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AMSTERDAM J.D SUBRANDI 1863

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PRÉFACE.

Depuis notre retour dans la mère patrie, après avoir
résidé pendant vingt ans dans les possessions Néerlan-
daises aux Indes orientales, et visité différentes îles de
cet Archipel, nous avons pris connaissance de plusieurs
dissertations qui ont paru en Hollande, sur les mammi-
fères qui se trouvent dans ces pays lointains.

Malgré les details curieux qu'elles renferment, étant
très succintes et en outre écrites en Hollandais, langue
peu usitée hors du pays, nous avons cru combler une
lacune en publiant un mémoire plus étendu, écrit en fran-
cais, en forme de catalogue méthodique, sur la collection
des Quadrumanes et Chéiroptères qui se trouvent au Mu-
séum d'histoire naturelle de Leïide et qui vivent dans
les îles de Java, Sumatra, Banka, Bornéo, Célèbes, Gi-

lolo, Boeroe, Ternate, Amboine et Timor.

Pour rendre ce travail plus intéressant au sujet de
l'instinct naturel des Quadrumanes, dont il est question
dans ce mémoire, nous y avons ajouté toutes les observa-
tions qu’une étude pendant nos heures de loisir, dans pres-
que toutes les îles susmentionnées, nous a permis de faire.

Monsieur le docteur S. Müller, ancien membre de la
commission des recherches physiques aux possession sus-
dites, à qui nous avons communiqué notre projet et de-
mandé sa coopération avant de commencer, a non seu-
lement eu l’obligeance de revoir le manuscrit, mais en
outre d’y ajouter les nouvelles espèces découvertes depuis
son retour dans la mère patrie, pour mettre notre travail

au niveau de la science jusqu’à ce jour.

RE ROUTE 0

Avant de passer à la description générale des quadru-:
manes que les îles des Archipels d'Asie nourrissent, qu’il
nous soit permis de payer un tribut de reconnaissance à
la mémoire des naturalistes courageux, qui sont morts
victimes de leur zèle dans leurs explorations scientifiques.

Les observations de Mr. $. Müller, fruit de onze an-
nées d’études assidues dans ce pays, nous ont été d’un
grand secours pour les détails que nous allons donner.
Plus d’une fois ce savant et intrépide naturaliste a exposé
ses jours, en se frayant un chemin à travers les forêts pres-
que impénétrables, qui jamais n'avaient été visitées par
aucun de ses prédécesseurs,

C’est principalement à la coopération efficace du gou-
vernement des Indes, et surtout à celle de la mère-patrie
que la commission physique, résidant à Buitenzorg (1),
doit des découvertes importantes. Protégés dans leurs
courses scientifiques, les naturalistes pénétraient dans des
pays inconnus jusqu'alors et y restaient le temps qu'ils

(1) Résidence du Gouverneur-Général, située à 89 piliers, à raison
de 3 piliers par lieue, de Patavia.

2

jugeaient nécessaire, pour recueillir les fruits importants
de leurs explorations. Aussi peut-on ajouter foi, que ja-
mais recherches ne seront faites avec plus d’exactitude
et avec plus de précision, qu’elles ne le furent dans les
dernières années.

À plus d’une occasion, Mr. Temminek dans ses écrits,
a parlé des contrariétés et des périls auxquels les natu-
ralistes Néerlandais étaient exposés dans leurs excursions
scientifiques.

Parmi ces contrariétés, les plus pénibles et les plus
regrettables pour la science, étaient celles qui résul-
taient de la mort d’un savant qui emportait dans le
tombeau le secret de ses découvertes scientifiques; et
c’est à de pareils malheurs qui ne se sont que trop
souvent présentés, qu'on doit attribuer en partie le peu
de progrès que la science de la zoologie fit alors aux
Indes-Orientales, malgré toute la protection, les efforts et
les sacrifices considérables que le gouvernement de Java
ne cessait de faire.

Ainsi des récherches zoologique et des découvertes inté-
ressantes de Kuhl!, de van Hasselt, de Boiïe et de Zippelius
il n’est resté que des notes très suceinctes et dont la plu-
part encore ne se rapportent qu'à l’île de Java seule.

Le jeune et audacieux docteur Macklot perdit la vie,
dans une lutte inégale contre des Chinois revoltés: lutte
qui eut lieu à Krawang en 1832. Tous les manuscrits pré-
cieux sur la constitution géologique, la géographie et la
météorologie, à la rédaction desquels il avait sacrifié six
années d’étude, et des notes importantes sur l'état poli-
tique de diverses îles de l’Archipel, devinrent la proie
des flammes.

Plus tard la science eut à regretter le dessinateur P. van

3

Oort. Ce jeune artiste qui excellait en son art, mais
qui paya trop tôt le tribut à la nature, suivit de près
au tombeau ses prédécesseurs Kuiltjes et van Raalten. Ce
ne fut pas avec moins de regret qu'on apprit la mort
inopinée du jeune mais laborieux géologue Horner, qui
dans sa mission scientifique à Padang mourut victime
de son zèle.

On conçoit que de pareilles pertes durent arrêter beau-
<oup les progrès des connaissances zoologiques dans ces
pays lointains; et l’on est fondé de dire que ces études
restaient stationnaires, si on veut les comparer à la
marche des sciences en Europe. Ajoutez-y le manque
absolu de bibliothéques et de riches collections telles que
l’on en trouve dans la ville de Leide, dont plusieurs sont
uniques en leur genre; les travaux importants aux-
quels elles ont donné lieu, prouvent suffisamment Ja
grande part que les naturalistes Néerlandais ont pris aux
explorations scientifiques.

Ainsi l’on peut dire que depuis ce temps la zoologie
a fait des progrès étonnants, grâce au zèle et au talent
éminent d'hommes tels que M. M. Reinwardt, Diard,
Duvaucel, Horsfeld, Müller, Kuhl, van Hasselt, Boie et
Forsten; car des 160 différentes espèces de mammifères
originaires des îles de la Sonde, de Timor, des Moluques
et de la Nouvelle-Guinée, connues aujourd’hui un cinquième
seulement l'était il y a vingt cinq années. Plusieurs
de ces hommes célèbres ont été victimes de leur zèle,
une mort prématurée est venue les empêcher de re-
cueillir les fruits de leurs peines en publiant leurs dé-
couvertes.

À ces noms distingués, nous pouvons encore ajouter,

comme ayant travaillé à enrichir la faune des Indes,
1*

À

ceux de Rafñiles, Hardwicke, Leschenault, Eschscholtz, Quoy,
Gaimard, Macklot, Lesson, Dussumier, von Siebold, Kort-
hals, Bürger, von Henrici, Kollman, Blume et Belanger. La
science leur a des obligations particulières, en considération
des collections variées qu'on doit à leur zéle infatigable.

Considérant le nombre de recherches faites en personne
par Mr. S. Müller, on pourrait conclure que les mam-
mifères qui habitent les îles de la Sonde, sont à peu près
tous connus; cependant si l’on compare les différentes
espèces qui habitent Java avec celles qui nous sont
connues des îles voisines, on est fondé à admettre
que l'intérieur des îles de Sumatra, Bornèo, Célèbes
et des petites îles de la Sonde, qui ont été si peu visi-
tées, ainsi que le grand Ceram, Gilolo, Batjan et Boeroe
aux Moluques, possèdent encore beaucoup d’espèces nou-
velles.

OBSERVATIONS SUR LES MAMMIFÈRES EN GÉNÉRAL,
QUI SE TROUVENT DANS LES POSSESSIONS NÉER-
LANDAISES DES INDES ORIENTALES.

Les mammifères qui habitent les îles des possessions
Néerlandaises aux Indes Orientales, qui ont été visitées
par des naturalistes, appartiennent la plupart aux Qua-
drumanes, aux Chéiroptères, aux Carnassiers, aux Pa-
chydermes, aux Rongeurs, aux Ruminants et aux Dermo-
ptères (Chats volants) (1).

Quant aux Marsupiaux, on en a trouvé quelques espè-
ces sur les frontières orientales de l'Archipel Indien. Dans
les îles occidentales, on n’a rencontré qu’une seule espèce
appartenant aux Edentés.

On peut dire qu’il y a peu de contrées, où proportion-
nellement à la surface du pays, on rencontre autant d'ani-
maux appartenant à des genres si divers.

Mr. Temminck, dans une dissertation très intéressante (2)
qui a servi d'introduction à l’ouvrage de Mr. von Sie-

(1) Voir pour ce dernier genre le tableau joint au présent mémoire.
(2) Coup d'oeil sur la faune des îles de la Sonde et de l'empire du
Japon.

6
bold, (1) nous a communiqué, à ce sujet, plusieurs ob-
servations importantes.

Quoique toutes les îles depuis Java jusqu’à la Nouvelle-
Guinée jouissent de la même température, et que plu-
sieurs d’entre elles sont de très rapprochées les unes des”
autres, chacune possède cependant des espèces qui lui
sont propres; ce qui est surtout frappant à l'égard des
mammifères et des oiseaux; les reptiles en offrent aussi
quelques exemples.

Ce qui nous parait mériter une attention spéciale, c’est
que, dans les grandes îles de la Sonde, on trouve un grand
nombre d’animaux dont on n’observe pas la moindre trace
dans les îles Moluques.

Ayant habité pendant trois ans l’île d’Amboine, l’une
des plus considérables d’entre elles, la curiosité nous a sou-
vent engagé à pénétrer dans les forêts les plus desertes
où jamais l’Européen n’avait mis le pied; c’est done avec
connaissance de cause que nous pourons dire que cette île est
réellement pauvre en mammifères. Dans les îles Molu-
ques qui ont subi des recherches scientifiques, vingt-sept
espèces au plus sont connues; on peut les rapporter aux
ordres suivants: une seule espèce à l’ordre’ Dermopière,
seize à celui des Chéroptères; deux à celui des Carnas-

LS

siers; trois à celui des Marsupiaux; une à celui des
Rongeurs; deux à celui des Pachydermes et deux à celui
des Ruminants.

On y trouve les genres: Pteropus, Cephalotes, Macro-
glossus, Harpyia, Rhinolophus, Vespertilio, Taphozous, So-
rex, Viverra, Phalangista, Mus Cervus, Sus et le remar-
quable Babirussa ou cochon cerf.

(1) Fauna Japonica.

7

Selon toute apparence, les Sorex myosurus et Mus de-
cumanus ne sont pas originaires de ces îles, mais y ont
été introduits d’autres contrées, comme c’est le cas pour
le cerf (Cervus moluccensis) qui, suivant Valentijn, est ori-
ginaire de Java et de Célèbes (1).

Un sanglier, qui est irès commun à l’île de Ceram,
n’a pu jusqu'à présent, faute d’observation, être déter-
miné d’une manière rigoureuse. Trois particularités que
nous tenons à consigner ici, c’est que presque tous les
animaux des îles Moluques appartiennent aux noctur-
nes, qu'on n’y rencontre aucun individu à l’état sau-
vage, appartenant à la famille des singes, et que les
chats ont tous la queue très courte, comme si elle était
coupée.

L'île de Timor, stérile de sa nature, ne nourrit qu’un
petit nombre de mammifères. Mr. $S. Müller, qui y a
résidé pendant treize mois et qui s’est livré pendant tout
ce temps à des explorations scientifiques, n’y a rencon-
tré que vingt et une espèces, savoir: parmi les Quadru-
manes, le Cercomithecus cynomolqus ; quatre espèces du
genre Pferopus, un Cephalotes, un Macroglossus, cinq es-
pèces du genre Rhinolophus, un Vespertiho, un Nychcejus;
le Sorex tenuis, un petit chat sauvage (Felis megalotis)
qui n'est guère plus grand que notre chat domestique;
un Paradozurus, un Phalangista ; le Mus decumanus,
le Sus timoriensis et le Cervus moluccensis.

De sorte que les carnassiers y sont peu nombreux.

Les îles voisines ne sont pas plus riches en mammi-

(1) Dans sa Dissertation des animaux aux Moluques”, pag. 267
liv. V. chap. I. du 3ème volume; pourquoi les insulaires lui donnent le
nom Javanais Mindjangan.

8

fères que celles que nous venons de nommer; et il est
juste de dire qu’elles n'ont pas encore été l'objet de re-
cherches scientifiques bien étendues. Les renseignements
obtenus des navigateurs qui y ont pénétré, tendent à
établir que les animaux qu’on y rencontre sont en très
petit nombre.

L'île de Célèbes, située au Nord des petites îles de la
Sonde, n’a que sa pointe sud-ouest (Macassar), et le district
Menado au nord-est de l'île, ainsi que l’île Bouton habitée
par un petit nombre d'Européens; aussi les explorations que
les naturalistes y ont faites, se réduisent-elles à un nombre
très restreint. On y connait dix-neuf espèces de mammife-
res; celles qui appartiennent aux genres Sus et Cervus y sont
les plus nombreuses; quant au cerf, les naturalistes sont
encore indécis à quelle espèce il appartient; le surmu-
lot y est connu. L’Antilope depressicornis n'a été observé
jusqu'ici que dans cette île; le Sus babirussa l'habite
également, mais se rencontre aussi dans les îles voisines
de Boeroe, Mangoli et Bangay. Le genre Phalangista
y est représenté par la Ph. ursina. L'on y connait en-
core le Cercopithecus cynomolqus, le Cynocéphalus niger
et le Tarsius spectrum ; les genres Pteropus, Macroglos-
sus, Harpyia, Taphozous, Sorex, Gymnura, Viverra, Sciu-
rus et Mus decumanus. Enfin le nombre de mammifères
que l’île de Célèbes nourrit, parle suffisamment en faveur
de la fertilité de son terrain.

Si les îles que nous venons de passer en revue ont
été l’objet de recherches scientifiques très restreintes, il
n’en est pas de même de Sumatra et surtout de Java,
Aussi, l'on peut dire que la connaissance de la faune des
animaux vertébrés de ces deux îles laisse aujourd’hui peu à
désirer. L’île de Bornéo est bien moins connue que les

9

deux précédentes; on sait cependant qu'elle nourrit un
grand nombre de mammifères, surtout de la grande espèce.
L'état sauvage de ce pays et le naturel farouche des in-
sulaires qui habitent l’intérieur de l’île, ont rendu les in-
vestigations très difficiles ; c’est là qu’on rencontre le Simua
satyrus (Orang-outan), l’Hylobates concolor, les Semnopt-
thecus nasicus, S. cristatus, S. rubicundus, S. chrysomelas
et S. frontatus. Parmi les Carnassiers, la Félhis longi-
bande (F. macrocelis) et L'Ours malais sont les plus
grands et les plus redoutables. On y trouve encore une
multitude de petits animaux voraces, appartenant aux
genres Paradoxurus, Potamophilus, Viverra, Mustela,
Lutra, Canis et les Chéiropléres qui y sont très nom-
breux, mais les chauve-souris sont encore imparfaitement
connus; le Pieropus funereus y est très commun ; on
y trouve aussi un grand nombre d’écureuils. L’absen-
ce du tigre royal et de la panthère a permis aux cerfs
de s’y multiplier d’une manière vraiment étonnante,
entr autres dans les districts du Sultan de Bandjermâ-
sin, où l'on rencontre souvent des troupeaux comptant
plus de cent individus. L'espèce Cervus russa y est
surtout très commune. L'île de Sumatra présente à peu
près la même étendue que l'île de Bornéo. Comme dans
cette dernière contrée, le terrain ne présente pas partout
la même élévation; on peut dire que Sumatra est divisée
en deux parties, qui présentent un aspect différent. La
partie orientale, la plus large, forme une plaine très éten-
due, entrecoupée de plusieurs rivières, de marécages et
couverte partout de sombres forêts et de haute futaie.
C'est dans ces déserts qu’on trouve aussi le Simia satyrus,
et même le Semnopithecus nasicus, si lon peut ajouter
foi aux renseignements obtenus.

10

L'Ile de Java est la plus importante à l'égard de son
règne animal et la mieux connue de toutes les îles de
Parchipel Indien. Partout la vue s'arrête sur de vastes
champs, de riz, formant d'agréables tapis de verdure; le
café, le sucre, le tabac, l’indigo, etc. sont cultivés par
les paisibles insulaires de cette contrée. Quand on pé-
nètre plus avant, on rencontre des forêts immenses et
des montagnes dont la hauteur dépasse de 1200 à 3000
mètres le niveau de la mer. C’est dans ces forêts gi-
gantesques qu’on entend les cris de L’Hylobates leuciseus,
du Semnopithecus maurus et du Semnopithecus matratus,
ainsi que la voix monotone du Puceros lunatus.

Le figuier sauvage, aliment principal des quadruma-
nes qui habitent Java, Sumatra et Bornéo, croît abon-
damment dans toutes les parties basses de ces îles. A
Java, on connait actuellement, comme le démontre le ta-
bleau classique du Dr. Müller, 81 espèces de mammifé-
res, savoir: cinq espèces de Quadrumanes, le Galéopi-
thèque, trente sept espèces de Chéiroptères, comprenant
Les genres: Pteropus, Macroglossus, Pachysoma, Cheirome-
les, Dysopes, Rhinolophus, Megaderma, Nycteris, Vesper-
ho, Emballonura, Nycticejus, Taphozous.

Dix-huit carnassiers, comprenant les genres: Hylogalea,
Hylomys, Sorex, Mydans, Lutra, Canis, Herpestes, Lin-
sang, Fes, Mustela, Viverra, Paradoxurus, Arctictis.

Douze rongeurs, renfermant les genres: Pleromys, Sci-
urus, Mus, Pithechir, Hystrix et Lepus (1).

Un édenté, savoir: le Manis javanica. Trois Pachyder-
mes, comprenant les genres: Sus et Rhinoceros.

(1) Le lièvre (Lepus ngricollis),ne se trouve qu'à Buitenzorg, dans les
champs bas.

11

Enfin quatre espèces de ruminants, comprenant les
genres, Moschus, Cervus et Pos.

Chacun de ces genres renferme une ou plusieurs espè-
ces, que nous aurons occasion de déterminer plus tard.

Si l’on en excepte le Bos sondaicus qui est propre à
Java et Borneo, tous ces genres, habitent aussi Sumatra.

Pour tous les détails dans lesquels nous allons entrer,
nous prendrons pour guide l'ouvrage publié par Mr. Sa-
lomon Müller. Ce savant naturaliste a résidé long-
temps dans le pays dont il décrit les animaux; 1l à été
à même de connaître exactement tout ce qui à rapport à
leurs habitudes et à leurs moeurs. Nous ne sommes donc
pas exposés à fournir des renseignements inexacts sur
l’origine des espèces que nous décrirons et à reproduire
les erreurs dans lesquelles sont souvent tombés des na-
turalistes du premier mérite, qui, pour leurs descriptions,
ont dû se reposer souvent sur des conjectures plus ou
moins douteuses (1).

Pour donner une idée des erreurs communes, prenons
pour exemple le mémoire d’Isidore Geoffroy St. Hilaire
(2). On y trouve que l'Hylobates leuciscus est origi-
naire des îles de Java et Sumatra, tandis qu'il appartient
exclusivement à Java.

L’Hylobates albimanus (Simia Lar, Linn.) qui vit ex-
elusivement sur le continent des Indes, est décrit comme
habitant de Java.

Le Semnopithecus mitratus (Sem. comatus, Desm.) que

(1) Plus d'une fois, des peaux d'animaux, dont l'acquisition avait été
faite à Sumatra, Siam ou en Cochinchine, ont été envoyèes à Paris par des
personnes habitant Batavia, et à defaut de renseignements exacts sur
leur patrie, on les a décrit comme originaires de Java.

(2) Muséum d'histoire naturelle de Paris, 1851.

12

‘on ne trouve qu’à Java, est décrit comme originaire de
Sumatra.

Le Marmon ou Mucacus nemestrinus, le Semnopithecus
cristatus, et le Semn. maurus, y sont tous les trois décrits
comme habitant Java, tandis que le premier vit à Suma-
tra et à Bornéo, le second à Sumatra, Banka et Bornéo,
et que le troisième habite exclusivement les forêts de
l'île de Java. D’après Mr. Geoffroy, le Semnopithecus
auratus devrait habiter les forêts des Moluques, et cepen-
dant nous avons déjà eu occasion de faire remarquer,
qu'aucune espèce de singe ne s’y rencontre; d’ailleurs cette
espèce paraît être entièrement inconnue aux Indes; il se-
rait donc difficile de dire quelle est la patrie du Semno-
pithecus auratus.

Dans le courant de cet ouvrage, nous aurons souvent
occasion de rectifier de pareilles erreurs, dans le tableau
systématique qui terminera notre travail; nous aurons
soin d’indiquer quelle est la véritable patrie des quadru-
manes connus jusqu'à ce jouret vivant à l'état sauvage,
dans les possessions Néerlandaises.

GÉNÉRALITÉS DES QUADRUMANES (1).

De tous les MAMMIFÈREs, les QUADRUMANES, sur-
tout la subdivision des Anfhropomorpheae (Simia troglodytes
Linn.) sont ceux qui ont le plus de ressemblance avec
l'homme. La différence la plus grande qui existe entre
l’homme et le singe, se trouve dans la conformation des
extrémités qui servent à la station verticale. IL existe

(1; Buffon Mammifères.

15

également dans la disposition du cerveau une grande
différence. Nous observons que le crâne de l’homme est
plus voûté, que par conséquent le cerveau est plus vo-
lumineux que celui du singe ou celui de tout autre mam-
mifère; les organes qui président aux facultés de l’âme
chez l'homme ont plus d'étendue.

Le singe a comme l'homme quatre membres destinés
chez lui à la locomotion et à la préhension. On les
distingue en membres antérieurs et postérieurs, Chacun
d’eux se termine par une véritable main dont le pouce
est opposé aux quatre autres doigts; les ongles du
singe sont arrondis comme ceux de l’homme; le tact
chez le singe est à peu près aussi parfait que chez
l’homme. Aux membres postérieurs, les muscles ju-
meaux de la jambe et la plupart de ceux de la cuisse, sont
moins robustes; les tendons des fléchisseurs s’insèrent
aussi plus bas: cette disposition fait que la flexion sur
la cuisse est plus facile que l'extension de la jambe.

Le bassin du singe est plus étroit que celui de l’homme:
aussi, lorsque l’animal est dans une position verticale, les
intestins ne sont pas suffisamment soutenus et l'équili-
bre devient difficile. Tout enfin dénote dans la confor-
mation du singe que c’est la marche horizontale qui lui
est la seule naturelle. Le singe a de plus la faculté de
se servir aussi bien des mains qui terminent ses extré-
mités postérieures que de celles des extrémités antérieu-
res: leur forme est au reste la même.

La tête du singe, de même que celle de tous les au-
tres mammifères, est soutenue par un ligament cervical
trés-fort, qui se fixe aux apophyses épineuses des ver-
tébres cervicales; les yeux de l'animal sont plus éloi-
gnés l'un de l’autre que chez l'homme, ce qui fait que la

14

marche horizontale ne l’empêche pas de voir devant lui.
Quant à la forme du erâne, il existe des différences as-
sez grandes, sans en excepter même celui de l’Orang-
outan; les mâchoires sont très saillantes et le front
fuyant (1).

Plus on s'éloigne de l'Orang-outan et plus on s'ap-
proche des autres espèces de singes, plus la différence
de la denture du singe, comparée à celle de l’homme est
visible. Les singes, de même que l’homme, ont quatre
incisives, mais leurs dents canines (2) présentent quelque
différence, surtout celles des Cynocéphales (3) qui ont
acquis autant de développement que celles des animaux
voraces. Ajoutons encore, que quoique la denture des
singes, rélativement aux trois espèces de dents, présente
beaucoup de rapport avec celle de l’homme, il y a en-
core une différence à établir en ce que ces dents sont
souvent espacées. à

DIVISION DES QUADRUMANES.

Les mammifères à quatre mains sont divisés en singes
proprement dits: Simiae et en Makis ou, Prosimiae.

Dans la première division sont classés comme suit:

a. Simia Satyrus, Linn. ou comme Vosmaer et les
Malais de la Sonde le nomment, Orang-outan. (Pithe-

(1) L'orthographie malaise de ce nom est Orang-outan (litt. homme
de bois, et figur. homme sauvage; tandis que Orang-outang signifie homme
debiteur).

(2) Je me suis servi du mot Canine, au lieu d'angulaire pour tous les
mammifères vivant à l'état sauvage.

(3) Ou singe à tête de chien, voir Cuvier, QuaprumanEs pag. 58.

19

eus Satyrus, Cuv. et Desm. Jocko Buff. (1). Orang-Simiu.
Geoffroy Saint-Hilaire.

b. Troglodytes niger ou T. chimpanzé, Geoff. (2);
(Simia Troglodytes Linn., Jocko et Pongo Buff.; Quojas
ou Satyra d’'Angola Tulp. (3); Pygmée Tyson (4) et
Pongo (5) Audeb.). Ce grand singe n’est pas propre à
l'archipel des Indes Orientales, mais il présente beau-
coup d’analogie avec L'Orang malais où Orang roux.
Avant de passer à la description du Simia Salyrus, je
croix utile d’entrer dans quelques détails, relativement le
Chimpanzé pour permettre de comparer ces deux espèces.

Le Chimpanzé ou Troglodytes niger dont on a fort altéré
l'histoire, parceque plusieurs naturalistes l’ont confondu
avec l'Orang-outan, habite le pays d’Angola, le Congo
et autres contrées de l’Afrique et forme une seule espèce,
qui se distingue de l’Orang-outan par des oreilles plus
ou moins mobiles et plus grandes que celles de l’hom-
me, par des arcades sourcilieres (Arcus supercilia-
ris) qui manquent aux premiers. Cet animal a la
face glabre et noirâtre comme celle du mulâtre, avec
des favoris des deux cotés, les yeux petits et rappro-
chés, mais vifs avec une expression d'inquiétude, qui
ne manque pas de douceur. Le corps assez bien con-

(4) Hist. nat. XIV, 1.

(2) Les insulaires de la côte de Guiné le nomment genéralement
Kimpérey, ce qui fait supposer, que c'est de là que dérive le nom de
Quimpèzé dont Lecat s'est servi (Traité du mouvement musc. pl; fig. 1.);
et Chimpansé comme le nomme Cuvier.

(3) Qui en donne une mauvaise figure (obs. méd. p. 271.)

(4) The anat. of a Pygmy, pl. 1. Lond. 1699.

(5) Nom corrompu de celui de boggo, que l'on donne en afrique au
Chimpansé; voir Cuv. Règne animal p. 53. 1836.

16

formé a des poils elair-semés, noirâtres, rudes, plus longs
sur les épaules, plus rares sur le ventre, larges et plats
sur la poitrine et à la face intérieure des cuisses. Les
fesses sont prononcées et sans callosités; les bras robus-
tes et bien faits, ne descendent guère que jusqu'aux
genoux; les mains sont fortes, sans être longues, glabres
et grisâtres, ayant le pouce un peu reculé; le pouce
du pied est moins écarté et moins opposé que dans la
race de Z’Orang malais.

Sa taille selon les voyageurs est celle des nègres;
souvent elle la dépasse (1); on leur compte un vertèbre
lombaire de plus qu'a l’Orang-outan. Ils ne sont quoi-
qu'on en ait dit, ni sanguinaires, ni provucateurs; seule-
ment ils se réunissent par troupes, organisent des espé-
ces de camps où ils se construisent des huttes de feuil-
lage et s’y défendent contre toutes les bêtes féroces,
contre le lion même et l’éléphant que leur agilité décan-
certe et fatigue. Jaloux de leur liberté, ils se défient
des nègres; armés de pierres et de bâtons, ils se defen-
dent ceux qui menacent leur vie ou leur repos. L’abbé
Prevost et Laharpe après lui, en parlant de l'instinct de
conservation, de ce singe en donnent des exemples qui
ne sont pas exempt d’exageration (2).

Purchas qui les a observés à l’état de nature, dans les
forêts du royaume de Loango, dit: que le Chimpanzé
marche droit sans appuyer ses mains sur le sol, qu’il
vit dans les bois et se perche sur des arbres, au milieu
desquels il a disposé une espèce de toit, qui le met à l’a-

(1) On prétend qu'il y en a qui dépassent cinq pieds (I, 299
à 1, 624).
(2) Voyez leur Bibliothèque générale des voyages.

17

bri de la pluie. Il se nourrit de noix sauvages, jamais
de chair; quand, dans leurs bivouacs, les naturels ont
allumé du feu pendant la nuit, les Chimpanzés viennent
les remplacer autour des braises ardentes et parais-
sent se chauffer avec plaisir. On prétend que ces ani-
maux lancent des pierres et construisent des huttes. ,On
ne parvient jamais à saisir les gros en vie, dit Battel,
parce qu'ils sont si ‘obustes que dix hommes nc sufii-
raient pas pour les arrêter; mais les nègres en prennent
quantité de jeunes, après avoir tué la mère. Lorsqu'un
de ces animaux meurt, les autres témoignent de la tris-
tesse et couvrent son corps de feuillage. Un Orang noir,
continue ce voyageur, enleva un de mes négrillons, qui
vécut plusieurs semaines parmi ces animaux sans qu'ils
lui fissent aucun mal.”

Un certain de la Brosse (1) va plus loin encore. Il dit
qu’il avait connu à Loango une négresse qui, enlevée par
de grands singes, demeura trois ans avec eux dans les
forêts, où ils l’avaient logée dans une hutte de feuillage,
et que cette négresse n’avait eu qu'à se louer des bons
traitements qu'elle reçut. |

Les femelles des Chimpanzés ne portent qu'un petit à
la fois, qui vient au monde après sept ou neuf mois. On
prétend que leur éducation dure une ou deux années,
pendant lesquelles le père et la mère leur témoignent
toute l'affection imaginable. Quant à l’âge auquel ces
animaux parviennent, on ne pourrait en donner que des
renseignements peu exacts. Naturellement ommvores,
ces quadrumanes se nourrissent de fruits, enlèvent sur
les arbres et dans les buissons les œufs d'oiseaux, font

(1) Voyage à la côte d'Angola, 1738.

18

la chasse aux grenouilles, et sont très friands de lima-
cons, d’huîtres et d’autres mollusques. Pour donner une
idée de leur intelligence et de leur adresse, il suffira de
citer quelques traits d’une femelle très jeune, qui s’est
trouvée dans le temps au jardin des plantes à Paris. Cet
animal, auquel on avait donné le nom de Jacqueline, était
d’une adresse surprenante, et, quoique très jeune, il avait
une longueur de 24 pieds (0,812 m.) Jacqueline attirait
une foule de curieux au jardin des plantes et devint un
objet d’admiration pour tout Paris; elle était d’un ca-
ractère doux et même caressant; elle reconnaissait tous ceux
qui l’avaient visitée plusieurs fois et leur témoignait de
la préférence. Si on la contrariait ou si on la tourmen-
tait, elle pleurait comme un enfant et se retirait dans
an coin de la chambre, où elle se cachait la face dans
les mains: son chagrin disparaissait cependant au moin-
dre signe d'amitié; elle essuyait alors ses larmes et ve-
nait au devant de celui qui l’avait tourmentée, sans témoi-
gner aucune rancune. Comme preuve évidente du développe-
ment de ses facultés intellectuelles, nous nous bornerons à
reproduire les exemples suivants, qu'un témoin oculaire
a racontés: ,Une personne dit-il, tira un de ses gants
et le mit sur la table; aussitôt Jacqueline s'en empara
et essaya de le mettre, maïs confondant une main avec
l’autre, elle ne pouvait y parvenir. On lui montra la
différence, et elle la comprit si bien, qu’elle ne se trompa
plus de main, soit qu'on lui donnât le gant de la main
gauche, soit qu’on lui présentât celui de la main droite.”

Mr. Werner, peintre d'histoire naturelle, reçut l’ordre
de faire le portrait de Jacqueline; celle-ci, surprise en
apercevant les premiers traits sur le papier, témoigna
le désir de dessiner à son tour; on lui donna un crayon,

19

et aussitôt. ayant pris place à la table, elle fit rapide-
ment sur le papier quelques traits difformes. Comme
elle appuyait avec trop de force sur le crayon, la pointe
se cassa, à ce qui lui causa une peine visible; on tailla le
crayon et on le lui présenta, mais alors elle appuya
beaucoup moins fortement. Elle portait également, de
temps à autre, le crayon à la bouche pour le mouiller,
chose qu’elle avait vu faire par le peintre, mais chaque
fois qu’elle le faisait, elle en brisait la pointe en serrant
ses dents, ce qu’elle continua à faire malgré toutes les
peines qu’on se donna pour l’en corriger.”

, Une femme qui soignait Jacqueline désirait lui appren-
dre à coudre, mais comme elle se piquait fréquemment
les doigts, elle jeta l'ouvrage à terre et sauta sur une
corde tendue qui servait à ses exercices acrobatiques.
On lui avait donné un chien et un chat pour compa-
gnons de servitude; elle était très attachée à ces ani-
maux: elle partageait son lit avec eux, plaçant l’un à
droite et l’autre à gauche. Malgré cette affection réelle,
elle resta la maîtresse, les punissant lorsque l’un des deux
avait enfreint ses ordres, ou quand la bonne harmonie
qui devait régner entre eux était plus ou moins altérée.
Jacqueline avait en outre l’habitude de se laver la face
et les mains avec de l'eau froide. Malgré tous les soins
dont on entoura cet animal, il ne put résister aux ri-
gueurs de notre climat et ne tarda pas à payer son tribut
à la nature.”

Buffon, qui a observé cet animal de près, s'expri-
me ainsi: ,J’ai vu qu’elle (Jacqueline) avançait la main
vers ceux qui venaient la visiter, au moment où ils la
quittaient; qu’elle se mettait à table, déployait sa ser-
viette et s’en servait pour frotter sa bouche en mangeant:

2

20

qu'elle se servait d’une fourchette à ses repas, qu’elle
remplissait son verre et trinquait avec ceux qui l’entou-
raient, lorsqu'on le lui ordonnait.”?

Mr. Grandpré, officier de la marine française, qui a
habité deux ans le pays d’Angola, raconte ce qui suit:
L'intelligence de cet animal est vraiment extraordi-
naire, il marche ordinairement dans une attitude ver-
ticale, appuyé sur une branche d’arbre, dont il se sert
en guise de canne. Les nègres le craignent beaucoup,
mais la raison en est très plausible, vu que lorsque le
Chimpanzé les rencontre, ils courent toujours risque d’être
battus par lui: ils ont l'absurde idée que c’est par pa-
resse que le Chimpanzé ne parle pas. Ils croient qu’il pense
qu’en faisant connaître qu’il est doué de cette faculté,
on le forcerait à travailler comme eux. Ce préjugé est
tellement enraciné chez eux que lorsqu'ils rencontrent
cet animal, ils n’oseraient se dispenser de lui adresser
la parole.

Un autre individu de cette espèce, que j'ai vu à
bord d’un vaisseau négrier, était d'une intelligence sans
exemple; c'était une femelle, qui avait une longueur de
4 p. 2 p. 8 I. lorsqu'elle était debout; ses bras dépas-
gaient à peine d'un pouce ses genoux.

L'animal assistait à toutes les manœuvres du bâti-
ment; quand on tournait le cabestan, il se joïignait aux
matelots, et tenait mieux le pas qu’eux; lorsqu'on en-
verguait les voiles pour partir, il grimpait de lui-même
sur les vergues, et aidait les matelots, qui le traitaient
en camarade. Il aurait même travaillé aux ouvrages les
plus dangereux, si on ne l'en eût pas empêché de force.
Il nouait les rubans aussi bien que le premier marin et
lorsqu'il s’apercevait que les bouts des rubans flottaient,

21

il redressait aussitôt ceux qui étaient laissés à ses soins,
et quoique souvent dans ce travail ses doigts s’enga-
geassent entre la vergue et la voile, il l’endurait sans faire
la moindre grimace, et lorsqu’on descendait il arrivait tou-
jours le premier sur le pont. Mais comme souvent trop
d'intelligence déplait à ceux qui ne savent pas l’apprécier
à sa juste valeur, le pauvre animal vint à mourir chemin
faisant, par suite des mauvais traitements qu'il éprou-
vait de la part du contre-maître du bord, qui l'avait pris
en antipathie.”

INSTINCT ET INTELLIGENCE DES SINGES EN
GÉNÉRAL.

En général, les singes se nourrissent de plantes et de
fruits; quelques-uns néanmoins paraissent également avoir
quelque tendance à se procurer une nourriture animale.
Plusieurs sont munis de poches placées dans l'intérieur
de la bouche (abajoues), et qui leur servent de réservoirs
pour les aliments.

La conformation du tube digestif du singe a beaucoup
de rapports avec celle de l’homme, et le canal intestinal
a à peu près la même longueur.

L’estomac a la même forme que celui des quadrupè-
des monogastriques, tels que le cheval, etc.; leurs ma-
melles sont placées sur la poitrine. Presque tous les
singes ont une queue plus ou moins longue; quelquefois
cette longueur dépasse celle du corps; elle leur sert
comme une cinquième main, pour saisir les objets. Les
singes en général sont très adroits, et en agilité ils l’em-
portent sur l’homme. Les organes des sens, surtout
Podorat et le goût, sont très fins; ils ne mangent que

22

rarement quelque chose avant de lavoir flairé. La
sensibilité qui réside dans le bout des doigts est à peu
près aussi prononcée qu’elle l’est chez l’homme; cette fa-
culté distingue le singe de tous les autres mammifères:
leurs doigts, quoique moins flexibles que ceux de l’homme,
saisissent néanmoins les plus petits objets.

Les singes ont généralement une mémoire surprenante;
quand on leur fait du mal ou qu’on les taquine, ils font
toutes sortes de gestes; ils grincent des dents, mordent
et grattent, lorsqu'on les approche. Ils sont rusés, mé-
fiants, souvent faux et artificieux. Quelques espèces sont
très farouches, surtout lorsque les individus sont avan-
cés en âge, souvent intraitables et même aussi méchants
que les animaux voraces les plus sauvages: il y a ce-
pendant des espèces qui sont douces, et qui s’habituent
assez vite à la vie domestique. Les singes sont mal-
propres, voleurs, et souvent d’une lubricité dégoûtante.
A l'état sauvage, ils s'amusent à ravager les champs, à
déraciner de jeunes plantes, ou, faute de mieux, à ta-
quiner d'autres animaux; par leur grande agilité ils
échappent facilement aux poursuites de leurs ennemis.

L'instinct de la génération est porté chez les singes
à un haut degré; cependant, comme la femelle ne fait
qu'un ou deux petits par an, ils ne se multiplient pas
fortement.

Les mères donnent aux jeunes singes les soins les
plus attentifs; elles les portent sur les bras, au sein, ou
bien les petits, par instinct, s’attachent au cou ou se
placent sur le dos de leur mère, soit qu’elle aïlle à la
recherche de sa nourriture, soit qu’elle se rende dans d’au-
tres contrées. Cependant, malgré l’affection que les singes
paraissent avoir pour leurs petits, ils les élèvent avec

23

beaucoup de sévérité. In cas de désobéissance, ils leur
infligent des corrections manuelles. Les petits, à leur
naissance, étant très faibles, ont besoin des soins mater-
nels plus longtemps qu'aucun autre jeune mammifère. A
l’état sauvage, les singes vivent presque toujours en trou-
pes plus ou moins nombreuses qui se font remarquer par
une grande confraternité; mais si par hasard quelques
singes étrangers viennent à se mêler parmi eux, alors
ils se disputent et se battent avec acharnement. Leur
agilité les rend très difficiles à prendre et il n’y a or-
dinairement que de très jeunes singes dont l'Européen
parvienne à s’emparer. ’

Les singes habitent exclusivement sous les tropiques ou
les pays de la zone torride; il est vrai qu'on trouve le
Macacus nemestrinus à l’état sauvage non loin de G:i-
braltar (au mont Abyla, sur les limites respectives du
détroit), mais on a des motifs plausibles pour suppo-
ser que ces animaux sont tout simplement les descendants
de quelques individus venus de la côte africaine voisine,
et qui, s’étant échappés de domesticité, se seront accli-
matés et reproduits en ce lieu (1).

Un voyageur célèbre en parlant de Gibraltar rap-
porte entre autres l’anedocte suivante, qu’un guide lui ra-
conta naïvement: ,Ces animaux sont les seuls de leur
race en Europe, nous dit-il, avec un amour-propre invo-
lontaire: sur le revers à pic de la montagne, où leur
sûreté n’est pas menacée, ils se nourrissent des bour-
geons du petit palmier et des jeunes pousses du laite-
ron. Nos rochers sont leur demeure de prédilection; ils
y trouvent l’abondance et la paix. Le gouverneur est

(1) Lesson, Dictionnaire classique d'histoire naturelle, t. 9, p. 590, 1829.

24

très jaloux de la sécurité de cette petite famille. Il est
formellement défendu de leur tendre des pièges et même
de les apprivoiser. Un paysan crut se mettre au mieux
dans l’esprit du gouverneur, en s'emparant d’une de ces
pauvres bêtes, dont il s’empressa de lui faire hommage.
Le Gouverneur entra dans une grande colère, et le pay-
san, au risque de se rompre le cou, fut obligé de repor-
ter sa capture à l'endroit même où il l'avait prise. La
petite peuplade, à la faveur de ce privilège, vit libre et
meurt à sa guise (1).”

Quoique les connaissances que nous avons de la vie
privée de plusieurs espèces de singes ne soient souvent
basées que sur des données peu certaines, il n'en est pas
moins vrai que la vie et les habitudes de ces animaux
sont très singulières; souvent même on serait tenté de
regarder comme erroné ce qu'on en dit, si l’observation
ne venait constater la véracité des faits décrits.

Les singes ne supportent pas les froids humides; c'est
là un des principaux motifs qui empêchent de tenir en vie
ceux qu’on introduit en Europe; il n’y a que l’Hylobate
leuciscus — espèce qui vient des îles de la Sonde —
qui s’habitue au climat froid de notre pays. Quelque
grand que soit le nombre des espèces connues jusqu'à
ce jour, il n’est cependant pas douteux que sous les
tropiques il en existe encore des espèces ignorées (2).

(1) Voyage pitloresque autour du monde t. 1, p. 10, 1834. (Publ.
sous la direct. de Mr. Damont d'Urville).

(2) Depuis la formation du tableau joint à cet ouvrage, Mr. sS.
Müller a appris la découverte d'une nouvelle espèce de singe qui se
tient à Sumatra; on le nomme Semnopilhecus sumatranus, et il prend
rang après le Semn. melalophus. (Voir le tableau).

25

Disons enfin que le singe est un animal très paisible
et tout-à-fait inoffensif, lorsqu'on ne le force pas à se
défendre, mais que c'est un voisin très incommode pour
les terres cultivées, qui sont continuellement exposées à
ses déprédations; mais l'apparition d'un seul homme suffit
pour les mettre en fuite.

Avant de passer à la description des diverses espèces
de singes, nous allons citer quelques exemples des vices
et des malices qui sont propres à ces êtres singuliers.

Fr. Cuvier, en parlant des singes, dit entre autres
que cet animal, sans être jaloux, possède un certain sen-
timent qui, à en juger par son apparence extérieure, à
beaucoup d’analogie avec cette passion, que cependant
chez les animaux celle-ci ne peut exister avec le même
caractère que chez l'homme. Lorsqu'une femelle, dit-il,
s'attache à quelqu'un, elle ne fait aucune différence entre
un homme ou une femme. Si on a cru observer quel-
quefois une exception à cette règle, elle ne peut provenir
que d’un défaut d'observation.” |

Ayant eu plus d’une fois l’occasion d'observer des sin-
ges des deux sexes, de diverses espèces et de tout âge,
à l’état sauvage et à l’état de servitude, pendant notre
séjour aux possessions néerlandaises orientales, nous ne
pouvons partager l’opinion de ce célèbre naturaliste, par-
ce que l'expérience nous à prouvé le contraire. Non seu-
lement nous avons observé une jalousie violente à l'égard
des hommes, mais encore un penchant visible pour les
femmes. Il nous suffira d’en citer quelques exemples.

1°. En 1823, revenant de Samarang, où nous avions
résidé une année, nous logions (en attendant une occa-
sion favorable pour nous rendre à Palembang), à l’hôtel
Bokmolen à Batavia, et, selon l’habitude alors adoptée

26

par les Européens aux Indes, nous nous faisions servir
par une fille travestie en homme. Nous étions là depuis
huit jours et personne ne s'était douté du sexe de cette
fille. Un jour cependant elle se rendit à l’écurie, près
de laquelle était attaché un singe de l'espèce Cynocé-
phale (Cyn. niger de Célèbes); elle ne fit aucune atten-
tion à cet animal, mais celui-ci fit tant, par ses poses
indécentes et par ses grimaces, qu’il ne resta plus aucun
doute sur le sexe de ma domestique, de sorte que deux
voyageurs qui se trouvaient là par hasard découvrirent
que mon jeune domestique n’était autre qu’une fille
travestie.

2°. À Amboine, nous avions un petit singe mâle, qu’un
capitaine de navire avait amené de Java: cet animal,
qui était attaché à un poteau au milieu de la cour, se
livrait à des gestes peu équivoques, chaque fois qu’il re-
marquait une femme. Un jour une dame, pour laquelle
il paraissait avoir une affection toute particulière, pas-
sant trop près de lui, il se jeta sur elle et s’attacha à
son cou; ce ne fut qu’à force de coups de fouet qu’on
parvint à lui faire lâcher prise; par vengeance il jeta
des excréments à la figure de ceux qui étaient venus
au secours de la dame.

3°. Un autre fait, dont nous avons également été té-
moin oculaire, s’est passé chez un de nos amis, qui avait
une guenon de l’espèce mandrill. Cet animal montrait
une grande méchanceté à l’égard des femmes, mais beau-
coup de docilité à l’égard des hommes; solidement atta-
ché au moyen d’une chaîne, il ne pouvait faire aucun
mal. Un jour l'épouse de notre ami, contre laquelle
l'animal paraissait avoir conçu une haine acharnée, s’étant
hasardée trop près de lui, l'animal saisit le bout du

27

peignoir dont elle était vêtue et le tira en lambeaux, avec
un acharnement incroyable.

Nous croyons que ces trois exemples sufront pour
combattre l’opinion que Fr. Cuvier s'était formée, en
observant des animaux vivant à l’état de domesticité. La
hardiesse et l’intrépidité de certains singes sont connues;
cependant, pour en donner une idée, nous nous bornerons
à en citer deux exemples qui présentent, croyons-nous,
quelque intérêt pour les amateurs d'histoire naturelle.

a. Au delà de la grande rivière de Karang Sambong,
près de Tomo (résidence de Cheribon, île de Java) se
trouve une forêt très étendue, de haute futaie (Tectona
grandis). — Plus d’une fois nous y avions vu une troupe
de singes assaillir des femmes malaises qui se rendaient
au bäzär (marché) pour vendre leurs marchandises, et les
obliger à abandonner les fruits qu’elles portaient, si elles
voulaient échapper aux mauvais traitements. Leur plan
d'attaque était assez ingénieusement conçu. Un singe
plus robuste que les autres et qui paraissait être le chef de
la troupe, plaçait, de distance en distance, des sentinelles
auxquelles il semblait donner des ordres; chaque singe
placé jetait un cri, qui devait sans doute servir de signal.
Après avoir ainsi échelonné quelques individus en éclai-
reurs, le chef disparut au fond du bois. Bientôt le singe
le plus avancé sur la route jeta un cri particulier en met-
tant les mains devant son museau; ce signal, répété par
tous les autres, annonçait l'approche de leurs victimes.
En effet, nous vîimes arriver de loin une dizaine de fem-
mes malaises, toutes chargées de hottes; à peine étaient-
elles à la portée de ces voisins incommodes, que tout à
coup une troupe de singes tombait sur elles et les dé-
pouillaient en partie des fruits dont elles étaient char-

28

gées. Nous eûmes occasion ici d’ébserver l’indolence dont
on accuse avec raison les Javanais: aucune de ces fem-
mes ne fit la moindre résistance, mais, riant des espiè-
gleries de ces animaux rusés, elles attendirent patiemment
le moment de pouvoir continuer leur route. La retraite
des singes se fit avec ordre et on pouvait remarquer qu’il
régnait parmi eux une certaine discipline.

b. Plus d’une fois, l’on nous avait parlé de deux troupes
de singes qui vivaient en bonne harmonie, quoique sé-
parées, dans un bois très épais, situé dans le district de
Radja-Galo (résidence Chéribon) qui leur servait de lieu
de retraite. Un jour, en faisant une inspection adminis-
trative des corps stationnés dans le Chéribon, nous nous
arrêtèmes à Radja-Galo pour satisfaire notre curiosité par
rapport aux mœurs de ces animaux. Logé chez un pan-
gerang (prince indigène) qui habitait dans ces parages, nous
partîmes de bon matin, guidé par un hadji (prêtre) et
nous nous dirigeâmes vers le bois que ces animaux ha-
bitaient. En y arrivant, le guide qui avait l’habitude de
leur apporter deux fois par jour leur nourriture, con-
sistant en riz bouilli, frappa deux ou trois coups sur un
morceau de bambou, ou bois creux: on entendit alors à droite
et à gauche, dans l'épaisseur du bois, à travers le feuil-
lage, des cris d’allégresse, et bientôt nous vîmes arriver
à nous ces singuliers animaux, sautant d’une branche à
l’autre, et les femelles portant leurs petits attachés à
leur corps. Tandis que les deux bandes s'alignaient en
bon ordre, un grand singe, qui était le chef de l’une des
troupes, vint se placer à terre, nous regarda fixément et
commença par se régaler du riz que le guide avait ap-
porté; aucun des autres singes ne bougea, aussi long-
temps que leur chef ne leur eut pas fait le signal;

29

mais, une fois ce dernier donné, ils sautèrent des arbres
qu'ils occupaient, en attendant l’ordre de leur chef, et se
formèrent en cercle à une distance respectueuse, au-
tour de lui. Lorsque ce dernier eut satisfait son ap-
pétit, il regarda autour de lui et se dirigea vers une pe-
tite femelle à laquelle il prodigua beaucoup de caresses.
Pendant ce temps les autres singes mangèrent copieuse-
ment, après quoi ils sautèrent sur les branches des arbres,
pour céder la place aux singes de l’autre troupe. Ceux ci
agirent de même. Enfin, sur un signal que l’hadji donna
sur son bambou, tous disparurent dans l’épaisseur du bois.

Avant de quitter le guide, qui passait pour un maho-
métan éclairé, nous lui demandâmes s’il connaissait l’o-
rigine de ce petit peuple sauvage. Il répondit, avec le
flgme du Javanais, qu’autrefois chacune de ces trou-
pes formait les habitants d’un Kampong (village), mais
qu'ayant péché fortement contre la loi du Prophète,
touwan Allah (Dieu) les avait tous condamnés à la vie
animale et les avait privés de la voix humaine. Cette
historiette, passée à l'état de chronique dans ces parages,
est acceptée comme une vérité, non seulement par les
habitants de cette contrée, mais encore par d’autres in-
digènes de Java.

Maintenant, que nous avons traité des quadrumanes
en général, nous allons essayer de les décrire suivant
l’ordre classique, conformément au tableau joint à la
suite du présent mémoire.

30

DESCRIPTION DES SINGES VIVANT AUX COLONIES
ORIENTALES NÉERLANDAISES.

Genre I. L’Orang-outan (1) (Simia satyrus L. 2).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Le corps de cet animal, qui parvient ordinairement à
une longueur de 3 à 4 pieds, est couvert de longs poils
roux. Ses bras descendent jusqu’au dessous des genoux.
Son front est si élevé qu’il occupe presque la moitié du vi-
sage. Une partie de la face, la partie interne des mains
et la plante des pieds sont lisses et d’une couleur
rouge cuivrée; elles ne sont pas garnies de poils. Sur
la tête, les poils sont plus longs et plus forts que sur
les autres parties du corps. La tête du singe adulte
est grosse et allongée; l’ouverture extérieure des narines
se dirige en bas; les lèvres sont minces et peu marquées.
La langue diffère, par sa conformation, de celle des
autres singes ; ce sont les seuls dont l’os lingual, le foie
et l’intestin (cæcum) ont beaucoup d’analogie avec ceux

(4) Lesson, dans sa dissertation sur les spécies des mammifères, bi-
manes et quadrumanes, 1840, et son nouveau /ableau du Régne animal
1842; place l'Orang-outan dans la subdivision: anthropomorpheae, classifi-
cation selon Bory de Saint-vincent. Voir son livre ayant pour titre l'homme,
et son Dictionn. class. d'hist. nat. t. XII, p. 261 ; 1827).

(2) Il est urgent de faire remarquer, que la dénomination de Pithecus
sutyrus à élé employée par plusieurs auteurs. Cependant, celle de simia
est plus ancienne, et plus usitée, non-seulement en général, mais dans
son application particulière aux Orangs.

31

de l’homme; ils ont 32 dents, parmi lesquelles on compte
4 incisives à chaque mâchoire; deux de celles de la
mâchoire supérieure sont plus larges que les dents voi-
sines. Le cou de cet animal est court, le ventre gros.
La main de l’extrémité antérieure ressemble à celles de
l'homme; le pouce ne dépasse pas la première articula-
tion de l'index. Le pouce de la main de l'extrémité pos-
térieure est placé très bas, de manière qu'il forme avec
les autres doigts un angle droit.

L'Orang-outan n’a ni queue, ni callosités aux fesses;
ses oreilles sont arrondies et ont beaucoup de rapport
avec celles de l’homme; leurs mouvements sont lents,
mais graves; ils ne sont pas enclins à la lubricité qui est
propre aux autres singes. Les femelles ont les mamelles
un peu aplaties, leurs parties sexuelles, conformées comme
celles des femmes, et elles sont aussi sujetties à un flux
menstruel périodique (1).

Aussi longtemps que l’Orang-cutan est jeune, ses dents
canines ne sont pas plus longues que celles de la
partie antérieure de l’arcade dentaire, mais, suivant l’âge
de l’animal, elles croissent de plus en plus et dépassent
même les autres. La tête du jeune animal a une forme
arrondie, mais à mesure que les dents se développent et
que l'individu grandit, elle prend une forme longitudi-
nale. Les dents molaires sont plus carrées que celles de
l’homme. Les bras sont très longs et dépassent les ge-

noux; le pouce est très court.

(1) Mr. Vosmaer, qui a observé une femelle tout le temps qu'elle a
vécu dans la ménagerie de Frédéric Henri, prince d'Orange, dit ne pas
avoir remarqué qu'elle ait eu des écoulements périodiques ; par consé-
quent nous ne pouvons l'affirmer ni contredire, vu que nous ne l'avons
non plus remarqué des individus que nons avons observés dans l'état
de servitude.

32

Le vieux mâle se distingue de la femelle: 1° par
sa taille plus grande, et par sa structure plus vigou-
reuse; 2° par son poil plus long et plus épais, et par
sa barbe, assez longue et touffue sous le menton. Enfin
3° par une excroissance calleuse qui se trouve perpen-
diculairement, du côté du visage, entre les yeux et les
oreilles, ayant la forme d’une demi-lune et au milieu
une largeur d’environ 2 pouces. Le visage des vieux mâles
est d’un noir de cheminée à l’exception de la place qu’oc-
cupent les yeux, où la couleur est moins foncée. Les
yeux, qui sont petits en proportion du corps, sont assez
profonds dans la tête, ils sont ardents à l'extrême; l'iris
est d’un beau brun foncé.

La tête, le dos, le ventre et les membres de ce singe
sont bien fournis de poils; mais les plus longs sont ceux
des flants. Le visage, les parties nues des mains et
du derrière, en sont totalement dépourvus. Sur le dos
des vieux, ils s’usent peu à peu à force de se coucher,
au point que très souvent la peau est à peine couverte
de poils très courts. Les vieilles femelles ont ordinai-
rement le bas-ventre dépourvu de poils. La couleur varie
depuis le rouge roussâtre léger et le rouge jaunâtre, jus-
qu'au brun foncé ou noir. La peau du ventre est d’un
aspect un peu rude, qui nous rappelle involontairement
la peau de l'homme, quand elle est dans cet état causé
par le froid et qu'on nomme vulgairement peau d’oie.

Si l’Orang-outan est, aussi bien dans son extérieur
que dans son intérieur, une créature très remarquable, il
ne l’est pas moins quant à ses habitudes et à ses mœurs.
Quoiqu'il ait été impossible jusqu'ici de l'observer de
près dans l’état sauvage, comme on a pu le faire pour
la plupart des autres singes, il n’en est pas moins vrai

33

qu’on a déjà obtenu des données très curieuses sur l'in-
stinct de ce singe.

Paresseux et peu adroit, craintif de sa nature et pré-
férant la solitude, on ne le trouve que seul; cependant
les jeunes et les femelles, qui sont ordinairement en petite
compagnie, font exception à cette règle. Pendant le
jour, ils grimpent sur les cimes des arbres pour cher-
cher leur nourriture, qui consiste en toute espèce de fruits
sauvages, de boutons de fruits, de fleurs et de jeunes
feuilles. Les figues, Ficus infectoria, forment leur nour-
riture préférée (1).

Aussitôt qu’il appréhende quelque danger ou qu'il se voit
menacé d’une attaque, il cherche un abri sur les ‘plus
hautes cimes des arbres, se cache derrière une branche
épaisse, dans le feuillage touffu, ou bien il s’esquive d’arbre
en arbre. Blessé d'un coup de fusil ou d’une flèche, il
commence d’abord par arracher toutes les branches qu’il
peut saisir et les jette vers celui qu’il croit être son ennemi,
dans le but sans doute de faire cesser toute poursuite.

Pendant la nuit, il se tient de préférence dans les lieux
les plus bas de la forêt, où il est le plus à l'abri du vent
et de la pluie. C’est là qu’il passe la nuit, soit dans une
touffe de grande fougère ou d’orchidée croissant en pa-
rasite sur quelque tronc épais, ou bien il établit son
gîte sur le sommet de quelque petit arbre isolé. A cette
fin, il entrelace les menues branches et, pour rendre sa
couche plus molle, il y met encore des feuilles d’orchidees,
de fougères, de pandanus fascicularis, de nipa fructicans,

(1) Un vieux mâle disséqué par Mr. S. Müller, avait dans son es-
tomac plusieurs bandes d'écorces d'un à deux pieds de longueur, ainsi
qu'un grand nombre de graines du Sandoricum indicum.

3

34

etc. De ce côté, l’Orang-outan se distingue évidemment
de tous les singes, à l’exception peut-être du Chimpanzé (1);
ajoutons encore que l’Orang-outan ne dort pas en s’as-
seyant, mais en se couchant sur le dos ou sur l’un des
deux flancs, comme l'homme. La nuit, quand Pair est
froid ou pluvieux, il couvre ordinairement son corps de
feuilles; il en met surtout en grande quantité sur sa tête.
De tous les sens, l’ouïe semble dominer chez lui, aussi
sait-il en tirer parti pour sa sécurité; la vue et l’odorat
sont parfaits, selon les expériences dont Mr. $S. Müller
a fait ample mention. Quant au toucher, celui-ci semble
atteindre chez lui son plus grand développement et sa plus
grande délicatesse dans les lèvres, surtout dans la lèvre
inférieure, qui est grande et charnue et qui procure à cet
animal plusieurs avantages.

Jusqu'à ce jour l’Orang-outan n'a été observé qu'à Bor-
néo, dans les parties Sud et Ouest de cette île. Il y
habite exclusivement les grandes forêts marécageuses: on
ne le voit guère dans les montagnes.

Quoique, à une époque reculée, l’Orang-outan paraît
avoir été très commun à Sumatra, où il habitait aussi
les forêts marécageuses, longeant la côte Est et surtout
la partie nord de cette côte; aujourd'hui cependant cette
espèce y est devenue assez rare, et dans les environs de
Bandjermâsin (Sud-est de Bornéo) elle à -entièrement dis-
paru, par suite de la chasse opiniâtre que les insulaires leur
ont constamment faite. Par contre, à quelques journées
plus à l'occident, le long des rivières Kahayan, Sampit,

(1) Notice of troglodytes gorilla a new species of orang of Gaboon-
river, by Thomas Savage, et voir Journ. of nat, hist. t. 5 pag. 419.
Boston 1847.

35

Mandawej, Kotaringen, etc., ainsi que le long de la côte
occidentale, dans l’intérieur de Pontianak et en quelques
autres endroits on l’observe en assez grand nombre.

Dans l'état de servitude, il est aussi intelligent que tous
les autres singes; il est doux, obéit à son maître et il
est affectueux envers ceux qui le soignent. La nature
lui a donné peu de moyens de défense, on peut même
le citer comme étant, après l’homme, l’animal qui à le
moins d’armes naturelles; mais en revanche il l’emporte
sur les autres par ses facultés intellectuelles.

Comme exemple de son obéissance nous citerons le fait
suivant: En 1835, pendant notre séjour à Buitenzorg, nous
avons eu occasion d'observer cet animal de près, à l’état
de servitude. Un de nos amis avait depuis plusieurs
années, un Orang-outan de la plus grande espèce, qu'il
avait acheté à Bornéo. Jamais nous n’avons vu un ani-
mal plus docile. Il obéissait à tous les ordres de son
maître; dans tous ses gestes on voyait qu’il connaissait
particulièrement son bienfaiteur. Lorsque notre ami se
mettait à fable, son compagnon, auquel il avait donné le
nom de Jacko, se mettait à côté de lui et prenait avec
beaucoup d’adresse la nourriture que son maître avait
l'habitude de lui donner. Il jouissait de la plus grande
liberté et parcourait la maison dans tous les sens.

Lorsque Jacko avait du chagrin, ce qui arrivait souvent,
lorsque son maître l’avait grondé ou corrigé, il secouait
la tête, se mettait à pleurer et se roulait à terre; dans
toutes ses actions, il montrait beaucoup de ruse et beau-
coup de malice. Il était très frileux; lorsque le temps
était couvert et qu'il y avait apparence d'orage, il se te-
nait accroupi dans un coin de la chambre, la tête cachée
dans ses mains.

3%

36

Sa marche était lente et lourde; il la facilitait en ap-
puyant de temps à autre ses extrémités antérieures sur
le sol; elle paraissait plus commode pour lui lorsqu’on
lui prenait le bras; alors il marchait à son aise, mais
néanmoins de temps en temps il posait à terre l’extré-
mité antérieure restée libre. A plusieurs reprises nous
avons pu nous assurer de la force musculaire de cet ani-
mal; car lorsqu'il avait quelque chose en main, il était
impossible de s’en emparer (1).

Un des plus beaux individus de ce genre est celui
dont il est question dans la relation du docteur Abel
Clarke (2). ,L’équipage d’un canot sous le comman-
dement de M.M. Craggyman père et fils, officiers du
brick Mary-Ann-Sophia, venait de mettre pied à terre
à Ramboun près de Touraman, dans le N-0. de Suma-
tra, quand, au milieu d’une plantation d'arbres clair-
semés, il aperçut un Orang-outan d’une taille gigantes-
que. À l'aspect des nouveaux débarqués, l'animal des-
cendit de l'arbre sur lequel il était perché; mais quand
il vit qu’on venait l'attaquer, il grimpa sur un autre
tronc. Dans sa fuite, il offrait l'aspect d’un homme de
haute stature, couvert de cheveux luisants et noirâtres,
mais dont l’allure aurait eu de temps à autre besoin
d’un appui qu’il trouvait dans ses mains appuyées tan-
tôt sur le sol, tantôt sur les branches qui pendaient sur
sa route. Quand ïl se fut perché de nouveau sur un
arbre, sa vigueur 8e révéla tout entière; il sautait d’un

(1) Mr. le professeur Owen compare la force que possède l'Orang-
oulan dans ses longues mains à celle du gorilla de la côte de Guinée,
qui êtrangle son ennemi rapidement. Voir: Esquisses zoologiques sur la
côte de Guinée de Mr. Temminck, pag. 12.

(1) Dans le 15ème vol. Recherches Asiatiques, 1826.

36

rameau à l’autre et d'un tronc à l'autre, avec la même
agilité que les plus petites et les plus lestes espèces de
singes. Vaine eñt été la chasse dans un bois touffu et
serré, car dans sa course aérienne l’Orang-outan allait
plus vite qu’un cheval au galop. Sa mobilité, sa sou-
plesse étaient si grandes, qu’on ne put même parvenir
à l’ajuster. Ce ne fut qu’en procédant avec une espèce
de tactique et après avoir abattu plusieurs arbres, qu’on
parvint à l'isoler, et alors il fut frappé successivement de
plusieurs balles, dont une sans doute lésa les poumons,
car il vomit à l'instant presque tout son sang. On le
croyait expirant au milieu de sa retraite de feuillage;
quand, à la grande surprise des chasseurs, on le vit
bondir de nouveau et courir vers d’autres arbres; on
sélança vers lui, on le cerna, on l’assaillit: alors, loin
de céder au nombre, il se redressa et prit l'attitude
d'un homme déterminé à se défendre jusqu’à son dernier
soupir. Comme l'équipage le harcelait à coups de pi-
ques, il en saisit une et la rompit en deux comme il
eût fait d’une carotte, dit la relation naïve des marins
présents. Après cet effort, se sentant épuisé, l’animal prit
une attitude suppliante: il toucha ses blessures, les mon-
tra d’une manière si piteuse que les Anglais qui avaient
poursuivi cette chasse avec le plus d’ardeur se sentirent
émus. Lorsqu'il fut mort, il devint un objet d’admi-
ration pour les naturels eux-mêmes, qui n'avaient jamais
vu d’espèce pareille dans le canton. L’Orang-outan, étendu
sur le sol, semblait avoir six pieds de hauteur; il eut
dépassé, de toute la tête, l'homme le plus grand de
l'équipage. Le corps était bien proportionné, la poitrine
large et carrée, le bas de la taille mince, les yeux grands,
quoique petits comparés aux nôtres; le nez paraissait

38

plus saillant que chez aucune espèce de singe; Ia
bouche était très-fendue. Une barbe frisée, de couleur noi-
sette et de trois pouces de long, ornait les lèvres et les
joues; elle semblait plutôt un ornement qu’un disgra-
cieux appendice au visage; les bras étaient bien plus
longs que les membres postérieurs. La beauté des dents»
dont pas une ne manquait, indiquait que l'animal n’était
pas vieux; le poil qui recouvrait tout le corps était
poli, doux et reluisant. Ce qui surprenait le plus les as-
sistants était la ténacité de la vie, qui avait si longtemps
résisté à tant de coups. La force musculaire devait
avoir été bien grande, car lirritabilité de la fibre se
manifesta encore lorsque le cadavre eut été transporté
à bord et hissé pour y être écorché. Dans cette opéra-
tion, faite longtemps après la mort, l’action du couteau
détermina un mouvement effroyable de contraction sur les
parties charnues. Cette espèce de vie galvanique fut si
étonnante que lorsqu'on parvint aux régions dorsales le
capitaine du Mary-Ann-Sophia ordonna de suspendre
la dissection jusqu’à ce que la tête eût été détachée.

»Cet animal, dépaysé sans doute, devait avoir voyagé
durant un certain temps avant d'arriver au lieu où on
le surprit, car il avait de la boue jusqu'aux genoux.
Sans doute il était sorti par hasard d’impénétrables fo-
rêts, qui commençaient à quelques lieues de là, et dans
lesquelles nul habitant n'aurait osé s'aventurer. Les
paysans accourus à cette chasse attribuèrent alors à cet
animal les cris singuliers qu’ils entendaient depuis quel-
ques jours, et qui n'appartenaient à aucun des animaux
féroces de la contrée.

n Desséché, le pelage de cet Orang-outan avait encore 5
pieds 4 pouces de hauteur, de l’épaule à la cheville du

39

pied; le cou mesurait trois pouces et la face huit. La
figure était complètement nue, si ce n’est au menton et
au bas des joues, où commençait la barbe; les cheveux,
d'un noir plombé, tombaient sur les côtés et sur les tem-
pes ; les paupières étaient garnies de cils; les lèvres pa-
raissaient minces ; les oreilles appliquées contre la tête
avaient un pouce et demi de hauteur; les bras étaient
très-longs (1)”’.

Un autre individu de cette espèce, pris vivant dans les
îles Malaises, à bord du navire l’Ociavie, avait quelque
ressemblance avec un nègre, par son museau allongé et
par la couleur de sa peau, à l’exception des lèvres, du
tour des yeux, de la face interne des mains et des
pieds; l'animal marchait soit sur ses deux pieds, soit
en s’aidant des membres antérieurs, qui étaient plus longs
que les jambes. Ses yeux bruns étaient enfoncés dans
leurs orbites; le nez était camus, les lèvres saillantes ;
les épaules larges et aplaties; les fesses à demi nues,
mais distinctes. Les marins de l'Octavie lui avaient donné
le nom de George; cet animal vivait familièrement avec
eux, servait le café à table, rendait plusieurs ser-
vices à bord, aïdait à nettoyer le pont et à puiser de
l’eau. Il soignait les habits des officiers comme l’aurait
fait un valet de chambre. Corrigé pour quelque faute,
il montrait du repentir comme un enfant. Sa nourriture
favorite était le riz; mais il aimait les fruits, buvait
du thé, du café et du vin blanc. Quand il tombait ma-

(1) En examinant bien cette description, il est plus que probable
que le pongo Abelii de Lesson, et le pongo HFurmbii de Abel CI.
que Cuvier avait rayè des Orangs=-oulan pour le placer parmi les
mandrills et les sapajous, et dont Desmarets avait formé une espèce
particulière, n'étaient que de vienx Orangs-outan.

40

lade, il se laissait tâter le pouls et soigner comme un
malade ordinaire (1).”

Quelques naturalistes, avec Mr. Geoffroy Saint-Hilaire,
admettent plusieurs espèces d’Orangs-outan, caractérisée
aussi bien par des différences ostéologiques que par des
caractères extérieurs, tandis qu'il est plus que probable
que jusqu’à présent on ne connaît qu’une seule espèce
d’Orang-outan aux Indes orientales.

Mr. Temminck, membre correspondant de l’Institut de
France, et que nous pouvons considérer comme une au-
torité compétente, dit sur ce sujet:

Il me paraît probable que leschangements opérés par
l'âge chez cet animal ont fait supposer, par les naturels,
la possibilité de lexistence de plusieurs espèces différen-
tes. Il est à craindre que ces idées chimériques, autant
que les noms divers donnés à ce quadrumane, ne fassent
croire à la réalité de cette supposition, et qu’elle n'abou-
tisse, en fin de compte, à la formation d'espèces purement
nominales, absolument comme il s’est fait que les mêmes
causes ont servi à fournir des résultats semblables, dans
la création de plusieurs espèces chez le type anthropo-
forme asiatique de l’Orang-outan de Bornéo, qui est,
et demeure la seule espèce répandue dans cette île de
l’Archipel de la Malaisie” (2). Et dans la note de la page
14 il ajoute:

Au reste, je n'ai jamais ajouté foi, et nonobstant
l'opinion contraire, je ne crois point encore à l’existence
de plusieurs espèces d’Orangs-outan dans l'île de Bornéo.

(4) Voir: Voyage pitt. autour du monde, t. 1, pag. 179, 1854.

(2) Voir ses Esquisses zoologiques sur la côle de Guinée, 1e. partie,
mammifères, pag. 13, 1853.

A1

L'existence, spécifiquement distincte, d’un autre Orang-
oulan peut se trouver réalisée dans le singe anthropo-
forme de la partie Nord-est de l’île de Sumatra; mais
cet animal est trop imparfaitement indiqué pour qu’on
puisse juger des différences ou reconnaître l'identité.”

Cependant le professeur J. Muller (Archir. für Analo-
mie pag. 46, 1836 et Descrip. Ostéol. Capitis Simiæ 1839),
a voulu prouver qu'on doit reconnaître trois espèces;
tandis que les recherches de ce savant sont basées unique-
ment sur la vue de trois modèles en plâtre; a. du crâne
du Pongo de Wurmb. du Musée de Paris. b. du crâne
publié par Camper et c. du crâne du cabinet du profes-
seur Hendriks, l’un et l’autre sans origine.

Mr. Owen (Proceedings of Zool. Soc., dec. 1836 pag. 91,
et transact. of the Zool. Soc., Vol. I, pag. 343 et pag. 165
du 2e Vol.) prétend qu’il existe à Bornéo deux espèces
de singes Orang, le simia satyrus et un second qu'il nomme
simiæ morio; qui selon lui, s’éloignerait du premier par
la petitesse des molaires, par des canines moins fortes
et des incisives plus grandes.

Au musée d'histoire naturelle de Bruxelles se trouvent
entre autres singes, deux Orangs-outan, dont l'un est un
vieux mâle, et l’autre une femelle adulte, parfaitement
empaillés et conservés, et dont Mr. Schuerman, en son
vivant conservateur de ce musée, en a fait deux diffé-
rentes espèces sous la dénomination: Orang-rambr au
mâle et Orang-Kassar à la femelle. D’après les rensei-
gnements que nous avons obtenus elles doivent être carac-
térisés par ce savant sur des différences dans l’ostéologie
du crâne.

Orang-outan est le nom que lui donnent les indigènes
des parties méridionales de Bornéo; Orang-Kahei, les

42

Dayaks de la tribu de Bejadjoe, qui désignent le vieux
mâle par le mot de Salamping, et les femelles par celui
de Boukou, tandis qu'aux jeunes ils donnent le nom de
Pendekh. Les Dayaks, qui habitent les contrées les plus
élevées de la rivière doeson, le nomment Orang-Ke-ou.

Par conséquent nous sommes d’opinion que toutes ces
suppositions, qu’il existe plus d’une espèce d'Orang-outan
dans l'Archipel Indien, ne sont que des idées erronées qui
prennent leur source dans les dénominations différentes
ci-dessus mentionnées.

Genre II. Gibbon Cuv. (Hylobates Illiger (1).

Les Hylobates forment après l’Orang-outan un groupe
tout particulier ; ils se distinguent de toutes les autres
espèces et appartiennent sans contredit aux animaux les
plus remarquables des Indes Orientales. |

Leurs longs bras, qu’ils emploient en remplacement de
la queue, dont ils sont privés, et la manière dont ils
grimpent sur les arbres et courent étant à terre, leur don-
nent un intéret tout particulier. Par leur corps ils se rap-
prochent le plus de l’Orang-outan, et cette ressemblance
se démontre le plus dans l’hylobates syndactylus, qui,
par sa relation anatomique, diffère tant soit peu d’affi-
nité avec les autres espèces. Quant au caractère de
l’hylobates, il est assez connu: dans ses mœurs il res-

(1) Genre créé en 1811 par Illiger, Prodomus, et généralement
admis sous le nom d'Hylobates, Les Européens qui sont aux Indes
Orientales les nomment wouwou. S'il a acquis ce nom à causa de son cri,
ou pour une autre raison nons l'ignorons; mais ce qui est certain, c'est
que Mr. Duvaucel s’est trompé en supposant que wouwou est le véri-
table nom de ce singe.

43

semble à toutes les espèces de singes, et quant aux
vertèbres de cette espèce, les naturalistes ne sont guère
d'accord sur le nombre (1).

Ils habitent exclusivement les îles de Java, Sumatra
et Bornéo et y forment un groupe caractéristique. Des
cinq espèces connues jusqu’à présent, ces îles n’en pos-
sédent que quatre, savoir: l’Hylobates syndactylus, l'Hyl.
leuciscus, l’Hyl. variegatus et l’Hyl. concolor.

La première habite Sumatra, les deux autres Java et
Sumatra, et la dernière exclusivement Bornéo. Quelques
voyageurs prétendent que cette dernière espèce existe éga-
lement à Malacca, mais les renseignements qu’ils four-
nissent ne sont pas assez circonstanciés pour nous au-
toriser à admettre l’existence de ces animaux dans cette
contrée. La forme de leurs dents est la même que
celle de l'Orang proprement dit. Leur angle facial est
d'environ 60 degrés. La face est lisse et la cloison qui
sépare les naseaux très mince. L’avant-bras est si long
que lorsque ces animaux marchent sur les quatre membres,
ils sont en quelque sorte dans une attitude verticale.
Les pouces sont pourvus d'ongles. Leurs facultés intel-
lectuelles sont moins développées que celles des Orangs-
outan. Ces singes, qu’on peut considérer comme une

(1) Mr. S. Müller, qui dans ses excursions scientifiques aux îles de
Java, Sumatra et Bornéo, a été présent à diverves reprises, à la dis-
section, soit de l'Hylobates syndactylus, leuciscus, variegatus ou conco-
lor, et dont les épreuves ont été envoyées au Musée Royal de Leiden,
a statué le nombre comme suit: 7 vertèbres du cou, 13 vertèbres
dorsales, 5 vertèbres lombaires, 4 vertèbres des reins et 4 vertèbres
du coccix fqueue). Parmis les singes de cette espèce disséqués, il
se trouvait une vieille femelle de l'espèce Hylobates syndactylus, qui
avait une vertèbre dorsale de plus que les autres.

44

espèce dégénérée des Orangs-outan, sont très lents, indo-
lents, manquent de hardiesse quand ils grimpent, et
d'agilité quand ils sautent. Ils vivent en troupes de
6 à 12 individus, mâles et femelles, qui paraissent être
commandés par quelques individus plus forts et plus agiles
que les autres. Ils recherchent les forêts de figuiers
sauvages qui sont situées à 4500 pieds au-dessus du
niveau de la mer.

On les rencontre souvent sur les crêtes des montagnes ;
mais à peine aperçoivent-ils une figure humaine, qu'ils
descendent promptement dans les vallées les plus soli-
taires, où ils se perchent sur les arbres les plus élevés.
Là, ils passent ordinairement la plus grande partie de
la journée à faire toutes sortes d’espiëgleries; ils ne
viennent presque jamais à terre et révèlent leur pré-
sence par les grands cris qu’ils font entendre régulière-
ment au lever et au coucher du soleil.

Mr. Duvaucel, en parlant de l’attachement et des soins
que les mères ont pour leurs petits, dit qu'il a vu une
femelle avec son petit au bord d’une rivière, où elle le
lavait, malgré les cris que le petit faisait entendre;
qu'après, elle le séchait aussi soigneusement qu’une mère
pourrait le faire pour son enfant.

Lorsqu'un des petits est frappé par une balle et tombe
à terre, la mère s’y précipite aussitôt, se roule sur le
sol en jetant de grands cris et met tout en œuvre pour
le rappeler à la vie. Si elle aperçoit l'individu qui a
porté le coup mortel à son petit, elle lui lance des
branches d'arbre et ce qu’elle trouve sous la main,
mais sa colère se borne ordinairement à quelques gestes
désordonnés, et souvent elle devient la victime de sa
trop grande tendresse.

45

le. Espèce. Siamang (1) Hylobates syndactylus KF, Cuv. —
Simia syndactyla. Raff. (2) — Pithecus syndac-
tylus. Desm.

Caractères dishinchfs de celte espèce.

En le jugeant d’après ses habitudes et ses manières,
l'Hylobates syndactylus appartient sans contredit au groupe
des singes aux fesses calleuses et aux longs bras. Son
corps, si l’on en excepte la partie antérieure du cou,
est couvert d'un poil laineux; sa longueur à l’état adulte
atteint jusque trois pieds six pouces. Pendant notre ré-
sidence à Palembang (île de Sumatra) nous avons eu
un grand mâle de cette espèce qui mesurait du crâne à
l'anus 1’ 8” 6’”, tandis qu’à la poitrine il avait une
etendue de 1’ 10”, le bras y compris; la main avait
2! 5’ 8’ de longuer et la jambe 1’ 10” 8’. La largeur
de la tête entre les oreilles 3” 7°’ et celle du visage
près des yeux 2” 6’; les cavités des yeux mesurées

(1) Le mot de Siamang peut se diviser en deux parties: amang
signifie en Malais : menacer, menace, et s%, placé devant un verbe
ou un nom substantif, exprime mépris; par conséquent si amang
signifierait criard, tapageur, et ce nom tirerait son origine du ta-
page que fait ce singe. Ce mot rappelle aussi involontairement le
nom de samang, qu'on a donné à une petile espèce d'hommes noirâ-
tres qui se trouvent dans l'intérieur de la presqu'ile de Malacca. Jlest
probable que l'un de ces deux noms est dérivé de l'autre. Dans une
prononciation promple ou inexacte si amang se chauge facilement en
s'amang, comme par exemple: sa 6rang et s'orang etc.

(2) Transact soc. linn. of Lond. t. XIV, pag. 241, 1821.

46

obliquement, avaient 8” de largeur, et les oreilles 1”
3” de hauteur (1).

La tête de l’Hylobaites syndactylus est plate et d’une
grandeur moyenne; la face, qui est de couleur brun
foncé ou noire, est parsemée de quelques poils blancs très
fins; autour du front et du menton les poils sont roux.
Les yeux sont placés très profondément dans les orbi-
tes; le nez est plat et large; le menton est peu sail-
lant; les sourcils sont formés par quelques poils raides
et les oreilles entièrement cachées par ces derniers. Les
bras, qui sont couverts d’une fourrure très épaisse, sont
en apparence très robustes; ils se prolongent au-dessus
des genoux. Le pouce des mains des extrémités anté-
rieures est très mince et muni d'un ongle, il est placé
très en arrière et opposé aux autres doigts. L’index a à
peu près la même longueur que le doigt du milieu, mais
les deux autres doigts sont beaucoup plus courts. Les
membres postérieurs sont tant soit peu courbés au-des-
sous des genoux. Les pieds, ou pour mieux dire, les mains
postérieures, sont plus courtes que les antérieures; elles
ont un pouce détaché et tous les doigts pourvus d’un ongle
large. Le doigt du milieu de cette main n'est pas plus
long que les autres. Les second et troisième doigts pos-
térieurs sont réunis par des téguments jusque vers l’ar-
ticulation de la seconde phalange avec la troisième.

Les testicules du mâle sont logés dans une bourse
(scrotum) très longue, garnie d’un poil droit qui lui

(1) Mr. S. Müller dit avoir eu un mâle qui pesait 15, 12 kil, et
le cerveau ôté du crâne 0, 142; et qu'une vieille femelle mesurait,
depuis le crâne jusqu'à l'anus 1° 7” 4’; chaque bras 2’ 8’ 9°" et
chaque jambe 1’ 8" 9’, tandis qu'elle pesait 11, 49 kilogrammes.

47

donne la forme d’un goupillon, et qui pend quelquefois
jusqu'aux genoux. La voix de ce singe est perçante et
plaintive. La femelle a la poitrine et le ventre entière-
ment chauves (1). Ces singes sont difficiles à tenir en
vie, à l’état de servitude: nous en avons eu plusieurs
pendant notre résidence à Palembang, mais leur natu-
rel mélancolique les fit mourir assez vite.

Les seuls dessins de ce singe qu'on puisse citer comme
ressemblants ont été livrés par Geoffroy et Cuvier. Celui
qu’on trouve dans Horsfield’s (z00!. Rescarch. in Java) est,
pour ce qui regarde la forme et les poils, très bien repro-
duit. Mr. $S. Müller a fourni un dessin de la tête d’une
vieille femelle qu'il avait dessiné, d’après nature, avec
quelques observations sur ses habitudes, qu’on trouve
dans un ouvrage périodique de Mr. van der Hoeven
Hist. nat. et phys. t. 2, pag. 324, tab. 5. 1835.

Quoiqu'il soit certain qu'aucune espèce de singes
n'existe dans les Moluques, certains voyageurs ont sou-
tenu le contraire. Le Comte entre autres dit y avoir vu
des singes de l’espèce dont nous venons de parler, qui
marchent sur les jambes de derrière comme un homme.

(1) Sir Raffles raconte qu'il en a vu de cette espèce qui étaient
entièrement blancs. Jusqu”’à présent ce fait n’a pas encore été constaté,
de sorte qu'il est permis de douter de son exactitude.

48

2e. espèce. Oungko — Hylobates variegatus Kubhl. (1)
Müll. (2) — Hyl. agilis Fr. Cuv. (3) — Hyl. Raflesi
E. Geoff. s. Hil. (4)

Caractères distinchifs de cette espèce.

Ce gibbon, sous le rapport de ses habitudes, diffère beau-
coup du Siamang; il vit plutôt isolément ou par couple
qu’en compagnie d’autres singes de son espèce. Il est
très rareet son agilité est étonnante; il s’élance comme
une flèche d’un arbre à l’autre. Il est ombrageux et évite
l'approche de toute créature humaine; à peine a-t-il aper-
çu quelque danger, qu'il disparaît. Il a autant d’in-
telligence que le Siamang et pas moins de vivacité que les
autres singes. Eu égard à ses membres longs et maigres,
on croirait difficilement qu'il est doué d’une grande force
musculaire. Il se fâche aisément, et fuit le danger: il
est gourmand et curieux, susceptible d’attachement à
l’état de domesticité et souvent très gai.

La couleur des individus qui appartiennent à cette es-
pèce présente beaucoup de variétés; c’est ce qui a sou-
vent porté les naturalistes à croire qu’ils n'appartiennent
pas tous à la même race. Mr. S. Müller, après en avoir

(1) Dans ses Beilræge zur zoolog. etc. 1820.

(2) Verhandeling over de zooydieren van den Ind. Archipel in-fol.
1841.

(3) Hist. nat. des mamm. 1821.

(4) Le nom donné à cette espèce par Mr. Etienue Geoff. S. Hil.-
voir: Muséum d'hist. nat. de Paris, pag. 8, 1851 (d'Isid. Geoff, Sainte
Hilaire), est aujourd'hui très généralement adopté, mais avec la légère
modification orthographique de l'Hylobate Raffesi.

49

examiné un grand nombre, d'âge et de sexe différents
a puse convaincre que le prétendu Oungko itam (Orang
noir) et Oungko poelih (Orang blanc., ainsi nommés par
les insulaires des îles de la Sonde) appartiennent réelle-
ment à l’espèce Hylobates variegatus décrite par Kuhl et
Müller (1).

A l’état de servitude il est facile de se convaincre que
l’Hylobates agilis — wouwou Duvaucel dans Geoff. Saint-
Hilaire et Fr. Cuvier (2); l’Hyl. Ra flesi Geoff. Saint-Hil. (3)
et le Simia lar Rat. (4), sont identiques à l’espèce Hyl.
variegatus. — Aussi la plupart des descriptions nouvelles de
PHyl. lar, se rapportent à la variété noire de cette es-
pèce, connue sous la dénomination de Oungko itam par
les Malais, et que Raffles confondait avec le Simia lar de
Gmelin; 1788. Le véritable lar ou grand gibbon de
Buffon, Simia longimana Schreb., a été décrit par M.
M. Vigors et Horsfeld sous le nouveau nom de Simia
albimana. Cette dernière espèce est exclusivement propre
à la terre ferme de l’Inde; cependant on prétend qu’elle
n’est pas rare dans les contrées de Malacca et de Siam.
Elle est tant soit peu plus grande que le Oungko susdit

(1) Sous la dénomination incertaine de oungko et wouwou, Geoff
et Cuv. ont fourni quatre dessins de ce singe, en général assez bien
faits, mais le profil du visage du wouwou a trop de ressemblance avec
le magot; celui du oungko sous ce rapport est mieux réussi. Mr, S.
Müller a dessiné d'après nature la tête d'un vieux mäle en grandeur
naturelle (voir l'ouvrage de Mr. van der Hoeven Loc. cit. pag. 326, tab.
6, 1835).

(2) Isid. Geoff. Saint-Hil, op. cit. 1851.

(3) Etienne Geoff. S-Hil. Cours d'Hist. nat. des Mamm., 1828.

(4) Transact. op. cit. pag. 242, 1821.

4

20

dont elle se distingue par sa forme plus grêle et surtout
par lalongueur extraordinaire de ses bras. Sa couleur
cependant paraît varier dans tous les individus que Mr.
Müller a observés; les femelles présentaient une teinte
d’un brun moins foncé que celle des mâles; ces derniers
avaient en outre le contour de la face et les mains d’un
jaune d’ocre. Les vieilles femelles sont le plus souvent
marquées de la même manière que les mâles, avec cette
différence qu’alors le corps présente ordinairement une
nuance d’un jaune plus ou moins sale, tirant sur le
brun.

Le Musée de Leïide, qui, sous le rapport de ses riches-
ses scientifiques, peut concourir avec les plus riches col-
lections de l’Europe, possède quinze individus bien con-
servés, qui proviennent de ceux que Mr. $. Müller a ras-
semblés aux Indes Orientales. Leur couleur offre des
teintes plus ou moins foncées, mais tous présentent des
caractères communs qui prouvent évidemment qu'ils ap-
partiennent à la même espèce. |

Dans cette collection magnifique, on trouve des indivi-
dus de tout âge et de l’un et de l’autre sexe; les uns
sont d’un jaune blanc, d’autres d’un jaune foncé, et
d’autres, presque noirs. Cette variété de nuances est une
des causes de l'erreur commise par certains natura-
listes en Europe, qui en ont formé des espèces diffé-
rentes. Mr. $. Müller cite comme indication de l’âge
de ces animaux, une raie blanche sur le front au-dessus
des yeux; les mâles, suivant lui, sont marqués de blanc
sur le côté et au-dessous de la face. Les individus
noirs ont les reins et la région caudale plus clairs que
le reste du corps Ceux d’une nuance claire, qui ont
la peau jaune ou jaune foncé, ont ordinairement la face

o1

antérieure du cou ainsi que la poitrine, le ventre et
quelquefois les mains, d’un jaune foncé (1).

Pendant notre séjour à Palembang nous avons eu un
mâle de cette espèce; tout son corps, à l’exception du
dos, était garni d'un poil jaune, de nuance brune; le
front était fuyant, les bords de l’orbite de l’œil très proé-
minents; la face chauve et d’un noir bleuâtre. Les
yeux rapprochés l’un de l'autre; le nez moins plat que
celui du Samang; les narines larges et ouvertes latéra-
lement: les molaires de la mâchoire inférieure présen-
taïient cinq aspérités; le menton était garni de quelques
poils noirs; la face garnie de favoris composés de poils
blancs, couvrant plus ou moins les oreilles et se réunis-
sant en forme de ligne blanche au-dessus des yeux; les
bras étaient très longs et minces; les fesses, un peu tour-
nées en dehors: le pouce des mains postérieures était
long et les autres doigts courts, tandis que le pouce des
mains antérieures était court et les doigts longs. II me-
surait du crâne à l'anus 1’ 4” 6°”; ses bras depuis l’épaule
jusqu’au bout des doigts 2° 7°, et ses jambes 1’ 7” 2’”;
le visage près des yeux avait 2” 4’ et la largeur de la
fente des yeux en travers 6’; les oreilles 1’ et les
yeux 1” 1’”’;il pesait 6, 65 kilogrammes.

(1) Une circonstance curieuse est que les femelles jaunes mettent
au monde ordinairement des jeunes d'une couleur plus claire, et que
les noirs le plus souvent donnent des petits de la même nuance.

3

52

3e espèce. Kalawet — Hylobates concolor.$. Müller. (1) —
Hyl. mulleri. L. Martin. (2).

Caractères distinchifs de celte espèce.

Ce singe a beaucoup de ressemblance avec l’Hyl. leu-
ciscus. Cependant, quand on le compare exactement, il
existe entre eux une différence très sensible. La peau du
Kalawet (comme les Dayaks le nomment) a toujours une
teinte brune jaunâtre plus ou moins claire ou foncée.
La poitrine et le ventre de cet animal sont d’une couleur
plus claire que les autres parties du corps, souvent d’un
brun jaunâtre, ce qui est surtout assez fréquent pour les
individus qui habitent les côtes occidentales de Bornéo:
tandis que ceux des contrées au Sud de cette île ont
ordinairement les mains et la partie antérieure du corps
d’un brun très foncé, et souvent même d’une couleur
noir bistré. Tous les individus de cette espèce, tant
mâles que femelles, ont une raie transversale sur le front,
d'un jaune blanchâtre. Cette marque cependant ne se
communique jamais au poil velu des côtés de la face.

Deux individus de cette espèce, du sexe masculin, et
passablement vieux, mesurés par Mr. $S. Müller, depuis
le crâne jusqu'à l'anus, avaient une longueur de 1’ 4”;
les membres antérieurs avaient 2’ 2”, et ceux de l’exté-
rieur 1’ 5”. La différence principale par laquelle ce singe
se distingue de celui de Java consiste, dit-il: 1°. en

(1) Verhand. oc. cit. 1841.

(2) Is. Geoff. Saint-Hil, op cit pag. 7, 1851.

03

ce que son poil n'est pas aussi épais, laineux et raboteux
que celui du oewa 2°, en ce que la couleur de son pelage
est ordinairement jaunâtre, tandis que celle du oewa est
grise, et 3°. en ce que la couleur du Kalawet a plus de
variété et lui donne un tout autre aspect (1).

Une différence remarquable fut également observée par
Mr. Müller, notamment dans la transition du jeune âge
à l’âge plus avancé, surtout dans ceux qu'on trouve à
Pontianak, situé sur la côte Ouest de Bornéo. Cette
différence se trouvait surtout à la tête, au dos et aux
côtés de dehors des membres, qui étaient d’un beau jaune,
tandis que la croupe, la poitrine et le ventre étaient d’un
jaune clair. La couleur de la face, les yeux et l’intérieur
des mains étaient la même que chez le Kalawetde Java.

L’Hylobates concolor, très rare et manquant dans plusieurs
musées de l’Europe (2), habite les montagnes de Sa-
kumbang, Kamokuo, Balaran et Pamatton, qui sont réunies
à celles du ratus situées dans la partie sud-est de Bornéo,
et qui jusqu’à ce jour n’ont pas été explorées par suite de
la difficulté qu'offre leur accès. Dans ses habitudes et
dans sa manière de vivre, il à beaucoup de rapports avec
l’'Hylobates leuciscus. Les Malais qui habitent Bandjer-
mâsin et les pays Lawnt le nomment, comme ceux de la
Sonde, oewa-oewa et les Dayaks Kalawet.

ee ——

(1) Nous devons cependant faire observer que cette dernière diffé-
rence n'est applicable qu'aux individus de diverses contrées de Bornéo,
principalement de la partie du Sud et dans celle de l'Ouest qui a été
explorée par Mr. Diard.

(2) Le Musée de Bruxelles, qui a un très bel assortiment de singes,
ne possède pas l'Hyl. concolor.

04

4e espèce. Oewa — Hyl. leuciscus, Kuhl. (1) — Gib-
bon cendré, Cuv. (2) — Simia leucisca, Sehreb., Wou-
wou, Kamper et autres auteurs.

Caractères distinchifs de cette espèce.

Comme nous l’avons déjà dit antérieurement, cette espèce
habite exclusivement les forêts de Java; les Malais de
la Sonde la nomment oewa-oewa, nom qui lui a été donné
en imitation du cri qu’il jette (3). Ce singe a souvent la
face d'une couleur foncée, entourée d’un cercle à poil
blanc ou gris. La couleur de son dos et de ses bras est
variable ; elle est tantôt claire, tantôt d’un gris de cen-
dre et quelquefois d’un gris jaunâtre, mais jamais d’un
gris brunâtre. Ses mains et ses membres sont toujours
d’une couleur extrêmement foncée, mais la poitrine des
vieux devient ordinairement noirâtre.

Les individus les plus grands que nous ayons vus de
cette espèce, mesuraient 1° 5’ 6’’’ depuis le crâne jus-
qu'à l’anus; leurs membres antérieurs depuis l'épaule
jusqu’au bout des doigts avaient 2’ 5” de longueur et
ceux de l'extérieur 1’ 6’. Le visage, les oreilles et le
dedans des mains sont d’un noir de suie et l'iris d’un
brun vif. Leur physionomie trahit la mélancolie et la timi-
dité. Le pelage est variable et diffère selon l’âge.

(1) Beitræge S 6, 1820.

(2) Règne anim. t. 1, pag. 54, 1836.

(3) Entendu de près, le cri dece singe est le mot oewa, répété
quatre fois de suite très vite, et finissant par Auih-huih. Les premiers
tons de oewa sont à peu près une octave plus haut que les Auih-hwih,
qui finissent très lentement,

09

Ce singe se tient dans les bois de haute futaie, sur
les crêtes des montagnes de 4000 pieds au-dessus du ni-
veau de la mer. On le rencontre le plus souvent en
petite compagnie de 3 à 4 autres individus. Il est arro-
gant, circonspect, agile, et surtout ombrageux ; au moin-
dre bruit il fuit rapidement ; seul il est prudent, monte
sur les arbres jusqu’au sommet, où il s’endort ayant la
_ tête penchée sur la poitrine et la face cachée dans ses mains.
C’est dans cette attitude que les chasseurs tâchent de
l’approcher et le tuent à coups de fusil.

Les arbres dont ils préfèrent les fruits les sont: Ficus
mivea, depressa, conica, fistulosa et scaberrima, les
Flacourhia, cataphracla — une sorte d’Zderoxylon —
du qguetam quenam et autres. Etant jeune et habitué aux
personnes qui l’ont apprivoisé, il est docile, très gai
et passe son temps à se balancer à une branche d’arbre,
à une corde etc. Dans l'état apprivoisé il est facile
à nourrir; on lui donne des bananes, des ananas et
d’autres fruits succulents; il mange aussi du riz et des
pommes de terre cuites.

Genre III. Semnopithèques, Fr. Cuv. (1).

Le groupe des Semnopithèques est généralement admis
avec une valeur générique depuis les observations de

(1) Genre crèé en 1821, par Fr. Cuvier, hisf. nat. loc. cit. 1821. Sy-
nonyme avec le Presbytis Eschscholtz, dans l'Entdeck, Reise de Kot-
zebue, 1821.

D6

M. M. Otto, Duvernoy et Owen sur l'estomac, singuliè-
rement complexe, de cette espèce.

Ces singes, comme les précédents, habitent les îles de
la Sonde: Java, Sumatra, Banka et Bornéo. Le premier,
le Semnop. mitratus et Semnop. maurus. Le second,
le Semnop. flavimanus, Semnop. melalophos, et Semnop.
cristatus. Le troisième, le Semnop. cristatus et le qua-
trième, le Semnop. frontatus, Semnop. rubicundus, Sem-
nop. chrysomelas, Semnop. cristatus et le Semnop. na-
sicus.

Eu égard à leurs habitudes, les Semnopithèques en
général diffèrent beaucoup des Gibbons: ils choisissent
de préférence des habitations différentes, et généralement
ils cherchent le voisinage des rivières pour s’y caser, et
c’est le long des bords ou près des lacs isolés qu'on les
trouve pendant la journée. Ils s'amusent à parcourir en
petites bandes les forêts étendues des environs ou bien se
rendent dans le fond des bois, mais à la nuit tombante
ils retournent chercher le repos sur les arbres croissant
au bord des rivières.

Ceux qui se tiennent dans les contrées montagneuses
restent constamment dans les vallées baignées par l’une
ou l’autre rivière. Là, ils s’amusent à sauter d'une branche
à l’autre; leurs membres, d’une longueur démesurée, leur
permettent de faire des sauts surprenants. (C’est de ces
retraites isolées qu’on entend, soir et matin, sortir leurs
cris perçants et joyeux, qui retentissent dans le lointain.

Si remarquable que soit la dispersion de cette espèce
sur la superficie de l’archipel Indien, la grande étendue
de pays où on la rencontre dans chaque île qu’elle ha-
bite n’est pas moins digne d’attention. Outre les plus
hautes montagnes, où règne souvent une température

07

froide et où les fruits manquent complètement, ces singes
visitent pour ainsi dire toute l'étendue de leur territoire
natal. Ils se rendent très souvent en masses dans les
forêts les plus désertes au bord de la mer, ou sur des
montagnes boisées, situées à une élévation de plus de
1500 mètres au-dessus du niveau de la mer.

1e. Espèce. $. Nasique ou kahau —- Semnopithecus nasi-
eus. — Simia nasica Schreb. Buff. suppt. VII, x1
Er an Me D

Caraclères dishinchifs de cette espèce.

Ce singe, de même que l’Orang-outan, habite exelu-
sivement les forêts épaisses de Bornéo. Il paraît en gé-
néral plus lent dans ses mouvements que la plupart des
animaux de sa race; c’est pourquoi, lorsqu'il est surpris
à l’improviste, il cherche à se sauver en se cachant entre
les fortes branches de l'arbre sur lequel il se trouve
perché, ou bien se dirige vers des forêts de Mipah qui
croissent abondamment le long des embouchures de plu-

sieurs rivières (2). Les Dayaks font une chasse opinià-

(1) Fr. Cuv. loc. cit. pag. 56. M. Etienne Geoffroy Saint-Hilaire en
a établi en 1812 un genre séparé sous la dénomination — Nasique.
Nasalis. — Voir: Muséum, op. cit. pag 10, 1851.

(2) Nipah fructicosa où Cocos nypa. Palmier dont les feuilles sont
très longues et que les indigènes employent en guise de chaume pour
leurs huttes.

58

tre à cette espèce de singes et ils la désignent sous le
nom de Pakara; tandis que les Bandijérais le nomment
bakantan.

Le corps de cet animal est gros et fort; la tête ronde:
le nez très long et large, finit en pointe; l'ouverture des
narines est séparée par une cloison qui partage le nez
en deux parties; les yeux sont grands. Cet animal n’a
ni sourcils ni cils à la paupière inférieure; ses oreilles
sont rondes, chauves et minces. La bouche est large et
le cou est court; les ongles des doigts sont grands et
ceux des pouces plats et larges; la queue, d’une longueur
moyenne, est garnie à son extrémité de longs poils.
La face et le nez sont d’une nuance noirâtre. Le corps
est couvert d’un poil court et serré, de couleur fauve
teint de roux, mais qui sur le dos passe au brun parsemé
de raies ou taches jaunâtres. Les poils du menton, du
cou et des épaules sont plus longs que ceux des autres
parties du corps. Les avant-bras, la face externe des
mains, des extrémités antérieures et postérieures, ainsi
que les cuisses, sont d’un jaune rougeâtre à teinte grise;
la queue présente également la même couleur. La sur-
face interne des mains est noire.

2e espèce. S. huppé Tjingko — Semnopithecus cristatus —
Simia cristata Raffl. (1) — Semn. pruinosus Desmar. (2).

Caractères dishinctifs de celte espèce.

Ce singe, par la forme de son corps, par son genre de

(1) Transact. op. cit. pag. 244, 1821.
(2) Desm. mamm. supplem. pag. 533, 1822, — Fr. Cuvier a réuni cette
espèce au Semnop. mitralus. Isd. Geoff. S-H. loc. cit. pag. 14, 1851.

CDR
e
LL

vie, ainsi que sous plusieurs autres rapports, ressemble au
Semnop. Maurus. On le trouve à Sumatra, Banka et à Bornéo,
où il habite principalement les terrains boisés, unis et
humides. On le voit rarement dans des contrées mon-
tueuses ou aux pieds des montagnes. Pour se soustraire
au danger qui le menace, il se cache derrière le feuillage
touffu des arbres les plus élevés, et si ce moyen ne suffit
pas, il s’élance d'un arbre à l'autre sans redouter les
piquants des Mibong (Caryota urens ou l’Oncosperma fi-
lamentosa) qui bordent les côtes de ces deux îles.

A l’état adulte, le Semnopithecus cristatus a une lon-
gueur de quatre pieds huit pouces, y compris la queue,
qui mesure deux pieds huit pouces. Son pelage est d'un
beau gris cendré; le dessous est blanc, mais comme le
bout de chaque poil est d’un gris luisant, son corps pa-
raît comme poudré. Les jeunes sont d’un brun roux. La
face du Semnop. cristalus est chauve et de couleur noire;
une crête noire surmonte les sourcils; les poils du sommet
de la tête sont allongés et relevés. La surface externe
des mains est d’un beau noir. La queue est mince et
brune, comme celle des autres singes de cette espèce;
il se distingue principalement par son corps grêle, ses
membres maigres et longs, son cou court et son vi-
sage plat. L’iris est d’une couleur jaune foncée; la face
est comme celle d’autres espèces, munie d'abajoues, mais
si petites qu’on les aperçoit avec peine (1).

(1) C'est l'espèce qu'isid. Geoffroy Saint-Hilaire nomme Semnop.
Huppé loc. cit. pag. 14.

60

3e espèce. S. a huppe noire (1). — Semnopithecus
melalophos Raff. (2).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Cet animal, quoique moins intelligent que l’Orang-
outan, est néanmoins susceptible d'éducation comme la
plupart des singes. Sa conformation le rend plus apte
à grimper, et surtout à sauter, qu'à courir avec quelque
agilité. Son caractère est sérieux et mélancolique; il est
susceptible d’attachement pour l'homme, et ses manières
sont douces. Cette espèce, ainsi que le Semnop. flavi-
manus (3) est exclusivement propre à Sumatra, où elle
vit dans des forêts de haute futaie, qui se trouvent sur
des terrains très élevés.

La longueur du corps du Semnop. melalophos, mesurée
à partir de la racine de la queue, est de dix huit pou-
ces; sa queue à deux pieds huit pouces et les membres
postérieurs jusqu’au dos, un pied quatre pouces. Le dos
est couvert de poils de couleur brun rougeître, très vive,
le dessous du corps d’un poil blanc. En arrière du front,
se trouve une petite crête de poils gris foncé s'étendant
d’une oreille à l’autre. Le crâne est grand; le visage
plat, de couleur bleue; le nez proéminent. La barbe est

(1) Fr. Cuv. Régne anim. mamm. t. IV pag. 115.et édit. 1836. t.1
pag. 57, qui le nomme Cimepaye.

(2) Selon Isid. Geoffroy de Saint-Hilaire, mr. Martin a émis l'opi-
nion que le Simia melalophos de Raffles est son Semnop. flavimanus,
et non l'espèce que tous les auteurs appellent Semnop. melalophos.
Is. Geoff. loc. cit. pag. 16, 1851.

(3) Semnop. aux mains jaunes, Isid. Geoff. dans le centur, zool, de
Lesson, pag. 109, 1830.

61

longue et soyeuse, les lèvres et le menton sont de cou-
leur de chair, les yeux bruns; la partie supérieure des
mains et les callosités des fesses, noirâtres. Les joues
garnies de favoris d’un poil ferme. La face interne des
membres est plus velue que la face externe.

4e espêce. S. Mitré — Semnopithecus mitratus (1) —
Presbytis mitrata (2) — Semnop. comatus (3).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Ce singe est une variété du Semnop. cristatus qui habite
exclusivement l’fie de Java. C’est par errenr que Mr.
Desmarest la dit de Snmatra.

Son pelage est d’un beau cendré, le dessons blanc,
ainsi qu’une touffe au bout de la queue; une créte noire
aux sourcils, les poils du sommet de la tête allongés et
relevés.

be espèce. S. Nègre — Semnopithecus maurus (4) —
Cercopithecus maurus où Guenon nègre (5),

Caractères distinctifs de celte espèce.

Cette espèce, bien que l’une des plus anciennement

(1) S. Müller Tijdschrift voor Nat. gesch. t. 5, 1838.

(2) Eschsch. dans l'Entdeck. Reize de Kotzibue, 1821.

(3) Desmar, Mammal. Suppl. pag. 533, 1822.

(4) Fr. Cuvier, Hist. nat. des mam, 1822.

(5) Geoff,. Saint-Ilil. Tabl. des quadrum. 1812. Les Javanais le
nomment Loelong.

62

connues, est, selon Mr. Isid. Geoffroy Saint-Hilaire, l’une
de celles dont la détermination rigoureuse offre le plus
de difficultés. Le Semnop. cristatus, noir, avec quelques
taches blanches et une huppe assez longue et assez fournie.
Le Semnop. maurus noir, ordinairement non marqueté,
avee une tache blanche, ou du moins quelques poils blancs
au-dessus et près de l’origine de la queue, et avec la
huppe plus courte et moins fournie, sont deux espèces
admises par tout les auteurs, mais entre lesquelles on
trouve des passages.

On le rencontre à Java dans les contrées basses ou sur
des montagnes escarpées. Dans l’état adulte il est d'un
beau noir, tandis que ses jeunes sont d’un brun fauve.

La description que le Dr. Horsfield (1) donne du Sem-
nop. pyrrhus? qu’il cite comme appartenant à la partie
Est de Java ressemble tellement à celle du Semnop. maurus,
qu’il est plus que probable que ce singe n'est qu’une va-
riété rousse de ce dernier, ou bien, un individu semi-
adulte. Le Semnop. auratus des naturalistes français est
également une variété de cette espèce (2).

Une troisième espèce de ce genre qu'on distingue plus
facilement est le Semnop. femoralis à cuisses rayées (3)
très voisin, mais avec des lignes blanchâtres en de dans
des membres et sons le bas-ventre et la queue.

(1) Zool. Rescarches in Java. 1824.
(2) Coup d'oeil gén. sur les poss. Néerlandaises, 1. 1, pag. 322.
(3) Horsf. append. to life of Rafl. 1830.

}

63

Ge espèce. S. aux mains Jaunes — Semnopithecus flavi-
manns (1).

Caractères destinchfs de cette espèce.

Ce einge est exclusivement propre à Sumatra, où il
vit dans les forêts de haute futaie, qui se trovent sur des
terrains très élevés. Quant à ses habitudes et son intel-
ligence il ressemble beaucoup aux autres espèces, déja
citées.

7e espèce. S. couronné — Semnopithecus frontatus (2).

Caractères dishinchifs de cette espèee.

Le Semnop. frontatus habite l’île de Bornéo et y est
en assez grande quantité. Il a sur la tête comme marque
distinctive des longs poils qui forment une crête ou huppe
comprimée, d’où dérive le nom qu’il porte. Du reste il a
beaucoup de rapport tant par ses habitudes que par son
intelligence avec les autres espèces Semnopithèques.

8e espèce. S. rouge — Semnopithecus rubicundus (3).

Caractères dishinchfs de cette espèce.
Comme marque distinctive il a la même crête que l’es-

(1) Isid. Geoff. Saint-Hil. dans la centur. Zool. de Lesson pag, 109, 1830.
(2) S. Müller Loc. cit. 1838.
(3) Ibid Ibid.

64

pèce ci-dessus. On le trouve exclusivement à Bornéo où
on ne le rencontre que dans des contrées montueuses et
très élevés. Cependant on le voit aussi de temps à au-
tres à la base des montagnes, dans les endroits où le
terrain est alternativement plat et montagneux et qui pré-
sente une végétation abondante et sauvage où il vient
chercher sa nourritnre. Mr. $. Müller dit entre autres
en avoir rencontré de cette espèce près d’une pente escarpée
de plus de deux mille mètres d'élévation.

9e espèce. — Semnopithecus ehrysomelas (1).

Caractères distinctifs de cette éspèce.

Le Semnopithecus chrysomelas jusqu'à ce jour, n’a
été vu que sur la côte occidentale de Bornéo, et c’est
aux recherches de Mr. $S. Müller qu’on doit sa décou-
verte, ainsi que des deux espèces précédentes. II a les
mêmes habitudes que le Semnop. maurus, mais dans le
choix de sa demeure il diffère beaucoup avec ce singe,
en ce qu'il préfère les terrains plats, entrecoupés de brous-
sailles épaisses et sillonnés par quelques rivières. Là il
passe son temps à faire la chasse aux petits oiseaux, qui
se tiennent dans les broussailles.

(1) S. Müller Loc, cit. 1838 et Temm. loc. cit. t. 2, pag. 408.

65

*enre IV. Guenons — Cercopithecus (1). Vulg. née
à queue.

Erxleben a désigné sous le nomde Cercopithecus, dans
la nomenclature latine, les guenons de Buffon, nommément
les singes de l'ancien continent, à longue queue. Par la
création successive des genres Macacus, Colobus Illig.
Nasalis et Cercocebus Geoff. Saint-Hil.; Semnopithecus
Fr. Cuv. et Miopithecus Isid. Geoff. le groupe des Cerco-
pithèques est devenu un genre naturel, fort riche encore
en espèces (2).

La tête du Cercopithèque est grosse et les bords supé-
rieurs de l'orbite sont fortement proéminents. Le front
est plat et le nez large,les yeux assez rapprochés, comme
chez l'homme. L'angle facial est de 40 à 50 degrés:
les narines sont placées obliquement; les oreilles, de
forme allongée, se terminent postérieurement en pointe.
Ces singes ont des abajoues assez grandes: leurs lèvres
sont minces et élastiques; la langue molle; la queue,
d’une longueur variable, ne présente souvent que letiers
de la longueur du corps; quelques-uns même ont cette
partie si courte qu’elle se présente sous la forme d’un moig-
non charnu. |

Les singes qui appartiennent à ce genre ont un

(1) C'est à tort que certains écrivains ont employé le mot de macaco
pour désigner cette espèce et d'autres de l'ancien monde. Selon
Mr. von Martius (Voyage au Brésil pag. 1130) macaca estle nom général
des singes dans la Lingua geruë, et c'est de ce mot, qui RRPAEOR! a la
langue portugaise, que dérive celui de macaco.

(2) Isid. Geoff. Saint-Hilaire, op, cit. pag. 18, 1851.

66

corps robuste; ils sont adroits, vifs, très alertes; gé-
néralement d’un caractère doux, ils sont doués de beau-
coup de pénétration. Mais à mesure qu'ils vieillissent,
ils deviennent faux, méchants et difficiles à gouverner;
ils vivent réunis par troupes dans les forêts, et lorsqu'ils
vont marauder ils font beaucoup de dégâts dans les
terres .cultivées.

1e espèce. Mônjet — Cercopithecus cynomolqus, (1) — Maca-
que ou Aigrette, Buff. (2) Macacus cynomolgus, Desm. (3).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Les membres et le corps de ce singe sont, compara-
tivement à sa grandeur, gros et robustes; sa tête est
large, son museau court et son nez aplati; le bord supé-
rieur de l’orbite est très proéminent; les dents molaires
sont fortes et longues. Les doigts sont réunis, jusqu’à
la seconde articulation, par une membrane très mince.
La partie supérieure du corps est de couleur grise. Les
parties inférieures du corps, de même que les faces in-
ternes des membres, sont gris clair. Les mains des ex-
trémités antérieures et postérieures sont noires et la par-
tie supérieure est peu garnie de poil. La queue est
également de couleur noire; de fortes callosités existent

(1) Ce singe est le même que les Macaques à face noire.

(2) Tom. XIV, pag. 20 et 21. (Simia cynomolgus et cynocephalus,
Linn).

(3) Manuel. de l'Encyclopédie méthodique, 1820

67

aux fesses, et on en rencontre qui ont des abajoues très
larges; la face est garnie d’une paire de favoris gris.

La femelle est beaucoup plus petite et plus faible que
le mâle; ses dents molaires dépassent très peu les inci-
sives. Le poil forme chez elle, sur le sommet de la tête,
une sorte de peigne. La longueur de l’animal ne dé-
passe guère quatorze pouces, en y comprenant même la
queue.

Ce singe existe dans les îles des possessions Néerlan-
daises: Java, Sumatra, Banka, Célèbes et Timor. Non
seulement cette espèce est dispersée dans tout l’Ar-
chipel Indien, mais on la trouve très répandue dans cha-
cune des îles que nous venons de citer. On la ren-
contre sur les sommets des montagnes les plus élevées,
où règne une température froide, et où il y a souvent un
manque absolu de fruits sauvages. On la trouve égale-
ment réunie en grandes troupes dans les endroits boisés.
Enfin le bord des rivières, les forêts, les montagnes, dont
quelques-unes ont souvent une élévation de plus de 1500
mètres au-dessus du niveau de la mer, lui servent de
demeure; ce singe étant frugivore et omnivore, il trouve
sa nourriture partout. |

Comme ïl présente quelques variétes dans chaque île
qu’il habite et que dans chacune d'elles il porte un nom
différent que les insulaires lui ont donné, il n’y a rien
d'étonnant que tant de naturalistes modernes aient fait
de toutes ces variétés des espèces différentes. Pour prou-
ver l’exactitude de ce que nous venons de dire, il nous
suffira de reproduire les observations faites à cet égard
par Mr. Müller; voici ce qu’il en dit: |

Le Cercopithecus cynomolgus, qui abonde à Sumatra,
y est nommé Âaro par les insulaires. Il a le visage

D*

68

passablement noirâtre et le sommet de la tête garni d’un
poil très uni. Le pelage des individus âgés est commu-
nément d'un jaune plus ou moins rougeâtre, principale-
ment sur le dos; la peau des jeunes est le plus souvent
d’une couleur grisâtre, mêlée d'olive.

Les Malais de Bandjermâsin (côte Sud-Est de Bornéo)
le connaissent sous le nom de Warik, et les Bejadjou-
Dayaks sous celui de Bakej. Les individus qu’on y ren-
contre ont, de même que ceux de Sumatra, la face noirâ-
tre et le sommet de la tête garni d'un poil uni. On en
trouve cependant quelques-uns qui ont une huppe de poils
à l’occiput; la partie supérieure du corps est ordinai-
rement d’un jaune brunâtre mêlé de gris.

Dans la partie occidentale de l’île de Java, ce singe
est généralement connu sous le nom de Koenjoek et Môn-
jet (4). Là, il présente la même coloration qu’à Bornéo,
mais la physionomie est moins sombre. La peau est, le
plus souvent, d’un gris brun jaunâtre, plus ou moins foncé.
Ce qui le distingue des autres Quadrumanes, c’est une pe-
tite huppe étroite placée à l'occiput (caractère qui est
propre à tous les singes de Java, avec cette différence,
cependant, qu’elle est plus prononcée chez un individu
que chez l’autre). Les riverains de Timor Koepang le
nomment Slai et les Timoriens proprement dits Belo. Là,
il a beaucoup d’analogie avec la race de Java, tant par la
couleur de la peau que par sa huppe, qui, chez quelques
individus, atteint de grandes dimensions, tandis que d’au-
tres n’en possèdent qu’une très petite.

Eu égard à toutes ces variations du Cercopithecus cy-

(1) Mot qui dérive du malais et dont les insulaires se servent pour
désigner les singes en général.

69

nomolgus, dont nous venons de parler, il sera facile de
se rendre raison de ce qui a pu engager quelques natu-
ralistes à sous-diviser ainsi le genre Cercopithecus ; ce
qui à eu principalement lieu par rapport à un individu
de Sumatra à poil roux-doré, cité par Mr. Isidore Geof-
froy sous le nom de Macacus aureus, et décrit par Bélan-
ger dans son Voyage aux Indes Orientales 1830 (1).
Fr. Cuvier a donné le dessin d’un individu de couleur
foncée qui se caractérise par sa physionomie noirâtre,
et auquel il a donné le nom de Macacus carbonarius (2).

2e Espèce. Maimon — Macacus nemestrinus, (5). Simia
nemestrinus Linn.

Caractères distinctifs de. cette espèce.

Cette espèce ne se trouve qu’à Sumatra et à Bornéo;
elle y a été observée à l’état sauvage par Mr. S. Müller

(1) Isid. Geoff. op. cit. pag. 27, 1851

(2) Hist. nat. des Mamm. 1825.

(3) Desm., mammal. 1820, et vulgairement Mai Inuus : tel qu'ila
été établi en 1795 par M. M. Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire (Magasin
encyclopédique), sous le nom de Magot, Cynocephalus, tel qu'il a été
ensuite admis par Mr. Geoff, Saint-Hilaire, Tableau des Quadrumanes,
1812, sous le nom de Magot, Inuus. C'est à tort que Mr. Raffles et de
Broe ont donné à ce singe le nom de Cynocephalus carpolegus. —
Maimon est le nom que l'on a donné dans les derniers siècles aux
singes à queue courte.

70

lors de son séjour dans ces parages. (Ce singe fait l’ob-
jet d’un petit commerce des insulaires des Lampongs, qui
viennent les vendre aux habitants des ports situés sur
la côte septentrionale de Java, pour un prix très minime.
Quoique cette espèce ne soit pas rare dans ‘ces deux
îles, surtout sur les côtes du Sud et Sud-Est de la pre-
mière, il arrive cependant assez souvent qu'on la cherche
longtemps avant de la rencontrer, parce que ces singes
se tiennent presque toujours dans des forêts impénétra-
bles. En cas de danger, ils se cachent dans des buis-
sons bas et trouvent ainsi un moyen certain de se
garantir contre les poursuites de leurs ennemis.

Cet animal est très adroit, vif et doué d’une certaine
intelligence; les insulaires de la côte occidentale de Su-
matra s’en servent pour cueillir les noix du Cocos nuci-
fera, qui se trouvent sur cet arbre à une hauteur de plus
de soixante pieds. Les singes dont nous parlons font
cette récolte avec une adresse tout-à-fait étonnante. (1)

Nous reproduisons ici un fait qui donne une preuve
évidente de l'intelligence de ce singe et de sa mémoire,
qui est presque aussi forte que chez l’homme.

Il y a quelques années, les officiers-élèves de l’école de
cavalerie de Saumur désirant avoir un animal amusant, se
donnèrent un singe, parce que les réglements de l’école
leur défendaient de tenir des chiens ou des chats. Or
Jean, c’est le nom qu'ils lui avaient donné, fut bientôt le
plus heureux animal du monde; il menait une vie de
prince, les élèves de l'école le traitaient comme leur égal;
il buvait avec eux du champagne, il mangeait des truffes

(1) Temminck op. cit, t. 2, pag. 87, 1847.

71

il fumait le cigare de Manille; en un mot, rien ne lui
était refusé. Donc Jean aurait été très heureux si un acci-
dent fâcheux ne fût venu mettre fin à cette. vie vraiment
délicieuse. Mais Jean avait été promu au grade de ca-
pitaine adjudant-major et de ce grade découla pour lui
une foule d’infortunes, qui se traduisaient en coups de
cravache. En voici la raison: |

C'était le capitaine adjudant-major de service qui, tous
les jours, à l’heure de la parade, signifiait aux jeunes
officiers-élèves les arrêts qu’ils avaient mérités pendant
les vingt-quatre heures qui venaient de. s'écouler. Et
comme les punis ne pouvaient pas déverser leur mauvaise
humeur sur le chef, ils s'étaient amusés à en rendre res-
ponsable le pauvre singe. Et comment? Ils lui avaient
fait faire, par le tailleur de l’école, une petite tenue sem-
blable à celle que portent les officiers du cadre. Des
glands de dragonne composaient ses épaulettes, une épée-
joujou était son arme, et un officier adroit lui avait .fa-
briqué un tricorne. Alors, à l’heure fatale, Jean était ap-
pelé ; on lhabillait, puis on le conduisait devant chaque
officier puni, en lui disant d’une forte voix: Monsieur a
huit jours d’arrêts. Demandez-lui pardon.

Jean aussitôt demandait pardon comme ïl pouvait,
c'est-à-dire en poussant de grands cris, en joignant ses
petites pattes sur sa tête, enfin en faisant une foule de
grimaces, ce qui ne l’empêchait pas de recevoir autant de
coups de cravache que lofficier puni avait de jours d’ar-
rêts, et cette comédie recommençait devant chaque off-
cier puni. Aussi quand le malheureux Jean sentait ap-
procher l'heure fatale, s’il n’était pas bien gardé, il se
sauvait jusque sur les toits, et on avait toutes les peines
du monde à le reprendre. Mais ayant quitté l’école, il

72

tomba de chute en ehute sur les tréteaux d’un saltim-
banque. | |

A la foire de Saint-Cloud, deux officiers, faisant partie
des régiments de cavalerie de la garde, s’amusaient à flâner
devant toutes les baraques de la foire. Ils s'arrêtent de-
vant l’une d’elles dans laquelle se trouvaient réunis plus
de 60 artistes à quatre pattes, chiens et singes savants.
Quelques-uns de ces derniers étaient sur un tréteau de-
vant la baraque, faisant des grimaces et de la musique,
quand toût à coup un de ces artistes musiciens, timbalier
de la troupe, s’élance en jetant des eris joyeux, puis
d'un seul bond saute au cou d’un des officiers tout sur-
pris, et lui couvre la figure de earesses et de baisers. L’of-
ficier, stupéfait de cette rencontre, le reconnaît alors et
s'écrie en riant: Jean! mon pauvre Jean! c’est donc loi
que je retrouve ici? Et maître Jean répondait par de
petits cris joyeux à ces paroles, qui lui montraient qu'il
était reconnu. L’officier caressa d’abord l'animal; mais,
voyant qu’un groupe de eurieux s'était formé autour d’eux,
voulut le renvoyer sur le tréteau, d'autant plus que son
maître le réclamait à grands cris; mais Jean ne voulant
pas lâcher prise, se cramponna de plus belle à la mous-
tache et à la cravate de son ancien propriétaire qu’il
venait de retrouver, quand, heureusement, Pautre officier
prononce une phrase magique, qui fit aussitôt rentrer le
singe dans le devoir: Jean! cria-t-il, monsieur @ vingt jours
d'arrêt... viens vite demander pardon.
- Eten entendant ces mots, le pauvre singe s’élance tout
tremblant vers la place qu’il occupait avant la venue des
deux officiers. |

15

Genre V. Cynocéphale. — Cynocephalus (1).

Plusieurs naturalistes citent Brisson comme le fonda-
teur de ce genre, et en effet, dit Isid. Geoff. Saint-Hilaire,
il a créé, des 1756, dans le Règne animal — pag. 213 —
un groupe qui a pour type le Cynocéphale des anciens,
et qu'il nomme Cynocephalus, ou plutôt Cercopithecus
cynocephalus. Mais Brisson admet aussi — pag. 192 — un
autre Groupe nommé par lui BABouIx, Papio — Buff.t.X VI,
1766 — Cuv. et Geoff. Saint-Hilaire 1795 — qui à aussi
pour type un cynocéphale, il est vrai, très-mal déterminé.
Depuis, une partie des auteurs, à l'exemple de Buffon,
ont adopté le second de ces noms, qui à été longtemps le
plus usité; un très-grand nombre aussi le premier, qui a
prévalu depuis trente ans.

Plusieurs auteurs divisent les cynocéphales en deux
genres: 1° Espèce à queue médiocrement longue et 2°. Es-
pèce à queue très-courte (2). M. Lesson sépare de plus,
sous le nom d’Hamadryas, la première espèce de Geoff.
unie par des rapports très-intimes: Cynoc. sphinx, Cynoc.
olivaceus, Cynoc. babuin et Cynoc. porcarius. Aussi ce
genre est divisible en deux sections très-distinctes, 1°. par
les proportions de la queue et 2°. par quelques différences
dans la conformation de la tête.

Mr. Temminck dans son ouvrage (3) cite comme espèce

(1) Cynocéphale, tête de chien. Selon Cuvier, nom très connu chez
les anciens, surtout parce que cet animal jouait un grand rôle dans les
figures symboliques des Egyptiens, où il représentait Tot ou Mercure.

(2) Isid. Geoff. Saint-Hilaire op. ci, pag. 33 à 35. 1851.

(3) Temminck op. cit. t. 3, pag. 111 et 112, 1849.

74

nouvelle un Papio niger et un autre qu’il nomme provisoi-
rement Papio nigrescens. Le premier est d’un noir intense
sur toutes les parties du corps, excepté les cuisses, qui
sont d’un noir grisâtre; sa face toute noire et sa queue
très-courte servent à le distinguer de tous ses congénè-
res: le second diffère du précédent par sa face plus
comprimée, par une queue fort peu apparente, et par des
callosités étendues en deux lobes on masses, tandis que
le premier a ces parties divisées en quatre compartiments.

Le pelage du Papio nigrescens est d’un noir-brunâtre;
cette dernière teinte domine sur les épaules et sur le dos
et les callosités ischiatiques offrent une disposition diffé-
rente. Les formes totales de ces deux singes, ajoute
Mr. Temminck, semblent assigner à ces Quadrumanes
anormaux un rang intermédiaire entre les Macaques et
les Cynocéphales proprement dits, qui sont du continent
africain.

Quant à la construction dentaire, les dents canines de
ces singes sont très fortes, longues et dirigées en avant.
La dernière molaire de la mâchoire inférieure est munie
d’un appendice; la tête se termine par un museau al-
longé et comme tronqué au bout, où sont percées les
narines, ce qui le fait ressembler à celui d'un chien plu-
tôt qu’à celui des autres singes. L’angle facial est de
30 à 35 degrés. Le bord supérieur de l'orbite est échan-
cré, les os des pommettes sont très saillants; on observe
des rides longitudinales profondes qui commencent sous
les yeux et finissent vers la base du nez. Le front est
fortement écarté et les oreilles aplaties; les abajoues sont
très larges; des taches chauves et des callosités existent
aux fesses. Les membres antérieurs sont à peu près de
la même longueur que les membres postérieurs; la lon-

75

gueur de la queue varie. En général, ce singe est de
grande taille, féroce et dangereux.

Dans la plaine, il marche à quatre pattes; mais au
milieu des rochers il se dresse sur les pattes de derrière,
et celles de devant deviennent des mains fortes et très
adroïites. Cependant ce n’est qu'avec l’appui d’un soutien
quelconque qu’il peut marcher verticalement. On le cite
comme étant exclusivement frugivore; l’action de fouiller
la terre, pour en tirer des racines, raccourcit ses ongles,
et rend ses pattes de devant d’autant plus semblables à
des mains d'homme. Ses dents canines constituent une
défense redoutable et leur morsure est dangereuse. Ce-
pendant, c’est aux dépens de ces singes que les léopards
subsistent, car ils trouvent rarement d’autre gibier.

Quand une troupe de babouins est en maraude, dit
certain auteur, elle place des sentinelles sur une éléva-
tion qui domine les environs; en cas d’alarme, la retraite
se fait avec célérité et en bon ordre; les femelles vont
en avant, chargées de leurs petits, et les mâles les plus
vigoureux forment l’arrière-garde. Lorsque les naturels
traversent des vallées étroites dans les régions monta-
gneuses que ces singes habitent, il arrive plus d’une fois
qu’ils rencontrent des sentinelles de cette espèce; il est
curieux d'observer la terreur que répand la présence ino-
pinée d’une figure humaine. À son approche, on voit ces
singes escalader des rochers, franchir des précipices, passer
par-dessus des obstacles que l’on aurait jugés infranchis-
sables pour tout autre animal qu’un oiseau. Lorsque la
bande fugitive se croit en sûreté, quelques individus, qui
paraissent être ses guides, ne manquent jamais d’injurier
les perturbateurs et d'exprimer leur colère par des cris
menaçants, et en lançant des branches d’arbre, avec une

76

adresse étonnante, vers eeux qui les ont poursuivis”
La férocité qui les caractérise se manifeste à la pre-
mière vue, et fait qu’ils sont difficiles à dompter, ils sont
capricieux comme le Magot et méchants comme le Mandrik;
leur colère est parfois si violente qu’elle est pour eux une
cause de mort subite. A l’état sauvage, leurs facultés in-
tellectuelles se développent plus qu'à l'état de servitude;
ils sont lestes dans leurs mouvements, s’aperçoivent promp-
tement du danger qui les menace et savent se soustraire
avec beaucoup de malice aux piéges qu’on leur tend. On
prétend que ces singes vivent jusqu’à trente ans.

Cynocéphale nègre. — Cynocephalus niger (1).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Cette espèce (comme nous le disons ci-dessus pag. 73).
la seule connue jusqu’à ce jour aux Célèbes, est le Papio
niger de Mr. Temminck, elle habite les montagnes et les
vallées des Célèbes. Un individu qu’on devait à l’obli-
geance de Mr. le Lt. Colonel von Henrici était doué d'une
force musculaire incroyable; comme il était méchant et
intraitable, on l'avait attaché au moyen d'un collier à
un poteau, placé au milieu de la cour. Un jour un chien
qui nous appartenait, en vint aux prises avec ce singe qui

(1) Mr. Isid. Geoff. Saint-Hilaire fait de cette espèce son genre
cynopithecus. Op. cit. pag. 32, 1851. C’est à tort qui le dit appar-
tenir aux Moluques, vu que les Moluques sont dépourvu de singe.

17

le mordit cruellement à la gorge; le pauvre animal aurait
été bientôt égorgé, si l’on ne fût venu promptement à son
secours. La méchanceté de ce singe devint si grande
que l’on fut obligé de le tuer.

Maintenant que nous avons parlé des singes propre-
ment dits (Simia), compris dans la première division des
Quadrumanes, nous allons passer à la seconde division,
c’est à dire aux singes bâtards (Prosimiae) qui sont pro-
pres aux Indes Orientales.

Genre VI. Loris — Stenops Illig. (1) Vulg. singe pa-
resseux.

À en croire les indications données par plusieurs auteurs,
Jlliger doit être le véritable fondateur de ce genre. Ce-
pendant d'autres prétendent que ce savant n’a fait que
substituer, en 1811, le nom de Sfenops à celui de Loris,
qui date de 1796, comme il a substitué les noms de J4-
chanotus et d’Otolicnus aux noms donnés par Mr. Geoffroy
Saint-Hilaire dans le temps, aux genres Zndris et Galago.

Les dents de ces singes sont au nombre de 36 et sont
conformes à celles des genres Lemur et Ololicnus. La
mâchoire supérieure compte quatre incisives et six mo-
laires, et la mâchoire inférieure, six incisives et cinq
molaires. Les incisives supérieures sont très petites et

(1) Isid. Geoff. Saint-Hilaire op. cit. pag. 78, 1851, en a fait son
genre Nyclicebus. Ce genre en 1792 a été indiqué sous le nom de Lorican
par Daubenton, dans la classification publiée par Vicy-d’Azyr (Système
anal. des Quadrupèdes, t. 2; pag. XCVIT).

78

espacées; les inférieures sont également petites et forment
une ligne parabolique dirigée tant soit peu en avant.
Les canines sont d’une grandeur moyenne; la couronne
des molaires est garnie de tubercules pointus. La tête
est ronde; le museau court, ressemblant à celui d’un do-
guin ; les yeux très grands et rapprochés ; la langue rude.
Les oreilles sont courtes et très velues. Ces singes ont
le corps grêle, sans queue; quatre glandes mammaires
pectorales, mais seulement deux têtins. Les pouces et
les doigts des mains antérieures et postérieures sont pour-
vus d'ongles: ceux de l’index des mains postérieures sont
très longs. |

Le Stenops est un animal nocturne d’un caractère très
indolent; on le trouve le plus souvent dans les forêts
très touffues, où il passe la journée dans une attitude
courbée, la tête appuyée sur la poitrine; on le rencontre
encore dans des crevasses d’arbres élevés et isolés.

Au soleil couchant, il sort de sa torpeur, et son premier
soin est d'aller marauder; il grimpe lentement d’une
branche à l’autre et se régale des fruits qu'il trouve che-
min faisant: au besoin les jeunes feuilles des arbres lui
servent aussi de nourriture. L’urine de cet animal exhale
une odeur dégoûtante et ses excréments ressemblent
beaucoup à ceux du mouton. Quoique cet animal pré-
fére les fruits, il est aussi très friand d’œufs et d’insectes.
Quelques naturalistes prétendent même qu’il fait la chasse
aux petits oiseaux, avec une adresse égale à celle des
chats,

Si, pendant le jour, on le surprend dans sa retraite, et
qu’on l’expose au grand jour, on voit sortir de ses yeux,
qui sont beaucoup plus vifs et plus grands que ceux des
autres singes, un liquide qui à beaucoup d’analogie avec

79

les larmes; les paupières sont agitées par un mouvement
spasmodique et la pupille se contracte. Pendant la nuit
elle s’élargit tellement que l'iris est presque invisible, et
qu'on en voit sortir de temps à autre un rayon lumi-
neux très vif. La mystérieuse existence nocturne de cet
animal et son aspect particulier ont donné naissance chez
les insulaires à toutes sortes de croyances ridicules, où
les préjugés et le merveilleux dominent. On lui a at-
tribué des vertus miraculeuses; au reste, les indigènes
s’en défient généralement.

Le Slenops est un animal très docile et très facile à
apprivoiser. Il grimpe très adroitement sur les arbres,
mais à terre il marche très lentement, d’où lui est venu
le nom de rang mälas ou segan, qui veut dire pares-
seux, et que les insulaires de Sumatra lui donnent.

Loris paraseux — Séenops tardigradus, Temm.— Lemur
tardigradus, Linn. — Buff. suppl. VII. p. 36, audeb.
— Loris Guêr., Iconogr. Mammif. pl. 6, fig. 3 (1).

Un individu de cette espèce que nous possédions pen-
dant notre séjour à Palembang, avait une longueur d’un
pied, depuis la tête jusqu’à l'origine de la queue. Sa tête
était ronde et l’expression de sa physionomie annonçait
beaucoup d'intelligence; son museau était très large et
court; les oreilles, petites et elliptiques, étaient totale-

(1) Syn. avec le Sfenops bengalensis de Duvaucel, le Nyclicebus ja-
vanicus de Geoff. Saint-Hilaire et le Lory Prosimiae, Cuv. et Geoff. Saint-
Hilaire, Voyez la note pag. 78 d’{sid Geoff. Saint-Hilaire op. cit, 1851.

80

ment cachées par sa robe laineuse. Les yeux étaient
rapprochés l'un de l’autre; l’iris êtait d’une couleur foncée.
Le nez petit, était de couleur blanchâtre. Le poil du
corps était long, fin et laineux, quoique un peu rude au
toucher. La couleur de ce singe était rougeâtre; à la
région des reins et aux cuisses elle était d'un janne rou-
geâtre. Les yeux et les oreilles étaient entourés d’un
cercle plus coloré et au milieu du dos on remarquait nne
raie longitudinale de couleur sombre.

Ce singe, qui se tenait pendant toute la journée dans
une attitude courbée dans un coin de sa cage, ne faisait
que dormir; lorsqu'on essayait de l'éveiller, il jetait des
cris assez perçants. À la nuit tombante, il s'éveillait et
s'empressait de satisfaire à ses besoins; sa nouriture con-
sistait en riz cuit, mêlé avec du pisang ou banane.

Le Stenops tardigradus vit à Sumatra et à Bornéo,
tandis que le St. Kukang ou Javanicus comme Mr. Tem-
minck le nomme, se trouve exclusivement à Java. Ces
deux espèces de Sfenops, quoique voisines par les formes
totales, different toutefois spécifiquement.

Une autre espèce de ce genre que certains auteurs
naturalistes prétendent trouver dans l'Inde et à Ceylan,
est le Slenops gracilis, dont Geoff. Saint-Hilaire a
fait son genre Loris (1). Linnius a donné une courte
mais très fidèle description de cette espèce, et Seba l’a
parfaitement représentée dans son ouvrage. C’est pour-
quoi plusieurs naturalistes ont supposé que c’est le
même animal dont Thevenot parle dans les termes sui-
vants: ,Je vis au Mogol des singes dont on faisait
grand cas, que quelqu'un avait apportés de Ceylan; on

(1) Isid. Geoff. Saint-Hilaire op. ci. pag. 78 et 79, 1851.

81

les estimait parce qu'ils n'étaient pas plus gros que le
poing, et qu’ils sont d’une espèce différente des singes
ordinaires: ils ont le front plat, les yeux rondset grands,
jaunes et clairs, comme ceux de certains chats; leur mu-
seau est fort pointu et le dedans des oreilles est jaune;
ils n'ont point de queue.........
Cette description a beaucoup d’analogie avec celle du
Stenops tardigradus ; il est à supposer que le Stenops
gracilis, dont Geoff. Saint-Hilaire a fait son genre
Loris, n’est autre qu’une variété du Sfenops que quelques
naturalistes ont confondu avec le paresseux — Kouri ou
le petit Unau — qu’on ne trouve qu’en Amérique (1).

Genre unique. Tarsier (2) — Tarsius spectrum (3) Lemur
tarsier (4) Lemur spectrum (5) et didelph. macro-
tarsus, Gmel.

L'espèce type est la seule bien connue jusqu'ici. Mr.
Temminck, plus à même qu'aucun autre naturaliste d’é-
claircir les difficultés relatives aux espèces du genre

(1) Buflon, par de Lacépède, t. VII, pag. 51, 1818.

(2) À ce genre qui a pour type le Tarsier de Buffon et que Storr
a le premier admis en 1780, dans son Prodromus, est définitivement établi
dans la science depuis un mémoire publié spécialement sur ce mam-
mifère par Cuvier et Geoff. Saint-Hilaire (Magasin encyclopédique re
année, t. IN, pag. 147, 1795. |

(3) Geoff. Saint-Hilaire, Tabl. des Quadr., 1812.

(4) Erxleb., Syst. reg. anim. pag. 71; 1777.

(5) Pallas, Glir., pag. 277, 1778.

82

Tarsier, dit à cet égard: ,Le Tarsius Daubentonu est un
double emploi du même animal (T. Spectrum), et T.
bancanus du Dr. Horsfield a été établi sur un jeune sujet
de l’année de cette espèce.” Mr. Temminck conclut qu’il
n'existe qu’une espèce de Tarsier ; mais il reconnait dans
la même note que le Tarsier de Célèbes ,a le bout ou flocon
terminal de la queue noir; et que celui de Bornéo a, au
contraire, cette partie d’un cendré fauve”? (1).

Une différence aussi marquée, si elle est constante,
dit Isid. Geoff. Saint-Hilaire, indique bien une diversité
spécifique entre le Tarsier de Célèbes et celui de Bornéo.
Il resterait à savoir lequel est le Tarsier de Buffon; c’est
une question à peu près insoluble, malgré la descrip-
tion elle-même de Daubenton, placée à la suite de celle
de Buffon.” Enfin prenons comme un fait certain que le
Tarsier est aussi un mammifère nocturne comme le pré-
cédent, quoique la vie privée de cet animal ne soit encore
que très imparfaitement connue. ,Malgré son humeur
douce, dit Mr. S. Müller, ce mammifère est considéré par
la plupart des insulaires comme un être dangereux, qui
cherche à faire du mal à l'homme: et ce qui a contribué
à accréditer cette opinion peu fondée, ce sont les grands
yeux de cet animal, auxquels les indigènes attachent une
certaine force magnétique.

On trouve le Tarsius spectrum aux Célèbes, à Bornéo,
à Banka et, d’après des renseignements dignes de foi, à
Sumatra. À Java on n’en a pas encore aperçu. Cet animal
parait habiter de préférence les forêts situées sur des ter-
rains unis. Il s’y tient ordinairement caché dans le feuil-
lage d’arbres peu élevés ou au bas de broussailles épaisses.

ee
—

(1) Temminck op. cit. t, III, pag. 112; 1849.

83

Si par hasard on le chasse, il saute lestement d’une
branche à l’autre; souvent il se montre si peu sauvage
qu’on pourrait le prendre facilement à la main.

Quant aux caractères distinctifs, les Tarsiers ont les
tarses allongés et tous les autres détails de la forme des
précédents, mais l'intervalle entre leurs molaires et leurs
incisives est rempli par plusieurs dents plus courtes:
les incisives mitoyennes d’en haut s’allongent et res-
semblent à des canines. Leur museau est très-court, et
leurs yeux encore plus grands que chez tous les précé-
dents. Ce sont aussi des animaux nocturnes qui vivent
d'insectes (1).

Ayant traité l’ordre des Quadrumanes, nous passerons
à un genre curieux et unique auquel de Blainville et après
lui Temminck, ont fait prendre rang entre l’ordre des sin-
ges et celui des sauve-souris, le genre:

Galéopithèque — Galeopithecus, Pall. (2) Galeop. Audeb.
pl. 1 et 11 — Galeop. Geoff. et Cuvier (3) Lemur
volant Linn.

On ne connaît distinctement qu’une espèce à laquelle

(1) Quant à l'anatomie de cet animal, voir la description donnée par
Burmeister dans sa monographie: Beiträge zur nühern Kenntniss der
Gattung Tarsius. Mit 7 tafeln. Berlin 1846. in 49,, et comparer le
Tarsius fuscomanus, Fischer, anat. des makis, pl. III, du Tarsius
spectrum. On trouve un dessin ressemblant dans Cuvier, Règne, op. ci.
pag. 22, fig. 1.

(2) Acad. Petrop. 1780, t. 1, pag. 208, Tab. 8, Guérin Zconogr.,
Mamm. pl. 9, fig. 4. On trouve le squelette dans l'ouvrage de d'Alton:
die Skelette der Chiropieren.

(3) Règne animal mamm. t. IV, pag. 147 et 148. pl. 26, fig. 2, un
des dessins les plus ressemblants de l’espèce.,

G*

84

Mr. S. Müller a donné le nom de Galeopithecus variega.
tus (1) quoique Mr. Temminck prétende qu'il en existe
encore à Sumatra d’autres variétés (2). Mr. Waterhouse,
qui est de la même opinion relativement aux sujets de
ce genre qui se trouvent aux îles Philippines, nomme
les unes Galeopithecus philippinensis, tandis qu’à d’autres
il a donné le nouveau nom de Galeopiiheeus Temminckii (3).
Aucune espèce de mammifère n’a subi autant de dépla-
cements dans les classifications que le Galéopithèque.
Tantôt placé à la tête de la famille des Chéiroptères, et
tantôt à la fin, quelques naturalistes l’ont même rangé
dans la famille des Lémuriens.

Cette incertitude qui existait par rapport à la place
que cet animal devait occuper, a fortifié l’opinion de plu-
sieurs naturalistes qui croient que le Galéopithèque n'ap-
partient pas davantage à la famille des Lémuriens qu’à
toute autre, mais qu il constitue un groupe tout particulier,
sous. la dénomination de Dermoptera, formant la transition
entre les Lémuriens et les Chéiroptères frugivores: d’ailleurs
cette espèce présente en outre quelques traits qui la rap-
prochent des Phalangistes et des Pleromys.

Mr, Temminck, dit, entr’autres, qu'il ne convient pas
de les admettre dans l'ordre des mammifères volatiles, que
bien qu’ils aient, de même que les Pteromys et les Pe-
taurus, la peau des flancs étendue entre les extrémités
antérieures et postérieures et même quelquefois la queue
engagée, ou des rudiments de membranes aux côtés du

(1) Verh. over de nat. gesch. der Nederlandsche Overz. bezittingen,
zoologie pag. 19.

(2) Temminck op. cil., 1849.

(3) Trans. of the z0ol. soc. 11, 1841. pag. 335—342, pl. 58 avec
des dessins des crânes. :

85

cou et aux extrémités antérieures, ils sont dépourvus de
ces membranes diaphanes, prolongées entre les doigts,
unies aux flancs, qui imitent les ailes des oiseaux. Aussi
la faculté de voler, ainsi que Ducrotay de Blainville en
a fait la remarque, appartient seulement aux Chéiroptères
proprement dits.

Les Galéopithèques ne peuvent se servir de leur peau
épaisse, peu tendue et velue en dessus comme en des-
sous, que comme d’une sorte de parachute. Ils ne peu-
vent s'élever au-dessus du point d’où ils sont partis, ne
conservent que très difficilement la ligne horizontale,
et ne se servent de leur peau membraneuse que comme
soutien pour sauter d’un arbre à un autre, ainsi que le
font les écureuils et une certaine espèce de lézards vo-
lants propres à Java.

Le Galéopithèque est d’un caractère très méchant et
sauvage. Si on trouble son repos ou si on veut le pren-
dre, il jette des cris perçants. Pendant le jour, il se tient
constamment dans des forêts de haute futaie, entortillé
dans sa peau membraneuse, et reste pendu au moyen
d’un crochet dont les extrémités postérieures sont armées,
aux branches d'arbres, sans faire le moindre mouvement
de sorte que l'œil le plus perçant ne pourrait supposer
que c’est un être vivant. À la nuit tombante, il quitte
cette position pour aller à la recherche de sa nourriture.
La femelle porte très-longtemps ses-petits, qui se tien-
nent, comme nous avons dit des singes, attachés au ventre
de leur mère.

La couleur de leur pelage est très-variable; néanmoins
la plupart des naturalistes qui les ont observés de près sont
d'accord pour n'admettre qu’une seule espèce, celle qui suit.

86

Galeopithecus variegatus Müll. — Galcop. rufus et mar-
moratus Temm.

Caractères distinctifs de cette espèce.

Cet animal, qui habite Java, Sumatra, Banka et Bornéo (1)
présente pour caractères distinctifs quatre incisives à la
mâchoire supérieure et six à la mâchoire inférieure. Les
dents incisives inférieures, dirigées en avant, sont dente-
lées, en forme de peigne. Les canines supérieures aussi
dentelées, très petites, sont serrées les unes contre les
autres et présentent une forme conoïde; les inférieures
sont plus grandes. Les molaires supérieures ressemblent
aux canines; celles de la mâchoire inférieure sont poin-
tues. Le museau est allongé, les oreilles sont petites et
arrondies, et la queue est d’une longueur moyenne. La
peau membraneuse dont ils sont pourvus s'étend sur le
cou, les membres, les doigts et la queue. Les doigts de
la main sont très courts, le pouce en est peu mobile. Cet
animal est muni de deux mamelles pectorales.

Comme nous l’avons observé déjà, c'est un des mammi-
fères qui présentent le plus de variété dans leur couleur.
Presque tous les individus observés par Mr. $. Müller
différent plus ou moins les uns des autres. Cette diversité,
dit-il, était souvent aussi prononcée chez les individus

(1) Mr. Diard dit l'avoir observé à Siam et à Malakka, tandis que
Lesson assure l'avoir trouvé aux iles de Pelew. D'autres croient qu'il
existe aux Moluques ; cependant nous n'osons l'affirmer à défaut de
preuves, n°y ayant rencontré aucun individu de ce genre.

87

de la même contrée que chez ceux des différentes autres
îles.

Plusieurs individus présentaient une couleur, principa-
lement au dos, d’un gris clair ou d’un gris brun; plus
rarement gris ou brun jaunâtre; plusieurs encore avaient
les parties supérieures du corps d’un jaune brunûtre,
jaune rouge et même roussâtre: quelques autres avaient
une couleur presque uniforme. La plupart cependant of-
fraient différentes nuances, un individu entre autres pré-
sentait la partie supérieure du corps comme marbrée par
une infinité de petites raies noires, irrégulièrement pla-
cées et entremêlées de grandes taches rondes. Le nom
que les insulaires donnent au Galéopithèque est différent.

Les Malais de la côte occidentale de Sumatra lui don-
nent le nom de Kobien ou Koebien, et les Dayaks à Bornéo
appellent les individus bigarrés Koewong-boehies et Koe-
wong-boelauw: ïils en distinguent encore une troisième
sorte sous le nom de Koewong-loewoet, espèce qui doit
être beaucoup plus petite que les deux précédentes, mais
qui se fait remarquer, comme la première, par une peau
bigarrée. (C’est sans doute aussi le mot ÆKobien que sir
Rafñfles a confondu avec celui de Kubiang dont il se sert
pour désigner le Galeopithecus de Sumatra. La véritable
signification de Kobien est voler, ou animal volant. Dans
le dictionnaire malais de Mr. P. P. Roorda van Eysinga
on trouve ce mot employé comme adjectif réuni avec le
mot fjatjakh; ce qui signifie Lézard volant. Et lorsque
Yétjakh ou tjitakh se trouve seul il signifie, un petit Lé-
zard (Hemidactylus frœnatus Boie) qui vit dans les mai-
sons à Java. |

Les Javanais le nomment généralement Kélong tando,
ce qui signifie littéralement chauve-souris palanquin. Le

88

motif pour lequel ils ont donné le nom de Kälong tando
à cet animal est que le Galéopithèque a l’habitude, comme
nous l'avons dit, de s'attacher à l’une où à l’autre branche
d'arbre: cette attitude ayant beaucoup de rapport avec
un palanquin.

Avant de passer à l’ordre des Chéiroptères il nous reste
encore quelques notes à donner sur l’ostéologie fossile
des Quadrumanes, en rapport avec l’histoire naturelle de
ces mammifères.

Pendant bien longtemps, on a contesté l’existence de
fossiles de l’espéce Quadrumane et bien des naturalistes,
même parmi les plus accrédités, ont soutenu qu'aucune
exploration paléontologique n'avait prouvé le contraire;
cependant des découvertes qui ont eu lieu dans ces der-
niers temps, ont livré des débris fossiles assez évidents
pour ne plus douter de leur existence.

Dans une note extraite du Journal of the Asiatic society
of Bengal, t. V. pag. 739 et London and Edinburg phui-
losophical magazine, M.M. Bakker et Durand (1) citent
comme preuve évidente un fragment, ou la moitié d’une
mâchoire supérieure d'un quadrumane fossile, trouvé dans
les collines près de Sutly, dont, quant au nombre, Îles
molaires étaient complètes. D’après les descriptions et
les figures de la dentition de cet ordre d'animaux donné
par F. Cuvier, ce fossile se rapprocherait du genre Sem-
nopithèque. Les divisions de la canine et la grosseur sont
tout-à-fait semblables à l’exemple choisi par F. Cuvier
et appartenant au Semnopithèque maure; espèce qui se
trouve exclusivement à Java. |

(1) Annales des sciences nature.es % Serie zoologie t. VIE, pag.
370—372, 1837. |

89

Mr. Lartet, l'infatigable paléontologiste, dans une note,
publiée dans le même journal t. VI, pag. 354, et phailos.
mag. N°. 71 (1), déclare avoir trouvé dans ses explora-
tions du midi de la France (département du Gers) des
débris fossiles d’un singe de l’espèçce Siamang.

Mr. Paul Gervais, dans une exploration du tertiaire su-
périeur de Montpellier, à fait la découverte d'une nou-
velle espèce de fossile, appartenant, selon lui, à l'un des
groupes Semnopilhèque, Cercopithèque où Macaque. Il a
également trouvé, au même lieu, quelques débris d'un
cubitus et d’un radius, paraissant aussi appartenir à la
même espèce de singes (2).

Mr. Elie de Beaumont s’accorde avec la déclaration
ci-dessus et affirme quon connait aujourd’hui des sin-
ges fossiles dans les trois principaux étages tertiaires de
l'Europe occidentale (c’est à-dire dans toute la partie
de l'échelle des terrains sédimentaires), où les ossements
de mammifères sont abondants. Il ajoute: que si l’homme
avait existé à l’époque où ces terrains ont été déposés,
il serait bien étonnant qu'on n'y eñt encore trouvé ni os-
sements humains, ni débris de l’industrie humaine. La
découverte des singes fossiles lui paraissait une confir-
mation indirecte du peu d’ancienneté de lespèce hur-
maine.

Mr. Duvernoy rappelle que des ossements de singes
ont été trouvés par Wagner dans un terrain tertiaire
très-moderne de la Grèce, au pied du mont Hymette; tan-
dis qu’une découverte de fossile de singe a été faite par

(4) Comptes rendus de l'Academie des sciences de Paris t. V, pag.
40—41, 1837.

(2) ibid, t. XXVIIT, pag. 699 — 700, 1849.

90

Mr. Christol, dans les sables marins de Montpellier (1).

À l'appui des découvertes susmentionnées nous pour-
rions encore citer d’autres exemples, mais nous croyons
que ceux-ci sufliront pour lever tout doute sur l’exis-
tence de fossiles de singe.

ORDRE DES CHÉIROPTÈRES — Vulgairement.
CHAUVE-SOURIS (2).

GÉNÉRALITÉS DES CHAUVE-SOURIS.

Il n’y a, sans contredit, pas de mammifère dans le
Règne animal, dont la classification ait été discutée avec
autant d'énergie par les anatomistes et par les zoologis-
tes du premier rang, que le genre Chéiroptère. La con-
naissance de ce mammifère est arrivée aujourd’hui à un
haut degré scientifique (3).

Le célèbre Linnée, qui dans une des dernières éditions

(1) Voir: les Bulletins de la société géologique de France t. VI,
pag. 169.

(2) Volitantia (mamm. volantes III.) Chéiroptères (mains ailées,
Blumenb.); dénomination dont la plupart des naturalistes modernes se
sont servis. Pour faciliter la confrontation des différentes espèces de
ce genre, voir: Kubl, die deutschen Fledermäuse, Hanau 1817 ; Etienne
Geoff. Saint-Hil. ann. du mus. t. VII, pag. 187—205 ; Fr. Cuv. Nouv.
ann. du mus. 1. 1, pag. 1—21, pl. 1, 2 et Temminck 5e et 11e Mo-
nogr. de mammal, t, 1 et 2, pag. 157—203 et pag. 49—112, 1827
et 1835—1841 que nous avons pris pour guide dans ce chapitre.

(3) Afin d'éviter autant que possible des répétitions de ce que bien de
naturalistes ont dit, nous sercns succinct dans nos descriptions et nous
nous bornerons a reproduire des notes contenant des renseignements,
recueillis sur les lieux mêmes: notes ayant un intérêt qui sera sans
doute apprécié des naturalistes modernes.

91

du Systema naturae n’admet que six espèces différentes,
les classe. tous sous les familles Bimanes et Quadrumanes,
parcequ’ils ont quatre incisives, mais la différence à l'égard
de la denture, du nez et de l’oreille est tellement grande
entre ces deux espèces, que l'autorité légale de la science
a jugé à propos d’en former un ordre séparé.

Les anciens les comprirent dans l'ordre des oiseaux
auquel ils n’appartiennent pas plus que les poissons volants
et les papillons. Les raisons qui ont induit en erreur
certains naturalistes en les plaçant dans cet ordre, est
encore une énigme: car, considérant de plus près sa con-
formation tant extérieure qu’antérieure, il est évident
que les Chéiroptères sont de vrais Quadrupèdes, qui n'ont,
à l'exception du vol, rien de commun avec les oiseaux.
Iliger qui les nomme volitantia (mamm. volants), les
sépare des Quadrumanes et leur fait prendre rang après
les Edentés; tandis que Blumenbach en fit son genre à
mains ailées. Selon Cuvier et les naturalistes modernes,
ils forment aujourd’hui dans le Règne animal la première
famille des carnassiers, et ils viennent immédiatement
après le groupe Dermoptera comme le démontre le tableau
classique joint à ce mémoire.

Dans ses habitudes et sa manière de vivre, le Chéirop-
tère est tout particulier. Tous fuient la lumière et cher-
chent à se cacher dans les lieux les plus ténébreux, soit
des tours, des anciennes cavernes ou des arbres très touf-
fus, dans les vallées les plus isolées, d’où ils sortent la
nuit et rentrent avant le crépuscule du matin. Dans ces
réduits, les uns s’accrochent par les pieds de derrière à
la voûte de la caverne ou du souterrain et restent ainsi
suspendus, enveloppés dans leur peau diaphane, prolon-
gée entre les doigts unis aux flancs, et imitant les ailes

92

des oiseaux; les autres se collent contre les murs, se
cachent dans des trous, ou se suspendent comme nous
l'avons dit aux arbres les plus élevés. Comme chose
très particulière, nous citerons que ces mammifères sont
toujours collés ou suspendus en grand nombre les uns
aux autres. On peut facilement voir où ils se tiennent
pendant le jour, à des tas de plusieurs pieds de Ilar-
geur d’une matière noirâtre et dégoutante, qui n’est autre
chose que la fiente de ces animaux, amoncelée pendant plu-
sieurs années dans l'endroit qu’ils habitent de préférence.

Quant à la procréation des Chéiroptères, les familles
produisent comme les Quadrupèdes leurs petits vivants
et sont comme eux pourvus de mamelles, mais dans le
nombre de leurs tétins il existe une grande différence.

Quelques uns (voraces) se nourrissent de la chair fraf-
che ou des charognes, d’autres d'insectes; une autre espèce
mange des plantes, mais seulement des racines et jamais
de feuillages.

Les pieds des Chéiroptères ne sont jamais construits
pour qu’ils puissent s'en servir en guise de mains. Les
orbites de l'oeil ne sont guère séparés des cavités, les
arcades zygomatiques très saillantes et séparées les uns
des autres. L’estomac est simple, membraneux, les intestins
sont courts. Les femellesne portent que deux petits qu’elles
allaitent et transportent même en volant. Le Chéiroptère
en général supporte plus aisément la diète que le froid;
car il est prouvé que plusieurs espèces d'Europe peu-
vent se passer de manger pendant plusieurs jours. Quant
à leur vol, les Chéiroptères ne peuvent s'élancer dans l'air
comme les oiseaux; il faut que premièrement ils se dé-
tachent, en battant des ailes, des endroits où ils sont ac-
crochés pendant le jour, et en quittant leurs cachettes

95

par leur poids. Ils ne peuvent s'élever, mais parcourent la
cavité d’une courbe. S’il n’est pas facile pour eux de sortir
de la place où ils sont nichés, ou bien que les branches
d'arbres, auxquelles ils sont accrochés, les gênent, alors
ils parcourent la branche jusqu’à ce qu’il puissent pren-
dre leur essor sans empêchement. En plus d'une occasion
on à vu plusieurs de ces Quadrupèdes volants, surpris
sur un arbre, soit par un coup de fusil ou par telle autre
circonstance subite, tomber jusqu’à terre, avant d’avoir
pu prendre l’essor nécessaire pour se soutenir, et remon-
ter instantanément le long des arbres, qui se trouvaient
à leur portée, pour reprendre leur vol ordinaire.

Mr. Commerson, pour donner une preuve évidente que
la chauve-souris une fois par terre, sans appui ne peut
reprendre son vol qu'en grimpant contre un objet quel:
conque, dis qu'un jour, à la brune, une Roussette entra
au vol dans sa maison, s'abattant exactement aux pieds
d’une jeune négresse de 7 à 8 ans, et qu'elle se mit à
grimper immédiatement le long de cette enfant, qui, par
bonhenr, était proche de lui.

De là dérivent ces relations fabuleuses qui donnent
aux Chéiroptères un instinct féroce, se ruant sur les
hommes, cherchant à les blesser au visage, ou s’entor-
tillant dans les cheveux d’une personne. Et au bout du
compte, à quoi cela se reduit-il ?

Aprés le Galeopithecus, le Mus decumanus, le Sorex
myoxurus et le Viverra zibetha, les Chéiroptères sont de
tous les mammifères orientaux les plus répandus. A cet
égard ils sont suffisamment nombreux, comparativement
aux Quadrumanes dont la plupart des espèces, comme
nous l’avons démontré dans le chapitre précédent, se bor-
nent à quelques pays ou contrées.

94

La différence des espèces se remarque le plus dans
la forme de la tête; quant à leur pelage, à quelques
exceptions près, il est généralement le même.

La description que nous nous proposons de donner des
Chéiroptères dans le courant de ce chapitre, offrira plu-
sieurs espèces vivant aux Indes orientales et prouvera que
la connaissance des genres et des espèces de l’ordre des
Chéiroptères laisse peu à désirer aujourd’hui. Ce sont
les travaux de Geoffroy qui en ont posé les bases, d’après
les matériaux rapportés par feu Péron et par Lesche-
nault. N'oublions pas cependant le grand nombre de
matériaux fournis par les membres de la commission phy-
sique des Pays-Bas, établie à Buitenzorg, ainsi que les
riches collections que le Musée de Leide a acquises par
le zèle et la persévérance de M.M. $. Müller, Kuhl et
van Hasselt.

Les Chéiroptères sont divisés en: a. Carpophaga, (fru-
givores) à dents mâchelières sans tubercules saiïllantes
à la couronne, qui forme les genres, Pieropus, Pachysoma,
Macroglossus, Harpyia et Cephalotus. b. Entomophaga (in-
sectivores), ou celles à dent mâchelière avec tubercules
saillantes à la couronne, qui forme les genres: Dysopes,
Megaderma, Rhinolophus, Nycteris, Taphozous, Emballonura,
Nycticejus et Vespertilo.

Genre I. Roussette — Péeropus (1).

C’est Brisson qui à établi ce genre, mais il serait dif-
ficile de dire sur quelles espêces il à basé son opinion

(") Spectrum, Lacép. — Rousselle, Briss., Geoff., Ilig., Cuv. et
Desm., Linné les confondait dans son espèce Vespertilio Vampyrus.

95

La connaissance la plus précise de ce genre et l’établis-
sement de plusieurs espèces sont dûs aux travaux savants

de Geoff. Saint-Hilaire et à ses recherches suivies sur:

la formation dentaire de tous les Chéiroptères. Cepen-
dant, rendant justice à la vérité, la science ne peut mé-
connaître, ainsi que nous l’apprend Mr. Temminck, que
les envois faits par l’expédition Néerlandaise dans l'Inde,
surtout les immenses collections faites par Kuhl et van
Hasselt, ont aussi beaucoup contribué à la connaissance
plus précise de ce genre.

Les incisives + sont coniques, les dents angulaires ou
canines 11, passablement grandes et les molaires £s,
dont la couronne est plate et qui ont deux petits rebords
parallèles. Le nombre des dents, selon Mr. Temminck, est
le plus habituellement de 34, rarement de 32, lorsque la
premiére trés petite molaire obtuse, ou dent anomale à
la mâchoire supérieure manque. Plus rarement encore
30; alors seulement qu’il manque des petites arriére-
molaires et la dent anomale. La tête longue et conique:
les-oreilles longues pointues et sans replis; formes grêles;
corps très oblong et une toute petite queue qui manque
totalement à quelques espèces. La peau membraneuse
entre les jambes fortement échancrée, très large et trés
étendue. A l'index de la main antérieure on observe
un petit ongle, qui est dans sa naissance, et une articu-
lation de plus qu'aux autres doigts qui n’en ont que deux.
Une partie de la langue couverte de petites verrues. L’es-
tomac qui à la forme d’un sac long, n’est pas partout
d’une capacité égale. |

Les couleurs du pelage sont variables, passant du
marron noirâtre au noir parfait sur les parties inférieures,
et sur le dos du noir cendré au noir plein. La nuque

<

96

et les épaules dans tous les âges d’un roux marron, tan-
dis que les jeunes de l’année prêts à voler ont à peu près
les mêmes couleurs que les adultes, hormis que leur pe-
lage est plus long et plus touffu.

Des individus que le musée de Leide possède, quelques
uns sont originaires de Banda et d’ Amboine tandis que
d’autres sujets adressés par M. M. Reinwardt, Kuhl, Boie
et Müller, appartiennent aux îles Ge Java, Sumatra et
Banka. Tous ces exemplaires diffèrent tant soit peu
dans la couleur de leur pelage. Les plus petits d’entre
eux ont une envergure de 4 pieds 10 pouces de vol.
Enfin, on peut se borner dans le classement systématique
de ce genre, aux espéces suivantes.

ROUSSETTE SANS QUEUE (1).
ire espèce. Roussette noire ou Kalong (2) Pteropus
edulis. — Pterop. Édwarsuü, Geoff. (3) et Vespertilio
Vampyrus. Linn. Gen.

Caractères dishinctifs de cette espèce.

Elle est.la plus grande espéce de ce genre. Elle a

(1) Museau plus ou moins allongé, membrane interfémorale plus ou
moins rudimentaire, à quatre incisives 4 chaque mâchoire ; régime en-
tièérement frugivore. Isid. Géoff. Dict. classique d'his. t. nat. t. 14 et
Temminck op. cit. t. 1 et 2, pag. 172 et 58, 1827 et 1835—1841.
Portrait de la Jete pl. 35 fig. 1. dans le 2e Vol.

(2) Les insulaires de la Sonde le nomment généralement Kalong, qui
signifie chauve-souris. Plusieurs naturalistes avec Leschenault ont écrit,
mais à tort, Kalou, Les Timoriens donnent à toutes les chauve-Souris
le nom de Boerong mâlam (oiseau de nuit): c'est par erreur que cer-
tains naturalistes ont écrit malon-bourou.

(3) Annaies op. cit. t. 15, pag. 92, 1810.

97

les formes grêles, le corps très oblong, le museau long
et la peau membraneuse du vol très large et très étendue.
Le pelage de dessus est ras et d’un poil brun noirâtre
par tout le corps, d’une teinte plus foncée sur la poi-
trine et plus claire sur le dos, peu fourni en général,
assez épais autour du col, moins sur le ventre et beau-
coup moins encore sur le dos où il adhère à la peau
dans toute sa longueur.

Sur plus de soixante individus que le musée de Leide
a reçu des possessions néerlandaises, M. Temminck n’en
a trouvé que trois qui avaient 4 pieds et 8 à 10 pouces
d'envergure et deux de 5 pieds à peu près.

Les dimensions d’un vieux mâle étaient: de la pointe
du museau a l'extrémité intermédiaire de la membrane,
15 pouces; distance du bord antérieur des yeux à la pointe
du nez, 1 pouce 6 lignes; antibrachium, 7 pouces 7 lignes,
envergure 4 pieds 10 pouces.

La longueur totale des individus de taille moyenne était
de 11 pouces, l’envergure de 3 pieds, la longueur de
l’humérus de 3 pouces, celle de l’antibrachium de 5 pouces
8 lignes, et du bord antérieur de l’oeil à la pointe du nez
de 13 lignes.

Un jeune de l’année, dont on trouve le crâne figuré à
la fin du prem. vol. des Monographies de mammalogie de
M. Temminck, avait pour longueur totale 7 pouces 6 lignes;
l’envergure 21 pouces; la distance du bord antérieur de
l’oeil à la pointe du nez 7 lignes.

Quant à la vie privée de cet animal, nous nous rap-
porterons tout simplement aux détails que M. $S. Müller
en donne dans un mémoire sur les mammifères des pos-
sessions néerlandaises des Indes Orientales et où ce sa-
vant dit: le Pleropus aime principalement la rase cam-

7

98

pagne pour résidence, et se tient toujours dans les contrées
défrichées et même au milieu d'un kampong (village indien).
Là, on le trouve aux bords du rivage jusqu’à 3 à 4,000
pieds d’élévation au-dessus du niveau de la mer, dans
des vallées situées dans l’intérieur du pays. Ils ne vien-
nent guères sur de pareilles hauteurs dans des contrées
montagneuses, au moins jamais dans la journée. Ils vivent
en grande compagnie, quelquefois de cent et même de
mille ensemble; mais ces rassemblements nombreux se
voient seulement entre les individus de la plus grande
espèce connue, qui sont le Pleropus edulis, le Pteropus
funereus et le Pleropus phaops.

De semblables multitudes se tiennent continuellement
dans une contrée dont les plaines sont parsemées d’ar-
bres de haute tige, sur lesquels ils se réunissent tous les
matins à l'apparition des premiers rayons du soleil et aux
branches desquels ils se suspendent par le grand crochet
situé derrière la jambe ailée, et passent ensemble toute
la journée au repos. On peut citer comme chose tout-à-
fait particulière que ces arbres sont le plus souvent dé-
pouillés de toute verdure, et que les feuilles enlevées sont
remplacées par ces êtres nocturnes.

La masse qui pend à ces branches d'arbres est souvent
si grande que, plus d'une fois, nous les avons pris pour
autant de grappes de noix de cocos. Si on leur adresse
un coup de fusil, aussitôt l'air est presque complètement
obsceurci par la multitude volante. Nous en avons observé
jusqu'à 500 et plus pendant à un seul arbre, et le soir
on les voit voltiger en l’air en masse comme un essaim
de jeunes abeilles; elles s’attachent tellement fort aux
branches des arbres, que souvent étant mortes, elles y
pourrissent.

di. ot ie bee nn. tte he

sd ht de, à

99

Ces animaux nocturnes ne produisent qu’un seul petit;
leur cri est un son aigu et perçant; ils ne sont pas
nuisibles et ne font que mordre lorsqu’on les taquine.

Les Pieropus edulis se nourrissent en partie des
fruits les plus suceulents et les plus aromatiques; les
insulaires garantissent les arbres fruitiers de leurs dévas-
tations au moyen de filets tressés de filaments de bambou.
Cette espèce se laisse facilement apprivoiser, au point
qu’ils mangent de la main les fruits et du riz cuit qu’on
leur présente. :

Péron qui parle de la chair de ces animaux nocturnes,
dit que les Timoriens en font beaucoup de cas, qu’elle
est blanche, délicate et très tendre. Comme un fait évi-
dent qui constate ce que ce savant en dit, nous croyons
pouvoir citer qu'étant à Wahaaiï (1), l’officier comman-
dant du poste, chez qui nous étions logés pendant notre
inspection de la garnison, en avait toujours en cage qu’il
nourrissait avec du riz euit et des fruits succulents, afin
de les engraisser comme les chapons pour en faire des
ragoûts. Il nous en servait à table et nous pouvons at-
tester qu’ils forment un mets excellent. Ce n'était qu’a-
près en avoir mangé à trois différentes reprises, qu’il
nous disait que ce ragoût était fait avec de la chair du
Pteropus edulis.

Cette espèce de Chéiroptères habite aux îles de Java,
Sumatra, Ceram, Ternate, Amboine, Banda et Timor où
ils sont en grande quantité. Après le Pteropus edulis
suit :

(1) Situé sur la côte Nord-Est de l'ile Ceram.

100

_2e. Espèce. La Roussette funèbre — Pteropus funereus (1).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Le funereus, à l'exception de la nuque et des cotés du
cou, parties qui sont d’un brun marron foncé, est noir
sur tout le corps. Il est de taille moins grande que la
précédente espèce. Sa tête est plus petite et les oreilles
sont plus grandes. La membrane interfémorale est for-
tement découpée et d’égale largeur au cou comme aux
pieds. Cette membrane est velue à claire-voie en dessus
et à la base en dessous. La coloration est plus ou moins
variable, suivant l'âge de l’animal et, selon l'opinion de
M. Temminck, probablement aussi d'après l’époque de
l’année.

Des douze individus que le Musée des Pays-Bas a reçus
de quatre îles différentes de l’Inde, ceux de Borneo et de
Timor seuls offrent par la coloration du pelage une res-
semblance parfaite; les autres sont tous de couleurs
différentes.

Leur manière de vivre ne diffère pas de celle du Pfero-
pus edulis et on les trouve aux îles de Sumatra, Banka,
Borneo, Amboine, Banda et Timor, où ils se tiennent en
grandes quantités sur les rivages boisés. Cependant à
Banda et à Timor ils sont moins nombreux; on ne les
y voit guère que la nuit. Il en est de même du Pfero-
pus alecto (2) du Pteropus chrysoproctus (3) et du Pte-

(1) Voir: Temminck op. cit. t. 2, pag; 63, 1835—1841. avec une
planche 35, fig. 4, portrait de la tête.

(2) Temminck op. cit. t. 2. pag. 75, 1835 —1341.

(3) Ibid "à ibid 67 ibid.

101

ropus macklott (1), le premier se trouvant exclusive-
ment aux Célèbes, le second aux Moluques et le dernier
à Timor. ,

3e. Espèce. La Roussette à face noire — Pteropus
phaops. (2).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Cette espèce qu’on trouve à Madagascar en grande
quantité, appartient également à l’Archipel de l’Inde Orien-
tale, où elle habite exclusivement les îles de Célèbes,
Amboine et Banda. Le pelage de ce mammifère noc-
turne est long, très épais et plus ou moins frisé; le mu-
seau, la gorge et les joues sont couverts d’un poil noir;
tout le reste de la tête, les côtés du cou, la nuque et les
épaules sont d’un jaune paille; la poitrine d'un roux doré
très vif; tandis que toutes les autres parties inférieures
sont à poils de deux nuances, bruns à la base et d’un
jaune paille clair à la pointe. L'’humérus et tout le dos
sont d’un noir marron, mêlé de quelques poils jaunâtres
et la peau membraneuse noire.

L’individu sur lequel repose notre description de cette
nouvelle espèce, était un mâle originaire d'Amboine en-
voyé dans le temps au Musée de Leide par M. M. $.
Müller et Macklot. Sa longueur totale était de 10 pou-

(1) Temminck op. cit, t. 2. pag. 69, 1835 — 1841.
(2) Ibid » » 1.1 et 2 pag. 178 et 65, 1827 et 1835—
1841. portrait de la tete pl. 35 fig. 3 dans le 2 vol.

102

ces, l’envergure de 3 pieds 5 pouces; lantibrachium de
5 pouces 8 lignes; la distance du bord antérieur des
yeux à la pointe du nez de 13 lignes et la hauteur de
l'oreille de 8 lignes.

4e Espèce. La Roussette pâle ou feuille mor$ée — Pte-
ropus pallidus (T).

Caractères dishinchifs de cette espèce.

On distingue cette nouvelle espèce à l'absence de la
très petite fausse molaire 4 la mâchoire supérieure, qui
ne compte que trois grandes et une petite molaire, à sa
teinte brune, couleur de feuille morte, à ses petites oreilles
arrondies par le bout.

Le Pleropus pallidus habite les îles de Sumatra et
Banda, où on le trouve exclusivement. Son poil est mé-
langé de poils bruns, gris et blanchâtres. La nuque, les
épaules et le collier qui entoure la poitrine sont d’un roux
de rouelle vif chez les adultes et d’un roux moins pro-
noncé ehez les jeunes. La tête, la gorge, le ventre et
les flancs sont d’un brun pâle. Les deux sexes ont le
pelage de la même nuance, mais les jeunes de l’année
différent des adultes par une teinte plus claire et moins
vive des couleurs de leur peau.

Les trois espèces que nous venons de décrire sont les
plus remarquables du genre Chéiroptère pour le peu d’é-

(1) Voir: Isidore Geoffroy Saint-Hilaire dans. sa Monographie des
Roussettes, Nouveau Dict. class. d'hist. nat. et Temminck op. cit. t. f
et 2. pag, 184 et 77: 1827 et 1835—1841.

103

tendue que présente la partie adhérente de l’enveloppe
cutanée, la membrane du dos n'étant attachée aux mus-
cles de cette partie que sur un espace de trois ou qua-
tre lignes: caractère qui selon M. Temminck peut servir
à rapprocher ces espèces du Cephalote de Péron, dont l’en-
veloppe cutanée n’adhère à l’épine dorsale que par un
rudiment de membrane.

Une des plus belles espèces du genre Péeropus, dont
la découverte est due à M. Reinwardt qui en a envoyé
au musée de Leïide, un individu trouvé à Ternate, est

sans contredit, la:
5e Espèce. La Roussette grise — Pleropus griseus (1).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Cette Roussette a les oreilles très courtes et acuminées;
dents incisives supérieures égales et bien rangées, tandis
qu'un intervalle à leur milieu sépare celles d'en bas. La
membrane des ailes ne naît pas précisément des flancs,
mais provient de beaucoup plus haut et presque de la
ligne moyenne du dos.

Les poils du cou sont longs et frisés, et ceux du dos,
depuis les épaules, courts et lisses, mais non toutefois
adhérents comme dans la grande espèce. Toutes les par-

(1) Cette espèce a été décrite et figurée par Geoffroy dans les An-
nales du Muséum d'histoire naturelle t. 15 pag. 94, pl. 6, 1810; et Tem-
minck op. cit. t, 1 et 2, pag. 187 et 81, 1827 et 1835—1841. por-
trait de la tête pl. 35 fig. 6 dans le 2 vol.

104

ties inférieures sont d’un gris roussâtre, souvent d’un
blanc jaunâtre ou légèrement teinté de roussâtre. La
tête et le cou sont d’un roux assez vif et tout le reste
du corps, comme il est dit plus haut, d’un gris-roux, pas-
sant presque à la couleur lie de vin, particulièrement sur
le dos. L'espèce est établie sur l’examen de deux indi-
vidus, aux musées des Pays-Bas et de Paris.

6e Espèce. La Roussette masquée — Pieropus perso-
naltus (1).

Caractères distinchifs de cette espèce.

Cette Roussette est de la même taille que la précédente
et le Cephalote de Péron. La tête de cette espéce est
peinte d’une manière tranchée, de blanc et de brun,
Toute l'étendue du chanfrein est couverte d’un blanc très .
éclatant; elle s'étend jusqu'au delà des yeux et forme
une tache derrière cet organe; les joues, le bord des deux
lèvres et le menton sont aussi d'un blanc pur; une large
zone brune couvre la gorge; les extrémités entourent les
joues, forment de larges sourcils au-dessus des yeux et
s'étendent en deux raies parallèles qui aboutissent aux
uarines; le sommet de la tête, l’occiput, tout le cou et
une partie de la poitrine sont d'une teinte jaune paille;
les épaules et les poils qui couvrent l’humérus sont blan-
châtres; ceux du dos ont une teinte grise mêlée de quelques

(1) Temminck, op. ci. t. 1, pag. 189, 1827.

105

poils d’un brun clair; la poitrine, le ventre et les flancs
ont des poils cotonneux colorés de brun à leur base et
d’une teinte isabelle à la pointe.

7e Espèce. La Roussette amplexicaude. — Pteropus
amplexicaudatus (1).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Le pelage de ce Chéiroptère est lisse sur le dos dont il
ne couvre point toute la largeur, vu que les membranes
du vol sont plus rapprochées de la ligne moyenne ou de
l'épine dorsale que dans les autres espèces de Roussettes
de petite taille.

La tête et les parties supérieures du mâle sont d’un
brun roussâtre et la teinte des parties inférieures est d'un
gris roux; tandis que la femelle est plutôt brune. Tou-
tes les membranes sont d’un brun roussâtre et les doigts
d'un brun jaunâtre ainsi que la queue: les incisives sont
toutes contigues et de même grandeur.

La longueur à l'état d’adulte est de 4 pouces, l’en-
vergure est de 16 pouces; l’antibrachium à peu près de
3 pouces, et la queue de 7 lignes (2). Quant aux
moeurs de cette Roussette elles sont les mêmes que cel-
les des précédentes.

C’est à M.M. Péron et Lesueur qu'est due la décou-

(1) Temminck, op. cit. t. 1. pag. 200, 1827.
(2) Geoffroy compare la longueur de la queue à celle de la cuisse ;
cependant il est difficile d'établir ces rapports sur des individus montés.

106

verte de cette espèce lors de leur voyage fait à la Nou-
velle Hollande (1). On la trouve à Java, Sumatra, Mo-
luques et Timor. M. M. Diard et Duvaucel l'ont aussi
trouvé aux environs de Bencoulen, tandis que M. Temminck
en à vu deux originaires de Siam.

8e Espèce. La Roussette à croupion doré — Pteropus
chrysoproctus (2).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Taille et envergure plus petites que dans l’espèce Ptero-
pus funereus. Dents incisives supérieures larges et à
l'aise; inférieures petites et par paire; point de molaire
anomale à la mâchoire supérieure; celle de l'inférieure
courte, obtuse. Membrane interfémorale rudimentaire,
large au calcaneum seulement de 6 ou 7 lignes, entou-
rent le tibia et le fémur, et seulement large d'une ligne
autour du coccyx, où elle est cachée par le pelage; les
oreilles étroites et pointues.

Longueur totale 10 pouces; distance du bord antérieur
des yeux à la pointe du nez 1 pouce 3 lignes; antibra-
chium de 5 pouces.

Pelage long, rude et frisé, sur le dos soyeux, lisse et
lustré, museau couvert d'un poil ras à claire voie. Le
mâle adulte a le tour des yeux et le menton marron;
le reste de la tête, tout le cou, la poitrine et les épaules

(1) Temminck op. cût. t, 2. pag. 103 1834—1841.
(2) Temminck op. cit. t. 2. pa,. 67—68, 1835—1841 portrait de
tête pl. 35. fig. 2.

107

d'un roux doré très vif, La femelle adulte a la tête, le cou,
les épaules et la poitrine d'un roux doré, mais le dos est
d'un noir lustré.

Mr. Temminck a établi cette Roussette nouvelle sur
l'examen de quatre individus conservés à l’esprit de vin.
Elle est facile à distinguer.

Elle se trouve à l’île d'Amboine où elle se nourrit de
fruits mous et succulents qu’on y trouve en abondance.

9e Espèce. Roussette de Macklot — Pteropus Macklothi (1).

Caractères distinchifs de cette espèce.

Incisives supérieures égales bien rangées; les supéri-
eures petites entassées; point de dents anomales à la
mâchoire supérieure, une grosse obtuse à l’inferieure.
(Voyez la pl. 36 des Monographies de Mr. Temminck op.
cit. t. 2, 1835—1841 où se trouvent plusieurs crânes de
Chéiroptères frugivores).

Pelage long, soyeux, garni sur les parties inférieures
de poils laineux, ceux du dos uniquement soyeux et des
membres courts et lustrés. Le mâle a sur les côtés du
cou un gros bouquet de poils rudes, serrés et recouvert
d’un enduit onctueux; des poils lisses couvrent l’humérus
et l’antibrachium, tandis qu’une laine assez touffue gar-
nit la partie interne de la membrane du vol, depuis les
flancs, jusque vers l'extrémité de l’antibrachium.

(1) Temminck op. cit. t. 2, pag. 69—70, 1835—1841. pl. 35. fig. 5.

108

Le mâle adulte a tout le sommet de la tête et la nuque
jaune paille; les joues et la gorge brunes à bout de poils
jaunes; la poitrine couverte de poils laineux d’un brun
jaune doré; le ventre brun marron, mélangé de poils
soyeux d’un brun-jaunâtre; les côtés du cou et la région
de l’omoplate d’un beau jaune doré; une touffe de poils
rudes d’un marron vif forme sur les côtés du cou un
pinceau onctueux qui recouvre une large glande odorifère.
Tout le dos depuis les épaules jusqu’au coccyx, et les
membres antérieurs et postérieurs sont couverts d’un poil
lustré, rouge de brique; les membranes couleur de feuille
morte, mais un peu noirâtres vers les flancs. La femelle
adulte diffère beaucoup du mâle dans le même état.

Elle n’a pas d’appareil onctueux; le sommet de la tête
et la nuque sont d’un jaune paille terne et cette couleur,
un peu teintée de brun, couvre toutes les parties du cou,
les joues et la gorge; toutes les parties inférieures du
corps, depuis la poitrine jusqu'à Fanus sont d’un brun
jaunâtre terne, mêlé de quelques poils jaunes soyeux jaune
paille; tout le dos jusqu'au coccyx est d’un beau jaune
paille lustré; la région du coccyx est d’un jaune roussä-
tre mat. Tout le système cutané est couleur de feuille
morte. On ignore jusqu’ici si les femelles sont constamment
plus grandes que les mâles.

On compte pour la longueur totale de l’adulte 9 pouces
6 lignes, du bout du museau au rudiment de la mem-
brane du coccyx; l’envergure 2 pieds et 7 à 10 pouces;
oreilles 1 pouce; antibrachium 4 pouces et 8 ou 9 lignes.
La découverte de cette espèce et de la précédente est due
à M. M. Macklot et S. Müller qui les ont trouvées pen-
dant leurs voyages de découverte aux Moluques et à la
Nouvelle Guinée à Timor. Le musée de Leide en pos-

109

sède plusieurs sujets montés en esprit de vin et en sque-
lette. Mr. Temminck a dédié cette nouvelle espèce à la
mémoire de son ami Macklot. Elle vit comme les autres
Pleropus et se nourrit de même.

10e Espèce. La Roussette alecto — Pieropus alecto (1).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Cette Roussette a été découverte depuis peu; on ignore
encore son genre de vie. Le crâne d’un individu capturé
dans le district de Menado (Célèbes), conservé dans l’es-
prit de vin, était muni de fortes crêtes coronale et occi-
pitale, la forme des dents et celle des autres membres du
cotps, joint au développement des parties génitales ser-
vent à prouver l'état adulte, peut être même l’extrème
vieillesse de cet individu.

Il est remarquable par la forme trapue du corps, par
ses oreilles nues, courtes et pointues; par la grande éten-
due de ses ailes; enfin, par le manque à peu près total
de membrane au coccyx où l’on n'observe qu’un repli
de la peau.

Dents incisives supérieures par paire; les inférieures
entassées.

Pelage court, grossier, cotonneux. La tête, le devant
du cou, toutes les parties inférieures du corps, les épaules
et le dos d’un noir parfait; les yeux et le pourtour de la
face d’un marron très foncé; la nuque et les côtés du cou

—— —

(1) Le musée de Leide en possède un seul individu conservé dans

l'esprit ‘Jde vin.

110

d'un marron vif. Les régions de l’humérus et de l’anti-
brachium poilues en dessous et couvertes d’un pelage
noir plein.

La longueur totale 8 pouces 6 ou 8 lignes; l'envergure
3 pieds 2 pouces; antibrachium 5 pouces 6 lignes.

Après avoir décrit les différentes espèces de Péeropus
qui habitent les différentes îles des Indes néerlandaises,
nous passerons successivement en revue les autres
genres.

Genre II. Céphalote — Cephalotes, Geoff.
derma, Is. Geoff.

Hypo-

Bien que le Céphalote ait une grande affinité avec les
Roussettes, il en diffère assez, dans les parties les plus
essentielles, pour en former un genre séparé (1). Dents
incisives À, canines 5, molaires £. La couronne des
molaires large et sans tubercules ni arêtes, le deuxième
doigt de la main pourvu de sa phalange onguéale. Dans
la première période de l’âge, ils ont 32 dents, dans l’état
normal ou adulte 28 et dans la vieillesse 26.

La forme totale du crâne se rapproche le plus de celui
de toutes les Roussettes (Péeropus); mais il existe une
différence notable non seulement avec la Roussette, mais
aussi avec les Pachysomes, la Harpyia et tous les autres
Chéiroptères connus jusqu'à ce jour. Les formes exté-

(1). Ann. du Muséum d'hist. nat. t. XV. pag, 96, 1810.

tes AA

111

rieures offrent également un earactère très différent : les
ailes ne naissent pas des flancs, comme c’est le cas du
plus grand nombre des Chéiroptères, ou bien un peu au-
dessus du dos à mi-côté, comme chez deux ou trois espè-
ces de Roussette, mais la peau membraneuse s’étend d'une
seule pièce sur tout le corps de l'animal en guise de
manteau ; tandis qu'elle est assujettie seulement, le long
de l’épine dorsale, par un tégument diaphane adhérent
à la peau du corps, et large d’une ligne environ. Le
pouce étant libre chez les Roussettes, la moitié du pouce
du céphalote se trouve engagée dans ia membrane polli-
caire comme chez la Harpyia et tous les Pachysomes.

Certains naturalistes (1) prétendent qu’il existe à Am-
boine une espèce de Céphalote différente de celle que Péron
trouva à ‘Timor, espèce désignée sous le nom de Ce-
phalotes moluccensis. Mais des naturalistes néerlandais
qui ont résidé à Amboine et qui ont comparé plusieurs
individus avec des sujets d’autres îles, ont constaté que
tous étaient de la même espèce, quoique offrant une
légère différence locale. Ceux de Banda, en effet, ont la
tête un peu plus courte et le museau plus obtus que ceux
de Timor, tandis que ceux pris à Samao tiennent le
milieu entre ceux de Timor et de Banda, mais ceux
qu'on a obtenus à Amboine ont le museau encore un peu
plus long que ceux de Timor.

Des observations consciencieuses ont fourni des preuves
évidentes qu'il n’y a aucune différence dans la charpente
osseuse, dans le système dentaire, ni dans les formes
totales du corps et des membres, mais seulement de légères

(1) M. M. Quoy et Gaimard, voyez: parlie Zoolog. du Voyage de l'As-
trolabe, à. 1. pag. 86 pl. 11, de l'atlas.

112

différences dans la nuance du pélage, qu'on peut considérer
comme locales, on bien simplement dues aux différentes
époques de l’année dans lesquelles ces individus ont été
pris.

Quant à leur manière de vivre, ils diffèrent peu de
celle du Pachysoma Titthecheilum, ci-dessous décrit.

La grande tête de Péron — Cephalotes Peroni (1)

Hypoderma Peronu (2), Hypoderma moluccensis (3)

Caractères dishinchfs de cette espèce.

Ce Céphalote est de taille plus forte que le Vampyre
de l'Amérique. Point d’ongle à la dernière phalange du
doigt indicateur. Museau obtus; le nez fourchu, comme
celui de certaines espèces de dogues anglais, les oreilles
étroites et pointues. La membrane des ailes envelop-
pant tout le corps et adhérant à l’épine dorsale seulement
par un tégument diaphane ; queue à moitié enveloppée
dans la membrane interfémorale ; des soies rares autour
des deux lèvres au-dessus et en dessous des yeux. Dents

(1) Décrit et figuré par le professeur Geoffroy sur deux individus
rapportés de Timor par Péron — Cephalotes Peronü. Ann. du Muséum
d'hist, nat. t. 15. page 7. 1810 — Encycl. pag. 112, pl. supp. 8, fig.
9. — Fischer Syn. mamm. pag. 89, supp. 2.

(2) Hypoiermu Peronü. Isid. Geoff. Dict. class. d'hist. nat. v. 15.
Monog. des chauves souris.

(3) Hypoderma moluccensis, Voyage de l'Astrolabe. Cet individu est le
même que ceux qui sont cités sous le nom de Peronüet Pterop. palliatus ou
Roussette mantelée. Voir: Ann. op. cit. pag. 99. et Temminck op. cit.
t. 2, pag 106 et pl. 35 fig. 7, dessin de la tête.

115

incisives dans le premier âge quatre en haut, disposées par
paires, petites et pointues, fixées de chaque côté dans des
rudiments de lamelle mobiles; quatre en bas, symétrique-
ment rangées entre les canines ; dans l’adulle deux inci-
sives en haut et deux en bas; les supérieures, une de
chaque côté, isolée, placée dans une lamelle mobile; les
deux inférieures très petites, poussées en avant du talon
des canines (1).

Le pelage des jeunes est court, cotonneux, et la mem-
brane qui enveloppe le dos, couverte d’un petit duvet, ou
de poils clairsemés; le corps en dessus velu, mais les
parties inférieures nues ou couvertes à claire-voie; celui
de l'adulte par contre, court, rude, peu fourni, un peu
frisé sur les épaules; les poils des côtés du cou conver-
geant par la pointe sur la ligne médiane de la nuque,
des poils à claire voie sur le coceyx; tout le corps bien
fourni, mais la membrane qui recouvre le dos totalement
nue partout; des poils frisés sur la membrane interne
des ailes et à la base de l’interfémorale.

Mr. Temminck dit avoir remarqué que les individus
d'un âge très avancé, dont les dents sont usées et qui
manquent totalement d'incisives inférieures, ne sont pas
toujours ceux dont la taille et les dimensions relatives
sont les plus fortes. Selon l’opinion de ce savant, le dé-
veloppement des membres ou la longueur totale dépen-
drait de causes locales. Et en effet ceux d’Amboine sont
de plus grande taille que les individus de Banda, tan-
dis que ceux de Timor sont toujours, à âge égal, les
moins grands.

(1) Les deux petites dents pointues qui existent chez les jeunes, dans
chaque lamelle, sont remplacées dans l'adulle, par une seule incisive
semblsble à celle des Roussettes.

8

114

Le céphalote, si l’on peut ajouter foi aux rapports des
naturels, se cache et se retire de jour entre les fentes
des rochers et dans les cavernes; il ne sort de ces lieux,
le plus souvent inaccessibles, qu’au crépuscule du soir,
et rentre de nouveau avant Flaurore. Ils volent avec
célérité, ne vivent point en société avec des espèces dif-
férentes, et mordent cruellement.

Ils exhalent une odeur très forte et très désagréable,
produite probablement par les sécrétions des deux glandes
des joues, dont la moitié supérieure, recouverte par la
peau, est d’un beau rouge.

Genre III Macroglosse — Macroglossus. F, Cu.

Jadis on avait compris ce Chéiroptère dans le genre
Pteropus, sous le nom de Pieropus minimus, dont Mr. Hors-
field a fait plus tard un double emploi sous le nom de
Pteropus rostratus. Dans le principe, Mr. Temminck l'avait
aussi placé dans la deuxième section ou genre Pteropus (1),
mais plus tard, après un nouvel examen, ayant observé
une différence marquante avec le Kiodote, tant par l’al-
longement du museau que par la forme différente de lin-
termaxillaire, il en a fait le troisième genre des Chéirop-
tères Carpophaga.

De ce genre Java, Sumatra, Borneo, Célèbes, les Mo-
luques, Banda et Timor possédent l'espèce:

(4) Temminck op. cit, 1.1, pag. 191—194, 1827 (voir les détails à
l'article de la Roussetle kiodote).

115

Macroglossus minimus (1).

Caractères distinchifs de cette espèce.

Dents incisives +, angulaires + et molaires #4. Celles-
ei toutes de la même grandeur, quoique en général plus
petites que celles des autres mammifères nocturnes. La
partie postérieure de la tête large, et la partie antérieure
très étroites museau obtus. La langue molle sans ver-
rues, a le double de la longueur de la tête, les oreilles
courtes, de grands yeux dont l'iris est jaune. Cri très
aigu et perçant. Le poil du pelage généralement lai-
neux, long, doux et épais, brun rougeâtre. Ils se nour-
rissent exclusivement de fruits savoureux, qu’ils mangent
avec gloutonnerie.

Genre IV. Pachysome — Pachysoma, Geoff. (2).

Dans l’Archipel Indien on trouve quatre espèces de
ce genre, savoir : le Pachysoma titthecheilum, le Pachys.
melanocephalum, le Pachys. brevicaudatum et le Pachys.
brachiotis. Le premier habite Java et Sumatra , le second

(1) Geoff. Ann. du Muséum 1. 15, pag. 97 et Horsfield Zoo!. Research.
in Java, liv. 3. Le Musée de Leide possède plusieurs individus montés
en esprit de vin et Îles squelettes dans toutes les périodes de l’âge,
envoyés par M. M. Kuhl et van Hasselt.

(2) Dict. class. d'hist. nat. vol. 14 et Beranger Voyage aux Ind.
Orient. pag. 94 ct aussi Temminck op. cit. t. 2,pag. 91

8%

116

Java, le troisième Sumatra et le quatrième exclusivement
l’île de Borneo (1).

Ces mammifères nocturnes ne s’attachent guères aux
arbres: le jour on les trouve réunis dans des contrées
sombres et isolées, dans des cavernes ou des mines aban-
données, où ils pendent ça et là à la voûte et aux mu-
railles. Cependant il n'est pas rare d'en trouver dans
des trous isolés; par conséquent il est probable que le
lieu préféré pour leur retraite dépend le plus souvent des
circonstances locales. Toutefois il serait difficile de dire
au juste les endroits qu'ils préfèrent, puisqu'on les trouve
depuis les rives les plus basses jusque dans les forêts
situées sur les plus hautes montagnes (2). .

La nuit on les voit voleter à l’entour des arbres frui-
tiers comme les Pféropus et les Cephalotes et, de temps
à autre, se tenir aux feuilles où ils restent quelquefois
plusieurs minutes attachés aux petites branches.

Genre V. Mégère — Megaera (3),

Ce Chéiroptère a tant de rapport avec le Pachysome
que certains naturalistes l’ont confondu avec la première
espèce de ce genre. Plus tard, cette erreur 2 été rectifiée

(1) Les sujets de cette espèce existant au Musée de Leïde ont été
trouvés par Mr. S. Müller, dans l'intérieur de l'ile de Borneo, où il prit
plusieurs individus dans une grotte calcaire très profonde de la rive du
fleuve Dewejhe.

(2) Mr. S. Muller dit en avoir trouvé à une élévation de 6006 pieds
au-dessus du niveau de la mer.

(3) Temminck op. cit. 1. 2. pag. 91 et 357—359.

117

et on a formé un genre distinct, intermédiaire entre Pa-
chysoma et Harpyia, parceque les formes et la denture
présentent des caractères qui ne sont pas complétement
identiques à celles des autres espèces du genre Pachy-
soma, le Megaera n’ayant que deux incisives dans la mâ-
choire supérieure, tandis que le Pachysoma en a quatre
dans chaque mâchoire.

La seule espèce de ce genre connu jusqu’ à ce jour

est le :

Mégère ecaudée — Megaera ecaudata.

Caractères distinctifs de cette espèce.

Mr. S. Müller a trouvé cette espèce sur les rochers qui
bordent la plage dans le district de Padang (île de Su-
matra). La forme de la tête est platte, ses petites oreilles
et son nez plus ou moins avancé rappellent à la première
vue la Harpyia Pallasiü. Mr, Temminck en donne la
figure grandeur naturelle, le profil de la tête ainsi que
les détails du crâne (1).

Les Céphalotes, Macroglosses, Pachysoma, et les Mégères
se nourrissent de fruits succulents, les Macroglosses sont
en outre grands amateurs des jeunes feuilles et des
bourgeons des arbres et particulièrement de ceux de l’ar-
bre à coton Eriodentrum anfractuosum.

Une espèce très remarquable qui est Carpophaga et En-
tomophaga est le:

(1) Temminck op. cit. t. 2, pl. 69.

118

Genre VI. Harpie — Harpyia Ilig. — Cephalotes (Geoff.
Cuvier) — Vespertilio (Pall. Linn. (1).

Ce genre repose sur l’espèce unique Vespertilio cépha-
lotes de Pallas: très bien décrite et exactement figurée
par lui dans tous ses détails sur un sujet adulte. Illiger
en à fait son genre Harpyia (voir son Prodomus), et Etienne
Geoffroy père (2), associant cette espèce de Pallas à un
autre Chéiroptère de Péron, classe ces deux mammifères
nocturnes réunis dans son genre Céphalotes sous les noms
de Cephalotes Peronii et Cephalotes Pallasiü, fait mention
de cette dernière espèce sur la description et les figures
de Pallas, et indique les principaux caractères de la pre-
mière sur deux sujets mûles adulles, mais qui n'ont pas
atteint le maximum de leur développement.

La connaissance de ces deux espèces reposait sur ces
données, lorsque Mr. Temminck commençait son travail
sur les Roussettes (3); mais avant la publication, le Musée
de Leiïde reçut par Mr. Reinwardt trois sujets du Cépha-
lotes de Péron, pris à Timor. Un jeune individu des
trois envoyés, fournit à Mr. Temminck l’occasion de
prouver qu’un jeune Céphalote avait servi à Geoffroy père
pour la description de sa Roussette mantelée — Péeropus
palliatus (4).

Le museau de la Harpyia est gros, très court, la boite
cérébrale très volumineuse; les arcades zygomatiques fortes

(1) Temminck op. cit. 1. 2. pag. 98.

(2) Ann. du Mus. d'hist. nat. t. 9. pag, 101.
(3) Monog. op. cit. t. 1 pag. 157 —2083.

(4) Ann. Ibid t. 15. pag. 99, 1810.

119

et écartées, la mâchoire inférieure longue fortement ar-
rondie, extrêmement mince et terminée par des dents
canines courbées en avant, et emboitant totalement les
petites incisives supérieures et l’os intermaxillaire. Elle
a en outre le second doigt des ailes onguiculé: caractère
qui offre une différence évidente avec le Céphalote qui,
muni d’une phalange onguéale, manque d’ongle. Du reste
le crâne de la Harpyia ressemble exactement à celui des
Pachysomes d’Isid. Geoff. Saint-Hilaire ou aux Roussettes
mammilèvre et mélanocéphale de Mr. Temminck (1).

De ce genre les Célèbes et les Moluques possèdent
l'espèce:

Harpyia Pallasi Mig. (2) — Cephalotes pallasii Geofr.(3) —
Céphalote Buff. (4) — Céphalote de Pallas Isid. Geof-
froy (5) — Molucca Bat. Penn. (6).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Un des deux individus envoyés au Musée de Leiïde par
M. M. Macklot et $. Müller d’Amboine, avait été pris le
soir dans leur chambre, où il était entré; il a servi pour
la description ci-après.

(1) Monog. op. cit. t.1 pag. 190. pl. XII.

(2) Prodom. mamm.; et Temm. op. cit, t. 2, pag. 101 pl. XL.

(3) Description des Céphalotes Ann. op. cit. t. 16 pag. 107 et par
desmar. mammif. pag. 113. — Fisscher Synops. mammif. pag, 89.

(4) Suppl. 3. tabl. 52.

(5) Dict. class. t. 14.

(6) Linn. pag. 368.

120

De la taille et de l’envergure du Vespertilio murinus (1)
d'Europe; tête à peu près orbiculaire, museau court et
large, narines prolongées en deux tubes divergents, ronds,
fendus sur leur côté externe et terminés par un rebord
saillant. Lèvre supérieure fendue, munie d’une double
rangée de petites soies; une petite touffe de poils au-
dessus des yeux. Oreilles très écartées, nues, rondes et
courtes; un ongle au second doigt et le pouce engagé à
moitié dans la membrane pollicaire; la queue couverte
en dessus et à moitié par la membrane interfémorale, qui
est large et soutenue par les cartilages du tarse qui sont
courts; membrane des ailes naissant des flancs, tres am-
ples et couvrant totalement les os métatarsiens, venant
s'attacher au doigt médian, et diftérant aussi par ce ca-
ractère de tous les Chèiroptères connus.

Dents incisives 6 inférieures et 4 supérieures, parcon-
tre 5 dents molaires supérieures et 4 inférieures. Pour
la forme et le reste des détails ostéologiques, il est ab-
solument semblable a celui des Rousseites et son crâne
est pareil à celui des Pachysomes.

Pelage assez long, frisé en dessus, court et lisse en
dessous; les parties supérieures chez le mâle en dessus
d’un cendré brun clair. Depuis le coccyx jusqu’à la nu-
que s'étend une large bande brun foncé, tandis que
la femelle tout le pelage supérieur d’un brun grisâtre
et que la raic ou bande dorsale n’est pas divisée en
deux rameaux. |

Cette espèce que certains naturalistes citent comme
appartenant à Banda et Timor, n’y existe pas: du moins
jusqu'à ce jour elle n’a été trouvée qu'aux Célèbes et aux

(1) Temminck. op. cit. t. 2. pag. 177.

PEER Eee UE 2

+ à. PER 37

121

Moluques. Jugeant d’après la formation dentaire, il pa-
rait que cette espèce se nourrit aussi d’insectes, ce qui
a été constaté par suite de recherches faites dans l’esto-
mac qu'on a trouvé rempli de restes de coléoptères et de
diptères. C’est pourquoi dans le tableau classique nous
avons placée entre les Carpophaga et les Entomophaga.

Après avoir décrit les Chéiroptères Carpophaga nous
passons à la description des Chéiroptères Entomophaga
qui forment les genres: Chéiromeles, Dysopes, Rhinolophus,
Megaderma, Nycteris, Vespertilio, Emballonura, Nycticijus
et Taphozous. ;

Genre I. Pédimane — Cheiromeles Horsf.

Mr. Temminck, lors de la publication de la 16e Mono-
graphie de son ouvrage sur les Chéiroptères (1) ne con-
naissait ce mammifère nocturne que d'après la descrip-
tion faite d’après nn seul individu, en peau et mal monté,
et fourni par Mr. Horsfeld dans la 8me, livraison de ses Re-
cherches zoülogiques dans l'ile de Java. I était d'opinion:
nqu'il ne convient pas de séparer génériquement les ani-
maux dont les moeurs sont les mêmes, qui ont une or-
ganisation à tout prendre semblable, des formes de char-
pente osseuse complètement analogues et un systême
dentaire égal par le nombre comme par la forme et la
disposition des dents.” |

Ces considérations portèrent ce savant à réunir le

(1) Temminck op. cit. t. 2, pag. 245, 1835—1841 et plus speciale-
ment, t. 1, pag. 205 ct 218, 1827. Gme. Monog.

122

Cheiromele torquatus de Mr. Horsfield aux molosses (Dy-
sopes) connus jusqu'alors. Mais la découverte d’une se-
conde espèce ci-dessus nommée, dans les îles de la Sonde
par M. M. Kubhl et van Hasselt en premier lieu, et plus
tard retrouvée par Mr. $S. Müller, offrant quelques carac-
tères différents dans leurs formes extérieures, il a jugé
à propos de la considérer tout autrement, d’en faire une
espèce séparée et de la placer à la tête des Entomophages
eomme le tableau annexé-au présent mémoire le démontre,
sous la dénomination de:

Pédimane caudataire — Cheiromeles caudatus.

Caractères distinctifs de cette espèce.

Ce mammifère nocturne est de la plus grande espèce des
Chéiroptères Entomophages, et non seulement il se dis-
tingue de tous les autres par sa tête, son corps et ses
membres denués de tout poil, ce qui lui donne un aspect
désagréable, mais en outre par la particularité qu’il pos-
sède de lâcher une matière graisseuse, qui se trouve dans
une petite cavité en forme de bourse au-dessus de la poi-
trine et cachée par un pli oblique, qui exhale une odeur
insupportable et tellement forte qu’elle occasionne des
maux de tête à ceux qui viennent en contact avec elle.

La tête est courte et obtuse, les lèvres très épaisses,
le museau formé en groin obtus et dépasse la lèvre in-
férieure qui est aussi très grosse, les ouvertures des na-
rines distantes et les yeux très petits. Les oreilles sont
grandes, très distantes, larges à la base, munies d'un petit

act x siveotitee VS d'éiir
NA 7

123

lobe épais et arrondi; toute l’oreille épaisse, ovoide et
droite, sans plis ni rebords (1).

Tout le dessus du corps est brunâtre, couvert d'une
peau rugueuse, qui est tendue sur le ventre mais plissée
longitudinalement sur les côtés. La queue dont la base
se trouve engagée dans l’interfémorale porte des plis en
anneaux trés rapprochés; cette queue terminée en pointe
est pourvue d’un petit nombre de poils. Le pouce des
ailes est gros et libre. Le mâle et la femelle se ressem-
blent exactement à l’extérieur.

Genre II. Molosse. — Dysopes Illig. — Vespertilio Linn.
Gmel. — Molossus Geoff. Cuv. Desm. — Nyctinomus
Geoff, Desm. — Cheiromeles Horsf.

Dents incisives variables suivant l’âge. L’adulte à
constamment deux incisives supérieures plus ou moins
écartées et convergentes vers la pointe. Dents canines
supérieures grandes et cannelées par devant; les inféri-
eures comme entées sur un talon énorme, chez l'adulte
se touchant exactement à la base, mais espacées, chez
les jeunes de manière à loger les incisives, qui sont pous-
sées en avant, de façon que les latérales qui sont tou-
jours très petites tombent les premières. Dents molaires
+ dans quelques espèces une cinquième dent ou petite

(1) Mr. Temminck op. cit. t. 2, M@e5—1841 à donné un beau des-
sin: (voir pl. 66 fig. 2 et 3) de la tête, ainsi que de la bourse qui
contient la matière mentionnée et des glandes, chez la femelle (fig. 5)
et de l'ouverture du siphon (fig. 4).

124

pointe rudimentaire, et à peine visible entre la canine
et la première molaire supérieures; toutes les vraies mo-
laires larges et à couronne hérissée de plusieurs pointes.
Le nombre total des dents est très variable suivant l'âge,
il est au maximum de 32 et au minimum de 24 ou de
26 dents (1). |

Ces mammifères par leurs ailes étroites et pointues
ainsi que les autres Chéiroptères sont très faciles à re-
connaître, même à une assez grande distance. Ils aiment
être en grande compagnie et pendant le jour ils nichent
sous le toit de l’une ou de l’autre chaumière; ou bien
dans un arbre creux.
= De ce genre, les îles occidentales de l’Archipel pos-
sédent deux espèces dénommées ci-dessous, savoir :

1e Espèce. Molosse grêle. — Dysopes ténuis (2).

Caractères distinchifs de cette espèce.

Dents incisives dans l’état de devéloppement parfait à;
dans ceux qui n’ont point de talon des canines réunies,
on compte distinctement quatre incisives plus ou moins

(1) Mr. Temminck a rangé les Molosses ou Dysopes dans ses Mono-
graphies de mammalogie 1. 1, pag. 218—240 par ordre et grandeur en
deux divisions géographiques et pour les signaler en masse, il s'est
servi de la description fournie par Mr. Geoffroy.

(2) Mr. Temminck dans le principe avait donné à ce molosse le nom
de Labiatus, à cause des rides #kansversales très larges des lèvres su-
périeures, mais après la publication par Mr. Horsfeld d'un individu sous
le nom de fenuis, il a adopté cette dénomination et en outre livré un
beau dessin joint à ses Monographies t. 1, pl. XIX bis.

ie

TN PR NS QUO PR RE OA TR ZT

1‘ dite ee)

125

entassées suivant l'âge des individus (3). Pelage très
court, doux, lisse; parties supérieures d'un brun très
foncé, le dessous tendre. Les oreilles très grandes réu-
nies sur le chanfrein, pourvues d’un repli à leur bord
extérieur. Les lèvres supérieures très larges, bordées
dans toute leur longueur par une série de verrues trans-
versales, qui forment sur le bord extérieur huit bour-
relets séparés par des sillons. Les lèvres inférieures sont
moins renflées, une série de verrues en suit les bords.

Comme nous l'avons dit plus haut, ils vivent en grande
compagnie et, pendant le jour, ils se tiennent dans un
arbre creux au fond d’une forêt ou dans une contrée tout-
a-fait isolée.

Mr. S. Müller faisant une excursion au nord de la
montagne Gedé, arriva un jour sur un champ hérissé, que
les indigènes nomment gaga; là se trouvait un arbre de
l'espèce Liquidambar altingiana BL. qui servait d’asile
à un nombre infini de ces mammifères nocturnes. Un
bourdonnement continuel attira son attention ainsi que
celui de quelques indigènes qui s’y trouvaient. Leur ayant
demandé d’où venait ce bruit, ils répondirent que c'était
le bourdonnement des /alaïs (chauve souris) qui se trou-
vaient cachés dans un arbre voisin. Comme l’arbre était
d’une hauteur extraordinaire et que le trou où ils se te-
naient cachés était inaccessible, on résolut d’abattre l’ar-
bre, ce quise fit à l’instant et quel ne fut pas son éton-
nement de voir que quoique le creux fût très large et
profond, il n'y avait pas une petite place qui ne fut cou-
verte de ces Dysopes. Ils y étaient entassés les uns sur

(1) Voyez ibid pl. 23 fig. 10—16 dessin de deux crânes et les dé-
lails grossis, ainsi que le squelette pl. 24 fig. 1.

126

les autres comme les feuilles d’une rose; de sorte que la
masse contenue dans cette retraite nocturne était vraiment
innombrable.

Le Dysopes tenuis se trouve à Java, Sumatra et à Bor-
neo. Mr. Horsfield l’a cité dans son ouvrage (1) sous
le nom de MNyctinomus tenuis. Une seconde espèce nom-
mée Dysopes dilatatus se trouve exclusivement à Java.

Genre III. Rhinolophe — Rhinolophus, Geoff. Cuv.,
Illig., Desm. — Vespertilio (Linn., Erxleb.) et
Noctiho (Kuhl.)

Dents incisives ? et les incisives HRRTIENERS plus ou
moins entassées, bilobées ou trilobées; canines 2 portées
sur un talon assez grand, qui se développe avec l’âge,
sans pousser les incisives de leurs alvéoles. Molaires
à, $ ou & à couronne garnie de pointes très aigues; dans
le premier dénombrement, manquant de toutes sortes de
molaires anomales ou fausse molaire; dans le second dé-
nombrement, une dent anomale hors de ligne, sans fonc-
tion présumable, placée extérieurement sur le talon de
la canine ; dans le troisième dénombrement, une fausse
molaire de plus à la mâchoire inférieure. Le nombre
total des dents est de 28 à 30, rarement 32 (2).

Mr. Temminck a divisé le genre Rhinolophe en deux

(1) Zoolog. Researc. in Java N5, 5.

(2) Mr. Illig. prétend qu'il y a des Rhinolophes à 6incisives inférieu-
res, ce que Geoffroy conteste, vu qu'il n'en ait rencontré que quatre.
Voir, Temminck op. cit. t, 2, pag. 10.

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127

sections, dont la première n'a pas de représentant en
Europe, et comprend toutes les espèces à feuille nasale non
compliquée, à bord lisse et placée transversalement en
un ruban sur le chaufrein et qui n’ont point de lobe dis-
tinct à la base de la conque ou chez qui ce lobe est peu
apparent. La seconde section comprend les espèces à
feuille nasale plus ou moins compliquée, élevée en forme
de fer de lance et portant un socle cartilagineux ; elles
ont un lobe distinct à la base externe de la conque et
ce lobe plus ou moins développé dans les autres genres
de Chéiroptéres. Les oreilles moyennes, séparées l’une
de l’autre et plantées sur le côté de la tête. La queue
assez longue et tout-à-fait entourée de la peau mem-
braneuse avec laquelle elle continue sa croissance. Deux
tetins sur la poitrine et deux sur le ventre; ces derniers
étant sans glandes pectorales. Ces mammifères noctur-
nes vivent exclusivement d'insectes et en font la chasse
en volant. Le pelage comme on l'observera ci-dessous
est très variable; les nuances principales sont: brun,
brun foncé, brun rougeâtre avec un reflet doré.

Les Rhinolophes des Indes Orientales ne s'engourdis-
sent pas lhiver comme c’est le cas en Europe, où pen-
dant tout l'hiver les Chéiroptères s’entortillent dans leur
peau membraneuse et pendent aux voûtes des cavernes
ou autres cachettes.

Ceux de la plus grande espèce se tiennent le jour dans
des grottes ou cavernes très obscures et par préférence
dans celles qui sont situées aux bords d’une rivière quelcon-
que. Ils utilisent aussi par leur retraite les trous qui se
trouvent dans de grands arbres; tandis que ceux de la
petite espèce. tirent parti des toits pendant le jour pour
le repos. Rarement on trouve le KRhinolophe à une feuille

128

caché dans le feuillage épais des broussailles. Quelques
uns cependant aiment particulièrement et de préférence
les forêts de haute futaie, situées sur des terrains élevés,
où ils fendent l’air au dessus de montagnes qui ont quel-
que fois 3000 mêtres et plus, de hauteur au-dessus du
niveau de la mer.

LA PREMIÈRE SECTION COMPREND:

1e Espéce. Rhinolophe fameux — Rhinolophus
nobilis (1).

Caractères distinchfs de cette espèce.

Cette espèce est la plus grande connue jusqu’à ce jour.
La tête grande, les oreilles en conque, à peu près aussi
larges que hautes, sans lobe distinct, velues extérieure-
ment à leur base. Feuille nasale simple, à bord terminal
en coupe de couronne; derrière et à la base de cette
feuille, quatre petits orifices ou siphons, presque imper-
ceptibles à l'oeil nu; fer à cheval en forme d’une large
membrane pointue par devant et à plis latéraux: queue
moitié de la longueur de l’antibrachium. Dents incisi-
ves, dans l’adulte deux supérieures rapprochées et conver-
gentes et quatre inférieures, celles ci bilobées, plus ou
moins entassées selon le degré de développement du ta-

(1) Dans le second vol. de Temminck Monographies, on trouve un
beau dessin de ce Rhinolophe pl. XXVIIT fig. d'un âge moyen.

LA

-

129

lon des canines. Molaires supérieures cinq; molaires
inférieures cinq toutes à couronne pointues. /

Pelage très doux et fin, long, bien fourni, très bigarré.
Epaules et dos marron; dessous des épaules et parties
latérales du dos d’un blanc pur; sommet de la tête
et nuque d’un gris blanc; les bouts des poils brun; côtés
de la poitrine blanc, joues et côtés du cou d’un gris
brun, les bouts des poils blanchâtre; poitrine et ventre
couleur de souris, membranes d’un brun foncé; les oreil-
les poilues à peu près jusque vers le milieu, et le reste
nu couvert de rides (1).

2e Espèce. Rhinolophe diadème. — Rhinolophus dia-
dema (2).

Caractères distinchifs de celte espèce.

Dents incisives, dans l’état adulte, deux supérieures
rapprochées et quatre inférieures trilobées, rangées en
lignes, molaires supérieures cinq; celle dite fausse molaire
très petite, accolée au talon de la canine, molaires in-
férieures cinq à couronne pointues.

Pelage doux, fin, long et bien fourni à peu près uni-

(1) Les deux premiers arrivés en Europe sont dus aux recherches
de Mr. Horsfeld qui les a rapportés de Java. Plus tard plusieurs origi-
naires des Moluques et Timor, fournis par M. M. Reinwardt, Kahl, van
Hasselt, Macklot et S. Müller.

(2) L'espèce a été décrite par Geofiroy: Ann. du Musée t. 20, pag.
263, et voir son dessin reproduit par Mr. Temminck. Monog. op. cit. 8.
t. 2, pl. XXVI.

9

130

colore partout, un peu plus foncé en dessus qu'en dessous.
La tête d’un gris brun, les parties supérieures d’un brun
roux doré; les parties inférieures d’un brun grisâtre, mais
la base des poils partout blanchâtre et les pointes d’une
couleur foncée.

La feuille nasale simple, à bord terminal en quart de
cercle, plus ou moins enroulée sur elle même; une autre
follicule transversale, un peu élevée en pointe vers le
centre, se trouve entre la grande feuille et les narines;
ses bords latéraux viennent s'unir au fer-à-cheval et
forment une sorte de couronne qui entoure l'organe ol-
factif; des plis garnissent les bords latéraux du fer-à-
cheval. La tête petite en proportion des oreilles qui sont
grandes, plus hautes que larges, à pointe terminale, cour-
bée en arrière, nues, diaphanes et à lobe assez fort vers
la base de sa conque.

Les différences sont assez remarquables entre le Rhi-
nolophus nobilis et le Rlhainolophus diadema, dans le crâne.
Celui du premier est plus large par l'écartement des ar-
cades zygomatiques et chez celui du second elles sont
moins écartées et plus droites. Quant aux lamelles et aux
deux petites dents de la mâchoire supérieure, elles sont
les mêmes dans les deux espèces; mais les incisives in-
férieures offrent cette disparité, qu'elles sont entassées et
bilobées chez le premier, et symétriquement rangées et
trilobées chez la seconde espèce (1).

Quant à la taille il est moins grand que le premier,
sa queue a deux tiers de la longueur de l’antibrachium
et à bout libre.

(1) La comparaison a été faite sur cinq têtes de la première et sur
deux de la seconde espèce par Mr. Temminck.

131

Mr. Temminck cite un adulle mesuré par lui qui avait
en longueur totale à peu près 5 pouces, dont la queue
prend deux pouces; envergure 16 pouces; antibrachium
2 pouces 10 lignes, tibia 1 pouce 3 lignes.

3e Espèce. Rhinolophe distingué, — Rhinolophus
insignis, Horsf. (1).

Caractères distinchfs de cette espèce.

Dents incisives, deux en haut, peu distantes, larges,
- bilobées ou lisses; quaire en bas plus ou moins entassées;
la petite molaire de la mâchoire supérieure existe chez
quelques individus et se trouve accolée au talon de la
canine; cette molaire anomale manque sans trace alvéo-
laire chez les vieux, ou bien ne montre qu’une pointe
sortant à peine de la gencive. Sa taille et ses formes
sont plus fortes que celles de l’espèce d'Europe, connue
sous le nom de Rhinolophe umifer.

Pelage du mâle touffu et lisse, bicolore en dessus, la
tête et la nuque blanches, les bouts des poils marron;
l’étendue de cette partie blanchâtre ondée de marron n’é-
tant pas bornée uniquement à la nuque, elle s'étend en
pointe sur le haut du dos et s’avance entre les épaules
dont la teinte, ainsi que celle de tout le reste des parties
supérieures, est d’un marron pur, vu que la base seule-
ment du pelage est blanchâtre et le reste marron.

_La femelle a ces parties plus roussâtres. Le cou, la
partie médiane de la poitrine, le ventre et l’abdomen d’un

(1) Zoûlog. op. cit, La femelle indiquée par le même auteur sous le
nom de Rhinolophus vulgaris.

tE

132

brun clair, les côtés de la poitrine vers l'insertion des ailes
d'un brun terne et plus foncé que le pelage du ventre.

Dans un manuscrit de Mr. van Hasselt se trouve une
note très intéressante sur cette espèce et nous la croyons
assez importante pour la donner ici en partie. ,Nous en
primes un grand nombre sur le rivage de l’île Dwars in
den Weg, près de la côte orientale de Java, dans les
grottes où les salanganes (Cypselus esculentus) construi-
sent leurs nids. Leur cri est très faible, leur odeur est
particuliérement désagréable. La petite bourse du front
est formée du repli interne de la peau qui conduit par
un très petit tube sur les muscles du front; une légère
compression suffit pour pousser cette bourse hors de l’ou-
verture, elle réssemble alors au doigt retourné d’un gant.
L'organe sert à la sécrétion d’une poussière rougeâtre,
le bord ou bourrelet du siphon en est toujours couvert,
cette matière exhale une odeur pénétrante. Une petite
touffe composée de quelques crins roides et noirs, naît de
la partie interne de cette bourse, assez ample chez le
mâle, à peine visible et sans aucune sécrétion chez la
fémelle; les crins sont enduits d’une matière onctueuse.
Chez le mâle, de chaque côté du siphon, est une petite
ouverture où entre à peine la pointe d'une épingle: ces
orifices ne sont plus visibles sur les sujets dépouillés et
séchés. Les individus varient plus ou moins par la cou-
leur du pelage mais les femelles sont toujours d’une teinte
plus rousse que les mâles.” |

Mr. S. Müller qui, dans une lettre adressée à Mr. Tem-
minck, confirme ce qui est dit plus haut, ajoute encore:
que les femelles s’éloignent des mâles immédiatement
après l’accouplement; que les sexes se réunissent sépa-
rement en troupes de cinquante, cent et plus; qu'on ne

153

trouve jamais de mâles dans les lieux choisis par les
femelles pour y déposer et nourrir le seul petit qu’elles
mettent au monde; que le jeune animal reste fixé au
corps de la mère pendant tout le temps de l’allaitement;
que les femelles ont le pelage roux et doré et les mâles
brun et marron, enfin, que les femelles n’ont qu’une ap-
parence peu prononcée du siphon frontal et ne communi-
quant point à une poche: il leur manque aussi les deux
orifices latéraux.

Ils habitent Java et aussi plusieurs des nombreux îlots,
dont l’île de Java est entourée. Le musée de Leïde en
possède une série d'individus.

4 Espèce. Rhinolophe cruménifère, — Rhinolophus
speoris (1). — Vespertilio speoris Schneid (2). —
Rhinolophe cruménifère, Péron (3).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Dents et forme du crâne absolument comme dans l'espèce
précédente et toutes dimensions moins fortes. La feuille
nasale et follicules absolument les mêmes que chez le
Rhinolophus insignis ; le mâle portant derrière la feuille
une seule ouverture, sans trace d’orifice latéral.

Pelage court, lisse, bicolore en dessus; toutes les par-
ties supérieures couvertes de poils bruns et blancs chez

(1) Temminck op. cit. t. 2. pag. 17, 1835 — 1841.

(2) Dans Schreb. Sütügeth. tab. 59 C. du Supp.

(3) Voyage aux lerres Austr. pl. 35. — Geoffroy. Ann. du Musée t.
20, pag. 261 et la tête pl. 5. — Encyclop. mamm. pag. 126 sp. 187.

134

le mâle, marron roussâtre chez la femelle, l'insertion des
ailes et des flancs d’un roux clair.

Longueur ordinaire 2 pouces 4 ou 5 lignes, la queue
1 pouce; envergure de 10 à 12 pouces; antibrachium
I pouce 8 lignes.

Le Rhinolophus speoris, n'a été vu qu’à Amboine et
Timor, comme le tableau le démontre. .

5e Espèce. Rhinolophe bicolore. — Rhinolophus
bicolor (1).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Dents incisives supérieures, deux larges très rappro-
chées par leur côté interne, mais distantes par leur base:
quatre inférieures trilobées. Les molaires cinq partout ;
la fausse molaire supérieure en pointe à peine visible.
Le pelage fin, lisse et bicolore partout le corps. En des-
sus, d'un blanc très pur depuis la base jusqu'aux deux
tiers, et d’un roux marron à la pointe, ce qui fait que
le blanc pur offre une bigarrure irrégulière; en dessous
plus blanchâtre qu’en dessus, et membranes d’un brun
clair. La queue plus longue que les deux tiers de lPanti-
brachium; les oreilles plus larges que hautes, à bord ter-
minal arrondi, non découpées; feuille nasale petite, trans-
versale, ayant une forte protubérance entre elle et le fer-
à-cheval, entourée d’une membrane découpée sur ses deux
bords; une forte verrue au milieu de la lèvre inférieure
et de chaque côté une verrue longitudinale (2). |

(1) Temminck op. cit. t. 2, pag. 18. US
(2) Ibid ibid -» 19. Cette description repose sur
l'examen de dix femelles et quatre mâles par Mr. Temminck.

135

Quant à la manière de vivre de cette petite espèce, Mr.
van Hasselt qui en trouva par troupes de cent et plus dans
les buissons de bambou sur les rives d’Anjer et Mr. Boie
qui en fit capture dans les bois isolés aux bords du Tje-
tarem, n’en disent rien; tout ce qu’on sait c’est qu’elle
infeste les maisons.

Elles habitent Java, Amboine et Timor, l'espèce d'Am-
boine n’est pas si grande que celle qu’on trouve à Java.

Ge Espèce. Rhinolophe tricuspe. — Rhinolophus
tricuspidatus (1).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Dents incisives supérieures deux et inférieures quatre
trilobées; les premières très fines, distantes et conver-
gentes par leur pointe; une fausse molaire bilobée à
la mâchoire supérieure. Feuille nasale grande à peu près
carrée; bord supérieur terminé par trois pointes, celle
du centre en fer de lance et celle de chaque côté, à
pointe convergente. Les oreilles très petites, plus hautes
que larges et pointues. Leur envergure très étendue en
comparaison de la petitesse du corp; membrane inter-
fémorale grande, coupée carrément et dépassée par la
pointe de la queue.

Quant au pelage plus ou moins court, lisse en dessous,
d'un brun roussâtre clair en dessus, mais brun clair à la

(1) C'est une très petite espèce et le pygmée de tous les Rhinolo-
phes connus.

136

base; les bouts des poils du dos brun noirâtre, sur les
côtés et vers le croupion d’un brun foncé. Cette espèce
jusqu’à ce jour n’a été trouvée qu'à Amboiïne: deux in-
dividus ont été découverts par M. M. Macklot et S. Müller,
lors de leur voyage aux Moluques: ils se trouvent très
bien conservés au Musée de Leide avec le squelette.

7e Espèce. Rhinolophe masqué. — Æ/inolophus la-
vartus (1).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Ce Rhinolophe est d'un tiers moindre que le Khunolo-
phus nobilis. D'après la description que Mr. Horsfield en
a donné, elle a la feuille nasale large, très développée,
à pli transversal dans le milieu et trois plis latéraux au
bord du fer-à-cheval (2). Quant aux détails que Mr.
Horsfield indique à l'égard des oreilles, on les retrouve
dans le Rhinolophus nobilis, diadema, insignis et speoris;
tandis que le système dentaire n’offre point de diftérences
avec celui du Rhinolophus insignis. |

Le pelage offre dans ses couleurs des différences assez
tranchées avec les espèces communes. Les parties su-
périeures sont d’une couleur brun foncé, et les parties
postérieures d’une nuance dorée ainsi que les poils dont
la pointe est brune. Les poils en dessous ont une teinte

(1) Horsfeld: Zoolog. Research. in Java où on la trouve figurée par
l'auteur.

(2) Absolument le même caractère que dans les insignis et speoris.

137

dorée plus clair tirant sur le gris vert, ce qui forme
sur ces parties une teinte dorée grisâtre. Les membranes
sont d’un brun très foncé.

Après avoir décrit les espèces appartenant à la première
section, nous passons à celles qui forment la deuxième,
nommément à celles qui ont la feuille nasale plus ou
moins compliquée, la postérieure élevée en fer de lance,

et un socle naissant du centre du fer-à-cheval.

1e Espèce. Rhinolophe deuil. — Rhinolophus luctus (1).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Ce Chéiroptère est plus grand qu'aucun de ceux d’Eu-
rope. Il est à peu près de la taille du Rhin. nohilis. Les
oreilles sont très grandes, à peu près réunies à leur
base et se touchant à peu près par leur bord interne,
très pointues par le bout tourné en dehors; conque
très large, fortement échancrée et donnant naissance au
grand lobe arrondi qui sert à fermer l'organe. Les ailes
courtes en proportion de la grandeur du corps; la queue
ayant la longueur du tibia et des doigts, et la pointe
dépassant un peu l’extrêmité de la membrane interfémo-
rale. Le système de l’odorat composé d’un grand nom-
bre de follicules; le fer-à-cheval formé par une large
membrane qui couvre toute la lèvre supérieure; elle vient

(1) Voyez le dessin qui se trouve à la fin du tome second de Tem-
minck op. cit. et la description en détail pag. 24 et 25. La découverte
de ce Rbinolophe est due au zéle de Mr. Boie qui en fit la capture
dans le district sauvage de Topas dans l'ile de Java.

138

s'unir sur ses deux bords et par un prolongement latéral
au premier étage membraneux des follicules qui forment
le fer de lance; du centre du fer-à-cheval naît le grand
socle qui porte quatre follicules, formant exactement la
croix de Malte à branches arrondies par le bout; derrière
ce socle s'élève le fer de lance formé de trois étages de
follicules, les deux premières arrondies et la troisième en
pointe longue et émoussée. Deux verrues triangulaires
à la mâchoire inférieure.

Le pelage d'une vieille femelle sur laquelle cette des-
cription a été prise était excessivement long, touffu, lai-
neux et d’un noir terne, couleur de suie, mais la pointe
des poils des parties supérieures et inférieures est terminée
par un gris clair, ce qui formait une légère nuance cen-
drée sur toute la robe. Les membranes et les follicules
étaient toutes noires. On trouve cette espèce à Java et
Sumatra.

2e Espèce. Rhinolophe euryote. — Rhinolophus euryots (1).

Caractères dishinchifs de cette espèce.

Dents incisives; deux très petites en haut, très distan-
tes, fixées aux bords des lamelles cartilagineuses; les
quatre inférieures entassées et trilobées; une fausse mo-
laire obtuse 4 la mâchoire supérieure.

(1) Voir: Temminck op. cit. t. 2. pag. 27 et à la fin un très beau
dessin voir pl. 31 avec le profil et la face de la tête de grandeur na-
turelle, Les insulaires de Bantam le nomment Zyoma-maat.

139

Pelage touffu, grossier et de plusieurs couleurs, en
dessus à base blanche et brun couleur de feuille morte
jusque vers la fine pointe, qui est d’un roussâtre clair;
le dos et le cou sont absolument d’une couleur feuille morte,
la face et les côtés du cou d’un brun clair; la poitrine
blanchâtre, et lègèrement brun clair; les flancs brun foncé
et le milieu du ventre brun clair. Les oreilles non réu-
nies, pointe tournée en dehors; conque très fortement
échancrée et donnant naissance au grand lobe arrondi
qui sert à fermer l’organe.

Cette espèce est un peu plus grande que le Rhinolophe
trèfle qui suit. La longueur totale 2 pouces 11 lignes ; enver-
gure 11 pouces 6 lignes, antibrachium 2 pouces. Sa patrie
certaine est l’île d'Amboine, quoiqu’on puisse conjecturer
qu’elle se trouve aussi dans quelques îles des Moluques
non exploitées jusqu’à ce jour.

3e Espèce. Rhinolophe trèfle. — Rhinolophus
trifoliatus.

Caractères distinchifs de cette espèce.

Dans l'adulte point d’incisives supérieures, quatre in-
férieures entassées, les deux du milieu tombant quelque-
fois (1) point de petite dent anomale entre la canine et
la première molaire de la mâchoire supérieure.

Ce Rhinolophe est de la taille du vespertilion barbas-

(1) Mr. Temminck dit entre autres qu'il avait reçu un sujet à deux
incisives latérales, et que les deux du milieu avaient été poussées de
leurs trous alvéolaires non fermés.

140

telle d'Europe et sa queue a la longueur du tibia. Le
système cutané très compliqué et développé, les mem-
branes du vol larges, les oreilles grandes, pointues et
fortement échancrées; le lobe inférieur moitié grandeur
de loreille, à pli transversal, et pouvant servir à fermer
complètement cet organe. Feuille nasale double; celle
de devant transversale, arrondie et unie par un rudiment
à la grande feuille postérieure en forme de fer de lance;
le fer-à-cheval formé de deux membranes; du milieu de
ce fer-à-cheval s’élève le socle formé par une épaisse
membrane, à peu près aussi haute que la grande feuille,
et partagée en trois lobes pointus imitant en quelque
sorte la feuille de trèfle; deux grosses verrues triangu-
laires à la mâchoire supérieure.

Le pelage très long, touffu et fin; la base du museau,
les yeux et une partie des oreilles cachés par le pelage;
ses parties supérieures d’une couleur roussâtre cendré,
mais plus clair vers la tête que sur le dos. La tête et
le cou d’un blanc roussâtre; la poitrine et le ventre d’un
brun cendré. La grande moitié de l’oreille, du lobe et des
follicules jaunes, toutes terminées d'un brun noirâtre. Les
membranes du vol larges, nues, d’un brun clair, mais brun-
noirâtre celles qui adhérent au corps et sur l’antibrachium.

La longueur totale 3 pouces, envergure 12 pouces et
l’antibrachium 1 pouce 10 lignes. | |

Une grande particularité qui distingue cette espèce,
c’est qu’elle ne répand aucune odeur désagréable, comme
font tous les autres Chéiroptères. C’est aux recherches
de Mr. van Hasselt, qui en trouva deux individus sus-
pendus à un grand arbre dans le fond d’une forêt sau-
vage que l’on doit la découverte de ce singulier Chéirop-
tère.

141

4e Espèce. Rhinolophe affinis. — Hhinolophus afinis (1).

Caractères distinchfs de cette espèce.

Mr. Horsfield, dans une diagnose très succincte a in-
diqué cette espèce sous le nom de Rhinolophus afinis.

La denture se compose de deux incisives supérieures
qui sont extrêmement écartées, très fines, tombant sans
laisser de trace alvéolaire; quatre inférieures très petites;
la cinquième molaire supérieure rangée sur la même ligne
que les autres et formant une fausse molaire pointue; six
molaires inférieures, par l’existence d'une très petite dent
rangée contre les deux dernières molaires. Les oreilles
grandes, terminées en pointe, très faiblement échancrées,
à lobe inférieur, grand et en pointe arrondie sur les côtés;
feuille en fer de lance réunie à une follicule arrondie;
un fort socle au centre du fer-à-cheval qui est entouré
de deux membranes; quatre verrues à la mâchoire infé-
rieure, les deux du milieu triangulaires et l'extérieur de
chaque coté longitudinale.

Quant au pelage en général long, touffu et un peu frisé,
unicolore partout, couvrant en dessous la membrane le long
des flancs. Le mâle brun en dessus et d’un brun cendré
en dessous; tandis que la femelle est d’un brun roussâtre
en dessus et roussâtre clair en dessous.

Cette espèce vit par grandes bandes dans certaines
grottes que les Javanais désignent sous le nom de Ban-
tam-gerang où elles sont suspendues aux voûtes. Des
naturalistes de la commission physique à Buitenzorg en

(1) Temminck. Op. cit. t. 2, pag. 91.

142

ont également trouvé dans les rochers caverneux de la
côte d'Anjer et de l’île Dwars in den weg, citée au-
page 132.

Cette espèce de Chéiroptère se nourrit d'insectes noc-
turnes, elles exhalent une odeur très forte et en volant
elles jettent de temps à autre un petit cri. |

5e Espèce. KRhinolophe nain — Rhinolophus minor (1).

Caractères distinchifs de cette espèce.

Ce Rhinolophe a la taille de l’espèce bihastatus d'Eu-
rope (2). Dents incisives supérieures rapprochées et tri-
lobées; les quatre inférieures trilobées; molaire anomale
de la mâchoire supérieure pointue. Les oreilles de la
même forme que l'espèce brhastatus d'Europe, profon-
dément échancrées, à lobe très développé, en pointe laté-
rale; queue de la longueur de deux tiers de l’antibrachium;
la feuille compliquée et en fer de lance, garnie de poils
à la pointe; le fer-à-cheval à membrane très large, fes-
tonnée. Pelage du mâle en dessus brun-noirâtre légèrement
cendré et en dessous d’un brun cendré clair. La fe-
melle toute rousse, plus foncée en dessus qu’en dessous;
on trouve des individus dont le pelage est varié de roux
et brun. 8 |

Longueur de l'adulte 2 pouces 5 lignes, dont la queue
prend de 8 à 83 lignes; l’antibrachium 1 pouce 5 à 6
lignes et envergure 9 pouces 2 à 4 lignes.

(1) Temminck op. cit. t. 2, pag. 35.
(2) Geoffroy Ann. du Musée 1.20, pag. 259.

143

On la trouve à Java, Sumatra et Timor. L’espèce
suivante se trouve exclusivement à l’île de Java.

6e Espèce. Rhinolophe pusille — Rhinolophus pusillus (1).

Catactères distinchifs de cette espèce.

Dents incisives supérieures à peine visibles à la loupe,
en pointe obtuse et très écartées; molaire anomale pointue.
Cette espèce est moins grande que le Rhinolophe précé-
dent, mais les oreilles comme celles de cette espèce et
du Rhinolophus bihastatus, à très grand lobe; queue de
la longueur du tibia et des doigts, la feuille très élevée en
fer de lance et garnie de poils; sur le devant du socle une
étroite feuille à pointe courbée en avant; le fer-à-cheval
en large membrane, et deux verrues à la mâchoire inferieure.

Quant à son pelage on le distingue facilement du Rhi-
nolophe naïn, avec lequel il serait facile de le confondre:
1°. ence qu'il est d’un bicolore très prononcé; 2°. en ce
qu’il n’y a presque pas de différence de coloration entre
le mâle et la femelle. Ce Rhinolophe se tient sur les
arbres et les vieilles bâtisses.

Genre Megadermes (2).

Les Mégadermes forment un vrai chaînon intermédiaire
qui lie très heureusement les Phyllostomes aux Rhinolo-

(1) Temminck op. cit. t. 2, page 86.
(2) Ainsi nommé parceque c'est dans ce genre que le système cutané
est porté à sa plus grande étendue.

144

phes, cependant ce chaînon reste parfaitement circon-
scrit. Outre cela, c’est un groupe au delà et en deçà
duquel on aperçoit des intervalles bien marqués et qui
est tout aussi bien séparé des Phyllostomes que des
Rhinolophes.

Ce Chéiroptère pourvu d’oreillons et n’ayant point de
queue ne saurait être confondu avec le Rhinolophe. Plus
rapproché des Phyllostomes sous ce rapport, il en difière
essentiellement à d’autres égards. Ainsiles Mégadermes
ont la langue courte, sans sillon, du moïns à son extrê-
mité; lisse, sans verrues, ni papilles; par conséquent
point organisée pour sucer, non plus que les lèvres qui
sont velues et sans tubercules. Dans aucune espèce de
chauve-souris, les organes des sens ne sont plus puis-
samment secondés par le système cutané.

Les ailes sont d’une très grande étendue quoiquw’elles
soient privées de cette phalange onguéale qui se trouve
au troisième doigt chez les Phyllostomes ; elles ont pro-
portionnellement autant de largeur et aboutissent aux
pieds de derrière entre le 4e et le 5e doigt. Les oreilles
sont d’une telle ampleur quelles se rencontrent et s'unis-
sent sur le devant de la tête; enfin la feuille elle même
est surchargée à sa base d'une lame que recouvre la base
du cône et qui est disposée sur les côtés en auricules
pour les ouvertures nasales.

Les dents incisives inférieures sont au nombre de qua-
tre, bien rangées et légèrement sillonnées à leur tranche.
Les canines supérieures se font remarquer par leurs trois
faces, un collet à leur origine, et un fort crochet en ar-
rière et les inferieures par leur inflexion en arrière ;
direction qui est très rare et qui peut contribuer aussi
à prévenir le développement de l'os intermaxillaire.

145

Quant aux molaires, Mr. Geoffroy dit en avoir observé
huit à la mâchoire supérieure et dix à la mâchoire infé-
rieure. La première molaire d’en haut est tranchante, com-
primée et terminée par une pointe longue et fine; les deux
dents suivantes présentent la figure de deux M qui
seraient placées côte à côte, et dont les points extrêmes
seraient marqués par des tubercules aigus. Finalement,
la dernière pourrait être prise, eu égard à son volume
et à sa forme, pour une moitié des précédentes.

Quant aux molaires, elles sont comprimées; les deux
premières simples, triangulaires, et à une seule pointe,
et les trois autres un peu plus longues, hérissées de 4
pointes et comme formées de deux plans dont le plus
saillant est en avant et porte le plus fort aiguillon.

De ce genre, Java possède une seule espèce, le:

Mégaderme spasme. — Megaderma Spasma (1). Glis volans
lernatanus Séba (2). — Vespertilio spasma Linn.,
Cuv., Schreber (3) et Shan (4).

Caractères distinchfs de cette espèce.

Le Spasma ainsi nommé par Cuvier est la seconde
espèce de ce genre. Quant au système dentaire, dents

(1) Ann. du Muséum d'hist. nat. t. 15 page 187, où l'on trouvera
un dessin de la tête pl, 12 et également la figure du Mégaderme Iyre
et le squelette de la tête pour le système dentaire.

(2) Mus. page 90, pl. 56, fig. 1.

(3) PI. 48, figure réduite et copiée de Séba.

(4) pl. 42, figure copiée de Schreber.

10

146

incisives supérieures, point; inférieures quatre, canines
deux à chaque mâchoire; molaires huit à la mâchoire
supérieure et le plus souvent dix à la mâchoire inférieure.
Les incisives, placées régulièrement les unes à côté des
autres sont tranchantes et tant soit peu concaves. Les
canines, supérieures triangulaires et au commencement ont
un crochet, tandis que les incisives sont plus ou moins
penchées en arrière.

Les oreilles très grandes et réunies sur le front, l’inté-
rieur de l'oreille très développé et les ailes du nez la
forme d’un fer-à-cheval. Le Mégaderme spasme n’a
point de queue; et la peau membraneuse à l’extrêmité
de l’os sacrum est coupée carrément ; ses ailes sont très
grandes, le troisième doigt n’a point d’articule d’ongle
et sa langue est plate et courte.

On le trouve ordinairement caché dans des rochers
caverneux et rarement dans des arbres creux. Mr. $S. Mül-
ler dit n’en avoir observé que dans le district de Ban-
tam (partie occidentale de Java) où il se niche en com-
pagnie du Pachysoma litthecheilum et le Rhinolophus in-
signis dans !2 même cachette.

Quant au pelage, le Mégaderme spasme a le front d’un
roux clair et le reste de son corps tirant sur le roussâtre.

Genre Nycteres Cuv. et Geoff. (1).

Ce Chéiroptere a quatre dents incisives supérieures, six

(1) Cuvier Régne animal. Mamm. t, IV, page 143. — Geoff, Ann.
Muséum XX, pl. 1:

147

inférieures, quatre molaires supérieures et cinq inférieures
dans chaque mâchoire, ensemble trente deux dents. Les
incisives supérieures sont à deux pointes, très petites et
serrant les unes aux autres, tandis que les incisives inférieu-
res ont trois pointes. Les angulaires sont d’une grandeur
moyenne et les molaires ont des coins aigus. Au-dessus
du nez une fosse longitudinale et profonde. Les naseaux
sont fermés par un couvercle mouvante. Les oreilles gran-
des, larges et placées en avant du front et près l’une
de l’autre. La peau de l’os du sacrum est plus large
que le corps; elle embrasse entièrement la queue, laquelle
finit en forme d’une fourche cartilagineuse qui repré-
sente un T.

Quant au pelage, le haut du corps roux comme le renard,
en dessous d'un rouge grisâtre. La longueur du corps est
de deux pouces et six lignes. Il est des Nyctères comme
des Mégadermes l’une et l’autre de ces coupes ne comp-
tent qu’un trèspetit nombre d’espèces. L'île de Java ex-
clusivement possède une seule, le:

Nyctère javanais. — Nycteris, javanicus.

Caractéres distinchfs de cette espèce.

Ce Chéiroptère possède une manière toute particulière
pour rendre son vol plus léger et plus rapide; il se rem-
plit de vent.

La composition toute particulière du nez lui donne un
aspect sauvage et rend l’expression de sa physionomie
extraordinairement laide.

Leur vie est la même que celle des chauve-souris d’Eu-
rope. Sur les côtés des joues ils ont des abajoues comme

10*

148

certaines espèces de singes, au derrière et au dessus de la
peau du corps se trouve une ouverture. Cette peau n'ayant
pas grandi en même temps que le corps est détachée,
de manière à ce que l’animal y est entortillé comme dans
un sac. Par ce moyen il est à même d'attirer l'air par
ses naseaux pour la remplir de vent comme une vessie,
tandis que les naseaux restent fermés par l’effet des sou-
papes : faculté qu'on observe chez les grenouilles.

Genre chauve-souris. — Vespertilio, Cuv. et Geoff. (1).

Sous-genre de chauve-souris qui a le museau sans
feuille ni autres marques distinctives, les oreilles séparées
quatre incisives en haut, dont les deux moyennes écar-
tées et six en bas à tranchant un peu dentelé; leur queue
étant comprise dans la membrane. Ce sous-genre est le
plus nombreux de tous, on en trouve dans toutes les
parties du monde.

Des dix-huit espèces différentes de chauve-souris, con-
nues aux Indes Orientales, Java et Sumatra possèdent la
plus grande partie. Sept différentes espéces, savoir:

Vespertilio papillosus, Vesp. Suillus, Vesp. pictus, Vesp.

Hardwickii, Vesp. tenuis, Vesp. tralatitius et Vesp. pa-
chypus, habitent ces deux îles. Outre ceux-ci, Java pos-
sède encore les espèces Vesp. Hasseltii, Vesp. circumda-
tus, Vesp. imbricatus, Vesp. Horsfieldu, Vesp. adversus et
Vesp. blepotis, bien que cette dernière espèce ait égale-
ment été observée aux îles d'Amboine, Banda et Timor;
tandis qu’à en juger par quelques individus bien conservés
qu'on trouve au Muséum de Leide, le Japon doit la

ee

(1) Vespertilio murinus Linn.; Vesp, Myotis Kuhl. Baff, VII, X VIH, 2

PT Te

149

posséder aussi. Parmi les espèces observées à Sumatra
on a reconnu deux sortes de Vespertilio qui n’existent
que là et auxquelles on a donné le nom de Vesp. macrotis
et Vesp. brachypterus. Enfin à Burnéo on trouve trois
espèces, parmi lesquelles on remarque une nouvelle espèce
qui à reçu le nom de Vesp. macellus, les deux autres
étant le Vesp. pictus et tenus.

Une observation faite par Mr. S. Müller à l’égard des
chauve-souris et qui nous a paru assez intéressante pour
l’histoire naturelle de ces mammiféres nocturnes, c’est
que tous ceux de la couleur brun foncé différent des
Vespertilions jaunâtres quant au choix de leurs cachettes.
Les prémiéres nichent pendant le jour, soit dans des cre-
vasses sous terre ou dans des cavernes ou sous les toits
dont la charpente est construite de bambou, dans les-
quels ils peuvent se cacher sans crainte d’être observés ;
tandis que les dernières préfèrent le plein air, où ils se
tiennent cachée entre les feuilles d’arbres ou d’arbrisseaux.

De toutes les espèces ci-dessus nommées les Vesper-
tilio pictus et suillus se tiennent toujours accrochés sous
les feuilles de bananiers, sans doute à cause de leurs
formidables dimensions.

le Espèce Vespertilion harpie. — Vespertilio harpyia (1).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Ce Vespertilion est remarquable par la forme du mu-
seau, qui, quoique assez obtus, parait plus allongé par
les deux tubes du nez, les narines absolument conformées

(1) Temm, op. cit. t. 2, pag. 219 et pl. 65, fig. 5 pris sur le vivant.

150

comme celles de la harpie de Pallas. Elle est encore
reconnaissable entre toutes les autres espèces, par ses
pieds velus jusqu'aux ongles ; par sa membrane interfé-
morale velue à claire voie en dessus et dessinée en des-
sous de nombreuses lignes diagonales et concentriques,
formées par de petits mamelons d’où naissent de peti-
tes soies divergentes.

Système dentaire, incisives 4 par paire en haut, iné-
gales en longueur, 6 en bas entassées et bilobées ; 4 mo-
laires en haut, sans trace de fausse molaire dans l'adulte,
mais l’arrière-molaire porte en arrière un fort tubercule;
5 molaires en bas, toutes grandes et fortes.

Le pelage abondant, long et frisé, cotonneux et de
deux couleurs en dessus, unicolore en dessous; la tête,
le cou et le corps d’un beau gris blanchâtre; la mem-
brane des flancs en dessus, celle de l’antibrachium, les
pieds et les doigts ont des poils d’un roux-vif. En
dessous gris légèrement roussâtre, mais les côtés de la
poitrine d’un roux ur peu plus décidé. La femelle est
un peu plus pâle que le mâle.

Cette espèce n’a été observée jusqu'aujourd’hui que
dans les cavernes de la partie sud du volcan Goenong
gedeh à Java.

2e Espèce. Vespertilion mamelonné. — Vespertiho
papillosus (1).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Cette espèce nouvelle, découverte par M. M. Kuhl et
van Hasselt, est difhcile à capturer. Le Muséum des Pays-

(1) Temminck op. cit, 1. 2, pag, 220 et pl. 5 fig. 1, 2, 3 en 4.

Mt & AR: E

151

bas n’en possédait en 1841 que deux individus femelles
pris à Java, dans le district sauvage de Bantam et plus
tard un troisième individu mâle, trouvé à Sumatra dans
le district de Padang.

Cette espèce a le corps fluet en proportion de sa grande
envergure. Dents incisives 4 en haut et 6 en bas, mo-
laires 6 partout dans l’état normal; souvent une de mains,
par la chûte de la première très petite fausse molaire.
Le front très élevé, boîte cérébrale bombée. Les oreilles
très distantes, plus larges que hautes à peu près arrondies
et pourvues intérieurement d’uu repli proéminent du derme.

Le pelage abondant, très touffu, doux, cotonneux et
frisés brun foncé en dessus, nuancé de roussâtre à la
pointe seulement; tout le reste jusqu’à la base d’un gris
argentin; région du cou, de la poitrine et du coccyx
roussâtre; flancs bruns et le milieu du ventre roux: tous
les poils cendrès vers le milieu et à la base noirâtres.
Les membranes très diaphanes et veinées.

——

8e Espèce. Vespertilion pourceau. — Vespertilio suillus (1).

—

Caractères distinctifs de cette espèce.

Dents incisives 4 en haut, 6 en bas; les canines très
petites, à large talon; molaires 5 partout. Il a la tête
allongée se terminant par un nez à tubes proéminents;
ses oreilles ont à leur bord externe un oreillon muni d’un
pli longitudinal; le tragus est long, filiforme et pointu,
les membranes du vol amples. Ils pendent attachés aux
pieds, à la première phalange onguéale du doigt externe.

(1) Temminck op. cit. t. 2, pag. 224 et pl. 56. fig. 4, 5 et 6.

152

La queue courte; le bout dépassant tant soit peu la mem-
brane qui est poilue.

Pelage très touffu, long et laineux, bicolore. Toute
la membrane interfémorale, les bords et les doigts cou-
verts d’uu poil clair-semé, mais plus abondant près du
coccyx. Toutes les parties supérieures d’un roux vif, un
peu rougeâtre; mais d'un poil blanc roussâtre à la base;
le dessous du corps couleur isabelle et les flancs d’une
teinte cendrée.

Cette nouvelle espèce très petite n’a qu'une longueur
totale de 2 pouces 4 lignes, dont la queue prend 8 lignes;
l’envergure à 7 pouces 3 lignes et l’antibrachium 1 pouce.
Les naturalistes des Pays-bas ont trouvé ce mammifère
nocturne à Java, dans le district désert de Tapos, ïl se
trouve également à Sumatra. Par sa très petite taille
elle se distingue facilement de tous ses congénères, et
grâces à son vol extrêmement rapide, il se fait qu’on ne
la voit que très difficilement; pendant le jour elle se blottit à
la racine des grandes feuilles du pisang bdloe et autres.

4e Espèce. Vespertilion kirivoula — Vespertiio pictus, de
Linn. et Pallas (1) Geoff. (2), Fisch. (3) — Vesp. terna-
lanus de Séba (4) — Vesp. kirivoula Boddaerd (5).

me

Caractères distinclifs de cette espèce.

Dents incisives 4 par paire, très petites à la mâchoire
(1) Temminck op. cit. t. 2, pag. 223 pl. 56, fig. 1, 2 et 3.

(2) Ann. du Mus. vol. 8, pag. 199 pl. 48,

(3) Synop. mamm. pag. 106 sp. 16.

(4) Tab. 56, fig. 23.

(5) Buffon vol. 10 pl. 20. Autre chauve-souris muscardin volant
Daub, Mém. de l'Acad. 1759, pag. 388. — Horsf. Zool. Research. in Fuva.

153

supérieure et en bas 6; molaires 6 partout, dont 2 fausses.
Oreilles grandes, ovales, légèrement échancrées à leur
bord extérieur; oreillon long et subulé; museau pointu;
membranes peintes de couleurs tranchées; un liseré de
poils courts borde le contour de l’interfémorale; pieds
très velus; front élevé et boîte cérébrale bombée.

Le pelage cotonneux et très frisé, d’un roux doré en
dessus et légèrement roussâtre en dessous; les flancs et
les côtés du cou d’un roux prononcé. Les membranes le
long des flancs, de l’antibrachium des doigts et toute l’in-
terfémorale plus ou moins rougeñtre et d’un rouge vif
le long des flancs et du coceyx, et tout l’espace intermé-
diaire entre la région membraneuse des doigts d’un noir
mat. Après la mort, la couleur rouge devient jaunâtre
et le noir brun sombre.

Pendant le jour il se tient comme le Vespertilion pré-
cédent à la racine et sous les grandes feuilles du pisang
bätoe. Les Javanais le nomment leläwa-kembang. On
les trouve à Java, Sumatra et Bornéo.

de Espèce. Vespertilion Hardwicke — Vespertilio
hardwicku (1).

Caractères distinctifs de celte espèce.

Dents incisives 4 par paire en haut et 6 en bas; mo-

(1) Temminck op. cit. t. 2, pag. 222, pl. 55 fig. 7, 8 et 9. Les
naluralistes des Pays-bas en ont capturé quelques individus et les ont
envoyés à Leide sous le nom euryonts (belle-oreille) ; tandis que Hors-
field a indiqué cette espèce sous le nom du Général Major Hardwicke.

154

laires 6 partout. Cette espèce plus petite que celle d’Eu-
rope connue sous le nom de pipistrelle, a les oreilles plus
larges que hautes, échancrées au milieu. Le caractère
le plus marquant des oreilles consiste en un pli longitu-
dinal, au moyen duquel l'organe de l’ouïe peut être fermé,
le bord externe se repliant sur l’interne. Le tragus très
long, filiforme. Museau court et pointu.

Le pelage doux, cotonneux et un peu frisé; d'un gris
clair en dessus et gris brun en dessous, les pointes des
poils légèrement roussâtres. Membranes diaphanes.

6e Espèce. Vespertilion de van Hasselt. — Vespertilio
hasseltu (1).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Dents incisives 4 par paire en haut et 6 en bas; mo-
laires 5 à la mâchoire supérieure et 5 à l’inférieure.

Ce Vespertilion se distingue particulièrement par son
pelage court, cotonneux et par son système cutané très
diaphane. Le museau un peu long, les oreilles plus
longues que larges et arrondies par le bout; tragus en
fer de lance obtus par le bout. Le pelage gris de souris-
clair en dessus, ou teinte de petit-gris, en dessous blanc,
et l'abdomen totalement blanc. Membranes très diapha-
nes; l’interfémorale bordée ou liserée d’une rangée de
poils clair-semés; les ongles des pieds blanes (2).

(1) Temminck op. cit. 1. 2, pag. 225, pl. 56, fig. 7 et 8.
(2) Cette description est basée sur deux sujets femelles et non adultes
par les indices que le crâne a fournis.

155

Mr. van Hasselt dont elle porte le nom l’a trouvée
dans une excursion qu'il fit dans un district désert de
Bantam à Java ‘et l’a envoyée au Musée de Leiïde.

7e Espèce. Vespertilion à oreilles bordées — Ves-
pertilio circumdatus (1).

Caractères distinchifs de cette espèce.

Système dentaire comme la précédente, taille et formes
du Vespertilion barbastelle d'Europe. Le museau très
court et obtus; les oreilles larges, noires, bordées d'une
marge blanche, plus larges que hautes et découpées à
leur bord extérieur; tragus en feuille arrondie.

Pélage long, touffu et très lustré; poils de deux cou-
leurs couvrant tant soit peu les membranes des flancs
et à peu près le tiers de l’interfémorale, qui est remar-
quablement courte. En dessus d’un noir profond à fin
bout des poils d'un marron-rougeâtre; en dessous, la poi-
trine est noire les bouts des poils roussâtres, ventre noirâ-
tre à bout des poils cendré; base des oreilles jaunâtre
et bords d'un blanc jaunâtre. Le reste de la conque et
toutes les membranes*d’un noir parfait.

(1) Temminck op. cit. 1, 2, pag. 214, pl, 53. fig. 3 et 4. on doit
la découverte de cette nouvelle espèce aux recherches de M. M. Boie
et Macklot qui en ont envoyé plusieurs sujets au Musée de Leide.

156

8e Espèce. Vespertilion blépote. — Vespertilio blepotis (4).

Caractères distinchifs de cette espèce.

Dents incisives 4 par paire en haut et 6 en bas, les
supérieures des jeunes bilobées, 5 molaires à la mâchoire
supérieure et 6 à l’inférieure. Ayant la tête petite, courte
et les yeux à peu près cachés par les oreilles. Le corps
trapu, queue à peu près aussi longue que celui-ci et la
tête; membranes interfémorales et ailaires très amples.
Face obtuse, oreilles courtes, parfaitement arrondies, bord
extérieur dirigé en avant jusque près de la commissure
des lèvres, garnis en dedans de poils rases et courts ;
tragus à feuille courbée en dedans. Front élevé et boite
cérébrale très bombée.

Pelage touffu, très court, serré, cotonneux, lisse et Ius-
tré en dessus, crépu en dessous. L’adulte dans les deux
sexes à la tête, le cou et les épaules d’un brun marron
très foncé, le reste des parties supérieures d'un noir par-
fait et lustré; le menton, le devant du cou et la poitrine
sont d’un brun roussâtre, le dessous du corps noir mat;
l’abdomen d’un brun clair et les membranes des flancs
plus ou moins velues en dessous.

Mr. Temminck observe entre autres que tous les ae
vidus se montrent sous ce pelage au mois de Mars; tan-
dis qu’en Septembre les parties supérieures de la robe
sont partout d’un noir terne, couleur de suie, sans trace
de marron, et en dessous d’un noir grisâtre. Aussi

(1) Temminck op. cit. 1, 2, pag. 213, pl. 53 fig. 1 et 2.

a. à mnt Dé

157

\

trouve-t-on en Janvier des sujets à pelage bigarré de
marron à la nuque et de brun à la poitrine.

Ce Vespertilion est très commun à Java; on le trouve
également, mais en moindre quantité, aux Moluques,
Banda et à Timor. Il se montre rarement en plaine;
les grandes forêts et les rochers sont les lieux qu'il pré-
fère. Il s’y tient dans les cavernes et les fentes des ro-
chers, ce qui rend sa capture très difficile.

9% Espèce. Vespertilion imbriqué. — Vespertilio im-
bricatus Horsf. (1). Vesperuilio pipistrelloides,
Kuhl (2).

Caractères dishnctifs de cette espèce.

Ce Vespertilion qu’on peut considérer comme le repré-
sentant de notre pipistrelle d'Europe sous les climats des
tropiques, est de la taille du Vespertilion trallatite, mais
l’envergure est moins grande, les oreilles sont plus larges,
courtes et fortement arrondies. Le museau plus obtus,
les narines écartées, le tragus court, obtus et arrondi ;
un ruban de petites soies très fines et clair-semées tout
le long et en dessous des vertèbres de la queue.

Dents incisives 4 par paire en haut et 6 en bas; 5
molaires à la mâchoire supérieure et 5 à l’inférieure, tou-
tes très rapprochées, ce qui rend la tête obtuse et le
crâne moins long que dans le trallatite.

(1) Zool. Research in Java sp. 5.
(2) Temminck op. cit. t. 2, pag. 216 pl. 54. tig. 1, 2 et 3.

158

Mr. Horsfield ne cite que 4 molaires à la mâchoire
supérieure, Ce qui fait supposer que ce savant n’a sans
doute pas remarqué la petite fausse molaire, cachée en
partie par le talon de la canine, et qui, comme l’observe
Mr. Temminck, est sujette à tomber comme chez le plus
grand nombre des espèces, lorsque l'unimal parvient à
une certaine période de l’âge. De sorte que le jeune a 5
molaires en haut et l'adutte ou le vieux 4 seulement.

Quant au pelage il est court, lisse et bien fourni, mais
diffère dans les sexes, vu que le mâle est en dessus d’une
couleur brun noir et la femelle en dessus roux-brun et en
dessous plus roussâtre que chez le mâle; tandis que le
jeune est généralement d’une couleur plus fauve. Les
Javanais donnent à ce Vespertilion le nom de leléwa-lescar.

La portée de cette espèce serait selon le dire des in-
digènes seulement d’un petit, et les femelles mettent bas
vers le milieu du mois d'Avril. Comme elle est excepti-
onnel et en abondance à Java, le Musée de Leïde en pos-
de une série sujets, parmi lesquels il s’en trouve du
sexe féminin, dont le système membraneux est d'un blanc
pur, marqué irrégulièrement de grandes taches brunes.

10e Espèce. Vespertilion de Horsfield. — Vespertilio
Horsfieldir (1).

Caractères dishinctifs de celte espèce.

De nombreux individus de cette espèce ont été envoyés
de Java au Musée de Leide par les naturalistes Néer-

(4) Temminck op. cit, t. 2, pag. 226 pl. 56 fig. 9, 10 et 11.

159

landais, sous les noms d’exilus et de villosus, mais Mr.
Temminck en a fait la dédicace à Mr. Horsfield en té-
moignage de ses travaux en Zoologie, qui ont tant con-
tribué, à la connaissance plus parfaite des animaux de
l’île de Java.

Ce Vespertilion est très facile à confondre avec le tral-
latite, mais on le distingue principalement 1°. à la forme
et à l'étendue des glandes odorifères. 2°. à la forme du
museau et des narines. 3°. à la pointe de sa queue qui
est libre, tandis que celle de la trallatite est totalement
engagée. 4°, à la grandeur des doigts des pieds du premier
et à l'extrême faiblesse de ces parties chez le second,
qui a la membrane des ailes soudée au doigt externe et
5°, aux papilles extrêmement petites, couvrant la mem-
brane interfémorale qui chez le Vespertilion de Horsfield
sont disposées d’une manière irrégulière avec une soie
unique, sortant de chaque petit point, tandis que chezle
Vespertilion trallatite ces papilles sont disposées par raies
transversales et naissant de chaque point avec à et
rarement 2 soies.

Sa taille est comme celle de notre Vespertilion bar-
bastelle d'Europe. Le museau pointu et les narines un
peu tuberculaires. Les oreilles de. moyenne longueur,
étroites, à conque recourbée en arrière, arrondies par le
bout, découpées au bord externe; tragus droit, lancéolé ;
doigts des pieds postérieurs longs et forts; la membrane
des ailes prenant son attache à la base des métatarses:
Vinterfémorale garnie en dessous de points épars, d’où
naît une seule soie très fine; pointe de la queue libre,
Les glandes odorifères sont très étendues; elles partent
de dessous les tubes des narines, passsent sur l’orbite
des yeux, et entourent complètement cet organe.

160

Le système dentaire, incisives 4 par paire en haut
et 6 en bas, 5 molaires supérieures et 6 inférieures.

Quant au pélage il est touffu et de moyenne longueur,
mais lisse; toute la base de la membrane interfémorale
en dessus et en dessous très poilue. Le mâle a toutes
les parties supérieures noires, à fin bout des poils brun;
les côtés du cou et la poitrine d’un brun nuancé de cou-
leur lie-de-vin; les flancs noirs à bout des poils gris; une
légère teinte blanchâtre sur la ligne moyenne du ventre
et tous les poils du dessous de l’interfémorale blanchâ-
tres. Quant à la femelle, elle est un peu plus grise en
dessous, et elle porte le plus souvent deux petits, qui
naissent dans les premiers jours d'Avril.

11e Espèce. Vespertilion adverse — Vesperhlio adver-
sus (1).

Caractères distinctifs de cette espèce.

Sous ce nom, qui a rapport à la structure des incisives,
Mr. Horsfield (2) décrit ce Vespertilion comme suit: Dents
4 par paire en haut, à l'aise dans la large mâchoire, à
pointes divergentes, de manière que les lobes de l’une
et de l’autre dent de chaque côté se croisent; 6 incisives
en bas; 6 molaires partout, dont3 fausses. Tête conique,
chanfrein oblong, à partie postérieure élevée; museau
large, oreilles droites, obtuses, aussi longues que la tête

——— — — —————

(1) Temminck op. cit. t. 2, pag. 221.
{2) Zool. Research. in Java op. cit.

161

recourbées en arrière, terminées par un petit lobe basal:
tragus droit, linéaire, obtus et moitié longueur de la
conque. La membrane interfémorale veinée irrégulière-
ment et marquée de points obscurs (1).

Le pelage très doux, fin, long et soyeux; en dessus
d’un gris brun à pointe extrême des poils d’un cendré-
clair; les parties inférieures blanchâtres, mais le feutre
soyeux de la base du pelage gris-brun. | |

Mr. Horsfield le cite comme appartenant à Java, quoi-
que dans les dernières années il n’ait pas été trouvé par
les naturalistes Néerlandais, faisant partie de la Commission
scientifique résidant à Java.

12e Espèce. Vespertilion grêle — Vespertilio tenuis.

Caractères distinchfs de celte espèce.

Cette espèce de Vespertilion habitant les îles de Java,
Sumatra et Bornéo est très difficile à distinguer du tra-
latite, néanmoins elle offre un petit nombre de caractères
constants, au moyen desquels on parvient à établir la
différence spécifique entre ces deux espèces, qui ont par
contre en commun des caractères très marqués de forme
et de coloration.

(1) Selon l'opinion de Mr. Temminck, probablement de très petites
papilles, donnant naissance à des soies très fines, comme chez le Ves-
pertilion tralatite qui suit et quelques autres espèces de l'Inde.

11

162

Les caractères identiques sont : une taille et des dimen-
sions approchant les mêmes; un tragus sembable, l’ex-
trême brièveté des doigts des pieds et l’attache des mem-
branes à la même place; enfin, la même disposition des
mamelons garnis de soies à l'interfémorale.

Les caractères différentiels sont: un museau plus court
et plus obtus que celui du tralatite; des formes généra-
lement plus grêles; des oreilles bien plus courtes, moins
larges et plus pointues; les maxillaires plus courts; le
chanfrein plus court et plus large; la boîte cérébrale
moins large et moins bombée; tout le crâne offrant des
formes plus grêles. Enfin au lieu de deux fausses mo-
laires, très inégales en grandeur, on ne voit dans le Ves-
pertilion grêle qu'une seule fausse molaire assez forte aux
deux mâchoires, ce qui réduit le nombre des molaires à
5 en haut comme en bas.

Quant à la nature du pelage, la coloration, la distri-
bution des papilles, la forme des doigts des pieds, celle
des membranes et même les dimensions des différentes
parties, excepté celle de la conque des oreilles, elles
n'offrent pas la moindre différence constante dans le Ves-
pertilio tralatitius et le Vespertilio tenuis.

Ces observations reposent sur une multitude d'individus
que Mr. Temminck a êté à même d'examiner; tandis que
les figures données par ce savant, serviront à donner une
idée plus nette de la différence spécifique que ne pourrait
le faire une description plus minutieuse.

163

13e Espèce. Vespertilion tralatite — Vespertilio tralati-
tius Horsf. — Vespertiho Gärtneriü Kuhl (1).

Caractères distinchifs de cette espèce.

Cette espèce qui est très commune à Java, se trouve
aussi à Sumatra. Elle a le museau court et un peu pointu;
les oreilles oblongues et très découpées à leur bord ex-
térieur; le tragus en feuille de saule, mais à bout arrondi;
l’interfémorale garnie en dessous de plusieurs petits ma-
melons disposés en lignes transversales, et d’où naissent
trois petites soies très fines; tandis que ces veinures à
soies divergentes n’existent pas sur la partie supérieure de
l’interfémorale. Les glandes odorifères partent de chaque
côté du museau près des narines et se dirigent jusqu’au
dessus des yeux sans entourer cet organe; leur couleur
est d’un jaune clair.

Les dents incisives quatre par paire en haut et six en
bas; six molaires supérieures dont deux fausses qui sont
très aigues, et la première beaucoup plus grande que la
seconde; six inférieures dont deux également fausses, tan-
dis que la première est du double plus grande que la
seconde. |
_ Son pelage est cotonneux, très fourni, mais court et
lisse; d’un beau noir en dessus avec des points d'un brun
foncé; en dessous également noir, mais les bouts extrêmes

blanchâtres.

(1) Kubl l'a nommée Vespertiho Gürtnerü et Horsfeld l'a décrite
sous le nom mentionné ici en tête. Son nom en Malais est Lowo-manir.

pv

164

Sa longueur totale diffère, de 2 pouces 10 lignes à
3 pouces, dont 1 pouce 5 lignes pour la queue. Son en-
vergure a 10 pouces; l’antibrachium 1 pouce 3 lignes.
L'envergure des jeunes d’une année est ordinairement de
8 à 9 pouces.

Quant à la procréation, elles portent en Avril, un seul
et bien rarement deux petits; ses moeurs sont les mêmes
que le Vespertilio pipistrellus du nord de l’Europe.

14e Espèce. Vespertilion épaté — Vespertilio pachypus (1).

Caractères distinctifs de cette espèce.

La tête est déprimée avec un museau obtus; les oreilles
plus larges que hautes et la forme munie d’un lobe ex-
terne et d’un tragus très court; la forte dépression du
crâne, sa petite envergure en comparaison du volume du
corps a 7 pouces 2 à 4 lignes; antibrachium 1 pouce 1
ligne et la forme des pieds à plante large et déprimée,
distingaent cette espèce (2). Pieds épatés, les métatar-
siens étant longs et les doigts très courts; la pointe de
la queue libre.

Denture: incisives 4 par paire en haut, 6 en bas; mo-
laires 4 en haut sans fausse et 5 à la mâchoire inféri-
eure. Sa longueur totale 2 pouces 10 lignes dont la
queue prend 1 pouce 1 ligne. |

- (1) Temminck op. cif. 1. 2, pag. 217, pl. 54, fig. 4, 5 et G.
(2) La découverte de cette espèce a été faite par nos voyageurs
‘dans le district de Padang, côte ouest de l'ile Sumatra.

165

Quant au pelage il est de deux couleurs et sans diffé-
rence marquée chez le mâle ou la femelle. La couleur
de dessus d’un beau marron plus ou moins lustré, la base
des poils d’un roux plus ou moins doré; la poitrine rousse
à bout des poils bruns et le reste des parties inférieures
d’un brun terne.

15e Espèce. Vespertilion grande oreille — Vepertilio
macrohs (1).

Caractères distinchifs de cette espèce.

Ce Vespertilion, par ses grandes oreilles qui se prolon-
gent jusque sur la joue, est facile à reconnaître de tous ses
congénères 1°. par la grande dimension des conques auditi-
ves en proportion de son corps, et puis par son système cu-
tané mince, diaphane et parsemé de nombreuses veinures.

Denture: 4 incisives en haut et par paire; l’inférieure
large et bifurquée; celle près de la canine courte et
pointue, en bas 6 petites, fines et lisses, 4 molaires en
haut sans aucune fausse et en bas 5 dont une fausse.

La face est obtuse et les narines sont écartées. Le
tragus de l'oreille est grand avec large feuille courbée.
Son pelage lisse et unicolore, tandis que sur toutes les
parties tant supérieures qu'inférieures il est d’un brun
bistre, et le museau noir. Ses membranes sont très dia-

(1) Mr. van Hasselt a trouvé ce Vespertilion dans le district le plus
sauvage des forêts de Bantam. C'est à ce naturaliste qu'en est due la.

découverte,

166

phanes, tant soit peu brunâtres, près du corps et à l’in-
terfémorale, mais sur tout le reste de leur étendue d’un
blanc pâle; couvert partout de nombreuses veinures bru-
nes. Les doigts des ailes et des pieds de même que les
oreilles sont bruns.

Sa longueur totale est trois pouces dont la queue prend
1 pouce 3 lignes; son envergure 8 pouces 1 ligne, et
l'antibrachium 1 pouce et 2 lignes.

16e Espèce. Vespertilion brachyptère — Vespertilio
brachypterus.

Caractères distinctifs de cette espèce.

Cette espèce est remarquable par la brièveté des ailes
en comparaison du volume de son corps. Son museau
obtus, très large et les narines écartées. Les oreilles
grandes, développées de côté; et le tragus en feuille
ovoïde dont le bout seulement est glabre; la base étant
toute velue. Dents incisives 4 par paire en haut, très
petites et 6 en bas.

Le pelage court, lisse et sa couleur en dessus d'un
brun très foncé, mais en dessous d’une couleur brune de
terre d’ombre et les membranes noires. Sa longueur totale
3 pouces 3 lignes dont la queue prend 1 pouce 2 lignes.
Son envergure ayant 8 pouces et l’antibrachium 1 pouce
3 lignes (1).

(1) Mesure prise par Mr. Temminck sur un sujet unique, vieux mâle
conservé à l'esprit de vin, qui avait été pris dans le même district que
le Vesp. macrotis.

PP RE 7

167

17e Espèce. Vespertilion exigu — Vespertilio Macellus (1).

Caractères distinchfs de cette espèce.

Ce Vespertilion nouveau est de la même taille que
notre pipistrelle d'Europe et a les mêmes habitudes. Il
a été trouvé à Bornéo par M. M. Müller et Korthals qui
en ont envoyé quatre sujets au musée de Leide.

Cette espèce est facile à confondre avec le Vespertilion
tralatite, elle diffère du Vespertilion exigu surtout par
le système dentaire qui est de 6 molaires partout dans
le tralatite, tandis que chez l'exigu les dents sont 4 in-
cisives par paire et en pointe en haut; 6 en bas; molai-
res supérieures 4 sans aucun indice de fausse; inférieu-
res ©, dont une petite fausse, pointue.

Dans ‘le pelage la différence consiste en ce que celui
de l’exigu est court et lustré, tandis que celui du tralatite
est cotonneux. Les couleurs sont à peu près les mêmes; en
dessus et en dessous brunâtre, mais à bout des poils
cendré-blanchâtre.

Longueur 3 pouces et jusqu’à 2 lignes de plus, dont
la queue prend 1 pouce 1 ou 2 lignes au maximum; en-
vergure 8 pouces 9 lignes; antibrachium 1 pouce 4 lignes.

LT

Genre Emballonure à queue en Fourreau.

Mr. Temminck a réuni quelques espèces dont l’une

(1) Temminck op. cit. t. 2, pag. 230,

168

originaire de l’Inde et les autres du Brésil et de Surinam,
pour en faire un rapprochement, parcequ'il trouvait une
exacte ressemblance entre ces espèces; surtout entre les
deux premières, non seulement eu égard aux dents et
à la structure de la queue en forme de fourreau, mais
en outre par tous les autres caractères extérieurs, qui
selon lui semblaient s’accorder parfaitement; ajoutant en-
core que l’une et l’autre espèce habitent, comme celle de
Java, des contrées solitaires, sauvages et montueuses, où
on les trouve suspendues par bandes le long des pans
verticaux des rochers ombragés et humides, où leur pré-
sence se décèle par l’odeur extrêmement forte et désa-
gréable qu’elles répandent au loin dans l’air.

En outre ce savant est d’opinion que cette identité gé-
nérique des espèces asiatiques et américaines se trouve chez
plusieurs des groupes de l’ordre de Chéiroptères, comme
chez les Nycticés, les Vespertilion et les Molosses (1).

1e Espèce. Queue en fourreau montagnard. — Embal-
lonura monticola.

Caractères distinctifs de cette espèce.

Museau court et pointu. Les narines divisées en deux;
les oreilles étroites un peu pointues par le bout; le tragus
court, gros et obtus; la queue courte à pointe libre.

Selon Mr. Temminck les dents dans l’état normal sont:
4 par paire se rapprochant en haut, et 6 rangées en bas

(1) Temminck op. cit. t, 2, pag. 294,

169

à l’aise et symétriquement, cinq molaires par tout à col-
lines pointues. Des ailes plus longues que le pipistrellus
d'Europe.

Pelage bien fourni mais de moyenne longueur, bicolore;
la base des poils des parties supérieures d’un blanc jau-
nâtre et les deux tiers jusqu'à la pointe d’un brun foncé.
Les poils du museau et des cils longs et rudes, les mem-
branes totalement nues.

La longueur totale est 2 pouces et 2 lignes, à compter
de la pointe du museau au bout de la queue, et jusqu’au
bout de la membrane 2 pouces 7 ou 8 lignes; la queue
5 lignes; l’envergure 8 pouces 6 lignes; antribrachium
1 pouce 7 lignes.

C'est à M. M. Kubhl et van Hasselt qu'on doit la dé-
couverte de cette espèce. Ils l’ont trouvée dans les par-
ties sauvages de Java, suspendue par bandes, le long
des pans verticaux des rochers ombragés, où elles exha-
lent une odeur extrémement désagréable, qu'on sent de très
loin. Mr. Temminck croit qu’elle existe aussi à Sumatra,
sans pouvoir donner cependant des preuves évidentes de
sa présence dans cette île.

Genre Nycticé ou Atalaphe Raf.

Ce genre a été établi par Rafinesque sur deux espèces.
Son genre Atalaphe, selon Mr. Temminck, reposerait tout
simplement sur un nycticé américain (Vespertilio novae
boracensis) parvenu à l’extrême vieillesse qui avait perdu
toutes ses incisives, sans laisser de trace alvéolaire. Par
conséquent le genre Atalaphe selon ce savant est une

170

coupe méthodique qui doit être rayée totalement du sys-
tème. Des dix espèces connues jusqu'à ce jour, une seule
se trouve dans les îles de Java, Sumatra, Bornéo, Banda
et Timor, c'est le: |

Nycticé de Temminck — MNycticejus Temminckii. (1)

Caractères distinctifs de cette espèce.

Ce Vespertilio est plus petit que le Vespertilion noc-
tule d'Europe. Il a le museau épais et obtus; les oreilles
très écartées, larges, arrondies vers le bout, et à lobe
distinct; le tragus en lame oblongue, un peu incliné en
avant et arrondi au bout.

Dents incisives, en haut 2 isolées et 6 en bas; mo-
laires supérieures 4, sans fausse molaire; inférieures au
nombre de 5. Les couleurs de la robe très variables,
souvent bigarrées: une particularité qui fait soupçonner
un changement périodique de livrée. L’examen de plus de
cent sujets a fourni à Mr.Temminck les livrées diffé-
rentes, savoir:

a. D'un marron vif et lustré toutes les parties supéri-
eures du corps et d’un beau roux les parties inférieures.

b. D'un brun olivâtre lustré les parties supérieures du
corps et les parties inférieures d’un gris-brun jau-
nâtre.

ce. D'un brun-roux lustré les parties supérieures et les
parties inférieures du corps blanchâtres avec des nu-
ances roussâtres.

(1) Temminck op. cit. 1, 2, pag. 149, pl. 47, fig. 3, 4, 5 et 6.

A

,
LE

171

d. Les jeunes: olivâtre ou roussâtre terne en dessus, d’un
roux fauve en dessous.

e. Le pelage supérieur de quelques sujets est bigarré de
marron et de brun; et les parties inférieures offrent
des taches ou des portions du corps teintes irréguliè-
rement de blanc, de fauve et de roux.

L'espèce est très commune dans l’Archipel, elle y vit
en grandes bandes de plusieurs centaines dans les toitures
et dans les arbres creux. Ce Vespertilion ne quitte sa
demeure que vers le déclin du jour avant le crépuscule.
Sa nourriture principale se compose de termites.

Selon Mr. Temminck, il doit avoir de nombreux rapports
a vec un Chéiroptère décrit par Mr. Belanger dans un
voyage aux Indes, sous le nom de Vespertilio Belangeru,
mais qu'il considère comme deux espèces distinctes.
Mr. Horsfield a décrit et figuré cette espèce sous le nom
de Vespertilio Temminchkii (1).

Genre Taphozous Geoff. (2).

Genre établi par Mr. Geoffroy, que ce savant a le pre-
mier distingué d’une.manière nette et rigoureuse des
Vespertilions de Linné, habitant l'Afrique et l’Inde; quoi-
qu'on prétende qu’il s’en trouve aussi en Amérique. Il-
liger, selon Mr. Temminck a établi son genre saccopteryx
sur les indications fournies dans la description du Ves-

(1) Zool. Research. in Java Sp, Îre planche,
(2) Vespertilio lepturus Schreb. — Succopteryx Alig. — Saccolaimus
Kubl,

172

pertilio lepturus de Schreber, ayant choisi pour caractère
principal et générique, cette petite protubérance sous-
alaire, attribuée à cette espèce, mais qu’on ne peut ad-
mettre, provisoirement, que comme caractère spécifique
de ce Chéiroptère.

C’est aussi sans doute de la même manière, dit Mr. Tem-
minck, que Kubl, trompé par une apparence d'originalité,
qu'a pu lui fournir la poche gutturale du Taphozous Saeco-
laimus qui suit, a cru trouver dans ce vrai taphien le type
d’une coupe nouvelle, auquel il voulait donner le nom de
Saccolaimus: dénomination dont Mr. Temminck a fait
usage pour caractériser cette espèce remarquable. De ce
genre l’Archipel Indien possède deux espèces:

dre Espèce. Taphien Saccolaime — Taphozous
Saccolaimus (1).

Caractères distinchifs de cette espèce.

Le museau angulaire, dénudé et très pointu; les na-
rines petites et très rapprochées; la tête large et dépri-
mée; les oreilles écartées, plus courtes que la tête, lar-
ges, couvertes intérieurement de plis transversaux; le
bord interne rabattu en arrière et velu par devant; le
bord externe se prolongeant jusqu’au dessous des yeux,
où il se dilate en un grand lobe arrondi, qui se dirige
vers la commissure des lèvres; le tragus épais, court,
terminé en fer-de-hache et à bord poilu. Au menton,

(1) Temminck op. cit. t. 2 pag. 285 pl. 60 fig. 1 à 6.

173

entre les branches de la mâchoire inférieure, un enfon-
cement cutané, plié en forme de poche et terminé par un
repli de la peau. À la nuque une masse glanduleuse
sans issue sur la peau, et en avant des yeux de petites
glandes odorifères. Dans le mâle la grosse glande qui
correspond au syphon, sert à la sécrétion d'une matière
onctueuse très odorante. La femelle n’en est point
pourvue.

Dents incisives supérieures nulles; inférieures 4 entas-
sées, trilobées; canines à forte pointe latérale interne ;
molaires 5 en haut, la fausse large à colline pointue ;
l’arrière-molaire en lame ; en bas 5 parfaites, la fausse
très grande.

Le pelage court lisse, lustré en dessus et terne en
dessous. Aux parties supérieures et inférieures des mem-
branes se trouve un ruban de poils courts, disposé le
long des flancs et des poils rares le long de l’antibra-
chium; cuisses et toute la face nues. La tête d’un brun
noirâtre marqué de points blancs ; tout le reste des par-
ties d’un brun marron marqué de nombreuses taches
irrégulières d’un blanc pur. Ces taches sont formées par
des petits pinceaux de poils, d’un blanc pur depuis la
racine, qui varient en nombre du plus au moins, suivant
l’époque de l’année.

Selon Mr. Temminck les jeunes de l’année qui sont encore
pourvues de deux petites dents à la mâchoire supérieure
ont la robe toute différente de celle des adultes. Toutes
les parties supérieures sont d’un roux de rouille très vif
et les parties inférieures d’un roux plus terne.

Dans l'état adulte depuis la pointe du museau jusqu'au
bout de la queue, ïls ont la longueur de 4 pouces et
jusqu’au bord de la membrane interfémorale 4 pouces 9

174

lignes; la queue a 8 ou 9 lignes, dont une partie libre
au dessus de la membrane quand celle-ci est repliée;
son envergure 16 à 17 pouces et lantibrachium 2 pou-
ces et 9 lignes.

Cette espèce a été trouvée par M. M. Kuhl et van
Hasselt dans différentes parties de Java et dans les ilôts
adjacents; cependant elle habite aussi l'île de Sumatra.
Ces Chéiroptères se tiennent le jour dans les cavernes des
rochers qui bordent les côtes, là on les trouve en grande
quantité. Egalement dans la petite île Dwars in den weg
qui se trouve près de l’entrée du détroit de la Sonde; là
ils se nichent dans des grottes très profondes qui servent
aussi d'asile aux martinets salangane — hirundo esculenta
L. — Ils se nourrissent d’insectes leur cri est très per--
çant et leurs morsures sont redoutables.

Le musée de Leide .en possède une grande quantité
de tout âge et de différentes contrées.

2e Espèce. Taphien barbe noire — Taphozous
melanopogon.

Caractères distinctifs de cette espèce.

Un peu plus petite que la précédente ayant les mêmes
formes en diminutif, Quant à la construction dentaire, dit
Mr. Temminck, elle est la même avec le même nombre de
dents que celle du Taphien Saccolaime ; cependant elle dif-
fère de son congénère : 1°. par le manque d’une poche gut-
turale, 2°. par les couleurs de son pelage et 3°. par le man-

| dd

175

que de ces pinceaux de poils blancs dont le dos de la pré-
cédente est abondamment fourni. La différence se carac-
térise le plus sur le devant du cou du mâle, qui a toute
cette partie couverte d’une plaque demi cireulaire de longs
poils noirs et raides; tandis que chez la femelle et le jeune
mâle, les poils de cette partie ont plus de longueur, mais
ils sont d’une couleur brune. La tête, le museau et le
menton couverts de poils courts; les oreilles médiocres un
peu ovales, leur bord externe prolongé jusqu'au dessous
des yeux, où il se dilate en un grand lobe arrondi; le
tragus un peu plus long que la précédente, terminé en
feuille arrgndie et non poilue.

Le mâlé a le tour des yeux et les bords des lèvres supéri-
eures d’un brun noirâtre; les poils du menton, brun clair-
semés du dessous du menton, le pelage prend subite-
ment plus de longueur, très serré ettoufiu; de manière à
former un large hausse-col d’un noir parfait. Tout le reste
du pelage, tant des parties inférieures que des parties supé-
rieures, est bicolore; en dessous blanc depuis la base jus-
qu’à la moitié de la longueur et le reste d’un brun rou-
geâtre, excepté vers la fine pointe qui est blanchâtre. La
tête et les autres parties supérieures sont couvertes d’un
pelage moins long, à base d’un blanc pur, mais à pointe
d’un brun rougeâtre terne; le large ruban de la mem-
brane le long des flancs est aussi de cette couleur; toutes
les membranes nues sont d’un brun clair.

La femelle et les jeunes ont de longs poils bruns au
menton. La base du pelage n’est pas d’un blanc pur,
mais seulement légèrement blanchâtre et en dessous d’un
brun terne; en dessus, les poils sont d’un brun clair à la
base et d’un brun foncé terne à la pointe.

Selon Mr. Temminck ils ont une longueur de 3 pouces

176

6 lignes, depuis la pointe du museau et 3 pouces 9 lig-
nes jusqu’au bord de la membrane; la queue dont une
partie est libre, a une longueur de 8 lignes, l’envergure
près de 13 pouces et l’antibrachium 2 pouces 2 lignes

Cette espèce se trouve exclusivement à Java où on la
trouve par bandes attachées aux voûtes des cavernes le
long des côtes et des îlots adjacents.

CUT ACER L'EAU

Servant pour coup d'oeil ‘les Quadrumanes et Chéiroptères de l'Archipel des possessions Néerlandaises.

GILOLO, BOEROE

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Rhin. trifoliatus.....,...... manne Suns duo! 00 1000 0 08 ADN .....|Rhin. triloliatns. . eco. RE Rae et dial tan an aille te eee trail tas ee totales ele Le Ile ter etsisle lets me SO: o“lloDoB OO tan or FÉbO Se :
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