MEMOIRES POUR SERVIR A L’HISTOIRE DES INS(ECTES. Par M. de Re AU MU R, de V Académie Royale des Sciences, de la Société Royale de Londres, des Académies de Peterjbourg if de Berlin, if de celle de VInflitut de Bologne, Commandeur if Intendant de l'Ordre royal if militaire de Saint Louis. TOME SIXIEME. Suite de l’Hijloire des Mouches à quatre ailes, avec un Supplément à celle des Mouches à deux ailes. A PARIS, DE L’ IMPRIMERIE ROYALE. M. D C C X L I I. S^-SV7 pRrlÇ; b cfe'"- ", u ML 4 io' 7 j %•&. iiw '-£--^5CïM' s55 îwaJWU^ a®*®wiw®«®«®*®»®wi«@^ TABLE DES MEMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME. FR ÉF ACE, dont la première partie donne une idée générale des Mémoires contenus dans ce volume, & la fécondé ap¬ prend ce qui a été nouvellement découvert, tant par rapport aux Infedes qu’on multiplie en les coupant par morceaux, que par rapport h diverfes produdions prifes jufquici par les Botanijles pour des plantes, quoiqu’elles foi eut des ouvrages d’Infeâes, & leurs domiciles. page j Premier TT M É m o i re. JL I IJloire des Bourdons velus, dont les nids font de moujfe. page i Second Mémoire. Des Abeilles Perce-bois. 39 Troisième Mémoire. Des Abeilles Maçonnes. 57 Quatrième Mémoire. Des Abeilles qui creufent la terre pour y faire leurs nids ; Et des Abeilles coupeufes de feuilles, ou de celles qui font de très-jolis nids avec des morceaux de feuilles. 93 Cinquième Mémoire. Des Abeilles dont les nids font faits d’efpeces de membranes foycufes ; Et des Abeilles tapijféres. 1 3 1 Sixième Mémoire. Eli/boire des Guêpes en général, éf en particulier de celles qui vivent fous terre en fociété. 1 3 5 Septième Mémoire. Des Frelons, des Guêpes canonnières, & de quelques autres Guêpes qui vivent en fociété. 2.1 5 Huitième Mémoire. Des Guêpes fo lit air es en géné¬ ral, & en particulier des Guêpes ichneumons. 247 Neuvième Mémoire. Des Mouches ichneumons. 293 Dixié ME Mémoire. Hijloire des Fortnica-leo. 333 Onzième Mémoire. Des Mouches à quatre ailes nommées Demoifelles. 387 Douzième Mémoire. Des Mouches appellées Ephé¬ mères. 457 Treiziéme Mémoire. Addition à l’hi(foire des Pu¬ cerons, donnée dans le troijïéme volume, Jur la manière dont ilsfe multiplient. 523 Quatorzième Mémoire. Sur la manière extrême¬ mentJinguliére dont naijjent quelques efpeces de Mouches à deux ailes, appellées Mouches araignées . 569 PREFACE. de» ; 5-C**î 5?!t îfCtSfc&tfc -it-jV^ @[^!^âi®!§l®W®iOTïMi!®@SfOH®i»S!@l(O)!©!0!#:@:iK©!@i@!0i©iaSî© • PREFACE , Dont la première partie donne une idée générale des Alémoires contenus dans ce volume, & la fécondé apprend ce qui a été nouvellement découvert, tant par rapport aux Infeéles quon multiplie en les coupant par morceaux, que par rapport à diverfes productions prifes jufquici par les Botanijles pour des plantes, quoiqu'elles foient des ouvrages d’Infectes, ip leurs domiciles. L E genre des Abeilles n’eft pas borné aux feules cfpeccs de ces Mouches admirables qui nous fournirent la cire & le miel,’ il en comprend) beaucoup d’autres qui ne içavent pas travailler utilement pour nous, auffi font- elles peu connues. Les premiers Mémoires de ce volume font deftinés à nous apprendre que ces elpeces fur lel- quelfes on daigne à peine jetter les yeux, ont pourtant des façons de vivre fmguliéres, & d’induftrieux procédés dont nous devons aimer à être inftruits. 11 eft vrai quelles ne le trouvent pas favorablement placées à la fuite des mouches à miel. Les huit derniers Mémoires du volume précédent ont été employés, & ont à peine fuffi à racon¬ ter les merveilles que celles-ci nous offrent, & a en prou¬ ver la réalité. II femble qu’elles ont dû épuifer tout ce que nous pouvons donner d’admiration à des mouches. Y en a-t-il de dignes de leur être comparéesI Le nombre des abeilles d’une ruche bien peuplée égale celui des habi¬ tants d’une grande ville; toutes y travaillent de concert Tome VL a ij PREFACE. au bien de leur fociété: leurs gâteaux font des ouvrages inimitables à l’art des hommes, qui ignorent jufqu’au fe- cret de ram a (Ter & de préparer la matière dont ils font faits. La plus liiblimc géométrie n’eût pu déterminer une figure plus avantageufe à tous égards pour les cellules dont elles compofent leurs gâteaux, que celle dont elles ont fait choix. Leur attention à rendre de bons offices à leur reine, ou plutôt à leur mere commune, ne fc dément pas dans les circonffimces les plus critiques: les petits qui lui doivent le jour, font l’objet continuel des tendres foins des autres mouches, elles en font les nour¬ rices. Enfin il a été prouvé quelles agiffient comme fi elles n’étoient animées que par l’amour de leur poflérité. L’air de grandeur qu’ont, pour ainfi dire, les établiffe- ments des mouches à miel, l’ordre qui y régné, les ouvrages qui s’y exécutent, & l’utilité dont ils nous font, ne doivent pourtant pas nous éblouir au point de nous ôter le defir de fçavoir comment fe conduifent d’autres abeilles dont les fociétés font peu nombreufes], & ce que font dans le cours de leur vie d’autres mouches du même genre, dont le goût eft de vivre lolitaires. On admire avec raifon ces grandes manufaélures dont les atteliers font remplis d’ouvriers qui s’entraident, où les uns ne font défîmes qu’à ébaucher l’ouvrage, les autres le dégroffiffient mieux, les autres l’avancent encore plus, les autres leper- feélionnent, & les autres le Unifient; on penfe avec plaifir à ce qu’il y a à gagner en faifant paffer fucceffi ventent la même pièce par différentes mains; mais quand on efî au fait des différentes pratiques de nos Arts, on n’en eflimc pas moins un ouvrage pour avoir été commencé & fini dans une boutique obfcure par un feul ouvrier, & on en fait plus de cas de celui qui feul y a mis la main. C’eft ainfi que le vrai connoiffeur en ouvrages de la Nature, que le PR E F A CE. if; bon obfemteur fçaura encore admirer les abeilles folitaires dans leur travail, malgré le plailir qu’il a eu cent & cent fois à voir tant de milliers de mouches occupées en même .temps à différens ouvrages dans une même ruche. Enfin ces ruches fi peuplées font des efpcces de grandes villes; mais on peut être curieux de connoître les mœurs (impies des Villageois, & même celles des Sauvages, après avoir étudié les mœurs des habitants des plus grandes villes & des plus policées. Les Abeilles dont le premier Mémoire nous donne l’hiftoire, font de vrayes villageoifes par rapport aux mou¬ ches à miel ; à peine en trouve-t-on cinquante ou foixante raffémblées dans une même habitation dont tous les de¬ hors font très-ru (tiques. Elles volent de plante en plante dans nos champs, dans nos prairies &dans nos jardins: leur vol affés lourd cft accompagné d’un bourdonnement qui avertit de leur préfcnce, &qui leur a valu le nom de Bourdons. Il y a d’ailleurs des bourdons d’une grandeur propre à les faire remarquer, elle furpaffe beaucoup celle de nos mouches à miel ; ils font proportionnellement plus courts, très - couverts de longs poils différemment colorés dans différentes cfpeces, & quelquefois même dans les individus de la même efpece. Les effaims îles mouches à miel, abandonnés à eux-mêmes, ont befoin de trouver, foit dans des troncs d’arbres, foit dans des murs, des trous tout faits pour fe loger. Les bourdons fçavent, s’il e(t néceflaire, fouiller un creux dans la terre, & faire jufqu’aux fondements de leur habitation que j’ai nommée un nid, parce qu’elle eft défi née principale¬ ment à en fervir aux petits. Les dehors de chaque nid ne font pas propres à le faire remarquer, les bourdons en le confruifant ne cherchent ni à lui attirer nos regards, ni à lui mériter nos éloges; il ne paroit au premier coup a ij iv PREFACE. d’œil qu’une motte de terre couverte de moufle, à peu près hcmiipliérique, & plus élevée que les environs, de iix à fept pouces. Mais lorfqu’on l’examine de plus près, on rcconnoît que le tas de moufle elt compofé d’une infinité de brins qui ont été apportés de plus loin, qui ne tiennent à la terre en aucune façon, & entre leiquels il n’y a pas le moindre grain de terre; qu’enfin ils ont été liés enfemble par une efpece d entrelacement, pour former une voûte épaiffe d’un ou de plufieurs pouces, qui empêche l’eau de pénétrer dans la cavité qu’elle couvre. Si on rompt cette voûte pour mettre l’intérieur du nid à découvert, il y a des temps où l’on voit que les bour¬ dons 11e s’en font pas repolës fur fa feule épaifleur pour empêcher l’eau des pluies trop continues de la percer, qu’ils ont eu le foin d’enduire toute la furfacc intérieure d’une couche mince d’une efpece de cire dont nous ne ferions pas autant de cas que de celle des mouches à miel, mais aufli propre à arrêter l’eau. Sous cette voûte on trouve deux ou trois gâteaux, tantôt plus, tantôt moins, de forme aflfés irrégulière, mis en pile les uns fur les autres, mais fans être attachés les uns aux autres. L’affeétion des bourdons pour les gâteaux en retient plufieurs dans le nid qui vient d’être dérangé. Entre ceux qui y rcflcnt ordinairement, on en diftingue de trois grandeurs très-fenfiblcment differentes. Les plus grands, qui font au rang des plusgrofles mou¬ ches de ce pays, font des fémelles; car il 11’en cff pas de ces nids comme des ruches des mouches à miel, le même en a plus d’une. Les mouches de la plus petite taille font extrêmement petites en comparaifon des autres, aufli petites que des mouches à miel ouvrières, & armées comme le font aufli les fémelles, d’un aiguillon. Enfin il y a des bourdons d’une grandeur moyenne entre V PREFACE. les deux précédentes, parmi lefquels on en trouve qui n’ont point d’aiguillon, ce font les mâles, & d’autres qui en ont un, quoiqu’ils ne foient ni mâles ni femelles. Parmi les bourdons, comme parmi les mouches à miel, il y a donc des femelles, des mâles & des mouches fans fexe ; &. on trouve de plus parmi eux, des mouches fins lexe de deux grandeurs fort différentes. La même femelle met au jour de ces quatre fortes de mouches; toutes quatre font nées pour le travail. C’efl encore en quoi, comparées aux mouches à miel, elles font de vrayes villageoifes. Le privilège de ne rien faire n’a point été accordé parmi celles-ci, comme parmi les autres, aux fémelles &* aux mâles: on les voit toutes travailler de concert à réparer les dérangements qui ont été faits à leur nid. La préfence même d’un ohlêrvateur par qui il vient d’être bouleverfé, ne les en détourne point: toutes s’occupent à remettre en place Sc à arranger La mouffe, quoiqu’elle ait été jettée à plus d’un pied ou deux du nid; elles ne la portent pas, elles la pouffent. Un bourdon fe pofe fur un petit tas de mouffe, ayant le derrière tourné vers le nid ; avec fes dents & fes deux premières jambes il charpit cette mouffe, comme nos ouvriers charpiffent avec leurs doigts de la laine ou du coton ; les brins qui ont été bien démêlés, font mis fous le corps par les deux jambes de la première paire, celles de la fécondé les prennent & les pouffent à celles de la troifiéme paire, & celles de la troifiéme paire les pouffent tout le plus loin quelles peuvent par-delà le bout du derrière, ce qui approche ces brins de mouffe du lieu où ils doivent être conduits, de toute la longueur du bourdon, & de quelque chofe de plus. Quand celui-ci a formé ainfi par-delà fon derrière lin tas de mouffe, pour ainfï dire, bien cardée, lui même, ou un autre bourdon qui s’en empare, lepouffe a iij y) P R F F A C E. vers le nid. C’eft ainfi que de proche en proche des tas de moufle font conduits au pied du nid délabré., & montés jufqu a Ton fomroct. Quatre à cinq bourdons à la file les uns des autres, font quelquefois occupes à ce travail. Quand il s’agit défaire un nouveau nid, ou d’aggrandir l’ancien, leur manière de travailler cft la même, excepté qu’ils ont de plus la peine d’arracher la mouffe des endroits voifms de celui où ils fc font établis. Les gâteaux qui occupent l’intérieur du nid, nefçau- roient être comparés par la régularité de leur figure & celle des parties qui les composent, à ceux des mouches à miel; auffi ne font-ils pas faits pour la même fin, ni même par les bourdons. Ils ne font qu’un arrêts de coques oblongues, d’une figure approchante de celle d’un œuf, dont chacune a été filée par un ver prêt à fe métamor- phofer en nymphe. Il y a de ces coques de trois gran¬ deurs proportionnées aux trois grandeurs des vers par qui elles ont été filées, & à ctiies qu’auront ces vers après avoir paffé à l’état de mouches; de - là naiffent .des in¬ égalités dans l’épaiffeur du gâteau formé de coques appli¬ quées les unes contre les autres fuivant leur longueur, *■ * xj 9 ceft ce qui le rend brut, il a même un air mal-propre. Entre les bouts des coques il refie néceffairement des vuides, il y en a plufieurs plus que remplis par une matière brune & molle fans être coulante. Si on ouvre quelques-unes de ces mafies qui nous femblent informes, on apprendra quelles font ce que le nid a de plus inté- reffant pour les bourdons, & comment ils s’y prennent pour élever leurs petits. Dans l’intérieur des unes on trouvera des œufs oblongs, d’un blanc luifant & argenté; dans l'intérieur des autres on trouvera des vers de diffé¬ rentes grandeurs. Cette matière qui peut nous paraître dégoûtante, cft une elpecc de bouillie, ou plutôt, comme P R E' F A CE. vif je l’ai nommée, une pâtée dont les vers doivent fe nourrir; elle eft faite de cire brute ou de pouiïiéres d’étamines aflaifonnées de miel. La mere loge dans une malle de pâtée l’œuf qu elle vient de pondre. Dès'que le ver dl éclos, il ne tient qu’à lui de manger, il naît au milieu d’une malle faite de l’aliment le plus à fon goût. C’efl probablement pour humeéter la pâtée dont nous parlons, que les bourdons ont toujours une petite provifion de miel: ils attachent à chaque gâteau, & fur-tout au fiipé- rieur, trois à quatre petits pots en forme de gobiets, faits d’une cire grolfiére, & ouverts en-deflus, qu ils tiennent pleins d’un miel coulant & fort doux. Chaque nid de bourdon elt petit dans fon origine, & n’a d’abord été fait- & habité que par une feule mere, mais qui au moins a commencé à y avoir de la lociété, & à être aidée dans fes travaux, lorfque les vers fortis des œufs quelle a pondus, ont été transformés en mouches; elle n’a eu à palier dans la folitude qu’une partie de là vie, mais d’autres abeilles y paffent toute la leur. Le fécond Mémoire nous raconte les travaux qu’ont à loûtenir des mouches qui ne font pas faites pour jouir des douceurs de la lociété: celles dont il s’y agir, ne le céderoient guéres- en grolTeur aux plus gros bourdons, fi elles étoient aulli velues qu’eux : leur corps eft plus applati, prefque ras. Si on excepte leurs ailes qui font violettes, toutes leurs parties extérieures font d’un noir beau & luifant. Quoi¬ qu’elles ne foient pas à beaucoup près amTi communes que les bourdons, on peut pourtant parvenir allés aifé- ment à en voir: elles volent dans les jardins, & à grand bruit ; elles s’y rendent dès le commencement du Prin¬ temps : chaque fémelle cherche à y faire un établilTemenr, e’efl-à-dire, à y préparer un ou plulieurs nids dans lef- quels les petits vers qui doivent naître des œufs qu’elle viij P P E E A CE. y pondra, puiflent croître, Si parvenir à être des mouches. Ccd dans l’intérieur de certains morceaux de bois qu’ils doivent être logés pour fe trouver à leur aife ; aufli 1 g talent qui a été accordé à ces abeilles, elt celui de creufer dans le bois de longs trous, & il elt allés exprimé par le nom àe Perce-bois que j’ai cru leur devoir impofer. Elles font réellement très-habiles dans l’art de le percer en flûte : elles fçavent creufer dans un morceau de bois planté debout, un trou long de i 2 à i 5 pouces, qui a par tout un diamètre fuffilant pour les tailler entrer Si fortir libre¬ ment. Quelquefois la même mouche perce trois à quatre de ces longs trous dans un leul morceau de bois, lorfqu’il a une grolfeur qui le permet. Leurs dents font les in- ftruments avec lefquels elles en viennent à bout. Nos perçeufes 11e s’adrelfent pourtant pas au bois le plus dur, elles n’attaquent que celui qui a eu le temps de le lécher. Si qui commence à fe pourrir. Des montants de vieux berceaux, des piliers de contr’elpaliers, de Amples échalas, font les pièces dans lefquclics elles travaillent le plus lou- vcnt ; elles exercent quelquefois leurs dents fur des portes épailfes, fur des contrevents & fur des bancs de jardin. Un trou long de 12 à 15 pouces fur 7 à 8 lignes de diamètre, doit paraître un grand ouvrage pour une mou¬ che, quand on penfe à la quantité de fciûre quelle elt obligée de détacher & de tranfpoiter : ce trou n’eft néant- moins, pour ainfi dire, que 1 X cage du logement que l'abeille veut conftruire; il lui refle à le partager en cellules dont chacune elt haute de 7 à 8 lignes, & deltinée à un leul ver; il lui relie à en faire un logement à un grand nombre d’étages dont chacun 11’a à la vérité qu’une pièce, mais féparée de celle qui la fuit par une efpece de plan¬ cher. Chaque plancher elt fait de divers anneaux con¬ centriques, compotes de grains de fciûre attachés les uns PREFACE. k uns aux autres par de la colle. Si le trou efl dirigé Iiori- fontalement, les cellules au lieu de former des étages, font en enfilade. Avant que de fonger à fcparer la pre¬ mière pièce de la fuivante, avant que de faire le premier plancher ou la première cloifon, elle y loge l’infeéte qui doit l’habiter, ou, pour parler plus exactement, elle y dépofe un œuf d'où doit fortir un ver qui par la fuite de¬ viendra une abeille. Mais ce n’eft pas alfés d’avoir pourvu au logement du ver, il faut pourvoir à fa fubfiftance, le mettre en état de vivre & de croître : il ne fçauroit fe nourrir du bois dont il efl environné, il a befoin d’une nourriture plus délicate, que la mere ne feroit pas en état de lui apporter, quand les cellules qui doivent être dilpo- lees en file, auront été confiantes. Cette abeille fçait que la feule nourriture qui con¬ vienne à fon ver, efl une pâtée compofée, comme celle des bourdons, détamines de fleurs humectées de miel; elle la lui prépare, & lui apporte. C’efl une merveille dont nous avons déjà eu des exemples; mais ce que cette mouche, comme quelques autres dont il fera fiait men¬ tion dans la fuite de ce volume, fçait & fait de plus, ne fçauroit manquer de nous en paraître une nouvelle. La quantité d’aliments nécefTaire pour fournir à l’accroifTe- ment complet de chacun de fes vers, lui efl connue, Sc elle la leur donne avant qu’ils l'oient nés. Quelle efl parmi nous la mere qui connoiffe le poids & le volume des ali¬ ments de toutes efpeces qui doivent être confumés par l’enfant qu’elle vient de mettre au jour, pour qu’il par¬ vienne à l’âge viril! La Perce-bois inflruite, ou qui agit comme fi elle l’étoit, de la quantité de pâtée dont a befoin tin de fes vers pour parvenir à être mouche, la porte dans fa cellule, & confirait enfuite la cloifon ou le plancher dont nous avons parlé. Sur ce plancher elle dépofe un Tome VL b X PREFACE . fécond œuf, & elle apporte la provifion de pâtée néccflaire pour nourrir le ver prêt à éclorrc; alors elle ferme cette fécondé cellule en bâtiflant la cloifon qui la doit féparer delà troifiémecellule. C’cfl ainfl qu’elle remplit & ferme les unes après les autres, toutes les cellules que peut fournir le long trou divifé en parties égales. Elle perce dans le même morceau de bois, ou dans un autre, plus ou moins de trous, félon qu’elle a plus ou moins d’œufs à pondre. Le ver qui fort de chaque œuf, après avoir cté logé & pourvu d’aliments, n’a plus befoin des foins de la mcrc, il confume peu à peu la provifion de pâtée qui lui a été donnée: quand il ne lui en refte plus, il eft en état de fe métamorphofer en une nymphe qui le, transforme enfuite en mouche : fi celle-ci eft une fémclle* elle prépare â fon tour des logements aux œufs qu’elle doit pondre. J’ai déjà un fupplément à donner à ce que j’ai rapporté de l'hiftoirc de ces mouches dans le fécond Mémoire. Lorlqu’il a été imprimé, j’ignorois, & je n’ai pas manqué de le dire, comment elles tranlportcnt à leur nid les pouflïéres des étamines des fleurs, qui font la bafe de la pâtée quelles préparent à leurs vers. Nous avons vu dans le cinquième Volume, que les mouches â miel ramaflent aufti de pareilles pouflïéres, quellesfçavent en faire deux petites pelottes, & qu’elles chargent une de leurs jambes poflérieures d’une de ces pelottes, & l’autre jambe de l’autre. Sur chacune dé ces jambes fe trouve un endroit plus enfoncé que le refte, qui, au moyen de poils gros & roides dont Ion contour eft bordé, équivaut à une petite corbeille pour recevoir & retenir une des pelottes. C’eA dans, cette petite corbeille que la mouche à miel porte fuccciïi vement avec une de lès jambes de la fécondé paire, & quelle colle des pouflïéres d’étamines, jufqu’àce que P R E' F A C E. xj toutes enfemble y compofcnt une made Je la grodeur à peu-près cl’une lentille. J’ai dit* que le petit enfonce¬ ment en manière de corbeille ne fe trouvoit pas lur la partie des jambes podérieures d’une abeille perce-bois, analogue à la partie des jambes podérieures de la mouche à miel, où on peut i’obfervcr. J’en ai conclu que les poudiéres d’étamines que la perce-bois tranfportoit à fon nid, ne pouvoient pas être réunies en une pelottc fixée fur la partie de fa jambe, analogue à la partie de la jambe de la mouche à miel, qui fert à en retenir une. J’ai depuis eu occafion de m’alTùrer que la conclulion que j’avois tirée, étoit jude ; mais j’ai appris en même temps que j’avors bazardé une conjcédtire qui n’étoit pas auffi vraye. J’ai loupçonné que chaque jambe podérieure de la perce- bois avoit une partie autrement placée que fur la jambe de la mouche à miel, qui faifoit l’office de corbeille; & j’ai vu depuis que la perce-bois n’avoit pas la corbeille, ni n’en avoit pas befoin. J’en ai obfervc à mon aile plu- ficurs qui, en marchant dans la petite forêt de filets d’éta¬ mines qui entoure une tête de pavot, y faifoient de grands defordres par le volume & le poids de leur corps ; elles ren- verfoient les filets qui fe trouvoient dans leur chemin, ciles les couchoient; alors la mouche ne pouvoit manquer de frotter fes jambes podérieures contre les fommets de ces filets, & d’en détacher les poudiéres qui étoient retenues par les poils & entre les poils dont les deux jambes en quedion font hériffées. Après avoir parcouru un ou deux gros pavots, chacune de ces dernières jambes étoit couverte d’une épaide couche de pouffiércs jaunes, qui lui formoit une cfpcce de botte fans pied. Cette couche avoit plus de co n fi dan ce qu’on n’eût cru quelle en dût avoir : la mou¬ che avoit pris foin de l’humeétcr avec du miel enlevé par fa trompe à différentes parties de la deur. C’ed de quoi Page s z. xi; PREFACE. j’ai eu une preuve certaine en goûtant de ces petites mafles de pouffiéres d’étamines que j’avois ôtées à des jambes de nos perce-bois, je leur ai trouvé un goût de miel moins fade que celui du miel ordinaire; au lieu que lorfquc j’ai goûté des pouffiéres d’étamines que j’avois détachées moi- même fur les mêmes plantes où ces mouches avoient fait leur récolte, je les ai trouvé très-infipides; elles n’avoient pas l’affiiifonnement qui avoit été donné aux pouffiéres que j’avois enlevées de deffiis les jambes. Des abeilles qui n’ont guéres que la groffieur des mâles des mouches à miel, 6c plus petites par conléqucnt que les abeilles perce-bois, font in (truites, comme celles-ci, de la quantité d’aliments qui doit fuffire à chacun de leurs vers depuis fa naiffance jufqu’au temps ou il le transformera en mouche : la mere les loge auffi féparément 6c un à un, avec une provifion de pâtée faite encore de pouffiéres d’étamines de fleurs 6c de miel, mais dans des cellules tout autrement conflruites que celles des autres, 6c d’une matière fort différente. La Nature femble avoir voulu apprendre aux abeilles les différents Arts analogues à ceux qui nous procurent des logements. Les perce-bois font des efpcces de Charpentiers, 6c les abeilles dont il s’agit dans le troilïéme Mémoire, font des Maçonnes, 6c nous leur avons donné ce nom. Elles lçavent compofcr un très-bon mortier avec lequel elles bâtiflent leurs nids, qui ne font que des aflcmblages de cellules renfermées fous une enveloppe commune. C’eff à des mursexpofés au foleil pendant une grande partie du jour, 6c, par préférence, à des murs de pierre de taille, quelles attachent leurs nids. Quoiqu’ils ayent louvent la figure 6c le volume de la moitié d’un gros œuf coupé en deux fuivant la longueur, on en voit tous les jours, fins les reconnoître pour des ouvrages qui fuppofent de l’intelligence dans les ouvrières PR r F A CB. xirj qui les ont faits, & qui ont dû leur coûter bien du travail. Au premier coup d’œil chaque nid ne paroît qu’une petite maffe de mortier que des Maçons ont laiffée par négligence fur un mur, & quelquefois même il nefemble qu’une épailfe plaque de boue telle qu’une éclaboufTûre jettée par les roues d’une voiture pelante. Mais quand on a détaché une de ces maffes de mortier, on trouve dans fon intérieur huit ou dix cavités, plus ou moins, dont chacune efl remplie, foit par beaucoup de pâtée & par un très-petit ver, foit par un ver bien plus gros & par peu de pâtée, foit feulement par une nymphe ou par une mouche. Chacune de ces loges ne femble qu’un trou percé dans une mafTe de mortier. L’abeille en cherchant à rendre fon ouvrage folide, cache, pour ainfi dire, l’art avec lequel elle le fait : la mafTe efl un affemblage de cellules qui ont été bâties fucceffivemenî les unes auprès des autres, & dans différentes directions ; eile a donné d’abord a chacune la figure d’un petit dé à coudre, quelle a rempli entièrement de pâtée, & dans lequel eile a laiffc un œuf ; après quoi elle a fermé le bout du dé qui étoit ouvert. Sept à huit cellules de même forme doivent compofer un nid; quand elles font finies, la mouche (car cet ouvrage, quelque grand qu’il paroiffe, efi l’ouvrage d’une feule) remplit les vuides que les cel¬ lules laiffent entr’elles, avec du mortier plus groffier que celui dont elle les a faites. Toutes les cellules ne forment plus alors qu'une mafTe que la maçonne recouvre encore en entier d’une épaiffe couche de mortier, afin que les dépôts précieux qui font renfermés dans fon intérieur, foient mieux défendus contre les injures de l’air. Une même mouche ne s’en tient pas probablement à conf- truire un feul nid qui, par rapport à fa grandeur & à fe3 forces, femble un ouvrage aufîi confidérable que le fèroit b iij x iv PREFACE. pour un feul Maçon une maifon de village. ïlle feule cft pourtant chargée du foin de ramaffer les matériaux, & de les mettre en œuvre. Son mortier, comme le nôtre, a du fable pour bafe, mais mêlé avec un peu de terre; elle va fur des tas de gravier, fur des allées labiées, fe charger de celui qui lui convient ; elle le choifit grain à grain. Elle ne fait pas entrer, comme nous, de la chaux dans la compofition de fon mortier, mais elle y fupplée par un équivalent, elle le mouille avec une liqueur gluante quelle fait fortir de fa bouche; cette liqueur retient les uns contre les autres les grains qui fe touchent. Après avoir formé entre lès dents une petite pelottc de grains de fable choifis, & affés humectés, après setre chargée d’une petite motte du mortier quelle a fait, elle fe rend à fon attelier pour le mettre en œuvre. C’eft entre lès dents quelle porte cette motte, ce font auffi fes dents qui l’appliquent dans l’endroit où elle doit être mife, qui l’applatiffcnt & qui la façonnent; c’cft de quoi l’adroite ouvrière vient bien tôt à bout : bien tôt auffi elle repart pour aller chercher une nouvelle charge de mortier. Combien de courfes n’eft-elle pas obligée de faire pour apporter toute la matière qui entre dans la compofition d’une feule cellule! D’en faire une entière, n’cft pour¬ tant à peu-près pour elle que l’ouvrage d’une journée. Nous ne devrions pas nous en tenir à une admiration flérile des procédés de cette mouche, nous devrions ten¬ ter de parvenir à faire de meilleurs mortiers, & moins chers que ceux que nous employons journellement, en liant des grains d’un fable convenable avec queiqu efpecâ de colle à bon marché. D’autres efpeces de mouches que celles dont nous venons de parler, font auffi leurs nids de mortier, mais moins bon, il cft prefque de pure terre; auffi les logent-elles PR E' F A CE. xv dans des trous où ils nont rien à craindre de la pluie. Les vers qui n ai dent dans tous ces nids, n’ont plus befoin du fecours db leur mere, qui avant que de les renfermer, a pourvu fiiffifamment à leur fubfidance ; ils y deviennent des mouches qui ont des dents aides fortes pour venir à bout de percer les murs de leur habitation, & d’y faire le trou nécefïaire pour les en lailfer fortir. C’edencore pour élever leurs petits, que d’autres abeilles dont le quatrième Mémoire rapporte les procédés, conl- truifent des nids très-différents de ceux dont il s’ed agi dans les Mémoires précédents, & qui femblent fuppofer dans les ouvrières des adreffes, un génie & des connoif- fances en un mot qu’on ne s’accoûtume point à trouver à des infeéles. Ces mouches à peine audi groffcs-, ou un peu plus petites que des mouches à miel, cachent fous terre des nids fi dignes d’être vus : la matière dont ils font faits, cd fimple, ils font compofés de morceaux de feuilles. Les mêmes mouches ne mettent ordinairement en œuvre qu’une forte de feuilles. Les abeilles d’une cfpece n’employent que des feuilles de roder, celles d’une autre que des feuilles de marronnier, celles d’une autre que des feuilles d’orme, &c. Les unes condruifent les leurs l'ous terre dans un jardin, d’autres les condruifent en plein champ, & quelquefois dans la crête d’un lillon. La ligure extérieure de chaque nid rcffemble affés à celle d’un étui à cure-dents, & en a à peu-près les dimenfions, c’ed-à-dire, qu’il ed cylindrique, ayant l’un & l’autre de les bouts arrondis. Quand il cd dans biplace naturelle, il ed couché horifontalenient, & couvert de plufieurs pouces de terre.. Le premier ouvrage de la mouche ed donc de creufèr fous terre un trou cylindrique capable de le contenir; mais ce n’ed-là qu’un ouvrage de force & de patience.. Pour venir à bout de condruire le nid même, il fuit de xvj P R E' F A C E. plus bien Je 1 adrefle. Ce ferait quelque chofe pour une mouche que de former avec des morceaux de feuilles un tuyau cylindrique fermé par les deux bouts ; mais quand on a ôté à un nid fa première enveloppe, on voit qu’il n’eft pas un fimple tuyau ; on voit qu’il eft compofé de cinq à fix petits étuis mis bout à bout, & faits comme l’enveloppe, de morceaux de feuilles. Chacun de ceux-ci reflemble aftes à un dé à coudre dont l’ou¬ verture n’auroit point de rebord ; leur arrangement eft tel aiifti que celui que les marchands donnent aux dés: le bout du fécond clé de la hle entre & lé loge dans l’ou¬ verture du premier; il en eft ainfi des autres. Chaque dé de feuilles eft une cellule où un ver doit prendre fon accroilfement, & en même temps un petit vafe deftiné à contenir une pâtée où il entre beaucoup de miel, qui quelquefois eft très-coulant. Il faut donc que ce petit vafe lôit aftes clos pour contenir du miel ; il n’eft pourtant fait que de pièces appliquées les unes contre les autres, fins y être aucunement collées ; elles demandent par conféquent à être aju liées avec bien de la précifion. Toutes celles dont eft formé le corps du dé, ou du vafe, ont à peu-près la même ligure qui tient de celle d’une moitié d’ovale faite par une coupe qui a pafté par le petit axe. Le bout arrondi de chaque pièce, & le plus étroit, eft recourbé pour faire le fond du dé, & le bout le plus large forme partie du contour de l’ouverture. Trois pièces femblables qui font même en recouvrement les unes fur les autres, fuffifent pour former le tuyau creux; mais pour donner plus de lolidité au petit vafe, & le mettre plus en état de contenir le miel liquide, la mouche applique encore deux couches de,morceaux de feuilles; ainfi il eft compofé ordinairement de neuf pièces, &. quel¬ quefois de douze. Dès P RK FA CE. xvij Dès qu’un des petits dés qui doit être line cellule cil fini, la mouche ne tarde pas a le remplir de pâtée, & à y dépolèr un œuf; mais li on lé rappelle que le nid ell couché horifontalemcnt, 6c que la pâtée a de la dilpofi- tion à couler, on jugera que la mouche elt dans la né- celhté de bien boucher l’ouverture du petit vafe; elle n’y manque pas. La manière dont elle le fait, elt la plus fimpie 6c la meilleure quelle pût choilir en n’employant que les mêmes matériaux dont elle s’elt fervie pour former le vaiè même, qui lont apparemment les leuls quelle fçache mettre en œuvre. Elle coupe dans une feuille une pièce bien circulaire 6c d’un diamètre proportionné à celui de l’ouverture qui doit être bouchée; l’abeille fait entrer cette pièce dans le petit vafe, 6c i’ajulte un peu au-delfous de fon bord, parallèlement au fond. Sur cette première pièce circulaire, elle en pofe 6c ajulte une fécondé, 6c fur la féconde elle en applique encore une troifiéme; ainfi elle donne à la cellule un couvercle fait de trois petites ron¬ delles aulfi exactement appliquées contre lès parois, que le font les fonds de nos tonneaux contre les douves. 11 entre donc dans la conltruétion de chaque cellule des pièces de deux figures, des pièces demi-ovales, 6c des pièces circulaires. 11 faut aflïïrément de l’adreffe à la mouche pour courber les pièces ovales, pour mettre les circulaires en place, 6c pour difpofer les unes 6c les autres de manière quelles forment un petit vafe bien clos. Mais il lui faut bien une autre habileté, ce femble, pour tailler ces pièces, pour leur donner précifément les proportions 6c les figures qui conviennent. C’elt ici que nous ne pou¬ vons nous empêcher d’admirer le grand Maître qui a ins¬ truit cette mouche. Elle fe rend fur l’arbre ou l’arbulte qui peut lui fournir l’étoffe, pour ainli dire, dont elle a befoin; après avoir voltigé un peu au-delfus pour reconnoître la Tome VI. c xviij PR F F A C E. feuille à laquelle elle doit s’adreffer, elle faifit entre fes jambes le bord de celle pour qui elle s’eft déterminée, foit près du pédicule, l'oit près du bout oppofé ; auffi-tôt elle fait agir lès dents, & par des coups redoublés elle coupe une pièce obiongue ou une pièce circulaire, plus vite que nous ne pourrions en couper une femblable dans une feuille de papier où les contours que les cifeaux de¬ vraient lùivre, auraient été tracés. Si, quand il s’agit de couper une pièce circulaire, elle étoit pofée au centre de la pièce quelle taille, on pourrait imaginer qu’en pirouettant fur elle-même, fon propre corps lui tiendrait lieu de compas ; mais elle cil alors dans la polition la plus delàvantageulè, elle eft fur la circonférence de la pièce même; la partie qui a été coupée, ne l’aide aucunement à fe reprèfenter la figure de celle que fes dents doivent détacher, elle ne voit pas la partie coupée, elle la fait paffer fous l'on ventre. Mais la difficulté de couper fans fecours de compas, & fins trait qui guide, une pièce bien circulaire, n’cfl rien en comparailon de la difficulté qu’il paraît y avoir à donnera cette pièce, comme l’abeille lui donne, préci- fément le diamètre qu’a l’ouverture quelle doit boucher. Eft-ce que l’idée du diamètre du petit vafe que la mouche a laiffé loin de-là, & caché fous terre, efi reliée dans fa tête ! Une ouvrière fi habile à couper de pareilles pièces, doit l’être à les mettre en œuvre, ce qui eft un travail beaucoup plus fimple. On imagine bien quelle ne man¬ que pas de donner une figure cylindrique aux parois du trou quelle creufe en terre pour y confhuire & loger un nid. Les parois de ce trou font le moule fur lequel elle fait prendre une courbure convenable, aux pièces qui forment l’enveloppe des cellules, comme la courbure de celle-là l'ert à contourner les feuilles du corps de chaque dé. Le ver de chaque cellule, à qui rien ne manque, après avoir mangé PR P' F A CE. xk toute la pâtée qui lui a été donnée, fe file une coque dans laquelle il devient nymphe, & enfui te mouche. Des obfervations qui me manquoient lorfque j’ai dé¬ crit * les procédés de ces adroites ouvrières, m’ont appris que parmi elles, comme parmi les autres abeilles, les femelles portent un aiguillon, 6c que les mâles font dé¬ pourvus de cette arme. D’autres obfervations m’ont encore appris ce que je ne fçavois pas alors, que leur façon de fe charger des pouffiéres d’étamines dont elles font la pâtée à leurs petits, efi différente de celle dont les mouches à miel, 6c de celle dont les abeilles perce-bois s’en char¬ gent. Elfes ne la mettent point, comme les premières, en tleux pelottes, dont chacune efi arrêtée fur une jambe poflérieure ; 6c elles n’en font point, comme les fécondés, line efpece de lourde botte à chacune de leurs dernières jambes ; elles s’en recouvrent tout le ventre ; peu à peu elles parviennent à y en appliquer une couche fi épaifïe, que les jointures des anneaux refient à peine fenfibles. II efi fait mention au commencement de ce qua¬ trième Mémoire, de plufieurs autres efpeces d’abeilles qui s’en tiennent à des ouvrages plus fimples que les étuis de feuilles; elles fé contentent de percer en terre des trous cylindriques: les unes les dirigent horifontalement, 6c les autres verticalement ; les unes les creufent dans de la terre compaéle, 6c les .autres dans un fable gras. Ces trous n’ont qu’autant de diamètre qu’il en faut pour laiffer paffer le corps de l’abeille qui les a creufés: les uns ont fept à huit pouces de profondeur, 6c les autres n’en ont que trois à quatre ; mais tous ont un fond très-uni fur lequel la mou¬ che apporte la provifion de pâtée néceffaire au ver qui fortira de l’œuf quelle va pondre. La pâtée n’occupe qu’une petite partie de la longueur du trou, la mouche comble le refie, elle le remplit de la terre même quelle c ij * Mém. 4,. XX P R E' F A C E. en avoit tirée. Ces derniers procédés n’ont rien d’alfés frappant pour que nous devions nous y arrêter. Nous rapporterons plus volontiers ceux d’une efpece d’abeilles qui fait le fujet le plus intéreffant du cinquième Mé¬ moire. Ces abeilles n’ont qu’une grandeur au-delfous de la médiocre; comme quelques unes de celles dont nous venons de parler , elles creufent perpendiculairement en terre des trous qui ont environ trois pouces de profon¬ deur, & dont chacun doit être le nid d’un de leurs vers. Elles ne veulent pas que ce nid relie brut, elles femblent fe plaire à le parer ; au moins elt-il réel quelles l’ornent, & dans le goût où nous aimons à orner nos appartements. Elles donnent à leurs nids des tentures qui, pour la vivacité de leurs couleurs, ne le cedent pas à nos tapilferies de damas cramoifi : la Nature les leur fournit. Elles en vont couper les pièces dans des fleurs de coquelicot, elles les portent dans leur trou, elles les y étendent, appliquent Si aflujettiflent contre lès parois, quelles en recouvrent entièrement ; en un mot elles femblent mériter le nom d’abeilles tapilfiéres que nous leur avons donné. Si pour¬ tant elles fe déterminent pour des tentures de pétales de coquelicot, on ne penfera pas que ce l'oit parce quelles font touchées de la beauté de leur couleur ; probablement elles fe font décidées pour elles par la conlidération d’un avantage plus réel. 11 elt peu de fleurs qui puilfent fournir des feuilles auffi flexibles que celles des fleurs de coque¬ licot, ainfi il n’en elt point qui puilfent être plusaifément Si plus exactement appliquées contre les murs circulaires de la cellule. Ces mouches s’écartent pourtant de notre façon de tendre, en ce qu’elles mettent au moins deux tentures l’une fur l’autre. Enfin ce n’ell que pendant un temps alfés court que la cellule doit relier tendue, jul- qu’à ce que la provifion de pâtée ait été portée dans le PREFACE, xx) nid, & que i œuf y ait été dépofé ; alors la tlpilfiére dé¬ tend tous les endroits qui fe trouvent au-deffus de la pâtée; elle pouffe vers le fond de la cellule les pièces de Heurs quelle a détachées, elles ne fervent qu’à bouclier une efpece de fac dans lequel l’œuf 6c la provifion d’ali¬ ment lé trouvent renfermés ; elle remplit enfuite le relie du trou en y rapportant la terre quelle en avoitôtée. Le ver qui éclôt dans ce logement fait de fleurs, ell en état au bout de dix à douze jours de fe transformer en nymphe. Ce cinquième Mémoire nous fait encore connoître des abeilles qui bâtiffent des nids femblables pour la forme 6c l’effenticl de la conftruétion, à ces nids de feuilles que nous avons admirés dans le Mémoire précédent, & qui de même font compofés de plufieurs cellules en forme de dés à coudre, 6c miles à la hle, comme le font les dés chés les marchands ; mais ces nids femblables aux autres par leur forme, en diffèrent par la matière; ils font faits de membranes foyeufes extrêmement minces, appliquées les unes contre les autres. Le fixiéme Mémoire eff le premier de l’hiffoire d’un peuple de mouches pour lequel on n’ell pas difpofé à s’intéreffer : il s’y agit des guêpes contre lelquelles nous ne pouvons défendre nos meilleurs fruits, 6c dont nous craignons les approches pour nous-mêmes. Pour aimer les fruits, elles n’en font pas moins carnaciéres : fouvent elles vont fe pourvoir de viande où nous nous en four- nilfons; elles vont couper des morceaux de celle qui ell étalée dans les boutiques des bouchers, 6c en emportent d’aulfi gros que la moitié de leur corps. Les bouchers ne les voyent pourtant pas de mauvais œil en Lté, ils fçavent quelles donnent la chalfe aux groffes mouches bleues qui dépofent fur la viande des œufs qui en avan¬ cent la corruption. Elles font une guerre continuelle à c iij xxi; PREFACE. la plupart des autres efpeces de mouches, elles mangent les entrailles de celles quelles attrapent. Elles vont par préférence à la chaffe des abeilles auxquelles elles font fort fupérieures en force ; elles en détruifent tous les ans un grand nombre. Pendant quelles font leurs plus re¬ doutables ennemies, elles femblent être leurs émules, vou¬ loir difputcr avec elles en induflries de différents genres. Il y a des guêpes, comme des abeilles, qui vivent en fociété, celles de quelques efpeces compofent de très- nombreufes républiques, & celles de quelques autres n’en forment que de très-petites. Enfin il y a beaucoup d’ef- peces de guêpes folitaires qui ne montrent pas moins de tendreffe pour leurs petits, que les abeilles folitaires en montrent pour les leurs, & qui ont recours à des moyens auffi finguliers que ceux que ces dernières employent pour les loger commodément, & pourvoir à leur fub- îiflance. Après avoir donné dans ce fixiéme Mémoire une idée générale des parties qui caraélérifent les guêpes, nous nous y fommes bornés à 1 hifloire de celles de i’ef- pece la plus commune dans ce pays, qui pour l’ordinaire font leur établifTement fous terre ; elles y confiruifent ce nid ou guêpier qui en certains temps efl peuplé de plufieurs milliers de mouches, c’eff une efpece de ville îoûterraine qui ne doit pas nous paroître moins digne d’admiration que la ruche la mieux fournie de mouches à miel : fon intérieur, comme celui de celle-ci, eft rempli de gâteaux compofés de cellules de figure exagone; tous font renfermés fous une enveloppe commune, conftruite avec beaucoup d’art. Il cfl vrai que la matière dont font faites les différentes parties du guêpier, ne peut pas être utilement employée à nos ufâges, elle n’efl qu’un allés mauvais papier. Mais quand nous ne voudrions nous prêter à admirer que ce qui peut nous être utile, P R E’ F A CE. jreiij les guêpes ont de quoi payer l’attention que nous aurons donnée à leurs curieux ouvrages, & les foins que nous aurons pris pour parvenir à voir comment elles les exé¬ cutent. Elles nous doivent faire naître des vues impor¬ tantes pour une de nos principales fabriques, pour celle du papier, en nous apprenant que nous en pouvons trouver la matière première ailleurs que dans les chiffons: c’eff de quoi le Mémoire fuivant donne des preuves. Leur architecture diffère en bien des points de celle des abeilles ; celles-ci fe contentent de mettre leurs gâteaux à couvert dans la ruche qui leur a été offerte, ou dans le creux qu’elles ont trouvé tout fait, foit dans un tronc d’arbre, loit dans un mur; au lieu que les guêpes ren¬ ferment leurs gâteaux dans une elpece de boîte de même matière que celle dont ils font compofés, & d’une figure qui tient de celle d’une boule creufe. Quoiqu’elles puiffènt trouver fous terre quelque grand trou, elles ont toujours à remuer & à tranfporter beaucoup de terre pour donner à ce trou la figure qui lui convient pour loger une efpece de boule allongée, dont le grand diamètre a fouvent plus de quinze à feize pouces, & le plus petit douze à treize. La furface extérieure de cette boule creule , de cette enveloppe fous laquelle les gâteaux font renfermés, n’a pas le poli des ouvrages faits au tour, elle a quelque chofe de raboteux, mais elle ne paraît pas en avoir été travaillée avec moins de foin; elle eff compofée d’un grand nombre de pièces dont chacune eff lcmblahlc au côté convexe d’une coquille bivalve. Si on coupe cette enveloppe, on lui trouve en certains endroits près de deux pouces d’épaiffeur; mais on voit qu elle n’eff pas maffîve, qu elle eff formée d’un, grand nombre de couches entre leiquelles des vuides font ménagés. Cette conftruétion qui épargne beaucoup xxiv P R F F A CE. de matière, rend l’enveloppe plus propre à produire 1 effet auquel elle ell deftinée, à empêcher la pluie de pénétrer dans le guêpier, de parvenir jufqu’aux gâteaux qui en remplirent l’intérieur. La manière dont ils y font placés, ell encore un des points dans lefquels l’ar- chiteclure de nos guêpes différé de celle des abeilles: ces dernières les dilpofênt verticalement, au lieu que les guêpes tiennent les leurs parallèles à l’horifon: le premier ell attaché à la partie la plus élevée de l’enveloppe, le fécond l’eft au premier; il en ell de même de la fuite des autres gâteaux. Le guêpier elt un édifice qui a quel¬ quefois plus de douze à quinze étages, mais dont les in¬ férieurs lont bâtis les derniers. Entre chaque étage regne une colomnade formée par les liens employés à fufpendre le gâteau inférieur, à le tenir attaché à celui qui le pré¬ cédé immédiatement. Ces étages font proportionnés à la taille des guêpes, & par conféquent peu élevés. Charpie gâteau ell compofé de cellules confiantes & arrangées régulièrement. 11 faut pourtant avouer que dans l’arran¬ gement & la confiruélion de leurs cellules, les guêpes paroifient bien inférieures en géométrie aux mouches à miel : ce quelles femblent avoir Içu comme ces der¬ nières, c’ell que la figure exagone devoit être préférée à toutes les autres; mais les abeilles parodient avoir içu de plus qu’il y avoit à gagner pour ménager tant i’efpace que la cire, en formant chaque gâteau de deux rangs de cellules. Elles ont agi comme fi elles euffent eu en¬ core des connoiffanccs plus profondes, en donnant à chaque cellule un fond pyramidal compofé de trois rhombes égaux dont les angles lont les plus avantageux qui pouvoient être choilis, pour renfermer plus d'clpace avec moins de matière ; au lieu que les gâteaux des guêpes font faits d’un feul rang de cellules dont chacune a le PREFACE. xxv a le fond prefque plat, mais il n’étoit pas permis aux guêpes de faire ufige d’une plus fçavante géométrie. Les édifices font d’autant plus parfaits qu’ils répondent mieux aux vues qu’on a eues en les conftruifànt : ceux des guêpes auraient de grands défauts, s'ils étoient conftruits fur le modèle de ceux des abeilles. Les cellules du guêpier ne font deftinées qu a fervir de logement à des vers à qui les guêpes portent la becquée plufieurs fois chaque jour, S: qui tous ont conltamment, & par conféquent doivent avoir la tête en embas. Il falloit donc que les ouvertures, les entrées des cellules, fulfentaulfi en embas, & dès-lors un gâteau ne pouvoit être compofé de deux rangs de cel¬ lules, puifque celles du fupérieur auraient eu leurs ouver¬ tures en en-haut. Enfin dès que les guêpes étoient dans la nécelfité de ne donner à leurs gâteaux qu’un rang de cellules, il ne convenoit pas d’en faire le fond pyramidal; car au moyen des fonds pyramidaux, la lurface fupé- ricure de chaque gâteau fe ferait trouvé toute hérilfée de pointes, ce qui eût été très-incommode pour les guê¬ pes qui ont continuellement à marcher delfus, au lien qu’au moyen des fonds plats, le delfus des gâteaux, le terrain fur lequel elles marchent fouvent, eft uni. Je me fuis arrêté d’autant plus volontiers à faire fentir les rai- fons qui demandoient que l'architecture des guêpes fût différente de celle des abeilles, que j’ai négligé de les rap¬ porter dans le fixiéme Mémoire. Si on objeétoit contre celles que je viens d’en donner, que les guêpes de quel¬ ques efpeces ne font auffi entrer qu’un feul rang de cellules dans des gâteaux qui font pofés prefque verticalement comme ceux des abeilles, je répondrais que ces guêpes ont aulfi des raifons qui les empêchent de faire leurs gâteaux à double rang de cellules; elles ne les recouvrent point d’une enveloppe; elles veulent que les cellules loient Tome VL d xxvj P R ET F A CE. expofées aux rayons du foleil : ces rayons qui échauffent des entrées tournées en partie vers le midi, n agiraient pas affés fur celles cpii le feraient vers le nord, fur celles des cellules du fécond rang. Le guêpier, comme une ruche d’abeilles, efl habité par trois lottes de mouches : dans certains temps il n’a qu’une feule femelle, éc des mouches fans lcxc que nous avons nommées des mulets. Dans une faifon plus avan¬ cée on y trouve des centaines defémelles, 6c encore plus de males. Les femelles furpaffent conlidérablement les mulets en grandeur, une feule de celles-là pefe autant que fix de ceux-ci. Les mâles font aulfi longs, mais moins gros que les fémellcs; aulfi le poids d’un mâle n’elt égal qu’à celui de quatre mulets. La condition d’une mere guêpe elt bien différente de celle d’une mere abeille : la mere abeille eft une vraye reine ; quand elle part pour faire un nouvel établiffement, pour fonder un nouvel empire, elle elt accompagnée de plufieurs milliers d’ouvrières qui lui font plus dévouées que les plus fidèles lujcts ne le font au meilleur roi ; elles la l’oignent, elles vont au-devant de tous les befoins, 6c travaillent fins relâche aux ouvrages nécelfaires au nouvel établilfement. La mere guêpe cil une héroïne par le courage avec lequel elle entreprend de fur- monter les plus grandes difficultés : feule, finis le fecours d’aucune autre mouche, elle jette au Printemps les fon¬ dements de ce guêpier qui à la fin de I E té fera un édifice fi confidérable, 6c peuplé de tant de mouches qui toutes lui devront leur nailfance. Elle efl donc obligée dcconf- truire elle-même les premières cellules dans lclquclles elle dépofe les premiers œufs : ceux-ci donnent des vers qui par la fuite deviennent des mouches-mulets. Les guêpes- mulets l'ont les plus aélives 6c les plus laborieulcs, 6c il a été établi quelles naîtraient les premières, afin que la P R E' F A CE. xxvij merc fat aidée de bonne heure dans les travaux les plus néceflaires, auxquels elle ne pourrait fuffire par la fuite. Les mâles des guêpes ne font pas aulfi pareffeux que ceux des abeilles, ils le chargent de divers foins dans l’intérieur du guêpier; mais l’art de bâtir, celui de faire des cellules & l'enveloppe qui les doit recouvrir, leur eft inconnu. Il eft très-amufànt de voir des guêpes-mulets occupées à ce dernier travail; fi on veut s’en mettre à portée fans rifque, on logera, comme je l’ai fait, des guêpiers dans des ruches vitrées, femblables à celles où l’on tient des abeilles. Dans les belles heures du jour on verra à tout moment ar¬ river au guêpier des mulets qui portent entre leurs dents une petite boule: cette boule eft d’une matière molle, de pâte à papier. Chaque guêpe ne tarde pas à mettre la fienne en œuvre, foit pour allonger un des pans d’une cellule, foit pour commencer la bal'e d’une autre, foit pour ag- grandir un de ces ceintres de l’afTemblage defquels l’en¬ veloppe eft formée. La guêpe applique & colle fa petite boule contre la pièce qu’elle veut étendre, elle la prelfe en fuite pour la réduire en lame. Si la lame qu elle en fait, eft un peu longue, elle va à reculons, & laifte en devant la portion quelle vient d’applatir; pour la rendre encore plus mince, elle retourne la prendre où elle l’avoit d’abord atta¬ chée, & ainfi à plufieurs reprifes. C’eft toujours avec une vîtefle furprenante qu’elle travaille. La petite boule eft un amas de filaments alfés courts & extrêmement fins, humeélés d’une liqueur qui eft propre à les coller en- femble. Notre papier eft fait de linge & par confisquent de fibres de plantes : c’eft du bois que les guêpes tirent les fibres dont elles compofent le leur. Nous fçavons qu'il faut faire rouir le lin & le chanvre, c’eft-à-dire, les tenir dans l’eau pour mettre leurs fibres en état d’être déta¬ chées ; les guêpes femblent fçavoir quelles ne peuvent xxviîj P R E FACE. parvenir à détacher des fibres afies fines que du bois qui a, pour ainfi dire, été roui: lafurface de celui qui a été expofé pendant plufieurs années à la pluie, ell dans cet état. Ces mouches vont ratifier la furface des treillages d’efpalier, tics vieux contrevents, des portes, en un mot celle de tout bois qui n’efi point peint, & qui a été expofé pendant plufieurs années à l’air libre. La guêpe réunit en un petit tas les fibres quelle a arrachées, elie en forme une petite boule qu’elle humedte, & quelle porte enfuite à Ion guêpier. Dans le léptiéme Mémoire il s’agit encore de plufieurs cfpcccs de guêpes qui vivent en fociété, & d’abord de la plus grofie de toutes, connuë fous le nom de Frelons : c’eft celle qui compolè le plus mauvais papier, le plus caflant: celui des frêlons n’eft fait que de lçiûre de bois pourri; aufii ont-ils foin de mettre leur nid à l’abri des injures de l’air : le plus fouvent ils le logent dans un creux de tronc d’arbre où l’eau ne fçauroit pénétrer. D’autres guêpes d’une plus petite elpcce, qui font des guêpiers dont la grofièur n’égale pas celle d’une orange, les laifi'ent expo- lés aux injures de l’air, elles les attachent à une branche d’arbre ou d’arbufie ; mais leurs gâteaux font défendus par une enveloppe compofée d'un très-grand nombre de feuilles. Si ces feuilles, au lieu quelles lont grilès, étoient d’une couleur vermeille, l’enveloppe feroit prilè pour une rôle à cent feuilles, plus grofie que les ordinaires, Ôi qui commence à s’épanouir. Depuis que nous avonsfait graver un de ces nids, nous en avons vu d autres moins gros qu’un petit œuf de poule, conftruits cependant fur les mêmes principes par une autre efpcce de guêpes. Quclqu’adroites qu’ayent du nous paroïtre les guêpes de ce pays dont nous venons de faire mention , leurs ouvrages nous lèmbieront très-imparfaits, fi nous les PREFACE. xxix comparons avec ceux d’une efpece de guêpes des envi¬ rons de Cayenne. Nous devons être bien étonnés de voir que des infeétes exécutent des ouvrages précifément fem- biabics à ceux que nous ne fommes parvenus à fçavoir faire que depuis un petit nombre de liécles. Nous n’avons pas fçu faire le carton plutôt que le papier, 6c les guêpes dont nous voulons parler, font du carton, 6c en opt fait de tout temps, qui ne feroit pas defavoué par ceux de nos ouvriers qui le font le plus beau, le plus blanc, le plus ferme 6c à grain le plus fin. Ces mouches attachent leur guêpier à une branche d’arbre : fon enveloppe eft une elpece de boîte, longue de douze à quinze pouces, & quelquefois plus, de la figure d'une cloche fermée par embas, ou de celle d’une poire. Cette boîte eft une vraye boîte de carton, 6c tous ceux à qui on la montrera fans leur dire par qui elle a été faite, la prendront, fans héliter, pour l’ouvrage d’un cartonnier très habile. Son intérieur cil occupé en partie par des gâteaux de même matière, difpofés par étages, qui n’ont des cellules que fur leur face inférieure. La circonférence de chaque g⬠teau fait par-tout corps avec la boite ; chacun d’eux a un trou vers ion milieu, qui eft une porte qui permet aux mouches d’aller de gâteau en gâteau, d’étage en étage. Si I on elt curieux de connoître plus en détail leur conl- truétion, on en fera inftruit par ce feptiéme Mémoire, 6c par les figures qui l’accompagnent. Mais ce dont nous devons être plus touchés que de la forme de ces ouvrages, c’eft de la matière dont ils font faits. Celle du beau car¬ ton 6c celle du papier font la même ; ces mouches nous apprennent donc que fans avoir recours aux chiffons qui fuffifent à peine à la confommation prodigieufe de papier qui le fait journellement, 6c qui va toujours en aug¬ mentant, nous pouvons trouver une abondante matière d iij xxx PREFACE. à papier, en employant des bois tels que ceux qui font mis en œuvre par les guêpes de Cayenne, ou des bois femblables. Ce n’eft que pour donner une idée générale des guêpes qui vivent en lociété, qu’à la fin de ce Mémoire nous en faifons connoître plulieurs efpeces, qui ne fçaventpas même renfermer fous une enveloppe leurs gâteaux quelles laiflent expofés aux injures de l’air: il eft vrai quelles ont au moins recours à une alfés bonne pratique pour les dé¬ fendre contre la pluie, elles les enduifent de vernis. Si les deux derniers Mémoires nous ont fait voir que les guêpes qui vivent en lociété, font de dignes émules des abeilles qui habitent les ruches, le huitième Mémoire où il ne s’agit que des guêpes qui mènent une vie foli- taire, nous apprend que celles-ci ne le cèdent aucune¬ ment aux abeilles dont le genre de vie eft le même, en tendrefle pour leurs petits, en prévoyance & en foins pour les nourrir. Nous commençons ce Mémoire par fixer les idées qu’on doit avoir des guêpes proprement dites, des guêpes-ichneumons, & des ichneumons. Lorfque les véri¬ tables guêpes font en repos, elles ont chacune de leurs ailes l'upérieures pliée en deux fuivant fa longueur ; mais les guêpes-ichneumons ont toujours leurs ailes étendues comme le font celles du commun des mouches. Les ichneumons different des unes & des autres, foit par la forme de l’aiguillon, foit par la manière dont il eft porté ou logé, & par l’agitation continuelle dans laquelle ils tiennent, foit leurs antennes, foit leurs ailes. Nous nous bornons dans le huitième Mémoire à faire connoître quelques elpeces de guêpes foiitaires, & quelques autres de guêpes-ichneumons; mais fur quoi nous nous fommes le plus étendus, c’cft fur les procédés au moyen defqucls les unes & les autres logent fiéparément le ver qui fort P R EF A CE. xxxj d’un de leurs œufs, & fur ceux au moyen defqucls elles pourvoyent à leur fublifiance. Les unes percent dans la terre, d autres dans du fable, des trous dont chacun doit recevoir un œuf, & être la cellule d’un ver. Des guêpes de certaines efpeces fçavent rendre faciles à creufer, des enduits fablonneux qui réfiftent au frottement de l’ongle, elles ramolliffcnt l’endroit quelles veulent entamer, en jettant deffus quelques gouttes d’eau quelles font fortir de leur bouche. Ces mêmes guêpes élevent un tuyau qui femble de bligramc, & quelles forment du fable même du trou quelles creufent : ce tuyau quoique bien ou¬ vragé, ne fert qu’à mettre à leur portée le fable qu elles doivent faire rentrer dans la partie fupéricure du trou. D autres guêpes-ichneumons bâtilfent, comme les abeilles maçonnes, des nids avec de la terre, quelles attachent quelquefois au plancher d’une chambre où elles peu¬ vent entrer librement ; elles difpofent piufieurs cellules obiongues les unes auprès des autres; l’extérieur de cha¬ cune a l’air d’une colomne torfe ; l’entrée de chaque cellule efl précifément placée à fon bout inférieur, ce qui fait que le nid, que l’airemblage des cellules a quelqu’air d’un lifflet deChauderonnier. D’autres guêpes, & d’autres guêpes-ichneumons fçavent, comme les abeilles perce- bois, creufer dans de vieux morceaux de bois, & prefque pourris, de longs trous dont chacun donne au moins un logement à un de leurs vers. Quelle que foit la matière dont la mouche a fait une cellule, dès qu’elle a dépofé un œuf fur fon fond, elle fonge à y porter la provifion d’aliments cjui fuffira à nourrir le ver prêt à éclorre, jufqu’à ce qu’ii foit en état de le transformer. Les vers des guêpes-ichneu¬ mons ne s'accommoderaient pas d’une pâtée miclleufe telle que celle que les abeilles donnent aux leurs : ces vers naiffent voraces, ils font même difficiles fur le choix de xxxij P P P PAC P. la chair, pour ainfi dire, dont ils fe nourrirent, ils ne veulent manger que celle d’animaux vivants, ou prefque vivants. Ceux que les vers de certaines efpeces aiment, font de mauvais mets pour ceux de différentes autres efpeces; mais ces vers de différentes efpecesfont tous fervis à leur goût par leur mere. Chacune porte dans la cellule où le lien eft prêt à naître, une provifîon de gibier tout vivant : l’une ne lui donne que de petites chenilles, une autre fournit le fien de vers femblables à des chenilles, line autre va pour le fien,à la chaffe des mouches,& ne choifit que celles de certaines efpeces ; car telle porte dans le nid de petites mouches à deux ailes, une autre y en porte de groffes, l'une n’y fait entrer que de celles qui ont le corps long, & d’autres n’y font entrer que de celles qui font court. Enfin d’autres guêpes, & d’autres guêpes-ichneumons mettent dans la cellule de leur ver une provifîon d’araignées d’une certaine elpece. Cette provifîon eft fouvent de douze ou treize infeétes, plus ou moins, fuivant leur grandeur. La mere mure enfuite la cellule qu’elle a remplie en partie d’infeétes d’une cer¬ taine elpece. Cette précaution eft néceffaire,car ceux qui ont étéentaffés dans la petite caverne étant pleins de vie, n’y refteroient pas. Non feulement ils fontvivants, mais ils peuvent vivre fans manger, jufqu’à ce qu'ils foient mangés eux-mêmes par le ver qui doit croître à leurs dépens, & qui les dévore les uns après les autres. Quand il a mangé fa dernière chenille,fa dernière mouche,fa dernière araignée, il n’a plus befoin de prendre de nourriture, il fe méta- morphofeen une nymphe, qui devient enfuite une guêpe ou une guêpe-ichncumon. C’eft ordinairement en volant que la mere porte à fon nid les uns après les autres, les infeétes qui enfemble font l’approvifionnement complet du ycr qui y doit naître. Mais j’ai yu une guêpe-ichncumon d'une P R E' F A C E. xxxiij d’une a/fés petite efpece, qui portoit à Ton nid une chenille qu’il lui eût été impoffible de foûtenir en l’air. C’étoit une de celles qui font des coques en bateau : fon poids étoit au moins fept à huit fois plus grand que celui delaguêpe-ichneumon. Lorfque je vis celle-ci traîner fur la terre un fi énorme fardeau, Si un fardeau qui étant vivant, réfifîoit plus que par fon poids, j’en fus étonné; je le fus bien davantage lorfque je vis que la petite mouche le faifoit monter le long d’un mur, Si enfuite le long d’une tige d’arbre. Le neuvième Mémoire traite des ichneumons propre¬ ment dits, genre de mouches très-étendu, Si qui renferme des efpeces qui different beaucoup entr’elles par la forme Si la grandeur de leur corps ; car il y a des ichneumons qui font de très-grandes mouches, Si d’autres qui ne font que des moucherons. Toutes les femelles, Si les feules fé- melles, font munies d’un aiguillon ou d’une tarriére qui n’eft pas une arme offenfive, ou au moins une fimple arme offenfive,, comme l’aiguillon des guêpes & des mouches à miel;c’eftl’inflrumentau moyen duquel elles parviennent à bien loger leurs œufs. Les ichneumons font difpenfés du foin de leur conflruire Si préparer des nids, ils leur en fça- vent trouver de tout faits Si d’excellents : ceux de plulieurs efpcces introduifent leurs œufs dans le corps d’un autre in- iëéte. Le onziémeMémoire du fécond volume, nous en a fait connoître qui vont fe pofer furie corps des chenilles qui s’apperçoivent à peine du mal qu’ils vont leur faire. Quand une chenille ou un autre infeéte a été choifi par un ichneu- mon pour fervir à logerfesœufs,&à nourrir les petits qui en naîtront, il faut qu’elle lubiffe une deftinée qui par la fuite lui coûtera la vie. L’ichneumon perce avec fa tarriére le corps de l’inlèéle fur lequel il s’eftpofé, la tarriére porte un œuf au fond de la playe quelle a faite. Selon que l’ichneumon clt plus ou moins gros, Si félon que l’infeëtc Tome VL c xxxiv P R E' F A C E. à qui il sert attaché eft plus ou moins grand, il dépofè dans Ton corps plus ou moins d’œufs ; car il faut que les petits qui fortiront des œufs, trouvent de quoi fe nourrir où ils font logés, jufqu’au temps où ils n’auront plus à croître. Certains ichncumons font fi petits, que trente à quarante de leurs vers trouvent la provifion d’aliments qui leur eft nécefiaire, dans le corps d’une chenille de grandeur médiocre. Le corps d’une pareille chenille fuffit à peine pour nourrir jufqu’au temps de fa première métamorphofe, un feul ver d’ichncumon de grandeur médiocre. Les ichncumons dont 30 q.o ont pris enfemble tout leur accroiffement fous la forme de ver dans le corps d’une feule chenille, font grands en comparaifon de quelques autres qui logent un de leurs œufs à l’aile dans celui d’un papillon; le ver qui y éclôt ne fort de cet œuf de papillon qu après être devenu mouche. D’autres ichncumons collent finalement leurs œufs fur le corps d’une chenille; mais les vers qui en fortent, ne refient pas long-temps expofés aux injures de l’air, ils fçavent percer le corps, & pénétrer dans l'on intérieur. * Dans le cours de cet ouvrage nous avons donné cent exemplcsde ce quefçavent faire un grand nombre d’ichncu- mons de différentes efpeces, pour bien loger leurs petits : ils s’introduifent dans les nids faits avec le plus d’art & de foin par d’autres infeéles; à côté de l’œuf ou des œufs qu’un de ceux-ci a cru avoir mis en fûreté, l’ichneumon va dé- pofer le ficn : il épie & faifit le moment où la mere a été obligée de quitter le nid pour aller chercher l'oit des maté¬ riaux néceffaires à fa conftruélion complette, l'oit des pro- N vifions pour nourrir le petit prêt à éclorre. Il n’efi point de mere infeéle dont la prévoyance ne foit fouvent trom¬ pée par quelque mouche-ichneumon : lever de cette der¬ nière le nourrit du petit auquel l’autre a donné naifïànce. Les fémelles d’ichneumons de différentes clpeccs, dont P P E FACE. xxxv quelques-unes portent au bout d’un long corps, une queue deux ou trois fois plus longue que celui-ci, n’ont pas befoin d’être à l’affût du moment où une mere elt obligée de quitter le nid quelle a commencé, pour faire des courlès à la campagne. Quoique le nid l'oit clos de toutes parts 6 c fini, quoiqu’il foit d’une matière très-folide, une femelle ichneumon parvient à placer un ou plufieurs œufs dans fon intérieur. Cette queue d une longueur fi démefurée, 6c qui ne femble propre qu’à embarraffer, elt l’inltrument au moyen duquel elle y parvient. Elle cil compofée de trois pièces, dont celle du milieu elt une tarriére à laquelle les deux autres font un étui. La mouche fçait contourner fa queue comme elle le veut, 6c la porter où il lui plaît. Quelques-unes la font palfer fous leur ventre, 6 c la conduilènt bien en devant de leur tête, pour percer dans des couches d’un fable gras durcies par le foleil, des trous qui pénétrent dans l’intérieur des nids où certaines guêpes ont logé leurs vers avec une provifion d’inlcétes vivants. Le ver qui mange ceux-ci elt à Ion tour mangé par celui qui fort de l’œuf de l’ichneumon. Nous avons dû voir avec admiration dans les Mémoires précédents, tant de différents moyens, tous finguliers, auxquels des mouches de différentes elpcces ont recours pour loger 6c nourrir leurs petits. Les mouches dont il s’agit dans le dixiéme Mémoire, ne paroiffent pas être des mcresfi tendres, ni fi bien initruites, 6c elles n’avoient pas befoin de l’être plus quelles le font; elles laiffent tout fimplement leurs œufs fur du fable, ou fur une terre pul- vérifée qui fe trouve au pied d’un vieux mur, ou dans quelqu’autre endroit à l’abri de la pluie. Les mouches dont nous voulons parler, font de la claffe de celles qui ont le corps le plus long 6c le plus élilé, d’un des genres des mouches appellées Demoifelles ; en un mot, ces ci j xxxv ) PRE FACE. mouches font celles qui clans leur premier âge ont été des infectes connus, &, fi je lofe dire, célébrés fous le nom de Formica-leo. La figure du Formica-leo n’offre pourtant rien d’abord de fort remarquable, il ne paroit pas mériter plus d’atten¬ tion qu’un cloporte de médiocre grandeur, qui auroit deux cornes en devant de la tête. 11 elt né vorace, & doit fe nourrir dans tous les temps de fa vie du gibier que la chaffe lui fournit ; mais il ne fçauroit efpérer de prendre à la courfe aucun infede, même aucun de ceux dont la marche ell la plus lente, il ne peut aller qu’à reculons; il lui elt impofiible de faire un feul pas en avant ; mais il fçait dreffer un piège aux infectes, au moyen duquel il réuffit à fe rendre maître de ceux même qui lui font fu- périeurs en force. Ce piège n’eft qu’un trou en forme d’entonnoir, creufé dans un fable très-mobile, ou dans une terre feche & pulvérifèe ; l'entonnoir a deux ou trois pouces de diamètre à fon entrée, & a de profon¬ deur les deux tiers ou les trois quarts de fon diamètre. Le formica-leo fe tient à l’affût au fond de cet entonnoir, fon corps y efl entièrement caché fous lefable,au-deffus duquel les deux cornes s’élèvent ; ce font deux excellentes armes qu’il peut approcher ou écarter à volonté l’une de l’autre par leur pointe, & avec lefqticlles il peut faifir & percer le corps de l’infede le mieux caparaçonné d’é- cailles. Malheur à celui, à la fourmi, au cloporte, à la petite chenille, & à tout autre qui, en fuivant là route, palfe fur les bords du précipice; ils font toujours tout prêts à s’ébouler: finfede roule avec les grains de làblequi échappent fous les pieds, dans la foffe où le lion l’attend. L’animal infortuné ne manque pas de faire tous les efforts pour fe tirer du précipice dans lequel fon imprudence l’a conduit, il tâche de grimper le long des parois efearpées; PR E' F A CE . xxxvij malgré la pente les grains de fable ne ceclent pas toujours fous fes pieds ; lorfqu’il eft aulfi léger qu’une fourmi, il fait avec luccès des pas vers le haut de l’entonnoir. Le formica-leo ne néglige pas alors une relfource qu’il a pour fe rendre maître de la proie qui lui échappe : fa tête eft platte, mais il peut l’élever en haut, & l’abaiffer avec vîteffe, au moyen d’un col très-mobile, à qui elle tient ; avec fa tête, comme avec une pelle, il fiait voler du fable en l’air, & cela dans une telle direétion, que les grains retombent pour la plupart fur l’infeCte qui grimpe avec beaucoup de peine: ces grains le frappent, & font pour lui ce que feroit pour nous une grêle de pierres. Le formica-leo ne s’en tient pas à ce premier jet de fable, il ne celfe d’en lancer en l’air de nouveaux, de faire pleuvoir le fable, que lorfque le malheureux infecte a été forcé par des coups redoublés de tomber dans le fond du trou. Dès qu’il y eft, les cornes du formica-leo le fiaififlent & le percent. Ces cornes ne font pas de fimples armes meur¬ trières; le formica-leo n’a pas une bouche ou une trompe placée comme l’eft celle du commun des infèétes ; mais il a pour ainfi dire deux bouches, une au bout de chaque corne, ou, pour parler plus exactement, chaque corne eft line trompe avec laquelle il fucce & fait pafter tout ce que l’intérieur de l’infeéte pris a de fucculent. Il le ileffeche au point de rendre friablecelui qui étoit mol, & le jette enfuite hors de l’entonnoir; après quoi il attend patiemment le hazard heureux qui lui en procurera un autre. La grandeur de l’entonnoir a quelque proportion avec celle du foi mica- ieo qui l’habite. De le faire n’eft pas pour lui un ouvrage auffi fimple qu’on l’imagineroit; il commence par creulèr lin fofTécirculaire qui en limite l’enceinte, au-dehors de laquelle il jette peu à peu le fable ôté de la ma (Te de figure conique qui doit être enlevée : la jambe qui lé trouve ver* e iij xxxviij PRE FACE. l’intérieur Ju trou, charge la tête de fable quelle fait enfuite voler dehors. Il marche en tournant autour de la mafTe de fable, mais en faifant beaucoup de pôles, car dès qu’il a fait lin pas, il s’arrête pour charger la tête; enfin, après un grand nombre de tours, tout le labié a etc jette hors du trou. Quand le formica-leo a pris l'on accroiffement complet, il lè conftruit une coque fphérique, dont l’enveloppe ex¬ térieure eft compofce de grains de fable, ou de terre liés enfemble par des fils de foye; mais il employé la foye feule pour en tapifter l’intérieur d’une tenture blanche qui a le luifimt du plus beau latin. La filière qui fournit la loye ,eft à fon derrière. Enfin, l’infeéle renfermé dans fa coque s’y métamorphole en une nymphe qui devient une demoi- fellc, dont les couleurs n’ont rien de frappant, elle eft prefque grife. C’eft l’onzième Mémoire qui fait paffer fous nos yeux un grand nombre d’efpeces de Demoilelles, dont le corps eft paré de belles couleurs fouvent rehaulfées par un brillant doré ou argenté. Toutes ces demoilelles peu¬ vent être diftinguées des autres par le furnom d’aquatr- ques, non feulement parce quelles fe tiennent volontiers au bord des rivières, des ruiffeaux, des étangs & des mares, mais fur-tout parce que c’cft dans l’eau qu’elles font nées, & quelles ont pris leur accroiffement. Nous les rangeons fous trois genres, dont chacun comprend beau¬ coup d’efpeces. Le corps de celles du premier genre, quoique long, l’eft moins proportionnellement que le corps de celles des deux autres genres, & eft plus gros à fon origine qu’à fon extrémité, au lieu que celui des autres eft tout d’une venue. La forme de la tête fait dis¬ tinguer les demoilelles du fécond genre , de celles du troifiéme : la tête des premières eft ronde, & celle des autres a plus de diamètre d’un côté à l’autre que du devant P R E' F A C E. xxxix au derrière. Les demoifelles des trois genres viennent d’in- feèles aquatiques, qui dans l’état de vers different peu de ce qu’ils l'ont dans l’état de nymphes. Les vers & les nym¬ phes ont fix jamhes qui femblent plutôt faites pour por¬ ter des infeétes fur terre, que pour les faire nager. Ces inlèétes rcfpirent pourtant l’eau comme les poiffons, mais c’eft par leur anus qu’ils la font entrer dans leur corps, comme nous faifons entrer l’air par notre bouche dans nos poulinons; c’eft auffi par leur anus qu'ils la font fortir par jets. Ce qui efl plus particulier, c’eft qu’ils portent tous un mafque qui ne monte pas à la vérité jufqu’à leurs yeux, mais qui couvre tout le refte du devant de la tête, & fur-tout la bouche qu’ils ont fort grande & bien munie de dents. Ces mafques d’ailleurs ne reffemblent pas aux nôtres, ils font de véritables & belles machines; leur confiruétion efl différente dans les trois genres de nymphes qui répondent aux trois genres de demoifelles: ceux des nymphes dn premier genre font faits en devant de calque, &ont fur le front deux efpeces de volets ; l’infeéle peut les ouvrir tous deux à la fois, ou n’en ouvrir qu’un feu!. Avec ces volets il peut attraper des infeétes, & les tenir pendant que les dents les dépiccent & les hachent. Les mafques des nymphes, tant du fécond que du troifiéme genre, à la place des vo¬ lets ont de grands crochets finguliérement contournés, & difpofés de manière qu’ils ne paroiffent ce qu’ils font, que lorfque la nymphe veut s’en l'ervir pour prendre des infeétes. Quand ces demoifelles ont fini leur croît, elles abandonnent l’eau , elles grimpent fur quelque plante expofée au foleil, & s’y cramponnent ayant la tête en en-haut. Après y être reflées tranquilles pendant plus ou moins d’heures, le moment arrive où elles vont changer d’état : il fe fait fur le corcclet une fente qui bien tôt xï P R F F A C E. s’allonge, gagne la tête, Si s’étend enfuite de chaque côté jul'qu’aux yeux. Par cette fente fort la mouche qui doit être une demoifelle : les ailes fe déplient, le féchcnt, & de¬ viennent en état de la porter dans les airs, & de l’y foûte- nir. Les demoifelles s’y tiennent volontiers pour une fin femblable à celle qui y fait relier les oifeauxde proye ; elles fondent fur les mouches & fur les papillons qui en volant palfent à portée d’elles. Les mâles contre la régie pref- que générale pour les autres infeéles, font fouvent plus gros que les femelles, & au moins prefqu’aulfi gros ; ils les cherchent avec ardeur. Soit que la femelle qui a be- l'oin detre fécondée, fe tienne en l’air, foit qu’elle s’arrête fur quelque plante, elle en a bien tôt un , & fouvent plufieurs qui volent autour d’elle. Celui qui fçait mieux diriger l’on vol,le pofe fur la tête de la femelle qu’il lâifit avec fes fix jambes : pendant qu’il lui tient la tête , il re¬ courbe l'on corps en boucle prefque fermée, Si cela pour en ramener le bout fur le col de la femelle; Ion but cil de le faire palfer entre deux crochets qui le ferrent de chaque côté. Cela frit, la femelle ne peut plus lui échap¬ per, les jambes du mâle peuvent abandonner, Si aban¬ donnent la tête qu’ellestenoient faille, il redrertefon corps au bout duquel la femelle elt bien arrêtée par le col.On voit voler ainfi en l’air des paires de demoifelles dont l’une, la fémellc, cil à la file de l’autre. De quelque côté qu’il plaife à ce mâle de voler, la femelle cil obligée de le fuivre, il sert rendu maître d’elle. Il n’elt pourtant pas en fon pouvoir de finir l’opération par laquelle l’Auteur de la Nature a voulu que l’efpece fut conlcr- vée; la jonétion par laquelle elle peut être achevée, dé¬ pend de la volonté de la femelle, Si elle feule peut la rendre complette. C’elt près du derrière de celle-ci qu’ert l’ouverture par laquelle les œufs doivent fortir, Si par laquelle P R £’ P A C E. xïj laquelle ils doivent avoir été fécondés auparavant ; elle çft placée comme elle l’eft communément dans les au- très infeéles. Mais les parties du mâle qui opèrent la fé¬ condation, font tout autrement fituées que dans les ma¬ ies des autres mouches; elles font près du bout du corps de ceux-ci, Si près de l’origine du corps de la demoifelle mâle, tout près du corcelet. Pour que l’accouplement fe faffe, il faut donc que le bout du derrière de la fé- melle vienne s’appliquer fous le ventre du mâle, tout près de l'on corcelet; il faut que ce l'oit la fémelle elle-même qui conduite là le bout de fon derrière ; c’ett ce que le mâle defire d’elle, Si c’elt à quoi elle fe refufe d’abord. C’elt pour l’y engager par les carelfes, fi c’en elt une parmi ces infeéles de ferrer le col, ou pour l’y forcer par lès importunités, que le mâle la promené en l’air. Ceux de certaines efpeces conduifent leur fémelle fur une plante à laquelle ils vont s’attacher : là le mâle recourbe fon corps pour inviter la fémelle à courber le fien; enfin celle-ci vaincue par des agaceries tendres, ou par le defir de de¬ venir libre, fe rend après s’être fouvent défendue plus d’une demi-heure; elle recourbe fon corps, elle en fait palfer le bout fous celui du mâle, Si le conduit jul'qu’au- près du corcelet : là l’union intime s’acheve. Les corps des deux demoifelles font alors contournés de façon qu’ils forment un las en cœur: c’efl dans l’échancrûre du cœur que fe trouvent la tête de la fémelle Si le derrière du mâle, qui n’abandonne pas le col de celle-ci; la tête du mâle elt à la pointe du las. L’accouplement dure quelquefois une heure & plus; après qu’il eft fini la fémelle peut aller confier à l’eau même, ou à quelque plante qui en dl bai¬ gnée, les œufs d’où fortiront des vers qui après avoir vécu Si crû pendant près d’une année à la manière des poitfons^ deviendront à leur tour des demoifelles. Tome VL f tu. xlij P R E' F A CE. C’cft encore dans l’eau que vivent pendant tout fe temps qu’ils ont à croître,des infeétes dont le douzième Mémoire nous donne l’hiftoire,qui deviennent des mou¬ ches qui n’ont rien de plus fingulicr à nous offrir que la courte durée de leur vie de mouche ; elle n’elt pas afTcs exprimée par le nom d’éphémeres qu’on leur a im- polè. Une vie d’un jour efc par rapport aux mouches de quelques-unes de cesefpeces, ce que la vie des Patriar¬ ches a été par rapport à la longueur de la nôtre : le cours naturel de celle de certaines éphémères, n’elt que de peu d’heures, 6c même de moins d’une heure. Il y a pourtant des mouches, qui ont d’ailleurs les caraétéres des éphé¬ mères, qui vivent communément plufieurs jours. Toutes ont été d’abord des ffx-pieds ou vers hexapodes; ces vers fe transforment enfuite en des nymphes d’une iigure peu différente de la leur, 6c qui comme eux, marchent fur fix jambes. Elles 6c les vers ont des ouïes, ainli qu’en ont les poiffons, mais placées en-dehors du corps : chacun des fix à fêpt premiers anneaux en a une de chaque côté. Ces ouïes au premier coup d’œil paroiffent des houppes de poils, quelques-unes en l'ont auffi, mais d’autres font de petites palettes en manière de feuilles ; d’autres font échan¬ gées. On s’arrête volontiers à confidérer avec quelle vîteffè l’infeéle les agite lorfqu’il eff en repos. Quelques nymphes d’éphémeres les tiennent couchées fur leur dos, d’autres les portent parallèles, & d’autres perpendiculaires au plan fur lequel elles fe tiennent polées. Ces différents ports des ouïes nous ont mis en état de diftinguer trois genres de nymphes. 11 y en a des efpeces des unes & des autres qui font errantes, qui nagent 6c qui marchent dans l’eau, qui y vont fur des plantes, qui fe cachent lotis des pierres; mais d’autres dont les premières jambes font des ins¬ truments propres à fouiller la terre, 6c qui en devant de PREFACE. ^ xï iiy h tête ont Jeux crochets encore plus propres à un pareil ufage, Te font chacune un trou dans les berges des rivières, où elles fe tiennent aiïes conftamment. Les berges des bords de la Seine & de la Marne font criblées au clclfous du niveau de l’eau, de trous qui fe touchent, fur-tout dans les endroits où il y a des lits de glaife, ou d’une terre compacte. La direétion de chaque trou eft pour l’ordinaire horifontale ; il eft moins fimple que ceux que le creufent la plupart des autres infeétes; le même a deux ouvertures, & eft divile dans prefque toute fa longueur, en deux branches parallèles, par une mince cloilon de terre. Les infeétes qui habitent de pareils trous le long des bords de la Seine & de la Marne, font ceux à i’hiftoire defquels nous nous fommes le plus arrêtés ; elle nous fournit peu de faits pour tout le temps où ils font fous l’eau, quoiqu’ils y vivent environ deux ans: ils fe nourriffent de la terre même du trou où ils font logés. Les faits les plus intéreffants qu’ils ont à nous offrir, fe paffent en moins d’une heure, c’eft-à-dire, depuislemo- ment où ils commencent à fe transformer en mouches, jufqu’à celui où les fémelles ont pondu leurs œufs, après quoi il ne leur refte plus qu’à mourir. Tout doit s’achever promptement dans des mouches fi prefféesde vivre. Elles tant quelque chofe delà forme des papillons , & doivent être mifes au rang des mouches papillonnacées ; elles font auffi grandes que des papillons d’une grandeur peu au- deffous de la médiocre. Leurs ailes fupérieures d’un blanc Jaunâtre, ont de l’ampleur; leur corps eft long & ter¬ miné par une queue beaucoup plus longue; celle des fémelles eft faite de trois filets égaux : le filet du milieu de la queue des mâles, eft court en comparaifon des deux autres. Ces mouches donnent chaque année fur les bords de la berne & de la Marne aux env irons de Paris, uu f'i xliv PRETA CE. fpectacle fingulier pendant trois à quatre jours de fuite, qui tantôt viennent avant, & tantôt après la mi-Aoiit. Lorfque le loleil ed couche, il y a des heures où il paroît en l’air une quantité fi immenfe de ces mouches, que pour s’en faire une judc idée, il faut fe rappeller ce3 jours d'hiver où la neige tombe à plus gros Hoccons, ôc plus preffés les uns contre les autres. La terre n’eft pas alors plus vite couverte de neige qu’elle lcd d’épi rémérés dans lesloirées dont nous parlons. Les nymphes qui font fous l’eau attendent que la nuit foit venue pour fe méta- morphofer. En 1738, les plus diligentes quittèrent leur dé¬ pouille après huit heures du loir, & les plus pareffeufes vers les neuf heures. Cette opération difficile pour la plupart des autres infeéles, 6 c fouvent longue, cd facile pour ceux- ci, 6c très-courte. Les nymphes fe font à peine élevées à la furface de l’eau, que leur fourreau fe brile, 6c que par la fente qui s’y elt faite, fort une mouche dont les ailes fe développent dans le même indant, 6c qui dès qu’elles font développées’, font en état de la porter en l’air ; suffi prend- elle l’effor fur le champ. Des milliers ou plutôt des millions de nymphes fe rendent en même temps à la furface de l’eau, 6c devenues mouches s’élèvent dans l’air qui en ed bien tôt rempli. Mais comme elles ne s’y peuvent foûtenir long-temps, une abondante pluie de ces mouches ne tarde pas à tomber. En moins d’un quart d’heure j’en ai vu des tas de fept à huit pouces d’épaiffieur fe former à mes pieds. La quantité de mouches qui paroît alors, 11’ed pas concevable, elles tombent au¬ près de tous les corps quelles ont touchés. Les femelles ne cherchent qu’à faire leurs œufs, elles font fi preffées de s’en délivrer, que celles qui font tombées à terre, les y iaident; mais les autres vont pondre les leurs dans la ri- yierc. Pendant quelles voltigent près de b furface de l’eau, PRETA CE. y xïv elles font fortir à la fois de leur corps deux grappes, dont chacune contient environ trois cens cinquante œufs. C’eft l’affaire d’un moment : un autre infeéte ne pond guéres plus vite un leul œuf, que cette mouche en pond autour de fept cens. Swammerdam a prétendu que ces œufs étoient fécondés, comme on croit communément que le font ceux des poiffons, par un lait jetté deffus après qu’ils font fortis du corps de la mere, ce qui me paraît combattu par beaucoup de difficultés. Quoique la lumière d’un flambeau ne foit pas favorable pour obferver ce qui lé paffe parmi des infeétes dont le nombre met tout en confufion, j’ai cru voir de courts accouplements: s’il y en a, ils doivent être plus courts qu’aucun de ceux qui font connus. Il y a des éphémères de certaines efpeces,. qui après être devenues ailées, ont encore à quitter une dépouiller quelque minces que leurs ailes ayent paru d’abord, & quoique la mouche s’en loit fervie pour voler, elles étoient pourtant, comme toutes les autres parties du corps, re¬ couvertes chacune d’un fourreau que la mouche laiffie^ Celles que j’ai vues dans la néceffité de fe défaire de cette dernière dépouille, vivent pendant plufieurs jours, & ce n’efl quelquefois que plus de vingt-quatre heures, on même deux fois vingt - quatre heures après quelles font devenues mouches, quelles fè tirent d’un dernier vête¬ ment complet, mais extrêmement mince. Nous revenons dans le treiziéme Mémoire à de fort petits infectes, dont nous avons traité très au long dans, le troifiéme volume, qui ne font que trop communs dans ta campagne,. & fur-tout dans nos jardins; nous y reve¬ nons aux pucerons. Nous avons affiés dit ailleurs que le nombre de leurs efpeces eft prodigieux.. Parmi ceux de chaque cipcce, il y en a de non-ailés , & d’autres qui ont. xlvj PREFACE. quatre aîîes tranfparentes : les pucerons font donc des mouches. Ce qu’ils ont de pli;s fmgulier, & on peut dire de plus étrange à nous apprendre, n’a été que foupçonné dans le volume qui vient d’être cité : nous y avons dit que toutes les efpeces de pucerons que nous connoiffions, étoient vivipares, & que dans chaque efpece les ailés 6c ies non-ailés mettoient au jour des petits vivants ; mais nous Tommes reliés indécis fur l’article le plus important, fur celui de leur fécondation. Jufqu’ici tout a prouve ia nécelfité du concours de deux individus de la même elpece pour la propagation de chaque efpece. On croyoit que l’Auteur de la Nature avoit voulu que cette loi fut générale : li elle avoit eu à fouffrir des exceptions, il fem- bloit que c’eût dû être dans les genres d’inlèéles, dont chaque individu a en lui les deux l'exes réunis; cependant des individus mâles & fémelles en même temps, comme les limaçons, les limaces, les vers de terre, &c. font dans l’impuilfance de fe féconder eux-mêmes; ils font comme les autres foûmis à la loi de l’accouplement. Divers faits g. 2. dons font des fémelles, ceux de moyenne grandeur font des mâles, 6c ceux de la petite taille font dépourvus de tout fexe. Ce font les trois fortes de mouches que nous avons Aij 4 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE prouvé ailleurs lé trouver dans une ruche d’abeilles, mais qui, parmi celles-ci, ne différent pas autant en grandeur que parmi les autres. Les bourdons vivent aufli, comme les mouches à miel, en focieté; mais fi on compare les habitations de ces der¬ nières, le nombre des mouches qui y font raffemblées, les ouvrages dont elles font remplies, avec les logements des bourdons, & tout ce qui s’y trouve, les unes paraîtront par rapport aux autres, ce qu’efi une très-grande ville, très-peuplée, &011 les arts font en honneur, par rapport à un fimple village. Après s’ètre plu à faire des réflexions fur tout ce qui lé paffe dans les plus fuperbes villes, on peut aimer à s’infiruire de la vie des villageois. Nos bour¬ dons, que nous comparons à ces derniers, ne laiffent pas d’avoir à nous apprendre des faits par rapport à la façon dont ils fe conduisent, qui méritent détre connus. Je n’en ai jamais trouvé plus de 50 à 60 réunis dans un même domicile ; on n’en a que plus de facilité à oblèrver leurs différentes manœuvres. Les mouches à miel qui ont été abandonnées à elies- mêmes, celles qu’on n’a pas logées dans des ruches, cher¬ chent pour s’établir, quelque grande cavité qui les mette à l’abri des rayons du Soleil & de la pluye ; elles ne fçavent pas fe fiiire une habitation, elles ont befoin de la trouver * PI. i.fig. Lite. Nos bourdons fe font la leur; l’extérieur * en eft extrêmement fimple & ruftique : tel qu’il eft, il leur coûte du travail. On ne le prendrait à la première infpeélion, que pour un ouvrage de la nature, que pour une motte de terre un peu élevée & recouverte de moufle; mais toute la moufle qui s’y trouve, y a été apportée par les bourdons, qui en ont dépouillé la terre des environs. J’appellerai des nids ces endroits où plufieurs bourdons habitent enlèmbie; ils en font auffi; c’eff-là que les œufs des Insectes./. Met tt. ^ fontclépofés, & que les vers qui en éclofènt, prennent leur accroiffement jufqu a ce qu’ils foient en état de fubir leurs différentes métamorphofes. Quoique je fçuffe où l’on devoit trouver de ces fortes de nids, que c’étoit princi¬ palement dans les prairies & dans les champs de fainfoin &de luzerne, quoiqu’ils n’y foient pas rares, & que leur volume puiffe les rendre très-fenfibles (car le diamètre de leur circonférence a fouvent cinq à fix pouces & plus, & iis s’élèvent au-deffus de la lurface de la terre de quatre à cinq pouces) j’en ai cependant cherché inutilement moi- même pendant pluheurs années; & beaucoup d’enfants de la campagne, que j’ai intéreffés à m’en découvrir par des récompenfes promifes, n’ont pu y réuffir. L’expédient des récompenfes promifes m’en a pourtant procuré par la fuite autant que j’en ai voulu, & plus. Je penfai que c’étoit aux faucheurs à qui je devois m’adreffer. Quand leur faux coupe l’herbe bien près de la terre, elle met à découvert les nids de bourdons qui s’élèvent au-deffus de fa furface; fouvent même le tranchant de ce grand inflrument divife ces nids en deux, & détermine les mouches à en partir. Auffi n’ai-je point trouvé de faucheurs qui ne connuffent les nids dont il s’agit. Les premiers que je voulus engager à m’en procurer, en leur promettant de les leur payer cha¬ cun douze fols, furent extrêmement contents du marché. Je le fus fort moi-même d’avoir dès le même jour à leur donner le prix de cinq à lix de ces nids. Bientôt il fut fçû par tous les faucheurs du pays, que le commerce de nids de bourdons méritoit attention: on m’en offrit de toutes parts. Quoique j’en euffe beaucoup rabbaiffé la valeur, que je Touffe diminuée des deux tiers, même pour ceux qui étoient les plus gros & les plus peuplés, il me fut facile d’en avoir près d’une centaine, & ii n’eût tenu qu’à moi d’en avoir beaucoup davantage. Enfin, dans toutes les 6 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE années fuivantes, le même expédient m’en a fourni le nombre que j’ai voulu en avoir. * PI. i. fig. L’extérieur du nid *, comme je l’ai déjà dit, reflembfe >• aiïes à une motte de terre couverte de moufle. Quand on l’examine pourtant de près, il paroît mieux façonné, plus arrondi qu’une pareille motte ne le feroit. Il y en a de plus ôi de moins élevés, & de plus & de moins écrafcs; quel¬ ques uns ont la convexité d’une demi-fphere, ou même celle d’une plus grande portion de fphere; & quelques autres font des fegments bien plus petits que la demi- fphere. Dès qu’on tente de les découvrir, on reconnoît que ce qu’on prenoit pour une moufle toufïuë, cfl un aflemblage d’une infinité de petits brins détachés &entalfés les uns fur les autres. * Fîg. 6. E. Une porte * a été ménagée quelque part au bas du nid, c’eft-à-dire, qu’il y a un trou qui permet aux plus gros bourdons d’entrer & de lortir. Souvent on découvre un chemin de plus d’un pied de long, par lequel chaque mouche peut arriver à la porte, fans être vûë. Ce chemin eft voûté de moufle. Quelquefois pourtant les bourdons entrent par le deflus du nid même; mais ce n’eft guéres que lorlque le nid n’eft pas encore en bon état. C’eft une chofe très-aifée que de voir l’intérieur de ce nid, & comment tout y cfl dilpofé; on peut le découvrir fans s’expofer à aucune aventure facheufe. Quoique les bourdons foient armés d’un fort aiguillon, & quoique le bruit qu’ils font entendre, femble menaçant, ils ne laiflcnt pas d’être afles pacifiques. Quand on ôte le toit de leur habitation, quelques-uns ne manquent pas d’en fortirpar en haut; mais ils ne cherchent point à fe jetter fur celui qui les a mis à découvert, comme le feroient les abeilles en pareil cas; plufieurs même alors n’abandonnent pas le nid. Ils en ont toujours ufé au mieux avec moi ; il n’y en des Insectes. 7 . Mem. 7 a jamais eu un feul qui m’ait piqué, quoique j’aye mis fans delfus-delfous des centaines de nids. Le premier objet qui fe préfente, lorfque le nid a été découvert, elt une efpéce d'épais gâteau * mal façonné, 6c compofé d’un affemblage de corps oblongs comme ^ des œufs, ajuftés les uns contre les autres. Ce gâteau, ' que nous ferons mieux connoîtredans la fuite, elt tantôt plus 6c tantôt moins grand; tantôt il cfl feul, tantôt il elt pofé fur un fécond, qui fou vent lui-même l’elt fur un troifiéme. Après que le fupérieur a été mis au grand jour, on voit marcher delfus des bourdons, 6c on en voit d’autres qui palfent par-dclfous, ou par-delfous les autres gâteaux *. Dès qu’on celfede les inquiéter, ils fongent à recou- 7 vrir leur nid, 6c n’attendent pas même pour fe mettre à l’ouvrage, que celui qui a fait le delordre, fe foit éloigné. Si la moulfe du delfus a été jettée alfés près du pied du nid, comme on l’y jette, même fans penfer qu’on doit le faire pour épargner de la peine à ces mouches, bientôt elles s’occupent à la remettre dans fa première place. Les bourdons des trois fortes, c’elt-à-dire, les grands, ceux de moyenne grandeur 6c les petits y travaillent. Nos bourdons rclfemblent encore en ceci aux villageois, aux¬ quels nous les avons comparés; tous fe croyent nés pour le travail, 6c tous travaillent. 11 n’y a point parmi eux, comme parmi les abeilles, des mouches qui ayent la pré¬ rogative de ne rien faire, de palfer leur vie dans l’oifiveté. Les oilèaux 6c les inleétes qui ont à conltruire des nids, ou de petits bâtiments équivalents, vontfouvent prendre au loin les matériaux qu’ils y veulent faire entrer, ils s’en chargent 6c les tranfportent. La façon dont les bourdons ont été inflruits à Lire parvenir fur leur nid la moulfe qu’ils y veulent placer, elt différente; c’ell en la poulfant, * PI. r.% . & pl. a. 5 - *• 8 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE &non en la portant, qu’ils l’y conduifent. Ils n’ont même en aucun temps à l’y conduire de loin; les environs du lieu qui a été choifi pour établir un nouveau nid, en font remplis. Le bourdon, comme l’abeille, a deux dents * Pt. 4.. fig. écailleufes * très-fortes, dont le bout eft large & dentelé; * & 5 ‘ avec ces dents, il lui eft aifé d’arracher & même de couper des brins de ces petites plantes. Mais lorfqu’il ne s’agit que de rétablir un nid autour duquel fe trouve la moufle dont il a déjà été couvert, il feroit inutile aux bourdons de fonger à en couper ou à en arracher de nouvelle ; auflï leur unique objet eft-il de remettre l’ancienne en place. * Fig. r. a. Gonfidérons-en un leul occupé à ce travail *; il eftpofé à terre fur les jambes, à quelque diftance du nid; fa tête en eft la partie la plus éloignée, & direétement tournée vers le côté oppolé. Avec lès dents, il prend un petit paquet de brins de moufle; les jambes de la première paire fe pré- fentent bientôt pour aider aux dents à féparer les brins les uns des autres, à les éparpiller, à les charpir, pour ainfi dire; elles s’en chargent enfui te pour les faire tomber fous le corps; là, les deux jambes de la féconde paire viennent s’en emparer, & les pouffent plus près du derrière. Enfin, les jambes de la dernière paire laififfent ces brins de moufle, & les conduifent par de-là le derrière, aufli loin qu’ellesles peuvent foire aller. Après que la manœuvre que nous venons d’expliquer, a été répétée un grand nombre de fois, il s’eft formé un petit tas de moufle bien conditionnée par de-là le derrière du bourdon , c’eft-à-dire, que toute celle de ce tas a été approchée du nid, d’une longueur qui furpafle celle du corps du bourdon, de la diftance qu’il a du derrière à l’en¬ droit où fes jambes poftérieures peuvent atteindre. Un * h. autre bourdon *, ou le même, qui a toujours le derrière tourné vers le nid, répété fur ce petit tas une manœuvre femblable des Insectes. 7 . Mem. 9 femblable à celle par laquelle il a etc formé & porté où il eft; par cette ièconde manœuvre, le tas eft conduit une fois plus loin. C’elt ainfi que de petits tas de mouffe font poulies jufqu’au nid, & c’elt ainli qu’ils font montés julqu’à fa partie la plus élevée. Enfin, c’elt toûjours cil pouffant avec lès jambes & vers Ion derrière, les brins de mouffe, que le bourdon les fiit avancer. Tant qu’ii n’eft queftion que detranfport, il a conftamment la tête tournée du côté oppolë à celui où eft le nid; mais il y a des temps, ceux où il s’occupe à en façonner la voûte, à entrelacer les brins, des temps, dis-je, dans lelquels les dents agiffent feules, ou aidées des jambes antérieures. Quelquefois il fait paffer fa tête fous la moufTe, il l’y enfonce pour arranger celle qui elt au-dcffous rie la fur- face fupérieure. Une couche de moulfe épaiffe de plus d’un pouce, & fouvent de deux, forme au nid une voûte légère, & en état de le mettre à l’abri contre des pluyes ordinaires. Il elt confiant que les bourdons ne fçavent employer que la mouffe qui fe trouve autour de leur nid. Je n’en ai vû aucun de ceux qui y arrivent en volant, chargé du plus leger brin de plante. Quand je leur ai ôté la mouffe de leur nid, & que la terre des environs ne leur en pouvoit fournir, ils ont œconomifé du mieux qu’il leur a été polfible, celle que je leur avois laiffée, mais ils n’en ont pas augmenté la quantité. J’ai déjà dit qu’ils font aufîi avec de la mouffe, des galeries couvertes, par iefquelles ils peuvent arriver au nid fans être vus; les traînées de mouffe qui voûtent ces chemins, ont encore un autre ufage. Quand celle du nid a été emportée par le vent, quand il faut augmenter l’épaiffeur des couches de celle qui a été employée, ils en trouvent-là de toute préparée; ils fe contentent de galeries plus courtes, ou renoncent Tome VI. . B * PI. 3 . 7- PP m 10 MEMOIRES POUR L’HlSTOrRE tout - à-fait à en avoir, dans les cas où ils ont befoin de matériaux pour augmenter la folidité de leur logement. Un toit de moulfe fuffit pour les mettre à l’abri (tendant un certain temps; la furface intérieure ou concave de la voûte des nids, eft alors de pure moufle comme leur furface extérieure ou convexe; mais par la fuite la couverture doit être plus en état de réfifler à la pluye & aux autres injures de l’air. Les bourdons mettent un enduit fur toute la fur- ;. face intérieure, ils y font d’abord une forte de platfond * d’une efpece de cire brute, & en recouvrent enfuite toutes les parois. La couche de cette matière n’a environ qu’une épaifleur double de celle d’une feuille de papier ordi¬ naire; mais outre quelle n’efl pas pénétrable à l’eau, elle tient liés tous les brins de moufle qui parviennent jufqu’à l’intérieur, au moyen de quoi les brins qui fe trouvent entrelacés avec ceux-ci, font plus fol idem en t arrêtés. Les grands vents alors n’ont plus la même prife fur les nids, qu’ils y ont lorlque cet enduit leur manque. Enfin cet enduit donne du lifle & du poli à toutes leurs parois inté¬ rieures. J’ai trouvé de ces enduits à des nids de bourdons qui font entièrement jaunâtres, & à ceux desbourdonsiur lefquclsle noir domine, & qui ont des bandes jaunes. Les nidsqui les ont, font bien façonnés par dehors, bien arron¬ dis, comme le feroit un nid d’oifeau renverfé, ou un nid d’oifeau couvert par-defliis, comme l’eft celui du roitelet. La matière de ces enduits a une odeur de cire; elle n’efl cependant qu’une cire brute qui, quoique plus tenace que celle que les abeilles ordinaires rapportent à leurs jambes, n’a pas reçu les préparations capables de la rendre de véritable cire. Elle fe laifle pétrir comme une pâte; mais la chaleur ne peut la rendre liquide, ni même l’amol¬ lir fenfiblement. Après avoir fait une petite boule de cette matière que j’ayois roulée entre mes doigts, je fat des Insectes. I. AJew. ri mife dans une cuillier à caffé que j’ai pofëe fur des char¬ bons ardents: la boule a eu beau s’échauffer, elle n’a point coulé, comme eût fait en pareil cas, une boule de cire. Quand elle a été échauffée à un certain point, elle s’efl enflammée, elle a brûlé pendant quelque temps; après que la flamme a été éteinte, il eft refié une petite maffe de charbon noir: ce charbon étoit pourtant fort différent des charbons ordinaires; au bout de deux heures, je l’ai trouvé réduit en une poudre humide. La couleur de cette cire eft d’un gris-jaunâtre; elle ferait propre à faire tout ce qu’on fait avec de la cire ramollie par la térébenthine avec laquelle on l’a mêlée; comme à prendre des empreintes. On peut la pétrir entre les doigts, fans quelle s’y attache. Selon que le nid qu’on vient de découvrir, eft plus ou moins ancien, on y trouve plus ou moins de gâteaux, ou s’il n’en a encore qu’un, il eft plus ou moins grand. Il s’en faut beaucoup qu’ils paroiffent compofés de parties auffi régulières & auffi régulièrement arrangées que le font les cellules des gâteaux des abeilles. Leur furfacefupérieure eft convexe*, l’inférieure eft concave. D’ailleurs, la figure de l’une &. celle de l’autre font pleines d’inégalités, & celles de la furface inférieure font plus confidérables que celles de la fupérieure. La maffe de chaque gâteau eft faite de corps oblongs * comme des œufs, appliqués les uns contre les autres, fuivant leur longueur; celle-ci donne la mefure de l’épaiffeur du gâteau. Ces corps oblongs font d’un jaune pâle ou blancheâtre; il y en a de trois grandeurs différentes; le grand diamètre des uns a plus de fept lignes, & leur petit diamètre a environ quatre lignes & demie; il y en a dont le grand diamètre n’a pas trois lignes, & dont l’autre e(t plus petit à proportion ; enfin il y a de ces corps d’une grandeur moyenne entre les précédentes. Jl eft aifé de 12 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE juger des inégalités qui peuvent fe trouver dans l epaifTeur d’un gâteau fait de ces trois fortes de corps, pôles les uns contre les autres, & d’ailleurs pofés alfés irrégulièrement. Dans certains temps, ceux qui compofent un gâteau, font tous fermés par les deux bouts; &dans d’autres temps, ils font ouverts pour la plûpart par leur bout inférieur. C’elt alors fur-tout qu’on ell tenté de les regarder comme analogues aux cellules de cire con fruit es parles abeilles; mais il eft aile de reconnoître qu’ils ne font fûts, ni de vraye cire, ni même de cire brute. Tous ceux qui font ouverts, font vuides. Ces corps en forme d’œufs, ou d’œufs ouverts par un bout,ne font pas même l’ouvrage des bourdons, ou, plus exactement, des bourdons ailés. Chacun de ces corps ell une folide coque de foye qui a été fiée par un ver, & dans laquelle il s’elt renfermé lorfqu’il a été prêt à fubir fa première métamorphofe. Enfin, ceux qui font ouverts par un bout, font des coques qui ont été percées par la mouche, par le bourdon, lorfqu après s’être tiré de toutes fes enveloppes, il a été en état de paroître avec des ailes. Outre les coques qui font le corps de chaque gâteau, on ne fçauroit manquer de remarquer des malles de la figure * PI. î.fig. la plus irrégulière*, d’une couleur brune, dont plufieurs 6 p\ 'fi» f° nt pofées en-deflus, & remplilfent non feulement des 7 ik ç).y. ° vuides que les coques huilent entr’elles, mais s’élèvent alTés pour cacher quelques-unes de celles qui leur fervent de bafe. Les plus conlidérables rie ces malles fe trouvent fur les bords & les côtés du gâteau; il y en a quelquefois d’aulïî grolfesque de petites noix, & que je nefçaurois comparer à rien à quoi elles relfemblent plus parleur couleur & leur figure, qu’à des truffés : elles n’ont pourtant pas à beau¬ coup près, la conhltance de ces dernières, elles n’ont que celle d’une pâte qui fe lailfe étendre aifément. des Insectes. 7 . Mem. 13 Ces mafles, qui ne iemblent être pour les gâteaux qu’une mal-propreté 6c une difformité, font le grand 6c l’important ouvrage des bourdons, 6c ont à nous offrirdes objets dignes d’attention. Quand on a enlevé les couches fupérieures de quelques-unes avec un canif, jufqu’afles prèsdu centre, on trouve un vuide * rempli par des œufs* * PI. 2.fi», oblongs d’un beau blanc un peu bleuâtre. Leur longueur ,0 * efl d’environ une ligne 6c demie, 6c leur diamètre n’a * guéres que le tiers de leur longueur. Il y a eu telle maffe dans laquelle j’ai trouvé plus de 30 de ces œufs, je 11’en ai vû que 1 5 à 20 dans d’autres, 6c que 3 à q. dans quelques autres; quand il y en a beaucoup, ils ne font pas tous dans la même cavité. Ces mafles de matière font donc quelquefois des nids d’œufs. Tout informes quelles font, elles font des nids qui peuvent le difputer en Angularité à ceux qui font; faits avec le plus d’art; 6c cela, parce qu’elles ne font pas uniquement deftinées à bien couvrir les œufs, elles le font aufli à fournir la nourriture aux vers qui en doivent éclorre. Leur matière efl une efpéce de pâtée, c’eft même le nom que nous lui donnerons, dont le ver qui fort de chaque œuf, doit fe nourrir. Quand on ouvre certaines mafles de pâtée, ce ne font plus des œufs qu’on trouve dans leur intérieur, on n’y trouve que des vers*, 6c on y en trouve plus ou moins, * Fig. n.»/, félon que la maffe efl plus ou moins grofle, 6c félon que fi s- ia » les vers font plus petits ou plus gros. Ces vers * font ^ Fig. 23, aflfcs femblables à ceux des mouches à miel; leur couleur dominante efl le blanc, ils ont feulement fur les côtés, des taches noires de figure irrégulière, plus longues que larges, 6c difpofées tranfverfalement. Telle maffe de pâtée efl: occupée par un feul, 6c l’autre l’efl par deux ou trois vers. De-là il fuit qu’après qu’ils font nés, ils s’écartent les uns 14 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE des autres, mangeants la pâtée qui les entoure; 6c. que les bourdons du nid connoilfent les endroits ou les couches de cette matière font devenues trop minces, où le ver feroit expofé à être à découvert ; que ces mouches ont foin d’y apporter de nouvelle matière qui fert à le nourrir & à le mettre à l’abri de toutes les impreflions de l’air. Quelqu’un qui a étudié les abeilles, qui fçait ce que c’efl que la cire brute, n’héfite point fur la nature de la pâtée dont vivent les vers de bourdons; il reconnoît finis peine que des poufhéres d’étamines en font la baie. Mais ces poufhéres trop lèches demandent à être humeétées, elles le font par un miel aigrelet. La confommation qui le fait de cette pâtée dans chaque nid, doit être grande. On ne voit pourtant pas que les bourdons qui y arrivent, ayent ordinairement leurs deux jambes poftérieures chargées de cire brute, comme le font fouvent celles des abeilles qui rentrent chés elles; ce qui difpofe à croire qu’ils font palfer les poufhéres d’étamines dans leurs eftomacs, qu’ils les mangent, 6c les dégorgent après les avoir tenues en di- geftion. J’ai pourtant oblervé une mafTe de cire brute à chaque jambe poftérieure de quelques bourdons, elle étoit h oblongue, quelle tenoit à la dernière partie qui répond à celle des jambes des abeilles, que nous avons nommée la broffe, 6c à la partie précédente 6c analogue à celle où les abeilles placent leur pelote; mais rarement voit-on des bourdons ainh chargés, 6c ils le devroient être fouvent s’ils apportoient à leurs jambes toute la cire brute qui fe con¬ fit me chés eux. A moins que les bourdons, comme leurs vers, n’aiment la pâtée, 6c ne la mangent, ils ne font pas de grandes provi- fionspour eux-mêmes. Tout ce qu’on trouve de plus dans leur nid, 6c qu’on ne manque pas d’y trouver, ce font trois * t ï uatrc el P eces de petits pots * tantôt plus tantôt moins des Insectes. /. Afem. 1 5 pleins d’un fort bon miel. Les faucheurs les connoiflent, & s’amulènt volontiers à les ôter des nids qu’ils ont décou¬ verts, pour en boire le miel. Ces petits vales font des efpecës de gobelets prefque cylindriques, iis font partie du gâteau fupérieur, & neiè trouvent pas placés conftamment dans les mêmes endroits; il y en a de proches du milieu , & de pro¬ ches des bords, ou même fur les bords ; leur capacité égaie au moins celle d’une des grandes coques. Quelquefois un pot à miel s’élève au-deffus du refte du gâteau ; ils font toujours ouverts. Ils font faitsd’unefortedeciregrofTiére de couleur alfés femblable à celle de la pâtée, mais qui a plus de confiance que cette dernière matière; en un mot, iis font formés d’une cire pareille à celle avec laquelle le nid eft platfonné. Au refte, elle n’y eft pas employée avec grande œconomie; les parois de chaque pot a miel, font alfés épaiffes. Les bourdons fc fervent peut-être du miel de ces pots pour humeéter de temps en temps la pâtée qui fe defféche trop. Je n’ai point vû de bourdons commencer un nid; mais j’en ai mis quelques uns dans la nécelfité de recommencer ie leur, & ils ont bien voulu le faire devant moi. Ce que j’appelle commencer ou recommencer un nid, n’eft pas le couvrir ou le recouvrir de mouffe, nous avons affés expliqué tout ce qui regarde cette dernière manœuvre; c’efl de jetter les fondements de l’intérieur. J’enlevai à des bourdons tous les gâteaux de leur nid, j’en rendis l’intérieur parfaitement vuide ; ils ne fe dégoûtèrent pas cependant de leur habitation, ils la raccommodèrent, ils la rajuftérent, ils la remirent dans l’état où elle étoit lorfqu’elle renfer- moit les objets les plus précieux pour eux. Je la découvris pendant deux à trois jours de fuite, pour voir fi quelqu’ou- vrage y avoit été fait, & je ne pus y en appercevoir aucun ; craignant enfuite de troubler ces mouches dans leur travail, 1 6 MEMOIRES POUR LHlSTOÏRE Si de les dégoûter de celui que je voulois qu’elles lifTcnt, en cherchant trop tôt à le voir, je les lai liai tranquilles pendant huit jours. Au bout de ce temps, je revins découvrir leur nid,& je trouvai dans l’intérieur une mafTe de pâtée grolïe comme une noilette, Sc de meme arrondie. A cette houle tenoit un pot à miel, ainh il cil la première pièce du ménage. La boule étoit pofée fur un lit de mou de qui couvrait la terre lims y être aucunement adhérente; c’cft ainhqu’cll placélcgâteau inferieur dans lesnids ordinaires, il ne tient à rien. Le gâteau qui le trouve au-deflus de celui ci, ne lui cft pas plus adhérent que ce premier l cd à la terre. Enfin, les gâteaux, quelque nombre qu’il y en ait, ne tiennent aucunement les uns aux autres, ni à aucune partie du nid. Il étôit évident qu’une des premières choies que les bourdons avoient à faire dans l’intérieur du nid, ctoit d’y raficmbler une mafife de cette matière néceflaire à la mere pour loger fies œufs. La boule de pâtée que je trouvai dans celui dont tous les gâteaux avoient été empor¬ tés, renfermoit probablement des œufs, peut-être des vers; mais pour conferver les uns & les autres, je ne voulus pas ou vrir la boule. Nous avons déjà dit que les vers fortis des œufs, s’écar¬ tent les uns des autres, lL five; en s’en éloignant elles diminuent de diamètre; elles jettent l’une & l’autre vers les deux tiers rie leur longueur, une branche chargée de poils *, & elles fe terminent par * ; t un bout mouhe& courbe qui forme une gouttière; celle d’une pièce elt tournée vers celle de l’autre. Entre ces deux pièces écailleufes, il y en a deux autres * ; la tige de celles- ci eh déliée, à peu près ronde, & porte une lame dont la figure a une forte de relfemblance avec celle d’un fer de */,/• 22 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE pique. Enfin, la preffion continuée fait fortir une cin- * pi. 3. fig. quiéme partie * d’entre les quatre précédentes. Cette der- 5 & 6. u. n jé re membraneufe, mais toute couverte de poils roux; fa figure approche de la cylindrique, elle eft pourtant un peu courbe, & n’eft pas aufli grofle à fon bout que près de l'on origine; elle paroît plus ou moins gonflée, plus ou moins longue, & plus ou moins grofle, félon que la pref¬ fion qui l’a obligée de fe montrer, a été plus ou moins forte, & d’une plus longue ou plus courte durée. La dernière des parties que nous venons de Lire con- noître, eft celle qui eft deftinée à féconder les œufs de la femelle; & on n’eft pas aufli embarraffé fur la manière dont eile peut opérer leur fécondation, qu’011 l’eft par rapport à la partie des mâles des abeilles, qui lui eft ana¬ logue. J’ai appliqué le doigt contre fon bout; lorfque je l’en ai retiré, il a été fuivi d’un filet d’une liqueur vifqueufe, que j’ai rendu très-long quand je l’ai voulu. Cette liqueur gluante eft probablement la liqueur feminale. La difpofition des ovaires dans le corps des fémelles, & la manière dont les œufs y font arrangés à la file, 11e m’ont rien offert qui mérite que nous nous y arrêtions ; mais dans l’intérieur des fémelles ouvertes en certains temps, j’ai trouvé une fingularité digne d’être rapportée, & qui feroit capable d’en impofer à ceux qui ne l’examine- roient que dans des temps pareils à ceux dont je veux parler; qui les feroit prendre pour vivipares, & pour les plus fécondes de toutes les fémelles vivipares. Au milieu » PI. 4. fig. de leur corps paroît alors une maffe qui femble charnue *, 10 u. e. ( j ont j a g ro (f eur égale quelquefois celle d’une petite cerife. Quand on a déchiré les premières enveloppes pour exami¬ ner ce que fon intérieur renferme, l’on voit qu’il n’eft qu’un amas d’une infinité de filets courts & extrêmement déliés. Quelques mouvements que je crus apperecyoir dans ccs des Insectes. 7 . Mem. 23 filets, me déterminèrent à les obferver à ia loupe, & en- fuite à un microfcope à liqueur. Je reconnus alors que cha¬ que filet étoit plein de vie, qu’il étoit un petit ver blanc de la figure d’une anguille *. La malle dont il s’agit, contient feule plufieurs millions de ces petits vers, cependant elle a un long appendice * qui en efi de même entièrement rempli. La quantité de ceux qui y font, égale ou l’urpalTe la quantité des autres. Pourquoi tant de vers fie trouvent- ils dans le corps de la femelle, & pourquoi ne les trouve- t-on que dans le corps de la feule femelle, au moins ne les ai-je trouvés que dans le leur! Une idée qui fe préfente naturellement, c’elfque ces vers font de ceux qui doivent entrer dans les œufs, qu’ils en font les germes ou les em- brions. Mais quand mes recherches m’ont eu fait mieux connoître les lieux dans lefquels ils fe tiennent, j’ai cru les devoir mettre au rang des vers defiinés à vivre aux dépens d’animaux qui les furpalfent beaucoup en grandeur. Tout le canal des aliments efi la partie qu’ils occupent ; en s’y multipliant, en y croiflant, ils en augmentent les dimen- fions au point de rendre ce canal méconnoififable. La mafie qui frappe par la grandeur de fon volume, efi ap¬ paremment le fécond efiomac prodigieulement dilaté. Je n’ai point trouvé d’œufs aux fémelles qui avoient tant de vers, fioit que leur ponte fût finie, foit que l’état violent où elles fe trouvoient, n’eût pas permis à leurs œufs de fe développer. Les bourdons, foit mâles, foit fémelles, foit ceux qui font dépourvus de fexe, font fujets à avoir des in (celés d’une autre efpece qu’il efi plus aifé de leur voir; ils fie tiennent fur leur extérieur; ce font de petits poux * très- vifs & très- actifs qui font quelquefois placés à centaines fous le corcelet,quelquefois autour du col, & quelquefois en d’autres endroits ; fouvent on les voit marcher avec * Pi. 4 .fi g . I 2. f Fig. 1 1 .eu. * PI- 4 - fi g> 13 & 14. 24. MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE vîtcfTe fur le corps. Ils ont été connus de tous les Natu¬ rel iftes; mais Gocdaert clt, je crois, le feul qui ait imaginé qu’ils avoient été donnés aux bourdons pour leur bien, pour les tirer de leur indolence, de leur efpece d’en- gourdifTcment : des animaux pelants & lents, lui ont paru avoir befoin d'être aiguillonnés par des animaux beaucoup plus petits, mais très - adlifs. Je ne Içais pour¬ tant fi ces poux tirent leur nourriture du corps même des bourdons, comme tant d’autres poux la tirent des animaux fur lefquels ils vivent. Il y a quelqu’apparence qu’ils ne cherchent qu’à nettoyer, pour ainfi dire, les parties du bourdon de la liqueur miellée dont elles font fouvent mouillées, c’eft-à-dire, qu’ils aiment cette liqueuf & qu’ils s’en nourrifTent. Ce qui femble le prouver, c’elt qu’on les voit courir à centaines, & quelquefois à milliers fur les gâteaux des nids. De ces gâteaux ils pafTent fur le corps d’un bourdon, & quand celui à qui ils fe font attachés part pour la campagne, ils fe lailfent conduire par-tout où il lui plaît de les voiturer, fûrs qu’il les ramè¬ nera en bon lieu. Je ne fçais rien de plus fur l’hiftoire cle ces poux, je ne connois pas leur première origine; s’ils étoient de ceux qui fubiflent des métamorphofes, on conjecftureroit volontiers qu’ils viennent de ces petits vers que nous venons de voir à millions dans le corps des meres bourdons; mais il n’y a prefque rien pour appuyer une pareille conjecture, contre laquelle on peut faire beau¬ coup de bons raifonnements. Les bourdons ont à craindre les pillages qui peuvent être faits dans leurs nids par beaucoup d’autres infeétes. Les fourmis font de ceux qu’ils ont à redouter ; elles font friandes de la pâtée qu’ils y mettent en provifion pour nourrir leurs petits. 11 m’eft arrivé plus d’une fois d’avoir placé inconfidérement auprès des fourmilliércs qui font des Insectes. I. Mem. 2 5 font en terre, des nids de bourdons que j’avois fait tranl- porter chés moi. Lorfqifils étoient mal peuplés, qu’ils n’avoient que quatre à cinq mouches, elles n’ont pas été afTés fortes pour s’oppofer aux incurfions des fourmis» Au bout d’une demi-journée, j’en ai quelquefois vu le nid rempli : les bourdons s’étant trouvés trop foibles pour le défendre, l’avoient abandonné à leurs ravages. Dans un des Mémoires que j’ai fait imprimer fur les mouches à deux ailes *, j’ai déjà fait connoître une efpece * Tenu IV. de gros ver qui le transforme en une mouche qui reffem- “‘P' ble au frelon, & qui l’égale en groffeur. J’ai rapporté que c'elt dans les nids des bourdons que ces vers prennent leur accroilfement, & qu’ils ne s’en tiennent pas pour fe nourrir à la pâtée deftinée aux vers des bourdons, ils man¬ gent les vers mêmes, & les nymphes dans lefquelies ils fe transforment. Dans les mêmes nids, j’ai obfervé en alfés grand nombre, d’autres vers qui le transforment en déplus petites mouches à deux ailes. Enfin, dans ces mêmes nids, j’ai trouvé plus d’une efpece de chenilles qui ont beaucoup de rapport avec celles que j’ai nommées faulfes teignes de la cire *, au goût delquelles elt la cire brute des nids des * Tome III. bourdons; elles fe métamorphofent en des papillons plus Mcm - 8 , P 1 ' petits que les moins grands de ceux qui viennent des faulfes 9 ' teignes des ruches des mouches à miel. Mais de tous leurs ennemis, les plus redoutables font des animaux à quatre pieds qui habitent la campagne; diverfes efpeces de rats, comme les mulots, des animaux plus car- naciers, comme les belettes, font peut-être de ce nombre; mais il elt certain au moins que les fouines font les plus terribles ravages dans les nids de bourdons. J’en ai eu quelquefois plus d’une douzaine totalement détruits dans une feule nuit; non feulement iis avoient été entièrement découverts, les gâteaux en avoient été ôtés, tranfportés Tome VL D 2 6 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE à plu fieurs pas, & entièrement hachés; les bourdons eux- mêmes avoient été mangés, comme il étoit prouvé par les débris qu’on en trouvoit. Pareille aventure elt arrivée plufieurs fois à mes nids, fans que je puffe connoître avec certitude l’animal qui avoit fait tant de defordre; mais enfin je vis un jour dans trois à quatre des nids ravagés, de la fiente de fouine encore très-molle & très-fraîche, & que la forte odeur de mufc ne permettoit pas de mé- connoître. Les fouines ont pourtant quelquefois mangé les gâteaux des nids, fans avoir mangé les bourdons eux- mêmes, au moins fans avoir fait de mal à ceux qui avoient été les plus diligents à s’envoler. J’ai trouvé ceux-ci le matin voltigeants autour des débris, & occupés à rétablir leur habitation. Alors je voulus fçavoir s’ils étoient d’humeur à prendre foin des gâteaux tirés d’un autre nid; & en cas qu’ils le fuffent, fi de leur en donner ne feroit point un moyen de les encourager à rétablir leur domicile. Je donnai donc un gâteau à des bourdons défolés; il avoit été tiré d’un nid que des fourmis avoient frit abandonner. 11 parut que je leur avoisfait un prefent agréable; ils ne le trouvèrent pour¬ tant pas bien où je l’avois polé, il étoit trop près d’un côté, de l’enceinte de mouffe, ils pafferent deffous, & à force de le foûlever & de le pouffer avec leur dos, ils le conduifi- rent au milieu de l’efpace. Je leur aidai à le recouvrir de mouffe ; ils arrangèrent mieux dans la matinée celle que j’y avois mife. Le gâteau manquoit de pot à miel, dans la journée ils en firent un qui fut attaché à la circonfé¬ rence du gâteau, & le remplirent de miel dans cette même journée. Tout ce que nous avons dit de la ftruéture de la trompe des abeilles, nous exempte d’autant plus de parler de celle * U. 4.. fig. de la trompe îles bourdons *, que pour bien expliquer des Insectes./. Menu iy forganilation de la trompe de ces mouches utiles, pour mieux faire entendre la pofition & la forme de leur bouche, nous avons emprunte des ligures que les bourdons nous ont fournies. Ce que nous avons vu aulfi dans l’intérieur des abeilles, par rapport à la dilpofition & la conformation du canal des aliments, lé voit dans le canal analogue des bourdons: chés les bourdons comme chés les abeilles, la velïie à miel n’elt que la première portion de ce canal, dilatée, que le premier elfomac. La ftruéteire des poulinons, femblabie encore pour l’elfentiei, dans les mouches à miel & dans les bourdons, eft plus ailée à obferver dans ceux-ci: on y voit aifé- ment * que les leurs régnent de chaque côté tout du long du corps; qu’ils font des efpeces de lacs ou de vcffies formées de membranes très-blanches, dont celle qui précédé, communique avec celle qui fuit, & fur la¬ quelle elle eft pofée, par une ou deux ouvertures fou- vent rondes*; que les velTies d’un côté viennent vers le milieu du corps s’appliquer contre celles de l’autre côté; qu’une très-grolfe trachée apporte l’air aux premières, aux antérieures. Mais qui voudrait donner une idée allés exacte de la Itruéture de ces poulinons, feroit obligé de s’engager dans des détails qui, quoique curieux, pourraient ennuyer ceux qui fe contentent des idées les plus générales fur l’anatomie des infectes. Par rapport à leurs aiguillons, & à la liqueur qui en rend les piquûres douloureufes, il fuffira que je renvoyé à ce qui a été dit au long, des aiguillons des mouches à miel *. Sans avoir été piqué par les bourdons, je fçais qu’ils peuvent faire encore plus de mal que les abeilles, ils font plus fournis de la liqueur redoutable. J’ai quel¬ quefois fait l’expérience de cette liqueur fur ceux qui étoient bien-aifes que je leur prouvalfe que l’aiguillon. * Pi- 4 - % ï- * Fig. 6 & j. * Terne V. Man. 7. pt. 29. 28 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE comme aiguillon, ne feroit pas à craindre. Je les laifïois fe faire à eux-mêmes deux piquûres avec une épingle; j'in- troduifois enfuite dans l’une des deux avec la pointe de la même épingle, de la liqueur pril'e à un bourdon. Ceux qui ont fouffert cette expérience, ont toujours été très-mé¬ contents de l’avoir demandée. Les aiguillons des nacres font gros, & recourbés vers le dos. \ C’efi principalement pendant l’hyver que les nids fcm- bleroient nécefifaires aux bourdons ; c’efl alors qu’ils pa¬ rodient avoir plus de bel'oin d’être défendus contre le froid & contre toutes les injures de l’air; cependant j’ai vu la plupart de leurs habitations dcfertes avant la fin de i’été; je n’en ai jamais eu aucune où il fut refié une feule mouche à la Toufiaint. En quelque temps que ce l'oit, les nids ne font jamais aufli peuplés qu’ils le devroient être, à en juger par le nombre des coques. J’ai compté plus de i 50 de celles-ci dans un nid que je n’ai jamais vu habité par plus de yo à 60 bourdons. Quelque part qu’on cher¬ che pendant l’hyver, on n’en trouve plus de rafiemblés dans un même lieu; tout paroît prouver que les mâles & les ouvrières péri fient avant qu’il arrive; quel’elpece alors ne fe conferveque dans des meres qui ont été fécondées. J’ai déjà dit que je n’ai jamais pu voir au commencement du printemps que des bourdons femelles ; elles fe tiennent apparemment pendant la rudefaifon, dans des creux de murs ou dans des trous encore plus profonds, quelles ont faits en terre. Je ne ferois point embarraffé de rendre radon de la manière dont une fémelle parvient à creufer de pareils trous; elles fçavent remuer la terre & la fouiller: il me paroît plus difficile de deviner à quelle fin elles la fouillent en certaines circonfiances. J’en ai obfcrvé une infinité de fois qui trayailloient avec une grande activité à ouvrir en des Insectes./. Man. 29 terre 6c à approfondir des trous ronds. Leurs ferres déta- choient des grains de terre, les premières jambes s’en lai- filfoient, Si lespoufïoient aux jambes delà fécondé paire; 6c celles-ci les mettoient à portée des dernières jambes qui la jettoient le plus loin qu’il étoit poffible. En un mot, je leur ai vû faire par rapport à la terre une manœuvre femblable à celle à laquelle elles ont recours, 6c qui a été expliquée ci devant, pour conduire des brins de moulfe fur leur nid. Il eft ailes vraifemblable que les bourdons ont befoin tantôt d’applanir, 6c tantôt de creufer le terrein où ils veulent s’établir. Mais j’ai dans mon jardin de Cha- renton, un terrein fur le penchant d’une petite montagne, qui, fur une longueur de 15 à 20 pieds étoit percé de trous allés proches les uns des autres, dans chacun defquels mon pouce pouvoit entrer plus d’à moitié, 6c qui tous avoient été faits par des bourdons. Le même bourdon qui avoit creufé un de ces trous avec beaucoup de travail, qui y avoit employé plufietirs heures, alloit en commencer lin autre tout auprès. Ceux que j’ai vû occupés à cette forte debefogne étoient des fémelles. Je croirois être en état de deviner quel étoit leur objet, fi j’eulfe vû parla fuite des nids fe former dans cet endroit : on jugeroit avec vraifemblance qu’elles y fondoient le terrein , pour choifir le plus convenable; mais dans tout l’efpace 011 tant de bour¬ dons ont travaillé fucceffivement fous mes yeux, je n’ai jamais trouvé même un nid commencé. On ne peut pas foupçonner non plus que les bourdons fouillent alors la terre pour chercher des aliments ou des matériaux propres à être tranfportés à leur nid, car on l'çait alfés où ils pren¬ nent les uns Si les autres. 11 n’y avoit pas même dans ces trous des racines de plantes. C’efl un exemple à joindre à tant d’autres qui nous apprennent, que les eaufes des faits les plus fimplcs peuvent nous échapper. Je répéterai que les D üj 30 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE bourdons que j’ai vu fouiller en terre au printemps, ont toujours etc des femelles. Au refte, je terminerai ici l’hifloire de ces mouches, fans en raconter des merveilles que Goedaert, qui ne paroit en avoir eu en la polfelfion qu’un feul nid, prétend avoir vues & avoir fait voir à d’autres; & cela, parce que je n’ai pu les obferver, & que je ne fuis pas alfas difpofé à les regarder comme réelles. Il a cru, par exemple, être bien certain que parmi les bourdons, il y en a un chargé d’être le trompette'ou le tambour, un qui paroît régulièrement le premier chaque jour,& qui,parle bruit qu’il fait, avertit les autres que l’heure du travail elt venue: mais il ne nous dit pas avoir pris les précautions nécelfaires pour s’alfairer que c’elt le même qui ell toujours chargé de cet emploi; il ne nous dit pas fi celui qui l’exerce elt fémelle, mâle ou ouvrier; & il ne paroît pas même qu’il ait Içu qu’il y avoit de ces différences fi remarquables entre ces fortes de mou¬ ches. Les infeéles nous offrent alfas de merveilles réelles à obferver, pour nous paraître admirables; ils n’ont pas befoin de celles dont notre imagination peut les gratifier. La charge du bourdon trompette a bien l’air d’en être une de la dernière efpece. Celui qui elt forti le premier de mes nids, n’a pas été le même dans différents jours ; ça été tantôt un ouvrier de la grande, tantôt un ouvrier de la petite taille, & quelquefois une mere. des Insectes./. Mem, 31 EXPLICATION DES FIGURES DU PREMIER MEMOIRE. Planche I. Les Figures 1, 2, 3 & 4 repréfentent quatre bourdons des trois grandeurs différentes qu’ont ceux du même nid. Tous les quatre font colorés de la même manière; ils font entièrement noirs, excepté à leur partie poflérieure qui efl de couleur cannelle ou feuille-morte. Les Figures i & 2 font celles du même bourdon, qui efl une femelle, dont les ailes font polées fur le corps, figure 1, comme elles le font ordinairement, & dont les ailes, figure 2, font écartées du corps, comme elles le font lorfque la mouche vole. La Fig. 3 nous montre un bourdon de taille moyenne; les mâles & les ouvriers qui font les plus grands, ont cette grandeur. La Figure 4 fait voir un des ouvriers de la petite taille; ceux-ci, comme ceux de moyenne taille, font dépourvus de fèxe. La Figure 5 repréfente un gâteau tiré d’un nid de bour¬ dons; la figure de ces fortes de gâteaux efl ordinairement auffi irrégulière que l’eft celle de celui-ci. Il efl compole de coques filées par les vers qui doivent devenir des bour¬ dons, & appliquées les unes contre les autres fuivant leur longueur. Les maffes p,p,p>p, &c. plus brunes que les coques, fur lefquelles & entre lefquelles elles font collées irrégulièrement, font des maffes de cette matière que j’ai nommée de la pâtée, parce que les vers quelle couvre s’en nourriffent.Les deux petits vafes m, m, ouverts par dcfïiis, îie doivent pas être confondus avec les coques, celles-ci 32 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE l'ont faites de foye, & ceux-là de cire brute, ce font deux pots à miel. La Figure 6 efl celle d’un nid de bourdon dcfliné beau¬ coup plus petit que nature; il efl de ceux dont la figure eft bien arrondie. En E, efl la porte du nid, on y voit le derrière d’un bourdon qui fe rend dans l’intérieur de l’ha¬ bitation. Planche II. Les Figures i, 2 & 3 représentent trois bourdons de ceux qui font couverts de poils blonds, ou d’un citron pâle, & qui en ont feulement quelques-uns principalement fur le corcelct, qui tirent fur le rougeâtre. La figure 1 efl celle d’une femelle. La figure 2 celle d’un mâle ou d’un ouvrier de la grande taille. La figure 3 efl celle d’un ouvrier de la petite taille. La Figure q. montre l’intérieur d’un nid, dont on n’a deffiné qu’une portion. La couche de mouffe qui en cou¬ vrait le deffiis a été emportée; auffi les coques, dont le gâteau fupérieur efl compofé, font ici en vue. Dans la Figure 5, un œuf de bourdon efl vu dans la grandeur naturelle. Le même œuf dlvûgroffi à la loupe, figure 6. La Figure 7 efl celle d’une mafle de pâtée tirée d’un gâteau ave.c de petites coques, p, p, p, cette pâtée, a, a * bouts de coques, qui ne font à découvert que parce quoi; a emporté la portion de pâtée qui les cachoit. La Figure 8 repréfente quatre des coques d’un gâteau, & un pot à miel m. En p une des coques efl noircie Si cachée par un refie de pâtée. La Figure 9 fait voir trois coques a, a, <7, au-defliis def- Guclles s’élève une mafle de pâtée p. Dans la Figure 10, une mafle de pâtée p, telle que celle des Insectes. 7 . Mem. 3 5 celle de la figure 9, a été ouverte, & par-là les oeufs o, o, renfermés dans fon intérieur, ont été mis à découvert. La Fig. 1 1 fait voir aulfi une groffe malle, une cfpece de truffe de pâtée pp, dans l’intérieur de laquelle étoit une cavité qu’on a mile en vûë en jettant fur le côté les por¬ tions d, d. Dans cette cavité paroiffent plufieurs vers u, 11, encore très-petits. La Figure 12 repréfente encore une maffe de pâtée pp, telle que celle de la figure 9, dont la partie fupérieure a été emportée; dans fa cavité il n’y a qu’un feul ver, mais plus grand que ceux de la figure 1 1 . Quand les vers com¬ mencent àgroffir, ils fe féparent les uns des autres; par la fuite, ils n’ont aucune communication entr’eux, des efpe- ces de cloifons de pâtée la leur ôtent. La Figure 13 eft celle d’un ver qui n’a pas à croître beaucoup pour être en état de fe transformer en nymphe. t, fa partie antérieure, a, fa partie poftérieure. La Figure 1^. montre une coque filée par un ver de bourdon, qui a été ouverte dans toute fa longueur. I, le lambeau qui en a été emporté, a t , marquent la nymphe renfermée dans cette coque, vue du côté du dos. E11 1, efl fa tête, en a, fia partie poftérieure. Cette nymphe eft dans la même pofition où elle fe trouvoit lorfqu’elle ctoit dans le nid. Les Figures 15, 16 & 17 repréfentent trois nymphes de bourdons, vûës du côté du ventre. Celle de la figure 15 eft de la grandeur des nymphes qui deviennent des bourdons femelles. La nymphe de la figure 16 eft de la grandeur de celles qui deviennent des bourdons mâles, ou des ouvriers de la grande taille; & la nymphe de la figure 17, eft de celles qui ne donnent que des ouvriers qui font d’affés petites mouches en comparaifon des au¬ tres. Toutes ces nymphes font d’abord très-blanches, mais Tome VI. . E 34 Mémoires pour l’Histoire clics prennent des teintes de gris lorfquc le temps de leur transformation approche. Les yeux à rezeau perdent leur blancheur peu à peu, de jour en jour ils deviennent de plus en plus rougeâtres. Planche III. La Figure i eft celle d’un bourdon femelle, commun dans ce pays. Le noir eft fa couleur dominante, mais il a trois bandes, dont deux font fur le corps, 6c très-larges, 6c la troifiéme eft à l’origine du corcelet, 6c forme une efpece de collier. Les poils qui compofent cette pre¬ mière bande, font blancs fur quelques bourdons, & jaunes fur d’autres. Ceux de la fécondé bande font jaunes, 6c ceux de la troifiéme ou du bout du corps, font blancs ou jaunâtres. La Figure 2 reprefente un bourdon qui m’a été envoyé d’Egypte par feu M. r G ranger, dont tous les poils font de couleur d’olive ; ceux du corps font courts, 6c ceux du corcelet font longs. La Figure 3 nous montre encore un bourdon d’Egypte. Le déifias des anneaux du corpsde celui-ci eft lifte, luifant, 6c d’un noir qui tire fur le violet; les ailes font d’un violet foncé; 6c le corcelet eft tout couvert de longs poils d’une belle couleur de citron. Les Figures 4, 5 6c 6 font voir les parties propres aux bourdons velus mâles, tels que celui de la figure 3 de la pl. 1, 6c celui de la figure 2 de la pl. 2,6c elles font voir ces parties groiïies, 6c dans le temps où la prefilon les a forcées de fe montrer. Dans la fig. 4, le bout poftérieur du corps eft vu par-defTous. a a le dernier anneau. I, l, grandes pièces écailleufes, concaves vers le bout, dont chacune a un appendice /'. C’eft apparemment avec ces deux pièces que le mâle faifit le derrière de la fémell e.f f, deux autres des Insectes./. Mem. 3 5 pièces écailleules terminées en fer de pique, qui accom¬ pagnent la partie propre au mâle. 11, cette partie fur la¬ quelle des poils roux & très-courts font femés. Dans la Figure y, la partie qui efi vûë dans la figure q., eft retournée le haut en bas. & repréfentée dans un mo¬ ment où la prefiion à moins agi ; aufii les deux pièces /, l, y font-elles moins écartées de la partie //propre au mâle, & elles cachent les deux pièces marquées/, f dans la figure precedente. La Figure 6 préfente la partie du mâle de côté & par- dclfus, dans un temps où la prefiion l’a extrêmement gon¬ flée. a a le deflus du dernier anneau. I, une des pièces marquée par la même lettre dans les figures q. & y.f pièce écailleufe qui accompagne la partie du mâle, & qui cfi beaucoup plus vifible dans la figure q.. u, la partie propre au mâle; du bout b, fort une liqueur gluante qui peut être tirée en un fil k. La Figure 7 efi celle d’un nid de bourdons, dont la grandeur a été réduite au-defious des dimenfions natu¬ relles. Il a été entièrement ouvert par-deflùs&pardevant, ce qui permet de voir quelques-unes des coques d’un des gâteaux de fon intérieur, un pot à miel, & divers bourdons. O11 s’efi contenté d’emporter la moufie qui couvroit une voûte de cire pp. La feuille qui forme cette voûte efi mince. Si recouvre toutes les parois intérieures du nid jufqu a fa bafe ; mais le fond du même nid n’a qu’un fimple lit de moufie. Planche IV. La Figure 1 fait voir trois bourdons difpofés à la file les uns des autres pour faire pafier le tas de moufie qui efi en a, en o, & plus loin où l’on fuppofe le nid. Le bour¬ don a poufie avec les jambes en h la moufie qu’il a tirée 36 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE du tas vu Le bourdon h, prend la moufle qui cft en h, & avec Tes jambes la conduit en n ; d’où le bourdon c la poufle en 0. C’eft ainfîque font difpofcs & que travaillent les bourdons qui ont à réparer un nid qu’on a bouleverfé. La Figure 2 repréfente un poil de bourdon vû au mi- crofcope. La Figure 3 montre le bout de la tête d’un bourdon & fa trompe aflfés groffie pour en faire diflinguer les princi¬ pales pièces, a le bout de la têt c.f g h un des deux grands demi-étuis; ils ont été relevés tous deux pour laifl'er à dé¬ couvert la trompe qu’ils embraffent lorfqu’ils font dans leur pofltion naturelle, f la partie de demi-fourreaux qui eft plus épaife que le refle. g efpece d’articulation, ou jonétion de la partie/avec la partie//, kl, kl, font les deux demi-étuis les plus courts & les plus déliés, qui ne s’appliquent que contre la partie antérieure de la trompe. t, le bout de la trompe. Depuis / jufqu’en k, la trompe eft couverte de poils courts & roux., couchés les uns fur les autres, & dirigés vers le bout t. Tout ce qui paroît blanc dans la partie poftérieure de la trompe, eft membraneux; <& tout ce qui eft brun, eft cartilagineux ou écailleux. mnp, filet écailleux qui peut fe plier en //. Quand la trompe eft raccourcie & appliquée fous la tête, la partie ///// eft prefque couchée fur la partie np, au moins l’angle» cft-il alors extrêmement aigu. La Figure 4 fait voir une dent par fon côté extérieur & convexe, groffie au microfcope, laquelle eft vue par fon côté concave, & le plus proche de la tête dans la figure 5. La Fig. 6 eft celle d’une portion du corps du bourdon, groffie & vûë du côté du ventre, & compofée de quatre anneau \d,d,d,d. Chaque anneau eft lui-même compofé de deux pièces écailleufes. Le d à droite, & le d à gauche, marquent les deux bouts de chaque ceintré écailleux qui. des Insectes./. Mem. y? après avoir couvert le dos, fe courbe vers le ventre, 6c vient pafl'cr fur une partie de la bande écailleufe qui eft fous le ventre, u, une de ces lames écaillculès. La Figure 7 repréfente le corps d’un bourdon coupé tout du long d’un defes côtés, Si grofti ; on a voulu y faire voir la dilpofition des membranes blanches & des lacs qui compofent les poulinons de cet infeéte. e efpece de cor¬ net percé en e de plufieurs trous. Au delfus Si au deffous, des membranes forment de grandes cavités. Les Figures 8 Si 9 montrent deux coupes tranfverfales d’un corps de bourdon grolfi. Celle de la fgure 8, eft prife entre le milieu du corps Si le corcelet, Si celle de la figure 7 eft prife affés près de l’anus. Elles font encore deftinées l’une 6c l’autre à donner quelqu’idée de la ftruc- ture des poulinons de cette mouche.//"figure 8, marquent la féparation de deux membranes blanches qui fe recour¬ bent pour former deux facs pulmonaires. On ne voit ici que la partie antérieure 6c extérieure du lac. Ces mem¬ branes lont percées de différents trous. Dans la figure 9, il nefembley avoir qu’un feul Le, parce que les deux qui fe trouvoient dans l’endroit où a été faite lafeélion, étoient plus exactement appliqués l’un contre l’autre que dans la figure 8. Lesdcux trous ronds m,m, Liftent pafter l’air dans la cavité qui eft au-deftbus. La Figure 1 o fait voir l’intérieur du corps d’un bour¬ don qui étoit rempli devers faits en anguilles, ac, les an¬ neaux qui pour avoir été tiraillés, forment une plus grande longueur que dans l’état naturel, 6c font moins gros pro¬ portionnellement. Les parties entre u e, font gonfiées par des vers, ou plutôt ne font prefque que des mafles de vers. La Figure 1 1 eft celle du conduit des aliments 6c de quelques autres parties de l’intérieur d’un bourdon atta¬ qué des yers. e l’eftomac qui n’cft qu’un inaftif de vers. E nj 38 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE La Figure 12 repréfente quelques vers tirés de la maffe e, figure 1 1, ou des parties comprifes entre u e, figure 10, vus au microfcope; ils forment des lacis. Chaque ver a l’air d’une petite anguille. La Figure 13 efl celle d’un de ces poux qui fe tiennent en très-grand nombre fur les bourdons, grofii au micro¬ fcope. Leur couleur eft un brun rougeâtre; ils fcmblent écailleux, leur extérieur eft lifte & même luifant. Ils ont huit jambes. Du bout antérieur de leur tête fort line elj)ccc de trompe r, qui, quoiqu’aftes longue Si aftcs grofle, par rapport à la grandeur de l’animal, eft trop petite pour que nous publions parvenir à bien diftinguer les parties dont elle eft compofée. On trouve encore fur les bourdons velus, mais plus rarement, d’autres poux qu’on voit en grand nombre fur les abeilles qui feront le fujet du mémoire fuivant, & qui font repréfentés pl. 5. fig. 8. & 9. Dans la Figure 14., le poux de la figure 1 3 , eft repré- fenté de la grandeur dont il paroît à la vûë (impie. Pl I peu?. 3 g . Man .1 de lPwi des Insectes . TavicJ 6 . JfMU^'CU’d SClUf' ■ Tl* 38. Jtfem.J. dr l'Sift. Je.' fusettes • fome *'• Fu, JL. J 3 T ( '3 ’Vci d OC J ’ 1 .'1 f"\° • *’ 9- Ment /. Je l'iJû t ,4v Inseeto. T*m £.\ F(tr- -j ■ *{ >>, i- des Insectes.//. Mem. ^ au-clcffoiis du trou qui donne entrée à la perceufe, un tas de lciûrc auffi groffe que celle que des fcies à main font tomber. Ce tas croît journellement. La mouche entre ôc fort du trou un grand nombre de fois dans chaque journée; il ne faut pas l’épier long-temps pour parvenir à la voir entrer; & on n’a quelquefois qu’a relier tranquille pendant quelques inftants pour appercevoir le bout de fa tête au bord du trou, hors duquel elle fait tomber la fciûre qu’elle y a apportée. Je n’ai pourtant pu bien obferver fi elle ne jette dehors que les grains qu’elle tient entre les dents, ou fi elle en pouffe avec là tête plus que les dents n’en pour¬ raient tenir. Ce qui eft très-certain, c’cft que les deux dents dont elle eft pourvue, font lesfeuls inftruments qui lui ont été accordés pour faire des trous li confulérables. 11 n’y a pas moyen de les voir agir dans l’intérieur d’un morceau de bois; mais lorfqu’on lesconhdere à la vûë fimple Si fur- tout à la loupe *, on les juge bien capables de hacher le bois, & même de le percer. Elles font femblables & égales; chacune d’elles eft une folide pièce d écaillé, courbée en quelque forte en tanière, convexe par-ddfus Si concave par-deffous, & qui fe termine par une pointe fine, mais forte. C’eft pour loger les vers qui doivent fortir des œufs que notre mouche perce-bois doit pondre bien-tôt, quelle ouvre de fi longs trous. Son travail & les foins ne fe bor¬ nent pourtant pas là. Les œufs ne doivent pas être em¬ pilés les uns fur les autres, ni être difperfés dans une même cavité; il ne convient pas aux vers qui en éclorront, de vivre enfemble, chacun d’eux doit croître fans avoir de communication avec les autres: aufti chaque long trou, chaque long tuyau, n’eft que la cage d’un bâtiment où fc trouveront par la fuite plufieurs pièces en enfilade; Fi j * PI. i <5c 2 , 6. fîg. * PI. 7 .& pi. 1 & 2 . 44 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE bien-tôt il y aura dans chaque trou une enfilade de cei- 5 - fig- Iules*, mais qui, à la différence des pièces d’un apparte- & pl ' ment, n’auront aucune communication les unes avec les autres. Enfin la mouche n’efi pas feulement infimité de fa figure, de la capacité du logement qui convient à chacun de les vers, & de la nature des matériaux dont il doit être fait, elle Içait bien plus que tout cela; elle a des connoiflances dont nous devons être étonnés. Quelle efi parmi nous la mere qui fçache au jufte le nombre des livres de pain, de viande & d’aliments de toutes autres efpeces, & la quantité de différentes boiffons que confiimera l’enfant quelle vient de mettre au jour, julqu a ce qu’il foit parvenu à l’âge d’hommeî Le ver naifiant pour parvenir à être mouche, n’a pas befoin de prendre des aliments auffi variés que les nôtres; une forte de pâtée affés femblable à celle dont les bourdons à nids de mouffe nous ont donné oecafion de parler, cfi fa feule nourriture. Mais ce que nous devons admirer, c’cfi que la mouche à laquelle ce ver doit le jour, Içait la quantité de cette pâtée qui lui cfi neceflaire pour fournir à tout fon accroiflement ; elle la connoît cette jufie quantité d’aliment, & la lui donne. C’efi une prévoyance tendre & éclairée dont nous n’avons pas eu oecafion de parler jufqu’ici, & dont d’autres mouches du genre des abeilles & de celui des guêpes, nous donneront des exemples. Mais ce n’cft actuellement que la manière dont fc con¬ duit notre perce-bois, que nous devons admirer. Suppo- fons qu’elle a creufé un trou qui a y à 8 lignes de diamè¬ tre, & plus d’un pied de longueur; elle va divifèr cette s-fig. cavité en douze logements ou environ *; c’eft-à-dire, 6 - i, s* que fi la direction du trou efi de haut en bas, comme elle y cfi le plus fouvent, clic va faire une efpecc de bâtiment des Insectes. 77 . Mem. 4.5 dont la bafe à la vérité eft étroite, mais qui aura onze ou douze étages. Elle fixe la hauteur qu’elle veut à chaque cellule à un pouce ou environ, elle confinât des cloilons, ou, filon veut, des planchers qui forment des divifions; le plancher qui fait le defliis d’une cellule, efi celui du fond de la fuivante. Chaque plancher a environ l’épaifieur d’un écu, il cfi de bois, & fait de morceaux proportionnellement plus petits que les pièces de nos parquets, il n’efi compofé que de grains tels qu’en fournit du bois Icié. Ces grains defciûre de forme irrégulière, ne tiennent pas enfemble par quelque engrainement ou quelque aflembiage; la mouche humeéte ceux qu’elle veut employer, d’une li¬ queur propre à les coller à ceux qu’elle a déjà mis en place &affujettis. On imagine affésqu’elle doitluivre un ordre dans le travail de chaque cioifon. Elle commence par faire une lame annulaire qu’elle attache contre la circonférence de la cavité; le bord intérieur de cette lame fournit l’ap- puy d’un fécond anneau d’un diamètre plus petit; celui- ci devient enfuite l’appuy d’un troifiéme anneau; quatre à cinq anneaux pareils ne laiflent plus au centre qu’un petit vuide qui eft rempli par une lame circulaire. Si on oblèrve une cioifon *, on diftingue très-bien les lames an- * pj. 5. nulaires & la circulaire, qui la font paraître affés joliment + & s* ouvragée, & qui apprennent l’ordre dans lequel le travail a été conduit. On n’eft pas embarrafle defçavoir comment la mouche peut fe fournir de fciûre pour conftruire les différents plan¬ chers ; il me refte pourtant un doute fur l’endroit où elle prend celle quelle employer il femble quelle pourrait laiffer de trop aux parois de la cavité, ce qu’il faut de bois pour fournir aux cloifons. Mais cette pratique qui paraîtrait lui épargner du travail, pourrait avoir lès 1 «j 46 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE inconvénients. L’intérieur de chaque cellule doit être extrêmement propre dans le temps où la mouche la fer¬ me, & il feroit difficile qu’il n’y tombât pas des grains de la fciûrc quelle détacherait; auffi m’a-t-il paru qu’elle va en prendre hors du morceau de bois de celle qu’elle y a jettée, & qui y cft en tas. On verra mieux pourquoi il feroit à craindre qu’il ne tombât de la fciûre dans l’intérieur d’une cellule, lorfque la mouche en fait la cloifon liipérieure, après que nous aurons dit en quel état il eft alors. Nous l’avons laide ima¬ giner vuide, & il cil plein. Nous avons parlé de la conf- truéfion des différents planchers, comme fi elle fe faifoit tout de fuite; mais il y a un travail intermédiaire, & un grand travail dont nous n’avons encore rien dit. Pour l’ex- * PI. s-fig. pliquer, retournons à confidérer la longue cavité * dans je temps ou elle n’a encore aucune cloilon. La première * a. cellule n’a befoin d’en avoir qu’une * ; le fond du trou lui tient lieu de celle qui fait le fond des autres, & eft beau¬ coup plus folidc. Sur le fond du trou, l’abeille perce-bois apporte de la pâtée, c’eft-à dire, une matière rougeâtre compofée de poufliéres d’étamines bien lnimeétées de miel. Cette pâtée a la conliftance d’une terre molle. La mouche ne ceffe d’y en apporter, de l’y accumuler juf- qu’à ce quelle s’élève à peu près à un pouce de haut, c’eft-à-dire, à la hauteur où doit être mis le premier plan- * a. cher *. Mais avant que de travailler à ce premier plancher, elle a à faire la plus importante de les opérations; elle a à pondre un œuf qu’elle enfonce dans la pâtée, ou quelle iaiffe l'oit deffous l'oit deffus. Elle ne tarde pas à fermer la cellule à qui le précieux dépôt a été confié, avec une cloifon qui fera le fond de la cellule fuivantc: fur cette cloifon elle apporte de la pâtée, comme elle en a apporté fur le fond de la première; & quand clic en a rempli la des Insectes.//. Mem. 47 capacité qui convient à la grandeur de la fécondé cellule, & pondu un fécond œuf, elle bâtit un fécond plancher. C’clt ainfi qu’elle remplit, 6c quelle ferme toutes les cellules fucceffivemcnt. Quand il y en a une de fermée, la mouche a fait, par rapport à l’œuf qu’elle y a dépofé, & au ver qui en éclorra bien-tôt, tout ce qu’elle avoit à faire. Elle n’a plus à être inquiète pour le fort du ver nailfant, elle a pourvu à tout; elle l’a logé convenablement ; elle a mis de la pâture à portée de lui, 6c elle lui en a donné la provifion néceffaire pour fournira tout Ion accroilfement. Lorfqu’il aura con- l’umé toute celle qui eft dans fa cellule, il fera en état de fubir fes transformations, de devenir nymphe, 6c enfuite mouche. L’aliment qu’elle lui a préparé eft de nature à ne fe corrompre ni s’altérer aucunement, quand le ver feroit plus long-temps à croître qu’il ne l’eft. D’ailleurs il conlérve fon onéhiofité; comme il eft dans un vafe bien clos, ce qu’il a de liquide, n’eftpas expoféà s’évaporer. Le ver nailfant n’a que très-peu de place pour fe retourner dans fa cellule, qui eft prefque remplie par la pâtée; à mefure qu’il croît, il a befoin d’un plus grand cfpace pour 1e loger; l’efpace aulfi ne manque pas de s’aggrandir, 6c dans la proportion que l’accroilfemcnt du ver le demande; puifqu’il ne croît qu’aux dépens de la pâtée, le volume de l’une diminue quand celui de l’autre augmente. Je profitai il y a huit à neuf ans d’un morceau de bois cylindrique creufé par une de nos abeilles, que M. Pitot m’avoit apporté de fa terre de Launay, pour voir com¬ ment chaque verfe comporte dans l’intérieur de fa cellule. Ce morceau de bois * qui n’avoit que i 5 à 16 lignes de diamètre, étoit ailé à manier 6c propre à être difpofé comme je le voulois. J’emportai avec un couteau, alfés * PI. 6 . % 4.8 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE de bois pour mettre à découvert l’intérieur de deux cel¬ lules. Chacune de ces cellules avoit un ver que je me propofai d’oblérver tous les jours, & je lçavois que les impreffions de l’air pouvoient leur être funeftes; j’appli¬ quai donc &. collai exaélement fur l’ouverture que j’avois Pï. 6. fi», faite, un morceau de verre *. Les cellules étoient alors qq, RR. p re fq Ue remplies de pâtée. Les deux vers étoient encore très-petits, chacun n’occupoit dans fa loge, que le peu d’efpace qui rcltoit entre les parois & la malfic de pâtée; ce peu d’efpace luffifoit pour leur donner pafTage. Je les vis changer fouvent de place ; celui que j’avois trouvé en haut le matin, je le trouvois l’après-midi ou le jour fui van t à un des côtés, ou même près du fond. La malle de pâtée devenoit journellement de plus en plus petite. Je commençai à les oblèrver le i 2 Juin, le 27du même mois la pâtée de chaque cellule étoit prefque toute man¬ gée, & le ver plié en deux remplilfoit en grande partie l'on logement. Le 2 Juillet ils avoient l unée l’autre con- fumé toute leur provifion; il 11e reftoit dans chaque cel¬ lule que quelques petits grains noirs, oblongs, qui étoient le peu d’excréments qu’ils avoient jetté. Ils firent pen¬ dant cinq à fix jours un jeûne qui apparemment leur étoit néce flaire, & pendant lequel ils parurent très- inquiets. Souvent ils augmentoient la courbure de leur corps, ils faifoient defeendre leur tète en embas; ils fie redrclToient enl'uitc un peu, & relevoient un peu leur tête. Ces mouvements les préparoient à la grande opération qui devoit les faire changer d’état. Entre le 7 & le 8 du même mois, ils fie défirent de la peau qui les failbit paraître des vers, & ils furent des nymphes. Nous ne nous foinmes pas arrêtés à décrire ces vers, « Fig. 6. qui l'ont très-blancs *,& qui ne different pas dans l’elfentiel de ceux des abeilles ordinaires, & de ceux des bourdons yelus. des* Insectes. II. Aletn. 49 velus. Leur tête eft de même très-petite, 6 c munie de deux dents bien diftinéles, placées comme celles des chenilles. Rien aufl] n’exige que nous décrivions la figure des nymphes * qui viennent de ces vers, & la difpofition * PF. j. fig. de leurs parties. La différence de grandeur eft prefque 10 > I3&, 3 « la feule qui fe trouve entre ces nymphes & celles des abeilles. D’abord elles font extrêmement blanches, mais leur blanc fe falit de jour en jour. Je les ai vu prendre peu à peu des nuances qui tendoient au brun, devenir brunes, 6 c enfuite noirâtres. Le 30 Juillet le corps & le corcelet de celles qui avoient quitté la forme de ver entre le 7& le 8 du même mois, étoient d’un beau noir luifànt. Les jambes 6 c les ailes n’étoient pourtant encore que d’un brun caffé, elles noircirent deux ou trois jours plus tard que le relie. Enfin, les nymphes furent alors en état de quitter leur dépouille, 6 c de devenir des mouches. Si ion ouvre tout du long un morceau de bois * dans * pi. lequel une de nos abeilles pcrccufcs travaille depuis un ou *• pluficurs mois, 6c fur-tout fi le morceau de bois s’efi trouvé affés gros pour être percé félon fa longueur en trois à quatre endroits, on y pourra obfervcr des vers de différents âges, 6c par conféquent de différentes grandeurs; on y verra des cellules pleines de pâtée, 6 c d’autres prefque vuides ; enfin, on pourra trouver des nymphes dans quelques-unes; 6c cela, parce que la ponte de la mouche fe fait fucccffive- ment: il nepouvoit être établi quelle la fît dans un jour ou dans un petit nombre de jours, qui n’auroit pas fufft pour lui donner le temps d’amaffer 6 c de tranfporter la provifion de pâtée néceffaire à chaque ver. Dans une rangée de cellules, les vers font donc de diffé¬ rents âges, 6 c ceux des cellules les plus baffes font plus vieux que ceux des cellules fupérieures; ils font donc aufïï les premiers qui fe doivent transformer en nymphes & en Tome VL . G » R 5 . 7-& pl. 6. ». r. ' 50 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE mouches. Ceci demandoit encore à être prcvû par la mcre des nouvelles mouches; car fi celle qui vient de fe transfor¬ mer, & qui eft impatiente defortir d’un logement qui eft devenu pour elle une prilon, vouloir prendre la route par la cellule fupérieure, elle n’y trouveroit pas à la vérité grande réfiftance; mais il faudrait quelle paffât fur le corps de la nymphe qui y eft logée, ou du ver, s’il y eft encore ver. 11 faudrait même quelle hachât l’un ou l’autre, qu’elle le mit en pièces pourfe faire place. Avec des dents capa¬ bles de percer le bois, elfe en viendrait aifément à bout. Cette première aéïion de la vie ferait trop barbare, âc irait contre la multiplication de l’efpece, c'eft à-dire, con¬ tre la vue de l’Auteur de la nature. Aulli a-t-il réglé que la nymphe aurait la tête en embas; fa mouche fe trouve donc l’avoir dans cette même pohtion ; & comme il eft naturel que les premières tentatives qu’elle fait pour mar¬ cher, foient pour aller en avant, fa route ne la conduit pas vers les cellules pleines. Elle aurait pu être inftruite à percer les parois de fa celiuie pour lortir par un des côtés; mais ç aurait été donner beaucoup d’ouvrage à des dents encore mal affermies; aulli n’eft-ce pas par-là quelle fort: fi cela étoit, le morceau de bois qui eft percé en flûte, aurait aulfi liir fon extérieur des trous comme ceux des flûtes, au moins de pouce en pouce; on n’en trouve point qui foient percés de la forte. J’ai jugé que la mere avoit dû fonger à ménager une fortie commode aux mouches naiffantes, & quelle n’avoit eu befoin pour cela que de percer à la partie inférieure de chaque cavité oblongue, un trou pareil à celui qui communique avec la partie lu- périeurede cette cavité; que celui d’embas donnerait aux jeunes mouches une fortie commode qu elles fçauroient h- bien trouver. J’ai auffi obfervé ce trou * dans quelques ’ ü ‘ pièces de bois que j’ai eu entières. * r. des Insectes. II. A Lui. ç i Outre le trou fupérieur * & le trou inférieur * dont les * Pi y.fig ouvertures font fur la furfâce du morceau de bois, & qui ^ ^i ’ u ’- n 3 communiquent avec une grande cavité, j’ai quelquefois vû un trou femblable * à diflance à peu près égale de l’un & de l’autre. Celui-ci peut abbréger le chemin aux mou¬ ches nées dans les cellules mitoyennes, lorfq-u elles veu¬ lent fortir. Mais il y a grande apparence que la mere mou¬ che en le perçant, a cherché à s’abbréger à elle-même celui quelle a à faire pour le tranfport des décombres dans le temps qu’elle creufe l’intérieur de la pièce de bois. Nous n’avons encore parlé que de la mouche perce- bois, qui efl fémelle; elle a un mâle dont l’extérieur efl alfés femblable au lien ; il ne lui cede même que peu en grandeur; on ne le reconnoît finement pour ce qu’il elf, que lorfqu’on lui preffe le derrière. C efl inutilement qu’on tente de faire fortir du fien un aiguillon; il n’en a pas, pendant que celui dont la fémelle efl pourvue, efl très-grand. Mais en revanche en preffant le derrière du mâle, on fait paroître des parties écailleufes capables de faifir le derrière de la fémelle ; & entre celles-ci, une partie charnue propre à opérer la fécondation des œufs. On aimera mieux apparemment que nous nous conten¬ tions de dire que ces parties reffemblent à celles des bour¬ dons velus, que de nous voir engagés dans une exaéle 8 c longue defeription de chacune. Au refie, je ne fçais point fi le mâle aide la fémelle dans fes travaux. La mouche que j’ai vû entrer dans un morceau de bois, en faire tomber de la fciûre, m’a tou¬ jours paru la même; mais j’ai négligé de prendre des précautions qui auroient pu m’en affûter, comme de lui faire une tache fur le corcelet avec un vernis coloré. Je n’ai pu obfèrver la mere perce-bois dans le temps où G ij * PI. 6. (I 7 - P’ * Fig. 8. * PI. p- l’incommoder; il efl cependant liors de doute qu’ils lui font utiles, puifqu’ils lui ont été donnés, & il efl prefque auffi certain que nous nous tromperions û nous alignions leur ufage. EXPLICATION DES FIGURES DU SECOND MEMOIRE. Planche V. L A Figure 1 efi: celle d’une abeille ou bourdon perces- bois, qui a fes ailes fur le corps. Dans la Figure 2, la même mouche perce-bois efl vue ayant les ailes écartées du corps, ce qui permet de remar¬ quer que le deffus de celui-ci efl ras & liffe. Les Figures 3 & q. nous montrent une dent de la perce- bois, grolfie; la figure 3 la fait voir par-deffus, & la figure % par-deffous. Les Figures 5 & 6 repréfentent line tête de l’abeille perce-bois, dont la trompe efi allongée & développée en partie. La figure 5 en montre le deffous, &la figure 6, le deffus. o, figure 5, le trou autour duquel le col efl attaché, p,p, grands poils dont le deffous de la tête efl couvert, d, d , les dents./',/', les deux demi-fourreaux extérieurs de la trompe, ou les deux grands, k, k, les demi-fourreaux intérieurs, ou ceux qui font étroits. /, la trompe. Les lettres employées dans la figure 5, & qui le font encore dans la figure 6, y défignent les mêmes par¬ ties. Dans cette dernière, y, y, font les yeux à rezeau. ?, les trois petits yeux, a, a, les deux antennes coupées en a, a . G uj 54- Mémoires pour l’Histoire La Figure 7 efl un plan fait par la coupe longitudinale d’un morceau de bois percé prefque tout du long par une de nos mouches, a, b, c, d, e, f g, h, marquent les diffé¬ rentes cloifons conffruites par la mouche pour divifér le trou en cellules. Cette figure a été defïînée pour mon¬ trer les directions de trois autres trous o,f r. Le trou o, efl le premier que la mouche a ouvert pour pénétrer juf- qu a l’axe du morceau de bois, f, efl un autre trou qui devient commode à la mouche lorfqu’elle a percé depuis //, jufque vers^/. Ce trou f lui abbrege bien du chemin pour le tranfport de la fciûre quelle détache vers c, b. Le trou r, a un autre ufage que les précédents. Les œufs font dépotés dans les cellules a & b, avant qu’il y en ait de mis dans les cellules c,d, & les autres fupérieures. Le ver de la cellule a, doit donc devenir mouche plutôt que celui de la cellule c. La mouche qui efl dans la cellule a, fans incommoder la mouche de la cellule fupérieure b, brife la cloifon a, & fort par le trou r, par lequel peuvent fortir de même fucceffivement les mouches des cellules b & c. Les mouches des cellules d, e,fg, peuvent fortir par le trou f. La Fig. 8 efl celle d’un poux qui fe tient fur nos mouches perce-bois; il y en a telle qui a des centaines de ces poux. La Figure 9 fait voir le poux de la figure 8, grofli au microfcope. Il traîne après lui deux grands poils p, p, qui 11e nous doivent paroître propres qu’à l’incommoder, & qui fans doute lui font néceffaircs. La Figure 1 o repréfeme une nvmphe d’abeille perce- bois vue du côté du ventre, & groffie. La Figure 11 efl celle de la tête de la même nymphe, encore plus groffie, & dont la trompe a été allongée, d, une des dents, a, une des antennes, t, la trompe. f,f les ctuis qui fa couvrent. des Insectes.//. Mew. 5 5 La Figure 12 montre la nymphe prefque dans fà gran¬ deur naturelle du côté du ventre, & la figure 13 , la fait voir du côté du dos. Planche VI. La Figure 1 repréfente un morceau d’un bâton qui avoit fervi démontant à un contr’efpalier, & qui avoit été creufé par une abeille perce-bois. Il n’a ici que la moitié de fon diamètre, & que la moitié de la longueur dans laquelle il avoit été creufé; on lui a feulement laide fa rondeur près de fon bout inférieur aac c; mais depuis a a, jufqu au bout fupérieurg//, on a emporté une partie du bois pour mettre l’intérieur à découvert, afin que l’on pût voir comment il avoit été travaillé. o,[, r, font les ouvertures des trous qui fervoient de portes aux moucjies pour fe rendre dans les longues cavités intérieures. On diftingue dans ce morceau de bois quatre cavités cylindriques f,g, h, i, dont chacune eft partagée en plufieurs petites loges,'par des cloifons tranfverfales. La Figure 2 eft celle d’une portion du morceau de bois de la figure i, à laquelle on a laiffé fa groffeur naturelle. Im, ik, no, font les coupes de trois cavités cylindriques divifées en cellules. La coupe qui a emporté une partie du bois, a paffé par l’axe de la feule cavité ik. Celle-ci efl auffi la feule qui paroiffe dans toute fâ largeur. V, un ver pofé fur le tas de pâtée qui remplit en grande partie la cellule fuperieure/. On voit des maffesde pâtée dans la cellule k, & dans la cellule qui eh entre celle-ci & la cel¬ lule/. Un ver paroît auffi en f, fur la pâtée de la cellule qui occupe le milieu de la cavité n o. La Figure 3 repréfente dans toute fa groffeur, mais feu¬ lement dans une partie de fâ longueur, un morceau de bois cylindrique qui avoit été creufé par une perce-bois, 5 6 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE * mais où elle n’avoit trouvé à placer qu’une feule ran¬ gée de cellules, a a c c, bout qui a été lailfe entier, & qui eR cylindrique. Depuis gh, jufqu’en a a, un fegment a été emporté pour mettre en vûë l’intérieur./?/?, q q , les deux cloifons qui ferment une cellule. Celle qui eR com- prife entre /? p, & qq, eR vuide; la pâtée & le ver en ont été ôtés, qq RR, plaque de verre qui couvre une cel¬ lule dans laquelle cR un ver qui a confumé fa provifion de pâtée. Cette plaque qui défendoit le ver contre les impreffions de l’air, permettoit d’obferver tous fes mou¬ vements. La Figure 4 montre dans fon entier & dans fa grandeur naturelle une cloifon de cellule. La même eR vûc à la loupe dans fa figure 5. Dans cette dernière figure, 011 difiingue les quatre anneaux de fciûre dont la cloifon eR formée, & le petit dilque circulaire de même matière, qui remplit le vuide du centre. La Figure 6 eR celle d’un ver encore allés petit qui doit devenir une abeille perce-bois. La Figure y reprélente une des jambes poflérieures de l'abeille perce-bois, planche 5. figure 1 & 2, vûë par fa face extérieure./?, la partie correfpondante à celle d’une jambe pofiérieure de mouche à miel, fur laquelle cette dernière mouche rapporte fa pelottc de cire brute. La partie /?, de cette figure n’efi pas propre au même ufiige. La Figure 8 montre par fa face intérieure la jambe vûë par fa face extérieure, fig. y. Sur la partie /?, de cette jambe paroît en c, une portion lilfe &. ovale qu’on foupçonne deflinée à retenir la peiotte de poulfiéres d’étamines. TROISIEME Sùncnsicau, Sculp /-ï. S<9- .llAMHAJa Stutf' des Insectes. III. Mem . 57 TROIS I EM E ME MOIRE. DES ABEILLES MAÇONNES. N Ous avons vû des Abeilles travailler en bois dans le Mémoire précédent; dans celui-ci nous allons fuivre Jes manœuvres de celles d’une autre efpece qui font de véritables ouvrages de maçonnerie, & que nous nomme¬ rons auffi des abeilles maçonnes. Leurs travaux & leurs foins, comme prefque tous ceux des autres infeétes, ten¬ dent à fe donner une poftérité. Les vers qui fortent des œufs de nos mouches maçonnes, pour parvenir à être eux-mêmes des mouches, demandent à être renfermés dans des loges faites d’une efpece de mortier; leurs induf- trieufes meres fçavent leur en bâtir de cette matière, elles s’y livrent avec ardeur, & ne font point rebutées par les peines & les fatigues, fans lefquelles elles ne fçauroient finir de tels ouvrages. Il n’en eft pourtant pas des habitations que nous vou¬ lons faire connoître, comme desgâteauxde cire conftruits par les mouches à miel; leur extérieur ne fait pas foupçon- ner l’art avec lequel elles font bâties, il ne les fait pas même foupçonner des logements d’infeéfes. Plufieurs cellules polées les unes auprès des autres, font cachées fous une enveloppe commune * faite de la matière qui les compole * PI. 7. fig. elles-mêmes; elles forment une maffe peu propre à s’at- 15 ' tirer l’attention de quelqu’un accoutumé à s’arrêter aux premières apparences. Quand il voit contre un mur des plaques qui ont quelque relief, mais dont les contours n’offrent rien de bien régulier; en un mot, des plaques quelquefois affés femblabies à celles de bouc qui y a été Tome VI. .H 58 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE jcttée par les roues des voitures & les pieds des chevaux, il 11e s’avife pas de penfcr qu’elles ont été mifcs là à deflein, fur-tout lorfqu’elles ont, comme l’ont ces maffes de cel¬ lules en certains pays, une couleur de boue ou de terre féche. Celles qui approchent plus de la couleur de la pierre ou de celle du mortier, font prifes pour une mal¬ propreté que les maçons ont eu la négligence de lailfer fur les murs. Mais lorfqu’on eft dans l’habitude d’obferver, & de faire des réflexions fur ce qu’on obierve, on juge bien tôt par la hauteur où font quelques-unes de ces malles, & par les endroits où elles font pofées pour la plupart, qu’elles ne font pas l’ouvrage du hazard. On n’en découvre aucune fur les murs tournés vers le Nord. Les murs expofés au Midi font ceux où on en voit le plus; & fi on en trouve fur ceux qui font tournés vers l’Elt, &fur ceux qui le lont vers l’Oüeft, c’eft fur-tout dans des places où les unes peuvent jouir du Soleil pendant plufieurs heures après qu’il efl levé, & les autres pendant plufieurs heures avant qu’il fe couche. Ces efpeces de plaques font des nids dans lelquels des œufs ont été dépofés; pour que les vers en puiflent éclorre, N pour que ces vers puiflent dans la faifon convenable devenir des mouches, le nid a befoin d'être échauffé par les rayons du Soleil. Les ouvrières conffruifent ces nids d’une matière qui ac¬ quiert une dureté égale à celle de certaines pierres. Ce n’eft qu’avec des inffruments de fer qu’on peut les brilèr; la lame d’un couteau en eft fouvent un trop foible pour cet effet. Auftî nos abeilles maçonnes fe gardent bien de les attacher fur des murs enduits de quelque crefpi. L’appui de la bafe feroit alors moins folideque le corps du bâtiment. J’en ai fouvent trouvé fur des murs de jardin ou de parc, dont les pierres n’étoient pas recouvertes de mortier. C’étoit des Insectes. III. Mem. 59 contre les pierres memes que les nids étaient attachés, & jamais contre la terre ou le mortier qui fervoit à les lier les unes avec les autres. Dans les murs qui entrent dans le corps d’un édifice, les abeilles maçonnes parodient pré¬ férer aux autres parties de ces murs, celles qui font faites de pierre de taille; & elles ne manquent guéres d’y cbtoifir pour établir leurs nids, les endroits où ils peuvent être le plus lolidement affujettis. Des vues de commodité ou d’ornement, engagent à donner à certaines parties des bâtiments du relief au-deffus du refie; lespiintes, les cor¬ niches, les entablements, les faillies des fenêtres, &c. for¬ ment des angles avec le plan du mur. C’efi dans ces angles * * pi. 7 . que nos abeilles travaillent le plus volontiers. Le nid qui efi ' 3 ' logé dans un angle, y efi bien mieux arrêté que ne le feroit celui qui feroit appliqué fur le plat du mur. On en voit pourtant dans cette dernière pofition; mais fi on en détache quelqu’un de ceux-ci, on fe met à portée d’obferver que l’endroit de la pierre qui lui fervoit de bafe, a des inégalités qui offrent des avantages équivalents à celui d’un angle. Dans plufieurs endroits du Royaume, & même des envi¬ rons de Paris, on peut aifément parvenir à voir de ces nids, fi on les cherche fur les faces des grands bâtiments qui font tournées vers le Midi, & lur-tout fur celles des bâtiments ifolés. Le château de Saint-Maur, par exemple, & celui de Madrid, en ont un grand nombre. Je 11’ai pas eu même befoin de me tranfporter jufque-là pour les étudier, de¬ puis que je me fuis logé dans le fauxbourg Saint-Antoine; car la façade de ma maifon qui regarde le Midi, a plu aux abeilles maçonnes. Au refie, comme je l’ai déjà dit, l’exté¬ rieur de ces nids n’offre rien d’intéreflant; pendant la plus grande partie de l’année, on ne voit pas même les mou¬ ches voler autour. Des qu’il ne manque plus rien à leur confiruclion, celles qui les ont bâtis les abandonnent pour 6o MEMOIRES POUR i/HlSJOIRE ne plus venir les vifiter; elles ont fait pour les inlècles qui y l'ont renfermés, tout ce quelles pouvoient faire pour eux, & tout ce dont ils avoient befoin. Mais on penfe alfés que l’intérieur de ces mêmes nids mérite d’être examiné dans différents temps. On le trouve habité pendant plus de dixà onze mois conlècutifs, d'abord par des vers, enfuite par les nymphes dans lefquelles ils le font transformés. Ces nymphes deviennent enfin des abeilles dont quelques- unes font en état de prendre l’effor avant la fin d’Avril, 6c de travailler à leur tour à faire de nouveaux logements pour y dépofer les œufs quelles pondront. Chaque nid, comme nous en avons déjà averti, & comme nous l’expliquerons mieux bien-tôt, elt un affcin- blage de plufieurs cellules, dont chacune lërt à loger un feul ver blanc, fans jambes, 6c pour l’effentiel femblable à ceux des mouches à miel, 6c à ceux des bourdons velus. Les vers de différentes cellules ne different pas entr’eux fenfiblement à nos yeux, quoiqu'ils different par leurs parties intérieures. Les uns doivent devenir des abeilles * PI.7.%. très-noires *, aulfi noires, mais plus velues que les perce- s, 2 & 3. f) 0 js • elles ont feulement un peu de jaunâtre en-deffous à leur partie poltérieure. Les autres vers deviennent des * Fig. 4 & j. abeilles * de couleur fauve 6c plus approchante de celle des mouches à miel. Le deffus de leur corcelet, 6c une très- grande partie de celui du corps, font couverts de poils qui tirent fur le cannelle. Le bout poftérieur du corps a cependant en-deffus des poils noirs; 6c tout le deffous ou le ventre, n’en a que de ceux ci. Leurs jambes font noires, mais les poils de leurs parties fupérieures font roux. Les mouches noires 6c les roulfcs font à peu près de mê¬ me grandeur, il y en a des unes 6c des autres, de plus petites 6 c de plus grandes, comme il arrive dans toutes les familles des-animaux. Celles de la grandeur la plus ordinaire, font des Insectes./// Mem. 61 auffi greffes & auffi longues que les faux - bourdons ou mâles des mouches à miel. Elles l’ont d’une taille moyenne entre celle de ces dernières mouches, & celle des perce- bois. Mais la plus grande différence qui fe trouve entre nos maçonnes, n’eft pas celle des couleurs; il y en a une de fexe. Les noires font les femelles, qui font munies d’un aiguillon pareil à celui des mouches à miel; les Pouffes n’ont point d’aiguillon. Si on preffe le derrière de celles-ci, on fait fortir de leur corps * des parties qui ne permettent * pas de les méconnoitre pour ries mâles, lorfqu’on fçak qu elle eft la forme des parties au moyen defquelles les mâles des mouches à miel, & ceux des bourdons, rendent féconds les œufs des femelles. Les parties qui caraclérifent le fexe des mâles maçons, reffemblent encore plus à celles des mâles bourdons, qu’à celles des mâles des mouches à miel. Parmi les infeéles les mâles naiffent pareffeux, ou plu¬ tôt ils ne naiffent pas pour le travail. C’eft une réglé qui paroît affes générale. Ceux des mouches maçonnes fe contentent de féconder les femelles; ils ne leur aident aucunement à conflruire les nids. L’ouvrage dont l’Au¬ teur de la nature a chargé ici les feules femelles, eft rude; il ne les a point traitées avec autant de diftinélion que les fémelles des mouches à miel ; il ne leur a point accordé des ouvrières fur qui elles puiffent fe repofer. Chacune de nos mouches noires eft donc obligée de faire le nid ou le nombre de nids néceffaire pour loger les œufs quelle doit pondre. La manière dont elles les bâtiffent eft la plus curieufe partie de leur biftoire. Pour être en état de la bien expliquer, il ne m’en a pas coûté un temps eonfidérable à Lire des obfervations. M. du Hamel ayant remarqué que ces mouches avoient pris beaucoup dégoût H iij Pt. 8. Gg. S &6. 62 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE pour le château de Nainvilliers qui appartient à M. Ton frere, m’offrit de les étudier avec l’attention dont il eft capable. J’acceptai fon offre avec rcconnoiffance ; & le public a à partager avec moi celle qui lui cil due pour la peine qu’il a prile d’épier ces mouches dans tous les mo¬ ments effentiels. Mon ouvrage ferait moins imparfait & eut été plutôt fini , fi j’euffe trouvé de pareils fecours par rapport à la plupart des autres infeéles; car je n’ai qu’à bien rendre les obfervations que M. du Hamel m’a com¬ muniquées, pour ne lai (Ter rien à defrer fur l’cfpece d’art de maçonnerie dans lequel nos mouches font fi habiles. Après qu’une mouche a reconnu fur un mur un endroit qui eft, pour ainfi dire, un terrein propre au bâtiment quelle veut élever, après quelle s’eft déterminée pour cet endroit, elle va chercher des matériaux convenables. C’eft à elle à les trouver, à les préparer, à les tranfporter, &. à les mettre en œuvre. Le nid quelle veut conffruire, doit être fait d’une efpece de mortier dont du fable doit être la bafe, comme il l’eff du mortier que nous faifôns entrer dans la conftrudion de nos édifices. Elles fçavent comme nous, que tout fable n’eft pas également propre à en faire du bon: une certaine grofleur convient aux grains de celui qui doit être préféré: ils ne doivent avoir ni la fineffe de ceux du fablon, ni la grofleur de ceux de cer¬ tains graviers qui ne font que des amas de petites pierres fenfibles. Ce ferait la faute de la mouche fi elle n’em- ployoit pas du meilleur fable du pays, car elle choifit grain à grain celui quelle veut mettre en œuvre. On la voit fe donner de grands mouvements fur un tas de fable où nos maçons prendraient indifféremment celui qui y eft am~ * pi. 7. fig. moncelé. Avec les dents *, aulfi fortes & plus grandes 0 & 1 '• que celles des mouches à mie!, elle tâte pJufieurs grains les uns après les autres; mais ce n’eff pas un à un qu’elle des Insectes. III. Afem. 6 5 les transporte; elle fçait mieux ménager le temps. D’ail¬ leurs, pour compofer du mortier, ce n’eft pas afles d’avoir du labié; pour lui faire prendre corps, pour faire la liailon de fes grains, nous avons très-bien imagine, & ceft une belle & utile invention, d’avoir recours à la chaux éteinte. La mouche a dans elle-même l’équivalent de la chaux; elle fait fortir de fa bouche une liqueur vifqueufe dont elle mouille le grain de fable pour lequel elle s’eft déter¬ minée*, cette liqueur fert à le coller contre le fécond grain qui eft choifi; celui-ci ayant été mouillé à fon tour, un troifiéme peut être attaché contre les deux premiers. La mouche fait ainfi une petite motte de fable delà groffeur d’une dragée de plomb à lièvre. Nous avons déjà dit que leurs dents font fortes & plus grandes que celles des mouches à miel; elles font taillées de manière que le côté intérieur de l’une s’applique exacte¬ ment contre le côté intérieur de l’autre: leur extrémité eft aiguë*; en-delfiis elles font convexes *, & concaves en-deffous *. La cavité quelles forment lorfqu’clles font jointes, fuffit pour contenir une maffe de mortier de grof- fèur fenfible, que les rebords de la cavité empêchent de tomber; uneépaiffe frange de poils qui borde le côté exté¬ rieur de chaque dent, aide encore à la retenir. Il fuffiroit de comparer les dents des femelles avec celles des mâles*, pour reconnoître que ceux-ci n’ont pas été faits pour le travail. Les leurs font fenfiblement plus petites, moins creufes, & moins fournies de poils par-deffous. Nous devons ajouter à ce que nous avons dit du fable dont nos maçonnes font leur mortier, que ce fable n’eft pas pur, qu’il eft pareil à celui que nous nommons du fable gras, c’eft-à-dire, qu’il eft mêlé avec de la terre. Il faudrait trop de colle pour faire du mortier avec le fable pur; & ce * PI. 7 - fig»- O & I I . * Fig. I O. * Fig. 1 1 » Fig. 8 & 9r éhp MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE mortier ne lèroit pas aulîi pêtrilfable que nos mouches ont befoin quefoit le leur. Lorfquel’on examine les fragments d’un nid, les yeux fculs conduifent à juger que la terre a été employée avec le gravier pour les former. Si on les mouille, & que fur le champ on les approche du nés, on * Mew. de lent une odeur qui, comme nous l’avons dit ailleurs*, ne VAcademu, fç auro jt être répandue par le fable, une odeur propre à 280. ° la terre. Enfin , on peut, comme on le verra dans la fuite, ramollir ces fragments avec l’eau feule, &. enfuite les dé¬ tremper dans l’eau. L’eau qui en a été rendue bourbeufe, laide précipiter fuccelfivement des couches de fable de différentes finclfes, & fur la dernière de celles-ci une cou¬ che de terre. Quand une mouche a trouvé quelque part du fable à fon gré, elle y vient prendre tout celui dont elle a be- foin. Pendant cinq à fix jours de fuite, j’ai vu à prelque toutes les heures du jour, une maçonne, dr Üfkft dot Iruteciàr.Tem* &. Fiç. 6 Fyj 11 m Fiç 10 Hlussari. fatysit — des Insectes. IV. Mem. 93 X* M* M* )X(^K(^)XC^Kr^Mi0XC««40XC^ )XC*M QU A T RIE ME M E MO IRE. DES ABEILLES QUI CREUSENT LA TERRE POUR Y FAIRE LEURS NIDS; Et des Abeilles coupeufes de feuilles, ou de celles cjuî font de très-jolis nids avec des morceaux de feuilles. B Eaucoup d’efpeces d’Abeilles folitaires, au-lieu de faire des nids de maçonnerie, comme en font celles dont nous avons luivi les manœuvres dans le Mémoire précédent, ne fçavent que fouiller la terre, qu’y creufer des trous prefque cylindriques, fouvent profonds de cinq à fix pouces, & quelquefois de près d’un pied, & qui n’ont que le diamètre néceffaire pour que la mouche qui l’a creufé puiffe y entrer & en fortir librement. Ce quelles nous offrent de plus remarquable, c’eft leur patience à foûtenir un travail long & rude; car c’eft prelquegrain à grain que I abeille tire la terre du trou qu’elle a commencé à ouvrir, & qu’elle la porte fur l'on bord, où elle en forme une petite montagne. La terre la plus dure, ou au moins la plus battue, eft celle que quelques-unes préfèrent. Des allées de jardin font quelquefois criblées d’un bout à l’autre de trous qu’elles y ont crcufés prefque perpendiculairement. D’autres cfpcces d’abeilles creufent plus volontiers à peu près horifontale- ment. Il y en a quelques-unes de celles-ci qui travaillent dans des fables, mais de ceux qui font gras; d’autres aiment mieux travailler dans de la terre ordinaire. Les terres ou M üj 94 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE les fables coupés prefqu a pic, & qui s'élèvent aii-deffus des chemins dont la pente a été adoucie, offrent fouvent des milliers de trous ouverts par les unes ou par les autres. On en trouve aulîi quelquefois fur les bords de certains folfès. Enfin, il ëit a (Te s ordinaire à diverfes efpeces d’a¬ beilles de percer la terre employée à la campagne à lier les pierres des murs de jardins. Les trous dont nous parlons, ne font pas toujours perces exactement en ligne droite; quelquefois ils ont un coude. Quand on veut parvenir à en voir le fond, avant que de commencer à enlever la terre qui le cache, on doit avoir la précaution d’introduire par l’entrée du trou, & de faire avancer le plus qu’il eh polfible quelque brin d’herbe flexible, comme une tige de gramen; par ce moyen on empêche la terre qui s’éboule de remplir le vuide qu’on veut conferver. Les parois du trou n’ont rien de particu¬ lier. Près du fond, & liir le fond même, elles font plus lifles & p!us unies que par tout ailleurs. Le fond eh quel¬ quefois plus évafé que le relie. Lorfqu’on le met à décou¬ vert dans un certain temps, on y trouve une petite mafle de pâtée mielleufe, dehinée à nourrir le ver qui y doit croître. Dès que la provifion de pâtée y a été portée, & que l’œuf a été pondu, l’abeille ne manque pas de faire rentrer dans le trou la plus grande partie delà terre quelle en avoit tirée. Si elle tardoit à le faire, inutilement eût-elle pourvu d’aliments lever qui doit fortir de l’œuf; ilsferoicnt bien-tôt pillés. Les fourmis qui rodent aux environs du nid, & qui font friandes de miel, ne feroient pas long¬ temps à découvrir où il y en a d’aifé à prendre ; dès qu’une feroit defcenduc au fond du trou pour en tâter, bien tôt des centaines s’y rendroient à la file. Enfin, il convient au ver d’être dans un lieu clos de toutes parts pendant qu’il prend fou accroiflement. des Insectes. IV . Mem . 9^ Nous ne nous arrêterons pas à faire connoître les diffé¬ rentes efpeces d’abeilles dont l’induftrie eft bornée à des ouvrages fi fnnples. Il y en a de très-petites *, de moins * PI. 9. fig. greffes que les plus petites des mouches à deux ailes qui ** iè tiennent volontiers dans nos appartements. Il eft ailé d’en oblerver de celles-là fur différentes fortes de fleurs où elles le poudrent de poufféres d’étamines. D autres elpeces de ces abeilles égalent, Si d’autres furpaffent en grandeur les mouches à miel ouvrières. Entre celles de même grandeur, on diffingue des elpeces qui different par la forme du corps : les unes l’ont plus allongé *, Si les * Fig. 2 , autres plus raccourci *. Enfin, les différences de couleurs* 5 ' fervent encore à en faire diffinguer d’autres elpeces. La plupart de celles qui fouillent dans les allées des jardins Si le long des bords des grands chemins, ont affés la cou¬ leur des mouches à miel, Si font petites. Parmi celles qui creulent dans des terres fablonneulès, il y en a de noires *, dont les ailes font d’un violet foncé, Si qui ont * Fig. 2 , feulement des poils blancheâtres tout le long du côté in¬ térieur de leurs jambes. Après avoir vu une de ces mou¬ ches creufer un trou dans un enduit de fable gras, dont j’avois à deffein recouvert une portion de mur de jardin, je lui vis boucher ce même trou. Je le rouvris au bout de quelques jours, Si je trouvai au fond un ver blanc fembiable à ceux des autres abeilles. 11 repofoit fur une pâtée d’une forte de miel fingulier ; fa couleur Si la con- fiftance étoient celles du cambouis. Il avoit un goût légè¬ rement fucré, Si fon odeur étoit un peu narcotique. Ce ver mis avec fon miel dans un tube de verre, 11e s’y trouva pas bien ; il y périt. * D’autres abeilles auff groffes que les précédentes, font encore noires, excepté (ur les côtés, tout le long de chacun delquels elles ont une file de houppes blanches *. Je les ai * Fig. 3. * PI. 9. fig. * Fig. 6 & 7. * Fig. 7. /. * Fig. 6 & 7. b, b, b, b. ^Fig- 6. t. 96 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE vû fouiller dans la terre o dinaire. Leur pratique n’efl pas comme celle de plufieurs autres, de faire un monticule de la terre quelles ont tirée; elles l’étaient avec leurs dernières jambes autour du bord du trou. Sur la terre du bord d’un folTé, j’ai quelquefois trouvé des centaines de trous qui lailfoient entr’eux peu d’inter¬ valle: ilsavoient été ouverts par des mouches * qui, comme les abeilles, donnent pour nourriture à leurs vers une pâtée mielleufe. Peut-être pourtant qu’elles doivent être miles dans un genre particulier qui auroit le nom de Proabeilles. Leur trompe * différé par quelques particularités de celle des mouches à miel : elle elt en grande partie renfermée dans un étui écailleux & cylindrique *; le bout de la trompe fort de cet étui, & efl accompagné de quatre filets ana¬ logues aux quatre demi-fourreaux des autres trompes *, mais autrement confiants; ils paroiffent grainés. D’ailleurs au lieu que la trompe des abeilles, lorfqu’elle efl dans l’inac¬ tion, a Ion bout tourné vers le col, le bout de la trompe de ces proabeilles fe trouve fous les dents *. Immédiate¬ ment au-deffous de celles-ci part un mammelon charnu qui efl la vraye langue de la mouche. Je l’ai vû en faire ufage pour lécher fa trompe, pour la frotter & refrotter à une infinité de reprifês. Il n efl guéres d’efpeces d’abeilles qui ayent le corps fi allongé. Entre les anneaux qui le com- pofent, les plus proches du corcclet font rougeâtres en- deffus. Les cellules quelles creufent en terre, ont neuf à dix pouces de profondeur. J’ai trouvé à l’ordinaire dans le fond de quelques-unes de la pâtée, où des pouffiéres d’éta¬ mines entroient pour beaucoup. Dans quelques autres, j’ai trouvé les vers, & dans d’autres les nymphes en lef- queiles ils s’étoient métamorphofés. J’ai distingué trois fortes de ces nymphes, qui dévoient donner trois fortes de ' mouches; des Insectes. /K Mem. 97 mouches; car entre ces mouches, il y en a de greffes re¬ lativement aux autres, & pourvues d’un aiguillon, ce font les femelles. D’autres d’une grandeur au-defTous de celle des précédentes, font privées d’aiguillon. J’ai négligé de le chercher à d’autres qui font beaucoup plus petites. Je ne fçais fi ces dernières feraient analogues aux ouvrières des mouches à miel. C’efl dans le mois de Septembre que j’ai vû des nymphes dans les trous. Mais d’autres efpeces d’abeilles qui, comme celles que nous venons d’indiquer, fçavent fouiller la terre, ont à nous offrir des travaux qui méritent plus d’être connus. Elles ne s’en tiennent pas à creufer des trous & beaucoup plus grands que ceux dont il sert agi jufqu’ici ; dans ces trous elles conflruifent des nids à leurs petits, avec des morceaux de feuilles arrangés fi artiflement qu’il efl peu d’ouvrages auffi propres à nous donner une grande idée du génie qui a été accordé aux infeéles. Auffi avions-nous principalement ces abeilles en vûë, lorfque nous en avons annoncé qui, quoique folitaires, le peuvent difputcr en indufhïe aux mouches à miel. Ces abeilles cachent fous terre, tantôt dans un champ, tantôt dans un jardin, des nids fi dignes d’être vus. Chacun d’eux efl un rouleau, un tuyau cylindrique de la longueur des étuis où nous mettons nos cure-dents, & quelquefois auffi gros. Un grand nombre de morceaux de feuilles de figure arrondie, & un peu ovale, qui ont été courbés de ajuflés les uns fur les autres, forment l’extérieur de cette efpece detui. Si on détachefes premières enveloppes, on voit qu’il n’efl femblabie que par le dehors à ceux à qui nous l’avons comparé; il efl compole de divers étuis plus courts *, quelquefois de fix à fept, faits auffi de morceaux ' figure approche plus de l’ovale; leurs bouts font arrondis, 6c à peu-près également larges. Ils ne font encore retenus que par la courbure qu’on leur a fait prendre ; ceux qui fe trouvent près de l’un 6c de l’autre bout de la fuite des cellules, font repliés fur ces bouts, à peu-près comme les morceaux du corps de chaque cellule le font fur Ion fond. Il y a des efpeces d’abeilles, celles qui font les plus longs & les plus gros rouleaux, qui, pour le fond de chaque cellule, employait au moins une pièce circulaire fèmbla- ble à celle des couvercles: elles la courbent, elles la ren¬ dent un peu convexe en-dehors: c’eft fur les bords de cette pièce que font repliés les bouts de celles du corps de la cellule. Mais comment des abeilles viennent-elles à bout de couper des morceaux de feuilles, 6c de leur donner à cha¬ cun les dimenfions 6c les contours néceftaires! Où font, pour ainfi dire, les atteliers où elles taillent les pièces quelles mettent en oeuvre! Une ancienne oblervation me o.j loS MEMOIRES POUR l/HiSTOÏRE conduifit à voir l'ur cela cc qui peut être vû. J’avois été embarrafle Je fçavoir par quels infectes avoient été faites des échancrures en très-grand nombre que j’avois fig. remarquées fur les feuilles de certains rofiers*. Je ne pou- T,r ’ vois les attribuera des chenilles, j’en avois cherché inuti¬ lement pendant le jour, Si pendant la nuit avec une lu¬ mière, fur des rofiers où les échancrûres fe multiplioicnt journellement. D’ailleurs elles ne rclfcmhloient pas à celfes que les chenilles font aux feuilles qu’elles rongent. Je crus avoir trouvé le dénouement de ce fait, Si celui d’un autre plus intéreffant, lorfque la ligure des pièces des différents morceaux de feuilles qui entrent dans la compofition des nids, me fut connue: je penfai que des abeilles ailoient couper fur des feuilles encore attachées à l’arbre, les pièces dont elles avoient befoin, en un mot, que les échancrûres que j’avois trouvées en fi grand nombre fur certains rofiers, marquoient les places où certaines abeilles étoient venues fe fournir de quoi conftruire leurs nids. Ayant examiné alors les feuilles de rofier avec des yeux plus éclairés, je re¬ connus,:! n’en pouvoir douter, que toutes les échancrûres étoient des vuides laiffés par des pièces propres à entrer dans la compofition des nids. Je vis de ces échancrûres &c. dont le contour etoit oval * ; j’en vis d’autres qui avoient à peu-prés celui d’un demi-oval: enfin, ce qui étoit encore plus décifif, j’en trouvai plufieurs dont le contour étoit r,r. circulaire*; c’ell-à-dire, que je ne pus méconnoître les vuides d’où avoient été ôtées les pièces qui fervent de couvercles, & ceux où avoient été prifes, foit les pièces qui font le corps des cellules, l'oit celles qui font employées à en compofcr l’enveloppe générale. Quand on fçait ce que l’on doit chercher à voir, Si où on le peut voir, on a une grande avance pour y parvenir. Ce fut fans fuccès que je lis fouiller aux pieds d’un très- des Insectes. IV . Mem . 109 grand nombre derofiers, &de ceux dont les feuilles étoient le plus entaillées, je ne pus y trouver aucun nid; auffi ignorois-je alors que ce n’étoit pas-là que je devois les trouver. Mais puifque j’étois perfuadé que des mouches venoient fe fournir de morceaux de feuilles fur ces rofiers, il ne s’agiffoit que d’épier ce qui s’y pafferoit à différentes heures du jour : je ne tardai pas à le faire Si à avoir con¬ tentement. Vers le midi du jour qui fuivit celui où j’avois fait fouiller aux pieds des rofiers, je parvins à obferver une mouche dans l’opération. Une abeille, Si de celles même fur qui mes foupçons étoient tombés, vint fc pofer lur un arbufte peu éloigné du rofier fur lequel mes regards revenoient d’inffant en inftant: bien-tôt je lui vis quitter la place où elle s’étoit repofée quelques moments, pour voler vers le rofier. J’ctois déjà prefque fur de l’intention à laquelle elle s’y rendoit ; mais bien-tôt elle m ota tout relie d’incertitude. Elle fe polà en-deflous d’une feuille. Si dès qu’elle y fut, elle faifit avec fes deux dents l’endroit du bord dont elle étoit le plus proche *. Elle coupa la feuille, Si continua de la couper en avançant vers la principale nervure. A chaque inftant une nouvelle partie de l’épaifleur de la feuille lé trouvoit entre les dents, & celles-ci fur le champ lui donnoient un coup auffi efficace que celui des meilleurs cileaux. Enfin, elie conduifit les coups S<. fa marche de façon, qu’arrivée près de la ner¬ vure de la feuille, elle retourna vers le bord, toujours coupant, Si. acheva de couper affés près de l’endroit où elle avoit commencé à entailler. Chargée de la pièce quelle venoit de détacher, elle prit un haut vol, Si fut dérobée à mes yeux par les murs du jardin au-deflus. ,defquels elle pafîa. Tout cela fut fait en bien moins de temps qu’on ne l’imagineroit. Avec de bons cifeaux nous ne couperions Oiij 110 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE pas plus vîte une pièce dans une feuille de papier, quels mouche avec les dents en coupa une dans la feuille du rolier. S’il n’avoit tenu qu’à moi, elle eut travaillé moins vite: mes yeux n’avoient pu fuivre toutes les circonftances qui accompagnent une opération qui n’eft pas aulfi (impie quelle le paroît d’abord; elle luppofe pluheurspetits pro¬ cédés qui, pour être obfervés, demandent que l’opération foit répétée bien des fois tous les yeux du Ipectatcur. Tout ce que je pus faire cette année, fut de la revoir deux ou trois fois: je m’y étois pris trop tard; les abeilles avoient enlevé aux rofiers tous les morceaux de feuilles dont elles avoient befoin ; la làilon où elles conftruifent des nids étoit palfée. C’elt de quoi je dois avertir, afin que ceux qui fe¬ ront curieux, comme je l’ai été, de voir de ces mouches à l’ouvrage, puilfent y parvenir fans perdre trop de temps. L’année lùivante, lorfque mes rofiers furent couverts de feuilles, chaque fois que je palfois auprès d’eux, je leur donnois un coup d’œil, pour reconnoître h quelques-unes des leurs n’étoient point échancrées. Quand j’eus com¬ mencé à en voir de telles, écque j’eus remarqué que leur nombre augmentoit journellement, je me promis de voir des abeilles entailler des feuilles, fins mettre ma patience à de trop longues épreuves. Ce fut auffi un fpeélacle que je me donnai pendant pluheurs jours vers la fin de Mai, c’eft-à-dire, autant de fois que je le voulus : fouvent je n’avois pour cela qu’à me tenir tranquille auprès d'un rolier pendant un temps allés court. Pour l’ordinaire l’abeille qui, en volant, efl arrivée tout près d’un rofier, diffère de quelques inftants à s’y pofer; elle voltige au-defîus; elle en fait le tour, & fouvent plu- fieurs fois& en différents fens, comme fi avant que de le fixer, elle vouloit reconnoître celle des feuilles qui lui convient le mieux: Ion choix n’eff pourtant pas long à des Insectes. IV. Mem. 111 faire; elle s’appuye fur celle qui lui a paru digne d’être préférée*, 6c dans le moment même où elle s’y pôle, elle commence à lui donner un» coup de dents. Toutes ne le placent pas de la même manière fur la feuille. Les unes s’y attachent par-deffous, les autres fe mettent deffus, 6c d’autres ne faillirent la feuille que par fon tranchant*, de façon que fon bord fe trouve entre les jambes. Le plus fouvent elles la faifilfent près du pédicule, ayant la tête tournée vers la pointe de la feuille; 6c quelquefois elles fe pofent près de la pointe, 6c ont la tête tournée vers le pédicule. Quelle que foit au relie leur première pofition, toutes opèrent par la fuite de la même manière. Dès que le premier coup de dents a été donné, de pareils coups fe fuccédent les uns aux autres fans intervalle; l’entaille s’approfondit : la mouche fait palfer entre les jambes le bord de la partie qui a commencé à être détachée *; les jambes d’un côté font au-delfus de cette partie, & les jambes de l’autre côté, delfous. La direction de la coupe ef toujours en ligne courbe: imaginons que le trait en a été tracé lur la feuille, que la route que les dents doivent fuivre, y a été marquée; ce trait va en s’approchant de la principale nervure* jufqu’à un certain point; arrivé à ce point, il retourne vers le bord *, où eh fon origine, 6c s’y termine. La mouche qui coupe, comme fi elle avoit fous les yeux un pareil trait, avance donc d’abord vers la principale nervure; elle marche pour s’en approcher; 6c c’elt lur la partie même qui elt commencée à détacher, 6c paffée entre fes jambes, quelle marche; à mefure quelle avance d’un pas, fes dents font en état de couper, 6c cou¬ pent plus loin. Une mouche qui leroit preifée de fuivre une route en ligne droite, 6c fur un terrein uni, n’iroit pas plus vite quelle va alors. Le trait que nous avons fuppoté pour la conduire, lui manque, 6c elle n’héfitc pas plus que * PI. I O. fig. * F; g- 3* * Eig'. 4. Fig. 5. f 4 , */’• I I 2 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE s’il là guidoit: rien ne l’arrête, quoique la pièce même qu’elle coupe, femblât la devoir embarrafler, fur-tout lorf- que l’entaille commence à devenir profonde, & fur-tout lorlque l’abeille après s’être approchée au plus près de la principale nervure, s’en éloigne; car la pièce qui eftfon feul foûtien, devient alors pendante. Auffi nefe tient-elle plus précifément fur la tranche de cette pièce: la mouche oblige à le courber «St à fe plier en deux la portion qui ell entre fes jambes. Enfin, dans l’inftant où les coups de dents qui doivent achever de détacher la pièce, vont être donnés a la petite portion qui tient encore, la pièce clt toute pliée en deux Si placée perpendiculairement au corps * PI. io.fig. de l’abeille *, qui la ièrre avec lès fix jambes. Quand le s * moment arrive où le dernier coup de dent vient d’être donné, le fupport manque tout d’un coup à la mouche; la pièce qui lui en fervoit ne tenant plus à rien, elle tomberait à terre, fi elle ne fçavoit fe foûtenir avec * Fig. 2 & 6. fes ailes; elle prend l’on vol, & part chargée + du mor¬ ceau de feuille quelle a coupé avec tant d’adreffe Si dç célérité. C’eft ainfi quelle coupe Si tranfporte fucccffiventent toutes les pièces dont elle a befoin, les ovales, les demi- ovales Si les rondes. Quelque régulier que foit le contour de ces dernières, leur façon ne lui coûte ni plus d’attention ni plus de temps que celle des autres. La facilité & la précifion avec lefquelies elle taille ces pièces circulaires, ne fçauroient manquer de nous paraître bien furprenantes, à nous à qui il ne ferait pas polfible d’en couper de telles fans le fecours d’un compas. Si l’abeille lèplaçoit au moins en-dedans delà circonférence de la pièce quelle veut dé¬ tacher, Si que pendant que fes dents agiffent, elle tournât fur quelque partie de fon corps comme fur un pivot, on concevrait alTés qu’elie aurait pour fe guider quelque chofe des Insectes. /K Mem. 1i5 chofe d’équivalent au compas; mais elle eft danslapofition la plus delavantageulè, eile eft fur la circonférence meme de la pièce; enfin elle n’en peut voir que la portion quelle coupe, & au plus celle qui lui refte à couper, puilque la partie qui a été coupée, eft paffée entre lès jambes; ce¬ pendant elle ne tâtonne aucunement, avec les dents elle coupe auiïi vite en luivant une courbure circulaire, que nous pourrions couper en ligne droite avec des ciièaux plus grands que les liens. Ce n’eft pas-là encore tout ce que nous lommes forcés d’admirer: cette pièce ronde eft deftinée à bouclier le bout d’un tuyau cylindrique, elle doit entrer dedans, & nous avons vû quelle s’applique affés exaélement contre fes parois pour empêcher du miel de s’écouler ; elle doit donc avoir un diamètre précifé- ment égal à celui de ce tuyau. Pendant que l’abeille eft fur un rofier, le tuyau auquel elle veut tailler un bou¬ chon fi jufte, n’eft pas fous fes yeux, elle l’a quelquefois laide bien loin & caché fous terre; elle agit donc comme fi elle avoit confervé l’idée du diamètre de ce tuyau, puifqu’elle le donne à la pièce circulaire. Nous tenterions afiurément fans fuccèsde tailler une pièce propre à s’ajufter exaélement dans un tuyau qui feroit même devant nous, s’il 11e nous avoit pas été permis d’en prendre le diamètre, & de le rapporter fur la feuille. Les morceaux de feuilles qui compofent le corps de cha¬ que petit cylindre ou dé, ont befoin aufti d’avoir d’exaéles mefures dans leurs dimenlions, une longueur déterminée, plus de largeur à un bout qu’à l’autre, des contours qui leur conviennent : enfin, entre ces pièces les unes demandent plus d’ampleur que les autres. Les idées de toutes ces mefures fe trouveroicnt-elles dans la tête rie nos abeilles! Elles pourraient pourtant y être fans que nous fuffions dans la néceftité de leur croire un génie trop fupérieur: Tome VL P Iiq. MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE elles pourroient y êtreprefque feules, ou jointes à un petit nombre d’autres idées. Les hommes les plus greffiers, que leur deftination oblige de voir continuellement certains objets, ont, par rapport à ces objets, des idées qui ne fe trouvent pas li nettes dans les têtes les plus fortes. Enfin, fi l’on veut que nos mouches faffent tout ce qu’elles font machinalement, ce font afiùrément des machines bien lurprenantes; elles ne font pas feulement propres à tracer exactement certaines figures, elles fe fervent des pièces qu’elles ont taillées pour compofer des ouvrages très-fm- guliers, 6 e néceflaires à la confervation de leur efpece. Que ce foit machinalement ou de tête, quelles en vien¬ nent à bout, la gloire en efi toujours dùë à l'Intelligence qui leur a, comme à nous, donné l’être. Ceux qui refufent toute connoifiance aux animaux, tournent contre les animaux mêmes la trop confiante régularité avec laquelle ils exécutent des ouvrages induf- trieux; mais ils fourniflent prefque tous au moins de quoi affioiblir cette objection ; ils ont leurs mal-adreffes 6 e leurs méprifes: nos abeilles pour foûtenir leur honneur, ont à en produire. J’ai dit que celle qui arrive auprès d’un rofier, en fait le tour, 6 e fouvent plufieurs fois, comme pour exa¬ miner la feuille où par préférence elle doit prendre une pièce: quelquefois il lui arrive de mal juger de la bonne qualité de celle qu’elle a choifie, ou de ne pas l'uivre affés exactement le trait de la coupe. J’ai vû plus d’une fois une Coupeufe qui, après avoir entaillé une feuille, tantôt plus, tantôt moins avant, abandonnoit l’ouvrage com¬ mencé, 6 e partoit pour aller attaquer dans l’infiant une autre feuille dont elle emportoit une pièce telle quelle ifavoit pu la trouver dans la première feuille, ou quelle avoit réuffi à mieux couper. Nous venons de donner le nom de Coupeufes à ees DES I N S E C T E S. IV Mem . 11 5 abeilles qui ont en partage l’adreffe de couper dans les feuilles les pièces qui leur iont ncceflaires pour conftruite leurs nids, & nous continuerons de les défigner fouvent par ce nom. A mefure qu’une coupeulê a enlevé la pièce quelle fouhaitoit, elle la tranl'porte où elle veut la mettre en œuvre. C’eft fous terre qu elle la courbe & plie, fi elle a beloin detre courbée & pliée; car celt lotis terre quelle conftruit le nid, dans la compofition duquel elle l’a fait entrer. On ne peut pas le promettre de voir une abeille travailler dans un lieu fi oblcur; mais on peut deviner alTéslûrement les manœuvres les plus elfentielles. La pre¬ mière &. la plus pénible, après qu elle s’efl: déterminée à conftruire un nid de feuilles, elt de creufer un trou d’une capacité fuffifànte pour le loger. Avant que d’y parvenir, elle a bien de la terre à fouiller & à tranfporter. Puifqu’un cylindre doit être contenu dans ce trou, il convient qu’il foit cylindrique. La mouche tire même un autre avantage de cette figure du trou, elle le rend propre à devenir le moule des pièces qui doivent entrer dans la compofition du nid. Contre l’ordre ordinaire, mais dans l’ordre le plus naturel ici, la coupeufe forme l’enveloppe extérieure avant que de conflruire les cellules quelle doit couvrir: les pre¬ miers morceaux de feuilles quelle tranfporte, font donc des plus grands, & de ceux qui ont des figures ovales. Quand la mouche entre dans fon trou, elle tient, comme lorf- qu’elle eft partie de deflusle rofier, la pièce pliée en deux: là elle la déplie, & en l’appliquant & la prcffant contre les parois du trou, elle lui en fait prendre la courbure. Il n’y a rien de difficile à concevoir dans la diipofition Sc l’arrangement d’un nombre de pièces fuffilant pour cou¬ vrir tout l’intérieur de la cavité cylindrique: on doit feule¬ ment imaginer que les pièces les plus proches du fond ont été recourbées de façon que celui-ci fe trouve tapiffé par Pij 1 1 6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE leurs bouts: Enfin, s’il faut une fécondé ou une troifiéme couche de feuilles pour donner de la folidité à l’enveloppe, il n’cfi queftion que d’apporter un plus grand nombre de pièces ovales.C’efi dans cette efpece d’étui quedoivent être coriftruites, les unes après les autres, chacune des cellules, chacun de ces petits dés qui compolent enfemble une efpece de cylindre : ce que nous avons dit ailleurs des pièces dont iis font confiants, de leur figure & de la ma¬ nière dont elles font ajufiées, met en état déjuger de ce que l’abeille a à faire. On conçoit encore que comme les parois du trou ontfervi à faire prendre la courbure à cha¬ que pièce de l’enveloppe, de même les parois de l’enve¬ loppe fervent à courber les pièces qui entrent dans le corps de chaque dé. Quelque naturel qu’il foit de penfer que tout le travail efi conduit comme nous venons de le dire, jetois pourtant bien aife d’en avoir une certitude complette, de ne pou¬ voir douter que l’enveloppe n’eût été faite la première: un hazard heureux me mit à portée d’en avoir les preuves defirées. Malgré le grand nombre d’abeilles que j’avois vû partir de défiais les rofiers, dans différents jours, char¬ gées des morceaux de feuilles quelles avoient détachés fous mes yeux, je n’avois pu parvenir à découvrir l’endroit où quelqu’une de ces coupeufes portoit les fiens: elles avoient toujours été où ma vûë n’avoit pu les fuivre. Vers la mi-Juin une cotipeufe, mais d’une autre efpece, me mit à portée d’obferver à l’aile ce qui m’avoit été caché par celles du rolier. Une abeille qui le contente de fouiller la terre, & qui y travailloit avec beaucoup d’aétivrté, m’a¬ voit fixé auprès d’elle, lorfque des regards jettés à l’aven¬ ture fur les lieux des environs, me firent apperccvoir au- deffus de la fente horizontale que deux pierres mal jointes laifioient entr’clles, une portion d’un morceau de feuille des Insectes. IV. Mem. 117 verte qui difparut fur le champ ; ce morceau de feuille fut tiré entre les deux pierres : celles-ci étoient les der¬ nières ou les fupérieures d’une terralTe qui n’avoit guéres que ma hauteur, 6 c dont j'étois proche. Mes yeux ne quittèrent plus cette fente; je m’attendois, & je ne tar¬ dai pas à en voir fortir une mouche. Celle qui parut au bout de quelques inftants étoit 6 c plus grofle 6 c plus rouffe que les coupeufes de feuilles de rolicr. A peine fut-elle hors de la fente quelle prit fon vol vers un jeune marronier éloigné au plus de io à 12 pieds de l’endroit d’où elle étoit partie, 6 c plus proche de moi. Elle tourna autour, fe tenant toujours en l’air; enfuite elle parut fonder les unes après les autres plufieurs feuilles ; elle en prenoit le bord entre fes dents 6 c le laiff'oit. Bien-tÔt pourtant elle en trouva une à fon gré, elle en faifit le bord entre fes jambes, 6 c fe mit à couper: dans l’inftarit elle eut détaché une grande pièce avec laquelle elle partit pour fe rendre dans le trou d’où je l’avois vû fortir. Elle n’y reffa pas long-temps; elle refortit pour aller fe pourvoir d’un autre morceau de feuille fur le même marronier. Enfin, en moins d’une demi-heure, je lui vis faire plus de douze voyages, 6 c revenir toûjours chargée : elle alla pour¬ tant trois à quatre fois fe fournir fur d’autres petits mar¬ ron iers voifins du premier. Aucune des pièces que la mouche emporta, n’ctoit cir¬ culaire, 6 c il ne paroiffoit pas qu i! y en eût eu encore de celles-ci de prifes l'ur les feuilles du marronier; d’où ii s’enfuivoit que le nid netoit encore que commencé, qu’aucune cellule n’avoit encore été finie, & qu’ainfi en en mettant l’intérieur à découvert, je pourrois m affûter fi effectivement l’abeille conduit fon travail dans l’ordre que nous avons décrit, fi elle commence par 1 enveloppe générale des cellules. Les deux pierres au-deffous d’une Piij ! 1 8 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE desquelles il fe devoit trouver, étoient couvertes d’un gazon nourri par une couche de terre épaiffe feulement de quelques pouces: la terre «Scie gazon ayant été ôtés, je fis dégager une des pierres peu à peu, 6c avec attention ; elle n’avoit qu’environ fix pouces d’épaiffeur. Pour la faire enlever, je pris un moment où l’abeille venoit de fortir de fon nid, 6c après avoir remarqué que depuis une heure fes courfes étoient plus longues, 6c que fati¬ guée peut-être du travail précédent, elle rentroit fans rapporter un morceau de feuille. Dès que la pierre eut été enlevée, les pièces que j’avois vu porter furent miles * PI. io.fig. à découvert, elles formoient une efpece de tuyau *, mais 7 ' qui fe défigura lorfqu’il ceffa d’être gêné. Les morceaux de feuilles dont il étoit compofé, &qui ne venoient que d’être plies, n’avoient pas eu le temps de lé deffécher; ils confervoient encore un reffort qui tendoit à les re- drelfer. Auffi quand je voulus toucher au rouleau, l’édi¬ fice s’écroula en partie; mais je vis au moins qu’il n’y en avoit encore que l’extérieur de fait, 6c que c’efi par l’exté¬ rieur, par l’enveloppe que la coupeufe commence fon nid. J’ôtai de ce nid les morceaux qui étoient tombés, 6c ayant tout rajufié de mon mieux, je repofai la pierre dans fa première place. Je n’avois pas eu le temps de la recouvrir de terre, ce qui netoit pas bien cffentiel, que la mouche arriva; elle retrouva l’ancienne fente entre les deux pierres, elle y rentra. Mais à peine fut-elle parvenue dans l’intérieur du nid, quelle en fortit, toute étonnée fans doute du boule- verfement quelle y avoit trouvé. Bien-tôt néantmoins elle prit le parti d’y revenir, 6c fe détermina à réparer le defordre que j’y avois fait. Malgré mes attentions, de la terre s’étoit éboulée 6c étoit tombée dedans le nid; fes premiers foins furent d’en retirer cette terre; je la vis qui la pouffoit en-dehors de la fente avec fes jambes poflerieures, des Insectes. 7 K Man. 119 8 c ce fut un travail qu’elle continua depuis les fix heures du foir jufqu’à huit, que je celfai de l’obferver, 8 c que je fus obligé de revenir à Paris. Au bout de deux jours je retournai exprès à Charenton, pour voir fi la coupeufe que j’y avois obfervée avoit con¬ tinué de travailler à ce même nid, 6c fi ellel’avoit fini. Sur les cinq heures du foir je la vis rentrer dans fon trou, fans y apporter un morceau de feuille: peut-être y apportoit-elle des aliments pour le ver d’une cellule, de la pâtée; elle en fortit 6c relia long-temps dehors; quand elle y revint, ce fut encore fans apporter aucune portion de feuille. Après qu’elle en fut fortie pour la fécondé fois, j’enlevai la même pierre que j’avois ôtée ci-devant, & je misa moitié à décou¬ vert dans toute fa longueur, un tuyau long de près de cinq pouces. Alors les morceaux de feuilles qui le formoient relièrent en place *, ils avoient eu le temps de prendre leur * pi. 10. %, pli ; leur reffort même tendoit à leur conferver leur cour- 8 • bure. Le tuyau étoit couché horifontalement, je ne voulus pas le défaire, mais j’en fondai l’intérieur en faifant entrer un brin de paille par fon ouverture; il ne pénétra quejufques environ au tiers de la longueur; les deux tiers reliants 6c les plus proches du fond, étoient remplis par des cellules *. II * Fig. 9. y avoit encore de la place vuide pour en mettre deux ou trois, ce que la mouche ne manqua pas de faire par la fuite» 6 c à quoi je la remis en état de travailler, ayant repolë la pierre comme elle le devoit être. Tout cela étoit fait lorf- que la coupeufe arriva; elle parut d’abord effrayée du dé¬ rangement, elle entra dans le nid & en fortit brulquement; mais par la fuite elle fe calma, s’occupa à tout réparer, 6 c continua d’aller 6c venir à fon ordinaire. Occupés à fuivrede à admirer les ouvrages de nos cou- peu es, nous fembfons les avoir oubliées, nous ne nous femmes pas encore arrêtés à les décrire elles-mêmes. J en 120 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE connois au moins cinq efpeces, & apparemment qu’il y en a bien d’autres qui me font inconnues. J’ai reçû une cellule de feuilles faite à Saint-Dominique par une mou* chc qui peut bien n etre pas de celles qui s’accommodent de notre climat. Les coupeufes de différentes efpeces met¬ tent en œuvre des feuilles d’elpeces différentes. Il y a pour¬ tant apparence que plufieurs fortes de feuilles peuvent convenir à la même mouche; les coupeul’es par qui j’ai vû employer les feuilles de marronier d’inde, font proba¬ blement plus anciennes dans le Royaume que cet arbre. Mais la mouche qui prend des pièces dans les feuilles de marronier d’inde, n’en trouverait que de trop petites dans celles du rofier; car c’eft toujours dans une moitié de la feuille que l’entaille efttoute entière, la groffe nervure ne doit pas fê trouver dans la pièce détachée. Enfin, il n’eft guércs d’arbres ni d’arbuftes dans nos jardins, auxquels je n’aye vû des feuilles qui avoient été entaillées par nos cou¬ peufes. Les entailles quelles font, font toujours ai fées à difîinguer de celles qui ont été faites par des infeefesqui ont rongé: leur contour efî tout autre & coupé plus net: il femble qu’un emporte-pièce ait été appliqué fur la feuille, pour en détacher ce qui lui manque Ces fortes de coupures qui apprennent où des mouches vont fe fournir, enfeignent à ceux qui font curieux de les voir dans le travail, quels font les arbres ou les arbuftes fur lefquels ils les doi¬ vent épier. Toutes les coupeufes que j’ai vues jufques ici, ont le corps auffi court, & plus court proportionnellement au reflc, que les mouches à miel ouvrières. Celles de diffé¬ rentes efpeces different en grandeur : les coupeufes des feuilles du marronier, font les plus grandes de celles que je connois, & auffi grandes que les mâles des mouches à miel; au lieu que les coupeufes de feuilles du rofier, font plus des Insectes. IV. Mem . 121 plus petites que les mouches à miel ouvrières*. Ces ( 1 er- * PI. 10. 1 iliéres coupeufes n’ont pas allés de poils fur le deffus des s ^ anneaux du corps, pour en cacher le luifant: ce deffus des anneaux elî d’un brun prefque noir; mais chaque côté du corps a un bordé de poils prefque blancs, fait par une fuite de touffes dont une part de chaque anneau. Le bout du corps efl d’un brun noir tant en-deffus qu’en-delfous ; mais les trois anneaux qui en font les plus proches, font couverts du côté du ventre, de longs poils de couleur can¬ nelle: ceux du corcelet font bruns, & il y en a de jaunâtres en-devant de la tête. La coupeufe du marronier eft par- delfus, d’un roux alfés feinblable à celui des mâles des mouches à miel ; mais le delfous de fon ventre eft d’un gris- blanc. Les coupeufes * qui me font nées dans les rouleaux * PI. 11 . fig. qui avoient tant effrayé le Jardinier dont j’ai parlé, n’étoient 2 ’ 3 pas plus grandes que celles du rofier: leur corps étoitbrun comme celui de celles-ci ; mais il n’étoit pas bordé de blanc fur les côtés : le devant de la tête, le corcelet, les anneaux du corps, fur-tout à leur jonélion, & les jambes étoient cou¬ verts de poils roux. Les mâles * de ces dernières coupeufes * Fig. 3 £4. n’égaloient pas les fémelles * en grandeur, & ils en diffé- * Fig. 2. roient encore fenfiblement parleurs anneaux, qui étoient plus bruns & bordés de poils blancs, & les poils du corcelet étoient moins roux. D’autres coupeufes qui font forties d’affés grands rouleaux qui m’ont été envoyés de Poitou, ou ils avoient été trouvés fous terre, étoient plus groffes & plus courtes que les mâles des abeilles, & en tout de leur couleur, excepté que le devant de leur tête étoitplus blancheâtre. Enfin, j’en ai eu d’autres un peu moins gran¬ des que les précédentes, dont les anneaux du corps étoient bordés de poils blancs. Toutes ces petites variétés 11e méri¬ tent guéres qu’on s’y arrête, & je n’en parle que pour faire voir qu’il y a plufieurs elpeces de ces mouches induflrieufes. Tome VJ. Q OCSQ 122 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE * PI. i j.fig. Elles ont toutes une trompe * qui, pour l’effentiel, cft 5, 6 & 7 . r. compofee comme celle des mouches à miel, mais qui à Ton origine elt recouverte cn-dcffus & par les côtés par * e. une forte d’étui écailleux *, qui n’a point été accordé à la trompe de ces dernières mouches. Cette pièce fert à empêcher que la trompe ne foit trop rudement frottée par les bords de la pièce que la coupeiife détache. Elle a peut-être encore d’autres ufages: peut-être donne t-elfe plus de facilité aux dents pour couper jufte; elle leur offre un appui, elle tient lieu d’une efpece de petite table, d’une elpecc d’établi. * Fig. 3 &4. Les mâles * un peu plus petits que les fémelles, ont le derrière plus pointu, & lorfqu’on le preffe, on Lit foi tir * Fig. 12 & de celui de quelques-uns fix petites cornes *, trois de 1 chaque côté. J’ai négligé de preffer, ou je ne me fouviens pas cle l’avoir fait, le derrière des fémelles coupcufes des feuillesde rofier, pour les obliger à me montrer un aiguil¬ lon, h elles en ont un; mais j’ai fait dépareillés tentatives fur les mouches forties des premiers rouleaux que j’ai eus, & je n’ai pu leur trouver cet inftrument h à craindre. * Fig. 10 & Chacune de leurs dents * fe termine par un crochet 1 '• courbe & très-pointu, & par conféquent fort propre à percer la feuille, à commencer à l’entailler: le relie du bord de chaque dent a des dentelures qui, lorfqu’elles rencontrent celles de l’autre dent, coupent aifément ce qui fe trouve entr elles. Le relie de l’Hilloire de ces mouches n’a rien de particulier à nous offrir. Quand nous ne le dirions pas, on penferoit fins doute que lorfqu’un dé de feuilles a été Uni & rempli de pâtée, la coupeufe pond un œuf, & que ce n’elt qu’après l’avoir pondu quelle ferme la PI. 9.fîg. cellule. Le ver qui éclot de cet œuf, elî tout blanc*, & reffemble affés à ceux qui deviennent des mouches à miel. des Insectes. IV. AI cm. 123 Quand il a pris tout Ton accroi Cernent, il fc file une coque defoye *, épaiffe&folide, qu’il attache dans la plus grande partie de Ion étendue contre les parois de la celluie de 1 feuilles. Elley eft adhérente par-tout, excepté dans les en¬ droits où fe trouvent des grains durs & obiongs, qui font les excrémentsdu ver: il n’a pas voulu qu’ils reliaffent dans le lieu où il fe devoit transformer. La foyede l’extérieur de la coque eft greffe, & d’un brun qui tire fur le caffé; mais les parois intérieures font faites d’une foye très-fine & blancheatre, & font auffi unies &luifantes que fi elles étoient de fàtin. Les coques de foye, dans lefquelles ces vers fubiffent leurs transformations, avoient befoin d’être fortes: leur peau eft tendre, &. celle des nymphes en lefquelles ils fe transforment, l’efl bien davantage : ils doivent lous l’une ou fous l’autre forme, ou fous celle de mouches encore très-délicates, paffer l’hyver en terre; car ce n’efi qu’au printemps que les mouches coupeufes font en état depa- roître. Les étuis de feuilles, pourris en grande partie, ou au moins trop ramollis par l’humidité, ne tiendraient pas ces infectes auffi lèchement qu’ils ont befoin de 1 etre, les coques de foye leur donnent des logementsplusfecs & plus folides. Entre les coupeufes, & même entre les coupeufes de feuilles de rolier, il y en a qui fçavent placer leurs étuis dans des lieux où ils peuvent fe conlèrver fains plus long¬ temps, fi, comme Ray le rapporte, mais ce qu’il a néglige de dire qu’il avoit vu, les étuis de feuilles qu’il a décrits, avoient été réellement tirés de trous percés dans du bois de faule pourri. Pour moi je n’en ai encore vvi qu’en terre, & ceux qui me font venus de divers endroits, ont tous été tirés de terre. Dans leurs cellules fi bien clofes & fi bien cachées, les vers de nos coupeufes ne font pas toujours en fûreté Q ij * P!.o.% 9 , 20 &2 l . 124- MEMOIRES POUR L’HrSTOIRE & c’efi ce qui ne paroîtra pas nouveau. Avant meme que ie ver Toit forti de l’œuf, une mouche étrangère fçait profiter de l’abfencede la coupeufe, elle va faire les œufs dans la cellule : la coupeufe les y renferme fans fçavoir qu’ils y font, & qu’ils donneront naiflance à des vers qui mangeront le fien. J’ai trouvé julqu a quatre à cinq coques que des vers carnaciers s’étoient faites de leur propre peau, après avoir mangé celui qui devoit devenir abeille. Cha¬ cun d’eux s’eft transformé par la fuite en une mouche à- deux ailes. EXPLICATION DES FIGURES DU Q.UATRIE'ME MEMOIRE. Planche IX. Les Figures i, 2, 3 & 4. repréfentent des abeilles de différentes efpecesqui toutes creufent en terre des trous, dont chacun fert de nid à un ver qui, par la fuite, y devient une abeille. Celle de la figure 1, efi extrêmement petite, & à peu-près de même couleur que les mouches à miel ordinaires. La Figure 2 efi celle d’une abeille qui efi très-noire; fes ailes font pourtant d’un violet foncé , & elle a des poils blancs fur fes jambes. La Figure 3 fait voir une abeille dont le noir efi encore la couleur dominante, mais qui de chaque côté a fur cha¬ que anneau une touffe de poils blancs ; elle a encore de ces poils blancs à la jonélion du corps avec le corcelet, & fur les côtés du corcelet. Les Figures 4 & 5 montrent la même mouche dans deux pofitions différentes. On pourroit être tenté de ne ia mettre que dans un genre voifin de celui des abeilles, des Insectes. IV . Mem . i25 de Pappeller une Proabcille , parce que fa trompe différé affés notablement de celle des mouches à miel. Les Figures 6 & 7 repréfentent en grand la tête de l’abeille, ou proabeille des dernières figures. Cette tête eft vûë par-deflous, figure 6, & de côté, figure 7. Dans la figure6, la trompe efi placée, comme elle l’efi quand elle n’agit pas, & dans la figure 7, comme elle l’eft lorfqu’elle agit, e, cylindre écailleux dans lequel la trompe efi logée en grande partie, t, bout de la trompe, b , b, b, b , quatre filets qui accompagnent la trompe, & qui font analogues aux demi-étuis des trompes des mouches à miel. 4 figure 7, mammelon charnu placé au-deffous des dents, & qui efi la langue de la mouche. La Figure 8 fait voir une partie d’un de ces rouleaux de feuilles que les abeilles coupeufes de feuilles conftruifent avec tant d’art. En b, eft le vrai bout du rouleau, & en o, eft l’endroit d’où a été emportée une portion plus longue que celle qui efi repréfentée ici. Les feuilles ff e, e, for¬ ment l’enveloppe extérieure du rouleau, & cachent les petits cylindres ou dés de feuilles, dont le cylindre total eft compofé. La Figure 9 montre une portion de rouleau un peu plus grande que celle de la figure 8 ; les feuilles qui en formoient l’enveloppe ont été ôtées. Ainfi trois des petits cylindres, ou plus exactement des dés, ou cellules, dont le cylindre total étoit compofé, font ici à découvert. a,b,c, ces trois dés ou cellules de feuilles. Le fond du dé b , eft logé dans l’entrée du dé a, & de même le fond du dé c , l’eft dans l’entrée du dé b. La Figure 10 eft celle d’un des dés de la figure précé¬ dente, vu féparément, & ayant fon fond en haut. La Figure 11 eft celle du même dé de la figure précé¬ dente, mais dont l’ouverture ou l’entrée eft en haut. Un Q i‘j î 2 6 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE peu au-dcfi'ousdubord, cette ouverture eft fermée par des rondeaux de feuilles dont le dernier eft marqué r. La Figure 12 fait voir une cellule dans la même pofition que celle de la lig. 1 1, mais à laquelle on a ôté le couvercle circulaire néceftaire pour empêcher le miel de s’écouler, quand elle eft renverfée. La Figure 13 repréfente un dé dont une des pièces qui en font le corps eft prefque détachée, f db, ce morceau de feuille dont le bout / étoit recourbé fur le fond de la cellule. Le côté df, a les dentelures du bord extérieur de la feuille. Le couvercle r, eh ici plus vifible que dans la figure 1 1. La Figure iq. fait voir un des morceaux de feuilles qui entrent dans le corpsdu dé, fembiable à celui marqué fd b, figure 1 3, mais qui n’a pas encore été courbé. La Figure 1 y eft encore celle d’un dé, mais dont une des pièces a été emportée, le couvercle a même été élevé &renverfé pour faire voir la convexité qui cfl défions en c , & qui eft le bout d’une coque de l'oye filée par le ver prêt à fc métamorphoièr. Les Figures 16 & 17 représentent deux de ces pièces circulaires qui font employées à boucher les cellules. La Figure 1 8 eft celle d’un ver tiré d’une des cellules précédentes dans le temps où il eft prêt à fe transformer en nymphe. La Figure 19 fait voir une coque de foye filce par le ver précédent, qu’on a dégagée des morceaux de feuilles qui la couvroient. Le bout r, eft celui qui étoit au-deftbus des rondeaux ou couvercles de feuilles. Dans la Figure 20, la coque de la figure précédente eft retournée bout par bout, p, eft un lambeau qui a été em¬ porté pour mettre l’intérieur à découvert. La Figure 21 eft encore celle d’une coque de foye dans des Insectes. IV Mem. i 2 y {a pofition cle la figure 19, mais qu’on a ouverte en partie en emportant la pièce p, pour faire voir dans fon intérieur une coque plus petite u, ious laquelle efi renfermé un in- fede qui a mangé celui qui a filé la coque defoye, &qui probablement efi forti de fon corps. Planche X. La Figure 1 repréfente une branche de rofier, fur les feuilles de laquelle des coupeufes fe lont fournies des pièces néceflaires à la conftrudion de leurs nids. e,e,e, &c. en¬ tailles où ont été prifes des pièces propres à conftruire des cellules ou leur enveloppe, r, r, &c. entailles d’où ont été tirées des pièces circulaires telles que font les couvercles des cellules. La Figure 2 fait voir une abeille qui vole chargée d’un morceau de feuille, tel que ceux qui ont été détachés des entailles e,e, &c. figure 1 ; elle le tient plié en deux entre fes lix jambes, d, efi le bord dentelé, a p, l’autre bord. La Figure 3 efi celle d’une feuille à laquelle une pièce propre à un couvercle a été coupée en r. Une mouche;//, tient le bord de la même feuille faifi entre fes jambes, & fes dents commencent à l’entailler. Dans la Figure q., l’abeille de la figure précédente, a avancé fon ouvrage: près de la moitié de la pièce efi dé¬ tachée; cette moitié p , le trouve entre fes jambes. Dans la Figure 5, il refie peu à couper à l’abeille pour parvenir à détacher le morceau de feuille. La Figure 6 repréfente la coupcufe dans l’infiant où elle vient d’achever de détacher la pièce, & la pofition où elle efi alors; chargée de ce morceau de feuille, elle prend fon vol pour fe rendre au nid quelle confiruit. La Figure 7 nous fait voir l’enveloppe d’un nid qu’une j 28 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE abeille, d’une efpece différente de celle du rofier, avoit commencé à faire avec des pièces coupées dans des feuilles de marronier d inde. Lorfque je mis ces feuilles à décou¬ vert, elles n’avoient été portées & arrangées fous terre que depuis deux ou trois heures; auffi n’y avoient-elles pas encore pris leur pli, elles fe redrefferent en partie, & s’écartèrent les unes des autres, comme les feuilles e p } & f, le montrent. Dans la Figure 8, on a fait paroître une portion de nid eompofé de feuilles de marronier d’inde, logé dans la terre. Ce nid eft le même qui n’étoit qu’ébauché lorfque je le découvris pour la première fois, & qui alors me parut tel qu’il eft dans la figure 7. gg, h h, une partie de la terre dont ce nid étoit entouré. La terre qui étoit entre hggh, a été emportée pour mettre une portion du nid à décou¬ vert. Les cellules y font cachées fous une enveloppe de feuilles. La Figure 9 repréfente quelques cellules du nid précé¬ dent, tirées de deffous leur enveloppe de feuilles. trois cellules complettes. u, eft une portion d’une cellule qui auroit été femblable à une des précédentes, fi on 11e l’eut pas défigurée en la maniant. Planche XI. LaFigure 1 eft celle d’une cellule d’un nid de coupeufe, repréfentée feule, & dans l’état où elle eft lorfque la mou¬ che qui a pris fa forme dans cette cellule, en eft fortie. En r, r, eft un rebord qui entoure le trou par où la mou¬ che eft fortie. Ce trou a été percé dans le couvercle, le rebord ou anneau plat & circulaire qu’on voit ici, eft ce qui eft refté de ce dernier. Les Figures 2 & 3 repréfentent des coupeufes nées cliés moi, & lbrties de ces nids qui avoient fi fort effrayé un Jardinier des Insectes. IV. Mem. 129 Jardinier des environs des Andelis. La figure 2 eft celle de la mouche femelle, & la figure 3 , ccile du mâle. La Figure 4. fait voir le mâle dont les aîies font écartées du corps. Alors on peut remarquer au bout de fon der¬ rière deux efpeces de cornes ou mammelons c, c, qu’on ne trouve point à celui de la femelle. Dans la Figure y, la tête de la mouche fémeile eft vûe de face, & groffic au microfcope; & dans la figure 6, celle du mâle paroît dans la même pofition. Les dents d,d, de l’une & de l’autre de ces têtes ont été relevées pour mettre la trompe plus à découvert. Comme tout eft groffi dans la même proportion dans ces deux figures, un coup d’œil apprend que les dents de la fémeile font bien plus grandes que celles du mâle, t, le bout de la trompe, e, enveloppe» efpece d’étui écailleux particulier aux coupeufcs, qui re¬ couvre par-deffus, & par les côtés, la partie de la trompe la plus proche de la tête. Dans la Figure 7, la partie antérieure de la coupeufe fémeile efl repréfentée en grand. La tête y eft vue de côté. d, les dents appliquées l’une contre l’autre comme elles le font ordinairement, e, l’étui écailleux qui recouvre le deffus & les côtés de la partie antérieure de la trompe ; cet étui met la trompe à l’abri du frottement de la feuille que la mouche coupe, & peut-être fournit-il un appui, au moyen duquel l’abeille a plus de facilité à faire fes coupes régulières, /, le bout de la trompe. La Figure 8 repréfente la trompe de la coupeufe, groffie & dans fon état d’allongement. Elle eft vûë par-deffous dans cette figure, au lieu quelle eft vue par-deffus dans la figure 9. e, e, figure 8, marquent fur les côtés les termes de l’étui qui couvre en e, figure 9, le deffus de la trompe. Dans l’une & l’autre figure, f f, font deux larges demi- fourreauxde couleur brune, analogues à ceux des trompes Tome VI. R ï 3 o MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE des mouches à miel. ï, i, deux demi-fourreaux étroits & analogues auffi à deux des fourreaux de la trompe des mou¬ ches à miel, t, la trompe dont les côtés font velus. La Figure 10 fait voir une dent de la fémelle, très- grofiie, 6c par fa face extérieure; 6c la figure i i, montre cette même dent par fa face intérieure. Les Figures i 2 6c 1 3 repréfentent le bout du derrière du mâle très-groffi. Il n’efi vû que par-deffus, figure 12, mais il eft vû par-deffous 6c de côté, figure 1 3. c,c,f,f, efpeces de cornes. On 11’en voit que quatre dans la figure 1 2,6c la figure 1 3 en fait imaginer un pareil nombre. Mais il y en a encore deux plus courtesqui nelçauroient paraître dans ces figures, 6c qui font fous les cornes c, c. La Figure 1 q. efi celle du bout du derrière de la fémelle, vu par-deffus* 6c groffi. La Figure 1 5 montre une jambe de la première paire, trës-groffie. La portion blancheâtre qui efi depuis a jui- qu’en h, efi écailleulè. Seroit-ce là une cavité propre à loger de la cire brute! Dans la Figure 16, on revoit encore la jambe de la figure précédente, mais la partie qui y efi marquée e, a été mile plus en vue; on a emporté les poils qui la couvraient, 6c qui cachoient une cavité de ; cette cavité pourrait encore fervir au tranfport de la cire brute, & a au moins quelqu’ufage qui m’efi inconnu. PI p f’Aj J $ û Man y dclMut d*’ IrtsaUc* Tvn P ■ fy.S. f *>K 3-4 Ctnl(cn | ^ Î3 . PL F & 3 " f^ ^oJKTan. 4 . de l'triegdur frie eeavTmi ô Fig. 2 . Fiji '-m d \Fuf. 1-2 . C c *mr Fig iX Fig. 6 Fia 16. (fl rx^ 4 r- e * *** " «- • '/ / § PJ/*U oY*^> » / ' l des Insectes. K Mem. 131 CINQUIEME MEMOIRE. DES ABEILLES DONT LES NIDS SONT FAITS D’ESPECES DE MEMBRANES SOYEUSES; E T DES ABEILLES TAPISSIERES. L E modèle fur lequel font conftruits les nids des cou- peufes de feuilles, a auffi été donné à d’autres abeilles pour conftruire les leurs, quoiqu’elles doivent y employer des matériaux très-différents de ceux que les premières mettent en œuvre. Celles que je veux faire connoître, font leurs établiffements dans la terre qui remplit les vui- des que laiffent entr elles les pierres de divers murs. Pen¬ dant plufieurs années, j’ai vû le long mur du parc de Bercy, qui fe trouve fur le grand chemin de Paris à Cha- renton, très-habité par ces mouches * : fa terre étoit toute * PF. 12. fig. criblée par les trous quelles y avoient creulés. M. Perreau, 9 & 1 *• actuellement Ingénieur ordinaire du Roy, & qui pendant qu’il travaiüoit à s’en rendre capable, s’occupoit encore chés moi à foigner mes infectes, & à m’en ramafler à la campagne, m’apprit le premier, que ce mur étoit un grand attelier pour les abeilles; Sc en ayant creufé la terre, il trouva 8 c m’apporta des nids quelles y avoient faits. L’expofition du mur pour lequel ces abeilles s’étoient déterminées, nous fournit occafion de faire une remarque fur les différents choix que les infectes fçavent faire des terrains par rapport à leur fituation. Les uns évitent des Rÿ 132 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE * Man. 3. exportions que les autres cherchent. Nous avons vu + que les abeilles maçonnes 11e bâtiffent leurs nids que fur des murs que le Soleil peut échauffer pendant la plus grande partie du jour, c’eft à dire, ordinairement tournés au midi. Beaucoup d’efpeces d’abeilles lolitaires dont nous avons parlé, qui croulent la terre des murs, ne la percent encore que fur la face expofée au midi ; au lieu que le côté du mur de Bercy, dans lequel d’autres abeilles lolitaires avoient tant travaillé, eft tourné vers le nord. Pendant qu’il étoit le plus peuplé de ces mouches, il étoit même misa l’ombre par une rangée de grands ormes qui en étoient très pro¬ ches. Ces arbres fur leur retour ont été abbatus, & rem¬ placés par d’autres qui ont peut-être befoin de croître, pour que ce mur convienne auffi bien à une efpece d’a¬ beilles, qu’il leur convenoit il y a quelques années. Leurs nids, comme ceux des coupeulès, font des efpeces »PI. i2.fig. de cy lindres * faits de plulieurs cellules * miles bout à J - bout, dont chacune a auffi la figure d’un dé à coudre; * ac, ce, eg. j eur f OIK { * p ar conféquent elt convexe en-dehors & ar- * Fig. 1&3. ronc q Celui de la fécondé elt logé dans l’entrée de la première, & de même, l’entrée de la fécondé reçoit le fond de la troifiéme. Toutes n’ont pas précilément la même longueur; celle de quelques unes efi de cinq lignes, & celle des plus courtes de quatre lignes feulement. Elles font moins groffcs que les plus menues des cellules de feuilles. Leur diamètre n’a guéres plus de deux lignes. Quelquefois on ne trouve que deux cellules mifes bout * Fig. 4. à bout *, & quelquefois on en trouve trois à quatre. Le terrain dans lequel l’abeille a creufé, décide de leur nombre. Elles font pofées horifontalement ; lorfque la mouche qui fouille la terre fe trouve arrêtée par une pierre, au lieu que fins cet obftacle elle eut ouvert un îrou capable de contenir trois à quatre cellules, elle n’en l des Insectes. K Mem. 133 loge qu’une ou deux dans celui qu’elle n’a pas pu pouffer affés avant. Quelquefois néantmoins elle le détermine à prolonger le trou en lui faifant faire un coude: alors le rouleau formé par l’affemblage des dés, eft lui-même coudé *; un des dés fait un angle avec celui qui reçoit * PI. u.fg. Ion fond. Le cylindre compofé de plufieurs cellules, a alternati¬ vement des bandes tranlverfalës de deux couleurs: les plus étroites * font à la jondion de deux cellules, & l'ontblan- * Fig. 1. cl. ches. Les plus larges * lont formées par le corps même de • de chaque cellule, & font d’un brun rougeâtre. Entre ^ba.cd, celles-ci, il y en a qui tirent plus fur le rouge, & d’autres qui tirent plus fur le brun. La couleur de la même bande peut même être differente, félon qu’on l’obferve plutôt ou plus tard, & cela, parce que ces couleurs, quoi qu’affés fortes, & affés foncées, font propres à la matière, qui rem¬ plit l’intérieur des cellules. Leurs parois font faites depîu- fi eurs membranes, mifes les unes fur les autres. Quoique le tiffu de ces membranes foit ferré, elles font très-tranf- parentes, parce qu’elles font extrêmement minces; la cou¬ leur rougeâtre eft dûë à la matière qui remplit un vafe tranfparent. Ces membranes qui forment les parois de chaque cel¬ lule, font blanches, & c’eft parce que le nombre de leurs couches eft au moins une fois plus grand que par-tout ailleurs, à la jondion des deux cellules *, que ces jonc- * cl. sd, tions font blanches elles-mêmes. Un autre raifon y con¬ tribue encore: les membranes qui partent delà cellule qui reçoit le fond de celle qui fuit, ne font pas exadement appliquées les unes fur les autres, elles font bottantes. Je n’en connois pas de plus minces. La bodruebe, cette membrane fi fine qu’on s’eft avifé d’aller tirer de deffus le Ccecum du bœuf, & au moyen de laquelle les batteurs R iij 134- MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE d’or parviennent à donner une fi prodigieufe étendue à des feuilles de ce précieux métal ; la bodruche, dis-je, qui reHemble afies par fa couleur aux membranes des cellules de nos mouches, eftépaiffe, fi on la compare avec elles. Quoique les parois de chaque cellule foient faites de plufieurs de ces membranes appliquées les unes fur les autres, elles font encore très-minces, & le vafe quelles forment paroît peu capable de réhftance ; mais on doit faire attention qu’il elt i'oûtenu par la terre du trou où il cfi logé. D’ailleurs la matière qui remplit l’intérieur d’une cellule, & qui y eft bien-moulée, a de la confiltance, elle l'ert elle-même à foûtenir les parois du vafe. Audi ceux qui font pleins font très-maniables ; ils confervent bien, leur forme, & font même lolides. J’en ai vû qui necon- tcnoient que des poulfiéres d’étamines peu humectées, à peine un peu onétueufes, mais bien entaffées. A la vérité, j’éh ai trouvé d’autres remplies d’une pâtée aigre douce, & prcfque coulante. Celle-ci pour relier dans une cellule couchée horifontalement, doit être retenue par le cou¬ vercle qui bouche l’entrée de la cellule. Ce couvercle comme celui des cellules de feuilles, n’elt fait lui-même * PI. 1 2. fig. que de plufieurs pièces * d’une membrane telle que nous 3 - c ’ l’avons décrite jufqu’ici, mais qui paroilfcnt collées contre les parois. Enfin, le couvercle ne tarde pas à être appuyé par le fond de la cellule fuivante, Si celui de la dernière cellule peut l'être bien-tôt par des grains de terre. D’ailleurs la pâtée ne conferve pas long-temps fa liqui¬ dité dans chaque cellule. Elleavoit de la confiltance dans toutes celles où j’ai trouvé un ver. Le ver naififant fcmble d’abord boire ce qu’elle a de liquide, ou au moins s’en nour¬ rir. Dans la fuite comme s’il fongeoit à ménager les parois peu folides de fon logement, il confume la pâtée avec plus d’ordre que ne le font les vers qui lui font analogues; des Insectes. K Mem. 135 il ouvre peu à peu un trou cylindrique dans la mafïede la fienne, & l’aggrandit journellement ; de forte que les parois de la cellule le trouvent foûtenuës par un tuyau de pâtée, qui à la vérité devient déplus mince en plus mince, mais qui ne leur manque que quand le ver, après avoir tout mangé, ed prêt à fe méramorphofer & remplit prefque l’intérieur du logement par le volume de l'on corps. Au relie cette pâtée fermente dans le trou; en vieilliffant elle acquiert une odeur forte, mais elle n’en ed apparemment que plus convenable à l’état aefluel du ver. Ceux que j’ai trouvés dans de la pâtée dont l’odeur m’étoit defagreable, fe portoient bien. Ces vers * font blancs & femblables pour l’edentiel à ceux des mouches à miel: on leur compte aifément de chaque côté neuf digmates qui font bien rebordés. Dès que les procédés au moyen defquels certains in- feéles exécutent des ouvrages finguliers, nous font connus, nous fommes ordinairement fur la voye de deviner les procédés auxquels d’autres infeéles ont recours pour des ouvrages analogues. Cependant l’art avec lequel les cou- peufes de feuilles condruifent leurs rouleaux, n’a fervi qu’à me cacher pendant quelque temps celui avec lequel nos dernières abeilles travaillent les leurs. Il étoit naturel depenlèrque celles-ci, comme les autres, alloient prendre fur les plantes les matériaux dont elles avoient befoin. Audi me fuis-je beaucoup tourmenté pour découvrir quelle plante, Si quelle partie de plante pouVoit leur fournir des membranes aulfi lines que celles quelles cnn ployent. Mais après bien des tentatives inutiles, je me fuis convaincu que les matériaux quelles mettent en œuvre n’étoient aucunement femblables à ceux des coupeufes. Si que leurs manœuvres dévoient être différentes. Après avoir examiné avec les loupes les plus fortes, les * PI. 12. % 7 - 136 Mémoires pour l’Histoire morceaux de membranes que j’avois détachés de quelques cellules, je n’ai pu y appercevoir aucune fibre; & elles en euflent eu, ou au moins des impreffions, fi elles euffent été des parties de quelque plante, .l’ai fait brûler de ces mêmes membranes, l’odeur qu’elles m’ont fait fentir m’a paru reffemblcr plus à celle de la ioye brûlée, qu’à celle que répand une matière végétale quand le feu la confume. J’ai donc été conduit à penfer quelles étoient d’une matière analogue à celle de la loye, Si qui fe prépare * Tome III. dans l’intérieur tle la mouche. La teigne des lys *, Si le ver pa S . 2jo. tipulc * qui fe tient fur un agaric du chêne, m’ont donné Tome V. occafion de faire connoître des infeeftes qui rejettent une bave avec laquelle ils fe font des coques blanches & lui- fàntes. Le ver tipule de l’agaric tapiffe de cette bave les chemins où il veut paffer. J’ai foupçonné que notre abeille conflruifoit les nids avec une pareille bave. Si j’en fuis refié convaincu quanti je les ai eu examinés avec plus de foin. J’ai trouvé la terre de la furface intérieure du trou où ils font logés, enduite d’une couche auffi blanche, auffi mince, & auffi luifante que font les traces qui refient fur les corps fur lefquels des limaçons ou des limaces ont paffé. Il étoit donc vifible que ces enduits étoient faits d’une liqueur vifqueufe qui s’étoit defféchée; Si on en devoit conduire que les membranes qui compofoicnt la coque, Si qui reffembloient parfaitement à celle des en¬ duits, à cela près qu’elles n’étoient pas fi brillantes, parce quelles n’étoient pas fi bien étendues, que ces membranes, dis-je, dévoient leur origine à la même matière. Plus de 30 à 4.0 abeilles parurent avant la fin de Juillet dans un poudrier où j’avois renfermé un bon nombre de ces nids. Après s’être transformées, elles avoient cherché * U. 1 a. fig. à prendre l’effor. Elles font affés petites *, d’une grandeur 5 u 11 ’ au deffous de celle des mouches à miel ouvrières. Comme celles-ci des Insectes. K Mem. 11 v j / cellcs-ci, eiles ont fur le corcelet, des poils roux, &tes anneaux du corps bruns, mais bordés de poils blancs. En un mot, elles font affésfemblables par l'extérieur, à quel¬ ques petites efpeces de coupeufes de feuilles. Inutilement prefiai je le corps à piubeurs pour les obliger de me faire voir la liqueur vilqueufe avec laquelle elles conftruifent de fi jolis nids, il n’en fortit pas la plus petite goutte, ni de leur bouche, ni de leur partie poftérieure. Nou¬ vellement nées, & n’ayant pris aucun aliment depuis leur nailfance, cette liqueur n’avoit pu encore être préparée dans leur intérieur. Au moins eus-je lieu de juger que la nature leur avoir donné une trompe propre à la mettre en œuvre. La leur* différé notablement de celle des* PI. 12. mouches à miel, quoiqu’elle en ait les parties effentielles. ,a & 13 Elle a les deux grands demi-fourreaux *; les deux petits * * f f. ne lui manquent pas, mais ils font arrondis Si reffem- * e * e ' blent à des antennes. D’ailleurs, cette trompe beaucoup plus courte que celle des mouches, efi proportionnelle¬ ment plus groffe, & loin de fe terminer par une partie déliée, & qui le devient de plus en plus jufqua fou ex¬ trémité, comme fait celle des mouches à miel, à quel¬ que diftance du bout, elle s’évafe & finit par une partie plus large que le refie, & qui efi refendue * ; de iorte * t, t. que le bout de la trompe de cette abeille reffemble afics à la bouche allongée des guêpes, que l’on trouvera dé¬ crite dans les mémoires fuivants. Plufieurs rayes tranfver- fales, formées par des poils courts, fe font difiinguer fur fon deffus. Des poils un peu longs, bordent le contour de la partie entaillée. La finufture du bout de cette trompe fait voir qu’il efi propre à exécuter bien des mouvements, 6 c fa figure apprend que lorfqu’il fe plie en gouttière, il peut retenir une matière vifqueufe. Enfin les deux bouts les plus éloignés de l’entaille, peuvent tenir lieu de doigts Tome VI. S 138 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE pour appliquer 6c étendre cette liqueur. Tout ceci à la vérité, c’clt deviner; mais il n’y a guéres apparence qu’on puilTe faire quelque choie de plus par rapport à l’induftrie de cette mouche ; on 11e peut guéres le promettre de parvenir à la voir travailler à former des tuyaux qu’elle veut placer dans la terre. J’en ai obfervé qui n’étoient qu’à moitié faits, qui ont fervi encore à me confirmer que les membranes qui les compofent, ne font autre chofe qu’une liqueur defféchée. Parmi celles qui font nées chés moi, il y en a eu des deux fexes. Les femelles ne furpalfoient guéres les mâles en grandeur; elles étoient armées d’un aiguillon qui man- quoit à ces derniers. Lorfqu’on preffe le derrière de ceux- ci, on en fait fortir deux plaques écailleufes, compofées de plufieurs pièces, ou refendues en plufieurs parties: l’une eft pofée au-deffus de l’autre. Entre la plaque fupé- rieure 6c l’inférieure fe montre un corps longuet, écail¬ leux, dont le bout eft plus gros que le relie. Ce corps long me paroît être celui qui caraclérife le mâle. Dès que ces mouches furent nées chés moi, j’allai dégrader en plufieurs endroits la terre du mur d’où j’avois tiré des nids, 6c 011 j’en avois lailfé en fi grand nombre. Tous ceux que j’avois lailfés, étoient devenus vuides, comme ceux que j’avois confervés clics moi ; les mouches étoient nées en même temps dans les uns 6c dans les autres; j'en pris plufieurs de très-fcmhlables aux miennes, qui étoient dans des trous: quelques-unes avoient déjà commencé à y faire de nouveaux nids, mais d’où de nou¬ velles mouches ne dévoient fortir qu’après la fin de J’hyvcr. Ainfi il y a deux générations de ces mouches d’un prin¬ temps à l’autre. Lorfquc je 11e connoilfois encore que les nids, je les crus l’ouvrage de mouches beaucoup plus grolfes que DES I N S E C T E s. V Mem. î 3 9 celles qui en font ies véritables ouvrières, qui frequen- toient ie même mur & y creufoient des trous, dans Jefquels j’en pris piufieurs. Ces abeilles * étoient des * PI. n.fig. coupeufes de feuilles, comme je m’en affûtai enfuite en I0 ' obfervant l’étui écailleux qui recouvre la trompe de ces fortes de mouches près de fon origine. Elles n’avoient pourtant fait aucun nid de feuilles dans ce mur; (i elles y avoient creufé des trous, c’étoit uniquement pour le loger. J’ai vû quelquefois une de ces mouches entrer dans fon trou. & en fortir prefque fur le champ pour n’aller qu’à i 5 à 20 pas du mur, Si revenir aulïi-tôt dans fon trou. Ces allées Si venues fubites ont été répétées fous mes yeux pendant des demi-heures entières : il eft aifé de juger à quoi elles tendoient; la mouche vouloit rendre fon trou plus profond, elle alloit y prendre entre fes dents un grain de terre, elle le tranfportoit dehors. Si dès quelle l’avoit laiffé tomber, elle retournoit en chercher un autre. Les dents * de nos mouches, dont les nids font faits de * Fig. 12 & membranes, font très-propres à fouiiicr la terre, elles ont * 3 * d » d - deux pointes, celle du bout, Si une autre un peu plus courte ; elles font enfemble une elpece de fourche ou de bident à dents inégales. Mais quittons les abeilles folitaires qui travaillent dans les murs, pour revenir à confidércr celles qui creufent per¬ pendiculairement le long des bords des chemins. Nous nous fommes peu arrêtés * à celles dediverfes efpcces qui * Mem. * ne fçavent que rendre bien unie la furface intérieure du trou deftiné à recevoir un œuf & la pâtée néceffaire au ver qui en doit éclorre. Nous devons plus d’attention à une affés petite elpece d’abeilles*, qui ne borne pas fon * Pi. 13 .%. travail à creufer perpendiculairement dans la terre un trou cylindrique. Si nous avions des preuves que nos vices fe Sij =» PI. 13. 1 , 3 & z r r. Ï40 MEMOIRES POUR l/HlSTOTRE retrouvent dans les animaux, nous ferions peut-être fondés à taxer de luxe ces petites mouches; mais nous ne devons que reconnoître qu’elles fçavent imiter une de nos in- duftries. Le trou qu’une de ces abeilles a percé dans la terre, efl pour elle ce qu’eft un appartement pour nous. Nous fçavonsnon feulement rendre les nôtres plus agréa¬ bles à habiter, nous fçavons leur procurer des avantages réels, les rendre plus chauds en les tapilfant; nos petites abeilles tapilfent aulfi les leurs, mais pour des fins diffé¬ rentes : cependant comme fi elles agifloient par des motifs femblables aux nôtres, elles donnent à leurs trous des ten¬ tures qui peuvent le dilputer par la vivacité & l’éclat de leur couleur, à quelques-unes de celles dont nous parons le plus volontiers nos chambres éc nos cabinets; je veux parler des tentures de damas cramoifi. Les tentures des trous de nos mouches, ne font pas à la vérité ouvragées comme le damas, car elles font plus lilfes 6c plus unies que le plus beau latin, mais elles font d’un rouge couleur de feu qui a bien un autre éclat que le cramoifi de nos damas. C’eft fur les pétales ou feuilles d’une fleur de coquelicot nouvellement épanouie & encore très-fraîche, que notre abeille va prendre les pièces dont elle veut tendre fon nid. Beaucoup d’efpeces d’infeétes, 6c entrait- tres de chenilles, recouvrent de foye la furface intérieure de la cavité où elles veulent fe renfermer; ce 11’cft cepen¬ dant qu’à nos abeilles que le nom de tapilfiéreslèmble pro¬ prement dû ; elles feules tapilfent à notre manière. Elles femblent porter encore plus loin l’amour des or¬ nements ou de la propreté : elles ne fe contentent pas de couvrir les murs du nid d’une tapilferie éclatante, elles femblent chercher à parer les dehors, elles paroilfent cher¬ té* cher à mettre des tapis tout autour de fon bord *: aui 4; moins efl-il y rai que le dehors du trou, efl couvert jufqiia DES I N S E C T E S. V. Mem. I4I une petite diflance, jufqu’à celle de deux ou troislignes, de pièces de fleurs de pavots, l'emblables à celles qui ta- piflern l’intérieur. On doit juger que la faifon où nos tapifliéres commen¬ cent leurs travaux, ne précédé pas celle où les premières fleurs de coquelicot s’épanouiffent. Le fort de l’ouvrage pour elles, eft le temps où ces plantes font en pleine fleur. Les endroits où elles fouillent plus volontiers la terre, m’ont paru être les bords des chemins, & des lèntiers qui paflent entre des champs de bled. Dans une de mes pro¬ menades, qui m’avoit conduit à enfiler de pareilles routes. Si pendant laquelle je m’arrêtois volontiers à examiner les trous percés en terre par divers infeétes, mon exemple détermina ceux qui fe promenoient avec moi, à donner ieur attention aux objets qui sattiroient la mienne. Un d’eux apperçut & me montra un trou qui offroit une particularité que les autres n’avoient pas ; fou intérieur fembloit peint en rouge. Sur le champ un petit brin de bois * fut enfoncé dans ce trou aufli avant qu’il y put * Pt. entrer, mais dans lequel il n’entra pas tout entier à beau- u l ' coup près. Avec un couteau on dégrada peu à peu la terre qui l’entouroit, ayant grande attention de ne rien em¬ porter de ce qui n’étoit pas terre. Quand on eut crcufé fuffifiamment, on vit que le petit bâton étoit logé dans un tuyau * fait de feuilles de coquelicot. * Fig. 2. Il n’eft pas befoin que je dife que pendant le refte cle a u F a > la promenade, on ne fut occupé qu’à chercher de fem- blables trous. On fçait auffi que dès qu’un fait qui n’avoit point encore été apperçû parmi ceux que le fpctflacle de la Nature peut nous offrir, a été vu, on eff pi d'que fur de le voir & revoir un grand nombre de fois. Nous ne manquâmes pas aufli de retrouver d’autres trous dont les parois étoient recouvertes de fleurs de coquelicot. Ayant; * PI. I s. L * Fig « p;. 142 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE que de rentrer chés moi, j’en obfervai plus de fcpt à huit, & dans la fuite, j’en ai découvert prefque toutes les fois que j’en ai cherché, & j’en ai cherché bien des fois pour les obferver à l’aile, & dans leurs différents états. Dès le premier jour néantmoins je m'affinai de la plûpart des faits cffentiels. Une ouvrière fut prifè pendant qu’elle étoit occupée à travailler dans l’intérieur du trou: 3. fig. un petit bâton *qui y fut introduit, lui en boucha la for- tie ; quand le trou eut été dégradé, elle fe trouva encore bien renfermée. Le tuyau de fleurs qu’elle avoit fait avec tant de peine & d’art, devint une prifon pour elle. Dès . j, que je l’en eus tirée, je la reconnus pour une abeille * d’une fort petite efpece, qui ne tarda pas à tout tenter pour fe venger des violences que je lui faifois, en tâchant de me piquer de fon aiguillon. D’ailleurs fon extérieur 11e m’a rien offert qui mérite d’être décrit. Elle efl plus velue que les mouches à miel ouvrières, & a le corps pro¬ portionnellement plus court, mais fa couleur approche fort de la leur. Si la fin pour laquelle les trous font préparés, m’avoit paru douteufe, quelques-uns des premiers que je défis me l’euffent fait connoître, & en même temps de quelle claffe de mouches étoit l’ouvrière qui les avoit faits; car je trou¬ vai au fond une petite maffe de pâtée miellée, de couleur rougeâtre, & qui avoit affés de confifîance pour pouvoir être maniée, c’efl-à-dire, de pâtée de pouffiéres d’étamines humeétées de miel, qui a de l’aigrelet joint à du doux. Communément la profondeur de chaque trou n’efl guéres que de trois pouces, fa direétion efl perpendicu¬ laire à l’horifon, il eff un tuyau bien cylindrique jufqu’à y. 3./. fept à huit lignes du fond. Là * il sevafe pour prendre une figure qui approche de l’hémifphérique. Quand une mouche lui a donné les proportions qu’elle lui veut, quand DES ï N S E C T E S. V Mem. 143 elle en a bien cl refie les parois, elle fonge à les tapiflfer. Dès que jefçus que c’étoit avec des morceaux de feuilles de fleurs de coquelicot, il ne me fut pas difficile de dif- tinguer des autres les fleurs fur lefqueiles des tapiffiéres avoient été s’en fournir. Je remarquai, Si en très-grand nombre, de ces fleurs dont une * ou plufieurs de leurs * PI. 13.%. feuilles avoient été entaillées : les contours de l’entaille 6 ‘ £ ' étoient aufii nets que s’ils euffent été faits par un em¬ porte-pièce. En un mot, nos tapilfiéres font aulfi des coupeufes. Elles coupent des pièces dans les pétales des fleurs, avec une adrefle femblable à celle des abeilles qui coupent des pièces dans des feuilles d’arbres & d’arbufies pour en confiruire les nids que nous avons admirés dans le mémoire précédent. Les figures des pièces que nos ta¬ pilfiéres prennent dans les pétales du coquelicot, tiennent de la figure d’une moitié d’ovale *, comme quelques-unes * Fig. 7, de celles que les autres abeilles coupent dans des feuilles de rofier, de marronier, d’orme, &c. La tapilfiére entre donc dans fon trou avec la pièce qu’elle a enlevée à une fleur de pavot ; elle l’a tient pliée en deux, & malgré cela la pièce ne peut manquer de fe chiffonner en frottant contre les parois d’une cavité étroite ; mais la mouche 11e l’a pas plutôt conduite julqu a la pro¬ fondeur où elle la veut, qu’elle la déplie, 1 ’étend, Sc qu’elle l’applique uniment fur les parois. Les premières pièces quelle employé font mifes fur le fond du trou; au-defliis de celles-ci, elle en tend d’autres, Si cela fucceffivement jufqu’à ce qu’elle foit parvenuë à couvrir entièrement ht furface intérieure du trou, Si même, comme nous l’avons dit, une étendue île quelques lignes tout autour de fon ou¬ verture. Chaque pièce ne peut guércs tendre plus du tiers de la circonférence du trou, & dans la hauteur il y en a peut-être cinq à fix les unes au-defius des autres. Les fleurs » PI. 13. S . r >• r. 144 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE fur lefquellcs ccs abeilles vont les prendre, apprennent qu’elles en employait de différentes grandeurs. Ce n’cfl pas apparemment parce que nos tapiffiéres font touchées de la beauté du rouge éclatant des Heurs de coquelicot, qu’elles les employent par préférence aux fleurs de tant de plantes que la campagne met à leur dif- polkion. Leur choix paraît fondé fur une raifon plus folide. Il leur ferait difficile de trouver des pétales de quelques autres fleurs, auffi grandes, qui fuffent auffi minces & auffi flexibles, & par conféquent auffi aifées à appliquer parfaitement contre les parois du trou. Chaque morceau de fleur de coquelicot ne donne pourtant pas aux parois de terre, une couverture affés épaiffe au gré de la mou¬ che: j’ai enlevé jufqu a quatre couches de fleurs, de deffus le fond d’un trou, & je n’en ai jamais trouvé moins de deux ajuflées fur les parois cylindriques. Une feuille qui aurait l’épaiffeur de deux, & même de quatre pétales de pavot, ne ferait pas difficile à trouver à notre abeille, mais elle ne répondrait pas à fes viles; ces feuilles épaiffes n au¬ raient pas une flexibilité pareille à celle des autres. D’ail¬ leurs, comme les jointures doivent être couvertes, il faut employer au moins deux lits de feuilles, ce qui rendrait les recouvrements trop épais, h les feuilles étoient épaiffes. fig. Les morceaux de fleurs * qui tapiffent en dehors les bords du trou, font partie d’une grande pièce qui cfl appliquée fur les parois intérieures: elle y a été ajuflée d’abord de façon quelle s’élevoit de quelques lignes au- deffus de l’entrée du trou ; la portion excédente a été enfuite repliée fur le bord, & étendue fur le terrein plat. Quoique l’abeille coupe ordinairement des pièces de la grandeur convenable, il lui arrive quelquefois d’en couper de trop grandes pour les places auxquelles elle les avoit dcftinées. J ’ai cru en trouver des preuves dans des morceaux très-petits. de.s Insectes. K Man. 145 très-petits, louvent étroits, & ordinairement défiguré iiré¬ gulière , qui étoient tout près de l’entrée du trou,& qui ne tenoient à rien : ils ne pouvoient être pris que pour des retailles, pour de petits coupons qui avoient été rejettés. La tapiflerie qui recouvre les parois intérieures du trou, n’eft, à proprement parler, qu’un étui de Heurs de coque¬ licot, qui a unefolidité qui fuffiroit pour lui conlerver fia forme indépendamment de l’appui extérieur *. Sa furface * PI. 13.%. intérieure a tout le lifle& l’uni qu’on peut defirer. 11 n’en eft a U P a " pas de même de l’extérieure, elle a des inégalités produites pour la plûpart, par la furface graveleufe des parois du trou. Ce n’eft que lorfque l’intérieur du trou a été revêtu d’un nombre fuffifant de couches de fleurs, que la mou¬ che porte dans le fond & y accumule de la pâtée julqu’à ce qu’elle s’élève à feptci huit lignes: il n’en faut pas davan¬ tage pour le ver qui doit fortir du feul & unique œuf qui fera dépofé dans le nid. Cette pâtée eft tenue plus pro¬ prement , & eft moins expofée à être mêlée avec des grains de terre, que ne feft celle que d’autres abeilles lail- fent dans des trous non revêtus. Les vers de ces dernières font peut-être moins délicats que ceux de nos tapiflïéres. Au furplus, celles-ci creufent volontiers dans des terres fablonneufes où des éboulements peuvent arriver trop fouvent, & oit la pâtée 11e fe conferveroit pas long-temps propre. Je m’étois attendu qu’après que la mouche auroit fait fa ponte, elle 11e manqueroit pas de fermer au moins l’entrée du trou : la bonne opinion que j’avois de la pré¬ voyance, m’afluroit qu’ei.e ne laifleroit pas expofée au pillage des fourmis, la pâtée qu’elle avoit pris la peine d’y entafler. Je fçavois que ces dernières en étoient friandes, j’en avois vû entrer & loi tir à la file-d’un trou où elles en avoient découvert. Pour être donc en état de Tome VL T *PI. 13. 9 14 6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE retrouver les trous que je laiffois ouverts, après qu’ils au- roient été bouchés, j’eus foin d’en marquer piufieurs, foit avec.une petite pierre pofée tout auprès, foit avec un petit brin de bois piqué en terre. Dès le lendemain les trous étoient bouchés, comme j’avois penfé qu ils le dévoient être, mais plus difficiles à retrouver que je ne l’avois prévu. Les endroits où avoient été leurs ouvertures, n’étoient ni plus unis ni plus graveleux que le relie de la fur face de la terre. Cependant rien ne l'embloit plus fimple que de les découvrir, au moyen de mes repaires : je crus qu il n’y avoit qu’à couper par tranches horizontales la terre des environs, & que je trouverois dans les premières qui feroient enlevées, la coupc d’un tuyau de feuilles. J enlevai pourtant lucceffi- vement piufieurs tranches pareilles, fans appercevoir aucun veltige de nid. Nous avons dit que les trous ont environ trois pouces de profondeur, & j’ôtai en différentes tran¬ ches, plus de deux pouces de terre fans découvrir le plus léger fragment de feuilles. Il l'embloit que le nid eût été emporté de là, foit par la mouche même, foit par quel¬ que infecte de les ennemis. Le vrai efl pourtant que c’eft que je ne le cherchais pas allés bas. Pour en donner la raifon, il faut dire ce qui refie à faire à la mouche. Dès quelle a porté dans le trou la quantité de provi- fion nécefîaire, & quelle y a pondu un œuf, elle détend toute la tapifferie qui fe trouve depuis le bord du trou jufqu a la pâtée; & à meftire quelle la détend, elle la pouffe fig. vers le fond du trou *, & l’y plie, & cela, de manière que la partie lùpérieure de la maffe de la pâtée qui feule n’étoit pas enveloppée de fleurs de coquelicot, en devient bien mieux recouverte que tout le refie. La façon dont nous nous y prenons, lorfque nous voulons renfermer dans un efpecc de cornet, ou plutôt de rouleau cylindrique de pa¬ pier, quelque graine ou quelque poudre dont le rouleau des Insectes. F. Mem . 147 n’efl pas plein, la façon, dis-je, dont nous nous y prenons alors, efl très-propre à donner une idce de ce que l’abeille fait de la tapifferie à inclure quelle lote de delîus les parois contre lelquelles eileetoit appliquée: nous ramenons les bords du cornet vers l’intérieur, en les pliant nous bou¬ chons toute l’ouverture, 6c enfin nous plions & replions julqu a ce que la partie fupérieure du papier ait été amenée deffus la graine ou la poudre, 6c quelle y foit appliquée. C’efl précilèment ainii que la tapiffiére en ufe. Tout ce qui failoit la partie fupérieure du cornet de fleurs de pavot, efl pouffé en embas, 6c preffe 6c empilé fur la partie fupé- ricure de la pâtée *. Une portion des feuilles plus flexibles * PI. 15. que notre papier, efl même forcée d’entrer dans-Je tuyau, 9 & 11 • éciè trouve façonnée en bouchon. Quand cela efl fini, le tuyau de fleurs qui avoit trois pouces de haut 6c plus, efl réduit à n’avoir plus que 1 1 à 1 2 lignes. La pâtée 6c le ver fe trouvent renfermés dans un lac fait d’un grand nombre de couches de fleurs, 6c fur-tout en-deffus. Ce qui refle alors à faire à la mou¬ che, 6c à quoi elle s’occupe bien tôt, c’cfl de remplir de terre le vuide *, les deux pouces de hauteur qui relient * Fîg. 9. 0 t* entre le delfus du fac 6c l’entrée du trou: elle le remplit fi bien que quand l’ouvrage efl achevé, on ne fçauroit plus reconnoître l’endroit où la terre avoit été percée. Plus d’une fois j’ai lurpris de ces mouches pendant quelles étoient occupées à détendre. Lorfque j’avois remarqué un trou dont les bords intérieurs ne paroiffoient pas rouges, fur le champ, j’étois en état de décider s’il n’étoit que commencé, ou fi la mouche travailloit à le fermer: un petit bâton que j’v introduifois, m’inftruifoit de fon état. Quand le brin, de bois n’entroit que de deux pouces, 6c que ce qu’il rencontrait ne lui réfifloit pas autant qu’eût fait de la terre compacte, quand je trouvois le fond mollet. 148 MEMOIRES POUR LHlSTOIRE je jugeois avec certitude que la mouche doit occupée à recouvrir la pâtée avec des Heurs de fleurs de coquelicot paroit en partie a découvert, parce que la terre qui efl, figure 1, depuis b c, jufqu’au tuyau, a été emportée dans la hauteur a u. La Figure 3 reprélente encore une motte de terre gra- veieufe dont la furface horizontale efl a abc. En r r, efl l’entrée du trou creufé Si tapilfé par une abeille. Au-def- fousde la tranche horizontale dont l’épailTeur efl marquée c e, Si b f, la terre a été coupée, Si on a mis à découvert la tapiffcric de fleurs de coquelicot, p, le tuyau dont le fond efl en f. La Figure 4. montre de face l’entrée d’un trou qui par dehors DES I N S E C T E S. K Mem . i 5 3 dehors efl tapifle de fleurs de pavot, r, r, morceaux de fleurs de pavot. La Figure 5 efl celle de l’abeille tapiiïiére. La Figure 6 fait voir une fleur de coquelicot dont une des feuilles ou pétales efl entaillée. La pièce qui manque en e, a été coupée & emportée par une tapiiïiére. La Figure 7 efl celle d’une pièce de fleur de pavot, telle que celles que les tapiiïiéres mettent en œuvre. La Figure 8 repréfente une portion de la coupe d’un trou, qui pafle par l’axe, & qui a mis à découvert la p⬠tée p, dont l’abeille a rempli le fond du tuyau de fleurs. La Figure 9, comme les Figures 1, 2,3, repréfente une motte de terre gravelcufe, mais qui a été deflinée plus petite que celle des Figures citées. On y a mis à découvert le nid, en emportant les portions de terre qui le cacheroient à nos yeux. Il efl vû ici dans un temps où tout le travail de la mouche efl fini, rr, entrée du trou qui a été bouchée. Au-deiïbus, en to, le trou a été dé¬ tendu, & a été rempli de terre, f, le fac qui renferme la pâtée & le ver ou l’œuf. On voit au -dcfl'us de ce lac, des feuilles pliiïees & chiffonnées, ce font celles qui au¬ paravant étoient tendues fur les parois de la partie lupé- rieure 0 t r du trou. La Figure 10 fait voir un fie de fleurs de pavot, qui n’efl pas encore aiïes raccourci, ni par conféquent fermé. Les parties ff, n’ont pas encore été pouiïees en embas & pliées. La Figure 11 montre un fac bien conditionné & tiré hors du trou, f, le ventre du lac. b, iïi partie fupérieure Tome VL V 154- Mémoires pour l’Histoire qui a été bouchée par les fleurs qui couvraient les parois fupérieures du trou. La Figure 1 z n’a rien de commun avec celles qui précédent, c’efl celle d’une abeille envoyée d’Italie par feu M. Garnier, autrefois Médecin à Rome de la Reine de Pologne. Cette abeille, dont la couleur efl la plus commune aux mouches de ce genre, efl plus allongée que les abeilles ordinaires. On lavoit envoyée à l’Aca¬ démie, parce qu’elleavoit paru remarquable par une forte odeur de mufc quelle répandoit. Quand je l’ai eue, elle 11e l'entoit plus que la fourmi. Fuj.io. Fur-y. Fu>. !■£ F W-4- f {9 j 3 - F i9 1 4 JY Mil f ^ .Vftri $ JtJ 'Hut ,/f.r tru-fklrj T'trt f Fl ^ Mc,n ■ 5 <6? l'xL't-.deeüuœtarlb^ Fui. 2 . T’i/i'ial '.tdf des Insectes. VI. Man. j j j SIXIEME MEMOIRE. HISTOIRE DES GUESPES EN GENERAL, ET EN PARTICULIER DE CELLES QUI VIVENT SOUS TERRE EN SOCIETE'. N Eu F Mémoires du volume précédent, 8 c cinq de v celui-ci employés à détailler les faits finguliers, tant des Abeilles qui fçavent profiter des avantages de la fociété, que de celles qui ne connoiflent que la vie folitaire, ont dû nous faire prendre une forte d’intérêt pour les unes & pour les autres. Dès-là nous ne fçaurions manquer dètrc indifpofés contre d’autres Mouches qui les tuent impitoyablement, & les mangent toutes vives, contre les Guêpes. La fuite de Ihiftoire des Infeéles demande néantmoins que nous racontions à préfent comment les différentes efpeccs de ces dernières mouches fe conduifent pendant le cours de leur vie, 6 c comment elles fe perpé¬ tuent. Les guêpes n’ont guère cté connues pendant bien des fiécles, & ne le font guère encore de beaucoup de gens, que par le ravage qu elles font des fruits de nos jar¬ dins, & que comme des mouches dont les approches font à redouter. Quoique les abeilles foient aufii armées d’un aiguillon, elles doivent être regardées comme un peuple pacifique qui, occupé continuellement de fes travaux, ne cherche point à attaquer, & ne fonge qua fe défendre, Vij 156 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 6 c qui enfin ne fe nourrit point aux dépens d’autrui. Les guêpes au contraire peuvent paroître un peuple féroce, qui ne vit que de rapines 6c de brigandages. Nous nous condamnerions pourtant nous-mêmes, en les jugeant avec tant de rigueur; contentons-nous de les regarder comme des mouches guerrières qui, ainli que nous, croycnt avoir droit, pour fe nourrir, fur les fruits que la terre produit, 6 c fur les animaux qui l’habitent, auxquels elles font fupé- rieures en force. Pour être belliqueufes, elles n’en font pas moins bien policées, elles n’en parodient pas moins pleines de tëndreffe pour leurs petits, ni moins animées par le defir de fe procurer une nombreufe poftérité. Pour y parvenir, elles n'épargnent ni foins ni travaux. Les ou¬ vrages quelles exécutent, font honneur à leur patience, à leur ad relie 6c à leur génie : elles ont, comme les mouches à miel, leur architecture particulière & digne de notre admiration. Il eft vrai que leurs édifices conftruits avec beaucoup d’art, nous font inutiles, que nous ne fçavons pas faire ufage des matériaux qui les compofent, comme nous en faifons de la cire ; cependant lorfqu’on les lçait bien voir, ils 11e font pas pour nous des objets de pure curiofité. Nous ne manquerons pas de faire remarquer dans la fuite qu’ils peuvent nous apprendre à trouver en abondance des matières utiles pour une de nos principales fabriques, pour celle du Papier, 6c des matières dont on 11e s’eft pas avifé de fe fervir jufqu’ici, ou au moins qu’011 n’a pas employées à leur façon. Il y a plus de 22 ans que nous avons rapporté des faits propres à prouver que les guêpes méritoient plus d’être * Mém. de connues qu’on ne fe i’étoit imaginé*. Celles de plufieurs l'Académie, cfpeccs vivent en république, comme les mouches à miel. Le nombre des mouches de quelques-unes de leurs focié- tés, égale celui des habitants d’une grande ville; mais les DES I N S E C T E s. VI. Mem. I 57 fociétés de différentes autres efpcces de guêpes, n’ont pas plus de mouches qu’un petit village n’a d’habitants. Enfin beaucoup d’clpeces de guêpes, comme beaucoup defpeces d’abeilles, mènent la vie la plus folitaire. Dans le Mémoire imprimé parmi ceux de l’Académie de 1719, nous nous l'ommcs bornés à parler des guêpes qui vivent en lociété, tout ce que nous y en avons dit, doit le retrouver dans celui- ci ; mais nous ne pouvons nous difpenfer de le faire précéder par quelques additions, peu néccffaires alors, & qui le (ont devenues par l’engagement que nous avons pris de traiter des Infectes méthodiquement, & dans une certaine géné¬ ralité. L’aiguillon dont les guêpes font toujours difpoféçs à fe fervir contre nous, les frit confondre avec les abeilles, par ceux qui ne s’arrêtent pas à démêler des différences qui ne peuvent être apperçûës que quand on cherche à les voir. Les caractères qui les en diftinguent, font pour¬ tant très-marqués. Le corps des guêpes* ne tient au cor- * pi. j 4,, celct que par un fil plus ou moins long, & par-là plus ou moins lènfiblc dans différentes efpcces de ces mouches, mais toujours ne paroît-il y tenir que par un fil délié, au heu que le fil plus gros qui unit le corps des abeilles à leur corcelet, 11’dt pas vifibJe ordinairement, parce que le bout du corps s’emboîte dans une cavité qui le trouve à la fin du corcelet. Ce fi: fur-tout lorfqu’on vient à comparer le devant de la tête d’une guêpe avec celui d’une tête d’abeille, qu’on reconnoit que ces mouches ne different pas feulement en genre, quelles different en claffe. La trompe* accom- * Tome v pagnée de dents, qui marque la place des abeilles dans la quatrième claffe des mouches, manque aux guêpes; ces dernières doivent être miles dans la troifiéme claffe, dans celle des mouches qui 11’ont point de trompe, & qui ont V üj 158 MEMOIRES POUR i/HlSTOIRE des dents en dehors de la bouche. Dans le Mémoire que * Mân. de j’ai cité ci-deflùs*, j’ai pourtant lailîe la liberté de donner I e nom de trompe à cette partie*, à laquelle j’affirme * p| l6 fitr aujourd’hui qu’il 11e convient pas; mais alors je n’avois 2.1/oc. ° pas examiné, comme je l’ai fait depuis, les ftruéturcs propres aux trompes, 6c il me fuffifoit de faire connoître la partie par laquelle les aliments font conduits dans le corps de la guêpe, fansm’embarraffer de prouver quelle * Fig. 2 & 3. netoit pas une trompe. Comme cette partie* fe porte plus en devant de la tête, que 11e le font pour l’ordinaire les bouches des autres mouches, elle a efteéfivement l’air d’une trompe un peu courte, 6c Swammerdam l’a prife pour telle; mais quand on l’examine avec une loupe, on reconnoît quelle efi une véritable bouche, femblable pour l’effentiel à celle de divers autres Infeéles. J’ai donné ailleurs une image des parties qui la compolent, 6c de leur arrangement, à ceux qui ont quelque teinture de Bota¬ nique, en la comparant à une fleur en gueule dont la * />./. lèvre fupérieure * efi grande 6c refendue, 6c dont la lèvre inférieure efi extrêmement courte. Cette dernière ne peut être rendue fenfible que par le fecours de la loupe: l’autre efi très-aifée à diflinguer à la vue fimple, elle efi échan- » Fig. crée près de fon bord, plus ou moins avant * dans des guêpes d’efpcces différentes. Dans quelques-unes le fond de l’entaille defeend jufqu’au tiers de la longueur; 6c dans d’autres, il eft plus proche du bord. Depuis fon extrémité jufqu’a fon origine, cette lèvre va en s’étréciflant 6c en le courbant : on fe représentera donc afles bien fa figure, en lé rappellant celle d’un demi-pavillon d’entonnoir qui feroit échancré. Où le pavillon de l’entonnoir fe termine, où * Fig. 2.». le tuyau de l’entonnoir commence, eft l’ouverture * qui peut être prife pour l’entrée de la bouche. C’efl par cette * t- ouverture que les aliments entrent dans un tuyau * écailleux des Insectes. VI. Mem. 159 en-deflous, ou du côté qui lé préfente lorlqu’on con- fnlere la tête par-deflous. Ce tuyau s’inlère dans la tête, à quelque diftance du col. La lèvre inférieure ne forme qu’un rebord à l’entrée du tuyau ou de la bouche. La iévre fupérieure e(l charnue, blancheâtre, extrêmement flexible, & propre à exécuter une infinité de mouvements. En dedans, du côté concave, on apperçoit des libres lon¬ gitudinales; mais en dehors, fur la furface convexe, on diftingue nettement des fibres tranfverfales qui forment des filions parallèles les uns aux autres, & qui la font paroître agréablement ouvragée. J’ai pris cette lèvre pour une langue, lorfque j’ai vû pour la première fois des guêpes s’en fervir à lécher des fruits & des liqueurs qui avoient la confiflance de firop: elle en fait aulfi les fonctions, elle agit pour conduire les aliments, comme une langue qui leroit hors de la bouche; elle s’évafe quelquefois jul'qu a devenir plate; d’autres fois elle le courbe de cent façons différentes; très fou vent elle fe plie en deux fuivant fa longueur, de manière qu’une des moitiés de fa furface intérieure vient s’appliquer contre i’autre. Elle fait l'office de main pour détacher de delfus ies corps durs des parcelles propres à être avallées; il lem- ble même quelle ait été conftruite pour broyer des corps qui peuvent l’être lans le lecours des dents*. Nous avons * PI. 16. dit que Ion bout eft entaillé, l’extrémité de chacune des d,d% parties formée par l’entaille, a un petit bouton brun*, * l> l * Juifant, & par conféquent écailleux; les deux enièmble parodient propres à écrafer des corps qui réfifleroient à une partie charnue Le contour de la portion entaillée cil bordé d’une frange de petites dents charnues qui ont en¬ core leur ufage pour détacher des parties molles, & les faire palier dans le demi-entonnoir que forme la lèvre à qui elles appartiennent. Enfin, cette iévre peut encore être R* * 2 . 0 . 0 . ï6o MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE aidée par des efpeces de doigts qui l’accompagnent: il y * PI. i6.%. en a deux * plats, longs & étroits, charnus comme elle, & qui ont auffi chacun à leur extrémité un bouton lon¬ guet, brun & écailleux, pofé fur la furface qui répond à l’intérieur de la lèvre. J’ai donné autrefois ces deux corps longs, comme des divifions delà lèvre; mais je crois qu’il eft plus exaél de les regarder comme des parties particu¬ lières qui, ainfi que la lèvre, ont leur origine près de l’ou¬ verture circulaire qui reçoit les aliments. Deux autres *1,1. corps * qui font encore des efpeces de doigts propres à concourir avec la lèvre fupérieure, font entièrement écailleux, faits par nœuds comme les antennes, &ont leur attache fur la partie écailleufe du tuyau dont nous regar¬ dons l’entrée comme celle de la bouche. Cette bouche n’eft pas un fimple trou cylindrique; elle cil mieux pour¬ vue* de langue que la nôtre, elle en a deux, fi on veut regarder comme des langues, deux languettes charnues qui font attachées contre les parois intérieures du tuyau du côté où il eft écailleux, & dirigées fuivant fa longueur: elles font à ce tuyau deux cloifons qui ont chacune une longueur environ égale à la moitié ou aux deux tiers du diamètre du trou. Les guêpes pour fe nourrir, font fouvent obligées de mettre en pièces des corps dont la dureté eft fupérieure à la force de leur lèvre & de fes accompagnements; mais elles ont deux dents * auxquelles peu de corps peuvent réfifter. d * d ' Chacune eft attachée à un des côtés delà tête, en devant de laquelle elles viennent mutuellement fe rencontrer; le bout par lequel elles fe touchent, eft oblique leur lon¬ gueur & plus large que. celui qui fert de pivot à leur mouvement. Sur ce bout par lequel elles fe rencontrent font trois dentelures à pointes aiguës, quoique leurs bafes foient folides : elles font taillées dans la moitié la plus proche Fig. 3 - des Insectes. F/. Mem . \ 6 1 proche du côté extérieur; fur l’autre moitié, 8 c près du côté intérieur, il y a encore une dentelure, mais plus courte que les autres. Le nombre, la profondeur & l'ar¬ rangement des dentelures varient cependant dans diffé¬ rentes elpeces de guêpes. Le brun eft la couleur la plus ordinaire aux abeilles, 8 c Je jaune 8 c le noir combinés par rayes ou par taches, font celles qu’on trouve communément aux guêpes de ce pays *. Nous avons pourtant parlé d’une efpece d’abeilles * PE f*. fig. qui porte la livrée des guêpes, 8c j’en ai de ces dernières qui 7 ’^’ S> portent celle des abeilles ; on m’en a envoyé de Cayenne, qui font en entier d’un brun tirant fur le cannelle. J’en ai d’autres qui m’ont été envoyées de Saint-Dominique par M. du Hamel Médecin du Roy en cette Ifle, dont le jaune eft pâle, & combiné agréablement avec différentes nuances de caffé; 8c d’autres que je dois encore à M. du Hamel, dont la couleur dominante efl olive, 8 c qui ont feulement un filet noir au bord poftérieurde chaque anneau, & quel¬ ques autres de même couleur fur le corcelet 8 c fur la tête. Il y en a de tout-à-fait noires. Les guêpes ne font point velues comme les abeilles; les yeux feuls apperçoivent pour¬ tant des poils fins en grand nombre fur celles de certaines efpeces; mais il y en a d’autres fur lefquelles ils ont peine à en découvrir quelques-uns. Si on donne à fes yeux le fécours d’une loupe de deux à trois lignes de foyer, les anneaux du corps ceflent de leur paraître liffes *, ils femblent faits * PI. 17.% d’un Chagrin fur lequel des poils courts font couchés avec 61 ordre à côté les uns des autres, 8 c diftribués en différents rangs. Une particularité dont j’ai déjà fait mention dans le quatrième volume, lorfque j’ai diftribué les mouches en claffes, mais dont perfonne, que je fçache, n’a encore parlé, efl très-propre à faire diftinguer les guêpes d’avec Tome VI. X 1 Ô 2 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE des mouches à quatre aîics de genres qui approchent du * Pi. »4~ fig. leur. Quand on voit une guêpe pofée *, on lui juge les ^ ^ p1 ' ailes fupérieures fort étroites; ce n’eft pas quelles le l'oient réellement, c’cft qu’elles font pliées en deux d’un bout à l’autre, & ne montrent alors que la moitié de leur largeur. * Fig. i &2. La partie intérieure *, celle qui devroit couvrir le delfus du corps, eft ramenée en-deffous, de façon que le bord du côté intérieur le trouve précifément fous le bord du côté extérieur; le pli ell pris tout du long d’une gfofle fibre qui afon origine à celle del’aîle; cette libre fe termine pour¬ tant par des ramifications déliées avant que d’arriver au bout de l’aile jufqu’auquel parvient le pli dont la dire&ion vient d être déterminée. Quand la guêpe veut fc fervir de fes ailes fupérieures * Fig. 3. pour fe foûtenir en l’air, elle les déplie * ; la méchanique par laquelle elle y parvient, ne m’eft pas connue ; je ne fçais fi à la jonélion de chaque aile avec le corcelct, il y a un mufcle qui tire en dehors le bout de la partie qui ell ra¬ menée en-delfous, ou fi, quand la guêpe veut voler, elle fait couler dans les vai(féaux qui fe trouvent dans la con¬ cavité du pli, une liqueur qui oblige ce qui étoit courbe à fe redrefler. Je fçais mieux que l’état naturel de l’aile eft d’être pliée; elle l’efi dans les guêpes mortes; l’aile qu’on vient d’arracher à une guêpe vivante, refle pliée: fon ref- fort tend donc à la mettre dans cet état, & il faut une force pour l’en tirer, comme il en faut une pour lui faire frapper l’air, & peut-être que cette dernière force produit l’un & l’autre effet. Avant que de quitter leurs ailes, je dois faire remarquer * PI. 17. fig. qu’au-deffus de l’infertion de chacune des fupérieures *, eft attachée une petite partie écailleufe en forme de coquille, dont la concavité eft en-delfous. Cette pièce eft plusgrande & plu&iènfiblc dans la plus commune des cfpeces de guêpes DES I N S E C T E s. VJ. Mem. I 63 'de nos jardins, que dans aucune autre: on peut la voir auffi à des mouches, foit du genre des abeilles, foit de divers autres genres. Son ufage me paroît être d’empêcher l’aîle de selever trop, c’eft une efpece de refîort, un arrêt, un cliquet qui preffe la partie de l’aîle au-deffus de laquelle elle eft pofée, lorfque des efforts peu mefurês tendent à porter l’aîle trop haut. Nous aurons ailleurs occafîon de prouver que cet ufage eft plus grand qu’il ne le fembleroit ; que certains infectes volent mal quand leurs aîles n’ont pas des arrêts plus conüdérables que ceux-ci. Différentes efpeces de guêpes different beaucoup en groffeur. La plus grande de toutes dans ce pays, eft celle qui y a fon nom particulier, qui y eft connue fous celui de frêlon *, en latin crabro. Toutes ont le corps d’une * pr , figure ellipfoïde, ou de celle d’une olive; mais les unes •» 2 & 3 * l’ont plus, les autres moins oblong; les unes l’ont plus pointu tant à fon origine qu’à fon bout, que les autres. Le bout du corps de quelques-unes eft moufTe. Il y en a dont le corps eft fi peu diflant du corceiet, qu’il le tou¬ che en divers moments *; & celui des autres ne paroît * Pf. 14.6g. y tenir que par un filet * plus ou moins long dans diffé- 3 . 4 - & s- rentes guêpes. Mais on aura affés d’occafions de remar- * Flg ’ 8 & quer ces fortes de variétés dans les différentes efpeces de guêpes que nous ferons paffer fous les yeux, lorfque nous en rapporterons des faits plus propres à s’attirer notre at¬ tention. Nous commencerons par raconter ceux que nous fourniffent les efpeces qui vivent en fociété, & nous par¬ lerons enfuite de ceux qui peuvent nous intéreffer pour 4es efpeces de guêpes qui vivent folitaires. La même fin qui retient des abeilles dans une ruche, réunit des guêpes dans un même lieu. Celles-ci' ne fem- blent pas moins animées que les autres, par l’amour de la poftérité. Elles travaillent avec la même ardeur à conftruire Xij * PI. 14. I & 2 . 164 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE des gâteaux, qui l'ont suffi compofés de cellules exagoncs: à la vérité, leurs cellules ne fpnt pas faites de cire, mais chacune n’en eft pas moins propre à recevoir un œuf, & à fournir un logement au ver qui en doit fortir, jufqua . ce qu’il foit devenu guêpe. En général leur matière eft une efpece de papier; les guêpes de différentes elpcces, le font de différentes couleurs, & de différentes qualités. Selon que les fociétés font plus ou moins nombreufes, elles conftruifent plus ou moins de gâteaux, & des gâteaux plus grands ou plus petits. Nous donnerons affés louvent le nom de nid, à l’affemblage de ces gâteaux defiinés à élever les petits: nous le nommerons auffi le guêpier, pour (rendre en françois le nom de Vefparium & de Vefpetum qu’il porte en latin. Les différentes elpcces de guêpes prennent par préfé¬ rence différents lieux pour conftruirc leurs guêpiers. Les unes ne craignent point de les laiffer expofés à toutes les injures de l’air, & les autres les mettent à couvert. 11 y a encore parmi celles-ci des choix différents pour les lieux, car les unes logent volontiers leurs guêpiers dans des troncs d’arbres, pourris en partie, ou fous des toiéfs de greniers non fréquentés; d’autres les cachent fous terre; écc’eff ce • %. que font les guêpes les plus communes dans ce pays*, & qu’on peut appeller les domeftiques; parce quelles ne pa¬ rodient pas feulement en grand nombre fur les efpaliers de nos jardins, fur-tout quand les mufeats commencent à meurir, elles s’introduifent dans nos fâlles à manger, & viennent hardiment goûter de tous les mets qu’011 fert fur nfis tables. Ce font auffi celles dont nous donnerons par préférence une hifîoire détaillée, les faits qui y doivent entrer îrwayant été aifés à obferver. D’ailleurs ce que nous avons à rapporter de la forme de leur gouvernement, de l’art avec lequel elles travaillent, & de leurs différentes DES I N S E C T E s. VI. Mem. 16 5 manœuvres, leur eft commun pour l’effentiel avec les autres efpeces de guêpes qui vivent en fociété. Nous n’au¬ rons donc dans la fuite qu’à expliquer ce que les pratiques de chacune de ces dernières ont de différent des pratiques de celles de la première efpece. Les guêpes qui bâtifîent fous terre, ne font pas feule¬ ment avides de fruits, elles font au rang des infeétes les plus carnaciers; elles font une guerre cruelle à toutes les autres mouches; mais c’eft fur-tout à celles du genre des ■abeilles à qui elles en veulent. J’en ai fouvent obfervê qui aimoient à fe rendre & à fe tenir auprès de mes ruches: ià, j’ai vu plufieurs fois une guêpe fe faifir d’une abeille qui êtoit prête à rentrer dans fon habitation, & la porter par terre; elle reftoit deffus fans l’abandonner & lui don- noit des coups de dents redoublés, qui tendoient à féparer le corcelet du corps: quand la guêpe en étoit venuë à bout, elle prenoit celui-ci entre fes jambes, ékl’emportoit en l’air. Une abeille entière ne feroit pourtant pas un trop lourd fardeau pour certaines guêpes; mais le corps de l’abeille eft ce qu’elles en aiment le mieux; les inteftins qu’il renferme font tendres, & d’ailleurs pleins de miel, au lieu que le corcelet ne contient prefque que les mufcles qui font mouvoir les ailes; ce font des chairs trop dures & trop coriafics. Elles ne fe contentent pas du petit gibier que leur ch a fie leur peut fournir, nos viandes les plus loiieles font à leur goût ; elles fçavcnt trouver les lieux où nous allons les prendre: elles fe rendent en grand nombre dans les bou¬ tiques des bouchers de campagne. Là chacune s’attache à la pièce quelle aime le mieux; après s’en être rafîafiée elle en coupe ordinairement un morceau pour le porter à fon guêpier. Ce morceau furpalfe fouvent en volume la moitié du corps de la mouche, & eft quelquefois là Xüjj **< 03 166 Mémoires pour l’Histoire pefant, que celle qui s’efi élevée en l’air après s’en être chargée, efi obligée fur le champ de redefcendre à terre. Nous avons fait remarquer que les deux grandes dents mobiles dont elles lont pourvûës, ont leur bout taillé en feie * ; c’efi avec ces dents qu elles coupent les morceaux de viande quelles veulent emporter; elles les prennent fouvent au milieu d’une pièce: elles les rongent tout au¬ tour & par-deflbus, jufqu’à ce qu’ils ne tiennent plus à rien. Elles y font occupées avec tant d’avidité, qu’il feroit aifé alors de les tuer même avec la main fans aucun rilque d’être piqué, & d’en détruire de la forte un grand nombre chaque jour. Malgré leurs larcins les Bouchers de cam¬ pagne vivent cependant en paix avec elles; j’en ai même eu un à Gharenton qui faifoit plus: le foye de veau efi la chair quelles aiment le mieux ; vers la fin de l’été il leur en abandonnoit quelquefois un chaque jour, ou quelque¬ fois feulement une rate de bœuf. Ce font des viandes aux¬ quelles elles s’attachent par préférence, 6c qui les empê¬ chent de toucher aux autres; elles peuvent leur paroître d’un meilleur goût ; elles ont d’ailleurs l’avantage d’être plus tendres, moins fibreufes, 6c par-là plus aifées à couper. J’ai vû d’autres Boucliers qui ne leur abandonnoient que des foyes de bœuf ou de mouton. Ce n’eft pas au refie pour les éloigner des autres viandes qu’ils leur offrent celles-ci, une meilleure raifon d’œconomie les y engage: les mouches, 6c fur-tout les greffes mouches bleues, dé- pofent fur la viande, des œufs d’où fortent des vers qui la font corrompre plus vite : les guêpes gardent la viande contre ceê greffes mouches, qui n’ofent refter dans la boutique, où il ne fait pas fur pour elles; les guêpes leur donnent la chaffe, 6c il n’en coûte pour cela au Boucher par jour qu’une rate de bœuf, ou, tout au plus, qu’une portion de foye de veau. des Insectes. F/. Mem. 1 67 Après avoir pris un bon repas, & s’être chargées de proye, elles retournent à leur nid ou guêpier. La pre¬ mière porte qui y conduit, eft un trou d’environ un pouce de diamètre, dont l’ouverture eft à la furface de la terre. Les bords de ce trou font labourés comme ceux des clapiers des garennes peuplées; mais la terre des en¬ virons eft couverte d’herbes à l’ordinaire. Ce trou eft une efpece de gallerie que jgs guêpes ont minée; il va rare¬ ment en ligne droite à leur habitation ; il 11’eft pas tou¬ jours de même longueur, parce que le guêpier eft tantôt plus près, tantôt plus loin de la furface delà terre. Je n’en ai trouvé aucun dont la partie la plus élevée n’en fût au moins à un demi-pied; mais j’en ai trouvé d’autres où elle en étoit diftante de plus d’un pied, ou d’un pied & demi. Ce trou eft le chemin qui conduit à une petite ville foûterraine, qui n’eft pas bâtie dans le goût des nôtres, mais qui a fa fymmétrie; les rues & les logements y font régulièrement diftribués. Elle eft même entourée de murs de tous côtés : je ne donne point ce nom aux parois du creux où elle eft fituée, les murs dont je veux parler, lie font que des murs de papier, mais forts de refte pour les ufages auxquels ils font deftinés ; iis ont quelquefois plus d’un pouce & demi d’épaifleur. Ces murs, ou pour parler moins métaphoriquement, l’enveloppe extérieure du guêpier*, a différentes figures * PI. 14. & grandeurs, félon la figure & la grandeur que les guêpes 1 *’ ont données aux ouvrages qu’elle renferme. Communé¬ ment la figure extérieure du guêpier approche de celle d’une boule, ou de celle d’une boule allongée dont le plus petit diamètre eft tantôt horizontal & tantôt vertical. J’en ai trouvé qui reftembloient à un cône applati, & un peu rétréci vers fa bafe; ce cône avoit 1 5 à 16 pouces de ï 63 Mémoires pour l’Histoire hauteur, &. environ un pied de diamètre près de fa bafe; le diamètre de ceux qui l'ont en boule, elt pour l’ordinaire de 1 3 à 14 pouces. J’ai dit que cette enveloppe efl de papier; je ne con- nois point de matière à qui elle reffemble davantage, quoiqu’elle différé un peu du nôtre. Sa couleur domi¬ nante efl un gris cendre, mais de diverfès nuances; quel¬ quefois elle tire lur le blanc, ^quelquefois elle appro¬ che du brun ou du jaunâtre : ces couleurs font fouvent variées avec irrégularité, par bandes ou rayes d’environ line ligne de large, ce qui donne une couleur affés fingu- liére à tout l’extérieur du guêpier, &y fait une efpeccde marbrure. Mais ce qui rend encore cet extérieur plus fingulicr, c’efl l’arrangement des différentes pièces dont l’enveloppe totale efl faite; nous l’avons comparée à une boule creufe ou à un cône creux; nous n’avons pourtant pas voulu faire entendre quelle en avoit le poli ; la furface efl rabo- teul'e; au premier coup d’œil, on la prendroit pour uneef- ,’I. i j. fig. pccc de roche faite de congélations*; ou, pour en donner une image plus reffemblantc, elle paroît faite de coquilles * Fig. 3. bivalves *, d’une figure approchante de celles de Saint- Jacques non cannelées, & cimentées les unes fur les au¬ tres de façon qu’on ne voit que leur côté convexe. Nous prendrons bien-tôt une idée plus exaéle de fa ftruélure. Quand cette enveloppe efl entièrement finie, elle a au *PI. 14..%. moins deux portes*, qui ne font que deux trous ronds. 11. E, S. p es g U £p es entrent continuellement dans le guêpier par * E. l’un de ces trous *, & fortent par l’autre*. Cliaquc trou * J. n’en peut laiffer paffcr qu’une à la fois ; leur circula¬ tion elt toûjours libre, rien ne la retarde au moyen de l’ordre quelles obfervent ; les unes 11c s’oppofent point aux mouvements des autres : je n’en ai jamais vû entrer par DES I N s E c T E s. VI. Mem. 1 6g par celui des trous qui a etc choifi pour la l'ortie; & j’en ai vu très-rarement fortir par celui qui a été établi pour l’entrée. Nous ne Tommes encore arrivés qu’aux portes du guê¬ pier, pénétrons dans l’intérieur *. 11 eft occupé par plu- lieurs gâteaux plats*, parallèles les uns aux autres, & tous placés à peu-près horizontalement. Ils reffemblent aux gâteaux ou rayons de mouches à miel, en ce qu’ils ne font qu’un affemblage d’alvéoles ou de cellules exagones très- régu !iérement conftruites; mais ils en different par bien des circonftances. Ils font faits de la même matière que l’enveloppe du nid, c’effà-dire, d’une efpecc de papier. Au lieu que les gâteaux des abeilles font compofés de deux rangs de cellules dont les unes ont leurs ouvertures fur une des faces du gâteau, & les autres fur l’autre; ceux-ci n’ont qu’un feu! rang de cellules*, & toutes ont leurs ouvertures ■d’un même côté, fçavoir, en embas. Ces cellules ne con¬ tiennent ni miel ni cire brute; elles font uniquement defti- nées à loger les œufs, les vers qui en éclofènt, les nymphes &les jeunes guêpes qui n’ont point, encore volé. Au lieu que les vers des mouches à miel font couchés prefque horizontalement, ceux des guêpes font prefque tout droits, ayant la tête en embas, parce qu’ils l’ont toujours tour¬ née vers l’ouverture de la cellule. L’épaiffcur des gâteaux eft à peu de chofe près égaie à la profondeur des cellules, & proportionnée à la longueur des mouches. Tous les guêpiers ne font pas compofés d’un nombre égal de gâteaux; j’en ai trouvé jufqu’à quinze à quelques- uns, & onze feulement à d’autres. Le diamètre des gâteaux change en même proportion que celui de l’enveloppe. Le premier, le fupérieur n’a fouvent que deux pouces de dia¬ mètre, pendant que ceux du milieu en ont un pied; les derniers font auffi plus petits que ceux du milieu. Tous Tome VL Y c PI. ij.fig. 1. " g g> hh , Lt, '2& 3 - f/ ' i ïy kk * O 0 , jri nu 194 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE des autres. La différence de grandeur entre les cellules à vers mulets, & les cellules à vers femelles, eft extrêmement fenfiblc, elle eft frappante : auffi ces différentes cellules s’ajufteroient mal enfemble dans le même gâteau. Cet amas de gâteaux, les liens qui les tiennent fiifpen- dus, l’enveloppe qui les couvre, en un mot tout l’édifice des guêpes, eft un ouvrage de quelques mois, & ne doit fervir qu’une année. Cette habitation fi peuplée pendant l’Eté, eft prefque defertc en Hiver, & eft entièrement abandonnée au Printemps: il n’y refte pas une feule mou¬ che. Nous parlerons bien tôt des nouveaux établiffements que font au Printemps celles qui ont réfifté à la rude faifon ; mais une remarque que nous faifons d’avance fur ce qui contribue le plus à leurs progrès, & une des remarques des plus finguliéresque nous fourniffe l’Hiftoire de ceslnlccftes, .fig. c’eft que les gâteaux qui font faits les premiers* ne font abfolument compofés que de cellules où peuvent croître des vers mulets. La république dont les fondements vien¬ nent d’être jettés, a befoin de travailleurs; ce font eux qui naiffent les premiers. A peine une cellule eft-elle finie, & fouvent elle n’eft pas encore à moitié élevée, qu’un oeuf de ver mulet y eft dépofé. Il en eft plus aifé à la mere, malgré fit groflèur, de mettre l’œuf près du fond delà cellule. De 14 à 1 y gâteaux renfermés fous une enveloppe commune, il n’y a quelquefois que les quatre à cinq derniers qui foient « n > compofés de cellules à fémelies* &de celles à mâles; ainfi avant que les fémelies & les mâles puiffent prendre l’effor, le guêpier s’eft peuple de plufieurs milliers de mulets. Mais les mulets qui naiffent les premiers, périment aufti les premiers. Quelque foin que j’aye apporté à bien cou¬ vrir mes ruches, je n’en ai pas trouvé un fcul en vie à la fin d’un Hiver doux; je les ai vu périr prefque tous dès ics premières gelées. Les anciens Naturaliftcs de qui nous des Insectes. VI. Mem. 1 9- pourrions tirer de bonnes obfervations, fi malheureufe- ment elies ne fe trouvoient confondues avec d’autres fou- vent plus qu’incertaines, ont auffi remarqué qu’il y a des guêpes qui ne vivent qu’un an, & d’autres qui en vivent deux. Ariftote appelle les premières Opérant; ce font au/fi nos laborieux mulets, & les autres Matrices, qui font nos femelles. Ces femelles plus fortes, & deftinées à perpétuer i’cf- pece, foûtiennent mieux l’Hiver: heureufement pour nous néantmoins qu’il en périt la plus grande partie, fans quoi nous ne pourrions avoir a/Tés de fruits pour nourrir ces infeéles li prodigicufement féconds. A peine à la fin de l’Hiver en étoit-il refté une douzaine en vie dans chaque ruche; plufieurs centaines y étoient mortes: peut-être pourtant y en eût-il eu un plus grand nombre de fauvées, fi les guêpiers eulfent été cachés fous terre, comme ils le font naturellement. Ces femelles qui ont foûtenu l’Hiver, font deftinées à conferver leur efpece. Chacune d’elles devient la fondatrice d’une république dont elle eft la mere dans le fens propre. Les établi/Tements qu’elles forment, font bien éloignésde nous être au/Ti utiles que ceux des mouches à miel ; ils ne nous font que nuifibles : nous ne pouvons pourtant nous empêcher de reconnoître qu’en eux-mêmes ils ont quel¬ que chofe de plus grand. Si la gloire eft connue parmi les infeéles, fi la folide gloire parmi eux, comme parmi nous, fe mefure par les difficultés furmontées pour venir à bout d’entreprifes utiles à leur efpece, chaque mere guêpe eft une héroïne à laquelle une mere abeille fi refpeétée de fes fujets, n’eft nullement comparable. Quand celle ci part de la ruche où elle eft née, pour devenir fouveraine ailleurs, elle eft accompagnée de plufieurs milliers d’ouvrières très-induftrieufes, très-iaboridbfes, & prêtes à exécuter 196 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE tous les ouvrages néceffaires au nouvel établifïèment; au lieu que la mere guêpe, qui n’a pas une feule ouvrière à fa difpofition, puifque nous avons vu que l’Hiver fait périr tous les mulets; au lieu, dis-je, que la mere guêpe entreprend feule de jetter les fondements de fa nouvelle république. C’efl à elle à trouver ou à creufer fous terre un trou, à y bâtir des cellules propres à recevoir fes oeufs, à nourrir les vers qui éclofent de ceux-ci. Mais fi elle eft Hâtée parle plaifir d’exécuter quelque chofe de grand, & lî elle prévoit le fuccès de fes travaux, elle doit être bien lbûtenuë par l’efpérance. Dès que quelques-uns des vers auxquels elle a donné naiffmee, fc feront transformés en mouches, elle fera fécondée par celles-ci dans les ouvrages tic toute efpcce. A mefure que le nombre des mulets croî¬ tra, ils multiplieront journellement le nombre des cellules où doivent être dépofés les œufs quelle eft preffée de pondre; ils fe chargeront des foins exigés par les vers qui en éclorront; ceux ci à leur tour deviendront ailés, & en état de travailler. Enfin, cette mere guêpe qui au Printemps fe trouvoit feule & fins habitation, qui feule étoit chargée rie tout faire, en Automne aura à ion fervice autant de mouches qu’en a la mere abeille d’une ruche très-peuplée, & aura pour domicile un édifice qui, par la quantité des ouvrages faits pour donner des logements commodes < 5 c à l’abri des injures de l’air, peut le difputer à la ruche la mieux fournie de gâteaux de cire. La preuve la moins équivoque & la plus fimple, que chaque guêpier foûterrain doit fon origine à une feule & même mere, comme nous venons de l’afTùrer; quelle étoit feule quand elle en a jetté les premiers fondements, feroit d’en avoir déterré un pendant qu’il n’avoit que quelques-unes des cellules du premier gâteau, & pour toutes mouches que la mere par laquelle je prétends que DES I N S E C T E S. VI. Mem. i 97 les premières cellules ont été bâties. Cette preuve me manque par rapport aux guêpiers dont je parle; mais dea guêpiers d’une autre efpece me l’ont fournie. L’analogie demande que nous jugions de l’origine des uns, fur ce que nous fçavons de celle des autres, 6c un concours d’autres preuves achevé de démontrer que nous le devons. Vers la fin d’Août, temps où les nouvelles meres font prêtes à naître dans les guêpiers, 6c où il peut y en avoir plufieurs de nées, je fis périr par l’odeur du loufre toutes les mouches d’un de ceux que je tenois en ruche. Après les avoir examinées une à une, je ne trouvai parmi elles que deux ou trois meres; 6c j’y en oufie trouvé plus de deux à trois cens, fi j’eulfe attendu quelques femaines ou un mois à faire cette cruelle opération. Il y a donc tout lieu de croire que deux des meres étoient fiirnumeraires, qu’elles ne s’étoient trans¬ formées que depuis peu de jours, 6c qu’une des trois étoit celle qui avoit donné naiffance à tant de milliers de mu¬ lets dont le guêpier étoit alors peuplé. Nous avons déjà dit plus d’une fois que les mulets pé¬ ri fient tous avant la fin de l’Hiver; il n’y a pas d’apparence qu’il y en ait quelques-uns qui pouffent leur vie plus loin. Dans les beaux jours du Printemps j’ai vil ordinairement voler des meres, lorfque j’ai cherché à en voir, 6c dans la même faifon, je n’ai jamais pu appercevoir un mulet: eux feuls pourtant feroient capables d’aider la mere dans fes travaux. Je ne fuis pas auffi certain qu’il n’y ait pas quelques mâles qui réfiftent à l’Hiver; mais ils feroient une foihle reffource pour la mere ; quoiqu’ils ne foient pas auffi pareffeux que les mâles des abeilles, ils ne paroiffent pas être au fait du travail le plus important, de celui de bâtir. Je n’en ai jamais vû aucun occupé à confiruire des cellules ou à fortifier l’enveloppe du guêpier, 6c je n’en ai jamais trouvé dans les guêpiers que vers la fin d’Août, B b iij- s M émoires pour l’Histoire lis ne s'employait, pour aind dire, qu’aux menus ouvrages, comme de tenir le guêpier net, d’en emporter les ordures, & fur tout les corps morts. Ces corps morts font de lourds fardeaux pour eux, & des plus pelants qu’ils avait à tranf- porter; deux mâles joignent quelquefois leurs forces pour en traîner un : cette befogne ne les regarde pourtant pas feuls, les mulets s en chargent aufli. Quand le cadavre paroît trop pelant à la mouche qui fe trouve feule, elle lui coupe la tête, & le tranfporte à deux fois. Si on vouloit fuppolêr que deux ou trois femelles s’ado- cient pour jetter enlêmbie les fondements d’un même nid, on n’imagineroit rien de propre â les fouiager chacune en particulier. Outre que ces alfociations entre femelles ne font nullement félon le génie des infeéles, c’clt qu’il n’y auroit rien à gagner pour elles que le plaifir d’être enfem- blc, & qui feul peut n’en être pas un. Chacune fuffit à peine à conftruire les premières cellules nécellaires pour loger fes propres œufs, & aux foins qu’exigent ces œufs & les vers qui en naiffent; elles feroient donc hors d’état de s’entraider, Sc pourraient s’embarralfer ; en cas qu’il y ait des places meilleures que les autres pour les œufs, cha¬ que merc voudrait les donner aux liens. Mais il y a des guêpiers qu’il ed bien plus facile de fui- vredès leur origine, que ceux qui font toujours cachés fous * Mem. 7. terre : ils ne font compofés quelquefois que d’un gâteau* a, pareillement grolfi ; c’elt par rapport à ce lien que la figure entière a été faite. On a voulu qu’elle donnât une idée plus julfe de la forme des liens, qu’on ne la peut prendre dans la figure 1 1. La Figure 1 3 fait voir encore un lien grolfi & attaché à une petite portion de gâteau. Ce dernier lien ell plus applati que celui de la figure 12. Ces liens plats & larges font en très-petit nombre. Planche XVII. Ltt Figure 1 ell celle d’une aile fùpérieure de guêpe, grandie à la loupe, vûë par-defiùs, & pliée comme elle l’elt iorfque la mouche ne s’en fert pas pour voler. Le bout de la partie ramenée en-delfous par le pli, efi en b. La partie a d b a, cil fimple, 6c la partie a c b a, ell double. Ddij 212 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE La Figure 2 fait voir par-deffous, l’aile qui eft vûë par- deffus clans la figure \ .ab d a, y marquent encore ce qui efi fimple, 6 c a d c a, la partie qui efi double. La Figure 3 montre l'aile des figures 1 6c 2 dépliée, comme elle l’eft lorfque la guêpe à qui elle appartient, vole. La Figure 4 eft celle d’une guêpe de Cayenne, dont le corps, le corcclct 6c les jambes l'ont d’une couleur de caffé peu brûlé, e, c, fes ailes inférieures, a, a, fes ailes fu- perieures; quoiqu’on ait écarté cellcs-ci du corps, on les a lailfé pliées. La Figure 5 repréfente la partie antérieure d’une guêpe, dont les ailes font coupées en a,a. Dans cette figure, beau¬ coup plus grande que nature, on s’eft propofé de rendre fenfibles les deux petites écailles r, r, au-delfous de cha¬ cune defquelles cil l’origine d’une aile. Chaque petite écaille doit être regardée comme un arrêt qui empêche l’aile dont il couvre une portion, de s’élever trop haut au- delfiis du corps de la guêpe. La Figure 6 fût voir très en grand tout le dclfus d’un anneau de guêpe, 6c partie de celui qui le luit, a a b b c c, l’anneau qui eft entièrement à découvert; d d c c, anneau dont une portion eft cachée fous celui qui précédé. La portion cachée eft femblable à la portion a a b b du pre¬ mier, qui eft graînée à grains fins,6c raie. La portion ddcc, qui, comme la portion c c b b de l’autre anneau, eft à découvert, a des poils qui ne font guère fenfibles, fi on ne les cherche avec la loupe. La Figure 7 eft celle d’une petite feuille de ce papier, de plufieurs defquelles miles les unes fur les autres, 6c les unes à côté des autres, l’enveloppe du guêpier, planche 14, figure 1 1, eft compofée. On a élargi les différentes bandes dont cette feuille eft faite, pour les rendre plus des Insectes. VI. Mem . 213 fenfiblês. La guêpe qui eft auprès de e, travaille à faire line nouvelle bande qui fera attachée à la bande h g. Elle a employé fa boule de filaments pour former le cordon a e, plus étroit que la bande //, mais que la guêpe élargira bien¬ tôt en le battant avec fes dents. Dans la Figure 8, on sert contenté de rcpréfenter une portion de la figure 7. Une partie de ce qui n’eft qu’un cordon a e dans cette dernière figure, a acquis dans la fig. 8 , la largeur d’une bande a e, Si la guêpe travaille à élar¬ gir la portion reliante de ce cordon en la prelfant entre les dents, en la tappant à diverfes reprifes. La Figure 9 repréfente une mere guêpe, très-groffie, qui étoit en pleine ponte, de delfus le corps de laquelle on a enlevé les anneaux écailleux pour mettre à découvert les files d’œufs dont il étoit rempli ; on ne voit dans fon intérieur que des œufs 0,0, Sic ./^fes derniers anneaux, i, le conduit des aliments, q, q deux pièces écailleufes qui le trouvent auprès de Ion anus, Si dont i’ufage m’elt in¬ connu. La Figure 10 fait voir plus en grand & plus difiinéle- ment les deux pièces q, q , de la figure 9. La Figure i i elt celle d’un ver qui doit devenir guêpe. La Figure 12 repréfente la tête d’un ver de guêpe par- défions, mais vûë prefque de face, Si grolfie au microlco- pe. Elle a été delfinée d’après celle d’un ver de ces guêpes dont les guêpiers, planche 25, n’ont point d’enveloppe, & font expofés à l’air. I, la lèvre fupérieure. p, p, deux cro¬ chets qui font la fonction de dents, e, e , deux autres dents plus grades Si plus courtes que les précédentes, n, la lèvre inférieure, m, m, mammelons qui accompagnent la lèvre inférieure. Dans la Fig. 1 3, la tête du ver de guêpe eft autant groiTie que danslafigure 12, Si vue par-deffus. f, f, deux ftigmates D d ii| 21* MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 'du premier anneau du corps, f deux enfoncements qui fc trouvent fur le crâne, i, i, les deux yeux. /, la lèvre liipé- rieure. p, p, e, e, quatre crochets qui font la fonction de dents, rn, n, m, les trois pièces dont cil compofée la lèvre inférieure. Les Figures iq., i 5 & 16 montrent toutes trois une nymphe de guêpe. Dans la figure 14., la nymphe efi vûë par-delfus, ou du côté du dos. Elle efi vûë par-dciïous dans îa figure 1 5, Si de côté dans la figure 1 6 ; mais dans cette dernière, elle efi; tirée en partie de fon enveloppe n m, fes jambes font écartées du corps, elle cfl: prête à paroître mouche. iif csn, . 6 de l Hzkftr ddf InoccfarTiTm à h r a/t*rsas rf Scuif? ; ■■ , PL 14 f’tUJ 1/4 yl /cm F$9-3- jfcg mmm £vt v - "*<' NS ^WrMSsBHr? y tui IR : ' v } wJ ¥ •>- £ \ "l'Jl HuuJS'ts-J 77 *5 ■p a>7 ■ 2 14 .Mem 6. Je IHu-tr des Insectes . Tctn.b . Hamrscu'ci Sc Maiâ.fsorJ Haussant ■ de /Hurt^des Insectes Ttmt ■ 6 ■ Fuj.J Metn f- 2 &. 3. Fig. 6. e e e» Fig. 10. p . Il 6 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 11’en eft pas plus régulièrement conftruite; elle eft aflesmal arrondie, & beaucoup plus large qu’épaifle. L’enveloppe du gâteau, les gâteaux eux-mêmes, les liens ou eolomnes qui les fufpendent, font faits de la même matière, c’eft-à-dire, d’une efpece de fort mauvais papier: il eft beaucoup plus épais que celui des guêpes fouterraines, & cependant bien plus aifé à cafter; loin d’être flexible, comme celui de ces autres mouches, ou comme le nôtre, il eft friable : il n’eft fait que de grains courts, d’une forte de fciûre de bois. Les frêlons ne fçavent pas réduire la matière qu’ils doivent employer, en longs filaments, ni la pétrir affés pour en faire une bonne pâte, ou peut-être plutôt ils le négligent, car la pâte qui compofe les liens, femble préparée avec plus clé foin que celle du refte, elle eft plus fine & a plus de corps. La couleur de ce papier tire fur le feuille-morte; elle eft d’un jaunâtre qu’ont alfés fou- vent des poudres d’un bois à moitié pourri ; il ferhble auflî que du bois en cet état foit mis en œuvre par ces mouches. Dans les mois de Septembre & d’Oéîobre, j’ai fouvent été déterminé à regarder ce qui fe pafloit dans certains frênes, fous lefquels je marchois, par le bourdonnement qui frappoit mes oreilles; c’étoit celui d’un bon nombre de frêlons qui fe rendoient fur les branches de l’arbre, qui Voltigeoient autour ou qui en partoient: ils y venoient pour ronger l’écorce. Je trouvois une grande partie des menues branches à qui elle avoit été ôtée en divers en¬ droits fur une étendue quelquefois d’un ou deux, & quel¬ quefois de quatre à cinq pouces, tantôt fur toute leur circonférence, & tantôt fur plus ou moins d’une moitié. J’ignore fi les frêlons y étoient venu prendre de l’écorce pour la mettre en œuvre, ou s’ils ne l’avoient enlevée que pour fuccer la fève quelle contenoit, ou celle qui ctoit épanchée entre ccttc écorce & le bois. Des endroits nouvellement des Insectes. VIL Mem. 217 nouvellement rongés, il s’écouloit une liqueur claire que je goûtai & trouvai fucrée, qui pourroit bien être agréa¬ ble à ces mouches. Une obfervation d’un autre genre, & à laquelle je ne trouverais pas ailleurs fa place, c’eft que l'écorce des environs des endroits rongés depuis quelques jours, étoit intérieurement d’un beau violet; niais j’ai fait des tentatives inutiles pour en extraire cette couleur. Nos frelons femblent fçavoir que la matière dont leur guêpier doit être fait, ne réfifteroit pas à de grandes pluyes ni à de forts vents; ils le conftruifent à l’abri, & dans des endroits où l’eau pénétre plus difficilement que dans des trous qui n’ont qu’une voûte de terre. Ils les logent quel¬ quefois dans des greniers, quelquefois dans des trous qu’ils ont découverts dans de vieux murs, & qu’ils ont pu aifé- ment aggrandir, parce que les pierres 11’y étoient liées qu’avec de la terre. Mais le plus fouvent ils bâtiffient dans de gros troncs d’arbres dont l’intérieur eft pourri. Là, ils parviennent facilement à faire une grande cavité, ils déta¬ chent fans trop de peine, des fragments d’un bois prêta tomber en pouffiére. Le trou qui eft la porte pour arriver, n’a fouvent qu’un pouce de diamètre; la quantité d’eau de pluye qui y peut entrer eft petite, & celle qui pénétre dans l’arbre, defeend dans le fond de la cavité, fans fuivre le chemin tortueux qui conduit au nid. La groffieur des frêlons leur donne une grande fupc- riorité fur la plupart des mouches qu’ils attaquent ; mais ce qui fauve beaucoup de celles-ci, & en particulier beaucoup d’abeilles, c’elt que le vol des frêlons eft un peu lourd. Il eft accompagné d’un bourdonnement qui nous les rend plus redoutables: ils ne cherchent pourtant à faire aucun mal aux hommes qui ne les inquiètent pas; mais malheur à ceux qui s’avifent de les irriter. Dom Allou Chartreux, Tome VL Ee * PI. j 8. 6 . 2l8 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE dont j’ai eu occafion de louer le goût &: les talents pour obferver les infectes, m’a aflïiré qu’ayant imprudemment troublé des frelons dans leur nid, lapiquûre que lui fit un de ceux qui fortirent en furie pour fe jetter fur lui, lui ôta prefqiie la connoifTance & l’ufage des jambes : ce ne fut qu’à grande peine qu’il fe rendit à fon Couvent, où il eut la fièvre pendant deux à trois jours. Les fuites île leurs piquûres 11e font pas toujours auffi fàchcufes. D’ailleurs, il y a des faifons, & même des heures en toute fiaifon, où on peut les approcher avec moins de rifque que les guêpes. Dans le moisd’Oétobre je parvins le foir à faire tranfporter du grenier d’un de mes amis, dans le mien, un très-gros nid compofé de dix gâteaux, & qui étoit bien fourni de frelons, fans qu’il en arrivât mal à qui que ce fût. Dans les jours fuivants, ils ne trouvèrent jamais mauvais que je les obfervaffe, de quelque près que je le fifie. Ils ne font guère à redouter que lorfqu’il fait fort chaud ; la chaleur qui les anime, femble les rendre coleres : dans d’autres temps, & même dans des jours du mois d’Août, je les ai trouvé pacifiques au-delà de ce que je l’euffe imaginé, fig. J’ai eu auprès de ma fenêtre un nid * que j’y avois atta¬ ché, après l’avoir enlevé du lieu où il avoit été bâti ; il étoit encore bien éloigné d’être auffi grand qu’il devoit le devenir, il n’étoit encore compofé que d’un petit g⬠teau, & habité feulement par cinq frêlons: fouvent j’en inquiétois un avec un brin de bois affés court, je l’obli- geois à changer de place; & jamais il n’efl arrivé à celui qui a été agacé, de fe mettre d’affés mauvaife humeur pour voler vers moi en intention de me piquer. Quelques cellu¬ les de ce nid contenoient des nymphes qui s’y transformè¬ rent en frêlons, ceux-ci me parurent encore plus pacifiques que les anciens; j’avois peine à les déterminer à partir de •■«ieffus les gâteaux. des Insectes. VIL Mcm. 2 19 Le vrai eft que la triftelfe fembloit régner dans le nid dont je parle; au moins le découragement y étoit il gé¬ néral : il y alloit non feulement au point que les frelons ne tfavailloient, ni à étendre, ni à réparer le nid, ils ne daignoient pas même nourrir les vers qui étoient dans les ceiiules, ils les lailfoient périr de faim. La caufe d'une telle inaétion m’a appris que les guêpes de la plus grande efpece, Si me fait juger que celles des efpeces plus petites, ont pour la mere à laquelle elles doivent leur nailfance, la même affeéïion que les mouches à miel ont pour leur reine ; que de même elles ne travaillent que dans la vue d’une nombreufe pollérité. La mere frêlon manquoit au nid en queftion ; quand je le tirai du lieu où il avoit été confinait, elle étoit apparemment abfente, ou elle l’aban¬ donna dans ce moment, 6 e il lui fut enfuite impoflible de le retrouver. Ce même nid m’a encore fourni une des preuves qui m’ont convaincu que les plus grands guêpiers Si les plus peuplés ont été commencés par une iêule femelle qui efi devenue dans quelques mois la mere d’un nombre prodi¬ gieux de mouches. Entre deux pierres de la tablette d’un vieux mur de terrafle, je remarquai un trou dans lequel un frelon entroit. Si d’où il fortoit plufieurs fois chaque jour : je fis lever une des pierres. Si je vis qu’une petite portion de l’enveloppe du nid, en forme de cloche, étoit déjà faite. En dehors, du fommet de fa convexité par- toit un lien * ou un pilier dont le bout fupérieur étoit Lien foIidement collé contre la furface inférieure d’une pierre. Dans la cavité de l’enveloppe, il y avoit quatre à cinq cellules qui étoient les premières du premier gâteau. Je craignis de caufer trop de dérangement, fi je clégra- dois les environs au point qui eût été nécefiaire pour me mettre à portée de yoir les œufs que je foupçonnois dans Ee ij PI. i S. fig. . c. 220 MEMOIRES POUR L’HrSTOIRE ces cellules: je remis même bien-tôt les pierres dans leur premier état, & je n’y retouchai qu’au bout de trois fe- inaines; ce fut alors que je trouvai dans le nid cinq frê- *PI. 1 8. #2 Ions, & que je vis le premier gâteau * entièrement fini. ss ’ Ce fut auffi alors que j otai ce nid de place, 6c que je le pofai au grand jour en dehors de ma fenêtre: j’y parvins fans perdre aucun des cinq frelons; mais aucun d’eux n’é- toit la mere. Quoique le Soleil fut prêt à le coucher lorf- que je fis l’opération, elle étoit apparemment abfente; 6c faute de l’avoir eue, je fus privé du plaifir que je m’étois promis, de voir croître ce nid journellement fous mes yeux. Mais, comme je lai déjà dit, les frelons fe logent plus ordinairement dans des troncs d’arbres; ils fçavent con- ïioître ceux dont l’intérieur efl pourri, & j’en ai vu d’oc¬ cupés à jetter continuellement de la fciûre qu’ils fe trotr- voient dans la néceffité d’enlever pour faire une cavité capable de contenir leur guêpier. Tel arbre dont l’inté¬ rieur efl prêt à tomber en pourriture, a immédiatement au-deffous de l'écorce, du bois très-fain 6c très-dur: quel¬ quefois les frêlons percent dans ce bois fain le trou qui conduit à l’intérieur; mais comme le travail efl rude, alors ils ne donnent guère plus de diamètre au trou qu’il lui cil faut pour qu’un des plus gros d’entr’eux y puiffe paffer librement. J’en ai obfervé pendant qu’ils travailloient à aggrandir le trou ouvert dans du bois fain. Au refie, les frêlons paffent leur vie dans les troncs d’ar¬ bres, comme paffent la leur fous terre les guêpes dont nous avons détaillé les occupations dans le Mémoire précédent; les leurs font précifément les mêmes : comme les guêpes foûterraincs, ils ont pour objet effentiel de conflruire des cellules ou logements aux vers qui doivent naître des œufs pondus journellement par la mere, 6c de nourrir ces vers I des Insectes. VIL Mem. 221 en leur donnant la becquée à différentes heures du jour. J’en ai vû plus d’une fois qui rentroient chés eux chargés d’une de ces grolfes mouches bleues, contre les œufs def- quelles nous avons peine à garder la viande en E té. Il y a parmi eux, comme parmi les autres guêpes, trois fortes de mouches, des fémelles, des mâles & des mulets, ou de celles qui ne naiffent que pour le travail. Les premières furpaffent peu les mâles en grandeur, mais elles font fen- fiblement plus grandes que les mulets, quoiqu’il n’y ait pas autant de différence entre leur taille & celle de ceux- ci, qu’il y en a entre la taille des mâles & celle des mulets des guêpiers fouterrains. Les meres, comme les mulets, font armées d’aiguillon, & les mâles en font dépourvus, ainfi que le veut la règle générale. La figure de la partie qui a été accordée à ceux-ci pour porter la fécondation dans les œufs des fémelles, n’a pas été prife fur le modèle de la partie analogue des mâles des guêpes fouterraines qui cfl faite en cuillier; la partie pro¬ pre aux mâles des frêlons, n’eff qu’un tuyau écailleux 15 , placé entre les deux branches * d’une pince écailleufe: il efl peu renflé vers fon milieu: il le termine par deux crochets courts & moufles, entre lcfquels efl une ouver¬ ture où une petite épingle entreroit aifément. Si on prefle la bafe du canal, on fait fortir par l’ouverture une goutte d’une liqueur blanche qui a la confiflance d’une bouillie claire. Jufqu’au mois de Septembre le guêpier n’a que la feule mere par laquelle il a été commencé, & n’a aucun mâle. Les gâteaux compofés de cellules propres à loger les vers qui doivent devenir des fémelles, & ceux qui doivent de¬ venir des mâles, font les derniers conflruits. Les vers des trois fortes tapiffent de loye leur logement lorlqu’ils le du¬ paient à la transformation,& le bouchent d’un couvercle E e üj * PI. I 8. fg,- 4- & î- S- */,/. * PI. 18 . fig io. c, c, c. 222 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE de foye. Celui qui ferme une cellule de mâle * ou une cel- ^ Iule de fémelle, eft une calotte fphérique qui fe trouve en entier en dehors de la cellule, &qui, par confequent, en augmente affés confidérablement la capacité. Ce n’efl que dans le mois de Septembre 6c dans le commencement d’Oétobre, que de jeunes femelles 6c de jeunes mâles quittent leur état de nymphe. Toutes les mouches de ces deux fortes, 6c celles de la troifiéme, qui ne pourraient .paraître hors des gâteaux que vers le commencement de Novembre, font ordinairement miles à mort avant la fin tl’Oélobre, fur-tout fi les froids ont commencé à fe faire fentir. Les frelons au lieu de continuer à nourrir les vers, ne s’occupent alors qu’à les arracher de leurs cellules, 6c à les jetter hors du nid; ils ne font pas plus de grâce aux nymphes. Les mulets & les mâles périffent eux-mêmes journellement, de forte qu’à la fin de l’Hiver il ne refie que des femelles. Diverfes efpeces de guêpes ne cherchent point, comme les frelons 6c comme les premières dont nous avons parlé, à mettre leur nid à couvert : elles donnent à celui quelles conflruifènt, une enveloppe qui fe foûtient contre les in¬ jures de l’air, & qui défend affés les gâteaux quelle ren- * ATém. de ferme. J 'ai cité ailleurs * un guêpier qui fut apporté à l’Academie, l’Académie par l’illuflre M. Varignon, 6c qui avoit été uj.6. détaché d’une branche d arbre, dont la forme étoit agréa- * PI. 19 .fig. b!e& finguliére. Son enveloppe* reffcmbloit afTés bien à i.aa a. unerofe à mille feuilles, qui ne commence qu’à s’épanouir. Elle ne furpaffoit pas beaucoup une rofe en grofTeur, 6c étoit de même compofée de plufieurs feuillets appliqués les uns fur les autres, à qui il ne manquoit qu’une belle couleur : la leur étoit la même que celle des guêpiers foûter- rains; ils étoient d’un papier fémblahlc au papier de ceux- ci, mais probablement un peu plus difficile à pénétrer à des Insectes. VIL Mem. 223 l’eau : au moins au moyen du grand nombre des feuillets qui laiftoient entr’eux des intervalles, les extérieurs pou- voient être mouillés fans qtie les intérieurs le fuffent. Deux gâteaux *, autour defquels il reftoit beaucoup de vuide, étoient logés fous cette enveloppe. Aldrovande a fait graver deux defleins d’un guêpier dont la forme avoit encore quelque chofe de plus fm- gulier que celle du précédent : il étoit fait précifément comme une petite bouteille à long col ; le trou du goulot donnoit entrée aux guêpes. Ce joli nid avoit été trouvé attaché à une plante potagère. Du relie, fa conftruélion & fa matière étoient lèmblablcs à celles du petit guêpier en rofe; & peut-être que fi ce dernier n’eût pas été tiré de fa place avant que l’ouvrage des guêpes qui l’babitoient eût cté complet, elles lui enflent auffi fait un col qui l’eût rendu femblable à une bouteille. Si nous jugeons de la perfe&ion des ouvrages des in- fcéies par le degré de reflemblance qu’ils ont avec quel¬ ques-uns des nôtres, ces différents guêpiers de nos guê¬ pes d’Europe, que nous avons trouvé fi induftrieufement conflruits, loûtiendront mal la comparaifon que nous en allons faire avec ceux d’une elpece de guêpes de l’Améri¬ que; ils 11e nous paraîtront plus que des ouvrages greffiers, & dont les ouvrières font fort inférieures en adrefle & en génie aux mouches qui bâtiflent les autres. L’enveloppe de ceux-ci eft une efpecede vafe affesfolidepour foûtenir une forte preflion de la main, fait en forme de cloche allongée *, dont l’ouverture ferait fermée. Ce ne ferait pas affés de dire que cette efpece de vafe paraît être de carton, il en eft réellement, & d’un carton qui ne le cede en rien au plus beau, au plus blanc, au plus fort que nous fçaehions faire. Qu’on remette ce vafe entre les mains d’un de nos ouvriers en carton, fans lui dire par qui il a été fabriqué^ * pi. 19. fi»,. 2 . g, //. * PI. 20 & 24. 22 4 MEMOIRES POUR L’HïSTOIRE il aura beau le tourner & le retourner, le manier, l’examiner en tout fens, le déchirer, il ne lui viendra jamais dans i’efprit de foupçonner qu’il ptrifie avoir été fait par quel¬ qu’un qui n’efi pas de fa profêfiion. Dans le Mémoire fur les guêpes publié en 1719, j’ai parlé de ces guêpiers admirables: je n’en avois encore vu alors qu’un feul; depuis j’en ai vû plufieurs autres, & j’en ai eu quelques-uns en ma pofieffion, ce qui m’a mis en état de les mieux étudier, & de faire des remarques qui m’avoient échappé. Les environs de Cayenne font un des pays de l’Amérique, & apparemment ne font pas le feul pays de cette partie du monde où on les trouve: ils relient expofés à toutes les injures de l’air, ils font fuljaendus par * Pi. 20. fïg. leur partie fupérieure * &. la plus menue à une branche d’ar¬ bre. Au bout de cette partie eft une efpcce de long anneau, ou, plus exaélement, un tuyau long de deux ou trois pou¬ ces, dans lequel pafle une branche plus grofle que le doigt ; la branche a été le noyau fur lequel le tuyau a été coni- iruit & fixé. Depuis le bout fupérieur julqu’à l’inférieur, le diamètre du nid va en augmentant, mais ce n’efi pas toujours dans la même proportion : il y a probablement de l’arbitraire dans ceci; mais ou il n’y en a pas, c’efique cette efpece de boîte de carton, de figure conique, cil * pi. 20 & fermée par embas; elle a un fond * de même matière que hs ‘ *' le refie des parois, convexe en-dehors, & qui s’allonge plus qu’ailieurs à fon milieu, ou à quelque diftance du milieu. Ce fond efi fait en pavillon d’entonnoir d’une figure un * p. peu irrégulière. Le trou * qui efi à fa partie la plus bafic, n’efi pas ordinairement dans l’axe; il a environ cinq lignes de diamètre: c’eft la feule & unique porte qui donne em trée aux mouches dans le guêpier; elle leur fuffit, & la petitefle la rend plus facile à garder contre les infeétes ennemis qui voudroient pénétrer dans l’intérieur. On des Insectes. VIL Mem. 225 On penfe fans cloute que cet intérieur mérite d’être \û: il efl occupé en partie, comme celui des autres guêpiers, par des gâteaux clifpofés par étages *. J’en ai compte onze * PL 22 & dans le guêpier dont j’ai parle anciennement : il peut s’en 23 ‘ '* trouver quelques-uns de plus dans d’autres. Comme les gâteaux des frelons & des guêpes foûterraines, ils font rem¬ plis de cellules exagones, & feulement fur leur face infé¬ rieure*. Le relie de l’architeélurede nos.failéulés de carton * pj. 22i ^ ou eartonniéres, cil d’ailleurs différent de l’architeélurede 3 - h h - celles qui ne font que du fimple papier. Les gâteaux des pre¬ mières 11e font point prefque plats comme le font ceux des autres, ils font convexes en-deffous * comme feft la pièce * pi. 23.%. que nous avons déjà décrite, & qui fert à fermer la boite h> dans laquelle ils font logés: leur delfus efl concave 6c 0 lilfe ; on apperçoit à peine en quelques endroits les im- prelfions des bafes des cellules*. Ces gâteaux ne tiennent * Fig. \ .bb. point les uns aux autres, il 11’y a point de eolomnade pla¬ cée dans les intervalles qui refient entr’eux, ces efpaces font entièrement libres; chaque gâteau efl une efpece de diaphragme dont tout le contour efl folidementfixé contre les parois de la boîte *: l’union de chaque gâteau avec la * Fig. 1. boîte, efl fi parfaite qu’il femble que le guêpier entier ait été fait d’une pâte fluide jettée en moule, & que la boîte &les gâteaux foient venus du même jet. Il fuit de la description précédente, que les guêpes ne trouvent pas de paffage pour aller d’un gâteau à l’autre, entre la circonférence de ceux-ci & les parois de la boîte. Il falloit pourtant des portes de communication, & elles ne manquent pas d’en réferver une à chaque gâteau *, qui * Fig. t. j>, efl femblable à celle de la pièce qui ferme le guêpier par ° x ’ £ 1 ’ u " embas, & femblablement placée; elle l’eft dans l’endroit 011 le gâteau a le plus de convexité, dans la partie la plus baffe du pavillon d’entonnoir. Les trous ou portes 11e font pas Tome VI. F f 22Ô MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE allignées immédiatement les unes au-defTous des autres, celle d’un gâteau des plus élevés fe trouve quelquefois dans l’axe du guêpier, &la porte du dernier elt fouvent moins proche de cet axe que des parois. Les autres trous font dans des éloignements moyens entre les précédents. Les gâteaux des frelons & ceux des guêpes foûterraincs, ne font précifément que des plaques faites de cellules égale¬ ment profondes, miles les unes auprès des autres. Pour ces fortes de guêpes, conltruire des gâteaux ou des cellules, c’efl la même chofe. Il n’en eft pas de même par rapport à * PI. 23. fig. nos cartonniéres, elles font d’abord une feuille de carton * 1 • k ï k - auffi épaifîe au moins qu'un petit écu, & de figure conve¬ nable: c’elt enfuitefur cette feuille, fur ce gâteau qui étoit line table raie, qu elles bâtiffent des cellules les unes auprès * m, n. des autres *. La feule raifon qui les engage à conduire ainfi leur travail, 11e femble pas être celle de faire des ouvrages plus folides; elles parodient vouloir que les cellules, ou plu¬ tôt que les œufs qui leur doivent être confiés, 6 c que les vers qui y doivent croître, nefoient aucunement expofés aux impreffions de l’air extérieur: peut-être convient-il que le lieu où ils font placés, ne puiffe pas être refroidi par une trop libre circulation de cet air. Les nids des frêlons, 6 c ceux des guêpes foûterraines, ne font renfermés de toutes parts, que lorfqu’ils font finis; dans les temps qui précédent, * PI. 18.fig. l’enveloppe eft une efpecede cloche* plus ou moins lon¬ gue, & plus ou moins ouverte. Les vers n’y font pourtant pas expofés aux injures de l’air, parce que chaque nid eft à couvert, 6 c fouvent logé dans un trou. Nos guêpes de Cayenne, qui aiment à fufpendre leurs guêpiers à des bran¬ ches, fçavent tenir les cellules dans une boîte qui eft toû- jours clofe; mais pour cela il falloit que leurs cellules ne - fuffent bâties que fur des gâteaux déjà conftruits. Pour entendre ce que leur pratique a d’ingénieux ôc de néceffaire des Insectes. VIL Mem. 227 en même temps, il faut fçavoir qu’un de leurs guêpiers, quelque court qu’il foit , quoiqu’il n’ait encore que deux ou trois gâteaux, eft fermé * comme celui qui en a dix à onze, * pi. par une pièce lifTe*. Dans le court guêpier, cette pièce '■ du fond doit devenir une pièce intermédiaire, un des gâ- * I teaux intérieurs & qui fera rempli de cellules. Confidérons des guêpes qui veulent augmenter le nombre des gâteaux de leur guêpier, elles prolongeront la boîte de carton , elles la feront defeendre par-delà la pièce qui en fait le fond*; * PI. 2.3. üg. contre le bord inférieur de la partie qui a été prolongée, K q k ‘ elles commenceront par former & attacher le contour d’une nouvelle pièce femblable à celle qui, jufque-là, a été lefond. Quand lanouvellepiéce*ferafinie,l’ancien fond* *fp/ fe trouvera renfermé dans le guêpier, comme les premiers * a q a. gâteaux, & en deviendra un nouveau lorfque des cellules * * m , n. auront été bâties fur fa furface inférieure: c’efl ainfi que le nombre des gâteaux eft multiplié, fans que les cellules fe trouvent jamais à découvert. Quand j’aurois été à portée de voir travailler nos guêpes induftrieuies, je ne pourrois établir que l’ordre dans lequel elles font leur ouvrage, eft celui que je viens d’expliquer, par une meilleure preuve que celle que m’ont fournie piufieurs des guêpiers que j’ai ouverts. Le dernier gâteau * * PI. 22. % de quelques-uns, étoit, comme ceux qui leprécédôient, 1 h/l ‘ tout coifvert de cellules en-deffous : les cellules man- quoient aux environs de la porte du dernier gâteau d’un autre guêpier * : le dernier gâteau de quelques autres,* PI. 21.fig. n’avoit pas la moitié des cellules qu’il devoit avoir par la l " èh ' fuite, plus de la moitié de fa furface inférieure étoit encore lifTe&polie. Enfin,dans quelques autres guêpiers, ce gâteau n’avoit encore que quelques petites plaques de cellules réu¬ nies*. Ce font ordinairement lesplus prochesde la circon- * pi. 23. 6$. férence du gâteau que les guêpes bâtiffent les premières. *• m > ”• Ff ij 228 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE Ces cellules font plus petites que celles des guêpes fou- terraines. Nous avons dit quefept de ces dernières occu- poient une longueur d’un pouce & demi: la même lon¬ gueur ne peut être remplie que par plus de neuf des au¬ tres; ainfi le pouce Si demi quarré qui ne contient que 49 des grandes cellules, en contiendra au moins 8 i , Si peut-être plus de 90 des petites. De-là, il cft ailé de juger que les guêpiers de carton ne le cedent pas aux plus grands guêpiers de papier, en nombre de cellules, ni en nom¬ bre de mouches. La petiteffe des cellules doit encore faire juger que les guêpes qui y prennent leur accroiffement, font inferieures en grandeur à celles qui croiffent dans des logements plus fpacieux; d’ailleurs, il y a des guêpiers dont la capacité furpaffe celle des plus grands de cette efpcce que j’ai fait graver. M. Barrere dans fon efïai fur l’Hiftoire ?r. en naturelle de la France équinoxiale *, aflaire en avoir vu qui ' c/ies avoient près d’un pied & demi de longueur. Ç’a été inutilement que j’ai cherché de ces petites, mais très-induffiieufes mouches, dans les nids que j’ai eu occafion d’ouvrir. Mais la curiofité que j’avois d’en voir quelques-unes, a été fatisfaite par les foins tic M. du Hamel, qui pria un Officier des Vaiffcaux du Roy, prêt à partir pour Cayenne, d’en apporter: il l’a fait avec toutes les précautions qu’on pouvoit defirer, il les a miles dans de l’eau-de-vie où du fucre étoit diffous, qui effila liqueur que j’indique depuis long temps comme la plus propre que j’ayc trouvée pour bien confervèr les infectes. Des guêpes cartonniéres me font parvenues très-bien conditionnées. Si prcfque auffi en état d’être examinées, que fi je lescuffe prifes moi-même vivantes auprès de leur guêpier. J’ai même reçu plus que je n’cuffic ofé demander: l’analogie portoit à croire que les guêpiers de carton étoient habités par trois fortes de mouches, au moins dans certains temps. des Insectes. VII. Mcm. 229 Si j’cn ai trouve au/fi de trois fortes parmi celles qui me l'ont parvenues, qui different entr’elles en grandeur. Les plus grandes de toutes *, beaucoup plus petites que nos *PI. 20. fig, guêpes les plus communes, l'ont les males, ce qui efl prou- 3 * vé, parce quelles l’ont dépourvues d’aiguillon , quoique les guêpes des deux autres I'ortes, les femelles *, & celles qu’on * Fig. 2. peut appeller les mulets ou les ouvrières *, en ayent un. * Fig. Les unes & les autres ont probablement des temps où elles cherchent peu à en faire ufage, & d’autres où elles s’en fer¬ vent volontiers pour piquer. M. Barrcre ne les a vues appa¬ remment que dans ceux où elles l'ont douces & bénignes, car il les qualifie de i’épithéte innoxiœ. Et M. Arthur actuellement Médecin du Roy à Cayenne, comme l’a été autrefois M. Barrere, qui peut les avoir vues dans des temps où elles ne font pas traitables, m’a écrit qu’on 11e s’approche guéres impunément des lieux où elles le font cantonnées. Si qu’on les fuit plus que lesferpcjis mêmes. Ce qui aide le plus à faire reconnoître les males, c’eftque lorlqu’on leur preffe le derrière, on en frit fortir une el- pece de pince * à deux branches, dont l’une efl à droite * PI. 21.fig. & l'autre à gauche: ces branches font écaillculès, convexes L > bt en-dehors Si concaves en-dedans, où elles font remplies par des chairs plus ou moins gonflées, félon que la preffion a été plus ou moins forte; chacune d’elles efl terminée par une efpece d’épine *. Cette pince efl fins doute défit- * e, e, née à mettre le mâle en état de s’emparer de la fémelle en faififfant fa partie poftéricure. Enfin, précifément au milieu de la pince, on voit très-diflinclement une tige blanche *, charnue, ou au plus cartilagincufe, prèfque * g. auffi longue que la pince même, & qui s’évafe près de fon bout en cuilleron peu différent par fa figure de celui qui termine la partie propre aux mâles des guêpes foûter- raines. La tige a une courte fente, oblonguc, qui s’ouvre E f iij SJ 2^0 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE dans le cuilleron, & qui femble être l’ouverture propre à laiffer fortir la liqueur qui rend les œufs féconds. Le fond de la couleur de ces mâles efl un brun qui tire fur le noir, mais on leur trouve auffi du jaune, couleur qui efl prelque affectée aux guêpes : tous les anneaux de leur corps en font bordés à leur contour poflérieur & fupérieur. Ce jaune efl plus foible fur les deux autres lortes de mou¬ ches : à peine en ai-je apperçû des filets aux ouvrières ou *PI. 20, fig. mulets *, & je 11’en ai point vu aux femelles; peut-être 4 ' a-t-il été effacé par la liqueur dans laquelle elles ont lé- journé. Les guêpes que je regarde comme analogues aux mulets, ou aux ouvrières des autres guêpiers, font plus petites que les fémelles. Ce n’eft pourtant pas par la grandeur que celles-ci different le plus de celles-là; c’eft fur-tout par la forme de leur corps, qui même efl différente de celle des guêpes fémelles des autres efpeces que je comtois. La différence efl dans le bout du corps qui fè termine par une eljtece de longue queue écailleu- PI. 21. fig. f c * ; C ette queue femble d’une feule pièce ; mais quand on 3 -1 r f- l’examine à la loupe, & quand on preffe le dernier anneau pour obliger les parties dont elle peut être contpofée, à fe féparer, on voit que trois pièces diflinéles contribuent * Fig. 2. <7. à la former, une fupérieure *, plus groffe feule que les deux autres enfemble, mais un peu plus courte, & deux *//• inférieures * égales entr’elles, & qui étant appliquées l’une contre l’autre, paroiffent n’en faire qu’une: c’efl entre ces trois pièces que l’aiguillon efl placé. Au refte, j’imagine qu’elles trois enfemble compofcnt le conduit par lequel paffe l’œuf que la mouche doit dépofer au fond d’une cellule, & qu’au moyen de cette efpece de queue, elle l’y porte Si place plus aifément.- Il y a toute apparence que parmi ces guêpes, com¬ me parmi celles de notre pays, les mulets & les mères des Insectes. VIL Mem. 231 travaillent à la conftruétion du guêpier, mais que c’cft un ouvrage que les mâles ne fçavent pas faire, 6 c auquel ils 11e font pas propres. Ma conjecture eft fondée fur ce que les jambes cle la troifiéme paire des femelles, & les pareilles jambes des mulets, ont dans leur ftruéture une fmgularité que n’ont pas les jambes de la troifiéme paire des mâles. La fécondé partie de chacune des jambes dont nous par¬ lons, eft d’une groffeur prodigieufe dans les mulets 6 c dans les femelles* en comparaifon de la partie qui la précédé, &de celles qui lafuivent. Elle a la figure d’une lentille un peu oblongue *, ou d’un ellipfoïde applati. Cette partie a bien l’air d’être nécefîaire à ces deux fortes de guêpes, lorfqu’elles travaillent le carton, Ne leur ferviroit-elle point à le battre lorfqu’il eft encore en pâte, ou peut-être à le liffer! Elle eft propre à l’un 6 c à l’autre. Une moitié de la circonférence de cette efpece de lentille eft bordée de blanc; l’autre moitié de fa circonférence a deux rangées de petits piquants, entre lefquelles eft une couliffe où fe couche la troifiéme partie de la jambe, quand la jambe n’eft pas étenduë. Dans la même liqueur dans laquelle on a envoyé des trois différentes fortes de guêpes canonnières, on a eu l’attention d’envoyer auffi des vers qui, par la fuite, fe transforment en ces mouches * ; ils font blancs, 6c pour i’cffentiel, femblables à ceux des guêpes de notre pays. Quand ils ont pris tout leur accroiffement, chacun d’eux, comme chacun des autres, tapiffe fa cellule de foye, & en bouche l’ouverture avec un couvercle auffi de foye. Les guêpes de l’Amérique vont fans doute arracher fur des bois communs danslepays qu’elles habitent, les fibres dont elles compofent leur beau 6c folide carton : ce n’eft que là quelles peuvent fe fournir des filaments qui y font propres ; car leurs ouvrages ne different pas pour le fond* * PUi.fig. 3 - l- * PI. 23.6g. 2 & 3. 232 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE de ceux de nos guêpes, ils n’en différent que par des per¬ fections qui ne doivent pas être uniquement attribuées à l’adreffedes ouvrières; elles font dues en partie à la qualité des matières que ces ouvrières fçavent choifir. Celles-ci nous donnent une importante leçon en nous apprenant qu’on peut faire du papier de la qualité du nôtre, avec des fibres (le plantes, qui n’ont pas paffé par l’état de linge & de chiffon: elles l'emblent nous inviter à eflayer li nous ne pourrions pas parvenir à faire de beau & bon papier, en employant immédiatement certains bois. Si nous en avions de pareils à ceux que les guêpes de Cayenne mettent en œuvre, nous pourrions en compofêr un papier très-blanc, & qui auroit du corps. Les bois blancs font probablement les premiers fur lefquels il conviendroit de faire des eiïais. Si enfin nous 11e pouvions trouver chés nous des bois qui nous fatisfiffent entièrement, il 11c feroit pas difficile de découvrir ceux qui font à l’ufage des guêpes de Cayenne; c’efl ce qu’un Obfervateur attentif parviendroit à fçavoir bien-tôt. Enfin, on pourroit faire venir de Cayenne de ces bois, fans craindre que les frais du tranfport les ren- diffent trop chers. Si on y trouvoit affés de chiffons pour en charger des vaiffeaux, ce feroit un commerce qu’on ne manqueroit pas de faire, &. qu’on regarderoit comme extrêmement avantageux; pourquoi donc ne le feroit-il pas de charger des vaiffeaux d’un bois qui pourroit être fubflitué aux chiffons î Le papier eft devenu une de nos marchandifes les plus importantes, & qui fournit à de très-grandes branches de notre commerce. C’eft une marchandife dont la confommation va tous les jours en augmentant, & dont nous ne fommes pas maîtres d’aug¬ menter la quantité à volonté, tant qu’on le fera, comme on l’a fait jufqu’ici ; car nous 11e fommes pas maîtres d’avoir autant de la matière dont on le fabrique, que nous en des Insectes. VIL Aletn. 233 en pourrions vouloir. Ç’a été affûrément une belle décou¬ verte, que celle d’avoir trouvé le moyen de convertir en un papier qui nous efi fi utile, des chiffons, des haillons qui avoient été abandonnés à la pourriture pendant tant de fiécles, & dont il ne fembloit pas qu’on dût jamais tenir compte : on a rendu ces chiffons précieux ; des hommes paffent leur vie à en ramaffer & à les raffembler pour les vendre à d’autres hommes qui fçavent les mettre en œuvre avantageufement pour nous. Mais enfin, la quantité de ces chiffons efi proportionnée à la quantité du linge qui s’ufe annuellement : on les cherche avec tant de foin dans les villes dedans les campagnes, qu’on efi parvenu à en laiffer perdre très-peu. Dans les grandes villes, des chiffonniers s’occupent journellement à tirer des tas d’ordures, ceux qui font jettésdans les rues; de à la campagne, lespaiïannes confervent les leurs, parce quelles fçavent qu’on viendra les leur demander, de qu’on leur donnera des épingles en échange. Le Royaume efi plus riche en chiffons, car je n’héfite pas à donner le nom de richeffe à des chiffons, de ceux qui en ont de pleins magafins, qui font en état d’en charger des vaiffeaux, n’ignorent pas qu’ils en font une, qu’il n’efi aucune marchandife dont le débit foit plus fur ; le Royaume, dis-je, efi plus riche en chiffons qu’aucune partie de l’Europe, parce qu’outre qu’il en efi peu de plus peuplées, fes habitants qui aiment affés géné¬ ralement la propreté, changent fouvent de linge: mais la quantité du vieux linge n’y doit pas aller en augmentant, au lieu que la confommation du papier fcmble y devenir plus grande de jour en jour. Où donc fe fournira-t-on d’affés de matière première pour y fuffire, pour empêcher le pa¬ pier de devenir trop rare & trop cher! Ce feroit une dure extrémité que d’y employer des toiles neuves ou peu ufées: les guêpes nous enfeignent une meilleure reffource, elles Tome VL G g 234 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE nous apprennent à fubftituer le bois aux chiffons: celles de Cayenne nous doivent faire connoître les bois les plus propres à les remplacer. Enfin, les nôtres même nous montrent les procédés par lclquels nous devons com¬ mencer nos expériences: elles ne fe fervent que de bois qui a été mouillé à bien des reprilès, que de cette première couche qui ayant été expofée à toutes les injures de l’air, a été mile non feulement dans l’état du lin roui, mais même dans celui du linge ufé. Failôns donc réduire en copeaux extrêmement minces, les bois que nous aurons jugé les plus propres à de fi utiles expériences; laiffons-en une partie expofée à l’air libre, où on l’arroferade temps en temps; tenons-en une autre partie fous l’eau pendant plufieurs jours, d’où on la retirera enfuite pour la faire lécher, & qu’on répété ces opérations jufqu a ce que les copeaux paroiffent dans l’état où on les veut ; on décou¬ vrira ainfi lequel des deux moyens que je propofe, rendra plus vite le bois aulfi propre à être employé en papier, que le font les chiffons, & le mettra plutôt en état d’être porté fous les pilons des moulins à papier. Je devrois avoir honte de n’avoir pas tenté encore des expériences de cette efpece, depuis plus de vingt ans que j’en connois toute l’importance, & que je les ai annoncées; mais j’avois efpéré que quelqu’un voudroit bien s’en faire une occupation & lin amufement. Il nous relie encore à parler de quelques efpeces de guêpes qui vivent en fociété, mais qui ne le trouveront pas favorablement placées à la fuite de celles dont nous venons de fùre admirer l’induftrie : la leur fe réduit à • fi g- faire un, ou au * plus deux à trois gâteaux compofés de c 7 ‘ cellules d’un papier femblable à celui des guêpes loûter- raines, & de même couleur. Elles ne fçavent pas renfer¬ mer leurs cellules fous une enveloppe commune : le gâteau des Insectes. VIL Mem. 235 ou les gâteaux formes de leur affemblage, relient expoiës à toutes les injures de l’air. Si elles ne leur donnent pas de couverture, au moins femblent-elles fonger à les mettre en état de 11’en avoir pas befoin : le premier gâteau *, s’il doit yen avoir plufieurs dans le nid complet, ell attaché contre une tige de plante ou d’arbulle, par une efpece de lien femblable à un de ceux qui font employés à fulpendre les gâteaux des nids foûterrains, mais proportionnellement plus gros & plus fort : le lien ell dirigé à peu-près horizon¬ talement; & ce qu’il y a aduellement de plus remarquable, ell que le plan du gâteau fe trouve à peu-prèsdans un plan vertical; c’ed la pofition qui lui convenoit le mieux dès qu’une enveloppe lui étoit refufee; s’il eût étépofé hori¬ zontalement, ayant les ouvertures des cellules en enhaut, elles eulfent été trop fouvent expolëes à être remplies d’eau. L’inconvénient eût été moindre fila face oppofée, celle des fonds des cellules, eût été la plus élevée; mais i’eau eût féjourné delfus, & l’intérieur de chaque cellule eût pu au moins devenir trop humide. Rien de tout cela n’elt à craindre dans le gâteau pofé verticalement, fur-tout h les guêpes ont attention que la face où font les ouver¬ tures, foit tournée vers le Nord ou vers l’Ed. Ces guêpes prennent encore une précaution pour con- fèrver leur gâteau, qui mérite que nous la fadions remar¬ quer, elles le vernident; on y peut appercevoir un œil luifant qu’on chercheroit inutilement aux cellules des guêpiers à enveloppe : le vernis empêche l’eau de s’atta¬ cher au papier, & de le mouiller. Un des grands ouvrages des mouches dont nous parlons, ed de mettre ce vernis: je les ai vû employer beaucoup de temps à frotter & re¬ frotter avec leur bouche les différentes parties du nid ; & j’ai lieu de croire que tous leurs frottements ne tendoient qu’à étendre fur ces parties une liqueur qui, lorfqu’elle Ggij * pi. 19.%. 4.. & pi. 25. fig. 2, 6 & 7. 23 6 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE feroit féche, feroit un enduit capable de les conferver. Au refte, il n’eft point de guêpes que j’aye obfervéesplus à mon aile, que celles-ci : comme elles font toutes leurs manœuvres à découvert, elles n’en ont guéres qui puiflent échapper à quelqu’un qui veut être leur lpeélateur aftidu. En confidérant la forme des cellules nouvellement conftruites, il m’eft né un doute fur lequel j’ai peut-être trop infifté dans le Mémoire imprimé en 1719. J’ai dit alors que j’ignorois fi la ligure exagone entroit dans le deflein de ces guêpes; & cela, fur ce que j’avois remarqué que les cellules qui font au bord de chaque gâteau, ont la moitié de leur circonférence arrondie, & que leur partie intérieure a feule des pans. Or les cellules les plus proches du centre, ont été autrefois à la circonférence, elles ont donc été demi-rondes. Ces faits m’ont fait douter fi la figure exagone complettc n’étoit point dûë à la preffion du ver qui remplit par la fuite fa cellule ; mais d’autres obfervations prouvent que la guêpe fçait donner des pans à la portion qui étoit en arc de cercle. Toute cellule inté¬ rieure eft exagone; & j’en ai vu de telles quoiqu aucun œuf n’y eut encore été dépofé. C’étoient donc des guêpes qui avoient formé des pans dans la partie qui étoit circulaire lorfqu’elle étoit placée au bord extérieur du gâteau. Une autre remarque qui eft commune à ces cellules, à celles des frêlons, à celles des guêpes cartonniéres, & à celles de diverfes autres guêpes, c’eft que ni les unes ni les autres ne font de vrais exagones, elles font des efpeces de pyramides tronquées & exagonales : chaque cellule eft plus large à fon ouverture qu’à fon fond ; on peut fe le démontrer aifément, en faifant attention que la face * Pl.2y.fig. du gâteau * où font les ouvertures des cellules, eft plus grande que celle où font leurs bafes: auffi l’axe de chaque cellule eft incliné a la face du gâteau, où font leurs fonds, & des Insectes. VIL Mem . 237 d'autant plus incliné que la cellule eft plus pi oche des bords. Dans ce genre de guêpes, la grandeur des fémeiles ne furpaffe pas confidérablement celle des mulets. Il y a aufli parmi elles des mâles à peu-près de la taille des fémeiles, & qui, à l’ordinaire, font dépourvus d’aiguillon. Tout ce qui a été rapporté jufqu’ici à l’honneur du génie & de l’adrefle des guêpes, n’empêchera pas ceux qui aiment à conferver les fruits de leurs jardins, de fouhaiter d’avoir des moyens de faire périr des mouches qui les en- tamment, avant même qu’ils foient arrivés à une parfaite maturité,&: qui en font un grand dégât. C’eft fur-tout con¬ tre les guêpes qui vivent fous terre en nombreufe fociété, que nous avons à les défendre, & contre les frêlons à qui il en faut beaucoup. Quand on peut découvrir les lieux où les unes & les autres fefont établis, il eft aiféd’en détruire bien-tôt des milliers. Quelques-uns ont imaginé de garnir les environs du trou qui conduit au guêpier,de brins de bois enduits de glu; files petits bâtons font bien placés, les guêpes qui entrent, & celles qui fortent, nefçauroient guéres man¬ quer de s’y poiffer à un point qui les met hors d’état de voler. Mais c’eft une affaire que de renouveller ces brins de bois ou de les renduire de glu autant de fois qu’il feroit néceffaire pour prendre toutes les mouches d’un nid. D’au¬ tres allument de la paille fur la porte du nid ; les guêpes que la chaleur détermine àfortir, fe brûlent en paffant par la flamme ; mais le plus grand nombre s’obftine fouvent à ne point lortir. L’eau bouillante à laquelle d’autres ont recours, feroit un expédient plus fur, il eft immanquable; mais dans des endroits quelquefois fort éloignés des mai- fons, on ne peut pas toujours avoir commodément affés cl’eau bouillante pour noyer & brûler les mouches en même temps. Ce qu’il y a de plus facile & de plus fur, eft de fe fervir contr’elles desmechesfoufrées, au moyen defquelles Cgiij 238 MEMOIRES POUR L'HlSTOIRE on fait périr en différents pays toutes les abeilles d’une ruche pour leur enlever leur cire & leur miel. On aggrandira un peu l’ouverture du trou qui conduit au guêpier, & on fera entrer dans le trou des meches allumées, après quoi on bouchera fon entrée avec de petites pierres, de manière que les guêpes ne puiffent lortir fans miner, ce qui eft un travail long: avant que de le pouvoir entreprendre, elles feront étouffées par la vapeur du foufre. On aura attention de ne pas boucher le trou fi exactement qu’une légère portion de la fumée n’en puiffe fortir; Si cela, afin que les meches ne s’éteignent pas trop vite. EXPLICATION DES FIGURES DU SEPTIEME MEMOIRE . Planche XVIII. L A Figure i eft celle d’un frêlon de ce pays, de la gran¬ deur des femelles; il a les ailes fupérieures pliées. Les Figures 2 & 3 repréfentent deux ffêlons envoyés d’Egypte par feu M. Granger; ils different entr’eux Si de celui de la figure 1, par la diftribution des couleurs, qui pourtant font les mêmes dans les uns Si dans les autres, du brun Si du jaune: celui de la figure 3 a le corps allongé comme font les mâles. Les Figures 4 & 5 font voir les parties propres au mâle frêlon de ce pays, très-groffies, l’une en montre le deffus & l’autre le déifions, ff les deux branches d’une pince écailleufedefiinée à faifirle derrière de la femelle.g - , partie qui doit être introduite dans le corps de la femelle. La Figure 6 repréfente un nid de frêlon qui n’étoit prefque que commencé, & que je tirai d’une cavité quife des Insectes. Vil. Mem. 239 trouvoit entre les pierres d’un mur de terraffe. />, petite pierre à laquelle le nid étoit fufpendu par un lien c. L’en¬ veloppe du nid e e e e, formoit alors une efpece de cloche dont le bord du contour inférieur étoit fort irrégulier. g g, le feul & unique gâteau qu’eût encore ce nid, qui devoit, parla fuite, en avoir au moins huit à neuf, dont quelques-uns euffent eu probablement plus de fept à huit pouces de diamètre. La Fig. 7 montre un morceau de l’enveloppe e e e e du nid de la fig. 6, où l’on peut diftinguer les petites bandes de différentes nuances dont ce morceau eft compofé. Les Figures 8 & 9 font des portions d’une enveloppe d’un guêpier de frelons qui étoit plus avancé que celui de la figure 6; alors l’enveloppe a une épaiffeur autrement confidérable & faite de plufieurs pièces ceintrées miles les unes au-deftus des autres, comme on le voit dans les deux dernières figures. La Figure io repréfente deux gâteaux de frelons; g g, un de ces gâteaux, h li, l’autre gâteau. Ils font dans une pofition renverfée; les ouvertures des cellules qui natu¬ rellement font en embas, fe trouvent ici en enhaut : ils font cenfés être ceux par lefquels finiroit un grand nid; les gâteaux qui les précédoient avoient plus de diamètre. Leurs cellules font des plus grandes, de celles qui font deftinées à élever les vers qui deviennent des femelles. pilier ou lien d’un volume confidérable en comparaifon des liens 4 4 & qui eft placé vers le centre du gâteau qu’il doit fufpendre. On peut remarquer que la face du gâteau h h qui eft ici en vûë, a de la convexité, l’autre face eft cependant plate. La convexité vient de ce que les cellules ont un peu plus de diamètre à leur ouverture que proche 240 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE de leur fond, c, c, c, 6cc. marquent les couvercles de quelques cellules. Planche XIX. La Figure 1 repréfente un guêpier qui fut apporté à l’Académie par i’illuftre M. Varignon ; il reffcmbloit à une rofe à mille feuilles, qui n’eft pas encore épanouie. On n’avoit pas pris garde à la manière dont il étoit pofé, mais il y a grande apparence que fapofition étoit contraire à celle où il eff ici, que fon ouverture étoit en embas, ou au moins qu’elle n’étoit pas en enliaut. 0, l’ouverture ou l’entrée du guêpier, a a, l'on enveloppe. b,b, petites branches auxquelles il étoit attaché. La Figure 2 fait voir l’intérieur du guêpier de la fîg. 1. tout ce qui manque ici de J’enveloppe fut coupé 6c emporte avec des cileaux.^ un relie delà partie coupée, o, entrée du guêpier, de, de, 6cc. marquent 1 epaifleur de l’enveloppe, où l’on voit différentes feuilles, 6c en grand nombre, po- fées les unes fur les autres, g, h, deux gâteaux qui étoient logés dans la cavité; prefque toutes leurs cellules étoient bouchées, comme il eff ailé d’en juger par les couvercles qui s’élèvent au-deflùs. Chacune étoit occupée par une nymphe, ou par un ver prêt à l'e métamorphofer. La Figure 3 montre féparémenl le gâteau g de la figure précédente, le plus petit des deux, 6c le fait voir par la face oppofée à celle où font les ouvertures des cellules. I, lien par lequel le gâteau g étoit attaché au gâteau //. La Figure 4 repréfente un de ces petits guêpiers qui n’ont point d’enveloppe. Celui-ci eff compofé d’un feui gâteau attaché par un pédicule ou lien l, à une branche d’épine. Il eff vêt ici par derrière, par le côté où font les fonds des cellules. Planche des Insectes. VIL Menu i^ï Planche XX. La Figure i repréfente, mais plus petit que grandeur naturelle, un de ces guêpiers de carton conflruits avec un art furprenant par une petite efpece de guêpes des environs de Cayenne, b b, branche d’arbre à laquelle il efl fufpendu. a a, elpece de tuyau de carton dans lequel la branche efl paffée. c c, d d, e e, i i, f f, p, l’enveloppe du guêpier, ou l’efpece de boîte d’un beau & fort carton, dans laquelle font renfermés les gâteaux qui donnent les logements où les mouches doivent croître fous la forme de ver & fe mé- tamorphofer. d d, e e , i i , marquent fur l’extérieur de l’enveloppe, des endroits qui répondent à ceux où des g⬠teaux font attachés dans l’intérieur. Dans la partie de cd, il y a intérieurement des gâteaux, quoiqu’on ne puiffepas juger par l’extérieur des endroits où ils font pofés. p, porte du guêpier. La Figure 2 efl celle d’une des guêpes fémelles qui ha» bitent dans le guêpier de la figure 1. La Figure 3 efl celle de la guêpe mâle. La Figure 4 efl celle de la guêpe mulet ou ouvrière, une de celles apparemment qui travaillent le plus à faire du carton, & qui en forment des ouvrages fi admirables. Planche XXI. La Figure 1 repréfente un guêpier de carton dont la figure étoit peu différente de celle du guêpier de la plan¬ che 20, mais qui étoit plus petit, b b, la branche qui paffe dans le tuyau de carton a a. Le corps de l’enveloppe ou de la boîte efl c c e e. On a déchiré le fond de ce guêpier pour mettre en partie à découvert le dernier des gâteaux Tome VI. H h 2^.2 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE logés dans Ton intérieur, f f origine du fond, ddd, ou¬ verture faite au fond par déchirement. En p étoit la porte. g h, le dernier gâteau. En g elt le trou ou la porte qui permettoit aux guêpes de palfer entre le dernier gâteau & celui qui le précédé. La partie g h elt lilfe, par-delà on voit des cellules. La Figure 2 fait voir en grand la partie poftérieure, la queue de la guêpe femelle de la planche 20, ligure 2, & comment font faites les trois pièces dont cette queue elt compofée. gr, la pièce fupérieure, la plus grolfe & la plus courte, f, f, les deux autres pièces. La Figure 3 cil celle de la guêpe femelle dont la queue elt vue dans la ligure 2, très-grolfie. q rf fa queue dont les trois pièces font réunies comme elles le font ordinaire¬ ment. q r, la pièce fupérieure. f, les deux pièces inférieures. / marque une partie de la jambe de la dernière paire beau¬ coup plus grolfe que les parties qui la précédent & que celles qui la fui vent; on peut foupçonner avec vrai-fem- blance quelle elt un inltrumcnt, une elpece de palette propre à battre & à lilfer le carton. La Figure 4 montre en grand la partie poftérieure du corps de la guêpe mâle de la planche 20, ligure 3, telle quelle paroît lorfque la prelfion a obligé des parties con¬ tenues dans l’intérieur, d’en fortir. a a, le delfus du dernier anneau, b, b } deux branches d’une elpece de pince, e, e, épines placées près du bout de chaque branche, i, i, mam- mcions par lefquels les deux branches font terminées, g, la partie propre à opérer la fécondation des œufs. Planche XXII. La Figure r repréfente un guêpier de carton allés fem- blablc à celui de la planche précédente, dont une partie des Insectes. VIL Mem. 243 de l’enveloppe a été emportée afin qu’on pût voir la dif- pofition de lès gâteaux, g g g g h h, bords de la coupe, qui font voir quelle elt là l’épaifïeur du carton. Chaque k marque un gâteau. La Figure 2 efl celle d’une partie de la pièce qui a été emportée au guêpier de la figure précédente. Il y relie des portions de fept gâteaux, il en marquent une. Les &.C. font pofées fur les parois intérieures de la boîte, qui font lilfes. La Figure 3 ell la coupe d’une portion de nid, dans laquelle fe trouvent feulement les coupes de deux gâteaux. En ci, ci, on voit lepaiffeur de la boîte de carton. 1 ih, partie d’un gâteau, à la furface inférieure ou convexe de laquelle des cellules font attachées, i i, partie d’un autre gâteau qui n’eft vue que par fa furface iupéricure & con¬ cave ; elle ell lille. p, la porte de ce gâteau, q, la porte du gâteau h h. On voit aulîî que la furface fupéricure de ce dernier gâteau efl unie, & n’a aucune cellule. Planche XXIII. La Figure 1 fait voir une moitié d’un guêpier de carton qui a été coupé en deux par un plan qui a palfé par l’axe de ce guêpier, & par conféquent, par les portes de tous les gâteaux. Sa forme n’étoit pas précifément la même que celle des guêpiers des planches précédentes, a a, coupe du tuyau qui recevoir une branche d’arbre, b b, le premier gâteau; fur fon delfus paroilfent les imprelTions des fonds des cellules, il en paroit quelquefois fur des gâteaux pla¬ cés plus bas. c c, le fécond gâteau. Chacun des autres ell de même marqué par deux lettres femblables. Ainfi dd, c e, gg, &c. font les autres gâteaux, p, q, r,f, /, u, x,y, font la fuite, l’enfilade des portes par lefquelles les guêpes H h i; 244 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE Î >euvent parvenir jufqu’au gâteau fupérieur. Depuis que e gâteau kqk étoit devenu un gâteau intérieur, les guêpes n’avoient pas encore eu le temps de remplir fa face infé¬ rieure de cellules; elles avoient feulement commencé à en conltruire quelques-unes en m, & en Celles auxquelles elles avoient travaillé en m, étoient en plus grand nombre & plus avancées. Les Figures 2 & 3 repréfentent, l’une de grandeur na¬ turelle, & l’autre très-grolfie, un des vers pour iefquels les cellules du guêpier avoient été conflruites. Planche XXIV. La Figure 1 reprélente l’extérieur d’un guêpier de car¬ ton qui a été delfiné fur une échelle plus grande que celle des planches 20,21 & 22; il efl gros par rapport à fa lon¬ gueur, mais c’ell qu’il étoit encore loin d’avoir celle que les guêpes lui eulfent donnée. II n’avoit encore dans Ion intérieur que quatre gâteaux. L’endroit de la grande bran- cherfrf,que les guêpes avoient choifi pour y arrêter leur nid, avoit d’autres petites branches b,g, que les mouches avoient eu foin de recouvrir de carton, ddee, le corps de la boîte de carton, f p f la pièce du fond, dont p marque la porte. Tout ce qui cil travaillé en brun fur cette enveloppe, cfl une efpecede moifiüure qui avoit crû deiïus, &qui étoit femblable à celle qui vient dans ce pays fur les papiers des vitres ou autres papiers qui ont relié long-temps expo- fés aux injures de l’air. La Figure 2 efl celle d’une coupe de la partie fupérieure du guêpier de la figure 1. Le premier gâteau dd, étoit immédiatement attaché au haut de l’enveloppe, & allés mal façonné ; mais le fécond gâteau e e, étoit régulière¬ ment conllruit. des Insectes. VU. Mem. 245 Planche XXV. La Figure 1 eft celle d’un guêpier compofé d’un feu! gâteau attaché à une branche d’arbufle, vû par la face an- térieure. La Figure 2 montre le gâteau de la figure 1 par fa face poftérieure. Les Figures 3 & 4 repréfentent la guêpe qui conftruit les guêpiers des deux figures précédentes. Elle a les ailes écartées du corps, fig. 3, & elle les a pofées fur le corps, figure 4; dans l’une & dans l’autre elle eft un peu plus grande que nature. La Figure 5 efl celle d’un des vers qui fe transforment en des guêpes pareilles à celles des figures précédentes. La Figure 6 fait voir un petit guêpier, de ceux qui refient toujours petits, attaché à un brin de paille p q. 4 le lien qui attache & porte le guêpier. La Figure 7 repréfente un guêpier compofé de deux petits gâteaux; un des deuxgg, eft pourtant plus grand que l’autre h //. Le gâteau h h tient au gâteau g g par un lien aftes femblable à celui par lequel le dernier gâteau eft attaché au brin de paille pq. La Figure 8 eft celle d’un gâteau qui n’eft encore que commencé, & qui, par la fuite, auroit eu autant de cel¬ lules que le gâteau g g de la figure 7, ou que celui de la figure 6. On a deftiné les ficnnes un peu plus grandes que nature, pour faire mieux voir que les extérieures, dont deux font marquées b, c, n’ont que quatre pans, le refte de leur circonférence, la portion extérieure eft un are de H h iij 2^.6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE cercle; ces cellules fe -feroient trouvées par la laite dans l’intérieur du gâteau, & auroient eu fix pans. La Figure 9 repréfente un alfemblage de quelques cel¬ lules encore plus grandes que celles de la figure précé¬ dente. Il y en a une c d ouverte dans toute fa longueur, ce qui permet de voir un œuf o, collé dans l’angle que font enfemble deux des pans de cette cellule. P/ j 8 F^'^â^n de l'Hirtr.deflhse* ffUfec&U)'. Terri . 6 . Fu/ ■ / ___ /y 19 pi? 7 Je l'tiu* Tl -m 6 Fut . a F & J Fu/.- JŸ-iç pair -y/", l/i'fti y. Jt l'ilut InretUs Tarn, (f . . Fia . -2 HautfsarcC S et 3 ■/’* n ‘ du trou, & qui, après avoir fuivi une direction perpendi¬ culaire au plan où eft cette ouverture, fe contourne en embas. Ce tuyau s’allonge à mefurc que le trou devient plus profond; il eft fait du fable qui en a été tiré: il fcmble lin ouvrage de confcquence, il paroît travaillé avec art, il eft comme fait en filigrame greffier, ou en efpece de guillochis. Il eft formé par de gros filets grainés, tortueux qui ne le touchent pas par-tout; les vu ides qu’ils lailfent entr’eux, font paroître le tuyau conftruit avec art. Cha¬ que tuyau n eft pourtant pas fait pour durer; nous verrons bicn-tôt qu’il ne fervira de rien au ver à qui la guêpe tra¬ vaille à faire un logement; il n’eft qu’une forte d’echaffau- dage au moyen duquel les manœuvres de celle-ci font plus promptes & plus fûres. Quoique je connufte les deux dents de ce s mouches pour de fort bons inftruments, 8c capables d’entamer îles corps très-durs, l’ouvrage qu’elles avoient à faire me paroiftoit rude pour elles. Le fable contre lequel clics avoient à agir, ne le cédoit guéres en dureté à de la pierre commune, au moins les ongles attaquoient avec peu de fuccès fa couche extérieure, qui étoit plus defTéchée que le refte par les rayons du Soleil. Mais étant parvenu à obferver plufieurs de ces ouvrières dans un moment où j’avois envie de les faifir, dans celui où elles commcn- çoient à ouvrir un trou, elles m’apprirent quelles 11 ’a- voient pas befoin de mettre leurs dents à une auifi forte épreuve que je l’avois cru; qu’au moyen d’un expédient des Insectes. VIII. Mem. 253 très-fimple, & auquel cependant je n’avois paspenfé, elles fçavoient rendre la fouille du fable facile. La guêpe com¬ mence par ramollir celui qu’elle veut enlever, elle le mouille, en crachant deflus, pour ainfidire. La bouche verfe une ou deux gouttes d’eau qui font bûës prompte¬ ment par le fable fur qui elles tombent; dans l’infant il devient une pâte molle pour les dents qui le ratifient, elles le détachent fans peine. Les deux jambes de la première paire fe préfentent aufîi-tôt pour réunir dans une petite mafle & pétrir un peu celui qui a été détaché; elles en forment une petite pelotte grofle environ comme un grain de grofeille. C’efi avec la première pelotte que la guêpe a déta¬ chée , quelle jette les fondements du tuyau de fable qu’elle s’eft propofé de conftruire en-dehors du trou quelle veut creufer. Le fable qu’elle doit tirer pour faire celui-ci, lui fournira toute la matière qui fera employée à bâtir l’autre. Le trou n’efi pas encore formé, mais elle s’efi déterminée pour l’enceinte quelle lui veut donner; & c’eft fur une portion de cette enceinte qu’elle porte fa première pelotte de fable ou plutôt de mortier. Là elle la façonne, les dents & les jambes viennent aifément about de la contourner, de l’applatir & de lui faire prendre plus de hauteur qu’elle n’en avoit. Cela eft fait en un inftant. Dans celui qui fuit, la guêpe fe remet à détacher du fable, & fe charge d’une autre pelotte de mortier. Bien-tôt elle parvient à avoir tiré afles de fable pour rendre l’entrée du trou fenfiblc, & pour avoir fait la bafe du tuyau *. Mais l’ouvrage ne peut aller vite, qu’autant que la guêpe efi en état d’hume&er le fable. La quantité de la liqueur nécefiaire qu’elle peut avoir naife en provifion dans fon corps, ne fçauroit être grande, vu la capacité du lieu où elle efi contenue: aufii efi-elle bien-tôt épuifée, elle l’efi I i iij * PI. 26. fig, I • »V» 254 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE au bout de deux ou trois minutes. J’ai lieu de le croire ainfi, parce qu’après chaque intervalle d’une auffi petite durée, je voyois la mouche s’envoler. Je ne fçais li elle alloit tout Amplement fe charger de l’eau de quelque ruifleau, ou fi elle alloit tirer de quelque plante ou de quelque fruit une eau plus gluante; ce que je fçais mieux, c’cft quelle tardoit très-peu à revenir à ion attelier, & à y travailler avec une nouvelle ardeur & un nouveau liicccs. J’en ai obfervé une qui, dans une heure ou environ, par¬ vint à donner au trou une profondeur égale à la longueur de fon corps, & qui éleva fur Ion bord un tuyau auffi haut que le trou étoit profond. Son aélivité continua à être la même,& peut-être de¬ vint plus grande par la fuite. Je commençai à la voir à l’ou¬ vrage à dix heures du matin ; après l’avoir confidérée j ufqu’à onze heures, je me trouvai affés inftruit de lès manœu¬ vres ; je la quittai, mais je retournai à une heure après midi pour voir ce quelle avoit fut pendant mon ablènce. Le tuyau étoit alors élevé de deux pouces, &el!e continuoit encore à approfondir le trou qui étoit au-deirous. La même guêpe fait fuccefîivemcnt plulieurs trous. Il ne m’a pas paru qu’elle eût de régie fixe par rapport à la profondeur qu’elle leur donne. J en ai trouvé dont le fond étoit à plus de quatre pouces de l’ouverture, & dans d’au¬ tres le fond n’en étoit diftant que de deux ou trois pouces. Elles ne donnent pas aulfi la même longueur à chacun des tuyaux qu’elles bâtiffent en-dehors de chaque trou, elles en varient même la courbure. Sur tel trou on voit un tuyau qui eft deux ou trois fois plus long que celui d’un autre : ce n’cft pas toujours parce que le trou a été creufé peu avant, que le tuyau eft court, & ce n’eft pas que la guêpe n’eût eu à fa difpofition plus de mortier qu’il n’en eût fallu pour le rendre égal aux plus longs. des Insectes. VIII. Mem. 25 5 J’ai obfèrvé une guêpe qui s’ctoit contentée de donner au tuyau un peu plus d’un pouce de longueur, &qui ne lui en vouloit pas davantage, quoiqu’elle eût pu aifément le prolonger. Ce qui me prouva quelle le pouvoit, c’eft que de temps en temps je la voyois arriver de l’intérieur du trou, à l’ouverture du tuyau, chargée d’une petite pelotte de mortier, elle avançoit feulement fa tête par- delà le bord,& jettoit auffi-tôt fa pelotte, qui tomboit à terre; cela fait, elle retournoit dans le trou, elle ailoit continuer de le fouiller, & revcnoit bien-tôt chargée d’une autre pelotte qu’elle jettoit en-dehors, comme elle y avoit jetté la première. Aulfi ai-je obfcrvé fouvent une quantité confidcrable de décombres * au pied de certains tuyaux qui s’élevoient au-deffus des trous percés dans un fable dont la couche fupérieure étoit horizontale. Là, il y avoit une efpece de tablette qui recevoitles pclottes qui feroient tombées à terre, h elles euffent été jettées hors des tuyaux * appliqués contre un mur ordinaire. Une guêpe dont j’ai parlé ci-devant, celle que je ne celfai d’obferver pendant une heure, & qui en trois heures avoit donné plus de deux pouces de longueur au tuyau, ne lui en voulut p3s davantage: je la vis enfuite jetter en-dehors les peJottes de mortier quelle apportoit jufqu’à fon ouverture. La lin pour laquelle le trou elt percé dans un maffif de fable, ne fçauroit paraître équivoque. 11 eft alfés clair, & on n’a pasbefoin d’attendre que la fuite des opérations de la guêpe l’apprenne, que ce trou efl: deftiné à recevoir un œuf, & à loger le ver qui en doit éclorre. Mais on ne voit pas de même à quelle lin la mouche bâtit le tuyau de fa¬ ble, dont la conftrudion femble demander beaucoup plus d’art, que la façon de percer un trou. En continuant de fuivre une guêpe jufqu’à ce que fon ouvrage foit com¬ plet, on reconnoîtra au moins un des ufages auxquels le 2)6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE tuyau lui eft néceflaire. On verra qu’il n’cft précifément pour elle que ce qu’un tas de moellons bien arrangés eft pour des maçons qui bandent un mur. Tout le trou qu’elle a creufé ne doit pas l'ervir de logement au ver qui doit naître dedans, une portion de ce trou lui en donnera un fuffifamment fpacieux ; il a cependant été néceflaire qu’il fut fouillé jufqu’à une certaine profondeur, afin que le ver ne fe trouvât pas expofé à une chaleur trop grande lorfque les rayons du Soleil tomberaient fur la couche extérieure du fable. Le ver ne doit habiter que le fond du trou; la guêpe fçait la grandeur de la capacité qu’elle doit laiffer vuidc, & elle la conferve, mais elle bouche tout le refte, elle fait rentrer dans la partie fupéricure du trou le fable quelle en a ôté. C’eft pour avoir ce fable fous fa main, pour ainfi dire, qu’elle a formé un tuyau de celui qu’elle ôtoit; car elle va par la fuite ronger le bout de ce tuyau après l’avoir mouillé : elle fc charge d’une petite pelotte de mortier quelle porte dans le trou ; avec des pelottes de mortier qu’elle va prendre les unes après les autres, & quelle ne manque pas de porter dans le trou, elle le rebouche, & il devient auffi exactement fermé qu’il l’étoit avant qu’elle eût commencé à l’ouvrir. La guêpe employé ainfi peu-à peu la plus grande partie du fable quelle avoit mis en tuyau. II y a tel tuyau quelle réduit à n’avoir pas une ligne, & d’autres une demi-ligne de hauteur. Maison demandera pourquoi elle fe donne la peine déformer ainfi un tuyau, s’il n’eût pas fuffj de laiffer ce fable ammoncelé près du bord du trou ! Quand on l’a vû occupée à faire ce tuyau, c’eft un travail qui paroît 11 ’êtrc rien pour elle: elle n’a guéres plus de peine à attacher au bout du tuyau commencé fa petite maffe de mortier, qu’à la jetter dehors; il lui eft plus facile de difpofer ces petites maffes en tuyau, qu’il ne lui ferait de les arranger en tas des Insectes. VIIL Mem. 257 en tas fur un mur vertical *, tels que font ceux d’où * PI.26.% partent la plupart des tuyaux *. Dailleurs, lorfqu’elle l - bmmb - veut prendre, du fable pour le reporter dans te trou, il lui n% eft plus ailé de le détacher & de s’en charger, qu’il ne le lêroit s’il fe trouvoit en malle, même autour de Ion entrée, comme il pourroit s’y trouver lorfque le trou cil percé dans une efpece de tablette horizontale*. * abba. J’en ai vû quelques-unes qui n’ayant pas confirait des tuyaux d'une longueur fufiifante, étoient obligées d’aller prendre du labié dans les décombres qu’elles avoient jettées hors du trou. Ce tuyau a peut-être encore d’autres ufages. Pendant que la guêpe efi en courfe, quelque mouche ichneumon pourroit aller dépofer elle-même dans le nid un œuf fatal à celui de la guêpe : ces fortes de mouches font conti¬ nuellement à fallut de pareilles occafions. L’ichneumon ne s’aventure pas fi volontiers à s’introduire dans le trou, quand pour y arriver il lui faut faire un plus long chemin, palfer par un tuyau qui ne lui permet pas de voir li la guêpe eft abfente. J’en ai pourtant obfervé un quelquefois dont le corps efi d’un rouge cuivré & doré, qui, après avoir beau¬ coup héfité, tourné & retourné autour de l’ouverture du tuyau, entroit dedans; mais j’ai vû aulfi quelquefois qu’il avoit mal pris fon temps ; la guêpe venoit au-devant de l’ichneumon qui la croyoit abfente, & il 11e reftoit à celui- ci que de prendre promptement la fuite. Lorfqu’une de nos guêpes a muré un des trous, une des cellules de fable à laquelle elle a confié un œuf, elle efi apparemment tranquille lur le fort du ver qui en doit fortir; elle fçait quelle a pourvû a tout ce qui lui eft 11e- cefiTaire, que rien ne lui manquera. Si pour lui porter la Lecquée, il fidloit rouvrir plulieurs fois chaque jour fa cel¬ lule, ce lcroit un travail auquel elle nefçauroit fuffire. Les Tome VI. K k 258 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE précautions quelle prend pour le nourrir, doivent donc ctrc les mêmes que celles auxquelles ont recours en pareil cas plufieurs efpeces d’abeilles folitaires que les Mémoires précédents ont fait connoître. Elle renferme avec l’œuf la provifion d’aliments qui fùffira pour faire croître le ver jufqu’à ce qu’il foit en état de fe transformer. Mais quelle clt la forte d’aliments dont elle lui fait une provifion ! Je ne pouvois manquer d’être curieux de le fçavoir, 6c il m’é- toit bien aifé de m’en inflxuire: il n’y avoit qu’à dégrader les couches de fable où j’avois vu creufer 6 c enfui te lceller des trous. Pour déranger le moins qu’il feroit poffible, la forme de ceux dont je mettrais l’intérieur à découvert, j’avois recours à l’expédient dont j’avois vu ces mêmes guêpes fe fervir; je mouillois le fable: il m’étoit aifé alors tien emporter avec un couteau des tranches aulfi minces que je les voulois; 6 c lorfque quelqu’une commençoit à me laifler voir un peu dans l’intérieur d’un trou, je par- venois fans peine à ouvrir l’efpece de tuyau de fable dans toute fa longueur, fans rien déplacer de ce qui étoitdans fa capacité. Ces trous méritoient d’être ouverts avec les précautions dont je viens de parler. La cavité qui y avoit été réfervée, n’avoit qu’environ fept à huit lignes de longueur; elle étoit entièrement 6c finguliérement remplie dans ceux dont la partie fupérieure n’étoit bouchée que depuis un ou deux jours. Toute cette cavité étoit occupée par des anneaux *P1. 26. fig. verds mis les uns au-defius des autres *. Dans quclques- 7 ' a b ' unes la file étoit de douze anneaux, & dans d’autres feule¬ ment de huit à dix. Chaque anneau n’étoit pas de l’efpece des nôtres, il étoit animé & vivant; il étoit formé par un ver roulé, 6c appliqué exactement par le côté du dos, contre les parois du trou. Ces vers ainfi pofés par lits, les uns au-defiùs des autres, 6c même preifés les uns contre des Insectes. VIII. Mem. 259 les autres, quoique pleins de vie, n’avoient pas la liberté de fe mouvoir. Mais pourquoi ces vers étoient-ils ainfi arrangés en pile, pourquoi même étoient-ils là! 11 efl aifé de le deviner, mais on ne fçauroit ailes l’admirer. Nous l’avons déjà dit, & nous perfillons à l’aflurer, notre guêpe ne laide qu’un œuf dans chaque trou, dans chaque nid: de cet œuf doit fortir un ver carnacier, mais qui ne s’accommoderait pas comme le font tant d’autres vers, de chairs corrompues; il n’y a que des animaux, & certains animaux vivants, qui foient de Ion goût : fa mere lui en fait la provifion qui lui fera nécelfaire pour fournir à Ion accroilfement complet. Elle remplit la petite caverne dans laquelle il va naître, d’animaux qu’il n’aura qu’à dévorer les uns après les autres: quoique leur grandeur lîirpalle prodigieufement celle qu’il aura au moment de fa naiffance, il mangera à fon aile celui qu’il fe trouvera le plus à portée d’attaquer, fans avoir rien à en craindre, ni même d’être incommodé par fes mouve¬ ments, & ainfi des autres, parce que la guêpe les a tous po- fés & alfujettis de façon qu’ils ne fçauroient le mouvoir. Au rede, l’efpece de guêpes que nous confidérons, n’elt pas la feule qui pourvoye d’une façon fi finguliére à la fubfidance de fes petits. Nous verrons bien-tôt que d’autres efpeces de guêpes proprement dites, & de guêpes ichneu- mons, remplilfent le nid de chacun de leurs vers d’une forte de petit gibier qui s’y conferve jufqu’à ce qu’il foit mangé. C’ell même une merveille, dont le fond n’a pas été inconnu aux Naturalises anciens & modernes; mais elle efl accompagnée de particularités remarquables qu’on ne s’edpas arrêté peut-être à obferver, ou au moins à dé¬ tailler. Nous allons y fuppiéer en racontant ce que les guê¬ pes qui les premières nous ont donné occalîon de parler de ce fait, nous ont permis de voir; après quoi nous *PI. 26. ü, 9 & 1 c * Fig- 3 ; S- 260 MEMOIRES POUR LHlSTOIRE n aurons qua dire en quoi les façons d’agir des autres different des leurs. fig. Les vers * que je trouvai arrangés par lits dans les '* différents trous que j’ouvris, étoient tous de la même efpece : ils avoient tout - à-fait l’air de chenilles, a cela près qu’ils étoient entièrement dépourvûs de jambes. Leur peau étoit opaque; le verd étoit fa feule couleur, mais il y en avoit de deux nuances qui formoient le long du corps, des rayes dont les unes étoient plus claires, 6c les autres plus foncées. Des poils blancs 6c allés courts étoient diftribués en grand nombre fur tout leur corps. Leur tête étoit brune, écailleufe 6c affés femblable à celle des chenilles les plus communes. Le nid le mieux fourni de ces vers, en avoit douze; mais d’autres en avoient moins, 6c d’autant moins qu’ils étoient fermés depuis plus long temps. Dans les nids qui étoient affés vieux il ne refloit plus de vers verds; on n’y t& en trouvoit qu’un de la forme ordinaire à ceux des guêpes*, 6c d’une couleur jaune telle que celle de l’ambre : il avoit acquis tout le volume qu’il devoit prendre; aufîi étoit-il venu à bout de manger tous les vers verds que fa mere avoit logés avec lui. Maisdorfque la cellule étoit toute pleine de vers verds, on n’y trouvoit point encore le ver jaune, ou il étoit fi petit qu’il échappoit prefque aux yeux. Enfin, félon qu’il refloit plus ou moins de vers verds dans la cellule, le ver jaune étoit plus petit ou plus grand. 11 naît fur le fond du trou, 6c il commence par percer le côté ou le ventre du ver verd dont il eft le plus proche; peu-à-peu il le mange, 6c quand il n’en relie plus que la peau 6c la tête écailleufe, ce qui le réduit prefque à rien, lever jaune tire ces débris, les fait defeendre fur le fond de la cellule, 6c va traiter le fécond ver comme il a fait le des Insectes. VIII. Mem. 161 premier. C’efl ainfi qu’il les mange les uns après les au¬ tres. Le ver jaune fucce le ver Verd avec une grande avi¬ dité, il y eft fi acharné qu’il m’a fouvent fallu ufèr de quelque force pour lui faire quitter prife. Tout ce que le ver de guêpe a à faire dans fon nid jufqu’à ce que le temps de fa métamorphofe approche, c’efl de manger; j’ai voulu me mettre à portée de voir dans quel temps il mangeoit, l’ordre dans lequel il con- fumoit fa provifion de petits animaux, & enfin, ce qu’il lui relierait à faire quand il auroit tout mangé. J’en logeai un dans un tuyau tranfparent d’un côté dans toute fa longueur; avec du fable de même qualité que celui du nid où le ver étoit né, je formai fur un carreau de verre un tuyau de diamètre convenable, & qui ne dif¬ férait de celui que le ver avoit habité, qu’en ce qu’il n’a voit pas autant de rondeur, & qu’il n’étoit pas entièrement de fable, un de fes côtés étoit plat & de verre. Le ver que je fis defeendre jufqu’au fond de ce tuyau, étoit très- jeune; à peine avoit-il la groffeur d’une tête d’épingle ordinaire. Mon intention n’étoit pas qu’il fût obligé de jeûner plûtôtqu’il ne le voudrait; il n’avoit pas été mieux pourvû d’aliments parfamere, qu’il le fut par moi: j’in~ troduifis dans fon tuyau douze vers verds bien en vie & bien conditionnés, car je remplaçai ceux que j’avois un peu maltraités, en les tirant de fon trou, par d’autres dodus & fains, que d’autres trous me fournirent ; je les arrangeai par couches, comme ils dévoient être, les uns au-deffus des autres : je n’y trouvai aucune difficulté, chaque ver fie roula de lui-même en anneau, l'oit que cette pofition lui fût naturelle, foit que ce fût un pii qu’il eût pris pendant le féjour qu’il avoit fait dans le premier tuyau. Enfin, mon ver de guêpe lé trouva très-bien de a nouvelle habitation: il avoit commencé à I occuper le 8 K k iij 262 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE de Juin, 6 c le 20 du même mois il ctoit parvenu à Ton dernier terme d accroiflèment. Dès le matin de ce dernier jour, je vis qu’il avoit tapi de de foye Ion logement : la tenture qui ctoit appliquée fur le verre, étoit mince, 6 c n’empêchoit pas d’appercevoir le corps du ver; il s’étoit fait une coque plus i'olidc par-tout ailleurs, c’cft-à-dire, à l’un & à l’autre bout, & par-tout où elle étoit appliquée contre les parois de fable plus graveleufes que celles de verre, & dont l’attouchement étoit plus à craindre pour la peau délicate qui ie dcvoit couvrir dans la fuite, lorf- qu’il feroit nymphe. En mettant douze vers à fa difpofition, je lavois traité avec prodigalité. La provifion que les meres donnent, n’excede jamais ce nombre, ôc apparemment qu’il en avoit déjà mangé quelques-uns, lorfque je le tirai de Ion nid : des douze vers il n’en lailfa pourtant qu’un, encore ne fçais-jc s’il 11e l’entamma pas. Je trouvai ce ver vercl en-dehors de la coque, qui avoit l’air un peu flafque. Les onze autres vers furent donc mangés en onze jours. Ainfi le ver de guêpeconfumc environ un ver verd par jour, en fuppo- fant que fa faim demande qu’il prenne chaque jour une égale quantité de nourriture. Je logeai dans un tuyau partie verre & partie fable, un autre ver de guêpe qui étoit déjà gros : c’eft celui même qui efl deffiné dans la pl. 26, fig. 3. Je crus que c’étoit le bien fournir d’aliments que tle lui donner trois vers verds; il en vint à bout en trois jours; mais aulfi fe trouva- t-il alors dans l’état où ils n’ont plus befoin de manger ; dès le troifiéme jour il travailla à fc filer une coque. La mere guêpe fçait donc exactement jufqu’où doi¬ vent aller les befoins de chacun de fes vers, lorfqu’clle ne leur donne à chacun au plus que douze vers verds ; 6 c lorf¬ qu’elle en donne moins à quelques-uns, elle les donne des Insectes. VIII. Mon. 263 apparemment plus gros, & elle juge de la compenfation que le plus grand volume fait avec le plus grand nombre. Elle femble fçavoir.plus que tout ceia, quand ellefe dé¬ termine à aller conflamment à la chaffe d’une feule efpece de vers ; car les guêpes dont je parle, ont confirait des nids cités moi pendant plus de dix à douze années confécutives. Si il n’y a eu aucune de ces années où je n’aye ouvert plu- fieurs trous nouvellement bouchés, dans lefquels j ai trouvé tles vers, & toujours de la même efpece. Mais ce qui n’efl pas moins à remarquer, c’efl que les vers verds y font tous à peu-près de même âge; le peu de différence qu’il y a dans la grandeur de ceux de différents trous, femble le prouver. La guêpe ne juge donc pas fe devoir charger de ceux qui font encore trop jeunes. J’ofe en deviner une raifon, & peut-être eft-ce la vraye. Ce qui détermine fon choix, n’efl pas quelle multiplierait fes voyages en portant au nid de plus petits vers, elle a bien autrement à multiplier fes courfesdans la campagne pour parvenir à trouver des vers précifément de la groffeur dont elle les veut: elle les choifit dans un âge où ils peu¬ vent foûtenir un plus long jeûne fans périr, dans un âge où ils 11’ont plus à croître. Si les vers qui doivent refter dans une cellule pendant quinze jours, y périffoient dès le lendemain ou au bout de peu de jours, elle deviendrait bien-tôt un vrai cloaque dans lequel le ver chéri ferait étouffé, & où du moins il n’auroit plus que des corps pourris pour fe nourrir; au lieu que la vie des vers verds peut être prolongée jufqu’au temps où ils doivent être mangés. J’ai ouvert des nids dans lefquels il ne refloit plus qu’un ou deux de ces vers, ils y étoient encore pleins de vie, ils ne paroiffoient pas même y avoir dépéri malgré leur long jeûne, ce qui n’efl pas furprenant, s’ils ctoient près du temps de leur métamorphole. 264 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE La manière dont la guêpe les entaffe, a un avantage dont nous avons déjà parlé, ils fe biffent manger fans lé remuer, & fans le pouvoir faire. Il importe encore au ver de la guêpe, pour une autre raifon, qu’ils foient à l’étroit, qu’ils rempliff'ent bien la cavité du trou, par-là le ver vorace cff forcé d’ufer avec œconomie de fa provifion d’aliments. S’il pouvoit aller librement jufques aux infcélcs les plus éloignés du fond du trou, peut-être que par gourmandife ou par friandifc il les entammeroit tous les uns après les autres, avant que d’avoir fini d’en manger un feul en en¬ tier; il fe mettrait bien-tôt dans le cas de n’avoir plus pour fe nourrir que des vers morts & corrompus. Si la difpofition que les vers verds ont à fe rouler en anneau, donne de la facilité à la guêpe pour les bien arran¬ ger dans une cellule, il en naît un inconvénient auquel elle fçait remédier. Le tuyau par lequel elle arrive au trou crcufé dans le fable, & le trou même, n’ont guéres plus de diamètre que le corps delà mouche: comment peut- elle donc entrer dans le tuyau, le parcourir en tenant lin ver roulé, foit entrefes dents, foit entre fes jambes! J’ai été attentif à obferver de ces guêpes dans le temps quelles fe rendoient à des trous à qui il ne manquoit rien du côté de la profondeur. Chacune y arrivoit chargée d’une proye femblable & dont le poids étoit peu inférieur nu fien : elle tcnoit la tête d’un ver verd entre les dents; & fes jambes étoicnt occupées à obliger ce ver à reffer étendu tout le long de fon corcclet & de (on ventre. Ainfi malgré l’inclination qu’il a à fe rouler, elle le forçoit d’être allongé. Le ver appliqué & affîijetti de la forte contre fe corps de la mouche, augmentoit peu le volume de celle-ci; elle enfiloitlc tuyau avec autant de facilité que lorfqu’elle y entrait à vuide. On imagine affes que parvenue au fond du trou, elle n’avoit qu’à biffer le ver en liberté, pour des Insectes. VIII. Mem . 265 qu’il s’y contournât en anneau : il 11e rcfloit à la mouche qu’à le prefier pour l’approcher aiïés près du fond de la cellule, s’il étoit le premier qui y eût été porté, ou, fi d’autres vers y étoient déjà arrangés, qu’à l’obliger à s’ap¬ pliquer fur le dernier. Là, ces vers plus pacifiques que des agneaux, qui n’ont befoin de prendre aucune nourriture, Si qui naturellement pafferoient peut-être un certain nom¬ bre de jours dans un parfait repos;là, dis-je, ils fe trouvent bien, & attendent apparemment, fans le prévoir, le moment où ils doivent être mangés. Au refie la guêpe qui les a ap¬ portés, a évité autant qu’il étoit en ellede leur faire du mal. Je nefçais pourtant fi ceux dont j’ai pu difpofer, n’avoient pas été privés trop tôt de nourriture, ou s’ils n’avoient point fouffert dans le trou ; j’ai lieu de foupçonner l’un ou l’autre: plufieurs de ceux que j’ai fauvésdes dents du ver carnacier, ont été mis dans des poudriers bien fermés; ils n’y ont pourtant pas fatisfàit la curiofité que j’avois de connoitre i’infeéte en lequel ils fe transforment : je fuis incertain s’il efi une mouche ou un fcarabé; tous ont péri fans fitbir aucune transformation. La coque que fe file lever de guêpe, efi d’un tifiù ferré, ordinairement adhérente au fable, & de couleur brune: c’efi un logement où il doit refier dix à onze mois, tant fous fa première forme, que fous celle de nymphe. Je crois qu’ils 11e prennent cette dernière qu’à la fin de l’Hi¬ ver, car vers la fin d’Août, j’ai trouvé dans chaque cellule que j’ai ouverte, le ver qui avoit encore une belle couleur jaune; Si ceux que j’ai tenus cités moi dans des tuyaux fàdices Si dans des poudriers, n’étoient pas encore chan¬ gés en nymphes le 25 de Décembre. Ce n’efi que vers la fin de Mai, que la mouche fe tire de fon dernier fourreau, Si quelle faitufage de fes dents pour ouvrir fa cellule: j’en ai vu alors qui, après avoir percé le fable, préfentoient le Tome VI. L 1 266 Mémoires pour l’Histoire bout de leur tête à un trou encore trop petit pour la Biffer palier, & que les dents travailloient à aggrandir. D’autres guêpes de différentes efpeces, mais qu’il ne m’a pas été permis de luivre dans tous leurs âges & dans toutes leurs opérations, comme il me l’a été par rapport aux précédentes, font auffi à chacun de leurs petits une provifion d’infeéles qu’elles renferment dans le trou où il doit naître. Mais comme différentes efpeces de chenilles fe nourrilfent de différentes feuilles de plantes & d’arbres, que les unes fe laifferoient mourir de faim, fi on ne leur offroit que des feuilles que les autres rongent avec le plus d’avidité, peut-être auffi que les vers des guêpes de diffé¬ rentes efpeces, ont des goûts déterminés pour certaines fortes de gibier. Etant, avant la mi-Mai, proche ce mur du parc de Bercy, dont j’ai déjà parlé à l’occafion d’une efpece d’abeilles, je vis une guêpe plus groffe que celles dont il a été queflion ci-devant, qui entra dans un trou qu’elle avoit creufé dans la terre qui rempliffoit les entre¬ deux de quelques pierres: j’emportai peu-à-peu des grains de cette terre, & je parvins à mettre à découvert une cavité dans laquelle je trouvai plus de trente chenilles toutes en vie & de même efpcce; elles ctoient vertes, plus petites que les vers verds dont il a tant été fait mention, &, fans doute, deffinées à nourrir un feul & unique ver de guêpe. Ces che¬ nilles avoientfeize jambes dont les intermédiaires finiffoient par une couronne complettede crochets. Une teinte rou¬ geâtre étoit étendue furie bord des anneaux de quelques- unes^ d’autres avoient pris par tout une couleur vineufè ou plus rouge. Je les foupçonnai être des chenilles du rofier, je leur offris des feuilles de cet arbufte, je leur donnai auffi des feuilles d’orme &. de celles de laitue, mais elles ne mangèrent ni des unes ni des autres, qui, peut- être, nctoient pas de celles quelles aimoient. D’ailleurs, des Insectes. VIII. Afem . 267 j’eus lieu de croire que ces chenilles qui paroiffoicnt très- làines lorfque je les pris, avoient été bieffées en route par des grains d’une terre très-dure quon avoit mis avec elles dans le même poudrier. Des guêpes de la grofieur de celles qui donnent des vers verds h leurs petits, mais fur le corps defquciles le jaune domine davantage, pour nourrir les leurs ne vont ni à la chalTe des vers, ni à celle des chenilles. Elles jugent appa¬ remment qu’un gibier d'un tout autre genre eft plus au goût de leurs vers : c’elt d’araignées qu elles les pourvovent. Dans tel trou de ces guêpes j’en ai trouvé fept à huit, & dans d’autres deux feulement, & cela, félon que le ver qui l’habitoit étoit plus jeune ou plus vieux. Dans un trou où je ne trouvai que deux araignées de relie, étoit logé un ver * plus long, par rapport à fa grolfeur, que ne * TI26. Eg. le font ceux des guêpes ordinaires; fes anneaux étoient 1I - plus plilfes, plus entaillés; fa tète, faite comme celle des autres vers de guêpes, avoit deux dents plus fenfibles en ce quelles étoient un peu plus grandes, & fur-tout parce qu’elles étoient plus brunes. Les deux araignées qui lui relloient, étoient d’une efpece * à longues jambes; le fond * f;,. 12. de la couleur de leur corps étoit un beau jaune fouetté de noir, fur lequel le trouvoit une rave brune qui alloit de la partie antérieure du corps au derrière. Au relie, plufeurs efpeces de guêpes qui ont été obfervées par des Naturalifles, & entr’autres par le célébré Vallifnieri, ne donnent à leurs vers pour toute nourriture, que des araignées, & en donnent d’une elpece différente de celle que nous venons de décrire. Il eft donc très-probable que chaque elpece de guêpes choifit conftamment pour la nourriture de fes petits, des infectes d’un certain genre, c’elt-à-dire, que les guêpes qui donnent aux leurs des vers, ne leur donnent jamais des chenilles ou de* 268 Mémoires pour l’Histoire araignées; &que réciproquement celles qui nourrirent les leurs de chenilles, & celles qui les nourrirent d’araignées, ne les nourriffent jamais de vers. Non feulement il tff probable que les guêpes d’une même efpece choififTent conflamment pour cette fin des infectes d’un certain genre, il y a de plus beaucoup d’apparence quelles fe lixent à ceux d’une certaine eljiece, ou au moins d’un petit nombre d’efpeccs du même genre, comme les chenilles font dé¬ terminées à ne manger que certaines el'peces de feuilles. Ce qui ell certain, au moins, c’elt que le même ver a la provifion faite d’une même forte d’infectes ; non feule¬ ment on ne trouve point dans fon trou des chenilles, des araignées & des vers mêlés enfemble, dans celui où il y a des vers, dans celui où il y a des araignées, & dans celui où il y a des chenilles, il n’y en a ordinairement des unes & des autres, que d’une feule efpcce. C’elt aulfi de leur chalfe que les elpcces de guêpes ichneum-ons, au moins celles que je connois, nourrilfent leurs petits: elles portent dans le nid où chacun d’eux doit PI. 26.6g. croître, des infectes entiers & même vivants. M. du Hamel eut occafion d’en obferver d’une clpece * à Nainvilliers, qui ne m’ont paru différer des guêpes des efpeces précé¬ dentes qu’en ce quelles ne tiennent pas leurs aîles fupé- rieures pliées. Le filet qui joint leur corps au corcelet, elt court, mais cependant d’une longueur fenfible. Chacun de leurs anneaux ell jaune par deffus, & a une étroite bande noire à l’un & à l’autre de les bords, à l’antérieurék au poflé- rieur, mais le deffous du ventre ell d’un noir luifant; le corcelet & la tête font de cette dernière couleur. Les an¬ tennes font jaunes à leur origine, & plus des deux tiers de leur longueur font noirs: c’ell au contraire à leur origine, julque vers la moitié de leur longueur, que les jambes font noires, excepté aux articulations, qui, comme la moitié reliante, font jaunes. des Insectes. VIII. Mcm. 269 Des guêpes ichneumonsde cette efpece avoient choifi la terre d’une l'erre de Nainvilliers, pour y creufer des trous voifins les uns des autres. M.du Hamel m’apprit qu’il avoit remarqué de ces guêpes qui entroient dans des trous d’où elles avoient celfé de tirer de la terre, 6c qui toujours y en¬ troient chargées d’une mouche à deux ailes. On devoit croire que ce n’étoit pas pour elles-mêmes qu’elles por- toient l'ous terre ce que leur chade leur avoit produit. Je le priai de vouloir bien chercher le ver qui devoit être au fond de chaque trou : il ne manqua pas de l’y trouver; il y en trouva de déjà grands *, de prêts à fe métamor- * PI. 26.%. pliofer: ils étoient environnés de débris de mouches, d’aî- 13 & 14 “ les, de têtes, de jambes, fortes d’offements trop durs pour les dents du ver. Mais lorfque celui-ci fe conftruit une coque*, il met ces débris à profit, il les employé pour la * Fig. 15., rendre plus lolicle: ce n’efi qu’avec des ailes, des têtes & des jambes de mouches, liées enfemble par des fils de love, qu’il en compofe l’enveloppe extérieure qui refte toujours très-raboteufe; il lui fuffit de rendre lilfes 6c unies les parois intérieures de fon logement. Il a fembié à M. du Hamel que les meres guêpes dont nous parlons, nourrifioient leurs petits au jour la journée, quelles ne leur faifoient point, comme nous l’avons vu pratiquer à celles de plufieurs autres efpcces, une provifion pour tout le temps où ils doivent croître fous la forme de ver. Ces mêmes enduits* de fable gras'que j’avois donnés* Figure 1, à un mur, 6c dans lefquels des guêpes dont il a été parlé b m m b ' ci-devant, dépoférent leurs œufs pendant plufieurs années de fuite, plurent aulfi une année à quelques guêpes ich- neumons de couleur brune, à corps plus allongé que celui des guêpes ordinaires, 6c qui a un long étranglement, par le bout duquel il fc joint au corcelet. J’en furpris deux à 270 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE la fois pendant qu’elles creufoient le fable en deux endroits différents; chacune reftoit peu dans le trou qu’elle vouloir rendre plus profond, elle en fortoit en tenant entre fes dents une petite maffe de fable, quelle alloit jetter à une diflance de quelques pas feulement. La pratique de celles- ci, n’eft pas d’élever fur le bord du trou lin tuyau fait du labié qui a été détaché. Chacune, après avoir travaillé pen¬ dant plufieurs jours à creufer, boucha l’entrée & partie de fon trou avec un fable d’une couleur différente de celui qui en avoit été tiré, ce dernier étoit verdâtre, & l’autre étoit gris. Ce fut vers la fin de Mai que je les vis pour la première fois fe mettre à l’ouvrage, 6c le 7 Juin je me déterminai à ouvrir lin des trous qui avoient été bouchés; il l’étoit dans une longueur d’un pouce ou environ, au bout de laquelle il fe clivifoit en plufieurs branches, dont je parvins à mettre quatre à découvert. Chaque brandie étoit une efjiece de eul-de-fae où un ver de la guêpe ichneumon fe trouvoit logé; c’étoit un magafin bien pourvu de viéluaiiles. Celles qui y avoient été mifes, étoient des araignées mortes pour la plupart, mais encore fraîches 6r entières. A peine avoient- elies la moitié de la grandeur à laquelle elles auroient dû parvenir. Ces araignées étoient d’une des cfpecesqui ren¬ ferment leurs œufs dans une belle 6c groffe coque de foye, 6c qui font des toiles à rayons dirigés vers un centre, 6c, ce qui les caraélérife davantage, qui ont fur le corps une croix blanche, 6c dont le refie de la couleur dominante eft un brun jaunâtre. Dans un des logements je ne trouvai que trois araignées, mais j’en tirai cinq à fix de chacun des autres, parmi lefquelles j’en trouvai une d’une cfpece dont les jambes font plus longues que les jambes de celles de l’autre efpece. Je ne tirai pas hors des trous les mieux four¬ nis toutes les araignées qui y étoient; je craignis d’inquié¬ ter trop, ou plutôt de bleffer le ver qui occupoit fe fond des Insectes. VIII. Mem. 27 1 de chaque cellule: je leur rendis à chacun ce que je leur avois ôté, & pris foin de reboucher ce que j’avois ouvert, efpérant les avoir,enfuite fous la forme de nymphe & fous celle de mouche; mais je leur fis plus de mal apparem¬ ment que je ne l’avois penfé, car ils ne parvinrent pas à fe transformer. Plufieurs efpeces de fimples guêpes, Sc de guêpes ich- neumons, ont le même titre pour porter le nom de perce- bois que les abeilles auxquelles nous l’avons don né *. D’une * Mém. 3; de ces courfes que fait M. Guetard, en intention de me trouver des matériaux pour enrichir l’Hiftoire des Infeéles, il m’apporta à la fin de Juin plufieurs bâtons de bois de chêne qu’il avoit ramafles aux pieds des arbres dont le vent les avoit aifément fait tomber, parce qu’ils étoient pourris en partie. En ayant rompu quelques-uns * en long, il y *pj. 27. %. remarqua avec furprife, des cavités remplies par des mou- l> 2 > 3 01 5 * ches d’une affés jolie efpece *. Ce que je fçavois du génie * Fig. 1. /. des guêpes, Si des guêpes ichneumons, ne me permettoit pas de refter dans l’incertitude fur la caufe de ce fait. Au fond du premier trou que j’examinai, je trouvai un œuf obiong d’un blanc jaunâtre. Je 11e doutai pas que les mou¬ ches n’eu (Te nt été apportées Si entaffées dans le trou pour nourrir le ver qui devoit fortir de cet œuf. Je ne tardai guéres enfuite à fendre en divers fens le morceau de bois où étoit ce nid, & à en fendre plufieurs des autres qui avoient été apportés; ils renfermoient de vrais *réfors, pour qui des objets propres à étendre nos connoiffances, font des richeffes. Ces différents morceaux de bois, «Sc quelquefois le même, avoient plufieurs nichées * remplies *Fig. de fix différentes fortes d’infeéfes mis en pile; mais tous ^ *•’ Z' ceux d’une même nichée, étoient de la même efpece. Les unes n etoient pleines que de mouches à deux ailes affés fcmblables à celles de nos appartements, par la forme & la * 11 272 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE PI. 27. fig. grandeur. D’autres l’étoient de mouches à deux ailes * plus grandes , 6c dont le corps va en diminuant de grofleur de¬ puis l'on origine, pour fe terminer en pointe. Dans d’au¬ tres cellules on 11e voyoit encore que des mouches à deux * Fig. 12. ailes * peu inférieures en grandeur aux précédentes, 6c de même forme, mais qui en différoient fenfiblement, parce que leurs ailes étoient tachetées de brun. Des mouches » Fig. 13. encore à deux ailes *, mais plus rares qu’aucune des pré¬ cédentes, avoient été portées dans d’autres trous, elles étoient d’une elpece remarquable en ce que la plus grande partie de chacune de leurs ailes eft opaque, on n’y voit qu’une bande tranfparente proche de la bafe; le relie de chaque aile eft auffi noir que le font toutes les parties extérieures de la même mouche, dont le noir eft beau: d’aiileurs, les ailes de ces mouches ont une figure diffe¬ rente de celle des ailes des mouches plus communes; leur bafe a une longueur que n’ont pas des ailes plus grandes. * Fig. 2. t. D’autres cellules* n’étoient remplies que de tipules * allés **Fig. 8. petites, dont le corps, le corcelet 6c la tête lont du plus beau vert, 6c qui portent fur leur tête un joli pennache. Enfin, je ne trouvai dans d’autres cellules que de petites chenilles à feize jambes, dont le corps avoit des rayes foibles d’un brun nué. Sur ce qui a été dit ci-devant, on eft fondé à croire qu’il y avoit eu autant d’cfpeces différentes de guêpes, ou de guêpes ichneumons, qui avoient creufé des nids dans ces morceaux de bois, qu’il y avoit eu de différentes eftpeces d’infeéles portées dans les nids; 6c j’eus des preuves incon- teftables, que trois des nids, au moins, qui contenoicnt des infeéfes de trois différentes efpeccs, étoient les ouvra¬ ges de trois fortes de guêpes, ou de guêpes ichneumons. * Fig. 2. /. Dans plufieurs de ceux * où des tipules vertes avoient été * pour qui cette provifion avoit * Fig. 9 « 5 c cntalfées. je trouvai un feul Yer S O» des Insectes. VIII. Mem. 275 avoit été faite, fa tête étoit écailleufc & de grandeur fien- fibie, la partie antérieure de l'on corps étoit blancheâtre, ce qui la fuivoit étoit verdâtre dans preique tout le relie de l'on étendue; des grains blancs fembioient femés furie verd, mais je crois que ces grains étoient dans l’intérieur, & qu’on les rapportoit à la peau tranfpareme, au travers de laquelle on les voyoit. Le ver * que je trouvai dans cha- * P! z 7 que cellule pleine de mouches qui relfembloient à celles 6 de nos appartements, étoit entièrement jaune & opaque, fa tête étoit bien plus petite que celle du précédent ; enfin, fes anneaux léparés les uns des autres par des enfoncements plus profonds, n’avoient pas autant de rondeur que ceux du premier; ils avoient des inégalités, des efpeces de mam- melons, qui fembioient y marquer des pans. Je trouvai d’autres vers qui, comme les derniers, avoient des anneaux pleins de rugofités changeantes, mais qui étoient beaucoup plus grands & entièrement blancs : la provifion de chacun de ceux-ci étoit faite de ces mouches dont le corps va en diminuant de groffeur depuis fon origine julqu’à fon extrémité. Les trois fortes de vers que je viens de décrire, à qui trois fortes de mouches différentes avoient été données pour fe nourrir, étoient donc forties des œufs de trois efpeces de guêpes ou de guêpes ichneumons différentes, Sc dévoient le transformer en des guêpes de ces trois efpeces. Je ne pus trouver que des nymphes dans des nids où d’autres infeétes avoient été portés. La nymphe étoit renfermée dans une coque de foye *. J’obfervai *Fig. 3. entre ces coques des variétés propres à prouver que celle qui étoit dans une cellule remplie d’une forte dan- feéJes, n’avoit pas été filée par un ver de même efpece que celui qui avoit filé une coque dans une cellule pourvûë d’une autre forte d’infeétes. Une de ces coques 4 différoit * Fig. 4 Tome VI. M m ^74 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE tle l’autre par fon tiffu plus ferré, par fa couleur plus brune & par le graveleux de là furface extérieure. Pendant que j’écris ceci, les nymphes des différents nids font encore dans leurs coques d’où elles ne fortiront peut-être que l’année prochaine. Il n’y a encore eu que quelques-unes de celles qui avoient été des vers jaunes *, dont laprovifion de nourriture avoit été faite de mouches femblables à celles de nos appartements, il n y a eu, dis-je, que deux de ces nymphes qui ayent paru encore fous la forme de guêpes ichneumons, fort petites*. Leur tête eft groffe Si feroit entièrement noire, fans deux petits traits jaunes qui partent d’entre les deux antennes & defeendent ÿufqu a la lèvre lupérieure. Le corcelet a auffi quatre taches jaunes à fon bord antérieur, &le reffe eft noir. Le fond de la couleur du corps eft auffi un noir luifànt; fur chaque anneau if y aurait une bande jaune fi celles du fécond 6 c du troifiéme n’étoient pas en partie effacées en-deffus, de forte que ces deux anneaux ont des plaques noires qu’on ne voit pas aux autres. Les jambes font jaunes, elles ont feule¬ ment une de leurs premières articulations teinte de noir. La tranfparence des ailes n’empêche pas de démêler quelles tirent fur le noir. Les fupérieures fe croifent l’une l’autre fur le corps & ne fe plient jamais. Les deux ichneumons que je décris, étoient des mâles, &par conléquent dépourvus d’aiguillon. J’ai été furprisde : lalongueur dedeux pièces écailleufes * que j’ai fait fortir de leur derrière en lepreffant, elles avoient au moins celle de la moitié du coips. Leur figure tenoit de celle des oreilles d’âne, à cela près qu’elles étoient plus applaties. La partie . propre au mâle *, beaucoup plus courte, fortoit d’entre • ces deux pièces, elle étoit formée de deux crochets écail¬ leux affemblés en-deffus par une membrane; le bout de chaque crochet fe recourboit vers le ventre. Entre ces deux des Insectes. VIII. Mon . 27* pièces, à l’origine des crochets, paroi doit une ouverture propre à laiffer i'ortir une partie charnue, ou au moins de la liqueur. On aura apparemment peu de regret, peut-être même fera t-on bien-aile de ce que je n’ai pas été en état de décrire en détail les cinq autres elpeces de guêpes ich- neumons qui doivent naître dans les cinq autres fortes de cellules dont les approvifionnements font différents. Ce qui efl le plus capable ici déplaire à des efprits curieux, en grand, c’eft qu’entre différentes efpeccs de mouches qui ont à pourvoir d’inlêéles leurs petits dont l’inclination efl carnaciére, chacune connoiffe l’efpece d’infeéics que les liens aiment le mieux, Si peut-être la foule qui leur con¬ vienne, Si la leur donne. J’ai fait mention ailleurs* daffés grands pucerons que * Tome ///. j’avois trouvé empilés dans un morceau de bois: moins p ° se i3i ' au fait alors que je ne le fuis à préfent du génie de nos mouches chaffeufes, je croyois que ce lieu avoit été choifi par les pucerons, qu’ils s’y étoient entaffés eux-mêmes; mais il efl bien plus vraifomblable qu’ils y avoient été ap¬ portés par une mouche, & qu’ils étoient défîmes à être la proye de fon ver. Le bois que ces guêpes ont à creufer efl, comme il a été dit, fi tendre qu’on peut avec la main le divifer en piufieurs pièces félon fa longueur; les endroits les plus durs fe laiffent couper par le plus mauvais couteau. Lorfqu’on a mis à découvert des nids qui y étoient renfermés, on les trouve félon l’âge du ver qui y efl logé, remplis de plus ou de moins d’infeéles. On n’en voit plus que des débris dans chacun de ceux où levers’efl filé une coque; ces débris font confidérables dans les nids qui ont été remplis de mouches*: les ailes, les jambes, la tête Si le corcelct de celles- ci y font fouvent en entier. Le fond de chaque trou efl; M m i j 276 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE lific, & tel que le bois le doit fournir ; mais par-delà la ca¬ pacité néceffaire pour contenir le ver & fa provifion d’ali- * PI. 27.fig. ments, on voit de la fciûre entaflee*, dont tous les grains J-* 2> 3 & 5 ‘ font bien appliqués les uns contre les autres. On fçaura à quelle fin elle y a été mile, dès qu’on fe rappellera les pro¬ cédés des guêpes qui creufentdcs trous en terre. On avû qu après avoir logé des- infeétes dans une portion d’un iong trou, elles remplilfent de terre le refie du trou. Ce que celles-ci font avec de la terre, les autres le font avec de la fciûre ; elles veulent que leur ver fe trouve à une certaine diftance de la furface du bois, & le trou qu’il a fallu ouvrir pour les en placer afics loin, a une trop grande capacité. L’excédent de cette capacité efi bouché, & doit l’être, parce que le ver ne pourroit foûtenir les imprefiions de l’air extérieur: d’ailleurs, il ne faut pas laifier la liberté au gibier dont on lui a Lit une provifion, de s’échapper. Afics fouvent la fciûre efi aufii employée pour féparer deux nids qui peuvent fe trouver à la file dans un même trou : elle forme des cloifons plus malfives & plus folides, mais moins régulièrement confinâtes que celles ries nids des abeilles perce-bois. Des guêpes ichneumons qui, parla forme de leur corps, different beaucoup plus que les précédentes des guêpes communes, font, comme ces dernières, dans l’ufage de renfermer avec chacun de leurs vers, la provifion d’in- feéles néceffaire à fon accroificment complet. Il y en a * pi. 28. fig. plufieurs efpeces *, de celles dont je veux parler aétuelle- 5 c 7 * ment, qui ont de commun d’avoir le corps joint au cor- celct par un tuyau cylindrique, plus délié qu’un fil à cou¬ dre,^ fouvent plus long que le corps: celui-ci fe trouve comme un grain de chapelet oblong, attaché au bout d’un fil de fer, ce qui donne une figure finguliére à ces mouches. Je m’arrêterai peu aux différences de couleurs des Insectes. VIII. Mem. 277 qu’on peut remarquer à celles cle différentes efpeces : les unes font entièrement d’un brun noir, leurs allés feules font rouffâtres; d’autres ont le corps &le corcelet bruns, mais le fil fiftuleux qui les joint, eft jaune: elles ont au/fi les jambes jaunes en partie, & du jaune mis par taches fur la tête. Le jaune & le brun-noir font autrement dillnbués fur d’autres. Parmi ces différentes efpeces de guêpes ichneumons, H y en a au moins une qui fe contente de creufer des trous dans un terrein fablonneux. M. Baron Médecin à Lucon, crut devoir m’informer, il y a quelques années, qu’il avoit trouvé dans un terrein de cette nature qui s’élevoit plus haut que le chemin dont il faifoit le bord, quantité de trous percés les uns auprès des autres; qu’en ayant ou¬ vert plufieurs, il avoit oblèrvé que chacun d’eux fe termi- noit par une cavité à qui il donna le nom de chambre, quoiqu’elle n’eût pas plus de diamètre que le chemin par lequel on y arrivoit, mais elle faifoit un angle droit avec ce chemin. Dans quelques-unes de ces chambres, il trouva une coque de foye jaunâtre, faite en quelque forte en bouteille*: elle avoit une elpece de col court * dont le * PI. 28.f». goulot étoit bouché. Le ver * par qui elle avoit été filée, étoit renfermé dans l'on intérieur: fa couleur étoit blan- g ‘ cheâtre. Avant que de fe renfermer, il avoit vécu de * 0 ^' s ‘ 9 & mouches: c’efl ce qu’apprenoient des fragmentsd’aîles& de jambes qui étoient dans le trou ou la chambre, entre fes parois & la coque, mais qui n’étoient nullement adhé¬ rents à celle-ci. Ce fut en Hiver qu’il découvrit ces coques: il m’en envoya trois que je reçus en bon état, ayant cha¬ cune leur ver fous fa première forme ; mais foit que ces vers euffent fouffert pendant une route de plus de cent lieues, foit par quelquautre caufe, ils ne parvinrent pas à fe métamorphofer en mouçhes ; & j’ignorerois quelle eft M m iij + PI. 27. j &7. * PI. 2S 4* * O, C, 0, 278 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE l’efpece à laquelle ils dévoient leur nailTance, fi je n’en eufie été inftruit par la troisième planche du premier vo¬ lume des Œuvres de Valifnieri de l’édition in-folio. Là, efi repréfenté,e une coque précifément lemblable à celle dont j’avois admiré la figure, & la mouche qui fort de cette coque, qui efi du genre de celles des figures y planche 28. Plufieurs efpccesde ces guêpes ichneumons dont le corps %• tient au corcelet par un long fil *, peuvent être diftinguées des autres par le nom de maçonnes; leur maçonnerie n’eft pourtant Lite que de terre. Elles bâtilfent avec de la terre des nids compofés de plufieurs cellules dans lefquelles elles élevent leurs petits. Je ne fuis point parvenu à obferver de ces ouvrières aux environs de Paris, ni des nids qu’elles conftruifent; mais de ces guêpes & des fragments de leurs nids, m’ont été envoyés d’Avignon par M. le Marquis de Caumont. J’ai reçu de ces guêpes de pays beaucoup plus éloignés, de N fie de France & de fille de Saint-Domingue, .fig. Les nids * des guêpes ichneumons & maçonnes de Saint-Domingue, m’ont été remis bien conditionnés, Sc dans un état propre à me faire voir tout l’art de leur confiruéïion. Leur matière efi une terre grife qui, quand elle efi lèche, efi friable. Chaque nid efi compofé d’un grand nombre de tuyaux tous parallèles les uns a.ux au¬ tres : la mafle formée de leur aflemblage, efi fou vent attachée au plancher d’une chambre, car les mouches qui bâtifîent ces fortes de nids, entrent hardiment dans &c. Les maifons. Toutes ces cellules ont leurs ouvertures * en emhas, & ordinairement fur un même plan : leur arrange¬ ment donne à la mafiè qu’elles compofent, une forte de refièmblance avec l’inflrument connu fous le nom de filflet de chauderonnier ; mais tel nid a autant de trous qu’en auraient deux de ces fifflets, appliqués fun contre l’autre. des Insectes. VIII. Mem. 279 c’efl-à-dire, que tel nid' a deux rangs de trous; quelques-uns peut-être en ont trois,mais d’autres 11’en ont qu’un. L’ou¬ verture de chaque trou eft l’entrée d’un tuyau ou d’une cellule: elles font conftruites par la mouche les unes après les autres, & il femble que chaque cellule foit fixité de cor¬ dons de terre appliqués les uns fur les autres, ou plutôt d’un feul cordon qui, depuis la bafe de la cellule jufqu’à fon entrée, a été roulé en fpirale. Dans plufieurs de ces loges, j’ai trouvé des coques dont les mouches étoient forties après leur transformation. Ces coques font brunes, & plus cafïàntes qu’elles ne le lem- bleroient devoir être, étant tiffuës defoye. J’ai trouvé auffi quelques mouches qui, n’ayant pas eu la force d’ouvrir leurs coques, étoient péries dedans. Ces guêpes ichneu- mons attachent leurs nids indifféremment contre diffé¬ rentes fortes de corps folides. M. Bernard de Jufficu m’a dit qu’on l’avoit affuré en avoir trouvé d’attachés à des habits, peut-être à des habits pendus à des râteliers. Ces guêpes ichneumons dont nous parions, celles qui me font venues de Saint-Dominique, ont le premier an¬ neau de leur corps bordé d’un filet jaune; elles ont une petite tache de cette couleur fur le corcelet, & quelque¬ fois elles en ont encore d’autres plus petites fur la tête: tout le refte efi d’un brun noir. Les guêpes ichneumons de fille de France, qui, comme les précédentes, ont à leur corps un long étranglement auffi délié qu’un fil, font par-tout noires, je ne leur ai rien trouvé de jaune. Elles m’ont été envoyées par M. Coffgni, & il ne s’eft pas con¬ tenté de me les envoyer, il m’a fait part en même temps des obfervations qu’elles lui ont fournies: je vais les rappor¬ ter. Ces mouches ont la hardieffe de venir bâtir leurs nids dans les chambres les plus habitées, elles les appliquent, comme les h y rond elles appliquent les leurs, contre une * Pl.28.fi z & 3. 280 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE folive, dans le coin d’une fenêtre, ou même dans l’angle de deux murs: elles donnent à chaque nid la figure d’une boule & la groffeur du poing ; il efl. fait d’une terre dé¬ trempée que la guêpe pétrit peu à-peu & à bien des reprifes entre fes pinces ou dents. Cette boule eft un affemblage de douze à quinze cellules, tantôt plus, tantôt moins. A mefure que chaque cellule efl conflruite, la guêpe porte dedans une certaine quantité de petites araignées, quelle y renferme enfuite avec l’œuf d’où fortira le ver qui s’en doit nourrir. M. Coffigni ayant détaché des nids, & brifé à defïein plufieurs de leurs cellules, trouva toutes celles-ci rem¬ plies de petites araignées dont la plupart étoient vivantes. D’un nid qu’il renferma tout entier dans un poudrier, il vit dans la fuite fortir une quinzaine de mouches qui setoient tirées d’une pellicule roufTe & très-fine, qui paroît être la coque dans laquelle fe font flûtes les transformations du ver en nymphe, & de la nymphe en mouche. Je dois encore à M. Coffigni des obfervations fur une g. efpece de guêpes ■ichneumons*, dont le corps n’a pas un étranglement auffi long é: aufii délié que celui qui rend finguliére la forme des dernières dont il vient d’être parlé. Celles que nous voulons faire connoître d’après lui, & dont il nous a envoyé plufieurs très-entières, ont un extérieur qui fe rapproche plus de celui des guêpes ordinaires: leur couleur efl propre à leur attirer des regards. Tant cn-deffus qu’en-deffous, leur tête, leur corps, leur corcclet font d’un verd, ou, fi l’on veut, d’un bleu changeant, car ellesjxRoif- fent bleues ou vertes, félon la pofition dans laquelle on les regarde; mais toujours leur couleur a-t-elle un éclat fupé- rieur à celui des plus beaux vernis. Leurs antennes font noires; leurs yeux font feuille-inorte; leurs jambes qui, près de leur des Insectes. VIII. Mem. 2S 1 de leur origine font bronzées, ont dans le refie 6c la plus grande partie de leur longueur, une couleur violette. Ces mouches, afTés rares dans rifle de Bourbon, font très-com- munesdans rifle de France. Elles volent avec agilité. Ce font des guerrières qui ne nous craignent pas ; elles entrent volontiers dans lesmaifons, elles volent fur les rideaux des fenêtres,pénétrent dans leurs plis&en refortent;lorfqu elles y font polées, elles font ailées à prendre; mais on doit bien fe donner de garde de le faire, fi on n’a la main munie d’un mouchoir doublé & redoublé plufieurs fois. La piquûre de leur aiguillon efl plus à redouter que celle des aiguillons des abeilles & des guêpes ordinaires; cette guêpe ichneu- mon darde le fien bien plus loin hors de Ion corps, que ces autres mouches ne peuvent darder le leur. Dans les bois 6c dans le pays découvert de l’Ifle de France, on ne trouve point d’abeilles domeftiques, au lieu qu’on en trouve en quantité, 6c qui font beaucoup de cire Si de miel, dans les bois de l’Ifle de Bourbon. On attribue avec vraifemblance la caufe de la rareté des abeilles dans la première de ces Ifles, à ce que les guêpes y font beaucoup plus communes que dans l’autre; ce qui confirme ce que nous avons déjà rapporté ailleurs des abeilles qu’on prétend être détruites dans nos Ifles de l’Amérique par les guêpes. M. Cofligni 11’a pas eu occafion d’obferver fi ces guêpes ichneumons d’une couleur fi belle 6c fi éclatante, en vou- loient aux abeilles; mais il leur a vû livrer des combats dont il ne pouvoit que leur lçavoir gré; c’étoit à des infeétesqui leur font fort fupérieurs en grandeur, 6c furlefquels néant- moins elles remportoient une pleine victoire. Tous ceux qui ont voyagé dans nos Ifles, connoiffent les kakerlaques; fouvent même ils les ont connues avant que d’y être arri¬ vés: nos vaifleaux n’en font que trop fréquemment infectés. Tome VI N n 282 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE M. ,le Merian n’a pas manque de les faire repréfenter, elle ies a même placées dans la première planche de fes InfeCtes de Surinam. Ce ne fera que dans les volumes fuivants que nous rapporterons ce que nous fçavons de leur hiftoire ; mais nous devons dire d’avance que les kakerlaques font d’un genre auquel nous donnerons le nom de blatte, 6c dont une efpecefe multiplie fort en Europe dans beaucoup de cuifines. Les blattes appellées kakerlaques font d’affés grands inférés dont le corps eft applati ; celui des mâles eft caché fous des ailes, 6c celui des femelles efl à découvert, elles n’ont point d’ailes. Les nôtres le codent beaucoup en grandeur à celles des autres parties du monde, 6c ne font pas fi mal-faifantes, elles ne font à craindre dans les cuihnes, que comme une mal-propreté ; mais dans nos Illes elles s'introduiront par-tout, elles hachent tout, elles n’épargnent ni habits ni linge. On y doit donc aimer des mouches qui, comme les guêpes ichneumons dont il s’agit actuellement, attaquent ces infeétes deftruèf eurs 6c les mettent à mort. M. Coffigni qui a été témoin de quelques-uns de leurs combats, les a très-bien décrits: voici ce qu’il a vu. Quand la mouche, après avoir rodé de différents côtés, foit envolant, foit en marchant, comme pour découvrir du gibier, apperçoit une kakerlaque, elle s’arrête un inftant, pendant lequel les deux infeétes femblent fe regarder; mais fans tarder davantage, i’ichneumon s’élance fur l’autre, dont elle làifit le mufeau ou le bout de la tête avec fes ferres ou dents; elle fe replie enfuite fous le ventre de la kakerlaque pour le percer de fon aiguillon. Dès quelle eft fure de l’avoir fait pénétrer dans le corps de fort ennemie, Sl d’y avoir répandu un poifon fatal, elle fcmble fçavoir quel doit être l’effet de ce poifon ; elle abandonne la kakerlaque, elle s’en des Insectes. VIH. Mem. 283 éloigné, foit en volant, foit en marchant; mais après avoir fait divers tours, elle revient la chercher, bien certaine de la trouver où elle l’a laifiee. La kakerlaque naturellement peu courageufe, a alors perdu l'es forces, elle efl hors d’état de réfifter à la guêpe ichneumon qui la faifit par la tête, «Sc marchant à reculons, la traîne julqu’à ce quelle l’ait con¬ duite à un trou de mur dans lequel elle fe propol'e de la faire entrer. La route efl: quelquefois longue, «Sc trop longue pour être faite d’une traitte : la guêpe ichneumon pour prendre haleine, laide fou fardeau «Sc va faire quelques tours, peut-être pour mieux examiner le chemin; après quoi elle revient reprendre fa proye, «Sc ainfi à différentes reprifes elle la conduit au terme. Quelquefois M. Coffigni s’eff diverti à dérouter la mouche; pendant quelle étoit abfente, il changeoit la kakerlaque de place; les mouvements inquiets quelle fe donnoit à fon retour, prouvoient affés fon embarras : ordinairement elle avoit peine à retrouver fa proye, «Scelle la perdoit abfolument lorfqu’elle avoit été tranfportée un peu loin. Quand la guêpe ichneumon étoit parvenue à la traîner jufqu’où elle la vouloit, le fort du travail refloit fouvent à faire, l’ouverture du trou étoit trop petite pour laifler pafler librement une grofîe kakerlaque ; la mou¬ che entrée à reculons, redoubloit quelquefois fes efforts inutilement pour l’y faire entrer: le parti qu’elle prenoit alors étoit de fortir «Sc de couper les fourreaux des aîles de l’infeéle mort ou mourant, quelquefois même elle lui arrachoit quelques jambes; elle rentroit enfuite dans le trou, toujours à reculons, «Sc par des efforts plus efficaces que les premiers, elle faifoit, pour ainfi dire, pafler le corps de laLakerlaque à la filière, «Sc la conduifoit au fond du trou. Il n y a pas d’apparence que la guêpe ichneumon N n i j 284 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE prenne tant de peine pour manger dans un trou une kakerlaque qu’elle mangeroit tout aufti-bien dehors : il eft plus que probable quelle eft déterminée à foûtenir toute cette fatigue par une raifon plus intéreftante, que c’eft pour donner une bonne provifion de nourriture à quelqu’un de fes vers. Si M. Coftigni eût ouvert le trou dans le fond duquel la kakerlaque avoit été tirée, il y eût apparemment trouvé un ver. Les guêpes ichneumons ont une grande fupériorité fur la plûpart des infeétes, par leur courage, par leur agilité & par îes armes meurtrières dont elles font pourvûës; mais quand à ces avantages fe trouve joint celui de la grandeur de leur maffe totale, il n’eft peut-être point d’infectes dont elles 11e viennent à bout. En eft il quelqu’un qui pût réfilter à la mouche dont la forme approche de celle des guêpes or¬ dinaires, & qui eft repréfentée de grandeur naturelle, pl.28, figure 1 ! Elle m’a été envoyée de Saint-Domingue par M. du Hamel Médecin du Roy dans cette Ilîe. Son corps, fon corcelet & fes jambes font d’un beau noir, fes ailes feules font d’une autre couleur, d’un cannelle aftcs clair, excepté près de leur bout & à leur bafe, où elles ont des teintes plus brunes : leurs yeux à rezeau font auffi d’une couleur plus claire que le cannelle, & aftcs huilants. La guêpe ichneumon qui eft repréfentée, planche 27, figure 19, & qui m’a encore été envoyée de Saint-Domin¬ gue par M. du Hamel, ne le cede pas à la précédente par le volume de fon corps. Elle eft de même entièrement noire, à l’exception de fes ailes qui font encore cannelle, mais d’un cannelle moins fenfible, parce quelles font plus tranfparentes que les autres; elles font plus courtes. Ses jambes & fon corps font hériftes de bouquets de poils qui peuvent la rendre hideufe à bien des yeux ; fes dents font des Insectes. VIII. Mem. 285 plus longues que celles de l’autre. D’ailleurs, je ne fçais rien de i’hiftoire de l’une & de l’autre de ces guêpes ich- neumons.qui, pour élever leurs petits, ont probablement recours à quelqu’un des moyens que nous avons vû être employés par des guêpes d’une taille bien inférieure à la leur. EXPLICATION DES FIGURES DU HUITIEME MEMOIRE. Planche XXVI. La Figure 1 repréfente une portion de mur qui avoit été enduite d’une épaiffe couche d’un fable gras, a a b b, étoit le deflus d’une efpece de tablette qui excédoit la partie fupérieure du mur, qui nefe trouve pas ici, & qui, s’y elle y étoit, s’éleveroit au-deffus de a a feulement. t,.t, deux tuyaux conflruits au-deffus de la tablette, chacun par une guêpe qui a creufédans le fable qui efl au-deffous de la bafe de chaque tuyau, un trou pour fervir de nid à un de fes petits; les tuyaux /, t, font faits du fable tiré du trou, d, tas de pelottes de fable que la guêpe a jettées auprès du tuyau quand il a été alTés profond à fon gré. m vi b b, face verticale du mur. n, tuyau de fable, bâti, comme les précédents, par une guêpe, x, tuyau de fable qui n’efl que commencé, ou, fi l’on veut encore, tuyau qui après avoir eu la longueur de ceux marqués t, t , & n, a été réduit peu-à-peu par la guêpe à la hauteur qui lui refte, lorfqu’elle a employé le fable dont il étoit fait, à boucher fon trou, c ,endroit au-deffous duquel efl un trou, qui efl un nid de ver de guêpe; il ne refie rien du tuyau de fable qui avoit été bâti fur ce trou, ce qui arrive afTés fouyent. N n iij s8 6 Mémoires pour lTIistoire La Figure 2 eft celle de la guêpe qui éleve les tuyaux t, t, n, de la figure 1. Les Figures 3,4 & 5 nous montrent le ver qui doit devenir une guêpe telle que celle de la figure 2 ; il eft contourné, figure 3 , & allongé, fig. 4 & 5. La dernière un peu plus grande que la figure 4, permet de voir l’ar¬ rangement de fies ftigmates. La Figure 6 fiait voir la tête de ce ver, de face & grofïic au microfcope. d, d, fies dents. I, fia lèvre inférieure. La Figure 7 repréfente la coupe d’une mafie de fiable gras, dans laquelle des guêpes telles que celle de la figure 2, avoient crcufé des trous pour fervir de nids à leurs petits. Cette coupe met à découvert l’intérieur de quelques trous, o, o, o, entrées des trous qui pourraient être bouchées, r, intérieur d’un trou qui eft encore vuide. 7/ a b, u a b, deux trous, dans chacun defqueîs eft un ver de guêpe avec la provifion de vers verds dont il fie doit nourrir, u, le ver de guêpe, a b, file d’anneaux formée par différents vers verds roulés & mis les uns au-deffus des autres. Les Figures 8, 9 & 10 font celles d’un des vers verds qui font roulés dans les nids de la figure 7; i! eft de gran¬ deur naturelle dans la figure 8, &plus grand que nature & allongé dans les figures 9 & 1 o. Quand on l’oblèrve avec attention à la loupe, fies poils ne paroiffent pas droits comme ils le font dans la figure 9, ils femblent fourchus comme dans la figure 10; mais on eft incertain fi la four¬ che appartient réellement à un feul poil, ou fi elle 11’cft pas produite par le croifement de deux poils. La Figure 11 montre dans fa grandeur naturelle un ver des Insectes. VIII. Mem . 287 de guêpe que je trouvai logé dans le trou creufé clans la terre d’un mur, 6c à qui des araignées avoient été données pour pâture. La Figure 12 eft celle d’une des araignées dont le ver précédent avoit eu fa provifion. Les Figures 13 6c 14 repréfentent dans fa grandeur naturelle un ver de guêpe ichneumon qui eft nourri de mouches ; il efl vû de côté, figure 13,6c fous le ventre, figure 14. La Figure 1 5 efl celle de la coque que fe confinait le ver des deux dernières figures. On diftingue aifément les ailes de mouches qui y tiennent, 6c qui entrent dans fia compofition. La Figure 16 nous fait voir à peu-près dans fa grandeur naturelle, la guêpe en laquelle fe transforme le ver des figures 13 6c 14. La Figure 17 efl la figure 14 groffie; on y diftingue mieux que dans l’autre, les dents du ver, 6c qu’il tient fa tête penchée vers le ventre. La Figure 18 repréfente de grandeur naturelle une épaiffe coque de foye que fe confinait un ver de guêpe de Cayenne & probablement de guêpe ichneumon, lorf- qu’il veut fe métamorphofer. J’en ai eu la nymphe, mais je n’ai point eu la guêpe, qui doit être très-grande, 6c peut-être telle que celle de la figure qui fuit. La Figure 19 eft celle d’une guêpe ichneumon de Saint-Domingue, qui eft de la taille dont elle paroît ici, 6c très-hériffée de poils. 288 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE Planche XXVII. Les Figures i, 2 6c 3 repréfentent trois morceaux Je bois qui ont été détachés d’autant de bâtons cylindriques à moitié pourris, dans lefquels des guêpes ou des guêpes ichneumons avoient fait leurs nids. La face que montre ici chaque morceau, étoit dans l’intérieur du bâton, & on y voit les coupes de plufieurs nids. Dans la Figure 1, k marque un nid rempli de mouches aftes femblables par leur couleur, leur forme & leur gran¬ deur, à celles de nos appartements. I, eft un autre nid où font empilées des mouches dont le corps diminue de grofi- fèur depuis fon origine, pour fe terminer en pointe. Une de ces mouches eft gravée féparément, figure 1 1. Dans le nid l, le ver u eft celui pour qui la provifion de mouches avoit été faite.yj f, marquent la fciure que des guêpes ont cntaftee, foit pour faire des féparations entre des cellules, foit pour remplir le vuide qui reftoit dans une cellule fuffi- famment fournie d’infeétes. Dans la Figure 2, les nids t & £ font remplis de tipules preflees les unes contre les autres, u, dans le nid t, eft le ver qui devoit vivre de tipules. fciûre employée au même ufàge que celle oie la figure 1. Dans la Figure 3, n, n, indiquent deux coques, dont chacune a fon nid. f, tas de fciûre empilée qui fépare les deux nids l’un de l’autre. Les coques.», n } font d’une foye brune. Ce qui paroît de graveleux entre le bois & chaque coque, eft fait de débris d’ailes & de jambes de mouches. La Figure 4 eft celle d’une coque tirée d’un morceau de bois tel que ceux des figures précédentes. Cette coque eft d’un des Insectes. VIII. Mem . 289 efl d’un tiflli moins ferre que celui des coques de la fig. 3, & d’une foye plus blanche que celle des autres. Les petits grains qui font attachés deffus, la rendent grife, ils font des fragments de parties de mouches. La Figure y fait voir, comme la figure 2, une portion d’un bâton où étoient des nids remplis uniquement de tipuies ; mais ces nids font grandis à la loupe dans la lig. ce qui rend les tipuies du nid t plus fenfibles, & met plus en état de voir leur arrangement./! tas de fciûre qui fépare le nid t du nid 7. La direélion qu’avoit ce dernier, elt caufe qu’il n’en paroît ici qu’une partie, x, autre tas de fciûre par-delà lequel efl un trou vuide qui avoit été percé pour être rempli dans la fuite. La Figure 6 repréfente un ver jaune dans la grandeur qu’il avoit lorfque je le tirai d’un nid tel que celui qui efl marqué k, figure 1. La Figure 7 montre le ver de la figure 6, groffi. La Figure 8 efl celle d’une de ces tipuies, dont les nids 1 & £, figures 2 & 5, étoient remplis; elle efl vûë bien plus grande que nature. Les Figures 9 & 1 o nous montrent le même ver ; il efl groffi à la loupe dans la figure 9; lorfque je le trouvai au fond d’un nid où des tipuies étoient entafTées, il n’étoit pas plus grand qu'il l’efl dans la figure 10. La Figure 11 efl celle d’une des mouches dont le nid l } figure 1, étoit rempli. La Figure 1 2 repréfente une mouche dont les ailes font tachetées de brun ; un des nids ne contenoit que des mou¬ ches de cette efpcce. Tome VI O o 2ÇO MEMOIRES POUR L’H I STOI R e'' La Figure i 3 efi celle d’une mouche plus rare que les mouches des figures précédentes, les ailes n’ont delà trans¬ parence que dans la partie qui efi; blanche dans cette figure. Plufieurs mouches de cette cfpece ont encore été tirées d’un nid creufié dans le bois. La Figure iq. efi celle d’une petite guêpe ichneumon mâle, qui, je crois, avoit pris fon accroififement dans un nid pourvu de mouches tic i’efpece de celles qui font dans le nid k , figure 1. Les Figures 15 & 1 6 repréfentent groffies au microf- cope les parties qu’on fait lortir du derrière de la guêpe ichneumon delà figure iq, lorfque l’on prdfc fon corps entre deux doigts. Dans la fig. 1 5, le bout du corps a efl vû pir-dcffus, & il efi vu de côté & par-deffous dans la fig. 16. I, 4 deux lames écailleufes faites en oreille d’âne applatie, vues par leur côté concave, fig. 1 6. m, fig. 1 5, la partie qui, fig. 16, fe termine par deux crochets c, c. En m, c’eft-à-dire, précifément dans l’endroit où les deux crochets fe féparent, il y a un trou, d’où peut fortir de la liqueur ou une partie charnue. En p, fig. 16, efi une petite plaque entourée de poils & dont l’extrémité efi fourchue. La Figure 17 repréfente un ver tiré d’un des nids pré¬ cédents, peu groffi, qui étoit d’une efpece différente de celles des vers repréfentés figures 6 & 7, & figures y & 1 o. Planche XXVIII. La Figure 1 efi celle d’une guêpe ichneumon de Saint- Domingue d’une très-grande efpece, dont les ailes font écartées du corps & étalées. des Insectes. VIII . Mem . 291 Les Figures 2 & 3 repréfentent une même guêpe ich- neumon ; elle a les ailes l'ur le corps, figure 2, & die les a écartées, fig. 3. Chacune des inférieures y efi pofce immé¬ diatement au -dcffous d’une fupérieure. Plufieurs de ces mouches m’ont été envoyées de fille de Bourbon & de j’Ifie de France par M. Cofiïgni; ce l'ont celles qui font la guerre aux kakerlaques. Leur couleur eft un bleu ou un verd changeant, très-éclatant. Elles ont un double corcdet. ac, le premier corcelet ou la première partie du corcelet. cd } le fécond corcelet. La première partie peut le mouvoir en c comme fur une articulation. La Figure 4. fait voir un de ces nids de terre confiants par une efpece de guêpes ichneumons, qui ont quelque reffemblance avec les fifflets de chauderonniers. 0, 0, o, entrées de quelques trous, f, f, f, &c. fonds des trous. g h, i k, deux trous ouverts dans toute leur longueur. La Figure 5 efl celle d’une des guêpes ichneumons qui naiffent dans les trous de la figureq., & qui conftruifent des nids de terre tels que ceux de la même figure. L’étrangle¬ ment de leur corps, f efpece de fil qui joint le gros du corps au corcelet, efl remarquable par fa longueur. Le premier anneau du corps de celle-ci eft terminé par une raye blanche. La Figure 6 montre une partie de la figure q. par un bout oppofé à celui qui efl en vûë dans cette dernière; ce qui y efl embas efl enhaut dans la figure 6. f, f, fonds de deux cellules, on voit comment ils font appliquées contre ceux de deux autres cellules c, e. La Figure 7 efl celle d’une guêpe ichneumon qui dif¬ fère de celle de la figure 5 , en ce que fon corps efl plus O o ij 1()1 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE g: os & l’étranglement un peu moins long, & en ce qu’elle eft toute d’une couleur. La Figure 8 repréfente dans fa grandeur naturelle une coque filée fous terre par un ver qui devient une guêpe ichneumon dont le corps tient au corcelet par un long fil femblable à ceux des figures 5 & 7. Les Figures 9 & 10 font celles du ver qui fut tiré en Fiiver de (a coque de la figure 8 ; il eft de grandeur na¬ turelle, figure 10, & groffi, figure9. La Figure 1 1 montre de face la tête du ver des deux figures précédentes, grolfie au microlcope. ■N Fl- 16 ■ peut vqv . Man ■ g . de l Ui.n ■ de J’I it f'tut 40 a. Ment . p (if f Hui ,tcf/Hffffrs Tfm p . f MtnU SctUp FUlæul SctUp Me^^j^lHurt-.desIweOeu- T^7~6 7 Fi a .4 F WS Mon -8 Jt CHut-Je* Imrec/K* Tom f F(o-6 ■ m FU/jcuI Scalp DES Insectes. IX. Man. 293 NEUVIEME MEMO IRE. DES MOUCHES ICHNEUMONS. C En’eft qu’au moyen de chaflesfouvent réitérées,& par conféquent de beaucoup de courlès & de fatigues, que les guêpes de certaines efpeces & les guêpes iclineu- mons parviennent à renfermer dans un nid, préparé lui- même avec beaucoup de travail, la quantité, loit de vers, foit de chenilles, foit de mouches, foit d’araignées, né- cefïaire pour fournir à i’accroiflèment complet du petit ver qui y doit naître. Les vrais ichneumons, les ichneu- mons proprement dits, font des mouches qui fçavent faire l’équivalent par des moyens plus (impies & plus finguliers; plufieurs donnent pour nid à leurs petits, l’infeéîe même dont ils doivent fe nourrir. Lorfque nous avons fait con- noître dans le fécond volume de ces Mémoires *, les en- * Tom. 11. nernis des chenilles, nous avons déjà fait mention déplu- Me,n ' ltm Heurs efpeces d’ichneumons qui les chargent d’alimenter de leur propre fubftance, des vers qui peu après les font périr. Nous avons eu depuis occafion de parler de beau¬ coup d’autres ichneumons qui font périr de même des vers qui auraient dû devenir des mouches; mais c’eft ici le lieu de traiter des ichneumons plus à fond & dans une plus grande généralité, & au moins d’en dire ce qui a été omis dans des Mémoires dont ils n’étoient pas le vérita¬ ble objet. C’eft d’après les Naturaliftes, & fur-tout les modernes, que j’appelle ces mouches des ichneumons ; mais je n’ai garde de me conformer à quelques-uns qui ont trop fouvent ajoûté à ce nom çelui de guêpe, qui fuppolè O o iij 294 Mémoires pour l’Histoire. à certaines mouches des caractères quelles n’ont pas, D’ailleurs, le nom d’ichneumon n’eft pas affeété à celles à quatre aîles d’un feul genre, il fert à en défigner de genres fort différents; il a été plutôt employé pour mar¬ quer le génie propre à quelques-unes, que pour en dé¬ terminer de celles qui fe reffemblent par la forme de leur corps. Tous les infcétes qui paflent par différentes métamor- phofes, femblent avoir été accordés en partage aux ichncu- mons, pour mettre ceux-ci en état de perpétuer leurs efpe- ces. Tant que les papillons font chenilles ou cryfaiides, tant que les mouches, les fcarabés& divers autres infeétes font vers ou nymphes, ils n’ont rien de plus à redouter que dëtre choifis par quelque ichncumon pour fervir de pâture à les petits. Quelque grolfe que foit la chenille, quelque gros que foit le ver, il n’eft pas en fon pouvoir de ne pas remplir la trifte deftinée qui lui a été préparée par une mouche ichncumon fouvent extrêmement petite. En général, les mouches ichncumons de différentes cfpeces ont recours à trois moyens différents pour arriver à leur fin, & tous trois également fûrs. Les unes fçavent loger leurs œufs dans l’intérieur d’un infeéte qui eft encore fous fil première forme, & qui, par conféquent, a encore à croître; elles ont été pourvues par la nature, d’un inftru- rnent propre à lui percer le corps, elles portent à leur partie poltérieurc une efpece d’aiguillon, ou plutôt une véritable tarriérc capable de pénétrer dans des corps plus durs que les chairs contre lefquclles elle doit agir. La mou¬ che ichncumon prefféedu befoin de pondre, va fe pofer fur une chenille ou un ver dont le corps, quelquefois beaucoup plus grand que le lien, eft un terrein fur lequel clic peut le promener; elle marche deftus, elle le parcourt, elle recon- uoît iëndroit où il lui convient de le percer; bien tôt elle des Insectes. IX. Mem. 2 q$ y fait entrer fa tarriére, & laiffe enfuite un œuf au fond tfe la petite playe. Le Mémoire déjà cité, a appris que telle mouche fait ainfi fucceffivement plus de vingt ou trente piquûres à la même chenille, ou, ce qui revient au même, quelle loge plus de vingt ou trente œufs dans le corps de la chenille. Mais d’autres ichneumons ne confient que deux ou trois œufs, & quelquefois qu’un feul, au corps du même infeéîe, & cela, félon la grandeur de l’ichneu- mon, ou, ce qui elt la même chofe, félon la grandeur à laquelle doit parvenir le ver qui fbrtira de l’œuf, & qui un jour fera fcmblabie en tout à la mouche qui lui a donné la vie. Quelques cfpeces d’ichneumons font extrêmement petites: on jugera à quel point elles le font, quand on fçaura que non feulement un de leurs œufs peut être logé à l’aile dans celui d’un autre infeéfe, dans l’œuf, par exemple, d’un papillon de grandeur commune, mais que le ver qui fort de l’œuf de l’ichneumon, trouve fous la coque de l’autre œuf tout ce qu’il lui faut d’aliments pour parvenir à un accroiffement parfait. Là, il le mé- tamorphofe en nymphe, & enfuite en une mouche qui, avec les dents, perce la coque de l’œuf pour fe tirer d’une prifon qui avoit été auparavant pour elle un loge¬ ment commode&fpacieux. Bien des fois il m’elt arrivé de voir fortir de ces petites mouches des œufs d’où je rn’at- tendois à voir naître des chenilles. Ces petits ichneumons vont percer les coques des œufs de différents infeétes pour la même fin que d’autres ichneumons percent le corps des infeéles mêmes ; leur petite tarriére vient à bout de pénétrer dans l’intérieur de l’œuf, malgré la confifiance Si la dureté de la coque, qui font bien fu- périeures à celles des peaux Si des chairs de fort grands animaux. 2<}6 MEMOIRES POUR L’HlSTOlRE M. Vallifnieri qui avoit vu avant moi fortir une petite mouche de chacun des œufs d’un papillon, qu’il avoit confervés pour avoir les chenilles qui en dévoient éclorre, avoit penfé que lorfque le ver qui s’étoit transformé en mouche, étoit encore très-jeune, il étoit parvenu à s’in¬ troduire dans un œuf de papillon. Mais ce qui m’avoit paru plus probable, fçavoir, que l’œuf même d’où ce ver ctoit forti, avoit été logé par la mouche mere dans un œuf de papillon, a été vu par M. le Comte Jofeph Zinanni, qui a donné des preuves de l'on amour & de les talents pour l’Hiftoire Naturelle, dans l’ouvrage qu’il Imprimé a publié fur les œufs des oifeaux*, à la fuite duquel il a rt Kw/f en £ a j t imprimer t j e curieufes oblèrvations fur les fauterelles. Parmi celles qu’il me fait l’amitié de me communiquer de temps en temps dans fes lettres, il y en a une fur un petit ichneumon qui attira fes regards,parce qu’il rodoit en l’air autour de divers œufs de papillons, faits en bouton fculpté. ]î vit enfuite cette petite mouche fe pofer 6c lé fixer fur un des œufs. Elle y refia pour achever ce qu’elle s’étoit propofée d’y faire, quoiqu’il la confiderât de près avec une forte loupe; elle lui permit de voir quelle courboit fon ventre, 6c que les efforts tendoient à faire pénétrer un aiguillon dans l’œuf. La petite mouche, après être venue à bout de ce quelle fouhaitoit, paffa fur un autre œuf, 6c ainfi fucceffivement fur plufieurs, à chacun dcfquelselle confia un des liens. C’cft de quoi M. Zinanni eut dans la fuite des preuves inconteflables. Il porta chés lui 6c ren¬ ferma dans une hoîte couverte d’un verre, tous les œufs de papillons fur lcfqucls la petite mouche s’étoit arrêtée. Il remarqua que journellement ils bruniffoient; au bout de quelques jours il en ouvrit plufieurs dans chacun defijuels il trouva un ver qui lui parut femblable à ceux des mou¬ ches ordinaires, 6c qui, pour être fenfible, demandoit à être vu avec des Insectes. IX . Mcm . 2 97 vu avec une forte loupe. En quinze jours les œufs devin¬ rent d’un brun foncé, & chacun de ceux qu’il ouvrit alors, étoit rempli par une nymphe noire. Enfin fix jours après que les œufs eurent pris une couleur brune, il forlit de chacun une petite mouche de la même efpecc que celle qui avoit été obfervée pendant qu’elle les perçoit. Des ichneumons de plufieurs autres efpcccs que ceux dont il s’eft agi jufquïci, ont une manière plus fimplc de placer leurs œufs; ils fe contentent d’en coller un ou piu- fieurs fur le corps de l'infecte qu’ils ont deltiné à nourrir le petit qui doitlortir de chacun. C’eltdequoi l’on trouve plus d’un exemple dans le Mémoire auquel nous avons déjà renvoyé. Enfin d’autres ichneumons, & c’cft la troi- fiéme manière dont ils fçavent pourvoir à la fubfiftance de leurs petits, font à l’affût des nids que la plupart des infeétes préparent aux leurs. Quelques foins que ces infeétes prennent pour rendre inacceffibles les lieux où ils dépofent leurs œufs, quoique fouvent ils donnent à leurs nids les enveloppes les plus folides, quoique celles des uns foient de bois, de celles des autres des efpeces de murs bien ci¬ mentés, les ichneumons fe jouent de toute la prévoyance & de toutes les précautions des meres. Avant que celle qui conftruit un nid, ait eu le temps de le fermer, pendant quelle va chercher à la campagne les matériaux quelle ed obligée d’y employer, fouvent un ichneumon fe gaffe dans le nid, & y pond un œuf tout auprès de celui qui y a été dépofé. L’infecte qui vient achever de boucher l’ou¬ verture qu’il y avoit laiffee, ignore que lorfque le petit animal qui eft l’objet de fes foins, fera né, il en naîtra un autre auprès de lui qui le fuccera journellement, ou le mangera peu à peu. D’autres ichneumons qui ne font pas inflruits à tromper la vigilance de l’infeéte, qui par néceffité abandonne pour Tome V /. P p 29S MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE quelques inftants le nid auquel il travaille, parviennent par une autre voye a loger leur œuf à coté de celui qui eft tlépofé dans un nid. Ils font, comme les premiers dont nous avons parie, munis d’une tarriére, mais capable de percer des corps plus durs que les chairs d’un animal, 6c d’une longueur propre à traverfer des épaiffeurs auffi confidérables que celles des plus foiides parois des nids: ils font pénétrer leur tarriére dans des nids qui ont d’é- paiffes enveloppes, l'oit de bois, foit de terre, foit de fable, lbit du mortier le plus compacte. La tarriére porte dans l’intérieur du nid où elle self introduite, un oeuf d’où fort par la fuite un ver vorace. Nous avons déjà averti que fous le nom d’ichneumons font comprifes des mouches qui diffèrent affes par leur forme, pour être miles en des genres différents: nous croyons auffi les devoir ranger lotis deux genres princi¬ paux, 6c qui feront caraclérifés par la manière dont les femelles portent cet infiniment fi effentiel, au moy en duquel eiles parviennent à loger leurs œufs convenable- * PI. 29.%. ment. Les unes *, 6c ce font celles que nous mettrons j’ 6 ‘ '& c “ £ dans le premier genre, ont une longue queue compofce pi. 30. fig. 1 de trois filets fi fins qu'ils peuvent être pris pour des cSi ’’ poils *. Quand les N attirai ifies ont eu à parler de quelque 5-°r, of of. mouche qui avoit cette queue, ils 1 ont delignee par ie nom de Mufca tripilis. Ray n’ignoroit pas quelles appar¬ iai oient aux ichneumons, parmi lefquels ii les a placées. * Fig. 1 6 . Les trois poils de quelques-unes * font extrêmement longs, une, 6c même deux fois plus longs que le corps, le corcelet 6c la tête pris enfcmble; ils 11e pouvoient donc manquer de fie faire remarquer; mais il 11e paroît pas qu’on ait cherché à les examiner alfcs, à découvrir quel efi leur ufiige: il femble qu’on ait cru ces poils donnés à certaines mouches pour leur faire un ornement, ou au plus pour d ë s Insectes. IX. Menu 299 leur compofer une queue analogue à celle des oifeaux. Si on les obferve avec une forte loupe, 011 leur trouve une ftruélure qui apprend à quelle fin ils font faits. Les deux des extrémités * font defiinés à conferver celui du *pj. 2 o .g». milieu *, a lui faire un étui ; leur côté qui en eft le plus °f> °f- proche, & qu’on peut appeller l’intérieur, efi creufé en * ot " gouttière *, au lieu que leur côté extérieur eft convexe. * t\ . 6 , y Le filet du milieu *, liffe Si affés arrondi dans la plus grande & 8 * partie de fa longueur, s’applatit près de fton bout, & fe * ri s-9* termine par une pointe quelquefois faite en bec de plume, & fur laquelle, avec le fecours de la loupe, on distingue des dentelures * qui font juger que malgré là finelfe, ce » Fi-. 9 & filet eft un inftrument analogue à l’admirable tan ière dont lo - dc ‘ font pourvûès les fémelles des cigales. Nous verrons aufii dans la fuite, que quoiqu’il nous paroi fie extrêmement délicat Si ilexihle, les ichneumons fçavent l’introduire dans des corps très-durs. Mais il demandoit à être confervé dans des temps où la mouche ne cherche pas à le faire agir; alors il eft renfermé dans l’étui qui n’eft fait que de deux efpeces de poils creux; Si la mouche 11e femble plus avoir pour queue qu’un poil * qui encore ne paroît pas fort * P!. 29. gros. Quelquefois la tarriérc n’eft logée que dans une moi- 1 & 16 - ?• tié de fon étui, dans un des poils; & fia queue ne femble plus être compofée que de deux poils *. Ainfi la même * Fig. 12. mouche vûë en différents temps, a bien pu fournir les noms de mouches à un poil, à deux poils Si à trois poils, que Moufet a cru donner à des mouches différentes. Il en a fait repréfienter une à quatre poils, dont un eft confidéra- blement plus gros que les autres. Celui-ci étoit la tarriére dont l’étui eut pu n’être compofé que de trois pièces; mais il y a plus d’apparence qu’il en avoit quatre, qu’un des poils avoit été cafte, ou qu’il étoit refté joint à un des autres, Si qu’on n’a pas cherché à l’en féparer. * P!. -50. F j 7 .&pl. 3 % 1 > 3 . Ç 10 1 1 * PI. 30.I 3 - * Fig. 3OD MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE Les femelles des ichneumons que nous raffemblons dans le fécond genre, ont encore comme les autres, une tarriére, mais quelles portent appliquée contre le défions s- de leur ventre *; ordinairement Ion bout n’cxccde pas ou J' excédé peu celui du corps; elle efl logée dans une coulifte faite de deux pièces creufées en gouttière, & adhérentes au corps dans la première partie, & quelquefois dans plus de la moitié de leur longueur. C efl caraélérifer ces deux genres d’ichneimions par ce qu’ils ont de plus remarquable, que de les diftinguér par la façon dont les femelles portent leur tarriére. On aura pourtant quelque raifon de trouver trop limités des caraétéresqui ne comprennent pas les mâles; car après avoir vu un ou même plufîeursde ceux-ci, fi on ne connoît pas. les femelles qu’ils cherchent, on ignorera à quelle claffe ils appartiennent, puifqu’ils ne font point pourvus de l’inflru- ment propre à ouvrir des trous. Je me contenterois néant- moins d’autant plus aifément de ces caraétéresqui ne font propres qu’à une moitié des individus de chaque efpece, qu’ils le font au moins ici à celle qui a le plus de Angula¬ rités à offrir; & que les caraétéres que l’on tireroit de la figure du corps, ne feraient pas toujours communs aux ichneumons des deux fexes, comme ils le font dans les djîeces de mouches tic divers autres genres; caria forme du corps des femelles ichneumons de certaines efpeces, efl fort différente de celle du corps de leurs mâles. Il y en a des îg. premières dont le corps eft en fufeau *, pendant que celui des féconds * eft en demi-fufeau ; je veux dire, qu’il y a des ' ' fémclles dont le corps eft plus renflé vers fon milieu que par-tout ailleurs, &plus menu qu’en aucun autre endroit à fon origine & à fon extrémité ; au lieu que le corps de leurs mâles eft plus gros que par-tout ailleurs près de fon extrémité, que depuis fon origine jufqu’à ion bout il va / des Insectes. IX. Mem . 301 en augmentant de diamètre. Mais au moins peut-on dis¬ tinguer au premier coup d’œil les ichneumons dont on n’a pas eu le temps d’examiner lefexe, des autres mouches avec lefquelles ils auroient quelque reffemblance, parce qu’ils agitent leurs antennes plus continuëment & plus vivement que ne font les autres mouches; & que la plupart tiennent pareillement leurs ailes dans une agitation con¬ tinuelle dans les temps où ils font pofés, & où ils 11e longent nullement à voler. Cependant fi l’on juge nécefîaire d’étendre les clalfes des ichneumons au-delà de ce que nous l’avons fait, & indépendamment des caractères des fexes, on ne négligera pas d’en employer un que je 11’ai trouvé à aucune mouche des autres genres : foit que le corps des autres infeétes ailés s’applique immédiatement contre le corcelct, foit qu’il n’y tienne que par un étranglement ou par un filet, c’eft toujours du bout du corcelet que le corps part. Il n’y a que parmi les ichneumons qu’on trouve des mouches dont le corps eft implanté dans le défias du corcelet. Un de ces ichneumons a déjà été repréfenté, tome IV. planche 10, figures iq. & 1 5 ; un autre d’une forme plus linguliére *, * El. 31. fig m’a été envoyé de Saint-Domingue par M. du Hamel: ' 5 * fon corps * qui a quelque choie de la figure d’un cœur, * c. met une exception à ce qui s’obferve généralement dans les autres mouches, du rapport de la grofleur du corps à celle du corcelet. Le volume de l’on corcelet furpaffe beaucoup celui du corps. Ce dernier a à fon origine un filet* dont le bout s’unit au-delfus du corcelet fur lequel */• le filet s’élève en arc. r Au refie r e n’efi om’- 11 jugeant du genie de tous les iclineumons par ce que m’ont fait voir plufieurs que j’ai pu fuivre dans le cours de leur vie, dans «leurs transfor¬ mations & dans le temps où ils trayailloient à loger leurs Ppiij 3°2 * PI. 29. fig. I & I 6. q . *P1. J. :6. fig. * PI. 29. fig. 2. 3 & + u , n , n , aident à fauter. Le mâle fe place d’abord fur le milieu du corps de la femelle *, de manière que les deux têtes font * Fig. 13. tournées du même côté; mais il y a encore loin de celle du mâle à celle de la femelle, parce que la femelle fiirpaffe beaucoup le mâle en grandeur. Dès que celui ci s’efl pofé, il marche en avant jufqu’à ce que fa tête cxccde un peu celle de la femelle*, alors il ne manque pas de l’incliner* Fig. 14. & de l’appliquer fur le devant de celle de l’autre; il femble que le mâle va donner un baifer à la femelle : c’cft une ca- rcfTe d’un inftant; dès qu’elle eft faite, il s’en retourne très- vite à reculons, jufqu a ce que fon derrière fe trouve par- delà celui de la femelle * ; alors il le recourbe & fait paffer * Fig. 15; le bout de fon corps fous le ventre de celle-ci, vers le milieu duquel il le conduit; là il le tient fixé un moment. On doit foupçonner qu’il fe pafTe plus alors qu’on ne voit ; Rr iij 3 1 8 MEMOIRES POUR l/HlSTOIRE mais ce qui s’y pafie, fe fait très-vîte, car fur le champ le mâle ramène tout l'on corps fur le deflus de celui de la femelle; il va enfuite en avant, jufqu a ce que fa tête palfe * PI.30.%. une fécondé fois par-delà celle de la femelle*, en-devant de laquelle il l’incline, & contre laquelle il l’applique, comme pour lui faire une fécondé careffe femblable à la première & d’une aufiî courte duree. Il ne l’interrompt que pour retourner en arriére & pour faire palfer encore * Fig. i y. le bout de fon corps par-deffous celui delà femelle*; là il ne le tient encore qu’un inflant, à la fin duquel il part pour aller faire une nouvelle carelfe à la tête. Il y a eu tel mâle à qui j’ai vu répéter tout le manège qui vient d’être rapporté, plus de vingt fois de fuite; & je ne fçais pendant combien de temps il l’eût continué dans un lieu où rien ne l’eût troublé, car je ne l’ai vû fe retirer de delfus la fémclle, que quand un mâle plus frais venoit le chaffer d’une place dont celui qui s’en efi emparé, ne refie pas toûjours fi long-temps poflfefieur tranquille: d’autres mâles impatients volent fur la fémelie & débufquent celui qui y efi. Le nombre des fémeiles du poudrier ne pouvoit pas fuffire à fatisfaire à la fois tous les mâles ; il y avoit deux ou trois de ceux-ci, pour une de celles-là. Quand on prefle le derrière d’un de ces mâles qu’on tient faifi entre deux doigts, il s’allonge, & on en voit fortir deux ?F%. i 6 .f demi-gouttiéres * qui forment un étui à une partie * que * m. la preflïon continuée fait avancer autant par-delà l’étui, que celui-ci a de longueur:' le bout de cette partie efi taillé à peu-près comme le bec d’une plume à écrire. Au moyen du nombre prodigieux des différentes efpeces d’ichneumons, il y en a de répandus par-tout, dont les femelles cherchent des infeétes, des nids & des œuf même d’infecles propres à recevoir leurs œufs, & à nourrir les vers qui en éclofent ; cependant comme il faut beaucoup de des Insectes. IX. Mem. 31 9 circonftances réunies, 6 c qu’il n’cft pas en notre pouvoir de faire naître, pour furprendre une de ces férneJles occu¬ pées à faire leur ponte, on parvient rarement à {es obferver dans ce moment. J’en ai pourtant vu qui travaillaient à percer en différents endroits le corps d’une chenille: j’en ai vû qui confioient à un jeune puceron, un dépôt qui lui devoit être funefte. M. Vaiilhieri & d’autres Natura¬ lises attentifs ont auffi vû d’autres femelles ichneumons occupées à cette importante & Singulière opération. Des vers ichneumons prennent leur accroiffement dans l’inté¬ rieur des plus groffes 6 c des plus folides galles des arbres 6 c des plantes, aux dépens du ver ou des vers pour qui cha¬ que galle eft faite*, & à qui elle Semble donner un domicile * Tom. il}. impénétrable à tout infeéte. Il eS donc inconteSable que AIcm ’ 1Z% les meres ichneumons fçavent loger leurs œufs dans ces galles; mais j’ignorois fi elles les introduifoient dans la galle naiffante, ou dans une galle déjà formée, & même groffe: c’efl dequoi j’ai été éclairci par une obfervation de M. Charles Bonnet de Geneve, Correfjnondant de l’Académie, que je rapporterai ici volontiers; mais j’an¬ noncerai auparavant qu’on en doit attendre de lui un grand nombre d’autres extrêmement curieufes, qui n’ont pu être faites que par des yeux très-attentifs & très-exercés à voir, ôc qui l’ont été avec toutes les précautions qu’y apporte quelqu’un qui craint de fe faire illufion, & qui ne veut rien publier que de vrai 6 c de certain : fes talents pour les obfervations d’Hiftoire Naturelle, fe font manifeftés de bonne heure; il a voulu me donner le plaifir de penfer que mes Mémoires avoient fervi à les développer : ce que je fçais mieux, c’eft qu’il n’étoit encore qu’E'colier de Philofophie, qu’il m’a envoyé des obfervations qui demandoient toute la patience & la fagacité des maîtres dans l’art d’oblèrver. 320 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE Pendant que M. Bonnet examinoit fi un chêne fous lequel il fe trouvoit, ne lui ofFriroit rien de fingulicr, il apperçut une galle de la groffeur d’un pois, au-deflous d’une des feuilles de cet arbre ; & il remarqua qu’une petite mouche étoit pofée fur cette galle; l’ayant vû refier conftamment dans la même place, il jugea quelle ne sy tenoit pas pour rien. D’une main il abbaiiïa la branche trop élevée, jufqu’à ce que la mouche fût à la hauteur & très-proche de fes yeux; occupée d’un ouvrage impor¬ tant, elle fe laiffa conduire où il la vouloit, fans en être troublée. M. Bonnet foupçonna, & c’étoit le foupçon qu’il devoit avoir, qu’elle étoit occupée à introduire un ou piulieurs œufs dans la galle ; pendant qu’il tenoit la branche d’une main, il tenoit de l’autre une loupe d’un ailes court foyer, avec laquelle il obferva la mouche qui, fans s’inquiéter aucunement d’être regardée de fi près, continua fon travail. L’obfervateur eut le plaifir de voir qu’elle tenoit fa tarriére piquée dans la galle, & tout ce quelle faifoit pour l’y faire pénétrer plus avant. La petite mouche étoit de celles qui portent la leur cou¬ chée fous leur ventre, mais elle tenoit alors la fienne droite ; fon étui la foûtenoit & l’cnveioppoit jufqu’à quelque diftance de la galle : entre la furface de celle- ci & le bout de l’étui, il y avoir toujours une portion de l’infirumcnt à nud. La mouche étoit pofée fur fes fix jambes, ayant la tête baffe, les antennes tranquilles & in¬ clinées vers la galle, peu difiantes l’une de l’autre & re¬ courbées en crochet à leur extrémité; tantôt elle preffoit du poids de fon corps la tarriére pour la faire aller plus avant, tantôt elle éloignoit un peu fon corps de la galle, elle l’élevoit & rctiroit par conféquent un peu fa tarriére en-dehors; mais c’étoit pour l’enfoncer davantage dans l’inftant fuiyant, en appuyant deffus le poids de fon corps. La mouche des Insectes. IX. Mem. 3 21 La mouche ne fe bornoit pas à donner alternativement à la tanière, des mouvements de bas'en haut & de haut en bas, à la faire agir comme nous faifons agir une aiguille de fer pour percer un rocher perpendiculairement à l’ho¬ rizon; elle luidonnoit deux mouvements alternatifs plus remarquables; elle failoit tourner fa tan ière fuccelfivement fur elle-même en deux fcns oppofcs; elle lui faifoit décrire une portion de cercle dans un lèns, & enfuite en la rame¬ nant de l’autre côté, elle lui faifoit décrire une fécondé fois la même portion de cercle: la pofition des yeux de M. Bonnet étoit telle, que la longueur d’un des côtés de la mouche fe préfentoit à eux en entier dans les temps ordinaires; mais lorfque la mouche faifoit tourner fa tar- riére en tournant elle-même, la pofition du côté devenoit de plus en plus oblique par rapport à la ligne de fes deux yeux, & enfin le bout feul du corps leur étoit préfenté directement ; en pirouettant enfuite dans un fens con¬ traire, elle ramenoit le côté à être parallèle à la ligne des yeux. Malgré les différents mouvements que nous venons de décrire, la mouche ne parvint qu’avec beaucoup de temps à faire un trou fuffifamment profond dans la galle, qui fembloit être pour l’infeéle un roc très-dur. M. Bonnet commença à 1 ’obferver dans ce travail le 17 Juillet à fix heures du foir, &ignoroit à quelle heure elle avoit com¬ mencé à travailler; à lêpt heures trois quarts il fut obligé de mettre fin à fon oblèrvation pour fe rendre cliés lui bien autrement fatigué qu’il n’eût pu l’être de la plus longue promenade, par la néceffité où il s’étoit trouvé de fe tenir fur fes jambes pendant une heure trois quarts en même lieu, ayant eu toûjours un de fes bras occupe à retenir la branche, & l’autre à foutenir la loupe ; mais avant que de partir, il prit la petite mouche; il crut fentir Tome VI S f 322 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE quelque réfiftance lorfqu’il fit lortir fa tarriére du trou où elle étoit engagée. Il s’étoit propofé d’examiner à l’aifela ftruéïure de fou infiniment; mais cette mouche qui avoit été fi tranquille fur la galle, parut d’une vivacité furprenante dans le lieu où il la renferma; elle y tenoit fes antennes dans un mou¬ vement continuel: cllefçut enfin s’échapper lorfque pour la prendre on ouvrit la boîte où elle étoit prifonniére. Cette mouche n’eft d’ailleurs remarquable ni par fa cou¬ leur ni par la figure, elle n’a pas plus d’une ligne de lon¬ gueur; on ne voit l'es ailes inférieures qu’au travers des fupérieures: fon corps efi court, ovale, terminé par une petite queue, & eft joint au corcelet fans aucun étrangle¬ ment; ce dernier eft un peu relevé, comme l’eft le corcelet ■ des coufins & des tipules. La tête fort petite porte deux » longues antennes compofées d’efpeces de vertebres ; les jambes font d’un marron clair, & tout le refte eft noir; le noir du corps eft luifant, au lieu que celui de la tête 6 c dii corcelet eft mat. M. Bonnet après avoir pris cette petite mouche, ne pouvoit manquer d’obferver l’endroit de la galle où il avoit vu la tarriére piquée fi long-temps; il étoit plus recon- noilfable par fa couleur, que par le diamètre d’un trou prefqu'imperceptible, il étoit brun. Enfin l’obfervatcur ne partit pas fans avoir pris les précautions nécefiaires pour retrouver cette petite galle; de temps en temps il retourna l’obferver, & la trouva de plus en plus groffe: d’abord il l’avoit jugé une galle en grofeille, ou de celles dont le diamètre excede peu celui de ce petit fruit; le 25 Août elle étoit parvenue à égaler en groffeur une mufeade. E tant obligé de quitter le féjour qui l’avoit mis à portée de luivre cette obfervation, il emporta chés lui le bout de la branche auquel étoit attachée la feuille d’où s’éievoit des Insectes. IX. Mem. 323 fa galle: quoiqu’il eût eu foin de la tenir dans l’eau, elle fe fana en moins de trois femaines; ce ne fut pourtant que fe 24. Novembre qu’il l’ouvrit, pour voir fi ion intérieur étoit habité. L’endroit que l’ichneumon avoit piqué, étoit encore reconnoirtable par une couleur plus brune que celle du rode, mais il n’y paroi doit aucun vertige du trou; on trouvoiLpourtant dans l’intérieur une trace de la pi- quure; on devoit prendre pour telle une bande brune qui pénétrait en ligne droite jufqu’à la cavité qui occupe le centre de ces fortes de galles. Ce que M. Bonnet cher- choit dans l’intérieur de celle dont il s’agit, c’étoit au moins un infeéle venu de l’œuf de l’ichneumon ; & il ne put parvenir à l’y voir fous aucune des formes par Jefquelles il aurait dû palier: il trouva feulement la mouche pour qui fa galle avoit été faite; il ne lui reftoit plus qu apercer une couche très-mince, pour'être en état de prendre l’ertor. Mais dans la cavité du centre, il vit des excréments qui ne font pas laides dans le commun des galles par les vers qui y deviennent mouches : près du pédicule de celle-ci, il vit encore deux trous ouverts à fa furface, & dans lefquels des excréments étoient reliés. On peut donc foupçonner qu’un ou deux ichneumons parvenus à être ailés dans la galle, en étoient foitis; & dès-lors il faut fuppofer que la mouche qui par fes piquûres avoit donné nairtance à cette galle, avoit pondu plus d’un œuf, & que les vers fortis de quelques-uns avoient été la pâture des vers de l’ichneu- mon. Mais ce qu’il y avoit de plus important par rapport à l’Hirtoire des Ichneumons des galles, avoit été vû, dès que M. Bonnet fut parvenu à obferver le manège de la petite mouche qui en perçoit une; car il ne fçauroit relier de doute fur la fin pour laquelle l’ichneumon perçoit : il pourrait même n’avoir pas eu le temps d’introduire fes œufs, ou fes œufs pourraient n’être pas venus à bien. Sf ij 324 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE Pour ne point répéter ce que nous avons dit ailleurs, nous finirons ce Mémoire fans nous arrêter à faire admirer ces vers ichneumons qui, logés dans le corps d’un jeune infcéte, le rongent, s’en nourri fient, confirment quelques- unes de les parties, fans l’empêcher de croître, Si quelque¬ fois fans l’empêcher de parvenir à fubir là première trans¬ formation. Nous devons pourtant ajouter à ce que nous en avons dit autrefois, qu’entre les vers ichneumons qui rongent des infcéfes hors defquels ils fe tiennent, il y en a qui doivent aulfi fçavoir les endroits où ils peuvent faire une playe, & la fiuccer ou en manger les environs, fans que l’infeéïe foit en danger de périr trop promptement ; car tel ver ichneumon, & il y en a de ceux-ci dans les galles, 11’a fouventpour fe nourrir qu’un feul ver, qui ne fut pas devenu une mouche plus grande que celle en laquelle le ' ver ichneumon doit fe transformer. L’accroiflèment du ver ichneumon ne fefait pas dans un feui jour, ni en très- peu de jours; il faut donc que le ver rongé continue de vivre, Si même île croître, pour fournir allés de fa propre fubflancc à i’accroifièment complet de l’ichneumon. EXPLICATION DES FIGURES DU NEUVIEME MEMOIRE. Planche XXIX. La Figure 1 cfi celle d’un ichneumon de grandeur me» diocre, à longue queue, qt, là queue, a, a, lès antennes brunes par tout ailleurs & blanches dans la portion a. La Fig. 2 repréfentc une petite portion de mur m mrq, dans laquelle il y avoit un enfoncement en manière de fe¬ nêtre ou de niche, & qui avoit été renduite d’une épailfe des Insectes. IX . Mem . 325 conchc de fable gras où des guêpes avoicnt creufê beau¬ coup de nids, dont elles avoicnt enluite bouché les entrées. Sur ce mur cft aélucllement l’ichneumon de la figure 1, qui, après avoir fait pal fer là queue fous fou ventre, en a porté le bout contre le relief qui efl en o, où il la fait agir pour percer un trou dans l’enduit de fable. La Fig. 3 fait encore voir une portion de mur mm q 0 r, enduite de fable, faite un peu autrement que celle de la figure 2, & dans faquelle une mouche perce, ayant la tête tournée en embas; c’efl auffi en embas quelle frit avancer fa tarriére: elle la fait pénétrer en o, fous 1 enduit. On remarquera que la tête de l’ichneumon efl plus proche dans cette figure, de l’endroit o, que ne l’efl la tête de l’ich¬ neumon de la ligure 2, de l'endroit o de cette dernière figure. La queue de l’ichneumon de la figure 3, ne trouve donc pas une diflance fuffifante pour s’étendre en ligne droite, auffi forme-t-elle une courbe et; en partant de l’anus elle s’élève vers c, & defeend enfuite le long d’un des côtés pour fe rendre fous le ventre. Mais ce qu’on doit remarquer de plus, c’effqu’il y a une partie t; qui ne s’elt point élevée vers c, qui prend fa direélion en ligne prefquc elroite pour aller vers o. Cette partie efl le filet qui fert de tige à la tarriére; les deux demi-étuis de la tarriére mon¬ tent feuls en c. La Figure q. montre encore un ichneumon occupé à percer dans un enduit de fable, ayant fa tête tournée en enhaut & une portion de fa queue recourbée par-delà le corps en c. Celui-ci pour empêcher de fléchir, la portion de fa queue qui efl par delà la tête, la foutient en p avec le bout d’une de fes jambes. La Figure 5 repréfente le bout du corps de l’ichneumon Sf iij 326 MEMOIRES POUR L’HlSTOlRE de la figure precedente, & les trois filets t, f,f, dont fa queue eft compofée, fié parés les uns des autres, t 0, la tar- ntïc.ff les deux filets qui enfemfile compofent l’étui de la tarriére. Dans les Figures 6 & 7, le derrière de la mouche eft dcftiné plus en grand que dans la figure précédente, & dans deux différentes vûës. II eft vu de face, figure 6, & de côté, fig. 7. Cette dernière montre mieux que l’autre, que le bout du derrière eft coupé obliquement. Ces deux figures & la figure 5 apprennent que l’origine o de la tarriére, & celle’ des demi-étuis ff, ne font pas précifé- ment dans le même endroit. La tarriére &. les demi-étuis ont été coupés en t,ff S’ils cuffent été deffinés dans toute leur longueur,'ils cuffent pris trop de place. La Figure 8 eft celle d’un des demi-étuis f des figures précédentes, repréfenté féparément, très-groffi, & du côté où il eft creufé en gouttière. La Figure 9 nous montre la tarriére groffie au micro- fcope, & par la face le long de laquelle paraît une fente. de, file de dentelures, cd, la fente qui partage la tarriére en deux félon fa longueur, do, corps blanc & mou que j’ai fait fortir du bout de la tarriére lorlque je l’ai fortement preffée entre deux doigts. La Figure 10 nous donne plus en grand la partie qui fait le bout de la figure 9. de, de, les deux files de dente¬ lures, entre lefquelles une membrane blanche eft fenfible, fur-tout entre dd. d o, corps blanc que j’ai fait fortir du bout de la tarriére par la preffion. La Figure 1 r eft celle d’un ichneumon d’une efpccc de médiocre grandeur, plus groffe pourtant que l’efpcce dont des Insectes. IX. Mem . 327 font les ichneumons des figures 1,2, 3 & q, mais à corps plus allongé, & dont l’origine eft en-deftus du corcelet. Sa queue eft plus courte que celle de l’autre ichneumon. f t, f, les trois filets dont elle eft compofée, qui font fé- parés les uns des autres comme ils le font en bien des cir- conftances. La Figure 12 eft celle d'un ichneumon un peu plus petit que celui de la figure 10, mais du même genre, car le bout de fon corps eft implanté dansledeflus du corcelet. Sa queuë t f ne paroît compofée que de deux filets, parce que la tarriére eft logée dans un de fes demi-étuis; elle 11’eft actuellement dehors que du demi-étui f. La Figure 1 3 repréfente un petit ichneumon à queuë q, peu longue, qui eft fatal aux vers des abeilles maçonnes. La Figure 1 ± eft celle du mâle de l’ichneumon femelle de la figure 13. La Fig. 1 5 montre le bout du derrière de l’ichneumon de la fig. 14, très-groflî. c, crochet par lequel il fe termine. La Figure 16 fait voir un de ces grands ichneumons dont la queuë eft d’une longueur démefurée; il eft de ceux qui fçavent introduire leurs œufs fous l’écorce du bois. Dans cette figure, fa queuë a près de la moitié moins de longueur qu’elle en a naturellement, 6c qu’elle en avoit dans le deiïcin. Planche XXX. La Figure 1 eft celle d’un grand ichneumon qui, comme celui qui eft repréfenté dans la planche précédente, figure 16, introduit les œufs fous l’écorce des arbres dans des endroits habités par des vers ou des chenilles. Sa queuë 328 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE efi plus courte que la queue de celui qui vient detre cité. f, t,f les trois filets qui la compofent, qui font actuellement féparésles uns des autres, & qui font réunis dans d’autres temps, /, la tanière qui ici &. le plus fouvent efi le plus délié des trois filets. La Figure 2 efi celle d’un ver ichneumon qui mange des chenilles qui vivent de l’ortie, & qui fie font des cfpeccs de coques en bateau fous les écorces de forme. La Figure 3 nous montre la mouche en laquelle fe transforme le ver de la figure 2, après avoir pafle par l’état de nymphe: cet ichneumon tient actuellement les trois filets de la queuë écartés les uns des autres. Il efi du genre de ceux dont le bout du corps efi joint à celui du corceiet. La Figure 4 repréfente le bout du derrière defichncu- ïîlon précédent, très-grolfi. On y voit que les demi-étuis f,f de la tarriére font bordés de longs poils. La Figure <ÿ fait voir une portion d'un des étuis f, figure 4, grofiie au microfcope, & par fou côté convexe; les poils dont elle efi bordée de chaque côté, femblcnt être des épines. La Figure 6 repréfente le bout de la tarriére, figure 4, vû au microfcope, qui paraît fait en lame de labre dont les bords font ondes. La Figure 7 efi celle d’un ichneumon fans queuë ou mâle, qui s’étoit nourri dans l’intérieur d’une chenille de même cfpece que celle aux dépens de laquelle avoit crû f ichneumon femelle de la figure 2, dont il y a lieu de le croire le mâle. Dans la Figure 8, le bout du derrière de l’ichneumon de la des Insectes. IX. Aîem . >29 de la figure 7, paroît vu au microfcope dans un inftant où la preffion a forcé des parties ordinairement cachées, à fe montrer, a, l’anus. I, l, deux lames écailleufes en forme de cuilleron. m, partie qui cil deftinée à la fécon¬ dation. La Figure 9 eft celle d’un grand ichneumon mâle, venu d’un ver qui avoit crû dans le corps d’une chenille à bi offe du châtaignier. Les Fig. 10 &. 11 repréfentent toutes deux le derrière de la mouche de la dernière figure, deffiné dans un temps où la preffion avoit contraint de fortir, des parties qui, hors le temps de l’accouplement, font dans l’intérieur. Le bout du corps eft vû de côté, fig. 1 o, & de face, fig. 1 1. a, l’anus. 1 , 1 , deux lames en long cuilleron propres àfaifir le derrière de la femelle, k, k, deux autres appendices qui peuvent avoir le même ufàge. ?u, la partie qui caraétérifè le ièxe.^ f, filets qui ne paroiffent pas dans la figure 1 o. La Figure 12 eft celle de la coque que s’étoit filée le ver qui fe métamorphofa en fichneumon de la figure 9. Les Figures 13, 14 & 15 font voir le mâle d’une petite elpece d’ichneumons, dont les femelles ont leur tarriére couchée fous le ventre, dans les différentes pofitions où il fe met pour fe joindre à fa fémelle. Dans la figure 13 , le mâle vient de fe placer fur elle à diftance à peu-près égale de fa tête & de fon derrière. Dans la figure 14, on voit que ce mâle a conduit fa tête par-delà celle de la fémelle, en-devant de laquelle il abbaifte la fienne comme pour lui faire des carefTes. Dans la figure 1 5 , le mâle qui a été en arriére à reculons, a fait defeendre le bout de fon corps au-deftous de celui de la fémelle, & cherche à s’unir plus étroitement à elle. Tome VL Tt 330 Mémoires pour l’Histoire La Figure 16 repréfente le corps du petit ichneumon jnâle des figures précédentes, groffi au microfcope, 6 c faifi dans un moment où les doigts ont fait fortir du corps la partie qui rend les œufs féconds, c, endroit où le corps itoit joint au corcelet . f fourreau compofé de deux demi- tuyaux. ni, la partie du mâle. La Figure 17 montre le corps de la femelle ichneumon des figures 13, 14 & 1 5, vû au microfcope. c , la partie du corps qui tenoit au corcelet. a, l’anus../, la tarriére. e, e, les deux pièces qui lui font un étui quand elle eft couchée fous le ventre, comme elle l’eft ordinairement. Planche XXXI. La Figure 1 eft celle d’un grand ichneumon fémdfe de Laponie, qui en a été apporté par M. de Maupertuis. Cet ichneumon eft du genre de ceux qui tiennent au moins une grande partie de leur tarriére couchée contre le ventre, t, fa tarriére. f, étui de la tarriére, compofé de deux pièces qui font écartées l’une de l’autre dans la fig. 3. a, queue qui eft un prolongement du dernier anneau. La Figure 2 fait voir par-deflus, & les ailes étalées, l’ichneumon vû de côté, figure 1. La Figure 3 repréfente la partie poftérieure de I’ichneu- mon des figures précédentes, groffie. La tarriére y eft hors de fon étui, & les deux pièces qui forment celui-ci, font écartées l’une de l’autre dans la partie où elles le peuvent être. 1, la tarriére. f, f, les fourreaux, on voit le côté con¬ cave de l’un 6 c le côté convexe de l’autre, q, queue Lite par le prolongement du dernier anneau. La Fig. 4 montre le bout de la tarriére de richneumon des figures précédentes, tel qu’il paroît au microfcope. des Insecte â. IX . Metn . 3 3 î jp, pointe de la tanière, p d, p d, les deux rangées de dtn- teiùres. affb, œ ffb, arêtes qui forment des angles, & qui femblent propres à faire l’office de dentsdorique la tarriére perce, pf fente ou couliffe qui divife la tanière en deux dans toute fa longueur. La Figure 6 efl celle d’une jambe d’un très-petit ichneu- mon, fingulitre fur-tout par le renflement du milieu, & par les dentelûres d’un de fes bords. On peut foupçonner à cette jambe des ufages fmguliers, mais avant que d’en parler, il faut fçavoir s’ils font réels. La Figure 7 fait voir dans fa grandeur naturelle la mou¬ che à laquelle appartient la jambe de la figure 6. Cette mouche eft fortie du corps d’une chenille. La Figure 8 repréfente un ichneumon de grandeur médiocre, de ceux dont les fémellcs 11’ont point de queue, & qui tiennent leur tarriére appliquée contre le ventre. La Figure 9 montre en grand & de côté, le bout du corps de cette mouche, t, fa tarriére, dont elle fe fert volontiers comme d’un aiguillon pour piquer celui qui la tient. 4 4 les bouts des pièces qui forment la couliffe où efl l’aiguillon. Dans la Fig. 1 o, le bout du corps de la même mouche eft vû plus de côté que dans la fig. 9. t, la tarriére. 4 4 les deux pièces qui forment la dernière partie de fon étui, r, efpece de tambour fur lequel fe roulent les deux branches en lefquejles la tarriére efl divifée au moins à fa baie. La Figure 11 montre la coulifle où fe loge l’aiguillon, détachée du corps pour mettre fà compofition plus à dé¬ couvert. t, la tarriére. r, l’endroit où fa bafe fe roule, dc, la partie antérieure de la couliffe qui eft faite de pièces Ttij 332 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE charnuës & adhérentes au corps, c, c, articulations des deux pièces cl,l, qui font mobiles, & forment la dernière partie delà couliiïe ou deletui de l’aiguillon. La Figure 12 eft celle d’un ichnetimon de flfle de France qui eft remarquable, 1.° par la forme de fon corps; 2. 0 par le peu de volume du corps par rapport à celui du corcelet ; & enfin, par le filet f qui eft la première partie du corps qui part du deftlis du corcelet fur lequel il s’élève en formant un arc. fiûiw 9 PL Fig. 4. cr-JJ- k. PÙ7-lf. F,<7 /. Pl $o f>AO 5$ * Mcfti.yck l'uut d&r In.'Ci'ies Ttmt 6 FiUîlvul J'culp ■ FtUU'Hl sZJf ' ! . s ■ ! des Insectes. X Mem. 333 K»X*X*X+X*K+>T , *"X*K*X*K*X*X*X DIXIEME MEMOIRE. HISTOIRE DES FORMICA-LEO. L E Formica-leo * eft aujourd’hui un des infeétes des * PI. plus connus; on ne manque guéres d’entretenir ceux 1 & en qui on veut faire naître de la curiofité pour ce que la nature fçait produire d’admirable en petit, de l’art avec lequel il dreflè un piège, ail moyen duquel il fe rend maître d’animaux qui lui font quelquefois fupérieurs en force, &dont il fe doit nourrir. Ce n’eft néantmoins que depuis environ cinquante ans qu’on le connoît. Je ne fçais comment il eft arrivé qu’il n’ait été ni obfervé ni même vu par les anciens Naturalises. A la vérité il fe tient prefquc toujours caché fous le fable, ou fous une terre lèche & réduite en poudre; mais c’eft au fond d’un trou d’une grandeur fouvent propre à fe faire remarquer *, & d’une * Fi forme qui invite les efprits les moins curieux à chercher D- par qui il a été creufé. Il eft toujours fait en entonnoir plus ou moins évafé, & a quelquefois à fon bord fuptrieur plus de deux à trois pouces de diamètre. Auffi ne fallut- il prefque à M. Vallifneri qu’appercevoir quelques-uns de ces trous autour d’un pied de chêne, pour lui donner le defirde fçavoir par quel infeéte chaque trou étoit habité, & à quelle fin il avoit été fait. Ce qu’il oblèrva alors, & ce qu’il obferva dans la fuite plus à loifir, a valu au public une Hiftoire du Formica-leo, imprimée à Venife dans la Galerie de Minerve en 1697. M. Poupart lut à l’Académie en 1704., une Hiftoire de ce même infeéte, quelle jugea digne de paroître au jour T t iij 334 Mémoires pour l’Histoire parmi les Mémoires de cette année. Dans les Œuvres de M. Vallifneri imprimées de Ton vivant in-quarto, & dans la réimprelfion qui en a été faite in-folio à Vende * E'dition depuis fa mort, fe trouve une de fes lettres * adreffée à 'prelüe^vofu- M. BulTenello Sécrétaire du Sénat de Venife, dans laquelle me, p. zpS. ce célébré Auteur s’applaudit de l’honneur que lui a fait le fçavant Académicien François de répéter fes obfervations, mais c’efi pour le charger du procédé honteux de fe les être appropriées fans avoir dit un mot de celui à qui il les devoit : il veut qu’on regarde l’Hilloire de M. Poupart comme une fimple traduétion de la fienne; car il prétend que la rclfemblance qui ell entr’elles, eft telle que celle qui étoit entre les deux Ménechmes de Plaute. Les faits elfentiels & les plus frappants font à la vérité rapportés dans l’une & dans l’autre; & comment ne le feroient-ils pas! Mais les détails y font très-différents; un des Auteurs a paffé légèrement fur ceux par rapport auxquels l’autre s’efi étendu. D’ailleurs on ne trouve pas dans l’PIifioire de M. Poupart quelques méprifes qui font dans celle de M. Vailifheri; & ce qui juftifie encore mieux M. Poupart, c’eft que lui-même s’eft trompé fur des faits très-bien obfervés par M. Vallifneri, par exemple, fur le nombre des yeux du formïca-leo. L’Hifloire de M. Vallifneri eft abfolument dénuée de figures auxquelles on ne l'çauroit fuppléer par les deferiptions les plus exaétes, lorfqu’il s’agit de faire prendre une jufte idée de la forme d’un infeéle. Il n’a pu s’empêcher de louer fincérement la beauté des figures que M. Poupart a fait graver; mais il prétend n’avoir pu en joindre à la fienne, parce qu’il l’a mile en dialogues, & que les interlocuteurs font deux illufhes morts: c’eft Malpighi qui y raconte à Pline les manœuvres finguliércs& les métamorpholès du formica-leo. Le Fils de M. Vallifneri, qui a donné l’édition in-folio des Œuvres des Insectes. X. Mem. 33 5 de Ton Pere, n’a pas jugé de même que les figures fuflent inutiles à des morts qui ne s’entretenoient que pour être entendus des vivants: il a fait copier les figures de M. Pou¬ part, fans dire où elles avoient été prifes, mais il a été mal lêrvi par le Graveur. Quand on fçait combien efi grande encore la négligence de nos L'ibraires à faire venir les livres nouveaux d’Italie, & combien elle a été plus grande autre¬ fois , on ne s’étonne pas que M. Poupart n’ait eu aucune connoiffance en 1704, d’une partie d’un Dialogue inféré dans un gros volume imprimé à Veniie en 1697. Pour être excité à obferver le formica-leo, il n’avoit pas eu befoin de lire ce qu’en avoit dit M. Yallifneri. M. desBillcttes de l’Académie des Sciences, la candeur Si la vérité même, Si qui eft mort en 1720, âgé de 86 ans, m'aaffûré qu’il avoit été le premier qui eût fait connoître 1 z formica-leo a nos Sça- vants; que jeune encore il l’avoit obfervé en Poitou dans une des terres de fa famille. S’ilfalloit produire des preuves par écrit qui démontrent que cet infeéte a été connu en France, Si obfervé avant que M. Vallifneri eût rien fait imprimer fur ce qui le regarde, Si probablement avant même qu’il l’eût vû pour la première fois, j’en pourrais produire une inconteftable. Je crois avoir déjà dit ailleurs que j’ai en ma poftefl'ion un Journal de M. de la Hire, où il écrivoit ce que les infeétes lui offraient de nouveau. Ce Journal eft tout écrit de la main de M. de la Hire: une Table qu’il a mife à la tête, marque un article du formica-leo, page y y : au haut de la page citée cil écrit, du Formica-leo, Si enfuite, il a commencé à manger au commencement du mois de May, ainjï il a été plus de fcpt mois fans manger: le 2 je lui donnai deux ou trois mouches, & je lui en vis fucccr une : le 26 Juin je ne fçais ce qu’il ejt devenu ne l’ayant point trouvé dans la boite. Cet article du Journal eft placé à la fuite d’un autre de l’année 169t. 336 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE M. cle la Hire qui avoit gardé fon formica-leo fept mois fans manger, l’avoit donc eu au moins en Octobre 1690. D’où il paroît que le formica-leo avoit été connu par M. de la Hire plufîeurs années avant que M. Vallifneri l’eût vu, & il l’avoit été auparavant par M. des Billettes. Qu’on ne juge pas au réfte, du prix que je mets à la gloire d’avoir le premier obfervé un infecte, par la lon¬ gueur de la difcuffion précédente. La nature nous offre un trop prodigieux nombre d’occafions, & trop faciles à faifir, d’acquérir de cette forte de gloire, pour que nous en devions être beaucoup datés : il efl honteux pour nous de n’être pas affés frappés des beautés quelle nous préfente; mais il n’y a pas de quoi nous enorgueillir, lorfque nous les appercevons. Si je fuis donc entré dans cette difcuffion, ç’a été uniquement pour prouver l’in- juflice du reproche fait à M. Poupart. Ceux qui ont vécu avec lui, qui ont connu fa droiture & fon au Itère probité, fçavent que jamais homme ne fut plus incapa¬ ble de fe parer des productions d’autrui ; qu’il étoit né avec l’averfion la plus déterminée contre les plagiaires & contre le plagiat; quelquefois même elle l’a conduit trop loin : c’eft de quoi il a donné des preuves dans le Journal desSçavants, en publiant un avis capable d’arrêter ceux qui auraient voulu fe faire honneur des planches & des manufcrits de Swammerdam, qui alors n’avoient pas encore vu le jour. Au refie, 1 t formica-leo efl un de ces infectes qui méri¬ tent d’être célébrés par plus d’un Hiflorien : malgré ce que nous en ont rapporté M. rs Vallifneri & Poupart, ils ont omis bien des particularités dignes d’être fçuës, & nous en omettrons apparemment encore de telles, &qui feront vues par ceux qui examineront cet infecte avec une nou¬ velle & plus fine attention. Les premiers noms qui lui ont des Insectes. X. Mem. 537 été impofés par M. Vallifneri, ne lui lont pas relies ; il la appelle Formicajo & Formicario : celui de Formica ko qu’il a reçu en France, a été fi généralement adopté, qu’il ell devenu de tout pays, & même aulfi françois que celui de fourmilion, fous lequel M. Peluche en a parlé*, & qu’il eût * Spcüach dû porter toûjours en ce pays.-. Si l’on vouloit ncantmoins d * lil Nature. être plus difficile fur les noms qu’il n’elt befoin de l’être, .2/7! 1 ' S ' on feroit fondé à defapprouver qu’on eût appellé Lion un inleéle qui ule de rufe pour fe procurer fa proye, & qu’011 eût Amplement donné pour l’ennemi des fourmis, celui qui fe nourrit de tout infeéte qu’il peut attraper, de quel¬ que genre qu’il foit. Il ell pourtant vrai qu’il ne détruit pas autant de ceux de tous les autres genres, qu’il détruit de fourmis, mais ce n’elt que faute d’occafions. Le formica-leo ell un fix-pieds ou ver hexapode, &de ceux qui doivent fe transformer en une mouche à quatre ailes ; nous l’avons auffi placé * dans la fixiéme clafife des * Tome IV. vers qui ont des transformations à fubir. Tous ceux que 7 ’ aè£ 1 ' j’ai trouvés aux environs de Paris, & depuis Paris jufqu au fond du Poitou, m’ont paru être de la même efpece: il y a pourtant parmi eux, comme parmi les autres infeéles, des efpeces différentes, dont quelques-unes font beaucoup plus grandes que celle des environs de Paris, comme nous le prouverons dans la fuite; mais c’ell au formica-leo que l’on ell ici le plus à portée de voir, que nous nous fixerons; nous nous contenterons de dire en quoi d’autres en diffe¬ rent. Son extérieur * n’a rien qui puiffe lui attirer 1 atten- * Pl.j2.fig, tion de ceux qui n’en donnent qu’aux objets dont ils peu¬ vent être frappés par le premier coup d ceil. Sa couleur ell une efpece de gris-falc. Les fix jambes * qui loûtiennent * Fig. 4.# 5. 1 1 > /1 0 a, m m, ri n. le corps, i elevent peu. Mais quand on vient àconfidérer notre formica-leo, fi l’on fe connoît en formes d’infeélcs, la benne offre des Tome VI. "V u 338 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE particularités remarquables. Il efl fienliblement divilc en * pi. 32.fig. trois parties dans l'a longueur, le corps*, le corcelet * & 5 -SS- la tête*. Le corps dont le volume furpafle confidéra- * t. blement celui des deux autres parties, efl une efpece d’ellipfoïde plus pointu à l'on bout poftérieur qu’à l’anté¬ rieur, un peu applati en-deflous & plus convexe en-deflus. D ’un bout à l’autre il a des rugofités tranfverfales, des efpeces de cordons féparés par de petits filions; on lui en compte aifément onze : ce font autant d’anneaux, tous font membraneux. Pour bien voir fa couleur, il faut au moins en le frottant avec le doigt, emporter les grains de fable ou de terre qui s’y font attachés: celle qui y domine eft jaunâtre, ou un blanc-laie dans lequel du rougeâtre eft quelquefois mêlé. Le gris dont il paroît, réfulte delà com binaifon du jaunâtre du fond avec du noir, ou du brun prefque noir, qui y efl diltribué par taches; celles-ci for¬ ment trois rayes plus remarquables que les autres fur le * Fig.4. delfus du corps*, dont l’une régné tout le long du dos, & efl: à diflance égaie des deux autres. Les taches de ces rayes font fur les cordons des anneaux. Une loupe foible fuffit pour faire voir de chaque côté une autre file de points noirs dont chacun efl aufii placé fur la partie la plus élevée de chaque anneau, fur le cordon. Enfin, elle fait appercevoir des poils noirs & courts, femés fur le corps, & elle en fait voir d’autres de même couleur & plus longs , qui forment des houppes difpofées par files comme les fimples taches; une de ces files de houppes efl proche de chaque côté, & l’autre fie trouve encore en-deflus, mais prefque fur le côté, c’efl-à-dire, prefqu a la jonélion du * Eig. 5. dos avec le ventre*: fur celui-ci on voit encore de chaque côté deux rangs de houppes de poils, & au milieu une rangée de taches noires. La pofition des rangs de houppes qui font fur le corps. des Insectes. X. Mem. 33 9 nous étoit néceflfaire pour déterminer celle des organes de la refpiration du formica-leo, qu’on a négligé d obier ver : on ne peut les découvrir qu’avec une forte loupe. Au- dciïous de chaque houppe du premier rang, excepté celles des deux premiers anneaux, fur le cordon & fur lbn bord le plus proche de la tête eft un tubercule hémifphérique qui l'emble écailleux, & qui ne peut guéres être pris que pour un ftigmate par ceux qui connoilfent la dilpofition & la figure des fhgmates de divers infeétes. J’ai loupçonné deux enfoncements confidérablcs un peu écailleux qui fe trouvent fur le troifiéme anneau, de fervir à la refpiration ; mais je n’ai pu y découvrir des ouvertures qui auroient dû y être fenfibles. Le corcelet * eft court, & a peu de diamètre ; la pre¬ mière paire de jambes * y eft attachée : la l'econde l’eft au premier, & la troifiéme feft au fécond anneau du corps. Le formica-leo montre en certains temps un col remar¬ quable par fa longueur*, & en d’autres temps on ne lui en voit point *; alors le fien fe trouve logé fous le corcelet, & la tête paroît partir immédiatement de ce dernier. Ce col peut donc être porté en avant & retiré en arriére; il exécute beaucoup d’autres mouvements, il éleve la tête, il i’abbaifle, il la fait aller à droite & à gauche. Pour la mettre en jeu de toutes les façons dont elle y doit être mile, & fur-tout pour lui faire faire certaines aélions particulières dont nous parlerons bien tôt, le col s’y inféré en un en¬ droit remarquable: celui des autres infeéftes eft attaché au bout de la tête, ou à fon deftous ; celui du formica-leo s’infere près du bout de la tête, mais en-deffus. La tête auffi eft autrement faite que celle du commun des infeéles; elle eft platte, & on verra que les fonètions dont elle eft chargée, demandoient quelle le fût; elle eft plus large que par-tout ailleurs à fon bout antérieur : vue V u ij * pi. 3 a. fig. 4- * i i. * Fig. 2. * Fig. 1. 340 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE par-deffous, elle a quelque chofe de la figure d’un cœur applatti, parce qu’elle a une forte d’échancrûre au milieu de fon bout antérieur. Ce feroit-là, ou tout auprès, que devroit être la bouche, fi le formica-leo en avoit une placée comme l’eft celle de tant d’autres infeéles. Une des mé- prifes de M. Vallifneri, efl d’avoir cru y en avoir trouvé une dont il a décrit les environs, comme s’il l’avoit vûë. M. Poupart n’efl point tombé dans cette erreur: fi cepen¬ dant M. Vallifneri eût donné l’attention dont il étoit capa¬ ble, aux faits que le formica-leo lui offroit, s’il les eût alfés obfervés, il en eût conclu qu’une bouche placée comme celle des autres infeéles, lui étoit parfaitement inutile; auffi lui en chercheroit-on-là une en vain, ou une trompe capable de faire l’office de la bouche. L’Auteur du Formi¬ ca-leo, qui efl celui de toute la Nature, ne l’a pourtant pas privé de l’organe propre à lui fournir la nourriture nécef- laire à fa fubfiflance; mais il l’a placé d’une façon très- particulière: au lieu même d’une bouche ou d’une trom¬ pe, il lui en a donné deux. D’auprès de chaque extrémité * PI. 32.%. du devant de la tête *, part une corne. Elles font les deux i, 2, 3,4& p art j es J e C et infeéle, qui fe font le plus remarquer, & les plus dignes peut-être de notre attention : la longueur de cha¬ cune efl d’environ une ligne & demie dans le formica-leo qui n’a plus à croître. On feroit tenté de les regarder com¬ me analogues à celles de quelques fcarabés, & entr’autres à celles du cerf-volant ; mais leur ufage efl tout autre : ces deux cornes font deux trompes deflinées à pomper lefuc dont efl rempli le corps de différents infeélcs, & à le faire paffer dans celui du formica-leo. Ce font d’ailleurs des trompes tout autrement conflruites que celles des papil¬ lons & des mouches de différents genres, que nous avons eu occafion de décrire, & tout autrement dirigées. Elles font écailleufçs, mobiles, placées toutes deux à même des Insectes. X. Alem. 34.1 hauteur, & peuvent aller à la rencontre l’une de l’autre, comme font les dents des chenilles, & celles de divers au¬ tres infedes : elles fe croifent pourtant plus fouvent l’une l’autre près de leur pointe*, quelles ne fe rencontrent par * PI. 32. fig. leur pointe même. Depuis la bafe jufque par-delà les deux 4 & 5 ' c> e ' tiers de fa longueur, chaque corne elt à peu-près droite, & ne différé pas beaucoup en largeur ; elle eft plus large qu’épaiffe; mais depuis les deux tiers de leur longueur, elles fe courbent l’une vers l’autre, & diminuent infenfi- blement de groffeur jufqu’à leur extrémité qui eft une pointe très-fine, & où 1e trouve pourtant l’ouverture qui tient lieu de bouche, celle par où paffe tout ce qui fert à nourrir le petit animal. Du bord du côté intérieur de chacune partent trois grandes pointes, des efpeces d’épines* qui leur donnent quelque rcffemblance avec *PI. 33.% les cornes du cerf-volant: dans l’intervalle que laiffent en- J^ 4 ’ 5 ' ù> tr’elles deux des grandes épines, il y en a deux beaucoup plus courtes. Nous reviendrons à examiner les particularités de la ftrudure de ces cornes, après que nous aurons vu le for- mica-leo en faire ufage: il ne peut fè nourrir que du gibier qu’il attrape; mais il ne joindrait pas à la courfe les infectes qui marchent le plus lentement : ce n’eft pas que fa marche foit d’une lenteur exceffive, c’eft qu’il ne pourrait la diri¬ ger vers ceux qu’il voudrait atteindre; il nefçait aller qu’à reculons. Cependant il parvient à fe faifir des inlèétes les plus agiles, au moyen de la rufe qui lui a été apprife. 11 fçait difpofer le lieu où il 1e fixe, de manière que le gibier y vient tomber entre fes cornes qui l’attendent. Il fe loge & fe tient tranquille au fond d’un trou fait en entonnoir*; * 2 ; fi S* il y eft caché fous le fable au-defTus duquel s’élèvent feu- ‘ 3 * lement fes deux cornes * autant ouvertes, c’eft-à-dire, autant écartées l’une de l’autre quelles le peuvent être : Y U iij 34 ^ MEMOIRES PO 15 R L’HiSTOIRE malheur alors à tout infeéle imprudent, à la fourmi, par exemple, qui cheminant paffe fur les bords d’un trou dont le talus eft roide, 6c dont les parois l'ont toutes prêtes à s’ébouler ; quelquefois il tombe dans Imitant au fond du précipice, dans la vraye folfe du lion. Sa chute n’elt pas toujours fi précipitée; la fourmi qui lent le danger, tâche de fe cramponner fur les grains de fable qui forment la pente, plufieurs cedent fous lès pieds, mais au moyen de tentatives 6c d’efforts redoublés elle en rencontre de moins mobiles, fur lefquels elle fe retient; fouvent même elle par¬ vient à grimper vers le bord du trou. Mais le formica-leo a encore une reffource pour le rendre maître de la proye qui lui échappe: c’elt une des circonltances où il lui im- portoit d’avoir une tête dont le deffus fût plat, 6c qu’il pût élever brufquement en enhaut, en l’inclinant d’un côté ou de l’autre. La fienne qui alors eh cachée fous le fable, peut jetter en l’air celui qui la couvre, comme nous y en jetterions avec une pelle; au moyen d’un coup de tête donné brufquement en enhaut, 6c dans la direction convenable, il lance en l’air un jet de grains de fable: cette pluye de fable tombe fur la miférable fourmi, qui ne trouvoit déjà que trop de difficulté à monter ; les petits coups quelle reçoit d’un grand nombre de grains, la pouffent en embas. Elle n’en eft pas quitte pour ces pre¬ miers coups, le formica-leo ne tarde pas à ramener fà tête fous le fable ; le voilà donc en état de faire partir un nou¬ veau jet: plufieurs jets qui fe fuccedent, produifent l’effet pour lequel le premier n’a pas toûjours l'uffi ; la fourmi malgré tous fes efforts eft précipitée au fond du trou, les deux cornes du formica-leo qui étoient ouvertes pour la recevoir, lui faififfent le corps6c le percent en fe fermant. Le formica-leo maître de fa proye, la tire un peu fous Le Ikble, l’y cache, au moins en partie, 6c l’y fucce à fou des Insectes. X . Mem . 343 aife: le repas eft plus ou moins long, félon que la pièce de gibier dt plus groffe ou plus petite; une fourmi eft fouvent fuccée en un demi-quart d’heure, & il y a telle mouche dodue, comme le font les groftes mouches bleues de la viande, dont il ne vient à bout qu’en deux ou trois heures. Après en avoir tire tout cequ’elle a de fucculent, la tenant foiblement entre fes cornes prêtes à s’ouvrir & à l’abandonner, il donne un coup de tête, au moyen duquel il jette au-delà des bords defon trou un cadavre inutile. Ce n’eft que dans des terreins compofés de grains fins & lecs, que les formica-leo peuvent drelfer leurs pièges. Les grains des parois de chaque entonnoir doivent être toujours prêts à glilfer ou à rouler pour peu qu’ils foient poulfês en embas ; d’où il fuit que la pluye peut non feulement caufer du dérangement dans la ligure de ces trous, mais que de plus elle les rend incapables de pro¬ duire l’effet pour lequel ils font faits, lorfqu’elle colle les uns contre les autres les grains de leurs parois. Les formi¬ ca-leo 11e l’ignorent pas, au moins comme s’ils en étoient inftruits, ils Içavent mettre leurs trous à couvert de la pluye. C’eft au pied des vieux murs, & dans les endroits les plus dégradés, qu’ils setablifTent par préférence; les vuides qu’y ont laifles des pierres conlùmées par lavétufté, fe trouvent au-deffous d’une efpece de voûte: le terrein couvert par cette petite voûte rufiique, eft ordinairement fait des débris de la pierre qui a été difloute & réduite en une poudre très- propre à être creufée en entonnoir. Quelquefois les for¬ mica-leo font les trous où ils 1e tiennent, au pied de queî- qu’arbre dont le tronc gros, élevé & courbe, & au moins plein d’inégalités, vaut prelqu’un mur pour donner de I abri à nos infeétes. J ’en ai trouvé d’établis au pied dediliérents chênes du bois de Boulogne, & principalement au pied 344 MEMOIRES pour l’Histoire de ceux qui font auprès d’une mare que j'ai eu occafion de citer plufieurs fois dans les autres volumes. Les bords efcarpés & fablonneux de certains chemins où des eljîeces de voûtes fe trouvent creufées, valent pour eux de vieux murs. Quand donc on en veut avoir, ceft au pied des vieux murs, & fur-tout de ceux qui font tournés au midi, qu’il eft plus fûr de les chercher: indépendamment de ce qu’ils n’y font pas expofés à la pluye, ils ne peuvent choifir des lieux plus convenables pour lé mettre à l’affût : il n’en eft point qui foient plus fréquentés des fourmis & des infeéles de diverfes efpeces; ils y font attirés par la chaleur qui y régné lorfque le Ciel eft ferein, & ils font forcés de s’y réfugier quand il furvient quelque pluye forte : ils mar¬ chent alors vers les embulcades, & tombent dedans. Chaque formica-leo ne paffe pas fa vie dans le même trou, mais il y demeure au moins plufieurs jours de fuite; plus il y a féjourné & plus le diamètre de l’entrée eft grand : les grains qui en forment le bord, s’éboulent lorfque quelqu’infeéte paffe deffus, & fur-tout lorfqu’il arrive à quelqu’un de tomber dans le précipice. Les mouvements même que le formica-leo fe donne au fond du trou, occaftonnent dans les parois des ébranlements qui, quoique légers, fuffifent pour déterminer à rouler des grains très-mobiles. Il ne leur donne pas le temps de s’accumuler au fond du trou qu’ils éleveroient trop, il charge l'a tête de ceux qui y font tombés, & les jette de¬ hors bien par-delà le bord. Les mêmes éboulements qui augmentent le diamètre de l’entrée du trou, rendent la pente de ce trou moins roide; & moins elle l’eft, plus il eft facile àl’infeéte qui adonné dans le piège, de grimper en haut. Auftï lorfque la pente eft devenuë trop douce, le formica-leo prend le parti d’abandonner fou entonnoir pour en faire un nouveau. C’eft un parti qu’il prend encore quand * Pî - 3 2, % 11 . * aa, l b, cc, &c. des Insectes. X. Mem. 343 quand il a paffé piufieurs jours dans l’ancien fans y faire de capture, il efpere plus de fortune en fe plaçant ailleurs; il fe met donc en marche, il parcourt le terrein des envi¬ rons pour examiner & choifir un lieu favorable. Le chemin qu’il a fait, efl marqué par une trace bien reconnoiffable * qui quelquefois efl prefque en ligne droite, &plus fouvent contournée en ziczac; c’eft une efpecede petit foffé d’une ligne ou deux de profondeur, & dont la largeur égale celle du corps de l’infeélc. Ce foffé a fouvent une particularité qui met en état de compter le nombre des pas qu’a faits le formica-leo pour parcourir une étendue déterminée : on remarque aifément des filions * efpacés affés également, qui traverfént le petit foffé; la diflance d’un fillon à l’autre efl l’exaéle mef'ure d’un pas. Le for¬ mica-leo fait tous les fiens à reculons. Pendant qu’il mar¬ che , prefque tout fon corps * efl caché fous le fable ; * l. fouvent il ne montre alors que fa tête & fon corcelet. Les fix jambes dont il efl pourvû, ne fervent peut-être pas autant à le faire aller en arriére, que le bout de fon corps qu’il recourbe en embas, &fur lequel il fe tire*. L’ufage clés deux jambes pofléricures * n’efl guéres alors que de le foûlever, que d’empêcher le ventre de frotter trop contre s ,n '" le Lble: elles font étendues ou au moins pofées de manière qu’elles ne débordent point, ou qu’elles débordent peu les côtés. Les quatre autres*, & fur-tout les deux premières, * Fig. 4.. tw,/, font tout autrement difpofées, elles font quelquefois per¬ pendiculaires aux côtés,où ellesfont placées par rapport au corps, comme le font les rames par rapport à une galere: plus fouvent néantmoins les deux premières *, plus courtes * /. que les deux fuivantes, lont dirigées en avant; lorfqu’elles s’appuyent fur le fable & qu’elles le pouffent, elles contri¬ buent à porter le corps en arriére. Mais le formica-leo à qui 011 les 3 coupées toutes fix, efl encore en état de marcher Tome VI. X x * Figure 4. * Fig. 4. n, 346 Mémoires pour l’Histoire & même de marcher afles bien & afles vite, quoique moins commodément ; le bout porté rieur de fon corps eft le prin¬ cipal agent qui le tire en arriére. Ce font les preflions des Pl. 32. fig. quatre premières jambes qui forment les filions* dont nous o &c? b b> avons parlé ; les crêtes de ces filions fe trouvent dans l’inter¬ valle qui eft entre les deux premières paires de jambes, dans l’elpace que leur preffion n’a pas obligé de s’enfoncer. Puif- quele corps du formica-leo qui marche, eft en partie fous le fable, fa tête qui après un pas en arriére, fe trouve dans le lieu où étoit le corps, en devient elle-même couverte : l’infedle n’aime pas quelle le foit, il veut voir alors ce qui eft autour de lui ; un coup de tête & quelquefois deux donnés brufquement, la mettent bien-tôt à découvert, ils jettent au loin le fable qui fe trouvoit fur elle. Quand la courfe qu’il a faite, eft afles longue à fon gré, il s’enfonce en¬ tièrement fous le fable; c’eft ordinairement pour y pren¬ dre un peu de repos, & travailler enfuite à l'on ouvrage eflentiel, à fe faire un entonnoir. Pour donner à cet entonnoir de juftes proportions, pour creufer dans le fable un trou conique dont la pente foit afles précipitée, il y a peut-être plus de façons delà part de notre infeéte, qu’on ne s’y attendrait, Si dont aucune n’eft inutile. Il commence par en tracer l’encein- PI- 3 3-%• te *, c’eft-à-dire, par faire un fofle femblable à celui que ^ nous lui avons vu creufer en cheminant, mais un fofle qui entoure un efpace circulaire plus ou moins grand, félon que le formica-leo veut donner plus ou moins de diamètre à l’entrée de l’entonnoir; & plus ou moins grand encore, félon que le formica-leo eft plus vieux ou plus jeune. Les PI. 32.fig très-jeunes ne font que de très-petits entonnoirs*; ils ul,J *' n’entreprennent que des ouvrages proportionnés à leurs forces, Si ne cherchent pas à tendre un piège à de gros in- feétes : ceux qui ne font prefque que de naître, ne donnent des Insectes. X . Mem . 547 quelquefois à la plus grande ouverture des leurs, qu’une ligne ou deux de diamètre; & ceux qui font près d’avoir pris tout leur accroiftement, habitent quelquefois dans des trous dont le diamètre de l’entrée a plus de trois pouces: les entonnoirs où d’autres fe tiennent, ont des grandeurs moyennes; on en voit communément dont le diamètre de l’ouverture eft d’un pouce, & de quelques lignes de plus ou de quelques lignes de moins. La grandeur du trou n’eft pourtant pas toujours proportionnée à celle de l’infeéte qui y eft logé : quelquefois on tire d’un grand trou un formica- leo dont la groffeur eft au-deffousde la médiocre; d’autres fois on eft étonné d’en trouver un très-gros au fond d'un trou d’une aftes petite capacité. La profondeur des entonnoirs nouvellement faits a en¬ viron les trois quarts du diamètre de la grande ouverture. J ’ai trouvé neuf lignes de profondeur à ceux qui en avoient douze à leur entrée, un pouce de profondeur à ceux dont l’entrée avoit feize lignes. L’ouvrage que le formica-Ieo a à faire après avoir tracé une enceinte, eft donc d’enlever un cône de fable, renverfé dont la bafe * a un diamètre égal à celui de l’intérieur de l’enceinte, écdontla hauteur a à peu- près les trois quarts de ce diamètre. Pour en venir à bout, il a bien des pas à faire. S’il reftoit dans une même place, il ne réuiïiroit pas à donner à l’entonnoir qu’il fe propofe de creufer, la rondeur <& la régularité convenables. Quand il s’eft déterminé à travailler férieufement, il femet donc en marche; ce n’eft pas pour aller fur une ligne droite, c’eft pour en luivre une du même genre que celle que parcou¬ rent les chevaux qui font tourner une meule: il veut & doit fuivre en marchant, la circonférence intérieure de l’enceinte, comme s’il avoit à tracer un fécond fofte con¬ centrique au premier. Dès qu’il a fait un pas, il s arrête pour charger fa tête de fable; elle n’eft pas plutôt chargée Xx ij pi. p.fig. i. n n //. 348 Mémoires pour l’Histoire qu’il i’éleve brufquement, & jette ainfi celui qui la cou- ■* pi. 3 3. fig. yroit*, par-delà la circonférence de l’enceinte. *• ,n - < Ceux qui ont parlé de cet infeéle, ne femblent pas s’être ailes arrêtés à confidérer la manière dont il charge fa tête de fable, 6c n’ont pas pris toutes les précautions nécelfaires pour parvenir à voir comment il le fait : ils femblent avoir cru que fa manœuvre alors étoit telle que celle qu’on lui voit faire, lorfque cherchant un lieu pour fe fixer, il marche prefque couvert de fable, 6c fait fauter en l’air celui fous lequel fa tête fe trouve néceffairement à la fin de chaque pas. Le formica-leo qui travaille à l’exca¬ vation de l’entonnoir, y procédé pourtant d’une autre façon digne d’être fçûë : le fable qu’il jette ne doit pas * Fig-1 -fff être pris d’une enceinte * qu’il n’a pas intention d’aggran- dir; celui qui eft enlevé ne doit être tiré que de la mafTe * nnnn. intérieure*. Or fi le formica-leo fe contentoit de marcher à reculons pour charger fa tête de fable, il la chargeroit également du plus proche de l’enceinte, 6c de celui qui eft vers l’intérieur. II agit avec plus de régularité; il ne fait paffer lur fa tête que le fable qui efi entr’elle 6c l’axe du cône. La manœuvre par laquelle il y parvient, eft * Pi. 32. fig. fûre; il fe fert d’une de fes jambes de la première paire *, i,2& 3./,/. ( j ece jj e q U j e fl- du ( j e l’intérieur, comme d’une main, pour pouffer fur fa tête le fable qui efi du même côté. Les mouvements de cette jambe font extrêmement prompts, 6c fe fuccedent fans intervalle; auffi la tête a-t-elle bien tôt fa charge. L’ouvrier occupé à creufer un foffé, ne jette pas plus finement hors de lés bords, 6c pas fi vite, la terre que fa bêche a coupée, que la tête du formica-leo jette hors de l’enceinte le fable dont elle a été couverte. La tête eft ainfi chargée deux ou trois fois de fuite dans le même lieu, 6c deux ou trois fois elle lance une pluye de » pi. 33. fig. fable. Le formica-leo * fait enfuite un nouveau pas en l Ul. des Insectes. X . Mem . 349 arriére, au bout duquel il s’arrête, 6c fe fert encore de fa même jambe, comme d’une main, pour couvrir fa tête de fable qui efl encore jetté par celle-ci comme par une pelle. Après une fuite de pas, il fe retrouve prefqu’au même lieu d’où il étoit parti, il a parcouru un cercle; il continue de marcher pour en parcourir un fécond plus proche du centre, ou, plus exactement, le formica-leo décrit dans là route une fpirale de i’efpece de celles qui font tracées fur lin cône. Quand il a fuivi deux ou trois tours de fpirale, la quantité du fable qui a été ôté, elt très-fenfible ; il s’clt formé au-dcdans de l’enceinte un folfé plus large 6c plus profond*, qui entoure un cône de fable*: ce cône n’a * pj. 33 ^ pas fa bafe en enhaut, comme l’avoit celui que nous avons fff fait imaginer*, lorfque l’infeéte a commencé à fouiller; le * ”””• fommet du nouveau cône elt en enhaut; le fable qui s’elt + F ' s '* éboulé de la partie la plus élevée de cette malfe de laquelle le formica-leo en a ôté à tant de reprifes, le fable, dis-je, qui s’en elt éboulé, a été caufe que la partie fupérieure a eu bien tôt moins de diamètre que n’en a fa bafe, 6c que peu à peu elle elt devenue prefque pointue. C’clt toujours à la bafe de ce cône que le formica-leo prend le fable qu’il jette hors du trou, qui lui-même fera conique quand tout le cône de fable aura été enlevé. La bafe de celui-ci devient de plus en plus petite àmefureque l’infeéte en a parcouru le tour plus de fois; fon fommet s’abbailfe en même temps, parce que des grains s’en éboulent à chaque infant. Le cône de fable devient donc à la fin fi petit, que fa bafe n’a qu’un diamètre égal à celui que doit avoir le fond de l’entonnoir, 6c qu’il a à peine une ligne ou deux de hau¬ teur: quelques coups de tête fuflîfent pour jetter hors du trou ce petit refe de fable. La jambe qui fait l’office de main pour charger la tête de fable, 6c qui le fait ayec tant d’adrefe 6c d’agilité, Xx iij 350 Mémoires pour l’Histoire ne peut manquer de fe fatiguer : quand elle a agi alfés long temps, Jeformica-leo la laide repofer,&fedélermine à fe fervir au même ufage de l’autre jambe de la même paire, qui apparemment n’eft pas moins adroite que la pre¬ mière; mais pour la faire travailler, il faut qu’ellefe trouve placée, comme ! etoit la première, vers l’intérieur du trou, ce qui demande que le formica-leofe retourne bout pour bout, & qu’il décrive enfuite des cercles dans un fens con¬ traire à celui où il en décrivoit auparavant. Pour fe re¬ tourner, il n’auroit qu’a pirouetter fur lui-même, qu’à amener fon derrière où étoit fa tête; mais cette manœu¬ vre n’eft pas apparemment pour lui la plus ailée, car alors il en fait une autre, il traverfe le cône compofé du fable qui relie à enlever; il palfc de l’endroit ou il cil, à l’en¬ droit oppofé diamétralement: quand il y elt rendu, il fe met en marche pour faire les circonvolutions dans un lèns contraire à celui où il les lailôit; la jambe qui aupa¬ ravant étoit la plus proche de l’enceinte extérieure, elt alors la plus proche de l’axe de l’entonnoir, & c’elt alors à elle à charger la tête de fable. Quelquefois le formica-lco achevé fon entonnoir tout de fuite, & en vient à bout en moins d’une demi-heure, ou même d’un quart d’heure; quelquefois il le fait à bien des reprifes; il prend des intervalles de repos, tantôt plus courts & tantôt plus longs; il fe tient quelquefois tran¬ quille pendant des heures entières, & cela apparemment félon qu’il elt plus ou moins prelfé par la faim : on ne peut guéres attribuer qu’à ce befoin la diligence avec la¬ quelle il y en a qui expédient leur ouvrage, pendant que d’autres relient dansl’inaétion. J’ai eu à la fois des centai¬ nes de formica-leo dans une feule mais alTés grande cailfe, & fouvent j’ai pris plaifir à applanir la furface du fable où ils étoient, à combler tous leurs trous: quelques-uns des Insectes. X. Ment. 351 travailloicnt prefque fur le champ à s’en faire un, & le plus grand nombre différait fouvent à fe mettre à l’ouvrage dans les jours longs & chauds, depuis midi ou une heure ou deux après, jufqu’à ce que le Soleil fût prêt à fe cou¬ cher : lorfque fes rayons brillent, & fur-tout s’ils tombent fur le fable où ces infeétes font logés, ils ont peine à fe dé¬ terminer à travailler ; mais lorfque le temps eft couvert & chaud, toutes les heures font pour eux propres au travail. Ceux qui font leurs entonnoirs à la campagne, n’ont pas toujours à leur difpofition un fable auffi fin &. auffi égal que celui que donne un Obfervateur à ceux qu’il tient dans l'on cabinet. Parmi les grains du fable ordinaire, il fe trouve de gros grains de gravier, de petites pierres: le formica-leo qui façonne un trou dans une terre pulvérifée, rencontre des grumeaux de terre; auffi voit-on fouvent de gros graviers, de petites pierres & des grumeaux d’une terre dure fur le bord d’un trou dont l’intérieur n’a que des grains extrêmement fins. M. Bonnet qui fçait penfer à ce qui mérite d’être obfervé, a eu une curiofitéque n’ont point eue ceux qui nous ont entretenu de cet infeéîe ; il a eu celle de fçavoir quel parti prenoit le formica-leo dans les cas où la petite pierre, où la petite maffe de terre dure étoit d’un tel poids qu’il ne pouvoit fe promettre de la lancer en l’air avec fa tête par-delà le bord du trou com¬ mencé. M. Bonnet après en avoir épié un grand nombre, a eu le plaifir d’en furprendre plufieurs dans cette circonf- tance embarraffante; il a vu toute la manœuvre à laquelle ils ont recours alors. Le formica-leo fe détermine à porter la maffe incommode où il ne la peut jetter : il fort du fable, il fe montre en entier à découvert; en avançant enfuite un peu à reculons, il fait paffer le bout de ion derrière fous la petite pierre, & en allant encore un peu en arriére, & en faifant faire à fes anneaux des mouvements 352 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE convenables, il la conduit vers le milieu de fon dos, de 1 y met en équilibre. Mais le difficile eft de la conferver dans cet équilibre pendant le tranlport, en montant à reculons le long d’une pente déjà efcarpée ; de moment en moment la charge eft prête à tomber, foit à droite, foit à gauche : ce n’eft qu’en abbaiflant ou élevant à pro¬ pos certaines portions de les anneaux, que le formica- leo parvient à la retenir. Enfin, malgré tous fies efforts, & malgré tout Ton Içavoir en tours d'équilibre, la pierre lui échappe quelquefois, elle roule dans le fond du préci¬ pice; il a le courage d’aller l’y rechercher, & de faire de nouveaux effiiis de fon adreffe & de fa force. Il donne ainfi de grandes preuves de patience, lorfque, comme M. Bonnet l’a vu, il retourne à cinq ou fix reprifes fe charger d’un fardeau qui lui a échappé autant de fois: le formica-leo lui fembloit alors condamné au fupplice du criminel Syfiphe. On peut faire naître des occafions d’avoir un fpcélacle qui tourmente notre infeéïe, & qui amufe celui qui l’ob- ferve, en jettant au fond de fon trou une petite pierre d’un poids trop grand pour être enlevée d’un coup de tête: j’ai quelquefois mis dans la même peine dix à douze formica-leo à la fois; la petite pierre de chaque trou n ctoit pourtant pas de même figure ni de même poids. Le formi¬ ca-leo qui avoit eu le bonheur d’en avoir une légère en partage, la faifoit partir d’un coup de tête; 6 c celui à qui il en étoit échu une trop lourde, ou d’une figure trop ir¬ régulière, fo déterminoit par la fuite à abandonner fon trou ; d’autres entreprenoient de tranfporter hors du leur celle dont ils avoient jugé pouvoir charger leur dos : le plus fouvent néantmoins ils lé contentoient de la pouffer, ïbit avec la tête, foit avec le dos contre les parois de l’en¬ tonnoir; pourvu quelle n’en couvre pas le fond, c’cfi affés pour des Insectes. X. Man. 3 5 3 pour eux: le piège, quoiqu’un peu moins parfait, luffit encore pour faire prendre des inlèéles. Il y a des entonnoirs faits, pour ainfi dire, à la hâte, qui n’ont pas autant de profondeur, ni un talus auffi roide que ceux pour lefquels nous avons vu les formica- leo employer tout leur art : 1’infecle fe contente quelque¬ fois de jetter avec fa tête le fable de l’endroit où il s’eft fixé; il forme ainfi en peu d’inflants une cavité conique, mais qui n’a ni la grandeur ni les proportions de celles dont l’enceinte a été tracée régulièrement. Quand le formica-leo a fini fon trou, il 11e lui faut plus que de la patience, mais il a befoin d’en avoir beaucoup: ayant fon corps caché fous le fable, & avancé quelque part en-delfous des parois de l’entonnoir, il tient fes deux cornes ouvertes *, & un peu élevées au-delfus du fond ; le centre * pi. 3 de celui-ci fe trouve à peu-près au milieu de l’efpace qui 1 3 - c > elt entr’elles: il attend quelquefois plufieurs jours de fuite le moment où un infecte tombe dans le précipice qu’il lui a préparé. Pendant un temps qui devrait lui paraître fi long, il 11’a précilcment rien à faire que de donner quelquefois des coups de tête pour jetter hors du trou le peu de fable qui peut y être tombé; ce qu’il en jette ainfi à bien des reprifes, & à différentes heures, eft caufe qu’un trou qui a été habité pendant plufieurs jours fans qu’aucune capture y ait été faite, eft confidérablemcnt aggrandi : j’en ai vu tel qui avoit trois pouces de diamètre, qui d’abord n’en avoit eu que deux; mais fa profondeur n’étoit pas proportionnée, elle n’étoit au plus que d’un pouce & demi. Ce n’étoit pas afles que le formica-leo fût doué d’une grande patience, il falloit qu’il fut capable de foûtenir un très-long jeûne; il en foûtient un plus long qu’on ne l’imaginerait: on garde au Printemps & même en Tome VI. Y y 354 Mémoires pour l’Histoire E té de ces infeéles plufieurs mois de fuite dans des boîtes fermées fans qu’ils y meurent de faim. Auffi M. Poupart a-t-il prefque cru qu’ils ne mangcoient que pour leur plaifir : ce qui fembloit propre à le confirmer dans ce fentiment, c’eft qu’il a vu que des formica-leo privés de nourriture pendant plufieurs mois, s’étoient cependant métamorphofés ; mais apparemment qu’on avoit com¬ mencé à les mettre hors d’état de prendre des aliments, dans un temps proche de celui où ils dévoient ceffer de croître. S’il étoit néceffaire de prouver que de manger cfl pour eux un befoin indifpenfable, je dirais que le volume du corps de divers formica-leo que j’ai fait jeûner trop long-temps, a diminué fi notablement qu’ils n’étoient plus reconnoiffables, &qu’enfin ils ont péri de faim. Souvent néantmoins ils ne font pas expofés à un jeune trop rigoureux; comme ils fçavent placer leur entonnoir dans des lieux fréquentés par les infeéles, il y en a toujours quelqu’un de ceux-ci qui par imprudence donne dans le piège. D’ailleurs ils ne font pas difficiles fur le choix du gibier; les infeéles, de quelque genre qu’ils foient, leur font bons, dès qu’ils peuvent s’en rendre maîtres: les fourmis, comme nous l’avons déjà dit, font de ceux dont ils attra¬ pent le plus; ils prennent auffi affés fouvent des cloportes: de petites chenilles, des araignées font pour eux des mets plus rares, mais dont ils peuvent fe régaler quelquefois; de très-petits moucherons qui marchent volontiers fur le fable, & qui volent affés mal, leur font un fond d’aliments plus fur que les gros infeéles: des mouches & des papillons font quelquefois pris par le formica-leo, avant qu’ils ayent pu faire ufiage de leurs aîles pour s’échapper. Mais on les régale bien quand on jette dans leur trou une mouche bien ventrue à qui on a arraché les aîles. Enfin, ils prouvent que tous les infeéles leur conviennent, & au moins qu’ils des Insectes. X. Mem. 3 5 - ne connoiflcnt pas la pitié en n’épargnant pas même ceux de leur efpece; le formica-leo cil lion pour le formica-lco même: quand on en jette un dans le trou d’un autre, ou s’il y en a un qui y tombe par mégarde, il efl traité avec autant de barbarie que le fèroit un infeéte de tout autre genre; il efl faifi par celui entre les cornes duquel il a eu le malheur de tomber, qui lui perce le corps & le fucce; en lin mot, il en fait un très-bon repas. Les cornes ne font pas feulement en état de percer les infedes dont le corps n’a que des enveloppes membra- neufes, ou que des écailles minces telles que celles des fourmis ; elles percent les corps les mieux caparaçonnés. J’ai quelquefois donné à des formica-leo des fearabés dont le ventre étoit couvert d 'écailles épailfes & dures; il a cependant été mal défendu, les cornes ont pénétré dans fon intérieur. Le formica-leo à l’affût, d parfaitement tranquille au fond de fon entonnoir, eft averti pour l’ordinaire par quelques grains de fable qui s’éboulent, de l’arrivée d’un infède fur le bord du précipice: il peut même fouvent y voir le petit animal qui va devenir fa proye, car il voit très-bien ; au moins a-t-on lieu de le juger ainfi fur ce que le plus fouvent il retire fes cornes fous le fable, lorfqu’on veut regarder fon trou de trop près. M. Poupart ne lui a donné que deux yeux; M. Vallifneri l’a mieux obfer- vé, lorfqu’il lui en a trouvé dix à douze. Il en a réelle¬ ment douze, fix de chaque côté, arrangés fur le bout d’une tubérofté placée en-defTus de la tête, près de la partie extérieure de la baie de chaque corne * : ils ne peu¬ vent être rendus fenfibles que par une forte loupe; mais avec fon fecours, on s’affûre de leur nombre & de leur figure. Chacun eft un petit grain qui a de la rondeur & de la convexité, & tout le poli, le luifant & le tranfparent pi. 32.fi . y, y, &. fi ■y- UQ CfQ 356 Mémoires pour l’Histoire qu’ont les trois petits yeux difpofés en triangle fur la tête des mouches. Les cornes du formica-leo ne fçauroient être entièrement hors du fable, fans que les yeux qui font à leur bafe, foient à découvert; ils lui apprennent quand il elt temps qu’il fe tienne prêt à faifir un infeéïe infortuné. Il femble même qu’outre le fentiment de la vûë, ils en ayent quelqu’autrc qui les inftruife de la préfence des objets capables de mouvement: ils n’aiment pas à être vus, ils cachent tout leur corps fous le fable, & y cachent de même leur tête & leurs cornes, dès qu’on les regarde de trop près. Ce feroit une façon de fe montrer que de jetter en prélènce d’un fpeêlateur, du Cable hors du trou qu'ils veulent creufer; aulfi ne s’y déterminent-ils qu’à peine, & encore faut-il que celui qui les regarde ne fe donne aucun mouvement : de-là vient que les particularités de leur travail n’ont pas été bien obfervées, &: qu’elles font plus difficiles à obferver qu’on ne le croiroit. Ayant des centaines de formica-leo dans une même caille, je m’étois imaginé quaprès avoir comblé tous leurs trous, qu’après avoir applani toute la furface du fable, je verrais à la fois des centaines de ces infeéfes à l’ouvrage ; mais il m’eft arrivé de me tenir alors auprès de la cailfe pendant des heures entières, &de n’y en voir que quelques-uns qui failoient en cheminant des traces dans le fable, ou qui au plus cbauchoient quelques trous, aucun ne fe mettoit tout de bon au travail. Ennuyé de ne rien voird’affésfatisfaifant, je m’éloignois d’eux, & lorlque je revenois les vifiter au bout d’une demi-heure, ou plutôt, j etois étonné de trouver 4.0 ou 50 entonnoirs très-finis. Ainfi inftruit que ma pré¬ fence les tenoit dans l’inaétion, je m’éloignois de nouveau de la cailfe, mais pourtant pas affiés pour en perdre le fable de vûë: dès que j’en étois à quelques pas, tout fe rani- moit ; de toutes parts je voyois des jets de fable lancés des Insectes. X. Mem. 3 57 continuellement en l’air: dès que je me rapprochois juf- qua un certain point, le nombre des jets diminuoit, & s’il y en avoit encore lorfque jetois près de la cailTe, ce n etoit pas au moins du côté où j etois placé ; il fem- bloit que les formica-leo les plus proches de moi fen- tiffent ma préfence autrement que par leurs yeux, car plufieurs auxquels je devois être caché par le bord de la caiffe, ccffoient de travailler. Je ne fuis donc parvenu à voir la fuite complette de leur opération, qu après m’être tenu fi immobile que j etois pour eux ce qu’eût été un tronc d’arbre: c’eft alors que j’ai pu obferver diftinéte- ment comment ils chargent leur tête de fable avec celle de leurs premières jambes qui eft vers l’axe du trou; lors même qu’011 ne voit pas cette jambe, on connoît quelle travaille par l’agitation, par une efpece de bouillonnement qui paroît dans le fable qui eft au-defllis d’elle, & quelle pouffe fur la tête. Au refte, le formica-Ieo n’eft point arrêté de même par la préfence de l’Obfervateur, quand il s’agit de faire tomber dans le fond de fon trou un infeéte qui tend à s’en échapper, en grimpant le long des parois; il n’héfite point à lancer vers lui des jets de fable : le motif qui l’anime alors, l’empêche de penfer que ces jets de fable peuvent le déceler. Quand un infeéle eft tombé entre les deux cornes re¬ doutables, & quelles ont pu le ferrer, c’eft fait de lui, quoi¬ qu’il loit même fupérieur en force au formica-leo; les mou¬ vements qu’il le donne pour lui échapper, font inutiles: le formica-leo caché & cramponné par fon derrière fous le fable, tient bon contre des efforts qui l’entraîneroient s’il en étoit dehors. Pour mettre l’infeéte vigoureux qui eft devenu ftaproye, dans l’impuiffance de continuer trop long-temps les efforts, & pour les rendre plus foiblcs, il Y y iij 358 Mémoires pour l’Histoire travaille à l’étourdir en le fecouant très - rudement, & en battant Ion corps contre le Table. On voit mieux alors qu’en aucun autre temps, combien efl grande la force du col du formica-leo pour enlever un pelant fardeau dont la tète efl chargée, combien font prompts les mou¬ vements que le col peut faire faire à la tête malgré le poids qui la furcharge, & enfin le temps confidérable pendant lequel il peut agir avec tant de force & de vîteffe. Un jour j’arrachai les quatre ailes à une abeille, fans lui fitire d’autre mal, & en prenant toutes les précautions nécef- faires pour l’empêcher de perdre fon aiguillon; pendant que rien ne lui manquoit de fa vigueur naturelle, & que le traitement que je lui avois fait la mettoit en fureur, je la jettai dans l’entonnoir d’un formica-leo qui dans le mo¬ ment lui faifit le corps du côté du dos, tout près de la jonélion avec le corcelet : l’abeille ainfi pofée ne pouvoit faire ufage de fon arme contre fon ennemi ; mais elle fai- foit les plus grands efforts pour lui échapper: pour la mettre plutôt dansl’impuifiancedeles continuer, d’inftant en in liant le formica-leo la fecouoit le plus rudement qu’il lui étoit polfible; après l’avoir élevée fans l’abandonner, il la failoit retomber avec une grande vîteffe, il la frappoit contre le fable: l’abeille tint bon contre de pareils coups redoublés fréquemment pendant plus d’un gros quart d’heure; mais enfin le formica-leo qui pendant qu’il hat- toit le corps de cette mouche contre le fable, ne laiffbit pas de le litccer un peu, la mit hors d’état de s’agiter, & acheva de la fuccer à fon aife. Loin que la réfiffance que leur fiait leur prove, les en dégoûte, cette réfiffance a pour eux un attrait: ils fem- blent fi fenffbles au plaifir de remporter une viéloire, qu’ils dédaignent l'infecte qui n’eff pas au moins un peu en état de la leur dilputer; quelque fucculent que loit celui qui des Insectes. X Mem . 3 5 9 tombe dans leur trou, & quoiqu’il foit de ceux qui font le plus à leur goût, ils 11’y touchent pas s’il eft mort ; bien-tôt ils l’en jettent dehors comme une ordure. Ce 11’eft pas précifément parce qu’ils n’aiment, pour ainfidire, que de la chair extrêmement fraîche; après avoir tué une mouche en lui prefïant la tête, fur lç champ je la jettois dans l’entonnoir du formica-leo qui me fembloit attendre de la proye avec le plus d’impatience; quelque dodu que fût le ventre de la mouche, le formica-leo ne le ferroit aucunement entre fes cornes; elle n’étoit morte cepen¬ dant que depuis un inftant; & quelquefois ils fuccent pen¬ dant plus de trois heures celle à qui ils ont ôté la vie. La même mouche que je ne vcnois que de tuer, a été offerte fucceffiventent à plus de vingt formica-leo, qui tous l’ont méprifée. C’efl une expérience que j’ai répétée un très- grand nombre de fois. Je rapporterai encore un fait qui prouve que comme nosChaffeurs, iis font quelquefois fenlîbles au cruel plaifir de tuer plus pour faire preuve d’adreffe ou de force, que pour appaifer leur faim. Pendant qu’un formica-leo étoit occupé à fuccer le corps d’une mouche qui pouvoit lui fournir de quoi fe raffafier pour plufieurs jours, j’ai jetté dans fon trou une autre mouche à qui les ailes avoient été ôtées; quand elle y efl reftée pendant quelques inflants, le formica-leo s’eff fouvent déterminé à abandonner celle dont il avoit encore peu tiré, à la lancer hors du trou, pour attrapper la mouche pleine de vie. Il y a pourtant des temps où ils négligent de s’emparer des infeétes qui tombent dans leur trou : ces temps d’indolence font ap¬ paremment ceux où ils n’ont aucun refte de faim. J’ai quelquefois JaifTe fuccer à fond à un formica-leo deux ou trois mouches de fuite ; alors il ne daignoit pas prendre la troifîéme ou la quatrième que je lui liyrois : quand ils 360 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE tiennent un infecte entre leurs cornes, ils fuccent,&c’eft en fueçant tout ce que fon corps à de fucculcnt, <]u’ils lui font perdre la vie; or quand le ventre du formica-leo fe trouve rempli & diftendu jufqua un certain point, il 11’eft plus en état de recevoir la matière qui lui feroit ap¬ portée par la fuétion. Aurefte, un formica-leo qui a faim, vient à bout de vuider le corps d’un infeéte, celui d’une grofle mouche par exemple, plus exactement qu’on ne l’imagineroit; il 11e femble lui laifler que les anneaux écailleux qui en font l’enveloppe: ce corps qui, lorlqu’il a été faifi parles cor¬ nes, étoit gonflé, rond & foupie, quand elles l’abandon¬ nent , eft applati & friable comme une feuille lèche; toutes les parties molles qui le remplifloient, femblent en avoir été citées, au moins tout leur lue a-t-il été enlevé: quand il efl réduit en cet état, d’un coup de tête le formica-leo le jette quelquefois à cinq ou fix pouces des bords de fon trou. La tête d’une mouche a beaucoup de matière fuccu- lente, mais que notre infeéte y laide fans y toucher, elle n’efl pas de fon goût. Lorfque l’on fe rappelle la finefle des organes avec lefquels le formica-leo doit faire paflèr dans fon corps tout ce qui eft renfermé dans celui d’une très-grofle mou¬ che, on admire qu’il y puifle parvenir. Quelle doit être la petitefle de l’ouverture qui eft au bout d’une pointe aufli déliée que celle de chaque corne du formica-leo! ce qui fort du corps de la mouche ne peut pourtant arriver dans celui du formica-leo, qu’en paflant par deux ouvertures fi prodigieulèment petites. Les deux Auteurs qui nous ont donné une Hiftoire de cet Infeéte, ont re¬ gardé l’extérieur de chaque corne, tout ce que nous en voyons, & qui eft écailleux, comme un corps de pompe dans lequel joué un pifton. Nous avons déjà dit que chaque des Insectes. X . Mem . 3 6 1 chaque corne eft une pompe, mais dont on ne fe ferait pas une idée ailes exaéte, fi on la comparait à nos pompes ordinaires: fi elle a un pifton, ç’en eft un autrement polé que ceux que nous faifons agir; dans toute fa longueur, la moitié de fa circonférence eft hors du corps de la pompe. Mais pour expliquer ce qu’il nous eft permis de voir de la Itrudure de ces trompes ou cornes, nous ferons d’abord remarquer quelles font plus larges qu’epaiffes*: leur face * PF. 33.%. fupérieure * eft arrondie, 6c 11’a rien de particulier; mais ’ & 4 " tout du long de la face inférieure régné un cordon * qui v 5 ‘ ^ a quelque relief, placé à diftance égale de l’un 6c de l’autre 5 . l s l T c bord, 6c qui occupe plus de la moitié de la largeur de cette face: ce cordon eft plus opaque que le refte, 6c comme le refte, il eft écailleux. Il fcmble avoir été regardé comme la partie creufe dans laquelle eft logé le pifton ; mais fi on veut en trouver un à chaque corne, c’eft le cordon lui- même qui l’eft. Malgré ce que la première apparence porte à croire, il n’eft point une pièce qui fafte corps avec le refte, qui y foit fondée ou réunie fixement : c’eft une pièce aftemblée avec une extrême précifion, comme nous avons vû * que le font celles dont font compofées les tarriéres * Tome V. des cigales, 6c qui, comme les pièces de ces tarriéres, eft ^ h ', n ^p capable de mouvements qui lui font propres; elle peut agir Suivantes. pendant que le refte de la corne eft en repos. C’eft une obfervation qui n’a pas échappé aux yeux de M. Bonnet. Dans une de fes lettres, il me marqua qu’après avoir foupçonné que ce cordon étoit une pièce qui ne faifoit pas corps avec le refte, au moyen de la pointe d’une épingle il étoit parvenu à le déboîter, pour ainfi dire, dans toute fa longueur*, que d’une corne il fembloit en avoir fait *Fig .7. deux ; qu’alors il étoit maître de porter à droite ou à gau¬ che le cordon qui n’étoit arreté que par fa bafe. Dans une autre circonftance où il obferyoit une trompe en-deffous, Tome VI £ z 3 6z Mémoires pour l’Histoire ii crut voir un petit mouvement dans le cordon; il lui parut que tantôt il s’avançoit vers la pointe, & tantôt il le retiroit en arriére. Il ed réellement capable des mou¬ vements que M. Bonnet a cru lui voir faire : c’clt en fe portant en avant, & en retournant enfuiteen arriére, qu’il amene le fuc du corps de l’infeéïe dans lequel la corne a pénétré, dans cette corne même; fes mouvements alter¬ natifs font femblables à ceux d’un pi don, & produifent un femblable effet, auffi lui en donnerons-nous le nom. J’ai vû ce pidon en pleine aéfion dans la circondance la moins équivoque; il y a un grand nombre d’années, c’ed à dire, dès que je commençai à étudier le formica- leo, je penlài qu’il me feroit polfible d’oblerver ce qui fe paffe dans les cornes de celui qui fucce un autre infecte. J’en fis jeûner un pendant plufieurs jours, dans l’intention d’éprouver fi preffé par la faim, quoique tenu entre mes doigts, il ne fc détermineroit pas à percer le corps de la mouche que je lui préfenterois, & à le fuccer, & fi je ne pourroispas me fervir d’une loupe très-forte pour décou¬ vrir ce que la partie de chaque corne qui rederoit en de¬ hors du corps de l’infeétc facrifié à la faim de l’autre, offrirait de remarquable dans de pareils moments. Le formica leo répondit à mon attente ; la mouche que je mis entre fes cornes, fut bien-tôt percée, & bien-tôt je vis par quelle méchanique elle étoit fuccée, ou plutôt , l’agent employé à la fuccer. Ce cordon que je n’avois point foupçonné être mobile,étoit dans une aeffion con¬ tinuelle ; alternativement il étoit porté en avant & retiré en arriére avec une extrême vîteffe. C’ed une obfervation que j’ai répétée depuis bien ries fois, & plus aifée à faire que je ne l’avois cru : la circonf- îance du long jeûne n’ed aucunement néceffairc, il fiuffit de prendre un fournica-Ieo qui ne foit pas trop rafiafic. des Insectes. X Mem. 3 6 3 Souvent néantmoins celui qu’on tient entre l'es doigts ne fe prelie pas de ferrer le corps de la mouche qu’on lui offre; mais on l’y engage par quelques agaceries, en l’ap¬ prochant Si en l’éloignant de lui, en la déterminant à flaire des mouvements. Impatient quelquefois de ce que tout cela ne réulhffoit pas, je prelfois ie corps de la mouche contre une des cornes, je l’obligeois à aller lur le poignard qui ne venoit pas vers lui : quoique ce fût en quelque forte contre le gré du formica leo, que j’euffefait pénétrer une de les cornes dans l’intérieur de la mouche, il profitoit pourtant de l’occafion ; je ne tardois guéres à voir le jeu du pifton. Cette expérience m’a appris que les deux cor¬ nes, que les deux trompes peuvent agir féparément, & m’a laide douter fi leur adion eft quelquefois fimultanée: il n’eft pas poffible de les obferver toutes deux dans le même moment avec une loupe d’un court foyer. Un autre moyen encore plus fimple & plus prompt de voir le jeu de l’un Si de l’autre pifton, mais qui ne fera pas choifi par ceux qui aimeront mieux ne le pas donner ce petit fpeéïacle, que de faire fouffrir un formica-leo, c’eft de lui couper une des cornes environ vers le milieu de la longueur ou plus près de fa baie. Qu’on oblèrve enluite par-deffous la partie mutilée qui eft refté attachée à la tête, on y verra fa portion de pifton dans un mouvement continuel; on la verra defeendre au-deffous du bout cou¬ pé *, Si remonter enfuite *. Pendant que les pillons font en mouvement, on doit aufti accorder quelques regards au deflous de la tête ; ils apprendront que de chaque côté près de ion bout ante¬ rieur, c’eft-à-dire, plus en arriére que l’origine des cornes, il y a deux parties membraneufes chacune defquelles a des mouvements correfpondants à ceux du pifton dont elle eft le plus proche. Lorlque le pifton fe retire vers la tete, Z z ij 3 64- MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE la membrane s’élève, 6c forme une efpece Je demi-veffie; 6c quand le pi (Ion va en avant, la membrane fait plus que s’applanir, elle rentre dans une cavité. C’efi deflous cha¬ cune de ces parties membraneufes que fe trouvent les mufcles qui font jouer un des pillons; là fe rend appa¬ remment un fort & long tendon qui demeure quelquefois adhérent à la baie de la corne qu’on a arrachée. Chaque corne ou trompe du formica-leo efl donc coin- * Pi. 33. fig. pofée de deux parties; l’une fixe *, 6 c qui en efi comme le 7 ' Al " * j corps; & l’autre mobile *, le pifion. Dans l’état de repos, ♦ Fig. j. /. la pointe de la corne * efl; formée de celle du corps de pompe 6c de celle du piflon exactement appliquées l’une contre l’autre fans le déborder; elle efl; néantmoins encore très-fine. Quand il s’agit de fuccer, la pointe du piflon efl; alternativement pouflee par-delà la pointe du corps de pompe, 6c alternativement ramenée vers la tète : c’efi donc la pointe du piflon qui conduit dans le corps de pompe tout ce qui efl fucceffivement tiré du corps de l’infeéte. Sur ce qu’elle peut être dardée en avant, je foupçonne que c’efi elle auffi qui le perce, qui fait la première playe: cette pointe efi un peu plus allongée que celle du corps de pompe, elle efi prife de plus loin ; toutes les deux pour¬ tant font à peu-prés également fines, 6c plus brunes que ce qui les précédé : la pointe du corps de pompe efi encore plus brune que l’autre. Mille choies curieufes échappent à nos yeux, même aidés du fecours des plus fortes loupes 6c de celui du mi- crofcope, lorfqu’il s’agit de s’afiurer de la véritable con¬ formation , 6c de tout ce qui entre dans la compofition de parties auffi déliées que le font les trompes dont il efi quefiion à prélent. Quand avec une pointe d’épingle ou * Fig. 7 . ip. d’aiguille on a dégagé le pifion * du corps tic la pompe, * k c d. on voit bien que ce dernier * efi un tuyau creux, 6c qui a des Insectes. X. Mem. 365 été mis à découvert dans toute fa longueur du côté de la face concave, mais non dans toute la largeur de cette face; il rede de chaque côté la partie qui étoit en recou¬ vrement fur le pi don, & affemblée avec lui : le bord de l’une & celui de l’autre de ces parties fe font didinguer par un filet prefque nojr. Si enfuite on confidere avec attention & dans les feus favorables la face du pidon, qui naturellement ed logée dans le corps de pompe, près de chacun de les bords on apperçoit deux filets plus relevés que le refie, & entre lefquels ed une gouttière. Mais dans cette petite gouttière du pidon , & dans la gouttière plus grande ou le tuyau creux du corps de pompe, il doit y avoir des chairs, des mufclcs qu’on ne peut voir aidés nettement. Après que l’on a coupé tranfverfalement une corne dont le pidon ed en place, plulieurs gouttes d’eau paroifdent bien-tôt fur le bord de la coupe, & cette eau enlevée, on didingue dans la cavité des chairs blanches; mais on ne voit pas aidés leur arrangement, on ed incer¬ tain fi elles lailfent du vuide. Pour s’afiurer que de l’eau peut aller, & qu’il ed apparemment nécefdaire quelle aille quelquefois de la tête dans l’intérieur des cornes, on n’a qu’à prelfer la bafe de celles-ci, ou la tête même; fouvent on force une gouttelette d’eau très-claire à fortir par la pointe de chaque corne. M. Bonnet qui a goûté de cette eau, l’a trouvé très - infipide ; il foupçonne que les formica-leo peuvent s’en fervir, comme nous avons dit ailleurs * que les papillons fe fervent de celle qu’ils font * Tome 1. fortir du bout de leur trompe, pour augmenter la fluidité des aliments qui ont à pafler par un canal extrêmement délié. M. Poupart a fuppofé comme un fait, mais dont il n’a donné aucune preuve , que les cornes du formica-leo qui ont été coupées, fe réparent. Ce fait eût pourtant mérité Z z iij * PI. 32. 7&8 • p- * * Fig. 8 366 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE qu’on eût indiqué les expériences qui l’avoient appris; celles que j’ai tentées n’ont point eu de fuccès: j’ai coupé une des cornes d’un formica-leo, environ vers le milieu de fa longueur; il a vécu pluficurs fèmaines fans prendre d’aliments, & la corne maltraitée efl reliée dans l’état où je l’avois mile. , Tous les aliments qui entrent dans l’intérieur de cet infeéte, font employés utilement pour le faire croître, ou s’ils lailfent quelque réfidu, il ne s’échappe du corps en grande partie que par la voyc de l’infenfible tranfpiration, & le refie demeure dans l’eftomac & les inteflins. A deflein j’ai fourni fucceffivement deux ou trois groffes mouches à un formica-leo: quand il a été raffafié au point de ne vou¬ loir plus toucher à celle que je lui offrois, & d’avoir tous fes anneaux très-diflcndus, je fai mis feul dans une taffe de porcelaine bien nette, il n’y a rejetté aucun grain fcnfible d’excréments; auffi lui chercheroît-on inutilement au der¬ rière ou ailleurs une ouverture analogue à l’anus. Si cependant on lui preffe le corps, on fait paroître au ig. bout de Ion derrière une petite maffe charnue *, du milieu de laquelle on voit fortir un tuyau charnu & blanc * : en q ' redoublant la preffion, on force un fécond tuyau * à le ’ dégager du premier dans lequel il étoit contenu, comme ceux des lunettes raccourcies le font les uns dans les au¬ tres. Ce dernier efl charnu ainfi que l’autre, mais de cou¬ leur différente, la fienne efl un brun-clair; près de fon bout efl un étranglement après lequel il fe termine par f. une efpece de petite tête taillée en bec de plume * : l’é¬ chancrure qui forme ce bec, efl en-deffous, là on croit appercevoir qu’il efl percé, & il l’efl réellement; mais l’ufàge de l’ouverture qui s’y trouve, n’efl point de laiffer fortir le réfidu des matières dont les fucs nourriciers ont été extraits par l’eflomac & les inteflins, elle efl faite pour / * Tome III. AIémoire 1 /. page ] S4. des Insectes. X . Mem . 367 donner paflage à une liqueur dont il importe au formica- leo d’être pourvu quand il a fini fon croît. Alors il doit changer d’état, fiubir une première métamorpholè, deve¬ nir nymphe ; 6c l'ous cette forme il lui convient, comme à tant d’autres infeétes, d’être renfermé dans une coque faite de loye en grande partie. Les tuyaux charnus dont nous venons de parler, l'ont la filière où fe moule la li¬ queur qui doit devenir foye, 6c ces mêmes tuyaux font l’inftrument, ou, fi l’on veut, l’efpece de main qui arrange les fils de foye, 6c qui en confirait une coque. En un mot, cette partie efi fcmfilable à la filière du lion, des pucerons dont nous avons parlé ailleurs *, 6c fe s ufages font précifément les mêmes. Les formica-leo nailfent en Eté ou en Automne, 6c l’année où ils nailfent, 11’eft pas celle où ils fe transfor¬ ment; je 11e fçais même s’ils n’ont pas tous à vivre deux ans avant que de fe métamorphofer. On en trouve de très-gros à la fin de l’Hiver, ou d’une grolfeur médiocre, dont les uns deviennent des nymphes dans ce pays vers les premiers jours de Juin, 6c les autres plus tard dans le même mois, ou dans celui de Juillet. Mais on en trouve de très-petits à la fin de l’Hiver, 6c même à la fin du Prin¬ temps , qui ont encore plus d’une année à vivre avant que de fe métamorphofer: peut-être que tous ceux qui font gros dès le commencement de l’Hiver, avoicnt déjà pafie un autre Hiver. Quoi qu’il en foit, quand le temps approche où un de ces infeétesdoit changer de forme, fi la place où efi fon trou lui paroit bonne, il fe contente de s’enfoncer plus avant fous le labié; il n’a plus befoin alors de lailfcr paroître fes cornes: fi le lieu où il le trouve n’efi pas à fon gré, il en cherche un meilleur, 6c trace de longs 6 c tortueux filions dans le labié de la caific où on le tient*; * PI - il s’enfonce 6c fe cache enfin dans l’endroit pour lequel ii 11. 368 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE s efl déterminé; c’efl-là qu’il va travailler à fe faire un loge¬ ment, une coque. Lorfqu’au mois de Juillet ou d’Août on cherche au fond des vieux entonnoirs, ou qu’on remue le fable qu’on fçait avoir été habité par ces infeéles, on y rencontre fou- vent de leurs coques. La première fois qu’on y en décou¬ vre une, on croit avoir trouvé une houle de fable ou de * PI. 34.. fig. terre fine *, une boule faite des grains du terrein dans lequel 011 a fouillé. Chaque boule efl: une coque; l'on extérieur efl fait de grains bien arrangés, & qui tiennent enfemble par de foibles liens: les yeux feuls fuffifent fou- vent pour faire appercevoir, 6c on voit encore mieux avec line loupe, que ces liens font des fils de foye très-fins. Une aflés légère preiïion apprend que la boule efl creufe: fi on l’ouvre avec des cileaux, les parois de fa cavité pa- roiflent bien éloignées d’avoir legrainé de la furface exté¬ rieure; le plus beau latin blanc n’a pas un luifant & un iilfe égal au leur, aufli le fatin n’efl-il pas fait d’une foye fi fine, ni fi artiflement mife en œuvre. L’intérieur de cette boule efl alors occupé par la nym- * Eig. 3 > 4 phe* qui efl courbée en arc; le dos en efl le côté convexe, il pofe fur une concavité du frottement de laquelle il 11’a rien à craindre. On y trouve aufli la dépouille que i’infeéte a quittée, celle qui lui donnoit auparavant la forme de formica-leo. Le crâne y tient, & les cornes font reflé attachées à ce crâne; elles ne font pas des parties propres à la nymphe, qui n’a befoin de prendre aucun aliment. La fente par laquelle la nymphe s’eft tirée, fe trouve fur le dos où M. Vallifneri a dit quelle étoit, Si non fur le ventre où M. Poupart l’a placée. M. Poupart a encore rapporté un fait que je crois peu certain: il a afluré que loiTque le formica-leo étoit prêt à fe métamorphofer, il fuintoit de fou corps une liqueur vifqueufe des Insectes. X Mem. 369 Vifqueufe qui iioit enfèmble les grains de fable qui donnent de iafolidité à la coque, & qui en forment l’extérieur: il 11e l’a dit que parce qu’il a cru que cela devoit être ainfi, car il n’a jamais vu le corps d’un formica-leo enduit de cette liqueur; il auroit dû, ce me femble, penfcr aux in¬ convénients qui en feraient à craindre. Il en arriverait que les grains de fable ou de terre feraient collés contre la peau de cet infede, qu’ils lui formeraient un fourreau, un moule exactement appliqué fur lui, & qui lui ferait adhérent: l'infecte alors ne fe trouverait pas, comme il a befoin defe trouver, dans une cellule où il ait la liberté de fe donner quelques mouvements. Ce n’cft point, pour ainfi dire, au hazard que s’échappe la liqueur qui attache les grains enfèmble. M. Poupart avoit très-bien vû la filière que nous avons décrite ci-devant, il avoit mis desformica- lco dans la néceffité de lui montrer que c’efi avec cette filière qu’ils tapiffent l’intérieur de leur coque: après en avoir tiré de deffous le fable où ils avoient commencé à travailler à leur coque, il les avoit pôles fur une couche de fable fi mince qu’ils ne pouvoient s’enterrer deffous; M. Poupart, qui avoit fçu ainfi mettre le formica-leo dans la néceffité de filer fous lès yeux, auroit dû penfer que c’étoit avec de la foye qu’il parvenoit à lier les grains de fable qui forment l’enveloppe folide delà coque. Il efi vrai que quelque difpofé qu’on foit à accorder de l’adrcffe au formica-leo, on a d’abord quelque peine à ima¬ giner qu'il puiffe parvenir à fe faire la coque dont nous par¬ lons: il fe trouve au milieu d’un tas de grains extrêmement mobiles, dont les fupérieurs s’appuyent néceffairement fur fon corps; comment viendra-t-il about de ménager dans ce fable une cavité plus grande que celle que fon corps peut remplir, telle qu’efl la cavité de l’intérieur de chaque coque î Si on y prend garde, la difficulté pourtant fc Tome VI. A a a 370 Mémoires pour l’Histoire réduit à faire une voûte de fable hémilphérique: dès qu'on fuppofera cette voûte faite, & capable de réfifter à la pref- fion du fable fupérieur, le formica-leo pourra ménager un vuide au-deffous, il pourra pouffer en embas & vers les côtés une partie du fable qui eft fous la voûte; or l’infeéte qui fçait filer, quoique pofé au milieu d’un maffff de fa¬ ble, peut attacher les uns aux autres les grains qui fe trou¬ vent au deffusde lui,&.coller affésde ces grainspourformer une calotte mhnifphérique : cela fait, le relie ne demande plus que du temps. Cet ordre dans la conftruélion, qui nous a paru lefeul que le formica-leo pût fuivre, eft auïïi celui qu’il fuit; on s’en convaincra, fi on trouble de ces infectes dans un travail qu’ils n’ont que commencé: j’ai enlevé avec précaution les couches de fable lous lefquciles des formica-leo choient occupés à bâtir; lorfque j’ai mis ainfi à découvert des coques qui n’étoient pas encorcfinies, ç’a toujours été en deffous que je les ai trouvé ouvertes. Au refie, on peut forcer un formica-leo à montrer les principales manœuvres au moyen defqueiics il par¬ vient à fe bâtir une coque, fi on le tire de celle qu’il a commencée, avant qu’il ait eu le temps de la fermer; alors il lui refie encore dans le corps une provifion de liqueur à foye, & il fait tout ce qui eft en lui pour l’employer utilement, fi on lui donne du labié à fa dif- pofition. Ce qu’on remarquera d’abord, c’eft que le for- mica-lco à qui on vient d’ôter l’ouvrage auquel H s'oc¬ cupait, n’eftpas étendu comme ils le font tous dans l’état ordinaire; là tète & fon corps ne fe trouvent plus dans une ligne droite. Ce dernier eft recourbé en arc de cer¬ cle; il lèmble être devenu le moule fur lequel la coque doit prendre de la rondeur : la convexité que les pre¬ miers anneaux forment du côté du dos, ramené le col & la tête en defibus, vers le ventre, de manière que fi on des Insectes.!. Ment. 371 appuyé un peu fur les cornes, elles touchent en deffous le bout du derrière; il n’cft plus alors en fon pouvoir de fe redreffer entièrement, tout ce qu’il peut, c’eft de fe courber un peu moins. Si on pôle le côté convexe.ou le dos de ce formica-leo fur une couche de fable trop peu épaiffe pour qu’il puilfc y être enterré, 011 lui voit faire des tentatives pour fe conltruire une coque. C’cfi: alors qu’il fait paroître fa filière *, qu’il l’allonge autant * pi. quelle peut être allongée; il la porte à droite & à gauche, 7 & 8. en déifias Si en delfous, pour chercher le fable : lorfque fon bout en a touché fuccelfivement deux grains, ils font liés enfemble. On voit avec plaifir les mouvements de la filière fe répéter avec une grande vît elfe, comment elle s’incline & le courbe de différents côtés; & enfin, on voit ce que les mouvements ont produit: on difiingue une ou piulieurs larges files de grains de fable qui ont été attachés enfemble, & qui forment des morceaux de rubans étroits. Tout ce travail pourtant ne lui donne point une coque; il ne peut venir à bout de s’en faire une, à moins que la couche de fable ne foie alfas épaiffe pour le couvrir : ce n’elt que quand il eft couvert de fable, qu’il parvient à réunir les grains qui forment la voûte qui efl, pour ainfi dire, le fondement de l’édifice; celui de ce petit bâtiment en doit être la partie la plus élevée. Entre les boules ou coques on en trouve de grolfeurs différentes, quelques-unes n’ont que quatre lignes de dia¬ mètre, Si les autres en ont cinq: les plus grolfes font les logements des plus gros formica-leo, qui font ceux qui doi¬ vent devenir des mouches femelles; je m’en luis altéré en ne mettant dans un poudrier que de grolfes coques, 6 c dans un autre que de petites; les mouches qui fontforties des petites coques, ont été des mâles, Si celles qui font fortiesdes grolfes coques, ont été des fémelles. A a a ij 572 MEMOIRES POUR l/HlSTOIRE Ce n’eft pas feulement parce que le formica-leo eft petit, qu’il eft difficile de voir diftinètement fes parties intérieures, c’eft fur-tout parce que dès qu’on lui ouvre le corps, quelque précaution qu’on apporte à donner le coup de cifeau ou de lancette, il s’épanche par la playe une eau d’un brun noirâtre & affés épaifle; quelquefois pourtant lorfque le coup de cifeau n’a emporté qu’une petite portion d’un des côtés, il fort par la blefïïïre une veffic dans laquelle la liqueur brune eft renfermée, mais dont les membranes font fi minces qu’on ne peut guéres les toucher fans les brifer. On peut plus aifément manier une autre partie de la grofteur d’un pépin de raifin, mais un peu moins oblongue : elle oppofe quelque réfiftance lorf- qu’on veut l’écrafer; elle eft remplie par une matière noire plus épaifte que de la bouillie, elle n’eft nullement cou¬ lante. Ce grain noir & la veffic pleine d’une liqueur brune, me paroiflcnt compofer enfemble le conduit des aliments, dont le grain qui contient la matière non coulante, eft la dernière partie : elle paroît un canal aveugle ; on ne lui trouve point, & on ne doit point lui trouver de pro¬ longement vers le derrière, dès que l’infeéle n’a point d’anus. Près du derrière on peut voir encore une veffie remplie d’une liqueur tranfparente, qui eft apparemment le réfervoir de la liqueur à foye: cette veffie, ou une avec laquelle elle communique, m’a paru quelquefois adhé¬ rente au grain noir. On découvre aifément avec la loupe des milliers de trachées; mais ce qui occupe le plus de place, fur-tout dans le corps des formica-leo prêts à fe métamorphofer , eft une matière blanche qui femble analogue à ce qui a été nommé le corps graifteux dans les chenilles : elle eft un amas de corps oblongs, comme de petits boudins appliqués les uns fur les autres, & mis les uns au bout des autres. des Insectes.! Mem. 373 Les crifalides qui doivent devenir des papillons, lont plus courtes conlïdérablement que les chenilles fous la forme defquelles elles ont pris leur accroiffement. Les nymphes des formica-leo * au contraire, font plus longues * pj. que les formica-leo: leur corps n’eft pas blanc, comme 3>4 -&s- l’eft communément celui des nymphes; il tient encore de la couleur qu’avoit le formicadco, il eft grifâtre, mais pourtant d’un gris plus clair, fait par des taches brunes diftribuées fur un fond jauneâtre. On trouve aifément à ces nymphes toutes les parties propres à une mouche, & dans un arrangement femblable à celui quelles ont fur le corps des nymphes de différents genres. Ces parties ic fortifient dans la coque : après que finfeéfe y a paffe environ trois lèmaines dans une parfaite tranquillité, les ailes ne demandent plus qu’à être tirées des fourreaux qui les tiennent pliffées, pour être propres à foûtenir le petit animal en l’air; & les jambes n’ont qu’à l'ortir des leurs, pour être en état de le porter fur terre. L’inlè&e fe défait alors d’une dépouille mince & blanche, il devient une mouche* munie de dents, dont elle ne tarde pas à faire * Fig. 7. ufage pour brifer une partie des fils qui tapiffent fa coque, & une partie de ceux qui lient des grains de fable; en un mot, avec fes dents elle perce une porte par laquelle elle fort: c’eft même en fortant qu’elle achevé de fe dépouiller; car l’enveloppe fe trouve en partie feulement en dehors du trou de la coque *. * Fig. 6 . od. Ces mouches dont le corps eft très-long & prefque cylindrique, qui volent le long des ruiffeaux & des prairies, font affés généralement connues fous le nom de demoi- felles: la mouche qui a été formica-leo, a été mile au rang des demoifelles, mais elle en eft une d’un genre différent de celui des demoifelles qui aiment à voler le long des rivières. Quoiqu’elle ait de longues ailes, & plus longues même que Aaa iij 374 MEMOIRES pour l’Histoire ion corps, & qui ont plus d’ampleur que celles des dcmoi- ielles les plus communes,l'on vol le cede beaucoup en agi¬ lité au vol de ces dernières; il a quelque choie de pelant, aulTi ne fe foûtiennent-elles pas en l’air, purement pour s’y foûtenir, comme les autres le femblcnt faire; on ne les y voit que rarement, même dans les pays où il y a le plus de formica-lco. Ce n’a guéres été que dans les premiers jours de Juillet que j’ai commencé à en voir fortir de leurs coques, d’autres n’ont paru au jour qu’après la fin du même mois. Lorfqu’elles marchent, elles portent leurs ailes en toit au- delîùs du corps; alors il cil entièrement caché: il n’a rien dans fes couleurs qui invite à le confidérer, ii cfi grifî- tre; on apperçoit feulement un petit bordé jauneâtre à la fin de chaque anneau : un grifâtre lait d’un mélange de petites taches jauneâtres jettées fur un fond brun, elt aulfi la couleur du corcelet & celle de la tête: les ailes font d’une efpece de gazeprefque blanche; fixou fept petites taches brunes font femées fur chacune des fupérieures, & trois ou quatre feulement fur chacune des inférieures. * PI, 34. fig. A en juger par la force de leurs dents *, & les différents *> 9 & IO -accompagnements de leur bouche*, ces mouches font * k k. voraces, comme elles l’ont été dans leur premier âge fous la forme de formica-lco. Il ne rn’efi pourtant pas arrivé de les furprendre dans le temps où elles mangeoient un infede ; & je dois croire quelles 11e dédaignent pas les fruits.Une Da¬ me qui femble ignorer les agréments & les talents quelle a en partage, ou au moins n’en faire aucun cas, & qui avec de très-beaux yeux cherche à voir, &voit très-bien des objets dont fon fexe efi: communément peu touché, voulut pren¬ dre foin d’une de ces mouches née chés elle, & qui l’avoit amufée pendant qu’ci le étoit formica-leo; elle lui offrit la moitié d’une prune, la demoifelie en détacha avec fes dents des parcelles, & les mangea: l’expérience fut répétée plu- des Insectes.! Mem, 37- fieurs fois, & une fois en ma préfence; la demoifèile mon¬ tra toujours le même goût pour les morceaux de prune. Quoique j’ayc mis des mâles avec des femelles dans de très-grands poudriers, je ne les y ai pu voir s’accoupler avec elles. Les femelles ont pourtant befoin d’être fécon¬ dées peu de temps après leur transformation: elles biffent quelquefois un œuf dans leur coque, ce qui a été obfervé parM. Poupart. Il paroît donc qu’après avoir pris l’elfor, elles ne font pas long-temps à faire leur ponte: je nefçais pas quel ell à peu-près le nombre de leurs œufs, il ne doit pas être grand, car on leur en trouve peu dans le corps; auffi ont-ils une grandeur affés confidérable, ils font longs de plus d’une ligne Si demie *, & n’ont guéres plus d une * pi. f>, demi-lignede diamètre où ils font le plus gros, vers leur l ~ & l 3* milieu. Au relie, ils font prefque de petits cylindres un peu courbés Si dont les deux bouts font arrondis : leur coque elt dure; leur couleur approche fort de celle d’une agathe pâle, excepté à un de leurs bouts qui cfî plus rou¬ geâtre que le relie, Si même prefque rouge. Nos demor- lèlles les biffent un à un dans un terrein fablonncux, 011, dès que le petit formica-leo elt éclos, il le fait un entonnoir d’une grandeur proportionnée à fes forces Si au volume de fon corps: cet entonnoir elt quelque¬ fois fi petit, qu’il ne peut être apperçu que par des yeux attentifs. Les mâles font plus petits que les fémelles: fi on prelfe le derrière de celles-ci, alfes louvcnt on en fait fortir un œuf; S< ft on prelfe le derrière des mâles, on fût paraître au-deffous de l’anus * la partie charnue qui doit opérer *Fig. n -j* la fécondation, Si d’autres parties qui l’accompagnent * * oc- propres à tenir faifr le bout pollérteur du corps de la fe¬ melle. Après avoir prelfé entre mes doigts de ces mou¬ ches de différents fexes, & fur-tout des mâles, je me fuis 3 y 6 Mémoires pour l’Histoire apperçu qu'il y ctoit rclté une odeur agréable de rofe. J’ai quelquefois trouvé la même odeur, mais plus foible, à des poudriers dans lefquels plufieurs de ces mouches ctoicnt renfermées. Les petits yeux difpofés en triangle fur la tête de plu¬ fieurs mouches, & qui font fur celle des demoifelles les plus communes, manquent aux demoifelles des formica- îco, comme nous avons dit qu’ils manquoient à celles des petits lions. Quoique je n’aye trouvé qu’une efpece de formica-lco aux environs de Paris, & depuis Paris jufqu’au fond du Poitou, comme je l’ai dit au commencement de ce Mé¬ moire, je fuis pourtant perfuadé quelle n’elt pas la feule qui exilte. M. le Marquis de Caumont m’a envoyé une * Pl. 34. fig. mouche des environs d’Avignon*, qui ne différé pref- I ‘r' que que par la grandeur, de la mouche du formica-lco de ce pays, elle en a tous les caraétéres cffentiels; d’où il y a lieu de croire qu’el.’e fort d’un formica-leo dont l’eljîece différé de celle du notre par fa grandeur. Une fcmblable raifon me porte à croire qu’il y a à Saint- Domingue une autreefpecede formica-lco, encorefupé- rieure en grandeur à l’efpece que je fuppofe aux environs d’Avignon. Dans les envois d’infectes qui‘mont été faits de cette Ille, par M. du Hamel Doéteur en Médecine, j’ai * Fîg. 15. trouvé une très-grande mouche * qui a tous les caraétéres de celle dont il s’agit aétueliement. L’efpece de formica-leo que M. Vallifneri a ohlcrvée, ne doit pas être celle de ce pays, au moins s’il en a parlé avec affés d’exaétitude : il rapporte que ces infectes mar¬ chent le plus louvent à reculons, fur-tout lorfqu’ils font irrités, & qu’ils ont peur; ce qui fuppofe qu’ils vont au moins quelquefois en avant, ce que les nôtres font dans l’im- puiffance de faire : ceux d’Italie 11c femblent pas travailler des Insectes. X . Menu 377 nuiïi habilement que ceux de notre pays, à la confiruétion de leur entonnoir, fi, comme il efi à préfumer, toutes leurs manœuvres ont été bien décrites parM. Vallifneri. Aux environs de Geneve il y en a fûrement une ef- peeequi marche en avant, mais qui y efi rare: M. Bonnet ayant remarqué cette allure finguliére à un de ces infedles qu’il venoit de tirer de terre, en chercha qui lui reffem- blaflent, il ne put parvenir à en trouver que deux au¬ tres; de ces trois, il m’en a envoyé un. Ces formica-leo rares auprès de Geneve, different de ceux qui y font communs, & aux environs de Paris, en ce que leur cou¬ leur efi moins claire, quelle tire plus fur le gris -de-fer; cette couleur plus brune fe fait fur-tout remarquer fur la tête & fur les cornes: leur corps efi plus allongé, & leur derrière fe termine plus en pointe : leur tête efi plus large, & leur col efi plus long: leurs yeux font plus gros, plus vifs, mieux féparés, & pofés fur un tubercule plus faillant: leurs anneaux font plus marqués: leurs jambes de la der¬ nière paire font moins repliées fous le corps. Une autre différence qui nefçauroit être équivoque, demande qu’on confidere avec une loupe le bout du derrière de 1 un Sc de l’autre formica-leo; en deffous de celui du formica-leo commun, on voit deux demi-couronnes de poils courts *, * ^ 33 * affés gros, & qui le font également depuis leur origine jufqu’à leur bout : la demi-couronne* la plus proche de 1 ex- * ( i f i- trémité, a huit poils. Si l’autre * n’en a que quatre. En *rr. deffous du nouveau formica-leo, on ne trouve point ces deuxdemi-couronnesdepoils, mais il fcmble avoir 1 équi¬ valent de lafupérieure dans deux plaques*, dont chacune* * 2 F| |' ' ' & paroît faite de quatre poils collés les uns contre les autres. * Fj Quand on regarde le bout de chacune de ces plaques*, * Fi on croit le voir percé d’autant de trous que nous lui avons donné de poils; auffi feroit-on tenté de regarder ces plaques Tome VL Bbb fcO to 378 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE comme analogues aux filières des araignées, fi on ne fçavoit * pi. 32.fig. que le formica-leo en a une feule* pofée tout autrement, 7 & 8. / ^ q L1 j a une mobilité qui lui eft néceffaire. M. Bonnet a eu & m’a envoyé la dépouille laiflee par un tle ces derniers formica-leo : en devons-nous conclurre qu’il leur efi particulier de changer de peau, ou devons- nous penfer que les dépouilles que Biffent les formica-leo ordinaires, ont échappé à ceux qui les ont ohfervés juf- qu’ici, car je ne fçache perfonne qui les ait vûësî Au refie, le genre des formica-leo 11e feroit pas autant en honneur qu’il l’cfi, il ne feroit pas devenu fort célébré, fi toutes fes efpeces n’avoient eu qu’une induftrie aufli bornée que l’efi celle de l’efpece ohfervée nouvellement. Jamais M. Bonnet n’a vu faire aucun entonnoir aux der¬ niers formica-leo; ilsfecontentent de fe cacher fous le fable, & de faifir les infeéles qui paffent auprès d’eux; ils font apparemment des pas en avant pour ne les pas laiffer échapper. Nous avons parlé de quelques autres efpeces d’infeélcs qui appartiennent au genre des formica-leo, quand nous * Tom. III. avons donné l’Hiftoire des Lions des Pucerons * : ce font Man. ii. eux m é r i te nt véritablement le nom de lions, ils ne fçavent ce que c’cft que de fe mettre en embufcade, ils parcourent les plantes pour y chercher de la proye, ils attaquent des infeétes de bien des genres; il faut pourtant avouer que leur viéloire eft très-facile, quand ils fe con¬ tentent de faire lin carnage de pucerons. Ils fe transfor¬ ment en de très jolies demoifellcs, qui ont une manière très-finguliére de placer leurs œufs au bout d’un long pé¬ dicule de matière foyeufe. des Insectes. X. Mem. 379 EXPLICATION DES FIGURES DU DIX IE M E AI EM O IR E. Planche XXXII. Les Figures i 6c 2 repréfentent un formica-Ieo del’ef- pece commune, vû par-deflùs, 6c de la grandeur qu’il a lorlqu’il eft prêt à fe métamorphofer. Celui de la ligure 1, a le col retiré fous le corcelet, 6c celui de la figure 2, a le col allongé, c, c, les cornes, i, i, les jambes de la première paire, m, m , les jambes de la fécondé paire. Celles de la troifiéme paire font cachées par le corps dans ces deux figures. La Figure 3 fait voir la partie antérieure d’un formica- leo dont le col eft allongé, très-groffie, c’eft à-dire, fa tête, l'on col 6c fon corcelet. c, c, les deux cornes, r, la tête. En^ font les tubercules fur lefquels les yeux font pofés. e d, le col fait de deux efpeces d’anneaux e 6c d articulés enfemble. g g, le corcelet. i, i , la première paire de jambes. La Figure q. montre un formica-leo groiïi à la loupe, de côté 6c par-deflus, 6c dans la pofition où il eft lorfqu’il marche à reculons, qui eft la feule manière dont il fçait • marcher. c } c, fes cornes, dont les bouts fe croifent; elles font ouvertes dans les figures 1, 2 6c 3,6c fermées dans celle-ci. i, i, les jambes de la première paire, m, une des jambes de la fécondé paire, les plus longues de toutes. n, une des jambes de la troifiéme paire; celles-ci ne s’avan¬ cent pas en-dehors du corps comme les autres, elles le dé¬ bordent rarement, d, le corps qui eft rendu convexe dans le temps que le formica-leo fe tire en arriére par le bout de fa partie poftérieure a. Le col de celui-ci eft ramené fous le corcelet. B b b ij 380 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE Dans la Figure 5, un formica-leo grolfi, eft vû par- deffous. c, c, les cornes, ff les antennes qui partent de dèlTus la tête, r, la tête, i, m, n; ï, m, n } les lix jambes. dj la partie poftérieure, l’endroit où efl la filière. La Figure 6 efl celle d’une jambe de la féconde paire, aiïcs groïfie pour rendre fenfiblesles poils qui en partent, & les deux crochets par lefquels le pied le termine. La Figure 7 repréfente le bout poltérieur du corps du formica-leo, vû par-delfus, & dans un inftant où, en le preffant entre deux doigts, on a obligé les parties charnues qui compofent la filière, à le montrer en partie, a a, le dernier anneau, p, partie charnue. <7, tuyau charnu qui fort de la partie p. r, fécond & dernier tuyau qui s’eft tiré en partie du tuyau q. f fil de foye. La Figure 8 montre par-defious la partie repréfen- tée par-delfus, figure 7, & dans un moment où la prelfion a forcé la filière à paroître en entier, c’cft-à- dire, aulfi allongée quelle l’efi lorfque le formica-leo fe file une coque, a a, le dernier anneau, p, partie charnue qui fert de baie au tuyau q. Le fécond tuyau r, eft plus brun que le tuyau ^,d’où il eft forti.yj efpece de tête pré¬ cédée par un étranglement, f fil qui fort du bout f de la filière. La Figure 9 fait voir, très en grand, & par-delfus , une portion de la tête du formica -leo c’eft-à-dire, la bafe d’une corne c, &. ce qui eft aux environs. Elle a été prin¬ cipalement delfinée pour rendre très-fenfible le tubercule y, & pour montrer l’arrangement de fix petits corps hé- mifphériques pofés fur le bout de ce tubercule, qui font fix yeux, a, une des antennes. La Figure 10 eft celle d’une antenne du formica-leo, très-grolfie. La Figure 1 1 repréfente une de ces traces, un de ces DES I N S E C T E S. X. Me/n. 3 8 I foffés qui marquent la route qu’a fuivie un formica-leo. Il y en a un en / dont on ne voit que la partie antérieure, & dont une portion du corps eft couverte de labié; il eft parti de p, 6 c eft arrivé en l.ffff, &c. couche de fable. Le foffé qui régné depuis p, jufqu’en l, eft traverfé par des efpeces de filions a a, b b, c c, 6 cc. dont chacun eft la mefurc d’un des pas de l’infeéte. La Figure 1 2 eft celle d’un entonnoir vu prefque de face: le formica-leo qui en occupe le fond, s’eft faifi d’une mouche à qui les ailes avoient été ôtées. La Figure 1 3 repréfente une boîte a b c d e f pleine de fable. Trois formica-leo de différents âges ont fait dans ce fable trois entonnoirs de différentes grandeurs. 11, le grand entonnoir, au fond duquel eft un formica-leo dont on ne voit que les cornes ouvertes qui attendent delà proye, 6 c le bout de fa tète. Une fourmi qui a donné dans le piège, fait fon poflible pour fe tirer du précipice en grimpant. u u, entonnoir de grandeur au-deffousde la médiocre, x, entonnoir d’un formica-leo nouvellement né. Planche XXXIII. La Figure 1 repréfente l’enceinte qu’un formica-leo a tracée, 6 c qu’il eft occupé à élargir 6 c approfondir pour faire un entonnoir./"/ f, 6 c c. maffe de fable, c, partie du chemin qu’a fuivi le formica-leo.//// 6 cc. foffé que le formica-leo a creufé, 6 c qui marque le contour de la grande ouverture de l’entonnoir. I, formica-leo dont les feules cornes font actuellement à découvert, n n n, maffe de labié qui doit être enlevée pour que le trou ait une figure coni¬ que : on doit regarder cette maffe comme un cône ren- verfé. La Figure 2 fait voir l’ouvrage d’un formica-leo plus avancé qu’il 11e i’eft dans la figure i.fff &c - te foffé Bbbiij 382 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE creufé dans le fable fff, &c. qui eft plus large & plus pro¬ fond que celui de la figure précédente, n n n n, la maffe de fable du milieu de l’enceinte, qui a pris une figure qui tient de la conique, parce que les bords de fa partie fupérieure fe font éboulés. Les Figures 3 & 4. montrent une corne de formica-leo groffie. Elle eft vue par-deffusdans la figure 3,6c par-deffous dans la figure 4. Les Figures 5, 6 & 7 font encore celles d’une corne de formica-leo, mais beaucoup plus groffie que dans les deux figures précédentes, & vûë par-deffous dans les trois dernières. Dans la figure 5, les deux pièces dont la corne eft compofée, font jointes enfemble comme elles le font naturellement ; il ne paroît en i qu’une feule pointe. Dans la figure 6, la dernière portion / p de la pièce qui a été nommée le pifton, a été féparée de la dernière portion de la pièce bek qui a été comparée au corps de pompe, & qu’on a nommée fimplement le corps de la trompe. Dans la figure 7, le pifton ïp eft prefqu’entiérement forti du corps de pompe kc b, & on voit dans le corps de pompe la place qu’il y occupoit. Les Figures 8 & 9 montrent le refte d’une trompe qui a été coupée tranfverfalement. b, en eft la bafe ou l’origine. Dans la figure 8, le pifton p fe trouve au-deffous du bord de la coupe c c. Dans la figure 9, le pifton p eft plus élevé que le même bord c c. On le voit fucceftivement s’elever à cette hauteur, &defcendre enfuite où il eft dans la figure 8, & cela à diverfes reprilès, lorfqu’on obferve le refte d’une corne qui a été coupée. La Figure 10 eft celle du bout de la partie poftéricure du formica-leo extrêmement groftie, & vûë par-deffous. f l’endroit d’où fort la filière, q q, rangée de huit poils courts & gros, & qui le font prelqu egalement dans toute DES I N S E C T E S. X. Mem. 3 83 leur longueur, r r, rangée cfe quatre autres gros poils. Les Figures 1 1 6c 12 représentent la partie poftérieurc d’un formica-Ieo d’une efpece différente de la commune, trouvée auprès de Geneve par M. Bonnet. Elle cft très- groffie 6c vûë par-dcffus, figure 11,6c par-deffous, figure 1 2. q,q, marquent dans l’une 6c dans l’autre deux plaques qui occupent les places des poils q, q, de la figure 1 o. Le bout de chaque plaque, figure 1 1, femble percé de quatre trous; 6c mieux confidéré on croit que ce qui paroît un trou cft le bout d’un poil, dont quatre ont été collés les uns contre les autres pour former une plaque. Planche XXXIV. La Figure 1 eft celle d’une de ces boules creufes que chaque formica-leo fe conftruit, 6c dans laquelle il fe renferme lorfqu’ii fe prépare à fa métamorphofe. Tout l’extérieur efl de grains de fable ou de terre liés enfemble par des fils de foye. La Figure 2 repréfente la boule ou coque de la figure 1, ouverte. La partie de l’intérieur qui fe trouve en vûë, 6c de même tout le refie de l’intérieur, efi très-liüe ; la coque cfi tapiffée d’un tiffu de foye. La Figure 3 fait voir de côté une nymphe de formica leo à peu-près de grandeur naturelle. Dans la Figure 4, la nymphe de la figure 3 , efi vûë ayant le corps un peu moins recourbé ; lès ailes 6c quel¬ ques-unes de fes jambes ont été foûlevées 6c un peu écaF- tées du corps,pour les rendre plus fenfibles quelles ne le font dans leur arrangement naturel. La Figure 5 efi encore celle de la nymphe des figures précédentes, mais grofiie à la loupe; les taches qui font fur l'on corps en font plus difiinéles. On peut auffi y voir affés nettement les deux ailes d’un côté, les jambes 3-84 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE qui ont été éloignées du corps fur lequel elles étoient appliquées, & les antennes qui font dans leur véritable place. La Figure 6 repréfente une coque d’où eft fortie la mouche qui a crû tous la forme de formica-leo. C’eft en 0 que cette coque a été percée, d, efl la dépouille que l’in- fede a quittée lorfqu’il a pafte de l’état de nymphe à celui de mouche. Le bout poftérieur de cette dépouille eft refté engagé dans le trou. La portion de la dépouille qui le trouve alors en-dehors de la coque, n’eft pas toujours aufti longue quelle l’eft dans cette figure; fouvent elle s’élève très-peu au-delfus du bord du trou. La Figure 7 fait voir la mouche ou demoifelle qui a été formica-leo, ayant fes ailes écartées du corps, & dans la pofition où elles font lorfque cette demoifelle voie. Les Figures 8 6c 9 montrent la tête de la mouche pré¬ cédente, grolfie au microfcope, elle eft vue par-deffous, figure 8, & par-deflùs, figure 9. Dans cette dernière a, a, font les antennes qui tiennent de la figure de celles en maftùë. ï, i, dans l’une & dans l’autre figure les yeux à rezeau. k, k, barbes écailleufes en pinces dont la mouche peut fe fervir comme de deux mains pour tenir de petits corps & les porter à fa bouche, b, b , petites barbes arti¬ culées comme les antennes à filets grainés. d, d, les deux dents faites en portion de croiftant, & dont le bord inté¬ rieur & concave eft dentelé. Au-deftous de chacune de ces dents eft une pièce platte, cartilagineufe, qui n’a pas la dureté de la dent, & dont le côté intérieur eft moins courbe que celui de la dent, & bordé de poils. Les poils dont nous parlons, peuvent faire trouver ces deux pièces dans la figure 9. On feroit tenté de les prendre pour des dents, mais comme elles n’ont pas la dureté de celles-ci, je ne les juge deftinées qu’à tenir & aider à conduire dans la bouche des Insectes. X. Mem. 38$ la l ouche les corps que les dents hachent. 4 figure 8, la lèvre inférieure. La Figure 10 repréfente la mouche de la figure 7, vue de côté 6c très-groffie. Scs trois paires de jambes ont été coupées en c, c, 6c fes ailes en e, e, e, e. Les lettres employées dans les figures 8 & 9, pour défigner les diffé¬ rentes parties de la tête, le l'ont auffi dans cette figure io, pour marquer les mêmes parties, yi un des deux ftigmates antérieurs du corcelct. L’écaille marquée f, scleve 6c s’abbaiffe alternativement. En £ eft un des deux fligmates poftérieurs du corcclet. np, mo, un anneau. La partie np qui eft du côté du dos, eft léparéedelapartie mo qui cil du côté du ventre, par une bande blanche mem bran eule 6c capable de fe pliffer au point de difparoître entièrement; alors le bord de la partie pu, s’applique fur le bord de la partie /;/ 3 -F'ï? 3dbstrem..io. Alordellcz, font connues dans preique toute la France, meme par les Enfants, fous le nom de Dcmoïfelles: ne le devroient-elles point à la longueur de leur corps, à leur taille line, pour ainli dire! Il n’eft point au moins de mouches qui ayent le corps plus long & plus délié que celui des Demoitelles de plufieurs efpcces; on lui compte aifément onze anneaux. Si les épithetes de jolies & même de belles peuvent être données à des mouches, c’eft à celles-ci : leurs quatre ailes, à la vérité, n’ont point à nous offrir des couleurs auffi variées que celles qui ornent les ailes de divers papillons; les leurs font extrêmement tranfparentes, & comme celles de beaucoup de différentes mouches, elles paroiffent de gaze, mais d’une gaze plus éclatante, qui fcmblc de talc, ou if être qu’un talc ouvragé ; regardées en certains fens, on leur découvre du luifant, celui des unes cft doré, & celui des autres argenté ; quel¬ ques-unes ont pourtant des taches colorées. C’cfl fur la tête, le corcciet & le corps des Demoifclles de beaucoup d’efpeces différentes, que brillent les couleurs qui les pa¬ rent ; on ne trouve nulle part un plus beau bleu tendre que celui qui cft couché fur tout le corps de quelques- unes; d’autres n’ont de ce beau bleu qu’à l’origine & à *PI. 3 j. t . * I J i. 4.1. I 1 . 711 . 388 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE l’extrémité du corps & l'ur le corcelet, le relie eft brun: le corps de quelques autres cil verd, celui de quelques fig- autres eft jaune *, & celui de quelques autres eft rouge *. Ces couleurs le trouvent combinées l'ur le corps, le cor- °’celet & la tête de plufieurs, par rayes & par taches avec différents bruns ou du noir; il y en a dont les couleurs modeftes font rehaulfécs par l’éclat de for qui y eft mêlé: ce ne font pas feulement les bruns & les gris de quelques- unes qui font dorés, les verds & les bleuâtres de plufieurs autres le font aulfi ; mais il y en a qui font Amplement brunes ou grilès. Ces mouches fe rendent dans nos jardins, elles par¬ courent les campagnes, elles volent volontiers le long des bayes; mais où on les voit en plus grand nombre, c’eft dans les prairies, & fur-tout le long des rui(féaux & des petites rivières, & près des bords des étangs & des grandes mares. L’eau eft leur pays natal ; après en être forties, ciles s’en rapprochent pour lui confier leurs œufs. Quoique par la gcntillefte de leur figure, par un air de propreté & de netteté, & par une forte de brillant, elles foient dignes du nom de demoifelles, on le leur eût peut-être refulé fi leurs inclinations meurtrières euftent été mieux connues : loin d’avoir la douceur en partage, loin de 11’aimer à le nourrir que du fuc des fleurs & des fruits, elles font des guerrières plus féroces que les Amazones ; elles 11e fe tiennent dans les airs que pour fondre fur les in frètes ailés qu’elles y peuvent découvrir, elles croquent à belles dents ceux dont elles fe faififtent. Elles ne font pas difficiles fur le choix de l’efpece: j’en ai vû fe rendre rriaîtreffes de petites mouches cà deux ailes, & d’autres qui attrapoient devant moi de groffes mouches bleues de la viande; j’en ai vû une qui tenoit entre les dents & emportoit en l’air un papillon diurne à grandes ailes blanches. C’eft leur des Insectes. XI. Mem. 3 89 inclination vorace qui les conduit le long des bayes fur lefquelles beaucoup de mouches & de papillons vont fe pofèr, & qui les ramené fouvent le long des eaux où volti- gent des moucherons, des mouches & de petits papillons; elles cherchent les cantons peuplés de gibier. L’onzième Mémoire du troifiéme volume nous a déjà fait connoître un genre de très-jolies mouches, que nous avons cru devoir placer parmi ceux des demoifelles. Dans leur premier âge, elles ont été des vers à fix pieds, qui ont été nommés petits lions, ou lions des pucerons, parce qu'ils fe nourriffent principalement de ces infedes fi tran¬ quilles & li peu capables de fe défendre contr’eux. Dans ce volume-ci, le Mémoire précédent vient de nous donner l’Hiftoire des Demoifelles qui ont été des Formica-leo : en comparant ces dernières avec les premières, on remarquera affés de caradéres propres à faire diflingucr le genre des unes de celui des autres. Les demoifelles dont nous allons parler aducllcment, font plus généralement connues, & prefque les feules connues de ceux qui n’ont point fait une étude particulière des petits animaux: les lieux de leur naiffance & ceux où elles croifïènt, jufqu a ce qu’elles foient en état de paroître avec des ailes, peuvent leur faire donner le nom de demoifelles aquatiques, & celui de de¬ moifelles tcrreflres fera propre aux autres. Les demoifelles aquatiques ont des aîics moins grandes que celles des de¬ moifelles tcrreflres, cependant elles volent beaucoup plus, &, s’il eft permis de parler ainfi, avec plus de grâce ; elles ne font pas obligées d’élever leurs ailes auffi haut, ni de les faire defeendre auffi bas que les autres élevent & abbaiffent les leurs: le vol des premières approche plus de celui des oifeaux qui fçavent planer, & celui des fécondés rcffemble davantage au vol de ces oifeaux lourds, qui n’avancent dans l’air qu’au moyen de très-grands Battements d’ailes. C c c iij u "o_ o\ 39O MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE Les differentes elpeces de demoifeiles aquatiques, peu¬ vent être rangées lous trois genres,dont chacun a un ca¬ ractère très-marqué, 6 c qui le rend ailé à diftinguer des * PI. 3 s • fig- autres. J appellerai demoifeiles à corps court & applati *, 1 & 2 ’ celles que je mettrai dans le premier : ce n’eft pas que leur corps ne foit long par rapport à celui île la plupart des mouches; mais il eft court, comparé avec celui des autres demoifeiles , & d’ailleurs autrement conformé : le leur fouvent plus large qu’épais, diminué infenfible- ment de largeur jufqu a Ion extrémité. Celui des demoi- felles des deux autres genres, depuis le fécond anneau jufqu’au dernier inclufivement, a à peu-près le même dia¬ mètre en tout fens, il eft tout d’une venue, il reffemhle à un petit bâton; leur corps èft grêle, arrondi, auffi épais que large, & d’un même diamètre dans la plus grande partie de fa longueur. Celles que je place dans le fécond genre, ont * PI. 3 5. fig. une grolfe tête * arrondie, qui tient de la ligure Iphérique; 3 & P 1 - & celles que je mets dans le troifiéme genre *, ont propor- * p[ tionnellement une tête plus menue; mais ce qui lui eft , 7, 3 8, & particulier, c’cft qu’elle eft courte 6 c large *, c’eft-à-dire ’ que d’un côté à l’autre, d’un œil à rezeau à l’autre*, elle * pi. 5 %. a beaucoup plus de diamètre que de devant en arriére; ces 9 & yeux plus détachés, font plus laillants. * c L Les demoifeiles du premier genre * ne different de celles >s- 1L - — j u f CCOIlt [ que par la forme de leur corps ; mais elles 3 c , - different encore par celle de leur tête, des demoifeiles du * Fig. 6 &. troifiéme genre *. Toutes celles que je connois du premier 6 c du fécond, portent leurs ailes de la même manière; lorf- qu’ellesfont en repos,elleslestiennent toutes quatre perpen¬ diculaires à la longueurdu corps, & dans un plan parallèle à celui de polition : étant toutes attachées, comme elles le font, à une même hauteur, on ne fçauroit les diftinguer en fupérieures & en inférieures; elles 11e doivent l’être qu’en 7 > &c - des Insectes. XL Mem. 391 antérieures 6 c en poftérieures. Le port des ailes des de- moifeües du troifiéme genre, eft plus varié, 6 c peut fervir à en déterminer des genres fubordonnés; clies ont, comme les autres mouches & les papillons, des ailesfupérieures 6 c des ailes inférieures. Quelques demoifelles dans leurs mo¬ ments de tranquillité, les tiennent toutes quatre appliquées les unes contre les autres *, elles en forment un paquet * pi. ^.fig. très-mince dont le milieu elt occupé par les deux l'upc- 7^8. rieures, 6 c qui fait un angle aigu avec le corps au-defius duquel il scleve; d’autres dans un temps femhlable por¬ tent leuis ailes en toit *, 6 c arrangées de manière qu’une * Fig. 4. des fupérieures paroît feule de chaque côté, 6 c paffe par- delà le corps logé fous le toit: d’autres demoifelles, lorf- qu’elles font en repos, lailfcnt voir leurs quatre ailes quelles tiennent alors un peu écartées les unes des au¬ tres, un peu élevées au-deffus du corps & inclinées à fes côtés*. *PI.*o.fig. Les demoifelles des trois genres que nous venons de 3 >f& 5 * déterminer, naiffent dans l’eau, & y prennent leur accroil- fement complet: tant qu’elles y vivent, elles y ont une forme affés femhlable à celle quelles avoient en naiffant; elles font d’abord des vers hexapodes * ou des fix-pieds. * PI. 37.%. Le ver efl encore jeune 6 c très-petit lorfqu’il devient nym- 1 • plie : ce changement d’état n’en produit aucun bien fen- fible dans la figure de l’infeéle; on apperçoit feulement fur le dos de la nymphe quatre petits corps plats 6 c oblongs, dont on ne trouve aucun vertige fur celui du ver: chacun de ces petits corps crt le fourreau d’une aile. On découvre ces fourreaux d’ailes à des infeéles encore bien éloignés de la grandeur qu’ils auront, lorfqu’ils fe changeront en mouches; mais alors ils font appliqués à plat fur le dos, 6 c de chaque côté il y en a un de caché fous l’autre : ils fe féparent 6 c fe redreffent à induré qu’ils croiffent, dedans 39 ^ Mémoires pour l’Histoire les derniers temps ils font quelquefois pôles de champ. Les nymphes étant fèmbiables aux vers, à ces fourreaux près, nous aurons alfés fait connoître ceux-ci, lorfque nous aurons décrit celles-là; nous ne parlerons même dans la fuite que des nymphes, parce que dans la plus grande partie de l’année, eilcs font plus communes que les vers, Sc que leur grandeur les rend en tout temps plus aifées à trouver. Aux trois principaux genres fous lefquels les différentes efpeces de demoilèlles ont été rangées, répondent aufft trois genres de nymphes. Les demoilèlles à corps court, *PI- 36. fig. viennent des nymphes les plus courtes*; les nymphes * qui donnent des demoilèlles à corps Ions; & à tète ronde, ° J ont elics-memcs un corps plus long que celui des nym¬ phes du premier genre, dont elles different encore par une autre particularité qui fera bien-tôt expliquée. Enfin, les demoifelles à corps long & éfilé, Sc à tète large & courte, viennent de nymphes dont la forme eft fenfiblement dif¬ ferente de celle des nymphes des deux autres genres; elles * Fig. j & 6. font d’ailleurs plus éfilées*, moins groffes par rapport à leur longueur. Les ligures & les couleurs des nymphes de ces trois genres, n’ont rien de bien propre à leur attirer l’attention de ceux qui n’accordent la leur que quand ils y font in¬ vités par le premier coup d’œil. Pour la plupart elles font d’un verd brun, fouvent fali par la bouc qui sert attachée au corps. Celles de quelques efpcces qui fe tiennent dans l’eau claire, Sc d’autres après avoir été lavées, montrent pourtant des taches blancheâtres Sc d’autres verdâtres, affes *pi. 37. fig- agréablement combinées *. On leur trouve à toutes une tête, un cou, un corcelet Sc un corps compofé de dix anneaux; fixjambes font attachées au corcelet; cettedif- pofition de parties leur donne plus de rcffcmblance avec des animaux des Insectes. XI. Aient. 393 (îes animaux terreftres qu’avec des poiflons; elles l'ont pour¬ tant de la clafte de ceux-ci, car non feulement elles nagent comme eux & ades bien, quoique quelques-unes, comme les nymphes du premier genre, n’ayent que leurs jambes pour nageoires, & non feulement elles vivent comme eux dans l’eau, elles la refpirent. Les nymphes du premier genre * 6c celles du fe- *PI. 36. fi g . cond *, peuvent aifément être obfervées dans des moments 1 • où elles infpircnt, & dans ceux où elles expirent l’eau, * F ‘ s ’ 3 ’ comme nous inlpirons& expirons l’air; mais c’eft par notre bouche que l’air entre dans nos poulmons, c’eft par notre bouche qu’il en fort ; 6 c c’eft au bout du corps * de ces * q . nymphes, qu’eft l’ouverture qui donne entrée à l’eau, 6 c par laquelle elle eft enfui te chaffée: cette ouverture cft entourée par cinq petits corps dont quatre au moins font de figure triangulaire *,&dont il n’y en a que trois de bien * Pi. 37. fig. fenfibles dans les nymphes du premier genre *; ces trois pièces triangulaires font à peu-près égales en t relies, l’une* * pj. 5 6.fi g . eft en-deflus, dans la ligne du dos, 6 c les deux autres en 8 & 9 -r> embas 6c fur les côtés. C’eft aufti fur chaque côté 6 c dans l’intervalle qui refte entre la fupérieure 6c une des inférieu¬ res , qu’eft placée une pièce bien plus petite que les autres, 6 c de même triangulaire. Dans certains temps, dans ceux où l’animal ferme fon derrière, ces cinq pièces lui forment une efpece de queue pyramidale * ; elles font * Fig. *. q. faites pour fe bien ajufter les unes contre les autres, cha¬ cune eft une lame concave vers l’intérieur de la pyramide. Dans les demoifelles de la fécondé efpece, la pièce fupc- rieure ne fe termine pourtant pas en pointe, fon bout cft large*. Toutes les fois que la nymphe a des excréments à * pi. 37.%. rendre, 6 c, ce qui arrive plus fouvent, toutes les fois qu’elle 1 ~ ,y ‘ veut refpirer l’eau, elle ouvre cette pyramide *, elle écarte * pi. 3Pfig. les pointes qui étoient réunies à fon fommet, de manière s & ?• Tome VI. D d d 394 Mémoires pour l’Histoire qu’elles font plus éloignées les unes des autres, que les bafes des pièces auxquelles elles appartiennent, ne le font entr elles. Ces pointes triangulaires peuvent fervir en quelques circonlïances, d’alfés bonnes armes, foit offenfives, foit défenfives: j’ai vû quelquefois une nymphe du fécond * PI. 36.%. genre*, que je tenois entre deux doigts, recourber alter¬ nativement fon corps vers l’un 6 c vers l’autre, pour tâcher de le failir entre les pointes alors écartées les unes des autres; quand elle y parvenoit, elle le ferroit avec une force alfés confidérable, les pinces faifoient une impref- fion douloureule. Pendant que les pointes de ces pièces font écartées les unes des autres, il elt permis de voir une ouverture ronde au moins d’une demi-ligne de diamètre dans des nymphes * Fig. 8 & 9. de grandeur médiocre * : des jets d’eau en fortent par in¬ tervalles, & font quelquefois alfés gros pour la remplir entièrement, 6 c pouffes avec alfés de force pour être por¬ tés à plus de deux à trois pouces de l’animal. Il y a des circonflances où ces gros jets font fréquents, il y en a d’autres où ils ne paroilfent que de loin à loin. Si on tient une nymphe hors de l’eau , on lui rend le befoin de la retirer, plus grand; quand après l’en avoir privée pendant un quart d’heure, ou pendant un temps plus long, on la remet enfuite dans un vafe plat où il y a à peine la quan¬ tité d’eau qui fuffit à la couvrir, c’elt alors qu’on voit des inlpirations 6 c des expirations fréquentes, 6 c que les jets de ces dernières font plus confidérables. Dans d’autres temps on n’apperçoit quelquefois qu’une lente circulation d’eau autour du derrière de la nymphe; on ne reconnoît , prefqué le mouvement de l’eau que par celui des corps étrangers qui nagent : il y en a de ceux-ci qui après avoir été attirés jufqu’au derrière., font enfuite renvoyés alfés des Insectes. XI . Mem . 39> loin ; mais chaque fois qu’on met une nymphe hors de l’eau, on ne manque guéres de voir partir un jet de fon derrière. Pendant qu’on la tient à fec entre fes doigts, on peut appercevoir le jeu des principales parties au moyen def- quelles elle refpirc l’eau : le trou qui efl au bout du der¬ nier anneau, efl le plus fouvent bouché par des chairs verdâtres; mais dans plufieurs moments, & qui ne fe font pas trop attendre, il fe fait une ouverture * au milieu de * PI. 3 é.fig. ces chairs, qui permet de voir dans la capacité du corps. 9< Trois pièces plattes * qui étoicnt dans un même plan,& * Fig.8. dont on diflinguoit mal alors la figure, s’élèvent *; elles * Fig. 9.00/. font à peu-près égales en grandeur, & faites en demi-cercle ou plutôt en coquille, car elles font un peu concaves vers l’intérieur. Une efl attachée à la circonférence de la par¬ tie fupérieure de l’anneau , & chacune des deux autres l’efl à la circonférence d’un côté : leur contour au moins efl cartilagineux. En tout temps elles laiffent entre leurs bouts , un vuide triangulaire, mais peu fenfible , parce qu’il efl bouché par des parties qui font dans l’intérieur. Lorfque ces trois pièces en fe relevant < 5 c fe portant vers le derrière, s’écartent les unes des autres, les parties qui étoicnt deffous, s’en éloignent, & s’approchent du corcclet ; on voit alors par le trou qu’ont laide ouvert les trois pièces en coquille, l’intérieur delà capacité du corps, qui paroit lin tuyau vuide, 6c qui l’efl réellement en grande partie dans l’étendue qui répond aux cinq derniers anneaux : la capacité qui efl vuide alors, ou qui s’cfl feulement remplie d’air, fe feroit remplie d’eau, s’il s’en fût trouve a portée du derrière. Pour voir diflinclemcnt ce qui fe paffe pendant que la nymphefait entrer l’eau dans fon corps, & pendant quelle l’en fait fortir, pendant quelle l’infpire & pendant quelle Dde! ij 396 Mémoires pour l’Histoire l’expire, on en fera tomber quelques gouttes fur le derrière de celle qu’on tient entre fes doigts la tête en embas, 6c cela dans un moment ou les cinq pièces écailieufes qui lui forment une efpece de queue, le font écartées les unes des autres ; à peine ces gouttes feront-elles tombées que *pi. 36. fig. les trois pièces en coquille * fe relèveront *, pourlaiffer 8 . c,c,l. une ouver t ure q U i permette à l’eau d’aller plus loin. Qu’on -9' c ,e,l. j et[e un C0U p d’œil fur l’extérieur du corps, & 011 jugera que dans ce même inftant , la capacité intérieure s’elt aggrandie; on verra le ventre qui étoit plat, devenir con¬ vexe ; on verra les deux côtés s’éloigner l’un de l’autre: on pourra encore appercevoir quelque chofe de plus ; le corps a un certain degré de tranlparence, fi on le regarde vis-à-vis le grand jour dans l’inltant où l’eau va être poulfée dans fon intérieur, on remarquera une efpece de gros tam¬ pon qui s’éloignera du derrière pour aller vers le corcelet : îa capacité formée par les cinq anneaux poltérieurs, pa- roîtra devenir vuide. On imagine aifément la caufe qui fait entrer l’eau dans une capacité aggrandie, 6c où on a vû le jeu d’une efpece de pilton. Dans le moment fuivant on verra ce pilton ou tampon retourner vers le derrière, 6c les parois du corps fe rapprocher, un jet d’eau fortira; on 11e fera donc pas plus embarralfé fur la caulè qui le fait fortir.que fur celle qui la fait entrer. Pour m’alfurer que des apparences ne m’en impofoient pas lorfque je croyois voir que la capacité formée par les cinq anneaux poltérieurs, étoit alternativement occupée par des parties folides qui alternativement la lailfoicnt vuide; pour m’alfûrer que le jeu d’une eljîece de tampon étoit réel, j’ai tenu la nymphe entre des cifeaux ouverts, 6 c pofés de manière que je n’avois qu’à les fermer pour couper le corps en deux vers le cinquième des anneaux poltérieurs. Dans un moment où le tampon me paroilfoit des Insectes. XI. Mem. 597 s’être autant éloigné du derrière qu’il lui étoit permis de le faire, je donnai le coup de cifeau, la capacité de la partie poftérieure qui fut détachée du refte, fe trouva alors pres¬ que vuide de parties folides. Un coup de cifeau femblable donné à une autre nymphe,dans un inftant où le tampon m’avoit paru s’être autant rapproché du derrière qu’il Je pouvoit, détacha une partie poftérieure remplie d’un grand nombre de parties folides. Dans la dernière circonftance, ou lorfqu on ouvre tout du long le corps d’une nymphe, cette mafte à laquelle nous n’avons donné que le nom de tampon, & qui ne paroît être rien de plus vue au travers de parois trop peu tranfparentes, offre de quoi fixer des yeux qui font l'enfi- blés aux merveilles qui fe trouvent dans l’organifation des animaux : ils remarquent avèc admiration quelle eft un lacis * de ces vaiffeaux qui fervent aux infeéles pour ref- pirer l’air; ce font des branches de trachées fans nombre, entrelacées les unes dans les autres : quatre troncs * prefque aufti longs que le corps, & dont il y en a deux de chaque côté l’un au-deffusde l’autre, commencent chacun à jetter des branches vers le milieu de leur longueur, & de-là juf- qu’à leur extrémité en jettent de plus en plus. Leur bout en a de fi proches les unes des autres, qu’il femble fe re¬ fendre pour les fournir * : c’eft du côté intérieur de chaque tronc qu’il en part le plus, & ce font celles qui vont fe lacer avec les branches des autrestroncs. Il faudrait avoir donné à l’examen de ces vaiffeaux plus de temps que je n’ai fait, pour découvrir ce que leur difpofition a de régulier, & comment ils fe terminent; mais au moins puis-je aiïurer, fans crainte de me tromper, que ce font de vrayes trachées; non feulement ils en ont la blancheur 6c ie luilânt ftitiné, mais on peut aifémentfeconvaincrequ’ils ont cette admi¬ rable ftruéture propre aux trachées des infeeftes, que chacun JDddiij 9 * pr - 37 - % 1 l -ff>P> rr - * t, t, 398 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE de ces tuyaux cft fait d’une infinité de tours d’un fil carti¬ lagineux tourné en fpirale. J’ai quelquefois dévidé une longueur de fil de plus de trois pouces, en prenant le bout qui le préfentoit dans l’endroit où une greffe trachée avoit été calfée en deux. C’eft même fur ces trachées qu’il elt le plus facile de voir, & que j’ai vu pour la première fois, que celles des infeétes ne font qu’une fuite d’un prodigieux nombre de tours d’un fil extrêmement délié,appliqués les uns contre les autres. Une de ces trachées obfervée au microfcope, paroît cannelée tranfverfafement. Mais à quoi fervent tant de vaiffeaux à air à un infeéte qui refpirei’eau î Nous avons déjà vu qu’ils ne lui font pas inutiles dans le temps qu’il attire l’eau dans fon corps, & dans le temps qu’il l’en chaffe, qu’alors le lacis admirable ^ de ces vaiffeaux, a le jeu d’un pifton. D’ailleurs cet infeéte qui refpire l’eau, n’a pas moins befoin de refpirer l’air ; c’eft de quoi on a une preuve décifive quand on examine fon * Pi. 36. fig. corcelet : on y découvre quatre ftigmates dont deux * pla- 7 ' f>f‘ cés en-deflus & près de fa jonétion avec le corps, lont fur-tout remarquables par leur grandeur. Chacun a quet- qu’air d’un œil à demi-fermé dont la paupière feroit car- tilagineufe, ou plutôt d’un œil qui auroit deux de ces fortes de paupières bordées comme les nôtres, de cils formés d’une fuite de poils. Chacun des deux autres ftigmates cft pofé au-deffits de l’origine d’une des premières jambes, aftes près de la jonétion du corcelet avec le col, car ces fortes de nymphes ont un col. La nymphe a d’autres ftigmates plus difficiles à voir, ils font beaucoup plus petits que les précédents & plus cachés: chaque anneau, excepté peut-être le dernier & le pénul¬ tième, en a deux, un de chaque côté. En-deffous du ven¬ tre , & près de l’endroit où celui-ci fe joint à la partie fupé- rieure de l’anneau, régné de chaque côté une efpcce de des Insectes. XI. Mem. 399 gouttière dans laquelle il faut chercher les fligmates dont il s’agit: ce font de petits ovales pôles obliquement, &. dont chacun eft d’un tiers plus proche du bout antérieur de l’anneau à qui il appartient, que de fon bout pofté- rieur. On peut pourtant huiler les fligmates de ces nymphes, fans les faire périr, foit que l’huile ne s’y attache pas à caufe de l’eau qui les mouille, foit qu’ilsfoient fi prêts àfe fermer que l’huile n’ait pas le temps d’y pénétrer. O11 luit affés aifément le canal des aliments depuis la bouche jufqu’à l’anus; il va en ligne droite tout du long du corps, mais il a trois renflements qu’on peut regarder comme trois eflomacs, analogues peut-être aux différents eflomacs des ruminants. Ce canal paffe au travers du lacis de trachées, plufieurs de celles-ci lui font adhérentes,d’où il paraît que le canal des aliments eft obligé de lesfuivre dans les mouvements qu’elles font de devant en arriére, & de l’arriére en devant, pendant que l’infeéîe attire l’eau dans fon corps & qu’il l’en fait fortir; cette agitation produit peut-être un effet plus confidérable que celui du mouvement pcrifîaltique des inteflins des grands animaux. Le bout de ce canal, le véritable anus, ne m’a pas paru être fixe, j’ai cru le voir tantôt de niveau avec les pièces en forme de coquilles, pendant quelles ferment le bout du derrière*, * ^ 3 ^fig- & tantôt très-loin de-là, félon que le lacis de trachées le ' 0 trouvoit près ou loin de l’extrémité du corps. La patience & la dextérité d’un grand anatomifle trou¬ veraient de quoi s’exercer long-temps dans l’intérieur de cet infeéle; mais fon extérieur fournit des particularités dignes deue vûës, & heureufement ailées à voir : ccd fur le devant & fur le deffous de la tête qu’on les peut obferver. Chaque nymphe porte une efpecede mafque *, 2 > * & ceux des nymphes des trois différents genres ont des 400 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE * PI. 36. fig. formes différentes. Les nymphes à corps court*, ou du premier genre, en ont un que je nommerai en cafque, parce qu’il forme fur le front de ces infeéles une convexité arrondie en quelque forte, comme la partie antérieure d’un * Fîg. 10. vrai cafque *. Le mafque * des nymphes du fécond genre, * Fig. 4. eft applati,; auffï l’appellerai - je finalement mafque plat, * Fig. 6. & je donnerai le nom de mafque plat & éfilé * à ce¬ lui des nymphes du troifiéme genre, parce que le leur, plat comme le mafque des nymphes du fécond genre , eff plus long & plus étroit par embas. Nous nous arrêterons d’abord à faire connoître celui des nymphes du premier genre. Les infeétes qui ont des dents, comme les chenilles <$c les vers de beaucoup d’efpeces, 11’en ont communément que deux, ordinairement grandes & fortes, & d’autant plus vifibles qu elles font placées en-dehors de la bouche : nos nymphes de demoifelles en font mieux fournies, elles en ont quatre folides, larges & longues, qui viennent fe rencontrer deux à deux en devant & fur le milieu d’une bouche beaucoup plus grande que celle de la plupart des autres infeétes. Cette bouche & ces dents ne font pourtant vifibles que quand on fait violence à une nymphe pour * Fig. 11. les mettre à découvert * : le mafque * qui couvre le * Fig. 10. devant &Ie defTousdelatête, les cache, car il n’a point, comme les nôtres, une ouverture vis-à-vis la bouche, 6 c * b î‘ deux pour les yeux; ceux * de l’infeéte font pofés fur fa tête,& par conléquent, hors du mafque qui, en un mot, n’efl nulle part à jour. Ce n’eff pas feulement en cela qu’il diffère des nôtres, il s’en faut bien qu’il foit fi fimple: il eft une vraye 6 c très-belle machine : il eff beaucoup plus long qu’il ne feroit néceflaire pour couvrir la partie de la tête contre laquelle il eft appliqué: il fe termine par une ♦ Fig. 10. p. elpece de menton*: il eft folide, étant fait d’une matière cartilagineufe DES I N S E C T E S. XI. Mem. 40 I cartilagineufe, ou même écailieufe. Ou y diftingue aifé- ment une efpece de future * qui le divife cil deux parties, * PI - 3 6 . fig. dont l’antérieure * plus courte que l’autre , fera dans la fuite nommée le front du mafque : c’elt celle qui par une forte de rondeur donne aux mafques des nymphes du premier genre, l’air d’un cafque; l’autre partie * fera appel- * m. lce la mentonnière : le bout * de celle-ci reflemble à * l’¬ une efpece de menton. Ce mafque n’elt qu’appHqué contre la tête, il ne lui elt aucunement adhérent. Si 011 in¬ troduit , ce qui eh aifé, une pointe line comme celle d’un canif ou celle d’une épinglé, entre le front du mafque 6c la tête de l'infecte , on peut enfuite aifément l’éloigner * *Fig. u. de la partie qu’il couvrait ; 6c c’elt après l’avoir fait qu’on m s ‘ voit diltinétement la bouche, 6 c les dents dont elle clt munie. Quand on éloigne le mafque de la tête , on le fait tourner comme fur un pivot. Le menton ell articulé avec une pièce * qui elt en quelque forte le pied ou lefupport du mafque : elle a la même figure 6c les mêmes dimenfions que la partie pofiérieure de la mentonnière, contre laquelle elle elt appliquée dans les temps ordinaires ; fon origine * * *• clt auprès du col, c’elt-là qu’elle eltaffujettie. La face exté¬ rieure de cette pièce qui tient lieu de pied au mafque , comme la face extérieure du mafque , elt cartilagineufe ; mais les faces intérieures de l’une 6c de l’autre, qui s’en¬ tretouchent , font recouvertes de chairs: là font des muf- cles qui tendent à tenir le mafque alîujetti contre la tête, 6c auxquels on fait violence lorfqu’on l’en éloigne. Le feul ufage du mafque n’ell pourtant pas de couvrir la bouche 6c fes environs, il en a un autre plus important 6c plus fingulier : c’elt lui qui doit fournir la bouche d ali¬ ments ; aulfi fi fa Itruéture eût été mieux connue de Swammerdam, il 11 ’eût pas dit, comme il l’a fait, que les Tome VL Eee *FI. 36. fig. 1 e.r. * u , u. * s, s. * Fig. 1 o. u, u. * Fig. 12. n. * F'g- 13 * u j u . * s. * i, i. 0,0. * Fig. 1 2 & 13 . e, .e 402 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE demoifelles auxquelles il a été accordé, fe nourriffoient de terre. Outre la future tranfverfale que nous avons fait re¬ marquer , le mafque en a une longitudinale * fur le front , qui di vile celui-ci en deux parties égales*, elle atteint lafuture tranfverfale *, mais elle nepaffe pas outre. Ces futures ne font pas fuperficielles, elles pénètrent toute lepaiffeur du mafque, elles tiennent réunies dans les temsoù elles doivent lettre,des parties qui peuvent étreféparées dans d’autres temps. Au moyen de ces futures, le mafque fe trouve avoir deux efpeces de volets * dont l’infeéle ouvre l’un ou l’autre * à fon gré ,& qu’il ouvre tous deux à la fois quand il veut, foit en partie *, foit entièrement : chacun de ces volets eft articulé avec la mentonnière, à un des bouts de la future tranfver¬ fale. * Quand nous ne le dirions pas, on imaginerait aftes qu’il y a des mufcles attachés au mafque , propres à pro¬ duire le jeu des volets : s’ils s’ouvrent, ce nef pas au relie pour donner du jour à l’infeéte ; fesyeux *, comme nous l’avons déjà fait remarquer, ne font pasplacés delfous, mais une moitié de la bouche fe trouve fous chacun d’eux, & il eft néceffaire qu’ils s’ouvrent pour laiffer paffer les ali¬ ments fur lefquels les dents doivent agir. Ces volets font plus; nos nymphes font carnaciéres, elles fenourriffentd’in- feéles aquatiques, à l’affût defquels elles font continuelle¬ ment; ces nymphes parviennent à en attraper déplus gros& de plus agiles quelles ne font : j’en ai vûd’occupées à manger des teflards. C’eft avec les volets du mafque quelles attrapent leurproye, ils valent d’excellentes forres: les bords de ces pièces ont des dentelures qui les tiennent affemblées, lorf- que le mafque eft fermé ; ces dentelures font de vrayes dents, très-fines, mais fortes, & propres à bien retenir l’infeéle qui a été faifi : chaque volet a encore une lon¬ gue pointe,* ou dent beaucoup plus longue, qui part de fon angle antérieur. des Insectes. XI. Aient. 403 Lorfque l’infe&e qui a été pris par les deux volets efi petit, les dents le leur ôtent tout entier; mais lorfqu’il efi trop gros pour être logé dans la bouche, ou entre la bou¬ che & le front du mafque, une partie refte en-dçhors des volets qui le tiennent l'aifi,& qui neTabandonnent aux dents que quand ce quelles avoientà leur difpofition a été haché & avalé. J’ai trouvé un a des grosteftard tenu ainfi entre les volets, la portion de cet animal qui etoit en- dehors, étoit faine, & celle qui étoit pafleefous les volets, étoit défigurée & comme broyée. Au refie on peut faire faire aux volets avec la pointe d’une épingle , le même jeu que la nymphe leur fait faire au moyen des mufclesqui leur font propres; je veux dire qu’on peut les entrouvrir, les écarter l’un de l’autre, en lever un feu!, ou les lever tous deux. Le mafque plat * des nymphes du fécond genre efi, pour i’eflentiel, conflruit comme celui en cafque : leprin- cipal ufàge auquel il efi deftiné, efi pourtant plus aifé à voir : la partie antérieure, le front , au lieu d’être faite de deux volets, l’eft de deux efpeces de ferres * dont chacune efi terminée par une longue & forte pointe écail- leufe * ; outre la pointe, chaque ferre efi compoféede deux parties, quienfemble forment une efpece de bras *: la première attache de chaque bras, * car ils en ont chacun deux *, efi tout auprès de celle de l’autre, au milieu du maf¬ que; de-là, chacun d’eux fe dirige vers un côté*du maf¬ que; & c’eft-là qu’eft le coude * ou l’articulation fur la¬ quelle peut jouer l’avant-bras ou la pièce de la ferre quiefi armée d’une pointe *. Une nymphe qu’on tient dans la main, fait quelquefois fentir que ces pointes font très-ca¬ pables de percer des infeéles; quelquefois elle en perce les chairs de la main qui lui fait violence; mais leurs piquures ne font ni dangereufes, ni bien douloureufes. Dans les temps * PI- 37- 3 > 4» 6 7 . 7/Z. * Fig- 4 & 7 e, e, fig. 8. e. * e. * oc e. * 0. * 0 & e. * c. * e. * PI. 37.%. 5 & 6. * PI.38.fig. 5 -m. * Fig. 6 .1 &fig. 7. 0. * Fig- 7 * * Fig. 6. /. *Fig. 8. /. * Fig. 7. d t d. * c,i 404 MEMOIRES POUR L'HISTOIRE ordinaires les ferres font fi bien pliées 6c fi bine ajufiées, que la partie formée de leur affemblâge efi aulfi plate que le refte : la pointe de l’une eft couchée fur celle de l’autre *; on ne les diflingue que quand on cherche à les voir; mais on les rend très-vifibles, 6c on s’afiure des mouvements quelles peuvent faire , quand on les écarte l’une de l’autre avec la pointe d’une épingle, 6c qu’on les oblige à fe déplier. Le mafque des demoifelles du troifiéme genre, des demoifelles à courte 6c à large tête , plat 6c plus éfilé * par embas que celui dont nous venons de parler, en différé encore par d’autres particularités ; c’en efi une pour lui d’avoir, comme les nôtres, une ouverture vis-à- vis la bouche * : cette ouverture a la figure d’un lolànge * dont les deux angles les plus aigus font dans la direction de la longueur du corps; quoiqu’affés grande, elle n’eft vifi- ble que quand on a éloigné le mafque de la tête ; tant que ce dernier refie dans fa pofition naturelle, elle efi bouchée en grande partie par un bouton charnu * que je regarde comme la langue de la nymphe : on le trouve à celles de tous les genres; il efi capable de divers mouvements, 6c placé immédiatement auprès de la dernière paire de dents*. D’autres chairs qui partent des environs de la bouche , 6c les bouts des dents, achèvent de remplir l’ouverture dont il s’agit. La forme des ferres de ces malques y efi encore une autre particularité : celles des derniers dont nous avons parlé, ont été comparées à des bras; les ferres des nou¬ veaux malques peuvent l’être à des mains*; plus courtes 6c plus larges que les autres, elles fe terminent par quatre longues pointes écaiileufes , courbes, qui femblent être des doigts déliés, dont l’un plus court * que les autres, efi analogue au pouce. Chacune de ces ferres efi articulée à un des bords du mafque * ; quand elles font écartées des Insectes. XI. Mem. 405 l’une de l’autre , environ vis-à-vis le milieu de l’ouver¬ ture en lofange, on voit deux pièces* également larges * P j , 8> dans toute leur longueur, qui s’arcboutent mutuellement ° par leur bout antérieur, 6c qui renferment la moitié anté¬ rieure de l’ouverture en lofange ; chacune de ces pièces fert d’appui à une des ferres, quand celles-ci font fermées ou pofées fur le mafque: alors les ferres font fi bien ajuftées quelles femblent faire corps avec le refte*; les crochets de *pi. l’une s’engrainent réciproquement dans les intervalles que dd ' laiffententr’eux les crochets de l’autre, de forte qu’alors on 11e peut les appercevoir, ni diflinguer nettement la figure des pièces auxquelles ils appartiennent. Les nymphes qui portent lesmafquesdu dernier genre, ont, comme nous l’avons déjà dit , un corps plus long 6c plus éfilé que celui des autres nymphes, par rapport à là grandeur : elles en différent encore par la grandeur 6c la figure des pièces attachées au bout de leur corps; quelques-unes y ont trois nageoires plates, cartilagineufes, 6c d’une figure qui tient de l’ovale*, mais pourtant plus *Fig. 3 ,n,n. étroites à leur origine qu’à leur bout. Chacune a une greffe côte * par laquelle elle efl partagée en deux parties égales, * Fig. comme une feuille de plante l’elf par fa principale nervure : de cette côte partent des fibres dirigées avec régularité vers la circonférence , comme le font les barbes des plumes. D’autres efpecesde nymphes de ce même genre, au lieu des trois nageoires plates ont trois pièces cartilagineufes* , * Fig. 1, 2 analogues aux picquants des nymphes du premier 6c du & fécond genre, en ce qu’ellesfe peuvent réunir pour former à l’infeéfe une queue pointue, 6c qui femble d’une feule pièce: ces dernières nageoires font pourtant beaucoup plus longues que les picquants auxquels nous les comparons ; celle du milieu * attachée au-deffus du corps, elt plus * courte que les deux autres, dont chacune part d’un des Eee iij * PI. 3 s • fig i & z. * Fîg. y. * Fig. 3. 40 6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE côtés: toutes les trois deviennent de plus en plus menues pour fe terminer en pointe, & font pliées en gouttière. La plupart des nymphes, & toutes peut-être, doivent vi¬ vre dix à onze mois Tous l’eau avant que d’être en état de fe transformer en demoifelles; je ne fçais pourtant fi on n’a pas en Automne des demoifellesqui viennentd’œufs pon¬ dus au Printemps : les nymphes qui paffent fous l’eau les mois les plus favorables à i’accroilfement, doivent croître plus promptement que les autres. Quoi qu’il en foit, de¬ puis le mois d’Avril jufqu’à la fin de Septembre, &même jufqu’aumilieu d’Oélobre, il y a journellement des nym¬ phes qui fe métamorphofent en demoifelles. Les transfor¬ mations de celles de certaines efpecesne m’ont pourtant paru arriver que dans certains mois: ce n’efl qu’en May & en Juin que j’ai vû des demoifelles jaunes & à corps . court, * fe tirer de l'état de poiffon ; mais j’ai vû paroître d’auffi bonne heure, & quelques mois plus tard , des de¬ moifelles du fécond genre. Cellesqui fe font métamorphofées chés moi en Avril, quoique grandes*, l’étoient moins que celles * qui n’y ont quitté leur dépouille qu’à la fin de Juin, &. dans les mois de Juillet & d’Août. Ce n’eft pas feulement par la grandeur à laquelle font parvenues des nymphes d’une cer¬ taine efpece, qu’on connoît que le temps de leur métamor- phofe approche ; d’autres fignes l’annoncent ; avant que ce temps arrive, les quatre fourreaux dans lefquels les aîles font renfermées, deviennent plus diftinéls, les deux d’un même côté paroifTent plus détachés l’un de l’autre, & en¬ fin dans plufieurs efpeces de nymphes, ils changent de posi¬ tion: au lieu qu’ils étoient appliqués à plat fur le corps des jeunes nymphes, ils le font par la tranche fur le corps de celles à terme; ils fe font redrelfés. C’efl; hors de l’eau que doit s’accomplir la . grande DES I N S E C T E S. XI. Mem. 407 operation qui fait paffer l’infe&e de letat de poilfon à ce¬ lui d’habitant de l’air. Toutes les nymphes que l’on voit hors de l’eau en partie ou en entier, foit lur les bords d’un ruif- feau, foit fur ceux d’un étang ou d’un balfin , ne font pour¬ tant pas prêtes à devenir ailées : fouvent celles qui nefe l'ont éloignées de l’eau que d’un pouce ou deux, y rentrent après avoir refpiré l’air;mais celles qui ont fait un plus grand chemin , qui en ont parcouru un fur terre de quelques pieds de longueur, & celles fur-tout que l’on trouve cram¬ ponnées fur de$ tiges ou des branches de plantes, fe prépa¬ rent à quitter le fourreau qui les empêche de paraître demoifelles. J’en ai eu de la même efpece qui fe font métamorpho- fées une heure ou deux après être forties de l’eau, & d’au¬ tres qui ont palfé un jour entier chés moi avant que de prendre une nouvelle forme. L’opération même eft de quelque durée : ceux qui la verront commencer, nela quitte¬ ront pas cependant avant quelle foit finie, elle a de quoi occuper agréablement. On peut même ne pas fe lalferà l’attendre, on peut lire, pour ainfi dire, dans les yeux de la nymphe, fi elle eft prête à fe transformer, fi elle ne tardera pas plus d’un quart d’heure ou d’une demi-heure ; les fiens qui jufque-là ont été ternes & opaques, deviennent bril¬ lants & tranfparents. Cet éclat qui n’eftpas propreaux cor¬ nées de la nymphe, eft dû à celles de la demoifelle, qui font alors appliquées immédiatement fous les autres, & qui ont acquistout le luifant quelles doivent avoir dans la fuite: c’eft dequoi je me fuis affuré en enlevant les cornées à des nymphes , après quelles avoient fernblé être devenues tranl'parentes ; j’ai trouvé fous chacune un œil de la dc- moifeile, auquel il ne man^uoit rien. Enfin fi l’on veut fe procurer le plaifir de voir & de re¬ voir ce qui fe pafie pendant la transformation de ces 408 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE nymphes, on fe fournira au Printemps, comme je l’ai fait d’un bon nombre de celles de quelque efpece, qu’on jettera, dans un badin, ou qu’on tiendra dans des bacquets pleins d’eau. Quand des dépouilles trouvées aux environs au¬ ront appris qu’il y a eu des nymphes qui fe font méta- morphofées, on examinera à différentes heures du jour les bords de l’eau où l’on tient les autres, & on prendra celles qui fe feront rendues fur ces bords : elles y relient ordinairement quelque temps pour fe reffuyer &fe fécher parfaitement, avant quede longera aller plus loin. C’ellainfi que je me fuis mis à portée de voir autant de fois que je l’ai voulu, ce qui fepaffe pendant la transformation des nymphes du premîer & du fécond genre: ce que nous allons raconter en détail, regarde les unes & les autres. La nymphe après être reliée au bord de l’eau d’où elle cil fortie, autant'de temps qu’il lui en a fallu pour fe bien fé¬ cher,le met en marche, & cherche un lieu où les manœuvres qui doivent opérer le grand changement auquel elle fe pré¬ pare , lé puiffent fairecoinmodément : fouvent elle fe déter¬ mine pour une plante fur laquelle elle grimpe ; après l’avoir parcourue, elle fe fixe, foit contre la tige, foit contre une branche, foit même contre une feuille, quelquefois elle s’attache à un brin de boisfec; maisellefeplacetoûjoursla tête enhaut, il lui ell elfentiel d’être dans cette pofition. Ce qui nelui elt pas moins néceffaire, c’ell de fe cramponner de manière que des efforts affés confidérables ne loicnt pas capables de la faire changer de place. Elle y parvient fans peine & finis induftrie, car elle n’a qu’à preffer le bout de lès pieds contre le corps fur lequel elle veut s’arrêter : cha¬ que pied elt terminé par deux crochets roides * , 8 c dont la pointe eftfi fine, quelle péîietre dans des plantes, dans dubois, &c. qu’elle ne fait prefque que toucher. J’ai fou- vent décroché des fourreaux d’où des demoifelles s’étoient tirées, des Insectes. XL Mem . 409 tirées, & j’ai admiré enfuite la facilité avec laquelle je les accrochoisfolidement contre des corps furlefquels je les pofois fans les preffer fenfiblement. Pour être en état de répéter mes obfervations avec faci¬ lité , j’ai eu à la fois pendant plufieurs jours h la campagne, un grand nombre de nymphes fixées dans un lieu où il m etoit aifé.de les voir toutes d’un coup d’œil ; une despic- ces d’une tapifferiede toile peinte d’une chambre très-bien éclairée, 6c la pièce qui étoit dans le plus beau jour, en étoit très-garnie. On apportoit fur cette pièce toutes les nymphes qu’on avoit prifes hors de l’eau ; elles s’y trou- voient bien, 6c la plupart fe crqmponnoient à demeure, af- fés près de l’endroit où on les avoit placées: auffi yavoit-il peu d’heures dans le jour, où cette pièce de tapifferie ne fournît un fpe&acle amufant 6c varié. Pour reflèntiel, la métamorphofe de ces nymphes en demoifelles n’a rien de différent de celle des crifalides en papillons, 6c de celle de différentes autres nymphes en mouches, foit à deux, foit à quatre ailes: dans toutes c’eft toujours un animal qui quitte une dépouille fous laquelle étoient cachées, 6c hors d’état de fe développer, des parties qui, quand elles font mifes au jour, le font paroître tout autre qu’il n etoit auparavant. La métamorphofè dont il s’agit à préfent, a pourtant fes parti¬ cularités que nous allons détailler. La nymphe qui s’eft fixée, 6c dont les cornées paroiffent beaucoup plus tranfparentes quelles ne l’avoient paru juf- que-là, fe tient tranquille: les mouvements par lelquels la transformation cft préparée, fe paffent dans fon intérieur: le premier effet fenfible qu’ils produifent,ell de faire fendreen- deffusla partie du fourreau qui couvre le corcelet : par la fente qui s’y efl faite , on voit uneportion du corcelet de la demoifelle, cette portion qui sclevebien tôt au-deffus des bords de la fente, fe gonfle, 6c fait ainlil’office de coin Tome VL Fff 410 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE pour l’obligera devenir plus longue. Elle gagne l’extrémité antérieure du corcelet, elle parvient enfuite au col, enfin elle avance jufique fur le crâne, à la hauteur des yeux: là le fait une fécondé fente dont la direélion eft perpendiculaire à celle de la première, elle va vers l’une &. l’autre cornée , & s’étend jufqu’au centre de chacune,& par-delà. Pour flaire cette dernière fente, & la partie de l’autre qui fe trouve fur le crâne, il a été accordé à la demoifelle prête à naître, de pouvoir gonfler là tête, comme nous avons vu ailleurs que des mouches à deux ailes gonflent la leur dans unefem- blable circonftance : ceLte tête qui, quand elle fera deve¬ nu dure & écailleufe, aura une forme confiante, peut, alors quelle efi encore molle, en prendre luccelfivement de différentes, fe gonfler & fe contracter,comme fi elle étoit membraneulè. A mefure que la fente du fourreau qui eft au-deffus du corcelet s’aggrandit , une plus grande portion de celui-ci devient à découvert & s’élève ; & dès que cette fente eft parvenue jufqu’à l’endroit du crâne où elle doit aller,& que la fente tranfverfale qui s’étend jufqu’aux cornées, a été faite, la tête de la demoifelle trop preffée auparavant, eft plus à l’aife, & en état de fe dégager: elle fe tire un peu arriére, & fort de la dépouille; elle s’élève au-deffus des bords d’une fente affés grande pour lalaiffer paffer.Latête de la mouche eft fi grolfc alors, qu’on a peine à concevoir qu’elle ait pu être contenue quelques inftants auparavant fous le crâne de la dépouille. La partieantérieure delà mou¬ che dans laquelle je comprends fa tête & fon corcelet, eft donc à découvert & en l’air, au-deffus du fourreau, hors duquel ellefe tire déplus en plus; les jambes qui tiennent au corcelet ne tardent pas à commenceràfe montrer, à fortir en partie de leurs étuis, qui font ces jambes que la nymphéa fi bien cramponnées contre quelque corps folide : pour des Insectes. XL Mem. 411 dégager encore davantage celles qui lui font propres, la mouche naiffante renverfe en arriére la partie qui eft hors du fourreau*. Pendant que les jambes fe dégagent, on peut ob- + PI. 59. fig. ferver de chaque côté deux cordons blancs attachés chacun *' par un bout à la partie de la dépouille qui couvrait aupara¬ vant le corcelet : ces quatre cordons font les quatre gros troncs de trachées de la nymphe, dont nous avons eu occa- bonde parler, ils ne doivent pas fervir à la demoifclle, ils Portent de ion intérieur par les quatre iligmates de fon cor¬ celet. A rnefure quelle s’élève davantage fur fa dépouille , la portion de chaque trachée qui paraît hors de fon corps, j r ‘ , fifr au moins avec vraifemblance, que ce font celles qui con- 7- ftituent fon fexe; leur figure fortifie le foupçon. Enfin fi on perfévere à obfcrver des demoifellcs (pi’on avoit vu voler par paires , on parvient à le convaincre que ce que Leeuwenhoek avoit pris pour l’accouplement, n’en efi; que le prélude, 6c que les parties du mâle fituées fi pro¬ che du corcelet, font cependant celles qui doivent s’in¬ troduire dans l’ouverture qui eltau-delfous de l’anus delà fémelle. L’accouplement complet d’une efpece de ces mou¬ ches a été très-bien vû par M. Homberg, qui l’a décrit & en a donné une bonne figure dans les Mémoires de l’A¬ cadémie de 1699, pag. 145. il avoit été vû même long¬ temps auparavant par Swammerdam , comme il paroit par l’édition de fes Œuvres, qui a été procurée au Public depuis peu d’années par les foins de feu l’ilfufire M. Boerhaave. Mais j’ai eu apparemment plus d’occafionsde Ggg üj * PI. 4 - 0 . * PI. 4. t. fig. il. 422 MEMOIRES POUR UHlSTOIRE ie voir & revoir, que n’en ont eu ces célébrés Auteurs ; j’ai pu obferver divers petits manèges qui ie precedent, dont ils ne nous ont pas parlé, parce qu ils ne fe font pas pré- fentés à leurs yeux. Un étang mal foigné qui fe trouve très-près d ' chés moi, à Reaumur , femble être placé pour donner ce fpcCflacie à qui en efl curieux, il a peu déten¬ due , éc efl rempli de rofeaux 6c de glayeuis; mais ce que fa pofition a de plus favorable , c’efl qu’il efl: entouré de coteaux qui en font très-proches : il efl placé comme dans le fond d’un entonnoir ; l’air efl tranquille autour de fes bords, pendant qu’il efl agité plus loin , ce qui invite les demoifelles a fe réunir par paires tout auprès de l’étang même ; elles y font rarement emportées loin par ces coups de vent qui les font perdre de vûë à l’obfervateur, comme il arrive dans des lieux plus découverts. D’aiileurs l’air y efl plus échauffé que par-tout aux environs. C’efl-là que depuis la mi-Septembre jnique par-delà la mi-Oéfobre, 6e dans les beaux jours depuis onze heures du matin jufqu’à quatre éc cinq heures du loir, j’étois fur de trou¬ ver des demoifelles de toutes elpeces , unies enlèmble ou qui cherchoient à s’unir ; fouvent huit à dix couplesfe préfentoient à la fois à mes yeux : je n’étois embarrafle que par le choix de cciui fur qui je devois fixer mes re¬ gards. Je ne parlerai que de deux elpeces de demoilèlles que j’y ai le plus fuivics, dont l’une efl ailes petite & à tête large * , éc dont l’autre * efl de grandeur médiocre,à tête ronde : les façons de procéder des autres elpeces^, quand il s’agit de s’entre-faire l’amour , reviennent aux façons de celles-ci. Il n’en efl pas des demoifelles comme des papillons 6c de beaucoup d’autres infeêles ailés, parmi lefqueis diffé¬ rentes couleurs fervent ordinairement à faire diflinguer les unes des autres des elpeces différentes: parmi les DES I N S E C T E S. XI. Mem. 423 clemoifcllcs les couleurs 11e dénotent le plus louvcnt que des différences de fexe. Les fémelles de la grande efpece, à corps court & applati * , qui l'ont jaunes, ont pourtant * PI- 35. fig. des mâles jaunes ; mais elles en ont auffi d’une belle cou- ** leur ardoifée *. J’ai vû à Paris au deffus de l’eau du badin * Fig. 2. démon orangerie, de ces mâles ardoilés, s’accoupler avec des fémelles jaunes. Des dcmoifelles au-dclfous de la gran¬ deur médiocre, à tête large, qui font li communes dans les prairies„ & qui s’y font remarquer par leur beau bleu *, * Fig. 7. s’accouplent avec des dcmoifelles d’un verdâtre doré , & avec d’autres purement grifâtres : toutes les bleuës que j’ai prifes, étoient des mâles. Ce qui mérite encore plus d’être remarqué, c’eft qu’ils furpalfoient un peu les fe¬ melles en grandeur; car c’efî une exception à une régie que nous avons donnée comme générale pour les infe- clcs, fçavoir, que parmi eux les fémelles font plus grandes que les mâles. D’autres efpecesde demoifelles ont confir¬ mé cette exception ; je n’ai jamais trouvé de mâles fenfi- blement plus petits que leurs femelles, & quelquefois j’en ai trouvé cle lenfiblement plus grands. Dans une des deux efpeccs auxquelles nous allons nous fixer, pour raconter tous les préludes de l’accouplement , & comment il de¬ vient complet, les mâles ont pour le moins une grandeur égale à celle des fémelles : la fuite des procédés des pre¬ miers , apprendra qu’il étoit néceffaire qu’ils furpaffaffent les autres en force. On ne voit pas de même , quoique fans doute il y en ait des raifons, pourquoi les couleurs propres à celles-ci, ne le font pas à ceux-là. Les dcmoifelles de cette efpece * , ont le corps un peu * pi. 40. moins long & plus délié que celui des bleues dont il vient d être parlé ; leur tête a d’un côté à l’autre une fois plus tic diamètre que du devant au derrière. Lorfqu’clles (ont cil repos, elles portent leurs ailes d’une façon qui n cil pas * PL 40. fi 1. 424 MEMOIRES POUR L’HiSTOfRE des plus ordinaires aux mouches de ce genre: clics les tiennent pourtant parallèles , ou à peu près , au plan de pofition ; mais elles ne lont pas perpendiculaires à la lon¬ gueur du corps, elles font avec lui un angle toujours aigu, mais tantôt plus & tantôt moins. La couleur du dclfus du corcelet & du deiïus du corps de la femelle , a beau¬ coup d’éclat, Si cil faite d’un mélange de rouge Si de verd bronzé ; les côtés & le deifous du corcelet font d’un blancheâtre qui tient du gris de perle : le ventre eil un peu plus jaunâtre ; mais ni le gris de perle ni le jaunâtre n’ont aucune teinte de dorure : lès yeux à rézeau font jaunâtres. Les yeux à rézeau de quelques-uns des mâles clés der¬ nières fémelles font d’un verd brun , Si ceux de quelques- autresdu plus beau bleu. Ccsmâlesont auffi furies arêtes du corcelet, des traits d’un très-beau bleu, Si le bout de leur queue eft encore de cette belle couleur : furie reiîcdeleur corps cil étendue une couleur bronzée , qui différé de celle des fémelles , en ce quelle eil plus verdâtre. Dès que la chaleur du jour a commencé àfefairefen- tir, elle animeles mâles que nous venons de décrire. Une femelle qui badine en l’air avec fes ailes, ou qui y va en avant , en a bien - tôt quelqu’un à fa fuite : fi une au¬ tre fémelle fe pofe fur quelque plante, elle n’y reûe pas long-temps feule, quelque mâle 11e tarde pas à venir voler autour Si au-deifus d’elle; car le mâle tend toujours à prendre le deffus de la femelle, foit quelle vole , foit qu’elle foit en repos. Ccd au-deifus de ia tête qu’il en veut d’abord , il cherche à s’en approcher aifés pour être g. à portée de la faifir avec fes jambes * ; dès qu’il la tient, il contourne fon corps en boucle pour en amener le bout fur le col de la fémelle, Sc dans l’inftant il l’y cramponne de façon, qu’il n’eit plus dans le pouvoir de celle-ci defe réparer DES I N S E C T E s. XL Mem. 425 féparcr de lui. Au bout du derrière du mâle font deux grands crochets* dont le bout dtmoufle; il les entrou¬ vre pour faire pafler entr’eux, comme dans une pince, le col de la femelle, Si il les ferme enfuite autant qu’il eft néceflaire pour s’aflurcr d’elle , pour la mettre hors d état de lui échapper. J’ai quelquefois vu des mâles agiles 6 c adroits, faifir le col de la femelle fans avoir commencé par prendre la tête de celle-ci entre leurs jambes. Si cette première jonélion s’efl faite en l’air, le couple ne continue pas long-temps d’y voler ; il fe détermine à venir fe pofer fur quelque branche ou tige de plante : là il fe placé de manière que le mâle * fe trouve toujours plus élevé que la femelle. Soit que l’un & l’autre aiment à pren¬ dre plufieurs petits vols, loit que le premier lieu qu’ils ont choili ne foit pas à leur goût, les deux mouches le quit¬ tent pour l’ordinaire au bout de deux ou trois minutes, fans le féparcr l’une de l’autre; elles vontainfi fucceflive- mentfe pofer fur trois ou quatre plantes peu éloignées, avant que de fe fixer. Quoique le mâle fe foit rendu maître de la femelle qu’il tient accrochée, il n’eft pas en fon pouvoir de confom- mer l’accouplement mous avons dit que celles de fes par¬ ties par lefquelles il doit être fait, font placées en-deffous de l'on ventre , afles près du corcclct * ; il y a loin delà jufqu’au bout du derrière de la femelle: pour que l’accou¬ plement s’accomplifle, il faut donc que celle-ci le veuille, c’eft à elle à achever ce qui refie à faire. Mais il femble établi par une loi de la nature , que les femelles ne fe ren¬ dront aux mâles qu'après leur avoir réfifté : parmi les infeéles, fi on en excepte les reines des abeilles , tou¬ tes paroiflent au moins fe refufer aux premières ca- refles du mâle: la demoifelle aufli femble d abord peu difpofée à répondre aux defirsdu fien ; elle tient fon corps Tome VI. Hhh * PI. 4.0. fi 4 . e. * Fig- 3* 426 MEMOIRES POUR l/HlSTOIRE allongé , & i! faudrait qu elle le contournât beaucoup pour en conduire le bout fur l’endroit où il doit être pôle pour que les oeufs (oient fécondés. L’amour de fa porte¬ ra.' n’eft pas d’abord alfés puirtant fur elle pour la forcer à faire une aétion qui nous doit paroître plus qu’indé¬ cente ; ce n’eft que par des importunités, qu’en laflant pour ainfi dire fa patience, que le mâle parvient à l’y dé¬ terminer, ou ,fi l’on veut, ce n’eft que par des carefles de longue durée , fi de lui tenir le col (erré , eft une façon de la carerter. Il en a peut-être encore une autre; de temps g- en temps il recourbe fon corps en arc* , il éleve la femelle plus haut quelle n’étoit , il rapproche ainfi du bout du derrière de cette dernière, le termequ’il doit aller chercher. Mais enfin la femelle quelquefois après un quart d’heure, quelquefois après un temps plus long , femblc moins éloi¬ gnée de fe prêter à ce que le confiant mâle exige d’elle ; elle celle de tenir fon corps étendu & droit, elle le courbe d’a¬ bord un peu , & enfuitede plus en plus, mais toujours ce¬ pendant fanslefaire parterlous celui du mâle; elle le con¬ tourne quelquefois au point d’en amener le bout auquel elle laide une efpece d’empâtement, jufqu’auprès de fon corcelet * : fon corps forme alors .une efpece de boucle alfés femblabfe à celles de fil de fer qui ont été nommées des portes. Elle femble s’efiayer , dilpofer fon corps à prendre cette courbure qui doit rendre l’union complette entre fon mâle & elle; bien tôt pourtant elle redrelfe fon corps, mais pour n’être pas long-temps fans le plier de nouveau ; fouvent alors le mâle courbe le fien en même temps, comme pour faire de nouvelles & pluspreiTantes invitations dans un moment où il femble quelles doivent être acceptées. Ces préludes durent quelquefois une heure & plus , félon qu’il fait plus ou moins chaud. J’ai obfervé un des Insectes. I/. Mem. 427 couple de demoifelles pendant plus d’une heure & demie qui Te fépara fans que le mâle fût venu à bout de vaincre l’obftination de la fémelle: le foieil étoit aulîi alors prêt à fe coucher. Lorfque j’allois autour de 1 étang chercher de ces mouches, à peine en appercevois-je lur les onze heures quelques paires daccrochées, & à midi j’en voyois en grand nombre , & de parfaitement accouplées. Quand la femelle ne peut plus tenir contre de trop longues carefies, quand elles’clt déterminée à une action pour laquelle elle avoit montré de 1 éloignement pendant un temps affés long, elle contourne fon corps tout autre¬ ment quelle n’avoit fait jufque-ià *; auparavant elle en ’PI. +o.% Jailfoit le bout en-dehors de la boucle*,alors elle lui donne t'/ig - } , unedireétion oppofée; elle le porte enfuite fousle ventre du mâle, qui de fon côté ne manque pas de courber fon corps en arc; mais à peine a-t-elle fait parvenir le bout du fien vers le milieu du ventre de ce dernier, que comme fi elle s’en repentoit, elle le retire en arriére, & reprend fa première attitude telle tarde peu pourtant à courber fon corps de nouveau , à en porter le boutplus loin, mais elle le ramène encore en arriére. Après avoir fait de pareil¬ les façons deux ou trois fois, elle conduit enfin & pofe le bout de fa partie poftérieure * fur l’endroit du ventre du *Fî£. y./>. mâle où font des parties propres à l’y fixer: fi elle ne l’a pas placé exactement fur le lieu où il convient qu’il loit, elle le fait glificr un peu en avant ou en arriére, félon qu’il en efi befoin. La figure compofée des deux demoifelles ainfi réunies, forme une efpece de las en cœur dont la tête du mâle* * nu fait la pointe, 6c dans l’échancrure duquel fe trouve la tête de la fémelle*:les jambes de celle-ci n’ont plus alors * c. d’appui que fur fon propre corps* , elles font crampon- *f. nées fur les anneaux dont elleslont le plus proche ; ou, H h h ij * PI. 40. 3* 428 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE fi ion veut, les corps des deux demoifelles compofent enfemble une courbe fermée qui a un point de rebrouffe- ment ; la femelle en efl une des branches, & l’autre efl faite par le mâle; mais les deux branches ne font pasfemblables: l’une & ut e ne confèrvcnt pas la même courbure pen¬ dant toute la durée de l’opération ; car tantôt il prend en¬ vie au mâle, & tantôt à la femelle, d’approcher ou d’éloi¬ gner quelque portion de fon corps, de la portion du corps de l’autre, qui y répond ; d’ailleurs, quand l’accouplement efl une fois devenu complet, pendant fa durée il ne le fait aucun changement confidérablè dans la pofition des deux infeéles ; ils nelc donnent l’un& l’autre aucun mou¬ vement bien fenfible. Lorfque j’ai oblèrvé de très-près & avec une loupe , un couple bien uni, ce que j’ai fait plufieurs fois , j’ai vû feulement de petits gonflements & de petites contrarions du corps aux environs de l’endroit où la jonélion étoit la plus parfaite. Quoique les deux demoifelles ne femblent demander qu’à refier tranquilles dans le lieu où elles fe font unies , louvent elles font déterminées à en partir par des mouve¬ ments qui les inquiètent; l’Obfèrvateurpeut malgré lui en faire de tels, le vent en occafionne lorfqu’il pouffe bruf- quement fur elles quelque feuille, ou quelque petite bran¬ che ; mais le plus fouvent elles quittent un lieu où elles fe trouvoient bien , pour fe délivrer des importunités d’un mâle qui ayant inutilement cherché fortune , voltige trop obflinément autour du couple content. C’efl fur-tout dans le temps qui précédé l’accouplement réel, lorfque la fe¬ melle a Amplement fon col accroché par le derrière du ■g» mâle* , qu’un autre mâle qui n’a pas fçus’emparer d’une fémelle, vient troubler celui qui en tient une; il ne fe contente pas de voler autour du couple, il tombe quel¬ quefois en volant fur le mâle, du fort duquel il paroît DES I N S E C T E S. XI. Mem. 429 jaloux; celui-ci qui n’eft pas en poflure de fe défendre, 11’a d’autre parti à prendre que celui de fuir; mais il fuit fans abandonner fa femelle. Si le couple 11e part qu’après que l’accouplement eft bien complet * , il ne fe fait pour l’ordinaire aucun changement dansladifpofition des contours du corps de l’une & de celui de l’autre mouche. C’eft au mâle à tranfporter la femelle en l’air , à être charge de toutfon poids: lapofition dans laquelle eh celle-ci, ne lui permet pas d’agiter commodé¬ ment fesaîles; d’ailleurs, les mouvements qu’elle leur don¬ nerait , étant placées comme elles le font, ne confpire- roient pas affésavec les mouvements des ailes du mâle, pour pouffer le couple en avant dans la direéüon où les mouvements des ailes de ce dernier tendent à le conduire. Il convenoit donc qu’un mâle qui cil obligé de voler chargé du poids de fa femelle, fût grand & fort ; il devoit y avoir, par rapporta ces mouches, une exception à la régie qui veut que parmi les infeéles les mâles foient plus petits que les fémelles ; & nous avons vû ci - devant que cette exception a auffi été faite en faveur des mâles des demoifelles. Lorfque le couple part très-peu de temps après que l’accouplement a été rendu parfait, il arrive louvent que la fémelle dégage le bout de fon corps, & qu’elle fe remet en ligne droite ; alors l’un & l’autre volent de con¬ cert, les deux mouches vont fè pofer fur une nouvelle plante, & la fémelle fe rejoint au mâle, fans frire autant de façons quelle en avoit fait d’abord. Quand l’accouplement a duré quelques minutes, les deux demoifelles ne font pas auffiaifées à effrayer quelles letoient auparavant: j’en ai prb alors avec les doigts fans qu’elles fe foient féparées ; Si ayant befoin, foit pour les faire deffincr, foit pour mieux voir la difpofition des parties propres au mâle, & de celles qui le font à la femelle, de lesavoir mortes dans l’attitude de Hhh iij pi. 4.0. fig. MEMOIRES POUR L'HiSTOIRE la jonction, i! m’a fallu avoir la cruauté de les faire périr, en preffint la tête 6c le corcelet tant du mâle que de la fé- melle ; fouvent elles font reliées unies après leur mort. La durée de l’accouplement, comme celle de fcs pré¬ ludes , efl plus ou moins longue félon qu’il fait plus ou moins chaud: dans un beau jour, j’ai pourtant obfervé deux demoifellesqui relièrent parfaitement jointes enfem- ble pendant plus d’une demi-heure, au bout de laquelle elles furent troublées parle mouvement d’une branche que je pouffai inconfidérément pendant que je les exami- nois à la loupe, elles prirent enfemble l’clfor; la fémelle ramena le bout de fon corps en arriére, 6c elle fe re- drclfa; elles fe polerent fur une plante peu éloignée de celle quelles venoient de quitter. 11 fembloitque l’accou¬ plement précédent eût été alfés longpour la fémelle, elle tint pendant cinq à fix minutes contre les invitations du mâle, qui à plufieurs reprifesdifférentes mit fon corps en arc, pendant qu’elle laiffoit obflinément le fien étendu ; enfin pourtant elle fe raccoupla : un nouvel accident les fît repartir, 6c m’empêcha de voir le moment où lafépa- ration fût volontaire de la part du mâle. Je crois que c’efl conflamment en l’air que fe fait la jonélion parfaite du mâle 6c de la fémelle de beaucoup d’efpcces de demoifelles, 6c entr’aimés de celles à tête *PI. 3 j. fig. ronde & à corps long*. Je ne m’arrêterai qu’à rapporter I‘pi. 4-r. fig. ce que j’ai pu obferver d’une efpece dedemoifelle *,.plus grande 6 c fur-tout plus groffe que celle dont il vient d’ê¬ tre tant 6 c peut-être trop parlé, mais qui n’efl pourtant par rapport à celles de fon genre, que de grandeur médio¬ cre: elle porte toûjoursfes ailes perpendiculaires à la di- reétion du corps 6 c parallèles au plan de pofition ; fa tête dl groffe, 6c. de celles qui font le plus arrondies; le corps du mâle efl rouge , 6c d’un rouge qui paroit affés beau, des Insectes. XI. Mem. 431 îorfque la mouche eft en l’air, mais qui paroît médiocre lorfqu’on la tient à la main : outre le rouge , le deffus & les côtes du corcciet, regardés dans des jours convena¬ bles, ont du jaune qui fembleor; il eft dû à des poils affès ferrés les uns auprès des autres , mais qui ne font voir une couleur d’or que lorfqu’ils font mouillés. Les yeux à rézeau qui couvrent le deffus & les côtés de la tête,font agathe ; le ventre eft moins rouge que le deffus du corps, & les jambes font brunes. Si l’on pofe une des ailes fur quelque corps opaque, & fur-tout blanc, on y apperçoit une teinte jaunâtre : en tout temps on y voit une tache longue & jaunâtre, près du bout du côté anté¬ rieur. Si l’on compte du côté du dos les anneaux de fon corps, on s’affûre plus aifément de leur nombre, qu’en les comptant du côté du ventre; on en trouve onze, dont les trois premiers n’ont guéres enfemble que la longueur de l’anneau fuivant; le cinquième & les autres font encore plus grands que le quatrième, mais le dernier eft extrêmement court. Le corps de la fémelle un peu plus long que celui du mâle, mais en revanche un peu moins gros, eft brun, à peine y voit-on une teinte de rougeâtre : fon ventre eft ardoifé ; la différence des couleurs fait qu’on diflingue aifément le mâle de la fémelle dans chaque paire qu’on voit en l’air. Jamais je 11’ai obfervé de mâle de demoifeile de la der¬ nière efpece , qui allât accrocher le col d’une fémelle po- fee fur une plante , quoique j’aie vû cent & cent fois des paires, & en même temps plufieurs paires de ces mouches en l'air. J’v ai vû auffi bien des fois un mâle faifir une fé- meile au- deffus de laquelle il s’étoit élevé, la prendre par le coi. Ces demoifelies fe tiennent beaucoup plus long-temps dans l’air que les dernières dont il a été fait mention , & eiies y volent avec plus de rapidité : j y ai 432 Mémoires pour l’Histoire quelquefois liiivi des yeux la même paire , qui n’en étoit qu’aux préludes, pendant un temps allés long: je lui voyois faire des tours de différents côtés : c’eft toujours le mâle qui dirige le vol, & qui peut-être cherche en lalfant la fe¬ melle, à la rendre plus traitable. De temps en temps le couple defcend avec vîtelfe tout près de la furface de l’eau , il s’en éloigne enfuite perpendiculairement avec la même rapidité ; c’efl un manège qui elt répété à bien des re- prifes; Il femble que le mâle conduife la fémelle auprès de l’eau , pour lui montrer l’élément auquel elle doit confier fes œufs , & pour l’engager à fe prêter plutôt à la jonétion qui doit précéder le temps où elle s’en délivrera. Quel quefoitle motif qui fait ainfi defcendre le couple à diffé¬ rentes reprifes , ce n’eft pas fans rifque qu’il defcend fi bas, des grenouilles font alors à l’affût, en fautant elles s’élèvent au-deffus de la furfacede l’eau , pour attraper les demoi- felles qui volent auprès. Après avoir fuivi pendant quelque temps une paire , dont l’une & l’autre demoifefe avoit le corps bien droit & bien allongé, je voyois enfuite une autre figure à ce même couple ; je diflinguois très-bien le corps de la fémelle re¬ courbé fous celui du mâle, alors l’accouplement étoit parfait, & l’étoit devenu en l’air. Mais dès que la fé¬ melle a pris la pofition où le mâle la fouhaitoit, c’efi à lui à la foûtenir entièrement , elle n’eft plus en état d’agiter lès ailes avec fuccès.auffi le couple ne continue-t-il pas long temps de voler : quand on en a apperçu en l’air un de mouches ainfi unies , on le voit bien-tôt s’approcher de * PI. 4-i.fig. terre, & aller s’appuyer fur quelque plante*. Plufieurs fois je me fuis rendu fur le champ dans l’endroit où je l’avois vû fe pofer, j’ai toujours trouvé les deux mouches difpo- fées à peu-près de la même manière ; le mâle tenoit fes jambes cramponnées ordinairement à une petite tige , ou à une DES I N S E C T E S. XI. Mem. 43 3 à une branche , ée quelquefois à un brin de bois fcc; ion corps * étoit étendu en ligne droite, & dirigé prefque *pi. 4.1.fi g . horifontalement, jufqu’affésprès du bout où il iè courboit 11 • en crochet *, pour paifer fur la tête de la fémelle Si lui tenir * f - le col faifi; celle-ci fe trouvoit au-dcffous du mâle, 6c avoit fon corps contourné en arc autant qu’il étoit nécef- faire pour que fon bout s’appliquât contre le ventre du mâle , tout près du corcelet ; le mâlen’étoit pourtant pas chargé de tout le poids de fa fémelle, les ailes de cette dernière étoient en embas, &s’appuyoient parleur extré¬ mité fur des feuilles de gramen. Les meilleurs obfervateurs ne font pas toujours aiïes en garde contre l’envie de deviner des faits, ni aifés attentifs à faire diftinguer ceux qu’ils ne rapportent qu’après les avoir vus, de ceux qu’ils ont imaginés en grande partie : c’eft ce qui eft arrivé à Swammerdam par rapport à l’accouplement dont il vient d’être queftion ; quoiqu’il ne l’ait obfcrvé qu’en l’air, il en détaille des circonflances qui, fi elles étoient réelles,n’auroient pu être vues que dans le cas où les préludes fe feroient palfés fur terre, & extrêmement près de celui qui les obfervoit. Il fait faire à la fémelle des avances qui ne font nullement dansle goût decesmouches; il nous dit quelle va avecfes jambes au-devant du bout du derrière du mâle, qu’elle le lâilit, & qu’elle le place fur fon col, où elle le retient avec fes deux premières jambes; il a fait repréfenter celles-ci pafféesfur la tête de cette mouche, 6c predant doucement le bout du corps du mâle. Enfin la courbûre qu’il a donnée à la partie antérieure de la femelle, 6e celle qu’il a donnée au corps du mâle dans le delfein qui les repréfente accouplés, ne font pas celles qu’on leur trouvera lorfqu’on les obfervera d’aulfi près qu il m a été permis de le faire, 6c dont on a une image fur laquelle on peut compter, dans lafig. 11 planche41 ; les demoifclles Tome VI. IL 434 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE qui y font repréfentées, font fouvent relié tranquilles pendant plus d’un quart d’heure fous les yeux de la per- fonne qui les deffmoit. Les mâles des demoifeiies de toutes les efpeces ont ail derrière ces crochets que nous avons vû leur être fi néceffai- res ; mais dans les différentes elpeces ces crochets n’ont pas les mêmes proportions avec la grandeur du mâlç ; * pi. 40. ceux des petites demoifeiies * dont nous avons décrit tout le tendre manège, font longs proportionnellement à la *PI. 41. fig. grandeur du corps. Entre ces crochets * fe trouvent en- 3 - c >core deux languettes * comme écailleufes , un peu poin¬ tues , que le mâle appuyé fur le col delà fémelle , & qui aident à le tenir. Les crochets n’ont pas auffi précifément la même figure dans toutes les efpeces de demoifeiies. La fémelle ne garde pas long-temps fes œufs dans fon corps, après qu’ils y ont été fécondés. Vers midi je ren- * Fig. 11./. fermai dans un poudrier une * de celles dont les mâles font rouges, que j’avois prife accouplée; la journée n’étoit pas finie quelle avoit fait fa ponte dans un lieu qu’elle n’eût pas choifi pour la faire, fi elle eût été libre. Tous les œufs y étoient réunis dans une maffe, dans une efpecede grappe ; tous fortent ainfi à la fois du corps de la mouche, & collés les uns contre les autres. J’ai pris des demoifeiies * Fig. 6 . 0. qui avoient cette grappe au derrière *, & en preffant le corps de quelques autres, je l’en ai fait fortir. Le Mé¬ moire fuivant nous fera connoître d’autres mouches qui pondent de même tous leurs œufs à la fois, & réunis en une grappe qu’ils laiffent tomber dans l’eau. J’ai né¬ gligé de compter combien il y avoit d’œufs dans celle de la demoifelle ; ils font blancs & moins oblongs que des œufs ordinaires. L’ouverture par laquelle ils fortent , qui cfi auffi celle dans laquelle s’eft introduite la partie du mâle qui les a fécondés, eft du côté du ventre , affés D E S INSECTES. XI. Mëm. 43 5 proche de i’anus : une plaque écailleufe* la recouvre dans * pf 4 , les temps ordinaires, & peut être foûlevée quand il en cil ll - 1 - °* befoin. Les femelles des petites demoifelles * dont l’accouple- * pi. 40. ment a été décrit au long, 11e pondent pas, comme les autres, tous leurs œufs à la fois, & réunis en une grappe; au moins efl-ce un à un qu’ils font fortis des corps que j’ai prelfés à dclfein de les faire paroître au jour: ils font blancs comme ceux dont il vient d’être fait mention, mais d’une figure un peu différente, ils font pointus par les deux bouts. On trouve au derrière de ces petites demoi- fielles, des parties que les autres n’ont pas, & qui doivent faire foupçonner quelles ne le contentent pas de jetter leurs œufs dans l’eau , quelles les confient à quelque plante aquatique , après lui avoir fait des entailles propres à les recevoir; au moins les parties que je veux faire con- noitre , paroiffent-elles propres à entailler : ce font deux plaques écailieufes * , appliquées l’une contre l’autre , dont * pi. 40. % le bord extérieur eft taillé en feie , & convexe ; le côté 61 Sjt ‘ intérieur de chacune de ces plaques , cfl coupé en ligne droite, & logé dans une efpece de gouttière*. C’crt en * g. preffant le derrière de la mouche, qu’on oblige ces deux lames à fe montrer & à s’écarter l’une de l’autre: quand on augmente la preffion, d’entre les lames précédentes on en fait fortir deux autres auffi longues & plus étroites*, ♦Fig. 7. /. & dont le bord convexe eft dentelé comme celui des pre¬ mières , mais à dentelures plus fines. Ces quatre efpeces de feie ne font pas affûrément des iilflruments inutiles à la demoifeile, quoique les ufages qu’elle en fait ne me foient pas affés connus: leurs dents peuvent fervir à em¬ pêcher de giiffer, & à fixer le bout du derrière de la mouche, dans les temps où elle le tient appliqué contre la tige de quelque plante *. C’efl près de l’origine éès ♦ Fig. 8c\ 9 . I i i ij * PI. 41 7 & S. fi S- 436 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE lames en fcie, que s’introduit dans le corps de la femelle la partie propre au mâle ; les dents de ces lames peuvent faire fur les anneaux contre lefquels elles s’appliquent, des imprefiions qui ne font pas inutiles pendant la durée de l’accouplement : mais, comme je l’ai déjà dit, on doit foupçonner que ces quatre fcies ont été données à la mouche pour faire des entailles dans des branches ou tiges de plantes, & pour la même fin que d’autres mouches armées de fcies en font, pour y loger leurs œufs. C’efi principalement dans une portion du deffous du premier anneau, & dans toute la longueur du défions du fécond *, que font placées les parties du mâle , au moyen defquelles il le joint intimement avec la femelle. *Fig. 8 .a,a. g ou t ( |’une arcarde * fituée allés près de l’origine du premier anneau , commence une coulifie qui régné tout du long du fécond, & le prolonge dans le troifiéme;elle efi afiés large & afies profonde pour contenir beaucoup de pièces. Les plus eflentielles & les plus remarquables fe trou- * t>g- vent dansle fécond anneau*. Celle qui caraélérife vérita¬ blement le mâle, efi de ce nombre, elle faille toujours hors * Pi- 39 - de la coulifie *,& paroît au premier coup d’œil un main- melon d’un brunprefque noir. Au refte cette dernière par¬ tie & quelques autres ne font ni faites ni difpofces préci- fément de ia même manière, dans les demoifclles mâles de différents genres; on trouve même quelques variétés par rapport à leur figure & à leur difpofition , dans les mâles de différentes elpeces. Mais pour donner line idée géné¬ rale de ces partieséc de leur arrangement, nous nousfixc- * P1 - 3 ï• rons à un mâle * d’une afiés grande efpece du fécond genre, ** qui paroît de bonne heure au Printemps. Le petit corps propre au mâle, qui en tout temps fort un peu de la coulifie, demande pour être bien vu, qu’on l’en faffe for- tir davantage en prdfiant l’anneau dans lequel il efi logé; des Insectes. XI. Mem. 437 alors la couliiïe qui s’élargit, & dont le fond s’élève, permet de voir ce petit corps* & un plus gros * auquel il * tient. Pour fe faire à la fois une image de l’un & de Tau- ^ m - tre, on fe repréfentera un vafe en forme de pot qui aurait une anfe qui s’élèverait au-deflus de fes bords, Si dont le bout le plus élevé fe terminerait par un bouchon engagé dans l’ouverture du vafe. Le petit corps * qui faille hors * Fig. 8. m. de la couliiïe dans les temps ordinaires, eft l’anfe,& nous lui en laifferons le nom ; on ne voit alors que fon coude, il faut que lapreffion ait obligé le fond delà codifie à s’élever, pour voir qu’un bout de faille eft logé dans le vafe meme Si fait en bouchon. Cette elpece d’anfe efî probablement deflinée à porter la fécondité dans les œufs de la femelle, danslecorpsdelaquelleelles’introduitaprèss’êtreredreiïce. Avec la pointe d’une épingle il eft toujours aifé de faire fortir fon gros bout * du vafe deftiné à le recevoir, mais » Fig. 9./. auquel il n’eft aucunement adhérent. Ce bout eft charnu Si refendu; quand on le prelfe, on peut remarquer qu’il s’ouvre comme s’il étoit fait de deux petites coquilles. Le vafe n’a que par fa partie antérieure * la forme d’un * Fig. 8*9. vafe, car il fe termine par une elpece de queue * qui de- "• vient de plus en plus déliée, Si qui eft logée dans letroi- fiéme anneau *. Dans le fécond anneau * à chaque côté *Fig. 8 .g h, de l’anfe, eft une efpece de feuille cartilagineufe *, qui par fon bout antérieur peut s’élever au-deftus de la couliiïe. Entre ces deux feuilles eft la baie d’un crochet écailleux* * c. recourbé vers l’anfe. Deux efpeces de feuilles écailleufes* * h beaucoup plus courtes Si plus étroites que les premières font attachées l’une d’un côté & l’autre de l’autre, près de l’origine du fécond anneau. Dans le milieu du premier, font deux autres pièces écailleufes * qui s’écartent l’une * de l’autre en s’élevant, & fe dirigeant vers l’anfe. Enfin près de l’arcade du premier anneau & fur chaque bord de Iii iij 4 -3 3 Mémoires pour l’Histoire * PL41. fig. de la couliffe il y a un crochet * court, peu courbé, & S.tf, a. dont la pointe elt allés fine. Si on excepte l’anfé & levafe, toutes les pièces dont nous venons de parler, parodient * avoir été deftinées à faifir les parties de la femelle qui tou¬ chent celles du mâle pendant l’accouplement. * PI. 3 s. fig. Le mâle des demoifelles de la grande efpece * a I’anfe & | 'p| t le vafe * affés femblables à ceux du mâle d’après lequel îo. 7 11, u. ° nous venons de décrire ces pièces; mais la figure & la dif- pofition des feuilles écailleufes & des crochets, 11e font pas les mêmes. Dans les mâles des demoifelles du premier genre la partie qui les caraélérife, n’efl point faite en anfe, elle cft plus groffe & d’une forme moins fimple. Nous ne nous arrêterons pas à détailler des différences encore plus grandes, qui fe trouvent dans les parties des mâles des de¬ moifelles à tête courte, on en pourra prendre quelqu’idée dans la figure 7 planche 41. nous ferons feulement re¬ marquer que la partie qui, dans la figure 8 de la même *Fig. 7./. planche, a la forme d’une anfe, efl faite en cœur * dans celle-ci. EXPLICATION DES FIGURES DU ONZIEME MEMOIRE. Planche XXXV. Les différentes Figures de cette Planche repréfentent des demoifelles aquatiques des trois genres différents, fous lef- quels nousavons cru pouvoir ranger toutes lesefpeccsde mouches à qui on donne ordinairement ce nom. Les demoifelles des figures 1 & 2 appartiennent au premier genre, celles des figures 3 & 5 au fécond, & celles des figures4, 6,7 & 8 font du troifiéme genre. La Figure première efl celle d’une demoifelle à tête des Insectes. XI. Mem. 43 9 ronde, & à corps applati & fenfiblement ])lus large près de Ton origine qu’à ion extrémité ; il diminue de diamètre en s’approchant de celle-ci : le jaune eft la couleur qui y domine. Cette demoifelle eft une fémelle & vient d’une nymphe à mafque en cafque, planche 36.figures i & 2. La Figure 2 fait voir une demoifelle qui eft le mâle de celle de la figure première , elle eft de couleur ardoifée ; il y a pourtant des mâles de la même efpece jaunes, & des femelles ardoifées. La Figure 3 nous montre une demoifelle d’une des plus grandes elpeces du fécond genre. La Figure 4 repréfente une demoifellcgrife,d’unepetitc efpece du troifiéme genre ; fon port d’aîles fournit un ca¬ ractère propre à faire diftingucr des efpeces de ce genre, de la plupart de celles du même genre. Ses ailes font difpofées en toit fur le corps , qui ici efi vu au travers de deux ailes. La Figure 5 eft celle d’une demoifelle de grandeur au- deftlis de la médiocre, & d’une efpece du fécond genre. La nymphe dont elle fort, eft à mafque plat, & repréfentée planche 3 6. figure 3 & 4. La Figure 6 montre une demoifelle du troifiéme genre, dont le corps eft gris. Elle vient d’une nymphe à corps & à mafque éfilés, dont la figure eft gravée planche 41. fig. 1. La Figure 7 fait voir une demoifelle du troifiéme genre plus grande que celle des figures 6 & 4; elle eft un mâle. Cette demoiielle eft celle dont le corps eft d’un très-beau bleu, & dont les ailes ont de grandes taches d’un noir bleuâtre. La Figure 8 eft encore celle d’une demoifelle du troi¬ fiéme genre. rrs fs| 440 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE Les Figures 9 & 1 o repréfentent en grand deux têtes de demoilélies du troifiéme genre. Dans la figure 9 eft la tête de la figure 6, groffie ; & c’efi celle de la figure 7 qui efi grofiie dans la figure 10 c, le col.jy,7,lesyeuxàrézeau; t, les trois petits yeux difpofés triangulairement. 4 la lèvre antérieure : depuis cette lèvre l, jufqu’à l’origine du col, il y a bien moins de difiance que de la convexité d’un œil à rézeau7, à l’autre œil, ce qui rend ces têtes courtes & larges. Planche XXXVI. Les Figures 1 & 2 font celles d’une nymphe de demoi- felle à mafque en calque, ou d’une nymphe du premier genre , & de laquelle fort une demoifeüe du premier gcn- ç. fig. re* ; elle efi vue par-deflus figure 1 , & par-dcfious figure 2. Elieparoît ici telle quelle eft lorfque fa transformation efi prochaine, ï,i, fes yeux, a, a , fes antennes. f, f figure 1, les quatre fourreaux où font renfermées les quatre ailes de la mouche, q, fa queue ouverte comme elle l’efl lorf- que la nymphe refpire l’eau, m m, figure 2 , le mafque en cafque. Les Figures 3 & 4 repréfentent une même nymphe de demoifelle, qui efi du fécond genre , ou de celles dont le mafque efi plat, & de celles qui donnent des de- moifelles du fécond genre d’une grandeur au-delfus de la médiocre, planche 3 5. figure 5. i, i, fes yeux, a, a, fes an¬ tennes.^ f, figure 3 , les fourreaux des ailes de la demoi¬ felle. q, la queue dont les pointes fc font écartées les unes des autres, comme elles le font lorfque la nymphe refpire l’eau. Dans la figure 4 la queue efi mieux formée, parce que les pointes font appliquées les unes contre les autres: clans cette même figure m marque le mafque. Les Figures 5 & 6 font voir,la première par-defius& l’autre des Insectes. XI. Mem. 441 l’autre par-deffous, une nymphe du troifiéme genre, & de celles qui donnent des demoifelles du troificme genre *. * Dans la figure 5,/', font les yeux, a, a, les antennes./ f, * les fourreaux des ailes, q, la queue qui eft fermée. Dans la figure 6, la queue q eft ouverte, m, eft le mafque. La Figure 7 repréfente la partie antérieure du corcelet d’une nymphe, telle que celle de la figure i, très groffie, 6c cela pour rendre plus fenfibles les deux ftigmatcs/i/i qui s’y trouvent. La Figure 8 6c la figure 9 nous montrent très-en grand la partie poftérieure du corps de la nymphe, figure 3, très-groffie, & vue dansdeux états différents, quoique dans l’un 6c dans l’autre la queue foit ouverte, p, q,p, dans l’une 6c dans l’autre font les trois pointes qui, quand elles font réunies , forment une qucuë q, figure 4. Entre les grandes pointes p, q,p, il y en a de plus courtes qui ne fçauroient paroître ici, à caufe des autres parties qu’on a cherché à mettre en vûë. Celles qu’011 a voulu faire voir, font les pièces c, l, c, qui tiennent de la figure circulaire ; dans la figure 8 elles font dans un même plan, elles fer¬ ment l’ouverture du bout poftérieur , elles 11e laiiïent au moins qu’un petit vuide au milieu. Dans la figure 9 ces trois pièces font relevées, 6c laiffent entr’elles un grand trou qui pénétré dans le corps de la nymphe, 6c qui eft la grande ouverture par laquelle l’eau y entre. Les cinq dernières Figures de cette Planche font prin¬ cipalement deflinées à mettre fous les yeux la ftru&uredes mafques en cafque, qu’elles font voir très-groffis 6c en différents états. La Figure 10 repréfente une tête de demoifelle, vûë par-deflous. i, i. les yeux, ruf mpf ur, le mafque en cafque. Tome VL Ek k 442 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE u r u, la partie que j’ai appellée le front du mafque, & à laquelle ce dernier doit le nom de mafque en calque. p,\c menton, m, la mentonnière ./'f future par laquelle la men¬ tonnière fe trouve jointe au front, u, u, deux pièces dont chacune a été nommée un volet, & qui enfemble com- pofent le front du mafque. En r cft le bout d’une future qui va jufquala mentonnière, & dans laquelle efl i’affem- blage des deux volets u, u. La Figure 11 efl encore celle de la tête vûë par-deffous, mais dans un moment où on a fait violence au mafque , & où il a été éloigné de la bouche qu’il laiffe à découvert. ij i, les yeux, p m f u, le mafque, dont un feu! côté paroît ici, & une portion du dedans, p, le menton, m, la men¬ tonnière. f, future qui joint la mentonnière avec un des volets, u, ce volet, p b, le pied ou fupport du mafque. Au-deffus de b efl la bouche; immédiatement au-deffus de b efl une partie charnue qui peut être prife pour la langue, par-delà laquelle les quatre dents font aifées à diftinguer. La Figure 12 montre un mafque en cafque appliqué contre la tête, mais dont un volet efl ouvert, n, ce volet ouvert & dont ici la face intérieure ou concave efl en vûë. En f, au bout de la future ff, eft le pivot fur lequel il tourne, e, e , épine qui part de l’angle antérieur de cha¬ que volet. Le volet 7}, qui efl ouvert, laiffe voir deux dents, les deux autres font cachées fous le volet u. m, la men¬ tonnière. La Figure 1 3 fait voir le mafque dans un moment où les deux volets 11e font qu’entrouverts. /, i, les yeux, e , e, les épines de l’un & de l’autre volet. L’interva!le qui eft entre les deux volets u, u, laiffe voir les bouts des dents. Les volets u, u, en s’éloignant l’un de l’autre, fe font aufîi des Insectes. XII. Mem. 443 éloignés de la mentonnière m; en ff il relie un vuide entre la mentonnière & les volets. La Figure 14 préfente un mafque détaché de la tête de la nymphe,par fa face antérieure & concave, u, u, les deux volets, r, luturedans laquelle les volets lont joints l’un à l’autre. f, future qui fait l’affembiage des volets avec la mentonnière, m m, la mentonnière, p, le menton, b, partie du pied ou fupport du mafque.4 efpcce de genou charnu. Planche XXXVII. La Figure première eft celle d’un ver de demoifelle, qui ne différé d’une nymphe à mafque plat, qu’en ce qu’on ne lui trouve pas encore les fourreaux des ailes. La partie antérieure de Ion corps a des points bruns joliment diflri- bués fur un fond d’un verd pâle. La Figure 2 fait voir par-deffus, & la figure 3 par- deffous, une nymphe du genre de celles à mafque plat , mais dont le mafque m, figure 3 , efi plus court que ceux des autres elpeces de nymphes du même genre ; quoique fa couleur foit verdâtre comme celle des autres, elle a des taches brunes arrangées avec régularité, qu’on ne trouve pas à la plupart des nymphes. Les Figures 4, 5, 6 & 7 repréfentent la tête de la nymphe des figures 3 & 4, Planche 36, vûë par-deffous ’ &. très-grofîîe ; elles nous apprennent quelle eft la ftruéture des mafques propres aux nymphes du fécond genre. Dans la Figure 4, a, a, les antennes, i, 4 les yeux. I, la lèvre fupérieure. c o m p c, le mafque. p, le menton. irt, la mentonnière, c, c, les deux 'crochets qui font ici à la place des volets, Planche 3 6, figure 10, 12 & 13. Ces crochets c, c, peuvent s’ouvrir & tourner iur le pointe; ^ Kkkij 444 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE chacun d’eux efi. fait*en efpece de bras, comme on le voit dans la figure 8, qui efi celle d’un crochet féparé du refie. Dans la figure 4, les deux crochets fe touchent en 0, par le bout 0 de leur partie c 0. au-dcflus d '0, l’épine e de l’un, fig. 8 , croife l’épine de l’autre. La Figure 5 montre par-deflous, une tête dont le mafque a été coupé & emporté, au moyen de quoi la bouche ell entièrement à découvert, i, ï, les yeux. I, la lèvre, d, d, e, e, les quatre dents, g, bouton charnu que je fuis dilpole à prendre pour la langue. La Figure 6 repréfente une tête dont le mafque a été éloigné & jetté fur le côté; les dents & la langue lé trou¬ vent à découvert, />, le menton, b p, le pied ou fupport du mafque. m, la mentonnière, c, un des deux crochets qui font couchés fur la mentonnière. Dans la Figure 7, le mafque efi plus écarté de la tête que dans la figure 6 : il y efi même renverfé de manière que la lace intérieure efi feule en vue. g, la langue, b p, le pied du mafque. p, le menton, m , la mentonnière, c, un des crochets; la pointe de celui-ci croife en e celle de •l’autre. La Figure 8 efi celle d’un des crochets extrêmement grofii & détaché de la mentonnière, c o, le bras du cro¬ chet, la partie qui efi attachée fur le bout antérieur de la mentonnière, & fur le milieu duquel 0 fe trouve. En c/ efi une articulation au moyen de laquelle la partie ce du crochet peut s’éloigner du bras 0 c . e , pointe du crochet, qui efi écailleufe. La Figure 9 fait voir très en grand une des dents in¬ térieures de la bouche, une de celles marquées d, fi¬ gure 5. DES I N S E C T E S. XI. Mem. 44- La Figure 10 montre une des dents du fécond rang , & marquée e, figure 5 , auffi groffie que l’efi celle delà fi g* précédente. La Figure 1 1 repréfente le corps d’une nymphe telle que celle de la Planche 3 6,figures 3 & 4 , ouvert dans toute fà longueur. De tout ce qui fe trouve dans fon intérieur, on n’a repréfènté que deux des quatre troncs de trachées, avec une partie de leurs ramifications, t, t, ces deux troncs, f, f, /, ôcc. quelques-unes des branches que ces troncs jettent vers les côtés, 6c dont il y en a une au moins qui va fe rendre à chaque ftigmate ; mais c’eft de leur côté intérieur, 6c fur-tout vers r r, que de l’une 6c de l’autre de ces trachées partent des branches fans nombre, 6c que celles d’un tronc s’entrelacent avec celles de l’autre. En /'paroît une partie d’un troifiéme tronc de trachées; celui qui étoit de l’autre côté a été emporté. En/'& fon voit comment les troncs t,t fe terminent en fe ramifiant. q, un bout de la queue. La Figure 1 2 eft en grand celle de la partie poftérieure de la nymphe de la Planche 36, figures 3 6c 4,6c qui y eft marquée q,vi\è dans un moment ou toutcsles pointes qui la terminent, lont écartées les unes des autres, p, p, les deux grandes pointes des côtés, dont chacune eft pliée en gouttière. i,.i, deux pointes plus courtes, p, la cin¬ quième pièce dont le bout eft naturellement coupé comme il eft ici, 6c courbé en gouttière; au moyen de quoi quand les cinq pièces font ajuftées enfemble.éc for¬ ment une queue comme celle marquée q, fig. 4, planche 36 , il refte encore au bout de cette queue une petite ou¬ verture qui peut permettre la circulation à une petite quantité d’eau. LaFigure 1 3 6c la figure ^fontvoir chacune en grand . Kkk il; 446 Mémoires pour l’Histoire une jambe de la nymphe représentée planche 36, figure 1. La jambe delà figure 1 3 ert de la première paire, & celle de la figure 14.de la troifiéme. c, c, les crochets par les¬ quels chaque jambe eft terminée, e, figure 13, elpece cl’épine qui fert auffi à accrocher la nymphe. Planche XXXVIII. Les Figures 1,2 , 3 & 5 repréfentent des nymphes de demoifelles du troifiéme genre, de celles à maique plat & éfilé,& qu’on pourroit à auffi bon titre nommer des nymphes à corps éfilé; ce font celles qui donnent lesde- moilèlles du troifiéme genre ou à tète large & courte,pi. 35 ,fig. 4, 6,7 & 8. pi. qo.fig. i&a.&c. La Figure première efi celle d’une nymphe deffinée , vue à la loupe. La figure 2 efi celle de la même nymphe moins groffie, & cependant plus proche de fa transfor¬ mation. Dans l’une & dans l’autre figure les mêmes lettres défignent les mêmes parties, a, a, les antennes, i, i, les yeux. f, f, les quatre fourreaux des quatre ailes : au travers de ceux de la figure 2 on apperçoit des traits difpofiés avec ordre, comme des barbes de plume, dont on ne diftingue aucun vertige dans la figure première ; ces traits font les plis des ailes, qui ne paroiffent que quand le temps de la mé- tamorphofe efi proche, n q n> trois eljîeces de nageoires, toutes trois pliées en gouttière, qui compofent la queue; la nymphe les réunit quand elle le veut. La Figure 3 fait voir une nymphe de même genre que celle des figures précédentes, mais d’une autre efpcce. On peut juger combien elle paroît ici plus grande que nature, en jettant les yeux fur la fig. première de la pl. 41. quoi¬ qu’elle y foit très-petite, elle n’a plus à croître; en quoi cette nymphe différé principalement de celle de la figure DES I N s E c T e s. XL Alem. 4 47 2, c’eft que fa queue eft faite de trois véritables nageoi¬ res, femblables à de courts avirons. La Figure 4 eft celle dune nageoire»,de la figure 2, qui eft ici repréfentéeencore plus en grand; elle eft une lame cartiiagineufe, dans l’intérieur de laquelle paroît une tige t f; de celle-ci partent des efpeces de fibres difpofées comme les barbes d’une plume, cette tige & ces barbes font peut-être des vaiffeaux. La Figure 5 nous montre par-deflbus, la nymphe qui eft vue en-delfus figure 3. a, a, les antennes. i, i, les yeux. 711, l'on mafque. ;/ q 71 , les nageoires. La Figure 6 repréfente très-en grand le mafque 717, de la figure y. p, le menton, m, la mentonnière, c, ci, c, ci, les crochets placés comme ils ie font quand ils n agiflènt pas. I, la langue qui paroît au milieu d’une ouverture faite en lofange ; au deftus de la langue on voit les bouts des dents. Au lieu de diftinguer les mafques propres à ce genre de nymphes, des mafques plats propres aux nymphes d’un autre genre en ajoutant l’épithete défilés, il eût été mieux peut-être de les appeller des mafques plats percés, & cela à caufe de l’ouverture faite en lofange qu’ont ces derniers mafques & que les autres n’ont pas. La Figure 7 nous met mieux fous les yeux que fa fig. 6, la ftruélure de ce mafque fingulier, parce que les cro¬ chets y font pofés comme ils ie font lorfque la nymphe les fait jouer, & que l’ouverture du mafque 11’y eft pas remplie parla langue & les parties voi fines. Ce mafque a été coupé en p près de la mentonnière, m, la mentonnière, o, l’ou¬ verture en lofange. a, a, les deux pièces dont chacune fournit un appui à un des crochets. cci,c d, les deux cro¬ chets dont chacun a quelque reffemblance à une main 448 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE pliée félon fa longueur, & qui n’auroit que quatre doigts: quatre longues pointes dont chaque crochet eft armé, lui tiennent lieu de doigts. c,c, articulation de l’un &de l’au¬ tre crochet avec la mentonnière: le plus relevé montre fa partie concave , & celui qui l’efl moins, la partie convexe. La Figure 8 repréfente une tête de la nymphe de la figure y, de laquelle le mafque a été éloigné, e, e, f f, les quatre dents, dont il 11’y en a ici que trois à découvert. I, la langue, b p, le fupport du mafque. p, le menton, m, la mentonnière, c d, un des crochets qui efl vû par le côté. La pofition dans laquelle fe trouve ici la partie antérieure du mafque, ne donneroit pas une julîe idée de fa forme, fi on ne l’avoit prife auparavant dans les figures précé¬ dentes. Planche XXXIX. La Figure première repréfente unedemoifelle du fécond genre, qui s’eft déjà tirée en partie du fourreau qui tenoit toutes les parties emmaillotées, fous lequel elle étoit une nymphe, & obligée de vivre dans l’eau, a i l, la partie delademoifelle qui eft déjà fortie du fourreau . & qui s’eft élevée au-deffus. i, les jambes. I, les deux ailes d’un côté. 1 d, la dépouille accrochée contre les feuilles ff La Figure 2 fait voir une demoifeile du premier genre plus fortie de fa dépouille que celle de la figure première 11e l’efl; de la fienne. Elleparoît ici dans cette attitude fin- guliére où elle refte fans fe donner de mouvement pen¬ dant un temps allés long : on 11’imagineroit.pas que pour laiffer mieux affermir lès différentes parties, il convînt qu’elle demeurât pendue la tête en embas. i, i, les jam¬ bes qui font libres, f, une des trachées qui par un bout tient à un des ftigmates du corcelet de la dépouille. Tout ce des Insectes. XL Aient. 449 cc qu’on voit ici de cette trachée, ell forti par un des ffigmates du coreelet de la demoifelle. La Figure 3 nous montre encore une demoifelle du premier genre, & de même efpece que celle de la figure première , à qui il relie peu à faire pour être entièrement hors de fa dépouille : elle vient de faire ccttc efpece de faut qu’on eût jugé un moment auparavant bien au- deffus de l'es forces; c’eft-à-dire, que d’une attitude fem- blable à celle de la demoilèlle de la figure 2 , elle ell par¬ venue à porter fubitement fa tête & Ion corps enhaut, rj jzçr ✓ J S ■ . ^ S 6. JCem, . j* . de ^,. Jn^é^.n^À ' 4 Jf/iaSxTafd sc*Uf? S culÿ? htUiiL-.lt SCtUf « 7,1cm . zz . de l llutcr. de-r . 'J'tur e< tri . Tenz . à C'tetoiZ'f r.ltniK'! s.-tdf Lfe 4 F it,.**) SnJf 456 . Jl£èm . Ji de tkos-cr.def Infecter. Ttmi ■ d. HtlU’f't'ar'tl Sc+d*' des Insectes. XII. Mem. 457 DOUZIEME MEMO IRE. DES MOUCHES APPELLE' ES E P H E M E R E S. D E S Mouches tîe plufieurs efpcces différentes doî- vent mourir, & meurent le jour même où elles font nées, le jour où elles font devenues mouches. On leur a donné le nom d’Ephémcres, qui n’exprime pas encore affés la courte durée qui a été preferite à la vie de quelques-unes; il y en a qui ne doivent pas voir luire le foleil, qui ne naiffent en Eté qu’après qu’il cft couché, & qui périffent avant qu’il le leve. Dans quelques efpeces même, celles qui étant nées après le coucher du foleil, ne meurent que vers fon lever, ont joui d’une vie auffi lon¬ gue par rapport à celle du plus grand nombre de mou¬ ches de leur efpece, que l’a été la vie des premiers hom¬ mes , par rapport à celle des hommes qui font venus depuis le deluge : la plupart des éphémères dont nous parlons, vivent à peine une heure, ou une demi-heure. Ce font de très-jolies mouches*, qui doivent être rangées * Pî ; 4-i-fv parmi celles qu’on nomme papillonnacées; car tous ceux pj. Vf., r-g. qui n’ont point affés examiné les inlcétes pour s’être mis au 8 & 1 3 - fait des caractères propres à leurs différentes ciaffcs, pren¬ nent pour des papillons les éphémères qu’ils voyent pour la première fois. Par la forme, leurs ailes reffemblent plus à celles des papillons qu’à celles des mouches ordinaires, elles font plus courtes & plus larges proportionnellement que les ailes du commun des mouches, ayant une grande baie. Tome VL Mmm 45$ MEMOIRES POUR LHlSTOÎRE le côté extérieur fort long, & le côté intérieur court; mars elles different de celles des papillons, en ce quelles ne font point couvertes de ces pouliiéres qui colorent les autres &. les rendent opaques ; elles l'ont très-tranlparentes, très- minces, &. joliment tiffuës. Les éphémères en ont qua- *R 44. fg. tre * } dont les lu péri eu res * furpaffent confidérablement les deux autres * en grandeur; les inférieures de quel- *11,11. ques-unes des efpeces au-défions de la grandeur médiocre, font fi petites, que lorlqu’on cherche à les voir, on a * Pi.46.fig. peine à y parvenir: il y a même des elpeces * qui m’ont iaiffé incertain fr elles en avoient réellement quatre, n’ayant pu leur trouver les deux inférieures. Quand l’in- feéte e(t en repos, il les porte fouvent toutes quatre fur * F: s* * 4 - fort dos* appliquées les unes contre les autres,& perpen¬ diculaires au plan depofition, comme la plupart des pa¬ pillons diurnes portent les leurs. Le corps de i’éphémere eft long, formé de dix anneaux, plus gros à fan origine qu’au près de l'on extrémité: de * PI- 44 “ fig- celle-ci part une queue * beaucoup plus longue que tout l’animal, compolée tantôt de trois filets d’une égale lon¬ gueur, & tantôt feulement de deux longs filets, & d’un court qui eft celui du milieu: tes longs font extrêmement fragiles , aulli efl-il fort ordinaire de trouver de ces mou¬ ches à qui il en manque quelt m, ou qui n’ont pas tous les leurs bien entiers. Quelqiu.ois même on n’en, croit que deux à celle qui en a réellement trois, parce qu’un peu d’eau fuffit pour en tenir deux colléscnlcmble. Ce que nous avons dit de la forme & du port des ailes des éphémères, fuffit pour faire diltinguer celles-ci des * Tan. ni. mouches papiiiannacées dont nous avons parlé ailleurs*, qui viennent de teignes aquatiques, qui le font des four¬ reaux fort linguliers. ValHfneri qui a publié avant nous une agréable hilloire de ces. dernières mouobes, a foupçoniié des Insectes. XI 1 . Mem. 459 quelles éioient les éphémères des Anciens: il faut que les véritables éphémères fi commîmes en France & en tant d'autres pays, loient au moins rares en Italie, puif- qu un obfervatcur li attentif n’eft pas parvenu à les y voir. Toutes les éphémères ont été d’abord des vers & en- fuite des nymphes: c’cft fous ces deux formes quelles ont pris leur accroilfcmcnt au milieu de l’eau,& cclafi lente¬ ment, quelles ont été au moins aufli bien traitées qu’aucun autre inlèéte, par rapport à la durée de cette première vie, de celle pendant laquelle elles font des efpeccs depoiffons. Swammerdam qui a donné une curicuiè hiftoirc de ces mouches , dont l’abbrégé a paru en François en 1681, & qui le trouve en entier dans I édition de fes œuvres impri¬ mées en Fiollandois & en Latin; Swammerdam, dis-jc, prétend qu’il y en a des efpeces qui relient trois ans fous l’eau. D’autres efpcces qui me font connues, y demeurent deux ans, & beaucoup d’autres une année ou environ. Mais quand les infecles de piufieurs de ces elpeces'font parvenus à être habitants de l’air, ils périflent prelqire fur le champ : ils ne le font nourris & n’ont crû dans l’eau que pour arriver à l’état île mouches; ils n’ont pu être con¬ duits à cette métamorpholc, qu’au moyen d’un prodi¬ gieux nombre de parties admirables par elles mêmes , & plus admirables encore parleur arrangement: combien i’infeéle aquatique a-t-il à perdre de ces parties pour parve¬ nir à être ailé, & combien en a-t-il qui lui étoient d’a¬ bord inutiles fous l’eau, qui fe développent & lui font elfentielles quand il devient en état de parcourir les airs ! Alors il paroit à nos yeux fous une forme très-différente des premières, beaucoup plus agréable, & fous laquelle il a réellement acquis fon dernier degré de perfection : ce dernier état eft cependant pour lui le terme fatal ; malgré le grand appareil qui a été employé pour l’y amener, il Mmm ij 46o MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE doit périr prefque dans l’in fiant où il y arrive. Si l’hifloîre des éphémères eût été mieux connue de ceux à qui nous devons des leçons de morale, ils nenflent pas manqué de propofer la vie de ces inlééies comme une image de celle des hommes, dont les plus heureux après avoir étc tourmentes pendant une fuite d’années par des projets inf- piréspar l’amour de la gloire, ou par celui des richeflcs „ ne les voyent pas plutôt remplis,qu’ils fe trouvent arrivés à un terme où tout leur devient inutile, où tout ce qui les environne, efl pour eux un pur néant. Il y a pourtant des mouches qui vivent pendant quel¬ ques jours, auxquelles nous donnerons le nom dephéme- rcs, comme à celles qui le portent à plus jufte titre : c’cfl ainfl que le nom de erifâlide a été étendu à tous les in- feefes qui font dans un état moyen entre celui de chenille & de papillon, quoique le nombre de ceux qui ont alors des enveloppes dorées, foit très-petit en comparaifon du nombre de ceux qui en ont de moins riches. Tant que l’infeélc qui doit devenir mouche éphémère, vit dans l’eau, il y paroit fous une même forme à qui ne * P! - 4 =• %• le confidere pas avec attention *; lorlqu’il a pafle à l’état 3 c s ‘ de nymphe*, on lui trouve feulement fur ie corcelet des fourreaux d’ailes* i deux autres*. La tête eft triangulaire, un peuapplatie de * Pi. deftiis en-defifous : les deux yeux qui font en-devant, fe rn " u font diftinguer du refte par leur grofTcur & leur couleur, ifs font bruns dans la plupart des elpeces. Aflesprès de la bafe de chaque œil, & du côté intérieur, part une an¬ tenne à filet graine *. La bouche eft munie de dents que * a , - nous ferons mieux connoître dans la fuite. Le corps eft compofé de dix anneaux,dont le premier, celui qui tient au corcelet, a plus de diamètre que les luivants, qui en ont de moins en moins : ainfi le dernier eft te plus menu, & en même temps le plus court ; c’eft cependant de ce¬ lui-ci que partent trois filets * prefqu’auffi longs dans plu- *fi fieurs cfpeccs de ces infeéles, que le corps même: ils for¬ ment au petit animal qui les tient écartés les uns des au¬ tres, une queue remarquable. Ceux* de quelques-uns font depuis leur origine jufqua leur extrémité, bordés de deux côtés d’une frange de poils dilpofés comme les bar¬ bes d’une plume, & au fi! proches les uns des autres que le font ces barbes. D’autres * n’ont de ces poils que dans + pj. environ les deux tiers de leur longueur. D’autres * qui ont ‘ le filet du milieu barbu dans toute fa longueur, & des deux côtés, n’ont de barbe à chacun des autres filets, que du côté intérieur. Ces petites variétés à peine dignes d’être remarquées, nous paroîtroient peut-être impor¬ tantes fi nous en fçavions les caufes; mais toujours nous peuvent-elles aider à faire diftinguer les unes des autres des efpeces de ces infeéles. Toutes celles que je connois, n’ont rien à offrir de frap¬ pant en couleur: les unes font plus ou moins brunes, plus ou moins jaunâtres, plus ou moins blancheâtres que les autres. C’en fera a (fis de parler de ces particularités peu intérefîantes, à l’occafion de chacune tics elpeces auxquel¬ les nous nous arrêterons par choix : nous dirons encore Mmm iij 462 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE alors en quoi certaines parties des unes different des par¬ ties analogues des autres ; mais nous devons apprendre à préfent qu’entre ces infeétes il y en a qui different par les inclinations que la nature leur a données, & qu’il leur cffc * PI. 42. fig. e(Tentiel deluivre. Les uns* paffent leur vie dans des ha- 3 ' bitations fixes: chacun a la fienne qui 11’eft qu’un trou qu’il * Fig. i . s’efl creufé au-dçffous de la furface de l’eau , dans la terre * qui forme lebaffin d’une riviere ou d’une autre eau moins courante : rarement quittent-ils ce trou pour nager; ce n’eff guércs que dans les circonffanccs qui demandent qu’ils fie creufent un nouveau logement. Les autres font, pour ainfi dire, errants; tantôt il leur plaît de nager, & tantôt de marcher fur les corps qui fc trouvent fous l’eau ; tantôt ils fe cachent fous des pierres ou fous des morceaux de bois , tantôt ils fe tiennent tranquilles fur ces mêmes corps. Ceux qui 11e changent point de place, & qui font à por¬ tée d’être vus,donnent à l’obfervateur un petit fpeéiaclequi 11e fçauroit manquer de fixer fes regards; il voit avec plaifir de chaque côté, & dans la plus longue partie du corps, * PL 46. fi- l’agitation vive dans laquelle font des efpeces de houppes * gtires 1 & 2. j’ line grandeur fort fenfibie, dont nous 11’avons encore & fig! iV& rien dit : chacune paroît au premier coup d’œil, faite de 1 '• filets déliés,& il y en a qui en font réellement compolccs. On ne fçauroit exprimer la vîteffe avec laquelle chacune décrit en même temps un arc d’une petite étendue dans un fens, Sc enfuite dans un fens contraire; on eff tenté de la comparer à celle d’un éclair. Onferoit affésdifpofé à prendre ces touffes pour les nageoires ou pinnesdu pe¬ tit poiffon; & quelques Auteurs, comme Clutius, les ont prifes pour telles, parce qu’ils 11’ont pas fiait affés d’atten¬ tion à leur flruélurc. Pour rejetter cette idée, il leur de- voit cependant fuffire d’avoir remarqué que le temps où des Insectes. XII. Man. finfeéle refie fixe dans le même lieu , efl celui où il les tient le plus en mouvement. Quand pour mieux connoîtreces houppes, on a recours à des loupes fortes, ou à des microfcopes,on les admire encore pins qu’on n’avoit fait,& on croit connoître l’u- fage auquel elles font deflinées; on juge quelles font les ouïes de cet infe&e, qu’il efl un vrai poiffon, fur-tout lorfqu’on fçait que divers autres poiflons, de ceux qui pa- roifTent appartenir au genrè des infectes, ont les ouïes pla¬ cées en-dehors du corps. Enlin, fi on étudie la conforma¬ tion quelles ont dans différentes efpeces de ces infecles qui donnent des éphémères, on leur en trouvera de diffé¬ rentes, & dignes d’être connues. Mais ce qui peut être re¬ marqué fans le lêcours des verres qui groffiffent, & qui doit fervir à divifer ces infeéles en trois genres, c’efl que tous ne portent pas leurs ouïes de la même manière. Les uns tiennent les leurs parallèles au plan fur lequel ils font pofés * : elles font difpofées par rapport au corps du petit * Pî. 46. fi- animal, comme les rames le font par rapport à celui d’une galere;aufîï un de nos Académiciens qui, quoique grand Alîronome, aimoità étudier les plus petits corps animés, feu M. Maraldi ayant vu ces infecles aquatiques, & vou¬ lant fçavoir s’ils m’étoient connus, me les défignoit par le nom de petites galeiæs, qu’il leur avoit impofé. D’autres de ces infectes tiennent leurs ouïes perpendi¬ culaires ou prefque perpendiculaires au plan de pofition *, * PI- 45- fi g- ou ils les tiennent droites & élevées au deffus de leur dos : J ’ entre celles d’un côté & celles de l’autre, il refie comme une efpece d’allée formée par deux rangées de très-petits arbres. Les ouïes de quelques autres fuivent la courbure du corps *,au-deffus duquel les bouts de celles d’un côté vieil- * PP % lient rencontrer les bouts de celles de l’autre côte: elles 5 font couchées & dirigées vers la queue. gu res 1 ôi 2. 0, 0, 0, 0, 0, o . * F!. 46. fig. I & 2. * Fig. 2. Of 0) Oj Of (sj Of * Fig. 6. t. * b. *ffS • * n O* 464 M EM OIR E S PO U R L H I ST O i R E Le nombre de ces ouïes 11’eft pas le même dans les h L'êtes de différentes efpeces: Swammerdam n’en donne que douze ou fix de chaque côté, à ceux de l’efpece fur laquelle il a fait fes obfèrvations, & je n’en ai pas trouvé davantage à ceux de quelques autres ; mais j’en ai compté fept de chaque côté à pluheurs de ceux de cliver fes au¬ tres efpeces. La première paire d’ouïes part du premier ou du fécond anneau , & chacune des autres paires, d’un des anneaux fuivants; les trois derniers en font feuls dé- pourvûs. Lorfqu’on vient à examiner la lîruéîure des ouïes qui ap¬ partiennent aux vers ou aux nymphes de différentes efpeces, on y trouve des variétés plus confidérables qu’on ne fc feroit attendu d’en voir dans des parties deftinées aux mê¬ mes fondions, & dans des parties d’animaux d’ailleurs allés femblables. Dès que le port des ouïes n’elt pas le même, il eft pourtant naturel de juger quelles ne doivent pas être toutes faites lur un même modèle. C’eft principa¬ lement fur les nymphes * d’une eljiece commune dans la riviere des Gobc!ins,& dans beaucoup d’autres eaux, que j’ai obfervé comment font faites les ouïesdifpofées comme les rames d’une galere *. Il ne faut que le fecours d’une forte loupe pour rcconnoitre cpie chacune de celles-ci eft compofée de deux tiges à peu-près également longues Sc grolîes, qui partent d’un même tronc * fort court, & qui depuis leur origine jufqu a leur extrémité *,diminuent de grolîèur, en un mot qui font à peu-près coniques : de deux côtés* de chacune diamétralement oppofés,partent des blets eux-mêmes coniques, difpofcs comme les barbes d’une plume, mais moins prelfés les uns contre les au¬ tres : comme ces efpeces de barbes font très-longues, celles qui partent du côté d’une tige qu’on peut appeller l’inté¬ rieur*, vont croifer celles qui partent du côté intérieur de i'autre des Insectes. XII. Menu 465 l’autre tige *. Si on 11e fe contente pas de ce qu’une loupe * P'. 46.;fg. ordinaire fait voir, fi on met dans un microfcopeà liqueur 6 • h • une portion d’une des tiges dont nous venons de parler, avec quelques-unes de fes barbes coupées a fies près de l’en¬ droit d’où elles partent, on voit que l’intérieur de la tige * 4 Fig- 7• te.- eft occupé par deux vaifleaux * dont la figure n’a nulle- *«/, ». ment été dérangée par les ferions. On découvre deux vaifleaux femhlables *, mais plus petitsdans la proportion *e,e. que le demande le lieu où ils font logés, on découvre , dis-je, deux vailfeaux femblables dans chacun des filets ou barbes *. Ces vaifleaux qui confervent fi bien leur figure, *f,f. Si qui par confequent ne peuvent être membraneux, font en cela tels que ceux qui dans les infectes font deflinés à ne contenir que de l’air. On croit juger afles fûrement qu’ils font faits pour le recevoir, lorfqu’après avoir cefle tic les confulérer, on a examiné l’intérieur de l’infeifle: à l’origine de chaque ouïe on trouve deux trachées qui abou¬ ti fient au tronc d’où partent les deux tiges qui font les principales parties des ouïes. Pourquoi ces deux trachées iroient-clles le rendre là, fi ce n’eft pour porter de l’air aux ouïes, ou pour recevoir celui que les ouïes leur ren- voyent, ou plutôt pour faire l’un & l’autre ! L’agitation vive & continuelle dans laquelle l’inlééte tient chacune de fes ouïes, ne femble tendre qu’à y faire circuler l’air plus promptement : peut-être que lorlqu’eilefe porteavec vîtefle vers un côté, elle facilite l’entrée à celui qui doit s’y intro¬ duire, & que quand elle retourne d’où elle étoit partie, elle facilite la lortie à celui qui doit rentrer dans le corps de i animal. Il y a probablement ici uncmechanique lupérieure à celle qui fait jouer nos pompes, mais que nous ne hom¬ mes pas en état de découvrir. Au refte il eft aifé de s’aflùrer que ces vaifleaux de 1 in¬ térieur qui (e rendent aux ouïes, (ont des trachées ; cai fi Tome VL N™ * PI. 46. fig. 1 &L2. * Fig. 3 , 4. & j.djd. * Fig. 4. & j. r, r. * rn. * PI. 4.5. fi gure 1. 0,0, V 466 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE on les examine avec quelque foin, & fur tout les troncs dont ils partent, on reconnoît qu’ils ont la ftruéture fin- guliére qui eft propre à ce genre de vailfeaux des infecfles; que chaque vaiiïeau efifait d’une infinité de tours d’un fil prodigieufement fin & cartilagineux, roulé en ipiraleau¬ tour d’un cylindre ou d’un cône, & appliqués les uns con¬ tre les autres : on peut prendre au bout d’un vaifieau coupé, le bout de ce fil, & le dévider comme le fil d’un peloton. L’infeîfte aquatique*à qui les ouïes que nous venons de décrire, ont été données, a le corcelet & la tête d’un brun verdâtre: le corps eft d’une couleur lin peu plus claire , & a en-deflus trois rangs de taches, dirigés félon fa longueur : ces taches tirent fur le jaunâtre, & font ob- Jongues. Ses dents, comme celles des chenilles, font en- dehors de la bouche, il en a deux paires : celles de la paire antérieure * refiembient allés à une main ouverte; cha¬ cune a cinq dentelures dilpolees comme les cinq doigts ; une des dents de la fécondé paire * eft placée au défions d’une de celles de la première : ces dents poftérieures font plus petites que les deux premières, & 11’ont que trois dentelures dont l’extérieure eft aufiî courte par rap¬ port aux autres, que le pouce l’efi dans une main hu¬ maine par rapport au doigt qui le fuit. C’eft entre ces dents que fe trouve la bouche, de laquelle, lorlqu’on prefie la tête ou lès environs , on fait fortir un corps charnu * prefqu’hémifphérique , qui doit faire l’office de langue : une petite rainure y efi creufée vers le milieu de la bouche. Avec quclqu’attention qu’on oblerve à la loupe les ouïes * qui s’élèvent en ligne droite au deftus du corps de piufieurs efpecesde nymphes éphémères, on ne fçauroit prendre une idée exaétc de leur compofition: iorfqu’on des voit le mieux, pendant qu’elles font en place, elles des Insectes. XII . Mem . 4.67 paroi fient faites de deuxefpeces de lames, ou de deux feuil¬ les appliquées lune contre l’autre, & outre cela de plufieurs filets d’une groffeur fenfibie; mais quand on a détaché une ouïe du corps, en la coupant avec des cifeaux prés de fon origine, & qu on l’examine avec la même loupe ou avec une plus forte, on reconnoît aifément que ce qu’on prenoit pour deux lames, en efl une feule * pliée en deux*, * R fig¬ ée que les filets qu’on croyoit détachés, parce qu’ils font * Fig. un peu plus bruns que le refie , font des vaiffeaux logés rt> t ^ cc - , dans l’intérieur de la lame. Tous ces vaifïcaux tirent leur origine d’une tige * creufe & cartilagineufc. La lame efl elle-* Fig. i. t. mêmecartilagineufc ; Ion contour approche de celui d’un demi-cercle, mais qui a une échancrure * : c’eft dans la partie * ?. échancrée, que la lame efl pliée en deux parties inégales*. * Fig. 3. Lorfqu’elle efl dans fa place & dans fa pofition naturelles, le plan de la feuille ne préfente prefque que fa tranche à celui qui regarde l’infeéle par le côté : le pli efl vers le dos ; la plus large partie de la lame efl la plus proche de la queue, & la plus petite efl la plus piDchede la tête. Le mouvement que l’infeéte fait faire à chaque ouïe ou lame, efl de devant en ar¬ riére,& de derrière en devant; il agite fouvent toutes fes ouïes à la fois; mais toujours agite-t-il à la fois les douze premiè¬ res; car en certains temps il laiffe les deux dernières tran¬ quilles , pendant qu’il tient toutes les autres en mouvement. Dans prelque toutes les eaux, foit tranquilles, foit courantes, on trouve des vers & des nymphes dont les ouïes 11e font faites que d’une feule lame : le deflus de leur corps efl d’un brun verdâtre, leur ventre efl blancheâtrc , mais leurs ouïes font plus blanches. Les trois filets * qui * Fig- leur forment une queue, n’ont des barbes que fur les deux^ tiers de leur longueur, ou environ; leur bout n’en a point *; *f t i> e 'bfi le filet du milieu en a fur fes deux côtés;mais les deux au¬ tres n’en ont chacun que fur le côté qui efl intérieur par N n n ij 468 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE rapport à l’angle que forment l’un & l’autre de ces filets avec celui du milieu. Quand j’ai examiné la ftruélure des ouïes d’une efpece * PL42.fi». de vers ou de nymphes d’éphémeres * qui tient les fien- Pi’4' CS fo’f’ nes collc ^^ es h- 11 ' le deffus de fon corps, je l’ai encore trouvé différente de l’une & de l’autre de celles qui ont été décrites ci-devant: fes ouïes font réellement compo- * % fées de deux feuilles * pofées parallèlement l’une à l’autre, IO . rcoj ! Il „ 1 . , i/ ; ntekfn. «louvent appliquées 1 une contre I autre, mais de grandeur inégale: la plus petite a en tout fens environ un quart de d/menfion de moins que la plus grande. L’une &. l’autre font bien plus longues que larges, &c’eft affésprèsde leur origine qu’elles ont le plus de largeur: un de leurs côtés eft concave, c’efl celui qui s’applique fur le corps oblique¬ ment en fe dirigeant vers la queue ; l’autre, le fupérieur, * s > s - eft convexe , ce dernier eft bordé par une frange * de pe¬ tits corps oblongs, & d’un diamètre à peu-près égal dans * >■ toute leur longueur. Des corps plus gros & plus pointus * partent de diftance en diftance de la fur fa ce concave; mais ils ne font pas affés proches les uns des autres pour for¬ mer une frange. Enfin chaque feuille des ouïes, comme celles des plantes, eft partagée en deux parties à peu-près * tl,nh. égales, par une efpece de groffe nervure * qui va de fon origine à fon extrémité. Cette nervure eft creufedc eft pro¬ bablement le vaiffeau deftiné à recevoir l’air & à le diftri- buer jufqu aux franges , jufqu’aux bords du côté convexe & du côté concave: de ce principal vaiffeau partent des vaiffeaux plus petits qui prennent leur route vers le bord, & qui en s’en approchant, fe ramifient. De tous les infeéles qui doivent fe transformer en éphémères, ceux qui portent ces dernières ouïes, font les plus communs aux environs de Paris, & ceux qui y méri¬ tent le plus d’être obfervcs : iis font voir la plupart des des Insectes, A 7 /. Ahm. 469 années, pendant trois ou quatre jours,une forte de Phé¬ nomène aux habitants des bords de la Seine, dont font frappés fur-tout ceux qui logent nouvellement dans des maifons fituées fur les quais de Paris: un fpedacle bien nouveau, & bien peu attendu s’offre à leurs yeux, lorfqu’cn Portant de leur mailon le matin , ils voyent le pavé tout jonché d’une efpece de jolies mouches qui rcffcmblent à des papillons, bien plus jonché de ces mouches qu’il ne l’efl de fleurs dans les jours des procédions folemnelles. La couche des mouches efl quelquefois affés épaiffepour couvrir parfaitement le pavé : la terre n’cft pas mieux ca¬ chée en Iiyver par la neige, qu’il J’efl alors par des mou¬ ches. Ce fpedacle qui ne fçauroit manquer de paroître étonnant, lorfqu’on le voit pour la première fois, furprend de plus en plus quelqu’un qui raifonne, quand il le retrouve pendant trois ou quatre jours de fuite. On peut même être inftruit de l’origine de ces mouches, fçavoir qu elles vien¬ nent d’infedes qui après avoir pris leur aiçcroiffement dans l’eau , fe font métamorphofés pendant les nuits précé¬ dentes, & avoir cependant beaucoup de peine à concevoir que tant d’infedes ayent pu fortir à la fois de la riviere, & comme de concert. La difficulté qu’on fe feroit Lite, eût pu encore être augmentée, fi l’on eût cherché de ces infedes dans la riviere même, fans fçavoir affés où on les doit trouver ; il eût pu fe faire que l’on n en eût pas découvert un feul, où on les auroit cru entaffés à mil¬ liers. Ils ne nagent dans l’eau que très-rarement, & ce n’efl pas dans l’eau même qu’il faut les chercher; ils ont des ha¬ bitations dans lefquelles elle entre , & où ils font très-bien cachés; ils font de ceux qui fe tiennent dans des tious percés dans les bancs d’une terre compade *, qui fer- * pi. 42.6g, .vent à contenir la riviere. Pour examiner la forme &la Nnn iij 47 ° MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE difpofition de leurs logements, pour avoir les infecftes eux- mêmes, je me fuis fait conduire plufieurs fois dans un petit bateau fur lariviere de Marne, le long de fes berges, depuis le pont de Charenton, jufqu’au confluent de cette riviere 6c delà Seine ; j’ai enfuite remonté la Seine en bateau , 6c j’ai fuivi fon bord le plus élevé par-delà le Port-à-l’Anglois. Lorsque ces rivières n’étoient pas hautes, depuis le niveau de leurs eaux jufqu’à deux ou trois pieds au-deiïiis, j’ai tou¬ jours vû, 6c on verra toûjours dans de femblables temps, la terre toute criblée de trous, dont les ouvertures avoient en¬ viron deux ou trois lignes de diamètre. Si on détache des mottes de terre dans lelqucllesily en a de percés en très- grand nombre, on les trouvera tous vuides: on nelaiflera pas d’en conclurre que ces trous ont été faits 6c habités par des infecftes, mais qui les ont abandonnés dès qu’ils n’ont plus été baignés par l’eau : on en conclura encore que ces infecftes font defccndus plus bas, 6c qu’ils ont creufé d’autres trous dans la terre qui efl actuellement fous l’eau ; 6c on ne manquera pas de faire détacher de cette terre, fi on s’eft muni de bêches 6c de pioches propres à l’enlever, comme je n’avois pas oublié de le faire. Les mottes de terre que j’ai fait ainfi détacher des bords de l’une ou de l’autre rivière, au -deiïous du niveau de l’eau , étoient, comme je l’avois attendu, percées de trous habités : chaque trou avoit un ver ou une nymphe qui devoit parla fuite devenir une éphémère. Les mottes que je faifois enlever à plufieurs pieds de profondeur, n’étoient pas moins criblées , 6c par conléquent pas moins peuplées que celles qui avoient été détachées a fies près de la furface de l’eau. Après s’être convaincu du nombre prodigieux de trous, ou, ce qui efl la même chofe, du nombre prodigieux d’infectes qui le trouve dans chaque portion du baflin d’une riviere, fl on fait un calcul grolfler de l’étendue des des Insectes. XII, Mem . 47 i efpaces cribles, on n’eft plus furpris que ces efpaces puif- fent fournir, comme ils le font en certaines années, afies de mouches pour joncher les bords de la riviere pendant piufieurs jours de fuite, fur une largeur de piufieurs pieds, lur-tout lorfqu on fait réflexion qu’au moyen de fés ailes qui ont de l’ampleur, chaque mouche peut couvrir une furface piufieurs fois plus grande que celle quelle cou¬ vrait étant ver. Enfin on n’efl pas furpris de trouver dans certains endroits des bords d’une riviere une quantité d’éphémeres amoncelées, qui furpaffe la quantité de vers &. de nymphes, par qui la même portion de la riviere a pu être habitée, fi l’on fait attention que les mouches ne font pas difiribuées également le long des bords, qu’il y a des endroits où on en trouve moins qu’on ne croi¬ rait y en devoir trouver. Toutes ne périfient pas, comme nous le dirons dans la fuite, vis-à-vis l’endroit où elles font nées; piufieurs circonfiances les déterminent ou les for¬ cent à aller finir leur vie plus ou moins loin , tantôt d’un côté & tantôt d’un autre: elles font fouvent contraintes d’obéir au vent. Pour l’ordinaire les trous font dirigés horifontalement: la plupart de leurs ouvertures font un peu ovales * : on * PI. 42. % en peut néantmoins obferver d’autres plus oblongues *, 1 ’°’ °' qui ont leur diamètre horifontal plus que double du dia¬ mètre horifontal des autres, fans avoir un plus grand dia¬ mètre vertical. Quoique la difiribution des unes Si des au¬ tres n’offre d’abord rien de fort régulier, quoiqu’on ne voye d’abord qu’un morceau de terre compacte prefqu’au- tant criblé qu’il a pu l’être, on remarque pourtant en fuite que les ouvertures peu ovales font placées deux à deux * *oce>,ecp. fur une même ligne horifontale, qu’il y en a toujours deux très-proches l’une de l’autre. Après un léger examen on reconnoît auffi que ce n’efl pas fans raifon que deux 472 MEMOIRES POUR L’HfSTOIRE ouvertures prefque circulaires font fi proches l’une de l’au¬ tre, on reconnoît qu’elles appartiennent à un feul & même %• logement, & qu’une ouverture très-oblongue * tient lieu à tel autre des deux circulaires, & qu’elle eh faite de deux des autres qui ont été réunies, parce que la cloifon * qui les fé- paroit, a été emportée : on eh, en un mot, bien - tôt en état d’apprendre que le logement de chacun de nos vers d’éphé- meres n’en efî pas un auffi (impie que le trou cylindrique dans lequel fe tient un ver de terre, & que celui qu’habite le ver d’éphémere dontSwammerdam adonné unehihoirc détaillée; le nôtre loge dans une cavité qui a deux bran- ol, ches*, dans une cavité femblable à celle qui fe trouveroit dans un tube de verre qu’on aurait plié en deux égale¬ ment , en ramenant par le fccours de la lampe, une de Tes moitiés s’appliquer fur l’autre: chaque trou eh un tuyau double, ou, plus exactement, un tuyau coudé. Pour s’af- fûrer que leurhructureeh telle, on n’a qu’à couper la motte de terre de manière que la fcélion pafiê par l’ouverture de deux trous très-proches l’un de l’autre, on met ainfi à dé- c i. couvert une languette de terre * qui f'épare dans la plus grande partie de leur étendue, les deux branches creufes l’une de l’autre, mais qui ne les fépare pas jufqu’au bout : au fond du logement il y a un efpacedont le diamètre eh à peu- près égal à celui de chaque branche. L’habitation de notre Sg. ver d’éphémere eh comme compofée de deux pièces *: l’avantage qu’il fèprocure en lafaiiànttel!e,ehmanifehe,il peut y entrer Si en'for tir en fui te fans être obligé d’aller à re¬ culons , ou fans être obligé de fè retourner bout pour bout, comme le font en pareil cas beaucoup d’autres infeeffes, qui ne pourraient y parvenir s’ils n’avoient donné au trou dans lequel ils fe tiennent, plus de diamètre que leur corps n’en demande pour fe loger. Notre ver d’éphémere a une porte pour entrer chés lui, & une porte pour en fortir. C’eh des Insectes. XII. Mem . 473 C’eft toujours dans une terre compacte, dans une terre dont Ja confifiance approche de celle de la glaife, que ces trous font percés: j’en ai trouvé dans une vrayeglaiièd’un gris bleuâtre, d’autres dans une terre plus grife, propre à faire de la fayence, & dont on en a fait autrefois;& d’au¬ tres dans une terre blanche comme la marne, mais moins dilfolubleà l’eau. Je n’en ai jamais trouvé dans des bancs de gravier; mais j’en ai rencontré dans des terres médio¬ crement graveleufes. Les trous percés dans du gravier ne feroient pas des habitations folides, leurs voûtes auroient tropdedifpofition à s’ébouler; d’ailleurs le corps tendre de l’infeéte y pourrait être expofé à de trop rudes frottements. Les trous qui ne font pas percés dans une terre affés douce, ont cependant un enduit d’une terre beaucoup plus fine: fi cet enduit ne fe trouvoit que fur la plus bafie partie du trou, ou qu’il y fût fenfibiement plus épais qu’ailleurs, on pour- roit croire qu’il vient uniquement de la terre que l’eau de la riviere a dépofée, lorfque de trouble elle efi devenue claire ; mais comme cet enduit a autant depaifieur à la partie la plus élevée du trou, qu’à la partie la plus bafie, il y a grande apparence que les manœuvres de l’infeéte contribuent à l’étendre avec une forte d’égalité. Le logement efi toujours proportionné à la grandeur de l’animal qui l’habite: quand celui-ci efi jeune,& par con~ féquent petit, le trou où il fe tient, a peu de diamètre, mais il a pour le moins une longueur double de celle du corps du ver. Les nymphes qui n’ont plus à croître, font logées dans des trous dont le grand diamètre efi d’environ trois lignes& demie,& qui depuis leur porte d’entrée ou celle de fortie, jufqu’à la courbûre qui fait la communication de l’une à l’autre branche, ont deux pouces & quelques lignes de longueur. Tous les vuides que le corps de l’infeéle laine dans ion Tome VI 0o ° 474 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE logement,ne manquent pas detre remplis par l’eau, dès que les ouvertures de l’un & de l’autre trou le trouvent au-def- fousdefon niveau: l’infeéle en eft donc environné de toutes parts, comme il le lèroit au milieu de la riviere, & cela fans courir autant de rifque d’ètre dévoré par les podfons voraces qui y nagent continuellement pour chercher de la proye. Outre que fon habitation fert à le mettre en fure¬ té, elle met à fa portée les aliments dont il fe nourrit : la tranfparence de fon corps permet de voir que lès inteftins qui lont faits à peu-près comme ceux des chenilles, c’eft- à-dire, qui vont prefqu’en ligne droite d’un bout du corps à l’autre, après s’être renflés en certains endroits; que lès inteftins, dis-je, font remplis de terre. Les excréments qu’on lui peut voir rendre en certains temps, ne font que des grains d’une terre à qui a été enlevé ce qu’elle avoit de fucculent : les murs même de fon habitation, leurs en¬ duits , & ce que l’eau y dépofe, lui fourniflènt donc une nourriture convenable. J’ai lieu de croire que ces infeéles paflent lous l’eau deux années, & que ce n’efl au plutôt que dans les deux ou trois derniers mois delà fécondé, qu’ils quittent l’état de ver pour prendre celui de nymphe, car je ne me fou- viens pas d’en avoir obfervé qui enflent des fourreaux d’aîles fur leur corceletavant le mois de Juin; mais dans le temps où la dernière métamorphofe, celle des nym¬ phes, étoit prochaine, j’ai obfervé des vers encore petits, qui n’avoient pas la moitié de la grandeur de celles-ci ; ifs ne pouvoient pourtant être venus que d’œufs pondus l’année précédente, à peu-près dans le même mois; or comme ce n’étoit que dans le même mois de l’année fuivante qu’ils pouvoient devenir des éphémères, il s’en¬ fuit que ces infeéles dévoient paflèr deux années dans l’eau avant que leur accroiflèment fut complet, 11 eft plus des Insectes. XII. Mem. 47) - que probable que la régie eft générale pour tous les indi¬ vidus de leur elpece. Tant qu’ils font vers, leur couleur eft un blanc tel que ce¬ lui d’une chair blanche rie leur n’a qu’une très-foible teinte de jaune; ils n’ont prefque de bruns que leurs yeux, & ces vaiftéaux des ouïes *,qui font des troncs ou des ramifications * pi. , nc> de trachées. Cette couleur des vaiftéaux qui tranche avec celle des lames danslefquelles ils font renfermés, les fait pa¬ raître détachés du refte, & tromperait quelqu’un qui s’arrê¬ terait à la première apparence, elle lui ferait juger les ouïes compofées de plulîeurs filets féparés. Les nymphes nouvel¬ lement transformées font blanches comme les vers, mais quand elles font prêtes à devenir mouches, leur corps prend des teintes de jaunâtre aifés fortes; leur corcelct même en prend de brunes, mais toûjours plus claires que le brun des éphémères à port d’ouïes en rames degaleres, & à port d’ouïes vertical: ces dernières ont pourtant elles- mêmes en certains temps des nuances moins foncées que celles quelles ont en d’autres temps. Dans leur premier & dans leur fécond état, les infecles de l’efpece à laquelle nous en fournies actuellement, pa- roiffent conformés comme ils avoient befoin de l’être, pour fouiller dans une terre dure: ils portent aftes loin en-devant de leur tête, deux crochets * écailleux de cou- * Fig. i.c.e. leur brune, dont chacun eft arrêté au bout d’une cfpece de manche, ou d’une longue & forte tige un peu con¬ tournée en arc *, de façon que la convexité le trouve fur * Fig. j, 6 fon côté extérieur. Chaque tige eft articulée près de la bafe d’un œil, en-deftous de la tête, & a fur fon côté convexe deux rangs de courtes, mais de roides dentelu¬ res *, ou d’efpeces d’épines: près de fa bafe, & fur fon * Fi s- î* côté extérieur, elle a quelques courtes épines arrangées plus finguliérement, elles y forment un demi-éperon *: çes * F, s-î A(5 . Ooo ij * PI. 42. 7. b, d, b. * Fig. 8 & * Fig- 8- * a . * F 'g- 9- * PI.43.fi J '8>8- * k. */ 476 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE demi-éperons & les crochets font des inftruments très-pro¬ pres à percer des trous dans la terre. L’infeéîe en a quatre autres qui ne femblent deftinés qu a détacher celle dont il veut fe nourrir ; ce font quatre pièces* qui, appliquées les unes contre les autres, femblent former la lèvre inférieure, mais qui peuvent s’écarter les unes des au très. Toutes quatre font aiTcs maffives près de leur bafe, & fe terminent par un 9- bout pointu, armé d’un crochet écailleux*: les deux du milieu * ont une articulation * alfés proche de leur attache, que n’ont pas les deux autres; mais les bafes de ces der¬ nières * font plus greffes, & ont des appendices que n’ont pas les pièces du milieu. La face de chacune des quatre qui efl tournée vers la bouche, efl creuféeen gouttière bordée de poils de chaque côté, ce qui forme un conduit qui reçoit apparemment la terre qui a été détachée, & la pré¬ fente à la partie charnue qui eft dans la bouche, g. Enfin les jambes de la première paire * font dilpofées comme celles des inleétes qui ont à s’ouvrir des che¬ mins dans la terre; comme les deux premières des taupes- grillons , elles l’ont toûjours dirigées en-devant, 6c fe ter¬ minent l’une 6c l’autre par un foiide crochet. Elles ne font k. guéres plus longues que celles de la leconde paire *, qui aulîi fe tournent volontiers en-devant, mais elles font plus fortes. Celles de la troifiéme paire * font les plus lon¬ gues de toutes, 6c celles qui fe dirigent ordinairement vers la partie poftérieure. Les nymphes d cphémercs que j’avois tirées de leurs trous, 6c miles dans un bacquet où il y avoitdela terre ramollie par l’eau au point d’être réduite en boue, ont fou vent fait ulàge devant moi de leurs jam¬ bes antérieures pour s’ouvrir un chemin, 6c aller fe ca¬ cher dans une terre qui leur réfifloit moins que celle fur laquelle elles ont ordinairement à travailler. L’ouvrage de s’ouvrir un nouveau trou, peut leur paroître rude; au des Insectes. XII. Aient. 477 moins ai-je fait une oblèrvation qui m’a femblé prouver quelles cherchent à fe dilpenfer de l’entreprendre , lors¬ qu'elles font prêtes à fe métamorphofer. J’ai dit que les trous font dirigés horifontaiement : il m’eft pourtant ar¬ rivé de faire détacher des mottes de terre des bords de la rivierede Seine,qui enavoient d’inclinéesen embas,dont plulieurs étoient prefque perpendiculaires à l’horifon. L’eau alors étoit baffe, & baifïoit journellement: je penfai que les nymphes, qui en peu de jours dévoient devenir des mou¬ ches, avoient trouvé plus commode de donner une nou¬ velle direction à d’anciens trous, où elles ne fe tiendraient pas iong-temps, que d’en ouvrir de nouveaux. Au refie les vers & les nymphes de cette efpece d’éphé- meres, font délicats en eau, ils en veulent qui fe renou¬ velle continuellement : non feulement ceux que j’ai tirés de leurs trous, mais ceux qui font refiés dans les mottes de terre où ils s’étoient logés eux-mêmes, ont péri au bout de quatre à cinq jours dans de grands bacquets bien remplis d’eau. D’autres efpeces de vers & de nymphes éphémères au contraire font très-vivaces, St entr’autres une petite ef- pece très-commune, qui porte fes ouïes perpendiculaires au plan de pofition; elle refie pendant des mois entiers dans des poudriers dont on néglige de renouveller l’eau, s y fortifie, & s’y métamorphofe en mouche. Parmi les nymphes ou vers d’éphémeres dont les ber¬ ges de la Seine & de la Marne font fi peuplées aux en¬ virons de Paris, j’en ai trouvé d’une autre efpece, mais qui y font affés rares. Les vers de celle-ci different princi¬ palement de ceux de la première efpece, en ce que les ti¬ ges des crochets qu’ils portent en-devant de la tête font plus droites: d’ailleurs la grandeur & la couleur des uns St des autres, font à peu-près les mêmes. Au refie 1 efpece qui fournit tant de petits habitants aux bords de nos deux O00 iij 47S MEMOIRES pour l’Histoire rivières, n’eh pas ceiie qui fe multiplie clans la terre clés bords de diverfès autres rivières; les bords des embouchu¬ res du Rhin, ceux de la Meufe,du Wal & du Lech, nourriffent les infêétes aquatiques qui le transforment en ces éphémères dont Swammerdam adonné l liiftoire. Ces éphémères & les infeélesdont ils viennent, different de nos éphémères & de leurs infeétes aquatiques, par plu heurs par¬ ticularités dont quelques-unes mériteront que nous les faf- lions remarquer. Il ffeltpas h ailé de décider h les éphé¬ mères dont Clutius a donné une h i ho ire faite dans un goût différent de celles qu’on veut aujourd’hui, remplie de cita¬ tions, & vuided’oblervations, il n’eh pas, dis-je, h ailé de décider h ces éphémères different réellement de celles de Swammerdam. La feule infpeélion des figures que Clutius a fait graver, apprend allés quelles ne font pas de celles aux¬ quelles on peut lé fier. Quelqu’un qui s'attacherait à ob- lérvcrla meme riviere tout du long de Ion cours, pourrait la trouver peuplée en différents endroits de vers d’éphé- rneres de différentes elpeces. Le terrain de lès bords n’eh pas par-tout de même qualité, à beaucoup près;&celui qui fournit une nourriture très-convenable aux vers d’une cer¬ taine efpece, n’en offre qu’une fort mauvaife à ceux d’une autre elpece, 2 , furfacede l’eau .dont la transformation étoit plus ou moins avancée. Pendant que je jouiflois d’un lpeéfacle plus agréa- bleque celui que j’avoisefpéré,pendant qucj’avoisfe plailir de voir tant d’infeéles aquatiques palTer à l’état d infeéfes ai¬ lés, 6 c de l)ien plus près qu’il 11e m’eût été permis de le voir fur la riviere, l’orage preyû arriva, 6 c me força de gagner la Tome VI. bp P 482 MEMOIRES POUR i/HlSTOIRE maifon : la feule précaution que je pris en quittant à regret un bacquet fi amufant, fut de le couvrir d’une nappe, pour empêcher les éphémères de s’envoler. La pluye violente ne fut pas de longue durée; au bout d’une demi-heure, c’eft-à- dire, avant neuf heures, elle me permit de retourner dans le jardin. Dès que la couverture du bacquet eut été ôtée, le nombre des éphémères y parut confidérablement aug¬ menté, & s’y multiplia encore fous mes yeux: plufieurs s’envolèrent, mais j’en trouvai beaucoup plus de noyées; car dès que ces infeétes, qui ne pouvoientfe paffer d’eau, ont pris des ailes, l’eau eft pour eux ce qu’ils ont de plus à redouter : s’ils tombent dedans, fi elle mouille leurs ailes, c’en efi fait d’eux , ils périffent dans l’endroit même où ils viennent de naître en quelque forte. Les éphémères qui s’étoient transformées & qui fe transformoient continuellement dans le bacquet, auroient l'uffi afiïirément pour l’en faire paroître très-rempli ; mais bicn-tôt le nombre de celles qui y étoient,fut augmenté par des étrangères qui, attirées par la lumière que je tenois deflus, venoient s’y rendre de plus loin, & s’y noyer pour ia plûpart. Pour ôter à celles-ci l’occafion de périr, & pour en examiner de faines, je fis recouvrir le bacquet de la nappe, au-deffus de laquelle je fis tenir la lumière: bien¬ tôt la nappe fut prefque cachée fous une couche de ces mouches qui étoient tombées deffus, on les prenoit par pincées fur le pied du flambeau. Celles qui étoient tom¬ bées ne fe trouvoient pourtant pas dans le cas des papil¬ lons, qui ne peuvent plus fe foûtenir fur leurs ailes parce qu’ils viennent de fe les brûler, elles tomboient parce qu’il y a un temps où fatiguées de voler, elles veulent fe pofer ou font dans la néceffité de le faire. Mais ce que je voyois autour du bacquet n’étoit rien en îeomparaifon de ce que je devois voir au bord de la riviere; des Insectes. XII. Mem. 48 3 j’avois ignoré jufque-ià ce qui s’y paffoit, les exclamations de mon jardinier qui étoit defcendu au bas de fefcalier.m’y appellerait; je m’arrêtai fur la marche qui précédoit celle qui étoit prefqu’au niveau de l’eau : ce fut alors que j’eus un fpeélacle qui furpaiïoit beaucoup celui que j’avois de- firé& attendu. La quantité d’éphémeres qui rempliffoicnt Pair au-defTus de tout le courant du bras de rivière, & fur- tout auprès du bord où j’étois.n’cft ni exprimable ni con¬ cevable; mais c’étoit principalement autour de moi & de ceux qui m’avoient accompagné, qu’elle étoit plus prodi- gieufe. Lorfque la neige tombe à plus gros floccons, &. plus prefTés les uns contre les autres , l’air n’en eft pas fi rempli que celui qui nous environnoit, l’étoit d’éphé- meres. A peine eus-je reffé quelques minutes dans la même place, que la marche fur laquelle mes pieds poloient, fut toute couverte d’une couche d’éphémeres, qui n’avoit nulle part moins de deux ou trois pouces d’épaiffeur, & qui en certains endroits en avoit plus de quatre. Près de la dernière marche, une étendue de la furface de l’eau de cinq à fix pieds au moins en tout fens, étoit entièrement cachée par une couche d’éphémeres ; ce que le courant plus lent là qu’ailleurs, en emportoit, étoit plus que rem¬ placé par celles qui tomboient continuellement dans cet endroit. Plufieursfois je fus obligé d’abandonner ma place, & de remonter au haut de l’elcalicr, ne pouvant plusloû- tenir cette pluye dephémeres, qui ne tombant pas ou suffi perpendiculairement qu’une pluye ordinaire, ou avec une obliquité aulfi confiante, frappoit fans difeon- tinuation, & d’une manière très-incommode, toutes les parties de mon vifage ; des éphémères entroient dans mes yeux,dans ma bouche , dans mon nés. Si on a été quel¬ quefois inquiété dans de belles foirées d E té, par des papil¬ lons nodlurnes, que l’on n’imagine pas 1 incommodité Ppp ij 4B4 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE qu’on a reiïcntie alors, comparable à celle dont je parle, elle ne l’eft point, parce que le nombre de ces papillons eft toujours très-petit en comparaifon de celui des éphé¬ mères qui pleuvoient fur nous. S’il elt fingulier que les efpeces de papillons qui ne vo¬ lent que la nuit, qui femblent fuir le jour, foient précifé- ment celles qui viennent chercher la lumière jufquedans nos appartements, il le doit paroître encore davantage que ces éphémères qui ne doivent naître qu après que le foleil eft couché & le jour tombé, qui ne doivent pas même voir le lever de l’aurore, ayent un amour fi mar¬ qué pour ce qui eft lumineux. C’étoit une mauvailè com- mifiion que d’être chargé de tenir un flambeau à la main, celui qui y en tenoit un, avoit dans peu d’inftants fon habit tout couvert de ces mouches, elles venoient de tou¬ tes parts l’accabler. La lumière de ce flambeau occafion- noit, & mettoit t a portée de voir un fpeélacle tout autre que celui d’une pluye qui tombe; on en étoit enchanté dès qu’on l’avoit apperçu. Tous ceux qui étoient avec moi, même les gens les plus greffiers, mes domeftiques, nefe laffoient pas de. le confidérer. On n’a jamais fait de fphere, quelque compliquée qu’on l’ait faite, fournie d’au¬ tant de cercles qu’on voyoit de zones qui avoient la lu- miéj-e pour foyer*: il en paroifloit des infinités qui fe croifoient en tout fens, qui étoient dans toutes les incli- naifons imaginables les unes par rapport aux autres, & qui étoient plus ou moins excentriques. Chaque zone étoit faite d’une file continué d ephémeres, & fembloit un galon d’argent contourné en cercle , & profondément découpé, un galon fut de triangles égaux, mis bout à bout , de manière qu’un des angles de celui qui fuivoit, étoit ap¬ puyé fur le milieu de la bafe de celui qui précédoit : c’étoit un galon mû avec une grande vîteffe. Des éphémères dont des Insectes. XII. Mem. 485 on ne diftinguoit alors que les ailes, &;qui circuloient autour de la lumière, formoient cette apparence: cha¬ cune de ces mouches, après avoir décrit une ou deux or¬ bites, tomboit à terre, ou dans l’eau, mais fans s être brû¬ lée auparavant. Au bout d’une demi-heure, & même plutôt, la grande pluye dephémeres commença à s’affoiblir, les nuées de ces mouches furent moins épailfes, Si le devinrent de moins en moins: enfin vers les dix heures, à peine en voyoit-on voler quelques-unes fur la ri vicie, Si il n’y en avoit plus qui vinifient fe rendre à la lumière. Je devois être curieux de fçavoir fi le même phéno¬ mène reparoîtroit le lendemain & les jours fuivants : le vingt me fit voir une aulïï prodigieufe quantité de¬ phémeres, que celle que j’avois vue le dix-neuf; mais elle fut notablement moins grande le vingt-un, à peine y en eut-il le tiers de ce qu’il y en avoit eu les deux jours précédents. Ce fut chaque jour entre huit heures Si un quart & huit heures Si demie qu’elles commencèrent à paraître, ce fut vers les neuf heures quelles commencè¬ rent à remplir l’air, Si ce fut dans la demi-heure fuivante qu’il en parut aulfi fourni qu’il l’eft de floccons de neige, lorfqu’elle tombe en grande abondance : enfin vers les dix heures on celfia prefque d’en voir voler. Le vingt dès neuf heures Sc demie, il en refioit très-peu en l’air; Si je n’en voyois plus aucune fe rendre à la lumière. Le vingt-un après-midi, l’air fut ailes froid pour la faifon , la liqueur du thermomètre ne monta qu’à dix-fept degrés. Il fembleroit que la chaleur devrait accélérer la transformation des nymphes éphémères: des expériences nous ont prouvé ailleurs qu’elle n’efi pas moins puifîànte fur les crifaiides que fur les œufs, pourquoi ne le lèroit- clle pas de même fur les nymphes ! Il fcmbloit donc que Ppp iij 4S6 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE les éphémères auraient dû fe tirer plus tard de leur enve¬ loppe , le jour ou elles s’étoient trouvées dans une eau moins chaude ; cependant ce jour-là , elles parurent à la même heure que ies jours précédents, comràe li c’étoit à une heure marquée par l'horloge quelles le du lient faire. Le vingt-deux fut encore plus froid que ne favoit été le vingt-un. La liqueur du thermomètre ne monta qu’à 15. degrés : il plut le matin à diverlès reprilès, & à verle pen¬ dant toute l’après-midi: cette dernière circonltance avoit rendu ma curiofité plus vive, par rapport à la manière dont fe comporteraient le loir les éphémères ; comme il en avoit moins paru la veille que le jour d’auparavant, j’appréhendois que le temps où elles dévoient celfer de paraître, ne fût arrivé, mais il ne l’étoit pas encore. Celles qui dévoient lortir le loir de la rivière, s’il y en avoit qui duffent fortir, prendraient-elles le temps d’une grolfe pluye pour quitter leur dépouille, pour palfer dans l’air, temps où les infectes , comme les autres animaux ailés, cherchent l’abri ! Enfin l’eau de la riviere ayant été encore plus refroidie que le jour précédent par une longue & abondante pluye, les éphémères ne dévoient elles pas fe métamorphofer plus tard î car étoit-il à préfumer que pour une aétion fi importante elles duffent fe conduire , pour ainfi dire, à l’horloge ï Si l’inftant de leur métamorphofè n’eft pas fixé par le froid ou le chaud du jour, s’il elt en leur pouvoir de le différer, fi elles ne veulent paraître en l’air que lorfqu’un certain degré d’obfcurité s’y elt ré¬ pandu; loin que le moment de leur transformation eût dû être retardé le jour dont il s’agit, il eût dû être avancé, la nuit étant venuë demeilleure heure qu’à l’ordinaire. Pour fçavoir comment tout fè pafferoit, je me rendis un peu avant huit heures du foir fur le bord de la riviere avec un parapluye qui m’étoit encore néceffaire, quoique la pluye des Insectes. XII. Mem. 4 g 7 fût bien diminuée; aucune éphémère neparoiffoit encore alors en l’air : vers les huit heures 6c un quart elles com¬ mencèrent à y voler, leur nombre alla en augmentant, il ne fut pourtant pas auffi confidérable qu’il avoit été le jour précédent, parce que le temps étoit arrivé où il reftoit beaucoup moins de nymphes dans la rivière. Quelle qu’ait été pendant le jour la température de l’air, qu’il ait fait chaud ou froid pour la faifon, que le folcil ait toujours brillé, ou qu’il ait plu abondamment, l’heure à laquelle nos éphémères commencent à lé tirer de leur fourreau, elt donc la même, 6c une autre heure paroît mar¬ quée , par-delà laquelle il ne leur eft plu s permis de le faire. En moins de deux heures ce nombre de mouches affés immenfe pour former en l’air des nuées, 6c y faire tomber une grolfe pluye &. continue, fort donc de la riviere, & au bout de ces deux heures, elles lailfent à fait- toute fa férénité. Mais qu’eft devenue cette prodigieufe quantité de mouches, quand il n’en paroît plus dans l’air ! Elles font déjà mortes ou mourantes pour la plupart, une grande,‘6c très-grande partie eft tombée dans la riviere même. Les poiffons n’ont aucun jour dans l’année où ils puilfent faire une auffi ample chère, où il leur foit auffi aifé de fe gor¬ ger d’un mets délicat : gourmands comme ils font, s’ils fçavent prévoir, ils voyent avec regret que leur eflomach ne fçauroit fuffire à recevoir toute la pâture qui efl à leur difjîofition, 6c qu’ils en laifferont beaucoup plus perdre qu’ils n’en peuvent manger : ces jours font donc pour eux des jours de régal, une manne leur tombe du ciel. Les pêcheurs ont auffi donné à nos éphémères le nom de manne, 6c c’efl celui fous lequel elles font connues d’eux le long des rivières du royaume: ilsdifent que la manne a commencé à paroître, que la manne a tombé abon- 488 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE damment une telle nuit, pour faire entendre qu’on a commencé à voir des éphémères , ou qu’il y en a eu beaucoup. Celles qui étant tombées fur l’eau n’y ont pas été d’a¬ bord la proye des poilfons, n’en périlfent guéres plus tard , elles font bicn-tôt noyées : le relie des éphémères tombe fur les bords de la rivière, ou aux environs. La du¬ rée de la vie de celles-ci n’efl pas fi courte; mais autant vaudroit-il pour elles que leur fin eût été pius proche : entalfées les unes fur les autres, làns avoir allés de force pour changer de place, fans lé donner aucun mouvement confidérable, & très-mal à leur aile-, elles meurent les unes après les autres: celles qui poulfent leur vie le plus loin, &qui lont par rapport aux autres plus que des centé- naires, voyent lever le foleil. Parmi des milliers que j’avois mis le foir dans une cloche de verre, & dans des pou¬ driers, le lendemain à fix heures du matin j’en trouvai deux en vie; mais ce font-là de grandes exceptions à la régie générale ; la vie ordinaire de ces mouches n’efl que de deux ou trois heures, encore faut-il pour cela qu’elles ne tombent pas dans la riviere. L:ï durée ordinaire de celles que Swammerdam a le plus oblervées, efl de quatre à cinq heures. Je retournai à Paris le vingt-deux à dix heures du foir; mais je laifïai une perfonne chargée du foin d’obferver fi les éphémères paroîtroient les jours fuivants : elles le firent voir encore pendant quatre à cinq jours, leur quantité allant toujours en diminuant. Ainfi quand les pêcheurs difent que la manne ne tombe que trois jours de fuite, ils difent alTés vrai, car ils ne veulent que faire entendre que ce n’efl: que pendant ce peu de jours qu’elle fournit de la nourriture aux poilfons avec tant d’abondance. Dans les jours qui précèdent, &. dans ceux qui fuiyent, ce n’efl guéres des Insectes. XII. Menu 489 guéres que pour des oblèrvateurs qu elle paraît. Ceci au refie, comme tout ce qui eft de phyfique, peut varier entre certaines limites; auifi quand j’ai fixé l’heure à la- quelle nos éphémères le métamorphofent, à huit heures un quart, je n’ai voulu que faire entendre que c’efl alors quelles commencent à paraître en allés grande quantité pour lé faire remarquer, il peut s’en trouver dont la trans¬ formation foit plus preffee. J’ai dit que j’avois vû voler vers le coucher du foleil quelques éphémères fur la riviere de Seine, elles pouvoient être précoces par rapport à celles qui vinrent près d’une heure plus tard; peut-être pour¬ tant n’étoient-elles pas de la même elpece : c’efl furquoi je ne ferais pas refié dans l’incertitude, fi j’euffe pu en at¬ traper quelqu’une. Toute courte qu’efl la durée de la vie de ces mouches,' elle fuffit pour leur donner le temps de remplir la lin pour laquelle elles font nées : elles ne paroiffent au jour que pour perpétuer leur elpece, ou plutôt, puifqu’elledureft peu fous la forme de mouches , pour perpétuer celle des vers & des nymphes aquatiques dont e M es fortent. Nous allons voir bien-tôt qu’à peine les éphémères font nées, qu’elles font prêtes à pondre, & qu’elles pondent; mais nous devons nous arrêter un inflant à admiix la facilité & la promptitude avec lefquelles elles naiffent, c’efl-à-dire, avec lefquelles elles fe tirent de la dépouille de nymphe. Aucun des infeélesque je connois, n’exécute une opéra¬ tion fi grande , qui femble devoir être fi iaborieule,& qui l’eft réellement pour la plupart d’eux, avec tant d’ai- fance & de célérité. Le bacquetdont j’ai parlé, & d’au¬ tres que j’ai de même tenu pleins de mottes de terre bien peuplées de nymphes, m’ont mis à portée d’oblcrver ce que je n’euffe pas pu voir dans la riviere. Nous ne tirons guéres nos bras plus vite d’un habit, que 1 éphémère tire Tome VI. Q q q 490 MEMOIRES POUR LHlSTOIRE fon corps, Tes ailes, Tes jambes, les longs filets qui lui font une queue, du vêtement très-eompolé qui fournit un fourreau à chaque partie, & un fourreau dans lequel elle eft pliffée ou au moins très-gênée. Les éphémères qui vouloient fe transformer, étoient fouvent fur des mottes de terre que l’eau ne couvrait pas, & quelquefois à la fur- face de l’eau même. Dès qu’il s’étoit fait une fente au cor- eelet, dès qu’une portion du corcelet avoit commencé à paraître par cette fente, le relie étoit achevé prefque dans un inllant. On ne s’attendrait pas qu’une mouche qui, quand elle peut faire le plus d’ufage de les ailes, efl foible & délicate, eût toute la force qu’a celle-ci pour finir une pareille opération : j’ai fouvent tâché d’en arrêter les progrès pour mieux voir comment chaque partie étoit logée dans i’étui d’où elle étoit prête à fortir, j’ai faifi une mouche qui ne commençoit qu’à dégager fa tête, j’ai preffé la tête dans l’inllant même où elle venoit de fe montrer; j’ai poulie la cruauté quelquefois jufqu’à l’applatir & l’é- cralèr entre mes doigts: la métamorphofe que je*voulois fufpendre, s’accomplilfoit malgré moi. J’ai jetté dans de l’efprit de vin des éphémères qui ne s’étoient tirées qu’en partie de leur fourreau: elles ont achevé de fe dépouil¬ ler dans cette liqueur fi redoutable, & y ont péri fur le • champ. Trois filets* ou deux au moins quelles portent au derrière, plus longs que le corps, le corcelet & la tête pris enfemble, & plus longs que les étuis dans lefquels ils étoient logés, font ce qu’il y a déplus difficile à dégager: lorfque l’éphémere veut les retirer trop hrufquement de leurs étuis, elle les caffe quelquefois: plus fouvent l’éphé- mere qui a fait fortir fes parties antérieures de leurs four¬ reaux particuliers, & dont les ailes fe font développées dans- i’înftantr, efi impatiente de faire ufage de celles-ci : avant que de s’être défaite de fa. dépouille, elle s’élève dans les des Insectes. XII. Mem. 491 airs, & l’y tran (porte. Le plus fouvent alors la dépouille ne lient qu’aux filets de la queue*; l'éphémere qui la traîne *PI. 44. après elle, paroît alors du double plus grande quelle n’eft réellement. Dans le premier quart d’heure où elles com¬ mencent à paraître, on en voit beaucoup aux filets des¬ quelles la dépouille cft: pendue; mais dans la fuite il n’en paraît plus ou prefque plus , à qui elle foit reftée : il efi appa¬ remment plus ordinaire à celles qui n ai fient les premières, de l’emporter; elles s’en défont pendant qu’elles volent. Une obfervation que Swammerdam a faite fur une au¬ tre clpece d'éphémères que la nôtre, prouve parfaitement que la nature a tout difpofé pour que chaque partie de ce s mouches fût par elle-même en état de fe développer promptement. Il détacha une aîle encore renfermée dans fon fourreau, duquel il la tira lui-même fur le champ, 6 c la pofa fur l’eau; l’aîle s’y déplia, & prit toute l’étendue qu’elle eût acquife fi elle fut reftée dans fa place naturelle, & quelle eût confervé une communication avec les vaif- feaux du corcelet. Cette dépouille dont notre éphémère a (çu fe tirer fi promptement , ne doit pourtant pas être regardée comme un fimple habit dont elle s’eft défaite parce qu’il étoit trop vieux. Si c’eft un vêtement , c’en efi un auquel refient attachées les dents, les lèvres, les cornes propres à percer la terre, les ouïes, & enfin beaucoup départies admirable¬ ment organifées, qui étoient efientielks à l’in (cèle tant qu’il a été habitant de l’eau, & qui lui deviennent inutiles lorfqu’il ne doit vivre que dans l’air. Les éphémères de notre efpece font dalles grandes mouches, fi on comprend dans leur longueur celle de leur queue , ou des filets quelles portent au derrière * ; mefiu- * Pï.44 rées ainfi, leur longueur efi de plus de deux pouces; mais ‘ r J ' e ' elle fe réduit à 7 à 8 lignes, fi 021 en retranche celle de Qqq i/ 492 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE leurs filets. De quelque façon qu’on les mefure, elles ref- tent toujours clans la claiïe des mouches à corps long; la forme du leur le demande ; il a dix anneaux dont les pre¬ miers ont plus de diamètre que ceux qui les fuivent, ces derniers en ont de moins en moins. Les deux ailes inférieu- * PI. 44 fig. res * font très petites en comparaifon desfiupérieures*, qui | ont de l’ampleur, & dont la coupe refiemble beaucoup à celle des ailes du plus grand nombre des efpeces de pa¬ pillons; auffi, comme nous l’avons déjà dit, nos éphé¬ mères font-elles priées pour tics papillons par tous ceux qui ignorent que pour être de la clalfe de ces derniers, il faudroit qu’elles eu (fient des ailes rendues opaques par tics pouffiércs ou écailles qui y feroient attachées. Les leurs font très tranfparentes, & femblent être faites d’une gaze blanche; leur blanc paroît fale & un peu rougeâtre, lorfque les grandes ailes étant appliquées l’une contre l’au¬ tre, compofent un tout moins tranfparent. Les longs filets qui leur font une queue, font de la couleur des ailes. Les animaux ailés qui font pofés à terre, ont befoin de leurs jambes pour fe mettre en état de voler, il faut quelles ede- vent le corps affiés haut au deflus du plan fur lequel elles font, pour que les ailes pui(fient battre l’air, fans frapper ce plan : les jambes antérieures de nos éphémères ne font que trop longues, mais étant portées en-devant, & prefqu’à plat, elles ne font pas aufii propres à foûlever le corps, que le feroient des jambes de longueur médiocre ; les qua¬ tre autres font courtes, & le font peut-être trop; de-Iàil arrive que ces éphémères s’élèvent en l’air avec peine en bien des circonfiances, & que pour s’y élever elles s’ai¬ dent des longs filets de leur queue. J’ai remarqué que les éphémères qui étoient tombées fur une ferviette éten¬ due fur mes genoux, ne parvenoient à s’envoler, qu’après s’être poufices enhaut avec les longs filets de leur queue, DES ÏNSECTES. Xll. Mem. 49, & que ces filets foûtenoient même le corps en partie clans les premiers inftants où les ailes le faifoient monter en fi air. , Leur tête eft courte & triangulaire; elle a Jeux yeux à rézeau * d’un afles beau noir, & trois yeux liftes* bien *PI. 44 ,fi g . luilants, places & montes, pour ainfi dire, d’une manière ■ particulière à ce genre de mouches, & qui a déjà été ex- '' ° pliquéeailleurs* : chacun de ceux-ci femblc ferti dans un * Tome iv. cliatton brun; l’œil eft d’une couleur plus claire que le chat- 6 - pi * ton. Ils font dilpofés en triangle comme le font les yeux V * analogues des mouches les plus communes; mais le triangle qui fie trouve fiur le derrière de la tête de celles-ci, eft plus fiur le devant de la tête des éphémères, car un des petits yeux eft pofié vis-à-vis le milieu de i’efipace que laiflent entr’elles les deux antennes *, & plus près que ces dernières * a, a. du bout de la tête. Des deux autres yeux liftes, il y en a un de placé près de la baie de chaque antenne, entre celle-ci & un des yeux à rézeau. Le corcelet de cette mouche eft de ceux qui font di- vifiés en deux : fia première partie ou l’antérieure eft blan¬ che, & c’eft à elle que tiennent les deux premières jam¬ bes *, dont la longueur eft exceftîve par rapport à celle * e> s • des autres; elles font brunes dans toute leur étendue; i’infieéle les porte en devant,& fi on n’y regardoit pas de près, on les prendrait pour des antennes, on lui en croi¬ rait de longues, pendant qu’il les a courtes. La fécondé partie du corcelet, plus grofte & plus longue que la pre¬ mière, eft rougeâtre; c’eft elle qui eft chargée de fioûtenir ies quatre ailes & les quatre dernières jambes; celles-ci font blanches ; trois miles bout à bout égaleraient à peine line des premières en longueur. Le deftiis de chaque an¬ neau eft d’un blanc jaunâtre, fiur lequel fie trouve une ta¬ che longue faite de yeines d’un brun clair qui tire fiur Qqq iij 49^ MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE i’agathc.Tout ledeffous du ventre & du corccletefîblan- cheâtre. On croit bien que nos éphémères n’appartiennent ni à la claffe des mouches qui ont des dents, ni à la claffe des mouches qui ont une trompe : quel ufiage pourraient- elles faire de celle-ci, ou de celles-là î Dès quelles doivent mourir h vite, il leur ferait fort inutile d’avoir des inflru- ments propres à préparer & à ramaffer des aliments. Quatre ou cinq petites barbes font pourtant couchées au-deffous d’une ouverture à laquelle on donnera, fi l’on veut, le nom * PL 4.3. fig. de bouche *, mais qui n’en doit guéres faire les fonctions. 11 ' Quand on preffe la tête, on fait fortirpar cette ouverture * u. une petite veffie *. Parmi ces mouches on en trouve qui ont une queue *PI. 44-fig. faite de trois filets égaux en longueur *, & d’autres qui t'f ’/’J'ff n’ont que deux grands filets *: celui du milieu* efi extrê- ° * e. mement court, il n’a pas la fixiéme ou la huitième partie de la longueur des autres. Celles à qui le filet du milieu manque prefque, font les mâles; en échange de ce filet, *Fig.ri. b,b. ils en ont quatre courts * en-deffous du ventre, & qui dj, a. femblent analogues aux parties données aux autres mâles pour failir leurs fémelles. Les fémelles éphémères ne paroiffent guéres avoir au¬ tre chofe à faire dans leur vie, que de pondre leurs œufs: elles font en état de s’en délivrer dès quelles ont l’ufàge de leurs ailes: il femble même que ce foit un befoin dont elles foient preffées. C’efl à l’eau de la rivieye quelles les de¬ vraient confier, & à laquelle la plupart les confient; ce¬ pendant, comme fi elles n’enétoient pas infiruites, comme fi elles ne connoiffoient pas la différence d’un folide à un liquide, elles laiffent leurs œufs fur tous les corps fur lefquels il leur arrive de fe pofer ou de tomber. Tout a été ménagé pour qu’un infeéte qui a fi peu à vivre, pût finir fes diffé- des Insectes. XII. Mem. 495 tentes opérations en très-peu cle temps. II n’y a guéresdc fe¬ melles qui doivent mettre au jour un nombre d’œufs aufïi grand que celui qu’y met une éphémère, & tout a été dif- polèpour qu’elle pondît tant d’œufs dans le temps qui fuffi- roit à peine à une autre fémelle pour en pondre un feul. Les fiens font arrangés en deux longs paquets, en deux efpe- ces de grappes, dont chacune cft compolèe de grains qui fe touchent *. J’ai mefuré de ces grappes qui ayoient trois li- * p >. 44. fg. gnes & demie, & d’autres qui avoicnt quatre lignes de Ion- 7 & b ’ gueur: leur diamètre efl toujours de plus d’une demi-ligne,& quelquefois de près d’une ligne: aufli le corps desfémelles, & fur-tout des fémelles qui n’ont pas pondu, efl plus long & plus gros que celui des mâles. Mais pour être en état de donner une idée plus jufte de leur fécondité, qu’on ne la fçauroit prendre furies dimenfions des grappes, je déta¬ chai & féparai les uns des autres tous les grains ronds, ou tous les œufs qui en compofoient une, & je les comptai avec foin; j’en trouvai plus de 350, il en entre peut-être plus de 400 dans d’autres grappes. Chaque éphémère a donc à pondre 7 à 800 œufs, & c’eft pour elle une opé¬ ration d’un moment, & quelle efl, comme je l’ai dit ; forcée de faire où elle fe trouve, ou qu’elle fait au moins fans difeernemént. On fefouvient de ce bacquet dont j’ai beaucoup parlé, & je ferai refloiivêhir de plus que je le couvris d’une nappe pour empêcher les éphémères qui y naifToient, d’en fortir: beaucoup d’étrangéres attirées par la lumière vinrent fe rendre fur cette nappe: quand j exa¬ minai celles qui étoient tombées delfus, je trouvai un nombre de grappes d’œufs proportionné à celui des fe¬ melles qui étoient fur la nappe. Ce jour où il avoit tant plu, & où je fus oblige de te¬ nir un parapluye fur ma tête pendant que j attendois au bord de la riviere, l’heure où les éphémères dévoient 496 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE paraître, j’étois affis fur une marche d’efcalier, St j’avois étendu fur mes genoux une ferviette pour recevoir les mouches qui, après s’être rendues autour de moi, dévoient tomber; il en tomba en grand nombre fur la ferviette, & j y trouvai auffi un grand nombre de grappes d'œufs. Enfin je trouvai beaucoup plus de ces grappes parmi les éphé¬ mères qui s’étoient accumulées en tas fur les marches de l’efcalier. Celles que je prenois, St que je mettois dans un poudrier, y faifoient leurs œufs fur le champ. Non feulement les œufs ont été dilpofésen grappes, ce qui accéléré la ponte; mais pour la rendre encore une fois plus prompte, la mouche les fait fortir toutes deux en même * Pi. 44. fig. temps * : leur l'ortie n’eft pourtant pas fi prompte, qu’on 6 .o,°. n’ait le loifir de l’obfervcr, & on l’obferve avec plailir. L’éphémere pour fc difpofer à pondre, releve le bout * Fig. t o. poftérieur de fon corps *, à qui elle fait faire un angle pref- t},r ‘ * que droit avec le refîe* de la partie liipérieure; c’efi alors =»= Fig. 6.0,0. quelle pouffe en-dehors les deux grappes à la fois*: deux ouvertures placées en-deffous vers l’extrémité du fixiéme anneau, leur donnent un libre paffage: les bouts de l’une St de l’autre commencent à fe montrer en même temps: toutes deux avancent enfuite également en-dehors. Quand elles font forties plus d a moitié ou prefqu’en entier, elles femblent deux grolfes cornes attachées au derrière de l’in- feéle, mais deux cornes qui deviennent de plus en plus longues à chaque infant: celui où elles font entièrement mifes hors du corps arrive bien tôt, toutes deux ne tien¬ nent plus à rien St tombent à la fois. Si on faifit i’éphé- mere entre fes doigts, on ne retarde en rien fa ponte, Sc on elt en état de remarquer dès que les deux grappes font forties, les deux ouvertures par où elles ont pâlie. Peu après on voit paraître en-dehors de chacune de ces 011- * yertures une velfie blanche *, qui fcmble pleine d’air, & IQ. U, U. 1 i . qui des Insectes. XII. Mem. 497 qui eft peut-être une des veffies pulmonaires. Si chacune de ces veilles n’eft pas le principal agent employé pour pouffer hors du corps une des grappes, au moins paroît- il qu elle eft celui qui fert à la faire tomber, qui l’empêche de relier collée contre les bords du trou. L’air qu’elles refpirent, peut beaucoup les aider dans cette importante opération: celui dont elles rempliffentla partie antérieure de leur corps, peut lorfqu’il eft: compri¬ mé , faire effort contre les grappes. Elles ont fur leur cor- celet quatre ftigmates* très-propres à lui donner entrée; * pi. 43.5,». les deux qui font placés à fa partie poftérieure, font les plus grands: ces quatre ftigmates font caufe apparem¬ ment que lephémcre qui tombe dans l’eau, s’y noyé fi vite. J’ai négligé, Sc j’ai eu tort, de tâcher de voir ce ce qui fe palfe dans l’intérieur de l’éphémere pendant qu’elle en Elit lortir fes œufs; mais j’ai confidéré avec plai- fir, proche & vis-à-vis d’une lumière, & au travers d’une loupe d’un court foyer, le corps d’une éphémère qui avoit fait fes œufs. & celui d’une éphémère mâle, lès. enveloppes ont un affés grand degré de tranfparence, auffi permettent-elles de voir ce qui fe paffe dans l’inté¬ rieur , Si 011 y voit beaucoup de chofes amulantes. Les mouches des vers mangeurs de pucerons, nous ont donné autrefois occafion de parler * d’efpeces de nuages difpofés * r omt ■>. par tranches minces, qui le meuvent parallèlement les uns aux autres, de l’origine du corps vers le derrière, & qui ihi- paroiffent enfliite, mais qui font continuellement rempla¬ cés par île nouvelles couches nébulculcs qui ne ccfîcnt de fe former vers l’origine du corps: j’ai bien mieux vu ces cou¬ ches dans le corps de l’éphémere, & en plus grand nombre, que dans les mouches qui viennent d’être citées, ei es y che- minoient le plus louvent dans un lens directement contrai¬ re. Je tenois la tête de lephémcre en embas, & j ai fouv eut Tome VI. Krr 49 § Mémoires pour l’Histoire vû à la fois fix à fept tranches obfcures dont chacune avoit, ou paroilfoit avoir le diamètre du corps, & qui toutes mar- choient à la fois vers le premier anneau ; celle qui y étoit arrivée dilparoilfoit dans le moment, mais une nouvelle couche fe montroit près du derrière, & ne devoit s’éva¬ nouir que quand elle feroit arrivée alfés près du corcelet. Dans d’autres circonltances, j’ai vû de femblables tranches marcher dans un fens direélement contraire, partir d’au¬ près du corcelet, & le rendre vers le derrière; enfin d’autres fois j’ai vû partir en même temps d’un anneau plus proche du derrière que du corcelet, deux tranches oblcures, dont l’une prenoit la route du côté de la tête, & l’autre la lienne vers laqueuë. L’air que ces mouches refpirent, femble être la caufe de ces apparences, comme j’ai dit ailleurs que je le foupçonnois. J’ai encore lieu defoupçonner que le cœur, ou le vailfeau qui en tient lieu, ell placé dans les éphémères près de leur derrière: là j’ai obfervéavecplailir un vailTeau qui lèringuoit par intervalles de la liqueur vers la partie antérieure. Nos éphémères qui paroilfent aimer & chercher la lu¬ mière d’un fiambèau, n’ont pas apparemment des yeux faits pour la foûtenir; elles doivent naître pendant la nuit, & la lueur qui ell répandue alors dans l’air, trop foible pour nos yeux, ell probablement celle qui convient le mieux à ces mouches pour voir les objets quelles ont be- foin de difeerner: un plus grand degré de lumière les éblouit, & les met hors d’état de diflinguer les uns des autres les différents corps; aulfi viennent-elles les frap¬ per en volant, elles ne fçavent pas les éviter en changeant de route: leur rencontre les détermine à tomber, ou à voler en embas, & elles lailfent leurs œufs fur les corps où elles fe trouvent. Celles qui ne font pas éblouies par une trop grande lumière, volent à Heur d’eau, & s’ap- des Insectes. XII. Mem. 499 puyent avec les filets de leur queue fur l’eau même, pen¬ dant quelles lui confient leurs deux grappes d’œufs. Elles n’ont pas beloin d’en prendre d’autre loin, la pefanteur de ces grappes qui furpafle celle de l’eau, les fait tomber fur le champ au fond de la riviere. Là les œufs font bien-tôt difperfés, ou au moins féparés les uns des autres; la colle qui les tient enfemble efl dilfoluble à l’eau ordinaire. J’ai mis le loir plulieurs de ces grappes dans des poudriers pleins d’eau; le lendemain au matin le fond du poudrier n’avoit que des tas de grains aulfi fins que des grains de fable, mais de figure plus régulière, & tous détachés les uns des autres, il ne refloit aucune forme de grappe. Si on met de celles-ci dans une liqueur d’une autre nature, dans del’efprit de vin, elles y relient dans l’état où on les y a miles; cette liqueur fpiritueufe n’elt pas le dilîolvant de la colle qui tient les grains attachés les uns aux autres. Mais comment ces œufs font-ils fécondés, comment ont-ils le temps de l’être! car il femble que chaque fe¬ melle ne s’ell pas plutôt élevée en l’air, qu’à peine y a-t- elle volé quelques infants, quelle fe rabbat vers la fur face de l’eau pour faire fa ponte. En quel temps les mâles s’accouplent ils avec les fémelles ! C’cll fur quoi je n ai rien à dire d’alfés précis: des infeétes qui ne paroilfent que pendant la nuit, ne prennent pas pour paraître, un temps où l’on puilfe lesbien fuivre des yeux.Swammerdam qui a obfervé une autre efpece d’éphémeres qui fe montre de meilleure heure, qui commence à 1e répandre dans l’air,plus de deux heures avant que le foleil fe couche, prétend que les œufs font fécondés fans accouplement ; que les mâles des éphémères jettent furies œufsque les femelles viennent de pondre, un lait, une liqueur vivifiante, comme on croit communément que le font les mâles delà plupart des poil- ions. Si les œufs de l’elpeced’éphcnicrcs de Swammeidam Rrr ij 500 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE ou de l’efpece commune furie Rhin, étoient fécondés ainfi, il ferait plus que probable que ceux des éphémères de la Seine & de la Marne le feraient de la même ma¬ nière. Quand la nature varie extrêmement les façons d’opérer, c’efi rarement par rapport aux efpeces d’un même genre. Or il me paraît extrêmement difficile à concevoir que les œufs de nos éphémères puiffent être fécondés par une liqueur laiteufe, verfée deffiis par les mâles: les deux grappes ne font pas plutôt hors du corps delà fémelle, dont nous les avons vû fortir fi prompte¬ ment, quelles tombent au fond de l’eau , comme deux petites pierres. J aurais dû voir des mâles répandre de la liqueur laiteufe fur les grappes d’œufs dépofées fur les nappes & les ferviettes; car pourquoi ne leur arriverait-H pas de fc méprendre, comme il arrive aux fémelles! fi cel¬ les-ci ont l’imbécillité de laiffier leurs œufs dans des en¬ droits où les vers n’en fçauroient éclorre , pourquoi les mâles auffi mal habiles n’iroient - ils pas arrofer ces mê¬ mes œufs ! & c’efl ce que je ne leur ai point vû faire. La quantité de liqueur dardée peut à la vérité être fi petite qu’elle m’ait échappé, car ce que j’en ai fait fortir de leur corps en le preffant, étoit bien peu de chofe; mais il en paraît d’autant moins concevable quelle puiffie parvenir à agir fur des œufs qui fe précipitent fi vite au fond de l’eau. J’inclinerais plus à penfer que les mâles s’accouplent avec les fémelles, mais que comme la vie des uns & des autres efl la plus courte de celles des animaux connus, leur accouplement auffi efl le plus court de tous, beau¬ coup plus court que celui des oiféaux qui dure fi peu. Peut-être qu’il fuffit à un mâle de fe placer un in fiant fur fa fémelle, pour la rendre féconde; peut-être que celles- ci ne s’élèvent après être forties de l’eau, & ne volent des Insectes. XII. Mcm. 501 quelques in liants, que peur fe mettre à portée des ap¬ proches d’un mâle. Peut-être même ai-je vû des faits allés polîtifs pour décider cette queftion , & fur lefquels je compterois davantage, fijc les avoisvûs autrement qu’à la lueur de quelques bougies que je faifois tenir à fleur d’eau. J’ai remarqué alors que les éphémères qui paroif- foient tombées fur l’eau, ne s’y noyoient pas toutes, qu’il y en avoit beaucoup qui s’élevoient à quelques pieds de hauteur, pour redefeendre enfuit e ,& qui répétoient ce ma¬ nège à diverfes reprifes: j’ai cru voir même alors, & plu- lieurs Ipeétateurs ont cru le voir comme moi, les mâles s’accoupler avec les femelles: on voyoit au moins voler des éphémères fi proche de la furface de 1 ’cau, que le bout de leur queue la touchoit, & étoit même un peu au-deflous, elles lèmbioient chercher avec aélivité à fe pofer fur d’au¬ tres éphémères. Nous en prîmes quelques-unes de celles qui paroilfoient accouplées ; mais fi elles avoient été join¬ tes , elles cefloient de 1 etre lorlque nous voulions exami¬ ner ce qui en étoit. Sur cette ferviette que je tenois éten¬ due fur mes genoux, pendant que j’avois un parapluvefur la tête, je vis des mâles fe pofer fur lesfémelles, &qui pa¬ rurent fe joindre à elles, mais je ne pusm’aflurer d’avoir rien vû de complet. Enfin les mâles ont des appendices charnues fous le corps*, près du derrière, qui lcmblent *pr. 44 . fi leur avoir été données pour faifir celui de la femelle: elles 1 >• a > a > b > font placées & faites comme des parties accordées à d'au¬ tres mâles d’infectes pour un femblable ufage. II feroit plus aile de s’inftruire du nombre des jours au bout duquel les vers fortent des œufs qui ont été fécon¬ dés; je l’ignore cependant parce que je me fuis contenté de mettre des grappes dans l’eau d’un poudrier, que je n ai pas changée: cette eau n’a pas été apparemment favorable au développement des embryons, qui peut demander une Rrr iij 502 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE eau courante, ou plusfouventrenouvellée. Au relie il im¬ porte peu de fçavoir combien de jours ces vers relient à édorre ; mais on ne doit pas douter que dès qu’ils font nés, ils ne fçachent le foire ries trous où ils font plus en fûreté, moins expofés à être la proye des poillons vo¬ races, que ne le font les poillons nailfonts qui font obli¬ gés de le tenir au milieu de l’eau. La fécondité des me- res étant très-grande, comme nous l’avons vu , 6c les petits peu expofés, il n’ell pas étonnant que certaines an¬ nées nous falTent voir fur les rivières, des nuces 6c des pluyes de ces mouches. Mais toutes les années ne font pas également abondantes en éphémères: quand une l’a été, il en devroit revenir une pareille au bout de deux ans: ce retour feroit réglé , fi des circonlfonces à nous inconnues, des mortalités extraordinaires , ne l’interrompoient pas, 6c cela parce que c’elt au bout de deux ans que les nymphes d’éphémeres ont pris dans l’eau tout leur accroiffement, & qu’elles arrivent à leur état de perfeétion. Ce n’clf pas à nous de fçavoir pourquoi il convenoit que la durée qui elt prefcrite à la vie de nos éphémères, fût fi courte: il y auroit trop de préfomption à en vouloir de¬ viner des raifons: les convenances fur lefquelles des termes différents de vie plus ou moins longs, dévoient être don¬ nés à différents animaux, dépendent d’une totalité de vues qui n’ell pas à notre portée. Mais peut-être ed-il plus ailé de deviner pourquoi ces quantités immenlès d éphémères dé¬ voient naître en deux ou trois jours, 6c dans deux à trois heures de chacun de ces jours; car ce s temps fixés à leur nailfoncc femblcnt une fuite néceffaire de la courte vie qui leur a été accordée. Dès que l’Etre, dont les volontés font lumière 6c puiffance, vouloit que leurefpece fecon- fervât, 6c fournit chaque année le nombre d’individus quelle donne, quoique la manière dont les males ope eut des Insectes. XJ J. Mem. 503 la fécondation des oeufs, nenousfoit pasaffés connue, il eft fur qu’ils l’operent, & que pour l’opérer, ils doivent rencontrer les femelles ou leurs œufs. Or s’il rut été réglé que la même quantité de femelles & de mâles qui naît en trois ou quatre jours, & feulement pendant deux à trois heures de chaque jour, naîtrait à toutes les heures du jour, & cela pendant un ou plufieurs mois, il eft évident qu’il ferait arrivé très-rarement que les femelles & les mâles au¬ raient pu fe joindre : pour peu qu’il eût fallu fe chercher, ils n auraient pas eu le temps de fe trouver avant que de mourir; la plupart des fémel les feraient péries fans que leurs œufs fuffent devenus féconds, la quantité des individus eût été chaque année en diminuant, &l’efpece, quelque nom- breufe quelle fût, eût pu être détruite. La conjecture précédente eft confirmée par des mou¬ ches de plufieurs efpeces, qui appartiennent à la clafte des éphémères; jamais on ne voit voler à la fois autant, à beaucoup près, des éphémères de chacune de ces ef¬ peces, qu’on en voit voler de celles de l’efpece dont il s’eft principalement agi jufqu’ici ; les unes naifient dans des temps afles éloignés de ceux où font nées d’autres mouches de leur efpcce; auftï une plus longue vie leur a été accordée, une vie au moins de plufieurs jours; il yen a eu telle qui n’a péri chés moi qu’au bout de hx à fept jours, & qui peut-être eût vécu plus long-temps, lî la li¬ berté de voler ne lui eût pas été refufée. Ces dernières éphémères, après avoir quitté la dépouille fous laquelle elles ne pouvoient vivre que dans l’eau , après être devenues en état de parcourir les airs, après en un mot être devenues mouches, fe trouvent dans un cas ou n’eft aucune mouche des autres efpeces connues, ni aucun autre infeéleaîlé. Rien nefemble leur manquer, & il ne pa¬ raît pas qu’elles ayent rien de trop; cependant elles doivent 504 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE encore foûtenir une opération équivalente à ceiie d’une métamorphofe, & qui lémbie même plus difficile, elles ont encore à fe défaire d’une dépouille: quelles en puiffient tirer leur tête, leurs jambes, leur corps, & les longs blets de leur queue, ce font des merveilles avec lefquelles 011 s’ell: famiiiarifé en voyant quantité d’autres infeéles fe trans¬ former, ou bmplement changer de peau; mais il y a ici une merveille toute nouvelle. Dans les transformations des autres mouches, & même dans la transformation de celles-ci, nous avons vu des ailes très-molles, & par con- féquent très-flexibles, fortir des fourreaux dans lefquels elles étoient pliffées; mais voilà ici des ailes bien dévelop¬ pées , bien étendues, qui fembîent avoir pris toute leur confiftance, & par conféquent être devenues calfantes, car celles qui ont une fois foûtenu un infeéte en l’air, le font, & le laiffent très-peu plier. Enhn ces ailes qui ont beaucoup d’ampleur, font li minces qu’on n’imagine pas qu’elles loient renfermées dans une efpece d’étui, & quand on fçait que l’aile en a un d’où elle fe doit tirer, on ne conçoit pas comment malgré fon ampleur, elle pourra fortir faine par le bout étroit de cet étui, par une affiés pe¬ tite ouverture qui fe fait auprès de l’origine de l’aile : tout cela fe fait cependant, & on a fou vent des occafions de 1e procurer le plaifir de le voir. Ces éphémères, après être forties de l’eau, s’élèvent fou vent fort haut en l’air, elles y volent affiés longtemps, ou aii moins vont-elles en volant affiés loin du lieu de leur naiffiance : on en trouve à la campagne dans des bois éloignésde toute eau,& à Paris, elles fe rendent dans des maifons éloignées de la riviere : il y eft pourtant plus or¬ dinaire d’en voir dans celles qui en font voifmes. Les en¬ droits où elles s’y bxent le pluslouvent, les mettent très à portée d’être vues: leurs pieds font armés de crochets h des Insectes. XII. Mem. 505 fins qu’ils trouvent fuffifamment prife fur les carreaux de verre, pour s y cramponner lolidement. Lephémere tient alors les quatre ailes appliquées les unes contre les autres, Si perpendiculaires au plan du corps*: clics font pofées 1,1 PI.4.6.fîg; comme le font celles de la plupart des papillons diurnes. On trouve de même de ces éphémères cramponnées con¬ tre des murs , contre des arbres, & iouvcnt dans la pofi- tion verticale, ayant la tête en enhaut; cette pofition pourtant ne leur ell pas fi eflentielle quelles n’en prennent d’autres, & quelquefois une horilontale, lorfque l’appui fur lequel elles fe font arrêtées, le demande. Sans changer de place, fans le donner de mouvement fenfible, lephémere attend le moment où elle pourra le tirer d’un vêtement qui lui ell apparemment incommode, & dont il faut quelle le défalfe; & quelquefois elle l’at¬ tend pendant plus de 24. heures. Le 19 Mai à midi, je renfermai dans un poudrier une éphémère plus grande que celles dont il a été tant parlé, & dont les ailes étoient d’un beau jaune citron : ce ne fut que le lendemain à neuf heures & demie du foir qu elle parvînt à fe dépouiller. Un Samedi du mois de Juin fur les cinq heures du foir, je renfermai dans un poudrier une éphémère d’une gran¬ deur médiocre, que j’avois trouvé attachée à une feuille de faule , elle fortit de fon fourreau la nuit du Diman¬ che au Lundi, ce ne fut que ce dernier jour à fept heu¬ res du matin que je l’en vis dehors Elle vécut encore au moins pendant quatre jours dans ce poudrier, ccft- à-dire, que je l’eus vivante pendant près d’une femai- ne, & j’ignore combien il y avoit de temps qu elle étoit née quand je la pris. Au relie l’opération dans laquelle l’éphémere quitte fa dernière dépouille, relTemble dans i’elfentiel à toutes celles où un infèéîe fe défait d une enveloppe; la durée n’en cfl pas longue : dès que la peau Tome VL Sff 506 Mémoires pour l’Histoire s’c(l fendue au-dcffus du corcelet, la fente s’aggrandit de moment en moment; le corcelet s’élève au-deffus, la tête le dégage, & fe porte en avant. Ce qu’on eft plus curieux PI. 46. fig. d’oblèrver alors, c’elt comment chaque aile ^ efl tirée ' m. h° rs fie fon étui + ; on l’en voit fortir plifTce fuivant la longueur, réduite à la groffeur &à la ligure d’un filet, * o,o. dans la partie qui fort *, & dans fa partie qui s’elî en¬ core peu éloignée de l’ouverture qui lui a donné palfage: c’efi en avançant peu à peu, en fe portant en devant.que l’infeéle les dégage l’une & l’autre. Dès qu’elles font for- lies, elles ne font pas long-temps à s’étendre, à s’appla- nir, tous les plis s’effacent vite. On devine alfés pourquoi elles ont pu fe plilfer fans le calfer ; que c’efi; que chacune d’elles avoit été confervée humide & molle dans fon four¬ reau ; les fourreaux feuls s’étoient defféchés, & avoient feuls pris la confiftance nécelfaire pour battre l’air avec fuccès , pour mettre l’infeéle en état de voler. La grande elpece dephémeres, dont il vient d’être fait mention, tient plus à la vie, qu’il ne femble permis à une éphémère d’y tenir. Pour empêcher une de ces mouches de fe ti¬ rer entièrement delà dépouille, lorfqu’elle en fut à moi¬ tié fortie, je lui écrafai la tête, elle lé trouva hors d’état d’achever l’opération; mais au bout de douze à quinze heures, le corps n’étoit pas encore mort, il fe donnoit des mouvements. Parmi les éphémères qui portent ce nom à bon titre, il y en a de très-petites efpeces qui n’attendent pas long¬ temps après être forties de l’eau , pour quitter cette dé¬ pouille quelles ne peuvent laiffer que lorfqu’eilesfont mou¬ ches. La riviere de Loire m’en a fait connoître deux efpe¬ ces de celles-ci, dont les unes doivent être appellées diur¬ nes^ les autres noélurnes. Le 11 Septembre 1741 » vers les 5 heures du loir, pendant que j’étois fur la levée des Insectes. XII. Mem. 507 qui conduit deSaint-Dié à Blois, & allés proche de cette dernière ville, j’oblèrvai en l’air autour de ma berline, de petites nuées de mouches de la grandeur defquelles je don¬ nerai a des d’idée,en dilant que je les crus être de ces tipules qu’on voit ailes fouventattroupéesen l’air, mais je ne fus pas long temps fans les connoître pour ce quelles étoient .Des milliers de ces éphémères s’attachèrent en dehors à la glace de devant de la berline, & elles s’attachèrent en nombre confidérablement plus grand fur mes gens. A peine s’é- toient-clles pofées& cramponnées quelque part, qu’ellesfe tiroient de leur dépouille: ce n’étoit pour chaque petite mouche qu’une affaire d’une minute ou deux; aulfi en moins d’une demi-heure les habits, & fur-tout les chapeaux de mes gens, furent tous blancs: le grand nombre de dé¬ pouilles qui y étoient refté accrochées, les rendirent tels. Ces petites éphémères avoient le corps & le corcelet bruns, avec un peu de jaunâtre, & des filets bruns dans les ailes. Quelques années auparavant, des éphémères d’une au¬ tre efpece, prelqu’auiïi petite que la précédente, parurent à Blois pendant la nuit; je 11e les vis pas voler, mais lorfque le matin après être remonté dans ma berline, j’en levai les glaces, je les trouvai pleines de dépouilles d’éphémeres qui y étoient cramponnées; je trouvai aufîi quelques-unes des éphémères mortes dans l’opération, ou peu après. L’auberge où j’avois couché, cfl la Galere, qui efl fituée fur le bord de la rivicre. Au refte je ne dois pas oublier de dire que le 1 1 de Septembre, où je vis avant loleil couche tant de petites éphémères, & que le 26 Oélobre 011 beaucoup d autres fe rendirent en grand nombre dans ma berline, il avoit fait beau & chaud pour la faifon : le 26 Oélobre la li¬ queur du thermomètre monta à i 5 degrés. Il y a lieu de croire que le temps chaud détermine celles de ces dernières S ff ij 508 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE efpeces à fe métamorphofer, & à lortir de l’eau. J’ai parcouru les bords de la Loire dans les mêmes faifons, pendant bien des années de fuite, fans y avoir vû les unes ou les autres de ces éphémères, apparemment parce que ce n’étoit pas dans des jours favorables à leur transforma¬ tion. Les éphémères de fefpece fur laquelle Swammerdam a donné des obfervations, font aufii de celles qui après avoir volé, ont encore à fe défaire d’une dépouille; mais il prétend que les mâles y font feuls obligés. S’il efi fin- gulier que dans certaines efpeces d’éphémeres, les mâles & les fémelles foient dans la nécelfité, après leur transfor¬ mation, de quitter, pourainfi dire, un habit qui ne fem- ble pas avoir eu le temps de devenir vieux ; que dans d’autres efpeces les mâles foient feulsaffujettis à cette loi; il l’eft encore plus que les mâles & les fémelles de certai¬ nes efpeces en foient dilpenfés. J’avois vû tant de fois des éphémères quitter une dépouille,que je ne doutois pas que celles qui pleuvent fur la Seine & fur la Marne dans certaines nuits, ne dûffent fe dépouiller comme les au¬ tres, mais ç’a été inutilement que j’ai cherché à voir de celles-ci dans cette opération: quelque promptement quelle fe fit, & quoique ce fût pendant la nuit, le mo¬ ment n’auroit pu m’en échapper lorfque j’avois des nuées de ces mouches à madifpofition. Afin qu’il ne me refiât fur cet article aucun lieu à doute, je pris dans mes bac- quets, des éphémères, dans l’infiant où elles venoient de fe transformer, j’y en pris de mâles & de fémelles, je les renfermai dans des poudriers, toutes y périrent fans fe dé¬ faire d’une dépouille. Si on ouvre le corps dune nymphe, même plufieurs jours avant celui où elle doit fe métamorpholèr, on trouve à celle qui doit devenir une mouche femelle, les deux des Insectes. XII. Mem. 509 grappes d’œufs bien diftinétes, & dont les grains font autant d’œufs fenfibles. Si cette nymphe & celle qui doit deve¬ nir une éphémère mâle, pafTent a l’état d’inieéleaîlé, c’eft pour que l’une puiffe pondre les œufs, & que l’autre puiffe ies féconder. Enfin dans plufieurs eipcccs, la mouche mâle ne peut operer la fécondation des œufs, m’a fait voir des œufs d’éphémeres, arrangés plutôt en manière de lanière ou de cordon *, qu’en grappe: chacun de ces derniers œufs eft brun & oblong, & ils l’ont collés’ à la file les uns des autres* : ils forment un étroit ruban, qui a pour toute largeur la longueur d’un œuf. Un des derniers jours du mois de Juillet, pendant qu’il étoit aux 1 Thuilleries, des éphémères parurent en grande quantité, vers le coucher du foleil, fur le grand balfint; il remarqua un corps longuet, une efpece de filet qui pendoit au der¬ rière de plufieurs de ces mouches, il en prit quelques- unes à qui ce filet pendoit, & il lui fut aifé de reconnoî-^ îre alors que chaque filet étoit plat & fait d’œufs collés les 1 uns contre les autres. J’ignore fi ces éphémères ont tous leurs œufs réunis S fl' iij * PI -4î- 1 o & 11. * Fig. 12» 510 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE dans un feul cordon , ou fi elles en ont deux quelles font fortir l’un après l’autre de leur corps; au moins M. Guettard n’a-t-il remarqué aucune de ces mouches qui eût deux cordons à la fois pendus au derrière. Dans le corps d’une éphémère d’une autre efpece qui vient d’une nymphe à port d’ouïes en rames, dans le corps , dis-je, de cette éphémère que j’ouvris, je ne trouvai qu’une feule grappe: les œufs dont elle étoit formée, étoient blancs, oblongs comme des œufs ordinaires, & ne pouvoient être vus bien diftinélement qu’avec le lecours de la loupe. Ce fut en 1738 que je vis naître tant d''éphémères fur un bras de la Marne, & que je fusattentifà oblèrver l’heure à laquelle elles commencèrent à y voler pendant quelques jours de fuite, Si celle après laquelle elles cefferent de fe montrer en l’air. L’année fuivante je ne les oubliai pas: curieux de fçavoir b les allûres des mouches de cette ef¬ pece étoient à peu-près les mêmes chaque année, je char¬ geai en 1739 mon pêcheur, comme je l’avois fait en 1738.de venir m’avertir dès qu’il en auroit vu paraître : il vint le 6 Août me donner un avisfemblable à celui qu’il ne m’avoit donné que le 19 de l’année d’auparavant ; ainfi en 1739 les éphémères commencèrent à paraître fur la Seine & fur la Marne 1 3 jours plûtôt qu’en 1738 , mais la quantité n’en fut pas, à beaucoup près, fi grande. Je ne pus prolîter que le 7 de l’avis que j’avois reçu ; j’allai ce jour-là à Charenton ,& j’en revins le foir même: il ne me fut permis d’y retourner que le 9. Le 7 je repartis de Charenton à huit heures trois quarts, iàns avoir eu le plaifir de voir voler une feule éphémère : elles parurent pourtant pen¬ dant la nuit, Si en plus grand nombre que la veille: chaque jour dès le matin, j’avois des preuves de ce qui s’étoit paffé pendant la nuit ; mon jardinier arrivoit chés moi à Paris, des Insectes. XII. Mem. 5 1 T avec un poudrier rempli d’éphémeres qui avoient volé la veille. J’ai lieu de croire auffi qu’il s’acquitta fidèlement de la commilfion que je lui avois donnée, d’être attentif à remarquer 1 heure à laquelle elles commenceraient à voler chaque loir: il ne lui étoit pas auffi indifférent qu’il eût pu l’être à d’autres hommes defon étoffe, defça- voir comment ces mouches fe conduifoient: il avoit pris intérêt à ce qui les regardoit. Il me rapporta que chaque foir elles n’avoient volé que vers les neuf heures & demie pour le plutôt, ou vers les neuf heures trois quarts. Le 9 j allai encore a Charenton, & j’en revins après neuf heures,fans en avoir vu une feule. Sa mon jardinier m’af- fûra les avoir attendues jufqu’à près de dix heures fans en avoir vû paraître aucune. Chaque loir en 1759, les éphé¬ mères parurent donc conftamment une heure & un quart au moins plus tard quelles n’avoient fait en 1738. Il y a aflurément une caufe de cette variété. Dès que les nym¬ phes attendent pour fe métamorphofer en mouches, que le foleil foit couché,& même quelque temps après qu’il l’efi, fi les éphémèresn’euffent paru en 1739 qu’environ 20 minutes plus tard qu’en 173 8,elles auraient paru dans l’une & dans l’autre année à la même heure, après le cou¬ cher du foleil, car il fe coucha d’environ 20 minutes plutôt pour les éphémères de 173 8, que pour celles de 1739; mais la différence entre le temps où les unes, & celui où les autres fe montrèrent dans ces deux années, eft quatre fois plus grande que celle de 20 minutes. Une autre caufe que le coucher du foleil, plus avancé ou plus retardé , femble donc avoir influé dans ce qui déter¬ mina les éphémères à paraître plus tard en 1739 qu’en 1738. On pourrait foupçonner quelles n’évitent pas feulement la lumière du foleil, quelles craignent même celle de la lune. Mais le 7 Août 1739» elle fe coucha 512 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE à 8 heures 43 minutes, & le 19 Août 1738 , elle ne fe coucha qua 8 heures 59 minutes, cependant les éphémè¬ res parurent bien avant 9 heures en 1738 , & après en 1739; ainfi l’heure du coucher de la lune ne régie pas celle qu’elles choififfent pour le transformer. La caufe qui avance ou retarde dans une année l’heure où elles com¬ mencent à fe métamorphofer, dépend donc de queiqu’au- tre circonÜance qui ne rn’eft pas connue. EXPLICATION DES FIGURES DU DOUZIEME Al E M O 1R E. Planche X L I I. La Figure 1 fait voir un morceau de glaife, qui a été détaché du bord de la riviere de Marne, audelTous du niveau de l’eau, dans lequel plufieurs vers ou nymphes d’éphémeres étoient logés, m m n n p q, ce morceau de glaife. o, o, deux ouvertures qui appartiennent au même trou, c, languette de terre qui refie entre les deux ouver¬ tures 0, o. Quand la languette c efl emportée, les deux ouvertures n’en font plus qu’une, telle que celle mar¬ quée a a. La Figure 2 efl celle d une coupe d’une portion du morceau de glaife de la figure première, faite par un plan parallèle à m m n n, & qui a paffé par deux ouvertures 0, o. La partie fupérieure que la coupe a détachée, ayant été emportée, l’intérieur d’un trou de ver éphémère efl à découvert, o, o, les ouvertures du trou, c l, languette qui divifele trou en deux dans prelque toute la longueur, de qui le rend femblable à un tuyau recoudé, dont les deux branches font appliquées l’une contre l’autre. La Figure 3 repréfente un ver éphémère de ceux qui habitent des Insectes. XII. Man. 513 habitent les trous des figures précédentes, un peu plus petit cju il ne 1 eft quand il fe transforme en nymphe. Dans lesFiguresq.& 5,leverdelafigure3 eft très-groffi ; il eft vû par-deftus dans l’une, & de côtédans l’autre. a, a, fig. 4, les antennes, c, c, les deux grands crochets qu’il porte en - devant de la tête, i, i, les yeux. 0 s, 0 s, la fuite des ouïes qui font couchées fur le dos ; les bouts de celles d’un côté rencontrent les bouts de celles de l’autre côté,&fe dirigent vers la queue, comme on le voit fur-tout dans la figure y. f, e,f, les trois filets qui font la queue de ce ver. La Figure 6 fait voir une portion d’un des filets f, fi¬ gures 4 & 5, très-grolfie./’^', tige du filet, p p, p p, poils qui bordent la tige. La Figure 7 montre en grand & par-deiïous, la tête du ver de la figure 3 . c, c, les deux grands crochets. Quatre pièces dont les deux extérieures font marquées b, b, & dont les deux intérieures fe réunifient en d, fontenfem- ble équivalentes aux lèvres inférieures de plufieurs infec¬ tes, à celles qui fontdivifées entrois portions, dont cha¬ cune fe peut mouvoir feparément. Le corps qui paroît entre les deux pièces d, eft probablement analogue à la langue. La Figure 8 repréfente plus en grand & détachée, une des pièces d de la figure 7. en a elle a une articulation, & elle fe termine par un crochet écailleux c. La Figure 9 nous montre une des pièces b de la figure 7, plus grande que dans cette dernière figure, & la fait voir de côté, c, crochet qui la termine. Dans la Figure 10 une des ouïes du ver de la figure 3, eft repréfentée très - grolfie. t 0 0 s s l i i t, une des lames dont cette ouïe eft compofée, & la plus grande. n e e k fn, l’autre lame de cette ouïe, t l, vaifieau qui va tout du long de la grande lame. 0, c, quelques-uns Tome VI. ^ 11 514 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE des frangeons ou longs mammelons, qu’on a écartes les uns des autres à deffein ; en ff les frangeons font plus preffés les uns contre les autres. Sur le côté concave les mammelons i, i, Sic. font plus longs & plus écartés les uns des autres. L’autre lame a une ftruéture affés femblable à celle de la précédente, n k, le vaiffeau qui la partage en deux, f la frange de fon côté convexe, e, e, e, Si c. les mammelons oblongs de fon côté concave. Planche XLIII. La Figure 1 repréfente très-grolfie une nymphe dephé- mere, dont le ver elt repréfenté dans les ligures 3,4 .Si y de la planche 42. La différence la plus remarquable qu’offre la nouvelle ligure, confifte dans les deux fourreaux d’ailes m, ni, qui fe trouvent fur le corps de la nymphe, Si qu’on ne voit pas fur celui du ver. a, a, les antennes. c, c, deux grands crochets, i, i, les yeux, g g, k k, 11 , les trois paires de jambes, o s, o s, les deux rangées d’ouïes. f, e, f, les filets qui compofent la queue. La Figure 2 elt celle d’une jambe de la première paire, plus grolfie que dans la figure première. La Figure 3 elt celle d’une jambe de la féconde paire. La Figure 4 elt celle d’une jambe de la troifiéme paire. La Figure 5 montre plus en grand un des crochets c de la figure première , dans la même vue , mais en entier. c, le crochet; la tige qui le porte, a deux rangs d’épines fur fa face fupérieure: on voit auffi que d’un côté cette tige elt bordée de poils; mais la pièce la plus finguliére qui tienne à cette tige, elt une efpece de molette d’é¬ peron e r, qui fe trouve à la hauteur de la bouche. Les dents de cette molette femblent devoir être celles de i’infeéte. La Figure 6 fait voir feulement la partie fupcrieuredü des Insectes. XII. Mcm. 515 crochet de la figure 5; tout ce qui étoit dans celle-ci au- deffious du milieu de la molette deperon a été emporté, au moyen de quoi la molette e r paroît prefqu’en entier dans la figure 6. ^ Dans la Figure 7 le crochet des figures précédentes cft vu plus groffi & par la face intérieure, qui par embas elt un peu inclinée. La molette d’éperon ne paroît pas, &ne doit pas paraître dans cette figure : le bord intérieur a de groffies& courtes dents; .quelques gros poils p,p, par¬ tent de ce même bord. La Figure 8 repréfente la partie antérieure d’une nym¬ phe, transformée plus nouvellement que celle de la figure première ; dans celle-ci on ne voit que les deux fourreaux des grandes ailes, & dans la figure 8 on voit quatre four¬ reaux d’ailes; ceux des deux grandes m, m } &. ceux des deux petites l, l. La Figure 9 repréfente lecorcelet d’une nymphe dont la transformation étoit aulfi ancienne que celle de la nym¬ phe de la figure première, m, un fourreau d’une grande aile dans fa pofition naturelle, n, le fourreau de l’autre grande aile, qui a été relevé pour mettre à découvert le fourreau / d’une petite aile qu’il couvrait auparavant, comme le fourreau m couvre actuellement le fourreau de l’autre petite aile. La Figure 1 o eft très en grand celle de la partie anté¬ rieure d’une mouche éphémère venue d’une nymphe telle que celle de la fig. première. On la voit de côté ayant les ailes relevées, parce qu’on s’y cft fur-tout propofé de mettre en vûë les deux grands ftigmates f j. y, un des yeux à rézeau. La Figure 11 montre très en grand & par-déifions, la partie antérieure de la mouche éphémère vûë de côte dans la fig. 1 o, à qui on a ôté les ailes, a , a , les antennes.99^, les T11 ij 516 Mémoires pour l’Histoire yeux à rézeau. i, un des petits yeux, ou de ceux qui ont lin chatton. a, endroit où devrait être la bouche, 6e d’où on ne fait fortir qu’une velfie. Au-delfous on voit quatre languettes charnues, dirigées vers la partie pofté- rieure. Planche XLIV. La Figure i repréfente une éphémère e de celles qui viennent des nymphes & des vers gravés dans les plan¬ ches précédentes , vûëdans un moment où elle sert tirée en grande partie de l'on fourreau f; elle eft ici un peu plus grande que nature. Dans la Figure 2 une éphémère e qui n’a qu’à peu-près fa grandeur naturelle, paraît prefqu’entiérement hors de Ton fourreau/'; elle n’a plus à en dégager que les filets de fa queue. La Figure 3 eft celle d’une éphémère mâle, & la fig. 4 celle d’une éphémère fémelle; celle-ci, un peu plus grande que l’autre, a une queue compofée de trois filets égaux f e, f, plus longs qu’ils ne font dans la figure; & i’autre n’a que deux longs filets f, f, & un très-court e. La Figure 5 repréfente l’éphémere de la figure 4 très- groftîe. n, a, fes antennes, i, i, i, fes trois yeux liftes, dont chacun eft monté dans une efpece de chatton. y, y, les yeux à rézeau. g, les deux jambes de la première paire. k, k, les deux jambes de la fécondé paire. I, l, les deux ai¬ les fupérieures. ?/, n, les deux aîles inférieures. Les trois filets de la queue ont été coupés en f, e,f; il aurait fallu trop de place pour leur donner une longueur proportion¬ née à celle des autres parties. La Figure 6 montre une éphémère qui a fait fortir les deux grappes d’œufs o, de fon corps, auquel elles ne tien¬ nent plus chacune que par leur extrémité. des Insectes. XII. Mem. 517 La Figure 7 eft celle d’une grappe d’œufs de grandeur naturelle. Dans la Figure 8 la grappe d’œufs de la figure 7 efl aflfés groflie pour faire voir qu’elle eft compofée d’un très- grand nombre d’œufs collés les uns contre les autres. La Fig. 9 repréfente en grand la partie poftérieure d’une éphémère qui a commencé à faire fortir de fon corps fes deux grappes d’œufs. Alors la partie poftérieure du corps q r, fait prelqu’un angle droit avec la partie r f, qui la précédé. La Figure 10 fait voir encore la partie poftérieure du corps d’une éphémère q r, qui fait un angle avec celle r f, qui la précédé; mais elle la repréfente dans un mo¬ ment où les deux grappes d’œufs font tombées, u, u, deux velfi es pleines d’air qui paroiftent en la place des grappes. La Figure i i reprélènte la partie poftérieure d’une éphémère mâle, ou de celle de la figure 3 vue partiel- fous,& très-grolfie. a, a , b, b, quatre appendices charnues qu’on ne trouve point à la fémelle, & analogues aux par¬ ties au moyen defquelles les mâles de divers infecfles lai- fifïent leur fémelle./, f les deux grands filets delà queue qui ici n’ont qu’une partie de leur longueur, e, le court filet qui a toute la fienne. Planche XLV. La Figure 1 repréfentegrolfie.unenymphe d’éphémere dont la véritable grandeur ne furpafte gueres celle de la nymphe de la planche q.6, figure 15; elle eft d une elpece qu’on trouve communément dans differentes eaux, & qui tient les ouïes 0, o,o,o, 0,0,0, élevées au-deffus de Ion corps, q fg, q e g, q f g, les trois filets de la queue. Les extrémités f g, eg,f g, de tous les trois lont ralées. La partie q e de celui du milieu a des poils de deux cotes, bc la partie q f de chacun des deux autres n a des poils qu à 1 U Tttiij 5 I 8 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE fon côté intérieur, m, fourreaux des grandes aîies. J’ai eu dans des bacquets pleins d’eau plufieurs de ces nymphes, qui m’ont donné dans le mois de Mai des éphémères dont les ailes, quoique tranfparentes, font brunes. La Figure 2 montre une des ouïes 0 de la figure pré¬ cédente, telle qu’elle paroît vûë au microfcope. t, tronc par lequel elle tenoit au corps, & auquel fe rendent des trachées, r, r, r, f différentes branches qui partent du tronc t, & qui fe ramifient, e, échancrure. Quand cette ouïe efl portée par l’infeétc, elle eft pliée en deux parties inégales; le pli qui ramène une partie vers l’autre partie, palfe par l’échancrûre e, alors la portion eft fe trouve fur la portion err r t. Dans la Figure 3 on voit encore l’ouïe de la figure 2, mais moins grande, & pliée en deux comme elle l’elt lorf- qu’elle tient au corps de l’infecte, t, la tige, e, l’échancrûre par laquelle palfe le pli qui rapproche les bords de la por¬ tion eft, des bords de la portion errrt. La Figure 4. nous fait voir la nymphe de la figure 1 dans une autre polition, & ayant fes ouïes 0,0,0,0, o, o, 0, abbailfées. On y peut aulfi remarquer que les fourreaux m, m des grandes aîies, femblent avoir des fibres que n’ont pas ceux de la figure première; ces fibres appartiennent à l’aile que le fourreau couvre, & on ne les apperçoit que quand le temps de la métamorphofe approche. •La Figure 5 eft en très-grand celle du filet du milieu de la queuë de la nymphe des figures 1 & 4. qf q f, frange de poils qui la borde de deux côtés, f g, la partie qui efl rafe; cette grandeur permet de voir qu’elle eft, comme le refte , compofée d’efpeccs de vertèbres ou d’anneaux, mais beaucoup plus courts. La Figure 6 montre une portion d’un des filets extérieurs q f de la queuë, figures 1 & 4, grofiïe au microfcope.//! des Insectes. XII. Mem. 519 frange de poils qui borde le côté intérieur. //, le côté ex¬ térieur qui eft lifïé. La Figure 7 donne une image, mais très-imparfaite, des cercles que differentes files dephemeres formoient autour d’une lumière dans les heures de la nuit où il pleu- voit de ces infedes fur la Marne : le nombre de ces cercles étoit beaucoup plus grand qu’il ne l’eft ici. La Figure 8 fait voir une portion d’une trachée d e- phemere, grofiie au microfcope; la furface a de petites cannelures comme en doit avoir celle d’un fil qui couvre entièrement la furface d’un tuyau, autour duquel il eft roulé. La Figure 9 eft encore celle d’une portion de trachée plus courte que la précédente, mais qui n’eft pas moins groffie./*? c, fil qui a été dévidé de cette trachée, aadc, portion de tuyau qui a été mife à découvert lorfque le fil fe c, a été dévidé de déifias le tuyau. Je n’ai pas toujours trouvé cette portion d’un tuyau membraneux : il eft affics naturel cependant de croire qu’il y a toujours une efpece de tuyau qui recouvre les parois intérieures de celui qui eft fait d’un fil roulé, car les tours de ce dernier,pour être maintenus les uns contre les autres, paroilfent avoir befoin d’être attachés fur un tuyau membraneux; une membrane doit, ce femble, tapiffcr la cavité, mais elle eft fi fine qu’elie eft ordinairement déchirée 6c mife en pièces lorfqu’on dévide le fil. La Figure 10 montre dans fa grandeur naturelle un cordon d’œufs que des éphémères d’une afles petite ef¬ pece font fortir de leur corps, pendant quelles voltigent au-deffus de l’eau. Sur le foir d’un des derniers jours de Juillet 17^.0, M. Gucttard vit l’air tout rempli de ces éphémères au-deffus du grand baffin des Thuilleries, & il en remarqua beaucoup du derrière delquelles pendoii 520 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE un cordon; il prit 6 c m’apporta plulieurs de ces cordons; il m’apporta aulfi des éphémères, mais qui avoientété trop maltraitées par la main qui les avoit laides en l’air, pour être en état d’être delfinées. La Figure i i représente en grand une petite portion du cordon de la figure io; & la fig. 12 repréfente une beaucoup plus petite portion du même cordon, mais beaucoup plus en grand : l’une & l’autre font voir qu’il efl compofé d’œufs, & montrent en même temps la figure 6 c l’arrangement régulier de ces œufs. Planche XLVI. La Figure 1 «epréfente une nymphe d’éphémere de grandeur naturelle, qui efl: repréfentée grolfie dans la fig. 2; cette nymphe efl d’une elpece commune dans la ri¬ vière des Gobelins & en beaucoup d’autres eaux; elle porte les ouïes en rames de galcre, ou parallèles au pian de po- fition. o, o, 0,0, 0,0, figure 2, les fix ouïes de chaque côté. f, f, les fourreaux des deux grandes ailes, a, a, les anten¬ nes. i, i, les yeux : l’arrangement des taches qu’elle a fur le corps, eft fenfible dans la figure 2, 6 c ne peut être vu dans la figure première. La Figure 3 efl celle de la tête de la nymphe précé¬ dente, extrêmement grolfie 6c vûë par-delfus. i, ï, les yeux. a, a, les antennes coupées en a. I, lèvre fupérieure. d, à les deux grandes dents qu’on a forcées à fe porter en avant. Les Figures 4 & 5 font voir par-défions, la tête qui paroît en-defiiis figure 3./, la lèvre fupérieure. d, d, les deux grandes dents, e, e, deux dents plus petites. w,mam- melon charnu & hémifphérique, que je regarde comme la langue. Souvent il a une efpece d’entaille ou de coulifie qui fcmblc le divifer en deux parties égales, figure 4, 6 c qui des Insectes. XII . Mem . 521 *Hr ^ ero *t croire qu il y a deux parties charnues, où il 11e s en trouve cependant qu’une, fi dans d'autres temps la coulilfe ne paroiiïoit pas effacée comme elle i’eft dans la figure y. i, 1, les yeux. Dans la Figure 6 une des ouïes 0 des figures 1 & 2 eff repréfentée vûë au microfcopc. /, le tronc auquel des trachées le rendent. 1 b, t c, deux tiges à peu près égales qui partent du tronc t, mais dont l’une a été coupée en g> branches ou harbes, dont les unes partent d’un côté & les autres de l’autre côté de la tige b t. h , barbes qui partent de la tige/e. Dans l’angle et b, les barbes d une des tiges croilënt celles de l’autre tige. La Figure 7 eff celle d’une portion d’une tige t b, ou t c de îa figure précédente, vûë à un microfcopc qui groffit très-conhdérablement. c t la portion de tige, u u deux vaiffeaux qui font logés dans l’intérieur un plusgrand, Si qui paroi Ifent être des vaifffeauxà air. Cette fig. fait voir que cha¬ que branche ou barbe/y eff de même un vaiffeau dans le¬ quel font logés deux vaiffeaux plus petits, qui doivent suffi être regardés comme des vaiffeaux à air. La Figure 8 montre l’éphémere e de la nymphe de la figure première, dans le moment où elle achève de lé tirer de fon fourreau f. La Figure 9 repréfente en grand une éphémère telle que celle de la figure 8, ou une autre qui, après être de- venuë mouche & avoir volé , avoit encore à quitter une dépouille complette, mais qu’elle laide fans changer de forme. Ici l’éphémere a prelque fini cette dernière opé¬ ration. a, a, les ailes qui fie font déjà tirées en grande par¬ tie de leurs fourreaux m, rn. F.n 0 y Si en f] 0 paroilfcnt encore deux portions des ailes a qui font piifffi es & prê¬ tes à fortir par les ouvertures 0, 0. f la dépouillé dont le reffe eff caché fous le corps de I ephémerc. Cette. Tome VI. \ uu 522 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE cphcmerc eft de celles qui ont quatre yeux à rézeau ; outre les deux ordinaires y,y, elles en ont encore deux plus {ail¬ lants i, i. La Figure io eft celle d’une petite nymphe d’éphé- mere,dont j’ai eu un grand nombre dans les cloches & les bacquets où je conlèrvois d’autres infectes aquatiques. Dans la Figure i r la nymphe de la figure i o cft extrê¬ mement groffie.. La Figure i 2 repréfente la dépouille IaifTée par i’é- phémere qui etoit la nymphe de la figure 10, autant grolfie que i’efi cette dernière nymphe dans la figure 1 1. c f c f les deux bords de la fente faite au défions du cor- celet. t i, t i, les deux bords de la fente faite au-delTous de la tête. C’eft au moyen de fentes pareilles, faites à l'on fourreau, que toute éphémère le trouve en état de s’en tirer. La Figure 1 5 fait voir dans fa grandeur naturelle 1 e- phémere qui a été la nymphe de la-figure 10; les ailes font de couleur citron ; je n’ai pu lui trouver les deux petites. Dans la Figure 14. l’éphémere de la figure 13 cft re¬ présentée beaucoup plus grande que nature , ayant les ai¬ les fur fon dos, comme les y tiennent toutes les éphémè¬ res qui fie préparent à quitter leur dernière dépouille. PL ^ .dttifadtrJàeutoliHU Fùf • <2 . ni HatursarcC Scu/f* SaUf J ^ ■ 43 p a K i .-i l . de hrwtrdarijisecfaf Torrv. 6. f \ 9 j ' JOtif l^L. +4 ■ pay. S -fi - Sfenv. xx . Je L'ilirl . Jer hureetes Tant. 6■ Fia • il • J 1 " Viq ■ g ■ -F’&F- Ftl/unU Sculf- y.t/.'.r.U .•v «/r ✓ 4-5 P L \9-5 ** ■ -Ment n . de l'iluft . cUr Insectes Ton . 6. \ f Î9-2>- ~T. f L 9 ■ a ■ * 19-8 rUli t i -XfcJ’i il ■ Uc t 'ilu-/ 'le.' Iru'rcte* 7Vrn o WiUût^l Seulf j • ■ ■ des Insectes. XIII. M em . 523 TREIZIEME MEMOIRE. ADDITION A L’HISTOIRE DES PUCERONS, DONNEE DANS LE TROISIEME VOLUME *, * „ M - m Sur la manière dont ils fe multiplient. P armi ies pucerons qui naiflent d’une même mere, il y en a qui ne parviennent jamais à avoir des ailes, & d’autres qui, après leur dernière transformation , en ont quatre fort grandes, par rapport à la grandeur de leur pe¬ tit corps. Ceux-ci appartiennent incontcftablemcnt à la clafïe des mouches à quatre ailes, à laquelle on ne (çauroit s’empêcher d’accorder aufii les pucerons dépourvus d’ailes; comme on a été forcé de mettre dans celle des papillons, des fémelles de plufieurs efpeces*, à qui les ailes man- * r™. 2, quent, pendant que leurs males en ont d’amples & de belles. AIe " 1 ' 9 ’ Quelqu’accoûtumésque nous foyons à ne donner le nom de mouche qu’à des infeéles ailés , nous devons en recon- noître de non ailés pour de véritables mouches, & les pu- ' cerons nous font voir de ceux-ci en grand nombre. L’hif- toire des pucerons eft par conféquent une partie de l'his¬ toire générale des mouches à quatre ailes, & elle eût été naturellement placée dans ce Sixième volume, fi nous n’eu (fions été déterminés à la faire paroître d’avance dans le troifiéme, parce quelle fournit des faits propres à ré¬ pandre un grand jour fur la formation des galles, dont il s’agit dans le dernier des Mémoires du volume qui vient d’être cité. V u u ij 524 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE L’hiftoire des pucerons que nous avons publiée alors, apprend quels l'ont les cara&éres propres à ces petits in- feéles qu’on ne trouve que trop alternent, 6c en trop grande quantité fur les plantes, lur les arbultes 6c fur les arbres, (bit de nos jardins, toit de la campagne;, elle donne une idée du prodigieux nombre de leurs efpeces, qui ne l'ont pas feulement répandues fur les parties des végétaux qui s’élèvent au-delïus de la furfacede la terre, mais dont plufieurs fe tiennent conftamment attachées à leurs racines; 6c elle raconte les fingularités les plus remar¬ quables que ceux de plufieurs efpeces nous ont offertes; mais un article de leur vie, le plus important de tons, 6c fur lequel nous n’étions pas en état de prononcer alors décifivcment, demande que nous revenions à eux. Nous avons bien prouvé qu'ils font vivipares, que les ailés 6c non ailés le font; nous avons expliqué comment ils par¬ viennent à mettre leurs petits au jour; mais nous n’avons rien dit d’afifés pofitif par rapport à la manière dont leur fécondation eft opérée. Ce point fur lequel nous fommes plus inlfruits à prêtent, eft peut-être la plus grande fingula- rite que l’hiftoire naturelle nous ait fait voir jufqu'ici, une fingularité intérelfante pour lesphyficiens, 6c même pour les métaphyficiens, 6c très-propre à juflifier l’emploi du temps pafle à obferver les plus petits in feéles. On ne fe feroit pas attendu que l’étude des pucerons eût dû nous apprendre, comme elle va le faire, à être réfervésà prononcer fur la généralité des loix de la na¬ ture. S’il y en a quelqu’une qui ait paru n etre fujette à aucune exception , c’eft celle qui veut que deux animaux de chaque eljiece, foient obligés de concourir pour don¬ ner nailfance à de nouveaux individus de leur efpece. L’univerfalité de cette loi a été confirmée par les obfer- vaiions faites jufqua prêtent, tant fur les plus grands que des Insectes. XIII. Mem. 525 fur les plus petits animaux. Il eft vrai qu’après avoir trouvé pendant long temps parmi les uns & les autres des mâles & des femelles, depuis qu’on a mieux étudié les infeétes que ne l’avoient fait les Anciens, on a reconnu que tous les individus de quelques-unes de leurs efpeces, réunif- foienteneux les deux fexcs; que les limaces, que les lima¬ çons , que les vers de terre cS;c. étoient males & femelles en même temps. Mais la généralité de la loi qui exige pour la génération le concours de deux individus de la même efpece, n’en a du paroître que mieux établie, & plus né- ceflaire, puifqu’on a vu que (les animaux qui fembloicnt être faits pour fe 1 ou fira ire à cette loi, y étoient cependant fournis; car on a pu s’a durer qu’un limaçon, quoique mâle & femelle, & qu’un ver de terre en qui fe trouve de même ce qui conftituë les deux fexes, n etoient en état de mettre au jour des œufs féconds, qu’après que l’un s’é- toit uni avec un fécond limaçon, & l’autre avec un fécond ver de terre. En un mot il n’a pas été accordé à ces ani¬ maux de fe féconder eux-mêmes: des faits fans nombre ont donc confirmé une régie qui jufqu a nos jours n’a- voit paru démentie par aucun fait a fies pofitif. D’habiles obier valeurs, Leuwcnhoeck& Cefioni, ont pourtant ofé avancer que chaque puceron fe fufiffoit et lui-même; que fans s’être joint à un autre puceron, il- mettoit au jour des petits qui lui devenoient femblables. Après avoir obfervc des pucerons à différentes heures du jour, & peut-être pendant la nuit, ils n’avoicm jamais pu parvenir à en voir d’accouplés; & de-là ils ont cru être en droit de conclurre qu’ils ne s’accouploient pas. il cfi vrai qu’il fembloit difficile que des infeéles qui fe tiennent afles tranquilles fur des feuilles où ils font fouvënt à dé¬ couvert, eufient pu cacher leurs accouplements à des yeux éclairés qui.avoientcherché à les voir. Il faut pourtant V u u iij * Tome Aient. zS à? 526 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE avouer que cette preuve étoit trop légère pour établir une exception à une régie d’une généralité li reconnue. Ce n’é- toit pas alfés de n’avoir jamais vû deux pucerons joints en- femblc dans les circonftances où on avoit cherché à lesfur- prendre dans cet état, il eût fallu prouver qu’il n’y a aucune circonftance où ils lefoient. On pouvoit loupçonner qu’il n'y avoit que certains temps, que certaines heures, ou peut- être certains moments de la nuit qui fulîent favorables à une opération fi importante; on la pouvoit fuppofer d’une durée h courte quelle nclailfoit pas à i’obfervateur le temps nécelfaire pourl’appercevoir. Enfin les puccronsfont appli¬ qués les uns contre les autres, iis s’entre-touchent par des parties différentes, ils marchent en certains temps, & paffent les uns fur les autres; on pouvoit foupçonnerqu’alorsles occafions de fe rendre réciproquement féconds , ne leur manquoient pas. Or des foupçons fuffifent pour empê¬ cher d’accorder une propofition qui met une exception à l’ordre général : une tclie propofition demande à être démontrée dans la plus grande rigueur. Enfin , s’il en étoit befoin , M. Ccfloni nous fourniroit lui-même un exemple, & dans un cas précifément pareil à celui dont il s’agit actuellement, propre à apprendre à fe tenir en garde contre des preuves négatives de la généralité defquelles on peut, rarement être affes certain. Sur ce qu’il n’avoit jamais vû de gai i infectes accouplées, il a prétendu quelles étoient des hermaphrodites de la plus finguliére cfpece ; que chacune avoit tout ce qui lui falloit pour devenir fécondé fans aucun lècours étranger. L’immobilité par¬ faite dans laquelle elles palfent la plus grande & la dernière partie de leur vie, étoit très-favorable à ce fentiment. J’ai 4> pourtant prouvé ailleurs * que ces gai I infectes fi immobiles c u f v \ ont des mâles beaucoup plus petits qu’elles ne font, & très- agiles , qui les viennent chercher, & qui fe joignent à elles* des Insectes, XIII . 51? II y a des accouplements d’infe&es, qui quoique réels, ne peuvent être apperçûs: tels font ceux des reines des abeilles, qui commencent & s’accompli fient dans des lieux impénétrables à nos regards. Il y en a d’autres qui n’ont pas encore été obfervés, parce qu’on a ignoré les feules circondances dans lefquelles ils peuvent être \us. Quoique ceux des fourmis le falfent dans des endroits très-éclairés, je ne f'çache pas qu’ils ayent été vus encore par d’autres que ceux à qui j’ai appris à les voir. Des faits que les pucerons m’avoient permis de bien obfer ver, m’avoient au moins convaincu que l’Auteur de la Nature les avoit exceptés d’une loi qui avoit paru gé¬ nérale pour tous les infeéîes dont la condition cil de puf- ferpar pluficurs métamorphofes, & qui a été donnée pour telle par Swammerdam. Cette loi veut que ce ne loit qu’après la dernière de leurs transformations, que les fé- mellesdeviennent fécondes. L'ne chenille, par exemple, ne s’accouple point avec une autre chenille; ce font les papillons mâles qui s’accouplent avec les papillons femel¬ les, après quoi celles-ci pondent des œufs, d’où éclofc nt des chenilles. J’eus lieu de croire que les pucerons n’é- toient pas fournis à cette loi, fur ce qu’ayant ouvert le corps de pluficurs de ces infeéîes qui n’avoient pas fubi leur dernière métamorphofe, j’y trouvai des fœtus bien formés, & que je devois juger être vivants. Il m’a été fa¬ cile de porter jufqu a la démonllration, une conjeélureplus que vraifemblable. J’ai renfermé un puceron qui devoit devenir ailé, mais dont les ailes étoient cachées & pliées fous la dépouille dont il lui relloit à fe défaire, j’ai dis-je, renfermé ce puceron dans un vafc de verre ou il ne pou- voit avoir de communication avec puceron quelconque : il lui étoit impoffible d’en fortir, & il l’etoit à tout autre de s’y introduire. Ce puceron mis dans une folitude qui 528 MEMOIRES POUR L’HISTOIRE 11e pouvait être troublée, sert métamorpholé; il y eft de¬ venu aîlé, & n’a pas tardé enfuite à donner des petits vi¬ vants. Cette expérience qui a été répétée plufieurs fois avec le même fuccès, a donc prouvé inconteflablemcnt que les pucerons, pour devenir féconds, n’ont pa§ befoin de s’accoupler avec d’autres pucerons après leur dernière métamorpholé, de que s’il y a entr’eux des accouplements néceffaires, iis la précèdent. En quel temps donc de leur vie les pucerons font-ils fécondés, dès que celui où ils doivent l’être, n’eft pas le temps preferit aux autres infectes î Dans l’embarras où l’on étoit de fçavoir à quel terme d’accroiffement ils en étoient , lorfque les embryons pouvoient commencer à fc développer dans leurs corps, on étoit conduit àfoup- çonner que non feulement ils avoient été foultraits à la régie qui a fixé pour les autres infeétes le temps de l’ac¬ couplement après leur dernière transformation, qu’ils Envoient même été à celle qui demande que tout animal connu jufqu’ici, 11e puiffe contribuer à la multiplication de fon efpece, fans le fecours d’un autre animal de cette efpece. Enfin il étoit affés naturel de foupçonner que le puceron qui vient de naître, n’a pas befoin d’être fécondé, qu’il ne lui refic qu’à finir fon croît, pour devenir en état de mettre au jour des petits. Au moins paroiffoit il qu’on pouvoit s'affûter fi une idée fi étrange, mais non dénuée de probabilité , étoit vraye ou fluide, & cela parle moyen d’une expérience femblable à celle qui m’avoit appris que les pucerons n’avoient aucun befoin de s’accoupler après leur dernière métamorphofe, pour être en état de faire des petits. Tout ce que la nouvelle expérience demandoit de plus, c’étoit qu’on la commençât de meilleure heure. Il s’agiffoit d’être attentif au moment où un puceron for- droit du corps de fa mere, moment qui n’eft pas difficile à trouver, des Insectes. XIII. Mem. $29 à trouver, de faifir le puceron dès qu’il fcroit né, de le féparer des autres, & de le renfermer dans un fieu où rien ne lui manqueroit de nécelfaire à là vie, mais où il ne lui feroit pas poflibie d’avoir de commerce avec aucun puce¬ ron , l'oit de Ion efpece,foit d’el'peccquelconque. J’ai rapporté dans le Tome 3 *, les tentatives que j’a- * Page 229. vois faites pour élever dans une parfaite folitudedes pu¬ cerons du chou, dont chacun dans le moment même de là nailTance, avoit été féparé de l'a mere, & de tous fes femblables. Divers accidents firent périr les uns plu¬ tôt, & les autres plus tard ; aucun d’eux 11e parvint à lagc où je le voulois voir arriver, à celui où ils n’ont plus de dépouille à quitter; mais j’ai eu lieu de croire, & j’en ai averti, qu’on parviendrait à élever jul'qu’à cet âge des pucerons tenus dans une parfaite folitude, fi on le don- noit la peine de répéter affés de fois l’expérience indiquée. J’efpérai même qu’elle ferait bien-tôt tentée avec toutes les précautions & tous les foins propres à l’amener à une heureufe fin. Les infeéles fe font acquis depuis quelques années des obfervateurs au zélé, à la fagacité & à la pa¬ tience defquelsrien,ce femble, ne doit échapper de ce que l’hilloire de ces petits animaux peut offrir d’intérelfant : ils font toujours dil'pofés à diriger leur attention & leurs recherches vers le côté où il paraît relier à faire des décou¬ vertes; & je leur dois en mon particulier beaucoup de reconnoilfance de ce qu’ils veulent bien me communi¬ quer les nouveautés qui ont récompenlc leurs travaux. Je pouvois donc me promettre que la feule annonce de l’expérience fur les pucerons, mettrait de bons ou¬ vriers en œuvre. 11 n’en eût pas fallu davantage pour en¬ gager M. Bonnet de Geneve , à la fuivre; je ly exhor¬ tai cependant encore dans une de mes lettres, en reponle à une des fiennes.où il m’avoit obligeamment demande de lui marquer les recherches dans lefquelles j aimerais Tome VI Xxx 530 Mémoires pour l’Histoire le mieux qu’il m’aidât. C’efl à lui qu’étoit réfervé le plaifir de voir réuffir le premier une expérience très-im¬ portante: il s’en étoit rendu bien digne par les foins affi- dus 6c la fcrupuleufe exactitude qu’il avoit apportés à la bien faire. 11 fe détermina à prendre pour cette curieufe expé¬ rience , un puceron du ful'ain, dont une mere accoucha fous fes yeux le 20 Mai 1740, à 5 heures du foir; car l’heure de la naiffance d’un infecte qui alloit devenir pré¬ cieux, ne nous et pas indifférente; ne mériterait-elle point que les faifeurs d’horolcope examinaffent le con¬ cours des Afires qui y avoient préfidé î Leurs influences ont fans doute autant de pouvoir fur le fort des infeétes, que fur celui des hommes. A peine le puceron étoit-il né, que M. Bonnet détacha une petite branche de bar- bulle fur lequel il fe trouvoit ; il 11e laifla à cette branche que cinq à flx feuilles, qu’il examina de tous côtés avec la plus grande attention. Après s’être bien affûré qu’au¬ cun puceron 11’y étoit attaché, ni à la tige, il fit paffer celui qui venoit de naître, fur une de ces feuilles. On a vû ailleurs que les pucerons ont une trompe qu’ils tien¬ nent le plus fouvent picquée dans les plantes, 6c avec la¬ quelle ils pompent le fuc dont ils fe nourriffent. Pour mettre le nouveau né en état de vivre 6c de croître, il étoit donc effentiel de conferver les feuilles qui lui avoient été données, fraîches 6c fucculentes; c’eft dans cette vûëque M. Bonnet fit entrer la tige qui lesportoit dans une bouteille pleine d’eau , en-dehors de laquelle les feuilles reflerent. Après avoir pourvu à fa nourriture, ce qu’il y avoit de plus important , étoit de prendre des pré¬ cautions fûres pour le tenir dans une parfaite folitude. Entre les différents moyt ns de le faire, celui dont fe fèrvit M. Bonnet, eft un des meilleurs: dans unvafe de terre * p, - 47 - fi s- cuite * rempli de terre ordinaire, il enfonça la bouteille des Insectes. XIII. Mem. 53 1 de verre * juiqu’auprèsde l'on col * où elle le trouva bien * pi. 47 . f Tg> foûtenuë& bien afîujettie: il ne s’agilïoit plus que de fer- 2 - mer toute entrée aux pucerons à qui il auroit pu prendre envie de venir rendre vilite à celui qui étoit lùr une des feuilles. Bien tôt on s’afïûra que ce dernier pafleroit la vie dans une parfaite folitude, en le couvrant d’un valc de verre *, comme on couvre les laitues d’une cloche: on eut * Fi s- 4 -p> grand foin d’appliquer exaélement les bords de ce valc, beaucoup plus petit qu’une cloche, contre la terre: on imagine de relie qu’il étoit facile d’empêcher qu’il ne reliât aucun vuidc entre la terre & eux. Quand le puceron ainfi renfermé eût été mis auprès du pied de fufain le plus peuplé d’inleéles de Ion efpece, on n’eût eu nullement à craindre que quelques-uns de ceux-ci fulfent parvenus jufqu’à lui ; mais M. Bonnet le mit dans un lieu où on 11e pouvoit pas même loupçonner que d autres pucerons viendraient faire des tentatives en faveur dufolitaire; il le tranfporta dans fon cabinet ; or quand on connoît les in¬ clinations de ces petits infeéles, quand on fçait combien ils font peu allants, que rien ne les porte h entrer dans nos mailons, on jugera que la il ne pouvoit s en rendre aucun qui filldes efforts, qui d ailleurs auraient été inu¬ tiles, pour aller trouver le prifonnicr. Ce puceron devint prefque 1 unique objet des atten¬ tions de M. Bonnet; il ne le contcntoit pas de l’oblcrver journellement, il l’oblervoit a toutes les heures du joui, ' à midi ^. . . 1 P. > 1 | .... 1 P. 6 i-1 P. 3 7 Pucerons... ç à 3 h .... 1 P. [à io h _1 P. ) 4 - 1 R * 1 11 _1 P. { 1 P - | ) 6 _1 P. ( 9 ..... P. 4 10 Pucerons... < a ch ,p*(» 12 1 '!-« p - ) I p ) iP. ) 6 P V 6 ..... P. r b *- r- ^ 9 _ 2 p.* S 8 Pucerons... f à 1 h .... 1 P. à s 1 '_4. P.* ) 2 i - 1 R 1 * \ 6 ^_1 P. ( 7 ... .. P.* 6 5 Pucerons... des Insectes. XIII. Mem. 53 s Jours de JUIN. Nombre des Pucerons nés dans chaque jour. Nombre des Pucerons nés chaque matin, & les heures de leur naiiïance. Nom b'r e des Pucerons nés chanue après-midi, & les heures de leur naiflance. 7 4. Pucerons .. . \ ^ $ • • • • i P-* à 7 h .... 1 P. 10 .... 1 P.* 8 t à 5 h {. ... 2 P.* 8 Pucerons... / 9 • • • • 1 P. ) 9 i .... i P. ( 10 .... I P. -— - - - à midi|. . . 1 P. ^ z\ -1 P. kverslefoir. . . 1 P. 9 4 Pucerons ,.. ( à 6 h 5- ... 1 P.* ^ 11 .... 1 P. à i h .... 1 P. 1 o£ . . . . 1 P.* I O 3 Pucerons ... à io h |. ... 1 P. à !»-1 P.* 4x • • • • r P. I I 6 Pucerons... ■ à 6 h |-1 P. 1 7 ï • • • • 1 P- 10 _1 P. à JH-1 P. 6 i _1 P. 7 ï -1 P- I 2 3 Pucerons ... à 6 .... a P.* à midi \. . . 1 P. n I Puceron . . . à 1 1 h .... 1 P. .oP. «4 4 Pucerons.. . < i à 6 h .... 3 P.* j 7 * ••• • 1 ?• i .0 P. 1 5 5 Pucerons. •. < . . T:::: il:;::-' 1 1 6 6 Pucerons... ■ à 5 h .... 3 P.* J 9 \ .... 1 P. > à 6 h .... 1 P.* 107 -1 P- ) 1 7 3 Pucerons... à 7 h -1 P. j à 3 11 .... 1 P. 9 1 P.* 18 z Pucerons... • à 6 h .... 1 P. | 10 -i PJ 1 .0 P. •9 z Pucerons .. . à 5'' .... 1 P.* à 4 h j. ... 1 P. 20 o Puceron . . . .0 P. 0 p. 2 I z Pucerons . . . .0 P. à 7 h i — 2 p.* Somme totale . 9; Pucerons. 556 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE Peut-être que la fécondité du puceron étoit épuifée par les 9 5 accouchements rapportés dans cette table, qu’ils rempliffoient le nombre de ceux qu’il devoit faire dans fa vie;& c’en étoit bien alfés : ils avoient été plus fré¬ quents dans les premiers jours du mois, & devinrent plus rares plufieurs jours avant le 21. M. Bonnet n’en trouva aucun à écrire fur fa lifte pour le 22 , le 23,1e 2q& le 25. Incertain pourtant fi ce puceron, après quelque repos, ne recommencerait pas à mettre des petits au jour, il ne céda de l’obferver que le 26 à 6 heures du matin, qu’il fut obligé de quitter la campagne pour aller à Geneve : il en fut ramené dès le lendemain à cinq heures du matin, par le defir de le revoir; mais fon impatience fut mal payée. Il crut avoir fait une perte confidérable, quand à fon re¬ tour il ne trouva plus ce puceron fur les feuilles où il l’a- voit laide, & qu’il eut fait des recherches inutiles pour découvrir où il étoit allé. Depuis plufieurs jours, depuis qu’il avoit été conftaté que fans avoir eu de communica¬ tion avec aucun autre inlècte de fon efpece, il avoit com¬ mencé & continué d’accoucher, M. Bonnet ne jugea plus qu’il fût néceffaire de le tenir renfermé fous l’efpece de cloche de verre dont il avoit été couvert dans les temps précédents. Il lé tenoit aufli tranquille fur les feuilles qui lui avoient été accordées, que lorfqu’il étoit prifonnier; s’il marchoit,c’étoit fur la même feuille, ou pour pader de celle-ci fur une autre: il y en eut même une fur la¬ quelle il refta conftamment dans la même place pendant huit jours; mais enfin le 26 il voulut faireulàge de fa li¬ berté pour aller voir de nouveaux pays. A vrai dire néant- moins le reftedes faits que fa vie eût offerts, ne pouvoit être que peu important en comparaifon de celui qu’il avoit appris. N’eût il mis au jour qu’un feul petit, fans avoir eu commerce avec aucun autre puceron, le fait cdcntiel étoit prouvé, qu'il y a dans la nature des animaux qui des Insectes. XIII Mm. 537 qui naiffent en état de multiplier leur efpece lans avoir befoin d’être fécondes par d’autres. Sûr du plaifir que les obfervations de M. Bonnet -fc- roient à l’Académie, je tardai peu à lui lire là lettre du 13 Juillet, dans laquelle elles étoient détaillées. Il parut à l’Académie entière que M. Bonnet avoit porté les pré¬ cautions & les foins même au-delà de ce qu’on eût ofc ie fouhaiter : quelque convaincue quelle fût qu’il n’a voit rien négligé pour éclairer toutes les démarches de fon pu¬ ceron, qu’il avoit été pour lui un Argus plus difficile à tromper que celui de la fable, elle jugea néantmoins qu’une feule expérience, quoique très bien faite, ne fuffi- foit pas pour ôter tout doute par rapport à un fait con¬ traire à une loi dont la généralité avoit fèrriblé établie par le concours unanime de tous les faits vûs julqu’alors. On n’a que trop d’exemples de circonffiancesqui ont échappé à des yeux clairvoyants & attentifs. L’Académie ne put donc s’empêcher de defirer que la même expérience fût répétée par M. Bonnet,autant de fois, & fur le plus de pucerons de différentes efpeces qu’il lui feroit poffiblc; je fus chargé de l’en prier de fa part, & je le fis. J’ofe dire même qu’un fait fi étrange demandoit à être vû & attefté par différents obfervateurs, & j’efpérai que ceux avec qui j’ai le plaifir d’être en relation , feraient tout ce qui feroit en eux pour s’affûrer de fa réalité; c étoit une grande & intéreffante nouvelle dont je ne manquai pas de les in¬ former: je l’écrivis d’abord a Strafbourg a M. Bazin, en l’exhortant à faire une expérience que je fçavois qu’il entreprendrait volontiers. M. Trenabley qui eft le pre- mier à qui I hiftoire naturelle a fait voir des faits p!us étonnants encore, & plus merveilleux que celui d un animal qui fe fuffit à lui-même, apprit celui-ci de M. Bonnet & de moi, & il en fit part à la Haie où il demeure, a Tome VI. ^ ) ï 538 Mémoires pour l’Histoire M. Lyonet, un des plus afiklus oblèrvateurs des infec¬ tes. Ces trois Melfieurs firent chacun de leur côté des ex¬ périences , & M Bonnet réitéra les (tenues pour s’afiurer que les pucerons qui ont vécu dans une parfaite folitude depuis le moment de leur naifiance, font en état de met¬ tre des petits au jour, dès qu’ils font arrivés à leur der¬ nier terme d’accroifiement. Ils les firent fur des elpeces différentes,& prirent différents moyens tous très-bons pour s’affût er que le puceron qui avoit été féparé de famere dans l’inftant de fa naifiance, & avoit paffé fà vie fans avoir de communication avec aucun autre puceron , cle- venort fécond. Enfin ils ont tous fait des expériences qui ont eu le fuccès défilé : ils ont vu & revu des pucerons de différentes elpeces qui ont mis des petits au jour, (ans s’être joints depuis leur naifiance avec aucun infeéte de leur efpece, & même fins s’être trouvés proche d’aucun deux. Le choix de I’efpecede pucerons que M. Bazin defiina à fa première expérience , fut heureux: il tomba fur celle qui aime les pavots, dont les petits ont fini leur croît en moins de huit jours, & fouvent en fept, c’eft-à-dire, en quatre jours environ de moins qu’il n’en fallut à celui du fufiain, mis en expérience par M. Bonnet ; & c’cft quel¬ que chofe que de ménager quatre jours aux foins & à l’im¬ patience de l’obfervateur, & de les retrancher fur ceux où la vie du petit infedle eft expoféeàdes rifqucs. Les pre¬ mières tentatives que je fis pour m’afiurer fi ces infectes étoient féconds par eux-mêmes, m’euflent appris la vé¬ rité de ce fait, fi ceux fur qui je les fis, avoient été d’une efpece dont les pucerons âgés feulement de fept jours, font en état d’accoucher; car un des pucerons du chou, à qui j’avois interdit tout commerce avec les autres pucerons, avoit neuf jours iorl'qu’il périt. Ceux du pavot méritent des Insectes. XIII . Mem . 539 encore d’être préférés à beaucoup d’autres, en ce qu iis font de ceux qui relient volontiers & plus long-temps dans une même place. Quoiqu’en général les pucerons ioient ailes fédèntaires, il y en a pourtant qüi aiment à marcher, & les coudes, même fort courtes, l'ont fouvent funeftes à ceux qui font renfermés : plus foiblcs peut-être que ceux qui jouilfcnt d’un air libre, il leur arrive alfés ordinaire¬ ment de tomber de delfusleur feuille, & ils ont toujours peine à fe relever de leur chiite; s’ils tombent dans l’eau, ou feulement fur des corps rendus humides par celle qui dî employée à conferverla fraîcheur aux feuilles dont ils fe doivent nourrir, ils périffent immanquablement. Ce fut donc fur un puceron du pavot que AL B.izin ht là première expérience. Le 29 Juillet il tint lous lès yeux, & fur une feuille de cette plante, une mere à qui il avoit déjà vu faire plufieurs petits, & qui en faifoit fortir un de fon corps; dès que celui ci fut né , des qu’il ne tint plus au corps de la mere, il l’enleva doucement, &. le mit fur une feuille de pavot qu’il avoit examinée avec foin pour s’affùrer qu’aucun autre puceron 11’y étoit attaché, il plon¬ gea la queue de cette feuille dans l’eau qui remplifloit un poudrier, une partie delà feuille étoit foûtenuë par l’eau même. Enfin il fit entrer le poudrier qui étoit de grandeur médiocre, dans un plus grand qu’il couvrit d’un papier bien ficellé autour du bord du vale. Il 11e craignit point que les vapeurs trop humides nuififïent à fon puceron, parce qu’il avoit vii dans les jardins de ces infectes qui avoient foûtenu pendant plufieurs jours de forts brouil- lardsjfans avoir paru en fouffrir. Le fien fe trouva bien où il l’avoit mis, il refta prcfque toujours dans la même place, croiffant journellement, & avec tant de luccès, que lorfque M. Bazin alla l’examiner le 7 Août dès le matin , if vit qu’il avoit déjà accouché de lept petits pucerons. Yyyij 54 O MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE 31 a depuis réitéré cette expérience lur d’autres pucerons clu pavot, & il l’a faite fur ceux du rofier, &c. plufieurs de ces expériences lui ont réufli. M. Trembley s’y eft pris autrement que M rs Bonnet & Bazin , pour s’afiurer que les pucerons devenoient fé¬ conds fans s’être accouplés. Ce fut lur deux de ceux du fureau qu’il fit fes premiers cffais. L’un fortit du corps de la mere le 28 Septembre à dix heures du foir, & l’autre le lendemain à huit heuresdu matin. Il en ufa delà même manière par rapport à l’un & à l’autre. Dès que le pre¬ mier fut né, il le pofa fur une desfeuiiles qu’il avoit laifi- fées au •bout d’un tendre jet de fureau dont il s’ctoit muni* Il avoit auffi eu la précaution de s’affûrer, même avec la loupe, qu’aucun puceron ne fe trouvoit, foit lur la tige, foit fur les feuilles. Il fit enfuite entrer ce jet de fureau * PI. 47.% dans un tube de verre*, ouvert par les deux bouts *, qui *0 avoit cinq pouces de longueur, & cinq lignes de diamètre; il plongea un des bouts de ce tube dans l’eau, qui s’éle-. * F| g- 6- vo j t t {’ un pouce au-delfus du fond d’un vafe *, & qui s’é¬ leva par conféquent d’autant dans le tube. Enfin il boucha c c ' le bout fupérieur du tube avec du coton *, ce qui fuffifoit pour ôter au puceron nouveau-né la liberté de fortir, 6 c celle d’entrer à ceux à qui il eût pu prendre envie de fe rendre auprès de lui. La faifon dans laquelle il fit fes ex¬ périences, n’étoit pas favorable à l’accroiffement des infec¬ tes; il fut obligé de changer plufieurs fois fes pucerons de branches. Ce ne fut que le 25 Novembre que le premier des deux accoucha; le feoend qui n’étoit que de dix heu¬ res moins vieux que l’autre, ne commença à accoucher que le 28 du même mois. Us continuèrent l’un & l’autre de mettre des petits au jour ; mais les intervalles entre les accouchements furent fort inégaux, & il y en eut de dix jours. L’un & l’autre n’ont point fait de petits dans les des Insectes. XIII. Mem. 541 jours où la liqueur de mon thermomètre sert élevée à moins de cinq degrés au-defïus de ta congélation ; 6c pen¬ dant tout le temps où M. Trembley les a vû accoucher, ta liqueur de mon thermomètre ne s’eft pas élevée à plus de dix; mais iis ont accouché plus rarement qu’ils n’eulfent fait dans une laifon plus douce, au Printemps ou en Eté. Des pucerons naiffants du rofier, &de ceux du faute, ont auffi été mis & tenus dans une parfaite lblitude par M. Lyonet, au moyen d’un vafe de verre qui recouvrait celui où trempoit dans l’eau la branche fur les feuilles de laquelle le puceron étoit polé. Là ils ont fait des petits vi¬ vants. Quelqu’étrange qu’il puiïfe paraître qu’il y ait dans la nature, des animaux dont chacun ett par lui-même en état de multiplier les individus de ton efpcce, dont chacun y peut contribuer fans avoir eu de commerce avec aucun autre depuis l’inüant de fa naiiïance, il n’cft pas polhble de ne pas regarder ce Lit comme certain, quand on fçait qu’il efl attefté par tant d’excellents obfcrvateurs qui font vû & revu, & qui ont appris les moyens de le voir à ceux qui en feront curieux. Rien ne me lemble moins necef- faire que de joindre mon témoignage au leur. Je mérite- rois cependant des reproches h je n avois pas cherche à m’aflurer par mes propres yeux, dune vérité qui avoit été démontrée par des expériences du foin ilelquellesd au¬ tres avoient bien voulu (echarger a mon mitigation. Je ne nie fuis donc pas cru difpenle de tenter ces memes expé¬ riences. J’ai eu recours à deux moyens différents pour inter¬ dire à un puceron naiffant toute communication avec ceux de fou efpece. Le premier a été de remplir d eau un poudrier de grandeur médiocre, que j’ai couvert enluited un parche¬ min mouillé bien tendu , & bien afïiijetti autour des bonis + du vafe*. J’ai fait à ce couvercle un trou propre a laitier JK Yyy nj $42 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRË palfcr une petite tige; l'on bout fupéricur qui selevoit au- delfus du couvercle, avoit quelques feuilles dcflinées à.don- ner le lue qui devoit fournir à l’accroifiement du puceron. Après en avoir pris un qui venoitde fortir fous mes yeux du corps de la mere, je le mettois fur une des feuilles. Cela lait, je pol'ois le petit poudrier fur le milieu d’un lit * PI. 47. fig. de coton *, épais d’un pouce, & qui avoit beaucoup plus de diamètre que le poudrier; il en avoit même plus qu’un fécond poudrier plus grand que le premier. Ce grand * Fîg. 12. poudrier étoit renverfé le haut en-bas*, & mis fur le pe¬ tit qui fe trouvoit renfermé dans l’autre. Les bords du grand étoient appliqués fur le lit de coton, contre le¬ quel on avoit foin de les prelTer. Les pucerons que j’ai tenus en prifon fous le grand poudrier, étoient de ceux du pêcher, de ceux du l'ureau, & de ceux du grofeiller. Au¬ cun d’eux n’y ert parvenu à 1 âge où ils accouchent, les uns font péris plutôt, & les autres plus tard, je n’en ai pas eu qui ayent vécu plus de cinq à fix jours; ils tomboient de delfus les feuilles, & ne fe trouvoient pas en état d’y remonter. Les pucerons fur lefquels j’ai fait ces elîais, craignent apparemment plus l’air humide que ceux du pavot, fur lefquels M. Bazin a tenté avec un plein fuccès iès premières expériences. Cette manière en eh une très- fûre pour tenir un puceron dans une parfaite foütude; mais elle eût demandé que mes occupations m’euIfent permis de donner autant de temps au puceron que j’avois ren¬ fermé fous chaque poudrier , que M. Bonnet en avoit donné au fien ; qu’il m’eût été permis plufieurs fois dans le jour d’enlever le grand poudrier pour lailfer jouir le petit infeéte d’un air moins humide, & pour permettre à l’eau qui s’étoit attachée à les différentes parties, de s’évaporer. Le fécond moyen dont je me fuis lèrvi, me convenoit mieux, & conviendra mieux à tous ceux qui chaque jour des Insectes. XIII . Mem . 545 f doivent pendant plufieurs heures de fuite à des occupa¬ tions réglées. Ce fécond moyen exige moins d’alïiduité de i’obfervateur, & revient à celui que j’ai indiqué ailleurs *. * Tome s Le petit poudrier ayant été rempli d’eau, & couvert de parchemin *, comme il a été dit ci-defïus, & après que *pi. + j’avois introduit dedans une tige de plante, & mis un pu- 1 *• ceron n ai (Tant fur une des feuilles de cette tige , je failois entrer le petit poudrier dans lin beaucoup plus grand *, * Fi s . i j fur le fond duquel je le fixois avec du coton entalfé & prelfé entre la furface intérieure du grand poudrier & la iurface extérieure du petit. Quelquefois j’ai fufpendu le petit poudrier dans le grand, au moyen de trois cordons * * i, i. qui me donnoient la commodité de tirer fans peine le petit en-dehors toutes les fois que je le voulois. Enfin après que celui-ci avoit été ajufié danslegrand, je mettois à ce dernier un couvercle de gaze, bien tendu, & bien affujetti autour du colct du poudrier avec une ficelle. Les mailles de cette gaze étoient fi petites qu’il netoit pas polfible quelles donnaient palfage au plus petit puceron naif- fant. D’ailleurs je n’ai jamais vû , & peut-être ny a-t-il jamais eu de puceron qui ait fait des tentatives pour pafler au travers de cette gaze. L’avantage d’un couvercle à jour fur les couvercles pleins, efl: vilible dans le cas dont il s a- git: les vapeurs ont la liberté de s échapper du grand pou¬ drier, le puceron n’elt pas expofé à être continuellement dans un air humide. Les premiers que je mis en expérience, quoique de ceux qui femblent craindre le moins 1 humi¬ dité, ne vinrent pourtant pas tous à bien, & je dois aver¬ tir que quatre ou cinq périrent en autant de differents poudriers, afin qu’on fçache qu on ne doit pas le rcbutei iorfque les premières tentatives ne font pas heureufès.Mais j’eus lieu d être content d un puceron du pavot, ne dc\ant moi le 12 Juin vers midi, & que je renfermai lui le champ 544 MEMOIRES POUR L’HîSTOIRE avec les précautions qui ont été expliquées en dernier lieu : il croilfoit à fouhait journellement ; enfin âgé de moins de lept jours, dès le 19 du même mois à 10 heures du matin, il accoucha devant moi d’un petit vivant Si bien conditionné. Dans la même journée, avant deux heures après-midi, il avoit encore mis au jour deux autres petits: il n’en accoucha que d’un le 20, & cela dès le matin ; mais le 21 à 7 heures du matin, il avoit fait trois nou¬ veaux petits. Au relie j’ai négligé de tenir un regître de la fuite de fes accouchements. Si je croyois qu’on fût curieux d’en voir plus d’un de cette efpece, je pourrais encore en faire paraître deux nouveaux, tenus par M. Bonnet avec autant d’exaélitude que le premier qu’on a trouvé ci dcfTus. Les accouchements rapportés dans ces deux derniers re- gîtres, font encore ceux de deux pucerons du fulain, qui furent renfermés dès le moment de leur naifîance , Si fur lefquels M. Bonnet répéta fa première expérience pour iatisfaire au defir de l’Académie. L’un de ces pucerons na¬ quit le 20 Mai à 10 heures du matin , & l’autre le même jour fur les 5 heures du foir ; nous l’appellerons le plus jeune, quoiqu’il ne le fût que de 7 heures. L’ancien com¬ mença à accoucher le 30 Mai à 9 heures & demie du foir, Si jufqu’au 1 5 Juin inclufivement, il mit au jour 90 petits. Le plus jeune ne commença à accoucher que le pre¬ mier Juin à 4. heures Si demie du foir, & jufqu’au 17 Juin inclufivement, il donna nailfance à 49 petits feule¬ ment: ce plus jeune étoit moins gros en nailfant, & il relia toûjours moins gros que l’autre; il avoit peut-être le corps moins rempli de fœtus, aulfi fut-il moins fécond. Peut- être que l’un Si l’autre auraient encore continué d’accou¬ cher; mais une fièvre dont M. Bonnet fut attaqué, le força de celfcr de les foigner; & il foupçonne qu’ils périrent des Insectes. XIII. Mem. 545 périrent de faim. II y a pourtant apparence que le corps de l’ancien commençoit à être épuilé de fœtus, car il n’accoucha pas le i 5. On doit préfumer au contraire que le plus jeune eût encore mis des petits au jour, fur ce qu’il en fit fept le 17, quoiqu’il n’en eût fait que deux le 10. Les pucerons des plus grandes cfpcces connues, font encore de fi petits animaux, qu’on ne fçauroit fe promet¬ tre rie découvrir par la dilfeélion, fi les parties des deux fexes le trouvent dans leur intérieur,fi outre les parties propres aux femelles vivipares, qui y font incontellable- ment, ils y ont des parties analogues à celles au moyen defquelles fie fut une jonction des mâles avec les femel¬ les , après laquelle les embryons fe développent 6 c croif- fent dans le corps de celles-ci. Au relie le concours des deux fexes n’a été jugéabfolument néceflaire pour la gé¬ nération, que fur ce qu’on avoir vû quelle ne fe faifoit qu’après ce concours; mais les raifons pour lefquelles l’Auteur de tant de machines admirables a établi que les organes,par le moyen defquclsil en paroîtroit journelle¬ ment de nouvelles qui remplaceraient celles qui feraient détruites; les raifons, dis-je, pour lelquelles il a établi que ces organes, ne feraient pas réunis dans le même individu, 11e font pas de celles que nous pouvons deviner. Quand nous dirions que ce partage étoit néceflaire pour dilpofer les animaux d’une même efpece à aimer à être cnfemblc 6 c à le chercher, ce ferait en affigner une railon morale, qui pourrait paraître bonne par rapport aux animaux qui vivent en fociété; mais qu’importoit-il à ceux qui 11e s’entr’aident pas dans leurs travaux, 6 c qui mènent la vie la plus folitaire, de devoir refier joints deux enfemble une feule fois, 6 c pendant un temps très-court, après le¬ quel ils fe féparent tous deux, 6c ne le connoilfent plus ! 11 Tome VI. Tzz 54-6 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE leroit encore bien plus difficile d’en donner une raifon p by fi que, depuis qu’on fçait que les organes de l’un <5c de l’autre fexe fe trouvent réunis dans des animaux affés petits, tels que les vers de terre, les limaçons, les limaces, &c. car ce n’eft pas faute de place que ces deux fortes d’organes n’ont pas été données à la fois au corps d’ani¬ maux beaucoup plus grands. C’efl encore par des vues dans lefquelles il ne nousefl pas permis de pénétrer, que ces vers rie terre, que ces limaçons, que ces iimaces, &c. qui font mâles & fémelles, ne peuvent l’être pour eux- mêmes; que la multiplication de l’efpece demande qu’un individu le joigne avec un autre ; car il femble qu’il reftoit très-peu à faire pour que l’animal qui a les deuxfexes, fût mis en état de fe féconder lui-même. Mais la queffion que les pucerons font naître, & qu’ils ne mettent pas en état de décider, eft s’ils ont les deux fiexes ; s’il fe paffedans leur intérieur un accouplement entre leurs parties fémelles & leurs parties mâles, analogue à celui qui fè fait entre deux individus de différents lèxes, ou entre les individus qui ont l’un & l’autre fexe. Peut-être que cela eft ainfi; on ne voit pourtant pas la néceffitéabfoluë de cette opération intérieure; cette néceffité ne pourroit être ap¬ puyée que par l’analogie; or il s’agit actuellement d’ani¬ maux par rapport auxquels l’analogie la plus confiante fe trouve en défaut. Nous l'ommes obligés de reconnoître que la conception, que l’inftant où la génération com¬ mence , eft celui où un animal, un embryon d’une peti- tefîe indéfinie, commence à fe développer, & eft mis en état de continuer à croître; car fi l’on veut faire former des germes, fi l’on veut imaginer des moyens défaire pren¬ dre 1 organifation du corps d’un animal à des liqueurs ou à des matières qui ont plus de cortfiftance.on fentira bien tôt l’impolfibilité de faire exécuter un tel ouvrage parles par- des Insectes. XIII . Mem . 547 tics qui contiennent les embryons, lorfqu’ils commencent à être fenfibles; on n’y fçauroit trouver l’appareil néceflaire pour produire de fl étonnantes machines ; I être créé le plus intelligent, & continuellement occupé à y mettre la main , n’en viendrait pas à bout. Un fi grand ouvrage n’a pu être fait que par l’intelligence par excellence. Ou nous ne devons pas raifonner fur la génération, ou nous de¬ vons nous réduire à confidérer l’embryon dans l’inftant où il efl mis en état de commencer à croître. Cet em¬ bryon étoit-il originairement dans la fémelle, & le mâle ne fait-il que fournir une liqueur ou des efprits fans les¬ quels il étoit hors d’état de commencer à fe développer ! ou la liqueur que le mâle fait pénétrer dans les organes de la fémelle, y porte-t-elle des embryons à milliers, en¬ tre lefquels il y en a un ou plufieurs qui s’introduifent dans des œufs, ou qui, de quelqu’autre manière que ce foit, fe trouvent enfuite dans un lieu où tout ce qui eft néceflaire à leur développement leur efl fourni 1 Les Sçavants font partagés entre ces deux fyflemes, mais ils doivent fe réu¬ nir pour reconnoître que les animaux qui font féconds par eux-mêmes, ont dans leur intérieur des germes, des embryons qui doivent leur devenir femblables un jour. Or quelle difficulté peut-on trouver à concevoir que ces embryons, que ceux qui font contenus dans le corps d’un puceron, commencent à fe développer dès que le puceron commence à croître ! que paroït-ii leur falloir pour cela de plus que ce qu’il faut aux parties memes du puceron î Si lorfque le lue nourricier efl porté aux par¬ ties du puceron, il efl auffi porte aux embryons, ceux- ci doivent croître en même temps que ces parties. Si des faits fans nombre ne nous euflent pas appris qu il faut quelque chofe de plus pour faire commencer le dé¬ veloppement des embryons dans les autres animaux, u Zzz ij • 54$ MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE nous n’avions pas vu des mâles êc des fémelles, nous eufiions jugé que l’oeuvre de la génération s’accomplif- foit dans tous de la façon fimple dont nous voulons faire penfer quelle peut s’accomplir dans les pucerons. Tant qu’un infeéle qui doit devenir papillon, refie chenille, les parties qui ne lui feront propres que lorfqu’il fera pa¬ pillon , les ailes, par exemple, la trompe, 6cc. font pour lui des parties auffi étrangères que le peuvent être pour le puceron les petits qu’il mettra au jour après fa dernière transformation : comme ces ailes 6c cette trompe du pa¬ pillon croiffcnt dans la chenille dès quelle commence elle - même à croître, il efl très-naturel de penfer que de même les embryons fe développent dans le corps du puceron, dès qu’il commence à croître ; 6c c’eft ce que paroiffent prouver les fœtus bien formés qu’on trouve dans des pu¬ cerons encore éloignés du terme où ils ont fini leur croît, 6 c où ils fe transforment. Loin, ce me femble, qu’on doive avoir quelque peine à accorder que la génération des pu¬ cerons fe puiffe faire d’une manière fi fimple, on ne doit être embarraffé que de ce que, pour opérer la génération des autres animaux, une voye plus compofée a été prife par celui qui ne fçauroit manquer de choifir les moyens les plus parfaits 6c les plus convenables. Afais plulîeurs fçavants naturalifles, 6c de ceux même qui s’étoient affûrés par leurs propres yeux qu’un puce¬ ron, à qui depuis i’inftantde fa naiffance il avoit été im- pofîîble de communiquer avec aucun autre, devenoit en état de mettre au jour des petits vivants, ont cependant eu peine à croire qu’il fût affés démontré que les efpeces de ces inlèéles fe confervaffent fans accouplement. Ils ont eu un foupçon qui paroîtra fingulier; mais il eft permis de fe prêter à des idées qui ont quelque chofè d’étrange, lorfqu’il s’agit de rendre raifon d’un fait qui met une des Insectes. XIII. Mem. 549 exception aux loix les plus connues & les plus générales. Ils ont penfé qu’il y avoit peut être des accouplements parmi les pucerons, & beaucoup plus efficaces que ceux des autres animaux, que le même iervoit pour plus d’une génération; que les accouplements étoient néceffaires, mais qu’ils n’avoient befoin d’être répétés qu’dprès quel¬ ques générations; que l’aéle qui avoit fécondé lamerc, avoit fécondé le petit qui en devoit naître ; que quoique celui-ci depuis 1a naiffiance n’eût communiqué avec au¬ cun autre, il pourroit, après avoir prisfon accroiffement, mettre au jour des pucerons, mais qui peut-être feroient des efpeces de mulets, ou incapables d’en produire d’au¬ tres; ou que fi l’effet de l’accouplement s etoit étendu juf- qu’àeux, ils ne pourroient faire naître que des petits in¬ féconds ; en un mot, que l’accouplement pouvoit être efficace pour un nombre de générations déterminé , & non par-delà. Les expériences néceffaires pour décider fi une idée qui paroiffioit au moins avancée affiés gratuitement, etoit vraye ou fauffie, méritoient plus d’être faites, qu’il 11e pour¬ roit le fembier,mais elles demandoientdela patience.M. Bonnet qui avoit voué celle dont il efl fi bien pourvu, à ces petits infc&es, ne craignit point de fe charger d’une fuite d’obfervations qui devoit demander une longue affi- duité. Il s’agi Ifoit d’abord de tenir dans une parfaite folitude lin puceron depuis le moment de fa naiffiance, julqu’à ce qu’il eut accouché d’un petit qui feroit condamné, comme fa mere l’avoitcte , a n avoir commerce avec aucun autic puceron. Si apres la derniere metamorphole il donnoit des petits, il falloit s’affiûrer par les mêmes précautions qu’on avoit priles pour ceux des deux premières génet⬠tions, fl fans s’être accouplés ils leroient encore en état de mettre des petits au jour, & continuer ainfi les expériences Zzz iij 550 Mémoires pour l’Histoire fur plufieurs générations qui fe feraient fuccédées. Après des tentatives fur des pucerons du rofier, fur des pucerons du fureau, fur des pucerons du groleiller, que divers con¬ tre-temps rendirent inutiles, M. Bonnet en commença de plus heureulcs fur un puceron du fureau, qu’il renferma à fa manière ordinaire le 12 Juillet fur les 3 heures après-midi, c’elfà-dire, dès qu’il fut ne.Le 20 du même mois à 6 heures du matin, il avoit déjà fait 3 petits; mais M. Bonnet attendit jufqu’au 22 vers midi, à renfermer Sc à condamner à vivre leul un puceron de la fécondé gé¬ nération, parce qu’il ne put parvenir plûtôtàêtrepréfent à la nai(Tance d’un de ceux dont accoucha cette mere à qui le commerce avoit été interdit avec tout autre puce¬ ron , depuis quelle étoit née. Il ufa toujours dans la fuite de la même précaution; il 11e condamna à vivre feuls que des pucerons nés fous fes yeux, & fouftraits à leur mere dans l’infant où ils venoient de naître. Une troifiéme génération, ou la feonde de celles qu’on fçavoit être venues fans accouplement, commença le premier Août: ce fut ce jour-là qu’accoucha le puceron qui avoit été renfermé le 22 Juillet. Le 4 du mois d’Âoût fur les 4 heures après-midi, M. Bonnet féquefra du commerce des autres un puceron de la troifiéme génération. Le 9 du même mois à 6 heures du foir, une quatrième géné¬ ration dûë à ce dernier, avoit déjà vû le jour, il avoit donné nailfance à quatre petits. Le même jour vers minuit, tout commerce avec ceux de fon efpece fut in¬ terdit à un puceron de la quatrième génération, né à cette heure. Ce dernier fut trouvé le 18 du même mois entre fix à fept heures du matin avec quatre petits qu’il avoit mis au jour,ceux-ci étoient de la cinquième géné¬ ration , ou de la quatrième de celles qu’on fçavoit fine¬ ment avoir été produites fans jondion. Le lendemain des Insectes. XIII . Mem . 551 M. Bonnet renferma un puceron c!e la cinquième généra¬ tion ; mais n’ayant eu à lui offrir que des tiges de fureau qui, quoique jeunes, seraient trop endurcies,il mourut avant que d etre parvenu à l’âge ou il eût pu donner pol- térité. 11 fcmble que c’en c toit bien afles d’avoir des obferva- tions qui prouvoient que quatre générations confécutives de pucerons pouvoient être fécondées, quoique les puce¬ rons de chacune de ces générations fuflent reliés vierges. Cette durée de fécondité a été encore confirmée, & même, je crois, fur un plus grand nombre de générations, par M. Lyonet, & fur deux différenteselpecesde ces petits infeéles, entr’autres fur une alfcs petite efpece du fiule. Les non- ailés * de cette dernière font verds, & ont les yeux noirs. Leur partie poflérieure fe termine par une fort petite queue à chaque côté de laquelle elt une corne recourbée en-dedans,& placée plus bas que celle du commun des pucerons; leurs ailes l'ont noirâtres. De génération en génération M. Lyonet enleva à une mere non-ailée le petit dont elle venoit d’accoucher, & fouvent pour plus grande précaution, celui dont elle n avoit pas encore achevé de fe délivrer, & il le renferma dans un lieu aulfi inaccelfible à tout autre puceron, que celui où la mere avoit été tenue, c’eft-à-dire, fous un vafe de verre qui en couvrait un autre, ou trempoit une branche de laulelur une des feuilles de laquelle avoit cte mis le puceron con¬ damné à vivre feul. Tous les 8 a 10 jours il vit paraître une nouvelle génération, & il eut une fuite de généra¬ tions fans qu’aucun accouplement y eût contribué. Il a négligé de me marquer le nombre de ces générations, s é- tant principalement propofé de m’apprendre un fait qui malgré toutes les expériences précédentes, donne lieu < e douter fi les elpeces de pucerons peuvent être perpétuées 552 Mémoires pour l’Histoire fans accouplement, fi leur fécondité ne s’épuife pas après un nombre de générations plus grand que le nombre de celles qu’on a obfervées.M. Lyonet établit une colonie de ces petits infcétes fur une branche de lâule à découvert, mais tenue dans l’eau en partie, afin que lès feuilles con- fervaffent plus long-temps de la fraîcheur. Cette colonie fut compofée des pucerons furnuméraires, nés des meres forcées à vivre dans une parfaite folitude. Tous les puce¬ rons nouvellement nés qui étoient de trop pour fes ex¬ périences, il les tranfportoit fur les feuilles de la branche de faule : examinant un jour les pucerons qui y étoient, il vit avec furprilè un puceron ailé dans la pofture où font ordinairement les mouches mâles qui fécondent des fé- melles. Bien tôt il eut lieu de penfer que ce n’étoit pas le hazard qui avoit ainfi placé le puceron ailé fur le non-aîlé. Le premier fe tenoit cramponné,& paroiffoit tranquille fur le fécond, pendant que celui-ci fembloit inquiet, allant tantôt d’un côté,& tantôt d’un autre. M. Lyonet cher¬ cha à obferver ce couple de près, & parvint à fe mettre à portée de l’examiner au travers d’une loupe: il vit que la partie poftérieure du puceron aîlé fe recourboit par-dciïus celle de l’autre, & venoit s’appliquer étroitement par- delfous. Cette union dura près d’une heure, & enfin le puceron ailé s’envola. La colonie que M. Lyonet avoit établie fur la branche de faule , lui donna plufieurs occa- fions de revoir des pucerons dans l’attitude de l’accouple¬ ment; mais ce qui acheva de le convaincre que les accou¬ plements qu’il avoit vus, étoient réels, c’efi qu’ayant écrafé par mégardedeux pucerons unis, pendant qu’il donnoit fon attention à ceux d’un autre couple, il trouva l’extré¬ mité poftérieure d’un des deux qu’il avoit fait périr, ac¬ crochée à l’extrémité poftérieure de l’autre. Il y a donc réellement des accouplements dans une elpece des Insectes. A7/7. Mem. efpece d’infeétes où il fembloit fi peu naturel d’en ima¬ giner. Si c’efl une grande merveille, & qui pour être crue, demandoit à être prouvée par d’aufîi longues fuites d’expériences exaéles, que celles que nous avons rappor¬ tées; fi , dis-je, c’efl une grande merveille qu’il y ait des animaux qui 1 oient féconds fans s’être joints entr’eux de¬ puis 1 inflant de leur naifîance, c’en ell une auffi grande qu’il y ait de ces mêmes animaux obligés de s’accoupler les uns avec les autres; car dès qu’il y a des accouplements parmi eux, ils ne font pas inutiles, ils font même né- ceffa ires ; mais à quoi doivent-ils fervirîeft-ce à réparer la fécondité épuifee dans des infcûcs qui de mere en mere ont été vierges pendant plufieurs générations ! Nous de¬ vons avoir regret de ce que AI. Lyonet n’a pu pouffer fes curieufes obfervations auffi loin qu’il l’eût fouhaité, elles nous enflent inflruits de deux faits importants par rapport auxquels il efl defàgréable de refier dans l’incer¬ titude, i°. Si la fécondité étoit épuifée dans les pucerons de la dernière génération qu’il avoit eue, fi des pucerons de cette génération qui en avoit donné qui s’étoient ac¬ couplés, s’étant trouvés en fociété, fi, dis-je, des pucerons de la même génération, féqueflrés de tout commerce , euffent été inféconds,ou s’ils euffent mis des petits au jour. 2 ° Si les pucerons qui naîtraient de pucerons qui s’étoient accouplés, feraient en tout femblables à ceux à fa naiffance dcl'quels l’accouplement n’avoit eu aucune part. Malheureufement les feuilles de faille fur lefquel- Jes étoient établis les pucerons qui avoient offert à AT. Lyonet un phénomène dont les fuites étoient intéreffm- tes, fe deffécherent, 8c cela dans une faifon où il n étoit pas poffible de leur en fubflitucr de fraîches. Les puce¬ rons qui s’étoient accouplés, ne donnèrent point de pofle- rité, plufieurs périrentfur Ja branche, 8c ceuxqui voulurent Tome VI. Aaaa 554 Mémoires pour l’Histoire la quitter, fe noyèrent : il ne put par la même raifon, s’af¬ fûter fi la fécondité étoit épuifée dans les pucerons renfer¬ més chacun féparément depuis leur naiffance, fous un vafe de verre. Nous devons avouer qu’il n’y a qu’un concours des preuves les plus décifives qui puiffe forcer à croire que des animaux qui pendant quatre à cinq générations, petits infeéles. L hyver de 1740, qui fera long-temps renom¬ mé par fa longueur, fembloit avoir prelque détruit l’ef- pece de pucerons qui dégoûte des chèvrefeuilles, même ceux à qui ces arbuftes plaifcnt le plus. A peine en vis-je, Si très-tard, quelques-uns fur les chèvrefeuilles de mon jardin, que je ne regardois qu’avec peine dans les années précédentes, tant les pucerons les rendoient defagréables. Ceux de beaucoup d’autres cfpeces, ceux des pêchers, des abricotiers & des pruniers, furent aufh afles rares. Le Printemps Si l’Eté prochain de cette année 1742, nous apprendront fi un plus grand degré de froid, mais d’une courte durée , eft auffi funefte à ces petits infectes qu’un froid moins violent, mais plus long, comme l’a été celui de 1740. Au refte il n’eft pas concevable à quel point les puce¬ rons fe multiplieroient dans le courant d’une année ordi¬ naire, s’il n’avoit pas été établi qu’ils fèrviroient de pâture à un grand nombre d’autres elpcccs d’infectes extrême¬ ment voraces. Les feuilles de nos plantes, de nos arbuftes Si de nos arbres en feraient toutes couvertes; on en fera convaincu , fi on veut tenter de calculer à peu-près le nom¬ bre des pucerons qui dans une année ont pu devoir leur origine à un feul. Depuis le 12 du mois de Juillet juf- qu’au 1 8 Août, M. Bonnet à vu naître cinq générations de ces infeétes. D’autres générations avoient précédé ces cinq ,& d’autres pouvoient lesfuivre, puifque M.T rembley a eu des pucerons du fureau qui ont accouche en Novem¬ bre. Si on fait un calcul groffier de tous les pucerons qui peuvent venir d’un feul dans le cours d une année , 1! fcmblcra que quand il ne s’en fauveroit qu un chaque 1 1 Bbbbiij 566 Mémoires pour l’Histoire hyver dans un jardin, toutes ies feuiiles des arbres de ce jardin ne fui broient pas pour donner des places à ceux qui en naîtroient; la terre même fembleroit devoir en être couverte. Car fi on luppole à chacun de ces pucerons du fureau une fécondité égaie à celie des pucerons du fu- fain, que chacun mette de même au jour 90 à 95 petits, la première génération d’un puceron lera au moins de 90 petits. Si chacun de ceux-ci en donne à fon tour 90, la fécondé fera de 8100 pucerons. La troifiéme lèra de 8100 multiplié par 90 ou de 729000 pucerons. Ce dernier nombre doit encore être multiplié par 90, pour avoir celui des pucerons de la quatrième génération, qui lera 65610000 pucerons, 6c en multipliant encore ce nombre par 90 pour avoir les pucerons de la cinquième, celle-ci fera trouvée de 5904900000. Nous ne fommes encore qu’à la cinquième génération, fi nous prenions toutes celles qui peuvent venir d’un puceron qui a com¬ mencé à accoucher dès le mois d’Avril, & qui ne finit qu’en Novembre , combien pourroit-il donner de géné¬ rations dans le cours de l’année, ou feulement en fix moisi A les mettre au rabais il y en aurait plus de 20. Or fi cinq générations ont produit 5904.900000 pucerons, quelle innombrable quantité de ces petits infedes doit venir de 20 générations! Mais on eft bien-tôt raffüré contre les in¬ quiétudes qu’une fi grande fécondité pourrait donner, quand on fçait combien d’autres infedes font occupés journellement à les détruire pour s’en nourrir. des Insectes. XIII. Mem. 5 6 7 EXPLICATION DES FIGURES DU TREIZ IE'M E ME'AI O IR E. Planche XLVII. Les Figures cle cette Planche font principalement défia¬ nces à faire voir les différents moyens dont on sert lérvi pour ôter à lin puceron toute communication avec d’au¬ tres , depuis le moment de fa naiflance jufqu a ce qu’il ait mis des petits au jour. Si on excepte la figure ~j, qui re¬ préfente un puceron non-ailé dans l'a grandeur naturelle, & les figures 8,9 & i o, qui le repréfentent groffi, toutes les autres font deffinées plus petites que nature. La Figure 1 ert celle d’un pot de terre tel que ceux où on met des fleurs. La Figure 2 ert celle d’une bouteille de verre dcrtinée à être mile dans le pot de terre de la figure précédente. La Figure 3 repréfente le pot de la figure 1 dans lequel la bouteille a été mile, & qui ert couverte julqu a une aflés petite dillancede Ion goulot, par la terre dont le pot a été rempli. Au-deiïiis du goulot de cette bouteille s’élève une petite tige qui porte des feuilles, fur une desquelles un pu¬ ceron naiflant a été pofié. La Figure q. a de plus que la Figure ?, un vafe ou pou¬ drier de verre lous lequel font renfermées les feuilles qui doivent fournir des fiics nourriciers au puceron condamné à vivre dans une parfaite folitude. Les bords du poudrier font exaéfement appliqués contre la terre,& en lont cou¬ verts. Ce moyen d’interdire tout commerce à un puceron avec d’autres, ert celui qui a été employé par M. Bonnet. La Figure 5 ert celle d’un tube de verre ouvert par les deux bouts t & b. M. Trembley sert lérvi d’un pareil tube pour tenir un puceron dans une parfaite Solitude : dans 56S Mémoires pour l’Histoire ce tube font contenues quelques feuilles avec la tige d’où eiies partent; un puceron le paré de fa mere dès i’inftantde fa naiffance, a été mis fur une de ces feuilles. La Figure 6 fiait voir le tube de la figure précédente, pôle dans un vafe qui contient de l’eau qui s’élève juf- qu’en c e, & dans laquelle trempe le bout de la tige qui eft logee dans ce tube, c c, coton qui bouche le bout fupérieur du tube. La Figure 7 eft celle d’un puceron non-ailé d’une ef- pece qui vit fur le faille. M. Lyonet a vû. des accouple¬ ments entre les pucerons non-ailés & les pucerons ailés de cette efpcce. Les Figures 8, 10 montrent le puceron de la fig. 7 grolfi. Il eft vû de côté fig. 8, par-delfiis le dos fig. 9, & fous le ventre fig. 1 o. M. Lyonet a lui-même delfiné les figures précédentes. La Figure 1 1 eft celle d’un poudrier de verre p, plein d’eau & couvert de parchemin. Le couvercle elî perçé pour lailfer palfer la partie d’une tige qui doit tremper dans l’eau. Le relie de la tige s’élève au-déifias du couvercle, & porte des feuilles fur une dcfquelles on a mis un puceron qui ve- noitde naître, c c, lit de coton fur lequel le poudrier cil pofé. La Figure 1 2 fait voir le poudrier de la fig. 1 1 cou¬ vert par un poudrier plus grand, & dont les bords ont été bien prefies contre le coton, & en font même recouverts. La Figure 1 3 repréfente un poudrier tel que celui de la fig. 1 1, mis dans un plus grand fur un lit de coton, & foûtenu de plus par trois cordons dont il n’en paroît ici que deux l, l. Legrand poudrier a un couvercle de gaze à mailles très-ferrées , qui ne permettent pas le paflàge aux pucerons qui tenteroient d’aller trouver celui qui efi pri¬ sonnier. QUATORZIEME ri- 47 pcip .fiée Mt-m 13 .de { Il un dco- Tneectce Zètn . /. F i<7 ■ 1 U*uSS.irU tfCéUp. des Insectes. XIV. Mem. s 6 9 QUATORZIEME MEMOIRE. SUR LA MANIERE EXTREMEMENT SINGULIERE DONT NAISSENT QUELQUES ESPECES DE MOUCHES A DEUX AISLES, APPEL LE' ES MOUCHES ARAIGNEES. L E Mémoire précédent nous a appris que des Ioix de la nature, qu’une très-longue 6ctrès-nombreufeluite d’expériences 6c d’oblervations nous avoitfait juger géné¬ rales, pouvoient avoir 6c avoient des exceptions ; mais il ne nous a pas encore afTés montré julqu’où notre défiance doit être portée, par rapport à la généralité de celles qui nous font connues, 6c en conféquence delquclles de nouveaux êtres organifés 6c animés font misen état de remplacer ceux qui périfTent journellement. S’il y a une loi de la nature qui femble néccffaire dans toute fa généralité, c’eft celle qui veut que l’animal naiflant ait à croître, qu'il loit plus pe¬ tit que perc 6c mere. Quelqu’un qui attefleroit avoir vft de Tes propres yeux une elpcce de quadi upédes dont la fe¬ melle d’une taille égale à celle d’un bœuf ou d’un cha¬ meau, met au jour un animal aullî grand qu elle-même, qui dès qu’il eft né, eft parfait 6c n’a plus à croître, lèroit pour le moins pris pour un homme qui débite les rêve¬ ries. Il nous paroîtroit faire des contes auffi peu dignes d’être écoutés, s’il nous difoit qu’il a vu un grand oi'èau pondre un œuf d’un volume fi énorme, qu il en fort par Tome VL Cccc 570 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE la fuite un oifeau égal en grandeur & en tout femblable à celui qui a pondu l’œuf. La merveille racontée de l’a¬ nimal ovipare ne ferait en rien plus croyable que celle qui aurait été rapportée du vivipare; elle le (croit même moins, car la coque de l’œuf augmente encore le volume d’une maffe jugée beaucoup trop grande pour être contenue dans le corps de lamere. En un mot on ne parviendrait pas à faire croire aux hommes les plus crédules, qu’il y a une efpcce de poules, par exemple , qui pond des œufs d’où fort une poule , ou un coq, qui, dans le moment même où il paraît au jour, ne cede aucunement en grandeur à la mere, ni au mâle par qui elle a été fécondée. Quel¬ que petit que fût l’oifeau mere auquel le prodige ferait attribué , fût-il plus petit qu’un colibri, ou qu’un oifeau mouche, ce prodige n’en paraîtrait pas moins une fable. La merveille n’eft ici en rien augmentée ou diminuée par la pe- titeiïe de l’animal. L’imagination & meme la raifon feront toûjours révoltées, lorfqu’on voudra faire concevoir un ani¬ mal naiffant auffi grand que perc & mere. J’ai pourtant été conduit par degrés à foupçonner que i’hiftoirc des infeéies avoit un tel prodige cà nous montrer. J’ai ofé me prêter à un foupçon qui paraît d’abord fi déraifonnable : j’ai cherché à le vérifier; ik quelques efpeces de mouches m’ont fait voir que le prodige étoit réel dans toute l’étendue du fens finguiier fous lequel nous venons de le préfenter. Ces mouches fi dignes d’être connues par l’état où elles paroiffent dans le moment de leur naiffance, font de la claffe de celles qui n’ont que deux aîles. & d un genre dont nous n’avons parlé qu’en paffant, quand il s’eft agi de la diffribution générale des mouches; nous ignorions alors combien elles méritoient d’être étudiées. Si nous euffions fçû ce qu’elles nous ont appris depuis, probablement nous l’euffions rapporté plûtot ; néantmoins DES I N S E C T E s. XIV. Man. 571 en failant reparoître des mouches à deux ailes à la fuite de celles à quatre aïies, nous ne huions rien que de con¬ forme au véritable ordre, à celui de l’arrangement des vé¬ rités les pluseffentielles. Deux Mémoires coniécutif con¬ courront à prouver par des faits extrêmement fmguliers, que l’Auteur de la Nature ne s’efl pas contenté de varier prodigieuiement lesefpeces de petits animaux , qu’il fem- ble s’être également plû à varier les moyens de les mul¬ tiplier. Dans le fond il 11 ert en rien moins admirable qu’une mouche, des I infant où elle fort de l’œuf, n’ait plus à croître, cet œuf n ayant acquis aucune augmentation de volume, qu’il le fer oit que quelque volatile couvert de plu me fut en naiffant un oiieauparfait. Auffi nefçais-je fi j’euffeofé aflïï- rer la vérité d’un pareil paradoxe, fi je ne l’avois vu que dans des pays extrêmement éloignés, & où il ne fût pas aifé à d’autres de l’aller revoir. Mais les mouches * faites pour ^ PI. 4.S. fîg. montrer une fi étrange fingularité, ne font pas rares dans ce pays; elles n’y font que trop communes au gré de ceux qui aiment les chevaux,elles font connues pour être de celles qui les tourmentent le plus. On leur a donné des noms diffé¬ rents en différents endroits du Royaume: en Normandie on les appelle des mouches Bretonnes, & affés communé¬ ment ailleurs , des mouches d’Efpagne. Ce font îles mou¬ ches à deux aîles, plus petites que celles qui font nommées des taons, & plus grandes que d’autres affés fèmhlahlcs à celles de nos appartements, qui en E té s’attroupent & for¬ ment de grandes plaques fur le col, fur les épaules & fur d’autres endroits du corps du cheval. C’ert aux parties des chevaux les moins défendues par le poil, que les mouches appellées vulgairement Bretonnes ou d’Efpagne, s’atta¬ chent plus volontiers, elles fe tiennent fouvent fous le ven¬ tre entre les cuiffes porterie tires, ou fur la face intérieure des 572 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE cuiiïes mêmes ; quelquefois elles pafient lous la queue du cheval, & c’eft alors qu’ellesl’inquietent davantage. Si on fe contente de les châtier, après un vol très-court elles revien¬ nent fur le cheval quelles fuivent obflinément. Les chevaux ne lont pourtant pas les leuls animaux auxquels elles en veulent, on en trouve alfés fbuvent fur les bêtes à cornes, & à la campagne elles fe tiennent quel¬ quefois fur les chiens ; auffi un de leurs noms eft encore PI. 48.% celui de mouches de chiens. Leur forme * efl propre à les faire diflinguer de beaucoup d’autres mouches. On nous permettra de nousarrêter un peu plus à la décrire,que nous ne ferions, fi elles ne méritoient pas plus d’être connues que le commun des autres. Ces mouches ont un air plus appfati que celles de la viande & que celles de nos ap¬ partements : leur corps touche preique la furface fur la¬ quelle elles font pofées, quoique leurs jambes foientlon- * Fi g . 2 . gués*; mais c’efl: quelles les portent loin du corps, elles s’en fervent pour marcher vite, & elles marchent volon¬ tiers lorfque les doigts qui les veulent faifir, s’approchent d’elles; pour fuir elles employent plutôt leurs jambes que leurs ailes. Quand on leur a arraché celles-ci, leur * Fj g . 3. corps applati*, la longueur & le port de leurs jambes leur donnent une forte de reffemblance avec des araignées de quelques eipeces, qui ont le corps plat, 12 lies * moufles, courtes, & tournées l’une vers l’autre ; elles » c , c. font plus fenfibles quand on regarde l’œuf par une de fes faces * que parcelle qui lui efl oppofée *. Ces deux ef- * Ffg. 12. pcces de cornes ou de mammelons, i’efpace qui efl en- * I ls< tr’eux, & une partie des environs de l’échancrure, font ce que l’œuf qui vient d’être pondu , a de noir, le refie efl parfaitement blanc. La portion noire qui efl en-dehors des mammelons , a quelques rugofités , elle n’a pas le liffe du refie qui en a beaucoup, conlidéré à la vue fimple; mais quand on l’obferve avec une forte loupe , tout l’extérieur paroît chagriné à grains fins. Quoique l’enveloppe de l’œuf foit encore blanche, elle efl déjà dure & ferme; elle le devient encore davantage pendant quelle brunit. Celle - Cu 1 œuf qui a pris le noir, réfifte a une prcfhon des doigts allés forte; aulîl cette enveloppe efl-ellc faite d une 5S4 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE efpecede cartilage ou d écaillé d’épaiffeur fenfible,& que de bons cilêaux ne coupent pas ail'ément. Ces coques écailleufes ou cartilagincules font fortes, folides, & ca¬ pables de l'oûtenir des chocs qui briferoient celles des œufs des petits oifeaux. Ce doit être une grande opération pour une mouche que de faire fortir de l'on corps un œuf dont le volume furpaffe celui du corps même. Cependant elle pond pour l’ordinaire cet œuf d’une grolfeur fi démefurée, avec autant de facilité que d’autres mouches en pondent d’une grolfeur plus proportionnée à la leur. C’efl une affaire d’un in fiant ; au moins au bout d’un infant ai-je vû en entier l’œuf dont je venois de voir paraître le bout en- dehors du derrière de la mouche. Tout ce que la Nature a voulu qui fût fait par les animaux, leur a été rendu facile. Au-deffous de l’anus de la mouche il y a une ou¬ verture qui efl ordinairement couverte par une plaque *PI. 4.8.fig. triangulaire Si cartilagineufe *. Cette ouverture fe dilate & 16. /. au p 0 j nt néceffaire pour que l’accouchement ne l'oit point trop laborieux. C’clt peut-être pour fournir à la dilatation de cette ouverture, pour mettre fes bords hors de rifque d’être déchirés malgré la grande dilatation, que la partie poflérieure du corps efl plus large que le refie. La mouche qui vient de fe délivrer d’un fi gros œuf, n’en paraît pas plus fatiguée; elle marche, Si vole fur le champ à fon or¬ dinaire. J’ai vû pourtant des pontes laboriculës, & je n’é- toispas fâché quelles le fuffent. Une mouche qui avoit été trop preffée par les doigts qui l’avoient prife, a quel- ^ Fig. ij. 0 . quefois commencé à faire fortir entre les miens, un œuf* qui n’étoit pas encore à terme; l’opération alors a été longue, Si j’en ai plus eu le temps d’obferver la dilatation exceffive qui fe fait par degrés dans l’ouverture par laquelle l’œuf doit paffer ; fon bout le moins gros, celui qui a une grande des Insectes. XIV. Mem. $8$ grande tache noire, le préfente le premier *. On voit d a- bord paroître cette tache; après quelle s’tft montrée, on ne tarde guéres à appercevoir une portion de couleur blanche*, l’œuf entier elt enluite poulie hors du corps. Nous avons parlé ailleurs * d œufs d’infeétes qui croif- fent journellement, dont les dimenfions augmentent jour¬ nellement en toutlèns. Ceux de nos mouches araignées, quelque gros qu’ils loient, lembleroient encore avoir be- foin d être dans le même cas, ils n’y font pas cependant: leur volume, comme celui des œufs les plus connus, relie tel qu’il étoit quand ils ont été pondus; tout ce qui leur arrive, c’cü que leur coque prend une teinte brune en moins d’une heure : au bout de deux ou trois heures elle eft rougeâtre; & enfin en moins d’un jour entier, & quelque- fois dans un demi-jour, elle devient du plus beau noir; elle fe delTeche, & acquiert plus de confillance & de dureté qu’elle n’en avoit d’abord. L’intérieur de cette coque a donc alfés de capacité pour renfermer une mouche aulfi com- plette & aulfi grande que celle par qui l’œuf a été pondu. Mais cette mouche qui par la façon de naître, par l’état de perfection où elle eft arrivée dansl’inflant même delà naifîance.a étéfouftraiteà la loi qui veut que tous les au¬ tres animaux, après avoir été mis au jour, ayent à croître, 6c à croître beaucoup, a pourtant un temps pendant lequel elle croît. Pendant ce temps elbelleou n’ell-ellepasfoûmileàla loi félon laquelle lè fait l’accroilTement de toutes les autres mouches! Ne devient-elle aîlée qu’aprèsavoir pâlie par des métamorphofes femblablesà celles auxquelles toutes les au¬ tres mouches ont été alfujetties! A-t-elle d abord été un ver qui s’eft nourri des aliments qui fe font trouves renfermés avec lui dans la coque ! Ce ver, après avoir coniùmé la provifion d’aliments, a-t-il été en état de le transformer en boule allongée, comme s y transforment les vers d un Tome VL Eeec * PI.4-8.fig. i j. o. * Fig. 16. * Terne ç. Aîcm. j . 586 Mémoires pour l’Histoire grand nombre d’efpeces de mouches à deux ailes ! L’in- feélie a t il palfé enluitc de letat de boule allongée, à ce¬ lui de nymphe! enfin cette nymphe, après s’être défaite d’une enveloppe extrêmement mince, ell-elle devenue une mouche en état d’ouvrir la coque l'ous laquelle elle étoit renfermée, & d’en fortir! C’eft ainfi que tout lè palfe pour le parfait développement des mouches à deux ailes les plus communes. Mais l’analogie ne fçauroit nous éclairer par rapport à un infeéte pour lequel la Nature s’eft fi fort épartée des voyes qu’elle a prifes, pour conduire les autres animaux à leur état de perfection. On pouvoir même l'oupçonner que la mouche araignée n’avoit point de mé¬ tairie: phofes à fiibir,quelle croiffoitdansfonœuf,comme le poulet croît dans le fien ; que dès le premier inftant où elle commençoit à lè développer , elle étoit mouche; que lès partiess’éten loient & lefortifioient journellement, & que parvenue à être mouche parfaite, elle fe trouvoit en état de forcer fa coque. Il étoit intéreffant de fçavoir laquelle de ces deux voyes l’Auteur de la Nature avoit choifie, ou s’il n’en avoit pas pris quelqu’autre. Le feul moyen de l’apprendre, étoit d’ou¬ vrir des œufs de mouches araignées dans des temps plus proches, & dans des temps plus éloignés de celui où ils avoient été pondus, de faire lur ces œufs des oblervations femblables à celles qui ont été faites par Malpighi & par d’autres bons obfcrvateurs, fur l’incubation des œufs de poules. Le vrai elt que les œufs des mouches araignées, quoiqu’excelfivement gros pour des œufs de mouches, font bien petits, lorfqu’on les compare à ceux des poules, Ce qu’on ne fçauroit fc promettre d’avoir autant de facilité à voir l’embryoji dans les premiers, qu’on en a à le voir dans les autres. D’ailleurs il n’eft pas auffi ailé de fe procu¬ rer une proYifion fufhlànte d’œufs de mouches araignées,, des Insectes. XIV. Man. 587 qu’il l’eff de l’avoir d’œufs de poules. Audi ne fut ce qu\w an après que j’eus vu naître ta première de ces mouches, que je pus raflembler allés de leurs œufs pour fournir aux oblèrvations que j’avois à faire. A peine pourtant avois-je vu naître cette première mouche, que j’ouvris i n œuf que j’avois couvé, comme celui d’où elle étoit l'ortie, mais quatre jours de moins, parce qu’il avoit été pondu quatre jours plus tard. La mouche ne devoit éclorreque élans quatre jours, je la trouvai lôusia forme d’une nym¬ phe * dont toutes les parties ctoient très-diftinéres, très- * reconnoi(Tables pour celles d’une mouche, &. à qui il rnanquoit peu du côté de la conliftance. La coque avoit été ouverte par le gros bout *, Si c’ed celui qui dorénavant * Fig. 11. fera nommé le bout antérieur; il étoit occupé par la tête. & l '& Les yeux à rézeau lé faifoient remarquer par leur couleur qui tiroit fur un marron rougeâtre. Les deux palettes qui fervent d’étui à la trompe, avoient prefque la même nuance de rougeâtre. Tout le refte de la nymphe étoit blanc, excepté quelques touffes de poils, qui ctoient gri- fâtres. Le derrière de la nymphe étoit polé fur le petit bout de la coque, fur celui qui en-dehors a une éclian* crûre à laquelle une convexité répond par dedans: aulfi le derrière delà nymphes’étoit-il moulé fur cette convexité, ce qui le rendoit échancré au milieu , Sc façonne comme i’eft l’extérieur du petit bout, ou pofterieur de la coque. D’ailleurs il n’y avoit dans la coque aucune goutte de li¬ queur, ni aucun grain d’excrément. L’année fuivante, j’ouvris le 12 Oétobre un œuf qui avoit été pondu le 1 3 Septembre, & tenu depuis dans une chambre dont l’air n’avoit pas été a (Tes échauffe pour avancer beaucoup le développement des parties de la mouche. Si on eût continué de le laiffer dans un air a peu-prèsde pareille température, la mouche n cut etc en \ 58B Mémoires pour l’Histoire état cle fe tirer hors de la. coque qu’au bout de 5 mois ou environ ; elle avoit pourtant dès lors la forme de nymphe ; mais la nymphe, quoique bien formée, étoit encore tendre & molle, & entièrement blanche. Les yeux à rézeau n’avoient pas la plus légère teinte de rougeâtre. Il eft donc déjà certain que toute mouche araignée a paffé par l’état de nymphe; mais qu’a-t-elle été immé¬ diatement auparavant que d’avoir été nymphe! A-t-elle été boule allongée, & cette boule allongée eft-elle venue d’un ver qui s’eft transformé! Toutes les mouches qu’il a été permis de fuivre jufqu’ici dès leur première origine, ont été des vers : les mouches araignées en ont-elles été aulfi î Pour tâcher de le découvrir, j’ai ouvert des œufs lin jour, d’autres trois jours, d’autres quatre à cinq jours après qu’ils avoient été pondus; dans tous ces œufs, & même dans ceux pondus depuis huit à dix jours, je n’ai vu qu’une efpece de bouillie blancheâtre dans laquelle fe trouvoicnt divers petits grains un peu jaunâtres,& quel¬ ques-uns prefque noirs, ces derniers étoient près des parois de la coque. Dans les œufs nouvellement pondus , cette bouillie étoit plus fluide que dans ceux qui étoient plus vieux. Dans ceux-ci, la portion qui touchoit les pa¬ rois de la coque, avoit même de la confiftance. Mais dans quelque temps que j’ayc ouvert des œufs très-bien condi¬ tionnés, je n’ai jamais trouvé un ver dans leur intérieur. Quelques-uns de ceux dont j’ai emporté une partie de la coque, avoient été pondus depuis plus de trois femaines. Si un ver y eût dû être renfermé, ce ver eût été alors gros &. fenfible, fon accroiffement eût été complet ou près de letre, le ver eût été près de fe transformer en nymphe; la quantité de la bouillie eût dû diminuer de jour en jour pour fournir à l’accroiffement journalier du ver. Mais jamais je n’ai trouvé de ver, ni n’ai vu le volume de la bouillie diminué. des Insectes. XIV. Mem. 589 Si ion fe rappelle ce qui a été rapporté ailleurs de l’état où eft l’infedle qui doit devenir une mouche à deux ailes, femblable aux gloires mouches bleues de la viande, fi, dis- je, l’on fe rappelle l’état où eft cet infecfte Iorlqu’il vient «le palfer de la condition de ver à celle de boule allongée, lorlqu’il vient de fe détacher de fa peau pour s’en faire line coque folide dans laquelle il eft renfermé, mais à la¬ quelle il ne tient pas; on fçauraque l’infeéteen perdant la peau , a perdu tout ce qui lui donnoit de la confiftance; lès parties femblent s’étre liquéfiées. Quand on ouvre la coque, on ne la trouve remplie que d’une elpece de bouillie. Les parties du petit animal lont li molles & fi abbreuvées d’eau, qu’il n’eft permis de diftinguer ni leur arrangement, ni leur figure. Plufieurs jours même après cette première transformation, c’eft-à-dire, lorlquc la boule allongée commence à le métamorphofer en nymphe, l’in¬ térieur de la coque ne paroît encore contenir que de la bouillie, mais devenue un peu plus epailfe. Pour nous alfu- rcr que les parties de la nymphe étoient pourtant bien for¬ mées alors, malgré l’efpcce de liquidité de la malfie qu elles compofoient, nous avons fait bouillir dans de I eau de ces coques avant que de les ouvrir, nous les avons fait cuiic, comme on fait cuire des œufs Irais. Nous avons eu recours au même expédient pour frire prendre de la confiftance a cette elpece de bouillie dont lont remplis les œufs tics mouches araignées, trop nouvellement pondus pour que la nymphe s’y trouve avec des parties bien allcrnaics. Les œufs de ces dernières qui n’avoient que huit a dix jours au plus, 6 c même de plus récemment pondus, après aaoii etc cuits, m’ont paru chacun remplis par un infetfte femblable à celui qui eft fous la forme de boule allongée clans œs coqnt> d’où fort une greffe mouche bleue de la viande. Dans les œufs de mouches araignées que je n’a» fait cuire que trois E ecc 1 ij 590 Mémoires pour l’Histoire femaines après qu’ils ont été pondus, j’ai trouvé une boule allongée qui avoit commencé à fe transformer en nymphe. Toute cette bouillie qui remplit un œuf de mouche araignée, qui n’a que quelques jours, ou même que quel¬ ques femaines, ne doit donc pas être regardée comme une maffe informe, elle a vie; elle eft un animai qui, a parler exactement, n’a plus à croître , & dont les parties n’ont beloin que d’acquérir de la confiflance, de lé fortifier. L’œuf de mouche araignée n’eft donc pas un œuf fem- blabie aux autres œufs. Chacun de ceux-ci renferme un embryon extrêmement petit, & qui nage en quelque forte dans la liqueur qui le doit nourrir, au lieu que tout ce qui remplit la capacité de la coque de l’œuf d’une mouche araignée,eft l’animal même. Jufqu’ici on a divifé les animaux en deux claffes, celle des vivipares, & celle des ovipares: les mouches araignées demandent qu’à ces deux claffes, on en ajoute une troi- fiéme, car elles ne font, à proprement parler, ni ovipares, ni vivipares. Les vivipares mettent au jour des petits qui ne font point renfermés fous une coque; & dans les œufs qui viennent d’être pondus par les ovipares, l’embryon échappe à nos yeux par fa petiteffe. Si on vouloit regarder l’état de boule allongée, comme Celui d’une nymphe, quoi- qu’imparfaite, on pourroit appeller la nouvelle chiffe, celle des inlèéles nymphipares. On aimera peut-être mieux ce nom que celui de boulipares, qui ferait plus exaét. Malgré la reffcmblance que l’efpece de bouillie des coques des mouches araignées, foit cuite, loit non cuite, a avec la fubffance des inleéles qui font reconnus pour être dans l’état de boule allongée , on pourroit encore avoir quelque peine à la prendre pour un animal plein de vie, fi nous n’avions à rapporter des obfervations propres à achever d’en convaincre. Il y a une circonflance qui à la f des Insectes. XIV. Mem. 59 x vérité ne peut guéres être fournie que par quelque hazard, dans laquelle on ne fçauroit s’empêcher de reconnoître que l’intérieur de la coque cil habité par un animal vivant. Après avoir vû plufieurs œufs de mouches araignées dont l’enveloppe avoit une figure auffi confiante, auffi peu va¬ riable que celle des œufs des oileaux, j’en ai eu quelques- uns qui, dans i inflant ou ils venoient de fortir du corps de la nTouche pour tomber dans ma main , fe donnoient des mouvements, non des mouvements propres à les faire changer de lieu, mais des mouvements qui faifoient chan¬ ger de figure à certaines portions de la coque. C’efl fur tout à Ion gros bout, à l’antérieur qu’on en pouvoit voir de très-remarquables: dans l’état ordinaire, il a fa convexité d’une calotte à peu-près fphérique*: dans le moment *Pl.48.6g. dont je veux parler, le fommet de cette convexité s’a!- ' î- ' longeoit très-fenfiblement en mammelon conique *, & ♦Fig. 14. b. fur le champ le mammelon fe raccourciffoit, le bout de la coque reprenoit la première rondeur, mais c’étoitpour s’allonger de nouveau dans l’inftant fuivant ,&fe raccour¬ cir enliiite. Pendant plus d’un quart d’heure, & quelque¬ fois pendant près d’une demi-heure, j ’ai vû ce mammelon paraître & dilparoître alternativement ; mais les intervalles pendant lefquels il difparoît, deviennent de plus en plus longs, plus le temps où il doit ce fier de le mont rer,cil proche. Pendant que ce gros bout eft en jeu, on apperçoit auffi des mouvements, mais moins confidérables, dans diffé¬ rentes portions qui s’enfoncent & qui le relèvent alternative¬ ment; mais ce n’elt guéres qu’à deux ou trois reprifes. Au relie, comme je 1 ai déjà fait entendre, on n obfèrve point de pareils mouvements dans tous les œufs: inutile¬ ment chercheroit-on aies voir dans ceux qui ont été pon¬ dus depuis quelques heures. La coque qui a été expoke quelque temps à faction ded’air, s efi dcfilchée év dutcic. 592 Mémoires pour l’Histoire Il ne feroit plus dans le pouvoir de l’infede qu’elle renferme, de la faire céder, s’il tcntoit de le faire; mais il y a tout lieu de croire qu’alors il ne le tente, ni n ef} en état de le tenter. Entre les œufs même que j’ai obfervés dans l’in fiant où ils venoient d’être pondus, ceux où j’ai vû de ces mou¬ vements ont été en petit nombre. J’ai penlë qu’on ne les voyoit qu’à ceux qui étoient fortis avant que d’être à terme, & l’expérience a juflifié cette idée. J’ai ouvert le Corps de plulieurs mouches araignées qui avoient le ventre renflé, & où j’ai trouvé un gros œuf. Plufleurs des œufs que j’ai ainfi tirés du corps de différentes mouches, m’ont fait voir les mouvements que je viens de décrire. Il y a eu pourtant des œufs obtenus par une ponte fl forcée, dont la coque ne sert agitée dans aucune de lés portions, & lëlon toute apparence, ceux-ci étoient à terme. L’œuf, ou plutôt la coque que je crois devoir être dite à terme, eft celle dont 1 ’infecfte renfermé dans fon inté¬ rieur, efl devenu une boule allongée; c’eft-à-dirc, celle aux parois intérieures de laquelle les parties de l’infeéle ont cefle d’être adhérentes. Je conçois qu’il efl un temps où la coque tendre, molle & flexible, a été pour cet in- feéle ce que la peau du ver qui doit devenir une groflë mouche bleue , a été pour ce ver avant fa première trans¬ formation ; alors toutes les parties de ce ver qui étoient touchées par fa peau , lui étoient adhérentes. Ces mêmes parties fe détachent enfuite de cette peau, qui devient une efpecede boîte dans laquelle efl contenu l’infeéle nouvel¬ lement transformé. L’infeéle qui par la fuite lé change en mouche araignée, a de même eu d’abord pour peau cette enveloppe qui n’efl plus pour lui dans la fuite qu’une coque : dans ion premier âge il a été uni à cette enveloppe. C’eft probablement quand il s’en détache, & lorfqu’il Lait des mouvements pour s’en détacher, qu’on voit le bout antérieur des Insectes. XIV. Mem. 593 ntcricur de la coque, celui où eft la tête, s allonger 6. le ccourcir alternativement, & qu’on voit d’autres portions de la coque s’enfoncer 6c le relever aulTî alternativement. Je me-fis un plailir d’apprendre à M. Bonnet que la mouche araignée, dès Imitant de fa naiflance, clt aulft grande que pere 6c mere ; 6c je comptoisbien qu’il y avoit pour moi à gagner en lui apprenant un fait fingulier qui l’exciteroit à faire des obfervations. Celle des œufs qui font capables de fe donner certains mouvements, ne lui a pas échappé; il a même vû un œuf qui étant pofé fur fa main, s’éleva fur un côté 6c fe Iailfa retomber,6c cela à diverfes reprilès.Lemêmeœufallongeoit & raccourcifloit alternativement Ion gros bout, il retiroit aulfj en dedans, 6c relevoit enfùitedifférentes portions de la coque. AI. Bonnet imagina de le plonger dans l’eau, dans l’indant tous lès mou¬ vements furent arrêtés; il l’en retira au bout d’une heure, & il ne fut pas long temps hors de l’eau lans commencer à faire reparoître des mouvements femblables aux pre¬ miers. L’eau avoit empêché la coque de fe deffécher. Outre ces mouvements, pour ainfi dire extérieurs, on en peut voir d’autres qui fe font dans l’intérieur. Les mouches de vers mangeurs de pucerons, 6c les mouches éphémères, m’ont donné occafion de parler de tranches minces Sc nébuleufes qu’on voit le fuccéder 6c marcher parallèlement les unes aux autres dans l’intérieur de ces mouches dont le corps eft tranfparent; elles vont d’un bout du corps vers l’autre. J’ai apperçu quelque choie de femblable dans l’intérieur de divers œufs de mouches araignées nouvellement pondus, que je regardois vis à-vis d’un grand jour: ma vûë étoit pointée vers le milieu d un de leurs côtés. Là eft un endroit plus tranfparent que le refte, 6c qui m’a permis de diftingucr très-bien des couc lies nébuleufes fort minces qui fefuccedoient les u lies aux autres, Tome VI. Ffff 594 MEMOIRES POUR L’HiSTOTRE & qui toutes alloient vers le bout antérieur. M. Bonnet a non leulement vû comme moi cesefpeces d’ondes minces en mouvement dans des œufs à terme, il les a vues dans un qui étoit bien éloigné d’y être, qui avoit été pondu quoi¬ que d’une grofleur fort inférieure à celle à laquelle il eut dû parvenir, & quoiqu’il n’eût pas encore la tache noire. Mais ce qui lui parut digne d’être remarqué, & ce qui i’efl réellement, c’cfl que dans ce dernier œuf les couches nébu- leufes avoient une route contraire à celle qu’elles ont dans des œufs plus avancés. Dans l’œuf encore éloigné d’être à terme, elles marchoientclu bout antérieur vers lepoflérieur. Nous avons rapporté comme un fait fingulier, que la cir¬ culation des liqueurs nous avoit paru fe faire dans le pa¬ pillon en un fens contraire à celui où elle fe faifoit dans l'on corps, lorfqu’il étoit chenille. La circulation des lames nébuleufes, qui dans l’œuf à terme a un cours oppofé à celui qu’elle a dans l’œuf qui n’y eft pas, paroît donc prouver que l’œuf à terme renferme un inlcéle qui a changé d’état; & ce changement n’a pu être que celui de ver en boule allongée. Enfin ces mouvements qu’on apperçoit dans l’inté¬ rieur des œufs, & d’autres beaucoup plus fenfibles qu’on voit en certains temps dans diverfes portions de la coque, prouvent que celle-ci renferme un animal vivant. Si lorf- qu’on ouvre une coque, il n’en fort qu’une elpece de bouillie, c’eft que toutes les parties de l’animal ont encore alors trop peu de conhflance ; elles font molles au point d’être prefque fluides, & telles font toutes les parties des infeétes qui doivent par la fuite être des mouches à deux ailes, & qui font encore des boules allongées. Si la coque étoit plus tranfparente quelle ne l’efl , on pourrait diftinguer les unes des autres les parties du petit animal, pendant quelle les foûtient. Le peu de tranipa- des Insectes. XIV. Alan . rence qu’ellea en certains endroits, fuffit néantmoins pour en laifler appercevoir quelques-unes. Dans l’intérieur d’un œuf nouvellement pondu j’ai vu très-bien quatre gros vaiffeaux que j’ai jugé être des trachées; on les fuit dans les trois quarts de la longueur de l’œuf. Sur chaque face de l’œuf il y a un de ces vaifleaux affés proche de chaque côté. Les deux du même côté paroilfent le rendre à une des cornes de ce côté; mais il y a plus d’apparence qu’ar¬ rivés à la portion qui eft noire en-dehors, & qui empêche de les fuivre, ils fe courbent pour fe rendre tous quatre entre les deux cornes, c’eft-à-dire, dans l’endroit où le petit bout de la coque eh échancré par dehors. Ce qui doit le faire juger ainfi, c’efl que du centre de l’enfoncement s’élève un très-court mammelon dont le bout paraît re¬ bordé & percé*. Probablement ce petit tuyau tient lieu *pi+S.. fig. d’un fligmate. I *' *' Mais quelle forme avoit cet infeéle avant que d'être en état de fe transformer en boule allongée ! Le feuI moyen de s’en inflruire, étoit d’ouvrir fans pitié le ventre à diffé¬ rentes mouches dans des temps plus ou moins éloignés de celui où elies font prêtes à pondre, ou , ce qui revient au même, d’ouvrir des ventres plus ou moins renflés. Dans ce¬ lui de quelques-unes j’ai trouvé un corps entièrement blanc qui avoit déjà la figure qu’a 1 œuf qui vient d être pondu, quoiqu’il n’eût pas la moitié du volume de ce dernier. Ce corps ne reffembloit donc en rien par fa forme aux vers les plus connus, & ne m’a paru capable d aucun mou¬ vement progreflîf: le nom de ver ne lui en étoit peut-etie pas moins dû. La Nature qui s’eft fi fort plû à varier les figures des infeébes, peut avoir donne a un vcrccl.c d un œuf; elle en a produit qui font incapables de change 1 de place, & il n’y en a point à qui il fût plus inutile de le mouvoir, qu’a ceux qui doivent ccffer d être vers avant que 596 MEMOIRES POUR L’HlSTOIRE d’être hors du corps de la mere. Ces vers, ou fi l’on veut, ces œufs plus ou moins gros que j’ai tirés du corps de * P!. 4.8. fig. la mcre, étoient contenus dans un canal membraneux* 17. mm, nu. p eut £ tre appelle XOvldudus , & qui eft capable d’une grande dilatation : on eft obligé de l’ouvrir pour mettre à découvert le corps qu’il contient : des trachées fenfibles * /. rampent fur fa furface. La partie de l 'OvïduCtus * qu’a quit¬ tée ce corps en forme d’œuf pour s’approcher de l’anus, n’a que la groffeur d’un fil. A cette partie déliée fie rendent * b, c. deux autres canaux membraneux *, dans chacun defquels *d,e. j’ai trouvé un corps blanc, oblong*, & de la figure d’un cylindre dont les deux bouts auroient été arrondis. Celui * e ' d’un des deux canaux étoit plus court & moins gros que * J. celui de l’autre *. 11 y a grande apparence que ces deux corps oblongs dévoient venir lucceffiveinent prendre la place qui avoit été occupée par l’œuf, ou plûtôt par la coque, quand la mouche s’en lbroit délivrée; que par la fuite ils dévoient fournir à une fécondé & à une troifiéme ponte. Lorlqu’on écrafe ces corps oblongs, on en fait iortir une bouillie plus blanche que celle qui eft dans les coques. Cette bouillie ne paroît pas remplir le bout le plus proche du derrière de la mouche; une portion de ce bout eft tranljxarente pendant que le refte eft opaque. Peut-être que ces petits corps lont de véritables vers, quoique je ne leur aye vu faire aucun mouvement, & que je 11e fois pas parvenu à leur découvrir une bouche : la Nature peut les nourrir & les faire croître par une autre voye. Les fucs nourriciers leur font peut-être fournis par des moyens femblables à ceux qui ont été employés pour faire croître les œufs des oifeaux, pendant qu’ils font dans le corps des fémelles. Quoi qu’il en foit, c’eft après être entrés dans le grand Ov'tdudus qu’ils prennent une figure plus courte & un peu applatie, en un mot celle qu’ont des Insectes. XIV. Mem. 597 les coques pondues par les mouches araignées. Ce chan¬ gement de figure ne pourroit-il point être regardé comme une première métamorphofe ! C’en ferait une encore finguliére par 1 état où eft l’infede dans le temps où elle fe fait; car les vers des autres mouches à deux ailes, après s’être métamorphofés, n’ont plus à croître, au lieu que le corps oblong de figure plus courte & plus applatic, a encore à croître fous cette dernière figure. Il eft difficile de 11’en pas refter à des conjectures par rapport à ce qui fe palfe dans de fi petits corps qu’on 11’a pas à la difpofition en auiïi grand nombre qu’on fouhaiteroit les avoir, & qu’on n’a pas dans les temps précis où il convicndroit qu’on les eût. Une oblèrvation au moins qui ne doit pas être paffee fous fifence, car il ne faut rien obmettre de ce qui tient à un phénomène dont l’hiftoire naturelle ne nous avoit pas encore donné d’exemple, une obfervation, dis je, femble très propre à prouver que cette folide coque* où l’on trouveI infeète fous la forme de nymphe, & d’où il ^ fort mouche araignée, n’elt nullement une coque analo¬ gue à celle des œufs ordinaires, qu’elleaété la peau même de l’infede avant qu’il le transformât. Ayant examiné l’in¬ térieur d’une coque d'où une de ces mouches venoit de fortir, j’ai trouvé les parois tapifïees d’une membrane blanche, extrêmement mince,& je n’ai point trouvé une pareille membrane étendue fur les parois dune autre co¬ que occupée par une nymphe prête à devenir mouche. De là il fuit que la membrane qui tapiïïoit la première coque,n’étoit autre chofe que la dépouille dont la mou¬ che serait défaite dans l’inftant de fa naiflfance. Mais quand l’infede avoit eu à palier, foit dans le corps de la mere même, loit depuis qu’il en ctoit iorti, de Ion premier état à celui de nymphe, il avoit eu a quitter une première dépouille, celle à laquelle il deyoit là première forme: i ' 1 T rCC ”• Jrlfl nj * PI. 48. . 10, ii 12, &C. *pî. 4.8. fig. 2 3 ‘ *fff>S>S>S' 59g MEMOIRES POUR L’HîSTOIRE inutilement ai-je aidé mes yeux d’une bonne loupe, & ai-je redoublé d’attention pour chercher dans la coque cette première dépouille, je n’ai pu en découvrir aucun vertige. Si l infeéle en avoit lairte une première, cette dé¬ pouille ne pouvoit donc être que la coque même de laquelle la mouche fort; c’ert ainrt, comme nous l’avons dit 6c redit, que les vers qui fe transforment en boule allongée, ont leur coque faite de la peau qu’ils ont laifice. Dans le fond de la coque * qu’une mouche nairtantc vient d’abandonner, c’eft-à-dire, fur la furface inté¬ rieure du petit bout, ou poftérieur, on remarque aifément fix filets ou petits va idéaux * qui partent trois à trois de deux centres différents; chacun de ces centres ma paru répondre à une des cornes: chaque filet rampe fur la coque; il fe termine par deux courtes branches, par une efpece de fourche. Le filet eft une tige, de chaque côté de laquelle partent des fils plus déliés, courts, & dirigés perpendiculairement à fa longueur. Les fix filets qui 1èr- voient de tiges aux fils plus petits, font probablement des vaiffeaux; mais font-ils des vaiffeaux à air, des trachées! Ils font moins blancs 6c moins brillants que les trachées ordinaires des infe&es: peut-être font-ce des vaiffeaux qui fervent à porter ou à préparer le fuc nourricier. D’une coque nouvellement pondue, 6c ouverte fur le champ, j’ai tiré un corps folide en forme d’y grec. J’ai gardé dans mon cabinet, pendant l’hyver,des coques ou des œufs pondus à la fin de Septembre ou en Oélobre; ils étoient entourés de coton de toutes parts, & renfer¬ més dans un poudrier: quoique l’air où ils ont été tenus, fût artés doux, les premières mouches ne font nées que vers la mi-Avril. Lorfqu’on compare l’œuf qu’une mouche araignée vient de mettre au jour, ayec le corps de cette même mouche. des Insectes. XIV. Menu 599 nous avons affés dit qu’on ne fçauroit manquer d’être furpris qu’il ait pu y être contenu. Le ventre de la mouche elt une efpece de bourfe à reffort qui fe contraéte dès que l’œuf qui la tenoit dilatée, en a été tiré. On compare donc alors un ventre qui a perdu beaucoup de fon volume, avec un œuf qui a conlèrvé tout le ficn. Cet œuf quoique plus gros que le ventre de la mouche dans lequel il a été logé, lèmble cependant avoir bien moins de volume que toutes les parties de celle-ci prifes enfemble, que fon corps, fon corcelet, la tête, fes ailes & fes jambes; en faifant donc une fécondé comparaifon, celle du volume total de la mouche avec celui de la coque, on a peine à concevoir que cette coque fait une boîte capable de contenir une mouche aulfi grande que celle qu’on a fous lès yeux. La manière dont les parties de cette dernière font étalées, fait juger fon volume plus confidérable qu’il ne l’eft réelle¬ ment. Si fes ailes & fes jambes étoient pliées, fi fa tête, fon corcelet & fon corps étoient comprimés & réduits en une efpece de paquet, ce paquet ne feroit pas trop gros pour être logé dans la coque. Dans Imitant où la mouche naiHante paroît au jour, fes parties s’allongent, fe déve¬ loppent, & l’air quelle refpire, aide à dilater celles qui font fufceptibles d’extenfion. Des fiits fans, nombre nous ont appris combien les infectes de différentes efpcces prennent defoins pour leurs œufs, qu’ils fçavcnt leur choifir & fouvent leur préparer des endroits où ils font lurement & avantageufement placés. J’ignore jufqu'où vont les foins que la mouche araignée des chevaux prend pour les fiens, où elle les dépofe ; mais nous pouvons la loupçonner au il i bien infimité que l’elt une mouche araignée dune autre efpece, qui Içait charger les hirondelles de couver les liens, qui Içait aller les pondre dans leur nid. J ai imagine autiefois de fane 6 oO MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE couver des crifalides par des poules, de faire éclorre des papillons fous des poules ; fi je me fulfe lçu gré de la nouveauté de cette idée , j’aurois appris dans la luite que des mouches fembloient l’avoir euë avant moi, puilque de temps immémorial elles font couver leurs œufs, ou plutôt leurs nymphes, par des hirondelles. J’ai déjà dit que nos mouches araignées des chevaux le tiennent vo¬ lontiers fur d autres animaux: on en voit marcher entre les poils des chiens, & fur-tout des chiens qui, comme les barbets & les épagneuls, les ont fort longs. Si ces mouches ne fçavent pas faire couver par des oilèaux les coques quelles pondent, neIçauroient-elles point les faire couver par des quadrupèdes! Quand l’œuf lort du corps de la mouche, il eft allés gluant pour s’attacher lôlidement près de la ra¬ cine des poils contre lefqucls il aura été appliqué. J’en ai vû de très-fermement collés contre le verre du poudrier dans lequel ils avoient été pondus. La dureté & la lolidité de la coque de chaque œuf In rendent bien propre à défendre l’inlèéte qu elle renferme ; mais cet avantage devroit tourner contre la mouche, lorL qu’avec des parties encore foibles qui n’ont pas pris toute la confiftance que l’air doit leur donner, elle a à forcer les murs de fa prifon. Nous avons admiré ailleurs comme tout a été préparé pour que d’autres mouches à deux ailes pulfent fe tirer d’une coque folide, faite de la peau que le ver a quittée lorfqu’il sert transformé. Nous avons vû qu’un des bouts de ces fortes de coques fe trouve fait d’une calotte, qui peut être féparée du relie par des eflorts qui ne font pas au -deflus de ceux dont la mouche eft capable; enfin que cette calotte peut être aifément di- vifée en deux pièces égales Sc femblables; que la tête de la mouche eft l’inftrument au moyen duquel elle vient à bout de détacher la calotte, & de la divifer en deux; que des Insectes. XIV. A/cm. 601 que la tête de la mouche, qui dans le refie de fa vie fera roide, ell alors molle ôc capable de fe gonfler ôc de le contrarier alternativement; que c’eft enfin en fe gon¬ flant qu elle agit avec lucces contre la calotte, qui étant hois de place, ladle a la mouche une porte ouverte, ôc d’une grandeur luffifante. Le même art qui a ete employé dans la conflruétion de ces dernières coques, I a été dans celle des coques des mouches araignées. Avec la pointe d'un canif l’on peut parvenir aifément à faire fauter du gros bout * de chacune, * PI. 48. de celui où ell la tête, une calotte qui étant preflee, fe divife 2 °- d d ' en deux pièces égales ôc femblables*. Si on obl'erve une » fi 3 . i 9 coque entière avec une loupe, on peut y appercevoir un foible trait * qui montre l’endroit où cette calotte fc réunit * Fig. i avec le refte de la coque. Quand le temps cft venu où la d d - mouche l’en doit léparer, elle a fans doute le pouvoir de gonfler là tête, comme font en pareil cas les autres mouches dont nous venons de parler. La loupe ne fait pas feulement découvrir fur la coque le trait qui marque le terme de la calotte, elle fut voir de chaque côté une rangée * de fix à lept enfoncements qui * Fig. 1 femblent des ftigmates. La coque n’eft pourtant pas per- d c ‘ cée dans ces endroits; elle ne m’a paru avoir d autre ou¬ verture que celle que jefoupçonne au bout du court ôc menu tuyau 4 qui fè trouve entre les deux cornes; mais elle » Fig. 14 a pu avoir d’autres fligmates dans un autre temps, dans celui où l’infeéle étoit ver. Parmi ces mouches, comme parmi celles delà plupart des efpeces connues, il y a des mâles ôc des fémelles. La femelle qui vient de Lire fon œuf, ne furpaffe pas fènfi- blement le mâle en grandeur, ôc n offre pas d ailleurs < es différences marquées. Mais fi on tient le mâle entre les doigts, il efl aifé à rcconngîtrc pour ce qu il ell dèsqu on JomeVI. G SSS bb* i 8. m, in 602 MEMOIRES POUR L’HiSTOIRE lui preffe le corps: on fait fortir de fon bout poltérieurun Pi. 48. tuyau charnu * qui eft comme refendu pour fe terminer par deux branches *; de ia tige du tuyau part de cliaque * C)C . côté un corps plus gros & plus long * que les branches dont il vient d’être fait mention : ces deux corps font chargés de poils, & plus gros vers leur extrémité qu a leur origine. Toutes ces parties font foûtenuës par une efpccc * h. de velfie* qui change de forme, & qui fe rende de plus en plus à mefure que la prelfion augmente. Au-deffus de l’origine du tuyau charnu le trouve un efpace triangu¬ laire, dont deux côtés plus diltinéts que le troifiéme qui eft l’inférieur, font noirs