MEMOIRES PRÉSENTÉS A L'INSTITUT ÉGYPTIEN ET PUBLIÉS SOUS LES AUSPICES DE SA HAUTESSE HUSSEIN KAMEL SULTAN D’ÉGYPTE TOME IX LES PORTS SUBMERGÉS DE L’ANCIENNE ÎLE DE PHAROS PAE M. GASTON JONDET LE CAIRE AU SIÈGE DE L’INSTITUT ÉGYPTIEN. — RUE CHEIKH RIIIAN 1916 - A i V % .** " j ’î, ■ — — : ^ ■■■ il --fci. ~-~âi Vlil.r'~T 7~‘ ■ ■ .-7 i I MEMOIRES DE L’INSTITUT ÉGYPTIEN TOME IX DEC 10 1919 MÉMOIRES PRÉSENTÉS A L’INSTITUT ÉGYPTIEN ET PUBLIÉS SOUS LES AUSPICES SA HAUTESSE HUSSEIN KAMEL SULTAN D’ÉGYPTE TOME IX C* & LE CAIRE AU SIÈGE DE L’INSTITUT ÉGYPTIEN. — RUE CHEIKH RIHAN 1916 LE CAIRE. - IMPRIMERIE DE L’INSTITUT FRANÇAIS D’ARCHÉOLOGIE ORIENTALE. LES PORTS SUBMERGÉS DE L’ANCIENNE ÎLE DE PHAROS PAR M. GASTON JONDET INGÉNIEUR DES PONTS ET CHAUSSEES INGÉNIEUR EN CHEF DES PORTS ET PHARES D’ÉGYPTE. ;> - &?ïi.nrjV&ïïïïîi ^ iÿl^^.ir^'Liisï^i.jri r i « r m »«>- » »■ r >S^£«^5 « 5B » ai|gfei|Vÿ J LES PORTS SUBMERGÉS DE L’ANCIENNE ILE DE PHAROS PAR M. GASTON JONDET INGENIEUR DES POINTS ET CHAUSSÉES INGÉNIEUR EN CHEF DES PORTS ET PHARES D’ÉGYPTE. CHAPITRE PREMIER. L’ÎLE DE PHAROS. L’île de Pharos, reliée à la terre lors de la création d’Alexandrie, occupe une situation géographique qui lui donnait une importance exceptionnelle et prépondérante dans les relations maritimes antiques. Située à l’ouest du Delta du Nil, elle était un lieu d’escale obligé pour les navires trafiquant avec l'Egypte; les voiliers venant des îles Ioniennes et Egéennes y étaient naturellement poussés par les vents du nord qui régnent pendant l’été; sa proximité de la bouche Ganopique permettait aux flottes antiques d’attendre le moment favorable pour remonter le Nil ; elle se trouvait également sur le passage des galères phéniciennes se rendant de Tyr ou de Sidon aux ports de Carthage ou de la Cyrénaïque. L de de Pharos, si profondément bouleversée par les événements histori¬ ques et modifiée par les travaux contemporains, présente encore une altitude de 12 mètres; elle a du constituer le plus haut relief de celle partie du lit¬ toral égyptien et elle se détachait nettement en avant de la côte basse où Alexandrie a été bâtie, formant un amer sur lequel les marins se diri¬ geaient; mais elle était surtout un poste d’observation unique permettant de surveiller tout à la fois la haute mer, la rade actuelle d’Alexandrie, le lac Maréotis et les confins occidentaux du Delta depuis la Libye jusqu’à la bouche Canopique. Pharos était véritablement la position commandant à l’ouest l’en¬ trée de l’Egypte. Mémoires de VInstitut égyptien, t. IX. t — 2 La rade d’Alexandrie procure un abri complet aux navires, qui trouvent des mouillages excellents et des fonds dont la nature assure une parfaite tenue; elle est située à plus de 20 kilomètres à l’ouest de l’ancienne Canope, et les crues du Nil se déversant par la bouche Canopique ne pouvaient exercer au¬ cune action sur les courants faibles de la rade. Il est certain que les Anciens ont tiré parti de ces conditions exceptionnel¬ lement favorables et il paraît bien logique de supposer qu’ils ont fondé à Pharos un établissement maritime; toutefois l’histoire n’en a pas gardé le souvenir; pour elle, le rôle actif de Pharos date de la création d’Alexandrie, te Avant Alexandre, dit M. Maspero b>, Rakkoti n’était qu’un village et l’ile de Pharos n’avait d’autre gloire que d’avoir été chantée par Homère, v On con¬ naît les vers du vieux poète : te II est une île sur la mer agitée en avant de te l’Égypte, on l’appelle Pharos; elle est éloignée de toute la distance que tt franchit en un jour un vaisseau creux sur lequel souffle par derrière un vent et sonore; dans l’île se trouve un port commode doù les matelots remettent a ttla mer leurs vaisseaux égaux après avoir puisé l’eau noire.« ( Odyssée, chant IV.) En dehors de ce texte si souvent cité et commenté, on ne sait rien de plus à l’heure actuelle de ce port légendaire ignoré des historiens, car le pseudo- Cailisthène, Jules César, Quinte-Curce, Strabon n’y font aucune allusion dans leurs écrits, et cependant Strabon est précis et abonde en détails lorsqu il décrit les magnificences du grand port d’Alexandrie, IHeptaslade, le Kibotos et l’Eunostos. Seul Hirtius Pansa parle du port des Pharites. Les recherches des archéologues modernes ont été surtout dirigées vers l’extrémité orientale de l’île afin cl’y retrouver l’emplacement du Phare célèbre; même dans celte partie leurs investigations n’ont pas dépassé le littoral de l’île et l’existence de travaux maritimes n’a jamais été soupçonnée. Cependant nous avons retrouvé, au nord-ouest et au sud de l’ancienne île de Pharos, les restes submergés de travaux maritimes grandioses qui prouvent d’une manière incontestable l’existence de ports antiques. Certains ouvrages se rencontrent à 600 mètres du rivage actuel, leur largeur au sommet dépasse i 5 mètres et leur développement total atteint A kilomètres. Leur importance (l) Histoire ancienne des peuples de l'Orient. i 1 la/'--- ÉMiHÉH est considérable, car ils fermaient des baies, aujourd’hui partiellement com¬ blées par les sables, et protégeaient des ports dont la superficie et la disposition ont été pour nous une véritable surprise; l’aménagement de ces ports est net¬ tement indiqué par les restes subsistants. Le Port Occidental Antique, qui fait l’objet principal de notre étude, nous révèle la hardiesse de sa conception, la profondeur de ses mouillages, la sécurité de son abri et la facilité de son entrée. Ces travaux maritimes ne se réduisent pas à des fondations plus ou moins apparentes ou dont la présence est douteuse; bien au contraire, leur superstruc¬ ture subsiste en grande partie depuis la fondation jusqu’à l’arête des murs de quai, le dallage supérieur existe en plusieurs endroits; certains ouvrages plus directement exposés à l’action de la mer ont eu leur partie supérieure démolie et emportée, mais encore dans ce cas des témoins nombreux sont restés en place et jalonnent l’alignement de la puissante digue du large. La côte actuelle se relie aux quais submergés par une pente assez faible; sur cette plage, la mer a fait son œuvre d’érosion, les vents, les tempêtes et bien plus encore les hommes au cours des siècles, n’ont plus laissé que les fondations des nécropoles et de grands édifices qui ont dû être des magasins d’armement, des remises pour apparaux, des casernes, etc. Tous ces restes prouvent qu’une civilisation probablement très ancienne, à coup sûr très im¬ portante et florissante, a existé dans file de Pharos; leur étude raisonnée doit être féconde en résultats qui éclaireront d’un jour nouveau la topographie et l’histoire de l’antique Alexandrie. Nous avons essayé, dans nos recherches, de déterminer, partout où il a été possible de le faire, la situation exacte des ouvrages et des restes d’ouvrages submergés que nous avons découverts. Pour exécuter cette reconnaissance, nous employions la lunette d’eau qui est d’un usage, courant dans les travaux maritimes. Les ouvrages reconnus, leur situation était repérée au tachéomètre et rapportée à des bases d’opération provisoirement établies sur la presqu’île de Ras-el-Tin. Ce relevé topographique, qui s’est étendu sur plus de h kilo¬ mètres, nous a fourni de nombreux documents, et les cartes et plans joints à cette étude renseigneront avec exactitude sur la position des vestiges re¬ trouvés. Les parties les mieux conservées des ouvrages et aussi les mieux abritées au sud-ouest de Ras-el-Tin, ont été dégagées avec soin par les scaphandriers des sables et des végétations qui les recouvraient, et nous avons pu dresser un croquis minutieusement coté de leur section; il ne pouvait en être de même à 1 extérieur, au nord de Ras-el-Tin, où la mer est toujours agitée, mais les di¬ mensions principales ont été relevées avec toute la précision que permettaient d’atteindre les conditions de nos recherches. Nous tenons à dire dès maintenant que nous n’avons point fait de fouilles, à proprement parler; elles auraient exigé un matériel de dragages et tout un personnel de plongeurs et de scaphandriers dont nos moyens ne nous permet¬ taient pas de disposer. Cependant tous ces renseignements, topographie générale, relevé des ou¬ vrages, auraient encore été bien incomplets si nous n’avions dressé l’hydrogra¬ phie des abords actuels de Pharos ou plutôt de la partie occidentale de Pile où se trouvent les travaux les plus importants. Ce relevé hydrographique était le contrôle et le complément du relevé topographique et il nous a fourni des résultats particulièrement intéressants, car nous avons pu préciser les conditions de navigabilité et d’accès au Port de Pharos ainsi que la profondeur des mouillages. Nos sondages comprennent toute la zone des ouvrages anti¬ ques, et s’étendent parfois jusqu’à 5 oo mètres de distance du rivage; les lignes isobathes des grandes profondeurs dépassant 10 mètres ont été tracées d’après les reconnaissances hydrographiques générales de la rade d’Alexan¬ drie. Diverses circonstances ne nous ont pas permis d’exécuter des sondages et de poursuivre nos recherches dans la baie d’Anfouchy et dans la partie orien¬ tale de Pharos; notre travail est donc incomplet dans cette région; toutefois, nous nous sommes servis aux abords de Kaid Rey des sondages relevés en vue de l’implantation du brise-lames du Port-Est. Enfin, nous avons essayé de découvrir les causes de la submersion des ou¬ vrages que nous venons de retrouver; cette étude se rattache étroitement à celle de la fixité du niveau de la Méditerranée pendant la période historique ainsi qu’à l’étude de l’affaissement du Delta. Ces deux questions ont soulevé de nombreuses controverses et nous n’avons eu d’autre but que de présenter, en vue de leur solution, des éléments complémentaires recueillis aux abords de Pharos et dans la rade d’Alexandrie. Il nous a paru intéressant de déterminer MB) lit mi.il... .. -- - — 5 — avec le plus de précision possible la profondeur du bassin calcaire formant la rade d’Alexandrie et dans lequel s’est déversé, aux époques préhistoriques, le limon du Nil. L’état de la mer ne permet pas d’employer au large un ap¬ pareil de forages; mais des points nombreux ont été forés dans la partie abritée du port d’Alexandrie et nous avons pu tracer les courbes de niveau de l’assiette solide ainsi qu’une coupe géologique du port. Nos efforts ont tendu à rechercher et présenter avec le plus grand soin les résultats suivants : topographie des ouvrages antiques, hydrographie des fonds, détermination de l’assise solide. Les conclusions que nous en pourrons tirer au point de vue de la reconstitution du littoral ancien ne se borneront donc pas à l’émission d’une hypothèse dont la valeur est toujours discutable; mais elles reposeront sur des données certaines, et nous croyons qu’elles seront très voi¬ sines de la réalité. Lst-il possible, avec ces éléments, de préciser l’époque à laquelle furent construits les ports de Pharos? La comparaison des méthodes de construction ne donne que des résultats discutables, car si, d’une part, plusieurs procédés sont communs aux Egyptiens et aux Grecs qui les tenaient des premiers, d’au¬ tre part, la nature des matériaux fournis par l’Égypte et la Grèce est différente et elle entraîne des différences dans les procédés de mise en œuvre; on ne peut donc hasarder dans ce sens que des suppositions. L’examen du plan gé¬ néral suivant lequel les ports ont été établis, l’étude de leurs dispositions par rapport au littoral, 1 orientation de leurs chenaux nous permettront sans doute de reconnaître à quelles nécessités, à quels besoins répondaient ces ports, et d’apporter quelques éclaircissements aux travaux futurs des historiens et des archéologues. Nous tenons à dire que nos recherches ont été entreprises en dehors de toute considération historique; 1 absence de textes est pour nous une heureuse lacune qui nous a permis de partir de constatations précises, désormais faciles à contrôler à l’aide des cartes et plans joints à cette étude. C’est par la connais¬ sance des lieux et par des considérations essentiellement techniques que nous avons essayé de remonter de l’état actuel à l’état ancien, en nous entourant de toutes les garanties que réclame la méthode scientifique. CHAPITRE II. RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX SUR LA RADE D’ALEXANDRIE. La racle d’Alexandrie est fermée par une suite de récifs qui s’étendent en ligne droite presque parallèlement à la côte, sur une longueur de 8 kilomè¬ tres entre la pointe d’Agami et la pointe de Ras-el-Tin. La crête de cette bar¬ rière se rencontre à une profondeur moyenne comprise entre h mètres et 8 mètres au-dessous du niveau des eaux. L’ancienne île de Pharos occupe le prolongement oriental de cette ligne sur une longueur de 3 ,600 mètres me¬ surée entre la pointe de Ras-el-Tin et le fort de Kaid Bey. La carte dressée en 1 834 par Le Saulnier de Vauhello (voir pl. I) est celle que nous suivrons pour l’étude de la rade d’Alexandrie; c’est celle qui convient le mieux à cet objet, car elle a été relevée bien avant que n’aient été entre¬ pris les travaux d’extension du port moderne commencé en 1870; elle repré¬ sente réellement l’état du littoral et des fonds tels que les Anciens les avaient laissés f 1 ). On verra, sur cette carte, que la ligne dont nous venons de parler est hé¬ rissée de plusieurs pics dont le sommet est très voisin du niveau des eaux et qui se présentent sous forme d’écueils faisant obstacle à la navigation; nous donnons ci-contre leur nomenclature avec leur altitude (voir pl. 11). Avant la construction de l’Heptastade qui relia l’île de Pharos au littoral, les deux ports Est et Ouest communiquaient librement et formaient la rade d’Alexandrie qui était complètement protégée par la ligne d’écueils et de hauts fonds prolongeant l’île de Pharos vers le sud-ouest jusqu’à la pointe (I) Carte d'Alexandrie et de ses environs levée en 1 834 par M. Le Saulnier de Vauhello, capi¬ taine de corvette, commandant le brick Le Voltigeur, assisté de MM. de Brignac, lieutenant de vais¬ seau, et Soleirol, élève (Dépôt général de la Marine). La même sur laquelle sont portées les bouées et balises mises en place en 1 855 et 1 856 par M. Hommev, lieutenant de vaisseau. ' .—-—- - --- •-..--- ■ - ■ >■ • ' — 7 — d’Agami et vers le nord-est jusqu’au Cap Silsileh, cette ligne se développant parallèlement au littoral dont elle est actuellement distante de 2 kilom. 5 oo en moyenne. DÉSIGNATION. NIVEAU DE AU-DESSUS DE LA MER ÉCUEILS. AU-DESSOUS DE LA MER. Ile du Marabout. 8 à 10 mètres. Y o m 35 Y El-Medjouhl. Y 2 m 70 Y 6 5o El-Fara (La Souris). n 1 3 o El-Kot (Le Chat). Y) 1 60 El-Kelb (Le Chien). O 3 O O 0 00 El-Hout (La Chatte). 0 20 Y 0 20 Y \ Y 1 QO Abou Bakar. 2 60 Y Ile de Ras-el-Tin. 10 à 1 s mètres. Y El-Esseid (Le Lion). Y 1 üo Le Diamant W. i m 8o Y \ Yarf-el-Vassar. Y h 5 o PI Ce rocher est aujourd’hui au niveau des eaux; son sommet a disparu probablement par suite de l’drosion. Les passages naturels les plus profonds pour franchir les bancs se trou¬ vaient sur le prolongement oriental de Pharos (entre Kaid Bey et Silsileh); ils donnaient accès dans le grand Port des Anciens (port Est actuel). On trouve en¬ core aujourd’hui à l’est de Kaid Bey des profondeurs allant de 10 à 1 5 mètres, *'-• - . - - ^ - —- v :; . ' :... -;' - un i n 11 1 in mi ni . . . — 8 — et celte considération dut déterminer en notable partie le choix d’Alexandre pour la fondation du grand Port; la construction de la fameuse tour de Pha- 1 os a 1 emplacement ou se trouve aujourdhui Raid Bey est la conséquence logique de ce choix, car il fallait baliser la passe conduisant au grand Port. La pallie à 1 Ouest de 1 de présentait moins de profondeurs et des écueils dissémines qui demandaient, pour être contournés, une connaissance parfaite de la rade. Le Saulnier de Vauhello expose ainsi qu’il suit les moyens de franchir les hauts de la rade : rc Entrée du Grand Port (port Ouest actuel). —La plus grande difficulté pour te atteindre le grand Port consiste a franchir la chaîne de roches comprise en- crtre la Tour du Marabout et le Cap Ras-el-Tin. Les pilotes traversent cette et chaîne de rochers sur plusieurs points; mais avec des vaisseaux de ligne, ils et ne fréquentent que le Boghaz. te La Passe des Corvettes et la Petite Passe servent pour les bâtiments d’un eeiang inférieur; ces deux passes sont d’un accès facile, attendu qu’elles se ectiouvent naturellement balisees par les rochers a fleur d’eau qui les limitent et et près desquelles on passe a quelques toises de distance. et On peut passer sur plusieurs points entre le Boghaz et la Tour du Mara- eehout, mais comme il est difficile pour les bâtiments qui viennent du large te de leçon naître les roches dangereuses qui s’y trouvent, les pilotes s’y enga- ccgent rarement avec de grands bâtiments. et Quand la roche de EI-Hout est a fleur deau, il y a vingt-cinq pieds d’eau et dans le Boghaz, dix-huit dans la Passe des Corvettes et quinze dans la Petite te Passe. ec Port-Neuf (port Est actuel). — Le Port neuf n’offre pas en tout temps un établi aux grands batiments parce qu ils doivent mouiller au milieu du port te par huit et neuf brasses. Les petits bâtiments y trouveront au contraire un te bon abri au mouillage indiqué, n II faut se rappeler qu à 1 époque (1 834 ) où Le Saulnier de Vauhello écri¬ vait, le port Est était encore Irequenté par les voiliers qui trouvaient vers le milieu du port des fonds de î 3 mètres à i .4 m. 5 o cent. (8 cà 9 brasses), mais la confîguiation et le relief sous-marin du Port des Anciens étaient modifiés par I ! pWB8»P!!!ipMip? wmmmmmm ■ . ' • • - • diverses causes telles que l’élargissement de la chaussée de ITIeptastade, le dépôt à la mer des décombres provenant des ruines de la ville après les dif¬ férents sièges ou insurrections locales, enfin la dispersion et Totalement, par les tempêtes, des ruines provenant des constructions maritimes antiques éta¬ blies à l’intérieur du port. Depuis 1870, les travaux d’extension du port Ouest, devenu le seul port d’Alexandrie, ont modifié très profondément une partie de la rade (voir pl. III), et la carte de Le Saulnier de Vauhello a reçu de nombreuses corrections b).. Les principales sont les suivantes : La Petite Passe située entre El-Dublan et lkvan a été fermée par la construc¬ tion du grand brise-lames (1870), tandis que la Passe des Corvettes entre lkvan et El-Hout n’a pas été modifiée : sa direction est à peu près parallèle à la grande branche du brise-lames extérieur. La Passe du Bogbaz, située entre El-Kot et El-Fara, a été approfondie à 9 mètres (1891). Une des passes à l’Ouest a été draguée à 10 m. 67 cent. (1907) et a reçu le nom de Grande Passe; c’est elle qui est employée par les grands navires. Les diverses passes près du Marabout, à peine fréquentées, sont restées dans leur état primitif. Le banc de sable sur lequel est établi le grand brise-lames a été mis en dragage dans la partie située à l’intérieur du port; depuis 1906, le sable qu’il fournit est employé au remblayage des môles en construction; le cube dragué atteindra en 191b près de 7 millions de mètres cubes et ce banc sera abaissé unifor¬ mément à la cote i 3 mètres au-dessous du zéro. Un petit brise-lames intérieur destiné à l’abri des mahonnes a été construit (1907) au sud de la pointe de Ras-'el-Tin. Enfin, les fonds ont été remblayés en avant du palais de Ras-el-Tin, de manière à permettre la construction d’un slip et d’un boat-house; un chenal a dû être dragué à la profondeur de û mètres pour permettre l’accès de ce slip. (1) Consulter la Carte du port d’Alexandrie surveyed by Commander H. J. Gedge R N and the Ofïîcers of I 1 M Surveying Ship (Stork), 1898. Linant de Bellefonds bey, Mémoire sur les principaux traoaux d'utilité publique exécutés en Egypte (Àrllms Bertrand, éditeur, Paris, 1873-1873). Malaval et Jondet, Le Port d'Alexandrie (Le Caire, Imprimerie nationale, 1912). — 10 — Hydrographie. Le port Est, désigne' autrefois sous le nom de Port Neuf, est complètement abandonné depuis le milieu du xix e siècle; il est entouré par un mur de quai d’environ h kilomètres de longueur construit en 1900-190^1; bientôt il sera protégé par un brise-lames dont la construction est commencée. 11 est fort important de connaître ces transformations en vue d’une compa¬ raison de l’état ancien avec l’état actuel; nous n’avons signalé que celles rela¬ tives à la rade et aux accès du port; les travaux nombreux et fort importants exécutés à l’intérieur du port ne présentent pas d’intérêt en ce qui concerne la topographie générale. La chaîne de récifs qui forme la rade d’Alexandrie se relie par des pentes douces aux grandes profondeurs du large; la sonde indique des fonds de 20 mètres à 1,200 mètres de distance et de 36 mètres à 2,ùoo mètres. A partir de 1 h kilomètres, les profondeurs dépassent 100 mètres; le versant du large présente donc une pente moyenne de 1 5 millimètres par mètre vers son som¬ met; elle se réduit à 6 millimètres par mètre dans la partie basse. Vers le nord-est de Kaid Bey et environ à 2 kilom. 5 oo, on a reconnu l’existence à 9 mètres de profondeur d’un banc appelé Banc de Pharos et constitué par du sable provenant sans doute du littoral situé à l’ouest d’Agami et entraîné par les courants jusqu’à cet endroit. La dépression comprise entre la chaîne de récifs et la côte, c’est-à-dire la rade intérieure, présente des fonds atteignant progressivement une profon¬ deur maximum de 20 mètres dans une fosse reliant l’extrémité Est de la Grande Passe à l’entrée du port. Les fonds se relèvent brusquement au voisi¬ nage de la côte, suivant une pente très raide; l’inclinaison du versant inté¬ rieur de la chaîne de récifs est en moyenne de 9 millimètres par mètre, c’est- à-dire que la pente intérieure est un peu plus faible que celle située du côté du large. La reconnaissance de 1 834 indique que le banc du port, sur lequel il y a moins de 6 mètres d’eau, est dirigé parallèlement à la ligne d’écueils et qu’il en est séparé par une large passe dont la profondeur atteint 8 mètres; ce banc se dirige ensuite vers la pointe de Bas-el-Tin où il se raccorde avec l’île de Pharos et se continue en bordure de cette île, du côté du port, jusqu’à une distance de 5 oo mètres à une profondeur maximum de 3 mètres, sa largeur — 11 — diminue très sensiblement dans le bassin de l’Arsenal, puis il disparaît en se raccordant avec le rivage de la vieille Alexandrie. Nous étudierons plus tard la nature de ces fonds dont la partie supérieure est formée de vase et de sable, mais il faut noter dès maintenant l’observation de Le Saulnier de Vauhello relative à la zone du large : ccOn trouve généra¬ lement fond de roche dans toutes les passes, quelquefois cependant le plomb cde sonde rapporte du sable et du gravier. Entre la Tour du Marabout et le «Phare, les fonds de roche s’étendent vers le nord jusque par vingt brasses, k à peu près de deux milles du Boghaz et des autres passes. On trouve parmi «ces roches du corail, du sable et du gravier; plus au large, le fond est de «sable, quelquefois vaseux. ■» L’importance des marées est peu considérable. Pendant les années 1910 à igi 3 la cote moyenne des hautes mers a été de o,/i 25 , la cote moyenne des basses mers 0,225, soit une différence de 0,20 entre ces deux moyennes. L’amplitude des plus liantes marées pendant cette même période atteint 0 m. 78 cent, et celle des plus basses marées ne dépasse pas 0 m. 20 cent. Ces moyennes ne sont modifiées que par la direction et l’intensité des vents. La plus haute mer s’est élevée le 1 0 janvier 1912 à la cote 0,89 au- dessus du zéro par l’influence d’un vent du nord-ouest soufflant à la vitesse de 98 kilomètres à l’heure, la pression atmosphérique étant 762 mjm. La plus basse mer (25 avril 1912) est restée à la cote 0,0 3 au-dessous du zéro par mer absolument calme et sans vent, la pression atmosphérique étant de 757 mjm. La différence absolue a donc été de 0 m. 92 entre ces deux ma¬ rées extrêmes. L’amplitude des marées est enregistrée, dans le port d’Alexandrie, par un marégraphe installé à la tête du môle à charbons; le zéro de comparaison a été fixé à la cote 3,7106 au-dessous de la pierre de couronnement des éclu¬ ses du canal Mahmoudieh, à l’emplacement de l’échelle de hauteur d’eau de ces écluses. Ce zéro se trouve donc à peu près au niveau des plus basses eaux exceptionnellement observées. Les sondages que nous avons faits en vue du présent travail ont été rapportés à un plan supérieur de 0,60. Ce niveau est légèrement au-dessus de celui des hautes mers moyennes; il correspond sensiblement à celui des hautes mers par fort vent de nord-ouest. Nous l’avons 2 . Marées. 12 — Vents. Courants. choisi afin d’éviter autant que possible l’emploi des cotes négatives, et aussi parce que les quais de l’antiquité, construits à la manière des cales de débar¬ quement, devaient se trouver à ce niveau afin d’éviter l’inondation des terre- pleins qui se serait produite tous les jours de grande haute mer; il était logi¬ que, pour notre étude, de repérer nos sondages en prenant comme plan de comparaison l’arête probable des quais antiques. En été, les vents souillent frais ordinairement du nord-ouest, faisant briser la mer sur les récifs; la brise de mer mollit après 3 heures de l’après-midi et est remplacée le soir par la brise de terre. Dans celte saison, le matin et le soir sont donc les moments les plus favorables pour l’entrée et la sortie des navires à voiles. En automne et au printemps, les vents sont variables et mo¬ dérés; en hiver, ils souillent de l’ouest et du sud-ouest et sont accompagnés de pluies. Les plus grandes vitesses observées ont exceptionnellement atteint 1 10 ki¬ lomètres pour les vents du sud-ouest et 90 kilomètres pour ceux de nord-ouest; mais, d’une manière générale, la vitesse horaire maximum est de 70 kilomè¬ tres et la vitesse moyenne des vents est comprise entre i 5 et 2 5 kilomètres. Les courants de surface n’ont qu’une très faible importance; ils s’établissent temporairement sous l’action du vent et de la marée; mais, d’une manière générale, les courants portent vers l'Est, le long de la côte d’Alexandrie; leur vitesse horaire varie de 200 à 1,200 mètres. IWW | ,. ■ ■■ ■ —.IHPWft >«w (mmi i w M Bipi! n i .1 11 j i lüayiiLimJiu ü 13 — CHAPITRE III. DESCRIPTION DES OUVRAGES RETROUVÉS. Cette étude comprendra trois parties (voir pi. III et IV) : i° Le grand Port Occidental Antique qui a fait l’objet principal de nos recherches et qui est situé dans la région occidentale de Pile, aux abords de la pointe de Ras-el-Tin jusqu’à la baie d’Anfoucliy; 2 ° La Baie d’Anfouchy comprise entre la région précédente et le fort Adda; 3° La Partie orientale de l’île comprenant les environs du fort Kaid Boy sur l’emplace¬ ment duquel s’élevait la tour du Phare. I. — GRAND PORT OCCIDENTAL ANTIQUE. (Voir planche IV.) Les rares visiteurs qui se hasardent à monter sur le grand brise-lames moderne, au sommet de l’angle formé par ses deux branches, sont tout surpris d’apercevoir, à peu de distance en mer, un rocher arasé au niveau des eaux affectant la forme d’un carré d’environ 200 mètres de côté dont une partie se dresse encore au-dessus des eaux. C’est le rocher d’Abou-Bakar, constamment battu des flots soulevés par les vents d’ouest et de nord. Ce massif donne une impression de puissance et de solidité; c’est une dé¬ fense naturelle cpii résiste aux attaques de la mer et dont la masse protège en arrière une zone assez vaste. Un examen plus attentif fait reconnaître les restes d’un vieux mur sur le côté émergeant; puis, sur le plateau arasé, l’im¬ plantation de constructions qui se coupent à angles droits, et enfin, au-dessous de l’eau, entre Abou-Bakar et le brise-lames moderne, l’œil découvre des ou¬ vrages épais et solides indiquant que les hommes se sont livrés en cet endroit à des travaux considérables. Le rocher d’Abou-Bakar a été, en effet, le rem¬ part sur lequel se sont appuyés les Anciens pour construire le Grand Port Occidental que nous avons découvert; il en marque sa limite ouest. Il ne faudrait pas chercher à faible distance la limite Est du port; bien loin de là, celle-ci est déterminée par une digue submergée construite sur des îlots ro- Situation et vue d’ensemble. Surface développement. cheux situés immédiatement à l’ouest de la baie d’Anfouchy; cette digue transversale séparait en réalité la baie d'Anfouchy du Port Occidental. Entre cette digue et le rocher d’Abou-Bakar, la distance est considérable : 2 , 36 o mètres; elle a été fermée par un brise-lames colossal établi en pleine mer dont les restes occupent, à 3 oo mètres de distance moyenne de la côte, un alignement presque rectiligne. Cet ouvrage abritait ce port contre les vents du nord et du nord-ouest et c’est la hardiesse de sa conception qui a retardé sa découverte, car les auteurs qui se sont occupés de Pharos ont tou¬ jours supposé, avec beaucoup de vraisemblance d’ailleurs, que l’île elle-même formait une protection naturelle et que les petits ports d’importance secondaire qu’elle avait pu abriter étaient installés en arrière, c’est-à-dire dans le port de commerce moderne. Vers le sud, entre la baie d'Anfoucby et la pointe de Ras-el-Tin, le port est limité par le littoral naturel de l’île de Pharos dont le bord s’échancre très largement au nord de Ras-el-Tin pour former une baie spacieuse occupée par de petits ouvrages destinés à l’accostage des bateaux. A l’ouest de la pointe de Ras-el-Tin, à l’endroit oà s’amorce le brise-lames moderne, une longueur d’environ 200 mètres est dépourvue de protections naturelles ou d’ouvrages. Cette solution de continuité dans la défense corres¬ pond, ainsi que nous le verrons plus loin, à l’entrée du Port Antique, à l’ouest de laquelle nous retrouvons, sur 800 mètres de longueur, des ouvrages soli¬ des et robustes qui vont rejoindre le rocher d’Abou-Bakar et qu’on peut apercevoir en montant sur le brise-lames moderne. Vers l’ouest la fermeture est très courte : elle consiste en une double digue de 200 mètres de longueur qui rejoint au large le grand brise-lames antique; leur jonction enveloppait, vers le nord et l’ouest, le massif d’Abou-Bakar qui constitue un point formidablement défendu du Port Antique. La surface d’eau ainsi entourée mesure environ 60 hectares; les ouvrages artificiels qui la bordent occupent un développement de plus de U kilomètres; la partie littorale de Pharos comprise dans ce port occidental s’étend sur 1,600 mètres. Les contours du port mesuraient donc 6 kilomètres; sa largeur variait de 200 à ôoo mètres. On verra plus loin, pages 39 et suivantes, que nos dernières recherches ont singulièrement étendu les proportions de ce port. — 15 — La présence d’un autre brise-lames situé au nord-ouest du précédent et l’exis¬ tence d’un bassin extérieur ont porté au double toutes les dimensions que nous donnons ici. Les mouillages que procurait ce brise-lames étaient excellents; les sondages font reconnaître à l’intérieur du port une fosse allongée dans la direction est- ouest qui en occupe la plus grande partie; dans toute son étendue, les pro¬ fondeurs ne sont pas inférieures à 6 mètres; en un point elles dépassent g mètres, malgré l’ensablement et la dispersion des vestiges de plusieurs parties du grand brise-lames; les fonds se relèvent dans la baie formée par l’île de Pbaros, et n’atteignent plus que 5 mètres, mais il faut tenir compte de la disparition partielle du grand brise-lames antique qui a permis aux vagues du nord-ouest de pousser dans cette région les sables et les débris qu’elles charriaient. Cette fosse se relie au sud avec le littoral de l’île par une pente assez douce dont nous venons d’indiquer l’origine, tandis que vers le nord elle se relève jusqu’à une hauteur moyenne de h mètres au-dessous de la mer; c’est sur cette élévation que les Anciens ont construit leur principal ouvrage de protection. Le Port Occidental de Pbaros présente donc, à la seule reconnaissance de ses restes, des caractéristiques remarquables dans le choix de son emplacement, l’importance de sa surface et la hardiesse de sa construction. 11 est la merveil¬ leuse utilisation d’une dépression naturelle permettant, dans les meilleures conditions de sécurité, le mouillage de flottes considérables dont les unités pouvaient se mouvoir et se loger aisément dans l’immense bassin qui leur était destiné. Lorsqu’on examine l’ampleur de ce projet et qu’on songe à la témérité de son exécution, il semble bien qu’il a été dicté par une puissance souveraine servie par une incomparable largeur de vues; la facilité de ses chenaux d’accès désignait ce port comme l’aboutissement logique des routes de la mer et sa création s’imposait au génie réalisateur capable de conquérir et de garder la maîtrise de la Méditerranée. Profondeurs. Si, en effet, nous examinons la carte de Le Saulnier de Vauhello (pl. I), nous observons que la Passe des Corvettes, voisine de Ras-el-Tin, est orientée Chenaux d’accès. Mil. >!■ iiiii'p romniiif rr frfr-fTij-tinirtnflfi as* — 16 — dans la direction nord-nord-ouest qui est celle des vents régnants; elle est donc très favorable à l’entrée des navires; son point le moins profond laisse encore une profondeur de 17 pieds (5 m. 5 o cent.) aux navires qui retrouvent, aussitôt après avoir franchi la ligne des écueils, une fosse profonde de 20 à 3o pieds (6 m. 5 o cent, à 9 m. 75 cent.) et large de plus de ùoo mètres qui borde cette ligne et s’étend jusqu’à la pointe de Ras-el-Tin où elle aboutit à la dé¬ pression naturelle qui constituait le Port Antique. La carte de Le Saulnier de Vaubello indique, à l’emplacement de cette entrée, des fonds de 23 et 26 pieds. Très voisine de la Passe des Corvettes, la Petite Passe débouche à l’ouest cl’Abou-Bakar, orientée comme la précédente et dans laquelle les fonds mi- nima sont encore de i 3 pieds (ù m. 20 cent.). En réalité, deux passes parallèles, distantes de 1,200 mètres environ, éga¬ lement favorables à l’arrivée des navires, aboutissent dans une fosse longue de plus de 3 kilomètres, large et profonde, abritée par la ligne des écueils et où l’évolution des voiliers pouvait se faire sans aucun risque; cette fosse consti¬ tuait, en fait, l’avant-port du Port Antique. Le rocher d’Abou-Bakar commandant tout à la fois les deux passes et l’avant-port, sa position le désignait comme le point capital de défense du port; en outre, des ouvrages isolés que nous avons découverts (mais non rele¬ vés) sur les rochers El-Dublan et Ikvan situés à l’ouest d’Abou-Bakar (d, convenaient fort bien pour surveiller et défendre les passes extérieures. Vers le sud,le banc désigné sous le nom de Banc du Grand Port, formait un obsta¬ cle qui protégeait tout l’avant-port. L’utilisation de la dépression naturelle située au nord de Bas-el-Tin ré¬ pond donc à un choix judicieux déterminé par un ensemble de considérations parfaitement étudiées; des marins avisés ont su mettre à profit toutes les condi¬ tions si favorables que nous venons d’exposer; la sécurité absolue du port, sa défense facile et la protection que lui assurait Pile de Pharos ont conduit un souverain puissant à y entreprendre les travaux grandioses dont nous avons retrouvé le plan. Le mode de construction généralement employé ne laisse pas de surprendre (1) Voir p. 39 el suivantes. 1 m iii m p w w wm l . 1 y 1 1 u 11 n i » . . . . nn — 17 — par sa robustesse et sa puissance; tes dimensions adoptées par les construc¬ teurs ont permis à ces travaux de résister pendant de nombreux siècles aux assauts de la mer. La disparition du grand brise-lames n’est complète que sur une partie relativement assez peu étendue, mais particulièrement exposée à l’action répétée des grandes vagues du large. En d’autres endroits, les maté¬ riaux ont été bouleversés par les tempêtes après leur dislocation et déplacés vers l’intérieur, mais c’est par la masse que les ouvrages ont résisté. Leur dé¬ sordre actuel n’est qu’apparent et il est facile d’en retrouver l’ordonnance primitive. L entree du Port Antique ne pouvait être mieux déterminée; ainsi que nous lavons déjà dit, elle correspond à l’enracinement du brise-lames moderne, c est-à-dire a 1 ouest de 1 ilôt qui prolonge la pointe de Ras-el-Tm, dans une partie ou les sondages indiquent des fonds de plus de 8 mètres; les navires pouvaient donc entrer, sans risque d’écbouage, et attendre des ordres pour se rendre au point d accostage ou de mouillage qui devait leur être assigné dans une partie quelconque du port, car cette entrée occupait la partie centrale du Port Antique. Là n’était pas toutefois le seul avantage procuré par cette ouverture; il importe de considérer que son orientation vers le sud le mettait à l’abri des vents régnants du nord et du nord-ouest. Or, les vents du sud et du sud-ouest sont rares et durent peu; ils sont nuis en été, exceptionnels en hiver; l’entrée permettait donc en tout temps le passage des navires. Cette ouverture ne consistait pas seulement dans l’interruption des ouvra¬ ges de defense, elle était aménagée pour l’utilisation de sa position favorable et défendue par une digue contre les vents du sud-ouest. L’étude de cette partie du port est féconde en résultats et pleine d’enseignements. A l’Est de cette entrée, à l’intérieur du port actuel, on retrouve, sur une longueur de 160 mètres, un ouvrage parfaitement conservé, de forme régu¬ lière, légèrement courbe, dont la concavité est tournée vers le sud; sa largeur mesure îA mètres; les laces intérieure et extérieure sont verticales, et sa face supérieure, qui se trouve en moyenne à î m. 3 o cent, au-dessous de la mer, est inclinée de l’intérieur vers l’extérieur suivant une pente uniforme de 0 m. o 3 cent, par mètre. Nous avons reconnu qu’il repose sur un fond de sable Entrée du Port Antique. Quai de débarquement à l’entrée du Port. 3 - - ...■--,* ■»-*- J*—--«U»» -mil! — 18 — aggloméré situé à une profondeur moyenne de 2 m. 70 cent.; sa hauteur est donc en moyenne de 1 m. 2 5 cent, à l’extérieur et de 1 m. 60 cent, du côté intérieur. La visite de cet ouvrage et la démolition d’une de ses parties par un sca¬ phandrier nous ont appris qu’il était constitué par des moellons calcaires d’échantillon moyen, recouverts par des pierres plus larges atteignant 1 mètre de longueur et assemblées par une taille grossière sans interposition de mor¬ tier ou de liant quelconque; les vides entre les moellons étaient remplis de sable fortement tassé. Les blocs et moellons sont analogues à ceux provenant des carrières du Mex; ils sont constitués par un calcaire tendre. Le côté intérieur du quai pré¬ sente des excavations figurées sur notre croquis (lig. 1) et dont la cause est due à l’affouillement provoqué par les eaux à la suite de la démolition du grand brise-lames antique. 11 est bien évident que, dans ces conditions, les vagues poussées par les vents de nord-ouest se précipitaient au travers de l’ancien port, désagrégeaient le remblai en arrière de l’ouvrage ainsi que les moellons de petit échantillon; il n’est plus resté que les grandes dalles supérieures qui, à l’heure actuelle, forment un encorbellement. Ce dallage présente une par¬ ticularité curieuse : il est divisé à intervalles égaux d’environ 7 mètres par des rigoles profondes de 0 m. 45 cent, dont le plan forme un échiquier de pentagones symétriquement encastrés. Il n’est pas possible de donner l’écoule¬ ment des eaux comme but à ces rigoles, puisque le dallage présente une pente de 0 m. 00 cent, largement suffisante à cet eflet, et l’on doit admettre qu’el¬ les servaient d’encastrement aux poutres d’une charpente supérieure (fig. 2). Malgré l’indétermination de cette partie accessoire, le but général de l’ou¬ vrage est évident; il était relié en arrière à la côte par un remblai aujourd’hui partiellement disparu et formait un terre-plein qui se raccordait vers le haut avec les îlots prolongeant la pointe de Ras-el-Tin. La pente du dallage rendait, d ailleurs, très facile le hissage des bateaux qui disposaient à terre d’un vaste espace pour leurs réparations; 1 exposition privilégiée vers le sud les mettait à 1 abri des coups de vent et la mise à l’eau pouvait se faire en tout temps. Nous ajouterons, d’ailleurs, qu’aujourd’hui les pêcheurs mettent à profit la meme exposition pour réparer et repeindre leurs barques sur un terrain exigu, à l’abri des dépendances du Phare de Ras-el-Tin. Fig. 2 _ QUAI de DÉLBARQU EM E1NT VUE. eln PLAN E.T COUPB D'une. RIGOLE. CATALA Frères, lmp PARIS. 19 — Vers l’extrémité nord de ce quai de débarquement se détache une jetée qui Jetée à l’entrée, se dirige à l’ouest et dont l’extrémité limite l’entrée du Port Antique. Sa lon¬ gueur est de i 3 o mètres, sa face supérieure se trouve en moyenne à 2 mètres au-dessous de la mer et présente une légère pente longitudinale. Cette jetée est très différente de l’ouvrage précédent; elle se compose, en effet (fig. 3 ), de deux murs parallèles dont les arêtes extérieures sont distan¬ tes de 1 2 m. 60 cent.; ces murs, qui présentent un fruit accentué sur chacune de leurs faces, sont formés de libages disposés ou taillés en gradins à la partie supérieure large de 2 m. 5 o cent.; ils reposent sur un lit de sable aggloméré situé à 5 m. ho cent, au-dessous des eaux. Le rocher se rencontre à 6 m. 1 0 cent. A l’extrémité située à l’entrée du port, les deux murs sont reliés par un mur transversal de type analogue; vers l’Est, l’intervalle est fermé par le mur de quai dont il se détache; l’espace entre les murs est rempli de sable jusqu’à la cote ( 3 ,oo) sur chacun des parements extérieurs; le sable s’élève également à cette même hauteur. Enfin, il est remarquable que la partie du mur sud se trouve environ à 0 m. 3 o cent, en contre-bas du mur nord, ce qui donne à l’ouvrage une pente transversale de 0 m. o 3 cent, par mètre, analogue à celle du mur de quai déjà décrit et permettant, comme lui, le hissage des bateaux. Nous n’avons pas trouvé de blocs dans cet espace; il est très vraisemblable que l’intervalle de 8 mètres entre les deux murs était rempli jusqu’en haut de sable ou de terre et constituait un terre-plein. Cette jetée servait en même temps à abriter le Port Antique contre les rares vents du sud et sa présence assurait une tranquillité absolue aux navires mouillés ou accostés dans le port. La nécessité de cet ouvrage ne fut pas toutefois reconnue par les premiers constructeurs du port, car ceux-ci l’au¬ raient amorcée à l’extrémité nord du quai dont il se détache, au lieu de sacrifier une longueur de ôo mètres de ce quai qui se trouve comprise entre la jetée et l’île. 11 est aussi d’une construction plus légère et la jetée dut avoir une autre destination accessoire avant d’être transformée en terre-plein, car les murs portent à leur partie supérieure, du côté intérieur, des degrés qui semblent indiquer qu’on pouvait descendre entre les deux murs latéraux. 11 est possible que la destination du travail ait été modifiée pendant son exé¬ cution et qu’on ait voulu établir entre les .deux murs un bassin peu profond 3. marna Digue de défense. Partie comprise entre l’entrée du Port et Abou-Bakar. « — 20 — affecté peut-être au remisage de très petites embarcations. Il est impossible actuellement de déterminer cette utilisation transitoire et les données relevées correspondent aux besoins d’une jetée de débarquement W. Le côté ouest de l’entrée du Port Antique était protégé par une digue qui se détache du brise-lames moderne et se dirige vers le sud. Cette digue est formée de deux alignements : le premier mesure environ 90 mètres de lon¬ gueur, le second seulement 20 mètres. A son extrémité sud il disparaît sous les sables et des fouilles importantes seraient nécessaires pour dégager le tronçon ensablé. La face supérieure de cet ouvrage se retrouve à son croisement avec le brise-lames moderne à 2 m. 10 cent, au-dessous de la mer; à son extrémité sud elle s’enfonce à h m. 20 cent. Cet ouvrage semble avoir oscillé autour de son extrémité nord pour plonger vers le sud d’une manière régulière, car il est bien conservé. Les dislocations, peu considérables, ont été comblées par les sables d apport et elles sont difficiles à observer. Ce brise-lames présente aussi vers 1 extérieur une pente transversale voulue par les constructeurs anti¬ ques qui ont généralement adopté ce profil pour tous leurs ouvrages de pro¬ tection ou d’accostage; sa face intérieure bordant le chenal antique était presque verticale; sa hauteur est de 3 mètres environ; sa largeur totale est de 20 mètres; il était donc très puissant et capable de résister aux vents du sud-ouest. Il se présentait ainsi comme un obstacle à l’ensablement provoqué par les vents d’ouest et de sud-ouest et il assurait le maintien des profondeurs du chenal à l’entrée du Port Antique. Actuellement, il est envahi par les sables, jusqu’à la hauteur de son arête extérieure. Entre 1 entree du Port Antique et le rocher d’Abou-Bakar on retrouve des écueils recouverts en grande partie par le brise-lames moderne; ils formaient de ce côté le rebord méridional de la dépression naturelle où était établi le ( 1 Nous ne pouvons quitter cette jele'e sans attirer l’attention sur la similitude qu’elle présente avec les ouvrages retrouves en Crète et décrits par Spratl sous le nom d’ancien port de Phalas- sarna. La longueur des murailles qui entouraient le port de Phalassarna est d’environ 200 mètres, leur disposition présente beaucoup d’analogie avec la jetée de Pharos, et il y aurait sans doute le plus grand intérêt a établir la comparaison des constructions, afin de préciser leur destination. En ^ ' ~ - • .. — - • ’ mm 21 port, et les ouvrages qu’on y découvre n’avaient d’autre objet que de renfor¬ cer la protection procurée par les écueils. 11 suffisait de les entourer par un mur de quai pour permettre l’accostage des navires, et c’est ce qui expli¬ que la forme irrégulière des trois ouvrages s’étendant depuis la digue de protection du chenal jusqu’à Abou-Bakar. Plusieurs points retrouvés au sud du tout cas, ici, cet ouvrage n’est qu’un accessoire de i’aménagement du port et il est bien probable qu’il ne devait pas à Phalassarna constituer le port; c’est, d’ailleurs, l’opinion énoncée par M. Ca¬ yeux, qui a étudié les restes de Phalassarna ( Fixité du Niveau de la Méditerranée à l’époque historique, par L. Cayeux, Annales de Géographie, t. XVI, 1907). — 22 — Rocher ’Abou-Bakar. brise-lames moderne nous ont permis de reconstituer la topographie à peu près complète de ces ouvrages qui constituaient des murs de quai dans cette partie du Port Antique. Leur longueur est considérable, 700 mètres, leur partie supérieure est formée de grosses pierres taillées avec soin; celles-ci sont placées côte à côte et assemblées par juxtaposition, sans mortier. Les lignes de joints rayonnent vers le centre qui est rempli par une pierre de di¬ mensions plus petites. Ce mode d’appareillage se répète sur toute la plate-forme des murs de quai. Nous en donnons un croquis (fig. 4 ). Ces murs sont géné¬ ralement bien conservés; leur faible profondeur au-dessous de la mer permet de les apercevoir nettement par beau temps en longeant, en canot, le côté extérieur du grand brise-lames moderne. Cette visite donnera une idée très nette des dimensions et des soins apportés dans leurs travaux par les construc¬ teurs antiques. Ces murs de quai bordaient la grande fosse du port et l’on trouve immédia¬ tement à leur pied des profondeurs de plus de 6 mètres. La présence du brise- lames moderne et le ressac causé par les lames du large empêchent la reconnaissance de la partie inférieure de ces murs, mais il est probable que leur hauteur est très faible et que ces ouvrages artificiels n’ont servi qu’à compléter et régulariser à sa partie supérieure la paroi presque verticale du rocher. En dedans du brise-lames moderne, nous avons découvert quelques points isolés et dépassant à peine l’alignement des enrochements qui forment ce brise-lames. Nous avons eu également l’heureuse chance de retrouver, dans les archives du Service des Ports et Phares, un profil en long du brise-lames moderne dressé, lors de son exécution, par Linant bey. Ces diverses constata¬ tions nous ont donné la certitude que les ouvrages étaient établis sans solu¬ tion de continuité; tous les écueils entre l’entrée du Port Antique et Abou- Bakar étaient reliés par une ligne de travaux présentant tout à la fois des quais à l’intérieur du Port Antique, et une ligne de défense extérieure bordant la fosse qui constituait l’avant-port. Environ à 80 mètres à l’ouest d’Abou-Bakar, il existe un petit plateau situé au niveau des basses eaux, et sur lequel vient s’appuyer la digue qui part de l’extrémité des ouvrages précédents et limite à l’ouest le Port Antique; elle existe sur presque toute sa longueur, à une profondeur moyenne de 3 mètres, — 23 — et est constituée par de gros éléments, sur une largeur de i 5 mètres. Son exécution est très soignée et fait ressortir toute l’importance que les Anciens attachaient à la défense de cette région du port. Elle était renforcée par une seconde digue intérieure établie suivant une ligne brisée dont la partie sud est bien conservée. Entre ces deux digues, l’intervalle avait été rempli par des blocs de pierre que la mer a désarrimés et qu’on retrouve aujourd’hui épars et roulés entre les deux digues à l’emplacement du terre-plein primitif. La surface la plus considérable de ce terre-plein affecte la forme d’un trian¬ gle ayant son sommet tourné vers le brise-lames moderne dont il est très voisin. Ces ouvrages s’appuyant sur Abou-Bakar, en augmentaient encore la su¬ perficie dont les dimensions actuelles mesurent i 5 o mètres de longueur sur environ 100 mètres de largeur moyenne. Si on ajoute la surface des terre- pleins formés par les digues de l’ouest et du nord, on peut évaluer la superfi¬ cie ancienne de l’ilot à 2 3 ,ooo mètres carrés. Le rocher est arasé au niveau des basses mers sur presque toute son étendue, à l’exception de la partie orientale qui couvre à peine 1,200 mètres carrés et s’élève à 3 mètres au-des¬ sus de la mer. Sur cette partie émergeante on voit encore les restes d’un mur construit en moellons de petit appareil et destiné à protéger le rocher contre la mer; la partie nord de ce mur est détruite; le pied de l’escarpement présente des traces de béton agglutinant des débris de poteries. La partie du rocher située au niveau de l’eau est parfaitement horizontale et elle présente de nombreu¬ ses traces d’implantations d’ouvrages découpées dans le rocher, jusqu’à une profondeur de 3 o centimètres et établies suivant de longues lignes perpendi¬ culaires qui prouvent l’importance et le nombre des constructions disparues. Ces traces peuvent être observées en montant sur le brise-lames moderne, mais il est difficile de les étudier sur le rocher d’Abou-Bakar; la houle dans ces parages s’établit avec le moindre vent et balaye, dans toute son étendue, la surface du plateau arasée au niveau des basses mers; c’est pendant les journées de khamsin qu’il faut étudier ces restes. Signalons enfin que le ro¬ cher d’Abou-Bakar a servi de station de triangulation pour l’établissement du brise-lames moderne, et l’on y rencontrera des vestiges de maçonneries toutes modernes exécutées pour l’implantation des balises d’alignement, etc. — 24 — Un léger accostage situé au sud de l’ile en bordure d’une anse bien abri¬ tée, permettait son accès; il est formé par un mur situé à une profondeur moyenne d’un mètre et long de h o mètres. 11 est à peine besoin de faire remar¬ quer que sa faible épaisseur suffisait à l’accostage déjà protégé par les digues extérieures; ses dimensions réduites sont en rapport avec sa destination et sa position. Grand brise-lames. Le grand brise-lames qui abritait le Port Antique au nord et subissait l’ef¬ fort direct des tempêtes du large s’appuyait également contre Abou-Bakar où il s’amorçait pour se diriger vers le nord-nord-est et s’arrêter loin de là, à l’ouest de la baie d’Anfouchy; son alignement est presque rectiligneW. Nous retrouvons les restes d’une digue épaisse analogue aux ouvrages déjà rencontrés, à une profondeur moyenne de h m. 5 o cent, et à 3 o mètres de dis¬ tance au nord d’Abou-Bakar, et il est bien certain que l’espace la séparant de l’ilot était comblé par des moellons et des pierres, aujourd’hui entraînés par le ressac violent qui se fait constamment sentir en cet endroit. La lon¬ gueur de cette partie de l’ouvrage mesure environ 5 oo mètres; toute sa fon¬ dation, qui a conservé son appui contre le pied du rocher, subsiste encore à une profondeur moyenne de A à 5 mètres; elle est établie en ligne droite et dépasse très sensiblement, vers l’Est, le rocher d’Abou-Bakar. Même en un point parfaitement visible par. mer très calme, on retrouve cette digue à la profondeur de î m. 70 cent. Ensuite, le grand brise-lames ne trouvait plus d’appui que sur des points isolés et espacés dépourvus de contreforts en arrière; une plus grosse masse artificielle était donc nécessaire pour résister aux coups de la mer et les constructeurs ont repris le système qu’ils avaient employé pour fermer le port à 1 ouest; ils ont doublé la digue; mais entre ces deux digues parallèles ils ont laissé un intervalle de ho à 60 mètres comblé par des gros matériaux de (I) Ou verra pins loin (page 39) que nos dernières recherches nous ont fait découvrir les restes de travaux submergés situés parallèlement et à 200 mètres au Nord-Ouest de l’ouvrage que nous décrivons ici; aujourd’hui, nous croyons devoir considérer ce dernier comme un immense môle partageant en deux parties longitudinales le Grand Port occidental Antique. Nous continuerons néanmoins à désigner cet alignement sous le nom de grand brise-lames, donné dans notre première interprétation et qui a été gravé sur les plans et dessins annexés. ■»» •• •» . . I! .Jü|l,j|jl-. Jl.UJ H.1.U -.1.. . potl s ils xde reste O CATALA Frère-s, lmp. PARIS. 25 — manière à former un terre-plein. Telle est la disposition générale suivant laquelle a ete construit le brise-lames et qu’on peut surtout étudier dans sa partie orientale, car, sur une longueur de 600 mètres, faisant suite à la digue nord d Abou-Bakar, les vestiges sont fort disséminés. Cette zone du brise-lames, placée en face de 1 entrée du Port Antique, était établie entre les fonds du large et la fosse profonde du port, et il est bien évident qu’après les premières dislocations du brise-lames la mer s est précipitée par les brèches ouvertes et les lames ont continué leur course à travers le port, sans rencontrer une plage pour les arrêter. Les matériaux du brise-lames désagrégé ont été, à cha¬ que tempête au cours des nombreux siècles, repris, roulés, réduits en galets et sont tombés dans la grande fosse du port qu’ils ont comblée partiellement en plusieurs endroits; aussi le nombre des témoins qui subsistent sur cette longueur de 600 mètres est-il assez restreint; nous les avons indiqués sur notre carte. Leur recherche a été très laborieuse et il a fallu de nombreux sondages pour s’assurer qu’il n’y avait pas de solution de continuité dans le brise-lames. Une ouverture de ce côté eut été, d’ailleurs, un contre-sens, une lourde faute que n’auraient pas commise les auteurs de ce travail. Ce n’est que par un dragage très difficile et fort onéreux qu’on pourrait retrouver dans cette partie le pied du brise-lames. En tout cas, les restes que nous avons découverts sont très sensiblement placés sur l’alignement formé parles deux extrémités du brise-lames et attestent qu’avant la dévastation qui a mis en communication les grands fonds du port avec la 111er, cette partie était primitivement occupée par des ouvrages. La situation relative des vestiges indique clairement l’existence de deux murs identiques à ceux que nous al¬ lons retrouver en examinant l’extrémité orientale du brise-lames. Cette partie qui s’étend au nord de Ras-el-Tin jusqu’à la baie d’Anfoucby est la mieux conservée; elle existe sur presque toute sa longueur et il est assez aisé de déterminer les caractéristiques principales de l’ouvrage. Les deux digues parallèles qui constituent le brise-lames mesurent 8 et 1 2 mètres de largeur au sommet; un talus extérieur assez prononcé forme un escarpement qui en augmente la largeur à la base (fig. 5 ). Le massif est composé de blocs naturels de très grandes dimensions, sommairement taillés et grossièrement assemblés; les vides laissés par l’imperfection de la taille h Section du brise-lames. BSOSBaBH^B msmSÊm — 26 — sont garnis de moellons coincés clans les interstices (fig. 6). La face supérieure de la digue du large présente une pente d’environ 3 à h centimètres par mètre vers la mer; sa ligne médiane est dégarnie de maçonneries et forme Fig. 6. — Brise-lames antique. — Vue en plan. Mode d’appareillage. une tranchée d’environ î mètre de largeur dont la profondeur paraît attein¬ dre en moyenne la moitié de la hauteur de la digue. Il est probable que cette rigole servait à l’implantation de travaux de défense. Il est fort intéressant d’observer le gisement de ces digues; à l’heure ac¬ tuelle, elles se présentent par tronçons fracturés de longueurs différentes, variant de 10 à 20 mètres, séparés par des intervalles également variables atteignant de o m. 5 o cent, à 2 mètres ; mais il est remarquable que dans la plu¬ part des cas les fractures sont assez nettes et les découpures assez précises pour qu’il soit possible de raccorder exactement deux éléments consécutifs par simple rapprochement. Cette disposition indique de la façon la plus évi¬ dente un affaissement inégal ou un faible glissement du sol à la suite duquel le brise-lames a été sectionné en tronçons qui ont pris une position légère- Fig. 7. — Exemple de fracture entre deux tronçons consécutifs du Grand Brise-Lames. Vue en plan. ment oblique les uns par rapport aux autres. Souvent il suffirait de les faire pivoter d’un très petit angle, sur une de leurs extrémités, pour les rappro¬ cher de l’un des éléments voisins et les replacer dans l’alignement primitif (fig. 7). 11 faut enfin noter que ce mouvement du sol n’a pas produit d’autre effet que la dislocation en tronçons dont nous venons de parler; il n’a pas occasionné de déversement; la paroi intérieure des digues a gardé sa vertica¬ lité; les crêtes supérieures de chacun des tronçons ont conservé leur hori¬ zontalité et l’on ne voit pas là les effets d’un bouleversement cataclysmal; le mouvement de descente paraît s’être produit uniformément par suite d’un tassement et d’un léger glissement du terrain sur lequel repose le brise-lames. 28 La visite de ces restes est une véritable démonstration qui impose à l’esprit, de la façon la plus absolue, la cause de submersion que nous venons d’in¬ diquer. Un terre-plein existait entre ces deux digues. On retrouve en plusieurs endroits le dallage exécuté avec de grandes pierres plates, taillées et assem¬ blées comme celles du brise-lames, mais la partie intérieure comprise entre les deux digues était partiellement remblayée avec du sable qui a été affouillé par la mer et a entraîné les pierres de remplissage qu’on retrouve assez gé¬ néralement roulées et gisant pêle-mêle au-dessous du niveau supérieur des murailles. En certains endroits ces blocs arrimés sont restés adhérents à la paroi intérieure; ils constituaient des murs de soutènement et leur existence indique que des renforcements ont dît être exécutés aux endroits où on les voit aujourd’hui. Matériaux Parfois nous avons retrouvé en arrière du brise-lames, soit près d’Anfou- à la^oMtmciion chy, so ^ ^ Abou-Bakar, des briques étalées sur le fond par petites quantités du bnse-lames. ( } e gj x ou v i n gt. L a présence de ces matériaux nous intéressait d’autant plus que les briques paraissaient enduites de mortier. Elles pouvaient peut-être fournir un indice sur la date de construction des ouvrages; nous en avons examiné plusieurs, prises à différentes places, et soumis ces échantillons à des professionnels qui ont reconnu avec nous qu’il s’agissait simplement de briques d’argile cuites tout à fait modernes, que leur séjour prolongé dans Peau avait recouvertes de sédiments calcaires; elles provenaient de Rosette. Les barques qui les transportaient à Alexandrie étaient venues, pendant les mauvais temps, heurter les parties hautes du brise-lames antique, très voisin de leur route, et elles avaient perdu une partie de leur chargement par suite des chocs. Les briques ou tuiles rencontrées dans ces parages n’ont donc rien de commun avec les travaux antiques; elles diffèrent, d’ailleurs, par leurs dimensions et leur composition, des briques ou tuiles qu’on retrouve dans les fouilles de la vieille Alexandrie ou aux abords du port Est, vers Silsileh. Les dispositions essentielles que nous venons d’étudier démontrent donc la robustesse du brise-lames, l’importance de la masse qu’il opposait aux efforts de la mer, la hardiesse de sa construction et le soin avec lequel avait été étu¬ diée la protection du port. Le vaste terre-plein pouvait recevoir des ouvrages — 29 — militaires provisoires ou temporaires, et la défense du port était facilitée par cette large esplanade qui permettait de se porter rapidement au point menacé par les assaillants. En temps de paix, le terre-plein offrait des res¬ sources immenses pour le séchage et la réparation des voiles, des filets de pêche, le tressage des cordages, etc. On sait que l’importance des agrès dans la marine antique était considérable et exigeait de grands chantiers pour leur réparation et leur entretien. A 200 mètres environ de son extrémité orientale, le brise-lames présente une ouverture large de près de 5o mètres, bordée de chaque côté par une digue réunissant transversalement les deux digues qui forment le grand brise- lames. Ces deux digues transversales viennent s’appuyer, au sud, contre deux plateaux rocheux qui sont eux-mêmes reliés, du côté de la terre, par une digue épaisse de 1 5 mètres environ. Ces différents ouvrages entourent une fosse longue de i5o mètres et large d’environ 6o qui peut être repérée faci¬ lement. Elle est orientée vers l’emplacement actuellement occupé sur le litto¬ ral, par une tour en briques presque ruinée figurant sur la Carte de Le Saul- nier de Vauhello sous le nom de Roche Noire. L’alignement de cette tour avec le fort Kaid Bey limite, au nord, la zone dangereuse des écueils de la rade d’Alexandrie. La tradition en attribue la construction à l’armée française lors de l’expédition d’Egypte. La fosse dont nous venons de parler présente des profondeurs variant entre 5 et 8 mètres, et dans l’antiquité les navires pouvaient accoster soit à l’une ou l’autre des digues transversales, soit à la digue limitant la fosse, au sud. La surface d’eau, d’une étendue de près de deux hectares, ainsi circonscrite, était protégée par un prolongement de la digue extérieure du grand brise- lames. Elle constituait, en réalité, le port de commerce desservant l’ile de Pharos qui s’avançait jusque là. Comme nous le verrons plus loin, les pro¬ portions réduites de son entrée la rendaient, en outre, facilement défendable en cas de guerre. Les dispositions particulières que nous rencontrons ici sont extrêmement curieuses et dénotent un changement dans l’altitude des fonds. En effet, le sol se relève brusquement pour former un plateau qui s’étend, à l’Est, jusqu’à la baie d’Anfouchy, sur une largeur de plus de 8oo mètres et, au nord, sur Port de commerce. lii-Min-rriiiiwn. ■ iiiT iin nun — 30 — une longueur d’environ 25 o mètres, jusqu’à la hauteur du brise-lames anti¬ que et des roches fermant au large la baie d’Anfouchy. Ce plateau, aujour¬ d’hui submergé à une profondeur de 2 à 3 mètres, émergeait en partie autrefois et constituait un promontoire au nord de file de Pharos. Extrémité orientale Nous allons examiner maintenant la disposition des ouvrages établis sur ce du Port Antique. pj a t eau ou sur ses confins et qui fermaient, à l’Est, le Port Antique. Nous retrouvons encore, sur une longueur de i 5 o mètres, les deux murs du grand brise-lames dans le prolongement de son alignement général, mais l’intervalle qui les sépare est parsemé de rochers dont le niveau moyen est de 2 mètres au-dessous du niveau des hautes eaux. Les constructeurs en ont profité pour établir des ouvrages qui sont exécutés d’une façon aussi puissante mais moins régulière que la grande branche du brise-lames; les intervalles qui séparent les rochers ont été comblés par de gros enrochements. La digue Est, qui ferme le grand port et qui relie le grand brise-lames à la côte, est également construite en tirant parti des pointes rocheuses disséminées sur ce plateau; son alignement est, par conséquent, peu régulier, sa section est moins parfaite; celte digue, constituée par une seule muraille dont l’épais¬ seur varie entre 6 et 1 5 mètres, s’étend sur une longueur totale de 3 oo mè¬ tres. Les profondeurs au pied sont peu considérables; généralement, elles ne dépassent pas 2 mètres. Cet ouvrage ne pouvait donner aucun accostage; c’était, sur une grande partie de sa longueur, un rempart terrestre qui ser¬ vait de défense à l’ile de Pharos et répondait surtout à des nécessités mili¬ taires. Nous avons retrouvé un ouvrage qui s’enracine sur cette muraille, à 60 mètres au nord du littoral actuel, et va rejoindre la digue qui ferme, au sud, la coupure du brise-lames; sa longueur est d’environ 200 mètres, mais il n’existe plus qu’à l’état de ruines dont le niveau est sensiblement voisin de celui des basses eaux. Le littoral primitif de Pharos était vraisemblablement limité par cette der¬ nière digue et le quai établi au sud du port de commerce. L’espace compris entre la digue qui bordait l’ile de Pharos et le grand brise-lames est parsemé de nombreux rochers; sa profondeur est très faible. Depuis la ruine partielle des ouvrages du large, il a été allouillé par endroits, jusqu’à des profondeurs de 3 mètres, mais des enrochements retrouvés çà et là nous autorisent à croire qu’il était remblayé et prolongeait le terre-plein compris entre les deux digues du grand brise-lames. Il paraît bien certain qu’à une époque donnée tout l’espace compris entre la digue Est, le littoral de Pharos et la coupure du grand brise-lames ne formait qu’un vaste terre- plein reproduisant, à l’Est, les dispositions défensives d’Abou-Bakar à l’ouest. Les ouvrages élevés sur ce terre-plein prévenaient toute attaque qui aurait pu se faire par les pentes peu prononcées du plateau s’étendant jusqu’à la baie d’Anfouchy. Il nous reste, pour compléter la topographie du Port Occidental, à étudier les constructions établies sur le littoral compris entre la digue Est et la pointe de Ras-el-Tin. La côte s’étend d’abord parallèlement au brise-lames antique, sur une longueur de 5 oo mètres, puis elle s’infléchit, au sud, sur une lon¬ gueur de 260 mètres en formant une baie naturelle ouverte à angle droit qui s’étend jusqu’à la pointe de Ras-el-Tin. La partie de l’île correspondant au Port Occidental est généralement assez élevée, sa hauteur au-dessus du niveau de la mer atteint 10 mètres; elle est composée de grès calcaire facile¬ ment attaquable par la mer qui a créé une plage sur tout le pourtour de l’île. Entre le pied de l’escarpement que n’a pu atteindre la mer et le niveau des basses eaux, la plage mesure des largeurs allant de 20 mètres à 5 o mè¬ tres. Sur le rivage, des traces nombreuses de constructions existent encore, notamment des nécropoles et des chambres funéraires, des tombes arasées dont la destination a été modifiée au cours des âges. Les fondations de plu¬ sieurs d’entre elles sont taillées dans le rocher, à 0 m. 3 o cent, ou 0 m. ho cent, au-dessous du sol de Pile, mais l’excavation a été comblée par une maçonnerie de béton sur laquelle s’élevaient des constructions qui furent probablement détruites lorsque J. César ordonna de raser file pour la punir de sa résistance. Il nous est même arrivé, en démolissant des fragments de ce béton, de retrou¬ ver l’enduit intérieur primitif avec des ornementations peintes. Le temps a mis sa marque sur ces vestiges et il est parfois assez difficile de distinguer le béton du rocher qui l’environne. Nous ne décrirons pas ces constructions, faciles à retrouver en parcourant le rivage; elles sont semblables à toutes celles qui abondent sur la côte d’Alexandrie et que connaissent les archéologues. Nous Partie comprise entre l’extrémité orientale du Port et la pointe de Ras-el-Tin. Abords de la Tour de la Mission d’Egypt< 33 — n’cn parlons qu’incidemment à propos des ouvrages maritimes retrouvés le long du rivage. Tous les travaux maritimes que nous allons rencontrer entre la digue Est et le phare de Ras-el-Tin sont de faibles dimensions : murs de quai peu épais, accostages réduits, môles minuscules qui répondaient aux besoins restreints d’une petite batellerie. Situés à peine au-dessous du niveau des basses eaux, ils sont facilement observables, agencés avec ingéniosité, mais exécutés avec de faibles ressources. Chacun s’est borné à tirer le meilleur parti des acci¬ dents naturels sans qu’il paraisse que l’intérêt général ait nécessité un pro¬ gramme d’ensemble et des ouvrages solides. Ces travaux sont, sans doute, postérieurs à tous ceux que nous avons vus jusqu’à présent et leurs propor¬ tions ne sont pas en harmonie avec les massifs colossaux établis au large. Tout porte à croire qu’ils furent construits par ceux qui se bornèrent à utili¬ ser les restes subsistant sur la plage et remplirent de béton les anciennes né¬ cropoles pour y élever de nouvelles constructions. Le premier ouvrage de ce genre est situé tout près et à l’Est de la Tour attribuée à la Mission d’Egypte. 11 consiste en un cordon d’enrochements long de 5 o mètres, large de 2 mètres, qui abritait une petite anse sans profon¬ deur (fig. 8). A l’ouest de cette tour, la côte s’étend sur une longueur d’environ 160 mètres, jusqu’à la grande baie située au nord de Ras-el-Tin. Dans cette partie le rivage est découpé par deux petites anses parfaitement dessinées dont les surfaces mesurent environ 6,000 mètres carrés et 800 mètres carrés; leur profondeur dépasse à peine 1 mètre, leur contour présente ô 5 o mètres de développement et était desservi par quelques accostages en blocages attei¬ gnant 6 à 12 mètres de longueur. La plage en arrière mesure de 12 à ko mètres de largeur; elle est couverte de fondations de citernes, de nécropoles; quelques-unes de ces dernières ont été entièrement mises au jour, d’autres offrent une partie découverte sur la plage, tandis que le reste est engagé sous la partie haute de l’ile. 11 est à peu près certain que ces nécropoles ont été construites dans la masse de file et qu’après la disparition du brise-lames du large la mer a fait son œuvre d’érosion sur le rivage en désagrégeant la partie sablonneuse. Les hommes ont ensuite complété la destruction des parties devenues visibles. Une zone 5 i.rrt.rtirtinÉrirtmMii — U — d’environ 100 mètres de longueur, totalement recouverte de maçonnerie de béton, démontre l’importance des constructions élevées en cet endroit au delà duquel on rencontre un vaste promontoire le séparant de la baie occidentale de Pharos. Ce promontoire, situé au niveau des basses eaux moyennes, me¬ sure 8,000 mètres carrés de superficie; le rocher a gardé la trace de l’implan¬ tation des citernes et des nécropoles qui bordaient la côte. Ces constructions sont très nombreuses; elles faisaient suite à celles dont nous venons de parler et il est facile de les examiner en suivant la côte lors des grandes basses eaux. Leur visite fait soupçonner l’importance de cette partie de Pharos au cours de l’histoire. Au sud de la plage, deux grandes excavations, larges d’une vingtaine de mètres, pénètrent dans le massif de Pile et se dirigent vers les casernes des gardes-côtes. Elles ont conservé la trace des alvéoles qui, jadis, renfermaient des tombes. 11 est très important d’observer que ces nécropoles sont creusées non pas dans le rocher, mais dans le sable calcaire aggloméré qui forme la partie supérieure de l’ancienne île. A l’abri des attaques de la mer et malgré la friabilité du sable qui les constitue, elles ont conservé leur forme de voûte sans subir d’effondrement ou de rupture. Ce cas n’est pas'une exception; au contraire, il est la règle générale dans toute la région d’Alexan¬ drie et nous aurons à en reparler (page 59) lorsque nous chercherons les causes d’affaissement des ouvrages. Les ruines rencontrées sur la plage sont certainement en corrélation avec celles qui doivent exister en grand nombre dans le milieu de l’ancienne île. Déjà plusieurs nécropoles ont été fouillées par AL le D r Breccia (1 h L’observation des ruines de la plage doit conduire à la découverte d’anciens édifices ensevelis et il y aurait un intérêt archéologique évident à préciser la situation relative des ruines visibles sur le littoral et celles déjà mises au jour par des fouilles. La partie submergée du littoral que nous venons de parcourir s’avance jus¬ qu’à environ 3 o mètres au sud du grand brise-lames, la profondeur de l’espace resserré qui sépare cet ouvrage du littoral primitif atteint 5 mètres le long du brise-lames. A l’ouest de ce promontoire submergé, la côte se dirige brusquement du nord au sud pour former l’un des côtés de la baie qui s’ouvre vers Ras-el-Tin. (1) D r Brecc4, Alexandrea ad Ægyptum. A. — Le quai de débarquement antique vu du haut du Phare de Ras-el-Tin (un canot mouillé au premier plan est exactement situé au-dessus du quai). B. — Ruines de nécropoles sur le rivage au Nord de Ras-el-Tin. — 35 — Le littoral actuel est très voisin du littoral ancien; il n’en est séparé que par une distance moyenne d’une dizaine de mètres. Les ouvrages rencontrés le long de cette côte sont particulièrement chétifs : ils consistent en petits murs de 1 mètre d’épaisseur à peine qu’on retrouve disséminés le long du rivage, dans des directions à peu près parallèles au littoral. La seule petite anse capa¬ ble de retenir l’attention se trouve dans la partie nord du littoral; elle mesure à peine 5 oo mètres carrés. Les dernières traces de constructions qu’on re¬ trouve au sud sont les ruines d’un mur de 2 5 mètres de longueur sur 6 mè¬ tres de largeur qui devait servir à retenir les terres; il n’est distant du littoral que de 5 mètres. Sur le côté de la baie qui s’étend jusque sous le phare de Ras-el-Tin, l’en¬ sablement empêche toute investigation sur une longueur de îoo mètres à partir du sommet de l’angle de la baie, puis le littoral ancien réapparaît à peu près au niveau des basses mers et très proche du littoral actuel. On y trouve, en saillie, sur l’alignement général, quelques ouvrages dont le plus caractéristique est appuyé par des blocages contre la rive et forme des ac¬ costages très nets dont la longueur varie entre î h et 16 mètres. D’un des côtés se détache un môle minuscule de î o mètres de longueur et 2 mètres de largeur qui pouvait recevoir une petite embarcation. Un promontoire na¬ turel situé exactement sous le phare de Ras-el-Tin redresse la côte, vers le nord, sur une longueur de 6o mètres. 11 présente des découpures rectilignes qui ont été jadis des accostages. A une dizaine de mètres au nord, il est pro¬ longé par un rocher, également au niveau de basse mer, qui garde des traces de construction; la mer n’a fait que déformer, sans la rendre méconnaissable, une petite anse régularisée parla main de l’homme et abritée contre les vents du nord. A la hauteur de cet îlot on remarquera trois plateaux rocheux arasés au niveau des basses eaux et alignés parallèlement au rivage de l’an¬ cienne île. Ils limitent, au nord, la baie que nous venons de parcourir, laissant entre eux et l’ancien brise-lames des profondeurs supérieures à ô mètres, tandis que les fonds rejoignent la côte, s’étalent en plage sur une longueur de i 5 o mètres et décroissent jusqu’à î mètre. Les sables, poussés par les vents d’ouest, sont venus s’accumuler au fond de celte anse et l’ont comblée en grande partie; elle n’a jamais pu recevoir que des barques d’un très petit tirant d eau, ainsi que l’indiquent les faibles ouvrages retrouvés sur le littoral. TtiwhiaMmgif Pointe de Ras-el-Tin. iittâ — 36 — Il n’en est plus de même à l’ouest de Ras-el-Tin, où des constructions excessivement solides, cpii méritent toute notre attention, se rattachent au puissant Port Antique dont elles gardaient l’entrée principale du côté inté¬ rieur. A l’ouest de Ras-el-Tin se trouve un îlot escarpé séparé de l’extrémité du grand brise-lames moderne par une passe de 3 o mètres de largeur et d’en¬ viron 3 mètres de profondeur. Cette passe est fréquentée par les canots de pêche ou de plaisance qui se dirigent vers Aboukir et abrègent ainsi le trajet que leur imposerait le passage par l’ouverture du port d’Alexandrie. La navi¬ gation est assez difficile dans cette passe étroite, car les embarcations doivent changer brusquement de direction et hier vers l’ouest en rangeant les rochers à fleur d’eau qui barrent le passage au nord. Ces rochers constituent, en réa¬ lité, le prolongement naturel de Pilot dont nous venons de parler et qui pré¬ sente un grand intérêt; nous devons l’examiner en détail La partie émergeante renferme plusieurs vestiges de tombes, un poste de veilleur et diverses constructions au mortier de pouzzolane. De grandes surfa¬ ces, réglées et nivelées, déterminent, dans le rocher taillé à angles droits, l’emplacement de constructions anciennes. Sur ce plateau sont tombés des blocs naturels détachés de leur lit primitif; ailleurs, des failles verticales indi¬ quent bien que le grès calcaire constituant la partie supérieure a été soumis à des mouvements de dislocations. Certaines parties inférieures présentent des inclinaisons prononcées dans le gisement de leurs couches. Lorsque la mei est calme et transparente on aperçoit au-dessous du niveau des eaux un plateau dirigé vers 1 ouest : c’est celui qui oblige les embarcations à modifier leur route. Il est horizontal et présente, parfaitement conservées, les fondations d’un édifice rectangulaire de 28 m. 60 cent, de longueur et ih m. ho cent, de largeur; la disposition en est très nettement figurée par l’implantation des murs. On remarque aussi des petits canaux dirigés vers le nord et servant à 1 écoulement des eaux. Du cote sud, un petit accostage et quelques marches d escalier donnaient accès à cette construction, fort importante, d’après ses dimensions et ses dispositions intérieures (fig. g). (,) Au cours de l’année 191 5, cette petite passe a été comblée au moyen de blocs artificiels afin de fermer complètement le port; ces blocs seront enlevés après la cessation des hostilités. Coté du Port ■ " ! nnri rmi i H É.ii,ü l .i>rn ■ mu , ,. — 38 — L’îlot mesure, en ajoutant à la partie visible la partie submergée, environ G,ooo mètres carrés. Sur toute cette surface les traces de constructions nom¬ breuses et pressées attestent l’importance de cette position qui commandait l’entrée du Port Antique. C’est là bien certainement qu’étaient établis les services de direction du port : pilotes et capitaines venaient y recevoir les ordres avant de prendre leur mouillage. Un môle, séparé aujourd’hui de l’ilot mais qui s’y enracinait autrefois, s’é¬ tend, vers l’Est, sur une longueur de 70 mètres et abrite un petit port de id,ooo mètres carrés de superficie. Ce môle est très solidement édifié; son épaisseur de i 5 mètres lui a permis de résister à toutes les tempêtes. 11 se trouve actuellement à 1 mètre au-dessous des hautes mers, mais lorsqu’il était élevé au-dessus des eaux ou que sa superstructure existait, c’était un rempart protégeant admirablement le petit port situé en arrière. Le contour de celui-ci est constitué par la langue de rocher très effilée qui, se détachant de la pointe ouest de Ras-el-Tin, se dirige vers Pilot que nous venons de par¬ courir et auquel elle était réunie dans les temps antiques, car on ne trouve aujourd’hui que 0 m. 3 o cent, d’eau sur la partie submergée. Il n’y a donc pas solution de continuité et l'île de Pharos s’étendait à l’ouest de la pointe de Ras-el-Tin, sur une longueur de 34 o mètres. Les cotes de sondages que nous avons relevées entre cette pointe et les deux ouvrages situés à l’Est de l’entrée principale (voir p. 17 et 19) sont très faibles (0 m. 80 cent.) et prouvent que cet espace, naturellement soustrait aux apports du large, avait été remblayé artificiellement pour former un terre-plein, mais que la terre de remblai a été emportée par le passage des eaux après la submersion des ouvrages. La protection à l’Est du petit port intérieur était assurée par une jetée dont nous retrouvons les vestiges sur une longueur de 78 mètres et une largeur de 10 mètres. Elle part de la pointe de Ras-el-Tin et converge vers le mur de quai-abri dont nous avons parlé précédemment, laissant entre leurs extrémités une ouverture de 3 A mètres orientée vers le nord-ouest. Ce petit port est en¬ sablé aujourd’hui; on ne trouve des profondeurs supérieures à 3 mètres qu’à l’entrée et à l’abri du mur de quai, mais il est voisin des grandes profondeurs et il devait autrefois permettre le mouillage de quelques navires auxquels on voulait donner une protection spéciale. C’était vraisemblablement un port • — — 39 — privé à l’usage du commandant du port, et il complétait heureusement l’amé¬ nagement de l’entrée principale dont nous avons étudié les dispositions au début de cette description du Port Antique Occidental. NOUVELLES RECHERCHES. C’est au cours des années 1911, 1912 et 1913 que nous avons reconnu et relevé les ouvrages dont il vient d’être parlé. Nous avons pu, en 1916, étendre cette reconnaissance dont les résultats sont figurés sur la planche IV par des traits hachurés; mais le temps trop court dont nous disposions ne nous a pas permis de prendre les dimensions de chaque ouvrage, ni de faire des sondages rapprochés, et nous nous sommes bornés à un relevé topogra¬ phique général dont nous exposerons les grandes lignes. Parallèlement au grand brise-lames antique, à une distance de plus de 200 mètres au large, vers le nord-ouest, nous avons observé une ligne à peu près ininterrompue d’ouvrages en ruines qui paraît s’appuyer, vers l’ouest, sur le prolongement sous-marin du rocher d’Abou-Bakar, et se retourne, vers l’est, dans le prolongement de la digue de fermeture Est dont l’enracinement est r voisin de la Tour de la Mission d’Egypte. La partie supérieure de ces ouvrages se trouve à un niveau variant de 6 m. ho cent, à 8 m. 5 0 cent, au-dessous de la mer. 11 est facile de l’examiner lors¬ que la mer est calme et l’eau transparente et d’observer, en certains endroits, des fractures et des joints d’appareillage analogues à ceux du grand brise-lames antique. Aucun doute n’est possible sur la similitude de construction et d’âge de ces ouvrages; l’intervalle qu’ils limitent a été désigné sous le nom de Bassin extérieur, et il apparaît bien, à l’examen du plan, qu’il remplissait ce but. Nous avons retrouvé, un peu au nord d’Abou-Bakar, un passage bordé de deux môles qui mettait en communication le grand Port Antique et son bassin extérieur; d’autres existent sans doute que nous n’avons pu rechercher; toutefois, ce passage devait être un des plus importants, car la direction de ces môles Bassin extérieur. Communications avec le grand Port. ■sMtMJli Môles. Ouvertures exle'rieures. Petit Bassin. Voisinage des grands fonds. ■4màiri m — 40 — prolonge à peu près l’alignement de la digue de protection située à l’ouest de l’entrée du Port Antique. Dans le Bassin extérieur, d’autres môles, tous parallèles, se détachent de la ligne principale de ruines nouvellement observée et s’arrêtent à 60 mètres environ du brise-lames antique, c’est-à-dire que toutes les darses formées par ces différents môles communiquaient entre elles par un passage longeant ex¬ térieurement l’ouvrage que nous avons précédemment appelé brise-lames an¬ tique et dont la véritable destination était plutôt de former un immense môle partageant, dans le sens de la longueur, tout l’ensemble du Port représenté sur notre carte. Les navires pouvaient ainsi accoster de chaque côté de ce mole dont 1 importance reste considérable et donne une ampleur nouvelle à la grandiose ordonnance du Port Antique. Les ruines du large ne présentent pas de solution de continuité impor¬ tante; peut-être quelques ouvertures étaient-elles ménagées dans cet ouvrage extérieur; elles étaient de faibles dimensions et praticables plutôt pour la sortie des navires que pour leur entrée; il est fort possible que l’une d’elles ait existé dans le prolongement du passage faisant communiquer le Port et le Bassin extérieur, car les deux môles du Bassin extérieur continuent l’aligne¬ ment des môles du passage. Un peu au nord de ce point, deux môles longs de 125 mètres, espacés d’environ 5 o mètres, sont implantés en dehors de la ligne des ouvrages exté¬ rieurs, et réunis a leur extrémité nord-ouest par plusieurs éléments continus de constructions, ô avait-il la un petit bassin séparé du Bassin extérieur? On est en droit de le supposer, car le fond est garni de sable sans apparence de ruines daucune sorte, et toute la partie à l’ouest de ce Bassin est parsemée de ruines confuses et disséminées qui appartenaient probablement à un terre- plein large et puissant s étendant, à l’ouest, jusqu’au petit passage dont nous avons parlé plus haut. La ligne principale des ruines se trouve toujours à proximité immédiate des grandes profondeurs; aux endroits où elle s’écarte de son alignement BBHHH ÜE^K ittMiiiippT e é « à 8 e la les le ne- itfe stè¬ le 8t erre- nous Jdiils émeut — 41 — général, la sonde indique une modification ou un relèvement des fonds de la rade; c’est ainsi que s’explique la différence de l’alignement du brise-lames situé au nord du port de commerce et qui protégeait ce dernier. Cet ouvrage occupe la situation la plus avancée vers le large, parce qu’il est construit à l’extrémité d’un promontoire dont le niveau est plus élevé que celui des fonds voisins. Le grand Port Antique a donc été établi entre deux plateaux, à l’ouest celui d’Abou-Bakar, et à l’Est celui situé au droit du port de commerce anti¬ que, et les gros ouvrages de protection appuyaient leurs extrémités sur ces plateaux qu’ils reliaient entre eux. Le port de commerce se trouvait parfaitement protégé par l’ouvrage du Port de Commerce, large situé au nord-ouest de son entrée; une inflexion vers le sud de l’extré¬ mité de ce brise-lames abritait un passage vers l’extérieur, et nous nous demandons si les ruines alignées, retrouvées à 3 oo mètres à l’ouest, ne proté¬ geaient point complètement ce passage contre les vents d’ouest. 11 semble, en définitive, que le port de commerce avait une ouverture distincte de celle du Grand Port avec lequel il était cependant en communication par le Bassin extérieur. Nos dernières recherches nous ont permis d’augmenter notre documenta¬ tion sur le grand Port Antique; en certains endroits les ouvrages sont à une distance de 6oo mètres du rivage; la division en darses est clairement indi¬ quée et l’esprit reste confondu devant le développement et le plan de ce port gigantesque. Nous pouvons affirmer cependant que ce port ne constitue qu’une partie, la plus importante sans doute, des ouvrages submergés; il en existe d’autres également considérables, et nous décrivons plus loin ceux situés de¬ vant la baie d’Anfouchy et aux abords de Kaid Bey, mais nous devons noter qu’il existe des ruines de constructions maritimes sur tous les écueils situés à l’ouest d’Abou-Bakar; ceux d’El-Dublan et d’ikvan ont été signalés plus haut, mais nous en avons également observé, par beau temps exceptionnel, sur El-Hout, El-Kelb, El-Hot; leurs traces apparaissent nettement, et il est permis de se demander si toute la rade, entre la pointe d’Agami et celle de Chatby, n’aurait pas été défendue par la construction d’ouvrages sur les écueils qui jalonnent cette ligne longue de i 4 kilomètres. 6 — 42 — IL — BAIE D’ANFOUCIIY (I) . (Voir planche IV.) La baie d’Anfouchy s’étend depuis le Port Occidental Antique jusqu’au fort Adda. Elle est fermée, au nord, par une ligne de rochers à fleur d’eau; au sud, elle est limitée par un perré en maçonnerie de construction récente (1902) affectant la forme d’une demi-circonférence dont le rayon est d’envi¬ ron 5 oo mètres. La baie pénètre profondément dans les terres, elle ne pré¬ sente que de faibles profondeurs et est très ensablée. Les cotes relevées par Le Saulnier de Vauhello ne dépassent pas 2 mètres. Nous avons reconnu, par nos sondages voisins de la digue Est, qu’immédiatement après cette digue fermant le Port Occidental les fonds se relèvent et se maintiennent environ à 2 mètres au-dessous des basses eaux; la pente de la baie est donc excessive¬ ment faible, puisque la distance entre la ligne des rochers et le point le plus reculé du littoral est d’environ 600 mètres. C’est plutôt une plage submergée. Le littoral lui-même est très bas; il ne présente pas d’escarpements pronon¬ cés comme la pointe de Ras-el-Tin. La baie d’Anfouchy et son littoral semblent prolonger, à l’Est, en pente très adoucie les versants de la colline de Pharos. De telles dispositions ne rendaient point la baie d’Anfouchy propice à la fondation d’établissements maritimes; à ce point de vue elle n’offre que de faibles ressources : les mouillages étaient insuffisants, le littoral bas ne don¬ nait aucun commandement sur la mer, enfin l’orientation de son ouverture, large de 1,200 mètres, l’exposait aux ensablements; tout au plus pouvait-elle servir d’abri aux barques de pêche ou de navigation côtière et elle n’offrait aucun avantage qui lui permit d’ambitionner le rôle de port militaire ou de grand port de commerce. (i) Diverses circonstances ne nous ont point permis d’exécuter des sondages dans ta baie d’An¬ fouchy ni dans la partie orientale de file; aussi nous sommes-nous limité à l’interprétation des reconnaissances hydrographiques générales dont les indications sont insuffisantes pour l’objet de notre etude. Nous décrivons succinctement seulement et figurons sur la planche IV le relevé topo¬ graphique des ouvrages maritimes que nous avons découverts dans cette partie de l’ancienne île. — A3 — Aussi n’avons-nous pas trouvé dans cette région des ouvrages d’une impor- Ligne des e'cueils. tance égale à celle des grandioses dispositions du Port Occidental. Les écueils qui ferment la baie ont été reliés par une digue dont nous retrouvons les vestiges parfaitement visibles par mer calme. Formée d’enrochements submer¬ gés à une faible profondeur, généralement 1 m. 5 o cent., cette digue interceptait le passage des vagues et constiluait avec les rochers une excellente protection de la baie. Les blocs naturels qui la constituent sont d’un gros volume et l’épaisseur de la digue varie d’importance, mais dans aucun cas cette épais¬ seur et le cube des blocs n’atteignent les dimensions des ouvrages du Port Oc¬ cidental; les directions sont moins régulières, l’exécution est moins parfaite; c’est à proprement parler un travail de remplissage et d’appropriation. Les écueils sont rapprochés, ils constituent des points d’appui nombreux et la pro¬ tection de la baie en a été rendue plus aisée. Les fonds de y mètres se trou¬ vent à i 5 o mètres en avant de cette ligne et la mer venait s’étaler sur cette longue pente extérieure avant de rencontrer l’obstacle qui lui était opposé. 11 suffisait donc d’une seule digue de dimensions assez réduites reliant les écueils pour assurer sa protection et résister aux tempêtes. Sa construction est pré¬ caire : elle mesure généralement de h à 6 mètres d’épaisseur avec des parois verticales sans qu’il ait été besoin d’élargir la base pour donner plus de stabi¬ lité à l’ouvrage. Cette digue se détache de la pointe nord de la digue Est fer¬ mant le Port Occidental, et se poursuit, vers l’Est, sans alignement régulier, en utilisant simplement les écueils émergeants. Des traces de constructions nettement visibles subsistent sur tous ces écueils dont chacun présente une surface peu importante. La disparition des ouvrages de protection n’a pas eu de grosses conséquen¬ ces, car la baie d’Anfouchy est généralement calme; les tempêtes ne se font sentir qu’exceptionnellement sur la faible masse d’eau qui l’occupe, les végé¬ tations du fond, à l’abri de toute agitation, atteignent une croissance qui rend les recherches difficiles dans toute l’étendue de la baie; elles deviennent im¬ possibles près du littoral complètement ensablé. La ligne de défense qui relie les écueils est interrompue vers le milieu de la baie, sur une longueur de 6o mètres correspondant aux plus grandes pro¬ fondeurs, et aussi, sans aucun doute, à l’entrée du petit port établi dans la Partie Ouest de ia baie d’Anfouchy. 6. mm Partie Est de la baie d’Anfouchy. — kk — baie d’Anfouchy. Cette ouverture sert de débouché à la rigole profonde qui se dirige à peu près perpendiculairement à la ligne des écueils. Les ouvrages que nous avons retrouvés sont très légers; ils sont situés sur le côté ouest de ce chenal, jusqu’à 200 mètres en dedans de la ligne des écueils. Dès l’entrée, nous avons reconnu un môle bien conservé de 7 5 mètres de longueur et 2 mètres de largeur en forme d’arc entourant une petite anse bordée de quais. À 1 10 mètres au sud de ce môle et presque dans son prolongement, nous avons retrouvé ào m. ^10 cent, au-dessous des basses eaux les restes d’un mur rectiligne de 2 5 mètres de longueur et 2 mètres de largeur, analogue au précé¬ dent, qui paraît avoir été construit sur le bord d’un îlot partiellement sub¬ mergé, portant des traces de constructions et mesurant 3 , 5 oo mètres carrés de superficie. L’intervalle de 110 mètres existant entre ces deux ouvrages est formé par une légère dépression parallèle à la ligne des écueils. Elle occupe toute la longueur de la baie d’Anfouchy et s’étend même dans le Port Occidental Anti¬ que. L’espace situé entre le grand hrise-lames du large et le littoral primitif de î’ile, et qui avait été comblé par les Anciens (voir p. 3 1 ), correspond en effet à l’extrémité de cette dépression. La ligne des écueils abritant la baie d’Anfoucby était donc séparée du littoral de cette baie par une fosse peu pro¬ fonde; la surface, aujourd’hui submergée au sud, était reliée au littoral et occupée par des constructions dont nous retrouvons les restes, mais dont il est bien difficile de déterminer la nature. Les vestiges situés à un niveau bien peu différent de celui de la côte sont dans un très mauvais état; ils présentent des surfaces réglées dans lesquelles on reconnaît parfois des maçonneries, mais il est impossible de reconstituer le plan primitif d’ensemble de ces constructions qui prolongeaient, à l’Est, celles du littoral de Pharos. La partie orientale de la baie d’Anfouchy est exposée aux vents d’ouest et reçoit tous les apports du large. 11 était sans intérêt d’y établir des travaux maritimes et nous n’avons retrouvé aucun vestige sur le bord Est du petit che¬ nal ou dans l’enfoncement de cette partie de la baie, à l’exception toutefois d’un mur de quai construit en pierres et situé dans l'établissement de bains d’Anfouchy. Il existe sur une longueur de /10 mètres, sa largeur est de 3 mè¬ tres, mais nous n’avons pu retrouver les ouvrages auxquels il aboutissait; ils 45 ont été détruits ou ensablés. La présence de ce mur constitue, sans doute, un repère précieux pour la détermination de l’ancien rivage. Nous devons rappe¬ ler, en effet, que le rocher sur lequel s’élève le vieux fort Adda était autrefois séparé de la côte; la petite digue qui le relie est de construction toute mo¬ derne, car elle ne figure pas sur la carte relevée par la Mission d’Egypte en 1798. D’ailleurs, un pertuis ménagé dans cette digue permet encore le passage des eaux. L’ensablement a modifié les fonds sous la protection de cette digue; ils ont dû s’élever sensiblement aux abords de cet ouvrage, mais il est bien certain que jadis les eaux trouvaient un passage large mais peu profond au sud du fort Adda. Les restes que nous avons découverts se trouvent au sud du passage, c’est-à-dire sans doute sur le bord de l’ancien littoral. Les autres ouvrages retrouvés dans la partie orientale de la baie d’Anfou- chy sont placés en bordure ou à proximité du fort Adda sous la protection im¬ médiate du brise-lames du large, à l’extrémité de la légère dépression qui occupe toute la baie d’Anfouchy, court parallèlement à la ligne d’écueils et aboutit, à l’Est, au f0rt Adda. Le rocher sur lequel est bâti ce fort affecte la forme d’un triangle équilaté- Fort Adda. ral de hoo mètres de côté dont la base est parallèle à la côte. C’est à son som¬ met que vient s’enraciner le brise-lames fermant la baie d’Anfouchy. Dans l’angle formé par cet ouvrage et le rocher nous retrouvons quelques petits ouvrages. Sur une longueur de h 00 mètres environ, la côte submergée est déchiquetée en une infinité de petites anses. Les Ilots voisins, détachés de ce plateau, sont également prolongés par de petits môles destinés à des barques de pêche. Il est impossible de reconnaître un plan d’ensemble dans la disposi¬ tion de ces ouvrages ruinés en grande partie, mais de dimensions très rédui¬ tes. Le plus important est situé à la pointe nord-ouest de l’île; c’est un mur accolé au rocher bordant un goulet de h 5 mètres de longueur qui aboutit à un passage communiquant avec une nécropole établie dans l’île. Sur cette partie le rivage présente encore de nombreuses traces de constructions avec béton, analogues à celles que nous avons signalées au bord de la côte, près de Ras-el-Tin (fig. 10). La partie orientale de l’île, actuellement submergée, atteint vers la base du triangle une largeur de i 5 o mètres; elle est située à une cote peu profonde kl — (environ o m. 20 cent, au-dessous des basses mers). On y remarque les fon¬ dations de nombreuses nécropoles, de citernes et de constructions diverses. La présence de deux canaux, dont les vestiges subsistent sur une longueur de 60 mètres, témoigne qu’il y avait en cet endroit des établissements impor¬ tants, mais la mer a détruit les superstructures. Parallèlement à ce rivage on trouve deux îlots très peu au-dessous du niveau des basses eaux et portant également des traces de constructions qui émergent en plusieurs points. 11 n’est pas possible de déterminer les traces de petits aménagements maritimes; d’ailleurs, de ce côté de l’île, les mouillages eussent manqué d’abri et de pro¬ fondeur. Quelques rochers en prolongement des précédents nous conduisent à proximité de la digue qui relie Anfouchy à Kaid Bey. En résumé, l’exploration de la baie d’Anfouchy ne nous a pas conduit à la découverte d’ouvrages considérables. Cette surface, vaste mais peu profonde, ne pouvait offrir que de faibles mouillages vers la ligne des écueils, et l’on ne retrouve ni sur ses bords, ni dans son étendue, les restes de grands ouvrages attestant l’existence d’un établissement maritime de quelque importance. III. — PARTIE ORIENTALE DE L’iLE AUX ABORDS DE KAID BEY (I) . (Voir planche IV.) Le fort de Kaid Bey marque l’emplacement sur lequel était construit le grand Phare d’Alexandrie. Les constatations sont peu aisées dans les parages qui l’avoisinent, car la mer déferle constamment près de la digue qui relie Kaid Bey à 1 ancienne île de Pharos. L’histoire a enregistré le récit des com¬ bats qui se sont livrés sous ce fameux phare, et dans cette région les hommes ont du a toute époque élever des constructions, raser des fortifications, modi¬ fier 1 aspect des lieux, et par suite bouleverser complètement la nature des fonds. 11 est d’opinion courante que la digue allant de Kaid Bey au sud du fort Adda est de construction moderne; on l’attribue généralement aux Arabes de la fin du ix e siècle et elle a été souvent modifiée au cours du siècle dernier (1) Voir la note au bas de la page 42. — 48 — ainsi qu’il résulte de la comparaison de l’état actuel avec le relevé de la Mis¬ sion d’Égypte. Plateau de Kaid Bey. ce La pointe qui termine la petite île de Pharos n’est elle-même qu’un ro- cr cher battu de tous côtés par les flots, r Cette description de Strabon est complètement confirmée par nos recherches. Le plateau sur lequel s élève le fort Kaid Bey se prolonge, vers le nord-ouest, sur une longueur de 200 mètres à partir de la muraille du fort. 11 est moyennement situé à 0 m. 70 cent, au-dessous des hautes eaux et sa largeur varie de 1 0 à 25 mètres. A 5 o mètres au nord de son extrémité nous avons découvert un tronçon de jetée de 82 mè¬ tres de longueur sur 2 mètres de largeur, terminé à sa partie septentrionale par une plate-forme carrée de k m. 5 o cent, de côté dont le niveau supérieur se trouve à h mètres au-dessous de la mer. Les pêcheurs connaissent ces vestiges et les désignent sous le nom de El-Madneh, ce qui signifie le Minaret. La présence de cet ouvrage à 2 5 o mètres au nord de Kaid Bey ne peut s’ex¬ pliquer que par son rattachement avec l’extrémité nord du plateau dont nous venons de parler. A l’ouest de cette jetée, sur la ligne joignant les extrémités nord des forts Adda et Kaid Bey, nous avons retrouvé un plateau déchiqueté, situé à un mètre sous la mer, qui se termine, au sud, par un appendice de ko mètres de lon¬ gueur affectant la forme d’un môle. Au sud de celui-ci et à 5 o mètres, dans le prolongement de son alignement, on aperçoit à fleur d’eau des rochers portant des traces de constructions. Chenal du Sud-Ouest de Kaid Bey. Les sondages dans cette partienous apprennent que la fosse des grands fonds vient se terminer au nord du plateau situé à l’ouest d’El-Madneh, et que cette fosse continue en décroissant progressivement, pour pénétrer vers Kaid Bey, entre ce plateau et la digue El-Madneh. Malgré toutes les causes de bouleversement que nous avons indiquées, on reconnaît un chenal étroit dont la profondeur est encore de 2 mètres a proxi¬ mité de la digue de Kaid Bey. Nous devons en conclure qu’une passe existait 0) Nous les devons à l’obligeance de M. Lloyd Davies, ancien Ingénieur en Chef de la Muni¬ cipalité d’Alexandrie. — 49 à l’ouest du Rocher du Phare; elle était bordée, à l’ouest, par l’ilot situé au¬ jourd’hui à 1 mètre au-dessous de la mer, à l’Est, par la digue El-Madneh et le plateau submergé de Kaid Bey. C’est, d’ailleurs, à l’extrémité de cette fosse, tout près du fort, que nous avons retrouvé, sur une longueur de Go mètres, des vestiges d’accostages alignés parallèlement à la digue moderne de Kaid Bey. Cet ouvrage constituait, vers l’ouest, une extension du plateau; il de¬ vait s’étendre jusqu’à la petite passe que nous venons de parcourir. Par sa situa¬ tion, il abritait complètement la partie sud du Rocher et permettait par tous les temps l’accès au grand Phare. L’existence de la petite passe et du môle confirme la situation insulaire de Pile antique, et c’est à l’abri de ce môle que s’établissaient les communications avec la ville d’Alexandrie. Sur toute l’étendue de ce plateau il est facile de reconnaître, malgré les Abords ravages de la mer, les restes de très nombreux ouvrages exécutés avec des du fort Kaid Bey matériaux de toute nature : maçonneries de béton, moellons calcaires des en¬ virons d’Alexandrie, granits de la Haute-Egypte, etc. Nos investigations portant seulement sur les travaux maritimes, nous ne décrirons pas ces restes; nous nous bornerons à signaler que les fondations du fort Kaid Bey laissent apercevoir au niveau de la mer, vers le côté nord, les restes de grosses tours circulaires cachées en partie par le fort. Leur dia¬ mètre était de i 5 mètres et elles étaient construites en granit. Plus loin, à proximité de l’égout collecteur qui se déverse au nord-est, nous avons dé¬ couvert, gisant sur le sol, à peine au-dessous des eaux, une trentaine de ma¬ gnifiques fûts de colonnes en granit, mesurant 7 à 8 mètres de longueur et 0 m. 80 cent, de diamètre. La beauté et la solidité des restes enfouis au pied de Kaid Bey nous font croire qu’il s’agit de l’infrastructure du grand phare. Les fûts de colonnes, d’une masse imposante, doivent provenir du portique qui 1 entourait; les constructions en béton extrêmement résistantes que nous re- trouvons au niveau du plateau protégeaient l’ile contre les attaques incessan¬ tes de la mer, mais le côté nord paraît dépourvu d’ouvrages maritimes. Au nord-est on aperçoit les restes d’un ouvrage très résistant qui se dirige vers le rocher du Diamant; il devait border, dans celte direction, le plateau du Phare et constituer un point important de sa défense, car il était très voisin de l’entrée du port des Ptolémées. Bientôt il ne sera plus possible 7 Rocher du Diamant. Partie méridionale de l’ancienne île de Pharos. — 50 — d’apercevoir ces vestiges qui seront ensevelis sous les matériaux employés à l’établissement du brise-lames du port Est dont la construction est déjà com¬ mencée (janvier 1 g 1 4 ). Vers l’est et le sud, les grands fonds sont proches du plateau de Kaid Bey; ils atteignent 10 mètres à 120 mètres de distance après avoir contourné le rocher du Diamant. Cet îlot, situé à 1 mètre au-dessous de la mer, est bordé de solides assises en pierre, mais les constructions qu’il portait étaient forcé¬ ment très réduites, car sa longueur totale est de 2 5 mètres. La fosse au nord de laquelle il est placé correspond bien à l’entrée du grand port des Ptolémées et le rocher du Diamant, placé en avant de celui du grand phare, formait un poste avancé pour la défense de la passe. En tout cas, il n’y faut pas chercher les restes de la tour du phare, sa surface exiguë ne pouvait porter la colossale construction dont parle l’histoire, mais il faut remarquer que le littoral s’a¬ baisse à 5 et 6 mètres entre le rocher du phare et celui du Diamant et consti¬ tue une fosse dont la profondeur permettait le passage des bateaux, mais dont la faible largeur pouvait occasionner les plus sérieux dangers. Nous avons arrêté là nos recherches de travaux maritimes; elles s’étendent sur une zone de h kilom. 55 o de longueur, comprise entre Abou-Bakar et le Diamant. La partie méridionale de Elle de Pharos a été complètement transformée par les hommes depuis Alexandre le Grand dans la région qui s’étend entre Kaid Bey et le palais de Bas-el-Tin, c’est-à-dire au sud de Kaid Bey, du fort Adda et de la baie d’Anfouchy. On connaît ces travaux : c’est d’abord aux épo¬ ques anciennes la création de l’Heptastade, puis son élargissement au cours des siècles, la construction de la digue entre Kaid Bey et le fort Adda, puis, au xix e siècle, l’établissement du vieux bassin de T Arsenal exécuté sur les or¬ dres de Mchemet Ali par les ingénieurs Linant, Cerisy et Mougel, en même temps que la construction d’une cale de radoub, des bâtiments tels que l’Arse¬ nal et le palais de Bas-el-Tin. Toute cette partie de l’ile fut transformée par Mehemet Ali en un vaste chantier de constructions maritimes Pk Des fortifica¬ tions y furent également élevées. Voir Lisant bey, Mémoire sur les principaux travaux exécutés en Egypte. 51 Les travaux d’aménagement du port d’Alexandrie ont entraîné, au cours de ces dernières années, la construction de nombreuses jetées et de quais à petite profondeur en arrière desquels le littoral a été remblayé et transformé ('b Le bassin de l’Arsenal lui-même a été dragué jusqu’à 9 mètres. Dans la partie comprise entre le palais de Ras-el-Tin et le phare placé à l’extrémité occidentale de l’ancienne île, les modifications ont été moins sensi¬ bles, car les profondeurs d’eau peu considérables ne permettaient pas l’exten¬ sion du port dans cette région, et le seul ouvrage important construit (1906- 1907) est le petit brise-lames intérieur qui sert d’abri aux mahonnes. Les fonds de h mètres se trouvent à une distance de ûoo mètres du littoral actuel; la partie submergée s’étale suivant une pente très douce, assez analo¬ gue à celle de la plage d’Anfouchy quelle devait rejoindre avant la formation du dépôt bas et sablonneux qui constitue le rivage de la baie. Nos recherches sur cette partie de l’ancien littoral ne nous ont conduit à aucune découverte; si certains ouvrages maritimes y ont existé, ils étaient analogues à ceux de la baie d’Anfoucby présentant, comme eux, des mouilla¬ ges de peu de profondeur et d’importance minime. Au terme de cet exposé de nos recherches, nous devons exprimer toute notre gratitude à nos collaborateurs MM. Louis Hais et Jean Tuuile qui ont bien voulu, avec un dévouement et un désintéressement au-dessus de tout éloge, nous prêter leur savant et précieux concours pour les opérations topographiques. C’est leur ardeur éclairée et patiente qui nous a permis de poursuivre nos travaux. Il reste à remplir un vaste programme de recherches que nos moyens ne nous permettent pas de réaliser; et il serait désirable qu’il fût établi sur la base de nos travaux avec un développement capable d apporter la pleine lu¬ mière sur les richesses archéologiques, aujourd’hui submergées, dont nous n’avons pu donner qu’un aperçu forcément incomplet. Ce programme devrait comprendre une reconnaissance hydrographique de la rade obtenue par des sondages excessivement rapprochés, un relevé topographi¬ que détaillé, enfin des fouilles faites par de nombreux scaphandriers au pied des ouvrages afin d’en découvrir les fondations et de retrouver les objets ensevelis sous le sable et perdus, depuis des siècles, par les navires qui les ont apportés. (1) Voir Malaval el Jondet, Le Port d'Alexandrie. 7 - 52 Position de la question par la Mission d’Égypte. CHAPITRE IV. RECHERCHE DES CAUSES DE LA SURMERSION DES OUVRAGES MARITIMES. Les restes de nécropoles, de citernes et d’autres constructions qu’on aperçoit au niveau des basses eaux, tout le long de la côte d’Alexandrie jusqu’à Abou¬ kir, ont attiré depuis longtemps l’attention des chercheurs et des savants. Il y a plus de cent ans déjà, Cordier, membre de la Mission d’Egypte, a posé en termes précis le problème de la submersion! 1 ) : «En réfléchissant, dit-il, sur ce phénomène dont l’action s’est, d’ailleurs, «exercée sur plusieurs autres points de la limite maritime du Delta, on ne «peut s’empêcher de l’attribuer à un changement progressif entre le niveau «de la surface du sol et celui des eaux de la mer. Si ce changement est réel, «il n’a pu arriver que de trois manières : ou la mer s’est exhaussée tandis que «le sol s’est accru; ou le sol s’est enfoncé à mesure qu’il recevait de nouveaux «dépôts, le niveau de la mer n’éprouvant lui-même aucun déplacement; ou «bien, enfin, le niveau de la mer s’est élevé en même temps que le sol s’est «affaissé. Sans doute, il n’est pas aisé de démêler lequel de ces trois modes a «pu être employé par la nature, et il est encore plus difficile de donner une «explication tant soit peu satisfaisante de celui auquel on devrait accorder la «préférence; mais ces difficultés n’ôtent rien à l’importance de la question, «elle intéresse évidemment une des branches principales de la géologie .v A la même époque, Saint-Genis, plus spécialement chargé de l’étude des ruines d’Alexandrie, écrivait! 2 ) : «Quelques observations faites en Europe tendraient à faire baisser la Médi- «terranée de plus de 3 mètres et demi sur les côtes de cette partie du monde (1) Description de l’Egypte, vol. V, chap. xxiii, Description des ruines de Sân (Tanis des anciens), par M. Louis Cordier, inspecteur divisionnaire au Corps royal des mines. m Description de l’Egypte, vol. V, chap. xxvi, Description des antiquités d’Alexandrie et de ses environs, par M. Saint-Genis, ingénieur en chef des ponts et chaussées. MER MÉDITERRANÉE Fig. 11. _ L EMBOUCHURE du NIL AVANT la FORMATION du DELTA ( CARTE D'É.L/E DE BEAUMONT J — 53 — et depuis les Grecs. D’autres personnes, au contraire, ont pensé (et les ruines ttqu’on voit sous la mer le long de toute la côte d’Alexandrie semblaient les «y autoriser) que le niveau de cette mer avait haussé dans l’espace de 2000 te ans, mais je démontrerai facilement le contraire dans la suite. On est seule- ttment obligé, pour expliquer certains faits, d’admettre plutôt l’abaissement «dont “il a été d’abord question, mais pas aussi considérable à beaucoup près ttque 3 m. 5 o. Le maximum de 0 m. 60 d’élévation des embouchures des tt aqueducs inférieurs que nous avons trouvés serait tout au plus la limite de « cet abaissement qui a dû être très lent. v Cette question de relativité des niveaux de la mer et du sol a donc été posée avec une rare netteté par ces deux savants, à une époque où la science géolo¬ gique était loin de former un corps de doctrine et ne pouvait fournir une solution. Depuis, elle a été étudiée bien des fois, au cours du siècle dernier. Tout récemment, elle a été reprise et traitée par MM. Suess, Cayeux et Négris en ce qui concerne la variabilité du niveau de la mer pendant la période histo¬ rique. De nombreux mémoires ont étudié l’affaissement de plusieurs parties du Delta; nous citerons notamment ceux de MM. Linant bey, Fourtau, Aude- beau, etc. b). Nos recherches sur le littoral de Pharos nous portent à croire que cette région fournit peut-être des éclaircissements à l’étude simultanée des deux phénomènes : affaissement du Delta et variation du niveau de la mer pen¬ dant la période historique. Nous rechercherons donc s’ils ont contribué tous les deux à la modification des lignes du rivage et quelle part peut être attri¬ buée à chacun d’eux. 11 nous faut tout d’abord exposer le mode de formation de la rade d’Alex¬ andrie, et nous ne pouvons mieux faire que de rappeler ici ce qu’a écrit Élie de Beaumont b) : « Entre les Lacs Maréotis etMadieh d’une part, et la mer de l’autre, court «du S -0 au N-E une chaîne continue de rochers calcaires, espèce de digue (1) Linant bey, op. cil.; Fodrtau, Communications diverses à l'Institut égyptien; Audebead, Rapports présentés à la Commission des Domaines de l’Etat égyptien. (î) Elie de Beaumont, Leçons de géologie, p. 436 et suiv. Mode de formation de la Rade d’Alexandrie. « ' sas s ; 'Sgâg - - : ..• •••: MMMM -f:> - - -• - - V= vl V. tK= ■<—••.. ..ri f.- .-;m _. ,. - Conslitution géologique de la région d’Alexandrie. Chaînon calcaire formé par la ligne des écueils. — 54 ffnaturelle qui est le prolongement de la côte d’Afrique et qu’il ne faut pas « confondre avec le sol d’alluvion qui forme les autres parties saillantes du rivage. tf . On peut donc dire que tout le Delta se trouve en arrière de tria côte rocheuse d’Alexandrie et d’Aboukir qui la protège contre les venls du tcN-O, c’est-à-dire contre ceux qui battent le plus fortement les côtes de ttl’Egypte. Partant de ce point d’appui naturel, le cordon littoral sablonneux et du Delta recule graduellement par rapport à la direction des venls domi- cmants jusqu’au point où il atteint les côtes rocheuses de la Syrie. » La composition de cette chaîne calcaire a été analysée par Fraas h) et plus récemment par MM. Fourtau et Pachundaki < 2 k Ces derniers disent: et La et côte alexandrine, depuis le Mariout jusqu’à Aboukir, est essentiellement for¬ et mée de 3 couches bien distinctes: le calcaire duMex, le tuffeau coquillier te et les sables gréseux à Hélix. Pour nous, le calcaire du Mex représente une ce formation à la limite du Pliocène supérieur et du quaternaire inférieur, ftMalgré leur état un peu fruste, les fossiles semblent différer des espèces «vivant aujourd’hui sur la côte et nous sommes plus portés à le dater du ce Pliocène supérieur. Le quaternaire inférieur nous paraît être bien suffisain- crment représenté par le tuffeau coquillier. Quant à la couche à Hélix, elle et appartient sans conteste au quaternaire supérieur. Au Gabbary, recouverte te par la terre végétale et souvent par 3 à h mètres de détritus de carrière ce solidement agglomérés, elle paraît au premier abord pal us ancienne; ce qui et peut expliquer l’erreur de Fraas. n C’est à l’abri de cette chaîne calcaire que se développa le Delta nilotique, mais dans la région qui comprend la Rade d’Alexandrie cette chaîne pré¬ sente des modifications particulières. La ligne des écueils, qui protège la Rade et s étend d Agami à Silsileb, est un véritable chaînon calcaire parallèle à la chaîne principale et d une composition analogue. Il est placé comme une (l) Oscar Fraas, Aus dem Orient, t. I, p. 175-176. * ' Fourtad et Pachundaki , Sur la constitution géologique des environs d’Alexandrie, communication à l’Académie des Sciences, i 3 octobre 1902. — 55 — première défense contre les invasions de la haute mer et c’est lui qui horde la zone des grands fonds. Il s’étale, vers le large, suivant une inclinaison assez douce. On trouve moyennement 36 mètres d’eau à 2,ùoo mètres de sa ligne de crête. L’obstacle qu’il présente à la mer (voirpl. Il) s’élève entre h mètres et 8 mètres au-dessous des eaux, dans la partie comprise entre Agami et Ras- el-Tin. Le calcaire affleure a y et 8 mètres au-dessus de ce plan en certains points de l’ancienne île de Pharos, puis le chaînon se soude à la chaîne prin¬ cipale après avoir formé la pointe de Silsileh ou de Chatby. De nombreux forages exécutés en vue des travaux du port d’Alexandrie nous ont permis de déterminer, dans les lignes générales, la pente en arrière de ce chaînon calcaire. Il résulte de l’examen de la planche II et du plan (fig. î 2) que, de ce côté, le pied du talus se retrouve à une profondeur qui, de l’ouest à l’est, varie de 35 mètres environ à 20 mètres. Toutefois, on ne doit pas chercher, dans ces chiffres, une comparaison entre les deux inclinaisons trans¬ versales du chaînon, puisqu’en arrière nous avons pu retrouver le calcaire, tandis que vers la haute mer où les forages sont impossibles, il faut tenir compte de 1 épaisseur du sable et des apports du large qui sont venus se dépo¬ ser sur l’assise primitive, car si en de nombreux points la sonde indique: fond de roche, on rencontre assez souvent du sable et du gravier (voir Le Saulnier de Vauhello). Il n en resuite pas moins que ce chaînon calcaire constituait une seconde bar¬ rière qui défendait contre les entraînements vers le large les dépôts venant du Nil et ayant trouve passage par les dépressions nombreuses de la chaîne princi¬ pale. 11 est évident que celle-ci n est point établie à un niveau uniforme; elle présente de nombreux points bas, véritables débouchés plus ou moins larges, offerts aux apports du Nil préhistorique et qui se sont comblés ensuite. En résumé, dans la région d’Alexandrie, la chaîne principale et le chaînon du large ont formé entre eux une vallée large de 2,5 00 mètres dont le thalweg atteint une profondeur de 35 mètres qui a reçu les apports du Nil. Elle constitue la fosse de la rade d Alexandrie et nous allons examiner la nature et le mode de dépôt des apports qui se sont accumulés dans ce bassin calcaire. Ces apports sont formés de vases de compacité différente, d’argile et de sable coquillier. Nature des dépôts dans la Rade d’Alexandrie. — 56 — Les vases de surface proviennent de dépôts d’argile nilotique, matière colloïdale à particules très ténues, représentant le dernier produit de pu ci- pitation des eaux du Nil qui ont abandonné, pendant leur long trajet, leurs particules les plus denses. Ces vases se déposent par couches minces ren¬ fermant d’importantes quantités d’eau, ce qui les rend très fluides et peu consistantes. Au-dessous de ces premières couches on trouve une vase plus dense et plus compacte; elle ne diffère pas, comme nature, de la première, mais elle a acquis une plus grande densité par son séjour prolongé sous les dépôts supé¬ rieurs qui ont chassé, par leur poids, une grande partie de l’eau quelle con¬ tenait et lui ont donné une compacité qui va en augmentant au fur et à me¬ sure que sa profondeur devient plus grande. La densité de la vase compacte est de i, 5 oo. L’argile rubéfiée et légère¬ ment ferrugineuse qui se trouve au-dessous de la vase ne provient pas d’un dépôt nilotique; elle est très analogue aux argiles de surlace du Mariout : c’est une espèce de lœss dont l’origine n’est pas encore définie, mais qui est probablement venue se déposer au fond de la rade d’Alexandrie à la suite du décapage exercé par les agents atmosphériques sur les collines qui entouraient cette dépression. En tout cas, le dépôt de cette argile dans l’assiette de la rade est antérieur à l’arrivée des eaux du Nil. Au-dessous de cette argile on rencontre les sables coquilliers qui, par leur agglomération, forment le tuffeau des dunes pétrifiées de la côte d Alexan¬ drie et qui reposent eux-mêmes sur un tut plus ancien et de meme oiigme qui constitue le calcaire du Mex. Les forages exécutés dans le Port d’Alexandrie nous ont appris que ces divers éléments de dépôts ne sont pas uniformément superposés; parfois, la couche d’argile nexiste pas et Ion trouve un mélange d’argile nilotique et de sable coquillier assez compact, mais susceptible de tassement. 11 est probable qu’à une certaine époque le rocher qui forme le substratum a été débarrassé par le ruissellement de l’argile rubéfiée qui le recouvrait. 11 ressort de l’examen des coupes transversales du Port d Alexandrie que les épaisseurs de dépôts augmentent considérablement en se rapprochant du thalweg de la fosse; elles atteignent n ou 12 mètres pour la vase, qui est Mode d'affaissement des dépôts. 57 l’élément le plus Huent, et 2 mètres pour la couche d’argile. Il paraît évident, à l’inspection de ces coupes, que les masses fluides d’apports ont glissé sur les pentes du bassin calcaire pour venir s’accumuler dans la partie basse. Cè phé¬ nomène naturel s’est produit graduellement par le dépôt de plus en plus con¬ sidérable des vases, mais son action a dû se manifester par à-coups. On com¬ prend aisément qu’une couche de vase dont l’épaisseur mesure 1 mètre, par exemple, pourra supporter, pendant un certain temps, le poids d’un dépôt supérieur sans éprouver de modification dans son niveau, mais, sous l’in¬ fluence d’un apport supplémentaire même léger, sa limite de charge sera dépassée et elle subira une compression soudaine qui réduira son épaisseur initiale dans des proportions considérables et la ramènera à 0 m. 3 o cent, ou 0 m. Ao cent. Nous avons observé ce fait fréquemment pendant la construction des nou¬ veaux quais d’Alexandrie où nous avons constaté de nombreux affaissements brusques atteignant A à 5 mètres et provoqués par le dépôt d’un remblai de sable sur le fond de vase. Le niveau variait à peine pendant plusieurs mois, puis s’affaissait subitement sans cause apparente; c’est qu’en effet la vase peut recevoir une charge variable suivant sa fluidité et sa compacité, mais dès que la résistance de celles-ci est vaincue les éléments inférieurs sont expulsés ou comprimés par la pression supérieure et il y a pénétration brusque. Dans les travaux du Port d’Alexandrie nous avons noté que, d’une manière géné¬ rale, le tassement à peu près complet n’était obtenu qu’après une série de trois affaissements successifs provoqués par un nombre égal de rechargements de sable. L’importance de l’affaissement diminuait après chaque opération et l’on ne peut pas dire qu’on ait atteint une compression absolue, car plu¬ sieurs années après l’exécution des murs de quai, nous avons constaté des affaissements généraux qui atteignent 5 o centimètres. Il faut retenir de ces observations que le tassement de la vase ne s’opère pas progressivement, cl’une manière lente et continue, mais qu’au contraire les différences de ni¬ veau s’établissent par à-coups, après de longs intervalles de repos sous l’action d’un poids de plus en plus considérable d’apports. La mise en mouvement des masses de vase est, en outre, facilitée par la présence de la coucbe d’argile inférieure qui forme des plans de glissement et favorise la descente sur les pentes prononcées du substratum solide. Les 8 — 58 — Apports littoraux. vases sont accumulées principalement dans la partie Est de la rade d’Alexan¬ drie oit les eaux qui les transportaient étaient retenues par les vents d’ouest; elles se sont déposées entre Ras-el-Tin et la côte de Gabbary. Une autre cause extérieure est venue modifier encore les conditions d’affais¬ sement des dépôts nilotiques. Le chaînon calcaire du large, en effet, non seulement retenait tous ces apports et empêchait ou retardait leur écoulement vers la haute mer, mais chacun de ses sommets arrêtait les sables arrachés de la côte libyque par la mer et entraînés, vers l’Est, parles courants. La fixation de ces sables était d’autant mieux assurée que les écueils présentaient une plus grande surface et que leurs pentes transversales étaient moins inclinées; ils remplissaient naturellement le rôle des épis établis le long de certaines cotes et sur lesquels viennent s’arrêter les courants parallèles au rivage en y déposant les sables et galets qu’ils charrient sous l’influence de celte action. Les écueils émergeants et de grande surface, tels Abou-Bakar et 1 île de Pharos, se sont engraissés et exhaussés des dépôts sablonneux que leur apportait la mer. Sur leurs bords on trouve des bancs de sable aggloméré superposés à la vase ou à l'argile, ou encore, suivant la profondeur du dépôt, du sable et de la vase mé¬ langés. C’est ainsi qu’au sud de Ras-el-Tin etjusquà 5 oo mètres de distance on retrouve, à 3 mètres au-dessous de l’eau, un vaste dépôt de sable aggloméré qui repose sur l’assiette calcaire située en ce point à G mètres de profondeur. Les sables qui n’ont pas été arrêtés par les écueils ont continué leur route vers l’Est, mais le courant qui les portait, déjà ralenti par les écueils qu’il venait de rencontrer et par son frottement sur des fonds moins considérables, a déposé les sables qu’il contenait dans le voisinage de la ligne des écueils. La précipitation des matières en suspension est en rapport direct avec la dimi¬ nution de vitesse des courants. G est de cette maniéré que s est constitue le cordon littoral qui relie Pharos à Anfouchy, ainsi que celui qui relie Abou- Bakar aux écueils situés au nord de Pharos. Ces mêmes dépôts ont fixé le banc du phare situé au nord du Fort Adda et de Ixaid Bey (voir la carte de Le Saulnier de Yauhello). Les sables qu’on trouve au-dessous des eaux ou au niveau de la mer sont de même nature que ceux situés au-dessus de Ras-el-Tin ou sur le litloial d’Alexandrie. Ils forment des niasses compactes de grès dont 1 agrégation est t « — 59 — due à la présence de l’argile et il est intéressant d’observer que, dans la région d’Alexandrie, ces sables peuvent se maintenir en murailles verticales, grâce à la présence de leur agglomérat. Deux excavations taillées en voûte, situées sous la caserne des gardes-côtes de Ras-el-Tin, ont conservé leur forme primitive et elles sont creusées uniquement dans ce sable aggloméré qui présente encore la particularité curieuse de durcir par son immersion. Le sable placé au-dessous des eaux forme, à sa partie supérieure, une enveloppe épaisse de 20 à 3 o centimètres offrant les caractéristiques d’un rocher tendre au-dessous duquel on retrouve le sable simplement aggloméré comme à la surface du sol. Chacun des écueils de la rade a donc formé un noyau cl’atter- rissement dont l’importance est variable d’après la surface et l’orientation de ces écueils. Ils sont réunis entre eux par un cordon sablonneux continu, d’é¬ paisseur variable, sur lequel ont été construits les ouvrages antiques. Il est facile à présent de comprendre le mode d’alfaissement des dépôts nilotiques et littoraux. Pendant un temps très long, les premiers ont pu rece¬ voir des apports considérables sans changer de niveau, mais parvenus à leur limite de résistance, ils se sont affaissés brusquement, entraînant dans leur descente les apports littoraux. Le mouvement a été beaucoup moins sensible pour ces derniers; tout d’abord parce qu’ils sont peu compressibles, et ensuite à cause de la disposition de la vase sur laquelle reposaient ces masses. Cette couche de vase était, en effet, peu épaisse aux abords des écueils; sa fluidité la faisait descendre le long des pentes du bassin calcaire, mais son épaisseur augmentait au fur et à mesure de son éloignement du littoral. La masse compacte de sable argileux a suivi le tassement de son lit de vase, tassement variable avec son épaisseur, et la masse supérieure de sable aggloméré s’est plutôt inclinée vers le large, son abaissement étant faible ou nul près du litto¬ ral et ne prenant de l’importance qu’à quelque distance du rivage. On remarquera encore que l’effondrement subit de la vase dans le tlialv a ouvert des débouchés à la couche de vase supérieure emprisonnée sous les sables et que son expulsion a été facilitée par cette circonstance qui suppri¬ mait la contre-poussée des vases du thalweg. Il est facile d’observer la pente plus ou moins prononcée des sables agglo rnérés, non seulement aux abords de Ras-el-Tin, mais sur tout le littoral 60 — environnant Alexandrie où l’on retrouve des restes d’ouvrages submergés. Il en existe des exemples nombreux à Agami, Dékhela, le Mex, Ibrahimieh, Stanley Bey et Aboukir. La pointe d’Agami, dans son extrémité nord-ouest, est parti¬ culièrement curieuse à cet égard, car la poussée au vide y est plus nettement indiquée que partout ailleurs, et le sable aggloméré s’y présente, en outre, par tranches d’environ o m. 1 5 cent, d’épaisseur dont la séparation est due à l’inclu¬ sion de minces pellicules de vase et d’argile. Sur la côte de Dékhela un triple cordon littoral, d’une longueur de 5 oo mètres, incliné vers le large, semble indiquer le nombre des affaissements qui l’ont amené à sa position actuelle. Les ouvrages établis sur le sable aggloméré ont suivi le sort de leur assise et il est aisé de le constater par l’examen des ouvrages que nous avons retrou¬ vés. La digue abritant, à l’ouest, l’entrée du Port Antique en est l’exemple le plus typique; elle se détache du brise-lames moderne pour se diriger vers le sud, c’est-à-dire que son extrémité nord repose, par une faible interposi¬ tion de sable aggloméré, sur le substratum calcaire, tandis que l’extrémité sud se trouve à 20 mètres au-dessus du rocher. Elle repose sur un fond de sable au-dessus d’une légère couche de vase. L’ouvrage plonge, du nord au sud, suivant une pente régulière; la différence de niveau des deux extrémités est de 2 m. 10 cent, pour une longueur de 110 mètres au delà de laquelle on perd sa trace. L’extrémité nord s’est comportée comme une charnière autour de laquelle la digue a suivi le mouvement du sous-sol. Les ouvrages submergés, situés à proximité du littoral, présentent tous une faible pente dirigée vers le large et leur submersion est peu profonde; elle augmente pour les ouvrages qui en sont éloignés, ainsi que l’indiquent les cotes de profondeur inscrites sur les plans. C’est le grand brise-lames du large qui a subi les affaissements les plus considérables, car il est le plus éloigné du rivage. Il est curieux d’observer qu’à certains points de son aligne¬ ment on retrouve des pointes de rochers près desquelles la submersion est faible, mais entre ces points le sable aggloméré a subi le tassement que nous signalons plus haut et la face supérieure du brise-lames reproduit la forme de l’affaissement du sol. Elle rappelle la disposition d’une poutre appuyée à ses deux extrémités et fléchie en son milieu. Au sud-ouest de Ras-el-Tin, la digue qui ferme, à l’Est, l’entrée du Port Antique est plus affaissée à son extrémité qu’à son enracinement voisin du rivage. — 61 Ces observations sont pleinement justifiées par nos nouvelles recherches (pages 39 et suivantes). On remarquera, en effet, que la partie supérieure du brise-lames antique (pl. IV) se retrouve à une profondeur variant de 2 m. 5 o cent, à h mètres, tandis que les restes submergés situés vers le large, à proximité de la ligne des grands fonds, sont descendus à une profondeur variant de 6 m. 5 o cent, à 8 m. 5 o cent., c’est-à-dire que la submersion des ouvrages augmente avec leur éloignement du rivage. D’une manière générale, nous avons fait la même constatation pour tous les ouvrages submergés. Ils ont été entraînés par les affaissements de la vase qui portait la masse compacte de sable aggloméré sur laquelle ils étaient construits. Nous avons démontré que cette action est purement mécanique et il n’est pas besoin d’invoquer l’effet des mouvements sismiques pour l’expli¬ quer. Toutefois, on doit reconnaître que des tremblements de terre ont pu faciliter et hâter le glissement de la vase, mais le mode de tassements brusques est resté le même. Les apports supplémentaires accroissant annuel¬ lement les dépôts nilotiques, les tremblements de terre ont déterminé non seulement un affaissement de la masse, mais encore une fuite de cet élément vers les parties basses, fuite facilitée par la déclivité du sous-sol rocheux sur lequel reposent ces alluvions, par la nature même de ces alluvions et par les nappes d’eau qu’elles contiennent. «C’est ainsi, ajoute très judicieusement Cordier dans l’étude déjà citée, que «les atterrissements du Nil, qui sont habituellement couverts par les eaux de «la Méditerranée, ont pu s’affaisser et s’étendre, à plusieurs reprises, sur le «fond de la haute mer et que leur mouvement a dû être suivi par le sol des «lacs et celui des territoires voisins dont la masse est incessamment ameublie «par l’humidité qui la pénètre à toute profondeur. 11 Le mode d’affaissement que nous venons d’exposer, d’après nos observa¬ tions faites dans la rade d’Alexandrie, doit sans doute présenter une grande analogie avec celui qu’ont subi le Lac Mariout et très probablement la plus grande partie du Delta, puisque ces régions sont toutes formées de dépôts de même origine. Dans toute cette étendue, l’affaissement ne peut pas être uni¬ forme; si l’on en excepte certaines circonstances locales particulières, son impor¬ tance a été déterminée en grande partie par l’épaisseur des dépôts d’alluvions, Affaissement (lu Delta. iri«miimminiiiiiir.ii m r i ..- — 62 — épaisseur variable suivant les dénivellations de l’assiette calcaire; aussi ne semble-t-il pas possible d’appliquer un coefficient d’affaissement uniforme à chacun des points du Delta, mais nous nous bornons à appeler l’attention sur l’analogie du phénomène de tassement avec la rade d’Alexandrie voisine et de même formation. Argile Dans la région du Mariout et du Mex, où ont été exécutés des forages dont is-jacente. • • i? • , i? il’*l nous avons pris connaissance, on a reconnu i existence dune couche d argile interposée entre le calcaire pliocène supérieur et les formations dunaires quaternaires; l’épaisseur de cette couche est de om.So cent, à l’emplacement du Dock de Gabbary. Le tassement de cette argile sous le poids du calcaire d’ori¬ gine dunaire aurait pu déterminer l’affaissement de la masse supérieure, mais notons que cette couche d’argile est peu épaisse et que sa compression ne s’opère pas dans les mêmes conditions que celles de la vase. Privée d’eau et très compacte, elle est peu compressible et se tasse progressivement et non par à-coups comme la vase. Ajoutons que le calcaire d’origine dunaire était formé au début de la période historique, de sorte que la couche d’argile avait subi, dès cette époque, son maximum de compression. Fixité du niveau de la mer. Il n’apparaît pas, d’ailleurs, que le substratum solide ait éprouvé une varia¬ tion de niveau depuis les commencements de l’histoire. Nous avons déjà signalé la parfaite horizontalité des îlots au large de la côte, entre autres Abou-Bakar et celui existant à l’ouest de Ras-el-Tin, et sur lesquels on remarque des tra¬ ces évidentes d’implantations de constructions. Or, ces arasements sont formés de calcaire dur sur lesquels on retrouve presque toujours des blocs dispersés çà et là dont on s’explique difficilement la présence lors d’une première visite. Un examen plus attentif rend compte tout à la fois de l’origine des arase¬ ments et de l’existence des quartiers de rochers qui gisent à leur surface. Le même fait, d’ailleurs, a été observé par Renan sur la côte de Phénicie et nous ne pouvons mieux faire que d’emprunter sa description au savant écrivain b) : crUn phénomène qui se reproduit fréquemment devant l’observateur sur la crcôte de Phénicie, se montre à Sour avec une particulière clarté; je veux cc parler de ces rochers calcaires formant une sorte de table au niveau de la (1) E. Renan, Mission de Phénicie, p. 572. et mer. Et ce qui prouve que c’est là le résultat d’une action séculaire de la cerner opérant la section de la roche à la base de son émergence, c’est que ccces arasements ne suivent pas les couches géologiques du rocher quand ce ces couches ne sont pas horizontales. Sous la vague, le calcaire se conserve à ccl’abri du contact de l’air; au contact de l’air et de l’eau à la fois, il se délite, cc De là ces dentelures, ces godets et ces trous comme ceux d’une éponge dont cries rochers, au niveau de la mer, sont pleins le long de la côte de Syrie, cc Quand le flot a achevé de couper la hase du rocher, la partie déplantée cc reste sur la table au niveau de la mer. Au bout de siècles, elle disparaît ccpar suite de la même action. i> L’analogie est complète entre les plateaux de Sour et ceux de la rade d’Alex¬ andrie. Nous ajouterons que, non seulement le calcaire d’Alexandrie se con¬ serve sous l’eau, mais encore il durcit. Grâce à cette propriété, tous les tra¬ vaux maritimes peuvent être exécutés avec les matériaux de mauvaise qualité que fournit la région et présenter un caractère durable. Le plan de ces tables d’érosion est situé au niveau des basses marées moyennes; c’est au-dessus de ce niveau que la mer exerce depuis des siècles son action constante de décapage par suite du mouvement alternatif des marées. Ce nivellement des surfaces rocheuses s’explique parfaitement pour le visiteur qui parcourt cette région en canot pendant les basses mers exceptionnelles des équinoxes lorsque la mer est complètement calme; alors les plateaux érosés émergent de 10 à i 5 cen¬ timètres et découvrent la parfaite horizontalité de leurs surfaces. 11 faut obser¬ ver qu’à cette époque l’action de la mer est nulle, car elle ne se tient à ce bas niveau, en dehors des influences astronomiques, que par suite des vents du sud qui l’éloignent de la côte; à la marée montante, elle reprend son tra¬ vail lent et continu de décapage des obstacles qui lui sont offerts. L’oscillation entre les hautes et basses mers moyennes est de o m. 20 cent.; c'est sur cette hauteur que l’action séculaire de la mer se fait sentir. Tous les rochers qu’elle atteint sont minés à leur pied, leur section se réduit de jour en jour et ils tombent sur le plateau déjà nivelé; les tempêtes emportent ensuite les frag¬ ments peu considérables, tandis que les blocs de plusieurs mètres cubes gisent à leur emplacement primitif. ccOn sent, ajoute Renan, combien ce phénomène des arasements parle con- cctre l’hypothèse d’un abaissement du sol. En effet, si le sol s’était abaissé, on IWH—ht. igBmwîtiai — 64 — reverrait en certains endroits de ces tables déprimées au-dessous de la mer «ou ayant perdu leur horizontalité, ce qui n’est pas.» Celte remarque s’ap¬ plique également bien à une élévation du niveau de la mer; or, les sondages très nombreux que nous avons exécutés tant aux abords de Pharos que dans le port d’Alexandrie ne nous ont pas conduit à reconnaître l’existence d’une corniche d’érosion située au-dessous des basses mers. Le terrain submergé suit partout sa pente naturelle sans qu’on y rencontre de plateaux érosés à une époque antérieure par le mouvement des marées. En certains points du littoral où le calcaire affleure, cette corniche existe au niveau des basses mers comme pour les îlots au large; on l’observe facilement au port de Mon- tazah en particulier. Les constructeurs antiques ont établi leurs édifices sur ces plates-formes déjà nivelées par la mer au début des temps historiques. Aujourd’hui nous retrou¬ vons, à la même altitude, les implantations très nettement dessinées de ces édifices. Le rocher a été creusé parfois jusqu’à la cote des basses mers excep¬ tionnelles et conserve, suivant des alignements parfaitement rectilignes, l’em¬ placement des fondations qu’il a reçues. Nos observations, limitées à la rade d’Alexandrie, semblent bien conformes à l’opinion de MM. Suess et Cayeux (P, qui ont traité, avec la haute autorité qui leur appartient, la question des déplacements de la mer à l’époque historique et ont conclu que «le niveau de la Méditerranée n’a point varié depuis l’antiquité n. Les recherches de Saint-Genis sur l’ancienne Alexandrie avaient conduit cet ingénieur à remarquer, par une observation faite sur l’élévation des aqueducs, que la variation du niveau de la mer avait dû être de peu d’importance «Tous ces canaux ont bien leur pente dirigée vers la mer et plusieurs par- «lent de puits circulaires. Lorsque la mer est calme, les canaux de cette «partie de la côte sont à son niveau, circonstance remarquable et bien con- « traire au sentiment de quelques personnes qui ont imaginé que le niveau (1) Suess , La face de la terre, trad. E. de Margerie, vol. II, p. 733 et suiv.; Cayeux, Fixité du niveau de la Méditerranée à l’époque historique (Annales de Géographie, t. XVI, 1907); Cayeux, La Revue scientifique, 9 mai 1914. m Saint-Genis, Mission d’Egypte, vol. V, p. 293 et 294. — 65 — ffde la mer s’était élevé depuis 2000 ans, car si la destination de ces aque- cr ducs était de servir d’égouts, il est certain qu’on a dû les établir de manière crque, dans les temps les plus calmes, ils puissent être lavés par la mer.ii Nous croyons donc, en résumé, que l’on ne peut attribuer à la transgres¬ sion de la mer aucune part dans les modifications du rivage aux abords de la rade d’Alexandrie, mais que la submersion des ouvrages maritimes anti¬ ques que nous y avons retrouvés est due tout entière à l’affaissement et au glissement des dépôts nilotiques et littoraux sur le substratum solide dans les conditions que nous venons d’étudier. Reconstitution du littoral antique. — 66 — CHAPITRE Y. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES. Les recherches que nous avons exécutées et dont nous venons d’exposer les résultats nous ont conduits à établir, dans ses lignes principales, la topographie du Grand Port occidental de l’île de Pharos. Incomplètes en ce qui concerne la partie orientale de la presqu’île actuelle, nos investigations nous ont permis de reconnaître néanmoins que la haie d’Anfouchy ne comportait pas d’ou¬ vrages maritimes importants et que la région orientale, c’est-à-dire celle de Kaid Bey, intéresse directement le grand Port des Ptolémées dont elle proté¬ geait l’entrée. Les ouvrages situés dans cette dernière zone paraissent contem¬ porains des successeurs d’Alexandre. D’autre part, nous croyons avoir déterminé les causes de la submersion des ouvrages antiques et fourni des preuves suffisantes tant de l’affaissement du sol qui les portait que de la fixité du niveau de la Méditerranée pendant la période historique. 11 serait nécessaire, pour compléter cette étude, de recon¬ stituer le littoral antique et enfin de rechercher la date de construction des ouvrages dont nous indiquons la situation et le tracé. Nous n’essaierons pas de dresser un plan figurant cette reconstitution du littoral. Malgré le soin apporté dans nos recherches, cette reconstitution laisse encore une part à l’hypothèse et ne pourrait être considérée comme défini¬ tive cru’autant qu’elle s’appuierait sur des documents historiques. Or, ces der¬ niers sont à peu près nuis; nous nous bornerons donc à quelques indications d’ordre général basées sur le plan que nous avons relevé, sur des considéra¬ tions techniques fournies par les ouvrages maritimes, sur l’examen des lignes isobathes et des courbes de niveau représentant l’assise calcaire. Au début des temps historiques, la presqu’île qui s’étend aujourd’hui de Ras-el-Tin à Kaid Bey était constituée par trois massifs absolument séparés : i° Pharos, à l’ouest : c’était de beaucoup le plus important; 2° au centre, le rocher sur lequel a été édifié le Fort Adda; 3 ° enfin, à l’Est, le roc de Kaid 67 Bey sur lequel s’éleva le Grand Phare d’Alexandrie et qui ne fut relié au Fort Adda que dans les temps modernes. La courbe des forages à 6 mètres de profondeur tracée sur le plan (voir p. 55, fig. 12), détermine assez exactement, vers le sud, le site primitif de l’île de Pharos. On voit que la courbe 20 mètres est voisine de la précédente, ce qui indique que le talus de l’assise calcaire présente une pente très raide favorable au glissement des terrains d’apport, et il semble bien que la courbe (6,00) soit la limite extrême qu’on puisse assigner à l’assise calcaire capable de supporter, sans un glissement immédiat, les apports nilotiques et litto¬ raux. Le terrain calcaire émergeait vers la partie ouest, à l’endroit où s’élève le phare moderne. C’est le point culminant de Pile qui s’étendait en pente douce vers la plage d’Anfouchy. On peut, par la pensée, suppléer à l’absence des forages du côté du large et tracer cette courbe avec une approximation sudisante pour obtenir, vers le nord, une figuration très approchée de l’assise calcaire, c’est-à-dire du soubas¬ sement de l’île. D’ailleurs, les sondages de profondeur d’eau sont en corréla¬ tion avec le voisinage de cette courbe. Les travaux que nous avons relevés au nord et à l’ouest limitaient l’île ainsi que le port établi dans la dépression nord-ouest; le quai de débarquement, construit à l’entrée de ce port, venait vraisemblablement s’enraciner sur la rive méridionale de l’île qui s’étendait jusqu’aux abords de la courbe 3 mètres (voir le plan n° ô), c’est-à-dire à une distance variant de 3 oo à âoo mètres au sud du rivage actuel. La plus grande largeur du nord au sud mesurait donc à peu près 1000 mètres. Dans le sens de sa longueur, l’île de Pharos se développait depuis les rochers situés à l’ouest de Ras-el-Tin jusqu’à la baie d’Anfouchy, sur une lon¬ gueur d’environ 2,200 mètres. Vers l’Est, un cordon littoral sablonneux, pro¬ longeant les pentes calcaires, s’allongeait vers le sud du Fort Adda et se con¬ fondait presque avec le niveau même de la baie d’Anfouchy. 11 laissait passage aux vents du nord-ouest et permettait aux vagues de se répandre dans l’espace qui devint plus tard le Port des Ptolémées. Aussi comprend-on que le pre¬ mier soin d’Alexandre le Grand fut de construire ITIeptastade, afin de défen¬ dre contre les tempêtes le port qu’il projetait. L’île de Pharos, ainsi que l’ont supçonné plusieurs auteurs, notamment Saint-Genis, occupait donc dans l’antiquité une superficie plus considérable J ' 1 9 * eÊàx&m ..-.- gmnmnilw — 68 que dans les temps modernes. Peut-on dire à quelle époque eut lieu l’affais¬ sement qui réduisit sa surface, à quelle époque disparut le Port Antique, et peut-on, dans l’état actuel de nos connaissances, déterminer la date de cons¬ truction de ce port? Exposé sommaire des connaissances historiques. La solution de ces questions rentre entièrement dans le domaine de l’his¬ toire et de l’archéologie. Or ces deux sciences ne nous fournissent jusqu’à présent aucun éclaircissement, ni aucun indice capable d’orienter les recher¬ ches à ce sujet. Les auteurs qui se sont occupés de l’histoire d’Alexandrie ont toujours déclaré que sa topographie était incomplète ou inconnue h). Strabon, à qui l’on se réfère toujours lorsqu’on veut étudier la topographie antique d’Alexandrie, ne parle même pas du Port de Pbaros, ni d’aucune construction de l’île. Il cite brièvement, sans le décrire, le Port d’Eunostos qui et forme proprement l’entrée du port u P) et que, jusqu’à présent, on a identifié avec le port ouest actuel. Nous avons, d’ailleurs, essayé d’adapter au texte de Strabon la nouvelle topographie que nous avons relevée. La concor¬ dance paraît impossible, puisque Strabon appuie contre l’Heptastade le port d’Eunostos et le Kibotos. Pbaros elle-même tient une place très effacée dans le texte de Strabon ; la description qu’il en fait est concise et semble démontrer qu’il n’existait aucun établissement important à l’ouest de l’IIeptastade. Le pseudo-Callisthène et Jules César ne nous apportent aucun renseigne¬ ment qui puisse nous éclairer sur les ruines que nous avons découvertes. Seul Hirtius-PansaP) fait une allusion brève au Port des Pbarites, mais il écrit après la guerre de César, c’est-à-dire au moment où la puissance d’Alex¬ andrie et 1 importance du grand Port des Ptolémées commencent déjà à dé¬ cliner. Depuis longtemps Pbaros n’est plus qu’un faubourg, le plus éloigné, de 1 opulente Cité; c est dans le Port Est, aux Navalie et aux Aposlases pro¬ tégés par l’FIeptastade, que se fait tout le trafic maritime d’Alexandrie, et le <’> Napoléon I" dit, à propos des guerres de Jutes César : «-Ainsi, tout bien considéré, il n’y a, redans toute la guerre d’Alexandrie, rien de merveilleux. Tous les plans que les commentateurs rrout dressés pour l’expliquer sont faux.» (Précis des guerres de Jules César, par Napoléon, Paris, 18 36 .) Voir aussi Boucmî -Leclercq, Histoire des Lagides, vol. II. (2) Strabon, Saint-Genis (se reporter aux annexes). (3) Voir Saixt-Genis, op. cil., art. 23 et 3 o de l’appendice. TT, “ ' - . ' — - ~ indi’ 1 stri lesi iisiil léià ■fà '■si % port des Pharites n’est qu’un port de pêcheurs dont nous avons signalé l’exis¬ tence près du littoral actuel. Nous avons noté ses chétives constructions, ses accostages minuscules établis sous la protection des ruines du grand brise- lames déjà disparu (voir p. 33 ). Quinte-Gurcet 1 ) nous apprend qu’à son retour du temple d’Ammon Alex¬ andre s’arrêta dans l’ile de Pharos où il avait projeté de fonder sa capitale, mais il la trouva trop petite et il décida de répéter à Alexandrie ce qu’il venait de faire à Tyr, c’est-à-dire de réunir, au moyen d’une digue, Pile à la côte pour obtenir un port bien abrité. Ce texte, comme les précédents, ignore les établissements maritimes de Pharos, mais il nous permet de suppo¬ ser avec toute vraisemblance qu’Alexandre projetait la création d’une ville, parce que ses marins l’avaient renseigné sur les facilités nautiques de Pharos; des relations maritimes existaient depuis bien longtemps entre l’Égypte et la Grèce (2) . Alexandre vit-il là le port dont parle Homère; le jugea-t-il insuffisant pour ses projets grandioses, ou trouva-t-il les ouvrages maritimes déjà submergés et inutilisables, ou bien encore fit-il exécuter les travaux que nous avons retrouvés et les abandonna-t-on lorsque le grand port des Pto¬ lémées fut créé? A ces diverses questions, l’histoire, jusqu’à présent, n’apporte aucune ré¬ ponse. Nous avons signalé très brièvement les divers textes pour en montrer l’insuffisance, mais nous ne nous attarderons pas sur ce terrain dont l’explo¬ ration ne peut être entreprise que par les historiens et les archéologues, et nous nous bornerons à soumettre quelques considérations techniques avec l’espoir qu’elles faciliteront les recherches ultérieures. (l) Qdinte-Curce, livre 4 , traduction Pessonnaux, p. 83 : crLorsqu’à son retour d’Ammon, Alex¬ andre passa devant le sol Maréolide, situé non loin de file de Pharos, l’aspect du lieu lui inspira «d'abord la pensée de fonder une ville nouvelle dans Plie même. Ayant ensuite reconnu que celte rr île ne pouvait fournir un grand emplacement, il adopta l’endroit où est maintenant Alexandrie, rr ainsi nommée de son fondateur.» (î) Max Collignon, Manvel d’archéologie grecque : «Ces Pélasges, sans doute proches parents des ^Hellènes, apparaissent dans l’histoire bien avant eux. Les monuments égyptiens de la 18" dy¬ nastie en font déjà mention, et sous les règnes de Séti I" et de Ramsès II (îg' dynastie), ils reprennent part aux expéditions que les Khétas de Syrie et les Libyens d’Afrique dirigent contre l’Égypte.» Matériaux, Exploitation des carrières. Mode d’exécution des travaux. ÜÜÜËÉ MHM - -70 — Les matériaux mis en œuvre sont des calcaires tendres provenant du Mex et de Dékhela. L’existence de carrières exploitées dans l’antiquité est connue; on le constate encore aujourd’hui, et ces carrières sont figurées sur la carte de la Mission d’Egypte. Leur front d’exploitation était orienté vers le lac Ma- réotis, c’est-à-dire sur la face abrupte des collines calcaires dont le versant opposé s’étend en pente très douce vers le littoral de la mer. Ces carrières, dont la longueur atteint plusieurs kilomètres, devaient fournir des matériaux à toute la région du Mariout et du littoral alexandrin, et il n’est peut-être pas inutile de rappeler que les constructeurs modernes du Canal de Suez ont du venir jusqu’au Mex pour trouver les matériaux nécessaires à la construction de Port-Saïd W. Dans l’antiquité, les pierres provenant du Mex et de Dékhela étaient directement embarquées sur le bord du lac Maréotis où des quais ont été retrouvés, pour être dirigées vers Marea, Taposiris, etc.; les pierres desti¬ nées à Alexandrie, à Pharos et Aboukir étaient embarquées au petit port de Dékbela aujourd’hui submergé^. Le transport de la carrière au port se fai¬ sait par une route établie dans une dépression qui existe entre deux collines et aboutit à ce port. Les matériaux provenant de ces carrières sont tendres; leur assemblage est grossier et il ne faut pas chercher dans la mise en œuvre des caractéristiques spéciales à la façon de construire de tel ou tel peuple. C’est la nature seule des matériaux qui permet d’adopter un mode d’exécution et il paraît évident, sans y insister davantage, que la technique employée pour les granits de la Haute-Egypte ou les marbres de la Grèce ne convenait point aux calcaires tendres peu consistants du littoral égyptien. Les constructeurs antiques du port de Pharos ont constitué des massifs de petits enrochements qu’ils ont défendus, du côté du large, par des enrochements de gros échantillon et ils les ont recouverts avec des pierres plates aussi grandes que la carrière pouvait les fournir, afin d’obtenir un dallage présentant de grandes surfaces unies. (1) Voir Linant de Belleeonds, Mémoire sur les principaux travaux d’utilité publique exécutes en Egypte (Arthus Bertrand, éditeur, Paris, 1873-1873). (5) Voir Malaval , Un ancien port à Dékhela , dans le Bulletin de la Société archéologique d’Alex¬ andrie, 1909. — 71 — Tous les ouvrages maritimes sont constitués par des matériaux posés sans liant hydraulique; on n’y retrouve ni pouzzolane, ni les briques plates dim¬ portation romaine qu’on rencontre aux abords du Grand Port des Ptolemees, soit à Chatby, soit au Camp de César. Les ouvrages comportant du béton sont situés sur le littoral; ils ont été superposés à des ouvrages plus anciens dont il ne restait plus que les fondations (voir p. 3 i), et il semble résulter de cette constatation que les gros ouvrages maritimes ont été exécutés anté¬ rieurement à la conquête romaine. Il paraît nécessaire d’appeler l’attention sur les vestiges qu’on peut recueil- Vestiges antiques, lir dans l’ancien port de Pharos. Nous avons déjà signalé (p. 28) la pré¬ sence de briques et de tuiles modernes; il nous faut ajouter que nous avons aperçu soit près d’Abou-Bakar, soit dans le Port de Commerce, des amphores gréco-romaines. 11 serait assez facile de les retrouver et de les repêcher si des fouilles étaient entreprises, mais ces objets ne peuvent fournir aucun indice sur la date de construction du port; ils ont été jetés ou perdus par des ba¬ teaux qui fréquentaient ce port ou qui même se sont échoués sur les ruines des ouvrages maritimes. S’il existe des vestiges d objets plus anciens, ils se trouvent au-dessous de ces derniers. Aujourd’hui, les bateliers venant d’Aboukir ou de Rosette évitent ces obs¬ tacles, comme les évitaient les marins de César, et c’est sans doute ce qui explique les difficultés que rencontra le capitaine Rhodien Euphanor pour pénétrer dans le port d’Eunostos et attaquer Alexandrie du côté de 1 Hepta- stade, suivant l’ordre qui lui fut donné par J. César (1) . L’examen du plan général des travaux du port de Pharos nous permet aussi de présenter, avec une assez grande certitude, quelques considérations sur son établissement. Il est tout d’abord intéressant de remarquer que la surface d’eau entourée par les ouvrages maritimes était supérieure à celle de l’ile de Pharos. Ce port ne fut donc pas créé exclusivement pour les besoins de Prie; il aurait été hors de proportion avec son trafic et les habitants de 1 île n auraient pas But du Port déterminé par l’étude de son plan. (1) Boucihs-Leclercq , Histoire des Lagides, vol. II. f — 72 — Nécessité de la possession des carrières. Rapprochement avec les ouvrages pharaoniques. réuni ie nombre d’ouvriers nécessaires pour le construire. A notre avis, le petit port abrité que nous avons appelé Port de Commerce suffisait très lar¬ gement aux besoins de la colonie insulaire de Pharos. Or, 4 oo galères ou trirèmes de 3 o mètres de longueur pouvaient s’abriter dans le grand Port de Pharos et une pareille flotte répondait aux besoins d’un Etat. L’orientation de son entrée implique la nécessité, par l’occupant, de n’avoir rien à craindre des invasions des populations littorales. Les relations étaient, au contraire, très faciles et sûres entre l’ile de Pharos et la côte; la flotte pou¬ vait circuler en tout temps, en dedans de la ligne des écueils, et c’est bien contre l’ennemi venant du large que ce port était construit. Par sa présence, il défendait non pas seulement l’île de Pharos, mais tout le littoral. Sa construction exigea l’exploitation des carrières du Mex et de Dékbela situées sur la terre ferme, et ces carrières sont les seules qui existaient entre la Syrie et la Libye. Leur exploitation a nécessité la présence d’un personnel considérable. La construction du port a exigé l’emploi de plusieurs milliers d’hommes, d’un gros matériel flottant et ce sont seuls les maîtres du pays qui ont pu en fournir les moyens. Ce port dépasse de beaucoup comme dimensions celles des ports grecs de l’antiquité, et la colossale conception de brise-lames rectilignes de plus de 2 kilomètres de longueur impose à l’esprit un rapprochement obligé avec les majestueux alignements rectilignes de Thèbes et de Karnak. Le plan en est également grandiose et simple; il donne nettement l’impression cl’une puis¬ sance ordonnée et réfléchie bâtissant, pour une durée infinie, des ouvrages capables de résister au choc des éléments. La masse des matériaux mis en œuvre est colossale, comme dans tous les édifices pharaoniques, et leur mise en place a présenté des difficultés plus considérables que l’entassement des pierres employées à la construction des grandes Pyramides; il a, tout d’abord, fallu préparer une route spéciale allant des carrières de Dékhela au port d’embarquement, créer ce port et inventer de toutes pièces un matériel de levage et de transport capable d’enlever des blocs naturels dont le poids atteint souvent et dépasse parfois 6 tonnes. Les exemples d’assemblage que nous avons donnés plus haut montrent avec — 73 — quelles précautions et avec quel soin toutes ces pierres ont été appareillées. Or, la mer est rarement calme dans la rade d’Alexandrie et les instruments de levage utilisés pour la mise en place des pierres font preuve de qualités de précision et de puissance que notre outillage moderne n’a point dépassées. Vers quel but considérable ont tendu ces efforts gigantesques? L’histoire nous rapporte W que le grand Ramsès dut repousser une atta¬ que des peuples de 1 Ouest et qu’il le fit avec l’énergie qui lui appartenait. Il est très plausible d’admettre que celui qu’on appela le Roi-Maçon voulut terminer sa conquête et protéger sa défense par la construction d’un port gigantesque qui lui permettrait de surveiller tout le littoral de son empire et de repousser les attaques venant de la mer. La réalisation de ce projet n’était qu’un jeu pour le puissant souverain; ses prisonniers de guerre lui fournirent aisément les nombreux ouvriers que ses ingénieurs employaient à l’exploitation des carrières et à l’arrimage des blocs constituant les brise- lames et les quais du grand Port de Pharos. Quel fut le destin de ce port dont ne parle aucun historien? L’état de con¬ servation des restes submergés semble indiquer qu’il disparut par suite d’un affaissement brusque. Dans les parties que la mer n’a pu atteindre par son action directe, les quais ont conservé leur dallage supérieur et leur section normale; les fractures du brise-lames sont nettes et la cause d’affaissement du terrain est prouvée jusqu’à l’évidence, ainsi que nous l’avons exposé, par la disposition des tronçons de l’ouvrage. Un léger mouvement sismique a pu déterminer ce glissement, mais celui-ci a pu aussi se produire spontanément, à un moment donné, sans cause apparente, par la simple compression des ter¬ rains d apports dans les conditions que nous avons déterminées au cours de celte étude. La submersion paraît avoir été déjà complète lorsque Strabon visita Alex¬ andrie, puisque ce géographe si précis ne dit pas un mot des établissements maritimes de Pharos; peut-être oublia-t-il de signaler l’existence du port dis¬ paru, car, ainsi qu’il le dit lui-même, «la magnificence des choses nouvelles fait négliger les anciennes». (1) G. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l'Orient. 10 Affaissement lirusque des ouvrages. — 74 — Les marins grecs ont connu le port de Pharos dès leurs premières incur¬ sions sur la côte d’Égypte. C’est très certainement sur leurs indications qu Alexandre le Grand vint visiter Pharos; ils avaient du lui vanter la sûreté du mouillage, la facilité de l’accès. Le port était-il déjà submergé et propo¬ sèrent-ils au conquérant de relever, sur leurs ruines, les ouvrages abîmés? Alexandre jugea l’ile trop peu importante pour ses vastes projets; il créa Alexandrie afin d’y établir la capitale du monde antique et 1 de de Pharos ne fut, sons le règne des Ptolémées, qu’un quartier misérable et délaissé de l’opulente Cité. Les marins fabuleux de 1 Odyssée ont pourtant fréquenté le port de Pha¬ ros; peut-être était-il délaissé déjà, mais ils en ont admiré l’excellence. Au retour de leur voyage, ils ont célébré ses mérites, et c’est d’après leurs récits que le vieil Homère cbanta l’île dans laquelle «se trouve un port commode tf d’où les matelots remettent à la mer leurs vaisseaux égaux. v. Nous arrêterons là l’exposé de ces diverses considérations et nous laisserons aux historiens le soin de préciser les diverses étapes de la création, du développement et de la disparition des ports antiques de Pharos. G. JoNDET. ANNEXES. ANNEXE I. Extrait du mémoire de Saint-Geuis, Ingénieur en Chef des Ponts et Chaussées (Description de l’Égypte, vol. V, cliap. 26). L’ile de Pharos, qui ferme, du côté du nord-ouest, la vaste enceinte du port vieux, offre une grande quantité de ruines. On y retrouve surtout des vestiges d’anciennes citernes taillées dans le roc et enduites d un ciment qui s’est bien conservé. Ces citernes sont particulièrement remarquables dans la face abrupte du rocher, sur le bord de la mer, en avant de la cote, en dehors et en dedans du port vieux; elles se reconnaissent facilement parmi beaucoup d’autres ruines qui régnent le long de la partie occidentale de ce port. Il y en a encore dans les deux écueils situés au delà du cap des Figuiers, et la plupart sont encore revêtues, dans l’intérieur, d’une couche de ciment. Ces citernes pouvaient aussi bien être alimentées par des canaux tirés du Nil, comme on le verra, que par l’eau des pluies, toujours rares a Alexandrie, quoiqu elles le soient moins là que dans l’Egypte supérieure. On trouve encore, dans la partie occidentale de Pile, des restes des cata¬ combes taillées dans le roc; on a levé le plan de quelques-unes. La mer couvre maintenant, dans tout le pourtour de Pile, des restes de maçonnerie; ce qui prouve que son territoire était autrefois habité et rempli d’établissements importants. Au reste, peu importe la précision plus ou moins parfaite du poète, pourvu qu’il en résulte que Pile du Phare a peu changé par rapport au sol environ¬ nant Alexandrie, et cette vérité importante, quelle était avant les temps his¬ toriques beaucoup plus éloignée qu’elle ne lest aujourdhui du Delta ou de l’Égypte proprement dite, pourvu encore quelle confirme cette ingénieuse explication de la formation et des progrès de ce Delta, connue du Père de l’histoire, et qu’il a si bien rendue par cette belle expression ttl’Egypte est un présent du Nil». — 76 — Ménélas ajoute : crL’ile a un bon port dans lequel je fus retenue. Voilà donc le premier et le plus ancien renseignement que nous trouvons sur l’état où était la contrée d’Alexandrie et de Pharos, bien avant la fondation de la Ville. 11 est évident que ce port n’était que l’abri formé au nord-ouest par l’ile même, qui faisait, comme nous le verrons, un crochet vers le fort turc qui se trouve aujourd’hui sur ce bord du port vieux. 11 est évident que ce port particulier ne peut être celui des Pbarites, port dont nous parlerons plus bas, puisque Ménélas en vante la bonté; or, l’anse des Pirates du Phare était assez dange¬ reuse. De plus, Homère parle d’une époque où les deux grands ports n’étaient point encore séparés; et certainement on ne regardait alors comme le vérita¬ ble havre de ces parages que la côte méridionale de l’ile. Quinte-Curce dit même (tant la forme et la situation de Pile étaient avan¬ tageuses) qu’Alexandre, à son retour du temple de Jupiter Ammon, ayant examiné la position des lieux entre la mer et le lac Maréotis, avait d’abord résolu de bâtir sa nouvelle ville dans Pile même du Phare, mais qu’ayant re¬ marqué que sa surface ne pouvait pas contenir un grand établissement, il choisit l’emplacement où se trouve maintenant Alexandrie. Il est présumable qu’au temps de Strabon le corps de Pile proprement dite se bornait à ce que nous avons indiqué dans Y Alexandria restituta. Son pro¬ longement par une suite de rochers qu’on voit en avant de l’anse sablonneuse actuelle, où fut le port des Pirates pbarites, et peut-être par la digue aujour¬ d’hui existante jusqu’au château moderne du phare, était vraisemblablement très étroit. Celte faible barrière a pu être en partie détruite par la mer, qui frappe là avec toute sa violence, et qui n’aura laissé subsister que la ligne de récifs qu’on voit aujourd’hui. Ces rochers, avec Pile elle-même et une partie des bancs des passes du port vieux, formaient l’ancien sol, dont la masse était encore plus imposante dans les temps antérieurs à Alexandre, et faisait qu’on pensait à y placer une ville. On peut comparer la forme ancienne de Pile avec celle de la presqu’île actuelle dans les trois planches que nous suivons continuellement 84,3 î et Ù2. Il faut bien que le prolongement naturel de cette lie vers la tour du phare ait existé, et que le prolongement artificièl qu’on voit aujourd’hui ait été un médiocre ouvrage dans l’antiquité (si, toutefois, il y en avait alors un de cette espèce) puisque les auteurs n’en parlent pas, ce qu’ils n’auraient pas manqué -■'■HS** . — — 77 — de faire si c’eût été une grande construction; puisque, d’un autre côté, l’on sait que la tour antique du phare était sur un rocher île et que tous les auteurs indiquent que le môle de l’Heptastadium, que nous verrons bientôt, aboutis¬ sait du continent au corps de la grande île Pharos proprement dite. .Lîle tout entière n’est qu’un rocher calcaire arénacé, très décom- posable par l’air et par l’eau, comme l’indiquent principalement le vaste plateau inférieur et les récifs qui l’entourent. Au nord et au sud, la partie supérieure de ses bords est escarpée généralement, et il est aisé d’y remarquer les effets des¬ tructifs, soit des pluies, soit de la mer, qui en sapent continuellement le pied. Cependant, celte corrosion s’étend à une moindre distance dans le port vieux, parce que cette partie de la presqu’île est à l’abri des vents régnants et des vagues du large. Là, le plateau supérieur est formé de tranches verticales ou à demi renversées, comme si cette position résultait d’un éboulement sembla¬ ble à celui de nos falaises en Normandie. Le sable qui provient de la destruc¬ tion de la côte extérieure est porté, par les vents d’ouest et de nord-ouest, vers 1 extrémité orientale de 1 de, derrière laquelle il forme un atterrissement dans la petite baie abritée par les récifs, au nord; et, au sud, dans le fond du port Eunoste. Cette corrosion est surtout remarquable à la pointe occidentale de 1 île, qui est coupee à pic et séparée d’un écueil à fleur d’eau qui en fai¬ sait autrefois partie. Enfin, les faibles marées de la Méditerranée doivent concourir encore à la destruction de la côte. Cette baie du nord, qui s’est d’abord agrandie par la rupture de la barre de récifs, puis approfondie par 1 action de la mer, et ensuite comblée au point ou nous la voyons, ne peut être que le petit port des pirates pliantes; du moins le récit que fait Hirlius d’une fausse attaque de César le prouve assez clairement. La mer a gagné de tous côtés sur l’île Pharos, excepté celui du Midi, vers le fort turc. Les restes de maçonnerie qu’elle couvre maintenant dans tout le pourtour de l’ile prouvent la destruction continuelle de la côte. On peut parcourir dans toute son étendue 1 écueil à fleur d’eau qui borde, a vingt-cinq ou trente pas de distance, le contour du cap des Figuiers. Cet écueil est élevé de quelques pieds au-dessus de l’eau. C’est un rocher de grès calcaire, précisément de la même nature que ceux qui forment le noyau de 1 île : sa partie la plus tendre ayant été réduite en sable par l’action des eaux, I "II— ■ «TIUrtiwniÉrtni n é f f i fl f~ n nn in i - - g — 78 — il ne reste que le squelette, en quelque sorte, de la portion de Me qui s’a¬ vançait jusque-là, et peut-être encore plus loin. La preuve que ce banc servait autrefois de base à une partie de Me, sur laquelle il existait même des habi¬ tations, se tire aisément des restes de citernes taillées dans le roc, que Ion y trouve encore revêtues de leur enduit. Nous avons vu qu’il y avait aussi de ces citernes sur le côté occidental de 1 lie. On voit aussi, dans la petite anse sablonneuse des pirates pharites, beau¬ coup de végétaux marins desséchés, et qui marquent par un gros bourrelet la laisse de la mer; ce qui prouve encore que les courants et les vents régnants qui longent cette côte à peu près de 1 ouest à lest, et meme les vagues qui usent les récifs placés en avant, parce qu’ils leur présentent de la résistance, tendent sans cesse à combler dans cette partie les enfoncements de la côte. Cette tendance concourra à nous expliquer comment ce dernier espace reculé, entre le prolongement de Me et le sol de la ville antique, s’est facilement rempli. On a pu même y établir un grand cimetière turc et beaucoup de maisons. Tout le sol de Me, son extrémité rocailleuse et aujourd’hui couverte de décombres, et celle qui se lie à la Ville moderne, ont donc toujours formé une plage basse, blanchâtre, couverte d’une petite quantité de sable très peu fertile, mais rendu productif à force d art par les anciens Alexandiins. .C’est immédiatement sous cette couche meuble que se trouve la roche tendre, calcaire et semblable à celle de la côte.• ïjes anciens, dont les machines portaient bien moins loin que notre artillerie, préféraient la clôture étroite du port neuf, et nous verrons aussi que c’était là leur port principal. «miHi -^— --- --i—■- .i . m n.i . i .i - 1 I^XLUIMJILUJ-^^ — 79 — ANNEXE II. Extrait du mémoire de Mahmoud Bey sur l’antique Alexandrie. ÎLE DE PHAROS. L’île de Pharos, réunie maintenant à la ville moderne, était autrefois com¬ plètement isolée du sol continental et de l’emplacement de l’antique Alexan¬ drie. Sa longueur, parallèlement à la côte à partir du port de l’est jusqu’à son extrémité du côté de l’ouest où l’on a érigé le phare moderne construit sous Mohamed-Aly par notre compatriote l’habile ingénieur Mazhar pacha, est de 2,6oo mètres environ; la largeur moyenne en est de Aoo à 5 oo mètres. Vers l’extrémité de File, du côté de l’est, se trouve un rocher de 23 o sur 200 mètres d’étendue, et sur lequel était construit l’ancien phare d’Alexan¬ drie; la distance du milieu de ce rocher au phare moderne est de 3 ,o 6 o mè¬ tres. Ce rocher était entouré d’eau de tous côtés, comme le dit Strahon; mais la chaussée qui le joint au sol maintenant doit avoir une origine assez an¬ cienne. Enfin le petit îlot qu’on voit actuellement vers le nord et qui porte le nom d’Adah paraît n’avoir été anciennement qu’une simple anse de l’île. Le sol de File de Pharos a la forme d’une jambe : trois collines hautes de dix à onze mètres en forment le talon, le mollet et le genou, lesquels tombent aux environs du saint mawazini, de l’école militaire et de Ras-el-Tin. Les bas-fonds et les rochers que l’on voit sur le prolongement de File de Pharos, entre le rocher de l’ancien phare et le cap Lochias, d’un côté, et entre l’extrémité ouest et le cap Chersonesus ou le Marabout (Ajami), de l’autre, indiquent que cette île n’était qu’une partie détachée du sol conti¬ nental, dans le temps immémorial. Car, Homère en a parlé, dans son Odys¬ sée, plus de mille ans avant Jésus-Christ, lorsqu’il vantait l’excellence de son port et dit : «Là (B se trouve un port sûr, et d’où chaque navire s’élance en pleine mer, W Odyssée, livre IV, cité par Slrabon, traduction française, t. I, p. 8o. — 80 — «dès qu’il est muni d’eau .y La distance d’une journée de navigationP) qu’Ho- mère met entre l’Egyptus ou le Nil et l’île de Pharos ne me paraît pas exa¬ gérée, car la distance de l’embouchure de la branche canopique du Nil à 1 entrée du vieux port, du côté de Chersonesus est d’une quarantaine de kilomètres environ, et c’est la navigation de plus d’une demi-journée. TOUR DU PHARE. Jusqu’à présent nous avons considéré l’emplacement de l’ancien phare comme certain dans Bourg-el-Zefer à la place du fort Kaid Bey situé à l’extré¬ mité nord-est de l’ile Pharos. En effet, les témoignages de Strabon et de Jules César ne laissent à ce sujet aucune incertitude. 1 ° Strabon nous dit : « Cette meme extrémité (orientale) de l’îleest formée par un rocher en¬ touré d’eau de toutes parts, surmonté d’une tour à plusieurs étages, admi¬ re rablement construite en marbre blanc, qui porte le même nom que l’île. «Elle fut élevée par Sostrate de Cnide, favori des rois, pour le salut des «navigateurs comme le porte l’inscription. En effet, sur un rivage qui, de «chaque côté (d’Alexandrie), est bas, dénué de ports, garni d’écueils et de «bas-fonds, il était nécessaire de placer un signal élevé et très remarquable, «afin que les navigateurs, arrivant de la haute mer, ne pussent manquer «l’entrée du port .n Strahon continue : «La bouche occidentale n’est pas non plus d’un abord facile; elle n’exige «cependant pas autant de précaution. Elle donne entrée à un autre port qui «porte le nom d Eunoste en dedans duquel est un port creusé de main d’hom- «me et fermé; celui dont l’ouverture est marquée par la tour du Phare est «le grand port; les deux autres lui sont contigus à leur extrémité, et n’en «sont séparés que par la chaussée appelée Heptastade .n L’on voit par ce passage de Strabon que l’emplacement du Phare est (1) Voir la note de Gosselin sur Strabon, t. I, p. 6i. (î) Strabon, traduction de Letronne, t. V, p. 329 et suiv. nettement déterminé sur le rocher du fort Kaid Bey, à l’extrémité nord-est de l’ile Pharos. 2 ° Nous lisons dans les Commentaires de Jules César : et L’entrée du portai «est si étroite qu’un vaisseau n’y peut aborder malgré ceux qui sont maîtres «du Phare. César, qui craignait que l’ennemi ne s’en emparât, le prévint «pendant qu’il était occupé ailleurs, y débarqua ses troupes, s’en saisit et y «mit garnison. Par là, il fut en état de recevoir sûrement par mer des vivres «et des secours; aussi envoya-t-il dans toutes les contrées du voisinage pour «s’en procurer.n Ce passage ne peut avoir aucun sens compatible avec les lieux et la circonstance si César n’avait pas en vue l’entrée du port de l’est et si le Phare n’était pas situé à l’extrémité nord-est de l’île dans l’endroit déterminé par le passage de Strabon, au fort Kaid Bey : car, si le Phare eût été construit sur un rocher à l’extrémité ouest de Pile dans les environs du nouveau Phare, César n’aurait conçu aucune inquiétude, et il eût été impos¬ sible aux maîtres du Phare d’empêcher en aucune façon l’abordage des ba¬ teaux, parce que le port d’ouest a trois entrées dans un espace de plus de huit kilomètres de longueur et dont les deux principales se trouvent, l’une vers le milieu, et l’autre tout près du continent. 3 ° Un passage d’un écrivain arabe du iv c siècle de l’hégire, cité par Mak- rizi, nous apprend ce qui suit, sur ce sujet : «Entre le Phare et la ville d’Alexandrie, à présent, il y a un mille environ; «il est (le Phare) sur l’extrémité d’une langue de terre entourée d’eau des «deux côtés et construit sur la bouche du port d’Alexandrie; mais non pas le «vieux port où les bateaux n’abordent pas à cause de son éloignement des «habitations PI. n Ce passage, quoiqu’un peu obscur, nous confirme le témoignage de Strabon et de Jules César, que le Phare a été construit sur l’extrémité nord-est du port oriental connu sous le nom de port neuf. Pour les dimensions de 1 édifice, nous ne savons rien de positif; cependant, (,) Commentaires de César, Guerre civile, à la fin du livre III, nouvelle édition en 1806, revue et retouchée par du Wailly, t. II, p. 285. m Makrizi, édition de Boulaq, t. II, p. i 5 y. 111 II nr - - r fri in II >i mii iiinti. ■ wri ^ ,m un i-. — 82 — Makrizi nous cite un passage de Masoudi où il est dit, au sujet des dimensions du Phare : «La hauteur du Phare, actuellement, est à peu près de deux cent trente «coudées. Anciennement, elle était d’environ quatre cents coudées; le temps, «les tremblements de terre et les pluies l’ont détérioré;.sa construc- « tion a trois formes : il est carré jusqu’à un peu moins que la moitié et un peu «plus que le tiers; là, la construction est en pierre blanche; ce qui fait cent dix «coudées à peu près. Ensuite la figure en devient octogone et il est alors «construit de pierres et de plâtre dans l’étendue de soixante et quelques cou- «dées. Un balcon l’entoure pour pouvoir se promener autour. Enfin, la partie «supérieure en est ronde, n Makrizi continue : «Un écrivain dit l’avoir mesuré «et avoir trouvé deux cent trente-trois coudées (pour la hauteur du Phare); «il est de trois étages : le premier étage est un carré haut de cent vingt et «une coudées et demie; le second est octogone, de quatre-vingt-une et demie «(de haut); le troisième étage est rond; il a trente et une coudées et demie. «Ebn-Joubère cite, dans son mémoire de voyage, que le Phare d’Alexandrie «paraît à plus de soixante-dix milles; qu’il a mesuré lui-même un des quatre «côtés de l’édifice, en l’année B78 de l’hégire, et qu’il l’a trouvé de plus de « cinquante coudées, que la hauteur dépassait enfin cent cinquante brasses .n Flavius Josèphe dit à propos de la tour de Phazael à Jérusalem, dont la hauteur était de 90 coudées, et le côté du carre de la base, de do coudees, ce qui suit : «Sa formeW ressemblait à celle du Phare d’Alexandrie où un feu toujours «allumé sert de fanal aux mariniers pour les empêcher de donner à travers «les rochers qui pourraient leur faire faire naufrage; mais celle-ci était plus «spacieuse que l'autre .a 11 dit dans un autre endroit que «la clarté du feu «du Phare s’étend jusqu’à trois cents stades Wr>. Enfin le même écrivain cite dans le livre XVI, chapitre 9 des Antiquités judaïques, en parlant des tours faites à Jérusalem par llérode, que la tour de Phazael ne le cédait point à celle de Pharos. On voit par ces passages des témoins oculaires que la largeur de P) Guerres des Juifs avec les Romains, traduction française, édit, de i 858 , livre V, chap. 1 3 , p. 7 33. P> Op. cit., livre IV, chap. 37, p. 720. la tour du Phare devait avoir de ko à 5 o coudées; ou d’un plèthre et demi en mesures grecques. La hauteur, d’après l’estimation de Masoudi, de l’autre écrivain et de Flavius Josèphe, devait être de 100 à 120 mètres ou d’environ quatre plèthres, car les 3 oo stades à la distance desquelles l’on voyait le feu du phare, d’après Josèphe, pourraient avoir été pris en nombres ronds de centaines, et la véritable distance a pu être de deux à trois cents stades ou d’environ ko kilomètres : le calcul nous montre que la hauteur nécessaire à l’édifice pour être vu de la mer à cette distance doit être un peu plus de 110 mètres. La conséquence de ce témoignage se trouverait alors d’accord avec l’estimation des auteurs arabes que j’ai cités plus haut. J’ajoute que le feu du phare moderne se voit à 34 kilomètres dans la mer et que ce phare n’a qu’environ 65 mètres de hauteur au-dessus du niveau des eaux. mm — 84 — ANNEXE III. Extrait de La Cote alexandrine dans l'antiquité, par ie Docteur Botti, ancien Directeur du Musée Gréco-Romain. ÎLE DE PHAROS. L’auteur de l’ Odyssée, IV e rapsodie, mentionne File de Pharos dans un pas¬ sage qui est resté célèbre et qui a fourni matière à critiques. Il n’est pas pru¬ dent de s’engager sur ce terrain, attendu qu’il faut laisser une part à la poésie et que, avant tout, nous ignorons passablement la conformation de la côte du Delta à cette époque reculée. Le Mariout a-t-il jamais franchi la barrière que lui oppose cette bande de terre sur laquelle est bâtie Alexandrie? Cette bande de terre n’offrait-elle pas des passes favorables à la communication du Mariout avec la Méditerranée? Le Mesonpedion d’Alexandrie, dont le niveau sur les basses eaux n’arrive au¬ jourd’hui, quelque part, qu’à h mètres de hauteur, qui était une palus à 1 e- poque de César; qui était un jluvius lors de la fondation d’Alexandrie, puisqu’Alexandre n’a pas ordonné de bâtir à droite du Mesonpedion, n’est-il pas là pour nous enseigner le tracé d’une ancienne, très ancienne communi¬ cation du Nil avec la Méditerranée? La majoration de l’élévation qu’on observe actuellement dans le Mesonpedion est due à l’œuvre de l’homme. Rhacotis, elle aussi, avec ses cinq collines, semble avoir été anciennement une suite de cinq récifs autour desquels l’ensablement qui s’est produit a été le principe de cette plage sur laquelle Alexandre a bâti sa ville. C’était du terrain gagné sur la mer. C’est ainsi que les atterrissements qui, à la suite de l’abandon, se sont faits autour de 1 Heptastade ont permis aux Turcs d’y bâtir leur quartier; la violence des ondes a reflué sur d’autres points du double port en modifiant les courants. L existence dune bouche nilotique aboutissant anciennement au Phare ne me semble pas, en conséquence, être sans fondement de probabilité. Les ha¬ bitants des îles de la Méditerranée n’en devaient pas ignorer, parce que le double port de Pharos, en tout cas, était le meilleur de la côte égyptienne de la Méditerranée. Ce fait qu’elle n’existe plus ne suffit pas à établir qu’elle mugi — 85 — n’existait pas : celle de Canope n’existe pas non plus et l’on discute jusqu’à l’emplacement de l’ostium, dont personne n’oserait douter, parce qu’il y a des témoignages historiques de son existence, mais dont cependant personne n’ose fixer la date d’ensablement, parce que rien ne la décèle. Si nous étions bien fixés sur l’époque à laquelle nous devons faire remonter la formation des légendes sur les aventures de Ménélas en Égypte, nous pour¬ rions discuter les passages de l 'Odyssée sur des données plus mathématiques. Etant donnée, par exemple, une bouche du phare, nous sommes entraînés à arriérer au sud, et de beaucoup, le continent anciennement habité, parce que le Mariout n’en aurait été qu’un sinus paisible, mais profond, limité par des dunes l’enserrant à l’est et à l’ouest. L’itinéraire légendaire de Ménélas en se¬ rait grandement modifié. En tout cas, on voit par le Périple de l’Érythrée que les journées de navigation des marchands, à une époque très avancée, comp¬ taient chacune pour la longueur de 5 oo stades, soit 16 fois et demie la lon¬ gueur d’Alexandrie; mais cela après que les notions sur la navigation eurent progressé, après les découvertes des Carthaginois, de Hippalos et d’Eudoxe. Peut-on en dire de même pour ces barques plates qui, bien ou mal, tenaient la mer à l’époque à laquelle se rapporte le récit homérique? Dans la légende homérique il y a une déesse du lieu, la nymphe Idotée. C’est la charmante fille du roi de Pharos, de Protheus, le vieillard très rusé se couchant sur les algues du littoral avec ses phoques, à midi. Devons-nous entendre par ces phoques les requins qui s’approchent, de nos jours, de la plage de San Stefano et de Montazah? Ménélas fait des avances à la toute charmante Idotée, il en est agréé; la fille est prête à trahir son père pour le bonheur de l’amant étranger; les héros grecs ont eu toujours beau jeu avec les nymphes de la Méditerranée, et Idotée en était une. Cependant on prête à Protée de la bonté, de la sagesse, de la clairvoyance, la faculté de se transformer; ce qui se passe à Pharos se passe aussi à la bouche canopique, et probablement à toutes les bouches du Nil. Le nom de Pharos me semble une dérivation de Pa-Rà, le Hélios qui voit tout, qui connaît tout, ainsi qu’il est dit dans l’épitaphe d’Arsinoé, la jeune fille alexandrine décédée à la fleur de l’âge, avec soupçon de mauvais œil. Une bourgade égyptienne, vicus Ægyptionm, y existait à l’époque de César, qui la détruisit lors de son célèbre débarquement. 11 n’est cependant pas croyable ! que César en voulut aux dieux; il connaissait l’histoire des Ptolémées, il était l’amant de Cléopâtre, il était aussi fin politicien que les Ptolémées. Le temple ancien de la déesse fut épargné; c’est ainsi qu’avaient agi les Romains lors de la prise d’Alba, où templis tamen deorum temperatum est. ÉGLISE DE S/VINT RAPHAËL AU PHARE. Lorsque le temple d’Isis Pharia fut fermé et que la fête du navigium Isidis, réclamée avec insistance par les Alexandrins, devint une fête chrétienne, les patriarches obtinrent la concession du temple païen qu’ils consacrèrent à saint Raphaël, protecteur des voyageurs. Cette église a disparu. NÉCROPOLE DE PHAROS. Encore visible en 1799, alors que le génie de Mohamed Aly n’avait pas encore exhumé de ses ruines la ville d’Alexandrie, elle n’est plus aujourd’hui qu’une carrière épuisée. Dans leur distribution générale, les hypogées creusés dans le rocher ne se distinguaient pas de ceux de Montazah et de Ghatby; il y avait aussi des peintures funéraires qu’il aurait été bon de reproduire. Cette année même j’ai sauvé à Mafrousa ce qui restait d’une trouvaille faite par les carriers. Cette trouvaille, d’un intérêt tout à fait local, nous a apporté des graffites datant de Caligula et nous confirmant dans l’idée que Cléopâtre VII avait réparé à la hâte les dégâts de César; que le viens Ægyp- liorum existait renouvelé sous Caligula. Welker, Hermann, Nack et le G. I. G. (n° A708) nous ont gardé l’inscription métrique suivante : «Vraiment ma patrie est Lyconpolis (Assiout), et je suis Apollas qui ai «perdu la vie dans le sol de Pharos. Le malheureux ! J’ai été arraché avant le «temps, dès que je suis entré dans le sixième mois de ma dix-neuvième année. «Maintenant, je suis assis dans le concile d’Osiris d’Abydos et je ne me promène «pas dans la demeure des morts. Aux fils aussi des immortels il arrive un sort r «fatal, mais ils habitent les Champs Elysées des bienheureux. C’est là qu’après «m’y avoir amené, Mercure, le fils de Cyllène, me déposa, et de Lethe, je ne «me suis pas abreuvé à la source .» BiM ÏS&BBBUBiBBEO ... «•• «aia»»». — 87 — Le dernier document appartient à l’âge d’Antonin : et A Isis Pharia (le tel du tel a dédié) une Isis de Ménouthis pour la santé de tt notre seigneur l’Empereur Antonin.n Isis Pharia présidait à la fête du navire (navigium Isiclis). HEPTASTADE ET TÉTRASTADE. Heptastade est la dénomination la plus ancienne de la digue unissant la Néapolis à l’île de Pharos : la dénomination de Tétrastade est plus moderne et semble indiquer que l’atterrissement de ITIeptastade était commencé à ses ex¬ trémités. Nous avons donc, pour ITIeptastade, une longueur de 1 kilom. 296, et pour le Tétrastade, une longueur de 7A0 mètres. D’après les recherches de Mahmoud pacha El-Falaki, l’Heptastade serait presque parallèle à la rue El-Meidan qu’il longerait à 1 00 mètres environ ouest. FORT DE PHAROS. Mahmoud El-Falaki croit le voir dans une petite hauteur comprise, en 1872, dans les Bains de Sefer pacha. — 88 — ANNEXE IV. Extrait de la Guerre civile de Jules César, traduction Nisard et Dumas-Hinard. Achillas, plein de confiance dans ses troupes, et méprisant les soldats jieu nombreux de César, s’empara de la ville, à l’exception du quartier que celui-ci occupait, et où il essaya d’abord de le forcer dans sa maison; mais César, ayant distribué ses cohortes à l’entrée des rues, soutint son attaque. Dans le même temps on se battait aussi du côté du port, ce qui mit beaucoup d’achar¬ nement dans la lutte. En effet, tandis que nos troupes divisées combattaient dans plusieurs rues de la ville, la multitude des ennemis s’efforcait de s’empa¬ rer de la flotte, laquelle consistait en cinquante galères qu’on avait envoyées au secours de Pompée, et qui, après la bataille de Pharsale, étaient revenues au port. Ces galères étaient à trois et à cinq rangs de rames, et pourvues de tout ce qui était nécessaire pour la navigation. De plus, il y en avait vingt- deux autres, toutes pontées, lesquelles formaient la station ordinaire d’Alexan¬ drie. S ils avaient réussi à s’en emparer, une fois maîtres de la flotte, ils avaient à eux le port et toute la mer, et empêchaient les vivres et les secours d arriver jusqu’à César. Aussi l’action lut-elle aussi vive qu’elle devait l’être entre des soldats dont les uns cherchaient dans le succès une prompte victoire, et les autres leur salut : mais César l’emporta. Ne pouvant, avec si peu de troupes, occuper un si vaste terrain, il brûla toutes ces galères ainsi que celles qui étaient dans les arsenaux, et, aussitôt après, il alla faire une descente au Phare. Le Phare est une tour très élevée, d’une architecture merveilleuse, bâtie dans une de dont elle porte le nom. Cette île, située en face d’Alexandrie, en forme le port; des môles de neuf cents pas de long, jetés dans la mer par les anciens rois du pays, unissent, par un canal étroit et par un pont, le Phare à la ville. 11 y a dans celte ile des habitations d’Égyptiens qui forment un bourg de la grandeur dune ville, et quand quelque vaisseau s’écarte de sa roule par imprudence ou par la violence du vent, les habitants le pillent, à la façon des corsaires. L entrée du port est si étroite qu’aucun vaisseau n’y peut péné¬ trer malgré ceux qui occupent le Phare. C’est avec la crainte de trouver ces obs¬ tacles que César, tandis que 1 ennemi se battait ailleurs, débarqua ses troupes . dans le Phare et s’y établit. Dès lors il put en sûreté recevoir, par mer, des vivres et des secours; aussi envoya-t-il en chercher dans toutes les contrées voisines. Dans les autres quartiers de la ville les combattants firent retraite avec des chances égales, et sans qu’aucun des deux partis fut chassé de son poste, vu l’étroit espace du terrain. Après quelques hommes tués de part et d’autre, César, s’étant saisi des postes les plus importants, s’y fortifia pendant la nuit. H y avait dans ce quartier de la ville une petite portion du palais, où César s’était d’abord logé en arrivant : elle était jointe à un théâtre servant de citadelle, et communiquant au port et à l’arsenal. Il en augmenta les fortifi¬ cations les jours suivants, pour s’en faire un rempart, afin qu’on ne pût pas le forcer à combattre. — 90 — ANNEXE V. Extrait de la Guerre d’Alexandrie de Jules César, traduction Nisard et Dumas-Hinard. (Ce livre est généralement attribué à Hirtius Pansa.) XII. — Ce qui désespéra surtout les Alexandrins, c’est qu’ils se voyaient vaincus, non par le courage de nos soldats, mais par la seule adresse de nos matelots.Ils résolurent de se défendre du haut des édifices, et firent des retranchements avec tout ce qu’ils purent trouver, tant ils avaient peur que notre flotte ne vînt les attaquer jusque sur terre. Cependant, lorsque Gany- mède eut promis, dans le conseil, de remplacer les vaisseaux qu’on avait per¬ dus, et même d’en augmenter le nombre, ils se mirent à travailler avec ardeur, et à radouber les vieux vaisseaux avec plus de zèle et de confiance que jamais; et quoiqu’ils en eussent perdu plus de cent dix, soit dans le port, soit dans les arsenaux, ils ne renoncèrent pas au projet de recomposer leur flotte, car ils voyaient bien que, s’ils étaient les plus forts sur mer, ils empê¬ cheraient César de recevoir ni vivres ni secours. D’ailleurs, habitués à la naviga¬ tion, nés dans une ville et dans un pays maritimes, exercés dès l’enfance à la vie de mer, ils désiraient de recourir à cet élément qu’ils considéraient comme un bien naturel et domestique, et ils sentaient l’avantage qu’ils auraient avec leurs petits vaisseaux. Aussi s’appliquèrent-ils de tout cœur à préparer leur flotte. XIII. — Il y avait à toutes les bouches du Nil des vaisseaux placés là pour exiger les droits d’entrée. Il y avait aussi, au fond de l’arsenal royal, de vieux bâtiments qui n’avaient point servi depuis plusieurs années. On radouba ces derniers et l’on fit venir les autres à Alexandrie. On manquait de rames; les portiques, les gymnases, les édifices publics furent découverts, et l’on eut des rames avec la charpente : l’industrie naturelle des habitants et la richesse de la ville suppléèrent à tout. Il ne s’agissait pas d’ailleurs d’une longue naviga¬ tion; ils voulaient seulement pourvoir à la nécessité présente et se mettre en état de combattre dans le port. Aussi, en peu de jours et contre l’attente géné¬ rale, ils eurent vingt-deux galères à quatre rangs et cinq à cinq rangs, aux¬ quelles ils en ajoutèrent beaucoup de moindre importance et découvertes; et, après les avoir essayées à la rame, dans le port, ils les chargèrent de soldats : --—...... -......—--m i lMI I W MlÉiMI — 91 — choisis, et se munirent eux-mêmes de toutes les choses nécessaires pour livrer combat. César n’avait que neuf galères de Rhodes (car de dix qu’on lui avait envoyées, une s’était perdue sur la côte d’Égypte), huit du Pont, cinq de Lycie, douze d’Asie. Dans le nombre il y en avait cinq à cinq rangs, et dix à quatre rangs : le reste était au-dessous de cette grandeur et la plupart décou¬ vertes. Néanmoins, se fiant au courage de ses troupes, il se préparait à com¬ battre. XIV. — Quand on en fut venu au point de compter chacun sur ses forces, César fait faire à sa flotte le tour du Phare, et parait en bataille devant l’en¬ nemi. Il place les Rhodiens à l’aile droite, et ceux du Pont à la gauche. Entre les deux ailes il laisse un espace de quatre cents pas, lequel lui a paru suffi¬ sant pour la manœuvre. Derrière cette ligne il place en réserve les autres vaisseaux, désignant expressément à chacun d’eux celui qu’il doit suivre et soutenir. Les Alexandrins, de leur côté, se présentent en bataille avec une égale résolution. Us placent sur le front vingt-deux galères à quatre rangs, et les autres sur la seconde ligne comme auxiliaires. Ils disposent en outre une grande quantité de petits vaisseaux et de barques remplies de torches et de joncs enduits de soufre, dans l’espoir de nous effrayer par leur nombre, leurs cris et la flamme. Entre les deux flottes se trouvait un passage étroit plein de bancs de sable qui font partie de l’Afrique; car les Égyptiens ont coutume de dire que la moitié d’Alexandrie appartient à l’Afrique. Chacun attendit assez longtemps que l’autre le franchit le premier, parce que celui qui entrerait devait avoir plus de peine à développer sa flotte, et, en cas d’accident, à opérer sa retraite. XV. — Les vaisseaux rhodiens étaient commandés par Euphranor, que sa grandeur d’âme et son courage rendaient plus comparable à nos hommes qu’aux Grecs. Son habileté et sa valeur bien connues l’avaient fait choisir par les Rhodiens pour être à la tête de la flotte. Il s’aperçut de l’hésitation de César : «Tu me parais craindre, dit-il, qu’en entrant le premier dans ces pas¬ sages, tu ne sois obligé de combattre avant d’avoir pu déployer toute ta flotte. Confie-nous ce soin; nous soutiendrons le combat sans tromper ton attente, jusqu’à ce que le reste des vaisseaux soit passé. Nous aurions trop de honte et de douleur à voir plus longtemps ces gens-là nous braver en face. 1 » César, après l’avoir encouragé et comblé d’éloges, donne le signal du combat. Quatre — 92 — vaisseaux rhodiens s’avancent par delà le détroit; les Alexandrins les envelop¬ pent et se précipitent sur eux. Les nôtres soutiennent le choc et, par une manœuvre habile, se dégagent; et ils y mettent tant d’adresse que, malgré l’inégalité du nombre, aucun n’expose le flanc, aucun ne perd ses rames, mais tous présentent toujours la proue à l’ennemi. Cependant le reste de la flotte avait suivi. Alors, l’espace étant trop étroit pour s’étendre, il fallut né¬ cessairement renoncer à l’art, et le succès du combat ne dépendit plus que de la valeur. 11 n’y eut en ce moment ni habitant d’Alexandrie ni soldat de nos troupes qui songeât ou à l’attaque ou aux travaux de défense; tous montaient sur les toits et sur les lieux les plus élevés, d’où ils pouvaient apercevoir le théâtre du combat, et chacun, par ses vœux et ses prières, demandait pour les siens la victoire aux dieux immortels. XVI. — Au reste, les chances du combat n’étaient pas égales. Pour nous, une défaite nous enlevait tout asile sur terre et sur mer, et une victoire ne décidait rien : eux, au contraire, vainqueurs ils avaient tout, et vaincus ils pouvaient tenter encore la fortune. C’était d’ailleurs quelque chose de bien sérieux et de bien triste de voir les plus graves intérêts et le salut de tous remis aux mains d’un petit nombre : que l’un d’eux vînt à mancpuer de cons¬ tance ou de courage, il compromettait le reste de l’armée, qui n’aurait pu combattre pour elle-même. C’est ce que César, les jours précédents, avait souvent répété à ses soldats, afin qu’ils se conduisissent d’autant plus bravement qu’ils allaient voir entre leurs mains le salut commun. Chacun en avait dit autant à ses camarades, à ses amis, à ses proches, avant leur départ, les conjurant de ne pas tromper l’attente de ceux qui les avaient choisis pour prendre part à ce combat. Aussi se comportèrent-ils si vaillamment que l’art et l’adresse des ennemis, habitués à la navigation et à la mer, ne leur fut d’aucun secours, que le nombre de leurs vaisseaux, très supérieur à celui des nôtres, ne leur servit de rien, et que l’élite de leurs combattants, choisis sur une si grande multitude, ne put égaler nos troupes en courage. On leur prit, dans ce combat, une galère à cinq rangs et une à deux rangs, avec tous les soldats et les matelots; trois furent coulées à fond, sans qu’aucun de nos vais¬ seaux eut été endommagé. Le reste de leurs navires s’enfuit vers la ville, où, des môles et des édifices qui nous dominaient, on les défendit si bien qu’il nous fut impossible de les atteindre. — 93 — XVII. — César, voulant empêcher que pareille chose ne se renouvelât, crut devoir mettre tout en œuvre pour s’emparer de Pile et de la jetée qui y conduisait, car, les fortifications étant en grande partie achevées, il se flattait qu’il pourrait attaquer en même temps Pile et la ville. Cette résolution prise, il mit sur des barques et des chaloupes dix cohortes, l’élite de son infanterie légère, et ceux des cavaliers gaulois qui lui parurent les plus propres à son dessein : puis, pour faire diversion, il fit attaquer par ses galères l’autre côté de l’ile; promettant de grandes récompenses à celui qui s’en rendrait maître le premier. D’abord les ennemis soutinrent notre attaque avec un courage égal au nôtre; ils combattaient à la fois du haut des toits des maisons et de dessus le rivage dont nos gens avaient de la peine à approcher à cause de l’escarpement de la côte; et ils défendaient l’étroite entrée du havre avec des esquifs et cinq vaisseaux longs qu’ils manœuvraient avec adresse. Mais lors- qu’après avoir reconnu les lieux et sondé les gués, quelques-uns des nôtres eurent pris terre et eurent été suivis par d’autres, et que tous ensemble ils attaquèrent avec vigueur ceux des ennemis qui se tenaient sur le rivage, tous ceux du Phare tournèrent le dos, abandonnèrent la garde du port et, s’étant approchés du rivage et du bourg, sortirent des vaisseaux pour défendre les maisons. XV11I. —- Mais ils ne purent tenir longtemps dans leurs fortifications, quoique, toute proportion gardée, leurs maisons fussent à peu près dans le genre de celles d’Alexandrie, que leurs hautes tours, qui se touchaient, leur tinssent lieu de rempart, et que les nôtres n’eussent ni échelles, ni claies, ni rien de ce qu’il faut pour un siège; mais la peur ôte le jugemenL et les forces, comme il arriva alors. Ces mêmes hommes, qui prétendaient nous résister sur un terrain égal et uni, consternés de la fuite de leurs concitoyens et de la mort d’un petit nombre, n’osèrent nous attendre dans des maisons hautes de trente pieds, ils se précipitèrent du haut de la digue dans la mer, et gagnè¬ rent, à la nage, la ville qui était à huit cents pas de distance. Cependant beaucoup d’entre eux furent tués ou pris; le nombre des prisonniers s’éleva à six cents. XIX. — César, ayant accordé le butin aux soldats, abandonna les mai¬ sons au pillage, lortifia le château bâti en face du pont le plus voisin du Phare, et y mit une garde : les habitants du phare l’avaient évacué. L’autre pont, mieux fortifié et plus rapproché de la ville, était défendu par les Alexandrins. Mais le lendemain, César l’attaque de la même manière, comptant qu’une fois maître de ces postes, il pourrait interdire aux ennemis toute excursion maritime et empêcher leurs brigandages soudains. Déjà, de dessus les vais¬ seaux, avec les machines et les flèches, il les avait chassés du pont et repous¬ sés dans la ville; trois cohortes environ avaient été débarquées, le lieu étant trop étroit pour en contenir davantage; le reste de ses troupes était resté à bord. César donne l’ordre de fortifier le pont du côté de l’ennemi et de com¬ ble r avec des pierres l’arche par où passaient les vaisseaux. Ce de rnier ouvrage achevé, aucune chaloupe ne pouvait plus sortir. A l’é¬ gard du premier, à peine l’eut-on commencé, que toutes les troupes des Alexandrins s’élancèrent hors de la ville, et vinrent se placer dans un endroit spacieux, en face des retranchements du pont. En même temps ils firent ap¬ procher vers la digue les brûlots qu’ils avaient coutume de lancer par les ponts pour mettre le feu à nos vaisseaux de charge. Nos soldats combattaient du haut du pont et de la digue; l’ennemi, de la place en face du pont, et des vaisseaux près de la digue. XX. — Tandis que César, ainsi occupé, exhortait les soldats, un grand nombre de nos rameurs et de nos matelots, sortant des longs navires, se jetè¬ rent sur la digue. Chez les uns, c’était curiosité, chez les autres désir de combattre. D’abord, ils écartèrent de la digue les vaisseaux ennemis à coups de pierres et de frondes, et il sembla que la multitude de leurs traits produi¬ sait beaucoup d’effet. Mais quelques Alexandrins qui avaient osé sortir de leurs vaisseaux les ayant pris en fianc, de même qu’ils s’étaient avancés sans raison, ils commencèrent à fuir à la hâte vers leurs vaisseaux sans suivre leurs enseignes ni garder de rang. Enhardis par leur fuite, les Alexandrins sortirent en plus grand nombre et pressèrent plus vivement nos gens effrayés. En même temps ceux de nos soldats qui étaient restés sur les galères retiraient les échelles et se hâtaient de gagner le large dans la crainte de tomber au pouvoir des ennemis. Troublés par tout ce désordre, les soldats de nos trois cohortes qui étaient placés à la tête de la digue et du pont, entendant derrière eux de grands cris, voyant la fuite des leurs, et accablés d’ailleurs d’une grêle de traits, craignirent d’être enveloppés et de perdre tout moyen de retraite si nos vaisseaux s’éloignaient; ils abandonnèrent les fortifications commencées — 95 à la tête du pont, et coururent de toutes leurs forces vers les vaisseaux. Les uns, ayant gagné les plus proches, les firent couler à fond par leur nombre et leur poids; les autres, qui tenaient bon, incertains du parti qu’il fallait prendre, furent tués par les Alexandrins; quelques-uns, plus heureux, ayant pu atteindre les vaisseaux qui étaient à l’ancre, se sauvèrent sains et saufs; un petit nombre, se débarrassant de leurs boucliers et résolus à tout risquer, gagnèrent à la nage les vaisseaux voisins. XXL — César, en exhortant les siens de tout son pouvoir à tenir ferme sur le pont et aux retranchements, courut le même danger. Quand il les vit tous plier il se retira sur sa galère. Mais beaucoup de monde s’y précipitait après lui; cette foule empêchait de manœuvrer et de s’éloigner de terre; prévoyant ce qui allait arriver, il se jeta à la mer et gagna à la nage les vaisseaux qui étaient restés plus loin. De là il envoya des chaloupes au se¬ cours des siens et en sauva plusieurs. Mais pour ce qui est de sa galère, trop chargée, elle s’enfonça et périt avec tous ceux qui étaient dessus. Nous perdî¬ mes dans ce combat environ quatre cents légionnaires et un peu plus de rameurs et de matelots. Les Alexandrins, aussitôt après, fortifièrent le ch⬠teau par des ouvrages considérables et par toutes sortes de machines, et, déblayant l’arche que nous avions comblée, ils assurèrent un libre passage à leurs vaisseaux. Achillas avait mis une forte garnison dans cette place, dont il connaissait les avantages; car on ne peut entrer en Égypte du côté de la mer que par le Phare, et du côté de la terre que par Péluse; en sorte que ces deux postes sont comme les clefs du royaume. Mithridate l’investit tout à coup avec des forces considérables, et, malgré la résistance opiniâtre des habitants, grâce au grand nombre de ses troupes, qui lui permettait d’en envoyer de fraîches relever celles qui étaient fatiguées ou blessées, et aussi à force de persévé¬ rance et de fermeté, il emporta cette place le même jour qu’il l’avait atta¬ quée, et y mit garnison. Après ce succès, il marcha sur Alexandrie pour join¬ dre César, et, par cette autorité qui d’ordinaire accompagne le vainqueur, il soumit toute la contrée qu’il traversa et l’obligea à se déclarer pour César. I Wl'ÉKIfilH ÜSBiiSB — 96 — ANNEXE VE Extrait de la Géographie de Strabon, livre XVII, traduction Tardieu. Le littoral compris entre Péluse, à l’Est, et la bouche Canopique, à l’Ouest, mesure une première distance de i3oo stades, et c’est là, avons-nous dit, ce qui représente la base du Delta. Une autre distance de i5o stades sépare la bouche Canopique de Pile de Pharos. On désigne sous ce nom un simple îlot de forme oblongue et tellement rapproché du rivage qu’il forme avec lui un port à double ouverture. Le rivage, en effet, dans cet endroit, présente entre deux caps assez saillants un golfe ou enfoncement, que l’île de Pharos, qui s’étend de l’un à l’autre de ces caps et dans le sens de la longueur de la côte, se trouve fermer naturellement. L’une des deux extrémités de l’île de Pharos (celle qui regarde l’Orient) est plus rapprochée que l’autre du continent et du cap qui s’en détache, cap connu sous le nom de pointe Lochias, de sorte que l’entrée du port de ce côté en est très sensiblement rétrécie. Ce peu de lar¬ geur de la passe est déjà un inconvénient; mais il y en a un autre, c’est que la passe même est semée de rochers en partie cachés, en partie apparents, obstacle contre lequel la mer semble s’acharner incessamment et comme à chaque lame qu’elle envoie du large. La pointe qui termine la petite île de Pharos n’est elle-même qu’un rocher battu de tous côtés par les Ilots. Sur ce rocher s’élève une tour à plusieurs étages, en marbre blanc, ouvrage merveil¬ leusement beau, qu’on appelle aussi le Phare, comme Pile elle-même. C’est Soslrate de Cnide qui l’a érigée et dédiée, en sa qualité d’ami des rois, et pour la sûreté des marins qui naviguent dans ces parages, ainsi que l’atteste l’inscription apposée sur le monument. Et, en effet, comme la côte à droite et à gauche de Pile est assez dépourvue d’abris, qu’elle est, de plus, bordée de récifs et de bas-fonds, il était nécessaire de dresser en un lieu haut et très apparent un signal fixe qui pût guider les marins venant du large et les em¬ pêcher de manquer l’entrée du port. La passe ou l’ouverture de l’ouest, sans être non plus d’un accès très facile, n’exige pourtant pas les mêmes précau¬ tions. Elle aussi forme proprement un port, un second port dit de PEunostos; mais elle sert plutôt de rade au port fermé, bassin intérieur creusé de main — 97 — d’homme. Le grand port est celui dont la tour du Phare domine l’entrée, et les deux autres ports lui sont comme adossés, la digue ou chaussée de l’Heptas- tade formant la séparation. Cette digue n’est autre chose qu’un pont destiné a îelier le continent a la partie occidentale de 1 ile; seulement, on y a ménagé deux ouvertures donnant accès aux vaisseaux dans l’Ëunostos et pouvant être fianchies par les piétons au moyen dune double passerelle. Ajoutons que la digue à l’origine ne devait pas faire uniquement l’office de pont conduisant dans File; elle devait aussi, quand File était habitée, servir d’aqueduc. Mais depuis que le divin César, dans sa guerre conLre les Alexandrins, a dévasté File pour la punir d’avoir embrassé le parti des rois, File n’est qu’un désert et c est a peine si quelques familles de marins y habitent, groupées au pied du phare. Grâce à la présence de la digue et à la disposition naturelle des lieux, le grand port a 1 avantage dêtre bien fermé; il en a encore un autre, celui davoir une si grande profondeur d’eau jusque sur ses bords, que les plus forts vaisseaux peuvent y accoster les échelles mêmes du quai. Et comme il se divise en plusieurs bras, ces bras forment autant de ports distincts. Les anciens rois d Égypte, contents de ce qu’ils possédaient, croyaient n’avoir au¬ cun besoin des importations du commerce : aussi voyaient-ils de très mauvais œil les peuples navigateurs, les Grecs surtout, lesquels du reste n’étaient encore qu une nation de pirates réduits à convoiter le bien d’autrui, faute de terres suffisantes pour les nourrir, et par leur ordre il avait été placé une garde sur ce point de la côte, avec mission de repousser par la force toute tentative de débarquement. L’emplacement assigné pour demeure à ces gar¬ des-côtes se nommait Rhacotis : il se trouve compris aujourd’hui dans le quar¬ tier d Alexandrie qui est situe juste au-dessus de l’Arsenal; mais il formait alors un bourg séparé, entouré de terres que l’on avait cédées à des pâtres ou bouviers, capables eux aussi à 1 occasion d’empêcher que des étrangers ne missent le pied sur la cote. Survint la conquête d’Alexandre. Frappé des avantages de la position, ce prince résolut de bâtir la ville qu’il voulait fonder sur le port meme. On sait quelle prospérité s’ensuivit pour Alexandrie. Du reste, si ce qu on raconte est vrai, cette prospérité aurait été présagée par un incident survenu pendant 1 opération même de la délimitation de la ville nouvelle. Les architectes avaient commencé à tracer avec de la craie la ligne d enceinte, quand la craie vint à manquer; justement le roi arrivait sur le 13 terrain; les intendants des travaux mirent alors à la disposition des archi¬ tectes une partie de la farine destinée à la nourriture des ouvriers, et ce fut avec cette farine que fut tracée une bonne partie des alignements des rues, et le fait fut interprété sur l’heure, paraît-il, comme un très heureux pré¬ sage. Les avantages qu’Alexandrie tire de sa situation sont de plus d’une sorte : et d’abord elle se trouve située par le fait entre deux mers, baignée comme elle est, au nord, par la mer d’Égypte, et au midi, par le lac Maréa. Ce lac, qu’on nomme aussi Maréotis, est alimenté par un grand nombre de canaux, tous dérivés du Nil, et qu’il reçoit à sa partie supérieure ou sur ses côtés, et, comme il arrive plus de marchandises par ces canaux qu’il n’en vient par mer, le port d’Alexandrie situé sur le lac est devenu vite plus riche que le port maritime. Mais ce dernier port lui-même exporte plus qu’il n’importe : quiconque aura été à Alexandrie et à Dicaearchie aura pu s’en convaincre en voyant la différence du chargement des vaisseaux à l’aller et au retour, et combien ceux qui sont à destination de Dicaearcbie sont plus lourds et ceux à destination d’Alexandrie plus légers. Outre cet avantage de la richesse qu’A¬ lexandrie doit au mouvement commercial de ses deux ports, de son port maritime et de celui qu’elle a sur le lac Maréotis, il faut noter aussi l’in¬ comparable salubrité dont elle jouit et qui paraît tenir non seulement à cette situation entre la mer et un lac, mais encore à ce que les crues du Nil se produisent juste à l’époque la plus favorable pour elle. Dans les villes situées au bord des lacs, l’air qu’on respire est en général lourd et étouffant quand viennent les grandes chaleurs de l’été; par suite de l’évaporation que provo¬ que l’ardeur des rayons solaires, les bords des lacs se changent en marais, et la fange de ces marais dégage une telle quantité de vapeurs méphitiques, que l’air en est bientôt vicié et ne larde pas à engendrer la peste et autres affec¬ tions épidémiques. A Alexandrie, au contraire, précisément quand l’été com¬ mence, les eaux débordées du Nil remplissent le lac et ne laissent subsister sur ses bords aucun dépôt vaseux de nature à produire des miasmes délétè¬ res. Enfin, c’est à la même époque que les vents étésiens soufflent du nord, et, comme ils viennent de traverser toute cette vaste étendue de mer, ils pro¬ curent toujours aux habitants d’Alexandrie un été délicieux. Le terrain sur lequel a été bâtie la ville d’Alexandrie affecte la forme d’une — 99 |ï chlamyde, les deux côtés longs de la chlamyde étant représentés par le rivage de la mer et par le bord du lac, et son plus grand diamètre pouvant mesurer 3o stades, tandis que les deux autres côtés, pris alors dans le sens de la largeur, sont représentés par deux isthmes ou étranglements, de 7 à 8 stades chacun, allant du lac à la mer. La ville est partout sillonnée de rues où chars et chevaux peuvent passer à l’aise, deux de ces rues plus larges que les autres (car elles ont plus d’un plèthre d’ouverture) s’entre-croisent perpendiculaire¬ ment. A leur tour, les magnifiques jardins publics et les palais des rois cou¬ vrent le quart, si ce n’est même le tiers de la superficie totale, et cela par le fait des rois, qui, en même temps qu’ils tenaient à honneur chacun à son tour d’ajouter quelque embellissement aux édifices publics de la ville, ne manquaient jamais d’augmenter à leurs frais de quelque bâtiment nouveau l’habitation royale elle-même, si bien qu’aujourd’hui on peut en toute vérité appliquer aux palais d’Alexandrie le mot du Poète : tells sortent les uns les autres -n. Quoi qu’il en soit, toute cette suite de palais tient le long du port et de l’avant-port. A la rigueur, on peut compter aussi comme faisant partie des palais royaux, le Muséum, avec ses portiques, son exèdre et son vaste cénacle qui sert aux repas que les doctes membres de la corporation sont tenus de prendre en commun. On sait que ce collège d’érudits philologues vit sur un fonds ou trésor commun administré par un prêtre, que les rois désignaient autrefois et que César désigne aujourd’hui. Une autre dépendance des palais royaux est ce qu’on appelle le Sema, vaste enceinte renfermant les sépultures des rois et le tombeau d’Alexandre. L’histoire nous apprend comment Ptolé- mée, fils de Lagus, intercepta au passage le corps du Conquérant et l’enleva à Perdiccas qui le ramenait de Babylone (en Macédoine), mais qui, par ambi¬ tion et dans l’espoir de s’approprier l’Egypte, s’était détourné de sa route. A peine arrivé en Égypte, Perdiccas périt de la main de ses propres soldats : il s’était laissé surprendre par uup brusque attaque de Ptolémée et bloquer dans une île déserte, et ses soldats furieux s’étaient rués sur lui et l’avaient percé de leurs sarisses. Les membres de la famille royale qui étaient avec lui, à savoir Aridée, les jeunes enfants d’Alexandre et sa veuve Roxane, purent continuer leur route et s’embarquer pour la Macédoine; seul le corps du roi fut retenu par Ptolémée qui le transporta à Alexandrie et l’y ensevelit en i3. -*r 1 — 100 — grande pompe. J1 y est encore, mais non plus dans le même cercueil; car le cercueil actuel est de verre, et celui où l’avait mis Ptolémée était d’or. C’est Ptolémée dit Coccès ou Parisactos qui s’empara de ce premier cercueil, dans une expédition à main armée préparée au fond de la Syrie, mais très vive¬ ment repoussée, ce qui l’empêcha de tirer de son sacrilège le parti qu’il en avait espéré. Quand on entre dans le grand port, on a à main droite Pile et la tour de Pharos et à main gauche le groupe des rochers et la pointe Lochias, avec le palais qui la couronne. Une fois entré, on voit se dérouler sur la gauche, à mesure qu’on avance, les palais, dits du dedans du port, qui font suite à celui du Lochias, et qui étonnent par le nombre de logements qu’il renferment, la variété des constructions et l’étendue des jardins. Au-dessus de ces palais est le bassin que les rois ont fait creuser pour leur seul usage et que l’on appelle le port fermé. Antirrhodos qui le précède est un îlot avec palais et petit port, dont le nom ambitieux semble un défi jeté à la grande île de Rhodes. En ar¬ rière d’Antirrhodos est le théâtre, après quoi l’on aperçoit le Posidium, coude que fait la côte à partir de ce qu’on appelle l’Emporium et sur lequel on a bâti un temple à Poséidon ou Neptune. Antoine ayant ajouté un môle à ce coude, il se trouve par le fait avancer maintenant jusqu’au milieu du port. Le môle se termine par une belle villa royale qu Antoine a fait bâtir égale¬ ment et à laquelle il a donné le nom de Timonéum. Ce fut là, à proprement parler, son dernier ouvrage : il le fit exécuter quand, après sa défaite d’Actium, se voyant abandonné de tous ses partisans, il se fut retiré à Alexandrie, décidé à vivre désormais comme un autre Timon, loin de cette foule d’amis qui na¬ guère l’entouraient. Vient ensuite le Cæsaréum, précédant l’entrepôt, les docks et les chantiers de la marine, lesquels se prolongent jusqu’à ITIeptastade. Voilà tout ce qui borde le grand port. Le port de l’Eunoste fait suite immédiatement à ITIeptastade; puis, au- dessus de l’Eunoste, se présente un bassin creusé de main d’homme, dit le Gibôtos, et qui a aussi ses chantiers et son arsenal. Un canal navigable débou¬ che à l’intérieur de ce bassin et le met en communication directe avec le Ma- réotis. La ville s’étend un peu au delà de ce canal, puis commence la Nécro¬ pole, faubourg rempli de jardins, de tombeaux et d’établissements pour l’embaumement des morts. En deçà du canal, maintenant, il y a le Sérapéum — 101 et plusieurs autres enclos sacrés, d’origine fort ancienne, mais à peu près abandonnés aujourd’hui par suite des nouvelles constructions faites à ÎNicopolis. Nicopolis a, en effet, maintenant son amphithéâtre et son stade, c’est à Nico- polis que se célèbrent les jeux quinquennaux, et, comme toujours, les choses nouvelles ont fait négliger les anciennes. TABLE DES MATIÈRES Pages. Chapitre I. — L’ile de Pharos. 1 Chapitre II. — Renseignements généraux sur la rade d’Alexandrie . 6 Chapitre III. — Description des ouvrages retrouvés. i 3 I. — Grand Port occidental antique. 1 3 II. —• Baie d’Anfouchy. A 2 III. — Partie orientale de l’ile aux abords de Kaid Bey. A7 Chapitre IV. — Recherche des causes de la submersion des ouvrages maritimes. 52 CnAPiTRE V. — Considérations générales. 66 ANNEXES. Annexe I. — Extrait du mémoire de Saint-Genis. 75 Annexe II. — Extrait du mémoire de Mahmoud Bey sur l’antique Alexandrie. 79 Annexe III. — Extrait de La Cote alexandrine dans l'antiquité, par le D r Botti. 84 Annexe IV. — Extrait de la Guerre cioile de Jules César. 88 Annexe V. — Extrait de la Guerre d’Alexandrie, par Hirtius Pansa. 9 ° Annexe VI. — Extrait de la Géographie de Strahon. 9^ TABLE DES PLANCHES. Planche I. — Carte de la Rade d’Alexandrie dressée par Le Saulnier Planche II. — Profil en long de la ligne des écueils fermant la Rade. Coupe transversale du Port d’Alexandrie. Planche III. — Carte de la Rade d’Alexandrie (1914). Planche IV. — Plan des ouvrages maritimes antiques submergés et re cienne île de Pharos. MÉMOIRES DE L’INSTITUT ÉGYPTIEN. TOME IX. PL. I. PLAN S PORTS ET MOUILLAGES D’ALEXANDRIE Roche Levé ; en 1834 - de Vauhello. Capitaine de Corvette T Commandant le Brick Le Voltigeur Assisté de M.M. DeBrigtiacJjeul5èP.“ et Solçirol.jÔéve. portées les Bouées et Balises mises eriplace en 1855 et 1856 par MV IIOMMEY. Lieutl -J3 .i 2 c Profil en long des écueils fermant la Rade d Alexandrie K Littoral de Gabbari Lac Mario ut (- 2 , 00 ) ) Rocher calcaire . ,.v-•'•-'J "T.'E-.'YGT. atesik. ■ : Y V E; E; ; ; E$Er! ; EE-; - ET -• !-V • r Erp .Y-Y '■.* Ty ? - ï'^ : PS --/ n ’YE'r'v'IlR/Y' p ' ’ -'J ' 1 ,•*•%*}* ; 1 ° ^ I ■ 'V J H rj*" i o i .J ' > JCVrft v . I r v. j .vv-h-> e: Y; '-n* In : Rade ée -gr-g ~ — ' • .T ^ ÿ-zy i' T ” ;t le Littoral ' ; (-20,00 ) ”* v-.-TT'-— i^ . .- w-y>my *”7-i Tba/^ye 1 Unt^e isui^h er çalcaire 00 1 Catala Frères , lmp. Paris MÉMOIRES DE L’INSTITUT ÉGYPTIEN. TOME IX. PL. III. El Essed Banc extérieu O Banc Hommey; Etvam ai e d’Anfo u chy Pointe Adjemî a ne 'El Dubla &Phare .as el Tïn seul assm El Eulful •sena Port Intérieur Phare â feu rouge clignotant a Balise des Quais a Petite Tour ®>du Mex Cimetière Peti t Port du Mex Abattoir Cimetière Wâr diari ’ort Qhefaka%a Fort et Mafçha Lazaret Carrières Colonne Kom cl Chougafa Fort Adjemi gl EourM^Marabotit dise du —r——•• CARTE de la RA.DK D’ALEXANDRIE Echelle 18.510 200 400 eoo 800 iooo 1200 1400 Mètres 1912 • Les cotes de profondeur sont indiquées en mètres au-dessous du niveau des hautes eaux. Les ouvrages antiques sont figures en rouge. Catala Frères, lmp. Paris. MÉMOIRES DE L’INSTITUT ÉGYPTIEN. TOME IX. PL. IV. OUVRAGES MARITIMES retrouvés aux abords de J'ancienne île de Pharos < 000 ) ferma nt Echelle 5000 $70) Reconnaissances exécutées de 1911 à 1915. Madneh ■FORf^DDA 'tv-. $ ■ i un uû-wj ( 4 . 00 ) Les plus grandes profondeurs de la Baie ne dépassent pas 2 m 00 'ilticOS Ikvan El Dublan T/N iN Les xiQirvsnes recherches sontsmatqncpx itur nos lun nii Le tracé et les cotes de profondeur Jeu ouvrages retrouves sont indignés en rouge . Les cotes de profondeur sont indiquées en mètres au dessous du niveau des hautes eaux. Catala Frères lmp. Paris