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MÉMOIRES COURONNÉS

ET

MÉMOIRES DES SAVANTS ÉTRANGERS,

L'ACADÉMIE ROYALE

DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.

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MÉMOIRES COURONNÉS

ET

MÉMOIRES DES SAVANTS ÉTRANGERS,

PUBLIÉS PAR

L'ACADÉMIE ROYALE

DES SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BELGIQUE.

TOME XXE. 1846.

BRUXELLES,

M. HAYEZ, IMPRIMEUR DE L'ACADÉMIE ROYALE.

1847.

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TABLE

DES MÉMOIRES CONTENUS DANS LE TOME XXL.

MÉMOIRES COURONNÉS.

Mémoire sur les points singuliers des surfaces, par M. Benjamin Amiot. De basilicis libri tres, auct. M. A.-C.-A. Zestermann.

MÉMOIRES DE CONCOURS.

De la fertilisation des landes dans la Campine et les Ardennes, considérée sous le triple point de vue de la création de forêts, de prairies et de terres arables; par M. Raingo.

Dissertation raisonnée sur les meilleurs moyens de fertiliser les landes de la Campine et des Ar- dennes, sous le triple point de vue de la création de forêts, de prairies et de terres arables; par M. J.-B. Bivort.

Dissertation sur les meilleurs moyens de fertiliser les landes de la Campine et des Ardennes, sous le triple point de vue de la création de forêts, de prairies et de terres arables ; par M. Ch. Du Trieu de Terdonck.

MÉMOIRES DES SAVANTS ÉTRANGERS.

Mémoire sur divers lieux géométriques du second degré, déterminés par la géométrie descriptive, par M. J.-B. Brasseur.

Nouvelles conjectures sur la position du camp de Q. Cicéron, à propos de la découverte d'an- ciennes fortifications à Assche, Description de ces fortifications; par M. Louis Galesloot,

Notice sur un dépôt de monnaies découvert à Grand-Halleux, province de Luxembourg, en 1846: par M. G.-J.-C. Piot.

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MÉMOIRE

SUR LES

POINTS SINGULIERS DES SURFACES,

PAR

M. Bensam AMIOT.

Couronne en la séance de l'Académie royale du 1+r août 1846

On doit pouvoir lire dans les développements des équations toutes

les affections des surfaces qu'elles représentent

Tome XXL. l

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MÉMOIRE

SUR LES

POINTS SINGULIERS DES SURFACES.

1. Nous nommerons, ainsi qu’on le fait pour les courbes , un point sin- gulier d’une surface tout point qui offre quelque particularité remarquable indépendante des axes de coordonnées auxquels on suppose rapportée l'équation de la surface.

Il peut arriver qu'un point singulier d’une surface soit seul de son espèce, c’est-à-dire que tout autour les points infiniment voisins ne pré- sentent aucune particularité : on a dans ce cas un point singulier pro- prement dit. Mais il peut se faire aussi qu'au lieu d’un point unique, on trouve une ligne dont tous les points présentent, au moins dans une cer- taine étendue, les mêmes caractères de particularité et forment, par con- séquent, une ligne de points singuliers, ou, plus brièvement, une ligne singulière de la surface.

2. Nous distinguerons d’abord des points ou lignes d'inflexion : mais avant de les définir, nous avons besoin de rappeler comment on peut déterminer

la forme d’une surface donnée quant à sa courbure dans le voisinage et

MÉMOIRE SUR LES POINTS

de

tout autour d’un point M, pris comme on voudra sur cette surface. On sait comment M. Dupin a ramené cette question à la discussion de la courbe remarquable à laquelle il a donné le nom d’indicatrice.

Nous allons toutefois exposer, avec quelques détails, une méthode un peu différente qui nous donnera, sous ce rapport, les mêmes résultats, et nous fournira d’ailleurs plusieurs principes immédiatement applicables à l'objet que nous avons en vue.

3. Soit une surface quelconque représentée par l'équation

ER ES D ue "ET, ge) t0r

entre les coordonnées rectilignes æ, y, z, que nous supposerons toujours rectangulaires. Concevons qu’en un certain point M, pris comme on voudra sur cette surface, on en ait construit une deuxième

ÉR U U TTE, y, 2) 08

ayant avec la première un contact de l’ordre n. Non-seulement on peut, comme on sait, substituer la deuxième surface à la première pour ce qui concerne tous les points suffisamment voisins de M, mais aussi la forme et la nature même de la surface (2) dépendent nécessairement des parti- cularités qui affectent la première au point commun, et, par conséquent, la discussion de celle-ci pourra nous faire connaître la forme de la proposée. Or, en chaque point M d’une surface, il existe en général une infinité de surfaces du deuxième ordre osculatrices à la première, et ayant, par con- séquent, même courbure en ce point. Parmi toutes ces surfaces oscula- trices nous choisirons le paraboloïde qui se trouvera complétement déter- miné si nous l’astreignons en outre à la condition d’avoir son axe constamment parallèle aux ordonnées + de la surface proposée. Nous nommerons cette surface osculatrice le paraboloïde osculateur, et si, pour abréger, nous posons, suivant l'usage, dz dz d’z az d°z

P= = sh

, A) —= Ait dx" 1 dy dæ' dxdy dy

SINGULIERS DES SURFACES.

(4

nous aurons pour son équation (voyez la note première) :

is

mn e l 22 —=plX—x) + q(Y—y) + 3 (Ka) + sx) (Y—y) +

X, Y, Z représentent les coordonnées courantes et æ, y, x celles du point d’osculation M.

4. Pour discuter complétement l'équation (2), comparons-la à l'équation générale des surfaces du deuxième degré

Az? + A + Az + 2Byz + 2B'xz + 2B'xy + 20x + 2C'y + DORE 0; ce qui nous donne Ar, A1, AU 0 B—0, B—0, B’—5,ete., etc...

Or, on sait que le genre et l’espèce d’une surface du deuxième ordre dépendent de la valeur des racines de l'équation du troisième degré

33 (A A A7) 2 (AA! + A7 AA! —B?—B":— 17) à —(AA'A" + 2BB'B" __ AB: AB? AB?) —0,

et, pour la surface (2), cette équation devient D— (r+t)x + (rt—s)à = 0.

La racine 2—0 montre, si déjà on ne le savait, que la surface (2) est un paraboloïde. Les deux autres valeurs de à seront données par l'équation

CE C4 NOMME) (rt) Are se = 107

et l'on sait que le paraboloïde osculateur sera elliptique ou hyperbolique suivant que les deux racines de l'équation (1) seront de même signe ou de signe contraire. Par conséquent : le paraboloïde osculateur à une surface en un point quelconque x, y, z, sera elliptique ou hyperbolique, suivant que lon aura pour ce point r—s? > 0, ou rt—s$ < 0; il dégénèrera en un

6 MÉMOIRE SUR LES POINTS

cylindre parabolique si r— 0 et se confondra avec le plan tangent, quand on aura simultanément rt—$ = 0, etr +1 0, ce qui suppose séparément r= 0,s—0,1— 0.

On peut aussi arriver à la même conclusion d’une autre manière. Soit 3 la distance du plan tangent à un deuxième plan parallèle, celui-ci aura

pour équation (Pl... . Z—2z—plx —x)+q(Y—y) +dVA+p +9;

et si nous éliminons Z entre cette équation et celle du paraboloïde oscula-

teur (2), nous aurons D RERO 4 Jeep +g =r(X—x) + 25(X—x) (Y—y) + 4(Y—y),

équation qui représente la projection sur le plan des XY de la ligne d'inter- section du plan (P) et du paraboloïde (2). Or, suivant que cette ligne sera une ellipse, une hyperbole ou un système de deux droites, le para- boloïde osculateur sera elliptique, hyperbolique ou cylindrique : on est donc ainsi ramené à l'énoncé précédent.

Si l’on suppose X et Y infiniment peu différents de x et y, d sera un infi- niment petit du deuxième ordre, et l'équation (P) représentera la projection sur le plan des XY de l’indicatrice, ou cette courbe elle-même si l'on sup- pose le plan des XY parallèle au plan tangent.

5. En joignant aux propriétés de l’indicatrice les valeurs des rayons de courbure, on détermine facilement la forme de la surface proposée tout au- tour du point quelconque M. Mais on parvient au même résultat par le seul paraboloïde osculateur, et, au moyen des sections planes de cette surface on peut déterminer le sens précis de la courbure de chaque portion de la surface proposée, détermination qui nous est nécessaire pour la défi- nition des points et lignes d’inflexion, et qu'on ne peut effectuer en géné- ral par les rayons de courbure, attendu que leurs valeurs sont affectées d'un radical commun dont le signe ambigu ne permet pas de distinguer le sens absolu de la courbure des sections principales.

SINGULIERS DES SURFACES.

1

Examinons successivement les trois hypothèses : rt ss >0, rt—s LO0, rt—s 0.

Le Soitrt— s > 0. Le paraboloïde osculateur est elliptique, et, par conséquent, se trouve, ainsi que la surface proposée elle-même, entière- ment situé d’un même côté du plan tangent commun tout autour et dans le voisinage du point M. Donc les courbures de toutes les sections planes de la surface, et par suite de la surface elle-même, sont dirigées dans le même sens au point M : reste à distinguer si c’est du côté des 2 positives ou du côte des z négatives. Or, le paraboloïde (2) a son axe parallèle aux ordon- nées z, et l’on sait que si l’on coupe un paraboloïde elliptique par un plan parallèle à l'axe, la courbe d’intersection est une parabole dont la conca- vité est toujours tournée dans le même sens que celle de la surface. Soit donc fait Y y dans l'équation (2), on aura l'intersection du paraboloïde osculateur par un plan parallèle au plan des xx et passant par le point M. L'équation de cette section sera

NO

Cette parabole ayant son paramètre égal a :, on voit que : la surface proposée tourne, tout autour du point M, sa concavité du côté des z positives ou bien du côté des négatives suivant que l'on a x > O ou bien r < 0. D'ailleurs la relation rt—s? > 0 exige que r et 1 soient de même signe, et, par conséquent, le signe de r et celui de { sont également propres à donner le sens de la courbure de la surface tout autour du point que l'on con- sidère.

6. 2. Supposons r— s? < 0. Le paraboloïde osculateur est hyperbo-

lique, et, par conséquent, il coupe, ainsi que la surface proposée elle-

8 MÉMOIRE SUR LES POINTS

même, le plan tangent commun mené par le point M. La surface a donc sa courbure tournée partie dans un sens, partie dans le sens opposé. Pour déterminer les limites de ces deux parties à courbure de sens contraire, je coupe le paraboloïde par un plan perpendiculaire au plan des XY, et passant par le point M. Ce plan a pour équation

V7 2(X et l'intersection cherchée se projette sur le plan des zy suivant la courbe

(X—x) en

L—2z—(p+aq) (X—x) + (r + as + 14°)

Par conséquent, cette section se confondra successivement avec cha- cune des deux droites génératrices du paraboloïde passant en M (fig. 1), lorsque l’on attribuera à + l’une ou l’autre des deux valeurs qui satisfont à l'équation

sEVs— rt (— CA

CA Os +: —0, si l | Can

I

D’après cela, si l'on construit sur le plan des æy, les deux droites

(D).

et que par ces deux droites on conçoive menés deux plans perpendicu- laires à celui des xy, on divisera la surface proposée en quatre régions, dont deux opposées seront au-dessus et les deux autres au-dessous du plan tangent, au moins pour tous les points assez voisins de M.

Pour distinguer ces régions , je cherche la section du paraboloïde oscu- lateur par un plan parallèle au plan des xz, ce qui me donne l'équation

2 o 2 ne na pr 2

SINGULIERS DES SURFACES. 9

laquelle représente une parabole ayant : pour demi-paramètre. Donc si l'on a r > 0, la surface proposée tourne sa concavité du côté des positives dans les deux régions DM'D’, dM'd' et du côté des 3 négatives dans les deux autres : ce sera le contraire si l’on a r < 0.

Il est bon de remarquer que les deux droites (D) ne sont autres que les asymptotes de la projection de l’indicatrice sur le plan des xy.

7. 5. Soit enfin rt —s 0 : le paraboloïde osculateur dégénère en un cylindre parabolique qui a toute une génératrice située dans le plan tangent et qui, du reste, est entièrement situé d’un même côté de ce plan. Par conséquent, la surface proposée elle-même tourne sa concavité dans le même sens tout autour du point M; seulement la courbure est nulle sui- vant la direction de la génératrice du cylindre osculateur, dont la pro- jection sur le plan des xy a pour équation

Y— y = = (X— ).

Supposons d’abord r différent de zéro : en faisant comme au numéro précé- dent, Y y dans l'équation du cylindre osculateur, j'obtiendrai la section parabolique (k) qui tournera, ainsi que la surface elle-même, sa conca- vité du côté des z positives si l’on a r > 0, et du côté des x négatives si » < 0. Dans le cas l’on trouverait r 0, il en résulterait s 0, et, par suite, L étant nécessairement SUpposé différent de zéro, la section para- bolique (k) se réduirait à la génératrice du cylindre osculateur. Mais alors, en coupant celui-ci par un plan parallèle an plan des yz, on verrait que le signe de & détermine pareillement le sens de la courbure de la surface proposée.

Si l’on avait à la fois r = 0, s— 0, 1— 0, pour un certain point M de la surface proposée, le plan tangent en ce point osculerait complétement la surface. On sait que dans ce cas les deux courbures principales sont nulles. On pourrait toutefois déterminer la forme de la surface dans le voisinage du point M par le moyen d’une surface paraboloïdale de degré supérieur au deuxième et ayant, avec la proposée, un contact d'un ordre

Towe XXI. 2

10 MÉMOIRE SUR LES POINTS

marqué par son degré. Mais nous ne faisons qu'indiquer ici cette méthode, parce qu’elle sort de l’objet principal que nous avons en vue.

8. Supposons actuellement que le plan tangent à une surface se déplace successivement de manière que le point de tangence M parcoure une cer- taine ligne tracée arbitrairement sur la surface. Il pourra arriver que celle-ci, d'abord entièrement située d’un même côté du plan tangent, se trouve ensuite partie du même côté et partie de côté opposé. IL y aura donc alors un certain point intermédiaire M, la courbure d’une partie de la surface changera de sens, celle de l’autre partie n'ayant point changé: Nous nommerons tout point tel que M un POINT D'INFLEXION PARTIELLE, et S'l y a une ligne de la surface dont les divers points jouissent de la même propriété, ce sera pour nous UNE LIGNE D'INFLEXION PARTIELLE.

9. Cela posé, admettons que pour la surface donnée, la quantité rt—s? soit généralement une fonction continue des trois variables x, y, z. S'il y a inflexion partielle en un certain point M, il faut qu’en deux points | voisins, situés dans les deux parties de la surface à courbure différente, les deux paraboloïdes osculateurs soient lun elliptique et l'autre hyper- bolique, et que, par conséquent, la fonction rt —s?, d’abord d'un certain signe, devienne ensuite d’un signe contraire. Or, pour changer de signe, il faut que cette fonction passe par zéro ou par l'infini. Donc : Tout point d’inflexion partielle d'une surface F(x, y, z) = 0 doit vérifier par ses coordonnées l'une ou l'autre des deux équations rt—s? = O ou rt—s?= æ.

Mais la réciproque n’est pas vraie; car pour qu'un point, dont les coor- données satisfont à l’une de ces deux équations, soit un point d’inflexion partielle de la surface proposée, il faut d’abord que ce point soit situé sur la surface elle-même, et qu’en outre, pour deux points très-voisins du premier, et convenablement placés sur la surface, la fonction rt 52? prenne deux valeurs de signe contraire.

D'après cela, pour déterminer les points ou lignes d’inflexion partielle d’une surface donnée (1) F (x,y,2) 0, on formera la fonction

SINGULIERS DES SURFACES. 11

et l'on posera les deux équations (x.y, 2) —10,, ÿ(x, y) 0;

si elles sont l'une et l’autre incompatibles avec l'équation (1), la surface n'admet aancun point d'inflexion partielle. Mais si l’une d’elles, par exem- ple, est compatible avec (1), le système de ces deux équations représentera généralement une certaine ligne (pouvant se réduire à un point unique) qui divisera généralement la surface en deux régions : si les coordonnées de deux points très-voisins, et situés sur chacune de ces deux régions, donnent pour la fonction rt—s? des résultats de signe contraire, la ligne ou le point ainsi déterminé sera une ligne ou un point d’inflexion partielle. Si au contraire, la fonction rt—s? reste de même signe pour tous les points voisins de ceux elle devient nulle ou infinie, ceux-ci ne pré- sentent plus les caractères de l’inflexion partielle; mais ils peuvent offrir ceux d’une autre espèce d’inflexion que nous allons chercher à définir.

10. Concevons le paraboloïde osculateur en un certain point m d’une surface et admettons que le point d’osculation se déplace en suivant une ligne tracée comme on voudra sur la surface proposée, il pourra arriver que, dans le passage d’un point m à un autre m', toutes les courbures du paraboloïde osculateur soient devenues de sens contraire, celui-ci étant toujours de la même espèce. Alors il existe nécessairement un point M intermédiaire, toutes les courbures de la surface proposée changent de sens à la fois, de telle sorte que si, d’un côté, elles sont entièrement de même sens ou bien partie d’un sens et partie de sens contraire, de l’autre côté, elles sont, après le changement, encore entièrement de même sens ou bien encore partie d’un sens et partie de sens contraire. Nous nomme- rons un point de celte espèce UN POINT D'INFLEXION COMPLÈTE et, s'il y a une ligne de la surface dont tous les points jouissent de la même propriété, nous l'appellerons UNE LIGNE D'INFLEXION COMPLÈTE.

11. D’après cela, considérons un point d’inflexion complète; pour un point voisin on aura rt—s? >0 ou bien r—$2< 0, r et { ayant même signe dans le premier cas et même signe ou signe centraire dans le deuxième. Pour

12 MÉMOIRE SUR LES POINTS

un autre point aussi très-voisin, Mais situé dans Ja partie de la surface dont la courbure est de sens contraire, on aura encore rs? © 0 ou r—s$< 0; seulement r et t auront en même temps changé de signe. Donc, quand on passera du premier au deuxième de ces points, il y en aura un intermédiaire pour lequel les quantités » et 1, supposées des fonctions continues des va- riables æ, y, + deviendront en même temps égales à zéro ou à l'infini.

Par conséquent, pour déterminer les lignes ou points d'inflexion com- , plète d’une surface donnée, on poserales deux équationsr —0, r— que l’on joindra successivement à chacune des deux autres t = 0, 1 c . On obtiendra ainsi divers systèmes, chacun de deux équations , représentant, par conséquent, une ligne qui devra appartenir à la surface proposée, ou tout au moins la rencontrer en un ou plusieurs points. Il faudra, en outre, que r et t changent de signe en passant par zéro par l'infim et que la fonction rt—# reste constamment de même signe pour des points de la surface aussi voisins que l’on voudra de ceux que l’on considère. Nous ajouterons encore que les différentielles partielles du premier ordre p et q ne doivent pas en même temps changer de signe en passant par zéro ou par l'infini, car alors il y aurait bien changement de sens dans la courbure de la surface, mais le point obtenu serait un point limite dépendant de la position des plans coordonnés et non un véritable point d’inflexion.

12. Appliquons cette théorie des points d’inflexion à quelques exem- ples. Soit d’abord la surface de révolution représentée par l'équation

(Arme ran cures Ex, ms) = lait 10;

dont Ja section par le plan des zx a visiblement l'une ou l'autre des trois formes (fig. 2), (1), (2), (3), suivant que l’on suppose a > 0, a— 0, a < 0. On déduit de équation (1)

; se $ 9zp 5x 2ax = Ù Pour les équations différentielles du premier ordre, F

( 2zq + 2y = 0. 27 + p°—5x a—=0

Et pour celles du deuxième . zs + pq —= 0

7.

ät + q +1—=0:

SINGULIERS DES SURFACES. 15

Au moyen de ces équations on obtient aisément

4(y° +3) (3x+a) (5x +2ax) x (5x + Âa)

rs = : 4z5 A4z6

Pour obtenir les points d’inflexion partielle, il faut poser successivement rl—$2— æ et rt—s2— 0. La première de ces conditions donne 2 —0, ce qui réduit la surface (1) à l'équation y? —a$— ax? Ô, qui représente l'intersection de la surface par le plan des xy. Mais en passant par lin- fini, la fonction rt —? ne change visiblement pas de signe, et, par consé- quent, on n'obtient ainsi aucun point d’inflexion partielle.

On rendra rt s? 0 si l’on pose à (5x + 4a)— 0, équation qui se dé- compose dans les deux autres 4 —0,2— a.

A la première correspondent, eu égard à l'équation (1), y 0, :— 0, ce qui donne l’origine des coordonnées. En effet, dans le cas de a > 0, la fonction rt— s? change de signe avec æ, et l'origine est un simple point d'in- flexion partielle. Le paraboloïde osculateur est elliptique dans toute la por- tion de surface DO et hyperbolique dans la partie AOA’. Quand on sup- pose a—0 ou bien a < 0, l'origine est un point singulier d’une autre espèce, ainsi que nous le verrons ci-après.

Quant à la deuxième solution x = Æ, elle est incompatible avec l'é- quation (1) dans le cas de a > 0 et donne de nouveau l'origine si a 0. Mais si l'on suppose a < 0, la fonction rt s s’annule et change de signe en passant par Zéro pour æ 3 et d’ailleurs cette valeur de +, sub- stituée dans l'équation (1) donne 2 + ? _ + Ainsi le cercle MM’, dont le plan perpendiculaire à l'axe des x coupe cet axe à une distance OP = L , est une ligne d’inflexion partielle. Le paraboloïde osculateur est elliptique dans la portion de surface MCM! et hyperbolique dans la partie AMM'A'.

Cette même surface n’a aucun point d’inflexion complète, car on trouve pour r et 1 les valeurs 4z'(a+- 5x) (2ax +5x }? Y$ + Z

——. = y 2T:

42 Ê 35

RE

14 MÉMOIRE SUR LES POINTS

qui, à la vérité, changent de signe en passant par l'infini pour : = 0. Mais en même temps les valeurs de p et q, qui sont

3x° + 2ax y P Du Æ

9z 2z

deviennent infinies et changent aussi de signe avec z. C’est qu'en efet tous les points de la surface pour lesquels on a 2— 0 appartiennent à la ligne d’intersection par le plan des y et sont des points limites.

15. Soit, en second lieu, la surface qui a pour équation

CS Loncere F(x,y,2z)—=2% + xy —zx—= 0:

On en déduit les équations différentielles 52°p + y —1—0 Du premier ordre . D ui e OR 32°r + 6zp° 0 Et celles du deuxième. . . . . . + . : . . { 3z°s + G6zpq + 2y —0 5z't + 62° + 2x 0.

On en déduit facilement

Lt __ 2xy TL ose 2(1—y) 1 2xy(1— y") soi 6x° + 2x°y° ET ER EE 925 VAL 925 : et, par suite, ; 4 Dry he 9774

On voit que si l'on pose 2 0 avec x —0 et y quelconque, les valeurs de r et 1 deviennent la première infinie et la deuxième nulle en changeant de signe avec z. D'ailleurs p reste constamment de même signe ainsi que la fonction r—$. Par conséquent, l'axe des y est une ligne d’inflexion complète. Elle partage la surface en deux nappes, telles que toutes les cour- bures qui sont de même sens en chaque point deviennent de sens contraire toutes à la fois quand on passe de l’une à l’autre des deux nappes.

SINGULIERS DES SURFACES. 15

4. Soit enfin la surface représentée par l'équation CE CR RE Te me 2) = 7 Eur 0;

On en déduit pour les équations différentielles

32° )p—1 —0

DRINTÉMET ORALE. eu 0e CN ee le P 32° +Yy")q+2zy —=0 et =)

Et du deuxième ?)s +6zpq+ 2py—0

IE, er CRE

*)t+ 6zq° + 4qy + 2z—0;

d'où résultent les valeurs suivantes :

1 2zy BG et ji DE 67 6z°y— 28 ; 6z(y—92y°z° 324) T=— ————, 5 É Gr +y (57 +y} (Gr +y) et enfin

Nous voyons d’abord que la fonction rt—s? s’annule si l’on pose 32 #2. tandis qu’elle est positive pour tous les points de la surface l’on a 32? > y? et devient négative pour tous ceux qui donnent 52 < y°. Par conséquent, si l’on trace sur le plan des zy les deux droites qui ont pour équations y + : V5, et que par ces deux droites on mène des plans perpendiculaires au plan des yz, les intersections, de la surface (1) par ces deux plans, seront deux lignes d’inflexion partielle.

Si nous faisons 2= 0, æ 0, l'équation (1) sera vérifiée, quel que soit y. Mais alors les valeurs de r ett s’annulent et changent l’une et l’autre de signe avec z, car on peut supposer z assez petit pour que l’on ait ÿ— 2% 2 —5 # > 0, y étant supposé recevoir une valeur fixe. Dans le même cas, p ne change pas de signe, et la fonction r—s? reste négative pour des valeurs de z assez petites, soit positives, soit négatives. Donc, l'axe des y est une ligne d’inflexion complète.

16 MÉMOIRE SUR LES POINTS

Pour nous former une idée de la forme de cette surface, supposons qu'on la projette sur le plan des xy (fig. 5); les deux lignes d'inflexion par- tielle se projetteront suivant deux courbes aoa et bob” dont les équations ÿ— + 5x V5 sobtiennent en faisantz = + r- y dans l'équation (1). En chaque point de la surface qui se projette dans les deux parties de plan aob eta'ob', toutes les courbures sont de même sens, tandis qu'en tous ceux dont les projections tombent en aob' et en boa’, elles sont partie d’un sens et partie de sens contraire. De plus, si l'on considère deux points » et m; symétriquement placés par rapport à l'axe des y, les asymptotes de la pro- jection de l'indicatrice en chacun de ces points auront des positions telles que Dd, Ce et Dd,, Cc;. Quant aux régions de la surface dont la courbure est de même sens, celles, par exemple, dont la concavité est tournée du côté des z positives correspondent pour le point m aux angles Dmc, dmQ et pour le point m, aux angles Dm,C, dim,c, qui sont dans une position inverse des premières, par rapport à la droite Y y'.

15. Lorsque plusieurs nappes d’une même surface viennent passer par un certain point, on a généralement un point multiple, et nous nommerons ligne multiple toute ligne dont les divers points jouissent de la même pro- priété. Nous distinguerons plusieurs sortes de points et de lignes mul- tiples, suivant la forme et la position des nappes de la surface dans le voi- sinage de ces points.

Si deux ou plusieurs nappes se coupent suivant une même ligne, admet- tant chacune un plan tangent distinct en chaque point de la ligne com- mune, nous aurons une ligne multiple proprement dite.

Il peut se faire que deux ou plusieurs nappes d’une même surface, qui viennent passer par une ligne commune, ne s'étendent que d’un certain côté de cette ligne, et soient limitées du côté opposé. Dans ce cas, la ligne multiple sera dite une ligne de rebroussement.

On conçoit pareillement que plusieurs nappes d’une même surface, qui se coupent ou se touchent en un point ou suivant tous les points d’une certaine ligne, soient imaginaires pour tous les points non communs. On a alors un point conjugué ou bien une ligne conjuguée, qui peuvent être isolés du reste de la surface, ou appartenir à une autre nappe réelle.

SINGULIERS DES SURFACES. 17

Lorsque deux nappes d’une même surface seront séparées par un point unique commun aux deux nappes, comme le sommet d’un cône, par exem- ple, nous donnerons à ce point le nom de point de jonction.

Il pourra arriver que l’une des deux nappes de la surface devienne imaginaire , ainsi que cela aurait lieu, par exemple, pour une surface de révolution engendrée par une courbe plane ayant un point de rebrousse- ment et tournant autour de sa tangente en ce point : nous nommerons les points de cette espèce des points saillants.

16. Nous pourrions considérer encore plusieurs points et lignes des surfaces qui rentrent dans la définition que nous avons donnée des points singuliers. Tels sont entre autres les points ombilicaux, les lignes des courbures sphériques, etc., mais tous les traités donnent le moyen de les obtenir, et d’ailleurs nous n'avons en vue dans ce mémoire que les lignes et points singuliers qui correspondent aux points singuliers des courbes planes, et peuvent se trouver par des méthodes analogues. Or, les méthodes par lesquelles on détermine les points singuliers des courbes, autres que les points d’inflexion, ne s'appliquent en général qu'aux seules courbes algé- briques. Nous supposerons pareillement dans tout ce qui va suivre que l'équation de la surface proposée sera constamment algébrique, entière et rationnelle par rapport aux trois variables x, y, :, ou pourra être ramenée à cette forme.

17. Cela posé, commençons par démontrer le théorème fondamental suivant : Les coordonnées de tout point singulier, appartenant à l'une quelconque des espèces que nous avons définies au 15, satisfont simultanément aux trois

équations

En effet, soit un point M dont les coordonnées x;, y, 2, vérifient l’équa- tion de la surface proposée; si nous transportons l’origine des coordonnées en ce point, et que pour cela nous posions

T2 +EË, y=Y +, 5=83, +6);

[+ |

Tome XXI.

(2).

aF

bi 4 + > à 2 "| dx,” dy, dz, Fa 9 |dri dyi

18 MÉMOIRE SUR LES POINTS

l'équation de la surface deviendra :

x à LEE 2p ] 2 2r dE MU TSF UE GP APR NN NRE

&

et nous savons qu'en posant l'équation

menti nu di E + 4 + ë + 0

nous avons le plan tangent à la surface au point M, pris actuellement pour origine des coordonnées. Concevons en outre une sphère décrite du point M comme centre, avec un rayon r que nous pourrons supposer aussi petit que nous voudrons; si nous nommons &, 6, y, les angles formés avec les trois axes de coordonnées par le rayon mené du centre en un certain

point m de la sphère, nous aurons, en désignant par £, », 6, les coordonnées dem,£—7rcos.«,n—7c0s.6, 6= rcos.y, et pour que le point m soit com-

mun à la surface et à la sphère, il faut, et il suffit que les valeurs pré-

cédentes de £, », satisfassent à l'équation (2).

Or, nommons d la distance du point au plan tangent, nous avons

en posant

f'Tdë V2 [dF\? fdF \: R— EE V El # a Eu

D'ailleurs, si nous nommons 9 l’angle du rayon r avec sa projection

sur le plan tangent, nous avons d— r sin. 9; d’où résulte

(100 dE dr j ne dde

et par suite l'équation (2) peut être mise sous la forme

(5) . Mr: APE 0) CAO ECO rt AE)

SINGULIERS DES SURFACES. 19

s représentant une fonction réelle qui ne peut être infinie, au moins pour des valeurs de Ë, n, & très-petites. Cela posé, pour tout point » commun à la surface et à la sphère, l'équation (5) sera satisfaite, et réciproquement. Or, le premier membre de cette équation sera toujours de même signe que rhR sin. 4, puisque r est supposé aussi petit que l'on veut positif, et que 9 n’est pas infini. Supposons donc que par le point M on fasse passer un plan normal quelconque, ce plan coupera le plan tangent suivant une droite TT’, et la sphère suivant un grand cercle MTT’ (fig. 4.) Soit 9 un angle aussi petit que l’on voudra, et donnons à 9 les valeurs

Pro 0 7 0 Nr EU0| 27 0,, etc.,

la dernière valeur ramenant au même point de la circonférence que la première. Or, pour chacune de ces valeurs le premier terme de (5) devient

rR sin. 9,, rRsin.(r—0,) rRsin.(7+84,) rR sin. (27—0,),

et pour tous les points de la circonférence compris entre &, et r—@, rR sin. 5 est évidemment positif, tandis que cette même quantité est con- stamment négative pour tous les points correspondant aux valeurs de 9 comprises entre 7 + 8, et 27—6,. Donc, le premier membre de l'équation (3) d’abord positif devient ensuite négatif, et, comme il ne peut devenir infini , il passe nécessairement par zéro une ou plusieurs fois entre les points qui correspondent aux valeurs de 0, 4, et 2r—0,, puis r—0, et rx +0. Je dis, de plus, que cette même fonction ne s’annule qu’une seule fois entre chacune de ces deux limites, car en la différentiant par rapport à la varia- ble 6, on trouve

d; r [R cos. 0 + 7 |, d5

: . d , . . . m et, d’après la nature de la fonction », _. n’est point infini. C’est donc encore

R cos. 6 qui donne son signe à cette nouvelle fonction. Or, cos. 4 est con-

20 MÉMOIRE SUR LES POINTS

stamment positif pour toute valeur de 9 comprise entre & et 2r— 0, et constamment négatif pour toute valeur de 8 comprise entre x —6, et r—+ 0. Donc, l'équation (5) n’a qu'une seule racine comprise entre 6, et 2r—0, et une seule entre r— 8, et x + 8. Ainsi, toutes les fois que R n’est pas nul, la surface proposée ne rencontre le cercle MTT’ qu'en deux points infiniment voisins du plan tangent. Le même raisonnement s’ap- plique à toute section de la sphère M par un plan normal à la surface proposée, et, par conséquent, tout autour de ce point il existe une seule nappe de surface, dont les divers points, suffisamment rapprochés de M, sont infiniment voisins du plan tangent, et situés, ou bien tous d’un même côté, ou bien partie d'un côté et partie du côté opposé de ce plan. Donc enfin , pour que le point M puisse offrir quelqu'un des caractères de singularité que nous avons définis au 15, il faut que les coordonnées de ce point satisfassent à l'équation R— 0 qui se décompose dans les trois suivantes :

Mais il ne suffit pas que les coordonnées d’un point vérifient ces trois équations pour que ce point soit singulier; car il pourrait se faire que ce point n’appartint pas même à la surface proposée.

18. D’après cela, pour reconnaitre si une surface représentée par l’é- quation

CR LR re Dir vs) D:

que nous supposons algébrique, entière et rationnelle par rapport à chacune des trois variables x, y, z, admet des points singuliers autres que ceux d’inflexion, nous poserons les trois équations

OR En (At) (A) a) , (a

SINGULIERS DES SURFACES. 21

qui pourront être incompatibles, admettre un nombre limité de solutions communes, ou en admettre une infinité, l’une d'elles, par exemple, étant la conséquence des deux autres.

Dans le premier cas, la surface proposée n’admettra aucun point singu- lier de l'espèce que nous avons en vue. Telles sont, par exemple, visible- ment toutes les surfaces paraboloïdales dont l'équation est de la forme gé- nérale

3 À + Br + Cy + Dr’ + Ey° + Fay + Gr + ...... + Ly”.

La même conclusion s'applique aux cas les trois équations (À) ad- mettent un nombre, soit limité, soit infini, de solutions communes dont aucune ne vérifie l'équation (1). C’est ce qui a généralement lieu pour les surfaces du deuxième ordre dont nous avons cité l'équation générale au 4. On déduit en effet de cette équation :

dF : —92{(Ax + By + B'z + C ) —0 dr dE —92(Ay + B'x + Bs + C) —0 dy [ dr . Fr 9(4"5 + Br + By + C)—0,

et l'on sait que ces trois équations, quand elles sont compatibles , déter- minent le centre, qui n’est jamais un point de la surface, à moins que celle-ci ne soit un cône, un plan, ou un système de deux plans qui se cou- pent.

Il est bon d'observer encore que la surface proposée ne peut admettre de ligne singulière (de espèce que nous avons en vue), qu'autant que les équations (À) se réduisent à une ou au plus à deux équations distinctes. Au- trement elle ne peut avoir que des points singuliers isolés.

19. Supposons actuellement qu’en différentiant l'équation (1) succes- sivement par rapport à æ et à y, on ait formé les équations différentielles

22 MÉMOIRE SUR LES POINTS

des divers ordres :

dF dF +— p—=0

(2). dx dz dF +—q—=0 dy F4 dF SE NS PER LPO +9 - p+ D+—T—= dx° ärds | d 17 ds

(5) dE æF dE dE BRAS

. - + =— + + $=—= dxdy hi dydz P dxdz 1 ds" pq dz dF dr de SIN arQUE PONT PEN PTE LETTONIE + TA Ten ARE de dF de - +3 - He - - r = | ds ° deds) dre dsl °\ards RP)! rer ŒE , ®&F dE. y 2 o © dE dE «F D ——— PE + p' —|7r dedy dedyds + ayds ? Ÿ\ards * © ddr? ass? + ÉÆ % =) É à 2 dE ) dF s +2 = S 0 dxdz È d AE = ir

Œ À a BE . es Ci dE | e dF ——— + 2 + + + 2 q°]p+ NS drdy” drdydz Ÿ* dads ? * \ayaz dass 1 qe Ja mL

DU 1)

dr d'E dr 2 + g\si— dyds ds” dz dE &E dr dE dr d'F dE = + D —— +3 +3 t dy dy°dz dydz dydz ds?

gr

Soit x, y, , un système de valeurs qui, déduit des équations À satis- fait à l'équation (1), il s’agit de reconnaître si le point M de la surface ainsi déterminé est un point singulier et à quelle espèce il appartient. Pour cela, je substitue +, y, à æ y dans les équations différentielles du deuxième

SINGULIERS DES SURFACES. 25

ordre, qui, eu égard aux équations (À), deviennent

dF dE d'E 9 2 —0 (8) dx * dr,ds,? d dz ! ŒF d'E d'F d'F B). Re ne. RU Ep En ma PO Pre ŒF SEE () dl" de pr

Nous avons maintenant plusieurs cas à examiner suivant que ces trois équations seront incompatibles ou bien donneront pour p et q des valeurs réelles égales ou inégales, ou bien des valeurs imaginaires.

20. Les trois équations (B) seront incompatibles, si en éliminant p et q entre elles, on parvient à une équation qui ne soit pas identique. Or, l’éli- mination de qentre (b,) et (b,) conduit à une équation qu'on peut écrire sous la forme suivante :

.dF ë d'F = dF d'F la dE | d'F d'FvyMd?FMI\E p Es dx,dz, dy ds,° dy,dz, dy” En Le ds” al

dr d'E d'E 2 = à —— () dæ,dy, dy,ds, dr,dz, 9

et si l’on élimine p entre celle-ci et (b), l'on a :

| d'F | | d'F | d’'F ( dr | dF dE. d'F _ dr dy,dz, dx ,dz, ds,” éd: dr dy” ds

°ÿ 7 dx,dy, 1 1 d'F d'E d’'F

4 FE = 0 d&,dy, dyds, dxdz,

Par conséquent, si l’on n’a pas entre les coordonnées x, y, 4 du point M la relation identique D —0, les équations (B) sont incompatibles, et il s’agit de démontrer que le point M ne peut être qu'un point conjugué ou bien un point de jonction et d'établir un caractère de distinction entre ces deux espèces de points singuliers.

Or, d’après les hypothèses admises, l'équation (2) de la surface du n°17

24 MÉMOIRE SUR LES POINTS

devient jet CRE dF à_E GE. OM | LUARRES PORTT “dr dy, dx ds," dyds,” 1 {dE +5 14. ] + ete. = 0,

et, si nous posons l'équation suivante :

L HR EN ER te d'F UE Er +0 dF "+ (st sn de age" as FF ardy, TE ride, Faute,” *

nous aurons le lieu des tangentes menées par le point M de la surface à toutes les courbes réelles ou imaginaires que l’on peut concevoir tracées sur la surface et passant par ce même point. (Voyez la note deuxième à la fin du mémoire). Mais l'équation (L) représente une variété des surfaces du deuxième ordre, et nous pouvons en déterminer l'espèce. Pour cela, for- mons l'équation connue du troisième degré :

(Li)

dr” dy = dr? ds” a+ dy” dz?

ds

d'F f dE | ( dF NE #0 dr dy, drds,) \aydz, D, OR

D ayant la même signification que précédemment, et, par conséquent, étant supposé différent de zéro. Soient ?',X! 2/!", les trois racines de l’équa- tion (L;), nous savons qu’elles sont toutes les trois réelles et qu'aucune n’est nulle. On sait aussi qu'il existe un système unique d’axes de coordonnées

Le dF d°F ) d'Fe d'F PEU GF Fo 1d7F 33 2+ [

rectangulaires tels que si l’on y suppose rapportée l'équation (L,), elle sera de la forme :

OR 7) 1. LAN ET A HUE NU ED

et, par conséquent, cette surface ne peut être qu'un point unique ou bien un cône, suivant que les trois racines de l’équation(L;) seront de même signe ou que l’une d’elles sera de signe contraire aux deux autres.

SINGULIERS DES SURFACES. 25

21. Dans le premier cas, il est assez évident que le point M est un point conjugué de la surface donnée. On peut, du reste, le démontrer directement de la manière suivante. Concevons en effet que l’on rapporte l'équation de la surface donnée aux mêmes axes de coordonnées pour lesquels l'équation (L) prend la forme (L’); on sait que pour cela il suffirait de remplacer dans l'équation (f) &, , & par des fonctions linéaires de £’, }', £', et par conséquent, en désignant par F, (£, 7’, £’) le premier membre de cette équation, on aurait :

HO) ERP MES) Er etc ee.

tous les termes suivants étant au moins du troisième degré. Les trois va- leurs de } étant supposées de même signe, nous pouvons poser

et admettre que c soit le plus petit des trois nombres a, b, c. Cela posé, pour un point quelconque m de la sphère de rayon r infini- ment petit, supposée rapportée aux mêmes axes, nous aurons

,

Ed=—=ITICOS-G:hUH— TU COS. É— 1 COS:

et pour les points communs à la surface et à la sphère il viendra

Æ £r (a? cos. ?z + cos. ?6 + c' cos. *y) + 1%; 0,

# représentant une fonction qui ne peut devenir infinie, quelque valeur qu'on attribue aux angles , 6, 7. D'ailleurs, en vertu de la relation cos. 2 + cos. % + cos. ?} 1, l'équation précédente devient

HE Lyc? + (a 0°) cos. x + (a°—b') cos. *e] + 1%: = 0, et l’on voit que cette équation est impossible, » étant supposé assez petit, quelque valeur qu’on attribue aux angles « et €. Car le premier membre a toujours même signe que son premier terme, lequel ne peut changer de

Tome XXI. 4

26 MÉMOIRE SUR LES POINTS

signe ni s'annuler, puisqu'il renferme Æ + r? multiplié par la somme de trois carrés, dont l'un au moins ne peut être nul. Donc tout autour du point M, la surface n'a aucun point commun avec la sphère de rayon r. Done, etc.

22. Supposons en second lieu que l'équation (L) représente un cône, auquel cas l’une des valeurs de 2 étant de signe contraire aux deux autres, nous poserons

N— CU ET ENEREE ICE

et en raisonnant comme au numéro précédent, on verra que, pour tout point commun à la surface proposée et à la sphère auxiliaire, on aura l'équation

Æ {7° [a cos. *2 + sin. a (b° + c°) cos. °y] + r$? = 0.

Si l’on pose «&? cos? + L? sin. 2 (b? + €?) cos? 0, on déduira de cette équation deux valeurs de l'angle y, +, ; réelles, égales et de signe contraire pour chaque valeur attribuée à +, pourvu toutefois que , . Set . e l'on ait 4? cos.?4 + b? sin.?4 < b? + €? ou simplement cos. à < Va ce

== qui est toujours possible en supposant, comme cela est permis, a > b. Ces deux valeurs + y,, —;, sont les angles que forment avec l'axe des + deux génératrices opposées du cône représenté par l'équation (L). Soit fait pour 5 P P q abréger &? cos? + b? sin?x = H?, 62 + = K?, l'équation précédente devient

F,= + {ir (H +K cos.y) (H—K cos. y) + r°y = 0.

Supposons actuellement que, par les deux génératrices opposées qui correspondent à une certaine valeur de l'angle 4, nous menions un plan (fig. D); ce plan coupera la sphère de rayon » suivant un grand cercle A AA, À", Admettons, en outre, que nous donnions à l’angle y des valeurs croissant par degrés infiniment petits depuis y = 0, jusqu'à y 560, il est évident que le premier terme de la fonction F, et par suite cette fonc- tion elle-même changera de signe pour certaines valeurs de y comprises entre ;—9 et 7; +9, entrer —»; —0,7—;, +0, ainsi qu'entre r + y; —4, r + 71+0,et enfin entre 27—;,—0, 2r—, + 0, et seulement pour ces valeurs, l'angle 9 étant d’ailleurs supposé aussi petit que l’on voudra,

SINGULIERS DES SURFACES.

19 1

(fig. 6). De plus on a

: . see) F4 à : ' et l’on voit que la dérivée 7 > COnStamment de même signe que + sin. 2}

ne peut s’annuler ni changer de signe pour aucune valeur de y comprise entre ces mêmes limites. Il résulte de que F, s’'annule une seule fois pour chacune de ces valeurs, et par suite le rayon r de la sphère auxi- liaire étant supposé assez petit, tout grand cercle dont le plan passe par l'axe du cône coupe la surface proposée en quatre points, que l’on peut considérer comme infiniment rapprochés des génératrices du cône, situées dans ce même plan. Donc : le point M Est ux poInT DE JoNcr1oN tel que deux nappes de la surface viennent se terminer en ce point et sont roucRéEs par un dou- ble cône qui a ce même point pour sommet.

En résumé : Soient x; y, Z, les coordonnées d’un certain point M qui, déduites des équations (A), satisfont aussi à l'équation de la surface (1) : On for- mera l'équation (L,) dont nous supposons le dernier terme D différent de zéro; si celte équation n’a que des variations ou que des permanences, le point M sera un point conjugué, tandis qu'il sera un point de jonction si cette même équation admet à la fois des permanences et des variations.

25. Supposons actuellement que les coordonnées x, y, z du point M satisfassent à la relation D 0, et prouvons que, dans ce cas, le premier membre de l'équation (L) peut toujours être décomposé en deux facteurs du premier degré de la forme

E—pE— qqn, G—DPE— 4%, p, p'etq, q' étant les racines des équations (b) et (b,). En effet, j'identifie avec le premier membre de (L) le produit (É—AË—By) (ÿ—A'E— By)" (A+ A')E—(B+B)£- A'AË + (AB + BA) £y+ BB. ce qui fournit entre les quatre quantités A, A’, B et B' les cinq relations

E— 3 NT AE PE move Es LEonppAr ds US nel “dyds, ds us ne | Dde:2 CHR

28 MÉMOIRE SUR LES POINTS

et, par conséquent, il doit y avoir une équation de condition. Pour l’obte- nir, je substitue les valeurs précédentes dans l'identité

(AB' + BA’) (A+ A) (B-+-B') (AB/+ BA')+AA'(B-+B)" + BB'(A+ A) —4AABB —=0,

. , . dE \3 et je trouve, en chassant le dénominateur ) À

d°F | F d’F | d’'F d°F EE 9 d’F d°F d’F Te d.

dr,” dx,ds, dy, © dx dy, - dyds, dx dy, PES dE NrEE dr” dy * TES

0,

équation qui n’est autre que D 0. D'ailleurs À et A! sont les racines de

l'équation fee deg am din der) À ds,° es dx,ds, ro CRE et B, B’ celles de l'équation dF dF d’F —— + 92B si 0:

ds°l l dydzs, Ldr?

1

lesquelles ne diffèrent des équations (b) et (b,) qu'en ce que A remplace p dans la première et B, q dans la deuxième. Donc, etc. 24. Les équations (B) étant supposées compatibles et déterminées, 11 y a au moins l’une des trois quantités dF dF dF

dx ®” dy*" ds;

1

,

qui n’est pas nulle; nous pouvons toujours supposer que ce soit _ et, par conséquent, lorsque l’on a D —0, ou, qu’en d’autres termes, les trois équations (B) sont compatibles et déterminées, l'équation de la surface peut être mise sous la forme suivante :

1 dF à EN A TATE PONEMRARTRESE (E—p5— q) (E=pE ge à |

SINGULIERS DES SURFACES. 29

et nous avons actuellement à examiner trois hypothèses suivant que les équations (b) et (b,) donneront pour p, p' et q, q' deux systèmes de valeurs réelles inégales, réelles égales ou bien imaginaires.

25. Supposons d’abord que l’on ait deux systèmes distincts de valeurs réelles de p et q, en égalant à zéro le premier terme de l'équation (f), on aura deux plans

(P,) = pE— qu O0 (P,) 6—pE—qy—0,

qui seront tangents à la surface proposée au point M supposé pris pour origine des coordonnées. Je dis de plus que :

Cette surface se compose de deux nappes qui se coupent au point M et s'étendent tout autour de ce point, avec ou sans inflexion, en restant chacune infiniment rap- prochée de son plan tangent, au moins pour tous les points assez voisins de M.

En effet, soit d la distance d’un certain point m de la sphère auxiliaire de rayon r, au premier plan tangent (P), et d, la distance d’un autre point m, de la mème sphère au deuxième plan tangent (P,), on aura

DT a, = TT. Vi+p + VAE Te

Si nous nommons 9 l'angle du rayon om avec le plan (P) et 6’ celui de om, avec le plan (P')}, nous aurons

d=7#rsin.9, et d —7rsin.\, et par suite

£—pE—qg—=7rRsin.o et &-—-pE—qgy—=7rR sin. i,

en posant R= VV 1+9p + el R=VA+p +".

D'après cela, les points communs à la surface proposée et à la sphère auxiliaire seront donnés par les valeurs de 9 et qui satisferont à l'équation

1 dF

RR/r° sin. 6 sin, # +: = 0, 2,d5,: .

30 MÉMOIRE SUR LES POINTS

9 étant toujours une fonction réelle et finie, quelque valeur qu’on attribue aux angles 9 et 8’. Maintenant, en raisonnant exactement comme nous avons fait sur l'équation B du 17, on verra que le premier membre de l'équation précédente s'annule pour une valeur unique de 6 comprise entre 9, et 2 7—6,, puis pour une deuxième valeur comprise entre r—6, et r + 6. Le même raisonnement s'applique à 8!, et le théorème se trouve ainsi complétement démontré.

26. Admettons maintenant que les valeurs de p, déduites de l'équation (b) soient égales, que celles de q tirées de {b,) le soient pareillement, et introduisons les hypothèses p=p' et q = q' dans les formules précédentes, nous aurons pour tous les points communs à la surface proposée et à la sphère auxiliaire la relation

= R°r° sin. 0 + ro 0,

On voit que pour toute valeur attribuée à l'angle 6, le premier terme de la fonction F, reste constamment de même signe et s’annule pour les valeurs de 8,9 0,6 7. Par conséquent, l'équation F, 0 admettra un nombre pair ou nul de racines réelles comprises entre + 6, et 2: 6,

ainsi qu'entre 7 6, et r + 6,. D'ailleurs, on a Le NC ET , de D'ou y” sin. 20 + 7 FT

et par suite l'équation n 0 admet évidemment une seule racine com- prise entre 29, et 2x 29, et une seule entre 7 26, et r + 26,. Done, l'équation F, 0 aura deux racines ou bien n’en aura aucune comprises, soit entre + 9, et 2r 8,, soit entre r— 8, et r + &, l'angle 6, étant toujours supposé aussi petit que l’on voudra. Il en résulte que : le point M appartient généralement à deux nappes de surface qui, ayant même plan tangent, admettent entre elles un contact du premier ordre. Ces deux nappes peuvent s'étendre en même temps lune et l’autre tout autour du point M, ou bien elles s'étendent l’une et l’autre seulement dans un sens et sont limitées

SINGULIERS DES SURFACES. 51

dans le sens opposé, auquel cas le point M est un point de rebroussement ou de jonction, ou appartient à une ligne de rebroussement; enfin, elles peuvent être en même temps limitées dans tous les sens, et alors le point M est un point conjugué ou fait partie d’une ligne conjuguée. Pour distin- guer ces différentes circonstances, le moyen qui nous semble le plus sim- ple, c’est de couper la surface par un plan quelconque mené par le point M et de discuter la courbe d'intersection.

27. Supposons enfin que les équations (b) et (b,) donnent pour p et q des valeurs imaginaires, c’est que les deux plans représentés par l'équation (L) sont imaginaires, et, par conséquent, l'équation (L,) fournit pour à deux valeurs de même signe, la troisième étant nulle, puisqu'on suppose

D 0. Soient donc

EUR

DE,

on sait que l’on peut donner aux axes de coordonnées une direction telle que l'équation (L), étant rapportée à ce système d’axes, devienne

Par suite l'équation de la surface donnée, étant rapportée aux mêmes axes de coordonnées, sera de la forme

F— + a" + by + 6 —0,

® étant une fonction algébrique qui ne contient aucun terme de degré moindre que 5 et qui ne peut devenir infinie, au moins pour de très-petites valeurs de £’, ;/.

Si maintenant, dans l'équation précédente, on fait

E = y cos. x, Y—T C08..6,

on aura, pour déterminer les points communs à la surface proposée et à la sphère de rayon infiniment petit x, la relation

F— + r'(a7 cos. *x + b' cos, 6) + 79 = 0.

32 MÉMOIRE SUR LES POINTS

Or, le premier terme de la fonction F,, qui donne toujours son signe à la fonction elle-même, » étant supposé infiniment petit, ne peut évidem- ment changer de signe, mais il s'annule pour les valeurs cos. « 0, cos. 0. En substituant ces valeurs dans la relation cos. *x 4- cos. *€ + cos. * = 1,ona cos.y = + 1, et par suite y = Oet;— 7.

D'ailleurs, en remplaçant cos.* 6 par sa valeur, déduite de cette même relation, dans F',ona

F'— —Æ r°[(a° D) cos. + sin. °y] + re.

Cela posé, pour toute valeur de l'angle « qui rendra cos. infiniment petit, on démontrera, comme au numéro précédent, que l'équation F'— 0 ou bien n’admet aucune racine réelle, ou bien en a deux correspondan- tes à certaines valeurs de y comprises entre + >, et 27 ;, ou entre r— et r +», ou bien deux correspondantes à ces deux premières limites et deux autres correspondantes aux secondes. Le point M sera donc un point conjugué, un point saillant ou un point de jonction. Dans ce der- nier cas, les deux nappes auront une simple droite pour tangente com- mune au lieu d’un cône comme au 22.

En résumé : Lorsque les coordonnées x, y, z, du point M satisferont à la rela- tion D 0, ou, qu'en d’autres termes, l'équation (L;) aura une de ses racines nulles, il pourra se faire que cette même équation ait ses deux autres racines diffé- rentes de zéro toutes deux de signes contraires ou de même signe , ou bien qu’elle n'admette qu'une seule racine différente de zéro;

Dans le premier cas, il y aura deux plans tangents distincts et par suite deux nappes de surface se coupant et s'étendant chacune tout autour du point commun M, lequel appartiendra généralement alors à une ligne multiple proprement dite;

Dans le deuxième cas, les deux plans tangents seront imaginaires , et le lieu des tangentes à la surface se réduira à une droite unique ; le point M pourra être un simple point conjugué, un point saillant ou un point de jonction.

Enfin , si l'équation (L,) n'admet qu'une seule racine différente de zéro, il y aura généralement en M un plan tangent unique , et la surface pourra se réduire encore à un simple point conjugué ou bien offrir deux nappes tangentes entre elles et s'éten-

SINGULIERS DES SURFACES. 33

dant tout autour du point M, ou bien s'étendant seulement dans un sens et limitées dans le sens opposc.

28. Passons à quelques applications.

Pour la surface que nous avons considérée au 12

Er, y, s)—= 2% y rar "0,

les points multiples sont donnés par les trois équations

—=— (5x + Va) 0, 9y = 0, 95 0. dx 1e dy ds

Ce système 2a + 5x = 0, y = 0, x O0 est visiblement incompatible avec l'équation de la surface, à moins que l’on ne suppose a = 0; mais alors on a x 0 et, par conséquent, il ne reste à considérer que le seul DUAPUeE 0 7 00 Or, pour ces valeurs de x, y, :, on trouve d'F d'R d'F d°F d'F d'F

2 =}; = (}} it}; drdz dydz dxdy

2a,

dx° dy.’ ds° et par suite l'équation (L,) du 20 devient 23 (4 Ia) + (4 Sa) à + Sa = 0.

Si l’on suppose a < 0, cette équation n’a que des variations, et, par conséquent, l'origine est un point conjugué de la surface.

Dans le cas de a > 0, l'équation précédente a toujours une perma- nence, et, par conséquent, l’origine est un point de jonction.

Enfin, si l’on suppose a 0, cette équation devient

D 4x + 4 0, et admet deux valeurs de à égales à 2. Pour achever de déterminer, dans

ce cas, la forme de la surface dans le voisinage de l’origine, je fais dans Towe XXI. fs)

54 MÉMOIRE SUR LES POINTS

l'équation F T—TCOS «, y—=7T 008.6, ECO,

A

ce qui me donne, pour déterminer les points communs à la surface et à la sphère de rayon r,

r? (cos. x + cos. °€) r? cos. 3x 0, ou simplement sin. x —r cos. 2: 0,

équation qui admet deux, et seulement deux valeurs de l'angle « com- prises entre à, et 27 —4, #, étant aussi petit que l’on voudra, et cela quel que soit l'angle . Donc, la surface n’a qu’une seule nappe tangente à l'axe des + positives tout autour de cet axe, et l'origine est un point saillant.

Soit la surface représentée par l'équation

É<

F(z,y,s)= ax + 28 + sy? ax —0

qu'on obtient en cherchant : le lieu des points de l'espace pour lesquels l'or- donnée z est à celle de la sphère correspondante aux deux mêmes abscisses x et y, comme l'abscisse x est au rayon de la sphère.

Pour obtenir les points multiples, nous posons les trois équations

lesquelles sont visiblement satisfaites par le système x 0, :— 0 et y quelconque, système qui satisfait aussi à l'équation F— 0. D'ailleurs on trouve pour ces valeurs de x, y, =

d’F

d'F 0 d°F LT) dr dE ds? dy

a, = _— à daxdz

Û,

,

, = 0 , == dz° dxdy dxdz

et par suite l'équation (L,) devient simplement 2?— 4? (, et donne les

deux valeurs 1= +4, à = —4a, qui sont de signe contraire. Ainsi, l'axe

SINGULIERS DES SURFACES. 55)

des y est une ligne multiple suivant laquelle se coupent deux nappes distinctes de

la surface. De plus, on a pour les équations différentielles du deuxième ordre

de F Gr? + y a + a°p° + a°zr 0 2ry + «pq + a°zs 0 a +ag +azt=0,

qui deviennent, quand on y suppose x = 0, :— 0 et y quelconque,

y —®# +ap —=0, apg—0, aq —0,

gi —\ 0m avec. pi Æ V/" IEEE a

ce qui détermine les deux plans tangents en un point quelconque de l'axe

et donnent :

des y. Considérons encore la surface suivante :

F(2,9, 5) = (22) (2 = 0.

Nous en déduirons d’abord

dF a RP dF s A CN D —=— (5-2) —D(r—y), —=5(2—yli, —9(z— x), dx y dy 9) dz ( æ) équations qui sont vérifiées, ainsi que l'équation F elle-même, si nous posonsz= 2°, y— x. Or, on a généralement :

d°F dF d’'F —=4#x(z—x)—90(x—- y), ——= 920(x —-y}, - = 2 dx dy* ds dF d’F = 920 (2—yh, = 45(5—-2), ——=0,

drdz drdz dydz

36 MÉMOIRE SUR LES POINTS

et pour les valeurs = ,y—xona d’F d’F LF lF 2F d°F RE EST e 1 = 9, 0; ——=0, dx° dy° ds° dxdz dxds dydz

et n’admet qu’une seule racine différente de zéro. Il y a donc en chacun des points de la ligne déterminée par les deux équations z = 2°, y—æun plan tangent unique, et il est facile de reconnaître que cette ligne est une ligne de rebroussement de deuxième espèce.

En effet, l'on déduit de l'équation F

s— 2 + (z—y) V(x—y),

et l’on reconnaît que la surface se compose de deux nappes qui sont réelles pour toute valeur de y < x, et imaginaires pour y > x. On trouve pour les équations différentielles de deuxième ordre

2{z— 2°) (r—2) + 2(p 9x) 20 (x y} = 2(z— 2°) s + 2q (p—Vx) + 20(x y} = 0

2(5— 2°) t + 29° 20(z— y} —0, qui deviennent dans le cas présent, (Pr = 007 (ne 07) = 0 NET I—I0N et par suite le plan tangent a pour équation L— x —Qx(X x).

D'où résulte pour la différence des ordonnées z et Z de la surface et du plan tangent en un point quelconque de la ligne en question, correspon-

SINGULIERS DES SURFACES. 57

dantes à une même abscisse X

2 ZX 5) + (X = 5) VX 5).

Par conséquent, au moins pour X assez peu différent de x, on voit que les deux valeurs de z Z sont essentiellement positives, d’où résulte que les deux nappes de la surface sont l’une et l’autre situées au-dessus de leur plan tangent commun.

29. Dans tout ce qui précède, nous avons admis que le système de valeurs x, y, z que nous avons supposé déduit des équations (A), ne ren- dait pas les équations (B) toutes les trois en même temps identiques. Admettons actuellement que ce système de valeurs satisfasse à toutes les

équations : de. ER SALÉE) 119 d°F : d'F 5 LME de AP + de ? deds * dyds ‘dry

Alors, pour déterminer p et q, on aura recours aux équations différen- tielles du troisième ordre (4) du 19, qui, eu égard aux hypothèses admises, deviennent :

dÿF d5F diF diF

(C) ds + 3 dE p + Es p'- Œs DID

Ce Re 442 po pra —0 (C). mudr. dy, dæ,dy,dz, dx,d3,° dx,°d dx,d ds,

FAEAES PRES q + AN CR ar res PR

* dr,°dy,° dx,dy,dz, dx,dz,° dy,'dz, dy,d ds; Li _ æF RTE) 8 (C:) de DTE TA Lead À Et Si

D'après ces mêmes hypothèses , l'équation (2) de la surface du 17 devient

1 (TE E3 + dir PLATE dE +5 dir Era mp | m PT £? +3 . GE PA

3 \dr,5 dy% dz3 dx,dz,° dy, ds dx°ds, dy,°dz,

0 ee Ey + 3 a Ëy + gl à 6x) S [a £i + etc + etc, 0, dz ‘dy, dx dy" dx dy,dz, 4 \dz,i

58 MÉMOIRE SUR LES POINTS

Or, si nous posons l'équation

&F &F dF

s —— Ë # + 6 ——— cr En 8) dx 3 ÿ dy,° dx,dy,dz, ï

nous aurons une surface ou variété de surface du troisième ordre, qui sera le lieu des tangentes menées par le point M à toutes les courbes que l'on peut concevoir tracées sur la surface en ce même point.

Les différentes formes de cette surface ont avec les racines des équations (C) des relations faciles à établir.

50. Cherchons d’abord à quelles relations doivent satisfaire les coeffi- cients de l’équation (S) pour que son premier membre soit décomposable en trois facteurs du premier degré de la forme

ON AE RNA CÂE hr) (PENEER 7

En effectuant ce produit, et l'identifiant avec le premier membre de (S), on a les neuf relations :

AR TE dsF (4) 5 FU = 455 (A + A’ + A") (2 3 Re (AA! + AA SN A'Al) dx, °dz, dz3 à d3F DT (5) re Nr nes A SAR d3F (4 35 Duo (B + B' + B") arr d3F (b) 5 Hu Sud (BB' + BB” + B'B’) d3F BF (6) prrere BB’B' = diF d?F (7) Hu de (AB’ + AB" + BA’ + BA" + AB’ + B'A') (8) pan" PE (AB'B/ + BA/B/ + BB'A") dx, dy, dz,3 BE dE (9) = (AAB" + AB'A/ + BA'A").

dx dy, ds,

SINGULIERS DES SURFACES. 39

Les six premières montrent que les valeurs de A, A’, A!’ sont les racines de l'équation (C), et que celles de B, B’, B'' sont les racines de l'équation (C:;).

D'ailleurs , si l'on multiplie respectivement les équations (9) par l'unité, (7) par A, (4) par A, (2) par B, (1) par 2AB, et qu'on les ajoute, on obtient après quelques réductions :

d&F : d°F déF d°F dSF PE

DER ee ! Re drdy, dedyds, dyjds dx ds, dr ds d33

On trouve pareillement en multipliant (8) par l'unité, (7) par 2B, (1) par B?, (5) par À, (4) par 2AB, ajoutant et réduisant

déF 6 dF p- dF N CA >AB diF AB &F dr ,dy,* Le dx,dy,dz, Ë Ch F* dy,‘dz, rs dy,dz,° FAR

équations qui ne diffèrent de (C,) et (C;) qu'en ce que p et q y sont remplacés par À et B. On pourrait visiblement changer dans ces équations A et B en À’ et B, puis en A/’ et B’’, d’où résulte que :

Pour que l'équation (S) soit décomposable en trois facteurs du premier degré de la forme (S;), il faut que chacune des trois racines de l'équation (C) jointe à l’une de celles de l'équation (C;), vérifie simultanément les équations (C) et (CG).

Réciproquement : Si deux des systèmes de valeurs de p et q, déduites des équu- tions (C;) et (C:), satisfont aux équations (G,) et (C;), le troisième système satisfera aux mêmes équations, et le premier membre de (S) sera décomposable en trois fac- teurs du premier degré.

En effet, soient p, p', p'' les trois racines de l'équation (C), q, q', q!' celles de (C;), nous admettons qu’on a les deux relations

(C) dF n dF d'F \ d'F : dF ŒF. ,; d

; = + 2- = - pt 2 - pq + NE

| dx ‘dy, dx ,dy,dz, Eau dy,ds re dx, ds, 1 dx,ds.° pa ds,° 4:

(c' diF : dF ; MEL dF AU dE br LR n SE) dx ‘dy 74 dx,dy,dz, PAT dy,dz P Le dz,’d3,° 15e dæ.°d5,° Pt dz,* RARE

40 MÉMOIRE SUR LES POINTS

Je le retranche membre à membre, ce qui me donne

* dE diF d'F + ÿh d'F GC 3 2 __n!2 ET. à - 2 (0q— app PAU + (p°—p Vardss + (4 DÉS PE F7 + 2(pq—p q HR 2 "an! d drone) ri Or, on a évidemment dF 1 &F Re dy,dsx, FE 3 (+9 +q ) FE OR % Eee OU ; (pp + pp" +pp") dF 1 &F NME dx,dz,° 3 ds pie pe

Je substitue ces valeurs dans la relation précédente, ce qui me donne par la suppression du facteur p—p' et après réduction

._. dF dF pb San ab WE ; (09 + gp + pq" + pq + pa" + pa). dx ,dy,dz,

3,

Si Den sh substitue cette valeur de

ms ainsi que les valeurs

précédentes de ——— , etc., dans l'équation (C,), je trouve, toute réduction

ns faite :

__ _&F F {E- A Nes TT + de (pp'q" + pgQ + pp q) =

En opérant de la même manière, on déduira de l'équation (C,)

dF d'F

5 ET TE + PP (pg'a” + p'ad” + qdp"')=

Par conséquent, si deux des systèmes de valeurs de p et q, déduites des équations (C) et (C;) satisfont aux équations (C,) et (GC), les trois systèmes vérifieront toutes les relations (1), (2), (9), et par suite le premier membre de (S) sera décomposable en trois facteurs de la forme

E—pE— qu) (8—pP'E— qu) (8—p'E—- d'A),

SINGULIERS DES SURFACES. äl

et chacun de ces facteurs égalé à zéro sera en général l'équation d’un plan tangent à une nappe correspondante de la surface proposée.

51. Supposons actuellement que toutes ces conditions ne soient pas remplies, et cherchons celles qui doivent avoir lieu pour que le premier membre de l'équation (S) soit décomposable seulement en deux facteurs, dont l’un soit du premier degré et l'autre du deuxième, c’est-à-dire de la forme suivante :

(S2) 4. . . (2—AË By) (22 CP + Du? + Efy+ FEr + Ge).

En effectuant la multiplication et identifiant avec le premier membre de (S), on a les neuf relations :

i d$F dF AC 5 dE dF BD q des mr dz,3 @ CONS ns IE diF dF dF déF 5 (D—BG 4) 5 F fi dy,°dz, FE ) Ws dx,*dz, ds,$ rome dF d'F dE déF 5) —(G—B D (F— 5 dy,dz,* us) Es dx;dz=.° ds (ra) déF dSF dF déF 17) 5—— (AD+BE 5 = E (7) LATE (AD + BE) (8) 5 PAT es (PCA) qe TE (E—AC—BF \) dx,dy,dz, D ds re

Je multiplie respectivement les équations (1) par l'unité, (4) par À, (6) par A°, et J'ajoute, ce qui me donne après quelques réductions,

FE Jen di dF dE ——- BA ———— de L - dx? a dx,°ds, dx,dz,° ds, En multipliant (2) par l'unité, (5) par (B), (5) par B°, ajoutant et rédui- sant, on aura pareillement

BF dF _dF _ d'F dy? dei dy°dz, +: dy,dz ; CEA Tome XXI. 6

42 MÉMOIRE SUR LES POINTS

Par conséquent, les coeflicients À et B du facteur £— A ë—B; sont un certain système de racines des équations (C) et (C,). Je dis que ces mêmes racines satisfont aussi aux équations (C:) et (C:).

En effet, je multiplie respectivement (8) par l'unité, (9) par A, (5) par A;, (4) par B, (6) par 2AB et j'ajoute membre à membre, ce qui me donne, toute réduction faite :

BF dF BF dE ŒF CA A + D + 2AB va da "dy, dx dy,dz, dy,dz dx, ‘dz dx ,dz,* gi À

équation qui ne diffère de (C,) qu'en ce que p et q y sont remplacés par A et B. On verrait de même que A et B satisfont à (C.). Donc : Si un seul des systèmes de valeurs de p et q déduites des équations (C) et (C;) vérifie les équations (C,) ec (C:), l'équation (S) représentera un plan et un point ou bien un plan et un cône du deuxième degré.

Dans le premier cas, le point M sera un point conjugué relativement à deux nappes imaginaires et sera situé sur une nappe réelle et simple. Dans le deuxième cas, ce sera un point de jonction de deux nappes distinctes qui sera pareillement situé sur une troisième nappe. On distinguera d’ailleurs facilement ces deux cas l’un de l’autre : pour cela il suffira de diviser le premier membre de l'équation (S) par le facteur & qn et de cher- cher, ainsi que nous lavons expliqué au 22, si le quotient représente un point ou un cône.

92. Si aucun des systèmes de valeurs de p et q déduites des équa- tions (C) et (C;), ne satisfait aux équations (G,) et (C;), l'équation (S) sera indécomposable en facteurs plus simples et, par conséquent, représentera évidemment un cône du troisième degré. Le point M sera un point de jonction du troisième ordre. Dans le voisinage et tout autour de ce point, la forme de la surface sera donnée par celle des deux nappes du cône dans le voisinage de son sommet.

55. Revenons au cas les équations (C) et(G;) fournissent trois systèmes de valeurs de p et q qui vérifient tous les trois les équations (C,) et (C;) et observons que ces trois systèmes peuvent être réels et distincts ; que deux

——"

SINGULIERS DES SURFACES. 45

peuvent être égaux , le troisième étant diflérent; qu'ils peuvent être tous les trois égaux entre eux; et qu'enfin, il peut ÿ en avoir deux imaginaires.

Dans le premier cas, on aura trois plans tangents distincts et l'on dé- montrera par un raisonnement analogue à celui du 25, qu'à chaque plan tangent correspond une nappe unique de surface qui s'étend avec ou sans in- flexion dans le voisinage du point M et tout autour de ce point.

Si des trois systèmes de valeurs de p et q il y en a deux réels et égaux, le troisième étant différent, on démontrera en raisonnant toujours comme nous avons fait aux 24 et suivants, que la nappe de surface qui corres- pond au plan tangent &—p£ —4;=— 0 s'étend tout autour du point M avec ou sans inflexion, tandis qu'au second plan tangent (£—p'i— gr) = 0 peuvent correspondre un simple point conjugué, ou deux nappes distinctes ayant entre elles un contact du premier ordre et s'étendant lune et l'autre tout autour de M, ou bien s'étendant seulement dans un sens et limitées dans le sens opposé.

Lorsque les trois systèmes de valeurs de p et q seront égaux entre eux, il

n'y aura plus qu'un seul plan tangent £ —p£ 41 0, et l'équation de la

surface proposée pourra être mise sous la forme es as L 3 A [dMF | 1 5 CPE] PS] + ; a EE cie + etc. = 0. Si nous nommons, comme au 25, r le rayon de la sphère auxiliaire et 6 l'angle qu'il fait avec le plan tangent, nous aurons

FPT re Va FE, = =— Rôr sin. 6 + - rie 0, ô\d5;à 40 © + représentant toujours une fonction qui ne peut devenir infinie pour au- cune valeur attribuée à l'angle 6.

Cela posé, on démontrera exactement, comme au 17, que l'équation F, O0 admet un nombre impair de racines entre 6,, + 5, et un nom- bre impair entre r—9, et x +4. D'ailleurs on a

dF, d'F | d?

: PEU AT —= —— JR sin. 0 Cos. 6 +- , do d3,° k db

4% MÉMOIRE SUR LES POINTS

et il est facile de reconnaitre que l'équation _ 0 admet deux racines ou n'en admet aucune entre chacune de ces deux limites, et par suite l’é- quation F, 0 en admet elle-même une seule ou bien trois.

Il y aura donc en M ou bien une seule nappe réelle et ordinaire, ou bien, trois nappes tangentes entre elles, lune d'elles s'étendant toujours tout autour de M et les deux autres s'étendant pareillement tout autour de ce point, ou bien s'étendant seulement dans un sens et limitées dans le sens opposé.

Enfin, si deux des systèmes de valeurs de p et q sont imaginaires, on re- connaïtra par des raisonnements analogues à ceux des 25 et 27, que le point M est un point conjugué, ou bien un point saillant ou encore un point de jonction situé sur une nappe réelle.

54. Nous ne pousserons pas plus loin cet examen déjà très-long des affections diverses que peut offrir une surface en un point M (x,, y, &) dont les coordonnées satisfont aux trois équations

Se à el EE dx, dy D dE.

Nous observerons seulement en terminant, que si le système de coordon- nées que l’on considèreet qui, par hypothèse, rend identiques les équations (B), rendait pareillement identiques les équations (C), les valeurs de pet q seraient fournies par un système de cinq équations du quatrième degré. D'ailleurs le lieu des tangentes à la surface en M serait une surface du qua- trième degré, qui pourrait se réduire à un point unique, ou se décompo- ser en deux facteurs du deuxième degré, ou bien en un plan et une surface du troisième degré, ou, enfin, être indécomposable en facteurs plus simples. De plus, chaque facteur du deuxième degré, ainsi que celui du troisième, le cas échéant, pourront offrir chacune des variétés que nous ont fournies les équations (L) et (S).

SINGULIERS DES SURFACES.

ps ©e

NOTE PREMIÈRE.

Sur le paraboloïde osculatewr.

Soit l'équation d’un paraboloïde de la forme (4). à . . à 14 = A+ BX + CY +DX° + EXY + NY,

proposons-nous de déterminer les coeflicients A, B, C, D, E, F, de manière que cette surface ait avec une surface donnée et représentée par l'équation

A DT U, 21 10,

un contact du deuxième ordre en un point quelconque M (x, y, z) de celle-ci.

On dit généralement que deux surfaces quelconques sont osculatrices, ou bien ont entre elles un contact du deuxième ordre, lorsque, pour un même système de valeurs des deux variables indé- pendantes x et y, l'ordonnée z et ses dérivées partielles du premier et du deuxième ordre prises par rapport à æ et à y sont les mêmes pour les deux surfaces.

D'abord pour exprimer que la surface (1) passe par le point M (x, y, z) de la surface (2), j'ai la relation

L= À + Br + Cy + Da + Ery + Fy”, d'où résulte

Z—5—B(X—7)-+ C(Y—y) + D(X—7')-RE(XY —2y)+ F(Y— y").

D'ailleurs, en différentiant l'équation (1) par rapport à æ et à y, on a pour les deux équations diffé- rentielles du premier ordre

d?, az s ee = B + 9DX + EY, 0C + EX + 2FY, dx dY

46 MÉMOIRE SUR LES POINTS

et pour celles du deuxième

œ ARS

dZ dF = 93 Û

2D, ——.#©, 9F, dx dXdY dY° à

et, par conséquent, nous avons, pour exprimer le contact du deuxième ordre, les relations

p = B + 9Dr + Ey, q=0C + Er + 92Fy 5 Ds 2%",

DRE d'où l'on déduit aisément 5 DES E=s, F—-, B—=p—rx—sy, C—q—ty— sr, et par suite on trouve, après quelques réductions: re Lu ‘4 2 4 4 t 2 Ds —=piX—r) + y)+ (rer) y) > (Y—Yy).

Généralement la surface représentée par l'équation

Ds p{X- 2) + y) + À Ra) + SX —2) (Vo y) + 2 (N—y) E (X a) > 4 A 4.9 w u 10 £ + Lu pe LR 0

r. & s 2 4 3 n AL ET Op rev (Y=—y)",

a, comme il est aisé de je vérifier, un contact de l'ordre n avec la surface (2) au point M de cette surface.

NOTE DEUXIÈME. Sur le lieu des tangentes menées à une surface en un point singulier M.

Soit la surface donnée représentée par l'équation

1 Le F(z1y, sh 0.

SINGULIERS DES SURFACES. 47

Une ligne AB (fig. 7) tracée comme on voudra sur cette surface, sera définie par l'équation (1) jointe à une deuxième équation

ON M A, pm NO

laquelle représente une seconde surface que nous supposons astreinte à passer par le point M5 y:2);

Si l'on conçoit menée en M une tangente à la courbe AB, cette droite aura pour projections sur les plans des #3 et des yz les droites représentées par les équations

dy dz

W)n—y= (Es), (9 ss (Es)

= CL _ étant les dérivées de y et de z prises par rapport à æ, que x soit ou ne soit pas la variable indépendante, Pour les obtenir, on différentiera les équations (1) et (2), ce qui donnera généralement

dF dF dy dF dz dx dy dx pi dr do do dy do dz dx és dy dx ki z dx

Si nous supposons que les coordonnées x, y, z satisfassent aux trois relations

dF dF dF

= —0, —=0,

dx s dy

l'équation (+) sera indéterminée. Mais en la différentiant elle-même et tenant compte des trois équations précédentes, on trouve

d'F +2 dx* dxdy dx

(7) -

dF dy d'E ds d’F /dy\° d'F dy dz d°F /dz\° 14 D Lg seau” | y (

2 - 2 | dxdx dx de ay \dx} dydz dx dx dz’ \dx

a , PA dy dz ñ . Des deux équations (4) et (>) on déduira les valeurs de 2 et de =, que l’on substituera en- q Y dx dx d è

suite dans les équations (4) et (6), ce qui revient, en définitive, à éliminer et 7 entre les quatre équations (z), (6), (y) et (4). Mais des équations (4) et (6) on déduit

dy Y— y ds ë

2 , Fe dx E—z dx E— x

48 MÉMOIRE SUR LES POINTS, erc.

et en substituant ces valeurs dans les équations (9) et ('), on a

de dy do Es RENE dau: Pre 1 0 277 des qe ee UE ap 2 9 PE (8e) Gp) + DE (Ee) (Hs) + D (ni dx* dxdy ; ddz dy° ; 2 ae (4—y) (és) + 23 (é—s) = 0 dydz

Or, la deuxième de ces équations considérée en elle-même, représente une surface qui passe par la tangente M'T à la courbe AB et cela quelle que soït cette courbe, puisque l'équation (4) ne dépend en rien de la fonction +. Done l'équation (4) est le lieu des tangentes menées par le point M à toutes les courbes que l'on peut tracer sur la surface (1) passant par le même point ML.

Si l'équation (+) était elle-même indéterminée, auquel cas les coordonnées du point M satisfe- raient aux équations

dF 0 d’'F d°F 4 d°F : d'E dr dre, | dy” ? dz° É drdy HORS Dre dyd=

on différentierait de nouveau cette équation et l'on trouverait, en opérant d'ailleurs exactement , comme on vient de faire, l'équation du troisième degré (S) du 29 pour le lieu cherché.

FIN.

Hem. cour mem. des savants etr. Tome XI. Hem. de M AHmiot.

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A mor, crédit ra Eu C1 e de e r TAYES

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AUGUSTI-CHRISTIANI- ADOLPHI ZESTERMANN,

SCHOLAE THOMANAE APUD LIPSIENSES COLLÈGAE

DE

BASILICIS LIBRI TRES,

REGIA ACADEMIA LITERARIA, QUAE IN BELGIO FLORET, PRAEMIO ORNATT.

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ARGUMENTUM.

INTRODUCTIO Liser I. De Garde 270 apud Athenienses INrropucri0 Caput I. De nomine 7% Bardetov OToäc. Caput II. De numero 75 Basieimy roy apud Athenienses. Caput III. De origine r%s Badero oTo%s. Caput IV. De situ 745 Basieto otoäc.

$ 1. Virorum doctorum de situ Regiae Porticus sententiae S 11. Mea de situ Regiae Porticus sententia

Caput V. De usu 7%c Basietou arc.

$ 1. De quadruplici Regiae Porticus usu. $ n. De rege in Regia Porticu munere suo tobette Sur. De legibus in Regia Porticu propositis .

Siv. De Areopagitis Eumolpidisque in Regia Pen exéteentibus,

$ v. De epulis in Regia Porticu factis . Caput VI. De forma 7%: Basdeio roc

& 1. Introductio. $ u. De veterum porticibus

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ARGUMENTUM

$ ur. Deichnographia Regiae Porticus. $ 1v. De orthographia Regiae Porticus

Caput VII. Regias porticus apud reliquos Graecos nullas fuisse demonstratur.

Lier II. De Romanorum basilicis .

IxrropucTi0

Caput I. De generibus basilicarum.

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. De forensibus basilicis . u. De basilicis ambulatoriis Sr. De basilicis domesticis . $ iv. De basilicis vinariis.

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Caput IT. De forma basilicarum forensium .

: 1. Introductio . .

1. Vulgaris de forma Boni on sententia : ur. Falsarum de basilicis Romanis sententiarum refutatio $ 1v. Mea de forma Romanarum basilicarum sententia..

Caput III. De usu basilicarum Romanarum . . . . .

Caput IV. De origine basilicarum Romanarum.

$ r. De Romanarum basilicarum origine ab exteris non repetenda. Sn. De basilicis ab ipsis Romanis inventis

Caput V. De nomine basilicarum Romanarum.

$ 1. Basilicarum nomina latina et graeca, quae apud veteres scriptores in-

veniuntur . De significatione Abu alt

Caput VI. De aedificiis, quae basilicae forenses Romanae fuisse dicuntur

$ 1. De basilicis, quae dicuntur, Pompeiis, Hereulanei, Ocriculi, Paesti, Nemausi, Palmyrae, Aquini, Praeneste et Albae inventis judicium.

Su. De basilica Constantiniana seu de templo Pacis

Sur. De ecclesia Sancti Andreae in Barbara, quae basilica Brian fuisse

creditur . . De basilica Te . De basilica Vicentina

ARGUMENTUM.

Lier III. De Christianorum basilicis . InxTropucr10 Caput I. De forma basilicarum christianarum

$ 1. Introductio.

Su. Descriptio formae basilicarum christianarum .

Caput II. De basilicarum christianarum origine . Caput IIT. De nomine basilicarum cbristianarum . CONCLUSIO . ADDENDA ET CORRIGENDA.

EXPLICATIO TABULARUM .

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INTRODUCTIO.

Quae abhinc aliquot annos a Gutensohnio et Knappio ! et post illos à Canina ?, architecto Romano celeberrimo, in publicum datae sunt sacra- rum basilicarum Romanarum imagines, et qui ab eodem Canina ? et Bun- senio * de iisdem basilicis conscripti sunt libri; denique, quae nuperrime Treviris inventa esse creditur antiqua basilica profana : ea omnia hac nostra aetate viros doctos impulerunt, ut christianarum basilicarum an- tiquam formam atque originem laudabili studio perscrutarentur. Quorum virorum conjuncta opera effectum est, ut de forma basilicarum nunc ali- quanto rectius quam olim judicari possit; de origine autem etiam nunc relicti sunt, quibus superiorum saeculorum scriptores capti tenebantur errores. Nam quas apud veteres Romanos constat fuisse basilicas, eas viri docti, quamvis non sacro sed profano usui, hoc est, negotiis tractan- dis causisque agendis, destinatas fuisse intellexissent, tamen nominis similitudine decepti, exempla basilicarum christianarum fuisse statue- runt. Quae quidem sententia quum vel ideo suspecta haberi deberet, quod nullo nisi infirmissimo 1illo Gratiani nititur testimonio, tamen ad hunc diem, quod ego sciam, a nemine in dubium vocata est. Atque ut fieri solet, alius alium peperit errorem. Nam quum christianas basilicas e profanis originem traxisse sibi persuasissent, etiam formam utriusque

1 Die Basiliken des christlichen Roms, sive : Denkmale der chrislichen Religion oder Samm- lung der aeltesten Kirchen Roms vom 4 bis zum 15. Jahrhundert, aufyenommen und herausgege- ben, von J.-G. Gutensohn und J.-M. Knapp. München, Cottasche Buchhandlung, 1822-1827.

2 Ricerche sull Architettura piu propria dei tempj Cristiani, del caval. L. Canina, Roma, 1843.

5 Die Basiliken des christlichen Roms nach ihrem Zusammenhange mit Idee und Geschichte der Kirchenbaukunst dargestellt, von C.-J. Bunsen. München, Cotta.

8 INTRODUCTIO.

basilicarum generis accurate inter se convenisse statuerunt, et quam op- time cognovissent chistianarum basilicarum formam ad antiquas basilicas, de quarum forma ipsis parum constaret, transferre atque alteram ex altera illustrare non dubitarunt. Atque hoc modo effectum est, ut satis accura- tam delineare posse sibi viderentur antiquarum basilicarum imaginem, petitam illam quidem ex christianarum basilicarum, quam ipsi excogita- vissent, similitudine.

Verum enim vero haec omnis illorum argumentatio propterea mibil valet, quod aut falso aut certe parum firmo nititur fundamento. Nam ba- silicarum antiquarum formam aequalem fuisse formae christianarum, non prius poterit pro vero haberi, quam demonstratum fuerit, quod ab illis quidem demonstratum non est, christianas basilicas ad exemplum profanarum fuisse aedificatas. Ttaque alia via ingredienda est, ut, quae fuerit antiquarum basilicarum forma, quaeque ratio inter has et christia- nas basilicas intercesserit, accurate cognoscatur. Ac primum quidem an- tiquarum basilicarum forma per se et separatim spectanda est ita, ut christianarum basilicarum nulla habita ratione, ex solis veterum scripto- rum testimoniis monumentisque antiquis quam accuratissima adumbretur illarum imago. Deinde vero christianarum basilicarum forma similiter explicanda atque delineanda est. Quod ubi fecerimus , tum demum diju- dicari poterit, utrum antiquarum et christianarum basilicarum formae inter se congruerint nec ne, vel quod eodem redit, utrum christianae ba- silicae e profanis natae esse existimandae sint nec ne.

Neque rectius idem viri docti, quos supra commemoravi, versati mihi esse videntur in indaganda profanarum basilicarum Romanarum origine. Quam enim Athenis fuisse Basexy avoiv, Porticum Regiam, cognoverant, eam propter solam nominis similitudinem Romanarum basilicarum exem- plum sive rowrérume fuisse statuerunt. Quae quidem argumentatio quam temeraria sit, non est, quod uberius demonstrem. Nam hoc quoque, quod illi voluerunt, non aliter probari poterit, nisi sic, ut primum Regiae Por- ticus et originem et reliquas rationes separatim pervestiges, deinde com- paratis inter se Porticus Regiae atque Romanarum basilicarum rationibus dijudices, utrum aliqua necessitudo inter eas intercesserit, nec ne.

INTRODUCTIO. 9

Haec quidem vitia ut evitarem, equidem de basilicis dicturus hane mihi legem scribendam esse putavi, ut separatim quaererem de Ba- et to Atheniensium; de antiquis Romanorum basilicis ; de sacris Christianorum basilicis. Ita enim sperabam, fore, ut appareret, quae et quales necessitudines intercessissent partim inter Regiam Porticum Athe- niensium et basilicas Romanas profanas, partim inter antiquas Romano- rum et sacras Christianorum basilicas. Quas quidem res omnes quum sigillatim atque ea, qua opus est, diligentia explicavero, postremo loco sub finem disputationis meae summa rerum capita ita complectar, ut uno veluti obtutu perspici possit, quid mea qualieunque opera praestitum ef- fectumque sit.

In qua quidem disputatione mea si quis forte me nimis longum et ver- bosum deprehenderit, is, quaeso, reputet, plane novam viam mihi in- grediendam, et si a christianarum basilicarum tractatione discesseris, reliquam disputationis materiam fere totam e fontibus nunc primum eruendam fuisse. Quo accedit, quod etiam in singulis rebus pertractandis saepius, quam factum vellem, mihi accidit, ut, quae hucusque pro veris certisque habita essent, impugnare cogerer atque refellere; id quod fieri non potuit, nisi accuratissime examinatis contrariarum opinionum argu- mentis. Atque ob id ipsum, quod nova prorsus via incedendum mihi fuit, etiam hoc haud injuria a lectoribus petere mihi videor, ut si quis me subinde a vero aberrantem invenerit, aequi bonique consulat errantique succurrat. Nam quum non id agam, ut mea sententia sed ut veritas per- vincat, gratissimum mihi fecerit, qui meliora me edocuerit.

Restat jam, ut paucis significem, quibus subsidiüis usus sim in hoc li- bello conscribendo. Et primum quidem, ut me ne minima quidem vestigia fugerent eorum, quae ab antiquis scriptoribus de basilicis memoriae pro- dita sunt, omnes Graecorum atque Romanorum scriptores inde ab Homero usque ad Byzantinos scriptores perlustravi. In quibus quae inveni ad nos- tram rem pertinentia, ea libri [ cap. 4, et libri Il cap. 5, recensui. Deinde ne imagines basilicarum in nummis gemmisve, vel etiam in pictu- ris Pompeiis et Herculanei conservatis conspicuas praeterirem, tum libros, in quibus antiquorum nummorum gemmarumque imagines exhibentur,

Towe XXI. 2

10 INTRODUCTIO.

ad unum omnes et nonnulla numophylacia, tum antiquitates Pompeianas Herculanensesque, et marmora Capitolina, quibus tabulae cujusdam anti- quam urbem Romam repraesentantis continentur reliquiae, perscrutatus sum, in quibus omnibus quae inveni etsi numero pauca in tab. IF, huic operi adjecta repetenda curavi. Denique recentiores scriptores, qui de antiquis basilicis disputaverunt, ni fallor, omnes, perlustravi, exceptis iis, quos propter bibliothecarum nostrarum inopiam nancisci non potui, quosque in catalogo infra ! subjecto asterisco notavi. Eorum vero scriptorum fere innumerabilium (vid. Cancellierium de secretarüs basil. Vaticanae, vol. I, 1), qui de christianis basilicis scripserunt, celeberrimos tantum et praestan- üissimos, imprimis Ciampinium ?, Binghamium 5, Goarum#, Agincur- tium ?, Platnerum ?, Bunsenium ?, Caninam ? et Kuglerum ? consului, quibus quidem viris me plurima debere gratissimo animo confiteor.

4 Leonis Baptistae Alberti de Re aedificatoria, lib. X, ed. Ang. Politianus. Florent., 1485. Andrea Palladio, dell Architettura, lib. IV. Venet., 1642.—Scamozzi, Les bâtiments et les dessins d'André Palladio.—Scamozzi, Le fabbriche e à desegni di Andr. Palladio, AN tom. Vicenza, 1776- 1783. + Sernelli, Antica basilicographia.—Ciampini, Vetera monumenta. Romae, 1690.—Philan- der, Peraltus, Gallianus, Stratico, Schneider, Marini ad Vitruvi lib. V, cap. 1.— Enea Arnaldi : Delle basiliche antiche e specialmente di quella di Vicenza. Vicenza, 4767.—Pitisci, Lexicon anti- quitatum romanarum în v. Basirica. Giulio Minutulo abbate de Celestin : Romana antiquitas. Dissertat. VII, pe Basicrcis, sect. IL—Quatremère de Quincy, Encyclopédie méthodique, Architec- ture, tom. 1, in v. Basique. Hirt, Geschichte der Baukunst bei den Alten. 3 Th. Berlin., 1827.— Seroux d'Agincourt, Histoire de l'art pur les monuments depuis sa décadence au IV° siècle jusqu'à son renouvellement au XIV® siècle. Paris, Treuttel et Würtz, 1825. Tom. 1, Arcmrrecrure. Franz Kugler : Der roemische Basilikenbau nacher entwickelt nach den Resten der antiken Basilika zu Trier, Kuxsrsuatr 1842, No. 84-86. (München, Cottasche Buchhandlung.)—Franz Kugler : Æunst- geschichte, 1842. Platner in libri, qui inseribitur: Beschreibung der Stadt Rom, tom. I et IL. Pauly : Encyclopaedie der klassischen Alterthumskunde, in v. Bastuxa.— Bunsen : Die Basiliken des christlichen Roms nach ihrem Zusammenhange mit Idee u. Geschichte der Kirchenbaukunst; auch als erlaüternder Text zu dem Kupferwerke J.-G. Gutensohns u. J.-M. Knapps. München, Cottasche Buchandlung, 1842.— Becker, Handbuch der roemischen Alterthümer. Tom. I. Leipzig, 4845.—Luigi Canina, Ricerche sull Architettura piu propria dei tempj Cristiani. Parte I. Roma, 1843. Friedr. v. Quast die Basilika der Alten. Berlin, 4845.—Jules Gailhabauds : Denkmaeler der Baukunst aller Zeiten und Laender. Für Deutschland herausgegeben unter Leitung von Franz Kugler. Hamburg, bei Julius Meissner, 1844. G6® Lieferung : die roem. Basiliken.

2 Vid. Not. 1.

5 Binghamii Origines ecclesiasticae, tom. HI.

4 J. Goari Rituale ecclesiae orientalis.

DE

BASILICIS LIBRI TRES.

LIBER PRIMUS.

DE BAZSIAEIQ ZTOA APUD ATHENIENSES.

INTRODUCTIO.

Quum scriptores veteres, si unum Pausaniam exceperis, de Base) octo, quae erat Athenis, non consulto, sed data tantum occasione dixerint : non mirum est, in eorum libris aut nihil aut pauca contineri, quae faciant ad decernendas et solvendas, quas nobis proposuimus, quaestiones. At- tamen speramus, fore ut nobis contingat, ut quae diserte dicta non sint, comparatis inter se veterum locis conjectura assequamur. Qua in re ita placet versari, ut de nomine; de numero; de origine; # de situ; de usu; de forma +% Basdelo otoas apud Athenienses agamus. Quo facto illud quoque demonstrare conabimur, regias porticus apud re- liquos Graecos nullas fuisse.

CAPUT LI.

DE NOMINE THE BABIAEIOY ZTOAS.

1. Regia Porticus Atheniensium ab hisce scriptoribus hisce verbis commemoratur. Plat. Theactet., extr. v5 pv oY amaTnTÉcy por els Tv Toù fBact-

12 DE BASILICIS LIBRI IE.

we orotv. Eutyph., init. +tveireco, ä Zuxpares , yéyovev, oTu— vor dorpiBeis mepi Thv To Basdéws otoûv. Aristoph. , Eccles., v. G85. za anpober toùs ex vod BñT éni tv oToriv duchoySey ri Basleur. Demosth., c. Aristog., p. 776. R. 75 try dpEloU Téyou Body, otæ àv 5 Basdeio orox xaSétouérn Tepirgowéontez. Anstot. (apud Harpocr. in V. dofus) év tn ASmaiwy route : Ecmmræ à T9 ovoù tv Base. Aelian: Var. H. VI, 1. vai rc otias tac TpèS LA Basueis atoa écrmvtas. Pausan., I, 354% mpérn Œ écuv év Ti Obi naouuéyn otoù Basieus. Idem., I, 16, 5. ürèp rèv xepapemèv vai Tv ro Ti xaoouévmy Basile vaéc éorw. Aeschin., Ep. 4, $ 3. ui nv nai mpèc Aus êre npù Tic (Basueiou aroäs (you elxuy Tod ITryd5 por ). Harpocr. in v. Bastheuc atox, et Suid. in v. Basieros : dio sisi atoai rap lac re Tod "Eney9eprou Atos noi Bases. Hesych. in v. Basñewc ovot : do elai "A Svnoe Base ovoa. Phot. in v. ‘Epucñ : nd yap Ths Roms «ai The Tob Paré atoäc eiat oi ‘Epuor xa)ovueva. Poll. VITE, 9, L. cuve d œru T£Ôc Tr Basüeuw o7oa. Grammat. ap. Bekker. An. Gr. 1, 222 et Phavor. in v. Barôeros otoû : A Smvnor do eior Bastiat otoat. Eunap. Vit. Acdes., pag. 41, 19: ed. Wyttenb. GITEP 0] Zopatns TEPi TAY Tod Basdéws otoi. Eustath. ad Odyss., 1, 598, pag. 1425, ed. Rom. xx Bases ext atox, Tanaio Ts vo5 "ElaySepio Aùc 070%. Aedificium igitur, de quo agimus, appellatur modo ; reù Basiéws oo (Plat. Eunap. Phot.), modo à otoi sive oraux ! ÿ Basthews (Aris- toph. Aristot. Suid.), modo à Baséews otox (Demosth., Aelian., Aeschin., Poilux), modo Bazews atox (Harpocr., Hesych., Phavor., Bekker., An. Gr. Eustath. D modo otoi ÿ xahouuévn Basile EL xahouuéyn otoù [Bastheuoc (Pau san.). Quam ob rem mirari licet, quod recentiores scriptores scribere solent : Die Sioa Basileios (Leake, Forchhammer, Ross, Wachsmuth, etc.); imo scribi oportet : Die Basileos Stoa vel Die Koenigshalle, die künigliche Halle. Nomine oto% Basduñs Veteres Graecos Regiam Atheniensium Porticum de- notasse, quae est sententia viri docti W. in libro, qui inscribitur Real- Encyclopaedie der class. Alterthumswissenschaft in v. Basic, certis testimoniis probari non potest. Nam quae apud Platonem Charm., init., pag. 155. A leguntur verba : sai dh xai sic ti Taupéou nalaiotpey, tv ratavtwmpo vob Tic Basin ip5 ee, lis Porticum Regiam significari, tum demum pro explorato haberi posset, si aliunde constaret, palestram illam Taureae e regione rñs ro Bandéuws oto% sitam fuisse.

1 Photius, in v. croéy, #2) cdv +5 1 rod, Éxarépas Mycuris.

DE BASILICIS LIBRI IT. 15

2. Regiam Porticum nomen accepisse ab altero Atheniensium archonte, qui fade; appellabatur, et in hac porticu sedebat f, vix in dubium vocari potest, neque ullus invenitur locus apud veteres, qui huic de origine no- minis opinion repugnet. Nam quae Hesychius et post eum Grammat. ap. Bekk. À. Gr., 1, 222, et Phavorinus scribunt : do etoi "AS Bases voa, n 7e deyouém Banihéue Aëg zai à v05 EeuSepiw, ea ex errore nata esse, mox demon- strabimus.

CAPUT Il.

DE NUMERO TON BASIAEION ZTOON APUD ATHENIENSES.

1. Scriptores antiqui consentiunt, unam tantum Athenis fuisse Regiam Porticum. Sed ab üs discedunt Hesychius, si quae apud eum leguntur verba genuina sunt, et Phavorinus, qui sua Hesychio debere videtur, et Grammaticus ap. Bekk. A. Gr., 1, 222, qui Phavorini verba repetit. Et Hesychius quidem in v. Basiheros otox haec habet : di stat A Shmer Basieuor tour, Y TE eyouévn Toù Bashéws Aid rai ÿ Tod "ExeuSeio. Sed facile intelligitur, hunc lo- cum aut errore scriptoris aut peccato librarii mendo laborare. Namque Hesychius, si quae ab omnibus libris manuscriptis exhibentur verba, re- vera scripsit, verbis x te Xsyouém ». r. 2. nullo modo ostendit, do ser ASnvnc Bandai otois. Etenim si probare voluisset, duas Athenis fuisse Regias Por- ticus, necessario etiam duos reges appellare debuit, qui utrique porticui nomen dedissent. Atqui nihil legitur, nisi n re 2eyouém vo5 Basé Aus vai à r95 EjeuSepéu, quibus verbis nihil continetur, quo edoceri possimus, di cu Ave Bardeious avois. Ymo verbis Hesychii nihil aliud probari potest, nisi duas Jovis porticus Athenis fuisse, alteram Jovis regis; alteram Jovis Eleutherii, id quod ille dicere noluit. Quare non temere nobis statuere videmur, si contendimus, Hesychium errasse, quum asseveraret, duas fuisse Atheniensium regias porticus. Cf. interpp. ad h. 1. in ed. Alberti.

1 Paus., I, 3, 1. rpôry êoriy êy deËit xaouuéyy aroù Burineros, Ev0x nañices BariAeüs.

14 DE BASILICIS LIBRI HI.

2. Inquirenti mihi, quomodo fieri potuerit, ut Hesychius in hunc er- rorem incideret, hoc in mentem venit. Hesychius, dum legit Pausaniae, lib. 1, cap. 5, $ 1, de Regia Atheniensium Porticu locum classicum : rer dE éare à Eux aodoouém gro Basidews , Vidit etiam verba, quae apud Pausaniam infra leguntur : évraiSa Eotmxe Zedc ovouakéuevos "EleuSépros xai Basthedc "Adpravèc ée dde doc te Gv FPX® edepyeaias nai Es Thy palota dnoduËduEos Thy "A Snvartoy * Etc rio Der uxodunTau Ypapas Exoua Seodc dde nodouuévous 2. T. À. In quibus verbis haec duo epitheta : ‘EleySépus zai Basdeis male ad eamdem vocem Z«k retulisse atque pro praedicatis Jovis habuisse ideoque inter vocem Bareïs et ‘Adass interpunxisse videtur : in quam interpretationem €0 facilius inci- dere potuit, quum Pollucis ! testimonio constaret, Athenienses Ai rèy Bardéx coluisse. Et quum commemorari videret osv om173ey oxodumuévmy, NO- minis expertem : hanc alteram oreiy nomine +5 ExeSepis denotandam esse arbitratus est, eaque interpretatione inductus pro una porticu duas po- suit.

5. Sed quod libris manuscriptis suadentibus ipsi Hesychio vertimus vitio, fortasse librariis imputandum est. Quod si statuimus, medelam huic loco adhiberi oportet et assentiri Meursio Att. Lectt. VI, 17, qui verba do etar Buster To, n TE Aeyouén to Basdéwe Aus ; noi h Tob "EhevSepiou ita emendawvit : dùo elai ASivnoe atoai, n17e Banueus Deyouén, Ted Bandéwe , nre Auèc tod "EeuSepiov. Qua emendatione Meursius effecit, ut Hesychüi verba cum omnibus scriptori- bus veteribus de numero + Bardetwy atoû Consentiant. |

Eadem autem medicina, quam Hesychio fecit Meursius, adhibenda est Phavorino et Grammatico Bekkeri An. Gr., 1, 222, qui Hesychii locum ita exhibent : Aÿo eist A Sonor BasÜeux otoai, n te vob Aeyouévou Basthéws Auc, xai ÿ toù "EleSpén, ubi optime procedit oratio, si legeris : Ao eiot "ASrynot atout, n TE

Bas iers Tob Aeyouévou Basihéwe, nai n Audc Ted "EhevSepron.

1 Polluc. Onom., VI, 122.

DE BASILICIS LIBRI II. 15

CAPUT II.

DE ORIGINE TH2 BABIAEIOY ZTOAS.

1. Quo tempore Regia Porticus exstructa fuerit, nemo scriptorum veterum memoriae prodidit. Attamen conjicere licet, illam porticum, quam Pausanias descripsit, nisi fortasse post bellum Mithridaticum re- stituta est, certe non prius aedificatam esse, quam, quae a Persis, OI., 75, 1,a. C. N., 480. ambusta sunt, aedificia Athenarum reficerentur. Etenim ea Regia Porticus, quae tempore Solonis Regi Archonti aedificata videtur esse !, haud dubie a Persis funestissimo 1llo Athenarum incendio déleta est. Verisimile autem est, porticum illam simul cum reliquis aedificiis publicis, quae foro Atheniensium decori fuerunt, veluti porticus quae za vocabatur ?, porticus Jovis Eleutherii, curia, aedes Apollinis 799 raxpov 5, et alia, barbaris pulsis, fortasse ex spoliis Persicis #, restitu- tam esse. Quae sententia quum jam per se probabilis sit, tum eo maxime confirmatur , quod cippos ad Regiam Porticum circiter OI., 83, 4, a. C. N., 445, positos esse his Aeliani verbis edocemur (Var., Hist., VI, 1.) : "A Snvaïor tpacroores Xadmdu, vatexAnpolynoa aiT@y Ty iv Es Tecapärovta Ÿ #}npcvs Thv inméBoroy raoyuévny yépav * Teuéun À dviee tn "A Sa év to AdayTo Gyouabouéve Térw * Ti À Dom éutodosey val ras otilas $ ràc TEÈS rn Barere) oTOQ ÉTTMLIAG , cnEp oùv ray DITS OTENY TA dnouyiuaTa ec. Toùs À dypalsrous Eyes vai ÉvraDOa EaffeTay Tèÿ rar XduXsy Sue. Dolendum quidem est, quod Aelianus, quo tempore facta sint, quae narravit, notare omisit, sed conjectura tamen, quae ille reti-

1 Vid. infra cap. V.

2 Vid. Pausan., 1,16, 1, coll. 1, 47, 1. Demosth., 26, $ 23. Ael. V. Æ., VIT, 16.

5 Vid. Tabulam fori atheniensis, tab. 1, fig. 2, 5.

4 Odeum a Themistocle navium malis et antennis e spoliis Persicis pertectum esse narrat Vitru- vius, lib, V, cap. 9, $1.

5 Arzoidious habent Perizonius et Gronov. Praef. ad tom. IV. Thes. Ant. Graec.

5 Haeserunt viri docti in lectione xai rà; arus, quae sane vitio laborare videtur, Itaque correxit Meursius Ate., lect. VI, AT, #arà +; orfnz;, neque ego Meursio assentiri dubito.

16 DE BASILICIS LIBRI HI.

cuit, suppleri videntur posse. Nimirum duplicem contra Chalcidenses susceperunt Athenienses expeditionem, quarum alteram Herodotus, alte- ram Thucydides, Plutarchus et Diodorus Siculus memoriae prodiderunt. Et Herodotus quidem, lib. V, 77, haec habet : The arñc Tadrns muépne oi "ASmvaior diafévres ës Thv Edfow , opfBéhlouar nai voir Xahmdüor : veercavtes dE nai Toûtoug rerpoœourydious wngoiyous Eri Tüv imroforéuy Tn xépn heirovor : oidè imroféreu éxakéovto ci RAYÉES TOY XouXoy : Gaouç D Tautéwy oypnoay , aqua rai Bowräy Éuypnuévout eco y godecen éc médus Oncavres. Xpéve Eluoay oocas duvéus anorunoduevor. Tac d médas arétv, év Thot EdEuTO, AVENCÉUATEN EG TRY ax péroMY. Aïrep EtL Lai êc 77e TEpUEOÜGOL REG UEVOL Ex raté REpIrEpAEUGUÉVEY Tupi dn> toù Mdu vtioy toÿ peyäpou Tob npôs ÉGÉpAY TETpAUUÉ= y». Quem Herodoti locum si cum Aeliani narratione comparaveris, facile intelliges, Aelianum eamdem quidem significasse Atheniensium expedi- tionem , quam Herodotus descripsit, sed plura quam Herodotum narrasse. Jam vero Herodotus rem accuratissime narrat, neque credibile est, eum res, vinculis illis, quae commemoravit, multo graviores, quales sunt cippi ad memoriam locationis conservandam positi, silentio praeteriturum fuisse, si eas cognitas habuisset. Neque credibile est, Herodotum, qui vincula in aere pendentia vidisset, cippos ad regiam porticum, si illo tempore collocati fuissent, non animadvertisse. Hinc consequi videtur, cippos ab Aeliano commemoratos Herodoti tempore nondum positos fuisse, neque locationem agrorum in is commemoratam tunc factam fuisse, sed Aelianum quippe qui plus sexcentis annis post Herodotum flo- ruerit, res, quae diversis temporibus evenissent, commiscuisse, dum nar- raret : Tv homry (y) és w3æ, oi Tac (xata Tac) oThac— eye. Etenim vix du- bitari potest, quin agrorum locatio ab Aeliano commemorata post alteram illam expeditionem ab Atheniensibus contra Chalcidenses susceptam facta fuerit. Scilicet quae Thucydides, lib. 1, 114, extr., scribit : xat "A Smvaïa és Edfouy daffävres epeéous oTparryobvres atestpélavro Täcey nai Tv amy ouceyie zareorioavro, Ectuuñs éEcmicavres aùroi tv ya? ET Yo - Porro quae Plutarchus in vita Periclis, c. 25, habet : ES oûv ent roùc épestôtas toamêuevos rai dans (ITepe- Age) se Eos revrreovra vauai vai revTaucyutous omherouc xatestpébato tas méhec* xa Xomdoy pèy Toïs irrofétas Deyouévoucs mhoëto ai OéEn tapé poyras EEéBode, Ecruusie À

ROTUS AVATTITOS EL Th XOPAS ASyvarouc prévouc HAT et quae Diodorus Siculus,

DE BASILICIS LIBRI III. 17

HbæXII, c: 7, litteris mandavit : Ilepxdñs aipedels atpatnyès EcTpaTEUTE) ET Ty Ed Bou pera duvauens dËtoéyou, xai Thv pèv néky Tay Estuarremy Éoy at xPATOS étumune rod Estrie €x tas rarpidos , ras À addae XATATANÈAUEVOS AVAYAAGE TAY TELIAP{EY "ASmvai , et Cap. 99 : AS Ty Eu Borav AVORTNGÉUEVOL La Tods Ecrtiousis x The Té- Dews ExPodévtes (don amowio Es tv éééreubav Ilephéous oTparmyoivros * yuiouc d oixn- Topas Enréphavtes, Thv Œ nu za TV Op Latex AmEcU NEA , haec omnia aperte docent, Athenienses Chalcidensium quidem Hippobotas ex agris ejecisse, sed ipsos agros sibi non arripuisse, Histiaeenses autem non solum ex urbe et ex agris pepulisse, sed etiam agros eorum Atticis cleruchis divi- sisse. Et causam quoque, eur Hippobotas ex agris ejecerint, indagare licet. Nam quos Athenienses teste Herodoto in agris Hippobotarum reli- querunt cleruchos, eos adventu Persarum a Dario missorum ab Euboea reversos esse, idem Herodotus, lib. V, c. 100, memoriae tradidit; quo facto Hippobotae agros suos recuperasse videntur. Quid autem agro Hip- pobotarum factum sit, id Aelianus verbis significare videtur : z © am éuiswræ , atque cippos ad regiam porticum positos locationis testes fecit. Quod quo tempore factum sit, ex Pausaniae lib. V, c. 25, cognosci potest, ubi haec leguntur : tadras énoioavto À Snvaïor TapaTTNGQUEVOU To debtepoy Ed£a , être TOËTU The Oyurdes, 7 Kpiouy ‘Tuspaïos Éylaa ITA, h. e. OI. ; 85, 5. Cf. Sie- belis, ad h. L. coll. Diod. Sic., XIE, 7 et 22.

Quae quum ita sint, pro certo haberi potest, Regiam Porticum, OI. 85, 4, exstructam jam fuisse. Quam sententiam egregie confirmaret locus epistolarum, quae Aeschinis nomine circumferuntur, modo epistolae illae pro genuinis haberi possent. Ibi enim haec leguntur : Of À péregor mpéyova droùy adto) (ro ILydipo ) Tv Cnpiay drédosm perd Tod eixôv xx To * ra 7 tai de nuAs En mod The Pasdeic oroûs, xaSiuevos évdbpart nai hüpa 0 Iivduooc 1, (ep. #4, $ 5). Quibus verbis significari videtur, statuam Pindari ab Atheniensibus ante Porticum Regiam poeta superstite constitutam esse. Sed Boeckhius ad Pind., IT, 2, p. 18, 19, ostendit, scriptorem falsarium et Aeschinis perso- nam mentitum esse.

2. Quibus hoc unum addere placet, Platonem et Aristophanem primos, quam ipsi vidissent, Regiam Porticum in scriptis suis commemorasse. Et

1 Pindarus diem supremum obiit OI. 80, ?. Cf. Boeckh. ad Pind., If, 2, pag. 45.

Tome XXI.

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18 DE BASILICIS LIBRI II.

Plato quidem tum initio dialogi, cui nomen est Euthyphroni, quique Socrate adhuc superstite conscriptus est !, tum in fine Theaeteti, qui, OL. 96, 5, exaratus videtur esse?, Regiam Porticum commemoravit. Aris- tophanes autem in Ecclesiaz., quae primum datae sunt, O[. 97, 1, a. C. N. 3925, inducit, vers. 685, Praxagoram, Porticus Regiae mentionem fa- cientem.

3. Quamdiu Regia Porticus salva atque incolumis steterit, plane igno- ratur. Si verbis Hesychii et Suidae d stat 'ASima atoat fides haberi posset, concedendum esset, Regiam Porticum Atheniensium horum grammatico- rum tempore, id est exeunte saeculo XI post Christum natum #, adhuc incolumem fuisse. Sed probe notandum est, hos scriptores, quae dede- runt, non raro ex vetustioribus scriptoribus ad verbum expressisse. Quare quod illi adhuc superstes esse dixerunt, tempore illorum tantum scripto- rum, quos grammalici secuti sunt, superstes fuisse existimandum est.

CAPUT IV.

DE SITU THZ BASIAEIOY ZTOAS.

S 1 Virorum doctorum de situ Regiae Porticus sententae.

1. Situm Regiae Porticus qui definire conatur, is uti gravissimam ita dificillimam rem aggreditur. Nam quum permultorum aedificiorum Athe- niensium situm indagare vix possis, nisi quo loco Regia Porticus exstructa fuerit, antea cognoveris, facile apparet, ad subtiliorem antiquarum Athe-

1 Vid. Stallbaum, Proleg. ad Euthyphron., pag. 145 : « Relinquitur ergo, ut (Euthyphro) aut post Socratis condemnationem, aut tempore litis in judicio pendentis consignatus esse putetur. »

? Vid.Stallbaum, Proleq. ad Theaetet., pag. 56, qui paulo post mortem Socratis, neque tamen ante Corinthiacum bellum (O1. 96, 2) conscriptum esse Theaetetum contendit. Cf. etiam Burger. Pro- legom. et annotat. in Theaetetum Plat., pag. 6 et seq., et Ast., Platons Leben u. Schriften, pag. 192.

5 Vid. Wachsmuth, Hellenische Alterthumskunde, Th. 1, pag. 601, ed. 2.

+ Wid. Schoell, Geschichte der Griech. Litteratur, Th. M, pag. 197.

DE BASILICIS LIBRI III. 19

narum cognitionem maximi momenti esse, situm Regiae Porticus quam accuratissime definiri. Difficillimam autem et impeditissimam esse quaes- tionem, vel inde colligas, quod qui eam explicare studuerunt viri docti in diversissimas abierunt sententias. Quarum sententiarum quum nulla ex omni parte mihi satisfecerit, meam qualemcunque opinionem propo- nere et virorum doctorum judiciis submittere liceat. Sed priusquam quid ego sentiam exponam, virorum doctorum sententias recenseri necesse est. Omnes quidem, duce Pausania, [, 5, 1, in eo consentiunt, Regiam Por- ticum in Ceramico urbano sitam fuisse, sed in eo discrepant, quod alii, in his Leake et Rossius !, eam in media via, quae Ceramici urbani pars fuerit, ali, inter hos Forchhammerus ?, eam ad forum, ut videtur, quod et ipsum in Ceramico fuerit, exstructam fuisse existimant. Neque tamen qui consentire videntur, re vera consentiunt. Etenim Leake Ceramicum a porta Dipylo meridiem versus spectasse, eumque pertinuisse usque ad Museum, atque Musarum collem et Areopagum Pnycemque una compre- hendisse dicit, Rossius contra eumdem Ceramicum a porta Dipylo inter ortum brumalem et meridiem spectasse, atque usque ad forum, quod ille in septentrionalibus Acropolis radicibus ponit, pertinuisse existimat. Quae mira virorum doctorum discrepantia inde nata est, quod Pausa- niam, quem in describendis Athenis secuti, alii per aliam portam in urbem intrantem fecerunt 5, ideoque quae ab illo descripta sunt aedificia , eodem quidem, quo apud Pausaniam commemorantur, ordine recensuerunt, sed ali in aliis locis collocata putaverunt. Illud enim dolendum est, quod Pausanias neque portae, per quam Athenas ingressus sit, neque regionum, in quibus fuerint aedificia ab ipso commemorata, appellavit nomina. In- quirendum est igitur, quomodo hanc rem difficillimam expediamus. Nolo autem quas falsas duco virorum doctorum sententias refutare; sed quam ipse ex collatis veterum testimoniis concepi sententiam in medium profe-

1 Leake, Topography of Athens, ed. 2, 4841. London by Rodwell, Germanice Topoyraphie Athens v. W. M. Leake 2. Ausg. Uebersetzt von Baïter und Sauppe. Zürich, 1844. Germanica in- terpretatione usus sum, Ross : Le monument d'Eubulidès. Athen., 1851. Idem invenitur in : Kunstblatt zum Morgenblatte. Tübingen bei Cotta, 1837. 93-96.

2 Forchhammer, Topographie von Athen. Kiel, Schwersche Buchhandl. 1841, pag. D2.

5 Vid. Forchharmmer, Topographie von Athen., pag. 28.

20 DE BASILICIS LIBRI III.

ram ; quam si probare mihi contigerit, contrarias aliorum opiniones satis refutasse videbor !.

$ 1. Mea de situ Regiue Porticus sententia.

1. Equidem, ut paucis sententiam meam complectar et statim in limine disputationis ponam, Regiam Porticum m foro Atheniensium, ante aditum Acropolis sito, et in eo quidem fori angulo, qui inter meridiem et occa- sum solis spectaret, ita collocatam fuisse existimo, ut frons porticus ad forum, hoc est ad septentrionem vergeret, latus autem alterum, occiden- tale dico, ad viam, quae a foro ad Museum duxisse videtur, pertineret, alterum, orientale puta, vicinum esset porticui Jovis Eleutherii, item in foro collocatae ?. Quam sententiam ne quis a Forchhammeri sententia non differre putet, sufficiat hic monuisse, ex illius sententia Regiam Porticum ad orientem solem, vel quod eodem redit, ad Acropolin spectasse. Ut autem justo ordine procedat disputatio, primum demonstrare conabor, Regiam Porticum in foro positam fuisse, deinde cam in eo fori angulo collocatam fuisse, qui inter meridiem et solem occidentem spectaret, postremo , frontem porti- cus ad septentrionem spectasse. |

2. Ac primum quidem, quod dixi, in foro positam fuisse Regiam Porti- cum, id quum aliunde probari ? possit, tum egregie confirmatur duobus ve- terum scriptorum locis, quorum alter est in Pausaniae lib. T, cap. 5, S1. alter in Cornelii Nepotis Vita Timothei, cap. 2, $ 5. Pausaniae verba haec sunt : To ® ywpioy, o Kepaucrés, à pèv cvoua Eye dmd npwoS K:pauo, Audrey d cfa ral Apuodns va robre) deyouévss. Tlourn D sr év la radouuévn çtox Basitews. Et paulo infra : mysiey <ñs otoxs Kévuv Ecrme wa TucSeos vios Kévoysc. Quod dicit Pau- Sanias, ad dextram fuisse Regiam Porticum, apparet, de eo intelligendum esse, qui Ceramicum ingrederetur. Quas autem Pausanias in Ceramico prope Regiam Porticum vidit statuas, easdem in foro collocatas fuisse tes- tatur Cornelius Nepos, cujus haec sunt verba : « Cujus laudis ut memoria

1 Rossii sententia de situ Ceramici satis refutata esse videtur a Forchhammero, Topographie von Athen., pag. 28 et seq.

# Vid. infra, pag. 24. Plat. in Eryr., pag. 400. D. coll. init. ejusd. dialog.

DE BASILICIS LIBRI II. 21

» maneret, Timotheo publice statuam in foro posuerunt, qui honos huic » uni ante hoc tempus contigit, ut quum patri populus statuam posuisset , » filio quoque daret. Sic juxta posita recens filu veterem patris renovavit me- » moriam. » Hinc igitur manifesto apparet, Regiam Porticum, ante quam Cononis et Timothei statuae conspicerentur, ad forum exstructam, atque ipsum forum aliquam partem Ceramici fuisse.

Sequitur jam ut demonstrem, Regiam Porticum in eo angulo fori, qui inter meridiem ac solem occidentem vergeret, conspicuam fuisse. Hoc autem tum satis demonstrasse videbor, si docuero, forum ante Acropolis aditum, hoc est in occidentalibus Acropolis radicibus situm fuisse, atque Pausaniam quippe e Piraeeo venientem, ab occasu solis, et per eam portam, quae inter Pnycem et Museum Acropoli esset opposita, in urbem atque in forum ingressum esse.

Et forum quidem ante Acropolis aditum fuisse, non est, quod multis demonstrem. Nam quod ipsa rei natura postulabat, ut locus ante Acro- polis aditum vacuus relinqueretur, atque agendis rebus publicis destina- retur , vel ut, quod eodem redit, forum existeret, id idoneis scriptorum veterum testimontis probarunt Leake, 1. 1, pag. 157, et Forchhammerus, 1. 1., pag. 57 et seq. Neque Rossius et Ulrichius !, viri ceteroquin rerum Atticarum peritissimi, nobis persuadebunt, forum illud, de quo agimus, in septentrionalibus fere radicibus Acropolis situm fuisse; illud autem lubenter concedimus, Athenis quoque , quemadmodum Romae, serioribus temporibus plura fora fuisse.

Quod si conceditur, forum ab Acropoli occidentem selem versus spec- tasse, jam per se verisimile est, Pausaniam, qui a Piraceo, hoc est ab occidente veniens forum peteret, per eam portam, quae inter Pnycem et Museum ? ex adversum Acropolim sita esset, atque rectissimam in forum viam aperiret, in urbem intrasse. Atque eamdem sententiam con- firmat etiam descriptio viarum, quae ex Athenarum portubus in urbem

ducebant. Nam duas commemoravit Pausanias vias, alteram ex Phalero,

1 Of Duuéyes nai punpa tiney réy ‘Ayvaisy ÿrè Edp. OÙAepryiou. Athen., 1845. ? Portam inter Pnycem et Museum sitam Leake, L. L, pag. 518 (ed. ang. 445). Munychiam, Forchhammerus, L L, pag. 27, recte, ut mihi videtur, Piracam appellavit.

2 DE BASILICIS LIBRI II.

alteram ex Piraeeo, quarum priorem hisce descripsit verbis, lib. T, cap. 1, S> 2'Eote xara Tv odov, Ty €c "ASvas &x Paripou , vaos "Hpas oùTe Supas Exov ul oùTe opogoy e Mapdiéy qasuy arèy éurpñao toy L'ofBpiou. To ayaua To vüy dn xaI@ Méyouorv "Arauévouc éctiy Epyov + x a roëréye o Midre ein As Gnuéves * Cap. 2, S À. EocckSévren & Tv rôw , Ecru Avrérne pymua ‘Auatéys. De altera autem e Piraeeo via haec legun- tur apud eumdem cap. 2), N D : 'Auéyrov x Tepuds, épelria Tüv Ter EoTW, a Kévoy VITE pOY che pos Kvido vaouayias cuéornce Ta yàp Oepustonhéous uetà Thv évayopnow oxcdurSévre Toy Miduy ri tic dpyñs 22SnpÉn Tav rpaoxevte évouatopévoy * Eict rage tac Thy by VOTE, Mvaydpov toù AuonelSouc, nai pviua Edanidtu uevéy. K 4 : EiskSévruv di ée cn né, cxodumua és Taparueury éoTL TOY TOUR, ac TÉUMOVOL, TA LÈV dv räy Etoc, tas na XPÉVoY Xaheërovtes * xai TAmoioy vaës Eote Aruyrpoc * éyouara À arr re voi h maïe, va) Oada Eyuv Tauyes * yéypanteu d ëni to Toys ypaupaow 'Arteie , Epya ele ITpaËirédouc * toÿ vacb réppu Ilosady ect o Érnov , pu dois Ent yéyaura To Bwrry, és © Koss à pÜQos rep This ahpas Eye tüs Xekéyns To ériypauuæ To ep AUÔY Thy Elxdva ae» diduor vai Tlosaudüu. Étoai ou and Tüv mAGy éç toy Kepapemoy, xal einéveg mpd aray jade ua yovarGy nai d&vopay, Gong TE ÜTAPXEV GY TI Aéyos éç day nt. À. Utram viam Pausanias sibi elegerit, vix dubitart potest. Nam quum id maxime ageret, ut res memoria dignas conspiceret conspectasque litteris manda- ret, necessario eam sibi eligere debebat viam, in qua plurimae res in- signes cernerentur. Atqui ex illis ipsis verbis, quae supra adscripsi, intel- ligitur, posteriorem multo pluribus rebus quam priorem insignem fuisse. Accedit quod Pausanias ejusdem viae descriptioni statim subjunxit ipsius urbis descriptionem, quod haud dubie non fecisset, si ipse per alteram viam ad urbem accessisset. Neque dubito, quin illa via, qua usus videtur esse Pausanias, fuerit celeberrima illa guaërrés 1, via lapidibus strata, quae olim intra longos muros ab Athenis Munychiam et in portus huic urbi adjacentes ducebat. Hoc enim inde apparet, quod Pausanias dicit : éué- ro dE x Ilesoouds épeimux rüv reyüv Ecru, à Kévuy avéornoe, ». v. À. Et paulo infra : aigu dE Téqu xara ty odov yvopuétara x. tr. }. Etenim Cornelius Nepos in Vita Themistoclis, cap. 6, $ 5, narrat : Athenarum muros impulsu Themisto- clis ita exstructos esse ab Atheniensibus, ut nulli loco pepercerint, sive

1 Vid. Forchhammer, Topographie von Athen., pag. 24 et 95.

DE BASILICIS LIBRI II. 25

sacer, sive profanus, sive privatus fuerit, sive publicus. Quo factum est, inquit Cornelius, ut Atheniensium muri e sacellis sepulcrisque constarent. Eo- dem autem loco, quo Themistocles muros exstruxerat, eos refecit Conon, Cf. Corn. Nep., Conon., cap. 4, $5, et quos ibi laudat Bosius. Itaque quae Pausanias de sua via scripsit, optime quadrant in viam illam longis muris rmunitam. Concedamus quidem, praeter hanc longorum murorum viam Pausaniae temporibus etiam alteram fuisse, quae extra longum murum septentrionalem e Piraeo ad urbem duceret !; sed quum Pausanias, qui commemorata e Phalero via a meridie ad septentrionem pergit, praeter proximam viam ad ruinas longorum murorum alteram ulteriorem non commemoraverit, causa nulla in promptu est, cur existimemus, Pausaniam neglecta hac via celeberrima, alteram, quae post hanc fuerit, ingressum esse. Etenim quam Leake? proposuit sententiam, viam intra longos muros propter paludosam loci naturam Pausaniae tempore jam desertam fuisse, eam vel ideo amplecti non possum quia veterum testimoniis nullo modo corroborata est.

Quod si recte statuimus, Pausaniam intra longos muros ad urbem ac- cessisse, sponte apparet, eum per illam portam in urbem intravisse, quae in fine longorum murorum atque e regione Acropolis fuit. Nam longos muros recta Acropolin versus spectasse constat 5. Atque duo addam argu- menta, quibus res per se probabilis multo etiam probabilior reddi videa- tur. Et prius quidem argumentum eo nititur, quod Pausanias nomen por- tae, per quam in urbem profectus est, adnotare omisit. Nam si per eam portam intravit, qua solebant intrare, qui intra longos muros ad urbem venissent, non erat, quod portae nomen adjiceret, quippe quod neminem fugeret. Contra si per aliam portam introivisset, haud dubie appellare de- bebat portam , quae per se intelligi non posset. Alterum argumentum , quo sententia mea stabiliri videtur, petitum est ex extremis verbis ejus loci, quem supra Pausania exscripsi : otoai eiouy amd toy nu] Gy éç Toy Kepauerxéy, ai civéyes Tpè adr@v vai puy ». +. ). Quibus verbis ea via describi videtur, qua

1 Vid. Leake, Topographie Athens, pag. 171 (ed. ang. 234 et seq.)

2 Topograph. von Athen, pag. 169 (ed. ang. 251). 5 Vid. Leake, Topograp. Athens, pag. 168 et 298 (ed. ang. 231 et 418).

24 DE BASILICIS LIBRI IL

Pausanias inde a porta usque ad forum progressus est. Nam illud pro certo haberi potest, verbis àré +& ra ! non aliam portam significari, nisi eam, per quam ipse ingressus sit, neque vocabulum xecauerés hoc loco aliter atque supra, cap. 5, & 1, hoc est de foro dici, ut, quae hoc loco commemorantur srex et exe, inter portam et forum collocatae fuisse pu- tandae sint. Hoc autem si concedimus, apparet, eam viam, qua Pausanias intra portam per urbem progressus sit, eodem quo longos muros, vel illam viam, qua extra portam ad urbem accessisset, spectasse, atque utramque viae partem recta ad forum atque ad Acropolin duxisse. Unde simul et hoc efficitur, portam, per quam Pausanias in urbem ingressus sit, non aliam cogitari posse, nisi illam, quae medium teneret locum inter Pnycem et Museum.

Quae quum ita sint, recte statuere videmur, Pausaniam ab occidente sole in forum intrasse, neque negari poterit, Regiam Porticum, quae in- gresso in forum primo loco ad dextram , id est meridiem versus sita esset, in eo fori angulo positam fuisse, qui inter meridiem et solem occidentem spectaret. Quod autem dixi, Porticum Regiam in fori angulo, vel quod eodem redit, in margine fori positam fuisse, id examinato aedificiorum, quae Regiae Porticui vicina fuerunt, situ paulo uberius explicare studebo.

Nimirum duae fuisse dicuntur aedificiorum series, quae e diversis parti- bus Regiae Porticui adjacerent, vid. tab. E, fig. 2, quaeque quorsum spectave- rint eum accurate perspexisse oportet, qui de Regiae Porticus situ subtilius judicare velit. In priori quidem aedificiorum serie primo loco post Regiam Porticum commemoratur porticus Jovis Eleutherü. Etsi enim Pausanias ejus porticus, quam post Regiam appellavit, nomen addere omisit, tamen quam porticum significet, dubitari non potest. Nam quod ipse Pausanias ante hanc porticum statuam Jovis Eleutherii positam fuisse dicit, porro , quae Harpocration et Suidas ? de Porticu Regia et porticu Jovis Eleutherii juxta se positis scripserunt , denique, quae Eustathius ? adnotavit de utriusque

1 Vocabulum +221 plurali numero saepe de una porta usurpatur praeeunte Homero, Cf. Lehrs, De Aristarchi studiis, pag. 129 et seq. Sic rapzixai ram, Plutarch. Thes., 27 et ravxix} rÜM4, Plutarch. Sull., 44, promiscue dicuntur, neque irénat rÜnæ, Opiériti rÜhei 2. +. À. aliter dicuntur.

? Vid. supra, cap. 1,1, pag. 12.

DE BASILICIS LIBRI III. 25

porticus vicinitate, ea omnia manifesto docent, porticum illam a Pausania commemoratam nullam aliam fuisse, nisi rnv ro5 EeuSepiou Aws otcay !. Ean- demque porticum ad forum fuisse etiam Plato testatur, quum Socratem in porticu Jovis Eleutherii versantem ita loquentem fecerit : ét ne ASrwmat ToùTwy Tüv AY, Tv Év TA &yopa KEXTNILEVOS ein ka Tahayta ataIuéy 4. T. À. vid. Eryx., pag. 400. D. coll., init. ejusdem dialogi. À porticu Jovis Eleutherii Pau- sanias ad aedem Apollinis +5 Harpow, deinde ad pyrpès Se iepé ?, porro ad Boeuripuos rüv revranost, denique ad 64 perrexit, quaeomnia eodem ordine, quo enumerantur collocata videntur fuisse 5. Praeter ipsa autem aedificia, et res quas in iis vidisset memorabiles etiam quas ante ea animadvertisset statuas Pausanias commemoravit. Atque in his statuis memoravit etiam Har- modii et Aristogitonis simulacra, quorum commemoratione optime nostrae rei prospexit. Nam quum Harmodhii et Aristogitonis statuas in foro sub aede Victoriae #, quae in Acropolis Propylaeis exstructa esset, positas fuisse cons- tet, Pausanias tisdem statuis accuratissime significavit locum , quo vergeret illa, de qua nune agimus, aedificiorum series. Apparet enim eam in dextro fori latere a Regia Porticu, hoc est ab occidentali fori introitu orientem versus usque ad Harmodii et Aristogitonis statuas, vel si malis, ad Acro- polis viciniam pertinuisse. Cui sententiae confirmandae inserviunt etiam , quae Arrianus, De exp. Alex., IE, 16, habet : ‘Appodio ai Apusroyeltoyes you elndves —voy sevtou AS à Kspauerec 7 avquEy é ? AUTANT LED bousta To Mrtpon.

Alteram aedificiorum seriem, quam Regiae Porticui adjunctam fuisse

1 Cf. Sicbelis. ad Pausan., lib. 1, 3.

2 Apud Aeschin., c. Ctesiph., pag. 576 R., haec aedes appellatur Myroso * &y Myrpgo rapà Bovreurpros.

5 Forchhammer, Topographie von Athen , pag. 35, putat Myrpücy et quae sequerentur aedi- ficia templo Apollinis vicina non fuisse, in quem errorem propterea incidit, quod supra male con- tenderat, Pausaniam in Ceramicum ingressum ad dextram se convertisse, atque meridiem versus perrexisse. Neque dubito, quin vir doctissimus, qui de multis Athenarum locis verissime atque acutissime judicavit, suam de foro Athenarum sententiam ipse improbaturus sit, ubi perpenderit, quam sibi finxerit fori formam, elegantiae et pulchritudinis, quam Graeci imprimis spectarent, legibus parum accommodatam fuisse.

# Nid. Leake, Topogr. of Athens, pag. A57 et seq. (ed. ang. 215 extr.)

5 Hoc est &; éxpéron, Cf. Thucyd., HE, 15.

Tome XXI. 4

26 DE BASILICIS LIBRI ILE.

dixi, Pausanias his verbis indicavit, Hb. 1, 14, : ürèp d rov Kepouerxoy xai avoëv Tav xaouuévny (asieucy vaës Eat Hoaistou —rAnsio iepéy éatuy ’Agpodirns Oùpariag. Nimirum commemoratis, quas recta via orientem versus invenerat, rebus insignibus Pausanias in eandem Ceramici partem, unde egressus erat, hoc est ad Regiam Portieum rediit, seque ad meridiem convertit, ut quae in hac regione post illam porticum essent memoratu digna deinceps recen- seret. Quam ob rem his verbis usus est : ürèp d roy Kepauerèy noi thv otoëv Thv xadoupéymy Casier vais éorw Hgaisro « supra Ceramicum et quidem supra Re- giam Porticum est Vulcani aedes. » Quibus verbis haec duo comprobari videntur, primum, Regiam Porticum in fine Ceramici exstructam fuisse, deinde, viam e foro in occidentali Regiae Porticus latere ad meridiem duxisse, qua ad aedes Vulcani atque Veneris perveniri posset. Quae omnia si vere disputata sunt, recte habent, quae supra contendi, Regiam Porti- cum in eo fori angulo sitam fuisse, qui inter meridiem atque solem occi- dentem spectaret.

9. Superest, ut doceamus, Regiae Porticus frontem ad forum, hoc est septentrionem versus spectasse. Quam séntentiam jam per se credibilem confirmant etiam statuae, quae in tecto porticus positae fuisse dicuntur, Scironis a Theseo in mare praecipitati atque Hemerae Cephalum ferentis. Cujus rei testimonium exstat apud Pausaniam, lib. 1, 5, 1, his verbis expressum : Tadrns Eneot To xepou | tic otoûc dyahuata énts yhs, aqueis Onseds éc Salasca Exsipuva roi gépoua Huépa Képaoy. Quae staiuae quid significent, expli- care studuit Panofka in libro, qui inscribitur : Der Tod des Skiron und Pa- troclus, ei Vasenbild des Künigl. Museums. Altenburg b. Helbig, 1858 (Ber- lin, 1856). Qui vir doctus statuit, pag. 15, Hemeram Cephalum ferentem, atque in mare se praccipitaturam (hoc enim suspicatur duce Strabone , lib. X, pag. 452), significare diem vesperascentem, Scironem autem noctur- num daemonem, pag. 12, a Theseo, hoc est a sole oriente, victum, de- notare noctem decedentem, vel ut brevius dicam, Hemeram significare solem occidentem, Scironem lucem crientem. In qua disputatione quam- vis multa docte et vere observata sint, tamen ipsa statuarum explicatio

1 Bekker LPS / PR FCO , - y nn Bekker., À. Gr., I, pag. 47, 9, #épauos de Yuets rdv êri rod orénou:, et pag. 271, xépaus:, 27205

TAVTA TA KEPAUIL, LEpAguie ox rai rhiyhoi.

DE BASILICIS LIBRI IL. 27

mihi quidem non satis probabilis videtur. Etenim Hemeram alias Auro- ram, quae Cephalum, id est Luciferum ceperit, vesperam denotare non posse, vel inde colligi potest, quod Hemera, vel dempta imagine, lux, ubi ita increvit, ut Luciferum, stellam illam notissimam, ceperit vel de- tracta imagine, ut stella palluerit, nil efficit, nisi multum diem. Atque ve- teres eundem, quem exposuimus, sensum huic fabulae subesse voluerunt, qui, quum Phaëthontem Hemerae et Cephali filium esse dicerent, nihil aliud indicare voluerunt, nisi hoc : post auroram et luciferum solem oriri. Phaëthon enim solem significat, Cf. Creuzer Symbolik u. Mythologie, vol. II, pag. 462, n. 258, ed. 2. Atque ipsum etiam Pausaniam fabulam eodem modo interpretatum esse, neque dubitasse, quin Hemera in Regia Porticu posita lucem orientem denotaret, inde apparet, quod Phaëthontem ex Hemera à Cephalo natum esse ait. Quae si recte habent, Sciro noctem non diem significet necesse est. Neque obstat huic explicationi, quod Sciro a Theseo in mare praecipitatur. Fheseus enim, quemadmodum omnis ge- neris {yrannos superavit, ita etiam Scironem, hominem, ut fabulae tra- dant, crudelissimum 1 hostemque generis humani perdomuisse dicitur, quae res nonnullis monumentis antiquis, veluti metopa aliqua templi Thesei etiamnum Athenis superstite ? nobilitata est. Ttaque facile fieri po- tuit, ut quum Scironis imago in tecto Regiae Porticus repraesentanda esset, Athenienses praeter illum etiam Theseum, Scironis domitorem for- tissimum patriaeque defensorem meritissimum, repraesentari vellent. Id- que potuit eo facilius fieri, quod Sciro vix alia nota melius agnosci posset, quam adjuncta Thesei imagine, quodque ipsa statuarum concinnitas pos- tulare videretur, ut quemadmodum in priore ita etiam in altera statua par hominum conspiceretur. Itaque non est, quod vel Hemeram in mare praecipitaturam fingamus, vel Theseum hoc loco solem denotare creda- mus. Quae si recte exposuimus, jure contendere nobis videmur, Hemeram Cephalum ferentem lucis orientis, Scironem diei vesperascentis imaginem fuisse. Quae imagines ut recte intelligi possent, ita haud dubie ab Atheniensibus collocatae sunt, ut earum positio coeli plagis, in quibus sol aut oriretur,

1 Vid, Pausan., lib. f, cap. 44, $ 12. 2 Vide Panofka, Der Tod des Sciron und des Patroclus, pag. 1.

28 DE BASILICIS LIBRI HT.

aut occideret, non repugnaret. Quam ob rem existimare licet, Scironem in ea tecti versura, quae occidentem versus spectaret, Hemeram in illa, quae ad orientem vergeret, positam fuisse. Neque nos falli ipse Pausanias testari videtur, qui quum ab occidente ad orientem per forum procederet, priore loco Scironem posteriore Hemeram se conspexisse scribit. Atque ex hac statuarum collocatione sequitur, frontem Porticus ad forum spec- tasse. Nam quae decoris causa aedibus imponuntur, ea in anteriore parte, quo facilius ab hominibus conspiciantur , collocari consentaneum est. Quae cum ita sint, non multum a vero aberrasse mihi videor, si Athe- narum forum, quem ad modum in tabula [ fig. 2 descriptum est, ita

comparatum fuisse credam.

CAPUT V.

DE USU THE BASIAEIOY STOAS.

S & De quadruplici Regiae Porticus usu.

Mirum fortasse alicui videatur, quod de usu Regiae Porticus priusquam de ejus forma agere mihi proposui. Sed quum de forma ejus per pauca tantum memoriae prodita sint, nonnulla autem conjici possint ex iis, quae usus postulasse videatur, non male versari mihi videor, si quae aliqua ex parte ad formam porticus definiendam facere possint, undique collegero, priusquam eam ipsam describere incipiam.

Quae de usu hujus porticus disputaverunt viri docti, Archontem regem in ea causas ad se pertinentes cognovisse, id licet verum sit, tamen ex parte tantum imdicat, quibus rebus haec porticus inservierit. Equidem quadruplicem Regiae Porticus usum fuisse arbitror : primum, Archontem regem 1h consedisse, ibique munere suo functum esse, deinde leges cippis inscrip- tas ibi collocatas fuisse, tum Areopagitas et, ni fallor, Eumolpidas ii nonnun-

quam judicia exercuisse, denique , publicas epulas interdum ibi celebratas esse.

DE BASILICIS LIBRI IL. 29

$ 1. De rege in Regia Porticu munere suo fungente.

1. Et primum quidem quod dixi, Archontem regem ibi consedisse ?, ibique munere suo functum esse ?, id non solum porticus nomen osten- dere videtur, sed etiam Pausanias docet, lib. F1, cap. 5, $ Ÿ : most & eorw é dia xaouuévn otox (faste, Eva rater Basdeds Evonciar apyu GRAN) RacUpEVNv Basüetay. Attamen quae scripsit Pausanias ëv9a xaditer Bondeds énasier apyv &pgf, non satis declarant, quomodo rex porticu, de qua agimus , usus sit, neque poterit de hac re recte accurateque judicari, nisi qualis fuerit regis äpyñ antea cognoverimus. Îtaque de ejus officiis quicquid à veteribus ac- cepimus, in medium afferamus.

2. Qui Basei: 5 vocabatur apud Athenienses magistratus, is alter fuit archon, cui quae injuncta fuerint officia , ab hisce scriptoribus hisce verbis eparrantur. Pollux., VII, 9, 5 : O d Baseds puotnpiuy npoéotues pera Tüv émue- MnTo, nai Apaicy nai dyGVwY TV ET autant xoù TUs TEPl TAG TaTpIoUS Suoras dornst. Aion Tpos avroy daypovoytou aefetas, is po , apour(BnTicens xai TOÏs yévEoL Ha Tois ispois (leg. ispeüme ) Täouy alto dxdbe Ka TA Tod ôvou dinas els "A peroy Ty Elçdyet, ai Tèy

GTÉpaycy 4 dmodépevos aûtoïs Qrabe * IIpoæyopeuer toïs éy aitia ATÉYETIA PuGTNp NY ka!

1 Regem ante Solonem apud Bucoleum, ut videtur in Basileo, sedisse, testantur Suidas in voce aps et Gramm. in Bekker. À. G., 1, pag. 449, his verbis usi : potes dE évréa tirés * Ououobéren ÊE, apyov, Baciheus, mohéuapyos * #4 mpè pèv To Dshowvos vouoy oùx ÉËyy adrofs qua dixÂber”, GhN 6 uèy Bacireds xu0ÿoro rapà r@ xahouwéye BouxoAeio (Bekker, Bouxcais), #2 mhyrioy vob Ilouravelou #. x. 2. Post Solonem autem, quum nulla alia sedes regis commemoretur, nisi Regia Porticus, non male statuere videmur, si existimamus, archonti regi Solonis tempore porticum, qua uteretur, ex- structam, basileum vero +4; buroBaredm traditum fuisse. Namque Pollux, lib. VIN, cap. 111, quum seribit, oi puAoBaoinets &E Eguonridéy évres, méliora Ty iepoy ÉTEMEMODITO, GUVEMOEUOYTES ËV TO Basiheio rapè Bouxéhewy, manifesto declarat, roùs quroBuoints y t@ Barineio mapà Bouxchenry consedisse.

2 Archontes munere suo fungentes myrtis coronatos fuisse, testantur Pollux, VII, 9, 3, extr. (époprrec) musfioy Éorepusobyro, et 10, 69, rod rÿ2 Tpéreur pépoyros, ÿ Emfoay vois doyouviy ui pubbive. Hesych. inv. wuppos: dix rodç Gpyevras ras mubpivas orépeabæ. Schol. ad Aristoph. Vesp., 861 : Muéivais yap ÉcTEwayobyTo ci ApOYTES.

5 De origine hujus magistratus egerunt Demosth., c. Neaer., pag. 1370, 15, R., Arist., Polit., VI, 5, 41. Ceterum vid. Poll., VII, 9, 4. Hesych., in voc, Barnes. Suid. in voc. äpycr. Schol. ad Aristoph. Acharn. 1224. Eustath. ad Odyss., 1, 398. Bekker., An. Gr., 1, 219, et quae de eo scripserunt Meyer et Schümann : Attischer Process, pag. AT et seq.

4 Vid. not. 2, supra.

30 DE BASILICIS LIBRI III.

rûy ay VOL , dinater nai TAs TOY aduyov dxas. Eadem fere inveniuntur apud Gramm. Bekk., An. gr., 1, pag. 219; Coll., pag. 510, nisi quod ibi addi- tur : dxafer rai toi iepebat Tac apouBntisets Tas UTEP TAY yEpav. Quibus etiam addenda sunt, quae Lysias c. And., pag. 105, 28 (pag. 195 R.) dixit de Andocide, si quando rex eligeretur : "Ado te nomset n ÜTÈP HUÔY Suctaset ai EUYAS evEsTou at rarpua; Ta uèv éy too Sa Eleuowie , ta &v ro Elevoin iepo, nai vhs éoprhs émuehraete pusrneios , cmus av undtis ddr , und sel mepi iepi. Denique non praetereun- dum est Scholion ad Aristoph., Acharn., v. 1224, ubi ad verba Aristo- phanis rod écruw © (Basuheds ; haec adnotantur : Ag ds pa Thy érmuéhery © [Buriedc eye (rns au ne To5 4065) ai vo aShov Edidou TO vigavtr, Toy aoxôy * à À Based Gp tie Ésri * pu mal TOY puornpioy EmuenTis T@v Tour xal Tüv Juoudy À mpxe. Qui scripiores omnes in eo consentiunt, æpgoyta Bardéa non solum, id quod prae caeteris viri doctissimi docere volunt, judicis munere functum esse, sed etiam, quod majoris etiam momenti fuisse videtur, Mysteriorum Eleusiniorum, fes- torum Dionysiorum atque Lenaeorum, et, qui simul celebrari solebant, ludorum publicorum curam habuisse. Quae omnia quot et quanta negotia regi exhi- buerint, ut accuratius perspiciamus, singula jam pertractemus. Id enim ad usum fegiae Porticus cognoscendum ideo multum facere putamus, quod verisimillimum esse videtur, regem, quae ad res sacras rite parandas cele- brandasque atque ad judicia recte exercenda ipsi visa essent necessaria, ea in sede sua vel ipsum parasse, vel aliis paranda atque curanda ibi mandassef, Opinamur enim, regem Regia Porticu eodem modo usum esse, quo hodie magistratus uti solent cellis suis, in quibus muneribus atque negotiis suis vacent, eamque Porticum haberi posse pro regis sede publica et forensi (lofjicialité, la chancellerie, nie Cancezzer, ExPEprrion pes Arcnon Koenie).

5. Ac primum quidem, quas rex curasse a Polluce dicitur res sacras, Mysteria Eleusinia, festa Dionysia atque Lenaea, sacra patria, et quos simul cum Eleusiniis et Dionysiis celebrare solebant, ludos atque pom- pas solennes breviter recenseamus, non ïita quidem, ut qualia illa fuerint, exponamus, quum qui scire velit adire possit Mülleri ?, Boec-

1 Vid. Pausau., F, 5, 1, supra pag. 29. ? Müller (Petrus Erasmus) De disciplina arcana in libro : De hierarchia et studio vitae asceti- cae in sacris el mysteriis Graecorum Romanorumque latentibus.

DE BASILICIS LIBRI II. 31

khii ?, Wachsmuthii ? atque Lobecküi 5 libros, sed ut demonstremus, qui labores regi exinde nati sint.

Et Eleusiniis quidem Mysteriis, quae primo loco commemorantur et majoribus et minoribus, quantam operam rex impendere debuerit, vel inde conjici poterit, quod plurimi cives Athenienses et multi etiam pere- grini üs initiari solebant #, quod permulti et magistratus et pontifices et ministri in iis agendis occupati erant®, denique quod per novem dies quotannis partim Athenis partim Eleusine celebrabantur 6. Etsi enim con- cedendum est, regem in ordinandis festis Eleusiniis ab éryeyreis, in cele- brandis tuendisque mysteriis a pontificibus atque ministris adjutum esse, tamen negari non potest, etiam illi ipsi satis laboris negotiique relictum esse, quippe qui curare debuerit, non solum, ut qui indigni viderentur, a mysteriis arcerentur 7 et quae facienda essent sacra, rite pararentur at- que fierent, quaeque ducendae essent pompae recte ordinarentur, denique qui dandi essent ludi, ordine celebrarentur, sed etiam , uti quae ita parata essent fierentque, ne perturbarentur ab impiis, aut si qui perturbare ausi essent, ne impune discederent. Nam quum haec omnia fieri non possent, nisi antea rex mandasset, quae fieri, et a quibus, et quonam modo debe- rent, sponte apparet, multos homines a rege mandata accepisse, eidemque de rebus peractis rationem reddere debuisse. Quae omnia recte atque justo ordine procedere vix potuissent , nisi loco atque hora consueta regem adire licuisset , vel quod eodem redit, nisi rex certis temporibus munere suo fungens in Por- ticu Regia consedisset , (xaSt6er Bariheds énaucion ap4sy apyrv).

4. Quam sententiam etiam magis confirmare videntur illa, quae de Dionysiis $ atque Lenaeis festis narrantur. Nam quae in honorem Dionysii

1 Boeckh., Staatshaushalt. der Athener, #, pag. 224 et seq. 2 Wachsmuth, Hellenische Alterthumskunde, vol. I, 2, complur. locis. 5 Lobeck, Aglaophamus, bb. F, & 15 et seqq., et $ 23 ec seqq. 4 Vid. Müller, L. L., pag. 149. Lobeck, Aglaopham., 1, $5, et quos ille laudat seriptores veteres. Vid. Pollue., F1, 35.

6 Yid. Wacbsmuth., Hellen. Alterthumsk., M, 2, pag. 138, ed. 1, pag. 485, ed. 2.

7 Vid. Pollue., VIN, 9,5, xpozcpcdc-vouiuur, supra pag. 29 sq.

8 Vid. Wachsmuth., Hellen. Alterthumsk., W, 2, pag. 415 et seq.ed. 1, pag. 486, ed. 2. Boeckh. Staatshaushalt. der Athen., W, pag. 170,476, 259 et quos illi laudant.

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32 DE BASILICIS LIBRI HI.

celebrabantur festa, licet non sanctiora essent, at majora tamen, hilariora atque laetiora Mysteriis Eleusiniis fuisse constat. Quaecumque enim Athe- nis instituerentur jocosa certamina, veluti qua +95 yoës ! et quicumque ibi- dem celebrarentur ludi scenici, eos omnes festis Dionysiis institutos esse, omnes sciunt harum rerum periti. Atque maximos sumptus ab Athenien- sibus in hos ludos impensos esse, satis constat. Etenim Demosthenes, in Phil., 1, pag. 50,3, conqueritur quod Athenienses in illis solemnibus in honorem Dionysii tantum impenderent, quantum vix in classem compa- randam solerent, atque auctor libri De gloria Athen., cap. IV, narrat, specta- cula ab Atheniensibus data multo pluris stetisse, quam omnia bella contra barbaros ad libertatem vindicandam suscepta ?. Non igitur mirum est, in celebrandis Dionysiis Lenaeisque etiam plures homines occupatos fuisses quam in Mysteriis Eleusiniis rite peragendis ; neque errare videmur, si regem eorum quoque negotiorum, quae e Dionysiis nascerentur, partem maximam eandem ob causam, quam supra attulimus, in Porticu Regia exsecutum esse credamus.

Quibus probatis atque concessis, non est, quod de Jaurahoreis dyäa Sive de Jauradcoutas 4 quibus rex praeerat, et de r& TATGiDY iEpGy dora pluribus disseram. Nam quae inde manabant negotia minoris momenti fuerunt , quam quae ex mysteriis Eleusiniis et Dionysiis festis celebrandis orieban- tur. Neque tamen dubium esse videtur, quin haec quoque sacra atque spectacula publica, quantum ejus fieri posset, a rege in Porticu Regia pa- rata et administrata fuerint. Itaque Regiam Porticum publicam ejus sedem fuisse jure nostro supra statuisse videmur.

5. Atque eandem sententiam postremo loco etiam illa comprobare vi- dentur, quae de Archonte rege judicium in Porticu Regia exercente ÿ

1 Vid. Schol. ad Aristoph. Acharn., 1224. 961. 1076. Equit., 95. Harpocrat., in v. yes, mÜrez. Athen., X, 457 B. Wachsmuth, Hellenische Alterthumsk., I, 2, pag. 225, ed. 1 ; pag. 580, ed. 2. Boeckh., Staatshaushalt. der Athen., X, pag. 107.

2 Vid. Boeckh., Staatsh. der Athen., 1, pag. 295 et seq.

5 Vid. Strabon, X, 468. Creuzer Symbolik u. Mythologie, M, pag. 189. Wachsmuth., Hellen. Alterthumsk., , 2, pag. 500 et seq. ed. 1; pag. 578, ed. 2.

4 Vid. Schol. ad Aristoph. Ran., 131.

5 De rege judice optime disseruerunt Meyer et Schoemann Der Attische Process., pag. 47 sqq.

DE BASILICIS LIBRI IL. 33

narrantur. Nam Atheniensium hune morem fuisse, ut qui rebus quibus- dam praeessent, iidem aut ipsi punirent aut puniendos curarent eos, qui in illis ipsis rebus aliquid deliquissent atque peccassent, praeter alios do- cuit Platnerus in libro qui inscribitur : Der Process bei den Attikern, 4, 1, cap. 2, S2, pag. 25 et 24. Ita factum est, ut ad Archontem regem, quippe qui rebus sacris pracesset, omnes pertinerent causae et publicae et priva- tae, quae aut e sacris violatis, aut e controversiis inter eos, qui res sacras curarent, ortis, aut denique e noxis ab inanimatis rebus ! allatis natae essent. Quas causas qui accurate cognoscere cupit, videat Pollucis locum supra pag. 29 allatum (VITE, 9, 5), et imprimis quae optime de hac re exposuerunt Meyer et Schoemann in egregio libro, qui inscribitur : Der attische Process, pag. 500 et pag. ATI et seq.

Quibus in causis rex non ita versatus est, ut ipse sententiam de reis ferret (quamquam Pollucem in hac sententia fuisse colligas ex ejus verbis aros duita), Sed potius ita, ut sententiam a judicibus ferendam curaret. Etenim quae apud Athenienses vigebant judicia, drasripux, ita comparata fuerunt, ut qui judicio praeesset archon (eur dxasrapio 2) res ad se de- latas cognosceret, cognitasque ad dijudicandum proponeret judicibus (+ duurræs) sententiam ferentibus. Quae omnia ut recte procederent, hoc fere ordine gerenda erant5. Ac primum quidem archon reum, cujus nomen ad se delatum esset #, ad sedem suam vocabat ÿ vocatumque lege interroga- bat, deinde rem vel jure jurando, vel si videretur, tormentis adhibitis, quaerebat atque cognoscebat, cognitamque litteris diligenter mandandam

1 Pausan., I, 28, 10. T2 & Ilpuraveto #2ho0uevos | dixasrppuor |, L'0a TO oidpw nel moi? polos Tois

cc, Tôte rpéoroy, Bou ÉXTEIVEY

Abümois dikégourir, ri rude apEarhai vouléc. 'Abyuaioy Barinedcyros Eoey

0 Gouvéyos êr) Tob Bouob roù IloAiéos Auds. Kai 9 jèy Gmohir@y TaÜTy TÉRERU) GTYADEY ËX Ts HOPAS

guy, 6 rÉdErvs rapaurina doeigy 4piSeic, ka ÊG Tôde dy my ÉTOS xpivETI.

2 Vid. Harpocrat. et Suid, in v. #pepcvix dimarryplou.

5 Vid. Meyer et Schoemann, L. L. IV, Vom Processgange Wachsmuth, L. L IN, 1, pag. 540. ed. 1; pag. 258, ed. 2. Harpocrat., yeucvie dixaorypiou.

4 Cf.Plat. Euthyphr. init. Ti vebrepor, Sérpures, pépever, GT rès dy Auxélo xara Mr à diatpidus, ESA de 99 diarpideig répi ty Toù Bariécs arody; vÉp mou #4 oi dixy Tic odTa Tuyyéve mpès Tèy Bariéa, Gvrep êusi; Euthyphro patris nomen delaturus erat.

5 Plat. (Theact. extr.) Socratem ita loquentem fecit : ÿ pès drarrytéos po tie rh rod Baoi- Dos oroùy èmi Ty Tob Mehprou ypapÿy , #9 ME vÉnpaT ru.

Towe XXI. 5

54 DE BASILICIS LIBRI I.

curabat !; tum hos causae libellos, sive ut nos dicere solemus, acta fori, in cista, quae éyivos ? vocabatur, reponi, eamque cistam vinculis impositis diligenter clausam in sede sua, & 75 äpys asservari jubebat. Quibus om- nibus rite peractis cista cum libellis die judicii in illum locum (judicium dvarcieur) deferebatur, ubi sententia ferenda esset, deinde res ex libellis per scribam eum judicibus communicabatur, postremo reo orationibus ad clepsydram 5 habitis et accusato et defenso, sententia a judicibus lapillis in urnam conjectis ferebatur. Qua sententia reus, si absolutus esset, dimit- tebatur, sin damnatus Undecimviris poenam daturus tradebatur. Unde satis apparere videtur, archontem judicem quaesitoris (juge-instructeur, Unrersuou- UNGSRICHTER) partes egisse, judices, dxasrés, autem codem fere munere functos esse, quo hac nostra aetate eos, quos juratos, (jurés, ne GEscnwo- RENEN), NUNCUPAMUS, fungi videmus.

Attamen ne quis putet, Pollucem, quum scribit : arèc dite, prorsus errasse, non omittendum est, Archonti regi in causis minutis licuisse, reum eo poenae genere, quod t% éme nomine vocabatur, pro sua auc- toritate afficere. Quae multa pariter atque illa, quae a judicibus rec erat imposita, ut secundum leges exigi posset, ab archonte in tabulas publicas referri solebat #.

6. Tot et tanta negotia non ab uno rege confici potuisse, sponte appa- ret. Îtaque non mirum est, quatuor sacrorum euratores (rûv isouv émushnréc) regi publice additos esse, eique licuisse duos assessores (rapéas), a qui- bus in negotiis peragendis adjuvaretur, sibi adsciscere 5. Neque a vero aberrare videmur, si statuimus, praeter praeconem 6, qui partes in judi- clum vocare atque oratores invitare solebat, praeter clepsydrae curatorem (rè éÿ up T), praeter scribam 6, qui libellos conscribebat eosque in judi-

1 Cf. Demosth., c. Timoth., 1203, 26 R.

2 Vid. Harpocrat. in v. yo.

5 Vid. Matthiae, De judiciis, pag. 269. De clepsydris, vid. Petermanni et Simonis libellum De clepsydra velerum. Pitisei Lerie. antiq. Rom.in v. ccersyora. Potteri Griech. Archacologie, X, p.249. Meyer et Schoemann, Attisch. Process., pag. 715 et seq., 715, not. 55.

* Meyer et Schoemann, L. L., pag. 50. Boeckh., Staatsh. der Athen., T, pag. 418.

Demosthen., c. Neaer., 1369, 20; 1373, 21 R. Meyer et Schoemann, L. L., pag. 57, not. 82.

® Meyer et Schoemann, L. L., pag. 705, not. 6 et 7; pag. 717, not. 43. 7 Hesych. Suid. in h. v., Poll., VIII, 443.

DE BASILICIS LIBRI III. 99

c0 legebat, praeter ministros, qui id maxime agebant, ut silentium esset, vulgusque emittebant, ubi de mysteriis violatis sententia ferenda esset ! etiam alios plures fuisse, qui regi +5 & 7 Basdew rater ad manus essent, praecipue ex eo tempore, quo post pugnam Plataeensem ab Aristide etiam. infimi ordinis civibus ad summos honores aditus patefactus esset ?. Ceterum hic commemorare liceat, archontes recens sorte electos, prius- quam munera sua adirent, vel ad lapidem in foro, vel ad Regiam Porticum Jjuravisse, se leges patrias in magistratu gerendo non migraturos esse 3. Nam ex eo, quod ad Regiam Porticum juraverunt, suspicari licet, eos coram rege, quippe pontifice maximo Atheniensium, vota sua suscepisse.

$S ur. De legibus in Regia Porticu propositis.

Athenienses, uti in alis locis publicis #, ita in Regia quoque Porticu leges cippis inscriplas posuisse, duo veterum scriptorum loci testantur, alter Andocidis, 1, 8%, pag. 40, lin. 55. R. : £dée ro due

Cd La : Fe 4 , VOUG, Toad: VOUGYU dVyPAQEU Es TOV TOUCY, LUAMEP TEOTERC) GYEypignoo oxomEY Tu (Poyhouéve,

roùs xupouué=

et paullo infra, 1, 85 : EDIT SNTA pLèV oi DOTE a avdpe, xa4T% To Yipouax Touri, toc xypmévtas dyéypabay ec Ty GToxy, Eret dE VE) poprTo ; ÉDÉLETA VÉLOY, dypag vue tés àpyas ph yphroæ * alter Aristotelis apud Harpocrationem in voce

\ , 4 ; = = _ , xdplBers DE aveypéavtes dE roc vépoucs sis Todc 2dpBas, eotnoav à & tA otox tr Pacueiw.

1 Demosth., c. Aristog., 1, pag. 776, 17. R. Polluc., VIIT, 193. 2 Plutarch., Aristid., cap. XXL.

r TES x F, # CPE VS _ 1e UT 3 Polluc., VHI,9, 4. Ggou oùroi (oi Apsovrec) rpès ty BaciAcio oroë # êri toù, MiSou, ép' GE auu—

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pui dEers roùs véuous Lai y dopodezfou , ÿ opuooby dydpifyTa aroticcu.

4 Vid. Pollue., VII, 10, 128; infra pag. 36, not. 5. 5 Pzetzes, Hist. Var., XI, 549 et seqq., de #be3ec1 haec habet :

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350

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36 DE BASILICIS LIBRI HE.

Nam = 57057, quam appellavit Andocides, non significare porticum rw adoyuémy TOM , uti Reiskio ad Andocid., 1, 85, visum est, vel inde ap- paret, quod qui Poecilen descripserunt scriptores nunquam legum in illius parietibus conspicuarum mentionen fecerunt !. Contra vel per se probabile esse videtur, in sedibus magistratuum, qui inde a temporibus archontis Euclidis, OL 94, 2, a C. N., 405 ?, àypigo véum ph ypñou jure jurando obstringebantur, scriptas leges, quas sequi deberent, expositas fuisse. Quum autem praeter Portieum Regiam nullam aliam porticum magistra- tus sedem fuisse constet 5, non temere statuere videmur, 67037 ab Andocide memoratam r#v 105 Bardéws roi fuisse #. Quam sententiam egregie confir- mare videtur locus, quem shpra dedimus, Aristotelis : évæypadavres Œ rade vopLous els Tods zopleic , EcTAsa) y tn oTca. en Basteiv. Neque obstare videtur ñ quod leges, quas Andocides in parietibus inscriptas commemoravit, ab Aristo- tele in cippis incisae fuisse dicuntur. Nam quas superioribus temporibus (iva mep mpérspe éveypiqusæ), ut videtur Euclidis temporibus, parietibus in- scripserant leges , eas posterioribus, fortasse Aristotelis, temporibus, cippis incisas in aptiore Porticus loco collocaverunt *. Cujus mutationis causam quamvis nemo velerum commemoravit, suspicari tamen licet, id ideo in- stitutum esse, quod cellae, quibus rex ejusque assessores, scribae atque ministri posterioribus temporibus propter auctam negotiorum multitudi-

r TRS É —. , Eupor d'auras KopoBaytes, dev xahobyTe #0pers Oecrouros ds Evpabe To repl edceBeixs *

TH 071 xe0pÜpoyTa ave TE Kai mode Uiboc.

et Pollux., VILL, 10, 128, dicit : x599eis cavides rupauoudtis, di: foay Épnevpauuéroi oi vou.

1 Vid. Pausan., 1, 15, ibique interprett. Û

2? Wachsmuth., Hellen. Alterth., 1, pag. 648, ed. 1; pag. 647, ed. 2

5 Archon Eponymus sedebat in foro ad statuas Eponymorum (Andoc., e. Alcib., 118, 5), Pole- marchus ad Lyceum (Hesych. in voce'Erréze, ibique interpp.), Thesmothetae sedebant ad Thes- mothesion (Meyer et Schoemann, !. L., pag. 60, not. 89).

4 Leges regis commemoravit Petitus in legibus Atticis.

5 Neque Pollucis locus, VII, 10, 198, huic sententine adversari videtur, qui quum cippos, quibus leges inscriptae essent, antea in Acropoli collocatos fuisse narrasset, eosdem postea in Pry- taneo el in foro, vel, uti conjicio, in Regia Portieu ad forum sila, positos esse memoriae prodi- dit : KéeBeis cavides TUpauoeidEs, ds fav Égyeybauéyo of véun. ‘Aréxwivre &v 'AZpOTOREI TÉAGI, ENT

iva mais EE éyru NAVEI, Eig Tourazéios 441 Thy dyopèr » ÉxOUITIYTEY,

DE BASILICIS LIBRI II. 51

nem vix carere potuisse videntur, ad muros Porticus inter parietes et co- lumnas exstructae, leges parietibus inscriptas contegerent, earumque aspectum auferrent. Cui rei ut mederentur, leges cippis inscriptas in medio Porticus spatio collocasse videntur.

$ 1v. De Areopagitis Eumolpidisque in Regia Porticu

judicium exercentibus.

1. Quam Bunsenius ! imprimis fovet sententiam, Regiam Porticum nihil aliud fuisse, nisi judicium sive forum, in quo rex jus dixerit, eam sic, ut a viro clarissimo proposita est, equidem amplecti non possum. Imo existimandum est, non solum regem, uti supra docuimus, interdum ibi de causis minutis sententiam dixisse, sed judices quoque quosdam eo ad jus dicendum convenisse. Etenim Demosthenes, contra Aristog., pag. 776, 20 et seq. R., ut doceret, judicum esse, draSoüvra rite, Areopagita- rum senatum interdum e concionibus suis vulgus removendum curare commemoravit, his usus verbis : do éo5 rapakyuata, To ro À rny "A peie mdyou (Bavkny , OTa y Ti Easieio gTo2. La CoUÉn TES YOWIGTe 2 xarx mo mou xiav ëp ETS chou , xal Gravtos ÉxTodoy ÜTOYG)EU , qui locus aperte docet, Areopa- gitas interdum in Regia Porticu judicium exercuisse. Nequis autem putet, ejusdem sententiae testimonium inesse etiam in verbis Pollucis, L. VII, 9, 5 : rai Ts Toÿ opévos diras els A peroy Tmdyoy elcdyet (8 Baseis), ita quidem, ut "Apeuy riyx Areopagitas simul cum rege in Regia Porticu sedentes denotare existimet, tenendum est, Areopagitas nunquam apud Graecos voce "A pers

riyes, Quippe quae solum locum judici significet, sed hisce potius desig-

1 Vid, Bunsen : Die Basiliken des christlichen Roms, pag. 15 et seq. Canina, {. L., Part. I, c. 2. ? Quum de laesis mysteriis sententia ferenda esset, profani a ministris his verbis : weraorhore ë£ (Demosth. e. Aristog., pag. 776 R.) e judicio dimittebantur, ipsumque judicium, nequis +& iharä accederet, funi quodam 50 pedes a judicio remoto cireumdabatur. Cf. Demosth. c. Aristog., pag. 7176 : déc épô rapadeinuara, rhy Bouhÿr, rod revrunogious, md The doSevob; Tauryoi x194hidos rüv Grophrer aupias Een al uh rods idiôrez érerriéreu. Pollue., VIII, 195 : dixacrhpioy repiraxoisibero

roù pèy Business Éranneiharres, ro dE répionoiniome dmè mévryoyra mods Éviyvero, al ol Ürypetai Épeio-

, = 3 FA " "Ar Rap 12H 2 or rhkeiTas, Gros pydels dyurémreuros rporÿ * dvicraro dixucrhpla, ei névoiro diocymeix, ÉEynyral Êxx-

Dobyro, ci ra repl roy dioryuelos al vd roy ao ieo@y didésuoyTés.

38 DE BASILICIS LIBRI LEE.

nari vocabulis : à & ‘Agé mayo Born, à Bouin n €ë ’Apeio Tmiyou,, à Bouhn à ET ’Apeics Tay®, À avw Bon, ñn Bouin, To Ovastipuy To "A pion Ty , Cf. Maetzner ad Lycurg., pag. 96 et 175. Bergmann, in Proleq. ad Isocrat. Areopagitic., in ed. Benseleri, pag. à et seq. J.-H. Krause, in Pauly Realencyclop. der kl. Alter- thumsw. in v. Areopagus.

2. Praeter Areopagitas autem etiam Eumolpidae de impiüis sententiam laturi in Regiam Porticum convenisse videntur. Nam quod Demosthenes Androt., pag. 601, 25 R., verbis duibesSeu npès Evuoridas significavit, Eumol- pidarum fuisse de àseGez jus dicere, id luce clarius apparet e verbis scholias- tae, Cod. August. Vindel. ad Demosth., tom. IT, pag. 157, a.R. :o y40 Based éreuseïTo ro ispuv Tp&yUATOY La ÉnMyE Ta Ths AoE(ElAs ypapAs TEOS rod Etuoriduc , atque e verbis schol. Arist. apud Creuzer., Symbol. u. Mythol., tom. IV, pag. 344, quae a scholiasta Aug. Vindel., non dissentiunt. Neque de loco, in quo Eumolpidae ad jus dicendum congregati sint, ambigi poterit, si memine- rimus, primum quidem, nullum, in quem illi convenerint, locum apud veteres commemorari, deinde vero, sanctam Eumolpidarum gentem in cele- brandis Eleusiniis mysteriis arctissime cum archonte rege conjunctam atque propter negotia simul cum rege exsequenda saepissime in Regia Porticu versatam esse. [taque quid, quaeso, verisimilius, quam Eumolpidas, quam rex cognovisset, causam in ipsa regis sede, quae ipsis consueta esset, ju- dicavisse ?

$S v. De epulis in Regia Porticu factis.

Quod autem postremo loco significavi, etiam epulis faciendis interdum inserviisse Regiam Porticum, nititur loco Aristophanis in Ecclesiaz., vs. 677 et seqq., ubi poeta Praxagoram mulierem ita loquentem inducit :

os ee + dc Thy &yopoy xaTa don “Se 8 ON " , e u » Kara otiousa rap App ! xnpocu Tovtas, wc av Eiduc 6 hayoy érin yaipuv év émoiw ypipuart ? dev . Kai xnpo£er Tods ex to [Bgr 2 mt Tv ovTouxv éxokou dE

! Statua Harmodii in foro posita.

? Ut quae poeta scripsit verba : &2 éroo ppéuuerr demvei, nai mypbEes rod êx roù Bÿr' ( Bfru) recte intelligamus , recordari debemus, Athenienses solitos fuisse et, quem sorte quotannis elegissent,

DE BASILICIS LIBRI III. 39

Tv Basile demvsovrac * ro À Sfr ec Tv (otaxv) TapA TAUTNY 1

\ ve "1 PE PE oi 4 * x » , Toùs À éx To uimT els Thy oTouù YOpEY Ty dIouTéro y.

Poetam verbis à Aæyuy dume et dsmyiseyras significare cives Athenienses, qui carnibus, quae ex sacris factis relictae essent, in honorem Deorum pu- blice vescerentur, vel quod idem est, epulas publicas celebrarent ?, a viris doctis dudum perspectum est. Sed easdem epulas non solum in templis 5, sed etiam in porticibus publicis, veluti in Alphitopoli (odeum fuisse cre- ditur), in Jovis Eleutherii porticu atque in Regia Porticu celebratas esse, hic ipse locus manifesto declarat.

Quae omnia si recte disputavimus, concedendum erit, eos Regiae Por- ticus usum nimis angustis finibus circumscripsisse, qui solum regem ibi causas cognovisse atque judiciis exercendis praefuisse, ideoque Porticum Regiam nihil nisi judicium sive forum archontis regis fuisse putarent.

CAPUT VI.

DE FORMA THS BAXIAEIOY ZTOAZ.

$ 1 Introductio.

Regiae Porticus quum neque effigies in nummis gemmisve, neque ac- curata descriptio in veterum libris reperiatur, de ejus forma nihil aliud

judicum numerum, in decem partes dividere, quas singulas litera quadam denotarent, et, quae haberent, decem judicia sive fora item singula literis denotare. Jam vero die causae agendae con- stituta sorte decernebatur, in quo judicio, vel quod eodem redit, in qua litera, judicum catervae literis notatae, vel si malis, oj êx roù Bÿra, ol Ex rod Sÿra #. +. À. sederent, sententiamque ferrent. Cf. Meyer et Schoemann , Der Altische Process., pag. 127 et pag. 148. Eodem modo, quo judicia atque judices, etiam coenacula, in quibus epulae publicae haberentur, atque cives Athenienses, qui publice epularentur, literis notati fuisse videntur, Ttaqne verba & érofo poéguur coenacula, et ci éx roù Bÿra w. 7, 2. epulantes significant.

1 Jovis Eleutherii porticus, vide supra, pag. 20 et 24.

2 Vid. Boeckh., Staatsh. der Athen., W, pag. 226.

3 Vid. Petit., Leg. Altic., 1, 2,1.

10 DE BASILICIS LIBRI II.

proferre nobis licet, nisi quae aut ex ejus usu colligi, aut ex comparatis inter se quibusdam veterum scriptorum locis coneludi, aut denique e bre- vissima, quam Pausanias dedit, ejusdem descriptione peti discique pos- sunt. Quae quidem omnia, etsi per se spectata tenuia esse videantur, tamen inter se conjuncta atque in unum comprehensa , tantum efficiunt, ut, si non certa et perfecta, at probabilis tamen adumbrari inde possit Regiae Porticus imago. Quam quidem imaginem quo melius delineamus lectoribusque ante oculos ponamus, ita nobis versandum esse videtur, ut primum de porticibus in universum doccamus ea, quae ad falsam quorum- dam de hisce aedificiis sententiam refutandam sufficiant, deinde quaecum- que ad formam Regiae Porticus describendam faciant, justo ordine re- censeamus. Qua in re illud imprimis enisuri sumus , ut Regiae Porticus et ichnographiam, et orthographiam, quoad ejus fieri possit, describamus. Nam quae praeterea ad perfectam Regiae Porticus effigiem requiruntur !, eurythmia, symmetria atque decus, ea qualia fuerint in Regia Porticu, quum veteres taceant, ignoramus.

S mn. De veterum porticibus.

1. Porticus, graece srox sive zroai ?

sive rats, apud veteres fuerunt aut aedificiorum partes, aut quae per se ipsa starent aedificia. Nam quae in Italia atque Graecia est coeli temperies, ea uti nunc homines invitat, ut plurimum sub divo versentur ibique negotia curent, ita veteres quoque Graecos atque Romanos excitavit, ut ante portas aedium suarum non solum otiosi ambularent vel considerent, sed etiam negotiis, quibus quis- que operam daret, ibidem fungerentur. Quam ob causam quum solis aes- üvi radios pariter atque imbres subito incidentes aegre ferrent, tecta, quibus se contra solis calorem et pluviae molestiam defenderent, ante aedium januas exstruxerunt. [aec tecta altera ex parte elata, atque aedi- ficiorum parietibus externis annexa, altera ex parte demissa atque colum-

1 Cf. Vitruv., 1, 2,5 et seq.

Mol)

2 Vid. Photius in verbo croi.

DE BASILICIS LIBRI HE. 41

mis imposita erant, ita quidem, ut, qui illis tegeretur, locus altera ex parte aedium parietibus muniretur, altera ex parte inter columnas liberum aditum haberet. Has igitur aedium partes ! Graeci 5r03ç Sive rapasrädus, Ro- mani porticus ?, iidemque , quod contineretur spatium inter columnas, in- tercolumnium ?, quod reperiretur inter columnas et parietem , ambulationem ? nominarunt. Quae qui recte perceperit, tum &S%ewsa illam ante aedes Ulyxis a Schreibero 5 optime descriptam, tum peristylia in aedibus Grae- corum #, tum etiam cava aedium sive cavaedia in aedibus Romanorum ejusdem generis fuisse concedet, neque pronaos aedium sacrarum, porro porticus templorum péripterorum $ porticusque in templis hypaethris, denique porticus in theatrorum summa gradatione 7 eidem generi adnu- merare dubitabit.

2. Jam vero quum veteres porticus, quibus ab injuriis coeli se defen- derent, ante aedes exstruxissent, non mirum est, etiam in publicis locis versantes contra easdem coeli molestias iisdem uti voluisse remeduis. Quare jam antiquissimis temporibus ad forum atque ad fana, veluti ad forum Romanum a Tarquinio Prisco $, ad templa Delphica atque Olym- pica Ÿ porticus sunt aedificatae, imo posterioribus temporibus fora et, apud Graecos et apud Romanos undique porticibus inclusa invenieban- tur 10, [ta factum est, ut quae antea aedium partes esse solerent, proce-

1 Vitruv., V, 5 et 7 (10).

2 Cf. Lexicon Vitruvianum.

5 Schreiber, Jhaca, oder Versuch einer geogr. antiq. Darstellung der Insel Tthaca, pag. 129 sqq.

# Vid. Vitruv., VI, 7 (10), $ 1 et seq.

5 Vid. Vitruv., VI, 5, $ 1 et seq.

5 Portieus templorum peripterorum eo fine exstructas esse contendit Vitruvius « ut aedes circa <ellam haberent ambulationem atque si imbrium aquae vis occupasset et interclusisset hominum multitudinem , ut haberet in aede circa cellam cum laxamento liberam moram, » cf. Vitruv., IF, 2,5 (1,814), Collata, LU, 5, $ 9 (2,6 9).

7 Vid, Nitruv., V,6,$ 4 (7,$ 1).

8 Liv. 1, 35. Ab codem rege et cirea forum porticus factae.

9 Pausan., V, 21, et Siebelisii indie. verb. ad Pausan. in v. oroé Wachemuth., lib. laud. W, pag. 677, ed. 2,

10 Vitruv., V, 1,84, et Pausan., VI, 24, 2 : ‘H D dopà rois MAëioic xar& tas Tévoy, al coai æpôs ‘loyiay môheis Eicis hay, spgro reroiyrau Ta dpyaorépo , arodis 4rè dAyAwy dieotéauis «ai dyvidis di duréy,

Towe XXI. 6

42 DE BASILICIS LIBRI IE.

dente tempore etiam sejunctae et separatae ab aliis aedibus exstruerentur porticus. Quae porticus initio quidem unam lineam (veluti ad utrumque templi aut macelli latus !), aut ubi parallelae exstructae essent, duas lineas (veluti porticus in utroque latere Ceramici Atheniensis interni a porta Dipylo usque ad forum pertinentes atque Herculanei ?), postea vero ubi fora aut templa * undique circumcludi solebant, etiam quadratum effe- cerunt {.

5. Hujus modi autem porticus veteres quum antiquitus in foris ex- struxissent, postea vel urgente necessitate vel data occasione etiam extra forum ad exemplar forensium porticuum exstruere coeperunt, eo quidem consilio, ut vel otiosis hominibus, qui turbis e mercatu rerumque publi- carum tractatione ortis, a foro deterrerentur, jucunda ambulacra, vel do- cendi discendique cupidis tanquam scholas aliquas pararent. Ex quo genere Athenis fuerunt porticus picta, à rx cts, in qua Zeno versari solebat Ÿ, atque Jovis Eleutherii porticus et palaestra Taureae, quas So- crates frequentavisse narratur 6. Neque mirum nobis videbitur, ejusmodi porticus etiam ad theatra exstructa esse, quod propterea factum esse Vi- truvius 7 narrat, ut cum imbres repentini ludos interpellarent, haberet populus, quo se reciperet ex theatro, choragiaque laxamentum baberent ad comparandum; quales sunt porticus Pompeianae (Romae), itemque Athenis porticus Eumenia, Patrisque Liberi fanum et exeuntibus e theatro sinistra parte Odeum.

4. Quas autem ad forensium exemplar exstructas fuisse diximus por- ticus, eas quadrangulas atque undique parietibus circumclusas fuisse, non solum e Vitruvii verbis « ad parietes, qui circumcludunt porticus ambulatio-

+ Vide Nummum antiquum Romanum in Beckeri Handbuch d. Roem. Alterth., X, tab. 5, num. 40.

? Vid. Himer. Sophist., Orat. M, pag. 446. Wernsd., Jorio Scavi di Ereolano, tab. 5.

5 Vid. porticum Octaviae in tabula marmor., Urbis Romae in Caninae Pianta topograf. di Roma antica, no. XXIX. Cf. etiam Becker., Æand. d. Rôm. Alt, X, pag. 545, not. 1144.

# Vid. infra 4, et Pausan., II, 13, 4 : "Ecrs vi gpopior Egoy croùs y rerpandvo ro cxfuari, ÉvSa

cœlcis Érireéc

ro pyaioy. Strab., pag. 646. oroù rerpépavos. 5 Vid. Diogen. Laert., VII, Zeno. ® Vid. Platonis Theag. init., Eryx., init., Charmid., init., pag. 153.

7 Vid. Vitruv., V,9, $ 1.

DE BASILICIS LIBRI III. 43

nes !; media vero spalia, quae erunt sub divo, inter porticus, adornanda vi- ridibus videntur? » , atque e descriptione imaginum, quae in Jovis Eleu- therii porticu 5 et in porticu Poecile # fuisse perhibentur, conjici licet, sed etiam exemplo Eumachiae porticus (Vid. Tab. IT, fig. 5), quae felici quo- dam casu Pompeiis servata conspiciturŸ, manifesto declaratur. Haec enim ita comparata est, ut quum medium spatium a tribus partibus muris, a quarta parte, quae in publicum vergebat, compluribus portis circumclu- deretur, porticum Poecilen et porticum Jovis Eleutherii forma externa ae- quasse videatur. Unde apparet, vehementer errare eos, qui unamquamque porticum unam tantum ambulationem in posteriore parte pariete longo, in utroque autem fine brevissimis parietibus latitudinem ambulationis aequantibus conclusam continere putent, ita ut veterum porticus nostris ambulationibus, quas Colonnaden sive Arcaden appellare solemus, omnino pares esse existiment. Reliqua, quae de porticibus in medium proferre possemus atque deberemus, si rem accuratius hic pertractare vellemus, hoc loco missa faciamus, quum vel ea, quae hactenus disputata sunt, ad formam Regiae Porticus cognoscendam suffciant.

$ 1. De ichnographia Regiae Porticus.

1. Jam vero Regiae Porticus formam descripturi primum ichnogra- phiam ejus, quantum fieri poterit, delineare studebimus, et statim in fronte disputationis placet conjunctim proponere, quae ex veterum locis colligi possunt. Pro certis autem haberi posse haec videntur : primum Regiam Porticum fuisse aedificium undique aut parietibus aut januis cir- cumelusum idque oblongum , deinde in ambulationibus ejus cellas fuisse exstructas, tum in medio spatio regis tribunal, suggestus partium, subsel-

1 Vitruv., V, 9, 8 3.

2 Vid. Vitruv., V,9,8 5.

3 Pausan., 1, 3, $ 2 et seq.

# Pausan., 1, 15, 25 et seqq.

5 Videatur Tabula fori Pompeiani in Goro von Agyagfalva : Wanderungen durch Pompoii, et deseriptio porticus Eumachiae apud eundem.

44 DE BASILICIS LIBRI HE.

lia judicum et cancellos judicii fuisse collocatos, denique cippos, quibus leges inscriptae essent, ut videtur, in medio spatio inter subsellia positos fuisse. Haec pauca, neque aliud quidquam ex veterum scriptis de hac re discimus.

2. Ac primum quidem Porticum Regiam parietibus undique circum- datam ideoque talem fuisse, qualem supra, cap. VE, KI, 5. 4, descrip- simus, vel ex eo sequitur, quod rex non in aperta ambulatione, sed in tranquillo tantum loco, hoc est in porticu parietibus circumelusa munere suo fungi potuit. Cui quidem argumento haud leve pondus etiam eo acce- dit, quod Regia Porticus in frequentissima urbis parte, in foro atque in quadrivio sita fuit, quo loco qui tranquillus sedere, atque a turba , quae in foro et quadriviis versari soleret, non perturbatus negotia sua exsequi vellet, eum parietibus atque januis tectum munitumque esse oportuit.

5. Utautem oblongam fuisse credamus Regiae Porticus aream, eo ad- ducimur, quod Jovis Eleutherii porticui, quae et ipsa oblonga esset, pa- rallela faisse memoratur. Et Jovis quidem Kleutherii porticum oblonga figura fuisse, ex imaginum in ejus parietibus pictarum ambitu luculentis- sime apparet. Nam si concesseris, Pausaniae (lib. F, 5, 2), verbis : otoù Omer ev radurrau YpapXS ExavTa Sendc dudtua rakoupéveus * Eri To Toiye To) Tépay Onseis éott yeypauuéros voi Anuorpatia te nai Aus, et $ 5 : "EvradSà éati yeypapuévoy vai rep Meriva "A Sraicy Epyc , d BonSrisoures Aanedupovios éréuonso y ta y pag tou iNRÉMY ETTÉ HÉUNs EV ñ popuorarer T'pües ve © Eevoyüvrcs éy Toic "ASyvaiots , HO LOTX TV rroy Ty (Bourioy Exauvéydne à OnBaos” Tadras Täç Ypapas Evppévop &y pale ASrvaiors , non significari Regiam Porticum uti Meiero et Schoemanno atque Wachs- muthio ! visum est, sed porticum Jovis Eleutherii, quod jam Siebelis ad hunc locum probavit, et ipsa loci ratio statuere cogit, vix negari poterit, imaginibus illis in porticus parietibus pictis oblongam areae formam de- monstrari. Nam quae & +5 roïyn to répav, hoc est in pariete e regione aditus sito ? efligies tres erant Thesei, Democratiae et Demi, cae haud dubie multo minus sibi postulabant spatium, quam quae in dextro pariete repe-

1 Meyer et Schoem., Att. Proc., pag. 47, not. 62. Wachsm., Æellen. Alterthumsk., H, 2, pag. 371:

Die koenigliche Halle, geschmückt mit Gemälden des Euphranor. 2 Cf. Siebelis. ad h. L.

DE BASILICIS LIBRI IT, 45

riebantur imagines duodecim deorum ! et quae in sinistro latere invenie- bantur militum Lacedaemoniorum, equitum Atheniensium et equitum Boeotiorum imagines ?. Hinc igitur consequitur , parietem ingredienti oppositum breviorem, utrumque parietem ad ingredientis latera longiorem, proinde aream Jovis Eleutherii portieus oblongam fuisse.

Quod autem Regiam Porticum Jovis Eleutherii porticui parallelam fuisse diximus, ejus rei testes sunt veteres grammatici Harpocratio et Suidas ©, de quorum verbis quamvis dubitari quodam modo possit, tamen vel conjectura assequi licet, porticum Jovis Eleutherii et Porticum Re- giam, quam utramque eodem loco * eodemque tempore * exstructam esse cognovimus, forma quéque eadem fuisse. Deinde eo quoque monemur, ut Regiae Porticus aream oblongam fuisse existimemus, quod area oblonga concionibus judicialibus, quibus rex praesidebat, magis convenisse vide- tur, quam quadrata.

4. De ambitu autem et amplitudine Regiae Porticus non habeo quid proferam, praeter ea, quae ex epulis publicis in illa celebratis concludi posse videantur. Quum enim Athenierses festis diebus interdum CCC bo- ves mactasse dicantur 6 et urius bovis carne ad minimum CCC homines vesei possint, quumque vix verisimile sit, plura quam centum loca, ubi epulae institui possent, Athenis fuisse, conjici licet, Regiam Porticum tantam fuisse, ut circa nongentos homines epulantes in se continere posset.

1 Imagines, XI deor. Pompeiïis inventae, vid. in libro qui inseribitur Æerculanum und Pom- peii, tab. XI, ser. 1v, tom. IV.

? Jmagines ab Euphranore pictas laudarunt Plutarch., De glor. Athen., cap. Il. Eusthathius, ad IL 1, v. 529, pag. 114, 11, ed. Rom. Plin., H. N., xxxv, 11, 8 129. Valer. Maxim., VIE, 41, 5.

5 Harpoc., in v. Pacicns orot, et Suid., in v. Basiacios * do eist crea rap! AAMÿAZ:, ÿre vod 'FAeu- Non fuit, quod Forchhammerus (Topograp. v. Athen., pag. 35) ex his verbis concluderet, Jovis Eleutherii porticum e regione Regiae Porticus sitam fuisse, quod si signifi- care voluissent grammatici, melius, opinor, scripsissent : do éiri aroxi ratavrimpù &xhor, Uti le-

Sepiou Aièz 4ul ÿ Bariders.

gitur in Platonis Charmid., init., pag. 133, À. : #aù d'à ai eig rhv Taupéou raaiorpar, Ty xarayrixpo roÙ rfs Bariisÿs ipod eir#) So.

4 Vid. supra, cap. IV, $2, pag. 24.

5 Vid. supra, cap. HT, 4, pag. 15.

6 Cf. Isocrat., Areopag., M, et Boeckhii, Staatshaush. der Athen., V, pag. 226.

46 DE BASILICIS LIBRI HE.

Internam areae formam qui animo suo recte informare voluerit, id imprimis tenere debebit, uti omnium ejus modi porticuum, ita etiam Re- giae Porticus spatium internum ex ambulationibus parietes undique cir- cumeuntibus sive cireum parictes currentibus, et ex medio spatio ambula- tionibus incluso constitisse. Qua utraque interni spatii parte variis modis usos esse Athenienses, vel ex iis suspicari licet, quae de vario et multi- plici Regiae Porticus usu supra, cap. V, a nobis allata sunt. Itaque cellas istas, quibus rex ejusque ràgedca, scribae et ministri, vix carere potuerunt, ut, quae ad sacra facienda opus essent, mandarentur vel ordinarentur, aut quae ad causas cognoscendas vel ad judicium exercendum necessaria essent, pararentur et conservarentur , in Porticus ambulationibus exstruc- tas fuisse, id quum per se probabile sit, tum mulio etiam probabilius fit eo, quod et in Graecorum palaestris porticus, quae ad meridiem specta- rent, cellis instructae ! et in Hadriani quoque, quae Athenis fuit, celeber- rima porticu ambulationes cellis magnificentissimis instructae fuisse di- cuntur ?. Quae si recte conjecimus, cellac inter parietes atque columnas ambulationum ita exstructae fuisse existimandae sunt, ut illarum ambitus ambulationis latitudine et unius vel duorum intercolumniorum spatio de- finiretur. Quum autem tres vel quatuor in utroque latere cellae Archonti ejusque adjutoribus et ministris vel sacra curantibus vel causas cogno- scentibus suffecisse videantur, non est, quod totum ambulationum spatium cellis impletum fuisse credamus, sed liberum laxamen tum auditoribus, qui judiciis interesse solerent5, in magna ambulationum parte relictum esse,

1 Vitruv., V, 11, 2: fn duplici autem porticu collocentur haee membra, epheheum, in medio- coryceum-conisterium-frigida lavatio-elacothesium frigidarium-propnigeum. 2 Pausan., 1,18, $ 9 : 'Adpavde dE rarecxeuäruro pe #ai &AAx 'ASyyziois, vady "Hoc #2} Arèc Tlayek-

AYYI0U , KA SEOT; TOI,

rois ipod no1967 * Ta Ériparéorara ÉkaTdy élxom! kicvee Dpuyiou Aidou. Ileroly9Tai ai tais crodis rar Ta ar oi rio. Kai oixpuura ÉpraUSé ÊcTin Gpôpo Te ÉriypÜco #4) dhaBäsTpo MSG, rpôs dE dyéhuuri LenoruyuËva rai vpavais * rurdxerra d8 à; aÿrù BiBhix. Rectissime docet Siebelisius ad h. 1. porticus habuisse tum parietes eodem lapide Phrygio obductos (x272 airè of rova), tum cellas seu aediculas (ozfuxra Evrads4 Ecri). Quibus cellis qui exedras scriptorem significasse sta- tuant, ideo errasse videntur, primum quod voc. &raüsz locum in porticibus denotare videtur, deinde quod Pausanias, si exedras significare voluisset, seribere debebat, nti moris erat : #2? rpocw- xodéuyyrai adtoïs ÉÉedpai %. +. À.

5 Aeschin., 7. rzpre., pag. 191, c. Clesiph., pag. 4453. Demosth., pro Corona, pag. 293, 25 R.

DE BASILICIS LIBRI III. 47

consentaneum est. Quas cellas si in ea ambulatione, quae e regione aditus Jjaceret, atque in ea reliquarum ambulationum parte, quae illi proxima esset, exstructas, quae autem superessent ambulationum spatio, audito- ribus relicta fuisse existimemus, non multum videmur a vero aberrare,

>. Medium autem inter ambulationes spatium judiciis exercendis et epulis celebrandis destinatum fuisse, ex eo facile colligas, quod epulae publicae ! et judicia apud Athenienses ita comparata fuerunt, ut nisi in spatiosis locis haberi non possent. Etenim Archon, qui Judicio praeesset, in tribunali, quale adhuc in Pnyce conspicuum est ?, simul cum scribis, qui ex libellis rem ab Archonte antea cognitam cum judicibus communi- carent, vel in judicio ipso, quae memoratu digna viderentur, litteris man- darent, consedisse videtur. Quo in tribunali etiam urnae, in quibus calculi ab judicibus ponerentur, et clepsydrae, ad quas partium oratores dixisse constat 5, videntur collocatae fuisse. Ad latera autem tribunalis suggestus (Znuara *), in quibus et rei et accusatores, utrique cum suis ad- jutoribus starent, ita positi videntur fuisse, ut justo spatio interjecto a tribunali distarent. Porro aras, ad quas litigantes ante judicii initium ju- rarent, in eo spatio, quod inter tribunal et judicum subsellia relictum esset, exstructas fuisse credibile est. Etenim ante tribunal, justo spatio interjecto, lignea subsellia * tegetibus tecta 5, in quibus judices sederent, videntur constituta fuisse. Praeterea cancelli, quibus vulgus à litigantibus et a judicibus arceretur, judicii locum circumdedisse, neque valvae de- fuisse videntur, quibus clauderentur dicasteria, ubi de mysteriis violatis ferenda esset sententia 7. Vide de Atheniensium dicasteriis, Meyer et

1 Cf. Boeckh. , Staatshaush. der Athener , , pag. 226.

2 Leake, Topograph. Athens, pag. 379, ed. germ.

5 Vid. Meyer et Schoemann, Der attische Proc., pag. T21, n. 59. Potteri, Archaeolog., X, cap. 21, pag. 242, ed. Germ.

4 Cf. Ulpian. ad Demosthen. 7. 72e270., pag. 295. Ben. coll. Demosthen., ce. Olymp., pag. 1176, 9, R. Aeschin., c. Clesiph., pag. 598 extr. coll., pag. 554. Suggestns in Areopago fuerunt lapides rudes AiS: pi neque vero 2154 éveil, ut legitur in Realencyclopacdie der klass. Allerthimsw.,

von Pauly in voce Anroracus. Vide de hac re Pausan. , 1, 28, 5, ibique Siebelis. 5 Aristoph., Vesp., vs, 90. Polluc., IV, 121. 6 Polluc., VII, 135. Hesych. in v. Lie, 7 Polluc., VI, 123. Demosthen. , c. Aristog., pag. 776, med. R.

48 DE BASILICIS LIBRI HI.

Schoemann : Attischer Process, pag. 148 et seq., et quos illi laudant.

Quae omnia si quis reputaverit, non dubitabit, opinor, quin judicia , quae ab Areopagitis Eumolpidisque in Regia Porticu exercerentur, in medio ejus spatio habita fuerint, neque a vero multum aberrare videmur, si quem supra enumeravimus judicii apparatum ia dispositum putamus , ut proxime ad cellas aditui oppositas tribunal et suggestus litigantium, tum aras. porro judicum subsellia, denique cancellos cum foribus consti- tutos fuisse existimemus. |

6. Super est, ut de portis, per quas in Porticum Regiam aditus patue- rit, sententiam nostram proponamus. Et in fronte quidem Porticus aper- tam ambulationem pronais templorum similem, atque tot portas, quot in interiore ambulationis parte intercolumnia fuisse putamus, quas quidem portas valvis claudi potuisse ex Demosth., c. Aristog., pag. TT6 R., conji- cere licet. In sinistro autem, sive occidentali latere, quippe quod ad viam publicam vergeret una alterave porta vix decsse potuit, quibus num in orientali latere aliquae portae oppositae fuerint, ne suspicari quidem licet, propterea quod utrum inter Jovis Eleutherii et Regiam Porticum spatium quoddam interpositum fuerit nec ne, prorsus ignoratur.

Ceterum, quo clarius appareat, quae sit nostra de Regiae Porticus ichnographia sententia, tabulae F, fig. 1 quae illam repraesentet, addidi- mus. Ex qua figura simul illud intelligitur, me dissentire a Bunsenio !, qui exedram sive apsidem, qualis in christianorum basilicis esse solet, etiam Regiae Porticui tribuit, eamque sedem regi assignavit. Cujus sententiae quae attulit vir illustris argumenta duo non hanc habent vim, ut eum vere statuisse credam. Nam quod primum dicit, in quovis dicasterio sedem judicis in exedra quadam esse debuisse, non apparet, cur judicii praeses in loco quodam secreto et a litigantibus pariter atque a judicibus sejuneto sedere debuerit, quum neque Archontes in concionibus Atheniensium, neque praetores in foro Romano, quum jus dicerent, in secreto quodam loco consedisse constet; deinde vero intelligi non potest, quomodo judi-

! Bunsen., L. L, pag. 16: Ein solcher Ausbau, den alle spaeteren Basiliken mit cinander gemein haben, und durch welchen sie sich von allen andern Hallen unterscheiden, kan derjenigen nicht ge- fehlt haben, von der sie diesen unterscheidenden Nahmen tragen.

DE BASILICIS LIBRI HI. 49

cium, quale supra descripsimus, in tali loco, qualem Bunsenius finxit, commode exerceri potuerit. Huc accedit, quod nusquam, quod sciam, apud veteres scriptores commemoratur exedra in dicasteriis exstructa. Quod autem altero loco affirmat Bunsenius, basilicas et profanas et sacras ad unam omnes exedra instructas, easque ad Regiae Porticus exemplum aedificatas fuisse, id vereor equidem, ut satis probari possit. Quam rem quum infra tractaturi simus uberius, hoc loco paucis tetigisse sufficiat.

$ 1v. De orthographia Regiae Porticus.

1. Veniendum jam est ad orthographiam Regiae Porticus (vid. tab. I, fig. 5), quam ita adumbrare studebimus, ut demonstremus, primum qui- dem, medium Porticus spatium tecto munitum, deinde, fenestras, quae lucem immitterent, infra medianum tectum et supra ambulationum tecta interpositas, denique statuas Hemerae et Scironis in fronte Porticus supra tectum ambulationis collocatas fuisse.

Ac primum quidem tecto instructam fuisse Regiam Porticum, quum vel ex eo concludi possit, quod et judices interdum per maximam diei partem ! in judiciis versantes et cives publicis epulis ibi fruentes contra solis calorem pariter atque contra imbrium molestias tecto munitos fuisse, consentaneum est, tum eo maxime probatur, quod dicasteria, in quibus de caede sententiae ferebantur, veluti Areopagus et dicasteria in Delphi- nio, in Prytaneo et ad Phreattum subdialia fuisse, diserte memoratur ?. Id enim a veteribus vix commemoratum esset, si omnia omnino dicaste- ria subdialia fuissent; quam ob rem eo ipso, quod ra çoux dmartipux 1CtO caruisse dicuntur, simul videtur significari, reliqua dicasteria tecto munita fuisse. Jam quum in Regia Porticu nunquam de caede judicium habitum esse, Pollucis testimonio constet 5, dubitari mihi videtur non posse, quin tecto fuerit instructa.

1 Vid. Meyer et Schoemann , Attischer Proc., pag. 727 et seq.

? Vid. Antiphon., De caede Herod., pag. 709 R. : éravra ap dirarrhpis Ëy Üraigow dixdbei ras dixxs red pércv. Polluc., VI, 40, $ 4929 : Of 'Apciorayira dræigpior xaSibeyre, SC. Ê To Gpeio rép. Judices enim idem tectum cum homicida subire religione vetabantur.

5 Wid.Pollue., VI, 9, 83: (6 Barined;) tag rod pévou dixas eis' Apeio méne? icdyei, ai rèv arévuror

Tome XXI. 7

20 DE BASILICIS LIBRI IL.

Hoc autem tectum quomodo impositum fuerit mediano spatio, certis quidem testimoniis docere non possumus; sed si meminerimus, fere omnes veterum porticus desuper coelesti luce collustratas fuisse, et Regiam Por- ticum vel ob eam causam in pariete ad viam occidentalem sito fenestras habere vix potuisse, ne judices turbarentur strepitu , qui per fenestras ad eorum aures penetraret : facile concedemus, tectum Porticus ita fuisse exstructum , ut luci non officeret. Hoc autem quomodo fieri potuerit, os- tendit Vitruvius, lib. VI,5,S 9, ubi describit oecos Aegyptios his fere ver- bis usus : « supra epistylium (sc. inferiorum columnarum in aedificii solo » positarum) ad perpendiculum inferiorum columnarum imponendae » sunt minores quarta parte columnae, supra earum epistylia et orna- » menta lacunariis ornantur, et inter columnas superiores fenestrae collocan- » tur, ta basilicarum similitudo videtur esse. » Itaque statuere non dubita- mus, ecdem modo quo Aegyptiorum tecta exstrui narrat Vitruvius , etiam Regiae Porticus medianum tectum exstructum atque fenestras inter colum- nas superiores collocatas fuisse. |

2. Jam vero accedamus ad frontem Regiae Porticus, quam Pausanias (1, 5, 1) his verbis descripsit : taÿrns énerti To xepaue Tic otoñc dyiluata éntis 76, dquels Onoedc ëc Sélasoav Eupova vai qépouca Hyuéca Kégadoy, dv xdAMGToy yevéueréy quasi Uno Hpépas épardeions dprac diva vai ci Taida yvéoSo DaéSoyra na qÜanax Emolnse roÿ vasb. Taÿra Go te xai "Hoéodbs ELpARE £y Ement Toïc Ec TUc yorcras. Quum supra jam uberius exposuerimus, quae sententia mytho illo contineri videatur, de statuis hoc loco nihil addamus nisi hoc, recte videri statuisse viri docti, quum ea omnia , quae verbis : 5 xéuoroy— énolnse voù vas conltinentur, ex Hesiodi verbis in Theogonia, vers. 984 et seqq., servatis (nam ejusdem poetae vardloyes psy aetatem non tulit) explicanda censerent, quum Pau- sanias ipse ad Hesiodum auctorem provocaverit. Cf. Siebelis ad Paus., T, 5, 1. Jtaque verba sx pieux émotgse re5 vao5, licet oratio non recte procedat, ad Venerem, cujns nomen ex Hesiodi loco subaudiendum est, non ad He- meram referenda sunt, neque assentiendum Forchhammero (Topograph. von Athen, pag. 54 in fine), qui ex his verbis conclusit, vel in Porticu vel

AroSEperos cùy abris dxééer. Jn his enim vocibus "Apewy ré9ov locum judicii , non homines judicium exercentes significare, supra docuimus, cap. V, $ 4, pag. 57 et seq.

DE BASILICIS LIBRI TT. o1

ad exam Hemerae templum fuisse. Sed meam de statuarum collocatione, quam supra proposui, sententiam hoc loco defendam, necesse est, quum viri docti de hac re vehementer inter se diserepent. Alii enim verbis raÿrne ro xepdpw The otoë aream terra figlina in fastigio Porticus factam , ali tympanum Porticus (l'intérieur du fronton, vas Gisreiretp) indicatum vo- Junt. Quarum explicationum posterior, quum nullis veterum locis probari possit, vix opus est ut multis refellatur; priorem autem vel eo refutari pu- tamus, quod areae in fastigio amplitudo haud dubie justum modum exces- sura fuisset, si quatuor statuas, naturalem hominum staturam procul dubio multo superantes, continuisset. Nam si harum statuarum binis con- junctis sex pedum latitudinem tribuas, easque quatuor pedes inter se disjunctas fuisse statuas, apparet, eas ad minimum sedecim, vel si in utro- que fine singulos vel binos pedes addideris, duo de viginti vel viginti pedum spatium complevisse. Tantae autem latitudinis aream in Porticus fastigio fuisse quis est, qui sibi persuadeat? Multo igitur probabilior sententia Kuhnii (ad Paus., I, 5, 1) est, qui #écoue tegulas significare observavit, quamquam pro tegulis potius tectum dicere debebat. Nos enim confisi auc- toritate grammaticorum, quos in nota ! laudavimus, contendimus , xécauoy hoc loco significare planum supra ambulationem, quae in fronte fuit, spatium, quod pavimento tectum, statuas Hemerae et Scironis ferebat. Vide quam dedimus Porticus a fronte apparentis imaginem tab. [, fig. 5, a, b.

CAPUT VII.

REGIAS PORTICUS APUD RELIQUOS GRAECOS NULLAS FUISSE DEMONSTRATUR.

1. Restat denique ut inquiramus, utrum etiam in reliqua Graecia Re-

giae Porticus fuerint nec ne. Hoc enim ut quaeramus ideo necesse est,

1 Vid. Bekkeri, An. gr., 1, pag. 47, 19 : xésauoy Gs Yueis roy mi vod oréyouc, et pag: 271 : xépauos * réyra népéuie, nepéuix 8rrai rAivySo:, et Polluc., VIE, 162, qui tradit, non suo tantum tempore xépasoy fuisse vocatum ipsum réyos sive sré9es, sed Aristophanem quoque ita appellasse in Cocalo. Vide etiam Pape, Lex. ling. gr., in hoc verbo.

22 DE BASILICIS LIBRI HIT.

quod Hirtius !, Bunsenius ?, aliique 5 contenderunt, omnes Graeciae gentes hoc aedificiorum genere usas esse et ad exemplum Regiae Athe- niensium sibi exstruxisse Porticus. Quam sententiam qui probare volue- rit, ei primum demonstrandum est, Regiae Porticus Atheniensium formam plane peculiarem ac propriam et talem fuisse, quam alii imitatione dignam existimarent, deinde etiam exempla enumeranda sunt earum porticuum quae in aliis Graeciae urbibus ad Regiae Porticus similitudinem exstruc- tae atque eodem nomine insignitae fuerint.

2. Et primum quidem Regiae Porticus formam peculiarem et juri di- cundo prae caeteris aptam fuisse Bunsenius frustra demonstrare studuit, ut ex iis, quae supra, cap. VI, scripsimus, satis apparere nobis videtur. Nam quum primum negaverimus, exedram in Regia Porticu fuisse, deinde quas Regiae Porticui tribuimus cellas, eas et in palaestris Graecorum et in porticu Hadriani fuisse probaverimus, denique Regiam Porticum Jovis Eleutherii porticui et +7 ra 374 aequalem fuisse, demonstraverimus , sponte intelligitur, quam delineavimus Regiae Porticus formam peculia- rem ac propriam non fuisse. Unde etiam illud intelligitur, reliquis Grae- ciae gentibus idoneam causam non fuisse, cur Regiam Porticum Athenien- sium praeter caeteras imitarentur.

5. De exemplis autem si quaerimus, Bunsenius quidem asseverat, cre- berrima Regiarum Porticuum sive basilicarum (hoc enim nomine uti ma- luit) vestigia apud scriptores veteres inveniri#, sed testimonia, quibus senten- tiam suam stabil'ret, attulit nulla, neque ego accurate perlustratis veterum libris et inscriptionibus, usquam reperire potui. Quos enim commemora- tos inveni reges sacrificulos Megarensium , Olbiensium 6, Ephesiorum 6, Prienensium 7, eos in Regia aliqua Portieu sedisse, ibique jus dixisse vel

? Hirt Geschichte der Baukunst bei den Alten., M1, pag. 180.

? Bunsen, die Basil., der chr. Roms, pag. 17 med.

3 Hofstadt Gothisches, A.-B.-C. Buch. Frankfurt ‘/y, 1845, pag. 258. Kugler, Kunstgeschichte, pag. 162.

* Die Basil., des chrst. Roms, pag. 17 med. Boeckh., Corp. inseript., vol. 1, pag. 538. Boeckh., Corp. inseript., vol. IN, pag. 135.

Strabon., XIV, pag. 632 extr. Vid. Strab., VIT, pag. 584.

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DE BASILICIS LIBRI IL. DS

munere suo functos esse, nusquam legi. Neque quam Hirtius ! et qui eum secutus est vir doctus in Paulyi fieal-encyclopaedie d. class. Alterthumsw., in verbo Basirica commemoraverunt Eleorum porticum (Pausan., VI, 24, 2)?, Regiam Porticum fuisse aut certe ad Regiae Porticus Atheniensium similitudinem exstructam fuisse, concedimus. Hla enim quum totam me- ridionalem fori latitudinem compleret, haud dubie non undique clausa, sed potius aperta porticus fuit, atque uno pariete atque tribus columna- rum ordinibus, quorum primus ad forum pertineret, constabat. Qui co- lumnarum ordines quum spatium inter parietem atque apertum porticus latus in tres ambulationes dividerent, porticum in tres partes divisisse recte dici potuerunt (dtupoïar dE abTnv els poipas Tpeïc oi alovec). Unde facile intel- ligitur, Eleorum portieum basilicam tripartitam (un portique à trois nefs, Enxe preisemrrice Sroa) appellari non posse, quippe quo nomine eae tan- tum porticus designari possint, quae spatium tripartitum intra parietes contineant. Neque rectius idem viri docti, quos modo laudavimus, sta- tuerunt, porticum illam juri dicundo constitutam fuisse, quum qui Hel- lanodicas commemoraverunt scriptores % ne verbulum quidem de judiciis qualia rex Archon exercere solebat, ab Hellanodicis habitis scriptum reli- querint. Propius fortasse ad verum accessissent, si Hellanodicas Eleorum

1 Hirt Gesch. d. Bauknst. b. d. Alt., tom. HE, pag. 180.

2 Pausan., VI, 24, 2 : ‘H d8 änopx vois HAebois xara tas ‘Iévoy 4x ou rpôs Toviay rédeis int ‘E- Apr, Tpôro rercigrar TO dpyaotépo, oToxTc TE Ard AAYAGY diecTéoæis xai dyuIdis d\ aÜTy r@y crowy y rpôc mecymBpiar épyasias Ecti Tÿç Awpiou, dimipoDoi adTyy Éç moipag rpeïe oi xioyes. En raëry diymepebouoi ra old oi 'EAXa-odixzi.

5 Vid. Pausan., V, 9, 5, et Siebelis. ad h. 1. Harpocrat., Phavorin., Etymol. M., in voce : ‘Ea- Dzyodirei, et Bekkeri, An. gr., 1, pag. 248, 32. Hesych., in voce dixoyu. Aelian., V. Æ.,IX, 51, X, 4, ibique. Kühn. Philostr. Vèt. Apoll., M, 30}, pag. 121; VI, 10, pag. 258. Schol. ad Pindar. Olymp., WE, 22. in ed. Boeckh., Gruter. Thes. Inscripl., pag. 489. Tzetzes, Hist. var. Chil., XI, 362 et seqq. ed. Kiesling. haec habet :

"Apti 44006 méySuye, Tives EAAxyodixas. Ehavodines vos por tods pl dixtiSéyTas Tyv "Ouvrier Éopr}y ai To yoya Tobros * Oéarpoy ave) pyioy 49 9ùp 4 Oauuria

Oi rod &ysvos robrou T4; #piseis ÉvopyTes

Eaaavodines sûururi Éhéyoyte, ds Epyy.

d4 DE BASILICIS LIBRI III.

porticu eodem modo, quo regem Archontem Regia Porticu, usos esse statuissent. Uti enim rex in sede sua res sacras, ita Hellanodicae in illa porticu ludos Olympicos certe ex parte videntur curavisse. Quare equidem non dubito, quin in tertia porticus ambulatione, quemadmodum in pa- laestrarum meridionali portieu duplici ! cellae fuerint, in quibus Hella- nodicae commode versarentur.

Porro quam Romanorum basilicis sive Atheniensium Porticui Regiae similem fuisse existimant ? porticum Persicam in foro Spartano, eam Vi- truvius et Pausanias 5 tam paucis descripserunt verbis, ut vix appareat, quo jure viri docti basilicarum formam in ea repraesentatam fuisse opi- nari potuerint.

Neque denique quae Pompeiis, Herculanei et Paesti inventae esse di- cuntur basilicae quidquam ad stabiliendam Bunsenïi sententiam facere possunt, propterea quod haec aedificia non basilicas, sed aut porticus quadrangulas undique clausas aut, quod de aedificio Paestano valet, tem- plum pseudodipterum pycnostylum fuisse infra docebitur.

4. Sed accedit etiam alia res, qua Buusenii sententia infringi videtur. Nam Vitruvius, in libri V, cap. 1, in quo fora et basilicae tractantur, fora quidem et Graeca et Romana descripsit, et quomodo utrumque genus inter se differret, accurate exposuit, basilicarum autem nulla exempla nisi Romana posuit. Atque si ei cognita fuissent etiam Graecarum basilicarum exempla, haec quoque commemorare, et quomodo cum Romanis aut discreparent aut convenirent, docere debebat, idque docuisset sane tanto

1 Vid. Vitruv., V, 11,2, supra pag. 46, nota 1.

? Vid. von Quast die Basilika der Alten., pag. 21.

5 Vitruv., 1, 1, 6: Non minus Lacones, Pausania Agesipolidos filio duce, Plataeo praelio pauca manu infinitum numerum exercitus Persarum cum superavissent, acto cum gloria triumpho, (spoliorum et praedae) Porticum Persicam ex manubiis laudis et virtutis civium indicem (victoriae) posteris pro tropaeo constituerunt, ibique captivorum simulacra barbarico vestis ornatu, superbia meritis contumeliis punita, sustinentiæ tectum collocaverunt; nti et hostes horrescerent timore eorum fortitudinis affecti, et cives id exemplum virtutis aspicientes, gloria erecti, ad defenden- dam libertatem essent parati. Pausan., HE, 44, 3 : 'Exipavéoraror dE +ÿc dpopäe Éoriw #y aroùv Tleo-

cixÿy Coudbouriy Aupbgwy roySEicuy Téy Mydixéy dy œpédoy dE adrYy ëg WéyESos vÜy ka Ec x0Tmoy

a petaBsBhpruris * eici ri T@y miôvw Ilépoaæ AiSou AeuxoD xal GA A0 al Mapdésios 6 L'oBpüou *

A , , x 7 » , * =. reroigre dE nai Apremiris Suyéryo pèy Auydéuudos, EBuoincuce dE ‘Aixxpvar rod.

DE BASILICIS LIBRI IL D5

certius, si verum esset, quod hodie viri docti contendunt, Romanas basi- licas ad exemplum Graecarum aedificatas fuisse.

Quae omnia si recte disputata sunt, Bunsenii sententia ! vehementer iis labefactatur. Nam quae ille de basilicis dixit, ea de solis porticibus, quae per totam Graeciam forma quidem admodum varia ? reperiebantur, recte dici possunt.

1 Vin. Die Basil., d. Christ. Roms., pag. 47 : Die Andeutungen der Alten zeigen sie (die Basiua) uns nur als eine in der hellenischen Welt nurcncagNerG uegLicue For.

2 Vid. quae supra cap. VE, $2, pag. 40 et seq., dicta sunt, praeterea etiam indicem Siebelisii ad Pausan. Descript. Graeciae in voce : srcé et porticus.

d6 DE BASILICIS LIBRI IL.

LIBER SECUNDUS.

DE ROMANORUM BASILICIS.

INTRODUCTIO.

Basilicae Romanae quales fuerint ut accuratius cognoscatur, disputatio nostra sic instituenda videtur esse, ut de generibus, de forma, de usu, de origine, de nominibus earum dicamus. Ita enim facillime fieri poterit, ut quae recte de basilicis Romanis tradita sunt, denuo con- firmentur, quae falso disputata sunt, refutentur vel corrigantur, denique quae adhuc parum intellecta sunt aut prorsus ignota fuerunt, penitus cognoscantur et intelligantur. Quibus expositis judicium de aedificiis, quae basilicarum Romanorum reliquiae esse dicuntur, adjiciendum esse videtur.

CAPUT I.

DE GENERIBUS BASILICARUM.

S 1 De forensibus basilicis.

Q

1. Pervulgatam, quam huc usque, exceptis lexicographis et nonnullis Vitruvii interpretibus, fere omnes, qui de his rebus scripserunt, intactam

DE BASILICIS LIBRI II. ÿ7

reliquerunt et propagarunt opinionem, ex qua unum tantum apud Ro- manos basilicarum genus exstitisse perhibetur, non amplius tueri poterit, qui veteres scriptores et inscriptiones ea, qua decet, diligentia perscrutatus erit. mo quatuor basilicarum fuisse genera certissimis veterum testimoniis edocemur.

Et primum quidem genus complectitur notissima illa aedificia , quae tractandis fere iisdem rebus, quae alias in foro tractari solerent, inser- viebant, atque ita erant exstructa, ut per se ipsa starent, neque partes essent aliorum aedificierum. Quas quidem basilicas, quum et ad fora ple- rumque sitae, et rebus in foro agendis destinatae essent, forenses basilicas appellari licebit.

2. Harum basilicarum primam! Marcus Porcius Cato Censorius, ann. Urb. conditae 569. Romae in Lautumiis ? post 5 Curiam Hosti-

1 id. Aurel. Vict. V. J., 47, 3 : Cato basilicam suo nomine primus fecit.

2 id. Liv. XXXIX, 44 : « Cato atria duo Maenium et Titium in Lautumäüis et quatuor tabernas in publieum emit, basilicamque ibi fecit, quae Porcia appellata est. » His verbis Livius aperte do- cet, basilicam Porciam non ad forum sitam fuisse. Hoc enim si declarare voluisset, haud dubie fori mentionem non omisisset. Itaque veritati male servierunt, qui Pseudo-Asconii (ad Cic. Divin. in Caec., 18) verbis : « Maenius, quum domum suam venderet Catoni et Flacco censoribus, ut ibi basilica aedificaretur, exceperat jus sibi unius columnae, super quam tectum projiceret ex provo- lantibus tabulatis, unde ipse et posteri ejus spectare munus gladiatorium possent, quod etiam tum in foro dabatur, » adhibito etiam Schol. Crug. ad Hor., Sat., ?, 5,21 : « Domo sua (Maenii) quam ud forum habebat divendita, » demonstrare studuerunt, basilicam Porciam ad forum exstructam fuisse. Nam praeterquam quod alter horum testium vel ideo fide vix dignus videtur, quod quae narrat male ad columnae Maenianae originem refert. (Vid. Becker., Handbuch. d. roem. Alterth., 1, pag. 500, not. 519, et pag. 522,) alter vocibus « domo, quam ad forum habebat, divendita » non quod Livius significaverat, atrium in Lautumiis, sed aliam ejusdem Maenii, hominis divitis et prodigiosi, domum ad forum sitam indicat, utrumque scriptorem etiam propterea Livio post- habendum esse apparet, quod illi multis demum saeculis post deletam basilicam Porciam vixerunt, hic autem Clodianis tumultibus, quibus illa combusta est, fere aequalis fuit. De Lautumiarum vero situ primus rectissime disseruit Becker, Æandb. d. roem. Alterth., X, pag. 262 et seq., et Zur roem. Topographie, pag. 19.

5 Vid. Plut. Cat., maj. A9 : Toax dE aa mpèg ryv Te Bacihxÿs eaTaTxevÿr Yuavriogyray (oi duap- veu) ÿv Éxétios Ex oppuérus suv@y Drù BouneuTrppioy Th dyopa rapÉBaRRE ral Ilopxiuy Basiuixÿ poo- #éeure. Quo loco eam, quam modo proposuimus de basilicae Porciae situ sententiam probari, nemo negabit, qui meminerit, Plutarchum quum Curia ad situm basilicae definiendum uti vellet, haud dubie ante Curiam, hoc est in foro stantem cogitandum esse. Jam vero, quum qui in foro sta- ret, Plutarchus non dixerit neque 7494 Guasurpe , juarta Curiam, neque reb Eeucury gi, ante Curiam, sed potius ÿrè Bouneurépio sub Curiam, hoc est in loco, qui Curiae area inferior

Tome XXI. 8

58 DE BASILICIS LIBRI II.

liam ! ex pecuniis severissima sua censura exactis aedificandam curavit, quare vir ille fortissimus Romanarum basilicarum inventor atque conditor rectissime appellari potest. Quae basilica in honorem Catonis conditoris Porcia appellata, postea a Clodianis simul cum curia Hostilia igne deleta est a. U. c. 702, neque unquam videtur restituta esse ?.

5. Novum autem illud aedificiorum genus ita placuit, ut quinque annis post a. U. e. 574, Censor M. Fulvius Nobilior basilicam aedificari jube- ret® eam, quae initio quidem Fulvia, postero autem tempore, quum ab Aemilio Paullo a. U. c. 699. refecta esset #, Aemilia et Fulvia à sive sim- pliciter Aemilia 6 sive etiam, quod posteriore tempore usitatissimum ejus nomen fuit, basilica PaulliT appellata est. Eam in medio foro$ post Argenta- rias novas° in septentrionali fori latere jacuisse, testantur Livius et Cicero 1,

erat, infra Curiam (uti Plautus Cureul., IV, 4, 41 : Ditis damnosos maritos sub basilica quaerito), apparet, basilicam neque ante, neque jurta Curiam, sed infra vel post Curiam ideoque non ad forum sitam fuisse. Quae sententia ne verbis quidem =} änopt rapé3znae vefellitur, quippe quibus nihil aliud significetur nisi hoc, basilicam quasi alterum forum, fori laxamentum fuisse. Vide infra caput HE, De usu basilicarum.

1 Curiam Hostiliam in septentrionali fori Romani latere sitam fuisse, acutissime docuit Becker, Handb. d.roem. Alterth., X, pag. 284 et seq.

? Cf. Ascon., ad Cic. pro Mil. Argum., pag. 54, ed. Orell. « Quo igne et ipsa quoque Curia flagravit et item Porcia basilica, quae erat ei juneta , ambusta est. » Hic igitur quum voce erat uteretur, significavit, suo tempore basilicam aut omnino non refectam, aut certe Curiae non junc- tam fuisse. Quarum sententiarum utram eligam, non ambigo.

5 Liv. XL, 51 : M. Fulvius plura majoris locavit usus basilicam post argentarias novas.

# Varron., L. L. VI, 2, pag. 187 et seq. : « Solarium dictum id, in quo horae in sole inspicie- bantur, quod Cornelius in basilica Aemilia et Fulvia inumbrawit. »

5 Plut. Caes., 29 : aa üréro dv élue xal revraxéin Télayta dévros, Gy «a t}y Baciar- 299 Énéiros, oouacrèy dydSyua, Tÿ dnopà mpoceméAñyoes dur) the bouABias oixodouyrtiray.

5 Plin. Æ. N. XXXV, 5, 4 : Post eum (App. Claudium) M. Aemilius, collega in consulatu Q. Lutatii, non in basilica modo Aemilia, verum et domi suae (imagines elypeatas (vid. Eichstaedt, De imaginibus Romanorum) posuit). Inseriptio num. Aemil., qui effigiem basilicae Aemiliae re- praesentat (in tab. nostra IN, fig. 8.) Aemilia.

7 Plin. Æ. N. XXXVI, 45, 24 : Nonne inter magnifica basilicam Paulli columnis e Phrygiis mirabilem. Tac. 4nn., II, 72; Stat. Silv., 1,1, 29. Curios. Urb. Rom., reg. IV. Dio Cass. XLIX, 42,

# Cie., ad Attic., IV, 46 : Paullus in medio foro basilicam jam paene texuit iisdem antiquis co- lumnis.

* De argentariis novis, Vid. Beckeri, Handbuch d. roem. Alterthümer, 1, pag. 296.

10 Liv. XL, 51. Cic., ad Atic., IN, 16, supra nott, 5 et 8, coll. Becker, Handbuch, 1, pag. 296.

DE BASILICIS LIBRI II. 59

eandemque basilicam vel aetate ! vel igne ? identidem consumptam, sed semper summa diligentia restitutam ! diutissime exstitisse, inde apparet, quod medio fere saeculo quarto post Christum natum adhuc incolumis fuit 5. Neque de ejus incendio quidquam memoriae proditum.

Quod vero Bunsenius # arbitratus est, basilicam Paulli duobus consti- tisse aedificiis, ita quidem, ut quum ex uno in alterum facile transiri possei, aedificia conjuncta unam efficerent duplicem basilicam , id procul dubio falsum est. Etsi negari non potest, apud Christianos certe fuisse ba- silicas conjunctas , tamen de duplici Aemilia basilica vel ideo dubitari licet, quod scriptores veteres nullam nisi unam sive simplicem basilicam Aemiliam commemoraverunt 6. Quam autem Cicero in Epist. ad Attic., AV,

4 Tac., Ann. NI, 72 : Hisdem diebus (a. U. c. 775) Lepidus a senatu petivit, ut basilicam Paulli, Aemilia monumenta, propria pecunia firmarel ornaretque.

? Incendio tempore Neronis orto, Tac., Ann. XV, 38-41,

5 Basilica Paulli commemoratur in Curioso Urb. Romae, reg. IV, quod medio fere saeculo quarto, p- C. N. conscriptum esse videtur. Cf. Becker, Handbuch d. roem. Alterth., , pag. 709 et seq. « Reg. IV. Templum pacis continet viam sacram , basilicam novam et Paulli. »

# Bunsen, Beschreibung der Stadt Rom, tom. HI, 4, pag. 29 et seq. et pag. 52 : Der scheinbare Widerspruch ist also nicht zu loesen, als wenn wir annehmen, dass Paulus seine neue und die aeltere Aemilische Basilika so mit einander verband, dass beide ein grosses Gebüude ausmachten, welches man gewühnlich von dem Hauptbaue als Basilika Paulli bezeichnete.

5 Sunt duo exempla basilicarum Christianarum conjunetarum, quorum alterum affert Paulinus Nolanus in Ep. XII, ad Sever. ( Biblioth. Patr., vol. VI, pag. 195, E,, ed. Lugd.) his verbis : « Laelissimo vero conspeetu tota simul hace (basilica) in basilica memorati confessoris (beati Felicis) aperitur tribus areabus paribus perlucente transenna : per quam wicissim sibi tecta ac spalia basilicae utriusque junguntur. Nam quia novam a veteri paries apside cujusdam monumenti interposita obstructus excluderet, totidem januis patefactus a latere confessoris quot à fronte in- gressus sui foribus nova reserebatur, quasi diatritam speciem ab utraque in utramque spectantibus pracbet. Inter ipsam vero transennam (qua breve illud, quod propinquas sibi basilicas potius diseludebat, intervallum continuatur ) e regione basilicae novae super medianum arcum hi versus sunt :

Ut medium valli pax nostra resolvit Jesus

Et cruce dissidium perimens duo fecit in unum : Sic nova , destructo veteris discrimine tecti, Culmina conspicimus portarum foedere jungi.

Alterum exemplum ecclesiarum conjunetarum, eeclesiam cathedralem Neapolitanam, comme- moravit Urlichs in libro qui inseribitur : Die roem. Topographie in Leipzig, pag. 34.

6 Tac, Ann. WF, 72. Plin., XXXVI, 45, 24. Stat. Silo., L, 4, 29. Plut. Cues., 29. Galb., 26. Dio Cass., XLIX, 42; LIV, 24. Appian., Civil. I, 26. Not, reg. IV.

60 DE BASILICIS LIBRI I.

16, his verbis : « Ilam (basilicam) autem, quam locavit, facit magnifi- centissimam » commemoravit basilicam, eam non Aemiliam sed Juliam basilicam fuisse, Beckeri auctoritatem sequutus infra docebo.

4. Idem L. Aemilius Paullus, qui basilicae Fulviae restitutor fuit, no- vam basilicam magnificentissimam locavit ! anno U. c. 699, eandemque filius ejus Aemilius Lepidus Paullus ann. U. c. 719 perfecisse mihi vide- tur ?.

Nolo enim cum üis facere, qui dicunt, Dionem Cassium voce ééoxodunse significare voluisse, basilicam Aemiliam viginti annis ante a. U. c. 699 a L. Aemilio Paullo plane renovatam, ab Aemilio Lepido Paullo a. U. c. 719 a solo restitutam esse 5, siquidem aedificium, quod post viginti an- nos denuo exstrui oporteret, Romano nomine plane indignum fuisset. Haec nova basilica a Paullo conditore primum basilica Paulli #, postea- quam autem circa ann. U. c. 740 igne deleta, et nomine quidem ab eodem Aemilio Lepido Paullo, re vera autem ab Augusto et Paulli amicis resti- tuta fuit 5, ab Augusto basilica Julia videtur appellata esse. Ita factum est, ut quemadmodum basilica Fulvia a Fulvio condita in restitutoris honorem basilica Aemilia sive Paulli appellaretur, ïta altera Paulli basilica primo quidem basilica Paulli, postero autem tempore in honorem Julii Caesaris,

1 Cic., ad Attic., IV, 16 : Paullus in medio foro basilicam jam poene texuit ïisdem antiquis co- lumnis; illam autem , quam locavit, facit magnificentissimam.

2 Dio. Cass., XLIX, 492 : Kai rÿ> oroës rhy Iladhou xæAcuwéyyy Aimiliwos AËridos Tlxdos dois réhsor ÉÉvwxodiuyas xd 7ÿ drareia saSiéprey, ann. U. c. 749. Cf. Laurent., Fast. cons. capit., pag. 48. Opus a patre muneribus Caesaris (Ilaÿaoy ouAloy nl revranooioy rahäyroy Érplaro (0 Kaicap).— Tlabaos dy rh Ilabou Argouéyyy Basiaixÿy àrd royde Tüy vpyudroy dvédyre Pouaiols, oixc- déuyuzx regieærnée * Appian., Civ. II, 26), inchoatum filius suis pecuniis perfecit; éfozodéwysey enim significat : aedificium perfecit. Cf. Henr. Steph., Thes. L. gr. I, pag. 1321 , ed. Paris.

5 Becker, L. L., 1, pag. 505 : Eine Nachricht (Dio Cass., XLIX, 42) meldet, dass die Basilika, im Jahre T18 (720) vom Sohme des proscribirten L. Aemilius Paullus neu aus cigenen Mitteln erbaut worden ser.

# Vid. Dio. Cass., XLIX, 42, not. 9, supra, et Dio. Cass., LIV, 24, infra not. 5.

5 Vid. Dio. Cass., LIV, 24 : ÿ e crox ÿ labos xxd9y, a ro do dr adrÿc moùc 'Eoriioy dpi- 670. ‘H jèy cÙy sroù aerà robro évéuari uèy drd AiuiMou, èç By td ToD ro aæyTÔc MOTE MUTHY DÉVOG ÉxAÜSE , TO dE Épyeo Ür” Adnobcrou 42} dmè vüy vob Ilabhcu pihoy rodouyy. Quum ignis, quo # croù ÿ adress concremaretur, ad Vestae aedem perrexerit, apparet +} [aéaec? oo significare eam, quam postea Juliam appellarunt basilicam, in eodem eum Vestae aede fori latere, meridionale puta, sitam.

DE BASILICIS LIBRI IL 61

cujus impensis opus inchoatum !, a Caesare Augusto, cujus sumptibus per- fectum esset (Vid. not. 1), basilica Julia nominaretur?. Quam quidem de ori- gine basilicae Juliae sententiam licet non omni dubitatione carentem, tamen omnium maxime probabilem à Beckero * primum expositam esse, grato animo confiteor. Ceterum quum basilica Julia in meridionali fori latere # ad lacum Servilium in principio vici jugarii ® sita fuerit, credi non potest, eam in locum basilicae Semproniae, quippe in principio vici Tusci sitae (Vid. infra 5), aedificatam fuisse. Eadem autem basilica 6 igne devastata

1 Vid. App., Civil. I, supra p. 60, not. 2 med. : Haÿ22v JE repizariés. Monum. Ancyr. : « Forum Julium et basilicam, quae fuit inter aedem Castoris et aedem Saturni, coepta profligataque opera a patre meo perfeci, et eandem basilicam consumptam incendio (vid. Dio. Cass., LIV, 24, supra p. 60, not. 5) ampliato ejus solo sub titulo nominis filiorum.... inchoavi | et si] vivus non perfecissem , perfici ab heredibus [meis jussi |. » Pecuniam vero, ex qua Augustus basilicam Juliam refecit, a Licinio Caesaris Liberto accepisse dicitur. Is enim ab Augusto Galliarum curationi prae- positus, quum provincias spoliasset atque repetundarum, ut videtur, accusaretur, ann, U. c. 759, rem suam familiarem Augusto tradidit, ex qua postero anno basilica Julia restituta est. Quare Schol. ad Juven., 1, 109 (pag. 162, ed. Heinrich.), seribere non dubitavit : « Licinius, ex Germa- nia puer captus, dein curationi Galliarum ab Augusto praepositus, eas spoliavit ; et cum fiagraret invidia, basilicam sub nomine Caï Julii Caesaris aedificavit. » Quae praeterea de Licinio supra commemoravi, ea leguntur apud Dion. Cass., LIV, 21, et Senec. Apocol., pag. 382, ed. Pip. Ce- terum vide Becker : Zur roemischen Topographie, pag. 51-55, qui huic rei difficillimae primus lucem attulit.

2 Solebat Octavianus hominum clarorum monumenta evertere et vel suo vel suorum nomine in- signire, cujus rei exemplum exstat apud Dion. Cass., LVI, pag. 755, lin. 65 fin. Nam quum Vedius Pollio moribundus ann. U. ec. 759, splendidum quoddam opus exstrui jussisset, Augustus ejus rei faciendae specie, re ipsa autem ne quod Vedii in urbe exstaret monumentum aedes Pollionis fun- ditus evertit, et, repiorocy Gsdoufoaro, ua 0vouu rod IIcAA&YOS, AAA Td re Aulas éréyeube, robro pèy Uorepoy Érolycer.

5 Handbuch d. roem. Alterth., Y. pag. 505, fin., et Zur roem. Topographie, pag. 51-55.

4 Vid. Bunsen, Beschreibung der Stadt Rom , tom. WF, pag. 82 et seq.; Becker, Handbuch d. r. A.,1, p. 339.

5 Cf Festus, pag. 290 : Servilius lacus appellabatur (ab) eo, qui eum faciendum euraverat, in principio vici jugarii, continens basilicae Juliae, in quo loco fuit effigies hydrae posita a M. Agrippa.

5 Basilica Julia praeterea commemoratur ab hisce scriptoribus : Plin., Æpist. I, 44, K 4,8; V,24, 1:V1,55;, 4; Joseph. , Antiq., XIX, À, 11; ai 940 sis 7 Karirduoy uéyre (Caligulam) xzr4 Soucis drèp Th Suparpès Érirehouuévas Om To T'aiou rapfr moïAduis naipés «al Ürèp rc Bacinixge ioréueroy #41 dépo wpualou al &pyupiou ppyuara dixppirrobyTa dax xarx 4ep2)ÿe* ddyhèy écri orénos els rÿv änopar gtpor. Sueton., Calig., 37 : « Quin et nummos non mediocris summae fastigio basilicae Juliae per aliquot dies sparsit in plebem (Caligula). » Hieronym., Chronic., pag. 399. Olymp., 185, 3 (— 708 U. C.), « Romae basilica Julia dedicata est. »

62 DE BASILICIS LIBRI II.

a Diocletiano restituta ! atque in eodem Urbis Romae Curioso, quod pag. 9, not. 5 nominavimus, commemorata usque ad extrema antiquae Romae tempora incolumis fuisse videtur, quum area ejus etiam nune in meridionali antiqui fori Romani latere antiquis ruderibus tecta inveniatur.

5. Quanti autem Romani basilicas aestimaverint, ex eo facile intelligi- tur, quod decem annis post Fulvium Nobiliorem ann. U. c. 584. Tib. Sempronius Gracchus ? in meridionali fori latere post Argentarias veteres 5 ad signum Vortumni basilicam Semproniam , et aliquo tempore intermisso L. Opimius in septentrionali fori latere basilicam Opimiam © exstruxe-

1 Catal. imp. Vienn., pag. 247, Ronc. : Opera publica arserunt basilicam Juliam et Graeco- stadium (regnante Diocletiano) multae operae publicae fabricatae (sic!) sunt, senatum, forum Caesaris basilica Julia.

2 Liv. XLIV, 46: Tib. Sempronius Gracchus ex ea pecunia, quae ipsi attributa erat, aedes P. Africani pone Veteres ad Vertumni signum lanienasque basilicam faciendam curavit, quae pos- tea Sempronia appellata est.

5 De argentariis veteribus vide Beckeri, Handbuch d, r. A., 1, 296. Beschreibung. d. St. Rom., III, À, pag. 26.

4 Signum Vortumni sive Verturani in vicinia fori positum fuisse, non solum Livi verba testan- tur, sed etiam locus Propertü, IV, 2, 5, ubi Vertumnus ita loquens inducitur :

Nec me turba juvat nec templo laetor eburno , Romanum satis est posse videre forum.

Ex quo consequitur, Pseud.-Asconium ad Cie. Verr., 1, 59, verbis : « Signum Vertumni in ultimo vico (Tusco) Thuario est sub basilicae angulo flectentibus se ad postremam dextram partem, » sig- nificasse eam vici Tusci partem, quae foro vicina esset, non eam, quae ad Velabrum vergeret. Quare qui ex his verbis efficere student, basilicam Semproniam in Velabri vicinia sitam fuisse, contra Livii auctoritatem pugnare videntur.

5 Vid. Varron., L. L., V, 156, ed. Müller : « Senaculum supra Graecostasin (in septentrionali fori latere sitam, vid. Becker, Handbuch, tom. 1, pag. 285), ubi aedis Concordiae et basilica Opi- mia, » Cic. pro Sext., 67 : L. Opimius, cujus monumentum celeberrimum in foro (basilicam puta) sepulerum desertissimum in littore Dyrrhachino relictum est. Marini : Ati de’ fratelli Arvali, tom. 1, pag. 212. » Nel Museo di Monsign. Casali queste due scritte con caratteri mollo antichi :

| Fri | Menophilus PME: Ossa sita | | Lucretianus P. Pomponi. P. L. | | Servos publicus Ma Ne | vs ur 2e | enopilus Ex basilica pi hic sit. | ir RP pes: | L. Corneli ex basilica

Diophanti L. L. Alexae Opimia.

DE BASILICIS LIBRI IL. 63

runt. Sed de his basilicis apud veteres nihil praeter ea scriptum exstat.

Itaque quatuor ad minimum basilicae in foro Romano fuerunt, cujus rei qui meminerit, illa non mirabitur , quae apud Strabonem, V, pag. 163, lin. 41, de foro Romano leguntur. Mo d & vs is tv dyopay rapehSur cv &pyax ; amv an dx rapalBenuévn Tovrnv, nai BacrAunds toc ka vaodc, du d ai vo Komitohov.

6. Posteriore autem tempore Romae plures basilicae ! exstructae sunt, quarum celeberrimae sunt basilica Ulpia in foro Trajano ? et basilica Constantiniana, a Maxentio illa quidem exstructa, sed postea Flavii me- ritis ® dedicata, postremo ut videtur a Constantino M. Constantiniana compellata. Quin etiam ii [mperatores, qui sacra Christiana amplexi sunt, novas basilicas exstruendas curarunt, veluti Theodosius Romae # exeunte saeculo quarto, et Rufinus nomine Imperatoris Arcadii Antio- chiae Ÿ ineunte saeculo quinto. Porro Constantinum Magnum Constanti- nopoli basilicam aedificasse, in eaque rhetores causas egisse litterisque operam dedisse, Julinnum autem bibliothecam collocavisse, narrant Pro- copius, Agathias et Zosimus 5. Tempore autem Justiniani basilicas mer-

1 Cf. Curios. Urb. Rom., Region., XIV, c. breviariis suis : Basilicae X, Julia, Ulpia, Vestilia, Neptunia, Matidies, Marcianes, Vascolaria (seu Argentaria, Cf. Ulrichs die roem. Topograph. in L., pag. 70), Floscellaria, Constantiniana.

2 Vid. Beschreibung. der St. Rom., WW, pag. 287, et Becker, Handbuch., 1, pag. 580. Nibby, Del foro Trajano, pag. 555.

5 Aurel. Viet. Caes., 40 : Adhuc cuncta opera, quae mirifice construxerat (Maxentius), Urbis fanum atque basilicam Flavii meritis Patres sacravere.

# Symmach., Æp. V, T1 (74) : « Bonoso optimo viro et post militiam palatinam geminae ad- ministrationis conspicuo, discussionem pontis ac basilicae novae praeceptio Augustana mandavit. Coll, £p. IV, T1. Quam quidem basilicam ecclesiam Christianam non fuisse, inde sequitur, quod aedium Christianarum aedificandarum eura episcopis demandari solebat. Cf. Euseb. Æ. E., X, 4, pag. 380 et seq. Vit. Const., WI, 25. Theodor., Hist. Eccl., 1, 14. Piale, Diss., F, 7, pag. 15.

5 Zosimi Hist., V (Arcad. et Honor., LV), pag. 781. Rufinus Bxcinuny ofnodouei oroëy, %e eddé E2 4 mis Ege diurperéorepey cixodéuyuz. Quam basilicam, quominus ecelesiam Christianam fuisse cum Hirtio (Geschichte der Baukunst b. d. Alten., UE, cap. V, S 5) credam, eo impedior, quod nunquam ecclesiae christianae vocibus 5702 Bariixÿ, quod sciam, denotatae sunt.

6 Procop., De aedific., 1, 11 : Karë rÿy Barineés oroy, iva dy ràs diras rapasxcu#torra ci re firopec 44 eiauyoyetc nai ei TivEs &AÀo1 Tob Épyou Todrou ÈrimeloDYraI, abAY Tis ÉcTIy drespeyésys. Agathiae, Hist., I, pag. D2 À. : &AN évons yuesos êy vf BuriAclo aroë BiBAidix roxr&

dxdy dyérhea val mpayuéror ÉoSgivod péoçes wa eis Moov 2aradüyra ÉxUEAETO kel dYEATTO * kai iuy

64 DE BASILICIS LIBRI HI.

catui destinatas in majoribus urbibus fuisse, testatur locus Digest., XXXIV, tit. 2, 1. 52, $ 4. Postremo Ramausius ! ineunte saeculo XIIT in bello Constantinopolitano laudat regias basilicas aliaque Constantinopolis aedi- ficia pulcherrima e longinquo fulgentia et conspicua. Omnino autem ba- silicas, quales huc usque commemoravimus, jam Augusti temporibus in omnibus fere Italiae, imo totius fere imperii Romani urbibus fuisse, certissimis testimoniis comprobatur ?.

ayScueu rois ve hoboiv, x, 7. À. Losim., Hist., I, pag. 715, 18 (vol. III, Script., Hist. Aug.). Julianus, Bi3209%2y7 &9 +9 Basinéws oroù cixodouyoas Kai Tabry BiBhous cas Eye Évarodéueros.

1 Cf. P. Ramnus., Bell. Const., I, pag. 61, fin. ed. Ven., 1654. « Templorum numerum Deo Coelitibusque dicatorum, atque ipsum demum Sophianum templum Justiniani opus, generosi ope- ris mole, sed excelsis potissimum plumbeiïs testudinibus, reliqua urbis aedificia superans, maæi- mum numerum Palatiorum, Thermarum, basilicarum Regiarum et Xenodochiorum, quantum nemo nisi oculis subjectum, unquam crederet, intuiti (Francones et Veneti) aegre inde lumina dejiciebant. »

2 Cf. Suet. Aug., 100 : « Corpus Augusti Decuriones muvicipiorum et coloniarum a Nola Bo- villas usque deportarunt, noctibus propter anni tempus, quum interdiu in basilica cujusque oppidi, vel in aedium sacrarum maxima reponeretur, » Muratori Thes. inscripl., 1, pag. 472, 8. …. janam basilicam.…... Troilus Caecilianus eur. r. p. fecit. (Legitur haec inscriptio in fragmento ex Africa allato.) Mur, Thes. inscript., pag. #78 : Haec basilic. , Memmiae Priscae... ex voto Caes. Paren. (Haec inseriptio legitur in fragmento, quod Ticini in culina sacrar, virginum de Pusterula invenitur.) Reines., Inseript., pag. 286. Inseriptio Smyrnensis : 7.

Sérys Neperéon crpôreis rÿy Baci2ixÿy Aoûeios Becréios Th Bacinix#9 creer) rhy rh

y59To oi dÉkx Bésoos dyoyo-

75 Bouheurypio ui xeñs she Spas rose. Gvuter., Corpusüinscript., pag. 171,1. (Spoleti apud Arist. Maurum.) J. C. Sex. Volusius basilicam solo publ. a fundamento pec. sua vit. —Gruter., Corpus inse., pag. 471, 2. (Tordae Transsylvan. in templi propylaco, quod forum spectat frag- ment.) Imp. Caes. M. Ant. Gordianus Pius Felix invictus Aug. basilicam lejum. Gruter., LL, pag. 171, 4. (Vesunae Petrocorior.) 3. Lannae solo a Pomp. Ant. Bassus, CG. Cn., Consacpt. basilicas duas, ete. Gruter., L. L., pag. 444, 4. (Neapoli in Cippo.) In curia basilicae Aug. Praeterea commemorantur Basilica apud Caerites. Grut., L. L., pag. 214; Basilica Velleiana, Pietro de Lama, Inseriz. ant., X, M, Hi]; Basilica Veliterna, Clemente Cardinali Inseriz. antich. Veliterne, pag. b8, 20; Basilica Julia Aquiliana et basilica Fanestris; Nitruv., V, 1, $ 4,6; Busilica Cordubae in Hispania, Hirt. bell. Alex., cp. 52; Basilica Nemausi, Ael. Spart., Vit. Adrian, cap. 11; Ba- silicae Trevericae, Eumen. Panegyr. Const. Aug., NI, cap. 22, $ 5. « Video basilicas et forum, opera regia sedemque justitiae in tantam altitudinem suscitari, ut se sideribus et coelo digna et vicina promiltant. Basilica Ocensis (Oea hodie Tripolis in Africa), Apulej. de Magia., 547. Basilica Cingulana : fi. e. t., Hviriter, basil.…. endam, poliendam, subaurandam D. S. P. F. C. Mu- rat. Thes. inse., 1, 490, 4.

DE PASILICIS LIBRI II. 65

Su. De basilicis ambulatorüs.

Alius generis basilicae ambulationibus publicis !, balneiïs ?, theatris 5, curiis # et templis Ÿ conjunctae vel vicinae, eodem fine, quo porticus ad theatra 5, templa 7, balnea $, et macella ? aedificatae , fuisse videntur, ut qui ad illa aedificia accessissent vel in iis versati essent, in basilicis aut tempestatum molestias evitarent aut solis calorem effugerent, aut denique ambulantes refrigerarentur. Quare hujus generis basilicas ambulatorias appellare liceat.

$ ur. De basilicis domesticis.

Quae tertio loco commemorandae sunt basilicae, eae in aedibus nobi- lium maxime et Imperatorum fuerunt : hae quidem amplissimae et ele- gantissimae, quales Vitruvius, lib. VI, 5, (8) 2, his verbis descripsit :

4 Jul. Capitol., Vit. Gord., 32 : « Instituerat (Gordianus III) in campo Martio lithostroton quod esset deambulatorium , ita ut in capite basilica esset pedum quingentorum. Cogitaverat prae- terea cum Misitheo, ut post basilicam Thermas aestivas sui nominis faceret. » Ael. Lamprid., Alex. Sever., 26 : « Basilicam Alexandrinam instituerat inter campum Martium et septa Agrip- piana, in latum pedum C. in longum pedum M. ita ut tota columnis penderet : quam eflicere non potuit morte praeventus. »

? Murat., Thes. inser., 1, pag. 460. Imp. Caes. M. Ant. Gord. P. F. Aug. balneum cum basilica a solo instruxit. Murat. /. L., pag. 455, et Grut. C. J., pag. 1715 : Aelius H(adrianus.. The)rmas vetustate consumptas cum por(ticibus) et basilicis restituit. Inscriptio Narbone inventa.

5 Plin., Ep. X, 55, 5. « Huic theatro (Claudiopolitanorum) ex privatorum pollicitationibus multa debentur, ut basilicae cirea, et porticus supra caveam, quae nunc omnino differuntur. » Qui locus etiam ideo imprimis memorabilis est, quod basilicae et porticus aperte discernuntur. Cf. etiam notl. 2 et 8.

+ Vid. Reines., Inscr., pag. 286, supra p. 64, not. 9, r# Burbuxy orpéaeu Th mpèc Boucurépior,

5 Murat, Thes. J., pag. 120 : Respublica populusque Corfiniensis sacellum Lyceium vetustate delapsum adjectis basilicis sua pecunia restit. decreto decurionum.

6 Vid. Vitruv., V, 41.

7 Vid. numos antiquos, quorum alter templum Trajani (Patini, N. Z Rom., pag. 117), alter Macellum Neronis (Patini, Vum. Imp. Rom., pag. 119), repraesentat.

8 Jul. Capit. Gordian., 32 : Cogitaverat praeterea eum Misitheo, ut post basilicam thermas aes- tivas sui nominis faceret, ita ut hiemales in principio porticus poneret, et suo usui essent vel viri- daria vel porticus.

Toue XXI. 9

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« Nobilibus vero, qui honores magistratusque gerendo praestare debent » officia civibus, facienda sunt vestibula regalia, alta atria et peristylia » amplissima, silvae ambulationesque laxiores ad decorem majestatis per- » fectae : praeterea bibliothecae, pinacothecae, basilicae, non dissimili modo » quam publicorum operum magnificentia comparatae , quod in domibus eorum » saepius et publica consilia et privata judicia , arbitriaque conficiuntur. » Hujus modi basilicas in palatio Domitiani Romae et in villa Gordiano- rum in via Praenestina ! fuisse, narrant Plutarchus, Popl., 15, his verbis : ‘O pévrot Javuaaas Toë KateTwAlou Thu mohuTéAeuaY, pay etdEy Ey ouxtæ Aoperux- vob atoùy à Pacilirhv, 7 Paleveoy n ralexiduy œurav, oiéy are td Acyépevoy Eryip- pou po Tov agütoy « phdvS pores 7 éco Eyes vécc Xaipeus dos. » Touodreu ay t rpès Aopetiavèy eine ponton Oùx evocfinc quétuuos Y éoi cyerc v6Gov Xaiperc cixodou&r, et Julius Capitolinus, Vit. Gord., 52, his verbis : « Domus Gordianorum etiam nunc exstat, quam iste Gordianus pulcerrime exor- navit, et villa eorum in via Praenestina, ducentas columnas uno peristylo habens, quarum L Carysteae, L Claudianae, L Synnades, L Numidicae pari mensura sunt, in qua basilicae centenariae ? tres, caetera huic operi conve- nientia, et thermae, quales praeter urbem ut tunc nusquam in orbe ter- rarum. »

$ 1v. De basilicis vinarüs.

Postremo loco miram vocis basilicae notionem afferre liceat, quam solus Palladius Rutilius, De re rust., 1, 18, his verbis servavit : « Cellam vina- riam debemus habere oppositam frigidam sic dispositam, ut basilicae ïpsius forma calcatorium loco habeat altiore constructum, ad quod inter duos lacus (bassins), qui ad excipienda vina hic inde depressa sint, gradibus tribus fere ascendatur. » Ipsius loci natura docet, basilicam hoc loco in-

1 Ruinae villae Gordianorum hodie Tor dei Schiavi, vid. Neue rôüm. Briefe, 1, pag. 49; coll., IE, pag. 250.

2 Basilicam centenariam fuisse basilicam centum columnarum docemur his verbis Pomp. Laeti R., Hist. comp. de imp. Philippi : « Ludis saecularibus theatrum Pompeï arsit et ei propin- quum Aecatostylon, centum columnarum in campo Martio opus : Centenariam porticum appel- Jabant, »

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ternum cellae vinariae significare spatium, in quo et uvae in calcatorio calcarentur. Cui loco nomen basilicae haud dubie inditum non esset, nisi inter internae vinariae cellae et internae basilicae, quae vulgo sic appel- labatur, speciem similitudo quaedam intercessisset.

CAPUT IL.

DE FORMA BASILICARUM FORENSIUM.

$ 1. Introductio.

De basilicarum Romanarum forma nobis disserentibus in eo acquies- cendum est, ut illarum tantum basilicarum, quas primo genere compre- hendimus, formas quam accuratissime describamus. Nam reliquarum basilicarum, quippe nusquam fere a veteribus descriptarum, rectam et accuratam imaginem nemo facile delineare poterit. Qua in re ita versabi- mur, ut primum quae huc usque a viris doctis de basilicarum formis dis- putata sunt, colligamus collectaque lecturis proponamus, deinde quas falsas deprehendimus aliorum sententias, quantum fieri poterit, corriga- mus, denique, quae ipsi nobis rectius intellexisse videmur in medium proferamus.

Su. Vulgaris de forma Romanarum basilicarum sententia.

1. Quam huc usque fere omnes viri docti de Romanarum basilicarum forma amplexi sunt sententiam, eam praeivit architectus Florentinus saec. XV, Leo Baptista Albertus. Is enim in libro, quem de architectura scrip- sit (lib. VIT, 14, pag. 260, ed. princ. Florent., 1485), docet, basilicam fuisse oblongum locum pertectum, in utroque latere « porticibus intrin-

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secus patulis, » et in extrema parte « tribunali » forma sua hemicyclio dignitatis causa instructum (Vid. tab. HT, fig. 1-5). Praeterea idem conten- dit « secundum ? » id est post tribunal basilicae transversam ambulationem a nonnullis fuisse additam, quam « lineamento ducto » ad similitudinem literae T cum basilica junxerint !. Quam ambulationem , quod illic rhe- torum turmae causidicique versati sint, causidicam non chalcidicum, quod apud Vitruvium legitur, dictam esse putat Baptista.

2. Eandem de basilicarum forma sententiam proponit Andreas Palla- dius (Della Architettura, WE, pag. 56, ed. Venet.), nisi quod causidicam Baptistae Alberti omisit atque porticum in brevi latere e regione tribuna- lis adjecit (tab. IE, fig. 4).

Ceterum idem vir clarissimus suspicatus est, fuisse etiam basilicas tribunalis in sejuneto loco instructi expertes; atque undique intrinseeus porticibus ornatas, qualem in adumbratione fori Latini delineavit.

Quae autem Palladius copiosius de basilicis exposuit, eadem paucis comprehendit Scamozzi : Les bâtiments et les dessins d'André Palladio, tom. IV, pag. 6. |

3. Contra ea Ciampinus (Vetera monumenta, in quibus praecipue mussiva opera sacrarum profanarumque aedium structura, ete. illustrantur ,, Romae, 1690, tom. 1, pag. 8, sq.) sententiam Baptistae Alberti fere integram repetiit, sed ita, ut quam ille « secundum tribunal » posuit causidicam, ante tribunal poneret, eandemque mediae basilicae ambulationi la nef intérieure, veu Mrrrersouirre) conjunctam literae T figuram efficere affir- maret.

4. Uti autem Ciampinus Baptistam Albertum, ita Peraltus, Les dix livres d'architecture corrigés et traduits en français, avec notes, par Peraurr. Paris, 168%, fol., et nostris temporibus Agincurtius, Histoire de l'art par les monuments, depuis sa décadence au IV° siècle jusqu'à son renouvellement au XIV siècle. Paris, 1825, tom. I, Architecture, pag. 14, Palladium sequuti videntur esse. Attamen Peraltus, quam Palladius addiderat exedram,

1 Cf. Albertum, Z. 1. Addidere insuper alii secundum tribunal transversam alteram ambulatio-

nem, quam quidem causidicam nuncupamus, quod illie rhetorum turmae causidicique versaren- tur. Et junxere hasce ambulationes inter se lineumento ducto ad T litérae similitudinem.

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omisit et quae idem Peraltus omiserat Chalcidica basilicae ita adjecit, ut lis inter extremas superiorum porticuum partes locum suum assignaret ( Vid. tab. Til, fig. 5), id quod factum improbat Quatremère de Quincy. Is enim, Encyclopédie méthodique, Arcmrecrure, tom. 1, pag. 222 et seq. in v. Basilique, Chalcidica oblongi basilicarum spatii alas esse vult, ita quidem extremis partibus adjectas, ut simul cum oblongo spatio literae T figuram exhibuisse dicat. Idem porticus quoque in tribus lateribus fuisse, ante tribunal autem defuisse contendit. Eandemque de forma basilicarum sententiam probat etiam Vodoyerus apud Jul. Gaïlhabaud, Denfmaeler der Baukunst aller Zeiten; deutsch herausgegeben, von Fr. Kugler. Hamburg, 1844, Liefer. VI.

5. Qui huc usque a nobis allati sunt scriptores, ii omnes in eo con- sentiunt, quod basilicas intus porticibus instructas fuisse dicunt; contra Hirtius, Geschichte der Baukunst bei den Alien, Th. 5, cap. 5, K 5, pag. 180 et seq. , affirmat, fuisse etiam apud veteres basilicas interiorum porticuum plane expertes. Cujus modi basilicarum quae attulit exempla infra recen- sebimus. Praeterea cum reliquis scriptoribus recte statuit, nonnullas ba- silicas duplicibus porticibus fuisse instructas. Quas ille in longis tantum parietibus positas videtur credidisse, quum quas in basilica Aemilia ante tribunal positas fuisse existimavit columnas, eas nonnullis tantum basili- cis proprias fuisse contenderit. Hirtii sententiam integram repetiit Kugle- rus in tractatu suo : Der roemische Basilikenbau naeher entwickelt nach den Resten der antiken Basilika von Trier., Kunsrerarr 84-86, 1842, neque postea improbavit in libro, quem inscripsit : Kunstgeschichte, v. Franz Kugler.

6. Copiosissime nuper de basilicarum forma egerunt Bunsen in libro: Die Basililien des Christlichen Roms, 1842, pag. 18 et seq., et Canina in libro splendidissimis typis expresso : Ricerche sul archütettura piu propria dei Tempj Cristiani. Roma, 1845, cap. HT. Qui quum omnino in eo con- sentiant, ut veteribus basilicis tribunal et chlongum spatium transversa ambulatione à tribunali sejunctum tribuant, tamen in eo inter se discre- pant, quod Canina Chalcidica interdum semicireularia aedificia in extre- mis basilicarum partibus fuisse eademque simul tribunal complexa esse

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dicit (vid. tab. IL, fig. 6). Bunsenius contra alteram tantum Caninae de Chalcidicis sententiam probat, qua contendit, Chalcidica quadrangulas aedes fuisse e regione tribunalis ante aditum basilicae exstructas. Bun- senii sententiam breviter at perspicue nuperrime repetiverunt Platner et Urlichs in libro, qui inscribitur : Beschreibung der Stadt Rom, ein Auszug aus dem groesseren Werke. Stuttgardt u. Tübingen, 1845, p. 16.

Praeterea Bunsenius contendit, quas Aemilius Paullus, teste Cicerone, Ep. ad Au., IV, 16, restituisset et exstruxisset basilicas , eas (nescio an iti- neribus) ita fuisse conjunctas, ut formarent basilicam duplicem, Doppel- basilika, duplici tribunali permagno in interiore latere brevi instructam (vid. tab. IT, fig. 2). Quae sententia quum eo labefactatur, quod quas Bunsenius conjunctas fuisse dicit basilicas non uno eodemque tempore exstructas esse, ex Ciceronis verbis intelligitur : « Paullus in medio foro basilicam jam paene texuit; illam autem, quam locavit, facit magnificentis- simam, » tum vero etiam eo improbatur, quod apud veteres scriptores non duae sive duplex, sed una sive simplex basilica Aemilia commemoratur. Quare non mirum est, quod et ante Bunsenium et post eum alii viri docti aliam inierunt rationem, qua Ciceronis locum vel emendarent vel expli- carent. Et Havercampius quidem, qui primus in notis ad Morellii Thesaur. num. famil. Rom., tom. IT, pag. 624*, de hac re disseruit, difficultatem ita tollere studuit, ut Ciceronis verba corrupta et unius tantum basilicae Paulli structuram vel refectionem ab eo commemorari contenderet. Attamen quum omnes libri manuscripti verborum scriptura consentiant, Havercam- pii sententia probari vix poterit. Felicius videtur Beckerus in Ciceronis loco explicando versatus esse, qui verbis : « llam autem, quam locavit, facit magnificentissimam » basilicam Juliam illo fere tempore exstructam ! significari putat, in cujus sententiam discedere non dubitavi, improbata Bunsenii sententia de duplici basilica Aemilia. Cf. quae supra scripsi, cap. [, $ 1, 5, pag. 59 et seq. Porro quod idem Bunsenius suspicatus est, conjunctae basilicae ichnographiam in fragmentis marmoris Capitolini ?

? Hieronym. Chron., pag. 399; OI. 485, 5 (hoc est a. U.c. 708) Romae basilica Julia dedicata est.

? Urbis Romae ichnographia antiqua in tabulis marmoreis delineata optime repetita est in Pi- ranesi Antichita di Roma, tomo I, et in Caninae Pianta topografica di Roma antica, 1832.

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adhuc superstitem esse, in eo non minus falli videtur. Etenim fragmen- tum, quod in tabula Romae antiquae a Canina delineata num. XXIV, de- notatum est, non Aemiliae sed Ulpiae basilicae ichnographiam continere docuerunt idem Canina in libro, quem inscripsit : Indicazione topographica di Roma antica. Roma, 1841, pag. 172, et Becker : Handbuch d. rüm. Al terth., tom. 1, n. 558, et Zur roem. Topographie, pag. 27 et 28.

7. Quae omnia si quis comprehenderit, intelliget, basilicae aream secundum plurimorum VV. DD. sententiam ita fuisse comparatam, ut oblongum ejus spatium, aut integrum aut porticibus ad parietes positis tripartitum vel quinquepartitum exciperet transversam ambulationem, cui adjunctum esset tribunal hemicyclium medianam oblongi spatit partem latitudine aequans. Aditum autem sive portam basilicae iidem viri docti e regione tribunalis in brevi latere collocatum volunt. Porro porticibus basilicam intus circumeuntibus, sive simplicibus sive duplicibus, alias ejusmodi porticus impositas fuisse, iisdemque in nonnullis ! basilicis rur- sus alias columnas vel muros fenestratos insedisse, qui tectum ! mediani spatii sustinerent.

Qua autem ratione his pertectis basilicis Tux immissa sit, non convenit inter illos viros doctos, quum alii illam desuper per medianae testudinis tectum, alii infra testudinis et supra porticuum tecta per intercolumnia, alii per porticuum parietes, ali denique et desuper supra tecta et a latere per parietes porticuum intravisse existiment ?.

Denique praeterire nolo e nonnullorum sententia in exedra tribunalis sub ipso tribunali fuisse carceres, in quibus capti tenerentur rei, quorum causae apud praetores agerentur. Quae sententia, quum duobus tantum iisque non admodum certis nitatur testimoniis, altero, quod sub suggestu in porticu Pompeiana, quam nonnulli basilicam esse credunt, altero quod sub suggestu in mole quadam Treverica, quam ob exedram hemicyeliam

1 Cf. Bunsen., L. L., pag. 25 : War das Mittelschiff unbedeckit, so War aber das Ganze ein- gedacht, so, pag. 24 : Die Breite sei ein Drittel des mittleren Raumes (ein absichtlich gewählter Ausdruck, der auch für Basnuaxen mr seveckrem Mirrecsenire PASST ). Kugler, Kunstblatt., 86, pag. 342, 2. 1842. In der Mitte ein offner Säulenhof et saepins apud eundem.

2 Cf. Marini ad Vitruv., N, 1; Canina, Ricerche, ete., pag. 32 et seq.; Bunsen, Beschreibung. d. St. Rom, W1,2, pag. 175.

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ipsi adjectam basilicam fuisse dicunt, carceres, vel certe cellae subterra- neae conspiciuntur, non magnopere mihi commendatur.

8. Proportiones autem basilicarum omnes scriptores, si unum Baptis- tam Albertum exceperis, secundum Vitruvii praecepta constituerunt, quae quum infra uberius sint exponenda, hoc loco praetermittamus. Quas au- tem Albertus proposuit basilicarum proportiones, eas nec recensere nec refutare necesse est, quum e tabulis ad mentem ipsius delineatis facillime cognoscantur neque aliunde natae esse videantur, nisi ex ipsius arbitrio et praejudicata opinione. Sed ne quid negligam, quod ad declarandas viro- rum doctorum sententias faciat, superest, ut paucis significem, quibus rebus ii tanquam propriis et peculiaribus notis basilicas a reliquis porticibus dignosei posse Statuerint. Quae quidem notae quum non quaeri possint, nisi in iis rebus, in quibus omnes scriptores, caeteroquin discrepantes, consentire videmus, non mirum est, Bunsenium in eam opinionem esse adductum, ut exedram sive apsidem, quippe quam ab omnibus scriptoribus recentio- ribus basilicis tribui et pro maxime insigni illarum parte haberi intellexis- set, ipse quoque basilicis praeter cactera propriam et peculiarem fuisse putaret!.

S ur. Falsarum de basilicis Romanis sententiarum refutatio.

IL. Vulgarem, quam supra dedimus, de veterum basilicarum forma sen- tentiam non omni ex parte probari posse, facile, opinor, sibi persuade- bunt, qui veterum libros et monumenta accurate perlustraverint. Quorum auctoritate confisus equidem primum nego :

a. Exedram sive apsidem basilicis adjectam et necessario addendam fuisse;

b. Ambulationem transversam (navem transversam, nef transversale, Quer-

scurr) ante apsidem fuisse;

1 Cf. Bunsen., Die Basiliken, ete., pag. 16 : In einer oder andern Form kann ein soucner Ausrau DEN ALLE SPAETEREN BASILIKEN MIT EINANDER GEMEIN HABEN UND DURCIL WELCHEN SIE SICH VON ALLEN ANDERN HALLEN UNTERSCHEMEN, derjenigen nicht gefehlt haben, von welcher sie DIESEN UNTERSCHEIDENDEN NAHMEN TRAGEN. Porro, Beschreibung. d. St. Rom, I, 4, pag. 71 et 72: Wüirwollen hier—gellend machen (dass der Basilika dusjenige fehlen würde, was ste ercenrLicur pazu Macur, nämlich das Trieunar.

DE BASILICIS LIBRI IE. 75

c. Chalcidica longis parietibus adjecta fuisse ;

d. Aditum maximum necessario in brevi latere basilicarum fuisse ;

e. Basilicas porticibus carentes unquam exstitisse;

f. Basilicas nonnullas tecti expertes fuisse.

Deinde autem contendo, tectum mediano spatio impositum basilicis ita proprium fuisse, ut hoc uno maxime a reliquis porticibus distinguerentur.

Quae omnia quo magis a vulgari sententia recedunt, eo intentius id mihi agendum esse intelligo, ut et sententiam a me propositam certis ar- gumentis stabiliam, et adversariorum argumenta refutem.

IL. Ac primum quidem, quod exedram seu apsidem necessariam basi- licarum partem fuisse vulgo existimant, id tribus potissimum nititur argu- mentis, primum quod veteres basilicae, quae juri dicundo destinatae essent, apside seu exedra, id est loco secluso, quo judices considentes uterentur, ne a multitudine turbarentur, carere non potuisse creduntur ; deinde, quod christianas quoque basilicas, quas illi ad veterum basilicarum exemplum exstructas esse putant, apside seu exedra seu tribunali instructas esse con- stat; denique, quod et Ulpia vel Aemilia et Constantiniana basilica exedris ornatae fuisse dicuntur.

{. a. Ex his quod primo loco positum est argumentum hac duplici re infirmatur, quod basilicae neque juri dicundo exstructae fuisse, neque si fuissent, idcirco exedra videntur indiguisse. Etenim Vitruvius, quem solum ex omnibus scriptoribus de fine basilicarum dixisse reperio , non tam liti- gantibus atque ambulantibus quam negotiantibus basilicas exstructas esse , docet his verbis (lib. V, 4, $ 4) : « Basilicarum loca adjuncta foris quam calidissimis partibus oportet constitui, ut per hiemem sine molestia tem- pestatum se conferre in eas negotiatores possint, » et alio loco (S 8) : « Uti, qui apud magistratus starent, negotiantes in basilica ne impedirent. » Postremo his verbis ($ 5) : « Uti supra basilicae contignationem ambu- lantes ab negotiatoribus (in inferiore basilicae parte versantibus) ne conspi- ciantur. » Quae quidem verba etsi aperte docent, Vitruvium in exstruen- dis basilicis negotiatorum aut unice aut certe praecipue rationem habitam esse dixisse, tamen ita explicari solent ab adversariis, ut oblongum qui- dem basilicae spatium mercatoribus, apsidem vero sive exedram litiganti-

Tome XXI. 10

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bus destinatam fuisse dicant, quarum quidem partium priorem a Vitruvio solam descriptam, posteriorem neglectam esse existimant. At nemo non videt, Vitruvium, quum secundarium, quem putant, basilicarum finem distincte perscripsisset, primarium, quem dicunt, finem multo minus ne- gligere potuisse. Uti enim in templis peripteris ambulationem circa cellam nunquam descripsit, quin ipsam cellam, quippe primariam templorum partem antea definivisset, ita etiam in basilicis describendis exedram et litigantes profecto non omisisset, si verum esset, quod illi volunt, judicii exercendi causa basilicas exstructas esse. Ttaque jure statuere videmur, quem Vitruvius commemoravit basilicarum finem, eum primarium fuisse.

Quae sententia etiam aliis duobus argumentis confirmari videtur, altero quidem hoc, quod nullam basilicam soli juri dicundo, unam autem, Ar- gentariam dico (Urlichs d. rôm. Topogr. , in Leipz., pag. 70), soli mercatui destinatam fuisse novimus; altero autem hoc, quod basilicae, quas im- primis juri dicundo exstructas fuisse censent, subselliis, in quibus liti- gantes considerent, caruisse reperiantur. Etenim M. Seneca in praef., lib. IV, Controv. 1, et Quinctil., J. 0. X, 5, 182, memoriae prodiderunt, Porcium Latronem in foro causam acturum, quum loci insolentia pertur- batus esset, impense petiisse, uti judicium et subsellia e foro in basilicam trans- ferrentur. Quae autem juri dicundo exstructa fuisse dicuntur aedificia, ea subselliis, in quibus sederent litigantes, carere vix potuerunt. Ceterum si vera esset, quam nunc impugno, sententia, etiam mirari liceret, quod quum jam in Ciceronis tempore ad minimum quatuor basilicae, Porcia, Aemilia, Sempronia et Opimia in latere vel in vicinia fori exstructae essent, tamen neque Cicero neque alius quisquam ex ejus aequalibus in basilica causam egisse narratur, sed in foro, et tribunalia lignea et sub-

1 Sen., Zn praef., Ub. IV, Controv., « narrratur declamatoriae virtutis Latronem Porcium unicum exemplum, cum pro reo in Hispania, Rustico Porcio propinquo sno, diceret, usque eo esse confusum, ut a soloecismo inciperet, nec ante potuisse confirmari, tectum ac parietes desi- derantem, quam impetravit, nt judicium ex foro in basilicam transferretur. »

? Quinet., J. O. X, 5, 18 : « Quod accidisse etiam Portio Latroni traditur, ut cum ei causain foro esset oranda, impense petierit, uti subsellia in basilicam transferrentur. »

5 Cf. Ascon, in praef. ad Cic. Orut. pro Milone : « Populus— corpus Clodii in cuviam intulit cre- mavitque subselliis et tribunalibus et mensis et codicibus librariorum (in foro inventis). » Cicer.,

DE BASILICIS LIBRI IT. 7

sellia fuisse dicuntur 5. Quod autem ad Plinii ep. VI, 55, $ 4; II, 14, $4,etV,21, provocant viri docti, ex illis locis ideo non multum proficitur, quod in Plinii verbis non hoc inest, quod ülli volunt, basilicas primum quidem judiciis exercendis aedificatas; deinde autem negotiatoribus per- missas esse, sed nihil ex üis efficitur nisi hoc, judicia centumviralia in basilica Julia habita esse.

Sed etiamsi concedam, basilicas juri dicundo exstructas esse, tamen ex eo non licet colligi, in secreto illarum loco, veluti in exedra cancellis clausa, judicia esse habita. Quod secus fuisse facile intelliget, qui ejus- dem Plinii locum (Ep. Il, 14) paulo accuratius examinaverit. Ibi enim haec leguntur : « Distringor centumviralibus causis, quae me exercent » magis quam delectant. Sunt enim pleraeque parvae et exiles. Raro in- » cidit vel personarum claritate vel negotii magnitudine insignis. Ad hoc » perpauci, cum quibus juvet dicere : ceteri audaces atque etiam magna » ex parte adolescentuli obscuri ad declamandum huc transeunt tam 1rre- » verenter et temere, ut mihi Attilius noster expresse dixisse videatur, » sic in foro pueros a centumviralibus causis auspicari, ut ab Homero in » scholis. At Hercule ante memoriam meam (ita majores natu solent » dicere) ne nobilissimis quidem adolescentibus locus erat, nisi aliquo » consulari producente. Nunc refractis pudoris et reverentiae claustris » ommnia patent omnibus, nec inducuntur sed irrumpunt. Saepiuntur au- » ditores actoribus similes conducti et redempti : manceps convenitur in » media basilica, ex judicio in judicium transitur. Heri duo nomenclato- » res mei ternis depariis ad laudandum trahebantur. Hoc pretio quam » Jibet numerosa subsellia implentur. Si quando transibis per basilicam, » et scire voles, quomodo quisque dicat, nihil est, quod tribunal ascen- » das, quod pracbeas aurem, facilis divinatio. Scito eum pessime dicere, » qui laudabitur maxime, » Quae verba manifesto docent, primum, ad judicia atque tribunalia facillimum fuisse aditum etiam ïis, qui forte per in Vatin., 9 : « Quum eum tu consulem in vineula duceres et ab tabula Valeria collegae tui mitti ju- berent : fecerisne ante Rostra pontem continuatis tribunalibus, per quem consul populi Romani— duceretur? » Et cap. 44 : « Judices quaestionum de proximis tribunalibus esse depulsos. » Coll.

pro Cluent., 27, $ 75, extr.: « Slaienum ad subsellia adduxit. » Caeterum vide Schützi Lexicon Ci- ceron. in verbis tribunal et subsellium, et Sueton., Caes. 84 : « Et eum subsellüs tribunalia. »

76 DE BASILICIS LIBRI II.

basilicam transirent; deinde, tribunalia transeunti tam propinqua fuisse, ut non opus esset a via deflectere, si quis laudem oratoribus pro tribuna- libus tributam audire vellet. Haec igitur, qui reputaverit, vix a se impe- trabit, ut centumviralia judicia in secluso et remotiore basilicae loco, velut in exedra ad extremam aedificii partem sita, esse habita existimet.

Neque facile apparet, cur judicia, quae turbulentissimis bellorum eivi- lium temporibus in aperto foro, nec raro coram ingenti multitudine ! habita essent, deinde, postquam in tranquilliorem basilicam translata sunt, in remoto aique secluso loco haberi oportuerit. Nam quae in basi- licis tractari solebant causae civiles? , eae, teste Plinio, neque tantae tam- que insignes, neque tam secretae gravesque esse solebant, ut aut turbu- lentam multitudinem arcere, aut ipsas causas vulgus celare necesse esset. Capitales vero causas, quas in publico tractari Romani nollent, aut in curia coram senatu aut in secretariis actas esse docuit Cancellierius in libro, qui inscribitur : De secretarüs basilicae Vaticanae, tom. I, Ps. I, cap. 1.

b. Ex his jam apparere videtur, basilicas neque judiciis exercendis exstructas fuisse, neque si hoc consilio aedificatae fuissent, exedris idcirco indiguisse. Has autem quominus credam basilicis adjectas fuisse, Vitruvii auctoritate gravissima impedior. Is enim in illis locis, ubi de basilicis exstruendis praecepit, exedrarum non modo nullam prorsus mentionem fecit, sed ne locum quidem illis exstruendis reliquit, neque quam ipse aedificavit basilicam Fanestrem exedra ornandam esse putavit. De quibus singulis nunc accuratius dicendum esse video.

Ac de structura quidem haec sunt Vitruvii praecepta (lib. V, 1): « Ba- »_silicarum latitudines ne minus quam ex tertia, ne plus quam ex dimidia » longitudinis (parte) constituantur, nisi loci natura impedierit, et aliter » coegerit symmetriam commutari. Sin autem locus erit amplior in lon- » gitudine, Chalcidica in extremis partibus constituantur, uti sunt im » Julia Aquiliana. Columnae basilicarum tam altae, quam porticus latae

1 Cie, pro Milon., 4, 1 : « Non enim corona consessus vester cinctus est, ut solebat, non usitata frequentia stipati sumus. »

> Cf. Zumpt, Ursprung, Form und Bedeutung des Centumviralgerichts in Rom ; IN rmLosopn. ABHANDLUNGEN DER KOENIG. AKADEMIE ER WisseNscHArrEN 20 Benin, 1837, pag. 141, lin. 8.

DE BASILICIS LIBRI HI. 77

fuerint, faciendae videntur : porticus quam medium Sspatium est, ex tertia finiatur. Columnae superiores minores quam inferiores , uti supra seriptum est, constituantur. Pluteum quod fuerit inter superiores et inferiores columnas, item quarta parte minus, quam superiores colum- nae fuerint, oportere fieri videtur; uti supra basilicae contignationem ambulantes ab negotiantibus ne conspiciantur. Epistylia, zophori, co- ronae, ex symmetriis columnarum, uti in tertio libro diximus, expli- centur. Non minus summam dignitatem et venustatem possunt habere comparationes basilicarum , quo genere coloniae Juliae Fanestri collo- cavi curavique faciendam : cujus proportiones et symmetriae sic sunt constitutae. Mediana testudo inter columnas est longa pedes CXX, lata pedes LX. Porticus ejus circa testudinem inter parietes et columnas lata pedes viginti. Columnae altitudinibus perpetuis cum capitulis pedum quinquaginta, crassitudinibus quinum, habentes post se parastaticas al tas pedes viginti, latas pedes duos semis, crassas pedem unum semis; quae sustinent trabes, in quibus invehuntur porticuum contignationes : supraque eas aliae parastaticae pedum decem et octo, latae binum , crassae pedem, quae excipiunt item trabes sustinentes cantherium et porticus quae sunt submissa infra testudinem tecta. Reliqua spatia inter parastaticarum et columnarum trabes per intercolumnia Juminibus sunt relicta. Columnae sunt in latitudine testudinis cum angularibus dextra ac sinistra quaternae, in longitudine, quae est foro proxima, cum 1is- dem angularibus octo : ex altera parte cum angularibus sex, ideo quod mediae duae in ea parte non sunt positae, ne impediant aspectus pro- nai aedis Augusti, quae est in medio latere parietis basilicae collocata spectans medium forum et aedem Jovis. Item tribunal est in ea aede hemicycli schematis, minore curvatura formatum : ejus autem hemi- cycli in fronte est intervallum pedum quadraginta sex, introrsus cur- atura pedum quindecim, uti, qui apud magistratus starent, negotiantes in basilica ne impedirent. Supra columnas ex tribus tignis bipedalibus compactis trabes sunt circa collocatae, eaeque ab tertiis columnis , quae sunt in interiori parte, revertuntur ad antas, quae à pronao pr'ocurrunt,

dextraque ac sinistra hemicyclum tangunt. Supra trabes contra capi-

78 DE BASILICIS LIBRI IL.

» tula ex fulmentis dispositae pilae sunt collocatae, altae pedibus tribus, » latae quoquo versus quaternis. Supra eas ex duobus tignis bipedalibus » trabes euerganeae circa sunt collocatae, quibus insuper transtra cum » capreolis columnarum contra corpora et antas et parietes pronai collo- » cata sustinent unum culmen perpetuum basilicae, alterum a medio su- » pra pronaum aedis. » In fine hujus expositionis docet, quomodo hoc basilicarum genus ab altero differat, quibusque rebus praestet, his verbis usus : « Ita fastigiorum duplex tecti nata dispositio, extrinsecus et inte- rioris altae testudinis, praestat speciem venustam. Item sublata episty-

=:

» Jiorum ornamenta et pluteorum columnarumque superiorum distributio » operosam detrahit molestiam, sumptusque imminuit ex magna parte » summam. Îpsae vero columnae in altitudine perpetua sub trabes testu- » dinis perductae et magnificentiam impensae et auctoritatem operi ad- » jungere videntur. »

His igitur locis omnibus quum exedra sive apsis ne verbulo quidem commemorata sit, jure concludimus, ex Vitruvii sententia apsidem basilicis adjiciendam non fuisse. Nec vereor, ne quis objiciat, Vitruvium de apside propterea nihil exposuisse, quod basilicae apside carentes cogitari omnino non possent. Nam quum universae basilicae et singularum ejus partium proportiones ac symmetrias accuratissime exposuerit, profecto neque exe- dram, primariam, ut putant, basilicarum partem silentio praeterire potuit. Imo tribus locis, si exedra in basilicis exstruenda fuisset, commemorare eam debebat, et primum quidem eo loco, quo et latitudinis et longitudinis areae proportiones definivit. Etenim priusquam porticuum proportiones constitueret, exedrae et situm et ambitum significare debebat, quum pa- rum credibile sit, eam ad arbitrium modo ampliorem modo angustiorem exstrui potuisse. Qua exedrae definitione eo minus supersedere potuit, quod basilicae partes haud dubie multo leviores, veluti pluteum, epistylia, coronas, quales esse deberent, accurate descripsit. Deinde etiam illo loco, quo tribunal in aede Augusti situm commemoravit, apsidis mentionem

facere debebat. Nam si tribunal pro more in exedra basilicae collocandum :

erat, Vitruvius hoc loco sine dubio rationem afferre debebat, cur aut exedram basilicae suae omisisset, aut tribunal contra consuetudinem non

DE BASILICIS LIBRI IL. 19

in exedra sed in pronao aedis Augusti posuisset, vel quod eodem redit, pronao aedis pro exedra basilicae usus esset. Tertium denique locum, in quo apsidis mentionem facere debuerit, eum intelligo, in quo alterius generis basilicarum virtutes exposuit, et utriusque generis comparationem instituit. Nam si apsidem primariam ! basilicae partem esse putasset Vi- truvius (quod illi putant), rationem reddere debebat lectoribus, cur exe- dram aut omnino negligeret, aut pronaum aedis Augusti in ejus locum suffecisset. Quas res gravissimas quum Vitruvius non commemoraverit, mihi quidem persuasum est, exedram, quam basilicis adjectam fuisse re- centiores contendunt, Vitruvii temporibus in basilicis non exstitisse. In qua sententia etiam illud me confirmat , quod licet et basilicae et singulae earum partes saepissime commemorentur, apsidem tamen seu exedram basilicae nusquam commemoratam inveni ?.

Quod autem supra dixi, Vitruvium ne locum quidem exedris aedifican- dis reliquisse, ejus rei superest ut rationem subjiciam. Quum enim ille docuerit, in externis partibus, hoc est in utraque parte extrema basilica-

1 Bunsen, Die Basiliken d. ch. Roms, pag. 19, haec seribit : « Das Tribunal war schon von Au- gustus selbständig angewandt , und als der wichtigste und nützlichste Theil der Basilika von seinen Nachfolgern mit grosser Freiheit ausgebildet worden. » Quae quid sibi velint non liquet. Nam tri- bunalia ante Augustum in foro fuisse neminem fugit, apsides vero in basilicis Augusti tempore fuisse nondum probatum est. Cf. not. 3, pag. 74 et sq.

2 Bunsen, . L., pag. 24, putat Plinii verbis ( Zp. VI, 55, $ 5): « Praeterea densa cireumstan- » tium corona latissimum judicium multiplici cireulo ambibat, » quae ita interpretatus est : Aus- serdemumgab ein dichter Kranz die so überaus cenaümice Gericussraerre ( Tribunalnische) in viel- fachen Kreisen, significari exedram judicio exercendo destinatam. Quam interpretationem vocum « amplissimum judicium » cerAüwice Gericurssragrre probare non poterit, qui in eadem epistola legit verba proxime antegressa : « Est haec oratio pro exempli raritate et judicii magnitudine in- » signis. Nam femina splendide nata, exheredata ab octogenario patre quadruplici judicio bona » paterna repetebat. Sedebant judices centum et octoginta : Lot enim quatuor judiciis conscribuntur, » ingens utrimque advocatio et numerosa subsellia. » Post haec igitur pergit Plinius : « Praeterea » densa circumstantium corona, latissimum judicium multiplici cireulo ambibat. » Jam ex verbis supra adscriptis patet, judicium propterea appellatum esse latissimum, quod qui judicium exer- cebant fuerant plurimi, veluti judices et ingens advocatio et auditores in numerosis subselliis assidentes. Quare ut et loeus et personae simul verbis contineantur, vertendum est, das sehr ausgedehnte, sehr erweiterte Gericht. Praeterea sponte apparet, multitudinem exedram ambientem , quam extra muros basilicae stare oportuit, judicium videre non potuisse, Unde etiam elucet, Pli- nium voce judici exedram non significasse. Neque rectius idem vir doctus in Vitruvii verbis, lib. V, 1,8 : « hemicycli schematis » exedra seu apsidis nomen latere existimavit. Vid. infra, $ 4.

80 DE BASILICIS LIBRI II.

rum, Chalcidica constitui posse, non intelligitur, quo loco architectus, qui Chalcidica constituisset, exedras collocare debuerit. Quas autem viri docti invenerunt vias, ut hanc difficultatem tollerent, veluti Baptista Al- bertus, Peraltus, Ciampinus, Quatremère de Quincy, Bunsenius et Canina, eas propterea comprobare non possum, quod qui Chalcidicum post exe- dram posuit Albertus, basilicam plane deformem, ne dicam, ineptam, proposuit, qui vero eadem Chalcidica in extremis partibus porticuum, vel ad extremas partes longorum parietum, vel ante aditum basilicarum constituerunt, vel denique qui ea ipsas apsides continuisse ! putant, ii Vitruvii verba non recte videntur explicuisse. Nam Vitruvii verba « sin » autem locus erit amplior in longitudine, Chalcidica in extremis parti- » bus (se. longitudinis) constituantur » nihil aliud significant nisi hoc, si spatium basilicae exstruendae destinatum in longitudine ter amplius fue- rit, quam in latitudine, eas partes longitudinis, quae modum basilicae excedant, Chalcidicis in utroque longitudinis fine exstruendis tribuendas esse. Itaque Chalcidica etpost exedram, quam in una parte, et ante aditum, quam in altera parte extrema collocari volunt viri docti, exstruenda fuis- sent. Quae autem inde enasceretur difficultas atque deformitas, omnes in- tellexerunt, qui Alberti sententiam improbarunt. Sed haec tota difficultas sponte evanescit, modo missas fecerimus praejudicatas de exedra exstruen- da opiniones. Verba enim sicut apud Vitruvium leguntur, manifesto do- cent, extremas partes, quibus Chalcidica adjicienda esse dicuntur, esse fines longitudinis ejusdem spatii, cujus latitudinem antea aut ex tertia aut ex dimidia parte longitudinis constituendam definiverat. Si autem Chalei- dica oblongo spatio, nulla alia re interposita, addenda erant, sponte ap-

1 Vid. Caninae Ricerche, ete, pag. 51, lin. 41 : Laonde se da alcune indicazioni si conosce il nome calcidico essersi riferito adun apside semicircolare, e secondo altre ai portici che stavano vi- cino ai fori, ove corrispondevano alcune basiliche o altri simili edifizi, ne viene di conseguenza la conclusione essere il calcidico formato da una grande apside semicircolare acui davanti corrispon- devano colonne disposte a guisa di portico. Cosi infatti si hrovano essere state formate quelle parti delle antiche basiliche praticate nelle estremità dei lati minori, ove avanti alla grande apside stavano poste le colonne delle navate traverse, come particolarmente ne offre esempio quanto vedesi appar- tenere alla celebre basilica Ulpia. coll., pag. 98, lin. 14. In queste stesse basiliche il tribunale si doveva transferire nel mezzo dei calcidici ed essere anche ripetuto in ambidue.

DE BASILICIS LIBRI II. 81

paret, nullm locum a Vitruvio exedrae sive apsidi esse destinatum. Unde recte concluditur, Vitruvium de exedra aedificanda plane non cogita- visse.

Quae eadem sententia etiam Fanestris basilicae ab ipso Vitruvio exstructae exemplo confirmari videtur. Fuerunt quidem, qui contrariam sententiam elicerent ex his Vitruvii verbis : « Columnae sunt in latitudine » testudinis cum angularibus dextra ac sinistra quaternae, in longitudine, » quae est foro proxima, cum iisdem angularibus octo : ex altera parte » cum angularibus sex, ideo quod mediae duae in ea parte non sunt po- » sitae, ne impediant aspectus pronai aedis Augusti, quae est in medio » latere parietis basilicae collocata spectans medium forum et aedem Jo- » vis. Item tribunal est in ea aede hemicyeli schematis minore curvatura » formatum : ejus autem hemicycli in fronte est intervalium pedum qua- » draginta sex, introrsus curvatura pedum quindecim, uti, qui apud » magistratus starent negotiantes in basilica ne impedirent. » In quibus verbis quod commemoratur hemicyclium schema illi pro apside haberi posse arbitrati sunt. (Cf. Bunsen., Die Basiliken d. christ. Roms, pag. 24.) At male se de his verbis judicasse iidem viri docti sentient ipsi, primum si animadverterint, vocibus « in ea aede » non significari basilicum, prop- terea quod « huic aedi » infra aperte opponitur « basilica », sed potius « aedem Augusti » paulo ante a Vitruvio commemoratam ; unde apparet, voculam « eam » recte adjectam esse; porro si reputaverint, vocibus « hemicyeli schematis » secundum verborum structuram non exedram sive apsidem basilicae designari, sed eam ipsam curvaturam describi, qua tribunal in aede situm formatum fuisse dicitur; denique si perpenderint, vocibus « ejus autem hemicycli » propter additam voculam ejus nihil aliud significari, nisi quod modo commemoratum erat « hemicycli schema. » Itaque verbis supra allatis potius haec sententia videtur sub- esse. Tribunal forma hemicycli in pronao aedis Augusti positum est, cujus proportiones ita comparatae sunt, ut tribunalis cornua XLVI pedes distent, curvatura autem introrsus XV pedes habeat. Ex quo patet Fa- nestri basilicae exedram tribui non posse.

2. Alterum autem argumentum, quo viri docti comprobare student, Tome XXI. Al

82 DE BASILICIS LIBRI III.

antiquas basilicas exedris instructas fuisse, a christianis basilicis petitum est, quas fere omnes exedris ornatas esse constat, quasque illi ad Roma- narum basilicarum exemplum aedificatas esse existimant. Quae quidem sententia licet ipsa nominis convenientia commendari videatur, tamen his tribus maxime causis refutatur, primum, quod nullo adhue veterum seri- ptorum testimonio probatum est, christianas basilicas ad profanarum exemplum exstructas esse; deinde, quod etiam christianae basilicae repe- riuntur, quae exedra careant (veluti quae olim Tyri fuit basilica, Cf. Eu- seb., H. E., X, 14; et quae adhuc Romae extat, basilica sancti Laurentii extra muros); denique quod, etiam si concedas, christianas basilicas in ceteris plerisque rebus antiquarum basilicarum formam referre, tamen facile fieri potuit, ut nonnullas saltem partes christiani pro consilio suo mutarent, et qua iis opus videretur exedra basilicas suas augerent. Nam hanc quoque a profanis basilicis translatam esse, certe non prius credi poterit, quam demonstratum erit, profanas quoque basilicas exedris in- structas fuisse.

5. Restat jam ut de tertio adversariorum argumento dicam. IIli enim, quod modo dixi demonstrandum esse, videntur sibi jam demonstrasse. Nam duo saltem proferunt antiquarum basilicarum, quae exedram habue- rint, exempla, alterum e fragmento quodam marmoris Capitolini !, quod basilicae cujusdam Romanae ichnographiam exhibet, alterum e ruinis templi Pacis, ut vulgo existimant, vel basilicae Constantinianae, petitum. Quae quidem exempla si nihil haberent dubitationis, profecto multum va- lerent ad id, quod illi voluerunt, probandum, sed fateor equidem, neu- trum aptum ad probandum mihi videri. Nam ut primum dicam :

a. De ichnographia basilicae Romanae, quam cum Canina Ulpiam fuisse puto, in ea contemplanda me duo maxime offenderunt, primum, quod quam basilicae exedram fuisse dicunt, peculiari Libertatis nomine insigni- tam inveni ; deinde, quod ejusdem exedrae, quam dicunt, ambitus ipsius basilicae ambitum si non excessit, at aequavit saltem. Id enim, quod pos- teriore loco posui, docere videtur, hemicyclium illud non apsidem sive exedram fuisse, quippe quae ex ipsorum virorum doctorum sententia me-

1 Vide Caninae Pianta di Roma antica, Fragment num. XXIV denotatum et nostr. tab. If, fig. 3.

DE BASILICIS LIBRI HE. 83

diani basilicarum spatii ambitum excedere non debuerit !; quod autem priore loco commemoravi, indicare videtur, idem illud hemicyclium om- nino non partem basilicae, sed separatum ab illa aedificium fuisse. Nam quod universae basilicae tributum est nomen, haud dubie etiam singulis ejusdem partibus commune fuit, nec facile credas, ipsam basilicam Ul- piam appellatam , exedram autem ejusdem Libertatis nomine insignitam fuisse. Quare hemicyclium illud partem eorum operum, quae forum Tra-

9

janum cinxisse dicuntur ?, fuisse existimo, neque dubito ad illorum sen- tentiam transire, qui Libertatis lud atrium fuisse dicunt.

b. Aliquanto plus tribuendum esse concedo alteri, quod proferunt, ba- silicae Constantinianae exemplo. Haec enim basilica , qualis nunc est, duas exedras habet, quarum altera posteriore tempore adjecta, altera autem simul cum ipsa basilica exstructa esse dicitur. Sed ne hoc quidem exemplo vincimur, propterea quod certum quidem exploratumque est, aedificrum illud, cujus rudera etiamnum Romae cernuntur, in loco basilicae Constan- tinianae exstructum esse, illud autem demonstrari non potest, ruinas illas ipsius basilicae Constantinianae esse reliquias. Vide infra, cap. VI, 2. Quae cum ita sint, non sine causis idoneis impugnare videmur sententiam eorum, qui antiquas basilicas exedris sive apsidibus sive hemicycliis instructas fuisse dicant.

ce. Nolo tamen, ne quid dissimulare videar, silentio praeterire inscri- ptionem apud Gruterum, pag. 444, 4, ubi haec leguntur : « C. Domitio » Dextro II L. Valerio Massala Thrasia Prisco Cos. VI Idus Januar. In » Curia Basilicae Aug. Annian. Scribundo Adfuerunt A. Aquilius Pro- » clus. » Quibus verbis uti sane poterunt üi, qui basilicis exedram vindicare volent. Uti enim curia Pompeii fuit exedra Porticus Pom- péianae 5, ita etiam curia basilicae illius, quae Neapoli fuisse videtur, pro exedra basilicae haberi potest. Sed ne ‘hoc quidem subsidio multum

1 Bunsen, d. Basil., p.22 : Wür finden das Miltelschiff{ gewühnlich von der Breite der Ocffnung des Tribunals.

2 Canina, /ndicaz. Topogr., pag. 177. Bunsen, Beschreib. d. SL. Rom., WI, 2, pag. 169 et 170. Becker, Handbuch der rüm. Alterth., V,pag. 380, 381 in fine.

5 Vid. Plut. Brut. , A4. coll. Caes., 66. Appian., Civil. V, 415. Cic., de Div. If, 9. Liv., Ep. 416. Dio Cass., XLIV, 16, 52. Suet. Cues., 80. Aug., 31.

84 DE BASILICIS LIBRI IE

proficient adversarii, quod quemadmodum phetrium vel curia 1 Augusta- lium in angulo porticus basilicae apud Caerites ? fuit, ita etiam curia illa Neapolitana in angulo basilicae fuisse existimari potest. Neque etiam si concedamus, curiam illam fuisse exedram basilicae annexam, aliud quid- quan inde efficietur, nisi hoc, uni alterive basilicae exedram adjectam fuisse, quemadmodum alias apsides porticibus adjectas fuisse legimus, ne- quaquam vero, exedram necessarian basilicarum partem fuisse.

JL. Similiter autem judicandum est de transversa ambulatione, quam inde ab Alberto fere omnes quos nominavimus viri docti inter exedram atque oblongum spatium antiquarum basilicarum interpositam existimant. Quae quidem sententia per se ipsa corruit, si exedras ab antiquis basilicis nobiscum abjudicaveris. Neque ulla exstant de transversa ambulatione veterum scriptorum testimonia. Quod autem ad Ulpiae basilicae ichno- graphiam provocant viri docti frustra sunt, quod hemicyclium juxta eam basilicam collocatum injuria pro exedra habent, ut jam supra a me est demonstratum. Itaque Agincourtio assentiendum esse videtur, qui hane ambulationem christianarum basilicarum non ab antiquis basilicis petitam, sed a Constantino M., qui christianarum ecclesiarum structuram ad crucis formam accommodare vellet, inventam esse existumat 5.

IV. Porro de Chalcidicorum situ, quam vir ceteroquin acutissimus et doctissimus, Quatremère de Quincy (Encyclopédie méthodique, Architec- ture, tom. [, in v. Basique), et Peraltus (ad Vitruv., V, 1,) proposuerunt sententiam, eam recte impugnarunt Bunsenius et Canina. Chalcidica enim

1 Phetrium est curia, locus in quo sodales aut curiales conveniunt. Cf. Scalig., de Emend. temp... pag. 477. Reines., V. L., 5, pag. 602. Maussacus ad Harpocr., in v. soxrpizpyos. Coll. Reines., V. L. 562, Inscript. Reines., pag. 179 et 180. Pollue., IE, cap. 4.

? Vid. Gruter, Inscript., pag. 214, 1 : Vesbinus Aug. Lib. petit, ut sibi locus publice daretur sub porticu basilicae Sulpicianae, uti Augustalib. in eum loeum phetrium faceret, ete.; 2. Magis- tratus et decurion. Curiatio Cosano Sal. Id. Aug. Desideranti a nobis Ulpio Vesbino, consilium de- curionum coegimus, a quibus petit, ut sibi locus publice in angulo porticus basilicae daretur, quod se Augustalibus phetrium publice exornaturum secundum dignitatem municipii pollicere- tur, gratiae huic actae sunt ab universis. « Ibidem : » Vesbinus Augusti L. phetrium Augustalibus cum ar(a) genii Munic. Caerit. donum dedit. Dedie., HI, Id. Jun. A Ninnio Hast. P. Manilio Vo- pisco Cos.

5 Cf. Agincourt, Histoire de l'art, tom. 1; Architecture, pag. 14 et seq.

DE BASILICIS LIBRI IL. 82

fuerunt vestibula vel porticus ante aedium aditus, Forhalie mit Balcon, quae Bechi, del Calcidico e della cripta di Eumachia scavati nel foro di Pompeja l'anno 1820, Napoli, pag. 25, optime his verbis descripsit : Che divero il Calci- dico altro non era, che una spezie di lato tetto sostenuto da piu pilastri, il quale allor quando erigevasi avanti la porta di un edifizio o publico o priwato, che fosse a pompa ed utilitä insieme servendo, ne abbelliva e ne componeva üi piu bella forma la faccita e veniva à formarne l'ingresso esteriore !. Hujusmodi autem aedi- ficia vix credas in remoto aliquo et obscuro loco collocata fuisse. Attamen quum propter majorem ambitum in longo pariete basilicarum, quippe pro more in forum vergente, commode collocari non possent, recte a Vi- truvio in extremis longitudinis partibus, hoc est in brevibus basilica- rum parietibus, collocanda esse dicuntur. Quam quidem de collocatione Chalcidicorum legem non solum secutus est, qui basilicam Aquilianam exstruxit architectus, sed etiam Apollodorus Damascenus, qui forum Tra- jaoum et basilicam Ulpiam aedificavit ? : id quod testari videtur colum- narum ordo, qui in brevi basilicae Ulpiae latere ante duplicem porticum collocatus maeniana superiora sustinuisse atque vestibulum sive deambu- latorium splendidissimum ante aditum lateralem constituisse videtur 5 : vid. ichnographiam basilicae Ulpiae in tab. IL, fig. 5.

V. Neque cum ïis facere possum, qui maximum aditum semper in brevi basilicae latere collocatum fuisse existimant. Quae sententia quum jam eo suspecta fiat, quod et a forma christianarum basilicarum et a struc- tura Pompeianae et Herculanensis porticuum , perperam pro basilica ha- bitarum , et a situ exedrae temere basilicis tributae # petita esse videtur,

4 Illud tamen Bechi in eruditissima dissertatione minus recte monuit de Chalcidicis ex mea quidem sententia, quod ea nonnunquam separata ac peculiaria aedificia fuisse contendit, quum quae apud Murator. Thesaur Inscript., Ant. 980, 5, legitur inscriptio hanc sententiam non satis probare videatur. Plura fortasse alias.

2 Vid. Dio Cass., LXIX, 4.

5 De forma Chalcidicorum discrepant virorum doctorum sententiae, attamen et Chalcidicum Pompeianum in portieu Eumachiae (vid. tab. If, fig. 5, c.), et si recte suspicatus sum, Chaleidicum basilicae Ulpiae, quae quadrangula forma fuerunt, refutare videntur Caninae sententiam, qui ea semicireulari forma fuisse existimat. Cf. Caninae Ricerche, etc., pag. 51, lin. 41. coll., pag. 98; supra, pag. 80, nota 1.

4 Bunsen, Die Basiliken, etc, pag. 22 : Die erhôühte TisuNALNISQNE ragle EM EINTRETENDEN als Spitze des Ganzen eNrcecen.

86 DE BASILICIS LIBRI IT.

multo etiam magis improbatur propterea, quod quae eam confirment, prorsus nulla, complura autem, quae refellant, reperiantur testimonia. Quae enim a Vitruvio coloniae Juliae Fanestri in foro exstructa fuit basi- lica, eam in longo pariete habuisse aditum maximum inde recte conjici- tur, quod longorum parietum alter ad forum situs erat , in altero autem quae collocata erat aedes Augusti item ad medium forum et aedem Jovis spectabat !. Nam illud quidem dubitari vix poterit, quin aedificia publico usui patentia in ea parte aditum maximum habuerint, in qua plurimi ho- mines versari solerent, hoc est in parte ad forum vergente; neque illud negari poterit, aedem Augusti maximo aditui oppositam fuisse, quum deorum aedificia ita constitui deberent, ut a praetereuntibus et conspici et salutari possent. Quod si quis dicat, e regione aedis Jovis non maximum sed angustiorem aliquem basilicae aditum positum fuisse, vereor equidem, ut cuiquam ea sententiam sit probaturus.

Deinde etiam basilicae Ulpiae comparatio apertissime docet, maximum aditum in longo latere basilicarum constitui licuisse. Nam quod vel ex effigie Ulpiae basilicae in nummo Trajani conservata (tab. IF, fig. 9) concludi potest, maximum ejus aditum, quippe tripartitum ideoque satis amplum, in longo latere fuisse, id luce clarius ostenditur eo, quod, qui rudera ex area ejusdem basilicae removerant, Francogalli maximi aditus reliquias in longo latere invenerunt ?.

Quae quidem omnia quamquam manifesto docent, maximum aditum non necessario in brevi basilicarum latere constituendum fuisse, tamen non hanc vim videntur habere, ut eum nunquam in brevi latere situm fuisse existimemus. Imo pro natura loci, in quo basilica exstruenda esset, maximus aditus modo in longo modo in brevi latere videtur esse consti- tutus. Etenim si locus basilicae ejus modi erat, ut ejus breve latus in fo- rum vel alium celebriorem locum vergeret, necessario etiam maximus aditus in brevi latere, quippe in eo loco, ex quo plurimi homines ingres-

1 CE. Vitruv., IV, 5, S2extrem.

2 Vid. Tournon, Études statistiques sur Rome, tom. M, pag. 253, planch. 28 et 29. Nibby del Foro Trajano. Bunsen, Les forum de Rome, W, pag. 24 et seq. Bunsen., Beschreibg. d. St. R., II, pag. 15 et seq. Becker, Handbuch d. rôm. Alterth., T, pag. 379 et quos ille laudat.

DE BASILICIS LIBRI HI. 87

suri essent, constituendus fuit. Itaque non dubito, quin basilicae Sem- proniae aditus maximus in brevi latere fuerit, quum alterum ejus latus longum in vicum Tuscum !, alterum autem breve in forum spectaret. Contra basilicam Porciam, cujus longus paries in viam quandam verge- bat, etiam aditum maximum in eodem pariete habuisse persuasum mihi habeo.

Haec si recte sunt disputata, nemo infitias ibit, maximam januam et in brevi et in longo basilicarum pariete esse potuisse, neque situm ejus pro- priam atque peculiarem notam basilicarum Romanarum fuisse.

VI. Porro quod Hirtius, Kuglerus aliique ? scripserunt, nonnullas basilicas propter nimias spatii interni angustias porticibus caruisse, ejus opi- nionis causa haec videtur esse, quod nonnulla, quae ipsi pro basilicis habebant aedificia, et quae nos infra recensebimus, porticus non contine- rent. Sed hoc argumentum ideo nullius momenti est, quod nondum pro- barunt nec facile probare poterunt, veram esse suam de his aedibus sen- tentiam. Nam nulla est ex antiquis basilicis, quae columnis caruisse dicatur, multae autem sunt, quarum columnae apud veteres scriptores diserte commemorantur 5. (Juod autem a basilica sancti Andreae, quae antea basilica Siciniana appellata et ab Ethnicis exstructa fuisse dicitur, petitum est argumentum, id multum sane valeret, si certo probari posset, sancti Andreae basilicam, cujus ichnographiam Ciampinus ( Vetera monum., tom. Ï, pag. 7) exhibuit, revera eandem fuisse atque Sicinianam basilicam ab Ethnicis exstructam. Hoc autem quum viri docti hucusque frustra de- monstrare conati sint #, ex ista quidem basilicae ichnographia probari non

1 Vid. supra lib. I, cap. 1, pag. 62, not. 4, de basilica Sempronia.

2 Hirt Geschichte der Baukunst. b. d. A, M, V,$ 6, pag. 185 et seq. Kugler, Æunstblatt., 1849, n°84, pag. 334. Gailhabaud, Denkmäler der Baukunst aller Zeiten, ef. VI, ed. germ.,apud Meiss- ner, Hamburg,

5 Columnae commemorantur in basilica Aemilia, Cic. ad Attie., IV, 16; in basilica Porcia. Plut. Cat. min. 5; in basilica Alexandri Severi. Ael. Lamprid. Aleæ, Sever., 25; in basilica Gordiani, Jul. Capitol. Gord.tres, cap. 32; in basilica Caeritum Grat. Thes 1ns. Rom., pag. 214; In basilica ad turrem Libyssonis, Orell., Inseript. lat., 4929; In basilicis Vitruvianis, Vitruv., V, 1, 83, 3, Get7: VI, 3,89.

4 Vid. Ciampin., Veter. monum., , pag. 24%, 2: « Basilicam hane aedem fuisse, quae ab Ammia- no Marcellino describitur nomine Sicinianae me audivisse recordor à Joanne Lucio : verum licet

88 DE BASILICIS LIBRI HT.

poterit, basilicas columnarum expertes apud veteres Romanos exstitisse.

VIE. Aique etiam in eo erravisse mihi videntur viri docti, quod me- dium spatium in aliis pertectum, in aliis apertum fuisse dicunt. In quam sententiam vix illi incidissent, nisi quas infra recensebimus aedes Pom- peiis, Herculanei et Treviris inventas pro antiquis basilicis habuissent. De his quum infra dicturus sim, nunc hoc unum affirmo, nunquam apud scriptores veteres commemorari basilicas tecto mediani spatii carentes; quae autem apud Vitruvium de basilicis praecipiuntur, ea ita comparata esse, ut contrariam sententiam confirmare videantur. Nam quae ille, lib. V, cap. 1, $ 4, praecipit his verbis : « Basilicarum loca adjuneta foris »._ quam calidissimis partibus oportet constitui, ut per hiemem sine moles- » tia tempestatum se conferre in eas negotiatores possint, » ea aperte do- cent basilicas exstructas esse, ut negotiatores ibi etiam hieme negotiis suis sine molestiis, proinde melius quam in foro, vacare possent. Quod quo- modo in aperta basilica, quippe quae foro porticibus cireumdato plane aequalis fuisset, fieri potuerit, equidem certe non intelligo. Accedit etiam quod idem Vitruvius basilicas fenestris instructas fuisse memorat !, quibus profecto opus non fuisset, si tecto illae caruissent.

Praeterea etiam aliorum scriptorum loci reperiuntur, qui tectum fere omnibus basilicis commune fuisse videntur demonstrare. Quo pertinet locus M. Senecae in praef. Dib. IV, Controv. : « Narratur declamatoriae » virtutis Latronem Porcium unicum exemplum, cum pro reo in Hispa- » nia Rustico Porcio propinquo suo diceret, usque eo esse confusum, ut » a soloecismo inciperet, nec antea potuisse confirmari, {ectum ac pa- » rietes desiderantem, quam impetravit, ut judicium ex foro in basilicam » transferrelur. »

Neque exempla desunt basilicarum quas pertectas fuisse constet. Et primum quidem quam Vitruvius coloniae Juliae Fanestri exstruxit basili-

omnino nullas ad id probandum rationes adduceret, asserentis unieum testimonium tanti habui, ut auctores plurimos duxerim evolvendos magna spe fultus, id aliquando repertum iri, quaerentem tamen hucusque fefellit spes ita praecox. »

1 Vitruv., VI, 5,9 : « In Ægyptis inter columnas superiores fenestrae collocantur, ita basilica- rum ea similitudo videtur esse. »

DE BASILICIS LIBRI HI. 89

cam, eam tecto mediani spatii munitam fuisse, docent ipsius verba, lb. V,1,S6: « Tecta porticus, quae sunt submissa infra testudinem , » et K 9 et 10 : « Supra columnas trabes euerganeae circa sunt collocatae, » quibus insuper transtra cum capreolis sustinent unum culmen perpe- » tuum basilicae, alterum a medio supra pronaum aedis (Augusti, quae » in medio latere parietis basilicae collocata erat, lib. V, cap. 1, S7). Ita » fastigiorum duplex tecti nata dispositio extrinsecus et interioris altae » Lestudinis (hoc est tecti medii spatii) praestat speciem venustam. Co- » Jumnae in altitudine perpetua sub trabes testudinis perductae et magni- » ficentiam impensae et auctoritatem operi adjungere videntur. » Idem de basilica Julia demonstrant complures veterum scriptorum loci, veluti Stat ên Silv., 1, 25 :

At laterum passus hine Julia tecla tuentur, Iline belligeri sublimis Regia Paulli.

Martial., VI, 58 :

Jam clamor centumque viri densumque coronae Vulgus, et infanti Julia tecta placent.

Suet.. Cal, 57 : « Quin et numos non mediocris summae e fastigio basili- » cac Juliae per aliquot dies sparsit (Caligula) in plebem. » Joseph. , An- ti, XIX, 11: K> yap es To Komerwcy duévra rat Suoias ÜTÈP Tic JUYATOS ÊTUTE= Doopévas Üro vob Tao ragñy mohdmc noupoc voi drèp The Pacrhtrñc icTdpevoy 0 dép ypyTios rai applis ypivate dapprrroïvre. Ter #aTà regle * Üdnoy D éate 5TÉy 26 ES TnŸ dyopAY DÉpCD.

Neque de basilica Ulpia dubitari potest tum propter haec Pausaniae verba (lib. ie %) : Kuñ Pouatoy &yOpX 679 élyeux vod dourod Seïs aËia, vai pilote ëc Tèy op 000y yazeÿ rerorquévo , et lib. X, 5,5 : Pouaias Ch dyopa uEyé= Sos yeux val vararreune The Ans Saîpa Doa TOpÉYETOL TOY Dpogoy Aadrcby , quibus verbis simul cum foro Trajano etiam Ulpiam basilicam, ejusdem fori

partem, significari recte statuerunt viri docti !; tm propter locum À. Gel-

1 Siebelis, ad hune locum et quos ille laudat.

Tome XXI. 12

90 DE BASILICIS LIBRI IT.

hi, XII, 25, in quo statuae in fustigüs fori Trajani positae fuisse dicuntur#

Haec igitur quum ita se habeant, equidem in ea sententia, ut pertec- tas fuisse censeam basilicas Romanas, tamdiu perseverabo, donec contra- rium ex antiquis scriptoribus erit probatum.

VII. Accedo denique ad postremam partem hujus disputationis, qua demonstrare conabor, non exedram sive apsidem quandam brevi spa- ti oblongi lateri adjectam, sed potius illud ipsum tectum medio spatio impositum basilicarum tam proprium fuisse, ut eo ipso maxime a reliquis porticibus discernerentur. Etenim Bunsenius, quem instar omnium appel- lasse sufficiat, aperte docet ?, exedram basilicis propriam atque peculiarem fuisse. Quam sententiam vix amplius defendet vir clarissimus, si et ea, quae supra de exedra basilicis falso tributa disputavi, accurate perpendeé- rit, et ea, quae nunc subjiciam, diligenter examinaverit. Nam quas Bun- senius àn solis basilicis fuisse putat exedras, eas et in ejusmodi porticibus, quas Graeci palaestras vocitabant, et in ïis, quas veteres ad theatra collo- cabant, et in aliis etiam porticibus exstitisse, veterum testantur testimonia. Et palaestra quidem quomodo aedificanda sit, Vitruvius, lb. V, cap. 11, $ 1 et 2, his verbis docet : « In palaestris peristylia quadrata sive oblonga » ita sunt facienda, uti duorum stadiorum habeant ambulationis cireui- » tionem, quod Graeci vocant do; ex quibus tres porticus simplices » disponantur, quartaque, quae ad meridianas regiones est conversa, » duplex; uti cum tempestates ventosae sunt, non possit aspergo in in- » teriorem partem pervenire. Constituantur autem in tribus porticibus exe- » drae Spatiosae, habentes sedes, in quibus philosophi, rhetores, reliqui- » que qui studiis delectantur sedentes disputare possint. In duplici autem » porticu collocentur haec membra, ephebeum in medio; hoc autem est » _exedra amplissima cum sedibus, quae tertia parte longior sit quam lata. » Quibus verbis diserte pronunciat, in palaestrae porticibus exedras fuisse.

1 Gell. N. A., XIE, 23 : « In fastigiis fori Trajani simulaera sunt sita cireumundique inaurata equorum atque signorum militarium : subscriptum est : EX MANUBIEIS.

? Bunsen, Die Basiliken, ete., pag. 16 : In einer oder der andern Form (hemicyeliam sive qua- dratam formam significat Bunsenius) kan ein solcher AussAU, DEN ALLE SPABTERN BASILIKEN MIT EINAN- DER GEMEIN HABEN, UND DURCH WELCHEN SIE SICH VON ALLEN ANDERN HALLEN UNTERSCUEIDEN, derienigen nicht gefehlt haben, von der sie den unterscheidenden Namen tragen.

DE BASILICIS LIBRI III. 91

Neque aliis porticibus exedras defuisse testes sunt porticus ad theatrum Pompeñ sita, porro quae in Curioso Urbis Romae, Reg., IV, commemo- ratur Porticus apsidata, denique porticus Asturnii apud Gruterum comme- morata !. Ex quibus quam primo loco commemoravi porticum Pompe, in ea fuit exedra ? nomine Curiae Pompeianae insignita 5, at caede Cae- saris contaminata ideoque paullo post mortem Caesaris obstructa *. Quare si basilicae a reliquis porticibus peculiari quadam nota distulisse dicen- dae sunt, certe non eo, quod apsides sive exedras haberent, discerni po- tuerunt. Attamen fuit, quo basilicae a reliquis omnibus porticibus differrent, tec- tum dico mediani spatii; quod si porticui impositum esset, basilicae nomen ill videtur vindicasse.

Quae res inde maxime elucet, quod quum forma quadrangula, colum- nae. aditus in variis lateribus positi, et basilicis et porticibus communes fuisse videantur, tectum mediani spatii saepius in basilicis, at nunquam in porticibus commemoratur. ftaque quum exedrae aut in basilicis plane non inventae sint aut si posterioribus temporibus inveniebantur is certe non peculiares, sed cum porticibus communes fuerint, nihil restat,

nisi Lectum medü spatii, quod basilicarum proprium ac peculiare appellari possit.

$ iv. Mea de forma Romanarum basilicarum sententia.

EL Quam nos animo informavimus Romanarum basilicarum spe- ciem , eam et ex veterum scriptorum perscrutatione et ex effigierum in monumentis veteribus exhibitarum contemplatione et ex basilicae Ulpiae

1 Gruter., Corp. Inscript., pag. 65, 5. Silvano sancto C. Asturnius Medicus. Lud. Gall, Portic. et exedr., et sign. aen. voto suscep. L. M. Dedie. Cal. Mai. L. Marcio et Sext. Jul. Cos.

2 Plutarch. Brul., A4 : Sroë nàp #9 pie sy repli vd Séarpor, ÉEcdpas Évoura, ëv 4 Tlouryiou Iris Eiaèy elar4ae, Ti Fées crycauéryc, Te vals ovodis ai SEdrpw rèy Toro) ÉXET/GY ÉXOTHHGEV) Els radTyy oÙv % TévkhyTos ÉxANETTO,

5 Plin. 7. N.,XXXN, 9, 55 : « Hujus (Polygnoti) est tabula in porticu Pompeii, quae ante Curiam ejus fuerat. » Liv., Epit. 146 : « Ex is causis conspiratione in eum (Caesarem) facta, in Pompeii curia occisus est, viginti tribus vulneribus. » Suet. Caes., 80. « Postquam senatus in Pompeii cu- riam edictus est. » Coll. Appian., Civ. 1, 115. De Portieu Pompeii, vid. Becker, Handbuch der rüm. Alterth., V, pag. 614.

# Suet, Caes., 88. « Curiam in qua occisus est (Caesar) obstrui placuit. »

92 DE BASILICIS LIBRI HT.

ex parte detectae cognitione natam esse profiteor. Etenim quae vulgo ba- silicae appellantur aedificia Pompeiis, Herculanei, Paesti, Treviris aliis- que locis inventa, is ideo pro exemplis antiquarum basilicarum uti nolui, quod utrum illa aedificia recte basilicae appellari possint, nec ne, ambigi potest. Atque sic futurum esse spero, ut expositio mea neque peti- tione principii, quam vocant, laborare, neque meris conjecturis niti di- catur.

Ut autem justo ordine rem expediamus, primum definiamus, cui generi aedificiorum basilicae adnumerandae sint, deinde ipsam basilicarum for- mam ita delineabimus, ut et ichnographiam et orthographiam et vero etiam decus earum, quoad ejus fieri possit, lectoribus ante oculos pona- mus. Eurhythmiam autem et symmetriam basilicarum una cum ichnogra- phia et orthographia tractabimus.

Ac primum quidem cui generi aedificiorum basilicae adnumerandae sint, facile ex eo cognoscitur, quod in omnibus basilicis porticus media- num spatium cingentes inveniuntur. Unde apparet, basilicas fuisse ejus modi aedificia, quae colummnis maxime ornari solent, veluti porticus, quae vulgo dicuntur, scholae, palaestrae, templa, atque id genus alia, quae omnia commmuni nomine porlicuum (édifices à colonnes, SAULENGEBAUDE, SAULENHALLEN), comprehendere non dubitamus.

IE In forma autem basilicarum adumbranda primum quidem hoc pro certo ponere licet, aream basilicarum fuisse spatüum oblongun in medio quidem vacuum, in lateribus autem undique porticibus ornatum atque parietibus cinctum. Quam sententiam probant non solum haec Vitruvii verba, lib. V, 1,$6 : « Mediana testudo (la nef intérieure, menitu sparrum) inter columnas » (porticuum) est longa pedes CXX, lata pedes LX. Porticus (basilicae) » circa lestudinem inter parietes (basilicae) et columnas lata pedes wvi- » ginti, » sed etiam quod adhuc exstat accuratissime delineatum frag- mentum ichnographiae basilicae Ulpiae (vid. tab. IF, fig. 5), quippe in quo duplex columnarum ordo medium basilicae spatium cingens conspiciatur. Atque illud etiam ex utroque testimonio elucet, porticus in minoribus simplices, in majoribus vero duplices, proinde spatium basilicarum mino- rum tripartitum , majorum quinque partitum fuisse.

DE BASILICIS LIBRI Hi. 95

Latera autem basilicarum parietibus munita fuisse testantur Vitruvius ! et Seneca ?; neque tamen reticere possumus, Alexandrum Severum in ani- mum induxisse, basilicam exstruere, quae Lola columnis penderet 5. Quae verba denotare videntur, basilicam illum aedificare voluisse, quae pro pa- rietibus in externis quoque lateribus columnas haberet, ita ut quovis loco intrare et exire possent ambulatores. Sed haec basilica non negotiantibus, sed pro natura loci, quo exstrui debebat (scilicet in Campo Martio ad Septa Agrippae), ambulantibus tantum destinata videtur fuisse.

Proportiones autem et symmetrias basilicarum ita constitui jubet Vitru- vius, lib. V, cap. 1, $ 4, ut earum latitudines ne minus quam ex tertia, ne plus quam ex dimidia longitudinis parte constituantur, nisi loci natura impedierit et aliter coegerit symmetriam commutari. Quas proportiones etsi universe propositas tamen ad solum spatiun medium referendas esse inde patet, quod ipse Vitruvius in basilica Fanestri exstruenda non totius areae, sed medii tantum spatii et longitudinem et latitudinem ad illam legem accommodavit. Nam ejus basilicae mediana testudo inter co- lumnas fuit longa pedes CXX, lata pedes LX, proinde latitudo ejus ex di- midia lougitudinis constituta erat. Ne quis autem existimet, universae areae plane eandem atque medii spatii proportionem fuisse, meminerit , porticus medium spatium undique cingentes in latitudine, hoc est in bre- vibus lateribus, non minores quam in longitudine, hoc est in longis pa- rietibus fuisse. Unde elucet, etiam areae universae aliam atque spatit medii fuisse symmetriam. Quod autem modo dixi de Fanestri basilica, idem etiam de Ulpia basilica valet, nisi quod in hac spatit medii latitudo non ex dimidia sed ex tertia longitudinis parte videtur constituta fuisse. Quae res etiamsi certo demonstrari non possit, propterea quod magna ejus pars etian nunc ruderibus sive recentioribus aedificiis obtecta jacet, tamen e fragmentis Capitolinis (tab. I, fig. 5) probabilis reddi potest. Quae quidem

1 Vitruv., V, 1, 6: Porticus inter parieles et columnas. $ 7 : quae est in medio latere pa- riclis basilicae.

? Seneca, Praef,, lib., IV, Controvers. : « Latronem Poreium nec antea potuisse confirmari,

tectum ac parietes desiderantem, quam impetravit, ut judicium ex foro in basilicam transferre- tur,» Vide supra, pag. 74, not. 1.

5 Vid. Aelium Lamprid, Aleæandr. Sever., cap. 25.

9% DE BASILICIS LIBRI III.

fragmenta in utroque latere brevi V intercolumnia habent, in longo au- tem pariete XV aut XVI intercolumnia ostendere videntur ; unde concludi licet, hanc quoque basilicam ad Vitruvii legem extructam fuisse {.

Porticus autem tertiae parti latitudinis, quae medio spatio concessa es- set, aequales constitui debuisse, ipse Vitruvius pariter atque Ulpiae basi- licae conditor suo exemplo docuerunt. Etenim porticus basilicae Fanes- tris pedes viginti, atque basilicae Ulpiae porticus interiores octo metra gallica 98 !2 centimetr. gall., exteriores vero septem metra gall. 74 1/2 centim. gall. latae fuerunt, ut sponte appareat, eas fere omnes ex tertia latitudinis med spati, quippe fere 25 metr. gall. lati constitutas fuisse.

LL. 1. Ab ichnographia basilicarum facilis est ad orthographiam tansitus. Nam quum in orthographia haud aliae describantur partes, nisi quae in ichnographia jam fuerint significatae, aut certe ad illas exor- nandas necessario pertineant, apparet, ichnographiam optimam nobis du- cem esse ad orthographiam describendam. Itaque primum de porticuum altitudine atque symmetria, deinde de fenestris, quae in parietibus fuisse exis- timandae sunt, tum de tecto super medium spatium imposito, deuique de aditibus dicemus.

2. Ac porticus quidem vel potius columnae porticuum et mediani spatii tectum sustinentes duplici modo exstrui solebant, unde duo illa quae Vi- truvius commemoravit basilicarum genera orta sunt. Quorum prius atque illud quidem, ut videtur, usitatius architeetus noster, lib. V, 1, 5, his verbis descripsit : « Columnae basilicarum tam altae, quam porticus latae » fuerint, faciendae videntur : perticus quam medium spatium est, ex

! De ambitn aveae basilicae Ulpiae nondum certo judicare licet, quum architectus regis utrius- que Siciliae eques Banchi quos possidere dicitur Ulpiae basilicae mensuras rectissimas nondum'pu- blici juris fecerit. Interim Gailhabaudus, !. L., haee habet : Medium spatium latum 24 m.g. 85ctm.g. Porticus interior lata 8m.g. 98 { etm. g. Porticus exterior lata 7m. g. 74 { ctm. g. Platnerus vero, Beschreib. d. St. R., WE, 1, pag. 286 et 287, de basilicae ambitu haec refert : Latitudo basilicae 170 pedd. gall., latitudo medii spatii 77 pedd. gall., latitudo porticus interioris 48 pedd. gall. Bun- senius denique, Beschreibung d. St. R., WU, 2, pag. 174 : Latitudo medii spatii 100 pedd. Ceterum X intercolumnia basilicae Ulpiae ruderibus liberata nune aperta jacent, quae in loco 445 pedd. gall. lato reperiuntur.

DE BASILICIS LIBRI I. 95

» tertia finiatur. Columnae superiores minores quam inferiores, uti supra » scriptum est, constituantur. Pluteum, quod fuerit inter superiores et » inferiores columnas, item quarta parte minus quam superiores colum- » nae fuerint, oportere fieri videtur, uti supra basilicae contignationem » ambulantes ab negotiatoribus ne conspiciantur. Epistylia, zophori, co- » ronae (columnis impositae) ex symmetriis columnarum, uti in tertio » libro (cap. V (HI), $ 6 et seq.) diximus, explicentur. » Quae descrip- tio licet nec satis perspicua nec satis plena sit, tamen haec duo docet, primum quidem porticus superiores inferioribus superstructas, deinde inter superiores porticuum columnas et inferiores parietem sive pluteum !; ambulationem superioris porticus cingentem, interpositum fuisse. Haec duo autem scriptor addere omisit, alterum, quibus rebus tectum mediani spatii fultum fuerit, alterum, ubinam fenestrae fuerint?

Sed commode accidit, ut quae Vitruvius omisit, supplere possimus ex duobus numis antiquis, quorum alter in libro D. Sestini : Descrizione delle medaglie antiche greche del Museo Hedervariano, tom. HE, tab. F, 1, alter in Morellii Thesauro num. famil. Rom. gentis Minciae repraesentatur (vid. tab. I, fig. 7 et 6). Etenim in utroque numo aedificium conspicitur, quod aut pro basilica habendum est, aut certe basilicae simillimum est, quodque tectum mediani spatii muro fultum, atque fenestras in eo- dem muro intra mediani spatii atque porticuum tecta positas ostendit. Atque ipse etiam Vitruvius huic rei lucem aliquam affert his verbis (lib. NI, 5, 9): « Inter columnas superiores (oecorum Ægyptiorum) fenestrae col- » Jocantur, ita basilicarum ea sünilitudo videtur esse. » Unde jure colligi videtur, mediani spatii tectum aut columnis aut muro superiorum porti- cuum columnis imposito fultum fuisse, atque luculenter inde apparet, ba- silicarum fenestras supra porticus superiores atque infra tectum mediani spatii fuisse factas. Quae omnia si comprehenderimus , internam hujus ge- neris basilicarum speciein jure nostro ia describemus, ut duos columnarum ordi-

nes, inferiorum scilicet et superiorum porticuum , pluteo sive pariete sejunc-

1 Pluteum apud Vitruyium significare parietem, quo vacuum spatium inter duas columnas vel alias res situm clauditur vel impletur, testantur quae leguntur libro IV, 4, 1; libro V, 6, 6. Plu- teum Graccis est H£%oux. Plutarch., Pericl., A3, 159 , ed. Francof.

96 DE BASILICIS LIBRI I].

Los, tertium aliquem columnarum ordinem vel murum fenestratum, cui mediani spatii tectum impositum esset, sustinuisse dicamus.

Quibus ita expositis duo tantum videntur esse addenda, primum qui- dem illud, pluteum inter columnarum ordines non in omnibus basilicis ambulantes vel judiciorum auditores impedivisse, quominus in solum ba- silicae despicerent !, deinde hoc, fenestras etiam in pariete superioris por- ticus, pro more in forum vergente, fuisse videri, ut qui in basilicae porti- cibus ambularent, munera gladiatoria conspicere possent ?. (Tab. IV, fig. 9.)

Alterum autem basilicarum genus Vitruvius, lib. V, 1, K 6, ita descrip- sit: « Non minus summam dignitatem et venustatem possunt habere com- parationes basilicarum , quo genere coloniae Juliae Fanestri collocavi cura- » vique faciendam : cujus proportiones et symmetriae sic sunt constitutae. » Mediana testudo inter columnas longa est pedes CXX, lata pedes EX. » Porticus ejus circa testudinem inter parietes et columnas lata pedes » _viginti (tab. V, fig. 1). Columnae altitudinibus perpetuis cum capitulis pedum » quinquaginta, crassitudinibus quinum, habentes post se parastaticas » altas pedes viginti, latas pedes duos semis, crassas pedem unum semis; » _quae sustinent trabes, in quibus invehuntur porticuum contignationes: » supraque eas aliae parastaticae pedum decem octo, latae binum, » crassae pedem, quae excipiunt item trabes sustinentes cantherium et » porticus quae sunt submissa infra testudinem tecta. Reliqua spatia » inter parastaticarum et columnarum trabes per intercolumnia lumini- » bus sunt relicta. Columnae sunt in latitudine testudinis cum angularibus » dextra ac sinistra quaternae, in longitudine, quae est foro proxima, » cum lisdem angularibus octo : ex altera parte cum angularibus sex, » ideo quod mediae duae in ea parte non sunt positae, ne impediant » aspectus pronai aedis Augusti, quae est in medio latere parietis basili- » cae collocata. » Quorum verborum initium : « Summam dignitatem

possunt habere comparationes basilicarum, quo genere, etc. , » aperte docet,

1 Plin., Ep., VI,55, 4:« Atque etiam ex superiore basilicae parte, qua feminae qua vüri —visendi studio imminebant. »

2 Vitruv., V, 1, 1: « À majoribns consuetudo tradita est, gladiatoria munera in foro dari. »

DE BASILICIS LIBRI HI. 97

Vitruvium coloniae Juliae Fanestri non siagularis aut plane inusitatae cujus- dam formae basilicam exstruæisse, sed alterius tantum generis, ut videtur, re- centioris, exemplar constituisse. Quae res etiam eo confirmatur, quod si ab aede Augusti basilicae adjecta discesseris, reliquae aedificii comparationes, veluti areae divisio, porticuum collocatio, latitudo atque altitudo, deni- que fenestrarum dispositio ab usitato basilicarum genere nequaquam dif- ferunt. Etenim quam ipse Vitruvius inter Fanestrem et reliquas basilicas discrepantiam esse dixit, eam tantummodo in perpetuarum columnarum atque parastaticarum usu positam esse, his verbis, $ 10, exposuit : « Sublata epis- » tyliorum ornamenta (sc. in aliis basilicis utrique columnarum ordini » imponenda) et pluteorum (sc. inter superiores et inferiores columnas) » columnarumque superiorum distributio operosam detrahit molestiam, » sumptusque imminuit ex magna parte summam. fpsae vero columnae in » altitudine perpetua sub trabes testudinis perductae et magnificentiam impen- » sae et auctoritatem operi adjungere videntur. » [taque haud dubie er- rant viri docti, qui basilicam Fanesirem non alterius basilicarum gene- ris exemplum, sed aedificium plane singulare atque inusitatum fuisse dicunt. Neque Jucundo (ad Vitruv., V, 1), ejusque asseclis assentior, qui Fanestri basilicae propter parastaticas columnarum perpetuarum dorso adjectas dignitatem atque venustatem abjudicant. Quas enim vituperant parastaticas latas pedes duos semis, crassas pedem unum semis, eas prop- ter columnas quinque pedes crassas ab ïis, qui in media basilica starent, vix conspici potuisse, non dubium videtur. Quare Vitruvio operis sui dig- nilatem, venustatem auctoritatemque duobus locis praedicanti cum Palla- dio et Quatremère de Quiney diffidere et detrahere nolo.

5. Scalae vero porticuum quo loco fuerint, ex veterum quidem scriptis non liquet, sed si porticus Eumachiae exemplum Pompeiis conservatum afferre licet, eae in aditus latere interno positae cogitandae sunt. Vide Porticum Eumachiae in tabula nostra IE, fig. 5, k.

4. Porro fenestras constat supra porticus superiores collocatas fuisse, sed illud tamen enucleari non potest, utrum solis valvis an specularibus vitreisve laminis munitae mercatores a tempestatum molestia defenderint.

Hoc unum pro certo affirmari potest, in aedificiis ad tuendos mercatores

Towe XXI. 15

98 DE BASILICIS LIBRI IIL.

exstructis neque fenestras caruisse aliquo, quod illos tueretur, praesidio, atque illud etiam verisimile est, basilicas, quippe aedes magnificentissimas in fenestris laminas pellucidas vel speculares vel vitreas habuisse. Nam vitreis quoque laminis jam veteres usos esse in fenestris muniendis, docuit Hirtius, Geschichte d. Baukunst b. d. Alten., t. IT, Beilage C, pag. 66 et seq.

5. Jam ad tectorum formas progredientes inter porticuum atque me- dii spatii tecta distinguamus necesse est. Nam porticuum quidem tecta ita comparata fuerunt, ut eorum cantherii (les chevrons, nas SPaRRWERK) in in- teriore basilicae parte columnis vel parastaticis superiorum porticuum sustinerentur, in exteriore autem parte parietibus basilicae aream cingen- tibus niterentur, atque a trabibus ad parietes undique declives essent. Medii vero spatii tectum quomodo constructum fuerit, optime a Vitruvio Fanestris basilicae tectum describente (lib. V, 1, 8.) his verbis edoce- mur : « Supra columnas (perpetuas medium spatium cingentes) ex tribus ! » tignis bipedalibus compactis trabes sunt circa (medium spatium in ca- » pitulis columnarum) collocatae (vid. tab. V, fig. 2, b) eaeque ab tertiis » columnis, quae sunt in interiore (longitudinis, vid. 7) parte revertuntur » ad antas, quae a pronao (aedis Augusti) procurrunt (vid. tab. V, fig. 1); » supra trabes contra capitula (hoc est ad perpendiculum capitulorum co- » lumnarum) ex fulmentis dispositae pilae sunt collocatae, altae pedibus » tribus, latae quoquo versus quaternis (vide tab. V, 2, c). Supra eas ex » duobus tignis bipedalibus trabes euerganeae (hoc est firmiter compac- » tae) circa sunt collocatae (ibid., d) quibus insuper transtra cum ca- » preolis columnarum contra corpora et antas et parietes pronai collocata » sustinent unum culmen perpetuum basilicae, alterum a medio (basi- » licae) supra pronaum aedis (Augusti). » Quibus duo maxime docere vi- detur Vitruvius. Ac primum quidem inde a vocibus « columnas » usque ad « trabes eucrganeae cirea sunt collocatae » describitur corona lignea co- lumnis imposita, medium basilicae spatium pronaumque cingens, atque hoc duplici consilio composita, ut ei et tectum amplissimum gravissimum- que superstrui et columnarum epistylia (zophori, coronae ceteraque epis- tyliorum ornamenta, cf. Vitruv., I, 5 (3), 15) in interna atque externa

Non erat, quod viri docti contra codicum auctoritatem corrigerent: quatuor tignis. ide infra.

DE BASILICIS LIBRI II. 99

parte basilicae affigi possent. Quod quidem consilium etsi diserte non est propositum, tamen vel sponte intelligitur, tum quod in veterum aedificiis columpae tecta vel contignationes sustinentes sine epistyliis ne cogitari quidem pessunt, tum quod tecti amplissimi partes, transtra cum capreolis , in corona illa lignea positae commemorantur. Atque ex epistyliorum com- paratione, quippe quae secundum Vitruvii praecepta (lib. V, 5 (2), K 8- 11) accuratissime definiri possit, etiam quae non satis perspicua est, co- ronae ligneae in basilica Fanestri comparatio demonstrari potest. Ap- paret enim primum quidem, spatium, quod columnarum capitula inter et transtra tecti intercederet, tam altum fuisse, quanta epistyliorum altitudo esse deberet; deinde trabes columnarum capitulis impositas tantum spatii vacuum reliquisse, quantum opus esset affigendis epistyliis, quae certum modum excedere non debebant; denique trabes pilasque ita fuisse collo- catas, ut epistylia et commode et firmiter affigi possent. Jam vero episty- liorum altitudo a columnarum et ratione et altitudine pendet, quarum rerum non nisi alteram a Vitruvio declaratam invenimus. Attamen quum celeberrimam et splendidissimam Paulli basilicam columnis doricae ra- tionis (vid. num. in tab. Il, fig. 8) ornatam inveniamus, vix credibile est, coloniae cujusdam ignobilis basilicam pulchrioribus et magis sump- tuosis columnis fuisse exstructam. Dorici autem generis columnis quin- quaginta pedes altis epistylia in fronte fere duodecim !, in postico autem undecim pedes ? alta imponi debuerunt, quam epistyliorum altitudinem cum ligneae coronae recte comparatae altitudine optime convenire ap- paret. Etenim corona lignea, si ita exstructa fuit, ut duobus tignis bipe-

1 Vitruv., IV, 5, 4: « Epistyli altitudo unius moduli eum taenia et guttis « coll, V, 9, 5. » Si dorici generis erunt columnae dimetiantur earum altitudines cum capitulis in partes quindecim, et ex is partibus una constituatur et fiat modulus. » Inde sequitur, modulum columnae quinqua- ginta pedum continere pedes tres et unam partem pedis in tres partes divisi, sive uti nos dicere solemus 3 À ped. Idem, lib. IV, 5, 4: « Supra epistylium collocandi sunt triglyphi eum suis metopis alti unius et dimidiati moduli. » $ 6 : « Supra triglyphorum capitula corona est collo- canda cum cymatiis crassa ex dimidia moduli, simae quemadmodum supra scriptum est in ionicis ita perficiantur, » Lib. HI, 5 (3), 12: « Simae faciendae sunt altiores octava parte corona- rum altitudinis.

2 Vitruv., HE, 5 (3), 43: « Membra omnia, quae supra capitula columnarum sunt futura, id est, epistylia, zophori, coronae inclinanda sunt in frontis suae cujusque altitudinis parte duodecima.

100 DE BASILICIS LIBRI II.

dalibus tertium tignum ejusdem altitudinis, atque huic rursus pilae tres pedes altae impositae essent, quae reliqua duo tigna bipedalia, item alte- rum alteri imposita, sustinerent, accuratissime illa undecim pedum alti- tudinem aequavit. Quae tignorum collocatio etiam eo commendatur, quod epistyliis commode atque firmiter affigendis optime accommodata fuit. Etenim epistylii ima latitudo hypotrachelio summae columnae respondere debebat !. Quae hypotrachelii latitudo in quinquaginta pedum columna quatuor pedes et pedis in octo partes divisi partes tres continebat. Unde patet, in externo atque interno binorum tignorum bipedalium conjuncto- rum latere pedis in sexdecim partes divisi partes ternas affigendo epistylio relictas fuisse. Neque minus apte quod supererat tertium tignum in media inferiornm tignorum parte, atque super illo pilae quoquo versus quater- nos pedes latae collocatae fuerunt. Nam quae et ipsae per se graviores essent epistyliorum partes, triglyphos dico cum metopis, et graviores etiam epistyliorum partes, coronam puta et simam, multum prominentes susti- nere deberent, eas firmum quoddam, quo niterentur, fundamentum ha- buisse consentaneum est. Et habuerunt profecto, siquidem et ima epis- tyliorum parte et imis tignis bipedalibus , utroque in latere spatium pedis vacuum habentibus, nitebantur atque etiam in vacua pilarum intervalla inmittebantur. (Vid. tab. V, f. 2 et f. 5.)

Altero autem loco inde a verbis « quibus insuper transtra cum capreo- lis » Vitruvius breviter exposuit ipsius tecti comparationem eam, qualem in majoribus aedificiis veteres exstruere solebant. Namque veteres, si spatia tegenda commoda sive minora essent, ita comparaverunt tecta, ut canthe- rios in fastigio tecti culmini, quod columen sustineret, immitterent, hoc est trabi perpetuae, quae omnes tecti cantherios connecteret atque ligaret. Supra cantherios templa (Lattes, Larrex), deinde imsuper sub tegulas as- seres affixerunt ita prominentes, uti parietes projecturis eorum tegerentur.

5 Vitruv., IV, 5, 4: « Epistylii latitudo imarespondeat hypotrachelio summae columnae. » Lib. V, 9,5: « In imo columnae crassitudo fiat duorum modulorum. » De modulo supra p.99, not. 1. Idem, Bb. UE, 5, 12: « Contracturae autem in summis columnarum hypotracheliis ita faciendae videntur uti si columna sit ab minimo ad pedes quindenos, ima crassitudo dividatur in sex partes et earum

partium quinque summa constituatur. Quae erunt a quadraginta pedibus ad quinquaginta, item dividendae sunt in octo partes, et earum septem in summo scapo sub capitulo contrahantur. »

DE BASILICIS LIBRI IIL. 101

Sin autem spatia majora essent, transtra, hoc est trabes, quae ex pariete in parietem aedium porrigebantur, fecerunt, iisque imposuerunt capreolos, hoc est fulera, quibus exciperentur cantherii, et columen , quod et ipsum culmen in tecti fastigio ideoque totum tectum sustineret !. Hac autem ra- tione veteres majoribus tectis ea fulcra paraverunt, quae nos uno nomine Dachstukl, FAïrace, appellare solemus (vid. tab. V, fig. 4. 5). Transtris interdum lacunaria affigebantur, quae utrum in basilicis forensibus fue- rint necne, dijudicari non potest.

Tecta basilicarum testudinata, hoc est aut duabus ? aut quatuor 5 par- tibus declivia fuisse, id quidem ipso nomine testudinis declaratur. De forma autem testudinis, qua veteres in basilicarum tectis exstruendis usi sint; licet nullum exstet veterum scriptorum testimonium, tamen si tecta porticuum medio spatio adjecta, tectaque earum aedium publicarum , quae in numis antiquis cernuntur (tab. 1, 6. 7. 8), undique declivia fuisse meminerimus, atque illud etiam reputaverimus, fastigia in brevibus tec- torum lateribus plerumque ideo ornatu vix digna fuisse, quod quum longa

1 Vitruv., IV, 2, 1 : « Sub tectis, si majora spatia sunt, columen in summo fastigio culminis, et transtra et capreoli; si commoda, columen et cantherii prominentes ad extremam subgrunda- tionem. Supra cantherios templa, deinde insuper sub tegulas asseres ita prominentes, uti parietes projecturis eorum tegantur.

2 Colum., De re rust., XI, 45: « Ficus in eo loco expandi debet, qui toto die solem accipiat. Pali autem quatuor pedibus inter se distantes figuntur et perticis jugantur. Factae deinde in hune usum cannae jugis superponuntur, ita ut duobus pedibus absint a terra, ne humorem, quem fere noctibus remittit humus, trahere possint. Tune fieus injicitur et crates pastorales culmo vel carice vel filice textae, ex utroque latere super terram planae disponuntur, ut cum sol in occasu fuerit, erigantur, et inter se acclines testudineato teclo, more tuguriorum , inarescentem ficum a rore et interdum a pluvia defendant. »

5 Vitruv., II, 4, $ 4; « Apud nationem Colchorum in Ponto propter silvarum abundantiam arboribus perpetuis planis dextra ac sinistra in terra positis, spatio inter eas relicto quanto arbo- rum Jongitudines patiuntur, collocantur; in extremis partibus earum, supra alterae transversae, quae cireumeludunt medium spatium habitationis : tune insuper alternis trabibus ex quatuor par- tibus angulos jugamentantes, et ita parietes arboribus statuentes ad per pendiculum i imarum , edu- cunt ad alitudinem turres, intervallaque, quae relinquuntur propter crassitudinem materiae, schidiis et luto obstruunt. Item tecta recidentes ad extremos angulos transtra trajiciunt gradatim contrahentes, et ita quatuor partibus ad altitudinem educurt medio melas, quas et fronde et luto tegentes efficiunt barbarico modo testudinata turrium tecta. » Hine igitur apparet, Nonium Mar- cellurm, pag. 58, 10, ed. Par.; Festum, pag. 565, ed. Valpy., et Isidorum Origg., XV, 8,8, tes- tudinem sive tectum testudinatum veterum male explicuisse.

102 DE BASILICIS LIBRI III.

basilicarum latera in forum vergere solerent, illa a locis frequentibus aversa essent, vix dubitabimus, quin basilicarum tecta undique declivia fuerint.

6. De aditibus nihil quidem veteres scriptum reliquerunt nisi, valvis eos claudi potuisse !; sed commode in librorum locum numi succedunt, atque illorum supplent silentium. Etenim antiquorum illorum numorum, qui basilicarum Romanarum effigiem exhibent , alterum basilicae Ulpiae aditum maximum repr aesentare, inter omnes constat, alterum autem ean- dem partem basilicae Aemiliae ostendere, mihi certe persuasum est. Cujus quidem numi quam Spanbemius in libro De usu atque praestantia numo- rum atque Morellius in Thesauro numm. familiarum Romanarum, edide- runt effigiem, ex ea sane vix dijudicari poterit, utrum interna an externa basilicae pars in numo repraesentetur, praesertim quum discerni plane nequeat, in utram partem tectum sit conversum, pronumne sit an retro flexum. Quare non mirum est, Bunsenium internam basilicae Aemiliae partem in eodem numo depictam esse credidisse. At quod possidet hujus numi exemplar vir rei numismaticae peritissimus de Posern-Klett, senator Lipsiensis, id accuratissime tectum retro flexum ostendit, ideoque aperte docet, non internam sed externam basilicae partem esse in eo expressam (vid. tab. IL, f. 8). Deinde quum idem tectum reflexum in neutro latere aliis vicinis iisque acclivibus tectis sit conjunctum, apparet, non tectum unius alteriusve porticus, quippe quae omnes acclivibus tectis instruc- ae esse deberent, sed aliam eamque projectam basilicae partem signifi- cari. Porro idem numus egregius duas quinarum columnarum porticus ; alteram alteri impositam, ita ostendit, ut post priores alterae conspician- tur columnae, inter quas pariter atque inter priores viae apertae videntur esse. Quare non dubito, quin etiam in hoc numo, quemadmodum in numo Trajani, aditus basilicae maximus repraesentetur. Quae si recte ha- bent, ex utroque numo id colligi potest, maximum aditum summa arte constructum atque, nisi in omnibus, certe in nonnullis basilicis ita aedi- ficatum fuisse, ut ex superiore basilicae porticu interna in superiorem aditus porticum ambulatores transire possent. De numero adituum nihil

1 Bei (71 ART: , #3, SE, 4 s 3 x x Reines., Inser EE pag. 286 : Ürécooyro oi déna Aobxios Bectéïos Ty BaciAixÿ) TYy Tpèe à

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DE BASILICIS LIBRI IL. 103

constat, at complures eosque magnos fuisse, et basilicae Ulpiae introitus sex (tres in anteriore tres in posteriore latere) docent, et inde concludi potest, quod viae publicae per basilicas duxerunt ?.

Denique hoc tetigisse sufficiat, Chalcidica in extremis longitudinis par- tibus basilicarum exstructa fuisse. (Cf. Vitruv., V, 1.)

IV. Praeterea ut quae ad formam basilicarum pertinent omnia recen- seamus, etiam de decore, splendore et magnificentia basilicarum nonnulla adjiciamus, quae qualia quantaque fuerint, ex permultis veterum testi- moniis apparet. Etenim quae a Ciceronis tempore commemorantur basi- licae, eae fere omnes magnificentissimae et splendidissimae fuisse dicun- tur ?; id quod tanto minus mireris, si memineris, multas basilicas ab ipsis Imperatoribus in honorem virorum illustrium tanquam Insignia re- verentiae pietatisque monumenta esse aedificatas 5. Fuerunt autem et materiae copiarumque, e quibus exstructae, et ornamentorum, quibus decoratae essent, pretio et splendore insignes. ta ex. gr. basilica Paulli, quam Plinius « mirabilem, » Statius « sublimem » appellavit, e « Phrygiis columnis # » exstructa , porro basilica Julia marmoribus

1 Cf. Plin., Ep. H, 14,88 : « Si quando transibis per basilicam. » Plut. Galb., 26 : Eoxryro rhôrey Irréie, Era Em Aire dià Tÿc Ilabhou Baoiuxÿs mpocyepôuru. Cod. Just., M, tit. XI (XII), 24 : « Decernimus, ne in eam (basilicam) equos liceat intromitti. »

2 Cie. ad Autie., IV, A6 : «Paullus quam locavit (basilicam) facit magnificentissimam , » supra p- 58. Plut. Cat. min., 5 :'H Ilookiz Baciueÿ riuyrixdr Yo dyéSype vod rahacd Kérwos * Plut. Cues., 29 : Tao dE drére dvT ile nai mevraniox Ténuyta dovros, LR Sy rai Tÿy Baciixÿy ÊKETI0s, Svomasrdy àyaSyue, +? dnopà mosrexénygrer. Appian, Cüiv. II, 26 : Tabos d} Tr Iabhou Aeyoué- Ju1 Baciduixÿy drd Toyde Toy pppyuéreoy dyÉgyre Pouaiics, cixodéuyua TEpIxAA RÉ. Ael. Spart., Vit. Adrian., cap. I : « Mürabili opere basilicam exstruxit. » Aur. Viet. De Caes., 46, 26. « Adhue cuneta opera, quae magnifice exstwuxerat, Urbis fanum atque basilicam Wlavii meritis Patres sa- cravere. » Zosim., Hist. V. (Arcad. et Honor.), pag. 781 : Rufinus Antiochiae Bacr212#9 oixodouet aroy, Yÿs oùde y 4 môdis Évet diarperéorepos cizodéwyma. Plin. H. N., XXXVI, 45, 24: « Nonne inter magnifica basilicam Paulli columnis e Phrygiis mérabilem , ete. »

5 Monum. Ancyr.: « Eandem basilicam consumptam incendio ampliato ejus solo, sub titulo no- minis filiorum inchoavi. » Aurel. Vict. D. C., XLVI, 26, supra in not. 2. Ael. Spart,, Vit. Adrian., cap. I, in honorem Plotinae.

# Plin. LAN. XXXVI, 43, 24, in not. 2. Victor., Reg., VUI : Basilica Paulli e Phrygiis columnis. Stat. Silv., 1, 4, 26 : « Iline belligeri sublimis regia Paulli. »

5 Nonnulli aeneas valvas in media janua basilicae Lateranensis de basilica Aemilia sumptas esse dicunt male. Vid. Beschreibung der Stadt Rom., WW, 1, pag. 528 et 5929.

104 DE BASILICIS LIBRI HI. +

strata ! tum basilica Neptuni praeclaris imaginibus decorata, postremo, quae praeter caeteras splendore et pulchritudine excelluit, basilica Ulpia marmoreis gradibus, marmoreo solo, marmoreis columnis ?; marmoreis denique iisdemque figurarum artificio insignibus epistylis © ornata atque aeneo tecto # munita fuit. Neque temere statuere videmur, si quemadmodum solum et columnas gradusque, ita etiam parietes basilicarum marmoribus ornatos fuisse opinamur. Quae res etsi non certis velerum testimoniis ni- titur, tamen et verbis Cod. Just., HI, tit. XI (XIT), 21 : « Basilicam inau- » ratam et marmoribus decoratam liberam ÿ in perpetuum manere » jubemus, » et exemplo sacrae basilicae Hierosolymitanae in sepulcro Domini exstructae 6 comprobari videtur. Insigni vero splendore fulgebant, quae e ligno confectae essent, basilicarum partes, veluti contignationes inferioribus porticibus impositae, et transtra cum capreolis tecta susti- nentibus. Neque enim falli videmur, si, quae inauratae sive subauratae ? fuisse dicuntur basilicarum partes, eas porticuum lacunaria, trabes atque tecta intra basilicam conspicua fuisse credimus. Quam sententiam vix im- pugnabunt, qui noverint et basilicae sacrae in sepulcro Domini jussu Constantini M. exstructae lacunaria À fuisse inaurata et aliarum quoque basilicarum christianarum in Italia conservatarum trabes et lacunaria etiam nunc auro imposito splendere,

Praeterea interior basilicarum facies spoliis provinciarum ? imaginibus

1 Vid. Becker, Handb. d. rm. Alterth., X, pag. 341. Vid. Nibby, Del foro Trajano, pag. 555. Platner., Beschreib. d. St. R., HE, 1, pag. 287.

5 Vid. Beschreib. der Stadt Rom., HI, 2, pag. 175. 4

Vid. Pausan., V, 12, 4 : Kai ÿ 'Pouaisy dnopà 20ouou dE elyexa Tod Aorrod Ses GËia, xal ÂMGTA ES

rèy Gpomoy qaxscù reroimuéycr; et X,5 ,5: ‘Poæiois dE ÿ dyopà menéouc élvexa ai #ATATAEUTE The AA ÂYE Sadues cûca rapéyereu C00po yarxcbr. Coll., cap. IE, $ 5, VIL, in fine.

5 Scilicet a tabernis et similibus rebus ad parietes collocatis.

5 Vid. Euseb., Vit. Const., XI, cap. 56.

7 Vid. Inscriptionem in Muratori Thesaur., 1. 1, pag. 490, 3, basilicam subaurandam.

voyro. Xpuc@ mal aa To; Gpogous TeroixiA II. 9 Cf. Cie. in Verr., 4,86 : « Immo vero modo ac plane paullo ante (homines) vidimus, qui

forum et basilicas non spoliis provinciarum, sed ornamentis amicorum ornarent.» Coll. Sueton., Caes., 10. Aul. Gell., XIII, 25 (24).

DE BASILICIS LIBRE IT. 105

virorum elarissimorum clypeatis !, pictis tabulis ? statuisque © exterior item simulacris statuisque in aditibus # et in fastigiis positis condecorari solebat. Cujus rei luculentissimum testimonium exstat in numo, qui basi- licae Ulpiae aditum maximum eumque tripartitum repraesentat ?, statuis ita ornatum, ut in utroque aditu extremo bigae, in medio autem quadri- ga, eaeque telamonibus, epistylia acroteriis ornata sustinentibus, sepa- ratae cernantur. Qua statuarum dispositione superiores aditus partes tribus portis triumphalibus non dissimiles redduntur. Praeterea hanc basilicarum exornandarum consuetudinem et statuae in Ulpiae basilicae ruderibus in- ventae ® et Gellius, N. A., XIII, 25 (24), his verbis testantur : « In fasti- » giis fori Trajani simulacra sunt sita circumundique inaurata equorum » atque signorum militarium, scriptumque est EX MANUBIEIS. » Quae omnia abunde demonstrant, basilicas ab antiquis scriptoribus jure in mi- rabilibus atque excellentissimis operibus enumerari 6.

Jam vero, quam hucusque exposuimus de basilicarum forma senten- diam, eam ill improbabunt, qui nonnulla aedificia antiqua, quorum ru- dera etiam nunc hic illie supersunt, pro antiquis habent basilicis. Quam ob rem ut nostram sententiam quocunque modo defendamus, id agendum videtur esse, ut quo jure ista aedificia pro basilicis habeantur, paullo ac- curaüus inquiramus. Quam quidem quaestionem infra cap. VI instituemus.

1 Plin., AL. N., XXXV, 5, 4: « Post eum M. Aemilius, collega in consulatu Q. Luctatii, non in basilica modo, verum et domi suae posuit (imagines clypeatas). »

2 Cod. Just., ME, tit. XL(XH), 21 : « Basilicam inauratam et marmoribus decoratam liberam in

perpetuum manere, neque alicujus imaginisaut pictarum tabularum obumbratione fuscari jubemus. » 5 Inseript. apud Gruter., pag. 1080, 14. « Gabinius Vettius Probianus V. C. Praef. Urb. statuam

conlocari praecepit , quae ornamento basilicae esse posset illustri. Gruter., pag. 171; Gabinins Vettius Probianus, V. C. Praef., st. quae basilicae Juliae a se noyiter reparatae ornamento esset, adjecit.

4 Vid. Descriptionem basilicae Ulpiae in libro qui inseribitur : Beschreibung d. St. R., WE, S 1, pag. 287, et II, $ 2, pag. 172 et seq.

5 Jmago basilicae Ulpiae invenitur in numis duobus, altero aureo, altero aenco, qui in museo Caesareo Viennae asservantur et anno 867 U. c. exeusi sunt. Cf. Rasche, Lexicon univers. rei nu- mismat., in voce Basilica Ulpia.— Aurei denarii exemplar custoditur in numophylacio Gothano, cujus imaginem aceuratissimam dedi in tab. IT, fig. 9.

5 Eumen., Paneg. Const. Aug., VW, 22,85 : « Video (Treviris) basilicas et forum, opera regia, sedemque justitiae ên tantam altitudinem suscitari, ut se sideribus et coelo digna et vicina promit- tant, » Vid. supra, p. 105, not. 4.

Tome XXI. 14

106 DE BASILICIS LIBRI HIT.

CAPUT IIL.

DE USU BASILICARUM ROMANARUM.

1. Quo consilio M. Porcius Cato primam basilicam aedificaverit, dis- tincte quidem a veteribus traditum non est, sed ex 1is, quae de ejus cen- sura narrantur, facile concludi potest. Is enim quum recte suspicatus esset, Carthaginiensibus devictis, Asia imperio adjecta et Syris prostratis, Ro- mam à multo pluribus peregrinis frequentatum atque incolarum numerum magnopere auctum iri, id maxime curavit, ut quae a privatis occupata essent loca publica reipublicae redderentur, quaeque publico usui non- dum satis apta essent, pararentur atque laxarentur !. Jam vero quum forum rebus publice agendis non amplius satisfacere videretur, novum eumque amplum locum publicum condenda basilica suppeditare voluisse videtur, in quo, quae non necessario in foro peragenda essent negotia perfici possent. Îtaque recte Vitruvius, V, 1, $ 4, à, 8, basilicas negotian- tibus et litigantibus et ambulantibus, qui omnes in foro versari solebant, exstructas esse, his indicat verbis : « Basilicarum loca adjuncta foris quam » calidissimis partibus oportet constitui, ut per hiemem sine molestia » tempestatum se conferre in eas negotiatores possint, » porro « uti qui » apud magistratus starent negotiantes in basilica ne impedirent, » pos- tremo : « pluteum quod fuerit inter superiores et inferiores columnas, » item quarta parte minus quam superiores columnae fuerint, oportere » fieri videtur, uti supra basilicae contignationem ambulantes ab nego- » tiatoribus ne conspiciantur. » Praeterea alia multa exstant veterum tes- timonia, quibus non solum is, quem modo indicavimus, sed etiam ali, quos mox commemorabimus, basilicarum usus ostenduntur.

2. Ac pruno quidem loco ponamus ea, quae ad negotiatores pertinent

1 Vid. Liv., XXXIX, 42 : « (Censores) quae loca publica inaedificata immolitave privati habe- bant, intra dies triginta demoliti sunt. In Aventino et in alüs partibus, qua nondum erant,

(cloacas) faciendas locaverunt, et separatim Flaceus molem ad Neptunias aquas, ut iter populo esset, et viam per Formianum montem. »

DE BASILICIS LIBRI HI. 107

testimonia. Etenim Vitruvius propter negotiatores loca calidissima basilicis eligi, atque litigantes, ne negotiatores impediant, e basilicarum spatio se- gregari vult!; porro numularius de basilica Julia ? in lapide commemo- ratur; denique negotiatores merces in basilicis habuisse dicuntur5. Quid, quod etiam ergasteria interdum in basilicis fuisse, ostendit lex quaedam Imperatorum Theodosii et Valentiniani *. Atque quanto studio negotiantes basilicis inhaeserint, Senecae docent verba, De brevitute vitae, cap. XL, extr. : « Quaeris fortasse, quos occupatos vocem? non est, quod me solos putes » dicere, quos a basilica imumissi demum canes ejiciunt. »

9. Deinde judicia, quae altero loco supra commemoravimus, in basi- licis habita Ÿ, atque ibidem et res, de quibus ageretur f, et causarum

1 Vitruv., V, 1,8 : « Tribunal est in ea aede uti, qui apud magistratus starent, negotiantes in basilica ne impedirent. »

2? Gruter., Corp. Inscript., pag. 54, 1 : D. M. F. Flavius Genethlius, Numul. de basilica Julia, natione Bess. sibi et conjugi liberis libertis libertabusque deinceps de domo sua descendentibus vivus feeit. Hic in HE stabul. agitavit num.

5 Vid. Digest., XXXIN, tit. Il, lin. 52, 4: « Quum quaereretur de tali legato : Hoc amplius filia mea dulcissima a medio sumito tibique habeto ornamentum omne meum muliebre cum auro, et si qua alia muliebria apparuerint, quum testatrix negotiatrix fuerit, an non solum argentum, quod in domo vel intra horreum usibus ejus fuit, legato cedat, sed etiam quod in basilica fuit muliebre ? respondit : si testatrix proprium habuit argentum ad usum suum paratum , non videri id legatum , quod negotiandi causa venale proponi soleret, nisi de eo quoque sensisse is, qui petat probet. » Digesta promulgata sunt a. 553, p. C. N. cf. Stoeckhardt, Tafeln der Geschichte des rôm. Rechts, pag. 102.

# Vid. Cod. Just., HE, tit. XI (XI), 21. Imperatores Theodosius et Valentinianus A. A. Cyro, Praef. Urb., pasiticam inauratam et marmoribus decoratam liberam in perpetuum manere, neque alieujus imaginis aut pictarum eujuslibet honoris tabularum obumbratione fuscari jubemus, neque in aliqua parte ejusdem basilicae tabulato quidquam opere slationes ergasteriave constitui sanci- mus. Ilud quoque decernimus, ne in eam equos liceat intromitti vel nuptias celebrari. « Dat. Constantin. a.440, p. C. N. » Cod. Just. promulgatus est a. 529, p. C. N. Cf. Stoeckhardt, Tafein d. G. d.r. R., pag. 91.

5 Plut., Cat. min., 5 : ‘H 08 #xrouuéoy Ilopxiz Bariueÿ vupegrinèy Yy Grdlqua, Tob maheucd Kéravos.

Ejwbéres sy ÊxeT ypymariteis oi dypcapyot, xai xiovos Toïs dippois Éurodboy ciya doxobyTos, Énroray Josneiy add 4 perasrise. Plin., Ep. W, 14; VII, 55, 4. Lamprid., in Vita Comm., 2, « atque ipse in basilica Trajani praesidebat. » Quinetil., X, 5, 18. Senec., Praef., Lib. IV, Contr. Procop., De aedif., V, A1. Constantinopoli x47 à +ÿ7 Baoinéoc roy, iva dÿ ràs d'ixas mapasxeudioy Ta oi re phropes nai cicagupels xal elTives A Ao1 rod Epyou robraou ÊmiImEODYT&I, aÙAÿ Tis écris dreppeyébye.

5 Senec., De ira, WI, 55 : « Libet intueri fiscos än angulo jacentes. Hi sunt, propter quos oculi

108 DE BASILICIS LIBRI HI.

libellos (acta fori) ! debitorumque tabulas ? servatas esse, per testes in notis citatos satis comprobatur. At illud quoque adjiciendum est, Romae maxime in basilica Julia 5 et Ulpia jus dictum esse, atque in hac altera servos manu missos esse Ÿ. Quae enim alias in una eademque basilica tractari solebant negotia, ea Romae propter basilicarum multitudinem ad certas basilicas rejecta et distributa esse, inde apparet, quod basilicam Argentariam Romae commemoratam legimus, et qued neque de judicis in basilica Paulli habitis neque de negotiis in basilica Ulpia actis quid- quam innotuit. Ceterum ex Quinctiliani verbis, X, 5, 17 et 18 : « Adoles- » centes non debent nimium in falsa rerum imagine detineri et inanibus » se simulacris usque adeo, ut difficilis ab his digressus sit, assuescere , » ne ab illa, in qua prope consenuerint, vera discrimina velut quendam » solem reformident. Quod accidisse etiam Porcio Latroni, qui primus » clari nominis professor fuit, ut cum ei, summam in scholis opinionem » obtinenti, causa in foro esset oranda, impense petierit, uti subsellia in »._basilicam transferrentur. Ya ii coelum novum fuit, ut omnis ejus eloquentia » contineri tecto ac parietibus videretur, » recte videtur posse concludi,

clamore exprimantur, fremitu judiciorum basilicae vesonent, evocati ex longinquis regionibus ju- dices sedeant, judicaturi, utrius justior avaritia sit. » 1 Vid. Agath., Hist., M, pag. 32 À., ed. Boisonad. : 472

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? Wid. Cassiodor., Chron., H, pag. 204, Ronc. : « Tabulas debitorum in medio Romanae urbis foro (hoc est in foro Trojano sive in basiliea Ulpia, ef. infra cap. V, 1, 5) incendio concremarunt.

5 Plin., Ep. V, 21 : « Descenderam in basilieam Julian, auditurus, quid proximia comperendina- tione respondere debebam. Sedebant judices , decemviri venerant, observabantur advocati; silentium longum, tandem a praetore nuntius. Dimittuntur centumviri, etc. » Ep. VI, 55 : « Sedebant judices centum el octoginta, tot enim quatuor consilüs conseribuntur » coll., {9 : « Intervenit enim frequens necessitas computandi, ut repente in privati judicii formam centumvirale vertatur » coll. 11, 14, $$ 1, 4, 10, 11; 1, 5, 4; IX, 25, 1. Quinct., XIE, 5, 6.

* Lamprid., Vita Comm, 2. Supra, p. 107 not. 5. Cassiodor., Chron., IT, pag. 204 Ronc., supra not. 2.

5 Sidon. Apoll., Carm. 2 fin. :

Nam modo nos jam festa vocant, sed ad Ulpia poscunt Te fora , donabis quos libertate Quirites, Quorum gaudentes exceptant verbera malae.

DE BASILICIS LIBRI IT. 109

rhetores in basilicis docuisse, atque jurisconsultos consulentibus respondisse. Vid. Wolf. ad Quinct. locum et A. Gell., N. 4., XHT, 15; Agath. Hist., HT, pag. 52, À. ed. Bois. Supra, pag. 108, not. L. Quae sententia etiam his confirmatur, primum, quod alias philosophi in basilicis docuisse narran- tur !, deinde, quod Cicero ad Att., 11, 14, de villa sua Formiana a con- sulentibus Formianis frequentata scripsit : « Basilicam habeo non villam frequentia Formianorum. »

4. Praeterea omnes basilicae semper abundabant ? ambulantibus atque otiosis hominibus, quorum nonnulli ibi tamdiu otio frui solebant, ut per ludibrium peculiari Basiliciariorum nomine 5 appellari solerent. Qui autem apud Plautum Captiv., IV, 2, 25, commemorantur « subbasilicani, » eos non basiliciarios sive homines per basilicas discurrentes esse, sed: potius homines sub vel infra basilicam Porciam scortis utentes, ex alio ejusdem scriptoris loco, Cureul., IN, 4, 41, apparet, ubi haec leguntur :

Ditis damnosos marilos sub basilica quaerito, Ibidem erunt scorta exoleta, quique stipulari solent.

5. Praeterea de usu basilicarum haec comperta habeo : bibliothecas interdum in iis constitutas #, porro, nuptias nonnunquam in 1is celebra- tas ®, deinde corpus Augusti quum a Nola Bovillas deportaretur, propter anni tempus interdiu in basilica cujusque oppidi vel in aedium sacrarum

1 Vid. Apulej., Apolog., 519 : « Dissero aliquid postulantibus amicis publice. Omnes, qui aderant, ingenti celebritate basilicam, qui locus auditorii erat, complentes inter alia pleraque congruen- tissima voce insigniter acelamant, petentes, ut remanerem (Oeae, hoc est Tripoli in Africa) fierem- que civis Oeensium. »

2 Cic. in Verr., V, $ 152: « Forum plenum et basilicas istorum hominum videmus. » Vitruv., V, 4 : « Uti supra basilicae contignationem ambulantes ab negotiatoribus ne conspiciantur. » Suet., Cal., HA : « Misit (Caligula) cireum forum et basilicas nomenclatores ad invitandos juvenes senes- que. » Tac., A. XVI, 27 : « Aditum senatus (curiae) globus togatorum obsederat dispersique per fora ac basilicas cunei militares. » ZZ., 1, 40 : « Completis undique basilicis. »

5 Vid. Glossar, graec.lat. pazrès, éyspatos. Freund., Lex. lat. Franco-gallice : fläneur, dandy.

4 Vid. Zosim., Hist., I, pag. 713, 48; (vol. IN, Script. hist. Aug.), BiBicbanr Ey rh Buriécs ciudoutrus ooà (Constantinopoli) 4 zaûry BiBhous Gcas ele Évarolémvos (Julianus Imperator creatus ).

5 Vid. Cod. Just., WE, tit. XI (XI), 21. Supra, pag. 107, not. 4.

110 DE BASILICIS LIBRI IT.

maxima repositum esse !, denique, Augustales pontifices ? in Caeritum basilicae angulo 5 Phetrium * suum, hoc est locum sacris obeundis atque epulis sodaliciis celebrandis destinatum habuisse.

6. Quo loco negotiantes et judices versari soliti sint, accurate quidem véterum testimoniis demonstrari non potest; attamen si fori consuetudi- nem in basilicam transferre atque locis quibusdam veterum fidem habere licet, non errare videmur, si negotiantes cum tabernis in porticibus, judices cum tribunalibus subselliisque in medio spatio versatos esse statuimus. Etenim tabernas, quibus negotiantes uti solebant, in utroque fori latere fuisse his duobus argumentis satis docetur, primum, quod argentariae aliaeque ta- bernae in utroque fori Romani latere fuisse commemorantur >; deinde quod Vitruvius, lib. V, cap. 1, argentarias tabernas in porticibus circa forum sitis collocandas esse scribit. Unde concludi potest, basilicarum quoque tabernas in porticibus ad latera exstructis collocatas fuisse; quo accedit, quod tabernae in medio spatio sitae de pulchritudine basilicarum haud dubie multum detraxissent.

! Suet., Aug., 100 : « Corpus (Augusti) Decuriones municipiorum et coloniarum a Nola Bovillas usque deportarunt : noctibus propter anni tempus, quum interdiu in basilica cujusque oppidi vel in aedium sacrarum maxima reponeretur. »

2 De Augustalibus vid. Tac., À., 1, 54 : « Idem annus novas caerimonias accepit, addito sodalium Augustalium sacerdotio. » Æ., I, 95, 2: « Faces Augustales subdere, quod sacerdotium ut Ro- mulus Tatio regi, ita Caesar Tiberius Juliae genti sacravit. » Cf. Lipsius ad hune locum.

5 Gruter. Corp. Inscript., pag. 214 : Vesbinus Aug. Lib. petit, ut sibi locus publice daretur sub portieu basilicae Sulpicianae, uti Augustalibus in eum locum phetrium faceret, ubi ex consensu decurionum loeus ei, quem desideraverat, datus est, placuitque universis Curiatio Cosano cura- tori ob eam rem epistolam mitti in euriam. Magistratus et Decurion. Curiatio Cosano Sal. Id. Aug. desideranti a nobis Ulpio Vesbino consilium decurionum coegimus, a quibus petit, ut sibi publice in angulo porticus basilicae daretur, quod se Augustalibus phetrium publice exornaturum secundum dignitatem municipii polliceretur, ete. Grut., L. L., pag. 215, 1. Sign. Genio Vesbinius Augusti L. phetrium Augustalibus cum ar. genii Munic. Caerit. donum dedit. Dedic. HE, Id. Jun. Q. Ninnio Hasta P. Manilio Vopisco Cos.

# De phetrio, vide supra p. 84, not. 1.

5 Cf. Liv., XXVI, 41: « Tabernas argentarias, quae crea forum Romanum tune essent. » Varr., ap. Non., pag. 552, M. pag. 364. Gerl. : « Hoe intervallo primum forensis dignitas erevit, atque ex labernis lanienis argentariue factae. » Liv., ME, 44 : Virgini venienti in forum (ibi namque in ta-

dduceadéin roy rai TÔTE TEp} TYy Myopiy, coll. Dionys., ILE, 67. Varr., L. L., NI, 9, pag. 237. Plin., XXXV , 48. Cic., de Or., 1, 66. Liv., XXVI, 27; XXVII, 44. Becker., Handb. d. r. À. I,

pag. 295 et seq. Abeken, Mittelitalien vor der Herrschaft d. Rôm., pag. 189.

DE BASILICIS LIBRI II. ait

Quae eadem res pariter atque fori consuetudo simul docet, judicum tribunalia in medio basilicarum spatio, quippe quod medio foro responderet, fuisse collocata. Namque in medio foro tribunalia fuisse, Dionysii, Liviüi, aliorumque scriptorum ! testimoniis constat; quo accedit, quod in foro pariter atque in basilicis quae ad tribunalia fuisse narrantur « numerosa subsellia » atque « ingens auditorum corona ? » in porticibus satis am- plum laxamentum non habituri fuissent. Quamdiu autem mos obtinuit, ut e foro in basilicam transferrentur tribunalia 5, modo hic modo illic videntur collocata fuisse; postquam autem fixa tribunalia, quae quatuor in basilica Julia fuerunt #, constituta sunt, haud dubie in eodem loco, in quo initio collocata erant, remanserunt.

At Juliae quidem basilicae IV, tribunalia in quatuor angulis medii spatii fuisse, quum vel inde colligi possit, quod manceps, qui obscuris adolescentulis apud centum viros dicturis auditores atque plausores loca- bat, in media basilica stabat Ÿ, ut ab omnibus tribunalibus, opinor, pari spatio remotus esset, tum etiam eo comprobatur, quod immodici plauso- rum atque emptorum auditorum clamores, quos « ululatus » appellare

1 Dionys., II, 29 : Xœpioy re, y GO abebouevos Edixaëes (5 Poubho) EviTS puyeporéro rÿe ayopzc. HI, 6,7 : re dpopay, £v ÿ dixdtouci na ÉxxAyoidgouai, za) GAdoI ÉrITEACDII ToMTIAÈS FhSeis, ÉxEivos ÉxéTuyTe Éppaotypios Te xa thus roues repiBey. Liv. NI, 15 : « Dictator sella in comilio posila, viatorem ad M. Manlium misit, qui dictatoris jussu vocatus ad tribunal venit, » coll. Becker., Handb. d. r. A., 1, pag. 280. Quinct., X, 5, 30 : « Quid alioqui fiet, cum in medio foro, tot cireumstantibus judiciis, jurgiis, fortuitis etiam elamoribus, erit subito continua oratione dicendum, si partieulas, quas ceris mandamus, nisi in solitudine reperire non possumus. »

2 Cic., pro Mil., 1, 4 : « Haec novi judicii nova forma terret oculos, qui quocunque inciderunt, consuetudinem fori et pristinum morem judiciorum requirunt. Non enim corona consessus vester, cinclus est, ut solebat ; non usitata frequentia slipati sumus. » Plin., Zp. I, 14, 6 : « Hoc pretio (ternis denariïis) quamlibet numerosa subsellia implentur; hocingens corona colligitur. » VE, 55, 5 : « Sedebant judices centum octoginta : tot enim quatuor consiliis conseribuntur, ingens utrinque advocatio et numerosa subsellia : praeterea densa cireumstantium corona, latissimum judicium mulliplici cireulo ambibat. Ad hoc stipatum tribunal, »

5 Quinct., X, 15, 48. Senec., praef. lib. IV, Controv. Ascon., Argum. ad Cic. Orat. pro Mit. : « Populus corpus Clodii in euriam intulit cremavitque subselliis et tribunalibus. »

4 Quinet., XIE, 5, 6 : « Quum in basilica Julia diceret primo tribunali, quatuor autem judicia, uti moris est, cogerentur, atque omnia clamoribus fremerent; et auditum eum et intellectum, et quod agentibus ceteris contumeliosum fuit, laudatum quoque ex quatuor tribunalibus memini, »

5 Plin,, £p.W, 44, 4 : « Manceps convenitur in media basilica. »

112 DE BASILICIS LIBRI II.

Plinius non dubitavit!, postulavisse videntur, ut tribunalia justo spatio interjecto sejungerentur. Accedit etiam locus Quinctiliani, XIF, 5, 6, ubi Trachallus in primo tribunali dicens et auditus et intellectus et quod ceteris causidicis contumeliosissimum fuit, laudatus quoque ex quatuor tribunalibus narratur. Quo quidem loco tanquam singulare quiddam et admirabile videtur commemorari, quod qui in primo tribunali diceret causidicus, etiam ex tribus reliquis tribunalibus auditus intellectusque est; id quod mirum non fuisset, nisi magno intervallo inter se disjuncta fuissent sin- gula tribunalia.

Contra de phetrii Augustalium in basilica Caeretum collocatione nulla est dubitatio; nam id quidem in angulo porticus collocatum fuisse, testan- tur quas in nota citavimus inscriptiones ?. Porro bibliothecas quoque in superioribus porticibus collocatas fuisse, ideo vix dubium esse videtur, quod, quo lectores nullo modo carere potuerunt, silentium in inferioribus certe porticibus atque in medio basilicae spatio inter negotiantes litigan- tesque expectari non potuit. Nuptiae vero, quemadmodum epulae publicae in foro ?, ita in basilicarum medio spatio videntur celebratae esse. Quae omnia aperte docent, basilicas haud aliter atque fora, toti vitae publicae vel usui publico fuisse destinatas.

1 Plin., Ep. 11, 14, 10 : « Adsectabar Domitium Afrum, quum apud centumviros diceret graviter et lente, audivit ex proximo (tribunali) immodicum insolitumque clamorem. » 45 : « Ululatus quidem (neque enim alio vocabulo potest exprimi theatris quoque indecora laudatio), large supersunt. »

? Gruter, Corp. Inse., pag. 214 et 215. Vid., supra, pag. 110 not. 5.

5 Liv. XXXIX, 46 : « Post ludos epulum, in quo quum toto foro strata triclinia essent, tem- pestas cum magnis procellis coorta, coegit plerosque tabernacula statuere in foro. » Cf. etiam Becker, Æandb. d, r. À. 1, pag. 52d.

DE BASILICIS LIBRI II. 115

CAPUT IV.

DE ORIGINE BASILICARUXM ROMANARUM.

Sr De Romanarum basilicarum origine ab exteris non repetenda.

1. De origine basilicarum Romanarum qui scripserunt aut diserte do- cent, veluti Bunsenius, Canina et Hirtius !, aut tacite concedunt, veluti Kuglerus aliique ?, basilicarum Romanarum formam ad Porticus Regiae Atheniensis exemplum exstructam esse, rati, quae eodem nomine insigni- tae essent porticus, etiam formam eandem habuisse. Sed haec conjectura neque per se certo fundamento nititur, neque veterum testimoniis com- probatur, nec denique comparatis inter se basilicis Romanis et Porticu Regia probabilis fit. Nam Porticum Regiam nomine faseñs atoäs apud ve- teres non designatam fuisse, supra lib. [, cap. 5, docuimus , omninoque nomen ozcäç Basdwÿs ante Romanorum dominationem apud Graecos usu non venisse, vel inde apparet, quod nemo graecorum scriptorum ante Jo- sephum (Ant., XIX, 1, 11) basilicam vocibus Barteñs otoûe denotavit. Ne- que veteres scriptores, qui primae basilicae a Catone exstructae mentionem fecerunt 5, quidquam memoriae prodiderunt, ex quo conjici possit, Cato- nem Atheniense illud exemplum secutum esse. Quod si fecisset, Romani haud dubie eo minus reticuissent, quum ne Graeci quidem Regiam Por- ticum Atheniensem imitati fuisse videantur, quumque basilicae Romanis novum quoddam aedificiorum genus fuisse dicantur *.

1 Bunsen., Die Basilik. d. chr. R., pag. 15, 16. Canina, Ricerche sul Architettura piu propia dei tempj Crist., P.1., cap. 2. Hirt., Geschichte der Baukunst b. d. Alten., M, cap. 5, $ 3.

2 Kugler, Kunstblatt., 84, 1842. Pauly, Realencyclopaedie der Alterthumsw., in voce Basi- lica. Quast, Die Basilika der Alten., pag. 6.

5 Aurel. Victor., V. 1, XLVIL, 5. Liv. XXXIX, 44. Plutarch., Caton. maj., 19; Caton. min., 5. Pseudo-Ascon., ad Cicer, Divin. in Caec., 16.

# Aurel. Victor., V. I, XLVIL, 5. Liv. XXXVI, 27 : « Comprehensa postea privata aedificia, ne- que enim tum (a. U. c. 544) basilicae erant. »

Towe XXI. 15

114 DE BASILICIS LIBRI IE.

2. Structura autem Regiae Porticus, qualem supra adumbravimus (lib. I, cap. 6), si cum basilicarum forma comparatur, concedendum sane est, utrique nonnulla fuisse communia, porticus dico atque media- num spatium tecto instructum; sed non minus concedendum est etiam illud, neque porticus neque tectum mediani spatii, quippe quae etiam in aliis ejusmodi porticibus fuisse videantur (vid. lib. E, cap. 6, S 3), ad eam sententiam Romanos deducere potuisse, ut Catonis opus basilicae nomine insignirent. Neque etiam credibile est, Catonem ipsum Athenis Romam hoc aedificiorum genus transtulisse, quem non magnopere vita moribus- que Graecorum delectatum esse scimus. Accedit etiam, quod Romanorum basilicas et Regiam Atheniensium Porticum certe ab initio diversis usibus inserviisse constat.

5. Fuerunt Praeterea !, qui Catonem in exstruenda basilica sua tem- plorum hypaethrorum formam quodammodo imitatum esse dicerent; sed vereor, ut Cato cognita habuerit vel unquam viderit, quae rarissima fue- runt, templa hypaethra ?.

$ 1. De basilicis ab ipsis Romanis inventis.

Jam vero quae apud peregrinos frustra quaesita esse videntur originis basilicarum Romanarum vestigia, ea apud ipsos Romanos inquiramus. Neque qui consilium atque formam basilicarum reputaverit, frustra quae- ret. Etenim Cato quum basilicam suam fori laxamentum et tanquam alte- rum forum esse vellet, necessario etiam porticus, quae in foro invenie- bantur, pariter atque ambulationes vel maeniana illis imposita, et intra porticus spatium satis amplum exstruere debuit. Tum vero etiam id curare debebat, ut, quae in foro Romano saepissime negotia impedirent, tempes-

1 Kugler, Aunstblatt., 86, pag. 542, G; 1842 : Eben so kann man sie (die Basilika) den Hy- paethraltempeln parallel stellen, deren Einrichtung auf sie wiederum nicht ohne Einfluss gewesen sein dürfle. Canina, Ricerche, ete., pag. 24. La sopraposizione dei due ordini di colonne nell interno di questi edifizj sembra che si fosse d' all architettura stabilita per à tempj del genere degl' ipetri. coll. Canina, Architettura antica Sez., , Architett. grec., parte II.

? Vitruv., IL, 2, 8, (vulgo 1, 17): « Hujus (templi hypaethri) autem exemplar Romae non est, sed Athenis octastylos et in templo Olympio. »

DE BASILICIS LIBRI III. 115

tatum molestiae arcerentur tecto porticibus imposito. Cujus modi aedificn exstruendi exemplum proximum idemque luculentissimum suppeditavit ipsius fori Romani pars, comitium, tum, quum ludi gladiatorii in foro habebantur, velis tegi solitum !. Quod exemplum sequutus « Caesar Dic- tator adeo totum forum Romanum intexit, viamque sacram ab domo sua ad Chivum usque Capitolinum. » Plin., H. N., XIX, 1, 6. Haec autem quum in foro fierent, quis dubitet, quin in animo Catonis consilium ejus modi aedifici exstruendi excitare potuerint? Quam quidem sententiam equidem amplector, repudiatis eorum opinionibus, qui aut ab Athenien- sium Porticu Regia aut a templis hypaethris basilicarum originem repe- tunt : quibuscum tantum abest, ut scriptores veteres de origine basilicarum tacentes faciant, ut etiam meae sententiae favere silentium eorum videatur.

CAPUT V.

DE NOMINE BASILICARUM ROMANARUM.

S 1 Basilicarum nomina latina et graeca, quae apud veteres scriptores inveniuntur.

4. Quod supra descripsimus Romanorum aedificiorum genus a latinis scriptoribus hisce nominibus appellatur :

a. Basilica a Plauto in Curcul., IN, 4, 11; a Varron. de L. L., NI, 2, pag. 187 Sp., V, 52, pag. 155; a Cicerone in Verr., T1, $ 59; IV, $ 6; V,S 152; pro Muren., $ 70; ad Autic., I, 14. IV, 16; ab Hirtio, B. À., 523 a Vitruvio, V, 4, & 4. 5. 6. 7. 8. 9. NI, 3. 9. VI, 5. 23 a Livio, XXVI, 27. XXXIX 44. XL, 51. XLIV, 16; a Plinio, H. N., XXXV, 5, 4. XXXVI, 15, 24; ab Asconio ad Cic. pro Mit. arqum., pag. 54, ed. Or.; a Seneca, de fra, WE, 55. de Brevit. vit., 11 extr.; a M. Seneca, praef. lib. IV,

1 Liv, XXVIT, 56 : « Lo anno (a. U. c. 546) primum, ex quo Hannibal in Italiam venisset, co- mitium lectum esse memoriae proditum est, et ludos Romanos semel instauratos esse, etc. »

116 DE BASILICIS LIBRI HE.

Controv.; a Plinio, Ep. IH, 44. V, 5. VI, 55. X, 55; a Tacito, An. HIT, 72. XVI, 27; H., 1, 40; a Suetonio, Caes., 10. Aug., 100. Cal., 37. 41; a Quinctiliano, X, 5, 18. XIT, 5, 6; a Petronio, Satyr., cap. 57; a Palla- dio Rutilio, de Re rust., 1, 18; ab Apulejo, 519; ab Aelio Spartiano, Hadr., A1. 19; a Lampridio, Comm. ss a Julio Capitolino, Gord. 52; ab

Eumenio, Panegyr. Const. Aug., VIE, 22, 5; ab Ausonio, Grat. Act., K 5, No. 419, ed. Valpy; a Pseudo-Asconio ad Cic. Divin. in Caec., 16; ab Hie- ronymo, Chron. Euseb., pag. 5399; ab Aurelio Victore, V. L., AT; Caes., 40, 26; ab Ammiano Marcellino XXVIE, 5, 15; in Curioso Urbis Romae, reg. IV; a P. Victore, Reg. VII; a Symmacho, Epist. IV, 71. V, 74. X, 45; a Sext. Pomp. Festo, pag. 856, lin. 15, ed. Valpy: in Institut. , IE, tit. 20, $ 4; in Codice Justin., MX, tit. NT (XIE), 21; in Digest., XNXIV, tit. IT, 52, $ 4; ab Isidoro Hispalensi, Orig. XV, 4, 11; in Anscriptionibus apud Muratorium, tom. 1, pgg. #72, 8. 478. 490. 120. 455. 460; apud Gruterum, pgg. 171, 1. 2. 5. 4. 6.7. 8; 214. 250. 444; 1080, 14; apud Orellium, No. 4929; apud Petrum de Lama, Inscript. ant., No. 5.

Regia a Statio in Silv., 1, 1, 29.

1 Quas praeterea Suetonius, Aug., 51. 76. et Asconius, ad Cic. Orat. pro Seauro, N 45, pg. 27, ed. Orell., commemorarunt regias, eas non basilicas fuisse, non difficile est ad demonstrandum. Et primum quidem, quae Suetonii loco posteriori his ipsius Augusti verbis memoratur regia « Dum lectica ex regia domum redeo, » eam non basilicam aliquam, sed quae «27° &£2y#> hoc no- mine appellabatur, Mumae regiam intelligi oportere, vel ex eo apparet, quod, quum quatuof ad minimum tune temporis Romae essent basilicae, vix potuit una ex illis significari, nisi adjecta aliqua voce, veluti Paulli, Opimia, Sempronia, etc., qua a reliquis facile distingueretur. Neque quae apud eundem Suetonium, Aug., 51, leguntur verba : « Pompeïi quoque statuam contra thea- » tri ejus regiam marmoreo Jano supposuit, translatam e curia, in qua Caesar fuerat occisus; » de basilica quadam ad Pompeii theatrum sita intelligenda esse concesserim. Nam qui verba allata comparaverit cum his veterum seriptorum locis, in quibus de eaede Caesaris agitur in Curia Pom- peianae porticus perpetrata : Plut., Brut., 44 : « Sroù pp 47 mix rüy rep Séar

2 5 2 ; , , _ nn ea _ 2 oi * ES » 7 y Ilourylou Ti Elkdy ElcTyzeI, Ts TohEOS crycauéyys, 0TE TU: monts xal Ti IEATpE TÔY Tôroy ÉxEiyoy

poy EÉedoar Evouca, » ÉxéTuyrer * El TadTyy 4 coyenyros Érahgiro. » Caes., 66 : « ‘O dE deÉduevos Tôy pévoy ÉxEiyon «ai tèn » dyüve Ypss, Eis 69 4 cÜykAYTOs YSpoichy Tôre, Ilouwrwiou uèy eiréva 2EMÉYYY ÉVY, Tlouryiou d' arélyux D pensé TOY rpoorEromuyméyoy ro SEérpo, Suet., Caes., 80 : Postquam senatus fdibus Martüs in » Pompeii curiam edictus est. Caes., 88; Curiam, in qua (Caesar ) occisus est, obstrui placuit. » Porro, qui ad hos locos animum adverterit : Vitruv., V, 9 « Post scenam porticus sunt consti- tuendae uti sunt porticus Pompeianae. » Plin., XXXV, 9, 55: « Hujus (Polygnoti) est tabula in

DE BASILICIS LIBRI IT. 417

c. Basilica Regia a Paulo Ramnusio, in Bell. Constantinop., IX, pag. 61, fin., edit. Venet.

2. Quae quidem nomina a Graecis hisce vocibus redduntur :

a. Bas a Josepho, Ant. Jud., XIX, 1, S 11; a Plutarcho, Cat. Ma., 19; Cat. Min., 5; Caes., 29 ; Galb., 26; ab Appiano, B. civ., XE, 26; ix Rei- nesii Anscript., pag. 286.

b. 3roi a Dion. Cass., XLIX, 42. LIV, 24. LAIT, 27.

c. Bardwn 9704 a Strabone, V, pag. 165, lin. 41; a Zosimo, Hist., V, (Arcad. et Hon., LN), pag. 871, (vol. HE, Scripe. Hist. Aug.); a Suida in v. Basin.

d. H Gardéw 0755, hoc est porticus Imperatoris, a Procopio, de Aedif., I, 11; a Zosimo, Hist., HI, pag. 715, 18.

e. ‘H Basdecc otot ab Agathia, Hist., HA, pag. 52 A. ed. Boison.

5. Praeterea viri docti basilicam Ulpiam etiam vocibus « Forum Tra- » jani, forum Ulpium, forum in medio urbis situm » denotatam esse contendunt. Sed vereor, ne qui verbis Gellii, XIE, 24, « in fastigiis fori

porticu Pompeii, quae ante curiam ejus fucrat, » is facile intelliget, et Suetonium et quos post eum citavi scriptores unum idemique aedificium significare, neque dubitabit quin Suetonius, for- tasse elegantiae studio ductus, quod reliqui omnes scriptores neque basilicam neque regiam sed porticum appellarunt aedificinm, idem hoc loco regiae nomine appellaverit. Qualem autem apud Suetonium in verbis « contra theatri ejus regiam » latere vidimus porticum ad theatrum sitam, talem etiam in Asconii loco supra citato : « In hujus (Scauri) domus atrio fuerunt quatuor colum- nae marmoreae insigni magnitudine, quae nunc esse in regia theatri Murcelli dicuntur » significari existimamus. Quam sententiam ideo amplectimur, primum quod jam Suetonii exemplo constat, regiam pro porticu dici, deinde quod de basilica ad theatrum Marcelli sita apud veteres nihil prorsus reperitur seriptum. Itaque et Suetonius et Asconius latina voce regiae, quae proprie grae- cae voci basilicae responderet, ad porticum significandam quodammodo abusi esse existimandi sunt; quae quidem dicendi seribendique ratio ipsa portieuum ad theatrum Pompeï sitarum struc- tura videtur excusari posse. Nam quae in fragmento Capitolino theatri Pompeii conspicitur ichno- graphia, ea aperte docet Porticus Pompeianas internas in altero latere non uti moris eral, parie- tem, sed item columnas habuisse, ita ut earum tecta ad similitudinem eorum tectorum, quae basilicarum spatio medio imposita erant, constructa ab utroque latere columnis sustinerentur, Nam pertecta fuisse spatia inter utrosque columnarum ordines conspieua, inde coneludi potest, quod quae post theatrum cernitur ejusdem structurae porticus teeto plane caruisset, nisi spatium inter utrumque ejus columnarum ordinem pertectum fuisset. Atque ejusmodi porticus etiam in parietibus aedificiorum Pompeianorum et Herculanensium pictae olim conspiciebantur. Vid, li- beum, qui inscribitur : Pompeii and Herculanum.

118 DE BASILICIS LIBRI III.

» Trajani simulacra sunt sita, » et Cassiodori, Chron., Il, pag. 204, « Ronc. : » tabulas debitorum in medio Romanae urbis foro incendio con- » cremarunt, » basilicam Trajani sive basilicam Ulpiam significatam esse putant, male ad partem fori Trajani restringant, quae optime de toto foro dici potuerunt. Rectius fortasse verba Pausaniae, V, 12, 4 : Kai à Pouav dyopa xéquou te Elverx To Doro Séac dbia, rai pilote ëc To opopoy xahroù neromuévoy, Et x D'MOIE Poe À dyopà ueyébous élveux al LaTasuEvNs TAG ane Saipo. ose TApÈYE- ra pop jam cum Siebelisio de basilica Ulpia accipi posse videntur, propterea quod scriptor, si euncta fori aedificia significare voluisset, roù Gpépous et Tapéyetou Toùc opépous Xdmoÿs scribere debuisse videtur, quamquam idem Pausanias ejusdem nominis numero singulari etiam de plurium aedi- ficiorum tectis usus est !. Qua re equidem no contenderim, basilicam Ulpiam vulgo appellatam esse forum Ulpium sive forum Trajani, praeser- tm quum aequalis Constantin M. Lampridius ? eam non forum Trajani, sed basilicam Trajani appellaverit. Neque quae Sidonius Apollinaris 5 de Ulpiis foris dixit, ad basilicam Ulpiam referri oportet, etiamsi posse ita intelligi, facile concedam.

$ n. De significatione vocabuli basilicae.

1. Postquam haec nomina allata sunt, duo imprimis explicanda res- tant, primum hoc, quid significet nomen basilicae, deinde, cur hoc nomine graeco_ Romanum aedificium appellatum sit. Atque illud quidem sponte appa- ret, vocabulum basilicae quippe natura sua non substantivum sed adjec- tivum, indigere nomine quodam substantivo, quod quum apud Latinos voci basilicae additum non inveniatur, recte a graeco scriptore Strabone

1 Pausan., I, 18, 8 9: xx oixfuara Evraÿbé EcTiy dppw Te Eriypéoo «ul XAaBéorpo AiSw, wide supra, pag. 46, not. 2.

2 Lamprid., Vit. Commodi, 2 : « Adhuc in praetexta puerili (Commodus) congiarium dedit, at- que ipse in basilica Trajani praesedit. »

5 Sidon. Apoll., carm. 2, fin. :

Nam modo nos jam festa vocant, sed Ulpia poscunt Te fora, donabis quos libertate Quirites , Quorum gaudentes exceptant verbera malae.

DE BASILICIS LIBRI III. 119

repetitur. Îs enim, quum voci basilicae graecam vocem o7cxc, id est porti- cus, addiderit, aperte indicat, nihil aliud ad adjectivum basilicae cogitatione esse addendum, nisi ipsum illud porticus vocabulum. Fuerunt igitur basi- licae porticus basilicae, quae si ad verbum latine redderentur, porticus regiae essent dicendae. Deinde autem apparet, neque a Catone neque à quo- quam Romanorum, quippe quos regio nomini perpetuo infestos fuisse constat !, ullum aedificium sensu proprio regium appellari potuisse, uti Isidoro visum est ?. Neque ab Atheniensi Bardeis orox nomen basilicae deri- vari posse propterea, quod Cato illam nequaquam imitatus esse videatur, jam supra significavimus. Sed ut veram vocis basilicae vim ac potestatem cognoscamus, ad Plautum, Catonis aequalem, qui primus omnium scriptorum latinorum basilicarum mentionem fecit, recurrendum est; ex quo apparet, adjectivum basilicus, a, um, et adverbium basilice illa aetate idem significasse, quod egregius, insignis, eximius, magnificus, egregie, etc. Afferam exempla : « Plaut., Capt., IV, 2, 51 : basilicas edictiones atque im- periosas habet. Trinum., IV, 5, 21-25 : Srr. Utinam veteres mores, vete- res parsimoniae potius majori honori hic essent, quem mores mali. Car. Dii immortales, basilica hic quidem facinora inceptat loqui. Pseud., 4, 5, 42 : S. Salve, quid agitur? Ps. Statur hic ad hunc modum. S. Statum vide hominis, Callipho, quam basilicum. Pœn., HE, 1, 74 : Basilice ex- ornatus incedit. Pers., 1, 1, 26-29 : Quid ergo faciam , Diisne advorser? quasi Titani cum Diis belligerem, quibus sat esse non queam? S. vide modo, ulmeae catapultae tuom ne transfigant latus. T. basilice agito eleu- theria. 1bid., vers. 51-52 : T. Si tute tibi bene esse potes pali, veni, vives mecum, basilico abcipiere victu; tbid., IV, 11, 12 : Euge, euge, ornatus basilice! Tiara ornatum lepide condecorat tuum; ibid., V, 2, 25 : Huc, Babac! basilice te intulisti et facete. Curc., I, 5, 79 : Talos arripio, in-

1 Ut ea, quae regie seu potius tyrannice statuit in aratores Apronius praetermittam. Cic., Verr., 2, 5, 48 fin. : Qui si in hune (Catilinam) animadvertissem, erudeliter et regie factum esse dicerent. Cie., Cat., 1, 42, 50. Regia res scelus est. Ovid., Fast.,6, 595. Superbum istud et re- qium, nisi. Plin. Paneg., 7 fin.

2 Isidor., Orig., XN, 4, M : « Basilicae prius vocabantur Regum habitacula, unde et nomen habent. » Male, nam non # Buriuxÿ sed Buriixéy sive Bariuxé Graecis est palatium sive ka- bitaculum regis.

120 DE BASILICIS LIBRI II.

voco almam meam nutricem, Herculem. jacto basilicum !. Epidie., 1, 1, 54 : Dii immortales, ut ego interii basilice. Rud., I, 4, 18 : At ego ba- silicus sum, quem nisi oras, guttam non feres. Nostro illum puteum peri- culo et ferramentis fodimus. » Hinc igitur apparet, basilicam denotare magnificam, egregiam porticum ?.

2. Atque ex eodem Plauto etiam suspicari licet, qui factum sit, ut do- meslicum opus peregrino nomine appellaretur. Etenim illa aetate Romanos novis vel peregrinis nominibus vel maxime gavisos esse, idem ille poeta docet in Epidici, WE, 2, 45 et seq. : « Quid ? istae , inquit, quae vesti quot- annis nomina inveniunt nova : Tunicam rallam , tunicam spissam, linteolum » Caesicium, indusiatam, patagiatam, caltulam aut crocotulam, subparum » aut subnimium, ricam, basilicum aut exoticum, cumatile aut pluma- » tile, cerinum aut melinum : gerrae maximae! Cani quoque etiam » ademptum ’st nomen! Qui? vocant Laconicum. » Itaque non mirum est, Romanos magnificam Catonis porticum appellasse porticum basilicam , sive simpliciter basilicam, quum hoc adjectivum imprimis, teste Plauto, in deliciis haberent.

Neque illud quisquam mirabitur, basilicae a Statio, Silv., 1, 4, 27 (supra S 1 b) in vocem regiam translatam, neque illud , basilicarum profanarum nomini posterioribus temporibus, velut a Paulo Ramnusio, adjectivum regiam adjunctum esse, quo profanae a sacris Christianorum basilicis dis- cernerentur.

! Scilicet juctum. Basilicus jactus idem est qui Venereus, quando videlicet facies nulla jacto- rum talorum quatuor convenerit. Vid. interpp. ad hune locum.

? Eadem adjectivi basilicus potestas continetur in verbis : uva basilica, vitis basilica. Colum., De r. r., UE, 2; IN, 7. « Foecundissimum genus vitium est genus basilieum. » Zbid., IE, 9, 24. coll. Plin., XIV, 2 : Basilicae juglandes. Macrob., Saturn., IL, 44 : « Hane Graeci etiam basilicam vo- cant. » 1bid., pag. 400, ed. Zeun. Viae basilicae. Digest., lib. 2, $ De verb. oblig.

DE BASILICIS LIBRI III. 121

CAPUT VI.

DE AEDIFICIIS, QUAE BASILICAE FORENSES ROMANAE FUISSE DICUNTUR.

$ 1. De basilicis, quae dicuntur, Pompeüs, Herculanei, Ocriculi, Paesti, Nemausi, Palmyrae, Aquini, Praeneste et Albae inventis judicium.

1. Jam usque eo progressa est disputatio nostra, ut certis argumentis dijudicari possit, utrum quae pro basilicis haberi solent aedificia Pom- peiis, Herculanei, Paesti, Ocriculi, Palmyrae , Praeneste , Aquini et Albae ad lacum Fucinum aliisque locis inventa, recte basilicae dicantur necne. Nam quum basilicae nomen, quod üis tribui solet, neque titulis in ipsis aedificiis inscriptis neque aliis veterum testimoniis probetur, sed argu- mentis tantum ex illorum aedificiorum structura petitis nitatur, quaeren- dum jam est, quam valida atque idonea argumenta sint, quibus id, quod propositum est, demonstrare studuerunt.

2. Et primum quidem aedificia Pompeiis atque Herculanei detecta (tab. VI, fig. 5 et 1), sunt duae porticus quadrangulae medium spatium tecto carens cingentes !, quarum prior in interiore sive posteriore parte, quae duplex est, suggestum, altera in eadem parte tres parvas exedras, atque in aperto spatio medio duos suggestus eosque e regione positos con- _tinet. Qui quidem in utraque porticu reperti suggestus, quum pro tribuna- libus haberentur, induxerunt viros doctos, ut aedificia, quae tribunalia continerent, basilicas esse putarent. Sed etiamsi concedamus, suggestus tribunalia fuisse, tamen hinc non efficitur, ipsis aedificiis basilicarum no-

1 De porticu Pompeïana, vide + Mazois : Les ruines de Pompéi, dessinées et mesurées pendant les années 1809-1814. Paris, 1812-27. Gell and Gandy Pompeiana, pag. 214. Goro v. Agyagfalva Wanderungen durch Pompeii, pag. 442. Süllicidia in medium spatium declivia docent, medium spatium apertum fuisse. De porticu Herculanensi vid. Cochin et Bellicard, Observations sur les antiquités d'Herculanum. Paris, 1757, pag. 15. Jorio, Notizie sugli scavi di Ercolano. Tab. HI.

Tous XXI. 16

122 DE BASILICIS LIBRI III.

men tribuendum esse. Nam aliae etiam porticus atque alia loca Romae fuerunt, quae tribunalia quidem continerent, sed basilicae ideo non ap- pellarentur !. Quum autem utramque porticum apertam fuisse, ideoque tecto, basilicis peculiari ac proprio, caruisse cognoverimus, nos quidem nullo modo movemur, ut illas porticus basilicas esse credamus.

5. Neque aliter de ruinis, quae Ocriculi inventae sunt (vid. tab. VI, fig. 7), judicare possumus, quas qui accurate consideraverit, procul dubio porticui Eumachiae simillimas esse concedet. Etenim utriusque aedificii medium spatium porticu et crypta cingitur, atque in utroque hemicyclium cum suggestu invenitur ?.

4. Porro quod quarto loco commemoravimus aedificium Paesti sive Posidoniae inventum (vid. tab. VI, fig. 4), id recte quidem a Mayoro 5 tem- plum pseudodipterum (Vitruv., IE, 2, $ 6, ed. Schn.) pycnostylum (Vitruv., IE, 5, ed. Schn.), male vero ab eodem basilica appellata est. Hoc enim tem- plum in fronte pariter atque in postico inter cellae antas ternas columnas, atque circum cellam in fronte et in postico novenas, in lateribus vero cum angularibus duodevicenas habet, ita ut inter cellam et columnas ampla sit ambulatio. In media autem cella positus est columnarum ordo, qui quum in nulla alia Ethnicorum aede inveniatur, a Christianis poste- riore tempore hac aede usis exstructus esse videtur #, ut pro more eccle-

4 Dio. Cass., LXVIII, pag. 1127, lin. 64 : O9 pévro da Tohepuxès dyÿp, T GAÂX YTTOY difnEr, 4 kal YrTov Édixaëer, GAAX rôre uiy &y tÿ dnopa vob Adyotarou, tôre É» + ÿ oToû Tÿ Auouia dvouacuéy, FcMéxis À xal 4) Roi Er? Byuartoc.

? Guattani, Roma, tom. 1, pag, 68 : Un chiaro, e per quanto io sappia, unico essemplare di an- tica basilica deve prendersi dello scavo di Otricoli, intrapreso l'anno 177. Null altro che una lunga e liscia muraglia circonda l'edifizio. AAA Andito (melius crypla) in cui mette una rustica * apertura , il quale per mezzo di equidistanti archi communica con la gran sala BBB (\ocus la gran sala a Guattano appellatus revera est medium spatium apertum porticibus cinctum). Navi soste- nuti da otto colonne di travertino striate con capitelli Corinti, sei di fianco e due di fronte. C, Tri- buna in quisa di emiciclio con il suo tribunale, a cui si sale per diversi gradi (tribuna, quae dici- tur, est locus statuae). DD. Due camere quadrate ne fianchi della Tribuna. Intorno ricorreva una serie di piedistalli su cui posavano statue. Cf, Guattani, Modumenti inediti di anno 1775.

5 Mayor, The Ruins of Paestum otherwise Posidonia in Magna Graecia. London , 1768, ta- bula XVI.

* Neigebauer, Handbuch für Reisende in Italien in voce Pesro : Der innere Raum (der Basilika) war in der Mitte durch eine Saülenreihe durehschnitten, von welcher ietzt noch drei Säulen und

DE BASILICIS LIBRI III. 195

siae christianae antiquae ! viri a feminis in aedibus sacris segregarentur.

D. Praeterea Kuglerus (Kunstgeschichte, pag. 286) parietinas Nemausen- ses, quae huc usque pro templi Dianae reliquiis ? habitae sunt, basili- cam fuisse putat in honorem Plotinae ab Hadriano 5 exstructam.

Quam tamen sententiam jam a Rodio ad Vitruv., V, 1, in germanica Vi- truvi interpretatione dubitanter prolatam, quum Kuglerus nullis neque testimoniis in templo inventis neque argumentis a templi structura de- promptis corroboraverit, equidem probare non possum.

6. Neque cum Hirtio, qui aedificii cujusdam Palmyrensis ruinas, qua- rum ichnographia in tab. VI, fig. 8, repraesentata cernitur, pro basilica venditat, equidem facere possum. Nam quas in hujus aedificii tergo atque lateribus conspicimus columnarum silvas, eas antiquis basilicis un- quam adjectas fuisse, nullo adhuc testimonio confirmatum est.

De basilicis vero, quas Aquini, Praeneste, atque Albae ad lacum Fuci- num fuisse dixit idem Hirtius ?, nihil mihi innotuit praeter ea, quae apud Hirtium leguntur. Attamen quum duae priores columnarum expertes, ter- tia vero simplici tantum porticu in plano instructa fuisse tradatur, ne haec quidem aedificia basilicas fuisse crediderim ; imo Quastio 6 assentior, postremum aedificium templum peripterum fuisse affirmanti.

S 11. De basilica Constantiniana seu de templo Pacis.

Romae in vicinia ecclesiae SS. Cosma e Damiano ad septentrionale antiquae viae sacrae latus inveniuntur ingentia rudera, quae vulgo no-

einige Capitäle sichtbar sind. Die mehr verzierten Säulen mit ilwen Friesen und ihren Capitaelern lassen auf eine spaetere Epoche der Erbauung als iene der Tempel schliessen. Vide contra Vülkelii sententiam in Hbro qui inscribitur : Der Tempel des Jupiter zu Olympia, pag. 45.

* Ammular., De Eccles. offic., M, 2.

2? Mylius: Malerische Fussreise durch das sudliche Frankreich, tom. I, 2, pag. 56, tab. XLVI et XLVII. + Clerisseau, Antiquités de la France, pag. 105, pl. I—XXVIT. 5 Ael. Spartian., Vit. Hadriani, eap. 11. 4 Hirt., Geschichte d. Baukunst b. d. Alt, IX, pag. 185. 5 L.L, pag. 185 et 184. 5 Von Quast, Die Basilika der Alten, pag. 41.

124 DE BASILICIS LIBRI IL.

mine Templi Pacis appellantur. Quae quum ejusmodi sint, ut ichnogra- phia et orthographia aedificii, quod olim ibi fuit, facillime ex ïis colligi possit, Bunsenius accuratissimam exhibuit illius ichnographiam, quanr tab. VI, fig. 6, repetendam curavimus. Ex illa apparet, aedificium illud occidentem versus spectasse, atque in eodem latere apsidem medium spa- tium aedificii fere acquantem, in orientali latere aditum sive vestibulum ante januas interni spatii habuisse; porro internum spatium tripartitum atque tecto concamerato instructum fuisse; denique quod mirari possis, in meridionali latere alterum magnum aditum, atque in septentrionali la- tere alteram apsidem fuisse. Praeterea narrat Bunsenius (Beschreib. d. St. R., II, 2, pag. 295 et seq.), parietes duplici fenestrarum ordine, quorum alter supra alterum positus fuerit, ornatos fuisse, in medium vero spa- tium desuper per fenestras, infra mediani spatii et supra tectum conca- meratum positas, lucem immissam esse. Denique addit, in apsidis sep- tentrionalis solo suggestum, quod tribunal fuisse dicit, circaque parietem sedes, lapideis septis sejunctas, atque in parietibus imagines christianas inveniri. Longitudo aedificii est fere 500 pedum, latitudo 250 pedum.

Hoc igitur aedificium templum Pacis non fuisse, Nibby, Canina, Bun- senius et Beckerus docuerunt compluribus iisque idoneis argumentis 1, quibus etiam hoc addere poterant, formam aedificii templorum structu- rae usitatae religioseque servatae plane repugnare: Cf. Vitruv., HE, 2 et 5. IV, 1—9,

Neque qui Beckeri argumenta L. {. pag. 445, exposita accurate perpen- derit, negare facile audebit, basilicam Constantini eodem loco, quo nunc ruinae illae conspiciuntur, fuisse exstructam. Quare viri docti illi non dubitant, haec ipsa rudera pro basilicae Constantinianae habere reliquiis. Quam sententiam etiam eo egregie confirmari putant, quod numus Maxen- ti, qui Constantinianam basilicam exstruxit ?, inventus sit in ipsius operis parte ea, quae anno 1828 aerae nostrae collapsa est.

3 Nibby : Foro Romano, via sacra. Canina : Indicazione Topograf., pag. 81. Bunsen: Beschrei- bung der Stadt Rom., WA, 2, pag. 295 et seq. Becker : Handbuch der rüm. Alterth., Y, pag. 442 et seq.

2 Aurel. Vict., Caes., XL, 26 : « Adhuc cuncta opera, quae magnifice construxerat (Maxentius) basilicam, Klavii meritis Patres sacravere. »

DE BASILICIS LIBRI III. 125

Attamen mibi et argumenta modo prolata accurate examinanti et ichno- graphiam basilicae illius Constantinianae iterum iterumque consideranti persuadere non potui, veram esse virorum doctorum de hoc aedificio sen- tentiam. Etenim numo illo Maxentii vix aliud quid probari poterit, nisi aedificium illud Maxentio non antiquius esse, nequaquam vero, idem ab eodem Maxentio aedificatum esse, cujus numus in illo fuerit inventus. Nam quum procul dubio priorum principum numi, uti etiam nunc fit in omni- bus fere terris, etiam post mortem valerent eorum, quorum imagines re- praesentarent , haud dubie etiam Maxentii numus posterioribus quoque temporibus in hominum manibus versari atque casu quodam fortuito cum caementis in murum, dum exstruitur, inferri potuit. Ichnographiam autem consideranti illud maxime mihi movit dubitationem, quod et muri et pilae tantam habent molem, quantam vix invenias in aedificiis a Constantino M. extructis, facile vero in is, quae Justiniani vel Caroli M. facta sunt 1em- poribus. Etenim basilicae Vaticanae muri tempore Constantini exstructi palmum octavum crassitudine non superant!. Qui vero in his ruinis con- spiciuntur parietes et pilae crassitudine modum Constantini tempore usi- tatum longe excedunt. Accedit etiam, quod neque areae symmetria neque maximae januae situs in hoc aedificio conspicuus antiquis basilicis convenire videtur. Nam aditum quidem maximum basilicarum constat semper ad eum locum publicum spectasse, unde plurimi homines in- gressuri esse crederentur. Quare hujus aedifici aditus maximus, id quod posteriore tempore etiam factum est, in viam sacram, quippe locum pu- blicum et frequentissimum , patere ibique vestibulum exstrui debebat. Area autem ejusdem aedificii symmetriam ostendit, in areis basilicarum nun- quam conspicuam. Etenim Vitruvius diserte basilicarum latitudinem non minorem quam ex tertia non majorem quam ex dimidia longitudinis parte constitui jubet. Itaque hoc aedificium quum 300 pedes longum esset, latitudinem universam non 250 sed 187 ! pedum, vel si eam ex tertia longitudinis aestimaveris, non ampliorem quam 156 -‘; pedum postulabat. Quae quum ita sint, virorum doctorum de hoc aedificio sententiam equi-

1 Cf. Ciampini librum, De aedificiis sacris a C. M. constructis, pag. 34, G. Octo palmi aequa- les sunt 6 pedibus.

Eu

126 DE BASILICIS LIBRI III.

dem amplecti non possum; imo et murorum crassitudo et aditus maximi situs, et apsides, medium aedificii spatium fere aequantes atque ima- ginibus christianis ornatae, denique totius aedificii habitus mihi per- suadent, quae basilicae Constantinianae rudera habentur, potius ecclesiae Christianae VIT vel VIIT saeculo exstructae esse reliquias. Cui sententiae etiam Bunsenius quodammodo assentitur, quum rudera basilicae Constan- tinianae recentiorum aedificiorum imprimis sacrarum aedium exemplum esse dicat f.

ur. De ecclesix Andreae in Barbara, quae basilica Siciniana fuisse creditur.

Basilica S“ Andreae in Barbara, quae medio fere saeculo XVIE, Romae adhuc salva exstabat, nunc vero diruta est, a Ciampino (Vetera monu- menta, tom. , pag. 242), et post illum ab aliis (Kugler, Kunstblatt, 1842, No. 84, pag. 554, 1), antiqua illa, quae ab Ammiano Marcellino ?, com- memoratur, basilica Siciniana fuisse creditur. Quam sententiam etsi nullis veterum testimoniis stabilire potuit Ciampinus 5, tamen veram esse statuit cum propter basilicae formam, quam retineret, tum propter antiquitatem, tum etiam ob viciniam Liberianae basilicae (/. L. pag. 24, 2). Haec autem argumenta fanto accuratius examinari oportet, quum, si quid valerent, singulare quoddam veterum basilicaram in medium proferretur exemplar. Ftaque primum basilicae illius formam, deinde antiquitatem, postremo

1 Vid. Beschreibung d. Stadt Rom., WE, 4, 291. Wenige Ruinen des Alterthums haben einen so grossen Eïnflluss auf die neuere Baukunst, namentlich der Kirchen geübt, wie schon St. Peter zeigt.

? Ammianus Marcellinus in lib. XXVII, 5, 153 (Valentinian. et Valens), haec habet de concer- tatione inter Damasum et Ursinum de episcopatu adipiscendo orta : « Et in concertatione supera- » vit Damasus, parte quae favebat instante, constatque, in basilica Sicinini, ubi ritus chris- » tiani est conventiculum, uno die centum triginta septem reperta cadavera peremptorum. »

5 L.L., pag. 244, 2 : « Unicum (Joannis Lucii) testimonium tanti habui, ut auctores plurimos duxerim evolvendos, magna spe fultus, id (testimonium de basilica Siciniana) aliquando repertum iri : quaerentem tamen huc usque fefellit spes ita praecox; nee aliquid satis certum inventum est, praeter nonnulla, quae mecum qua lectitando qua meditando attentius revolvens, tenuem obseu- rissimae rei lucem afferre posse arbitratus sum. » Jam sequitur argumentorum supra allatorum expositio,

DE BASILICIS LIBRI IL. 127

situm examinabimus. Qua in re ita versabimur, ut quoad fieri possit, in exponendis Ciampini argumentis ipsius auctoris utamur verbis, ne quid temere aut immutavisse aut dissimulavisse videamur. Hic igitur ichno- graphiam basilicae Andreanae ab ipso tomo I Monumentorum , tab. F, fig. 5, exhibitam a nobis autem tab. VE, fig. 5, repetitam his verbis descripsit, /. L., tom. 1, pag. 9, 1 : « Istius basilicae longitudo est palm. 85, latitudo vero » 65, diameter 28. Ejusdem apsidis, quae lit. À denotatur, et retracto » anno (1689) diruta fuit (chordae longitudo) 24. Porticûs (in aditu po- » sitae) longitudo 68, latitudo 25. Tres in quolibet latere habet fenestras : » singularum latitudo palm. 15, altitudo sesquialtera, tres istarum ad » meridiem versae muro clausae sunt. Porticus occidentem hibernum » respiciens, quatuor habet januas, quarum prior septentrionem versus, » aliis tribus minor est. In angulis quoque geminae aliae patebant, sicut » orthographia demonstrat in dicta tabula fig. 4. Super porticum aderant » quatuor fenestrae, superque tectum porticus tres, quarum mediae im- » minet fenestra orbicularis. »

Haec autem basilicae Andreanae descriptio ejusmodi est, ut qui basili- carum descriptionem vel nostram ex ipsis fontibus derivatam, vel etiam ipsius Ciampini, quam dedit {. L., tom. I, pag. 7, 2. probaverit, hanc aedem antiquam esse basilicam, nullo modo possit concedere. Quum enim uti et ipsi demonstravimus et Ciampinus exposuit, in basilicis porticus deesse nequaquam potuerint, quumque ob ipsas porticus basilicae orox vocitatae sint, non video, quomodo Ciampinus huic aedi, porticu plane carenti, formam antiquae basilicae tribuere potuerit. Nam neque porticus vel po- tius vestibulum undique januis instructum, quod fuit ante basilicae januam, neque apsis e regione aditus collocata, ullo modo testari possunt, Sancti Andreae aedem olim basilicam forensem fuisse.

Neque magis probare possum, quod Ciampinus, L. L., tom. I, pag. 9, 2, et pag. 245, 2, existimavit, basilicam illam ab Ethnicis exstructam ?, sed a Constantino M. Christianis traditam fuisse. Nam ut concedam, quod mibhi quidem parum credibile est, e basilicis forensibus unquam factas

1 « Supra dicta architectonica praecepta animadvertimus in basilica Siciniana ab Ethnicis construcla, »

bé.

128 DE BASILICIS LIBRI I.

esse ecclesias sive templa christiana, tamen Andreanam basilicam a Con- stantino M. Christianis traditam esse, ideoque jam ante Constantinum aedificatam fuisse, neque Ciampinus neque alius quisquam probavit. Ete- nim qui olim in illa basilica legebantur versus ab Anastasio bibliothecario in Vita Simplic Papae servati atque a Ciampino, L. L., pag. 245, 1, repetiti nibil suppeditant, quo moveri possimus, ut illam aedem Simplicio anti- quiorem esse credamus. Sunt autem hi :

Haec tibi mens valide decrevit praedia, Christe, Cui testator opes detulit ille suas.

Simpliciusque Papa sacris coelestibus aptans! Effecit vere muneris esse tui.

Et quod Apostolici deessent limina nobis Martyris Andreae nomine composuit.

Uuütur hac? haeres ® titulis ecclesia # justis Suecedensque domo mystica jura locat.

Plebs devota veni, perque haec commercia disce Terreno censu regna superna peti.

Quorum versuum sensus hie mihi esse videtur. Testator, cujus nomen non additum, detulit opes suas « haec praedia, » hoc est domum suam, Christo, et Papa Simplicius dedicatione aedis in honorem sancti Andreae Martyris effecit, ut domus testatoris « sacris coelestibus » adaptata vere munus Jesu esset. Hinc igitur, ni fallor, apparet, hanc aedem sacram ex testatoris cujusdam domo factam atque in honorem Sancti Andreae Mar- tyris a Papa Simplicio dedicatam esse, neque ulla ratio in promptu esse videtur, cur eam Simplicio antiquiorem putemus. Quare statuere non du- bitamus, basilicam Sancti Andreae anno demum 468 p. C. n. dedicatam esse. Cf. Ciampini, L. L., pag. 249, 1, ubi male 645, p. C. n. legitur.

Quum vero quae huc usque disputavimus satis declarare videantur,

* Infra imaginem, tab. LXXVI, a Ciampino exhibitam recte aplans, in contextu male aptas.

? Ita haec verba recte infra imaginem, tab. LXXVI, in contextu Ciampini male Aaec ecclesiae.

% Haeres aut nominis Martyris aut opum testaloris, etenim ecclesia nova quodammodo opes tes- tatoris haereditate accepit.

# Pro censu legitur infra imaginem sensu.

DE BASILICIS LIBRI II. 129

errare eos, qui Sancti Andreae in Barbara ecclesiam Papa Simplicio anti- quiorem habeant, eamque basilicam Romanam forensem, atque adeo ba- silicam Sicinianam fuisse credant, non est, quod uberius inquiramus, num basilica Sancti Andreae eodem loco, quo olim forum Esquilinum fuit, exstructa atque ibidem etiam basilica Siciniana { aedificata fuerit. Qua de re quae proposuit Ciampinus, /. L., pag. 245, 2, ea nullis veterum testimoniis corroboravit; quare ne haec quidem pro certis exploratisque haberi possunt.

S 1v. De basilica Treverica.

Treviris sunt ingentes parietinae aedificii a Romanis, ut videtur, exstruc- ti, quae ab Alexandro Wilthemio ineunte saeculo septimo decimo in libro manuscripto, qui inscribitur Luxemburgum Romanum, his verbis describun- tur : « Moles quadrangula, orienti atque occidenti latera longissime prae- » tendit. Septentriones opus semicirculare ad faciem maximae turris » prospectat meridiem murus saxeus, cum reliqua lateritia undique as- » surgant. Altitudo operis una ubique 114 pedum, crassitudo muri pedes » 10. In summo per quatuor angulos turriculae quadratae seu speculae »_interjecta ambulatione subdivali pinnata, in ipso excavata muro, statua- » rum pergrandium loculis passim distincto. Patentissima latera arcuata » fenestris novenis geminata serie auras olim transmittebant; nunc murus » caementitius implet. Aditus quondam in molem unicus, ia retractus, ut » aegre pateret equiti, donec Joannes Schôünbergius princeps non absque » multa opera laxavit, ut rhedae invehi possent. Archiepiscopo autem » Philippo Christophoro dejectum latus unum et pars operis posterior. » Tunc quoque intus detecta haec : per mediam aream fodiebant operae; » videre pavimentum vario marmore, tota paene area, qua ad aquilo- » em, diffusum : Dam areae pars australior muro sejuncta ingentem contine- » bat cloacam, pedibus 50 depressam. Xtem in ea parte, in qua pavimentum,

» puleus artificio memorabilis, lapidibus quippe singulis in rotunditatem

1 Basilicam Sicinianam esse eandem basilicam sacram, quam hodie « basilica Santa Maria Ma- giore » appellant, docuit Urlichs, Beschreibung der Stadt Rom, WA, pag. 213 et seqq. Tome XXI. 17

150 DE BASILICIS LIBRI IT.

» sesquipedali diametro pertusis, et serie perpetua invicem deorsum » junctis. Ad puteum fornix, seu sordium receptaculum, multo plenum » cinere. Semicircularem quam dixi ingentem turrim murus subterraneus » a reliquo molis corpore secernebat; quo perfracto deventum in cellam, » cujus fornix nec muro alüus se tolleret, nec omnem turris ambitum » expleret, spatiis quippe hinc inde decempedalibus relictis. In dextro » cellae latere arca e saxo et altera in latere laevo pari intervallo a se » discretae, tantaeque ut virum magnum stantem commode acciperent. » His specie et magnitudine pares quinque aliae cellae medio aequalibus » in orbem spatiis sejunctae. Haec intra molem. Ab occasu projectum » aliud ingens opus in circuli dimidium; nec materie nec specie moli dis- »_ par. Altissimum complectens puteum. Ad ortum, equile nunce principis, » cujus fundamenta parantibus occurrere aquaeductus subterranei vesti- » gia. Alibi circa molem plurimae murorum ruinae, quas excidere peni- » tus Lotharius et Philippus Christophorus archiepiscopus anno 1625. » Eandem molem , qualis nunc est, descripsit nuper Steiningerus in libro, qui inscribitur : Die Ruinen am Altthore zu Trier, isque, pag. 47, refert, episcopos Trevericos quondam cellis subterraneis in turri semicirculari inventis pro carceribus usos esse, in quibus qui ipsis a civitate traditi essent maleficos asservandos curavissent. Quae res Steiningerum commo- vit, ut hoc aedificium, quod quum neque Curiae neque alii aedificiorum generi à Vitruvio descripto simile videretur, basilicam fuisse judicaret. Quam sententiam etiam eo confirmari posse putavit, quod aedificii longi- tudo 212 pedum, latitudo 92 pedum ‘, denique turris apertura in fronte 60 pedes continens optime cum Vitruvii de basilicarum forma praeceptis congrueret ?. Eandemque sententiam etiam alii viri docti, veluti Kuglerus

4 Quast, in libello : Die Basilika der Alten, pag. 10, basilicae Trevericae ambitum ita defini- vit: « Es ist mit Wahrscheinlichkeit anzunehmen , dass der ganze colossale Raum von 88 Fuss lichter Breite bei der doppelten Länge (176 F.) und 100 Fuss Hühe nur ein einziges Schiff gebildet habe. »

? Steininger, Die Ruinen am Altthore zu Trier, pag. 47 : Verbindet man hiermit die Angabe des Weihbischoffs Enan (vid. Wittenbachs Abhandlungen über die trierschen Alterthümer in der Treviris, 1 Jabrgang 4) aus dem Anfange des sechzehnten Jahrhunderts, dass in diesem Gebäude etliche Lô- cher und schwere Gefüngnisse gewesen seien, in welchen man die Verbrecher, welche von der Stadt dem Erzbisohoffe überliefert worden so glaube ich, dass man die Beuaurrunc wagen dürfe, dass

DE BASILICIS LIBRI II. 151

et Quastius !, amplexi sunt, id quod jure mireris, si debilissima esse Steiningeri argumenta mecum intellexeris. Nam primum quidem, quod ille dicit, opus Trevericum neque pro Curia neque pro alio aedificio apud Vitruvium descripto haberi posse, hinc non efficitur, eam basilicam fuisse, siquidem praeter illa, quae Vitruvius recensuit, aedificiorum genera pos- teriori tempore etiam alia, Vitruvio nondum cognita, exstitisse perquam credibile est. Itaque tum demum recte procederet Steiningeri argumentatio, si probavisset, molem Trevericam ipsius Vitruvii temporibus exstructam esse. Hoc autem vel ideo probari nequit, quod qui in illa repertus est later crucis figura ornatus ? satis manifesto docet, eam ante Constantinum Magnum non esse conditam.

Neque pluris faciendum est alterum argumentum, quod a carceribus in Treverico aedificio quondam inventis petitum est. Quod quidem argu- mentum tum demum esset accommodatum, si probavisset Steiningerus , primum quidem, in basilicis omnino carceres fuisse, deinde, qui in opere Treverico reperti sunt carceres, eos ab ipso operis auctore esse repeten- dos. Quorum neutrum est a Steiningero demonstratum.

Itaque levissima sunt, quae Steiningeri sententiam commendare videan- tur, argumenta, gravissima autem, quae ei repugnent. Nam quod opus illud Trevericum unam tantum eamque angustam portam habere dicitur, quodque porticuum ne vestigia quidem neque in solo neque in muris repe- riuntur 5, ea ita comparata sunt, ut de basilica vix cogitari liceat. Nam quae negotiisexercendis et frequentissimo commercio exstructae essent basilicae, profecto compluribus et amplissimis portis carere non potuerunt; neque porticibus unquam caruisse basilicas, jam supra demonstrasse mihi videor.

das Gebéude eve Basuxa war. Man lasse den südlichen Thurm aus demselben weg, und schliesse dus Rechteck durch eine gradlinige Mauer, bemerke dann, dass die Hôhe zu den Angaben Vitruvs über die Curie nicht passt, S0 GLAUBE 1GH, DASS SICH NICHTS MEHR AUSSER DER BASILICA AUFFINDEN LAESST, wAS BINEN VercLeicn mil unserem Gebäude aushaelt.

1 Vid. Kugleri tractatum : Der rôm. Basilikenbau nacher entwickelt nach d. Resten der antik. Basilika zu Trier. Kunstblatt. 1842, 84-86. Vid. Quast, Die Basilika der Allen, pag. 10.

2 Kunstblatt, 73, A844. Trier : An der oestlichen Seitenmauer der wesicen Basicica hat man einen Rormenzigcez mir cursriienem Krevzeszeicnen gefunden.

5 Vid NV. Quast : Die Basilika der alten, pag. 10.

152 DE BASILICIS LIBRI II.

Supersunt etiam alia, quae ad infirmandam Steiningeri sententiam af- ferre possim; sed missa ea faciam, quum vel ea, quae supra scripsi, suf-

ficere videantur. $ v. De busilicu Vicentina.

Ex omnibus aedificiis, quae antiquae basilicae esse creduntur, unum illud, quod Vicentiae in loco publico, Piazza de’ Signori appellato, exstruc- tum nomine Palagio della Ragione, PALAIS DE JUSTICE , nuncupatur, jure suo pro basilica haberi videtur. Nam qui inspexerit ejus palatii descriptionem et imagines ab Aenea Arnaldo ! propositas, is facile illi viro docto assen- tietur, eam antiquam esse basilicam. Quam sententiam ut et situ et forma et usu palatii confirmari appareat, jam Arnaldi descriptionem paucis repe- temus, atque simul ea, quae in eo palatio nostrae de forma basilicarum sententiae minus favere videbuntur, ita explicare studebimus, ut recte cum illa conciliari posse videantur.

Sita est basilica Vicentina inter duo loca publica ita quidem, ut alte- rum ejus longum latus meridiem versus in forum piscatorium (Piazza della Piscaria), alterum septentrionem versus in forum principum {Piazza de’ Signori) vergat. Breve ejus latus orientale Palatio Praetorio adjacet, occi- dentale vero ‘in viam ad ecclesiam metropolitanam ducentem spectat.

Forma basilicae secundum Vitruvii praecepta exstructae oblonga est, his proportionibus : Medium spatium est longum pedes centum et sexa- ginta, latum septuaginta pedes, portieus inferiores et superiores simplices medium spatium undique cingentes latae pedes viginti duos, altae cum crassitudine tecti concamerati pedes quatuordecim. Medium spatium paulo aliter, atque Vitruvius praecepit, comparatum est. Nam altitudo ejus in duas partes ita est divisa, ut ejus inferior pars, altitudinem por- ticuum inferiorum aequans, pertecta reperiatur concamerationibus, quae

1 Vid. Enea Arnaldi : Delle basiliche antiche, principalmente di quella di Vicenzia. Vicenzia, 1764, 4.

DE BASILICIS LIBRI IL. 155

duobus ordinibus pilarum in longitudine positarum sustinentur. Altera vero medii spatii pars supra concamerationes est posita, atque inter su- periores porticus plane libera et vacua tectoque forma hemicyclio, quod pariete, in superioribus porticibus exstructo sustinetur, pertecta est. At- que haec interni spatii comparatio etiam porticuum formam videtur im- mutavisse. Nam quae inferiori basilicae parti concamerationibus pertectae desuper immitti non potuit lux, eam a latere per porticus intrare oportuit. Quare porticuum latera in publicum vergentia non muris clausa, sed inter- columniis luci immittendae aperta esse debebant. Quae autem inferioribus porticibus concessa esset forma, ea superioribus porticibus denegari non potuit, nisi violatis symmetriae legibus. Quam ob rem etiam superiores porticus in publicum vergentes apertae esse debebant. Quo factum est, ut quum superior medii spatii pars ampla portieuum parietibus externis careret, interna porticuum intercolumnia muris explerentur, ideoque parietes exstruerentur internum spatium cingentes !. Quare porticus basi- licae Vicentinae Arnaldo non intus sed extrinsecus exstructae esse vide- bantur. Lux autem mediano spatio superiori desuper per fenestras rotun- das parietum porticibus impositorum immittitur. Porticus vero lateris orientalis, quippe Palatio Praetorio adjuncta, quodam modo obtecta ne- que extrinsecus conspicua est. Quam ob rem etiam spatium, quod in ea- dem porticu continetur, singulari usui destinatum est. (Vid. tab. VE, fig. 2.)

Aditus in internum spatium inferius hac nostra aetate reperiuntur qua- tuor, bini ab utroque latere longo, quibus antiquis temporibus singuli ab utroque latere brevi additi videntur fuisse.

Scalae vero in superiores basilicae partes ducentes in extrema parte occidentali utriusque porticus longae ad parietem interni spatii collocatae sunt. Tecta porticuum sunt plana atque cancellis circumdata statuis- que ornata, tectum autem medii spatit semicireulari forma atque plumbo coopertum.

Denique de usu basilicae si quaeris, ejus spatia inferiora mercatoribus destinata ubique tabernas et horrea continent, excepta porticu oriental,

1 Wid. Arnaldi : Delle basiliche antiche, pag. 54. Tutte le parieti, che circondano la gran sala..

154 DE BASILICIS LIBRI II.

in qua telonium (La dogana, LA DouaxE, die Zolleinnahme) inest; superius vero internum spatium (magnus oecus, ampla aula) juridicundo dicatum est.

Jam vero quae huc usque de basilica Vicentina relata sunt, si cum Vitruvii de basilicarum structura praeceptis comparaverimus, facile intel- ligemus, et situm ejus in calidissimo fori loco , et usum ejus mercatoribus maxime destinatum, et vero etiam formam oblongam pariter atque porti- cus medianum spatium cingentes, et ipsum medium spatium et negotiis causisque agendis optime accommodatum, nobis suadere, ut cum Arnaldo hoc Palagio della Ragione pro antiqua basilica habeamus. Etsi enim non omnes partes , quas hodie in illo aedificio conspicimus, antiquas esse con- tendere licet, quum et porticuum mediique spatii tecta et scalae atque reliquae partes ligneae ter ambustae ter restitutae ! et ipsae porticus an- no 1496 vetustate collapsae ? auctore Andrea Palladio saeculo XVI re- fectae sint, tamen credibile est, haec omnia secundum primam operis ichnographiam denuo esse exstructa 5.

Cui sententiae neque hoc obstare videtur, quod hanc basilicam non prius quam anno 1222, p. C. N., commemoratam invenimus. Nam anti- quissimum esse hoc aedificium his duobus argumentis probatur, primum, quod jam illis temporibus palatium vetus appellatum est #; deinde quod in illo ipso aedificio inde ab antiquissimis temporibus sancti Vincentii, urbis Vicentinae patroni, sacra semel quotannis celebrantur, qua re indicari videtur, Sanctum Vincentium in locum ethnici cujusdam numinis (deorum enim arae aut propter sacra ante judicia facienda pro tribunalibus, aut propter pietatem erga deos in porticibus antiquarum basilicarum poni so- lebant *,), a Christianis esse suffectum 6. Quae quum ita sint, etiamsi tem-

! Anno 1262, vid. Arnaldi, L. L., pag. 2% et seq. Anno 1291, vid. Arnaldi, L. L., pag. 26. Anno 1444, cf. Arnaldi, pag. 27.

2 Cf. Arnaldi, L. L., pag. 29.

5 Cf. Arnaldi, L. L., pag. 86 : L' invenzione de Portici— era obligata di non sorpassare certi immulabili cONFINI, PRESCRITTI DAL CORPO ANTICO DELLA BASILICA , etc.

# Cf. Arnaldi, L. L., pag. 23.

5 Vid. supra, lib. JE, cap. HE, $ 4.

5 CF. Arnaldi, L. L., pag. 55 : Era inveterato pio costume, come tuttora s' osserva, di celebrare ogn'anno nel giorno della festività di S. Vicenzo, Protettore principale della Cit&, una solenne messa

DE BASILICIS LIBRI HI. 155

pus, quo basilica exstructa sit, certo definiri non possit, tamen verisimile est, Romanum illud opus esse a Gothis Longobardisque conservatum. Ceterum nemo non videt, hanc Vicentinam basilicam propterea esse memorabilem, quod primum quidem suo exemplo docet, fuisse antiquas basilicas exedrae expertes, deinde quod demonstrat, veteres nequaquam exedram vel apsidem desideravisse, ut quae judicia perturbare possent, hominum negotiantium turbae a judicii loco arcerentur. Nam nescio an nullo modo commodius utrique basilicarum fini, mercatui et juridicundo, inserviri potuerit, quam illo modo, quo videmus Vicentinos basilica sua usos esse, hoc est eo, ut mercatum in inferiore spatio positum tecto for- tissimo a judiciis in amplissimo atque dilucido loco superiore habitis se- jungerent. Quae omnia aliquid momenti habere videntur ad confirmanda ea, quae supra ex antiquis scriptoribus de basilicis collecta retulimus.

nella nostra basilica. L' origine di si lodevole istituto, si dice nell' accennato decreto, ch' ella sia an- tichissima.

156 DE BASILICIS LIBRI HI.

LIBER TERTIUS.

DE CHRISTIANORUM BASILICIS.

INTRODUCTIO.

Jam inde ab initio fere saeculi quarti aerae christianae in Occidentis maxime terris novum rursus exstitit basilicarum genus. Nam Constanti- nus Magnus et qui illi successerunt Imperatores Romani praeter Julianum paene omnes multas ecclesias christianas exstruendas curaverunt, qua- rum plerisque inditum est nomen basilicarum. Quod quidem basilicarum genus quum ad nostra usque tempora conservatum clarissimas Christia- norum ecclesias in se contineat, non mirum est, multos exstitisse viros doctos, qui in pervestiganda et explicanda ejus natura singularem operam collocarent. Qui viri licet magnam et doctrinae et diligentiae laudem pro- meruerint, tamen rem non ita profligarunt, ut nulla prorsus relicta sit dubitandi et disceptandi materia. Nam quamquam de structura basilica- rum recte pleraque atque ita disputata sunt, ut facile possis in iis acquies- cere; de origine tamen et de nomine basilicarum quae ab illis viris tra- duntur, ea mihi quidem non ex omni parte satisfecerunt. Quapropter me quoque operae pretium facturum esse speravi, si collectis iis, quae recte sunt ab aliis praecepta, additisque, quae ipse rectius mihi videor intel- lexisse, totam materiam ita fuerim complexus, ut accuratissima reprae-

DE BASILICIS LIBRI III. 157

sentetur basilicarum christianarum imago. Quod ut recte fieri possit, pri- mum de forma, deinde de origine, denique de nomine basilicarum dicam; nam ex forma quodammodo origo, e forma et origine nomen videtur ju- dicari posse.

CAPUT I.

DE FORMA BASILICARUM CHRISTIANARUM.

$ 1. Introductio.

Quae de basilicarum christianarum forma mihi innotuerunt, ea ex du- plici fonte manarunt, quorum alter in scriptis veterum , alter in ipsis basi- licis antiquis Romae adhuc conservatis continetur. Ex his posterior licet priori ideo sit posthabendus, quod certo probari nequit, antiquissimas basilicas plane non mutata forma nobis relictas esse, tamen multum valet ad confirmanda ea, quae in scriptis veterum traduntur, idemque solus relinquitur ad earum basilicarum, quas nulli libri commemorant, cog- noscendas formas. Itaque hanc mihi scripsi legem, ut libris scriptis pro primario fonte uterer, sed monumenta quoque, ubicunque ex re esse vide- rentur, in subsidium vocarem. Quum autem hoc maxime mihi propositum sit, ut ex forma basilicarum earum originem illustrem, non omnium basi- licarum christianarum formas earumque mutationes, quae ab ipsarum origine usque ad nostra tempora factae sunt, sed ea tantum monumenta recensenda mihi putavi, quae prioribus aerae christianae saeculis exstructa esse scimus, quippe quae ad originem basilicarum indicandam vel sola videantur sufficere.

Atque haec cadem causa est, cur neque indicem basilicarum christiana- rum addiderim, qui eo facilius omitti potuit, quod et Canina (in libro splendidissimo : Ricerche sull Architettura piu propria dei tempj cristiani) et Bunsenius {Die Busiliken des christlichen Roms) copiosissime et accuratissime de numero atque forma basilicarum christianarum disseruerunt.

Tome XXI. 18

158 DE BASILICIS LIBRI I.

$ 11. Descriplio formae basilicarum christianarum.

1. Quem supra in basilicis profanis describendis secutus sum ordinem, eundem in christianis quoque ita placet servari, ut primum de ichnogra- phia, deinde de orthographia, tum de symmetria, denique de decore ea- rum dicam.

Et ichnographiam quidem ut recte animo informemus, tenendum est, aream quadrangulam fuisse atque antiquissimis temporibus semper his tribus partibus fuisse compositam, aditu sive vestibulo (15 zpxû), atrio sive paradiso (76 &3piw), templo seu basilica strictiore sensu dicta (ro vas); vid. tab. VIL, fig. 2.

Quarum quidem partium alia aliam eodem, quem modo indicavi, or- dine excipiebat. His autem areae partibus, quas necessarias appellare liceat, postea aliae duae, sed minus illae quidem necessariae, accesserunt, apsidem dico, minori lateri e regione aditus adjectam, et transversam ambulationem ante apsidem collocatam. Unde factum est, ut initio qui- dem pro partium illarum numero, tria basilicarum quadrangularum genera reperirentur, quorum primum idque rarissimum aditu projecto, atrio et templo (vide ichnographiam basilicae Tyriae, tab. VIT, fig. 2, et bas. Sancti Laurentii, tab. VII, fig. 1) alterum, atque illud quidem om- nium frequentissimum, iisdem partibus atque apside e regione aditus brevi basilicae parieti adjecta (vid. tab. VIE, fig. 6), tertium denique partibus modo commemoratis atque ambulatione inter apsidem atque templum interposita constabat (vid. tab. VIE, fig. 4).

Quibus basilicis posteriore tempore etiam quartum genus accessit. Nam recentiorum basilicarum magna pars, veluti Sanctae Mariae trans Tiberim, atrio carebat, atque etiam ex antiquioribus nonnullae, veluti basilica Sanc- tae Agnetis, basilica Sessoriana sive Sanctae Crucis Hierosolymitanae, basilica Sanctae Mariae in Dominica, quae ab initio atriis instructae, postea ïis privatae sunt, cujus rei causa, infra cap. IT, demonstrabitur.

Ceterum nonnunquam exedrae vel cultui christiano, ut essent baptiste- ria, vel usui ecclesiastico, ut essent sacraria, in quibus aut verbi divini

DE BASILICIS LIBRI HI. 139

ministri meditarentur aut vasa sacra asservarentur, vel vitae ecclesiastico- rum privatae, ut in üs habitarent clerici, longis basilicarum parietibus adjecta fuisse traduntur; sed quum illae basilicarum naturam nequaquam immutaverint, non nostrum videtur esse, singulas accuratius pertractare 1.

Restant vero, de quibus dicendum esse videatur, areae comparationes et symmetriae ejusdemque situs. Sed de prioribus illis vix commode dici poterit, nisi descripta orthographia, ad quam deinceps accessuri sumus ; de situ autem hoc unum adnotavisse sufficiat, longos basilicarum parietes plerumque meridiem et septentrionem versus, aditumque maximum orien- tem ? versus spectavisse, nonnunquam etiam easdem partes pro loci na- tura aliorsum directas fuisse 5.

2. Jam vero ad orthographiam basilicarum transeuntes , in singulis ejus partibus describendis ita versabimur, ut ab introitu maximo usque ad ap- sidem pergamus. Et aditus quidem maximus sive primarius aut parva binarum vel quaternarum columnarum projectura, aut amplo vestibulo pertecto, quod latitudinem basilicae aequabat, constabat. Prioris generis exemplar in Sancti Clementis et Sanctae Agnetis basilica (tab. VIT, fig. 6), alterius in antiqua basilica Vaticana (tab. VIT, fig. 4), in basilica Ostiensi Sancti Pauli, atque in basilica Tyria (vid. tab. VIT, fig. 2) habetur. De forma autem columnarum non magis licet certi quidquam constituere, quam de vestibuli magnitudine et ratione interna, quae omnia tum pro loci temporisque ratione tum pro ipsius conditoris arbitrio diversissima fuerunt.

Ex aditus projectura atque vestibulo vel una vel tres portae in atrium ducebant, quod intus aut undique aut tribus certe lateribus porticibus simplicibus instructum #, in medio subdiali cantharum (piscinam, puteum ,

1 De sacrariis basilicarum, vid. Cancellieri, De sacrariis basil. Vatic.—Bingham., Orig. Eccl., vol. HE, Hib. VIII.

? Paulin. Nolan., Ep. XXXII, 15, ad Severum : « Prospectus vero basilicae non ut usitatior mos est, orientem spectat, sed ad Domini mei beati Felicis basilicam pertinet, memoriam ejus aspi- ciens. »

5 Canina, Ricerche, etc., pag. 42, not.

4 Interdum porticibus atrii elericorum habitacula imposita erant; vid. Paul. Nolan., Poem. nat., X, 53-57 :

Sed rursus redeamus in atria , conspice rursum Impositas longis duplicato tegmine cellas

140 DE BASILICIS LIBRI HI.

phialam , xeiva:) continebat . Solum atrii plerumque splendidis lapidibus stratum, deinde porticuum intercolumnia cancellis, qui hominibus incu- bituris apti fuisse videntur ?, clausa, denique cantharus nonnunquam va- riis modis ornatus tectoque columuis fulto munitus fuisse traditur.

Ex atrio porro introitus patebat in templum, primariam basilicae partem, cui tanquam vestibulum praejacebat quarta atrii porticus. Quae si omissa esset, veluti in basilica sancti sepulcri Hierosolymitani, in ejus locum in- tra templi parietes vestibulum, quod narthecem appellarunt, videtur suffec- tum esse. Quae tamen ecclesiarum partes quum in basilicis Latinisnunquam, quod sciam, reperiantur, hoc loco videntur praetermitti posse, quum qui plura de ïis cognoscere voluerit, adire possit Bingham. Orig. Eccl., vol. IT, lib. VII, cap. 5, $ 4, et cap. 4, $ 6. Ex ista autem, quam dixi, porticu sive vestibulo tres vel quinque portae aditum aperiebant ad inter- num basilicae spatium, quod pro loci amplitudine in utroque longo pariete aut simplicibus aut duplicibus porticibus ornatum ideoque aut tripartitum aut quinque partitum esset. Inferioribus deinde porticibus (xaréyerr atoat) aliae superiores (avéyawe ati) nonnunquam superstructae 5 earumque co- lumnis externis, hoc est, medium spatium tangentibus, parietes fenestrati

Porticibus, metanda bonis habitacula digne Quos huc ad Sancti justum Felicis honorem Duxerit orandi studium.

1 Euseb., ZE. X, 4, pag. 580 D : Kpfvxc drixpus ais rodcomoy Éricaevduy rod ved, ro yeb- pari rod véuaros rois repiBoAGy ieç@y èri Êco pdiobo ch àréppilu rapeycuéuas. Paul. Nolan., Ep. XIE, 13 : « Vel qua sub eadem mole tectorum geminis utrimque porticibus latera diffundit, quaye praetento nitens atrio fusa vestibulo est, ubi cantharum ministra manibus et oribus nostris fluenta ructantem, fastigiatus solido aere tholus ornat et inumbrat, non sine mystica specie quatuor colum- nis salientes aquas ambiens. » Cf. ejusdem. Paul. Nolan. Ep. XXXII ad Sever., et Canina, L. L, pag. 45, et tab. XXXUIE, fig. 5, ejusdem libri.

2 Vid. Paul. Nolan., Poem. nat., X, 38-40 :

Sed circumjectis in porticibus spatiari Copia larga subest , inter positisque columnas Cancellis fessos incumbere

5 Vid. Euseb., Vit. Const., 37 : Au éxérepa rheupà dirr@y dvaneiuy xai xarayeiwy didupo Faparrades ro pinet rod veû cuveËeretyoyro. Et Prudent., Passionem Hippolyti : « Ordo columnarum geminus laquearia tecti Sustinet auratis suppositus trabibus. »

DE BASILICIS LIBRI III. 141

impositi erant, qui tectum mediani spatii sustinebant. Qui parietes, si su- periores porticus deessent, inferioribus pari modo superstrui atque hoc modo medianum tectum sustinere solebant. Tectum vero medianum ple- rumque ita comparatum erat, ut cantherii intus conspicerentur, nonnun- quam autem splendidissima lacunaria transtris affixa desuper clauderent internum spatium.

Medium vero inter porticus spatium (75 évixtopw), si apsis basilicae nulla esset adjecta, in fine e regione aditus aram (7 Suxasripm), sedibus clerico- rum cancellisque circumdatam continebat. Cujus rei exemplum olim exstabat in basilica Tyria! atque etiam nunc cernitur in basilica Sancti Laurentii extra muros urbis Romae sita (vid. tab. VIT, fig. 1); neque du- bito, quin etiam in aris ante apsidem basilicae Sanctae Agnetis (tab. VII, fig. 6), Sancti Clementis, Sancti Georgii in Velabro (Canina, {. {., tab. XIX, fig. 1), Sanctae Sabinae (Canina, /. {., tab. XXIT), ecclesiae monasterii Sangallensis antiquae ? in extremo spatio medio positis ejusdem rei con- tineantur vestigia.

Tum in eodem spatio medio jam antiquissimis temporibus duo ambones constituti fuerunt, quorum alter evangeliis alter epistolis festis diebus co- ram populo recitandis inserviebat. Ceterum idem spatium antiquissimis temporibus solis clericis concessum fuisse, laicos autem in porticibus, et viros quidem in septentrionali, feminas in meridionali porticu , stetisse testatur Ammularius, De offic. eccl., HT, 25.

Post medium autem spatium e regione aditus maximi plurimis basilicis adjecta est exedra, quae propter hemicycliam formam apsis * sive hemicy-

1 Vid. infra 4, et ichnographiam basilicae Tyriae, tab. VIE, fig. 2.

2 Vid. Keller: Grundriss des allen Klosters zu St. Gallen. Zürich, 1844.

5 Amm., De Offic. Ece., MX, 2 : « In conventu ecclesiastico seorsum masculi et seorsum feminae stant, quod accepimus a vetere consuetudine, » Lib. Pontif., Vit. Symmachi: « Qui fecit orato- rium à parte virorum. » Vit. Sergüi, 1: « Hic fecitoratorium intra basilicam B. Petri apostoli, quae est in parte mulierum. »

4 Isidor., Orig., XN, 8, de apside haec habet : « Absida graeco sermone, latine interpretatur lu- cida, eo quod lumine accepto per arcum (triumphalem e basilica) resplendeat. Sed utrum absidem an absidam dicere debeamus, hoc verbi genus ambiguum quidam doctorum existimant ». Quam vocis apsidis explicationem wix probabunt, qui cognoverint, apsidem, graece &fidx, significare ligneum rotae cireulum, die Radefelge, la jante, deinde concamerationem, fornicem, ef. Henr.,

122 DE BASILICIS LIBRI HI.

clium (jure, quoçatuw), propter sedes episcopi ceterorumque clericorum ad ejus parietes constitutas, tribunal sive tribuna ! (Gäua, chevet, DAS Home Cuon) appellatur. In apertura apsidis plerumque ara posita est, quae ex omnibus aedis sacrae partibus tanto facilius conspicitur, quum e spatio medio, nisi per aliquot gradus, ad apsidem escendi non possit.

Quae quidem apsis in majoribus basilicis transversa ambulatione (nef en travers, Querscmirr) universam basilicae latitudinem modo aequante modo superante ? ab oblongo spatio sejungitur. Quod ubi factum est, ara nunquam in apside, sed in transversa ambulatione, at sedes episcopi semper ad medium apsidis parietem, reliquorumque clericorum sedes ad ejus latera positae reperiuntur. Quo autem facilius ambulatio transversa adiri possit, paries basilicae e regione aditus maximi situs ita perforatus est, ut fornices inde orti latitudini porticuum atque mediani spatii fere aequales aptissimum ad illam patefaciant accessum. Ex quibus qui in me- dio spatio exstructus est fornix a Ciampino arcus triumphalis appellatur, haud dubie, quod per illum pompae festae ad aram sedesque clericorum solerent intrare.

5. In symmetriis autem basilicarum constituendis ipsi architecti tanto versati sunt arbitrio, ut perpauca sint, quae pro certis proponere liceat. Ac primum quidem constat, primarium basilicarum spatium, quam basi- licam strictiore sensu appellare liceat, oblongam esse domum simplici vel duplici porticuum ordine instructam; deinde ambulationem transversam ita esse comparatam , ut ejus latitudo basilicae latitudini nunquam sit mi- nor; tum apsidis sive hemicyclii intervallum sive aperturam non quidem, uti vulgo dicunt, internum spatium medium, arcus tamen triumphalis intervallum latitudine aequare; denique apsidis introrsus curvaturam ex

Stephan. Thes. ling. gr. in hoc verb. Neque ïidem, quam Jsidorus proposuit scripturam vocis absi- dis probandam esse censebunt. Illud vero, in quo haesit grammatieus, utrum apsis an apsida scri- bendum sit, non magni facient, qui cognitum habent, posteriores Graecos terminationem no- minativi 1; saepissime in «x mutavisse, v. €. ÉArés = éAridu spes, ita di; —=äVidx. Unde patet, utramque formam Isidori temporibus facile usitatam fuisse.

1 Isidor., Orig., XV, 4, de tribunali haec exposuit, sed uti saepius male : « Tribunal eo , quod inde a sacerdote wribuantur praecepta vivendi. Est enim locus in sublimi constitutus, unde uni- versi conspici possint, Alias tribunal a tribus denominatum, quod ad illud tribus convocentur. »

2 Vid. ichnographias in tab. VIT, fig. 5 et 4, conspicuas.

DE BASILICIS LIBRI III. 145

dimidia intervalli, quod est in fronte apsidis, factam esse solere. Reliqua omnia, veluti porticuum et mediani spatii latitudinem, oblongae domus, atrii et vestibuli longitudinem, diversissima fuisse, ex tabula hoc ipso loco subjecta facillime cognosci potest.

e

SYMMETRIAE METRA

Basilicar, Christianor. ex ichni hiis apud Canin: ichnographiis ap: am GALLICA.

trans Tiber.

(Ricerche, ete.), propositis descriptae.

Basiliea Vaticana Basilica S. Maria Basiliea S. Marine Ecclesia S. Chry- Basilica S. Crucis

Basilica S. Agne- Basilica S. Cle-

Universa aedificii longitudo . . . . . . . . 4 5l metra gall.

Longitudo . . . . . . 2 2 metra gall.

Latitudo metra gall.

Templi ToÙ YAD . : { Porticus inter. . . . : À metra gall.

Portic. ext. cum pariele. . Ê metra gall.

| Medium spatium . . . . a 5 metra gall.

3 | Intervallum. + . .., metra gall,

Intervallum in fronte. . . 4 metra gall.

——— |

Introrsus curvatura . . . l ! !5 | metra gall. |

EE .……—…—….—.——…—...——

Longitudo . . . . . . ; 1/2 9 metra gall. Transyersae ambula- Ë

tionis.

LaliEUdOnt. eu". LR. la 2 metra gall.

Vestibuli interni. . | Longitudo . . . . . . ] metra gall.

universa. . | Longitudo . . , . . . / metra gall.

Atrii portieuum . | Latitudo . . . , . . [ 9 metra gall.

impluvii. . | Latitudo. , . . . . . l | 3 metra gall.

Vestibuli externi. . | Longitudo . . . . . . eu metra gall.

Go ÉOAL E E 5} metra gall, Projecturae aditus . _ ee

DÉCO TAPENE EN PNEU metra gall.

4. De decore christianarum basilicarum complura sunt, quae dispu- tari possint. Nam uti earum solum ac parietes variis ac splendidis fulge- bant lapidibus, ita lacunaria et columnae multo splendebant auro. Nec minori imagines in parietibus pictae illis fuerunt ornamento. Sed ut etiam clarius appareat, quanta olim fuerit basilicarum christianarum magnifi-

144 DE BASILICIS LIBRI III.

centia, duo ejus rei proponam exempla, alterum primi, quod supra dis- tinxi, alterum secundi generis, basilicam Tyriam dico atque eam, quae olim in sepulcro Jesu Christi, Domini nostri, exstructa Hierosolymis fuit, quorum utrumque legitur apud Eusebium; vid. H. E., X, 4, pag. 580, ed. Vales. et Vit. Const., IE, 25. 55. 53. 56. 58. 59. Quarum quidem basi- licarum prior nunquam, quod sciam, basilicae nomine notata est; atta- men quum, quae Eusebius de ea narravit, plane congruant cum forma illarum ecclesiarum, quae inde a Constantino M. basilicae appellatae sunt, recte mihi videor etiam Tyriam ecclesiam a Paulino, episcopo Tyrio, circa annum 515, p. C. N., exstructam inter christianas retulisse basili- cas. Quae autem Eusebius de hac ecclesia narravit, ea fere huc redeunt 1.

4 Euseb., Æ. E.,X, À, pag. 380 et seq. Obros 6 véos Yuy ua xxèc ZopoB48ex (Paulinus Tyriorum episcop.) +? zeccbcx (devastatam ecclesiam) é£fpeiper, xx oroïy rÿv Gpyalou rahauèy arf re- pirébeiser. Taüry rod pelècux Tèv por éravra repihalèy, rèv uèv LEcâey dyvçobro repiBohoy rod Far FEPITEVIoUATI, ds à dpañécraron eïy Tod ravrès Épaocs. IlpéruAoy dE péya nai sis Üos Érypuédor Thèç DTA dvicyevros Yhiou darivas dyareréces, ÿdyxal, Toy maxpès mepiBéAwy Eco iepôy Écrüoi, Tfs TÔy Évdoy rapéoyer dployias SÉas. Eïcco rage XAôyTi TUASY, oÙx EU De ÉpYxE? dydyvois al dyixTois Toci T@y Evde ÉiBaiyers ayloy. AixhaBoy mAéaror Goo To eTaED To re ved, a Ty pote Eicüduy, TÉTapoi puèy TÉPIE Éykapolois 2aTExGuyGEY arodis * elç TETpdywyéy ti cxfua TEpppéÉag Tèv Téror, riooi ravrayébes Éra- poévas * y (se. F7) uéca (id est intercolumnia) dappéyuant tot: Ard Eblou dixruwroïs cûu- merpor frouci proue, (hoc ]. altitudinis) zepxacious, éco aïôpioy pie ei Th vod cdparcd xérsdus, Aaurpèy x) Tag ToÙ pwrèc axtioiy dyemuéyoy dépa mupéyor * iep@y Éyradôx xabæpoioy ériber cÜuBoA«, xphyac GYTILQUS Elg TEÔTOTO ÉTITLEUALOY TOÙ VED, 7OAÂQ TO geûmari ToÙ véuaros Toi mEplB60 iep@y ri Eco æpsiobri Th &ropéiuy rapeyouéras. Ka rpôry uèy Eriérror aÜty ÿ diarpiB} xécuoy Oued ka dyAdæy Tayr}, Toie TE TOY TobTUY lcaponty Éti dEouéyoic, xATÉAMYROy Ty Woÿy Tapeyouéry. AM vp na) Tÿy ToUTay Séey rapauenbéueos (Paulinus), ets ri AAdo? rois Évdoréro rporbhois Très Ér) rèv ed Tapodous dya- rerrauéas rois. “Tr pl vos Aou Bonus abs Tpeis rÜAAG Up Ev xarabels mAeupér, dy rod Tàc Tap' Énärepa meyéder TE al mAdTEI mÂEovEzTE) Tÿ MÉcY Hapiodueros, raparpyuari TE aAxod cidypodétois xai roxiAuariy dyxyAbpoIs dapEpéyTeos aÜTYy oaidpôras" &s &y BariAidy Tadry Todc dopuoopous drégeuËe. Toy «bros Tpéroy na tuile rap Endrepa To rarrès ed vous rèy roy rporbhoy dpduèy dixrdËas, GyOTEY ÊT) Tab- aus GARQ TAEyI gori diapôpous Ts ri Tèy cixoy eioBols Érevdes, Taie dd EÜAOU Aerroupyiais sai rèy TEp} adTès #ôouoY aaTarokiA Ro * Ty dE BurinElo? dx07 rAouciorépais #d'y ka JAJIAËGI Tate Das dyÜpou dpS6veo piaoripia Toy Gvahouéroy vues. EvSa or dont repirrèy Eva, To déuyuatos uhxy TE ka) mAdTY xaraypé- qers* r& qadp Tabra xÉA AY al Ta Aégeu peirrou uenégy. Tyy Tüy Epgoy àrootiABoucay éVu TO Ad deige, dy Te odpasouxy. Kai Ts TouToy Ürepaeuéves moAure hs roù AuBéyou 2Édpcuc. —'QdE wa Tôy

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DISSERTATION

SUR LES

MEILLEURS MOYENS DE FERTILISER LES LANDES

DE

LA CAMPINE ET DES ARDENNES,

SOUS LE TIIPLE POINT DE VUE

DE LA CRÉATION DE FORÊTS, DE PRAIRIES ET DE TERRES ARABLES;

M. CH, DU TRIEU DE TERDONCK ,

PRESIDENT DE LA COMMISSION D'AGRICULTURE DE LA PROVINCE D'ANVERS.

Vous dont le fol espoir couvant un vain trésor, D'un stérile travail croit voir sortir de l'or, D'un chimérique bien laissez l'imposture

L'or naît dans les sillons qu'enrichit la culture

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DISSERTATION

LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES.

L'agriculture est mon plus grand bonbeur

Il n’est personne qui ne reconnaisse que les véritables richesses d’un État consistent dans les productions variées de son sol. N'est-ce pas à cette source de richesses que l’industrie et le commerce vont puiser les élé- ments de leur existence et de leur développement? C’est surtout dans notre belle patrie, dans notre heureuse Belgique, que cette vérité se ma- nifeste plus particulièrement aux yeux de tous. Grâce au zèle, à l'activité, aux connaissances agricoles de nos infatigables cultivateurs, nous voyons chaque année nos campagnes se couvrir de belles et riches moissons, nous voyons surgir comme par enchantement de superbes forêts de sapins dans des lieux où, un siècle auparavant, les ronces et les bruyères occupaient seules la surface du sol. D'où vient donc qu'avec des éléments semblables de prospérité , la culture des terres se soit arrêtée tout à coup et qu'une partie assez notable de notre territoire soit restée inculte jusqu'à nos jours? Cette fraction du territoire est-elle frappée de stérilité? Existe-t-il quelques moyens de rendre productives les landes et les bruyères de la Campine et des Ardennes? Je tâcherai de répondre à ces questions d’une si haute importance pour l'avenir de notre pays. Non, ces landes, ces terres

Je DISSERTATION

incultes ne sont pas frappées de stérilité. Elles ne sont pas d’une nature différente de celle du sol que sillonne annuellement la charrue. Ce sol était jadis tout aussi improductif que le sont aujourd'hui les bruyères; et pour rendre ces dernières également productives, il ne faut qu'une main habile, de la persévérance, du discernement et le concours du gouverne- ment. Quant aux moyens de rendre ces terres à la culture, nous les puise- rons dans le passé, nous rechercherons comment nos ancêtres sont par- venus à amener d'anciennes bruyères à ce point de fertilité qui fait la ri- chesse de la Belgique. Nous discuterons ces moyens, nous y apporterons les modifications que réclame notre époque, et nous formulerons ceux que nous croyons les plus propres à être mis en pratique de nos jours. Pour arriver à ce résultat, il est nécessaire de remonter aux temps les plus reculés, de montrer quel était alors l’état de l'agriculture dans notre pays, en suivre la marche et les progrès, et dévoiler les causes qui ont contribué à son perfectionnement.

Longtemps avant l'invasion des Romains, les Belges étaient des peuples nomades qui ne s’arrêtaient que dans les lieux ils rencontraient de gras pâturages, et ils pouvaient espérer de bonnes récoltes 1. Aussi la fertilité du sol de la Belgique avait-elle attiré leurs ancètres du fond de l'Allemagne. On ne peut toutefois se refuser à croire que dès avant la domination romaine, les champs de la Belgique ne fussent cultivés, mais il faut reconnaître aussi qu'alors l'agriculture y était peu honorée. Le Belge, n’écoutant que le sentiment de sa valeur et de son courage, n’aimait que la chasse, et abandonnaït aux femmes, aux vieillards, aux personnes les plus faibles, les soins du ménage et la culture des terres ?. Dans cet état de choses, l’agriculture devait nécessairement souffrir, et d'autant plus que la charrue était encore inconnue. Ce sont les Romains qui Pin- troduisirent dans nos contrées. Avant l'usage de cet instrument aussi pré- cieux qu'indispensable, nos ancêtres se bornaient à remuer la terre. Sous la domination romaine, la culture des terres acquit plus d'importance, puis-

1 Colum discreti ac diversi, in fons, in campus, in nemus placuit. Tacite, ve Monte. Gen, cap. XVI. César, de Bell., Gb. IL. ? Tacite, de Morib. Germ. César, de Bell. 9, lb. VI.

SUR LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES. >

que, d’après le témoignage de Jules César, les Romains tiraient de la Bel- gique les vivres pour une nombreuse armée campée du côté du Rhin. Ces fiers conquérants trouvèrent la Belgique couverte de forêts, entrecoupées de marais infectes, de médiocres pâturages et d’arides bruyères. Cependant le sol était bon et fertile, mais les soins, les connaissances et les bras man- quaient pour le cultiver. Les Romains contribuèrent, par de nombreux défri- chements, au progrès de l'agriculture. À partir de cette égoque, la culture des terres aurait pris sans doute un très-grand développement, si les in- vasions des barbares n’en eussent arrêté la marche progressive. Enfin, pendant les neuf premiers siècles, la Belgique avec ses noires forêts, ses champs stériles, offrait un aspect triste et sauvage. Les barbaries et les ravages que les Normands y avaient exercés pendant plus d’un siècle, et qui ne finirent qu'en 892, avaient décimé la population, rendu les campa- gnes désertes et incultes. La terreur qu'inspirèrent ces barbares était telle, que les Belges avaient ajouté aux grandes litanies cette supplication : De la fureur des Normands délivrez-nous, Seigneur ! A1 fallut donc tout recommen- cer, tout réorganiser en quelque sorte; il fallut rappeler les cultivateurs dans les champs qu'ils avaient désertés pour se soustraire à la cruauté de ces barbares. Les seigneurs, et surtout le clergé, exercèrent alors une in- fluence puissante et favorable sur l’agriculture. Les comtes de Flandre et de Hainaut, prenant vivement à cœur l'amélioration de leurs domaines, firent un appel à ceux qui voulaient venir défricher leurs terres incultes. En 1252, Henri IT, duc de Brabant, et Arnould Berthout, seigneur de Grimbergen et de Malines, firent une convention pour la mise en culture de toutes les terres vagues qu'ils possédaient en commun dans leurs États respectifs 1. Mais ce furent les abbayes de l’ordre de Saint-Benoît, de Saint-Norbert et de Saint-Bernard qui contribuèrent le plus au défrichement des bruyères. Ces religieux pour la plupart fixèrent leur demeure dans les endroits les plus sauvages et au centre des forêts. Bientôt les alentours de leurs mo- destes monastères se peuplèrent; on chercha à se rapprocher de ces bons

4 Butkens, 4 p. p. 78. Schayes, Des Pays-Bas avant et durant la domination romuine, L. il, p. M9.

6 DISSERTATION

cénobites qui, tout en se vouant au salut des peuples, travaillaient en même temps à leur inspirer l'amour de l'ordre et du travail, en défri- chant de leurs propres mains et en rendant productives les bruyères qui leur appartenaient. Plus tard, ils concédèrent des terres gratuitement , ou moyennant une faible redevance annuelle, à ceux qu'ils avaient instruits dans la foi, et ils leur fournirent même du bétail et tous les ustensiles né- cessaires au labour. C’est ainsi qu'ils créèrent des métairies et firent dis- paraître un grand nombre de vastes forêts et de landes dont la Belgique était couverte. Les bienfaits des premiers monastères, les services qu'ils rendirent à l’agriculture sont infinis. Au nombre de ces bienfaits , il faut compter la civilisation à laquelle ils contribuèrent puissamment, en con- vertissant au christianisme les diverses peuplades et en répandant parmi elles une instruction propre à cette époque. Le défrichement de plus de la moitié de nôtre territoire est un des principaux services qu'ils rendirent à notre agriculture. Sans la fondation des abbayes de Tongerloo , d'Everbode, de Postel et tant d'autres, les campagnes fertiles qui s'étendent au loin autour des lieux fut le berceau de ces monastères seraient peut-être encore des bruyères arides ?.

Ce n’est pas seulement à la Belgique mais encore à d’autres pays que ces religieux rendirent des services aussi signalés. En Allemagne, la cé- lèbre abbaye de Fulde fut placée sur le penchant de la colline longeant la rivière dont les eaux devaient fertiliser son territoire. Elle ne présenta d'abord que le germe de ce qu'elle devait être un jour, mais elle se déve- loppa de plus en plus, et, grâce à ses efforts constants et soutenus, les constructions augmentèrent, s’étendirent insensiblement; le nombre de ses religieux s’accrut, le sol qui l’entourait se défricha, et la forêt inculte, dont les vastes profondeurs n’avaient jamais retenti des coups de la hache, fut sillonnée par la charrue et se changea en riches campagnes parsemées de fermes et de villages 6.

1 L'ami des hommes, Liv. 4, eh. IL

? Tongerloo fut fondé en 1130, Postel vers 1140, selon Wikmans; mais, d'après le Mire, vers 1173. Everbode date de 1198.

5 Christophori Fuldenses antiquit.

SUR LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES.

1

Si nous portons nos regards sur la France, nous y verrons que c’est encore aux religieux que cette contrée doit sa richesse agricole. Là, comme ailleurs, ces bienfaiteurs de l'humanité ont fait naître l'abondance au mi- lieu des contrées les plus stériles. Les abbayes de Corbie, de Fontenelle, de la Trinité et bien d’autres encore contribuèrent puissamment aux dévelop- pements des arts, des sciences et surtout de l’agriculture dans ce royaume. Les savants auteurs de l'Art de vérifier les dates, s'adressant un jour à Louis XV, s’exprimèrent ainsi : « Sire! l’ordre de Saint-Benoît presque » aussi ancien que ce trône que Votre Majesté occupe avec tant de gloire, » s’est consacré depuis sa naissance à l’utilité publique, et quelquefois il » nous échappe de penser que votre empire, aujourd'hui si florissant, » doit à cet ordre en partie ses vertus, ses lumières et ses richesses. Les » plus belles provinces de votre royaume ont été défrichées par les mains

>

de nos pères. » Les bénédictins pouvaient s'exprimer ainsi, car ils ne disaient que la vérité. « Il faut être juste envers eux, dit Monteil ! ; on » n'est pas assez reconnaissant à leur égard. Ce sont eux qui ont défriché » l'Europe ?, qui l'ont civilisée. Autour de leurs cellules, dont les moines » d'alors exerçaient le labourage et tous les arts mécaniques 5, le peuple » a bâti de préférence des maisons. Leurs monastères sont le noyau de » plusieurs grandes cités. » Enfin c’est un fait avéré qu'à l’époque de la fondation des plus fameuses abbayes, on ne voyait que de vastes forêts, des marécages et des landes, et que ce sont les religieux qui les défrichèrent. Ces nouveaux établissements furent dotés avec des biens qui n'étaient d’au- cun rapport. Les moines, à force de soins et de courage, parvinrent à changer des déserts qu'on leur avait donnés en campagnes riches et riantes #.

Pour le moment, nous ne nous étendrons pas davantage sur les ser- vices que les moines ont rendus à l’agriculture, mais nous ÿ reviendrons, car nous trouvons nécessaire de constater l’une des principales causes des

1 Histoire des Français, par A.-A. Monteil, XIV° siècle, p. 15. Brux., Wauters , etc., 1845.

2 Annales de l'ordre de Saint-Benoît.

5 Dans un cartulaire de l'abbaye de Ja Trinité de Vendôme, du XI° siècle, on trouve mention- nés au bas de plusieurs chartres les différents métiers qu'exerçaient les moines de l'abbaye : Sutor

pelliciarius, Faber, etc. # Veli, Traité sur l'état religieux.

8 DISSERTATION

innombrables défrichements de nos terres incultes dans les temps les plus reculés, et de faire comprendre pourquoi de nos jours nous nous trou- vons encore en présence de 257,000 hectares de terre la charrue ne traça jamais le moindre sillon.

Les guerres des croisades, qui appelèrent dans des régions lointaines nos comtes et nos barons toujours turbulents, et troublant par leurs que- relles incessantes le repos de leurs vassaux, contribuèrent plus tard aussi aux progrès de l’agriculture. Dès lors le cultivateur plus tranquille la- boura ses champs en paix, et les vit bientôt s'enrichir d’un grand nombre de plantes exotiques qui lui vinrent de l'Orient. Mais l'événement qui eut le plus d'influence sur l’agriculture fut la révolution du XVI: siècle, qui sépara la Hollande des Pays-Bas. La Belgique rentrée sous la domination espagnole vit son commerce et son industrie s’anéantir; cette circonstance porta le Belge, toujours actif, toujours laborieux, vers l’agriculture; le Brabant, les Flandres, le Hainaut et le pays composant actuellement la province d'Anvers se signalèrent bientôt par les progrès étonnants que cet art, le premier et le plus précieux de tous, y faisait chaque jour. Entre autres défrichements celui du pays de Waes, qui, avant l’époque des trou- bles des Pays-Bas, ne renfermait que des bruyères, est un des brillants succès qui couronnèrent les efforts de nos ancêtres !.

Nous ne trouvons pas que, sous la domination espagnole, ni plus tard sous celle de Ja maison d'Autriche, le gouvernement se soit directement intéressé à la mise en culture des bruyères. À l'exception de l'ordonnance de Marie-Thérèse du 25 juin 1772, il n'existe aucun acte émané de l’au- torité souveraine qui encourage les défrichements. Les avantages que cette ordonnance accordait aux défricheurs se bornaient à l'exemption, pour un certain nombre d'années, de toutes les charges publiques, et à des fa- cilités pour le payement des prix d'acquisition des terrains. Quoique ces mesures fussent bonnes, et que de plus les communes dussent aliéner leurs bruyères, les défrichements ne firent pas des progrès bien sensi- bles; les ordres religieux cessèrent de fonder de nouveaux monastères au

! Schayes, les Pays-Bas avant et durant la domination romaine, 1. H, p. 424.

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milieu des bruyères, et ces terrains ne furent plus recherchés que par des particuliers. Une des causes auxquelles on peut encore attribuer cette ces- sation des défrichements se trouve peut-être dans le manque de bras et de

débouchés; car à cette époque les campagnes étaient moins peuplées; une

récolte ordinaire laissait un excédant qui dépassait de beaucoup les be-

soins du pays, et qui ne s’exportait pas aussi facilement que de nos jours.

Les particuliers en général commencèrent leurs exploitations sur une

trop grande échelle ou avec peu de discernement; aussi, reculant bientôt

devant les énormes frais qu'exigeait une telle entreprise, ils se découragè-

rent, et leurs terres, pour la plupart, retournèrent à leur état primitif.

Quelques personnes opulentes, dit de Beunie!, ont voulu forcer la na- ture, en défrichant la bruyère par une abondante quantité de fumier : elles se sont trompées, car quoique leurs terres fussent les premières années assez fertiles, dès que la quantité de fumier leur manquait, elles ont été converties en bruyères ou en terres très-peu fertiles. Des exemples frappants nous prouvent que cette méthode est défectueuse; le feu duc d’'Hoogstraeten fit défricher une grande quantité de bruyères pas fort éloignées de son château. Il y fit bâtir une cense très-opulente ; il y employa tout le fumier de ses écuries : les premières récoltes y fu- rent très-abondantes ; même on y gagna du beau froment et de l'orge, tandis qu'on y répandait tout ce fumier; mais après quelques années le fumier des écuries du duc étant employé à d’autres cultures, ces ter- res ne rapportèrent que très-peu, et retournèrent presque en bruyère. » On voit la même chose à Sundert, près de Breda, ou M. Snellen, médecin de Rotterdam, a dépensé plus de sept cent mille florins au défrichement des bruyères, il y a trente ans, et dont la plus grande partie est déjà retournée en bruyère; quoique ce cultivateur infatigable y ait apporté tout le soin imaginable. Car il y fit bâtir plusieurs censes; il y distribua beaucoup de bêtes à cornes de toute espèce et de toute race étrangère; il y amena des moutons d’Espagne, de Barbarie et même de Perse; il y envoya de Hollande une quantité prodigieuse de fumier

* Mémoire de l'Académie de Bruxelles, tom. IH, p- 452. Tome XXI. 2

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LA

et de foin : j'y ai vu des bateaux chargés de membrane et d'huile de ba- » leine, de nitre et de chaux. Il y fit planter des arbres étrangers; en un » mot, sa colonie était un nouveau monde pour un naturaliste, rien de » plus riant; tout y était en abondance. Je l'ai revue il ÿ a un an (en » 1776), je n’y ai trouvé que quelques broussailles et çà et un peu de » mauvais seigle et de sarrasin. Malgré tous les soins de ce cultivateur, » il manqua son projet, et cela uniquement parce qu'il voulut améliorer » sa terre inculte par le fumier seul et quelques sels. On pourrait mul- » tiplier ces exemples si la nécessité l’exigeait. »

Ce que M. de Beunie écrivait en 1777 est encore vrai aujourd'hui; car depuis, combien de particuliers n’ont pas été trompés dans leur at- tente en entreprenant des défrichements! combien ne s'y sont pas ruinés, ou du moins n’ont pas sacrifié en pure perte une grande partie de leur fortune !

Ceci prouve suffisamment que l'absence du concours des ordres reli- gieux est une des principales causes de l'abandon sont restés nos ter- rains incultes. Le travail de ces pieux cultivateurs était lent mais sûr et bien raisonné. « Ils convertirent peu à peu en des terres d’un excellent » revenu les endroits les plus négligés, et jamais la cognée du büû- » cheron n'avait rien abattu !. » Ils ne cultivaient que par petites por- tions à la fois et ne concédaient d’abord, à un même individu, qu'une quantité bien limitée des terres qu’ils avaient mises en rapport, sans doute pour que les frais et les travaux d'exploitation n’excédassent pas les moyens des concessionnaires. Toutes ces entreprises ont été constamment couronnées de succès. Ces hommes de Dieu étaient pour ainsi dire atta- chés au sol et tout à fait dévoués à leur ordre, qu'ils croyaient indestruc- tible. Les Annales de Saint-Benoît nous font voir l'organisation admirable de ces grandes familles de religieux. Presque toujours l’abbaye était bâtie au milieu d’une forêt inculte, triste, le loup glapissait : car les cités n’in- spiraient pas de pieuses ni de mélancoliques pensées; on s’abritait près d’une colline, sur les bords d’une rivière. Là, toute la colonie se mettait

1 Pluche, Spectacle de la nature.

l

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à l’œuvre !. Le monastère était la ferme modèle de toute la contrée, le centre de l’industrie et des arts; on y enseignait les méthodes, les cultures, les moyens d'irrigation; l’art de défricher les terres, de féconder les forêts et les déserts. La magnifique institution de saint Benoît avait deux buts : l'étude et le défrichement des terres. La seconde prescription de ce saint était celle-ci : « Frères, cultivez le sol, travaillez, labourez » , et à cette règle se rattachaient les grands défrichements des forêts, la culture des déserts ?. Les religieux luttaient avec persévérance contre une nature in- grate; ils défrichaient, la pioche à la main, la roche stérile ; ils aplanissaient un terrain inculte; ils ne prenaient point la meilleure terre, mais ils la ren- daient excellente, et bientôt de beaux coteaux de vignes, des prairies arti- ficielles, des jardins potagers remplaçaient ces sites sauvages ; bientôt aussi à côté des abbayes s’élevaient des villages peuplés de familles laborieuses.

Les particuliers n'avaient pas les mêmes ressources, la même perspec- tive ni autant de persévérance. Ce n'était point, comme chez les Bénédic- üns, l'amour divin qui guidait leurs travaux : l'intérêt seul était leur but. Chaque coup de pioche leur coûtait de l'argent, tandis que les religieux travaillaient en commun pour et par eux-mêmes. Leur règle leur imposant le travail, ils se livraient avec opiniâtreté à la culture des terres qui sem- blaient à jamais frappées de stérilité. En travaillant, ils cherchaient à ac- complir un devoir qui leur laissait entrevoir le ciel pour récompense. Ils se contentaient ici-bas d’un simple vêtement, d’une nourriture ordinaire; ils ne connaissaient point de salaire, et ce qui passe inaperçu sous les yeux du vulgaire, c’est que, vivant en communauté, il leur en coûtait moins pour vivre, et qu'ainsi ils pouvaient consacrer l’excédant des récoltes à de nouveaux défrichements. Les particuliers, au contraire, avaient des familles à entretenir , des salaires à payer; ils ne cherchaient qu'à réaliser de gros bénéfices; et si, dans un âge avancé, ils voulaient s’adonner au défrichement des bruyères, ils n'avaient guère l'espoir de voir leur travail achevé ; ou bien, la mort venant arrêter leur entreprise, leurs successeurs

1 Histoire des abbayes de Corbie, de Fontenelle, ete. 2 Règle de Saint-Benoit, publiée par Mabillon.

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bien souvent n’aimaient point ce genre de culture, ou ne possédaient pas les connaissances nécessaires pour le mener à bonne fin. Enfin, d'autres reculant devant les frais, et considérant que le bénéfice était encore éloi- gné, revendaient à perte ou abandonnaient le défrichement des bruyères pour lesquelles leurs prédécesseurs avaient déjà sacrifié de grands capi- taux.

L'établissement des colonies agricoles, soit par le Gouvernement , soit par des particuliers, est un rêve que la théorie semble étayer, mais dont la pratique détruit toute l'illusion. Ces sortes d'établissements sont trop forcés; le colon ne s’y croit pas assez libre ni assez respecté; ses surveil- lants ont trop l'air de geôliers. Ces derniers, en effet, ne sont que des mer- cenaires qui, en faisant trop sentir leur autorité, croient se faire valoir et se rendre indispensables, tandis qu'ils finissent toujours par se faire dé- tester... Et puis, de quels individus le Gouvernement peuplerait-il ses colonies? De cultivateurs pauvres et sans ressources, ou de ces ouvriers sans travail qui encombrent les villes manufacturières. Les quatre cin- quièmes de ces classes d'individus sont des êtres plus ou moins démora- lisés. Que l’on prenne des informations exactes dans chaque commune rurale sur les causes de l’indigence de la plupart des individus, et lon sera bientôt convaincu que la misère du plus grand nombre ne peut être attribuée qu'à la paresse ou à l’ivrognerie. Quant à la population que fourniraient les villes, elle serait, en général, plus démoralisée encore et tout à fait étrangère aux travaux agricoles. Les ouvriers des villes ne se métamorphosent pas aisément en cultivateurs. Il faudrait bien du temps avant que le produit de leur travail pût suffire à leurs besoins. Des familles honnètes et vertueuses, ayant même peu de ressources, ne viendront pas s'établir au milieu de ces gens pour la plupart abjects. Les dépôts de mendicité sont les véritables refuges de cette classe d'hommes dont le physique et le moral sont entàchés. Les colonies agricoles que le Gouver- nement créerait avec des fainéants, des ivrognes et des débauchés, ne pourraient jamais avoir d'avenir. En général, elles périraient toutes du même mal dont nous avons vu s’éteindre celles de Wortel et de Merxplas, qui, cependant, étaient placées sous la surveillance de l'intérêt individuel.

SUR LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES. 15

Quoique dirigé avec intelligence et entrepris avec des bras vigoureux et habitués à la bèche et à la charrue, un défrichement n’est pas immédia- tement productif. Il faut, durant une longue série d’années, employer de grands capitaux sans en retirer le moindre intérêt. Les sommes immenses dont le Gouvernement aurait besoin pour les traitements du personnel administratif des colonies agricoles et la construction des habitations; pour l'achat du bétail, des chevaux strictement nécessaires, des engrais et des instruments aratoires; et, de plus, pour l’entretien et la nourriture des colons grossiraient tellement le budget de l'État, qu'il faudrait re- courir, pendant les premières années de l'établissement, à des mesures extraordinaires pour combler les déficits qui en résulteraient.

D'après ce qui précède, 1l semblerait que le défrichement des bruyères est une entreprise dont le succès est bien douteux. Il n’en est pas ainsi : tout dépend de la bonne impulsion que le Gouvernement y donnera, des sacrifices qu'il fera et des encouragements qu'il accordera à ceux qui se voueront à un travail aussi vaste. Sans sa coopération, les défrichements sur une grande échelle sont impossibles. Son action est indispensable pour réaliser une si grande œuvre. Mais s’il doit faire de grands sacrifices, il doit aussi savoir se mettre au-dessus des préjugés. Examinons les obstacles qu'il doit vaincre et les mesures qu'il lui conviendrait de prendre.

Le refus qu'un grand nombre de communes opposent à la vente de leurs terrains vagues sous prétexte que cette aliénation blesserait trop les intérêts des pauvres, n’est nullement fondé. Ce sont les habitants les plus fortunés qui, dans leur intérêt personnel et non dans celui des pauvres, instiguent cette résistance; et, en effet, les pauvres n’ont pas de troupeaux à faire paître, ni de nombreux bétail à nourrir. Les pauvres ne vont dans la bruyère que pour prendre des gazons pour la litière de leur chétive vache, ou pour se procurer quelque combustible. Encore ne peu- vent-ils guère les aller chercher bien loin de leur demeure, parce qu'ils devraient sacrifier, sans compensation, une partie de la journée de travail. Il n'en est pas de même des cultivateurs aisés; propriétaires d’un nom- breux bétail, de beaux troupeaux, ils les font paître dans les plaines va- gues; ils emploient leurs chevaux à chercher au loin dans la bruyère les

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herbes et les gazons dont ils ont besoin pour les litières et pour le chauf- fage, tandis que les prolétaires malheureux doivent, à la sueur de leur front, les brouetter jusqu'à leurs chaumières. C’est toujours parmi les cultivateurs aisés que sont choisis la plupart des conseillers communaux ; et, comme ils pensent que la vente des bruyères les priveraient, sans au- cune compensation, des avantages qu'ils retirent de leurs droits d'usage sur ces terrains vagues, ils n’écoutent que la voix de leur intérêt personnel, et la bienveillance qu’ils semblent avoir pour les pauvres, n’est qu'un prétexte pour dissimuler leur égoisme.

Cependant la généralité des habitants de ces communes recueillerait des avantages marquants du défrichement de leurs terres incultes. Le produit de la vente de ces terrains employé à l'extinction des dettes communales ou placé à intérêt. allègerait les charges de la commune qui pèsent entiè- rement sur les classes aisées. D'un autre côté, les indigents et les journa- liers trouveraient sans cesse de l’ouvrage; il en résulterait une diminution de dépenses pour les bureaux de bienfaisance, et partant encore un avan- tage pour les communes. Le défrichement des bruyères exercerait aussi une influence sur l’amélioration du bétail. Les Ardennes, par exemple, ne possèdent maintenant qu'un bétail chétif et peu recherché, qui doit trouver sa subsistance dans des pâturages maigres et arides sur les hauteurs, aigres dans les bas-fonds ; tandis que, par le défrichement, elles pourraient bientôt lui fournir abondamment d’excellents fourrages, et obtenir ainsi un bétail d’une qualité supérieure; car une nourriture saine et succulente est la première condition pour améliorer la race bovine. Les vaches des Ardennes qui, sur les marchés de Flandre et du Brabant, ne trouvent que peu ou pas d'acheteurs, parce qu’elles ont trop peu de valeur pour la boucherie et qu’elles produisent trop peu comme vaches laitières, se dé- velopperaient insensiblement, et, en outre, par un croisement bien en- tendu, de chétives qu’elles sont, deviendraient insensiblement fortes et belles comme celles des contrées les plus fertiles de la Belgique.

Que l’on n’aille pas inférer de ce que nous venons de dire que nous voulons faire entreprendre le défrichement des bruyères sur une échelle si grande, qu'il faudrait entamer plus de 150,000 hectares à la fois. Tel

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n’est pas notre avis; car nous sommes entièrement convaincu qu'en agissant ainsi, on jetterait, pour le moment, une trop grande perturbation parmi les populations qui profitent des droits d'usage sur ces terrains. La mise en culture, par portions de quelques centaines d'hectares pendant les pre- mières années, les convaincrait que les avantages du défrichement dépas- sent de beaucoup les bénéfices résultant d’un usage qui leur accorde le droit de parcours et qui leur permet de prendre de la litière et d'enlever les gazons des bruyères pour leur chauffage. Cet usage d'enlever les ga- zons des bruyères est bien funeste au sol; il détruit périodiquement la fertilité que la nature elle-même voudrait communiquer à ces terrains arides, et les frappe de stérilité.

Le défrichement des bruyères et des terrains vagues, qui occupent encore en Belgique une surface de 257,000 hectares, environ la douzième partie de notre territoire, ne devrait s'effectuer que dans un laps de temps de vingt-cinq ans au moins. Pendant les premières années, on ne vendrait, pour être mis tout de suite en culture, que les terrains situés non loin des villages et des hameaux, et l’on donnerait aux ordres religieux l’au- torisation d'acquérir pour leurs communautés, dans les endroits les plus isolés et les plus éloignés des habitations, des bruyères jusqu’à concur- rence de 1,500 hectares par monastère, à condition d'y ériger une abbaye, de l’environner insensiblement de métairies et d'y créer une ferme mo- dèle. Ensuite, l’on continuerait à aliéner, mais toujours par portions limitées , les bruyères voisines de celles qui seraient déjà défrichées. Le Gouvernement français doit s'être bien convaincu des services qu'en de telles circonstances les moines peuvent rendre à l’agriculture, puisqu'il a concédé aux religieux de la Trappe, et à des conditions à peu près sem- blables, des terres en Algérie.

Nous allons faire maintenant la part qui incombe au Gouvernement pour encourager, seconder et soutenir les défrichements. D'abord il faut qu'il aide les communes à construire, ou qu'il établisse par lui-même, de bonnes routes et des canaux, pour procurer les moyens d’assécher les terrains marécageux et faciliter les irrigations elles peuvent être pratiquées avec avantage. Il faut que la Campine et les Ardennes soient

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pour ainsi dire sillonnées de chemins , dans le but de faciliter le transport des matériaux et des engrais. Il faut, de plus, que ces deux parties de notre territoire soient traversées par un chemin de fer auquel viendraient se relier les principales routes et canaux, afin que le transport du fumier des villes, de la chaux et des autres matières qui servent d'engrais, puisse s'effectuer avec célérité et à peu de frais. Cette voie ferrée ne doit pas être un ouvrage de luxe; elle ne doit que répondre à son but, qui serait, non d'y faire mouvoir des voitures par la vapeur, mais par des chevaux. Il est reconnu qu'un seul cheval peut traîner, sur une voie à rainures, 10,000 kilogrammes à une grande distance.

Vaincre la résistance opiniâtre qu'opposent les communes à la vente de leurs terrains incultes, déterminer les particuliers à ne point laisser en friche eeux qui leur appartiennent, est la deuxième mesure que le Gou- vernement doit provoquer. Il faut donc qu'il sollicite une disposition lé- gislative qui force les communes à aliéner, à différents termes, leurs bruyères, fanges et terrains vagues, de manière qu’en vingt-cinq ans ils soient tous dans le commerce. Cependant les communes qui en manifes- teraient le désir, devraient pouvoir en conserver une partie, à condition de la mettre en rapport endéans un laps de temps à déterminer par l'autorité provinciale. Les acheteurs doivent avoir des facilités pour le payement du prix d'achat; il faut qu'il leur soit loisible de l’acquitter en trois paye- ments égaux de cinq en cinq ans, ou bien de se libérer en un seul à l'expiration de la quinzième année, sauf à en servir annuellement, et tou- jours par anticipation, les intérêts à raison de 2 1/2 p. c. Ils doivent être tenus de défricher annuellement au moins la quinzième partie des ter- rains qu'ils auront acquis, sous peine de voir la vente déclarée nulle. A l'expiration de chaque terme de cinq ans, une commission, dont nous parlerons plus tard, doit constater les défrichements effectués, ainsi que ceux qui sont restés en souffrance. Les terrains qui alors ne seront pas mis en culture, ce qui, aux termes du contrat, devait avoir lieu, pour- ront être saisis et revendus à la diligence de l’administration communale, qui ne restituera intégralement à l'acquéreur dépossédé que le montant des payements qu'il a effectués sur le prix d'achat, pour autant que le produit

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de la revente soit suffisant à cet effet. Si ce produit n’atteint pas celui de la vente primitive, la perte sera supportée par l'acquéreur ; dans le cas con- traire, le bénéfice tournera au profit de la commune. Il n’y aura lieu, dans aucun cas, à restitution pour les sommes payées à titre d'intérêts.

L'État doit accorder pendant trente années consécutives l’exemption de toutes contributions, tant pour les bâtiments construits sur les terrains défrichés, que pour ceux de ces fonds convertis en terres labourables, prés ou bois.

Quant au défrichement des bruyères appartenant à des particuliers qui s’obstineraient à les laisser improductives, on pourrait, aussi longtemps qu’elles resteraient incultes, les imposer comme terres arables, prés ou bois, en prenant pour base de l'évaluation du loyer les propriétés adjacentes.

Lorsque l’on veut que les terres incultes produisent des céréales et des bois de construction, il est nécessaire d’en assurer la consommation. Il faut donc qu’une bonne loi règle les importations et les exportations de ces deux articles. Il importe au Gouvernement de faire examiner si la législation actuelle sur cette matière favorise suffisamment le producteur indigène pour qu'il puisse soutenir la concurrence du producteur étranger; et c’est la troisième mesure qu’il doit prendre dans l'intérêt des défrichements.

La quatrième mesure, celle qui, selon nous, est la plus importante que le Gouvernement puisse provoquer pour parvenir à réaliser une si vaste entreprise, c’est d'encourager les ordres religieux à reprendre leur œuvre. En faut-il un exemple? Que l’on jette un coup d’æil sur les travaux que les moines de l’abbaye de la Trappe, à Westmalle, sont parvenus à ef- fectuer avec des moyens très-bornés, dès l’origine de leur établissement, et l'on comprendra ce que des monastères établis sur une grande échelle peuvent faire en peu d'années. Il convient donc que, dans l'intérêt des dé- frichements et de l’agriculture, l'État autorise l'établissement d’une dizaine d’abbayes dans les contrées les plus stériles et les plus éloignées des vil- lages, et permette aux religieux d'acquérir, à dire d'experts, et de pos- séder 15,000 hectares de bruyères, landes ou fanges par abbaye, aux conditions suivantes :

A. D'y construire non-seulement des bâtiments pour leur propre usage, Tome XXI. 3

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mais aussi des métairies pour les cultivateurs qui voudraient se fixer dans les environs.

B. De créer, dans chaque abbaye, une ferme modèle l’on élèverait du bétail provenant des meilleures races étrangères, afin d’en répartir les produits dans les différentes métairies voisines.

C. D'y ouvrir des écoles pour les enfants des cultivateurs des environs l’on enseignerait toutes les branches de l’agriculture.

Ces fermes modèles épargneraient au Gouvernement la peine d’en éta- blir lui-même à grands frais; car il est certain que ces sortes d’établisse- ments lui coûteraient chaque année des sommes immenses. De plus, les établissements religieux le dispenseraient d’ériger des colonies agricoles; le voisinage de chaque monastère en tiendrait bientôt lieu par le grand nombre d'ouvriers et de cultivateurs peu favorisés de la fortune qui iraient s’y établir dans l'espoir fondé d’y trouver de l'ouvrage et une existence honnête. Ainsi, en moins de trente ans, des masses de terres maintenant stériles et dont l'aspect attriste les regards, se couvriraient de riches mois- sons, d’épaisses forêts et de bons pâturages ; les usages nuisibles à la mise en culture des bruyères disparaîtraient insensiblement sans avoir occa- sionné des murmures sérieux de la part des prolétaires, et, enfin, l'État acquerrait de bons et vertueux citoyens, formés par les salutaires conseils et les bons exemples des moines.

La seule faveur qu’on accorderait à ces religieux se borneraïit à leur lais- ser posséder les bruyères qu’ils auraient acquises et défrichées. Cependant, afin que cette faveur restät dans des bornes convenables, les terres qu’ils au- raient mises en culture et les bâtiments qu’ils auraient construits devraient, comme les propriétés des particuliers, à l'expiration des trente ans d’exemp- tion, contribuer aux charges publiques, d’après l'évaluation cadastrale, et, de plus, tous les dix ans, payer le double des taxes, en compensation des droits de mutation et de succession dont de fait ils seraient libérés. On pourrait encore stipuler que jamais, sous quelque prétexte que ce puisse être, ces monastères ne pourraient posséder d’autres propriétés foncières. Cette faveur suffirait pour déterminer plusieurs ordres religieux à se remet- tre à l'œuvre au milieu des terres incultes de la Campine et des Ardennes.

SUR LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES. 19

On objectera peut-être que les 15,000 hectares que les moines défri- cheraient, présenteraient un chiffre bien faible en comparaison de lé- norme quantité de terrains vagues que la Belgique renferme encore, qu'ainsi, on n’atteindrait jamais le résultat que promet l'établissement d’abbayes, et que conséquemment il serait préférable de créer des colonies agricoles dans les endroits éloignés et non peuplés. Nous répondrons à cette objection que de telles colonies organisées comme elles doivent l'être, seraient pour l'État des établissements ruineux qui ne répondraient nullement aux intentions du Gouvernement. On les établirait principale- ment pour procurer du travail aux ouvriers des villes qui ne peuvent, si ce n’est avec peine, pourvoir à l'existence de leurs familles. Nous deman- derons combien on trouverait parmi eux d'hommes en état de bien manier la bêche, de conduire la charrue , de diriger une exploitation agricole de manière que le produit de leur travail couvrit les frais qu’ils occasion- néraient. Ce nombre serait bien restreint. En eflet, on ne saurait utiliser dans ces colonies que certains ouvriers des villes qui pourraient ÿ exer- cer leur métier : tels que des tailleurs, des cordonniers, des maréchaux ferrants, des charrons, des charpentiers, des maçons, etc. Mais que faire des ouvriers manufacturiers ?.... Tel a assez de force, assez d'intelligence pour être bon travailleur dans une fabrique qui ne pourra jamais devenir bon cultivateur, parce que les forces physiques lui manquent et qu'il ne peut que manier gauchement des instruments dont il n’a aucune habitude... C’est la campagne qui doit fournir les colons propres à exploiter la terre, et la campagne ne compte d’oisifs que les ivrognes, les fainéants et les gens sans aveu. Qu'on essaie avec de tels ouvriers le défrichement de 257,000 hectares de bruyères!.…

Il n’en est pas de même des établissements religieux; en peu d'années ils fourniraient de l'ouvrage à tous les métiers; les arts et les sciences n’y se- raient pas oubliés. La confiance et l'intérêt qu’ils savent inspirer, éveille- raient la générosité des personnes bienfaisantes; ces dernières viendraient les aider à donner un prompt développement à leurs institutions, et bien- tôt les bons résultats s’en feraient sentir au loin. On verrait des hameaux, de beaux villages s'élever au milieu des terres qui jusqu'à ce moment

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semblent disgraciées de la nature , et l'aisance régner parmi leur popula- tion. Ces colonies seraient florissantes; l’ordre, la concorde, l’activité et l'intelligence s’y feraient remarquer. Mais le Gouvernement, dira-t-on, par ses moyens et sa force est plus à même que de simples religieux d’effec- tuer de si grandes choses. Rien n’est cependant moins vrai; les religieux ne se borneraient pas à défricher des bruyères, mais ils feraient en même temps tous leurs efforts pour améliorer et corriger le moral des individus qui viendraient au milieu d'eux chercher un refuge contre la misère. Le Gouvernement ne pourrait agir que par la contrainte; tandis que les reli- gieux n’emploieraient que la persuasion. Le Gouvernement ne pourrait confier ses colonies qu'à des mercenaires ; les religieux , au contraire, dirigeraient eux-mêmes celles qu’ils fonderaient dans le seul but de mériter la miséricorde de Dieu , non-seulement pour eux, mais aussi pour leurs co- lons. Nous devons reconnaître ici que, dans l’état actuel de la société, le plan que nous proposons rencontrera un grand obstacle. Les Gouvernements de nos jours, fondés sur la liberté, croient devoir professer l'indifférence en matière de religion, et ils oublient que les bienfaits de la civilisation présente, sont le travail des siècles passés, sont les résultats des vérités de l'Évangile mises en pratique. L'égalité des hommes devant la loi, ne dé- coule-t-elle pas de légalité des hommes devant Dieu?... Devons-nous ainsi re- nier le passé; ce qui a été vérité il y a quelques siècles, cesse-t-il donc d’être aujourd’hui une vérité? S'il est reconnu qu’une classe d’hommes est seule en état de défricher nos landes à peu de frais, sans secousse, sans perturbation ; pourquoi ne lui confierions-nous pas ce travail, cette charge? Nos institutions modernes ont-elles quelque chose à craindre de la part d'hommes laborieux, probes, moraux? Ne serait-il pas plutôt à désirer que les individus que la misère pousse au crime et qui vont expier dans les prisons la faute d’un moment de désespoir, trouvassent au contraire, dans ces abbayes, un refuge, un port de salut qui les conservät honnêtes gens? Elles sont donc chimériques les craintes qu'on veut opposer à l'établissement de ces couvents. On a beau invoquer le passé, le passé ne revient pas; les empires, comme les siècles, marchent et ne rétrogra- dent jamais. Lisez l’histoire!

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Enfin la dernière mesure à laquelle le Gouvernement devrait s'arrêter pour être guidé dans toutes les questions que soulèveraient les défriche- ments, c'est l'institution d’une commission, composée d'hommes possédant à fond l’économie rurale et forestière, qui aurait la mission de visiter les bruyères, d'indiquer les moyens de les rendre productives, de détermi- ner les parties qui doivent devenir terres arables, celles qu'il convient de convertir en bois; de tracer les routes et les canaux que l’on doit éta- blir, et de constater les progrès du défrichement, ainsi que les causes qui pourraient les ralentir. Cette commission formerait le conseil du Gouver- nement.

Nous avons établi que, pour fertiliser les bruyères et les landes de Ja Campine et des Ardennes, il est indispensable de construire dans ces deux contrées, des routes, des canaux, et de les traverser par un chemin de fer, afin d'y pouvoir conduire au meilleur marché possible les maté- riaux et les engrais, dont une grande partie se perd maintenant dans les égouts des villes, et dont l'effet serait si puissant dans les bruyères. Ces communications faciliteraient en même temps le transport des pro- duits. Nous avons indiqué plusieurs autres mesures que nous croyons né- cessaires pour réaliser un si vaste projet. Nous ne doutons pas que ces mesures, mises en œuvre avec discernement, n'aient les plus prompts et les meilleurs résultats; car si l’on recherche avec attention les causes qui ont ralenti le zèle et l'esprit entreprenant de nos ancêtres, on les trouvera dans l’absence de la plupart de ces mesures. Enfin, si l’on veut sincère- ment que les plaines incultes de la Campine et des Ardennes se changent en campagnes riantes et fertiles; que de belles forêts de chènes, de hêtres et de sapins présentent à nos champs un abri contre les vents du Nord; que de bons fourrages nourrissent un nombreux bétail, si l’on veut encore que des milliers de bras trouvent chaque jour des moyens d’existence ; il faut qu'on ne se laisse pas entrainer par les préjugés du siècle contre les ordres monastiques ; qu’on sache distinguer les moines laborieux et utiles à la société; que, consultant l'histoire, on fasse le dénombrement des bienfaits qu'ils ont opérés dans toutes les contrées de l’Europe, et alors, la main sur la conscience, on s’écriera : Oh ! puisse-t-on entendre encore, au

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fond de la bruyère, le son de la cloche du monastère de ces vénérables cénobites !..…..

Lorsque le Gouvernement aura rempli sa tâche, qu'il aura détruit toutes les entraves qui, jusqu'à ce jour, se sont opposées à la mise en cul- ture de nos immenses terrains improductifs, les particuliers viendront à leur tour, avec plus d'espoir de succès, se livrer au défrichement des bruyères; ils ne devront plus se borner à créer des sapinières, dans la crainte de travailler en pure perte.

Nous croyons nécessaire, pour compléter notre travail, d'indiquer ici quelques moyens de culture propres aux bruyères. Toutefois nous ne pré- tendons pas faire un traité complet sur l’art de défricher les bruyères; nous reconnaissons qu'il est impossible d'établir des principes générale- ment et constamment applicables ; nous nous bornerons à indiquer les moyens les plus simples à mettre en œuvre par les particuliers qui veu- lent se livrer avec prudence à ces sortes de spéculations, sans être obligés à de grandes avances de fonds. Néanmoins, nous avons la conviction que ces défrichements partiels amèneront des résultats plus prompts et plus satisfaisants que les exploitations gigantesques qui exigent de grands mou- vements de capitaux, et dont le succès est bien douteux lorsque ce sont des particuliers qui les entreprennent.

Nous allons tracer en peu de mots les différentes opérations qu'exige le défrichement d’un terrain de 50 hectares de bruyères : la pemière con- siste à sonder le terrain à plusieurs pieds de profondeur, afin de con- naître la qualité et l'épaisseur des différentes couches de terre qui s'y rencontrent; la deuxième, à en faire le nivellement, afin de bien déter- miner les lieux par on doit faire écouler les eaux; la troisième, à dé- signer les parties destinées à être transformées en terres arables, en prés, en bois; enfin, la quatrième, à faire creuser des fossés dans lesquels doivent venir se perdre les eaux provenant des rigoles qu’on fait faire autour de ses terres. À ces travaux préalables, soigneusement terminés, succèdera le défrichement. On trouve parmi les terres incultes, comme partout ailleurs, des terres de différentes qualités, de mauvaise, de mé- diocres et de bonnes. Les sables blancs constituent les terres les plus

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mauvaises; en les défonçant à une profondeur d’un mètre et demi, on rencontre souvent une couche de terre meilleure qu’on amène à la sur- face. Ce terrain est alors très-propre à être converti en sapinière et quel- quefois même en terre arable. Les bas-fonds sont humides et froids; en les saignant de manière que les eaux se jettent dans les fossés destinés à les recevoir, on parvient à en faire de bonnes prairies. Rien n’est plus précieux que les prairies pour assurer le succès d’un défrichement, parce que plus on a de pâturages, plus on peut nourrir de bestiaux, et partant, plus on peut se procurer de l’engrais. Quoique l'argile soit la base de la fertilité d’un sol, si elle y prédomine trop, elle le rend improductif; le soleil la durcit tellement que les racines des plantes ne peuvent s’y déve- lopper, et les eaux, ne pouvant filtrer assez rapidement au travers des pores trop serrés, les font périr. Un tel terrain, bien amendé avec du sa- ble, de la chaux, et convenablement fumé, donnera de belles récoltes de seigle, d'orge et même de froment.

Si, sous le sol qu’on a reconnu propre à être converti en terre arable, il existe des pierres ou du tuf, on ne cherchera pas à les rompre si la charrue peut passer à plus d’un pied au-dessus, parce que cette espèce de banc, en empêchant l’eau de filtrer trop rapidement, conserve à la terre une bienfaisante humidité; on doit au contraire les faire disparaître des terrains qu’on destine à des bois de chénes et surtout de sapins. Après avoir décidé quelles seront les terres qu’on cultivera en céréales et en fourrages, et celles qu'on convertira en bois, on commencera par les dé- foncer à une profondeur telle que la nature du sol l'exige. 11 n’y a point de règle fixe à cet égard; les terrains destinés aux sapinières, ne renfer- mant pas de tuf ni d’autres corps durs, peuvent être laissés intacts et en- semencés immédiatement; on a seulement soin, dans ce cas, de tracer des rigoles et de couvrir la graine avec la terre qu’on en retire.

Dans les premiers temps du défrichement, la bêche, la pioche et l'éco- bue sont les seuls instruments dont on a besoin, à moins qu'on ne préfère employer la charrue; mais alors il faut que deux charrues soient mises en œuvre simultanément, qu’elles travaillent dans le même sillon et que la deuxième soit attelée d’un ou deux chevaux de plus, afin de labourer à

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une plus grande profondeur. Ce travail est plus prompt, mais n’est pas toujours aussi parfait que celui qu'on effectue à la bêche, parce que, on peut, par ce dernier moyen, s’il est nécessaire, défoncer le sol plus pro- fondément et atteindre quelquefois une bonne couche de terre. On ne saurait dire lequel des deux moyens est réellement le plus économique, car cela dépend de la situation des lieux et de la faculté qu’on a de se pro- curer des chevaux à la journée ou d’en posséder soi-même pour ce travail. Cependant, il est de fait que pour un défrichement de 50 hectares, acheter des chevaux serait une erreur, tandis que cet achat devient indispensable pour un défrichement sur une vaste échelle. On peut estimer qu'un hec- tare de bruyères, aplani et défoncé à la bèche à un mètre de profondeur, ne coûte qu'environ 160 francs de main-d'œuvre; l'expérience à justifié ce calcul.

Les gazons, les ronces et les autres plantes qui couvrent la bruyère peuvent être utilisés. On doit les enlever, les entasser et, plus tard, les réduire en cendres.

Après que le terrain aura été convenablement labouré et défoncé, le dé- fricheur le laisse reposer environ un an, afin que le sol puisse profiter de l’'engrais naturel et précieux que l'atmosphère prodigue sans cesse à la terre, par la pluie, la neige, la gelée et la rosée. Entre temps, il fait con- struire les bâtiments pour les métayers, dont le nombre doit être fixé à raison d’une maison par quatre ou cinq hectares au plus. Vers le printemps suivant, il fait brûler les gazons et les broussailles qui ne seraient pas con- sumés, pour en répandre ensuite les cendres sur les terrains qu’il destine à la culture des céréales. Au sortir de l'hiver, si déjà ce travail n’est pas fait, il divise ses terres en parcelles d’un hectare au plus, et entoure chaque parcelle d’une rigole et d’une plantation de bois taillis sur une largeur de trois mètres. Il compose sa plantation de bouleaux, d’acacias ou de mû- riers blancs. Ces trois espèces d'arbres croissent dans les terrains les plus maigres et viennent bien en taillis. Il abrite ainsi ses champs contre les vents du Nord et leur conserve une humidité bienfaisante.

Après avoir donné un léger labour à la charrue aux terres, sur lesquelles il a fait répandre les cendres et les gazons consumés, ainsi que du fumier

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dans lequel il a laissé dissoudre le résidu de chevaux ou d’autres animaux abattus, le défricheur les fait ensemencer de seigle; s’il tarde de faire sa semaille jusqu’au mois de mars, il doit évidemment choisir un blé précoce. Il fait semer du raigrass et autres bonnes graminées, le terrain, par son humidité, se dispose naturellement pour devenir un pâturage. Il aura soin de créer des prairies artificielles avec la spergule et le sainfoin. Ces plantes fourragères constituent une excellente nourriture pour le bétail et améliorent sensiblement le sol. Quant aux terrains réservés aux sapinières, il peut, afin de les bien préparer pour cette culture, commencer par leur faire produire du genêt. L’utilité et les avantages de cet arbuste ne sau- raient être contestés , et l’usage dans le défrichement des bruyères ne peut en être assez récommandé. Lorsque, après la deuxième année de croissance, on l’enfouit vert, il forme un bon engrais, et l’on est sûr d’avoir une bonne récolte de seigle. Il est même bon de le faire succéder à cette céréale, parce que, au lieu d’épuiser le sol, il le fertilise. La culture du genèt, surtout dans l’origine d’un défrichement, est bien avantageuse; car tout en diminuant la dépense pour engrais, elle procure un rendement satisfaisant.

Si les terrains sont destinés à être convertis en bois de sapin, le défri- cheur y fera enfouir à la charrue le genêt qui a deux ans, et au printemps suivant, il y fera planter ou semer le sapin.

L'expérience nous a prouvé que la plantation est souvent préférable au semis; par cette première méthode on obtient des bois plus beaux, plus réguliers ét moins sujets, quand ils sont jeunes, à être endommagés par la gelée qui, en soulevant les sapins semés, en détache et découvre les racines ; tandis que cet inconvénient est moins grand et moins préjudiciable pour ceux qui ont été transplantés, surtout si l’on a eu soin, en les ôtant, de leur conserver les petites mottes de terre adhérentes aux racines. Il est donc très-utile de choisir, au milieu des terres que l'on a défrichées, une des meilleures parcelles, pour y créer par le semis une pépinière d'arbres de cette nature.

Toutes les terres étant ainsi disposées, c’est-à-dire, les différents semis étant opérés, il est temps que le défricheur cherche à affermer ses métai- ries, dont chacune, comme nous l’avons dit, ne peut se composer que de

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cinq hectares tout au plus, afin que le métayer puisse les labourer avec un ou deux bœufs, et que le fumier provenant de son étable, ainsi que les résidus du ménage joints à l'engrais venant des villes, soient suffisants pour ameublir convenablement ses champs.

En parlant du fumier des villes, nous avons particulièrement en vue les immondices qui s’écoulent par les égouts pour aller se perdre dans les rivières , et qui sont toujours mêlées à une grande quantité de boue et de toutes sortes de matières animales. Cet engrais forme de prime abord un humus précieux qui amende et fertilise prodigieusement le terrain le plus ingrat , et conserve longtemps sa force. Du moment que des routes et des canaux faciliteraient le transport du fumier, et en rendraïient par cela même le prix modique, ce serait une bonne spéculation que de recueillir ces immondices et de les réduire à l’état de dessiccation nécessaire pour qu’on puisse les conduire jusqu'au centre des bruyères.

Si nous avançons que ce n’est qu'après que les terrains incultes auront été défoncés , labourés et semés que l’on doit les affermer, c’est que l'expé- rience nous a prouvé que le petit cultivateur à qui lon donne en location une maison avec des terres encore en friche, n’a pas les moyens de faire convenablement à ses frais ces travaux préalables, quand bien même on lui accorderait gratuitement, pendant deux années , l'usage de ces terres; de plus, il ne peut sur-le-champ se procurer des vaches, parce que le fourrage lui manque, tandis qu’en suivant notre système on fait disparaître ces inconvénients.

La construction et la distribution de la maison et de tous les bâtiments nécessaires à une métairie, exigent aussi des soins et de l’entendement. Le logis du métayer ne doit être ni trop resserré ni trop étendu. Il suffit que la plus grande pièce, qui est celle il se tient dans la journée, ait six mètres de longueur sur quatre et demi de largeur. Sa cave peut avoir la même grandeur, et au-dessus de celle-ci on construit deux chambres à coucher. La distribution intérieure du bâtiment doit être faite de manière que les soupiraux de la cave se trouvent au nord. Il est bon que l’étable soit attenante au corps de logis, afin que, pendant la nuit, on puisse, en cas de besoin, y avoir accès sans devoir passer à l'air. Elle doit être pavée

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en pente douce pour que l'urine des vaches, qui est un engrais précieux, s’écoule dans une fosse construite à cet effet, en briques, hors de l’étable. Un bœuf, deux vaches, une génisse et un porc doivent pouvoir y être facile- ment placés ; il faut donc qu’elle ait huit mètres de longueur et une largeur de quatre mètres et demi au moins. Il est essentiel qu’elle ait environ trois mètres de hauteur, afin que les animaux puissent constamment respirer un bon air. Une étable bien aérée contribue beaucoup à la santé du bétail.

Il convient d'isoler la grange et de la placer de sorte qu’elle soit vis-à- vis de la façade de derrière de la maison. L'espace entre les deux bâti- ments doit être assez large pour y rassembler tout le fumier et y placer les meules de bois, etc. Comme il importe au métayer de réunir tout ce qui est susceptible de former de l’engrais, il faut qu’il ait soin qu'aucune matière, tels que débris de végétaux, etc., ne se perde. La fosse du lieu d’aisance doit être maçonnée avec du bon mortier pour que le liquide ne puisse filtrer au travers. Des pissoirs doivent être placés de façon que les urines viennent s’y rassembler.

L’engrais provenant des lieux d’aisance est plus précieux qu’on le pense et exerce une grande influence sur la végétation. Les Chinois, qui sont les premiers agronomes de l'univers, et qui ont porté l’agriculture au plus haut degré de perfection, ne fument les céréales qu’avec des excréments hu- mains. Pourtant leur pays ne diffère que très-peu du nôtre sous le rapport de la fertilité du sol!. Nous avons constaté par nous-même combien l’effet de cet engrais est puissant. Nous avons vu dans la Campine une terre bien médiocre, naguère encore bruyère, donner une récolte de seigle qui ne laissait rien à désirer quant à la qualité de grain, la longueur et l’épais- seur de la paille, et qui n’avait été fumée qu'avec de la vidange. Ces faits prouvent suflisamment que l’on doit attacher une grande importance au rassemblement et à la conservation des matières fécales.

L'emplacement pour le fumier sortant de l'écurie mérite aussi une atten- tion toute particulière. D'abord il faut que cet emplacement soit ombragé pour que l’ardeur du soleil n’ait pas trop d'action sur le fumier; ensuite il

1 Liebig, Traité de chimie organique, introduction, p. 84, éd. de Hauman et C®,

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doit être disposé de façon que l’eau du dehors ne vienne s’y perdre; c’est pour cela qu'il est indispensable de l’entourer d’une jetée de terre. Le fond de ce réceptacle doit être en pente, afin, que le purin, ou jus du fumier, s'écoule vers le bas et y soit reçu dans une fosse maçonnée ou dans un tonneau défoncé. Ceci est plus nécessaire et plus utile qu’on le croit, car le purin contient les parties les plus riches du fumier. S'il en reste, après en avoir de temps en temps humecté le fumier, on peut, ainsi que l'urine des vaches, le mêler à la vidange, ou l’employer à l'arrosement des semailles et des prés, sur lesquels ces deux matières produisent des effets étonnants. Enfin, comme nous ne pouvons trop nous étendre ici sur ce point, nous nous bornerons à recommander que, dans la construction d’une métairie, tout soit disposé de sorte que les immondices, les rési- dus du ménage, même l’eau de l'égout, soient conservés, ce que géné- ralement on néglige dans les établissements ruraux, et ce qui fait perdre ainsi plus d'engrais qu’on ne pourrait le croire.

Le propriétaire de ces 50 hectares ne conserve sous sa direction que les sapinières et autres bois, et, s’il n’a choisi pour métayers que des hommes actifs et intelligents, il est assuré du succès de son entreprise. Les sapi- nières dont il conserve l’exploitation, n’exigent pas beaucoup de soins pendant les deux premières années, mais à la troisième, il commencera par les faire sarcler avec précaution, afin de détruire les mauvaises herbes sans blesser les racines des jeunes sapins. Il les laissera se dessécher sur place, et ensuite les fera recouvrir avec la terre provenant des rigoles qu’il a fait creuser à travers ses sapinières, de quatre à quatre mètres de distance. Cette opération contribue beaucoup à la végétation du sapin. Tous les deux ans, il fait nettoyer et un peu approfondir les rigoles, et jeter de la terre entre les arbres. Mais lorsque les sapinières auront atteint leur huitième année, alors il doit lutter contre un usage bien nuisible à la culture des arbres ré- sineux et qui semble être devenu un droit pour la population indigente ou peu aisée. Ce malencontreux usage consiste dans le dépouillement pério- dique des feuilles mortes qui jonchent la terre dans les bois. Ces feuilles sont un bon engrais; elles forment, après un certain laps de temps, un humus précieux, qui fait prospérer la plantation, améliore le sol et le

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prédispose même à la culture des céréales. La police, dans l'intérêt des propriétaires en particulier et des défrichements en général, devrait dé- fendre cet abus et le prévenir par une surveillance active, afin que les particuliers qui voudraient conserver à leur propriété cet engrais naturel, ne fussent pas exposés à voir leurs bois saccagés par la malveillance.

Après la huitième année, le défricheur commence à retirer quelque re- xenu de ses sapinières , par le produit de l’élagage dont la valeur augmente sensiblement d'année en année; ensuite la vente des arbres, dont les uns servent à chauffer les fours des boulangers et les autres comme bois de construction , lui rembourse avec un grand bénéfice le capital qu’il a em- ployé à l'achat du terrain et à la création des sapinières.

Ce défrichement de 50 hectares de bruyères n’entraine pas à de grandes dépenses, surtout si l’on emploie plus d’une année à le réaliser, et que l'on sache bien distinguer la culture que chaque parcelle réclame.

Voilà le moyen le plus simple, le plus économique et le plus sûr de défricher avec succès les bruyères. Ce système, qui n’embrasse qu'une petite étendue de terre, donne presque toujours un bon résultat, parce que tout y est bien combiné, c’est-à-dire : que chaque terrain y est consacré à la culture qui lui est propre par la situation et la qualité de son sol; que l'étendue des métairies est en rapport avec le nombre de bras que la fa- mille de chaque métayer, aidée au besoin d’un ouvrier, peut fournir; et, que les étables produisent le fumier nécessaire à une telle étendue de terre. La dépense la plus importante que les métayers doivent faire, c’est l'achat d'engrais et de chaux pour amender les terrains trop compactes. Cependant comme l'influence de ces engrais sur la végétation, lorsqu'ils sont employés avec discernement, est telle que les produits en sont pres- que doublés, cette dépense n’est au fait qu’une avance de fonds toujours remboursés avec un bénéfice considérable.

On prétendra peut-être que tout étant relatif, un défrichement sur un vaste plan peut-être entrepris avec les mêmes chances de succès. C’est une erreur : car plus une exploitation est grande, plus on a be- soin de bras, plus on a de détails à soigner, plus la surveillance est difficile. La mise de fonds est aussi plus considérable, et, proportion

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gardée, plus forte encore que celle qui est nécessaire à un défrichement borné à une cinquantaine d'hectares. On se trompe du tout au tout, lors- que l’on calcule que l'exploitation de 500 hectares de bruyères ne peut coûter que dix fois ce que coûte celle de cinquante hectares. Les frais sont énormes, et pour rentrer dans les avances, il faut faire acquérir au sol une valeur grande et stable, et le faire produire constamment et beaucoup. IL y a, en outre, un obstacle insurmontable pour celui qui entreprend un trop grand défrichement. Cet obstacle, c’est le manque de bras. La campagne ne saurait lui fournir le nombre d'ouvriers nécessaires, et l’on chercherait en vain, comme nous l'avons prouvé plus haut, à les remplacer par le sur- croit des artisans qui végètent dans les villes. Tout doit être en harmonie dans une telle entreprise pour qu'elle réussisse; il faut qu'il y ait un en- semble parfait. Chaque parcelle de terre exige des soins particuliers et continuels; car du moment qu’on les néglige pour des travaux que l’on croit plus importants, la terre retourne à son état primitif de stérilité. Une exploitation de 500 hectares de bruyères, commencée simultanément et continuée de même, laissera, après dix années d’une culture pénible, un déficit considérable; les produits réalisés ne compenseront pas à beaucoup près la dépense. Ce déficit provient de ce que les produits sont peu nom- breux et que, conséquemment, ils reviennent à un prix trop élevé. On doit l'attribuer encore au travail des ouvriers, à leur position relative. Ces ou- vriers ne peuvent rien faire pour leur compte, soit directement, soit in- directement, parce qu'ils n’ont aucun intérêt personnel dans l’entreprise; enfin, parce qu'ils ne sont pas domiciliés sur les lieux mêmes. Lorsqu'ils sont, pour ainsi dire, attachés au sol qu'ils exploitent, qu'ils y ont leurs ménages, que le nombre de ces ouvriers est suffisant pour effectuer les travaux nécessaires aux terres qu'ils cultivent, ils consomment sur place une grande partie de la récolte, et le défricheur payant une partie des journées de travail en nature, se rembourse ainsi d’une bonne partie de ses dépenses. Les défrichements qu'entreprenaient les congrégations reli- gieuses étaient toujours proportionnés au nombre des moines qui devaient les exécuter. Ils prenaient de l'extension au fur et à mesure que la popu- lation du couvent et celle des environs augmentaient. Si les abbayes avaient

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suivi un tout autre système, des milliers d'hectares de bruyères, qui main- tenant sont converties en terres fertiles, seraient encore incultes.

Cependant, de nos jours, nous voyons un défrichement assez considé- rable dans la commune de Gheel , province d'Anvers. Cette exploitation est dirigée, pour son compte personnel, par un homme ! qui possède de grandes connaissances en cette matière. Déjà, depuis peu d’années, il a converti en bois, en prairies et en terres arables environ 500 hectares de bruyères. Son système de défrichement ne laisse rien à désirer. La direc- tion et la surveillance des travaux sont habilement exercées. La seule observation que nous ayons à faire tombe sur la trop grande quantité de bois qu'il a plantés; plus des trois cinquièmes de ses terres sont consacrés à cette culture. Du reste, quelque riante que soit la belle propriété de cet intelligent défricheur, quelle que soit l’heureuse métamorphose qu'il a fait subir à des terrains naguère encore stériles, nous craignons que ce beau domaine n’ait le même sort que ceux du duc de Hoogstraeten et du docteur Snellen dont nous avons parlé. Nos craintes se fondent sur ce que, pour donner à une si vaste entreprise un avenir prospère, il faut que l’homme habile qui l'a commencée ait un successeur possédant le même goût, la même intelligence et les mêmes ressources pécuniaires.

Des bruyères converties en sapinières sont généralement regardées comme définitivement défrichées. Nous n’envisageons pas la chose sous le même point de vue. Certes, ne couvrir le sol que de bois et de forêts, ce n'est faire qu’un défrichement temporaire. Combien ne comptons-nous pas aujourd'hui de terrains vagues d’une assez grande étendue qui autrefois étaient couverts de bois? Pourquoi ne sont-ils pas cultivés ? Pourquoi les laisse-t-on dans un état improductif? En voici la raison : les bois et les forêts, ne pouvant alimenter les cultivateurs qui viendraient y établir leurs demeures, doivent par cette seule cause rester à jamais de vastes soli- tudes, et plus ils seront éloignés du centre d’un village ou d’un hameau, plus il y a de probabilité qu'après leur dérodement, les terrains qu'ils occupent resteront encore longtemps incultes. Si alors on veut les convertir

* Le baron Ch. Coppens.

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en terres arables ou en pâturages, il faut presque opérer un défrichement total ; et, si l’on préfère les replanter de nouveau en bois, on doit se rési- gner à faire des travaux préparatoires qui ne seront guère moins longs ni moins coûteux que ceux que nécessite un défrichement en terres arables. D'ailleurs, comme nous l'avons déjà dit, les particuliers reculent sou- vent devant les frais qu’entraînent les défrichements. Nous reconnaissons qu'ils n’ont pas tort; les particuliers n'habitant pas pour la plupart sur les lieux, se trouvent obligés d'abandonner la surveillance de leurs tra- vaux à des mercenaires, qui ont un véritable intérêt à les prolonger le plus qu'ils peuvent; tandis qu'au contraire les corporations religieuses exploi- taient avec zèle et persévérance, parce que, par un tout autre mobile que l’intérêt du moment, chaque religieux, en travaillant pour la commu- nauté, était convaineu qu'il travaillait en même temps pour lui-même, que son existence était intimement liée à celle de son monastère; enfin, qu'il enfreignait ses vœux, s’il s’abandonnait à la nonchalance et à la paresse. Ainsi, pour qu’un défrichement de bruyères soit profitable à un pays, il faut que les meilleures terres soient employées à la culture des céréales et des fourrages, et que les autres soient converties en bois. Cependant plus on peut créer de pâturages, plus on est certain de réussir, c’est un principe dont on ne peut s'écarter. Les bois sont nécessaires; et, dans la supposition qu'un pays ne renfermât que de bonnes terres, encore faudrait-il qu'une partie se couvrit d'arbres de toutes essences, car on ne peut pas perdre de vue les effets que les plantations produisent sur le climat. Les bois exercent une action bienfaisante sur l’état physique d’un pays. Ils garantissent le sol contre les funestes influences des mauvais vents; ils exercent une action très-prononcée sur leur direction, leur force et leurs propriétés physiques, et ainsi sur l’état climatérique, la tempéra- ture et l’état sanitaire des pays. Il est connu que souvent les déboise- ments ont produit des effets désastreux dans bien des États. On a constaté que, par suite de dérodements, des fleuves se sont desséchés, que des pays qui souffraient beaucoup des inondations sont maintenant accablés par la sécheresse, et que les sources et les puits tarissent fort souvent. Nous ne nous arrêterons pas plus longtemps à cette importante question

SUR LE DÉFRICHEMENT DES BRUYÈRES. 3

météorologique, et nous nous bornerons à dire que notre opinion à cet égard est fondée sur les observations faites par MM. Passy et Arago, dans la séance de la chambre des députés de France, du 27 février 1856, et sur l'Histoire de la nature de Bronn.

Le défrichement des bruyères de la Belgique doit done être bien rai- sonné, dans l'intérêt général du pays. Si elles étaient toutes converties en bois, beaucoup de localités deviendraient marécageuses, et leur aspect serait triste et sauvage. On évitera ces inconvénients en transformant la plus grande partie des terrains incultes en terres arables et pâturages, el le reste en bois, qui, par la situation qu’on leur aura donnée, préserve- ront la contrée des mauvais vents. Alors des villages s’élèveront insensi- blement dans les lieux jamais n’exista le moimdre vestige d'habitation, et la surabondance de la population s’écoulera vers ces nouvelles demeu- res, pour y exercer une des plus belles et des plus utiles professions, celle de laboureur!.. Et alors seulement la grande œuvre du défrichement sera accomplie.

FIN.

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DÉTERMINÉS

PAR LA GÉOMÉTRIE DESCRIPTIVE.

L'objet de ce mémoire est de déterminer par la géométrie descriptive la nature du lieu géométrique dont les distances de chaque point à deux autres lieux donnés sont dans le rapport constant k; chacun des lieux donnés étant à volonté ou un point, ou une droite, ou un plan.

Ce même sujet a déjà été traité d’une manière simple et élégante pour le cas particulier de 4 1, par M. Olivier, dans ses Développements de géométrie descriptive, il ajoute (page 355) qu'il n’a pu parvenir à déterminer la nature géométrique du lieu dont il s’agit par des considé- rations de géométrie descriptive pure, lorsque # n’est plus égal à l'unité.

Nous avons pensé qu'il y aurait quelque mérite à traiter une question qu'un savant aussi distingué n’a pas jugée exempte de difficulté, et nous avons l'honneur de soumettre au jugement de l'Académie le résultat de nos recherches sur ce point.

&

SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES

SI

LIEU GÉOMÉTRIQUE DES POINTS DE L'ESPACE DONT LES DISTANCES DE CHACUN À DEUX POINTS FIXES SONT DANS LE RAPPORT CONSTANT #.

Propriété du lieu demandé. Le lieu géométrique, dont les distances de chaque point à deux points fixes sont dans le rapport constant k, est une sphère, qui a son centre sur la droite qui joint ces deux points fixes, et qui coupe cette droite en deux points, extrémités d’un même diamètre, et tels que le rapport des distances de chacun d’eux aux deux points fixes est égal à k.

Lorsque k 1, le lieu demandé se réduit au plan perpendiculaire élevé par le milieu de la droite qui joint les deux points fixes.

Démonstration. Il est facile de reconnaitre que le lieu cherché ne peut être qu'une surface de révolution autour de la droite qui joint les deux points fixes; il suffira donc de déterminer la nature d’un méridien de la surface; ce qui conduit à la question de géométrie plane : détermi- ner le lieu de tous les points d’un plan, les distances de chaque point à deux points fixes de ce plan étant dans le rapport constant k.

Par les deux points fixes A et B (fig. à), taçons une circonférence quel- conque AB, et d’un point fixe quelconque GC, pris sur le prolongement de la droite AB, menons la tangente Cn. La distance du point de contact n au point fixe C sera donnée par la relation

2

Cn= CAI.-CB: celle-ci montre que cette distance est indépendante du rayon du cercle ABn; si donc on fait varier le cercle ABn, le point de contact n restera sur une même circonférence dont le centré est en C. D'un autre côté, si l’on tire les deux droites nA, nB; les deux triangles semblables nCA, nCB donnent la proportion :

nA : nB Cn : CB;

DU SECOND DEGRÉ. B)

les deux termes du second rapport de cette proportion étant constants, le premier rapport l’est aussi, et fait voir que les distances du point », c’est- à-dire, d’un point quelconque de la circonférence C aux deux points fixes A et B, sont toujours dans un même rapport.

Lorsque la valeur de ce rapport est donnée égale à k, alors sur la droite qui joint les deux points fixes, on construira deux points m, m’, tels que les distances de chacun aux deux points fixes À et B soient dans le rapport k; la droite mm! sera un diamètre de la circonférence qui satisfait à la définition du lieu géométrique plan qu'il s'agissait de déterminer. Si l’on fait tourner cette circonférence autour de ce diamètre, la surface sphérique engendrée jouira de la propriété que les distances de chacun de ses points aux deux points fixes sont dans le rapport constant k; ce qui était à démontrer.

Corollaire. En coupant cette sphère par un plan, on déduit la consé- quence suivante : si un point se meut dans un plan, de manière que le rapport de ses distances à deux points fixes, situés ou non dans ce plan, reste constant, il décrira une circonférence de cercle.

SIL.

LIEU GÉOMÉTRIQUE DES POINTS DE L'ESPACE DONT LES DISTANCES A UN. POINT ET, A UN PLAN DONNÉS SONT DANS LE RAPPORT CONSTANT /.

Propriété du lieu demandé. Le lieu géométrique des points de l'espace, dont les distances respectives à un point et à un plan donnés sont dans le rapport constant £, est une surface de révolution engendrée par une courbe du second degré tournant autour de son grand axe.

Cette courbe a pour foyer le point donné, et pour directrice la droite d'intersection du plan donné avec un plan perpendiculaire mené par le point donné.

6 SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES La surface sera :

Un ellipsoïde de révolution allongé, si 4 1, Un hyperboloïde de révolution à deux nappes, si k > 1, Un paraboloïde de révolution, si k 1.

Démonstration. On sait démontrer par la synthèse ! que le lieu géo- métrique de tous les points d’un plan, dont les distances à un point et à une droite donnés dans ce plan sont dans le rapport constant k, est une courbe du second degré, savoir :

Une ellipse, si ok <1 | Une hyperbole, si k > 1 on nd TU (CE Une parabole, si k 1 |

On sait d’ailleurs que le point et la droite donnés sont respectivement un foyer et une directrice de la courbe du second degré et que le grand axe de celle-ci est toujours perpendiculaire à la directrice.

Si donc l’on fait tourner cette courbe du second degré avec sa direc- trice autour du grand axe, la courbe engendrera une surface de révolu- tion du second degré et sa directrice un plan perpendiculaire à l'axe de révolution; et il est évident que les distances de chaque point de la surface au foyer et à ce plan sont encore dans le rapport constant k; d’où l’on déduit comme réciproque la propriété du lieu demandé.

Corollaire. Si un point se meut dans un plan donné de manière que le rapport de ses distances à un point et à un plan fixes reste constant, il décrira une courbe du second degré, intersection de ce plan avec la sur- face de révolution définie plus haut. Cette courbe est toujours une ellipse,

* M. Dandelin, colonel du génie, a démontré (Mémoires de l Académie) que la section faite dans un cône de révolution par un plan tangent à deux sphères inscrites à ce cône, est.une courbe du second degré ayant pour foyers les deux points de contact. M. Olivier, dans sa Géométrie descrip- tive, a déduit de ce beau théorème que les droites dans lesquelles le plan tangent coupe les plans des cercles de contact des sphères avec le cône sont les directrices de la même courbe.

|

DU SECOND DEGRÉ.

quand le plan donné rencontre la droite fixe. Si le plan donné est paral- lèle à la droite fixe, la courbe sera une parabole, si £— 1; une hyperbole, si k > 1 et une ellipse, si 4 < 1.

$ II.

LIEU GÉOMÉTRIQUE DES POINTS DE L'ESPACE DONT LES DISTANCES À UN POINT ET A UNE DROITE DONNÉS SONT DANS LE RAPPORT CONSTANT #.

Propriété du lieu demandé. Le lieu géométrique des points de l’espace, dont les distances à un point et à une droite sont dans le rapport cons- tant k, est une surface de révolution, engendrée par une courbe du second degré qui tourne autour de son petit axe et qui a respectivement pour foyer et directrice le point et la droite donnés.

La surface sera :

Un ellipsoïde de révolution surbaïssé, si 4 < 1,

Un hyperboloïde de révolution à une nappe, si # > 1,

Une surface cylindrique projetée sur le plan qui passe par le point et la droite dans une pa- rabole qui a respectivement pour foyer et directrice le point et la droite donnés, si i—1.

Démonstration. Nous ferons d’abord voir que le lieu cherché est une surface de révolution. A cet effet, désignons par D la droite donnée et par P le point donné. Prenons sur la droite un point quelconque C et imaginons la sphère auxiliaire, lieu des points de l'espace dont les dis- tances aux points P et C sont dans le rapport k. Si par le point C nous menons un plan perpendiculaire à la droite D, ce plan coupera la sphère suivant une circonférence de petit cercle, qui appartiendra au lieu cher- ché, comme il est facile de le voir, si l’on fait attention que les distances des divers points de cette circonférence au point C sont aussi les distances des mêmes points à la droite D.

On aura de la même manière autant de circonférences du lieu cherché que l’on voudra bien considérer de points C sur la droite D : s'il arrivait

8 SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES

que le plan, mené par le point C perpendiculairement à la droite D, ne coupât pas la sphère, ce serait une preuve que le lieu cherché ne s’étend pas jusqu’à ce plan.

Pour que ces circonférences, dont les plans sont, par construction, per- pendiculaires à la droite D, appartiennent à une surface de révolution, il faut encore que leurs centres se trouvent sur une même droite parallèle à D.

Pour démontrer ce dernier point, remarquons que la parallèle à D, menée par le centre d’une sphère auxiliaire, doit passer par le centre de la circonférence fournie par cette sphère. D’après cela, si les centres de toutes les sphères sont sur une même droite parallèle à D, cette parallèle sera l'axe de révolution de la surface qui nous occupe.

D'abord le centre de la sphère auxiliaire, que nous avons considérée plus haut, se trouve sur la droite PC et par suite dans le plan PD. Soient m et n les points dans lesquels cette droite PC rencontre la sphère, mn sera un diamètre de cette dernière et l’on aura respectivement pour les deux points m et n :

mP : mC nn

I =

Comme le point P est fixe, ces égalités prouvent que tandis que le point C se meut sur la droite D, les points m et n décrivent chacun dans le plan PD, une parallèle à D; donc le point milieu de mn, c’est-à-dire, le centre de la sphère décrit aussi dans le même plan une parallèle à D. Ainsi les centres de toutes les sphères se trouvent dans le plan PD sur une même parallèle à D; cette parallèle est donc l’axe de révolution de la surface.

Faisons voir maintenant qu'un méridien de la surface est une courbe du second degré dont le petit axe coïncide avec l'axe de révolution.

Le plan qui passe par le point P et la droite D, passant aussi par l'axe de révolution, coupe la surface dans un méridien. Les distances de chaque point de ce méridien au point P et à la droite D, devant être dans le rap- port constant k, ce méridien est une courbe du second degré ayant res- pectivement pour foyer et directrice le point P et la droite D; ce sera, d’après la relation (9) du paragraphe (2),

DU SECOND DEGRÉ. 9

Une ellipse, si k «€ 1, Une hyperbole, si k > 1,

Une parabole, si k = 1.

Puisque D est la directrice, le grand axe de la courbe du second degré coïncidera avec la perpendiculaire abaïssée du foyer P sur D, et le petit axe sera parallèle à D et par suite à l'axe de révolution; or, le petit axe de la courbe devra de plus coïncider avec l'axe de révolution de la surface : sans cela, la courbe du second degré, en tournant autour d’une droite qui ne serait pas un de ses axes, engendrerait une surface de révolution qui pourrait être coupée par un plan perpendiculaire à cette droite, suivant deux circonférences de cercles. Mais les considérations, qui ont conduit à conclure que le lieu cherché était composé uniquement d’un système de cercles parallèles, excluent cette hypothèse.

Lorsque £ 1, le méridien de la surface de révolution est une para- bole qui, tournant autour de son petit axe situé à l'infini, engendre une surface cylindrique projetée dans ce même méridien. On arriverait di- rectement à la même conclusion, en remarquant que les sphères auxi- liaires dont nous avons fait usage dans le cas général, se changent en plans dans le cas particulier de k = 1.

Corollaire 1. En coupant par un plan la surface que nous venons de déterminer, on a le corollaire :

Si un point se meut dans un plan de manière que le rapport de ses distances à un point et à une droite fixes, situés ou non dans ce plan, reste toujours égal à k, il décrira une parabole, si £ 1; une ellipse, si k < 1, et une courbe du second degré dont la nature dépend de la posi- tion du plan, si k > 1.

Corollaire 2. Lorsque k 1, on a cet autre corollaire :

La courbe à double courbure, intersection d’une sphère et d’un cylin- dre de révolution qui ont des rayons égaux, se projette sur le plan, qui passe par le centre de la sphère et l'axe du cylindre, dans une parabole qui a respectivement pour foyer et directrice le centre de la sphère et l'axe

Tome XXI. 2

10 SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES

du cylindre. La même courbe à double courbure se projette, sur un plan perpendiculaire à l’axe du cylindre, dans une circonférence de cercle, section droite du cylindre.

Mais cette propriété est plus générale et peut s’énoncer ainsi : toutes les courbes à double courbure, intersections d’une série de sphères con- centriques avec une série de cylindres de révolution ayant même axe, pourvu que les sphères et les cylindres aient deux à deux des rayons égaux, se projettent, suivant une même parabole, sur le plan qui passe par le centre de la sphère et l'axe du cylindre. Ce centre et cet axe sont respec- tivement le foyer et la directrice de la parabole.

$ IV.

LIEU GÉOMÉTRIQUE DONT LES DISTANCES DE CHAQUE POINT A UNE DROITE ET A UN PLAN DONNÉS SONT DANS LE RAPPORT CONSTANT .

Propriété du lieu demandé. Le lieu géométrique dont les distances de chaque point à une droite et à un plan donnés sont dans le rapport con- stant k, est une surface conique dont le sommet est au point de rencontre de la droite avec le plan. Toute section faite dans cette surface, par un plan perpendiculaire à la droite, est une courbe du second degré qui a pour foyer le point dans lequel le plan perpendiculaire rencontre la droite et pour directrice la droite dans laquelle le plan perpendiculaire rencon- tre le plan proposé : la courbe sera, en désignant par « l'angle de la droite avec le plan donné :

Une parabole, si 4 cos. & 1, Une ellipse, si k cos. a 1, Une hyperbole, si k cos. «a > 1.

La section faite dans la surface conique par un plan parallèle au plan proposé est toujours une ellipse.

DU SECOND DEGRÉ. 11

La surface conique sera de révolution autour de la droite, si celle-ci est perpendiculaire au plan donné.

Enfin la surface conique dégénère en surface cylindrique, si la droite est parallèle au plan.

Démonstration. Que le lieu cherché est une surface conique, cela est une conséquence du principe suivant : « Si deux droites rencontrent un plan en un même point, les distances d’un point quelconque de la pre- mière droite à la seconde et à ce plan sont toujours dans un même rapport. » De résulte en effet, en désignant par S le point dans lequel la droite donnée rencontre le plan donné, que si m est un point du lieu cherché, tous les points de la droite Sm appartiendront au même lieu; donc le lieu cherché est composé de toutes droites qui passent par le point S, et par- tant, une surface conique qui a son sommet en S.

En considérant un plan quelconque perpendiculaire à la droite pro- posée, il coupera celle-ci en un point D, le plan proposé dans une droite T et la surface conique en une courbe qu'il s’agit de déterminer. Si m est un point quelconque de cette courbe, la distance de m à la droite propo- sée sera mb; et si du même point nous menons la perpendiculaire P au plan proposé et la perpendiculaire P’ à la droite T, nous aurons d’abord :

mD : P = k:

D'un autre côté, 8 désignant l'angle du plan perpendiculaire avec le plan proposé, on a la relation suivante entre P et P' :

PI PésmuE. Substituant cette valeur de P dans le rapport précédent, il devient : mD : P— k sin. 8.

En désignant par l'angle de la droite proposé avec le plan proposé, « sera complément de 8, et le rapport précédent se change en

mD : P'—= k cos. «.

12 SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES

Cette égalité signifie que le rapport des distances du point m au point D et à la droite T est constant et égal a k cos «; le point m appartient donc à une courbe du second degré qui a respectivement pour foyer et directrice le point D et la droite T; cette courbe sera

Une parabole, si Æ cos. x 1, Une ellipse, si k cos. x < 1, Une hyperbole, si 4 cos. « > 1.

Ainsi se trouve démontré qu'un plan, perpendiculaire à la droite pro- posée, coupe la surface conique dans une courbe du second degré qui a pour foyer le point, dans lequel ce plan rencontre la droite proposée, et pour directrice la droite, dans laquelle ce même plan rencontre le plan proposé.

Il nous reste à faire voir que toute section faite dans la surface conique par un plan parallèle au plan proposé est toujours une ellipse.

Pour cela, ayant construit deux droites dont les longueurs d, d' soient dans le rapport constant k, imaginons le cylindre de révolution qui a pour axe la droite proposée et pour rayon d; imaginons également un plan auxiliaire parallèle au plan proposé et qui en soit distant de la quantité d', 11 est évident que la courbe d’intersection du cylindre avec le plan auxiliaire appartient au lieu cherché. Or, cette courbe est une ellipse; et comme on arrivera à la même conclusion si l’on fait varier ensemble d et d’ sans faire varier leur rapport, il s'ensuit que le lieu demandé que nous sa- vons être une surface conique, est composé d’une suite d’ellipses parallèles au plan proposé ; ce qui était à démontrer.

En faisant les mêmes raisonnements pour le cas la droite proposée est perpendiculaire au plan donné, on trouvera que le lieu cherché est une surface conique de révolution autour de la droite, et enfin, si la droite est parallèle au plan proposé, que le lieu demandé est une surface cylindrique dont les génératrices sont parallèles à la droite proposée.

Corollaire 1. Si un point se meut dans un plan donné de manière que le rapport de ses distances à une droite et à un plan fixes soit con- stant et égal à k, il décrira dans le plan donné une courbe du deuxième degré, intersection de ce plan avec la surface conique examinée plus haut.

DU SECOND DEGRÉ. 15

Corollaire 2. Lorsque £ 1, l’on a le corollaire suivant : si une sphère variable de rayon se meut dans l'espace, de manière à toucher à la fois une droite et un plan fixes, le centre se mouvra sur une surface co- nique. Si le centre de la sphère est de plus assujetti à se mouvoir dans un plan donné, alors il décrira une courbe du second degré, intersection de ce plan avec la même surface conique. De résulte également que l'axe du canal engendré par une sphère variable de rayon, laquelle est assujettie à toucher à la fois une droite et un plan fixes, tandis que son cen- tre doit se mouvoir dans un autre plan donné, est une courbe du second degré.

La courbe décrite par le centre de la sphère est, dans tous les cas, une ellipse, si le plan dans lequel se meut le centre est parallèle au plan fixe; mais alors le rayon de la sphère est évidemment constant, et l’on a cet autre corollaire :

Corollaire 3. Si une sphère de rayon constant R se meut de manière à toucher à la fois une droite et un plan fixes, le centre décrira une ellipse dans un plan parallèle mené à la distance R du plan fixe.

Cette ellipse, qui se projette dans une circonférence de rayon R, sur un plan perpendiculaire à la droite fixe, est en même temps l'axe du canal engendré par la sphère.

Corollaire 4.— Une droite de longueur R se meut de manière à toujours faire un même angle + avec une droite fixe; si l’une des extrémités de R se meut sur la droite fixe, l’autre extrémité décrira dans un plan fixe une ellipse. En eflet, la courbe n’est autre que celle décrite par le centre d’une sphère de rayon R sin. +, laquelle serait assujettie à toucher à la fois la droite fixe et un plan parallèle mené à la distance R sin. « du plan fixe.

14 SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES

$ V.

LIEU GÉOMÉTRIQUE DES POINTS DE L'ESPACE DONT LES DISTANCES RESPECTIVES A DEUX DROITES SONT DANS LE RAPPORT CONSTANT #4.

Premier cas. Les deux droites sont parallèles.

Propriété du lieu demandé. Le lieu géométrique dont le rapport des distances de chaque point à deux droites parallèles est constant et égal à k, est une surface cylindrique qui se projette sur un plan perpendiculaire aux deux parallèles, dans une circonférence dont le rapport des distances de chaque point aux deux points de rencontre du plan perpendiculaire avec les deux parallèles est constant et égal à k. Cela est évident et n’exige aucune démonstration.

Corollaire. Si un point se meut dans un plan, de manière que le rap- port de ses distances à deux droites parallèles est constamment égal à k, il décrira dans ce plan une ellipse, intersection de ce plan avec la surface cylindrique de révolution définie plus haut.

Deuxième cas. Les deux droites se coupent.

Propriété du lieu demandé. Le lieu géométrique, dont les distances de chaque point à deux droites qui se coupent sont dans le rapport constant k, est une surface conique qui a pour sommet le point d’intersection des deux droites. Cette surface est toujours coupée suivant une ellipse par tout plan parallèle à l’un ou à l’autre des deux plans bissecteurs 1 des an- gles des deux droites.

Lorsque k 1, le lieu demandé se réduit aux deux plans bissecteurs des angles formés par les deux droites.

! Par plans bissecteurs des angles de deux droites, nous entendons deux plans perpendiculaires au plan de ces droites et passant respectivement par les bissectrices de leurs angles.

DU SECOND DEGRÉ. 15

Démonstration. Si l'on se donne un point du lieu demandé, c’est-à- dire, un point dont les distances aux deux droites proposées sont dans le rapport constant k, il résulte du principe, que nous allons citer, que la droite qui joint ce point avec le sommet de l'angle des droites proposées appartient au même lieu, et par suite que le lieu cherché est une surface conique dont le sommet coïncide avec celui de l'angle des deux droites. Ce principe est le suivant : « Si trois droites situées ou non dans un même plan, passent par un même point, les distances d’un point quel- conque de l’une d’elles aux deux autres sont toujours dans un même rap- port. »

Démontrons maintenant que le lieu cherché, qui est une surface co- nique, est toujours coupé suivant une ellipse par tout plan parallèle à l’un ou l’autre des deux plans bissecteurs des angles formés par les deux droites.

Désignons par D, D’ les deux droites proposées, et, dans leur plan, me- nons une parallèle quelconque à l’une d'elles, à D, par exemple, et dési- gnons cette parallèle par d. Imaginons aussi la surface cylindrique de révolution dont les distances de chaque point aux deux parallèles D, d sont dans le rapport constant k. Cela fait, les deux plans bissecteurs des angles formés par d et D' couperont la surface cylindrique dans deux el- lipses, qui feront parti du lieu demandé, comme il est facile de s’en con- vaincre, si l’on fait attention que la distance d’un point quelconque de l'une de ces sections à la droite d est égale à la distance du même point à la droite D'; mais les plans bissecteurs des angles formés par d et D’ sont respectivement parallèles aux plans bissecteurs des angles des deux droites proposées D, D’; et ainsi se trouve établie la propriété énoncée.

Corollaire 4. La courbe à double courbure, intersection de deux cy- lindres de révolution, dont les axes se coupent, se trouve sur la surface conique définie plus haut. Cette courbe se réduit à deux ellipses , lorsque les raycns des deux cylindres sont égaux. Cela vient de ce que le lieu des points de l’espace dont chacun est à égale distance des deux droites, se réduit aux deux plans bissecteurs des angles de ces droites.

16 SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES

Corollaire 2. Si un point se meut dans un plan de manière que le rapport de ses distances à deux droites, qui se coupent, est constamment égal à k, il décrira une courbe du second degré, intersection de ce plan avec la surface conique définie plus haut.

Cette courbe , dont la nature dépend de la position du plan par rapport au cône, sera dans tous les cas une hyperbole, si le plan est parallèle au plan des deux droites, et une ellipse, si le plan est parallèle à l’un des deux plans bissecteurs des angles des deux droites.

Troisième cas. Les deux droites ne sont pas situées dans un même

planetkest > ou < 1.

Propriété du lieu demandé. Le lieu géométrique dont les distances de chaque point à deux droites non situées dans un même plan, sont dans le rapport constant k, est un hyperboloïde à une nappe.

Démonstration. Nous présenterons d'abord la solution de la question proposée pour #, plus grand ou plus petit que l'unité, et nous examinerons à part les modifications que subit cette solution, lorsque k est égal à l'unité.

Par la plus courte distance entre les deux droites proposées, menons deux plans, l’un perpendiculaire à la première droite, l'autre perpendicu- laire à la seconde droite. Ces deux plans, étant pris pour plans de projec- ion, feront entre eux un angle supplément de celui des deux droites proposées; chaque droite se projettera en un point sur le plan auquel elle est perpendiculaire, et les perpendiculaires à cette droite se projetteront dans leurs véritables grandeurs sur ce même plan. Ces propriétés sont indépendantes de l'angle que les plans de projection font entre eux, pourvu que l’on projette orthogonalement.

Comme la considération des plans bissecteurs des angles, que font les plans de projection, nous deviendra nécessaire dans le courant de la dé- monstration, nous conviendrons de les nommer simplement plans bissec- teurs et de désigner par B celui dont les deux projections de chaque point coïncident, et par B celui dont les deux projections de chaque point sont

DU SECOND DEGRÉ. 17

de part et d'autre à égale distance de la ligne de terre. Cela convenu, passons à la représentation des données.

Soit le point D, pris sur la ligne de terre (fig. 1), la projection horizon- tale de la première droite qui-est perpendiculaire au plan horizontal de projection, et que nous désignerons par (D).

Soit le point D’, également pris sur la ligne de terre, la projection ver- ticale de la seconde droite qui est perpendiculaire au plan vertical de projection, et que nous désignerons par (D).

Les données étant représentées de la sorte, si n, n! sont respectivement les projections horizontale et verticale d’un point de l’espace, xD sera la projection horizontale de la distance du point (n, n’) à la droite (D), et n'D’ la projection verticale de la distance du même point à la droite (D’); et comme les projections de ces distances sont respectivement égales à ces distances mêmes, il en résulte que, si le point (n, n') appartient au lieu demandé, l’on aura

Din Dh rbre eme un(e)

et réciproquement, si cette relation a lieu entre les deux projections n,n! d’un point de l'espace, ce point appartiendra au lieu demandé.

Cette considération ramène l’objet de nos recherches à un problème des deux dimensions et nous permet de démontrer que le lieu en question est une surface gauche doublement réglée et partant un paraboloïde ou un hyperboloïde à une nappe.

Ayant décrit la circonférence de cercle »m m', dont les distances de cha- que point aux deux points fixes D, D’ sont dans le rapport constant k, de sorte que l’on a pour un point quelconque a de cette circonférence

CON GDE = MODEM

si l’on considère le cylindre vertical projeté dans cette circonférence, les

deux plans bissecteurs B, B' couperont ce cylindre dans deux ellipses E, E’ qui font partie du lieu demandé.

En effet, soit (4, a) un point de ce cylindre; ce point est situé dans le plan Tome XXI. 3

18 SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES

bissecteur B, à cause que ses deux projections coïncident, et il appar- tient, d’après (+) au lieu demandé, à cause que l’on a

aD : aD’ k.

Soit (a, a’) (fig. 2) un point du même cylindre, mais situé dans le plan bissecteur B', ce qui donne a1— a"); ce point appartiendra au lieu de- mandé, à cause de la proportion

aD : aD’ = k,

que l’on déduit du rapport précédent en y remplaçant aD’ par son égal a'D”.

Les deux ellipses E, E’ que nous venons de déterminer, nous permet- tent de faire voir que le lieu demandé est composé de deux systèmes de droites.

Par le point a (fig. 1), qui représente les deux projections d’un point de l’ellipse E, ayant mené na perpendiculaire à «D, et n'a perpendiculaire à al, je dis que la droite de l’espace, qui a respectivement pour projec- tions horizontale et verticale na et n'a, fait partie du lieu cherché. Pour qu'il en soit ainsi, il faut que, pour un point quelconque (n,n') de cette droite, on ait la relation

nD:nD=k . .. . . (2

Or, les deux triangles nan! et DaD’ sont semblables, comme ayant leurs trois côtés respectivement perpendiculaires, et donnent la proportion

na : aD = n'a : al)’,

d’après laquelle les deux triangles rectangles naD, n'aD', dont les hypo- ténuses ne sont pas tracées sur la figure, sont également semblables et fournissent cette autre proportion, dont le dernier rapport d’après (1) est égal à k,

nD :; n'D' aD : aD' k,

DU SECOND DEGRÉ. 19

laquelle prouve lexactitude de la relation (2) : donc la droite (na, n'a) appartient au lieu cherché.

Toutes les droites construites d’après le même procédé constituent une surface gauche.

En effet, soient (fig. 5) les deux droites quelconques (na,n'a), (nb,n'b), construites comme nous venons de l'indiquer, et supposons que le point n, intersection de leurs projections horizontales, puisse se trouver sur une même perpendiculaire à la ligne de terre avec le point »’, intersection de leurs projections verticales, il en résultera que les deux triangles nan’, DaD' sont semblables et donnent

na : aD = nn’ : DD’;

que les deux triangles nbn!, DbD' sont semblables et donnent nb1:.bD —= "nn"; DD':

Ces deux proportions fournissent cette troisième : na : aD nb : bD,

de laquelle résulte que les deux triangles rectangles naD, nbD sont sem- blables ; et comme ils ont même hypoténuse nD, ils sont égaux, et l'on a

na —= nb, et n'a = nb,

ce qui est impossible, à moins que b ne coïncide avec a, ce qui n'est pas; donc la supposition que n et n' puissent se trouver sur une même perpen- diculaire à la ligne de terre, est également impossible, et partant, les deux droites (na,n'a), (nb, n'b) ne sauraient se couper; et comme elles ne peuvent pas non plus être parallèles, elles ne sauraient donc jamais être dans un même plan ; donc, etc.

L'ellipse E’ va nous servir pour construire le second système de droites, satisfaisant au lieu demandé.

Soit a, a! (fig. 2) les deux projections d’un point quelconque de l’el-

20 SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES

lipse E’; ayant mené na perpendiculaire à aD et n'a perpendiculaire à a'D', je dis que la droite (na, na’) ayant respectivement pour projections horizontale et verticale na et n'a!, appartient au lieu cherché, c’est-à-dire que pour un point quelconque (n, n') de cette droite, on aura toujours la relation

DD ND = Kb ed)

Et, en effet, si l’on mène an!’ perpendiculaire à al)’, on pourra considérer na, n''a comme les deux projections horizontale et verticale d’une droite de la surface gauche déterminée plus haut; on aura donc, pour le point (n,n’') de cette droite, l'égalité

nDenD— Er

Or, d’après la figure, on reconnaît facilement que n''D' n'D'; et en rem- plaçant »''D'par son égal n'D’, l'égalité précédente devient

nD : nD' = #4,

laquelle coïncidant avec l'équation (4), prouve la validité de cette dernière. Donc la droite (na, n'a’) menée par un point de l’ellipse E’ et toutes celles construites d’après la même loi par les différents points de cette courbe, appartiennent au lieu demandé.

Faisons remarquer que l’on passe de la droite (na, n''a) menée par le point (a, a) de l'ellipse E, à la droite (na, n'a’) menée par le point (a, a’) de l'ellipse E’, en faisant tourner n''a autour de la ligne de terre, comme pour la rabattre en deçà de cette ligne.

Au moyen de cette remarque, on prouvera facilement que deux droites construites d’après la même loi que (na, n'a'), et menées par deux points quelconques de l’ellipse E’, ne sont jamais dans un même plan et par suite que la surface formée par toutes ces droites est également gauche.

Il nous reste à faire voir que les deux surfaces gauches que nous venons de déterminer, ne forment qu’une seule et même surface: et pour cela qu’une droite quelconque de la première surface gauche rencontre tou-

DU SECOND DEGRÉ. 21

jours une droite quelconque de la seconde. Soit (fig. #4), (na,n'a) une droite de la première surface gauche et (nb,n'b') une droite de la seconde ; je dis que le point x, intersection de leurs projections horizontales, et le point »’, intersection de leurs projections verticales, se trouvent toujours sur une même perpendiculaire à la ligne de terre.

En effet, si nn n'est pas perpendiculaire à la ligne de terre, soit nyx cette perpendiculaire. Cela posé :

Pour le point (n,x) situé sur la droite (na, n'a), on a

nD : xD’ = k; pour le point (n, y) situé sur la droite (nb,n'b'), on a ADESUDE NE

De ces deux égalités on déduit que l’oblique xD’ l'oblique yD'; ce qui n'est possible que dans le cas x et y seraient situés de part et d'autre et à égale distance de la ligne de terre.

Mais dans ce cas a devrait coïncider avec b, les projections horizontales na, nb se confondraient, les deux droites seraient situées dans un même plan et il n’y aurait pas lieu à démonstration. Ainsi a ne coïncidant pas avec b, il est impossible que la droite ny soit perpendiculaire à la ligne de terre; donc nn’ est cette perpendiculaire, et partant les deux droites (na,n'a), (nb,n'b') se coupent et sont dans un même plan.

Le lieu cherché étant une surface doublement réglée, qui est coupée par les plans B,B' suivant deux courbes fermées (ellipses), ne peut être qu'un hyperboloïde à une nappe.

Il est facile de s'assurer que la ligne de terre, plus courte distance entre les deux droites (D), (D'), est normale à l'hyperboloïde aux deux points m, m' dans lesquels elle le rencontre.

Corollaire À. La courbe à double courbure, intersection de deux CY- lindres de révolution de rayons différents et ayant respectivement pour axes deux droites non situées dans un même plan , appartient à l'hyperbo-

22 SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES

loïide à une nappe, lieu des points de l'espace dont le rapport des dis- tances respectives aux deux droites est constant et égal à celui des rayons des deux cylindres.

En faisant varier les rayons des deux cylindres, sans faire varier leur rapport, l'ensemble des intersections successives des deux cylindres con- stituera l’hyperboloïde mentionné.

De on déduit aussi que le plan mené par les deux perpendiculaires abaissées d’un point quelconque de l'hyperboloïde sur les deux droites proposées, est un plan normal en ce même point à l'hyperboloïde; car l’une des perpendiculaires est normale au premier cylindre et l’autre au second cylindre; donc leur plan est perpendiculaire à la tangente en ce point à la courbe d’intersection des deux cylindres, et par suite normal à l’hyperboloïde.

Corollaire 2. Du corollaire précédent résulte cette autre propriété, qui n’a pu être établie jusqu'ici que par l'analyse, mais qui n’a plus qu'un intérêt scientifique dans la théorie des engrenages, depuis le travail de M. Olivier sur cette matière. Cette propriété consiste en ce que de toutes les droites qui s'appuient sur les deux droites proposées, la plus courte distance entre celles-ci est la seule normale à l’hyperboloïde.

En effet, supposons qu'une droite d, s'appuyant à la fois sur les deux droites proposées D, D', soit normale à l’hyperboloïde en un point m. Ayant abaissé du point m deux perpendiculaires p, p' sur les deux droi- tes proposées D, D’ respectivement, le plan de ces deux perpendiculaires sera, d’après le corollaire précédent, normal au point m à l'hyperbo- loïde, et, comme tel, devra renfermer la droite d qui est normale au même point m à l'hyperboloïde. Ainsi, les trois droites p, p' et d, partant du même point m, devront être dans un même plan; or, cela est impossible; car il en résulterait que les deux droites proposées D, D', dont chacune ren- contre d et l’une des deux perpendiculaires p, p', seraient dans ce même plan, ce qui est contraire à la définition des deux droites proposées D, D’. Donc il est impossible en général qu’une droite qui s'appuie sur les deux droites proposées puisse être normale à l'hyperboloïde. Mais cette impos-

DU SECOND DEGRÉ. 23

sibilité disparaît, c’est-à-dire que les trois droites p, p' et d pourront être dans un même plan, sans que les deux droites proposées D, D’ y soient, lorsque la droite d coïncide avec la plus courte distance entre les deux droites proposées : alors les trois droites p, p', d coïncident ; tout plan, passant par d, renfermant nécessairement p et p', sera un plan normal, et partant d sera normal à l’hyperboloïde.

Cette démonstration convient également au paraboloïde hyperbolique dans lequel se convertit l'hyperboloïde que nous venons de déterminer, lorsque k 1.

Corollaire 3. Si un point se meut dans un plan donné, de manière que ses distances à deux droites non situées dans un même plan, soient dans le rapport constant #, il décrira une courbe du second degré, in- tersection du plan donné avec l’hyperboloïde à une nappe mentionné.

Troisième cas. Les deux droites ne sont pas situées dans un même plan

et k 1.

Propriété du lieu demandé. Le lieu des points de l’espace, dont chacun est à égale distance de deux droites non situées dans un même plan, est un paraboloïde hyperbolique droit ayant pour plans directeurs les deux plans bissecteurs ! des angles formés par ces deux droites.

Démonstration. La circonférence (fig. 6) dont le rapport des dis- tances de chaque point aux deux points D, D’ est égal à k, et que nous avons considérée dans le cas précédent, se réduit, pour k 1, à la perpendicu- laire a élevée par le milieu à de DD’. Le cylindre vertical projeté dans cette circonférence, se réduit donc ici au plan perpendiculaire élevé par le milieu de DD’. Ce plan perpendiculaire, projeté en «, est coupé par les deux plans bissecteurs B,B’ en deux droites que nous désignerons par 9, »

1 Par plans bissecteurs des angles de deux droites non situées dans un même plan , nous enten- dons les deux plans menés par la plus courte distance entre ces droites et sur chacun desquels ces droites sont également inclinées.

2% SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES

et qui correspondent respectivement aux deux ellipses E, E du cas pré- cédent. Les génératrices des deux surfaces gauches que l’on construira par le moyen des deux droites 9, 9’ seront, ainsi que nous le ferons voir, respectivement parallèles aux deux plans bissecteurs B,B', et par suite le lieu composé de ces deux surfaces sera un paraboloïde hyperbolique.

En effet, ayant pris sur la droite 9, située dans le plan bissecteur B, le point quelconque (a, a), si lon mène na perpendiculaire à aD et n'a perpen- diculaire à al)’, la droite de l’espace (na, n'a) appartiendra au lieu demandé. Or, les deux projections de cette droite font, chacune, le même angle avec la ligne de terre; donc cette droite et toutes celles construites, d’après la même loi, par les différents points de la droite à, sont pa rallèles au plan bissecteur B'. De même, ayant pris sur la droite d', située dans le plan bis- secteur B’, un point quelconque (a, a') (fig. 7), on aura toujours @ = a!}, et si l'on mène na perpendiculaire à aD, et n'a' perpendiculaire à a'D', la droite de l’espace (na, n'a’) appartiendra au lieu demandé; or, il est facile de s'assurer que les deux projections na, n'a' de cette droite sont parallèles, et par suite que cette droite est parallèle au plan bissecteur B.

Les deux systèmes de droites, qui composent le lieu demandé pour k À, étant respectivement parallèles aux deux plans bissecteurs B, B', le lieu demandé est un paraboloïde hyperbolique ayant pour plans direc- teurs les plans B, B'. Ce paraboloïde est de plus droit, à cause que les deux plans bissecteurs B, B’ sont toujours perpendiculaires entre eux.

Il ne nous reste plus qu'à faire remarquer que les plans bissecteurs B, B' des angles des plans de projection sont aussi les plans bissecteurs des angles des deux droites proposées.

Corollaire 1. Deux cylindres de révolution de rayons égaux et ayant respectivement pour axes deux droites non situées dans un même plan, se coupent suivant une courbe qui existe sur le paraboloïde hyperbolique droit, lieu des points de l’espace à égales distances de ces droites.

Corollaire 2.

deux droites non situées dans un mème plan, le centre se mouvra con-

Si une sphère variable de rayon touche constamment

DU SECOND DEGRÉ. 25

stamment sur le paraboloïde hyperbolique droit, lieu des points de l'espace à égales distances de ces deux droites.

Corollaire 3. Si le centre de la sphère est, de plus, assujetti à se mou- voir dans un plan donné, il décrira, dans ce même plan, une parabole ou une hyperbole, selon que le plan est parallèle ou non à la plus courte distance entre les droites proposées. En effet, la courbe décrite ne sera autre que la section faite dans le paraboloïde hyperbolique par le plan donné; et cela étant, il suffit de rappeler , pour reconnaître la nature de la courbe, que la plus courte distance entre les deux droites proposées est l'intersection des deux plans directeurs du paraboloïde hyperbolique.

Corollaire 4. Le corollaire précédent donne aussi la solution de cette autre question : « déterminer l’axe du canal engendré par une sphère va- riable de rayon, laquelle est assujettie dans son mouvement à toucher à la fois deux droites données et à avoir son centre constamment dans un plan

donné.

Corollaire 5. Par deux droites non situées dans un même plan, on peut faire passer une infinité d’hyperboloïdes de révolution à une nappe !.

Les axes de tous ces hyperboloïdes constituent un paraboloïde hyper-

4 Si en un point quelconque de l’espace on construit un triangle isocèle dont les côtés égaux soient respectivement parallèles aux deux droites proposées, les deux côtés de ce triangle isocèle, etpar suite les deux droites proposées, seront inclinées également sur chacun des plans, en nom- bre infini, que l'on peut conduire par la base de ce triangle isocèle.

Or, lorsque deux droites, non situées dans un même plan, sont inclinées également sur un plan, elles appartiennent toutes deux à un même hyperboloïde de révolution à une nappe, dont l'axe est perpendiculaire à ce plan et qui jouit de la propriété d'avoir chacun de ses points à égale distance de ces deux droites.

En considérant un plan quelconque sur lequel les droites proposées ont la même inclinaison, comme plan horizontal , si, après avoir construit deux horizontales, dont chacune s'appuie à la fois sur les deux droites, on élève par le milieu de chaque horizontale un plan perpendiculaire, qui sera vertical : l'intersection de ces deux plans verticaux sera l'axe de l'hyperboloïde passant par ces deux droites.

Towe XXI. 4

26 SUR DIVERS LIEUX GÉOMÉTRIQUES, erc.

bolique droit, lieu des points de l’espace dont chacun est à égale distance de ces droites. Cela résulte de ce qu’un point quelconque de Faxe d’un hyperboloïde à une nappe est à égale distance de deux génératrices rec- tilignes quelconques de cet hyperboloïde.

CONCLUSIONS.

Le lieu géométrique dont les distances de chaque point à deux autres lieux donnés sont dans le rapport constant £, chacun des lieux donnés étant à volonté ou un point, ou une droite, cu un plan, est une surface du second degré.

Le lieu géométrique plan dont les distances de chaque point aux mé- mes lieux donnés sont dans le rapport constant k, est une courbe du second degré.

FIN.

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NOUVELLES CONJECTURES

LA POSITION DU CAMP DE Q. CICÉRON,

A PROPOS DE LA DÉCOUVERTE

D'ANCIENNES FORTIFICATIONS A ASSCHE.

DESCRIPTION DE CES FORTIFICATIONS ; PAR

M. Louis GALESLOOT.

Toue XXI. 1

ee

SUR

LE CAMP DE QUINTUS CICÉRON.

Un passage du livre V des Commentaires de César, ce général dit que, lors de la prise de ses quartiers d'hiver, à la fin de la quatrième campagne des Gaules, il envoya séjourner une légion parmi les Nerviens, a été un sujet de contestation entre plusieurs écrivains. Il s'agissait de fixer l'emplacement du camp qu’occupa cette légion dont Q. Cicéron avait le commandement. Miræus, Boucher, Vinchent, et Dewez après eux, ont placé ce camp à Mons; Wendelin à Vaudrez, entre Mons et Binche; De Schriek à Velsig, entre Gand, Alost et Audenarde; d’autres se sont ha- sardés à désigner Tournay ; enfin M. Baert ! l’a fixé à Castres, village situé à 2 lieues de Hal; tandis que MM. Des Roches et Roulez, le plaçant à 4 lieues plus vers le Nord-Est, se sont décidés à choisir la commune d’Assche comme le théâtre de la mémorable défense de Q. Cicéron.

Il n’est peut-être pas dans l’histoire une tâche plus ardue que celle d'établir la vérité d’une manière irréfragable dans les questions du genre de celle qui nous occupe. Il n’est pas non plus de questions qui donnent plus de prise aux discussions, lesquelles, en définitive, ne conduisent sou-

Mémoire sur les campagnes de César dans la Belgique, et particulièrement sur la position du camp de Q. Cicéron chez les Nerviens, etc., publié, avec des notes, par M.Roulez. Louvain, 1855, in-4°.

4 SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON.

vent qu'à des solutions très-hypothétiques. C’est qu’en réalité, alors que des siècles se sont écoulés entraînant avec eux leurs inévitables révolutions à la suite desquelles l'aspect moral et matériel d’un pays se présente sous des phases toujours nouvelles ; alors, disons-nous, l'incertitude vient pren- dre une trop large part dans des débats historiques qui rentrent forcément dans son domaine. Ceci s'applique surtout à la géographie ancienne, qui, bien qu'étayée par les ouvrages d'hommes remarquables, tels que Pline, Strabon, Ptolémée et autres, n’en occasionne pas moins des débats conti- nuelsentre les savants, et principalement en ce qui concerne l’état des Gaules dans l’antiquité. La pauvreté des documents qui nous restent , est cause en grande partie, de cet état de choses, la plupart des ouvrages anciens ne nous étant parvenus que par lambeaux. A défaut de sources plus cer- taines, il faut naturellement que celui qui désire étudier la géographie des Gaules, s'attache à ce que l'antiquité nous a transmis de plus parfait dans ce genre de travaux. Nous voulons parler des commentaires de César. Aussi ont-ils été amplement discutés et commentés par les géographes modernes. Malheureusement le but principal du général romain est de narrer les faits; les détails géographiques ne servent qu’à l'intelligence de ces mêmes faits. D'accord en cela avec la grandeur de son entreprise, il ne voit que les peuples et les limites dans lesquelles ils sont renfermés. Les localités ne lui importent que pour autant que des obstacles l’arrêtent dans sa marche rapide. Enfin, César passe et repasse des rivières, souvent considérables , sans daigner les nommer. Que de points éclaircis pour nous s’il était entré dans plus de détails ! Et néanmoins l’on ne peut s'empêcher d'admirer les Commentaires de ce grand homme qui, au milieu de tant de périls et de travaux, sut encore consacrer ses rares loisirs à des détails géographiques, lesquels, bien qu'incomplets, n’en resteront pas moins un sujet d’admiration, eu égard aux difficultés qu'il dut rencontrer avant de pouvoir les mettre au jour. D'un autre côté, les savants ont reconnu que les écrits de César ont se ressentir de ces mêmes difficultés. De ont surgi, de nos jours, ces discussions fatigantes et sans résultat définitif sur la situation contestée de différentes villes, et sur les limites de plusieurspeu- ples de nos contrées. Heureusement, ces débats ne sont pas d’une telle im-

SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. b)

portance pour les annales de l'humanité, que la connaissance de l’état moral d’une nation dépende de la manière dont on les envisage : ils sont, nous semble-t-il, purement secondaires sous ce point de vue.

Quoi qu’il en soit, si j'ai parlé de la question historique qui se rattache à l'emplacement qu'occupa le camp de Cicéron, c’est que j'ai cru devoir le faire à propos de la découverte que je fis de vestiges de fortifications sur lesquelles un de nos plus illustres savants , M. Des Roches, a appuyé ses raisonnements dans ces circonstances !. Ce fut vers la fin de l’an 1845 que je retrouvai ces vestiges, situés à un mille d’Assche l'Ouest du vil- lage) et qui sont signalés dans l'ouvrage de Van Gestel comme les restes d’un camp romain ?. De prime abord je reconnus que les antiquaires du siècle passé ne s'étaient point trompés. La configuration du terrain porte si évidemment les traces de la main de l’homme qu'il est impossible de s’y méprendre. Mais, ce qui milite surtout en faveur de notre supposition, c’est la dénomination même sous laquelle on désigne ces fortifications. L'endroit qu’elles occupent est porté sur toutes les cartes avec la qualifi- cation de Borghstadt, c'est-à-dire ville fortifiée. C’est ainsi que les camps romains établis le long de la Somme, en France, ont retenu, l’un le nom de Castelet, l’autre de Petit-Castel, etc. 5. Tout le monde sait parfaitement bien que les Romains préféraient, pour leurs retranchements , la forme carrée, qu'ils mettaient au-dessus de toutes les autres. Cependant les acci- dents du sol modifiaient souvent leurs principes là-dessus. C’est ce dont on peut se convaincre en consultant la dissertation de M. d’Allonville, à la- quelle se trouvent joints plusieurs plans. Les camps qu’il décrit, un seul

1 Histoire ancienne des Pays-Bas autrichiens, t. I, p. 139 et suiv. M. Des Roches parle du camp d’Assche, de manière à faire douter qu'il l'ait vu lui-même.

2 Hist. Archiep. Mechlin., t. W, p. 150. Personne, que je sache, ne s'est plus occupé de ce monument, qui est resté ignoré depuis le siècle passé. Cela s'explique par les diflicultés qu'on éprouve de bien saisir l'ensemble des lieux. Ce sont ces difficultés qui ont empêché que le camp d'Assche ne fût reconnu, il y a plusieurs années, par un de nos généraux qui résida dans ce bourg pendant deux mois, et qui s'occupa, semble-t-il, d'une manière fort active, à faire des recherches archéologiques. Mais il convient d'ajouter que les habitants de la commune ignoraient compléte- ment l'existence de ces fortifications ; il fallait donc en quelque sorte les retrouver.

5 Voyez la Dissertation historique sur les camps de la Somme, par M. le comte d'Allonville , préfet de la Meurthe, 1828. Ouvrage dédié à Charles X.

6 SUR LE CAMP DE (. CICÉRON.

excepté, sont établis suivant la nature des lieux; de sorte que leur con- figuration varie beaucoup. À Assche, il est évident que, tout en cherchant à tirer le meilleur parti des avantages que présente la localité, on s'est efforcé de donner à ces fortifications une forme carrée. L'emplacement À (voyez le plan), bien qu'il soit difficile de le distinguer au premier abord, se détache néanmoins du sol de manière à laisser reconnaître aisément son périmètre. C’est cet emplacement qui forme le camp proprement dit. Sa superficie est de 15 hectares 59 ares, 25 centiares ou 135,925,00 mètres carrés.

Il a pour défense : au Midi, un vallon B, en partie naturel, en partie artificiel, longeant un des quatre côtés du camp. Ce côté, comme on le voit sur le plan, suit la direction du vallon qui décrit une légère courbe. La partie regardant l'Ouest est défendue par un rempart élevé entièrement de main d'homme, C. Ce rempart qui, en certains endroits, atteint encore 5 à 6 mètres d’élévation, s’est parfaitement conservé la charrue n'a point passé. L'espace que l’on voit entre les plantations, D, s’est plus ou moins affaissé par la culture. Les montagnes nommées Put-Bergen, E, qui s'élèvent dans la grande vallée au fond de laquelle coule le ruisseau dit West-Beek, servent de retranchement avancé et contribuent avec cette même vallée à défendre l'approche du camp vers le côté que nous décri- vons. Le Nord était protégé par un rempart également artificiel, F, et dont le contour est déterminé par le vallon G, qui lui fait décrire une courbe assez prononcée. Cependant, je présume que les labours conti- nuels ont fait subir des modifications au terrain dans cet endroit. Ainsi je croirais volontiers qu’un angle a existé au point H. À partir de l'endroit le chemin sort du camp, vers l'Ouest, P, jusqu’à celui nous venons de placer l'angle H, le sol forme une pente douce qui vient se terminer au ruisseau dit West-Beek. Les Romains ont profité de ces circonstances pour établir un second rempart 1, qui aujourd’hui prend naissance vers l'Ouest et se prolonge jusqu’au vallon G. Ilest probable que ce double re- tranchement défendait jadis les deux côtés du camp, situés à l'Occident et au Septentrion, c’est-à-dire qu'il était établi parallèlement à toute la ligne des remparts C, F. Il est rasé à partir de la lettre K à la lettre L. La partie

SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 7

Orientale du camp me paraît avoir été la plus vulnérable. Il a fallu, dans cette direction, qu’on le mît à l'abri d’un coup de main par des travaux assez considérables, dont le soc de la charrue n’a laissé que de très-faibles traces. L’escarpement M qui, à l'angle H, est encore élevé de 4 à 5 mètres, va en s’abaissant jusqu’au chemin 0; il devient nul. Il se dessine in- sensiblement au delà de ce chemin, et atteint de nouveau jusqu’à 5 mètres d’élévation à l'endroit commence le vallon B. Le sol en avant du rempart que nous décrivons, est uni et n'offre plus aucun vestige qui puisse faire supposer qu'il y ait eu là, comme vers l'Ouest et le Nord, un deuxième retranchement. Et cependant, comme je l'ai dit, c’est cette partie des forti- fications quia être faite entièrement par l’art. Toutefois, il convient de signaler le vallon G qui s’avance vers le Nord-Est et qui protégeait une partie de la position Orientale du camp. Il en est de même des marais N, qu’on peut regarder comme de véritables obstacles à la prise d’une place. Peut-être que ces marais s’étendaient bien plus loin en ces temps re- culés.

Maintenant, si on considère l’ensemble des lieux, on verra que les Ro- mains avaient habilement disposé du terrain. L'emplacement À qu'ils choisirent, réunit à l'avantage d’une position très-élevée, au milieu d’une contrée fertile, celui d’être défendu par la nature au Nord et au Midi; de sorte que, pour l’isoler et en faire un plateau propre à l'assiette d’un camp, il avait fallu seulement élever les remparts C et M. Mais, ce qui est sur- tout à remarquer, ce sont les deux ruisseaux tracés sur le plan. Outre leur utilité, indispensable il est vrai, pour la provision d’eau (aquatio), c'était encore une excellente défense. Prenant tous les deux leur source à l'Est du camp, dans les marais voisins, ils coulent, l’un au Nord, l’autre au Midi de la place qu'ils enlacent dans leur cours tortueux et dont ils baignent les remparts B 1. Pouvait-on choisir un endroit avec plus de discernement ?

Il est aisé de voir que le camp d’Assche a été établi selon les règles prescrites par Végèce, partisan zélé de l’ancienne discipline romaine. Tout en profitant des avantages du sol, on lui a conservé une forme carrée. Les remparts artificiels, si sujets aux éboulements, prouvent par

8 SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON.

leur existence prolongée jusqu'à nos jours, qu'ils ont été construits avec la solidité ordinaire chez les Romains quand ils érigeaient ces impor- tants travaux. Grâce à cette solidité, ils ont su résister à toutes les causes de destruction. Quant aux remparts intérieurs, ils ont disparu, sauf cependant vers l'Ouest, C, ils se montrent faiblement. Cest de ce côté et au pied du rempart M, à l'Est, qu'ont exister les fossés d'enceinte qu'exige Végèce !. Au Nord et au Midi, ils étaient, me semble-t-il, inutiles, à cause des deux ruisseaux qui serpentent dans cette direction. Nous voyons, d’après le plan, que je dois à l’obligeance de M. Vander Rit, qu'un chemin traverse le camp qu'il partage en deux par- ties, dont l’une est beaucoup plus élevée que l’autre. Je croirais volon- tiers que ce chemin a toujours existé et qu'il conduisait aux portes du camp. Ainsi je présume que c’est à l'ouverture © qu'il faut rechercher la porte prétorienne, qui regardait toujours l'Orient. Par conséquent, la décumane aurait été située en face, à l'endroit P. Je n’oserais rien avancer quant aux autres portes; et si je me suis hasardé à désigner l'endroit © comme l'emplacement probable de la prétorienne, c’est que j'y ai été engagé par l'ouverture qu’on y voit et qui est précisément tournée vers l'Est. Enfin, je terminerai cette courte description en disant qu'on peut conclure, d’après la position admirablement bien choisie et l’importance des travaux, que les vestiges de fortifications situées non loin d’Assche sont les véritables restes d’un camp romain, du genre de ceux qu'ils nommaient castra stativa, c’est-à-dire camps à demeure fixe. L'état même des lieux rejetterait toute opinion contraire. Mais ces retranche- ments peut-on les considérer comme ceux qu'occupa Q. Cicéron avec sa vaillante légion? C'est une de ces questions qui offrent, comme je l'ai dit, des difficultés toujours croissantes à résoudre. Aussi me conten- terai-je de renvoyer le lecteur à une lettre que M. A. Wauters, archiviste de Bruxelles, a bien voulu me communiquer à cet égard. Cet auteur, qui se rallie entièrement à l'opinion de Des Roches et à celle de M. Roulez, se proposait précisément de traiter cet incident des commentaires de César

* Végèce, liv. IE, chap. VIIL. Les fossés étaient larges de 11, 45 et souvent de 17 pieds.

SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 9

dans un ouvrage dont les matériaux sont déjà réunis et qui verra bientôt le jour. Quant à moi, sans entrer dans les débats qui se rattachent à cette question historique, j'ajouterai que ce camp n’a pu être construit qu'à l’origine de la conquête, par un de ces nombreux événements mili- taires qui se perdent dans les opérations générales, et que l’histoire passe sous silence. Les postes militaires établis le long du Rhin et de la Meuse mettaient le territoire de l'empire à l'abri de toute insulte de la part des barbares. Les événements qui suivirent démontrent assez qu'ils étaient indispensables sur les bords de ces fleuves. Mais les fortifications dont il s’agit, situées au milieu des terres, sur les confins des vastes marais de la Ménapie, n'étaient opposées à aucune nation qui püût inquiéter les possessions romaines : d’où je conclus que c’est au séjour momentané d’une légion destinée, soit à soumettre, soit à contenir le pays, que ce camp doit probablement son origine. Le cas pourrait donc s'appliquer au campement de Cicéron en Nervie. En outre, si l’on admet les calculs parfaitement établis de M. d’Allonville, et qui s'accordent avec ceux de Juste-Lipse, on verra que l'emplacement que nous avons décrit (15 hect., 39 ares, 25 cent. 1) est à peu près celui que pouvait occuper une légion avec son matériel, ses ouvriers, ses valets d'armée, etc. (operarü, calones, impedimenta, etc. ?).

Mais, quelle que soit leur véritable origine, ces vestiges intéressants , qu'une culture perfectionnée respecte depuis des siècles, resteront toujours dignes de notre attention. Mieux que toute description, ils nous appren- nent ce que c'était que ces castra, que tous les peuples de l'antiquité, que les Grecs eux-mêmes ont admirés. Et il suffit de se transporter à une courte distance de Bruxelles pour retrouver un souvenir des légions romaines qui foulèrent le sol de notre pays, et qui, non loin de notre populeuse cité, au milieu de nos riantes campagnes, ont laissé un témoi-

1 Ou 52.97.66/100 arpents romains.

2 Jei encore les accidents du sol devaient naturellement modifier les principes admis. Ainsi je sup- pose qu'un terrain présentt toutes les qualités désirables pour établir un camp, c'est-à-dire qu'il offrit des retranchements naturels, on n'irait certes pas négliger ces avantages pour tirer au cor- deau un carré d'une contenance convenue, qui ferait perdre une partie de ces avantages.

Tome XXI. 2

10 SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON.

gnage authentique de la lutte dans laquelle ils s'engagèrent contre les anciens peuples de ces contrées.

Il ne sera peut-être pas sans quelque intérêt de m'occuper maintenant du bourg d’Assche même : c’est à double titre qu'il mérite l'attention des antiquaires. D'abord, par le monument qui a été décrit dans ces pages, ensuite par les travaux de colonisation que les Romains entreprirent sur son territoire.

NOTICE

SUR L'ÉTABLISSEMENT QUE LES ROMAINS ONT EU A ASSCHE,

Le village d’Assche, situé à 3 lieues Nord-Ouest de Bruxelles, est assis sur un magnifique plateau d’où la vue embrasse, dans tous les sens, un vaste horizon. Le sol y est d’une extrême fécondité. II doit cette fécondité à sa position élevée et à l’excellente qualité de la terre; ce qui me fait supposer que la culture y date d’une époque très-reculée 1. En outre, ce village est à proximité de l'Escaut. Tous ces avantages n'auront pas échappé à la sagacité des Romains, qui, mieux que toute autre nation, savaient profiter des ressources topographiques qu'offrait le pays ils portaient la guerre. Ces mêmes avantages les auront engagés à faire de cet endroit une position militaire en ne peut mieux choisie dans cette partie du Brabant qui pour lors dépendait du territoire des Nerviens. Plus tard, lorsque la conquête des Gaules fut définitivement achevée, probablement du temps d’Auguste, on jugea convenable de faire passer par cette contrée, rendue plus ou moins hospitalière par la présence des légions, une grande voie qui partait de Bavay et se rendait en Batavie. Cette voie, il est vrai, ne se trouve indiquée ni dans l'itinéraire d’Antonin, ni dans la carte de Peutinger; mais ces ouvrages, comme on sait, ne sont pas très-complets ?. Quoi qu'il en soit, ce n’est pas sans intérêt qu’au-

1 On voit, d'après le texte de César, que les Nerviens cultivaient des terres.

® La voie qui passe à Assche méritait, par les avantages qu'elle présentait aux armées, d’être portée sur ces deux routiers. Ce n’est done qu'un oubli qui a pu causer cette omission.

SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 11

jourd’hui encore nous parcourons les restes de cette vieille chaussée. Créée par un de ces efforts puissants de l'art romain, elle parcourt le pays qui est entre Mons et Assche en ligne directe, mais, arrivée à cette dernière localité, la trace s’en perd, et l’on en est réduit aux conjectures sur sa continuation. Cependant il n’est pas à supposer qu’elle s’arrêtät à Assche, cette destination s’accorderait peu avec l'importance de cette chaussée, importance dont nous pouvons juger par les matériaux qui ont servi à sa construction. Ces matériaux, qu’on retrouve encore à une assez grande profondeur, suffiraient seuls pour condamner cette hypothèse. En effet, ils sont en tout conformes à ceux que Bergier dit avoir été employés pour les grandes voies de l'empire. Je les ai attentivement examinés. Ce sont, pour la première couche (statumen), de grandes pierres blanches qui soutiennent d’autres couches dont les pierres sont de moindre dimension (rudus et glareus). Or, ce n’est que dans les routes militaires qu’on employait ces masses énormes transportées à force de travaux et de persévérance dans des lieux marécageux et sauvages, comme l’était une bonne partie de la Belgique à cette époque. Cela se pratiquait ainsi à la différence des che- mins vicinaux, dont la destination était de moindre importance !.

Le père Boucher dit positivement, dans son Belgium romanum , que cette chaussée aboutissait à Utrecht. C’est aussi l'opinion de Des Roches, qui prétend avec Bergier que ce fut cette même voie que parcourut Tibère, lorsqu'il se rendit auprès de son frère Drusus qui était malade en Germanie. Pline raconte l'extrême célérité qu’il mit dans ce voyage. Telle était, selon toute apparence, sa véritable destination. Et, à en juger par les événements qui se passèrent à cette époque, elle aura été construite, comme toutes celles qui partent de Bavai, par les ordres d’Auguste et sous la direction d’Agrippa. On sait que l’heureux Octave, guidé par une politique habile, et désireux de suivre les traces de César, avait médité la

1 11 semble qu'il y a lieu de s'étonner en voyant ainsi s'effacer du sol, comme c'est ici le cas, ces voies indestructibles, monuments d'une si grande utilité et qui attestent, dans les trois parties du monde alors connu, de leur surprenante solidité. Ce serait mêmeune chose inexplicable, si on ne son- geait , d'un autre côté, que la civilisation gagnant de proche en proche, après que les peuples se fu-

rent groupés dans un certain espace de pays, on put aisément se passer de ces monuments remar- quables, destinés, chez les Romains, à ne former du monde qu'un tout dont Rome était le centre.

12 SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON.

conquête de la Germanie. Il fallut nécessairement soumettre la Batavie pour accomplir cette grande entreprise. Drusus, chargé de cette mission, eut la gloire d'y réussir. C’est à lui et à son fils que les Romains durent leurs premiers établissements dans cette contrée; ces établissements con- tribuèrent beaucoup à faire sentir la puissante étreinte de Rome aux Germains et à les contenir dans les limites que la nature avait mises entre eux et la maîtresse du monde. Mais les revers qu'éprouvèrent les armes. romaines en Germanie, déjà sous le règne d’Auguste, firent voir clairement que la conquête de cette vaste contrée était une entreprise des plus difficiles. D'ailleurs l'indiscipline commençait à se montrer dans les légions. IE fallut donc sinon soumettre les Germains, du moins les empêcher d’enva- hir le territoire de empire. De l'occupation de toute la ligne du Rhin et du Nord de la Batavie, de aussi toute l'énergie que Rome déployait pour mettre ses frontières à couvert des invasions dans cette partie de l'Eu- rope. C’est dans ce but, selon toute probabilité qu'aura été construite 1x voie qui passe par Assche. Elle liait les établissements romains de la Hol- lande, au centre des Gaules, par sa communication directe avec Bavaï, et avait en outre l’avantage, comme la chaussée qui se rendait à Cologne, de pouvoir transporter directement sur le Rhin tel renfort de troupes que le salut de l'empire aurait pu exiger. La politique romaine sentait tellement la nécessité de faciliter les moyens de diriger ses légions d’une frontière de l'empire à l’autre, qu’elle ne négligea aucun sacrifice pour atteindre ce but important. C’est ainsi que L. Vetus qui, sous Néron, commandait avec Paullinus Pompéius les légions stationnées le long du Rhin, proposa de joindre la Moselle à la Saône par un canal, afin d’aplanir les obstacles que présentait le trajet par terre aux troupes qui se rendaient de lftalie sur les côtes de l'Océan 1.

En admettant donc que la route romaine qui nous occupe se rendit

1 Tac. Ann., page 510. éd. de Leipzig, au Hiv. XIE, ch. 55. Vetus Mosellam atque Ararim, facta inter utrumque fossa, connectere parabat, ut copiae per mare (Va Méditerranée) dein Rha- dano et Arare subvectae , per eam fossam, mox fluvio Mosella in Rhenum, exin Oceanum decur- rerent : sublatisque itinerum difficultatibus navigabilia inter se Occidentis Septentrionisque lit- tora fierent.

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en Batavie, je pense qu'il conviendrait de présenter ici nos conjectures sur le genre d'établissement que les Romains ont eu à Assche.

Le silence complet des documents littéraires du temps nous met dans l'impossibilité de rien préciser d’une manière absolue à cet égard. Cepen- dant, après avoir examiné attentivement les localités, il m'a semblé que ce village réunissait toutes les conditions qui pouvaient le faire regar- der comme ayant été, sous la période romaine, ce que les lois sur les grands chemins de lempire nommaient une mansio ou station. C'était, comme on le sait, un relais les voyageurs trouvaient des hôtelleries et l’État nourrissait des chevaux destinés au transport des dépêches et à tout ce qui pouvait intéresser le service public. On ÿ entretenait aussi des chariots à l'usage des empereurs et des fonctionnaires de État. Elle différait des mutationes, en ce que celles-ci étaient situées à une distance plus rapprochée les unes des autres, et servaient de relais seulement. Les mansiones étaient espacées à une journée de marche et formaient ordinai- rement une bourgade. Non erant insulae, dit Pitiscus !, aut domus et aedes solitariae, ac singulares, sed villae ac vici toti, quos mansionum nomine voca- bant, quod ibi cursores publici imperatoris mancrent sive interquiescerent et, sta- tiva nocturna haberent. Et puis : taque tam mutationes quam mansiones fuerunt extra urbes ac civitates; uti in villis, vicis, alisque locis immunitis ac facilis aditus; ad quae loca noctu, diuque cursu publico commodô accedere licuit, et sine ulla temporum mora equos cursuales citù mutare ad persequendum iter. Neque enim mutationes et mansiones cursus publici roman quaerendae sunt in colonüs, municipüs, praefecturis civitatibusque foederatis, sed in vicis aut vil- lis, etc., etc. Le passage qui précède et que j'ai expressément transcrit en entier, convient parfaitement au village d’Assche. Ce serait donc une supposition fort vraisemblable que de regarder cette localité comme ayant formé une station qui aura pris naissance lors de la création de la voie dont nous avons parlé. L’heureuse position des lieux confirme cette sup- position. Mais à en juger par les débris de constructions antiques qu'on voit encore à la surface du sol, je ne pense pas que sa destination se

1 Jn verbo Mansio et Mutatio, Læxicon ANtQ. roman. £r nage. Voyez aussi Bergier, ist. des grands chemins de l'empire.

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soit bornée à cette espèce d'établissement. L’étendue considérable de ter- rain qu’ils occupent, les nombreuses pièces de monnaie romaine qu'on a trouvées de tout temps à Assche !, nous démontrent clairement qu'il a existé en ces lieux, au moins un gros bourg. Mais, comme nous l’avons dit, le silence des documents nous défend de pousser trop loin nos con- jectures. Néanmoins, en jetant les yeux sur notre carte, on est forcé de reconnaître la sagesse qui présidait aux travaux des Romains dans leurs colonies. C’est ainsi que les établissements qu'ils disposaient sur leurs immenses voies animaient les solitudes qu’elles parcouraient. Ils tendaient, de plus, à faciliter les communications avec l’intérieur du pays, comme c’est ici le cas. Plusieurs grands chemins vicinaux qui ne peuvent dater que de la période romaine, aboutissent encore à Assche. Tel est celui qui se dirige vers Vilvorde, en passant par les limites des communes de Zel- lick, Laeken, Wemmel, Strombeek, etc. ; il est nommé dans un diplôme de 1227; inséré dans le recueil de Miræus?, Strata regia. Un autre chemin se rend à Malines et passe par Bollebeek, Brusseghem, Meysse, Beyghem, Humbeek, etc. Les paysans le désignent par le nom de Oude- baen , Heere-straet. Ce n’est pas cependant la continuation de la voie mili- taire qui passait probablement par Merchtem, Londerzeel, Ruysbroeck et de au-dessus du Ruppel. Il est à supposer que ces chemins allaient abou- tir à d’autres établissements dont le temps a fait disparaître les vestiges 5. Des communications ont également exister entre Assche et l'Escaut, qui coule à 3 lieues de là. Nombre de localités, situées entre ce village et Ter- monde, ont retenu les noms de Brede-straete, Lange-straete, Hoog-straete; ces dénominations proviennent sans doute d'anciennes routes qui parcouraient ce pays. Tout cela prouve clairement que l'établissement d’Assche était un centre actif de relations avec le pays circonvoisin qu'il tendait natu- rellement à fertiliser; ce qui, pour les Romains, était d’une indispensable

1 Van Gestel, Æist. Archiep. Mechlin., t. IL. p. 150.

2 Oper. diplom., t. WE, p. 991.

5 On a découvert des antiquités romaines à Elewyt et à Saventhem près de Vilvorde, à Afli- ghem, à Mespelaere, l'on trouva un trésor considérable. Depuis l'envoi de ce rapport à l'Aca-

démie royale, j'ai retrouvé des restes de constructions romaines occupant un espace assez considé- rable dans le premier de ces villages.

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nécessité, puisque nous savons par Tacite, que les huit légions stationnées le long du Rhin tiraient leurs subsistances des Gaules. Ajoutez à cela la position d’Assche sur une grande chaussée dans un endroit celle-ci avait plusieurs ramifications, et l’on sera forcé de convenir de l'importance de ce bourg à cette époque. Ce qui fonde en quelque sorte nos conjectures c’est : sa durée probable; l'usage soutenu que l’on semble avoir fait de cette chaussée dont les abords étaient sans doute cultivés. Je tire la pre- mière preuve des nombreuses pièces de monnaies trouvées à Assche sur l'emplacement même qu’occupèrent les constructions romaines. Ces mon- naies ! sont à l’effigie de différents empereurs ?, à partir d’Auguste jusques et y compris Anastase [«, qui mourut en 518 de Jésus-Christ; ce qui indique que ce bourg aura survécu à l'invasion des barbares. Quant à la seconde preuve, je m'en suis convaincu moi-même. Chaque fois qu'il m'est arrivé de parcourir les restes du chemin dont il est ici question, j'ai tou- jours découvert, dans les champs qui l’avoisinent, des débris de construc- tion, tels que tuiles, briques et fragments d’amphores qui ne pouvaient provenir que de métairies. C’est surtout à Castre que ces débris appa- raissent en quantité. Point de doute qu'il n’y ait eu un établissement datant de la période romaine5. C'était peut-être un relais. Ce qui donne lieu de le croire, c’est la grande quantité de fers de chevaux et surtout de mu- lets qu'on y a découverts récemment à 8 pieds de profondeur #. On y a aussi déterré des fragments de cuivre assez bien travaillés. Je suppose qu'ils appartenaient à des harnais de chars. Une tradition très-répandue chez les habitants de Castre leur fait regarder ce village comme ayant été jadis une ville. Y a-t-il lieu de croire, d’après l’étymologie du nom, que cet endroit a servi à l'emplacement d’un camp? Enfin, le hasard a encore

1 Elles ont été recueillies par M. Crick, notaire à Assche, qui a mis la meilleure volonté à secon- der mes recherches. Grâce à son zèle, ces curieux monuments ont échappé à la destruction; il a réuni toutes les monnaies qu'on a trouvées depuis quelques années, Toutes celles découvertes aupa- rayant, et la quantité en est très-considérable, ont été égarées par l'indifférence des paysans.

2 M. Crick est également possesseur d'une pièce consulaire trouvée sur les mêmes lieux.

5 Je m'en suis convaincu depuis en me rendant de nouveau sur les lieux.

# Sous le sol même de la voie. Je ne parle pas maintenant des antiquités égarées par les pay- sans. Je me suis convaincu en les questionnant que des débris d'armes et de harnais avaient été trouvés avec d'autres objets qui étaient peut-être fort intéressants.

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amené à la découverte d’un bon nombre de médailles romaines trouvées entre Assche et Castre, lors du pavement que le Gouvernement fit faire. Elles sont, si je ne me trompe, déposées au ministère de l’intérieur. D’a- près ce que m'ont dit les conducteurs des ponts et chaussées chargés de diriger les travaux, une ou deux étaient en or. La seule que j'aie vue, était une pièce de Trajan. Moi-même j'ai trouvé un grand bronze de Faustine et une pièce de Constantin.

De ces découvertes continuelles d’antiquités on peut donc hardiment inférer que cette voie était très-parcourue. D'ailleurs cela s'explique si on songe qu’au terme de son parcours se trouvaient les Francs, dont la pre- mière conquête fut celle de l’île des Bataves. Dès le milieu du III" siè- cle, la guerre qu'ils firent aux Romains prit un caractère fort grave. I] fallut nécessairement prévenir le danger de leur invasion et prendre, en conséquence, des mesures énergiques. De l'importance que doit avoir eue la route militaire qui nous occupe.

Il y a lieu de croire que c'était cette route que prenaient les légions qui se rendaient en Batavie lorsqu'elles passaient d’une frontière de lem- pire à l’autre. Or, elles devaient naturellement s'arrêter à Assche, puisque c’est là, c’est-à-dire dans la mansio ou station, pourvue de magasins, que les troupes s’arrêtaient, faisaient étape et recevaient une distribution de vivres !, De cette manière, on peut, me semble-t-il, s'expliquer comment il s’est formé en ces lieux un établissement qui paraît avoir été assez considérable et qui, par sa superbe position, tendait évidemment à rendre agricole toute la contrée qui l’entourait.

Telle est l'opinion que je me suis permis d'émettre sur l’établissement que les conquérants des Gaules eurent sur le territoire d’un des plus beaux villages du Brabant. Un passage, un mot des monuments contem- porains nous en eût sans doute appris davantage. Malheureusement il n’en est rien ici; tout se réduit donc à des conjectures.

1 Bergier, Histoire des grands chemins de l'empire.

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APPENDICE.

Lettre de M. Alphonse Wauters à Monsieur Louis Galesloot, sur les antiquités mentionnées dans le mémoire précédent.

MoxsŒur ET Ai,

Vous me demandez mon opinion sur les retranchements que vous avez retrouvés près d'Assche, et si l'on peut, avec quelque fondement, faire remonter leur construction au temps de la conquête de la Gaule par les Romains. Je vous remercie, Monsieur, de l'honneur que vous voulez bien me faire en me consultant, et je souhaite que ma réponse dissipe tous vos doutes, s’il en est resté dans wotre esprit. L'opinion qui fixe à Assche le camp dans lequel les Nerviens assiégèrent Quintus Cicéron , a été émise, il y a un demi-siècle, par Des Roches, mais ce savant historien n'a pas dé- veloppé, ce me semble, toutes les preuves qui militent en faveur de son hypothèse. Celle-ci explique parfaitement la narration de César. Telle est ma conviction, que je serais charmé de vous voir partager.

Dans la ville d'Amiens, on reconnaît généralement la cité gauloise de Samarobriva, César établit son quartier général après sa seconde campagne dans l'ile des Bretons. C'est de qu'il partit en apprenant la révolte des Nerviens et le danger que courait son lieutenant Cicéron, dont le camp se trouvait sur le territoire de ce peuple. En quittant la capitale des Ambianes, il envoya à Fabius et à Labiénus, qui commandaient deux de ses légions, l'ordre de venir le rejoindre. Dans le pays des Atrébates, il opéra sa jonction avec Fabius; mais, avant d'arriver dans la Nervie, il devait rencontrer Labiénus, il fut informé que ce dernier ne pouvait lui obéir, l'armée tré- wirienne étant venue se poster à trois milles du camp qu'il commandait, et une retraite en pré- sence des Tréviriens pouvant entrainer des suites désastreuses.

Pendant les premières journées de marche , le général dut se diriger vers les quartiers d'hiver de Cicéron , en se tenant, autant que possible , à égale distance dela Morinie, hivernait Fabius, et

Tome XXI. 3

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de la limite orientale du pays des Rémois, gardée par Labiénus. On peut done croire avec quelque fondement, qu'il suivit la route qui part d'Amiens dans la direction du Nord-Est, passe à Ba- paume, à Cambrai et aboutit à Bavai. C'est une ancienne chaussée romaine qui occupe peut- être l'emplacement d'un grand chemin gaulois. De cette manière César atteignait les rives de l'Escaut dans un endroit sa largeur est médiocre et une armée peut aisément le franchir.

Arrivé à grandes journées dans le territoire Nervien, César apprit par des captifs à quelle ex- trémité Cicéron était réduit. Par la promesse d'une forte récompense, il décida un cavalier auxi- liaire à porter une lettre à son lieutenant. Le messager, comme on le sait, ne put pénétrer dans le camp assiégé, mais il attacha la dépêche à la courroie de son javelot, qu'il lança dans l'inté- rieur des retranchements. Le trait se fixa dans une tour; deux jours se passèrent sans qu'on le distinguât; le troisième un soldat l'aperçut et le porta à son chef. Peu d'instants après, la fumée de vastes incendies , que les Romains allumaient dans leur marche, annonça également leur appro- che. Arrêtons-nous ici; ce passage nous fournira des données précieuses sur lesquelles on ne s'est pas suffisamment arrêté.

Quand le cavalier auxiliaire envoyé par César quitta l'armée, celle-ci était déjà entrée en Nervie et y avait fait des prisonniers. C'est un point incontestable et sur lequel il importe d’insister 1. Cet émissaire fit sans doute une diligence extrême; toutefois, quelle qu'ait été Ia rapidité de sa course, il lui aura certainement fallu un jour et plus pour arriver à l'endroit désigné. Lorsque Cicéron prit connaissance de la missive de son général, et aperçut les incendies, précurseurs du secours qui lui arrivait, un second jour s'était écoulé, un troisième commençait.

Instruits de l'approche de leur redoutable ennemi, les Belges, au nombre de soixante mille, vont à sa rencontre. César est bientôt informé de ce mouvement par une lettre, que Cicéron lui envoye au milieu de la nuit. 1] la lit aux siens, leur annonce une bataille prochaine et les exhorte à déployer leur bravoure ordinaire. Le lendemain, dès l'aube, il se remet en marche. Après avoir parcouru quatre milles, il trouve les Belges établis sur son chemin, au delà d'une grande vallée arrosée par un ruisseau. Combattre avec des forces inégales dans un lieu aussi défavorable à celui qui engagerait la lutte, c'était s'exposer à une perte certaine. Cicéron d'ailleurs était dégagé; nul motif ne pressait donc la marche de César; aussi, celui-ci s'arrêta, traça son camp dans l'endroit qui lui parut le plus avantageux, et en diminua l'étendue autant que possible, afin de paraître moins redoutable.

Ce jour-là, il n’y eut que quelques escarmouches de cavalerie près du ruisseau ; les Belges at- tendaient des renforts, et leur ennemi voulait les attirer près de son camp. À peine la journée du lendemain commençait-elle, que la cavalerie des Nerviens et de leurs alliés s'avança et assaillit les cavaliers romains. Ceux-ci se retirèrent en simulant une déroute, et se réfugièrent dans les vetranchements , tout présenta bientôt l'image de la confusion et de la crainte : les légion naires, paraissant saisis d'une terreur panique, travaillent en toute hâte à exhausser les remparts, à obstruer les entrées. Ces apparences trompeuses produisent l'effet que l'habile proconsul en avait attendu, Les Belges traversent la vallée et se répandent autour du camp. Tout à coup César fait déblayer les portes, lance sa cavalerie sur les assaillants, et par cette attaque inat- tendue porte le désordre dans leurs rangs; ils fuient sans avoir le temps de se rallier; ceux qui résistent sont tués ou pris. Le vainqueur craignit ou dédaigna de les poursuivre dans les forêts et

1 Venit magnis itineribus in Nerviorum finibus..… Tum cuidam ex equitibus Gallis persuadet uti ad Cice- ronem epistolam deferat. Caesaris Commentarii de bello Gallico, 1. V, c. XLVIII.

SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 19

les marécages ils avaient cherché un asile; il brûlait du désir de revoir ses braves légionnaires.

La plupart des opinions que l'on a émises sur la situation probable du camp de Cicéron tom- bent devant un examen sérieux de la marche de César. Ce général , dans cetteexpédition ,employa cinq jours au moins pour traverser la Nervie. En présence de ce fait, est-il possible d'admettre que Cicéron ait campé, soit à Tournay1, soit à Bavai ?, soit à Mons 5, soit à Waudrez, près de Binche 4. Aucune de ces localités n’est située à un grand éloignement des frontières du pays des Atrébates. Tournay n’en est qu'à 6 lieues vers le Nord; des limites de l'Atrébatie jusqu'à Bavai, Mons et Wau- drez,iln'yaqu'une distance respective de 10 lieues, 13 {/alieues et 45 1} lieues. Ces espaces auraient été bien rapidement franchies par les troupes romaines , habituées à des marches de 6 ou 7 lieues,

Dans une publication qui date de quelques années, on a essayé de prouver que Cicéron prit ses quartiers d'hiver à Castre 5. Cette supposition n'a rien d'invraisemblable, et nous l'adopterions volontiers, si des circonstances importantes ne militaient en faveur d’Assche.

Aucun indice ne corrobore les assertions de Schrieckius et de De Bast, qui se sont prononcés pour Velsique 6 et Tervueren. Ce dernier endroit surtout a été mal choisi. Son emplacement me pouvait être considéré, du temps de César, comme une position militaire; des bois immenses l'on ne pénétrait que difficilement, l'entouraient de toutes parts, et rien n'eût été aussi facile que d'en intercepter les communications.

Quant à Velsique, on y a trouvé un grand nombre d'antiquités, mais est-ce un argument à faire valoir dans la discussion qui nous occupe ? On ne serait plus aujourd'hui admis à faire déniver sa dénomination du mot flamand vwelt, qui signifie.champ, et d’une abréviation du nom de Cicéron (velt-cic) 7.

Voyons si nous:serons plus heureux en préférant Assche à toutes ces localités.

Pendant les premiers jours qui suivirent son entrée dans la Nervie, César, qui connaissait le prix du temps, continua sa marche avec rapidité. On peut du moins le supposer, et rien, je crois, n'autorise à établir le contraire. Admettons que la surveille de son combat contreles Belges, il ait campé au village de Castre, dont le nom est tout latin (Castra, camp); pour atteindre ce point, les Romains, à partir de Cambrai , ont faire 20 lieues. Ils onteu trois jours et plus pour fran- chir cette distance, le récit de César en fait foi. Chacune de leurs étapes se sera donc composée de 7 lieues environ, ce qui n’est pas excessif, car le jour même de leur sortie de Samarobriva les troupes du proconsul avancèrent de vingt milles (6 à 7 lieues) $. On pourrait signaler, comme

1 Cousin, Zistoire de Tournay.

2 Boucher, Belgium romanum , L. 1, c. 8. Cet auteur hésite à se prononcer entre Mons et Bavai.

5 Vinchant; Miraeus , Chron. Belg.; Dewez, Mémoire dans lequél on examine quelle peut étre la situation des différents endroits de l’ancienne Belgique devenus célèbres dans les commentaires de César par les événements mémorables qui s’y sont passés ,\ 2.

Gette opinion se base principalement sur ce que Ja capitale du Hainaut s'est longtemps appelée Castri locus,, le lieu du camp. Elle a été adoptée par M. Schayes, Les Pays-Bas avant et durant la domination romaine, 1. 1, p. 589.

#* Wendelin.

5 Mémoires sur les campagnes de César dans la Belgique, et particulièrement sur la position du camp de Q. Cicéron chez les Nerviens, par F.-J. B., publié par M. Roulez. Louvain, Van Linthout et Vandenzande , 1833, in-4°.

* Ortelius est du même sentiment que Schrieckius.

? Voyez le Dictionnaire de la Flandre orientale, par MM. Meisser et Vandermaelen , p. 220.

# Caesar, L. c., c. XLVII.

20 SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON.

ayant été probablement leurs lieux de halte, Jenlain, entre Bavai et Valenciennes; les hau- teurs séparant Jurbise de Casteau , et Castre.

Ce qui appuie fortement l'idée que César suivit le plateau intermédiaire entre la Dendre et. 1 Senne, c'est que des hauteurs d’Assche l'œil plonge vers le Sud jusqu'aux collines qui entourent Castre, tandis que, dans les autres directions, la vue est bornée par de grands bois ou des ter- rains accidentés. En quittant les lieux il reçut la nouvelle de la levée du siége, le général romain fit quatre milles et s'arrêta à l'endroit il vainquit nos téméraires ancêtres. Ur, en mar- chant vers le Nord, à une lieue trois quarts (41/5 milles) de Castre, on trouve la commune appe- lée Strythem , c'est-à-dire l'habitation du combat, domus pugnae, comme le dit Gramaye !, qui n’a pas toujours été aussi heureux dans ses étymologies. Cette dénomination, donnée à un village, indi- que à la fois, et qu’elle remonte à des temps très-reculés, car la plupart de nos agglomérations d'habitations datent au plus tard de la période mérovingienne, et l'importance de l'événement auquel elle doit naissance.

Des Roches? a cherché l'emplacement de la bataille sur les hauteurs de Wambeke, au Sud du vallon de la Belle, cours d’eau qui vient de l'Est, traverse la chaussée romaine de Bavai à Assche et se jette dans la Lombeke ou ruisseau de Strythem. Ce qui l’a peut-être empêché de préférer ce dernier endroit, c’est qu'il est un peu écarté de la direction en ligne directe de Castre à Assche. Toutefois, comme les chemins, après l'invasion romaine, ont pu subir de grandes modifications, ce n'est pas une raison suffisante pour éloigner le lieu du combat de la localité qui semble lui de- voir son nom. Il n'y a done pas d'invraisemblance à désigner le hameau de Tuytenberg (situé sur une hauteur et dépendant de la commune de Lennick-S'-Quentin) comme l'endroit César s'est retranché. De ce poste le général romain surveillait les mouvements de ses ennemis, occupant au delà de la Lombeke, le territoire appelé depuis Strythem. Les Nerviens se seront réfugiés, comme l'a supposé Des Roches, dans le grand bois de Liedekerke et dans les vastes prairies que la Dendre arrose et que cette rivière inonde fréquemment.

La première partie de la journée aura été employée par César à attirer l'ennemi, à le vaincre, à rallier ses soldats; dans la seconde, il rejoignit Cicéron. Cest vers la heure du jour (ou trois heures de relevée) 5 qu'il arriva au camp; or, celui-ci existe encore à deux lieues et demie au Nord de Strythem.

L'illustre auteur des commentaires sur la guerre des Gaules nous a laissé deux données qui peuvent servir à fixer l'emplacement du camp de Cicéron. D'après ses calculs, les camps de La- biénus et de Titurius, que l’on croit généralement avoir été situés, le premier à Rocroy, le second à Tongres, en étaient éloignés, celui-ci de 50,000 #, celui-là de 60,000 ® pas. La distance réelle en ligne droite d’Assche à Tongres est de 19 lieues (95,000 mètres) et celle d’Assche à Rocroy, de 23 lieues (115,000 mètres.)

Si, à l'exemple de Des Roches , nous portons à 1,056 toises 6 (2,020 mètres) la valeur du mille, toutes ces données présentent des résultats tellement satisfaisants que l’on ne peut les considérer comme dus au hasard ou à un rapprochement forcé. Les 60 milles que César comptait entre Assche

1 Brucella cum suo comitatu, p. 34, édit. in-P, 3 T. I, p.151 et 156.

% Caesaris Commentarit, L.c., c. LIN.

#Id., lc, c. XXII:

5 Id,,c. LIT.

ATOS D: 202,

SUR LE CAMP DE Q. CICÉRON. 21

et Rocroy représentent 121,200 mètres, et les 50 milles entre Assche et Tongres, 101,000 mètres. Une différence de 6,000 mètres sur un espace aussi vaste, dans un pays encore inconnu pour ainsi dire aux Romains, peut à bon droit être considérée comme insignifiante. D'ailleurs les chiffres de César ne sont qu'approximatifs, ainsi que lui-même a eu soin d'en prévenir le lecteur en se servant du mot circiter.

Si l'on adoptait les caleuls de M. le baron Walckenaer, basés sur ceux de Cassini ! et évaluant le mille à 760 toises ou 1,481 mètres, César n'aurait compté que 74,050 mètres du camp de Cicéron à celui de Titurius, et 88,860 mètres du camp de Cicéron à celui de Labiénus. Il y aurait done, avec les distances qui séparent Assche de Tongres et de Rocroy une différence de 20,950 mètres dans un cas, et de 26,140 mètres dans l'autre. On serait done forcément amené à renoncer à la position d’Assche. Pour la remplacer, il conviendrait de recourir à l'opération suivante, En prenant pour point de départ Tongres et Rocroy , positions qui ne paraissent pas avoir éLé contes- tées, et en décrivant, à partir de la première, une courbe de 74,050 mètres (quinze lieues) de rayon, et, à partir de la seconde, une autre courbe de 88,860 mètres (dix-sept lieues et demie) de rayon, on formerait deux sections de cercle passant, la première, à Vilvorde, à Waterloo et dans la plaine de Fleurus; la seconde, à Chièvres, à Steenkerque et à Braine-l’Alleud (près de Wa- terloo). Or, cette dernière localité n'offre aucune des conditions qui pourraient nous déterminer en sa faveur.

Il est donc préférable de s’en tenir à l'opinion de Des Roches. Elle seule s'accorde avec le fait sui- vant que nous croyons utile de signaler. César comptait 8 milles (16,000 mètres) de l'Axona à Bibrax 2; or, de l'Aisne à Bièvre, commune française qui a remplacé, selon l'opinion commune, l'antique forteresse Rémoise de Bibrax, il y a trois lieues (15,000 mètres). C'est encore une preuve à ajouter à celles qui confirment les idées de Des Roches.

On peut done dire sans exagération que la situation d'Assche explique, on ne peut mieux, toutes les données que nous fournit l'histoire sur le camp de Cicéron. L'existence du camp romain, sou admirable position, comme point stratégique sur une hauteur défendue par deux cours d'eau, la dénomination , si facile à expliquer, du village de Strythem , la concordance des distances, forment une réunion de témoignages qui se prêtent un appui mutuel.

1 Géographie ancienne , historique et comparée des Gaules, t. LI. ? Commentarii, L. IL, c. G.

Alphonse WAUTERS,

Archiviste de la ville de Bruæelles.

FIN.

de +4

cour. Mém. des sa étr. Tome XX1. . Wem.de M! Calesloot. : i PLAN P 4 AY SIENS du

CAMP ROMAIN srrue À ASSCHE.

Le $ende

ZAC Jarface tntérienre da Camp.{15 h.dg a. 2 c.on 32.97 oo arp.ront)

B. Zempart en partie natnrel. en parte artfrerel : 2 e-4 % (Ge Benpart de l'Ouest LES) 7 D. Zrés de æ rempart endommagée par la culture. S # e ep E ; Montagnes servant de getranchement avancé ee Lg r F F. Lempart regardant le Nord .

C. Vallon gui défindait ane partre de la position orientale du Cup. g 7 Vi P

EH Angle on porte gur à avrster dans cet endroit

1, 4 retranchement .

K| Zntre ces deux Lettres ce retranchement à rase par L | Les labours continuels

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N. Marais.

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JE 774 de la Décumane.

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Bofil da Camp, enpé duns la direction du Nord an Sad .

Eglise d'Assche

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Fait et dressé pur Frél. Var de Ait

NOTICE

SUR

UN DÉPOT DE MONNAIES DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX , PROVINCE DE LUXEMBOURG, EN 1846:

G.-J.-C. PIOT,

Docteur en droit, employé aux archives générales du Royaume

Touwe XXI. 1

NOTICE

SUR

UN DÉPOT DE MONNAIES DÉCOUVERT À GRAND -HALLEUX,

Les circonstances relatives à la découverte de ce trésor, faite le 17 juillet 1846, ont été rapportées avec assez de détails dans plusieurs jour- naux, pour qu'il soit maintenant inutile de revenir sur ce sujet. Voici ce qu’on lit dans L'Écho de Luxembourg :

« Une intéressante trouvaille numismatique a été faite le 17 juillet

» dans les déblais de la route en construction de Salm-Château, à Trois- » ponts (Luxembourg). Un ouvrier effectuant un petit déblai devant le » bâtiment du sieur Jacquemin, dans la traverse du village de Grand-Hal- leux, a trouvé une cruche grise, renfermant une grande quantité d’an- » ciennes monnaies en argent de différentes grandeurs. » L’ouvrier, qui était seul, cacha la cruche sous sa blouse, qu'il déposa à quelques pas de lui, lorsque le sieur Jacquemin précité vint à passer et découvrit la trouvaille dont il voulut s'emparer, comme ayant eu » lieu sur un terrain qui jadis lui appartenait, mais dont l'État avait fait » l'acquisition pour être incorporé dans la route.

SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

=

» Un conflit s'étant élevé pour la possession des objets trouvés, et » d’autres ouvriers étant survenus, plusieurs pièces furent perdues et » enlevées dans la lutte; heureusement un chef d'atelier qui se trouvait » sur le lieu parvint à s'emparer de la cruche, qu'il déposa chez le bourg- » mestre de l'endroit, où, par les soins d’un employé des ponts et chaus- » sées, elle fut scellée et cachetée, après que l’on eut constaté, par pro- » cès-verbal, la présence de 2,295 pièces de monnaie.

» M. l'ingénieur en chef de la province fit parvenir le tout à Arlon, » la remise a été faite entre les mains de M. le gouverneur. Les pièces » trouvées sont du moyen âge; plusieurs ont été frappées par les anciens » ducs et souverains de Luxembourg et du Brabant. »

Les monnaies , ainsi que le vase qui les contenait, ayant été transmis au ministère de l’intérieur par M. le gouverneur de la province de Luxem- bourg, M. Vanderbelen, chef de la division des sciences, lettres et beaux- arts à ce département, nous fit l'honneur de nous appeler dans son cabinet pour prendre connaissance de cette découverte:

Nous trouvames le dépôt numismatique dans un état pitoyable et diffi- cile à décrire : l'oxyde mêlé à la terre couvrait totalement les monnaïés et les rendait presque méconnaissables, malgré les précautions que l’ancien propriétaire avait prises pour leur conservation. Il avait séparé soigneuse- ment les unes des autres les monnaies du même module, de la même valeur courante, et il en avait formé des cartouches enveloppées d’une toile grossière, dont il restait à peine quelques traces. Ce moyen, aulieu de contribuer à la conservation des pièces, avait singulièrement aidé à les dégrader : les cartouches des monnaies de billon ne faisaient plus qu'un corps recouvert d'une croûte d'oxyde très-épaisse.

Il était facile de prévoir que, sans les plus grandes précautions; une bonne partie de ces monnaies tomberaient en poussière, ou au moins se casseraient, lorsqu'on les détacherait les unés des autres. Nous em- ployämes à cet effet les acides; mais il n’y eut que le feu qui pût opérer une séparation complète et la moins nuisible pour les monnaies ; et pour: tant, malgré toutes nos précautions, une trentaine de monnaies françaises tombèrent en poussière; le reste fut sauvé.

DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. F

Nous reconnümes très-facilement, après avoir nettoyé les monnaies , qu’elles appartiennent à l'Allemagne, à l'Angleterre, à la France et aux Pays-Bas, et qu'elles embrassent un espace de 148 ans, commençant vers 1157 et finissant vers 1285. Nous en avons dressé une liste accom- pagnée de quelques notes très-superficielles et qui n'auront peut-être d’au- tre mérite que celui d’être utiles à l'administration; nous l'avons transmise au ministère de l'intérieur.

Toutefois, frappé de l'importance de cette trouvaille et pressentant l'influence qu'elle doit exercer sur la numismatique, M. Vanderbelen nous engagea à en faire l’objet d’une notice; et M. le ministre de l’intérieur voulut bien nous honorer, le 14 septembre dernier, d’une dépêche par la- quelle il nous informait que, si nous le désirions, nous pouvions faire du trésor l’objet d’une communication à l'Académie. Nous n'avons rien eu de plus empressé que de profiter de l'autorisation de M. le ministre et de nous rendre à ses vœux.

Avant d'entrer en matière, nous croyons nécessaire de prévenir qu'on ne doit pas s'attendre à trouver dans ce trésor bon nombre de monnaies inconnues; au contraire, elles sont toutes, à l'exception de deux, ou connues, ou gravées, ou publiées. Ce n’est pas sous ce rapport que nous voulons donner de l'importance à la trouvaille; c’est par la réunion de toutes les espèces dont elle se compose qu’elle est remarquable; c'est parce qu’elle redresse bien des erreurs, renverse maint système de clas- sement, donne un caractère de certitude à quelques conjectures, et con- firme des opinions déjà émises, qui ne demandaient qu'une simple preuve pour être reçues définitivement comme des vérités. En un mot, cette trou- vaille est de la plus haute importance, parce qu’elle fournit au numismate des preuves matérielles et, par conséquent, irrécusables, comme nous allons le voir.

Pour faire connaître d’un seul coup d'œil les monnaies dont se com- posait le trésor et pour mieux en faire comprendre la série chronolo- gique, nous avons dressé le tableau suivant ! :

1 Nous avons fait usage dans ce tableau de quelques abréviations : £. u. signifie très-usé; u, usé: €. 0., conservation ordinaire; à. fl. d. e., à fleur de coin; b. e., bien conservé.

6 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

: Noms NOMBRE Ë PERSONNAGES OU VILLES. Datrs. des ÉTAT. bi 2 VILLES GHATHAUX- PIÈCES. | 1 | Samson, archevêque de Reims . . .. 1158-1160. Reims. t. u. 4 2 | Louis VII, roi de France . . . . . .. 1137-1180. Orléans. t. u. 8 5 Id. Cie Cie » Bourges. t. u. 5 16 4 bpes Ml CET RE » Mäcon. t. u. 1 5 GIE, re NT OUEN » Pontoise, t. u. 4 6 | Pierre I ou II, évêque de Meaux. . . . 1171-1176. Meaux. (AU 1 7 | Philippe-Auguste, roi de France. . . . 1180-1295. Arras. tu. 63 8 Id. (FArIÉLE). MN » t. u. 47 9 1d. (variété). . . ... 5 r tu. 3 )175 10 » » Montreuil. t. 0. 12 11 » » Paris. t. u. 50 12 | Abbés de S'-Martin à Tours. . . .. . » Tours. t. u. 8 15 | Abbés de S'-Martin à Tours, au nom 11 de Philippe-Auguste . . . . . . .. Tours. tone 2 14 Id. (Yariélé)- ©. » Tours. t. u. 120! 15 | Éléonor, comtesse de Vermandois . . . 1185-1214. S'-Quentin. tu 4 16 | Robert IT, comte de Dreux . . . . .. 1188-1219. Dreux. {. D 1 17 | Thierri VII, comte de Hollande . . . . 1190-1205. t. u. 1 18 | Guillaume III, comte de Ponthieu . . . 1191-1212. Abbeville. CAC 2 19 | Ville de Francfort. . . . . . . . . . . |commen.auxuiesiè.| Francfort. CNT 5 20 | Albéric, archevêque de Reims. . . . . 1207-1218. Reims. | t. u. 1 21 | Guillaume II, archevêque de Reims. . 1219-1226. Reims. | t. u. 15 22 Id. (VAMERO)E— © ds ste » » | LME 2 25 | Jeanne, comtesse de Flandre . . . . . 1206-1244. ÿ tu. 1 24 Id. » Alost. | u. 1 | : 25 | Jeanne, comtesse de Hainaut . . . . . 1206-1244. u. ee, 26 AUDE PATIÉES) Er M eue ete » u. 6 ( 14 27 105. e (VALIÉLE) Let eee ele rte » u. 5 | 28 | Alexandre I], roi d'Écosse . . . . .. 1215-1249. Berwick. u, 1 29 | Thierri II, archevêque de Trèves . . . | 1212-1242, Trèves. u. 7 50 | Hugues IV, duc de Bourgogne . . . . 1218-1272. Dijon. u. 1 51 Ile MAYariété) 2 2% +20 ai: | Û ANT 2 4 32 MM CELA MOT TEE | u. 1 |

NUMÈROS.

DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX.

PERSONNAGES OU VILLES.

Frédéric II, empereur d'Allemagne . .

Florent IV, comte de Hollande. . . . . Louis VIIL, roi de France . . . . . . . Jean I”, évêque de Metz . . . . . .. RP (Variété): E -2de |. A (variété): =. 22.1. ATP (VATIÉ LE) HF - - =. 1. ONE MER ES À HARRIS). = Le - et ele LE, NOUS AE RON CIE À UP (VArIÉtS) LE ENT OA |. Henri IL, archevêque de Reims . . . . RM APATIÉLE) Le Le. cm R. Louis IX, roi de France. . . . . . ..

Henri III, comte de Luxembourg . . . Otton III , comte de Gueldre . . . .. Heori II, duc de Brabant . . . . . .. Id. (ant) EN. à 1. Jacques , évêque de Metz . . . . ... Robert de Langres , évêque de Liége. . Id. (variété)... 3. .l.

Id, (variété). .9, 4: .!.

Id. (variété). .u.s4, 1,

Id. (Fariélé) Le 0001 Arnoul I], archevêque de Trèves . . . Id, LU OS PAC PRE Henri II , duc de Brabant, , . . . ,. Alphonse, comte de Toulouse. . . . Ferri II, duc de Lorraine. . . . . . . NC, 107) PP RA PE A (TRAME)... Aster,

Thibaut V, comte de Champagne . . .

Dates.

1220+1250.

]

»”

1227-1240.

»

1226-1270,

»

1226-1275. 1229-1271. 1255-1248.

1258-1260. 1240-1246.

1242-1259,

1248-1261. 1249-1271. 1251-1505,

»

n

1253-1270,

VILLES OU CHATEAUX.

Aix-la-Chapelle(?)

Reims.

Luxembourg.

Metz.

S'-Trond. Trèves.

Trèves.

Nancy.

Provins.

ÉTAT.

NOMBRE de

PIÈCES,

ES

77 ) { 7

-_ x

El 19 mm 1

NÉTAL.

bill.

cuivre.

ar.

bill,

Ca

NUMÉROS,

SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

PERSONNAGES OU VILLES.

Henri LIL, roi d'Angleterre . . . . . . Id. (RATÉ) enr Id. (VADIÉLÉ) ere ri Id. (VARIEIE), Car - Pie Id. LMARIGLÉ) css à etat 0 Id. (VAUIÉTÉ) SE ee ele » de Id. MAÉ) EC Id, (ManéE) Es Gate 20e Id, LUAMÉRE) Et ne à à afete 0e Id. (VANÉÉ) ee Et e Id. (Vané) ne er EL Id. (NAN) Eee ini de Id. (VARIÉTÉ) Ep le fe Id. (AU) Ent.

Marguerite de Constant., comt. de Hain.

Id. (variété) . . . Id. (variété) . . . Id. (variété) . . .

La même, comtesse de Flandre. . . .

Id. (VATIÉLÉ) EE ct Id. (alé) EP Id. (NAPPES AR CE Id. (CECI SET ET SE Id (variété) ce. ct Waleran, duc de Limbourg. . . . . . Id. (VAMÉLÉ) En CE

Henri de Vianden , évêque d'Utrecht . . Charles I", comte de Provence. . . . . Thierri VI, comte de Clèves . . . . . . Henri, seigneur de Herstal . . . . . . Jean 1«', duc de Brabant. . . . . . ..

Id (Tan) EC Re

Id (varié). Er. Re

Dates.

1216-1271

»

1246-1279. x 1250-1267. 1246-1285. 1261-1275. 1255-1285. 1261-1294.

»

Noms des

VILLES OU CHATEAUX.

Canterbury.

» Londres. Londres. Londres. Londres. Bristol. Londres. Londres, Newcastle. Oxford.

» Londres.

Valenciennes.

Alost.

Lille.

Rolduc. Daelhem.

Deventer.

Clèves.

Bruxelles.

»

ÉTAT.

à fl.

à fl.

b. c. et à fl. de c.

c.

. 0.

L'on

c,

»

LA

NOMBRE de PIÈCES.

=

MÉTAL.

NUMÉROS.

DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX.

PERSONNAGES OU VILLES.

Jean I:", duc de Brabant . . . . . ..

» Jean I”, comte de Sancerre. . . . . . Philippe-le-Hardi, roi de France . . . Id. (variété), 2. |. .… Gui de Dampierre, comte de Namur. . Ingelram, évêque de Cambrai. . . . .

Henri IV, comte de Luxembourg . . .

Édouard ler, roi d'Angleterre . . . . . Arnoul VIIL, comte de Losse . . . . . Jd. (varifté). 02,1. . Id. (varigté); +4 0... ,. | Jean LV; évêque de Liége ? «1. .|, . . OUT A CN CORRE ET

Tome XXI,

Dates.

1268-1280. 1270-1285. » 1265-1297. 1275-1285. 1275-1988.

1271-1507.

1282-1296,

NOMS

des

»

Louvain.

Louvain. » Tours.

Tours.

Cambrai.

Bristol. York. Canterbury.

Londres.

Dublin,

VILLES OU CHÂTEAUX,

Luxembour.

»

b. c.

à fl, de coin.

NOMBRE de

PIÈCES,

PL]

M]

= a

19

- 19 CS a

9

MÉTAL.

10 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

Nous suivrons constamment l’ordre établi dans le tableau , en donnant la description de chacune des monnaies.

Samson, archevéque de Reims. 1138-1160.

1. 4v. Dans le champ : SoN/: légende : x ARCHIEPISCOP./ Ro. Croix canton- née de deux fleurs de lis; légende : x REOIS CIVITAS/. Gravée dans Tobiésen Duby , pl. 8, fig. 1.

Louis VIL, roi de France. 1137-1180.

2. 4v. Portail défiguré; légende : LVDOVICGVS REX T/. Ro. Croix cantonnée de A/0/; légende : AVRELANIS CIVITAS,.

Grayée dans Le Blanc, p.164, fig. 10. Revue fr., 1856, pl. 6, fig. 8. Combrouse, pl. 50 , fig. 19; variété.

Ce denier de billon, frappé dans la ville d'Orléans, a donné lieu à quelques controverses.

M. Cartier, dans sa notice sur plusieurs monnaies royales du XII: siècle trouvées près de Beaugency, dit : « Cette monnaie se trouve ici, propor- » tionnellement aux six précédentes, en assez grand nombre; son type » est tellement semblable à celui des pièces de Philippe I, qu'il est » probable que son fils en a frappé; mais, en raison de la quantité et » de la bonne conservation de nos pièces, on doit admettre qu’il y en a » de Louis VII 1. » Dans l'inventaire de ces monnaies, il avait déjà dit qu’elles appartenaient à Louis VI et à Louis VIT. On le voit, M. Cartier n'avait pas tranché la question, parce qu’il n’avait pas assez de preuves pour attribuer la monnaie en question plutôt à Louis VI qu’à Louis VIT. M. Combrouse ? l’attribua à Louis VI.

Quant à nous, nous croyons qu’elle appartient à Louis VII. En effet,

1 Revue franc., 1856, p. 250. ? Catalogue raisonné, A'° partie, Capétiennes, 98.

DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 11

ne serait-il pas singulier de ne pas trouver dans un dépôt aussi considé- rable que celui dont nous donnons la description, une seule monnaie

A

d'un feudataire français, ou même d’un prince étranger à la France, contemporain de Louis VI? Pourrait-on expliquer comment les monnaies des seigneurs contemporains de Louis VIT n’y font pas défaut, si on ne lui attribue cette monnaie? Comprendrait-on comment la monnaie la plus ancienne de notre trésor, si on en excepte celles que nous attribuons à Louis VIT, serait un denier de Samson, archevêque de Reims, qui occupa le siége archiépiscopal de 1138 à 1160, et cela pendant le règne de Louis VII? Expliquerait-on comment le même fait a été observé dans les dépôts des monnaies découvertes à S'-Maixent et à Avesnes 1 ? aussi les monnaies de Samson furent les plus anciennes, et elles furent trouvées

1 Voyez la Notice sur les monnaies françaises trouvées à S'-Maixent, dans la Revue franc., 1858, p- 281, et la Notice sur celles trouvées à Avesnes, dans les Mémoires de la Société d'émulation de Cambrai, 1832 à 1835, p. 203. Les monnaies du trésor d'Avesnes ont été mal attribuées dans la

dernière de ces notices. Voici les rectifications que nous proposons :

DATES assignées par l'auteur de la notice. A ——

AÉOusNIIT;ro1 de France; 12299-12960 LM bone 1180-1995

2. Louis VII, id. 1437-1180 MOT ADN MLQMNUELT ENT ENNENNEN SE Id,

3. Louis VIII, id., TRS EMEA PER CRAN EENLS AE 2e D Id.

4. Philippe- Fee roi de France, 1180-12 NAN 2) re UE CUS ce de 1180-1225

5. Id., id. que OR da oeS : Nd e LC Id.

6. Id., id. AN ANA ET Vu MEN tie Id.

Ze Id., id., MEN EN ro PES ee Deler GA EG 1528-1564

8. Id., id., TE ANNEE 2e, AMENER 47 1271-1285 DrAbDA de" =-Mrtin de Dours AU 02 à ve 0e ile Tes Es Le), je » Mo unX=rroide Erance 1226-1270. 0.05... . : + . . * + » 1255-1257 11. Raïmond VIT, comte de Toulouse, 1222-1249 . -. . . . . . . . . . 1197-1297 42," Alphonse , comte de Toulouse, 1249-1271. :.,°. . :.". . …:. .. + 1249-1271 15. Id,, LOMME’ 06 FOILOLL: 1249122100 PS REUN PORN RER Re DRE ïd. 14. Hd 0Oteomiadetonioubesi240-12780 M 002 50 aronsr © Leu po Id. Hi Charles d’Anjou , comte de Provence , 1246-1985 . . . . . . . . . 1280-.... Mrnéontelde Mans RIT sié0le QUE AE PU DA 0. NE Te après 1315 49/"Æobert1L'eomte de/Dreux ; 1188-1219. 2.0, 1,1... 1,1. 7 1509-1529 19. Samson , archevêque de Reims, 1138-1160 . . . . , . . . . . . . 1140-.... 20, Guillaume I, archevêque de Reims, 1219-1226. , . . . . . . . . . 1176-.... 21. Guillaume III, comte de Ponthieu, 1191-1212. . . . ST de 957-1221 22, Comte de Mans, XII siècle , monnaie mal gravée et non déchiffr to, 25. Jean 1°, duc de Bretagne , 1287-1286. . . . . . . . . . . . . ....-1541

24. Alexandre II, roi d'Écosse, 1241-1249 . . , . . ..,. . , . . . . 1214-....

12 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

avec celle dont nous donnons la description. Il nous semble donc très- naturel de conclure de ces faits qu’elle doit être restituée à Louis VIL

Ces preuves ne sont que matérielles ; voyons maintenant si la marche du type de la monnaie d'Orléans y correspond et si elle ne les contredit pas.

Le type de la monnaie est local et s’est conservé longtemps. Il se com- pose d’un portail ou d’une forteresse. Déjà représenté sur une monnaie de Charlemagne frappée à Arles, ce type se reproduit sur celle de Charles- le-Simple. Sous Philippe [*, il subit une singulière métamorphose, qu'il faut sans doute faire remonter plus haut, mais sur laquelle nous ne pou- vons donner de renseignements, parce que les monnaies au portail des devanciers de ce prince ne sont pas connues. Âu commencement du règne de Philippe, le portail ou la forteresse est encore reconnaissable; mais à la fin le type se défigure davantage. La dégénération du portail sur la mon- naie qui nous occupe est tellement grande, tellement sensible, qu'il est presque impossible d’y voir une imitation du portail figuré sur les mon- naies de Philippe I‘; il faut nécessairement supposer un assez long espace de temps entre les deux monnaies, pour expliquer une altération aussi grande. Placer les monnaies du règne de Louis VI entre celles de Philippe I et la pièce qui nous occupe, est donc, à notre avis, un sys- tème très-admissible.

DATES

assignées par l'auteur de la notice, ii

_. | Henmellsroid'Anpleterre, 1216-1271 M IS 1972 27. Indéterminée ne ici Par AC OT dd re DR et OU TO CET A LL Indéterminée. 28. Id., LR PEN ES NEO OR PE ee 1 SO M OS Id.

29. Marguerite de Constantinople, comtesse de Hainaut, 1244-1980. . . . . . 1415-1417 50. Indéterminée.

31. Marguerite, comtesse de Flandre, 1244-1980. . . . . . . . . . . . Indéterminée. S2dEanl. duc deBrabant, 1201-1204 RENE Ve Mie Ne ie te ie Id.

53. Jeanne, comtesse de Flandre, 1206-1244, . . . . . . . . . . . . Id. GATIDUÉIENMIINCE, >... CREER En li eme cl: ee de 1127

35. Jeanne, comtesse de Hainaut, 1206-1244 . . . . . . . . . . . . Indéterminée. 86. Henri LIT, duc de Brabant, 1248-1961 . . . + . . . . . . , . . Id.

57. Henri Il, id., LS ET ON ONE, SORTENT Id.

On voit, au moyen de ces rectifications, que les monnaies les plus anciennes sont de Louis VII, roi de France, et de Samson, archevêque de Reims, et les plus modernes de Jean 1, due de Brabant.

DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 15

Pour faire mieux comprendre la dégénération du portail, nous l'avons fait graver sur la planche nous donnons toutes les transformations con- nues, depuis Charlemagne jusqu'à Louis VIT ?.

Examinons maintenant le type du revers. Au commencement du règne de Philippe Le, l'alpha et l'oméga sont suspendus à la croix; vers le milieu de ce règne, les deux lettres, encore très-distinctes et très-nettes, se trou- vent dans les cantons de la croix; mais vers la fin, elles sont transformées en S. Sur notre monnaie, l’oméga est devenu un O. C’est encore une dé- génération trop subite pour l’attribuer à Louis VI; elle semble prouver que cette monnaie ne peut pas appartenir au successeur immédiat de Phi- lippe I. Elle doit être, par conséquent, restituée à Louis VIT.

Ne 5. Av. Tête couronnée de face ; légende : LVDOVICVS REX/. Rv. Croix haussée et fleuronnée; légende : + VRBS BITVRICA/.

Gravée dans Le Blanc, p.164, fig. 7. Lelewel, pl. 6, fig. 51. Rev. franç., 1856, pl. 6, fig. 7. Combrouse, pl. 51, fig. 11.

La même difficulté se présente pour lattribution de cette monnaie; mais cette fois, M. Cartier se trouve en contradiction formelle avec M. Com- brouse, qui l’attribue avec raison à Louis VIT, tandis que le premier la donne à Louis VI ?.

Il va sans dire que nous adoptons l'opinion de M. Combrouse, pour les motifs que nous venons d'exposer en faveur de Louis VIT.

Elle fut trouvée deux fois, à S'-Maixent et à Grand-Halleux, avec des monnaies de Samson, archevêque de Reims et contemporain de Louis VIT, et une autre fois, près de Noyon, avec les monnaies des évêques de Laon, Gauthier I et 11(1151-1174) et Roger (1174-1207), et de Renaud, évêque de Noyon (1175-1188), tous contemporains de Louis VII 5. Aucun des dépôts trouvés dans ces endroits n’ayant fourni de pièces de l'époque de Louis VE, il nous semble que la monnaie en question appartient à Louis VII.

Voyez la planche, fig. 1,2, 3,4, 5, 6,7, 8, 9. Revue fr., année 1836, p. 257; Combrouse, Catalogue raisonné, J"° partie. Capétiennes, 61. Revue [r., 1841, p. 58.

L2

E]

14 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

Cette preuve matérielle est de trop grande importance pour que l’on puisse soutenir sérieusement l'opinion contraire.

4. Av. Deux croisettes en forme de carrés et deux annelets; légende : CASTRVM MAT/. Ro. Croix cantonnée de deux cercles; légende : LVDOVICVS REX/.

Gravée dans la Revue fr., 1856, pl. 6, fig. 5. Combrouse, pl. 50 , fig. 8.

Ce denier a été attribué à Louis VI par MM. Cartier et Combrouse. Fort des motifs que nous avons fait valoir, en parlant des différents trésors les monnaies précédemment décrites et celles-ci furent trouvées avec des deniers de seigneurs et de prélats contemporains de Louis VIT, nous attri- buons encore cette monnaie à celui-ci. Nous invoquerons encore, à l'appui de notre opinion, la trouvaille de Dieuze, dont M. de Saulcy a rendu compte 1. Selon lui, et il le disait avec fondement, la plus ancienne mon- naie était de Louis VIT.

Il est donc impossible d’y voir un denier de Louis VI; et cependant elle faisait partie de la trouvaille de Dieuze. Elle doit donc avoir été frappée par Louis VII.

La marche du type confirme cette opinion en tous points. La croix très- large et légèrement pattée du revers ne peut appartenir qu’à l'époque de Louis VIT; et la dégénération, en annelets, de Palpha et de l’oméga dont étaient cantonnées les croix des monnaies de Philippe I et de Louis VI, prouve évidemment en notre faveur. Les deux annelets posés au-dessus et au-dessous des croisettes de l’avers sont encore le résultat de l’altération de l'alpha et de loméga, ainsi que cela résulte de la comparaison de cette monnaie avec celle d'Éléonore, duchesse d'Aquitaine, devenue plus tard l'épouse de Louis VIT 1. Or, c’est précisément sous le règne de Louis VII que la dégénération de l'alpha et de l’oméga en O eut lieu et fut possible, puisque, sous le règne de Louis VI, ces lettres furent transformées en 5, comme on le verra par les exemples reproduits sur la planche, fig. 10 à 19.

3 Revue fr., 1843, p. 485. ? Voyez Tobiésen Duby, pl. 32, fig. 3.

DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 15

ne s’agit pas seulement ici de l'attribution de cette monnaie; il faut en- core déterminer la localité elle fut frappée. Son type tout à fait aqui- tain 1 doit faire chercher cette localité dans l’Aquitaine, ou du moins dans les environs de ce duché, il a pu se propager, et non à Nantes, comme l'ont fait MM. Cartier et Combrouse. Mâcon, en latim Matisco, Matis- cona, etc. ?, cité dans la notice des Gaules sous le nom de Castrum Matis- conense, présente plus d’analogie avec la légende CASTRVM MAT ou MATA inscrite sur la monnaie de Louis VII, qu'avec Mantes, simple château, nommé au XE siècle Medunta et aussi Castrum Medunta 5; et il serait très- difficile, pour ne pas dire impossible, d'expliquer comment le type aqui- tain aurait pu exercer quelque influence sur la monnaie royale de Mantes. N'est-il pas plus naturel de voir dans cette légende la ville de Mâcon, l'influence du même type doit s'être fait sentir, et dont le nom latin correspond si bien avec celui qui est indiqué par la légende? Ne serait-il pas plus rationnel de suivre l’opinion de Tobiésen Duby et de Du Cange #, qui attribuent cette monnaie aux comtes de Mâcon? Nous avouons cepen- dant qu'il est très-difficile de rapporter convenablement cette monnaie à Gérard, comte de Mâcon (1155-1184), contemporain de Louis VIE Gérard était un vassal si remuant, si entreprenant, jusqu'à se mettre parfois en pleine révolte contre le roi !

Personne ne contestera d’ailleurs que des monnaies aient été battues à Mäcon , témoin celle gravée par Tobiésen Duby, pl. 102, fig. 2, et qui porte MATISCO, avec le nom de Philippe; or Matisco (Mäcon) ne peut jamais signifier Medunta (Mantes) ?.

1 Voyez les monnaies d'Aquitaine dans Tobiésen Duby, pl. 32, fig. 1 à 5.

2 Voyez, pour les différentes dénominations latines données à Mâcon, Trévoux, Dict. univers., verbo Macon.

5 Dulaure, Hist. des environs de Paris, t. M, p. 242.

4 Voici ce que Du Cange dit de la monnaie de Mâcon : Matisconensis monetae mentio est apud Sanjulianum in Matisconense, p. 251, 290, et Thevetum lib. 14, Cosmogr., cap. ÂT, à quo hic de- scribitur. (Du Cange, verbo Moxera.) Thevet cité par Du Cange n’est pas une autorité bien respecta- ble; mais, quelque crédule qu'il fût, cet auteur, pour le coup, semble avoir raison,

5 Conf. Lelewel, Num. du moyen âge, t. X, p. 176. Ce savant pense aussi que cette monnaie fut frappée à Mâcon.

16 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

N°5, Av. Alpha et oméga suspendus à des rubans; légende : LVDOVICYS RE/. Ro. Croix cantonnée d’un annelet ; légende : PONTISA CASTRJ/.

Grayée dans Le Blanc; pl. 64, fig. 4. Revue fr., 1856, pl. G, fig. 2. Combrouse, pl. 50, fig. 16.

Le type de cette monnaie introduit par Robert, roi de France , fut sue- cessivement imité par Henri I et par Philippe [ 1. Cette imitation a fait supposer à MM. Cartier et Combrouse que la monnaie dont nous venons de donner la description doit être attribuée à Louis VI. Trouvée deux fois, à S'-Maixent et à Grand-Halleux, avec la monnaie de Samson, arche- vêque de Reims, nous la croyons plutôt de Louis VIF Nous avouons cependant que limitation de l’avers de ce dernier sur celui de la monnaie au même type de Philippe F est frappante, et qu'il semble calqué sur cetie dernière, sauf le nom. Mais il n’en est pas de même du revers, qui diffère essentiellement de celui de la monnaie de Philippe : la croix y est large, comme sur le denier de Louis VIT; l'alpha et loméga cantonnant la croix sous Philippe E et sous Louis VI, sont déjà défigurés sur cette monnaie et ne sont plus représentés que par un O ou un annelet. Or, on sait que, sous le règne de Louis VI, cette altération commença à se montrer et qu’elle se manifesta encore davantage sous Louis VIT, pendant le règne duquel elle atteignit le dernier degré de la dégénération.

Ce qui nous fait encore supposer que toutes les monnaies dont nous venons de parler appartiennent à Louis VII, c’est qu’elles sont toutes aussi usées que celle de Samson, archevêque de Reims, et un peu plus usées que celles de Philippe-Auguste. Il en résulte qu’elles ont circulé pendant le même espace de temps et qu’elles sont, par conséquent, con- temporaines ou à peu près.

Nous voyons aussi dans ce trésor une succession chronologique très- bien suivie de rois et de seigneurs. Or, comment expliquerait-on l'absence des monnaies de Louis VIT, si on ne lui attribuait celles qui sont décrites plus haut? Les donner à Louis VI, ce serait supposer que l’ancien pro- priétaire du trésor, en recueillant un si grand nombre de monnaies fran-

1 Voyez Leblanc, pl. 156, fig. 4 et 6; Combrouse, pl. 47°, fig. 7.

DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 17

çaises, n’y aurait compris aucune pièce de Louis VIF, et que du règne de Louis VI il aurait sauté à celui de Philippe-Auguste pour arriver à celui de Louis VIII, de Louis IX et de Philippe-le-Hardi.

Nous conviendrons très-volontiers avec M. Cartier qu'il est fort diffi- cile de distinguer les monnaies de Louis VI de celles de Louis VIT; voici le moyen qu'il propose pour y parvenir : « Louis VI a plus de droits, » dit-il, aux pièces dont le type se rapporte à ceux des règnes précédents. » Louis VIT doit avoir frappé des parisis avec FES dans le champ, si » pareils aux monnaies incontestables de son fils; cependant Louis VI » pourrait avoir commencé par frapper la variété beaucoup plus rare » le même mot abrégé FRANCorum est écrit F4 dans l’ordre ordi- » naire et non boustrophedon; c’est du moins ce que m ‘autorisent à penser » plusieurs exemplaires de ces deux variétés que j'ai sous les yeux. Ces » parisis se continuèrent sous les règnes suivants ! ».

Quant à l'opinion de M. Cartier sur les deniers avec FS et F4, et qu'il veut attribuer à Louis VI et à Louis VIT, nous démontrerons lle que ces rois, loin de s’être servis de ce type, ne l’ont jamais connu; qu'il n’a pas existé de leur temps et qu'il est de l'invention de Philippe-Auguste.

Pierre I ou IL, évêque de Meaux.

1171-1176.

6. Av. Profil d'évèque mitré et crossé, à gauche; légende : PETRVS EPISCOP/. Rv. Croix cantonnée de quatre globules et de deux fleurs de lis; légende : MELD CIVITAS/.

Gravée dans Tobiésen Duby , pl. 11, fig. 9.

L'auteur que nous venons de citer n'avait pas osé se prononcer entre les trois premiers évêques du nom de Pierre qui occupèrent le siége épis- copal de Meaux, le premier de 1172 à 1175, le second de 1175 à 1176 et le troisième de 1225 à 1255. L'état très-usé de l'exemplaire du trésor

de Grand-Halleux doit faire attribuer cette monnaie à l'un des deux pre-

! Revue fr., 1838, p. 96. Tome XXI.

QI

18 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

miers, entre lesquels il est très-difficile de fixer son choix. Cependant le type étant le même que celui de l’évêque Simon (1176-1195), il est possible qu’elle soit de Pierre 11 1.

Philippe-Auguste, roi de France. 1180-1925.

7. Av. Dans le champ : H5N; légende : PHILIPVS REX/. Re. Croix portant dans le second et le troisième canton une fleur de lis; légende : AR- RAS CIVIS/.

Gravée dans Combrouse, pl. 52, fig. 2. Hermand, pl. 4, fige 45.

Le type de cette monnaie est incontestablement de l'invention de Phi- lippe-Auguste, si toutefois on peut nommer invention la métamorphose du type des archevêques de Reims, qu’il semble avoir pris comme point de départ pour l'innovation de son coin. Le temps était venu il fallait commencer par adopter, bon gré mal gré, un type nouveau, pour rem- placer insensiblement les types locaux devenus parfois méconnaissables, à force d’avoir été imités et altérés par les graveurs, tant sur les monnaies royales que sur les monnaies des feudataires. L’alpha et l’oméga étaient devenus des signes inintelligibles; les monogrammes étaient indéchiffrables et ne présentaient plus que des figures embrouillées; les têtes étaient d’horribles monstruosités; les portails, comme on vient de le voir par les échantillons donnés plus haut, étaient défigurés à l'excès; enfin, chez le Roi, comme chez quelques feudataires, la nécessité de changer de type se fit sentir, parce que l’on ne comprenait plus la signification des figures représentées sur les monnaies. Toutefois ce changement ne fut pas uni- versellement adopté; car les types locaux furent encore conservés dans plusieurs endroits; mais, en frappant monnaie dans les villes nouvellement ajoutées à son royaume, Philippe-Auguste se vit obligé de créer un nou- veau type pour sa monnaie royale.

L'innovation de Philippe-Auguste ne fut pas perdue pour les feuda-

1 Voyez Tobiésen Duby, pl. 41, fig. 8.

DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 19

taires. Poussés par le besoin de changer de type, et voyant que leur sou- verain rejetait de quelques-unes de ses monnaies les anciens types locaux jusqu'alors conservés avec plus ou moins d’altération, plusieurs chan- gèrent aussi leur type particulier pour imiter les deniers royaux. L’inno- vation n’était certainement pas à leur désavantage; car en imitant le type royal, ils assuraient à leurs espèces un cours plus facile et plus répandu. Voyons donc à quelle époque ils ont commencé à imiter le type de Phi- lippe-Auguste; et nous aurons aussi l’époque vers laquelle il fut introduit sur les deniers royaux. Les feudataires sur la monnaie desquels on trouve ce type, sont :

Éléonore, comtesse de Vermandois. . . . . . . . . 4185-1214! Robert IT, comte de Dreux . . . . . 04188-12192; Mathieu II, comte de Beaumont sur Oise et 4 NE 0 HAASOS:

Renaud-comielde Boulogne MN RC . 11191-1212# Guillaume TIL, comte de Ponthieu . . . . . . . . . 1191-1291 *.

C’est donc vers la fin du XIE siècle que les grands vassaux de la cou- ronne commencèrent à imiter ce type; c’est donc aussi vers'cette époque qu'il doit avoir été employé pour la première fois sur les deniers royaux; car s’il eût existé auparavant, les feudataires se seraient aussi empressés de limiter plus tôt, et nous aurions des dates plus anciennes que celles qui sont fournies par les cinq monnaies des personnages cités ci-dessus.

Les dépôts trouvés à Noyon, à Saint-Maixent, à Riom, à Vezin, à Beau- gency, à Avesnes, à Mareuil 5, et surtout celui dont nous nous occupons, sont comme preuves matérielles à l'appui de notre opinion. Les mon- naies frappées à Arras, au nom de Philippe, après que l’Artois fut détaché de la Flandre en 1180, prouvent encore qu’elles sont de Philippe-Auguste,

? Tobiésen Duby, pl. 105, fig. 4 et 2; Revue fr., 1857, pl. 5, fig. 8 et 9.

? Tobiésen Duby, pl. 78, fig. 2 et 3.

5 Jbid., Valois, fig. 1

4 Jbid., pl. T4, fig. 4. Revue fr., 184, vignette, pl. 36, et 1838, pl. 2, fig. 6.

5 Tobiésen Duby, pl. 74, fig. 4 et 2.

6 Revue fr., 1845, p. 185; 4858, p. 283; 1842, p. 460; 1857, p. 288; 1836, p. 250; Mém. de la Société d'émulation de Cambrai, 1832 à 1835, p. 205; Revue fr., 1844, p. 374.

20 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

puisque les comtes d'Artois ÿ exerçaient auparavant ce droit !. On sait que ce roi avait l'habitude de frapper monnaie dans les villes nouvellement soumises à son autorité immédiate, comme il le fit encore à Péronne, pour faire preuve de ses droits seigneuriaux et régaliens.

8. Variété du denier précédent avec deux fleurs de lis dans le premier et le qua- trième canton de la croix.

Gravée dans Le Blanc, p. 176. fig. 1. Lelewel, pl. 3, fig. 33. Hermand. pl. 5. fig. 47.

9. Variété, avec deux fleurs de lis dans le deuxième et le troisième canton, et une troisième entre les lettres : PHIL,, IP'/.

Gravée dans Combrouse, pl. 52. fig. 1.—- Hermand, pl. 4, fig. 42.

10. Mêmes type et légende de l’avers que les n°° 7 et 8. Rv. Croix cantonnée de deux annelets; légende : MOVTVRVEL/.

Gravée dans Combrouse, pl. 52, fig. 6.

11. Mêmes type et légende à l’avers. Ro. Croix; légende : PARISII CIVIS/.

Gravée dans la Revue fr., 1836, pl. 6. fig. 10. Combrouse, pl. 32, fig. 35.

Abbés de Saint-Martin de Tours.

Fin du XII: siècle,

12. Av. Portail défiguré surmonté d’une croix; légende : + SCS MARTINVS/. Ro. Croix dans un grenetis ; légende : TYRONYS CIVIS/.

Gravée dans Tobiésen Duby , pl. 16, fig. 7.

S'il faut en juger d’après l’état usé des exemplaires trouvés à Grand- Halleux, ces pièces semblent avoir été frappées sous le règne de Philippe- Auguste.

! Hermand, Hist. monét., p. 188.

DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 21

1180-1225.

15. 4v. Portail défiguré, et surmonté d’une croix; légende : SCS MARTINYS. Ro. Croix dans un grenetis; légende : PHILLIPVS RE/.

Gravée dans Le Blanc, pl. 202, fig. 10.—Tobiésen Duby , pl. 16, fig. 1. Revue fr., 1858, pl. 5, fig. 9. Combrouse. pl. 52 , fig. 11. Tous les numismates sont d'accord pour attribuer ce denier semi-royal aux abbés de Saint-Martin de Tours, et ils pensent qu'il a été frappé au nom de Philippe-Auguste.

14. Mêmes type et légendes, mais d'un module plus petit. Gravée dans la Revue fr., 1858, pl. 5, fig. 9.

M. Cartier, dans sa lettre sur les monnaies de la troisième race, a at- tribué cette pièce à Philippe-le-Bel (1283-1514).

Nous avons déjà dit, et nous le démontrerons plus tard, que les mon- naies les plus modernes de notre trésor ne peuvent pas être postérieures à 1285 : il est donc impossible d'y trouver des monnaies de Philippe- le-Bel; car, s’il en était autrement , si cette monnaie appartenait effective- ment à Philippe-le-Bel, notre exemplaire , au lieu d’être usé, serait à fleur de coin, comme les monnaies de Jean I, duc de Brabant, de Marguerite de Constantinople et d’Ingelrame, évêque de Cambray; il devrait même être dans un meilleur état, puisque cette monnaie serait la plus récente de toutes celles que contenait le trésor. Nous aurions dû, pour le même motif, en trouver un très-grand nombre d'exemplaires, puisque c'était la mon- naie courante de l’époque, en France; elle aurait y être à peu près en aussi grand nombre que les monnaies de Jean I", duc de Brabant.

Eléonore, comtesse de Vermandois. 1183-1914.

15. Av. Dans le champ : ONE légende : x CO VIROMENDI. Ro. Croix canton- née de deux étoiles ; légende : + S.QVINTINVS/.

Gravée dans Tobiésen Duby , pl. 103, fig. 2.

22 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

Cette monnaie a été citée plus haut, pour prouver que le type qu'elle porte est de l'invention de Philippe-Auguste.

Robert II, comte de Dreux.

1188-1219.

16. 4v. Dans le champ : AS: légende : x EROBERTVS. Rv. Croix cantonnée de deux V (alpha el oméga dégénérés); légende + DRVCAS CAST... (Les leutres S sont renversées.)

Gravée dans Tobiésen Duby, pl. 78, fig. 2.

Le type de cette monnaie démontre qu’elle est de l’époque de Philippe- Auguste. Nous l'avons citée plus haut, à propos du nouveau type introduit par ce prince.

Thierri VIL, comte de Hollande. 1190-1205.

Ne 47. Av. Profil à droite; légende : ….EODER.../ Ro. Croix à doubles bandes, ancrée, cantonnée d’un globule et entourée d'un cercle; légende : …OC...N/

Voyez la pl. fig. 25.

La ressemblance de ce type avec celui des mailles de Florent III (1157- 1190) 1 et la croix du revers, semblable à celle des monnaies de Guil- laume Er (4205-1293), ne laissent aucun doute sur son attribution.

Ce type, ainsi conservé religieusement pendant trois règnes successifs, fut copié sur les monnaies anglaises et suédoises, et se répandit, par la Hollande, dans les autres provinces des Pays-Bas, il se transforma de manière à former un type nouveau, qui fut adopté en Brabant, dans le pays de Juliers et dans le comté de Loos.

Cette maille et la marche de son type démontrent combien Van Alke- made était dans l'erreur, lorsqu'il attribuait à Thierri VII les deux mon- naies gravées sur sa quatorzième planche.

1 Lelewel, pl. 20, fig. 8.

DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 23

Guillaume LIT, comte de Ponthieu. 1191-1212.

18. 4v. Dans le champ : VOŸ/; légende : + WILELM COMS/. Ro. Croix can- tonnée de deux globules; légende : ABBATIS VILE/.

Grayée dans Tobiésen Duby, pl. 74, fig. 2.

Le type de cette monnaie, parfaitement semblable à celui des deniers de Philippe-Auguste frappés à Arras, et l’état usé de l'exemplaire trouvé à Grand-Halleux, ne laissent plus de doute sur son attribution à Guil- laume III.

Tobiésen Duby, en parlant de cette monnaie, n’avait pas osé se pronon- cer entre les trois Guillaume, comtes de Ponthieu.

Ville de Francfort. Gommencement du XIII: siècle.

19. Av. Main nimbée et entourée d’une légende dont on aperçoit à peine les traces. Rv. Croix pattée, portant à chaque bout une perle, et entou- rée d’un cercle; la légende est effacée.

L'état de nos exemplaires est tel que nous n’avons pu déterminer la monnaie que par le type.

Ces pièces, minces comme des bractéates, se trouvent surtout dans les environs du Rhin.

Albéric, archevéque de Reims. 1207-1218, 20. 4v. Dans le champ : FEVE/; légende : x ARCHIEPISCOPVS/. Ro. Croix can-

tonnée de deux fleurs de lis et de deux omégas défigurés; légende : x REOIS CIVITAS/.

Gravée dans Tobiésen Duby, pl. 8, fig. 6,

24 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

Guillaume IT, archevéque de Reims. 1219-1926.

Ne 21. 4v. Dans le champ : Pe/; légende : + ARCHIEPISCOPVS/. Ro. Croix

cantonnée de deux croissants et de deux fleurs de lis; légende : REOIS CIVITAS/. Grayée dans Tobiésen Duby . pl. 8. fig. 5.

Tobiésen Duby attribue cette monnaie à Guillaume [+ (1176-1202). M. Hermand, dans sa notice sur les monnaies trouvées à Saint-Omer, en 1858 1, et M. À. de Longpérier, dans sa notice sur quelques monnaies inédites de Reims ?, suivent cette opinion.

Quant à nous, nous ne croyons pas pouvoir l’adopter, parce qu’elle s'oppose évidemment à la marche des types. Un simple coup d'œil jeté sur la huitième planche de Tobiésen Duby doit nous en convaincre à l’évi- dence. II nous semble en résulter que les 5 et 8 sont des imitations de la monnaie figurée sous le 7 et appartenant à Albéric (1207-1218), prédécesseur immédiat de Guillaume IL. S'il en était autrement, si les monnaies figurées sous les 5 et 8 étaient antérieures à celles d'Albéric, il faudrait supposer que les omégas défigurés et gravés dans les cantons de la croix du 6, sont postérieurs aux croissants; et la monnaie de l'archevêque Robert (1299-1524), figurée sous le 11, devrait être anté- rieure à celle d’Albéric (1207-1218). Cette supposition conduirait à l’ab- surde et nous mettrait en contradiction flagrante avec la loi éternelle des types 5.

- 104 A GVLE 22. Variété du numéro précédent , avec UE

Grayée dans Tobiésen Duby . pl. 8. fig. 8.

1 Mémoires de la Société des antiq. de Morinie, t. IV, p.401.

2 Revue fr., 1840, p. 340.

5 Ce denier étant restitué à Guillaume If, il s'ensuit que la monnaie la plus ancienne du trésor trouvé à Saint-Omer, et dont il soit possible de fixer la date avec certitude, est de Philippe-Auguste. Cette observation ne sera pas sans importance pour les conelusions que nous pourrons en tirer dans Ja suite.

DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 25

Jeanne, comtesse de Flandre. 1206-1244.

25. Av. Guerrier debout à mi-corps et à droite, tenant une faux ou un drapeau. Rv. Croix cantonnée de quatre globules et traversant un grenetis, autour duquel sont placées deux étoiles, accostées chacune de deux glo- bules , et deux perles également accostées de deux globules.

Gravée dans Lelewel, pl. 40, fig. 16.— Den Duyts, pL 5, fig. 5. Hermand, pl. 5, fig. 25. De Bast, t. Il, pl. 1, fig. 6.

Cette maille, entièrement muette, a été attribuée par M. Hermand à un comte de Flandre, antérieur à Guillaume Cliton (1127-1128). Notre manière de voir diffère beaucoup de celle du savant numismate.

Voici nos raisons pour attribuer cette maille à la comtesse Jeanne : En examinant le type du revers, nous avons été frappé de l’analogie qui existe entre cette pièce et d’autres frappées à Lille et à Ypres, et gravées sur la planche 20, f. 20, 21 et 22 de la Numismatique du moyen âge, par M. Lelewel. Nous y voyons aussi une croix, pattée, il est vrai, et diffé- rente de celle de notre maille, mais cantonnée de quatre globules et tra- versant un cercle ou un grenetis, comme sur celle dont nous nous occupons. Cette circonstance doit nous faire supposer, avec quelque fondement, que la maille en question appartient à un comte de Flandre, qui régnait à une époque très-voisine de celle ces pièces ont été frappées; or, ainsi que nous le ferons voir tantôt, la maille frappée à Lille et portant à l’avers une fleur de lis, appartient à Marguerite de Constantinople. Il faut donc lui assigner une époque presque contemporaine; mais on sait que la croix non pattée, telle qu’elle se trouve représentée sur la maille au guerrier, est antérieure à la croix pattée de la maille à fleurs de lis, ou, en d’autres termes, à la croix employée par Marguerite. I faut donc nécessairement la restituer à un comte de Flandre antérieur à Marguerite; or, aucune autre monnaie flamande qu'il soit possible d'attribuer à un comte de Flandre antérieur à Marguerite, n'ayant été trouvée à Grand-Halleux, on peut la restituer à Jeanne. Son état usé, semblable à celui des monnaies

Tome XXI. 4

26 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

françaises de l’époque de Jeanne, donne encore de la vraisemblance à notre supposition.

Nous la croyons frappée au commencement du règne de Jeanne, et nous sommes autorisé, par le type du revers, à l’attribuer à la Flandre française ; car les mailles frappées dans cette partie de la Flandre ont toutes la croix pattée ou non pattée, cantonnée de quatre globules, et passant par un cercle ou un grenetis quelquefois entouré d’une légende coupée par la croix.

24. Av. Aigle à ailes éployées, à droite, dans le champ, un croissant, Rv. Croix brabançonne cantonnée de T/I/N/E.

Gravée dans Den Duyst, pl. 5, fig. 1.

Nous attribuons cette maille à la fin du règne de Jeanne, et nous la croyons frappée à Alost, ancienne dépendance de l’empire germanique.

L’aigle impériale figurée sur l’avers ne laisse aucun doute sur le pays la pièce a été fabriquée : ce symbole démontre, et tout le monde sera d'accord avec nous sur ce point, qu’elle a été frappée dans un territoire ap- partenant à l’Empire germanique. On nous demandera peut-être pourquoi nous attribuons cette monnaie à l'atelier d’Alost, plutôt qu'à tout autre dépendant de l'Empire, et si le grand nombre mailles à l'aigle trouvées dans le Brabant, ne prouvent pas qu’elles ont été frappées dans ce duché? Nous dirons, en ce qui concerne le premier point, que le gros et la maille frappés à Alost par Marguerite de Constantinople portent un double aigle, qui formait, sous le règne de cette princesse, les armes de l'Empire, de même que l’aigle formait aussi, sous le règne de Jeanne, les armes im- périales 1. La maille à l'aigle, avec croissant ou étoile, peut donc aussi avoir été frappée à Alost, Il résulte, d’ailleurs, du trésor dont nous nous occupons, aussi bien que de celui qui fut trouvé à Louvain, au mois d'août 1840 ?, que toutes les mailles à la croix dite brabançonne sont à peu près de la même époque, et que cette croix fut reproduite dans presque toutes

1 Voyez Lelewel, Num. du moyen âge, t. I, p. 32, et la pl. 14, fig. 63 du même ouvrage. 2 Messager des sciences historiques, année 1840, p. 455.

DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 27

les provinces méridionales des Pays-Bas, dépendantes de l'Empire 1. Ainsi, on la voit en Hainaut, en Brabant, à Cambrai et dans la Flandre impé- riale. En Brabant, elle se montre sur les mailles des ducs Henri IT (1255- 1248) et Henri II (1248-1261); elle peut donc très-bien avoir figuré sur les mailles de la fin du règne de Jeanne (1206-1244) et sur celles du com- mencement du règne de Marguerite de Constantinople (1244-1280), com- tesse de Flandre et contemporaine des ducs de Brabant, Henri Il et Henri III.

L’aigle isolée dans le champ prouve encore que cette maille est de Jeanne, puisque le lion gravé sur les mailles de Henri IT, duc de Brabant, est éga- lement isolé dans le champ. D'ailleurs, on voit encore figurer, vers la même époque, l'aigle isolée sur la monnaie de Mathieu IF, duc de Lor- raine (1220-1251), et sur celle d’Otton HI, comte de Gueldre (1229- 1271). Quelques-unes des mailles de Jeanne portent une étoile au lieu d’un croissant, comme celle qui est gravée dans Lelewel, pl. 20, f. 31; or, l'étoile figure déjà sur la maille frappée dans la Flandre française par Jeanne, et le croissant paraît sur les monnaies françaises, avant et pen- dant le règne de cette comtesse.

Toutes ces raisons semblent donc indiquer que la maille à l'aigle, avec étoile ou croissant, a été frappée par Jeanne. L'état usé des exemplaires de la trouvaille de Grand-Halleux semble confirmer cette opinion en tout point ?.

Quant aux lettres T I N E, on est aujourd’hui d’accord pour y voir le nom du monétaire, et non celui de la ville de Tirlemont, en flamand Thie- nen, opinion que nous avions longtemps partagée avec d’autres numismates.

Le second point de l’objection, celui du grand nombre de ces mailles

1 On a eu le tort d'attribuer au duché de Brabant toutes les mailles à la croix dite brabançonne, et nous avons nous-même émis cette opinion, il y a longtemps; c'est comme si l'on concluait de Ja croix à double bande qui se reproduit sur toutes les monnaies des Pays-Bas au XIN° siècle, que toutes les espèces à ce type appartiennent au Brabant, parce qu'il y fut employé sous le règne de Jean I.

Les croïx brabançonnes des différentes mailles, quoïqu'ayant la même forme, présentent entre elles des différences d'ornementation remarquables, qui indiquent des ateliers et des pays diffé- rents.

? Si ces mailles ne sont pas de la fin du règne de Jeanne, il faut nécessairement les attribuer au commencement du règne de Marguerite.

28 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

trouvées en Brabant, d’où l’on pourrait conclure qu’elles appartiennent à ce duché, est plus significatif. Nous avouons qu'on les trouve en plus grand nombre dans le Brabant que dans la Flandre. Mais Alost, ancien fief du Brabant, et par conséquent de l'Empire, touchait pour ainsi dire aux frontières du duché de Brabant, et ses relations continuelles avec ce pays peuvent avoir été l'une des causes qui ont amené en Brabant tant de mailles frappées dans cette ville. On en a trouvé aussi un grand nombre dans les environs d’Alost même 1; et dans le trésor de Grand-Halleux, cette maille ne figure qu’une fois, comme celle de Jeanne, frappée pour la Flandre française, tandis que les mailles contemporaines, frappées en Bra- bant, fournissent treize exemplaires : ce qui semble indiquer que les mailles à l'aigle appartiennent à la Flandre, plus éloignée du Luxembourg que le Brabant; or, plus les pays sont éloignés les uns des autres, moins leurs monnaies respectives y sont répandues.

Dans le trésor trouvé à Louvain en 1840, il n’y avait pas autant de mailles à l'aigle qu’au lion brabançon.

Jeanne, comtesse de Hainaut.

1206-1244.

25. 4v. Figure qui ressemble au monogramme du Hainaut. Ro. Croix dite bra- bançonne, cantonnée de deux annelets et de deux fleurs.

Grayée dans Den Duyts, pl. 14, fig. 4. 26. Idem avec croix cantonnée d’'annelets auxquels sont adaptées des tiges. 27. Variété avec croix cantonnée de deux boutons de fleurs et des lettres : T/T/.

Grayée dans Lelewel, pl. 20, fig. 41.

La figure gravée sur l’avers de ces mailles a tant de ressemblance avec le monogramme figuré plus tard sur les monnaies du Hainaut, que M. Chalon les a comprises dans son catalogue des monnaies de ce comté. Personne ne pouvant sérieusement contester cette ressemblance, l'opinion

1 De Bast, Second supplément au recueil d'antiquités, p. 189.

DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 29

du savant numismate devient probable. La croix brabançonne du revers ne détruit pas la supposition, puisqu'elle appartient à plusieurs provinces des Pays-Bas, et que, par conséquent, elle peut aussi avoir été employée dans le Hainaut.

Reste encore à discuter la question de savoir si ces mailles ont été frap- pées ou non par Jeanne, comtesse de Hainaut. Leur état de conservation et celui des mailles d’Alost sont absolument les mêmes; elles doivent donc avoir été émises en même temps : en d’autres termes, elles doivent être contemporaines. Nul doute, au reste, que ces mailles ne soient anté- rieures à celles qui ont été frappées par Marguerite à Valenciennes : leur état usé le prouve suffisamment.

Le type des mailles au monogramme répond aussi parfaitement bien à l’époque de Jeanne. Le monogramme est isolé dans le champ, comme l'aigle sur la maille d’Alost, comme le lion sur la maille brabançonne du duc Henri IT, et comme l'aigle sur la maille d'Otton IIT, comte de Guel- dre (1229-1271). La croix dite brabançonne, figurée sur le revers, se retrouve aussi sur la maille d’Alost et sur celle de Henri IT, duc de Bra- bant, contemporain de la comtesse Jeanne.

Il y a donc lieu de croire que nous sommes suffisamment autorisé à attribuer la maille avec le monogramme à Jeanne, comtesse de Hainaut !.

Alexandre IL, roi d'Écosse. 1215-1249.

28. Av. Profil couronné, à gauche, et avec sceptre ; légende : ALEXANDER REX. Ro. Croix à double bande cantonnée de quatre étoiles et traversant la légende : I0h/AN/ONB/ER/ (Jean à Berwick.)

Cardonnel attribue les monnaies au nom d'Alexandre et avec croix à double bande à Alexandre IL. Cette attribution est pleinement confirmée par l’état de l'exemplaire trouvé à Grand-Halleux.

1 En supposant que cette maille ne soit pas de la fin du règne de Jeanne, on devra l'attribuer au commencement du règne de Marguerite.

»

30 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

Thierri II, archevèque de Trèves. 1212-1942.

29. Av. Évêque mitré et crossé, à mi-corps et à droite; dans la main gauche un livre; légende : THEODERICVS/. Ro. Portail flanqué de deux tou- relles ; en dessous une rosette; légende : TREVERIS/.

Gravée dans Bobl, pl. 1, fig. 1. Variété avec croissant au lieu de rosette.

Hugues IV, duc de Bourgogne. 1218-1272.

50. Av. Deux crosses défigurées et posées en sautoir, au-dessus et en dessous, deux annelets; légende : VGO DVX BVRG : DIE/. Rv. Croix dans un gre- netis; légende : + DIVIONENSIS/.

Gravée dans Tobiésen Duby, pl. 49, fig. 13. Lelewel, pl. 9, fig. 10.

« L’obole de Hugues, duc de Bourgogne, disait M. Hermand, en ren- » dant compte du trésor trouvé à S'-Omer, a été attribuée par Duby à » Hugues V, qui régna de 1305 à 1515; rien ne s'oppose sérieusement » à ce que cette attribution soit admise, que la mauvaise conservation » de l’exemplaire trouvé qui paraît avoir cireulé longtemps. A la rigueur » même, les caractères archéologiques conviennent au moins autant à » Hugues IV, duc depuis 1218 jusqu'en 1272, qu'à Hugues V !. »

Le savant Lelewel, partageant une opinion contraire à celle de Tobiésen Duby, avait déjà attribué cette pièce à Hugues IV ?, et l'évidence des faits nous fait une loi de souscrire à son avis.

Examinons d’abord les preuves matérielles qui militent en notre faveur. La monnaie trouvée à Saint-Omer était, de l’aveu même de M. Her- mand, très-usée. Si elle avait appartenu à Hugues V (1305-1315), elle

1 Mémoires de la Société des antiq. de Morinie, t. IV, p. 401. ? Lelewel, Num. du moyen âge, t. 1, 1"° partie, p. 485 et 198.

DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 91

aurait été la plus moderne du trésor, et, par conséquent, à fleur de coin. Dans le trésor de Grand-Halleux, cette obole était également usée, et aussi usée que les monnaies de l’époque de Hugues IV. En supposant que l’exemplaire fût de Hugues V, cette monnaie aurait encore été la plus moderne ; mais la plus récente ne peut être postérieure à 1285; il est donc impossible de l’attribuer à Hugues V.

Les caractères archéologiques dont parle M. Hermand, loin de prou- ver en faveur de l’opinion de Tobiésen Duby, renversent totalement son système. En effet, les deux crosses en sautoir pouvaient encore très-bien figurer au XIII siècle, mais non au XIVe. La différence archéologique entre cette obole et les monnaies qui sont, en effet, de Hugues V, est tellement grande, tellement sensible, qu’il est impossible de les attribuer au même personnage. Sur les monnaies de Hugues V, on voit un écusson avec armes, caractère distinctif des monnaies de la fin du XIIT et du commencement du XIV: siècle, comme le démontre l’écusson figuré sur les monnaies de Robert II, duc de Bourgogne (1272-1505). En supposant donc que les monnaies aux deux crosses en sautoir et celles à l’écusson fussent contemporaines ou frappées par les mêmes personnages, par Hugues V, il faudrait aussi supposer que la même chose se fût passée sous Robert IT; or, les crosses commençaient déjà, sous son règne, à dis- paraître ; et si elles figurent encore sur les monnaies de ce duc, elles sont coupées et adossées. À la fin de son règne, les crosses n'existent plus, et elles deviennent une fleur de lis posée au-dessus de l’écusson. Les deux crosses en sautoir ne pouvaient donc prendre leur place sur les monnaies frappées après Robert IT, et moins encore sur celles de Hugues V.

En général, toute la classification des monnaies des ducs de Bour- gogne, par Tobiésen Duby, est mal faite, à l'exception de celles des ducs qui ont régné vers le milieu du XIV: siècle.

51. Variété du numéro précédent avec BVRGDIE.

Gravée dans Tobiésen Duby, pl. 49, fig. 12.

52. Av. Deux crosses défigurées et adossées; au milieu deux lignes entre les-

32 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

quelles : DVX/; légende : VGO BVRGVNDIE/. Rv. Croix cantonnée de deux feuilles de trèfles avec tiges; légende : DIVIONENSIS/.

Gravée dans Tobiésen Duby, pl. 49, fig. 15. Lelewel, pl. 9, fig. 11.

Cette monnaie est encore attribuée par Tobiésen Duby à Hugues V. Inutile de répéter que l’état de l’exemplaire trouvé à Grand-Halleux ne permet pas d'adopter cette opinion. IT était aussi usé que les deux mon- naies précédemment décrites.

Une pièce au même type et du même duc, mais frappée pour Auxonne , est attribuée par M. Cartier à Hugues IV. Elle fut trouvée avec une monnaie de Mahaut IT, comtesse de Nevers (1257-1262), contemporaine de Hugues IV !.

Frédéric IT, empereur d'Allemagne. 1929 + 1250.

55. Av. Figure couronnée à mi-corps, tenant un sceptre en forme de verge de la main droite, et un globe de la main gauche, légende : . . . . .VSREX/. Ro. Figure couronnée, soutenant un bâtiment; légende : .....VR/.

Gravée dans Gütz, pl. 29, fig. 348. Lelewel, pl. 18, fig. 9.

Le premier des auteurs que nous venons de citer attribue cette mon- naie à Frédéric I. M. Lelewel, se fondant sur les caractères archéolo- giques de la pièce, pense, au contraire, qu’elle est de Frédéric IL. L'état de conservation de l’exemplaire trouvé à Grand-Halleux ne laisse plus aucun doute sur la justesse de cette dernière attribution.

Florent IV, comte de Hollande.

1225-1255.

54. Av. Profil à droite; légende : FLOREN..../ Ro. Croix ancrée et à double bande passant par la légende : X/H/O/L/.

Voyez la planche, fig. 24. Nous sommes d’avis que la croix ancrée et à double bande, comme elle

1 Revue fr., 1859, p. 217.

DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 99

figure sur les mailles de Florent HIT (1157-1199), de Thierri VIT (1191- 1205) et de Guillaume I# (1205-1225), comtes de Hollande, ne peut plus avoir été employée par Florent IV. Pendant le règne de ce dernier, elle devait déjà tendre à sortir des limites que lui traçait le cercle dont elle était entourée; elle commençait alors à traverser les légendes, comme on le voit plus tard sur les monnaies de Jean [*, duc de Brabant, et sur celles de ses contemporains.

Nous avons donc cru devoir, sans hésitation, attribuer cette maille à

Florent IV.

Louis VIII, roi de France.

1225-1226.

55. Av. Dans le champ : BY/; légende : LYDOVICVS REX/. Ro. Croix dans un grenetis ; légende : PARISIE CIVIS/.

Gravée dans la Revue fr., 1836, pl. 6, fig. 10. Combrouse, pl. 47, fig. 5.

M. Cartier, en rendant compte de la trouvaille de Beaugency, dit, à propos de cette monnaie et d’une autre au même type : « L'une a au » revers Neo et l’autre ON ; C'est la masse principale de notre trésor. Ces » pièces appartiennent à Louis VIF; je crois le 9 (celle avec F0) plus » ancien et de l’origine de cette sorte de monnaie ; nous l'avons ici » beaucoup plus usé et en plus petit nombre que le 10. Il pourrait » remonter à Louis VI 1. »

Nous ne répèterons pas ici ce que nous avons dit de l’origine de ce type, à propos des deniers au même type de Philippe-Auguste. Nous nous bor- nerons à invoquer quelques faits nouveaux, pour prouver que ces mon- naies ne sont ni de Louis VI, ni de Louis VII.

Pour les attribuer à Louis VI, il faudrait que, dans la trouvaille de Beaugency, elles eussent été moins nombreuses que les autres monnaies ; et c’est précisément le contraire qui eut lieu, de l'aveu même de M. Car-

1 Revue fr., 1856, p. 257. Towe XXI. 5

34 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

tier. Il faudrait également que, dans les trésors découverts à Saint-Maixent, à Vezin, à Dieuze et à Saint-Omer, et dans lesquels cette monnaie fut trouvée, on eût rencontré aussi des monnaies contemporaines de Louis VE, ou tout au moins des monnaies que l’on puisse attribuer à ce roi; ce qui n'eut pas lieu. Il faut donc nécessairement refuser cette monnaie à Louis VI.

Voyons s’il est possible de l’attribuer à Louis VIT, comme l'a fait M. Combrouse 1. Nous ne pourrons plus argumenter contre lui, en invo- quant l'absence des monnaies contemporaines de Louis VIT, dans les tré- sors cités plus haut; mais ne résulte-t-il pas du dépôt de Beaugency, ces monnaies furent trouvées en nombre supérieur à celui des monnaies de Philippe-Auguste, que le trésor doit avoir été enfoui immédiatement après le règne de ce dernier, et, par conséquent, sous Louis VITT, dont les espèces devaient être plus répandues à l’époque de l’enfouissement que celles de son père? car, en règle générale, les monnaies courantes, et, par conséquent , celles du prince régnant à l’époque de l’enfouissement, sont toujours plus nombreuses dans les trésors que celles des princes décédés. Ce fait ne démontre-t-il point déjà, à lui seul, que les monnaies à ce type et au nom de Louis doivent être attribuées à Louis VIT plutôt qu'à Louis VIT.

Ce qui prouve d’ailleurs à l'évidence que cette pièce doit être attribuée à Louis VIT, c’est la monnaie au même type et exactement semblable frappée à Arras ?; or, Louis VIT ne fit jamais battre monnaie à Arras ; mais Louis VIIT, en sa qualité de comte d'Artois, doit y avoir exercé ce droit.

Examinons maintenant la croix du revers, et voyons si elle ne nous fournit pas de nouvelles preuves en faveur de notre opinion.

Au fur et à mesure que les monnaies des premiers rois de la troisième race approchent des temps modernes, les branches de la croix gravée sur leur revers deviennent de plus en plus larges, comme on en trouve des preuves matérielles dans les exemples fournis par la planche, fig. 10 à 22

di ie En même temps qu’elles deviennent plus larges, les branches de la croix se montrent ornées de l'alpha et de l’oméga dont l'usage avait cessé

1 Combrouse, Catalogue raisonné, Capétiennes, n°° 76 et suiv. ? Hermand, pl. 5, fig. 59 et GO.

DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 55)

momentanément sous le règne de Philippe LE; vers le milieu de ce règne, les deux lettres passent dans les cantons de la croix, et vers la fin, elles commencent à dégénérer. Elles se maintiennent défigurées sur les mon- naies de Louis VE, et passent entièrement transformées et modifiées sur celles de Louis VIT. Sous Philippe-Auguste, les mêmes lettres deviennent des fleurs de lis; enfin, la croix est dégagée dans ses cantons. Louis VITE en revient encore momentanément aux fleurs de lis; mais il les abandonne bientôt pour reprendre la croix dégagée dans ses cantons, comme celle qui avait été adoptée par son père.

Il résulte de la modification de la croix, de la dégénération de l'alpha et de l’oméga et de l’apparition et disparition des fleurs de lis, que les monnaies . attribuées par nous à Louis VIIT lui appartiennent effectivement , et qu’elles ne peuvent avoir été frappées ni par Louis VI, ni par Louis VIF, qui se servaient encore de la croix cantonnée de l'alpha et de l’oméga défigurés.

Au reste, nous avons déjà dit plus haut que Philippe-Auguste a été le premier à introduire ce type; celui-ci ne peut donc pas avoir été inventé par Louis VIT; mais il doit avoir été imité par Louis VITE, qui n’a pas eu, pendant son règne de trois ans, le temps d’inventer un coin original. Nous ajouterons encore que les exemplaires trouvés à Grand-Halleux sont beau- coup moins usés que les monnaies de Philippe-Auguste.

Le petit nombre de monnaies de Louis VIII trouvées à Grand-Halleux est peut-être la seule objection sérieuse à faire valoir contre notre système de classification, puisque l’on peut conclure du grand nombre de mon- naies de Philippe-Auguste trouvées dans le même trésor, qu’elles doivent être antérieures à ce règne. Nous ferons observer que, dans un trésor enfoui cinquante ans après le règne de Louis VIT, le nombre ne peut pas avoir autant d'importance que s’il avait été enfoui sous ce monarque. Le règne si court de ce prince ne peut avoir fourni au dépôt de Grand- Halleux autant de monnaies que celui de son père, qui régna pendant 45 ans.

On le voit, notre système de classification des monnaies de Louis VIT, de Philippe-Auguste et de Louis VIII diffère entièrement du système qui a prévalu jusqu'ici en France; mais il est si rationnel, il caractérise si bien

36 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

les types des monnaies de chaque règne, qu'il nous semble préférable à l'ancien système évidemment embrouillé, n’offrant aucun guide certain et demandant très-souvent des explications difficiles à donner et difficiles à comprendre. Dans ce système, on devait sans cesse avoir recours aux exceptions dans la marche des types, et l'on finissait par ne plus voir la règle générale, tandis que, dans notre système, la loi des types reste par- faitement intacte.

Jean I, évéque de Metz.

1994-1958.

56. Av. Évêque mitré et crossé, à mi-corps, et à gauche, légende : IOH......) Rv. Croix pattée cantonnée de deux étoiles et de deux croissants, lé- gende : METENSIS/.

Gravée dans de Sauley, Rech. sur les monn. des év. de Metz, pl. 1, fig. 58. Lelewel, pl. 19, fig. 15. 57. Variété avec grenetis fort gros; contre le dos : IOhA/.

Gravée dans de Sauley , pl. 1, fig. 39.

58. Variété; la légende commence à la crosse; la croix est cantonnée de quatre globules.

Ibid., fig. 42.

©

59. Variété; la légende commence aux mains.

Ibid., fig. 44.

40. Variété avec IOANES E/.

41. Id. fabrique grossière.

42, Id. avec IOV contre le dos. 45. Id. avec légendes effacées.

L'état usé de ces monnaies et leur ressemblance avec celles de Jac- ques, évêque de Metz (1258-1260), ne laisse aucun doute sur la justesse de l'attribution de cette maille à Jean KE, faite par M. de Sauley.

; P Y

DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 37

Henri II, archevéque de Reims.

1227-1240.

44. Av. Dans le champ AINE: légende : ARCHIEPISCOPVS/ Ro. Croix canton- née de deux fleurs de lis et de deux croissants; légende : REOIS CIVITAS..

Gravée dans Tobiésen Duby, pl. 8, fig. 3.

Tobiésen Duby attribue cette monnaie à Henri 1 (1162-1175). Con- vaincu, comme nous le sommes, par le raisonnement développé plus haut à propos de la monnaie de Guillaume IT, archevêque de Reims, nous ne sauriGns souscrire à cette opinion. Nous avons dit que, pour pouvoir attribuer à Guillaume I la monnaie de Guillaume IF, il faudrait supposer que le croissant fût antérieur à l’oméga défiguré inscrit dans les cantons de la croix sur les monnaies d’Albéric (1207-1218); par conséquent, on devrait en conclure que la monnaie d’Albéric est postérieure à celle de Robert (1299-1524). Le même raisonnement s'applique à la monnaie de Henri, copiée sur celle de Guillaume IT (1219-1226), et il faudrait aussi, si elleest de Henri TI, que la monnaie de Robert fût antérieure à celle d’AI- béric. L'état de cette monnaie et le trésor trouvé à Saint-Maixent en disent d’ailleurs assez pour qu'il ne soit plus nécessaire d’insister sur ce point !.

45. Variété, avec MEINR,

Gravée dans Tobiésen Duby, pl. 8, fig. 9.

En se fondant sur une différence orthographique dans le nom de Henri, écrit tantôt AINRICYS, tantôt HEINRICVS, Tobiésen Duby s'était cru autorisé à faire une distinction entre les monnaies différemment orthogra- phiées. Il avait attribué à Henri I celles qui portent Ainricus et à Henri II, celles l’on trouve Heinricus. Nous sommes d'accord avec lui, en ce qui

concerne ces dernières monnaies.

1 Comp., la Revue fr., 1840, p. 540.

58 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

Louis IX, roi de France.

1226-1270,

46. Av. Portail défiguré et surmonté d'une croix; légende : TVRONVS CIVI. Ro. Croix dans un grenelis; légende : LVDOVICVS REX/.

Gravée dans la Revue fr., 1858, pl. 6, fig. 4.

Dans sa lettre sur les monnaies de la troisième race, M. Cartier pré- tend que l’on peut attribuer ce denier à Louis VIIT 1. L'état de conser- vation des monnaies à ce type, trouvées à Grand-Halleux et à Mareuil ?, ne permet pas d’adopter cette opinion.

Nous tâcherons de démontrer que la marche du type s’y oppose égale- ment et qu’elle doit être attribuée à Louis IX, qui semble avoir été le premier à lemployer sur la monnaie royale. Le moyen le plus sûr, pour y parvenir, est de chercher vers quelle époque les feudataires ont commencé à imiter le type de cette monnaie. Le tournois frappé par les abbés de S'-Martin, à Tours, jouissait en France et même à l'étranger de la meilleure réputation. Le roi était donc intéressé à imiter ce type, pour réhabiliter la monnaie royale frappée à un aloi très-bas. Le signal donné, les feudatai- res, encore plus intéressés à l’imiter, afin de procurer à leur monnaie un cours plus général, devaient s’empresser de l'adopter.

Ce fait admis, il sera très-facile de deviner l’époque vers laquelle le roi de France commença à imiter les tournois, en recherchant en même temps l’époque vers laquelle les feudataires s’en emparèrent. Voici la liste des seigneurs qui usurpèrent le type tournois.

Raimond VII, comte de Toulouse. . . . . . . . . . 4222-1249. Charles d'Anjou, comte de Provence. . . . . . . . . 1246-1286. Alphonse, comte de Toulouse et de Poitou. . . . . . . 1249-1271. JéantcommtetdeBlois. NICE EN SRE HO M1255 "12797 Jean, vdue delBretasne Net-iris Tete Jane 1512-1541. Eudes IV, due de Bourgogne . . . . . . . . . . . 1515-1550. Charles; duc de Bretaene NORME SC CRC Ne 1544-1564.

1 Revue fr., 1838, p. 99. 2 1b., 1844, p. 374.

DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 39

Les princes français qui régnèrent dans les provinces démembrées de l'empire grec, imitèrent aussi les tournois vers la même époque que les barons français. Gui de la Roche (1224-1264), Jean de la Roche (1264- 1276), Guillaume de la Roche (1276-1285), Gui II de la Roche (1285- 1508), tous ducs d'Athènes, l’adoptèrent tour à tour !.

C’est donc dans la première moitié du XII: siècle que les feudataires de France et les princes français régnant à l'étranger se sont emparés du type tournois des monnaies royales; c’est donc aussi vers cette époque que le type tournois dut être adopté sur la monnaie royale. Il nous semble, par conséquent, très-naturel d'attribuer les monnaies à ce type, et au nom de Louis, à Louis IX.

M. De Saulcy a dit avec raison : « À son retour de France, Gui de la » Roche se hâta sans aucun doute d'émettre de nouvelles monnaies por- » tantson titre de duc. Il les calqua sur les deniers tournois du roi Louis IX, » et en cela il ne fit qu'imiter le prince d’Achaïe, Guillaume de Villehar- » douin lui-même, qui, pendant l'exil de Gui de la Roche, fit frapper, » dans la ville de Thèbes, les demiers tournois à son nom ? ». Cette opinion a été également soutenue par M. Friedländer, qui dit plus expli- citement encore que ce type apparut en France sous Louis IX 5. Cette assertion n’est pas très-juste, puisqu'on voit figurer ce type sur les mon- naies de Foulques, comte d'Anjou (1109-1129), et que Philippe-Auguste l’adopta sur sa monnaie frappée à Rennes, en qualité de seigneur de la Bretagne, comme l’a suffisamment démontré M. Poey d'Avant #; il semble donc en résulter que Philippe-Auguste n'aurait pas encore été le premier à l’employer sur la monnaie royale.

47. Deux monnaies en cuivre aux mêmes type et légendes. Ce sont probablement deux pièces fabriquées par des faussaires.

1 Revue fr., 1842, p. 146. 2 10, pet,

5 1; 1845, p. 124. 1; 1844, p. 379.

40 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

Henri HI, comte de Luxembourg. 1226-1975.

48. Av. Lion debout, à gauche. Rv. Donjon crénelé; légende : LV/CEMBOR./

Gravée dans Grote, Plätter für Münzkunde, t. IV, pl. 13, fig. 282. Public. Luæ., pl. 7, fig. 55.

Le lion debout, à gauche et isolé dans le champ, est dans la même position que les lions figurés sur les mailles de Henri Il, duc de Brabant (1226-1275), contemporain du comte de Luxembourg. Le donjon crénelé figure aussi sur les mailles frappées sous le règne de Henri IT à Anvers; la forme des lettres de la maille luxembourgeoise ressemble singulièrement à celle des lettres de la maille de Ferri IT, duc de Lorraine (1220-1251); le nom de la ville la maille fut frappée est inscrit de la même manière sur les mailles contemporaines frappées par les évêques de Metz, les arche-

. vêques de Trèves et les ducs de Lorraine, tous voisins de Luxembourg, et dont les monnaies ont exercer de l'influence sur le type luxembour- geois. Ces observations et l’état des mailles trouvées à Grand-Halleux nous font supposer qu’elles ont été frappées sous le règne de Henri II, et avant la maille que nous attribuons à Henri [V, comte de Luxembourg, comme nous le verrons plus loin, en parlant de cette monnaie.

Notre manière de voir diffère essentiellement de celle des auteurs des publications de la Société archéologique de Luxembourg, qui attribuent cette maille à Waleran et Ermesinde (1196-1246), tandis que le docteur Grote n'avait pas osé se prononcer entre les trois Henri qui régnèrent de 1226 à 1288 1.

Otton IT, comte de Gueldre. 1229-1271, 49, Av. Double aigle à ailes éployées. Rv. Croisette dans un grenetis; légende : Voyez la planche , fig. 25.

1 Grote, Blätter für Münzkunde, t. IV, p. 94.

DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 41

Une monnaie avec le même aigle et d’une fabrication aussi grossière, a été gravée par M. Lelewel dans son ouvrage sur la numismatique du moyen âge !; le revers en est totalement différent. Ce savant l’attribue à Otton IIL.

La maille dont nous venons de donner la description étant du même type, il n’y a pas de doute qu’elle n’ait été frappée par le même personnage.

Henri II, duc de Brabant. 1255-1248.

50. 4v. Lion debout à gauche. Rv. Croix brabançonne cantonnée de B/A/S/T/.

Gravée dans Lelewel, pl. 20, fig. 35.

51, 4v. Idem avec B/A/T/I/. Gravée dans Den Duyts, pl. 5 , fig. 7.

Ces mailles ont exercé depuis longtemps la sagacité des numismates belges, sans qu’on soit arrivé à une solution satisfaisante. Le trésor de Grand-Halleux semble avoir mis un terme à tous les doutes.

L'état de ces mailles, comparativement plus usées que celles de Henri IT, également trouvées à Grand-Halleux, mais en nombre supérieur, nous autorise à leur assigner une époque antérieure à celle de Henri HT; on peut donc les attribuer au règne de Henri IT. La marche du type semble confirmer cette conjecture. Le lion, d’une fabrique grossière, est entière- ment isolé dans le champ, comme l'aigle sur la maille d’Otton III, comte de Gueldre, comme l'aigle de la maille d’Alost et comme le monogramme du Hainaut, sur la maille de la comtesse Jeanne; la croix dite brabançonne semble aussi appartenir à l’époque de Henri IT.

Les lettres BAST et BATI indiquent le nom du monétaire.

Jacques, évêque de Metz.

1958-1260,

52. Av. Évêéque mitré et crossé, à mi-corps et à gauche; légende : IACOBVSy.

1 PI. 20, fig. 12. Towe XXI. 6

42 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

Rv. Croix cantonnée de deux étoiles et de deux croissants; légende : METENSIS,.

Gravée dans De Sauley , pl. 2, fig. 83,

Robert de Langres, évéque de Liége. 1240-1246.

55. Buste mitré et crossé, vu de face; légende : R/BT/. Ro. Perron accosté de deux fleurs de lis.

Gravée dans de Renesse, pl. 4, fig. 3. Lelewel, pl. 20, fig. 57.

54. Av. Buste mitré et crossé de face; lettres effacées. Ro. Perron accosté de deux étoiles. Voyez la planche , fig. 26.

Quoique les lettres du nom de l’évêque soient usées, nous n’avons pas hésité à attribuer cette monnaie à Robert de Langres, à cause du type.

55. Av. Buste mitré et crossé de face; légende : R...VS/. Ro. Grand lion à droite.

56. Av. Buste mitré et crossé, vu de face, légende : R/OBE/. Ro. Lion plus petit que celui de la maille précédente , et aussi à droite.

Gravée dans de Renesse, pl, 4, fig. 7.

57. Av. Évêque mitré, à mi-corps, et bénissant de la main droite; légende : ROB..... Ro. Double aigle à ailes éployées ; légende : TRVD/ONEY.

Voyez la planche , fig. 27.

Maille rare et encore inédite.

Arnoul IT, archevéque de Trèves,

1242-1259.

58. 4v. Évêque mitré et crossé, à mi-corps, et à droite ; dans la main gauche un livre; légende : ARNOLDVS/. Ro. Bâtiment posé sur une arcade tri- lobée, ayant au centre une étoile; légende : TREVERIS/.

Bohl, pl, 2, fig. 5.

Ces mailles forment la plus grande masse du trésor.

DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 45 59. La moitié de la maille précédente; mêmes type et légendes.

Les exemplaires de cette maille ont tressailli sous le coin et sont par conséquent mal frappés. En général toutes les monnaies de cet archevé- que sont frappées avec la plus grande négligence.

Henri III, duc de Brabant. 1248-1261.

60. 4v. Lion debout à gauche dans un écusson triangulaire ; légende : H#DV/CIS/. Ro. Croix brabançonne cantonnée de B/A/S/T/.

Gravée dans Lelewel, pl. 20, fig. 56. Den Duyst, pl. 6, fig. 10. Revue belge, 1842, pl. 11, fig. 5.

Cette maille a été attribuée par M. Lelewel à Henri HIT. L'état usé des exemplaires de la trouvaille de Grand-Halleux confirme entièrement cette opinion.

Alphonse, comte de Toulouse. 1249-1971.

61. Av. Portail défiguré; légende : A COMES TOLOSE/. Ro. Croix dans un gre- netis, légende : + MARC POVINCIE/.

Grayée dans Tobiésen Duby , pl. 104, fig. 7, variété.

Nous avons invoqué le type de cette monnaie, en parlant des tournois frappés par Louis IX, roi de France. L’exemplaire trouvé à Grand-Hal- leux est dans un état semblable à celui de ces tournois. Ils doivent donc avoir été émis à peu près vers la même époque.

Ferri IIT, duc de Lorraine.

62, Av, Cavalier au galop à droite, entre les jambes du cheval : FERI, Ro. Bras

44 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

tenant une épée en pal , accostée d’un croissant et d’une étoile; légende : NANCEI/. Gravée dans de Sauley, Rech. sur les monn. des ducs de Lorraine, pl. 2, fig. 20.

65. Variété : l'étoile est plus rapprochée de l'épée. Gravée ibid., fig. 21.

64. Variété : l'épée accostée d’une fleur de lis et d’une croisette. Gravée ibid., fig. 27.

L'état usé de ces monnaies confirme pleinement l'opinion de M. de Sauley, qu’elles ont été frappées au commencement du règne de Ferri.

Thibaut V, comte de Champagne. 1953-1270.

65. Av. Peigne à trois râteaux (tête défigurée); légende : CASTRI PRVVINS. Ro. Croix cantonnée de deux croissants et d'un alpha et d’un oméga défigurés; légende : TEBAV COMES./.

Gravée dans Tobiésen Duby, pl. 77, fig. 6.

Henri III, roi d'Angleterre. 1216-1271.

66. Av. Tête barbue et couronnée de face, et main avec sceptre; légende : HEN- RICVS REX. Ro. Croix à doubles bandes cantonnée de douze glo- bules et traversant la légende : NIC/OLE/ONC/ANT. (Nicolas à Can- terbury.)

Gravée dans Mader , t. 1, fig. 108.

67. Idem avec : ROB/ERT/ONC/ANT/ (Robert à Canterbury). 68. Idem avec : WIL/LEM/ONC/ANT/ (Guillaume à Canterbury). 69. Idem avec : DAV/ION/LVN/DEN/ (David à Londres).

70. Idem avec : hEN/RIO/NLV/NDE/ (Henri à Londres).

1 Cette monnaie et les suivantes ont été publiées par Ruding, Annals of the coinage, ele.; mais n'ayant pas cet ouvrage à notre disposition, nous n'avons pu indiquer ni les numéros des plan- ches, ni ceux des figures.

DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 45

71. Idem avec : NIC/OLE/ONL/VND/ (Nicolas à Londres). 72. Idem avec : REN/AVD/ONL/VND)/ (Renaud à Londres).

75. Av. Tête couronnée et barbue de face; légende : HENRICVS REX IT Rv. Croix à doubles bandes cantonnée de deux globules et traversant la légende : WAL/TER/ONB/BRVS/ (Gautier à Bristol).

74. Idem avec : HEN/RIO/NLV/NDE/ (Henri à Londres).

75. Idem avec : NIC/OLE/ONL/VND/ (Nicolas à Londres).

76. Idem avec : ROG/ORO/NNE/WEC/ (Roger à Newcastle).

77. Idem avec : GER/AED/ONO/XON/ (Gérard à Oxford).

78. Idem avec légende rognée.

79. Av. Tête barbue de face dans un grenetis ; légende : HENRICVS REX/. Ro. Croix à doubles bandes, cantonnée de quatre fleurs de nèfle et entourée d'un grenetis; légende : WALTERO. LVN/ (Gautier à Londres).

À en juger par leur état de conservation, ces monnaies semblent avoir été frappées vers la fin du règne de Henri HI.

Marguerite, comtesse de Hainaut.

1244-1280.

80. Av. Cavalier à l'épée, au galop, à droite; légende : MONETA VALENCENEN- SIS!. Rv. Croix cantonnée de quatre croissants ; légende intérieure : SIGNVM CRVCIS/; légende extérieure : MARGARETA COMITISSA/.

Gravée dans Van Alkemade, pl. 24, fig. 2. Tobiésen Duby, pl. 86, fig. 3. Ghesquière, pl. 4, fig. 2. Lelewel, Observ., pl. 5, fig. 65. Revue fr., 1856, pl. 4, fig. 4. Grote, t. IV, pl. 9, fig. 204.

81. Variété, avec : VALENENENSIS. 82. Variété. Légende comme au 80, le cavalier courant à gauche, et les can- tons de la croix sans croissants.

Gravée dans Grote, t. IV, pl. 9, fig. 205, variété avec croix can- tonnée de croissants.

L'attribution de ce cavalier a donné lieu à de longues discussions, auxquelles plusieurs numismates ont pris part, en soutenant le pour et le contre et sans qu’on en soit venu à une solution définitive.

Nous croyons devoir nous étendre sur ces discussions, pour tâcher de

46 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

résoudre le problème par des preuves matérielles et par l'étude du type du cavalier.

Trois comtesses du nom de Marguerite régnèrent en Hainaut : Margue- rite d'Alsace (1192-1194), Marguerite de Constantinople (1244-1280) et Marguerite de Hainaut, femme de Louis de Bavière (1545-1556). II s’a- gissait de savoir à laquelle de ces trois Marguerite il fallait attribuer le cavalier. Le premier qui souleva la question fut Ghesquière, dans son Mémoire sur trois points intéressants de l'histoire des Pays-Bas, p. 157; car Van Alkemade, en publiant cette monnaie, l’attribua à Marguerite de Hai- naut, sans alléguer aucun motif pour soutenir son assertion. Ghesquière l'attribua à Marguerite d'Alsace. « Le cavalier armé d’un bouclier, dit-il, » d’une épée qu’il tient haut, portant le casque fermé et surmonté d’une » croix; ces mots du revers SIGNVM CRVCIS, deux croissants renversés, » tout cela indique clairement un prince qui a entrepris un voyage pour » la délivrance de la Terre-Sainte, et C’est ce que fit jusqu’à trois fois » Philippe d'Alsace, frère de Marguerite, comtesse de Hainaut, savoir, en » 1177, en 1185 et en 1189, n’étant mort qu'en 1191 au siége d’Acre » en Palestine. C’est donc à Marguerite d'Alsace, comtesse de Hainaut, » que je crois devoir attribuer cette monnaie d'argent, et en fixer la date » vers 1190 ou bien 1191, avant que la mort de Philippe d'Alsace fût » parvenue en Hainaut. »

Ces raisons, on le sent fort bien, sont très-faibles; elles n'étaient pas soutenables. L'éditeur de Tobiésen Duby fit observer fort judicieusement qu'il ne voyait pas le motif pour lequel Marguerite aurait fait battre mon- naie à l’effigie de son frère; et que n'ayant pas survécu à son époux, elle n'avait pu battre monnaie en son nom. « Il nous semble bien plus natu- » rel, ajoute-il, de reconnaître dans ce cavalier Guillaume, second » fils de Marguerite de Hainaut, et de présumer que la pièce a été frap- » pée, lorsqu'en 1546, elle l’eut nommé son Verbeider, ou successeur aux » provinces de Hainaut, de Hollande, de Zélande et de Frise. Que si, par » la comparaison des caractères, on la juge plus ancienne, on peut, sans » remonter à Marguerite d'Alsace, lui assigner une époque intermédiaire, » on peut, dis-je, l’attribuer à Marguerite de Flandre, veuve de Bou-

>

DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 47

» chard d’Avesnes, laquelle, par une charte du mois d'octobre 1256, » assura le comté de Hainaut à Jean d’Avesnes, son fils aîné; et cette » nouvelle conjecture aura un certain degré de vraisemblance en ce que » nous avons quelques monnaies de Jean d’Avesnes, petit-fils et succes- » seur de cette même dame, parfaitement semblables à celles-ci par leur » type, à l'exception des demi-lunes qui ne s’y trouvent point. Ces demi- » lunes toutefois, ainsi que l’a chservé M. Duby, paraissent faire une » allusion plus applicable à Marguerite de Hainaut qui, par un accommo- » dement qu’elle dut faire à regret, céda à son fils, en 1354, la propriété » d’une grande partie de ses États. La croix et le signum crucis de son » casque n’ont rien de particulier 1, »

L'éditeur aurait pu ajouter que les monnaies de ce module n'étaient pas encore frappées en Belgique par les seigneurs de cette époque, et que les croissants figurés sur le cavalier n’ont pas été introduits par les Croisés, mais imités d'après les croissants figurés sur les monnaies des prélats du midi de la France, qui les avaient pris chez les Maures; et que cet orne- ment ne figura sur les monnaies des Pays-Bas et sur celles de plusieurs seigneurs voisins qu'au XIIT° siècle.

Au reste, les raisons alléguées par l'éditeur de Duby sont excellentes, pour autant qu'elles réfutent l'opinion de Ghesquière. Il semble même un instant attribuer le cavalier à Marguerite de Constantinople; mais il se hâte de soutenir de nouveau opinion de son auteur, qui avait suivi celle de Van Alkemade.

Nous adoptons très-volontiers ses arguments contre Ghesquière, mais nous ne comprenons pas pourquoi, après avoir refusé de reconnaître dans le cavalier la figure de Philippe d'Alsace, l'éditeur de Tobiésen Duby veut y voir celle de Guillaume, second fils de Marguerite de Hainaut, qui fit une guerre si acharnée à sa mère, et s'empara de la Hollande, de la Zélande et de la Frise, ne laissant à Marguerite que le comté de Hainaut? Nous pourrions lui demander, à notre tour, à quoi bon l'effigie du fils sur la mon- naie d’une mère toujours en possession de ses droits? Il n’y a pas plus de

1 Tobiésen Duby, Traité des monn., corrections et additions au t. 1, pl. xj et Ixij.

48 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

motifs d’y voir Guillaume, fils de Marguerite de Hainaut, que d'y voir Philippe, frère de Marguerite d'Alsace ; il n’y a même aucun motif pour y voir Jean d’Avesnes, fils de Marguerite de Constantinople. Le cavalier n'est qu’une imitation des sceaux de l’époque; il ne représente ni l'effigie d'un homme ni l'effigie d’une femme, pas plus qu’il ne représente un évêque sur le cavalier de Pierre, évêque de Cambrai.

M. Lelewel, dans sa Numismatique du moyen âge, a été le troisième à exa- miner cette question. « Il pense que le chevalier reparut sur la monnaie » de la comtesse Marguerite (1345-1356) et le comte Guillaume (1586- 1589) 1. »

Mais plus tard, dans ses Observations sur le type des monnaies des Pays- Bas, ce savant revient de sa première opinion. En parlant, dans ses notes, p. 7, de la monnaie de Marguerite de Constantinople, comtesse de Flan- dre et de Hainaut, il dit : « M. Chalon, en me communiquant les pièces » mêmes du comte Jean d’Avesnes (1280-1504) et de la comtesse Mar- » guerite, offrant un chevalier brabançon (+. les f. 74, 65), en fit une » observation qu'Alkemade a eu tort, en reléguant cette monnaie à la » comtesse plus récente (1545-1356). Le caractère semi-gothique, la » formule Signum crucis, et toute la ressemblance à la monnaie du même » genre de Jean d’Avesnes, la relatent à Marguerite de Constantinople » (1244-1280). Par conséquent , le chevalier brabançon, connu avant sur » les espèces mêmes, prit sa place sur la grosse monnaie avant 1280, » et ce fut après cette date que le chevalier lorrain accourt de l'étranger » vers 1500, suivre quelque temps ses traces. »

Dans le courant de l’année suivante, M. Cartier entra en lice, armé d’une foule d'arguments savamment combinés pour soutenir l'opinion de Van Alkemade et de Duby et réfuter celle de Ghesquière, et particulièrement la manière de voir de MM. Lelewel et Chalon ?.

Il commença par battre Ghesquière à plate couture, et enleva victo- rieusement à Marguerite d'Alsace toute prétention sur le chevalier, en faisant observer qu’elle ne fut pas comtesse de Hainaut de son chef, et

1 T. Ii, p. 282. ? Revue fr., 1836, p. 175.

DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 49

que, par conséquent, elle ne pouvait avoir frappé monnaie en son nom à Valenciennes. Et, pour rendre la défaite de Ghesquière encore plus com- plète, il ajouta : « Le type du cavalier armé n’a aucun rapport obligé » avec les croisades; plusieurs seigneurs qui l’adoptèrent ne furent point » croisés; c’est le costume chevaleresque du moyen äge, el une imitation » frappante du type des petites pièces de Lorraine des ducs Ferry et » Thibault. Il est donc certain que l'attribution à Marguerite d'Alsace » doit être rejetée. » Après avoir fait valoir encore quelques nouveaux arguments contre Ghesquière, il finit par donner raison à Van Alkemade et à Duby, se fondant entre autres sur cette circonstance que Jean d’A- vesnes (1280-1504), Guillaume I et Guillaume IL (1504-1545), comtes de Hainaut, auraient suivi le même type. Il pense que Marguerite de Constantinople, frappant monnaie en Flandre avec les titres de comtesse de Flandre et de Hainaut, aurait en faire autant à Valenciennes; par conséquent, le cavalier qui ne porte pas ces titres, ne peut lui être attribué. Il conclut du bas aloi de quelques-uns des cavaliers de Margue- rite qu’elle a les frapper dans un temps de détresse, au moment elle était en guerre avec son fils et à l’époque de la disparition du type. M. Car- tier termine en donnant un tableau des princes qui ont frappé monnaie au type de cavalier, et il y fait figurer Guillaume IF, comte de Hainaut (1557-1545), comme s’il avait effectivement frappé des cavaliers; ce qui est très-problématique, et même impossible, comme nous le dirons dans la suite.

M. Chalon soutient, dans la même Revue, p. 260, son opinion et celle de M. Lelewel; il démontre que les caractères des monnaies frappées par Marguerite de Constantinople à Alost, sont absolument les mêmes que ceux du cavalier. [1 finit en disant : « Ainsi, en résumé, ni l'opinion de » M. Cartier, ni celle que je défends ici, ne peuvent s’étayer de preuves » directes; mais je persiste à croire que l'attribution à Marguerite de » Constantinople doit paraître entourée de plus de probabilité et sujette » à moins d'objections que le système de M. Cartier, et partant rester en » possession jusqu'à preuve contraire. »

Dans ses observations sur cet article (p. 266), M. Cartier persiste éga-

Tome XXI. fl

50 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

lement, en disant que les objections tirées des chartes du pays seraient plus convaincantes que les raisonnements; et il regrette que M. Chalon n'ait cité que le concordat de 1297, qui ne dit rien de concluant, selon lui; il avoue que l’objection de la ressemblance du type de Margue- rite avec celui de Jean et de Baudouin de Beaumont est assez importante; mais, en définitive, cela ne suffit pas, et il tient surtout à cette circonstance, que s’il existe des cavaliers de Marguerite de bas aloiï, ses imitateurs au- raient en forger de plus bas encore, tandis que c’est précisément le contraire qui a eu lieu.

M. Chalon revint encore sur cette question dans le Messager des Sciences et arts, année 1857, et il y démontra (p. 202) que les cavaliers de Mar- guerite ont précisément le poids que la comtesse voulait faire donner à ses monnaies, lorsqu'elle afferma, vers 1275, ses monnaies de Valenciennes et d’Alost à Claes Dekin, bourgeois de Bruges. Cet argument ne pro- duisit aucun effet sur les partisans de Marguerite de Hainaut.

Dans cet état de choses, il n’y avait, à défaut de chartes, que la décou- verte d’un trésor de monnaies qui pût décider la question.

Cette découverte ne se fit pas attendre longtemps. Au mois de novembre 1858, on trouva un dépôt de monnaies dont nous avons déjà parlé à propos des monnaies de Guillaume IE, archevêque de Reims, et de Hugues IV, duc de Bourgogne. On y trouva deux cavaliers, l’un au nom de Margue- rite et l’autre au nom de Baudouin d’Avesnes. Il ne s'agissait donc plus que de déterminer l’époque vers laquelle le trésor avait été enfoui. Si son ancien propriétaire l'avait caché avant le règne de Marguerite de Hainaut, il fallait nécessairement attribuer le cavalier à Marguerite de Constanti- nople; s'il avait été enfoui pendant ou après le règne de Marguerite de Hainaut, il fallait absolument le restituer à cette comtesse.

M. Hermand, en rendant compte de cette trouvaille, avait attribué à Hugues V, duc de Bourgogne (1305-1315) l'obole que nous avons res- tituée à Hugues IV (1218-1272) !, et il pensait que les deniers et les oboles au lion rampant et au nom d'Édouard, comte de Ponthieux, trouvés

1 Voyez plus haut le 30.

DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. o1

dans le même dépôt, étaient d’Edouard II (1290-1525). C'étaient les mon- naies les plus récentes; et il en concluait qu’elles avaient été enfouies à la fin du XIIIe siècle ou au commencement du XIVe. Il était donc évident qu’il n’y avait pas dans ce dépôt de monnaies contemporaines de Margue- rite de Hainaut, et que, par conséquent, le cavalier devait être attribué à Marguerite de Constantinople. « Si l’époque même de l’enfouissement, » dit-il, pouvait être portée, comme je le pense, au premier tiers du XIV° » siècle, la question serait résolue, et Marguerite de Constantinople con- » serverait l'honneur qu’on a voulu lui enlever, d’avoir introduit dans les » Pays-Bas le beau type du cavalier armé.

» Contrairement à l'opinion émise, je crois avoir remarqué des diffé- » rences archéologiques assez essentielles entre toutes les monnaies au » cavalier armé portant le nom de Marguerite, pour en faire deux parts. » J'y suis d'autant plus disposé qu’il n'existe aucune bonne raison pour » déshériter l'une des Marguerite de Hainaut, au bénéfice de sa rivale... » Les caractères différents que je veux trouver entre les monnaies des » deux Marguerite sautent aux yeux, il me semble, dans la forme des » lettres des légendes sur les deux pièces à leur nom, 4 et 5 de la » planche 6, année 1836 (Rev. fr.). »

En rendant compte de cette notice dans la Revue française, M. Cartier: s’est montré assez disposé à adopter ce terme moyen. C'était déjà une concession faite à l'opinion de MM. Lelewel et Chalon.

Cependant Marguerite de Hainaut ne resta pas longtemps en possession du type du cavalier, qu’elle allait maintenant partager avec Marguerite de Constantinople, M. le docteur Grote, dans son journal de numismatique, donna un tableau de toutes les monnaies au cavalier, et finit en disant que, « d’après ce classement chronologique..…., les monnaies au nom de » Marguerite ne peuvent appartenir qu'à Marguerite de Constantinople, qui » régna jusqu'en 1280 et non à Marguerite d'Avesnes (1544-1356 1.) »

1 Nach dieser chronologischen Disposition. kônnen die Münzen mit dem Namen Margarethe von keiner anderen als der von Constantinopel bis 1280, und nicht von der von Avènes 1344-1556 sein (BLArrer rün Munzkunog, t. IV, p. 50).

52 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

Ce sont les seules raisons qu'il allègue. Ensuite, il se contente de rappor- ter les preuves produites par les deux parties.

Résumons maintenant ces preuves. Celles qui sont alléguées par Ghes- quière en faveur de Marguerite d'Alsace sont insoutenables ; tout le monde étant d'accord sur ce point, nous les passerons sous silence.

Les preuves alléguées pour attribuer le cavalier à Marguerite de Con- stantinople se réduisent à la ressemblance des caractères de cette monnaie avec ceux qui se trouvent sur les monnaies fabriquées par Marguerite à Alost; à sa ressemblance avec le cavalier de Baudouin d’Avesnes et de Jean de Hainaut , et à son poids indiqué dans la charte de 1275.

Les preuves alléguées en faveur de Marguerite de Hainaut sont : imita- tion du type des cavaliers de Guillaume 1 et de Guillaume IT, comtes de Hainaut, et d’autres princes voisins ; bas aloi de quelques-uns des cava- liers de Marguerite, et titre de comtesse de Hainaut seul employé sur les cavaliers de Valenciennes , tandis que les gros d’Alost portent les titres de comtesse de Flandre et de Hainaut. Quant au dernier point, M. Chalon l’a suffisamment réfuté.

Enfin, la dernière opinion est celle émise par M. Hermand. II attribue des cavaliers aux deux Marguerite, en se fondant sur les différences des caractères employés sur les deux sortes de cavaliers. Nous verrons tantôt jusqu’à quel point l'opinion de M. Hermand est soutenable.

Examinons maintenant les différentes manières employées pour repré- senter les cavaliers sur les monnaies.

On aurait tort de penser que le type du cavalier employé par plusieurs princes ait été partout le même : le cavalier est armé tantôt d’une épée seulement, tantôt d’une épée et d’un bouclier, tantôt d’une lance avec drapeau et d’un bouclier ; la croix du revers est ou n’est pas cantonnée de croissants. Nous allons le faire voir par le tableau suivant, copié en partie sur celui qui a été publié par le docteur Grote.

mit

DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX.

Cr Qt

OUVRAGES

NOMS DES SEIGNEURS. DATES. d | OU ILS SONT GRAVÉS CITÉS,

Cavaliers à l'épée sans boucliers el avec croissants dans les cantons de la croix.

DEC NNENOE T ? ? | VanAlkemade, pl. 24, fig. 2.—Tobiésen Duby, pl. 86, fig. 5.— Ghesquière, pl. 4, fig. 2. Den Duyts, pl. 11, fig. 10 et 11. Revue frang., 1. 1, pl. 4, fig. 4, 5 et 6.— Lelewel , Observ., pl. 2, fig. 65. Grote, t. IV, pl. 9, fig. 205 et 204.

Baudouin d’Avesnes, seig' de Beaumont. | 1280-1504 Revue fr., t. I, pl. 4, fig. 7.—Grote, pl. 9, fig. 205. Jean de Curne, . . .. .. CE au CA Lt de ? ? | Grote, pl. 9, fig. 206, 207. —- Verachter, cahier n°2.

Cavaliers à l'épée, sans boucliers et suns croissunts dans les cantons de la croix.

MArpnenite ER ae Cases ? ? Chalon, Catalogue des monnaies du Hainaut. Rev. fr., t. V, pl. 24, fig. 5.

Cavaliers à l'épée, aux boucliers et avec croissants dans les cantons de la croix.

Jean , comte de Hainaut . . . . . . . | 1280-1504 Lelewel, Obs. pl. 2, fig. 74. Rev. fr. t. 1, pl. 4, À | fig. 2.—Tobiésen Duby, pl. 84, fig. 4.—Grote, pl. 9, fig. 209. Penningboek, enz., pl. 2, fig. A.

Jean I, comte de Namur . . . .. | 1297-1550 | Grote, pl. 9, fig. 208.

Cavaliers au drapeau, avec boucliers et sans croissants dans les cantons de la croix.

Jean , comte de Hainaut. . , . . . . . | 1280-1504 Van Alkemade, pl. 21, fig. 4. Tobiésen Duby, pl. 84, fig. 6. Rev. fr., pl. 4, fig. 2. Den Duyts, pl. 10, fig. 2. Grote, pl. 9, fig. 210. Penningboek , enz., pl. 2, fig. 5.

Arnoul VIII, comte de Losse. . . . . | 1280-1528 Lelewel, Obs., pl. 2, fig. 52 .— Revue belge, t. 11, pl. 4, fig. 15. Rev. fr., pl. 4, fig. 12.

Waleram , comte de Ligny . . . . . . | 1288-1553 Tobiésen Duby; pl. 101, fig. 8. Rev. fr., t. VII,

pl. 5, fig. G

Bertaud III , prince d'Orange. . . . . | 1289-1355 Tobiésen Duby, pl. 26, fig. 5.

Gui, comte de St-Paul , , . .. .. . | 1292-1517 Tobiésen Duby, pl. 101, fig. 4. Rev. rte pl. 4, fig. 10.

Jean , comte de Namur. . .. , . . . | 1297-1330 Rev. fr., t. 1, pl. 4, fig. 9. Guillaume 1, comte de Hainaut . . . . | 1304-1357 Tobiésen Duby , pl. 85, fig. 2. Rev. fr., L. 1, pl. 4,

fig. 5. Robert , comte de Flandre. . , . . . . | 1305-1522 Rev. fr., 1. L. pl. 4, fig. 8. Grote, pl. 9, fig. 211. Jean , sire de Waulaincourt, . . . . . | 1306-1514

Jean, dauphin viennois. , . . . . .. 1507-1519 Tobiésen Duby, pl. 22, fig. 1. Pierre, évêque de Cambrai . . . . . . | 1310-1325 Tobiésen Duby, pl. 4, fig. 8.

Jean, sire de Crèévecœur, . . , . ... 1515-1525 Rev fr. pl. 4, fig. 11.

Gaucher, comte de Porcien . . . . . . | 1314-1529 | Tobiésen Duby, pl. 105, fig. 7 et 9.

Ferri IV, duc de Lorraine . . . . .. | 1312-1528 | De Sauley, pl 5, fig. 16 et 19. Le revers de cette monnaie n’a rien de commun avec les cavaliers cités ci-dessus.

D4 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

Les cavaliers les plus anciens, comme on vient de le voir, portent l'épée sans bouclier, et la croix est cantonnée de croissants. Les cavaliers plus récents portant l'épée ne sont pas armés du bouclier, et au revers la croix n'est pas cantonnée de croissants. Ceux d’une époque encore plus récente portent l'épée et le bouclier; et les plus récents de tous portent le drapeau et le bouclier. De cette observation il résulte nécessairement que tous les cavaliers à l'épée sans bouclier, à la croix cantonnée de croissants et por- tant le nom de Marguerite, sont les plus anciens et doivent être restitués à Marguerite de Constantinople. Il en résulte également que les cavaliers de la même espèce, mais sans croissants dans les cantons de la croix, sont également de Marguerite, mais postérieurs aux premiers.

Cette observation est confirmée en tous points par le trésor trouvé à S'-Omer et à Grand-Halleux. Dans le premier, les monnaies les plus mo- dernes étaient de la fin du XIII: siècle ou du commencement du XIV°; dans le second, les plus modernes n'étaient pas postérieures à 1285. II est donc impossible d'y trouver une monnaie du milieu du XIV: siècle; il n’est pas moins impossible d'y voirune monnaie de Marguerite de Hainaut.

La ressemblance des caractères du cavalier de Marguerite avec ceux qui sont gravés sur les monnaies de Marguerite de Constantinople, frappées à Alost, n’est donc pas sans importance; et si l’on veut une preuve plus di- recte encore, si l’on veut enfin une charte, comme le désirait M. Cartier, nous citerons l'analyse d’un document de ce genre telle qu’elle a été donnée par M. le comte de S'-Genois. Voici comment il s'exprime dans ses Monu- ments anciens, p. 577 : Commission donnée par Gui (comte de Flandre), à Henri de Moerslede, son bailli d'Ypres...…, et permission audit Jean d'acheter LES DENIERS DE CHEVALIER, appelés Rupre PENNINC, de ceux qui voudront les vendre. 30 juillet 12801. Tout Flamand comprendra très-facilement que le rudre, ridder ou rydder pennink n’est autre chose que le cavalier, ou denier de chevalier, comme on disait à cette époque. On s'explique parfaitement la cause de cette mesure. Jalouse de la branche de Hainaut, celle de Flandre avait billonné les monnaies au cavalier, dans l'intention de faire

1 M. Chalon, dans une lettre particulière adressée à M. Cartier, avait déjà signalé cette charte.

DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. BB]

autant de mal que possible au comte de Hainaut. Ces cavaliers ne pou- vaient être que les cavaliers de Marguerite de Constantinople; car, en Flandre, ce type n’avait pas encore été imité, et les nouveaux cavaliers de Jean d’Avesnes, comte de Hainaut, ne pouvaient pas être de sitôt ré- pandus en Flandre, pour être déjà billonnés en 1280, alors qu'il venait à peine de prendre la direction des affaires de son comté.

M. Cartier, pour soutenir la possibilité d’une attribution à Marguerite de Hainaut, conclut du bas aloi de quelques-uns des cavaliers, qu’ils ont été frappés au moment de la disparition du type. Cette conclusion ne nous semble pas trop juste : on pourrait lui objecter que, puisqu'il y a des cavaliers de bon aloi au nom de Marguerite, il faut aussi qu’ils aient été frappés à la naissance du type. Ou bien voudrait-on attribuer à Margue- rite de Constantinople les espèces de bon aloi et à Marguerite de Hainaut celles de mauvais aloi? De cette manière on rentrerait dans le système de M. Hermand, et l’on finirait par dire que les deux Marguerite ont frappé des cavaliers. Voyons jusqu’à quel point cette opinion est fondée. M. Hermand dit avoir remarqué des différences archéologiques, et surtout une différence dans les caractères des monnaies 4 et 5, représentées sur la planche 4 de la Revue française, année 1856. Cette différence ne consiste, nous semble-t-il, que dans les lettres N. Sur la monnaie 4, elles sont figurées H, et sur la monnaie 5, elles sont figurées n. Mais cette diffé- rence est-elle assez grande pour qu’il soit permis d’en tirer une conclusion quelconque? Les lettres H et n sont employées indistinctement à la même époque, et les monnaies sur lesquelles la lettre N est gravée tantôt H, tantôt N, tantôt n, ne sont pas rares. Les exemples en fourmillent; et, pour ne pas quitter la planche de la Revue française, nous signalerons le 10 sur le- quel le mot moneta est écrit MOnETA et le mot signum SIGHNVM. Nous pourrions en dire autant des n* 8, 9 et 11, la lettre majuscule N est mélée avec la lettre n arrondie. La lettre S couchée (2) à la fin de CRVCIZ sur le 5, n’est pas plus concluante, le mot SIGNVM y étant écrit avec un $ debout. Ce qui démontre enfin à la dernière évidence que les trois cavaliers 4, 5 et 6 sont de la même époque, c’est, comme le fait observer M. Hermand, que le 6 est composé de l’avers du 5 et du

d6 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

revers du 4. Il est donc évident qu'ils doivent être de la même époque.

En supposant que les cavaliers puissent être attribués aux deux Mar- guerite, on devrait supposer que l'épée et les croissants ont figuré à la naissance et à la disparition du type. Ne serait-on pas obligé de faire ainsi des suppositions contraires à la marche et à la loi générale des types? Ce n’est assurément pas après avoir été abandonné pendant l’espace de quarante-cinq années, et après avoir subi de nombreuses métamor- phoses , que le cavalier à l'épée sans bouclier et à la croix cantonnée de croissants viendrait de nouveau s'installer sur les monnaies du XIV: siècle,

Outre les différences archéologiques de l’épée, du bouclier et du dra- peau que nous avons signalées dans le tableau qui précède, pour les mon- naies aux Cavaliers, il y en a encore d’autres.

Les personnes familiarisées avec les sceaux reconnaïîtront facilement avec nous que le cavalier n’est que la copie exacte des sceaux équestres de cette époque. Les cavaliers étaient sur les sceaux des seigneurs, au moyen àge, ce que le trône fut pour les sceaux des rois et des empereurs. On peut même poser en thèse générale que les cavaliers dénotent un sceau seigneurial et le trône un sceau royal ou impérial : à très-peu d’ex- ceptions près, les rois ne firent jamais usage du sceau équestre. Nous en exceptons toutefois les rois d'Angleterre; mais, en Allemagne, dont la presque totalité de la Belgique actuelle dépendait, nous ne connaissons aucun sceau équestre des empereurs; et nous connaissons, en Belgique, à peineun ou deux seigneurs qui aient fait graver un trône sur leurs sceaux.

Nous avons remarqué, sur les sceaux des seigneurs, que les capara- çons des chevaux deviennent de plus en plus longs, à mesure que l’on approche des temps modernes, de manière que, vers la fin du XV: siècle, ils couvrent le cheval presque tout entier; c’est à peine si on y voit en- core passer les pieds. En appliquant cette observation aux cavaliers des monnaies, nous pourrions presque en établir la succession chronologique sans autre guide que les caparaçons comparés à ceux qui couvrent les

1 Comp. la Revue fr., 1840, p. 447, M. Deschamps soutient la même opinion. ? Nous ne parlons ici que des sceaux et non des monnaies sur lesquelles les seigneurs ne se fai- saient aucun scrupule de se faire représenter assis sur un trône.

DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. d7

chevaux figurés sur les sceaux. Les caparaçons sont très-courts au XITT° siècle; toutefois, vers la fin de ce siècle, ils deviennent déjà plus longs et commencent à couvrir la partie postérieure du cheval : au XIV: siècle, ils couvrent totalement la queue du cheval. La même chose se montre sur les monnaies aux cavaliers; et en comparant les cavaliers de Marguerite avec les sceaux équestres de son époque, on est frappé de leur ressem- blance quant aux caparaçons.

Les croissants sont aussi très-caractéristiques, et déterminent encore l'époque des monnaies sur lesquelles ils sont figurés. On les voit sur les monnaies belges du XIII: siècle; mais nous ne pensons pas qu’on puisse nous citer un seul exemple d’une monnaie du XIV: siècle avec croissants. Il est donc impossible de trouver des monnaies de Marguerite de Hainaut avec des croissants.

Ainsi l'épée , les croissants, le caparaçons, les caractères, tout concourt pour faire restituer à Marguerite de Constantinople les monnaies aux ca- valiers, soit de bon, soit de mauvais aloi.

Reste encore à examiner si Guillaume I}, comte de Hainaut, a frappé des monnaies au cavalier, comme le suppose M. Cartier.

Marguerite de Constantinople et ses deux successeurs immédiats, Jean et Guillaume F, ayant frappé des cavaliers, il s'ensuit que le type du cavalier a régné en Hainaut pendant l’espace de quatre-vingt-treize ans, si toute- fois on doit prendre comme point de départ la première année du règne de Marguerite. Peu de types des monnaies d'argent ont continué à exister pendant un si long espace de temps en Belgique. En supposant que le cavalier fût encore employé par Guillaume If, il faudrait supposer qu'il eût été conservé en Hainaut pendant l’espace de cent douze ans; ce qui nous semble impossible en Belgique, la manie des changements de type était extrême, Il suffisait qu'un type eût quelque vogue, pour que tous nos seigneurs s’empressassent à l’envi de le copier.

Le cavalier, si souvent imité par tous les princes voisins du Hainaut, devint aussi un objet d'exploitation. En limitant, on en altéra l'aloi. Guil- laume IL n'avait donc pas d'intérêt à l’adopter; et si l’on examine le ta- bleau des monnaies au cavalier, on peut se convaincre facilement qu'après

Tome XXI. 8

58 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

Waleram de Ligny, Guillaume I, comte de Hainaut, fut le dernier à con- server le type du cavalier 1, Il nous semble donc que Guillaume IT n’a jamais frappé de cavaliers. S'il n'a pas frappé de monnaie de cette espèce, Marguerite de Hai- maut n’en aura pas frappé non plus. Ainsi nul doute que les cavaliers au nom de Marguerite n’appartiennent à Marguerite de Constantinople.

85. Av. Monogramme de Hainaut; légende : VA/LE/CE/NE/— Ro. Croix cantonnée de quatre croissants.

Gravée dans Tobiésen Duby, pl. 87, fig. 10. Den Duyts, pl. 11, fig. 13, variété.

La similitude entre les croix des cavaliers de Marguerite de Constan- tinople et celles qui sont figurées sur ces mailles nous semble une raison suffisante pour les attribuer à cette comtesse. La croix y est cantonnée de croissants, comme celle du cavalier, ou bien elle n’en est pas cantonnée, comme celle du cavalier galoppant à gauche, dont nous avons parlé an 82. L'état de ces mailles est d’ailleurs tout à fait semblable à celui des cavaliers trouvés à Grand-Halleux , et il prouve suffisamment qu’elles ont été émises vers la même époque.

Personne ne révoquera en doute que Marguerite ait frappé des mailles à Valenciennes. Oudegherst dit positivement, dans ses Annales, que Margue- rite donna, en 1274, ses monnaies à Clays Dekin de Bruges pour trois ans, et qu’elle conserva le droit de faire forger des mailles artésiennes, rondes ou valen- ciennoises.

Marguerite de Constantinople , comtesse de Flandre. 1244-1280.

84. 4v. Aigle biceps dans deux arcades trilobées et posées l’une contre l’autre; légende : FLANDRIE + AC + hAYNONIE/. Ro. Croix fleuronnée

1 M. Desains, en faisant connaître une variété du cavalier de Waleram de Ligny, publié par To- biésen Duby, la croit plus moderne et l'attribue à Waleram HI (1371-1415). Nous croyons précisé ment le contraire. Il suffit d'examiner le caparaçon pour s'en convaincre à la dernière évidence. (Voyez la Revue fr., . VIE, pl. 5, fig. 6)

DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 59

cantonnée de : A/L/O/S et traversant la légende : MARG/ARET/A COMT/ TISSA.

Gravée dans de Bast, Rec. d’ant., suppl., pl. 2, fig. 6. Le- lewel, Observ., pl. 5, fig. 62. Den Duyts, pl. 1, fig. 6.

Ne 85. Variété avec COM/TISSA/.

L’aigle biceps adopté par Marguerite sur ses gros frappés dans la Flan- dre impériale, semble être le même que celui qui fit partie des armoiries de la ville d’Alost, ancienne dépendance de l'empire germanique. La com- mune d’Alost se servit au XIV: siècle d’un sceau représentant un guerrier debout tenant un drapeau sur lequel se trouve figurée une épée en pal. Plus tard, vers 1595, on voit encore sur le sceau de la ville un guerrier debout tenant un drapeau avec une épée en pal, mais accostée de deux petits écussons, l’un avec un aigle biceps, l'autre avec un lion !.

86. Av. Aigle biceps à ailes éployées. Rv. Croix dite brabançonne, cantonnée de T/IN/E/.

Gravée dans Den Duyts, pl. 5, fig. 1.

On avait attribué jusqu'ici cette maille au duché de Brabant, à cause de la croix dite brabançonne figurée sur le revers. Nous la revendiquons maintenant pour la Flandre impériale, et nous la restituons à la ville d’Alost.

L’aigle biceps de l’avers est entièrement semblable à celui qui est figuré sur le gros frappé à Alost par Marguerite de Constantinople; il est donc très-naturel d'attribuer ces mailles à l'atelier d’Alost.

La croix dite brabançonne figarée sur le revers est bien de l’époque de Marguerite, puisqu'on la voit figurer sur les mailles de Henri IT et de Henri IT, ducs de Brabant et contemporains de la comtesse.

1 Voyez la planche, fig. 56. Scrait-ce le sceau gravé par ordre du magistrat d'Alost vers 1395, comme il en est fait mention dans un compte de la ville de cette année? Nous devons ce dessin à l'obligeance de M. Pinchard, occupé, dans ce moment, à rassembler tous les sceaux des commu- nes, qu'il se propose de publier incessamment, en y ajoutant des notices aussi utiles pour l'his- torien qu'intéressantes pour archéologue.

60 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

Ces mailles, un peu plus usées que les doubles gros d'Alost, semblent cependant avoir été émises à peu près vers la même époque; leur état est absolument le même que celui des mailles de Henri IT, duc de Brabant. On s'explique cet état plus usé, comparativement à celui des gros, en ob- servant que les petites monnaies circulent plus que les grosses; ainsi nos francs et nos demi-francs, quoiqu’émis en même temps que les pièces de cinq francs, sont toujours, après un certain espace de temps, plus usés que celles-ci.

87. Variété avec L/I/G/O.

88. Av. Fleur de lis dans un grenetis entouré d'étoiles et de cercles. Rv. Croix pattée, cantonnée de quatre globules , de L/T/et de deux étoiles; les quatre globules sont entourés d’un grenetis.

Gravée dans Den Duyts, Suppl., pl. 12. fig. 7.

89. Variété avec L/I/L/A/. Grayée dans Lelewel, pl. 20, fig. 20.

Ces mailles, frappées à Lille, portent au revers le signe caractéristique de la monnaie frappée par les comtes dans la Flandre française, c’est-à-dire la croix cantonnée de quatre globules et traversant un grenetis.

La croix pattée et non travaillée à jour, telle qu’elle figure sur ces deux espèces de mailles, ayant été employée par Marguerite de Constantinople, il s'ensuit que ces mailles doivent être attribuées à cette comtesse.

Le lis royal est ici sans doute figuré sur l’avers par opposition à l'aigle impériale figurée sur les gros et sur les mailles d’Alost.

Il n’est pas sans importance de faire observer que ces mailles sont aussi usées que celles de Marguerite, frappées à Valenciennes.

Waleram IV, duc de Limbourg.

1246-1279.

90. 4v. Lion à queue fourchue, à gauche, couronné et posé dans un écusson ogival; légende : + W/ALR/AMV/S/. Rv. Croix à double bande can- tonnée de : R/O/D/E/ et traversant la légende : + WA/LR/AM/VS/.

Voyez la planche, fig. 28.

DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 61

La ressemblance de cette monnaie frappée à Rolduc avec celles de Jean I, duc de Brabant, de Henri de Herstal, etc., ne laisse aucun doute sur son attribution.

91. Av. Lion debout à gauche dans un écusson triangulaire; légende : & + # MON/ETA/. Ro. Croix à double bande, cantonnée de : D/A/L/E/, et traversant la légende : MO/NE/TA/ # + 5/.

Voyez la planche , fig. 29.

Quoique cette monnaie ne porte pas le nom de Waleram, il semble qu’elle doive lui être attribuée, à cause de son type.

Henri de Vianden, évéque d'Utrecht.

1250-1267.

92. Av. Évéque mitré et erossé à mi-corps, de face, et tenant un livre; légende : HENR/ICVS/. Ro. Croix à double bande, cantonnée de : P/A/O/x/ et traversant la légende : + D'AVE/NTE/RIA!.

Gravée dans Lelewel, pl. 20, fig. 7. Grote, t. IV, pl. 17, fig. 567. Mader, L. VI. fig. 44.

Charles I, comte de Provence.

1246-1285.

95. Av. Portail défiguré et surmonté d’une croix; légende : PVINCIALIS. Ro. Croix dans un grenetis; légende : + K. CO.P.FI.RE.F./

Gravée dans Tobiésen Duby , pl. 93, fig. 14, module plus grand.

Nous avons invoqué le type de cette monnaie pour prouver que les tour- nois au nom de Louis sont de Louis IX, roi de France. Thierri VI, comte de Clèves. 1261-1975.

94. Av. Figure calottée, vue de face, tenant un sceptre en forme de verge, et un globe surmonté d'une croix ; légende : THDECL.../—Rv. Croix à double

62 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

bande et ancrée, passant par un grenetis et traversant la légende : CAVICLEVE!.

Voyez la planche , fig. 31.

Quatre comtes de Clèves, du nom de Thierri, s’étant succédé depuis 1244 à 1505, il serait très-difficile d'attribuer cette maille à l’un plutôt qu’à l’autre, si le type, et surtout son état de conservation, ne pouvaient nous guider.

Le type de l’avers ressemble singulièrement à celui de la monnaie de Henri III, évêque de Liége (1247-1274), publiée par M. Lelewel dans le journal de numismatique du docteur Grote. Il n’y manque pas même le sceptre en forme de verge, figuré aussi sur la monnaie de l’empereur Fré- déric IL. La croix à double bande et ancrée se trouve aussi sur les mon- naies contemporaines de Thierri VI, comme nous venons de le voir par la monnaie de Henri de Vianden, évèque d’Utrecht.

L'état de l’exemplaire trouvé à Grand-Halleux nous autorise assez d’ailleurs à l’attribuer à Thierri VI.

Henri, seigneur de Herstal. 1253-1985. Ne 95. Av. Lion debout à gauche dans un écusson triangulaire; légende : + H/EN-

RIC/VS. DNS. Rv. Croix à double bande, cantonnée de P/E/T/R/ et traversant la légende : + DE/HAR/STAL/.

Gravée dans Mader, t, VI, fig. 27. Lelewel, Obs., pl. 5, fig. 61. Revue belge, t. I, pl. 10, fig. 2.

Jean I, duc de Brabant. 1261-1294. 96. 4v. Ange debout tenant une lance de la main droite et une fleur de la main gauche; légende : MONETA BRVXELLENCIS| ?. Ro. Croix fleuron- née; légende : + IOHANNES DVX BRABANTIE)/.

1 Quelques exemplaires portent aussi BRVXELLENSIS.

DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 63

97. Variété. L'ange tient la lance de la main gauche et la fleur de la main droite.

Gravée dans Lelewel, p. 295.— Den Duyts , pl. 6, fig. 20.

Lorsque Marguerite de Constantinople frappait ses cavaliers à Valen- ciennes et ses gros à l'aigle à Alost, Jean TL voulut aussi frapper, pour le Brabant, de la grosse monnaie inconnue jusqu'alors dans ce duché. De même que Marguerite adopta l'aigle impériale d'Alost, de même Jean I adopta saint Michel, tel qu'il figura pendant cette époque sur le sceau de la ville de Bruxelles. Il adopta aussi la croix fleuronnée.

Cette monnaie a été attribuée par M. Lelewel à Jean III ; le trésor de Grand-Halleux prouve qu’elle doit être restituée à Jean I.

98. Av. Lion debout à gauche dans un écusson triangulaire; légende : + M/#0/x#N/ #[E&/Tæ#A/. Ro. Croix à double bande cantonnée de B/R/VX/ et traversant la légende : + TO/HAN/NES/ DVX/.

Voyez la planche, fig. 30.

La présence de ces monnaies et des suivantes au même type, dans le trésor de Grand-Halleux, confirme en tous points notre opinion sur l’attri- bution que nous leur avons donnée dans la Revue de la Numismatique belge, en démontrant qu’elles ne sont pas de Jean IIT, comme l'avait pensé M. Lelewel, mais de Jean I. Nous disions, à propos de ces monnaies : « Nous croyons pouvoir attribuer à Jean I (1261-1294), les esterlings au » lion placé dans un écusson triangulaire et portant au revers une croix » à double bande terminée en globules. La ressemblance de ces mon- » naies, tant à l’avers qu'au revers, avec celles de Gui, comte de Namur » (1263-1297), et avec celles de Henri de Herstal (1253-1285), et, » quant à l’avers seulement, avec la monnaie de Henri V, comte de » Luxembourg (1283-1309), avec celle de Gui IV, comte de S'-Paul » (1292-1317), de Jean IV, évêque de Liége (1282-1292), de Mar- » guerite de Constantinople, comtesse de Flandre et de Hainaut (1244- » 1280), et avec celle de Jean d’Avesnes, comte de Hainaut (1260-1504),

64 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

» sont autant de preuves que nous croyons pouvoir alléguer en faveur » de notre opinion 1, » Notre attribution est donc pleinement confirmée.

99. 4v. Lion debout à gauche dans un écusson triangulaire; légende : D/VX BRA! BANTIE. Ro. Croix à double bande cantonnée de : B/R/V/X/, et traversant la légende : & + x/ MO/N/EITA.

Voyez la planche, fig. 32.

100. Variété, les lettres gothiques M et N sont romaines.

101. Mëme type; lion debout à gauche dans un écusson triangulaire; légende : + DVX BRA/BANTIE,. Ro. Croix à double bande, cantonnée de : L'O/V'A/, et traversant la légende : + IDETIGRA/TIA/.

Gravée dans Den Duyts, pl. 6, fig. 17.

102. Variété avec /X ID/EIG/RAT/IA et L'O/H/N/ dans les cantons de la croix.

Voyez la planche, fig. 55.

105. Mêmes types et légende; la croix est cantonnée de W/A/LIT/. Gravée dans Lelewel , t. II, p. 202. 104. Variété avec la lettre T arrondie.

105. Variété avec la lettre T ordinaire et BRABANCIE/. 106. 4v. Lion debout à gauche. Ro. Croix cantonnée de /D/V/X/.

Gravée dans Lelewel, pl. 20, fig. 37.

107. 4v. Lion debout à gauche dans un écusson; légende : I D/VX/.X.]. Ro. Croix cantonnée de L/O/V/A!.

Gravée dans la Revue belge, t. I, pl. 11, fig. 4.

Jean , comte de Sancerre, 1268-1280.

108. Av. Écusson triangulaire avec bandes et dans deux de ses angles une tierce-

1 Revue belge, t. , p. A1.

L

DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 65

feuille; légende : + D : /CAR/ENT/0/. Ro. Croix cantonnée d’un croissant ; légende : +. L.CO:SCESARIS).

Voy. la planche, fig. 35.

Nous avons fait de vaines recherches dans plusieurs ouvrages numis- matiques de France pour trouver quelque mention de cette monnaie; nous la croyons sinon inconnue, du moins inédite.

Le type, c’est-à-dire l’écusson triangulaire entouré d’une légende, in- dique suffisamment qu’elle est de Jean I, comte de Sancerre, et en même temps comte de Charenton. Ce dernier comté passa dans la maison de Sancerre par suite de l’acquisition qu’en fit Louis I, comte de Sancerre. On s’explique donc très-facilement la légende : DE CARENTO.

Philippe-le-Hardi, roi de France. 1270-1985.

109. 4v. Portail défiguré et surmonté d'une croix; légende : TVRONIS CIVIS. Ro. Croix dans un grenetis; légende : + PHILIPVS REX/.

Gravée dans la Revue fr., 1858, pl. 10, fig. 7.

En parlant de cette monnaie, M. Cartier dit, dans sa lettre sur les mon- naies de la troisième race : « Tournois au nom de Philippe, écrit par un H » comme ceux de Philippe-Auguste, mais qui ayant CIVIS, pourraient être » données à Philippe-le-Hardi, en plaçant sous Philippe-le-Bel le change- » ment de forme H majuscule en k cursif, le seul employé sur les gros et » sur les deniers communs de Philippus. Ceci, au reste, n’est qu'une » conjecture, car Philippe-le-Hardi a frappé des gros, et aurait, par con- » séquent, employé le L de la dernière espèce (1). »

Cette conjecture, à laquelle M. Cartier n’attache aucune importance, est détruite par la trouvaille de Grand-Halleux, dont les tournois de Phi- lippe, qu'ils portent un I ou un A, étaient absolument dans le même état de conservation. Il est du reste impossible d’y trouver une monnaie de

1 Revue fr., 1838, p. 98. Towe XXI. 9

66 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

Philippe-le-Bel, puisque la plus moderne du dépôt ne peut guère dé- passer 1285.

Ainsi la distinction que l’on a voulu établir entre les tournois de Phi- lippe-le-Hardi et de Philippe-le-Bel, au moyen de la manière dont la lettre H est écrite, s’évanouit entièrement.

410. Variété, la lettre H y est gravée h, etle nom est écrit avec deux PP. Gravée dans la Revue fr., 1858, pl. 6, fig. 9.

Gui de Dampierre, comte de Namur. 1963-1297.

441. 4v. Lion bandé dansun éeusson triangulaire; légende : MAR/CHTO N/AMVRC/. Ro. Croix à double bande, cantonnée de douze globules et traver- sant la légende : GCO/MES/FLA/DRE/.

Gravée dans Den Duyts, pl. 1, fig. 7.

Ingleranne, évêque de Cambrai. 1973-1985.

112. Av. Buste mitré de face; légende : INGERRAMMVS EPISCHOPVYS. Ro. Croix à double bande, cantonnée de douze globules et passant par la légende intérieure : CA/ME/RA/CV/; légende extérieure : AVE MARIA GRATIA PLENA/.

Gravée dans Tobiésen Duby, pl. 4, fig. 5. Lelewel, pl. 20, fig. 49.

C’est la monnaie la mieux conservée de toutes celles du dépôt.

Henri IV, comte de Luxembourg.

1275-1288.

115. Av. Figure coiffée d’un chaperon , debout à gauche, et tenant en main une fleur de lis; légende : LVSENBOR/. Ro. Armes de Luxembourg dans un écusson triangulaire; légende : HA/N/RY/.

Gravée dans les Publ. Luæ., pl. 7, fig. 51. Grote, t. IV, pl. 15, fig. 285.

Induits, sans doute, en erreur par la comparaison du type de l’avers de

DÉCOUVERT À GRAND-HALLEUX. 67

cette maille avec celui de la monnaie de Berthe, veuve de Mathieu 1, duc de Lorraine (1176-1195) !, les auteurs des publications de la Société pour la recherche et la conservation des monuments historiques dans le grand- duché de Luxembourg, ont cru pouvoir attribuer cette maille à Henri-A- veugle (1136-1196). Le type du revers, son état de conservation et la date le dépôt fut enfoui s'opposent à l'adoption d’une pareille opinion.

Le type s’y oppose, parce que nous ne pensons pas que l’on puisse citer un seul exemple d’une monnaie du XI: siècle, portant un écusson triangu- laire chargé d’armoiries, caractère distinctif des monnaies de la seconde moitié du XII siècle. Tous les seigneurs voisins du comté de Luxem- bourg l’employèrent vers cette époque sur leurs mailles. Otton, comte de Gueldre (1229-1271), Henri IL, duc de Brabant (1248-1261), Ferri IT, duc de Lorraine (1251-1305), Jean I, duc de Brabant (1261-1294), Guil, comte de Namur (1265-1297) Boëmond, archevêque de Trèves (1286- 1299), et même Henri V , comte de Luxembourg (1288-1309), employèrent l’écusson triangulaire sur leur petite monnaie. Henri IT, comte de Luxem- bourg, doit donc en avoir fait autant; il est, par conséquent, impossible d'attribuer cette maille à Henri-l’Aveugle.

L'état de conservation des exemplaires trouvés à Grand-Halleux dé- montrent assez qu'ils ont été mis en circulation après les mailles attribuées plus haut à Henri IIT; et comme elles sont les monnaies les plus modernes du comté de Luxembourg trouvées à Grand-Halleux, il n’y a pas de doute qu’elles ne doivent être attribuées à Henri IV, puisque le dépôt a été enfoui pendant son règne, et qui plus est dans le territoire même de son comté.

IL paraît, d’après leur état, que ces mailles ont été frappées au com- mencement du règne de ce prince.

Nous conviendrons, au reste, très-volontiers des difficultés que pré- sentait l'attribution de ces monnaies. M. le docteur Grote n'avait pas osé se prononcer entre les trois Henri qui se sont succédé depuis 1226 à 12838, et sans le trésor de Grand-Halleux, il est probable que la ques- tion serait encore restée longtemps à l’état de problème.

1 Voyez de Sauley, Rech. sur les monn. des ducs hérédit. de Lorr., pl. 36, fig. 28.

68 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES

Édouard 1, roi d'Angleterre. 1271-1507.

114. Av. Tête couronnée, vue de face ; légende : + EDWR. ANGL DNS HYB/. Ro. Croix cantonnée de douze globules et traversant la légende : VILL/ ABR/ISTO/LLA. (Bristo!.)

115. Idem avec EBO/RACI/CIVI/TAS/. (York.)

116. Idem avec CAN/TOR/CIVI/TAS/. (Canterbury)

117. Idem avec LON/DON/CIVI/TAS/. (Londres.)

Gravée dans Lelewel, pl. 11 , fig. 17. Variété.

118. Tête couronnée dans un triangle équilatéral; légende : EDWR/ANGL D} NS HYB/. Ro. Croix cantonnée de douze globules et traversant la légende : DVBL/INIE/CIVITAS/. (Dublin !).

Arnoul VIII, comte de Losse.

1280-1328.

119. Av. Armoiries de Losse dans un écusson triangulaire; légende : + C/OMES/D LO(S/. Rv. Croix à double bande cantonnée de : P/E/T/R/ et tra- versant la légende : A D/EIG/RAT/IA x. |

Gravée dans la Revue belge, t. 1, pl. 4, fig. 4.

120. Variété avec : C/OMES/DE xLO x/S/. 121. Variété avec la lettre M arrondie, et dans les cantons de la croix : G/O/R/S/.

En suivant l'opinion de M. Perreau ?, qui attribue ces monnaies à Arnoul VIIT, nous le faisons avec la plus grande réserve. L'état usé des exemplaires que nous avons sous les yeux, et l’initiale du nom du comte, qui ne semble pas être un À, mais un [, dont la partie inférieure est tant soit peu ouverte comme un À mal formé, nous font supposer avec quelque fondement que ces esterlings appartiennent à Jean I (1256-1280). Nous sommes d'autant plus disposé à les attribuer à ce dernier, que l’un de nos exemplaires porte bien positivement un I, et qu'aucune monnaie d’Arnoul au type du cavalier ne fut trouvée à Grand-Halleux.

1 Toutes ces monnaies ont été publiées par Ruding, Annals of the conag, etc. 2? Rev. belge, t. IL, p. 108.

ns

DÉCOUVERT A GRAND-HALLEUX. 69

Jean IV de Flandre, évêque de Liége. 1282-1996.

122. Av. Lion debout à gauche, tenant une épée posée dans un écusson triangu- laire ; légende : IOH/ANN/E/SEPC/.—Rv. Croix cantonnée de H/O/Y/I/ et traversant la légende : LE/ODI/ENYSIS,.

Gravée dans de Renesse, pl. 5, fig. 1. Mader, t. VI, fig. 29.

195. Une monnaie au type limbourgeois. On connait encore des exemplaires de cette monnaie ; mais jusqu'ici on n’est pas encore parvenu à la déterminer.

Voyez la planche, fig. 34.

Il résulte des dates indiquées sous le nom de chaque prince que les monnaies du dépôt ont été frappées entre les années 1157 et 1507.

Ceci établi, il sera facile de deviner à peu près l’époque le trésor fut enfoui; et la fin du XI: siècle ou le commencement du XIV: se pré- sentent comme étant les époques les plus probables. Néanmoins, il ne semble pas que la dernière de ces époques doive être adoptée : différentes raisons s’y opposent. En effet, si le dépôt eût été caché au commencement du XIV: siècle, ne serait-il pas singulier de n’y trouver aucune mon- naie de Jean IT, duc de Brabant (1294-1312), monnaies si nombreuses et si répandues sur tout le sol de la Belgique? Comment pourrait-on ex- pliquer qu'aucun prince du XIV: siècle et voisin du Luxembourg ne soit représenté dans un dépôt aussi considérable et composé de tant de mon- paies diverses? On n’y trouve, par exemple, aucune monnaie de Jean, comte de Namur (1297-1530), ni de Jean d’Avesnes, comte de Hainaut (1280-1299), ni des quatre évêques de Liége qui se sont succédé depuis 1292 à 1315, ni des archevêques de Trèves, Boëmond, Dither et Baudouin (1286-1507). En supposant que le trésor ait été caché au commence- ment du XIV:siècle, ne serait-il pas difficile d'expliquer comment un Luxem- bourgeois, qui devait nécessairement avoir réuni les monnaies les plus répandues dans son pays et, par conséquent, les monnaies courantes et frappées par le comte régnant au commencement du XIV: siècle, n'aurait

70 SUR UN DÉPOT DE MONNAIES, erc.

compris dans son trésor aucune monnaie de Henri V, comte de Luxem- bourg (1288-1309)?

Il est vrai que Ferri III, duc de Lorraine, régna jusqu’en 1505; mais ses monnaies ont été frappées, comme l’observe fort bien M. de Sauley !, au commencement de son règne, et l’état usé des exemplaires trouvés dans le dépôt démontre à l’évidence qu’elles ont été frappées au commence- ment de la seconde moitié du XIII: siècle.

Quant aux monnaies d'Arnoul VIIT, comte de Losse (1280-1328), nous avons déjà dit qu’elles semblent devoir être attribuées à son prédécesseur Jean 1 (1256-1280); elles ne peuvent done appartenir au commencement du XIV: siècle.

Reste encore à examiner si les esterlings d’Édouard I, roi d'Angleterre (1271-1507), ont été frappés au commencement du XIV: siècle. On sait qu'Édouard frappa des esterlings dès le commencement de son règne; il est donc très-possible que ces espèces qui jouissaient, comme celles de son père, d'une grande faveur à cause de leur bon aloi, aient été transportées assez tôt en Belgique, par suite de nos anciennes relations commerciales avec l'Angleterre. Les esterlings anglais étaient tellement recherchés, qu’ils se répandirent avec une rapidité étonnante sur tous les points de l'Europe, et qu'ils servirent de modèle à presque tous les seigneurs belges à la fin du XIE: siècle et au commencement du XIVe. Or, aucun esterling belge au type édouardin ne s’est rencontré dans le trésor; il doit donc avoir été enfoui avant que le type anglais ne fût copié en Belgique; et comme Jean I, duc de Brabant, semble avoir adopté ce type dans les dernières années de sa vie, il paraît que le dépôt a été caché sous son règne. Nous sommes presque tenté, eu égard à la belle conservation de la monnaie d’'Ingelranne, évêque de Cambrai, de supposer que l'enfouissement a eu lieu à peu près vers l’année 1285 ; et nous sommes d'autant plus tenté de nous en tenir à cette conjecture, qu'aucune monnaie d’un prince dont le règne ait com- mencé après 1285, n’a été recueillie dans ce trésor.

1 De Sauley, Rech. sur les monn. des ducs hérédit. de Lorr., p. 57.

FIN.

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DE LA CRÉATION DE FORÈTS, DE PRAIRIES ET DE TERRES ARABLES;

M. RAINGO,

Professeur de sciences naturelles à l'Ecole spéciale de commerce, d'industrie

et des mines, à Mons.

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DE LA

FERTILISATION DES LANDES DANS LA CAMPINE ET LES ARDENNES,

CONSIDÉRÉE SOUS LE TRIPLE POINT DE VUE

de la

CRÉATION DE FORÊTS, DE PRAIRIES ET DE TERRES ARABLES.

Dans un pays l’accroissement de la population est la conséquence du régime de paix et de liberté que lui procurent ses institutions, il importe de rechercher les moyens d'assurer l'existence des classes nom- breuses et de maintenir autant que possible l’équilibre entre la produc- tion et la consommation. La solution de ce grand problème est tout entière dans le défrichement des landes et des bruyères, dont la Belgique possède une étendue considérable, et qu’en mère prévoyante, elle semble tenir comme en réserve pour l'alimentation de sa population toujours croissante. Grâce à cette ressource, notre belle patrie peut suffire long- temps encore aux besoins de ses enfants; et l'émigration ne sera une né- cessité pour aucun d'eux, si l'agriculture parvient à conquérir ces vastes

landes, depuis tant de siècles stériles.

4 DE LA FERTILISATION DES LANDES

C’est l'indication des meilleurs moyens d'arriver à ce résultat qui fait l'objet de la cinquième question proposée par l'Académie royale de Bruxelles, dans son programme pour le concours de 1846. Puissions- nous, en traitant ce sujet important et plein d'actualité, aider à l’accom- plissement d’une œuvre qui intéresse à un si haut degré la prospérité nationale, et répondre à l'attente du corps savant dont les travaux ont

toujours un but d'utilité pour le pays!

Cr

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES.

ANALYSE

ET DIVISION DU MÉMOIRE.

Parme. Des causes de la stérilité de la Camypine et des Ardennes.

1. Coup d'œil général sur la Campine. u. Coup d'œil général sur l'Ardenne. ur. Des essais de défrichement tentés jusqu'à ce jour.

IE Parme. Division et classement des bruyéres.

1. Bruyères propres à former des prairies. u. Bruyères propres à être mises en culture. ui. Bruyères à convertir en forêts.

JL Parmi. Du boisement des landes et des bruyères.

1. Semis en place et en pépinière. u. Plantations. ur. Formation des abris et des clôtures.

IV Panne. De la conversion des bruyères en prairies.

1. Travaux d'assèchement. u. Travaux d'irrigation. ur. Travaux de gazonnement.

6 DE LA FERTILISATION DES LANDES Ve Parme. De la création des terres arables.

1. Défrichement du terrain. u. Fertilisation des landes défrichées. in. Culture des landes fertilisées.

VI‘ Parme. Organisation et exécution d'un défrichement.

1. Considérations générales.

u. Opérations préparatoires.

ur. Travaux de défrichement et de fertilisation. iv. Construction.

v. Travaux de culture.

vi. Coup d'œil sur l'ensemble des opérations.

Pièces à l'appui.

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 7

PREMIÈRE PARTIE.

DES CAUSES DE LA STÉRILITÉ DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES.

I. Coup d'œil général sur la Campine.

1. La Campine est une vaste plaine qui s’étend sur le territoire des provinces d'Anvers et de Limbourg, et l’on trouve à peine quelques élévations, qui peuvent être envisagées comme les restes d'anciennes dunes. Cette contrée, naturellement stérile, a été formée par des alluvions ma- rines, à une époque que l’on croit antérieure aux temps historiques; et les géologues la considèrent comme appartenant à l'étage supérieur des terrains tertiaires de la Belgique . La quantité d’eau qui en couvre encore aujourd'hui le sol, et les brouillards épais qui s’élèvent des parties marécageuses, en rendent l'atmosphère très-humide. Cependant le climat y est moins froid que dans certains pays plus rapprochés de l'équateur. Les vents qui y dominent le plus sont ceux du Sud-Ouest, de l'Ouest et du Nord-Ouest. Les vents d’Est s’y font ordinairement sentir dans les mois de décembre et de janvier, et y amènent presque toujours la gelée. En géné- ral, la température y est sujette à de fréquentes et subites variations, à ce point que l’on éprouve souvent dans un même jour des alternatives de froid et de chaud très-sensibles.

1 D'Omalius d'Halloy, Coup d'œil sur la géologie de la Belgique, p. 87.

8 DE LA FERTILISATION DES LANDES

2. La couche superficielle des landes de la Campine est composée de sables de diverses couleurs (blanc, gris, brun, noirâtre, jaunâtre, et quel- quefois roussätre). L'analyse de ces sables a fait connaître qu'ils renfer- inent généralement une très-grande quantité de silice, mêlée à très-peu d'argile et à des matières soit ocreuses, soit charbonneuses. Ce terrain superficiel, fort mobile et d’une épaisseur variable, repose sur des couches de nature différente : dans quelques endroits, le sous-sol est une terre tourbeuse et marécageuse; dans d’autres localités, c’est un banc de tuf ferrugineux d’une grande dureté; ailleurs, c’est une couche de glaise ou d'argile compacte. Lorsque la couche sablonneuse superficielle est très- épaisse, les eaux pluviales passent à travers comme par un crible; et le ter- rain n'offre qu'une plaine aride sur laquelle il ne pousse pas un brin d'herbe. Lorsque , au contraire, le sol qui recouvre les couches de tourbe, de tuf ou d'argile, a peu de profondeur, le terrain n’en est pas plus fer- ile; car les eaux pluviales, après avoir traversé le sable, sont arrêtées par les couches imperméables, y restent en stagnation, refroidissent la terre et font pourrir les racines des végétaux : aussi n’y voit-on croître que de la bruyère; et si l'on rencontre çà et quelques arbrisseaux, ils sont d’une végétation languissante, leurs racines ne pouvant pénétrer dans les cou- ches compactes du sous-sol. Enfin, assez souvent les eaux n'ayant point d'écoulement, forment des étangs ou des mares non moins insalubres que stériles.

3. C’est pourtant de ce sol ingrat que l'habitant de la Campine parvient à tirer ses moyens de subsistance. Il y cultive des pommes de terre, des navets, des carottes, du genêt, de la spergule, de l’avoine, du seigle et du blé sarrasin. Une partie des récoltes est employée à la nourriture de bêtes à cornes que l’on tient généralement à l’étable, en les faisant promener un peu tous les jours sur la bruyère inculte, lorsque la saison le permet. Ce bétail, ordinairement très-petit, reçoit pour litière des gazons que l’on va couper dans la bruyère, et qu’on laisse un certain temps dans l’étable pour qu'ils soient mieux imprégnés de l'urine et des excréments des ani- maux. Ce fumier est ensuite transporté sur le terrain, dont il ranime la fé- condité pour la production de nouvelles récoltes.

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 9

4. Le pauvre cultivateur des bruyères de la Campine ne parvient donc qu’à force de patience et de travail à tirer du sein de la terre quelques médiocres produits. Ayant trop peu de ressources pour entreprendre d’a- méliorer la nature du sol, il est condamné à faire chaque année d’inces- sants efforts pour obtenir un faible résultat. Malgré la dureté de sa condi- tion, il faut cependant reconnaitre qu'il travaille avec intelligence, et que sa culture est quelquefois mieux soignée que celle de cantons plus pro- ductifs. L'essentiel pour lui est de recueillir beaucoup d'engrais; mais comment y parvenir, si ses facultés ne lui permettent d'acquérir qu’un bétail peu nombreux et de médiocre qualité? Il a beau prodiguer ses sueurs, la nature ne le seconde nullement, et sa position ne saurait s’a- méliorer.

IL. Coup d'œil général sur l’Ardenne.

>. L’Ardenne est une contrée montueuse et pittoresque, occupant la plus grande partie de la province de Luxembourg, et formant un plateau élevé de plus de cinq cents mètres au-dessus du niveau de la mer. Sa con- stitution géologique est beaucoup plus ancienne que celle de la Campine; elle se compose principalement de roches schisteuses et de roches quart- zeuses, dont la position respective est fort confuse, mais dont l’ensemble appartient au groupe inférieur des terrains hémilysiens ou de transition ?. L’élévation du sol, jointe à l'existence de beaucoup de fanges et de marais, rend ce pays extrêmement froid. L'évaporation y est d'autant plus active que l'air y est plus raréfié, et le déboisement d’une partie de la contrée, en diminuant les abris, a encore augmenté l’âpreté naturelle du climat. On y trouve, dans une position élevée, des plaines immenses qui, tou- jours battues par les vents du Nord et du Nord-Ouest, ne s'échauffent que difficilement ; et dans les parties se trouvent des fanges marécageuses, il s’exhale des brouillards épais, qui, joints aux gelées tardives, sont très-

nuisibles à la végétation.

1 D'Omalius d'Halloy, Coup d'œil, ete., page 17. Tome XXI. 2

10 DE LA FERTILISATION DES LANDES

6. Le sol de l’Ardenne, composé de détritus de roches quartzeuses et schisteuses, est ou sablonneux, ou argileux. Le terrain meuble y a une épaisseur variable de 10 à 80 centimètres; tantôt il repose sur des roches très-fissurées, qui livrent passage aux eaux pluviales et le rendent sec et stérile ; tantôt le sous-sol se compose de terres marécageuses et tourbeuses, qui retiennent les eaux et forment des mares, des étangs et des lacs; en général le sol est poreux, léger et facilement accessible à toutes les influences atmosphériques.

7. Les landes de l'Ardenne servent de pacage aux races ovine et bovine. Ce pâturage, qui consiste principalement en bruyères, mêlées de mousses et de lichens, forme des gazons épais, couverts d’une herbe chétive et rare. Il peut offrir une assez bonne nourriture aux bêtes à laine; mais il ne peut suffire à l'alimentation des bêtes à cornes. Aussi y rencontre-t-on de nombreux troupeaux de moutons d’une belle venue, tandis que les vaches y sont maigres et de petite taille.

8. C'est particulièrement dans l'élève du bétail que consiste l’industrie de l'habitant de l'Ardenne; c’est sa principale et même son unique source de richesse; la culture des terres ne lui procure que des produits très-médiocres et hors de proportion avec les frais et les travaux qu'ils Jui coûtent. C’est pourquoi il ne s’y livre que d’une manière accessoire. Le système de pâturage ne lui permettant pas de recueillir les engrais néces- saires à la production des céréales, il y supplée par l’écobuage. Cette opération, qui consiste à enlever les gazons pour les brüler en tas et en répandre ensuite les cendres sur le terrain, produit une et quelquefois deux modiques récoltes; mais elle finit par épuiser le sol, que cet effort rend improductif pour vingt, trente ou même quarante ans. Le eultiva- teur ardennais ne s'inquiète guère du préjudice qui en résulte, car la bruyère est immense eu égard à la population, et elle peut suffire pendant très-longtemps aux besoins de l’écobuage.

Telle est sommairement la situation des deux contrées sur lesquelles va se porter notre attention. Au tableau peu avantageux que nous en avons tracé, nous allons ajouter quelques détails sur les améliorations qu'on a déjà essayé d’y introduire.

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 11

EL. Des essais de défrichement tentés jusqu'à ce jour.

9. Le défrichement de bruyères effectués jusqu'ici sur une certaine échelle n’ont été généralement que des opérations isolées, conçues par des particuliers plus ou moins aptes à les diriger, et plus ou moins dis- posés à faire les sacrifices nécessaires. Tantôt infructueuses, tantôt cou- ronnées de succès, ces entreprises ne prouvent que la diversité des moyens employés, et ne peuvent servir de base à l'assiette d’une opinion sur les avantages qu’on en doit espérer. Pour se faire une idée de la possibilité de fertiliser ces landes stériles, il faut aller chercher les exemples dans la petite culture, et examiner ce que l’industrie indigène, aidée de quel- ques ressources, est parvenue à obtenir dans certaines localités.

10. Ainsi, dans la Campine, les habitants qui, avant de mettre la bruyère en culture, ont eu soin de la défoncer, de manière à enlever le tuf ferrugineux; ceux à qui leurs moyens permettaient de mélanger la couche d'argile avec le sable de la surface; ou bien ceux qui ont pratiqué des rigoles et des fossés pour faire écouler les eaux stagnantes, sont par- venus à récolter, sur les landes défrichées, du froment, de l'orge, du chanvre, du lin et d’autres produits, que l’on n'obtient ordinairement que sur des terrains de première classe. Dans cette même contrée, les potagers qui entourent les habitations et auxquels les soins et les engrais ne manquent pas, offrent toutes les espèces de légumes que l’on cultive dans le reste de la Belgique. Et cependant, c’est le même sol, la même position, le même climat que dans les landes étendues, arides et sans végétation!!!

11. Dans les Ardennes, « voyez la culture autour des endroits habi- tés; elle s'étend autant que possible; un champ en plein rapport se trouve à côté de la bruyère, dont il n’est séparé que par un simple sillon. On rencontre le long des routes nombre d'habitations qui sont groupées çà et comme autant de colonies en miniature. Autour d’elles, le sol le plus ingrat s’est changé en un jardin fertile, et bientôt un champ couvert de moissons a été ajouté au jardin. Tout cela s’est fait successivement, selon

12 DE LA FERTILISATION DES LANDES

les besoins et les ressources, par un travail persévérant et par l’intelli- gence apportée à se procurer des engrais de toute nature !. »

12. Et dans d’autres provinces, ne trouve-t-on point à chaque pas, des preuves de la possibilité de fertiliser les landes les plus stériles? Le sol de la Flandre n'est-il pas de la même nature que celui de la Cam- pine, et sa fertilité n'est-elle pas due aux amendements que les habitants y ont introduits ?

Les communes du Brabant et du Hainaut possédaient autrefois une quantité de terrains vagues qui, vendus sous le régime de l'empire fran- çais, sont devenus d'excellentes propriétés. Ne voit-on pas tous les jours encore, dans le voisinage des villes populeuses, le sol le plus aride se convertir en champ productif? Certes , cela ne se fait point sans dépense; mais on en est bien dédommagé par le revenu qu'on en retire; et tel champ sablonneux situé à mille mètres d’une ville très-peuplée, se loue souvent plus cher que les bonnes terres à blé des contrées les plus fertiles.

15. Ces exemples prouvent que toutes les fois que, dans le défriche- ment des bruyères, on procèdera d’une manière analogue à ce qui s’est déjà pratiqué sur les lieux mêmes pour mettre des terrains en culture, on sera certain de réussir; et l’entreprise sera d'autant plus avantageuse, que limitation de la culture locale sera secondée par la connaissance de procédés perfectionnés, et par l'emploi de ressources suffisantes. Mais si, au lieu de se laisser diriger par ces considérations toutes rationnelles, on veut agir systématiquement et à l'aventure; si l’on ne tient compte ni de la qualité du sol, ni de la nature du sous-sol, ni de l'influence du climat, ni de l’expérience locale; si l’on s’imagine qu’il suffise de remuer la terre des bruyères pour en obtenir des récoltes; si l’on veut inoculer à une contrée froide et humide un mode de culture excellent pour des climats mieux partagés : alors les essais ne donnent point de résultats satisfai- sants, et ceux qui les ont tentés rejettent sur la stérilité des bruyères ce qui n’est qu'à leur peu de discernement et à l'insuffisance des moyens employés.

1 Rapport de la députation permanente du conseil provincial du Luxembourg, adressé à M. le Ministre de l'intérieur, le 26 juin 1844. Page 55.

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 15

14. Ce que nous venons de dire des défrichements essayés au point de vue de l’agriculture, s'applique également aux défrichements opérés pour des plantations ou des semis d’essences des bois. Dans la Campine comme dans les Ardennes, on rencontre des pépinières et des plantations faites avec intelligence et succès; tandis qu’on en voit d’autres, dont l'aspect triste et languissant dégoûterait quiconque aurait l'intention de se livrer à ce genre de culture. Que lon consulte ceux dont la négligence ou l'éco- nomie mal entendue ont produit ces chétifs résultats, ils soutiendront que les landes, même au point de vue de la création de forêts, ne sauraient être défrichées ni cultivées avec avantage. L'amour-propre, ce grand mobile des actions humaines, est l'unique fondement de ces assertions erronées, auxquelles nous croyons inutile de nous arrêter plus long- temps.

14 DE LA FERTILISATION DES LANDES

SECONDE PARTIE.

DIVISION ET CLASSEMENT DES BRUYÈRES.

15. Nous croyons avoir suffisamment établi par les faits précités, la possibilité de mettre en culture la plus grande partie des landes et bruyères de la Campine et des Ardennes. Nous allons considérer maintenant quelle espèce de produits on peut avantageusement en retirer.

Dans la question proposée, l'Académie royale demande quels sont les meilleurs moyens de fertiliser ces landes, sous le triple point de vue de la création de forêts, de prairies et de terres arables.

Le même sol ne pouvant être indifféremment appliqué à ces trois sortes de créations, nous examinerons d’abord quels sont, d’après leur nature, leur exposition et d’autres circonstances, les terrains les plus convenables à chacune d'elles, en commençant par les prairies, qui réclament des con- ditions exceptionnelles, et en terminant par les forêts, pour lesquelles sufisent les sols qui ne conviennent à aucune des deux autres catégories.

L._ Bruyères propres à former des prairies.

16. Les prairies permanentes, vulgairement connues sous le nom de prairies naturelles, sont ordinairement établies dans des sols et des

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 15

situations plus humides que les terres arables. On en distingue même de trois sortes, suivant la plus ou moins grande humidité du terrain :

Les prairies marécageuses, lorsque l'humidité est excessive;

2 Les prairies basses , lorsqu'elle est due aux inondations et aux infil- trations des cours d’eau ;

Les prés secs, quand elle ne provient que des eaux pluviales artis- tement recueillies et amenées de terres voisines.

17. D’après ces distinctions, on pourra convertir :

En prairies marécageuses, les landes composées de terres argilo- sableuses, reposant sur un sous-sol imperméable, pourvu que l’on puisse faire écouler au besoin l’excès d'humidité;

2% En prairies basses, les sols de toute nature, occupant le fond des vallées parcourues par des cours d’eau; et ceux qui existent le long de ruisseaux sur lesquels des barrages pourront élever le niveau de l’eau pour la faire refluer à volonté;

En prés secs, les bruyères situées de manière à recevoir les eaux des collines et des terres environnantes et à conserver quelque temps cette humidité accidentelle.

Il importe de tirer parti de ces diverses situations pour la formation du plus grand nombre possible de prairies naturelles; car les fourrages qu’on en retire sont la base de la nourriture des bestiaux, et, par conséquent, la source de la production des engrais, but auquel doivent tendre tous les efforts du cultivateur.

IL. Bruyères propres à former des terres arables.

18. La meilleure composition minéralogique ! du sol arable est un mélange de trois sortes de terres : la terre argileuse, la terre calcaire et le sable, Suivant que l’un ou l’autre de ces trois principes est dominant, le sol prend le nom d’argileux, de calcareux ou de siliceux. Il ya des

1 A cette composition minéralogique d'un bon sol, il faut joindre, pour qu'il soit fertile, l'humus ou le terreau, produit de la décomposition de matières organiques, animales ou végétales.

16 DE LA FERTILISATION DES LANDES

contrées qui offrent ces diverses variétés de sol; mais, dans la Campine et les Ardennes, on ne rencontre ordinairement que des terrains siliceux et argilo-sableux. Ces terrains, quand ils ne sont ni trop secs, ni trop hu- mides , peuvent convenir à la culture, pourvu qu'ils aient une couche meuble d’une épaisseur suflisante pour l'espèce de végétaux qu’on se pro- pose de leur confier. C’est au cultivateur à les traiter et à les amender d'une manière convenable, et nous en indiquerons les moyens ci-après. Nous nous bornerons à consigner ici quelques observations sur le choix des bruyères à convertir en terres arables.

19. La culture des landes exigeant , surtout dans le principe, une plus grande quantité d'engrais que celle des bonnes terres, il importe de re- chercher toutes les situations le sol a la faculté de conserver l’engrais qu’on lui confie. Les terrains très-perméables et ceux en pentes trop in- clinées perdront naturellement beaucoup de leurs principes fertilisants par l’action des eaux atmosphériques; et l’on devra choisir de préférence les champs à pentes douces et ceux dont la couche superficielle offre le plus de consistance, soit par l'épaisseur du gazon de bruyères qu’on y trouve, soit par un mélange suffisant d'argile et de sable.

20. L'exposition du terrain n’est pas non plus une chose à négliger. Les céréales exigeant, pour arriver à une maturité parfaite, une quantité de calorique déterminée, il s’en suit que plus le climat est froid, plus il im- porte de rechercher les expositions à l'Est et au Midi. Ces considérations ne sont pas moins importantes pour les récoltes-racines. On aura donc soin de défricher de préférence, dans le but de la création de terres arables, les bruyères situées au Levant et au Sud et placées à une hauteur le climat ne soit point un obstacle à la maturité des récoltes.

21. La coloration du sol contribuant beaucoup à l'absorption de la chaleur lumineuse , et conséquemment à l’échauffement du terrain, on devra donner la préférence aux landes de couleur foncée. Cependant comme l’évaporation est en raison de la température , il faudra s'assurer si l'accroissement d’évaporation qui résulte de la coloration est en équilibre avec la quantité d’eau que la terre reçoit, afin de conserver constamment

au sol le degré d'humidité nécessaire à la végétation.

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 1

1

22. Enfin, ce qu'il importe surtout de prendre en considération, c’est l'existence des abris. Les courants d’air exerçant une influence majeure sur l’évaporation, il s’en suit que les terrains non abrités, quels qu'en soient d’ailleurs les avantages, sont desséchés et refroïdis par l’action des vents, et que, livrés sans défense à l’intempérie des saisons, ils ne peuvent produire que de chétives récoltes. Aïnsi le voisinage d’une montagne, d’une forêt, ou même d’une simple plantation au Nord ou à l'Ouest d’une propriété, en augmente de beaucoup la valeur. On sait, au reste, combien le déboisement d’une partie de l'Ardenne a augmenté l’aridité de cette con- trée, et nous verrons plus loin que c’est surtout par la création de nou- veaux abris que l’on peut tempérer la rigueur du climat et assurer la fer- ülisation des bruyères.

IL. Bruyères à convertir en forêts.

25. Après avoir fait choix des landes qui peuvent convenir à la forma- tion de prairies naturelles et à la création de terres arables, le reste peut servir en partie au semis et à la plantation de diverses essences de bois. Nous disons en partie, parce qu'il est des sols dont la dureté et le peu de profondeur se refusent absolument à toute espèce de culture, et que l’ac- tion du temps peut seule diviser et ameublir convenablement.

Ainsi l’on réservera pour les semis et plantations :

Les landes trop sèches et trop arides pour pouvoir être converties en terres arables ;

2% Les sols caillouteux la culture des céréales et des légumineuses éprouverait beaucoup d'obstacles ;

Les terrains en pentes rapides que les éboulis dégarnissent sans cesse de leur couche meuble et superficielle ;

% Le coteaux exposés au Nord et à Ouest, qui sont trop froids pour être cultivés avantageusement ;

Les plateaux élevés la rigueur du climat n’admet que des végé- taux d’une nature robuste.

Tome XXI. 9

18 DE LA FERTILISATION DES LANDES

24. Mais ne doivent point se borner les semis et les plantations à effectuer dans les landes ; car, dans un défrichement bien organisé , les prairies et les terres arables doivent être entourées de haies, de clôtures et d’abris qui, tout en préservant les propriétés des incursions des ani- maux , les dérobent à l'influence des bises froides, rompent le cours des vents impétueux, et conservent l'humidité du sol ($ 22).

25. Le classement des landes étant ainsi établi, nous pouvons nous occuper d’une manière générale des moyens à employer pour les convertir en forêts, en prairies ou en terres arables, chacun étant à même de déter- miner l'espèce de défrichement le plus convenable aux bruyères qu'il possède. Nous ne ferons donc pas de distinction entre la Campine et les Ardennes, sauf les cas particuliers certains procédés seraient d’une application toute spéciale à l’une ou à l’autre contrée.

Nous commencerons par la création de forêts, suivant l’ordre du pro- gramme.

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 19

TROISIÈME PARTIE.

DU BOISEMENT DES LANDES ET DES BRUYÈRES.

26. S'il importe que la création des bois et des forêts n’usurpe point les terrains susceptibles de culture, il n'importe pas moins d'apporter à cette opération la plus grande économie; car les produits s’en font long- temps attendre, et les capitaux employés, si minimes qu'ils soient, ac- quièrent par l'accumulation des intérêts une haute valeur à l’époque ce genre d'exploitation est en plein rapport. Ces considérations doivent donc ayant tout guider le spéculateur qui entreprend des semis et des planta- tions , et qui, presque toujours certain de ne pas recueillir le fruit de son travail, n’a d'autre satisfaction que celle de seconder l’ouvrage de la nature.

27. D’après cela , la transformation des landes en forêts est une œuvre de patience et d'économie, pour lexécution de laquelle il nous suffira d'indiquer les moyens les plus certains et les moins coûteux.

On peut y procéder de deux manières : par le semis et par la planta- tion. Nous traiterons successivement de l’une et de l’autre.

L Des semis en place et en pépinière.

28. La formation d’un semis embrasse trois opérations : le choix des

20 DE LA FERTILISATION DES LANDES

essences convenables au terrain et à la contrée, la préparation du sol, et l’ensemencement.

29. Le choix des essences d'arbres qui croissent le mieux et le plus rapidement dans les landes de la Campine et des Ardennes n’est plus un problème aujourd’hui. L'expérience a fait connaître, et déjà de belles forêts sont pour l’attester, que les essences résineuses réussissent très- bien dans nos bruyères, et qu'il faut préférablement y cultiver le sapin de Norwége (Abies picea), le pin sauvage (Pinus sylvestris) et le mélèze (Larix europea). Non que l’on ne trouve aussi dans ces contrées de belles futaies de chênes, de hêtres, de frènes, d’aunes et de bouleaux, ainsi que des plantations très-prospères d’ormes, de tilleuls, d’érables, de sor- biers et de peupliers; mais ces essences répondent moins que les arbres verts à l’objet que nous nous proposons et dans lequel nous devons nous renfermer. Au reste, rien n'empêche de mêler aux semis des essences ré- sineuses, des graines d’autres essences acclimatées ; et l’on devra préférer, dans ce cas, le chêne et le bouleau, comme on le pratique en beaucoup d’endroits la profondeur du sol le permet.

50. Les essences étant choisies, il faut s’occuper de la préparation du terrain auquel la semence doit être confiée. La première opération est d’entourer d’un fossé creusé à la bêche, toute la bruyère que l'on veut ensemencer. Les terres que l’on retire de ce fossé sont déposées sur le bord intérieur, afin d'augmenter l'obstacle à l’incursion des animaux; et l'on sème sur ces espèces de bancs, deux lignes de graines de genêts (Ge- nista scoparia), lesquelles, distancées de 60 centimètres, forment en peu d'années d’assez bonnes défenses. En même temps que l’on organise cette clôture, on procède à la préparation du terrain, au moyen de la charrue, si le sol est meuble et peu incliné, ou bien à l’aide de la pioche et de la houe, s’il est pierreux et escarpé. Au reste, tous les moyens sont bons, pourvu qu'ils soient peu coûteux; et quand le terrain peut être essarté, la meilleure préparation est d’y cultiver du seigle l'année qui précède l'ense- mencement. Les frais du semis sont alors amplement couverts par le pro- duit de la récolte des céréales.

51. Une méthode fort simple et peu dispendieuse consiste à pratiquer

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 21

sur toute l'étendue du terrain, de petits sillons éloignés d’un mètre envi- ron les uns des autres. On y dépose la semence que l’on recouvre à peine d’une légère couche de terre. Ces sillons doivent être tracés perpendicu- lairement à la pente du terrain, pour éviter que les graines et les jeunes plants ne soient entraînés par les eaux.

52. Enfin, l’on a aussi obtenu beaucoup de succès de semis sur plates- bandes. Cette opération consiste à lever une bande de gazons avec la bruyère, sur une largeur d'environ un mètre, à la retourner sur une bande de même largeur à côté, et à semer ensuite sur la bande dégazonnée. En peu d'années, les plants poussent leurs racines vers les bandes recouver- tes, et y trouvent une terre meuble et même un terreau; six ans après, les intervalles ne paraissent plus 1.

55. Les précautions à prendre pour opérer l'ensemencement, consis- tent à semer la graine quand la terre est fraiche et nouvellement remuée, et à la laisser presque à nu sur le sol. L'humidité étant une des conditions indispensables à la réussite d’un semis, on prépare aux jeunes plants un abri, en mêlant à la semence une certaine quantité de graines de genèts, ou même une demi-semence d'avoine, dont on a soin de ne couper le chaume qu’au tiers ou à la moitié de sa hauteur.

54. Tels sont les moyens les plus simples et les plus économiques d'opérer des semis en place. Ils réussissent assez généralement bien lors- que le sol est consistant et que la gelée du premier hiver ne déracine pas les jeunes plants; mais quand on ne veut consacrer à la formation de forêts que des terrains dont on ne peut tirer d'autre parti, il est pré- férable de recourir à la plantation et d'élever d’abord les essences en pépinière. Cette méthode est à la vérité un peu plus coûteuse, mais on conçoit qu'elle a plus de chances de succès, puisqu'elle permet de mieux soigner le développement et la conservation des jeunes plants.

55. D'abord, la pépinière ne réclamant point un terrain fort étendu, pourra être établie sur un sol d’une certaine fertilité, ayant au moins

50 centimètres de profondeur. On choisira de préférence une exposition

1 Rapport de la Députation permanente du Luxembourg, déjà cité, page 289.

22 DE LA FERTILISATION DES LANDES

au Nord, abritée des vents violents et arides, et l’on puisse facilement pratiquer des irrigations et des écoulements. Le terrain, débarrassé des pierres et des racines qui pourraient nuire au développement des graines, sera partagé en plates-bandes d’un mètre et demi à deux mètres de lar- geur, et séparées par des sentiers de 60 centimètres. Si le sol est naturel- lement humide, on bombera légèrement les plates-bandes; si, au contraire, il est naturellement sec, on les creusera un peu au-dessous du niveau des sentiers. Ces dispositions étant prises, on tracera de petits rayons à 50 centimètres les uns des autres, et l'on y sèmera les graines à la main, à des distances proportionnées à la bonté de la semence et au développe- ment qu'on se propose de laisser prendre au plant dans la pépinière. On recouvrira légèrement de mousse, et l’on n’aura plus qu’à donner de temps en temps un léger labour pour faire périr les mauvaises herbes. Au bout d’un an, les plants auront pris assez de développement pour être mis en place, et l’on procèdera au repiquage, comme nous l’indiquons ci-après.

36. L'expérience a démontré que le repiquage convient beaucoup aux mélèzes, et qu'il peut s'appliquer avec succès aux pins sauvages et aux sapins de Norwége, pourvu que le plant ne soit àgé que d’un an ou tout au plus de deux; la faculté de reprise de ces deux essences étant d'autant plus grande que le plant est plus jeune.

57. La même pépinière servira aux semis d’aunes, de sorbiers, de merisiers et d’autres essences dont on formera des abris et des bordures pour les champs cultivés. Enfin elle offrira, dans sa partie la plus hu- mide, quelques planches consacrées à la multiplication, au moyen de boutures, des essences de sureaux, de saules et de peupliers, dont on en- tourera les prairies.

Cette pépinière, comme on le voit, est un véritable trésor pour l’agri- culteur comme pour le forestier; car avec une étendue de 50 ares seule- ment, elle peut fournir à la plantation de plus de cent hectares en bois résineux et aux clôtures d’une égale étendue en terres cultivées.

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 25

IL. Des plantations.

58. Au point de vue de la culture des essences forestières, qui doivent avoir la préférence dans la Campine et les Ardennes , nous n’avons point à traiter ici de la plantation de rejetons arrachés dans les bois, lesquels valent en général beaucoup moins qu'ils ne coûtent; et nous ne devons nous occuper que de la mise en place des produits de la pépinière. Cette opération peut avoir pour objet le repiquage des semis d’un ou de deux ans et la plantation de jeunes arbres de cinq à six ans.

99. Le repiquage des arbres verts se fait en lignes dans les terres la- bourées, ou en potets dans les terrains en friche.

Par la première méthode, on laboure ou l’on défriche à la houe des planches d’un demi-mètre de largeur, ayant entre elles un mètre d’inter- valle, de manière que les plantations se trouvent à un mètre et demi de dis- tance. Puis, au milieu des plates-bandes ainsi formées, on repique à la cheville les jeunes plants, que l’on place en quinconce à un mètre et demi les uns des autres. On pourrait rapprocher les plants et les espacer à un mètre, sauf à éclaircir plus tard la plantation; mais l'expérience a prouvé que le produit de l’éclaircie ne compense point les frais de cette double opération. Cependant il serait prudent de rapprocher les distances, si la nature du sol ou d’autres circonstances laissaient quelque incertitude sur la reprise complète du jeune plant.

40. Au lieu de repiquer à la cheville, on peut, lorsque l’on défriche à la houe, placer le plant dans la tranchée à mesure que l’on avance, le recouvrir avec la terre que l’on déplace ensuite, et l’affermir avec le pied. Pareillement, dans le labour à la charrue, on peut placer les plants dans les sillons, et les recouvrir avec la terre du sillon suivant. Mais il est à craindre que beaucoup de plants ne soient qu'imparfaitement recouverts et enterrés, et que l’économie de la main-d'œuvre ne compromette grave- ment la réussite des plantations.

41. La méthode de planter en potets consiste à placer les jeunes plants dans des trous de 20 centimètres carrés sur 25 de profondeur. Pour cela, il ne faut point labourer préalablement le terrain; mais six mois environ

2% DE LA FERTILISATION DES LANDES

avant la plantation, on fait ces trous à un mètre et demi de distance, en déposant à côté la terre qu’on en extrait. Puis, au moment de faire la plan- tation, on remplit les trous en mettant au fond la terre qui était à la sur- face; et après l'avoir légèrement humectée, on y plante à la cheville. Trois hommes suffisent à cette opération : lun donne le coup de plantoir; le second , portant les plants, en place un dans chaque trou; et le troisième donne un coup de cheville pour resserrer le plant dans le trou en même temps qu'il pose le pied de l’autre côté pour affermir le sujet de toutes parts. Une plantation ainsi faite ne demande d'autre soin que celui de rem- placer, pendant les deux ou trois premières années, les plants qui ont péri; et l'expérience a prouvé que des pins plantés d’après cette méthode acquéraient au bout de vingt ans, une hauteur de dix à douze mètres. 42. Les plantations d'arbres plus forts se font d’une manière analogue, mais en donnant aux trous de plus grandes dimensions. En creusant les fosses, on a soin de mettre à part la terre végétale de la surface; et quel- ques mois après , on remplit ces trous à moitié, puis on place le sujet; on en recouvre la racine avec la terre végétale que l’on trouve à l’entour, et l’on comble la fosse avec le reste de la terre, qui forme un petit monti- cule. Cette méthode peut convenir surtout aux essences d'arbres non rési- neux qu’on laisse ordinairement croître plusieurs années dans la pépinière avant de les transplanter. Mais, pour assurer la réussite de ces plantations, qui souffrent beaucoup quand elles ne sont pas suffisamment abritées , il convient de ne les faire que par intercalation, dans des plantations d'ar- bres résineux qui ont déjà pris un certain développement. Ainsi, l’on pourra, dans ce but, former d’abord une plantation de pins ou de mélèzes en lignes espacées d’un mètre, laissant vacante une ligne sur trois pour la plantation ultérieure d'arbres à feuilles caduques; et quand les arbres verts auront acquis un mètre de hauteur, on plantera dans les intervalles des sujets de taille inférieure, qui seront alors abrités contre le vent, le froid et la sécheresse. On peut cultiver de la sorte, le chêne, le hêtre, le frêne et le bouleau, qui offriront, après la coupe des arbres verts, une fort belle futaie qu’on n'aurait point obtenue par une plantation directe. Cette méthode est très-usitée en Angleterre, l’on en tire de grands avantages.

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 25

45. Nous terminerons cet article par quelques considérations relatives aux contrées dont nous nous proposons le boisement.

Nous avons vu que les terrains sablonneux de la Campine reposent assez souvent sur un sous-sol imperméable dont nous avons signalé les inconvénients ($ 2). Si, au moyen du fossé de circuit, creusé autour du terrain à boiser, les eaux ne s’écoulent point suffisamment, il faut néces- sairement enlever, à une certaine profondeur, la couche de tuf ou d'argile dans les fosses que l’on creusera pour faire les plantations, afin que les racines de l'arbre ne pourrissent point dans l’eau stagnante, et que son pivot s'enfonce plus avant. Cette observation peut s'appliquer aux ter- rains rocailleux de l’Ardenne. Si le sol n’a pas la profondeur nécessaire pour donner à l'arbre tout le développement dont il est susceptible, ce que l’on reconnaîtra au moyen de la sonde, il faut, en creusant les fosses, le défoncer à cinquante ou soixante centimètres. Sans cette précaution, on n’obtiendra que des arbres chétifs et rabougris; et mieux vaut alors ne pas en planter.

44. Dans les montagnes du Luxembourg, les côtes en pentes ra- pides s’opposent à l'emploi des semis, il faut recourir aux plantations en potets, et les établir en gradins parallèles, sur des tranchées que l’on forme en creusant les trous; et si le climat trop rigoureux s'oppose à la reprise des jeunes plants, il faut d’abord planter des abris en mélèzes de cinq ou six ans, et repiquer ensuite, dans les lignes intermédiaires, des pins sau- vages ou des sapins de Riga, si l'exposition est au Nord; des hèêtres ou des bouleaux, si elle est au Levant; des chênes ou des érables, si elle est au Sud; enfin des sapins, des hêtres ou des chênes, si elle est au Couchant.

Nous donnons , aux annexes, sous la lettre A, un aperçu des travaux, des dépenses et des produits d’une plantation d'arbres résineux sur un hec- tare de bruyères.

III. Des abris et des clôtures.

45. Quiconque a parcouru la Campine et les Ardennes n’a point été sans remarquer que les parties les moins stériles de ces contrées sont en

Tome XXI. L

26 DE LA FERTILISATION DES LANDES

même temps les plus boisées, et que les abris que forment les forêts in- fluent beaucoup sur la fertilité du sol. En général, il est reconnu qu'il existe une différence de température très-sensible entre des terrains clos et ceux qui ne le sont pas; et l’agriculteur sait par expérience que la même quantité d'engrais fait obtenir un meilleur résultat dans une pièce abritée que dans une plaine ouverte. Les abris sont donc un moyen efficace de remédier à la rigueur du climat dans les régions froides; nous avons déjà vu ($$ 22 et 24) le rôle important qu’ils jouent dans le défrichement et la fertilisation des bruyères qui nous occupent.

Aussi croyons-nous devoir, à l’occasion du boisement des landes, dire un mot de la formation des abris pour les terres à mettre en culture.

46. Si le sol à défricher n’est pas déjà garanti contre l’action des vents rigoureux, on établira, au Nord et à l'Ouest, des massifs d'arbres assez épais. A cet effet, des lisières de 80 à 100 mètres de largeur pourront suf- fire; et comme les arbres verts offrent un abri permanent, c'est avec les essences résineuses que l’on en formera les plantations ou les semis. Après la création de ces abris , qu’il faut reproduire à des distances plus ou moins rapprochées, suivant la rigueur du climat et l'exposition du terrain, il conviendra d'entourer les champs et les prairies de clôtures et de haies. Un agronome allemand ! recommande, dans ce but, de partager le terrain en un certain nombre d’enclos dont les angles soient arrondis, d’entourer chaque pièce d’une lisière d’arbres très-serrés, et de laisser entre ces pièces des bandes de trente mètres de largeur, qu'on peut destiner au pàturage du bétail et même cultiver au besoin.

4T. La pépinière qui nous à déjà procuré tant de ressources pour la création des forêts, nous sera encore d’une grande utilité pour la planta- tion des clôtures et des haies. Car on y aura fait des boutures de sureau, de saule, de peuplier, ou des semis d’aunelles, de bouleau, de sor- bier, etc. ($ 37).

Le sureau, qui supporte la transplantation lors même que les plants sont très-forts , a l'avantage de croître beaucoup plus vite qu'aucune autre

1 Nebbien, Einrichtungskunst der Landgüter.

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 27

essence employée pour clôture. Si son bois est de peu de valeur, ses fleurs et ses fruits donnent un certain produit.

Le saule et l’aunelle, qui se plaisent dans les terrains bas et humides, pourront servir de clôtures aux prairies.

Enfin le genêt épineux, dont nous avons déjà parlé comme moyen de clôture pour les semis d’arbres verts, sera aussi employé avantageusement pour enclore les terrains les plus froids et les plus stériles.

48. On pourra introduire dans ces haies quelques arbres à tige, tels que le peuplier et le bouleau dans les terrains humides, le sorbier et le merisier dans les terrains plus secs. Il faut avoir soin de les espacer de 10 à 15 mètres, pour que leur ombrage ne nuise point aux récoltes.

49. Dans les terres légères, les haies de clôture seront plantées sur la limite même de chaque subdivision; mais dans les terrains humides et marécageux, les haies seront établies le long des tranchées servant à faci- liter l'écoulement des eaux.

50. Une exploitation ainsi parquée et clôturée n’aura pas seulement l’avantage d’être abritée contre les influences météoriques, elle offrira, en outre, l'aspect le plus agréable, et sera très-productive en bois de chauf- fage, échalas, perches, pieux, cercles, etc. Enfin, les arbres de haute tige, formant autant de paragrèles, préserveront les moissons des ravages du fléau le plus funeste à l’agriculture, et, servant de véhicules à lhumi- dité de l'atmosphère, ils augmenteront les eaux des sources, en réduisant le nombre et l’impétuosité des torrents qui bouleversent le sol et le dé- pouillent de ses principes fertilisants.

51. On nous objectera peut-être que ce système de plantations occu- pera beaucoup de terrain, et restreindra d'autant les parties cultivables. Mais la bruyère manque-t-elle donc dans la Campine et les Ardennes? Une pareille objection ne peut être sérieuse, quand il s’agit de landes ac- tuellement incultes et, pour ainsi dire, sans valeur. Car, en supposant que le cinquième ou même le quart d’une propriété fût occupé par des abris et des clôtures, la plus-value qui en résulte pour le reste, compense de beaucoup ce sacrifice fait à l'amélioration du climat et du sol. Au reste, la culture forestière, qui n’est pas très-coûteuse et qui donne à la longue

28 DE LA FERTILISATION DES LANDES

de beaux bénéfices, améliore en même temps le fonds qu’on y consacre. L'expérience prouve qu’en moins de vingt ans, il se forme sur un sol planté de pins une couche de quinze à vingt centimètres de bonne terre végétale, produit de la chute et de la décomposition des feuilles; et l'his- toire nous apprend que les terrains créés sous l'abri et par les débris des forêts, ont toujours été recherchés comme les plus fertiles du globe. S'il était donc possible que la moitié de nos terrains vagues fût immédiate- ment convertie en forêts, il y aurait lieu de s’en réjouir : nos descendants y trouveraient des avantages que ne nous ont point laissés nos devanciers, et la génération actuelle en profiterait par l’heureuse influence que le boi- sement exerce sur une contrée.

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES.

QUATRIÈME PARTIE.

DE LA CONVERSION DES BRUYÈRES EN PRAIRIES.

52. Les landes les plus propres à être converties en prairies sont, comme nous l'avons vu ($S 16), celles qui se trouvent dans une situation basse, les eaux provenant des ruisseaux, des infiltrations ou des pluies , peuvent être recueillies ou évacuées de manière à entretenir une humi- dité constante sans être excessive. Le premier soin, avant de s'occuper de la culture spéciale de ces landes, doit donc être d'effectuer les travaux nécessaires pour procurer au sol les qualités convenables. D’après cela, nous diviserons les opérations relatives à la création des prairies , en trois espèces : le desséchement, l'irrigation et le gazonnement.

I. Travaux de desséchement.

53. L'eau, cet élément indispensable à la végétation, est quelquefois, par surabondance, un obstacle à la culture d’un terrain; mais la possibi- lité d'en faire écouler l’excédant met les sols naturellement humides et marécageux dans les conditions les plus avantageuses à la formation des prairies. L'essentiel est donc de bien concevoir et exécuter les travaux de desséchement.

30 DE LA FERTILISATION DES LANDES

54. On peut réduire à trois les causes qui rendent un sol humide et maréCageux !:

L'existence d’un sous-sol imperméable une faible profondeur), qui s'oppose à l’infiltration des eaux pluviales ;

La présence de sources, provenant de réservoirs souterrains d’eau comprimée ;

5 La situation du sol au-dessous du niveau des cours d’eau environ- nants.

55. Dans le premier cas, il faut d’abord sonder le terrain pour con- naître la profondeur du sol et la nature du sous-sol; puis faire un nivelle- ment pour déterminer les pentes de l’un et de l’autre. On entoure ensuite toute l'étendue à convertir en prairie d’un fossé assez profond pour recueil- lir les eaux du sol perméable, et l'on creuse parallèlement, dans l’intérieur du terrain, des rigoles distancées de cent mètres environ, de manière à diviser l’espace en parcelles d’un hectare. Ces rigoles s’entre-croisent et viennent aboutir au fossé du pourtour, elles déversent leurs eaux qui, de là, sont dirigées, suivant la déclivité du terrain, vers le courant le plus voisin ou le plus propre à l'écoulement.

56. Les terres provenant de ces travaux sont transportées sur les par- ties basses, et servent à égaliser le terrain. Si, dans ce déblai, on ren- contre de l'argile, il faut en former des tas sur le bord des carrés, en y mêlant, couche par couche, une certaine quantité de chaux vive. On laisse ces tas exposés pendant quelques mois aux influences de l'atmosphère, en les remaniant de temps en temps pour mêler intimement les substances ; et l’on se ménage ainsi une marne artificielle que l’on étendra plus tard sur le terrain. A défaut d'argile, on traite de la même manière les gazons de bruyère que l’on détache des endroits les rigoles et les fossés sont établis, et l’on en forme un compost qui servira d’amendement et d’en- grais. Enfin, l'hiver étant venu, on plante, le long des fossés et des ri- goles, les clôtures et les haies, comme nous l’avons indiqué précédemment (S 47). Il est bien entendu que, pour la facilité des communications, on doit établir, sur les rigoles, des ponceaux à l’aide de pieux et de gazons.

97. Dans le second cas, celui les sources et les réservoirs d’eau

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 51

comprimée n’ont pas d'écoulement, par suite de la disposition du sous-sol imperméable en forme de cuve ou de bassin, on sondera également le ter- rain pour reconnaitre les endroits se trouvent les nappes d’eau les plus puissantes, et on pratiquera, à travers le sous-sol, des forages, des puisards ou des puits-perdus, jusqu'à ce que l’on parvienne à une couche dont la perméabilité donne issue aux eaux surabondantes. Dans un sol de cette nature, les rigoles doivent être dirigées vers les points sont pratiqués les forages, et les clôtures se font comme dans le cas précé- dent.

58. Enfin, lorsque l'humidité du sol provient de sa situation au-des- sous des terrains et des cours d’eau environnants, on opère le desséche- ment au moyen de plantations. On commence par creuser des fossés qui partagent le marais en bandes de dix à douze mètres; les terres qui en proviennent, servent à exhausser et à consolider le sol, en même temps que les rigoles serviront de réservoirs aux eaux stagnantes. On plantera ensuite, sur les bords, des saules, des osiers, des aunelles et des peu- pliers, pour soutenir les terres vaseuses; et, en même temps, on sèmera sur le sol exhaussé, des plantes qui se plaisent dans les terrains aqua- tiques, telles que des laïches, des fétuques, des renoncules, des bu- tomes et autres plantes ombellifères. Au bout de quelques années, le sol se trouvera desséché par l'effet de la croissance rapide des plantations, et les bandes pourront être converties en d'excellentes prairies. L’absorption de l'humidité par certains végétaux est telle qu'un saule de dix ans, par exemple, peut absorber près de trois kilogrammes d’eau en vingt-quatre heures.

59. Si l'on ne parvient pas à opérer le desséchement au moyen de rigoles, de puisards ou de plantations, il faudra recourir à l'emploi de machines d’épuisement; mais il est fort à craindre que les frais n’excè- dent de beaucoup les avantages qu’on en retirera.

60. Hors ce dernier cas, on pourra presque toujours parvenir à des- sécher suffisamment les landes pour les convertir en prairies; et à l'avan- tage d’avoir rendu à la culture des fanges stériles, se joindra celui d’avoir assaini la contrée, en supprimant ces foyers d'exhalaisons insalubres et

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de brouillards épais, non moins préjudiciables à la santé de l’homme qu’à la végétation des plantes.

Il. Travaux d'irrigation.

61. Les landes non marécageuses que l’on voudrait convertir en prai- ries, ne donneront que de faibles produits, si on ne leur procure lhu- midité nécessaire, au moyen d’irrigations, soit naturelles, soit artificielles. Il s’agit donc d'établir préalablement ces moyens.

62. On entend par irrigations naturelles, celles qui ne demandent d’au- tres soins que de creuser quelques rigoles pour distribuer, dans l’intérieur d’une prairie, l’eau d’un ruisseau, d’une rivière, ou d’un étang situé dans le voisinage. En pareil cas, il suffit de faire une prise d’eau à ce réservoir naturel, de la mettre en communication avec les rigoles quand l'herbe a besoin d'humidité, et de supprimer cette communication lorsque la prairie a été suffisamment arrosée. Car les moyens d'irrigation ne sont profitables que lorsqu'on est le maître de les employer ou de les supprimer à volonté. Il est reconnu qu’une irrigation bien ménagée convertit le sol le plus aride en une excellente prairie, tandis qu’un excès d'humidité est sou- vent plus nuisible qu'utile à certains sols. Ainsi l'irrigation ne peut être avantageuse que dans les terrains perméables, parfaitement égalisés pour que toutes les parties en profitent également, et offrant une légère incli- naison pour que l’eau n’y reste point en stagnation.

65. Si l’eau des arrosements ne vient point naturellement se déverser dans les rigoles que l’on a pratiquées, il faut alors effectuer quelques travaux, et l'irrigation devient artificielle.

Les irrigations artificielles se font ordinairement au moyen de barrages et de réservoirs.

64. Quand le niveau du cours d’eau dont on peut disposer, est plus bas que le terrain à arroser, on construit un barrage et des digues qui maintiennent ce niveau à la hauteur de l'endroit doit se faire la prise d’eau; et l’on a soin d'établir celle-ci dans une position l’on puisse faire

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arriver l’eau sur toutes les parties de la prairie. Pour cela, il convient de faire un nivellement avant de déterminer l'emplacement du barrage et celui de la prise d’eau.

65. Quelquefois le ruisseau servant aux irrigations est si peu abondant, que l’arrosement ne produit pas d'effet sensible. Alors on établit vers la partie la plus élevée, un réservoir dans lequel l’eau s’accumule; et on en règle la distribution de manière à la faire servir à l'irrigation successive de plusieurs terrains situés à la suite les uns des autres. A défaut de cours d'eau, on emploie le même moyen pour recueillir les eaux pluviales et s'en servir au besoin. Mais en organisant les réservoirs, il importe de se prémunir contre les torrents, les fontes de neige et les inondations esti- vales, qui sont toujours préjudiciables aux prairies.

66. Toutes les eaux ne convenant point aux irrigations, il faut avoir soi d’en étudier auparavant les qualités. En général, les eaux provenant des forêts ou sortant des marais tourbeux sont réputées mauvaises, à cause des principes astringents et acides qu’elles contiennent. Au contraire, les eaux qui auront traversé un sol calcareux ou qui découleront d’une terre en culture, devront être recueillies avec soin, parce qu’elles sont saturées de principes fertilisants, dont il importe de profiter. Enfin, l'on peut consi- dérer comme excellentes les eaux qui coulent dans des ruisseaux dont les bords sont garnis d’une herbe verdoyante. Mais avant d'opérer les travaux nécessaires à l’utilisation de ces eaux, il faut en calculer les dé- penses aussi bien que les effets : car s'ils sont coûteux et difliciles, il vaut mieux renoncer à la création de prairies naturelles, et réserver le sol pour la culture, qui permet de suppléer avantageusement à celles-ci par

les prairies artificielles.

UT. Travaux de gazonnement.

67. Les terrains étant convenablement préparés au moyen des opéra- tions précédentes, c’est alors que commencent les travaux véritablement agricoles.

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34 DE LA FERTILISATION DES LANDES

Ayant fait labourer le sol, soit à la bèche, soit à la charrue, on y sème des vesces, du blé sarrasin ou de la spergule; et avant que la récolte n’en soit parvenue à maturité, on l’enfouit par un nouveau labour. Ensuite on répand sur le terrain la marne artificielle ou le compost que l’on a pré- paré, et l'on y sème du seigle.

Au mois d'avril suivant, on enfouit aussi le seigle au moment de sa floraison, et l’on sème de l’avoine, du trèfle et des graines de foin. La terre ainsi cultivée et fertilisée par les engrais verts, donnera la même année une récolte d'avoine, l’année suivante, deux coupes de trèfles, et les au- tres années des récoltes successives d’herbages abondants, dont on entre- tiendra la fécondité au moyen des engrais liquides que produiront les bestiaux auxquels ces récoltes auront fourni la nourriture.

68. Si l’on est à portée de se procurer des engrais à bas prix, on peut commencer immédiatement le semis d'avoine, de trèfle et de foin, sans recourir à l’enfouissement des récoltes en vert; mais comme les engrais sont toujours rares dans les landes de la Campine et des Ardennes, on ne peut se servir de ce moyen, à moins que l’on n’ait à sa disposition une exploitation déjà en rapport et pourvue d’un bétail assez nombreux pour organiser une culture envahissante, Car ce serait une mauvaise spéculation que de vouloir opérer la fertilisation de nouvelles bruyères avec les engrais que produit une ferme dont le bétail ne suffit qu’à l'entretien des terres déjà défrichées; on s’exposerait à voir se vérifier à ses dépens, l’exacti- tude du proverbe : qu’un hectare bien cultivé rapporte plus que dix hec- tares mal entretenus. Lors donc qu’on voudra créer des prairies sur des landes incultes et sans le secours d'aucune exploitation préalable, on aura recours à l'emploi des engrais verts. Ce mode de fertilisation suffit, dans le principe, pour procurer les fourrages nécessaires à la nourriture d’une certaine quantité de bétail, dont le fumier sert ensuite à fertiliser une nouvelle étendue de terrain. |

69. Un autre moyen encore de créer de bonnes prairies à peu de frais, c'est de faire d’abord des semis de genêts, qui s’accommodent des sols les plus stériles, et dont l’enfouissement améliore sensiblement le terrain. Cette propriété du genêt est d’ailleurs suffisamment connue dans la Cam- pine et dans les Ardennes.

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70. Quant au choix des graminées dont on ensemencera les prairies, on se règlera sur les espèces déjà acclimatées, et que l’on trouve d’une belle végétation dans la contrée. L'expérience a démontré que c’est moins à la nature du sol qu’à la température, à l'humidité et à l'exposition, qu'il faut attribuer la croissance des végétaux. Si l’on veut donc essayer des semis d'espèces nouvelles, on s’attachera de préférence à celles qui croissent dans des climats et des situations identiques, par exemple, aux plantes alpestres pour les prairies des Ardennes, et aux plantes fourragères de la Hollande et des parties basses de l'Angleterre pour les prairies de la Cam- pine. Mais il vaut mieux se borner d’abord aux semis de graminées du pays, dont nous croyons inutile de faire ici lénumération.

Nous joignons aux annexes, sous la lettre B, une évaluation des dépenses et des produits d’un hectare de bruyères converti en prairie.

36 DE LA FERTILISATION DES LANDES

CINQUIÈME PARTIE.

DE LA CRÉATION DES TERRES ARABLES.

71. Les opérations relatives à la conversion des landes en terres ara- bles, peuvent avoir trois objets distincts : le défrichement du terrain, sa fertilisation et sa culture.

I. Défrichement du sol.

72. Ayant réservé les sols humides et marécageux pour la formation de prairies naturelles, nous n'avons à nous occuper ici que des sols secs et légers, ayant une certaine profondeur, et qui sont généralement pro- pres à la culture des céréales. Mais avant d'entreprendre ces cultures, il faut donner au terrain la préparation et la fertilité convenables.

Le premier soin doit être de débarrasser le sol de tous les obstacles qui se trouvent à sa surface. Ces obstacles peuvent être des pierres ou des ra- cines.

Si le terrain est pierreux ou rocailleux, on enlèvera tous les cailloux dont le volume peut entraver les labeurs, et on les transportera dans un endroit ils puissent servir soit à faire une construction, soit à élever

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une clôture. Si le transport en est trop coûteux, ou qu'on ne puisse les utiliser, on les brisera en fragments assez petits pour qu’ils n’embarras- sent plus la charrue, ou bien on les enterrera dans les fonds à remblayer, en ayant soin de les enfouir assez profondément pour que la charrue ne puisse les atteindre.

75. Lorsque les bruyères à défricher sont couvertes de gazons et de ra- cines, on en écroûte la superficie soit à la main, soit à la charrue, suivant les difficultés de l'opération et l'étendue des moyens dont on peut disposer.

74. Le défrichement à la main se fait à l’aide de la houe ou de l’éco- bue. On enlève le gazon sur une épaisseur de 15 à 20 centimètres; on en forme des tas mélangés de chaux, et on les laisse en cet état jusqu’à ce que leur décomposition soit entièrement accomplie. Pendant ce temps, on ameublit le reste du terrain par un ou plusieurs labours; et quand le compost est arrivé au degré de maturité convenable, on le répand sur le sol, qu’on livre immédiatement à la culture. Cette méthode a sur le brülis de gazons, que l’on nomme vulgairement écobuage, l'avantage de conserver au sol toute la quantité d'humus que l’on peut retirer de la croûte ga- zonnée , et de corriger, par l’action de la chaux, les principes acides que cette croûte peut renfermer.

Quand il y a des souches à déraciner, on emploie une espèce de trident en fer, muni d’un long manche bien solide, faisant office de levier. On introduit les dents de l'instrument sous la souche ; on place au-dessous du levier et non loin de cette souche, un bloc qui fait relever le manche sui- vant un angle de 50 degrés; et alors au moyen d’une traverse suspendue par une corde à l’extrémité du levier, deux ou trois ouvriers abaissent le manche jusqu'à ce que la souche cède à leurs efforts.

Enfin, pour faciliter encore l'opération de l’'écroûtement, on se sert en Angleterre d’une bêche bien acérée, dont le manche est légèrement courbé; et lorsqu'on a d’abord divisé la surface du sol en bandes de vingt centi- mètres au moyen d’un tranche-gazon, on détache la croûte à l'aide de cette béche, tenue à la poignée par louvrier qui la dirige, et tirée en avant par un second ouvrier tenant une corde attachée à la base du

manche.

358 DE LA FERTILISATION DES LANDES

15. On conçoit que le défrichement à la main ne peut convenir qu'à des terrains de peu d’étendue, et que, pour des landes considérables, il faut recourir à l'emploi de la charrue.

Après avoir enlevé les souches et les arbrisseaux qui se trouvent à la surface, on donne en automne un premier labour à l’aide d’une charrue dont le coutre et le soc sont bien acérés, mais qui n’a point de versoir. Par ce moyen, on coupe la croûte verticalement et horizontalement sans la retourner. Puis on fait passer une seconde charrue munie de son versoir, dans le même sillon et à la même profondeur, ce qui détache et retourne complétement la tranche de gazon. Il faut avoir soin de ne donner à ce double labour que la profondeur nécessaire pour atteindre la couche occupée par le tissu des racines; et lorsque cette couche n’est pas trop compacte, on peut se contenter d’un seul labour, qui se fait alors avec la charrue munie de son versoir. Le gazon étant ainsi retourné, il importe de l'empêcher de pousser de nouveau, et d'en hâter la putréfaction. Pour cela, on passe un fort rouleau sur le terrain et l’on fait rompre avec la houe, les mottes qui auraient résisté. On laisse ensuite les choses dans cet état pendant tout l'hiver; et lorsqu’au printemps on est certain que le gazon est bien décomposé, on donne un nouveau labour, toujours dans le même sens, mais un peu plus profondément, afin de ramener à la surface un peu de terre de la couche inférieure; puis on passe la herse, et le terrain est suffisamment préparé pour les travaux ultérieurs.

76. Quand le sol manque de profondeur, on y supplée en consacrant la moitié du terrain à l'amélioration de l’autre. Après avoir écroûté et mis en tas les gazons de toute la surface, on partage l'étendue par bandes de six mètres de largeur, en suivant une direction perpendiculaire à la pente du terrain; puis on laboure toutes les bandes de rang impair et l'on y dépose la terre meuble des bandes voisines; plus tard, on étend sur le sol ainsi exhaussé, tout le produit des composts, laissant à nu les bandes non susceptibles de culture. A la longue, les influences atmosphé- riques détruisent la cohérence du fond des bandes stériles, et le rendent assez meuble pour servir à élargir les bandes cultivées, qui finissent in- sensiblement par se rejoindre.

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 39

77. Ce procédé, particulièrement applicable aux terrains pierreux des Ardennes, peut aussi être mis en pratique dans les terrains sablon- neux de la Campine, le sol n’est le plus souvent stérile qu’à cause du peu d'épaisseur de la couche végétale. On y augmentera facilement la quantité d’humus, en partageant de même la surface en bandes parallèles, et en utilisant le gazon enlevé des bandes alternes au profit des bandes voisines. Cette opération, qui doit se faire à l’époque le gazon est sec, aura en outre l'avantage de bien aérer les récoltes, de leur procurer une alimentation plus abondante par l'absorption des gaz qui affluent dans les bandes en friche, et de suppléer ainsi à la pénurie de principes nutritifs d’un sol nouvellement défriché. Insensiblement les bandes dénudées se recouvrent d’un nouveau gazon, que l’on emploie à rétrécir de plus en plus ces espèces de jachères.

LI. Fertilisation du sol.

78. Lorsque le sol est débarrassé par le défrichement, des obstacles qui s’opposaient à sa mise en culture, la seconde opération doit être de lui donner de la fécondité au moyen d’amendements et d'engrais.

79. Nous avons déjà vu que, tout en effectuant le défrichement, on prépare, à l’aide de la chaux, un compost que l'on répand ensuite sur toute l'étendue du terrain. L'emploi de la chaux est un des moyens les plus efficaces pour amender le sol des bruyères; et son mélange avec les cendres provenant du brülis des plantes ligneuses qu'on ne peut enfouir, produit des effets merveilleux. La quantité de chaux à employer par hec- tare varie de 75 à 100 hectolitres, selon la nature du terrain, et la manière dont on la distribue sur le champ. Quand on ne prépare point de com- post avec les gazons, on transporte, au printemps, la chaux vive sur le terrain; on ly dépose par petits tas d’un quart à un tiers d’hectolitre , espacés entre eux de 6 à 7 mètres environ, et on les recouvre d’une couche de terre de 10 à 15 centimètres d'épaisseur. Lorsque la chaux

commence à fuser, on a soin de remplir les fentes qui se font dans l'en-

40 DE LA FERTILISATION DES LANDES

veloppe; et quand elle est entièrement éteinte et réduite en poussière, on remanie chaque tas pour bien mêler la terre avec la chaux, en ayant soin de préserver le mélange d’un excès d'humidité qui pourrait le convertir en pâte. On réitère cette manipulation au bout de quinze jours, puis on étend le tout sur le sol. Ensuite, on herse une première fois; trois jours après, on herse en recroisant; puis on passe un pesant rouleau, on donne un léger labour, et lon passe encore une fois le rouleau. Il importe que la chaux soit peu enterrée, et qu’elle se trouve toujours dans l'épaisseur de la couche végétale, elle active l'élaboration des principes nutritifs des plantes. C’est en usant de ces précautions qu’une quantité de 75 hec- tolitres peut suffire par hectare, même dans les terres froides et argileuses. Quand on enterre la chaux en grande dose par des labours profonds, outre qu’elle se trouve en dessous de la sphère de nutrition des plantes, elle à l'inconvénient d'y former une espèce de croûte ou de plancher, qui ar- rête les eaux et nuit à la végétation.

80. Dans les sols légers et sablonneux, l'amendement calcaire doit être secondé par un amendement argileux. On se procure l'argile néces- saire, en creusant des fosses sur le terrain même, aux endroits les plus convenables pour que l'extraction combinée avec le transport coûte le moins possible. Si l'argile est à une faible profondeur, ce que l’on recon- naîtra au moyen de la sonde, on pratiquera des trous sur toute la sur- face du terrain, à des distances de 20 à 25 mètres; si, au contraire, la couche de sable est très-épaisse, on ne fera qu’un petit nombre de fosses aux endroits les plus avantageux pour la facilité du transport. D’après les proportions dans lesquelles l'argile et le calcaire entrent dans la com- position d’une bonne terre arable, 25 à 50 mètres cubes d'argile suffiront par hectare. On mélangera cette argile avec la chaux, et on traitera le compost comme nous l'avons indiqué (S 79).

81. Sous le point de vue de la spécialité des terrains qui nous occu- pent, nous croyons inutile d'entrer dans l’énumération de tous les amen- dements et stimulants dont l’agriculture peut tirer parti, tels que le plâtre, la suie, les cendres de houille, les boues des rues, toutes choses que lon ne rencontre que peu ou point dans la Campine et les Ardennes. Mais

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nous ne devons point oublier de mentionner que la tourbe est abon- dante, on doit en opérer l’incinération, le résidu pouvant doubler l'effet du chaulage. On réduit ainsi de moitié la dépense de la chaux; ce qui m'est pas sans importance pour les localités éloignées des chaufours et des terrains calcareux.

82. Quelques soins que l’on donne à la préparation du sol par les amendements et les stimulants, ils seront sans effet, si lon n'y joint une quantité suflisante d'engrais. Mais trouver ces engrais dans des landes incultes, dans des cantons presque déserts? Nous aurons encore recours aux récoltes enfouies en vert comme nous l'avons déjà fait pour la for- mation des prairies naturelles ($ 67). Mais, pour économiser les frais de cette opération, on n'entreprendra pas à la fois toute l'étendue du terrain que l’on veut défricher : on commencera par en cultiver seulement une partie; on la mettra en bon état de fertilité au moyen de labours et d'engrais verts réitérés; on emploiera tous les produits de la récolte à la nourri- ture du plus grand nombre possible de têtes de bétail, dont les engrais fertiliseront ensuite le reste du terrain. Le succès de cette entreprise réclame, comme on le voit, autant d'intelligence, d'activité et de patience que de ressources pécuniaires; et la non-réussite de beaucoup de défri- chements provient de ce que ces diverses conditions ne se sont pas tou- jours trouvées réunies dans les entrepreneurs.

83. Nous avons peu de chose à ajouter à ce que nous avons déjà dit de la manière d'employer les engrais végétaux. La terre étant suffisamment préparée et amendée, on y sème d'abord de la spergule, du sarrasin, des vesces ou des féveroles, puis du seigle et du trèfie blanc. Nous répèterons que l’époque à laquelle il convient d’enfouir ces végétaux, est celle ils sont en pleine floraison. L'enfeuissement se fait à l'aide de la charrue, en ayant soin de placer devant le coutre une pièce disposée de manière à courber les tiges à enfouir.

84. Si l’on retire tant d'avantages de Fenfouissement des récoltes en vert, on peut de même utiliser pour la production des engrais , une foule de végétaux que le sol fournit sans culture. Ainsi, les branches de bruyères, les tiges de genêts, les mauvaises herbes même seront recueillies avec

Towe XXI 6

42 DE LA FERTILISATION DES LANDES

soin, et mises en tas, par lits alternatifs, avec de la chaux et de la vase provenant des fossés, des égouts, des ornières, etc. Ce compost entrera bientôt en fermentation, et les substances qui le constituent, formeront, en se combinant, un bon engrais, dont on tirera parti pour augmenter la quantité de bruyères à mettre en culture.

IL. Culture des landes défrichées.

85. Après avoir suffisamment amendé et fertilisé les terrains défrichés, il reste à les mettre en rapport. Examinons d’abord quelles sont les espèces de végétaux qui leur conviennent le mieux.

Dans les terrains tout à fait sablonneux, il faut choisir les plantes d’une végétation rapide, et celles qui tirent leur alimentation de l'atmosphère plutôt que de l'intérieur du sol. Tels sont la spergule, le sarrasin, les raves, les navets, les carottes et le seigle. On peut y joindre la pomme de terre, si les engrais sont suffisants; et l’avoine, si le sol a de l'humidité.

Dans les terrains argilo-siliceux, on peut ajouter aux plantes qui pré- cèdent, l’orge, le trèfle, les vesces et les féveroles.

Enfin, si le sol est convenablement amendé par la chaux, on peut y joindre encore le sainfoin , la betterave et le colza.

86. Nous ne parlerons pas d’autres cultures, telles que celles de la luzerne, du lin et du froment, qui ne peuvent prospérer sur un sol nou- vellement défriché, mais que les cultivateurs des landes parviennent cepen- dant à faire réussir après un certain nombre d'années, dans certaines conditions.

87. Pour généraliser ce que nous avons à dire de da culture, nous réduirons les divers produits agricoles que l’on peut tirer d’un défriche- ment dans la Campine et les Ardennes, au seigle et à lavoine, comme céréales ; aux navets, aux carottes, aux pommes de terre et aux betteraves, comme plantes-racines; et à la spergule, au sainfoin, au trèfle, aux vesces et aux féveroles, comme plantes fourragères.

88. Cette classification étant admise, voyons dans quel ordre ces divers végétaux se succèderont, c’est-à-dire quel sera le système d’assolement des

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 43

landes défrichées. Nous ne devons pas perdre de vue l'harmonie qui, pour assurer le succès d'une opération, doit toujours régner entre le but qu'on se propose et les moyens dont on peut disposer. Le but est, non pas la production de denrées vénales, mais la fertilisation successive d’une cer- taine étendue de terrain; les moyens sont la possession d'engrais abon- dants ; et comme ces engrais doivent s’obtenir par l'intermédiaire des bes- tiaux, c’est vers les récoltes nécessaires à la nourriture et à l'entretien de ces agents de la fécondité que nos efforts doivent se diriger. Ce serait, au reste, s’abuser étrangement que de prétendre obtenir d’un sol à peine vivi- fié de grands produits en céréales; outre que la récolte serait peu pro- ductive, elle épuiserait le terrain, et tout serait à recommencer. Mieux vaut donc, dans le principe, établir un mode d’assolement qui, tout en satis- faisant aux principaux besoins de l’entreprise, ne réclame successivement du sol que des productions en rapport avec sa fertilité progressive; et lorsque, plus tard, l'exploitation sera en pleine activité, on pourra modi- fier l’assolement suivant tout autre but qu’on se proposera.

89. D’après ces diverses considérations, la culture qui succèdera à l’en- fouissement des engrais verts, sera une plantation de pommes de terre ou un semis de carottes ou de betteraves. Ces cultures, espacées et sarclées , fa- ciliteront la destruction des mauvaises herbes et des gazons qui pourraient reparaître sur le terrain défriché; et les intervalles entre les lignes, pourront encore recevoir un semis de trèfle blanc, dont l’enfouissement, fait avant la maturité des racines, augmentera sensiblement le produit de la récolte.

A cette culture de plantes-racines, succèdera un semis d'avoine et de trèfle; au trèfle rompu et enfoui pour servir d'engrais, succèdera un semis de seigle; et après le seigle viendra un semis de vesces, de féveroles ou de sainfoin, suivant que lon voudra cultiver le terrain en prairies artificielles pendant un plus ou moins grand nombre d'années.

90. Cette série de cultures pouvant occuper le sol pendant huit ans, on recommencera, après cette période, le même système de rotation; il a l'avantage de ménager la fertilité du terrain, en faisant succéder des cultures améliorantes aux récoltes épuisantes, et il permet, même dans

le principe, de nourrir autant de têtes de gros bétail qu'il y a d'hectares

4% DE LA FERTILISATION DES LANDES

en culture. Mais si, à l'expiration de la période, on voulait restreindre l'élève du bétail, pour cultiver plus de céréales, on pourrait facilement sub- stituer au sainfoin l'orge et l’épeautre, et adopter l’assolement suivant :

1, Racines; 2, avoine et trèfle; 5, trèfle; 4, seigle et navets; 5, ra- cines ; 6, orge; 7, vesces et féveroles; 8, épeautre ou avoine, selon le degré de fertilité du sol. :

Ce dernier assolement pourra même être immédiatement pratiqué, si l'exploitation est pourvue de prairies naturelles d’une étendue suffisante pour l'entretien du bétail. Car, nous le répétons, la production des engrais doit être le principal objet de la sollicitude du cultivateur; et si, pour faire momentanément quelques profits plus considérables, on néglige de donner aux landes en culture la nourriture qu’elles réclament, on ne tarde pas à perdre tout le fruit des travaux et des dépenses du défrichement.

On voit par ce qui précède, qu’un défrichement entrepris sous le point de vue de la création de terres arables, peut s'effectuer en cinq ans, au moyen d'une culture envahissante et suecessive, dont nous donnons les détails aux annexes, sous la lettre €.

91. Nous pourrions considérer notre tâche comme finie, si, dans la question importante que nous traitons, on n’envisageait qu'isolément les divers partis que l’on peut tirer du défrichement des terres incultes. Mais nous pensons qu'en demandant une dissertation raisonnée sur les meil- leurs moyens de fertiliser les landes de la Campine et des Ardennes, l’Académie royale a eu principalement pour but de provoquer un travail qui pût au besoin servir de base et de direction à une exploitation de défrichement. Dans cette hypothèse, notre mémoire doit être complété: et il nous reste à présenter un exposé des diverses opérations que réclame l’ensemble de cette exploitation, en combinant les trois systèmes de la création des forêts, de la formation des prairies et de la culture des terres. Nous allons donc résumer, dans une dernière partie, l'application pra- tique des diverses théories que nous avons développées.

nid.

y

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 45

SIXIÈME PARTIE.

ORGANISATION D'UN DÉFRICHEMENT.

L Considérations générales.

92. Lorsque nous avons traité particulièrement de la conversion des landes en forêts, en prairies et en terres arables, nous avons indiqué les meilleurs procédés à employer pour y parvenir. C’est de l'application de ces moyens que nous allons maintenant nous occuper, en déroulant le tableau successif des travaux d'un défrichement entrepris sur un terrain tout à fait inculte; et pour nous placer dans les conditions les moins avantageuses, nous supposerons que le sol a besoin d’abris et de clôtures : ce qui introduira dans notre opération tous les genres de travaux que peut offrir un défrichement. Mais avant de mettre la main à l'œuvre, il faut mûrement examiner quel système d'exploitation il convient de créer, et quel parti on pourra tirer du défrichement exécuté; il faut bien déter- miner le but qu'on veut atteindre, afin de pouvoir régler sa marche en conséquence.

95. La première et la plus importante des questions à décider, c’est le nombre d'hectares dont se composera chaque exploitation rurale. Les fermes, exploitées en grand, exigent généralement de la part de ceux

qui les occupent, des capitaux que ne possèdent pas les locataires qui se

46 DE LA FERTILISATION DES LANDES

qui se résignent à cultiver la bruyère. Si les ressources manquent, le bétail est insuffisant, le matériel incomplet, la culture défectueuse; et le sol, ne recevant ni les soins ni les engrais nécessaires, s'appauvrit bien- tôt et retourne à l’état de stérilité, dont on ne l'aura tiré que pour un moment. Une exploitation restreinte à l'emploi d’une seule charrue est donc préférable et d’un succès plus certain dans les landes défrichées; la quantité d'hectares qu'elle doit comprendre, est déterminée par celle qu'un seul attelage peut labourer et apprèter à l'arrière-saison pour les blés d'hiver, et au printemps pour les marsages et les prairies artificielles. En général, on porte à douze hectares l'étendue d’une ferme exploitée à l'aide d’un attelage de deux chevaux. Mais les considérations d'économie qui doivent dominer toutes nos opérations, ne nous permettant pas de faire usage de ces animaux, d’un entretien toujours onéreux dans les petites exploitations, nous emploierons les vaches comme bêtes de trait; et pour ne pas les surcharger d’un travail qui pourrait diminuer leur production en lait, nous réduirons l'étendue de chaque exploitation rurale à huit hectares, non compris l'espace occupé par les bâtiments, cours et jardins.

94. Le second objet à considérer , c'est le système de culture à suivre dans ces exploitations. Aura-t-on principalement en vue l'élève du bétail ou la culture des céréales? Nous avons trop insisté, dans ce qui précède, sur la nécessité de veiller avant tout à la production des engrais, pour que le choix reste un instant douteux. Cependant nous ajouterons ici quelques considérations sur la culture des céréales, à laquelle on ne se livre souvent avec tant d’ardeur, dans les grandes exploitations, que parce que l'on est dans l’impossibilité, faute de capitaux suffisants, d'élever une quantité de bétail proportionnée à l'étendue des terres cultivées. Si l’on a l'avantage d’en retirer des produits presque immédiats, les inconvénients en sont fort nombreux. D'abord la main-d'œuvre est chère; la réussite des récoltes est souvent douteuse; les rats et les souris en détruisent une bonne partie ; les ouvriers en gaspillent une autre, et le reste ne peut être vendu sans exiger des frais de transport et de déplacement souvent très-coûteux. Que l'on joigne à cela la nécessité de construire de vastes granges pour abri-

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ter les récoltes, et des greniers bien aérés pour conserver les grains, et l’on appréciera combien il sera plus avantageux d'établir des fermes à vaches, dans lesquelles la culture des céréales n’interviendra que comme moyen de se procurer la paille nécessaire à la litière des bestiaux.

95. Un troisième point à régler, c’est la manière de nourrir le bétail. Emploiera-t-on la nourriture au pâturage, ou la nourriture à l’étable, que l’on nomme stabulation? Par nourriture au pâturage, nous n’enten- dons pas ici parler de ce régime de faim et de misère auquel on soumet le bétail sur les terrains livrés au parcours commun, mais la consom- mation sur pied des herbages que fournissent des prairies bien entre- tenues. Cette méthode, qui est sans contredit la plus simple et la plus commode, présente, dans une exploitation du genre de celles que nous voulons créer, deux graves inconvénients : le premier, c’est la détériora- tion d’une assez grande quantité de nourriture par le piétinement des animaux et par le dépôt de leurs déjections; le second, c’est la perte des produits en fumier, que l’on ne peut alors consacrer à la fertilisation des terres en culture. Par la stabulation, au contraire, on peut utiliser, sans en rien perdre, tous les produits des récoltes fourragères, et recueillir tous les engrais, qui sont pour nous d’un si grand prix. Ces motifs doivent nous déterminer en faveur du système de stabulation, quoiqu'il occa- sionne plus de travail et réclame plus de soins. Au reste, la supério- rité de la stabulation permanente sur le pâturage a été reconnue par les plus habiles agronomes de tous les pays !. « Le pâturage ambulant,

disait Favre d’Elvire, célèbre agronome et vétérinaire suisse, est par-

tout, excepté sur les montagnes inaccessibles à la faux, une erreur et » presque une monstruosité en économie rurale. Les ruminants n’ont » pas, comme les chevaux, besoin d'exercice. » Cependant il a été re- connu que la stabulation absolue convient moins aux jeunes animaux, et qu'il est bon de les laisser courir de temps en temps dans un enclos.

96. Par cette organisation, nos petites exploitations fourniront ample-

# Arthur Young, sir Joh. Saint-Clair, Thaër, Fellenberg, Morel de Vinde, Mathieu de Dom- basle, ete

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ment les engrais nécessaires à la fertilisation du sol; les travaux de cul- ture s’exécuteront au moyen de vaches, et pour ainsi dire sans autres ouvriers que les membres de la famille; le blé récolté, les légumes du jardin, les porcs engraissés, du lait, du beurre et du fromage suffront à l'entretien du ménage; les divers produits du laitage, le reste des céréales non consommées par la famille, et la vente des veaux et des bêtes grasses formeront le revenu du cultivateur, qui, après avoir acquitté le prix de son fermage, trouvera annuellement un profit presque égal au modique capi- tal engagé dans son exploitation; cet état d’aisance réagira sur l'ensemble de la petite ferme, qui prospèrera de plus en plus.

97. Quand on compare cette situation à celle de la plupart des petits cultivateurs des Flandres, du Brabant et du Hainaut, la culture de deux hectares, souvent loués fort cher, suffit à peine à l’entretien de Ja famille, sans produire le moindre bénéfice annuel, on doit vivement dé- sirer que, dans l'intérêt du bien-être social, le défrichement des vastes bruyères de la Campine et des Ardennes s'exécute sans retard sur une assez grande échelle, pour pouvoir rétablir dans toute la Belgique l'équi- libre nécessaire entre la population et l'espace que réclame son existence f.

98. Mais, nous dira-t-on peut-être, que fera-t-on de énorme quantité de beurre et de fromage produite par ces nouvelles exploitations? Ne nous inquiétons pas de l’excédant de ces produits, qui sont presque de pre- mière nécessité; quand ils seront répartis sur les divers marchés de la Belgique, quand ils ÿ auront supplanté les produits similaires de l’étran- ger, dont nous sommes tributaires pour des quantités plus considérables qu'on ne se l’imagine ?, si la consommation intérieure ne les absorbe pas complétement, ils seront avantageusement exportés, et pourront aug- menter notre avoir dans la balance générale de notre commerce extérieur.

1 La comparaison de la superficie des terrains cultivables avec la population, donne, pour la Flandre orientale, le Brabant et le Hainaut, les rapports de { habitant pour 32, 42 et 44 ares; tandis que pour les provinces de Limbourg, Luxembourg et Namur, ces rapports sont de 4 ha- bitant pour 4 hectare 17 ares, 1",60 et 1",98.

2 La valeur des importations effectuées dans la Belgique, en beurre et en fromage, pendant l'année 1844, est de 1,859,0392 francs. { Extrait de la situation commerciale de la Belgique, publiée en décembre 1843.)

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 49

99. De ces diverses considérations découlent les conséquences sui- vantes :

Les landes doivent être exploitées en petite tenue;

Le but de l'exploitation doit être principalement l'élève du bétail;

La nourriture se fera constamment à l’étable;

% Les produits seront d’un placement facile;

5 La condition du fermier n’aura rien à envier à celle de la plupart des petits cultivateurs des provinces les plus fertiles ;

Les avantages de ces exploitations y attireront les populations labo- rieuses, et l’aisance qu’elles y trouveront en maintiendra la prospérité.

IL. Opérations préparatoires.

100. Si du riant tableau de ces exploitations ainsi organisées, nous re- venons au point d’où nous sommes partis, nous nous trouvons au milieu d’une lande déserte, l’âpreté du climat, l’aridité du sol et l’exiguité de la végétation nous invitent à nous armer de patience et de courage pour l’ac- complissement de l’œuvre que nous voulons entreprendre. Cependant, cer- tains que nos effortsseront couronnés de succès, nous n’hésitens point à com- mencer; et après avoir pris inspection des lieux, après en avoir levé le plan et mesuré l'étendue, nous nous occupons de reconnaître la nature du sol, la composition du sous-sol, la possibilité des asséchements, les moyens d'irrigation naturelle ou artificielle, les parties à boiser comme abris, et les portions à convertir soit en terres arables , soit en prairies. Ces disposi- tions étant prises, nous opérons le partage de la totalité du terrain à cul- tiver en lots de huit hectares, en les distribuant de manière qu'ils profitent tous également des moyens d'irrigation et des abris à créer, et de telle façon que les constructions à établir sur chaque lot présentent dans leur en- semble le coup d'œil le plus agréable possible. On pourra adopter à cet effet une disposition sur deux lignes parallèles formant une rue de douze à quinze mètres de largeur, ou sur les quatre côtés d'un carré on d'un rectangle figurant une place publique. Trente ares en sus de l'étendue

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50 DE LA FERTILISATION DES LANDES

réservée à la culture, serviront à l'établissement de chaque ferme, d’une cour et d’un jardin adjacent.

101. Ce plan ainsi arrêté, on peut entreprendre autant de séries de douze exploitations que l'on a de charrues disponibles pour l'exécution du défrichement. Ce nombre est calculé sur la quantité de labours qu’on peut opérer, avec un attelage, pendant la saison des travaux champêtres, et sur la période de cinq ans après laquelle le défrichement doit être ter- miné ($ 90). La nécessité de pousser les travaux avec célérité nous fera préférer ici l'emploi des chevaux à celui des bœufs ou des vaches : toutes choses devant être réglées suivant la fin qu'on se propose. Mais, pour ne pas compliquer les opérations, nous supposerons cent hectares à défri- cher, c’est-à-dire l'établissement de douze fermes de 8 hectares 55 cen- tiares, pour l’organisation desquelles il nous suffira d’une seule charrue.

102. Au centre de l'exploitation, nous ferons construire deux hangars, l’un destiné à loger les ouvriers employés au défrichement, l’autre devant servir d’abri aux chevaux, ainsi que de remise au matériel de l’entreprise. Ils seront établis de manière à pouvoir être convertis plus tard en deux grangettes pour deux des petites fermes.

105. Non loin de là, et sur l'emplacement d’un jardin, nous prépare- rons le terrain pour l'établissement de la pépinière ($53); l'opération du semis étant de la première urgence, nous l’effectuerons dès l'ouverture de nos travaux, que nous supposons commencer au printemps.

En même temps, nous ferons entourer toute la propriété d’un fossé, et nous ferons immédiatement sur les banquettes, le semis de genêts de- vant servir de clôture ($ 30). D’autres fossés seront aussi creusés plus tard entre les divers lots de huit hectares, et principalement autour des pièces destinées à la création de prairies.

IL. Travaux de défrichement et de fertilisation.

104. C’est, comme nous venons de le dire, au moyen de la charrue que vont s’opérer les principaux travaux de défrichement. Un seul atte-

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. d1

lage de trois chevaux nous suffira ; au besoin, ils serviront tous trois à effectuer les labours; mais lorsqu'il n’en faudra que deux, le troisième sera employé aux travaux accessoires, transports, hersages, roulages, etc. Le personnel pour les conduire se composera d’un laboureur et d’un char- retier; celui-ci pouvant être employé à d’autres travaux lorsque les trois chevaux seront attelés à la charrue. En portant à cinq, terme moyen, le nombre de labours nécessaire au défrichement d’un hectare, et à deux journées de charrue le temps employé à chaque labour, la quantité de jour- nées de travail que réclame l'ensemble des labours sera de 960, lesquelles, réparties en cinq ans, donneront annuellement une occupation de 192 jours. Or, on porte ordinairement l'année de culture à 210 jours ouvra- bles; ce qui établit suffisamment la possibilité de l'exécution de nos tra- vaux. Voici d'ailleurs comment nous les distribuerons pour en tirer le parti le plus prompt et le plus avantageux, et même pour réduire à quatre aus les opérations du défrichement de cent hectares avec une seule charrue.

105. L'organisation des prairies soit naturelles, soit artificielles , étant la base de nos petites exploitations, nous nous occuperons d’abord du dé- frichement des terrains qui sont les plus propres à la production des fourrages ; et du 1* avril au 1 novembre, la charrue, la herse et le rou- leau seront constamment en activité pour la fertilisation de ces terrains. Si, par l'effet de circonstances imprévues, notre attelage ne suffit pas à tous ces travaux, nous ferons faire les transports de chaux par entreprise, pour laisser nos bêtes de trait entièrement à la besogne la plus pressante. Par ce moyen, nous pourrons avoir effectué avant l'hiver, sur une étendue de vingt-quatre hectares, les travaux indiqués ($ 67) pour la mise en culture des prés à faucher.

Pendant l'hiver, l'attelage sera occupé à faire les approvisionnements de chaux nécessaires aux défrichements de l’année suivante.

106. Dès que le retour de la bonne saison permettra de reprendre les travaux champêtres, une nouvelle série de vingt-quatre hectares sera mise en défrichement, en même temps que nous effectuerons les labours et les semis nécessaires au gazonnement des vingt-quatre hectares déjà dé-

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frichés ($ 67). Nous aurons ainsi, vers la fin de l’année, pour chaque lot, deux hectares de prairies en rapport et deux hectares de terres arables fertilisées.

107. Afin de tirer parti des engrais produits par l’attelage pendant son séjour à l'écurie, quelques-uns des terrains destinés aux jardins auront été mis immédiatement en culture de pommes de terre ou d’autres racines, ce qui permettra desubveniren partieaux dépenses d'entretien du personnel employé; de même que les récoltes d'avoine déjà obtenues sur les vingt- quatre hectares de la première série défrichée, suffiront amplement à la nourriture des chevaux pendant toute l’année suivante.

Les opérations continuant ainsi successivement, il nous paraît inutile d'en répéter les détails pour chaque année; on en saisira mieux l’ensemble et les résultats par le tableau que nous joignons aux annexes, sous la lettre D.

108. Pendant le cours de cette même seconde année, on a effectué sur les terrains destinés à servir d’abris, et déjà enclos depuis un an, les tra- vaux nécessaires pour que, durant l'hiver suivant, on puisse procéder à la plantation des sujets de la pépinière qui auront alors dix-huit mois de croissance. Les opérations relatives à cette création ne se rattachant pas directement aux travaux d'organisation de nos petites fermes, nous nous contenterons de les mentionner en passant, et nous renvoyons, pour les détails, à ce que nous en avons dit précédemment ($$ 59 et 46). C'est pa- reillement pendant cet hiver et le suivant, que se fera la transplantation des arbres destinés aux clôtures des prairies et des terres arables ($$ 47 et 48).

109. Ainsi, déjà au commencement de la troisième année, les planta- tions d'abris et de clôtures sont effectuées sur une partie de la propriété: un quart du terrain de chaque lot est en plein rapport, et un autre quart est mis en état de culture. Pour profiter immédiatement de ces avantages, et ne point confondre le défrichement avec l'exploitation, nous remettrons ces terrains à des fermiers, en quantité telle que chacun d’eux puisse en- tretenir quatre vaches, dont les engrais nous serviront pour la fertilisation du reste du territoire. Mais pour cela, il faut avoir pourvu, dans le courant

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de la seconde année ; à la construction des bâtiments nécessaires à ces premières exploitations ; ce qui aura été fait dela manière indiquée ci-après.

IV. Constructions.

110. Nous venons de voir que, tout en travaillant au défrichement, il faut aussi s'occuper des constructions, si l’on veut immédiatement tirer parti des avantages que présente une organisation progressive. Aussi, dès le printemps de la seconde année, avons-nous posé les fondements de six des douze bâtiments d'exploitation à élever sur la propriété; et pour ne pas détourner notre attention des travaux agricoles, nous avons fait exé- cuter ces constructions par entreprise; elles n’ont done réclamé de notre part qu'une surveillance générale. De cette manière, nous avons trouvé prêtes, au printemps de la troisième année, six habitations avec toutes les dépendances nécessaires pour l'établissement de six petites fermes : ce qui ne nous a demandé d'autres soins que de faire générale- ment pour toutes, un plan, un devis estimatif des travaux et un cahier des charges et conditions de l’entreprise.

111. Dans la rédaction de ces pièces, nous avons tàché, tout en visant à la plus sévère économie, de pourvoir à tous les besoins et à tous les services de l'exploitation; voici les bases sur lesquelles nous avons établi nos plans et nos calculs.

L’habitation n'étant destinée qu'à une famille peu nombreuse, ne doit pas être fort étendue : une pièce principale de 55 mètres carrés , avec deux cabinets adjacents, suflisent en général à un personnel de quatre ou cinq individus, dont la moitié sont ordinairement des enfants. Au reste, on peut, au besoin, établir au grenier un supplément de logement, soit pour les garçons adultes, soit pour la domestique, si le fermier en tient une.

Au-dessous des cabinets se trouvent deux souterrains, dont l’un sert de laiterie, l’autre de cave aux provisions.

112. L’étable devant contenir huit ou dix têtes de bétail, réclame une

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étendue proportionnée à la consommation d’air qu'y font ces animaux en stabulation permanente. D’après M. le comte de Gasparin !, cette capacité doit être de 20 à 24 mètres cubes par chaque vache, suivant leur taille. Nous sommes arrivés à ce résultat, en donnant à l’étable 4 mètres de hau- teur, 8 mètres de longueur et 6 mètres de largeur. Les animaux y sont placés sur deux rangs, et l’un des coins est réservé à l'emplacement des harnais. On peut y établir un lit pour le gardien, si le fermier tient un domestique.

L’étable est contiguë à l'habitation, sans aucune communication di- recte; et la place aux engrais est à l'extrémité opposée, vers laquelle s’écoulent les urines. Celles-ci sont recueillies dans une citerne à plusieurs compartiments, à laquelle aboutit le lieu d’aisance.

Auprès de la place aux engrais se trouve une loge à pores, offrant plu- sieurs cellules de trois mètres carrés par tête d'animal ?.

115. L’étable et l'habitation sont surmontées d’un grenier, dont les trois quarts sont employés à contenir la provision de fourrages secs pour la consommation de l'hiver. L'autre quart est réservé pour la conservation des grains et autres objets.

11%. Enfin, de l’autre côté de l'habitation, est placée la grangette destinée à renfermer les récoltes. La quantité de terres cultivées en cé- réales n'étant pas considérable, une étendue de 8 mètres sur à est suffi- sante ; et le fermier y trouve encore place pour remiser ses instruments aratoires et pour y déposer les rations de fourrages verts pendant l'été.

115. Tel est l’ensemble des constructions de nos petites exploitations rurales. Placées sur une même ligne, elles forment pour chacune un bäti- ment de 18 mètres de long sur 8 de largeur et 6 de hauteur , et occupent l'un des côtés d’une cour rectangulaire, au bout de laquelle se trouve le jardin. Le tout est établi, comme nous l'avons dit plus haut, sur un es- pace de 50 ares, en sus des 8 hectares en culture.

Les six autres fermes sont successivement construites l’année suivante, de manière à pouvoir être occupées au commencement de la quatrième

1 Cours d'agriculture. ? Jbidem.

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. DD

année. Voir aux annexes, lettre E, le détail et l'estimation des construc- tions pour chaque ferme.

V. Travaux de culture.

116. À son entrée dans la ferme, le cultivateur auquel on la confie, doit posséder quatre vaches, un âne pour les transports, et les instru- ments aratoires nécessaires à son exploitation. Le tout peut lui coûter environ mille francs, suivant l'estimation que nous en donnons aux an- nexes, lettre F. On le met en jouissance de trois hectares de prairies, tant naturelles qu'artificielles, et il reçoit en outre deux hectares de terres ara- bles suffisamment préparées pour être mises en culture. Conformément à notre système de rotation (S 89), il sème sur l’un de ces hectares de l’avoine et du trèfle, et réserve l’autre pour la culture des racines, moitié en pommes deterre, moitié en betteraves. II fait le semis de celles-ci dans son Jardin, et n'en opère le repiquage qu'après que ses autres cultures sont en ordre. Il échelonne ainsi ses travaux, de manière à pouvoir les effectuer sans recou- rir à une main-d'œuvre étrangère, et à mettre à profit ses engrais à mesure de leur production. Il ne néglige pas l'emploi des engrais liquides pour la culture des racines, et particulièrement de la betterave !. Son bétail nourri à l’étable, est entretenu l'été au moyen des coupes de fourrages verts, auxquels il consacre deux hectares. N'ayant point encore de paille pour litière, il se sert provisoirement de gazons coupés sur les parties de bruyères non cultivées. L’âne, attelé à une petite charrette, lui facilite les moyens de transport, sans réclamer un entretien coûteux; et la saison s'écoule ainsi sans gêne, sans efforts extraordinaires, et sans autres dé- penses que les frais accessoires du ménage. Mais le produit du laitage y pourvoit suffisamment; et les récoltes d'avoine, de fourrages et de racines préparent les ressources nécessaires pour l'entretien du bétail pendant

l'hiver.

1 L'effet du purin versé sur le sol quand les plants sont déjà développés, fait plus que doubler le produit de la récolte (Maison rustique du XIX° siècle).

26 DE LA FERTILISATION DES LANDES

117. À l'automne, le cultivateur rompt le trèfle de l’un des hectares qui lui ont été remis, et à l’aide de l’engrais-compost qu'a produit son bétail, il peut donner à ce terrain une fumure suffisante pour cultiver du seigle. I] fait lui-même les labours et autres travaux nécessaires; et l'hiver étant arrivé, il peut s'occuper du battage des grains qu'il a récoltés, du transport des engrais pour les cultures ultérieures, et des travaux que réclament les clôtures et fossés.

118. Au retour du printemps, il effectue sur la terre qui a servi à la culture des racines, les labours nécessaires pour un semis d'avoine et de trèfle; et il met en culture de racines, un nouvel hectare tout défriché qu'on ajoute à son exploitation, laquelle se compose ainsi de six hectares : deux en prairies, un en trèfle, un en avoine, un en seigle, et un en ra- cines diverses. Après la moisson du seigle, un semis de navets peut four- nir une récolte dérobée, sur le même terrain; et l’ensemble de ces produits permettra d'accroître le nombre de têtes de bétail, ou d'élever les génisses dont le petit troupeau se sera augmenté.

119. Avant l'hiver, on remet en seigle l'hectare occupé par le trèfle de deux ans; et au printemps, on enfouit ce qui reste de navets, pour semer du sainfoin, des vesces ou des féveroles; on fait un semis d'avoine et de trèfle sur l’hectare qui vient de produire une récolte en racines; et lon remet en pommes de terre et betteraves, un nouvel hectare défriché: ce qui porte à sept, le nombre d'hectares en culture.

120. Enfin, suivant toujours le même système d’assolement, la ferme se trouve, l’année suivante, entièrement complétée par l’adjonction d’un huitième hectare; et l’exploitation peut fournir à l'entretien et à l’alimen- tation de huit vaches et de quelques élèves 1.

Nous ne sommes entré dans tous ces détails que pour faire voir la facilité avec laquelle peuvent s’exécuter de grands travaux ainsi divisés, et le succès qui doit naturellement en résulter pour l’entreprise du défri- chement. Il est fort douteux que toutes ces opérations puissent se faire

* On peut même parvenir à ce résultat une année plus tôt, en remettant au fermier, la seconde année de sa jouissance, un nouvel hectare en prairie, comme nous l'avons indiqué au tableau annexé sous la lettre D.

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 27

avec les mêmes avantages, dans une exploitation de cent hectares, il y a toujours quelque chose en souffrance, et des travaux qui se dérobent à l'œil du maître. Par notre combinaison, au contraire, chacun a intérêt à la bonne exécution des travaux; nous appliquons en grand des moyens énergiques aux opérations du défrichement, et nous tirons parti de la subdivision du travail pour les détails de la mise en culture. Un bétail nombreux, mais réparti dans douze exploitations, concourt dès la troi- sième année, à l'exécution de l’entreprise; et les frais d'établissement, qui eussent été considérables pour un seul exploitant, sont divisés de manière à ne point excéder les ressources ordinaires des petits cultivateurs.

VI. Coup d'œil sur l'ensemble des opérations.

121. L'œuvre que nous avions entreprise est terminée : toutes les terres sont défrichées et mises en culture; chaque fermier est installé dans sa petite exploitation, le bétail est au complet dans chaque ferme; les abris et les plantations commencent à se développer ; enfin tous les rouages de la machine sont en activité. Reste à savoir si elle est établie sur des bases solides, et si les ressorts mis en jeu produiront toujours les effets désirés. Un coup d’œil jeté sur l'économie des diverses parties de nos exploitations fera connaître si nos résultats sont certains et durables, ou si nous n'avons obtenu qu'un succès éphémère.

122. Maintes fois nous avons eu l’occasion de nous convaincre que les engrais sont le pivot sur lequel repose la prospérité de l’agriculture. Voyons donc d’abord, si, dans leur état normal, nos petites fermes réu- nissent les conditions requises pour produire toujours les engrais suffi- sants à l'étendue des terres arables et des prairies.

Nous ferons d’abord remarquer que notre système d’assolement qua- driennal, combiné avec la création d’une prairie artificielle pour quatre ans, embrasse une période de huit années, pendant laquelle nous ne demandons au sol que deux récoltes de céréales. Dans la culture or- dinaire, un pareil système réclame pour chaque sole une fumure de

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58 DE LA FERTILISATION DES LANDES

50,000 kilogrammes par hectare; et dans celle des landes, il en faut au moins 60,000. Cette quantité d'engrais représente le produit de cinq bêtes bovines nourries constamment à l’étable; car une vache adulte, consommant par an 1,000 kilogrammes de paille pour litière, produit 12,000 kilogrammes de fumier normal !. Par le nombre de vaches entre- tenues dans nos petites fermes , nous sommes donc à même de fournir au sol une fois et demie autant d'engrais qu'il en doit recevoir. De plus, en recueillant, comme nous le faisons, les urines dans une citerne, et cha- que vache donnant par jour huit litres de ce produit ?, nous pourrons disposer annuellement de plus de 200 hectolitres de purin pour l’arrose- ment des prairies. Le sol reçoit ainsi, dans le cours de huit années, une quantité d'engrais plus que suffisante : pourrait-il se refuser, avec une cul- ture convenable, à produire les récoltes que nous en attendons?

125. Voyons maintenant si rien ne manque à l'entretien du bétail, sur lequel nous comptons pour la production des engrais.

Des huit hectares dont se compose chaque exploitation , il y en a six dont les produits sont destinés à la nourriture du bétail ; et chaque année, nous cultivons à cette fin, quatre hectares en prairies naturelles ou artifi- cielles, un hectare en trèfle et un en racines. Or, on admet généralement que quatre hectares de prairies produisent, soit en herbages, soit en foin sec, de quoi entretenir six vaches pendant une année; qu’un hectare de trèfle suffit pour quatre vaches pendant tout l'été; et qu’un hectare en racines en nourrit également quatre pendant tout l'hiver. Nos récoltes peuvent donc fournir à la subsistance de dix bêtes; et nous pourrons faci- lement joindre aux huit vaches, un âne et une génisse. Enfin, les deux hectares de céréales produiront environ 8,000 kilogrammes de paille, quantité suffisante à la litière de huit têtes de bétail; et s'il y avait quel- que déficit, nous y suppléerions par des genêts, des feuilles d'arbres et des débris d’autres végétaux servant ordinairement à cet usage.

124. Toutes les parties du service de l'exploitation sont donc en parfait équilibre : le personnel suffit aux travaux; les récoltes, à l'entretien du

4 Morel de Vindé, Mémoire de la Société royale et centrale d'agriculture. 2 Boussingault, Recherches sur les engraïs.

de Sam en Ée de

DE LA CAMPINE ET DES ARDENNES. 29

bétail; le bétail, à la production des engrais; les engrais, à la prospérité de la culture. Mais les avantages du fermier sont-ils suffisants et de nature à fixer sur les landes fertilisées une population probe et laborieuse ? C’est ce que nous allons examiner.

Déjà nous avons esquissé la situation du cultivateur dans nos petites exploitations ($ 96) : voyons maintenant les profits qu'il en peut retirer.

Par le compte des recettes et dépenses annexé sous la lettre G, nous trouvons que dans chaque ferme :

Les recettes peuvent être évaluées à. . . . . . . . . . . .fr. 1,702 EST DENSES AE RC EE UC Ne 702 Ce qui donne un produit net de . . . . . . . . . . . . .fr. 1,000

ou l’équivalent de la mise apportée dans l'exploitation. Le fermier gagne donc annuellement 100 pour 100 de son capital.

Or, en évaluant à 250 francs le montant des déboursés annuels pour l'achat des objets de consommation non fournis par la ferme !, et à pareille somme, les frais de vêtement pour une famille de cinq personnes, il res- tera, toutes dépenses déduites, 500 francs de bénéfice au fermier. Peu de familles d'agriculteurs se trouvent dans une condition aussi favorable.

125. Après avoir ainsi établi les preuves du succès et de la stabilité de nos opérations, jetons en dernier lieu un coup d’œil sur les avantages du propriétaire.

Le montant des dépenses occasionnées par la création des douze exploi- tations et le boisement de 24 hectares, y compris les intérêts successifs des sommes avancées pendant le défrichement, s'élève, d’après le compte annexé sous la lettre H, à 69,000 francs ?. À partir de la cinquième année, ce capital donne un revenu annuel de 500 francs pour chaque ferme, ou

1 M. le comte de Lichtervelde, dans son Mémoire sur la Flandre orientale, ne porte qu'à 200 flo- rins de Brabant, le total des déboursés d'un ménage de douze personnes.

2 Pour mettre l'exploitation d’un défrichement en grand à la portée de toutes les fortunes, on pourrait recourir au système des associations. Un simple agent, qui traiterait avec des entrepre- neurs de défrichements et de constructions pour les opérations de détail, n'aurait, au bout de cinq ans , qu'à toucher les revenus de l'exploitation, et les répartir entre les actionnaires.

60 DE LA FERTILISATION DES LANDES, etc.

5,600 fr. pour les douze exploitations ; ce qui fait 5 + p. 0 du capital fon- cier. Ce revenu, presque double de celui qu’on retire ordinairement des biens ruraux, est certes de nature à satisfaire toute personne raisonnable ; et il sera encore augmenté, avec le temps, du produit des 24 hectares de bois, dont la valeur, après 80 ans, est de 10,000 francs l’hectare. Il y a donc lieu d’espérer que les spéculateurs, qui livrent souvent leurs capitaux aux chances hasardeuses d'opérations industrielles ou d’expéditions loin- taines, saisiront avec empressement des moyens de placement non moins lucratifs et beaucoup plus assurés, lorsque l’exécution de quelques dé- frichements ainsi opérés, aura fait connaître les avantages que peut offrir la fertilisation des terres incultes. C’est au Gouvernement qu'il appartient de prendre à cet égard une généreuse initiative; et la Belgique, qui a su se placer au premier rang des nations amies du progrès, par la création de ses lignes de chemins de fer, peut conquérir non moins de gloire et de renommée, en utilisant les sources de travail et de richesse que ren- ferme l’œuvre du défrichement des bruyères.

En attendant la réalisation de cet espoir, puisse notre essai, basé sur l'expérience des faits autant que sur l'autorité des principes, mériter l’ap- probation du corps savant dont l’indulgence accueille toujours favorable- ment les efforts de ceux qui tendent à augmenter la prospérité publique !

Janvier 1846.

ANNEXES.

A. Aperçu des travaux, des dépenses et du produit d’une plantation d’arbres résineux sur un hectare de bruyères.

L'opération se fait au moyen d'un semis en pépinière, et d’un repiquage en potets ($$ 55 et 41).

4 Formation de la pépinière.

Edratontde 20/ares derterrainst 0. LOU LS EN RIT SN IN 100 SPAIN Er ÉnÉpamnonteteutture)QuiSOl ER CNET CRC TTC E 10 » Achat d'un kilogramme et demi de graines, à 4 francs . 6 » Main-d'œuvre pour les semis . . . . . . . . . . . . . . 2 » Soins à donner ultérieurement . . . . . . . . . . . A2)»

Torar des dépenses. . . .fr. 55

Le produit de ce semis étant de plus de 50,000 plants, le millier revient à 70 centimes.

2 Repiquage et plantation.

Valeur de 5:000)plants à /10lcentimes "CN de Te 10100 Frais de déplantation . . . > Chutes tes de D 0: OR Ouverture de 5,000 trous, à 1 fr. ‘50 c le ile PALERME AREAS 0 (2)

RBMEIDIANATION NAT QUE ee 205/(E)

Brontanta/pipour plants ATEMPIACErn. UN NEO US)

Montant ducont del plantation #0 0-20 0-0 MAD Creusement du fossé de clôture. 10/1. DU: yen t-0 20) (5)

Toraz des dépenses par hectare . . .fr. 60 »

(*) Le travail d’un ouvrier terrassier étant de 10 mètres cubes par jour, il lui sera possible de creuser pendant le même temps, 1.000 trous de 20 centimètres carrés sur 25 centimètres de profondeur , ce qui équivaut au déplacement de 10 mètres cubes.

(2) Trois ouvriers, marchant bien d'accord, peuvent planter 1,000 pieds par journée de 10 heures , ou 100 pieds par heure. Les deux ouvriers travaillant au plantoir , gagnent 1 franc 50 centimes chacun; le troisième , qui porte les plants , ne reçoit qu'un franc; total : 4 francs le mille.

() Pour évaluer le coût du fossé de clôture, nous avons supposé une plantation d’une étendue de 25 hectares,

62 ANNEXES.

ÉVALUATION DU PRODUIT.

La dépense totale de 60 francs représente avec les intérêts cumulés à 5 p. ‘0 pendant 80 ans, un capital de 2,958 francs 60 centimes, soit 3,000 francs.

Pendant la durée de cette période, on fera, de 16 en 16 ans, des éclaircies, que nous évaluerons à un cinquième des arbres. Laissant le produit qu'on en retire pour les frais de garde et de main- d'œuvre, on arrive, sans aucun surcroît de dépenses, à la fin des 80 années, et l'on a pour produit 1,000 arbres, dont la vente, à raison de 10 francs, donneun totalde . . .fr. 10,000 » Le montant des dépenses était de . . . . . . . . . . . . . . . . 3,000

1 y a donc un bénéfice de . . . . . . . + . . . . 2 ds fr: SO 000RE

outre l'augmentation de valeur que le sol en retire par l'épaisse couche d'humus qui s'est formée inseusiblement de la décomposition des feuilles tombées.

Tel est l'héritage que peut léguer à ses descendants tout propriétaire d’un hectare de bruyères aujourd’hui sans rapport, moyennant une faible dépense de 60 francs. Mais si, dans notre siècle positif, on doit peu compter sur la sollicitude des particuliers pour leurs arrière-petits-neveux, il faut espérer que les communes, propriétaires d'immenses bruyères, s'occuperont d'améliorer par le boisement le bien dont elles ont la tutelle. En choisissant convenablement les sites à boiser, elles exécuteront de véritables travaux d'utilité publique, par les avantages qui en résulteront pour l'adoucissement du elimat et la salubrité du pays. C’est même une œuvre à laquelle le Gouvernement devrait s'intéresser, en accordant des subsides aux communes sans ressources. Un encouragement de 25 francs par hectare, ne réclamerait qu'une somme de 100,000 francs pour faire opérer le boisement de 4,000 hectares de landes dans les parties les moins abritées de la Campine et des Ardennes.

B. Aperçu des travaux et dépenses nécessaires à la conversion d’un hectare de bruyères en prairies.

Clôtures, fossés et plantations ET ONE EE ten DT Enlèvement des pierres, extirpation des racines, ete. . . . . . . . . . . 40 » Travaux de nivellement et d'irrigations naturelles . . . . . . . . . . . 50 » Achat de 75 hectolitres de chaux à 6 francs le mètre eube. . . . . . . . . 45 » Préparation et épandage du compost PONT AA DCR RE DO OMC A0) ©

A+ RRPORTER,. = «fe 195

offrant un périmètre de 2,000 mètres , et un déblai d’environ 3,000 mètres cubes. À raison de 15 centimes le mètre

cube , l'ouverture des fossés coûtera 450 francs ; ajoutant 50 francs pour le semis de genêts, le total, 500 francs, réparti sur 25 hectares, donne pour chacun 20 francs.

ANNEXES.

Rerorr. . . . . .fr. Cinq labours , hersages et roulages. . . . . 4 . . . . .. . . . . rames pour semis(d'engraisNerts EE Et ee, - Idem pour semis d'avoine, trèfle et foin . . . . . . . . . . . . .

TOTAL serre ps mnsenesnffs

Intérêts de cette sommependant la durée des travaux (18 mois), à 5 p.%0, 27 fr. 75 c‘,

Gi 6 4 PROMIS OPERA EUR NT PE AU

Horansdestirais Der:

A déduire le produit de la récolte d'avoine obtenue la seconde année, soit 25 hecto- Des Gr OR EN ER PS LE

Reste en compte. . . .fr.

495 90 » 45 » 40 »

370 » 30 »

400 »

450 »

230 »

Au moyen de cette dépense, on obtient, à compter de l’année suivante, des récoltes de fourrages d'une valeur de 150 francs, qui vont même plus tard à 250 francs. Mais il faut faire d'abord une avance de 400 francs, somme ordinairement au-dessus des ressources de l'habitant des landes. On ne peut donc pas compter sur la population de ces contrées pour la fertilisation du sol.

€. Aperçu des travaux et dépenses nécessaires à la conversion d’un hectare

de bruyères en terre arable.

Clôtures et plantations . . LE ROMA MOMIE RO Enr ET Enlèvement des pierres, don 1 T'ACLHES 2 CLOS M DE CCE Nivellement du sol. . . . . D BD DMC MCE

Achat de 75 hectolitres de chaux à 60 centimes .

Préparation et épandage du compost

Quatre labours, hersages et roulages . . . . . . . . . . Graines pour semis d'engrais verts .

ÉOTATE PR cle Intérêts de cette somme pendant un an . . . . . . . . . . Toraz des frais. . . .fr.

20 » 40 » 20 » 45 » 20 » 12 45 »(1) 262 » 43» PAT (Yu)

Ainsi, au bout d'une année, d’un printemps à l'autre, un hectare peut, moyennant une dépense

de 275 francs, être suffisamment préparé et fertilisé pour être mis en culture.

() Les graines nécessaires aux semis successifs des plantes destinées à l'enfouissement comme engrais , sont :

Semis de sarrasin , un hectolitre et demi à 10 francs. , . . . . .fr. 15 20 navets ouspergule . . . . ea anrethes se NT 10 3 seigle, un hectolitre et demi à 16 faces Ne de Pacte LA

Toraz. 5

64

ANNEXES.

D. Tableau des opérations successives d’un défrichement de 96 hectares, effectué en cinq ans.

SOLES, 17e ANNÉE. Préparation. Préparation.

Préparation.

Première série.

érie.

Deuxième s

Qme ANNÉE.

Sainfoin.

Sainfoin.

Avoine et trèfle.

Préparation.

Préparation.

Sainfoin. Préparation.

Préparation.

DM ANNÉE.

Sainfoin. Sainfoin. Trèfle. Avoine et trèfle. Racines. Préparation. Préparation.

»

Sainfoin. Sainfoin. Avoine et trèfle, Préparation. Préparation.

»

»

Ame ANNÉE.

Sainfoin.

Sainfoin.

Seigle. Trèfle. Avoineet trèfle.

Sainfoin. Racines.

Préparation.

Sainfoin. Sainfoin. Trèfle.

Avoine et trèfle.

Racines. Préparation. Préparation.

Préparation.

Dme ANNÉE.

Sainfoin. Sainfoin. Sainfoin. Seigle.

Trèfle. Sainfoin. Avoïne et trèfle.

Racines.

Sainfoin. Sainfuin. Seigle.

Trèfle. Avoineettrèfle. Sainfoin. Sainfoin.

Racines.

Observations. 1. Chaque sole est composée de 6 hectares, un par exploitation. Les huit premières lettres indi- quent les soles de la première série; les huit autres celles de la seconde série. 2, La préparation consiste dans les travaux de défrichement et de fertilisation qui précèdent la mise en culture.

3. Les indications eu italiques font connaître les soles déjà confiées aux cultivateurs. On saisit ainsi d'un seul coup d'œil,

la composition de chaque exploitation pendant la 3me, la 4me et la 5me année.

E. Détail et estimation des constructions à faire pour chaque ferme.

L'ensemble des constructions nécessaires à nos petits exploitations forme un bâtiment de 18 mètres de long, sur 8 de large et 6 de hauteur, occupant une superficie de 150 mètres carrés, et offrant un développement de murs d'environ 400 mètres de surface. Pour donner un aperçu des frais que peut occasionner un bâtiment de ces dimensions , nous allons faire un devis approximatif des travaux, avec des évaluations moyennes, qu'il sera facile d'augmenter ou de réduire selon les localités.

ANNEXES.

CONSTRUCTIONS A FAIRE.

50 mêtres cubes de déblais pour fondations, caves, etc.

200 carrés de maçonnerie en pierres et briques.

200 de mursenterre ().

80 de cloisons hourdées et platrées. de plafonds surlattes . de plancher sur poutrelles cubes de bois de charpente . carrés de toiture en pannes . 50 de menuiserie { portes, fenêtres). 100 de pavement en pierres ou en cendrée . 50 kilogrammes de fer pour ancres . Serrures, vitres , peinture, etc.

Puits mitoyen pour deux exploitations .

Une charrue

Une herse .

Une charrette.

Harnais

Une brouette . 3

Deux tonneaux au purin

Béches, faux et ustensiles divers Baratte et matériel de la laiterie Un âne. Re

Trois vaches et une génisse

65

L'UNITÉ.

. fr. 60 » 20 »

130 »

90 »

10 »

20 »

20 »

50 »

50 »

550 »

Toraz. ,. . «fr, 4,000: ‘»

() À partir d'un mètre au-dessus du sol jusqu'au toit , les murs sont en pisé ou en terre liée d'un lait de chaux.

Towe XXL.

9

66 ANNEXES.

G. Compte des recettes et dépenses annuelles de chaque exploitation.

RECETTES.

Vente de 360 kilogrammes de beurre, à 4 fr. 50 . . . . . . . . .fr. 540 »(1) de 600 de fromage, à 75 centimes . . . . . . . . . 450

de 10 hectolitres de seigle, à 46 francs. + #20 MON, 160 »(?) de42 + Mdavoine,à6 francs & 0,2 MINCE 252 » de quatre Veux ADD ITANCE Ne CS CCE "UE 100 » A IDNE DO EE) DPAESE) En Me ur nee lement Ne ee te ON NE 200 » Tor. otre MO

DÉPENSES.

Achat de graines pour semailles . . . . sg mdr 1 er ME Me CAO 100 »(5) de 60 kilogrammes de Sels 45; centimes {ti ONE 27 » fear auvétérinaire et médicaments let le dirt ion 50 » Assurances, contributions et entretien du matériel . . . . . . . . . . 750»

Dépensesaccidentelles ut Peuis, 0 nue CIO ROMANE EVENE 440 »(t) HOT TO LEUR RATS OS SM née à LE 1 500 »

TOR EE AIENTr 702 »

H. Calcul des frais de défrichement de 125 hectares et de l'établissement de 12 fermes.

I. Dépenses organiques.

Acquisition de 125 hectares de bruyères à 100 francs. . . . . . . .fr. 12,500 » DICDOUE CERDUP ARABIE VELS Eee NT OR Ne fe Den ne ne ie ne cie NA OURS Construchon de deux hanearés 2 0. 7 SC A eS C oi D UDURR

À REPORTER. . . . .fr. 44,750 »

() Toute vache de taille moyenne, suffisamment nourrie et entretenue, donne annuellement 1,800 litres dellait , produisant 15 p. °/, de crème , dont 4 litres forment 1 kilogramme de beurre; et les 1,500 litres de lait écrémé pro- duisent ensuite 100 kilogrammes de fromage. En portant la production totale du beurre à 360 kilogrammes, et celle du fromage à 600 kilogrammes , nous n’avons compté que sur six vaches, réservant le produit d’une septième vache laitière pour la consommation de la famille, et la huitième étant destinée à l’engraissement. Le petit-lait sert à engraisser des porcs.

©) Nous ne portons en vente que 10 hectolitres de seigle ; le reste sert à la nourriture de la famille.

() Le cultivateur peut faire des économies sur cet article , en récoltant lui-même ses semailles.

(*} Parmi les dépenses accidentelles se trouvent les frais de main-d'œuvre pour la rentrée des récoltes , ou le salaire d'une domestique, qui suffit alors comme auxiliaire pour la moisson.

ANNEXES. 67

REPORT Lee er AM 100) Achat de trois chevaux à 500 franes , . . . . . . . . .fr. 900 de deux charnues A160 francs 0 FU OP) "de deux herses en bois à 20/francs. 2040 0 A0 "de deux herses en fer à 40 francs . . . . ©: . . . . . 80 de deux rouleaux en pierre à 40 fr M came meta 0 200 pierre anes de deux tombereaux à 200 francs | 400 Pour harnais, chaînes, ustensiles divers . . . . . . . . . . 300 Piochess-béchesiet autres outils. 2% + + : & 00h08. 01180

II. Dépenses annuelles.

Première ANNÉE. Durée 6 mois (du avril au 30 septembre 1847).

Établissement des clôtures et fossés. . . - . . . . . . . . . .fr. 35,000 » Pont iA ÉOT OM ONEEN ONENTRNE T 30 » Frais de labours (six mois) . . MONS MEET © 419720) E) Frais de défrichement pour 24 Héetarees He à B C H CS 5 280 I() M ÉDENRES AID DO LES Re ee MC ER 68 » Toraz des dépenses faites à la fin de la première année . . .fr. 24,600 »

Deuxième année.— (Du octobre 1847 au 30 septembre 1848).

Six mois d'intérêts à 5 p. (0 du capital employé. . . . - . . . .fr. 615 » Frais de labours . . . 6 Ah tement tt ON ref se Met DE RE 2 Frais de défrichement des sales D E K L ; 5,480 » Frais de récoltes de 24 hectares à 10 franes . . . . . . . . . . . 240 » Dépenses imprévues + + + + . .. ., - nl von 491 »

Torau des dépenses faites à la fin de la deuxième année . . .fr. 31,600 »

() FRAIS DE LABOURS. (Œ) FRAIS DE DÉFRICHEMENT. —_——_—_—

francs. francs, francs. Nourriture de 5 chevaux . . . | 1,520 » 660 » | Chaux pour 24 hectares. . . . . 1,080 »

Ferrure et vétérinaire . . . . 144 » 72 n | Formation et épandage descomposts. 480

Salaire du maître laboureur . 600 » 500 » | Extirpation desracines,etc. . . . 900 du charretier . . . . 480 » 240 » | Graines pour engrais verts . , . . Y60 »

\ Torar 2,544 » 1,272 » TOTAL: SIT 680

{*) Voir l'indication des soles sur le tableau D , page 64.

68 ANNEXES.

REPORT 022 We Ar

A née les produits des récoltes des 24 hectares cultivés :

Six hectares d'avoine ou 150 hectolitres à 6 francs . . . .fr. 900 } Dix-huit hectares de sainfoin à 450 francs . . . . . . . . 92,700 f Reste en compte. . . .fr.

Troisième ANNÉE. {Du octobre 1848 au 30 septembre 1849).

Intérêts du capital déjà employé." . 0 0 TO IUT Constructions pour six fermes de la première se -

Plantation de 24 hectares à 32 fr. 50

Frais de labours

Frais de défrichement au éolés F c M N.

Frais de récoltes de 18 hectares à 10 francs

Dépenses imprévues .

Torac des dépenses à la fin de la troisième année . . .fr.

A péume le produit des récoltes des soles I K L : Six hectares d'avoine ou 450 hectolitres à 6 franes. . . . .fr. 900 Douze hectares de sainfoin à 450 franes. .: : . . . . . . 4,800

Reste en compte . . . fr.

Quarrième année. (Du octobre 1849 au 30 septembre 1850).

Intérêts du capital déjà employé. . . . RE LE Constructions pour les six fermes de la me tie.

Frais de labours

Frais de défrichement des ces H 0 P Q.

Dépenses imprévues

ToraL des dépenses à la fin de la quatrième année . . .fr. À DÉDUIRE :

Le fermage des six NCIS de la Es série, louées seulement 200 francs . . . Ut: 4,200 |

2 Le prix de la vente des de et jt ET moitié de l'éva- liongduipris d'achate CE CC ONCE RENE dd

Mowranr du capital foncier. . .fr.

CINQUIÈME ANNÉE.

Les douze fermes en RES an 6 à raison de 300 francs de location, un revenu de . . . . D Vo A 0 te M A 5 À à ce Ce qui porte le taux de l intérét à É) 3%] p-°

FIN.

51,600 » 3,600 » 28,000 » 4,400 » 15,000 » 780 » 2,544 » 5,480 » 180 »

16 » 51,400 » 2,700 » 48,700 » 2,435 » 44,000 » 2,544 » 3,480 » M » 71,200 » 2,200 » 69,000 » 3,600 »

DISSERTATION

RAISONNÉE

SUR LES MEILLEURS MOYENS DE FERTILISER LES LANDES

DE

LA CAMPINE ET DES ARDENNES,

INT DE VUE

DE LA CRÉATION DE FORÈTS, DE PRAIRIES ET DE TERRES ARABLES,

RÉPONSE À L’UNE DES QUESTIONS DU PROGRAMME DU CONCOURS DE 1846 DE L'ACADÉMIE ROYALE DES SCIENCES ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES , CLASSE DES SCIENCES

PAR

J.-B. BIVORT,

Chlef de bureau au Miaistère de l'Intérieur

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DÉFRICHEMENT

DES

TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE.

Des capitaux employés avec intelligence peuvent fertiliser jusqu’à des rochers, (3.-B'e Sax.)

Déjà en 1857, le prince sage et éclairé qui préside aux destinées de la Belgique, conçut l’idée du défrichement. Depuis, le gouvernement ! a consulté les conseils provinciaux ou leurs députations permanentes et les commissions provinciales d'agriculture, sur les moyens de l’assurer; di- vers économistes et agronomes se sont également prononcés à cet égard: M. Bivort ? à résumé, examiné et discuté les différents systèmes qui ont été mis en avant. Cet auteur et quelques autres ont aussi traité la ques- tion du défrichement sous le rapport économique et sous le rapport social ; ils ont fait connaître les résultats que doit donner cette belle opération, et ils y ont vu, avec raison, un moyen d'augmenter le capital

national et d'améliorer la condition de la classe ouvrière.

1 Circulaire du Ministre de l'intérieur (M. Nothomb) du 50 juin 4843. Brux., imprimerie du Moniteur belge, 1843. 2 Essai sur le défrichement des terres inculles de la Belgique. Brux., Deprez-Parent, 1844.

SUR LE DÉFRICHEMENT

TS

Malgré les essais de défrichement qui ont été faits, et les mesures légis- latives ou administratives qui ont été prises depuis bientôt trois siècles pour les favoriser, c’est à peine si des 500,000 hectares de terres incultes qui couvrent le sol du pays, quelques milliers ont été rendus à la culture; et si de nouveaux essais se poursuivent de nos jours, ils ne trouvent que très-peu d’imitateurs.

On considère généralement comme causes principales de cette imac- tion, l'espèce de mainmorte qui pèse sur les terres à défricher, l'absence de voies de communication et le manque de capitaux et de bras dans les contrées à défricher.

À nos yeux ces causes ne sont que secondaires : tous les terrains ne sont pas la propriété des communes et, comme tels, soumis au pâturage des bestiaux de la communauté; ils appartiennent, en assez grande partie, à des particuliers, et ceux-ci ne demanderaient pas mieux que de pouvoir les vendre avantageusement. 11 est même bon nombre de communes qui sont dans les mêmes dispositions. Mais personne ou presque personne ne veut de ces terres; nous verrons tout à l'heure pourquoi elles ne sont pas recherchées.

En ce qui concerne les voies de communication, nous sommes loin de nier qu’elles soient d’une grande importance pour l'agriculture : elles facilitent le transport des engrais, qui sont la base de toute culture, et elles donnent de la valeur aux produits de la terre en les rapprochant des consommateurs et en les rendant ainsi échangeables. Il n’en est pas moins vrai que l'absence de routes dans une contrée, n'y est pas toujours un obstacle à la culture avantageuse du sol. « ce cas se présente, le cultivateur intelligent s'applique à produire, au lieu de matières en- combrantes, telles que les grains, des denrées d’un transport facile et moins coûteux, comme les denrées animales, les fromages, les laines et surtout les bêtes d'élève et de boucherie, qui peuvent être envoyés à de grandes distances et presque sans frais !. » Du reste, les contrées à dé-

! Moll, Manuel d'agriculture ou traité élémentaire de L'art du cultivateur, ele., ouvrage couronné. Brux., Deprez-Parent, 1845, p. 221.

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. >

fricher ne sont pas totalement dépourvues de voies de communication, car une grande route des plus commodes et des plus sûres, traverse l'Ar- denne luxembourgeoise dans toute sa longueur. Eh bien! il y a tantôt dix-huit années qu’elle existe, sans qu’elle ait eu pour effet d’amener la mise en culture des immenses étendues de bruyères qui la longent : les quelques centaines d'hectares de ces bruyères qui ont été défrichés, ne peuvent réellement pas être pris en considération. Cependant nous n’en croyons pas moins qu'en dotant nos contrées incultes d’un large sys- tème de voies de communication, l'État aiderait puissamment au défri- chement.

Le cultivateur, comme lindustriel et le commerçant, ne peut rien sans capitaux. On ne peut certes pas dire qu'ils abondent dans ces con- trées, mais il n’en manque pas en Belgique, et il est naturel qu'ils se portent il y a des profits à réaliser. Il en est de même des tra- vailleurs : les uns et les autres se produisent, s’allient et combinent leurs efforts le travail est utile ! et productif. C’est ainsi que, récem- ment, des colons et des capitaux belges ont traversé les mers pour aller fertiliser les terres incultes de Guatimala, et qu'en 1844, nous avons vu le comte d'Harnoncourt arriver en Belgique et la quitter accompagné d’un nombre assez considérable de colons belges, la plupart Luxembourgeois, destinés à défricher les terres incultes que ce seigneur possède dans la Moravie.

D'ailleurs, comme le fait très-bien remarquer M. Bonjean, « l’agricul- ture, par la garantie qu'elle offre, doit provoquer les capitaux. Des ac- quéreurs se présenteront pour tirer parti de nos landes. Leur propre in- térèt les y convie; car on n'obtient maintenant des propriétés qu'avec difficulté et à des prix excessifs; tandis qu’on sait que des landes ache- tées au prix courant, selon les localités, ont décuplé de valeur peu d'années après avoir été défrichées ?. »

Mais, nous dira-t-on, s'il est vrai que les capitaux et les travailleurs

! Rossi, Cours d'économie politique, 18° leçon. Brux.

2 Bonjean, Essai sur la question du défrichement des landes et bruyères ct sur diverses amélio-

rations. Liége, Oudart, 4845, p. 78.

6 SUR LE DÉFRICHEMENT

se portent ils peuvent trouver un emploi utile, comment se fait-il que les Ardennes et la Campine continuent à rester improductives, et alors surtout que des essais de défrichement qui y ont été faits, ont par- faitement réussi? Cela vient, croyons-nous, de ce que ces essais ont exigé de trop fortes avances en capitaux qui n’ont donné que de légers béné- fices; que, parfois, il y a eu perte pour l'entrepreneur, parce que le pro- duit brut n’a pas suffi au remboursement des avances avec les profits usuels, et que même, dans certains cas, l'entrepreneur n’a retiré de sa terre que des valeurs égales aux valeurs consommées. En d’autres termes, l'ignorance de modes d'exploitation assez économiques, nous paraît de- voir être considérée comme la cause principale de l’état de stérilité des Ardennes et de la Campine; car, enfin, « produire au meilleur marché pos- sible, afin de pouvoir vendre aux mêmes prix que les autres producteurs, voilà la nécessité qui ne cesse pas plus de régir le travail agricole que le travail industriel !; produire beaucoup et à peu de frais, est tout le sys- tème agricole ?. » On peut ajouter que la plupart des entreprises de dé- frichement, par cela même qu’elles n'étaient pas dirigées par une intelli- gence supérieure dans un but commun, n’ont souvent pu produire que des résultats individuels. Des travaux d’ensemble, rationnels, exécutés d’après une législation prévoyante, encouragés et soutenus par le gouver- nement, peuvent seuls arracher nos landes à leur état d'infertilité. Maintenant, que ce soit le gouvernement qui entreprenne le défriche- ment qu'il l’'abandonne à l'industrie privée, l'un et l'autre ne s’en chargeront que pour autant qu'ils pourront le faire par des moyens éco- nomiques, mais surtout moins coûteux que ceux employés jusqu'à ce jour. Trouver un mode d'exploitation qui exigerait peu d’avances et qui assurerait des profits certains, c’est donc appeler sur nos terres incultes les capitaux et les bras nécessaires. Ce qui nous confirme dans notre opinion, c’est le fait économique suivant : lorsqu'il surgit une nouvelle branche d'industrie ou de commerce, si elle promet d’être lucrative, 1 Hipp. Passy, nfluence des cultures sur l'économie sociale. Jounnaz pes éconowsres, édit. belge,

fév. 1845, p. 88. ? Pellault, L'art de s'enrichir par l'agriculture, ete. Paris, Dusillon, 1845, p. 2.

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE.

I

elle ne manque jamais d'entrepreneurs; si elle prospère, le monopole qu'exercent les premiers occupants se trouve bientôt en présence de la plus rude concurrence, ce qui fait que les profits finissent quel- quefois par devenir si faibles, que ceux qui, les premiers, lui avaient voué leurs capitaux, les en retirent pour leur donner une autre desti- nation.

D’après ces considérations, nous pensons que l’Académie royale de Bruxelles, en demandant une Dissertation raisonnée sur les meilleurs moyens de fertliser les landes de la Campine et des Ardennes, n’a pu comprendre par ces moyens que ceux que nous venons d'indiquer. C’est à les trouver que nous allons mettre notre étude et nos soins.

Dans les avantages naturels d’un pays, le climat est aussi essentiel que le sol, et il est impossible de se former une idée nette de ses propriétés et de ses ressources, à moins d’être familiarisé avec les avantages et les désavantages de ses différents territoires !. Le cultivateur qui ne connaît pas le climat de sa localité, s'expose à essuyer de fréquentes pertes. C'est pourquoi, avant de nous livrer à la recherche du système d'exploitation qu'il convient d'adopter dans les Ardennes et dans la Campine, nous fe- rons connaître préalablement le climat de ces contrées; nous indiquerons en même temps comment il est possible d’en corriger l’äpreté, afin de le rendre plus favorable à la végétation.

Il n’est pas moins important que nous connaissions la composition et la nature du sol de ces contrées, car, sans cette connaissance, il est im- possible que le cultivateur puisse tirer un bon parti de son terrain. Cet examen nous conduira à proposer également les moyens d'améliorer le sol, afin de le rendre propre à la production.

Puisqu’on assigne, et avec raison, croyons-nous, au défrichement un but plutôt social qu'économique ?, cette opération devra se faire de ma- nière à satisfaire aux besoins du pays; nous devrons donc exposer ces

besoins.

ï Arthur Young, Voyage en France, tom. I, pag. 188. 2 Le Roi, Discours d'ouverture de la session de 1843-1844.

8 SUR LE DÉFRICHEMENT

Enfin, si la Belgique est renommée par ses progrès agricoles, 1} n’en est pas moins généralement admis que l’art agricole y est encore suscep- tible de nouvelles améliorations. Ces perfectionnements ne peuvent avoir pour but que d'augmenter la production du sol; comme tels, ils nous pa- vaissent de nature à venir en aide au défrichement. Celui-ci peut, d’un autre côté, devenir un moyen d'introduire ces améliorations. C’est pour- quoi nous croyons nécessaire de faire connaître en quoi elles peuvent consister, et de rechercher en même temps les moyens de les obtenir. Cette partie de notre travail se lie, en quelque sorte, à la connaissance des meilleurs modes d'exploitation.

CLIMAT.

La Campine s'étend sur les provinces d'Anvers et de Limbourg; elle ne forme qu’une vaste plage. Dans les Ardennes, qui comprennent une partie des provinces de Luxembourg, de Liége et de Namur, des plaines alter- nent avec des pentes ou des collines couvertes de forêts ou hérissées de rochers. Dans ces deux contrées, le climat est àpre, mais le froid est moins intense dans la première, parce que la masse d’eau qui la couvre, et les fréquents brouillards qui s'élèvent des endroits marécageux, en augmentent considérablement lhumidité. Dans l’une et dans l’autre de ces contrées, le besoin d’abris, qui y adouciraient la température et pro- tégeraient les cultures contre l’action des vents, se fait vivement sentir. Il est vrai que les Ardennes se trouvent en partie garanties par des forêts, mais, disposées en massifs d’une trop grande étendue, ces forêts laissent souvent à côté d'elles des bruyères d’une étendue plus grande encore, et livrées, sans défense, à l’intempérie des saisons.

Déjà plus d’une fois, nous avons entendu dire que l'äpreté du climat des Ardennes y serait toujours un obstacle invincible à une riche pro- duction. C’est une erreur qu’il est important de combattre. Certes, la ger- mination ne se développe qu’au moyen de la chaleur, qui fait élaborer la séve. Mais il est à remarquer que les plantes reçoivent aussi de la chaleur

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 9

de l'intérieur du globe. D'après Buffon, « la chaleur que le soleil envoie à la terre, est même peu de chose en comparaison de la chaleur propre du globe terrestre; à tel point que cette chaleur envoyée par le soleil, ne serait pas seule suffisante pour maintenir la nature vivante 1. » D'où nous croyons pouvoir conclure que l'’äpreté du climat des Ardennes ne doit pas être considérée comme une cause de la stérilité de cette contrée. D'un autre côté, l’homme peut modifier les influences du climat, en assainis- sant, en défrichant, mais surtout en peuplant le pays : il lui rend ainsi de la chaleur; et cela se conçoit aisément, si l’on réfléchit que tous les êtres doués du mouvement progressif sont eux-mêmes autant de petits foyers de chaleur; que les eaux stagnantes et croupissantes deviennent des causes secondaires du froid, et qu'une seule forêt de plus dans une contrée, diminue, par son ombrage, la chaleur du soleil.

SOL.

Le sol arable est formé de quatre substances principales, savoir : le sable, l'argile, la chaux et l’humus. Presque tous les terrains renferment aussi du fer, qui leur donne leurs nuances. De la combinaison de ces diverses substances, résulte un grand nombre de variétés de terrains.

Le sable pur, l'argile pur et la chaux pure sont stériles : le premier manque d'humidité, la seconde est trop compacte et n’absorbe pas assez l'eau, la troisième a trop de chaleur et décompose trop subitement les engrais. L’humus, ou terreau, est formé de la décomposition des matières végétales animales; c’est la partie la plus nutritive du sol cultivable, et, par cette raison, la plus importante.

Le sol, pour être fertile, doit contenir du sable, de largile et de lhu- mus ; la présence de la chaux ajoute à sa fertilité.

Une terre est d'autant meilleure que sa couche arable, c’est-à-dire l'épaisseur de la terre cultivée, est plus profonde. Le sous-sol, ou la

couche de terre placée immédiatement sous la terre cultivable, exerce

! Buffon, Histoire naturelle : Tutowe pe LA rene, Paris, Deterville, 1809, t, Lr, p. 255.

Touwe XXI. 2

10 SUR LE DÉFRICIHEMENT

une grande influence sur la qualité du sol. Les moins productifs sont les sous-sols ferrugineux et ceux formés de roches et de galets. Ceux com- posés d'argile ou de sable purs, sont moins mauvais et peuvent être mélan- gés à la terre cultivable par des labours profonds.

Ces notions préliminaires nous ont paru indispensables, parce qu’elles nous permettront de juger , du premier coup d'œil, de la qualité du sol de la Campine et de celui des Ardennes.

Le sol de la Campine se compose d’une couche de sable plus ou moins épaisse, recouverte de 10 à 20 centimètres de terre végétale ; le sous-sol est argileux; dans certaines parties, la terre est sèche; dans d’autres , elle est plus ou moins marécageuse 1.

Le sol de l’Ardenne luxembourgeoise, formé de détritus, de roches quartzeuses et schisteuses, est tantôt sablonneux, tantôt argileux; la terre végétale n’y manque pas, la couche en est presque partout de 28 à 81 centimètres ?.

Le sol, mais surtout le sous-sol de l’Ardenne liégeoise, est composé de schistes, de terrains ardoisiers, de calcaires cu de poudingues; la terre végétale n’y manque pas non plus5. Le sol et le sous-sol de l’Ardenne namuroise présentent à peu près les mêmes éléments.

Ainsi que nous venons de le voir, le sol des contrées à défricher est, par sa nature, cultivable. Ce qui le prouve mieux encore, c'est qu'à côté des terrains arides on rencontre, surtout dans le voisinage des habitations, des parties de terre de même nature qui produisent de belles récoltes, et que des essais de défrichement faits récemment, tant dans les Ardennes que dans la Campine, ont parfaitement réussi #.

1 Constant, Du défrichement des terrains sablonneux, et particulièrement des bruyères de la Campine. Bruxelles, Deprez-Parent, 1839, p. 9.

? Raingo, Notice sur le défrichement des bruyères et sur la formation de colonies agricoles dans les Ardennes. Mons, Em. Hoyois, 184%, p. 5. Rapport de la députation permanente de Luxem- bourg, sur le défrichement. Arlon, 1844, p- 55.

5 Rapport adressé à la députation permanente du conseil provincial de Liége, par la commission d'agriculture de cette province. Liége, Latour, 1844.

4 Exposé sur la siluation administrative du Luxembourg, par J.-B. Thovn. Arlon, Bruck, 1854, p. 93. De Saive, Sentinelle des campagnes. Bruxelles, Meline, 1842, p. 97. Le Docte, Essai sur l'amélioration de l'agriculture en Belgique, ete. Liége, Desocr, 4844, pp. 62 et 65.

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 11

AMÉLIORATION DU SOL.

la couche arable n'offre point le mélange des substances que nous avons indiquées comme devant entrer dans la composition d’une terre cultivable, on peut la rendre propre à la production, en l’amé- liorant, soit physiquement, soit chimiquement.

L'amélioration physique, qu’on appelle aussi marnage, s'obtient en mélant le sable et les graviers aux terres fortes, l'argile aux terres cal- caires ou siliceuses. Ces opérations peuvent se faire presque partout en défonçant le sol, et en ramenant au jour une partie du sous-sol pour le mélanger avec le sol. Les terres en friche offrent aussi généralement les substances nécessaires à la formation de l’humus il manque. Si le sol est tourbeux ou marécageux, on le rendra cultivable en y mélant de la terre argileuse, calcaire ou sablonneuse. D’après Chaptal, le sol, pour être fertile, doit contenir 77 à 79 parties de sable, et au moins 9 à 14 d'argile, et 5 à 12 de chaux !. Un sol argileux, qui a plus de 80 p. % d'argile, un sol siliceux renfermant plus de 95 p. de sable, et un sol calcaire qui a plus de 40 p. % de chaux, ne sont plus cultivables. Les meilleures terres sont les terres franches; elles sont formées d'environ 45 à 95 p. Vo de sable, un peu moins d'argile, 1 à 10 de chaux, et 5 à à d'humus ?.

Les améliorations chimiques qu’on pourra faire subir aux landes des Ardennes et de la Campine, consistent en amendements et en engrais.

Les amendements, qu'on confond, assez généralement et à tort, avec le marnage, dont nous venons de parler, sont des moyens de fertilisation factices et industriels ; ils conviennent surtout dans les contrées pauvres.

Nous croyons inutile de donner ici la nomenclature de toutes les espèces

Wodon, Des moyens de fertiliser les Ardennes, le Condroz et la Campine. Liége, Redouté, 1843, p. 7. Stephens, Mémoire sur les moyens d'utiliser les terrains incultes en général. Verviers, Nautet, 4844. Kenens, Note sur le défrichement de la Campine, par l'armée. Bruxelles, Hayez, 1844, pp. 13 et 14.

1 Chimie appliquée à l'agriculture, 1.4, p: 3.

% Moll, L. c., p. 22.

12 SUR LE DÉFRICHEMENT

d’amendements, parce qu'ils sont généralement connus; mais nous nous arréterons un moment à celui qui, parmi eux, occupe la première place: nous voulons parler de la chaux calcinée. « L'application de la chaux est avantageuse dans presque tous les terrains; elle divise les terres argileuses et ameublit les terres compactes; elle agit encore avec plus d'efficacité sur les terrains schisteux, sur les terres froides et inertes 1. »

L'effet de la chaux est merveilleux dans les terres de l'Ardenne; ce qui le prouve, c'est l’état plus favorable de l'agriculture dans les cantons qui sont assis sur le terrain calcaire ?.

L'emploi de la chaux, pas plus que de tout autre amendement, ne dis- pense pas de fumer le sol : elle lui donne de la chaleur et de l’activité en lui fournissant du carbone, mais elle ne le nourrit pas; elle le dispose seu- lement à la végétation, qu'il faut soutenir par des matières azotées, par des fumiers.

Le fumier est la base de l’agriculture, et on peut dire : sans engrais, point de récoltes; car ils forment la principale nourriture des plantes.

Ce principe cesserait d’être vrai, si le procédé inventé par M. Bickes, de rendre la terre propre à la production sans engrais, venait à se réali- ser. Les effets qu'il prétend produire tiennent du prodige : il suffirait de tremper toute espèce de grains à semer dans sa composition chimique, pour obtenir les produits les plus beaux et les plus riches, et cela pour une dépense de 75 à 80 centimes par hectare! Cette invention opèrerait incontestablement une révolution dans Fart agricole. Mais, en attendant qu'elle ne soit plus un secret pour nous, nous croyons indispensable non pas de donner ici un traité sur les engrais, mais seulement de rechercher les moyens de produire les différentes espèces de fumiers au plus bas prix possible; car les contrées qu'il s’agit de défricher sont pauvres, et les terres n’y seront que peu productives pendant les premières années, qui seront cependant celles qui exigeront les plus fortes avances.

1 Piérard, ingénieur des mines, De l'emploi de la chaux en agriculture. JourNAL D'AGRICULTURE PRATIQUE, publiée par le D' Bixio. Paris, 1844, t. I, p. 241.

* Rapport de la députation permanente du Luxembourg, déjà cité, p. 23. Raingo, L. e., pa- ges 9 et 10.

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 15

On ne peut espérer que, dès les premières années, ces contrées seront pour- vues de toutes les voies de communication nécessaires. Si donc, on devait employer, à la fertilisation des terres, des engrais pris au dehors, on se- rait exposé à faire de ce chef des dépenses excessives, et le défrichement deviendrait à coup sûr une entreprise ruineuse. Afin de diminuer autant que possible les frais de cette matière première de l'agriculture, il faudra s'attacher à trouver dans la culture même les moyens de se la procurer en quantité suffisante. Nous verrons plus loin quel est le mode d’exploita- ton qu'il faut adopter pour atteindre ce but. Qu'il nous suffise ici d’indi- quer les engrais les plus avantageux.

Au nombre de ceux-ci, nous rangerons le fumier de toute espèce de bétail; le purin ou jus de fumier; les excréments de la volaille; la matière fécale; la suie de cheminée et les cendres de bois et de bruyères. Nous recommanderons surtout le fumier de bœufs et de vaches, comme conve- nant à toutes sortes de récoltes et comme étant d’un effet plus durable. Le purin est le moyen le plus actif de fertilisation pour les prés; il sert aussi à arroser les semailles. Le fumier de moutons, la colombine et les excré- ments humains sont les meilleurs et les plus puissants des fumiers de li- tière. En général , les fumiers des excréments animaux conviennent à toutes les espèces de prés et de terres. La suie, mélangée avec des cendres les- sivées, peut être employée dans toute espèce de terre, et pour toute espèce de récoltes. Les cendres de bois et de bruyères ne remplacent pas le fu- mier, mais, combinées avec ce dernier, elles servent à l'alimentation des plantes.

Un engrais peu coûteux, c’est celui qu'on peut obtenir par le procédé Jauffret : « L’Ardenne abonde en plantes qui peuvent être employées à la préparation de cet engrais !. »

Nous exclurons de notre nomenclature ce qu'on appelle engrais verts, c’est-à-dire les récoltes qu'on enterre pour engraisser le sol; car ils sont moins fertilisants que les engrais animaux , et beaucoup plus dispendieux

que ces derniers : leur prix égale toutes les avances en capital et en tra-

1 Rapport de la députation permanente du Luxembourg, p. 55.

14 SUR LE DÉFRICHEMENT

vail ajoutées au produit net. Nous reconnaîtrons néanmoins avec M. Le Docte, que ce mode de fertilisation peut être employé avec avantage dans les terres qu'on est obligé de laisser en jachère !, surtout lorsqu'elles sont naturellement sèches et légères, car l’évaporation de l’eau qui fait partie des plantes enfouies, s’opère bien plus lentement que celle provenant des irrigations ?.

Mais il est encore une autre espèce d'engrais qui devient d’une haute importance pour les terres à défricher, à cause du bas prix auquel on peut le produire, et parce qu’il n’exige guère qu'une très-faible avance en tra- vail. On sait que, travaillée par les racines des arbres, couverte de débris de feuilles, de plantes et d'insectes, la terre s'améliore physiquement et chimiquement par la décomposition de ces matières, et qu'elle acquiert une telle fécondité que pendant plusieurs années elle peut se passer d’en- grais. Eh bien! chaque fois que le manque des capitaux nécessaires ne per- mettra pas au défricheur de se procurer des engrais en quantité suffisante, il pourra surmonter cet obstacle, en convertissant les terres en bois de sapinières. Cette espèce de culture, ainsi que nous le verrons plus loin, est recommandée par un savant agronome , et elle offre des avantages réels.

Outre les travaux d'amélioration dont nous venons de parler, il en est d’autres que nous nommerons opérations préliminaires, ayant pour objet de préparer le sol à la production; ils consistent dans l'assainissement des terres marécageuses et dans l'établissement d'irrigations.

L’assainissement est indispensable la terre souffre d’un excès d'humidité; car aucune culture avantageuse n’est possible séjourne l'eau. On dessèche une terre en y pratiquant des rigoles d'écoulement ; on fait aussi servir à cet usage les décombres de maisons et le sable.

S'il est vrai que l'humidité soit, comme la chaleur, un des principes de toute fécondation, on peut dire qu'un des plus puissants moyens de venir en aide au défrichement, surtout dans la Campine, consiste dans l'établissement de travaux d'irrigation. Appliquées aux cultures, les ir- rigations assurent la constante réussite des récoltes. L'effet que les irri-

1 Loco cilato, p. 26. ? Cours d'agriculture de l'Institut de France, t. XI, p. 108.

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 15

gations produisent , quand elles sont employées pour les prairies, est encore plus marquant; car l'herbe ne croît en abondance que dans les terrains naturellement frais !. Pour ce qui regarde la manière de prati- quer les irrigations, nous croyons pouvoir renvoyer au Mémoire de M. Eenens ?, et à celui de M. Kummer. Toutefois, nous ne négligerons pas de faire remarquer, que ce savant ingénieur se trompe en disant que l'eau, qui pourra être obtenue par les irrigations, suffira pour former des prairies ; qu’elle y remplacera les engrais et dispensera même de faire usage de fumier 5. Les plantes, pas plus que l’homme, ne peuvent se passer d’a- liments solides. L'eau sert, sans doute, comme l'air, d’aliment aux plantes ; mais la matière nutritive qu'elle renferme, s’y trouve en petite quantité, et son effet est si peu durable, qu'il disparaît presque immédiatement sous l'action d’un soleil brûlant et même d’un vent froid. Supprimez, pendant un temps, l'irrigation dans une terre sablonneuse et sèche, et vous verrez bientôt les plantes languir, et cela parce qu’elles manqueront de nourri- ture substantielle. L'effet du fumier, au contraire, est constant; quoique lent, il dure pendant tout le temps que la plante emploie à son dévelop- pement. C’est pourquoi, pour avoir de nombreuses et de bonnes prairies naturelles, il faut non-seulement les arroser, mais encore les fumer. Tou- tefois, larrosage avec de l’eau permet de diminuer la quantité d'engrais nécessaires; et c'est déjà un précieux avantage, puisqu'il s’agit, avant tout, d'apporter dans toutes nos opérations la plus sévère économie. Quand nous examinerons les modes d'exploitation, on verra combien il était important de relever la grave erreur que nous venons de combattre.

Les travaux d'irrigation et de desséchement, pour remplir leur but, doivent être exécutés d’après un plan d'ensemble et sur une grande éten- due; dès lors, il est impossible qu’un particulier puisse les entreprendre; il le pourrait d'autant moins qu'il ne saurait ni obtenir le passage, sur

1 Coxcnës cexrraz n'acncurrune. Compte-rendu et procès-verbaux des séances. 1"° session du 26 février au 4 mars 1844. Paris, librairie agricole de la maison rustique, quai Malaquais, pp. 271 et suiv. Dalloz, Rapport à la chambre des députés de France, sur la proposition relative aux tra- vaux d'irrigation des propriétés rurales. Monvreur veuce du 15 févr. 1845, p. 371.

? Eenens, L. c., p. 41. 5 Kummer, Défrichement des bruyères de la Campine. Brux., Devroye, p. 7.

16 SUR LE DÉFRICHEMENT

les fonds intermédiaires ; des eaux naturelles artificielles dont il pour- rait disposer, ni forcer le propriétaire du fonds inférieur à creuser des rigoles pour faciliter l'écoulement des eaux dont il voudrait se débarras- ser. De ces considérations il résulte, qu’il n'y a que le gouvernement qui puisse se charger de pareils travaux; et il aiderait puissamment en cela à la mise en culture de nos landes. Est-ce à dire cependant que s’il refusait de les faire, l'industrie privée devrait y renoncer? Nullement. Ce que le gouvernement, dans ce cas, pourrait exécuter seul, des particuliers pour- raient aussi le faire, jusqu'à un certain point, par l'association; les habi- tants, dans les communes, pourraient même être obligés à s'associer dans ce but. L'histoire offre des exemples de semblables travaux exécutés en commun. On sait en effet, que c’est de cette manière que vers la fin du XVI: siècle, furent desséchés les Maremmes, cet éternel ennemi de la Fos- cane. C’est aussi de la même manière que se font en Belgique, les travaux de construction des chemins vicinaux et ceux du curement des rivières et des cours d’eau.

Mais, d'après les considérations que nous avons émises ci-dessus, on conçoit aisément que la matière des irrigations et de l'assainissement à besoin d’être réglée soit par une loi, soit par des règlements provinciaux: En France, il est intervenu récemment une loi sur les irrigations 1; elle porte, art. 1, que « tout propriétaire qui voudra se servir, pour lirri- gation de ses propriétés, des eaux naturelles ou artificielles dont il à le droit de disposer, pourra obtenir le passage de ces eaux sur les fonds intermédiaires , à la charge d’une juste et préalable indemnité, » Pareille disposition pourrait être adoptée pour les contrées à défricher; on y en ajouterait une autre sur le desséchement et qui obligerait le propriétaire du fonds inférieur à recevoir les eaux de l'héritage supérieur. Le passage forcé pourra paraître un peu arbitraire, mais l'intérêt privé doit se taire devant l'intérêt national; d’ailleurs, et ainsi que le fait remarquer ayec raison M. Giovanetti, « sans le passage forcé on n'aura jamais la liberté

d'utiliser les eaux, et l’agriculture irrigatoire rencontrera à chaque pas

1 1845, 29 avril.

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 17

des entraves insurmontables dans le caprice, la mauvaise volonté et la cupidité des propriétaires des fonds intermédiaires !.

BESOINS DU PAYS.

Par ces besoins, nous comprenons ceux des principaux produits agri- coles que le sol belge ne fournit pas en quantité suffisante pour la consom- mation, et que, pour ce motif, nous sommes obligés de tirer en partie de l'étranger. Nous nous bornerons à indiquer ici ces besoins comme autant de faits, nous réservant d'y revenir lors de la discussion sur les modes d'exploitation.

Premier fait. La Belgique ne produit pas assez de grains; elle en con- somme annuellement pour plus de 15,000,000 de francs qu'elle tire de l'étranger. Cela résulte des documents statistiques et de la discussion à laquelle a donné lieu, assez récemment, au sein de la Chambre des Représentants, la proposition de loi de M. Éloy de Burdinne sur les cé- réales ?.

Second fait. « Les chantiers de construction d'Anvers font une grande consommation de bois nécessaires à la construction des navires, et sont destinés à l’augmenter encore; ainsi des forêts d’une étendue propor- tionnée aux besoins présumés nous sont indispensables, surtout en temps de guerre, quand les communications avec le Nord peuvent être interrom- pues 5. » Pour s'en convaincre, il suffit de consulter le chiffre des im-

1 Giovanetti, Du régime des eaux, el particulièrement de celles qui servent aux irrigalions. Paris, Imprimerie royale, 1844.

N. B. De tous les ouvrages qui ont paru sur cette matière importante, celui qui précède nous paraît pouvoir être consulté le plus utilement. Les législations prussienne et anglaise sur l'usage des eaux, méritent également d'attirer toute l'attention de notre gouvernement.

2 Moniteur belge des 5 et G mai 1845. Documents parlementaires.

5 Constant, Du régime protecteur en économie politique; de son application en Belgique. Brux., Deprez-Parent, 1842, 1. II, p. 155.

Tome XXL. 5

18 SUR LE DÉFRICHEMENT

portations de bois étrangers; en 1842, il en a été importé pour une valeur de 5,573,140 francs 1.

Troisième fait. Le manque du bois de chauffage nécessaire aux ha- bitants, se fait aussi sentir dans certaines contrées des Ardennes, mais principalement dans l'arrondissement de Bastogne ?.

PERFECTIONNEMENTS AGRICOLES,

Ainsi que le remarque avec raison M. Senior, l’agriculteur peut tirer un parti plus grand de la même quantité de matière en augmentant le travail consacré au sol5. Mais cette augmentation de la production agri- cole n’est pas toujours subordonnée à une nouvelle avance de capital; le cultivateur intelligent et instruit sait souvent l'obtenir en recourant à des procédés agricoles plus économiques; et ce mode d'élever les bénéfices est d'autant plus préférable que « la terre a ses limites et qu’en appliquant au même champ une seconde, une troisième, une quatrième, une cin- quième portion de capital, on n'obtient pas indéfiniment un accroissement proportionnel des produits 4. » Aussi avons-nous déjà admis en principe qu'il importe, avant tout, de produire au meilleur marché possible, afin de pouvoir vendre au même prix que les autres producteurs. C’est pour- quoi nous croyons pouvoir conclure que l'agriculture la plus perfectionnée est surtout celle qui, en réclamant le moins d’avances possible, donne les produits nets les plus élevés.

D'après ces considérations, on ne peut révoquer en doute qu'il ne soit essentiel de propager, dans les campagnes, la connaissance des perfec- tionnements agricoles; elle renferme implicitement celle des moyens les

1 Heuschling, Essai sur la statistique de la Belgique. Supplément à la deuxième édition, Brux., Vandermaelen, 4844, p. 40.

? Rapport de la députation permanente du Luxembourg, déjà cité, p. 316.

5 Principes fondamentaux de l'économie politique, tirés des leçons de M. Senior, par le comte Jean Arrivabene. Paris, Aillaud , 4856, pp. 378 et 379.

* Rossi, Introduction à la nouvelle édition de l'essai sur la population, par Malthus, Journal des économistes, édit. belge, 1845, p- 205.

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plus économiques de fertilisation. Livrez, en effet, le défrichement et la mise en culture de nos landes à la routine, et le plus souvent tout s’y fera mal. Pour vaincre la routine, il est indispensable d'établir, mais surtout au centre des contrées à défricher, des fermes-modèles, la mise en pratique des meilleurs procédés permettrait aux cultivateurs d’en appré- eier les avantages par des expériences faites sous leurs yeux. À ces établis- sements on annexerait des écoles d'agriculture, les fils de cultivateurs apprendraient la physique, la chimie, la mécanique, l'histoire naturelle et l’art vétérinaire. En ce qui concerne les essais qui ont pour objet d’é- clairer la marche de la science agricole, ils continueraient d’être faits à la ferme expérimentale annexée à Fécole vétérinaire de État établie à Cureghem. Cette école serait maintenue, mais lenseignement agricole ÿ serait organisée sur les bases les plus larges. Les commissions provin- ciales et le conseil supérieur ou central d'agriculture, récemment réor- ganisés !, ont pour mission de faire connaître au gouvernement les besoins de l'agriculture, et de lui proposer en même temps les moyens d’y satisfaire, tels que les perfectionnements à introduire dans les modes de culture, dans l'emploi des engrais et des instruments aratoires, ainsi que dans Félève des animaux domestiques ?. Ces utiles institutions, com- posées d’agronomes et de personnes s’occupant d'économie rurale, pour- raient être considérées comme se rattachant à la partie pratique de Fen- seignement agricole.

D’autres moyens également efficaces, de populariser les bonnes no- tions de culture, consisteraient dans la publication de petits manuels d'agriculture élémentaire; dans des publications agronomiques à la portée de toutes les fortunes, et dans la création d’un enseignement agricole élé- mentaire, dans les écoles normales d'instruction primaire, dans les sémi- naires et dans les écoles primaires. On le voit, dans notre système, l'en- seignement agricole aurait trois degrés et les trois espèces d'établissement il existerait, correspondraient aux trois degrés de l’enseignement public

1 Arrêté royal du 31 mars 4845. 2 Art. 49 du mème arrêté,

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proprement dit et qui comprend les universités, les colléges et les écoles primaires; de cette manière, l'enseignement agricole serait mis à la fois à la portée de toutes les fortunes et de toutes les intelligences. Mais qu’on n'oublie pas que il doit surtout pénétrer, c'est dans les campagnes, et qu'ici il doit être plutôt pratique que théorique, parce que c’est moins par le raisonnement que par l'exemple qu'il faut chercher à convaincre le cultivateur et à dominer la routine.

L'organisation d’un bon enseignement agricole est chose indispensable et un des moyens de venir puissamment en aide au défrichement. Un pareil enseignement est d'ailleurs lame de la carrière agricole, la culture propre- ment dite n'étant que le moyen d'application; car toute exploitation, pour devenir avantageuse, doit reposer sur des calculs et des connaissances éco- nomiques. Puis, comme le faittrès-bien observer Adam Smith, l'art du cul- tivateur exige beaucoup plus de savoir et d'expérience que la plupart des arts mécaniques. L’industriel travaille avec des outils et sur des matières dont la nature ne change pas, tandis que le laboureur se sert d’instru- ments et de matériaux sujets à varier, et qui veulent être maniés avec beau- coup de jugement et de prudence. Aussi peut-on dire avec J:-B. Say, « qu'un pays aurait de grands éléments de prospérité si beaucoup de propriétaires instruits étaient répandus dans les campagnes, et perfectionnaient l’agricul- ture, soit directement par de meilleurs procédés, soit indirectement par de bons exemples ? ». Ne perdons pas de vue, toutefois, que vouloir un bon enseignement agricole, c'est vouloir en même temps un personnel capable de le donner. Or, en Belgique, plus encore que dans les pays qui nous avoisinent, les hommes versés dans la science de l’agriculture sont'en très-petit nombre. Il importe donc de former des professeurs, soit en réor- ganisant l’école de Cureghem sur de larges bases, soit en fournissant à des jeunes gens qui se montreraient disposés à se vouer à l’enseignement agricole, les moyens d'aller acquérir à l'étranger les connaissances requises.

1 Adam Smith, Recherches sur la nature et les causes de la richesse de nations, édit. Blanqui: Paris, Guillaumin, 4845, t. Ke, liv. 4 , p. 166.

? J.-B. Say, Cours complet d'économie politique pratique. Bruxelles, Hauman, 4840; 2% partie, chap. IV, p. 5.

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Des expositions périodiques des produits de l’agriculture formeraient . selon nous, le complément nécessaire de l'enseignement agricole pratique. Elles n’offriraient pas moins d'utilité que nos expositions des produits de l'industrie manufacturière , dont on nous a déjà, à plusieurs reprises et en dernier lieu en 1841, vanté avec raison et fait connaître les avantages 1. Ces solennités nationales, comme les luttes, toutes pacifiques, engagées annuellement dans le concours de l’enseignement moyen, institué par l’un de nos premiers hommes d’État ?, viennent constater les perfectionnements tentés et les progrès obtenus, et elles permettent à tout le pays d'en juger par lui-même. Les récompenses décernées aux producteurs par la muni- ficence du roi et au nom de la nation, excitent, chez eux, une noble et salutaire émulation et soutiennent leurs efforts.

Organisés comme ils l'ont été jusqu'ici, les jurys d’examen des produits de l’industrie nationale ne satisfont pas, croyons-nous, à toutes les exi- gences : la nature de leurs opérations et les bases sur lesquelles doit repo- ser l'appréciation des produits, ne sont, en effet, pas déterminées. Certes, les examinateurs qui ont été choisis, offraient toutes les garanties dési- rables. Mais l'institution des expositions embrasse un grand nombre d’in- térêts, et plus elle prend de développement, plus les questions qui touchent à ces intérêts acquièrent de la gravité. Il nous paraît done qu'il serait convenable de les fixer de manière à faire cesser toute incertitude à l'égard des devoirs des jurés et des droits des exposants. Faire un bon règlement ou une bonne loi sur la matière serait, sans doute, chose fort difficile, mais ce n’est pas un motif sérieux pour reculer devant l'amélioration que nous proposons. Si les mesures réglementaires laissaient à désirer dans le prin-

cipe, l'expérience permettrait de les perfectionner avec le temps.

Nous proposerons , avec M. le comte Arrivabene, d’autres moyens, qui,

joints à l’enseignement agricole, peuvent également aider aux améliora-

Gachard, Rapport du jury sur les produits de l'industrie belge présentés à l'exposition de 1835. Ch. de Brouckere, Rapport du jury et documents de l'exposition de l'industrie belge en 18. Brux. Seghers.

2 Ch. Rogier, Concours géntral entre les athénées et colléges subventionnés par l'État. Distribu- tion des prix. Brux., imp. du Moxrreun Berce, 1840.

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tions agricoles et, par suite, au défrichement, parce qu'ils auraient pour but d'attirer vers l'agriculture les capitaux grands et petits : ces moyens consistent à perfectionner notre système hypothécaire, à favoriser léta- blissement de banques agricoles et à créer dans les campagnes des caisses d’épargnes !. Un bon système hypothécaire est chose indispensable au cré- dit des propriétaires fonciers ; il peut seul faciliter la mobilisation et la eir- eulation du capital foncier; quand il est vicieux ou incomplet, les capitaux qui pourraient féconder le sol s’en éloignent avec crainte. Il est donc urgent que le gouvernement s'occupe sérieusement de la réforme hypothéeaire, en étudiant les divers systèmes en cours d'exécution dans les autres pays. En ce qui concerne les banques agricoles, qui doivent mettre le eulti- vateur à même de se procurer, au plus bas prix possible, les avances qu'il voudrait consacrer aux améliorations agricoles, nous recourrons , pour en démontrer la nécessité et Putilité, surtout dans les contrées pau- vres, à un document remarquable à la plume d’un ancien adminis- trateur auquel les provinces qu'il a administrées doivent plus d’une amé- lioration sociale. « Dans un pays presque exclusivement agricole, comme le Luxembourg, dit l'auteur que nous citons, on ne fait que de légères économies, on n’accumule que lentement, et s’il survient quelque accident inattendu, les épargnes sont vite épuisées, et bientôt naît le besoin d’em- prunter. En l'absence de banques agricoles, l'usure est venue se fixer dans cette province. Des hommes avides y font ouvertement, avec leur argent ou celui qu'ils se procurent ailleurs, un genre de commerce qui double leurs capitaux en quelques années. Une gène momentanée force-t-elle Fin- dustriel à recourir à eux, ils ne lui prêtent point, mais veulent bien, pour l'obliger , lui escompter des billets, s’il en a de bons, revêtus d’un nombre donné de signatures; et voici les conditions ordinaires de cette négocia- tion. Six pour cent sans retenue pour intérêts, non de l'argent qu'on avance, mais du montant nominal des billets, ainsi de l'argent même qu'on retient; puis deux pour cent pour droit de commission (la commis-

1 Sur la condition des laboureurs et des ouvriers Lelges , et sur quelques mesures pour l'améliorer ; lettre à M. le V'e Biolley, sénateur. Brux. 4845.

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sion de placer son argent !), un demi pour cent pour encaissement, autant pour déplacement, etc.; et tout cela bien que généralement le débiteur rembourse au domicile du créancier ou se borne à renouveler ses engage- ments. Ajoutez que ces prêteurs ne placent leurs fonds que pour trois ou tout au plus six mois, et que, pour eux, le mois n’a jamais que trente jours et l’année 560!

» Mais ce ne sont pas mème les marchands d'argent les plus à crain- dre. Il en est d’autres plus dangereux encore: ce sont certains notaires, non pas tous, il en est de bien honorables, mais un grand nombre d’entre eux. Le notaire est le véritable banquier du campagnard, c’est à lui que nos paysans s'adressent quand ils ont besoin d'argent; et voici à quelles con- ditions il leur fait des avances : 5 ou 6 p. ‘lo d'intérêt, 5 p. de droit de recette, 3 p. %o pour faux frais, tant pour % pour le vin destiné à être bu à la vente, et qui souvent ne l’est pas, et tout cela sans les droits de timbre, d'enregistrement, de transcription et les expéditions de la vente!

» J'ai vu de ces fonctionnaires qui avaient stipulé 22 p. 0 du produit des ventes qu'on leur avait confiées; et encore les parties ont-elles pré- tendu depuis qu’elles ont été trompées dans le compte qui leur a été rendu du reste.

» Et l’agriculture prospèrerait dans un pays de pareils abus exis- tent publiquement !! »

D'après cet exposé, qui peut s'appliquer à toute la Belgique, nous sommes, pensons-nous, autorisé à croire que l'établissement de banques agricoles sur une vaste échelle, servirait puissamment fa cause du défri- chement, et que sans elles, l’agriculture ne pourra que végéter dans son impuissance ; « le crédit agricole, pour nous servir des expressions de M. Michel Chevalier, est, en effet, le premier de tous les crédits, puisque la richesse territoriale est la première des richesses et l'agriculture le pre- mier des arts ?. » Notre pays possède, il est vrai, des associations du cré-

1 J.-B. Thorn, £rposé de la situation administrative de la province de Luxembourg. Axlon, Bourgeois, 1834, pp. 107 à 110.

2 Michel Chevalier, Discours prononcé au collége de France pour l'ouverture du cours d'écono- mie politique en A843, Jounxar ves Économsres. Bruxelles, 1845, p. 51.

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dit foncier, notamment la Caisse des propriétaires et Va Caisse hypothécaire. Mais il suffit de se rendre compte du but économique de ces deux insti- tutions, pour se convaincre qu'elles ne sont pas de nature à favoriser effi- cacement l'agriculture. En lisant leurs statuts, on voit en effet qu’elles sont créées dans l'intérêt des prêteurs au moins autant que dans celui des emprunteurs. Les associations de l'espèce qui existent en Allemagne sont, au contraire, établies exclusivement en vue des emprunteurs ; il y a plus, c'est qu’elles ont été créées à l'instigation du gouvernement, qui s'est aussi réservé le droit de régler les conditions de leur existence ! Cest qu'en Allemagne on a compris que les banques agricoles doivent présenter ce caractère, pour tendre réellement à la prospérité de l'agriculture. On peut donc dire que, sous ce rapport encore, tout reste à faire en Belgique.

L'utilité de caisses d’épargnes est aujourd'hui généralement reconnue, et l'expérience a montré que de toutes les institutions populaires, il n'en est pas de plus féconde en résultats. L'ouvrier, lorsqu'il est parvenu, à posséder, par l'épargne, un petit capital, est devenu en mème temps pré- voyant, économe et plus actif, S'il habite la ville, il emploiera ce capital à exercer une industrie manufacturière ou commerciale; s’il est habitant de la campagne, il sera porté à le faire servir à l'acquisition d'un petit fonds de terre, qu'il fera valoir au moyen de son travail et de nouvelles épargnes qu'il fera. Or, la plus forte garantie que puisse recevoir l'ordre public, consiste dans une classe nombreuse de propriétaires; plus done vous diminuerez la classe des prolétaires, et plus vous affermirez la so- ciété. Si les épargnes se trouvent dans les mains du cultivateur, elles Jui permettront de faire des améliorations dans ses terres. Mais c'est surtout au défrichement que les petits capitaux obtenus par l'épargne viendraient en aide, parce qu'ils mettraient leurs possesseurs à même de devenir ïm- médiatement propriétaires fonciers, les terres incultes devant coûter beau- coup moins cher que celles en plein rapport et qui, pour ee motif, sont aussi les plus recherchées. Le gouvernement favoriserait donc le défri-

1 Royer, inspecteur de l'agriculture, Des institutions du crédit foncier en Allemagne et en Bel- gique. Paris, Dusacq, 1846.

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chement en implantant dans les campagnes, l'institution des caisses d’é- pargnes.

Lever les obstacles qui s'opposent à l'amélioration du sol, c'est souvent rendre l'amélioration possible. Nous nous expliquons. On sait que dans toutes les communes, les habitants ont le droit de faire paître leurs bes- tiaux sur les terres incultes ; c’est ce qu’on appelle le droit de vaine päture. Or, il est incontestable que la destruction des pàturages opérée par la dent du bétail conduit sans précaution dans ces päturages, s’oppose à leur amélioration, Nous eroyons avec M. Bivort !, que, dans les contrées à dé- fricher la vaine pâture forme une des ressources les plus précieuses du pauyre, il est impossible de la supprimer entièrement : l'équité et l'hu- manité se réunissent pour la conserver; mais rien ne s'oppose à ce que ce droit soit limité et proportionné aux besoins des habitants, mais surtout réglementé. Cette dernière mesure conduirait à l'amélioration des pâtu- rages, et permettrait ainsi de soustraire, avec le temps, au pâturage com- mun, une partie des terres qui y seraient soumises, pour les livrer à la culture. Dans l'intérêt de l'agriculture et de l'éducation du bétail, il con- viendrait surtout de clore ces pâturages communs; car les bestiaux qui vagabondent pour trouver leur nourriture, fournissent peu d'engrais et viennent mal.

Il nous reste à parler, pour finir ce chapitre, d'un inconvénient que présente souvent la culture du sol et qui a pour effet, soit d'empêcher les améliorations agricoles, soit d'augmenter les frais d'exploitation; nous voulons parler du morcellement de la propriété. Pour que les terres soient d'une culture facile, et qu'elles exigent le moins de frais, elles doivent être d’un seul tenant, car alors elles sont toutes sous les yeux du maitre, elles forment un tout favorable à l'économie du temps et des travaux ?.

Nos landes, surtout dans la Campine, sont loin de présenter cet avantage;

1 Loco citato, p.44. "a 2 Moll, Le. p. 219. Rau, Traité d'économie nationale, Wwaduit de l'allemand sur la édition, par De Kemmeter. Bruxelles, Société belge de librairie, Hauman et C°,1840.

Tome XXI LA

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elles sont au contraire morcelées, et souvent à tel point qu’on ne peut y employer aucun instrument perfectionné et qu’elles doivent être exploitées à bras d'homme.

Empècher le morcellement de la propriété foncière en défendant le par- tage des héritages, ce serait nous ramener au temps des majorats et con- trevenir aux principes de la formation et de la distribution des richesses, qui veulent qu'à côté des vastes étendues de terrain susceptibles de la grande culture, il existe aussi de moyennes et de petites propriétés !. Mais on pourrait diminuer, jusqu'à un certain point, les conséquences du morcellement, en décrétant les échanges forcés ; ils consisteraient dans une espèce d’expropriation pour cause d'utilité publique, au moyen de laquelle les propriétaires du sol nécessaire au passage pour l'exploitation d'un autre héritage, seraient obligés de le céder. Le congrès central d’agri- culture de France a émis un vœu dans ce sens dans sa session de 18442. Ces échanges offriraient en outre l'avantage de prévenir les querelles et les procès qu’'entraînent nécessairement à leur suite les questions d’en- clave, de passage et de servitude.

Mais il est une chose qu'il ne faut pas perdre de vue : c’est qu'il est impossible au ministre qui a l’agriculture dans ses attributions, alors qu'il est absorbé par mille autres travaux, de se livrer lui-même à la recherche des mesures qu’il convient de prendre dans l'intérêt de l’agriculture; il a encore moins le temps de diriger l’exécution de ces mesures. Puis, les travaux d'amélioration agricole, mais surtout ceux du défrichement, pour être menés à bonne fin, doivent être rationnels, c’est-à-dire qu'il importe qu'ils soient exécutés d’après un plan d'ensemble; il faut, en outre, que celui qui aura conçu ce plan préside, si cela est possible, jusqu’au bout à son exécution. Or, l'existence ministérielle dans les gouvernements con- stitutionnels est, comme on sait, des plus précaires. D’après ces considé- rations, nous regardons comme indispensable la création d’une division spéciale pour les affaires de l’agriculture. Le fonctionnaire à qui cette di-

4 Droz, Economie politique ou principes de lu science des richesses. Bruxelles, Le Charlier, 1829. ? Loco citato, pp. 285 et suivantes.

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vision serait confiée, devrait non-seulement avoir fait une étude appro- fondie de la science agricole, mais aussi n'être pas étranger à la science de l'économie politique, car celle-ci forme la base de la précédente. S'il ne possède pas ces deux sciences, il ne produira jamais rien de complet, rien de grand, rien de vraiment utile; s’il n’est pas suffisamment versé dans toutes les branches de l’économie rurale, il sacrifiera une branche de l’agriculture à l'autre, en consacrant, par exemple, à l'élève des che- vaux de luxe et aux courses de chevaux, qui, sans doute, ont aussi leur utilité, une partie des encouragements destinés à la culture du sol; et s’il ne connaît pas, d’une manière approfendie, les principes de l’économie nationale, lenchaîinement des intérêts industriels, des intérêts commer- ciaux et des intérêts agricoles lui échappera, et tout en voulant favoriser ces derniers, il sera exposé à leur sacrifier les premiers. Il y a plus, c’est que sans cette connaissance, il pourra, et alors même que ces trois espè- ces d'intérêts ne seront pas en opposition, provoquer des mesures qui lui paraïîtront favorables à l'agriculture et qui, dans le fait, lui seront préju- diciables. Il proposera, par exemple, de décréter un droit sur l'entrée des grains étrangers, ou même d'en prohiber Fimportation , et il croira favo- riser en cela la production indigène. Eh bien, il aura fait un avantage aux propriétaires du sol, et empêché les perfectionnements agricoles, car le système protecteur ne peut avoir d'autre résultat que de limiter la produc- tion et de nuire ainsi au consommateur, qui est obligé de payer plus cher.

En outre, le directeur de Fagriculture devrait avoir sous ses ordres plusieurs employés supérieurs possédant également les deux sciences pré- mentionnées. Ces employés seraient placés à la tête des différentes bran- ches de l'agriculture et travailleraient d’après des règles communes tracées par leur chef immédiat. Ainsi la direction comprendrait les quatre sections suivantes : section de la culture des plantes; section de l'élève du bétail ; section des haras. La 4% section s’occuperait exclusivement de la question du défrichement, de cette question si vitale pour le pays et qui doit en changer la face. Cette section connaïtrait de toutes les opéra- tions du défrichement, et notamment des travaux de construction de routes agricoles, d'assainissement et d'irrigations, de reboisement, de création

28 SUR LE DÉFRICHEMENT

prairies et de culture des céréales. Afin que le service ne souffrit point de l'absence de chefs de sections, il y aurait auprès de chacune d'elles, un inspecteur agricole, chargé de se porter partout sa présence serait jugée nécessaire dans l'intérêt de l'agriculture. Dans le même but, le directeur, en cas d'absence, serait toujours remplacé de droit par l'un des chefs de section ayant titre de sous-directeur. Enfin, à chacun des chefs des quatre sections seraient adjoints un ou plusieurs employés subalternes qui se- raient chargés de la besogne matérielle ou de détail; car si l'on veut que les chefs se livrent à une étude suivie et approfondie des questions agri- coles, 1l ne faut pas qu’ils en soient empêchés par cette espèce de besogne. Pour nous, il est démontré que sans une division spéciale d'agriculture fortement organisée, les progrès agricoles ne seront jamais réels , et nous croyons que c'est par la création de cette division qu'il convient d’ou- vrir la carrière des perfectionnements que réclame l’agriculture, et de pré- luder à la grande œuvre du défrichement.

MODES D'EXPLOITATION.

Il ne peut entrer dans le cadre de notre travail de passer ici en revue tous les modes d'exploitation rurale; il suffira, pensons-nous, que nous en examinions les principaux; ce sont : celui des pâturages, celui de la culture du blé et celui des assolements. Dans le premier système, les terres sont converties en paturages et en prairies, et il a pour but prin- cipal la production des denrées animales, telles que les bêtes grasses et les bêtes d'élève, la laine, le lait, le beurre, le fromage. Dans le second système, on récolte principalement ou exclusivement des denrées végétales de vente, telles que les grains, les récoltes industrielles. Le troisième sys- tème est une combinaison des deux précédents. Dans ce système, la moi- tié des terres de tout domaine est consacrée à l'éducation du bétail et convertie, en conséquence, en prairies artificielles et naturelles; l’autre moitié est livrée à la culture du blé et d’autres produits végétaux de vente. Dans notre opinion, avons-nous dit, les meilleurs moyens de ferti-

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 29

lisation des Ardennes et de la Campine, sont les plus économiques. il semblerait donc, au premier abord, que le système des pàturages , qui est celui que préconise M. Kummer !, est préférable à celui de la culture à blé. IT est vrai qu'il exige moins d’avances en capital et en travail que le second , et que les irrigations que les canaux en construction et ceux pro- jetés permettront de pratiquer, presque partout, dans la Campine, en faciliteraient singulièrement l'exécution. Puis, n’y a-t-il pas absence de bras et de capitaux dans les contrées à défricher?

Nous avons déjà démontré que les irrigations ne dispenseraient point de fumer les prairies. D'un autre côté, si celles-ci ne réclament pas de grandes avances en capital, elles donnent aussi moins de produit brut que les terres livrées à la culture des céréales; et c’est une considération des plus importantes qui surgit contre le projet de M. Kummer; car, ainsi que nous le verrons plus loin, il devient urgent de songer à étendre, dans le pays même, la culture des grains, afin d'augmenter la subsistance du peuple. Quant au produit net, il est, dans le second comme dans le premier système, proportionné aux avances qui ont été faites, tant en travail qu'en capital. En effet, si un hectare de pré, par exemple, donne une récolte de 200 francs moyennant 40 francs de frais, un hectare en grains, au contraire, exige 140 francs de frais et livre une valeur de 500 francs. N'a-t-on pas, des deux côtés, couvert les avances et réalisé un surplus de même valeur? I y a plus, c’est que pour peu que la moisson en grains soit plus forte, elle ajoutera davantage aux profits du fermier et à la fortune nationale. Ce n’est done pas dans l'élévation des avances, comme on le croit communément, mais bien dans celle du produit net que se trouve le véritable critérium de Ja bonté des divers modes de tra- vail agricole; par suite, il est évident que le système de pâturages, loin d’être supérieur à celui de la culture à blé, lui est au contraire inférieur.

I semble toutefois que le premier de ces systèmes doive être préféré dans la Campine et dans les Ardennes, parce qu'exigeant moins d'avances

en capital et en travail, il est plus praticable dans les contrées pauvres et

1 Loco citato, pp. T7 et suiv.

30 SUR LE DÉFRICHEMENT

peu peuplées. Mais nous avons également répondu à cette objection, en faisant remarquer que les travailleurs et les capitaux se portent ils trouvent un emploi utile; et ce fait se produira dans la Campine et dans les Ardennes, lorsque les spéculateurs auront acquis la certitude qu'il existe des modes d'exploitation qui, sans nécessiter de trop fortes avances, donneront des profits certains. Eh bien, l’on verra que, dans le système que nous proposons, les avances seront de beaucoup moins élevées pour les cultures à blé que celles qu'on fait dans les systèmes généralement adoptés.

Quelle serait, d’ailleurs, la conséquence de l'adoption du système des pâturages ? évidemment l'éducation du bétail. Mais serait-ce faire une entreprise assez productive et utile de multiplier outre mesure le bétail, alors que celui que le pays produit déjà suffit et au delà à ses besoins? Il résulte, en effet, des documenis statistiques, que nous en exportons annuellement des quantités considérables : en 1845, eette exportation à atteint le chiffre de 5,107,499 francs !, N’est-il pas plus rationnel de di- riger le défrichement de manière à ce qu'il vienne en aide aux besoins du pays? C’est notre avis.

Au nombre de ces besoins, nous avons placé en première ligne, les grains, et nous avons vu que la Belgique en importe annuellement pour 15,000,000 de franes. Ne doit-elle pas chercher, par tous les moyens qu'elle a en son pouvoir, à s'affranchir de ce tribut énorme qu'elle paye chaque année à l'étranger, et qui, d’ailleurs, par la concurrence qu'il fait aux grains indigènes, nuit à nos producteurs en les obligeant à vendre moins cher? Sans doute, si le pays produisait assez de grains pour sa consommation , il ne pourrait en étendre la culture sans se faire coneur- rence à lui-même et sans causer une baisse dans le prix de ce genre de production; mais comme il ne récolte pas assez de grains, en s'appliquant à en produire davantage, il ne peut qu’assurer des bénéfices aux nouveaux producteurs et, par suite, augmenter le capital national. D’ailleurs, comme le fait observer avec raison M. le Docte, « les céréales donnent un profit immédiat, tandis que les fourrages ne sont que médiatement avantageux

! Statistique officielle du commerce de la Belgique avec les pays étrangers pendant l'année 4845.

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. o1

au cultivateur; il faut donc placer la production des céréales au premier rang, celle des fourrages au second rang. Produire plus de fourrage qu'il n’est nécessaire, est une dépense inutile. Ainsi, le rôle principal des prai- ries ne doit être envisagé que comme nourriture du bétail travailleur et comme devant fournir la quantité de fumier nécessaire pour tenir la pro- duction de l’engrais au niveau de son absorption par les récoltes épui- santes et, par là, maintenir la terre dans un état constant de fertilité et de richesse !, » D’un autre côté, la paille est indispensable en culture, car elle fournit la litière du bétail et sert donc également à la production du fumier; on peut dire : sans céréales, point de paille. Et en admettant même qu'il y aurait plus d'avantage à rester, sous le rapport de la produc- tion des grains, tributaires de l'étranger, parce que nous ne pourrions pro- duire au même prix que lui, ceux qu'il nous fournit, ce ne serait pas encore, croyons-nous, un motif suffisant pour renoncer à les récolter nous-mêmes.

« Les opérations les plus importantes de l’agriculture, dit Adam Smith, semblent surtout avoir pour objet de diriger la fertilité de la nature vers la production des plantes les plus utiles ? ». Or, le blé ne fait pas seule- ment partie des plantes les plus utiles, mais il occupe encore le premier rang parmi elles; puis, il est de principe « que l’on ne doit jamais sacri- fier les bonnes terres à blé, destinées à nourrir les hommes, à produire des aliments pour les animaux 5. » Nous pourrions, sans danger pour la vie de la classe ouvrière et pour la tranquillité publique, nous passer, pendant une ou plusieurs années, de toutes autres productions que nous tirons de l'étranger ; mais si les 200,000,000 d'hectolitres de grains qu'il nous fournit annuellement, venaient à nous manquer par une cause quel- conque, rien ne saurait les remplacer. Et qu'arriverait-il si pareil fait se produisait? Il aurait pour effet de renchérir considérablement le prix des

! Essai sur l'amélioration de l'agriculture en Belgique, suivi d'un mémoire sur le défrichement des landes et bruyères. Liége, Desoer, 1843.

2 Recherches, ete., t. À, Liv. I, ch. V, p. 455.

3 Boitard, Traité des prairies artificielles ctnaturelles, ete, Paris, Bouchard-Huzard, pp. 250 et 251.

32 SUR LE DÉFRICHEMENT

grains indigènes, et ce renchérissement pourrait devenir une cause de per- turbation parmi les travailleurs. Il pourrait mème devenir un arrêt de mort pour l'indigent. À Londres, un schelling de hausse sur le quarter y accroît la mortalité; les travaux de Messance let ceux de Mellier ? ne l'ont malheureusement que trop bien prouvé. Mais qui ne se rappelle avec un certain effroi, l'année 1817 qui, en Belgique, a été marquée par une af- freuse disette : le prix moyen du froment s’est élevé pendant cette année, à 56 francs, c’est-à-dire à près du double de ce qu'il avait été pendant les années ordinaires ! Aussi les législateurs, tout en votant des mesures pro- tectrices de la production des céréales, ne le font-ils jamais qu'avec la plus grande hésitation; et le peuple ne les accepte qu'en murmurant. Témoin le dernier acte sur l’objet qui a été posé en Belgique pendant la session législative de 1844-1845 : « La proposition des 21 Représentants avait causé une vive émotion dans tout le pays % », et le vote législatif en a sin- gulièrement atténué les effets. C’est que le pain forme la principale nour- riture de Ja classe laborieuse : « dans les Flandres, par exemple, il entre pour neuf dixièmes dans la nourriture de l'ouvrier #! »

Certes, la masse de produits de toutes espèces que fournit le sol cultiva- ble, depuis que les perfectionnements agricoles ont reçu plus d'extension, doit nous faire redouter, moins qu'autrefois, une disette de grains; mais il n’en est pas moins vrai que quand cet article subit une hausse excessive, l’ouvrier s’en ressent vivement, parce que le taux des salaires ne suit pas, ou du moins que très-rarement, les variations des prix des objets de consom- mation ; l'expérience est venue ici donner un démenti à l'opinion du prince des économistes. Mais le blé dans un État, c’est tout: ce n’est pas seulement la nourriture du peuple, c’est aussi la force, la défense, la tranquillité du pays. Quand le peuple a faim, l'émeute est bientôt dans la rue et la so- ciété tremble jusque dans ses fondements; la loi est foulée aux pieds et

1 Recherches sur la population. Paris, in-4°.

2 Études sur les subsistances , JournaL nes économsres. 1845, t. V, pp. 277 et sui.

5 Malou, Rapport fait au nom de la section centrale. 408 des actes parlementaires de 1844-1845.

# Enquête commerciale et industrielle. 137 de la collection des actes parlementaires de 1840- 1841, p. 669.

PTT.

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 39

parfois elle ne reprend son empire qu'après avoir passé sur des milliers de cadavres! Ce qui est donc à redouter et ce qu'il importe d'éviter, c’est la rareté des blés. L’abondance de cette denrée peut bien causer quelque préjudice aux cultivateurs, parce qu'elle détermine toujours une baisse de ce produit; mais ce mal n’est jamais de longue durée, car ordinairement, sur dix récoltes, on en compte seulement une bonne, six médiocres et trois mauvaises. D'ailleurs, l'abondance des subsistances répand le bien- être et le bonheur dans Ja multitude, et nous croyons, avec M. Scialoja, qu'il ne faut pas, à l'exemple de Ricardo !, oublier les hommes pour ne tenir compte que des produits, et que la richesse ne doit être autre chose qu'un moyen d'améliorer le sort des premiers ?.

Le blé, le blé, voilà la véritable culture, et celle qu’il importe d’en- courager dans les contrées à défricher. Il le faut pour les motifs que nous venons de déduire, et parce que le défrichement doit être dirigé vers un but social; il le faut, parce que, dans les Flandres , des centaines de mille de nos frères sont plongés dans la misère et que la Belgique, avec une population de 4,500,000 habitants, compte près de 600,000 indigents soutenus par la charité officielle! Que sera-ce donc plus tard , alors que la population suit constamment une progression ascendante, et que le prix des subsistances reste à peu près stationnaire? La population, et c’est un fait social que Malthus a déjà prédit 5, la population, disons-nous, dé- passera le niveau des subsistances; celles-ci se trouveront chaque jour moins en rapport avec les besoins de la consommation , et la plaie hideuse du paupérisme, qui pèse déjà aujourd’hui de tout son poids sur la classe ouvrière, ne pourra qu’ajouter à ses souffrances et à ses angoisses!

De tous les remèdes à ce mal immense, le plus efficace consiste dans laccroissement des moyens de subsistances, et c’est à amener ce résultat que tous les efforts doivent tendre, Oui, le capital foncier, développé de

jour en jour, doit être la ressource des générations présentes, mais surtout

1 Des principes de l'économie politique et de l'impôt. Paris, Aïllaud, 1835.

2 Les principes de l'économie sociale exposés selon l'ordre logique des idées. Traduit de l'italien par H. Devillers. Paris, Guillaumin, 4844, p. 171.

5 Essai sur la population.

Towe XXI. D

34 SUR LE DÉFRICHEMENT

des générations futures ; il est, d’ailleurs, la force et la puissance des États et le signe le plus certain de leur prospérité. Convertir exclusivement nos landes en prairies et en pâturages, c’est leur appliquer le système manu- facturier et remplacer les hommes par des machines ou les chasser devant des troupeaux; c’est enlever aux travailleurs le moyen le plus sûr d’amé- liorer leur malheureuse condition. Mais non, la sagesse du Roï, la pru- dence des Chambres et notre cœur nous le disent : le défrichement n’est pas destiné à devenir une spéculation industrielle; il doit, en même temps qu'il assurera des bénéfices raisonnables aux entrepreneurs, tendre à l’a- mélioration de la condition de Ja elasse des travailleurs et partant à lex- tinction du paupérisme, c'est-à-dire à la solution du problème le plus difficile de l'économie sociale. Que la Belgique, qu'on aime déjà à citer à l'étranger comme un modèle de civilisation et d'expérience avancée, sache ici calculer avec l'avenir, et qu’elle prouve, encore dans cette circon- stance, ce que peuvent les capitaux alliés à la philanthropie; elle le doit, elle le peut ; qu’elle le veuille, et FEurope entière battra des mains!

Pour nous donc, et nous le disons avec conviction, il est démontré que le système des pâturages doit être repoussé dans les contrées à défricher. C’est cependant, nous dira-t-on, à l'adoption de ce système qu’on attribue aujourd'hui la supériorité de l'agriculture anglaise sur l'agriculture fran- çaise !. On sait, en effet, qu’en Angleterre, les quatre cinquièmes du ter- ritoire sont consacrés à nourrir le bétail et un cinquième seulement à pro- duire des céréales; tandis qu’en France, plus des quatre cinquièmes du sol sont destinés à la culture des céréales et moins d’un cinquième à élever le bétail. On ne récolte, en Angleterre, que 59,140,000 d'hectolitres de blé proprement dit, ce qui fait 1,64 hectolitre environ pour chacun de ses 24,000,000 d'habitants ?. Il est bien vrai qu’en ce dernier pays, les avances en Capital, mais surtout en travail, que doit faire le cultiva-

1 Catineau-la-Roche, La France et l'Angleterre comparées sous le rapport des industries agri- cole, manufacturière et commereiale. Paris, 1844. Dezemeries, Vues pratiques sur les améliora- tions les plus importantes , les plus faciles et les moins coûteuses à introduire dans l'agricullure. Paris, 1845.

? Moreau de Jonnès, Statistique de la Grande-Bretagne, 1. X, p. 174.

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. so)

teur, sont moins élevées qu'en France; mais les bénéfices du cultivateur anglais sont-ils plus élevés que ceux du cultivateur français? nullement. Dans le premier comme dans le second système, et nous l'avons déjà fait vemarquer, le bénéfice est proportionné aux avances : le cultivateur anglais emploie moins de capitaux et moins de bras que le cultivateur français; voilà la seule différence. Mais aussi, « en Angleterre, à la différence des États continentaux; la misère est plus grande dans les campagnes que dans les cités. Dans la Grande-Bretagne, les paysans ne sont pas protégés contre la misère par une laborieuse pauvreté, comme les paysans de France !, » ni conmme ceux des parties cultivées des pro- vinces de Liége, de Luxembourg et de Namur. C'est qu'ici chaque vil- lageois a sa vache, son porc, une maison et un heureux coin de terre, tandis « qu’en Angleterre, un seul fermier laboure aujourd'hui, trente petits fermiers vivaient autrefois. La grande propriété a réuni en une seule ferme les enclos et les terres des paysans, et le paupérisme est né2; » «il est de la spoliation, de la spoliation organisée, systémati- que, persévérante, impitoyable de l'aristocratie anglaise qui possède toute la surface du pays 5. » En effet, il n’y a, en Angleterre et en Écosse, qu'une famille sur cinquante qui possède des terres, et les propriétaires fonciers ne forment que 57,000 familles dans lesquelles le sol est, pour ainsi dire, immuable. Le territoire cultivé de la France, au contraire, ap- partient à 4,000,000 de propriétaires. En 1842, l'Angleterre et le pays de Galles comptaient 1,429,000 pauvres pour 15,000,000 d'habitants. La population indigente de l'Irlande s'élevait à 2,585,009 individus! La mendicité est défendue dans ces pays; les indigents y sont réprimés par la prison, la déportation dans les colonies, les maisons de travail, ou bien ils sont secourus au moyen de la taxe particulière, appelée la taxe des pauvres, qui montait, en 1830, à 207,000,0090 , et qui est encore aujour-

1 Eug. Buret, De La misère des classes laborieuses en Angléterre et en France, ete. Bruxelles, Soc. typ. belge, Walhen, 1842, p. 486.

2 Walter Scott, Revue britannique, t. XXIX, avril 1830.

3 Fréd. Bastiat, Cobden et la ligue ou l'agitation anglaise pour la liberté du commerce. Paris,

Guillaumin, 1845, pp. xxxv et xr.

56 SUR LE DÉFRICHEMENT

d'hui de 168,000,000 de francs! La France ne compte que 1,600,000 d'indigents. C’est moitié moins que l'Angleterre relativement à la popu- lation!. Nous le demandons : cela est-il digne d’une nation et surtout d’une grande nation, qu'une partie de sa population vive aux dépens de l’autre, alors qu'elle n’est pas naturellement frappée d’une incapacité de travail? Pour nous, le rouge nous en monte au front! C’est de la charité, nous répondra-t-on? sans doute, c’est de la charité; mais n'est-ce pas plutôt au nombre des vertus qu’au nombre des obligations sociales que la charité doit être inscrite?

Mais, en Irlande, la misère est bien plus grande encore parmi les’ ha- bitants des campagnes ; elle y est montée à un degré effrayant, et cet excès de misère a pour cause principale la distribution des terres dans ce pays. « Le propriétaire fait administrer son domaine, qu'il n’a souvent jamais vu, par des intendants qui, préoccupés d'en tirer le plus gros revenu pos- sible, divisent les terres confiées à leur gestion en parcelles insuffisantes pour nourrir une famille. Ces lots sont ensuite affermés au plus offrant, et, par suite de l'extrême concurrence, à des prix tellement exorbitants, qu'après avoir payé la rente, il ne reste plus même aux cultivateurs de quoi se nourrir misérablement de pommes de terre! Les mendiants qui couvrent par troupes toutes les routes, qui assiégent toutes les portes, ne sont qu'une face de ce triste tableau. Les cultivateurs , ceux qui s’obstinent à travailler, sont plus à plaindre encore dans leurs cabanes de boue, au milieu de leurs familles faméliques et en haïllons. Ces faits affligeants pa- raîtront peut-être incroyables; malheureusement ils sont consignés dans le rapport de la commission d'enquête que le gouvernement anglais avait instituée pendant la session de 1844-45, pour rechercher les moyens d’a- méliorer, par la voie législative, les rapports entre les propriétaires fon- ciers et leurs fermiers en Irlande ?. »

Encore, si ces malheureux trouvaient toujours des terres à louer! D’'a- près une enquête faite en 1834 dans un des comtés de la Grande-Bre-

1 EF. Tapiès, La France et l'Angleterre ou statistique morale et physique de la France comparée à celle de l'Angleterre sur tous les points. Paris, 1845. ? L'Indépendance belge, du 13 juin 1845.

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 97

tagne, « les journaliers n'y demandent pas mieux que de louer bien cher un coin de terre pour y planter des pommes de terre, mais personne ne peut leur en procurer !! » Mais, il y a plus, d’après une relation toute récente d’un il- lustre économiste français, le laboureur anglais ne trouve pas même tou- jours de l'ouvrage : « il accepte le travail comme un secours qu'il mendie. Vous le rencontrez stationnant presque dans chaque paroisse, à l'endroit se croisent les routes, sollicitant et disant avec le ton de la prière : Nous voilà, Monsieur, forts et bien portants ; ne voulez-vous pas nous faire travail- ler 2? »

Walter Scott et M. Bastiat nous paraissent avoir indiqué la véritable cause de la condition misérable des campagnards anglais; car, enfin, la propriété est indispensable au travailleur pour assurer en tout temps des moyens d'existence à sa famille; il ne peut pas la garantir contre la misère s’il ne possède aucun droit au fonds du travail.

Comment, d’ailleurs, allier le système des pâturages, qu'on semble re- commander à la France d'emprunter à la riche et aristocratique Albion, avec le reproche qu'on fait au premier de ces deux pays, de ne pas pro- duire assez de blé 5? En effet, le froment, qu'on récolte en France, ne s'élève qu'à 69,558,062 hectolitres {; ce qui, pour les 54,000,000 d'ha- bitants, donne un peu plus de 2 hectolitres par individu. Cette quantité est évidemment insuffisante. Non, on ne peut pas prendre pour point de com- paraison, comme règle générale en agriculture, ce qui se pratique chez nos voisins d'Outre-Manche ; leur système agricole ne peut nous convenir, et nos landes doivent être fertilisées par un autre procédé. Du reste, et comme le fait très-bien remarquer M. Léon Faucher, « la nature n’a pas destiné le Royaume-Uni à la production des céréales. IL est aussi difficile sous ce climat humide d’assécher la terre, qu'il lesten France de Parro- ser. L'eau n'y manque jamais à l’herbe; mais le blé manque souvent de soleil #. » On se trompe donc étrangement en pensant que c'est par prin-

1 Eugène Buret, L. e., pp. 487 et 458.

2 Léon Faucher, Études sur l'Angleterre. Paris, Guillaumin, 1845, t. IL, p. 75. 3 Congrès central d'agriculture de Paris ; séance du 19 mai 1845. # 5

Statistique de la France (agriculture), 1845, p. 668. Les lois sur les céréales en Angleterre; Jounna pes Éconousres; édit. belge, 1845, p. 110.

38 SUR LE DÉFRICHEMENT

cipe que l'Angleterre a voué son sol au système des pâturages; la nature l'y a forcé. Ce mode d'exploitation peut être avantageux à l'aristocratie anglaise, qui est propriétaire de toute la surface du pays, mais à coup sûr ilest funeste à la masse de la population.

Il nous reste à prévenir une dernière objection que les partisans du système des päturages ne manqueront pas de nous faire; c'est que le eli- mat froid des contrées à défricher, mais surtout des Ardennes, de même que le sol de ces contrées, sont, par leur nature, peu propres à y favo- riser la culture des céréales et principalement des grains. À cela nous ré- pondrons, avec M. Loiseleur-Deslonchamps, que « nulle plante n’est sus- ceptible de résister aux influences des climats comme le blé. L'homme Ja portée avec lui dans toutes les contrées il a été s'établir, et elle a réussi presque partout. On la cultive dans l'hémisphère septentrional aussi bien que dans l'hémisphère méridional; il n’y a que les extrêmes du froid et de la chaleur qui lui soient contraires 1, » En ce qui concerne le sol de la Campine et des Ardennes, lorsqu'il aura été amélioré par les procédés que nous avons indiqués, il conviendra à peu près à toutes les espèces de céréales ; pour s’en convaincre, il suffit d’en parcourir les parties cultivées. « La partie cultivée de la Campine produit tout ce que peut produire toute autre localité, du froment, du seigle, de l’avoine, de l'orge, des pommes de terre 2, » On rencontre, de mème, dans les Ardennes, à côté des terrains arides, des terres de même nature qui produisent les plus belles récoltes 5.

Si nous sommes d'avis qu'il faut introduire dans nos landes la culture des céréales, nous sommes loin de conseiller de les convertir toutes en terres cultivables; nous ne le pourrions d’ailleurs pas sans violer des premières règles de la science agricole. En effet, les diverses branches de production se lient les unes aux autres, et il n’est point de récoltes sans engrais, point de fumier sans bestiaux , point de bestiaux sans 1prai-

1 Considéralions sur les céréales, etiprineipalement sur les froments. Paris, Bouchard-Huzard, 1842, pages 85 et 86 de la partie historique de cet ouvrage.

? Kummer, L. cit, p. 15.

5 Thorn, L. cit. p. 93; Le Docte, L. cit. pp. 62 et 65. Wodon, L. cit., p. 7.

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 39

ries; et nous avons dit que, pour plus d'économie, il importait de pro- duire le fumier sur les lieux mêmes. Il sera donc nécessaire de consacrer une partie de nos landes à créer des fourrages naturels et artificiels.

On le voit, notre système n’est autre que le dernier des trois systèmes principaux d'exploitation indiqués ci-dessus. « La culture des végétaux combinée avec l'élève du bétail, constitue la véritable agriculture, car elle comprend les principales branches de léconomie rurale, parce qu’elle assure les moyens de subsistance du peuple et la nourriture du bétail, en même temps qu'elle accroît le capital national. Ce système d'exploitation est suivi le plus généralement partout le climat et le sol s’y prêtent ; »

n

c'est aussi celui qui, tout en assurant des profits aux défricheurs et un accroissement de la fortune publique, permettra d'atteindre Le but social assigné au défrichement; c'est, enfin, le système adopté dans toutes nos provinces, et la Belgique, nous pouvons le dire avec orgueil, est renom- mée par ses progrès agricoles.

On peut admettre en principe, que dans toute exploitation le système des assolements peut être suivi, on doit en consacrer la moitié au moins à des cultures fourragères; c’est la proportion qu'il faut observer, si l’on veut produire la quantité d'engrais nécessaire à la fumigation de l’autre moitié livrée à la culture des céréales. Nous proposerons donc de con- vertir la moitié de nos landes en prairies tant artificielles que naturelles, et de livrer l'autre moitié à la culture du blé et des autres produits végé- taux de vente. Toutefois, en consultant précédemment les besoins du pays, nous avons vu qu'il ne fournit pas partout du bois de chauffage en quan- tité suffisante, et qu'il importe également d'augmenter la production du bois de construction. Nous avons vu, en outre, qu'il est équitable, qu'il est humain de ne pas enlever subitement aux habitants de la Campine et des Ardennes la plus précieuse de leurs ressources actuelles, qui consiste dans la vaine pâture. Il sera donc indispensable de distraire préalablement de nos landes qui doivent être converties, moitié en prairies et moitié en terres

cultivables, la partie nécessaire au reboisement et au pâturage commun.

# Rau, L cit., pp. 321 et 328,

140 SUR LE DÉFRICHEMENT

Le reboisement, qui ne pourrait s'étendre à la totalité de nos landes sans devenir une spéculation ruineuse et sans nuire même à la culture !, offrira peu de difficultés, surtout parce qu'il nécessitera peu d’avances en capital et en travail. Il n’en devra pas moins se faire d’après un plan d’en- semble et avec beaucoup de prudence et de discernement; car, en même temps qu’il est destiné à nous fournir les bois de chauffage et de construc- tion qui nous manquent, il doit tendre à garantir les terres arables et les prairies contre l’action du climat aujourd’hui trop froid et conséquemment contraire à la bonne végétation; pour ces motifs, nous pensons que ie Gouvernement peut seul opérer le reboisement; il sera au moins indispen- sable qu'il en prenne l'entière direction. Il importe aussi que le reboise- ment devienne productif, et, pour atteindre ce but, il convient de ne le faire que successivement et de manière à ne pas jeter à la fois dans le com- merce une trop grande quantité de bois de construction. Puis, les forêts existantes n’occupent pas toutes la position qui leur est assignée naturelle- ment, c’est-à-dire les montagnes et les terrains dont la pente est rapide; il en est qui s'étendent sur des vallées, et celles-ci peuvent être resti- tuées avec avantage à la culture. Enfin, il est de principe que « les forêts doivent être établies sur les terrains trop pauvres pour passer à l’état de pâture ?. Il faudra done convertir en bois les plus mauvaises terres, en prairies, les terres d’une qualité immédiatement supérieure, et livrer les meilleures à la culture des céréales. On ne saurait violer ces principes, qui sont aussi ceux qui doivent être suivis dans toute exploitation agri- cole, sans affecter d’une manière plus ou moins sensible les profits de l’ex- ploitant et la richesse nationale; car les terres de première classe, outre qu’elles exigent moins d’avances en travail et en engrais que les autres, assurent la plus grande abondance et la meilleure qualité des produits ; vous n'aurez pas les mêmes résultats dans les terres de qualité immédiate- ment inférieure, bien que vous y ayez fait plus de dépenses d'amélioration que dans les premières. En descendant encore plus bas, les produits ne

1 Kummer, L. cit, p. 7. Rapport de la députation du Luxembourg, note de la page 77. 2 Comte de Gasparin, Cours d'agriculture. Paris, à la librairie agricole de la maison rustique, 19, 184%, t. II, pp. 559 et 360.

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 441

dépasseront pas les frais; il pourra même arriver que vous travaillerez avec perte.

D'après ces observations, chaque terre doit être affectée à un produit donné, et notamment à celui qui offre le plus de profits pour la moindre somme de déboursés. La configuration du sol entre aussi pour beaucoup dans le choix des cultures : partout et toujours on consacre, de préfé- rence, les plaines à la culture des céréales, parce qu'elle y éprouve moins de difficultés et exige conséquemment moins de dépenses. Les pâturages conviennent plutôt dans les contrées montueuses, quoique les terres situées au bord des courants d'eau s’y prêtent beaucoup mieux, parce que le voi- sinage de l’eau, mais surtout les irrigations qu'il est possible d'y pratiquer, les entretiennent dans un état constant de fraîcheur. Toutefois, si notre sys- ème d'exploitation est d’une exécution très-facile dans la Campine, qui, comme nous l'avons vu, ne forme qu'un vaste plateau, il devra être mo- difié dans certaines contrées des Ardennes pour se rapprocher davantage du système des pâturages. Néanmoins, comme, dans ce pays, des plaines alternent souvent avec des montagnes, la culture des céréales y est égale- ment et même généralement praticable. Dans notre opinion, cette espèce de culture doit, dans les Ardennes, mais surtout dans les contrées qui of- frent beaucoup d'accidents de terrain, être restreinte, dans le principe, aux besoins de la consommation locale, sauf à l'augmenter insensiblement, afin de se procurer la paille nécessaire à la litière des bestiaux, qui don- nent l’engrais. Il y a encore un autre motif pour en agir ainsi ; c’est qu'on ne pourra rapprocher les produits des marchés pour leur procurer un écoulement avantageux, que lorsque les Ardennes seront sillonnées des voies de communication qui lui sont nécessaires, et ce n'est que successi-

vement que ces routes pourront être construites.

Nous croyons en avoir dit assez pour démontrer que le système des as- solements doit être adopté dans la plupart des contrées à défricher, comme étant le plus conforme aux principes de l’agriculture et comme devant mener le plus sûrement au but social assigné au défrichement. On pour- rait cependant lui faire le reproche de ne pas être le plus économique,

Tome XXL. 6

42 SUR LE DÉFRICHEMENT

non parce qu'il ne donnerait pas des profits aussi élevés que le système des päturages (nous croyons avoir prouvé le contraire), mais parce que la culture des céréales exigerait de bien plus fortes avances en travail et en capital que l'établissement de prairies comme principe unique de végétation. Cette objection est grave, mais il nous sera facile de la dé- truire en posant un exemple d'exploitation agricole conforme à notre sys- tème ; cet exemple rendra en même temps notre mode d’exploitation plus sensible.

Certes, la conversion immédiate de nos landes en terres à céréales, nécessiterait une grande quantité d'engrais et conséquemment de fortes avances en capital, devant lesquelles les défricheurs les plus déterminés pourraient reculer. Ces engrais coûteraient d'autant plus cher, que, ne pouvant être produits immédiatement sur les lieux mêmes, il faudrait les tirer du dehors. Or, nous avons établi précédemment qu'ici surtout lé- conomie est indispensable et que, pour l'obtenir, il faudra former le fu- mier dans l'exploitation même. I va de soi que si l'invention de M. Bickes, dont nous avons parlé plus haut, venait à se réaliser, notre procédé deviendrait inutile, puisqu'elle donnerait, une fois pour toutes, la solu- tion du grand problème des engrais et que, par suite, il deviendrait pos- sible de livrer à la culture des céréales même les plus mauvaises terres.

Or, voici comment nous procèderions :

Soit donnée une ferme de 100 hectares. La moitié serait destinée à la culture des céréales, l’autre moitié serait convertie en prairies.

Après avoir déterminé, d’après la nature du sol et les ressources de la localité, les parties qui conviendraient respectivement le mieux à ces deux espèces de cultures, je m'occuperais de la seconde section, celle des pà- turages, au milieu de laquelle j'élèverais les bâtiments de la ferme. Cette construction se ferait pendant l’automne, pour qu’elle pût devenir habi- table le printemps suivant et abriter les travailleurs chargés de com- mencer, à cette époque, l'opération du défrichement et de la conversion des landes en prairies. Afin d'économiser, autant que possible, sur le capital engagé dans mon entreprise et de me mettre ainsi plus à même de

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 43

faire face aux dépenses de l'exploitation, je me conformerais à la recom- mandation que fait J.-B. Say concernant les constructions civiles !; en. conséquence, mes bâätisses seraient plutôt légères et simples que trop so- lides et fastueuses. C’est une règle que les entrepreneurs n’oublient que trop souvent; aussi cet oubli devient-il quelquefois pour eux une cause d’insuccès et même de ruine.

Une fois le personnel installé et la ferme pourvue des outils et des chevaux nécessaires, je m'occuperais de la formation des prairies.

Après avoir nettoyé le sol, en le défrichant, je le disposerais à la pro- duction des fourrages en l'améliorant, c'est-à-dire en y pratiquant d’abord, pour autant que le gouvernement ne s’en serait pas chargé, les travaux d'assainissement et d'irrigation reconnus nécessaires; je continuerais l’a- mélioration du sol en le marnant et en l’amendant, suivant les procédés indiqués précédemment. Comme, dans le principe, je n'aurais pas de fu- mier sur les lieux, et qu'il faut, dans un but d'économie, éviter de le tirer du dehors, je ferais servir à cet usage les cendres provenant du brülis du gazon et des plantes ligneuses qui se trouveraient dans les landes. Afin de diminuer encore davantage la dépense du défrichement, je ferais brüler au printemps la bruyère et les genêts sur pied, en ayant soin de choisir, pour faire cette opération, un temps sec. Les cendres, il est vrai, ne tiennent pas lieu de fumier, et pour maintenir Ja terre en bon état, il faut alterner leur emploi avec celui du fumier; mais on sait qu’elles con- tiennent de la potasse qui, en se combinant avec lhumus contenu dans le sol, lui ôte ses mauvaises qualités et le rend immédiatement propre à nourrir des végétaux. On peut donc dire qu'elles peuvent remplacer, jus- qu'à un certain point, le fumier pour un temps donné, et qu'elles me seraient d’un grand secours jusqu’à la seconde année de la formation des prairies, époque j'aurais du bétail à la ferme.

Comme il importe de produire le plus de fumier possible, je nourri- rais le bétail à l’étable. Mais, pour pouvoir le faire, comme mes prairies

saturelles ne fourniraient pas, pendant les premières années, les fourrages

Loco citato, 2% partie, chap. XIE, p. 136.

44 SUR LE DÉFRICHEMENT

nécessaires pour leur nourriture et que, toujours dans un but d'économie, il ne faut pas les tirer du dehors, je diviserais les 50 hectares en deux parties; dans la partie dont le sol serait le meilleur, je sèmerais de la fleur de foin pour en faire des prairies naturelles; je consacrerais l’autre, à des fourrages artificiels que le sol produirait déjà la première année, après avoir été écobué et avoir reçu un seul labour; de manière que je serais mis à même de nourrir le bétail dès la seconde année de la forma- tion des prairies. Les cendres provenant des gazons brülés seraient enter- rées immédiatement par un labour superficiel. Divers agronomes, parmi lesquels nous placerons MM. Le Docte!, Moll?, et Thouin, considèrent les fourrages artificiels comme la meilleure nourriture pour le bétail. Presque toutes les espèces de terrains leur conviennent. Dans beaucoup de contrées de la France, la culture repose entièrement sur ces fourrages , qui y remplacent même les prairies naturelles.

Si, dans la partie des prairies artificielles, il se trouvait des terres trop pauvres et qui, en conséquence, exigeraient une trop grande quantité de fumier pour donner des récoltes satisfaisantes, je les convertirais en pà- turages pour les moutons en y semant du trèfle blanc, de la lulupine, du ray-grass, sauf à en faire des prairies artificielles lorsque l'augmentation de l’engrais me permettrait de leur en appliquer une partie.

Le bétail que je serais dans le cas d'acheter, exigerait une assez forte avance en capital, et les fourrages, pendant les premières années, ne se- raient pas abondants ni de première qualité. Afin donc de diminuer cette avance autant que possible, je suivrais le conseil de M. Moll#, et je don- nerais la préférence à des bêtes de petite taille, parce qu’elles coûtent moins et qu'elles sont plus sobres. Quand les prairies naturelles seraient en plein rapport, j'examinerais si je ne devrais pas donner la préférence aux grandes races de bestiaux. Je ne négligerais surtout pas d’avoir un troupeau de moutons à laine commune. Le parcage, qui consiste à faire

1 Loco citato, p. 46.

Loco citato , p. 195.

Cours de culture, ete., publié par Oscar Leclereq. Paris, Bouchard-Huzard, t. I, p. 10. Loco citato, p.168.

> À +

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 45

passer la nuit à des moutons dans une enceinte mobile de claies, donne en deux nuits une forte fumure qui équivaut à 40 voitures, à 4 chevaux, de fumier par hectare. Le parc épargne la litière et le transport du fu- mier. Il pourrait donc servir admirablement pour bonifier les prairies naturelles, mais surtout les prairies artificielles. Inutile de faire remar- quer que je n'achèterais d'abord qu'autant de bestiaux que mes prairies artificielles me permettraient d'en nourrir, et que je laisserais à l'amé- lioration de la culture et, par suite, à celle de la nourriture, le soin de m'indiquer l'accroissement que mon troupeau pourrait prendre succes- sivement.

Je ne perdrais pas de vue que je dois économiser le plus possible mon capital; je chercherais donc à produire l’engrais au plus bas prix. En conséquence, je donnerais la préférence au bétail qui me fournirait le fu- mier au meilleur marché : je choisirais les bêtes dont les autres produits, tels que le travail, le lait, le fromage, la viande et la laine, payeraient le mieux leur nourriture, par exemple, les vaches, qui, par la vente de leur lait et de leurs veaux, payent souvent en entier la nourriture, les soins, l'intérêt du prix d'achat et le loyer de létable.

Si, afin d'économiser mes fonds, il importe de produire sur les lieux mêmes les fourrages nécessaires pour la nourriture du bétail, économie commande d'en agir de même pour la nourriture du personnel de la ferme. Pour le même motif, il est important de trouver le moyen de me dispenser de tirer du dehors la paille qui doit servir de litière au bétail pendant les huit premières années de mon exploitation. En conséquence, je livrerais, sur écobuage, à la culture des céréales, en mème temps que je m'occupérais de la formation des prairies, dix hectares de landes que je prendrais, par anticipation, dans la première section. La matière fécale, le fumier des chevaux et la colombine seraient ensuite employés à la fu- migation de ces terres, auxquelles je ferais surtout servir le parc des moutons.

Le défrichement et la conversion en prairies des landes de la deuxième section , exigeraient cinq années. Arrivé à la huitième année, ces prairies,

auxquelles j'aurais fait servir le parc et tout le fumier des étables, et qui

46 SUR LE DÉFRICHEMENT

auraient été constamment arrosées, donneraient une récolte entière, c’est-à- dire qu'elles seraient bonnes et en plein rapport.

Quand mes prairies seraient en cet état, il ne serait plus besoin que de leur donner une demi-fumure, car leau provenant des irrigations tien- drait lieu de l'autre moitié. 11 y aurait donc surabondance de fumier. Je songerais alors à défricher et à exploiter la section des céréales composée également de 50 hectares. La surabondance du fumier de la seconde sec- tion, qui équivaudrait à celui qui serait nécessaire pour fumer 25 hectares, me servirait pour fumer la moitié des terres de la première section. Mes prairies, qui seraient alors en plein rapport, me permettraient d'augmenter mon bétail en quantité suffisante pour produire le fumier nécessaire à la fumigation de l’autre moitié des terres de la section des céréales. S'il me manquait encore du fumier pour cette moitié, je n’hésiterais pas à dis- traire un certain nombre d'hectares de la section des céréales pour en faire de nouvelles prairies. Celle-ci se trouverait un peu réduite sans résultat fâcheux pour l'exploitation. D'ailleurs, il est admis en principe qu'il faut consacrer à des cultures fourragères, la moitié au moins de l'exploitation #.

Si je propose de partager également mon domaine entre les deux sec- tions, c’est parce qu’en général, le bétail nourri au moyen des fourrages d’une quantité donnée de prairies, fournit l’engrais nécessaire pour fumer une pareille quantité de terres à céréales. Du reste, j'aurais encore à ma disposition, pour fumer les terres de la section des céréales, la matière fécale, la colombine, la suie de cheminée et autres substances fertilisantes indiquées plus haut. Enfin, les cendres, provenant du brülis du gazon et des plantes, serviraient aussi d'engrais pendant la première année. L’herbe touflue qui pousse immédiatement après le brûlis, serait utilisée pour le paturage des moutons.

En proposant de convertir la moitié de ma propriété en prairies et de consacrer l'autre moitié à la culture des céréales, j'ai été déterminé par les principes de l’économie rurale, qui veulent que les parties d’une exploitation agricole soient coordonnées de manière que chacune d'elles

! Dezemeries, loco citato.

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 47

contribue à la prospérité de l’autre. Si, d’un autre côté, J'ai tant insisté sur la nécessité d'augmenter la production du grain, afin de faire servir le défrichement au but social qui lui est assigné, on comprendra facile- ment que le grain devra occuper la plus large place dans la section des céréales. Toutefois, comme le blé est de toutes les céréales celle qui est la plus exigeante, en ce qui concerne la qualité du sol, je n’en cultiverais que très-peu dans le principe, et j'attendrais, pour lui donner l'extension nécessaire, que les terres de la section des pâturages eussent été suffisam- ment améliorées pour assurer de bons produits. En conséquence, je com- mencerais par la culture des céréales qui réussissent dans les terrains les plus pauvres, telles que l’avoine, le sarrasin et la pomme de terre. Lavoine réussit dans les terres les plus sablonneuses et dans les plus fortes ; elle donne, de même que le sarrasin, les plus beaux produits dans les terres nouvellement défrichées. Les lentilles et les jaroses viennent dans les plus mauvaises terres; elles se contentent d’un terrain léger.—Les fèves ! et les vesces, au contraire, réclament une terre forte. —Les pois veulent une terre franche, un peu calcaire. Le maïs réussit dans les terrains secs.

En ce qui concerne la culture des céréales, ilest deux règles économiques que je suivrais rigoureusement et qu'on ne perd que trop souvent de vue. Je veux dire que je cultiverais de préférence les espèces de céréales qui, les frais payés, me donneraient les bénéfices les plus élevés, et je me règlerais aussi toujours dans ce choix sur la demande du marché.

1 Dans l'audience que le roi Léopold a accordée, le 7 août 1845, à la commission d'Anvers, Sa Majesté, soulevant la question des pommes de terre, qui, comme on sait, venaient d'être attaquées d'une maladie endémique des plus graves, exprima l'opinion que peut-être plusieurs peuples de l'Europe, le peuple belge entre autres, avaient poussé la consommation de la pomme de terre jusqu'à l'exagération, et que la culture des fèves, qui était d’un si grand secours à nos pères, pour- rait être reprise sur une plus large échelle, afin que cet aliment, très-substantiel, pût remplacer de temps à autre l'inévitable plat de pommes de terre au lait ou au vinaigre. La pomme de terre, ainsi que l'a fait remarquer le roi, comme base de l'alimentation, laisse beaucoup à désirer; elle con- tient peu de matière nutritive (25 sur 100), est d'une digestion assez difficile, et prédispose à des maladies de langueur auxquelles une bonne partie de la population rurale paraît sujette.

Le défrichement pourrait devenir, à coup sûr, un moyen de réaliser les vues de Sa Majesté con- cernant la culture des fèves. Cette culture joindrait à l'inappréciable avantage de fournir une nour- riture plus substantielle que les pommes de terre, celui d'une récolte plus productive.

18 | | SUR LE DÉFRICHEMENT

Afin de retirer de la culture des céréales le plus grandproduit aux moin- dres frais possibles, j'en bannirais le régime des jachères. Cette méthode, est généralement suivie dans les Ardennes !; elle est fondée sur l'opinion que la terre a besoin de se reposer pendant une année pour porter de nou- velles récoltes ; mais cette opinion est évidemment erronée. Pour s'en con- vaincre, il suffit de se rappeler les notions les plus simples de la chimie. Le sol qui n’est pas en état de production, loin de se bonifier, s’épuise. Dépourvu de plantes, ilne peut absorber dans l'atmosphère ni, par con- séquent, retenir, au profit de la végétation, aucun gaz nourricier ; il doit, au contraire, par l'évaporation, perdre les principes fertilisants qu'il con- tient 2. On peut donc dire que la jachère est doublement improductive, d'abord parce que, loin d'assurer l'amélioration du sol, elle le détériore , ensuite parce qu'elle fait perdre une partie et le plus souvent le tiers des terrains cultivés. Aussi les agronomes sont-ils généralement d'accord pour la déclarer vicieuse et la proscrire 5, On peut, en effet, substituer à la ja- chère des récoltes productives, telles que les récoltes sarelées et fourra- gères, les légumineuses.

On le voit, la question des jachères est liée à celle des assolements, que les agronomes considèrent comme la base la plus solide de la prospé- rité agricole. Ce dernier système est évidemment préférable à celui des jachères, puisqu'embrassant dans sa rotation toute l’étendue des terres cul- tivables, il tend à ajouter à la masse des produits et conséquemment à augmenter les profits du cultivateur. Il a de plus pour effet de donner de meilleures récoltes, et de maintenir les terres dans un état constant de fé- condité.

1 Rapport de la députation permanente du Luxembourg, pp. 19, 20 et 21.

2 Davy, Chimie agricole.

5 Agriculture française , par MM. les inspecteurs de l'agriculture. publiée d'après les ordres du Ministre de l'agriculture et du commerce. Paris, 1844. Article de la collection de cet ouvrage qui traite de l'agriculture du département des Côtes-du-Nord ; Yvart : Manuels-Roret. Assolements, jachères et succession des cultures. Annoté par V. Rendu. Paris, 4842, t. I", pp. 204 et suiv., et 282 et suiv.; Scheidweiler, Cours raisonné et pratique d'agriculture et de chimie agricole. Brux., Hauman, 1843, t. 1°, p. 489 ; John Sinclair, Relation sur l'agriculture flamande ; Dewal , Mémoire sur la culture et l'abolition des jachères dans les mauvaises parties de la province de Na- mur; Schwerz, Introduction à l'agriculture belge ; Le Doëte , loco citato, p. 20.

TT

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 49

En ce qui concerne la durée des assolements, j’adopterais les plus longs, à moins que des circonstances locales ne me forçassent d'en agir autre- ment, ce qui arrive encore assez souvent dans la pratique. Les assolements les plus longs sont aussi les plus économiques, parce qu'ils exigent moins de main-d'œuvre; et l'expérience a démontré que, pour avoir de bonnes récoltes, il importe que les mêmes plantes ne soient ramenées sur le même terrain que le moins fréquemment possible 1.

Les landes de la première section ne seraient, comme celles de la seconde, en plein rapport, qu'au bout d’une période de huit années. J'aurais conséquemment employé seize années pour tirer mon domaine de son état de stérilité, et le rendre propre à produire d’abondantes ré- coltes.

On le voit, notre système de production est des plus économiques. Nous le croyons aussi conforme aux principes de la science agricole, et de na- ture à assurer le but social assigné au défrichement, puisqu'il procurerait, dans le présent et dans l'avenir, de nouvelles ressources à la classe labo- rieuse. Le seul reproche qu’on pourrait peut-être lui faire, c'est qu’il de- manderait seize années de soins et de travail. Mais n'oublions pas que pour obtenir l’économie désirée et indispensable au succès, nous devons procéder avec l’aide du temps et diminuer, autant que possible, la main- d'œuvre, pour appeler à notre secours les forces de la nature.

De tous les systèmes de défrichement et d'exploitation proposés jus- qu'à ce jour, celui de M. Rieffel, agronome des plus éclairés et des plus distingués, a surtout attiré notre attention, parce que, plus que tous les autres, il tend à l’économie. Nous le reproduirons ici, pour le faire servir de point de comparaison au nôtre. Voici ce système :

« Étant donné un domaine de 500 hectares de landes, toutes ou presque toutes incultes, dans les circonstances ordinaires de ces terres, sans bâtiments, avec une population faible et ignorante, voici, selon moi, la marche la plus économique et la plus productive à suivre, pour arriver,

1 Boïtard, L c., p. 277. Thouin, L c., t. IN, pp. 29-58. Tome XXI. 7

50 SUR LE DÉFRICHEMENT

après une période de 25 ans, à posséder une propriété en pleim rapport, qui aurait coûté 100,000 francs de dépenses, et qui, après ce laps de temps, donnerait un revenu de 10 p. c. et aurait une valeur vénale de 400,000 francs.

» Ainsi donc, je prendrai, dans l'exemple que je pose, le pin maritime pour pivot de l'affaire ; c’est une des combinaisons qui demandent lemoins de connaissances spéciales, et avec laquelle, quoi qu’il arrive par la suite, il restera toujours sur le sol une création de richesses.

» Sur la surface de mes landes, je commencerais par chercher les 50 hectares qui me paraîtraient les plus faciles à mettre en prairies irriguées. C'est que j'établirais mon habitation et le foyer vivifiant de l'avenir. J'estime que pour ces constructions , le défrichement et la conversion de ces landes en prairies irriguées, il faudra 50,000 francs. Cette opération demandera au moins cinq années, et les récoltes aideront à faire vivre la famille.

» Dans le même temps, je sèmerais, chaque année, 50 hectares de pins maritimes sur écobuage. En supposant une avance première de 200 francs par hectare, c’est un capital de 10,000 francs à consacrer annuel- lement à l'opération de l’écobuage. Mais la vente du grain remboursant, chaque année, la somme ou à peu près, il suffit que l’avance soit faite une fois. J'ai expliqué (dans lAgriculteur de l'Ouest, t. I, p. 40) ce mode de semis des pins qui rembourse tous ses frais en un an. Je répèterais cette opéra- tion pendant neuf années, et la neuvième j'aurais 450 hectares de pins maritimes de tous âges, et 50 hectares de prairies irriguées d’un grand rapport.

» Il est facile de comprendre combien ce système, si simple, doit être avantageux. Après la vente du grain de l’écobuage, on a tous les ans les pailles de 50 hectares ; ces pailles, converties en fumier, seront toutes mises sur les prairies, et quand les pailles de 450 hectares auront servi à féconder 50 hectares de prairies, celles-ci devront être bonnes.

» Pour consommer ces pailles et les réduire en fumier, rien ne sera plus avantageux, dans les premières années surtout, qu'un grand troupeau de bêtes à laine commune. Ce troupeau, bien conduit par un berger

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 51

habile, sera une excellente cheville ouvrière dans cette machine. On cal- culera d'abord le nombre des bêtes pour 400 hectares de landes; puis, on diminuera peu à peu le troupeau au fur et à mesure des semis de pins; car il ne faut pas mettre les moutons en contact avec les jeunes pins, avant que ceux-ci aient atteint cinq ans : ils les dévoreraient tous. Quand les premiers pins semés auront cinq ans, il restera encore 200 hectares de landes, de façon qu'on pourra toujours avoir, en moyenne, un pâätu- rage de 250 hectares pour les bêtes à laine.

» Je suppose que, arrivé à la neuvième année, je n’aie bénéficié en rien, et que j'aie dépensé :

{5 En batiments etimoblien ts... fr". 30000.» COMENT AIRIS A ds clin: ee pos ln 000 DOM DESIRE A EN EE RME CE EE ST EEE 000 #5 dPHEnsemisdeipinslt 06h25 one auMatn140/0001

Toraz . . .fr. 60,000 >

» Cependant, la dernière année de l’écobuage, les 10,000 francs pri- mitivement avancés à cet effet, devront me rester après la vente de la ré- colte. Mais j'admets que tout soit dépensé; j'admets même que la masse des fumiers amassés m'ait conduit à faire une plus grande quantité de prai- ries, et qu'en définitive, à la neuvième année, je sois arrivé à une dé- pense totale de 80,000 francs sur mon capital de 100,000 francs.

» Quelles seront à cette époque mes recettes ?

» Les 50 hectares de prairies, fruit de neuf années de soins, de tra- vaux et de fumures surabondantes, avec irrigation, ne peuvent pas être estimés à un rendement moindre de 4,000 kilogr. de foin par hectare. C’est une récolte annuelle de 200,000 kilogr. de foin.

200,000 kilogr. de foin, à 56 fr. les 4,000 kilogr., font . .fr. 7,200 » Mettons pour le produit net du troupeau . . . . . . . . 1,800 »

Revenu . . .fr. ‘9,000 »

» I résultera de notre opération qu'à la fin de la neuvième année,

52 ‘SUR! LE DÉFRICHEMENT

après une dépense de 80,000 francs , nous aurons sur la lande qui ne pro- duisait rien, un revenu de 9,000 franes, ettau moins 400 hectares en bois de pins. Il me semble qu'il y a peu de systèmes d'exploitation qui nous eussent conduits à ce résultat avec moins de dépenses et surtout avec moins de peines et de soucis. On pourrait se reposer paisiblement.

» Mais on veut aller plus loin. Notre entreprise a été calculée pour vingt-cinq années, et on ne désirerait pas garder tant de bois. On aimerait à peupler le domaine d'habitations et de produits de toute nature.

» Nous habitons un pays à métayage, et il nous est prouvé que de long- temps nous ne pourrons pas changer les mœurs et les habitudes de la po- pulation. Notre intention est donc de faire des métairies de 25 hectares chacune.

» En prenant tous les ans vingt-cinq hectares sur nos pins, nous arri- verons à la vingt-cinquième année, ayant quinze métairies , et il nous res- tera encore 7 hectares de pins de 16, 17 et 18 ans.

» La propriété sera alors ainsi composée :

Prairies du propriétaire. 2.412.142 : + . : : . : 50 hectares.

ADEME ES GERS EE D

LoN E t Let PR MEN NES Sr. Mme ŒorTan..|..,., +200,

» Et la création de ces 15 métairies ne nous aura rien coûté, attendu que 25 hectares de bois de pins maritimes, abattus à l’âge de 14 ans, comme ce sera le cas, peuvent produire une somme de 5,750 francs, soit 150 francs par hectare. Cette somme sera souvent plus que suffisante, dans nos pays, pour construire une métairie et avancer au colon la moitié du cheptel en bétail et en engrais, surtout après un défrichement de bois; car il n’est pas indifférent de créer une culture sur un défriche- ment de bois ou sur celui d’une lande. Le sol qui a passé 14 années sous le bois, a acquis par un degré de fécondité supérieur à la lande. Couverte de débris de feuilles et d'insectes, travaillée par de nombreuses racines des arbres, la terre, physiquement et chimiquement, n’est plus la même.

DES TERRES HINCULTES DE! LA BELGIQUE. 55

Le temps et la nature ont travaillé ici pour l'homme: Mais s'il: fallait d’autres fonds , nous avons une réserve ‘de 20,000 francs que nous ap- pliquons, et les 100,000 francs sont dépensés.

» Dans l'état actuel des choses, on ne peut pas estimer que chacune de ces métairies rapporte moins de 500 francs nets, ou 20 francs par hectare. Le revenu du propriétaire, à la 25° année, pourra alors être définitivement établi ainsi :

PTS RS SE RS Al PA de ee D NO 0N AD DELAI A OO EN Le MUR me ee el Te DO JE "hectäres"de Dors 2, CHIMIE TONI) FE NO MUOTSE EF

Troupeaux (mémoire) .

Toraz. . . . 15,200

» Dans les calculs que j'ai donnés des prairies, je n'ai prendre que la valeur du foin, parce qu'on trouve généralement partout à vendre le foin à 56 francs les 1,000 kilogrammes. Les regains pourront sans doute être pâturés par les bêtes à cornes, dont je n’ai pas parlé. De tels détails tiennent tellement à l’organisation propre et aux connaissances de l’en- trepreneur , que dans le tableau du revenu définitif, il n’y aura peut- être plus de bêtes à laine, je n’en fais état que pour mémoire.

» En supposant que les 500 hectares de landes soient venus en héri- tage pour 50,000 francs, c’est-à-dire à raison de 100 francs l'hectare, ou qu'on les ait achetés à ce prix, voici alors la somme de l’acquisi-

tion : Première lestimation 4 41.1. 1402040, x . 14..07.1fr, 50,000 Avances de défrichement . . . . . . . . . . . . . . 100,000 Toraz pépensé. . . .fr. 150,000

» Le revenu serait donc de 10 p.°%, et une semblable terre se ven-

drait bien 400,000 francs !. »

1 J. Rieffel, le Cultivateur, journal des progrès agricoles, fondé en 1829, et adopté,en 1855, comme bulletin du cercle agricole de Paris ; octobre 1844, 16° année, 40° cahier, vol. XX, pp. 583-590.

4 SUR LE DÉFRICHEMENT

Malgré toute notre admiration pour le savant agronome français, nous osons croire notre système de production préférable au sien. Celui-ci, en effet, s’il était adopté pour l'exploitation de nos landes, aurait surtout l'inconvénient de nécessiter un second défrichement de la partie de ces landes que, dans le but social vers lequel nous tendons et même d'après les principes agronomiques, nous devrons consacrer à la culture des cé- réales. Ce n’est pas tout : la masse de bois de construction qui provien- drait des immenses plantes de sapins, si elle était versée tout à coup dans le commerce, aurait pour effet inévitable de nuire à nos bois, « dont la valeur n’est déjà que trop avilie !. » D'un autre côté, en suivant le mode tracé par M. Rieffel, nous retarderions inutilement l'époque la culture des céréales pourrait se faire avec profit pour le cultivateur, puisqu'après le second défrichement, nous serions obligé d'employer un temps encore très-long à l'amélioration complète de nos terres à céréales; car da pre- mière sole ne donnerait que de récolte; la deuxième, “°; la troi- sième, ‘/o*; la quatrième, 6/*; la cinquième, 7/5 ; la sixième, So et Ja septième, %% ou une récolte entière. Notre système ne présenterait au- cun de ces graves inconvénients, et les avances qu'il nécessiterait seraient, proportionnellement, moins fortes que dans l’autre, puisque nous n’au- rions pas de second défrichement à faire. Enfin, il est facile de se con- vaincre que notre système est aussi plus simple que ce dernier.

Nous pourrions terminer ici notre Mémoire, mais quelques points essentiels s'offrent pour ainsi dire spontanément encore à nos méditations. Adoptera-t-on, dans les contrées à défricher, la grande ou la petite culture, et lorsqu'il arrivera que le défricheur ne voudra pas continuer, par lui- même, l’exploitation des terres qu’il aura mises en valeur, de quelle ma- nière les fera-t-il valoir? les confiera-t-il à des fermiers ou à des métayers, ou bien encore les concèdera-t-il par emphytéose? Voilà plusieurs ques- tions économiques qui nous paraissent intimement liées à celle du choix d’un mode d'exploitation. Résolues, elles viendront compléter la nomen-

1 Discussion législative sur l'article Bois dans la question des droits différentiels. Monreur Brice des 50 et 51 mai 1844.

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE.

clature des procédés de fertilisation de nos landes et de nos bruyères. I est inutile de faire remarquer que les limites naturelles de notre Mé- moire ne nous permettent pas de traiter ces questions sous toutes leurs faces, et que nous devons nous borner à des indications générales.

Grande culture signifie l'exploitation du domaine rural par un petit nom- bre de grands entrepreneurs, et petite culture l'exploitation du sol par un grand nombre de petits entrepreneurs. L’une de ces deux espèces de cul- ture doit-elle être préférée à l’autre dans les contrées à défricher? D’après Thaër, « ou le sol est à un bas prix et le travail à un haut prix, on doit chercher à obtenir sur une grande surface et avec le moins de travail possible une certaine masse de produits ! ». Les circonstances qui déter- minent le savant agronome, se produisant dans la Campine et dans les Ar- dennes, ce serait donc la grande culture qu’il faudrait y adopter. Mais nous avons déjà fait remarquer, et l'expérience Fa prouvé suffisamment, que les capitaux et les travailleurs se portent ils peuvent trouver un em- ploi utile. D'ailleurs, si nous nous reportons au but social assigné au dé- frichement, nous ne pouvons accorder la préférence à la grande culture, car c’est la petite culture qui offrirait le plus de moyens d'amélioration de la condition de la classe laborieuse. Elle exigerait, en effet, un plus grand nombre de bras que la grande culture, et permettrait au journalier de devenir propriétaire foncier, soit immédiatement, s’il avait quelques fonds à sa disposition, soit par la suite, en se créant un petit capital par les économies qu’il aurait confiées à la caisse d’épargnes. C'est, consé- quemment, la petite culture qu'il faut favoriser dans nos landes, et le gouvernement le pourra par les moyens que la législature ne manquera sans doute pas de mettre à sa disposition.

On nous objectera que pour que la puissance du capital et du travail puisse se développer tout à fait, il faut que ces deux instruments soient appliqués sur une grande échelle. À cela nous répondrons que quand on consulte l'intérêt général, il peut être préférable de favoriser un esprit

1 Principes raisonnés d'agriculture , traduits de l'allemand par le baron Crud; édit., Paris, Cherbuliez, t. 1°, pp. 135 et suiv.

36 SUR LE DÉFRICHEMENT

d'ordre et d'industrie parmi la foule des petits entrepreneurs, qu'une forte production et de fortes économies dans un petit nombre de grands entre- preneurs. À l’appui de cette opinion, nous rappellerons les funestes effets qu'a produits la grande culture chez les populations rurales de la Grande- Bretagne; et à nos yeux, ils parlent plus haut que l'intérêt bien entendu des grands entrepreneurs. Nous admirons les campagnes si soignées et si riches du Royaume-Uni, mais nous ne pouvons nous empêcher de gémir sur la misère qui accable sa malheureuse population agricole.

Est-ce à dire, cependant, que la petite culture doive seule être introduite dans les contrées à défricher ? Nullement; car, ainsi que nous l'avons fait remarquer, le défrichement doit, selon nous, devenir en même temps un moyen d'aider aux perfectionnements que réclame chez nous l'agricul- ture, et ceux-ci doivent, de leur côté, venir en aide au défrichement, en répandant la connaissance des procédés économiques d'exploitation. Or, les améliorations agricoles demandent une action large et une grande étendue de terrains. Du reste, nous sommes loin de vouloir établir une règle absolue à l'égard de l'étendue à donner aux fermes. Ici tout dépend des circonstances : l'exposition, la nature du sol, les marchés, le montant des capitaux des entrepreneurs, tout peut exercer de l'influence sur la décision pratique de la question. Quoi qu'il en soit, nous ne sommes pas appelé à trancher la question si controversée de la grande culture et de la petite culture. Les motifs de notre préférence dans le cas qui nous occupe, reposent sur le but social que nous voulons atteindre; et nous croyons qu'il est à désirer qu'une grande partie de nos landes, la moitié au moins, sGit réservée à la petite culture. Combinée, d’ail- leurs, avec la grande culture, elle assurera l'alimentation convenable des marchés.

Passons à l'examen des différents modes employés pour faire valoir les terres. Quand le propriétaire foncier ne veut ou ne peut pas faire valoir lui-même ses terres, il en confie l'exploitation soit à des fermiers en les leur donnant à bail, soit à des métayers. Dans le premier cas, l'entrepreneur fait toutes les espèces d’avances en travail et en capital, paye l'impôt, re-

ot. ét mes nd er

DES TERRES :INCULTES:DE! LA! BELGIQUE. byi

cueille tous les profits et assure au propriétaire ‘une rente fixée d’avance. Ge mode d'exploitation est avantageux au fermier, parce! qu'il lui permet d’accumuler et de se créér ainsi les moyens de devenir lui-même proprié- taire avec le temps. Cette manière de'faire. valoir les terres st aussi favo- rable à l'agriculture, lorsque les baux, sont à longs termes; ceux-ci, ‘en eflet, permettent d'introduire des ‘perfectionnements : agricoles, et un fermier intelligent et capable ne néglige jamais ces améliorations, parce qu’elles ont toujours pour eflet d'augmenter ses bénéfices.

Le métayer reçoit sa férme pourvue, de tout cequi est nécessaire pour la mettre.en valeur; il la maintient en état de:culture et remet la moitié de’toutes les récoltes au propriétaire.

3.-B. Say trouve ce genre d'exploitation misérable, parce qu'il est con- duit avec trop peu de capitaux, et; qu'il éteint fout encouragement pour économiser et pour faire des améliorations 1: Mais, ainsi que le fait re- marquer de Sismondi, le métayer n’a besoin que de fort peu de capitaux, puisqu'il reçoit les terres ensemencées et.en plein rapport; le propriétaire s'étant chargé de toutes les avances fondamentales, il suffit qu'il travaille pour les faire produire. D'un autre côté, si ce système de culture n’assure pas de grandes aceumulations et, par suite une augmentation sensible du capital national, ces inconvénients sont amplement compensés par le bien-être qu'ilassure à la, classe laborieuse?. « Celle-ci, en eflet, y trouve toutes les jouissances par lesquelles la libéralité de la nature récompense le travail de l’homme ; son industrie, son économie, le développement de sontintelligence augmentent régulièrement son aisance : dans les bonnes années, il jouit d’une sorte d’opulence; il ne demeure point exclu du festin de la nature qu'il prépare; il dirige ses travaux d’après sa propre pru- dence, et il plante pour que ses enfants recueillent les fruits. Le métayage, du reste, est aussi avantageux au pays même qu'au paysan; il peut tout ensemble rendre très-heureuse la classe inférieure vivant du travail de ses mains , et tirer de la terre des fruits abondants, pour les répandre avec

Cours complet, ete., partie, chap. IV. 2 Nouveaux principes d'économie politique ou de la richesse dans ses rapports avec la population. édit. Paris, Delaunay, 4827, pp. 192-194. Towe XXI. 8

58 SUR LE DÉFRICHEMENT

profusion entre les hommes ! ». D'un autre côté, le métayage, s’il était organisé de la manière indiquée par M. Raïngo, assurerait des bénéfices raisonnables au propriétaire foncier ?.

Le bon aménagement des terres d’un pays exige qu’il y ait de grandes et de petites cultures, et les principes de la formation et du partage des richesses réclament également cette division. Aussi nous garderons- nous bien d’être exclusif dans le choix de l’un ou de l’autre des deux systèmes à bail ou à métayage. En nous attachant à faire ressortir les avantages de ce dernier système, nous avons voulu montrer seulement que le gouvernement peut, sans danger, le favoriser, jusqu’à un certain point, dans l'intérêt de la classe laborieuse; par exemple, en subordonnant à son adoption, pour une partie de nos landes, les encouragements qu'il accordera aux entrepreneurs du défrichement.

Mais il est un autre mode de fermage qui nous paraît surtout convenir pour les terrains communaux : nous voulons parler du bail emphytéo- tique. M. Florez Estrada en a si bien retracé les avantages , que nous ne croyons pouvoir mieux faire que de le laisser parler ici pour nous. « L’em- phytéose, dit l'illustre économiste, qui rend le fermier copropriétaire, a été l'invention la plus utile à l’industrie agricole. Ce système garantit au cultivateur la récompense complète du capital et du travail qu’il emploie dans les terres d'autrui, et le porte à donner à leur culture les soins qu’il prodiguerait aux siennes propres; c’est le seul qui puisse réunir dans une même personne l'intérêt du propriétaire et le zèle du cultivateur. Il n’est aucune autre méthode d’affermer la terre, qui offre plus de garanties au propriétaire pour le payement de ses rentes et au fermier pour la rentrée des utilités du capital et du travail qu'il emploie; c’est encore celle qui donne au cultivateur le plus de moyens de s'enrichir, et qui le porte le plus à améliorer la terre qu'il cultive 5. »

Nous terminerons, en résumant les matières traitées dans notre Mé- moire : il peut être ramené aux points suivants :

! De Sismondi, Loco citato. ? Raingo, loco cilalo. ? Cours éclectique d'écon. polit., trad. de l'espagnol, par Galibert. Paris, Treuttel, 1853, t. Il, p. 63.

DES TERRES INCULTES DE LA BELGIQUE. 59

L'ignorance de modes d'exploitation économiques est la principale cause de l’état de stérilité de la Campine et des Ardennes; l'absence de voies de communication, le manque de bras et l'insuffisance des capitaux ne doivent être considérés que comme causes secondaires.

Avant de se livrer à la recherche du système d’exploitation le plus con- venable, il est indispensable d'étudier le climat et le sol des contrées à défricher.

Cette étude doit être suivie de celle des moyens d'améliorer le sol, afin de le rendre le plus propre possible à la production.

Comme on assigne un but social au défrichement , cette opération doit être dirigée de manière à satisfaire aux besoins du pays.

Le défrichement pouvant devenir un moyen d’aider aux perfectionne- ments dont l’agriculture est reconnue susceptible en Belgique, il importe de rechercher comment on pourrait parvenir à ces améliorations.

Le système d'exploitation le plus économiqne, celui qui donnerait en même temps des profits raisonnables, qui conduirait le plus sûrement au but social assigné au défrichement, et qui serait aussi le plus conforme aux principes agronomiques, celui donc qu'il conviendrait d'adopter dans les contrées à défricher, ne peut être autre que le système des assole- ments.

Toutefois une partie de nos landes doit être réservée au reboisement reconnu nécessaire ; une autre partie doit rester affectée au pâturage commun.

Dans l'intérêt de la classe laborieuse, la moitié de nos terres incultes doit, autant que possible, être attribuée à la petite culture, l'autre moitié à la grande culture.

Dans le même but, le gouvernement doit favoriser le mode de faire valoir les terres connues sous le nom de métayage.

L’emphytéose est le mode de fermage qui convient le mieux pour les terrains COMMunaux.

Avant de finir, nous réclamerons toute l’indulgence de l'Académie pour notre faible travail. Si, malgré notre insuffisance, nous avons eu le cou-

60 SUR LE DÉFRICHEMENT, exc.

rage d'aborder le problème, si grave et si difficile, du défrichement, c'est qu'il nous a paru gros d'avenir, et que nous n'avons pu résister au désir que nous éprouvions d'aider, autant que nos moyens pouvaient nous le permettre, à sa solution : tout bon citoyen doit faire servir ses connais- sances au bien de son pays.

15 décembre 1845.

FIN.

DE BASILICIS LIBRI III. 145

Orientem versus magnum altumque vestibulum (rsérve) Paulinus exstruxit, quod murum ecclesiae aulam circumdantem ita superabat, ut etiam üis, qui extra murum starent, internarum rerum adspectum amplum praeberet earumque rerum visendarum studium excitaret. Post vestibulum constituit atrium quadrangulum quatuor intus ornatum porticibus, quarum inter- columnia cancellis ligneis et reticulatis clausa medium atrii spatium aper- tum cingebant. In medio vero spatio aperto cantharus seu piscina (xpñvar) fuit, qui sacra interna adituris aptum praebebat lavacrum, ne impuris pe- dibus templi limina transgrederentur. Ceterum hoc atrium non solum in- gredientibus Christianis rite lavandi opportunitatem sed etiam Catechumenis christiana institutione nondum imbutis aptum commorandi locum praebuit, totique aedificio eximiam dignitatem adjunxit.

Atrio conjunctum erat templum, quod per tres portas intrari licebat. Quas portas ita perfici jussit, ut media laterales et magnitudine et ampli- tudine longe superaret, aeneisque ornamentis, uti regina inter satellites , longe excelleret. Pari modo in utroque latere templi tres portas constituit, et supra porticus, quibus templum in utroque latere instructum erat, fenes- tras faciendas atque intestino opere ornandas curavit, quae largiorem lucem medio spatio infunderent. Medium spatium, quod Eusebius in H. E., Basieey os», in Const. laud., cap. IX, évéxropx appellavit, insigni fuit magnitudine et altitudine, atque eximia pulcritudine excelluit. In extremo, ut videtur, spatio medio altissimam constituit aram, eamque superis principum ecclesiasticorum sedibus et inferis reliquorum clericorum subselliis eir- cumdatam multitudini inaccessam reddidit pulcerrimis cancellis. Ceterum basilicae solum marmoribus splendidis stratum lacunaribus auro fulgenti- bus optime respondebat. In utroque vero externo basilicae latere ad portas, quae per porticus viam in medium spatium aperiebant, exedrae et conclavia maxima in usum baptizandorum exstructa reperiebantur. (Vid. tab. VIT, 2.)

Ex hac igitur Eusebii descriptione recte conjici videtur, ecclesiam Ty-

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Tome XXL. 49

146 DE BASILICIS LIBRI HT.

riam ejusdem generis fuisse atque illas, quae posteriore tempore basilicae sunt appellatae. Nam quae in ea commemorantur porticus, eas non extrin- secus, sed intus fuisse, ut recte visum est Bunsenio !, vel inde apparet, quod portae, per quas aditus ad basilicam pateret, ternae in utraque por- ticu fuisse atque ad easdem portas maxima conclavia fuisse narrantur. Hinc enim manifestum est, parietes porticuum non intus ad medium basilicae spatium sed extrinsecus positos fuisse, quum, quae ad portas exstructae fuisse traduntur exedrae maximaque conclavia procul dubio nec inter co- lumnas nec ante, sed ad parietes porticuum aedificatae esse deberent.

Itaque Paulini opus ex tribus illis, quas primi generis basilicarum pro- prias fuisse dixi, constabat partibus, vestibulo, atrio et templo sive basi- lica. Quod enim Bunsenio placuit, in eadem ecclesia etiam apsidem atque ante eam transversam ambulationem fuisse, adjectis in utroque latere con- clavibus, id equidem ex Eusebii verbis elicere non possum. Nam verba p amas TE Tüy dla ayuov DuctasTpioy EV éd JE nihil aliud significant nisi hoc, aram (ro &yev Suaasripu) inter medias sedes clericorum esse collocatam , non id, quod Bunsenius voluit : aram inter oblongum basilicae spatium et, quam sedibus clericorum significatam vult, apsidem, in transversa ambulatione exstructam esse. Quod si indicare voluisset Eusebius, haud dubie transversam ambulationem pariter atque apsidem, insignes basilica- rum parties, suis nominibus designare atque ambulationis inter oblongum spatium atque apsidem situm non vocibus & péso Sex, sed potius verbis peraËd to mpuruaiou nai toù Bacuheiou oùxou significare debuit.

Alterius christianarum basilicarum generis insigne exemplum exhibet ecclesiae christianae in sepulero Domini exstructae descriptio, quae licet paulo obscurior sit, tamen ipsam basilicae structuram satis declarat. At- que, ut reliqua mittamus, tres potissimum sunt acdificii partes, quas duce Eusebio (Vitae Const., HE, 55 et seqq.) accuratius pertractabimus ?. Ac primo quidem loco, quasi totius operis caput, commemoratur sanctum sepulcrum (=à isèv ave), eximiis columnis et summo decore ornatum (tab. VIT,

1 Bunsen, Die Basiliken des christl. Rom., pag. 32. Das innere hatte ein Hauptschiff und zwei Nebenschiffe mit doppelter Süulenstellung.

? Euseb., Vit. Const., NI, 34 : Toÿro (rù avrpoy) pèy oùy mpéroy, Gouve rod ravrès xepæhÿy, éEcupé-

TOIS KioG1, ÉD TE MAEÏOTO KATEMOIXIMAEY Y BaoiAËue piAoTmix, rayroicis AA AGTIG HAT! xaTepeLd pÜvOUTE

DE BASILICIS LIBRI II. 147

fig. 5, À). Cujus lateri occidentali adjectum fuit permagnum atrium splen- didis lapidibus stratum, et in tribus lateribus instructum porticibus (tab. VIE, fig. 5, 5). In quarto vero atrii latere, ex adversum sanctum sepulcrum ad orientem vergente, regium templum (Basic veie) (tab. VIE, 5, 6) adjectum erat, opus ingens, immensa altitudine, latitudine atque longitudine. Cujus quanta fuerit pulcritudo, ex eo perspicitur, quod solum ejus atque parietes interni marmoribus obdueti, deinde tectum inaurato lacunari, quod maris ipstar totam basilicam tegeret, eamque auri fulgore collustraret, ornatum, denique porticus duplices et inferiores et superiores (rrôy atoûv dveyeloy Te ai raraysiuy Àdyuor Tapartädec ) in utroque templi latere longo constitutae tum altissimis columnis tum auratis contignationibus insignes fuisse narrantur. Aditum autem in basilicam amplissimum ape- riebant tres portae et ipsae ad orientem vergentes, quibus in vertice basilicae oppositum erat aedificii caput, Hemisphaerium sive apsis (tab. VIT, fig. 5, 7), quam duodecim columnae in capitibus argenteis vasis ornatae circumdabant. Ceterum ex aedibus modo descriptis egressos alterum atrium sive prior aula ante sanctum sepulcrum versus orientem sita por-

Cap. 35 : Aiéfeuve d éËgc Emi rapurnésy por, els xaSapèy aiSpioy dvaremrauésoy * cy dÿ MSc Aaurpèc are Tpouétos rEpidpôunis roy x rpirAcdpou repieyuerey. Cap. 36: To 90 xarayrixpd mheupo rod dyTpou,

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148 DE BASILICIS LIBRI IL.

ticibusque ornata (tab. VIL, fig. 5, 5), tum portae ejusdem atrii sive aulae (tab. VIT, fig. 5, 2), denique ad viam publicam extructa totius operis pro- pylaea (tab. VIF, fig. 5, 1) excipiebant. Quae Eusebii descriptio, etsi in extrema parte non satis plana et perspicua esse videtur, tamen manifesto docet, sancti sepulcri eeclesiam jam ab ipso Constantino eodem sensu basi- licam esse appellatam, quo nos quoque ecclesias, vestibulo, atrio et oblonga domo cum porticibus et apside constantes, basilicas solemus appellare. Nam Hierosolymitanam quoque basilicam neque vestibulo neque apside caruisse, quivis facile concedet, qui totius operis propylaea pro vestibulo mecum habere voluerit. Quare eandem ecclesiam pro alterius basilicarum generis exemplo quinque partito equidem proponere non dubitavi.

Eidem generi basilicarum adnumerandam esse basilicam divi Felicis, a Paulino Nolano quum in Ep. XXXIT 10-16 ad Severum, tum in Poematis natal. XXIV, 562, sqq. et XXV, 55 sqq. 196, sqq, 266 sqq. descriptam, apparet ex his ejusdem scriptoris verbis (Ep. NXXIF ad Sever.) : « Totum » extra concham (apsidem) basilicae spatium, alto et lacunato culmine, » geminis utrimque porticibus dilatatur, quibus duplex per singulos » arcus columnarum ordo dirigitur; » deinde ex hisce verbis, quibus atrium describitur, Poem. natal., XXIV, 595 sqq :

Sed rursum redeamus in atria, conspice rursum Impositas longis duplicato tegmine cellas Porticibus , metanda bonis habitacula digne, Quos huc ad Saneti justum Felicis honorem Duxerit orandi studium non cura bibendi.

Nam quasi contignata sacris coenacula tectis, Spectant de superis altaria tota fenestris.

CAPUT II.

DE BASILICARUM CHRISTIANARUM ORIGINE.

1. De origine basilicarum christianarum qui hucusque disputarunt vir docti fere omnes in eo consentiunt , ut illas sacras a profanis veterum Ro-

DE BASILICIS LIBRI IE. 149

manorum basilicis originem duxisse existiment. Sed in eo tamen discre- pant illi viri docti, quod alii ! basilicas Romanorum profanas in basilicas christianas transformatas, ali ? basilicas christianas ad formam profana- rum exstructas esse dicunt. Jam ii, quos priore loco posui, sententiam suam duobus argumentis defendunt, quorum alterum Ausonii nititur auc- toritate, qui in Gratiarum actione pro consulatu, p. 190, $ 5 (ed. Valpy, No. 419), ad Imperatorem Gratianum haec habet verba : « Basilica olim negotiis plena, nunc votis pro tua salute susceptis » ; alterum ab Italicarum quarundam basilicarum, veluti basilicae Sicinianae 5 et basilicae ad lacum Fucinum prope Albam # sitae, petitum est exemplis, quas e profanis sa- cras factas esse affirmant.

Quae argumenta facili negotio videntur refutari posse. Nam quam Au- sonius commemoravit basilicam, eam non necesse est haberi pro aede sacra Christianorum, quod inde apparet, quod in locis publicis, maxime- que in basilicis, saepissime suspendebantur tabulae votivae, quibus in- scripta essent vota pro alicujus salute suscepta Ÿ. Itaque Ausonius his verbis significasse videtur, basilicam, uti olim propter turbida tempora litibus causisque agendis, ita nunc propter otium pacemque a Gratiano restitutam votis plenam esse pro ejusdem salute susceptis. Neque fieri fa- cile potuit, ut basilicae profanae christiano cultui traderentur, quum, quae in illis tractari solerent negotia causaeque forenses, eas eo tempore sublatas esse credibile non sit, ex quo Romani amplexi sunt sacra chris- tiana. Quod si quae antea ad exstruendas basilicas Romanos compulissent causae, eaedem etiam suscepta disciplina christiana perduraverunt, sponte apparet, basilicas easdem ob causas, ob quas olim aedificatae essent, etiam tune conservandas fuisse. Quare non mirum est, quod Romae basilica Ul-

1 Bingham., Origg. Eccl., vol. WE, pag. 491, $ 5. Hoffstadt : Gothisches À B C buch, pag. 260.

? Bunsen, Die Basiliken d. ch. R., pag. 19. Kugler, Kunstblatt., 1842, 84. Canina, Ricerche 8. a. p.p. d.t. cr., pag. 19. Pauly, Real-Encyclopaedie d. KL. Alterth. in voce basilica.. Haase, Kir- chengeschichte, X, pag. 172. Von Quast, Die Basilika der Alten, pag. 6.

5 Ciampini, Veter, Monum., 1, pag. 244.

# Hirt, Geschichte der Baukunst, tom, I, 5, $ 3.

5 Ausonius respicit morem vola pro Imperatore faciendi, qui mos adeo solemnis fuit, ut auctore Dione, ob eundem omissum Tiberius acriter increparet Rhodiorum Magistratum. Vid. Bulenger.,

Amp. Rom., cap. ult.

150 DE BASILICIS LIBRI HI.

pia ! saeculo IX aerae Christ, et Constantinopoli basilicae regiae ? saeculo etiam XIII superstites commemorantur.

Quod autem dicunt viri docti basilicam Sicinianam atque ecclesiam Al- banam ad lacum Fucinum basilicas profanas fuisse, id jam compertum est mero niti errore. Nam Sicinianam sive Liberianam basilicam esse ec- clesiam, quam hodie basilicam Sanctae Mariae Majoris appellant, neque illam ab Ethnicis, sed a pontifice Liberio a. 565, p. G. N. exstructam esse, docuit Urlichius, Beschreib. d. St. R., HE, p. 215 et seq. Cf. etiam Canina, Ricerche, etc., pag. 62, quibus addi possunt, quae nos supra lib. II, cap. VI, S 5, scripsimus de ecclesia Sancti Andreae, quam male a quibusdam pro basilica Siciniana habitam neque a Gentilibus, sed a Christianis saec. V exstructam esse, satis nobis videmur demonstrasse. Albanam vero eccle- siam non basilicam, sed templum peripterum fuisse affirmavit vir praeno- bilissimus de Quast.5, cujus in his rebus tanto major est fides et auctoritas, quum ipse suis oculis viderit antiqua Italiae monumenta. Praeterea nemo scriptorum veterum basilicam forensem in basilicam sacram conversam esse narravit; quodsi unquam factum esset, tanto minus illi silentio prae- terivissent, quo accuratius recensent templa ex antiquo Paganorum ad no- vum Christianorum cultum translata #.

2. Multo sane cautius, quam illi, quos modo refutavi, versati sunt li, qui Christianos basilicarum suarum formas a Paganorum basilicis foren- sibus mutuatos esse dixerunt ÿ. Cujus sententiae duae potissimum aflerun- tur causae, altera in nominis convenientia, altera in formae, quae puta- batur, similitudine posita. Quibus quidem causis quantum tribuendum

1 Nid. Beschreibung der Stadt Rom, tom. IE, 2, pag. 285.

2 Paul. Ramnus, De bello Const., M, pag. 61 : « Templorum numerum Deo Coelitibusque dica- torum , atque ipsum demum Sophianum templum , Justiniani opus, generosi operis mole, sed ex- celsis potissimum plumbeis testudinibus, reliqua urbis aedificia superans, maximum numerum Palatiorum , Thermarum, Basilicarum regiarum et Xenodochiorum, quantum nemo nisi oculis subjectum, unquam crederet, intuili, aegre inde lumina dejiciebant.

5 Die Basilika der Alten, pag. 11.

# Bingham., Orig. eccl., vol. M, lib. VI, cap. 2, $ 4, pag. 164 et seq.

5 Vid. praeter ceteros Agincourt, Histoire de l'art, tom. 1, Architecture, pag. 14 et quos supra citavi p. 149, not. 2.

DE BASILICIS LIBRI IT. 151

sit, jam paulo accuratius investigandum est. Et de nomine quidem basili- carum infra sigillatim dicturus sum; de formae autem similitudine non aliter judicari potest, nisi accurate inter se comparaverimus ea , quae su- pra lib. IT, cap. 2, $ 4, de profanarum et hujus libri, cap. 2, K 2, de sa- crarum basilicarum forma disputata sunt. Haec igitur qui inter se compa- raverit, is sane nonnullam similitudinem inter utriusque generis basilicas intercessisse fatebitur; sed illam neque in üis, ad quas vulgo provocant, partibus positam, neque tantam esse inveniet, ut proinde alterum genus ex altero natum esse existimandum sit. Sunt autem duae maxime partes, quas in utroque genere simillimas fuisse dicunt, apsis seu exedra atque porticus, quibus addunt etiam universam utriusque generis magnitudinem et magnificentiam. At de porticibus quidem pariter atque de amplitudine et splendore consentio, quamquam ne porticus quidem in christianis basi- licis plane eodem modo quo in forensibus constitutae fuerunt. Quam vero ex apside repetunt similitudinem, eam nullam prorsus fuisse, concedet, qui forenses basilicas apside plane caruisse mecum intellexerit. Contra jure mireris, eam partem a viris doctis neglectam esse, ad quam vel maxime provocare poterant ; tectum dico mediani spatii super porticuum tectis po- situm, quod supra demonstravi basilicarum adeo proprium fuisse, ut hoc uno maxime a reliquis publicorum aedificiorum generibus discernerentur. Sed ut lubens concedam, his duabus partibus, porticibus et mediant spati tecto, utrasque basilicas similes inter se fuisse, tamen eaedem basilicae tot tantisque rebus inter se differebant, ut vix credi possit, alterum genus ad alterius exemplum aedificatum esse. Nam primum quidem hae ipsae partes, quos modo commemoravi, licet utrique generi communes, tamen in utroque admodum fuerunt diversae. Et porticus quidem im Romanis basilicis undique, in christianis ad utrumque tantum parietem longum collocatae fuerunt; tectum autem mediani spatii ob id ipsum, quod in christianis basilicis duabus tantum porticibus niteretur, in his aliter, quam in forensibus comparatum fuisse, consentaneum est. Atque similiter etiam aditus maximus, qui a neutro genere abesse potuit, ea tenus tamen in utro- que diversus fuit, quod in forensibus basilicis plerumque in uno alterove

qui in publicum vergeret, pariete longo, in christianis autem basilicis in

152 DE BASILICIS LIBRI II.

brevi, maximeque in orientali latere, soleret collocari. Quae autem prae- terea recenseri possunt basilicarum partes, eae omnes alterutrius tantum generis propriae et peculiares fuerunt; cujus rei exempla sunt Chalcidica, quae solis forensibus, porro atrium cum vestibulo, cantharus, transversa ambulatio et, quae supra commemorata est, apsis, quae omnia solarum christianarum basilicarum propria fuisse reperiuntur. Quo accedit , quod ipsius areae symmetria in christianis basilicis exempta est iis legibus, quibus basilicae Romanae erant adstrictae. Quae quum ita sint, apparet, multo majorem fuisse earum , quae discreparent, quam quae convenirent, partium numerum. Quae autem convenirent inter se utriusque generis partes, porticus puta et mediani spatii tectum, eas ad solum templum, quod proprie dicitur, sive ad domum oblongam pertinuisse apparet. Quam ob rem, si quidquam, hanc unam partem ab antiquis ad christianas basi- licas concesserim translatam esse. Quamquam ut ne hoc quidem facile concedam, his maxime moveor causis, primum quod porticuum quoque et tecti mediani licet similis in utroque genere, tamen non eadem fuit structura, deinde quod per se parum credibile est, aliquas tantum sacra- rum basilicarum partes a Romanis petitas, reliquas autem omnes aliunde adsumptas esse. Imo quum dubitari non possit, aliam rationem sequutos esse, qui sacras, aliam qui profanas basilicas exstruxerunt, multo mihi quidem videtur esse verisimilius, Christianos, etiamsi nonnulla similiter atque Pagani construxerint, tamen non tam illorum basilicas ümitatos, quam suO ipsorum usos esse ingenio.

>. Fuerunt etiam qui dicerent !, Christianos in basilicis suis exstruen- dis templa hypaethra ex parte imitatos esse, neque male illi videntur ita statuisse. Nam qui Gentilium templa ad cultum christianum parum accom- modata fuisse affirmant, ipsorum Christianorum veterum optime refutan- tur exemplo. Quae enim Constantinus et qui eum sequuti sunt Imperatores dirui jusserant Gentilium fana, ea a Theodosio Magno ejusque successori- bus, quantum fieri potuit, conservata atque in ecclesias christianas conversa esse constat. De qua re copiose dixit Bingham., in Orig. eccl., vol. HF,

1! Kugler, Æunstblatt, 1842, 86, pag. 542, 2. Canina, Ricerche, elc., pag. 24.

DE BASILICIS LIBRI IL. 155

lib. VIIT, S IV, pag. 166 et seq., et Fabricius, in Roma, cap. IX. Hince au- tem factum est, ut etiamnunc exstent nonnulla Gentilium templa olim in ecclesias christianas transformata, veluti Parthenon et Theseum Athenis !, Pantheon Romae, templum peripterum Albae ad lacum Fucinum ?, deni- que complura templa in Dalmatia 5 nonnullisque insulis Graecis.

Imprimis autem templa hypaethra, si ab ambulationibus externis circa cellam positis discesseris, basilicis christianis simillima atque ob id ipsum christianae religioni exercendae aptissima videntur fuisse #. Etenim area eorum oblonga, porticibusque cincta, deinde locus, in quo Dei Deaeve simulacrum poni solebat 5, qui certe in nonnullis templis alius generis in apsidis formam erat redactus $, tum ipsum nomen medii spatii, quod äyirtopoy Nocatur 7, denique aditus maximus in brevi maximeque crientali latere collocatus, ea omnia optime respondent basilicarum christianarum structurae. Quin etiam aspersoria (zspcariox) in pronais collocata Ÿ cum cantharo in atrio basilicarum posito quodammodo videntur convenire. Quae omnia si reputaveris, vix negabis, magnam similitudinem interce- dere inter sacras basilicas atque Paganorum templa quum alia tum maxime hypaethra, quibus si tectum medii spatii imposueris, atriumque adje- ceris, fere nihil deesse videtur, quin pro basilicarum sacrarum exemplis haberi possint.

4. Nihilo tamen minus hanc quoque templorum similitudinem fortui-

Leake, Topograph. Athens, interp. Germ., pag. 42, 4; pag. 45, 19, not. 2, pag. 2.

2 Quast., Die Basilika der Alten, pag. 11.

5 Eeclesia metropolitana Salonae (! duomo di Spalatro), Neigebauer, Handbuch [. Reisende in Jtalien, in voce Dalmatien.

4 De templis hypaethris nuperrime scripsit C. F. Hermann. : Die Hypaethraltempel des Alter- thums. Goetting., 1845, pag. 6 et seq., et praeter eos, quos ille laudat, Voelkel über den grossen Tempel des Jupiter zu Olympia, pag. 39.

5 Hermann, LL, pag. 35 in calce.

6 Vid. ichnographiam templi Veneris et Romae ap. Hirtium., Gesch. d. B., tab. 48, 8, et ichno- graphiam templi Fortunae Pompeiis adhue conspieui in Goro von Agyagfalva Wander. d. Pompeii.

7 Plutarch., Periel., XI, pag. 459, 50, ed. Francof. ibique Sintenis. Coll. Euseb., Laud. Const., IX : Ejco

poy. Eig dupe Éralpcws vos.

8 Vid. Hermann. L. L, pag. 25, et quosille laudat, Lakemacher, Antiq., pag. 471. Wachsmuth., Hell. Alterth., , pag. 218. Boeckh., C. J., vol. [, pag. 188 : « Primum pronai vas est aspersorium, ex quo lustrentur ingressuri, quod utpote in basi fixum asrasr est, »

Tome XXI. 20

154 DE BASILICIS LIBRI III.

tam , formasque basilicarum, saeculo IV, exstructarum non ex gentilium templorum imitatione sed ex ipsa disciplinae christianae natura natas esse, facile sibi persuadebunt, qui quae fuerit illo tempore religionis christianae conditio, quidque in ecclesiis exstruendis postulaverint sacrorum usus et rationes accurate consideraverint perpenderintque. Nam quum tres essent Christianorum ordines, Clerici (#youevx), Fideles (more) et Catechumeni (44- emodpeva) |, etiam in templis christianis tria reperiebantur loca, in quibus illi pro sua quisque conditione rebus sacris interessent. Et Clerici quidem Fidelesque, quippe qui ad sacri cultus officia et ad interiorem sacrorum mysteriorum cognitionem admissi essent, tum propter sacrorum diuturni- tatem tum ad celanda mysteria indigebant locis, in quibus et tecto contra tempestatis molestias et cancellis parietibusque contra curiosam turbam defenderentur. Eandemque ob causam etiam Catechumenos ab initiatis se- gregari et sua utrisque loca assignari oportebat, quod ita fieri poterat, ut alteri in ipso templo, alteri in atrio templi congregarentur. Neque vero initiatos in templo inter se mixtos, sed Clericos a Laicis, itemque Laicos et pro sexu et pro vitae ratione sejunctos stare decebat. Itaque medium tem- pli spatium (+è dvixropor, ro Basüaiw) Clericis, latera vero (porticus) cancellis a medio spatio sejuncta, Laicis destinata fuerunt, ita quidem, ut in fine medii spatii circa aram maximam corona sedilium Clericis paratorum col- locata cerneretur ?, atque in latus boreale feminae, in meridionale mares convenirent 5. Praeterea Laici, quum et propter frequentiam et propter di- versas vitae rationes * discernendi esse viderentur, partim in solo templi

! Bingham., Orig. eccl., vol. 1, lib. 1, cap. IX, $ 4, pag. 51. ? Euseb., H. E., X, 4: "AAA 9%p de Lai rèy vedy Émitéécas, Spévoic TE Toie dyoräre els Thy Toy

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y xocuYTac ÉD) Erani TE TD TOY Ayicy dur Suciurrhpior 9 éco Sels adSIS mul rAdE de dv Ely Toi TonAOie aBura, rôie ro Ebhou TEPIÉPPUTTE dazdus #. 7. à. COÏ. Bingham., Orig. ecel., 1, Hb. IE, cap. 9, $ 7, pag. 141, et vol. E, lib. II, cap. 49, $ 5. 6, pag. 270 et seq.

5 Vid. supra pag. 1M, not. 5, et Amular., De off. eccl., IN, 2. « Maseuli stant in australi parte et feminae in boreali. »

4 Tertull., De virg. veland., IX. « Plane scio, alieubi virginem in viduatu ab annis nondum vi- ginti collocatam, cui si quid refrigerii debuerat episcopus, aliter utique salvo respectu disciplinae praestare potuisset, ne tale nune miraculum, ne dixerim monstrum in ecclesia denotaretur. » Bin- gham., O. E., vol. I, I, 22, 43, pag. 556; vol. I, VIII, 5, $ 6 et 9.

DE BASILICIS LIBRI II. 155

sedes acceperunt, partim in contignationibus !, quae porticuum columnis sustinebantur; atque haec ipsa causa fuit, eur media basilicae area in utroque latere longo porticibus cingeretur.

Eandem autem, quam modo exposuimus, basilicarum christianarum comparationem Constitulionum apostolicarum auctor significare videtur, quum qualis et domus dominicae structura et fidelium in illa congregatorum distributio esse debeat, his verbis declarat (Const. apost., I, 57, in Cote- lerii Patr. apost., vol. I, pag- 265 et seq-.) : Ka mpütoy pëy à oxoc EgTo) ÉTUUN4NS var dyarohàs terpauuévos, énatépoy Toy pEpüv Taotopépix Tpèc avatohv, GS TIS £oixe vnt * 221790 écos à Tod émerxémou Spévos, rap éxdrepa À atob xaTekéo de To pes (Bvrrpiou xai DixoVor TapiITÉ way EsTaheïs The TAEloVos écdnTes Écixaot YAp vVaÿtac TOLX A PXOLG- Tlpoyoiz dE rouruy els To ETE po pépos oi darroi a Sebés wo pETA NÉONS NoUtIas vai cÛtaËtas a YUVORES TEXOPISUÉVOS Ha adrar a Qté Suoa uv ayovsai * pécos À © dvæyvOTTNs gp dbnloë rives arc. Srmézoao À oi uèy rulwpol els tas claédous Tüv avp®y, phicaotes adras, d dénovar cle Tac To yuvainov. Et ® tic eûpe On mapa Témey naSebouevoc, mt TAnooÉGdw Ùno To Jiaudvou. Oi veurepor dx radebésSwsav, ay ñ Ténos, et À Un, oTmé- Togay &pSoi oi d TA Heeia Aôn mpolelinrères 2aSebécIuIay év Téber, Ta rudix ÉsTÔTA Rpoa- JapBovisSwoo arav ot ratépes nai puarépes. À vewrepor rade idix éd % Téros, et O Uye, emoSe Toy yuvady iordaSuse. Ài rapOévor À ai ai {por nai mpeBontc npôtu rarüv arnrétocoy 7 uaJetéo Sugar. Ecru di rüy térwy Tpoyoy © iéxovos, y ExagToc Ta ElTEP{OUÉ- voy eig Toy “doy TéTcy oppa Etenim verba oo Eco ET ANS xaT dyarohde TETPAUUÉVOS £Ë énatépoy Tüv pepôy rasrogépua Tpès dvarokm propterea aedem oblongam, ap- side carentem, significare videntur, quod scriptor, quum rasrogéguæ, hoc est Clericorum habitacula aedibus sacris adjicienda commemoravisset, haud dubie eam aedium sacrarum partem, quae multo pluris aestimanda erat, apsidem puta, praeterire non potuit, si modo illam aedibus sacris adiji- ciendam existimaret. Qua quidem aede hoc modo utendum esse censuit scriptor, ut solium episcopi Clericorum sedibus cireumdatum in medio poneretur (uésos à 705 émunémon Spévos meloves éaSgres), reliquum vero spatium Laicis et lectoribus concederetur (els vo ÉTEpOY pépos oi arret no Sets Duy3e0 pÉgos

d à évepoarne ép dfnhod rwss écris). Quae interni spatii distributio etsi non satis

1 Vid. Bingham., Orig. eccl., vol. D, lib. VUE, cap. 5, $ 7.

156 DE BASILICIS LIBRI I.

perspicua est, tamen hoc declarari videtur, episcopi solium in extremo spatio medio collocatum fuisse. Nam si totum spatium medium ecclesiae Clericis concedendum atque solium episcopi in media aede ponendum esse dicere scriptor voluisset, eas quae ad utrumque solit latus vacuae relin- querentur ecclesiae parties non ro Erepoy uépos, hoc est reliquam continentem partem, sed + £rpx pépn, hoc est reliquas duas partes interposito medio spatio disjunctas, appellare debebat. Jam vero quum + Etes uése scribere maluerit, totam ecclesiae aream in duas partes divisit, quarum alteram eamque procul dubio portis oppositam Clericis, alteram Laicis assignavit. Quae si recte statui, solium episcopi, uti in Tyria basilica, in fine medii spatii collocandum esse docetur. Quae autem Laicis relicta est aedis pars, ita partienda esse dicitur, ut lector (épées) medium spatium, reliqui Laici spatia ad utrumque aedis latus relicta tenerent. Itaque non injuria contendere mihi videor, quam ex Constitutionum apostolicarum loco erui aedium sacrarum distributionem cum iis, quae paullo ante disputavi, quo- dam modo congruere 1.

Attamen hanc interni spatii distributionem jam Constantini temporibus videmus eo paulisper immutatam esse, quod quae initio in fine médii spatii fuisse videtur sedum clericalium corona atque interdum etiam ara jam in apsidem relegabantur spatio medio e regione aditus adjectam. Cujus rei non alia causa fuisse videtur, nisi ejus spatii, quod Laicis con- cessum erat, amplificandi necessitas. Atque similem ob causam, quum quod circa aram esset spatium solemnibus ecclesiasticis non amplius suffi- ceret, ante apsidem ambulatio transversa, quae et aram et pompas ad eam ducendas in se reciperet, videtur constituta esse.

Fenestrae autem, quibus lux templo basilicae infunderetur, ita collo- cari debebant, ut, quae in basilica celebrarentur mysteria à profanis non cernerentur, sed totum tamen spatium internum coelesti luce collustrare- tur. Quam ob rem fenestrae neque in imo templi pariete, neque post por- ticus lucem impedientes, sed ita collocari debebant, ut facillime coelestem

1 Nolo tamen Constitutionum apostolicarum testimonio propterea multum tribuere, quod et res, quae in jis tractantur, et sermonis genus, quo conscriptae sunt, si non tempora Byzantino- rum, at certe tempora Juliano Apostata posteriora videntur redolere.

DE BASILICIS: LIBRI IL. 157

lucem immitterent. taque vix aptior locus fenestris inveniri potuit, quam spatium inter porticuum et mediani spatii tecta interpositum , quod ad similitudinem basilicarum forensium muro fenestrato impletum et interno spatio satis affundebat lucis et universo operi multum adferebat splendoris.

Quemadmodum autem ipsius templi, quod dicitur, basilicarum formae ita atria earum et vestibula e religionis cultusque christiani natura origi- nem videntur duxisse. Nam qui christianae ecclesiae baptismate nondum adscripti essent Catechumeni, porro qui propter peccata sua a concionibus sacris prohibiti essent poenitentes, denique, qui e Gentilibus Judaeisve christiana sacra vel e longinquo spectare cuperent, ii omnes quum ab ipso templo, quaeque ibi fierent mysteriis prohiberentur, haud dubie alium sibi postulabant locum, in quo tanquam in limine templi, commode ver- sari possent. Aique his omnibus atria basilicarum exstructa esse quum res ipsa docet, tum etiam Eusebius in descriptione basilicae Tyriae (H. E., X, 4) his verbis significare videtur : Ka FpôTA Uèv ETÉVTEY avtn À dar pr En Taie À Tüy rputuy elcaywyy deouévors xaToAdnAOY Tv pod FApE{oUEUN. Quamquam idem scriptor eadem atria etiam Fidelibus hoc commodi attulisse testatur, ut is intrantibus et commorandi locum et lavandi opportunitatem praeberent. Illotis enim loca sacra adire non licebat 1.

1 Euseb., L E., X, 4 : Eico apeASôpe1 ruAGy cÙx ES DS Évÿxe dy épyoic 44) dyixTois Too roy . Û , D x x = #! : S . DE LA) TC Oo eicédtyy. ré= Evdey ÉriBaivers Gyic) * diahaBèy dE mheïatoy 0007 METAaËD ToÙ TE ED, Hal TüY TpoTwy Ecolo, TÉTApoI

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icpoy ÉvTaUS x xaSæpoiwy Étiger comBcha, xpvas AyTIxpUs Els Tpécumo) ÉTicxEudéy TO VEQ, TOAND mEdpari Tod véparos, rot: repiBéas epôy Êr Êce rpoiodoi rhy érS86ibis rapeyoméres. Coll. Paul. Nolan. Ep. XII ad Severum : « Sancta nitens famulis interluit atria lymphis Cantharus intrantumque manus lavat amne ministro. » Porro Paul. Nolan., Carm. XXV, Poem. nat., X, vers. 38 et seqq. in descriptione atrii basilicae Nolanae haec habet :

Sed cireumjectis in porticibus spatiari

Copia larga subest , inter positisque columnas Cancellis fessos incumbere , et inde fluentes Aspectare jocos , pedibusque madentia siccis Cernere , nec calcare sola ; et certamine blando Mirari placido salienteis murmure fonteis.

Non solum hiberno placitura in tempore praesto est Commoditas, quia sie tecti juvat umbra per aestum.

158 DE BASILICIS LIBRI IIL.

Qui autem ante atrium exstructus erat aditus aut binis tantum quater- nisve constabat columnis, aut universi atrii latitudinem aequans amplum in se continebat vestibulum. Nam quo magnificentiores erant basilicae, tanto ampliore ornari solebant vestibulo, ut quae intus spectarentur mys- teria ipsius aditus magnifico indicarentur adspectu !. Ceterum pro docu- mentis eorum omnium, quae modo exposui, hae esse possunt basilicae : primum basilica Sancti Laurentii extra muros Romanos apside carens (tab. VIE, fig. 1), tum basilica Sanctae Agnetis antiqua, apside atque atrio instructa (tab. VII, fig. 6), denique basilica Vaticana antiqua (tab. VIT, fig. À) et basilica Sancti Pauli in via Ostiensi, utraque et apside cum trans- versa ambulatione et atrio cum vestibulo ornata.

Sed restat jam, ut doceam, mutatis ecclesiae christianae rationibus etiam basilicarum christianarum formas mutatas esse. Nam quae posteriore tempore supervacanea viderentur, amota, quae minus apta essent, immu- tata sunt. Quare quum post sublatam Gentilium superstitionem et post in- troductum infantium baptisma, denique post superatos Gentilium tyran- rannos laxatamque disciplinae ecclesiasticae severitatem, neque Infideles neque Catechumeni neque Lapsi amplius invenirentur, et si qui superessent alius generis poenitentes, et numero pauciores essent neque a templis prorsus viderentur arcendi, non mirum est, eum locum, qui his omnibus antea destinatus erat, atrium puta, aut ab antiquis ecclesiis remotum (v. c. a basilica Sanctae Agnetis, a basilica Sessoriana seu Sanctae Crucis Hie- rosolymitanae, ab ecclesia Sanctae Mariae in Dominica alisque), aut recen- tioribus basilicis plane non additum esse (v. c. basilicae Sanctae Mariae Majoris et aliis). Ac potuit hoc eo facilius fieri, quum qui in medio atrio positus fuerat cantharus posteriore tempore propter mutatum vestitum pe- dibus lavandis non amplius posset inservire. Îtaque in atrii locum jam suffectum est amplum atque splendidum vestibulum, quale in omnibus basilicis recentioribus conspicitur, eodemque loco, quae ex atrio servandae viderentur sedes poenitentium constitutae, et canthari quoque prope por-

1 Euseb., H. E.,X, 4: Hpérunos dE péya na eis Üoc Érypuéro pos arc dvicyoyros YAiou AxTIVas

dyareräcas, 4dy a vois maxpay repiBéñoy ÉËo iepoy Écrool, tÿs To Évdoy rappéoyey dpocyiay SÉae.

DE BASILICIS LIBRI II. 159

tam muro sunt affixi. Nam quae olim pedum manuumque lavatione signi- ficata erat animi purgatio, ea posteriore tempore, quemadmodum etiam nunc fit, paucis aquae guttis e sacra phiala haustis atque in faciem sparsis solebat indicari. Hinc autem factum est, ut amotis supervacaneis servatis- que necessariis basilicarum partibus novum prorsus oriretur basilicarum genus, quod quidem omnium recentissimum est, cujus exempla sunt ba- silica Sanctae Mariae Majoris, basilica Chrysogoni et fere omnes reliquae basilicae recentiores !.

Ceterum fatendum est, Romae etiamnunc nonnullas exstare basilicas, quae ad normam, quam supra posui, vix exigi posse videantur, veluti basi- licam Sessorianam , basilicam Sanctorum Quatuor Coronatorum, basilicam Sanctae Mariae in Ara Coeli !. Sed qui eas accurate examinaverit, facile, opinor, intelliget, earum formas neque ex ipsa religionis christianae in- dole, neque ex antiquorum aedificiorum imitatione, sed ex locorum, in quibus exstructae essent, natura, aut ex miro quodam conditoris invento profectas, aut etiam posteriore demum tempore mutatas ac depravatas esse.

Sed satis jam demonstravisse mihi videor, quod probaturus eram, quod- que etiam ab Agincourtio ? obiter monitum esse laetus intellexi, christia- nas basilicas non tam ex Romanarum forensium imitatione, quam ex ipsa ecclesiae cultusque christiani natura originem duxisse suam. Quae si recte disputata sunt, simul apparet, falsam esse criminationem eorum, qui Christianos propter ingenii sui imbecillitatem antiquarum basilicarum for- mas mutuatos esse dicant.

3 Vid. harum basilicarum ichnographias in Gutensohn und Knapp : Denkmale der christlichen Religion oder die Basiliken des christlichen Rom.; et Caninae : Ricerche s. arch. p. pr. dei tempj crisliant.

? Histoire de l'art, tom. 1, Architect, pag. 14.

160 DE BASILICIS:LIBRI IT:

CAPUT TH.

DE NOMINE BASILICARUM CHRISTIANARUM.

1. Aedes Christianorum sacras primum quidem pcsexripue SÂVE oxeus mpos- euxrrpés, deinde éxxnaias appellatas esse, quum jam a Binghamio, Orig. eccl., vol. ILE, lib. VIIT, cap. 1, $ 1 et 4, adnotatum sit, tum imprimis apparet ex his veterum scriptorum locis. Et Eusebius quidem, H. E., VIII, 1, 2, rerum christianarum incrementa jam ante Diocletianum facta de- scribens his utitur verbis : rc À a rc dxypäes tas puprivdpous Exetas uvæywyas Ha TX TON TOY xaTX TAG TOM ÉSPAGUÉTUY, TAS TE, ÉTIOMUOUS EV TOis TEOTEUXTNPIOLG auvopouas ; av dh Evexa padauds ETL Toi Tahouoi oixodounuact aproduevn, Ebpelas EG TAÏTOS dva Toicas Tas TOME Ex JEUEMQY AVOTOY ÉxXANGIAG, quibus quidem verbis in vete- rum illorum rposexrngioy locum novas easque ampliores éxnaias exstructas esse testatur. Âtque idem confirmant, quae apud Chrysostomum leguntur verba, tom. VII, pag. 9179 a. ed. Par. : Ka & oinia nai y émxkaotæ, et tom. VIT, pag. DLA : Téze oi cixie érndnoion poav, vuvi à éxrntia oinia YÉVOYE ; unde recte concluditur, ecclesiarum nomen illo quidem tempore, hoc est exeunte saeculo IV, usitatissimum fuisse. Sed in eo tamen errat Binghamius !, quod omnes omnino ecclesias jam antiquissimis temporibus etiam basili- carum nomine appellatas esse dicit. Nam omnes aedes sacras non promis- cue modo ecclesias modo basilicas nominatas esse, vel inde apparet, quod Constantinus Porphyrogeneta ve Basdu éxdnsiey a Basilio Macedone Imperatore (867) exstructam esse narrat. Quae enim adjecta est VOX faot- li quum plane supervacanea putari non possit, manifesto docet, Basi- lium ejus generis ecclesiam aedificandam curasse, quae peculiari nomine rs Basduñs denotari solerent. Jtaque quod Binghamius de antiquioribus

! Orig. ecel., vol. HE, lib. VIE, cap. 4, $ 5 : « Et hine, reor, nomen basilicae generale aliquod ecclesiarum nomen posterioribus temporibus faetum est, nam ex quo primum usus obtinuit commune omnium ecclesiarum nomen fuisse constat. »

DE BASILICIS LIBRI IT. 161

affirmavit, ad recentiora tantum referendum est tempora. Nam Anastasius quidem Bibliothecarius in Vitis Pontficum, et post eum multi alii, veluti Ciampinus, omnes ecclesias, sive instructas porticibus sive iis carentes, sive oblongas sive rotundas, basilicas appellare non dubitaverunt. Cujus rei quum fere in singulis et Anastasiani et Ciampiniani operis capitibus reperiantur testimonia, exempli gratia has duas aedes memoravisse suffi- ciat, alteram Sancti Andreae porticibus plane carentem, alteram Sancti Stephani in monte Caelio Urbis positam et forma rotundam. Cf. Ciampini, Vet. Monum., 1, cap. 27 ; II, cap. 16.

2. Neque rectius idem Binghamius, Origg. eccl., vol. HE, lib. VIIL, cap. 1, S 5, basilicas etiam évixrspa nominatas esse observavit. Nam Eusebii verba (Laud. Const., IX) : Eïow d ro dydutopoy ëls duryavoy éraipoy üos EV GXTadpou pèy oyiuart zarenctulley non totam basilicam, sed medium ejus spatium deno- tare ex eo apparet, quod verba &ow d ro évxztopw procul dubio opponuntur verbis proxime antecedentibus ££59ey epfBêho rèv rvra ve rephauBavov. Ete- nim si vocibus évéxropay El rivra vey eundem sensum subesse voluisset auctor, rectius scripsisset eo & aÜtoy es auryavoy Eraigur ue. Neque quae sequuntur verba oxas roïro (ro äviutopoy Thelocuw ébédpars Te Ey nÜxÂG TEpuTTOLyLaduEvos TavToiols éorepive) xilen, ei, quam modo proposui, interpretationi obstare videntur. Nam ex loco parallelo (Vic. Const., HIT, 50) cxag Œ melon, éÉédpous re à no DRE PUY TE AA HATAYEGY YOPALATOY ATAVTAYOTE) TEPLEGTOLY LOUE VOY (avaxtopor) 0) étepävau ide, luculenter apparet, quae alias etiam basilicas cingere solebant por- ticus, hoc loco parietibus internis in diversa cubicula divisas, undique circum totam aedem in solo et in alto commorandi loca (irepomy te xai xata- JE opnuitoy énavtayédey mepueotayiouéver ) aliaque receptacula constituisse. Praeterea hanc esse illorum verborum sententiam, verba, quae apud eun- dem Eusebium, H. E., X, 4, pag. 581, B, leguntur : rèv à Basihaer oixev mhounntépos-tais des dybpe, ideo confirmare videntur, quod à Basieuwg oivog voculà ® opponitur rs rap éxirepa Toù mavrèç ven atoais, paullo ante ab Euse- bio commemoratis, atque eadem verba paullo infra (pag. 581, D.) vocibus to Bardet EL ro pésw dt» redduntur !. Denique neque illud praetermitten-

1 Euseb., A. E., X, 4, pag. 581 D. : 'EÉédpa; à mal oixou; rod; map Éxärepa meyiorous ÉTITxEUXE y

; , TERRE JU ae ; ; PERTE RER NX BE A d sûréyyos Êri raûros cie mhevpt 79 Barihcio auvebevyméveus, mal vale mi roy pulaoy oixoy &ia load, yyaévous.

Tome XXI. 21

162 DE BASILICIS LIBRI II.

dum est, voce &vixrepa etiam in templis hypaethris medium inter porticus spatium apertum significari !.

5. Quod si basilicarum nomen antiquissimis temporibus non omnium ecclesiarum commune, sed quarundam proprium fuisse concedimus, res- tat jam, ut, eur illud nomen iis impositum sit, quaeratur ; in qua re indi- canda multum inter se discrepant virorum doctorum sententiae. Âc primum quidem Isidorus Hispalensis ? divina templa propterea basilicas, hoc est regum habitationes, nominatas esse existimat, quia ibi Regi omnium, Deo, cultus et sacrificia offerantur. Quae ratio si vera esset, non majores tantum, quales sunt basilicae, sed etiam minores ecclesiae, quippe quae et ipsae cultui divino et sacrificiis offerendis inservirent, basilicae appellari debe- bant. Praeterea, supra lib. IT, cap. V, ostendimus, nomen basilicae ab Isidoro vocibus « regiae habitationes » male explicatum esse. Itaque non mirum est, Constantinum Magnum, qui in nominandis aedibus Chris- tianorum sacris, quam Îsidorus significavit, revera secutus est rationem, eas non Basduds sed wprxd appellavisse, id quod luce clarius apparet ex his Eusebii verbis (Laud. Const., cap. XNIT, pag. 660, D.) : Kara nés 7e vai 2OUac, HÉpas TE Técac xaù Tag TOY (apfapuy Epiuouc, iepa nai Teuévn ëvi To rävruy (Baochet Ex, Tu dh Tüv Cho deonéty ae Üo da * EvSev xai The Tod Oeométou Tpoonyopias AéloTar T& xadrepupéva. Oùx dvSporey Tuyévra This émmlnocnc, £Ë aûroë d Toÿ Tôv OÂwY xupiou, Rapè ral xUpraxdU ÉVITE TÔV ETWYUpEGV.

4. Neque rectius statuerunt illi, qui basilicarum nomen aedibus sacris ideo inditum esse existimaverunt, quod primae quae hoc nomine appella- tae sint ecclesiae üxo ro5 Basdéws a rege seu Imperatore, hoc est a Constan- tino Magno essent aedificatae. Quae sententia duobus argumentis refellitur, primum quod ecclesia Tyria jam a. 513, p. G. N. exstructa non solum structuram basilicarum repraesentavit, sed etiam nomine « tr Bardeiou day » ab Eusebio est appellata (vid. Euseb., H. E., X, 4), deinde, quod quae in epistola Constantini de exstruenda ecclesia Hierosolymitana ad

1 Vide supra cap. Il, 3, pag. 155, not. 7.

2? Orig., XN, 4, A : « Basilicae prius vocabantur regum habitacula, unde et nomen habent, nam Bzscés rex; et basilieae regiae habitationes. Nuance autem ideo divina templa basilicae nomi- nantur, quia regi ibi omnium Deo cultus et sacrificia offeruntur.

DE BASILICIS LIBRI II. 163

Macarium leguntur verba : à pévey Bacrhuxhy Tôy araytayoÿ (BeAtiova yevéo- Sas (vide locum infra plenius adscriptum), manifesto demonstrant, jam ante Constantinum compluribus locis fuisse ecclesias basilicarum nomine notatas. Unde factum etiam est, ut Constantinus hoc ipso loco basilica- rum nomen non ut novum et inauditum , quod interpretationem sibi pos- tularet, sed ut satis tritum et Macario quoque cognitum usurparet.

>. Sed ex eadem Constantini epistola etiam vera nominis origo optime videtur cognosei posse. Quod quo facilius fieri possit, integram epistolae partem, quae ad nostram rem pertinet,ex Eusebii Vit. Const., III, 50 etseqq., (coll. Theodoret., H. E., 1, 16, pag. 562, ed. Par.) huc transcribam : Exevo piloté ae menés de Boüloua, de apa névrw por p)}oy éhe, 6m Tèv ispèv Eneivo Téroy dxodunuror aile rosurirouev. Tpomirec rouv tv aùv &yyivaav oùrux QariEai te tal Exkotou rüY dveyraiuy Tamoas Ja: Tpévou , ds pévoy Basin rüv aravrayob (Brive, add nai ta Alone ToLNDTE YEVÉT I , GS TAVTA TA y éndotne xadiotetoyra nélews Dro Tob HTITUATOS TOUTOU vAGdo * ya) Tepi uèy Tic TOY Tolywy éyépoes Te na waMuepyias x. T. À. Tepi D Toy wo, dr papuipur x. +. À. Tiv À tic Basin rauäpoy mérepe dcvapiay n Qt Tivos Étépas épyasias yes do doust napà 06% yuäver Poitou. In quo loco primum quidem hoc te- nendum est, basilicae nomen non universae ecclesiae, quam Hierosolymis exstrui Constantinus vellet, sed tantummodo domo ejus oblongae sive templo, strictiore sensu dicto, tribui videri. Nam quae voci Base Oppo- sita sunt verba 4 vx t4 alla Jam rodÿra yes, A Non videntur referri posse, nisi ad reliquas ejusdem ecclesiae partes. Atque idem confirmant verba paullo post subsequentia : z d ris Bardañs vauépay ». +. À, quum quae in his memoratur xuipa, uli alias ita hoc loco mediani spatii Signi- ficet tectum 7, Jam vero superiore capite demonstravi , hanc ipsam domum oblongam seu templum proprie dictum, eam esse basilicarum partem, in qua sola cernatur aliqua christianarum cum profanis basilicis similitudo; nam in hac domo inesse et porticus medianum spatium cingentes, et me- diani spatii tectum supra porticuum tecta elatum, hoc est eas partes, quae solae sacris basilicis cum forensibus fuerint communes. Hinc autem jam facilis est de origine nominis conjectura. Neque enim dubito, quin

; F. 1 Simile etiam in Tyriae ecclesiae descriptione nomen supra commemoratum : © 6 Bariheios olxos non tam universam aedem sacram, quam domum ejus oblongam videtur signilicare. »

164 DE BASILICIS LIBRI II.

propter hanc ipsam structurae similitudinem ; maxime propter tectorum similem comparationem, basilicarum nomen à profanis basilicis etiam ad sacras sit translatum. Quam quidem sententiam etiam reliquum ejus loci, quem supra adscripsi, argumentum atque ipse orationis contextus viden- tur comprobare. Nam quum in tota epistola sua nihil aliud agat Constan- tinus, nisi ut de structurae genere, quo novam ecclesiam exstrui velit, praecipiat Macario ; etiam nomen basilicae neque à persona auctoris, neque a summi Regis nomine, sed ab ipso structurae genere petitum esse, credibile est.

Sed jam video cavendum esse, ne in gravissimum inconstantiae crimen incurram. Nam quod supra negavi, sacrarum basilicarum structuram a forensibus petitam esse, nunc autem nomen basilicarum ab altero ad'al- terum genus traductum esse concedo, ea sane ejusmodi sunt, ut magnopere inter se pugnare videri possin! : quo turpissimo crimine ut absolvar, haec duo maxime velim a lectoribus teneri.-Ac primum quidem supra ipse sig- nificavi, si ullam basilicarum partém a forensibus ad sacras traductam esse concedi possit, eam esse, a qua nune nomen earundem dico trans- latum esse, hoc est domum oblongam; et quae in ea sunt porticus et me- diani spatii tectum:

Deinde vero a nominis origine ad formae originem non valet conelusio, quum quae nomini transferendo ansam praebuit formarum similitudo, etiam fortuito nata esse possit. Quemadmodum enim vix quisquam con- tendat, cellas vinarias, quarum supra Lib. IE, cap. 1, $ 4, mentionem feci, propterea appellatas esse basilicas, quod ad exemplum basilicarum foren- sium vel domesticarum essent exstructae, ita neque sacras basilicas ad exem- plum forensium aedificatas esse, ex nominis similitudine probari unquam poterit. Imo omnia aedificia, quae basilicarum nomine comprehenduntur , propterea uno eodemque nomine compellata esse videntur, quod omnibus mediani spatii tectum supra porticuum tecta elatum commune fuit. Ita nos quoque diversissima aedificia Rotundas appellare solemus, non quod alterum ex altero natum esse putemus, sed quod eorum omnium et area et tectum rotunda forma exstructa sunt.

6. Restat denique, ut etiam alia duo commemorem aedificiorum genera,

DE BASILICIS: LIBRI IL 165

ipsius nominis similitudine cum $acris basilicis conjuneta, nec tamen cul- tui christiano destinata. Quorum alterum, cui est nomen os Gasiee apud Eusebium in Vi. Const., IV, 59, ubi porticus aedem Apostolerum cingen- tes describuntur, his verbis commemoratur : 'Aygi di robrey (rèv vais) aïSpus mo an TraupeyéSns Es dép a Ta pay JaNENTaE * à Tetpamheupe dE Tairn otoai déTpeyovi, pédoy ado ve To ci Spuoy amohkau(Soivousar 11 \oinoi Te Basileuc: raïciiatoais, ouTp TE ka &vet- XAUTTNEIC ragebetelveto, aa re rheïsta LATyW Yu TO) TOb TÉTOU Ppoupois ÉRLTNOELnI EpyaTUÉVa. In quibus verbis quum ox Bara eodem loco atque balnea, deversoria et custodum habitacula ponantur, non mihi videor errare, si domus istas regias comparaverim cum basilicis ambulatoriis supra Lib. IL, cap. 1, $ 5, commemoratis. Alterius autem generis quod basilicarum seu basilicularum nomine nuncupatur, mentio injecta est in lege Salica, Tit. 58, $ 5. 4. 5. De quo quidem genere non dubito Du Cangii et Ciampini repetere senten- tiam , qui basilicularum nomine aediculas quasdam sepulcris principum superstructas, quae basilicarum formam ac speciem quodammodo prae se ferrent, notatas esse existimant. Vid. Du Cangii Glossar. med. et infim. latinit:, in vocibus Basilicula, basilica. Ciampin., Vet. Monum., 1, pag. 185. Eandem- que confirmat tabula apud eundem Ciampinum, Vet, Monum., 1, tab. XLV, fig. 4, expressa, qua ejusmodi basilica in ecclesia Sancti Laurentii extra muros conservala repraesentatur.

CONCLUSIO.

Jam quum ad finem perducta sit disputatio mea, hoc unum mihi relic- tum esse video, ut quae fusius adhuc de basilicis disputatä sunt, nunc paucis comprehendam et in uno veluti conspectu proponam.

Exorsa est autem disputatio mea a Regia Porticu Atheniensium , quam, ut certum est, Graecis ro 705 Basdéns SCU Barhewv atoiv appellatam esse , ita incertum est, num unquam Borwñ om sive simpliciter Baroce fuerit nominata. Posita illa fuit in meridionali fori Atheniensis latere et in eo

166 DE BASILICIS LIBRI IT.

quidem fori angulo, qui meridiem et occidentem versus spectaret ; sedem- que in illa suam habuit Archon Rex, qui munere suo ita fungebatur, ut non solum, quae ad ipsum pertinerent, causas ibi cognosceret judicium- que exerceret, sed etiam res sacras, ipsius curae mandatas, ibidem cura- ret ordinaretque. Quam nominis causam fuisse omnes viri docti consen- tiunt.

Neque tamen soli Regi Regia Porticu uti licuisse, ex eo apparet, quod etiam Areopagitae et, nisi fallor, Eumolpidae ibi judicia exercuerunt, at- que etiam epulae publicae interdum ibidem sunt celebratae.

Forma autem Regiam Porticum quadrangulam et oblongam , nec solum in porticibus sed etiam in medio spatio tecto munitam, intus autem Âr- chontis et assessorum, scribarum ministrorumque cellis, deinde Archontis tribunali, litigantium suggestibus et judicum sedibus, denique caneellis, quibus vulgus à judicio arceretur, instructam fuisse, ea ommia sola con- jectura nituntur; sed de cippis, quibus leges inscriptae essent, in medio positis pariter ac de Hemerae et Cephali statuis extrinsecus super aditu collocatis, ex ipsis veterum scriptorum constat testimoniis. Praeterea cer- tissimum est, Athenis unam tantum fuisse Regiam Porticum, neque ullum exstat in veterum libris vestigium, quo adduci possimus, ut etiam in re- liquis Graeciae urbibus Regias Porticus fuisse credamus. Quare qui Ro- manos basilicas suas a Graecis accepisse dicunt, antiqua certe non habent testimonia, quibus suam firmare possint sententiam.

Quas autem a Graecis abjudicavimus basilicas , eae apud Romanos longe frequentissimae fuerunt. Nam postquam Marcus Porcius Cato a. U. c. 569, primam basilicam, quam forensem appellavimus , Romae exstruxit, non solum aliae multae ejusdem generis basilicae Romae et in alis Ro- mani imperii urbibus exstructae sunt, sed etiam tria alia exstiterunt ba- silicarum genera, ambulatorias dico, domesticas et vinarias. Et forenses quidem basilicae in hunc fere modum exstructae fuerunt. Area earum quadrangula et oblonga ita fuit comparata, ut mediani spatii latitudo non major quam ex dimidia, non minor quam ex tertia parte Jongitudinis constituta esset. Idemque spatium medium ita definitum undique cireum- dabant porticus vel simplices vel duplices, quarum altera in solo altera

DE BASILICIS LIBRI LL. 167

super hac posita erat, ita ut infra in solo et supra in porticuum contig- pationibus essent ambulationes circa medium basilicae spatium. Latitudo porticuum ex tertia medii spatii parte constitui solebat. Porticus in externa parte parietibus tectisque undique in externam partem declivibus munitae erant. Medium spatium tecto instructum erat, quod ut lux in basilicam intrare posset, ia erat aedificatum, ut columnis vel parietibus fenestratis, qui columnis superiorum porticuum impositi essent, sustineretur. Quo factum est, ut mediani spatii tectum supra porticuum tecta elatum non solum adspectum aedificii redderet magnificentiorem, sed etiam lucem in mediam basilicam intrare sineret. Aditus autem ad basilicas pro multitu- dine ac diversa vitae ratione eorum, qui intrare solerent, in omnibus, ut videtur, lateribus per complures patebat portas, quarum maxima et or- patissima plerumque in longo, qui ad forum vel alium locum publicum vergeret, pariete constituta erat. Praeterea si locus basilicis exstruendis in longitudine amplior esset, in utroque latere brevi adjungebantur Chalcidica, hoc est vestibula projecta, quae infra pertectum, supra vero apertum praebe- bant ambulatorium. Quae autem antiquis basilicis in altero latere brevi tri- bui solet apsis atque ante apsidem transversa ambulatio, ejus tantum abest, ut ullam mentionem faciant scriptores veteres, ut ita de structura basilica- rum praecipiant, ut apsidem ab illis prorsus abfuisse testari videantur. Deinde usus basilicarum forensium apud Romanos plane idem atque ipsius fori videtur fuisse. Itaque initio quidem imprimis negotiantes opi- ficesque et ambulatores in ïis versabantur, quorum illi in porticibus taber- nas, Stabula atque stationes habuisse, hi in porticuum maxime contigna- tionibus videntur versati fuisse. Posteriore autem tempore etiam judicia pro tribunalibus in mediis, ut videtur, basilicis exerceri atque sodalium phetria in porticuum angulis constitui coepta sunt. Quin etiam nuptiae in is interdum celebratae esse narrantur, ut luculentissime appareat, basilicas revera fere omnibus, quae alias in foris tractari solerent, rebus agendis inserviisse. Quae res etiam originem basilicarum videtur indicare. Quam quum a Graecis frustra repeti supra sit demonstratum , apud ipsos Roma- nos quaerenda est; nèque qui et formam et usum basilicarum ad fororum Romanorum formam usumque proxime accedere animadverterit, dubitabit,

168 DE BASILICIS LIBRI II.

quin illae ad horum exemplum exstructae ac veluti pro pertectis habendae sint foris. Cui sententiae ne graecum quidem basilicarum nomen videtur obstare. Nam quod tempore Catonis apud Romanos usitatissimum fuit no- men adjectivum basilicus, a, um , id apud Plautum, Catonis aequalem, nihil aliud significat, nisi egregium , eximium , insignem. Atqui vix ullam porticum Romae fuisse credibile est, quae majore jure basilica, hoc est insignis sive eximia appellari posset, quam illam, quam Porcius Cato primus exstruxisse narratur. Quae eum ita sint, et structuram et nomen basilicarum Roma- nis vindicare jure mihi videor.

Restat, ut quae de sacris Christianorum basilicis supra uberius exposui, nune paucis comprehendam. Et formam quidem harum basilicarum qua- druplicem fuisse demonstravi. Quarum prima et antiquissima species , eujus exempla sunt ecclesia Tyria et Sancti Laurentn extra urbis Romae muros basilica, tribus tantum constabat partibus, aditu, atrio et templo, quod postremum aram ambones et Clericorum sedes in medio suo con- tinebat spatio. Altera earum species praeter priores tres, quas modo si- gnificavi, partes, etiam apsidem seu exedram semicircularem complecte- batur, in brevi templi latere e regione aditus maximi positam, atque ideo ut videtur adjectam, quod quum propter auctum Christianorum nume- rum medium basilicae spatium Laicis concedi oportuisset, jam alio loco opus esse videbatur, in quem Clericorum sedes atque interdum etiam ara commode transferri possent. Atque simili de causa etiam tertia species recepta esse videtur, dico eam, in qua ad apsidem etiam transversa am- bulatie addebatur, inter apsidem et oblongam domum interposita. Nam hanc quoque non aliam ob causam adjectam esse credibile est, quam quod ad pompas cirea aram ducendas et reliquas solemnitates celebrandas ne apsis quidem suficere videretur. Denique quarta basilicarum spe- cies, quae remoto atrio atque projecto ante templum vestibulo a prioribus distabat, inde ab eo tempore videtur aedificata esse, ex quo Catechumeni, quibus olim atrium destinatum erat, inter Christianos aut nulli aut rari inveniebantur.

Aique has quatuor christianarum basilicarum species qui diligenter cum profanarum Romanarum basilicarum forma comparaverit, is, non

DE BASILICIS LIBRI III: 169

potuisse christianas ex Romanis nasci, facile nobiseum consentiet. Nam si discesseris à porticibus longorum parietum et mediani spatii tecto, quae solae partes utrique generi communes fuerunt, reliqua omnia, veluti ves- übulum , atrium cum cantharo , apsis et transversa ambulatio christianarum basilicarum adeo propria fuerunt, ut eas vix credas ad forensium exem- plum aedificatas esse. Neque aliter existimandum est de ea, quae inter templa hypaethra et sacras basilicas intercedit, similitudine. Quae licet etiam major sit, quam illa, quae fuit inter utrumque basilicarum genus . tamen non tanta haberi potest, ut ex illa repetere liceat sacrarum basili- carum originem. [mo qui qualis sacrorum christianorum fuerit eo tém- pore ratio, quamque accommodata ad illam sacrarum basilicarum struc- tura, accurate cognoverit perpenderitque, is eam non aliunde repetendam esse intelliget, nisi ex ipsa cultus Christianorum sacri natura, et veteres Christianos non Paganorum basilicas aut templa imitatos, sed suorum sa- crorum rationem sequutos, ideoque non alienis exemplis, sed suo ingenio usos esse existimabit.

Nomen vero basilicarum sacrarum neque a summo Rege, cui sacratae, neque ab Imperatoribus , a quibus exstructae essent, sed a structurae ge- nere petitum est. Nam quas supra dixi christianis cum forensibus commu- nes fuisse partes, porticus puta longorum parietum et mediani spatii tec- tum; supra porticuum tecta elatum, praeterea fenestras inter porticuum mediique spatii tecta interpositas, eae licet non tantum valeant, ut uni- versam formam sacrarum basilicarum a forensibus petitam esse credamus , tamen hoc videntur effecisse, ut nomen basilicarum ab altero ad alterum genus transferretur.

Haec habui, quae de basilicis in medium proferrem et subtili intelli- gentique virorum doctorum submitterem judicio. Quos ut boni consulere et me, ubicunque a vero aberrantem viderint, benevole in viam reducere velint, vehementer rogo.

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Tome XXI. 22

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ADDENDA ET CORRIGENDA :.

Pag. 10, not. 1, ADDE : Deutschland und Italien, von Moritz und Hirt. 1 St. Berlin, 1789, Dissert. IT.

+ Angelo Uggeri : Della Basilica Ulpia nel foro Traiano. Istoria e ristaurazione.

Litteratur- und Anzeigeblatt für das Baufach. 1859, No. 95.

Kinkel : Geschichte der bildenden Künste bei den christlichen Vülkern. Bonn. 1845.

Pag. 22, lin. 4, ab inf., et pag. 25, lin. À et segq., veLe verBa : Et paulo infra: cioi À réqu azx Thy ody —longis muris munitam.

Pag. 68, lin. 2, pro vergis : Praeterea idem contendit, « secundum » id est post tribunal basilicae, Lece : Praeterea idem contendit « secundum » tribunal id est ante tri- bunal basilicae , ete.

Pag. 68, not. 1, anne : De significatione voculae secundum, vide Vitruv., Il, 8, 41 : « Itaque in imo secundum portum forum est constitutum. »

Pag. 68, lin. T, rosr vera : dictam esse putat Baptista, anparur : Baptistae de basilicis sententiam amplexi sunt Ciampinus (Vetera Monumenta, tom. 1, pag. 8 et seq.) Minutolus ( Romana antiquitas, Dissert. VIT, sect. IT), et Hirtius ( Deutschland und Ita- lien von Moritz. u, Hirt., 1 St., Dissert. IT, 1789).

Pag. 68, lin. 18 et seqq., DELEATUR TOTUS LOOUS A VERBIS : « 5. Contra ea Ciam- pinus AD VERBUM aflirmaret.

Pag. 68, lin. 2%, PRO NUMERO 4, LEGATUR 5.

Pag. 69, lin. 2, inTerR vERBA : partes locum, INSERATUR : supra quadratum tribunal in brevi imae basilicae latere positum.

Pag. 69, post lin. A1, et ante locum 5 notatum, Anne : 4. Contra ea nuper Ma- rinius ad Vitruv., V, 4, Peralti sententiam de basilicis fere integram repetiit, nisi quod Chalcidica in brevibus imae basilicae lateribus et ante aditum et post tribunal posita fuisse existimat.

Pag. 80, lin. 2 et segq., vELEe versa : Quas autem viri docti invenerunt vias—vel ad extremas partes longorum parietum, etc., REPONE VERO : Quas autem viri docti invenerunt vias ut hanc difficultatem tollerent veluti Baptista Albertus, Perallus, Ciampinus, Quatre- mère de Quincy, Bunsenius et Canina , eas propterea comprobare non possum qui Chal- cidica ante exedram , vel inter extremas superiorum porlicuum parles supra tribunal , vel ad extremas partes longorum parietum, ete.

Pag. 80, lin. 18, pro : Quae autem inde enasceretur diflicultas atque deformitas ,

1 Ista, cum ab auctore , post decretum jam praemium missa fuerint, suo quaeque loco inseri per instituti leges non licuit,

172 ADDENDA ET CORRIGENDA.

omnes intellexerunt, qui Alberti sententiam improbarunt, LEGE : Quae autem inde enas- ceretur diflicultas atque deformitas, omnes intelligunt.

Pag. 84, lin. 16-19, DELEANTUR VERBA : Itaque Agincourtio —inventam esse existimat.

Pag. 9%, not. 4, An»E : Quae nostra aetate detectae sunt basilicae Ulpiae partes de- pietae inveniuntur in Recinti Pontifici imagine, t. AT, fig. 1.

Pag. 99, lin. 15 pag. 101, lin. 8, DELE TOTUM LOCUM, SIMUL CUM ADJECTIS NOTIS , INDE A VERBIS : Denique trabes pilasque ita fuisse collocatas , ut epistylia, etc. AD NERBA : in basilicis forensibus fuerint nec ne, dijudicari non potest. lISQUE SUBSTITUE SEQUENTIA :

Jam vero epistyliorum altitudo a columnarum et ratione et altitudine pendet, quarum rerum non nisi alteram a Vitruvio his verbis declaratam invenimus : Columnae altitudi- nibus perpetuis cum capitulis pedum quinquaginta, crassitudinibus quinum. Sed quam reticuit columnarum rationem, ea ex altitudine columnarum cum crassitudine earum comparata facillime concludi potest. Etenim quum Vitruvius docuerit, veteres Doricae columnae crassitudinem suae altitudinis septima parte fecisse, et in Ionicae columnae altitudinem novem crassitudinis suae diametros constituisse ! ; quumque idem assevera- verit, Corinthias columnas reliquis etiam graciliores fuisse ? : non diflicile est ad intelli- gendum quas quinquaginta pedes altas et quinos pedes crassas, proinde decem crassitudi- nis diametros in altitudinem elatas fuisse invenerimus columnas, eas pro Corinthiae rationis columnis habendas esse. Quibus columnis, etsi Doricae rationis epistylium im- poni licebat®, tamen Ionicae rationis epistylium superstructum fuisse ideo opinamur , quod quam eximia columnarum altitudine efficere architectus voluit gracilitatem atque teneritatem non humilioribus atque gravioribus Doricae rationis, sed altioribus et graci- lioribus Tonicae rationis epistyliis impositis facilius assequi potuit. Quare quas Corinthiae rationis fuisse existimamus columnas, easdem Jonicis epistylüs ornatas fuisse arbitramur. Quorum epistyliorum altitudinem facile definire licebit, modo hac quoque in re Vitru- vium ducem sequamur., Is enim eo loco, quem infra subjecimus, docet * columnarum Tonicarum quinquaginta pedes allarum epistylia ad minimum tredecim pedes et pedis in

* Vitruv., IV, 1 : « Posteri vero septem crassitudinis diametros in altitudinem columnae Doricae , lonicae noyem constituerunt. »

© Vitruv., IV, 1 : « Dorica columna virilis corporis proportionem praestare coepit. Item postea Dianae consti- tuere aedem quaerentes novi generis, speciem iisdem vestigiis ad muliebrem transtulerunt gracilitatem , et fecerunt primum columnae (Jonicae) crassitudinem altitudinis octava parte, ut haberet speciem eæcelsiorem. Tertium vero (genus) quod Corinthium dicitur, virginalis habet gracilitatis imitationem , quod virgines propter aetatis teneritatem gracilioribus membris figuratae effectus recipiunt in ornatu venustiores. »

© Vitruv., IV, 1 : « Cetera membra, quae supra columnas imponuntur, aut e Doricis symmetriis aut Ionicis mo- ribus in Corinthiis columnis collocantur : quod ipsum Corinthium genus propriam coronarum reliquorumque orna- mentorum non habuerat institutionem, »

# Vitruv., DL, 5 : « Epistyliorum ratio sic est habenda , ut, si columnae fuerint a minimo XIL pedum ad XY pe- des, epistyli sit altitudo dimidia crassitudinis imae columnae : item ab XV pedibus ad viginti columnae altitudo dime- tiatur én partes tredecim , et unius partis altitudo epistyli fiat : item si a XX ad XXY pedes, dividatur altitudo in partes duodecim et semissem , et ejus una pars epistylium in altitudine fiat : item si a XXV pedibus ad XXX, di- vidatur in partes XII, et ejus una pars altitudo fiat : item rata parte ad eundem modum ex altitudine columnarum expediendae sunt altitudines epistyliorum. Quo altius enim scandit oculi species . non facile persecat acris crebrita- tem : dilapsa itaque altitudinis spatio et viribus extrita incertam modulorum renuntiat sensibus quantitatem. Quare

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ADDENDA ET CORRIGENDA. 175

quatuordecim partes divisi partes ternas (15 Ÿ/11 p.) alla esse debere, vel quindecim pedes et pedis in septem partes divisi quinas (15 °/: p.) alta esse posse, quam epistyliorum alti- tudinem cum ligneae coronae recte comparatae altitudine oplime convenire apparet. Ete- nim corona lignea, si ita exstructa fuit, ut tria tigna bipedalia alterum alteri imposita et compacta (Tab. V, fig. 2, b), atque his rursus pilae tres pedes altae impositae essent, (Tab. V, fig. 2, c), quae reliqua duo tigna , item alterum alteri imposita (Tab. V, fig. 2, d), sustinerent, tredecim pedum altitudinem aequavit. Quae quidem coronae altitudo eo pau- lulum imminula est, quod quae tribus tignis compactis impositae erant pilae et ipsae pau- lulum incisae et in tigna incisa immissae esse debebant, ut efliceretur ea, qua opus erat, arcta partium illarum conjunetio. Parique modo etiam superiorum trabium euerganea- rum altitudo paululum imminuta est eo, quod non solum ipsae inter se incisione facta conjunctae erant, verum etiam cum pilis conjungi non potuerunt nisi sic, ut et ipsae incisae essent, et in pilas incisas immitterentur. Qua ratione facile fieri potuit, ut coronae ligneae membra sive partes, quae, si simpliciter altera alteri fuissent impositae, ad trede- cim pedum altitudinem surrexissent , vix duodecim pedes et pedis in quatuor partes di- visi singulam partem (12 ‘/1p.) altae essent. Attamen quod hoc modo ortum est inter epis- tyliorum atque coronae ligneae altitudinem diserimen, plane tollitur, si quod cantherios contineret transtrum (Tab. V, fig. 2, e), pedem fere altum tignis euerganeis impositum

semper adjiciendum est rationis supplementum in symmetriarum membris ». Ex quibus Vitruvii praeceptis apparet , columnarum quinquaginta pedum altitudinem in partes X esse dividendam, et epistylii iisdem columnis impositi altitudinem decima parte altitudinis columnarum , sive V pedibus constitui debere. De partibus epistylii Vitruvius haec habet : « Cymatium epistylii septima parte suae altitudinis est faciendum et in projectura tantundem : reliqua pars praeter cymatium dividenda est in partes XI, et earum trium prima fascia est facienda , secunda quatuor , summa quinque, Item zophorus supra epistylium quarta parte minus, quam epistylium : sin autem sigilla designari opor- tuerit, quarta parte altior quam epistylium. Supra zophorum denticulus est faciendus tam altus, quam epistyli media fascia. Corona cum suo cymatio praeter simam quantum media fascia epistylii. Insuper coronas simae faciendae sunt altiores octava parte coronarum altitudinis ». Quae verba docent, rationes zophori , denticuli, coronae et simae pendere a rationibus cymatii et fasciarum epistylii, quae rationes epistylit columnarum quinquaginta pedes altarum ex legibus Vitruvii definiamus necesse est. Cymatium epistylii columnarum quinquaginta pedum aequat sep- timam partem quinum pedum (5/; ped.). Reliqua pars epistylii , 4?/, ped. dividatur in partes XII :

4 1 ped. 7 ped. div. 12 : © = 2 ped. duodecima pars reliquae partis epistylii. + . 50 90 af Prima fascia = 3 x = + ped. 1 684 ped. 84 8% « 50 120 Secunda fascia =4Xx a = sx Pod: = 1 60/84 ped. # ; à » 30 150 nn}, F En LATE APN) Denique tertia fascia = 5 X FPNSERTT: ped. = 41 60/81 ped.

His expositis fiat computatio cunctarum epistyliorum partium :

Epistylium. 55 2 SORTE ee et de Or VS ET ns be RU RUE Zophorus quarta parte minor quam ARE etre CE COUR Cdt es COS ENIUTE Denticulus tam altus quam epistylii media faseia . , , . , , , . . 4 . . . . . . 1 36/84. Corona quantum media fascia epistylii 1e one 2e 1 56/84,

. . . ._ 120 120 15 135 PT Sima facienda altior octava parte coronarum altitudinis = + ( 8 = ) = =, .. 1:61/84, S facienda altior octava y 1] TS °F ü si

18

Altitudo epistyliorum columnarum quinquaginta pedum , . TO ER FT Vu 13 5/14 ped.

174 ADDENDA ET CORRIGENDA.

fuisse meminerimus. [laque tigna compacta, pilae tigna euerganea et transtrum, omnia ac singula arctissime inter se conjuncta, altitudinem epistyliorum plane aequaverunt.

Altero autem loco inde a verbis « quibus insuper transtra cum capreolis » Vitruvius breviter exposuit ipsius tecti comparationem eam qualem in majoribus aedificiis veteres exstruere solebant. Namque veteres si spatia tegenda commoda sive minora essent, ita comparaverunt tecta, ut transtro, hoc est trabi a pariete in parietem porrectae, cantherios imponerent, eosdemque in summo culminis fastigio columini immitterent. Quod colu- men uti cantherios connectebat, ita transtrum ferreis catenis suspensum tenebat. Sin autem spatia tegenda majora essent, capreoli, sive fulcra , quae cantherios sustinerent, ne tegularum pondere deprimerentur, medio columini immissa sunt (Tab. V, fig. 4 et 5.) Hac autem ratione veteres majoribus tectis ea fulcra paraverunt, quae nos uno nomine Dachstuhl, Fairace appellare solemus. Supra cantherios templa (Lattes, Larren) deinde insuper sub tegulas asseres aflixerunt ita prominentes , ut parietes projecturis eorum tege- rentur. Transtris lacunaria afligi solebant, quae in basilicis quoque forensibus fuisse eo magis credibile est, quod quae basilicis splendore similes erant veterum aedes sacrae * et Christianorum basilicae antiquae° lacunaribus ornatae erant.

Page 157, lin. 1-5, ab inf., TOLLANTUR VERBA : Atque haec eadem causa est, christianarum basilicarum disseruerunt, IN EORUMQUE LOCUM sugsrITuATUR : Neque tamen quem Bunsenius et Canina in libris suis de sacris basilicis et de sacris aedibus Christia- norum conscriptis exhibuerunt indicem basilicarum christianarum Romae adhue super- stitum, hoc loco repetere, et earum , quas ipsi basilicis simillimas in Germania invene- rimus, ecclesiarum addere nomina, abs re esse putavimus :

Basilica Sanctae Sabinae à papa Coclestino exstructa anno fere 495 p. C' N Sanctae Mariae Majoris a papa Sixto II. 452 » Sancti Petri ad Vincula ab Eudoxia. . . . . . 449 » Sancti Laurentii extra muros Urbis Romae (fuori le

mura) pars postica a papa Pelagio . . . . . 580 » Sanctae Balbinae a papa Gregorio Magno . . . . 600 »

! Epistyliorum et coronae ligneae altitudines comparatae :

Coronae ligneae tria tigna bipedalia compacta . . . . . . . « . . . . . . . Gped. Pins ex fulmenis dispo Me Er, ie à Rio 6h Dre I ADN Duo itiponeuerganes Dipadalias ACL .12- CREME OU ET UE NCIS Mranstrom ous ere pas CERN. 0 CN CH CC UC. N 0-30 Ere DRE Cunctarum partium altitudo . . . . . . . . 14 ped.

Quae altitudo comminuitur, quod eunctae epistyliorum partes propter arctiorem conjune- tionem insectae et immissae sunt, qua re facile efficitur spatium undeeim partium pedis

in quaiuordecin'pértas divine Mes ne RS APS A A ee Lo à 1/14 ped. Restat}: 2<0e0 Reel Lite AS pal: Epistyliorumn altitudo 104 Un OMR NN, US CNT ASS a pet

0

* Vitruv., IE, 9 : « Ephesi in aede simulacrum Dianae , etiam lacunaria ex ea (cedro) et ébi et in ceteris nobilibus fanis propter aeternitatem sunt facta. ® Vide infra lib, HT , cap. 1,42, 4.

ADDENDA ET CORRIGENDA. 175

Basilica Sanctae Agnetis extra muros ab Honorio I. . . . 625 p. C. N. Sanctorum quatuor Coronatorum ab Honorio 1 . . 625 » Sancti Georgii in Velabro a Leone III . . . . . 682 » Sancti Chrysogoni a Gregorio IL. . . . . . . 750 » Sancti Joannis a Porta Latina Sanctae Mariae in Cosmedino } ab HadrianoÏ . . 790 »

—- Sancti Vincentii ad tres Fontes \

Sancti Laurentii extra muros Urbis Romae as le mura) pars antica .

Sanctorum Nerei et Achillei a papa Féonelle exstruc-

ta anno fere. . . . MPETeS Per ppes 800 » Sanctae Praxidices (S. Prass di : al Paschalil . . 820 »

Sanctae Mariae in Dominica \ Sancti Martiniin Montibusa papis SergiolletLeonelV. 844et 855 » Sancti Clementis a Joanne VIII . . . . . . . 872 , Sancti Nicolai in Carcere } a RE LS

REATEe a + + « . Initiosaeculi decimi. Sancti Bartholomaei in Insula { Sancti Joannis Lateranensis a papa Sergio III. . . 910 ) Sanctae Mariae trans Tiberim a papa Innocentio IL . 1155 » M SANCtAE CTUCIS A VpPAPALUCIOUT 2. nn: 1144 »

Sanctae Mariae in Ara Coeli, incerti auctoris et temporis.

Praeter Romanas basilicas commemorandae sunt basilica Sancti Apollinaris Ravennae , et quas in Germania basilicis simillimas reperimus, ecclesia Altstallensis prope Schonga- viam in Bavaria (Grüber : Vergleichende Sammlungen für christ. Baukunst, Augsburg, Zanna, 1859, 2 T.); catholica ecelesia aulica Dresdensis, et urbana ecclesia Tepliciensis in Bohemia.

Pag. 141, lin. 8, AD verBa : e regione aditus aram, ADDATUR NOTA HAEC : Vide Voigt , De altaribus veterum Christianorum , cap. XIV, $ 1 : « Unum tantum ecclesia vetus in sin- gulis templis seu aedibus et locis, conventibus sacris destinatis, habuit altare. »

Pag. 141, lin. 15, vermis : In extremo spatio medio, SUBJICIATUR NOTA HAEC : Hinc intelligitur, quo modo in Concilio Constantinopolitano sub Menna, Act. V, tom. XI, Concil., ed. Par., fol. 570, omnis multitudo cucurrisse dicatur circa altare.

Merc th dydypocu vob syloy edæyyehlou era rod hovyiac cuyédpaoy arav To rÂf- Doc AÜLAG ToD SucuaaTnpiou, Lai HHPOGYTO.

Pag. 141, lin. 16, Anparur : Vide Voigt, De allaribus veterum Christianorum, XIIT, 4, pag. 257, et quos ille laudat.

Pag. 142, lin. 447, rocce vera : Ex quibus qui in medio solerent intrare, er REPONE : Ex quibus qui in medio spatio exstructus est fornix a Ciampino, Vetera Monum.., 1, pag. 199, 4, med., arcus triumphalis appellatur hanc quidem ob causam , quod Chris- tiani ejus summitatem imaginibus Crucis aut imagine Domini nostri Jesu Christi, crucem prae manibus tenentis, ac e lateribus aliorum Sanctorum imaginibus conspicuam red-

176 ADDENDA ET CORRIGENDA.

diderunt, Romanorum exempla aemulantes, qui in areubus spolia hostibus direpta, tro- paei ritu, aut res ab Imperatoribus gestas , in ipso arcu exsculpebant. Pag. 145. IN LOCUM TABULAE QUAM HAEC PAGINA EXHIBET, SUBSTITUENDA EST HAECCE :

Agne- Cle-

SYMMETRIAE

S.

Basilicar, Christian. ex ichnographiis apud Gutensohn et Knapp.

antiqua an. 800. trans Tiber, Hierosolym.

Majoris. sogoni.

(Die Basiliken des christl. Roms) propositis descriptae.

Basilica S. Mariae Basilicn S. Chry-

Basilien

Basilican S. Ostiensis

Basilica Vaticana

Basilica S. Mariae

Basilica S. Crucis

Universa aedificii longitudo cum parietibus .

| Cum apside et pariet. longit.

Cum parietibus latitudo.

: Ses : 33 ad sinist. Templi rod 400 . . Porticus interior. latitudo . 52 5/6 ad d.

Portic. eum parietelatitudo.

| Medium spatium .

Areus triumphalis . | Intervallum. . . . . . 8 54 4512

Intervallum in fronte, . . 5 4414

ADS RC ET Introrsus curvatura . 22 1/2

Longitudo . Transversae ambula- 8

tionis inter parieles.

Latitudo

Longitudo .

| HR fe = longitudo . |

Vestibuli interni .

Atri Porticuum cum pariet. latit.

Impluvii latitudo .

Vestibuli externi. Longitudo .

Longitudo .

Aditus projectura Latitudo.

6 5/4 in ap-

Parietum Crassitudo sid. T1

Pedes Rhenani.

Pag. 149, not. 2, post verBa : Bunsen., Die basiliken d. christ. Roms, pag. 19, iNSERE : Hirt., Histor. architect. Beobachtungen über die christlichen Kirchen , in libro qui inscribitur : Deutschland und Italien , Berlin , 1789, 1 St., pag. 55.

EXPLICATIO TABULARUM.

Ta. 1, fig. 1. Ichnographia Regiae Porticus Atheniensium : a. cellae archontis , assessorum ,

Toue XXL.

scribarum , ministrorum ; 4. lribunal : 1. sedes archonlis , 2. sedes scribae et praeconis, 3. urnae lapillorum , 4. clepsydrae ; c. locus accusatoris; d. locus rei; e. arae; f. subsellia judicum; g. cippi quibus leges inscriptae erant; h. cancelli; à. porticus auditoribus concessa ; Æ. porticus ad forum sita.

Tsë. 1, fig. 2. Forum Athenarum : A. Acropolis; B. Pnyx et Melite; C. Areopagus; D. vallis

inter Acropolin et Museum (F.); E. via ad Dipylon, Liv. XXXI, 24; F. Mu- seum ; a. orchestra in foro , cf. Timaei Lex., Phot. Lex.; b. Leocorium in foro, cf. Meurs., Ceram. Gemin. , 17; c. ara Misericordiae in foro, Meurs., Cer. Gem. Stat. Theb., XIT, 481 ; 1. Porticus Regia ; 2. porticus Jovis Eleutherii; 5. aedes Apollinis Patroi ; 4. Metroon ; 5-6. statuae Timotheï, Cononis , Eva- gorae, Jovis Eleutherii, Hadriani, Apollinis Patroi, Apollinis Alexicaci ; 7.ara Apollinis Patroi ; 8. ara Matris Deorum ; 9. Buleuterion , curia quingen- torum ; 10. Tholos, cf. Pausan., 1, 5. Corn. Nep., Timoth., IL, 3. Platon. , Eryxias, init. coll., pag. 400, D. St., Pausan., I, 14, 5. Arrian., II, 16; 11-15. aedes Aphrodilae Pandemi, fanum Gaeae Curotrophi et Demetris Chloae, cf. Harpocrat., Tedyuos Aopodiry, et Pausan., 1, 22, 5; 14. aedes Martis, Pausan , 1, 5; 15. domus Pythodori, cf. Demost., C. Conon., pag- 1258 R. ; 16-17. statuae Amphiarai, Irenae cum Pluto, Lycurgi, Calliae, Demosthenis, Herculis, Thesei, Apollinis; 18-19. statuae Jleroum Epony- morum , cf. Paus., 1, 5; 20. ara duodecim Deorum , Plut., it. X Orut., V, 12, pag. 266 SL.; 21. statuae Harmodii et Aristogilonis , Arrian., III, 16. Aristot., Athet, 1,8; 22. ara Eudanemorum, Arrian., IT, 16; 25. statuae Pindari et Caladis, Pausan., 1, 5 ; 24. Porticus in utroque viae Piraeae latere sitae, Paus., 1, 2; 25. Colonus Agoraeus, Forchhammer, Topographie von Athen, pag. 64 ; 26. taberna vinaria Aleae, cf. Isaeus, De hered. Philoctem., pag. 58 SL ; 27. runis, run, cui tropaeum imposilum erat, Paus., LA; 98, Sloa Poecile, Pausan., 1, 15. Lucian., Zeus Trag., 53 ; 29. domus Me- tonis , cf. Demosth., ce. Éverg. et Mnesib., 1146. Aelian., F, A., XIII, 12;

23

78 EXPLICATIO TABULARUM.

50. statuae Solonis ; 51. Seleuci, Pausan., 1, 15; 52. Hermes agoraeos , ef. Grammat. Graec. ; 52-55. Hermae, cf. Harpocrat., ‘Eoux7; 54. aedes Vulca- ni, Pausan., 1, 14; 55. aedes Veneris Uraniae, Pausan., 1, 14; 56. via Pi- raea, Pausan., L, 2 ; 57. Porta Piraea.

No. 1-4, 9-15, 24-98, aedificia in marginibus fori ; 5, 6, 7, 8, 16, 17, 18, 19, 90, 21, 29, 25, 50, 51, 52, 55, statuae et arae in ipso foro posilae.

Tau. L, fig. 5. Orthographia Regiae Porticus : 4. Sciron a Theseo in mare praecipitatus ; b. He- mera Cephalum ferens.

Tas. IL, fig. 1. Recinto Pontificio : À. area fori Trajani ; B. Basilica Ulpia ; C. Columna Traja- ni; a b. basilicae Ulpiae latitudo ; e. parietum basilicae reliquiae; d. sca- larum fragmenta ; e. spira paraslalicae generis Corinthii ; f. canalium aquam coelestem recipientium aperturae.

Tas. IT, fig. 2. Basilica duplex ex sententia Bunsenii.

Tas. IT, fig. 5. Fragmentum marmoris Capitolini, quod basilicae Ulpiae ichnographiam conti- nere videtur.

Tas. Il, fêg. 4. Fragmenta marmoris Capitolini, quae basilicae Juliae ichnographiam continere videntur.

Tan. Il, fig. 5. Porticus Eumachiae Pompeiis detecta : A. Forum Pompeiorum ; a. porta porti- cus Eumachiae ; b. via publica; c. Chalcidicum porticus Eumachiae; d. aditus porticus Eumachiae; e. porticus; f. crypta; g. statuae Eumachiae locus ; h. medium spatium subdiale ; à. statuarum loci; k. scalae; L. lapides fulloni- bus lavantibus exstrueli; m. lacus.

Tas. IL, Jig. 6 et 7. Numi Romani , basilicarum imagines ut videlur repraesentantes.

Tas. Il, fig. 8. Numus Gentis Aemiliae, basilicae Aemiliae a M. Lepido refectae propylaea os- tendens.

Tas. II, jig. 9. Numus Trajani basilicae Ulpiae aditum repraesentans.

Tas. III, fég. 1-5. Basilicae ex sententia Alberti; a. tribunal; à. ambulatio transversa.

Tas. III, fig. 4. Basilica ex sententia Palladii; à. tribunal.

Tas. III, fig. 5. Basilica ex sententia Perralti : A. inferioris basilicae dimidium ; a. aditus; b. por- ticus ; B. superioris basilicae dimidium; c. allerum Chalcidicum , tribunali quod in inferiore basilica positum est, superstructum.

Tas. I], /ig. 6. Basilica ex sententia Caninae : a. tribunal ; b. transversa ambulalio.

Tas. IL, fêg. 7. Basilica ex sententia Marinii cum Chalcidicis : a. Chalcidica ; b. tribunal ; c. scalae.

Tas. III, Jig. 8

Tas. IV, fig. 1

- Basilica ex sententia Marinii sine Chalcidicis ; 4. tribunal. . Basilica Romana secundum veterum Lestimonia : a medium spatium; b. portieus ; c. tabernae ad parietes porticuum (stabula) ; d. tribunalia ; e. statuae.

Tas. IV, ig. 2. Basilicacum Chalcidicis : a. basilica ; b. chalcidica.

Ta. IV, fig. 5. Basilicae Romanae orthographia.

Ta. IV, fig. 4. Basilica Romana in longiludine secta.

Tam. V, fig. 1. Ichnographia basilicae Fanestris : a. medium spatium; D porlieus; c. pronaos aedis Augusli; d. cella aedis Augusti; e. tribunal in pronao aedis Augusti ; f. trabes supra columnas circa collocatae ; g. culmen perpeluum basilicae ; h. culmen a medio (basilicae) supra pronaum aedis Augusti.

Tan. OV, fig. 2. Epistylia basilicae Fanestris contra columnarum capitula secta : a. columnarum

capitulum ; b. trabes ex tribus tignis bipedalibus compactis ; c. pilae ex ful-

mentis dispositae; d. trabes euerganeace ex duobustignis bipedalibus; e. trans-

trum; f. cantherius; g. epistylium: 1. prima fascia, 2. secunda fascia ,

Tas.

Tas

Ta. Tas. Tas.

V, fig:

V, fig.

l'E IT VI, fig. VI, fig. VI, fig. VI, fig. VI, jig. VI, lig- VI, fig. VI, fig.

. VI, fig. . VI, fig.

VII, fig.

VII, fig.

VII, fig.

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EXPLICATIO TABULARUM. 179

5. summa fascia, 4. cymatium ; A. Zophorus cum cymalio ; à. denticulus cum cymatio ; k. corona cum cymatio; /. sima cum capitibus leoninis vomentibus ructus aquarum coeleslium ex ore ; m. canalis aquam coelestem e tegulis exci- piens; n. tegula, junctarum tegularum spinam obtegens, Blendziegel; gg. dd. Epistylia intra basilicam.

- Epistylia basilicae Fanestris inter columnas secta , d, b,g,h,i,k,l,m, n, 99» dd,

uti in fig. 2.

Basilica Fanestris in longitudine secta : &. pronaos aedis Augusti : 1. tribunal in pronao aedis Augusti, 2. parastalicae, 5. aditus aedis Augusli; b. porticus basilicae ; c. parastaticae post columnas altae pedes XX; d. contignatio por- ticus ; e. parastaticae altae pedes XVIIT; f. cantherii; g. intercolumnia lumi- nibus relicta ; k. columen ; 2. capreoli.

Basilica Fanestris in latitudine secta : 4-1, uti in fig. 4 ; aa. cella aedis Augusti.

Basilica Herculanensis.

Basilica Vicentina.

Basilica Pompeiorum.

Basilica Paestana.

Basilica Sancti Andreae.

Basilica Constantiniana.

Basilica Ocricolitana.

Basilica Palmyrensis.

Basilica Sancti Laurentii extra muros Urbis Romae ($. Lorenzo fuori le muru).

Basilica Tyria secundum Euseb., A. £., X, 4, pag. 580 ed. Val.: 1. zepfonce, septum ; 2. à rporbue, veslibulum ; 5. atrium ; 4. cantharus ; 5. basilica, eds, templum; 6. ara ; 7. sedes clericorum; 8. exedrae.

Basilica Sancti Sepulcri Hierosolymitana secundum Euseb., Wit. Const., III, 25- 99; 1. rayrès rpordnua, propylaea, vestibulum ; «ÿazio rÜxz, portae

atrii; 5. diSpio, «Ühÿ rpoTy, prius alrium; 4. fps dyrpcy, Sanctum sepul-

crum; 5. raumueyéSye V@pos, aSaecy also, poslerius atrium; 6. BusiAeiog

26, templum ; 7. ara.

. Basilica Sancti Petri, anno 800.

VII, fig. 5.

Basilica Sanctae Mariae Majoris. Basilica Sanctae Agnetis.

ERRATUM.

Pag. 40, lig. 18, pro rucrédec lege raparrédes.

FINIS.

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