant un certain temps dans l’oviducte dilaté. En dehors des particularités d’incubation des œufs et de dévelop¬ pement condensé, rappelons ici le cas tout à fait aberrant de Helerostigma (1) Monniot (C.), 1965. — Étude systématique et évolutive de la famille des Pyuridae. Mém. Mus. Nul. tJisl. Nat., Paris, (Sous presse). Source : MNHN, Paris 152 FRANÇOISE MONNIOT gonochorica, dont les individus sont mâles ou femelles. L’existence d’une espèce à sexes séparés est unique chez les Tuniciers. Le gonochorisme avait été supposé chez quelques Polycitoridae (Ascidies composées). Mais les études récentes démentent ces résultats. Notre nouvelle espèce, Helerostigma gonochorica, est donc la seule Ascidie qui ne soit pas hermaphrodite. Importance des Ascidies interstitielles au point de vue évolutif. Les Ascidies endopsammiques présentent à la fois des caractères très primitifs (la structure branchiale par exemple) et des caractères très évolués dans leur mode de reproduction. A notre avis, on peut considérer qu’il s’agit bien d’espèces primitives, mais ces espèces, dilïérenciées très tôt, auraient acquis séparément des caractères adaptatifs évolués, nécessaires à leur survie dans le milieu inters¬ titiel. Ces adaptations ont d’ailleurs eu lieu dans le même sens que celles réalisées par tous les autres groupes interstitiels. Il est curieux de remarquer que nos petites Ascidies appartiennent sans doute possible, à des familles déjà existantes. Il semble qu’elles se soient isolées dans ces familles au moment où celles-ci étaient déjà très nettement séparées les unes des autres. Tous les auteurs sont d’accord pour admettre une différenciation très ancienne des Tuniciers. Les Ascidies psammiques auraient donc eu tout le temps nécessaire pour s’adapter. 11 est fort probable que cette adaptation n’a pas eu lieu dans tous les sédiments meubles, mais seulement dans un type de sable très particulier en raison de la différenciation déjà poussée de ces Ascidies au moment dé la conquête du milieu meuble. Nous avons la chance dans la famille des Styelidae de voir plusieurs intermédiaires dans l’adaptation à la vie psammique, avec des espèces qui vivent en profondeur dans le sable et y effectuent tout leur cycle, tandis que d’autres se rapprochent progressivement de la vie en eau libre. En partant de la surface du sable vers la profondeur nous trouvons tout d’abord de nom¬ breuses espèces libres, posées sur le sédiment plus ou moins fin. Ensuite nous rencontrons le genre Cnemidocarpa dont les individus adultes, plus gros, possèdent une partie de leur corps dans le sable, l’autre hors du sable- malheureusement, nous ne connaissons par les stades jeunes de ces formes' Un peu plus profondément se situent des espèces du genre Polgcarpâ ( P. penlarhiza, P. arnbackae,) dont les jeunes ont la situation et la morpho¬ logie des Psammostyela tandis que les adultes se rapprochent de l’eau libre. En dernier lieu, nous trouvons le genre Psammostyela qui effectue la totalité de son cycle en profondeur dans le sédiment. La série hypothétique que nous venons d’envisager n’a pas la prétention de représenter l’évolution de la famille des Styelidae dans les milieux meubles On pourrait imaginer également la même série, mais en sens inverse. Il est plus raisonnable de penser qu’il existe des intermédiaires entre les espèces franchement interstitielles et des espèces qui vivraient plus en surface du sable à l’état adulte. Mais cette hypothèse ne pourrait être vérifiée que sur des fonds accessibles en plongée. Il faudrait observer sur place s’il y a des jeunes dans les couches inférieures de sable et des individus de taille et de maturité croissante en remontant vers la surface du sédiment. Ce travail est assez difficile à entreprendre puisqu’il faudrait trouver une espèce en assez grande abondance, et facilement repérable dans le sable. Source : MNHN, Paris ASCIDIES INTERSTITIELLES 153 Emploi possible des Ascidies interstitielles par les différentes disciplines de la biologie. Les recherches d’embryogenèse semblent particulièrement indiquées sur ce type de matériel : l’incubation des têtards jusqu'à leur métamorphose, réunis dans une poche incubatrice ou isolés au contact de la branchie, permet d’obtenir tous les stades sans dispersion des animaux. Les artefacts dus aux élevages sont supprimés puisque l’adulte peut être fixé dès sa récolte. Les têtards ne subissent pas les conséquences d'un séjour en milieu artificiel. Les conditions strictes de l'habitat permettent de reproduire un milieu voisin du milieu naturel et favorisent ainsi les expériences de biochimie. Toutes sortes d'influences peuvent être envisagées sur les jeunes comme sur les adultes. Les physiologistes qui se sont intéressés à un type d’organe : tunique, foie, organes excréteurs, gonades, système nerveux, peuvent tenter des analyses histochimiques après expérimentations, facilitées par le nombre réduit des cellules chez les Ascidies interstitielles. Des études sur la détermination du sexe ou l’existence d’hormones sexuelles seraient à entreprendre parallèlement sur les individus herma¬ phrodites et l’espèce gonochorique. Un sujet beaucoup plus moderne a été envisagé et nous allons en entreprendre maintenant l’étude. Il s’agit de la « sex-chromatine ». Cette substance encore mal connue existe dans tous les noyaux des cellules de mammifères et se présente différemment selon le sexe. Chaque tissu, quel qu'il soit, est orienté chez les vertébrés dans une voie mâle ou femelle. Les Ascidies, à la base des chordés, possèdent peut-être des substances nucléaires similaires. Il serait particulièrement intéressant de les rechercher dans divers organes, à la fois dans les espèces hermaphrodites et les espèces gonochoriques. Cette étude sera entreprise en collaboration avec des médecins. Enfin, nous avons parlé longuement de l’aclion des ions métalliques sur la croissance des Ascidies. Les résultats acquis pour les grandes espèces d'eau libre devraient être vérifiés pour les Ascidies interstitielles. Ces expé¬ riences n'ont pas encore été entreprises pour plusieurs raisons : les diffi¬ cultés d’élevage, la collaboration des biochimistes pour les dosages, la pré¬ sence indispensable dans un laboratoire marin pendant une très longue période. Nous comptons cependant reprendre cette question plus tard. Biogéographie des Ascidies interstitielles. Celles-ci semblent liées aux sédiments grossiers, propres, meubles et situés dans des courants. La répartition, avec de pareilles exigences, est forcément discontinue. Les fonds peuplés par ces petites Ascidies se réduisent parfois à quelques dizaines de mètres carrés. Or, nous retrouvons les mêmes espèces dans des stations très éloignées. Comment un animal très adapté, exclusivement endopsammique pendant la totalité de son cycle, peut-il s’étendre dans la zone infralittorale essentiellement constituée de fonds où sa vie est impossible ? Comment admettre une évolution stricte¬ ment parallèle en chaque point ? Il faut imaginer des séries d’hypothèses sur des transformations des fonds au cours des temps géologiques. Nous n’abor¬ derons pas ces problèmes d’autant plus ardus que les fossiles n’existent pas. La biocénolique, actuellement en pleine évolution, devrait nous amener à replacer les Ascidies interstitielles dans un ensemble faunistique avec Source : MNHN, Paris 154 MONNIOT lequel elles auraient des relations réciproques. Malgré l’abondance de ces types de travaux, surtout dans le cas de milieux bien déiinis, nous ne par¬ lerons pas de faune associée aux Ascidies interstitielles. Dans un travail antérieur (1), nous avons donné la liste des espèces qui habitent le même milieu que nos Ascidies. Aucune n’a des exigences aussi strictes. Ces nom¬ breuses espèces vivent aussi dans les sédiments grossiers, voisins qui ne contiennent pas d'Ascidies. Il n’y a donc pas d’association stricte entre les animaux. Ceux-ci sont beaucoup plus liés aux conditions du milieu qu’à une vie en commun. La nourriture des formes endopsammiques semble d’ailleurs similaire et n'est pas assez stricte pour agir dans les sables voisins. Les facteurs physiques du sédiment jouent à notre avis un plus grand rôle. Nous dirons seulement, avec beaucoup de précautions, que l’action filtrante des Ascidies interstitielles peut agir sur l’eau interstitielle. Mais la densité des populations est sans doute trop faible pour que ce rôle soit pris sérieusement en considération. Inversement la microfaune du sable peut favoriser la vie des Ascidies en évitant le tassement du sédiment et en favorisant la circulation de l'eau. Mais, à notre sens, le seul rôle important de la faunule du sable est de débarrasser le sédiment d’un excès de bactéries par son mode de nutri¬ tion. Ce résultat a été vérifié expérimentalement. Mais ce rôle de la micro¬ faune est le même, quelles que soient les espèces considérées. Peul-on imaginer d'autres li/pes d'Ascidies interstitielles ? Nous n'avons étudié au cours de ce travail que les côtes européennes. 11 est possible qu’il existe d'autres Tuniciers, plus primitifs ou beaucoup plus adaptés, dans des régions où les conditions climatiques diffèrent là où les saisons n’existent pratiquement pas. Nous sommes malheureu¬ sement seule pour l’instant à avoir récolté des Ascidies interstitielles et nous n’avons aucune idée de la faune qui peut vivre en zone tropicale. II nous est cependant possible d’envisager un autre type d’Ascidies inters¬ titielles dans les zones chaudes et dans l'hémisphère sud. En effet, ces régions, contrairement à celles de l’hémisphère nord, possèdent peu d'Ascidies simples comparativement à la diversité d’Ascidies composées qu'elles abritent. Il est possible de soupçonner l’existence de formes bourgeonnantes agrégées en petites masses, appartenant à diverses familles à'Aptouso- branchiata (Ascidies composées). Des formes stoloniales pourraient aussi coloniser des sédiments plus stables. Si elles existent, ces Ascidies supposent des conditions de milieu différentes de celles que nous avons envisagées jusqu’à présent, et une prospection systématique devra être entreprise. Nous espérons avoir l’occasion de poursuivre nos recherches dans ce sens" (1) Monniot (F.), 1962. — Recherches sur les graviers à Amphioxus de Banyuls-sur-Mer; Vie et Milieu, 13, 2, (231-322). de la région Source : MNHN, Paris PLANCHES I à X Source : MNHN, Paris PLANCHE I En haut à gauche : Psammoslgela delamarei x 20; en haut à droite : Ilelerostigma fagei x 20; en bas : demi-branchie droite de Heterosligma fagei. Source : MNHN, Paris Mi- mou m; Mi i, Zoologie, Tome XXXV Pi.. I Source : MNHN, Paris PLANCHE II De gauche à droite et de haut en bas : trois stades successifs de dévelop¬ pement de Polijcarpa arnbackae x 20; individu de Psammascidia leissieri débarrassé des grains de sable. Source : MNHN, Paris Mémoires nr Muséum, Zoom Tome XXXV Pi.. II Source : MNHN, Paris PLANCHE III Hclerosligma separ En haut à gauche : deux adultes x 5, l’individu du bas émet des têtards par son siphon cloacal; en haut à droite : détail d’un individu et têtards; en bas : branchie d’un adulte. Source : MNHN, Paris Mémoires du Muséum Zoologie, Tome XXXV Pl. III Source : MNHN, Paris PLANCHE IV Helerosligma gonochorica n. sp. De gauche à droite et de haut en bas : femelle adulte x 20; disposition d’un siphon entre les grains de sable fixés sur la tunique; ampoules vas¬ culaires de la tunique vues par transparence; coupe d’un têtard dans la cavité incubatrice. Source : MNHN, Paris Pl. IV Mémoires iju Muselai, Zoologie, Tome XXXV Source : MNHN, Paris PLANCHE V Heterosligma gonochorica n. sp. De gauche à droite et de haut en bas : un lobe testiculaire; bordure d’un lobe testiculaire et spermiducte contenant des spermatozoïdes; deux détails de la spermatogenèse; début de la formation de l’ovaire; développement de l’épithélium ovarien. Source : MNHN, Paris PLANCHE VI Ilelerosligma gonochorica n. sp. De gauche à droite el de haut en bas : ovaire mûr, au centre : l’épithé¬ lium germinatif; ovaire et début de la cavité incubatrice; ovaire surmonté de la cavité incubatrice et gradient d’évolution des têtards. Source : MNHN, Paris Source : MNHN, Paris PLANCHE VII Heterosligma gonochorica n. sp. De gauche à droite et de haut en bas : testicule mûr; coupe in loto d’un très jeune mâle : on distingue deux lobules testiculaires prolongés par des canaux déférents ainsi que la branchie avec protostigmates et infundibula; détail de la glande hépatique montrant les deux types cellulaires et les globules de sécrétion; coupe d’un têtard dans la cavité incubatrice mon¬ trant la formation des fibres musculaires et l’épaisseur de la tunique. Source : MNHN, Paris Mémoires ou Muséum, Zoolo Jf) _ Source : MNHN, Paris PLANCHE VIII De gauche à droite et de haut en bas : sables des stations de Bonden; de Strommaranna ; de Byxeskâren (Suède) et d’Espegrend (Norvège). Source : MNHN, Paris un:. Tome XXXV Pi.. VIII n n m iiuiujj.jiijji!! iiii ii) 0 1 |rTcluu 1 2 3 cm Mémoires ur Muséum, Zoomk Source : MNHN, Paris PLANCHE IX De gauche à droite et de haut en bas : sables 12 m; de Bloscon 8 m; de Térénez (Roscofï) et des stations de Bloscon de Fondachello (Sicile). Source : MNHN, Paris Mémoires du Muski Zoo loi; h;. Tome XXXV Pl. IX Source : MNHN, Paris PLANCHE X De gauche à droite et de haut en bas : Sables de Banyuls-sur-Mer des stations d’Argelès; d’OuIlestreil; des Elmes et du Troc. Source : MNHN, Paris Mémoires h Muséum, Zoologie, Tome XXXV Pi.. X Source : MNHN, Paris Source : MNHN, Paris Achevé d’imprimer le 30 Septembre 1905. Le Directeur-Gérant : Professeur Ciiabaud. 58î49- — l'np. Labure, 9, rue de Fleuras. Paris (6*). Dépit légal : 3 * trimestre 1965. Source : MNHN, Paris Source : MNHN, Paris Source : MNHN, Paris Source : MNHN, Paris Source : MNHN, Paris Source : MNHN, Paris Source : MNHN, Paris Source : MNHN, Paris