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MESDAMES

Nos Aïeules

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TOILETTE DE BAL, RESTAURATION.

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Nos Aïeules

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PARIS

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MESDAMES

Nos Aïeules

DIX SIÈCLES D'ÉLÉGANCES

TEXTE ET DESSINS

Tar ^. %OBIDA

PARIS

A LA LIBRAIRIE ILLUSTRÉE

8. RUE SAINT-JOSEPH. 8 Tous droits réservés.

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I

BALLADE

DES 3I0DES DU TE3IPS JADIS

Du tout premier' Vertugadin, Celui qu'inventa Madayne Eve A celui qu'admirons soudain^ Que d'autres jmssant comme rével

MESDAMES NOS AÏEULES

Coinhien leur existence est brève ! Tu resplendis toujours pourtant, O beauté changeante sans trcve. Mais oh sont les modes (Vanta n.

Oh donc es-tu, ric/te hliaut Armorié sur chaque maille, Et le peliçon dlsabeau? Escoffwn de haute taille Pour qui l'on vit mainte chamaille, Hennin qui charma Buridan ? Hélas, ce n'est plus qiC antiquaille... Mais oh sont les modes d'antan !

est la fraise de Margot, Et le surcot doublé d'hermine, Oh sont les manches à gigot? Habit cavalier d'héroïne Que portait Reine ou baladine, Large panier pomjjadourant,

BALLADE DES MODES DU TEMPS JADIS 3

Et toi-7nême aussi ^ crinoline.,. Mais oit sont les modes d'autan !

EN vo

Dame, il ne fut point de semaine Depuis le temps d'Eve pourtant Qui n'eiU caprices par trentaine. Mais oii sont les modes d'antan!

La Couturière de l'impératrice Joséphine.

II

LES CARTONS DU PASSÉ

Le vieux neuf. L'horloge de la mode. Fouilles dans les carions du passé. Quelle est la plus jolie mode ? Mode et architecture. Vêtements de pierres et vêtements d'étoffes. La poupée costu- mée, journal des modes du moyen âge.

Il n'y a de nouveau dans ce monde que ce qui a suffisamment vieilli, a dit, non pas un

MESDAMES NOS AÏEULES

grand philosophe mais une femme, la cou- turière de Joséphine de Beauharnais, épouse de Napoléon Bonaparte, consul de la Répu- blique française, lequel pensait de même, puis- qu'il ressuscita l'Empire de Rome.

Et conformément à cet axiome profond, la couturière de Joséphine montait ou plutôt descendait chercher très loin dans le passé, chez mesdames les Grecques et les Romaines, les nouveautés élégantes vieilles de deux mille années, destinées à tourner la tête des salons et promenades de Paris, à charmer les Pari- siennes et aussi les Parisiens, et à faire le tour du monde enfin, tout comme les pompons, les baïonnettes et les drapeaux des voltigeurs français de la même époque, qui furent des touristes forcenés.

Vous demandez sont les modes d'an- tan? m'a dit, répondant à ma ballade à la mode de François Villon, un autre philosophe para- doxal qui doit être un mari rendu légèrement grincheux par des notes de couturière, vous le demandez! mais elles sont sur les épaules des dames d'aujourd'hui, mon cher monsieur,

Les cartons du passe

comme elles le seront encore sur celles des dames de demain et d'après-demain ! Vous ignorez donc que rien ne change, que tout le nouveau a été inventé il y a bel âge, vers les premiers temps les dames ont commencé à s'habiller, c'est-à-dire que tout a été trouvé dans l'espace de quatre saisons, dans les pre- miers douze mois qui ont suivi la sortie de l'Eden. C'est ce que je faisais observer en- core hier à ma femme à propos de trois ou quatre costumes dont la soi-disant nouveauté l'avait frappée, et qu'elle allait se commander bien inutilement... Tout se porte, s'est porté et se portera! lui disais-je, alors pourquoi essayer de changer, pourquoi mettre de côté par pur caprice un ornement ou une toilette qu'on doit forcément reprendre...

Oui, mais dans trois cents ans...

Allez aux Champs-Elysées par un beau jour de soleil et dites-moi si vous n'avez point par moments des visions de la cour des Valois, devant certaines toilettes contemporaines, manches bouffantes Renaissance, collerettes Renaissance, étoffes à dessins Renaissance...

MESDAMES NUS AÏEULES

Ou des illusions de Longchanips 1810 devant les robes Empire, les épaules bouf- fantes, le drapé des jupes, et les dessins, pal- mettes, grecques et autres ornements...

Et les dames Louis XVI, ou moyen âge, ou Louis XV... Je déclare Monsieur, qu'une femme de n'importe quelle époque, des âges révolus, écoulés et enfoncés aussi loin que vous voudrez dans la nuit des temps, peut re- venir et se montrer parmi nos contemporaines, et se trouver parfaitementàlamode. moyennant seulement quelques petites modifications à son costume antique... Oui, tenez, qu'Agnès Sorel ou Marguerite de Bourgogne daignent reparaître en costumes de leur temps et je leur change- rai seulement leurs chapeaux, et Ton dira devant elles : « Jolie toilette de vernissage! Délicieux costume pour le Grand-Prix! »

Arrêtez! n'exagérez-vous i)as quelque peu, mon cher monsieur?

Aucunement. Je vous dis que des méro- vingiennes ou même des dames de l'âge de pierre, avec quelques petits arrangements de toilette, n'étonneraient pas trop les femmes

LES CARTONS DU PASSE

actuelles qui les prendraient tout simplement pour des mondaines excentriques... La mode d'aujourd'hui, Monsieur, ce sont les modes d'autrefois reprises et refondues par le goût de

XV1« siècle.

l'heure présente. L'aiguille de la mode tourne comme Taiguille d'une pendule toujours dans le même cercle, mais plus capricieusement, en avant ou en arrière, en sautant, en virant, en faisant des bonds soudains, d'un côté ou de l'autre... Quelle heure est-il à l'horloge de la

10 MESDAMES NuS AÏEULES

mode? Six heures du matin ou huit heures du soir, peut-être toutes les heures à la fois comme en ce moment... Mais n'importe, c'est toujours une heure charmante.

La plus jolie mode, il n'y a pas à en douter et tout le monde est d'accord là-dessus, c'est toujours celle du temps présent, et il y a pour cela une raison bien simple : les modes pas- sées ne sont que des souvenirs décolorés, dès qu'elles ne sont plus portées, nous aperce- vons facilement leurs défauts et leurs ridicules, nos yeux, indulgentsquandelles régnaient, sont devenus froids et sévères, tandis que, sans peine, la mode d'aujourd'hui triomphe... Ce qui charme et séduit tout le monde, ce que nous apercevons en elle, Monsieur, ce qui nous semble si ravissant, c'est le rayonnement de la grâce féminine, c'est la femme elle-même. Non, jamais on ne s'est mieux habillé qu'aujour- d'hui I A toutes les époques, pour toutes les modes, les femmes l'ont déclaré de bonne foi en se regardant dans leur miroir, et les hommes, juges quelquefois difficiles, l'ont pensé aussi.

Notre aïeule de l'âge de pierre vêtue de peaux

LES CARTONS DU PASSE

de bêtes trouvait son costume très seyant et souriait un peu de sa grand'mère habillée d'un vertugadin de sauvage. Ses contempo- raines, les farouches habitantes des cavernes, pensaient de même.

La plus jolie mode, c'est celle qui s'épanouit aujourd'hui; il n'y a eu pour s'inscrire en faux contre cette formelle allégation de tous les temps, il n'y a eu, à toutes les époques égale- ment, que les messieurs d'un certain âge, tout à fait d'un certain âge, les vétérans ayant dépassé la soixantaine. Ceux-ci ont toujours protesté par une autre allégation :

Les modes d'aujourd'hui sont ridicules, disent-ils en chœur, on ne s'habille plus comme de notre temps! C'est alors, en 1830, ou en 1730, en 1630, en 1530, etc., en l'an 30 que les modes étaient gracieuses, seyantes, élégantes, distinguées, charmantes... ah, 1830 ! - ou 1730, 1630, lo30 ou l'an 30! Quelle belle époque!

Il nous la baille belle le chœur des sexa- génaires! oui, quelle belle époque! parce que c'était l'heureux temps ces messieurs étaient

12 MESDAMES NOS AÏEULES

jeunes, le soleil leur semblait plus chaud, n'est-ce pas? le printemps plus verdoyant et les modes plus belles ! Mais il n'importe , malgré tout ce que diront les vétérans et ce que nous dirons nous-mêmes plus tard, l'axiome suivant sera toujours proclamé :

Jamais on ne s'est mieux habillé qu'au- jourd'hui!

Mais puisque rien ne passe tout à fait et que dans le cercle que parcourt l'aiguille au cadran de la mode les heures passées peuvent renaître, il suffit peut-être, pour connaître les modes de demain, d'étudier tout simplement celles d'hier.

•Fouillons donc ce passé disparu et donnons- nous ce plaisir, qui ne va pas sans quelque Hiélancolie, d'évoquer les élégances et les beautés d'autrefois, les lointaines élégances ensevelies sous des siècles d'inventions et de nouveautés accumulées, délaissées et oubliées, et les élégances toutes récentes et non moins oubliées des bonnes grand'mamans actuelles, qui, dans leurs songeries au fond de leurs grands fauteuils, sont seules à se revoir en fermant les yeux, brunes ou blondes, pimpantes et lé-

LES CARTONS DU PASSE

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gères, dans les atours de leur bel âge... Chères gTand'mamans !

Mais ce passé qui nous semble si lointain

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Grande toilette. XV*^ siècle.

l'est-il tant que cela? Les grand' mères de nos grand'mères sont nées sous Louis XV au temps de la poudre et des falbalas.

MESDAMES N OS AÏEULES

Sept ou huit grand'mères additionnées, si nous osons nous permettre cette opération, nous conduisent au temps d'Agnès Sorel et des dames à grands hennins. C'était hier. Vous le voyez bien !

Un point qu'il faut établir d'abord, c'est que l'art de la toilette et l'art de construire sont de très proche parenté. Mode et architecture sont sœurs, mais la mode est peut-être bien l'aînée.

La maison est un vêtement, un habillement de pierre ou de bois que nous passons par- dessus l'habillement de toile, de laine, de ve- lours ou de soie, pour nous protéger mieux contre les intempéries des saisons; c'est un second vêtement qui doit se plier à la forme du premier, à moins que ce ne soit le premier qui s'adapte aux nécessités du second.

En tout cas, sans remonter plus haut que le déluge, est-ce que les robes historiées et ar- moriées, les costumes tailladés et déchiquetés du moyen âge, ne sont pas de l'architecture gothique et de la plus flamboyante, de même que les modes plus simples et plus rudes de

LES CARTONS DU PASSE

l'époque précédente tiennent du rude et sévère style roman.

Quand la pierre se découpe, se tord, flam- boie presque en magnifiques efflorescencés sculptées, l'étoffe plus souple se découpe, se tord et flamboie aussi. Les hautes coiffures que nous qualifions d'extravagantes, ce sont les toits effilés des tourelles qui montent par- tout vers le ciel. Tout est multicolore, les gens d'alors aiment les couleurs gaies, toute la gamme des jaunes, des rouges, des verts est employée.

Plus tard le costume se met plus au large en même temps que l'architecture. C'est la Re- naissance et ses modes plus amples et plus molles; on cherche du nouveau dans le vieux, l'Italie influe sur les toilettes comme sur les édifices, il n'est pas jusqu'aux armures de guerre ou de parade des princes, aux vêtements de fer des riches seigneurs, qui ne recherchent quelques formes antiques et ne se couvrent de rinceaux, ou d'ornements à la romaine.

La sévérité, nous pouvons dire la maussa- derie des modes de la fin du xvi'^ siècle, ne se

16 MESDAMES NOS AÏEULES

retrouve-t-elle pas dans les édifices d'une épo- que assombrie par tant de troubles?

L'énormément ennuyeux et somptueux pa- lais de Versailles, les grands hôtels solennels d'une arehiteeture pleine de morg'ue. ee sont

Renaissance,

bien vraiment les eouvereles qui eonvenaient aux énormes el solennelles perruques du grand Roi, aux corsages guindés et empesés, aux raides cornettes de madame de Maintenon. Et le xvm^ siècle après l'ennuyeuse fin du xvii''? L'architecture et la toilette mettent de côté, en même temps, le pompeux et le solennel ; toilette rococo. architecture à falbalas, c'est tout un.

NOBLE DAME , FIN DU XIV« SIÈCLE,

LES CARTONS DU PASSE

Plus tard, les gens de la Révolution et de TEmpire se costumant à la grecque et à la ro- niaiiic, édillces et maisons l'ont de même. Puis

Sous le Grand Uoi.

les modes et les édifices sont absolument sans style et de toute banalité de 1840 à 1860, époque de transition et d'attente.

De nos jours enfin, époque de recherches et de fouilles archéologiques, d'essais et de re- constitutions, temps d'érudition plus que d'imagination et de création, nous voyons la

18 MESDAMES NOS AÏEULES

mode et l'architecture, marchant toujours de conserve, fouiller ensemble dans les cartons du passé, essayer également l'un après l'autre tous les styles, s'éprendre successivement de toutes les époques, en adopter les formes pour les rejeter vite l'une après l'autre... Soyons donc de notre temps et plongeons nous aussi dans les cartons du passé à la recherche des jolies choses et des originalités de jadis.

Au delà d'une certaine époque, les documents certains n'abondent pas et nous devons nous contenter de suppositions. Qui nous dira vrai- ment ce qu'étaient le costume et la mode, et par cela l'aspect de la vie, aux temps mérovingiens et carlovingiens, lorsque :

Quatre bœufs attelés, d'un pas tranquille et lent^ Promenaient dans Paris le monarque indolent.

Qui nous dépeindra les élégances de ces épo- ques nébuleuses ? car, en dépit de la rudesse et de la barbarie, il devait s'en trouver tout de même, puisqu'on maints passages de leurs écrits, déjà les vieux chroniqueurs, évéques ou moines, fulminent contre le luxe ellréné deb femmes.

LES CARTONS DU PASSÉ

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Qui nous dépeindra les contemporaines de Charlemagne et nous renseignera un peu sur

Sous Louis XV.

les élégances du siècle? Quelques statues peut-être, parvenues jusqu'à nous plus ou moins écornées, seront nos seuls documents ; nous devrons nous en contenter et les rappro-

20 MESDAMES NOS AÏEULES

cher des vagues renseignements contenus dans les barbares illustrations des manuscrits d'alors, encore si éloignées des magnifiques miniatures que les enlumineurs du moyen âge prodigue- ront plus tard.

Le premier journal de modes, c'est donc pour nous (juelque portail de cathédrale ou quelque statue tombale échappée par miracle aux ra- vages du temps et au marteau des iconoclastes huguenots ou sans-culottes.

Plus tard, les miniatures, les vitraux, les tapisseries nous apporteront des renseignements plus complets et plus certains, des figures bien plus précises; le document abondera.

D'ailleurs, dès le xiv® siècle, le vrai journal de modes existe ; il n'a pas encore adopté la forme gazette que nous lui connaissons depuis cent ans seulement, mais c'est le journal de modes tout de même, le renseignement voya- geant sous la forme de poupées qui portent des modèles de costumes d'un pays à un autre, de Paris surtout.

Car Paris tenait déjà le sceptre et gouvernait la mode, non pas, il est vrai, comme aujour-

LES CARTONS DU PASSÉ 21

d'hui, d'un pôle à l'autre, des confins de l'A- mérique glaciale à l'Australie, vouée encore aux petits os passés dans les narines pour toute coquetterie, il y a cinquante ans à peine, de la cour des Radjahs d'Asie au sérail du Grand Turc et au palais de S. M. l'impératrice du Nippon fleuri.

Au moyen âge, des grandes dames, en notre cher petit coin d'Europe, s'envoyaient de pe- tites poupées habillées à la dernière mode du jour par des coupeurs de robes, des couturières ou des couturiers dont le nom n'est point passé à la postérité.

Dans son château lointain, perdu dans les landes bretonnes ou perché sur quelque roc des bords du Rhin, la duchesse ou la margrave avait ainsi dans les grandes occasions, com- munication plus ou moins rapide des élégances à la mode dans les grands centres de luxe comme la cour de Paris ou la cour de Rour- gogne, rivales en faste et en éblouissements, et dont les comptes remis au jour nous révèlent les grandes dépenses avec tous les détails de ces somptuosités dont les contemporains étaient

MESDAMES NOS AÏEULES

éblouis ol quo tous los fhroniquours ont rap- portées.

Certaines villes importantes recevaient aussi de la même façon les décrets de la mode, puisque nous voyons, pendant des siècles, Ve- nise, autre centre d'arts somptuaires, trait d'union entre le négoce de l'Orient et le luxe de l'Occident, recevoir chaque année une pou- pée parisienne. Dans la ville des doges, c'était un usage immémorial d'exposer, le jour de l'Ascension, sous les arcades de la Merceria, au bout de la place Saint-Marc, la toilette de l'année, cette image d'une parisienne à la der- nière mode, pour l'édification des nobles véni- tiennes qui se portaient en foule à l'exhibition.

Sous Louis XII,

L'Escoffion.

II

MOYEN AGE

Les Gauloises teintes et tatouées- Premiers corsets et premières fausses-nattes. Premiers édits somp- tuaires. Influence byzantine. Bliauds, surcots, cottes hardies. Les robes historiées et armoriées, Les ordonnances de Philippe le Bel. Hennins et Escoffions. La croisade de frère Thomas Connecte contre les Hennins. La dame de Beauté.

Il faut avoir le courage de l'avouer, ici iiirmo. dans ce Parisis qui porte et fait triom-

MESDAMES NOS AÏEULES

pher partout l'étendard de l'élégance , les aïeules de Mesdames les Parisiennes, il y a quelque deux mille ans, se promenaient un peu attifées à la mode des élégantes Néo-Zé- landaises d'aujourd'hui, dans la grande et sombre forêt qui des bords de la Seine remon- tait aux rives de l'Oise et s'en allait toucher aux Ardennes en un vaste et inexlrical)le l)ois de Boulogne.

Ces Gauloises, belles et rudes, allant épaules découvertes et bras nus, étaient peinlurlu- rées et probablement tatouées; dans tous les cas il est certain qu'elles se teignaient les cheveux.

Les nombreux bijoux parvenus jusqu'à nous, fibules, torques ou colliers, bracelets, agrafes en bronze et quelquefois en argent ou en or, té- moignent que ces demi-sauvagesses primitives connaissaient un certain luxe. Tous ces objets présentent dans leur style une grande analogie avec le style d'ornementation qui s'est perpétué jusqu'à nos jours dans la Bretagne acluolle.

La vieille Gaule barbare devenue la (Jaule romaine, les Gauloises se montrèrent vite, à

MOYEN AGE 25

l'imitation des Romaines, très raffinées en civilisation et en luxe. Le corset, mesdames, date de cette époque, corselet d'étoffe moulant le corps plutôt qu'instrument de torture vio- lentant les lignes.

Le goût primitif pour la peinture éclatante ne se perdit pas tout à fait, la teinture devint du simple fard; déjà les essences pour entre- tenir la fraîcheur du visage étaient inventées et aussi les fausses nattes. Ces tresses d'un blond ardent, couleur dès longtemps à la mode, on le voit, étaient achetées aux paysannes de la Germanie, aux Gretchens du temps d'Arminius.

Un retour à la barbarie et à la simplicité suivit les invasions de ces Francs, dont les femmes, rudes gaillardes, étaient vêtues pour tout luxe d'une simple chemise à bandes de pourpre.

Les modes romaines, mélangées aux modes gauloises et franques, les modes mérovin- giennes, dont quelques statues raides et hiéra- tiques peuvent nous donner l'idée, se trans- formèrent peu à peu.

26 MESDAMES NOS AÏEULES

Au milieu de sa cour, parmi les femmes de ses ducs et de ses comtes, qui montraient le goût le plus effréné pour la parure, les étoffes somptueuses et les bijoux, le grand Empereur à la barbe fleurie, Charlemagne, affectait pour lui-même au contraire, une grande simplicité de vêtements, comme d'autres grands empe- reurs ou rois, Frédéric II et Napoléon. Choqué par le déploiement de faste des femmes de sa famille, Charlemagne dut édicter les premières lois somptuaires, lesquelles ne furent suivies naturellement que par les simples bourgeoises, par les bonnes dames qui n'avaient que faire de défenses et de prohibitions pour se priver de somptuosités qu'elles ne pouvaient songera s'acheter, faute d'argent.

La société de ce temps-Ki, nous la voyons figée en grandes ligures hiératiques, sculptées sous les porches romans de nos plus vieilles églises. Rangées de rois et de reines, raides et sévères, encadrés sous les vieilles arcatures, princes et princesses couchés sur les dalles funéraires, vieux spectres de pierre, taillés d'un rude el barbare ciseau, qui nous dira ce

MOYEN AGE

que VOUS étiez vraiment, ce qu'était, dans le mouvement et la vie, ce monde que vous diri- giez?

Vous vous taisez, vous gardez votre secret, fronts mystérieux de fantômes sculptés, de- bout aux façades que vous avez fondées, ou couchés dans les musées qui vous ont re- cueillis.

Nos villes les gracieuses Françaises, filles de ces aïeules de pierre, se promènent dans le tourbillon pressé des foules, devant les bril- lants magasins de notre siècle vivant d'une vie si intense , nos vieilles cités existaient déjà toutes, mais combien de fois ont-elles fait peau neuve ! Des vestiges de ces temps tout a disparu, les dernières pierres sont en- sevelies sous les fondations des plus anciens monuments.

Nous en savons presque aussi peu, des façons de vivre d'alors, que de la civilisation des vil- lages de l'ère des dolmens, et c'est dans les premiers et plus anciens poèmes ou romans chevaleresques qu'il nous faut chercher çà et à travers coups de lance ou de hache, quel-

MESDAMES NOS AÏEULES

ques détails intimes sur la vie sociale d'alors.

Voici le moyen âge. L'influence byzantine de

la Rome transplantée sur le Bosphore, règne

Le Surcot à garde-corps.

(l'abord dans le vêtement des femmes comme dans celui des hommes et domine vers l'époque des premières croisades. C'est alors le temps des longues robes à plis

MOYEN AGE

29

très fias, des dou?jles ceintures, une à la vraie taille et une sur les hanches, des voiles trans- parents.

C'est bien une époque de transition, on voit la mode tâtonner, retourner en arrière et re- prendre, avec quelques modifications, des

Coift'ure de cérémonie. XIV» siècle.

formes oubliées; le costume romain, mudilié d'abord par Byzance, arrangé, rendu semi- oriental, revient presque au jour.

Puis soudain, à l'aurore du xiii^ siècle, quand les temps nouveaux commencent à sortir du crépuscule de la vieille barbarie, les modes nou- velles se dessinent, nettement, franchement.

30 MESDAMES NOS AÏEULES

C'est la vraie naissance de la mode fran^^aise, du costume purement français, français comme l'architecture dégagée aussi des imitations, des emprunts et des souvenirs de Rome et de Byzance 5 français comme l'art ogival jaillissant de notre sol.

La statuaire, les vitraux et les tapisseries du moyen âge vont nous fournir les meilleurs documents. Ces figures sculptées en grand cos- tume sur leurs tombeaux, sont de véritables évocations de nobles châtelaines, des portraits extrêmement remarquables avec tous les dé- tails des ajustements, des robes et de la coif- fure nettement indiqués, et quelquefois por- tant encore des traces de peinture qui nous donnent les couleurs du costume.

Les vitraux sont encore plus intéressants, on trouve des représentations de toutes les classes de la société, depuis la grande dame noble jusqu'à la femme du peuple : dans les vitraux commémoratifs, dans les vitraux des chapelles seigneuriales ou des chapelles de corporations des villes, dans les grandes com- positions qui nous présentent si souvent, au

MOYEN AGE 31

bas des feiiestrages, les portraits des dona- taires, — les daines nobles à opulents costumes, agenouillées en face de bons chevaliers en ar- mures, les riches bourgeoises en face de leurs maris échevins ou notables.

Les tapisseries sont quelquefois plus sujettes à caution comme vérité, l'artiste introduisant parfois des fantaisies décoratives dans ses compositions; néanmoins, que de figures don- nant des indications précises et venant corro- borer les autres renseignements et s'ajouter aux innombrables et merveilleuses illustrations des manuscrits.

Sur la robe de dessous, sur la jupe ou la cotte, la femme du xi'' siècle portait le hliaud ou bliaut, espèce de robe parée, de fine étoffe, serrée par une ceinture. Confectionné tout d'abord d'étoffe simplement gaufrée, le bliaut s'enrichit bientôt de dessins et d'ornements d'un joli style.

On se perd dans les transformations du bliaut et de la cotte. La robe de dessous de- vient la cotte hardie et le surcot remplace le biiaud. Cette robe de dessous, tre» ajustécj

32 MESDAMES NOS AÏEULES

est lacée par derrière ou par devant, et dessine bien les formes et contours du corps.

Dans le costume paré, un garde-corps, ou devant de corsage de fourrure s'ajoute au sur- cot et lui donne un supplément de somptuo- sité. Mais la forme générale se mudilic par mille dispositions parliculièrcs. cottes et sur- cots varient de toutes les façons, suivant les fantaisies du jour, le goût particulier, suivant la mode des provinces ou des petites cours princières ou ducales, isolées par circonstances uu situation.

Elles sont superbes, les élégantes du moyen âge, avec leurs longues robes collantes, dont les dessins se répètent régulièrement, rosaces semées sur toute l'étoffe, carreaux alternés de couleurs différentes, faisant comme un damier de tout le corps, ileurs et ramages en larges dispositions, souvent tissées d'or ou d'argent. Ces étofTes font des plis superbes et drapent naturellement d'une façon sculpturale, des échantillons nous en restent dans les musées, nous pouvons juger de l'effet qu'elles devaient faire, coupées en belles robes traînantes.

ROBE ET HOUPPELANDE HISTORIÉES XV^ SIÈCLE.

MOYEN AGE

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Les armoiries, nées avec les premières orga- nisations sociales, avec les premiers chefs de

Noble Cliàtelaiiie.

clan ou chefs de guerre, mais régularisées plus tard, paraissent sur les robes des dames, tim- Jîrées comme les pavois des maris, d'écussons symétriquement di>po&é^. Cet usage se déve-

3

34 MESDAMES NOS AÏEULES

loppe, cette mode prend, comme nous dirions maintenant, et bientôt les armoiries s'étalent plus largement sur les robes dites cottes his- toriées.

Voyons aux l'êtes de la cour ou des châteaux, dans ces vastes salles ouvertes aujourd'hui aux vents des quatre points cardinaux, et hantées par les seuls corbeaux, derniers habitants des nobles ruines; voyons aux tables des festins d'apparat, entre les hautes cheminées et les tribunes des musiciens, ou bien encore sur les estrades ou eschaffaux, autour des lices les chevaliers tournoient, ces nobles dames, aux robes du haut en bas armoriées et timbrées aux armes de leurs maris ou de leurs familles, arborant, ainsi que de superbes panonceaux vivants, toutes les belles inventions du blason, toutes les bêtes de la ménagerie héraldique, les lions et les léopards, les chimères et les griffons, les loups et les cerfs, les cygnes et les corbeaux, les sirènes et les dragons, les poissons et les licorneSj tous d'allure fantas- tique, tous ailés, ongles^ griffus, dentus et cornus, issant, passant ou rampant sur les

MOYEN AGE 35

champs les plus étincelants, gueules, azur, or ou sinople.

Et les robes non armoriées ne sont pas moins riches ni moins brillantes, semées de grandes fleurs contournées ou d'ornements d'un très large sentiment décoratif.

Les formes, en apparence très variées, dé- rivent cependant toutes du même principe. Le surcot n'a pas de manches, il est ouvert plus ou moins largement sur le côté depuis l'épaule jusqu'à la hanche pour laisser paraître la robe de dessous, d'une autre couleur s'har- monisant bien avec celle du dessus et semée de dessins, ou plus, ou moins que le surcot, de telle façon qu'il n'y ait pas égalité d'orne- mentation.

Un garde-corps ou devant de corsage d'her- mine garnit le haut du surcot; laïourrure est échancrée sur les épaules pour laisser voir, bien et chaudement encadré, le haut de la poitrine garni de joyaux et, surtout dans les robes d'apparat, très libéralement décolleté. Une bande d'hermine borde ainsi toute l'échancrure du surcot sur les épaules et les hanches.

'^ MESDAMES NOS AÏEULES

Grande variété dans les formes des corsages, des cottes ou des surcots, grande variété dans l'ornementation des épaules, dans l'encadre- ment du cou. Certains décolletages manquent de modestie, les prédicateurs tonnent en chaire contre l'immoralité de la mode et les conteurs des vieux fabliaux, qui ne sont pas prudes, s'en égayent largement.

Lors de l'invention de la toile de lin, les femmes non contentes de se décolleter pour montrer leurs gorgerettcs de lin ou le haut des diemises, inventèrent, pour montrer un peu mieux ces chemises de lin, de fendre leurs robes sur le côté, faisant ainsi de l'épaule à la hanchCj de longues ouvertures lacées.

Il y avait déjàj il y a eu toujours, des élégantes exagérées qui outraient les fantai- sies de la mode. Ainsi certaines se montraient en robes si étroites et si collantes qu'elles semblaient cousues dedans; ou bien les sur- cots étaient beaucoup plus longs que ces dames, v^t il fallait porter ce qui dépassait au moyen de poches placées sur le devant des robes, dans lesquelles on passait les mains, ou bien

MOYEN AGE

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relever la jupe et la rattacher à la ceinture, ce qui après tout était fort gracieux et faisait ces admirables plis cassés que nous voyons aux robes des statues. Les manches de ces longs surcots, à traîne

Le petit hennin.

en queue de serpent^ que les grandes dames pouvaient faire porter par un page, s'allon^ gèrent aussi. Les manches de la robe de des- sous descendent jusqu'au poignet, avec un évasement qui recouvre souvent une partie de la main. Par-dessus, les manches du surcot,

.38 MESDAMES NOS AÏEULES

plus larges, sont ouvertes quelquefois depuis l'épaule et tombent presque jusqu'à terre, parfois fendues du coude au poignet ou pour- vues seulement d'une ouverture par laquelle passe l'avant-bras.

Il y a cent [modilîcations différentes aux manches : les manches longues, amples ou serrées, les manches coupées et boutonnées en dessous du haut en bas, les manches échan crées ou renflées au coude, on voit même les manches dites à mitons, dont l'extrémité peut se relever en formant mitaines fermées, et les manches-poches fermées au bout, toutes inven- tions gracieuses ou commodes après tout.

Il y a enfin les grandes manches en ailes tailladées et découpées en dents de scie, en feuilles de chêne, ou bordées d'une mince ligne de fourrure.

La joaillerie prend une grande importance. Grandes dames ou bourgeoises, toutes les femmes enrichissent leurs costumes de joyaux et de bijoux plus ou moins coûteux : colliers, cercles de tête ornés de pierres précieuses joyaux sur le couvre-chef, gros bijoux en

MOYEN AGE

agrafes, ceintures de passementerie et d'orfè- vrerie.

A la ceinture est attachée l'aumùnière ou escarcelle, de riche étoffe bordée d'or, à fer- moir et ornements dorés, lycs grandes dames éblouissent, elles étincellent... Les lois somp- tuaires n'y peuvent rien. Philippe le Bel en 1194 a eu beau décréter et réglementer, inter- dire aux bourgeoises le vair et l'hermine, les ceintures d'or ornées de perles et de pierre- ries, il a ou beau arrêter que :

a Nulle damoiselle, si elle n'est chastelaine c( ou dame de deux mille livres de rente, « n'aura qu'une paire de robbes par an, et si ce elle l'est, en aura deux paires et non plus »

« De même que les ducs, comtes et barons « de six mille livres de rente pourront faire (( faire quatre paires de robbes par an et non e plus, et à leurs femmes autant »

Philippe le Bel a eu beau fixer un maxi- mum du prix de l'aune d'étoffe pour les robes, en échelle descendante pour toutes les con- ditions, depuis vingt-cinq sols tournois l'aune

MESDAMES NOS AÏEULES

pour les grands barons et leurs femmes, jus- qu'à sept sols pour les écuyers,et ce qui est assez remarquable et montre bien, même en ces temps lointains, la richesse des bourgeois et gros commerçants des Villes, permettant aux femmes des bourgeois d'aller jusqu'à seize sols l'aune, Philippe le Bêla eu beau tout prévoir et tout réglementer, rien n'y a fait, pas même la menace des amendes. Grandes dames et riches bourgeoises ont bravé les défenses du roi tout aussi bien que les remontrances de messieurs les maris et les admonestations que le clergé se fatiguait de leur adresser à l'église.

C'est vainement que les prédicateurs s'at- taquent à toutes les parties du costume, qua- liliant de portas d'enfer, les crevés, parfois bien inconvenants du surcot, traitant les sou- liers à la poulaine iVotitrages cm créateur, et faisant surtout aux coiffures, hennins, cornes ou escoffions, une guerre acharnée ; les femmes laissent dire et gardent imperlurbablement les modes attaquées.

En fail de mode, elles ne relèvent que d'elles- mêmes et nient toute autorité, royale ou ecclé-

CHATELAINE, MIEIEU DU XV^ SIECLE.

MOYEN AGE

41

siastique, et même la suzeraineté maritale.

Les dames de ce temps-là portent aussi

quelque peu les souliers à poulaines. les fameux

Le Hennin à grand voile.

souliers à bec relevés, dont les élégants de Taulre sexe s'étaient épris et qu'ils aiiTémen- taienf souveni d'un grelot tintinnabulant au bout.

Elles ne connaissaient pas encore les hauts

MESDAMES NOS AÏEULES

talons, mais elles se grandissaient par des es- pèces de mules, ou par des quantités de semelles mises l'une sur l'autre.

Les coiffures des dames sont de proportions extravagantes. Le hennin triomphe entre toutes. Il y a Vescoffion qui affecte différentes formes, en tur])an, en croissant; il y a le bonnet en cœiu\ énorme coiffure d'étoffe brodée, treil- lissée de ganses, ornée de perles, avec un gros bourrelet relevé de joaillerie retombant en cœur sur le front. Mais c'est le grand escoffion à cornes qui, sur tous les autres, scandalise les prédicateurs, l'escoffion qui est une large car- casse ornée de pierreries emboîtant les oreilles et laissant tomber de chaque corne sur les épaules une fine mousseline flottante.

Ces escoffîons venaient, dit-on, d'Angleterre, ainsi qu'à toutes les époques maintes excen- tricités de costumes; l'Anglomanie qui sévit de temps en temps, date de loin, on le voit. Viollet-le-Diic, dans son Dictionnaire du Mo- bilier, donne un exemple de grand escoffion pris sur une statue tombale d'une comtesse d'Arundel du commencement du xv*' siècle.

MOYEN AGE

Comparant les femmes ainsi coiffées à des figures sataniques, à des bêtes cornues, prédi- cateurs et moralistes déclarent que la femme douze fois infidèle va au Purgatoire, mais ils jettent directement et sans rémission à l'Enfer celles qui portent ces escoffions à cornes !

Le grand hennin est un immense cornet plaqué sur le front, emprisonnant complète- ment les cheveux, un tube conique en étoffe ramagée ornée de perles, avec une voilette plus ou moins longue sur le front, et tout en haut, à la pointe de l'édifice, un flot de légère mous- seline retombante. Edifice extravagant, soit, incommode, mais non ridicule, monumental mais charmant, et que les femmes s'obstinèrent à porter pendant près d'un siècle, parce qu'il était en réalité très seyant et donnait à la physionomie, à l'ensemble d'une figure, de pied en cape un caractère très imposant. Et enfin, raison principale dont on ne se rendait pas compte peut-être, mais qu'on reconnaissait inconsciemment : parce que ces grands hennins cadraient avec les architectures d'alors.

Magnifique époque d'expansion et de mon-

44 MESDAMES NOS AÏEULES

tée! Fines et dardées haut, les flèches des églises escaladent le ciel, entraînant les âmes avec elles, toutes les lignes des architectures montent, s'épanouissent et fleurissent. Quand on songe que c'est le temps des merveilleuses façades de maisons ou de palais, des orfèvre- ries de pierre sculptée, des fines tourelles, des crêtes festonnées, le temps des villes hérissant mille clochers et mille pointes, l'ascension des hennins se comprend très bien. Comme toutes les ascensions, c'est encore une montée vers l'idéal, puisque ces grands hennins aux longs voiles flottants donnent forcément une réelle noblesse à l'attitude et à la démarche.

Guerre aux hennins! Tel fut cependant par- tout le cri des moines et des prédicateurs. Le plus violent de tous et celui qui fut le plus en- tendu, sinon écouté, c'était un carme de Rennes, nommé frère Thomas Connecte.

Il entreprit dans sa ville une véritable cam- pagne contre le débordement du luxe, en par- ticulier contre les pauvres hennins. De la Bre- tagne, il passa dans l'Anjou, en Normandie, en Ile-de-France, en Flandre, en Champagne,

MOYEN AGE

prêchant partout soleiiiiellemeiit et dans chaque ville du haut d'une estrade dressée en plein air

sur une place publique, accablant d'invectives celles qui se complaisaient aux raffinements de la toilette et les menaçant de la colère du ciel.

46 MESDAMES NOS AÏEULES

Tous les malheurs qui fondaient sur le monde, tous les vices du temps, toutes les hontes, tous les péchés, toutes les turpitudes de l'humanité, provenaient suivant lui de l'ex- travagance coupable des hennins et des escof- lions démonia({ues.

Et dans la chaleur de sa conviction, frère Thomas ne s'en tenait pas à la parole; à la lin de son sermon, le digne homme, enflammé d'une sainte ardeur, saisissait un bâton et passant à travers les rangs effarés des dames, nobles ou bourgeoises, venues pour l'entendre, il faisait sans pitié, malgré les cris et la bous- culade, un grand massacre de hennins.

Au hennin! au hennin! A ce cri, les po- lissons ameutés par le frère poursuivaient par les rues toute femme dont le couvre-chef dépas- sait les modestes proportions d'une coiffe ordi- naire.

Néanmoins, malgré sermons et voies de fait, les hennins ne s'en portaient pas plus mal et se relevaient après le passage du moine. De ville en ville, celui-ci continuant sa croisade contre le luxe, s'en fut à Rome, et là, le spec-

MOYEN AGE

tacle moins qu'édifiant offert alors par la capi- tale de la chrétienté, le surexcita tellement qu'il oublia toute mesure, et que, laissant les hennins tranquilles, il s'attaqua aux cardinaux et princes de l'Eglise. Ceci était jeu plus dan- gereux. Le pauvre homme, accusé d'hérésie, fut appréhendé et tout simplement brûlé en place publique.

Dans l'histoire de la mode, il y a le roman de la mode ! Dans les annales de la coquetterie féminine, que d'épisodes curieux et aussi que de figures romanesques qui traversent la grande histoire, charmantes, attirantes, parfois étrangement poétiques, fleurs délicates parmi toute la ferraille remuée parle siècle et par- fois aussi, dangereuses sirènes qui donnent bien raison au frère Thomas Connecte !

L'histoire de la mode pourrait s'écrire avec une douzaine de portraits de femmes espacés de siècle en siècle, portraits de reines de la main droite et de reines de la main gauche. ^ plus souvent de la main gauche, de grandes dames et de grandes courtisanes.

Il suffit d'écrire leurs noms, chacun d'eux

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MESDAMES NOS AÏEULES

c'est une page qui se tourne, un chapitre nou- veau qui commence : Agnès Sorel, Diane de Poitiers, la reine Margot etGabrielled'Estrées,

'il

Les Manches tailladées et déchiquetées.

la })reniière femme et la dernière mie du rui Henri, Marion Delorme, la Grande Mademoi- selle, Montespan, première partie du règne du roi Soleil, Maintenon, seconde partie du règne du monarque renfrogné, Madame de Pompa-

^

DAME SOUS CHARLES VIII.

M 0 Y E N A G E

49

dour, triomphe du pimpant xvm'^ siècle, Marie- Antoinette, dernier et mélancolique éclat d'un

La Houppehiiule.

monde qui finit. Madame Tallien, Joséphine..., etc.

Après Isabeau de Bavière, reine de France

50 MESDAMES NOS AÏEULES

et reine de la mode, la gracieuse et magnifique épouse de Charles VI, d'abord reine des bals et des fêtes, mais qui devint bientôt la reine des guerres civiles, sans cesser, dans un temps de sombres horreurs, de rêver somptueux cos- tumes et recherches d'élégance, après les modes d'Isabeau, c'est le temps et ce sont les modes d'Agnès Sorel. la dame de Beauté de Charles VIL

Charles VII s'endorl à Bourges et ne songe guère à reconquérir son royaume : ses maî- tresses et ses plaisirs sont tout l'univers pour lui. La grande et sainte Jehanne a endossé le harnais des hommes de guerre pour combattre l'Anglais, elle a déjà reconquis au roi une forte partie de son royaume; une autre femme, ni grande ni sainte, va continuer son œuvre, Agnès Soreau de Saint-Géraud, la belle Agnès Sorel, blonde aux yeux bleus, par la puissance et l'ascendant de la beauté, enflamme le roi Charles, elle le lance contre l'Anglais, lui fait reprendre, ville à ville, le reste du domaine des fleurs de lys et mériter dans Thishiire le surnom de Victorieux.

MOYEN AGE

C'est elle la victorieuse ! Les pécunes qui sont les nerfs des guerres sont consacrées à payer les rudes gens d'armes, les lances et les bombardes du roi, ainsi qu'à entretenir le luxe coûteux de la belle, à payer les mille inventions de sa coquetterie. Ce sont dépenses de guerre aussi, puisque le roi bataille mieux quand Agnès V ordonne, comme dit la vieille romance.

La vierge héroïque, la vaillante Jehanne, se couvrait de la cuirasse pour mener au combat ducs, seigneurs et gens d'armes ; la belle Agnès, adoréepar le roi, poursuivait d'une tout autre manière l'œuvre nationale, elle se découvrait les épaules, inventait des corsages indécemment décolletés jusqu'à la taille, outrait les propor- tions des grands hennins à barbes flottantes... Et les armées de Charles marchaient, empor- tant châteaux, villes et provinces, pourchassant les Anglais. Agnès, en somme, mourut à la bataille, puisqu'elle trépassa près de Jumièges pendant la reconquête de la Normandie elle avait suivi le roi.

La cour de Bourgogne, rivale de celle de Paris en faste comme en tout le reste, introduit

52 MESDAMES NOS AÏEULES

dans la mode française des éléments étrangers, de Flandre surtout. C'est la dernière époque pour le costume du moyen âge, l'éblouissement dernier, l'épanouissement et rétincellement des plus étranges somptuosités.

Les gigantesques houppelandes des hommes et des femmes ressemblent à de grandes pièces de tapisserie, les grandes lignes disparais- sent sous la complication. La Renaissance va venir après une période de transition et de tâtonnements.

Que de jolies choses et de particularités in- téressantes il y aurait encore à citer dans les atours, garnements ai parements des femmes du moyen âge, dans les vêtements de cérémo- nie, de splendide étoffe et d'étincelante garni- ture, dans les vêtements d'intérieur ou de sortie de toutes les classes, aussi bien que dans les vêtements de voyage et de chasse portés par les nobles dames chevauchant sur des mules richement harnachées, ou enfour- chant les grands palefrois pour courre le gibier le faucon sur le poing.

Sous François 1'

IV

LA RENAISSANCE

Modes en largeur. Ilocheplis, vertiigalles, vertuga- jins. La belle Ferronnière. Eventails et man- chons. — Les modes tristes de la Réforme. L'es- cadron volant de Catherine. Dentelles et guipures. Etats de services du vertugadin. Le masque et le touret de nez. Fards et cosmétiques.

A la suite des expéditions de Cliarles VIII, un coup de vent souffle sur les modes du moyeu âge. Les temps gothiques sont finis, le cos- tume masculin se transforme tout à coup et le

MESDA.ME.S N U .S AÏEULES

costume féminin va changer aussi. Ce coup de vent emporte, avec bien d'autres choses, avec notre architecture nationale, avec notre goût national, ces hennins qui, malgré l'apparence, tenaient si bien sur les tètes qu'ils avaient duré près d'un siècle.

Le costume s'amollit et se complique. Le corset ou corsage remplace le surcot, il est d'une autre couleur que la robe et tout chargé d'ornements et ramages dorés, sous plusieurs rangs de colliers couvrant le haut de la poi- trine décolletée. Les manches aussi sont d'une autre couleur que le corsage, ce sont de grandes ailes tailladées et flottantes ou bien des manches de plusieurs pièces rattachées par des aiguillettes ou des rubans, laissant voir la chemise de fine toile de Frise bouff'ante aux épaules et aux coudes.

C'est le commencement des manches à bour- relets successifs et à crevés qui vont durer si longtemps.

Les souliers pattes ou à bouts carrés rem- placent les souliers pointus ; on va comme toujours d'une extrémité à l'autre.

LA RENAISSANCE

Grande variété dans les coiffures très basses maintenant. Ce sont larges bourrelets ou tur- bans emboitant l'occiput avec coiffes à dessins dorés encadrant le front et le visage ; ces bour- relets et coiffes, ornés de réseaux perlés, se modifient dans les pays l'influence flamande ou rhénane lutte contre l'influence italienne, par l'adjonction sur la coiffe d'une sorte de chapeau tailladé qui deviendra le grand béret découpé et largement déchiqueté des lansque- nets suisses ou allemands.

Ce sont ces modes qui vont régner pendant tout le temps de François P'', à la cour éblouis- sante du Roi Chevalier, et à la ville chez les nobles dames et les bourgeoises aisées.

L'innovation principale, celle qui doit in- fluer sur le reste du vêtement, en déterminer en partie la coupe et les proportions, la domi- nante du costume d'alors, c'est le vertugadin. dit aussi vertugalle, vertugardien... Chose non vue encore, grande nouveauté qui va boule- verser le costume et changer toutes les lignes.

Le vertugardin, c'est-à-dire la jupe large soutenue par une armature quelconque, en

o(i

MESDAMES NUS AÏEULES

voilàpour trois siècles, pendant trois cents ans, avec des interrègnes plus ou moins longs, il durera sous des noms dilTérents, panier, crino-

(^omriiencement do i;i Ileiiaissaiice.

line, pouf, tournure, etc. Il dure encore et nous le re verrons.

Depuis trois cents ans la largeur des jupes suit un mouvement régulier, d'abord modeste, elle augmente peu à peu, lentement, en habi-

A LA COUR DU ROT-CHEVALIER,

LA RENAISSANCE

tuant progessivement l'œil à ses proportions, elle arrive à une envergure formidable, exa- gérée, impossible, puis elle diminue lentement reprenant l'une après l'autre ses étapes suc- cessives.

Les femmes, qu'elle a transformées pour un temps plus ou moins long en énormes cloches, redeviennent clochettes, elles diminuent et s'amincissent jusqu'à disparition complète de toute apparence de vertugadin. Les modes sont ultra collantes pour quelques années, puis un soupçon de tournure reparaît, une illusion de vertugadin se remontre et la progression recommence.

Villipendé, chansonné, ridiculisé sans trêve ni merci à toutes les époques et quelque fut son nom, il a triomphé toujours, même des édits qui prétendaient diminuer son envergure. Et pourtant nulle puissance au monde n'a vu se liguer autant d'ennemis enflammés contre elle, aucune institution n'a été attaquée avec autant de vigueur et d'acharnement.

La Monarchie ou la République ont des ad\ersaires, mais aussi des défenseurs. Vertu-

J8 MESDAMES NUS AÏEULES

gadiiis, paniers ou crinolines avaient contre eux tous les maris, tous les hommes ! Le corset seul a eu presque autant d'ennemis dont il a toujours également triomphé.

Le Vertugadin, sous François P'', vers 1530, marque la lin du moyen âge, mieux et plus complètement que n'importe quel chan- gement politique. C'est la disparition des robes collantes ou flottantes à plis droits, si sculpturales. Un monde est Uni.

Le vertugadin s'appelle premièrement hoche- plis. Ce nom s'applique d'abord seulement au bourrelet godronné soutenu par une carcasse de fils de fer qui s'attache à la taille pour donner de l'ampleur aux jupes. Puis le nom s'étend à tout un système de cerceaux de bois ou de baleine formant cage sous la jupe jus- (ju'en bas.

Le costume féminin sous François P'' est ample et majestueux plutôt que gracieux, les robes sont de velours, de satin, de brocatelle à fleurs de couleurs variées, avec de larges manches tombantes, doublées de zibeline ou des manches énormes engoneant les épaules

LA RENAISSANCE -VJ

et formant comme une succession de bourre- lets jusqu'aux poignets, avec des crevés ou- verts sur des bouillons de soie claire.

Le corset à buse appelé alors basquine apparaît. Très probablement ce n'était pas encore une armature dissimulée sous le cor- sage, mais bien le corsage lui-même raidi par des baleines, du moins les descriptions assez confuses donnent lieu de le penser.

Pour la coiffure, atUfet, chaperon^ toque ou loquet, ainsi que pour l'ornement du cou et des épaules qui sortent considérablement des corsages, on a rapporté de la molle et licencieuse Italie de jolies ouvertures de cor- sages, que les maris pourtant auraient pu trouver offusquantes, mais les hommes se décolletent bien aussi les élégantes dépen- sent en joaillerie et orfèvrerie plus que mes- sieurs les maris ne voudraient. Reines, gran- des dames, bourgeoises se ruinent en chaînes d'or, joyaux émaillés, perles, pierreries, escarboucles.

La belle Ferronnière, une des maîtresses du roi après le règne de la duchesse d'Etampes,

60 Ml^SbAMIiS NUS AÏEULES

invente de porter une escarboucle retenue par un fil au milieu du front. Un bijou de plus a porter quand on a déjà garni autant que Ton pouvait la coiffure, le corsage et la ceinture d'une étincelante joaillerie, quelle belle idée î La coiffure à la Ferronnière a vite un très grand succès.

Voici maintenant des accessoires de toilette inconnus. Pour Tété, c'est l'éventail de plu- mes, joli prétexte à garniture d'orfèvrerie, et le manchon pour l'hiver. Manchons noirs pour les bourgeoises et manchons de couleurs variées pour les dames nobles seulement, sui- vant les ordonnances royales. Les ombrelles aussi sont venues d'Italie, seulement elles sont trop lourdes et ne réussissent guère.

Mais voici sur l'éblouissante époque, Tétei- gnoir de la Réforme, les jours troublés et tristes.

Etincelante, chatoyante, superbe dampleur somptueuse et de richesse pendant tout le règne de François F'', roi chevalier, prince bril- lant, prodigue et ostentatif en un temps de bravoure et de « braver îe » et aussi de licence,

LA RENAISSANCE

Gl

la mode va changer soudain de caractère et devenir aussi austère qu'elle a été fastueuse

Les Manches à cpe\<

aussi som])re et lugubre qu'elle a été éblouis- sante et multicolore.

C'est pendant le commencement du règne d'Henri II une véritable lutte entre les modes tristes et les modes gaies, mais bientôt les modes tristes triomphent et peu à peu l'éclat de réléa:ance s'éteint, la mode tourne et va

02 MESDAMES NOS AÏEULES

Jiien vite des couleurs ternes et maussades au noir pur.

Les temps deviennent difficiles et tournent au noir aussi. C'est la Réforme, les dissen- sions religieuses, guerres de sermons et de prêches d'abord, puis guerre effective à coups de canon et d'arquebuses, à coups de bûchers, ou de potences.

Le roi Henri II dès 1549 commença les hos- tilités contre le luxe; un édit interdisant un grand nombre d'ornements ou d'étoffes, passe- ments, bordures, orfèvreries, cordons, cane- tilles, draps d'or ou d'argent, satins, etc., ré- glementa sévèrement la mode et détermina pour les différentes classes de la société les qualités des étoffes et jusqu'aux couleurs.

Le droit de porter habillement complet de dessous et de dessus en rouge cramoisi fut réservé aux princes et princesses ; les dames nobles et leurs maris ne pouvaient prendre cette éclatante couleur que pour une seule pièce de leur costume.

Pour les dames de rang inférieur, elles avaient droit, d'abord les plus élevées en

I-A RENAISSANCE Oli

rang, aux robes de toutes couleurs sauf le cra- moisi, et les autres au rouge éteint ou au noir. Même échelle descendante pour les étof- fes, des satins et des velours au simple drap.

De longs cris de lamentation retentirent par toute la France, quand on voulut passer à Texécution de l'édit.

Les dames de France, au nord comme au midi, à l'ouest comme à l'est, en bataille ser- rée, défendirent courageusement, pied à pied, leurs joyaux et leurs belles parures, leurs étoffes et leurs couleurs, discutant avec les agents de l'autorité et trouvant mille raisons ingénieuses pour tout sauver, pour tout garder.

Il fallut que le roi reprît la plume, qu'il complétât son édit par une série d'articles explicatifs et détaillât point à point ce qui était permis et ce qui était prohibé. Il faisait quel- ques concessions aux dames et permettait en- core quelques petites coquetteries, mais pour le reste, ce qui fut défendu resta défendu et la loi somptuaire fut exécutée rigoureusement.

Le velours, trop commun en Franc, Sous toy reprend son vieil honneur...

64 MESDAMES NOS AÏEULES

dit Ronsard dans une épître au Roi il loue

le monarque de ses ordonnances réformatrices. La sombre Catherine, Tltalienne dont le

sana' a empoisonné celui de la race des Valois, l'empoisonneuse qui finira toute houftie de crimes, do- mine la Cour de France en- core brillante. (îomme un iirand fantôme noir, emblème de l'ère de crimes et de mas-

i.a Coiffure de Caihciitic sacrcs qui va s'ouvrir.

de Médicis.

Elle laisse les recherches de la coquetterie aux dames de la Cour et à la maîtresse de son mari, à Diane de Poitiers, la suprême beauté, la déesse quasi mytholo- gique de la Renaissance, que Jean Goujon sculpta comme plus tard Canova sculptera une autre beauté princière, Pauline Borghèse. Les plus jolies créations de l'époque, ce sont des toilettes à tons sobres, d'une élégance sévère composant des harmonies grises ou des har- monies en blanc et non*, les couleurs de Diane de Poitiers.

A la mort d'Henri. Catherine adopte, pour

sous HENRI II.

LA RENAISSANCE

65

ne plus le quitter, le costume de veuve, et entourée pourtant d'un essaim de jeunes et brillantes beautés, de ses filles d'honneur qu'on appelle Vescadron volant de la Reine,

Sous Ilciui U.

escadron qui, dans les mille intrigues qu'elle noue et dénoue, la sert plus avanta- geusement que des escadrons de reîtres, elle traverse les trois règnes tourmentés des rois ses fils, noire des pieds à la tête, noire comme la nuit, noire comme son àme. Large jupe noire, corsage noir en pointe,

66 MESDAMES NUS AÏEULES

grandes ailes noires aux épaules, collet noir relevé en forme de fraise ; et pourjcoiffure une sorte de chaperon ou de toquet à visière noire qui descend en pointe sur ce front aux pensées dures et sinistres.

Ce fut Catherine, paraît-il, qui importa en France, en arrivant de Florence pour son ma- riage, les fraises qu'adoptèrent rapidement les hommes et les femmes.

Il y en avait de toutes sortes, de modestes et d'inouïes, de très simples en linge godronné et d'autres en merveilleuses dentelles. Inven- tion charmante et superbe, incommode sans doute comme bien d'autres inventions de la mode, mais qui encadrait si bien dans les rosaces et les rinceaux de la plus fine den- telle, qui sertissait comme un bijou précieux la figure de la femme.

C'étaient des chefs-d'onivre de cet art si féminin de la dentelle brillait toute l'élé- gance décorative de la Renaissance ; les mêmes artistes qui ciselaient le bronze, l'ar- gent et l'or, qui sculptaient ces Unes décora- tions de pierre sur les façades des palais,

LA RENAISSANCE 67

fournissaient les dessins de ces fraises ; la dentelle avait ses Benvenuto Cellini, à Bruxelles, à Gènes et surtout à Venise, pre- miers centres de fabrication.

Mais les fraises ne prirent pas tout de suite ces belles proportions, qu'elles n'atteignirent que sous Henri III. Elles furent d'abord de simples collerettes à plis ronds ou godrons qui enserraient le cou jusqu'aux oreilles, fraises austères et fermées d'un temps qui s'assombrissait de plus en plus ; l'austérité protestante gagnait rapidement et si les ca- tholiques conservaient leurs habitudes et leurs mœurs plus faciles, les querelles de religion avaient pris toute leur àpreté et la guerre civile planait sur la France.

Sous le règne éphémère de François II, qui vit passer à la cour de France la figure auréo- lée par le malheur de la pauvre Marie Stuart, sous celui de Charles IX, les costumes ont une élégance sobre et discrète. Comme les pourpoints des hommes, les corsages sont tailladés, ainsi que les manches raides et bouffantes en haut.

t)8 MESDAMES NOS AÏEULES

Les seuls bijoux sont quelques boucles et pendants de ces grandes ceintures dites cor- delières, des garnitures d'aumùnières, un col- lier sous la collerette, petite fraise à godrons qui se trouve aussi aux poignets.

Le chancelier de l'Hôpital, ennemi de la trop grande ampleur des vertugadins, les avait un peu dégonflés et diminués par une sévère ordonnance en lo63, par laquelle il interdisait également aux hommes les hauts de chausses rembourrés. Mais à un passage du roi Charles IX à Toulouse, les belles Toulou- saines étant venues implorer un adoucisse- ment aux rigueurs de l'austère chancelier, le roi, plus clément qu'il ne se montrera plus tard aux Huguenots, fit grâce au vertugadin et lui permit de reprendre ses monumentales proportions.

Ne nous moquons pas de cette ampleur des vertugadins, un jour elle sauva la France s'il est vrai, comme la chronique le dit, que Mar- guerite de Valois put préserver les jours d'Henri de Navarre son mari, en le cachant sous un immense vcrtugadiai quand les mas^

LA RENAISSANCE

69

sacreurs de la Saint-Barthélomy se mirent à dépêcher à coups de hallebarde les huguenots qu'on avait logés au Louvre à l'occasion des noces d'Henri et de Margot.

Les modes s'assom- brissent comme le temps, comme Tarchi- tecture, comme le mo- bilier, comme tout. C'est une loi générale, l'architecture est sévè- re, ce n'est plus l'exu- bérance débordante, la gaieté païenne de la Renaissance, les for- mes sont plus conte- nues. Après une débauche d'inventions sourian- tes, l'architecture fait pénitence. Le mobilier qui garnit ces hôtels renfrognés est raide et gourmé.

Voyez ces tables et ces sièges carrés, sans ornements ni sculptures, de bois brut recou- vert d'étoffe sombre semée de gros clous. C'est le stvle catafalaue.

Sous Charles IX.

70 MESDAMES NOS AÏEULES

Dans ces architectures sévères, dans ces ap- partements qui semblent revêtus de tentures d'enterrement, s'agitent des gens à costumes tristes. Longues robes tombant sur de larges vertugadins et collets montants; le buste est emprisonné et comprimé durement dans un raide corset à buse fermant par derrière, dans une armature solide appelée un corps piquée que recouvre un corsage d'étofTe raidie et ba- leinée aussi.

Pour sortir dans la rue, les femmes ajus- tent sous leurs chaussures des patins légers à semelles de liège, ce qui s'est déjà fait aux siècles précédents, mais on raille beaucoup les femmes de petite taille qui ont pris pour ha- bitude de se jucher sur des patins formidables, ou de se hausser par des souliers à nombreu- ses semelles superposées.

Pour la coiffure, c'est la coiffe de réseau, la pointe sur le front faisant de la figure une sorte de cœur, ce que nous connaissons sur- tout sous le nom de coiffe à la Marie Stuart, ou bien c'est le chaperon de velours noir, une sorte de chapeau assez peu seyant.

LA RENAISSANCE 71

Il est de mauvais ton pour les dames nobles et même pour les bourgeoises de sortir sans masque. Étrange mode, ce masque noir est encore une note triste ajoutée à un ensemble déjà bien sombre.

Les masques, de velours noir, sont courts, laissant voir le bas du visage, ou à menton- nière; ils s'attachent derrière les oreilles ou bien, ce qui est plus raffiné, se maintiennent au moyen d'un bouton de verre tenu avec les dents. Cette mode passant des femmes de qua- lité aux toutes petites bourgeoises durera longtemps, jusque sous Louis XIH.

Le masque cependant est coquet, il y avait moins joli, il y avait le touret de nez, pièce d'étoffe noire attachée par les côtés au chape- ron, qui s'ajustait sous les yeux et cachait tout le bas du visage, invention bizarre et peu sé- duisante qui ressemblait, en laid, au voile de figure des femmes du Caire.

Ces tourets de nez, paraît-il, ont leur raison d'être et leur utilité. Ne les soulevons pas. Les dames se fardent outrageusement suivant une mode venue d'Italie avec Catherine de Médicis,

MESDAMES NOS AÏEULES

elles se peignent comme de simples Caraïbes et s'appliquent sur les joues, sous le touret de nez, les couleurs les plus vives et les plus dange- reuses pour l'épiderme. Les visages féminins sont enduits de plaques de vermillon, ou bien, sous prétexte d'entretenir la fraîcheur du teint, de pommades et de drogues vraiment peu ra- goûtantes.

Horrible I

Une Instruction pour les jeunes dames donne des indications sur la composition de ces « oints » ou plutôt de ces fricassées déplorables il entre delà térébenthine, des fleurs de lis, du miel, des œufs, des coquilles, du camphre, etc., le tout cuit dans l'intérieur d'un pigeon, trituré et distillé ensuite.

Pouah! le touret de nez paraît assez indis- pensable après cela.

Le florentin René, amené par Catherine, four- nissait aux belles dames de la cour fards, par- fums et cosmétiques; on sait qu'il cuisina souvent pour la reine mère d'autres fournitures plus nuisibles destinées à supprimer avec élé- gance et discrétion les gens embarrassants.

JA

fc-r /^>

DAME DU TEMPS DE CHARLES IX.

LA RENAISSANCE

n

Quelle époque! d'un bout du royaume à l'autre, dans le mélange des partis en lutte, on se dispute, on se hait, on se bat. Pendant

Etoffjs ramn^î'Cs.

trente ans tout est bouleversé, les armées ca- tholiques et huguenotes se poursuivent par les provinces, mettant tour à tour les villes à sac, brûlant les châteaux les uns des autres, guerre sans merci les femmes et les en-

74 MESDAMES NOS AÏEULES

fants sont enveloppés, guerre de surprises et de massacres.

Les villes sont assiégées, les campagnes sont ravagées par les argoulets et arquebu- siers catholiques, par les reîtres protestants, les châteaux et manoirs enlevés par de rapi- des coups de main... Il faut fuir quand on ne se sent pas le plus fort, ou périr...

On comprendrait, qu'en ces lugubres temps, les costumes des femmes se soient un peu mas- culinisés. Les pauvres femmes ont si souvent besoin, pour se tirer d'affaire dans les moments difficiles, d'enfourcher chevaux ou mules, de chevaucher comme les hommes!

Ainsi, en I068, Condé surpris en pleine paix, dut, pour échapper aux troupes de Cathe- rine, s'enfuir de son château de Noyers près d'Auxerre et courir jusqu'à la Rochelle, échap- per aux partis de cavalerie, traverser la Loire à gué, avec sa femme enceinte portée dans une litière, avec trois enfants au berceau, la famille de l'amiral Coligny, celle d'Andelot, nombre d'enfants et de nourrices...

Les femmes empruntèrent au costume mas-

LA RENAISSANCE

culin une espèce de pourpoint à hauts de chausses qui se mettait sous la robe. Ces cale- çons ^ ainsi s'appelaient-ils, permettaient, malgré les larges jupes, d'enfourcher plus com- modément les arçons.

Les vertugadins continuaient à se porter et à grandir malgré tout

Et les dames ne sont pas bien accommodées Si leur vcrtugadin n'est large dix coudées,

dira bientôt un satirique Discours sur la mode.

Au temps de la Réforme.

Coiffure et Colloretle Valoi*.

HENRI III

La cour du Roi-Femme— Les grandes fraises plissées, Rodronnées ou en cornets. Les femmes-clochos. Les grandes manches. Horribles méfaits du corset. La reine Margot et ses pages blonds.

Le règne de Henri III n'apporte aucun chan- gement dans la situation. Les temps furent plus sombres peut-être et le pays plus boule- versé. Cependant malgré la sainte Ligue, mal-

HENRI m 77

gré le redoublement des guerres civiles, mal- gré l'incendie de ses provinces et le sang qui coulait de partout, Henri III, roi de la France tiraillée à quatre chevaux, prit en main le sceptre de la mode.

Après le sombre Charles IX, dédaigneux du luxe et des affîquets de la toilette, venait un roi mignard, frisé, fraisé, musqué, fardé, qui, tout en renouvelant les édits de Charles IX contre le luxe, lançait la cour, et après la cour tout ce qui peut suivre la mode, dans un dé- bordement de folies luxueuses, de somptuosi- tés excentriques et extravagantes.

Sous ce roi de Vile des Hermaphrodites^ comme des pamphlets l'appelèrent, le roi- femme, et l'homme-Reine de d'Aubigné :

Son visage de blanc et de rouge empâté,

Son chef tout empoudré nous montrèrent l'idée

En la place d'un roi d'une fille fardée.

tout est désordonné et déréglé à la cour. « Le luxe et les débordements sont tels que la plus chaste Lucrèce y deviendrait une Faustine, » dit la chronique de l'Étoile.

MESDAMES NUS AÏEULES

Le royaume de la mode lui-même est boule- versé, il n'y a plus de frontières naturelles et les modes se confondent pour les deux sexes. Le roi, par un goût singulier, féminisa le plus possible ses costumes, cherchant ce qui pou- vait se prendre aux modes féminines, depuis la coiffure jusqu'à l'éventail.

Comme les dames de la cour, le roi et ses mignons adoptèrent les colliers de perles, les boucles d'oreilles, les dentelles de Venise et les grandes fraises. Comme les dames, pour entretenir la fraîcheur de leur teint, ils se far- dèrent et se cosmétiquèrent d'une façon ridi- cule, allant jusqu'à mettre la nuit des mas- ques et des gants enduits de pommade; étran- ges modes efféminées pour un temps de poi- gnards levés et de périls constants.

Ces mignons et popelirots ne portaient-ils pas comme les dames une sorte de corset pour faire taille fine, le pourpoint à buse descendant très bas en pointe, devenu bientôt le ridicule pourpoint à panse rembourrée formant une espèce de ventre pointu à la façon de Poli- chinelle. Ne se coifTaient-ils pas de la loque

EMU III 79

féminine ornée de plumes et de pierreries...

Les femmes ne prirent rien aux modes mas- culines, mais elles se rattrapèrent en exagé- rant considérablement les dimensions et l'or- nementation de tous les éléments du costume, en recherchant la somptuosité des étoffes, en se surchargeant encore d'accessoires et de joail- lerie. C'est Marguerite de Valois, sœur du Roi, la reine Margot d'Henri IV qui mène la mode, et moins le ridicule que la grâce féminine esquive, elle fait bien le pendant de l'étonnant Henri III, le satrape musqué et fardé qui em- pèse et godronne lui-même ses fraises et celles de la reine, et se promène avec des petits chiens sur les bras ou le bilboquet à la main.

Les fraises ont pris des proportions fantas- tiques, ce sont d'immenses cornets évasés, soutenus par des fils de laiton, de magnifiques dentelles ou broderies de point de Venise, qui partant du corsage, laissent voir les épaules et montent derrière la tête jusque par-des- sus la coiffure. La figure fardée ainsi encadrée dans cette dentelle à pointes, c'est une fleur éclatante ou un fruit, ou plutôt c'est une tête

80

MESDAMES NUS AIEULES

d'idole, trop apprêtée, peinte et repeinte, ruis- selante de bijouterie et de clinquant.

Toilette de Cour.

Encadrement de corsage en joaillerie, or, pierreries, perles, colliers, boucles d'oreilles,

TOILETTE DE COUR HENRI III.

HENRI II

81

perles et diamants à la coiffure, les princesses et les grandes dames étincellent. Les coiffures sont très basses, les cheveux arrangés en pointe sur le front et relevés en rouleau sur les tempes, dessinent un cœur que couronne un

simple cercle orné de pierres et de perles fines. Sur les corsages et sur les jupes, des lignes de perles forment des quadrillés ou des lo- sanges. La ceinture à pendants très longs, est en joaillerie également ; à l'extrémité pend un petit miroir, précieusement encadré, que les dames ont à tout instant à la main,

6

MESDAMES NOS AÏEULES

pour vérifier l'état de cette précieuse toilette si difficile à porter, de ces fraises immenses, d'une si haute et si majestueuse élégance, pour lesquelles les dames sont à la gène dans les réunions et dans la presse des fêtes de la cour.

Il suffit pour en juger de voir au Louvre un tableau du temps, représentant un bal à la cour, aux fêtes données pour le mariage du due de Joyeuse avec la belle-sœur du roi, noces fameuses, célébrées avec un faste inouï par vingt-cinq outrente journées de festins, de jou- tes ou de mascarades, pendant lesquelles toute la cour, les princes et princesses, seigneurs et nobles dames rivalisèrent de richesses et de somptuosités folles, dans leurs toilettes renou- velées de fête en fête.

D'après ce tableau des noces de Joyeuse, attribué à Clouet, les seigneurs et les nobles dames rivalisèrent surtout de ridicule dans leurs ajustements. Ce ne sont que corsages à pointes, fantastiquement serrés ou pourpoints à abdomens pointus, qui donnent aux uns et aux autres, des apparences d'insectes, fines guêpes ou gros bourdons.

HENRI ni

Ces corsages, dont les buses n'en finissent pas, ont des manches énormes et rembourrées, aussi grosses aux épaules que le corps tout

Les Manches bouffantes.

entier, formées d'une succession de gros bour- relets à crevés, bordés de perles ou de clin- quant, avec des poignets de fine dentelle as- sortis à la fraise.

Quant aux vertugadins, ils ballonnent et s'élargissent considérablement, ce sont main-

84 MESDAMES NOS AÏEULES

tenant plus que des cloches, ce sont de vastes soupières renversées, sur lesquelles on porte deux robes superposées, la robe de dessous, de riche brocart ou d'étoffes chargées de mille broderies, s'ouvrant pour laisser voir l'autre, laquelle est de couleur différente et non moins ornementée.

Au plus épais des troubles et confusions, quand ligueurs, royaux et huguenots se heur- taient, s'arquebusaient et se pendaient d'un bout du royaume à l'autre, Damville, l'aîné des trois fils du connétable de Montmorency, qui avait levé la lance pour un quatrième parti, celui des politiques, allié dans le Midi aux huguenots, dut une belle chandelle à l'inven- tion de ces encombrants vertugadins. Cerné dans Béziers, il allait être pris et courait grands risques, mais une de ses parentes, Louise de Montagnard, femme de François de Tressan, l'enleva dans son carrosse, caché sous l'étale- ment de son immense vertugadin, et le fit pas- ser à la barbe de ses ennemis.

C'est le second sauvetage opéré par le ver- tugadin : peut-être aurait-il a faire valoir bien

HENRI III

85

d'autres actes de service, si l'histoire avait daigné les enregistrer. La crinoline, que nous avons connue, n'a pas de haut fait pareil à son

Le petit manteau Henri III.

actif. Sa vaste envergure fut aussi utilisée, non pour de si dramatiques évasions, mais seulement par d'ingénieuses fraudeuses, qui se contentaient d'accrocher sous leurs jupes,

8(3

MÏSDVMES NUS AÏEULES

à ses cerceaux, des objets soumis aux droits.

Le corset n'est plus la simple basqiiine,

assez inofTensive des commencements, le corps

Sous Henri lU.

piqué qu'endurent, sous prétexte de s'avanta- ger la poitrine, les belles dames de ce temps, c'est un véritable instrument de torture, un moule dur et solide dans lequel il fallait en- trer, souffrir et rester, malgré les éclisses de bois qui « entraient dans la chair, mettaient la taille à vif et faisaient chevaucher les côtes

ENRI III 87

les unes par-dessus les autres, » ce sont Mon- taigne et Ambroise Paré qui le disent, et ce dernier pouvait en savoir quelque chose.

Comme le vertugadin et plus que le vertu- gadin, le corset passera les siècles, durera à travers toutes les modes, malgré toutes les at- taques, malgré les médecins qui l'excommu- nient avec unanimité, victorieux de tous et de toutes, victorieux contre l'évidence. Les ab- surdes mignons d'Henri III l'ont bien un mo- ment fait adopter par les hommes !

Les beautés célèbres du temps, M'"^ de Sauves, la reine Margot, dans leurs atours de cérémonie, avec tous leurs joyaux et pierre- ries, dans leurs corsages raidis et luisants, couverts de rinceaux d'or, ont l'air de déesses revêtues de cuirasses damasquinées. Ne m'ap- prochez pas, disent les grandes fraises à pointes de ces beautés, qui pourtant ne sont guère inaccessibles.

Cette folie de luxe, à une époque si sombre pourtant, a gagné toutes les femmes. Il n'est pas de femme de petite noblesse, de femme de robin, de bourgeoise qui n'essaie d'approcher

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MESDAMES .NOS AÏEULES

des grands modèles, au grand déplaisir des maris, au grand péril des fortunes déjà bien atteintes par les malheurs des temps. Le brillant xvf siècle, le siècle de la Renais-

La Reine Margrot.

sance, illustré par tant d'artistes et de lettrés, tant d'étincelants chevaliers et de dames éblouissantes, le xvi^ siècle finit mal cepen- dant. Il plane sur cette fin, sur cette époque d'Henri III, aux raffinements corrompus, sur la cour et la ville, sur ces belles et nobles dames, sur ces reines vénéneuses, sur ces rai-

GRANDE TOILETTE MÉDICIS.

HENRI III

89

gnons et ces raffinés, une telle odeur de sang, que dans ce bouleversement et dans cette cor- ruption sociale, ce n'est pas de trop de tous

Grande Fraise Henri III.

les parfums violents dont on use, de ce musc et de cette ambre pour la masquer.

Marguerite de Valois, fleur au parfum dan- gereux, survivra à ce temps et finira en I6I0, quelques années après Henri IV, son ex-mari; elle finira vieille coquette, fardée et musquée, essayant, malgré l'âge, malgré l'embonpoint qui détériore sa prestance d'ex-déesse, de garder

90 MESDAMES NOS AÏEULES

les grâces solennelles et apprêtées de son beau temps et ses grands costumes d'apparat, traî- nant une petite cour de ses châteaux du Lan- guedoc à son logis parisien de l'hôtel de Sens qui existe encore, distinguant de temps à autre quelque trop joli cavalier, ou quelque gentil jeune page, de ces pages qui occupaient déjà la chronique en ses belles années, quand on l'accusait de les faire tondre pour se fabriquer des perruques blondes avec leur toison.

Tout à la lin de cette reine, devenue la gro- tesque Margot, l'un de ces pages préférés ayant été dagué dans l'hôtel même par un jeune écuyer, jaloux de posséder les bonnes grâces de la vieille reine, Marguerite entra en fureur comme une lionne blessée, et pour venger l'objet de ses dernières amours, elle prétendit exercer leodalement le droit de haute justice dans sa maison; elle condamna le coupable à mort et le lit décapiter sans désemparer, sous ses yeux affamés de sang, devant le populaire assemblé dans le carrefour, sur la porte même de l'hôtel de Sens.

La fraiic collerette.

VI

HENRI IV ET LOUIS XIII

lletour à une simplicité relative.— Les femmes-tours.— Hautes coiffures. Excommunication du décolletage. Les robes à grands ramages de fleurs. Collets montés et collets rabattus. - Tailles longues.— Les édits de Richelieu. La dame suivant l'édit. Tailles courtes.

Il y a des siècles qui ont la vie dure, et d'autres qui meurent avant l'âge, le xvi*' siècle, de complexion sans doute particulièrement ro- buste, se prolongea jusqu'à la fin du règne du Béarnais, avec ses idées et ses mœurs,

92 MESDAMES NOS AÏEULES

ses façons et ses modes. On verra plus tard le xvu^ durer de même avec Louis XIV au détri- ment du xvm^, et ce pauvre et charmant xviii^ finir tristement avant l'âge, de mort subite en l'année 89.

Ces années de grâce du x\f siècle sous le sceptre du roi Henri, sont une convalescence après les longues années de lièvre chaude; la France, que la maladie a mise si bas, renait. le poison qu'elle avait dans les veines est expulsé, tout se répare, se nettoie et s'assainit.

Après les raffinements ridicules et maladifs du règne de Henri HI, le costume prend un caractère sans façon, un aspect de bonne et simple franchise, s'il peut y avoir de la fran- chise dans le costume. C'est cependant presque le même costume, mais simplifié dans les lignes et débarrassé de ce qu'il avait de sura- bondant et de trop cherché dans les détails.

Les modes sont moins élégantes, certaine- ment, celles des femmes comme celles des hommes; elles ont bien des ridicules aussi, mais ce sont des ridicules naïfs. On est sorti de la prétention excessive, de la grâce raffinée et

HENRI

IV ET I.Oi;iS XIII «3

corrompue; en allant- dans la simplicité, on est tombé dans la lourdeur et la gaucherie, pourtant de cette lourdeur inélégante mais saine, se dégagera bientôt la grâce cavalière du costume Louis XIII. H ne faut cependant pas prendre ce mot simplicité au pied de la lettre : hâtons-nous de dire que cette simplicité n'est que très relative.

Les jours d'apparat, les dames arboraient encore la même quantité de joailleries et de pierreries que par le passé. La reine qui a remplacé Marguerite de Valois après le divorce, -une deuxième alliance Médicis qui ne parait pas avoir trop réussi au Béarnais, bien payé déjà pour se souvenir de Catherine - la reine de la main droite Marie de Médicis et la reine du côté cœur Gabrielle d'Estrées, du- chesse de Verneuil, et les autres belles dames, se montraient « aux fêtes, ballets, mascarades et collations, richement parées et magnifique- ment atourées et si fort chargées de pierres et pierreries qu'elles ne pouvaient se remuer .. La reine montra lors d'une grande occasion, une robe. « étoffée de trente-deux mille perlcg

9i MESDAMES NOS AÏET'I.ES

et trois mille diamants, » et à son exemple les grandes dames et les dames de moyenne élofTe dépensaient volontiers plus que leurs revenus, en somptuosités, en habillements de brocart, satins, damas admira])los, ramages et passementés d'or, chargés et surchargés de clinquant et de joailleries diverses.

Voilà une bien étrange simplicité, et pour- tant quand on examine tableaux et estampes du temps, ces documents n'en montrent pas moins une grande différence entre les su- prêmes raffinements des modes de Henri III et Télégance un peu mastoque du temps de Henri IV.

Les coiffures sont plus hautes, les têtes se surchargent de cheveux achetés chez le coif- feur, à la couleur à la mode.

Pour un temps les perruques des règnes de Louis XIV et Louis XV apparaissent, mais sur la tête des dames : perruques lirunes ou blondes, perru<|ues de simple filasse même, pour celles qui ne pouvaient s'offrir mieux. Et avec les perruques la poudre aussi se montre. C'est ]>lutùl un empois mélangeant la pommade

HENRI IV ET LOUIS XIII

aux poudres les plus diverses, depuis les fines poudres parfumées à la violette et à l'iris, jus- qu'à la poudre de chêne pourri, et à la simple farine pour les naïves campagnardes.

Ce temps voit aussi éclore les mouches qui reparaîtront également au xvm® siècle, mais ce sont d'abord des mouches larges comme des emplâtres et d'un aspect moins séduisant que les coquettes « assassines » de plus tard.

Les femmes du peuple et de la petite bour- geoisie ont gardé l'ancien chaperon, coiffure modeste, pendant que les femmes de la haulc classe, coiffées en cheveux avec perles et bijoux, adoptent pour sortir le chapeau ou la toque à petit bouquet de plumes.

Voici le portrait d'une dame à la mode :

En ces temps heureux de vivre et de res- pirer, après tant de sombres années, une élé- gante est sanglée et comprimée dans un cor- sage dur et rigide, fortement armé de baleines, une véritable gaine descendant tout d'une pièce, sans indication de modelé, en longue pointe sur la jupe. .11 faut dire 4u'on se rallrape de cette mise à

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MESDAMES NOS AÏEULES

la géhenne par le décolletage du corsage, très libéralement échancré en pointe aussi, trop libéralement même, puisque Sa Sainteté le Pape se croit obligé d'intervenir et menace

Toilette de Cour Henri IV.

d'excommunication les belles qui continueront à se décolleter dans des proportions exagé- rées.

Cette menace d'excommunication amende à payer seulement là-haut n'a pas beaucoup d'efYet, et les grandes fraises, les collets mon- tés de magnifiques dentelles soutenues de fils

DAME LOUIS XIII.

H EMU IV ET LOUIS XIII

07

cFarchal, conliuueiit à encadrer les opulences du corsage. La line dentelle va si bien autour de la chair, elle fait si bien i^essortir les épaules et les épaules font si bien valoir les

La belle Gabrielle.

merveilles des points de Venise ou de Flandre, cette délicate et si artistique orfèvrerie à l'ai- guille !

D'énormes manches qui ne sont pas des manches tiennent au corsage. Ce sont des ailes ouvertes fendues dès l'épaule, descendant très bas, garnies de boutons serrés qui ne se bou-

7

MESDAMES NOS AÏEULES

tonnent pas. La vraie manche paraît en des- sous, toujours rembourrée et remontante aux épaules, terminée par des poignets en dentelles appelés rebras.

Les jupes sont moins ballonnées que jadis, le vertugadin est plus modeste, c'est une simple cloche lourde et tombant droit, ou plutôt cela ressemble à la grosse caisse bariolée d'un ba- taillon de Suisses, mais les hanches sont ren- flées en coupole et accusées de façon grotesque par un rang de tuyaux godronnés de la même étoffe que la robe.

Il est assez difficile aux femmes d'avoir avec cela une démarche élégante et légère; cepen- dant les beautés de l'époque tiennent à ces jupes et l'idéal de la grâce est d'affecter en marchant un dandinement de canard pour leur donner un balancement rythmique.

Une dame élégante a sous la robe trois au- tres jupes qu'elle doit montrer en se retrous- sant élégamment, trois autres jupes dornc- mentation et de couleurs différentes.

Dans la liste des étoffes et des couleurs à la mode, elle a de quoi choisir, nous avons alors

HENRI IV ET LOUIS XIII 99

une série de noms aussi drolatiques que ceux inventés plus tard par le capricieux xviii^ siècle.

Couleur triste amie, ventre de biche, face grattée, couleur de rat, fleur mourante, singe înourant, couleur de veuve réjouie, de temps perdu, de trépassé revenu, Espagnol malade, péché mortel, jambon commun, racleur de cheminée, etc.

Le temps de la régence de Marie de Médicid est une époque de transition entre les modes du XVI'' et celles du xvii'^ siècles ; le vrai costume Louis XIII ne se dégagera complètement des derniers vestiges des modes de la Renaissance que vers 1630, à l'époque des édits réforma- teurs de Richelieu qui, prohibant draps et bro- cards d'or et d'argent, broderies et passemen- teries de fils d'or, dentelles, points coupés, forcèrent les élégants à se contenter d'étoffes et de lingeries plus simples et induisirent les tailleurs de robes et d'habits à chercher des formes nouvelles.

Pendant la première partie du règne, la mode se dégage lentement de sa lourdeur, le

lUO MESDAMES NOS AÏEULES

vertugadiii diminue peu à peu et le si disgra- cieux renflement godronné au-dessus des han- ches disparaît, remplacé par un retroussis à grands plis de la jupe de dessus.

Le vertugadin humilié a passé la frontière, il règne en Espagne sous le nom de giiarde infante, il prend de si colossales proportions (jue lautorité veut par des édits, comme en France, arrêter leur développement. A l'amende s'ajoute la saisie et l'exposition publique des objets prohibés. L'édit, sévèrement appliqué, suscita des résistances violentes et des émeutes oîi le sang coula.

Le vertugadin eut la vie si longue de l'autre côté des Pyrénées que les galants de la cour de Louis XIV le revirent avec surprise porté par les dames de la cour espagnole lors de l'entrevue dans l'iîe de hi Conférence pour le mariage de Louis avec Marie-Thérèse.

En France, la recherche, la richesse et le faste, la multiplicité des ornements, la sur- charge de joaillerie se remettent à dominer dans la mode et toutes les dames, même celles de la plus simple bourgeoisie donnent dans

ENRI IV ET LOUIS XIII

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l'abus des superfluités coûteuses et du clinquant. Comment « une p^alante femme en habits se

D'il près Callot.

comporte, » -un poète satiri([ue va nous le dire :

Il lui faut des carcans, chaînes et bracelets, Diamants, affiquets et montants de collets, Pour charger un mulet, et voire davantaKO...

102 MESDAMES NOS AÏEULES

Jl lui faut des rabats de la sorte que celles Qui sont de cinq ou six villages damoiselles; Cinq collets de dentelle haute de demi-pié L'un sur l'autre montés...

Si les vertugadins ont diminué, les fraises ont plutôt gagné en hauteur et développement ; les grands portraits de Rubens et ensuite ceux de Van Dick nous montrent ces fraises de la dernière période, en demi-circonférences s'é- vasant derrière la tête.

Mais les estampes de Callot et d'Abraham Bosse vont nous renseigner sur les modes pari- siennes d'avant et d'après les édits de Richelieu.

Callot qui avant 1630 a dessiné de sa mer- veilleuse pointe tant d'élégants et pittoresques cavaliers en pourpoint de soie ou de buffle, tant d'officiers en hongreline, à petites bottes et grandes flamberges, de seigneurs bien x\if siècle, dans ces costumes si charmants et d'une si jolie crànerie, portés avec tant de prestance et de laisser-aller, a gravé aussi quelques cos- tumes de femmes, qui, bien que de la même époque sont encore un peu dans le style des modes du siècle précédent.

HENRI IV ET LOUIS XIII

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e

Ces dames portent encore les robes à taill longue serrée dans le corps piqué rigide, les manches à bourrelets avec crevés tailladés en grande ou petite déchiquetade, de couleurs vives, les jupes relevées sur le vertugadin ré- tréci.

Elles sont chaussées de souliers à pont-levis. avec attaches sur le coup de pied, une mode nouvelle.

Les bourgeoises non plus que les dames ne vont >'ulle part maintenant, qu'avec soulier à pont, Qui aye aux deux côtés une large ouverture Pour faire voir leurs bas, et dessus pour parure Un beau cordon de soie en nœud d'amour lié...

Ceci décrit suffisamment le soulier Louis XIII d'une si cavalière élégance. Le Musée de Cluny dans sa riche collection de chaussures en pos- sède d'admirables, très découpés et décorés d'ornements noirs sur le cuir fauve et d'autres plus simples avec le nœud de rubans dit nœud d'amour.

Les découpures laissaient voir les bas de soie incarnat, couleur à la mode; pour sortir

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MESDAMES NOS AÏEULES

on ajoutait à ces souliers des patins de velours cramoisi à très hautes semelles.

Les gants des ('dégantes étaient non moins

l'raisi' Mûiiici

jolis, ornés de dessins sur le dos et d'aral)esques brodés surlegrandcrispin emboîtant le poignet. De vives chamarrures, de grands ramages de fleurs courent sur toutes les robes comme ils couvrent toutes les étoffes du temps. Le jardin des plantes, autrefois jardin du Roi. doit sa création à cetto mod^: le noyau jirimil il' fut sous Henri IV lo jardin d'un horticulteur avisé

FIN DU RÈGNE DE LOUIS XIII.

HENRI IV ET LOUIS XIII

105

toutes les sortes de plantes françaises ou étrangères étaient cultivées en vue de fournir

Co.sagc Louis Mil.

des modèles aux dessinateurs d'étoffes ou de broderies.

Les coiffures varient. Longtemps à cause des grands collets des fraises, elles sont restées très hautes, ondées ou frisées en bonnet d'as- trakan et ornées seulement de bijoux. Plus tard les fraises s'abaissent tout à coup et se séparent en rabats de dentelle de point coiq^é.

106 MESDAMES NOS AÏEULES

rabattus sur l'échancrure carrée du corsage, et en collets abaissés, sinon rabattus aussi.

La coiffure peut s'abaisser aussi avec ces fraises basses ; on forme un petit chignon dit culebutte derrière la tête et on encadre la figure de jolies boucles tombantes ou frisées. Cette mode s'exagère un peu, les femmes se font avec leur coiffure frisottée et les petites mèches plaquées sur le front, une tête ronde comme une boule.

Viennent les édits de Richelieu qui veut em- pêcher l'or de France de s'en aller, au détri- ment du commerce français, enrichir les ma- nufactures étrangères en achats de passemen- teries de soie de Milan et de dentelles ou broderies, les édits qui prohibent ensuite les galons et franges, parfdures et canetilles enri- chies d'or et d'argent, en ne permettant (|ue les galons étroits de simple étoffe; le costume va changer tout à coup

Il faut serrer ces belles jupes Qui brillent de clinquants divers. On a pris les dames pour dupes, Leurs habits n'en seront point couverts,

HENRI IV ET LOUIS XIII

107

dit une dame dessinée par Abraham Bosse en 1634 après les édits et la réformation du cos- tume.

Changement radical, plus de surcharge d'or-

Boirgeoisc Louis XllI.

nements, plus d'étofîes à ramages, plus de fines dentelles de Venise ou de Bruxelles. La dame suivant Védit d'Abraham Bosse porte sur une jupe plate, à plis tombant droit, sans le moindre soupçon de vertugade, un corsage à basques, à taille très haute serrée par un simple ruban, des manches larges, ouvertes

108 MESDAMES NOS AÏEULES

sur une manche de dessous très simple sans la moindre broderie ni garniture.

La grande fraise, le grand collet monté ou rabattu est remplacé par un grand rabat de lingerie qui monte jusqu'au menton. Il n'y a plus dans ce costume aucun reste des modes (lu xvi^ siècle définitivement trépassées.

Mais ce costume extrêmement simple, dune sobriété qui touche à l'austérité, restera celui des toutes petites bourgeoises, des bonnes ménagères à qui les édits somptuaires ne cau- sent pas grand souci ni douleur; c'est en somme dans les grandes lignes, le coslume actuel des sœurs de Saint-Vincent rie Paul, aux couleurs près.

Les belles dames vont prendre ce modeste costume d'après les édits et le transformer bien vite et en faire un des ensembles les plus élé- gants et les plus charmants que la mode ait inventés, un type vraiment remarquable de haute distinction, juste au moment le cos- tume masculin si dégagé, si cavalier des pre- miers temps de Callot. va se modifier en mal. devenir lourd et guindé avec les justaucorps

HENRI IV ET LOUIS XIII

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à taille sous les bras et les hauts de chausses tombant au mollet.

Fin du règne de Louis XIII.

La robe s'ouvre du haut en bas, laissant voir un devant de corsage de satin clair orné d'aiguillettes et terminé en pointe arrondie sur une jupe de dessous de soie ou satin mordoré.

110 MESDAMES NOS AÏEULES

La robe de dessus ainsi largement ouverte et assez longue, a tous ses plis sur les côtés ou par derrière.

Les manches bouirantes sont coupées en minces bandes du haut en bas, rattachées sur la saignée par un ruban ou simplement ou- vertes sur une riche manche de dessous et garnies sur l'ouverture d'aiguillettes ou de nœuds de rubans.

Plus de collets montés, rien (|ue des collets rabattus. Ces grands collets et rabats de lin- gerie ont bien vite repris quelques riches bro- deries, dont les pointes tombent maintenant très bas sur les épaules et sur les bras, en même temps que de hautes manchettes dente- lées et découpées de la même broderie mon- tent des poignets jusqu'au coude.

Et touifes et boulTettes de rubans partout, rosettes au corsage; guirlandes de rosettes à la ceinture, et colliers de perles tombant dans le corsage, carcans de bijouterie serrés au cou, diamants et pierres sur les aiguillettes et les ferrets. Voici la dame à la mode de 163o qui s'en va promener ses riches atours à la Place

HENRI IV ET LOUIS XIII

m

Royale parmi les galants à moustaches retrous- sées, qui papillonnent sous les arcades.

Ce sera tout à l'heure le costume des héroïnes de la Fronde, des duchesses liguées contre Mazarin, et cela deviendra en se modi- fiant peu à peu le grand costume des fêtes éblouissantes de la cour de Louis XIV.

Elégante Louis XHI.

». >^;'

VII

SOUS LE ROI-SOLEIL

Les héroïnes de la rronde. De la Vallière à la MaiiiLe- non.— Les robes dites transparentes. Triomphe de la dentelle.— Le roman de la mode. Les Steinquer- ques. La coilTure à la Fontanges. Le règne de M""' de Maintenon ou trente-cinq ans de morosité.

LerèiiiiL' du grand rui. Le règne des architec- tures étalant une somptuosité d'apparat, une

A LA COUR DU ROI-SOLHIL.

sous LE ROI- SOLEIL 113

solennité majestueuse et le règne des perru- ques également solennelles et majestueuses, des modes dun luxe écrasant, la superbe écrase un peu l'élégance !

Le grand siècle! la grandeur poussée jus- qu'au gonflement et la splendeur jusqu'à la surcharge, la même lourde magnificence dans le style des hôtels ou des palais, demeures des nobles seigneurs emperruqués, dans le mobilier noble et pompeux que dans l'habillement masculin et féminin et dans les fantaisies raf- finées du costume.

Le grand règne a un prologue légèrement agité, la Fronde, qui donne occasion aux belles dames de faire un peu de galante poli- tique et de se donner une petite idée des émotions de leurs grand'mères du temps de la Ligue. La mort a desserré la forte main qui tenait les brides du royaume, Richelieu dis- paru, on peut caracoler.

Et à l'exemple de messieurs les ducs, les héro'ines de la Fronde ont caracolé! Ce com- mencement, quand le grand roi n'est encore que le petit roi, a une jolie allure romanesque.

8

114 MESDAMES NOS AÏEULES

M"'^Mes Duchesses, M'"° de Ghevreuse. M'"^ de Moiitbazoïi, M'"'' de Bouillon, M"^^ de Lon- g'ueville et la duchesse de Montpensier, Made- moiselle, la Grande Mademoiselle, petite-fille d'Henri IV, qui aide à battre les soldats du roi à coups de canon, en attendant (ju'elle soit. à coups de canne, battue par son mari, le beau Lauzun pris à défaut de Louis, les belles et séduisantes rebelles aux libres al- lures, aux beaux yeux et aux belles tailles sans aller jusqu'à la casaque des gardes et la hongreline soldatesque, arborent avec crnnerie des costumes semi-militaires.

Pendant les annéesde trouldes et d'émeutes, de guerre civile à Paris et de cavalcades armées dans les provinces, n'assistent-elles pas aux parades des troupes levées par les princes contre les troupes du Roi, avec Gondé ou contre Gondé: ces amazones, du haut du perron de rHôteldc Ville, ne haranguent-elles pas les Pa- risiens toujours en goût d'émeute, le populaire hérissé de vieilles hallebardes et d'arquebuses ligueuses, ne passent-elles pas en revue dans Paris un ]teu assit''gé 1rs forres de îa Fronde, les

sors LE ROI-SOLEIL

milices parisiennes qui traînent bruyamment ce qui reste du pittoresque bric-à-brac guerrier (lu temps de M. de Guise, la Cavalerie des portes cochères et le régiment de Corinthe de M. le Coadjuteur, et ne tirent-elles pas vail- lamment, quand les affaires se gâtent, le canon de la Bastille sur l'armée royale? Quel joli prétexte à modes cavalières.

Tout est à la Fronde, les modes comme le reste. La mode pouvait avoir quelque motif d'en vouloir au Mazarin qui renouvelail les édits prohibitifs, ces éternels édits sans doute oubliés ou bravés aussitôt que publiés et qu'il fallait renouveler toujours, frappant alterna- tivement les passementeries au profit des gui- pures, et les guipures au bénéfice des passe- menteries.

Louis a grandi, il règne.

Mais le roi est jeune, le grand siècle songe à se divertir, il aime la gloire, mais il aime aussi le plaisir. C'est sa première manière, plus tard le siècle et le roi, vieillis tous deux, tout en gardant le eulte de la gloire, songe- ront à se repentir du plaisir.

116

MESDAMES NOS AÏEULES

La der/iière reine de la mode, reine austère et pincée qui mettra le siècle en pénitence pour le punir de toutes les frivoles inventions

Une Duchesse de la Fronde.

de son bel âge, ce sera la réfrigérante M"^*^ de Maintenon.

En attendant, c'est Ninon de TEnclos la sé- ductrice qui traverse tout ce siècle, ou c'est

su us LE KUl-SULEiL

la Vallière, c'est Montespan, c'est Fontaiiges, avec une foule de reines d'un jour ou de demi- reines.

Gomme Louis dit : « l'Etat c'est moi», la mar- quise de Montespan peut dire : « la Mode c'est moi! » Cela n'empêche pas une foule de génies féminins de trouver chaque jour quelque idéal colifichet, quelque coquetterie jolie à faire tourner toutes les têtes, quelque arrangement nouveau que les marquis de Molière trouve- ront délicieux.

Pour les hommes c'est le temps des canons, des rhingraves, ces bizarres hauts de chausses en forme de jupons enrubannés, des petites oies en bouquets de rubans. Pour les femmes, nulle époque ne vit ajustements plus riches. Hommes et femmes se ruinent en déploiement de faste.

Pas trop de changements dans les grandes lignes, mais d'incessantes petites modifications de détails et d'ornementation. Ce fut un défilé de modes rapides, se succédant plus somp- tueuses ou élégantes les unes que les autres, et l'on trouva pour les désigner une foule d'appel- lations pittoresques : les galants, les échelles,

1!8 MESDAMES NUS AÏEULES

les laiirreluchcs ou menues bouffettes de soie, les transparents, les falbalas, les prétintailles, les steinquerkes et les coiffures à la Fontanges. riiurluberlu, etc.

Voyons les portraits des belles du siècle, des belles des commencements, du temi)s des l'ur'lies et des jjrécieuses de riiùtel de Ram- bouillet, et des belles des Tuileries uu de Versailles, étoiles des tètes du roi du Soleil. C'est la coillure en largeur qui domine d'abord, ce sont pendant longtemps les cheveux frisés sur le Iront et tombant en frisures, en boucles très larges sur le coté ou en cadeneltes sui- vant la mode inventée sous Louis XIII par M. de Cadenet. frère du connétable de Luynes. longues tresses nouées par des n(euds de ru- jjans dénommés « galants ». Avec cela des robes fort décolletées, laissant largement voir les épaules, des colliers de grosses perles, les derniers rabats de dentelles (jui diminuent et disparaissent complètement, des corsages en pointe à belles et fines broderies, des manches courtes ouvrant sur des tlots de linon ou des manchettes de dentelles.

su us LE ROI-SULEIL

110

La première jupe se relève comme des cour- tines de rideaux et se rattache sur le côté par des agrafes enrichies de brillants ou par des

Commencement du grand règne.

nœuds de rubans, découvrant ainsi de mer- veilleuses, d'étincelantes robes de dessous.

Louis XIV a mis à la mode la bride sur le cou en laissant tomber les édits somptuaires de Mazarin. Les dentelles prohibées reparais-

120 MESDAMES NOS AÏEtJLËS

sent, les somptueuses étoffes interdites re- viennent au jour. Les tissus d"or est d'argent seuls sont interdits, le roi se les et réservés pour lui et pour la cour

Le roi fait des cadeaux de pièces de ces pré- cieuses étoffes d'une ornementation noble et touffue aux personnages en grande faveur, comme il accorde aux courtisans favorisés des justaucorps « à brei^et ».

M™^ de Montespan règne après La Val- lière. A certaine fête de la Cour, elle étincelle dans une robe « d'or sur or, rebrodé d'or, re- bordé d'or, et par-dessus un or frisé, rebroché dun or mêlé avec un certain or qui fait la plus divine étoffe qui ait jamais été imaginée », ainsi que le dit M"'^ de Sévigné.

Les robes « transparentes » ont un succès fou. Ce sont des robes d'étoffe transparente, mousseline ou linon, sur lesquelles de larges bouquets de fleurs multicolores ont été peints ou imprimés, portées sur un dessous de satin moiré et brillant, ou bien c'est tout le con- traire, des robes de brocart à grands ramages courant sur fond or ou azur, par-dessus les-

sous LE GRAND ROI. - FIN DU XVII^ SIÈCLE.

sous LE ROI-SOLEIL

121

quelles passe une robe d'un tissu léger trans- parent comme de la dentelle.

La dentelle s'accommode de toutes façons, du haut en bas du costume féminin, du corsage

Une favorite du Roi-SoleiL

aux souliers, et s'allie avec les floches de rubans qui nouent les cheveux, forment des échelles de grands nœuds sur les corsages, chamarrent les jupes et flottent un peu partout.

Des manufactures de dentelles ont été créées de tous côtés, inventant les « points d'Alençon,

MESDAMES NOS AÏEULES

Valciicieuiies, le Puy, Dieppe, Sedan, etc. » ; les dentellières françaises produisent p( nu- toutes les bourses, bourses de duchesses ou de procureuses, bourses de marquise ou de simple commentante, depuis la riche guipure coûtant des centaines de ])istoles. que portera la favo- rite aux fêtes de la cour, jusqu'aux dentelles dites gueuses ou neigeuses, qu'arboreront la toute petite bourgeoise ou même la dame de la halle aux jours de cérémonie.

En 1680, révolution dans la coiffure. Le vent décoiffe pendant une chasse royale la duchesse de Fontanges qui a pris le cœur de Louis après la Montespan. Pour rétablir l'harmonie de sa coiffure, la belle ébouriffée prend le ruban de sa jarretière et rattache ses cheveux avec une jolie rosette par devant. Tout ce que font les favorites n'est-il pas toujours exquis et déli- cieux? Les nobles seigneurs se pâment devant la gracieuse insj)iralion, les dames s'extasient, et dès hi lendemain se décoiffent à la Fontanges.

Les coiffures à la Fontanges font fureur et régnent pendant des années, revues, modifiées et considérablement augmentées. Elles de-

sous LE nui- SOLEIL 123

vienucnl un édifice de dentelles, de rubans et de cheveux, avec la haute pointe de dentelles caractéristique qui, d'après Saint-Simon, monte à deux pieds de haut, soutenue par du til d'ar- clial. ensemble composé de pièces diverses (jui, toutes, avaient leurs noms.

La Fontanges, d'origine folâtre, dura long- temps, plus tard elle cessa de plaire au roi,(iui naimait sans doute plus que les coilYures aus- tères de la veuve de Scarron.

La princesse Palatine, la princesse Charlotte de Bavière, tille de l'Electeur palatin, qui vint en France en l()7i pour épouser Monsieur, frère du roi, ayant adopté une sorte de petit mantelet court pour couvrir un peu ses épaules trop découvertes par la mode des corsages très dé- (îolletés. ces petites mantes adoptées bien vite par toutes les dames, furent ai)pelées palatines comme la princesse.

Le roman de la mode, toujours galant et héroïque, nous fournit encore pour ce temps les Steinkerques.

Epoque de chevalerie enrubannée et de bra- voure empanachée à la mousquetaire. La

12i MESDAMES NOS AÏEULES

position sera dure à enlever, dit un colonel à sa troupe avant de charger, tant mieux, Mes- sieurs, nous n'en aurons que plus de plaisir à raconter l'affaire à nos maîtresses!

A la bataille de Stcinkerque gagnée sur Guillaume d'Orange par le maréchal de Luxem- bourg, les princes, Philippe d'Orléans alors âgé de quinze ans, le prince de Conti et le duc de Vendôme, avaient chargé avec la cavalerie, avec une foule de gentilshommes, tous un peu dé- braillés, leurs cravates de dentelles dénouées et flottantes. Dans la joie de la victoire, la mode adopta ces cravates négligemment passées et toutes les femmes portèrent des dentelles à la Stcinkerque.

La riche provinciale et la dame de petite noblesse imitent les modes et les façons de la cour, et la bourgeoise les suit également d'un peu moins près seulement. Furetière dans son roman bourgeois et Sébastien Leclère dans ses eaux-fortes nous les dessinent avec leurs allures bourgeoises, mais coquettes, dédaignant le chaperon de leurs mères, portant grands rabats et colliers de perles, corsages chamarrés et

sous LE ROI- S OLE IL

125

presque autant de dentelles et de rubans qu'on en porte à Versailles. L'indiscret Furetière nous les montre même empruntant des diamants

Premières coiffures à la Fontan^es.

pour les cérémonies et entrant à l'église avec un laquais d'emprunt pour tenir la queue de la robe.

Pour la femme du peuple, faisons passer la

120 MESDAMES NOS AÏEULES

servante de Molière, c'est une bonne lille. Sé- bastien Leclère Ta dessinée aussi avec sa coiffe assez simple, sa jupe relevée et sa camisole à larges basques qui est la hongreline des offi- ciers de Louis Xlll. adnptée plus tard par les dames.

Ht les marchandes et les dames de la halle, qu'il a dessinées également, portent grands rabats et dentelles avec un air de dignité et de majesté (|ui montre (pi"ell(^s sont, elles aussi, du grand siècle.

La période épanouie et brillante du règne du grand roi fut en réalité la plus courte, le pivot tourna vers 1080 avec le conini<Mi<*enienl d(^ l'inlluence de M'"° de Maintenon. que le mi épousa secrètement en 1085.

jNous n'irons plus au bois, les roses sont cou- pées, ainsi que presque tous les lauriers.

Le règne de M""' de Maint eii(»n dui'a b^ laps respectable de trente-cinq ans. Ainsi, le roi-soleil qu'on voit toujours dans le cadre jiompeux de sa jeunesse, auréolé de gloire et de galanterie, au milieu de ses courtisans enru- bannés, planant parmi les fêles, les bals et les

sous LL ROI- SOLE FI. 127

carrousels, sur des constellations d'étincelantes beautés, le grand roi fut de bonne heure un vieux roi morose et ennuyé, aimant toujours la pompe, mais avec une affectation de solennité compassée, quelque chose comme une somp- tueuse' austérité.

Le grand siècle fui aussi le siècle ennuyeux, l'ennui doré en habit d'apparat et solennelle perruque. Le roi se repentant des galantises de sa jeunesse, tourné maintenant vers la dévo- tion et Taustérité. entendait quo lout le inonde fît comme lui.

La mode immédiatement changea. Le costume des hommes et des femmes se modifia dans le sens de la sévérité: les ornements trop éclatants ou trop pimpants, les vives couleurs, les grands ramages d'or qui jadis avaient ébloui la cour et la ville disparurent pour faire place à des ajustements plus sobres et plus discrets.

Cela dura jusqu'au temps Louis XIV lui- même, ayant eu près des coiffes austères de M""^ de Maintenon son compte de morosité, jugea qu'il ne serait pas mauvais de prier grands seigneurs et granfles dames de rendre à sa cour

128

M E S 1) A M E S N () S AÏEULES

l'éclat et la splendeur des jours d'autrefois, avant que la dévotion ne fût à la modo. Il est inutile de dire si l'invitation fut entendue et si les hnbillemeuts luxueux tardèrent à reparaître.

Fin ciu grand siècle.

Les dames de cette dernière période du grand siècle sont vêtues d'étoffes splendides chamar- rées et ramagées de la plus étincelante façon, de robes ouvertes sur des devants de corsage des plus fines dentelles, de brocart ou de damas tissé d'or, avec les jupes relevées et drapées

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sous LA RÉGENCE.

sous LE ROI- s OLE IL 129

SOUS un petit tablier de dentelle qui n'est pas la pièce la plus heureuse de leur ajustement et qui ne va guère avec les toilettes de sortie.

Sur la tête, ce sont toujours les hautes pointes des coiffures à la Fontanges, édifice compliqué devenu tout à fait extravagant, avec brides de dentelle voltigeant par derrière.

Pour orner les jupes, la mode a les falbalas et les prétintailles ; les falbalas, ce sont les rangs de volants bouillonnes étages sur la jupe, sur la jupe tombante et non sur la grande jupe volante à queue, relevée sur le côté; ils ont été inventés par un -personnage nommé Langlée, fils d'une femme de chambre de la reine, devenu à la cour l'arbitre du goût et l'oracle de la mode.

Quant aux prétintailles^ c'était le nom donné à une nouvelle façon de chamarrer les robes au moyen de grandes découpures de fleurs de toutes les tailles et de toutes les couleurs, appliquées sur l'étoffe, décoration éclatante qui faisait que les dames semblaient s'être con- fectionné des robes avec des tapisseries ou des étoffes à fauteuils.

Coill'ure d'intérieur.

VII

XVIir SIÈCLE

La lîcgenoe. Folies el frivolités. Cyllicrc àl'aris. Les modes >VaU.eau. Les robes volantes. Naissance des paniers. Criardes. Considérations et Maîtres des requêtes. M"'* de Pompadour. L'éventail. Promenade de Longchamps.— Carrosses et chaises à porteurs. Modes d'hiver.

La France, ayant connu après toutes les gloires et toutes les magnificences toutes les amertumes et tous les désenchantements, contemplait tristement le long et mélancolique crépuscule du roi-soleil.

XV m'' SIECLE 131

Tenue depuis des années dans une atmos- phère d'ennui pesant par le vieux monarque et la vieille dame au visage pincé, elle eut comme un poids de moins sur la poitrine lorsqu'elle vit Louis dans son caveau de Saint- Denis et M"'° de Maintenon réfugiée à Saint- Cyr, et du jour au lendemain, il y eut une ex- plosion : toute la jeunesse comprimée, toute la frivolité rentrée, toutes les aspirations au plaisir sortirent et le grand coup de folie de la Régence commença.

Le fringant xviii*' siècle, tenu sous la férule de ce vieux xvii'^ grondeur et impotent qui ne voulait pas finir, allait soudain comme un jeune page émancipé s'en donner jusque-là et jeter sa perruque bien haut par-dessus tous les moulins.

La mode que les moralistes disent fille de la frivolité, inventa pour faire honneur à sa mère mille folies nouvelles et comme ce n'é- tait pas assez, on reprit parmi les anciennes ce qu'il y avait d'assez oublié pour paraître délicieux.

La earactéristi(iue de la mode au xvm° siècle,

132 MESDAMES NOS AÏEULES

dès la Régence, c'est l'ampleur, le retour aux considérables envergures des jupes du temps de Henri III, c'est-à-dire au vertugadin, avec toutes ses conséquences, l'ampleur des manches et l'ascension des coiffures qu'on sera bientôt amené à exagérer en vertu d'une loi d'équilibre et d'harmonie!

Sous Henri III, ce sont les fraises qui mon- tent et mettent la tête dans un grandissime cornet; sous Louis XV et Louis XVI, c'est la coiffure qui se fait monumentale.

Les vertugadins reparaissent sous le nom de paniers. Ilsviennentde l'autre côté de la Manche. Ce sont deux dames anglaises qui les apportent à Paris et les exhibent au jardin des Tuileries.

L'ampleur extravagante des robes de ces dames excita une telle surprise parmi les pro- meneurs et promeneuses que la foule s'amassa autour d'elles et les pressa tellement qu'elles coururent grand risque d'être étouffées ou tout au moins très aplaties. Il fallut l'intervention dun officier de mousquetaires pour tirer ces dames et leurs paniers de ce mauvais pas.

Les modes alors ne faisaient pas comme au-

XVIir SIECLE

133

jourd'hui le tour du monde civilisé en six mois pour disparaître pas usées complètement en moins de deux saisons. Elles mettaient du

Chasseresse Régence.

temps à naître et à se développer et avec les modifications, adjonctions ou améliorations que la fantaisie pouvait chaque matin leur appor- ter, elles duraient dans leurs lignes principales pendant de longues années.

134 MESDAMES NOS AÏEULES

Le panier vivra tout le long du siècle et il ne faudra rien moins que la Révolution pour le tuer.

Il fallut quelques années au vertugadinpour reconquérir Paris; sa restauration se fit lente- ment, timidement, par petits essais modestes; puis un beau jour, vers 1730, il domine, il rè- gne sans conteste. Toutes les dames, laissant les demi-mesures et les demi-paniers, adoptent le grand panier de six pieds de diamètre dont le développement exige pour le moins dix au- nes d'étoffe.

Panier était le nom tout indiqué puisque les premiers bouffants de jupes furent des ouvrages de vannerie composés de cerceaux d'osier ou de jonc, de véritables cages à poules qu'on arrangea plus tard avec une armature de baleines.

Un maître des requêtes du nom de Pannier ayant péri dans un naufrage en revenant des Antilles, son infortune servit de prétexte à la mode cruelle pour donner un surnom au panier alors dans le commencement de sa gloire. Il y avait eu les petits paniers jan-

XVIIl'' SIÈCLE

135

sénistes descendant seulement au genou; les criardes^ tournures de toile gommée et plissée,

^y Â0:

Robe volante.

qui criaient au moindre mouvement; les houte-en-train, les tcUez-y, les gourgandines^ les culbutes^ des noms bien osés, trouvés par

-136 MESDAMES NOS AÏEULES

un temps peu bégueule, et les petits paniers, plus respectables sans doute, dits « Considéra- tions ». Les grands paniers furent quelque temps des « maîtres des requêtes ».

La vogue des paniers amena naturellement un changement dans la façon des robes. Alors commencent ces modes très gracieuses, mais quelque peu cythéréennes, légèrement désha- billées, que nous avons baptisées du nom de modes Watteau, en l'honneur du grand peintre des fêtes galantes qui a jeté sur la toile tant de belles dames de ce temps folâtre, en paniers plus ou moins larges, rouge et mouches au visage, l'éventail ou la grande canne à la main, toujours prêtes à s'embarquer pour Cythère avec quelque galant seigneur à talon rouge.

Allez, belles dames, marquises ou filles d'o- péra, figures gracieuses et folles, la vraie Cy- thère est à Paris, gouvernée par Monsieur le Régent ou par le roi Louis XV le Bien-Aimé. Le siècle à cinquante années devant lui pour s'amuser et folâtrer, cinquante années pour les jeux et les ris, mais le temps viendra les

TOILETTE DE COUR LOUIS XV,

XVIII^ SIÈCLE 137

larmes enlèveront le rouge et les mouches de vos joues.

La mode invente donc les robes volantes sans corsage ni ceinture du tout, tombant tout droit des épaules sur l'ampleur du panier, ou bien ajustées seulement par devant à la taille et laissées flottantes avec de larges plis par der- rière, façon originale qui donne à la démarche un air de douce nonchalance et une grâce amollie, la marque du siècle.

Pour ces robes flottantes, pour draper l'im- mensité des paniers, on abandonne les lourdes étoff'es de l'époque précédente et l'on adopte les tissus plus légers, linon, basin, mousseline, les fines étoff'es piquées de petits bouquets, semées de fleurettes ou même de petits attri- buts champêtres.

Sur les promenades, par les beaux jours, on dirait une foule en déshabillé du matin, ce ne sont que manteaux volants, robes flottantes qui semblent des robes de chambre ; les bras sortent des flots de dentelles, les visages sont encadrés de molles collerettes ; les élégantes en corsage lâche qui se promènent ainsi jouant de

138 MESDAMES NOS AÏEULES

l'éventail et faisant claquer languissamment leurs mules à hauts talons ont toutes, suivant un contemporain, un air de bonne fortune pro- chaine.

C'est la régence. Que de soupers, que d'or- gies galantes au Palais-Royal et ailleurs et que de folles Parabère un peu partout dans la fièvre de plaisirs qui sévit, dans Paris surex- cité encore par une fièvre nouvelle, la spécula- lion, qui du jour au lendemain avec Law, en- richit ou ruine, fait monter les uns jusqu'aux fabuleuses fortunes permettant toutes les jouissances, ou précipite les autres dans des détresses telles qu'il faut bien s'étourdir à tout prix.

Robes flottantes, paniers, coiffures, colifi- chets que la mode chaque jour invente, les satiristes de la plume et du crayon ont beau jeu. Les comédies et les chansons, le théâtre italien et le théâtre delà foire, les caricatures, les pamphlets, raillent de toutes les façons les extravagants paniers et les paniers triom- phants se moquent des moqueurs, s'enflent de plus en plus démesurément.

XVIir SIECLE

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Tout le monde en rit ou s'en plaint. Com- ment faire tenir plusieurs dames dans un ca-

Grands paniers

rosse qu'une seule suffit à remplir de ses jupes outrageusement ballonnées ? Tout est trop petit, les maisons sont trop étroites, il faut

140 MESDAMES NOS AÏEULES

élargir les portes des salons pour livrer pas- sage aux belles dames trop larges, comme plus tard il faudra les agrandir par en haut pour permettre aux gigantesques coiffures de passer sans anicroche.

Les fauteuils aussi manquent de largeur, comment s'asseoir avec ces immenses cerceaux qui refusent d'entrer entre les bras des sièges ou se relèvent indiscrètement?

Il n'importe, les paniers s'élargiront tou- jours jusqu'aux premiers temps de Marie-An- toinette et les jupes là-dessus se compliqueront de grands et petits volants, de treillis, déplis- sés, de lambrequins, de rubans arrangés dans tous les styles, de cent façons des plus gra- cieuses et des plus compliquées et des plus baroques aussi.

Sous la robe qui reste longtemps volante dans le dos, à la Watteau, le corps ou le cor- set emprisonne solidement le buste, le corsage de satin est en pointe descendant très bas ; comme il est décolleté, un devant de gorge de dentelles et de rubans, protège la poitrine contre le froid.

XVIir SIECLE

141

Suivant la saison ou la température, on porte desmantelets, des coqueluchons, c'est-à-dire de coquets petits mantelets recouvrant les épaules, avec capuchon léger de soie ou de satin, or- nés de festons et de plissés, coiffures et man- telets tout à la fois, ou bien des manteaux re- couvrant toute la personne jusqu'aux talons, espèces de dominos avec le coqueluchon ar- rondi par un cerceau de fil de laiton autour de la tète.

En somme, la mode pour les robes conserve longtemps les mêmes formes, modifiées seule- ment par les accessoires. De 172o à 1770 ou 75, ce sont, à peu de différences près, les mêmes dispositions et les mêmes lignes , le même ballonnement des jupes, toujours les flots de dentelles tombant des manches, toujours les floches de rubans.

La belle époque pour la mode xvm« siècle, celle qui fournit le plus joli type de costume Louis XV, c'est l'espace compris entre 1750 et 1770, époque de juste milieu entre les ampleurs exagérées de la Régence et celles non moins exagérées du temps de Louis XVL

142 MESDAMES NUS AÏEULES

C'est le règne de Sa très belle, très liiie, très artiste et très envahissante Majesté ma- dame de Pompadour.

Pour évoquer cette épo({ue heureuse de vivre, pour en deviner tout le charme, il suffit de citer les noms de Boucher, Baudoin, La Tour,

Petite Modiste.

Lancret, Pater, Eisen, Gravelot, Saint-Aubin et de toute la pléiade des petits-maîtres si légers, si musqués, mais d'une grâce si délicieuse.

Certes il y a sous le parfum des roses une odeur de corruption, et il ne faut pas trop gratter le brillant de cette société au vernis Martin. Il y a partout un tel laisser-aller, un tel laisser-faire, une si remarquable difficulté Il se scandaliser de quoi que ce soit.

XVIII^ SIECLE 443

Louis XV, après Pompadour tombe à Du- barry et il a sou sérail, comme le grand Turc, au Parc-aux-Cerfs, mesdames ses filles Loque, Chiffe et Graille, fontmonter du corps de garde des pipes et de l'eau-de-vie. Grands seigneurs et financiers ont leurs « folies », défilent grandes dames ou filles d'opéra, les marquises s'attablent à côté des gardes-franeaises chez Ramponneau...

Mais que ce xviif siècle a soigné son décor et qu'il s'est arrangé pour se faire une vie douce et charmante, sans se soucier et sans se douter de ce qui l'attendait au cinquième acte de sa féerie ! Sa personnification la plus exquise est dans le grand pastel de Latour, dans le portrait de M'"^ de Pompadour, en né- gligé d'intérieur, un petit poème de satin, de rubans et de dentelles.

La femme règne et domine, le sceptre de cette souveraine, c'est l'éventail. Depuis long- temps l'éventail était en usage, le moyen âge l'appelait Esmouchoir; il y avait eu l'éventail carré en drapeau ou en girouette, l'éventail de plumes qu'une chaîne de bijouterie attachait a

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MESDAMES NOS AÏEULES

la ceinture des dames nobles du x\f siècle,

Toikttc de sortie.

Téventail plissé apporté d'Italie par Catherine de Médicis et adopté par Henri III.

Dès le temps de Louis XIV, l'éventail est le complément indispensable de la toilette des

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PARISIENNE SOUS LOUIS XV

XVIir SIECLE

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dames, mais sa grande époque, celle qui créa les plus jolis modèles, c'est le xviii^ siècle.

D'après G. de Saint-Aubin.

Montures de nacre et d'ivoire miraculeuse- ment découpées et ciselées, peintures exquises de Watteau, Lancret et des autres, les éven- tails Louis XV, sceptres galants d'une société musquée, poudrée et féminisée, sont dignes de

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U6 MESDAMES NOS AÏEULES

mener, par les mains des favorites, monarque ministres et généraux, les arts, les lettres, la politique et le monde.

L'estampe de Gabriel de Saint-Aubin, inti- tulée le Bal Paré, nous montre les élégantes de ce temps en grandes toilettes; encore les plis Watteau, les robes volantes ouvertes sur le corsage et sur la robe de dessous, ratta- chées à la ceinture par des rubans et relevées bien de côté sur le ballonnement des paniers; puis des garnitures voltigeantes, bordures de fourrures ou bandes plissées, des volants de satin ou de dentelle.

Les coiffures commencent bien à monter, mais elles sont toujours élégantes et seyantes, la chevelure poudrée est relevée sur le front bien dégagé, arrangée en coques et en rouleaux, mêlée avec des touffes de rubans, des plumes et des perles.

Voyons ces mêmes dames à la promenade de Longchamps, au grand défilé traditionnel de Pâques, dans les superbes carrosses pein- turlurés et dorés, véritable carrosserie de conte de fées, auprès de laquelle les plus somp-

XVIII*^ SIECLE 147

tueux équipages cirés, brossés et vernis de notre prosaïque époque, sembleraient de vi- laines et funèbres boîtes, étalant un luxe croque-mort.

Dans ces imposants carrosses, menés par d'imposants cochers en perruques, soutachés et galonnés, avec de grands diables de laquais aux éclatantes livrées accrochés à l'arrière- train, dans toutes ces éblouissantes voitures, quel déploiement de toilettes luxueuses, de dentelles, de plumes et de rubans, de diamants et de perles !

Des heiduques galopent aux portières, des coureurs en bizarres costumes , jouent des jambes à travers le flot des équipages, des ca- valiers et des belles amazones, tandis que sur les bas côtés de la route, dans la foule accou- rue pour admirer les beautés à la mode et la mode elle-même, dans le brouhaha des ren- contres, des conversations avec les jeunes sei- gneurs, les petits-maîtres et les grands roués, la marquise et la présidente, la dame de qua- lité et la financière coudoient la demoiselle d' éra, la folle actrice, coqueluche des jeunes

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MESDAMES NOS MEULES

D'après Moreaii le Jeune.

XVIII" SIECLE 149

galants de la comédie, qui se la disputent, ou l'impure échappée de quelque folie de grand seigneur ou de gros traitant, la courtisane qui sera peut-être la semaine prochaine Reine de la main gauche.

Vienne l'hiver, et ces élégantes laisseront leurs carrosses et leurs chaises à porteurs; encore une des plus délicieuses créations de ce siècle charmant , elles quitteront leurs chaises, peintes au vernis Martin de sujets galants et de bergeries à la Boucher oii à la Watteau; elles quitteront dentelles et rubans, s'habilleront, s'envelopperont et se coifferont de fourrures, et s'en iront, leur joli nez rose enfoui dans la zibeline ou le renard bleu, les mains enfoncées dans l'immense manchon gros comme un tambour, courir sur la neige dans les superbes traîneaux contournés, tara- biscotés et peinturlurés, ornés de figures sculp- tées et dorées, de la plus étonnante fantaisie.

Gi'und Chapeau Louis XVI.

IX

XVIIP SIÈCLE - LOUIS XVI

Les coiffures colossales. Le pouf au sentiment. Parcs, jardins potagers et paysages animés de figures sur les têtes. La coilTure à la Belle-Poule. Les mouches. Modes champêtres. Les robes négli- gentes. — Couleurs à la mode. Le Monument du costume. Les amazones. Modes anglaises. Les bourgeoises.

Il vieillit, le siècle des grandes élégances poudrées et musquées, le siècle aux exquises

XVIll'^ SIÈCLE LOUIS XVI 151

coquetteries, il prend de l'âge et s'ennuie dans son papillotant décor rocaille.

Son goût s'est un peu fatigué, il ne se re- nouvelle plus que difficilement, depuis long- temps la mode est stationnaire et tourne tou- jours dans le même cercle.

Le style Louis XV est devenu aussi ennuyeux que jadis le style Louis XIV, le rococo paraît à son tour perruque et vieux jeu; mais atten- dez, la mode va essayer de donner un brusque coup d'aile et tout risquer, même de tomber dans le baroque, ce qu'elle peut bien se per- mettre trois ou quatre fois par siècle, après tout.

Le grain de folie qui couve toujours au fond de la petite cervelle frivole et hurluberlue de la déesse de lamode, va donc faire des siennes. Conservant encore pour un temps les gracieuses façons Pompadour et Watteau, la mode va se rattraper sur les coiffures et prendre pour champ d'exercice de ses caprices les plus fous, pour théâtre de ses plus incroyables fantaisies la tête de la femme, qu'elle va charger, arran- ger, surcharger des plus folles inventions, sous prétexte de l'embellir, qu'elle transfor-

1Ô2 MESDAMES NUS AÏEULES

mera en paysage champêtre ou même mari- time, qu'elle empanachera et rehaussera fabu- leusement, sur laquelle elle bâtira des édifices et ira même jusqu'à faire promener de petits bonshommes ou de petites bonnes femmes, des poupées de carton.

Paris alors pullulera de coilleurs de génie, les Legros et les Léonard, Raphaëls et Ru- bens, ou plutôt Soufflots de la coiffure, qui tiendront des académies pour enseigner les principes de leur architecture capillaire; qui lutteront à qui trouvera, pour orner les têtes aristocratiques, le comble du ridicule et qui le trouveront plusieurs fois.

Les perruquiers avaient eu déjà leurs jours de gloire au grand siècle, avec les majestueuses perruques des hommes; devenus maintenant les Académiciens de la coiffureÀU vont triom- pher de nouveau, mais aux dépens de la grâce féminine.

Voyons la femme à sa toilette, se préparant pour les visites ou pour la sortie aux Tuileries, à riieure du beau monde. C'est rallaire im- portante de la journée, ce petit travail de labo-

GRANDS PANIERS LOUIS XVI.

XVIIl'^ SIECLE LUUIs XVI 153

ratoire l'art et la fantaisie accommodent la beauté toute simple au goût du jour. Cette heure de la toilette après le petit lever, Lan- crct, Baudoin et tous les peintres galants ou élégants du siècle, l'ont célébrée avec toutes les coquetteries de leur pinceau charmeur, et les caricaturistes ne se sont pas privés d'en sourire.

Dans le cabinet de toilette aux boiseries blanches, moulurées et sculptées dans le style rocaille, devant sonmiroir au cadre contourné, Madame a été habillée par ses suivantes, femmes de chambre ou soubrettes ; elle a pu à son petit lever donner audience à ses galants et à ses modistes, au marquis et au linancier, au poète qui célèbre ses charmes dans V Almanach des Miises^ au déluré chevalier et au galant abbé de Cour à petit collet.

« Qu'en dit l'abbé? » L'abbé a du goût et ses avis sur tout ce qui touche aux fantaisies de la mode sont précieux.

Mais tout ce monde frivole a été renvoyé, c'est maintenant l'heure du coiffeur, le moment sérieux de la journée, le seul moment vraiment important.

154 MESDAMES NOS AÏEULES

L'artiste a besoin d'être seul pour ne pas effaroucher l'inspiration, et d'ailleurs l'œuvre est longue, difficile et demande tant de prépa- ratifs et de soins pour être menée à bien! Une ou deux femmes de chambre qui le compren- nent à demi-mot et lui passent tout ce qui lui est nécessaire lorsqu'il est dans le feu de la composition, c'est tout ce qu'il peut tolérer autour de lui.

Suivant le rang de la dame, c'est le grand artiste à la mode, venu en carrosse, courant d'hôtel en hôtel dans le noble faubourg, at- tendu aux Tuileries ou chez quelque prin- cesse, ou bien c'est l'un de ses élèves qui opère, en frac et manchettes de dentelles et l'épée au côte.

L'inspiration vient, et sous les doigts, sous le peigne, sous le fer à friser de l'artiste, les plus étranges monuments de boucles naturelles, adroitement mélangées à d'énormes quantités de tresses rapportées, s'élèvent, se roulent en volutes, s'étagent, se superposent en coques^ tapés, marrons, frisures^ barrières, dra- gonnes, béquilles, etc.

XVIII^ SIECLE LOUIS XVI 155

Pendant vingt ans, c'est un défilé d'archi- tectures étranges sous prétexte de coiffures. La folie a élu domicile sur la tète des dames. On peut citer, parmi les plus extravagantes inven- tions, les coiffures à la Quèsaco, les coiffures à la Mo7ite-au-ciel dont le nom indique assez les proportions, la coiffure à la Comète, le hérisson à quatre boucles inventé par Marie- Antoinette qui porta jusqu'à l'exagération de l'exagération l'empanachement des coiffures, le parterre galant, le chapeau en berceau d'amour, à la novice deCythère...

Il y avait aussi \e'è2Joufs, coiffures abraca- dabrantes, le pouf au sentiment, assemblage absurde de fleurs et de verdures poussées sur une haute colline chevelue, avec des oiseaux sur les branches, des papillons et des amours de carton voltigeant dans ce bocage ridicule ; \e x)ouf à la chancelier e, \e pouf à droite, le pouf à gauche.

Le pouf au sentiment donne toute latitude possible aux combinaisons et à l'étalage des affections et des goûts, ne voit-on pas la du- chesse de Chartres, mère du roi Louis-Philippe,

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MESDAMES NOS AÏEULES

Luc impure, d'après WiUc,

XVIir SIECLE LOUIS XVI

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porter sur son pouf un petit musée de figurines : son fils aîné dans les bras de sa nourrice, un petit nègre, un perroquet becquetant une

Toilette de Cour.

cerise et des dessins exécutés avec les cheveux de ses parents les plus chers.

Après la coiffure jardin, on trouve la coiffure dite cascade de Saint-Cloud, avec une cascade

158 MESDAMES NOS AÏEULES

de boucles poudrées tombant du sommet de la tête, la coiffure potager montrant quelques bottes de légumes accrochées aux frisons, la coiffure agreste, les paysages montrant une colline avec des moulins qui tournent, une prairie traversée par un ruisseau argenté avec une bergère gardant ses moutons, des monta- gnes, une forêt avec un chasseur et un chien faisant lever du gibier.

Puis viennent la coiffure au Colysée, à la candeur, aux clochettes, au mirliton, la lai- tière, la baigneuse, la marmotte, la paysanne, le fichu, l'orientale, la circassienne, le casque à la Minerve, le croissant, le bandeau d'amour, le chapeau à l'énigme, au désir de plaire, la calèche retroussée, l'économe du siècle, la Vénus pèlerine, la baigneuse à la frivolité, etc., les frisures en sentiments soutenus et en sen- timents repliés...

Les grandes coiffures d'apparat, fleuries, en- guirlandées, empanachées, immenses et très lourds échafaudages, tenaient une telle place que les dames étaient forcées, dans les ca- rosses déjà elles avaient tant de peine à

XVIII'' SIECLE LOUIS XVI lo9

caser leurs paniers, de tenir la tête penchée de côté ou même de rester agenouillées.

Des caricatures représentent les dames ainsi coiffées, dans des chaises à porteurs dont le couvercle a été enlevé pour laisser passer le sommet, blanc comme une Alpe, de la gigan- tesque coiffure.

La plus étonnante de toutes ces grandes coiffures fut celle dite à la Belle-Poule^ en l'honneur de la victoire remportée en 1778, par la frégate la Belle-Poule sur le navire anglais VAréthuse. Sous la masse des cheveux ar- rangés en grandes vagues, une frégate de belle taille, avec tous ses mâts, ses vergues, ses canons et ses petits matelots, naviguait toutes voiles dehors. Après avoir composé ce chef- d'œuvre, Léonard ou Dagé pouvaient se pendre, ils ne trouveraient jamais mieux.

Ce fut donc vraiment jusqu'en 89, un défilé d'inventions ridicules sur les têtes féminines. La plus haute donnait l'exemple. Hélas ! elles devaient expier ! La tête avait péché, la tête paya. Et si la plus haute tomba, ce fut juste- ment par la faute de celui qui pendant les

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MESDAMES NOS AÏEULES

heureuses années avait prodigué pour elle les inventions excentriques.

Léonard, l'illustrissime coifTeur de la reine,

Coiffure à la Belle-Poule.

était du voyage de Varennes. En ces jours ter- ribles, dans le grand naufrage de la monar- chie, que songe-t-on à sauver ? L'indispensable Léonard ! Et cette faiblesse dernière tourna mal pour la pauvre reine, car ce serait, dit-on, sur un

PARISIENNES 1789.

XVIII'' SIECLE LOUIS XYI

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renseignement erroné donné très innocemment par Léonard parti en avant, à un détachement des troupes du marquis de Bouille, que le

secours manqua à la famille royale arrêtée à Varennes.

...Quand l'élégante était coiffée, quand elle avait, en s'abritant la figure dans un grand cornet de papier, été convenablement sau-

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162 MESDAMES NOS AÏEULES

poudrée d'une couche épaisse de poudre mode étrange qui depuis le commencement du siècle mettait la neige des ans sur tous les fronts, qui recouvrait des mêmes frimas toutes les tètes masculines et féminines quand elle avait sur les joues une forte teinte de rouge, contrastant durement avec le blanc de la che- velure, — le rouge c'est la loi et les prophètes, avait dit M"''' de Sévigné, —il n'y avait plus, pour que l'élégante fut irrésistible, qu'à placer les mouches destinées à relever certains détails de physionomie, à donner du piquant à l'ex- pression.

Ces mouches que les femmes s'étudiaient à placer de la façon la plus avantageuse pour leur genre de beauté particulier, portaient sui- vant leur place les noms amusants que voici :

La majestueuse se pose sur le front et V en- jouée dans le coin de la bouche ; sur les lèvres des brunes, c'est la friponne; sur le nez V ef- frontée, légèrement comique ; au milieu de la joue la galante, près de l'œil cette mouche qui fait le regard à volonté languissant ou pas- sionné, c'est r assassine, sans compter les fan-

XVI 11^ SIÈCLE LOUIS XVI 163

taisies. les mouches en croissant, en étoile, en comète, en cœur...

Mais voici les derniers jours d'un monde qui va s'effondrer, d'une société qui va disparaître dans une soudaine catastrophe.

Dès 1785, l'ancien régime est atteint, la révolution est faite... dans les toilettes !

C'est une révolution complète, venue presque sans transition, le galant costume xvni'^ siècle est ahandonné pour une série d'inventions nou- velles donnant des lignes tout à fait diffé- rentes.

Adieu paniers, vendanges sont faites. Les immenses paniers sont décédés, on a com- mencé par les remplacer par les paniers dits à coude^ consistant en un simple renflement sur lequel on pouvait appuyer les coudes et par deux petits jupons rembourrés appelés bêtises portés sur les cotés et par un troisième placé tout à fait derrière et très crûment dénommé. Puis on les a rejetés complètement, et les femmes en jupes presque plates se sont ache- minées peu à peu vers la robe fourreau et le trop simple appareil de la Révolution.

16 i

MESDAMES NOS AÏEULES

Marie-Antoinette fermière de Trianon, amène un peu de paysannerie dans les modes, de la paysannerie d'opéra-comique, de la bergerie à la Florinn ou au Devin du Village. On voit ap-

r.oifTure d'intérieur.

paraître les chapeaux de paille, les tabliers, les caracos, les casaquins.

Lronard régnant sur les télés et les gouver- nant à sa fantaisie, pour le reste, l'arbitre du goût à la cour de Marie- Antoinette, c'est M"'' Rose Berlin, la arande mnndiande de

XVlir SIECLE LOUIS XVI

165

modes de la reine, celle qu"oii apjDelle son )ninistre des modes.

Rose Berlin ordonne et décrète, elle invente

Grand Chapeau.

et elle compose, les l'emmes crient merveille ii tout ce qui sort de ses mains, et les maris se plaignent de l'immensité de ses mémoires... comme toujours.

Vers 1780, la mode tourne et cherche des

166 MESDAMES NOS AÏEULES

façons de robes nouvelles. On invente les robes polonaises et les robes circassiennes qui n'ont rien de polonais ni de cireassien, des robes courtes d'abord, avec des relevés sur des paniers, puis de longues robes de dessus flottantes.

La tendance aux modes négligées va bientôt «accentuant, on voit paraître les robes lévites qui sont l'occasion d'un scandale au jardin du Luxembourg; une comtesse se promène avec une lévite à queue de singe, c'est-à-dire à queue bizarrement coupée et tortillée, elle est suivie par une foule moqueuse, et il faut pour la dégager faire avancer la garde.

Après les lévites viennent les robes négli- gentes et demi-négligentes, les robes en che- mise, les baigneuses et les déshabillés.

Pour ces toilettes déjà si singulièrement baptisées, les couleurs à la mode sont :

Couleurs queue de serin, cuisse de nymphe émue, carmélite.

Couleurs auDaupliin.

Couleurs de gens nouvellement arrivés.

Couleurs vive Bergère et Vert pomme.

Couleur soupir étouffé.

XVIII" SIECLE LOUIS XVI

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Une puce s'étant égarée à la cour, la garde qui veille à la porte du Louvre n'en préserve

Robe lévite.

pas l'épiderme des reines,— on a la série des couleurs puce : Ventre de puce, dos de puce,

168 MESDAMES NUS AÏEULES

cuisse de puce, vieille j)uce, jeune puce. etc.

Ces couleurs puce font soudainement place à une autre couleur également née à la cour et plus gracieusement dénommée; c'est la couleur cheveu de la Reine, appellation trouvée par le comte d'Artois. Immédiatement toutes les élolTos doivent être couleur cheveu de la Reine.

L'amazone, le costume féminin })our la pro- menade à cheval n'était pas au xviii'' siècle l'uniforme noir et lugubre infligé par le goût moderne avec l'aifreux chapeau de haute forme pour complément et aggravation, aux élé- gantes de nos jours.

Moreau le jeune qui. dans la suite d'es- tampes du Monument du costume, a fait passer toute la belle société de son temps, vue au milieu de ses fêtes, de ses cérémonies et de ses plaisirs, au salon et au boudoir, au châ- teau, à la Cour, à l'Opéra et au bois de Bou- logne, a dessiné les élégantes de 1780, en tenue de cheval, avec les longues jupes et les ceintures, les redingotes anglaises ou les petites vestes, les grands chapeaux à plumes ombra- geant les catogans poudrés.

PROMENADE PARISIENNE 1790.

XVII I*-' SIECLE

LOUIS XVI

169

Elles étaient charmantes, et multicolores et variées, ces amazones xviii° siècle, et certes, la ibule dans l'avenue des Champs-Elysées ne présentait pas alors le sombre aspect qu'elle

AiiMZonc (J'iiprcs Moicau le Jeune.

garde aujourd'hui, même aux plus beaux jours de printemps.

Les dernières anr_ies de la monarchie voient, comme une revanche de la guerre d'Amérique, l'invasion des modes britanniques. Les formes

l'iO MESDAMES ^■ 0 S AÏEULES

sont bien nouvelles et tranchent complète- ment clans l'ensemble comme dans tous les détails des modes précédentes.

La toilette a des airs sans l'aron ou un cachet anglais tout à fait nouveau régime. On porte des vestes, des corsages à basques ou- vrant sur des gilets, des fracs à gros boutons ou à lacets, et des redingotes à grands revers et triples collets, serrées à la taille et tom- bant très bas par derrière. Les boutons énormes et voyants de ces vestes et de ces redingotes sont en métal de toutes les formes possibles et (luel<iuefois illustrés de peintures; il en existe de curieux échantillons dans les collections.

Les élégantes, comme les hommes à la mode, portent deux montres avec deux lon- gues breloques tombant du gilet, elles ont des gilets, des cravates, des catogans et des cade- nettes comme les hommes, elles portent de grandes cannes comme les hommes. Il est vrai que les hommes prennent bien le gros manchon à l'occasion.

Et des fichus!... Toutes les femmes en por- tent avec toutes les toilettes, d'immenses

XVIir SIECLE LUUIS XVI

171

fichus faisant au-dessus de la taille très Ion-

Modes anglaises.

gue et horriblement serrée, un gonflement de poitrine invraisemblable.

Ces toilettes arborent toutes les couleurs de

172 MESDAMES NOS AÏEULES

l'arc-cii-cicl les plus fraîches et les plus vives ou les plus bizarres; ce sont des satins, des taffetas, des draps citron, rose, vert pomme, jaune serin, des gourgourans changeants, des mousselines de tous les tons, unies ou rayées. Les rayures ont un immense succès en 1787 sur le dos des élégantes et sur celui des élégants. Pendant Tété de cette année-là. hommes, femmes et enfants, tout le monde est en toilettes rayées.

La coiffure aussi est révolutionnée, c'est déjà la coiffure comme le xix^ siècle va la compren- dre, c'est la naissance du chapeau moderne.

Les femmes sont toujours poudrées, elles ont toujours sur la tète une innnense quanti de cheveux arrangés en énornu^s i)erruques lloconnantes autour de la ligure, dans le genre de la perruque masculine, avec de grandes boucles tombant de chaque côté du corsage et dans le dos, ou, comme les hommes, un gros catogan par derrière.

Les chapeaux sont de formes cl de dimen- sions extraordinaires; bords immenses, fonds énormes avec d'extravagantes accumulations de garnitures. On ne se met plus une frégate,

XVIir SIECLE LOUIS XVI

173

toutes voiles dehors, sur la tête, mais on se coiffe d'une espèce de galiote renversée, mise de travers et assez large pour servir de para-

chapeau bonnette.

pluie à roccasion. On porte le chapeau bonnette et le demi-bonnette, un peu moins large mais aussi haut, garni de nœuds de rubans, de ru- ches et de bouquets de plumes de coq, le cha- peau turban, haut bonnet de jnnissaire rayé,

174 MESDAMES NOS AÏEULES

avec écharpe de gaze et panache de plumes, le chapeau à la Caisse cVescompte, c'est-à-dire sans fonds, enpanier percé comme cette caisse, le chapeau Cardinal sur la paille après l'af- faire du Collier, chapeau en paille bordé d'un ruban rouge cardinal, le grandissime chapeau à la Tarare, le chapeau à la Basile inventé après le grand succès dr; Beaumarchais avec bien d'autres modes la Figaro, le chapeau à la veuve du Malabar, les bonnets à la Mont- golfier, au Globe lixé, au ballon, au moment des premières expériences aérostatiques, puis le bonnet aux trois ordres qui commence à la réunion des États généraux le grand déiilé des modes révolutionnaires...

Mais dans ce dix-huitième siècle qui valhiir si lugubrement, à côté des belles de la cour et de la ville, des dames plus ou moins grandes, car il y a déjà le demi-monde, les danseuses illustres et les courtisanes célèbres, à côté des reines de la mode qui vont à Longchamps ac- compagnées d'un heiduque à turban pour porter leur parasol, précédées d'un coureur en maillot ot bonnet à plume, la grande canne à

XVIII' SIÈCLE LOUIS XVI

17i

la main, à côté des élégantes empanachées qui suivent toutes les fantaisies de la capricieuse fée aux chiffons, il y a les adorables petites bour-

Le cliapeau turban.

geoises que l'on retrouve dans les vieux por- traits et dans les petits mémoires, charmantes et tendres figures qui ne s'entourent pas, comme les autres, du même nuage de plumes et de dentelles, qui restent dans une note plus

176 MESDAMES NOS AÏEULES

discrète, suivant la mode un peu de côté et conservant mieux les vieilles traditions et les vieux atours.

A elles les jolies petites coiffes si différentes des pyramides de cheveux et de colifichets à la Léonard, ces coiffes bien plus seyantes que l'on recouvre, pour sortir, d'un capuchon retenu par un fil de laiton, à elles les robes de coupe plus modeste et les petits paniers moins sur- chargés que les paniers à falbalas de vingt pieds de circonférence.

Jolies petites bourgeoises qui ont conservé dans un siècle licencieux l'honnêteté des bonnes vieilles mœurs, existences plus calmes se dé- roulant dans un cercle étroit d'occupations fa- miliales et de plaisirs simples, allant tout doucement du sermon du dimanche à la pa- roisse, — aux réunions sans façon et aux bonnes parties champêtres.

C'est un monde qui s'en va finir aussi, dans la grande fusion et confusion des classes, au fond de la chaudière révolutionnaire, dans la révolution politique et ensuite dans la révolu- tion industrielle et scientifique, bouleverse-

^„...-^

MERVEILLEUSE EX TUXiaUE A LA GRECQUE.

XVIII^ SIÈCLE LOUIS XVI

ment énorme qui aboutira pour tous à la vie fiévreuse et haletante de notre siècle.

En attendant, sans se douter des temps dif- ficiles qu'il va falloir passer, sans voir l'ef- frayant nuage de sang qui monte à l'horizon, la petite bourgeoise gaie et insouciante dans son petit salon blanc, fredonne à son clavecin quelque joli petit air bien tendre, et bien diffé- rent de nos compliqués logarithmes musicaux.

Plaisir d'amour ne dure qu'un moment, Cliagrin d'amour dure toute la vie.

1789.

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Le lionnot Cii;tilotte (;iird;iv,

LA RÉVOLUTION ET L'EMPIRE

Modes dlles à la Bastille. Modes révolulioiinaires. Noire-Dame de Thermidor. Incroyables et mer- veilleuses. — 1,'antiquité à Paris. Athéniennes et Romaines. Une livre de vêtements. Tuniques diaphanes. Maillots, bracelets et cothurnes. Le réticule ou ridicule. Le bal des Victimes. Per- ruques blondes et oreilles de chien. A la Titus. Les robes-fourreau. Petits bonnets et Chapeaux- Shakos. Les turbans.

L'ouragan ({ui devait ptMidaiit vingt-cinq ans rouler comme un cyclone sur notre vieille Europe, souffle déjà sur Paris il s'est l'ormé;

LA DEVOLUTION ET L EMPIRE 179

II bouscule, il abat, il broie. Comme un châ- teau de cartes ou une Bastille, la monarchie séculaire va s'écrouler sur les décombres de la vieille société.

Et pendant ce temps, pendant que l'émeute ensanglante la rue fiévreuse, que les tueurs I)roinènent de pâles tètes coupées fichées au bout 'des pi(|ues, pendant qu'à l'Assemblée ou à la Commune, les nouveaux maîtres de la l'rance décident tumultueusement du sort des millions dhoinmes que la guerre va jeter les uns sur les autres, pendant que déjà, dans l'aube sinistre, se dresse sur son peuple, toute rouge, ses deux bras levés tenant le glaive j la nouvelle reine, la Guillotine, la mode imperturbable songe à des combinaisons nou- velles, elle modifie des jupes, elle arrange des corsages, elle chiffonne des rubans d'une façon inédite, elle a les inventions les plus fraîches et les plus charmantes, elle lance des toilettes idylliques d'une exquise nouveauté ; à une nation nouvelle ne faut-il pas des costumes nouveaux?

Le mouvement commencé dès les dernières

180 MESDAMES NOS AÏEULES

années tranquilles de Louis XVI, s'accélère et s'accentue. La mode est sur une voie nouvelle, et peu à peu disparaissent tous les caractères du costume d'antan, de l'ancien régime, comme on dit.

Dans la fameuse estampe de Debucourt, la Promenade publique^ donnant la vision mul- ticolore d'une foule élégante des premières années de la Révolution, dans cette charmante réunion de petites maîtresses et de muscadins qui ne semblent guère songer au grand drame, que reste-t-il des costumes et des modes du siècle? De la poudre, quelques tri- cornes sur des tètes de vieux bourgeois retar- dataires et c'est tout.

Les femmes ont un aspect tout à fait nou- veau. Les modes anglaises ont prédominé d'abord, c'est-à-dire les vestes et les redin- gotes d'amazones, puis les robes se sont sim- plifiées comme façon et comme étoffes.

Les temps deviennent durs, adieu les riches tissus, les soies et les satins, adieu les falba- las coûteux de jadis ! La toile de Jouy, l'in- dienne et le linon remplacent la soie et les

LA REVOLUTION ET L EMPIRE

181

couturières s'en tiennent aux formes droites avec très peu d'ornements et d'accessoires. On voit des corsages de linon forme chemise laissant les bras nus à partir du coude, des jupes toutes simples, presque plates, qui se

portent avec des ceintures à longs rubans flot- tants. Pour relever cette extrême simplicité on a les rubans aux couleurs nationales, les tro- phées et les attributs révolutionnaires impri- més sur l'étoffe ou quelque maigre ruche ajouté au bas des jupes.

On continue à porter beaucoup de fichus de

182 MESDAMES NOS AIETLES

mousseline, et. pour les grandes occasions, la toilette se complète avec des bouquets de fleurs tricolores portés à gauche sur le cœur, des bijoux patriotiques, médaillons de cou. boucles de ceintures, d'acier ou de cuivre, cocardes, boucles d'oreilles, boutons à la Bas- tille, au Tiers-Etat, à la constitution, etc. Pendant un temps tout esl // Ui Bastille, jus- qu'aux chapeaux.

Les grands chapeaux, en cône démesuré, à très larges bords et surchargés de rubans, après avoir essayé de tenir quelque temps, ont disparu ; il n'y a bientôt plus que des bonnets,, des bonnets à grande coiffe bouillonnée enru- bannés aussi, des bonnets ressemblant quel- que peu à des coiffures du pays de Caux, et sur- tout des bonnets dits à la paysanne ou à la laitière, la jolie coiffe à grandes barbes de den- telle que nous appelons aujourd'hui bonnet Charlotte Corday, piquée d'une large cocarde tricolore.

Presque plus de poudre Idanehe. on va en consommer tant de noire on porte tous ses cheveux au naturel, avec un peu do su|»-

LA IIKVOLUTION ET LKMPIRi:

isa

plémoiU aussi car la vogue des perruques Itlondes commence.

Mais bientôt la tempête se déchaîne tout à fait, c'esl la Terreur. ]*('ul-il rire encore ques-

Le chapeau Hussaicl.

lion de frivolités luxueuses et de modes? Les rangs des élégantes s'éclaircissent, elles sont à l'Abbaye, à la Force, dans cent prisons, ou à Goblentz, elles se cachent ou elles sont morles.

184 MESDAMES NOS AÏEULES

L'extrême simplicité que chacun affecte dans sa mise par prudence ou garde par décourage- ment, ne suffit pas toujours à préserver de ce titre de suspect ou de suspecte qui donne des droits immédiats à l'échafaud.

Talleyrand a dit qu'ils ne connaissaient pas la douceur de vivre, ceux-là qui n'avaient pas vécu dans la vieille société d'autrefois. En 93, le problème est de vivre, n'importe comment, caché dans un trou de souris, s'il le faut. La Loi sous ce doux règne de Liberté, ordonne que dans chaque maison une pancarte placardée porte les noms et prénoms de tous les habitants et même l'âge, dure contrainte. Que de braves gens qui ont connu des jours heureux et bril- lants essayent dans quelque rue tranquille, au fond d'un appartement silencieux, d'oublier l'orage qui gronde et le tumulte des rues et les horribles clameurs des clubs et des journaux.

Cependant un petit groupe s'obstine à tenir haut et ferme devant les sans-culottes le dra- peau de l'élégance ; des vaillants et des vail- lantes montrent encore au Palais-Royal, sur les boulevards, aux promenades, dans les

MERVEILLEUSE DU DIRECTOIRE.

LA REVOLUTION ET L EMPIRE 185

théâtres qui persistent à jouer, des toilettes élégantes et bravent les citoyens en carma- gnole et bonnet rouge, et les mégères trico- teuses de la guillotine, mais à quels risques!

La mode n'ose plus lutter, la pauvrette a caché sa tête sous son aile et regarde éperdu- ment le ciel, espérant toujours quelque éclaircie.

La guillotine fonctionne toujours, s'inter- rompant seulement de temps à autre pour quelque fête idyllique, fête de l'Être suprême, fête de l'agriculture ou de la vieillesse, avec théories de jeunes filles en blanc, déesses de la Liberté, chœur d'adolescents et de vieillards ; pastorales charmantes, spectacles qui émeu- vent doucement le cœur du bon Marat et du sensible Robespierre. On a jeté du sable sur le sang, le lendemain le ruisseau rouge recom- mence à couler.

9 thermidor! Pour les beaux yeux de la citoyenne Thérèse Cabarrus, astre qui va se lever, Tallien a bravé la mort suspendue sur toutes les têtes. Il a jeté bas Robespierre et la poussé à son tour dans les bras impassibles de la déesse Guillotine !

18(3 MESDAMES NOS AÏEULES

M"^*^Tallien devient Notre-Dame de Thermi- dor, celle qui saovr p.ir In souveraine puis- sance de la l)«>aut<'' !

Tn imnieiise soupir (1(^ soulnficmenl passa sur la France et immédiatement les élégances comprimées et terrorisées sortirent de terre, avec le luxe, avec la frivolité, la folie même, avec la joie, le rire, dont on semblait avoir un besoin furieux api-ès tant fie sanû' et tant de larmes.

Les incroyables et les merveilleuses qui s'étaient déjà montrés avant la Terreur rem- plissent soudain les promenades et les boule- vards, et la mode, à qui le régime de Robes- pierre n sans doute tourné la tète, toute paie encore de son émrdion, se livre loul de suite à mille extravagances.

Tandis que les incroyables si bien nommés, les muscadins de la jeunesse dorée, avec leurs habits à grands collets, leurs immenses cra- vates et leurs gourdins si nécessaires contre les Jacobins et les sectionnaires terroristes, cherchaient leurs inspirations dans l'imitation des mojjes anglaises, les merveilleuses se

LA REVOLUTION ET L EMPIRE 187

vouaient toutes à l'antiquité. Pendant quelques années, plus de Parisiennes, rien que des Grecques et des Romaines.

Robes étroites sans taille, simples fourreaux serrés sur le sein même par une ceinture, courts par devant pour laisser voir le pied, un peu traînants par derrière, tel est le vêtement des merveilleuses. On ne connaît plus que lantiquité. G"est un recommencement.

Dans ce passage sombre de la Terreur on a oublié la pudeur. Ces robes à Tathénienne ne sont que de simples deuxièmes cbemises, ce qui pourrait passer, n'étaient les bijoux, pour un symbole de la pauvreté de ces temps de ruine oîi le louis d"or valait buit cents livres en assi- gnats, — ce sont des tuniques d'un linon trans- parent, qui plaquent sur le corps de In femme au moindre mouvement.

De plus les tuniques diapbanes des grandes élégantes ne sont-elles pas fendues sur les cotés à partir des bancbes.

Notre Dame de Thermidor, Thérèse Cabarras devenue la citoyenne Tallien, est la Reine de la Mode, elle se montre à Frascati. ainsi velue

188 MESDAMES NOS AÏEULES

OU plutôt dévêtue, sa robe à l'athénienne fendue latéralement laissant voir ses jambes dans un maillot couleur chair, avec des cercles d'or à la place des jarretières et des cothurnes à l'antique et des bagues à chaque doigt de ses pieds de statue.

Dans les salons, dans les jardins d'été, aux promenades, cène sont plus que robes à l'an- tique ouvertes en haut comme en bas, portées avec chemises à la carthaginoise ou même sans chemise du tout, sandales et cothurnes attachés par des bandelettes rouges, cercles d'or enrichis de pierres précieuses, arrange- ments de tuniques et péplums, corsets-ceintures hauts de deux doigts seulement sous le sein et ornés de brillants.

Les robes en voltigeant laissent voir les jambes ou même, quand elles ne sont pas ou- vertes sur le côté, se relèvent au-dessus du genou au moyen d'un camée en agrafe et mon- trent franchement la jambe gauche.

Très peu de manches, un simple bourrelet à l'épaule, ou même pas de manches du tout; des camées rattachent les épaulettes de la

LA REVOLUTION ET L EMPIRE

189

robe, des bracelets nombreux habillent le bras. Comme il était impossible d'adapter des

Merveilleuse.

poches à ces tuniques si légères, à ces voiles si minces, les dames avaient adopté l'usage de la balanline ou du réticule^ nom ancien que l'on prononça tout de ?>miQ ridicule d'un petit sac orné de paillettes ou de broderie,

VJO M LSI) ami: s NUS AÏEULES

;iyniit surtout la forme d'uae petite sabrctache (le hussard, qu'elles portaient à la main pour luellre leur bourse ou leur mouehoir.

Le hihiiophilc Jacob raconte (jue dans un sainn dt' la Mode sous le Directoire, cnniuie on se pâmait dadmiration devant un de ces cos- tumes d'un goût si réellement antique qu'il n'y avait plus rien au delii. sinon les modes du Paradis lei'reslre, la merveilleuse (|ui le {»orlail paria (piil ne })esait pas deux livres. La j)reuve lut faite, la dame passa dans un petit boudoir rt son costume tout entier, pesé avec les bijoux, ne dépassa pas de bcaucouii le jxiids d'une livre.

Cette dame vêtue à l'athénienne pouvait se croire même très habillée, car d'autres tinu- vèrent le mnyen de l'être encore moins et pous- sèrent l'audace jusqu'à oser s'exhiber, ce qui est le mot. dans le costume dit à la Sauvagesse. (le costume à la sauvagesse était enc(jre j)lus simple }»uis(pril ne se composait que d'une chemise de gaze et d'un pantalon-maillot rose orné de cercles d'or.

Des femmes se pi'omenèi'cnt aux (iliam]js-

A IliVULUTIUN ET L EMPIKE JDl

Elys(!^cs (laii< des Iburrcaux d'une tmiispareiiee })res({iie absolue, ou même avec les seins eum- plèlement nus, et ces femmes n'étaient nulle- ment d<'s hétaïres quelconques, mais des l'emmes du monde officiel d'alors, des amies de Joséjdiine de Beauharnais î

Inconscience i)lutôt qu'impudeur, accès d*,' fulic. |('(l(''lire des plaisirs après la folie furieuse <'t le délire du sang !

(les merveilleuses qui avaient bravé la liuil- lotine Ijravaient la maladie. Pleurésies et tluxions de poitrine frappaient pourtant ces folles élégantes au sortir des bals et des salons, quand après la danse elles partaient à peiiu' couvertes dans le froid de la nuit, par-dessus leur quasi-nudité, d'un mince tichu ou d'un scliall large comme une écharpe.

Ces merveilleuses demi-nues qui prcnaieid leurs modes à Athènes copiaient aussi leurs coiffures sur celles des statues grec(iues et portaient les cheveux frisottés dans un réseau, les tresses et les nattes piquées de bijoux. Mais la vogue fut surtout pour les perru<iues blondcsi M""" Tallicn en avait jusqu'il trente.

192 MESDAMES NOS AÏEULES

de toutes les nuances du blond. Ces perruques blondes, légèrement poudrées, les Jacobins les avaient abhorrées et proscrites ; après thermidor elles triomphaient et devenaient le symbole de sentiments contre-révolutionnaires.

Les coiffures à la victime ou à la sacrifiée eurent aussi leur temps de succès, on relevait les cheveux par derrière et on les ramenait en mèches folles sur le front ; cette coiffure de guillotine, complétée par un terrifiant ruban rouge autour du cou, par un chàle également rouge jeté sur les épaules, était indispensable pour se rendre au fameux et macabre Bal des Victimes, dont l'entrée n'était permise qu'aux danseurs ou aux danseuses pouvant justifier d'un ascendant ou de quelques proches parents morts sur les échafauds de la Terreur.

Paole d'honneu victimée, ces dames sont déliantes! disent les incroyables à chaque nou- velle invention plus délicieuse et plus antique des couturières à la mode, M"^*^ Nancy et M""*^ Raimbaut, qui sont des modistes très éru- dites et très artistes, qui se font aider par les sculpteurs pour trouver des manières de se

PREMIER EMPIRE.

LA RÉVOLUTION ET l'eMPIRE 193

draper toujours plus grecques et des plis encore plus romains.

Les modes romaines un peu moins légères ont été adoptées par les dames que la trop

Coiffure à la Titus.

grande transparence des tuniques à la Flore ou à la Diane effraie un peu.

Les robes à la romaine sont portées par les dames du monde officiel qui se croient tenues à un peu de réserve, mais les deux mondes fusionnent. Athéniennes légères et frivoles, débris de l'ancienne société et parvenus de la nouvelle, fournisseurs des armées ou spécula- is.

194 MESDAMES NOS AÏEULES

leurs subitement enrichis, muscadins et mus- cadines, victimes et bourreaux, jeunesse dorée, armée, politique, finances, tout cela forme, après la grande secousse, le plus incroyable des mélanges, et tout cela,] malgré les misères présentes, l'avenir incertain, s'agite dans l'épa- nouissement du bonheur de vivre après la grande tuerie.

Soudain la mode a décrété la fin des per- ruques blondes et la coiffure à la Titus obliga- toire pour toutes les élégantes ; les belles du Directoire rejettent ces épaisses perruques et sacrifient aussi leur chevelure personnelle. Presque plus de cheveux ou le moins possible!

« La coiffure à la Titus, dit la Mésangère dans « le Bon Genre^ moniteur officiel de la mode, « consiste à se faire couper les cheveux près tt de la racine pour rendre à la tige sa raideur a naturelle qui la fait croître dans une direc- « tion perpendiculaire. » Merveilleuses et mus- cadins sont tous coiffés à la Titus, tous tondus avec quelques mèches très longues en désordre sur le front.

Il y a encore un autre type de Merveilleuse

LA REVOLUTION ET L EMPIRE 195

du Directoire, c'est la Merveilleuse à la Carie Vernet, légèrement vêtue encore, se serrant dans un mince jupon plaquant de couleur fifi pâle effarouché^ mais portant au-dessus d'un corsage si petit qu'il est invisible, au-dessus des seins nus, le cou engoncé dans les plis et replis d'une formidable cravate, tout comme son pendant l'élégant Muscadin, et sous son grand chapeau à plumes, la figure encadrée comme la sienne de longues mèches pendantes en oreilles de chien.

C'est ainsi qu'à l'aurore de notre siècle sont habillées et coiffées les élégantes. Pendant le Consulat et les premières années de l'Empire, elles vont rester les Merveilleuses, un peu, oh, pas beaucoup, plus vêtues que sous le Directoire.

Ce sont toujours les mêmes robes, souvent transparentes, le décolletage règne souverai- nement malgré les saisons. Les femmes d'alors vont poitrine décolletée et bras nus dans la rue comme celles d'aujourd'hui au bal. C'est leur champ de bataille. Pour lutter contre le froid elles ont les écharpes, les châles, le commen-

196

MESDAMES NOS AÏEULES

cernent des fameux cachemires qui jouent un si grand rôle dans la première moitié de notre siècle. On a inventé des vêtements particu-

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Sous le Consulat.

liers, comme la petite veste de hussard qui vers Tan YIII se passe par-dessus le corsage décolleté et encadre les épaules de sa fourrure, ou le spencer, autre veste bien moins gracieuse.

LA RÉVOLUTION ET l'eMPIRE 197

Les célèbres portraits de Josépliiiie de Beau- harnais par David, et de M'^^^ Récamier par Gérard, allongées sur des lits de repos à l'an- tique, nous montrent deux belles Romaines du temps des empereurs, plutôt que des Fran- çaises d'il n'y a pas cent ans. Elles étaient pourtant habillées ainsi, les élégantes des salons du Directoire, les belles Parisiennes qui fai- saient cercle autour de Garât chantant ses romances, ou qui dansaient avec le beauTrénitz la gavotte ou la « loalse » alors dans toute sa nouveauté.

Yoilà que les coiffures à la Titus ne sunt plus de mode en 1803 ou 1804, c'est vieux, c'est province. Et les cheveux qui ne se sont pas empressés de repousser immédiatement après le changement de goût ! Les dames regrettent leurs belles tresses blondes, brunes ou rousses et sont bien forcées de recourir aux tours de tête et aux postiches pour montrer de nouveau de grandes boucles ou pour s'arranger des grands chignons étrusques avec nattes enrou- lées.

C'est un vilain moment qui commence pour

198 MESDAMES NOS AÏEULES

le costume féminin, il semble que la mode, conquise elle aussi, ait gardé toute son ima- gination gracieuse pour habiller magnifique- ment, arranger, soutacher, broder, passemen- ter, empanacher, dorer les innombrables es- cadrons que S. M, l'Empereur et Roi allait faire galoper et tournoyer d'un bout de l'Europe à l'autre, les superbes sabreurs lancés sur les canons et les baïonnettes de tous les peuples réunis.

Salons de Frascati, jardins de Tivoli qui avez vu défiler les belles du Directoire si har- diment déshabillées dans leurs tuniques flot- tantes et transparentes, dans leurs fantaisies athéniennes si osées, que dites-vous des toi- lettes que vous voyez porter aujourd'hui à ces mêmes femmes ou à leurs sœurs cadettes, que pensez-vous de ces sacs disgracieux qu'elles appellent des robes, de ces fourreaux ridicules, de ces chapeaux en abat-jour, de ces visières en capote de cabriolet?

Les modes masculines ne sont pas plus jolies. Que ceux qui ne veulent pas consentir à les porter s'engagent dans les hussards! Les

LA REVOLUTION ET L EMPIRE

199

costumes des hommes sont laids déjà, comme ils vont l'être de plus en plus dans le courant du siècle.

Mais les femmes! voici une élégante de 1810:

Commencement du xix^ siècle.

La jupe d'abord, il y a si peu de corsage que la jupe est à peu près tout le costume, la jupe de percale ou d'étoffe assez commune commence sous les bras et tombe d'une façon

20) MESDAMES NOS AÏEULES

inélégante jusqu'au bout des pieds, ou bien s'ar- rête assez haut au-dessus des bottines. Quelques plissés, quatre ou cinq rangs de garnitures dé- coupées en dents de scie, quelques volants éta- ges ornent assez gauchement le bas de ces jupes.

Presque pas de corsage, la ceinture bride le sein; la robe n'a pas de manches, les bras sont nus sauf deux gros bourrelets aux épaules, les épaules sont décolletées. On porte des ca- nezous brodés ou bien de grandes collerettes à plusieurs rangées de plis tuyautés. C'est la seule chose assez gracieuse de la toilette, encore arrange-l-on souvent ces collerettes d'une assez lourde façon, pour engoncer plutùt que i^our orner.

Quant aux chapeaux, ils sont bien souvent ridicules. Comme toutes les idées sont tournées vers l'armée et la guerre, les dames, sur ces toilettes assez baroques, arborent quelquefois des espèces de casques empanachés et enguir- landés, de grands chapeaux en forme de shakos; on voit même de vrais casques, dits à la Clorinde qui ont l'intention de rappeler les casques des chevaliers des Croisades.

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PARISIENNE DE 1810.

LA RÉVOLUTION ET l'eMPIRE 201

Un moment la mode est aux petits bonnets, des petits serre-têtes d'enfants ornés de den- telles qui donnent aux dames des airs naïve- ment enfantins, mais le triomphe de l'époque

i

Altendaat les Vainqueurs.

ce sont les grands chapeaux cabriolets, les capotes énormes qui s'allongent démesuré- ment en avant de la figure enfoncée et dissi- mulée au plus profond de l'armature. Quelque- fois ces capotes en cabriolet se compliquent d'un grand tube de haute forme, plus haut que le plus haut de tous les shakos des armées de sa Majesté.

202

MESDAMES NOS AÏEULES

Et pour qu'elles trouvent le moyen d'être gracieuses quand même là-dessous et d'être

Grand chapeau Empire.

adorées par tous les étincelants officiers qui s'en viennent, entre deux victorieuses cam- pagnes, brûler rapidement leurs cœurs à la flamme de leurs yeux, il faut que les femmes soient vraiment jolies.

LA REVOLUTION ET L EMPIRE 203

Pour les bals et soirées, dans les salons papillonnent les beaux officiers à côté des ci- vils rejetés dans l'ombre, les femmes qui n'ont pas les allures triomphantes des Mer- veilleuses de la période précédente, mais qui au contraire, sous le regard des guerriers em- panachés, prennent des allures de colombes timides, les belles ont des jupes extrêmement courtes ornées de bouquets de fleurs et laissant voir le bas de la jambe et le cothurne, non plus le cothurne antique de la belle Tallien, mais un cothurne soulier, attaché aussi par des cordons sur la cheville.

Ces belles de l'Empire, ces rêveuses Malvinas en robes sacs, qui songent aux beaux guerriers chargeant là-bas de l'autre côté du Rhin, se coiffent avec leurs tresses massées en casques, ou bien à la Chinoise, tous les cheveux tirés en l'air.

Les beautés sérieuses prennent le turban des Turcs. On connaît le célèbre portrait de M™^ de Staël enturbannée, les salons se remplis- sent ainsi d'odalisques parisiennes et Ton trouve leur coiffure charmante. Après cela, qu'est-ce

20^

MESDAMES NOS AÏEULES

qu'une jolie figure et des yeux vifs ou langou- reux ne sauraient faire passer?

Ces turbans prennent vite des proportions énormes et se surchargent de gazes, d'écharpes

Robe orientale et Turban.

de couleurs variées et de plumes, ils devien- nent sous la Restauration Tapanagc des dames mûres des mamans et belles mamans, et leur font ces figures d'un comique extravagant que nous ne pouvons regarder sans rire dans les gravures du temps.

Que aire aussi des spencers qui donnent un

LA REVOLUTION ET L EMPIRE

205

aspect si étriqué à ces toilettes déjà peu jolies de ligues, des lourds carricks, des redingotes fourrées et des Yitchouras? Les fourrures sont très h la mode, on porte astrakan, mar-

Chapcau Empire.

tre OU zibeline en vêtements de toutes sortes et en pelisses de toutes tailles.

Tout ce monde si bizarrement habillé, toutes ces femmes dont les costumes semblent sépa- rés par des siècles des toilettes du xviii*^ siècle, des falbalas qu'ont portés leurs mères, s'agi- tent dans un décor également bien différent

206 MESDAMES NOS AÏEULES

de celui qu'inventèrent les artistes et les peintres rococo.

Sommes-nous en France ou en Grèce, ou en Egypte, en Etrurie ou à Palmyre? Dans quel siècle vivons-nous, le xix^ après l'ère chré- tienne ou avant? Ce décor antique donné tout à coup à la vie, date du Directoire, ce sont les architectes retour de Rome, Percier et Fon- taine, qui l'ont implanté dans Paris et des hô- tels des personnalités à la mode, il a passé bien vite dans les maisons de la classe bour- geoise.

On s'habillait à la grecque et à la romaine, avant Percier et Fontaine, le costume avait donc précédé l'architecture et influé sur la création d'un style.

Est-il rien de plus élégant qu'un salon qui ressemble à un temple grec ou qui figure un intérieur de tombeau étrusque ? Garnitures de cheminée de style funéraire, trépieds imités de Pompéï, chaises curules, fauteuils incom- modes mais ornés de lions, de cygnes, de cornes d'abondance, lits gardés par des sphinx, commodes chargées de glaives, somnos en forme

LA REVOLUTION ET L EMPIRE

207

de cippe funéraire ou d'autel, tables de nuit pom- péiennes, etc. Partout des lignes rigides, des ornements froids, partout des palmettes, des entrelacs étrusques ou grecs, voire même des motifs égyptiens, quand l'expédition d'Egypte mit la terre des Pharaons à la mode.

Il fallait avoir dans l'esprit de considérables ressources de gaîté intérieure pour trouver la vie agréable parmi ces formes raides et dures, dans ce cadre sévère, solennel et antique, dis- tillant une maussaderie et un ennui très mo- dernes.

CoifiFure Empire.

Chapeau 1814.

XI

LA RESTAURATION ET LA MONARCHIE DE JUILLET

Manches boufTantes, manches à S'pOL Les colle- rettes. — Modes à la girafe. Les coilTures et les grands chapeaux. 1830. Epanouissement des modes romantiques.— Les derniers bonnets. 1840. Chastes bandeaux. Modes Juste-milieu.

Sous la Restauration, crannée en année, les très laides et inélégantes modes de l'Empire s'améliorent et prennent tin peu de grâce. Probablement la mode a cessé de consacrer

PARISIENNE 1814.

LA RESTAURATION 209

a

toutes ses pensées et toutes les ressources de son génie aux beaux houzards et aux brillants aides de camp des armées françaises. Le goût féminin renaît.

Les costumes vont gagner tous les jours, perdre de leur raideur et leur indécision, prendre de l'ampleur ici, s'alléger là, et dès 182o, devenir pour une dizaine d'années, tout à fait charmants.

Une grâce aimable et distinguée, une ex- quise originalité, une élégance souple et natu- relle, de belles ondulations de jupes, des coif- fures extrêmement seyantes, très trouvées, les modes de ce temps-là sont vraiment délicieuses, et la femme de 1830 a droit à une belle place de choix dans les évocations des élégances d'antan, parmi les plus charmantes figures du passé.

Plus tard, quand notre pauvre xix'^ siècle aura glissé avec les autres dans le gouffre qu'il peut, hélas, entrevoir déjà, quand les belles d'aujourd'hui seront à leur tour devenues des aïeules, lorsqu'on songera à se figurer les femmes de notre siècle, c'est avec les toilettes

14

210 MESDAMES NOS AÏEULES

de 1830, pour la première moitié, et de... mettons 90... pom^ la seconde moitié, qu'on se les représentera.

C'est la bonne époque, les dessins et pein- tures d'alors, des Devéria, Gavarni et autres, sont pour témoigner de la grâce des toilettes portées par les femmes de 182o à 183o, de la seconde période de la Restauration aux pre- miers temps de la monarchie de Juillet, i^endant le grand renouveau des idées et des arts.

Ah! celles-ci, nous les avons connues, elles nous intéressent plus que toutes, ce ne sont pas des figures vagues, estompées dans le re- cul des siècles! Nous les avons connues..., de- Venues de bonnes et charmantes vieilles, au visage encore encadré de boucles comme aux jours d'autrefois, mais de boucles blanches, avec des lunettes sur ces yeux jadis, paraît-il, vifs et rieurs ;..

Après la chute de l'Empire, l'anglomanie* domine pendant quelques années dans les toi- lettes, et aussi un peu de cosaquomanie; les modes parisiennes sont des imitations des modes de Londres; mais peu à peu se dégagent.

LA RESTAURATION

211

et de tâtonnements en tâtonnements, arrivent à réaliser de fort jolis types de toilettes.

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C'est encore pendant quelques années la robe sac ou fourreau de parapluie de l'Empire, avec

212 MESDAMES NOS AÏEULES

des essais de corsages, des tailles placées moins haut, des essais de manches à gros bouillons, et des chapeaux plus ou moins gracieux de formes tout à fait bizarres et toujours vastes de proportions, des chapeaux au fond desquels assez souvent la figure se dissimule presque complètement.

Le grand luxe revient pourtant avec la tran- quillité, avec le repos qu'on n'a pas connu de- puis vingt-cinq ans, avec la cour, dans les salons qui ont retrouvé l'éclat de jadis, et qui ne sont plus seulement des petites réunions de mécontents ou de simples parlottes, comme autrefois, discutant la dernière victoire ou le dernier revers de l'Empereur, unique sujet de conversation entre deux parties de whist.

Reprenons quelques-uns des vieux verres de la grande lanterne magique que le temps fait passer si rapidement et voici les élégantes de la Restauration, les belles romantiques et les lionnes de la monarchie de Juillet.

La robe de gros de Naples blanc, avec des Volants jaunes au bas de la jupe élargie, la même garniture en pèlerine sur les épaules,

LA RESTAURATION

213

des manches à gigot, elles viennent de naître et triomphent concurremment avec les

Toilette de soirée Restauration,

manches à l'éléphant et les manches à l'imbé- cile, — collerette tuyautée, grand chapeau de

214 MESDAMES NOS AÏEULES

paille de riz avec rubans de satin et panaches de grandes plumes.

Jupes élargies garnies de bouillonnes de gaze et de coques de satin, de volants et d'entre- deux de dentelles, canezous, jupes écossaises, grands chapeaux décoratifs ornés de gros bou- quets de fleurs, ces chapeaux de M™'' Her- bault dont les chroniques et les romans d'alors coifl*ent toutes les belles, immenses gants habillant tout le bras...

Cette dame qui joue rêveusement de la harpe dans une soirée élégante, les épaules drapées dans une écharpe de gaze rayée, est coifl'ée d'un grand béret ({ui va bien à son profd poé- tique; en sortant du salon, elle s'enveloppera dans une rotonde ou dans un de ces vastes manteaux de drap à palatine découpée, à grand collet et doublure de fourrures, pen- dant que Monsieur, le monsieur à toupet frisé, habit bleu à boutons d'or et pantalon collant, endossera son carrick.

Pour Tété, pour la campagne, pour la pro- menade, pour aller consulter le sorcier de Ti- voli, canezous d'organdi ruches de tulle, grands

LA RESTAURATION 215

chapeaux de paille avec d'immenses rubans dressés.

Pour le théâtre, pour les sorties, pour tous les temps frais, on aies boas, ces. boas que nous venons tout récemment de voir revenir et qui sont l'occasion de si jolis mouvements. Les serpents de fourrure s'enroulent sur les épaules nues et sertissent chaudement et vo- luptueusement les fraîches carnations.

En 1827, pour célébrer l'arrivée de la pre- mière girafe au jardin des Plantes, toute la mode est à la Girafe,

Ce qui reste de ces modes à la Girafe, c'est le grand peigne d'écaillé qui se place tout en haut de la tête au sommet de l'édifice. Les coiffures sont très hautes, les cheveux se re- lèvent en plusieurs coques serrées avec un en- cadrement de boucles tombantes autour du visage, partagées irrégulièrement, trois d'un côté, quatre de l'autre...

Elle est charmante, l'élégante de 1830 en costume de soirée, avec le complet épanouis- sement des manches à gigot, ses épaules émer- geant d'une ligne de fine dentelle, sa nuque

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MESDAMES NOS AÏEULES

bien découverte sous le grand peigne d'écaillé planté triomphalement dans les masses blon- des ou brunes, tordues et réunies au sommet de la tête.

Dans la rue ou sur les boulevards, aux prome-

0%)

^^

Chapeau ISilO,

nades, aux Champs-Elysées, elle est décolletée encore et se drape sans se cacher dans un petit châle porté coquettement.

Revenons un peu sur le chapitre des coif- fures ; ce n'est pas le moins important, il peut se subdiviser en sous-chapitres : les toques

i

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UNE ÉLÉGANTE AUX CHAMPS-ELYSÉES. RESTAURATION.

LA RESTAURATION

217

et bérets chevaleresques et Ossianiques, les bonnets et turbans, et enfin les chapeaux, C'est un poète qu'il faudrait pour célébrer

Béret de ^dZ:.

dignement la grandeur et pleurer la décadence du chapeau féminin. Sous la Restauration, jus- qu'en 1835, c'est la gloire et le triomphe du chapeau ; il plane superbement sur la tête des dames, il fait voltiger ses plumes, il balance

218 MESDAMES NOS AÏEULES

gracieusement ses rubans, ses coques et ses immenses nœuds de satin.

Parti des tromblons ou des shakos sans grâce de l'Empire, des tubes enfermant la figure au fond d'un corridor obscur, il s'est modifié peu à peu, il s'est élargi, il s'est ouvert. On le campait tout droit sur la tête; maintenant, il se pose gentiment de côté sur les cheveux roulés en grosses boucles irrégulières. La nuque bien dégagée apparaît dans toute sa coquetterie, les épaules se montrent aussi à l'ombre d'un grand chapeau car les robes sont largement décolletées et les jolies collerettes tuyautées ne les surmontent pas toujours.

C'est le moment du triomphe pour le cha- peau, mais la décadence viendra vite, les bords roulés en cornet ou en corridor reprendront, on supprimera rubans et panaches, on enfer- mera la figure tout ou fond du corridor et le cou sous d'immenses et disgracieux bavolets. Nous irons ainsi de lamentables inventions en créations baroques et inélégantes jusqu'au petit chapeau bibi fermé, du second Empire, jusqu'au ridicule chapeau assiette de. 1867.

LA RESTAURATION

219

Mais la réaction en sens inverse est com-

Lcs grands Chapeaux Restauration.

mencée, nous avons pu revoir en ces dernières années de vraiment gracieuses coiffures. La femme d'alors dans Tintimité ne craint

220 MESDAMES NOS AÏEULES

pas les grands bonnets coquettement chiffon- nés, vastes comme les chapeaux, avec un fond relevé très haut pour contenir le grand peigne avec des ébouriffements de dentelles et de rubans autour de ses boucles ou de ses an- glaises. C'est le dernier temps d'élégance des bonnets, ensuite, hélas! il n'y aura plus de beaux bonnets qu'aux champs, tant que dure- ront les majestueux hennins des Normandes ou les coiffes voltigeantes si variées des femmes de Bretagne.

Après ces jolis bonnets de boudoir des lion- nes de 1830, la décadence du bonnet commence. Il est encore joli, le bonnet capricieusement tuyauté sur la tète des petites modistes ou grisettes au nez fùté de Parisienne, aux yeux éveillés et railleurs; c'est d'ailleurs la coiffure légère qu'elles font si légèrement voltiger métaphoriquement par-dessus les plus hauts moulins, mais ensuite le bonnet des grisettes devient la coiffure sans grâce de grosses boutiquières, enfin, chute complète, le bonnet devient portière...

Vive, légère, enjouée, dans l'ondulation de

LA MONARCHIE DE JUILLET

ses larges jupes et le flou de ses monumen- tales manches à gigot, l'élégante de 1830 s'en va éblouir les boudoirs de la chaussée d'Antin

;t

Bonnet d'intérieur.

et les promenades fashionables, les Champs- Elysées ou Longchamps et faire palpiter le cœur des dandys engoncés dans leurs hauts collets d'habits. Sous son grand chapeau hérissé de

MESDAMES NOS AÏEULES

touffes de plumes et de rubans, elle disparaît quand elle veut, un simple mouvement du cou et la voilà dissimulée au fond de cette coiffure de strict incognito.

Elle galope aussi au bois de Boulogne dans son amazone de couleur à manches à gigot, ornée de torsades ou de brandebourgs, ou bien égayée par un blanc canezou...

Plus tard par malheur, elle osera porter, à la campagne pour ses promenades équestres, à la place de son large chapeau à grand voile voltigeant, la casquette, la hideuse casquette, honte du xix*^ siècle.

Il faut voir, aux loges des théâtres à la mode, les rangées de jolies femmes décolle- tées, dans les corsages ouverts en pointe jusqu'à la taille sur une large chemisette brodée, les parements du corsage revenant sur les épaules et les manches, les boas enroulés, les ac- croche-cœurs et les boucles, les cheveux tor- dus et dressés de cent façons différentes et compliquées, avec des fleurs, des peignes, des pointes de satin...

Les belles romantiques, dit-on, arborent à

LA MONARCHIE DE JUILLET

223

l'eiivi des toilettes plus moyen âge les unes que les autres. Elles avaient pour nourriture d'esprit après les troubadours du vicomte

Amazone 1830.

d'Arlincourt, après Ossian, Byron et Walter Scott, les tirades passionnées et farouches des grands drames d'alors, Hernani^ la Tour de Nesle, Lucrèce Borgia, les vers, les romans, les chroniques de tous les romantiques, de tous les jeune France. Et, sous l'ceil fulgurant des barons et des bandits gothiques, elles s'effor-

22^

MESDAMES NOS AÏEULES

çaient d'être le plus moyen âge possible dans leurs ajustements.

Mais, au théâtre même, le moyen âge était

Coiffure à la Chinoise. 1830.

très 1830, les héroïnes de ces drames flam- boyants, Isabeau, Marguerite de Bourgogne ou Belle Ferronnière, malgré les recherches de couleur locale, montrent, tout comme les spectatrices, les inévitables manches à gigot, et au fond en voulant se montrer moven-

TOILETTES D'INTÉRIEUR 1830.

LA MONARCHIE DE JUILLET

225

âgeuses, les belles de 1830 restent surtout 1830. Hélas, hélas, ces modes d'une si jolie désin- volture, ces modes à panaches, d'une élégance

Grand Chapeau et Coller ette.

truculente, pour employer l'idiome d'alors, ces modes passent. La réaction bourgeoise anti- pittoresque, qui commence dans les arts, triomphe bien plus rapidement dans les toi- lettes. Au bout de quelques années, les modes se sont assagies, faut-il dire le gros mot? Dès

15

226 MESDAMES NOS AÏEULES

1835 OU 36, la mode, Tex-mode poétique^ romantique, cavalière, se fait juste milieu et épicière, épouse de garde national, pour tout dire !

La mode en 1835 a déjà perdu ses grâces et tourné à la gaucherie en exagérant disgracieu- sement les caractéristiques de 1830. Ce ne sont plus les femmes de Dévéria et de Gavarni, ce sont celles de Grandville.

Les jupes sont larges comme des cloches et sans ornements, en simple mousseline blanche ou imprimée de petits dessins bébêtes comme ceux des papiers de tenture de l'époque. Les manches sont d'énormes gigots boursouflés mais flasques qui pendent très bas, très bas, sur de tout petits poignets; les corsages sont recouverts d'immenses pèlerines ornées de broderies et dentelles, tombant plus bas que la taille. Mettez sur la tête un grand chapeau de paille d'Italie ou de paille de riz, fermé et bridé sous le menton, et vraiment l'ensemble n'est pas très séduisant.

Voyez les héroïnes de 1830, dix ans après, en 1840; considérez tristement ces jupes sans

LA MONARCHIE DE JUILLET

227

lignes et sans ornements, ces manches hési- tantes, gardant un peu de l'ampleur des gigots, juste assez pour être disgracieuses, ces cor-

Toilelte d'intérieur.

sages quelconques, ces chapeaux dépourvus d'allure, simples capotes attachées sous le menton par des brides sans grâce.

Les coiffures n'ont plus les belles audaces d'autrefois, ce sont des coiffures en bandeaux

228

MESDAMES NOS AÏEULES

plats, qui encadrent froidement et durement le visage, ces chastes bandeaux, comme on disait alors, qui tuent presque toute grâce et toute

Toilette romantique.

beauté ce sont les anglaises, les longues boucles tombant comme un feuillage de saule, qui donnent une mine pleurnicharde aux figures féminines les plus enjouées. La mode

LA MONARCHIE DE JUILLET

229

devient de plus en plus triste et de plus en plus laide à la fin de la monarchie de juillet. Plus de goût du tout, c'est le comble de la banalité et de la platitude.

Il y a un mouvement qui porte les modes à

1830.

toujours aller du plus large au plus étroit et toujours à revenir du plus étroit au plus large. C'est une loi. De même pour les coiffures, on va et on ira toujours du plus petit au plus vaste et du plus vaste au plus petit, avec une régularité parfaite.

230

MESDAMES NOS AÏEULES

Après les paniers Louis XV et Louis XVI, on est allé aux jupes collantes du Directoire, la plus simple expression des jupes, après laquelle il n'y a plus que la suppression. Des robes fourreaux de l'Empire, on est venu par degrés à l'ampleur et l'on va regagner sous le second Empire le grand maximum de largeur avec la troisième restauration du vertugadin sous le nom de crinoline.

1835.

^ u-«s^"^

l84o.

XII

ÉPOQUE MODERNE

1848. Desrévokilions partout, excepté dans le royaume de la mode. Règne universel de la crinoline. Les châles cachemire. Talmas, burnous, pince- tailles. Modes de plages. Robes courtes. Saute- en-barque. Jupes larges et jupes étroites. Les modes collantes. Poufs et tournures. Modes Valois. Erudition plus qu'imagination. On de- mande une mode fin de siècle.

La Révolution de 48 n*a aucune action sur les modes, elle ne lance pas, comme la pre* mièrCj la toilette dans des voies nouvelles. En

232 MESDAMES NOS AÏEULES

ce temps de bouleversement, quand toute l'Eu- rope semble gagnée par l'esprit de révolution, lorsque tant de rêves plus ou moins beaux, plus ou moins fous, brûlent le cerveau conges- tionné des peuples, la mode à qui pourtant un petit grain de folie serait certainement permis, se conduit en personne sage et prudente.

Les toilettes continuent à se montrer émi- nemment bourgeoises; on croirait que c'est jyjme Prudhomme qui donne le ton.

Les tristes et mesquins chapeaux en petit cabriolet, fermés sous le menton avec de petites brides, régnent sans conteste, il n'y a pour ainsi dire qu'une forme unique, à bavolet, sans autres ornements que des rubans sans grâce. La robe n'a pas la moindre ornementation non plus, le corsage est très long, la jupe droite. Sur ces toilettes plates on porte au dehors des mantelets et des châles.

Ce sont ces toilettes, très sobres et très effacées, que le second Empire va trouver à ses débuts et qu'il transformera peu à peu en un costume à grand fla-fla trè& compliqué, très chargé et surchargé, mais plus que discutable

PARISIENNE 1835.

ÉPOQUE MODERNE 233

comme goût et même tout à fait dépourvu de style, sauf dans quelques trouvailles heu- reuses qui ne durèrent pas, vers 1864.

La grande pensée du règne, côté modes, la grande innovation qui va donner le la

Chapeau 1848.

aux toilettes, c'est la crinoline, honnie, attaquée, vilipendée par vaudevillistes, jour- nalistes, caricaturistes, par les maris, par tout le monde, c'est la crinoline triomphante de toutes les clameurs, de toutes les moqueries, comme de tous les justes reproches:

On peut bien dire que sous l'Empire la femme a tenu trois ou quatre fois plus de place dans le monde au moins en circonférence

234 MESDAMES NOS AÏEULES

qu'aux époques précédentes, plus même que sous Louis XV de peu vertueuse mémoire, la crinoline ayant régné bien plus despotiquement que les paniers, puisque les femmes de toutes classes durent l'adopter et que les filles des champs ne se crurent pas habillées le dimanche à moins de ballonner comme les dames de la ville avec la cage en cercles d'acier.

Les tournures et les jupons bouillonnes en étoffe de crin ont habitué peu à peu les yeux à l'élargissement des jupes, et lorsque la cri- noline sans armature est délaissée pour les cerceaux en ressorts d'acier et pour la crinoline cage, à cercles et à montants d'acier, les dames trouvent ce ballonnement charmant et la cri- noline fait le tour du monde.

Il est bien inutile d'insister sur ses nom- breux inconvénients qu'on a encore dans la mémoire, sur la gêne qu'elle imposait, mais au point de vue esthétique, la crinoline doit être solennellement anathématisée, excommu- niée, ridiculisée à jamais... c'est-à-dire jus- qu'au jour elle reviendra sous un autre nom.

EPOQUE MODERNE

235

Il est vrai que les jupes s'arrondissant en coupoles flottantes sur ces crinolines'si décriées, et que tout l'ensemble de la toilette étaient

La Crinoline.

ornés d'une façon lourde et gauche de petits détails mesquins appliqués sur de tristes étof- fes, tandis que les paniers du xviii° siècle ont eu pour eux une ornementation plus artiste

236 MESDAMES NOS AÏEULES

des jupes et des toilettes taillées dans les belles étoffes à ramages. Leurs exagérations et leurs ridicules avaient de la grâce, tandis que les jupes, à crinoline ne rachetaient par rien leur gauche balonnement. Un peu surfaites, les suprêmes élégances de l'Empire!

Avec ces crinolines boursouflées et envahis- santes, que portent toutes les femmes du second Empire, on peut rappeler le talma, le burnous, manteau algérien assez coquet, \q?> pince -taille en soie gros grain à manches pagodes, oh ! les manches pagodes ! entonnoir disgracieux et incommode compliqué de dentelles ou d'effilés !

Il faut noter surtout les châles, le fameux cachemire de l'Inde et le grand châle tapis.

Le châle, dont on a si longtemps célébré l'élégance (?), n'a vraiment quelque grâce que lorsqu'il est petit, étroit presque comme une écharpe, et lorsqu'il est porté avec irrégu- larité et désinvolture. Que dire du grand châle posé sur les épaules comme sur un porte- manteau et tombant droit en dissimulant la taille et la toilette de la femme, sinon qu'en

ÉPOQUE MODERNE 237

réalité ce châle-manteau est un vilain vêtement et qu'il ne va tout au plus qu'aux fruitières endimanchées.

On peut encore signaler les capelines parmi les inventions commodes, et les vestes zouaves,

Chapeau second Empire.

les rouges garibaldis et les figaros, parmi les nouveautés gracieuses de l'époque.

Le chapitre des chapeaux n'est pas bien bril- lant. Jusque vers 1863, ce sont toujours les grandes capotes de cabriolets, avec bavolets, avec fleurs dans l'intérieur de la passe et au- dessus; cette coifl'ure, c'est en somme le grand chapeau de la Restauration, abîmé, ridicule- ment arrangé, finissant tristement ses derniers jours.

238 MESDAMES NOS AÏEULES

Voilà donc le luxe elTréné tant reproché aux femmes par le président Dupin, dans la fa- meuse brochure qui fît sensation en 1865, le luxe débordant les jours de Grand Prix dans la grande Ville, roulant de l'hippodrome de Longchamps tout le long des boulevards, le luxe qui, paraît-il, faisait de Paris une Byzance décadente, scandalisait Thonnète bourgeoise en petit châle, et faisait monter le rouge aux joues du reste de la vertueuse Europe, vouée encore à la simplicité naïve et pratiquant le culte de sainte mousseline à dix sous le mètre.

Effréné peut-être, ce luxe corrupteur et effrayant, mais peu artistique, d'un goût mé- diocre et donnant à très grands frais l'im- pression du clinquant.

Bien que le recul ne soit pas encore suffi- sant pour le juger, pour apprécier les modes de ce temps dans leur ensemble, sans se lais- ser influencer par la pointe de ridicule qui s'attache au démodé, il semble cependant qu'au siècle prochain les femmes et les artistes le jugeront à peu près ainsi. Nous ne voyons pas les peintres élégants d'alors ressuscitant

EPOQUE MODERNE 239

dans leurs tableaux les modes de 1860, pour la joie des mondaines et des américains ving- tième siècle.

Cependant la vogue des bains de mer qui se

Pince-taille.

dessine de plus en plus et qui deviendra bien- tôt une migration annuelle et régulière de toute la bourgeoisie vers les plages normandes ou bretonnes, cette habitude des excursions esti- vales amène quelques gracieux changements dans la mode.

Un instant vers 1864, triomphe la mode des robes courtes née sur les plages élégantes. Plus de jupes traînantes, ou de robes longues à larges volants. On conserve la crinoline, \m

240 MESDAMES NOS AÏEULES

peu modérée dans son envergure, mais on drape et on arrange les jupes, avec des relevés, des plissés, avec une grande variété d'orne- ments appliqués, ornements très larges d'un bon effet.

La fantaisie, étouffée depuis 1830, reparaît. Ces très cavalières jupes courtes laissent voir les bottines très luxueuses et très ornées, les fines petites bottes très montantes dont on fait sonner les hauts talons. Un instant même quelques élégantes des plages à la mode pren- nent la grande canne Louis XIIL

On voit aussi de jolis vêtements très amples, à larges manches, et des pardessus dits SaïUe- en-barqiœ. Les chapeaux bien différents du cérémonieux chapeau fermé et très crânement portés un peu sur le côté, sont des espèces de coiffures de Toreros, ornés, de gros pompons ou de plumes. La coiffure de l'époque est basse, avec un crêpé sur le front, les cheveux' tom- bant dans le dos massés dans un filet.

Les jupes courtes, si gracieuses avec la cri- noline, avec les hautes ceintures à boucles, et tous les ornements, ganses et soutaches dont

MODES DE PLAGE 1864.

KPOQUE MODERNE

241

on couvre alors le costume, sont bientôt vain- cues par un retour offensif des robes longues.

rm:^^

ijranil manteau Empire.

et la mode perd tout de suite ses allures cava- lières.

La crinoline elle-même tombe un instant en 1867, au moment des jupes plates et traînantes, des corsages péplums, nés dun retour de goijt pour la tragédie, dont on déclame de^

16

242 MESDAMES NOS AÏEULES

fragments au Café-Concert, au moment des petits chapeaux assiettes, posés sur le front devant le gros chignon relevé en boule, coiffures que viennent compléter les rubans flottant dans le dos et appelés du nom expressif de : tt Suivez-moi jeune homme. »

... Et la bataille continue entre les jupes larges et les jupes étroites, la crinoline a battu de l'aile pendant quelques années et finalement elle est morte. La crinoline à grands cerceaux est maintenant du domaine de l'archéologie c'est une antiquité, comme le panier, comme le vertugadin.

Comme on voulait encore de l'ampleur, on l'a remplacée par des poufs, de très volumi- neux paquets d'étoffes, relevés par derrière sur les jupes,

Puis sur le chemin de la réaction anti- crinolinienne, on a été en diminuant peu à peu la largeur des jupes jusqu'aux robes mou- lées sur le corps, au collant qui a duré deux ou trois ans, vers 1880. Les modes étaient alors fort jolies, très esthétiques. Puis un petit soupçon de gonflement s'est produit, on s'est

ÉPOQUE MODERNE 243

élargi un peu, on a bien vite adopté les tour- nures....

Mais cette mode des robes collantes nous a laissé les corsages en jersey qui moulent très gracieusement le corsage et les hanches. Le jersey vite adopté convient admirablement aux toilettes de promenade et de campagne.

Pendant quelques étés d'un bout de l'Europe à l'autre, sur toutes les plages d'Angleterre, de France et d'ailleurs, le Jersey fut l'uniforme obligatoire; femmes, jeunes filles, enfants, garçons ou fillettes, tous furent en jerseys bleu foncé, agrémentés d'ancres d'or, tous en matelots. Les enfants gardent encore ce vête- ment gracieux et commode et voici que les hommes, touristes et vélocipédistes l'a- doptent.

Le temps est passé des édits somptuaires et des gouvernants légiférant sur le luxe pour enrayer ses débordements. On a vu, de Phi- lippe le Bel à Richelieu, la longue série de ces édits; avant de tomber à l'oubli, ils furent pourtant presque toujours appliqués ri-

MESDAMES NOS AÏEULES

goureusement d'abord, même par des rois qui mettaient le Trésor à sec pour les somptuo- sités de leur cour, comme Henri III par exem- ple, le mignon fanfreluche, qui lors d'un de ses accès de répression du luxe des autres, lit jeter en prison au fort l'Évèque en un seul jour une trentaine de femmes et non des moin- dres de Paris, coupables d'avoir bravé les pro- hibitions du brocart et de la soie.

Ce temps des prohibitions somptuaires. des ordonnances royales sur les modes n'est plus. Dans l'intérêt général de l'industrie et du com- merce, tout ce qui peut développer le grand luxe doit être aujourdliui recherché et favo- risé.

C'est le petit luxe qui devrait être au con- traire réprimé s'il était possible, ou plutôl <iui aurait être réprimé, car aujourd'hui le mal est fait et parfait.

Ah ! si la mode plus puissante que les rois et les ministres, que les arrêts, les lois et les édits, si la mode dont les ordonnances sont sans appel, avait pu décréterla conservation des anciens costumes féminins de nos provinces. des

EPOQUE MODERNE

245

modes locales souvent si gracieuses, des élé- gances campagnardes, auxquelles la ville a si

Robe collante 1880.

souvent fait des emprunts, des façons dérobes, des mantes, et aussi des coiffures si variées, coiffes bressannes, casques de dentelles du pays de Caux, grandes coiffes bretonnes, bonnets l'arlésiennes. etc.. Quel sauvetage!

246 MESDAMES NOS AÏEULES

Mais non, tout cela est parti, toutes ces jolies choses ont disparu devant l'envahissement d'un faux luxe mesquin, caricature sans goût des élégances parisiennes, devant les confections uniformes et informes, fabriquées à la centaine et portées jusque dans les plus lointains can- tons î...

Partout, hélas, les jolies modes locales, les élégances particulières et régionales, ont cédé pour jamais la place à des attifements souvent prétentieux et ridicules...

Le « costume » des campagnes en toute province est évanoui, envolé, perdu, c'est à la « 7node » des villes, de nous indemniser en élégance vraie et en grâce.

La mode est aujourd'hui dans une période de transition et de tâtonnements, elle cherche, elle essaie, à défaut de nouveautés nouvelles, des imitations des nouveautés d'autrefois, ayant suffisamment vieilli, comme disait la couturière de l'impératrice Joséphine.

On va des imitations des coupes Louis XVI ou Empire à des ajustements Valois, aux cor-

EPOQUE MODERNE

247

sages Louis XIII, aux manches moyen âge ou bien aux manches à gigot 1830... Nous verrons ce qui sortira de ces tentatives et de ces essais et si comme il arrive dans tous les arts, il en sera de l'art de la toilette comme des autres, si le neuf naîtra de l'étude de l'ancien.

Souhaitons qu'une mode originale, fin de siècle suivant l'expression à la mode, se dé- gage enfin, pour qu'un jour les petites filles des élégantes de ces dernières années du xix'' siècle, puissent se figurer leurs aïeules sous des ajustements bien à elles, bien personnels, autrement enfin qu'en toilettes empruntées à tous les âges.

TABLE DES CHAPITRES

I.- BALLADE DES MODES DU TEMPS JADIS

il

Le vieux neuf. L'horloge de la mode. Feuilles dans les cartons du passé. Quelle est la plus jolie mode? Mode et architecture. Vêtements de pierres et vête- ments d'étoffes. La poupée costumée, journal des modes du moven àofe '•)

III. - MOYEN AGE

Les Gauloises teintes et tatouées. Premiers corsets et premières fausses nattes. Premiers édits somptuaires. Influence byzantine. Bliauds, surcots, cottes har-

250 MESDAMES NOS AÏEULES

dies. Les robes historiées et armoriées. Les ordonnances de Philippe le Bel. Hennins et Escof- fions. La croisade contre les Hennins de frère Tho- mas Connecte. La dame de Beauté 23

IV. LA RENAISSANCE

Modes en largeur. Hocheplis, _vertugalles, vertugadins. La belle Ferronnière. Éventails et manchons. Les modes tristes de la Réforme. L'escadron volant de Catherine. Dentelles et guipures. Les services du vertugadin. Le masque et le touret de nez. Fards et cosmétiques 53

V. - HENRI III

La cour du Roi-Femme, Les grandes fraises plissées, godronnées ou en cornets. Les femmes-cloches. Les grandes manches. Horribles méfaits du corset. La reine Margot et ses pages blonds 76

VI. HENRI IV ET LOUIS XIII

Retour à une simplicité relative. Les femmes tours.

Hautes coiffures. Excommunication du décolletage.

Les robes à grands ramages de fleurs. Collets montés et collets rabattus. Tailles longues. Les édits de Richelieu. La dame suivant Tédit. Tailles courtes 91

VII.:- SOUS LE ROI-SOLEIL

Les héroïnes de la Fronde. De la Vallière à la Mainte- non. Les robes dites transparentes. Triomphe de la dentelle. Le roman de la mode. Les Stein-

TABLE DES CHAPITRES 251

querques. La coiffure à la Fontanges. Le règne de M"' de Maintenon ou trente-cinq ans de moro- sité 112

VIII. XVIir SIECLE

La Régence. Folies et frivolités. Cythère à Paris. Les modes Watteau. Les robes volantes. Naissance des paniers. Criardes, Considérations et Maîtres des requêtes. M""" de Pompadour. L'éven- tail. — Promenade de Longchamps. Carrosses et chaises à porteurs. Modes d'hiver 130

IX. -XVIir SIÈCLE. - LOUIS XVI

Les coiffures colossales. ' Le pouf au sentiment. Parcs, jardins potagers et paysages animés de figures sur les tètes. La coiffure à la Belle-Poule. Les mouches. Modes champêtres. Les robes négli- gentes. — Couleurs à la mode. Le monument du costume. Les amazones. Modes anglaises. Les bourgeoises 150

X. LA RÉVOLUTION ET L'EMPIRE

Modes dites à la Bastille. Modes révolutionnaires. Notre-Dame de Thermidor. Incroyables et merveil- leuses. — L'antiquité à Paris. Athéniennes et Romaines. Une livre de vêtements. Tuniques diaphanes. Maillots, bracelets et cothurnes. Le réticule ou ridicule. Le bal des Victimes. Per- ruques blondes et oreilles de chien. A la Titus. Les robes-fourreau. Petits bonnets et Chapeaux- Shakos. Les turbans 178

MESDAMES NOS AÏEULES

XI. -LA RESTAU RAT ION ET LA MONARCHIE DE JUILLET

Manches bouffantes, manches à gigot. Les collerettes. Modes à la girafe. ^ Les coiffures et les grands chapeaux. 1830. Epanouissement des modes romantiques. Les derniers bonnets. 18 iO. Chastes bandeaux. Modes Juste-milieu. . . . 20S

XII. - EPOQU E MODERNE

I8i8. Des révolutions partout, excepté dans le royaume de la mode. Règne imiversel de la crinoline. Les châles cachemire. Tdlmas, burnous, pince-tailles. Modes de plages. Robes courtes. Saute-en- barque. Jupes larges et jupes étroites. Les modes collantes. Poufs et tournures. Modes Valois. Erudition plus qu'imagination. On demande une mode fin de siècle 231

TABLE DES DESSINS HORS TEXTE

Toilette de bal Restauration Frontispice

Noble dame fin du xn'*" siècle 17

Robe et houppelande historiées xv^ siècle 33

Châtelaine milieu du xv^ siècle 41

Dame sous Charles YIII 49

A la cour du Roi-Chevaliei' 57

Sous Henri II 65

Dame du temps de Charles IX 73

Toilette de cour Henri III 81

Grande toilette Médicis 89

Dame Louis XIII 97

Fin du règne de Louis XIII 105

A la cour du Roi-Soleil 113

Sous le Grand Roi. Fin du xvir siècle. . . 121

Sous la Régence 129

Toilette de cour Louis XV 137

Parisienne sous Louis X^' 145

254 MESDAMES NOS AÏEULES

Grands paniers Louis XVI 153

Parisiennes 1789 161

Promenade parisienne 1790 169

Merveilleuse en tunique à la grecque 177

Merveilleuse du Directoire 185

Premier Empire 193

Parisienne de 1810 201

Parisienne 1814 209

Une élégante aux Champs-Elysées. Restauration 217

Toilettes d'intérieur 1830 225

Parisienne 1835 233

Modes de plage 1864 241

EVItKLX. IMPRlMtltlE DE CHARLES HEKISSEY

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