FOR THE PEOPLE FOR EDVCATION FOR SCIENCE L1BRÀRY OF THE AMERICAN MUSEUM OF NATURAL HISTORY MEMOIRES DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE DE FRANCE POUR L'ANNÉE 1917 MÉMOIRES DE CA r * SOCIETE ZOOLOGIQUE DE FRANCE iRECONNUE DUTILITÉ PUBLIQUE) ANNÉE 1917 TOME XXVII PARIS AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE DE FRANCE 28, rue Serpente (Hôtel des Sociétés savantes) Paru en Juillet 1918 q- îaa^î- SjlJL "*-(» CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES ORGANES REPRODUCTEURS ET DE LA REPRODUCTION CHEZ LES STRONGLES DÉPOURVUS DE CAPSULE BUCCALE (METASTRONGILIDjE) M. NEVEU-LEMAIRE. INTRODUCTION La classification des Strongles a subi depuis une dizaine d'années un remaniement complet. A mesure que de nouvelles espèces étaient décrites et que les anciennes étaient mieux connues, on a dû établir parmi ces Nématodes un certain nombre de groupes naturels. La famille des Strongylidœ comprenait primitivement tous les Nématodes, dont les mâles présentaient à l'extrémité postérieure du corps une bourse caudale ou copulatrice ; elle a été ensuite subdivisée en un certain nombre de sous-familles : les Eustron- gylinœ, les Physalopterinœ, les Strongylinas et les Sclerosto- minae. Disons tout de suite que les deux premières sous-familles ont été ultérieurement éliminées. En 1909 Jagerskiôld (37) (1) a fait de la première une famille autonome, celle des Eustron- gylidœ, et a rapproché la seconde des Nématodes du genre Spi- rurct Emile Blanchard. Il ne restait donc plus parmi les Stron- gylidœ que deux sous-familles : 1° Celle des Strongylinœ, comprenant les Strongles dépourvus de capsule buccale, tels que Strongylus filaria Rudolphi, 1809, Strongylns strigosus Dujardin, 18'i5, etc.; 2° Celle des Sclerostomina\ comprenant les Strongles pourvus d'une capsule buccale, tels que Sclerosloma equinum de Blain- ville, 1828, Ankylostoma duodenale Dubini, 18i2, etc.. Mais en tenant compte des règles de la nomenclature, adoptées par les Congrès internationaux de zoologie (130), on se trouve en présence d'une réelle difficulté. En effet le nom d'une sous- famille doit être tiré du nom de genre pris pour type de ce groupe. Or le nom de Sclerostoma de Blainville, 1828, ne pouvait (l)-Les numéros placés entre parenthèses renvoient à l'Index bibliographique situé à la fin du mémoire. 6 NEVEU-LEMAIRE s'appliquer aux Strongles,'' don! le type esl Strongylus equinus 0. F. Miiller, L780, el devail par conséqxient être remplacé par celui de Strongylus <>. F. Millier, 1:780, plus ancien que lui, ainsi que l'avail montré \v. Stiles 114 en L903. Le terme de Sclerostoma devail donc disparaître, devenanl simplemeni syno- nyme de Strongylus el par suite la sous-famille des Sclerosto- mimu, renfermant les Strongles pourvus (l'une capsule buccale, devail porter le nom de Strongylinœ, i i désignanl déjà les Strongles dépourvus de capsule buccale. Pour obvier ;'i celle difficulté, R ûlliet el Hekry 92-93 avaient proposé en 1909 de désigner les Strongles possédanl une capsule buccale -uns le nom (ïAnkylostominœ, en prenant comme type de ces Strongles le genre Ankylostoma Dubini, 1842. Mais Looss 47 avail déjà, en 1905, désigné sous ce nom un groupe plus restreint, comprenanl seulement les Strongles donl l'extré- mité céphalique était relevée vers la face dorsale. Dès lors Railliet cl I ! i:\i; v 94-95 n'hésitèrent pas, en 1912, à se rattacher à l'opinion de \V. Stiles qui, des 1903, appliquai! déjà à tous les Strongles pourvus d'une capsule buccale le nom de Strongy- linœ. Mais que devenail alors l'ancienne sous-famille des Strongy- linœ ? D'après ce que non- avons dit précédemment, le nom géné- rique de Strongylus ne pouvanl plus s'appliquer aux Strongles dépourvus rie capsule buccale, le nom de la sous-famille dispa- raissail également. Ces! alors qu'en prenant comme type îles Strongles dépourvus de capsule buccale le genre Mctastrongylus Molin, 1861, Railliet el Henry Ç2 proposèrenl pour ces Néma- todes la dénomination de Xlctastfongylinœ. En résumé les anciens Sclerostominx sonl devenus les Stron- gylinœ él les anciens Strongylimr. sonl devenus les Mctastron- gylin c. Les Mctastfongylinœ comprenaienl alors tous les Strongles dépourvus de capsule buccale, aussi bien ceux qui habitenl le tube digestif que ceux qui vivenl dans les voies respiratoires de leurs hôtes. En 1909, Leipeu 41 a établi nue nouvelle division dans cette dernière sous-famille, réservanl le nom de Melastronr gylinœ aux Strongles parasites de l'appareil respiratoire ou eir- çulatoire, ayanl pour type le genre Mctastrongylus Molin, isiil. el groupanl ceux qui vivenl dans le tube digestif -uns le nom de TrichoslrongylintV, ayanl pour type le genre Trichostron- gylus Looss, 1905, ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 7 Enfin, à côté des trois sous-familles des Strongylinse, des Tri- chostrongylinœ et des Metastrongylinœ, Railliet et Henry (92) ont placé en 1909 deux mitres sous-familles, celle dos Cloaci- ninœ et celle des Pseudaliinœ. En 1912, ces mêmes auteurs éli- minent du groupe les Cloacininœ, qui se rapprochent par cer- tains caractères des QEsophagostomes, mais dont la place défi- nitive dans la classification doit encore être réservée. Par contre ils l'approchent les Pseudaliinœ des Metastrongylinœ, de sorte que les Strongles, d'après Railliet et Henry (94), doivent être classés de la manière suivante : Une seule famille, celle des Strongylidœ, comprenant quatre sous-familles : i° Les Strongylinœ. 2° Les Trichostrongylinœ. 3° Les Metastrongylinœ. -4° Les PseudalHricT. Railliet et Henry, comme Leiper, en se basant surtout sur l'habitat et l'évolution, tendent à rapprocher d'une part les Tri-, chostrongylinse des Strongylinœ et d'autre part les Pseudaliinœ des Metastrongylinœ, pour lesquels ils proposent même la réu- nion en une seule famille, celle des Metastrongylidœ. Après avoir étudié de nombreux Strongylinœ et la plupart des Trichostrongylinïœ et des Metastrongylinœ, je considère que ces deux dernières sous-familles s'éloignent par leurs caractères des Strongylinœ, mais qu'elles sont très voisines l'une de l'autre, non seulement au point de vue anatomique, mais probablement aussi au point de vue de la reproduction. Quant aux Pscwhi- Kina?,» la réduction ou même l'absence complète cle bourse' cau- dale, la présence de côtes peu nombreuses et atypiques, la pré- sence ou l'absence d'une capsule buccale les éloignent à la fois des trois groupes précédents. La classification naturelle des Strongles me semble dès lors être la suivante : Ces Nématodes peuvent former un sous-ordre spécial, celui des Strongylata, déjà admis par Railliet et Henry (97) en 1913 et être répartis en trois familles, qui se dis- tinguent très nettement les unes des autres : 1° Les Strongylidœ, qui possèdent une bourse caudale bien développée et une capsule buccale. Ils comprennent plusieurs sous-familles. 2° Les Metastrongylidœ, qui possèdent une bourse caudale bien développée, mais sont dépourvus de capsule buccale. Ils comprennent deux sous-familles. 8 NEVEU-LEMAIRE 3° Les Pjeudaliidœ, chez lesquels la bourse caudale est très réduite ou absente ei qui possèdenl ou non une capsule buccale. Dans cette étude, nous nous occuperons exclusivement des Mctastrongyhdœ, ci-dessus définis, c'est-à-dire des Strongles dépourvus de capsule buccale, comprenait les deux sous- familles des Mctastrongylinœ et des Trichoslrpngylinœ. L'idée de ce travail non- esl venue à la suite des épizooties de strongyloses, qui, en 1910, onl sévi en France dans un grand n imbre de contrées, particulièrement sur les Moutons, et qui ont causé des portes considérables à l'élevage français, ainsi qu'en témoignenl divers travaux, entre autres ceux de Brumpt (5) et ili- Cauchemez 6;. Ayant eu aussi l'occasion d'examiner dans diverses bergej'ies un grand nombre de parasites suit du lui)!1 digestif, suit des voies respiratoires1, nous avons essayé d'élu- cider la question de leur reproduction et de leur développement. Nos ('•Indes oui particulièrement porté sur le Strongle fllaire JHctyocaulus filaria Eludolphi, 1809), dont l'évolution complète n'était pas connue. Les événements récents ne nous ont malheu; reusemenl pas permis de terminer la série de nos expériences, mais nous pensons toutefois avoir fait quelques constatations intéressantes et nous croyons utile de les exposer dans ce travail, car elles jetteronl certainement une certaine lumière sur l'évo- lution de ce- Xéllialode-. Nous n'avons pas eu la prétention de l'aire une étude complète (\c> Mctaslronyylidœ, non- nous sommes seulement bornés à décrire le- organes reproducteurs de cr^, Vers, quant à leur con- formation générale, el de les comparer clic/, les différentes espèces que nous avons recueillies, laissant de côté la structure histologique de ces organes, déjà étudiée par nombre d'auteurs. Nous avons exposé ensuite le mode d'évolution de l'œuf ci de l'embryon chez un certain nombre d'espèces. Ces deux ordres de recherches, anatomiques et biologiques, nous onl permis d'arriver aux conclusions qui seronl exposées à la lin de ce travail. Au poinl de vue de la technique, non- avons fixé les Néma- todes adultes dans le formol, puis nous avons monté nos pré- parations soit dans la glycérine, soit dans le lactophénol de \maiiii. Ce dernier procédé, indiqué par Lângeron (40), nous a donné de très bons résultats. Nous avons égalemenl employé celle méthode pour l'examen <\v< œufs et des larves, mais la pluparl du temps nous avons étudié les œufs et les embryons vivants, ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ CES STRONGLES 9 Cette élude est divisée en cinq chapitres : le premier est con- sacré à la synonymie et a l'habitat «les parasites; le second est relatif à la description sommaire des nulles el des femelles; le troisième comprend l'étude des organes génitaux mâles; le qua- trième esl réservé à l'étude des organes génitaux femelles; enfin, dans le cinquième, nous résumons les connaissances acquises sur la reproduction et l'évolution des Metastrongylidae et nous exposons nos expériences personnelles et les résultats que nous avons obtenus. CHAPITRE PREMIER Synonymie ; Habitat Les Metastrongylidae sont des Nématodes méromyiaires, à corps allongé et cylindroïde, parfois presque filiforme. Il n'y a pas de capsule buccale ou celle-ci est à peine ébauchée ; l'œso- phage est plus ou moins renflé en massue dans sa partie posté- rieure. Les mâles ont un seul tube testiculaire ; ils sont pourvus d'une bourse caudale maintenue par des côtes rigides; ils pos- sèdent en outre deux spicules généralement égaux. Les femelles oïd deux ovaires et la vulve est située en un point quelconque de la seconde moitié du corps. Ils sonl ovipares ou ovovivipares. Ces Strongles, dans le cours de leur évolution, sont alternati- vement libres ou parasites. A l'état larvaire, ils habitent certains milieux naturels, tels que l'eau ou la terre humide ; à l'état adulte, ils sont toujours endoparasites des Mammifères, excep- tionnellement des Oiseaux. Leur habitat dans l'organisme de leur hôte esl d'ailleurs assez varié : les uns vivent en divers points de l'appareil respiratoire ou de l'appareil circulatoire, ce sont les Metastrongylinœ; les autres dans différentes régions du tube digestif, ce sont les Trichostrongy linge. T. - Sous-famille des METASTRONGYLINŒ Leiper, 1909. Les œufs son pondus à un slade très variable de développe- ment. Les embryons sont fdariformes. L'évolution est encore imparfaitement connue, mais il n'y a vraisemblablement pas de passage par un hôte intermédiaire. Ces Strongles sont parasites de l'appareil respiratoire et de l'appareil circulatoire. Type de la sou— famille : genre Metastrongylus Molin, 1861, 10 NEVEU-LEMAIRE !. -- Genre Metastrongylus Molin, 1861, pro parte. Type du genre : Metastrongylus elongatus Dujardin, L845). Metastrongylus elongatus Dujardin, 1845 . Synonymie. ■ Gordius pulmonalis apri Ebel, 1777. pro parte. Ascaris apri Gmelin, L789, pro parte. Strongylus apri Gmelin, L791, pro parle Strongylus suis Rudolphi, 1809, pro parte. Strongylus paradoxus Melhis, 1831, pro parte. Strongylus elongatus Dujardin, 1845. Strongylus longevaginatus Diesing, [851. Metastrongylus paradoxus Molin. 1860. Metastrongylus longevaginatus Molin, 1861. Metastrongylus apri Ftailliel et Henry, l(.)i»7; Neveu-Lemaire, 1913. Habitat. Souvent désigné sous le Qom de Strongle para- doxal, ce Nématode a été découvert par Ebel, en Prusse, à la fin du XVIIIe siècle, en 1777. dans les bronches d'un Marcassin [Sus scrofa). Il a été observé plu- tard par Modeer, cm Suède, dans le- mêmes organes du Porc [Sus scrofa . Arn- fieldi, donl nous parlerons plus loin. Dictyocaulus filaria (Rudolphi, 1809). Synonymie. — Strongylus filaria Rudolphi, 1809. Dictyocaulus filaria Railliet et Henry, 1907. Habitat. — Le Strongle filaire se rencontre clans les bronches d'un certain calibre el dans la trachée, principalement du Mouton e| de la. Chèvre Cap'ra hircus). Piot (81) l'a signalé dans les bronches du Chameau (Camelus bactrianus) ; on l'a aussi trouvé dans les mêmes organes d'un certain nombre de Rumi- nants : le Dromadaire [Camelus dromedarius), le Cerf d'Europe. le Chevreuil Capreolus capreolus), le Daim. l'Argali Ovis aiiuiion) et nue Gazelle Gazella sp.). Ce Nématode a aussi été trouvé chez le Veau par' von Linstqw. On l'a rencontré jusqu'ici en Europe, en Asie, en Afrique el en Australie. Beaucoup d'au- teurs ont décrit la bronchite vermineuse des Qvidés, notamment Mayer 58-59-61), Townshend 119 Zalm 125 . Zûrn [128), etc... Dictyocaulus Arnfieldi (Cobbold, 1884). Synonymie. — - SI rmiyyl us Arnfieldi Cobbold, 1884. Dictyocaulus Arnfieldi Railliel el Henry, 1907. Habitat. - Cette espèce, découverte par Cobbold (15-17'1. a le même genre de vie que les espèces précédentes, mais ses hôtes sonl différents. Elle habile en effel les bronches du Cheval (Equus caballus ei de l'Ane [Equus asinus\ en Europe, déter- minant une strongylose bronchique étudiée par Railliet (87) en 1891. On a aussi trouvé ce Strongle dans l'Inde chez le Tapir Tapii us indiens . Dictyocaulus Noerneri Railliel el Henry, 1907. Habitat. Ce Dictyocaulus esl moins bien connu que les pré- cédents; il a été examiné par Railliet el Henry 91. el habile les bronches du i lhe\ reuil, en Europe. 0RGAXES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 13 3. — Genre Synthetocaulus Railiiet et Henry, 1907. Type du genre : Synthetocaulus commutatus (Dîesing, 1851). Synthetocaulus commutatus (Diesing, 1851). Synonymie — Strongylus commutatus Diesing, 1851. Synthetocaulus commutatus Railiiet et Henry, 1907. Habitat. — Ce Strongle, décrit par Diesing (24), se' rencontre- dans les bronches du Lièvre (Lepus timidus). Signalé d'abord en Thuringe, il a été revu depuis dans d'autres régions, notamment en France, où Mégnin (65) a signalé une épizootie, et en Bohême, où Zanfal (126) a étudié l'affection parasitaire. Synthetocaulus rufescens (Leuckart, 1865). Synonymie. — Nematoïdeum ovis pulmonale Diesing, 1851. Strongylus rufescens Leuckart, 1865. Strongylus minulissimus Mégnin, 1878. Pseudalius ovis pulmonalis A. Koeh, 1883. Strongylus ovis pulmonalis G. Gurtice, 1890. Synthetocaulus rufescens Railiiet et Henry, 1907. Habitat. — S. rufescens, identifié par Railliet (83) avec S. mi- nutissimus Mégnin, est appelé vulgairement Strongle roussâtre, à cause de sa coloration. Il vit non plus dans les bronches d'un certain diamètre, mais seulement dans les petites bronches et surtout dans le parenchyme pulmonaire, où il se fixe sans s'enkyster. Il se trouve alors en amas entrelacés au milieu de petits nodules noirâtres, contenant du sang extravasé, soit à la surface du poumon, soit dans le tissu pulmonaire hépatisé. Ce Ver est hébergé par le Mouton, la Chèvre, le Chevreuil et aussi par le Lapin domestique 'Lepus cuniculus domesticus), en Europe, Mazzanti 63) l'avait confondu, chez ce dernier hôte, avec S. commutatus, qui est seulement parasite du Lièvre. Synthetocaulus capillaris (A. Millier, 1889). Synonymie. — Strongylus capillaris A. Millier, 1889. Synthetocaulus capillaris Railliet et Henry, 1907. Habitat. — Le Strongle capillaire vit comme le précédent dans le parenchyme pulmonaire du Mouton et de la Chèvre, en Europe. 11 est possible que cette espèce ne soit pas à la place qui lui convient dans la classification et qu'elle appartienne à la famille des Pscudaliidœ. I i \i;vei'-i. i:\i\ike Synthetocaulus sagittatus (A. Mûller, 1890). Synonymie. - Strongylus sagittatus A. Millier, 1890. Synthetocaulus sagittatus Railliel el Henry, L907. Habitat. - Cette espèce a été observée dans le parenchyme pulmonaire du Cerf d'Europe. Synthetocaulus abstrusus (Railliet, 1898). Synonymie. - Strongylus pusillus A. Mùller, 1890. Strongylus abstrusus Ftailliet, 1898. Synthetocaulus abstrusus Ftailliel el Henry, 1907. Habitat. Ce Strongle vil dans le poumon du Ghal Felis catus domesticus), en Europe. Mazzarelli 64 ;i étudié en Italie son rôle pathogène. Synthetocaulus unciphoi us Railliel cl Henry, 1907. Habitat. Celle espèce se comporte comme S. rufescens cl habite les bronchioles, 'lu Mouton et de la Chèvre, en Europe. Synthetocaulus ocreatus Railliet et Henry, 1907. Habitat. -— Ce Strongle a été trouvé dan- les petites bronches du Mouton, en Algérie. Synthetocaulus linearis Ma miel. iv\:\. Habitat. - (-elle espèce, découverte par Mauotel (53), vit en plein parenchyme pulmonaire chez le Mouton, en France. i. — Genre Hsemostrongylus Railliet et Henry, L907. Type du genre : Hœmo strongylus vasorum (Baillet, 1866). Hsemostrongylus vasorum (Baillet, 1866). Synonymie. - Strongylus vasorum Baillet, L866. Hœmostrongylus ras<>ntm Ftailliel et Henry, l(.n»7. Habitat. Le Strongle des vaisseaux vil dan- l'appareil cir- culatoire du Chien (Canis familiaris), surtout dans le midi de la. France. Il se trouve, a l'étal adulte, dan- le cœur droit, t'artère pulmonaire et ses branches. Les œufs arrivenl dans le poumon el le- embryons, après leur éclpsion, se rencontrent dan- les bronches du Chien. Ce Strongle se rapproche beaucoup, malgré locali ation différente, de- Strongle de l'appareil respira- ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STROKGLES I ."> toire, tandis qu'il s'éloigne de ceux qui habitent l'appareil digestif. La strongylose du cœur a été étudiée en France par Mauri (57), puis par Railliet et Gadiot (89). Haemonstrongylus subcrenatus Railliet el Henry, 1913. Habitai. — Cette espèce, décrite, par Railliet et Henry (97), n'habite pas, comme son nom générique semble l'indiquer, l'appareil circulatoire; elle est parasite (\o> bronches du Léopard (Felis parti u s) et a été trouvée à Dongou, dans le Congo belge (1). II. — Sous-famille des TRICHOSTRONGYLIWE Leiper, 1909. Les œufs sont pondus à un stade de développement variable. Les embryons sont généralement rhabditif ormes. Le dévelop- pement est direct. Ces Strongles sont parasites de l'appareil digestif. Type delà sous-famille : genre Trichostrongylus Loess, 1905. 1. -- Genre Hsemonclius Cobbold, 1898. Type du genre : Hœmonchus confortas (Rudolphi, 1803). Hœmonchus contortus (Rudolphi, 1803). Synonymie. — Strongylus ovinus Fabricius, 1784. Strongylus contortus Rudolphi, 1803. Strongylus ammonis Rudolphi, 1819. Strongylus filicollis Molin, 1860, nec Rudolphi, 1803. Strongylus Placei Place, 1893. Hœmanchus contortus Cobbold, 1898. Habitat. — Ce Nématode a pour habitat la caillette et quelque- fois le duodénum d'un assez grand nombre de Ruminants. Ses hôtes sont le Mouton et la Chèvre, plus rarement le Bœuf, le Bison (Bison bison), l'Argali (Ovis ammon), le Mouton du Mexique (Ovis mexicana), le Bharal (Ovis nahura). l'Elan d'Amé- rique (Alce americanus), l'Antilope à corne fourchue (Antilo- capra americana), l'Addax (Addax nasomaculata), le. Chamois (Rupkapra rupicapra), le Karibou (Rangifer terrœnovœ), le Chevreuil, le Cerf mulet (Odocoileus hemionus) et un autre Cerf (i) Railliet et Henry font aussi rentrer dans la sous famille des Melustron- gylinae les deux goures Filaroïdes van Beneden, 1858, et Crenosoma Molin, 1-861, qui renferment des espèces parasites de l'appareil respiratoire des petits Carni- vores et du Hérisson. Ces espèces auraient besoin d'être revues. |ii NE\ "EU-LEMA1RE américain (Mazama sp.). Cette espèce a aussi été signalée dans le tube digestif de l'Homme, au Brésil, par de Magalhaës (52). La strongylose de la caillette du Mouton a été étudiée par de nombreux auteurs : Mayer 60) en a fa.i1 mention il y a long- temps déjà, .ii lien 39) l'a signalée également, enfin plus récem- meni Ransom (104-100) en a fait une élude approfondie. Brumpt, au cours de l'épizootie qui a sévi en France en 1910, a remarqué que ces Vers pouvaienl pénétrer dans la muqueuse gastrique du Mouton. Généralement ils sonl fixés à la muqueuse de la cail- lette et du duodénum et se gorgent de sang, au point de provo- quer, lorsqu'ils sonl, très nombreux, une grave anémie, ('elle anémie, surtout fréquente chez le Mouton, peul également s'ob- server chez l'Homme, où elle a été parfois confondue avec l'ankylostomose. Brumpt et Joyeux ont montré que l'extrait aqueux d'//. contortus, recueilli chez le Mouton, provoquait une hémolyse légère en deux heures quinze minutes et totale en douze heures. Exceptionnellement ce Strongle semble pouvoir se loger dans les bronches et Flormax l'a observé dans ces organes chez le Mouton. Voici un premier exemple d'un parasite du tube digestif qui peut se loger dans l'appareil respiratoire. Celle espèce est très commune et cosmopolite; on l'a en effet observée en Europe, en Asie, en Afrique, dans l'Amérique du Nord, l'Amérique du Sud, enfin en Australie et en Nouvelle- Zélande. Haemonchus longistipes Ftailliet et Henry, 1909. Habitat. — Ce Strongle a été trouvé dans la caillette du Dro- madaire, au voisinage du lac Tchad, par Lefebvre, et dans le môme organe du Chameau, aux Indes, par Leese. Haemonchus bispinosus (Molin, 1800). Synonymie. — Slrongylus bispinosus Molin, 1800. Haemonchus bispinosus Railliet et Henry, 1909. Habitat. — Cette espèce, fort peu connue, n'a pas été revue depuis Molin; elle a été trouvée dans l'estomac du Cerf nain du Brésil {Mazama nana). 2. — Genre Trichostrongylus I ss, L905. Type du genre : Trichoslrongijlus retortiv[ormis Zeder, L800). ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 17 Trichostrongylus retortaeformis (Zedèr, L800). Synonymie. — Strongylus retortseformis Zeder, 1800, nec Bremser, 1824. Trichostrongylus retortœformis Railliet et Henry, 1909. Habitat. — Ce Strongle vit le plus souvent dans lïintestin grêle et rarement dans la caillette du Bœuf, du Mouton et de -la Chèvre. On le trouve aussi clans l'intestin grêle et parfois dans l'estomac du Lapin de garenne, du Lapin domestique et du Lièvre. L'affec- tion parasitaire qu'il détermine chez ces Rongeurs a été bien étudiée par Railliet (85-86). Garin (31) a montré que la partie antérieure du tube digestif de ce Ver, recueilli chez des Lièvres des Dombes, sécrétait nue hémolysine, ce qui montre qu'il s'agit d'un parasite hématophage. E. Yung (124) a signalé la présence de ce Nématode dans le poumon du Lièvre, nouvel exemple de la présence d'un parasite de l'appareil digestif, dan- l'appareil respiratoire. T. retortœfo7-mis est une espèce européenne. Trichostrongylus tenuis [(Mehlis) Eberth, 1861]. Synonymie. — Strongylus tenais (Mehlis Eberth, 1861. Strongylus serratus von Linstow, 1876. Trichostrongylus tenuis Railliet et Henry, 1909. Habitat. -- Celle espèce, étudiée d'abord par .1. Eberth (28), est parasite des Oiseaux. Elle habite généralement les caecums de l'Oie (Anser cinereus domesticus), en Europe, mais on l'ob- serve aussi dans les mêmes orgi s du Canard (Anas boschas domestica) et du Poulet {Gallus domesticus). ^— Trichostrongylus pergracilis (Cobbold, 187:'. Synonymie. — Strongylus pergracilis Cobbold. 187:;. Trichostrongylus pergracilis Railliet et Henry, 1909. Habitat. - Ce Strongle, signalé par Cobbold (11) clans le tube digestif de la Grouse Lagopus scoticus), en Ecosse, est, comme l'espèce précédente, parasite (\r> Oiseaux. La. maladie de la Grouse, occasionnée par ce Ver, a l'ail l'objet de nombreux tra- vaux; citons, parmi les auteurs qui se sont occupés de celte question : J. Young (123), R. Farquharson (29-30), B. Sanderson (108) et A. Wilson (122). 2 18 \i;\ El -LE\i \ 1 1 ; l . Trichostrongylus Axei (Cobbold, 1879). Synonymie. Strongylus ixei Gobbold, 187'.». Strongylus tenuissimus Mazzanti, 189J. Strongylus gracilis Mac Faydean, 1897, nec Leuckart, 1842. Strongylus extenuatus Railliet, 1898, pro parte. Trichostrongylus Axei Railliel el Henry, L909. H'ilii/'it. Cette espèce ;i été découverte en novembre 1864 par le professeur Axe, du Collège vétérinaire de Londres, dans la muqueuse stomacale de l'Ane. Gobbold 14-15 l'a retrouvée 'iic/ le Cheval »•! en a donné la description. Ultérieuremenl Mazzanti 62 ;i revu ce Strongle sur la muqueuse gastrique du < '.iir\ ;il. à l'Ecole vétérinaire de Pi 5e. Trichostrongylus colubriformis [Giles, L892). Synonymie. Strongylus colubrilormis Giles, 1892. Strongylus instabilis Railliet, 1893. Strongylus subtïlis Looss, 1893. Trichostrongylus sublilis Looss, L905. Trichostrongylus instabilis Looss, 1905 Railliet el Henry, 1909, Ransom, 1911. Trichostrongylus colubriformis Ransom, 1911. Habitat. — Ce Strongle habite le duodénum, parfois d'autres portions de l'intestin grêle el exceptionnellement la caillette de divers Ruminants, tels que le Mouton, la Chèvre, le Bharal Ovis nahura), lé Chevreuil, le Chameau, le Dromadaire, l'Antilope à corne fourchue Antilocapra americana el la Gazelle Dorc-as Gazella Dorcas). Cette espèce esl répandue en Europe, dans le Nord de l'Afrique, aux Indes el aux Etats-Unis. Looss a trouvé ce parasite en 1893 à Alexandrie et au Caire dans la première portion de l'intestin grêle de l'Homme. Ogata et Ijima 36 1 l'on! égalemenl rencontré au Japon dans l'espèce humaine. Enfin on a signalé sa présence chez un Singe Papio hamadryas). Trichostrongylus probolurus (Railliet, 1896). Synonymie. Strongylus probolurus Railliet, 1896. Trichostrongylus probolurus Looss, 1905. Habitat. — Cette e pèce se rencontre dans le duodénum du Mouton, du Chameau, du Dromadaire H de la Gazelle Dorcas (Gazella Dorcas), en Europe, •lin- l'Afrique du Nord et aux Etats- i m-. Loos l'a rencontrée en 1903 chez les [ellahs d'Eg} pte. ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 19 Trichostrongylus extenuatus (Railliet, L898). Synonymie. — Strongylus gracilis Mac Fadyean, 1896, nec Leuckart, 1842. Strongylus extenuatus Railliet, 1898. Trichostrongylus extenuatus Ransom, 1907. Habitat. — Ce Nématode vil dans la caillette el plu- rarement dans la première portion de l'intestin grêle d'un certain nombre de Ruminants, en Europe, aux Etats-Unis <■! en Australie. Ses hôtes -'ait le Bœuf, le Mouton, la Chèvre, le Bharal Ovis nahura), le Mouton mexicain Ovis mexicaria), le Chevreuil, l'Antilope à cornes fourchues Vntilocapra americana), le Cerf mulel Odo- coileus hemionus et le Karibou Rangifer terrsenoveç). Un cer- tain nombre d'auteurs attribuent à ce parasite une gastro entérite des Veaux. Trichostrongylus vitrinus Looss, 1905. Habitat. — Ce Strongle a été découvert par Looss 48, chez le Mouton, le Dromadaire el l'Homme, en Egypte. Il est aussi parasite de la Chèvre el habite surtoul le duodénum, parfois la caillette chez les Ruminants. Il n'a pas été seulement observé eu Afrique, mais aussi en Europe par di\ ers auteurs et aux Etats- Uni- par Ransom 104 . Trichostrongylus capricola Ransom, 1907, Habitat. -- Cette espèce n'est pas uniquement parasite do ta Chèvre, comme son nom semblerait l'indiquer, mais aussi du Mouton et de l'Antilope ;\ corne fourchue Antilocapra ameri- cana . Elle habite l'intestin grêle el ta caillette de ces Ruminants cl a été observée jusqu'ici aux Etats-Unis par Ransom 101- el en France par Railliet. Trichostrongylus falculatus Ransom, 1911. Habitat. T. falculatus a clé trouvé en aoûl 1908 par T. W. Howard dans le tube digestif de la Chèvre, en Afrique orientale portugaise; il a été décrit en 1911 par Ransom 105.. Trichostrongylus calcaratus Ransom, 1011. Habitat. — T. calcaratus a été observé par Ransom 105 dans l'intestin grêle d'un Lapin Lepus sylvaticus à Bowie, dans le Marvland. 20 \i;\ Kl -I. KM AIRE 3. - Genre Nematodirus Ransom, 1907. Type du genre : Nematodirus Iilicollis (Rudolphi, 1802). Nematodirus filicollis (Rudolphi, 1802). Synonymie. Ascaris filicollis Rudolphi, L802. Fusaria Iilicollis Zeder, 1803. Strongylus Iilicollis Rudolphi, 1803, nec Molin, L860. Nematodirus Iilicollis Ransom, L907. Habitat. — Ce Strongle s'observe en très grand nombre dans l'intestin grêle el assez raremenl dans la caillette du Mouton et df la Chèvre; jI se rencontre surtout chez les jeunes animaux.' Ajoutons qu'il a été signalé en outre chez le Bœuf, le Chevreuil, le Daim ei l'Antilope à corne fourchue {Antilocapra americana . Sa répartition géographique est assez vaste; il a été observé en Europe, aux Etats-Unis, en Australie el en Nouvelle-Zélande. Nematodirus spathiger (Railliet, 1890). Synonymie. - Strongylus spathiger Railliet, L896. Nematodirus spathiger Railliet el Henry, L909. Habitai. — Celte espèce vit dans l'intestin grêle du Droma- daire, du Bœuf et probablement clu Mouton. Observée en France par Railliet, elle a été revue à Matmata, en Tunisie, par Seurat (109), qui l'a trouvée dans l'intestin d'un petit Rongeur du Sahara, le Gundi (Ctenodactylus gundi . Nematodirus Weinbergi Railliet et Henry, 1909. Habitat. — Ce Nématode a été trouvé pur Weinberg et Roma- .viyitch (120) dans le duodénum du Chimpanzé (Troglodytes niger). On ne connaît jusqu'à présent que la femelle. Nematodirus Hopkeni Leiper, 1910. Habitat. — Ce Strongle a été observé chez l'Hippopotame [Hippopotamus amphibius). Nematodirus roscidus R il lie), L911. Habitat. — Ce Ver a été signalé par Brumpt chez le Cerl d'Europe. i. Genre Ostertagia Ransom, 1907. ■ du genre : Ostertagia Oslertagi [Sliles, L89 ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 21 Ostertagia Ostertagi (Stiles, 1892). Synonymie. -- Strongylus convolutus Ostertag, 1890, nec Kuhn, J829. Strongylus Ostertagi Stiles, 1892. Strongylus sp. Ilarker, 189::. Strongylus eerricornis Gilruth, 1899. Strongylus Harkeri Stôdter, 1901, pro parte. Ostertagia Ostertagi Ransom, 1907. Habitat. — Ce Né'matode, découvert par Ostertag à l'abattoir de Berlin dans la caillette du Bœuf, a été revu ensuite par W. Stii.es et depuis par un grand nombre d'observateurs. H. Stadelmann (110-111) a étudié d'une façon précise la locali- sation de ce parasite : Il vit dans de petits nodules grisâtres ou entourés d'une aréole brun jaunâtre, dont la dimension varie depuis celle d'une tête d'épingle jusqu'à celle d'une lentille et qui siège sous l'épithélium de In caillette. Là où les nodules sont en grand nombre, on observe une inflammation catarrhale plus ou moins considérable. Ces nodule- présentent au centre une petite ouverture, d'où sort souvent l'extrémité céphalique du Ver, le reste du corps demeurant enroulé à l'intérieur du nodule. Les plus gros de ces nodules peuvent présenter plusieurs ouver- tures, chacune d'elles correspondant à un parasite. Ces Vers sortent de leur retraite et se déplacent avec rapidité sur la muqueuse gastrique, dès que celle-ci commence à se putréfier. Railliet, puis Ransom pensent que, tout au moins dans leur jeune âge, ces Nématodes sucent le sang des capillaires de la muqueuse stomacale et déterminent ainsi une anémie perni- cieuse, surtout chez les jeunes animaux. 0. Ostertagi habite aussi la caillette du Mouton, de la Chèvre et du Bharal (Ovis nahura). Cette espèce se rencontre non seu- lement en Europe et aux Etats-Unis, mais encore en Australie et en Nouvelle-Zélande. Ostertagia circumcincta (Stadelmann, 1894). Synonymie. — ■ Strongylus vicarius Stadelmann, 1893. Strongylus circumcinctus Stadelmann, 1894. Strongylus cervicornis Mac Feydean, 1897. Strongylus instabilis Julien, 1897. Ostertagia circutneincta Ransom, 1907. Habitat. — Celte v>\)'wr habite la caillette et plus rarement l'intestin grêle du Mouton, de la Chèvre, de l'Antilope à corne 22 NÉVEU-LEMAIRE Fourchue [ntilocapra %americana el du Knrihou nangijcr ter- rœnovœ . Sa présence a été signalée en Europe, aux Etats-Unis, en Australie el eu Nouvelle-Zélande. Ostertagia tiïfurcata Ransom, L907. Habitat. — Ce Strongle vil dans la caillette el plus rarement dans l'intestin grêle du Mouton el de la Chèvre aux Etats-Unis. Ostertagia Marshall: Ransom, 1907. Synonymie. Ilf.emone1i.us sp. Marshall, 1904. Habitat. Ce Ver a clé recueilli ;i Montana, aux Etats-Unis, dans l.i caillette el moins souvenl dans l'intestin grêle du Mouton. Ostertagia occidentalis Ransom, 1907. Habitât. - ('die espèce a été trouvée, comme h précédente, dans la caillette ri parfois dans l'intestin grêle du Mouton, à Montana, aux Etats-1 mis. Ostertagia mentulata Railliel cl fîenry,- 1909. Habitat. - Ce Strongle a été observé par Leese dans la cail- lette ilu Dromadaire, aux Indes. 11 ;i été retrouvé, aux Etats- Unis, chez un Dromadaire mort .'iw Parc national zoologique de Washington. Ostertagia brigantiaca H. Blanchard, 1909. Habitat. - Ce Nématode a été recueilli par R. Blanchard, dans le duodénum du Chamois, à Briançon, en France. Ostertagia bullosa Ransom cl Hall, 1912. Habitat. ('clic espèce a été trouvée par Ransom ci Hall ( 108 dans la caillette de Moutons, provenanl du Colorado ci de Montana, aux Etats-Unis. 5. Genre Cooperia Ransom, 1907. Type du genre : <'<><>ii<'ri<- tomus tricliodaclylus . Rongeur très commun dans cette région, ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 25 7. -■ Genre Mecistocirrus Neveu-Lemaire, 1914. Type du genre : Mecistocirrus digitatus (von Linstow, 1900). Mecistocirrus digitatus (von Linstow, 1906). Synonymie. Stfongylus digitatus von Listow, lOOfi. Nematodirus digitatus Railliet et Henry, 1009. Nematodirus [Mecistocirrus) digitatus Railliet et Henry, 1012. Mecistocirrus digitatus Neveu-Lemaire, lOI'i. Habitat. - Ce Strongle, décril par Von Linstow (46), a été recueilli en 1903 et en L906 par A. Vrijburg à Medan, dans l'île de Sumatra, dans la caillette du Bœuf e'I du Zébu {Bas indiens). Chez un Bœuf maigre et anémié Vrijburg a trouvé des millions d'exemplaires de ce parasite. Tout en laissant cette espèce dans le genre Nematodirus, Railliet et Henry (96) ont montré qu'elle se distinguait par divers caractères morphologiques des autres espères du môme genre; aussi proposèrent-ils de la ranger dans un sous-genre spécial, le sous-genre Mecistocirrus. De notre côté (75), nous avons observé de telles différences, notamment dans la confor- mation de l'appareil génital femelle, qu'il nous a paru néces- saire d'établir pour relie espèce el la suivante un genre distinct, auquel nous avons conservé le nom de Mecistocirrus. Mecistocirrus Fordi (Daniels, 1908). Synonymie. Strongylus Fordii Daniels, 1008. Strongylus Gibsoni Stephens, 1909. Nematodirus Fordi Leiper, 1011. Nematodirus Gibsoni Railliet, 1012. Nematodirus (Mecistocirrus) Fordi Railliet el Henry, 1012. Mecistocirrus Fordi Neveu-Lemaire, 1914. Habitat. -- Cette espèce, d'abord décrite par Daniels (22), a été trouvée par J. W. W. Stephens (112) dans le tube digestif de l'Homme et dans l'estomac d'un Porc, à Hong-Kong. Leiper (42) l'a aussi signalée dans l'espèce humaine et A. E. Shipley l'a récoltée chez le Bœuf, aux Indes (1). (1) D'après Railliet et Henry, mi doit encore faire rentrer dans la sous-famille des TrlchostrongyUnae : le genre Histiostrongylus Molin 1-861, qui comprend une espèce brésilienne parasite d'une Chauve-Souris, et le genre Eeligmosomum Railliel et Henry; 1909. qui renferme des espèces non revues, établie- par Dujardin pour des parasites de petits Rongeurs et Insectivores et rangées par cireur ians le genre» Metastrongylus Molin, 1861. Récemment Neiva Marques 26 NE\ F. II. KM URE II f. Hôtes des METASTRONGYLIDjE Ainsi que nous l'avons vu précédemment, les animaux qui hébergenl les Métastrongylidés sonl presque tous des Mammi- fères, exceptionnellemenl des < Useaux. i. — Mammifères. Parmi les Mammifères, les Artiodactyles el plus spécialement les Ruminants sont les hôtes les plus fréquents des Métastron- g} Iules. ARTIODACTYLES Mouton. Ovis iries Metastrongylus elongatus ; Dictyocaulus fïlaria ; Syntheto- caulus rufescens ; S. capillaris ; S. unciphorus ; S. ocreatus; S. linearis ; llœmonchus contortùs ; Trichostrongylus retortœ- formis ; T. colubriformis ; T. probolurus ; T. extenuatus; T. ri- tri nus : T. capricola ; Nematodirus fUicollis ; \. spathiger ; Oster- tagia Ostertagi ; 0. circumcincta ; 0. trifurcata ; 0. MarshalU; 0. occidentalis ; 0. bullosa ; Cooperia Curticei ; C. onchophora. Bharal. Ovis \ ihvr i llœmonchus contortùs; Trichostrongylus colubriformis ; T. extenuatus ; Ostertagia Ostertagi. \ini\i.i. Ovis \mvh\ Dictyocaulus fil aria ; llœmonchus contortùs. Moi ton ni Mexiqi i:. Ovis mexicana llœmonchus contortùs : Trichostrongylus extenuatus. Mouton du Canada. Ovis canadensis ( 'ooperia onchophora. \>\ (i\ll\ E TRAVA880S 69 1 ;i signalé nue QOUVelle espèce : //''' ';/ iihisoiii il m Igoutli, para Lte de r Vgouti, au Brésil. i enre Vmldo tomum Railliel el Renry 1909, comprenait une espèce A. ansfiris Zeder 1800), parasite de l'Oie domestique el de quelques Anatidés sauvages appartient probablement à la sous-famille des Trtchoslrongylinse. Enfin, les deux espèces suivanti 3 Strongylus rubidus Stiles el Hassall, 1892 (80), parasite du Porc aux Etats Unis, et Strongylus qvadriradiatus Stevenson, 1904 [81), parasite de la Colombe aux Etats Unis, devronl former des genres spéciaux voisins n v 1 1 n ho trongylui ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 27 Chèvre; Capra eircvs ■ Dictyocaulus filaria; Syntlietocaulus rufescens ; S. capillaris S. unciphorus ; Hœmonchus contorlus ; Trichostrongylus retor- fœformis ; T. colubrtformis ; T. extenualus ; T. vitrinus ; T. ca- pricola; T. falculatus; Nematodirus filicoïlis; Ostertagia circum- cincta; 0. trifurcata; Cooperia CurtiCei. Bœuf. Bos tavrvs Dictyocaulus oiviparus ; h. filaria; Hœmonchus contortus ; Trichostrongylus retortœformis ; T. extenuatus ; Nematodirus filicoïlis; N. spathiger ; Ostertagia Ostertagi ; Cooperia oncho- phora ; C. i>nn. filaria; Syntlietocaulus sagittatus ; Nematodirus rosçidus, 28 neveu-lemairb Chevreuil. Capreolvs capreolvs Dictyocaulus filaria; l>. Noërneri; Synthetocaulus rufescens ; Hœmonchus contortus ; Trichostrongylus colubriformis ; T. ex- tenuatus : Nematodirus filicollis. DAIM. ]> IV 1 DAMA Dictyocaulus viviparus ; h. filaria ; Nematodirus filicollis. Cerf mi let.. Odocoilevs hemionvs Hœmonchus contortus : Trichostrongylus extenuatus. Cerf main. Mazama nana Hœmonchus bispinosus. Cerf américain. Mazama sp. Hœmonchus contortus. KARIBOU. RlXGIFFR TEIM.FXOV.-E Hœmonchus contortus; Trichostrongylus extenuatus; Oster- tagia circumcincta. Elan d'Amérique. Alce americanvs Hœmonchus contortus. Chameau. Camelvs bactrianvs Dictyocaulus filaria; Tricliostrongylus coJubrilorniis ; T. pro- bolurus. Dromadaire. Ca welvs dromedarivs Dictyocaulus filaria ; Hœmonchus longistipes : Trichostron- gylus colubriformis; T. probolurus ; T. vitrinus ; Nematodirus spathiger; Ostertagia mentulata. Sanglier. Sus scrofa Metastrongylus elongatus. Porc. » s scrofa domesticus Metastrongylus elongatus; M. brevivaginatûs ; Mecistocirrus Fordi. Hippopotame. Hippopotami s impeibius \ ematodirus Hopkeni, ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 29 PERISSODACTYLES . Cheval. Equvs caballus Diclyocaulus Arnfieldi; Trichostrongylus Axei. Ane. Ecris asinus Dictyocaulus Arnfieldi ; Trichostrongylus Axei. Tapir de l'Inde. Tapïrus indicus Dictyocaulus Arnfieldi. RONGEURS Lapin de garenne. Lepus cvniculus Trichostrongylus relortœformis : Graphidium strigosum. Lapin domestique. Lepus cunicvlus domesticus Synthctocaulus rufescens ; Trichostrongylus retortœformis ; Graphidium strigosum. Lapin américain. Lepus sylvaticus Trichostrongylus calcaratus. Lièvre. Lepus timidus Trichostrongylus retortœformis; Graphidium strigosum. ■ Lièvre de Patagonie. Dolicuotis patagonica Graphidium affine. Viscacha. Lagostomus trichodactylus Graphidium rùdicaudatum. GUNDI. ClENOn-ACTYLUS GUNDI Ncmatodirus spathiger. CARNIVORES Chien. Cams familiaris Hœmostrongylus vasorum . Chat. Fêtas catus domesticus Synthctocaulus abstrusus. 30 NEVÈU-LEMAIRË LÉOPARD. F ELIS P [RDI S Hkmostrongylus subcnenatus. PRIMATES HAMADRYAS. PaPIO HAMADR1 IS Trichostrongylus colubriformis. Macaque. Mac ai us sp. ( 'ooperia alata. Chimpanzé. Troglodytes niger Nematodirus 11 einbergi. Homme. Homo sapiens Metastrongylus elongatus ; Hwmonchus contortus ; Tricho- strongylus colubrilormis ; T. probolurus ; T. vitrinus ; Mecisto- cirrus Fordi. 2. — Oiseaux. l'n petii nombre d'Oiseaux hébergenl des Métastrongylidés ; ce sonl suit des Gallinacés, soil des Palmipèdes. GALLINACES Poulet. Gallus domesticus Trichostrongylus tenuis. Grouse. Lagopi s scoth i s Trichostrongylus pergracilis. PALMIPEDES Canard domestique. Inas boscilas domestii i / 1 ichos trongylus ten uis. Oie domestique. Ansér cinerevs domesticus Trichoi Irongylus ien uis . ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 31 RESUME Les Metastrongylidae adultes vivent en parasites clans des organes assez variés; ils habitent tantôt la Irachée, les grosses bronches, les bronches de moyen calibre, les bronchioles el le poumon, tantôt le cœur droit, l'artère pulmonaire et ses branches, tantôt l'estomac, spécialement la caillette chez les Ruminants, le duodénum, l'intestin grêle et parfois les caecums chez quelques Oiseaux. Quant à leur habitat, ces Strorigles se divisent nettement en deux groupes : 1° Les Melastrongylinœ, qui sont parasites de l'appareil respi- ratoire ou de l'appareil circulatoire. 2° Les Trichostrongylinœ, qui sont parasites de l'appareil digestif. Exceptionnellement on peut rencontrer dans le tube digestif une espèce qui habile normalement l'appareil respiratoire; c'est ainsi qu'on a observé Metastrongylus elongatus dans le tube digestif de l'Homme. De même on peut trouver dans l'appareil respiratoire des Vers qui sont parasites habituels de l'appareil digestif; ainsi on a signalé la présence dllœmonchus contortus dans les bronches du Mouton et de Triclwstrongijlus retortœ- formis dans le poumon du Lièvre. Les hôtes de.-- Metastrongylidae sont nombreux; ce sont pour la plupart des Ruminants, domestiques ou sauvages. Des Suidés, l'Hippopotame, des Périssodactyles, des Rongeurs, quelques Carnivores, enfin certains Primates, tels que l'Hamadryas, le Macaque, le Chimpanzé et l'Homme peuvent également héberger ces Nématodes. On a aussi trouvé des Trichostrongylus chez de rares Oiseaux. Comme on le voit, ces hôtes sont presque toujours des herbivores, parfois des omnivores, exceptionnellement des animaux carnassiers. 32 m:\ki i i;.\i URE CHAPITRE JI Aspect extérieur des mâles et des femelles Les Metastrongylidw se ressemblent tous ù première vue, comme ils ressemblent aux autres Slrongles ei en général à tous les Nématodes. Toutefois, en les examinant avec une certaine attention, on constaté que leur forme, leurs dimensions, leur consistance et leur coloration varient déjà suivant le sexe et surtout suivant les espèces que Ton considère. I. — Morphologie. D'une manière générale le corps 'le ces Vers est allongé, non segmenté, cylindrique ou fusiforme, parfois excessivemenl grêle el presque filiforme. La section en est circulaire. Ils sonl géné- ralement atténués à leurs extrémités, mais relie disposition ne se rencontre que chez les femelles. Chez les mâles, l'extrémité antérieure seule esl effilée, tandis que l'extrémité postérieure semble tronquée ou renflée, ce qui tient à l'existence 'l'une bourse copulatrice terminale, sur laquelle nous reviendrons dans le chapitre suivant (fig. i et 2). si l'on examine ces Vers vivants, dans le.- organes des hôtes qui les hébergent, on remarque qu'ils se présentent sous divers aspects. Tantôt leur corps est dirigé presque en ligne droite d'une extrémité à l'autre, tantôt ils forment une ou plusieurs courbes plus ou moins accentuées, tantôt enfin ils décrivent de nombreuses circonvolutions et sonl entrelacés les uns d ins les autres, leur aspecl rappelanl alors celui d'une Pilaire de Médine (m d'un I i en lien. 1. — Extrémité antérieure. — La partie antérieure du corps est toujours plus ou moins effilée dans l'un et l'autre sexe él le diamètre du Ver diminue sensiblement a mesure que l'on se rapproche de celle extrémité.. Il n'y a pas de tête distincte. Dans .-(mi ensemble cette portion antérieure du corps a le plus souvenl la forme d'un tronc de cône; tantôt elle rappelle celle d'une bouteille fig. 3). Chez quelques espèces, la cuticule se renfle au niveau de celle extrémité, iprman'l des expansions plus ou moins développé^ Parfois ce- expansions sonl a peine marquées comme chez le maie de Metastrongylus elongalus, d'autres fois elles sont plus ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES o'I ■/^Âe^ûccui^i ^u.aù<£^vii IKnkytu-tn- c^Zyc(UtuJ^J iM^u&utJ- FiG. 1. — Quelques espèces de Metastrongylinse, grossies 5 fuis et grandeur naturelle. •T. neyeu-lemaike 4UAkJ4^ncivitb>t/uj ■ >/su/J fràcdfu - pèci .1. XrU hostrongylin > ffroi l - 3 tels ut grandi ur nal urclle, ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 3û apparentes, comme chez le mâle de Dictyocauius viviparus, enfin elles peuvent être plus développées, comme chez Nemato- dirus [ilicollis. Chez Uœmonchus contortus, il n'y a pas d'expan- sion cuticulaire, mais à une certaine distance de l'extrémité antérieure, on remarque deux papilles latérales, qui ont la forme de petites dents recourbées, à pointe dirigée eu arrière iïg. 3 . En outre, <>n observe fréquemment dans cette région du corps dos sli-ies cuticulaires dont la disposition est d'ailleurs variable. La bouche est située à l'extrémité antérieure du corps; son ouverture est orbiculaire ou elliptique. Tantôt la bouche est nue comme chez Hœmonchus contortus ou Ostertagia circumcinçta, tantôt elle est munie de papilles; c'est ainsi que l'on observe, chez Metaslrongylus elongatus, six petites lèvres ou papilles dont les deux latérales sont plus grandes que les autres (fi g. 3). Enfin chez Graphidium Strigosum il existe une sorte dinfundi- bulum, que ï^n trouve déjà, mais moins accentué chez Dictyocauius viviparus, et que l'on peut considérer comme une ébauche de capsule buccale, de sorte que ces espèces seraient un terme de passage entre les Metastrongylidx, dépourvus de capsule buccale, eî les Slrongylidœ, qui en sont pourvus. L'ouverture du canal excréteur impair est située à peu de distance de l'extrémité antérieure, sur la ligne médiane de la face ventrale (fig. 3). 2. — Région moyenne du corps. — Chez les mâles et chez les femelles, dont la vulve est située au voisinage de l'anus, à la partie postérieure du corps, la région moyenne n'offre aucune particularité au point de vue de sa conformation extérieure. Chez les femelles dont la vulve est située en arrière du milieu du corps, mais se trouve plus ou moins rapprochée de ce point, le corps présente presque toujours dans la région vulvaire une conformation spéciale. Celle conformation s'observe dans le genre Dictyocauius et chez Hœmostrongylus suberenatus parmi les Metastrongylinœ et, parmi les Trichostrongylinœ, dans les genres Hœmonchus, Graphidium, Nematodirus, Trichostron*- gylus, Ostertagia et Cooperia. LYjfiUce vulvaire est toujours situé sur la face ventraJe du corps, Tantôt il est simplement entouré de lèvres saillantes et le corps de la femelle ne présente extérieurement à ce niveau aucune modification, chez Dictyocauius filaria par exemple; d'autres fois il se présente comme précédemment, mai.- le diamètre du corps est sensiblement plus grand en avant de la vulve qu'en arrière; c'est ce que l'un observe chez la plupart des 36 NEVEU-LEMAIRE I s -éfUtt&t-^ I |p\ I I ^S-||-=^=I i#iàttâ*L ■ec&n<7. de large el la femelle \ mm. 6 de long sur 55 y. de large, tandis que chez Dictyocaulus filaria, le nulle atteint su mm. de long sur 100 . de large, h. )'il. filaria esl également environ trois lois pins long qu'Hœjnonchus contortus, donl la femelle, avec la même largeur de 500 ;->.. n'a m111' :',,) mm- ,l(' '"".- un lion dei Uni mm. 11 en esl de même de la femelle de Synthe- tocaulus rufescens, comparée à «-elle ^Ostertagia circumcincta; toutes deux mesurent 150 ;J. de large, mais la première atteinl 30 mm. de long tandis que la seconde ne dépasse pas L0 mm: S. rufescens esl donc trois lois pins long que O. circumcincta. Or h. filaçia el S. rufescens sonl des Metaslrongylinœ, tandis que T. extenuatus, II. contortus el O. (■iiciuiirinchi sonl des Trichostrongylinœ el d'une façon générale on peut dire que, proportionnellement an diamètre du corps, le- Metastrongylinae, parasites des voies respiratoires on de l'appareil circulatoire fig. | . sonl sensiblemenl plus longs pue le- Trichostrongylinœ, parasites ^\u tube digestif Tig. 2 . ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 4i III. — Consistance et coloration. Ln paroi cuftculaire qui revêl le corps de ces Strongles leur donne une consistance plus ou moins dilre, suivant son épaisseur. De plus, le sorps de ces animaux est élastique et quand on l'étiré sans le rompre, on le voit reprendre, quand la traction cesse, sa longueur primitive. „ Ces Vers sont le plus souvenl blanchâtres et leur teinte varie du blanc sale au jaune clair, en passant par le blanc d'ivoire. Toutefois un certain nombre d'espèces onl une coloration parti- culière; ainsi Synthetocaulus rufescens est brun-rougeâtre, ce qui lui a valu son nom; Hxmonchus contortus et Hœmosiron- gylus uasorurn sont parfois blanchâtres, parfois teintés de rouge; Graphidikm strigosum est rouge sang; Ostertagia Ostertagi est brun clair et Metastrongijlus elongatus est blanc ou brunâtre. RÉSUMÉ Les Metastrongylidœ ressemblent à tous les Némalodes; ce sont des Vers allongés et cylindriques. Leur extrémité antérieure est atténuée dans les deux, sexes et porte un orifice buccal terminal. Il existe parfois dans celte région des expansions cuticulaires généralemen'l peu dévelop- pées et quelquefois des stries transversales. La région moyenne du corps ne présente de particularité que chez les femelles dont la vulve esl si I née dans ces parages ou un peu au-dessous. Le diamètre du corps est, souvent très réduit immédiatement en dessous de l'orifice vulvaire; d'autres fois cet orifice est recouvert par une expansion de la cuticule plus ou moins considérable. L'extrémité postérieure est effilée chez les femelles et renflée chez les mâles. Chez les mâles, elle s'étale comme une cloche, formant la bourse copulatrice ou caudale, contenant deux spicules et à l'intérieur de laquelle se trouve l'orifice d'un cloaque, où viennenl déboucher l'intestin et le conduit génital. La bourse caudale est toujours moins développée chez les Metastrongylinœ que chez les Trichostrongylinœ. Chez les femelles, l'anus s'ouvre directement à l'extérieur et esl sub-terminàl et ventral. La vulve, chez les espèces où elle est située dans la région postérieure du corps, est ventrale et se trouve toujours un peu au-dessus de l'orifice anal. Ci NEVEU-LEMA1RE Les dimensions des,Métastrongylidés sonl variables. Les mâles sont généralemenl plus petits que les femelles. Les espèces les plus grandes atteignenl un décimètre de long; les plus petites mesurenl seulemenl quelques millimètres. On observe d'ailleurs toutes les tailles intermédiaires, mais, d'une façon générale, les Metastrongylinœ sonl toujours beaucoup plus longs, relati- vemenl à leur diamètre, que tes Trichostrongylinœ. Ces Vers onl une consistance élastique et sonl généralement de couleur blanchâtre; quelques-uns sont rouges ou roussi CHAPITRE III Organes génitaux mai. es Ces organes présentenl 2hez tous les Strongles dépourvus de capsule buccale une même conformation el une structure sem- blable. Aussi une description d'ensemble des organes mâles internes non- permettra-t-elle de les connaître suffisamment. Par contre; les organes génitaux externes, bourse caudale et spicules, offrent d'assez grandes variations el leur étude nous retiendra plus longtemps. I. — Vue d'ensemble de l'appareil génital mâle. L'appareil génital mule consiste en un tube unique, qui se divise, au poinl de vue de sa structure comme au poinl de vue fonctionnel, en trois parties : le testicule, le canal déférenl el le ••anal éjaculateur. Le testicule propremenl «lit prend naissance à la partie antérieure du Ver, en un poinl variable, généralement un peu au-dessous de l'origine de l'intestin. Il se continue, sans ligne de démarcation nette, par un canal déférent, parfois renflé à sou extrémité en une vésicule séminale, d'où pari un canal éjaculateur. Celui-ci se distingue du canal déférenl par la pré- sence dans ses parois de fibres musculaires longitudinales et transversales s'anastomosanl entre elles el formanl un réseau. Le canal éjaculateur s'ouvre dans le rectum qui devient alors un cloaque, entouré par l'appareil copulateuc(fig. 0). La longueur du tube génital esl toujours moindre que la longueur totale du Ver; aussi ce tube se dirige-t-il en droite ligne, depuis sa naissance jusqu'à son extrémité, ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES (•> A cet appareil génital interne esl annexé, chez Les Nématodes qui nous occupent, un appareil copulateur constitué, d'une part, par des spicules, auxquels est adjoint ou non un petit organe impair, le gubernaculum, d'autre part, par une bourse copula- trice d'aspecl et de dimensions variables, maintenue par t\(^ côtes rigides. SiHiAje, &?ftMZa.£ï^c*—\ Fie. 6. - Figure demi-schématique représentant l'ensemble de l'appareil génital ir. île d'un Metastrongylidae, grossi environ 50 fois, \\ . NEVEU-LEMAIRE Nous avons représenté les organes génitaux mâles d'Ostertagia circwncincta, ftllsemonchus contortus el de Diclijocaulus filaria. Nous verrons dans le chapitre suivant que, dans ces trois espèces, prises volontairement comme exemples, l'appareil femelle pré- sente une conformation très différente; l'appareil mâle, au contraire, esl conformé d'une façon presque identique. Chez Ostertagia circumcincta pi. I! . le testicule prend nais- sance non loin de la terminaison de l'œsophage; il se dirige de haut en bas, augmentant graduellement de diamètre, pour se continuer, vers le milieu du corps environ, par un canal déférent rempli de spermatozoïdes'. Ce canal chemine en ligne droite jusqu'à la partie postérieure du corps, où il devient le canal éjaculateur. Chez Hœmonchus contortus pi. [II), le testicule naîl beaucoup plus bas, au niveau du tiers antérieur du corps; il se dirige aussi de haut en bas, se continuant vers le milieu du corps par un canal déférent, qui présente à ce niveau deux étranglements assez rapprochés. Ce canal, arrivé à la partie postérieure du corps, se renfle en une vésicule séminale, d'où part le canal i jaculateur. Chez DictyocauLus filaria pi. VI] . le testicule naîl très près de la partie terminale de l'œsophage, de sorte que l'ensemble de l'appareil génital mâle esl plus long que dans les espèces précédentes. Le tube génital se dirige de haut en Pas. son diamètre augmentant progressivement, à mesure qu'il se rap- proche de l'extrémité postérieure de ranimai. Vers le tiers supérieur de son parcours commence le canal déférent, qui contient de nombreux spermatozoïdes et qui, à l'extrémité postérieure du corps, aboutit à une vésicule séminale, d'où pari le canal éjaculateur. II. — Modifications des organes génitaux externes du mâle. Les organes génitaux externes des mâli s comprennent, dunv part, la bourse copulatrice ou caudale, organe de fixation, d'autre part, les spicules, organes d'intromission. 1. ■ Bourse caudale. — La bourse c ludale des Wetastrongy- lidse se compose essentiellement de trois lobes : un lobe dorsal impair el deux lobes latéraux pairs, w . Stiles, se basant sui- de- considérations plus théoriques que réelles, décrit quatre lobes : un lobe dorsal, deux lobes latéraux el un lobe ventral. ORGANES REPRODUCTEURS LIIEZ LES STRONGLES 45 En règle générale, le lobe ventral est confondu avec les lobes latéraux; c'esl pourquoi, d'accord avec plusieurs auteurs tels que Looss et Ransom, uous ne mentionnons pas de lobe ventral distinct. Les lobes de la bourse caudale sont maintenus par cinq sys- tèmes de côtes ou rayons : 1° un système ventral droit: 2° un système ventral gauche;; 3° un système latéral droit: 4° un sys- tème latéral gauche; 5° un système dorsal. Les côtes constituant ces différents systèmes ont reçu des dénominations variant, suivant tes auteurs: nous réunissons ces dénominations dans le tableau suivant, mettant en regard les noms correspondants : Nomenclature des côtes de la bourse caudale suivant les différents auteurs SYSTÈMES. Looss Ransom. W. Stiles. Schneider. Railliet. Côtes ventrales Système ventral pair : ventrales. 1 Côtes veotrales i latérales. Côtes ventrales. Côtes antérieures. Côtes latérales Côtes ventro- Côtes antérieures externes. latérales. externes. Système Côtes latérales latéral pair : médianes. | Côtes latérales | postérieures. Côtes latérales. ) Côtes moyennes. Côtes dorsales Côtes dorso- Côtes postérieures Système externes. latérales. externes. dorsal impair : Côte dorsale Côte Côtes médiane. dorsale. postérieures. Pour désigner les côtes qui soutiennent la bourse caudale, nous suivrons la nomenclature proposée par Looss en 1905, parce qu'elle nous semble être la plus logique et celle qui répond le mieux à la réalité. «iliaque système ventral droit et gauche consiste en deux cotes : Tune appelée ventrale ventrale ou simplement ventrale, l'autre ventrale latérale. Chaque système latéral droit et gauche comprend trois côtes : l'une latérale externe, l'autre latérale médiane et la troisième latérale postérieure. Les côtes ventrales et latérales soutiennent ï(3 nevéoçlemaire Ii- lobes latéraux de lu bourse caudale. Chacun de ces lobes latéraux contient, en outre, une côte appartenant au système dorsal el désignée sous le nom de côte dorsale externe. Le système dorsal comprend, outre la côte dorsale externe, donl nous venons de parler, une côte dorsale médiane, qui soutien! le lobe dorsal de la bourse. Cette côte dorsale médiane esl tantôt digitée, tantôl divisée en deux branches suivanl les espèces que l'on considère (fig. 7). ■Cûlè. l>&nJud& CÔ&. venJi&Â- ùt/ùïMA- ■ cèù- , autres. Dans le genre Graphidium fig. 9), la disposition générale de la bourse caudale esl celle qui se rapproche le plus de la dispo- sition typique. Les divers lobes .-nul peu marqués. Les côtes ventrales el ventrales latérales sont bien distinctes, mai- leur pointe e.-l assez rapprochée. La côte dorsale médiane hune un tronc impair 1res net, divisé seulement à son, extrémité. Dans le genre ( )stertagia Eig. 9 . les lobes latéraux sonl bien développés el le lobe dorsal esl petit. Les côtes ventrales el ventrales latérales sonl bien séparées, mais 1res rapprochées l'une de l'autre à. leur extrémité, de sorte que l'extrémité de la côte latérale esl beaucoup plus rapprochée de l'extrémité de la côte ventrale que de l'extrémité de la côte latérale externe. La côte dorsale médiane comprend un tronc impair qui se divise en deux branches latérales. On peui observer celle disposition chez 0. circumcincta pi. Il . Dan- le genre Ostertagia, il existe, en outre, une petite membrane accessoire située à l'extrémité pn térieure du corps, a l'intérieur de la bourse cl du côté dorsal. Rappelons que dans ce genre ou constate aussi la présence d'une paire de petites papilles prébursales. Dans le genre Cooperia li,-1'. 9 . les lobes latéraux de la bourse caudale sonl égalemenl bien développés, landis que le lobe :d esl très petit. Les côtes ventrales cl ventral» lalérales sonl divergentes el leurs extrémités sonl assez largement séparées. Les côtes latérales externes el lalérales médianes naissent d'un large tronc commun. La côte dorsale médiane est ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 51 impaire, mais divisée ci son extrémité en deux branches tantôt parallèles tantôl affectanl la disposition d'une lyre. Dans le genre Trichostrongylus fig. 9), les lobes lalérai k son) grands et le lobe dorsal petit. Les côtes ventrales el ventrales latérales son! très éloignées l'une de l'autre. La côte ventrale esl toujours plus petite que la côte ventrale latérale; de plus, l'extrémité de cette dernière esl toujours plus rapprochée de -açt^.crj., - ' -C.doiX -n-Jcé. y la/tAicteuMt -C. ■doli mîd 1* OMS- ok£ ■ & L-vrU. Itnâ.-ûU ■C-OoiJ -txf , ■C-dt^U? . irLWi . ©JfatMujfu • t.r/. H^- C / •/•/> ,•,/-, ,~>-Çf:/j(:f- Fig. 9. — Figure schématique représentant La disposition de la boursi caudali chez quelques TrichostrongyliiUB, vue doî île. l'extrémité de la côte latérale externe que cle l'extrémité de la côte ventrale'. La côte dorsale médiane es! représentée par un tronc impair, dont l'extrémité esl divisée en deux branches plus ou moins longues. Chez 1rs différentes espèces de ce genre, le système ventral et le système dorsal présentent de légères modifications. Ces .>^ \K\ El -LBM \II1L modifications portent,* d'une part, sur le rapprochemenl plus ou moins grand de l'extrémité de la côte ventrale latérale avec celle de la côte latérale externe, d'autre part, sur la longueur plus mi moins grande des branches de bifurcation de la côte dorsale médiane. Il semble de plus \ avoir un rapport, au moins chez certaines espèces, entre la longueur des branches de bifurcation de la côte dorsale médiane el le rapprochement des extrémités C- dotJ ««£ ^Jft^taJixUti^- C- lot CSÀ ; i Figure schématique rtprésentanl la disposition de la bourse caudale dans les genres Vematodirus el Hêemonchus, vue dorsale. di ôtes ventrale latérale el latérale externe. Plus les extrémités de ces deux côtes sont . rapprochées, plus les branches de bifurcation de la côte dorsale médiane sonl longues. Le rap- prochemenl des extrémités des côtes ventrale latérale el lai» raie externe atteinl son maximum el les branches de bifurcation de la côle dorsale médiane arrivenl à leur plus grande longueur ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 53 chez T. tenuis, puis viennent par ordre décroissant T. capricola, T. colubriformis, T. extcnuatus et T. retorlseformis, chez lequel l'extrémité de la côte ventrale latérale est presque aussi éloignée de celle de la ente latérale externe que de celle de la ventrale el où la ente dorsale médiane, impaire sur presque toute sa longueur, présente seulement deux petites pointes à son extrémité. Dans le genre Nematodirus (fig. 10), les lobes latéraux sont 1res développés et le lobe dorsal, très petit, est divisé en deux lobules. Les côtes ventrales et ventrales latérales, bien que nettement séparées, sont très rapprochées Tune de l'autre et disposées parallèlement entre elles. La pointe des côtes latérales externes est également distante des extrémités des côtes ventrales latérales et latérales médianes. La côte dorsale médiane est divisée en deux côtes séparées, sans tronc commun, soutenant chacune un des lobules dorsaux de la bourse caudale. On peut voir cette disposition chez N. $ilicollis (fig. 4). Dans le genre Mecistocirrus, la bourse caudale est assez semblable à celle des Nematodirus; toutefois elle s'en distingue en ce que l'extrémité de la côte latérale externe est plus rap- prochée de l'extrémité de la ventrale latérale que de l'extrémité de la latérale médiane. De plus, la côte dorsale médiane tonne un vaste tronc impair avec deux diverticules latéraux. Dans le genre Hœmonchus (fig. 10), la bourse caudale présente deux lobes latéraux et un petit lobe dorsal asymétrique, attaché au lobe latéral droit. La disposition des côtes ne présente aucun caractère particulier. Seule, la côte dorsale médiane est entièrement en dehors de l'axe qu'elle devrait occuper, étant située dans le lobe dorsal asymétrique; de plus, son extrémité est bil'urquée. On voit très nettement cette disposition chez //. coniortus (pi. III). 2. — Spicules. — Les spicules, placés Ion jours au nombre de deux à l'extrémité postérieure du corps, sont de petites pièces chitineuses de couleur brun jaune, de forme et de dimensions très variables, contenues à l'intérieur d'un diverticule du tégument, qui embrasse la paroi dorsale du rectum et leur sert de gaine; chaque spicule possède sa gaine. Ces spicules, généra- lement égaux, sont mis en mouvement par des muscles, un muscle rétracteur et un muscle extenseur, qui leur permettent soit de rentrer dans leur gaine, soit de faire saillie au dehors, situation qu'ils prennent au moment de la copulation. Les 54 NEVEU-LEM URE spicules des Strongles onl été étudiés il y a déjà longtemps par Nôrnèr 76); leur forme varie aussi bien chez les Metastrongylinœ que chez les Trichostronyylinx et, dans ces deux sous-familles, on observe chez certaines espèces «les spicules très longs, presque filiformes, chez d'autres des spicules courts el trapus, mais toujours plus longs que larges. Dans ce dernier cas, leur forme esl plus ou moins irrégulière cl compliquée. Enfin, chez un certain nombre d'espèces, il existe une troi- sième pièce chitineuse, toujours plus petite que les spicules el située à la partie dorsale de ceux-ci. Cette pièce impaire habituellement fixe, esl connue sous le nom de pièce accessoire ou de gubernaculum. 1° Conformation des spicules chez 1rs Metaslrongylinœ. Dans le genre Dictyocaulus, les spicules soûl courts el relati- vement larges. Chez D. {ilaria, étanl donné la grande taille de l'aniiual. ils sonl visibles à l'œil nu cl se présentent alors à l'extrémité postérieure du mâle comme deux petites épines brun foncé, (les spicules. égaux, sonl courts, trapus, de couleur brune, légèrement arqués et présentent de chaque côté de leur extrémité une expansion aliforme. A un fort grossissement, nu voit qu'ils sonl creusés de petites alvéoles irrégulières. Jl n'\ a pas de gubernaculum pi. VII). Chez la femelle le vagin est sivemenl court, eu rapporl par conséquent avec les dimen- sions de- Spicules •■lie/, le mille, (die/, D. ri ri par US . les deux spicules, courts et forts, sont accompagnés d'un gubernaculum ! ci II . Chez D. /im/ie/di, les spicules, longs rie 200 à 100 jn, sont brun fauve, légèrement arqués cl réticulés; d existe un court gubernaculum de coloration plu-, pâle que relie des Spicules. Dans le genre Synlhetocaulus, les spicules -mil relativement courts ci pectines. Chez S. rufescens, ils mesurent de I lu à 310 (* de ions onl arqués, cylindriques en avant, aplatis en arrière el pectines transversalement; le gubernaculum lad défaut, (die/. S. abslrusus, les spicules sonl plus grêleSj légèrement courbés el mesurent de 100 a 130 \>. de lortg; il n'y a pas non plu.- de gubernaculum. (die/ S. linearis, les spicules su ni longs, linéaires el pectines; de plus, ils sonl inégaux, le plu- grand mesurant de 320 h 300 ■! <\r long, le plus petil étanl d'une longueur moitié moindre; d existe, eu nuire, un gubernaculum, en forme de gouttière étirée", qui mesure de 55 à Tu •> de long. Enfin, eu avant de h bourse caudale se trouvent deux arc- chitineu>i le i i incolores, ORGANES REPRODUCTEURS HUEZ LES STRONGLES .).) Dans le genre H.vmostrongylus^ 1rs spicules sont allongés el filiformes; ils mesurenl «le 300 à l'iO ;j. chez //. vasorum (fig. il) c[ de 780 à 940 u. clic/ //. subcrcnatus. Le gubernaculurn est- absent. '?rux<éton(M&«i TObf&UtMt, ¥Uttltf... II esl intéress'anl de noter que chez T. extenuatus les spicules son inégaux : le droit est le plus petit et ne mesure que de 85 a 95 m. de long, tandis que le gauche, plus grand, a de lin à 120 \£ «le long. Le gubernaculum existe toujours; -a forme est allongée cl lorsqu'on le regardé de profil, il a l'aspect d'un bateau nu d'un sabot. Sa longueur esl de 70 \l che/. T. colubriformis; il ne mesure guère plu- de 50 y. chez '/'. e.rteriualus cl peut atteindre 95 \>. '.'lie/. T. vitrinus. Dans le genre Cooperia, (es spicules sont également courts el leur longueur varie entre 100 cl 300 y.. Le gubernaculum n'existe pas. La forme (\r< spicules varie suivant les espèces que l'on considère; ainsi che/. C. Curticei el chez C. pectinata il existe sur le bord ventral du spicule une proéminence marquée de ride-,: ces rides font défaul chez C. punctata, mais d existe vers le milieu du spicule et du côté ventral une profonde dépression; la structure des spicule- esl beaucoup plus simple chez C. onchophora, où il n'y a ni proéminence avec ride-, ni excavation ventrale. Dans le genre Oslertagia, les deux spicules mil la même forme et les mômes dimensions; ils sont caractérisés par leur division à leur partie distale en deux branches, comme chez O. Ostertagi et 0. cjrcumcincta pi. II el fig. 1 1 1 ou en trois branches comme chez 0. trifurcala, 0. Marshnlli el 0. occidentaHs. La longueur des spicules esl un peu plus grande que dan- les genres ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 57 précédents, mais elle n'atteini jamais un millimètre. Le guber- naculum esl tantôt absent, comme chez 0. Marshalli, tantôt présent, comme chez 0. Ostertagi ou 0. circumcincta, mais, môme lorsqu'il existe, il est toujours peu visible et incolore; sa longueur varie entre 10 el L20 y. suivant les espèces. Ce genre forme donc un terme de passage entre ceux chez lesquels le gubernaculum existe et ceux chez lesquels il manque totalement. Dans le genre Hœmonchus, les spicules sont aussi relati- vement courts et ne dépassent pas un millimètre de long. Chez //. contortus, par exemple, ils mesurent de 300 à 500 y. de long el leur grosseur va en diminuant de haut en bas, leur extrémité postérieure ayant la forme d'une pointe de Mèche (pi. III). Dans celle espèce, les deux spicules n'ont pas une structure identique : le spicule droit présente une expansion barbelée située à 40 y. de l'extrémité postérieure, tandis que le spicule gauche présente une expansion analogue à environ 20 y. seulement de celte extrémité. Le gubernaculum existe et chez //. contortus il est fusiforme el mesure environ 200 y. de long sur 25 à 30 y. de large. Dans le genre Graphidium, les spicules sont allongés, grêles, laciniés à leur extrémité inférieure et mesurent de 1 mm. 1 à 1 mm. 'i de long. Dans le genre Nematodirus, les spicules sont longs, filiformes el unis par une membrane, sur une certaine longueur, dans leur portion distale. Leur longueur oscille autour de un millimètre. Le gubernaculum n'existe pas. ('liez .V. filicollis, par exemple, les spicules, égaux, mesurenl de 800 à 900 y. de long el -oui unis par une membrane dans leurs deux tiers postérieurs.; ils sont plus étroits près de la pointe, où la membrane forme une petite expansion en forme de spatule (fig. 1 et 11). Dans le genre Mecistocirrus, les spicules sonl encore plus longs et réunis par une membrane sur toute leur longueur. Ainsi, chez .1/. /f,c^êt^'ù- -■Vï^c/t/c/c VTt^tf— 0-vtuA.e-. "r\A'' Fir,. [2. — Figure demi-seliémalique représentant une moitié de l'appareil génital femelle d'un Metastron-gylidae, grossi environ M fois HO NEVEU-LEMATRE - I. — Vue d'ensemble de l'appareil génital femelle. L'appareil génital femelle des Metastrongylidœ se compose essentiellement clé deux tubes plus ou moins longs qui convergent vers un conduil unique, habituellement court, aboutissant à un orifice génital situé ventralemenl en un point quelconque de la moitié postérieure du corps. Chacun des deux tubes constituant l'appareil génital femelle fig. 12 se divise, au point de vue anatomique aussi bien qu'au point de vue physiologique, en trois portions. En commençant par ta partie la plus éloignée de l'orifice extérieur se trouve l'ovaire. Celui-ci se continue sans ligne de démarcation bien nette par un Conduil destiné au passage des ovules : l'oviducte. Le conduit génital acquiert à partir de ce point un diamètre pins considérable et devient l'utérus. C'est au fond de l!utérus el dans la portion de l'oviducte qui y aboutit que se réunissent les spermatozoïdes el que la fécondation des ovules se produit; le développement des œufs a lien dans le reste de l'utérus. Les utérus se continuen'l jusqu'au conduit unique qui est le vagin i't dont la longueur est généralement en rapport avec celle dr- organes copulateurs du mâle : 1rs spicules. Entre l'utérus et le vagin, il peut exister des organes spéciaux destinés à l'éva- cuation i\c< œufs et appelés ovojecteurs. La vulve fail communiquer le vagin avec l'extérieur; elle esl située ventralemenl-, parfois un peu en dessous du milieu du corps; toutefois sa situation peul varier suivant les espèces et se trouver en un poinl quelconque de la région située entre le indien et l'extrémité postérieure du corps. Dans ce dernier cas elle est toujours située au-dessus de l'anus, ainsi que nous l'avons vu précédemment. Ainsi constituée, l'appareil génital femelle a généralement une longueur pin- grande que celle du corps de la femelle. Il s'ensuit «pie les tubes ovarien- forment uni' ou plusieurs anses el que, de pins, ils décriveni parfois des circonvolutions nombreuses autour du tube digestif. II. — Différents aspects présentés par l'appareil génital femelle. Lu examinant l'appareil génital de la femelle chez les Meta- stronffijlinœ el chez les Tricliostrongylinse^ on constate que cet appareil présente trois aspects différents, trois types de confor- mation 1res nets, quelle que soit d'ailleurs la position de l'orifice ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 61 vulvaire et que celui-ci soi! situé en un point quelconque de la seconde moitié du corps ou à la partie sub--tërminale du Ver, au voisinage de l'anus. Pour mettre plus de clarté dans l'exposition qui va suivre, définissons de suite quelques expressions que nous emploierons constamment, considérant toujours l'animal placé la tête en haut. Lorsque la vulve est située dans la région moyenne du corps ou en un point quelconque de sa seconde moitié, les utérus sont situés de part et d'autre du vagin, l'un au-dessus, l'autre au-dessous. Quelles que soient les circonvolutions que peut présenter l'ensemble de l'appareil génital, nous appellerons utérus supérieur celui qui est situé au-dessus de la région vaginale et ovaire supérieur l'ovaire qui y aboutit: nous appel- lerons par contre utérus inférieur celui qui est situé au-dessous de la région vaginale cl ovaire inférieur l'ovaire qui y aboutit. Lorsque l'appareil génital de la femelle affecte celte disposition, on dit habituellement que les utérus sont divergents. Lorsque la vulve est située à la partie sub-terminale du corps, les deux utérus se trouvent du même côté du vagin; ils sont alors placés côte à côte, mais jamais ils ne commencent au même niveau et il y en a toujours un qui remonte plus haut que l'autre. Nous appellerons alors l'utérus supérieur celui qui s'avance le plus près de l'extrémité antérieure de l'animal et ovaire supérieur l'ovaire qui y aboutit, réservant à l'autre utérus et à l'autre ovaire le qualificatif d'inférieur. Lorsque l'appareil génital femelle affecte cette deuxième disposition, on dit géné- ralement que les utérus sont convergents. Examinons maintenant les trois types de conformation que peut présenter l'appareil génital femelle des Metastrongylidœ, 1. — Type Nematodirus. — Dans ce premier type, la longueur des deux tubes génitaux placés bout à bout dépasse de très peu la longueur totale du Ver. Les ovaires sont relativement courts; aussi ne forment-ils point de circonvolutions. Les utérus sont encore plus courts et leur longueur est à peu près moitié moindre que celle des ovaires. Ces utérus renferment un petit nombre d'œufs, de dimensions considérables relativement au diamètre du corps de l'animal et ne dépassent pas en général le stade morula. 11 existe de chaque côté du vagin trois ovojecteurs très développés. La vulve est située vers le tiers, le quart ou le cinquième postérieur du corps; elle n'est jamais sub-terminale (pi. I). 62 m:\i.i LËMAiRË Les genres qui présentent celle disposition sonl les genres Semaludirus, Uslerlayia, Cooperia el Trichostronyylus, Nous prendrons comme exemples Nenudodirus {ilicollis el Oslertagia circumcincta. r Ncmalodirus l'tlicollis. L'appareil génital femelle e I constitué chez relie espèce pi. l par un ovaire supérieur, qui prend naissance à un cinquième environ de la longueur du corps en partant de l'extrémité céphalique; de là Je tube ovarien descend, en augmentant graduellement de diamètre el se continue par un oviducte peu distincl el un utérus qui aboutit au vagin el à la vulve située à peu près vers le tiers postérieur du corps. L'utérus esl sensiblemenl moins long que l'ovaire; il occupe presque toute la largeur du corps el renferme une quinzaine de très gros œufs ovoïdes situés à la file les uns des autres. A ht suite de cel utérus se trouve un appareil ovojecteur bien développé comprenanl trois portions distinctes : La première portion, la plus voisine du vagin, présente nue paroi musculaire assez épaisse el se continue presque sans ligne de démarcation avec la première portion de l'ovojecteur inférieur. La deuxième portion ésl courte, à peu près sphérique et formée de muscles puissants qui fonctionnent comme un sphincter. La troisième portion, la plus rapprochée de l'utérus, esl plus ou moins cylin- drique el la couche musculaire y est très réduite. L'ovaire inférieur débute un peu au-dessus de la région vulvaire et se dirige de haul en bas jusqu'à une courte distance de l'anus, où il forme une anse pour se diriger ensuite de bas en haut. A ce niveau il se continue par l'oviducte, puis par l'utérus qui remonte jusqu'au vagin. L'utérus inférieur esl également plus court que l'ovaire inférieur el contient des œufs disposés de la même manière que dans l'utérus supérieur el en nombre sensiblemenl égal. Un appareil ovojecteur, formé aussi de trois portions, le sépare du vagin. Celui ci esl très cour! el sa longueur esl tout a fail dispro- portionnée à celle des spicules du mâle qui sonl très longs dans cette espèce fig. 5 . Le vagin aboutil à une vulve ventrale, ayanl l'aspecl d'une fente transversale avec deux lèvres légèrement saillantes et qui n'esl cachée par aucun repli cuticulairc. Immédiatement au-dessous de la région vulvaire, le diamètre du corps diminue sensiblemenl pour reprendre un peu plus bas ses dimensions normal» ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 63 Dans cette espèce, les deux portions supérieure et inférieure de l'appareil génital sont sensiblemenl de la même longueur. Pour mieux luire comprendre les rapports des différents organes entre eux, représentons une portion du Ver au niveau du tiers antérieur, une seconde portion dans la région moyenne du corps et une troisième portion un peu au-dessous du tiers postérieur, en arrière dé la région vulvaire lig. 13). Dans la première portion un trouvera seulemenl I»' tube digestif el l'ovaire supérieur; dans la seconde le tube digestif, l'utérus supérieur et la naissance tic l'ovaire inférieur; enfin dans la troisième le. tube digestif, l'ovaire el l'utérus inférieurs. ■ùe^A'r -wiA&idn. ..-w-,' étranglements, il existe un appareil ovojectéur cuire l'utérus et le vagin. L'ovaire inférieur prend naissance un peu au-dessus tic l'anse formée par l'ovaire supérieur vers le cinquième antérieur du corps el chemine de haul en bas, d'abord parallèlement à celui-ci el décrivant comme lui «les spirales autour du tube intestinal, puis parallèlement à chacun des utérus. Arrivé au voisinage de l'anus, eei ovaire se recourbe pour se continuer par \u\ oviducte courl et grêle, qui aboutit à l'utérus intérieur. Cet utérus, conformé comme le supérieur, se continue par un ovojectéur muscUleux, qui aboutit à un courl vagin. La vulve est une fente transversale el ventrale, située vers le sixième postérieur du corps; elle est recouverte par une large expansion cuticulaire. Les utérus sont remplis d'omis très petits relativement à la taille de l'animal el à différents stades de développement; le- plus proches des ovojecteurs son! segmentés, mais jamais embryonnés. Bien que les utérus n'occupent qu'une faible portion du corps du Ver, ceux-ci étant complètement bourrés d'oeufs, le nombre total *}l^ oeufs esl bien supérieur à ce qu'il est dans le premier type; chaque utérus en contient plusieurs centaines. 2° Graphidium strigosum. L'appareil génital femelle de G. strigosum (pi. Y esl construil sur le même plan que celui d'//. conlortus\ toutefois il s'en distingue dans les détails. Les ovaires sonl moins longs que dans l'espèce précédemment décrite et ne formenl plus de circonvolutions. Les utérus, plus longs, comparés aux ovaires, que chez //. contortus, mesurenl environ un tiers de la longueur des ovaires; enfin le.- oviductes . "ut beaucoup plu.- développés. L'ovaire supérieur prend naissance vers le sixième antérieur du corps; M se dirige de haut en lu-, formanl i\r< anses vers le milieu de son parcours, puis il se continue par un oviducte long ci nettement distinct de l'ovaire, d'une part, de ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LÈS STRONGLES 07 l'utérus, d^autre part. Cet oviducte abouti! à l'utérus supérieur qui occupe presque toute la largeur du corps de l'anima] et présente un ou plusieurs étranglements. Cet utérus est séparé du vagin par un appareil ovojecteur bien développé, forint'' de trois portions très nettes, dont la médiane, à peu près sphérique et très musouleuse, fonctionne comme un sphincter puissant. L'ovaire inférieur naît au-dessous de l'autre, vers le quart antérieur du corps. De là il se dirige de haut en bas, d'abord parallèlement à l'ovaire supérieur, puis longe l'oviducte, l'utérus et les ovojecteurs supérieurs, dépasse la région vulvaire et chemine parallèlement aux ovojecteurs et à l'utérus postérieurs. Arrivé vers le sixième postérieur du corps, il se continue par un oviducte assez long et bien distinct, qui chemine d'abord de haut en bas jusqu'à une certaine distance de l'anus, puis se coude pour remonter de bas en haut jusqu'y l'utérus inférieur. Celui-ci es! sensiblement moins large que l'utérus supérieur et à peu près de la môme longueur, il aboutit à un appareil ovojecteur bien développé qui se termine à un court vagin. La vulve s'ouvre ventralement par une fente transversale entourée de lèvres saillantes; elle est située vers le cinquième postérieur du corps. Cette région ne présente aucun diverticule de la cuticule, mais, immédiatement au-dessous de l'orifice vulvaire, le corps du Verse rétrécit brusquement et son diamètre est alors moitié moindre que celui de la partie du corps située immédiatement au-dessus de la vulve. Nous avons déjà signal»' une disposition analogue, mais moins prononcée chez Nemalo- dirus filicoUis. Chaque utérus contient approximativement une centaine d'œufs, petits comparés à la taille de l'animal, mai.- plus grands cependant que chez //. contortûs. Ces œufs se présentent à tous les stades de développement et les plus rapprochés ^^ ovojecteurs, ainsi que ceux qui se trouvent dans ces organe-, sont embryonnés. 3° Mecistocirrus digitatus. -- Dans celte espèce (pi. VI), les organes génitaux Femelles sont aussi disposés suivant le même plan que chez //. contortûs, mais leur position a varié par suite de la situation de la vulve, qui se trouve très rapprochée de l'anus. Les tubes ovariens sont également très longs et contournés en spirale autour du tube digestif, mais les tours de spire sont moins serrés que chez //. cohtortus. Pc- ovaires naissent liais les deux dans la région supérieure du corps, à peu de distance l'un de l'autre et arrivent, après 68 tfEVEU-LEMAIRË avoir clécril de nombreuses circonvolutions parallèles, vers Le cinquième postérieur du corps, où chacun d'eux se continue par un couri oviducte à peine différencié el par un utérus beaucoup plus large que l'ovaire, surtoul dans sa partie supérieure. L'Utérus supérieur es! situé un peu au-dessus de l'utérus inférieur; il est moins long que ce dernier qui descend sensi- blemenl plus bas. Les deux utérus affectent la même forme allongée el cheminent parallèlement l'un à côté de l'autre; ils se terminenl chacun par un appareil ovojecteur aboutissant au vagin 1res long. Bien que Je- deux utérus soient situés du même côté du vagin, ce qui esl la règle lorsque la vulve esl sub-terminale, ici, étanl donnée la grandes-longueur du vagin, les ovojecteurs inférieurs se dirigent d'abord, de haut en bas, dans une direction opposée à celle dr< ovojecteurs supérieurs, pour remonter ensuite de bas en haut, après un parcours d'ailleurs 1res court. La vulve, située ventralement, est une lente transversale entourée de deux lèvres et placée à environ 500 \>. au-dessus de l'anus. Les œufs qui remplissent les utérus sont au nombre de plusieurs centaines^ Les plus développés atteignent seulement le slade morula, comme chez //. contortus. L'ensemble de l'appareil génital diffère totalement de ce que l'on observe dans le genre Nematodirus et c'est en partie pourquoi nous avons séparé de ce dernier genre, le genre Mecis- tocirrus. 3. - Type Dictyocaulus. — . Dans ce troisième type, la lon- gueur des deux tubes génitaux placés bout à bout atteint le double de la longueur totale du Ver. Les ovaires sont longs et, à hais les deux, rts atteignent el dépassent même ta longueur du corps; ils forment parfois des anses et peuvent même décrire de circonvolutions autour du tube digestif: Les utérus, d'un diamètre sensiblement plus grand que celui des ovaires et parfois même atteignant presque le diamètre du corps, sont très longs, presque aussi longs que les ovaires, quelquefois plus longs. Ces utérus sont remplis d'œufs de dimension moyenne el chacun d'eux en renferme des milliers. Chez quelques espèces ces œufs se trouvent 5 tous les stades de leur développement, In plus grande partie d'entre eux étant embrj lés; de sorte que, chez ces Strongles, lorsque hais les œufs sonl arrivés à maturité, lu femelle esl comparable à un sac rempli d'œufs ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES no embryonnés, les utérus ayanl acquis un développement consi- dérable et tous les autres organes étant comprimés entre les parois utérines et la paroi du corps. Chez d'autres espèces les œufs qui se trouvent dans les utérus sont moins avancés dans leur développement; ils atteignent parfois le stade morula, d'autres fois les œufs les plus voisins du conduit vaginal nlonl " -t/lU-li. {ilaria, décrit une anse à peu de distance de l'œsophage et se continue par un court oviducte peu distinct et un long utérus qui, après avoir parcouru le Ver dans toute sa longueur, aboutit au vagin. Dans la première moitié du corps les organe- génitaux sont donc disposés exactement comme (die/ !>. $ilaria (fig. 10). L'ovaire inférieur se dirige en bas jusqu'au voisinage de la vulve, décrit une anse, puis remonte de bas en haut parallè- lement à sa première portion; il se continue par un court oviducte, qui aboutit à un utérus assez large, toujours dirigé dans le même sens et qui atteint bientôt le milieu du corps. Là, l'utérus inférieur se recourbe et. redescend parallèlement à sa première portion et à l'utérus supérieur. Il aboutit également au vagin qui, dans cette espèce, est particulièrement long; il mesure environ 2 mm. 5 et est en rapport avec les dimensions des spicules du mâle, atteignant, comme nous l'avons vu plus haut, une longueur considérable relativement à celle qu'ont généralement ces organes. Il n'y a pas trace d'ovojecteurs. La vulve étant sub-terminale, les deux utérus sont situés non plus de part- et d'autre, mais du même côté du vagin. La disposition des organes repro- ducteurs clans la seconde moitié du corps est donc assez complexe et, si l'on fait une coupe dans celte région, on constate, sans compter l'intestin, la présence de quatre tubes parallèles qui sont: l'ovaire inférieur, une portion de l'utérus inférieur contenant des œufs en état de segmentation, une autre portion du même utérus •inférieur renfermanl de- œufs embryonnés cl enfin l'utérus supérieur contenant également «les œufs embryonnés (fig. 17). \K\ El -LEM VIRE La femelle, arrivée -à complète maturité sexuelle, est remplie d'une quantité considérable d'œufs, donl le plus grand nombre esl embryonné. 3° ÏI\r> tubes génitaux se rétrécit brusquement ieni un court o\ iducte, de très pet il diamètre, qui aboutil à l'utérus, - tiÙA sis) Ju., ■yi ' Fig. 17. — Région postérieure du corps de la mi c ■ de Wetastrongylu • eloi gatui . - i nviron 90 fols, ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 73 Les deux utérus naissent aussi presque au même niveau et se dirigent en droite ligne jusqu'au vagin. Leur diamètre n'est d'abord guère plus grand que celui des ovaires dans leur portion terminale, puis il augmente insensiblement à mesure qu'on approche de l'extrémité postérieure. Axant de déboucher dans le vagin, chacun <\-£> seconds. En outre, les Tri- chostrongylinse se présen- tent eux-mêmes sous deux- aspects différents : Les uns sont filiformes; le diamètre du corps étant très réduit, leur appareil génital est alors conformé suivant le type Nemàtodiru's pi. J). Les genres Nematodirus, Ostertagia, Cooperia et Tri- chostrongylus sont dans ce Fig. 18. — Figun schématique représen- ras (^8- ^, A). Les autres tant les modifications de l'appareil géni- sont de dimensions DlUS lai femelle résultant de la forme du • i * ' i i corps. considérables; leur corps 76 NEVEU-LEMATRE esl plus large el son diamètre est environ .deux fois plus grand que celui des précédents pour une longueur sensiblemenl égale; l'appareil génital esl alors conformé suivanl le type flœmonchus pi. tV). Ces! dans ce cas que les ovaires, toujours très longs, décrivenl des circonvolutions autour du tube digestif fig. 18, B . Les genres qui présentent cette disposition sonl les genres Hœmonchus, Graphidium et Mecistocirrus . Les M ètastrongylinœ eut toujours un corps très allongé rela- tivemenl ;'i sa largeur el leur appareil génital esl très développé, dépassani souvenl le double 'le la longueur du corps fig. 18, C). Gel appareil esl conformé suivanl le type Dictyocaulus pi. Ylll . Les genres Dictyocaulus, Metastrongylus, Synthetocaulus el Ilœmostrongylus présentenl cette conformation. Dans te tableau suivant, nous donnons la longueur relative • le l'ensemble de l'appareil génital, des ovaires el des utérus l . en prenanl comme unité la longueur du corps de l'animal. Ainsi le chiffre 1,53, placé dans la colonne relative aux ovaires, indique que la longueur des deux ovaires placés boul a boui esl une fois ci demie plus longue que colle du Ver. Tableau indiquant les rapports entre la longueur du corps PRISE COMME i MITÉ ET LA LONGUEUR DE L'ENSEMBLE DE l'appareil génital, des ovaires et des utérus. Sous- familles. Types. Espèces. Ensemble de l'appareil génital. Ovaires. Utérus. ce Vemalodim/s : 1,21 0,80 0,41 Ostevtagia circumcincta. . . 1,20 IIS', 0,36 IIl/'lllll/H ■lui: ! 1,72 1,53 0,18 Graphidium slvigosum .... 1 ,54 1.21 0,33 mMecislociiTU$ dtgifahis . . . 1 ,58 1,13 0,45 i es va IHcli/t caiillla : l'il li,i nuiliis /iliirui 1,-80 1,05 us:, Melnth'ongghn elongafvs.. 2,34 0,93 i.'iii ïlamostioîigylus vasoinm . 2,02 1 |s 1 1 84 i Les ovidi ei \< vagin on1 été me uré avei les utérus ORGANES REPROD1 eTEl RS CHEZ LÉS STRONGLES 77 2. Modifications de l'appareil génital femelle résultant de la situation de l'orifice vulvaire. — Lorsque la vulve est située dans Ja région moyenne, peu éloignée du milieu du corps, les deux moitiés de l'appareil génital sont disposées symétriquement par rapporl à l'orifice vulvaire, se dirigeant l'une en haut, l'autre en bas; c'est ce que l'on observe chez Dictyocaulus {Uaria t/tf.iA- -u/'-^J FIG. 19. Figure schématique représentant les modifications de L'appareil génital femelle résultant de la situation de la vulve. 78 M'A EU-LÈMAIRÉ (pl. \ III . clic/, cette, espèce, le vagin esl tellemenl réduit que Je? deux utérus sont situés dans la continuation l'un «le l'autre cl. sans la présence «le l'orifice vùlvaire, nu ne saurait où se termine l'utérus supérieur cl où commence l'utérus inférieur Qg. 19, A . Lorsque la vulve esl située ver.- le tiers, le quarl ou le cinquième postérieur du corps, la portion supérieure de l'appa- reil génital femelle se dirige, en pàrtahl du vagin toujours très court, de bas en liant cl remonte dans la région antérieure du Ver jusqu'à un endroit plus ou moins rapproché de l'œsophage (fig. 19, B). Elle chemine alors tantôl presque en droite ligne, comme chez Nematodirus [ilicollis pl. I . Ostertagia circum- cincta [pl. Il) cl dans les genres Cooperia cl Trichoslrongylus, tantôt en formant des sinuosités cl des anses, connue clic/ GrapJiidium strigosum pl. Y . tantôt en décrivanl des circonvo- lutions nombreuses, comme chez Uœmonchus contortus 'pl. \\ . Ces sinuosités et .'es circonvolutions n'existent que lorsque les ovaires sonl 1res longs, ce qui se présente chez les espèces dent, l'appareil génital est conformé suivant le type Htemonchus. La portion inférieure de l'appareil génital se dirige toujours de haut en Pas. depuis le vagin jusqu'à un point assez rapproché de l'extrémité postérieure du corps: là clic se coude cl remonte de lias en haut jusqu'à une certaine distance, très variable d'ailleurs, de l'extrémité antérieure Qg. I'.». B). C'est ainsi que clic/. N. [dicollis, l'ovaire inférieur n'atteint pas la région moyenne (\i\ corps, que chez 0. circumcincta, il arrive, un peu au-dessus du milieu du corps cl que, chez G. strigosum et //. contortus, il remonte 1res Paul dans la région antérieure. L'ovaire inférieur présente les mêmes sinuosités et décrit les mêmes circonvolutions que l'ovaire supérieur. Lorsque la vulve esl située dans la région sub-terminale du corps, plus ou moins rapprochée de l'orifice anal, le vagin est assez long, très long même chez quelques espèces, chez Metaslrongylus elongatus par exemple. Flien ne s'oppose, en effet, à son développement, son axe étant longitudinal au lieu d'êi re transversal. Tantôt, du vagin, parlent les deux portions de l'appareil génital femelle qui se dirigent de Las en liant, parallèlement l'une à l'autre ci parcourant le Xi'v dans presque toute .-a longueur (fig. 19, h: c'esl la disposition la plu- simple, celle que l'un observe dans le genre Synthetocaulus ci chez Hœmostrongylus vasorum \>\. \\\ . Dans celle dernière espèce les ovaires décrivent autour *\\\ tube digestif <\r< circonvolutions parallèles. ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 7'.» TantôJ,, d'un vagin assez long, partent les deux portions de l'appareil génital, mais, avanl de se diriger parallèlemenl l'une ;'i l'autre de bas en haul comme précédemment, la portion inférieure descend d'abord de haul en bas sur une très courte distance, se coude ensuite el chemine alors de bas en haut parallèlemenl à la portion supérieure; c'es'l ce que l'on observe chez Mecistocirrus digitatus pi. VI). Il y a là une disposition spéciale formanl un terme de passage avec la disposition que l'on rencontre dans les espèces chez lesquelles la vulve se trouve éloignée de l'anus (fig. 19, G). Tantôt, d'un vagin excessivement long, parlent les deux portions de l'appareil génital, qui cheminenl d'abord parallè- lement de bas en haut jusqu'au niveau du milieu du corps. Mais alors, lundis que l'utérus supérieur continue son chemin et arrive jusqu'au voisinage de l'œsophage pour se couder el se continuer par l'ovaire supérieur, qui redescend jusqu'au niveau du milieu du corps, l'utérus inférieur ne dépasse pas la seconde moitié du corps, mais cet utérus, ainsi que l'ovaire inférieur, parcourent trois fois cette seconde moitié dans toute sa longueur fig. L9, E). G'esl celle disposition complexe que l'on rencontre chez Meta- strongylus elongatus (pi. X). RÉSUMÉ Les Metastrongytidœ ont un appareil génital femelle double, formé de deux ovaires se continuant chacun par un oviducte et un utérus. Les deux utérus aboutissent au vagin et leur dernière portion est le plus souvent transformée en un appareil ovojecteur, destiné à l'expulsion des œufs. La vulve esl située en un point quelconque de la seconde moitié du corps. L'appareil génital femelle subit des modifications relativement à sa longueur, à sa forme et à ses rapports avec les autres organes suivant les genres et les espèces que l'on considère. Nous avons clécril trois types différents de conformation : 1° Type Nematodirus. - Les ovaires sont relativement courts; les utérus, encore plus courts, .-ont environ moitié moins longs ({ne les ovaires; l'appareil ovojecteur esl très développé; la vulve est située dans la seconde moitié du corps, mais elle esl toujours éloignée de l'orifice anal; les œUfs sont volumineux, peu nombreux el généralement non embryonnés. 80 MAKI LEMAlhË 2° Type Hœmonchus. — Les ovaires sonl 1res longs, décrivant le plus souvenl des circonvolutions autour du tube intestinal; les utérus sont très courts el larges; l'appareil ovojeeteur esl assez bien développé; la vulve esl presque toujours située dans la seconde moitié du corps, exceptionnellement un peu au-dessus de l'orifice anal; les œufs sonl relativemenl petits, uombreux et embrj onnés ou non suivanl les espèces. 3° Type Diclyocaulus. Les ovaires sonl très longs; les utérus sonl généralemenl presque aussi longs, parfois plus longs que les ovaires; l'appareil ovojeeteur manque totalement; la vulve esl presque toujours située au voisinage de l'orifice anal, exceptionnellement dans la région moyenne du corps; les œufs, de taille moyenne, sonl excessivemenl nombreux, embryonnés ou non suivanl les espèces. Notons que dans les deux premiers types se groupenl Ions les Tricjiostrongylinœ et que le troisième type comprend Ions les Metastrongylinœ. La longueur du corps, proportionnellemenl à son diamètre, a une influence 1res nette sur la longueur el la disposition de l'appareil génital, qui pont présenter dos sinuosités ou décrire i\r< circonvolutions plus ou moins nombreuses. La disposition générale de l'appareil génital varie aussi suivant la situation de la \ ulve : Lorsque l'orifice vulvaire esl situé dans la région moyenne du corps, les doux portions supérieure el inférieure de l'appareil génital sont placées symétriquement par rapport à cet orifice Uictyocaulus). Lorsque la vulve esl située vers le tiers, le quart ou le cinquième postérieur du corps, les deux portions de l'appareil génital ne sonl plus symétriques; elles se dirigent, l'une vers la partie antérieure de ranimai, l'autre vers sa partie postérieure, celle dernière seule Cormanl un coude. Celle disposition se rencontre chez tous les Tfichostrongylinw, sauf dans le genre M ecislo cirrus. Dans ce dernier cas, bien que [a vulve soil sub-terminale et voisine de l'anus, étanl donnée la longueur i\w vagin, la portion inférieure du lube génital l'orme une petite anse postérieure très courte, avanl de se diriger, parallèlement à la poMion supérieure, vers la partie antérieure du Ver. Ce genre forme un terme de passage entre les Trichoslrongylinœ el la pluparl des Melastrongylinœ. ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES SI Chez ces derniers, sauf dans le genre Dictyocaulus el chez Hœmostrongylus subcrenatus, la vulve est sub-terminale et très rapprochée de l'anus. Il s'ensuil que les deux portions de l'appareil génital se dirigent parallèlement vers la partie anté- rieure de l'animal, tantôt en ligne droite (Synthetocaulus), tantôt en décrivant des circonvolutions {Hœmostrongylus). Parfois le parallélisme cesse vers la région moyenne du corps et la portion inférieure du tube génital décru* plusieurs anses dans la seconde moitié du corps (Mretastrongylus . CHAPITRE V Reproduction- Nous avons étudié dans les chapitres précédents la morpho- logie de l'appareil génital des Métastrongylidés; nous exami- nerons maintenant comment ces Strongles se reproduisent, quelle est la conformation des larves, quelles métamorphoses elles subissent, enfin si ces larves effectuent ou non des migrations avant d'aller infester un nouvel hôte, chez lequel elles parviendront à l'état adulte. I. — De l'accouplement à la ponte. Les Métastrongylidés se reproduisenl comme la plupart des Nématodes; aussi n'entrerons-nous pas ici dans les détails et n'indiquerons-nous que les particularités observées dans le groupe qui nous intéresse. 1. Accouplement et fécondation. Les mâles et les femelles vivent côte à côte dans les organes de leur hôte, mais les femelles y sont en nombre sensiblement plu- grand que les mâles, ainsi que nous avons pu le constater chez plusieurs Metastrongylinœ, tels que Dictyocaulus uiviparus, l>. filaria, Synthetocaulus rufescens, Hccmostrongylus vasorum el chez quelques Trichostrongylinge, comme Hœmonchus conlorlus, Nematodirus filicoUis, Osterttigia circumcincta, etc.. Mais cette proportion relative entre le nombre des mâles el celui des femelles est 1res variable; ainsi Railliet (88) a remarqué que Chez Ost'ertagia Ostertagi il y a trois femelles pour deux mâles, lundis que chez Graphidium strigosum les mâles sont, d'après 6 82 \i:\ El -i.KM \uu; Garin (31), très rares relativement aux femelles. Jl s'ensuil que, pour que toutes les femelles soient fécondées, les mâles doivenl s'accoupler plusieurs fois. L'accouplement a lieu lorsque, dans les deux sexes, Les glandes génitales sonl arrivées à maturité. Le mâle applique sur la région vulvaire de la femelle sa bourse copulatrice, à l'aide de laquelle il se fixe et ses deux spi- cules écartent Les Lè\ res •!•' la vulve 2 cl pénètrent dans Le vagin dont ils distendent les parois en s'éloignant l'un de l'autre. La position des deux individus accouplés, l'un par rap- port ;'i L'autre, varie d'ailleurs sui\;ml la conformation du corps el la situation de L'orifice génital de la femelle. Ainsi, chez Hsemonchus contortus, où le corps de l'animal esl assez rigide et où La vulve est située vers le sixième postérieur du corps, le mâle et la femelle accou- plés uni à peu près L'aspect d'un Y (fig. 20). Lorsque le corps de l'animal est rigide et que la vulve de la femelle est située à l'extrémité postérieure du corps, connue chez Mecistocirrus âigitatus, les deux individus auront la forme d'un Y, à branches inégale.-. le mâle étant toujours pin- court que la femelle. Enfin Lorsque le corps de l'animal est 1res allongé cl forme de uom- breuses circonvolutions, comme c'est la règle clic/, les Metastron- ll"''"""1 ,l"" gtjiinœ, que la vulve soit située vers Hsemonchus conlortus, grossi . 5 rois. le1 indien du corps, comme dans le genre Dictyôcaulus, ou qu'elle soit sub-terminale comme dans les autres genres de la sous- famille, les deux individus accouplés sent plus ou moins contournés el entrelacés, non seulemenl entre eux, mais avec les individus voisins cl formenl un véritable nœud gordien. Au moment de L'accouplement, les deux orifices mâle et femelle -oui juxtaposés cl le liquide spermatique s'écoule dans Fie. ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 83 Fig. 21. — Quelques stades du développement d3 l'œuf chez Dictyocaulus filaria, grossi environ 260 lois. Ni m;\ El i i;\i URÉ Je vagin d'abord, puis dans les ovojecteurs lorsqu'ils existent, enfin dans l'utérus toul entier. Les ovules qui sorlenl de l'oviductê sont alors fécondés au passage, à mesure qu'ils entrenl dans l'utérus. Chez les Metastrongylidœ, les spermatozoïdes sont, comme chez la pluparl des Nématodes, de petits corpuscules sphériques, ovoïdes ou coniques, doués de mouvements amiboïdes [ùg. 6 . Le- ovules, égalemenl ovoïdes, sonl relativemenl volumineux cl possèdent un gros noyau (ïig. 12). Dès qu'ils -nul fécondés, ils s'entourent d'une cuticule el l'œuf, ainsi rormé, commence à entrer en segmentation. 2. -- Segmentation de 1 œuf et développement de l'embryon. - La. segmentation de l'œuf cl le développement embryonnaire uni été suffisamment étudiés •■liez un grand nombre de Néma- todes, pour qu'il soit utile d'y revenir ici. Liions entre autres les travaux de Hallez 34), de Jammes 38. de Conte 19 20 et de Ziegler (127), qui a étudié la segmentation de l'œuf chez Metastrongylus elongaius. Rappelons seulement que la segmen- tation est totale ci ('•-aie. Après la fécondation, la cellule de l'œuf est d'abord accolée à la cuticule qui s'esl formée autour d'elle, mais. 1res peu de temps après, celle cellule s'écarte de la cuticule ci il existe ainsi entre la. cuticule et le protoplasma un espace clair, qui subsistera et même augmentera au cours de la segmentation cl du développement i\v l'embyron. on iieut suivre assez facilement les différents stades de la ^mentation de l'œuf et le développement embryonnaire dans l'utérus même (U:^ femelles, surtout chez celles dont les utérus renfermenl <\c< œufs à tous les stades^ les plus éloignés du vagin ne contenant encore qu'une seule cellule, les plu- rap- prochés renfermant un embryon complètement formé. C'est ce qui se passe chez les Metastrongylus cl les Dictyocaulus par exemple. .Nous reproduisons ici quelques-uns de- stades «pic l'on observe dans l'utérus de Dictyocaulus $ilaria (lig. 21). Les œufs sonl représentés vus en coupe optique et l'en peu I suivre leur division jusqu'au stade morula. La gastrulation s'effectue alors, puis l'embryon se dessine ci on le voil bientôt conïplè- temenl formé à l'intérieur de la coque de l'œuf. Cêl embryon ne reste pas immobile, mais se nient d'une façon presque constanle ci prend les positions les plus variables d'un momcnl a l'autre. Martin 55 a étudié récemmenl les conditions de dévelop- pemenl embryonnaire, dans divers milieux, d'un certain nombre de \Tématodcs pasasites. ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 85 ■ 3. — Ponte. - La dernière portion des utérus de la femelle contient des œufs à des stades de développement très variables suivant les espèces. Il en résulte, qu'au moment de la ponté, Les œufs sonl expulsés non pas au môme stade, mais à des stades très divers. Tantôl les œufs pondus seront à peine segmentés, tantôi ils renfermeront un emrbyon sur le point d'éclore, tantôt enfin, l'éclosion ayant ou lieu dans l'utérus, la femelle donnera naissance à des embryons libres; c'est ce que nous avons essayé de représenter dans le tableau placé à la page suivante. Ainsi par exemple, chez Haemostrongylus vasorum, l'œuf, au moment de la ponte, est à peine segmenté; chez Synthetocaulus rufescens, Hœtnonchus contortus, Mecistocirrus digitatus, Oster- tagia circumcincta, il a atteint le stade morula; chez Nematodirus filicollis, l'embryon commence à se former; chez Graphidiùm strigosum, Dictyocaalus filaria, Metastrongylus elongatus, l'embryon est complètement développé; enfin chez Hœmostron- gylus suberenatus, l'embryon a déjà quitté la coque de l'œuf; c'est une espèce ovovivipare. Le mécanisme de la ponte varie également suivant que les femelles possèdent ou non un appareil ovojecteur. (liiez les femelles, où l'appareil génital est conformé sujvant le type Nematodirus, c'est-à-dire dans les genres Nematodirus, Triehostrongylus, Ostertagia et Côoperia, les œufs sonl en petit nombre et disposés dans chaque utérus en une seule rangée longitudinale^ aucun d'eux n'étant exactement au même stade de développement; le plus rapproché de l'oviducte n'esl pas encore segmenté, le plus proche des ovojeetcurs a atteint le stade auquel il doit être expulsé. Cet œuf passe d'abord de l'utérus dans la troisième portion de rovojecteur. puis dans la deuxième portion, courte et à paroi formée de muscles puissants, qui If; projettent dans la première portion de cet organe, dont la contraction le conduil jusqu'au vagin très court, d'où il. sort par l'orifice yulvaire. (liiez les Strongles qui présentent celle organisation, bien que tes rrufs soient peu nombreux dans tes utérus, la ponte peut être continue, car, dès qu'un œuf est évacué, il est remplacé par un autre. qui débouche de l'oviducte dans l'utérus, où il commence aussitôt à se segmenter lig. 12, pl. f et II). Chaque femelle peut donc pondre les uns après les autres une grande quantité d'œufs. Chez les espèces où l'appareil génital femelle est conformé suivant le type Hœmonchus, les œufs sonl nombreux et disposés RO neveu-lemaire Tableau [ndiquant a quel stade les c /' 'érents stades de 'li'ri loppement de l'œvf. ]■ -- 0 0-iUf non segmenté. //a moslronyylus vasoi uni. Première portion ei portion moyenne des utérus. Synfhelocaulvs i ufi scens. Première portion des utérus. Henmotichus COJliûl /il*. Première portion drs utérus. Mrcistocim di;/i/\\\rr- temenl dans le conduil vaginal, où ils cheminenl un à un avant de sortir par la vulve (pi. XII)! (liiez Metastrongylus c]t>ii. de large. Nous donnons dans I" tableau suivant les dimensions des œufs, au moment de la ponte, chez un certain nombre d'espèces. Dimensions des œufs de quelques Metastrongylw-e Metastrongylinae. Trichostrongylinee. ESPÈCES ŒUF ESPÈCES ŒUF LONGUEUR URGEUR LONGUEUR LARGEUR Dicfyocaulus fllaria Victyceaulvs Arnfîtidi Synthetocaulus rvfe*cens.. . Eœmoslrongylvs vasorum. . 57 à 100 « 82 à 88// 115 à 135 // 80 a 100// 75 à 120// 70 a 80 « 39 à 72 p 33 à 38// 52 à 68// 50 à 60// 'i 5 à 80 // 40 à 50// Trichostrongylus colvbri - NenifUodu us filicollis Ostertagia circumcincla . . . Coopei ia Cvrticei Hœmonclius contortus Graphidium shHgosum .... Mecislocirrus digitaius. . . . 73 à 80// 175 à 200// 75 à 100» 63 à 70// 70 à 95// 100 à 105// 95 à 98// 40 à 43/* 95 à 100// 35 à 50// 30 à 32// 40 à 50// 50 à 60// 52 à 55 // 2. L'œuf après la ponte. - Les œufs, après avoir été expulsés du corps de la femelle, arrivent dans des milieux différents; suivant les espères que l'un considère. C'est chez Hœmostrongylus vasorum, espèce qui habite le cœur droit et l'artère pulmonaire du Chien, pue l'œuf est pondu au stade le moins avancé. Cet œuf n'arrive d'ailleurs jamais dans le milieu extérieur et il continue à se développer dans le cours de ses pérégrinations à travers les vaisseaux sanguins du Chien. Il est d -abord entraîné dans les branches de l'artère pulmonaire, puis dans les artérioles qui leur font suite el c'est là qu'a lieu l'éclosion. Nous verrons ultérieurement quel est le sort des larves. 00 NEVEU-LEMAIRE Chez les Synthetocaulus, en particulier chez .S. rufescens, l'œuf esl évacué au stade morula dans les bronchioles el les alvéoles pulmonaires de l'hôte qui héberge la femelle. Jl continue .1 3'5 développer jusqu'à réclusion el l'embryon, i fois sorti de sa coque, passe dans les bronches et dans la trachée, tci encore l'œuf ne parvienl poinl dans le milieu extérieur. Dans les genres Dictyocaulus el Metastrongylus, les œufs pondus renfermenl un embryon complètement formé; ces œufs sonl mis en liberté dans les bronches de l'hôte el c'esl généra- lemenl dans les grosses bronches el dans la trachée qu'a lieu l'éclosion. Toutefois les œufs, arrivés dans le pharynx avec les mucosités trachéales, peuvenl être déglutis, en même temps que les larves déjà libres, el c'est alors dans le tube digestif de l'hôte qu'ils éclosen't, ce qui explique pourquoi on trouve si fréquemment des larves de l>. filaria, par exemple, dans l'intestin du Mouton. Dans l'un el l'autre cas. les œufs n'arrivent pas dans le milieu extérieur. Chez Hœmostrongylus suberenatus, l'éclosion ayanl lieu à l'intérieur même des utérus, l'embryon se trouve nus en liberté dans les bronches de l'hôte el l'œuf ne quitte pas le corps de la femelle, à. plus forte raison l'hôte qui l'héberge. Tous les cas que nous venons d'examiner se rapportent à des Metastrongylinœ el l'on peu) dire que, dans celle sous-famille, l'œuf, après la ponte, demeure dans l'organisme de l'hôte qui héberge la Femelle, que c'est là lii nombreuses expériences que nous avons faites à ce sujet. Ce qui est l'exception pour les Metastrongijlinœ est la règle pour 1rs Trichostrongylinœ, chez lesquels l'éclosion se produit habi- tuellement en dehors de l'organisme de l'hôte, dans le milieu extérieur. 92 NEVEU-LEM URE Dans l'un el L'autre cas le mécanisme de l'éclosion esl le même; aussi !)'• prendrons-nous ici qu'un exemple, celui de Dictyo- caulus filaria. Nous avons assisté très souvenl à l'éclosion de l'embryon dans cette espèce. Peu de temj s auparavanl l'embryon esl doué de mouvements plus accentués qu'à l'ordinaire; ces mouvements sonl tels que la coque de l'œuf se déforme sous l'impulsion de l'embryon el que le plus souvenl l'œuf s'allonge dans h' sens de son plus grand diamètre. Parfois même la partie antérieure 'le l'embryon appuyant sur la cuticule lui fait faire saillie el l'œuf perd la forme ovoïde qu'il avail toul d'abord fig. 29 . G'esl généralemenl ;'i ce momenl que la cuticule se fend ri que l'extrémité antérieure de l'embryon se montre hops île l'enveloppe cuticulaire. Dès lors les mouvements de l'embryon s'accentuenl <■! se poursuivenl jusqu'à ce qu'il soil complètemenl libéré do l'enveloppe dans laquelle M étail enfermé. Bientôt l'embryon n'a plus dans la coque 'le l'ce.uf que son extrémité postérieure cl. après quelques secousses réitérées, il s'en dégagé complètemenl ci s'agite libremenl dans le milieu où il se trouve. La durée de l'éclosion, une [ois !;i coque de l'œuf rompue, esl di' une ;'i (\eux heures. III. — La larve; ses métamorphoses. Après sa sortie île l'œuf, l'embryon esl devenu une larve cl c'esl cetle larve que nous allons maintenant suivre clans son évolution. I. Habitat. -- Les larves vivenl tout d'abord dans des milieux assez différents, (liiez les espèces parasites des voies respiratoires, comme les Metasirongylus, les Dictyocaulus cl les Synlhetocaulus, elles demeurenl un certain temps dans les mucosités abondanles des bronches ou île In trachée; de là elles peuvent être expulsées au dehors pur la voie nasale, ou bien elles sonl avalées avec ce- mucosités cl mi les trouve alors dans le tube digestif 'le l'hôte, où elle- restenl vivantes jusqu'à ce qu'elles soienl expulsées avec les excréments. Mlle- arrivenl 1res facilemenl par ces deux voies dans le milieu extérieur. Il n'en esl pas île meule des larves qui, après l'éclosion, se Irouvenl enfermées clans le lorrenl circulatoire, comme, celles (Vllirmoslronrjyhis vasorum. Il faul que ces larves se frayenl un passage pour arriver clans un organe qui communique avec l'extérieur. Au- i. parvenues dans les capillaires du poumon, elle- passent par effraction dans le-, dernières ramifications «les ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES lJ3 bronchioles, d'où elles cheminent dans les petites bronches, puis dans les grosses bronches el enfin dans la trachée. Arrivées là, elles se coniportenl comme les larves précédentes. Il résulte de ce que nous venons de dire que chez tous Les Metastrongylinœ, qu'ils soient parasites de l'appareil respiratoire ou de l'appareil circulatoire, les larves arrivent finalement de la même manière dans le milieu extérieur; il y a d'ailleurs un fort lien de parenté entre ces deux groupes de parasites, ainsi que le font remarquer Railliet et Henry (97), qui s'expriment à ce sujet de la manière suivante : « Il semblerait donc que les )> Metastrongylidœ (1) aient été primitivement des parasites de » l'appareil circulatoire, mais que la plupart d'entre eux aient » abrégé leur séjour dans le milieu sanguin pour se fixer dans . » l'appareil respiratoire et faciliter ainsi le passage de leur )> progéniture dans le milieu extérieur ». Les larves des Trichostrongylinœ, donl les adultes vivent dans le tube digestif de différents hôtes, se comportent différemment, i'éclosion ayant lieu dans la nature; elles ne vivent à aucun moment chez l'hôte qui hébergeait leurs parents et mènent de suite une vie libre dans le milieu extérieur. Les larves sont plus ou moins mobiles dans le milieu où elles se trouvent. Lorsqu'on les examine dans l'eau, on les voit demeurer immobiles pendant un certain temps, puis se contracter pendant quelques minutes pour reprendre leur position primitive et ainsi de suite. 2. — Morphologie. — Les larves des Metastrongylidae sont de petits êtres microscopiques, allongés et cylindriques, à extrémité antérieure plus ou moins arrondie et généralement effilés à leur extrémité postérieure. Leurs dimensions sont en rapport avec celles de l'œuf qui leur a donné naissance; elles varient entre 200 et 550 ;j. de long, sur une largeur de 10 à 25 \j.. Au point de vue de leur conformation, ces larves présentent deux types distincts, que l'on retrouve d'ailleurs chez les larves d'autres Nématodes. Les unes sont filariformes, c'est-à-dire que leur œsophage esl dirigé en ligue droite, sans présenter de renflements sur son parcours; les autres sont rhabditifnrmes, c'est-à-dire qu'elles ont un œsophage pourvu de deux renflements ou bulbes, séparés par une partie rêtrécie. Les larves filariformes s'observent chez les Metaslrongylixix et exceptionnellemenl die/ quelques Triohoslron.gylinœ, chez Nemalodirus filicollis par (1) Le terme de Metastronc/ylicLse, employé ici par Railliet et Uk.nry. correspond seulemenl a notre sou;j famille des MetastrongyUnse. 94 NE\ El -LËMAIRÈ exemple, tandis que les larves rhabditiformes se rencontrent chez la pluparl des Trichoslrongyhnœ. Nous décrirons une larve de chacune de ces formes, prenant, comme type des premières, celle de Diclyocaulus [ilaria et, comme type des secondes, celle de Graphidium strigosum. La larve dé Diclyocaulus {ilaria Tig. 29 et :;:; . récemment éclose, porte à son extrémité antérieure un petil bouton cépha- lique protractile el arrondi. Ce prolongemeni esl situé à l'endroil où devrai! se trouver l'orifice buccal qui n'existe pas. Immédia- tement au-dessous débute un lin canal, large d'environ 2 {>. 5, ijin est l'œsophage. Cel œsophage se voit aisément sur les larves vivantes et même sur les embryons, encore enfermés dans la coque de l'œuf; on le distingué égaleménl sur les préparations montées dans le lactophénol de Amann. Il se dirige de haul en lias en ligne droite, mai- sa longueur n'esl j • ; i s grande et, après un parcours «le 55 >j. environ, nu le perd de vue dans une masse granuleuse et compacte, qui occupe une grande partie de la longueur de la larve el presque toute sa largeur. Toute la portion du corps, dans laquelle l'œsophage esl distinct, est, transparente el l'on y remarque seulement quelques rares granulations; le reste du corps esl opaque jusqu'à 75 u environ de l'extrémité postérieure et la portion terminale est également transparente, avec quelques rares granulations. Cette opacité du corps el sa coloration blanchâtre tient à ce que l'intestin, qui l'occupe presque en entier, esl rempli de lins granules et de globules très réfringents, probablement de nature graisseuse, recouvrant les noyaux cl cachant les limites des cellules formanl le.- parois intestinales. Aucun autre organe n'est à signaler dans cette première forme larvaire. L'extrémité postérieure esl obtuse. La cuticule esl Qnemenl striée transversalement. La larve de Graphidium strigosum tig. 30), récemmenl sortie de l'œuf, esl arrondie à son extrémité antérieure, qui porte l'orifrce buccal. A la bouche fail suite un œsophage, d'abord très étroit, qui présente bientôl un premier renflement, puis se rétrécil avant d'aboutir à un bulbe postérieur, qui contient un appareil masticateur. Le reste de la lumière du tube digestif apparaîl très nettement au milieu des granulations qui l'entourent. L'extrémité antérieure, dépourvue de ces granu- lations, esl transparente presque jusqu'à la terminaison de l'œsophage. L'extrémité postérieure effilée esl égaleménl trans- parente à partir du poini où finil l'intestin. Ainsi constituée, celle larve est parfaitemenl capable de se nourrir dans le milieu extérieur. ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES Dû ■£«?£ \\\ tube digestif a sensiblement varié; l'œsophage s'est allongé et la partie claire qui l'entoure est au moins deux l'ois plus longue que clans la première forme larvaire. Le reste du tube digestif s'est considérablement rétracté dans le sens de la largeur et a pris une coloration jaune verdâtre pâle qui n'existait pas auparavant. Celle seconde l'orme larvaire est destinée à vivre un temps plus ou moins long, généralement plusieurs mois, dans l'eau ou ta terre humide; elle est beaucoup plus résistante que la 7 98 \r.\ia LEMAIRE première el Railliet a vu un certain nombre de ces larves reprendre leur activité après une dessiccation de soixante-trois heures, tandis qu'une dessiccation de deux heures sufïil géné- ralement pour tuer la premiè] e larve. Pendanl un mois, du 26 avril au 30 mai 1912, nous avons pu observer ces larves -ans qu'elles paraissent s'accroître; toutefois, le L9 mai 1912, nous avons eu l'occasion d'observer une larve qui effectuait sa deuxième unir, sans s'être débarrassée de l'enveloppe de la première mue Pig. 32 . L'extrémité posté- rieure de cette larve étail très nettemenl emboîtée dans deux enveloppes cuticulaires superposées, provenant, la plus interne de la mue actuelle, la plus externe de la mue précédente. D'autre part, l'extrémité antérieure présentait mi emboîtement analogue, quoique moins net. En examinant beaucoup plus lard des larves de Diclyocaulus fil-aria, tou- jours vivantes, mais avons obseï vé, le 10 novembre 1913, c'est-à-dire dix-sept mois après l'éclosion, une nouvelle forme larvaire, donl les dimensions étaient sensiblement les mêmes que celles de la larve précédente, mais dont la structure étail bien différente. Celle troisième forme larvaire (fig. 33) possède un tube digestif à cellules nettement distinctes et teinté de jaune verdâtre. La bouche est située à l'ex- trémité antérieure où elle se présente sons l'aspect d'une ouverture circu- laire. L'anus, sub-terminal, est situé sur la face ventrale. La cuticule est finement striée transversa- lement et, dans le quarl postérieur du corps de l'animal, on remarque une masse cellulaire granuleuse qui esl l'ébauche de la glande génitale. Ainsi constituée, cette troisième forme larvaire semble parfaitement organisée pour" mener pendant longtemps une vie libre et c'est très vraisemblablement sous e-» lie forme qu'elle doit pénetn r dan- l'organisme du Mouton mi de divers autres Ruminants. Nous avons conservé aussi pendant longtemps dans l'eau cl i terre humide des larves de Synthclucaulus, s. rufescens 1 ■" 32 i leu ïième e di la Larve de Dictyocaului fllarla, grossie env. 2 10 fois. ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 99 el S. capillaris. Les premières ont l'extrémité postérieure ter- minée par un prolongemenl ondulé court et grêle, les secondes possèdent, en outre, une petite épine à ta naissance de la pointe on, [niée. Certaines de ces larves, mises dans l'eau le 3 décembre vouons FiG. 33. — Les trois premières formes larvaires de Dictyocaulus ftlaria, grossies environ 450 fois. J 00 NEVEU-LEMAIRE L913, étaienl «mkm.iv vivantes Lé 8 juin 1914; nous avons souvent cherché à observer la unie cheÉ ces espèces, mais sans y réussir. Toutefois, dans un loi de larves de S. rufestens, placées dans î'eau le L2 avril 1912, nous avons vu. le 15 juin suivant, une larve qui paraî| être la seconde forme larvaire de cette espèce (fig. 34). '/./;•; I Le: deux premières formes larvaires de Synlhelocaulus ruf* grossies envii on 150 l ORGANES RÉPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 101 Sans que la forme générale du corps ait beaucoup changé, le tube digestif présentait des modifications assez nettes; l'intestin en particulier était rétracté dans le sens transversal et avait pris une coloration jaune verdâtre, comme dans la deuxième forme larvaire de Dictyocaulus lilaria. IV. — Migrations. Les notions que nous venons d'exposer sur la biologie des Métastrongylidés nous ont permis de suivre ces Nématodes depuis leur état adulte dans l'organisme de l'hôte qui les héberge jusqu'à l'état de larves vivant libres dans la nature, larves ayant subi une ou plusieurs mues successives. Il nous reste à examiner ce que deviennent ces larves, comment elles parviennent chez l'hôte qui leur convient, pour se transformer en adultes. Un certain nombre de Nématodes [lassent, durant le cours de leur existence, chez divers hôtes successifs; ils subissent des migrations. Les Métastrongylidés sont-ils dans ce cas? Nous résumerons tout d'abord les observations et les idées ^^> auteurs sur cette question, puis nous exposerons nos idées personnelles basées sur les expériences que nous avons entre- prises au sujet de certaines espèces. I. — Développement direct certain sans hôte intermédiaire. 11 est démontré que certains Métastrongylidés ont un développement direct: l'une des espèces pour lesquelles cette démonstration a été faite est Hœmonchus contortus, qui vit à l'état adulte dans l'estomac des Ovidés et d'autres Mammifères. C'est à Ransom (99-100-102-103) que nous devons la plupart des notions précises relatives au développement de ce Nématode. Nous savons que l'œuf est pondu à un certain degré de segmen- tation et que l'éelosion a. lieu dans la nature. Les larves rhabdi- ti formes présentent deux bulbes œsophagiens, dont le postérieur contient un appareil masticateur; mie fuis sorties de la coque de l'œuf, elles commencent presque immédiatement à prendre de la nourriture et grossissent très rapidement, pour atteindre en peu de jours leur taille maximum. Elles passent, en effet, très vite d'une longueur de 350 a à une longueur de 650 et même de. 820 fi. Durant cette période d'accroissement, elles. subissefnt plusieurs mues. Arrivées à leur complet développement, les larve- sonl entiè- rement enfermées clans la cuticule sans que le tube digestif, ni les organes excréteurs ne communiquent avec l'extérieur. 102 NEVEU-LEMAIRE Ransom a montré qu'à ce stade les larves présentaient une grande résistance au froid el à la sécheresse; d'autre part, il a constaté que ces mêmes larves, dès que l'atmosphère étail saturée d'humidité, montaienl avec une remarquable facilité sur des surfaces verticales, par exemple sur les parois d'un vase contenait de l'air numide, ou encore à la surface de gazon cultivé dans une atmosphère saturée d'eau. Dans ces conditions les larves peuvenl parcourir une distance de six millimètres par heure. Dans la nature les larves répandues sur le sol profitent donc des temps humides ou des nuits de rosée pour cheminer de bas en haul le long des brins d'herbe el finalemenl se fixer à leur sommet fig. 35 . Là elles attendenl passi- vemenl qu'elles soiehl avalées, on môme temps que l'herbe sur laquelle elles se sonl placées, par les Mou- tons qui vont au pâturage. Elles gagnent alors l'estomac de leur hôte, où elles s;' transforment en adultes. < les notions concordent parfaitement avec ce que nous savons de l'étio- logie «les épizooties ver'mineuses, dont l'apparition et la r< crudescence sont intimement liées aux condi- tions climatériques cl qui sévissenl toujours au cours des années plu- vieuses. Ransom démontra l'infestation di- recte en expérimentant sur quatre Moutons qu'il avail préalablement débarrassé «les parasites qu'ils pou- vaient héberger par un traitement approprié. Il conserva deux d'entre eux comme témoins et lit ingérer aux autres de nombreuses larves. Il retrouva dans les deux témoins quelques Hœmonchus contortus adultes, provenant sans aucun doute d'une infestation antérieure et ayant résisté au traitement antihelminthique, tandis que chez les deux Moutons tés e périmentalement, il rencontra des Hœmonchus contor- tus au nombre de plusieurs milliers. Le développement direcl i\ Il . contoi lus ne fait donc aucun cloute, Fig. 35 Larvi d'IIinmoi chus a ntortus à i exti émité cl un brin il i. eni iron ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES \0?> Trichostrongylus retortseformis, qui habite l'intestin grêle du Lapin, a également un développement direct. Railliet 84 , en 1889, eu faisant ingérer, ;'i un Lapin indemne, «les larves du Nématode en question, obtinl le développement du parasite adulte cl démontra ainsi qu'il n'y avait point d'hôte intermé- diaire. Ransom 101). de novembre I906'à mai 1907, confirma, les observations de Railliet cl montra que les larves de T. retortœ- formis étaient capables, quinze jours après leur éclosion, d'infester directement un nouvel hôte, chez lequel elles se transformaienl en adultes, capables de se reproduire au bout d'un mois. Graphidium strigosum, que l'on rencontre dans festom'ac des Léporidés, a aussi, d'après Railliet, un développement direct, sans hôte intermédiaire. Railliet et Ransom pensenl également que le développement d'Ostertagia Ostertagi est direcl et peul s'effectuer sans l'inter- vention d'un hôte intermédiaire, (l'est au cours de l'automne que l'infestation semble avoir lieu, car, à la. lin d'octobre et en novembre, un trouve, dans la caillette des animaux infestés, de- larves ayant une longueur d'environ un millimètre et demi. Aux mois de décembre et de janvier, ces larves, qui possédaient deux dents buccales et un bulbe pharyngien à quatre pli.-, subissent une mue au cours de laquelle elles présentent diverses modifications et augmentent légèrement de longueur. A la fin de l'hiver une autre mue se produit cl les Nématodes parviennent à l'état adulte. Remarquons que tous les exemples que nous venons de donner nid Irait à des Trichostrongylinse et il est aujourd'hui classique d'admettre que ces Strong'les ont un développement direct. 2. — Développement direct non démontré. - A côté des Tri- cljostrongylin.v, qui, nous venons de le voir, ont un dévelop- pement direct certain, nous avons les Metastrongylinœ, pour lesquels les résultats des expériences relatives au développement direct ont été tantôt contradictoires, tantôt négatifs. Quoi qu'il en soit, la nécessité d'un hôte intermédiaire n'a jamais été démontrée d'une manière précise, ainsi que nous le verrons ultérieurement. 1° Résultats contradictoires. — ■ Laulanié, ayant fait ingérer des larves LVHcvmostrongijltiï vasorum à des Chiens, avait obtenu l'infestation de ces derniers, mais il faut dire que ses expériences avaient eu lieu à Toulouse, dans un milieu où la I< il \K\ El -LEMAIRE strongylose hématique du Chien est très répandue ei qu'il pouvail \ avoir eu par conséquenl une infestation préalable. En effet, I! Mi.i.ir.r essaya à deux reprises différentes d'infester des i Ihiens à Al'forl sans y parvenir. 2° Résultats négatifs. En ce qui concerne Synthelocaulus rufesccns, parasite des bronchioles . environ, l'œsophage étail dislincl ei l'intestin plus apparent. On plaça quelques-unes de ces larves sur les lobules humides d'une feuille de Fougère et, le lendemain, c'estrà-dire le sixième jour, ces larves, presque visibles à l'œil nu. avaienl atteinl une longueur de 846 ;->., présentanl un tube digestif plu- net ei eontenanl une série de cellules qui représentaient l'ébauche de l'appareil génital. Le septième jour, une de ce- larves avail netlemenl l'aspecl d'un mâle ei une autre étail eu train de muer, c.ede dernière acheva sa mue le lendemain et présenta alors tous les caractères du mâle avec une bourse caudale ei des spicules. Lu abaissemenl brusque de la température empêcha l'auteur de poursuivre ces expériences. Il conclul néanmoins que l>. viviparus avail un hôte intermédiaire, le Lombric, dans l'intestin duquel les laryes subissaienl de- modifications de ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 105 structure, puis étaient évacuées avec les excréments du Ver do terre, déposés en tortillons sur le sol, d'où elles passaient passivement avec les herbes clans l'organisme des Bovidés. i° Discussion. - Disons tout d'abord que les expériences à résultats contradictoires on négatifs, en vue de l'infeslation directe de l'animal; ne démontrent en aucune façon que celle infestation directe n'existe pas. En effet, les larves ingérées pouvaient n'être pas au stade, où elles sont capables d'infester directement leur hôte, ou bien le mode d'infestation expéri- menté pouvait n'être pas celui qui se passe dans la nature; on a pu, par exemple, luire ingérer par la voie buccale dos larves qui ne sont capables d'infester leur hôte que si elles pénètrent par la voie cutanée. Dans tous les cas. il est à remarquer, abstraction faite des observations de Gobbold que nous alitais discuter dans un instant, qu'on n'a jamais signalé chez aucun Métastrongyliné la nécessité «lu passage par un hôte intermé- diaire. 5° Infestation expérimentale du Lombric avec des larves de Dictyôcaulus filaria. Des considérations précédentes nous ont conduit à faire quelques expériences sur les larves de Dictyô- caulus filaria, dont nous poursuivions l'élevage et de voir si ces larves pouvaient vivre dans l'organisme du Ver de terre, considéré par Gobbold comme étant l'hôte intermédiaire d'une espèce très voisine. I>. uiviparus. De il* avril 1912, nous avons placé dans un bocal n" 1 une coudie de terre de vingt centimètres d'épaisseur. Délie terre était à l'abri de toute contamination antérieure an poinl de vue qui nous occupe, car elle provenait d'un vase contenant une plante d'ornement et n'ayant pas quitté un appartemenl parisien depuis plus de vingt uns. Nous avons mis sur celle terre, préalablement humectée avec de l'eau filtrée, huit Vers de terre de taille différente^ recueillis dans un jardin où n'étaient jamais entrés ni Moutons, ni Chèvres, puis nous avons répandu des fragments de femelles de l>. filaria, dont les utérus étaient encore remplis d'œufs vivants, des œufs embryonnés et *\r< larves vivantes récemment écluses: Dans un bocal témoin n° 2. nous avons placé les mêmes éléments parasitaires dans de l'eau filtrée, renouvelée de temps en temps. De 26 avril, nous constatons dans la terre humide du bocal n" 1 et dans l'eau du bocal n" 2 la présence de larves en train de subir leur première mue on venant de la subir. De même jour 1,M'| NEVEU-LEMAIRE nous examinons un excrémeni de I ibric trouvé à la surface de la terre du boca] n° I et, après l'avoir délayé dans de l'eau distillée, nous y trouvons des larves vivantes de U. {ïlaria ayant -ubi leur première unie. Le 29 avril, nous recueillons dans le bocal n° I un Ver de terre, dans le contenu intestinal duquel se trouvent trois larves vivantes ayanl subi leur première mue et une quatrième qui semble beaucoup moins vive. Il résulte de ces expériences que les larves de D. fïlaria, répandues dans la nature avec les déjections 'l'un Mouton contaminé, subissent une première mue cl arriveni à \\\\ deuxième stade larvaire indistinctemen! dans l'eau, dans la terre humide nu dans l'organisme du Lombric. D'après nous 73), le Ver de terre ne serait donc pas un hôte intermédiaire, maïs simplement un hôte accidentel, à l'intérieur duquel les larves subissent les mêmes modifications que dans In nature. Aussi est-il permis de penser de la même manière, en ce qui concerne les observations de Cobbold sur les larves de l>. viviparus; là aussi, le Ver de terre n'est vraisemblablement qu'un hôte accidentel el les transformations larvaires observées dan- son tube digestif se produisent probablemenl de la même manière dans la. nature. D'après ce qui précède, il esl possible d'admettre que les MetastrongyUntc nid. toul comme les TrichostrongyUnée^ un développemenl direcl el que leurs larves, après un nombre variable de mues, parviennent dans l'organisme île l'animal, où elles se transforment en adultes, -ans qu'elles aient besoin de passer par un hôte intermédiaire. :i. — P.Tcde de pénétration de la larve dans l'organisme de son hôte. Nous avons vu que pour le- Trichoslrangylinœ c'est, loul au moins dans la grande majorité de- cas, par la voie buccale qu'a lieu l'infestation île l'hôte. Mais en est-il de même clic/ les MetastrongyliritC? Voyons quel peul être chez ces* derniers le mode d'introduction de 1,1 larve dan- l'organisme de si m b elle. I" Hypothèses en présence. Revenons encore à Diclyocaulus filaria et, en admettant que la larve pénètre directement dans l'organisme du Mouton, voyons comment se fait l'infestation el quel chemin parcourl cette larve pour aboutir finalement dans les Brosses bronches el la trachée de son hôte. ORGANES REPR0DUCTE1 RS CHEZ LES STRONGLES 107 Jusqu'ici deux hypothèses étaient en présence : Dans la première on admettail que la larve, introduite par la bouche avec les aliments, arrivait dans le pharynx et passait directemenl dans la trachée el les bronches pour s'y transformer en adulte. Dans la seconde, on pensail que la larve, introduite dans l'organisme soit par la voie buccale, soit par la voie cutanée, arrivai! dans le système circulatoire et était entraînée jusque dans les poumons, d'où elle gagnail les bronches de diamètre de pins en plus grand, pour s'arrêter dans les grosses bronches el la trachée. . l'eus l'occasion, an cours de mes recherches sur le Strongle Pilaire, d'observer certains faits qui viennent jeter quelque lumière sur cette intéressante question. 2° Infestation congénitale du Mouton. Le II février 1912, dans la bergerie où je poursuivais mes observations, un Agneau de quatre jours mourait, ;iy;ml toujours été Ires faible depuis sa naissance. Dans sa trachée se trouvaienl quelques adultes de Dictyocaulus filaria. Cet Agneau n'ayanl pas quitté la bergerie, -.a contamination était difficile à expliquer et, même en admettant qu'elle ail eu lieu depuis sa naissance, il (''lait impossible que les Vers fussent arrivés en si peu de jours à l'état adulte. Une seule hypothèse était doue possible : c'était celle d'une infestation congénitale. Le Ier avril suivant, j'en.- l'occasion d'observer dans les voies aériennes d'une Brebis, âgée de 3 ans. morte cachectique, les mêmes Strongles. Cette Breois était pleine el son fœtus, a terme, hébergeai! également dans la trachée plusieurs exemplaires de Dictyocaulus filaria adultes. Mon hypothèse se trouvait donc ainsi confirmée ci. des <\t'\\x faits précédents, il résulte que la contamination intra-utérine existe (74). 3° Pénétration probable des larves de Metastrongylinee chez leur hôte i>ar effraction des vaisseaux sanguins dans les dernières ramifications bronchiques, puis, en suivant les bronches de calibre de pin- en pins grand, elles atteignent les grosses bronches el la trachée, vraisemblablement après avoir subi plusieurs mues avant de se transformer en adultes. Après rr qU,e nous venons de dire, il nous esl Facile d'expliquer l'infestation du fœtus. Il se peul. en effet, que quelques larves, au lieu de passer directement de- artérioles pulmonaires dans les bronches, s'égarenl dans les veinules du poumon. Elles sonl alors entraînées dans le sang des veines pulmonaires jusque dans l'oreillette gauche, puis dans le ventricule gauche, d'où elles sont lancées dans la grande circulation-. Par les artères utérines, elles arrivent jusqu'au placenta, qu'elles traversent facilement, étant donnée sa structure, et parviennent par les veines ombilicales jusque dans l'organisme fœtal. Du cœur du fœtus elle- gagnent les poumons, puis les bronches et finissenl par se développer dans les grosses bronches el la trachée, comme elle- l'auraient lad dans l'organisme maternel. il e-l vraisemblable d'admettre pue 1rs autres Metastrongy- linœ, parasites de l'appareil respiratoire se comportent comme Dictyacaulus fQaria el que leur- larve- parviennent dans les poumons, les bronches nu la trachée par la voie sanguine. La larve se transforme eu adulte-dans le parenchyme pulmonaire mi dans les bronchioles chez la pluparl *\>'< Synthetocaulus, dans 1rs petites el les moyennes bronches chez les Mctastron (jylus el dan- les grosses bronches ou la trachée chez les DictyocouluSi ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES 109 La pénétration des larves par la voie sanguine esl encore plus évidente chez la seule espèce parasite de l'appareil circulatoire : Hœmostrongylus vasorum. Chez ce Strongle, parasite du cœur ilmit et de l'artère pulmonaire du Chien, la larve, arrivée dans l'oreillette droite, est rendue à destination el s'} transforme en adulte. Cette larve doit pénétrer probablement (\;\u> l'organisme du Chien, qui est un animal carnassier, par la peau, ce qui n'a rien de surprenant, puisqu'on esl arrivé à infester expérimen- talement cet animal par la voie cutanée avec les larves d'autres Strongles tels qu'Ânkylosloma caninum. RESUME Les Metaslrongylidœ se reproduisent comme lu généralité des Nématodes. Les mâles sont plus rares que les femelles et s'accouplent à l'aide de leur bourse caudale, organe de fixation, et de leurs spicules, organes d'intromission. La segmentation de l'œuf et le développement embryonnaire ne présentent aucune particularité. Au moment de la ponte, les œufs sont expulsés à des stades très divers suivant tes espèces; ainsi chez Hœmostrongylus vasorum l'œuf est à peine segmenté, tandis que chez Hœmo- strongylus suberenatus, non seulement l'œuf renferme un embryon complètement forme et mobile, mais encore l'éclosion peut avoir lieu dans les utérus avant la ponte. Le mécanisme de la ponte est d'ailleurs variable suivant que les femelles possèdent un appareil ovojecteur, comme chez les Trichostron- gylinœ ou ne possèdent point cet organe, connue chez les Metastrongylinœ. L'œuf, ovoïde, de dimensions variables, à cuticule peu épaisse, se comporte différemment, après la ponte, suivant que l'on considère les Metastrongylinœ ou les Trichostrongylinœ. Chez les premiers, l'œuf n'arrive à aucun moment dans la nature et demeure dans l'organisme de l'hôte qui l'héberge jusqu'à l'éclosion. Chez les seconds, l'œuf arrive dans le milieu extérieur avant d'avoir achevé son développement el c'esl dans ce milieu qu'éçlôt l'embryon. L'éclosion se fait d'ailleurs de la même manière dans l'un et l'autre cas. La larve, chez les Metastrongylinœ, demeure d'abord uw certain temps dans l'organisme de l'hôte qui a hébergé ses parents avant d'arriver dans le milieu extérieur. Chez les 1 H» M'A El -LEMA1RE Trichustrongylinœ, elle est mise en liberté dans la nature, sans avoir été parasite. Ces larves on) l'aspecl de petits Nématodes microscopiques el sonl mobiles dans le milieu où elles vivent. Au poinl de vue de leur structure, elles sont tantôt filariformes, comme chez les Melastrongytinœ, tantôt rhabditiformes, comme chez l;i plupart des Trichosirongylinœ. Elles subissent des métamorphoses et, après chaque unie, elles présentent des modifications, tant au poinl de vue de leur- dimensions et de leur conformation qu'au poinl de vue de leur genre de vie. Nous avons constaté l'existence de trois formes larvaires successives chez Dictyocaulus filaria. Il est démontré que les larves d'un certain nombre do Mélastrbngylidés n'effectuenl point de migrations; leur déve- loppement est direct, sans nécessiter la présence d'un hôte intermédiaire. Cette démonstration a été l'aile pour Usemonthus çonlortus, Trichostrongylus retoî'tœlormîs, Grapliidium slri- gosum et < )stcrti<-hj<>- caulus filaria uni toujours échoué; enfin on a signalé la présence d'un hôte intermédiaire, le Lombric Lumbricus terrestris) pour les larves de Dictyocaulus viviparus. Les diverses observations ne démontrent pas que l'infestation directe n'existe pas, car ou a pu, d'une [tari, faire ingérer aux animaux en expérience de.- larves qui n'étaient pas au stade convenable pour se développer, d'autre part, ne pas utiliser la. voie par laquelle se l'ail dans la nature la pénétration de la larve comportent d'une raçon identique, qu'elles se trouvent dans l'eau, dans la terre humide ou dans l'organisme du Ver de terre. Il semble résulter de toutes les observations laites jusqu'à ee jour que les MctastrongyliriiC nul aussi un développement direct. Mais alors quel sera le mode de pénétration de la larve dans l'organisme de son hôte? En ee qui concerne les Trichostron- c'est en général par la voie buccale que se l'ait ORGANES REPRODUCTEURS OIIEZ LES StRONGLES 111 l'infestation. En ce qui concerne [es"Metastrongylin&, deux hypothèses se trouvaienl en présence : la première, dans laquelle l'infestation avait lieu pur In voie buccale, les larves passant directement du pharynx dans les voies respiratoires; la seconde, dans laquelle l'infestation avail lieu par l'intermédiaire de l'appareil circulatoire, (pic les larves pénètrenl chez leur hôte soit par la voie buccale, suit par la voie cutanée. Deux observations relatives à l'infestation congénitale du Mouton par Dictyocaùlus filaria m'ont démontré que le passage des larves dans le torrent circulatoire est possible, ce qui permet de considérer comme probable la deuxième des hypothèses émises ci-dessus. La larve de Dictyocaulus [ilaria nous semble donc pouvoir pénétrer, chez le Mouton par exemple, soit par la bouche, sdit par la peau (\u museau ou des pattes et de là gagner, dans le premier cas. la veine-porte, puis la veine-cave, dans le second cas, la veine-cave, pour parvenir dans l'oreillette droite, puis dans le ventricule droit et finalement être lancée dans la circu- lation pulmonaire, d'où elle gagnerait les bronchioles et Les bronches. L'infestation par les autres Metastrongylinœ, parasites de l'appareil respiratoire, se fait vraisemblablement de la même manière. Enfin ce mode d'infestation par la voie sanguine semble encore plus évident en ce qui concerne Hœmostrongylus vasorum, parasite du cœur droit du Chien, le 'seul Strongle connu jusqu'ici comme vivant, à Tétai adulte, clans l'appareil circulatoire. CONCLUSIONS I. — Les Metastrongylidœ ou Strongles dépourvus de capsule buccale comprennent deux sous-familles très voisines, mais nettement distinctes : les Metastrongylinse cl les Trichoslron- gylinœ. Les premiers vivent en parasites dans l'appareil respi- ratoire ou dans l'appareil circulatoire, d'un grand nombre de Mammifères, principalement d'herbivores; les seconds sont parasites du tube digestif également de nombreux Mammifères et aussi de quelques Oiseaux. Le corps <\r> Metastrongylinœ est plus long, proportionnellement à son diamètre, «pie celui des Trichostrongylinœ. I LZ \L\ El -LEM \ii:i. II. Dans les deux groupes, les mâles sonl plus petits que les femelles el s'en distinguenl par la présence, à l'extrémité postérieure du corps, d'une bourse caudale ou copulatrice. Les organes génitaux internes du mâle, toujours formés d'un tube unique, présentent chez (nus une disposition semblable; par contre, la bourse caudale esl sensiblemenl plus petite, comparée à la taille de l'animal et au diamètre du corps, chez les Meta- strongylinœ que chez les TricJiostrongylinœ. Quanl aux spicules, leur forme el leurs dimensions varient considérablement «l'un genre à l'autre, aussi bien dans un groupe que dans l'autre. III. L'appareil génital femelle, toujours double, présente trois l\ pes de conformation différents : r Le type Nematodirus, à ovaires et à utérus relativement courts, avec un. appareil ovojecteur très développé, se rencontre dans les genres Nematodirus, Tvichostrongylus, Osterlagia et Cooperia, qui sont tous des Trichoslrohgylinœ. 2° Le type Uœmonchus, y ovaires très longs el à utérus très courts, avec un appareil ovojecteur assez bien développé, s'observe dans les genres Hœmonchus, Graphidium el Mecis- tocirrus, qui sont aussi des TrichosirongyUnée. '■'>" Le type Dictyocaulus, à ovaires el à utérus très longs, sans appareil ovojecteur, se rencontre dans les genres Diclyocaulus, Metastrongylus^ Synlhetocaulus et Hœmostrongylus, qui sont tous (1rs Metastrôngylinw. La longueur du corps de la remelle el la position de la vulve, qui peut être située en un poinl quelconque de la deuxième moitié du corps de l'animal, ont une influence très nette sur la disposition générale des divers organes de l'appareil génital femelle. IV. Les mâles sonl moins nombreux que les femelles. Après la fécondation, la segmentation de l'œuf el le dévelop- peménl embryonnaire se poursuivent dans les utérus; toutefois les œufs sonl pondus à un stade de développemenl très variable suivanl les espèces, aussi bien chez les Metastrongylinse que chez les Tricho$trongylinœ\ tantôl fœuf est pondu à peine segmenté, tantôl il renferme un embryon complèlcmenl formé. L'œuf, après la punie, demeure, etiez les Metaslrongylinœ, dans l'organisme de l'hôte qui héberge la femelle el y éclos; chez les TrichostrongylinçB, il parvienl rapidement dans le milieu extérieur el c'esl dans la nature qu'a lieu réclusion. ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGL] tl3 La larve des Metastrongylinœ a donc une première phase parasitaire avant de passer dans le milieu extérieur; cette phase n'existe pas chez les Trichostrongylinœ. Arrivées dans la nature, les larve.-, y subissenl de? métamorphoses et, après chaque mue. leurs dimensions et leur conformation varient. V". — Il est actuellement démontré qu'il n'y a pas de migrations chez les Trichostrongylinœ et que leur dévelop- pement est direct, sans nécessiter l'intervention d'un hôte intermédiaire. La ques^fon est moins nettement tranchée en ce qui concerne les Metastrongylinœ; toutefois les expériences, en apparence contradictoires faites sur ces derniers, ne démontrent en aucune façon que l'infestation directe n'existe pas. Quant à la nécessité d'un hôte intermédiaire, nous avons montré, en infestant expérimentalement des Lombrics avec des larves de Dictyocaulus filaria, que le passage de ces larves par le Ver de terre n'est pas indispensable à leur évolution et qu'elles se comportent de la même manière el subissent les mêmes métamorphoses, si on l'es laisse dans l'eau ou la terre numide. Nous pensons donc que les Metastrongylinœ ont également un développement direct. VI. -- La pénétration de la larve dans l'organisme de l'hôte qu'elle doit infester se fait, dans la majorité des cas, chez les Trichostrongylinœ par la voie buccale et eelte larve achève son développement et devienl adulte dans le tube digestif de son hôte. Chez les Metastrongylinœ les cas d'infestation congénitale par Dictyocaulus filaria, que nous avoirs observés chez le Mouton, montrent que le passage îles larves dans le torrent circulatoire est possible. Que la porte d'entrée soit la bouche ou la peau, les larves doivent gagner vraisemblablement la veine-cave et arriver dans le cœur droit. Tantôt les larves demeurent dans cet organe et s'y transforment en adultes, comme c'est le cas pour la seule espèce comme parasite du système circulatoire; tantôt elles sont lancées par le ventricule droit dans la circu- lation -pulmonaire, d'où elles peuvent gagner facilement les bronchioles, puis les bronches et la trachée, organes dans lesquels elles aehèveni leur développement, ce qui est le cas pour les espèces, beaucoup plus, nombreuses, parasites de l'appareil respiratoire. ili NEVEU-LEMAIRÉ HlBLlniilï \|'11TK 1. Anacker II.. Palhol. anatomische Notizen Strongylus micrurus in d. Lunge d. Rinder. [Thierarzt. XVIII, p. 79-80, 1879.) 2. 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(Lancet, II. p. 342- 343, 1874.) 30. Farqi harson (R.). - - The Grouse disease. [The Veterinarian, XLV11, p. 725-733 el p. 925-927, 1874. 31. Garln (C). — Recherches physiologiques sur lu. fixation cl le mode de nutrition de quelques Nématodes parasites du tube digeslif de l'homme et des animaux. (Thèse de science, Lyon, p. 87-98, 1913.) 32. Gerlach (A. C). - - Entwickell sich Strôngylus contortus aus d. Eiern v. Strôngylus filaria. [Jahresbericht à. Kgl. Thierarzneischule v. Uannover, p. 72, 1869-1870. 33. Grassi et Cai.andruccio. - tntorno ad una malattm parasitaiia (Cachessia ittero verminôsâ) ( Uii Arc Giœnia
  • stis Dujardin. (Bulletin (le lu Société zoologique de France, XIII. p. 210, 1888. 83. Raii i mi \. . Bulletin d'1 lu Société centrale de médecine vété- rinaire, p. 99, 1888. 84. Railliet (A.). Développemenl expérimental du Strongylus slrigosus Duj. el du Str. relorlccformis Zeder. [Bulletin ! Animal Ïnduslry. Circular n° 102, 1907. 101. Ransom (B. II.). - Notes on parasitic Nematodes, including descriptions m!' riew gênera and species, and observations on life historiés. / . s. Department '*>/' Agriculture. Bureau o/ Animal Industry. Circular 110, 7 p., 1907. 102. Ransom .1!. II.). — Note on the Life History ni' the Nematode Hsemonchus contortus. imerican Assoc. Adv. Science, X. S., XX V, p 735, 1907.) 103. Ransom P.. II. . — The prévention of losses among Sheep from stomach Worms Hsemonchus contortus . (U. s. Department of [gricnlture. Bureau of Animal Industry. Circular 157, lo p., 1908.) 120 NEVEU-LEMAIRE 104. Ransom B. I!.. ■ Tbe Ncmatodes parasitiç in the alimentary trad of Caille, Sheep and nther Ruminants. / . S. Depai tment of Igiicullure. Bureau of inimal Indnstry. Bulletin \^7, 132 p. el 152 figs., Washington, 1911/ 105. Ransom is. II.. Two new species of parasitiç Nemalodes. Proccedlngs of the United States National Muséum, XI. T. ]). 363-369, 1911. 106. Ransom (B. H.) and Hall M C. , \ ne/H Nematode, Osterlagla bullosa, parasitiç in Lhe alimentary tract of Sheep. Pro- dings of the l nlied States \ allouai Muséum. XI. II. p. 175- 179, 1912. 107. Roloff (F.). — Pneumonie durch Parasiten erzeùgt. Mltth. a. d. thierurzll. Praxis in Preussen, 1865-1866. lus. Sanderson B.). On lhe subjecl of the Grouse disease. British Médical Journal, p. 653, 1875. (09. Si i rat. - - Le « Gundi », nouvel hôte de N. fllicollls Rud. . [Comptes rendus des séances de la Société dé biologie, n° 16, p. 954, 1913.] 110. Si mu • i.m \\\ II. . - Ueber den anatomischen Bau des Strongylus convolutus Ostertag, nebsl einigen Bemerkungen zu seiner Biologie. (Inaugural Dissertation, Berlin, 1891. 111. Stadelmann l1 . - Znr Finge des Strongylus convolutus. Zeltschrift fur Flelsch- und Mllchhygiene, 11!, p. 219, 1893. 112. Stephens (J. W. W.). — A new human Nfematode, Strongylus Gibsoni, n. sp. [Annals of Tropical Medlcme and Parasllology, II. n° \, p. 315, 1909. 113. Stevenson (E. C). — l . S. Department ôf agriculture. /;». 148-150, 1901.) 127. Ziegler (H. E.). -- Untersuchungen ttber die ersten Entv/ick- lungsvorgânge der IXematoden. [Zeitschrift fin- wissenchaft- liche Zoologie, FX. 1895. 128. Zûrn I-'. A.). -- Die Lungenwurmseuche il. Rehe Strongylus filaria). Deutsch, Jagdztg., p. 130, 1879. 121». Zwaenepoel el Coppens. — De la bronchite vermineuse des Bovidés el de son traitement par pulvérisations intra-tra- cbéales. [rivales de médecine vétérinaire, n° ■>. p. 262-269, 1909.) 130. Règles internationales de la no nclature zoologique adoptées par les Congrès internationaux de zoologie. (De Rudeval, Paris, 1905.) LISTE DES FIGURES Pages Fig. 1. — Quelques espères de Melastrongylinse, grossies 5 fois et grandeur naturelle :^:)> Fig. 2. Quelques espèces de Tricfwstrongylinsr, grossies ."> fois ri grandeur naturelle 34 Fin. :!. Extrémité antérieure (]<' quelques Melaslronyylidtc, grossie environ do fois 36 Fin. i. - Extrémité postéiieure el bourse caudale <\c quelques maies, grossies environ 90 fois 37 Fin. 5. — Extrémité postérieure de quelques fe Iles, grossie environ 90 fuis 39 122 NEVEU-LEMAIRE Pagres Fig. 6.- Figure demi-schématique représentait l'ensemble de l'appareil génital maie d'un Metaslrongylidœ, grossi environ 50 fois 13 Fig. ?. Figure schématique représentai 1rs lobes el 1rs côtes de la bourse caudale d'un Melasirongylidae, vue dorsale m Fie. s.- Figure schématique représentai la disposition de la bourse caudale chez les Metasirongylinse, vue dorsale 17 Fig. 9.— Figure schématique représentai la disposition de lu bourse caudale chez quelques Trichostrongylinse, vue dorsale 51 Fig. 10.- Figure schématique représentant la disposition de la bourse caudale dans les genres Nematodiru.î et Haemonchus, vue dorsale 5V2 Fig. 11.- Bourse caudale ri spicules de quelques Metaslrongy- liil;r. grossis environ 15 fuis 55 Fig. 12. — Figure demi-schématique représentant une moitié de l'appareil génital femelle d'un Metastfongylidse, grossi environ j)U fois 59 Fig. 13. — Trois portions du corps ^f la femelle (\<> fois 63 Fig. 14. - Portion du corps <\*' la femelle ù'Ostertagia circum- cincla, montrant la disposition <\<'> œufs dans l'utérus, grossie environ 90 fois 04 Fig. 15. — Portion du corps df la femelle iïllwmonchus coniorius. montranl 1rs circonvolutions des ovaires autour du tube digestif, grossie environ 90 fois 65 Fig. 16. — Région moyenne du corps >\r la femelle de Dictyo- caulvs filaria, grossie environ 90 fois 69 Fig. 17. Région postérieure du corps de la femelle ^>' Mela- slrongylvs clongatûs, grossie environ mu fois ~- Fig. 18. Figure schématique représentant 1rs modifications <\r l'appareil génital femelle résultanl <\c la forme du corps 75 Fig. 19. - Figure schématique représentant 1rs modifications <\'- l'appareil génital remelle résultant <\<' la situation de la vulve 77 Fig. 20. • Accouplement chez llmmorkchus contorlus, grossi :» fois 82 Fig. 21. Quelques stades du dôveloppemenl y\r l'œuf chez Dichjocoulus {ilaria, grossi environ 260 fois 83 Fig. 22. Gïuf non segmenté 86 Fig. 23. Œuf avec commencemeul de segmentation 86 i [g. 2-i. Œuf au stade morula 86 ORGANES REPRODUCTEURS CHEZ LES STRONGLES [23 Pages Fig. 25. — Œuf dans lequel se forme l'embrjron 86 Fig. 26.— Œuf embryonné 86 Fig. 27. - tëclosion de la larve 86 Fig. 28.— Larve libre RG VNES GÉNITAl X FEMELLES 59 J. Vue d'ensemble de l'appareil génital femelle 60 II. Différents aspects présentés par lappareil génital femelle. 60 1. --Typo Nematodirus 61 1° Nematodirus filicollis 62 2° Os'lertagi'à circumcincla 64 2. --Type ïïsemonchus 64 1° îlsemonchus contorlus 65 2° Graphidiun\ sLrigosum 66 :!" Mecistocirrus digilatus 67 3. — Type Dictyocaulus 68 1° Dictyocaulus filaria 70 2° Metastrongylus elongalus 71 3° Kœmostrongylus vasorum 1- 111. Considérations générales sur l'appareil génital femelle des Metastrongylidae 75 1. — Modifications de l'appareil génital femelle, résul- tant de la forme du corps 75 2. — Modifications de l'appareil génital femelle, résul- tant de la situation de l'orifice vulvaire 77 RÉSUMÉ 79 CHAPITRE V Reproduction * 1 I. De l'accouplement à la ponte si 1. — Accouplement et fécondation 81 2. — Segmentation de l'œuf et développement de l'embryon 84 3. — Ponte 85 126 m:\ i:i -lemairë II. De la ponte à l'êclosion 89 1. — Forme et dimensions de l'œuf 89 2. — L'u'ul après la ponte 89 3. Eclosion de l'embryon !»1 III. La larve ; ses métamorphoses 29 1. - Habitai 92 2: Morphologie : 93 :'.. - Métamorphoses 96 IV. Migrations 101 1. Développemenl direct certain, sans hôte inter- médiaire 101 2. - Développement direct non démontré 103 1° Résultais contradictoires 103 2° lies;, [luis négatifs -404 3° Hôte intermédiaire 1"'* 4° Discussion L05 5° Infeslalion expérimentale du Lombric avec des larves de Dictyocaulus fdaria 10.") ;}. - Mode de pénétration ■ Mcla- si iiiiiijijli'i;i' clic- leur hôte pur lu voie sanguine 107 Rési mé 109 Conclusions ' ' 1 Bibliographie M'1 Liste des figi res 1-1 Liste des planches 123 Table des matières 124 L'ACCROISSEMENT DES ANTENNES CHEZ EMPUSA EGENA E. BUGNION J'ai, en mars 1017. publié une noie relative à L'accroissement des antennes de la Blatte />. americana, capturée à Ceylan). J'étais arrivé à la (•(inclusion que l'accroissement de l'antenne se l'ail chez cet [nsecte par divisions successives du 3e article. (Voy. C. H. Soc. Biol, Paris, 1917, p. 317). Le présent travail se rapporte à l'accroissemenl des antennes d'un autre Orthoptère, Empusa egena Charp., de la famille des Mantides. Il ressort d'une observation faite en Egypte par E. W. àdair (Bull. Soc. entom. Egypte, 1914, p. Î6), que l'Empuse E. egena) a. au sortir de l'œuf, (]c< antennes de 18 articles. Possédant moi-même des Empuses capturées à. Aix-en-Provence, j'ai cons- taté sur des préparations au bannie que l'antenne du cf adulte, élégamment bipeçtinée ou bipennée, longue de 18 mm., a 78 articles. L'antenne de la g, plus Courte et filiforme (non pectiriée), en a seulement 53. Le nombre des articles étant, ici encore, bien pins considé- rable chez l'adulte que chez le nouveau-né, je me suis appliqué à rechercher si la multiplication se fait, comme chez la Blatte, par divisions successives du 3P article ou si l'accroissement obéit à d'autres lois. Etudions d'abord l'antenne de l'Empuse çf (pi. XIII, fig. I). L'antenne du mâle adulte porte deux rangées de dents ou de lamelles qui, dans la position habituelle, sont dirigées l'une en avant et en dehors, l'autre en axant et en dedans. Dans les préparations au baume, on peut, à volonté, poser l'antenne de profil, auquel cas les deux rangées de dents se superposent (fig. 2), ou la placer de face et, en pressant un peu. forcer les lamelles à s'étaler (fig. 3). Dans la fig. I. représentant l'antenne entière, les dents de la 2e rangée n'ont pas été dessinées. On remarque encore (fig. 1 et 2) : 1" Qu'il y a à la base de l'antenne deux articles plus grands que les autres (articles basilaires) complètement privés de dents; JL'S E. BÙGNION 2° Que les dent.- commencent à se montrer sous forme de petites saillies, à partir du V article; 3e Que, croissanl assez vite, les dents atteignent dès le n° lu leur longueur moyenne, soni sur la plu- grande partie de l'an- tenne sensiblement identiques, puis que, diminuanl graduelle- ment à partir des nos 58 ou <><>. elles disparaissenl entièrement au niveau du n° 74. Les cinq derniers articles en sont privés. On voil au surplus, qu'à l'exception des nos i ù s. les segments antennaires montre.nl d'un boni à l'autre une régularité parfaite. Les seules différences à relever sont un rétrécissement gradue] et un allongement assez sensible. • '.liez la larve o*, l'antenne offre une particularité qui, à nia connaissance, n'a pas encore élé décrite. Les lamelle- sont, a l'épùque où elles se forment, soudées par leurs bords les unes aux autres, de manière à constituer une gaine continue striée dans le sens de la largeur. La figure ï, empruntée à un çj mort au cours de la dernière mue. est à cet égard très instructive. La pièce ayant été traitée par la potasse caustique, la cuticule lar- vaire est assez transparente pour qu'on puisse voir l'antenne définitive (imaginale) formée de toutes pièces à l'intérieur de la gaine. L'antenne est, comme on voie composée de deux parties : I" la tige, constituée par la série (\v< articles; 2° les dents, désor- mais indépendantes, disposées par paires, insérées sur la tige. Les dents mil, une direction obliqué par rapport aux slries de la gaine. Il est cependant manifeste que les dénis de l'antenne imaginale répondenl primitivement aux lamelles de l'antenne larvaire, lamelles qui, dans la phase formative, sont intimement soudées. C'est en effet à la face profonde des lamelles, en suite d'une différenciation de Pépidermë, que si' forment les dents de l'antenne définitive, L'obliquité de- dents s'explique d'une part par le décollement de la cuticule (commencé à la base de l'ar- ticle 3), d'autre part par l'accroissemenl de ces organes. Les dents, devenues trop longues pour trouver place dans la gaine, onl été forcées de s'incliner. La (ig. 5 (2e antenne du même sujet . sur laquelle l'antenne imaginale n'a pas été dessinée, montre plus, nettement les lamelle- larvaires encore intactes. L'exuvie antennaire, aban- donnée par le ,j après la dernière mue. donne elle aussi la môme image. Quant à leur structure histologïque, les lamelle,- antennaires larvaires offrent le même aspect que les dénis définitives. Elles montrenl sur loute leur surface des aspérités serrées cl. au ACCROISSEMENT DES ANTENNES CHEZ EMPUSA EGËNA LJ9 milieu de celles:ci, du petits cercles clairs disposés sans ordre. A chaque aspérité répond une cellule de l'épiderme. Les cercles clairs, plus espacés chez la larve que chez l'adulte, marquent les emplacements des pores sensoriels. L'épiderme, de couleur gris brunâtre, dessine au niveau de chaque lamelle une bande bien apparente limitée par deux lignes pâles. Exactement juxtaposées, les cellules épidermiques jouent par rapport aux dents anten- naires le rote de couche formative [matrix). Les lignes pâles, réduites à la lame cuticùlaire, répondent aux sillons de déhis- ■ cence. C'est à leur niveau que, à l'époque de la dernière mue, les lamelles se séparent les unes des autres. In l'ail important à retenir est que le nombre des articles aïitennaires, comptés au moment de la dernière mue, répond exactement au nombre observé chez l'imago. La numération, contrôlée au moyen de repères [cheveux lins appliqués sur l'an- tenne au momenl de monter au baume) a, pour les préparations dessinées (fig. A et 5), donné le chiffre 78. Ce résultat pouvait d'ailleurs être prévu. On sait bien que, la dernière mue passée, les organes de l'Insecte sont constitués une fois pour toutes. 11 y a un second fait à relever : c'est que, quoique définiti- vement formée, l'antenne de l'Empuse constinue à s'allonger après la mue. Les antennes larvaires représentées fig. i et 5 (conservées dans le baume) mesurent exactement 8 min.; l'antenne du cf adulte en a 18 en moyenne. La comparaison des chiffres : 8 mm. pour l'antenne du cf mort pendu ni la der- nière mue, 18 mm. pour l'antenne du cf adulte, montre qu'à dater de la mue, l'antenne du cf s'allonge environ du simple au double. Cet allongement peut être attribué à deux facteurs. 11 y a tout d'abord une expansion de la surface qui, vraisembla- blement, s'effectue d'une façon assez rapide dès l'instant où l'antenne est libérée. C'est, chez les Insectes en général, de suite après les mues que l'accroissement du corps se manifeste. L'expansion des téguments ne suffit pas toutefois pour expliquer un allongement du simple au double. On se convainc d'ailleurs, en Comparant la fig. \ empruntée à la larve morte pendant la mue avec la fig. 1 empruntée au cf adulte (dessinée au même grossissement), que les articles de l'antenne ont nota- blement changé. Certaines différences s'observent déjà tout à la base. L'article 2, par exemple, qui chez la larve est un peu moins long que large, est devenu beaucoup {dus long. L'article 3, réduit chez la larve a une rondelle très surbaissée 9 130 E. Bl GNION en suite des divisions qu'il a subies) cl chez l'adulte presque aussi long que le 2e. Les articles L8 à m qui, grossis 20 fois, font dans la Qg. 'i une longueur de i cm., donnent pour l'antenne adulte au même grossissement, une longueur 3 fois plus grande. De telles différences ue peuvenl s'expliquer que par l'interven- tion d'un deuxième facteur : la croissance qui, même après la unie, continue à opérer. Ces faits, encore peu connus, mérite- raienl un$ étude plus attentive. Il faudrait, par exemple, noter la longueur de l'antenne au lendemain de la mue et, l'Insecte ehint gardé vivant, prendre de nouvelles mesures un ou deux mois plus tard. L'étude des Qg. 'i el 5 nous a fourni quelques indications au >ujel de la formation des dents antennaires, mais ne nous a p i - renseignés sur le fait essentiel : la multiplication des articles Pour Combler cette lacune, ta meilleure méthode l\ suivre esi d'examiner des préparations empruntées à diverses phases. !. ayons d'abord de poser quelques jalons. L'antenne du nouveau-né ayant Js articles, celle de l'adulte o* en comptant 78, l'Empuse c? a, au cours de sa vie larvaire. in» articles à procréer. I ii a h Ire fa.il à relenir est que les 2 premiers et les L0 derniers articles, répondant ensemble à l'antenne entière du nouveau-néj persistent jusque dans l'âge adulte sans montrer de divisions. C'est donc dans la région comprise entre les nos 2 et 62 que la néo-formation doit se produire. Les préparations que j'ai eu l'occasion d'examiner, en sus ^>'> antennes représentées Qg. \ el 5, proviennent de larves imma- tures longues de 20, 22, 30 el 31 mm. Larve o" de Î0 mm. (pi. XIV, i i .^ . 6). Les antenne.- sont rela- tivement très courtes (2 mm. 7). Tandis que la longueur du corps équivaut déjà au tiers de l'Empuse adulte, Tan tenue de notre larve mesure la 7e partie seulement de l'antenne de l'imago. On cons- tate au surplus que les article- I el ? font à eux seul- la .Y parla' de l'antenne, tandis que chez l'adulte les deux articles basilair.es équivalent seulement à l/ile. L'antenne représentée fig. «i se prépare, comme on voit, à faire sa mue mue larvaire de sep- tembre l). A k articles terminaux -impie-, de forme obîonguo, ccèdi une antenne dédoublée jusqu'à h base. Il y a une i J'appelle mues larvaires celles qui donneni lieu de nouveau h une larve, par opposition à la dernière mue ou mue imaglnale, qui donne lieu ;i i Imago. Le nombre des unies qui esi de 3 chez Wantis reltgiosa, d'après Pagenstecher '"■/< \aturgesch., 1864 . est, d'après mes ob tvatioj de 3 à i seulement chez i a egena. ACCROISSEMENT DES ANTENNES CHEZ EMPVSA JïGENA !.'!! antenne externe formée par La cuticule, comprenant 20 articles, offrant une alternance d'articles gris foncé cl gris pâle (1) et une antenne interne avec 21 à 30, dont les derniers venus, dus aux divisions successives du n" 3, mil l'aspecl dé erénelures difficiles à compter. Au niveau du premier tiers de l'antenne, se voit une dilatation qui, bien qu'encore peu accusée, permet déjà de dis- tinguer le sexe mâle. C'est en effel par accroissement graduel de la partie dilatée que se formera la gaine striée destinée à engendrer Jes dénis antennaires du cf. Pour l'instant, le fait essentiel à relever est que l'antenne interne montre dans la région crénelée les signes d'une néoformation des- pins actives. Cette région répondant à l'article 3 de l'éxuvie, il faut en conclure que les nouveaux articles se sont formés à ce niveau. Larve çj de 22 mm. fig. 7 . - L'antenne, encore très courte (3 mm.), avec 30 nu :;i articles, représente assez exactement l'antenne interne de la pièce représentée fig. 6. il faut d : admettre que la larve de 22 mm. venait justement de faire sa mue. Le- segments néoformés, dérivés de la zone crénelée, ont, ici encore nue délimitation peu précise. On remarque au sur- plus : I" que, à partir du rî° i, les segments s'allongenl graduel- lement et en même temps se rétrécissent (en allant vers le sommet); 2° qu'il y a, comme dans l'antenne représentée lig. 0, une alternance de segments plus foncés cl de segments plus clairs; 3° que le 3e segnient, relativement très long, a, dans celle phase, un aspect fusiforme cl une zone médiane nettement rem- brunie; V' que l;i partie élargie, dont se formera plus lard la gaine striée, ne laisse voir, dans la phase qui nous occupe, aucune démarcation entre la tige antennaire ci les lamelle-. Observée au microscope, l'antenne de noire larve montre d'une manière a.-sez nette les aspérités de l'antenne définitive et, au milieu de celles-ci les cercles clairs déjà décrits. La conclusion qui se dégage de l'étude de celle pièce est que les 2 premiers et les 10 derniers articles passent à. peu près sans changement de la phase « nouveau-né » à la phase de 22 mm., tandis qu'une formation active se produit en avant de l'article 3 el vraisemblablemenl aux dépens de ce dernier. Le nombre des articles étant de 31 chez notre larve, de 78 chez le mâle adulte, l'antenne a, à partir de cette époque, encore 47 articles à procréer. (i) Cette succession d'articles foncés h pâles, alternait Les mis avec les autres, " a déjà été signalée par Adaik (l. c, 1914) dans l'antenne du nuuveau-né. 132 E. BUGNION l.nnr cf de 30 mm., lig. 8 . - L'antenne observée est incom- plète; le ndmbre des articles manquants peut être évalué à 5 (ai 6. Je l'ai dessinée néanmoins, de préférence à une autre, à cause de l'aspecl particulier de la partie dilatée el des déductions (jui s'\ rapportent. L'antenne mesure \ mm. I 2; elle esl donc, si l'on tient compté des articles manquants, environ deux fois plu- longue que celle di' la larve de 22 mm. C'est surtout la partie dilatée qui est devenue beaucoup plus grande. Le nombre total des articles peul être évalué à 61. De ce chiffre, 16 à 20 environ forment la partie apicale d'aspect filiforme, tandis que la partie dilatée gaine striée) en compte une quarantaine. Elargis el surbaissés, relati- vement très courts, les segments de la partie dilatée (primitive- ment cylindriques) uni commencé à s'aplatir. Chacun d'eux [naît être comparé à un anneau comprimé composé de deux feuillets avec un vide à l'intérieur, lu au Ire faii à noter esl que, comparé à celui de la larve prête à se transformer (flg. i et 5), le 3e segment est relativement très long. Tandis que chez h larve mûre, le 3e segmenl s'est successivemenl divisé jusqu'à la base, d y a ehe/ la larve de :;o mm. une zone indivise capable de fournir encore plusieurs articles. Fondé sur ces faits, je me crus, au début de mes recherches, autorisé à conclure que la néoformation s'effectue exclusivement aux dépens du 3e article. La multiplication des articles aurait. chez l'Empuse et ehe/ la Blatte, obéi aux mêmes lois. Une élude plus attentive m'a engagé dès lors à modifier mon opinion. On remarque en effet dans la région comprise entre les n"s8et 24, quecertains segments, subitement raccourcis et sur- baissés, paraissent groupés par paires. Chaque paire comprend 2 bandes grises, l'une antérieure plus Concée, l'autre postérieure plus pâle, séparées par une ligne claire. Ces segments réunis deux par deux paraissant provenir de divisions secondaires, j'incline à penser que la multiplication s'effectue de deux ma- nières chez Emihisa : I" aux dépens du 3e article, sous forme de rondelles détachées successivement de son bord antérieur; 2° par division secondaire (dédoublement) d'une partie au moins des segments néoformés 1 1 . i Qui Iques prépai afl iruntée I uni à In gi .unir Empuse de • [Gongylu» yt autres à la Vlante vulgaire \f(i)ttis rellgiosa), m'ont montré également, dans la région de l'antenne comprise entre la base el le milieu, i ignés manifeste di divisions J'incline donc à penser qu'il faut, chez les ptère -il : pal, tenir compté au i de ce 2 mode d'accroissement. ACCROISSEMENT DES VNTENNES CHEZ EMPUSA EGENA 133 Tl faut donc admettre : I" Que des 18 articles déjà constitués au moment de la sortie de l'œuf, 2 persistenl dans la partie basilaire el L6 dans la partie apicale, jusqu'à l'âge adulte, sans subir dé divisions l : 2° Que les nouveaux articles (bientôt transformés clic/, le cf on lamelles ou en anneaux surbaissés) se forment d'abord aux dépens du 3° segment par prolifération primaire de cet article, niais que quelques-uns d'entre eux subissent ensuite une division secondaire qui porte leur nombre du simple au double. L'antenne de l'Empuse g adulte diffère de celle du cf : 1" par l'absence des dents ou des lamelles; 2° par sa longueur moindre; 3° par le nombre plus petit de ses articles (53, au lieu de 78).; 'r par ses articles 'i el sui\;mls beaucoup plus courts el sur- baissés. Procédant comme pour le cf, je présenterai : 1° un dessin emprunté à la g adulte; 2° un dessin emprunté à une g morte pendant la dernière mue; 3° un dessin emprunté à une larve de 36 mm. J'ai étudié en outre l'antenne d'une larve g de 28 mm. Femelle adulte âgée de 3 mois à dater de la mue imaginale (fig. 9). — L'antenne, d'aspect filiforme, mesure 9 mm. (18 chez le cf)- Les 3 articles basilaires sont à peu près comme chez le cf; le 3e, plus long qu'à l'époque de la dernière mue, est presque aussi long que le 2e. Les segments suivants, d'abord un peu plus larges que longs, deviennent vers le milieu de l'antenne aussi longs que larges et dans la région de l'apex à peu près deux fois plus longs. L'article apical porte un prolongement filiforme, un peu courbé. Les aspérités de la surface sont moins accusées que chez le cf, les petits cerclés clairs plus petits et moins nombreux. Femelle morte pendant la dernière mue (fig. 10). — ■ Le nombre des articles (53) est le même que chez la ç de 3 mois; l'antenne est néanmoins beaucoup plus courte (5 mm. y2 au lieu de 9); les articles voisins de la base sont plus surbaissée on peut donc certifier que chez la g, aussi bien que chez le cf. l'antenne grandit encore après la dernière mue et s'allonge environ du simple au double. (1) La persistance des deux articles basilaires, dès réclusion à l'âge adulte-, sans autres changements que ceux dus à la croissance, s'explique probablement par le fait que, chez les Orthoptères en général, les muscles moteurs des antennes .s'insèrent à l'intérieur .de ces articles, 134 E. BUGNION Larve r de 36 mm.] tuée à la fin de lu mur larvaire de sep- tembre Qg-. Il . - L'antenne, longue <\r 5 min. \A. graduelle- menl amincie de la base à l'apex, comprend environ :: mues, indépendammenl de celles-ci. Larve ç de Q8 mm. (pas de figure). - L'antenne, longue de ï mm., a 32 articles. Le n° 3, dont la prolifération n'esl pas encore terminée, est 2 fois Vè plus long que large. Les segments sui- vants présentent jusqu'à l'apex un allongement graduel el un rétrécissemenl presque insensible. Les n,:S 11-14 montrent, semble-t-il, les signes d'une division prochaine. RÉSUMÉ I. L'antenne de l'Empuse offre à l'âge adulte un nombre de segments de beaucoup supérieur à celui qu'on observe dans l'antenne <\\\ nouveau-né. La numération a donné : Adulte cj 78 articles. Adulte q 53 Nouveau-né 18 d'après Adair) (I). l vol, i i ) :i, -i, |im> chiffres empruntés â d autres espèces ■ Mante relie ieuse Vdulte . Les antennes des Empuses cf et q sont, au début de la \ic larvaire, à peu près de même longueur. C'est seulement à l'époque où la gaine striée commence à se former que la diffé- rence s'accentue en laveur du mâle. Dès ce moment, l'antenne du c7, étant dans sa partie basale plus fortemenl renflée que l'antenne île la g. on peut, par la simple inspection de ces organes, reconnaître le -exe auquel la larve appartient. ACCROISSEMENT DES ANTENNES CHEZ EMPUSA EGENA L37 EXPLICITIONS DES FIGURES PLANCHE XIII Fie. l. — Empusa egena. Antenne du c? adulte vue de profil. Préparation an baume, x 9.2. — L'antenne, longue de 18 mill., a 78 articles. Des deux rangées de dents disposées comme dans la fig. 2, une seule a été repré- sentée. Fin. 2. — Partie de la préparation précédente, destinée à montrer les deux rangées de dents, x 20. Fig. 3. Em%)usa eyerta. Partie de l'antenne du c? adulte montée à plal dans le baume, x 20. Fig. 4. Empusa egena. And une d'un d mon pendant la dernière mue. Prépa- ration éclaircie dans la potasse caustique, puis montée au baume, x 2<). — L'antenne larvaire, longue de 8 mill.. a 78 articles accolés par les bords, tonnant ensemble une gaine striée en travers. L'antenne imaginale, déjà entièrement formée, peut être distinguée par trans- parence. • Fig. 5. — Deuxième antenne du sujet gui a fourni la fig. 4. Préparation au baume, x 20. — La cuticule larvaire s'étanl détachée au niveau du 2< article, on voit à découvert les m>s 3-5 de l'antenne de l'imago. Le reste de l'antenne imaginale n'a pas été dessiné. PLANCHE XIV Fig. g. — Empusa egena. Antenne d'une larve cf longue de 20 mill... se préparant à faire une mue larvaire. Préparation au baume, x 29. — On voit par transparence la nouvelle antenne destinée à remplacer l'ancienne. L'exuvie antennaire .a 20 articles, les uns gris foncé, les autres gris clair alternant avec les premiers. L'antenne néo-formée a 27-30 arti- cles, y compris une dizaine de crénelures difficiles à dénombrer. Fig. 7. — Empusa egena Antenne d'une larve z longue de 22 mill. Préparation au baume, x 27. — L'antenne, longue de 3 m/m 2. a 31 articles. Fig. 8. — Empusa egend. Antenne d'une larve c* longue de 3 cm. Préparation nu baume, x 25. — L'antenne, longue de 4 1/2 mill., a 01 articles. Le 3e, relativement bien plus long que chez l'adulte, n'a pas terminé ses divisions. Fig. 9. — Empusa egena. Antenne de la § adulte, préparation nu baume, < n. — L'antenne filiforme, longue de >) 1/2 mill , a 53 article-. Fig. 10. — Empusa egena. Antenne d'une ? morte au cours de la dernière mue. Préparation au baume, x 20. L'antenne, longue de 5 1/2 mill., a 53 articles. Fig. 11. — Empusa egena Antenne d'une larve S longue de 36 mill.. tuée a la fin d'une mue larvaire. (21 septembre 1917). Préparation au baume, x 20. — L'antenne, longue de 5 1/2 mill.. a 3S articles. LACÉPÈDE d'après une lithographie de Maurin LA VIE ET L'ŒUVRE DE LAGÉPÈDE, PROFESSEUR AU MUSÉUM D'HISTOIRE NATURELLE, PRÉSIDENT DU SÉNAT ET GRAND CHANCELIER DE LA LÉGION D'iIONNEUR SOUS LE PREMIER EMPIRE X PAE Louis ROULE Professeur au Muséum. AVANT-PROPOS La chaire dos Reptiles, Batraciens, et Poissons, au Muséum national d'Histoire naturelle, a eu Lacépède pour premier occu- pant. Créée à son intention en 1795, il en demeura le titulaire jusqu'à sa mort, en 1825. — Professeur aujourd'hui dans la même chaire, après Constant Duméril (1825-1857), Auguste Duméril (1857-1870), Léon Vaillant (1875-1910), et poussé par un désir compréhensible, j'ai voulu connaître en détail la vie el l'œuvre de nies prédécesseurs, .le suis parvenu ainsi jusqu'au premier d'entre eux. Là devant une existence aussi pleine et aussi retentissante en son temps, j'ai donné à mon étude l'étendue ([d'elle méritait. C'esl elle que je publie, dans la persuasion d'intéresser les naturalistes, car l'œuvre qu'elle analyse, dépas- sant la portée habituelle, touche aux principes mêmes des science- de la nature él pénètre en eux jusqu'au fond. Toute époque de l'histoire a ses ligures de premier plan et de principal relief, qui lui donnent sa marque. Les antres, auprès d'elles, s'effacent quel que fût leur mérite; et ainsi en paraît-il maintenant de Lacépède parmi les personnages de la Révolu- tion et du premier Empire. Il semble que ses divers renoms de savant, de philosophe, d'homme d'Etat, éclatants aux yeux des contemporains, mais s'étant succédé et contrebalancés pendant une longue carrière, se soient usés les uns les autres après lui. puis amoindris, et finalement détruits en partie. Lacépède, sans être un inconnu, est presque un méconnu. Sa mémoire présente esl celle d'un naturaliste, disciple et conti- I iO LOUIS ROULE nuateur de Buffon; si on le place à côté de Cuvier, de Lamarck, de Blainville, de Geoffroy Saint-Hilaire, on ne l'en dégage •guère pour le porter plus avant. Il fut cependant un fondateur puissant de la biologie moderne, que nulle hardiesse de pensée n'arrêta jamais. Savanl éminent, travailleur énergique, il mena de front, sans faiblir, plusieurs carrières, dont chacune aurait suffi pour absorber l'existence d'un seul. Professeur au Muséum national d'histoire naturelle sous la Révolution et le premier Empire après avoir été garde et démonstrateur des collections «lu Jardin royal i ffon, alors dans tout l'éclal de sa renommée. LÀ VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE I ïô L'approche do l'hiver interrompait ces courses, ces médita- tions, L'amenait le retour à la ville, et celui d'occupations diffé- rentes ou plus frivoles, Lacépède, chaque année, revenail avec un esprit plus sérieux, mieux formé. Sun ambition s'éveilladl ; sa pensée s'élevait. Au lieu de composer des sonates, il s'at- taquait au livret d'un opéra, el en écrivait à (ji.u;k [tour lui demander conseil. Au lieu de ne s'intéresser à la science que par des causeries de salon, il assemblait autour de lui plusieurs amis, el fondait une Société, qui existe encore, dont il fut le premier président. Jt élârgissail de plus en plus les horizons embrassés par ses pensées et par ses désirs. Ce qui devait arriver survint donc, et, comme toujours, une circonstance fortuite en acheva brusquement la lente préparation. Des ouvriers terrassiers, en I77T>. trouvèrent ù Gondat de la pyrite. Ces cristaux réguliers, d'un jaune d'or brillant, émer- veillèrent. Lacépède, prévenu, estima nécessaire d'en référer a Buffon. Une correspondance s'établit avec le grand maître des sciences naturelles, comme elle s'était créée auparavant avec Gluck, le grand maître de la musique. Des aspirations nou- velles s'ébauchent, d'abord imprécises et fuyantes, plus nettes et plus impérieuses par la suite. La ville d'Agen, malgré ses res- sources, ne suffît plus à les satisfaire. Lacépède, ayanl épuisé tout ce qu'elle pouvait lui donner, songeait à vivre désormais aux lieux mêmes d'où il recevait ses conseils et ses directions. •Il partit pour Paris. 11 avait tout juste vingt ans. III Bernard-Germain-Etienne .de la Ville, coude de Lacépède, ne pouvait manquer d'être bien accueilli dans la capitale. Venu de ta Gascogne, comme tant d'autres qui ont su se pousser aux premiers emplois et les occuper dignement, il avait tout pour réussir : jeunesse, fortune, titres, relations. Il ne possédait qu'une qualité contraire : la modestie. Il ne cherchail point à se mettre en évidence, cl ne le chercha jamais. Il .appartenait a celle catégorie des Français du Midi, plus nombreux qu'on ne pense, d'apparence froide et calme, silencieux et tenace.-, qui concentrent leur ardeur comme s'ils voulaient la cacher, semblent avoir épuisé d'avance te cycle entier des jouissances extérieures d'amour-propre ou de vanité tellement ils les dédaignent, goûtent au plus profond creux-mêmes, en dilettantes raffinés, leurs plaisirs ou leurs peines, et n'estiment jamais les. lit LOUIS ROULE choses que polir ce qu'elles valent vraiment. Celle réserve l'ar- rêta toujours. Sa fougue juvénile, son ardeur au travail, l'emportent d'abord. 11 commence par se répandre. Des sa première journée, il pré- tend toucher à tout ce qui l'intéresse. Malgré les fatigues «lu voyage, il s'empresse, à peine arrivé, de faire à Buffon, au Jar- din des plantes, une visite promise e1 attendue. Jl se rend ensuite chez Gluck, lui soumel la partition qu'il axait composée sur le livre! de l'Armide de Quinault, don! Gluck lui-même, par une rencontre curieuse, écrivail aussi la musique. Jl dîne chez un de ses parents, l'archevêque de Lyon; M y écoute un sermon de l'abbé Mai i;v. Enfin, il achevé la journée par une représentation à l'Opéra où. dans la loge de Gluck, il entend Alceste. La science el la musique eurenl dune, sans délai, ses premiers hommages. Il fut obligé cependant, malgré sa capacité labo- rieuse, de .s'intéresser a l'une plus qu'à l'autre. La musique passa la. première; lu science ne vint qu'après. Ne voulant point se mettre en compétition avec Gluck sur l'Armide, il cherche un autre livret d'opéra et choisit celui d'Omphale. Désireux de se perfectionner dans la composition musicale, d prend des leçons de Gossec. Ces travaux artistiques ne l'empêchent point de fré- quenter les savants. Il fait partie du groupe *\r< assidus de Buffon, et rencontre, dans ce Jardin des piaules où il (levait professer plus lard, ses futurs collègues, Daubenton, Jussieu, Thouin. Il va chez Lavoisier, chez d'Alemrert. Il fail sa visite a Franklin. Il fut enfin de eeu\ qui obtinrent l'un i\i'^ dernier- entretiens de Voltaire. IV Tout en s'attachant à ce qu'il préférait, il ne pouvait se dégager entièrement ^li^ devoirs mondains auxquels son litre el ses cou- sinages l'astreignaient. Il se rend à Versailles pour une présen- tation à la Cour. Sa gravité polie, son jeune renom, lui ménagent des sympathies nombreuses. On l'invite, on l'entraîne. La société aimable et facile d'avant la Révolution offrail des séductions de toutes sortes. Lacépéde, en pleine adolescence, malgré la matu- rité précoce de son esprit, se laissa tenter. Deux roules s'ou- vraienl à lui : celle des honneurs brillants, cl ci 'lie, plus austère, de l'art ou de la science. On lui promit <\r^ grades, des ambas- sades; ou lui laissa entrevoir une carrière pompeuse, capable- de satisfaire toute- les ambitions d'un fils de famille noblement LA VIE ET I.Oi \ RÊ DE LACÉPEDE U5 apparenté. Lacépède fui séduit, Sur les conseils de ses proches, il partil pour les principautés rhénanes, afin d'y renouer avec les maisons princières auxquelles il était allié. Il parul à la cour du grand duc de Bade, à celle du landgrave de liesse. On le nomma colonel au cercle de. Wes'tphalie. Il con- sacra deux années à satisfaire cel engouement; compréhensible chez un jeune homme. Ce délai lui suffit. Ni sou esprit ni son cœur ne le portaient vers une existence pareille, où il ne rencon- trai point ce qu'il cherchait. Son tempérament méditatif et réservé se heurtail trop souvent à des angles trop rodes. Il lui fallait le calme d'une vie de cabinet, tempéré par quelques liai- sons savantes el choisies, el il trouvait une existence que sa, finesse native, son éducation courtoise, lui rendaient à peine supportable. Il prit bientôt le parti de renoncer à cel avenir superbe qu'on lui préparait. En L780, il retourna à Paris, pour retrouver ses amis, ses fréquentations scientifiques, sa musique, et l'air du pays. V Lacépède approchai! alors de ses 25 ans. Les pj enuers enthou- siasmes de sa jeunesse commençaient à se calmer. Son esprit se pondérait et se développait. Il prenait de lui-même une con- science plus vaste et plus ferme. Ayant résolu d'avoir une vie toute intellectuelle, il alla d'un trait à l'extrême. Il se laissa glisser, au gré de son penchant, vers la général! ation el la médi- tation, plus que vers l'étude directe el l'analyse des choses. Il devint en fait ce qu'il était en principe, ci' qu'il préparail depuis son enfance : un philosophe cl, un penseur. Celle résolution modifia ses premiers projets. Il avail éprouvé de,- déboires musicaux. Sun opéra Omphale, distribué, el même répété, n'avait pu être joui'' par le caprice (Tune cantatrice, De dépit, ayant jeté au l'eu les études d'autres livrets, Alcine, Scan- denberg, il renonça à la musique dramatique. Toutefois, il ne renonça point à la musique elle-même. Plus que jamais il conti- nua à composer; mais il écrivit t\c< œuvres symphoniques, des sonates, et ce travail artistique devint pour lin, jusqu'aux der- nières années de sa vie, un délassement favori, souvenl une con- solation. Entre temps, il revenail a la science. A fréquenter chez Buffon, l'ambition s'éveillait en lui d'imiter un tel maître, qu'il admirait autant, qu'il l'aimait. Ne pouvant songera l'histoire natu- 10 J 16 LOUIS ROULE relie, que Buffon accaparait, il alla vers la physique, et s'essaya à tenter pour elle ce que son protecteur el ami accomplissail pour la zoologie. L'œuvre de Bi i fon étant double, ei tenanl à la fois du naturaliste el de l'écrivain, Lacépède voulut, dans une autre branche, en faire autant. VI II écrivit lui Essai sur l'électricité naturelle el artificielle. Cet ouvrage, en deux volumes, publié en 1781 chez Didoï Je jeune, libraire-imprimeur de Monsieur, est signé du comte de Lacé- pède, colonel au cercle de VVestphalie, membre des Académ/ies el Sociétés royales de Dijon, Rome, Stockolm, Hes'se-Hombourg, Munich, etc. Sous le couvert d'électricité, el selon les inclina- tions de l'époque, l'auteur décrit d'abord, et discute' ensuite, tous les phénomènes auxquels l'électricité semble s'attacher. Il ue s'agit plus de physique seule, mais encore, el surtout, de météo- rologie, d'astronomie, de physiologie, même de médecine. La préoccupation du style dépasse toutes les .autres. Ce livre est une sorte de poème scientifique en prose où dominent les aspirations littéraire.- el philosophiques. Aussi connut-il deux fortunes. Accepté des gens du monde, des salons, et même loué par eux. les physiciens de profession l'accueillirent plus froidement. L'auteur ue se découragea point, l'eu après, en 1782 el 1783, il publie les deux volumes d'un autre ouvrage, intitulé : « Phy- sique générale et particulière ». Ici, il se corrige de ses défauts et ne cherche plus trop à imiter le style de son maître Bi ffon. 11 formait alors un vaste projet, et songeait à écrire un traité destiné a embrasser l'ensemble des connaissances scientifiques. Il voulut en arriver à étudier l'Homme, mais après avoir examiné au préa- lable tous les êtres vivants, et l'ait le tour de ce que peuvent apprendre à la fois la nature, la physique el la mécanique. lu tel programme contient la science humaine presque entière. Lacépède pouvait donc le tracer, mais non le traiter. Sun ardeur, pourtant, le lit s'élancer quand même. Il ne paraît point douter, à cette date, de la réussite; la circonstance remar- quable fut qu'il réussit en partie. 11 écrivit vraiment le principal de ce qu'il méditait, et rédigea, au soir de sa vie, une histoire naturelle de l'Homme, après avoir traité de l'histoire naturelle des animaux, réalisant ainsi, dans sa maturité, le plan conçu par sa jeunesse. Ceci était l'avenir. Lu 1783, rien Ac ce qui survint ensuite ne ■Mail même s'an icer. Lacépède passait seulement, aux LA VIE ET L ŒUVRE DE LACÉPÈDE 1 i7 yeux de beaucoup, pour un jeune seigneur épris de sciences, selon la mode du jour. La forme, dans ce qu'il produisait, l'em- portai! par trop sur le fond. On ne voyait en lui que l'apprenti savant, non pas le penseur, et on lui lit comprendre qu'il ne devail painl songer à faire partie, comme physicien, de l'Aca- démie des sciences. L'auteur éconduit ne s'obstina point. Sun incursion dans la physique venait de lui révéler sa véritable voca- tion, de le rappeler à son sentiment d'enfance et à son goût de la nature. Une circonstance imprévue, la morl de son père, surve- nue le 'i décembre 1783, l'arrêta pour un temps. VII Ce coup lui fut sensible, li chérissail celui qu'il venait de perdre Il cherchail même à se l'attacher de plus près, et l'axait décidé à se fixera Pans. Ce deuil brisa ses projets, il dut retour- ner à Agen, pour les obsèques et le règlement des affaire.-. Là, dans le pays natal qu'il n'avait pas revu depuis plusieurs années, entouré des affections el des sympathies d'autrefois, il éprouva ce sentiment complexe 411e beaucoup connaissent après les com- motions violentes, fait d'aspiration au repos et du désir de revivre les souvenirs du pas.-»'. Au lieu de borner au temps stric- lemenl nécessaire son séjour en. province, il s'attarda, et peu s'en fallut qu'il ne s'établit à tout jamais dan.- la*ville où s'étaient écoulées jadis les années heureuses, paisible-, de' son enfance et de son adolescence. L'association qu'il avait contribué à créer, huit années plus tôt, avant son départ pour Paris, sous le titre de « Société des sciences, belles-lettres et arts d'Agen », subsistait toujours. Plie assemblait encore la plupart de ses anciens membres, augmen- tés de quelques nouveaux venus. Son existence, pourtant, était précaire et discrète. Le retour de son fondateur lui procura un regain de force nouvelle. In règlement plus explicite, plus com- plet, fut élaboré. Les séances eurent lieu régulièrement. Lacé- pède, nommé directeur, eu! auprès de lui, comme secrétaire général, l'abbé Paganel, le futur conventionnel, qu'il devait retrouver plus tard, sous le Consulat et l'Empire, dans l'admi- nistra lion de l'ordre de la Légion d'honneur. Et les choses reprirent leur cours, dans la capitale gasconne, comme si l'absenee de1 huit années n'avait pas eu lieu. L'an 1784 s'écoula ainsi. Lacépède présidait la Société, s'ef- forçait de la faire convertir en Académie royale, continuait à s'occuper de science et de musique. Sa province l'avait reconquis, iiS LOUIS ROULE au point qu'il semble bien qu'il Lie l 'aurai I plus quittée désopmais, si une circonstance fortuite, de celles qui modifient les carrières, u'étail encore intervenue. La cause, une fois de plus, en remon- tait à Buffon, qui rappelait ù Paris son disciple, comme il l'y avait appelé huit ans plus tôt. \ III Buffon, à cette époque, entrait dans la pleine vieillesse, et songeait à régler le suri que l'avenir pouvail réserver à son œuvre. Ayant tenté vainement de faire donner à son lils la sur- vivance de sa charge d'intendant du Jardin des plantes, privé du concours de ses anciens collaborateurs, disparus ou écartés, il cherchait à se ménager un successeur éventuel et un continua- teur, non pas tant dans ses fonctions administratives comme dans la publication de son Histoire naturelle. Il avait écrit les volumes îles Mammifères et des Oiseaux. Ceux «les R.eptiles et des Poissons, parmi les animaux Vertébrés, restaient encore à faire. Son grand âge ne lui permettait pas même de les corn u- rcr. il fallait donc qu'il rencontrât quelqu'un d'assez capable pour en assumer la tâche, d'assez travailleur pour en préparer les matériaux, d'assez dévoué pour ne se point rebuter. Son choix s'arrêta sujr Lacépède. Daubenton le jeune, cousin el beau-frère de Dai benton l'aîné. demandait alors à se retire]' de l'emploi qu'il occupait au Jardin des plantes, comme garde el sous-démonstrateur du cabinet d'histoire naturelle. L'occasion s'offrait toute prèle : elle rut saisie, et Lacépède prit la place rendue libre. Son brevet de nomination fut signé par le Boi, à Versailles, le I"'. janvier 1785. Il obtint ainsi, pour ses étrennes, un accès officiel auprès de son maître, dan- ce Jardin des plantes qu'il ne devait plus <\u\\- ter. Ayant débuté, dès son enfance, par goûter les attraits d'une contemplation générale de la nature, il en armait maintenant ;'i l'étude directe et complète. Il approchai! de la trentaine, de l'épanouissemenl des forces de sa maturité, el trouvait enfin ce qu'il désirait surtout : une vie conforme à ses désirs intimes de renoncement et de labeur. IX Lacépède fit donc son entrée au Jardin du Roi, avec le titre de sous démonstrateur el garde, aux appointements annuels de deux mille livres. Le démonstrateur en premier étail Daubenton LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE i lO l'aîné. Celui-ci. âgé de 70 ans. chargé en outre d'une chaire au Collège de France depuis 1778 et d'un enseignement d'économie rurale à Alfort depuis 1783, laissa volontiers toute liberté à son jeune suppléant, qui tint l'emploi entier. Sa fonction consistait à classer les collections d'animaux, à les cataloguer, puis à l'aire d'après elles un enseignement public et «les démonstrations dans les salles du Cabinet. Le nouveau professeur obtint de ses collègues une cordiale bienvenue. Les principaux étaient les botanistes Jussieu et Desfontaines, le géologue Faujas de Saint-Fond, le jardinier en chef Thouin, les chimistes Fourcroy et Broingni \kt, les ana'to- mistes Portal el Mertri d. L'affabilité el la modestie du nouvel arrivant lui conCilièrenl -ans retard leur estime et leur affection. Il n'eut bientôt que des amis, et put même jouer, dans l'intérêt de chacun, un rôle de liaison et d'entente dont le futur Muséum profita plus lard. 11 disposa ses journées de son mieux. Son véritable caractère, qu'il ne songeait plus à violenter, lui conseillait une existence studieuse et retirée. Il se confina donc parmi les collections, les classa, lés arrangea, et il enseigna. Puis, fidèle aux Mies de Buffon, il prépara les volumes des Reptiles et des Poissons, qui devaient donner une suite à ceux que son maître et protec- teur avait déjà publiés. Sa lâche était lourde, mais cette diffi- culté ne pouvait l'embarrasser. Il eut soin, toutefois, d'alléger sa besogne pour mieux s'appliquer à son travail de science, et livra au public un livre sur la « Poétique de la musique », dont il s'occupait depuis plusieurs années. Cet ouvrage date de 1785. X C'est d'une instruction remarquable et d'un rare exemple de force morale, que ce cas d'un homme encore jeune, qui aban- donne de plein gré les carrières brillantes auxquelles l'appe- laient, son nom et sa fortune, pour choisir un emploi modeste et s'y livrer avec joie. L'existence qu'il se composa fut des plus simples. 11 assura sa vie matérielle en prenant pension chez le secrétaire et bibliothécaire «lu Jardin des plantes, nommé Gau- thier, dont la femme, apparentée à la famille du maréchal de Villars, était mère d'un petit garçon alors âgé de 5 ans. Là. auprès de ses collectiions, à portée de son laboratoire, aucun autre souci ne le tenail «pie celui de sa tâche. Lorsque Buffon, en juin 1787, réussit à acheter l'une des propriétés enclavées dans le Jardin, l'hôtel de Magny, devenu depuis le siège de l'admi- 150 LOUIS ROULE - nistration du Muséum, Daubenton s'\ installa, el, auprès de lui. Lacépède avec les Gauthier. On travaillai! le jour durant. Le soir, on se réunissait chez Daubenton, où venaient parfois quelques amis de choix ri de haute réputation, comme Males- herbes. L'été, un partait pour la campagne, auprès de Mont- Ihéry, au village de Leuville, donl le frère de Gai ru ira; étail curé. Le temps s'écoulail ainsi, entièrement consacré au travail. Les résultats ne se firent pas attendre. Bientôl Lacépède lui prêl à publier son ouvrage sur les Reptiles, qu'il divisa en deux parties. XI Le premier volume parut au débul de 1788. L'auteur, sur la première page, conserve, à la suite de son nom el de son titre nobiliaire, la liste <\c< Académies donl il esl membre, mais il a supprimé la mention de son grade de colonel pour lui substituer celle de garde du Cabinet du Roi. Il consacre son ouvrage aux animaux que l'on nommait alors des Quadrupèdes ovipares, parce qu'ils onl quatre pattes et qu'ils pondent <\r> œufs, con- trairement aux Quadrupèdes vivipares ou Mammifères, qui onl aussi quatre pattes, mais qui, dans la. règle habituelle, mettent an monde leurs petits vivants. Ces ovipares sont les Tortues, les Crocodiles, les Lézards, les Salamandres, le.- Grenouilles, asso- ciation hétéroclite d'animaux dissemblables, que l'on confon- dait alors sous un même nom, Le continuateur de Buffon s'efforce à nouveau d'imiter, dans cette première partie, le style de son maître, el. de suivre une méthode identique, sans voir que le sujet s'y prêtait moins, car l'ignorance d'alors >iw les Reptiles el les Batraciens deman- dait, pour s'atténuer, plutôt une ('Inde technique qu'une rédac- tion presque littéraire. Lacépède ne s'élail pas dépouillé <\\] pen- chant qui l'entraînait a écrire d'abondance. Du reste, il ne -'en défil jamais. Disciple fervent d'un génie inimitable, il crut bien faire en s'allaeiiani à ne pas trop différer de son modèle. Mais on ne s'improvise pas; il était encore un néophyte et son inex- périence se révéla souvent. Pourtant il sut voir ses défauts el les corriger; son progrès s'affirma de- le second volume. i ne catastrophe avait eu lieu dan- l'intervalle des deux publi- cations : la mort de lu ffon. Celle lin l'affecta grandement el le blessa de toutes le- façons. Il écrivit, sous le coup de sa douleur, et inséra en tête de l'ouvrage qui allait paraître, mi « Eloge de Buffon ». panégyrique enthousiaste, où l'accent prend le mode lyrique el enflammé. L'auteur appelle à lui les naturalistes; il les LA VIE ET L ŒUVRE DE LACÉPÈDE 151 convoque, les assemble sur une, haute cime, et lu, en face du soleil Levant, entonne un hymne à la louange du disparu. Un tel souvenir ne s'effaça jamais. A l'heure môme de sa propre mort, préside quarante ans plus tard, Lacépède se remémorait encore celle de Buffon et en parlait à ceux qui l'assistaient. Le livre lui-même, bien que précédé de pages aussi ardentes, est d'un ton plus discret, plus posé. Consacré en entier à la des- cription des Serpents, il offre des qualités de précision que n'avait pas l'autre. Les espèces y sont désignées sous leur double nom, conformément à la méthode linnéenne. Le disciple suit toujours sou inspirateur, mais il commence à écouler les voix qui venaient d'ailleurs. On opposait alors la manière de Linné à relie de Buffon. Les descripteurs, les classificateurs, accordaient à la première cette suprématie nécessaire qui la lit adopter partout avec rapidité. La seconde, où la puissance du moi devait se hausser à celle de l'idée, où l'idée elle-même prenait volontiers- la forme biologique, ne pouvait être d'un emploi commun ni facile. Lacépède accepta donc, sur le conseil de Daubenton, de se ranger sous la règle linnéenne. et le fit sans hésiter. XII La disparition de Buffon eut ses conséquences inévitables. Une personnalité aussi haute, aussi considérée, occupe une telle place, que le vide laissé après elle oblige à des combinaisons nouvelles et produit une sorte de réaction. Les naturalistes de profession, les amateurs d'histoire naturelle, qui jadis, se grou- pant autour d'elle, lui rapportaient leurs moindres actes, fon- dèrent bientôt une association, dont les principaux membres étaient les professeurs du Jardin, assistés de notables tels que Lavoisier, et la placèrent sous le patronage de Linné, en la nom- mant « Société linnéenne », comme par une sorte d'opposition posthume que Buffon vivant n'eût point tolérée. Ils prirent même la décision de fêter chaque année, par une excursion en groupe, l'anniversaire, au 2\ mai, de la naissance du patron étranger qu'ils venaient de se donner. Ils se ravisèrent plus tard et modi- fièrent leur titre pour celui cle « Société d'histoire naturelle de Paris ». Ils publièrent un volume de rapports et de descriptions. et ce lui tout. La Société disparut ensuite, balayée par la Bévo- 1 ut ion; elle avait duré quatre ans, de 1788 à 1792. Mais le Jardin des plantes subit avec une acuité plus vive les conséquences de cette mort. Buffon laissait des dettes, causées par les achats de terrains et les travaux de construction auxquels 152 LOUIS ROULE il s'était li\ré. Lui vivant, tout se payait, ear l'argent affluait. Lui parti, les ressources supplémentaires manquaient, el on ne savait trop commenl résoudre les difficultés. Professeurs et démonstrateurs regrettaieni de ne posséder aucun rôle adminis- tratif. Ils désiraient la suppression de l'intendant, chef absolu, imposé par le R,oi, el souhaitaient la nomination d'un directeur choisi parmi eux, c ptanl réaliser ainsi les projets de Bi ffon qu'ils approuvaient, mieux que ne l'eût fa.il un intendant quelconque. Ces sentiments s'élevaient déjà devanl Bi ffon vieillissant. Ils s'ac< entuèrenl ensuite, avec d'autant plus d'inten- sité qu'une circonstance prévue, mais pénible, leur donna publi- quement une raison de manifester. XIII Deux jours après la mort de l'intendant défunt, et sans plus attendre, son successeur fut nommé par ordonnance royale : le marquis de la Bu larderie d'Angivillers, maréchal de camp aux armées. In soldat était dune placé à la tête «l'un établis- sement d'histoire naturelle, voué à l'enseignement el aux collec- tions. Il devait régenter l'un, administrer les autres, gouverner un cénacle «le savants el de professeurs. Cette nomination ne pouvail s'éviter, puisque la charge étail de relies dont le Roi se réservait de disposer selon un oindre de succession établi. Dix- huit ans auparavant, la survivance de l'emploi ayant été donnée au comte Charles de Flahai i. et celui-ci l'ayant rétrocédée à son frère, le marquis de i.\ Billarderïe, ce qui devait être ne pouvail s'éviter. Les résultats d'une telle nomination s'affirmèrent bientôt. Deux groupes se constituèrent au Jardin, défiants et presque hostiles : l'un composé de l'intendant el de ceux qui dépendaient entièrement de lui: l'autre fait des professeurs. Ce dernier se serrait autour de Daubenton, doyen d'âge, seul survivanl de l'heureuse époque d'activité où Buffon, entouré de se- collabo- rateurs, écrivait son Histoire naturelle et tondait ses galeries de collections, i n tel souvenir, joint à l'estime méritée dont on gratifiai! l >aubenton, donna bientôt à celui-ci une autorité raie, qui, pour ne pouvoir s'affirmer par des actes, n'en était pas un ans considérable. Lacépède vivait dan- son intimité, el reportail sur lui toute la somme d'affection et de dévouement jadis consacrée à Buffon. C'est dan- cette situation délicate el embarrassée que le Jardin <\r< plantes parvint au débul de la période révolu- tionnaire, LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 153 CHAPITRE II Sous la Révolution. I Le modeste garde du Cabinel qu'était devenu Lacépède avait rompu avec ses premières et mondaines relations. Ses nouvelles fréquentations le portant vers les philosophes el les hommes de science, il ne pouvait se désintéresser du mouvement d'idées humanitaires et sociales qui, précédant la Révolution, entraînait ses meilleurs amis. Il lit comme eux et marcha à leurs côtés. La simplicité de ses mœurs, son affabilité, son libéralisme, son souci de venir en aide aux petits et aux faibles, l'avaient rendu populaire dans le quartier Saint-Victor, autour du Jardin des plantes. Aussi songea-t-on à lui dès qu'il fut nécessaire d'en- cadrer et de diriger les ardeurs qui s'éveillaient après avoir été longtemps contenues. On se souvint de son grade d'autrefois, et on lui confia le commandement de la garde nationale levée dans le district «lu Fardin du Roi. Tel fut, en politique, son premier pas. Il ue s'en tint pas là. Ces mêmes qualités qui l'avaient fait rechercher le poussèrent plus axant. Sa ville natale le désigna d'abord pour son député extraordinaire à l'Assemblée consti- tuante. Enfin, aux élections de l'Assemblée législative, il présida le,s réunions électorales et fut nommé députe de Paris. La fièvre dont tout frémissait alors s'accordait mal avec Foccu- pation minutieuse, absorbante, tranquille, de l'histoire naturelle. Lagépède négligea celle-ci et consacra aux débat- politiques son temps avec ses forces. Membre d'une influente loge maçon- nique, dite des <( Philosophes ». il acquit bientôt une situation prépondérante, tout en s'effaçanl de son mieux, ainsi qu'il le fit toujours. Il conseillait plutôt qu'il ne luttait, et on t'écoutait, car ses avis, judicieux et prudents, étaient de ceux dont il faut tenir compte. l)ans les réunions privées où se débattaient les questions, où se prenaient vraiment les résolutions, son impor- tance grandil avec rapidité. Pendant l'hiver de 1701. le Roi, soucieux de se ménager uw tel appui, lin fit demander d'accepter la fonction de gouverneur du Dauphin. C'était se lier pour longtemps, s'éloigner du Jardin et des collections, s'interdire à tout jamais de tenir la promesse faite à Buffon : c'était aussi attacher son sort à celui de la vieille L54 LOUIS ROULE monarchie déjà chancelante. Lacépède refusa. Mais la mur insista, el la Reine voulut elle-même tenter auprès de lui une dernière démarche. Marie-Antoinette prit prétexte d'une visite qu'elle désirait faire, depuis Longtemps, au Jardin el au Gabinel d'histoire natu- relle. Elle eul avec Lacépède, dans l'embrasure d'une fenêtre, une longue conversation. On parla îles événements actuels et on évoqua ceux que l'on pouvail pressentir. Elle l'invita à revenir sur son refus. Lacépède n'accepta pas davantage ces offres nouvelles, et profita de l'occasion pour donner quelques conseils. Pendani cel entretien, la foule s'amassait. Le bruit de celle visite, rapidement répandu dans ce quartier populaire el impression- nable, faisail accourir les gens. La situation était déjà tendue entre la cour et le peuple. Celle foule assemblée criait, chantait, s'excitaïl progressivement. Elle en arrivail peu à peu à ce point critique où le moindre incident pouvait, selon sa nature, causer wne émeute ou apaiser les esprits. La Reine, effrayée, n'osait sortir. Lacépède la rassura, l'engagea à se montrer, à sourire, a saluer. Marie-Antoinette obéit ; elle s'inclina, sourit, salua à plusieurs reprise-. Gela suffît. Tous applaudirent, et le départ eut lieu sans difficultés. II La carrière politique active de Lacépède, pondant relie pre- mière partie de la Révolution, s'arrêta bientôt. Membre do l'As- semblée législative, il ne devait point siéger dans la Convention, contrairement à plusieurs de ses amis, et notamment à son col- lègue Pourcroy. Mai- ce passage aux affaires, quoique bref, se rendil profitable à l'histoire naturelle. Le Jardin du Roi, l'ancien Jardin royal des piaules médicinales, y prépara une transforma- tion rendue nécessaire et, son changemenl en Muséum national. Cette rénovation fui projetée el décidée, sinon exécutée, en 1790. L'étal de défiance, établi cidre l'intendanl la Billarderie el, le corps des professeurs ou gardes, ne se modifiail poinl et s'aggravail plutôt. Les moindres froissements devenaient causes <]<■ conflit, ('elle lutte se rendait chaque jour plus difficile pour l'intendant, qui devail compter avec l'influence politique de ses adversaires, acquise en sus (\r leur autorité de savants. Finale- ment, un décrel de l'Assemblée nationale, rendu le 20 aoûl 1790, décida d'inviter les < Officiers du Jardin des plantes cl du Cabinet d'histoire naturelle •■ a se concerter ci a rédiger un projel «le LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 155 règlement destiné à établir sur de nouvelles bases l'organisation de rétablissement. Ce décret, attendu, escompté, reçut de suite sa sanction. Dès sa notification, le 23 août, eut lieu la réunion ordonnée par lui. Tous y assistèrent, el même l'intendant. Ce dernier, ce jour-là, reçut en face, sans détours, les premières salves «les hostilités. On ue voulut point «le lui pour président, eï Daubenton fut désigné, presque à l'unanimité, pour diriger les séances, avec Lacépède comme secrétaire. La Billarderie comprit; il assista encore à la séance suivante et s'abstint ensuite de paraître. Les « officiers », gardes et démonstrateurs, réunis en Assemblée plé- nière, travaillèrent sans lui. Ils décidèrent de siéger sans désemparer, trois fois par semaine, jusqu'à l'achèvement de leur tâche, ils nommèrent une commis- sion de trois membres. Lacépède, Focrcroy, Portal, chargée de préparer les articles du projet et de les soumettre à l'accep-' tation de leur Assemblée. Le registre des délibérations existe toujours dans les archives du Muséum. Relié en veau bruni par le temps, il porte encore l'étiquette du papetier chez qui on l'acheta : « A l'image Saint-Etienne, rue Saint-Victor, près la place Maubert, Làvallard, marchand, lient un magazin de toutes sortes de papiers et généralement tout ce qui concerne l'écriture el la, fourniture des bureaux ». Ce lui cette commission, el notamment Lacépède avec Four- croy, l'un secrétaire, l'autre rapporteur, qui accomplit vraiment l'œuvre de reconstitution, où l'on décida de prendre le titre de Muséum, de cvOi'i el d'entretenir des collections aussi complètes (pie possible, de se consacrer à l'enseignement public de l'his- toire naturelle et de toutes ses applications, de supprimer l'inten- dant pour le remplacer par un directeur choisi parmi les profes- seurs el élu par eux. La réunion plénière se borna à sanctionner et à approuver les articles. La fine écriture de Lacépède rend compte, dans le registre, de tout ce qui se passa. La dernière séance eul lieu le 12 septembre. On convint de faire imprimer le projet, de l'accompagner d'une adresse servant d'exposé des motifs, et de demander au président de l'Assemblée nationale d'arrêter une date pour sa présentation officielle au Parlement. .Mais l'affaire s'arrêta net et n'alla pas plus loin. Les préoccupations politiques, peut-être un retour offensif de la Billarderie, empêchèrent d'aboutir, et d'achever ce qui avail si bien commencé. Le Jardin resta comme il était, el garda à sa tète son intendant. 156 LOUIS ROULE l 'ourtanl la Billarderie se sentail Louché. 11 essaya de résister, intéressa Gondorcet à sa cause en lui promettant sa survi- vance; mais ces pourparlers n'aboutirent pas. Aussi, cessant toute lutte, préféra-t-i] s'en aller, il donna sa démission le 25 décembre 1701. Son départ laissa les choses comme devant. Daubenton fit pendanl plusieurs mois l'intérim administratif, jusqu'au 1"' juillel L792, où Bernardin de Saint-Pierre fut nommé intendant du Jardin. Certes, le conteur de Paul el Virginie, le philosophe des Etudes de la Nature, était mieux désigné qu'un soldai pour diriger un établissemenl d'histoire naturelle. En temps ordinaire, il cul sûrement tenu son emploi à la satisfaction de tous. .Mais il venait en un mauvais moment. L'institution même de l'inten- dance se trouvait visée, en dehors de toute considération de per- sonne. Il chercha cependant, malgré son caractère ombrageux cl morose, à se concilier les sympathies de ses administrés. 11 n'y réussit qu'à moitié, et la situation demeura sans changement. III Puis la Convention succéda à l'Assemblée législative. Elle décréta, en février 1793, que ses Commissions de l'instruction publique él des finances lui fissent un rapport sur l'organisa- tion qu'il conviendrait de donner au Jardin des piaules. Four- croy, qui lui appartenait, qui avail été rapporteur de l'ancien projet, fut sans doute l'instigateur de cette décision. Mais, une fois de pins, rien n'ahoul il. Il fallut un incident fortuit, plusieurs mois après, pour donner la solut ion. Lakanal, ayant été chargé d'inventorier le château de Chan- tilly, eut l'idée de faire transporter au Gahinet du Jardin des plantes les collections d'histoire naturelle formées par les princes de la maison de Condé. Il voulut toutefois s'assurer par avance du nouvel emplacement, de ses dispositions, el alla visiter le Jardin. Il vil Daubenton, causa avec lui. Tous deux s'enlre- tinrenl du Cabinet, de son installation, de la nécessité d'un règle- ment nouveau, el I >\i benton fil pari à son interlocuteur du projet d'amélioration que .-es collègues àvaienl rormé jadis. Lakanal 'empressa de saisir la double occasion de satisfaire son désir t\<- transferl sans en référer à l'acceptation de l'intendant en fonc- tions, el de résoudre une importante question d'intérêt public. Sa visite étanl du 9 juin IT'.id. il soumil ù la Convention, dès le lendemain In juin, l'ancien programme élaboré par Lacépède el Pourcroy. La Convention l'accepta le jour même. Le Muséum avail sa charte désormais, La vie et l'œuvre de lacépède 157 La légende s'esi emparée de cette histoire. Les nouveaux venus du Jardin, qui n'avaient pas assisté aux réunions de L790, el nolammenl Geoffroy-Saint-Hilaire, surpris d'un changement aussi rapide, onl attribué à Lakanal seul, sur les conseils de Dai benton, la paternité de ce règlement. Il n'en fui pas ainsi. Le mérite de Lakanal. en cette rénovation du vieux Jardin, con- sista à examiner le projel primitif, à se rendre compte de sa valeur, et à le faire accepter sans délai, ce que nul n'avait obtenu avant lui. La première assemblée des professeurs du nouveau Muséum cul lieu le 14 juin. Tous y assistaient : Daubenton la présida, comme il avait présidé celle du début de la Révolution, t'n .-cul manquait, et c'était le principal ouvrier : Lacépède proscrit, avait dû démissionner quelques mois auparavant et qui! I t Paris. IV La lutte entre les Girondins el les Montagnards prenait alors toute son acuité. Lacépède n'appartenant point à la Convention, ce conflit ne l'intéressait pas de façon directe. Mais les événe- ments s'entraînaient les uns les autres, .se précipitaient, et ils emportaient tout. Bien que ses opinions ne soient poinl diffé- rentes de celles de son collègue et ami Folrcroy, qui siégeait à la Convention et ne fut jamais inquiété, bien que lui-même ait obtenu l'estime et la sympathie de chacun, il se vil rangé parmi les suspects. Ses relations anciennes avec plusieurs Girondins de marque dont il était le compatriote, son titre nobiliaire, don- naient aux soupçons une apparence de véracité. Surveillé, menacé d'arrestation, il suivit les conseils de ses anus, et donna sa démission le 9 mars 1793. Ne voulant point émigrer, il se relira à Leuville pour y attendre des moments meilleurs. Cette attente dura près de deux années. Il s'installa donc à la campagne, accompagné de la famille Gauthier qui s'obstina à ne point l'abandonner. Toutefois, on ne l'oubliait pas à Paris. Des ordres de prise de corps turent envoyés à la municipalité de Corbeil, dont Leuville dépendait, mais les magistrats municipaux les tinrent toujours pour inexis- tants et ne l'inquiétèrent en rien. L'arrestation, à cette époque, dans un cas pareil, conduisait presque sûrement à la mort. On lil tout au monde pour l'éviter. un alla jusqu'à pressentir Robespierre, qui promit son appui. à la condition, pour Lacépède, de ne point revenir à Paris où sa protection serait peut-être insuffisante. Lacépède, obéissant à 158 LOUIS ROULE cet avis, resta donc à Leuville. Ceux qui l'entouraient vivaient dans une appréhension continuelle. Pour lui, sj ce sentimenl le touchait, il ne le montrail guère, à en juger d'après ses occupa- tions : il écrivit une partie de son ouvrage sur l'histoire natu- relle des Poissons, et il se maria. Les hommes de la Révolution, à côtoyer sans cesse le danger, en avaienl acquis une sorte d'endurance et d'indifférence. On risquai! la morl chaque jour, on le savait, et l'on vivait comme à l'ordinaire sans se lamenter ni se cacher. La violence des choses tragiques avait trempé lésâmes. Lacépède, ayant emporté ses notes et ses manuscrits, travaillait el rédigeait. Entre temps, il se promenait et se délassail à ces sorties. Il allait souvent visi 1er les ruines de la tour de Montlhéry, qui se dressent toujours sur leur colline comme pour surveiller encore le pays; il \ pré- parai! les plans de ses rédactions. Il goùtail vivement les charmes du repos forcé que les événements lui avaienl imposé. Il rappelle, dans une notice qu'il écrivit plus tard sur lui-môme, son plaisir à rêver, étendu sur le gazon, à l'ombre des « peupliers inspira- teurs ». Il rencontrait parfois un autre fugitif comme lui. l'abbé Raynal, l'historien, alors au seuil de la vieillesse, 'l'on- deux causaient, 1 1 le temps passait. Son ami Gauthier mourut au début de cel exode, laissant à. Lacépède le soin de sa femme et de son [ils. In sentiment nou- veau, dans celle communauté d'existence el de soucis, ne larda pas à naître et à grandir. Quatorze mois après celle mort, Lacé- pède, à Leuville, épousa la veuve et adopta l'enfant. V Cependant le Muséum s'installait. L'ancien intendant, dont l'emploi venait d'être, supprimé, se retirait avec une pension, el l'administration, confiée désormais à l'assemblée des professeurs, était cxcvcri' par un directeur que ses collègues choisissaient parmi eux. On le nommait pour un an, el il n'était rééligible (prune rois. Le premier fut encore Dai benton. Parmi les questions que discutèrent sans tarder les professeurs- administrateurs celle du retour de Lacépède prit la première place. Les deux chaires de zoologie créées dans l'institution nouvelle, l'une pour les animaux vertébrés, l'autre pour les inver- tébrés, celle-ci avait été donnée à Lam mk.k. qui devait l'illustrer, la première à Geoffroy -Saint II ii aire, à peine âgé de 21 ans. appelé par Daubenton, quelques mois auparavant, pour remplacer Lacépède démissionnaire. Par suite, tout étant occupé, aucune LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 150 situation ne se trouvait vacante. Foi rcroy, l'ami el le camarade de l'absent, désireux de faciliter sa rentrée, décida d'agir en sa faveur dans le Muséum et dans la Convention. Dès la séance du 22 juin, douze jours après le début du régime nou- veau, sur sa proposition, l'assemblée des professeurs dérida que quatre d'entre eux se rendraient, sans délai, auprès du Comité d'instruction publique pour lui poser' plusieurs questions, dont l'une consistait à demander la création d'une troisième chaire de zoologie. Celle-ci, dans la pensée de tous, devaii revenir à Lacé- pède. Ces efforts furent vains. Les quatre commissaires, rendant compte de leur mandai le 2i juin, exposent que « plusieurs membres du Comité d'instruction publique oui estimé que le moment n'était pas favorable ». » Fourcroy, battu de ce côté, adopta une autre lactique. Dans la séance suivante, celle du 20 juin, il s'attaqua directement à Geoffroy-Saint-Hilaire, et lui reprocha d'occuper indûment une chaire, celle de Lacépède absent. A son avis, une telle substi- tution de personnes ne pouvait être admise. On discuta beau- coup, on ne s'entendit point, et on décida encore de porter le Conflit devant le Comité d'instruction publique. Celui-ci se déclara incompétent, tout en estimant à la majorité, de façon officieuse, que « la nomination du citoyen Geoffroy était légale ». Ilcbulés encore, les amis de Lacépède cherchèrent ailleurs. Quelques jours plus tard, dans la séance du 3 juillet, Daubenton proposa d'inviter le citoyen Lacépède, au nom de l'assemblée des professeurs, à l'aire au Muséum un cours de zoologie, jusqu'à ce que la Convention ait créé la chaire sollicitée. La proposition adoptée à l'unanimité, on en écrit à Lacépède, qui accepte à son tour. Mais les ressentiments politiques n'étaient pas éteints. On lui lit savoir qu'il était dangereux de revenir à Paris. C'est alors cpie l'avis fut donné par Robespierre de ne point quitter Leu- ville et de rester oublié. Le Muséum prit encore, dans sa séance du L'> nivôse an II (1er janvier 1794), la décision de voir Lakanal, el de le prier d'in- sister auprès du Comité d'instruction publique pour demander à la Convention la création d'une chaire supplémentaire. Cette tentative ne réussit pas mieux que les précédentes. Elle fut la dernière. Il fallut arriver au 9 thermidor, el à la fin de la Terreur, pour que Lacépède ait enfin la possibilité de rentrer sans risques à Paris. 11 le lit sous une forme étonnante chez un homme de son autorité scientifique et de son âge, car il touchait à la qua- rantaine : il revint comme élève de l'Ecole normale. 160 LOUIS ROI LE VI L'Ecole normale de l'an 111, créée par un décret du 9 bru- maire 30 octobre L794), fui supprimée le 30 floréal suivanl 19 mai 1 795 . après quatre mois de cours souvenl troublés. Cette disparition hâtive étail inévitable. La Convention avail assemblé là, en leur donnant un traitement, el pour en faire des profes- seurs, des élèves de toute condition, de toute instruction, de tout âge. On y entrail à l'élection. Les anciens instituteurs y domi- naient, mais on y voyail aussi des paysans, des ouvriers, même quelques soldats. Cette foule disparate réunissait L.400 à 1.500 personnes. Des membres de l'ancien enseignement, -mis places ni ressources, se portèrenl candidats dans tous les districts du pays, ei furenl nommés. Lacépède recul sa désignation de la municipalité de < lorbeil. Georges Cuvier vit fonctionner cette Ecole. « La Convention, écrit-il dans l'Eloge historique qu'il a prononcé trente ans plus tard sur Lacépède, avail imaginé de former des professeurs en faisanl assister des hommes déjà munis de quelque instruction aux leçons de savants célèbres qui n'auraient à leur montrer que les meilleures méthodes d'enseigner. Quinze cents individus furent envoyés à cel effel à Paris, choisis dans tous les départe- ments, mais comme on pouvait choisir ainsi : quelques-uns à peine dignes de présider à une école primaire; d'autres égaux pour le moins à leurs maîtres par l'âge el par la célébrité. Mon- sieur de Lacépède s'y trouvai! sur les bancs avec Monsieur de LJougainville, septuagénaire, officier généra] de terre et de mer, écrivain et géomètre égalémenl fameux; avec le grammairien de Wailly, mm moin- âgé, et auteur devenu classique depuis quarante an.-; avec noire savant collègue Monsieur Fourier. Monsieur de Laplacè lui-même, el c'esl toul due. \ paru! d'abord comme élève; el aux côtés de pareils hommes siégeaienl de.- villa- geois qui à peine savaienl lire correctement. Kniin. poui com- pléter l'idée que l'on doil se faire de celle réunion hétérogène, l'arl d'enseigner devaiil être montré par >]c^ hommes ire- illustres sans doute, mai- qui ne l'avaient jamais pratiqué : les Volney, les Bertiiollet, les Bernardin de Saint-Pierre ». Mai- Lacépède n'eul pas l'occasion de s'asseoir sur le- bancs ou prirent place ses nombreux el turbulents camaradi . I» < u retour, ayanl retrouvé ses amis el si'- relations politiques, il repril la situation qui lui revenail el que nul ne chercha à lui disputer. Son autorite n'avail pas ce se d'être. Dès le 21 frimai LA \ II-: ET l.'u.l \ RE DE LACÉPÈDE 101 an III (1J décembre 1794), la Convention vota une loi portant qu'il y aurait désormais au Muséum un troisième professeur de zoologie. Peu après, dans sa réunion du 2'i nivôse (12 jan- vier t795), l'Assemblée du Muséum nomma Lacépède dan- cette chaire, à l'unanimité des suffrages, pour la démonstration des Quadrupèdes ovipares, Reptiles et Poissons. Et Lacépède prit séance le 14 pluviôse 2 lévrier 1795), Jussieu étant directeur, Lamarck secrétaire. \i[ Les temps de proscription se trouvaient révolus. Le principal fondateur du Muséum nouveau pouvait enfin pénétrer el tra- vailler dans cette vaste et laborieuse maison qu'il avait, mieux que tout autre, contribué à créer. La charge entière des ressenti- ments qu'un tel changemenl avait occasionnés s'était abattue sur lui et l'avait durement frappé, mais non écrasé. Il revenait maintenant, prêt à consolider l'œuvre encore jeune et hésitante. Il se remit à la besogne, continua son ouvrage entrepris avant la Révolution, interrompu par les événements, poursuivi durant les mois d'exil, et dont rien désormais ne paraissait pouvoir l'écarter. La déférence qu'on lui témoignait, et qu'il avait rapidement su reconquérir, ne tarda point à se prouver pur des actes. Dès l'année suivante, le directeur Ji ssieu étant arrivé au terme de son mandat, le vote unanime du Muséum se porta sur Lacépède pour le remplacer. Celui-ci n'accepta point. La réserve qu'il s'imposait et qui était une forme de son tempérament, le souci de ne point se laisser détourner de son travail par une fonction absorbante, lui conseillaient également de s'abstenir. Jl ne le lit pas sans hésitation; mais, sa résolution une fois arrêtée, il sut y persévérer. Malgré l'insistance (laiteuse de ses collègues qui, après sa lettre de démission, l'avaient renommé une seconde fois, il obtint de rester à son rang, et cela seulement. Il n'accepta, pour l'année suivante, que la plume de secrétaire des séances, qu'il avait tenue jadis. C'est en cette qualité, Jussieu se trouvant directeur pour la seconde fois, que Lacépède fut appelé à rédiger la relation d'une curieuse fête civique, caractéristique de l'époque, célébrée au Muséum le 10 ventôse an VI (28 février L798), à l'occasion de la plantation d'un arbre de la liberté. Le traité de Campo-Pormio, conclu quelques mois auparavant, avait, pour un temps, ramené le calme et la tranquillité. Chacun célébrait la paix et la concorde 11 162 LOUIS ROULE revenues. On s'efforçait de ne point écouter, ni d'entendre, les bruits de conflits possibles et du désaccords. Le Muséum eul dune, sa cérémonie. Los professeurs portant des palmes vertes, entourés de gardes nationaux el de vétérans, traversèrent en pompe le Jardin, précédés d'une musique militaire. L'arbre planté dans la cour principale, on joua des hymnes patriotiques et l'air « Où peut-on être mieux qu'au sein de sa famille ». Le botaniste Jussieu prononça un discours chaleureux sur lés bienfaits de la liberté. Puis on banqueta, on chanta, on discourul encore sur la. prospérité de la République, sur la longue duvùa de la consti- tution, sur la paix assurée par la victoire. L'ironie de.- événe- ments plaçait cette fête, organisée dans un espoir d'apaisement par des savants pacifiques, à quelques semaines de l'expédition d'Egypte, des élections cassées de Floréal, et de la formidable coalition qui, vers la lin de 1798, dressa contre la France l'Eu- rope presque entière. Mil Entre temps, en 1795, le gouvernemenl avait rétabli l'Institut. Dai BENTON et LacéPÈDE siégèrent côte à côte dans la sectfon de zoologie de l'Académie des sciences, et Lacépède, secrétaire en 1797-1798, fut appelé a prendre plusieurs fois la. parole au nom de ses collègues. Mais sa tâche principale était parmi le.- collec- tions ou dans son cabinet. 11 habitait rue <\r> Petits-Augustins, non loin de Saint-Germain-des-Prés, et venait régulièrement au Muséum; il consacrait à l'étude des Poissons, à la rédaction de leur histoire, tout le temps que lui laissaient ses relations et les soins accordés à sa femme souffrante. Sa besogne était double, comme celle de ses collègues, el comme elle esl restée pour leurs successeurs. D'une part, il fallait classer le- collections, les assembler selon leur ordre naturel, les exposer en public de façon satisfaisante, les remanier sans cesse pour les accroître et' leur intercaler les pièces nouvellement arrivées. D'autre part, il fallait enseigner d'après ces collections, préparer les leçons et les dire. Lacépède se prêtait allègrement, sans faiblir, à ces deux labeurs. La première partie de ce travail se compliquait, pour bu. de la peine qu'il prenait a rédiger smi ouvrage sur les Poissons. La seconde ne lui inspirait pas moins de soucis, par la conscience qu'il apportait à la préparation méticuleuse de son ensei- gnement. Non seulemenl il lui donnait sa portée complète, et cherchait à instruire l'auditoire tout en l'intéressant, mais il avait LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 1G3 le soin, chaque année, do commencer par une leçon d'ouverture où il exposait le plan qu'il comptait suivre, et de terminer par une leçon de clôture, où il résumait les Lraits marquants de ee qu'il avait dit. Il considérail ces deux leçons, celle du début et celle de la fin, comme étant d'une extrême importance. Il les étudiait, les approfondissait, polissait leur forme, finalement les écrivait pour les lire el pour éviter de se laisser entraîner à l'im- provisation ou de commettre des oublis. Quelques-unes d'entre elles ont été publiées, de l'an VI à l'an IX (1799 à 1802). Leur lecture est une révélation. Elle montre un Lacépède encore ignoré, et une histoire uaturelle encore inédite, même après celle de Buffon. Le Lacépède nouveau s'était façonné peu à peu durant ses années de jeunesse; il venait de s'achever pendant sa période d'exil. Désormais en pleine maturité, il prenail de lui-même une entière maîtrise. Naturaliste de métier, il s'étail formé en surcroît comme philosophe et comme moraliste. L'étude de la nature, à ses yeux, ne contenait pas en elle seule sa propre fin. 11 ne lui suffisait point d'examiner les êtres, de les décrire, et de s'arrêter là en estimant que la tâche se trouvait achevée. 11 voulait davan- tage, cherchait plus avant. Il rapportait à l'Homme en général, à l'humanité, à son progrès, à sa consolation, le fond même de ses recherches. Sa philosophie, sa morale, se dressaient sur ses observations de naturaliste. Il en venait à considérer les sciences naturelles comme celles du sage et de l'homme d'Etat, Par leur moyen il montrait à l'un les raisons de sa sagesse, à l'autre celles des actions des peuples. Esprit synthétique et prophétique, il planait sur les siècles, et dominait les âges du passé avec ceux de l'avenir. Ces leçons, que le professeur complétait à l'aide d'articles publiés dans les journaux et les revues, produisirent une vive impression. Le célèbre botaniste A.-P. de Gandolle, alors étu- diant, les suivait avec assiduité. 11 écrivit à ses parents, dans une lettre du 2 thermidor an VI (20 juillet 1798), le sentiment qu'il en éprouvait : « Lacépède a terminé son cours par un tableau du bonheur que procure l'histoire naturelle. Ce tableau était si vrai et si bien senti que presque tout le monde en était ému, ce qui est rare ici. Pour moi, je le suis encore en y pensant. 11 doit nous le distribuer, et je veux vous l'envoyer, afin (pif vous vous réjouissiez de l'heureux sort qu'il me promet, Ce bonheur, je l'éprouve déjà dans mes études, qui sont si intéressantes que je ne puis m'en séparer un moment ». hu LOUIS ROI LE IX L'influence exercée par Lacépède à cette époque étail grande, bien que discrète. Elle reconnaissait plusieurs causes : une hau- teur d'esprit incontestable, un caractère honnête el droit, un nom respecté, une conduite digne et équitable. Elle s'appuyail à La fois sur la valeur scientifique et sur le caractère de l'homme qui la possédait. Elle se prévalait encore de cette considération presque superstitieuse, dont on entoure les gens qui ont échappé sans grand dommage à un grave danger. Lacépède représentait tout ensemble la liante science et la sagesse politique. D'abord élève de Bi ffon, dont il continuait l'œuvre, il avail ensuite siégé dans les premières Assemblées du régime nouveau, subi la pro- scription, évité la mort, et repris son travail de savant. On l'en estimait davantage. Ses amis au pouvoir le recherchaient, le consultaient, l'ecoutaiçnl volontiers. Ces fréquentations lui firent bientôl rencontrer à l'Institut, el dans plusieurs réunions, le général Bonaparte, revenu de l'armée d'Italie. Une amitié profonde lia rapidement ces deux hommes, mais péservée, ainsi qu'il convenâil à la situation excep- tionnelle de l'un et au lempéramenl pondéré de l'autre. Cette amitié personnelle, née en dehors de toute considération Exté- rieure, s'exprima 6hez Lacépède par un attachemenl sans bornes, chez le futur empereur par une confiance inaltérable. Leur con- duite mutuelle, et la façon dont ils se sont soutenus, onl prête à des remarques nombreuses, «ni s'est étonné de voir un Empereur puissant consulter un naturaliste, placer un savant à la tête du grand ordre honorifique de l'Etat, et ce savant consentir à pré- sider des Assemblées délibérantes, à les diriger dans un certain sens, à jouer un rôle politique pour lequel il ne semblait point désigné. Ces choses étonnaienl moins les contemporains. Elles s'éclairent, du reste, à la lueur des événements passés au début de cette liaison sous le Directoire. La forte situation de Lacépède, la gravité de son caractère, sa réputation méritée de sagesse, l'estime profonde dont on l'entourait, sa politesse courtoise et bienveillante, firent impression sur l'esprit dé celui qui n'était encore qu'un général des armées de la République. Cette impres- sion ne s'effaça jamais. Sun premier effet, el l'un <\r> plus frappants, se manifesta au lendemain du coup d'Etat de brumaire. Les Consuls, à peine installés, offrirent à Lacépède le mini.- 1ère de l'intérieur. Celui ci, LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 165 toujours épris de tranquillité, soucieux d'achever la publication de son histoire naturelle s'excusa et refusa, consentant seule- ment à faire partie du Sénat nouvellement créé, li y entra, on amenant avec lui Daubenton son vieux maître, et plusieurs savants de ses amis. CHAPITRE III Solis le Consulat et sous l'Empire; Lacépède homme d'Etat et grand chancelier de la Légion d'honneur. I Les quatre années du Consulat, de 1800 à 1801, procurèrent à Lacépède des satisfactions d'esprit intenses. Il eut le plaisir d'achever la publication de son Histoire naturelle des Poissons, et de la compléter par celle de son Histoire des Cétacés. Mais la joie de l'œuvre finie disparut bientôt devant le chagrin de deux morts qui le touchèrent grandement : celle de Daubenton d'abord, celle de sa femme ensuite. Daubenton mourut le 12 nivôse an VIII (1er janvier 1800), peu de jours après son entrée au Sénat. Chargé d'ans, car il était né en 171(3, il avait vécu presque en entier le siècle qui s'achevait. Décrépit, cassé, il était plus un nom et un symbole qu'une acti- vité. Naturaliste renommé dès le temps de sa collaboration avec Buffon, il personnifiait devant tous une époque glorieuse pour les sciences de la nature. Le respect l'entourait. Lacépède, qui lui vouait une affection sincère et toujours en éveil, éprouva de cette disparition, bien que prévue, une tristesse profonde. Il s'attacha à faire donner aux obsèques une pompe inusitée. La cérémonie, réglée selon le goût de l'époque, théâtral et visant au grandiose, offrit en effet un caractère marqué de triomphe et de deuil. Elle cul lieu, an Muséum, le 14 nivôse (3 janvier 1800). Le cercueil de Daubenton, placé dans un sarcophage de porphyre rouge, était porté à bras par vingt hommes. Les professeurs, tenant à la main des brandies de cyprès, suivaient sur deux rangs. Des tambours voilés de crêpe battaient par intervalles. Lue assistance nombreuse défilait ensuite. Deux discours furent 166 LOUIS ROULE prononcés, le premier par Lacépède, le second par Fotrcroy, où les mérites du défunl étaient célébrés et commémorés dans le style enthousiaste, riche en épithètes, donl on se servail volon- tiers en ce temps-là. Puis, sous le ciel froid de cette journée d'hiver, sous les arbres dépouillés, oon loin du grand cèdre histo- rique, on inhuma le corps dans la butte du labyrinthe, face au soleil levant. Les professeurs, en défîlanl pour le dernier adieu, jetèrenl sur lui leurs branches vertes. Une colonne, portant le nom du mort, les deux dates de sa naissance el de sa fin, fut plus tard dressée en ce lieu. Depuis. Daubenton repose à la place même où Lacépède l'a fail mettre, et, sous un tapis de lierre, ses restes continuent à habiter ce Jardin des naturalistes auquel il consacra la majeure pari de sa longue vie. II La disparition de Daubenton marque, pour Lacépède, le début d'années pénibles el douloureuses. Sa femme, souffrante de longue date, s'affaiblissait à vue d'œil. Il continua, toutefois, à travailler assidûmenl aux collections, à les classer el a les disposer; il assista aux séances de l'Assemblée des professeurs, et s'occupa de ses publications. Mais il se retira bientô! chez lui. s'y enferma auprès de sa malade, el n'en sortit guère que pour se rendre à l'Institut, ou au Sénat, qu'il présida en l'an X. Il lutta de sou mieux contre la maladie. Ses efforts furenl inutiles. Un séjour aux eaux d'Aix-la-Chapelle, qui motiva de sa part une communication sur des ossements Fossiles récemment trouvés auprès de Maestricht, ne produisit aucune amélioration. La consomplion progressai! sans arrêt. Lacépède en vint à se cloîtrer au chevel de sa femme, et à ne plus communiquer avec ses collègues que par lettres. Il ne sortit de eetto abstention, en octobre L802, que pour donner sou vole à Georges Guvier, can- didal à la chaire d'anatomie du Muséum. A <5e moment, la fin approchait déjà. En décembre, la malade paru! se ressaisir el regagner quelques forces, ainsi qu'il arrive parfois lorsque la dernière période louche ,'i son terme. Lacépède se livra à de nouveaux espoirs. Puis le mal s'aggrava de façon définitive, et la mort survinl le ::i décembre 1802. Dès le lendemain. l'Assemblée des professeurs décida qu'une députation de ses membres o se présenterai! chez le citoyen Lacépède pour lui témoigner l'estime el l'intérêl que les professeurs ressentenl pour leur estimable collègue ». L'inhu* LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE iG7 mation se fit à Leuville, dans le petit cimetière où reposait déjà le premier mari. Le coup fut violenl ri le chagrin immense. Lacépède n'avait plus, pour boute famille, que sou fils adoptif, devenu un jeune homme. Sa douleur, cachée au plus profond de lui-même, ne s'apaisa jamais. Il tenta de reprendre, peu de jours après, dès le milieu de janvier 1803, ses occupations habituelles; mais il portait eu lui un souvenir qui ne s'effaça plus. Cette douleur parvint même à une telle acuité, qu'il rédigea un testament où, exprimant sa désolation, il donnait le plan du cimetière de Leuville, celui du tombeau de sa femme, cl souhaitait qu'on l'en- terrai auprès d'elle, quel que soit l'endroit où il put mourir. Il mit le comble à une fidélité si touchante, en plaçant cet écrit dans mu' boîte qui avait appartenu à celle qu'il regrettait, et en la portant constamment sur lui. Il voulut vivre physiquement et moralement avec son chagrin, comme par une sorte de flagel- lation intime et incessante. Ceci dura plus de trente ans. Parmi les fêtes les plus brillantes de l'Empire, il avait ce testament sous son costume de cérémonie et les plaques de ses ordres. On ne le sut qu'à sa mort. III Ces deux disparitions successives, à deux années d'intervalle, ea usèrent chez Lacépède une violente crise morale et contri- buèrent grandement à transformer sa vie. Non seulement elles brisèrent en lui des attachements que sa sensibilité considérait comme indispensables à son existence, mais elles le poussèrent ailleurs. L'équilibre rompu d'un côté exigea un autre contre- poids. C'était au Muséum, dans la tâche journalière des collec- tions, que Lacépède avait appris à estimer et à vénérer Dauben- ton. C'était encore au Muséum, dans ce même travail, qu'il avait rencontré et aimé celle dont il fit sa femme. Son labeur de natu- raliste s'associait étroitement à Pexercice de ces deux affections, différentes l'une de l'autre, mais également profondes. La rup- ture brusque et douloureuse, amenée par la mort, éprouvée avec intensité, le détourna de cette occupation du savant de collec- tions, qui lui rappelait le bonheur disparu. Il se laissa entraîner vers la recherche érudite, la spéculation philosophique, l'orga- nisation administrative, et, pourrait-on dire en outre, vers l'ac- tion morale. Ce changement s'accomplit sur la fm du Consulat et le début de l'Empire; jusque-là, pendant une période de dix années depuis son retour d'exil, il avait surtout fait œuvre de naturaliste technicien. 108 LOUIS ROULE La production en est considérable. Elle consiste surtout en six forts volumes, publiés de L798 à 1804, dont les cin< | premiers traitent de l'Histoire naturelle des Poissons, et le dernier de celle des Cétacés. Les livres des Poissons contiennent, comme leur nom l'in- dique, mi exposé complet de lout ce que Lacépède a pu rassem- bler sur ces êtres. Ils font époque en ichthyologie, et marquent une date. Non seulement le nombre des espèces décrites y est grandement augmenté et presque triplé par rapport à ce qu'il était jusque-là, mais les descriptions elles-mêmes offrent une précision el une ampleur auxquelles on n'était guère habitué. Lacépède consacre à chaque aspèce une sorte de monographie, raconte ses mœurs, ses principales particularités, observe ainsi la méthode de Buffon, se montre biologiste et descripteur. Son ouvrage a longtemps servi de référence. Dépassé par celui de ses successeurs, il retrouve aujourd'hui une sorte de renouveau. Lacépède, en effet, fut l'un des premiers à décrire les espèces des Poissons exotiques, et les nom- qu'il leur imposa, momen- tanément écartés par ceux qu'on leur donna ensuite, reprennent maintenant, dans les travaux actuels, leur place d'autrefois. Le premier tome de YHistoire naturelle des Poissons parut en 1798. Les autres le suivirent bientôt, en 1800. 1802, 1803. Le dernier est dédié à sa femme, qui venait de mourir. Lue telle rapidité s'explique aisément, car la publication marquait le terme final et l'aboutissant d'un travail dont la patiente élaboration avait commencé avant la période révolutionnaire. Chaque volume, selon une innovation peu imitée, dont Lacépède a donné un exemple systématique dans la plupart de ses livres, est pré- cédé d'une préface écrite en manière de discours, el portant ce titre. Les cinq discours de celle Histoire naturelle sonl presque ignorés. Imprimés, en tête d'ouvrages destinés à <1r> techniciens, ils restèrenl inconnus du public lettré à qui il- s'adressaient surtout. G'esl en eux pourtant, et par leur moyen, que Lacépède donnait libre cours à son penchant pour la généralisation élevée cl [es vues d'ensemble. Véritables essais de philosophie naturelle, ils exposent, à propos des Poissons, les pensées du naturaliste sur la Nature, ils surprennent par la nouveauté el la puissance de l'idée qui le- inspira. La création des êtres, la formation el la durée de- espèces, les r gles de l'utilisation économique, ont tour à tour envisagées. Lacépède \ dépasse de loin son époque. Il prononce des mots, il invoque des relations, où l'on LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 100 sait aujourd'hui qu'il touchait à la vérité. Comme dans ses discours d'ouverture et de clôture, comme dans plusieurs pages de ses dernières publications, il s'élève à la philosophie In plus haute et la plus humaine. Lacépède ne se bornait pas à écrire ses pensées; il les propa- geait encore par la parole, par la leçon, par les causeries entre collègues. Sou enseignement au Muséum, depuis I7'.r>, était imbu de ces notions philosophiques, dont il avait recueilli le principe sur les lèvres et dans les œuvres de Buffon. Toujours courtois et discret, il ne prenait pas plus garde à ceux qui accep- taient ses idées qu'à ceux qui les rejetaient. Sa conduite entière montre qu'il jugeait sa tâche achevée lorsqu'il avait exposé son opinion, ou qu'il l'avait publiée. Cette sorte de détachement, et sa forte situa lion personnelle, expliquent comment des colères grondantes ne se dressèrent point contre lui, alors qu'elles frap- paient à côté. Pour comprendre l'ardeur et la vivacité de Georges CuviER"dans son célèbre discours sur les « Révolutions du globe ». il faut savoir que celui-ci est une réponse à d'autres dis- cours, à ceux de Lacépède, et que, si nulle allusion n'y est faite en apparence, il suffît de comparer les textes pour se rendre compte que Cùvier n'égarait pas ses coups, que deux méthodes se dressaient face à face, l'une analyste et positive, l'autre syn- thétique et généralisante, et que s'opposaient deux façons diffé- rentes de regarder la nature. IV La prépondérance croissante qu'il prenait dans les conseils où se débattail la politique du pays lui permit, sous le Consulat, et à deux reprises, de venir en aide au Muséum. Au début de l'an IX lin de 1800), Lucien Bonaparte, alors ministre de l'Inférieur, voulut placer toutes les administrations sous un stati t uniforme et la dépendance directe du pouvoir central. L'Assem- blée des professeurs du Muséum se voyait donc privée d'une pnl importante de son rôle, car le maniement des fonds. le règlement des affaires, appartiendraient désormais au directeur seul, ainsi investi d'une autorité majorée el presque égale à celle de l'ancien intendant. L'Assemblée entière, dressée contre ce projet, délégua Lacépède et Fourcroy auprès d\\ ministre, pour l'éclairer el l'en- gagera se raviser. Mais Lucien Bonaparte persista dans sa réso- lution, et le Muséum dans la sienne. Le confl.il s'acheva sur le départ du ministre. L'un des premiers actes de Chaptal, on 170 LOUIS ROULE successeur, fui de convoquer les professeurs et de les assurer que rien ne sérail changé. Malgré cette assurance et dès l'année d'après, la tendance à la centralisation se rendant toujours plus pressante, le mini tre essaya de ressaisir d'autre façon ce qu'il avail dû concéder. Pio- fitanl d'une vacance de chaire el de la nomination du candidat proposé par l'Assemblée des professeurs, il notifia un arrêté conforme à celte délibération, mais en l'açcompagnanl d'une lettre où les droits exclusifs du gouvernement s'all rmaient il»' façon catégorique. L'Assemblée s'émul de nouveau, prévoyant en cela un retour à la nomination directe des professeurs par le pouvoir central, sans consultation préalable des compétences. Elle pria Lacépède, accompagné du directeur annuel, de voir le ministre, « à l'effel de lui faire connaître les motifs qui onl déter- miné la confection de la loi du 10 juin L793, qui charge les professeurs-administrateurs de nommer aux places vacantes de leur établissement, les avantages qui sonl résultés de cette loi et les graves inconvénients qui pourraient survenir de sa suppres- sion ». Lacépède gagna encore sa cause 11 fui entendu que « lorsqu'une place de professeur vaquerai! dans le Muséum, les professeurs éliraienl à la majorité des voix le savanl qu'ils croi- raient Je plus cligne de leurs suffrages, que le résultai de leur choix sérail adressé au ministre, que le ministre ferait à ce sujet un rapport au Premier Consul, et que le Premier Consul confir- merait l'élection l'aile par les professeurs ». Ainsi Lacépède, à la fin du Consulat, comptai! parmi les per- sonnages les plus respectés e! les mieux considérés. Il devail cette position prépondérante à l'amitié de celui donl tout dépen- dait alors, el qui régnait déjà, tel un monarque absolu; mais il la devail aussi, comme cette amitié elle-même, à l'estime »|||(I >,m caractère, sa science, son renom, avaient su lui concilier, il en reçut, à celle époque, une autre preuve, aussi éclatante qu'elle était étonnante: lui, naturaliste, professeur, sayanl d'humeur conciliante el paisible, lui nommé grand chancelier de l'ordre national de la Légion d'honneur, que le Premier Consul venail d'instituer. V On connaîl les profondes raisons, d'une psychologie et d'une politique égalemenl raflinées, qui onl motivé cette création. Le choix de Lacépède fui inspiré par un sentimenl non moins relevé. Il fallail évitera cette institution nouvelle, que l'on dési- LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE d 71 rait à la fois durable et glorieuse, les dangers des compétitions et des discussions. Il convenail de protéger sa naissance el croissance, en la plaçanl sous l'égide d'un nom respecté de tous les partis, qui attirât les anciens e! qui rassurât les autres. Il fallait, en outre, que ce chef de Tordre nouveau lui capable do lui donner un corps ci de le rendre viable, car le titre seul existait. 11 fallait, en somme, \\n organisateur. Le Premier Consul chercha autour de lui celui qui répondail le mieux à de lois désirs; il trouva Lacépède, et le prit. Le décret de création de l'ordre, accepté le 4 mai 1803 par le Conseil d'Etal après une discussion mouvementée, par le Tri- bunat le 15 mai suivant, et par le Corps législatif le 10 mai, fut .promulgué dès le lendemain. L'administrai ion suprême relevait d'un conseil de sept membres, comprenant les (unis Consuls et un représentant de chacun des quatre grands corps constitués : le Tribunat, le Sénat, le Conseil d'Etat, le Corps législatif. Ce dernier étant en vacances, un décret désigna Lacépède, bien que sénateur, pour le représenter. Lacépède entra donc dans le conseil grâce à cette volonté supérieure; et, dès la première séance, le 3 fructidor an XI (20 août 1803), il fut élu. par les sept. grand chancelier. L'ordre de la Légion d'honneur, ainsi instauré cl pourvu de son chef, n'existait pas encore en fait. Aucun local, aucun palais officiel, aucun budget, n'étaient prévus en sa faveur. Le grand chancelier, premier du Mire, installa donc la chancellerie chez lui, dans son domicile privé. Il préleva sur ses ressources per- sonnelles les premiers frais de l'administration. C'est de celte manière, en un logis de savant, et sur ses modestes revenus, que l'ordre aux glorieuses destinées commença sa brillante carrière. VI Lacépède, au début de l'Empire, atteignait la cinquantaine. L'âge des réalisations était venu pour lui. avec la foire de les accomplir. Son chagrin, les circonstances aidant, l'avait détourné • les travaux techniques auxquels il se plaisait jadis. Il se consi- dérait, comme libéré, envers le souvenir de Buffox, de la pro- messe faite pour l'achèvement de l'histoire des animaux. Rien, ni attachement, ni inclination, ne l'empêchait donc de terminer sa vie autrement qu'il ne l'avait commencée. Ion! en conservant aux éludes sur la nature une préférence que son affectation à rester professeur au Muséum, à porter ce titre en première ligne, exprimait de façon suffisante- Sa manière initiale l'ayant entraîné 17? LOUIS ROULE vers dos recherches de savant, l'autre le conduisit du côté de la haute administration et de la grande politique. Il accorda à celles-ci les dix années que dura l'Empire, el leur consacra les [acuités de divers ordres, .la, capacité de travail, la rectitude el la droiture d'esprit, qui avaient si bien servi à celles-là. Promu grand chancelier de la Légion d'honneur, il divis vie en deux parts. Le monde ne l'alliraid point, il y allait le moins possible ; son existence journalière était modeste, et il consacrait peu d?heures au sommeil. Aussi employait-il la jour- née aux emplois de sa charge, et la nuit, on les premiers moments <\u matin, à ses éludes de philosophie el d'histoire. Los dix années s'écoulèrenl de cette sorte ; et, quand l'Empire tomba, quand il quitta la chancellerie, il n'eut qu'à rédiger, pour écrire ses derniers ouvrages, l'amas énorme de notes et de documents qu'il avaii accumulés dans son délassement laborieux à ses occu- pations administratives. Cette administration étail ardue. Il fallait tout créer, tout trouver, insufflera tout une vie durable. Des obstacles nombreux se dressaienl de divers côtés, et non pas seulement dus à cette iner- tie qui s'oppose habituellement aux choses nouvelles. Lacépède, chef civil d'un ordre surtout militaire, eut souvent des difficultés avec l'entourage impérial, qui affectait de s-adresser directement à son maître, el de méconnaître l'autorité du chancelier. Des ressources trop faibles l'empêchèrent, au début, d'agir avec l'ampleur désirable. Excédé à diverses reprises par ces conflits continuels, qui renaissaient sans cesse après chaque extinction, Lacépède donna sa démission onze fois, et onze fois la reprit sur Tordre de Napoléon. On disait do lui. en manière de plaisan- terie, el avec raison, que personne n'avail jamais fait autanl de démarches pour obtenir une place, qu'il n'en avnil accompli pour partir de la sienne. L'Empereur tenail à ce qu'il gardai «'elle situation. Les raisons qui l'avaient porté à la lui donner étanl d'ordre permanent, et non passager, il pril soin de ne luipoinl ménager les honneurs ni les richesses. Lacépède, n'étanl pas quémandeur, mettai! du sien au lieu de solJiciter. Il préférai! emprunter el s'endetter. Napoléon lui accorda un traitemenl égal à celui des maréchaux ins commandement, el accorda à la Légion, dans l'hôtel où elle a continué à demeurer, une installation en rapporl avec son importance. Le grand chancelier put, dès ce moment, raire face aux exi- gences qu'il s'imposait. Elles étaienl grandes. Il voulait concilier LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 173 toutes choses, et faire aimer de tous, des petits comme des plus hauts, l'institution qu'il dirigeait. 11 y réussit, grâce ù son caractère accueillant et à sa ténacité laborieuse. Il recevait, quels qu'ils fussent, ceux qui se présentaient à ses audiences, -W± écoutait et ne les rebutait jamais. Sa bienveillance cl sa charité se montraient inépuisables. II écrivait à la plupart dés nouveaux promus, les félicitait, les complim entait sur les actes qui leur avaient valu leur distinction. Il s'Imposait une Lâche surhumaine, et l'accomplissait pourtant, grâce comme il le disait, à son habitude du travail scientifique, qui s'asti eint, poui aboutir, à une discipline ponctuelle, réglée, invariable. Il avait placé à la tête de ses bureaux plusieurs amis de jeunesse donl il était sûr, mais il su réservait le travail le plus lourd, et l'accomplissait. VII Ainsi qu'il l'a écrit lui-même dans une notice sur sa vie, il rencontra des difficultés nombreuses et de toutes sortes. Mais sa persévérance, l'influence personnelle de l'Empereur, l'esprit chevaleresque du tempérament français, portèrent bientôt à regarder la décoration de la Légion comme une récompense aussi noble que vaillante, et à la rendre l'objet de tous les vœux. « Les militaires voulaient l'obtenir ou mourir ». Lacépède se servit de ces sentiments dans un but de moralité élevée. L'un de ses premiers soins consista à venir en aide aux légionnaires sans fortune et à leurs familles. L'ordre ayant été doté de grands domaines, une partie notable de ses revenus fut employée .en faveur des soldats blessés et privés de ressources comme des moyens de s'en procurer. L'une des occupations les plus absorbantes, dans l'administration de Tordre, consistait à rechercher ces bénéficiaires, à les suivre dans leurs déplace- ment. ;'i connaître leur situation, à l'améliorer, à veiller sur eux et sur leur.-, familles. Sous son manteau pompeux de pourpre et d'honneur, l'ordre devenait ainsi, en sus de son rôle glorieux, une association d'assistance et de dévouement charitable, où s'alliaient étroitement, par la volonté du philanthrope qui le diri- geait, le courage et la bonté. Les richesses foncières de Tordre ne-tardèreht point à éveiller quelques défiances. Plusieurs voyaient avec déplaisir se déve- lopper dans l'Etat une institution qui, propriétaire de grands domaines, pouvait, en de certaines circonstances, crée] des difficultés au pouvoir; ils évoquaient le souvenir de- grandes 17 1 LOUIS ROULE confréries du moyen âge et de leurs luîtes. Lacépède, en effet, avait su donner une telle allure à la mise en œuvre de ces domaines, que leurs revenus augmentaient rapidemenl ; la Légion, divisée en cohortes répandues sur le territoire, exerçait sur ses propriétés une surveillance assidue, el les gérail avec grand soin. Malgré la résistance du grand chancelier, les défiances l'emportèrent. Pour les faire triompher, on prétexta de l'intérêt général. Le Gouvernement céda ces biens à la Caisse d'amortissement el remplaça leurs revenu.- par des renies sur l'Etat. L'ordre n'\ perdait point. Mais Lacépède y perdail de ne pou^ voir donner un corps à son aspiration généreuse, qui consistait à améliorer en France les conditions de l'agriculture et de l'éle- vage, el à montrera tous, par la pratique, comment il fallait s'y prendre pour bien cultiver son champ. Il s'entêta, sollicita encore, el obtint la promesse d'une dotation nouvelle : tous les terrains eu friche el suceptibles de culture, qui appartenaient à l'Etat, étaient cédés à la Légion d'honneur. En retour, l'ordre devait employer une pari de son reveAu à les défricher, à les assainir, à les planter, et à les rendre aussi productifs qu'ils pouvaient l'être. Ce projet fut pous.-<5 fort loin. La valeur de plus d'un départe- ment, comme le remarque Lacépède, devait s'accroître par le moyen de ces « travaux pacifiques ». Les décrets destinés à le réaliser rurent préparés el les plans arrêtés. Le grand chancelier appelait à lui les savants illustres, les praticiens émérites, et tous « le- amis les plus éclairés de l'agriculture ». Il associait les communes à son œuvre, il encourageait des compagnies parti- culières a entreprendre une partie du travail, et leur assurait une répartition de bénéfices à partager avec la Légion et avec l'Etat. Il voyail déjà la richesse publique grandir sans arrêt, distribuer à chacun sa part de la. prospérité commune. Mais rien ne se réalisa. Bientôt les événements politiques tournèrent ail leur- l'attention, el forcèrent les regards à se porter sur d'autres objets plus pressants. VIII Les initiatives de Lacépède, huis le couverl de la Légion d'hon- neur, tic -'■ bornèrenl poinl à ces essais d'assistance el de socia- lisation. Douloureusemenl frappé de voir le- femmes, ;'i celle époque de guerres continuelles, plus duremenl atteintes que les hommes, et livrées sans défense a loir- les accidents de la vie, il résolut, en ce qui le concernait, d'atténuer d'aussi graves La vie et l'œuvre de lacépede 175 dommages. Reprenanl les traditions de l'ancienne Ecole de Saint- Gyr, destinée par Louis XIV aux filles pauvres de la noblesse, transformée par la Révolution débutante en institution pour 1rs enfants d'officiers, et finalement licenciée, i! fonda les établisse- ments d'éducation de la Légion d'honneur. Ces maisons, destinées aux filles des légionnaires, devaient leur procurer, dans sa pensée, tous les avantages d'une éducation suffisante, et leur per- mettre de tenir leur rang, ou de disposer d'elles en gagnant hon- nêtement leur vie, dans quelque classe de la société où le sort les put conduire Ces maisons justement réputées ont, depuis le début, tenu leurs promesses avec une dignité qui ne s'est jamais dénie n lie. La première de ces écoles fut installée à Ëcouen, dans l'ancien château 6 familles de Gondé et de Montmorency. Le décrel qui l'institua date du mois de décembre 1805, peu de jours après la victoire d'Austerlitz; Napoléon le signa à Schônbrunn. Quelques années plus tard, en 1810, quatre autres maisons lurent [ondées, à Saint-Denis, à Saint-Gerniain-en-Laye, à Fontaine- bleau, à Paris. Ces deux dernières ayant été supprimées, les premières, seules, subsistent encore avec celle d'Ecouen. La maison de Saint-Denis occupe, à côté de l'antique et célèbre basilique, les vastes constructions de l'ancienne abbaye; celle de Saint-Germain, dite des Loges, étend en pleine forêt, au milieu des futaies et des bois, son bâtiment central et ses pavillons. Lacépede avait prévu des places pour quatorze cents élèves; Saint-Denis en pouvait recevoir plus de cinq cents. Désireux d'assurer à cette partie de son œuvre une prospérité certaine et durable, il la couvrait de sa sollicitude, veillait aux moindres changements, -.'intéressait au choix des directrices d'études et des surintendantes. La première d'entre elles fut Mme Gampan. Aussi, clans sa vieillesse, lorsqu'il reprenait en lui-même ses souvenirs d'autrefois, et revivait par la pensée les jours disparus avec les actions accomplies, pouvait-il se féliciter de son ouvrage. <( Depuis que j'ai cessé de remplir la place de grand chancelier, écrivait-il, j'ai reçu de toutes ces dames, des élèves que je nom- niais mes filles et pour lesquelles j'avais la tendresse d'un père, et de tous les membres de la Légion avec lesquels j'ai eu quelques rapports, des témoignages de bienveillance et d'attachement qui m'ont donné des jouissances bien douces et bien profondes, et qui m'ont persuadé qu'on avait toujours daigné rendre justice à ma bonne volonté ». L76 Loi i- roi LE IX Lacépède n'enseignai! plus depuis 1803. 11 avait choisi comme suppléant dans ses leçons, e1 dans l'entretien des collections, lui anatomiste ej médecin réputé, Constant Duméril, qui devail lui succéder. Mais il ne se désintéressait point du Muséum ni de ce qui lui importait. Jl en lut, sous l'Empire, le grand protecteur, et n'hésita pas, en plusieurs circonstances critiques, malgré des avis contraires, à forcer la. main à l'Empereur lui-même, il nu manquait point d'assister aux séances tenues par l'Assemblée de- professeurs, lorsqu'on y débattait les affaires concernant la prospérité de l'établissement et l'amélioration des ménageries, ou lorsqu'on choisissait le directeur annuel-, il se considérait toujours comme investi d'une sorte de mandat d'outre- tombe, à lui confié par Buffon; cl, avec scrupule, malgré .-es autres occu- pations, s'acquittail de ce qu'il considérait connue une obliga- tion sacrée. Il ( ul ainsi l'occasion de rendre au Muséum, à ses profi -.-■ urs, à ses fonctionnaires, des services nombreux, et, parfois, de les tirer de quelques mauvais pas. En 1806, le minisire décida que le budget du Muséum, arrêté pour l'année suivante, sérail réparti, sans augmentation de crédit, sur un exercice de quinze uh>i~ el six jours au lieu de douze mois seulement. 11 en résultait une diminution sensible des recettes, égale au cinquième des res- sources budgétaires, puisqu'il fallail vivre trois mois de plus avec la même somme. L'Assemblée des professeurs, vivement affectée d'une réduction qui la niellait dans l'impossibilité de continuer les travaux commencés dan.- la ménagerie et les autres parties de l'établissement, décida de protester, et pria Lacépède d'intercéder auprès de l'Empereur. Lacépède accourul au' Muséum i\i^ la séance suivante, conféra avec ses collègues el leur promil son appui ; mais les choses n'allèrent pas aisément. L'Empereur, sans doute prévenu (l'autre pari et de façon défa- vorable, se dérobait. Lacépède insista, réussit à rencontrer Napoléon, a le convaincre, et, quelques semaines plus lard, le ministre informa le Muséum qu'il serait pourvu à ses besoins suivant le calcul fail par l'Assemblée île- professeurs. Peu de mois avanl cette alerte, au début de l'année 1806, Lacépède avail eu l'occasion de faire a se- collègues un cadeau précieux, celui d'une pépite d'or natif, trouvée au Pérou, pesanl plus d'une livre, exactemenl 507 gr. 58. ('-elle pépite, qui occupe toujours sa place dans les collections de minéralogie, lut envoyée LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 177 persoiinellement à Lacépède par le ministre espagnol Godoy, prince de la Paix. L'intègre destinataire, peu désireux de con- server un objet de celte sorte, encore moins soucieux de paraître capable de recevoir de telles offrandes, pritile parti d'en reporter le bénéfice sur le Muséum. Le procès-verbal de la séance des professeurs du 8 janvier 1806 mentionne l'offrande et son accep- tation ; il ajoute « que la pépite sera déposée dans la galerie des minéraux, et que Ton inscrira sur l'étiquette les noms de l'auteur de ce don précieux et de celui en considération duquel il a été envoyé ». Plus tard encore, en 1811, la principale publication du Muséum, celle des Annales, menaça d'être suspendue, faute de ressources suffisantes. Le ministre, dont les allocations contri- buaient pour beaucoup à couvrir les frais d'impression, refusait de continuer à les donner. L'Assemblée, de nouveau, arrête d'avoir recours aux bons offices de Lacépède, et ceux-ci, comme de coutume, ne lui faillirent point. Quelques jours plus tard, le ministre écrivait que les choses resteraient ainsi qu'auparavant, et qu'il souscrivait personnellement [tour un exemplaire des Annales sur vélin. Lacépède, tout absorbé qu'il fût par la politique, par l'admi- nistration, par la préparation de ses ouvrages d'histoire et de philosophie, revenait quelquefois aux recherches du naturaliste technicien. Ces études, en effet, inspirent une telle passion, et sont tellement attachantes, que l'on ne saurait s'en distraire lorsqu'on les a une fois goûtées Le plaisir de connaître et de chercher, de chasser à l'inconnu, de le trouver, s'\ ajoute à celui de collectionner. Il décrivit quelques animaux venant des pays lointains, du centre des Etats-Unis, de l'intérieur de l'Australie et de celui de l'Afrique. Il s'intéressait IVnl aux problèmes de la géographie naturelle, à ceux de la distribution des climats. Avec Buffon, il leur accordait une grande importance, soit sur la vie des êtres, soit sur les caractères des races humaines. Il usait de ses nombreuses relations pour obtenir, de. tous les pays, des documents et des échantillons. 11 ne manquai! jamais de faire au Muséum sa part. X Cet entrain de naturaliste dut pourtant se calmer, car les circonstances changeaient. Napoléon appelait Lacépède à jouer un rôle toujours plus actif. 11 le nomma ministre d'Etat, lui confia la présidence du Sénat, l'associa à la plupart des actes de la poli- 42 J 78 LOUIS ROULE lique impériale. On le voit, le 28 floréal an XII, présenter aii Sénat, en qualité de rapporteur, le sénat us-consulte qui accor- dait au Premier Consul le Litre d'Empereur des Français. On le voit encore, l'année suivante, agir de même pour conférer à l'Empereur la couronne de Roi d'Italie, et, le l"' janvier L806, pour lui décerner le qualificatif de Grand. 11 fut chargé de la rédaction et de la présentation des rapports importants", sur la guerre d'Espagne, sur la levée de 80.000 conscrits, sur le divorce de l'impératrice Joséphine, sur le projet d'adresse à l'Empereur pour son mariage avec Marie-Louise, sur l'organisation de la garde nationale. En 1813, en 1814, pendant les années tragiques, il devint., à maintes reprises, le porte-paroles du Sénat auprès de Napoléon. Il écrivait, il parlait, travaillait sans relâche, el confondait volontiers son amitié pour l'homme avec son loya- lisme envers le Gouvernement. Il assista ainsi à la prospérité de l'Empire, puis à sa lin. aux péripéties qui la précédèrent et la suivirent. La chute accomplie, n'étant plus rien, ni ministre, ni grand chancelier, ni président du Sénat, ne conservant du passé que sa chaire au Muséum, son fauteuil à l'Institut, sa place à la Chambre haute, il se relira Juin de tous, cl reprit sa vie d'autrefois, XI Du reste, > préoccupations d'ordre intime s'emparaient de lui. Son lils adoptil s'étant marié plusieurs années auparavant, Lacépède avait reporté sur la jeune femme tout le trésor d'affec- tion qui s'amassait en lui depuis son deuil conjugal. 11 avait quitté, accompagné des jeunes époux, la propriété de Lëuville où son mariage s'était accompli jadis, el s'était installé avec. le nouveau ménage à Epinay-sur-Seine, non loin d'Enghien et de son lac, auprès de Saint-Denis où il avait fondé la célèbre école destinée aux Pilles i\<>* Légionnaires. Le malheur pourtant le poursuivait toujours, et de la même façon. La femme de son lils adoptil' dépérissait lentement, ainsi qu'il en avait été de la sienne dix ans auparavant. Il profita du répit iaissé par les évé nements pour se fixer sous un climat pins doux el plus favorable. La famille entière alla demeurer auprès d'Hyères. C'est là que le surprit la nouvelle du retour de l'île d'Elbe. Napoléon, des sa rentrée à Paris, s'empressa de replacer Lacépède à la grande chancellerie, et de Uni confier le ministère de l'instruction publique. Lacépède n'accepta point ce dernier emploi, mais ne se déroba pas pour l'autre. Il reprit donc la direc- tion île son ancien service, et le conserva jusqu'à la nouvelle La vie et l'œuvré de lacépède 179 chute de l'Empire. Cette seconde lin L'affecta plus vivement que la première. Dans le désarroi de son existence, il essaya de se reprendre e1 de retourner au Muséum: il assista aux séances tenues par l'Assemblée des professeurs en juillet el en août L815, lorsque les alliés occupaient Paris. Mais l'impression causée par cet écroulement, sur le sexagénaire qu'il était devenu, se rendait accablante. Il appartenait trop au liasse qui venait de tomber, pour se remettre, à son âge, dans un (loi nouveau. Son accep- tation de fonctions pendant les Gent-Jours l'ayant l'ait exclure provisoirement de la Chambre haute, il se retira à Epinay, et s'arrêta au parti d'y rédigei ses derniers livres. Son rôle politique était terminé. XII La propriété d'Epinay-sur-Seine était modeste. Elle consistait en une villa et un jardin. L'habitation, située auprès de la roule qui conduit de Saint-Denis à Enghien, précédée de vastes com- muns bordant une courte avenue, ne comprenait qu'un étage couronné de mansardes. Elle offrait au solitaire, et à sa famille, le refuge et la paix qu'il ambitionnait. Son luxe principal et unique lui était donné par son parc, garni de beaux arbres, orné de Heurs. Lacépède y organisa sa vie nouvelle. Il avait alors soixante ans sonnés. Malgré la fatigue du passé, malgré la tris- tesse de ses souvenirs et l'angoisse qu'il éprouvait en voyant auprès de lui sa belle-iille dépérir comme l'avait l'ait jadis sa femme disparue, il gardait intacte toute la vigueur de son robuste tempérament. Il ne reprit point son enseignement, et se contenta d'assister aux réunions que tenaient entre eux les professeurs ses collègues, notamment à celles où l'on votait sur ^Wà questions d'importance. Il n'accepta point davantage, malgré la proposi- tion qui lui en fut l'aile, d'abandonner sa retraite d'Epinay pour occuper au Muséum môme l'ancien appartement de Buffon. 11' avait pris la résolution de se cloîtrer dans son travail, loin du monde : rien ne put l'en détourner. La première Restauration l'avait nommé pair de France. La seconde, après son exclusion de la Chambre haute, le réintégra pourtant quelques années plus tard. Malgré ce retour, il vivait effacé et ne cherchait point à se mettre eu évidence. Il s'enfermait avec ses livres et ses notes. La mort de sa belle-fille, survenue eu 1822, acheva de le confiner chez lui. Il resta doue à l'écarl jusqu'à son dernier jour. Sa production scientifique, pendant cette période, n'est pas considérable. Elle se borne à un court mémoire sur les Cétacés L80 LOUIS ROULÉ' du Japon, décrits d'après des estampes venues de ce pays, que M. Abel de Rémusaï avait communiquées au Muséum. Ge travail date de 1818. Lu à l'Académie des sciences, il fui inséré ensuite dans le Lomé JV des Mémoires du Muséum. En revanche, sa production historique et philosophique est beaucoup mieux fournie. Mais Lacépède n'y vint pas de suite. 11 semble que l'écroulement, autour de lui, des hommes et des choses qu'il avait aimés, ait brisé, pour un temps, la continuité de pensées qu'exigeait la rédaction de ses documents accumulés. Son goût d'écrire et sa complexion laborieuse l'entraînèrent alors de façon curieuse : il publia des romans. Ceux-ci ne diffèrent guère, ni par le ton, ni par l'intrigue, de ceux qui connaissaient alors la vogue du public. On y trouve des rapts, des séquestrations, des rencontres imprévues, des recon- naissances inopinées, des fourbes et des traîtres, des bons ermites et des paysans honnêtes. Les histoires de brigandages y succèdenl aux tableaux de la paix des champs et du bonheur familial. Les vieux châteaux à souterrains, les sépulcres dans des chapelles écartées, fes forêts inaccessibles, donnent un cadre imaginaire aux péripéties les plus émouvantes. Lacépède intro- duit toutefois, dans les fictions qu'il raconte, plusieurs traits exacts. Le nom d'Ellival, donné à son héros, est l'anagramme de son propre nom familial : de la Ville. Certains épisodes sont lues des souvenirs de sa propre vie, de celle de sa femme ou de ses proches. 11 décrit longuement la Provence et les enviions d'Hyères qu'il avait habités. Ces accents d'autobiographie s'asso- cient intimement aux événements inventés. Le premier de ces ouvrages d'imagination, Ellival et Caroline. parut en 1816. Ses deux volumes exposent le récit d'amours contrariées, qui, final» ment, reçoivent leur récompense dans un mariage. Le second, en trois tomes, donne une suite au précé- dent. A \ ; i j 1 1 poiii' titre Charles d'Ellival et Alphonsine de Floren- tino, publié en 1817, il raconte l'enfance misérabie de. deux riches héritiers, le frère et l;i -omit, que des parents cupides cl cri- minels persécutenl en vain pour ravir leur fortune. Lacépède annonça même, à cette époque, la publication prochaine de deux autres romans, « Edmond ci Blanche », « Montalbe cl Angé- lique ». Ceux-ci sont reslés inédits; soil que leur auteur, après les avoir préparés, ne les ail pas écrits; soil qu'il n'ail pas voulu, les ayant rédigés, les livrer à l'impression. Dès cette <\-.\\r. en i. il s'étail ressaisi el rend- ;'i sa véritable tâche. Il ne l'aban- donna plus. TA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE ISI CHAPITRE IV La personnalité de Lacépède. « La sensibilité fait tout notre génie ». Cette citation, tirée de là Métromanie de Piron, placée comme épigraphe, par Lacépède lui-même en tète d'une œuvre de sa jeunesse, la Poétique de la Musique, et au début de deux ouvrages littéraires du seuil de >a vieillesse, est un aveu. Elle explique un caractère et une vie. Sensible, Lacépède l'était jusqu'à l'exagération. Toujours prêt à accueillir des impressions nouvelles, à les goûter, à les ajouter à celles qui composaient déjà son monde intérieur, il l'était d'autant plus qu'il s'appliquait à ne le point paraître. Il portait en lui- même une riche floraison d'idées, qu'il s'ingéniait à augmenter, et dont il s'attachait à ne rien laisser voir, sauf dans ses éc'rits. Il se réservait pour elles, et passait dans la vie, discret et distant en apparence, passionné et ardent en réalité. Toute cette ardeur accumulée s'est épanchée dans les ouvrages qu'il a rédigés sans arrêt sa vie durant. Il eut une carrière fortement remplie. Physicien, naturaliste, compositeur de musique, historien, moraliste, administrateur, homme d'Etat, il paraît avoir tenté de goûter à tout, sans jamais se fixer sur rien. Cela n'est vraiment qu'une apparence. Les événements seuls, et les péripéties d'une époque féconde en changements, ont fait de son existence une étoffe aussi diaprée. Lui-même n'a eu qu'un seul sentiment, qui l'a guidé, l'a pris dès son enfance pour ne le quitter qu'à la mort, et l'a poussé à s'avancer ainsi sur plusieurs routes : l'amour de la nature, avec celui de l'humanité. II Désireux d'émotions intellectuelles, et, toujours prêt à les rechercher comme à les savourer, il les demandait à la nature, poussé par un sentiment complexe, où la curiosité du savant s'associait à l'aspiration du philosophe, et se laissait souvent conduire par elle. Il ne s'arrêtait point dès que cette curiosité. se trouvait satisfaite; il exigeait davantage. S'étant penché pour ses investigations, il se redressait toujours pour contempler de haut ses propres découvertes. 182 LOUIS ROULE Son œuvre entière est faite de ces travaux minutieux d'étude ou d'érudition, el de ces envolées au delà des faits. Ceux-là lui préparaient celles-ci, et, dans son for intérieur, u'avaienl d'uti- lité qu'à les préparer, qu'à lui procurer les moyens de se mieux rassasier en contemplanl davantage : jouissance d'espril la plus intense, mais souvent la plus décevante, si la réalité ne réussil poinl à remplir le cadre forgé par l'imagination. Lacépède étail un contemplatif. Dès son enfance, souvenl soli- taire, que l'amour d'une mère n'avail ni distrail ni égayé, il pis- sait des heures entières à regarder au loin, à écouter les voix el les bruits, à recueillir mille impressions diverses, où il n'eul ensuite qu'à puiser. Sa pensée s amplifiail au contael des choses; elle les ordonnait, les assemblait, les disposait, reflétai I la nature, s'attachait à la représenter dans l'espace comme dans le temps. Son œuvre en a acquis son caractère personnel el original; d'au- 1.ini mieux qu'il s'ingéniait à matérialiser sa perceptiion à la rendre sensible aux autres comme il la rendail à lui-même. Tour mieux suivre les faits dans la durée, tantôt il place son lecteur sur uw sommet d'où l'on domine, tantôl il arrête pour lui le cours des astres, tantôt il évoque, en raccourci, les périodes de l'histoire de la vie. Penseur puissant, enclin parfois à s'égarer parmi ses rêves, il corrigeai ce défaul par sa précision visuelle et par sa pénétration aiguë, qui le ramenaienl à ta réalité. Il ne perdit jamais pied. 111 Une vie intérieure aussi riche a son contrepoids nécessaire dans te renoncemenl aux choses extérieures. On ne saurail se dépenser en tout. L'existence privée de LACÉrÈDE fut celle d'un ascète. Il avait dans son cabinet, el garda toujours chez lui, le portrait de sain) François- de Sales. Ce tableau lui venail de famille, ayanl été donné à l'un de ses ancêtres par le saint lui- même. ('.('Me image de l'ancien évêque de Genève, ami de saint Vinrent de Paul, l'un des écrivains les plus réputés du XVIIe siècle, l'inspirait, lui parlail d'exemple. Il voulul vivre comme lui, el le Ml. Sa règle domestdque étail d'une simplicité extrême. Il dormait peu, mangeai! avec frugalité, ne faisail qu-'un repas par jour. ne Jiu\;iii «pie île l'eau. Il se couchail lard, veillail pour travailler, et se levail de bonne heure pour reprendre sa tâche. Gomme trois ou quatre heures de sommeil lui suffisaient, il travaillait au ri. eomposail H retenai'1 de mémoire, puis écrivaii nu dictait à -11 lever. LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 183 Une vie si bien réglée, si peu dépensière pour elle-même s'accordait avec un entier désintéressement de tout ce qui eoncerm l'argent. Fils de famille, il employa une partie de son patrimoine à la publication de ses premiers on\ rages. Professeur au Muséum sous le Directoire, quand les finances du pays ne pouvaient tou- jours subvenir aux besoins des services publics, il contribua de ses ressources à l'entretien de sa chaire. Plus tard, grand chan- celier de la Légion d'honneur, il Ht l'ace aux premières dépenses avec sa modique fortune personnelle. Dès qu'il reçut un traite- ment approprié à sa fonction, il en affecta la majeure part à des dons charitables, ne voulant recevoir en retour aucune restitu- tion, sons le prétexte qu'« il ne prêtait jamais ». La. conclusion en lui qu'il mourut presque pauvre, après avoir manié des millions et administré une institution des plus riches, il consacra foutes ces richesses à l'ordre lui-même, y compris son traite- ment, et sortit de là comme il était entré. Une telle abnégation de soi, jointe à une supériorité si évi- dente dans les choses de l'esprit et de l'usage des hommes, était faite pour impressionner, surtout à l'époque où il vivait. Parmi ses contemporains, il comptait, comme toujours, des amis, des indifférents, des ennemis. Ceux-ci n'ont jamais blâmé que l'homme public, et point l'homme privé, qui a toujours retenu les louanges et l'estime. Ses qualités lui attirèrent Napoléon, et le lui attachèrent, malgré des désaccords sur lesquels Lacépède, amicalement, donnait son avis en toute intégrité. Cette indépen- dance dans le conseil, et cette règle de faire abstraction de soi ensuite pour considérer seulement le bien public et la parole donnée, contribuèrent à l'élever en influence comme en autorité, lu monarque absolu ne trouve pas aisément, clans son entou- rage, un dévouement d'un alliage aussi pur. L'Empereur, l'ayant rencontré, voulut le garder, et, l'ayant pu garder, voulut l'em- ployer el l'honorer selon son mérite. ' C'est à ce concours de qualités intimes et de circonstances extérieures que Lacépède dut d'occuper les plus hautes fonc- tions de l'Etat. Lui qui fuyait le faste, qui s'éloignait du monde, qui vivait dans ses pensées et ses souvenirs, il occupa des charges pompeuses et enviées. A cette époque brillante de panache, de I »a laides, de spectacles, il marchait au premier rang, avec son petit liabil. sa frugalité, sa chasteté, son pacifisme humanitaire. Il vécut comme un anachorète auprès d'une cour luxueuse et parée', et pourtant n'y semblail jamais déplacé quand il y venait, tellement sa supériorité L'imposait à tous. 18't LOUIS ROULE IV Si Lacépède fut un ascète pour lui-même, et parce que cette existence lui convenait, il ne chercha pas plus à faire école qu'à blâmer (eux qui n'agissaient pas comme lui. Il fréquentait volontiers chez ses amis, el n'évitait que les fêtes ou les plaisirs. 11 n'avait rien d'un misanthrope, ne faisait nulle profession de détester l'humanité; loin de là, sa simplicité se montrait accueil- lant et affable. Il eut, de son vivant, une réputation de courtoi- sie et de politesse que les mémoires du temps mentionnent avec quelque malice, tellement cette urbanité inlassable, ainsi exer- cée envers tous, petits et grands, semblait excessive parfois. Ceci ne saurait surprendre. Lacépède avait à ce penchant une double raison : son inclination personnelle et son éducation. Par bonté d'âme, il se montrait accueillant, ne refusait jamais sa porte, écoutait toutes les sollicitations et tâchait de les satisfaire si elles étaient acceptables. Par éducation, il ne se dérobait point à ce qu'il considérait comme un devoir social. Il appartenait à ces familles influentes du temps jadis, dont les membres, de génération en génération, étaient élevés à administrer, à com- mander, à juger, à diriger. Dès l'enfance, chacun y était dressé à (''conter, à donner audience, a se, prononcer, à garder son rang avec dignité. La politesse, la sociabilité, y représentaient, non seulement les marques du savoir-vivre, mais une tradition et comme une obligation. Lacépède, dans sa jeunesse, parmi la société choisie de sa ville natale, avaii eu sous les yeux de nom- breux exemples de personnages affairés et courtois, s'acquittant de leurs charges tout en demeurant aimables et diserts. Elevé à leur ressembler, il y était parvenu sans difficultés. Il lui suffisait donc de rester lui-même; et c'est ce qu'il fit. Celle, politesse se laissait d'autant mieux remarquer qu'elle avait peu d'imitateurs, et qu'elle ne pouvait en avoir. La plupart des dirigeants de l'Empire avaienl été privés d'une semblable éducation; les principaux étaienl des soldats de fortune, habitués aux commandements brefs, aux phrases expressives, aux réso- lutions rapides, il Irânchail auprès d'eux. Ce contraste s'accentuait encore d'autre façon, car Lacépède, à chaque occasion, manifestai! en tout, el envers tous, une incli- nation philanthropique qui jamais ne se démentit. Naturaliste, il énumèrel à ses collègues leurs moyens de servir la patrie et l'hu- manité, préconise les mesures propres à faciliter l'acclimatation el !a domestication, conseille la bonté vis-à-vis des bêtes de LA VIE ET L'ŒUVRÉ DE LACÉPÈDE 185 somme et de celles que l'on garde dans les ménageries. Homme d'Etat, il se montre pacifiste, hostile aux luttes civiles, aux guerres entre les nations; il n'hésite point, dans ses écrits, dans les conseils qu'il donne lorsqu'on lui demande son avis personnel, à se prononcer pour l'apaisement. Chancelier de la Légion d'hon- neur, organisateur d'un ordre puissant et considéré, il s'attache, en ce temps de batailles sanglantes et de morts, à venir en aide aux blessés, aux infirmes, aux orphelins, à ceux qui souffrent ou qui pourraient souffrir. Le sens de la solidarité sociale était sans cesse frémissant en lui, et comme à la recherche constante d'une inlassable satisfaction. V Cette bienveillance presque universelle tomba parfois dans l'exagération. Peu enclin à pratiquer le mal, il le soupçonnait difficilement chez les autres. Malgré sa réserve et son bon sens, il connut ce qui arrive à tous, et surtout aux meilleurs : l'indif- férence ou l'hostilité de ceux que l'on a obligés. Mais ces décon- venues ne changèrent point sa conduite; jusqu'à sa mort, il resta comme au premier jour. Ce sens affectif formait le propre et le principal de lui-même. Il observait envers ses amis une fidélité à toute épreuve, les ornait de toutes les qualités, excusait même leurs défauts. Grâce à lui, Daubenton connut au soir de sa vie, et après sa mort, des honneurs que Buffon n'avait pas obtenus. Ses collègues du Muséum le trouvaient toujours prêt à les aider. Il ne se démentit en aucune occasion. Mais c'est surtout à l'égard de sa femme que ce besoin intense d'expansion affectueuse parvint à son comble. Il éprouva pour elle un amour profond, dévoué, uni à une reconnaissance éperdue de trouver en échange une affection identique. « Ma femme qui daignait m'aimer », écrit-il à plu- sieurs reprises. S'il ne la quitta point pendant les derniers mois de sa maladie, ce fut pour lui donner jusqu'à la fin l'illusion et l'espérance d'un retour prochain à la santé. Puis, après la mort, continuant avee, elle, malgré la séparation du tombeau, les conversations d'autrefois, il lui écrivait évoquait sa présence, lui racontait ses actions. Il gardait avec elle les habitudes passées, poussé par une tendresse mystique, conservée jusque dans l*au-delà. ■ 186 LOTIS ROULÉ VI Il a\;iil l'âme artiiste. Son besoin d'affection, sa soif d'émotions intérieures n'auraient pu complètement s'apaiser, s'il n'avait trouvé en lui-même le moyen d'accorder entre elles toutes ses impressions afin d'en mieux jouir. L'art lui donnail eel accord^ et, chose curieuse en apparence, explicable pourtant, ses préfé^ relire- se dirigèrent, non pas vers un arl matériel ou concrel comme la peinture et la sculpture, mais vers la musique. Lacé- pède étail musicien, et à la lois exécutant, compositeur, critique, car il ue savait rien faire à demi. Sa première admiration fui pour Gluck, sa première ambition de lui ressembler. Les cir- constances eu décidèrent autrement, mais cette inclination demeura. Jusqu'à sa mort, il s'intéressa nu mouvement musical de son temps, et il composa. Sa production est considérable. S'il brûla les ébauches déjà avancées de certains opéras, Armide et Scandenberg, un autre. Omphale, le premier en date, complètement achevé, alla jusqu'à la répétition générale, et un quatrième, Alcine, eut son ouverture jouée à l'une des séances solennelles de l'Institut. Il écrivit, en (Mitre, une messe de Requiem, des sonates, des sextuors. Il se livrait à ce travail en manière de délassement, cl cherchai! peu à l'aire exécuter ses oeuvres. Il n'admil guère d'exception qu'en faveur de l'un île ses principaux chefs de service à la Chancel- lerie, dont les réceptions, dans l'intimité, en eurent la primeur. Son ouvrage de 1785, La poétique de lu musique, porte un titre qui s'explique de lui seul. Au momenl d'entrer au Muséum pour se vouer exclusivement à t{f< études scientifiques, Lacépède, admirateur de Gluck el de Rameau, consentait bien à renoncer à la carrière musicale, mais n'entendait point délaisser l'art lui- même. Il rédigea ses réflexions sur l'art musical el les soumit au public. Il lira (\i'< controverses ouvertes de son temps le jugemenl que l'on pouvail en avoir, et. en outre, il y mil du sien. Il en mil. -i bien qu'il trouva et qu'il exprima i\r> notions et des idées qui ne s'allii nièrent que lard après sa mort. l.a musique, selon lui. es! une tonne du langage. Privée d'arti- culations, ^ontrairemenl à la parole, elle a en revanche le l voir d'aller, clans l'échelle des sons, aussi loin, en haut coi mue en bas, que l'oreille est Capable d'entendre. Elle peul soutenir res sons et les faire valoir. Elle a donc plus d'expression, plus de puissance, que la paroi;1 1 Ile-même, bile esl capable de rendre liais les sentiments, les plus doux comme les plu- violents. Son LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 187 ampleur n'a pas de limites. La musique, d'elle-même, est poème. Le musicien et le poète ayant un même désir, qui consiste à exprimer des passions, sont pointant inégaux et différents entre eux. La construction tics phrases et lit signification des mots' lient le poète; Rien n'arrête le musicien. Sun arl a le don de tout rendre, de toul évoquer ; la poésie trouve en lui sa forme la plus exquise et la. plus élevée. Lacépède ne prononce pas le mot, mais laisse entendre la chose : le musicien est un poêle des ur les conseils de lu pfon, après avoir goûté ;'i l'art musical cl à la physique qui l'intéressèrent d'abord, il a pu fixer sur les recherches minutieuses el délicates de lu zoologie un esprit déjà rompu aux exigences des méthodes savantes. Il s'est rapidement révélé naturaliste excellent. Puis, l'homme public prenant chez lui. désormais, la place prépondé- rante, il a utilisé, dans ses nouvelles charges, cel avantage de conduite intellectuelle que la science lui avail procuré. Comme il l'avouait volontiers, ses succès administratifs, et la considé- ration qu'il en recevait, lui venaienl de ce qu'il employait en tout, LA VIE ET L'ŒIVKE DE LACÉPÈDE L9J et partout, la méthode du naturaliste, tl examinai! scrupuleuse- ment les affaires, les comparait entre elles, discernait leurs carac- tères prépondérants, les coordonnait selon leur Importance, et faisait en somme, sur elles, un travail semblable à celui du savant qui étudie des animaux ou des plantes. Toul en se déga- geant du côté professionnel de l'homme de science, il en conser- vait la discipline d'esprit, et remployait jalousement. Puis, minuit' l'esprit, chez lui, n'allait pas sans le cœur, celle disci- pline intellectuelle devint également une discipline morale, dont il s'efforça de ne point dévier. C'est en cela que réside son génie. Homme.de devoir cl de bon conseil, ses seules défaillances provenaient de sa timidité, ou de sa bienveillance, ou de sa fidélité aux engagements. Aussi les luttes politiques, de l'assentiment de tous, s'arrêtaient-elles lorsque leurs coups lui devenaient trop pénibles, ou le plaisanta, on le jalousa, on le proscrivit, mais l'estime le suivait toujours. La rectitude et la loyauté de sa con- duite forçaient le respect. Il a pu proclamer justement qu'il avaît servi, en consciencieux fonctionnaire, tous les Gouvernements que la France s'était donnés de son vivant, et qu'il n'avait jamais manqué au loyalisme civique, ni aux obligations sociales. Dévoué avec simplicité, résolu et conciliant, il s'attachait à remplir de son mieux, 'pour son pays, et non pour lui-même, les fonctions dont on bavait chargé. Rien d'autre ne l'a jamais tenté. CHAPITRE V L'œuvre scientifique technique de Lacépède. I Les deux premiers ouvrages scientifiques de Lacépède furent publiés par lui. entre vingt-cinq et trente ans. Tous les deux. celui de 1781 sur l'électricité, comme celui de 1782-178'i sur la. physique générale cl particulière, portent des titres relatifs à une science déterminée, et une partie de l'exposé s'accorde bien avec ces titres. Mais il suffît de parcourir la plupart des pages et d'envisager l'ordonnance du tout, pour se rendre compte, comme l'ont fait les contemporains, que le sujet véritable con- sistait eu généralisations cl en visées philosophiques. Dans h réalité, l'auteur pensait surtout à ces dernières. Emporté par sa. jeune ardeur, il songeait plus à embrasser l'ensemble des faits 192 LOUIS ROULE dont U s'occupait, qu'à les examiner séparément et à les expli- quer. En .-"ii esprit, les deux volumes de la Physique générale et particulière représentaient une portion restreinte du grand Traité qu'il projetait, et qui devait comprendre six parties dont il donne le sommaire. La première devait se consacrer aux ques- tions générales et aux mouvements, la seconde aux éléments, la troisième à la mécanique, la quatrième à l'astronomie, la cinquième aux météores, la sixième et dernière aux êtres animés. Celle-ci, la plus longue, avait pour objet la vie, la génération, la nutrition, la parole, les sens, les passions, et finalement l'Homme. H Lacépède ayant senti la nécessité, des son premier pas sur une roule qui promettait d'être longue, d'orienter sa marche et d'établir .-a méthode, a écrit, en manière de préface à son livre sur la Physique générale ri particulière, un Discours prélimi- naire, dont on peut dire qu'il contient plusieurs des meilleures pages du XVIIIe siècle sur la logique des sciences. 11 mériterait qu'on le lit sortir de l'oubli où il tomba rapidement, car, ayant été joint à un ouvrage de technicien, le grand public, auquel il étail destiné, ne l'a guère connu. G'esl une magnifique promenade de l'esprit pensant dans la nul lire entière. Elle commence au monde inorganique, remonte aux êtres organisés, finit à l'humanité. Elle débute par des considérations sur la matière, l'espace, le temps; traite ensuite des forces physiques, puis des êtres vivants, enfin de l'Homme. Elle continue par l'exposé de la discipline indispensable aux recherches scientifiques, disserte sur l'observation et l'expérience, sur le- notions de faits que l'une et l'autre procurent, sur leur comparaison et les degrés de la confiance que l'on peut accorder aux h\ potlièses et aux théories. Elle s'achève par une discussion des obligations de génie et d'esprit dont l'homme de science doit faine preuve, des règles de la méthode scientifique et de la néces- sité de classer, de séparer le prouvé du possible, de bien observer, sous toutes les faces, ce dont on s'occupe. Ce discours, comme un vase l illonnant, déborde d'idées et d'images; sou style nerveux, concis, précis, accompagne la pensée avec aisance et avec justesse, il en rait un morceau de choix. Lacépède, plus tard, exprimera el publiera d'autres notions aussi relevées, ou plus judicieuses; il ne retrouvera jamais avec continuité une telle verve, ni un tel accent. LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 193 III Du reste, il fut bientôt forcé de se limiter. Chargé par Buffon d'un travail déterminé, il s'aperçut bien vite que la science est plus étendue qu'elle ne le parait. S'il est loisible de lui tracer en quelques lignes un cadre et un programme, il n'est possible à personne, dans le cours d'une vie humaine, et quelles que soient ses forces, d'en remplir au delà d'une minuscule partie. Lacépède borna donc ses efforts à son propre domaine. Mais il ne chercha point à s'interdire la contemplation de l'ensemble, ni l'élan vers son but, qui était la connaissance de soi-même. Son maître Buffon donnait l'exemple, et le disciple se modela sur lui. . De cette époque datent l'élaboration et. l'exécution de l'œuvre scientifique principale, ainsi préparée et conduite. Cette der- nière, selon la promesse faite à Buffon, devait consister en une étude complète de tous les animaux vertébrés autres que les Mammifères terrestres et les Oiseaux : Reptiles, Batraciens, Poissons, Cétacés. L'œuvre comprend donc trois parties : une Erpétologie, une Ichthyologie, une Cétologie. Lacépède, métho- diquement, successivement, les traita à la file, et leur consacra vingt années de sa vie. Tout en s'occupant d'elles, il ne négligea point ses pensées favorites. Il publia, à diverses reprises, des mémoires sur la distribution géographique des animaux, sur leur utilisation éco- nomique, sur les lois de la nature. Après quoi, ayant achevé cette première part de son programme, ayant considéré les êtres vivants et leur vie, il passa à l'étude de l'Homme et lui consacra ses dernières forces avec ses dernières années. IV A l'époque de la jeunesse de Lacépède, la connaissance scienti- fique des Reptiles et des Batraciens était petite. Non pas que ces animaux fussent inconnus; ils avaient joué, et ils ont toujours joué, un rôle considérable dans les préoccupations de l'homme, surtout dans les imaginaires. La légende et la fiction s'y sont épuisées en étranges et merveilleux récits. Mais la science précise était loin de les égaler. Il fallait, pour revenir à leur sujet vers des notions réelles, se dépouiller des sentiments d'appréhension, ou de crainte, que des contes impressionnants entretenaient à l'envie. Telle fut l'œuvre de Lacépède. 13 L94 . LOUIS ROULE Les naturalistes de l'antiquité, el ceux du moyen âge, n'ayant à leur disposition que les espèces indigènes d'Europe, ne con- naissaient point les formes plus étranges des pays chauds, ni celles, plus remarquables encore, qui peuplaienl la terre aux temps disparus. L'exposé, chez eux, tournai! bien vite et ne prêtait pas à de longs développements. Aristote, pourtant, sul reconnaître les caractères ambigus de ces rive-, el les employa à un essai de classification. D'un côté il mit les amphibie tels que les Grenouille.- el les Crapauds, donl la vie e1 les h ibi- tudes participent à la fois de celle- de.- Poissons el de celles des Vertébrés terrestres. D'autre part, d rangea les Tortues, les Cro- codiles, les Lézards, les Serpents, tantôt privés ou tantôl munis de pattes, el, dans ce dernier eas. souvent pourvus de quatre membres, disposition qui l'a l d'eux Ai'< quadrupèdes comme les Mammifères, mais différents en ce qu'ils pondent des œufs el qu'ils couvrent leur corps d'écaillés. Sur ce point comme sur beaucoup d'autres touchanl à la connaissance rationnelle de la nature, il faut, après Aristote, franchir le reste de l'antiquité avec le moyen âge, el arriver au début de la. période moderne, pour trouver un progrès nouveau. Parmi les naturalistes qui oui précédé Lacépède, deux seulement se détachent de leurs confrères : Linné el Laurenti, tous deux vers le indien du XVIIIe siècle. Encore retardent-ils sur Aristoi e quant aux vues d'ensemble el à la classification générale. Linné sépare les Serpents des autres Reptiles; en revanche, il associe. parmi ces derniers, les Tortues aux Lézards el aux Grenouilles; il leur annexe même quelques Poissons, et il introduit ainsi la confusion parmi ces groupes qu' Aristote, vingl siècles aupa- ravant, avail si bien discernés. Quant à Laurenti, il décrivit en L788 un certain nombre d'espèces nouvelles, mais ne sut point sortir de l'embarras où ces organismes aux caractères mixtes mettaient les classificateurs. Tout en créant pour les Serpents \wi ordre spécial, tout en établissanl pour le.- Batraciens privés de queues, Grenouilles et Crapauds, une deuxième série, il ne dit mol des Tortue.-, et réunit, sous l'étiquette commune «le Reptiles marcheurs, des êtres aussi différents les un.- des autres, malgré l'apparence, que des Crocodiles, de- Lézards et des Salamandi es C'esl que les lignes principales de- classifications, qui consti- lueiil l'ossature même de la construction scientifique el le Put entiel de la tâche >\r< naturalistes techniciens, sont difficiles et longues à établir. On ne parvient à elles que par tâtonnements; LA VIE ET L ŒUVRE DÉ LACÉPÈDE 195 on progresse par approximations répétées, el non pas d'un seul cou}). Quand Lagépède se mit à, ce travail, il avançai! sur un domaine presque inconnu, où peu, jusqu'à lui, avait été exploré. Il ne devait point imiter, mais innover. Son Erpétologie, premier traité complet en semblable matière, se ressent de ces difficultés, plus que de la faible expérience du débutant. Les naturalistes trouvent aisément, aujourd'hui, dans les livres de leurs devanciers, des plans et des modèles. Il n'en était pas ainsi de son temps. Les auteurs qui l'avaient précédé se dispensaient volontiers de décrire exactement les êtres dont ils s'occupaient, ou n'en donnaient que des descriptions incomplètes et confuses; ils les nommaient d'un mot ou d'une épithète, et, sauf i\n petit nombre, ne cherchaient guère à les classer avec clarté. Il faut arriver au XVIIIe siècle pour rencontrer le souri île la précision, le soin de mentionner le caractère distinctif i\r^ espèces, ci l'observation rigoureuse d\\i)r nomenclature ordon- née. Lacépède as-i>lait au début, de celle impulsion nouvelle. 11 dut s'y prêter, et faire, connue ses contemporains sur des sujets semblables, un effort intense dont on est maintenant dis- pensé. C'est de cette façon qu'il convient d'envisager son ouvrage, afin de comprendre son importance historique. Celle-ci ne tient pas tant à la valeur des observations cl des discussions, comme au l'ait que ces dernières furent, pour la première fois sur un tel sujet, employées à litre de base exclusive. V Si le premier volume, celui des Quadrupèdes ovipares, est le moins parfait, c'est que raideur, en le préparant et l'écrivant, faisait son éducation. Lacépède néglige la description technique au profit de la considération générale et de l'effet cle style ; il n'établit pas, entre les diverses parties, l'équilibre qui leur con- viendrait. Il écoute encore les opinions d'autrefois et se laisse influencer par elles. Il donne aux genres une étendue trop vaste. Ayant écrit' l'histoire de cent quinze espèces, dont plusieurs étaient nouvelles, il les a mentionnées à la file, sans chercher beaucoup à évaluer leurs différences. Chacune d'elles sert de sujet à une étude monographique, très développée pour les plus communes ou les mieux connues, plus brève pour les autres. De cette sorte, le livre paraît composé d'articles indépendants et inégaux. Pour- tant, l'esprit méthodique de son auteur se révèle déjà, grâce à une table iinale où les espèces, groupées selon leurs affinités et -196 LOUIS ROULE leurs principaux caractères, sont disposées en un tableau synop- tique. Le second volume, consacré aux Serpents, bénéficie de l'expé- rience acquise. Lacépède a su reconnaître ses défauts et les corriger. Il se montre technicien plus habile. Il évalue selon leur valeur réelle les caractères naturels des espèces, tâche de les coordonner el de les assembler équitablement. Véritable initia- teur des erpétologistes contemporains, il s'adresse, selon le cas, à la présence ou à l'absence des dénis à venin, à la l'orme et au nombre des écailles, il mentionne les variations de couleur suivant l'âge, le sexe, l'habitat. Toujours biologiste, il n'oublie jamais d'exposer ce qu'il sait et ce qu'il a pu apprendre sur les mœurs, les. habitudes. ,!es fonctions vitales. Décrivanl cent soixante espèces, il leur consacre finalement, comme à celles du premier volume., une table méthodique à plusieurs entrées, et fait dessiner en vingt-deux planches les {tins caractéristiques d'entre elles, pour faire suite aux quarante-et-une planches du premier volume. Ce traité d'erpétologie ne possède, aujourd'hui, qu'une valeur historique. Toutefois, malgré ses imperfections, il a rendu à la science le service d'appeler l'attention sur des êtres considérés connue méprisables ou répugnants, et de montrer que cette attention se justifiait. Il a orienté les recherches futures. Lacé- pède ne pouvait prévoir les découvertes contemporaines, ni discerner, en se penchanl sur ces animaux placés maintenanl à une sorte de plan inférieur dans la nature, qu'ils représentent à notre époque les descendants des colosses qui dominèrent jadis le monde vivant. Il ne connaissait que les Reptiles et les Batra- ciens actuels, et n'a pu les rehausser clans la série des êtres, ainsi qu'ils le méritent vraiment. Mais, s'il a dû se borner au champ restreinl des faits alors connus, il l'a toutefois parcouru en entier, el n'a négligé aucune de ses parties. VI Les Poissons offrent au naturaliste un sujet plus attachant et plus varié. La répulsion irréfléchie, qui détourne parfois des Reptiles ou <\i-> Batraciens, n'existe poinl à leur égard, heur abondance, leur diversité, leur valeur économique, leurs formes particulières, souvent leurs couleurs éclatantes, deviennent chez eux autant d'attraits. Leur pêche constitue un métier lucratif et- un délassemenl recherché. Il n'esl pas jusqu'à leur manière de vivre qui, les plaçant dans un milieu différent du nôtre, et les LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 197 mettant hors de notre portée immédiate, n'ajoute par sa condi- tion mystérieuse à cet intérêt qu'ils excitent. Leur étude es! de celles qui attirent toujours, depuis le pêcheur jusqu'à l'homme de mer, jusqu'au naturaliste technicien. Aussi riehthyologie, la science des Poissons, est-elle d'antique origine. Les plus anciens des documents humains montrent des dessins gravés et des sculptures encore grossières, qui essayaient déjà de représenter les traits principaux de ces êtres. Les livres et les contes des temps les plus reculés de l'humanité font des allusions fréquentes à leurs espèces, à leur conformation, à leur sorte de vie, à leurs habitudes, à leur capture. Une ample et merveilleuse! floraison de légendes s'est plue à embellir l'histoire de ces êtres si intéressants. Les premiers naturalistes, cédant à l'entraînement, n'ont pas manqué, à leur tour, de porter leurs regards sur des animaux aussi remarquables, et d'en faire, pour leurs études, un sujet de choix. L'antiquité grecque, l'antiquité romaine, en ont longuement écrit et disserté. Des ouvrages variés, Halieutiques ou Traités de pèche, poèmes en prose ou en vers, s'empressent de s'occuper d'eux. Mais leurs descriptions offrent toujours l'habituel défaut des anciens, qui ne distinguaient guère entre le vrai et le sup- posé, s'arrêtaient volontiers aux particularités les plus banales, et ne cherchaient point à grouper, ni à classer. Faites pour impressionner plutôt que pour instruire, on y trouve parfois des observations judicieuses, on y rencontre plus souvent des fables ou des racontars. Le moyen âge entier, jusqu'à l'époque de la Renaissance, s'écoula sans rien changer à cet état. Un nom, ensuite, se dégage parmi ceux des premiers ichthyologistes de l'époque moderne, celui de l'ami de Rabelais, qui le cite dans son Pantagruel en latinisant son nom : Guillaume Rondelet, professeur à la Faculté de Montpellier. Rondelet habitait une région littorale où la pêche constituait déjà, et constitue toujours, une occupa- tion répandue. Ayant toute facilité pour se procurer des maté- riaux d'étude, il en a profité mieux que tout autre. Son ouvrage, publié à Lyon en 1554, est, pour son temps, une merveille de description consciencieuse. 11 dépasse de loin ceux qui l'ont pré- cédé, et la plupart de ceux qui l'ont suivi. VII Lacépède ne manquait donc pas de devanciers. Il n'avait point à innover sur ce sujet nouveau, mais à compléter. Pourtant, ce 198 LOUIS ROULE complémenl était d'importance. Les auteurs antérieurs, même les plus proches de lui el presque ses contemporains, comme Linné, n'avaient guère mentionné que les espèces les plus com- munes; leur aombre, dans le Système de la Nature de Linné, s'élève à 114. L'ambition de Lacépède allail bien au delà, car les collections assemblées par Bi ffon, et les documents qu'on lui avail confiés, renfermaient un chiffre considérable d'espèces exotiques encore inconnues, ou mal connues. Il fallait les examiner, et les intercaler à leur rang parmi celles que Ton avail déjà décrites. Lacépède résolul de préparer, grâce à cet appoint, une ichthyologie universelle où devaient figurer les Poissons du monde entier. Il employa à réaliser son désir plus de quinze années de sa vie. Il commença le classement préliminaire des collections dès son entrée au Muséum en 1785, et ne termina qu'en 1803. Sou Ichthyologie, dans l'édition originale, se compose de cinq grands volumes. Chacun comprend, en moyenne, 500 à 600 ou 700 pages, et plusieurs planches de trois à quatre dessins. Ces figures, exécutées avec sein, autant que le permettait l'étal des échantillons, gravées assez finement, sont, pour la plupart, reconnaissables et suffisantes. Le nombre des espèces décrites s'élève à 1463, égalant presque le triple de ce que l'on connais- sait auparavant. L'auteur eut à vaincre des difficultés, donl les unes vinrent de lui et de sa situation personnelle sous la dévolution, dont les autres furenl causées par la condition même *\^> documents dont il disposait. Sa proscription sous la Terreur, sa finie à Leuville, le surprirent en pleine rédaction. S'il emporta ses notes el ses papiers, il ne put en faire autanl des bocaux et des caisses qui contenaient ses matériaux d'étude. Toutefois, il continua son travail, espérant le corriger et l'achever dès sa rentrée à Paris. Il en fui bien ainsi par la suite; mais ce transport de copii s. cette privation des objets principaux servant de référence, ont causé des confusions inévitables, que l'on relève en maintes parties de son œuvre. Parmi ces documents, les principaux consistaient en dessins de Poissons des mers tropicales, exécutés par deux voyageurs naturalistes, Commerson el le Révérend l'ère Pli muer. Commer- son, compagnon de Bougainville, recueillit (\r> collections et des notes qui, après sa mort à l'île de France en 1773, furent envoyées à Paris pour être remises à Buffon. Lacépède ne put utiliser que les dessins el les manuscrits, car les collections, LA VIE ET LŒUVRE DE LACÉPÈDE 199 égarées d'abord, oubliées ensuite sous la Révolution, n'ont été retrouvées que plus tard. Quant au R. P. Plumier, morl en 1704, il avait figuré et décrit un grand nombre d'espèces; mais beau- coup de ses croquis se perdirent, sauf ceux qu'un artiste, Ai muet, recopia pour le Cabinet d'histoire naturelle du Jardin des plantes. Lacépède eut donc l'usage de ces copies, de ces manuscrits, et des collections. C'est avec ces matériaux hétéroclites, où sou- vent les pièces conservées ne ressemblaient que de loin à leurs descriptions, ainsi qu'à leurs dessins faits d'après la bête en vie, qu'il entreprit son travail. Il lui arriva parfois, tellement ces objets dit'féraienl entre eux, de rencontrer une môme espèce pré- sentée de plusieurs façons dissemblables. II sut, dans plusieurs cas, surmonter ces défauts, mais ne put toujours les écarter. Il feula, de les pallier en s'adressant aux naturalistes de son temps, et les priant de lui envoyer des matériaux d'étude, ou de lui communiquer leurs observations. Il fit effort, en somme, pour se rapprocher de la nature vivante, et il y réussit bien souvent. VIII Ce traité, à côté de qualités éminentes, montre donc des fai- blesses. Si l'une de ces dernières tient à ce défaut de critique qui laisse accueillir et présenter. également des documents iné- gaux en importance et en valeur, une autre touche à l'exposé lui-même. L'Histoire des Poissons devait faire suite à celle des Reptiles, qui continuait celle de Buffon sur les Oiseaux et les Mammifères. Lacépède se crut encore obligé d'employer une langue qui ne différât pas trop de celle de son maître et prédé- cesseur. Mais il n'avait pas la manière. Il ne savait pas lier aussi bien la phrase à son objet, les élever ensemble, les mouvoir ensemble, et peindre vraiment avec des mots et des phrases les spectacles variés et animés de la nature. Il perdit de vue que l'œuvre de Buffon est une, qu'elle est, d'un bout à l'autre, iden- tique à elle-même, alors que la sienne, avec ses énumérations de caractères, se prêtait peu, ou se prêtait moins, aux éloquentes envolées. Il eut pourtant quelque appréhension de ce dernier défaut, car il réunit en dehors du texte et des descriptions les notions géné- rales qu'il voulait traiter selon la manière large de Buffon. Il en fit le sujet de cinq discours, placés au début des cinq volumes. Le premier, consacré à « la nature des Poissons », consiste en une description simplifiée de ce que l'on connaissait alors sur 200 LOUIS ROULE la structure et la vie de ces êtres. Le deuxième porte un titre significatif, car il discute •• la durée des espèces », et contient en germe tonte la philosophie de l'évolution <\r> êtres dans Je temps. Le troisième prolonge le précédent: sons le prétexte d'examiner lest effets de l'industrie humaine, ou de « l'art de l'Homme », sur la nature des Poissons, il revient, par l'acclimatation, par le croisemenl et la création de variété- nouvelles, à la question de révolution. Le quatrième, sous le titre « vues de la Nature », faisanl suite à celles de Bi ffon, retourne bientôl au motif favori, celui de la création des êtres et de leur succession au cours des âges. L'expression ■< révolution du globe » y est. prononcée, pré- parant ainsi la riposte que Georges Guvier écrira plus tard, sôus la l'orme identique d'un discours consacré à une étude scienti- fique. Enfin le cinquième et dernier, assez composite, s'occupe à la fois de la pêche, des Poissons actuels, des Poissons fossiles. et s'achève en prolestant contre la notion des révolutions brusques pour lui substituer celle des lentes modifications évo- lutives. IX Classer les Poissons selon leurs affinités naturelles est une opération délicate La science n'est pas encore parvenue à l'effec- tuer complètement; elle reste en suspens sur bien des points, non des moindres. Ces êtres, sous une apparence presque uni- forme, cachenl des types d'organisation fort différents. Leurs groupes sont multiples, souvent très dissemblables. Ils ont, au total, par eux seuls, une importance au nSoins égale, sinon supé- rieure, à celle de tous les autres Vertébrés réunis. Le naturaliste, dans une classification, doit tenir compte de cette multiplicité et de cette diversité, qu'il connais-ail bien peu au temps de Lacépède. Celui-ci. toutefois, s'en aperçut. Il n'a pu les certifier, car les moyens lui manquaient; il en eut plutôl l'intuition que la connaissance précise. Il l'eut toutefois, el n'hésita poinl à fon- der un grand nombre de groupes différents pour répartir entre eux la totalité des espèces, n évita de céder au sentiment, qui s'élevail déjà autour de lui el s'esl développé par la suite avec Cuvier, de simplifier par restriction. Mais ne pouvanl encon porter vers une classification naturelle, il employa le procédé donl Linné el d'autres naturalistes lui donnaienl l'exemple en des identiques : il créa un système artificiel. Ce système consistait à fabriquer de toutes pire- trente-deux ordres pour l'ensemble des Poissons, en se basanl sur quelques LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 201 particularités d'organisation, et délaissant toutes les autres. Le malheur est que, dans une telle armature aux multiples et rigides compartiments, ceux-ci ne purent tous être occupés. Certains même n'existent point dans la uature; et, sur les trenle-ileux ordres, dix-sept seulement ont pu être pourvus, les quinze autres étant imaginaires. Des confusions inévitables se produisirent, qui joignaient entre eux des êtres différents, et éloignaient les uns des autres des animaux fort voisins, l 'ne telle classification se dérobait donc à son rôle essentiel, qui consiste à ordonner les êtres selon toutes leurs ressemblances naturelles justement évaluées. Malgré ces imperfections, l'ouvrage de Lacépède connut rapi- dement le succès. 11 ne fui point le seul, du reste. Un ichthyolo- giste allemand de la même époque, Bloch, publia d'abord une « Histoire économique des Poissons d'Allemagne », ensuite une « Histoire naturelle des Poissons étrangers », bientôt traduites en J'rançais. Les deux auteurs commencèrent par s'ignorer. Ensuite, Blocii bénéficiant d'une légère avance, Lacépèoe le mentionna et le cita. Ces deux livres se complètent l'un l'autre. On peut les comparer, les estimer plus ou moins, mais non les opposer. Tous deux, réunis, composent un unique et gigan- tesque monument scientifique, que le XVIIIe siècle finissant a légué à son successeur. L'iclitliyologie offre ainsi l'image fidèle de l'histoire générale des sciences de la nature. Elle a passé par trois phases : la première anecdotique et légendaire, la deuxième descriptive el anatomique, la troisième synthétique et biologique. Elle a commencé par se contenter de récils et de fictions; puis elle a examiné, mesuré, distingué, comparé; enfin, continuant à étudier les êtres en eux-mêmes, elle s'essaie à les considérer clans leurs relations d'espace et de durée avec ce qui les entoure. Lacépède se place à l'un des moments caractéristiques de cette histoire : il appartient encore à la deuxième époque, et il annonce la troisième. X L'Histoire naturelle des Cétacés, que Lacépède écrivait « Céta- civ* ». parut en 1804, l'an XII de la République, peu de mois après l'achèvement de l'histoire des Poissons. Rien ne modérail Mm auteur dans l'ardeur au travail. Il venait de perdre sa femme, et la douleur de son deuil semblait plutôt l'avoir excité davan- tage. Il avait accepté la fonction de Grand Chancelier de la Légion 202 LOUIS ROI ÎLE d'honneur; mais cette charge, quoique commençant à l'ab- sorber, ne le détournai! pas encore de ses autres occupations. Il mentionne son titre nouveau sur la première page, dédie le volume à sa femme en témoignage d'affection posthume, puis traite son sujet. Toul pouvail changer autour de lui, lui-même ne changeail point; il poursuivail la réalisation de sou œuvre selon le programme tracé. Sa méthode fut celle des ouvrages précédents. On y voil un égal souci de faire ressortir les qualités dominantes de la vie >\r< êtres; on ,\ trouve un soin plus marqué d'accorder à l'anatomie une place prépondérante. Le groupe de ces animaux, nettemenl délimité, esl borné aux Cétacés véritables Ici qu'un l'admet aujourd'hui. Lacépède distingue en lui dix genres el trente- quatre espèces, contre quatre <\r< premiers ri vingt-cinq des secondes que l'on avait décrits auparavant. Le livre débute par un discours portanl pour titre : « Vue géné- rale des Cétacés », où l'auteur, scion sa coutume, signale les traits les plus frappants de ces animaux. Il y célèbre la masse gigantesque de leurs corps, niais n'oublie pas, toutefois, leur biologie ni leurs mœurs. Il décril leur vie par troupes, leur atta- chemenl familial, leurs sensations olfactives délicates, le méca- nisme de leur respiration et de leur natation. Il termine par un tableau récapitulatif des genres cl *\i:< espèces, avec rappel des caractères dominants. Chacune des espèces prèle ensuite, selon son rang, ;'i une monographie, tantôt brève, tantôt plu-, détaillée, comme celle de la Baleine franche, ou du Cachalol macrocépiïale, ou du Dauphin. L'auteur reprend, h leur occasion, les antiques légendes : il les discute, montre ce qu'elles oui de fondé on ce qu'elles contiennent d'imaginaire. Sa pensée, affermie par une technique avisée, n'hésite plus ;'i considérer largement, ni ;'i généraliser. Il sail qu'il peul avancer avec hardiesse; il expose d'abord les faits, puis leurs conséquences. M se hausse parfois, sans effort, par une graduation soutenue, aux vues les plus amples et les plu- vastes. Un détail isolé, insignifianl en apparence, lui sert de moyen; il en lire la philosophie, qui esl celle de la continuité de- choses. <>n n'es! poinl surpris de h rencontrer, tellement elle surgil avec aisance. « Non- avons dil souvent, écrit-il dans la monographie du Cachalot, qu'il n'existail pas dans la nature de phénomène entièremenl isolé. Aucune qualité n'a été attri- buée ;'i un être d'une manière exclusive. Les causes s'enchaînent connue les effets. 11.- -oui rapprochés ci liés: de manière à former LA VIE ET I. 'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 203 des séries non interrompues de nuances successives.- A la vérité, la lumière de la science n'éclaire pas encore toutes ces grada- tions. Ce que nous ne pouvons pas apercevoir est pour nous comme s'il n'existail pas; el voilà pourquoi nous croyons Mac des vides autour «les phénomènes; voilà pourquoi nous sommes portés à supposer Mes faits isolés, des facultés uniques, des pro- priétés exclusives, des forces circonscrites. Mais toutes ces déman allons ne sônl que des illusions, que le grand jour de la science dissipera. » Lacépède eu! raison, en ce sens, de considérer l'Histoire des Cétacés comme son ouvrage le mieux fini. Parvenu au [dus haut point de son (aient de naturaliste, il n'avait désormais qu'à per- sévérer, qu'à tourner vers d'autres objets son expérience avec son goûl du travail, el il eut laissé une œuvre incomparable. Les circonstances, sa propre inclination, en décidèrent autre- ment. Il avait tenu son obligation el meublé sa pensée, cherché dans la nature et la vie une explication de l'humanité. Le natu- raliste technicien s'effaça en lui désormais, et le philosophe avec l'homme d'Etal prireni la place rendue libre. XI L'Histoire des Poissons contient des allusions fréquentes aux espèces migratrices et à leurs voyages. Les contemporains el les prédécesseurs de Lacépède avaienl sur ce point une doctrine qu'ils jugeaieni inébranlable. Selon eux, les migrations de cer- tains Poissons, Morues, Harengs, Sardines, Maquereaux, Thons, donl le- bancs apparaissent el disparaissenl chaque année aux mêmes époques, consistenl eu grandes courses laites par troupes immenses, comme celles de certains Oiseaux. IN pensaient que les bandes énormes de ces êtres se rassemblent annuellement en quelque lieu déterminé des mers, puis en partent à dates lixes. pou)' se diriger avec constance dans un sens immuable, el s'éparpiller à mesure vers les localités, connues d'avance, où les pêcheurs les attendent pour les capturer. Celle explication semblait satisfaisante. Acceptée des marins et des praticiens de la pêche, elle rendait compte de ce qu'il y a de plus appareni dans les venues subites et régulières de ces masses innombrables. Inexacte pourtant, elle suppose des cir- constances qui n'existent point, et ne tient aucun compte de celles qui sont. Ces voyages immenses, eu un si bel ordre, -ont imaginaires, et aucune observation directe ne les prouve. < >n sait aujourd'hui, grâce aux exploration- el aux (''Inde- de l'oçéanp- 204 LOUIS ROULE graphie, qu'ils se lient aux changements réguliers des condi- tions d'existence offertes par l'eau des nier- à ses habitants. Lés Poissons se dirigent, soil pour leur ponte, soit pour leur nourri- ture, vers les lieux les plus favorables; et, comme l'étal iU>> eaux est changeant, il en va de même pour leurs déplacements. La plupart de leurs migrations s'enserrenl entre des limites peu distantes, de la profondeur à la surface el du large à la côte, ou inversement. Produits et réglés par les variations climatériques saisonnières, ou par les courants, ils ont lieu avec une même régularité générale, el une même diversité dans le particulier. Lacépède ne pouvait connaître ces notions de l'océanographie contemporaine. Il ne soupçonnait pas ce que l'on sait aujourd'hui sur les différences des couches aqueuses, selon 1rs profondeurs el les localités, quant à leur température, leur salinité, leur mouvement, leur oxygénation, el sur la sensibilité exquise des être aquatiques envers ces dispositions si variables. Il ne lui était doue pas permis d'avoir une opinion fondée. Mais le pro- blème t\t^ migrations, l'un des plus importants de la biologie, possède un côté mystérieux el grandiose qui appelle l'attention, et qui a retenu la sienne. S'il l'a résolu par intuition el par rai- sonnement, non point par étude directe, il lui a donné toutefois, un siècle d'avance, la solution que lui donnent les biologistes actuels. Les termes dont il se sert sonl ceux que l'on pourrai! encore employer aujourd'hui. « 11 n'y a là. écrivait-il, que des animaux qui vivent pendant la plus grande partie de l'année dans les profondeurs de la haute mer, et qui, dans d'autres sai- sons, se rapprochent, comme presque Ions les autres Poissons pélagiens, des rivages les plus voisins el les plu- analogues à leurs désirs. » Il eut même soin, pour mieux préciser sa pensée, d'écrire ailleurs : « ... celle afïluence vers les rivages, cette retraite vers In haute mer, sont les gestes de l'espèce entière. Tous les individus réunis par la même conformation, soumis aux mêmes causes, présentent les mêmes phénomènes ». XII Cette sorte de prescience se retrouve à l'égard des animaux terrestres. Lacépède, le premier, eut l'idée, complétant les vues géniales de Buffon, d'établir une géographie zoolôgiqué du globe, ei .le découper la surface entière <\c> continents en parties caractérisées par une faune spéciale, ou par un groupement pécial d'animaux. Il établit d'abord vingt-six de ces dernières, qu'il nomme « régions zoologiques »; puis il porta leur chiffre à trente-deux. LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 205 A vrai dire, le principe d'une telle distinction ne pouvait alors so déduire de l'état du inonde vivant, car la science avait devant elle trop d'ignoré, et trop d'espaces inexplorés donl les habitants lui restaient inconnus. L'esprit novateur de Lacépède ne s'arrêtait point à ces difficultés. Conduit à cette création, il l'établissait avec les ressources du moment. Ces régions zoologiques furent délimitées par lui d'après l'orographie, ou l'hydrographie, plutôt que d'après la distribution même des animaux. Les considérations tirées du climat et de l'altitude occupaient une place prépondérante. Toutefois, l'idée était lancée; elle n'eut ensuite, pour parvenir à son terme, qu'à se développer selon les progrès mutuels de la géographie et de la zoologie. Elle intéressait fort Lacépède, qui la discute à plusieurs reprises. Deux pays l'ont occupé de préférence : l'Australie et l'Afrique centrale. Il a publié en iSO'i, dans les Annales du Muséum d'histoire naturelle, un mémoire relatif à des animaux encore ignorés. Tortues,. Lézards, Serpents, qui provenaient de La Nouvelle-Hollande. Il débute en rappelant ce que l'on savait alors du continent australien, dont on ne connaissait guère que les côtes, et dont on ignorait les régions centrales"; Lacépède suppose, avec plusieurs de ses contemporains, qu'une mer intérieure recouvrait ces dernières. Il continue en mentionnant la conformation originale de ces animaux, différents de ceux qui vivent ailleurs, et voit en cela la confirmation de son senti- ment sur la réalité de la géographie zoologique. Mais c'est surtout à l'égard de l'Afrique centrale que les vues de Lacépède montrent le mieux leur caractère remarquable de prescience et presque de divination. Deux mémoires, publiés en 1805 et 1807, lui sont consacrés. L'auteur y expose que l'intérieur de l'Afrique doit consister en un vaste plateau accidenté, creusé de grands lacs, couvert par places de hautes montagnes. Selon lui, ces grands lacs « doivent être particulièrement situés entre l'équateur et le dixième degré de latitude australe » ; et telle est, en effet, la position du Victoria et du Tanganyika, les plus vastes comme les plus profonds. Il conseillait aux voya- geurs futurs, désireux de traverser l'Afrique intertropicale, d'entreprendre leur expédition en remontant le Congo, et l'on connaît aujourd'hui la grande importance de ce fleuve comme route d'accès. Enfin, il prédisait la rencontre probable, dans ces voyages, de races humaines encore inconnues, et d'espèces nou- velles de Mammifères; prédictions qui se sont réalisées. 206 Louis roule Ce n'était là que <\<^ présomptions, el les faits pouvaienl les démentir. Il esl intéressanl de voir, par contre, que les faits les onl corroborées. Lacépède ne s'étail pointlivré à des suppositions quelconques, dans l'espoir de tomber juste. Guidé par la méthode du naturaliste, il avail comparé, il' avait raisonné : son jugement, à la vérification, s'esl révélé pour exact. CHAPITRE VI Lacépède philosophe naturaliste. 1 La philosophie de Lacépède, basée sur les sciences naturelles, se présente sous plusieurs aspects, selon les besoins et les circonstances. Tantôt l'auteur envisage les faits eux-mêmes, et il établit les règles d'une méthode de recherche; tantôt il dépasse ce premier terme, qui esl celui de l'investigation, et considère plutôt la sériation et la liaison <\c> choses. Sa règle esl celle des naturalistes. Elle consiste à observer sans idée préconçue, à prendre pour discipline de s'évertuer à tout connaître, à ne rien oublier. Elle découle de celle de Descartes. « Ne vous contentez pas, conseille-Hl à ses auditeurs dan- son Discours de clôture de l'an IX, d'examiner seulement quelques traits des objets aux- quels votre étude s'applique. Recherchez-en tous les rapports; contemplez-eri toutes tes laces, comparez tous les phénomènes... Vous accoutumanl de bonne heure à vous attacher à des consi- dérations générales, vous éprouverez cette admiration touchante qu'inspirent l'harmonie, la constance et la beauté ». Lacépède résumai! ainsi les préceptes qu'il avail proclamés longtemps auparavant, (\r< sa jeunesse, dans le « Discours sur la manière d'étudier el de traiter la physique ». L'observation d'un l'ait comprend celle de toutes ses parties, que l'on doil isoler les unes des autres dan- la mesure du possible, el spécifier exac- tement, pour les évaluer coi i il convient. Elle ue se limite pas ;'i elle seule, en ce sens que le travail du naturaliste ne se ter- mine poinl lorsqu'elle esl achevée : toute observation nécessite une mise au point. Les faits, une fois connus, doivent ôtre comparés entre eux el subordonnés selon leur valeur. Observation, comparaison, subordination : tels sonl les trois degrés que l'espril pensant esl obligé de gravir pour s'élever à LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 207 la connaissance de la nature. Encore faut-il que ces trois opéra- tions successives soienl effectuées au complet. On n'accède pas aux lois générales par la seule considération des objets particu- liers, isolés d'abord, et simplement totalisés ensuite, mais par la notion complémentaire de leur valeur relative et de leur liai- son intégrale. Ces règles de la recherche rationnelle ne sont pas nouvelles, et Lagépède les tenait de Buffon. Mais elles n'avaienl pas encore été exposées, sous leur forme didactique, d'une façon si précise ni si catégorique. La préface de 1782 constitue, en ce sens, un véritable traité de méthode naturelle. Lagépède, du reste, ne s'arrêtait point à l'observation seule, ni aux premiers raisonne- ments qui découlent d'elle. Son penchant méditatif le portait volontiers aux théories et aux hypothèses. 11 a voulu aussi leur fixer des conditions et des limites, peser leurs avantages ou leurs dangers. Il en discerne de deux sortes : celles du premier ordre, qui ressortent de la comparaison des faits, de leur classement selon leur importance, de la compréhension des rapports établis entre eux: celles de second ordre, où le connu tient une moindre place, où la supposition intervient, où la généralisation dépasse la stricte constatation des faits. Celles-ci, plus amples, plus bril- lantes, sont aussi moins fiables; celles-là, plus bornées, plus terre-à-terre, méritent cependant une plus ample considération. Si Lacépède ne consentait pas à se passer d'hypothèses, et leur faisait crédit volontiers, il s'astreignait pourtant à ne pas trop les écouter. S'il se laissait emporter par moments à la vigueur de son imagination, s'il s'exaltait alors jusqu'à dominer de haut la nature entière, il reprenait pied bientôt et ne s'égarait pas longtemps. Il conseille de distinguer avec soin le connu de l'in- connu, le certain do l'hypothétique, le prouvé du possible. Quelle que soit la route suivie, quelque plaisir que l'on éprouve à la fréquenter, il faut savoir ce qu'elle est, et si elle appartient au domaine du réel ou à celui du fictif; il faut éviter de confondre les deux, ou de les associer. On retrouve ici, transposée dans la méthode du naturaliste, la distinction établie par d'Alembert, dans son discours prélimi- naire de l'Encyclopédie, entre les connaissances directes que les sens acquièrent, et les connaissances réfléchies que le raison- nement, retire des précédentes. Lacépède, contemporain et and des encyclopédistes notoires, ne pouvait manquer de partager leurs sentiments; mais il leur donne par surcroît, dans le champ où il s'installe, un accent original de clairvoyance qui surprend. 208 LOUIS ROULE Clairvoyant, Lacjépède le fui de façon remarquable. Il semble que sa vision, s'adressant aux objets naturels, avaii capacité de pénétrer en eux pour y déceler quelques-uns des principaux ressorts de leur existence. Elle résultait, pourtant, de ce qu'il observait avec soin la méthode de Buffon : il constatai!, com- parait, subordonnait, s'élevait ainsi à une théorie du premier degré et de précision suffisante; il n'avait ensuite qu'à l'élargir, pour concevoir et fonder une vaste généralisation. II Il fut le premier à comprendre la pensée suprême de Buffon, et à se représenter les êtres naturels selon ce que l'on pourrail nommer l'évolutipnnisme transcendental : non pas le transfor- misme mécaniste d'aujourd'hui, qui voudrail prouver sa réalité en recherchant sa propre cause parmi les phénomènes sensibles du monde présent: mais un évolutionnisme raisonné, sûr de lui- même, qui puise sa certitude dans la contemplation générale du monde vivant tout entier, et qui voit, depuis le début des âges, la nature créer la vie, pour la renouveler et la modifier sans relâche ni discontinuité. Sauf quelques brèves indications dans le Traité de physique générale et particulière, la première allu- sion formelle qu'il lui accorde remonte à 1800. En cette année, Lacépède publiai! le tome deuxième de son Histoire naturelle des Poissons. Il lui donna pour préface un « Discours sur la durée des espèces ». L'auteur estimait donc, par là, que les espèces des êtres vivants ont une durée, et que cette durée méri- tait d'être discutée. Dès le début, il expose son sujel avec ampleur et précision. Etendons noire vision dans le temps, écrit-il en somme. Sachons voir Omis ce qui fut ce qui sera encore. Créons l'avenir dans notre pensée, en reportant le passé au delà du présent. On voit alors, et c'est ce qui frappe surtout, 1rs êtres commencer el s'accroître, puis décroître et finir. Cette ascension, cette descente, ne sonl pus seulemenl de- individus, mais encore de leurs groupes. Les espèce.- se font et se défont. Celles qui s'éteignent disparaissent sans doifte. Mais cette disparition n'esl parfois qu'une transformation el une modification en une mitre espèce. Quelles seraient les. causes de ces changements? Lacépède les trouve, soit dans une diminution de la vitalité, soit dans une augmentation. Il essaie de suivre les degrés de ces altérations, et il en reconnaît douze. Il compare, après Bi ffon, l'action géné- rale de la uature sur les êtres vivants à celle de l'industrie LA VIE ET L ŒUVRE DE LACÉPÈDE 209 humaine sur les plantes cultivées el les bêtes domestiques. 11 tieni compte de la géologie el des animaux disparus, il appelle à lui, au secours de sa pensée, sans trop appuyer toutefois car les documents lui manquaient, les notions qu'ont appelées et qu'appellent encore les biologistes modernes. Ses idées, forcé- menl fuyantes, vont frapper à plusieurs portes, et ne pénètrenl à fond nulle part. Il esquisse pourtant, et il invoque, ce que se-. successeurs nommeront sélection, lutte pour la vie, habitude et désuétude, régulation, poussée organisatrice. Mais il ne s'y arrête point. Il insiste seulement sur cette notion que, si la nature paraîi employer parfois des révolutions dans ses chan- gements, elle use surtout de forces puissantes cl faiblement graduées, de transformations insensibles el indéfiniment super- posées, de métamorphoses lentes et progressives : tel est, pour lui, l'essentiel. III Si Lacépède insiste peu sur les causes de l'évolution des êtres, il s'étend davantage, en revanche, sur les résultats. Sun esprit, plus Imaginatif qu'analytique, se déployait à Taise dans les vastes concepts, mais n'oubliait point les conclusions pratiques, ni les données du bon sens. De' Ions ces résultats, le plus net. aux yeux des naturalistes, consiste à porter désormais eu soi nu senti- ment assoupli, el non point rigide ni systématique, des classe- ments et de la sériation des groupes. Lacépède va droit à lui. Les pensées qu'il agile en son esprit, dans une sorte de seconde \ue qui, de son époque, le reporte parmi nous et même au delà de nous, sont celles d'aujourd'hui, comme elles seront encore celles de demain. Il paraphrase et complète Buffon. Qu'est-ce qu'une espèce, et quels en sont les caractères dis- tinctes ? Telle est la question qu'il se pose : « ... Ceux qui cul- tivent la science de la natun emploient à chaque instant ce mot espèce, comme une expression très précise. Ils disent que tel animal appartient à telle espèce, ou qu'il en est une variété pas- sagère ou constante, ou qu'il ne peut pas en faire partie. Cepen- dant, combien peu de naturaliste.- ont, une notion distincte du sens qu'ils attachent à ce mol. même lorsqu'ils oui d ié des règles pour parvenir à l'appliquer ! Quelques auteurs l'onl défini; mais si on déterminait les limites des espèces d'après leurs prin- cipes, combien ne réunirait-on pas d'êtres1 plus différents les uns des autres que ceux que l'on tiendrait séparés !... » 14 210 LOUIS ROULE U ajoute plus loin : « ... On doit doue rapporter à la même espèce deux individus qui se ressemblent en tout. Mais lorsque deux individus présentent des différences qui les distinguent, d'après quel principe faudra-t-il se diriger pour 1rs comprendre ou ne pas les renfermer dans la même espèce? De quelle nature doivent être ces dissemblances offertes pur deux êtres organisés, du même âge et du même sexe, pour qu'on les considère comme de deux espèces différentes ? Quel doit être le nombre de ces différences? Quelle doit être la constance de ces signes distinc- f ils ? Un pour mieux dire, quelles doivent être la combinaison ou lu compensation de lu nature, du nombre et de la permanence de ces marques caractéristiques? En un mot, de quelle manière en doit-on tracer l'échelle? Et lorsque cette mesure générale aura été graduée, par combien de degrés faudra-t-il que deux êtres soient séparés pour n'être pas regardés comme de la même espèce? » « 11 y a longtemps que nous avons tâché de faire sentir la nécessité de la solution de ces problèmes. Plusieurs habiles naturalistes partagent maintenant notre opinion â ce sujet. Nous pouvons donc concevoir l'espérance de voir réaliser le grand travail que nous désirons à cet égard. » « Les principes généraux fondés sur l'observation dirigeront la composition et la graduation de l'échelle que nous proposons; et dont il faudra peut-être autant de modifications qu'il y a de grandes élusses d'êtres organisés. Mais, tiens sommes obligés de l'avouer, lu détermination du nombre de degrés qui constituera tu diversité d'espèce ne pourra être constante el régulière, qu'au- tant qu'elle sera l'effet d'une sorte de convention entre ceux qui cultivent lu science. Et pourquoi ne pas proclamer une vérité importante ? U en est de l'espèce comme du genre, de l'ordre et de lu élusse. Elle n'est qu'une abstraction de l'esprit, qu'une idée collective, nécessaire pour concevoir, pour comparer, pour connaître, pour instruire. La nature n'a créé que des êtres qui se ressemblent, et des êtres qui diffèrent... Des l'instant que nous .sommes obligés d'appliquer ce I espèce .1 des individus qui ne se ressemblent pas dans toutes leur- parties, non- wr nous arrêtons ù un nombre de dissemblances plutôt qu'à un autre, que par une vue de l'esprdt fondée sur de- probabilités plu- ou moins grandes; nous sommes dirigés par des observations com- parées pin- "u moins convenablement : mais nous ne trouvons dans lu nature aucune base de noire choix, solide, immuable, indépendante de toute volonté arbitraire... » LA VIE MT l.iKl \ ni; DÉ LACÉPÈDE 2ii Il serait impossible de mieux s'expliquer. L'espèce, selon Lacé- pède, n'existe pas dans la nature. Elle n'a de réalité «pic par une fiction de nuire esprii désireux de classer ei de cataloguer, astreint à le l'aire pour s'orienter parmi l'infinité des productions naturelles. La vie et la nature, continues en leur essence et leur mouvement, n'offrent aucune coupure. Ce sont nus sensations et les besoins de notre entendement qui créent les distinctions. « La nature est le temps », a encore écrit Lacépède après Buffon, et « le temps nous échappe plus facilement que l'es- pace ». Le temps est le créateur véritable, car seul il permet à la nature de produire, comme de modifier ses productions. C'est dans le temps qu'il faut suivre le cours des choses. « Que la durée, écrit-il encore, nous dévoile la suite des mouvements de la matière"; qu'elle nous révèle ses changements; qu'elle nous montre surtout les modificatiuns de la matière organisée, vivante, animée et sensible; qu'elle en éclaire les admirables métamor- phoses; que le passé nous serve à compléter l'idée du présent... » IV Lagépède, tournant ensuite sa pensée vers l'Homme et l'huma- nité, devient moraliste, après avoir été naturaliste. 11 trouve des accents nouveaux que nul encore n'avait prononcés ainsi. Huma- nitaire avec toute son époque, il tente de préciser ses idées en essayant de les baser sur des fondations plus résistantes à son gré. Il ne se contente pas de supposer, ni de présumer, ni d'affir- mer; il cherche à prouver, à démontrer par le fait. La science de la nature lui sert d'outil; il l'emploie sans relâche, l'appelle à son aide, l'utilise de son mieux. La lecture, selon leur ordre, des discours d'ouverture et de clôture que le professeur du Muséum prononçait au début et à la lin de son enseignement annuel, se rend fort instructive. On y saisit cette pensée dans son élaboration, et ces idées dans leur liaison. On y voit Lacépède lui-même tout frémissant de son enthousiasme, emporté par son zèle, et s'efforçant de commu- niquer à l'auditoire qui l'écoute son ardent amour pour la science et l'humanité. Le premier de ces discours, prononcé le 11 prairial de l'an Yi (30 mai L798), expose son programme : « ... Nous tâcherons doue, dit le professeur, de vous présenter les grands traits qui carac- térisent les formes 'extérieures, l'organisation Intime, les mœurs, des classes et des grandes divisions, des ordres el de.- genres de tous les animaux vertébrés et à sang rouge. Nous nous bornerons 212 LOUIS ROULE ;'i vous montrer les espèces principales de chaque genre. Mais si nos espérances ne sonl pas trompées, les tables méthodiques que nous vous offrirons, les principes que nous von- propose- rons, les exemples que nous choisirons, vous serviront à recon- naître sans peine les légères différences qui, dans 1rs familles d'animaux, constituent la diversité des espèces. Nous nous effor- cerons d'ailleurs de ne laisser échapper aucun phénomène dont la considération puisse nous conduire à un résultat important pour les progrès de la physiqi mbrassée dans toute son éten- due ou appliquée d'une manière plus particulière, sous le nom de physiologie, à l'homme el aux animaux. Tous les avantages que les diverses sociétés humaines doivent à ces mêmes animaux seronl surtout l'objet de nos recherches. La philosophie, le patrio- tique, la philanthropie, nous l'ordonnent... » Ce programme, dressé par un humanitaire, savanl et philo- sophe à la fois, se développe ensuite. Rien n'y est oublié dans le présent comme dans le passé ou dans l'avenir; tout ce qui peut être appelé arrive à point. V Les leçon- faites en l'an VI touchanl à leur fin, LACÉPÈDE-les résume dans la dernière; puis s'adressant à ses auditeurs, tes prenant directement à partie, il leur vante les bienfaits de l'his- toire naturelle, et le charme de son étude. « Quel est, s'écrie-t-il, le point de la .terre où la science, aux progrès de laquelle nous nous sommes voués, ne nous montre pas un nouvel être à décrire, une nouvelle propriété à reconnaître, un nouveau phé- nomène à dévoiler? Quel est le climat où, transportant, mul- tipliant, perfectionnant les espèces et les races, el donnant à ^agriculture des secours plus puissants, au commerce îles pro- ductions plus nombreuses ou plus belles, aux nations populeuses des moyens de subsistance plus agréables, plus salubres, plus abondants, vous ne puissiez bien mériter de vos semblables? Ali ! ne renonce/, jamais à la source la plus pure du bonheur qui |ieut être réservé à l'espèce humaine... » Et l'orateur termine en disant : « Non, après la vertu, rien ne peut vous conduire plus sûrement à la félicité que l'amour des sciences naturelles ». Cette ardeur de prosélytisme se retrouve dans le discours d'ouverture de l'an VIII, consacré à la vie et aux ouvrages de Daubenton « considérés relativement à la manière d'étudier l'histoire naturelle ». L'ami raconte la vie de celui qui venait de mourir, et dont d fui le dernier confident. Entraîné par sa dou- LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 21H leur et par ses regrets, il donne à ses paroles un accent poi- gnant et presque majestueux. Il dil sur Daubenton ce miot, qui exprime en raccourci, toute une existence de savant, et donne d'elle une image frappante : « Si enfin il considèue les animaux, c'est pour les rendre plus utiles ». Puis parlanl de sa méthode de travail : « Il n'avait jamais n'égligé d'examiner avec un soin scrupuleux l'état de la question qu'il devait résoudre, de la débarrasser de toutes les idées secondaires qui n'y étaient, pas intimement liées, de réduire le problème à l'expression la plus simple, de circonscrire le but de sa recherche, de donner par ces précautions à son sujet la plus grande clarté... ». Il montre ce qu'était Daubenton. Il rappelle à l'auditoire combien ce carac- tère réfléchi, réservé, prudent, sut allier l'amour de l'étude à la persévérance laborieuse. Il termine en proposanl une telle vie en exemple, exhorte à l'imiter tous ceux qui l'écoutaient : « Rendons à sa mémoire l'hommage que son cœur aurait préféré; comme lui, servons la science; comme lui, servons l'humanité; comme lui, servons la patrie... ». Ces trois hommages, ou ces trois amours, dans la pensée de l'orateur, et dans celle de ses contemporains, devaient rester inséparables. Si la science, comme la nature qu'elle essaie de connaître, est une, et de tous les âges; si elle s'élève au delà des vicissitudes humaines et journalières; en revanche, le savant appartient à son temps, à sa race, à son pays. Il ne doit point s'enfermer, ni s'isoler, ni s'abstraire des autres; son devoir est de se mêler à la vie de tous, d'employer à améliorer celte vie les ressources supérieures qu'il peut détenir. Cette inspiration surgit de toutes parts dans l'œuvre de Lacépède, et s'affirme avec insistance clans plusieurs.de ses discours, notamment dans celui qui clôtura l'enseignement de l'an VIII. VI Celte leçon porte un titre expressif : « Les avantages que les naturalistes peuvent procurer au corps social clans l'état actuel de la civilisation et des connaissances humaines ». Elle tient ses promesses. Le professeur passe en revue tous ces profils, aussi bien ceux que le passé a déjà acquis, comme ceux que l'avenir a le droit d'espérer. La science de la nature, pro- clame-t-il, doit changer la face du globe. Son histoire comprend trois périodes. La première va d'ARiSTOTE jusqu'à Pline. La deuxième fut celle du moyeu âge, qui conserva la plupart t\r> ouvrages écrits dans la première. La troisième, débulanl à la Renaissance, parvient à son apogée dans les temps modernes. 214 LOUIS ROULE Aussi de grandes obligations sont-elles imposées désormais à ceux qui cultivent les sciences naturelles. Bénéficiaires des tra- vaux dé leurs prédécesseurs, ils doivenl diriger leurs forces vers l'accroissemenl du bonheur public. L'orateur n'omei aucun des buts qu'il enlrevoii : la domestication, l'acclimatation, le reboi- sement des montagnes, le repeuplement des rivières, les appli- cations à la médecine el aux arts décoratifs, et, pour terminer, l'éducation. Il achève en célébrant les mérites «les voyageurs scientifiques el des explorateurs. Plus tard; en l'an IX, dans son Discours de clôture, il revient encore sur un motif qui lui est si cher. Sa vie personnelle, alors, se rendait difficile et pénible; la maladie de sa femme l'écartait des collections el *\r^ études du naturaliste; il pressait la publi- cation de son Histoire des Poissons et de celle *\('> Cétacés. Il voyaii toul proche le moment où il devrai! diriger sa carrière principale vers un autre but, et songeai! à se retirer de l'ensei- gnement. Aussi ce discours adresse-t-il un dernier adieu à son existence passée. Le professeur, prenant congé de son auditoire el de ses occupations jusque-là favorites, de son entourage, de son laboratoire, prononce, en manière de testament professionnel, ses ultimes exhortations. Il a choisi pour sujet : « Le but auquel doil tendre le natu- raliste, et particulièrement les rapports de l'étude des sciences naturelles avec le bonheur de ceux qui les cultivenl ». Dès la pre- mière phrase, son idée se précise : « Le but auquel nous devons sans cesse tâcher de parvenir, commence ainsi Lacépède, nous présente trois grands objets : le perfectionnement de la science, le bonheur public, et la félicité privée ». Puis, sur un ton de haute inspiration, il développe successivement les trois parties ([ne cet exorde vient d'établir, commence par des considérations techniques, continue par des allusions à la discipline d'esprit et à la méthode, achève enfin par la peinture expressive des jouis- sances 'tue celle (''Inde réserve à ses adeptes. MI Cel esprit de moralisation scientifique, apporté en toute chose par Lacépède, ne s'esl jamais mieux affirmé que dans une courte introduction, écrite pour servir de préface à un petit livré eu deux volumes, publié en 1804, sous le titre : « La ménagerie du Muséum national d'histoire naturelle, on description et histoire des animaux qui y vivent et qui y onl vécu, par le- citoyens Lacé- pède, Cm mu et Geoffroy », LA VIE ET L'ŒUVRÉ DE LACÉPÈDE 215 En .cette année, la ménagerie du Muséum commençait à prendre l'importance qu'elle a su garder. Après de modestes débuts sous la Révolution, elle s'était agrandie sous le Directoire, le Consulat, et achevait de s'installer. Les professeurs lui pro- diguaient le meilleur de leur temps et de leurs ressources. Lacépède en était le fondateur principal. Dès Tan IV, il rédigeait pour elle des articles et des mémoires, insistai! en sa faveur auprès de ses amis au pouvoir, et s'efforçail de l'instituer; puis, l'ayant créée, il cherchait à l'amplifier. Celle ménagerie faisant partie de son œuvre, il s'intéressait à son progrès bien qu'il ne la dirigeât pas effectivement, et tâchait d'y intéresser le Gouver- nement et le public, l'un pour ses subsides, l'autre pour ses visites. Huit années depuis l'an IV, grâce à des concessions de terrains et à des subventions bien utilisées, suffirent pour aboutir. Ce travail se trouvant accompli, un autre devint nécessaire. Le public n'ignorait pas la ménagerie; il y allait volontiers, sur- tout entraîné par la curiosité et l'attrait du nouveau. Il fallait donc l'instruire et lui révéler la valeur scientifique d'une telle collection. Il fallait encore donner aux savants des renseigne- ments utiles sur les mœurs et les habitudes des animaux con- servés. Telles furent les raisons qui conduisirent à la publication du livre de 1804, où la plupart des espèces exhibées on! servi de sujet à 68 articles. Beaucoup de ces derniers furent écrits par Geoffroy-Saint-Hilaire, qui dirigeait officiellement la ména- gerie elle-même; les autres sont dus à.CuviER. Lacépède se chargea du soin de présenter l'ouvrage, et il en rédigea l'intro- duction. Cette préface de trente courtes pages est une manière de petit chef-d'œuvre. Elle prouve une fois de plus combien un esprit éminent est capable de rehausser l'objet auquel il s'applique, et de l'élever à l'égal de ses plus hautes aspirations. Il semble que des remarques sur quelques animaux vivants, exposés en public, ne puissent constituer qu'un motif, étroit, et peu propre à des vues générales. Sous la plume de Lacépède, ce motif s'élargit pourtant; il se dresse et se met en place dans l'immense cadre où le naturaliste assemblait «à la fois la nature avec l'huma- nité. Il n'est plus borné à lui-même, ni limité; son histoire se lie à celle de la civilisation. Un style large et soutenu, un accent concentré et pressant, l'ont de cette préface, dans l'énorme pro- duction de Lacépède, l'un des meilleurs passages, qui mériterait de revivre et de rester. 216 LOUIS ROULE L'exorde en esl saisissanl : « L'histoire ne nous montre aucun peuple parvenu au delà des premiers degrés de la civilisation, que nous ne voyions, parmi les établissements qu'il se plan" à créer, des ménageries élevées autour des demeures des hommes puissants qui le dirigent. Le besoinMes a formées. L'orgueil les a étendues ». Le besoin conduisil aux premières ménageries, '■ii assemblanl el parquant lés animaux récemmenl domestiqués; l'orgueil les accrut, en recherchant parmi ces êtres les plus nom- breux el les plus Peaux, ei leur ajoutant «les bêtes rares et remar- quables. « .... Les chefs des peuples ont construit, à côté des monuments qui rappelaient leurs victoires, de nouvelles ména- geries où ils ont renfermé le Lion et le Tigre qu'ils avaient. asservis; el L'orgueil, ou, si l'on veut, l'amour de la renommée, a augmenté ce que le besoin avait eomiriencé ». Puis, ti la science vivifiée par la curiosité, ainsi que la curio- sité dirigée par la science ». joignent à ces animaux d'autres êtres venus des pays étrangers. Enfin, la science elle-même, dans son progrès incessant, fait un choix parmi ces conquêtes diverses, et veut connaître celles qui pourront être le plus utiles à l'humanité. « ... In intérêt bien entendu, une vertu publique éclairée, consacre une quatrième sorte de ménageries à l'amélio- ration des troupeaux, «les bêtes de somme el de celles de labour. El c'est ainsi qu'une ménagerie générale se trouvé, pour ainsi dire, successivement établie par le besoin du chasseur-guerrier, l'orgueil du dominateur, la curiosité du savant et le dévouement i\i\ citoyen ». VIII Lacépède reprend ensuite chacun de ces motifs et montre que l'institution <\<'> ménageries fui toujours profitable à l'his- toire naturelle. Les complètes d'Alexandre le Grand ont permis à Aristote d'écrire ses o'uvres. en le fournissant d'animaux variés, ('.elles de l'Empire romani, et cel appétit de spectacles qui lai-ail affluer à Home (\t<< êtres arrivés de toutes les régions connues, ont donné à Pltne les moyens de rédiger plusieurs <\r> plus intéressants chapitres de ses ouvrages. « Sous le règne de ce Floi des Français, que l'on nomma Louis le Grand parce que de grands hommes entourèrent son trône, et que tout ce qui portait le caractère de la grandeur convenait à sou âme, les conseils prévoyants d'une illustre académie, et la déférence de Louis pour ceux qui disposaient de la renommée, firent établir a Versailles une ménagerie de la troisième sorte; l'ouvrage de LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 217 Perrault dut le jour à cette institution : elle dura sous le règne de Louis XV; et ce dernier règne fui l'époque où parul l'Histoire naturelle écrite par Bi ffon ». Le disciple, ainsi conduit à rappeler le nom de son maître, raconte alors ses tentatives pour fonder au Muséum une ména- gerie nouvelle, el se iV'lieile du succès qu'elles ont obtenues auprès de ses collègues. Tous onl résolu de « ne plus laisser subsister ces enceintes étroites dans lesquelles les animaux ont été con- damnés si longtemps à toutes les souffrances de la captivité », et d'élever un monument « dont les proportions, la beauté, les convenances, annonçassent les grandeurs de la nation, la dignité de l'histoire de la Nature, l'importance des résultais désirés... ». Enfin Lacépède peint un tableau enchanteur de la ménagerie qu'il voudrait édifier :- « On pourra la comparer, écrit-il, à une campagne variée et riante, où les différentes espèces d'animaux jouiront de tond' la liberté qu'il sera possible de leur laisser sans danger pour des spectateurs nombreux et quelquefois impru- dents; où elles trouveront le toit, l'exposition el les soins les plus convenables à leur organisation; et où, vivant au milieu des plantes et des arbres de leur pays, à l'ombre du moins des végé- taux les plus analogues à ceux de leur patrie, se livrant comme sur leur terre natale à leurs jeux et à leurs mouvements chéris, ne sentant ni leur exil, ni la perte de leur indépendance, elles présenteront à foui de l'observateur le tableau fidèle i\t-< pro- ductions de la nature vivante dans les contrées les plus remar- quables du globe ». Maigre tout son pouvoir, ce manieur d'hommes et d'idées ne put aboutir qu'en partie. Quelques subsides obtenus à grand'peine ne lui ont pas permis de tout accomplir. Pourtant ce projet, qu'il rêvait, el dont il espère que « les amis de la science souhaiteront de le voir imiter », l'a été par la suite. Les grands jardins zoologiques récents, dans le. monde entier, se sont fondés sur ce modèle dont il a tracé pour le Muséum, voici plus d'un siècle, les données principales. Il voulait employer l'esprit de curiosité « à répandre une instruction durable et facile; à donner aux naturalistes les moyens de perfectionner leur science; ,'i servir la Société plus directement en acclimatant les animaux étrangers réclamés par l'économie publique ». Ce triple désir a été satisfait. 2.18 LOTIS ROULE CHAPITRE VII L'œuvre historique d'un naturaliste. I Rien, semble-Ml, no s'éloigne plus de l'occupation ordinaire d'un homme de science comme la rédaction d'un traité d'histoire, au sens habituel du mot. Rien cependanl n'esl plu- caractéris- tique de Lacépède et de son véritable penchant. Aucun autre de ses livres ne saurai! mieux' représenter <•<• qu'il fut toul au fond de lui-même, malgré cette apparence do s*écarter de sa route. Homme d'Etat aussi bien que naturaliste, il ne s'en écartai! nulle- ment. Toul au contraire, il y réalisait le plan conçu par sa jeu- nesse : (('lui d'écrire l'histoire de l'humanité. Les dix dernières années de sa vie, après la chute de l'Empire, furent consacrées à ce travail final. Lacépède s'apprêtait donc à achevé] ce qu'il avait commencé. Il avait publié son programme, au temps de son enthousiasme de néophyte, dans le « Discours sur la manière d'étudier cl do traiter la. physique ». 11 fermait maintenanl le cycle (pie lui-même avail ouvert. Parti de la nature non organisée, ayanl continué par la nature organique el vivante, d en arrivai! maintenant à, L'Homme dans la Nature. Fidèle à ses sentiments d'autrefois, il ne voulait poinl disparaître sans avoir terminé sa tâche. Il y employa ses dernières forces el ses derniers moments. Elève de Bupfon, il dépassait la pensée de son maître, toul en demeurant fidèle à son inspiration. Bi ffon, des hauteurs où il planait, d'où il contemplait la nature entière, portail se- regards sur la succession complète >h'< époques, et ne s'arrêtai! guère à envisager les conditions spéciales à l'humanité. Lacépède s'y arrêta. Il voulut, à son tour, considérer la suite des âges depuis le débul de la vie, mais en la prenant pour une préparation a l'histoire de l'Homme, cl en insistanl sur elle. Ne pouvanl être anthropologiste avanl qu'il y eûl une science anthropologique el que l'on ail trouvé des documents précis sur le- premiers (dais îles races humaines, obligé de se rabattre sur ce que l'on savait de -on temps, il se lit historien. Son œuvre historique comprend trois ouvrages, rorl inégaux d'étendue quoique de visées identiques. Le plu- volumineux est une histoire de l'Europe au moyen âge el au débul de la période moderne. Un petiil livre l'a précédé, article d'encyclopédie sur LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 210 l'histoire naturelle de l'Homme, l'n autre l'a suivi, plus substan- tiel, qui le résume, l'explique, cl décril la succession des âges de la nature avec l'histoire de l'espèce humaine. La mort, ensuite, arrêta l'auteur. II Le bref opuscule intitulé Histoire naturelle de l'Homme a été rédigé comme article destiné à paraître dans le Dictionnaire des sciences naturelles. Lacépède le publia séparément, en 1821. Gel ouvrage annonce ceux qui devront le suivre el que l'auteur prépare : l'Histoire de VEurope, cl les Ages de la Salure. Ecrit d'une seule venue, sans arrêts ni coupures, il exprime dans sa brièveté, el comme en raccourci, le désir d'embrasser d'un trait Ions les aspects de l'humanité, les corporels avec les intellectuels, les physiques avec les moraux. Lacépède reprend cl résume ses diverses aspirations, celles qu'il n'avait pas encore dites, comme celles qu'il avail déjà exposées dans ses ouvrages antérieurs. Il se cite lui-même, répète plusieurs pages de ses anciens Discours, et se montre tout à la fois, ainsi qu'il l'était, biologiste, moraliste, historien. Ce petit volume comprend deux parties presque égales. La première traite de l'être humain. Elle débute par un exorde de naturaliste, prend l'individu à sa naissance, le suit dans sa for- mation, l'accompagne dans son enfance, sa jeunesse, son âge mûr. Après une description succincte des organes, elle passe à l'étude des passions et des sensations, à celle du langage, aux débuts possibles de ce dernier, à ses perfectionnements. La seconde partie offre le tableau de l'espèce humaine et de son industrie, celui des principales races, de leurs relations avec les climats, et discute l'action que ceux-ci exercent sur elles. Elle montre enfin les progrès de la civilisation jusqu'aux temps actuels, et s'achève par une glorification de la science. Cet exposé a le défaut d'être trop eourt et de trop généraliser; il ne pouvait s'enfermer en quelques pages. Mai- cette impres- sion disparaît si on l'évalue selon ce qu'il représentait aux yeux de Lacépède : une préface pour les ouvrages plus complets et mieux finis qu'il s'apprêtait à écrire. Toujours moraliste, il y rappelle plusieurs souvenirs de sa vie passée. Les passages consa- crés à l'adolescence en acquièrent une valeur presque person- nelle, et le mettent lui-même en cause. « L'adolescent, écrit-il, qui entre dans cet âge que l'on a comparé au printemps de l'année, éprouve une chaleur nouvelle qui le pénètre. Il ressent 220 LOUIS ROULE une agitation intérieure qui lui ëtail inconnue; il s'en effraie e1 en conçoit une vague mais douce espérance, qui écarte souvent l'inquiétude à laquelle son esprii se livre malgré lui. Un mélange de douleur et de plaisir s'empare de son cœur; sa tète s»' rempli! d'illusions. Ses incertitudes, ses craintes sonl remplacées par des .rêves de bonheur; ces rêveries remplissenl son âme. Ses plaisirs ordinaires ne lui suffisenl plus: souvenl ils le fatiguent • •I l!ennuient; les occupations qu'il annail lui deviennenl indiffé- rentes nu pénibles. La société l'incommode; la présence mên e de ses amis le gêne, rue mélancolie qui le charme l'entraîne dans la solitude. Il se plaît à errer à l'ombre des bois épais, ou à s'abandonner sur le boni d'un ruisseau limpide, ou sur le som- mel d'une roche escarpée, à tous les mouvements de son cœur cl de son inspiration... ». Préoccupé de l'éducation de l'enfance, il précise eu quelques lignes ce qu'elle doil être, et lui donne pour base la discipline, l'habitude, l'imitation des bons exemples. « ... Que l'entant ne puisse voir, dans 1rs actions dont il esl If témoin ou l'objet, que l'application de celle justice qui se fail sentir si aisément à son Cœur et à son esprii. «pie l'exercice de celle douceur et de cette bonté qui ne sonl que le complémenl de la justice. Qu'on l'accou- tume aux jouissances de la bienfaisanee; elle esl à la portée de Ions les âges. Qu'on l'habitue à maîtriser ses mouvements, à les soumettre à sa volonté, cl à faire fléchir celle volonté devanl la raison, toujours irrésistible, comme la nature des choses ou connue le destin. Que des épreuves, ménagées avec délicatesse, lin fassent sentir les effets heureux ou malheureux de- bonnes on (]c< mauvaises actions, c'est-à-dire des actions conformes ou contraires à la raison, a la justice, à la bonté, et par conséquenl aux lois de l'auteur tout puissant de la iiature. Qu'on écarte de son esprit les erreurs*que tant de personnes se plaisent à donner à l'enfance, sous le prétexte de l'amuser, ou pour se débarrasser des questions que leur adresse sa curiosité si naturelle, ci que l'on pourrait si aisément satisfaire s;ms altérer la vérité. Que, pour préparer l'enfanl à l'instruction qui lui esl destinée, et pour fortifier son esprit après avoir formé son cœur, on lui montre à examiner, sous leurs diverses Faces, le- objets de son attention, ,'i te- comparer avec soin cl à se rendre compte îles résultats de ces comparaisons... »>. lll L'ouvrage le plu- important de celle tin de carrière est un véritable traité historique, dont le titre explique le contenu : LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 221 « Histoire générale, physique et civile, de VEurope depuis les dernières années du \ ' siècle jusque vers le milieu du \\ III ». Publié en 1826, un an après la rnort de son auteur, il comprend 18 volumes, dont chacun compte 450 à 500 pages. Déjà considérai île par son étendue, il Test plus encore par l'abondance de la documentation, surprenante pour L'époque. Lacépède, Grand Chancelier de la Légion d'honneur, avait employé ses amitiés, ses relations, son influence^ à rassembler les matériaux qu'il voulait utiliser. Revenu des honneurs, relire du monde, il n'eut qu'à rédiger ses notes amassées. Son livre en est sorti. Sa force de travail lui permit d'accomplir en dix ans, tout seul et sans aide, la lâche formidable de l'écrire. Grâce à son instruction d'humaniste, qu'il avait su entretenir, il put se livrer sans difficulté à ces études nouvelles. 11 devint historien après avoir été naturaliste, et le devint en restant homme de science. La conception de son livre est d'un philo- sophe : l'auteur veut montrer l'existence d'une loi morale diri- geante, générale, supérieure, qui conduirait les sociétés hu- maines vers un état toujours meilleur. L'exécution en est. d'un savant : l'auteur publie ses documents comme il ferait d'autant d'observations; il en tire les conséquence et aboutit! à des conclu- sions, comme dans un mémoire de sciences naturelles. Il expose m m sentiment, du reste, dès les premières lignes du discours servant de préface. « Je travaille depuis bien des années, écrit-il, à l'histoire des âges de la nature, à l'histoire naturelle de l'espèce humaine, et par conséquent au tableau des progrès de la civilisation. Ce sujet est immense; il s'étend depuis l'origine des corps célestes, et par- ticulièrement depuis la formation de la terre, jusqu'à l'état actuel de notre globe. 11 comprend tous les temps, et, pour l'embrasser dans tout son ensemble, la pensée doit se placer à une telle hau- teur, que les grandes masses peuvent seules la frapper. Les détails disparaissent, et, cependant ils pourraient souvent inspi- rer un grand intérêt et devenir l'objet d'importantes observa- tions. J'ai dû choisir, dans la suite des siècles, un espace de temps assez long pour renfermer une série de mémorables événe- ments enchaînés les uns aux autres par des causes physiques ou morales des plus dignes de la méditation des hommes, et néanmoins circonscrit par des limites assez rapprochées pour qu'on pût en saisir tout, le cours sans trop s'éloigner des diffé- rents objets remarquables, et par conséquent sans cesser de les distinguer. 222 Louis ROULE « Il fallait encore, pour parvenir plus facilemenl au bul que je me proposais, que ces événements se fussenl passés sur une portion du globe qui n'eut pas trop d'étendue. J'ai choisi pour théâtre l'Europe, cette partie du monde si favorisée par la nature, si illustrée par le génie de l'Homme; el pour époque celle qui embrasse l'affaiblissemenl des lumières, les progrès de la J»ar- barie, la destruction presque totale de la civilisation, el son renouvellement successif, son perfectionnement ei le plus grand accroissement de son éclat- ci Ce sujet n'est qu'une portion du vaste ensemble que pré- sentent les âges de la Nature; mais, considéré de plus près, lorsqu'il en est ainsi détaché, combien il paraîl s'agrandir. « A mesure que l'un descend, pou] ainsi dire, vers cette portion du grand tout, elle devient immense elle-même; les détails qui échappaient aux regards, à cause de leur éloignement, se montrent; les sommités ne son! plus seule- éclairées; l'obscurité des intervalles qui les séparent se dissipe, et la lumière colore liais tes objets. « L'histoire de celle période commence au moment où le Ve siècle allail finir, et où les Francs se répandirent dans les Gaules; elle ne s'arrête qu'aux événements qui ont rempli la seconde moitié du dernier siècle : elle comprend treize cents ans. Elle montre la chute de l'Empire romain, les barbares arrivant des contrées septentrionales, envahissant l'Europe, la parcourant le fer et la flamme à la main, se disputanl les lambeaux de l'Em- pire, se battanl au milieu des ruines de la puissance de ceux qui avaient commandé au monde, alternativement vainqueurs et vaincus, se heurtant, se renversant, se dispersant mutuellement, portés d'une extrémité de l'Europe à l'autre par les hasards de Ja guerre, agités par les tempêtes politiques, épaississanl et répandant partout les ténèbres de l'ignorance, mêlant, confon- dant, bouleversanl les institutions, repoussant la I ière qui revenait de H nient, et obligés enfin de céder au pouvoir irrésis- tible, mais longtemps balancé, de la science, i\i^ lettres, dr^ arts, de la sagesse, de tous tes dons de l'esprit humain... ». IV Lai épède a justement trouvé le ternie qui peut qualifie] son livre. Il a écrit une « Histoire naturelle de l'espèce humain» ou plutôt un fragment de cette histoire, choisi selon ses préfé- rences et la c aissance plus nette qu'il en avait. Un tel traite. par suite, ne se met poinl à l'écart dan- son oeuvre; d se relie ù LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 223 ceux qui l'ont précédé. Une même pensée les cpnduil également à un aboutissant commun. Et, pour que nul de ses lecteurs ne l'ignore, pour que l'esprit dont il s'inspire s'affirme encore mieux, l'auteur expose plus loin la méthode qui le guide el le soutient. « ... Il n'arrive jamais de grand changemenl parmi les hommes qui n'ait eu sa source dans les temps écoules. La sciei de l'histoire consiste à reconnaître ces causes physiques ou morales, apparentes ou cachées, ces variations graduées ou sou- daines dans les habitudes, les arts, les besoins, les fortunes; ces modifications successives des esprits produites par le dévelop- pement des facultés et l'accroissement des lumières; ces dispo- sitions secrètes, d'autant plus puissantes qu'elles sont longtemps contenues, qui préparent, amènent et accélèrent les grands événements; et à les distinguer des circonstances particulières, souvent fortuites, qui déterminent ees évolutions ». Une entreprise aussi vaste a son mérite; elle a aussi son défaut. Un historien de profession, plus avisé et plus expérimenté, eût choisi une époque brève, ou un pays isolé, ou un chef de peuple; il eût resserré l'action avec le récit pour mieux développer la notion d'ensembe. Lacépède a pris la période entière qui l'inté- ressait, comme un naturaliste prend, pour son étude, le groupe tel qu'il 's'offre. Son livre est une histoire complète, et non pas une histoire-parade ou une histoire-bataille. Il étudie les moeurs et les changements, les déplacements des peuples et leurs con.-é- quenees. Il n'a point délimité, ni élagué d'avance; il a tout retenu. V Si Ton veut comprendre les scènes de l'histoire, il faut com- mencer par connaître l'endroit où elles ont eu lieu, et les cir- constances qui les ont entourées. Le Discours préliminaire s'achève en s'en occupant. L'Europe elle-même, ses contrées, les barrières, fleuves ou montagnes qui s'opposent aux mouvements de- nations, ses climats et leur influence, doivenl se considérer tout d'abord. Dix-neuf bassins hydrographiques forment en elle autant de centres d'appel, de lieux d'expansion, ou de chemins suivis et de routes de peuples. C'est là que se passèrent les évé- nements qui ont précédé le moyen âge : l'Empire romain, sa puissance et sa chute; les luttes soutenues par lui contre les Gaulois et les Germains; le règne des premiers Mérovingiens; la lin de l'Empire d'< >ccident. La durée embrassée ensuite par Lacépède est scindée par lui en vingt-cinq périodes successives, dont chacune comprend un 224 Loi ts roi le chiffre variable d'années, trente à quarante en moyenne. Ces divisions arbitraires se motivenl d'après les coupures que semblenl produire quelques faits de capitale importance, mais n'onl pas d'autre valeur. Chaque période esl une sorte de mono- graphie, qui s'ouvre par un résumé de la précédente, el se ter- mine toujours par une révision générale, où les coutumes el tes aspirations des peuples sont examinées avec soin. Les chefs et les guerres y passenl souvent au second plan; les mas humaines elles-mêmes, leurs métiers, leurs groupements, leurs inclinations, s'y rangenl au premier. Ce n'esl plus là l'histoire habituelle. Le naturaliste se retrouve, cherchanl à discerner et à suivre son étude biologique de l'être humain à travers l'histoire. VI Les trois premières époques emplissent le volume initial. Elles vonl de l'an 190 à l'an 622. Faisant suite au Discours préli- minaire, leur exposé se consacre aux temps mérov ingïeris et aux guerres de l'Empire d'Orient. Les périodes consécutives, de la quatrième à la neuvième, occupent le tome second. Partant de l'an 622 pour s'achever en l'an 900, elles voient 1m pénétrataon des Sarrasins dans l'Afrique du Nord, l'Espagne et les Gaules; la victoire de Charles Martel auprès de Poitiers; puis le règne de Charlemagne et les invasions de- Normands. Le troisième volume, s'appliquant, avec la lin de la neuvième époque, à la dixième ri à la onzième périodes jusqu'à l'an 987, montre la consolidation du régime féodal, H dépeint ses coutumes. La onzième époque, dans le quatrième volume, s'achève sur l'évocation, en Espagne, de l'œuvre des Sarrasins, « véritables propagateurs de la philosophie antique, des sciences, des lettres, drs arts ». Lacépède admire leur architecture o hardie, légère, gracieuse, sublime ». Il y voit une préparation à l'art gothique, qui devait, par la suite, se perfectionner de lui même o en cher- chant à imiter, avec ses arcades et ses contreforts, les voûtes de feuillage et les rangées d'arbres des forêts chères à nos ancêtres ». Il trouve dans la présence de ces forêts, plus nombreuses alors, el plus étendues, les causes d'un climat plus tempéré, plus uni- forme, étendu à l'Europe presque entière, et, par suite d'une facilité plus grande accordée aux migrations des peuples. La quatorzième époque, de l'an 1092 à l'an L147, esl celle du début des croisades. Le caractère complexe de ces expéditions \ est traité sans détours. On y voit s'agiter, sous la passion reli- gieuse, <\>'r entiments plus égoïstes el moins élevés : les < LA VIE ET 1. ŒUVRE DE LACÉPÈDE ;J;\> satisfaits do l'éloignement de leurs puissants vassaux; gnours désireux de se battre eL de conquérir les richesses des infidèles; les serfs heureux d'échapper à leur servage pour deve- nir des maîtres à leur tour. Lacépède discute ensuite leurs conséquences : l'affaiblissement des seigneurs féodaux, qui favo- rise les progrès de la royauté; la création de nouvelles routes d'échange; la formation dans le peuple, par le commerce et l'industrie, de grandes richesses, gages d'un affranchissement ultérieur; enfin, à cette époque de luttes et de batailles, d'orphe- lins et d'opprimés, le renforcement, dans l'Europe occidentale, de l'esprit chevaleresque, et de celui des sentiments de pitié, de charité, de solidarité, d'association. Le sixième ei le septième volumes, destinés à la seizième et à la dix-septième périodes, de l'an 1189 à. l'an 1300, renferment, à côté des récits des luttes soutenues entre elles par les répu- bliques italiennes, donl les lois étaienl « mal adaptées aux vœux et aux besoins des citoyens », une longue étude du code connu sous le nom « d'établissements de Saint-Louis ». « Un œil atten- tif aurait vu facilement, dans les dispositions de ce code, pro- tecteur des droits et de la justice, les germes de la libération des bourgeois ». Le tome huitième, l'un des plus impressionnants, commence par l'histoire des guerres anglo-françaises, et celle des événe- ments qui les accompagnèrent. Le récit vivant et coloré de la bataille de Crécy, et de la confusion qui donna l'avantage aux années anglaises, mériterait d'être souvent cité. Il en est de même pour celui de la Jacquerie, de ses causes, de ses résultais. Lacépède trouve des accents que La Bruyère n'aurait pas reniés : « ... Les habitants des campagnes étaient, depuis long- temps, traités par un grand nombre de seigneurs comme de viles bêtes de somme; depuis longtemps leurs âmes nourrissaient un ressentiment héréditaire. Au milieu des désastres de la France, leurs maux parviennent à leur comble; le Dauphin ne peut, ni les protéger contre une féodalité plus puissante que lui, ni pré- venir ou arrêter leurs mouvements. Le désespoir s'empara d'eux; ils se comptent, ils voienl leur grand nombre; ils sentenl la force de leurs bras; ils n'obéissent plus qu'à la fureur qui les trans- porte. Ils saisissent en tumulte les pieux, les fléaux, les fourches, les taux, les haches qu'ils soûl accoutumés à manier. Leur oppression a été extrême; leur rage va être sans limites. Ils ont vu leurs corps courbés sous les travaux les plus dur-, leurs femmes et leurs filles insolemment maltraitées : ils vont devenir barbares... ». 15 226 LOUIS ROULE La vie de Jeanne d'Arc, « victime innocente -, empli! une partie • lu neuvième volume et du dixième. Puis, considérant les événe- ments de ce quinzième siècle si agité, où le moyen âge touchait à sa. lin, il s'écrie : « ... Combien de causes puissantes se réu- nissent maintenant dans l'Qccidenl de, l'Europe pour lui impri- mer un mouvement extraordinaire, donl aucune puissance ne pourra arrêter le cours! On va voir naître ei se développer une civilisation nouvelle bien supérieure a celle que les anciens ont connue. Les immenses migrations <{<■* peuples vers l'Orîeni nul amené, à leur retour dans celle Europe occidentale, avec le besoin de jouissances nouvelles, l'esprit de commerce qui seul peul les satisfaire. L'extrême inégalité <\r- conditions ne peu! subsister. Les lions de la servitude se relâchent; les grands el les petits feudataires .-nul obligés <\r démembrer leur.- territoires; les villes oni acquis des privilèges; les richesses -nul passées du côté de l'industrie : la force se trouve déplacée ». A dater de la vingtième époque, qui, de l'année L430à l'an l 'cas. occupe une partie du dixième volume et la totalité du onzième. Lacépède mentionné encore les affaires générales de l'Europe, niais s'arrête de préférence sur celles de France el d'Angleterre. 11 constate et signale, parmi les conflits et malgré les luttes, cette communauté d'intérêts et cle sentiments qui, de siècle en siècle, unira les deux peuples d'une façon toujours plu- étroite. Il passe ensuite aux guerres de religion, à la royauté d'Henri IV. a la Révolution anglaise, à la domination de Richeliei . à la monar- chie absolue; puis, dans les trois derniers volumes, qui em- brassent les deux périodes finales, il traite du règne de Louis XIV et de celui de Louis XV. L'ouvrage se termine sur une étude des ails, des lettres, des sciences, des sentiments, au milieu du .WML siècle, a la veille de la Révolution française. Il vante Montesquieu, \\ admire Fontenelle, il célèbre VoLTAinE.et les encyclopédistes. Musicien émérite, il n'oublie point son art préféré, el place hors de pair Rameau, avec Gluck. Ses suffrages Mail à ceux qu'il a connus : a Quatre voix puissantes, écrit-il, parlent a l'Europe... Montes- quieu révèle les droits des peuples; Roi sseai les grave dans les cœurs; Bi ffon montre les admirables spectacles de la (erre et des cieux sortant des mains créatrices de l'être de.- êtres, et les de la nature ou de son auteur ineffable donnant une sanc- tion sacrée a celles donl les hommes atlendehl leur bonheur; et Voltaire, dévoilanl tous les attributs accordés a la raison humaine par la raison éternelle ci divine, eu revêl les décisions de tous les charmes du génie, de l'espril cl du talent ». LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 227 VII Mais cette histoire n'obtint pas, et n'a jamais obtenu, la renom- mée qui devait lui revenir. Tombée dans l'oubli dès son ap] rition, elle n'en est plus sortie. On éprouve à la feuilleter, à la parcourir, un peu de cette impression, faite d'admiration et de tristesse, que l'on ressent devant les vieux monuments superbes et abandonnés. Livrée au public après la disparition de celui qui, l'ayant écrite, avait appartenu à un régime déchu, elle a rencontré d'abord l'indifférence de beaucoup et l'hostilité de certains; personne ne l'a défendue avec insistance Trop longue pour un livre de lecture courante, appréciée seulement de quelques érudits, elle n'a, guère quitté les rayons des biblio- thèques où ses volumes ont été déposés. Elle portail en elle, pour son temps, un défaut grave : son libéralisme critique. Le moment ne lui était pas favorable. Plus tard, lorsqu'il le devint, d'autres historiens étaient nés, qui s'inspiraient également de la méthode expérimentale. Nul besoin n'était donc de rappeler à l'existence cette œuvre ensevelie. Une autre difficulté lui venait de son originalité. Cette histoire tenait plus de la science que d'un ouvrage littéraire; elle ne ressemblait à aucune autre. Sa conception, son exécution, diffé- raient trop de ce qu'on avait alors l'habitude de lire. Son mérite passait inaperçu. OEuvre de naturaliste en somme, et tirant de cela même sa saveur propre, elle déroutait le public, qui n'était pas encore fait à cette manière. Lacépède innovail pour son temps. Précurseur en histoire comme en biologie, il marchait trop en avant des autres. Ceux-ci ne l'ont suivi que plus lard, et derrière des maîtres nouveaux. VIII Les Ages de la Nature cl Vllistoire de VEspèce lui mai ne : tel est le titre du troisième et dernier ouvrage, posthume, lai é inachevé, et publié en 1830. Lacépède désirait terminer son œuvre en la resserrant, et n'exprimant d'elle que le suc principal. Il voulait finir sur nu livre magistral, où sa doctrine, devrait-on dire, se dévoilerait dans toute sa pureté. L'Histoire de l'Europe formait un canevas trop touffu et trop vaste. I n résumé plus substantiel, et de trame plus concise, pourrait, selon lui, mieux figurer sa pensée. Le philosophe s'était mis à l'école de la science pour tâcher de com- prendre les destinées humaines. Puisque l'Homme appartient 228 LOUIS ROULE à la Nature, puisqu'il esl soumis ù ses lois, puisque son histoire particulière est la suite de l'histoire générale des êtres, pourquoi ne point les assembler toutes deux, el faire succéder l'une à l'autre dans le récil qu'on leur consacre, comme elles se sonl succédé vraimenl dans le cours des âges? Telle lui son idée directrice. S'inspirant encore de Ci ffon, el désireux de le conti- nuer en tout, il voulut, à son tour, écrire une histoire naturelle el complète de la création. Cette idée était ancienne; Lacépède la portait en lui depuis longtemps. Jl prépara longuement, ci mentionne à plusieurs reprises parmi ses projets de rédaction, cel ou\ rage qu'il lui des- tinait. Il voulait le polir, l'améliorer, lui ajouter nu lui retran- cher, le modifier sans cesse pour le parachever à son gré. Son livre est, (mil à la lui.-, une géogénie, une anthropogénie, une histoire universelle. Il débute par la formation première de notre globe, continue par la série de,- périodes géologiques, cl. remon- tant ainsi le cour,- t\w temps depuis le passé le plus lointain, termine sur le progrès de l'humanité. Les deux volumes don) il se compose sont divisés en douze parties, qui correspondent à autant d'âges successifs, écoulés depuis le commencement du globe. Les onze premiers âges, forl ècourtés, laissent au douzième, celui de l'espèce humaine, l'étendue la plus grande. Lacépède, plus philosophe que naturaliste pendant les dernières années de sa vie, envisageait l'Homme surtout, cl ne s'attachait guère au reste de la nature que pour en faire ressortir, par rapporta ce dernier, le rôle de préparation nu de direction. Le premier âge débute de cette façon saisissante donl Lacépède, ailleurs, s'est volontiers montré coutumier. L'auteur suppose un esprit qui contemplerait les astres, suivrail leur- mou- vements, ci considérerait leur- changements dans les périodes successives du temps. Il assiste ainsi, cl fait assister le lecteur, à la création du monde stellaire, puis à celle de nuire système pla- nétaire, enfin à celle de la terre elle-même. Il se borne, du reste, à exposer les théories *\^- Lagrange et de Laplage, dont il cite des extraits à maintes reprises. Le deuxième e-l celui du rc l'mid I .- -c 1 1 ic n l de l;i (Toute ter- restre et de- premières roches ignées. Qn assiste, dans le troi- sième, à la précipitation, sous forme liquide, de l'eau qui, jusque l,i. avait été tenue en vapeurs dans l'atmosphère, el à la formation d'une mer universelle, recouvrant la mince croûte refroidie. Puis, dans le quatrième âge, le terrains de transition effectuent leurs dépôts, et de même, dans le cinquième, le.- couches secun- LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 229 claires jusqu'à la craie comprise. Humboldt, ami de Lacépède, lui sert de guide dans cette géologie résumée à grands traits, et, à son tour, se trouve souvent cité. Lé sixième âge est celui des volcans, des roches éruptives; le septième, le huitième, le neu- vième, sont ceux de la période tertiaire el des grands Mammi- fères fossiles. Le dixième âge a vu les terrains d'alluvions, avec les animaux des cavernes; le onzième le prolonge jusqu'au seuil du douzième, qui, ainsi annoncé el préparé avec continuité, est celui de l'humanité. L'histoire de ce douzième et dernier âge est celle de la civili- sation. Elle commence par plusieurs considérations assez brèves, où l'auteur rappelle ses écrits antérieurs sur l'Homme primitif, ses principales races, l'origine de la parole et de l'écriture, la domestication des animaux, les débuts de l'industrie, des arts, des- sciences. Elle arrive rapidement aux principaux peuples et aux grandes époques de l'humanité, depuis les Egyptiens jus- qu'à l'antiquité romaine, en passant par les Chinois, les Hébreux, les Clialdéens. Elle prend ainsi une allure d'histoire universelle, et rappelle celle de Bossuet. Toutes deux s'accordent, du reste, et obéissent ensemble à celle préoccupation de leurs auteurs, de lier entre eux les événements pour les subordonner à une toi impérieuse qui les guidera il. Bossi et, précepteur d'un prince, invoque la main puissante de Dieu, dont les souverains sont les mandataires. Lacépède, éducateur public, professeur et homme d'Etat, s'attache à relever l'influence croissante des sentiments moraux issus de la civilisation. Les deux pensées sont plus proches l'une de l'autre qu'il ne le semble d'abord; et des cita- tions de Bossuet, faites à plusieurs reprises, le montrent bien des fois. Lacépède, en rédigeant son livre, voulait en conduire le récit jusqu'à l'époque où com menée celui de son Histoire de VEurope, el donner par là, à celle-ci, un début rationnel. Les circonstances ne le lui permirent point. 'L'ouvrage s'arrête aux derniers moments de la Bépublique romaine, au consulat de Cicéron, et aux événements qui précédèrent la domination de César. La mort de l'écrivain, à ce terme, l'interrompit. 230 LOUIS ROULE CHAPITRE VIII La pensée de Lacépède et sa morale de la Nature. I Cette pensée peul s'exprimer el se qualifier d'un mot : elle est d'un biologiste. Ce mot, avec son sens actuel, philosophique el généralisant, n'existail pas au temps de Lacépède. On connaissait à peine celui i ffon en fut le premier maître, et le plus géniah Elève de Bi ffon, Lacépède se montra plutôl biologiste que morphologiste. Il s'attache, de préférence, à suivre dans le temps les incessantes combinaisons des actions vitales. La nature devienl à ses yeux une sorte de cinématique indéfiniment variée, «•l de théâtre do'nl les acteurs valenl plus par les -crue- qu'ils jouent que parles costumes dont ils se recouvrent. On retrouve en cela une préoccupation d'ordre éternel. Lacépède encore jeune, et n'ayant pas songé à pratiquer la science, aimait déjà à contem- pler la nature el la vie. Son espril se modelai! selon celle contem- plation. Les notions complémentaires, plus délicates el plus pénétrantes, que lui apportèrent ensuite ses recherches tech- niques, n'eurenl qu'à prendre leur place dans un cerveau tout préparé à les recevoir. Parti de la nature vivante, il \ revint. Il \ cherchait^ à sa manière, une explication de In vie humaine, et - urtoul une direction morale, LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 201 Car ce fut là sa marque, parmi les penseurs dont il s'inspirait. La recherche scientifique constituait, selon lui, non pas un objet complet d'études, mais une préparation à un autre objel plus important, qui est la connaissance de l'Homme el celle des lois naturelles dont l'Homme doit s'inspirer pour son propre bien. La vie dans la nature, celle des animaux, celle des plantes, y servent cle support à une autre vie plus relevée, cpii est celle de l'humanité. On doit donc s'efforcer d'étudier l'une; mais sans perdre de vue un seul instant qu'elle n'est qu'un, début et une manière d'introduction à une deuxième étude plus urgente, plus nécessaire, qui est celle de nous-mêmes. Lacépède innove ainsi, et de deux façons. Non seulement il part de la nature pour se con- naître, au lieu de suivre la roule inverse qurest souvenl la plus fréquentée; mais encore il classe les investigations sur la nature selon leur importance pratique, soit en elles-mêmes, soil par rapport ù nous, poussé par une sorte de pragmatisme anticipé qui évalue selon l'utilisation. L'école des philosophes naturalistes, depuis Aristote, reconnaît bien en lui l'un des siens, mais avec un accent spécial, qui lui appartient vraiment, car il est chez lui plus prononcé qu'ailleurs. Le mouvement vital aurait, selon sa doctrine, un aboutissant qui constitue sa fin en ce monde: le bonheur de l'humanité. Un double rôle revient donc à l'homme de science, et spécialement au naturaliste : d'abord se livrer aux investigations scientifiques, ensuite ne rien négliger pour rendre ces dernières profitables :'i tous. Ce profit ne consiste pas seulement en un meilleur emploi des forces ou des êtres, mais encore, et surtout, en un meilleur usage de nos facultés. La nature est une école; elle enseigne par elle-même. Cette antique notion, que les moralistes ont souvent prise et reprise, retrouve en Lacépède une vigueur nouvelle. Pour la première fois, elle inspire une œuvre Scientifique complète, et, en retour, trouve en elle une tentative de démonstration. II Ainsi l'œuvre abondante de Lacépède ne se limite point, dans l'histoire naturelle, à la description de quelques groupes d'ani- maux, ni à la répartition des êtres sur le globe. Elle va plus loin, et s'adresse à la méthode même de la science, à son utilisation économique, bien plus, aux sentiments moraux qui surgissent de ces études ainsi approfondies. Toute cette œuvre est philoso- phante. Celui qui l'a écrite ne s'est jamais arrêté à l'objet seul 232 LOUIS ROULE dont il s'occupait. Après l'avoir examiné el considéré de toutes les Lirons, il s'attachail à lui accorder une place dans sa com- préhension de la nature, el considérai! ce classement comme l'opération la plus importante. Il avail son système el son idée, il y ramenait tout, el entendait ne rien laisser à l'écart. Le résultai en esl que le retour sur soi même, el l'appel inces- sant aux notions générales, s'y trouvent répandus partout. On devine ù chaque instant, derrière l'observateur qui mesure et décrit, le philosophe qui évalue et qui réfléchit. On sent que celui-ci l'emporte sur celui-là, qu'il le conduit, le dirige et le prend volontiers pour un simple comparse, seulement destiné. ù lui fournir les sujets de sa réflexion. Nulle part, chez Lacépède, ce sens philosophique ne se condense pour exprimer en leur entier les considérations auxquelles il se plaisait. 11 se dissémine, au contraire, se distribue dans Ions les ouvrages, comme un riment d'assemblage et de consolidation. On doit l'y chercher. Il semble bien se ramasser parfois el se préciser par intervalles, notamment dans les Discours servant de préfaces, mais là même. il se dérobe souvent et tourne court, comme si l'auteur jugeait sa tâche finie lorsqu'il parvenait, de pensée en pensée, à celle qu'il jugeai! La plus haute et dernière. Par une association remarquable, il unissait en lui l'esprit contemplatif à une prudente raison. D'une part, il sejançait à fond dans les spéculations les plus hardies, où il dépassait les faits; d'autre pari, il observait avec précision ces faits eux- mêmes et les comptait strictemenl pour ce qu'ils valent. Son imagination excessive se tempérai! et se corrigeait d'un avisé bon sens. Ce double penchan! donne à ce qu'il a pensé, à ce qu'il a écrit, el à ce qu'il a fait, une originalité singulière. Philosophe spiritualiste toul an fond de lui-même, il a voulu baser sa i\n<-- trine sur l'observation scientifique el rationnelle. Il s'est, mis à, l'école de la nalnre pour résoudre a son gré les problèmes géné- raux posés à l'humanité. Espril spéculatif e! presque mystique, il a voulu certifier ses idées en leur donnanl un appui pris en dehors de l'âmè humaine. G'esl ainsi qu'il a pu discerner, souvenl avec nue acuité profonde, plusieurs des notions que les philosophes el. les naturalistes contemporains commencent seulemenl à rencontrer e! à discuter. HT L'Homme, dit-il, appartien! à la nalnre. Il est l'Homme de la nature, on selon la nalnre. Il ne connai! d'autre régent, m d'autre LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 233 loi, que la condition immuable des choses naturelles fondées à l'origine par le Créateur. Il a progressé et il s'est civilisé en déve- loppant en lui-même les facultés natives qu'il possédait dès son commencement.' La nature associe l'Homme à sa puissance en lui conférant une intelligence supérieure, la sociabilité ci la per- fectibilité. Lacépède ne fait point de l'Homme un être spécial, niais ni' te rattache point à l'animalité. Le problème de l'origine animale de l'humanité ne semble point s'être présenté à lui de façon objective, tel qu'on l'a tenté depuis. 11 parait même ne s'en être nullement soucié. Il lui suffisait de comprendre, en moraliste et m naturaliste, que les lois de la nature astreignent l'être humain et lui créent son devoir. S'il se préoccupe peu de cette lointaine généalogie, il tente, pourtant, de la représenter parfois. Le Discours d'ouverture des Cours de l'an VI, consacré aux races humaines, contient une évocation de l'Homme préhistorique, vraiment étonnante pour une époque où la science de la préhistoire n'existait pas. Lacépède ligure cet ancêtre d'une façon énergique, comme un sauvage au corps couvert de poils, qui tiendrait encore de la bêle féroce, habiterait les forêts, et chercherait dans les cavernes un abri contre le danger. Ce premier Homme s'est ensuite perfec- tionné, s'est civilisé, en usant de ses seules ressources cl de sa propre intelligence. Kl, comme le temps n'est rien pour la nature, de .longs siècles furent employés à "cet le lente ascension, qui s'est accomplie par de nombreuses nuances insensibles. Cette anthropogénie, cette conception de la genèse humaine, est donc évolutionniste. Rattachant l'Homme à l'ensemble de la nature, l'obligeant à suivre avec constance une voie de progrès continu, le faisant partir d'en lias pour l'élever et le dresser. peu à peu, au rang de dominateur de la nature entière, elle dénote clairement son sens et sa tendance. La vie se perfec- tionne d'elle-même, par son propre usage. Elle gravit, tantôt durement, tantôt plus commodément, le chemin qui, -ans cesse, la mène plus haut qu'autrefois. Les individus, dans cette ascen- sion incessante, ne se séparent point les uns des autres; la nature les assemble tous et les associe à la, lâche de tons. One notion morale, basée sur cette liaison des efforts tendus vers le progrès, se développe à cette occasion et se précise peu à peu. Les Hommes « doivent mettre en commun leur expérience par la mémoire, leurs travaux par l'entente, leur prévoyance par une affection mutuelle ou par un intérêt commun ». Telle est la morale d'entre- 234 LOUIS ROULE aide et de solidarité, franchement altruiste, tirée de la nature, que Lacépède tâchait de fonder, et qu'il cherchail à mettre en action. Cette morale est celle du renoncement pour soi, du dévouement aux autres, du travail continu. IV 11 pratiquait el vantail l'amour de la vertu. Il se dévouail à autrui el se réfrénait lui-même. Plaçanl l'humanité au-dessus de sa personnalité, il exerçait sa volonté à satisfaire celle-là, même au détriment de celle-ci. Ni morale d'esclave, ni morale de domi- nateur, mais morale d'homme libre et sociable. Lacépède, sa vie durant, fui un tolérant et un pacifiste : - Gémissons sur la dure nécessité qui réduit la vertu même à protéger ses droits. Admirons, chérissons les héros qui défendent leur patrie. Admi- rons, chérissons [tins encore la sagesse qui donne la paix ». Il pratiquait et vantail aussi l'amour de l'étude. Travailleur infatigable, il trouvait son premier -plaisir, et sans doute sa seule joie intime, à étudier sans cesse, à travailler toujours. L'étude désintéressée, conduite pour elle seule, embellit, à ses yeux, Ions les objets auxquels elle s'adresse; elle convienl à Ions les états. Elle dissipe les chagrins, calme les ennuis, fait oublier jusqu'à la misère. Enfin, « elle console même «lu malheur d'une trop grande renommée ». Ce trait suffît à peindre un homme, un caractère, et toute une vie. Moine laïque, il voulait en outre se faire une discipline. Il s'as- treignait ù une existence réglementée, où chaque heure, chaque jour, ramenaient une occupation identique. Il accordait à l'habi- tude une influence extrême el la proposai) souvent comme prin- cipe de toute éducation : non pas l'habitude indifférente et mou- tonnière, mais celle qui se raisonne, s'entretient et se maintient de ses seuls moyens. Cette habitude a un nom. qui est persé- vérance. C'est elle qui donne le secret de l'éducation, en impo- sant la répétition fréquente des mêmes actes, après avoir choisi ceux qui sont couronnes à l'honneur et à la vertu. V Lacépède mourut à Epinay, dan- la nuit du 5 au 6 octobre 1825; il avait •')') ans. La mort le saisit en pleine santé et en plein travail. Sa lin fut rapide. Une violente épidémie de variole désolait alors Paris. Il se croyait réfractai re ù la maladie, et n'avait point pris la précaution de se faire vacciner. Il se fiait à la persistance LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 235 d'une immunisai ion acquise dans sa jeunesse. Il se trompait, el le mal l'emporta en peu de jours. Le malade conserva, jusqu'au bout, sa connaissance el sa luci- dité. Il ne tarda poinl à ne plus s'illusionner sur sa mort pro- chaine, et se rappelait, en le rappelant à sou entourage, le sou- venir de ceux qu'il avait aimés, qu'il allait rejoindre Une de -es dernières paroles l'ut : « Je vais retrouver Buffon ». La vénération de Ions les partis l'entourai! el l'accompagnait dans sa solitude. Les ressentiments politiques s'étaienl apaisés; on ne voyait [tins en lui que le savant illustre, l'ami et le conti- nuateur de Buffon. La correction de son attitude achevai! de lui concilier ceux-là mêmes qui auraient encore pu s'écarter. Ses obsèques furenl célébrées le s octobre 1825. Deux mondes différents s'y [tressaient : celui des hauts personnages venus de Paris pour rendre hommageNà l'un des leurs, et celui des pauvres gens du pays, que son inépuisable bonté avait, sans relâche, conseillés et aidés. Depuis ce jour, LacépEde repose dans un tombeau de famille, sons la verdure et les (leurs, non loin de l'entrée du tranquille cimetière d'Epinay. Son nom y est gravé, rappelant aux visiteurs la mémoire d'un homme qui eut son moment de célébrité, el donl le souvenir mérite de demeurer. VI Gel homme a instruit par I;' livre, l'action, l'exemple. Philo- sophe et érudit, venu à la science par goûl et par raison, il s'est livré avec passion à son (''lude. Il a vu, en une évocation prodi- gieuse qu'il l'ut, après Buffon, le premier à former ainsi, la nature entière dérouler avec continuité ses spectacles dans le temps, pour en aboutir à l'humanité et à la civilisai ion. Loin d'asservir l'individu à l'Etat, et de conférer à l'État la toute- puissance, il fut conduit à un idéal différent, basé sur la soli- darité et le respect des personnes, l'ail de justice, de bonté cl de liberté. Sa carrière, à son tour, fut exemplaire. Destiné aux honneurs par sa naissance, il y renonça pour une situation- laborieuse et. modeste. Lorsque les honneurs, malgré tout, vinrent à lui, il les accepta du même cœur -impie et ferme qu'il les axait repoussés et qu'il axait bravé la proscription. La bonne comme la mau- vaise fortune le laissèrent indifférente leurs alternatives, et supé- rieur à ce qui ne lui semblait point conforme à l'équité, ni à l'amitié. 236 LOUIS ROULE Un ami de longue date, Ghaptal, prononça, nu jour des obsèques, la parole qui était sur les lèvres de tous : « L'unique épitaphe qui convienne ici, dit-il, esl celle qui portera ces seuls mots : A Lacépède ». Tout complément, ru effet, n'aurai! pu qu'affaiblir l'impression laissée par celte existence d'un modèle si précieux et si rare. Ce grand homme l'ut aussi un brave homme. On ne pourrait pas toujours, pour d'autres, en dire aidant. LA VIE ET L'ŒUVRE DE LACÉPÈDE 237 LISTE CHRONOLOGIQUE DES PRINCIPAUX OUVRAGES DE LACÉPÈDE 1781. Essai sur l'électricité naturelle et artificielle; Paris, 2 vol. 1782-1784. Physique générale et particulière, précédée d'un « Discours sur la manière d'étudier et de traiter la physique »; Paris, 2 vol. 1785. Poétique de la musique; Paris. 1788-1789. Histoire naturelle des Quadrupèdes ovipares et des Ser- pents; Paris, 2 vol. l'orne I : Quadrupèdes ovipares, précédé d'un << Discours sur la nature des Quadrupèdes ovipares ». Tome II : Serpents, précédé d'un « Eloge du Comte de ludion » et d'un « Discours sur la nature des Serpents ». 1798-PSOo. Histoire naturelle des Poissons; Paris, 5 vol. Tome I (1798), précédé d'un « Discours sur la nature des Poissons ». Tome II (1800), précédé d'un « Discours sur la durée des espèces ». Tome III (1802), précédé d'un « Discours sur les effets de l'art de l'homme sur la nature des Poissons ». Tome IV (1802), précédé d'une « Troisième vue de la nature ». Tome V (1803), précédé d'un « Discours sur la pèche, sur la connaissance des Poissons fossiles, et sur quelques attributs généraux des Poissons ». 1799-1802. Leçons d'ouverture et de clôture au Muséum national d'Histoire naturelle, de l'an VI à l'an IX; Paris, 1 vol. 1804. Histoire naturelle des Cétacées, précédée d'une « Vue générale des Cétacées »; Paris, 1 vol. 1804. La Ménagerie du Muséum d'Histoire naturelle, par Lacé- pède, Cuvier, et Geoffroy; Paris, 2 vol. 1821 . Histoire naturelle de l'Homme; Paris. 182G. Histoire générale, physique el civile de l'Europe, depuis les dernières années du Vu siècle jusque vers le milieu du XY11P; Paris, 18 vol. 1830. Les âges de la nature et l'histoire de l'espèce humaine; Paiis (inachevé). TABLE DES MATIERES Page Bugniois E L'accroissement des antennes chez Empusa egena 127 Neveu-Lematre (M.). — Contribution ù l'étude des organes repro- ducteurs el de la reproduction chez les Slrongles .dépourvus de capsule buccale {Metaslrongylidas) *. Roule (Louis). — La vie et l'œuvre de Lacépède, professeur au Muséum d'histoire naturelle, président du Sénal et Grand Chancelier de la Légion d'honneur sous le premier Empire.... 139 Le Secrétaire général, gérant : A. ROBERT. -Xx>o— £- Imprimerie OBERTHUK, Rennes-Paris (212-18). Mêm. S. Z. F , XXVII. PI. I. -'/inj -ea^ia^u/^vz, -cu£cu&Ui.e^ MA'...... A ,. .... Nematodiriis filicollis, femelle, grossie environ 45 foi?. Hem. S. Z F., XXVII. PI. II. Ostertagia circumcincta cf et Q grossis environ 45 fois. Mem.S. Z F., XXVII. PI. III. w4i6te*?c Hœmonchus contortus, mâle, grossi environ 45 icis. Mém. S. Z. F., XXVII PI. IV Hœmoucbus contortus, femelle, grossie environ 4^ fois. PL V. Graphidium strigosum, femelle, grossie environ 45 lois. Mém. S. Z. F., XXVIL PI. VI. Mecistocirrus dwitatus, femelle, grossie environ 45 fois Mém. S. Z. F., XXVII. PI. VII Al N,^. U,,^,^ U. Dictyocaulm filaria, mâle, grossi environ 22 lois. Extrémité antérieure et extrémité postérieure grossies environ 45 lois. Mèm. S. Z. F., XXVIL PI. VIII. Didyocaulus filaria, femelle, grossie environ 22 fois. Mém. S. Z. F., XXVII. PI. IX. •i^l^e-jéun- Dictyocaulus filaria , femelle; extrémités supérieure et inférieui et région moyenne, grossies environ 45 fois. Mém. S. Z. F., XXVII. PI. X. Ml?/ --WttÀAA* 4->if!tesce7U*is£&<£ ■'>£>••., ^#- ■^cSt;^ Metastrongylus ehngatus, femelle, grossie environ 22 fois. Mém. S. Z. P., XXV1L PI. XI Metastrongylus elongatus, femelle; extrémités supérieure et inférieure et région moyenne du corps, grossies environ 45 fois. Mon. S. Z. F., XXVII. PL XII. Hœmostrongylus vasorum, femelle, grossie environ 45 fois. Mcm. S. Z. F., XXVII. M / n, . E. Bugnii ii '!'■]. PI. XIII. Mém. S. Z. F., XXVII. PI. XIV. K. Dngni m ciel. EMPUSA HGEXA XXVII. nos 1 à 4 (lin). Paru le 25 Juillel 1918. MÉMOIRES DE LA r » SOCIETE ZOOLOGIQUE DE FRANCE (RECONNUE DUTIL1ÏÉ PUBLIQUE) ANNÉE 1917 TOME XXVII Feuilles 1 à 15. — Planches I à XIV 1 Portrait, PARIS AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ ZOOLOGIQUE DE FRANCE 28, rue: Serpente (Hôtel des Sociétés savantes) -19-18 Les Mémoires paraissent tous les deux mois. SOMMAIRE Neveu-Lemaire M..). — Contribution à l'étude des organes repro- ducteurs ri de la reproduction clic: les Slrongles dépourvus de capsule buc6