mmmmm'mmmmf ^Wi HARVARD UNIVERSITY. L I B R A R Y MUSEUM or COMPARATIVE ZOOLOGY. OCCAûyyvQc '(X/yLLX.aAJLj3, IloO m :^^ MÉMOIRES COURONNÉS ET AUTRES MÉMOIRES Pl-BLIES PAU L ACADÉMIE ROYALE DFS SCIENCES, DES LETTRES ET DES BEAUX-ARTS DE BEI.GIQLE. COI.I.E:€TIOi% %%-%". — TOJWK XXXIV, A. BRUXELLES, F. IIAVEZ, 13IPRIMEUK DE l'aCADÉMIE ROYALE, luf (lo Louvain , 108. Août 188 8. MÉMOIRES COURONNÉS ET AUTRES MÉMOIRES. MÉMOIRES COURONNÉS ET AUTRES MEMOIRES PUBLIES PAK l'académie royale J>I<:S SCIENCES, OES LETTRES ET DES BEALX-AKTS DK BELGIQUE. c;oiii.K€Tioi« ■«-«*".— ro.nB<: x^ili^it. fil BRUXELLES, F. H AYEZ, IMPRIMEUR DE LACADÉMIE ROYALE, rue de Louvain, 408. Août 1883. HISTOIRE L'ACADÉMIE IMPÉRIALE ET ROYALE DES SCIEINCES ET BELLES -LETTRES DE BRLXELLES, ED. MAILLY, EMnHE DE l'académie. (Présenté à la CLisse des sciences, le I*''' a^ril I88'i. Tome XXXIV. PRÉFACE. L'ouvrage que je publie a pour objet l'histoire de TAca- démie impériale et royale des sciences et belles -lettres de Bruxelles. Il comprend une introduction, trois livres et un dictionnaire biographique. L'introduction fait connaître les circonstances qui amenè- rent l'établissement d'une Société littéraire aux Pays-Bas autrichiens. — Le livre I traite de l'histoire générale de cette Société, avant et après son érection en Académie; le livre II des mémoires lus ou présentés dans les séances, et le livre III des concours. — Le dictionnaire biographique est consacré aux fondateurs, aux membres et aux lauréats de la compagnie, et généralement aux personnes dont ses annales ont conservé la trace. L'acte d'institu!ion de la Société littéraire remonte au 12 janvier 1769, et la dernière séance de l'Académie eut lieu le 21 mai 1794. J'avais donc à mettre en lumière une période d'un quart de siècle, l^oury parvenir, j'ai fait usage de documents presque tous de première main, que j'ai empruntés aux archives de l'Académie et à celles de l'État. Mon ouvrage devient ainsi l'histoire d'une époque très peu connue, racontée par les contemporains. Les mémoires des académiciens sont jugés par leurs confrères nullement portés à l'admiration mutuelle. Les concours, envisagés dès l'origine comme un puissant Il PRÉFACE, moyen d'émulation, montrent à la fois l'esprit qui présidait aux travaux de la compagnie et le mouvement intellectuel dont le pays lui fut redevable. S'il est vrai, comme on l'a prétendu, que « pendant la der- nière partie du dix-huitième siècle, l'histoire des sciences et des belles-lettres en Belgique est pour ainsi dire tout entière dans l'histoire des travaux de l'ancienne Académie de Bru- xelles ', » on me pardonnera d'avoir été long : j'ai voulu en finir avec les aperçus vagues et les notions superficielles qui n'apprennent rien, et donner aux hommes et aux choses la place à laquelle ils avaient droit. Un labeur poursuivi sans relâche pendant plusieurs années mérite peut-être l'attention et la bienveillance : le seul désir d'être utile me l'a fait entreprendre ; ce désir sera, sinon ma justification, au moins mon excuse. ' Ad. Quetelet, Bulletins de l'Académie, t. II, 1853, p. 477. HISTOIRE LACADÉMIE IMPÉRIALE ET ROYALE SCIENCES ET BELLES-LETTRES DE BRUXELLES. INTRODUCTION, L'arrivée à Bruxelles du comte de Cobenzl, ministre plénipotentiaire aux Pays-Bas,— Ses efforts pour ranimer le goût des sciences et des lettres. — L'impératrice Marie- Thérèse agrée l'établissement dune Société littéraire, par sa dépèche du 12 jan- vier 4769. Le 19 août 1753 est une date importante de nos annales: ce jour, arrivait à Bruxelles le comte Charles de Cobenzl, nommé par lettres patentes du 19 mai ministre plénipotentiaire de Leurs Majestés impériales et royales aux Pays-Bas. Né à Laybach le 21 juillet 1712, conseiller de cour en 1755, Cobenzl avait occupé, à partir de 1746, le poste d'envoyé auprès des cercles de l'empire. Plein de zèle et d'une activité dévorante, le nouveau ministre ne tarda pas à se créer des ennemis par ses remontrances au sujet des lenteurs que les conseils collatéraux apportaient dans Tome XXXIV. 1 2 INTRODUCTION. l'expédition des affaires *. Le prince Charles de Lorraine lui reprochait d'être quelquefois un peu \if, même imprudent ^. Sa prodigalité était notoire: le besoin d'argent l'entraîna jusqu'à jouer à crédit à la loterie qu'il avait importée chez nous ^. Mais il souffrait tout le premier de ces défauts, et les services rendus au pays les ont excusés. Cobenzl était un lettré. Outre l'allemand, il parlait et écrivait le français, l'anglais et l'italien: il contribua beaucoup au réveil des sciences et des lettres dans nos provinces. L'Université de Louvain dut occuper ses premières heures de loisir. Cette antique institution n'avait pas suivi le mouvement des esprits et s'était laissé devancer par les écoles de Strasbourg et de Leyde. Les lettres et l'histoire y étaient inconnues, ainsi que les mathématiques; il y avait une leçon de physique, mais peu de machines et d'instruments: la parole du maître remplaçait les expériences ^. Cobenzl fit nommer le comte Patrice de Neny com- missaire royal près l'Université, mais il n'osa pas toucher à ses privilèges: ni le prince Charles ni l'impératrice n'eussent imposé une réformation que Joseph II lui-même fut impuissant à faire accepter. Le commissaire permanent établi par le décret du 1 8 juillet 1 754 avait pour mission de veiller à ce qui pouvait inté- resser la direction, la discipline, la police et les études. Il rendit quelques services, quoique la résistance du gouvernement de Marie-Thérèse h de nouvelles dépenses l'empêchât de réaliser tout le bien qu'il avait en vue. Lell janvier 1755, Cobenzl écrivait au baron de Koch, secré- taire de l'impératrice : « 11 ne serait pas juste que de tous les fidèles sujets de notre grande souveraine, les belges fussent les seuls qui n'auraient pas de marque de l'amour de Sa Majesté pour les let- ^ Archives du rovaume de Belgique. Correspondance de Cobenzl avec le baron de Koch, secrétaire de Marie-Thérèse. ^ Ibid. Collection des MSS. du prince Charles de Lorraine. = Ibid. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne. Rapport de Kaunitz à Marie- Thérèse, du 11 avril 177-2 : D. 99 ad lit. S. 1 (n» 9). * Ibid. Conseil privé, registre n" 370. Lettre du prince Charles de Lorraine « à ceux delà faculté des arts, » du 18 juillet 1754. INTRODUCTION. O 1res. L'Universilé de Louvain se ressent déjà de son auguste protec- tion, mais nous venons d'en établir un monument dans Bruxelles même*.» Il s'agissait de la célèbre Bibliothèque de Bourgogne dont Cobenzl avait fait retirer les restes des souterrains de la chapelle du palais royal où ils étaient demeurés ensevelis depuis l'incendie du palais, dans la nuit du 5 ou 4 février 1751. Par les soins du ministre, l'ancienne salle du grand-serment des arbalé- triers avait été disposée pour recevoir ces précieuses reliques, et le prêtre P. VVoulers s'était chargé de les meltre en ordre. Quelques années plus tard, Cobenzl forma le projet de faire publier les monuments de Ihistoire des Pays-Bas depuis les temps les plus reculés. Il demanda un mémoire au comte de Neny, et ce dernier s'acquitta de sa tâche au mois de mai I7G0. i^a collection devait comprendre les ouvrages déjà imprimés, mais devenus rares, et ceux qui étaient restés manuscrits. Neny promettait de former la liste des ouvrages antérieurs à l'abdication de Charles- Quint; MM. Van Ilcurck, conseiller député aux affaires du com- merce et assesseur de la jointe des monnaies, Verdussen, échevin delà ville d'Anvers, et l'abbé Nelis, bibliothécaire de l'Université de Louvain, furent désignés, les deux premiers, pour dresser la liste des ouvrages relatifs aux troubles des Pays-Iîas jusqu'à la mort de Philippe H, le troisième, celle des ouvrages postérieurs à cette époque. Une circulaire transmise aux chapitres des cathé- drales, aux collégiales les plus considérables, ainsi qu'aux abbés et aux prieurs des principaux monastères, réclamait la note des manuscrits relatifs à l'histoire ecclésiastique ou civile des Pays- Bas, renfermés dans la Bibliothèque de leur maison. Les réponses devaient être remises, au fur et à mesure de leur réception, à l'abbé Paquot, en sa qualité d'historiographe de Sa Majesté, mais celui ci avouait, longtemps après, avoir cru superflu d'en prendre soin. « La plupart de ceux à qui 1 on s'était adressé, ou n'avaient pas compris le but auquel on tendait, ou n'étaient pas dhuraeur d'y contribuer, ou n'étaient nullement en état de le faire, quoiqu'avec de la bonne volonté. » ' Archiv. du roy. de Belg. Secrélairerie d'tttat et de guerre : Académies. 4 INTRODUCTION. D'un autre côté, aucune des personnes chargées de former lesv listes dont il a élé question ci-dessus, ne s'en était occupé, à l'ex- ception de labbé Nelis. L'idée de donner un recueil en bon ordre de tout ce qu'il y avait d'écrivains anciens et modernes de notre histoire valant la peine d'être lus, fut abandonnée: l'abbé Paquot qui restait maintenant chargé seul avec Nelis de l'exécution, ayant démontré l'impossibilité de faire pour la Belgique ce que les bénédictins de Saint-Maur avaient fait pour la France. « Il fau- dra, disait-il, publier ce qu'on a de bon sous la main, et du tout ensemble un corps des meilleurs monuments de l'histoire bel- gique. » Paquot proposait de commencer par la chronique de Dynterus,. mais la copie n'en était pas prête : c'est pourquoi l'on se décida pour l'impression de la chronique de Robert Macquereau, qui parut en 1763 sous le titre : Histoire générale de l'Europe depuis la naissance de Charles-Quint jusqu'au cinq juin MDXXVII ;\ vol. in-4*' de pp. XVI et d4(). La même année, l'abbé Nelis publia ur^ recueil de lettres inédites d'Hopperus à Viglius; 1 vol. in-4° de 595 pages. Les deux volumes sortaient des presses de l'imprimerie établie près l'Université de Louvain. Notons ici que, selon Nelis, les manuscrits devaient former la partie la plus importante de la collection. Il n'y eut pas, du resle^ de livre d'histoire réimprimé; car on ne peut pas ranger dans celte catégorie un recueil d'opuscules relatifs à Vhistoire littéraire bel gique, qui paiViii en 1767 à Louvain, par les soins de l'abbé Nelis et dont l'impression n'a pas été achevée *. Au mois d'octobre 1766, le comte de Cobenzl n'ayant pas con- fiance dans l'Université de Louvain, envoya son fils aîné à Stras- bourg, après avoir obtenu du professeur Schoepflin qu'il lui don- nerait ses soins. Il ne s'agissait d'abord que d'un séjour de sept à huit mois : le jeune comte venait d'achever sa rhétorique au col- lège d'Harcourt à Paris, mais il avait besoin d'être fortifié dans la » Archiv. du roy. de Belg. Correspondance du comte de Cobenzl avec Neny Nelis el Paquot. INTRODUCTION. 5 latinité, de faire un cours d'éloquence et d'apprendre les éléments de l'histoire, après quoi il irait à Vienne étudier la philosophie et le droit, apprendre l'allemand, et faire connaissance avec ses maîtres et ses parents. Au lieu de sept à huit mois, le comte Louis de Cobenzl passa <;inq années à Strasbourg. Schoepflin avait fixé au mois d'octobre 1771 l'époque où il pourrait quitter l'Université, « bien meublé des connaissances avec lesquelles il [devait] paraître sur le théàlre du grand monde, qui [attendait] de lui, do sa naissance et de ses talents, des actions brillantes. » Le comte Louis, comme on le sait, se distingua dans la diplo- matie, et représenta successivement la cour de Vienne à Copen- hague, à Berlin et à Saint-Pétersbourg. Son père, voulant témoigner sa gratitude à Schoepflin, Tinvi- lait chaque année h venir passer les vacances à Bruxelles. Dès le 19 novembre i7GG, il lui écrivait : « Je serais heureux si vous pouviez venir passer une vacance avec moi; cela ferait du bien à votre santé; vos lumières me seraient bien nécessaires pour m'aider à perfectionner ce que j'ai commencé et ce que je vou- ^Irais faire encore [)Our mon Université de Louvain. » Schoepflin répondit le 9 décembre : « Vous me proposez une ■chose bien agréable en luc proposant un voyage à Bruxelles. Je pourrai l'entreprendre au mois d'août ou de septembre de Tannée prochaine. Ce sera la troisième fois que je verrai cette belle ville... C'est alors que je pourrai donner un coup d'oeil à l'Université de Louvain... *. » Schoepflin arriva à Bruxelles le 1 7 août 1767 et y demeura jus- qu'au 9 octobre. Il fut mis en relation, entre autres, avec l'abbé Nelis et avec Tofllcial de la secrétairerie d'État et de guerre Gérard, visita l'Université et la Bibliothèque de Bourgogne, et entretint souvent le ministre de l'idée d'instituer dans la capitale une Académie pour relever les études dont l'aff'aiblissemcnt et la mauvaise direction avaient produit la décadence des lettres. * Archiv. du roy. de Belg. Correspondance du comte de Cobenzl. 6 INTRODUCTION. Déjà en 1764 l'abbé Nelis, pour contre-bnlancer à Louvain ce qu'il appelait les vestigia ruris, avait sollicité de Cobenzl la per- mission d'y établir, sous ses auspices, une petite Académie qui pourrait faire renaître le goût de l'éloquence et des lettres étouffé par la mauvaise et frivole philosophie de TUniversité ; mais le ministre n'avait pas approuvé ce projet : « Cela me ferail, disait-il, établir une espèce de parti, et produirait assurément plus de mal que de bien *. » Érigée à Bruxelles, l'Académie n'offrait pas les mêmes inconvé- nients. Aussi Cobenzl agréa-t-il Tidée de Schoepflin. Celui-ci remit à ce sujet un mémoire dont le ministre ne fît pas immédiatement usage, parce qu'il voulait s'entendre et se concerter là dessus avec le comte de Neny qui se trouvait alors à Vienne; et lorsque le chef et président fut de retour, ils tombèrent d'accord de demander l'avis de l'abbé Nelis. L'ancien bibliothécaire de Louvain, devenu chanoine de la cothédrnle de Tournai, présenta les feuilles, comme les appelait Cobenzl, que nous transcrirons plus loin. Le mémoire de Schoepflin portait le titre: Réflexions sur le rétablissement des bonnes études dans les Pays-Bas. 11 débutait ainsi: « La décadence des lettres, qui se manifeste dans les Pays-Bas, est un événement auquel on ne devait jamais s'attendre dans une si belle région de l'Europe, où elles avaient brillé depuis qu'on les a vues renaître. » L'auteur attribuait celte décadence aux vices et aux lacunes de l'enseignement. Les talents subsistent, disait-il, mais on les a déroutés et mal conduits. La jeunesse devrait être préparée de bonne heure à l'élude de la géographie et de l'histoire ancienne et moderne, « parties utiles et agréables qu'on devrait joindre aux tristes études de la gram- maire, des vocabulaires, phraséologies et autres minuties scolas- tiques. » Parmi les lacunes de l'enseignement supérieur, il signalait le droit public universel et l'histoire politique des divers États de l'Europe. Pour enseigner toutes ces parties, il fallait élever et former des jeunes professeurs joignant à l'ordre et à la méthode la * Archiv. du roy. de Belg. Corres|iondnnce du comte de Cobenzl. INTRODUCTION. 7 clarté et la netteté de l'éloculion. — Une Académie irapérialc et royale belgiqiie des sciences et des belles-lettres lui semblait nécessaire pour atteindre ce but. «Cette Académie, dans les com- raencements, disait-il, sera composée de peu de membres qui penseront et qui veilleront aux expériences et à l'exécution des projets. Elle proposera à toute la Belgique et même aux étrangers des questions et des prix. Elle examinera les dissertations adres- sées au secrétaire perpétuel de l'Académie; elle déterminera le degré de leur valeur; elle couronnera les meilleures dans une séance publique annuelle et semestrale. L'émulation s'en mêlera et produira dans peu une pépinière d'où l'Académie même pourra tirer des membres, qui non-seulement jugeront sur le travail des autres, mais auront aussi le loisir de travailler eux-mêmes et de lire dans les assemblées particulières et publiques des disserta- tions tirées de leur propre fonds. — 11 sera permis aux auteurs des dissertations de se servir de la langue latine, française et flamande. — On agrégera par la suite à l'Académie des associés externes. — Les membres qu'on cboisira seront ordinaires et extraordinaires. On pourra même foinier une classe dbonoraires. — Les matières à traiter et à proposer sontsans nombre. Un grand pays situé au milieu de l'Europe, orné de toutes les richesses de la nature et de Tart, habité pRr un peuple né pour les arts et les sciences, abonde en matières et objets à rechercher et à examiner. — La partie physlcjuc fera une classe particulière de l'Académie, qui aura pour objet les trois règnes de la nature, du végétal, minéral et animal. — Ceux qui s'occuperont de la partie historique auront un champ des plus vastes. La nature ne varie pas, mais les royaumes et les états changent continuellement et varient Ou recherchera les belges dans la plus haute antiquité; on les con- duira par toutes les révolutions avant et sous les romains, sous les francs et après le partage de la monarchie des francs. La géogra- phie belgique du moyen âge, lorsque les provinces furent géné- ralement partagées in pagos et comitatus, est un objet des plus riches qui n'a jamais été traité. L'origine des châteaux, des bourgs, des villes, des duchés, marquisats, comtés, baronies, leurs accrois- sements, leurs mœurs et coutumes, l'origine de la grande et de la INTRODUCTION. petite noblesse, de leurs tournois, armoiries, guerres, l'art mili- taire des belges sous les francs, les anciennes lois ecclésiastiques, civiles, féodales, les plaids publics, la manière de rendre la justice, fournissent d'amples matières à des dissertations. Les manufac- tures, le commerce, la navigation, les découvertes faites par les belges, l'architecture, sculpture, peinture, perfectionnées par eux, sont encore des objets importants à discuter... » Les FEUILLES de Nelis comprenaient: 1° une ?iote intitulée: Académie ou Société royale de Bruxelles; S» un projet de lettre pour les académiciens ; 3® un projet de règlement. La note était ainsi conçue : « Peu de personnes et un aussi petit nombre de règlements parais- sent devoir former le premier établissement de celte Société. — M. Ver- dussen, d'Anvers; M. Seumoy, de Bruxelles; M. Vander Vynckt, ancien conseiller de Gand; MM. Paquot, Van Rossum et Nelis [le frère du chanoine], de Louvain: voilà à peu près tout ce que je connais de sujets propres à y être employés. Si Ton veut y ajouter un petit académicien de Tournai, j'apporterai un peu de zèle, que j'ai toujours eu pour les lettres en général, et beaucoup d'inclination pour l'établissement, dont il s'agit en particulier. Et je me tiendrai fort honoré d'avoir pu mériter un pareil choix. — Une simple lettre du gouverneur ou du ministre, adressée à chacun des académiciens futurs, est tout ce qu'il faut pour l'exécution du plan. Plus tard, quand l'expérience aura indiqué une marche sûre, qu'il faut suivre, l'on pourra fixer l'état de la compagnie par lettres patentes ou autrement, lui donner des titres et une forme constante; en attendant, la renommée publiera assez ce qui en est, et cela pourra suffire pour faire naître un peu d'émulation. — C'est ainsi d'ail- leurs qu'ont été formées celles d'entre les Académies de l'Europe qui se sont acquis le plus de célébrité. Le ministère par là ne se compromet en rien; et si malheureusement le succès de la chose ne devait pas répondre à la beauté du plan et aux vues de l'entreprise, il n'y aurait jamais de mal de l'avoir essayée. — 11 paraît nécessaire de nommer quelqu'un d'entre les associés qui soit comme le centre de la correspondance. C'est lui qui sera chargé de recueillir et rédiger les mémoires, vues, plans ou décou- vertes. Il en rendra compte ensuite à la personne du gouvernement qui daignera être le chef, le protecteur ou le président de la Société, sous les INTRODUCTION. ÎJ! yeux de qui on portera toujours les travaux des différents membres. — Ces travaux pourront embrasser tous les objets des sciences, comme tous les genres de littérature. Chacun suivra son goût et ses talents. Nulle gêne^ nulles entraves; seulement on exhortera tout le monde de prendre pour objet de ses recherches, l'histoire naturelle ou civile de son pays, préférablement à des discussions étrangères, dont l'utilité ne saurait être ni aussi grande ni aussi directe. Au reste tout sera bon, tout sera bien reçu, dès que l'on y reconnaîtra la marque du goût ou la trace du génie. — De régler après cela, et en laissant une aussi grande liberté qu'on fait, que chaque académicien aura à fournir un mémoire ou petite dissertation tous les trois mois, ce n'est pas imposer, ce semble, une tâche trop forte. On pourra cependant recevoir les excuses de ceux qui n'au- ront pu finir leur besogne dans le temps limité. — Les dissertations seront écrites en latin, en français ou en flamand. — Il y aura tous les ans une assemblée générale, et elle se tiendra à Bruxelles, dans Thôtel du chef ou protecteur de la Société, le lendemain de la Sainte-Thérèse. — Si le gouvernement trouve à propos, comme il importe tant pour l'ému- lation, de distribuer tous les ans quelques prix, ce sera dans ces assem- blées qu'on en fixera les sujets et qu'on en fera ensuite l'adjudication. — Outre les sept à huit académiciens, dont il est parlé, rien ne parait plus à propos que d'avoir dans différents endroits de nos provinces des personnes attachées à l'Académie sous le titre de correspondants. Ces cor- respondants, sans être obligés à rien de bien précis, seront invités à com- muniquer leurs vues, leurs découvertes, ou seront employés à faire des recherches. 11 ne faut encore qu'une petite lettre adressée à chacun de ceux qu'on destine à remplir cette place, et point d'annonce ou de cartel public. — Beaucoup s'en faut que je connaisse tous les gens studieux ou à talents qu'il y a dans les Pays-Bas, j'en vais seulement nommer quel- ques-uns qui, à ce que je crois, conviendraient très fort. Il y en a même qui, mieux connus et mieux appréciés, pourraient peut-être entrer dans la classe des académiciens : M. d'Azevedo, prévôt de la collégiale de N.-D. à Malines; M. Goyers, curé d'IIimelghem, M. Bournons, mathématicien, MiM. Joffroy et Van Bochaute, médecins à Malines; un curé près d'Ath, nommé Fressoing; plusieurs jeunes gens à Bruxelles. — On m'a dit qu'il y avait à Tongres un M. Philips, anglais, homme d'esprit et de lettres, et auteur d'une vie du cardinal Polus, qu'on a beaucoup vantée. On pourrait peut-être tirer parti de la proximité de cet homme. Si on pouvait avoir M. Needham, on aurait un homme qui a fait beaucoup de 10 INTRODUCTION. recherches dans sa vie, et qui serait bien capable de diriger celles des autres, surtout en fait de physique. Un canonicat de Soignies, si S. M. daignait le lui donner, nous rattacherait pour toujours, et s'il m'est permis de le dire, je crois que rien ne serait mieux donné. » Voici le projet de lettre : »t Sa Majesté ayant résolu, monsieur, d'établir dans ses Pays-Bas une Académie, pour donner de l'émulation à ses sujets et hâter les progrès des sciences, c'est avec un vrai plaisir que je me trouve chargé devons apprendre cette résolution, et en même temps le choix que S. M. a fait de vous pour être l'un des membres de celte Société. — J'attends, mon- sieur, de vos lumières et de votre zèle tout ce qui est nécessaire pour seconder ce dessein, je chercherai de mon côlé avec empressement toutes les occasions de faire valoir le service que vous rendrez par là à l'Etat et aux lettres. — Je joins ici un pclit règlement qui vous indiquera ce que l'on s'est proposé en parliculier. Je recevrai d'ailleurs avec beaucoup de satisfaction les réflexions, que vous croirez propres à perfectionner les choses, et que vous voudrez bien m'adresser. Je vous en aurai la plus sincère obligation. — J'ai l'honneur d'être, etc. » Projet de règlement: « Les académiciens s'occuperont de tout ce qu'ils voudront, mais ils s'occuperont de quelque chose. Tous les trois mois ils enverront le résul- tat de leurs réflexions sous la forme d'un pelit mémoire à M*** que S. M. a chargé de recueillir les mémoires. — Il y aura une assemblée générale tous les ans, le lendemain de la Sainte-Thérèse. Elle se tiendra à Bruxelles dans 1 hôtel de *'*. Tous les académiciens, qui n'auront point à apporter une excuse légitime, seront obligés de s'y trouver. Dans cette assemblée, on fixera les objets des prix, que S. M. se propose de donner tous les ans. On réglera aussi dans la première assemblée la manière dont on en fera l'adjudication, ainsi que ce qui regarde la publication des mémoires. — Quoique tout ce qui est du ressort des arls, des lettres ou des sciences, puisse faire l'objet des travaux de la Société, S. M. désire qu'on s'occupe préférablement de ce qui appartient à l'histoire civile et naturelle des provinces belgiques. — On borne, quant à présent, à ce petit nombre d'observations le règlement pour la Société ou Académie de INTRODUCTION. H Bruxelles 5 S. M. se réserve d'y faire selon le besoin, et à mesure que les arrangements se perfectionneront, les additions et changements néces- saires. » La lettre devait être accompagnée de la liste des académiciens nommés par S. iM., afin que chacun connût ses confrères. Cobenzl, en faisant parvenir au comte de Neny le mémoire de Schoepflin et les feuilles de l'abbé Nclis, avait demandé au chef et président de s'expliquer sur les objets d'une note que le dit chef avait remise au prince de Kaunitz pendant son séjour à Vienne, sous le titre : Hommes de lettres, médailles pour les Académies. (iCt écrit traitait des encouragements à accorder à quelques savants des Pays-Bas, la plupart membres de TUniversité de Louvain, et de rétablissement de quelques prix pour les Acadé- mies de dessin, de peint«irc, de sculpture et d'architecture d'An- vers, de Bruges et de Bruxelles. « Il n'y a aucun établissement pour les sujets qui cultivent uniquement l'étude des belles- lettres, 1) disait Neny, « si l'on en excepte le professeur d'histoire qui jouit d'une pension de 500 florins par an fondée sous le règne de Charles-Quint par Jérôme Busieyden, conseiller au conseil privé et son ambassadeur auprès de Ferdinand, roi des romains... [En France] le roi est dans l'usage d'accorder des pensions sur les évéchés et sur les abbayes aux sujets qui se distinguent dans les sciences ou dans les lettres. Il serait fort à désirer qu'il y eût quel- que encouragement pareil aux Pays-Bas. Nelis, auteur de la belle oraison funèbre de feu S. M. l'empereur [François], qui vient de quitter TUnivcrsité pour un canonicai de Tournai, n'y jouissait que de 150 florins par an en qualité de bibliothécaire. » Ici, Neny parlait de Vounck, de Michaux, de Collin, de Seumoy. « Quelques- uns de ces hommes » , disait-il, « nous sont enviés par les nations étrangères, et il n'y a guère (|u'un an çt demi que le comte de Corbury, président de l'Académie de Turin, me parut fort tente de nous enlever Vounck à tout prix... » Vounck, selon le chef et président, était, à l'âge de trente ans, le premier homme de l'Eu- rope pour les injections. Par son intelligence, ses soins et son économie, le professeur Michaux avait procuré de la célébrité au 12 INTHODUGTIOX. Jardin botanique. Le nommé Coliin était un excellent professeur de rhétorique, attaché au collège de la Trinité. On devait à Seumoy des microscopes de nouvelle invention. Le 14 juin 1768, Neny envoya la note suivante au ministre plénipotentiaire : « Le projet de M. de Schocpflin est aussi bon que les vues qui l'ont dicté sont justes. Je pense néanmoins, avec M. Tabbé Nelis, qu'au lieu d'établir tout de suite l'Académie en titre, et par lettres patentes, il est de la prudence de commencer par former cette Société de gens de lettres qu'il propose. Les sujets dont il croit qu'elle pourrait être composée, ainsi que ceux qu'il nomme pour correspondants, me paraissent assez bien choisis, mais je suis d'avis qu'on pourrait y ajouter pour la Société littéraire M. Vounck, professeur royal de chimie à Louvain, ainsi que M. Michaux, professeur royal de botanique, qui pourront être utiles pour la partie de l'histoire naturelle. — Je ne connais pas ce M. Philips, auteur d'une vie du cardinal Polus, dont parle l'abbé Nelis, mais pour ce qui concerne M. Needham, il jouit dans toute l'Europe de la juste considération que méritent ses talents, ses mœurs et ses profondes connaissances. J'ai exposé par un mémoire du 17 mars 1759, qui a été remis à S. M., le parti que nous espérions tirer alors de ce sujet, pour l'avancement des bonnes études '; si nous pouvions encore aujourd'hui en faire l'acquisition, personne ne serait plus en état que lui de se char- ger de la principale direction de l'établissement qu'on médite. Du reste si S. A. R. juge à propos d'agréer le plan de l'abbé Nelis, il s'agirait : 1° de désigner la personne qui sera chargée de recevoir et de recueillir les mémoires; 2" la personne chez qui se tiendront les assemblées annuelles. — On pourrait, ce me semble, faire adresser les mémoires, * Il s'agissait de charger Needham d'une chaire de physique expérimentale et de la formation d'un cabinet d'histoire naturelle à l'Université de Louvain, mais ce projet échoua par l'opposition qu'y fit le chancelier de cour et d'État, de Kaunilz. — Comme le séjour de Needham à Louvain n'aurait été que tem- poraire, on avait songé à lui donner pour élève l'abbé Nelis, « jeune homme de 2o ans, auquel on attribuait une application infatigable aux sciences et un goût éclairé et délicat. » Nelis, en qualité de démonstrateur, aurait fait les expériences, et suppléé le professeur, lorsque celui-ci l'aurait trouvé convenir. (Archiv. du roy. de Belg. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne: D. 5f- ad lit. L.) INTRODUCTION. 1 3 SOUS l'enveloppe du secrétaire d'État et de guerre, à M. Gérard, officiai dans ce bureau, qui a du goût et de la littérature. Et quant aux assem- blées annuelles, si Son Excellence le ministre plénipotentiaire voulait bien consentir à ce qu'elles se tiennent chez lui, cette complaisance ne pourrait que donner du crédit et du relief à la Société. »> Le chef et président exprimait ensuite l'avis que le prix de la Société littéraire pourrait consister dans une médaille d'or du poids de 25 ducats. Pour ce qui concernait les pensions en faveur des hommes de lettres, « objet, disait-il, auquel j'ai proposéqueS. M. daignât auto- riser le gouvernement à employer 2 400 florins par an, voici une distribution provisionnelle de 2 000 florins que je crois pouvoir être faite en faveur de ceux dont j'ai parlé dans ma note : A Josse- Jcan-Huberl Vounck jusqu'à ce qu'il soit admis dans le collège de l'étroite faculté, 500 florins; son traitement, en qualité de professeur royal de chimie, n'est que de 500 florins par an dont 280 florins sont affectés sur les impôts de Brabant au quartier de Louvain, et les 220 florins restants sur les domaines. — Au sieur Michaux, pro- fesseur royal de botanique, pareillement 500 florins, aussi jusqu'à ce qu'il soit admis dans le collège de l'étroite faculté. Son traite- ment annuel n'est que de 550 florins dont 200 sont afTeclés sur les impôts de Brabant au quartier de Louvain et le reste sur les domaines. — Au sieur Collin,... également 500 florins... — Au sieur Seumoy, physicien et habile macliiniste résidant à Bruxelles, pareillement 500 florins. « J'ai expliqué dans ma note les motifs qui peuvent exciter la munificence royale de S. M. en faveur de ces quatre sujets, et je suis persuadé que les marques qu'ElIe daignera en donner, seront un puissant encouragement pour les sciences et les belles-letlres dans ses provinces belgiques. » Toutes ces pièces furent remises par le comte de Cobcnzl au prince de Kaunitz, avec une lettre datée du IG juin 1708. Le ministre se montrait disposé à tenir dans son hôtel les assem- blées annuelles; il était d'accord avec le comte de Neny en tout ce qui concernait la Société littéraire et les pensions à accorder à des gens de lettres. ^4 I.MT.ODUCÏION. Kâunitz conseilla (29 juin) de faire porter la chose à la décision de S. M. par une Relation en forme. Il recommandait en même temps la plus grande économie, et comme on n'avait pas encore pressenti les dispositions de l'abbé Needham, il exprimait le désir qu'on s'assurât d'avance si cet ecclésiastique voudrait se fixer aux Pays Bas au moyen d'un des canonicats qui étaient h la disposi- tion du gouvernement. Enfin il invitait le ministre de cherchera monter la Société projetée, de façon que lUniversité de Louvain eût à se ressentir par préférence des avantages qu'on s'en pro- mettait. La Relation de S. A. R. le prince Charles de Lorraine, qui est du 25 juillet 1768, proposait deux prix pour la Société, chacun de la valeur de 25 ducats, à la place d'un seul dont il avait été ques- tion. Elle estimait aussi que les pensions proposées par le comte de Neny seraient très bien employées, et ne manqueraient pas de produire un bon effet. Le 12 août, le ministre prévenait Kaunitz que l'abbé Needham complaitse rendre à Bruxelles vers la fin du mois de septembre, si, en attendant qu'il parvînt à la jouissance des fruits d'un cano- nicat, Sa Majesté lui accordait une pension annuelle de 1 000 flo- rins de Brabant. Selon l'usage, la Relation du prince Charles de Lorraine fit l'objet d'un rapport du chancelier de cour et d'État à l'impéra- trice. Dans ce rapport, daté du 24 octobre 1768 *, Kaunitz se pro- nonce en faveur de l'établissement d'une Société de gens de lettres, mais à condition qu'on écartera de l'institution tout ce qui pourrait faire penser que c'est pour l'exercice et l'avancement * Archiv. du roy. de Belg. Chancellene des Pays-Bas à Vienne, n» 401. Le rapport de Kaunilz comprend comme annexes le mémoire de Schoepflin; les feuilles de Nelis; la uote du comle de Neny, intitulée : Hommes de lettres, médailles povr les Académies; la note.de Neny du 1 4 juin 1768; la lettre du comle de Cobenzl du Ifi juin; celle du prince de Kaunitz du 29 juin; la Relation du prince Charles de Lorraine, et la lettre du comte de Cobenzl, du ii août. — Le rapport et quelques-unes de ses annexes ont paru dans VAn- nnaire de l'Académie pour I85S. INTRODUCTION. 15 dos seules belles-lettres qu'on l'aurait adoptée. Il faudra, eomrne l'a remarqué l'abbé Nelis, inviter le public à tourner ses vues et SCS recberchcs vers les sciences utiles à Ibumanilé et nécessaires h l'industrie. Les belles-lettres, selon Kaunitz, pcu\ent bien ser- vir d'amusernent et d instruction à quelques particuliers, mais ne méritent pas, de la part du souverain, des encouragements de préférence. Elles ne sont utiles que lorsque ceux qui les cultivent embrassent en outre quelque autre profession, et s'en servent pour répandre des grâces, de l'ordre, de la clarté dans les matières qu'ils ont à trailcr, pour y inelire de la précision et y jeter de la cbaleur et de l'inléiét. C'est par ce rapport qu'ont les belles-let- tres avec les autres brandies des connaissances humaines qu'elles s'attirent les soins d'un gouvernement éclaiié; c'est là le tilre par lequel elles méritent une place dans une Académie, où l'on devra d'ailleurs subordonner, aulant que possible, les éludes agréables aux sciences utiles, pour éviter l'inconvénient où sont tombées tant d'Académies de bclles-leltres en Italie, qui, au lieu d'éclairer et instruire la nation, lui ont imprimé un esprit de bagatelle et de frivolité si nuisible aux progrès de la raison. Le chancelier propose donc à l'impératrice d'agréer la Société des gens de lettres, d'après le plan qu'en a fait l'abbé Nelis. 11 est fondé d'attribuer au défaut d'un établissement de cette nature, l'état de dépérissement où sont toutes les sciences aux Pays-Bas, dans le même temps que nos voisins, les anglais et les français, ont fait en tout genre des progrès si rapides. Jusqu'ici, fait-il remarquer, il a fallu se contenter de redresser les abus les plus grossiers qui s'étaient glissés dans l'Université de Louvain. Depuis 1754, un commissaiie permanent veille à tout ce qui peut y intéresser la direction des éludes, la police et la disci- pline. La Société littéraire, en dissipant les préjugés invétérés et l'ignorance, obligera également les profes.seurs et régents à puiser dans de meilleures sources la doctrine qu'ils auront à expliquera leurs disciples. La dépense se réduira aux deux chefs suivants : l*' honoraires de l'abbé Needham, jusqu'à ce (lu'il entre en jouissance des fruits de quelque eanonieat, 1 000 florins de Brabant; 2" deux prix à , 16 INTRODUCTION. distribuer tous les ans, chacun de la valeur de 25 ducats, faisant ensemble 50 ducats ou 297 '/s florins. Total i 297 i/a florins de Brabant A quoi il faut ajouter les frais annuels, tels que l'achat de papier, etc., le loyer d'un emplacement pour le dépôt de la cor- respondance et des actes, quelques honoraires, les essais, instru- ments, machines, etc. Mais comme il ne s'agit que d'un essai et qu'on ne demande rien pour ces articles, il serait prématuré d'y assigner quelque somme en ce moment-ci. Au reste, comme cette Société est destinée à préparer les voies à un établissement plus solide, il importe beaucoup qu'on lui donne une forme propre à remplir le but qu'on se propose. L'attention de S. A. R. devra être appelée sur ce point, afin qu'il consulte au sujet de la forme et des opérations de la Société, le comte de Cobenzl ainsi que les membres du gouvernement les plus éclairés en ces matières. Lui-même (Kaunilz) ne manquera pas de suivre cette affaire dans sa correspondance avec le ministre, en lui sug- gérant à propos les moyens qui pourraient contribuer à l'utilité et à la perfection de ce plan. « Des pensions à accorder à quelques savants, » continue le chancelier, « faisait le second objet de la Relation de S. A. R. Rien de plus louable que les motifs qui vont à l'appui de ^ette propo- sition. Ce n'est sans doute que le mérite des savants et leurs besoins qui doivent guider la main bienfaisante d'un souverain éclairé et humain, et les récompenses répandues à propos ont, en tout temps et en tout pays, fait éclore les talents utiles avec les talents agréables, et contribué au développement et à la perfec- fection de la raison. » Toutefois le chancelier, s'il applaudit au principe, n'est pas d'accord avec le gouverneur général sur l'application qu'il en fait : de quatre sujets pour qui il s'intéresse, trois sont pris de l'Université de Louvain ; or, ce n'est pas faute d'encouragement que les sciences y sont tombées en décadence, et s'il y a quelques suppôts de ce corps qui ne paraissent pas trop bien salariés, leur traitement répond néanmoins assez à la façon de vivre à Louvain. Ce n'est \)as non plus le plus ou moins de salaire qui fera changer des pédants en vrais savants, utiles à la société, qui leur donnera INTRODUCTION. 47 le taleiU de s'exprimer avec pureté et précision dans les langues vivantes, et l'art de mettre de l'intérêt dans un ouvrage où il est question de quelque matière abstraite. L'Université a besoin d'une refonte entière; la Société littéraire pourra y aider. « En effet, si au lieu d'employer la somme de 2 400 florins à des pensions sur le pied que le gouverneur général le propose, on la distribuait tous les ans par forme de gratification aux asso- ciés qui se Feront distingués par quelque bon ouvrage, il est à présumer que les membres de l'Université de Louvain, qui se sentent des talents, tourneront leur application sur des objets qui les mettent à portée d'avoir part à de pareils bienfaits, et insensi- blement il s'y formera des sujets qui sauront réunir les sciences vraiment utiles aux talents agréables, et la plupart du temps deux ou trois sujets suflisent pour donner le ton qu'il faut à tout leur corps. » Kaunitz propose donc de charger le gouverneur général de mettre provisoirement celte idée à exécution, et de comprendre à cet effet parmi les associés les sujets de lUniversité de Lou- vain qui annoncent le plus de talents et d'aptitude pour les objets dont la Société littéraire doit s'occuper. Provisoirement, parce que, lorsqu'il sera question d'ériger une Académie en forme, il pourrait être convenable de statuer différemment sur la distribu- tion de cette somme, qui pourra faire alors la dotation de l'Acadé- mie, du moins en partie. Quoique au reste la Société littéraire ne forme pas un corps permanent, comme néanmoins elle est destinée à préparer les voies à un établissement plus brillant, il conviendra que les places d'associés soient en assez petit nombre pour être estimées et bri- guées. Il importe beaucoup plus qu'il y ait des associés bien choisis, qu'il n'importe qu'il y en ait en grand nombre. L'impératrice approuva le plan de Kaunitz, après l'avoir com- muniqué à Van Swieten, qu'elle appelait Van Suite. « J'aprouve en tout le plan comme le prince Kauniz le pro- pose, l'ayant comuniquée a Van Suite et l'ayant voulue lire moi même c'est la raison pourquoi cela at tant tardée j'ai lue avec plaisir tout cet arrangement. » TowE XXXIV. 2 18 iNir.ODUCTIOX. Le rapport du prince de Kaunitz était, comme on l'a vu, du 24 octobre 1768 : la dépêche royale, par laquelle la Société litté- raire était instituée, portait la date du 12 janvier 1709. Celte dépêche n'a pa*^ été retrouvée; elle n'existe ni dans les archives de l'État, ni dans celles de TAcadémie, mais, selon toute apparence, elle se réduisait aux quatre points suivants : Sa Majesté donnait son agrément à rétablissement de la Société; Elle autorisait le j)rince Charles de Lorraine à conférer tous les ans deux mé- dailles d'or, du poids de !25 ducats chacune, aux deux meilleurs ouvrages qui auraient concouru sur les sujets proposés; Elle autorisait le prince à pourvoii' l'abbé Needham d'un canonicat dans l'église collégiale de Soignies, et à lui faire payer en attendant qu'il en perçût les fruits, une pension annuelle de 4 000 florins de Brabant; eufin Elle assignait provisoirement sur ses royales finances une somme de 2 400 florins de Brabant à la Société, pour être distribuée tous les ans, à titre de grati- fications, aux membres qui se seraient signalés par quelque bon ouvrage. a On avait espéré », dit Gérard [dans une note écrite en 1777 et conservée aux archives de l'Académie] « que vers le mois de septembre 1768 la résolution de S. M. au sujet de l'établissement de la Société littéraire serait parvenue au gouvernement, et comme le ministre souhaitait que M. Schoepflin pr(îsidât à l'ouverture de la première séance et qu'il y fît un discours, il le requit de se rendre à Bruxelles; il s'y rendit, il y resta longtemps et il excita la principale noblesse, entre autres le duc d'Arenberg et le j)rinee de Ligne à cultiver et à protéger les lettres; il engagea même le prince de Ligne à faire une petite dissertation sur un passage des commentaires de César. M. Schoepflin était déjà depuis plus d'un mois à Bruxelles, et la résolution de S. M. tou- chant rétablissement de la Société littéraire n'était point encore arrivée : ses affaires le rappelaient à Strasbourg. Le comte de Cobenzl l'engagea à rester à Bruxelles. C'était le mois d'octobre : M. Schoepflin peu accoutumé au climat de ces provinces y eut une forte maladie qui l'affaiblit considérablement et à laquelle on INTRODUCTION. 1 9 a attribué sa mort ' : il n'était point parti deux .nois de Bruxelles, que la dépêche de S. M. portant rétablissement de la Société litté- raire arriva : peu de jours après, le ministre me fit venir chez lui et m'annonça qu'il m'avait destiné la place de secrétaire de la nouvelle Société; je tâchai de m'excuser de l'accepter, et je requis ensuite iM. le secrétaire d'État et de guerre [H. Crumpipen] d'en- gager le ministre à ne point me conférer cette place : ces tenta- tives furent inutiles, je dus obéir; je minutai ensuite la lettre circulaire destinée pour M\L les membres de la Société. Le ministre l'approuva, la signa et elle fut adressée. MM. les membres de la Société étaient chargés par cette lettre de me faire passer un projet de règlement : quelques-uns se rapportèrent à ce que le minisire voudrait prescrire, d'autres m'envoyèrent quelques observations et projets. Je les communiquai au ministre qui me chargea d'examiner les règlements des autres Académies et d'en tirer les articles qui me paraîtraient convenir à la Société. Je formai alors le règlement provisionnel qui fut discuté dans la première assemblée, en présence de M. de Neny, article par article, et qui, après quelques légers changements, fut approuvé. » ' Il est à remarquer que clans uue lettre écrite de Strasbourg à Coheiul le 21 novembre 1768, Schoepflin ne fait aucune allusion à cette maladie : « Mes voyages des Pays-Das, y lit-on, réussissent toujours à ma grande satisfacliou, par les grâces, bontés et générosités dont V. E. veut bien me combler. » Le 7 janvier 1769, il est vrai, Schoepflin annonce que sa santé est parfaite- ment rétablie. Avail-il été malade depuis son séjour à Bruxelles? Nous ne pourrions le dire. On sait du reste qu'il mourut le 7 aoiJt 1771, et qu'il allait entrer dans sa 78* année. 10 Zl LIVRE PREMIER. HISTOIRE GÉNÉRALE DE L'ACADÉMIE. CHAPITRE PREMIER. Formation de la Société littéraire. — La circulaire du comte de Cobenzl du 1er février 1769. — Les membres désignés pour faire partie de la Société. Le i*'" février 1769, le comte de Cobenzl adressait la lettre circulaire suivante aux personnes appelées à faire partie de la Société littéraire : nous la copions sur la lettre qui fut envoyée à l'abbé Needbam. « Monsieur, » Sa Majesté notre auguste souveraine, pour relever les belles-lettres de l'espèce d'engourdissement dans lequel elles se trouvent actuellement aux Pays-Bas, a résolu d'y établir une Société littéraire, dont les mem- bres, en s'attachant principalement à Thistoire ancienne, ecclésiastique, civile et naturelle de ces pays, ainsi qu'aux arts et sciences , et en se communiquant les fruits de leurs études, puissent faire revivre les belles- lettres dans ces provinces. Elle vous a mis, monsieur, au nombre des membres destinés à composer cette Société, et vous aurez pour collègues M. Vander Fi/«cAY, conseiller au conseil en Flandre, M. VanRossum, doc- teur en médecine en l'Université de Louvain, M. Paçwo/, bistoriographe de Sa Majesté, M. Nelîs, chanoine de la cathédrale de Tournai, M. Ver- dussen, échevin de la ville d'Anvers, M. Michaux, professeur en bota- 22 LIVRE I. — 1769. nique en l'Université de Louvain, M. Vounck, professeur en chimie en la racme Université, et 3J. Seumoy, physicien demeurant à Bruxelles. « Je me persuade, monsieur, que flatte du choix que Sa Majesté a daigné faire de vous, vous ferez tous ros efforts et emploierez tous vos talents pour tâcher de remplir le but que Sa Majesté s'est proposé : et comme il s'agit, avant tout, de donner une forme au nouvel établisse- ment, d'en fixer les opérations, de régler les devoirs des membres de la Société et de se concerter sur les sujets de deux prix que Sa Majesté don- nera annuellement, et qui se distribueront tous les ans le lendemain de la fête de Sainte-Thérèse, je tiendrai à cet effet, chez moi jeudi 6 avril prochain, une assemblée de toutes les personnes nommées membres de la Société, à laquelle vous voudrez bien vous trouver, vous prévenant que je présiderai à cette assemblée et que Son Excellence M. le comte de Neny en sera le vice-présidentj mais je souhaiterais, qu'avant ce temps, et même le plus tôt possible, vous fassiez passer à l'adresse de l'offîcial de la secrétairerie d'Étal et de guerre, Gérard, qui sera secrétaire per- pétuel de la Société, et sous l'enveloppe de M. Crumpipen, secrétaire d'Etal et de guerre de Sa Majesté, un mémoire contenant les moyens que vous croirez les plus propres pour donner à l'établissement projeté la meilleure forme, le plus d'activité, et pour tirer parti de ses opéra- tions. »^ Je suis très parfaitement, « Monsieur, » Votre très humble et très obéissant serviteur, » COBENZL. » Avant d'aller plus loin, nous dirons un mot des membres de la nouvelle Société. L'abbé Jtan Tuiberville Needham était né à Londres le 10 sep- tembre 4715. Ses relations d'amitié avec BufTon, sa querelle avec Voltaire, à propos des miracles, n'avaient peut-être pns moins contribué que ses travaux à le faire connaître. On citait de lui des observations microscopiques sur le blé ergoté dans lequel il avait cru voir naître spontanément des anguilles, ce qui lui avait valu de la part de Voltaire le sobriquet d'aîigiiillard; des recherches- LIVRE 1. 25 tendantes à donner une nouvelle force à Thypothèsc que les chinois auraient été une colonie égyptienne; des mesures de hauteurs faites dans les Alpes au moyen du baromètre ; un système un peu obscur sur la reproduction des êtres et une théorie de la terre où la structure et l'origine des montagnes étaient exposées et expliquées d'une manière fort remarquable. Bien que ses obser- vations microscopiques l'eussent conduit à des conséquences erronées, il avait eu le mérite très réel d'appeler l'attention sur un instrument destiné à mener plus tard à de grandes décou- vertes. Needham était membre de la Société royale de Londres depuis 1747, et correspondant de l'Académie des Sciences de Paris depuis 1768. Vander Vynckt avait 77 ans : il était entré au conseil de Flandre en 17:29. Son Hisloire des troubles des Paijs-Uus avait été imprimée en quelque sorte clandestinement en 1705, et seulement pour le comte de Cobenzl et ses amis : même le comte de Neny n'en avait pas eu connaissance. Très versé dans Ihistoire et la chronologie, il avait, comme la plupart de ses contemporains, un style lourd et barbare. Le professeur Van Rossum jouissait d'une grande réputation d'anatomiste. Né à Louvain en 1705 d'une famille patricienne, il poussa de tous ses moyens au développement des études médicales dans l'UniverMté. Sa renommée était telle que, lorsqu'à la fin de l'année 1754, les anciens des chirurgiens avaient songé à faire établir un cours d'anatomie à Bruxelles, c'est à lui qu'ils s'étaient adressés, comme à l'homme le plus capable de donner ce cours avec fruit. Paquotet Nelis formaient une rare et brillante exception parmi les écrivains du temps : à des connaissances très vastes, ils joi- gnaient le mérite de l'élégance du style, et de res})rit. Le premier occupait depuis l'année 1755 la chaire d'hébreu à l'Université de Louvain. Le 23 avril 1762, il avait été nommé his- toriographe de Sa Majesté rimpératrice. La lettre suivante que Marie-Thérèse avait écrite le 7 avril au prince Charles de Lorraine, explique cet octroi d'une véritable sinécure : «.... Mon chancelier 24 LIVKK 1. — 1769. de cour et d'Etat m'a rendu compte de la Relation de V. A. R. du 18 mars dernier par laquelle vous m'informez des mérites de Léon-Natalis Paquot, licencié en théologie et professeur de langue hébraïque en mon Université de Louvain, ainsi que du cas où il se trouve d'avoir à peine de quoi vivre; touchée de compassion pour ce savant homme, et me faisant un plaisir de réparer le tort qu'ont ses collègues de lui marquer plus de jalousie que d'envie de con- courir à son avancement, je lui accorde une pension de 600 flo- rins courant sur mes finances et le titre de mon historiographe. V. A. fera en conséquence les dispositions nécessaires pour le faire jouir de ces bienfaits, en faisant insérer dans sa commission les motifs qui me portent à les lui accorder. » Paquot avaitcommencé en 17C5 la publication de ses Mémoires pour servir à l'histoire littéraire des dix-sept provinces des Pays-Bas, de la principauté de Liège et de quelques contrées voisines j(\v\\\ abaridonna après le 18'' volume (en 1770), bien que les prospectus en eussent promis vingt-quatre. Plus jeune que Paquot de quatorze ans, Nelis l'égalait en éru- dition et lui était supérieur comme écrivain. Tout jeune encore, il avait été nommé président du collège de Malines à Louvain (en 1757) et bibliothécaire de l'Université (le 1^'' février 1758). Il s'était concilié l'amitié du comte de Neny qui lui avait confié l'éducation de son fils, et le comte de Cobenzl, pour le soustraire aux tracas- series auxquelles il était en butte à Louvain et pour lui procurer une position indépendante, l'avait fait nommer, en 1765, à un canonicat de la cathédrale de Tournai. La même année, il avait prononcé, dans l'église de Sainte- Gudule à Bruxelles, l'éloge de l'empereur François 1. Nelis était fort en faveur à la cour Doué d'une grande bienveillance naturelle, maniant habilement la flat- terie, il avait su se faire bien voir de tout le monde, excepté de ses collègues de l'Université, incapables d'apprécier les grâces de son esprit. Plein d'ambition et ne doutant de rien, il avait, à peine âgé de vingt-huit ans, porté ses vues sur la place de prévôt de Saint-Pierre, à laquelle était attachée la dignité de chancelier de l'Université, et n'avait pas même attendu le décès du dignitaire qui était mourant, pour poser sa candidature. Mais le comte de LIVRE I. 1769. 25 Cobenzl s'était empressé de lui ôter toute illusion à ce sujet, et quoiqu'il eût été présenté par le conseil privé, il avait dû se con- tenter du canonicat dont nous avons parlé. Reçu chanoine le 22 juillet 1763, il avait continué à résider à Louvain jusqu'au commencement de 1767, et y avait conservé sa place de biblio- thécaire *. Jean-Baptiste Verdussen, échevin de la ville d'Anvers, descen- dait d'une famille d'imprimeurs; il avait fait une étude parlicu- lière de Thistoire des provinces belgiques, et avait formé une bibliothèque aussi riche en manuscrits qu'en livres imprimés. M. Michaux s'excusa d'accepter la place de membre de la Société littéraire, par lettres écrites au ministre les 7 février et 19 mars 1769. Il passait pour un habile botaniste, et avait beau- coup contribué à l'amélioration du jardin de l'Université, dont il avait obtenu, en 1762, de faire reconstruire les serres. Vounck n'avait que trente-six ans ; il enseignait la chimie à Louvain, et était désigné pour remplacer Van Rossum dans la chaire d'anatomic. Comme la plupart de ses collègues, il écrivait très mal le français, ce qu'il faut attribuer surtout à l'usage obli- gatoire de la langue latine pour tous les cours; ses écrits ont en outre un parfum de pédantisuie et un caractère de lourdeur tout particuliers. Henri-Joseph de Seumoy était un fabricant d'instruments de physique expérimentale, pour la construction et la vente desquels il avait sollicité en 1754, sans l'obtenir, un octroi exclusif^. Plus tard il avait formé un cabinet d'histoire naturelle, composé pai-ti- culièrcmcnl des fossiles accidentels recueillis aux environs de Bruxelles. Enfin, l'oflicial de la secrétairerie d'État et de guerre, Gérard, dont le ministre avait fait choix pour remplir les fonctions de * Le 28 juillet 1769, il fut remplacé par Paquot. * Consulté sur la demande de Seumoy, le magistrat de Bruxelles avait fait observer « que de pareils privilèges sont toujours odieux par eux-mêmes et désavantageux aux arts mécaniques dont la perfection dépend de la concur- rence qui anime les différents ouvriers à se surpasser les uns les autres. » (Archiv. du roy. de Belg. Conseil privé, carton n" 1089.) 26 LIVRE I. — 1769. secrétaire de la nouvelle Société, s'était signalé de bonne heure par son goût pour les livres, les vieux manuscrits et les recher- ches d'histoire; mais il n'avait pas un style très châtié, ce qui le mettait au-dessous de Paquot et surtout de Nelis. CHAPITRE IL Les séances tenues parla Société littéraire en 1769. — Son règlement provisionnel. — L'abbé Needham est nommé directeur. — On s'occupe de renforcer la Société, — Le premier concours. — La médaille destinée aux auteurs des mémoires couronnés. La première séance de la Société littéraire aurait dû, selon la circulaire de Cobenzl, avoir lieu le G avril 1769, mais une mala- die de Nelis la fit ajourner. Elle se tint le 5 mai dans l'hôtel et en présence du comte de Neny qui y présida. Tous les membres étaient présents, sauf le petit académicien de Tournai, encore indisposé. Remarquons ici que, pour une cause ou une autre, Nelis s'abstint également de paraître aux séances d'octobre, et qu'il n'assista qu'à la première des trois séances de l'année sui- vante. Le 5 mai, on proposa des questions pour les deux prix fondés par Sa Majesté; le règlement provisionnel, préparé par Gérard, fut discuté et adopté avec quelques légers changements; l'abbé Needham fut nommé directeur et l'on s'occupa de renforcer la Société. « MM. Dubois de Schoondorp, versé dans les mathématiques, ïabhé Chevalier, ayant des notions relatives à l'astronomie, et le capitaine du corps d'artillerie Springer, h qui l'on attribuait de grandes connaissances de l'histoire naturelle et des minéraux, furent jugés très propres à être admis comme membres de la Société, et l'on fut du sentiment que la Société pourrait tirer parti de la correspondance de M. Jean-Philippe Van Limhourg, méde- LIVRE I. — 1769. 27 cin demeurant à Thcux, auteur d'un traité des eaux minérales et des adînités chimiques; de celle de M. Hollier, demeurant à Anvers, fort versé et ayant même des connaissances supérieures relativement à la botanique; de celle de M. Goijers, curé d'Himcl- ghem, qui avait beaucoup de notions concernant l'histoire et la littérature belgique; de celle du P. Jérôme de Saint Jean- Baptiste, grand carme du couvent d'Ypres, très versé dans l'his- toire et les antiquités ecclésiastiques, et de celle du lieulenant du corps d'artillerie t'Kint, qui avait beaucoup de notions relatives aux minéraux. » M. Dubois de Schoondorp. dont il est question ici, habitait la ville de Gand. « M. Dubois », dit Quetelet dans son Histoire des sciences matJièmatiqiies et physiques chez les belges, « n'était pas un homme d'un talent médiocre; les papiers qu'il a laissés prouvent qu'il était très au courant du calcul des infiniments petits et des problèmes les plus intéressants que ce calcul a fait naître. » Il agréa la qualité de membre de la Société, mais ne s'étant rendu à aucune assemblée, n'ayant pas même averti le directeur ou le secrétaire qu'il ne s'y rendrait pas, il fut exclu par une décision prise dans la séance du IC octobre 1770. Le capitaine Springer, proposé j)pur une place de membre, et le lieutenant t'Kint, proposé pour une place de correspondant, appartenaient tous les deux au corps de rarlillerie. Ils avaient, à la demande de l'abbé Nccdham, exploré les environs d'Audenarde, où l'on prétendait avoir trouvé, en 1742, une source de mercure, mais leurs recherches avaient été vaines. Par contre, ils croyaient y avoir découvert des eaux minérales. D'autres résultats de leur voyage avaient un caractère plus sérieux. Jean-Philip|)e de Limbourg avait fait une étude sérieuse des eaux de Spa, et les avait employées dans Ja cure des maladies les plus opiniâtres. En 1758, il avait publié une dis^ertation sur les affinités chimiques, couronnée par l'Académie de Dijon. Il ne faut pas confondre ce Limbourg avec son frère cadet, Robert de Limbourg, qui entra à la Société littéraire en 1770. Le curé d'Himelghem, Goyers, passait pour un savant théolo- 28 LIVRE I. — 1769. gien et s'était également occupé dhistoire; il avait déjà, ainsi qu'on l'a vu, été indiqué par Nelis comme propre à remplir une place de correspondant, avec le prévôt Azevedo, Bournons et Van Bochaute, tous malinois comme Goyers et comme Nelis lui-même; Bournons et Van Bochaute furent seuls élus, plus tard, de l'Aca- démie Nous n'avons pas de renseignements sur HoUier, qualifié de botaniste habile. Quant au P. Jérôme de Saint Jean-Baptiste, nous le retrouve- rons dans la suite. Disons en passant qu'il fut souvent question à l'Académie de former une classe de correspondants sur le pied des correspon- dants de l'Académie des sciences de Paris, mais que ce projet ne fut jamais exécuté. Le règlement provisionnel n'en faisait pas une mention spé- ciale; il se bornait à dire (article IX) : « La Société aura soin d'entretenir commerce, par la voie du secrétaire, avec les per- sonnes qui seront à même de lui donner des notions soit relative- ment à l'histoire soit relativement aux arts et sciences. « L'article 1" du règlement mérite d'être cité textuellement, parce qu'il met au jour l'idée qu'on se faisait à cette époque des sciences et de leurs rapports mutuels; toutefois, il ne faut pas oublier que cet article avait été rédigé par un homme de lettres. Il est ainsi conçu : tt La Société littéraire aura pour objet les arts et les sciences absolu- ment utiles, savoir la géographie, les antiquités, Thistoire ancienne, moderne, ecclésiastique, civile, métallique et naturelle des Pays-Bas, notamment de la partie située sous la domination de Sa Majesté impé- riale et royale; la connaissance générale et particulière du climat, du sol des dits pays, Texamen et la fouille des terres pour découvrir et approprier les mines, les fossiles; le perfectionnement des manufactures et des arts mécaniques; Télude de la physique expérimentale, de la botanique et de toutes les parties de mathématiques relatives à ces objets, mais par préférence ceux de première utilité, et d'un plus grand avan- tage pour les différentes branches de commerce et le progrès de la LIVFIE I. — 1769. ''29 culture des terres dans les différents genres dont elles pourront être susceptibles. « L'arlicle II portait : « Elle sera divisée en deux classes : Thistorique et la physique. •> Nous verrons que dans la séance du 15 octobre, on proposa de faire siéger ces deux classes séparément, mais que cette proposi- tion fut rejetée. Le nombre des membres n'était pas fixé. Le choix des nouveaux membres devait se faire par la Société, et l'on aurait des égards particuliers pour les candidats qui auraient remporté des prix. — Les mémoires ne pouvaient pas excéder une demi-heure de lec- ture. — Il y avait trois assemblées par an, et dans celle du 10 oc- tobre, on annonçait les sujets des prix pour l'année suivante. L'article XII, conçu comme il suit, fut tenu en suspens : ti II y aura tous les ans une assemblée générale et publique dans laquelle on lira les dissertations qui auront été couronnées; on y lira pareillement, au choix de la Société, quelques-unes des dissertations ou mémoires que les membres de la Société auront produits dans les assem- blées particulières. » La division effective de l'Académie en deux classes tenant leurs séances séparément, l'institution d'une classe de correspon- dants, celle d'une séance publique annuelle, étaient donc posées en principe dès l'origine de la Société littéraire, mais ne devaient se réaliser qu'après la révolution de i830. Nous avons rappelé ce qui s'était passé dans la première séance de la Société littéraire « Comme il y avait peu de mem- bres résidants à Bruxelles, on résolut, dit Gérard *, de ne tenir la séance suivante que le 14 octobre pour avoir d'ailleurs le temps de faire des mémoires. Cette séance devait se tenir chez 31. le comte de Neny : il s'absenta un jour ou deux avant la séance : le comte de Cobenzl devait tenir ce jour là une jointe chez lui : on ne savait où s'assembler : le comte de Cobenzl me requit de tenir ' Note d. c. 50 LIVr.E I. — 17G9. la séance chez moi, elle y fut tenue. » — Le lendemain on se réunit encore chez Gérard et, le 16, l'assemblée eut lieu à riiôtel et en présence du ministre plénipotentiaire « qui fit un très beau discours. » Résumons rapidement ces trois séances. Le 14, on entendit la lecture des rapports sur les mémoires du concours. La question historique était la suivante : « Quels étaient les endroits compris dans rétendue des contrées, qui composent aujourd'hui les dix- sept provinces des Pays Bas et le pays de Liège, qui pouvaient passer pour villes avant le vu® siècle? » On avait reçu onze mémoires, et on les avait cotés 1 à H : trois d'entre eux, les n°' 4, 8 et 10 écrits en français furent jugés dignes, le premier du prix, et les autres d'un accessit. — La question physique avait été posée en ces termes : « Quelles sont les mines principales de la province de Namur, leur qualité, leur valeur en détail, la hau- teur à peu près des élévations où elles se trouvent et leur direc- tion; la profondeur de ces mines, les difTérentes couches qui se trouvent par-dessus jusqu'au sommet; le nombre et la qualité de ces couches, la largeur de chacune à mesure qu'on y descend, et toutes les autres circonstances physiques les plus intéressantes, qui regardent les mines en général? » Des trois mémoires qui étaient parvenus en réponse à celle question, deux étaient les mêmes, de sorte qu'il n'y avait réellement que deux mémoires en présence. « L'on jugea que malgré le motif qu'il y avait de distri- buer le prix pour exciter par là l'émulation, on ne pouvait cepen- dant l'adjuger à l'auteur de l'un ou de l'autre de ces mémoires, puisqu'aucun d'eux n'avait donné une réponse satisfaisante ni rempli en aucune manière les vues de la Société. » On décida de remettre la question au concours, en doublant le prix. Le 15, on arrêta les questions à proposer pour le concours de 1770. — L'abbé Needham suggéra l'idée d'avoir deux séances par mois, l'uiie pour les membres qui s'attachaient à la physique, l'autre pour ceux qui s'adonnaient à l'étude de l'histoire; et de tenir une ou deux assemblées générales par an; mais ce projet fut jejeté. — Il fut résolu ensuite d'ajouter au règlement un article conçu dans ces termes : « Ceux qui désireront d'être admis LIVRE 1. 1769. 31 membres de la Société devront présenter un mémoire ou disser- tation analogue aux objets qui se traitent parla Société : la valeur de ce mémoire ou dissertation décidera de l'admission ou de l'exclusion du candidat : on s'écartera néaimioins de cette règle en faveur de ceux dont les talents seront connus par quehjues ouvrages sur des objets dont la Société s'occupe. » Le promoteur de celte mesure salutaire fut Gérard. En envoyant aux membres les mémoires des concurrents pour les prix, il avait appelé leur attention sur la nécessité d'empêcher l'intrusion des médiocrités dans la Société littéraire. Si l'on admettait des personnes dont les talents n'étaient pas connus, on s'exposait à discréditer la Société, et l'on empêchait les bons sujets de se présenter. Le 16, le comte de Cobenzl rappela les vues que Marie-Thérèse avait eues en élablisi^ant la Société littéraire : il s'agissait de faire sortir les belles-lettres, les arts et les sciences de l'élal d'engour- dissement où ils étaient tombés dans les provinces belgiques. Ce but suffisait à lui seul pour stimuler le zèle des membres de la Société, mais en outre l'impératrice ne laisserait pas sans récom- pense ceux qui y pousseraient le plus, et, de son côté, il ferait tout ce qui dépendrait de lui pour que la Société prospérât et que les sociétaires recueillissent le ])rix de leurs efforts et de leurs travaux. Le ministre procéda ensuite à l'ouverture des billets qui accompagnaient les mémoires couronnés pour la question d'his- toire. Le prix fut attribué à M. Des Roches, demeurant à Anvers, et les accessits à MM. Caussin, aumônier de Son Altesse Royale le prince Charles de Lorraine, et gouverneur de ses pages, et de Hesdin, intendant de la maison de Salm Kirbourg à Bruxelles. S. E. consentit à ce que les trois mémoires fussent imprimés à l'imprimerie royale, et qu'il en fût fourni gratis soixante exem- plaires pour l'usage des membres de la Société. Après que le secrétaire eut donné lecture du mémoire de Des Roches, différentes communications furent faites par MM. Vounck, Needham et Seumoy. Un XVU" article fut ajouté dans cette séance au règlement; il était ainsi conçu: 32 LlVRlî I. — 1769. « Les membres de la Société qui n'assisteront point aux assemblées n'auront point de voix dans les affaires qui s'y traiteront. « La veille, on avait décidé de ne plus se réunir avant le 26 avril 1770. Nous devons maintenant nous arrêter quelques instants à la médaille destinée aux auteurs des mémoires couronnés. Sclioepflin, consulté h cet égard par le comte de Cobenzl^ avait proposé le projet suivant le 15 mai 1769 *. « Revers. Apollon séant sur le mont Parnasse, tenant dans la main gauche la lyre et étendant son bras droit pour montrer une couronne de laurier. Cette couronne doit être grande. L'on y inscrira le mot Dignis- simo partagé en deux lignes. Dans l'exergue on pourra mettre ces mots : SOCIETAS LiTER. BeLG. A. MDCCLXIX INSTITUTA CORONAT. » Si l'on veut rendre l'inscription plus courte, on mettra simplement : SOCIETAS LlTER. BeLG. CORONAT. » Le 28 mai, le professeur de Strasbourg avait envoyé au rainisirc un dessin delà médaille, fait par son dessinateur. De son côté, Paquot écrivait de Louvain à Gérard, le 20 juin ^ : « Nous avions cru ici qu'il convenait de faire deux médailles : 1» parce qu'il s'agit de donner deux prix chaque année sur des matières différentes; 2<» parce que M. le chef et président [Neny] nous avait fait entendre qu'on comptait dans quelques années d'ériger deux différentes Sociétés, auquel cas une même médaille ne pourrait bonnement convenir à toutes deux. — M. Van Rossum a suggéré pour le revers la Belgique * Messager des sciences historiques ^ année 1879, p. 280, Gand. » Ibidem, pp. 280-281. LIVRE I. 1770. 53 tenant de la droite une couronne de laurier avec ces mots : Sunt hic ctiam sua proemia laudi. Ou la Belgique cultivant un laurier avec la devise: Tofa virescet ; et il joindrait à l'une et à l'autre les armes d'Au- triche rayonnantes et comme placées dans un soleil levant. — J'imaginai d'abord le soleil éclairant le globe de la terre et celui de la lune, avec ces mots partant de l'endroit oîi le soleil serait placé : Hinc lumen utrique. Et dans l'exergue : Hci Physicac ne Historkac apiid Bclgas incremenlo, M. DCC. LXIX. — Je préférerais la Belgique aj ant en tête la couronne murale, un lion à ses pieds, tenant l'écu d'Autriche; des génies à droite, qui lui présentent des instruments et des raretés de physique ; et d'autres à gauche, qui lui offrent des diplômes et des rouleaux, un autre du même côté levant quelques livres hors d'un tas de gros volumes, etc., et à l'entour l'inscription que j'ai marquée pour l'exergue de la précédente. Cette figure bien exécutée pourrait plaire. — Autour de la tête de la reine : Maria Teresia Âug. bonarum disciplinarum parens. Sur quoi vous pourrez remarquer en passant que Teresia (en latin) doit absolument s'écrire sans H, et que les mots institutrix, fundafrix, etc., ne sont pas latins. » Le ministre donna la préférence à la médnille dont l'idée avait été suggérée par le chef et président. Elle portait à l'avers le buste de Marie-Thérèse, avec la légende Marta Theresia Aug. Scient, patrona. Au revers, on lisait dans le champ, entouré d'une guirlande d'olivier: Societ. Liter. Bruxcll. Palma ex Largit. Princip. — Cette médaille, du module de Î26 lignes, fut gravée h Paris par Benjamin Duvivier, fds du célèbre graveur en mé- dailles Jean Duvivier (né à Liège en 1687). Les deux carrés furent payés 2008' 8' o**: la quittance de B. Duvivier, datée de Paris, le 29 avril 1770, est aux archives du royaume de Belgique '. Lorsque la Société littéraire fut érigée en Académie impériale et royale, l'inscription sur le revers de la médaille des prix devint la suivante: Palma Academ. Ca£sar. Regiae. Scient, et Liter. BruxelL ex Largit. Princip. *■ Secrétairerie d'Élat et de ffuerre : Académies. Tome XXXIV. 54 LIVRE I. — 1770. CHAPITRE III. Mort du comte de Cobenzl. — Son successeur le prince de Starhemberg. — Les nou- veaux membres de la Société littéraire. — Le concours de 1770. — Les démarches^ faites pour obtenir la réorganisation de la Société. Le lundi 29 janvier 1770, on lisait dans la Gazette des Pays- Bas : « Son Excellence le comte Charles de Cobenzl et du saint-empire romain, chevalier de la toison d'or, grand-croix de Tordre royal de S'-Étienne, conseiller d'État intime de LL. MM. II. et RR. Apost., etc., et leur ministre plénipotentiaire près de la personne et sous les ordres de S. A. R. le sércnissime gouverneur général des Pays-Bas, vient de nous être enlevé par la mort après une courte maladie samedi dernier dans la cinquante-huitième année de son âge, étant né le 21 juillet d712. Ce ministre, qui avait été employé avec le plus grand succès pendant plu- sieurs années dans les négociations près des cercles de l'empire, a montré pendant dix-sept ans qu'il a exercé son ministère dans ces pro- vinces, une capacité supérieure dans les affaires, une activité constante dans le travail, et un zèle ardent pour le service de Notre Auguste Sou- veraine, toutes qualités qu'il possédait éminemment, et qui, jointes à un accès facile en tout temps et pour tout le monde, font universellement regretter sa perte. » Dans son numéro du 19 février, là même Gazette se faisait écrire de Vienne sous la date du 7 février courant: « Le prince de Starhemberg, ministre d'État, chevalier de la toison d'or, grand-croix de l'ordre de S'-Étienne, ci-devant ambassadeur de la cour I. et R. à celle de France, etc., a été nommé par Leurs Majestés I. et R. à la place de ministre plénipotentiaire aux Pays-Bas^ vacante par la mort du comte de Cobenzl... »> George-Adam, prince de Starhemberg, était né en 1724 à Londres, où son père remplissait le poste de ministre plénipo- LIVRE I. 1770. 35 tentiaire d'Autriche. Après s'être préparé par de très bonnes éludes à suivre la même carrière, le prince George-Adam obtint en 1755 l'ambassade de Paris. Il occupa cette place jusqu'en 1766, et fut nommé, l'année suivante, ministre d'Etat et des conférences, et grand-maître de la cour de Vienne. Ses lettres patentes de ministre plénipotentiaire aux Pays-Bas sont du 51 mars 1770; mais il n'arriva à Bruxelles que le 9 juin, ayant été chargé d'accompagner la dauphine Marie-Antoinette, en qualité de commissaire impérial et royal, et de la remettre à la frontière de France entre les mains du commissaire du roi très chrétien: celte remise avait eu lieu le 7 mai dans une île du Rhin près de Strasbourg. Entre le 27 janvier 1770, date de la mort du comte de Cobenzl, et le 9 juin, jour de l'arrivée de son successeur, la Société litté- raire s'était réunie une seule fois, le 26 avril, selon ce qui avait été décidé au mois d'octobre de l'année précédente. Cette assemblée avait eu lieu dans la salle de la Bibliothèque royale, où le secrétaire Gérard avait fait apporter de chez lui des tables et des chaises. La Société se composait alors de douze membres regnicoles, h savoir : le comte de Neny, Nccdham, Vander Vynckl, Van Ros- sum, Paquot, Nelis, Verdussen, Vounck, Seumoy, Gérard, Caussin et de Hesdin. Il est à remarquer toutefois que le comte de Neny ne se mêlait plus des affaires de la compagnie. Les archives de l'Académie ne renferment aucune pièce relative à la nomination de 3LM. Caussin et de Hesdin comme membres de la Société littéraire. D'après Gérard ^ elle avait eu lieu, sur leur demande, quelques jours après la séance du 16 octobre 1769. C'était une première dérogation au règlement de la Société qui s'était réservé le choix des nouveaux membres. Aucune réclama- tion, du reste, ne fut faite, et les élus du. comte de Cobenzl vin- rent prendre place et séance le 26 avril 1770, sans que le proto- cole de l'assemblée parle autrement d'eux que pour constater leur présence. * iNote d. c. 36 LHRE I. — 1770. L'abbé Caussiri avait été appelé de France, en 1749, par le prince Charles de Lorraine qui lui avait confié 1 éducation de ses pages, et l'avait nommé, l'année suivante, aumônier de sa maison. C'était un homme recommandabic par sa piété, ses mœurs et ses connaissances en histoire et en littérature. Martin de Hcsdin, comme nous l'avons dit, était intendant des biens de la maison de Salm-Kirbourg dans les provinces belgi- ques; il avait des connaissances héraldiques et fut nommé en 1774 héraut d'armes à titre de Namur : le prince Charles, en le proposant, se promettait un très bon effet de cette nomination, puisqu'elle serait regardée comme une faveur «lestinée à l'encou- ragement de ceux qui s'appliquaient aux beaux-arts. La qualité de membre de la Société littéraire devenait donc, comme l'avait promis le comte de Cobenzl, un litre à obtenir les faveurs du gouvernement. Elle fut encore invoquée avec succès, en 1772, au profit de l'abbé Caussin, lorsque ce dernier postula une prébende vacante au chapitre delà caihédrale de Gand. Tous les membres de la Société littéraire assistèrent à la séance du ^6 avril, à l'exception de Verdussen, incommodé, et de Van Rossum. « Le secrétaire produisit quelques lettres que le sieur Robert Limbourg, médecin, demeurant à Tlieux, pays de Liège, lui avait écrites et par lesquelles il demandait à être associé à la Société, en s'engageant à se rendre à deux ou trois assemblées par an et d'y lire des mémoires sur l'histoire naturelle et notamment sur les fossiles qui se trouvent en quantité dans les duchés de Limbourg et de Luxembourg et au pays de Liège. Le directeur ayant mis cet objet en délibération, il fut observé que le sieur Limbourg était connu pour avoir remporté un prix à l'Acadéniie de Bor- deaux en 1757 et pour être l'auteur dun projet de machine hydraulique que l'Académie royale des sciences de Paris avait approuvé et fait imprimer à la suite de ses Alétuoires de Tannée 1761, et que les notions qu'il pourrait donner à la Société tou- chant les fossiles pourraient être très utiles. C'est pourquoi la Société résolut, sous l'agrcation du gouvernement, de l'admettre pour associé. » LIVHE I. — 1770. 37 L'abbé Needham lut un mémoire sur la maladie contagieuse des bétes à cornes, où Ton recherchail un remède préservatif, le plus simple, le plus efficace et le moins coûteux; et il demanda la permission de le faire imprimer séparément, en cas qu'il fût approuvé par le gouvernement. Cette permission fut accordée, et il fut réglé en même temps « qu'aucun des membres de la Société littéraire ne pourrait im- primer sans le consentement de la Société les mémoires qu'il aurait lus dans les assemblées, et que la Société ne pourrait faire imprimer ces mémoires sans le consentement de l'auteur. » Ce fut l'objet d'un nouvel article, le xvni% ajouté au règlement. La séance se teimina par des lectures de MM. Seumoy et Paquot L'abbé Needbam avait insisté de nouveau pour obtenir des assemblées plus nombreuses, mais Nelis avait fait ressortir la dif- ficulté des communications avec Bruxelles. Une séance avait été indiquée pour le dernier jeudi du mois de juillet; elle n'eut pas lieu, et la Société ne se réunit plus avant le mois d'octobre. Peu de jours après l'arrivée du prince deSlarbemberg, le direc- teur et le secrétaire s'étaient rendus à son audience pour solliciter sa proleclion en faveur de la Société littéraire. Le prince les avait fort bien accueillis; il avait demandé au secrétaire un mémoire sur la situation de la Société, et Gérard s'était empressé de le lui remettre. L'abbé Needbam lui avait également soumis ses idées au sujet de l'avenir de l'institution. Dans le courant du mois de juillet, Gérard avait informé ses confrères, par ordre du ministre plénipotentiaire, que l'assemblée fixée au 26 du dit mois, ne se tiendrait pas, parce que S. A. se proposait de se concerter avec le comte de Neny sur les arrange- ments à prendre pour donner une meilleure fornie et plus d'activité à la Société. Au commencement d'octobre, il présenta au minisire un mémoire dans lequel il disait que selon toute apparence il serait interpellé lors de l'assemblée du IG, et qu'on lui demanderait quels arrangements avaient été pris: convenait-il de différer cette assemblée? Le comte de Neny, consulté à cet égard, ne le pensa 58 LIVRE I. 1770. pas; il ne fallait pas, selon lui, laisser croire au public que la Société était déjà en désarroi, et l'on ferait connaître aux membres que les arrangements que le gouvernement se proposait de pren- dre pour le soutien et l'avantage de cet établissement naissant n'étaient pas encore parvenus à leur maturité. « Je ne sais, écrivait-il, si c'est l'intention de S. A. d'assister à l'assemblée: il me paraît que feu S. E. M. le comte de Cobenzl voulait abandon- ner les délibérations à la Société elle-même, et n'y intervenir que dans les cas où il s'agirait de quelques nouveaux arrangements *.» Conformément à cet avis, l'assemblée du IG octobre eut lieu. Le ministre n'y assista point, et bien qu'il eût laissé entrevoir son désir que le comte de Neny présidât, ce dernier s'abstint égale- ment d'y paraître. Needbam, Gérard, Paquot, Vounck, Seumoy, Caussin et de Hesdin étaient les seuls membres présents. Après que le directeur eut fait la déclaration dont on était convenu, le secrétaire produisit les deux mémoires qui avaient concouru pour les prix. La question de physique roulait, comme l'année précédente, sur les mines de la province de Namur. Le prix en avait été doublé, et l'on avait donné quelques explications sur la manière dont la Société désirait que la question fut traitée. La question d'histoire était ainsi conçue: a Quelles ont été depuis le commencement du VU" siècle jusqu'au ÏX'^ exclusive- ment, les bornes des différentes contrées, cantons, pays, comtés et Étals renfermés dans l'étendue qui compose aujourd'hui les dix-sept provinces des Pays-Bas et la principauté de Liège? >' Elle avait été choisie entre plusieurs autres, « pour la raison qu'elle était proprement une suite de la question qui avait été proposée l'année courante, et qu'on trouverait dans les mémoires que les concurrents pour les prix produiraient, des matières propres à éclaircir la géographie du moyen âge, qui, ayant toujours été négligée, était des plus obscures quoique des plus nécessaires pour pouvoir étudier avec fruit l'histoire belgique de ce temps-là * Arcliiv. du roy. de Belg. Secrélaireiie d'Élatei de guerre : Académies. LIVRE I. 1770. 39 qui jusqu'aujourd'hui était peu connue et que la Société tache- rait avec le temps de rendre en son plein jour. » Il fut décidé que le mémoire concernant les mines de la province de Namur ne remplissait en aucune manière les vues de la Société, et que, par conséquent, le prix ne pouvait lui être décerné. Le prix de la question d'histoire fut adjugé, par la raison principale « qu'il était à craindre que si on ne l'adjugeait point, on ne trouverait point de concurrents pour les questions qu'on allait proposer. » A l'ouverture du billet joint au mémoire, on reconnut que l'auteur était le sieur Des Roches, demeurant à Anvers. Jusque-là, le secrétaire avait remis aux membres de la Société les mémoires envoyés au concours, mais aucun d'eux n'en avait fait un rapport par écrit. Il fut décidé, sur la proj)osition de Oerard, que dorénavant on nommerait un ou deux commissaires pour examiner les mémoires et rédiger un rapport à lire dans une des séances précédant celle où l'on distribuerait les prix. On s'occupa ensuite d'arrêter les questions pour le concours prochain. Le prix de la question de j)hysique n'ayant pas été adjugé l'année précédente, et ne Tétant pas encore cette année-ci, le directeur annonça « que l'intention de S. A. le ministre pléni- potentiaire était, qu'au lieu de tripler le prix, on proposât trois questions pour celte classe. » Ce qui fut fait. Après la lecture d'un mémoire de Robert Limbourg sur ï'hisloire naturelle de la partie des Pays-Bas, située entre la Meuse et le Rhin, le secrétaire communiqua une lettre que le docteur Van Rossum lui avait écrite pour s'excuser de se rendre à l'assem- blée, alléguant que les affaires de la Société littéraire s'accordaient peu avec les devoirs de sa charge et de sa profession. Van Rossum semblait n'être entré d^ns la Société littéraire que pour complaire au comte de Cobenzl; il avait été assidu aux séances tant que le ministre avait vécu, mais il n'avait rien produit, et la Société n'ayant rien à attendre de lui, résolut de le rayer de la liste de ses membres, en même temps que M. Dubois de Schoondorp dont il a été parlé précédemment. 40 LIVRE I, — 1710. On se rappellera que dès la première réunion de la Société littéraire, il avait été question pour une place de membre, de l'abbé Chevalier : son élection se fit dans la séance du IC octobre. Portugais de naissance, Jean Chevalier était chanoine de l'église collégiale de Saint-Pierre, de Leuze en Hainaut. Il résidait à Bruxelles chez le duc d'Arenberg, son protecteur, qui lui avait procuré cette ptébende. L'abbé Chevalier appartenait à la congrégation de l'Oratoire, de Saint-Philippe de Neri. Nommé le 12 mai 1753 correspondant de M. De Lislc, de l'Académie des Sciences de Paris, il avait été élu le 23 mai 1754, membre de la Société royale de Londres. JNous ignorons à quelle époque il vint se fixer parmi nous, mais ce dut être entre 17G0 et 1765. En effet le 7 janvier 1760, il observait à Lisbonne une comète qui ne fut aperçue que le 8 à Paris, en Hollande, en Ani^leterre et ailleurs; et au mois de jan- vier I7C3, il commençait à Bruxelles une série d'observation& météorologiques. Les observations astronomiques qu'il avait publiées remon- taient à l'année 1733. Elles avaient paru dans les Transactions philosopliiqîies de la Société royale de Londres et dans les Mémoires des savants étrangers de l'Académie des Sciences de Paris : c'étaient des observations d'éclipsés des satellites de Jupi- ter, d'éclipsés du soleil et de la lune, d'occultations des étoiles par la lune, de la comète de Halley à son retour en 17o9, et de la comète du mois de janvier 1760, mentionnée ci-dessus. Toutes CCS ob^ervalions avaient été faites à Lisbonne dans le Real Hos- picio (las necessidadeSj où le roi Jean avait installé la congrégatioa de l'Oratoire. LIVRE I. 1771. 41 CHAPITRE IV. La lettre en date du 8 août 1771 du prince de Starhemberg, adressée au prince de Kaunitz, — L'établissement d'une Bibliothèque publique particulièrement lié avec l'affaire de la Société littéraire. — Les fonds mis à la disposition de Gérard chargé de prendre soin de la Bibliothèque de Bourgogne. — Le chancelier de Brabant est désigné pour présider la Société littéraire. — Son rapport au ministre plénipoten- tiaire. — La dernière séance de la Société : elle reçoit communication des vues du gouvernement à son égard. — Le concours de 1771. La réorganisation de la Société littéraire traîna en longueur. Une lettre du prince de Starhemberg du 5 août 1771 * explique les causes de ce retard, et nous montre où en était l'affaire à cette date. Le ministre écrit au prince de Kaunitz : « .l'ai déjà eu Ihunneur de prévenir Votre AUesse que notre Société littéraire n'était pas sur un pied à pouvoir prospérer, ou à pouvoir se maintenir d'une manière convenable, et que je m'occupais des moyens de porter cet établissement, d'ailleurs utile, à une bonne consistance et à un degré qui pût assurer les avantages dans la vue desquels pareils établissements se font. » Le nombre d'affaires importantes et de détail dont le gouvernement est sans cesse occupé, ne m'ont pas permis d'achever aussitôt que je l'eusse désiré l'examen du pied à établir, ou du parti à prendre, mais j'ai reconnu au moins que la chose telle qu'elle était ne pouvait pas se soutenir; que restant sur ce pied on ne pouvait pas se flatter d'attirer dans notre Société des étrangers; que ceux-ci, avec raison, ne voudraient pas s'exposer à se mettre dans un corps qui n'a que le nom de Société, et dont la stabilité n'est pas assurée; que par la même raison le peu de gens savants et appliqués que nous avons dans ce pays-ci, ne s'empres- seraient guère à s'y faire admettre; que d'ailleurs la chose n'avait pas été bien suivie dans le commencement, le feu comte de Cobenzl, qui s'en était déclaré président, ce qui ne me paraît pas trop compatible avec la qualité de ministre, ne s'en étant pas fort occupé, et M. le comte de Neny, * Archiv. du roy. de Belg. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne, n" 401. 42 LIVKE I. 1771. que ce ministre avait désigné comme vice-président, ayant témoigné alors, comme il le répète aujourd'hui, que ses occupations ne lui per- mettraient pas de remplir la présidence 5 qu'ainsi il convenait d'établir un président qui s'attachât véritablement à cet objet et de consolider l'établissement au moyen de lettres patentes en forme. » Comme c'est bonnement dans l'ordre des membres du gouverne- ment qu'il fallait chercher et trouver un président, j'y ai porté mes attentions, et d'un côté sans apparence d'y engager M. le chef et prési- dent, et de l'autre sans moyen de le proposer à M. le trésorier général [le baron de Cazier], toujours surchargé d'affaires, quoique d'ailleurs très instruit en matière de littérature et de sciences, j'ai jeté des vues sur le «hancelier de Brabant, et cette idée m'a paru d'autant meilleure, qu'il joint à des talents et de l'application, l'avantage d'occuper une place qui jouit d'une grande considération dans ce pays-ci, et que par là, la prési- dence remise à ses soins donnerait d'autant plus de confiance dans l'éta- blissement même qu'on pourrait s'assurer de tout son concours et de tous ses soins pour le succès de la Société, et qu'il regarderait cette com- mission comme une occasion de se faire du mérite. » Déterminé par ces considérations, j'ai sondé là-dessus le chancelier qui m'a répondu d'une manière qui annonce sa soumission et son em- pressement à remplir de son mieux et à se charger de tous les objets auxquels on pourrait le trouver propre, et sur cela je l'ai requis de former et de mettre par écrit un projet d'arrangement analogue aux vues que je lui ai développées, et dès qu'il s'en sera acquitté, j'aurai l'hon- neur d'en faire rapport à Votre Altesse et de lui proposer définitivement les dispositions qui me paraîtront pouvoir être faites sur cette malièrc. w En attendant, mon prince, je crois devoir observer à Votre Altesse que j'ai toujours regardé et que je regarde encore comme chose généra- lement bonne et particulièrement liée avec l'affaire de la Société, d'avoir €t d'établir ici une Bibliothèque publique et ouverte, ce qui nous manque. » Nous avions ici autrefois la Bibliothèque de Bourgogne, qui était assez célèbre, et qui contenait entre autres un grand nombre de beaux et rares manuscrits: l'incendie du palais en a consumé beaucoup et en a fait égarer considérablement : on a rassemblé cependant ce qui a pu en être sauvé, et cette partie dans laquelle il ne laisse pas que d'y avoir du bon a été déposée dans une salle assez propre à cet effet; mais tout était en désordre: la personne chargée ci-devant de ce soin et qualifiée du titre de bibliothécaire, [Wouters], ne s'en est pas fort occupée et ne LIVRE r. 1771. 43 s'y entendait même pas, et autorisée à faire quelquefois des emplettes, ces emplettes ont été si mal faites qu'on y trouve des tas d'opuscules qui ne mériteraient pas l'honneur d'être places dans la Bibliothèque d'un parti- culier... » Starheraberg avait fait la visite de la Bibliothèque de Bourgogne ; il avait chargé Gérard de la mettre en ordre et l'avait autorisé à acheter des livres à la vente de la Bibliothèque du comte de Cobenzl : la dépense devait être imputée sur la somme de 2 400 florins que Sa Majesté avait assignée pour la Société littéraire par sa dépêche du 12 janvier 17G9. Celte somme, comme on l'a vu, devait être distribuée tous les ans à titre de gratifications aux membres de la Société qui se seraient signalés par quelque bon ouvrage. Il avait été accordé en 1770 * une gi'atification de 400 florins au sieur Seumoy, physicien, une de 500 florins au professeur Vounck et une pareille au secrétaire Gérard ; et le prince Charles de Lorraine avait été autorisé à employer les 1 000 florins restants à l'acquisition d'instruments ou d'autres objets dont la Société pourrait avoir besoin ou à la réserver pour un temps où parmi ses membres il se trouverait plus de sujets de mérite. Remarquons ici qu'outre les gratifications dont il vient d'être parlé, le prince Charles, par sa Kelation du î2G mars 1770, en avait encore pro- posé deux de 500 florins chacune, au profit de Michaux et de Collin, tous les deux professeurs à Louvain,déjà recommandés par Neny en 1768. Mais, disait Kaunitz dans son rapport à l'impéra- trice'^, 0 quel que puisse être le mérite des professeurs Michaux et Collin, je ne vois nulle raison pour détourner de leur destina- tion des gratifications qui doivent faire naître l'émulation entre les membres d'une Société naissante qui mérite d'autant plus d'en- couragement que son objet en grande partie est de suppléer à ce qui manque à l'Université, et qu'on ne s.aurait y introduire tout à coup. — D'ailleurs si ces deux professeurs, ajoutait-il, sont aussi ^ Par une dépêche rojale du 13 mai. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne: D. 97. Lit. 1. ' Ce rapport est du 13 mai 1770, comme la dépèclie ro\ale. 44 LIVRE I. 1771. habiles gens qu'on le dit, on doit être charmé de les recevoir dans la Société littéraire, où ils seront à même de mériter ce qu'on veut leur accorder d'une manière irrégulière, et si par un esprit de pédantisme ou de prévention ils ne veulent pas entrer dans cette Société, il y a une raison de plus pour les exclure des avan- tages réservés à ses membres. » Le chancelier de Brabant, Joseph Crumpipen, dont le prince de Starhcmberg avait fait choix pour présider la Société litté- raire consolidée, était entré fort jeune dans la carrière des emplois. Avant d'avoir atteint sa vingt-cinquième année, il avait été nommé conseiller au conseil de Brabant dont il devint le chancelier en 1769, après avoir passé par le conseil privé. Nous n'avons pas ici à juger sa carrière de magistrat; les passions poli- tiques ne le ménagèrent point; mais le seul grief qui ail surnagé contre lui, c'est une trop grande fidélité au gouvernement. Cette fidélité lui était commune avec son frère, Henri Crumpipen, secrétaire d'État et de guerre, nommé à cet emploi presque en même temps que Joseph devenait chancelier de Brabant; tous deux l'avaient héritée de leur père qui avait été pendant qua- rante-six ans au service de la maison d'Autriche. Joseph Crumpipen n'avait pas recherché les fonctions de pré- sident de la Société littéraire; on peut dire qu'il les accepta par dévouement. Il eut une grande part à la transformation de la Société en Académie des sciences et belles-lettres, et son dévoue- ment aux intérêts de l'institution se maintint absolu et intact à travers les temps les plus orageux; il ne cessa point jusqu'en 1794 d'assister aux séances, et quand les affaires publiques ou d'autres raisons plus tristes l'empêchaient de venir à l'Académie, il se faisait rendre compte par le secrétaire de ce qui s'était passé dans l'assemblée; il préparait les objets à traiter, rédigeait ou corrigeait les rapports à envoyer au ministre. Il s'entendait direc- tement avec ce dernier, quand une question importante était en jeu, et lui soumettait des projets de lettres pour l'Académie. On peut lui reprocher d'avoir montré quelquefois une trop grande obséquiosité; il ne fut pas non plus exempt de préventions, mais il sut toujours conserver des formes aimables et polies vis-à-vis LIVRE F. — ^■nl. 45 des académiciens, dont plusieurs ne brillaient point par l'édu- cation. Le 11 septembre 1771, Crumpipcn soumit au prince de Star- Iiemberg ses idées sur l'état actuel de la Société littéraire et sur les moyens de tirer cet établissement « véritablement utile au public, de l'espèce d'inaction où il se trouvait réduit. » Le chancelier jugeait indispensable de donner un président à la Société et de lui accorder des lettres patentes. « Comme la rédac- tion du diplôme d'établissement de la Société, disait-il, exigera beaucoup de travail et un examen réfléchi, il suffira que dans la première assemblée qui se tiendra pendant le courant du mois d'octobre prochain, le j)résident soit autorisé à annoncer aux membres de la Société, que Sa Majesté a résolu de confirmer cet établissement par des lettres patentes en forme, dont le prési- dent pourrait être chargé de présenter le projet à l'approbation de S. A. R. Cette déclaration seule, en remplissant le vœu com- mun de tous les membres de la Société, sera le présage des jours plus brillants, et rassurera le jiublic sur le sort d'un établisse- ment dont il regardait déjà la chute comme prochaine. » Crumpipen insistait sur l'utilité qu'il y aurait pour le public à avoir accès à la Bibliotlièque de Bourgogne, et il regardait cet établissement comme absolument nécessaire pour la Société litté- raire. C'était également l'avis de Needham, de Gérard et du comte de Neny qui avaient été consultés par le ministre '. « La Société littéraire, disait Gérard, était à peine érigée, que les membres exposèrent à feu S. E. le comte de Cobenzl, que sans le secours d'une Bibliothèque publique à Bruxelles, il ne serait guère pos- sible d'y exciter le goût des belles-lettres; ce ministre, en étant persuadé, se proposait de donner ses soins pour que la Biblio- thèque royale pût devenir bieniôt publique. » * Les mémoires de Needham, de Gérard et du comte de Neny ont été pul)liés, avec le rapport de Crumpipen, dans V Annuaire de r Académie [tour \HiO. Ces pièces sont tirées des archiv. du roy. de Belg. Chancellerie des Pays-Das à Vienne, n» 401. 46 LIVRE I. — 1771. Le 29 janvier 1772, le chancelier de Brabant adressa au ministre la lettre suivante* : « Monseigneur, i> Par une note du il septembre de Tannée dernière, j'eus Thon- neur de présenter à Votre Altesse mes idées sur l'état actuel de la Société littéraire de Bruxelles, et sur les moyens qu'il y aurait de tirer cet établissement, véritablement utile au public, de l'espèce d'inaction où il se trouve réduit. » Sur quoi Votre Altesse me fit connaître par sa lettre du lo octobre suivant « que comme la Société littéraire devait s'assembler le iC du » même mois, et que les dispositions que S. A. R. avait résolu de pré- « senter à l'agréation de S. M. relativement à la forme et à la police de " cet établissement ne sauraient être fixées pour ce temps, Elle désirait « que l'assemblée générale de la Société littéraire se tînt chez moi » au jour préfixé, lorsque je pourrais, en même temps, communiquer » aux membres qui la composent les vues du gouvernement qui m'étaient « connues, et les ouïr sur le projet des lettres patentes, ainsi que sur » le règlement qu'il conviendrait de faire émaner sur cet objet ^. >■> » En conséquence de ces ordres, la Société littéraire s'étant assemblée chez moi le 16 octobre 1771, j'ouvris la séance par la lecture de la lettre dont Votre Altesse m'avait honoré; après quoi j'informai les mem- bres que les vues du gouvernement que j'étais chargé de leur communi- quer, étaient : « 1" De donner à la Société une consistance assurée par des lettres patentes à expédier en la forme ordinaire, par lesquelles elle serait instituée et établie sous le titre de Société royale des sciences, des arts et des belles-leltres; ou bien simplement sous celui de Société littéraire, comme S. M. le trouverait le plus à propos. » 2° De faire émaner un règlement qui fixât d'une manière claire et précise les devoirs des associés, leur nombre, le genre d'études auquel ils devaient s'appliquer particulièrement ; la tenue des assemblées publi- ques et particulières; l'impression des mémoires qui auraient été cou- ' Archiv. (lu roy. de Belg. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne, n» 401. ^ Il y avait eu au préalable une entente à cet égard entre le ministre et le chancelier. LIVRE I. — 1771. 47 ronnés, ainsi que de ceux que les associés auraient composés eux-mêmes et lus dans les assemblées; en un mot tout ce qui pourrait concerner la police tant intérieure qu'extérieure de la compagnie, qui serait tou- jours dirigée par le ministre plénipotentiaire de Timpératrice. » 5° De nommer un président, dont les fonctions seraient de pro- poser dans les assemblées de la Société les affaires sur lesquelles il s'agi- rait de délibérer, de recueillir les opinions des membres, de tâcher de les réunir lorsqu'ils seraient de différents avis; d'y maintenir le bon ordre et l'exacte observation des règlements, d'encourager les associés à donner de temps en temps des productions sur quelque sujet inté- ressant du ressort de la Société, et à les lire dans les assemblées; enfin de rendre tous les mois un compte exact au ministre plénipotentiaire de l'état do la Société, de ses besoins, de ses progrès. « Tous les membres de la Société apprirent avec la plus grande joie la disposition où S. A. R. était d'imprimer à cet établissement le carac- tère de stabilité qui lui avait mancpié jusqu'ici; ils envisagèrent cette nouvelle marque de la protection éclairée que ce sérénissime prince ne cesse d'accorder aux belles-lettres, comme l'aurore des jours plus bril- lants pour la Société, et ils me requirent de faire agréer à Votre Altesse, avec l'hommage de la respectueuse reconnaissance dont cette faveur les avait pénétrés, les assurances de leur empressement et de leur zèle à correspondre de leur côté aux vues bienfaisantes du gouvernement. « Je m'en acquittai le lendemain : j'eus l'honneur en même temps de rendre compte à Votre Altesse du résultat de l'assemblée qui s'était tenue chez moi, et dont les objets précis sont retracés dans l'extrait ci- joint n» 1 du protocole de la Société, au contenu duquel je ne puis que me rapporter à tous égards. « Avant de continuer à transcrire la lettre de Cnimpipen, résu- mons rapidement ce qui s'était passé dans la séance du IG octobre 4771, la septième et Ja dernière que tint la Société littéraire, avant son érection en Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres. Après la communication du chancelier de Brabant, on s'était d'abord occupé du jugement du concours. Pour la question d'histoire : « Quel a été l'état civil et ecclésiastique des dix-sept provinces des Pays-Bas et du pays de Liège pendant les V^ et 4» LJVRE I. — 1771. VP siècles, » le prix avait été accordé à Des Roches. Et comme il avait déjà remporté le prix d'hisloire en 1709 et en 1770, on résolut de l'exclure à l'avenir des concours, et d'agir de même avec ceux qui auraient obtenu trois prix. « On jugea, dit le pro- tocole, que cela était absolument nécessaire, parce que les ques- tions, surtout celles concernant Tliisloire, roulant toujours sur des points d'histoire du moyen âge, celui qui avait remporté trois prix, avait, par les recherches qu'il avait été dans le cas de faire pour résoudre les questions précédentes, trop d'avantages sur ses concurrents, qui ne manqueraient pas d'être découragés. » Trois questions avaient été posées jiour le concours de la classe de physique. Pour la première, relative aux plantes les plus utiles du pays et à leur usage dans la médecine et dans les arts, le prix fut décerné à Jean-Baptiste De Beunie, médecin à Anvers, et l'ac- cessit au sieur Du Rondeau, médecin à Bruxelles. Pour la seconde question : « Quelle est la meilleure méthode, et la moins dispen- dieuse, de teindre en noir le fil de lin et d'autre matière végé- tale? » le prix fut encore décerné à M. De Beunie; il n'y eut pas d'accessit. Pour la troisième question concernant la mine de Vedrin, on n'avait reçu qu'un mémoire qui ne fut pas jugé digne d'une récompense. Après avoir décidé que les mémoires couronnés seraient im- primés, la Société fit choix des questions à proposer pour le con- cours de 1772. Elle résolut ensuite de présenter MM. Des Roches et Du Rondeau à l'agréation de S. A. R., comme membres de la Société. La demande d'une nomination avait été faite, au nom du premier, par M. Verdussen, et au nom du second, par M. Caussin. Quelques membres avaient fait observer « qu'il était essentiel de ne point faire des choix précipités, et qu'il semblait convenable de remettre la chose à l'assemblée prochaine; que dans cet intervalle on pour- rait prendre des éclaircissements relativement aux mœurs et talents des candidats, mais la pluralité avait été pour l'admis- sion. » La séance s'était terminée par l'examen du règlement provi- sionnel auquel on avait jugé nécessaire d'apporter quelques LIVRE I. — 1772. 49 changements et d'ajouter quelques articles, entre autres: Que la Société se réunirait douze fois par an. et que les membres seraient obligés de fournir au moins un mémoire par an. Des Roches, Tun des nouveaux élus, avait 31 ans; Du Rondeau en avait 38. Le premiei' vivait de leçons qu'il donnait à Anvers, et qui, paraît-il, étaient assez productives; car il les évaluait lui- même à 17 ou 4 800 florins, en y comprenant sans doute la vente de ses grammaires flamande et française et de son dictionnaire français fl^aiid et flamand-français : trois médailles remportées consécutivement à la Société littéraire lui avaient assuré la bien- veillance du comte de Neny et de l'abbé Nelis. Neny l'avait désigné pour être mis à la tête de la Bibliothèque publique dont la créa- tion paraissait décidée; non-seulementil lui reconnaissait tous les talents nécessaires pour tenir cet emploi avec distinction, mais il le regardait même « comme très en état d'entreprendre un jour l'épineux et très difficile ouvrage d'une histoire générale des Pays-Bas : le projet qu'il en avait présenté à S. A. le ministre plé- nipotentiaire, décelait les plus grandes vues, le tact fin, et un goût délicat. » Du Rondeau avait de la réputation comme médecin; il s'était fait une belle clientèle à Bruxelles et devint médecin de la cour ; il avait des connaissances assez étendues en histoire naturelle, mais ses prétentions à l'érudition lui firent tort. Revenons maintenant à la lettre du chancelier de Brabant du 20 janvier, en la reprenant au point où nous l'avons laissée. •) Quant aux lettres patentes d'octroi portant établissement de la Société littéraire de Bruxelles, que Votre Altesse m'a chargé de former, les membres de cette Société ont été d'avis qu'il convenait qu'elles fussent dégagées de ces énonciations pompeuses, qui, outre qu'elles sont toujours inutiles, s'écartent souvent du vrai; en conséquence je me suis attaché à les rédiger dans la plus grande simplicité, sur le pied du projet ci-joint n« 2. » Il me reste à observer sur ce projet, que la permission que l'on y donne à la Société de pouvoir faire imprimer sans la censure des con- seillers fiscaux les mémoires qui auront concouru pour les prix que l'on distribue chaque année, ainsi que les ouvrages des membres de la Tome XXXIV. 4 50 LIVRE 1. — 1772. Société, qui auront été lus et approuvés par elle; celle de se choisir pour cet effet un imprimeur qui sera muni d'un privilège exclusif de S. M. et d'avoir un sceau particulier, sont autant de faveurs dont toutes les Aca- démies jouissent, et qu'on ne saurait bonnement refuser à la Société littéraire de Bruxelles, dès lors que son existence et sa stabilité auront été reconnues par des lettres patentes. " Pour ce qui est de l'article du projet qui accorde aux membres de la Société une noblesse personnelle, il est vrai que celte distinction n'est pas fondée sur l'exemple des autres Académies, du moins de celles de Paris, de Londres, de Berlin et de Manheim, dont j'ai exanïiné l'institu- tion et les règlements; mais comme il s'agit ici, et que le but principal du nouvel établissement que l'on va former, est d'encourager les gens à talents que nous avons aux Pays-Bas, parmi lesquels il y en a peut-être dont le zèle sera plus excité par une récompense purement honorifique, que par une gratification en argent, j'ai cru qu'une sorte d'anoblisse- ment, qui finirait avec la vie, et dont l'effet suivant nos usages se réduit pour ainsi dire au port de Tépée, et au titre de Madame que l'on donne aux femmes des anoblis, pourrait être un aiguillon de plus; en quoi je trouve d'ailleurs d'autant moins d'inconvénient que les collecteurs de la loterie royale dite Lotto ont également obtenu, il y a quelques années, le port de l'épée, et qu'au reste cette marque distinctive de la noblesse, malgré la disposition expresse de nos lois héraldiques, est tellement vili- pendée à Bruxelles, que l'on peut dire avec vérité, que la permission de porter l'épée, que l'on accorderait aux membres de la Société par un anoblissement personnel, serait une faveur de très petite conséquence et peut-être d'aussi peu de valeur, mais qui sur de certains esprits pourrait produire un fort bon effet. » J'ai l'honneur de joindre ici n" 3 le projet de règlement qu'il pourrait plaire à S. M. de décréter, pour fixer avec plus de précision l'objet de la Société, la police que les membres qui la composent auront à suivre, ainsi que la forme de leurs exercices. Votre Altesse remarquera que ce projet, qui a été travaillé avec beaucoup de soin et d'après les avis que j'ai recueillis des membres les plus éclairés de la Société, embrasse non-seulement toutes les dispositions essentielles du règlement provisionnel que le gouvernement a trouvé bon de prescrire lors du premier établissement de cette Société, mais aussi plusieurs articles nouveaux que les circonstances particulières où nous nous trouvons, et le maintien du bon ordre dans de semblables compagnies instituées et LIVRE I. 1772. 51 érigées par des lettres patentes du souAerain, rendent nécessaires ici comme ailleurs. « Votre Altesse observera qu'il est parlé à Tarticle IV du projet d'une deuxième classe d'associés, sous le nom d'associés honoraires; il y en a de cette espèce dans toutes les Académies connues, et il paraît consé- quent aussi de donner le même lustre à la Société de Bruxelles, où d'ailleurs il ne manque pas de personnes d'une condition distinguée, soit par leur naissance ou par leurs emplois, qui se feront un véritable plaisir d'y entrer. » Il y a encore deux faveurs que l'on pourrait accorder à cette Société, et qui serviraient infiniment à en assurer le progrès : l'une serait d'engager le prince de la Tour en qualité de grand-maître des postes des Pays-Bas, à lui donner une franchise entière du port des lettres, et l'autre de récompenser l'assiduité aux assemblées de la Société, en faisant distribuer à chaque assemblée un jeton à chacun des associés qui y sera présent : en supposant que chaque jeton ait la valeur intrinsèque d'un demi-écu ou de quatre escalins, l'objel annuel de cette récompense n'excédera pas la somme de 300 il. d'Allemagne, et ne sera donc pas bien considérable. i> Si à tous ces bienfaits, S. M. daignait ajouter celui d'accorder quel- ques pensions à ceux des associés qui se distingueront le plus par leurs talents et leur travail, à l'exemple de ce qui se pratique dans les autres Académies de l'Europe, on pourrait espérer avec raison, que dans peu d'années la Société de Bruxelles serait composée d'excellents sujets, et que moyennant cela, elle acquerrait bientôt dans la république des lettres cette considération et cette célébrité que de pareils établissements sage- ment gouvernés ont droit d'attendre. « Mais indépendamment de cela, les associés se croiront toujours amplement dédommagés de leurs travaux, par la continuation de la protection de S. M. notre auguste souveraine, et par celle de la bienveil- lance que Votre Altesse voudra bien accorder, comme Elle l'a fait jusques ici, aux gens de lettres qui la composent. « J'ai l'honneur d'être, etc. n 52 LIVRE I. CHAPITRE V. Les rapports du prince de Kaunitz à Marie-Thérèse. — L'érection de la Société littéraire en Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres. - L'élabo- ration des lettres patentes et du règlement. — La dépèche royale du 16 décembre 1772. — Le sceau de l'Académie, Le 7 avril 1772, le prince Cliarles de Lorraine adressa une Relation à l'impératrice touchant la Société littéraire, la nécessité et les moyens de la consolider '. Il y passait en revue les idées émises par l'abbé Needham, le comte de Neny, le secrétaire Gérard, et le chancelier de Brabant, dont il envoyait les avis, en même temps que le projet de lettres patentes et le projet de règlement, préparés par le chancelier. Le 23 juin, le prince de Kaunitz fit son rapport ^ sur les cinq points qui étaient touchés et examinés dans la Relation, à savoir : 1" l'expédition des lettres patentes; 2° un projet de règlement; 5° quelques faveurs à accorder à l'Académie; 4° la nomination d'un président; 5" la publicité à donner à la Bibliothèque royale de Bruxelles. Le chancelier de cour et d'État se prononçait pour le titre d'Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres, et admettait la noblesse personnelle en faveur de ses membres : « ce dernier objet, disait-il, se réduisant, en fait, à quelques préroga- tives qui ne font nul tort au royal service. » On ne conçoit pas effectivement qu'il pùi résulter le moindre dommage d'une mesure mettant sur le même rang les académiciens et les collecteurs de la loterie! Quant au projet de règlement, Kaunitz en trouvait le style trop négligé; plusieurs articles lui paraissaient susceptibles de change- * Archiv. du roy. de Belg. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne, n°401. — Celte Relation a été imprimée dans V Annuaire de r Académie pour 1840. - Ibidem. — Le rapport de Kaunitz a été imprimé en partie dans VAn- nuaire précité. LIVRE I. 1772. 53 menls, et il se réservait de s'entendre à ce sujet avec le ministre plénipotentiaire, ainsi que sur quelques changements à faire aux lettres patentes. Il agréait l'idée de S. A. R. de nommer des membres honoraires dont il conviendrait cependant de fixer d'avance le nombre. En ce qui concerne les faveurs à accorder à l'Académie, Kau- nitz rejetait avec le prince Charles la proposition d'attribuer des pensions fixes à un certain nombre d'académiciens : quand il se présenterait quelque génie supérieur, on pourrait toujours lui conférer un bénéfice, un emploi ou même une pension. 11 n'admettait pas non plus, comme l'auraient voulu Nelis et Neny, qu on défrayât les membres non résidants à Bruxelles, des voyages qu'ils feraient pour se rendre aux assemblées. Le gouverneur général avait exprimé la même opinion, mais tandis que celui-ci élait favorable à l'octroi de jetons de présence, Kaunitz pensait qu'il vaudrait mieux ajouter la dépense de 500 fl, d'Allemagne ou 420 fl. arg. cour. , à résulter de cet article, à la dotation de l'Académie, et mieux encore, porter cette dotation de 2 400 11. à 5 000 fl. arg. cour. On serait alors à même de donner tous les ans quatre gratifications à autant de mem- bres qui se seraient particulièrement distingués, et il resterait encore i 000 fl. pour les autres frais de l'entretien de l'Académie, « ce (jui n'est pas de trop, ajoutait-il, surtout parce qu'il s'agit entre autres de faire faire tous les ans, par deux académiciens, des voyages littéraires dans les différentes provinces des Pays- Bas. » Kaunitz se ralliait ensuite à la proposition du prince Charles, de donner un président à l'Académie, et, « dès que le chef et pré- sident ne peut en être chargé, disait-il, le chancelier de Brabanl y convient le mieux, ayant assez de loisir pour s'occuper des fonctions qu'on veut lui attribuer. » Il convenait également de déclarer formellement le ministre plénipotentiaire protecteur de l'Académie, « et il se présenterait peut-être l'occasion d'attacher à cet établissement un secrétaire qui ait le talent d'écrire avec pureté et précision, et de mettre de l'intérêt dans les ouvrages qui sortiront de sa plume, talent 54 LIVRE I. — 1772. qui manque au secrétaire actuel Gérard, quoique d'ailleurs ce soit un sujet de mérite. » On remarquera cette préoccupation de l'élégance du style et de la forme qui poursuivait le prince de Kaunitz; tout à l'heure il s'attaquait au chancelier de Brabant; maintenant c'était le tour du secrétaire de la Société littéraire. Le chancelier ne paraît pas du reste avoir rédigé lui-même le projet de règlement; il se serait borné à le corriger : du moins la minulc que nous avons sous les yeux est surchargée de change- ments et d'additions écrits de sa main. J. Crumpipen était un lettré, et si son style avait un défaut, c'était une certaine recherche et une prétention trop marquée à l'élégance. Quant à Gérard, la beauté de la forme n'était pas son côté brillant, mais il ne méri- tait pourtant pas la critique acerbe de Kaunitz. Chose singulière, le prince de Starhemberg professait le même amour pour l'élégance du style que le chancelier de cour et d'Etat; et il est curieux de voir deux hommes politiques allemands s'en- tendre sur une matière qui, à première vue, aurait dû leur paraître assez indifférente. Pour en revenir au rapport de Kaunitz, il le terminait en don- nant son adhésion à l'établissement d'une Bibliothèque publique, et proj)osait, avec le prince Charles, de confier les fonctions de bibliothécaire à l'abbé Chevalier avec un traitement de 600 florins, dont celui-ci se contenterait. Le chef et président avait, il est vrai, proposé pour cette place le nommé Des Roches, mais son acqui- sition coûterait beaucoup plus cher que celle de l'abbé Chevalier tout aussi propre que son concurrent pour la besogne qu'on vou- lait lui confier. Marie-Thérèse mit au bas du rapport de son chancelier de cour l'apostille suivante : « Je me conforme a vos reflexions, mais on ne peut avoir grande opinion de la Société si on voit ces écrits : » c'est-à-dire la Relation et ses annexes. Le rapport du prince de Kaunitz était, comme on l'a vu, du 23 juin. Trois jours après, le 20, l'impératrice douairière et reine adressait à « monsieur son 1res cher et aimé beau-frère et cousin, » I.IVHE I. — 1772. 55 une dépêche datée de Vienne', dans laquelle Elle lui faisait con- naître sa résolution d'ériger la Société littéraire actuelle en Aca- démie formelle, en lui faisant expédier des lettres patentes sous sa signature, et de porter sa dotation de 2 400 fl. à 3 000 pour permettre de donner tous les ans des gratifications à quatre aca- démiciens et faire face aux autres dépenses. Le chancelier de Brabant J. Crumpipen était nommé président de 1 Académie, et l'abbé Chevalier, bibliothécaire de la Bibliothèque de Bruxelles, qui devait être rendue publique. Le prince Charles de Lorraine était autorisé à employer successivement un millier de ducats à l'acquisition de livres nouveaux et h vendre les ouvrages jugés inutiles. Le projet de règlement de l'Académie avait besoin de corrections : l'impératrice déclarait s'en rapporter à ce que, de l'agrément du prince Charles, le chancelier de cour et d'État et le ministre plénipotentiaire concerteraient à cet égard; en atten- dant, Elle faisait savoir qu'Elle avait agréé l'établissement d'une classe de membres honoraires. Le 1G décembre, Kaunitz adressa un nouveau rapport à l'im- pératrice 2. En voici le contenu : « Madame, » Votre sacrée Majesté impériale et apostolique daignera se rappeler que sur mon très humble rapport ci-rejoint du 25 juin dernier, Elle agréa l'érection de la Société littéraire actuellement existante à Bruxelles en Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres, et qu'Elle me chargea de faire part au ministre plénipotentiaire de mes remarques et observations sur le projet de règlement pour cette compagnie, qui avait été porté à l'approbation de Votre Majesté. » Le prince de Starhemberg ayant en conséquence fait refondre ce projet ainsi que celui des lettres patentes, auxquelles il devait être atta- ché, vient de me remettre l'un et l'autre par un post-scriptum du 24 du mois dernier ci-joint en original n° 2 avec toutes les pièces y réclamées. * Cette dépèche nVst pas aux archives du royaume; mais elle est analysée dans le liéperloire de la chancellerie des Pays-Bas à Vienne de 1772. ' Archiv. du roy. de Belg. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne, n" 401. 56 LIVRE I. — 1772. » Je suis maintenant d'accord avec le gouvernement sur Tessentiel de ces deux pièces, mais la tournure qu'on leur avait donnée m'a paru demander les changements qui sont tous exprimés dans les pièces cotées n°^ 5 et 4 à la marge des projets de Bruxelles. « Au moyen des corrections diverses qu'on a faites à ces pièces, elles me paraissent rentrer dans les vues que Votre Majesté s'est proposées en autorisant l'érection de celte Académie; je prévois à la vérité que ses premières productions se ressentiront de la faiblesse qui est naturelle à tout établissement littéraire formé dans un pays où depuis un certain temps on a négligé les sciences utiles et les belles-lettres; mais j'espère toujours que cet établissement contribuera à réveiller le goût dépareilles éludes, et qu'avec le temps les habitants des Pays-Bas, qui sont déjà industrieux et riches, tireront des travaux des académiciens les mêmes avantages dont jouissent déjà les nations voisines. n J'ose donc présenter à la signature royale de Votre Majesté, tant les lettres patentes portant érection de l'Académie, auxquelles le règlement qu'EUe lui prescrit sera attaché, que la dépêche royale qui devra les accompagner, me soumettant néanmoins sur le tout avec le plus profond respect à ses lumières supérieures. » En marge de ce rapport, on lit : Placet, avec le parafe de Marie- Tliërése. La dépêche de l'impératrice, dont il est fait mention, se trouve ci-après. Le projet primitif de règlement, soumis par Crumpipen au ministre plénipotentiaire était en vingt-sept articles. Une copie de ce projet accompagne le rapport de Kaunitz du dC décembre, que nous venons de donner. En regard de chaque article sont couchées les observations du chancelier de cour et d'État. L'article II était ainsi conçu : « Celte Société aura pour objet les antiquités, l'histoire ecclésiastique, civile et politique, ancienne et moderne des Pays-Bas, principalement de la partie située sous la dorainalion de Sa Majesté; la géographie, la navi- gation, l'histoire naturelle, la connaissance et l'examen du sol, des mines, fossiles et végétaux des mêmes pays; l'élude de la physique, chi- mie, astronomie, mécanique et des autres parties des mathématiques, en tant qu'elles sont nécessaires ou utiles pour l'avancement et la perfec- LIVRE I 1772. 57 tion des manufactures et des fabriques, l'avantage du commerce et les progrès de l'agriculture. « Voici les observations de Kaunitz : « Les différents objets des occupations de l'Académie, paraissent mêlés et confondus ensemble dans cet article; on commence par les anti- quités, l'histoire; on passe à la géographie, de là à la navigation et à l'histoire naturelle dont sans nécessité on donne les subdivisions d'une manière très imparfaite; on revient à la physique, qui pourtant est une science plus vaste et plus étendue que l'histoire naturelle; on fait men- tion après de l'astronomie, de la mécanique, à quoi on ajoute en globe les autres parties des mathématiques, qui pourtant sont aussi essentielles que celles dont on fait mention, et Pon finit par une restriction très injurieuse à cette branche des connaissances humaines, la seule qui mérite le nom de science exacte. L'article qu'il conviendrait de substituer pourrait rappeler le but de l'institution qui est la culture des sciences et des belles-lettres prises dans le sens le plus étendu, et ajouter une énumération très succincte et très générique des objets qui rentrent dans l'une et l'autre de ces classes. » L'article XVI 1 portait : « La Société nommera pareillement tous les ans deux de ses mem- bres, savoir ; un historien et un physicien, pour faire ensemble un voyage littéraire dans les différentes provinces des Pays-Bas, afin d'exa- miner tout ce qui pourra s'y trouver d'intéressant pour l'avancement des connaissances et des sciences du ressort de la Société. » Kaunitz observe : o II ne paraît pas encore convenable de faire voyager de compagnie le géomètre ou physicien et le littérateur, leurs occupations ayant trop peu de rapports entre elles; car tandis que le littérateur s'arrêterait dans les archives d'une abbaye, dans une bibliothèque ou près de quel- que monument, le géomètre aurait bien pu employer son temps utile- ment ailleurs. Il y aurait donc moins d'inconvénients à les faire aller 58 LIVRE I. — nv2. séparément, afin que chacun d'eux puisse se livrer aux objets relatifs à sa mission. » A l'article XIX [correspondant à l'article Vil du règlement adopté], Kaunilz remarque : a ... Il est en même temps nécessaire de déclarer que S. M. reçoit pour premiers membres de l'Acadé- mie, tous les gens de lettres qui composaient la Société littéraire, avec le même ordre de préséance qui y avait été observé; qu'au surplus Elle les autorise à compléter leur nombre, à remplir les places vacantes par mort, etc. » Il se rangea ensuite à l'avis de Starhemberg, de notifier par une lettre aux membres de la Société littéraire qu'ils étaient reçus dans la nouvelle Académie. Quelques autres changements suggérés par Kaunitz sont men- tionnés dans la lettre suivante que le chancelier de Brabant écri- vit le 7 septembre au ministre plénipotentiaire : « Monseigneur, » Votre Altesse m'a fait remettre par le secrétaire d'État et de guerre, récrit d'observations ci-joint, sur le projet de règlement, que j'avais rédigé pour l'Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres, et dont mon rapport du 29 janvier dernier, qui concerne l'institution de cette Académie, était accompagné. » En conséquence de ces observations, j'ai travaillé, de concert avec le secrétaire perpétuel de l'Académie Gérard, à la rédaction d'un deuxième projet de règlement, que j'ai l'honneur de présenter ci-joint à l'approba- tion de Votre Altesse. •> Ce projet, qui n'apporte aucun changement sensible au premier, a été exactement calqué sur le règlement de l'Académie royale des inscrip- tions et des belles-lettres de Paris, comme Votre Altesse le remarquera par les notes que j'y ai couchées en marge. Il ne me reste donc qu'à lui rendre compte des raisons qui m'ont empêché de faire usage de toutes les observations, que l'écrit, qui m'a été communiqué, renferme. » 1° L'on ne connaît aucun règlement de cette espèce, où les noms des président, directeur et secrétaire soient énoncés. Cela se notifie régulièrement à l'Académie par une lettre particulière , que Votre Altesse, en qualité de ministre plénipotentiaire, et de protecteur de LIVRE I. 1772. 59 l'Académie, pourrait avoir pour agréable de lui adresser à la première assemblée générale. » 2" Il ne serait pas convenable d'accorder au président, en cas d'une égalité parfaite des voix, la faculté de décider l'objet mis en délibéra- tion,' car, outre que ces cas arriveront fort rarement, et qu'une assem- blée de gens de lettres ne souffre guère une supériorité décidée, il paraît que rien n'est plus naturel, que de porter dans ces circonstances l'affaire à la décision du protecteur. n 3« Il pourrait être d'une mauvaise conséquence pour l'Académie, si l'on déterminait que la place de directeur serait remplie tous les ans par tour de rôle; la raison en est sensible, si l'on considère, que parmi les membres de l'Académie, il y en aura toujours, qui ne conviendront nullement pour cette place. Il vaut donc mieux de déclarer que le cboix du directeur se fera à la pluralité des voix des académiciens présents. « 5° L'on croit que l'autorisation, que l'on donnerait à l'Académie, de faire des statuts sur des objets, qui ne seraient point compris dans le règlement, et qui regarderaient la police intérieure de cette compagnie, pourrait être sujette à des inconvénients, et à des discussions sans nombre, qui souvent absorberaient une grande partie du temps, dont on peut faire un meilleur usage. » 6° Il ne paraît pas bien possible d'imposer aux académiciens hono- raires existants à Bruxelles, l'obligation d'assister à l'assemblée publique, mais rien n'empêchera de les inviter à s'y rendre, ainsi qu'aux assem- blées ordinaires; et pour peu qu'ils aient du zèle pour les sciences ou pour les belles-lettres, il est probable qu'ils déféreront à l'invitation, surtout si les occupations supérieures de Votre Altesse lui permettent d'honorer quelquefois ces assemblées de sa présence. » J'observerai finalement, qu'il est de toute nécessité, que l'Académie ait un sceau. 11 ne s'agit que de déterminer les armes, dont ce sceau pourra être rempli; celles de Bourgogne, d'Autriche ou de Brabant pour- raient également convenir pour cela, pourvu qu'on y ajoute l'inscription suivante: Sigillum Hegiae Scientiarum et Litterarum Academiae Bruxellis. » J'ai l'honneur d'être, etc. » Le nouveau projet avait été agréé par le ministre plénipoten- tiaire, et celui-ci, comme on l'a vu par le rapport de Kaunilz, l'avait transmis au chancelier de cour et d'Etat, le 24 novembre. 60 LIVRE 1. — ilT-l. Dans les changements dont il fut encore l'objet à Vienne, nous n'en avons remarqué qu'un seul de quelque importance : Kaunilz fit disparaître une clause en vertu de laquelle le prési- dent aurait été choisi parmi les membres honoraires. Il a été question précédemment d'une séance publique annuelle, mais Tarticle X du règlement qui fut adopté ne parle que d'une assemblée extraordinaire à tenir le 14 octobre. Le manuscrit du second projet de règlement, qui fut soumis à Crumpipen, et qui est de la main de Gérard, portait d'abord assemblée publique; Crumpipen y substitua assemblée générale, mais il effaça ensuite ce mot générale et le remplaça par le mot extraorditiaire. En fait? il ne paraît pas que l'Académie ait jamais tenu de séance publique, bien qu'il en ait été plusieurs fois question. Les lettres patentes et le règlement de l'Académie avaient été envoyés au gouverneur général par la dépêche de Marie-Thérèse du 16 décembre, déjà mentionnée, et dont voici le texte : « L'impératrice douairière et reine, » Monsieur mon très cher et très aimé beau-frère et cousin, mon chan- celier de cour et d'État m'ayant fait rapport de ce que par ordre de Votre Altesse Royale le prince de Starheraberg lui a mandé, en date du 24 novembre dernier, au sujet des lettres patentes et du règlement à expé- dier pour l'Académie des sciences et belles-lettres, que j'ai établie depuis peu à Bruxelles, j'ai agréé et signé les lettres patentes, que vous trou- verez ci-jointes avec le règlement y attaché, et j'approuve en même temps l'idée de mon ministre plénipotentiaire de notifier à l'Académie, par une lettre qu'il lui adressera à l'occasion de la première assemblée, les dis- positions qu'il a jugé ne devoir pas être exprimées dans ce règlement. A tant, etc. » Par les lettres patentes données à Vienne le 16 décembre 1772, la Société littéraire qui, avec l'agrément de l'impératrice, s'était formée à Bruxelles en 1769, était érigée et instituée en Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres, et la salle de la Bibliothèque royale lui était assignée pour la tenue de ses assem- blées. — Les académiciens devaient jouir de la noblesse personnelle, et, tant pour les écrits et productions que chacun d'eux voudrait LIVRE 1, — 1772. 61 faire imprimer que pour les mémoires couronnés dans les con- cours, l'approbation de l'Académie était substituée à celle des censeurs délivres. — L'Académie avait la faculté de se servir d'un sceau particulier, consistant dans les armes de Bourgogne, avec la légende : Sigillum Caesareae Regiae Scientiaram et Litterarum Academiae. — Enfin les membres étaient tenus de se conformer au règlement attaché aux lettres patentes. Le sceau fut gravé à Vienne par Rrafft en 1773 : il avait la même grandeur que la médaille des prix de la Société littéraire: après le mot Academiae on avait ajouté BruxelL, sur l'observation du chancelier de Brabant, que sans cela la légende pourrait être appropriée à toutes les Académies des sciences et des belles-lettres existant sous la domination de Sa Majesté en Allemagne, en Italie et ailleurs. CHAPITRE VI. Modifications apportées au règlement. - Mesures prises pour notifier et faire enre- _;-._._ 1-- 1..X X-.-.-- I . .•-.-_ e ji i 1. :.„ ^^ l'institution de l'Aca- lOQincauons apportées au règlement. - wiesures prises pour gistrer les lettres patentes. — Le jeton frappé à l'occasion d( demie et de l'ouverture au public de la Bibliothèque royale. Lorsque le gouverneur général eut reçu les lettres patentes avec le règlement, il les fit remettre au prince de Starhemberg, et, le 51 décembre, celui-ci exprima au chancelier de Brabant, par l'intermédiaire du secrétaire d'Etat et de guerre, le désir de rece- voir incessamment un rapport sur les dispositions à prendre, tant pour notifier au public les souveraines intentions de S. M., que pour consommer l'institution de ce nouvel établissement, et lui donner toute la consistance et l'activité dont il pourrait être sus- ceptible. Le rapport du chancelier est du 2 janvier 1775. On y lit : « Avant que de satisfaire à ces ordres, je crois devoir avoir rhonneur d'observer à Votre Altesse que je ne trouve aucune différence essentielle 62 LIVRE I. 1773. entre les projets des lettres patentes et du règlement rédigés ici, et les actes que S. M. a décrétés, sauf quelques phrases qu'on a ajoutées à ceux-ci, mais qui ne changent rien au fond de Taffaire. » Les articles XXVI I et XXXII du règlement sont les seuls qui peut- être pourraient exiger dans la suite une certaine modification. » L'article XXVII, pour autant qu'il statue que le secrétaire de l'Aca- démie, lorsque par maladie, ou autre empêchement légitime, il ne pourra pas assister aux assemblées, devra en informer le président, qui com- mettra tel autre académicien qu'il jugera convenable, pour en suppléer les fonctions. Sur quoi le secrétaire Gérard a remarqué, que suivant l'usage reçu dans toutes les Académies de l'Europe, le secrétaire perpétuel jouit du droit de confier dans ces cas le protocole à tel membre de l'Académie, qu'il trouve à propos, et qu'il suffit que le président en soit averti. « Comme cela dépend d'un fait, dont je ne suis pas instruit, j'ai fait connaître au sieur Gérard qu'il pouvait me remettre là-dessus une note, que j'aurais l'honneur de porter ensuite à la connaissance de Votre Altesse avec mon avis. » Du reste, il me paraît que l'usage réclamé par le sieur Gérard n'est pas déraisonnable, et que la faculté que l'article XXVII donne au prési- dent, pourrait en quelque sorte contraster avec la qualité de secrétaire perpétuel, qui le rend naturellement responsable des gestions de son substitué. » Quant à l'article XXXII du règlement, j'observerai, que suivant cet article le rapport des premiers examinateurs des mémoires qui concour- ront pour les prix, devra être lu dans une séance de l'Académie, et exposé avec ces ouvrages jusqu'à l'assemblée du M octobre à l'examen et aux observations de tous les membres. » Il est essentiel sans doute que le rapport des commissaires soit entièrement lu ; mais, outre qu'il arrivera souvent que ces commissaires n'auront achevé leur travail que quelques jours avant la tenue de l'assem- blée générale, je ne vois aucune nécessité que leur rapport, et les ouvra- ges qui en font l'objet, soient soumis quelque temps auparavant à la censure de tous les membres, vu que l'Académie étant composée de diverses classes d'académiciens, ceux qui forment l'une de ces classes n'ont ni l'aptitude ni les connaissances qu'il faut pour juger des ouvrages qui concernent une autre classe. L'historien, par exemple, ne saurait apprécier le mérite d'un mémoire, qui regardera les mathématiques, la physique ou l'astronomie, et vice versa. LIVRE 1. — 1773. 63 » Quoi qu'il en soit, l'on pourra toujours interpréter les deux articles que je viens de toucher, ou les expliquer dans la suite, après en avoir eu l'agrément de Sa Majesté; il ne s'agit dans ce moment-ci, que de mettre la dernière main à l'édifice, dont Votre Altesse, par une suite de son amour et de son zèle pour les belles-lettres, a bien voulu être le princi- pal artisan, et qui sous sa protection ne saurait manquer de devenir un monument de plus de son ministère aux Pays-Bas. » Dans cette vue je pense, monseigneur, qu'il pourrait plaire à Son Altesse Royale, le sérénissime duc gouverneur général, de faire les dispo- sitions suivantes: » d» D'envoyer par décret les lettres patentes, avec le règlement qui les accompagne, en original, au conseil des finances, pour y être enre- gistrés, et après cela vérifiés et entérinés à la chambre des comptes en la manière accoutumée. ». 2« D'adresser un décret au conseil privé pour lui communiquer les lettres patentes et le règlement mentionnés ci-dessus, en copie. » 5° De charger en même temps ce conseil d'en informer non-seule- ment la chambre héraldique, où il conviendra également que ces pièces soient enregistrées, mais aussi les conseillers fiscaux des provinces par des lettres circulaires. » Cette disposition est essentielle, par la raison que Sa Majesté a permis que les ouvrages qui concerneront l'Académie, et approuvés par elle, soient imprimés sans censure, et qu'Elle accorde à ses membres les distinctions attachées à la noblesse personnelle. » i» De faire requérir le prince de la Tour et Taxis, par une note que le secrétaire d'État et de guerre pourrait être chargé de remettre au vicomte de Beckers, de donner à l'Académie une exemption entière des ports de lettres. Cette faveur nous sera d'autant plus nécessaire qu'il importe à tous égards de ménager les fonds assignés pour la dotation et les besoins de l'Académie. » Au surplus, j'ai déjà chargé le secrétaire Gérard, avec l'agrément de Votre Altesse, de mander aux membres actuels de la Société littéraire, la réception des lettres patentes par lesquelles ,Sa Majesté a daigné ériger cette Société en corps permanent sous le titre d'Académie impériale et royale des sciences et des belles-lettres, et de les prévenir que ces lettres patentes, ainsi que le règlement y attaché, leur seront communiqués à la première assemblée. » J'estime aussi que rien ne doit empêcher que les lettres patentes^ 64 LIVRE I. 1773. conçues dans des termes fort flatteurs pour l'Académie, soient rendues publiques par la voie des Gazettes, à l'eff^et de quoi j'ai l'honneur de joindre ici un projet d'article à insérer dans celles des Pays-Bas, après que les difi"érents déprirtements du gouvernement en auront eu connais- sance de la manière que je viens de le suggérer. » Pour ce qui regarde le choix des membres honoraires, il me parait convenable d'attendre l'assemblée générale qui pourrait être fixée au d3 avril de cette année, et il suffira que Votre Altesse veuille bien me faire connaître alors les personnes à qui Elle destine ces places, pour que sur le rapport que j'en ferai à l'assemblée, celle-ci puisse les proposer à son Altesse Royale, et en attendre l'agrément. » Il conviendra de suivre la même marche par rapport à l'admission de M. le prévôt Marci et du sieur Des Roches, d'Anvers, comme membres ordinaires: le premier est un sujet distingué, dont l'acquisition ne pourra que nous être fort avantageuse, et, quant au second, ses mémoires ont déjà été couronnés trois fois, circonstance qui annonce un mérité décidé, et d'après laquelle il a été résolu dans la dernière assemblée de la Société littéraire, tenue en ma présence le i6 octobre 1771, de l'ad- mettre comme membre ordinaire, sous le bon plaisir de Son Altesse Royale. » Au reste, je ferai de mon côté les dispositions nécessaires, pour que dans la prochaine assemblée générale, les prix qui auraient été adjugés le n octobre dernier, si l'on n'avait été occupé alors de la nouvelle forme à donner à cet établissement, ce qui exigeait du travail et un examen réfléchi, soient décernés aux auteurs des mémoires, qui auront le mieux satisfait l'Académie sur les questions proposées en 1771. « On pourra se décider aussi dans la même assemblée sur les pro- grammes des questions à proposer pour Tannée suivante 177'4, car l'espace qu'il y a entre les mois d'avril et d'octobre, est trop court pour que ceux qui voudront concourir, aient le loisir d'étudier et d'appro- fondir les matières qu'ils auront à traiter. » Je soumets finalement à la considération de Votre Altesse, s'il ne serait pas convenable, vu que les jetons que l'on a frappés à l'occasion de la nouvelle année, présentent deux époques intéressantes de la précé- dente, et qui touchent également l'Académie, savoir son institution et la Bibliothèque royale rendue publique, d'en distribuer une couple à chacun de ses membres. Vingt jetons suffiront pour cela, et ainsi cette marque d'attention, d'espèce à flatter singulièrement les membres de l'Académie, ne sera guère coûteuse, o LIVRE I. — 1773. 65 En marge de ce rapport, le prince de Starhemberg fit écrire : e Je ne puis sur les remarques que fait M. le chancelier à 1 égard des articles XXVli et XXXII du règlement, qu'attendre ce qu'il croira convenable de proposer après qu'il aura entendu le secrétaire Gérard. - M. le chancelier trouvera ci-joint pour son information une copie du décret par lequel S. A. R. a fait parvenir au conseil privé une copie authentique des lettres patentes, dont il s'agit, avec ordre de faire pourvoir aux enrci^istremcnts et auires dispo- sitions qui peuvent en résulter. — J'ai déjà fait entamer des devoirs vis-à-vis du prince de la Tour, sur ce qui regarde la franchise des ports de lettres. — Je ne puis qu'approuver l'aver- tissement déjà donné aux membres de la nouvelle Académie. — Dès que les devoirs d'enregistrement auront été faits, je ferai insérer dans les Gazettes des Pays-Bas, l'article que M. le cbance- licr propose, en y faisant encbasser uniquement les lettres patentes, sans rapporter la teneur du règlement. — J'accède au sentiment de M. le chancelier sur ce qui concerne le cboix et l'admission des membres honoraires et ordinaires; et il en est de même de ce qui touche les programmes des questions à proposer pour l'année 1774. — II en est encore de même à l'égard des jetons, et j'ai ordonné qu'on en frappe et m'en remette cinquante qui seront destinés à l'usage que M. le cbancelier pro- pose. » Nous aurons plusieurs observations à présenter sur le rapport qu'on vient de lire. Comme s'il voulait sauvegarder l'amour-propre du ministre et le sien, Crumpipen commence par dire qu'il ne trouve point de diffé- rence entre les projets des lettres patentes et du règlement rédi- gés à Bruxelles et les actes que S. M. a décrétés, et immédiatement après, il appelle lattenlion du prince de Starhembcrg sur les articles XXVII et XXXII, dont la rédaction^ décrétée à Vienne, lui paraît présenter des inconvénients sérieux. L'article final du règlement du IG décembre prévoyait le cas où il semblerait nécessaire ou convenable de faire quelque chan- gement ou addition au susdit règlement. L'objet devait en être porté par le président de l'Académie à la connaissance du ministre Tome XXXIV. 5 66 LIVRE I. — 1773. j)lénipolcnliairc, qui signifierait par le même canal les intentions et les ordres de S. A. R. C'était donc chose permise de formuler des critiques de l'œuvre sanctionnée par rimj)cratrice, Crumpipen ne s'arrêta pas aux observations contenues dans sa lettre du 2 janvier. — Le ^6 mars, il écrivait au ministre ce qui suit : « Monseigneur, comme il s'agira de communiquer aux membres de notre Académie, dans la première assemblée qui se tiendra le 15 avril prochain, le règlement que S. M. a jugé à pro- pos de décréter pour la direction et la discipline de cette compa- gnie, j'ai cru qu'il convenait que l'abbé Needham, directeur, le sieur Gérard, secrétaire perpétuel, et l'abbé Chevalier, bibliothé- caire de la Bibliothèque royale, tous trois membres ordinaires de l'Académie, domiciliés à Bruxelles, examinassent d'avance ce règlement, et y fissent leurs observations, afin que lors de la tenue de l'assemblée, l'on ne fût point dans le cas de devoir perdre un temps considérable, en raisonnements et en contestations. — Votre Altesse reconnaîtra par le résultat de ce comité, ci-joint n° 1, quelles sont les observations qui ont été faites sur plusieurs articles du règlement, et par les remarques qui s'y trouvent en marge de chacune de ces observations, quel est mon sentiment sur les différents objets qu'on y a discutés. » Sans reproduire en entier le rapport du cliancclior, nous nous bornerons à dire que les observations du comité embrassaient les articles V, YI, VII, X, XII, XIII, XV, XVII, XXII, XXIII, XXVII. XXVIII et XXIX : Crumpij)en n'admettait que celles relatives aux articles VI, XVIi, XXIII et XXVII. Il est à remai'quer qu'aucune observation n'avait été faite sur l'article XXXII dont il a été question ci-dessus : cet article resta donc tel quil était. Les modifications portèrent sur l'obligation de laisser s'écouler une séance entre la présentation et l'élection des candidats aux places d'académiciens; sur l'obligation étendue aux académiciens de ne point ])ublier, sans le consentement de la compagnie, les mémoires qu'ils aui'aicnt produits et lus dans les assemblées; sur la concenti'alion de toute la correspondance entre les mains du LIVRE I. 1773. 67 secrétaire perpétuel, organe naturel de l'Académie, et sur la faculté laissée à celui-ci de se faire remplacer au besoin par un membre à désigner par lui-même, avec l'agrément du président. Crumpipen, en proposant ces modifications, demandait au ministre de les faire agréer par S. A. R., et de lui adresser ensuite une lettre dans laquelle les changements seraient formulés, et qui pourrait être communiquée à l'Académie. Passons rapidement en revue les observations du comité dont il ne fut pas tenu compte, en nous bornant aux principales. Sur r article V : y II sera très difficile de trouver vingt sujets pour remplir les places d'académiciens ordinaires, destinées à des regnicoles, si l'on n'accorde pas des pensions à ceux qui se distingueront le plus. D'ailleurs six places d'académiciens ordinaires étrangers paraissent ne pas suffire, vu le concours qu'il y a déjà pour cette classe d'académiciens. » Remarque du chancelier : « Il ne sera sans doute pas aisé de trouver d'abord vingt sujets de mérite, et dont l'acquisition puisse être véritablement utile à l'Académie, mais Sa Majesté, en décrétant cet article du règlement, n'a pas entendu que ce nombre devait être complet dès le premier jour. Rien n'empê- chera au reste d'augmenter la classe des académiciens ordinaires étran- gers, lorsque les six places seront remplies. Quant aux pensions, j'ai déjà eu l'honneur d'exposer plusieurs fois à S. A. le ministre plénipoten- tiaire, tant par écrit que de bouche, que c'était l'unique moyen d'exciter l'émulation, et de hâter les pjogrès de l'Académie. » Sur V article XV : « Il est incertain si tous les membres actuels de l'Académie pourront ou voudront fournir chaque année un mémoire, une dissertation, ou quelque autre ouvrage. En France, il n'y a que les pensionnaires qui soient soumis h cette obligation. Au surplus les sieurs Vander Vynckt et Verdussen, vu leur grand âge, et le sieur Gérard, par rapport à ses 68 LIVRE I. 1773. autres occupations, n'auront ni les forces ni le loisir pour s'acquitter de cette tâche. » Remarque dit chancelier : « Il n'est guère possible d'obliger quelqu'un à travailler malgré lui; les voies de contrainte sont insuffisantes quand il s'agit des productions de l'esprit; mais j'avoue que les pensions seraient un puissant aiguillon pour cela. Quoi qu'il en soit, il conviendra de tenir la main à l'exécution de cet article, et de ne s'en relâcher qu'à l'égard de ceux qui seront absolument hors d'état de pouvoir y satisfaire. » Sur l'article XXII : « Tant qu'il n'y aura pas d'académiciens pensionnaires, il sera infini- ment difficile de trouver des membres, qui voudront faire des voyages littéraires et se donner toutes les peines et les soins qu'il faut pour cela. » Remarque du chancelier : « Cela est vrai, mais il ne dépend pas de nous d'avoir des académi- ciens pensionnaires. » Sur l'article XXIX: « Il importait d'ajouter à cet article que les académiciens seraient tenus de garder le secret sur ce qui se traiterait dans les assemblées, et généralement, sur tout ce qui concerne les affaires de l'Académie: l'expérience ayant fait voir que tous les membres de la ci-devant Société littéraire n'avaient pas été également exacts sur ce point. » Remarque du chancelier : « Cela va sans dire, et le président aura soin de le leur recommander. » LIVRE I. — 1773. 69 En marge du rapport que nous venons d'analyser, Starhemberg écrivit : « Je me conforme à tous égards, et je désire que M. le chancelier me remette le projet de la lettre qu'il me propose de lui adresser. » Crumpipen remit ce projet qui fut agréé. La lettre revint entre ses mains le 2 avril : il devait en donner lecture dans la prochaine assemblée de l'Académie, et veiller à ce qu'elle fût enregistrée à la suite du règlement décrété par S. M. « Vous pourrez en outre, disait Starhemberg en terminant, assurer les membres de l'Aca- démie que je me porterai volontiers à appuyer auprès de S. A. R. ceux d'entre ces membres qui se seront distingués le plus par leurs travaux académiques, lorsqu'ils se trouveront dans le cas de solli- citer d ugouvcrnemcnt des emplois civils, des bénéfices ou quelque autre grâce, qui soient de leur portée. » Par une lettre du même jour, le ministre autorisait l'Académie à prendre un écrivain à gages, qui serait sous les ordres et la direction du secrétaire perpétuel. Cet employé avait été réclamé par le comité, et la demande du comité, appuyée par le chan- celier. Le conseil privé avait proposé de faire enregistrer les lettres patentes de l'Académie au conseil de Brabant. Le chancelier, con- sulté sur ce point, jugea que cet enregistrement serait fort inutile. « Car il est certain, » disait-il [dans une note, datée du 12 jan- vier, sur l'extrait de protocole du conseil privé du 9 '], « que cet établissement, qui concerne également toutes les provinces de la domination de S. M. aux Pays-Bas, n'est pas borné au Brabant seul, et par conséquent, que la même raison qui peut avoir mû le conseil privé de proposer l'enregistrement des lettres patentes au conseil de cette province, aurait dû le porter aussi à suggérer une semblable disposition pour les conseils supérieurs des autres pro vinces. Mais je ne vois pas à quoi peuvent servir ces divers enre- gistrements; ceux qui se feront à la chambre des comptes et à la chambre héraldique doivent suffire à tous égards, et l'unique dis- position à y ajouter, c'est d'informer par des lettres circulaires les * Archiv. du roy. de Belg. Secrétairerie d'État et de guerre : Académies. 70 LIVRE I. 1773. conseillers fiscaux des provinces, de la faveur que rimpératrice a accordée aux membres de l'Académie, savoir : qu'ils jouiront des droits attachés à la noblesse personnelle, puisque sans cela, comme nos lois ont établi une prévention entre les conseillers fiscaux et la chambre héraldique, il pourrait arriver que les académiciens fussent inquiétés par le ministère public, par rapport à l'un ou à l'autre des attributs de la noblesse personnelle, ce qu'il importe de prévenir. Enfin je ne puis que répéter qu'il ne convient nullement de regarder l'Académie pour un établissement brabançon, que l'enregistrement des lettres patentes, fait au conseil de cette seule province, paraîtrait toutefois devoir faire présumer. » On aura remarqué, sans nul doute, dans le rapport du chance- lier, en date du 2 janvier 4775, l'endroit où il s'engage à faire élire par l'Académie les membres honoraires dont le ministre lui aurait remis les noms. C'était une atteinte portée aux prérogatives de la compagnie, et malheureusement ce ne fut pas la seule. On saura plus tard que lorsqu'un candidat devait déplaire pour une raison ou une autre au ministre plénipotentiaire, le chancelier, pour peu que le candidat eût des chances d'être élu, donnait l'éveil et sug- gérait quelque moyen d'empêcher l'élection. Voyons en cela les inconvénients pour un corps savant d'avoir des patrons haut pla- cés, mais reconnaissons en même temps les services très réels que ces patrons ont rendus à l'Académie, surtout au siècle dernier. Le chancelier de Brabant avait, comme on Fa dit, proposé au ministre plénipotentiaire, par son rapport du 2 janvier, de faire distribuer à chacun des académiciens une couple des jetons frap- pés à l'occasion de la nouvelle année. Ces jetons, exécutés par Jean-Baptiste Harrewyn, portaient à l'avers le buste du prince Charles de l.orraine, avec la légende : CAR. ALEX. LOTH. Dux BËLG. PRAEF. Au rcvcrs figurait l'inscription : 3IUNIFICENTIA-AUGUSTAE-SCIEi\'T. ET LIT.- ACADEMIA REGIA INSTITUTA- BIBLIOTHECA PUBL.-ERECTA BRUX.- MDCCLXXII. Crumpipen les trouva si mal et si peu correctement gravés, qu'ils ne lui parurent point propres à transmettre à la postérité l'époque de l'établissement de l'Académie. Par une note du *26 mars 1773, adressée au prince de Starhem- LIVRE I. — 1775. 71 berg, il suggéra l'idée de se servir du moule destiné pour les médailles des prix. « Ces médailles, fit-il observer, présentaient d'un côté l'effigie de Sa Majesté, et il suffirait de placer sur le revers l'inscription : academia caesarea regia scientiarum et LiTTERARUM BRUXELLis iNSTiTUTA. MDCGLXXII. » Starbcmbcrg écrivit en marge de la note : « Je prendrai cet objet en considé- ration et me réserve de m'y déclarer ci-après, mais en attendant on pourra toujours distribuer entre les membres de l'Académie les médailles que l'on a, simplement comme des jetons frappés à la nouvelle année. » La chose en resta là. CHAPITRE VII. La première assemblée de l'Académie. — Le discours du président J. Crumpipen. — Le jugement du dernier concours ouvert, en 1771, par la Société littéraire. — L'annonce des candidatures pour les places de membres rcgnicoles et de membres ou associés étrangers. — Le rapport de Crumpipen sur cette assemblée. — La question des pensions. Il avait été décidé que la première séance de l'Académie aurait lieu le 15 avril 1773. Lorsque le moment fut venu, le secrétaire Gérard demanda au chancelier de Brabant s'il fallait convoquer M. Paquot et le doc- teur Van Rossum. Paquot avait été obligé de quitter l'Université de Louvain en 1771, à la suite d'une grave accusation lancée contre lui; mais les académiciens résidants à Bruxelles étaient (l'avis qu'il n'avait pas cessé pour cela de faire partie de leur corps, et qu'en le perdant l'Académie perdrait un de ses membres les plus laborieux et les plus utiles. « Vous n'ignorez pas, monsieur, disait Gérard, que cet homme joint à une profonde érudition une connaissance peu commune de Thistoire du pays. M. le chef et président lui a rendu en plus d'une occasion ce témoignage, et si l'Université avait beaucoup de pareils sujets, elle ne serait pas décrédiléc, comme elle l'est à juste titre tant dans le pays que 72 LIVRE I. — 1773. chez Tctranger. Je sais, monsieur, que le professeur Paquot a été accusé, j'ignore s'il a été trouvé coupable, et je me suis aperçu que le public ne l'envisageait que comme un savant malheureux, victime d'une cabale de pédants, irrités de ce qu'il avait subministré au gouvernement des moyens propres à faire fleurir les bonnes études. Vous savez, monsieur, qu'il ne sufllit pas d'être accusé pour être coupable, et qu'il est plus d'un homme célèbre qui n'a pas été à l'abri de la calomnie et de la persécution dans l'Université de Louvain. Le principal accusateur du sieur Paquot s'est, dit-on, retiré de Louvain et des États de S. M. L'on assure qu'il avait ci-devant dû abandonner une cure qu'il possédait au pays de Liège pour éviter les recherches et poursuites qu'on aurait pu faire du chef du même crime dont il accusa ensuite le professeur Paquot, dont il était véhémentement suspect, et que le but de son accusation avait été de tirer parti du désastre de ce professeur, qui passe pour innocent chez une partie des membres de l'Université et qui paraît aussi être envisagé pour tel par la plupart des membres de l'Académie. — Quoi qu'il en soit, je vous prie, monsieur, de me faire connaître le plus tôt possible les intentions du gouvernement à l'égard du sieur Paquot auquel je ne puis m'empêcher de rendre la justice qu'il a toujours témoigné le plus grand zèle pour le progrès de la Société, et s'est rendu à toutes les assemblées. Je ne sais pas, monsieur, si je dois demander les mêmes ordres à l'égard du docteur Van Rossum que, dans sa séance du 16 octobre 1770, la Société a cru devoir exclure de son corps... » La lettre de Gérard était du l*^*" avril : le même jour, le chance- lier remettait à ce sujet une note au ministre plénipotentiaire. « Quant à l'abbé Paquot, faisait-il observer, tout le monde con- vient que c'est un excellent sujet, et peut-être le meilleur de tous ceux qui ont composé la ci-devant Société littéraire : il serait donc d'une utilité infinie à l'Académie. II a été accusé, il est vrai, d'avoir commis des crimes, mais on ignore s'il a été trouvé coupable, et peut-être aurait-il mieux valu pour plusieurs raisons, que cette affaire eût été étouffée dans son principe. Quoi qu'il en soit, on attendra là-dessus les ordres de S. A. le ministre plénipotentiaire. Pour ce qui est du docteur Van Rossum,... des gens de celte espèce, loin d'être utiles, ne peuvent que nuire aux progrès de l'Académie. » LIVRE I. 1773. 73 Starhcmberg fît écrire en marge de cette note: « J'agrée le sentiment de M. le chancelier pour ce qui regarde le docteur Van Rossum. Quant à l'abbé Paquot, les circonstances ne permettent pas qu'il soit admis à la prochaine assemblée. » Le 15 avril 1773, les membres de l'Académie se réunirent dans la salle de la Bibliothèque royale. Étaient présents: M. de Crum- pipen, chancelier de Brabant, président; M. l'abbé Necdham, directeur; M. Vander Vynckt; M. l'abbé Nelis ; M. Gérard, secré- taire perpétuel; M. Vounck; M. l'abbé Caussin; M. de Hesdin, et M. l'abbé Chevalier. — M. Vcrdussen n'avait pu se rendre à Bruxelles pour cause d'incommodité. La séance fut ouverte par la lecture d'une lettre, en date du hJ avril, que S. A. le ministre plénipotentiaire avait adressée à l'Académie pour l'informer que S. M., en érigeant la Société litté- raire en Académie des sciences et belles-lettres, et en décrétant le règlement joint aux lettres patentes, avait trouvé bon de nommer en même temps son conseiller d'État et chancelier de Brabant, de Crumpipcn, président de l'Académie, et de continuer M. l'abbé Needham pour une année, et M. le secrétaire au département de la secrétairerie d'État et de guerre Gérard, dans leurs postes respectifs de directeur et de secrétaire perpétuel de cette compa- gnie. Cette lecture achevée, M. le président adressa à l'assemblée le discours suivant: « Nous voici donc parvenus à ce jour tant désiré: la Société littéraire érigée en Académie impériale et royale des sciences et des belles-lettres, par des lettres patentes honorées de la signature et munies du grand sceau de notre auguste souveraine; un règlement décrété par Sa Majesté, qui en manifestant ses vues bienfaisantes pour les progrès des sciences et des belles-lettres et pour ceux qui les cultivent, détermine au surplus les devoirs des académiciens, les objets de leur travail et de leurs recher- ches, ainsi que la forme de leurs exercices; cette salle destinée et appro- priée à l'usage de nos assemblées; la Bibliothèque royale, qui renferme les précieux restes de l'ancienne Bibliothèque des ducs de Bourgogne, mise en ordre, rendue publique, enrichie et augmentée par les largesses du gouvernement et par le zèle de quantité de particuliers de toutes les 74 LIVRE I. 1773. classes de citoyens de ces provinces: ce sont là, messieurs, autant de faits intéressants pour nous, intéressants pour le bien commun de la patrie, qu'on vous a déjà annoncés dans le temps, mais dont M. le secré- taire perpétuel vous instruira avec plus de détail par la lecture quMl va vous faire des lettres patentes, du règlement qui y est attaché, et d'une lettre particulière que S. A. le ministre plénipotentiaire m'a écrite en qualité de président de l'Académie. » Après quoi, messieurs, il s'agira de délibérer dans la présente assem- blée sur les trois points suivants: 1" sur l'adjudication des prix fondés par S. M., aux auteurs des mémoires, qui selon votre jugement auront le mieux répondu aux questions que la ci-devant Société littéraire avait proposées au mois d'octobre 1771 ; 2° sur les programmes des questions à proposer par l'Académie pour l'année suivante 177i..., et 3° sur l'ad- mission de quelques académiciens ordinaires regnieoles et étrangers sur le pied et en la forme prescrite par ce règlement dont il importe, mes- sieurs, de ne s'écarter dans aucun cas. Il aurait été à désirer que dans cette assemblée on eût pu faire la proposition de quelques sujets propres et qualifiés à remplir les places d'académiciens honoraires, mais S. A. le ministre plénipotentiaire m'a chargé de vous faire connaître que les circonstances exigeaient qu'on remît la délibération sur ce point à une autre assemblée. » Il me reste à vous assurer de sa part, qu'Elle se prêtera toujours volontiers à appuyer auprès de S. A. R. le sérénissime gouverneur géné- ral, ceux d'entre les membres de l'Académie, qui se distingueront le plus dans la carrière des sciences et des belles-lettres, lorsqu'ils seront dans le cas de solliciter au gouvernement des emplois civils, des béné- fices, ou quelque autre grâce, qui soient de leur portée. » De mon côté, rien ne me sera plus agréable, que de me voir souvent à même de pouvoir faire à S. A. le ministre plénipotentiaire des rapports avantageux de votre assiduité à vous rendre aux assemblées, de votre zèle pour les progrès des sciences et desbelles-letti'es, et de votre activité à remplir avec fruit les devoirs d'académicien. Ce sera d'ailleurs là, messieurs, le moyen le plus propre, et peut-être le seul, de hâter la réputation que notre Académie doit acquérir dans la république des lettres, et les récompenses qui seront dues à vos travaux. » Le premier objet à l'ordre du jour était la lecture des lettres LIVRE I. 1773. 75. patentes et du règlement, ainsi que de la lettre du ministre, en date du 2 avril, dont nous avons déjà fait connaître le sens. Lorsque cette lecture eut été achevée, l'Académie procéda au jugement du concours ouvert au mois d'octobre 1771. Le secré- taire n'avait pas reçu moins de vingt-cinq mémoires en réponse aux trois questions qui avaient été proposées. Les rapports furent faits respectivement par MM. Nelis, Needham et Vounck. Le prix delà question d'histoire: «Quel était l'habillement, le langage, l'état de l'agriculture, du commerce, des lettres et des arts chez les peuples de la Belgique avant le VIP siècle? » échut au docteur Du Rondeau, médecin de la cour de S. A. R. ; un autre prix fut accordé au P. Du Jardin, jésuite, dont le mémoire, quoique infé- rieur à celui de M. Du Rondeau, en approchait cependant assez près pour mériter cette distinction; M. Heylen, professeur en j)hiIosophie à Louvain, obtint un accessit. Des deux questions de physique, l'une avait pour objet le moyen le plus efficace de faire tomber les chenilles qui s'attachent aux arbres et aux plantes; l'autre l'indication des plantes véné- neuses que l'on trouve dans les Pays-Bas. Pour la première, le prix fut décerné à M. Munnichuysen, médecin domicilié à Anvers, et l'accessit à M. Godart, médecin des hôpitaux de Verviers. Pour la seconde, le prix fut remporté par M. Caels, licencié en méde- cine, demeurant à Bruxelles. Il est curieux de voir toutes les palmes partagées entre quatre médecins, dont trois devinrent membres de l'Xcadémie: l'un d'eux, M. Du Rondeau, avait déjà été élu, dans la séance du 10 octobre 1771, de la Société littéraire, mais la transformation de cette Société et la cessation momentanée de ses travaux avaient empêché de soumettre ce choix à l'agréation de S. A. R. Quand elle eut jugé le dernier concours ouvert par la Société littéraire, l'Académie arrêta les questions du concours de l'année 1774. « Avant que de se déterminer sur la question de pliysique, il fut observé que, comme l'Académie n'avait jusqu'ici ni Cabinet de physique, ni Laboratoire, ni Observatoire, il ne convenait pas de proposer des questions, dont la solution devait être vérifiée par des expériences, vu qu'à défaut de moyens de faire cette vérifiée- 76 LIVRE I. — 1775. tion, on courrait risque de tomber dans l'inconvénient, ou de se rapporter à l'assertion de personnes non connues, ou de refuser des expériences qui, dans le fait, pouvaient être véritables. » Remarquons que les établissements dont il est parlé ici, et auxquels il convient de joindre un Jardin botanique, étaient con- sidérés au siècle dernier comme parties intégrantes des Acadé- mies. Après que l'affaire des concours eut été vidée, le secrétaire informa l'assemblée que différentes personnes s'étaient adressées à M. le président, à iM. le directeur et à lui, pour les requérir de les proposer comme membres regnicoles ou étrangers. Les personnes qui se présentaient pour des places de membres regnicoles étaient : 1° M. l'abbé Marci, prévôt de la collégiale de S'-Pierre, à Louvain, et chancelier de l'Université; 2" M. Des Roches, d'Anvers, déjà élu en 1771, mais ajourné par les mêmes raisons que M. Du Rondeau; 5" M. Du Rondeau; 4" M. De Beunie, médecin d'Anvers, qui avait obtenu deux prix en 1771 ; 5** M. l'abbé d'Everlange de Witry, chanoine de Tournai, surintendant des cabi- nets de raretés de S. A. R. le prince Charles de Lorraine et son aumônier d'honneur; G" M Thysbaert, professeur en philosophie et directeur des expériences physiques dans l'Université de Lou- vain ; 7° M. Cranipagna, médecin de corps de S. A. R.; 8" M. Mar- quart, waradin de la monnaie de S. M. à Bruxelles. Celles qui postulaient des places de membres étrangers étaient : \° M. Pigott, gentilhomme anglais, membre de la Société royale de Londres; 12° M. Morand, associé ordinaire et bibliothécaire de l'Académie des sciences de Paris; 3° M De Necker, botaniste de l'électeur palatin; 4° M. Messier, astronome, associé de l'Académie des sciences de Paris. L'assemblée avait tenu séance les malin et soir du 13, et le matin du 14. La clôture eut lieu par différentes communications du secrétaire, notamment au sujet de sa correspondance, et par une lecture de l'abbé Nelis. Puis, après que l'on eut résolu de se réunir le 23 mai, « M. le président exhorta les membres à tra- vailler à des mémoires sur des objets intéressants et utiles, afin que l'Académie pût être bientôt à même de donner au public LIVRE 1. 1775. 77 quelques bons ouvrages, et justifier par là le choix que S. M. avait fait de ceux qui la composent, pour relever les belles-lettres, les sciences et les arts de l'engourdissement fâcheux où ils se trouvent depuis si longtemps aux Pays-Bas. » Le 12 mai *, Crumpipen rendit compte au ministre de l'assem- blée dont nous venons de rapporter les principaux faits, e Par l'extrait du registre de TAcadémie ci-joint n° i , disait-il, Votre Altesse reconnaîtra, quels sont les différents objets qui ont été mis en délibération pendant les trois séances qu'a duré cette assem- blée. Je me contenterai d'observer ici, que le rapport par écrit, que l'abbé Nelis a fait des mémoires qui nous ont été envoyés sur la question d'histoire proposée en 1771, m'a paru parfaitement bien travaillé, et c'est afin que Votre Altesse puisse par Elle-même en apprécier le mérite, que je me donne l'honneur de joindre ici n° 2 une copie de ce rapport. Celui que labbé Necdham a rédigé sur la question de physique aurait été susceptible d'un plus grand détail et d'une discussion plus lumineuse. Il est vrai que cet abbé, qui ne sait pas le flamand, n'a pas pu examiner les mémoires écrits dans celte langue, qui ont été remis pour cet effet au pro- fesseur d'analomie de l'Université de Louvain, Vounck, et dont ce dernier a rendu un très bon com[)te à l'Académie, ainsi que des mémoires concernant les plantes vénéneuses, dont il a été le rap- porteur. » D'après Crumpipen, les ouvrages couronnés, de même que ceux qui avaient obtenu l'accessit, méritaient à tous égards la récompense qui leur avait été accordée. Quant aux questions pro- posées pour l'année 1774, elles lui paraissaient toutes les trois aussi intéressantes que bien choisies. La troisième [enclos-défri- chements] « entrait dans les vues bienfaisantes du gouvernement pour le défrichement des bruyères et autres terrains incultes; elle fournissait d'ailleurs à plusieurs citoyens zélés pour cette branche d'industrie, l'occasion de convaincre le public de l'utilité de leurs travaux, de la bonté des différentes expériences qu'ils avaient faites ainsi que de l'augmentation qu'ils s'étaient procurée par là dans leurs revenus. » Crumpipen ajoutait : « La dernière * Archiv. du loy. de Belg. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne, n" 401. 78 LIVRE I. 1773. séance... a été terminée par la lecture de quelques remarques de M. Tabbé Nelis sur quelques abus anciens^ sur quelques institu- tions crues nouvelles, et sur l'origine de certains usages et cou- tumes aux Pays-Bas: on a trouvé plusieurs détails intéressants €t curieux dans [cet écrit] dont je joins ici n° 3 quelques extraits que j'ai cru mériter d'être portés à la connaissance de Votre Altesse. » — M. Gérard s'est très bien acquitté de ses fonctions de secrétaire. « Votre Altesse sait d'ailleurs que c'est lui qui a soutenu en grande partie pendant les dernières années la ci-devant Société littéraire, dont les membres étaient pour ainsi dire totalement découragés; on lui doit également le projet que l'on vient d'exé- cuter, d'une Bibliothèque publique, et à son zèle, le don de plu- sieurs beaux ouvrages que divers particuliers ont fait à cette Bibliothèque K » On vient devoir que les mémoires flamands adressés à l'Acadé- mie en réponse à la question des chenilles, avaient été remis à Vounek, et que celui-ci a en avait rendu un très bon compte ». Vounck avait refusé d'abord de s'occuper de ces mémoires : il n'avait pas le temps de les lire, écrivait-il le i mars à Needham, « et si je l'aurois, » ajoutait-il dans son français barbare, « je ne pourrois en faire une analyse : car... les chenils ne font pas un objet de mon département : c'est à la médecine monsieur et à ce qui y est relatif que je me dois entièrement; or je peu dire sur ce qui touche les chenils, ce que Hippocrate dit : omnia haee et similia non magis pertinent ad medicinam quam ad musicam aut artem pictoriam. — Ainsi monsieur tout ce que je pourrois faire en ce cas, seroit de traduire les mémoires flamends en françois pour que vous pourriez faire l'analyse d'iceux : mais comme je crois que vous trouverais facilement des traducteurs plus habiles à Brusselles, vous ne prendrais pas, comme j'espère, de mauvaise part, que je vous renvoie une deuxième fois ces mémoires, et que je mexcuse de leur traduction pour laquelle le temps me manque absolument. » Gérard prétendit que c'était Van Rossum qui avait conseillé à ^ Ces ouvrages étaient évalués à la somme de 11. 14 497. LIVRE I. 1775. 79 Vounck de répondre comme il l'avail fait. Quoi qu'il en soit, le président de l'Académie prit la chose au sérieux, et remit, le 26 mars, la note suivante au ministre plénipotentiaire : 0 Sur la lettre du professeur iVanatomie de l'Université de Louvain Vounck à M. l'abbé Needham. — Il refuse nettement de lire les mémoires, qui ont été adressés à TAeadémie, sur la question proposée en Ml\ concernant la destruction des clienilles, et il donne, à ce qu'il paraît, de très mauvaises raisons de ce refus. — Ce procédé a d'autant plus de quoi surprendre, que la famille de ce professeur a reçu divers bienfaits du gouvernement, et que lui-même a obtenu récemment la leçon d'anatomie de l'Université de Louvain [en novembre 1772, à la place de M. Desmedt]. — En conséquence, le président de l'Académie se propose, si S. A. le ministre plénipotentiaire l'agrée, de mander au professeur Vounck la surpiise que l'on a, de ce qu'il se refuse à remplir un des prin- cipaux devoirs d'académicien, en le prévenant qu'il peut se dis- penser de se rendre à la prochaine assemblée, s'il persiste dans son refus. » En marge de cette note, Starhemberg coucha l'apos- tille suivante : « J'agrée que M. le chancelier écrive au professeur Vounck la lettre qui fait l'objet de la présente note. » Vounck se soumit, et, comme on l'a vu par le rapport adressé le 12 mai au ministre, Crumpipen ne lui tint pas rigueur. On aura peut-élrc remarqué l'absence de Seumoy à rassemblée du 13 avril, sans qu'il fût allégué d'un cm])èchcment quelconque. Seumoy avait refusé de faire partie de l'Académie, parce qu'on ne lui avait pas donné de pension : il avait préféré l'emploi médiocre de receveur de la fondation du Saint-Esprit de Notre-Dame de la Chapelle « à la qualité stérile d'académicien. » Cette question des pensions à accorder aux académiciens j)réoc- cupait toujours le prince de Starhemberg. Il s'élait empressé de faire parvenir au prince de Kaunilz le raj)port du chancelier de Brabant sur la première assemblée de l'Académie ^; j)our sa jiart, disait-il, il ne doutait plus du succès de l'institution; mais quelques * P. S. du 18 mai 1773. — Archiv. du roy. de Belg. Chancellerie des Pays- Bas à Vienne, n" 40J. 80 LIVRE 1. — 1773. académiciens étaient moins rassurés, et, « si on ne consultait que leurs suffrages et d'autres bruits encore, il semble qu'on aurait à craindre que l'établissement ne saurait à la longue se soutenir que pour autant qu'on donnerait la perspective de pensions, fussent- elles assez médiocres. » Mais l'impératrice s'était déjà refusée à deux reprises à tout projet de pensions, et Kaunitz pensait que les gratifications que le gouvernement était autorisé à distribuer aux académiciens qui se distinguaient le plus, suffisaient pour exciter ou entretenir leur zèle et leur application. CHAPITRE VIII. L'élection de nouveaux membres. — Les manuscrits delà Bibliothèque royale. — Les rapports de Crumpipen au ministre plénipotentiaire sur les séances de l'Académie. Ses observations relativement au secrétaire. — Les réflexions de l'abbé Marci sur les Académies et les Universités. — La question des pensions; la nécessité d'en accorder aux membres laïques de l'Académie. La séance du 25 mai 1773 devait être spécialement consacrée à l'élection de nouveaux membres. On commença par les membres étrangers. MM. Pigott, De Necker, Messier et Morand furent successivement élus, après que leurs titres eurent été exposés et discutés. On passa ensuite aux membres regnicoles. MM. Des Roches et Du Rondeau furent pour la forme soumis à un nouveau scrutin, mais on fit passer avant eux l'abbé Marci, et Ton nomma encore l'abbé d'Everlange de Witry et M. De Réunie. Ces élections, comme celles des membres étrangers, eurent lieu après un exposé des litres des différents candidats. Natlianiel Pigott appartenait à la Société royale de Londres depuis le 16 janvier 177'2 : les membres de cette Société qui l'avaient présenté, vantaient ses connaissances dans les mathéma- tiques et l'astronomie pratique, connaissances dont il avait, disaient-ils, donné plus d'une preuve '. * Livre des certificats de la Société royale. LIVRE I. 1773. 81 Pigott avait résidé pendant plusieurs années à Caen, en Nor- mandie; il y avait observé l'éclipsé annulaire du soleil du 1" avril 1764, que les astronomes attendaient avec impatience et que le mauvais temps empêcha de voir à Paris; le 3 juin 1709, il avait pu saisir, dans la même ville, le contact intérieur de Vénus, lors de son passage sur le soleil. Ces deux observations avaient été mentionnées dans les Mémoires de l'Académie des sciences de Paris. La dernière figurait aussi dans les Transactions philoso- phiques de la Société royale de Londres, avec une série d'obser- vations météorologiques, faites à Caen, de 1765 à 1769 inclusive- ment. Dans la séance du 25 mai, le secrétaire Gérard avait présenté à l'Académie de Bruxelles les observations astronomiques que M. Pigott avait faites aux Pays-Bas autrichiens, en 177:2 et 1773, et avait donné lecture de i'avant-propos et de quelques fragments du mémoire. Nous reviendrons plus tard sur ce voyage astrono- mique dans lequel Pigott était accompagné de l'abbé Needham, et qui avait pour but de déterminer la position des principales villes du pays. De Necker, botaniste et historiographe de l'électeur palatin, en sollicitant une place d'associé étranger, avait adressé, au mois de février, deux ouvrages de sa composition, à l'appui de sa demande, et Gérard avait été autorisé par le président à lui faire connaître qu'il n'y avait aucun doute sur l'empressement que l'Académie mettrait à l'inscrire au nombre de ses membres. « Je vous prie, » écrivait Crumpipen à Gérard le 16 février, e de former en conséquence un projet de réponse à M. De Necker, et de me le communiquer, pour que nous puissions nous concerter ensemble sur les expressions et la tournure à y donner. » C'est l'abbé Chevalier qui avait fait le rapport sur les titres de M. De Necker, et c'est encore lui qui avait exposé ceux de Messier: le célèbre astronome avait communiqué à l'abbé Need- ham des observations correspondantes à celles de Pigott, afin de permettre la détermination des longitudes; a le savoir, les talents et l'érudition de M. Messier étant d'ailleurs constatés par un grand nombre de mémoires intéressants, qui se trouvent dans les Tome XXXIV. 6 82 LIVRE I. — 1775. Mémoires de l'Académie royale des sciences de Paris, [Chevalier] estimait que la correspondance de cet astronome serait d'autant plus avantageuse à l'Académie, qu'il avait un Observatoire, était fourni de tous les instruments nécessaires, et d'ailleurs fort labo- rieux. » M. Morand (Jean-François-Clément), docteur régent de la faculté de Paris, avait envoyé un mémoire intitulé: Recherches et expé- riences sur une nouvelle nourriture économique, commune, abondante dans quantité de pays, et qui se prépare facilement, et avait requis le secrétaire de le présenter comme associé étranger. Quoique le rapport de Vounck n'eût pas été complètement favorable aux idées de Morand sur le parti à tirer de la bryonc blanche, l'Académie avait pensé que cette pièce méritait attention, et que M. Morand, auteur d'un autre ouvrage intitulé: Mémoires sur la nature, les effets, propriétés et avantages du feu de char- bon de terre apprêté, associé et bibliothécaire de l'Académie des sciences de Paris, était par là à même de tenir avec la nôtre une correspondance intéressante. Cette circonstance aurait, d'après le protocole, déterminé son admission, mais il en est une autre dont le protocole ne parle pas, et qui doit avoir exercé une action puissante: le père de Morand, Sauveur-François, célèbre chirur- gien, avait été appelé à Bruxelles au commencement de 1767 pour donner des soins au prince Charles de Lorraine, gravement malade, et on lui avait attribué la guérison du prince. On a conservé la lettre de remercîments que MM. Morand et Messier adressèrent en commun, le 8 juin, à l'Académie : ils s'estimaient particulièrement honorés d'être les premiers Fran- çais admis dans la compagnie, et promettaient de concourir, chacun dans leur genre, à la gloire qui l'attendait, par une corres- pondance active. L'abbé Jean Marci, qui prit le pas sur Des Roches et Du Ron- deau, était né à Luxembourg. Il s'appelait de son vrai nom Bos- quet, mais avait porté de bonne heure celui d'un oncle maternel par qui il avait été élevé. De bonne heure également, il était allé chercher fortune à Vienne. En 1758, nous l'y trouvons chanoine de l'église cathédrale de Lutmeritz en Bohême, mathématicien de LIVRE I. 1773. 83 Sa Majesté impériale et royale apostolique, et conservateur adjoint du cabinet impérial des médailles. L'année suivante, le prince Charles de Lorraine lui confère un canonicat au chapitre de Soignies, avec exemption de résidence. En 1708, il est chargé de l'éducation des archiducs et archiduchesses : la même année, il sollicite la dignité de prévôt de l'église collégiale de Soignies dont il possédait déjà une prébende, et l'obtient sur la recom- mandation expresse de Marie-Thérèse. Ce n'est qu'alors qu'il songe à solliciter un acte par lequel S. M., en approuvant qu'il eût porté jusqu'alors le nom de Marci, l'autoriserait à le porter pour le futur en reconnaissance des bienfaits qu'il avait reçus de feu son oncle. Sa requête est du 14 février 1769, tandis que l'acte de permission porte la date du 8 janvier précédent, ayant été antidaté avec l'agrément de Marie-Thérèse, afin de ne pas rendre nulles les lettres patentes que le nouveau prévôt avait reçues le 19 janvier. Marci avait continué de résider à Vienne, toujours occupé de l'éducation des archiducs, et chargé en outre de diriger la partie mathématique à l'Université; mais en 1771, la prévôté de la collégiale de Saint-Pierre, à Louvain, étant venue à vaquer, cette position à laquelle étaient attachés le titre de chancelier de l'Université et un traitement assez considérable, fixa l'attention de notre abbé: c'était pour lui une excellente occasion de retourner dans sa patrie. 11 adressa donc une demande à l'impératrice, et celle-ci ayant renoncé à l'employer ultérieurement à sa cour, il fut nommé par lettres patentes du 22 juillet 1772 *. On comptait sur Marci pour travailler à la réforme des études dans l'Université. Par sa requête, il avait pris l'engagement de se prêter « aux vues que la cour s'était formées d'y introduire un ordre plus convenable dans les différentes parties tant de l'ensei- gnement que de l'économie à l'instar des autres Universités, et surtout de celles des pays héréditaires. » Nous avons dit précédemment que déjà en 1764 l'abbé Nelis ^ Archiv. du roy.de Belg. ChaDcellerie des Pays-Bas à Vienne: C. 17 ad n»"» 16. 84 LIVRE I. — 1773. avait aspiré à la dignité de prévôt de Saint-Pierre, et que le con- seil privé l'avait compris parmi ses candidats. Dans sa consulte du 6 janvier 4772, le conseil privé avait encore présenté Nelis, mais celui-ci ne fut pas plus appuyé par le prince de Starhemberg qu'il ne l'avait été par le comte de Cobenzl.. « L'abbé de Nelis, » écrivait le prince au chancelier de cour et d'État, « a la réputa- tion d'être homme d'esprit; mais il faut qu'un prévôt, pour être utile, jouisse de quelque considération; cependant, selon ce qui m'en est revenu, loin de jouir de cet avantage à Louvain, Nelis n'y serait ni bien vu ni aimé * » . Le nouveau prévôt de Saint-Pierre fut exempté de la taxe atta- chée aux lettres patentes, et nommé commissaire du gouver- nement à l'audition des comptes des fondations instituées près l'Université. Il fut encore chargé par le gouvernement général de la censure des thèses. Dès que Marci eut pris possession de ses nouvelles dignités, le prince de Starhemberg songea à le faire entrer dans l'Académie qu'on s'occupait de réorganiser. Le prévôt accueillit avec empres- sement les ouvertures qui lui furent faites à ce sujet, et le ministre aurait voulu le voir élire dès la première séance. Le chancelier avait paru du même avis, si l'on en croit son rapport du 2 janvier 1773, que nous avons donné précédemment, mais ayant fait agréer plus tard par S. A. R. une disposition suivant laquelle l'admission d'aucun membre ne pouvait avoir lieu dans l'assemblée même où il avait été présenté, mais seulement dans celle qui suivait, il fit prier le prince de Starhemberg de consi- dérer qu'il serait d'un mauvais exemple de s'éloigner, surtout dans le principe, des règles qu'on avait prescrites pour de fort bonnes raisons ^. L'élection du prévôt n'eut donc lieu que le 25 mai, après que Gérard eut donné lecture d'un mémoire du candidat sur les proportions des tonneaux et sur une jauge universelle. L'abbé d'Everlange de Witry était Luxembourgeois comme * Archiv. du roy. de Belg. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne ".Cl? ad n"™ 16. ^ Ibid. Secrétairerie d'État et de guerre : Académies. LIVRE I. — 1773. 85 Marci. Il avait été attaché pendant l'espace de dix-sept ou dix-huit ans au prince Charles de Lorraine et ce dernier lui faisait une pension de i 000 florins de Brabant sur sa cassette. Vers 1743, il avait formé à Bruxelles une espèce de Société littéraire, qui était tombée tant par la mort de quelques-uns des principaux membres qui la composaient que par la résidence de son fondateur à Tournai. (/était un fort brave homme, très généreux et très zélé pour le progrès des sciences, mais dont la réputation souffrit un peu d'une trop grande fécondité et d'un style où le burlesque se mêlait parfois au sérieux. Il avait envoyé à l'appui de sa candi- dature un mémoire sur l'électricité et sur un nouvel électro- mètre dont l'abbé Needham avait fait l'éloge. De Beuiiie, le dernier membre élu dans la séance du 25 mai, se recommandait aux suffrages de l'Académie par deux mémoires couronnés la même année. A sa sortie de l'Université, il s'était établi comme médecin à Anvers, et consacrait à l étude tous les loisirs que lui laissait la pratique de son art. Suivant l'article V du règlement, il ne pouvait y avoir que six membres étrangers, (^inq de ces places étant déjà remplies, il n'en restait plus qu'une seule à conférer. En cette conjoncture, et vu que la correspondance avec des savants étrangers ne pouvait qu'être fort utile à l'Académie, celle-ci avait résolu dans la séance du 25 mai de supplier S. A. R. d'agréer que le nombre des académiciens étrangers fût porté de six à douze. « J'y trouve d'autant moins d'inconvénient, » disait Crumpipen dans son rap- port au ministre sur la séance précitée, «que l'augmentation que l'on propose dans la classe des académiciens étrangers, n'en fera pas une dans le total des membres de l'Académie, fixé par S. M. à trente-six personnes, aussi longtemps que nous n'aurons pas des académiciens honoraires. Or il est très apparent que nous n'en aurons pas de sitôt. Au reste cela ne doit pas inquiéter beaucoup, puisque celte classe d'académiciens sert régulièrement plus pour la parade qu'elle n'est véritablement utile à une Académie. » L'article XXI du règlement statuait que l'Académie nommerait quelques-uns de ses membres pour examiner les manuscrits de la 86 LIVRE I. 1773. Bibliothèque royale. Le secrétaire perpétuel et le bibliothécaire Chevalier furent désignés à cet effet. Il fut résolu en même temps de demander le dépôt à la Bibliothèque royale de la table générale des actes et diplômes concernant les Pays-Bas, que feu le conseiller de commerce Van Heurck et son fils avaient rédigée. Le président avait été requis d'employer ses bons offices auprès du ministre pour qu'il ordonnât ce dépôt : « J'ai cru, disait-il dans son rapport susmentionné, ne pas pouvoir me refuser à cette réquisition, et il me paraît que le gouvernement n'a dans le vrai aucun intérêt à retenir des manuscrits qui ne regardent que l'histoire. A propos de ces manuscrits, ajoutait-il, il me revient qu'il s'en trouve à la secrétairerie d'État et de guerre encore plu- sieurs autres qu'on a retirés de la mortuaire de feu le comte de Cobenzl, et qui regardent aussi l'histoire du pays. Votre Allesse ne trouverait-elle pas convenable de les faire déposer pareil- lement à ia Bibliothèque royale, afin qu'on puisse les examiner, et savoir ce qu'ils peuvent renfermer d'utile ou de curieux? Car il est fort probable qu'on n'en tirera aucun parti, tandis qu'ils demeureront au bureau delà secrétairerie dÉtat, où on n'a guère de loisir pour s'attacher à un travail de cette espèce. » Le rapport de Crumpipen, daté du 18 juin, se terminait ainsi: e Au reste Votre Allesse remarquera par l'extrait des registres de l'Académie et surtout par les pièces qui y sont jointes n"' 2 et 3, que les abbés Needham et Nelis, ainsi que le professeur Vounck, se sont particulièrement distingués, les deux premiers, par les mémoires qu'ils ont lus dans l'assemblée [respectivement sur la province de Luxembourg et sur l'ancien Brabanl], et le dernier par son rapport sur le mémoire du sieur Morand... Elle remar- quera aussi qu'on a tout lieu de se promettre que cet établis- sement répondra de plus on plus aux vues bienfaisantes de S. M., et peut-être qu'après sa prochaine assemblée fixée au 24 de ce mois, et à laquelle MM. Pigott, Marci, Wilry, Du Rondeau, Des Roches et De Ben nie assisteront, je pourrai donner à Votre Altesse des preuves encore plus saillantes de l'idée avanl.'igeuse que j'en ai conçue. Entre temps, je ne puis me dispenser de répéter ici ce que j'ai déjà eu l'honneur de lui exposer plusieurs LIVRE I. i773. 87 fois de bouclie, que la place de secrétaire d'une Académie quel- conque demande un homme qui ne soit pas distrait par des occupations suivies et journalières d'un autre emploi, et qu'ainsi j'appréhende que le sieur Gérard, attaché à un bureau qui, comme Votre Altesse le sait, ne chôme jamais, ne pourra conti- nuer à remplir avec le même zèle et avec la même distinction qu'il l'a fait jusqu'ici, les fonctions de secrétaire perpétuel, vu le nombre et la diversité des affaires qui s'y multiplient de jour en jour, s'il ne se présente pas bientôt une occasion de le placer con- venablement ailleurs. » Crumpipen revient encore à ce dernier objet dans son rapport sur la séance du 24 juin. Il explique par les nombreuses occupa- tions de Gérard le retard que l'envoi du protocole de cette séance a subi. « La rédaction d'une pièce pareille, qui d'ailleurs me paraît très bien faite, » écrit-il au prince de Starhcmbcrg le \S sc|)tembre, « demande du temps, et le sieur Gérard, obligea fréquenter deux fois par jour le bureau de la secrétairerie d'Etat, n'en a guère de reste. J'ai déjà eu Thonneur d'exposer à Votre Altesse par mon rapport précédent, qu'il est moralement impos- sible que le sieur Gérard suffise à tout cela; j'ajouterai aujour- d'hui qu'il importe beaucoup que nous le conservions en qualité de secrétaire de l'Académie. Outre qu'il serait fort difficile de le remplacer par un sujet convenable et qui ait déjà, comme lui, toutes les connaissances que cette place exige, il n'est pas à pré- sumer qu'un homme de cette espèce voulût se charger d'un travail aussi suivi et aussi pénible, sans avoir un gage de deux mille florins au moins... » Dans la séance du 24 juin, l'Académie avait élu comme membre étranger M. Godart, médecin des hôpitaux de Vcrvicrs, membre associé de l'Académie des sciences et belles-lettres de Dijon, dont la candidature avait été annoncée dans l'assemblée précédente. Godart, après avoir étudié à Mayence, à Louvain, à Leyde, à Reims et à Paris, s'était établi en 1749 à Verviers, sa ville natale. U avait remporté un prix et deux accessits à l'Académie de Dijon, et la Société littéraire de Bruxelles lui avait accordé un accessit. Il fut nommé membre étranger sur le compte favorable que MM. Vounck et Needham rendirent de ses travaux. 88 LIVRE I. 1773. Différentes lectures occupèrent la plus grande partie de celte séance. Les récipiendaires, MM. Marci, de Wilry et De Beunie avaient, sur la demande du secrétaire, appuyée par le président, apporté chacun un mémoire. Celui de l'abbé Marci était intitulé: Réflexions sur les Académies et les Universités ^ comme il n'a pas été publié, nous en dirons ici quelques mots. L'Académie de Bruxelles avait, selon l'auteur, de quoi s'occuper sans répéter ce que d'autres avaient fait. Tout, dans nos pro- vinces, était nouveau ; le naluralistc, le physicien, le philosophe y trouveraient ample matière à leurs recherches et à leurs investi- galions. Cette Académie pouvait parfaitement exister à côté de rUnivcrsilé. Les deux institutions devaient s'entr'aider, celle-ci à établir de bons principes, et celle-là à les mettre en pratique pour le bien de l'État et pour l'honneur du corps. Et il était à désirer qu'il y eût un certain nombre de professeurs académi- ciens; on parviendrait peut-être ainsi à réformer l'enseignement de la faculté des arts où régnait encore sans partage l'antique et cnnuyedse philosophie péripatéticienne, et Ton ferait naître une émulation utile parmi ses membres. a L'assemblée, n porte le protocole, « ne put qu'applaudir aux vues de M. de Marci, qui lui parurent tendre à la fois au bien- ctre de lUniversité et de l'Académie. Elle fut d'avis qu'il fallait tâcher par tous les movcns possibles de les réaliser, et d'exciter dans les membres de l'Université ce désir louable d'être associé à l'Académie... Le meilleur moyen... serait, non-seulement d'ac- corder des faveurs et des promotions à ceux de ces membres qui le seraient également de l'Académie, mais aussi de faire insinuer par des voies indirectes que ceux qui n'en seront pas, ou ne lui feront pas passer de lemj)s en temps quelques mémoires sur des objets qui se traitent par l'Académie, ne doivent pas espérer d'avoir part aux grâces qui dépendent du gouvernement... » Le chancelier de Brabant continuait à envoyer au ministre plénipotentiaire les résultats des séances de l'Académie, en les accompagnant de ses réflexions. Il écrivait le 4 9 octobre 4773 : « Votre Altesse reconnaîtra de plus en plus par le résultat ci-joint de la dernière assemblée de l'Académie des sciences et belles-lettres, qui LIVRE I. — 1773. 89 s'est tenue en la manière accoutumée, le 6 de ce mois, dans la salle de la Bibliothèque royale, qu'on a tout lieu de se promettre que cet établis- sement, qui, dans les premiers moments de son existence, a déjà acquis chez l'étranger une sorte de réputation qu'on ne lui suppose point, ou qu'on lui envie peut-être dans l'intérieur du pays, répondra parfaitement aux vues bienfaisantes qui l'ont formé. — En effet, on ne saurait exiger en général plus de zèle ni plus d'activité dans les membres qui composent l'Académie : tous, à l'exception de ceux que leur âge avancé ou quel- que incommodité ont empêchés de venir, se sont exactement rendus aux quatre assemblées qui ont eu lieu depuis son érection, et les différents mémoires qu'ils y ont produits et lus, et parmi lesquels il y en a plu- sieurs qui présentent des recherches savantes sur différentes parties de l'histoire naturelle et de celle des Pays-Bas, ont même surpassé mon attente. — Mais il semble qu'on espérerait en vain de voir continuer cette louable ardeur, si l'on n'y ajoute pas la perspective attrayante d'une récompense assurée pour tous ceux qui se distingueront dans la carrière des sciences et des belles-lettres. — II a été observé dans la dernière séance, et avec beaucoup de vérité: 1° que les ecclésiastiques peuvent s'attacher à l'étude de la physique, de l'histoire et des belles- lettres, sans négliger pour cela les autres fonctions, toujours aisées, de leur état; et qu'ils ont au surplus un espoir moral d'être récompensés un jour de leurs travaux par quelque canonicat ou bénéfice; 2" que les médecins sont intéressés à acquérir une certaine réputation dans la république des lettres, vu qu'elle ne peut que leur être avantageuse dans l'exercice de leur profession; 5° qu'il n'y a que ceux qui ne sont ni prê- tres ni médecins, qui perdent pour eux et pour la subsistance de leur famille, tout le temps qu'ils emploient aux ouvrages académiques. Car, outre qu'il n'est pas fort aisé d'obtenir des emplois civils, l'on sait que les personnes versées dans les sciences n'ont pas toujours les qualités qu'il faut pour les remplir. C'est tout autre chose d'un canonicat, ou d'un bénéfice, qui peut être desservi sans inconvénient par un ecclésiastique quelconque. — Je ne puis donc me dispenser de répéter à Votre Altesse que pour cette classe d'académiciens, il n'y a que des pensions qui puissent les inciter efficacement au travail. Nous aurions conservé, au moyen d'une pension modique de trois à quatre cents florins, le sieur Seumoy, habile mécanicien, qui nous a quittés, parce qu'en remplissant comme il l'a fait, avec le plus grand zèle, les fonctions de membre de la ci-devant Société littéraire, il a perdu un temps considérable, qu'il aurait pu em- 90 LIVRE I. 1775. ployer plus fructueusement ailleurs. — Au reste, je supplie Votre Altesse d'être persuadée que si je ne cesse de lui représenter la nécessité qu'il y a de faire entrevoir à tous les membres de l'Académie, surtout à ceux qui, n'étant pas ecclésiastiques, s'appliquent à l'histoire des Pays-Bas, une récompense compassée sur les circonstances de leur état, ce n'est que dans la seule vue de soutenir et d'assurer les progrès d'un établis- sement véritablement utile au public, établissement qui manquait jus- qu'ici aux provinces des Pays-Bas, où il y a sans contredit des gens à talents et de mérite, comme partout ailleurs, et qu'il serait d'autant plus fâcheux de voir crouler, qu'après avoir été érigé par des lettres patentes de S. M., sous la protection de Votre Altesse, on ne manquerait pas d'at- tribuer sa chute au défaut de récompenses qui, dans tous les siècles, ont été un puissant aiguillon sur l'esprit des hommes pour les porter à un travail extraordinaire et de pure volonté. — C'est dans la même vue, que je ne puis également me dispenser de rappeler à Votre Altesse les observations que j'ai déjà eu l'honneur de lui faire par mes rapports précédents au sujet du secrétaire perpétuel Gérard. Il est constant que le secrétaire d'une Académie est l'âme du corps : c'est lui qui est chargé de tenir le registre des délibérations de la compagnie et de la correspon- dance avec les savants étrangers; c'est aussi à lui que s'adressent les gens de lettres qui arrivent en cette ville. Tout cela demande des soins, des attentions, et un temps, qu'une personne attachée à un bureau oii l'on fréquente tous les jours de Tannée, le matin et l'après-midi, ne peut pas avoir et qu'on ne saurait raisonnablement exiger de lui. Une place d'auditeur à la chambre des comptes, aux devoirs de laquelle on satis- fait complètement avec quelques heures de travail par jour, serait celle, ce me semble, qui conviendrait le mieux au secrétaire de notre Académie, qui réunissant d'ailleurs à l'avantage de savoir lire les anciennes écri- tures, une grande connaissance des monuments concernant l'histoire de ces pays, pourrait sans beaucoup de peine en faire la recherche dans les dépôts de cette chambre, et procurer par là à l'Académie des notions exactes sur plusieurs faits intéressants, qu'on ne saurait déterminer sans le secours de ces actes. » La nécessité d'accorder des pensions aux membres laïques de l'Académie avait été représentée à l'occasion du désir exprimé par le P. Mann, prieur des chartreux à Nieuport, et par le médecin Caels, d'entrer dans la compagnie. Bientôt, avait-on dit, LIVRE I. 1775. 91 l'Académie ne sera composée que d'ecclésiasliques et de médecins, les seuls que leurs loisirs ou leur intérêt portaient à s'occuper de rétude des lettres et des sciences. Le mémoire sur l'ancien état de la Flandre maritime, envoyé par le P. Mann à l'appui de sa candidature, avait été remis à l'examen et au rapport de MM. Needham et Caussin, et il avait été résolu que « ce rapport vu, l'Académie délibérerait sur la question s'il convenait, ou point, d'admettre des religieux. » Quant au médecin Caels qui s'était prévalu de la médaille obtenue par lui au mois d'avril, il avait été observé qu'un auteur dont le mémoire avait été couronné, n'avait de ce chef seul aucun litre pour être associé à l'Académie. Au reste on ferait connaître au sieur Caels « qui paraissait avoir de l'esprit et beaucoup d'application, » que l'Académie désirait avant tout qu'il produisît le plan de son Traité des minéraux nuisibles aux hommes ou aux hètes, dont il promettait l'envoi dans l'année. Ce traité devait être le complément du mémoire couronné sur les plantes vénéneuses. Dans sa requête, « Théodoric-Pierre Caels, natif de Louvain, et médecin en cette ville de Bruxelles, sachant les langues latine, flamande, française et anglaise, » disait que son but était de se rendre utile au public. CHAPITRE IX. Le post-scriptum adressé par le ministre plénipotentiaire au prince de Kaunitz le 27 novembre 1773. — Envoi du mémoire de l'abbé Marci sur l'Académie et la convenance de porter sa dotation de 8 000 florins de Brabant à o 000 florins d'Alle- magne. — Le rapport du prince de Kaunitz à Marie-Thérèse. — La dépêche royale du 24 décembre 1773 qui élève la dotation de l'Académie à 4 200 florins de Brabant, et institue des pensions au profit de ses membres. — Les candidats regnicoles aux places d'académiciens, rejetés en 1773. — Mort de M. Verdussen. Le 27 novembre 1775, le prince de Slarhemberg adressa le post-scriptum suivant au chancelier de cour et d'État*. ' Archiv. du roy. de Delg. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne, n» 401. 92 LIVRE I. 1773. î « L'Académie des sciences et belles-lettres a tenu successivement quel- ques séances du résultat desquelles je crois être de mon devoir de rendre compte à Votre Altesse au moyen des trois rapports ci-joints, qui m'ont été présentés par M. le chancelier de Brabant '. » Une observation générale que je fais sur Tensemble de ces rapports, ainsi que sur les pièces qui y sont jointes, c'est qu'on y voit réellement que l'Académie prospère, et que cet établissement, qui réunit déjà plu- sieurs sujets aussi zélés qu'éclairés, et qui en réunira davantage encore, fera honneur, et acquerra autant de considération que de consistance, en ayant déjà même beaucoup acquis pour le peu de temps qu'il existe. Je n'entreprendrai pas, mon prince, le détail des mémoires qui ont été produits dans les assemblées auxquelles les rapports dont il s'agit, sont relatifs : je remarquerai uniquement qu'il y en a de fort curieux et intére?sants et qui prouvent rinlclligence comme le zèle de plusieurs membres; mais d'ailleurs le seul objet auquel je m'arrêterai ici, ce sont les différentes propositions qui se trouvent répandues dans les rapports du chancelier. » Ces propositions ont pour objet : 1° De faire porter le nombre des académiciens étrangers de six à douze. 2° De faire déposer à la Bibliothèque publique les registres du recueil des diplômes formé par le sieur Van Heurck. 3° De faire le même usage des manuscrits historiques, qui font partie des papiers de feu le comte de Cobenzl. 4° D'autoriser une recherche à faire dans un terrain du Tournaisis, qui porte un monument ancien, mais caduc, sous lequel on croit pouvoif espérer de trouver des choses antiques et curieuses. — [Il s'agissait de la Pierre de Brunehaut : la demande des fouilles avait été faite par l'abbé Nelis dans la séance du 25 mai.] 5» La manière de récompenser les membres de l'Académie qui se distinguent, et celle de s'attacher le secrétaire actuel de ce corps, d'ail- leurs hors d'état de remplir à la fois les devoirs de ce poste et ceux de sa place à la secrétairerie d'État. » Répondant par ordre à ces différentes propositions, j'observerai : Ad 1"""^. Qu'il me paraît n'y avoir aucune espèce de difficulté à con- sentir à augmenter le nombre des académiciens étrangers... Aussi ai-je ^ Ce sont les rapports dont il a été parlé ci-dessus. I LIVRE l. — 1773. 95 pris sur moi, d'autoriser provisionnellement le chancelier à excéder le nombre, tel qu'il était limité dans le principe, s'il se présentait des sujets, dont l'admission pourrait être envisagée comme une bonne acquisition pour l'Académie. Ad S'*"™. La chose ne souffre pas de difficulté... Ad S""™. Il en est de même, [sous la condition] qu'on ne laisse suivre à la destination dont il s'agit que ce qui n'est d'ailleurs point lié à des affaires. Ad 4"™. J'ai également agréé... Ad 5"™. C'est le point essentiel et capital; il renferme deux objets : l'un regarde le secrétaire de l'Académie, et l'autre l'idée d'établir des pensions... — 11 n'est pas douteux, mon prince, que le sieur Gérard, le seul que, lorsqu'il s'est agi de l'association qui a précédé l'établissement de l'Académie, on ait trouvé capable ou présentable pour les fonctions d'actuaire, ne soit encore aujourd'hui celui qui convienne le mieux à la place de secrétaire, place intéressante, qui exige beaucoup de détails, et qui demande beaucoup de connaissances que Gérard a acquises, et dont il est au fait mieux qu'aucun autre de l'Académie. Il a l'avantage d'avoir cultivé dès sa jeunesse l'étude de l'histoire; d'avoir parcouru et formé des recueils des anciens manuscrits, dont il traduit les écritures avec une facilité étonnante, et quoiqu'il se puisse qu'il n'atteindrait pas le talent de rendre ses ouvrages également agréables par le style, il serait cependant sûrement en état d'en former sur la partie historique, qui seraient très intéressants par le fond. Il s'est même déjà acquis de la réputation : en relation avec des membres d'autres académies, il est connu de plusieurs savants, qui en font cas, et le trouvent fort instruit : ceux qui arrivent ici, s'adressent à lui, cherchent à former des liaisons avec lui, et il n'y a pas longtemps qu'un d'eux [Van Wyn], satisfait des facilités qu'il lui avait procurées pour un voyage littéraire, qu'il avait fait dans ce pays-ci, lui a fait passer, sans qu'il l'ait demandé, une pa- tente de réception dans une des Académies hollandaises [l'Académie de Zélande]. Un bon secrétaire étant l'âme d'une Académie, il importe d'avoir pour cette place le meilleur qu'on puisse trouver : or, outre la connaissance qu'a Gérard de tout ce qui s'est fait depuis l'origine, où il a été question d'une Société de gens de lettres, et outre ce qu'il a acquis par la pratique des devoirs de ce poste, je ne connais aucun sujet qui puisse le remplacer ou l'égaler. Ce n'est pas, mon prince, qu'il n'y ait des sujets, qui pourraient y devenir propres, et qui aient des talents 3 94 LIVRE I. 1773. mais, tandis qu'ils auraient encore à s'instruire sur le passé, les condi- tions, sans lesquelles on ne saurait se flatter de les attirer, seraient trop fortes ou trop onéreuses : de ce nombre est le nommé Des Roches, sujet distingué, établi à Anvers, et dont les ouvrages ont déjà été couron- nés ; mais ayant une petite fortune à Anvers, oîi on le recherche avec empressement pour l'instruction des jeunes gens, on devrait lui tenir compte de ce que par son travail il gagne, et on conçoit facilement, que pour l'engager à changer de domicile, il lui faudrait plus qu'un équi- valent. » Dans ces circonstances, Gérard convenant par toute sorte d'en- droits le mieux à la place dont il s'agit, connaissant la plupart des bons ouvrages, des meilleurs manuscrits, ayant le talent qu'il faut, ne laissant à désirer que du côté du style, dans lequel avec plus de loisir il pourra se perfectionner, et auquel il est, en général, plus facile de suppléer qu'aux connaissances et à l'érudition, et ajant d'ailleurs déjà une sorte de réputation établie, non-seulement ici, mais même à l'étranger, je le regarde et je regarde sa conservation dans le poste qu'il remplit à l'Aca- démie, comme très essentielle pour le bien même de l'établissement j mais à mesure que la chose avance, l'ouvrage et les correspondances augmentent et demandent plus de suite, et il n'est plus possible au secrétaire Gérard de remplir ce qu'il doit à la secrétairerié d'État, et de suffire à la fois à ce qu'exigent les devoirs de secrétaire de l'Académie : ce double devoir a souffert, même celui de l'Académie, nonobstant les permissions multipliées d'absence, que le secrétaire d'État lui a données de mon agrément; et il est certain que les choses ne peuvent pas rester dans l'état où elles sont... [Gérard ne peut] ni continuer comme il con- viendrait ses études, ses recherches, ses spéculations et ses soins, ni donner même à ses ouvrages la netteté et la perfection que demande- raient des productions académiques, et qui, plus difficile dans un pays où l'occasion de s'évertuer dans la beauté et la finesse du langage n'a guère existé, pour ne pas dire jamais, ne peut s'atteindre, et que l'on ne peut espérer de trouver, que pour autant que le directeur ou le rédacteur soit réduit à la seule besogne qu'exige l'Académie, besogne qui augmente tous les jours, qui touche au point d'occuper un homme tout entier, et qui augmentera encore, vu que de l'avis de tous les académiciens, il faudra nécessairement en venir à des séances particu- lières à tenir de semaine en semaine, et auxquelles on ne ferait inter- venir que les académiciens demeurant à Bruxelles... LIVRE I. 1773. 95 Le ministre ne veut pas appuyer Ja proposition de Crumpipen de nommer Gérard auditeur de la chambre des comptes, parce que, indépendamment de ce qu'il a des collègues plus anciens que lui, S. M. a résolu de ne plus admettre de nouveaux sujets à la Chambre; mais comme la Chambre serait d'ailleurs le départe- ment le plus convenable et en même temps le plus analogue au poste que Gérard occupe à l'Académie, on pourrait le nommer conseiller garde-chartres adjoint, et il serait juste en même temps d'améliorer sa position. « Il n'a jusqu'ici que 1 500 florins* ; et il est certain que c'est trop peu pour un secrétaire académicien, obligé par cette qualité de recevoir chez lui au moins quelques académiciens, et à qui les nationaux, comme les étrangers, s'adressent de préférence comme à celui qui a le plus d'influence, ce qui est aussi général partout. Avec un traitement de 200 pis- toles ou de 2 000 florins, il pourra au moins pour quelque temps se tirer d'affaire... » Starhemberg parle ensuite de l'insistance que l'on met à réclamer des pensions en faveur des académiciens. Le public, les académiciens et généralement tout le monde voit dans les pensions le seul moyen cflicace d'attirer des hommes de mérite : les gratifications, disent-ils, ne peuvent avoir de la valeur que pour des sujets dans le besoin. Le ministre ajoute : « Le prévôt de Louvain, qui est un des membres qui fait honneur à l'Académie, et qui ni'a déjà donné sur les études et aftaires de l'Université des ouvrages qui justifient la confiance que j'avais placée dans ses talents et ses connaissances, plaide aussi la cause des pensions, et son témoignage me paraît de nature à en accréditer l'idée : il a formé là-dessus le mémoire ci-joint... Le plan de l'abbé Marci est, on ne peut plus modéré; les pensions ne seront adjugées qu'au mérite reconnu et notoire- ^ A répoque de la création de la Société littéraire, Gérard n'était que sixième officiai à la secrétairerie d'État et de guerre, aux appointements de 800 florins : il avait été nommé à ce poste en 1766. Sur un rapport du prince de Kaunitz, il fut promu le l**" mai 177:2 à la place de second officiai avec le lilre de secrétaire de S. M. et les gages de 1 SOO florins attachés à cette place. ÉD. M. 96 LIVRE I. — 1773. ^ ment établi... Sans la circonstance de la suppression des jésuites, et sans les ressources qu'on trouvera dans leurs biens, je n'aurais peut-être pas osé articuler une proposition en faveur du secré- taire Gérard ni reparler à Votre Altesse des instances qu'on renouvelle pour l'établissement des pensious, étant toujours fort éloigné de proposer de nouvelles charges sur le trésor royal... Je m'en remets cependant entièrement et à tous égards au discer- nement de Votre Altesse, espérant qu'EIle pardonnera que je l'importune de nouveau sur ce qu'on croit nécessaire pour un établissement, que j'affectionne autant par la part que j'ai eue à son érection, que par la qualité que S. M. a trouvé bon de m'y attribuer, et pour l'objet de laquelle je suis très bien secondé par le chancelier de Brabant, qui se livre à la besogne surrogatoire que la présidence lui procure avec tout le zèle et la chaleur que l'on peut désirer, et que j'attendais de sa façon de penser. » Le mémoire de l'abbé Marci, mentionné dans le post-scriptum du prince de Starhemberg, portait la date du 26 octobre 1775. Il est assez intéressant pour que nous le donnions ici en entier. « Il y a certainement de très bons et laborieux membres à l'Académie royale et qui se feraient honneur dans les corps les plus renommés j mais pour que notre Académie royale des sciences fasse des progrès et puisse aller de pair avec les autres, il me paraît qu'il y aurait quelque chose à désirer. » 1° Les séances ne sont pas assez fréquentes, TAcadémie ne tenant que neuf séances par an; tout le temps est employé à lire un ou deux mémoires , sans pouvoir faire certaines observations sur d'autres matières, dont on reçoit des avis soit par les correspondances particu- lières, soit par les annonces publiques, qui souvent contiennent des circonstances dignes d'une Académie, tant pour l'exécution en général que pour l'application à nos provinces belgiques. 11 conviendrait donc qu'il y eût dans Bruxelles même au moins dix ou douze membres qui pussent s'assembler toutes les semaines une fois, pour faire entre eux la recension des nouveautés, se concerter sur les dififérents ouvrages que l'un ou l'autre aurait en vue; enfin pour délibérer sur tous les objets qui peuvent donner quelque lustre à l'Académie. » Dans les assemblées, qui se tiendraient tous les mois, et auxquelles LIVRE I. 1775. 97 tous les membres à portée de Bruxelles se trouveraient, on commence- rait la séance par une courte récapitulation des matières qui auraient été agitées dans les assemblées hebdomadaires, afin de mettre en peu de mots tous les académiciens au fait du courant, pour ensuite passer à la lecture des pièces qui seraient en rapport, et enfin aux mémoires des académiciens. » 2" Il y a des membres qui sont assez moyennes et qui se font honneur de jouir des prérogatives attachées au titre d'académicien, mais il y en a bien d'autres, et ce n'est peut-être pas le moindre nombre, qui travailleraient volontiers à Tavancement et à Thonncur de l'Acadé- mie, si leur situation ne les obligeait pas d'employer tout leur temps pour se procurer le nécessaire; de sorte que ces bons sujets, d'ailleurs si nécessaires à une Académie, n'osent et ne peuvent y aspirer, parce qu'à peine le temps leur suffît pour leurs propres besoins; mais si de pareils sujets étaient animés par quelque pension modique, ils pourraient employer une partie de leur temps au bien-être de l'Académie, soit à des expériences, soit à faire des recherches relatives aux vues des académi- ciens. » On offre, à la vérité, des gratifications proportionnées aux services rendus; mais en considérant les choses de plus près, cela sent trop le mercenaire pour un académicien, qui doit plutôt travailler par honneur que par intérêt, outre que l'Académie devant juger du mérite de celui qui demanderait une gratification, il serait trop humilié par les sollicita- tions qu'il serait obligé de faire vis-à-vis des membres pour obtenir leurs suffrages. « Si S.M. daignait passer o 000 fl. d'Allemagne au lieu de 3 000 fl. arg' de Brabant et permettre qu'on fixât quelques pensions, je crois qu'on serait bientôt en état d'avoir quelques bons sujets pensionnés à Bruxelles, et qu'en conséquence on pourrait tenir les séances une fois par semaine, et avoir de quoi subvenir aux frais ordinaires de l'Académie; car en établissant deux pensions de 500 florins, deux de -400 et deux de bOO, cela ferait la somme de 2 400 fl.; les 1 800 fl. qui resteraient seraient pour les frais tant ordinaires qu'extraordinaires. Voilà, monsieur, l'idée que je me forme pour donner du lustre et de l'avancement à notre Académie. « Que si les séances hebdomadaires ne peuvent s'établir, il est à craindre que les choses n'aillent avec le temps en arrière; les bons sujets qui peuvent se trouver à Bruxelles, n'étant pas animés par quelque inté- ToME XXXIV. 7 98 LIVRE F. — 1773. rêt qui est de tous les mobiles le plus efficace, ne pourront se présenter; il n'y aurait que des étrangers à la ville de Bruxelles qui ne peuvent naturellement s'y rendre qu'une fois par mois. »> Je suis persuadé que la chose étant solidement représentée à S. M. qui veut procurer le bien-être des provinces belgiques, et animer les sciences dans nos Pays-Bas, Elle ne manquerait pas d'assigner le néces- saire pour mettre cette Académie sur un pied solide et capable d'entrer en concurrence avec les meilleures de l'Europe. » Le 18 décembre 1775, le chancelier de cour et d'État fit un rap- port à iMarie-Thérèse ^ dans lequel il donnait son avis sur la pro- position du prince de Starhemberg de transférer le secrétaire de l'Académie du bureau de la secrctairerie d'État à celui dos archives, et d'accorder aux académiciens des pensions au lieu de gratifica- tions. En ce qui concerne Gérard, le chancelier agréait l'idée de l'attacher au bureau des archives, mais comme premier commis et sans augmentation de traitement. Quant au second point traité par le ministre plénipotentiaire dans son post-scriptum du 27 novembre : « Je conviens de mon côté volontiers, » disait Kaunitz, « qu'en général les pensions donnent plus d'éclat à une Académie que les gratifications, et qu'ainsi les premières doivent produire plus d'effet que les autres; j'ai eu aussi l'honneur de représenter à Votre Majesté qu'il serait fort convenable d'attirer à l'Académie, par une pen- sion, un homme de lettres qui joigne à l'érudition le talent de s'exprimer avec précision et d'une manière intéressante. — Mais a défaut d'un pareil sujet, et tandis que les académiciens actuels, qui sont dans le cas d'avoir besoin d'encouragements pécuniaires, n'avaient pas donné des preuves bien décisives de leurs talents et connaissances, j'ai cru qu'on devait se tenir à des gratifications pour être d'autant moins gêné dans la suite à l'égard des pen- sions permanentes : cependant comme le ministre assure que tout le monde est dans l'idée, que l'Académie ne saurait se * Archiv. du roy. de Belg. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne: D. 100, ad. lit. C. 4. LIVRE I. 1773. 9i) soutenir à moins qu'on n'accorde à quelques académiciens des j3ensions au lieu de gralifications, je pense que Votre Majesté pourrait daigner y consentir, en adoptant à ce sujet le plan de l'abbé Marci avec cette modification que la pension de 500 florins dont jouit l'abbé Needbam doit y être mise en compte, et que du moins l'autre de la même somme doit rester encore ouverte pour pouvoir être accordée à quelque savant, dont on désirera peut- être de faire l'acquisition. » Moyennant cela l'exécution du plan n'excédera pas dans ce moment-ci la somme destinée déjà à l'entretien de l'Académie, et elle ne la surpassera que de 500 florins argent courant, lorsque toutes les pensions seront données. » Quant à leur distribution, j'estime respeclucusement que Votre Majesté pourrait daigner s'en remettre au jugement du prince de Starhemberg. Il n'y a proprement que les académiciens qui ne sont pas prêtres ou médecins qui en ont besoin : car les premiers, ou sont déjà pourvus de prébendes ou peuvent espérer d'en obtenir, et les autres sont récompensés de la perle du temps qu'ils emploient à des ouvrages académiques par la célébrité qu'ils acquièrent par là. » Au reste je ne doute pas qu'au cas que Votre Majesté daigne agréer ma très bumblc proposition, le ministre n'accorde une des pensions qui seront à sa disposition, au secrétaire de l'Aca- démie Gérard, et il semble la mériter aussi non-seulement par les peines qu'il se donne dans la partie dont il est chargé en cette qualité, mais aussi par ses connaissances littéraires. Cependant le ministre doit avouer lui-même à présent, que son style n'est pas tel qu'on peut le prétendre du secrétaire d'une Académie, et j'ai d'ailleurs observé par les projets qu'il a fournis pour le règle- ment de la compagnie à laquelle il s'est attaché, que ses connais- sances ne s'étendent pas au delà de la partie de l'histoire. » Quoi quil en soit, je conviens avec le ministre que dans ce momenl-ci on ne saurait mieux faire que de laisser les fonctions de secrétaire à Gérard, mais je désirerais beaucoup quavee le temps on pût les confier à un autre académicien plus versé dans les sciences en général, et plus en état de rendre compte au 100 LIVRE I — 1773. public dans un style intéressant des opérations et découvertes de l'Académie. » Du reste quoique le résultat du peu d'assemblées qu'elle a pu tenir depuis son établissement, ne présente pas encore des j)reuves complètes de ses succès, l'on ne peut cependant j)as refuser à plusieurs académiciens la justice qu'ils aient bien traité les objets dont ils se sont occupés. » Marie-Thérèse écrivit en marge de ce rapport : « ... Quand aux nouvelles faveurs a accorder a cette accademie je les passe provisionnellement puisqu'on se trouve déjà engagé, jagrée au reste aussi le plan et les dispositions pour l'arrangement des archives comme vous le suggérée. » Pour l'intelligence de ce qui se rapporte aux archives dans l'ap- probation de l'impératrice, il faut savoir que le rapport du prince de Kaunilz, en date du 18 décembre, traitait également des dispo- sitions à prendre pour l'organisation d'un bureau d'archives, dont le besoin s'était fait sentir après la restitution des papiers d'État par la France en 1769. Le comte de Wynants devait être le chef de ce bureau, près lequel Gérard remplirait les fonctions de premier commis aux appointements de i 500 florins ; la nomi- nation d'un second commis aux appointements de \ 000 florins était abandonnée au gouverneur général. Les nouvelles faveurs accordées à l'Académie furent portées à la connaissance de S. A. R. le prince Charles de Lorraine par la dépêche suivante, datée du 24 décembre * : « Monsieur mon très cher et très aimé beau-frère et cousin, » ... Je consens à ce que sur le pied de l'avis du prévôt de Louvain, Merci, vous portiez provisoirement [la] dotation [de l'Académie des sciences et belles-lettres de Bruxelles, de 3000 fl. cour'] à trois mille florins d'Allemagne, ou A 200 fl. arg» cour', et que vous assigniez là-des- sus deux pensions de 300 fl., deux de 400 et deux de 500, de sorte qu'il ' Archiv. du roy. de Belg. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne : L. 100, ad. lit C. 4. i LIVRE I. 1773. 101 resterait encore pour frais tant ordinaires qu'extraordinaires, la somme de I 800 fl., le tout en argent courant. Je me rapporte aussià Votre Altesse et au prince de Starhemberg, sur le choix des gens de lettres de l'Acadé- mie, que vous croirez les plus dignes d'un pareil bienfait, voulant néan- moins qu'une des deux pensions de 500 fl. soit attribuée à Tabbé Needham, en place de la même somme que je lui ai assignée en dernier lieu, et que l'autre reste encore ouverte pour pouvoir être accordée à quelque savant dont on désirerait dans la suite de faire l'acquisition... « (Signé) : Marie-Thérèse. » Notons pour faire comprendre ce qui concerne l'abbé Needham dans la dépèche ci-dessus, que la pension de 1 000 (lorins, attri- buée primitivement à cet abbé, avait été réduite de moitié après qu'il eut été pourvu d'un canonicat à Soignies, au mois de septembre 1773 : le tout avait été calculé de manière à lui assurer un revenu d'environ 1 500 florins de Brabanl. On aurait pu croire que l'afi'aire des pensions, à laquelle l'Aca- démie attachait une si grande importance, allait être vidée, mais il ne devait pas en être ainsi, et il fallut encore attendre près de dix ans pour qu'une solution définitive y fût donnée. Chose remar- quable, nous verrons que le premier empêchement fut suscité par l'Académie elle-même. Avant de passer à l'histoire de l'Académie pendant l'année 1774, nous devons dire un mot des candidats qui s'étaient présentés pour y entrer, et qui échouèrent. C'étaient, on le sait : MM. ïhysbaert, Crampagna et Marquart. Il ne sera pas hors de propos de rapporter les passages des pro- tocoles où il estcjuestion d'eux. (Commençons par la séance du 13 avril : « M. Thysbaerl, professeur en philosophie et directeur des expé- riences physiques dans l'Université de Louvain. Il a fait connaître à M. l'abbé Needham, qu'étant occupé à composer un Traité physico- mathématique d'optique et de perspective, de même qu'un Traité de gnomonique, et à dessiner les planches pour l'astronomie perspective gnomonique et l'architecture; et ces différents ouvrages devant être i02 LIVRE I. 1773. achevés dans un temps limité, il n'avait pu remettre un mémoire à l'Académie, comme il l'aurait fait sans ces circonstances. — M. Cram- pagna, médecin de corps de S. A. R. Il a adressé à l'Académie un mémoire sur l'abus des onguents dans le traitement des ulcères et sur ta meilleure *néthode de les guérir. Ici on interrompit le secrétaire pour observer que ce mémoire contenait des objets étrangers à l'Académie, et privalive- ment du ressort d'une école de chirurgie; cependant sur l'assertion de M. l'abbé Needham, qu'il y avait dans ce mémoire des points relatifs à la pljysique proprement dite, le président chargea M. Vounck de l'exami- ner et d'en faire son rapport dans la séance du mois de mai. — M. Mar- quart, waradin de la monnaie de S. M. à Bruxelles. 11 a fait remettre à l'Académie un mémoire sMr la qualité du plomb de la mine de Vedrindans le comté de Namur. On remarqua en passant que le sieur Marquart n'était point connu pour homme de lettres; qu'il se pouvait qu'il eût quel- que connaissance de la métallurgie, mais qu'on ignorait si ses connais- sances étaient d'espèce à devoir engager l'Académie à l'admettre au nombre de ses membres; qu'on voyait par son mémoire, dont on lut une partie, qu'il n'avait ni style ni orthographe; et M. l'abbé Needham ayant allégué que l'acquisition du sieur Marquart devenait nécessaire à l'Aca- démie, parce que sans cela elle ne pourrait pas faire faire des essais sur les métaux, il fut répliqué que cette circonstance n'était pas un motif suffisant pour recevoir un homme qui n'aurait pas d'ailleurs les con- naissances requises dans un membre d'un établissement littéraire : qu'au surplus, l'on ne doutait pas que le sieur Marquart étant aux gages de S. M., le gouvernement ne le chargeât de faire, à la demande de l'Acadé- mie, les essais et autres opérations métallurgiques dont celle-ci aurait besoin. On observa aussi, que l'Académie ayant proposé en 1769 et 1770 une question relative à la mine de Vedrin, le sieur Marquart n'avait pas concouru; mais qu'à la réquisition de l'Académie, il avait fait l'essai de quelques morceaux de la mine de plomb de Vedrin. Au reste, sur les instances de M. Needham, il fut résolu de faire examiner le mémoire du sieur Marquart, et M. le président chargea M. l'abbé Chevalier d'en faire son rapport dans la séance du mois de mai. » Le 25 mai : « Le secrétaire informa l'assemblée que M. de Crampagna, premier médecin de corps de S. A. R., ayant appris que l'Académie avait jugé LIVRE 1. — 1773. i05 que son mémoire... ne regardait pas un objet dont rAcadémie s'occupait, l'avait requis de le lui rendre, ce que lui secrétaire n'avait pas cru pou- voir refuser; qu'il ne s'agissait par conséquent plus, pour le moment, de l'élection de ce candidat... — M. le président, avant que de proposer l'élec- tion de M. Thysbaert, professeur de philosophie au collège du Château de l'Université de Louvain, demanda à M. Needham si ce professeur lui avait fait passer quelque mémoire, et sur la réponse négative, il fut observé qu'il était essentiel de ne pas s'écarter légèrement de l'usage de ne point admettre des personnes qui n'étaient pas connues par quelques ouvrages, à moins qu'elles n'aient donné quelques mémoires ou disser- tations, propres à justifier leurs talents et leurs connaissances; que M. Thysbaert était à la vérité connu avantageusement par quelques académiciens, mais que d'autres ne le connaissant en aucune manière, il était à craindre que le scrutin ne lui serait point favorable, et comme un refus aurait pu décourager iM. Thysbaert, et l'empêcher de se mettre encore sur les rangs, il fut résolu de ne point procéder à son élection, et de lui faire connaître, que l'Académie ne pouvait s'écarter de l'usage où elle était de n'admettre qui que ce soit, sans s'être assuré de ses talents par l'examen de quelques-uns de ses ouvrages. — M. l'abbé Chevalier, qui avait été chargé d'examiner un mémoire présenté par le sieur Marquart, waradin de la monnaie de S. M., ayant pour objet le plomb de la mine de Vedrin près de Namur, rendit compte à l'assem- blée qu'après une description abrégée des qualités du plomb et de la manière de le purifier, l'auteur du mémoire insinuait, qu'ayant été sur les lieux pour examiner par ordre du gouvernement la mine de Vedrin» il l'avait trouvée très abondante, reconnu que le plomb était d'une aussi bonne qualité que celui d'Angleterre, qu'il avait sur celui-ci l'avantage d'être plus malléable, et qu'on pouvait attribuer la préfé- rence qu'on avait donnée jusqu'ici au plomb d'Angleterre, à la mauvaise façon de purifier le plomb de Vedrin; que le sieur Marquart annonçait qu'il était occupé à chercher les moyens de purifier le plomb de Vedrin et de rendre la mine plus avantageuse. M. Chevalier termina son rapport, par dire que le mémoire du sieur Marquart, quoique très abrégé et rou- lant sur un objet qui avait déjà été traité, annonçait des connaissances particulières sur la métallurgie. Mais l'assemblée reprit l'observation qui avait été faite dans la séance précédente, qu'une connaissance quelque étendue qu'elle puisse être sur un seul objet, sans le concours des autres qualités qui forment un homme de lettres, ne pouvait donner entrée dans d04 LIVRE I. — 1773. VA cadémie, qui^ si on en agissait aulremenl, se trouverait bientôt peuplée m d'une foule d'artistes^ ce qui ne convenait nullement. Cette observation fut goûtée par la plupart des membres, et confirmée par le résultat du scrutin, qui ne fut point favorable au sieur Marquart. » On observera combien la manière de penser différait, au siècle dernier, de la nôtre; on rejetait à cette époque les spécialistes devenus si communs de nos jours. Il est vrai que les sciences n'avaient pas encore pris l'immense déveIop|)ement dont nous avons été les témoins, et qu'on embrassait plus facilement leur ensemble. Mais on doit avouer d'autre part, que la tendance de plus en plus marquée au spécialisme a porté une rude atteinte à l'esprit philosopliique dont les connaissances humaines ne sau- raient se passer. — Quant au reproche fait à Marquart, de n'avoir ni style ni orthographe, on est assez étonné de le rencontrer dans la bouche de nos académiciens, dont la plupart étaient loin de briller sous ce double rapport. En ce qui concerne Thysbaert, on ne s'explique pas la relation du protocole, quand on a sous les yeux, comme nous l'avons, une lettre adressée le 7 mai 1775 à Necdham parle professeur 'de Louvain : I « Monsieur et très cher ami, » écrit celui-ci, o j'avais prévu en partie ■ les argumens que vous allégué contre le mémoire que j'ai eu l'honneur m de vous envoyer : car étant achevé j'ai même pensé de le renverser, et de débuter premièrement par les raisons que le créateur eut pu avoir pour servir de trois diverses humeures; le prouver ensuite par l'arran- gement et diverses milieu dont on se sert pour corriger l'aberration dans les lunettes achromatiques et finalement par forme d'objection alléguer la disparité qu'il y a entre la forme de ces milieux dans l'œil et dans les objectifs achromatiques. — Si j'ai péché dans la forme, il n'est pas éton- nant : car je n'ai que fort peu des mémoires présentées dans les accade- mies desquelles j'aurai pu apprendre la méthode usitée, d'ailleurs, il etoit facile de remédier a ce défaut accidentel, lors qu'on le connoit. — Je suis charmé, mon cher ami, que vous me dites naïvement votre sen- timent, et vous m'obligerez infiniment si vous voulez bien m'indiquer les expériences sur l'œil, dont vous faites mention dans votre lettre, et LIVRE I. — 1-74. 105 me suggérer, a votre loisir, vos idées pour établir Tanalogie entre l'œil et les objectifs achromatiques. — Si je me suis un peu pressé pour vous envoyer cet esquisse ce n'est pas tant pour hâter mon élection, que pour ne pas être en défaut a vos instances, et être reçu postérieurement a monsieur le prevot, le quel comme je puis le comprendre sera reçu a la séance prochaine. .. » Tiiysbaert demande ensuite l'avis de Needham sur l'oppor- tunité el l'utililé de traiter difîérenls sujets qu'il indique, et qui sont relatifs à une nouvelle machine pour faire les expériences sur les forces centrales, aux moyens de perfectionner les pompes pneumatiques et aux miroirs. Il semble résulter de celte lettre qu'il y avait eu efîeclivement envoi d'un mémoire, mais que Needham n'avait pas jugé le dit mémoire digne délre présenté à l'Académie. Thysbaert ne se porta plus candidat par la suite. Le conseiller Lcclcrc le dépeignait en 1786 * comme un bonimc savant, actif, vigilant et de la j)lus grande probité. Le 13 octobre 1773, l'Académie perdit M. Verdussen qui avait été l'un des premiers membres de la Société littéraire : son grand âge ne lui avait pas permis de prendre une part active aux tra- vaux de la Société. CHAPITRE X. Les élections en 1774. — Le concours de cette dernière année. — Le mémoire sur l'état actuel de l'Académie présenté au ministre plénipotentiaire. — L'Académie demande la réunion à sa dotation des biens ayant appartenu aux Bollandistes et au Musaeuin Bellarmini. — Les mémoires de Marci, Nelis et Des Roches sur les réformes à apporter dans l'enseignement des humanités. En 1774 nous voyons trois nouveaux membres entrer à l'Aca- démie : le prieur des chartreux Dom Mann, M. Valmont de Bo- mare et M. Van Wyn. Les deux premiers furent élus le 7 février; le troisième, le 14 octobre. * Rapport sur l'Université de Louvain. 406 LIVRE I. — 1774. Mann, comme on le sait déjà, avait été présenté dans la séance du 6 octobre 1773, et sa candidature avait soulevé la question de savoir s'il convenait d'admettre des religieux. Ce point délicat, sur lequel on s'étail promis de revenir, fut, paraît-il, abandonné; du moins les protocoles n'offrent aucune trace d'une discussion ou d'un vote. L'Académie entendit le 7 février la lecture du mémoire envoyé par le prieur à l'appui de sa demande d'une place de membre; MM. Caussin, De Beunie et Du Rondeau firent des rap- ports favorables, et la candidature ne rencontra plus d'opposition. On dirait qu'on avait seulement voulu remettre sur le tapis l'af- faire des pensions. Le prieur des Chartreux était destiné à devenir l'un des mem- bres les plus distingués de l'Académie et son secrétaire perpétuel. Né dans le comté d'York en 1755, il avait quitté de bonne heure l'Angleterre, et après avoir habité quelque temps Paris, il était passé en Espagne où il avait pris du service, puis il s'était retiré à la chartreuse de Nieuport, dont il fut nommé prieur en 1764 : c'est là qu'il avait enfin pu donner une libre carrière à son goût pour l'étude. Valmont de Bomare fut élu, semblerait-il, sur la simple noto- riété de sa réputation. Il n'est parlé, dans les protocoles, ni d'un mémoire qu'il aurait présenté, ni d'une demande qu'il aurait faite, ni d'une discussion qui aurait eu lieu de ses titres. Dans sa lettre de remercîments, datée du i7 février, il prend les qualités de censeur royal, maître en pharmacie, voyageur et démonstrateur d'histoire naturelle avoué du gouvernement de France, instituteur d'histoire naturelle de Leurs Altesses sérénissimes les princes et princesses du sang, directeur des cabinets de physique, de mé- j| dailles et d'histoire naturelle de Chantilly, etc., etc. ^ Van Wyn était pensionnaire de la ville de Brielle et membre de l'Académie de Zélande. Au mois de juillet, il avait fait parvenir à l'Académie de Bruxelles plusieurs ouvrages de sa composition, entre autres une dissertation flamande manuscrite sur les familles de Borne, Horne, Voorne, et Veurne, que l'on avait confondues. Le 25 septembre, il écrivait : « En vous envoyant mon mémoire touchant les seigneurs de Borne, avec quelques autres pièces, LIVRE 1. — 1774. 107 ma timidité ordinaire (peut-être mal placée dans le cas d'à présent) m'a défendu de me recommander pour une place d'académicien à voire Académie; cependant, considérant de plus en plus après ce temps-là, non-seulement Vhon?ienr , mais principalement Vutililé qu'une lelie place me pouvait amener, en m'ouvrant la correspondance avec les savants les plus distingués de tout le Brabant (chose qui m'intéresse infiniment surtout par la chro- nique de Heelii *), mon amour pour les lettres me pousse à passer les bornes de la modestie que je m'étais prescrites moi-même, et me fait prendre aujourd'hui la liberté de me mettre sur la liste des candidats pour obtenir la place d'académicien... » Dans la séance du 7 février, l'Académie avait encore eu à se prononcer sur les demandes d'admission de MM. Parmentier, Caels et de Launay. Le ijremier, apothicaire général de l'hôtel des invalides à Paris, avait accompagné sa supplique de deux mémoires manuscrits, l'un sur les huiles animales, l'autre sur les eaux minérales sul- fureuses; et de deux ouvrages imprimés dont le premier avait pour titre : Examen chimique des pommes de terre, Paris, 1773, in- 12, et dont le second avait remporté en i77!2 le prix d'me question posée dans les termes suivants par l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon : « Indiquer les végé- taux qui pourraient suppléer, en temps de disette, à ceux que l'on emj)loie communément à la nourriture des hommes, et quelle en devrait être la préparation. » Ces difTérents travaux avaient été remisa M. Vounck dans la séance du G octobre 1773, pour en faire des rapports qui furent déposés le 5 novembre et le 5 janvier suivants. Parmentier, on le sait, contribua plus que personne à répan- dre l'usage des pommes de terre en France. Les deux ouvrages imprimés, mentionnés ci-dessus, tendaient vers ce but. Voici ce que Vounck disait de VExamen chimique : « Il paraît que soit * Déjà, au mois de février 177ô, Gérard qui était eu relation avec Van Wyn, avait demandé el obtenu raulorisation de faire copier pour lui quelques écrits flamands concernant la bataille de Woeringen. qui se trouvaient parmi les manuscrits de la Bibliothèque royale. 108 LIVRE I. — 1774. qu'on considère cet ouvrage pour la culture des pommes de terre ou comme cultivateur; soit pour l'utilité qu'on en peut retirer pour la nourriture du peuple et pour les arts; ou si on l'envisage comme physicien ou enfin comme médecin; il paraît, dis-jc, qu'il fait honneur à son auteur, et lui mérite le témoi- gnage d'estime et de distinction que la faculté de médecine de Paris lui a accordé. » [Cette faculté avait décidé que l'ouvrage serait envoyé au ministre.] Quant au mémoire qui avait été couronné par l'Académie de Besançon et dans lequel les pommes de terre étaient préconisées comme pouvant suppléer au défaut des grains, Vounck souhaitait avec Tauteur qu'on pût les avoir mûres en toute saison. Le rapport sur le manuscrit relatif aux huiles animales avait pour conclusion : « [Quoique M. Parmentier] manque le but qu'il s'était proposé dans ce mémoire, je dois vous l'avouer, messieurs, que son mémoire prouve assez son homme chimiste et chimiste laborieux, infatigable et travaillant avec réflexion... » — Pour ce qui était du mémoire sur les eaux minérales sulfureuses, « il ne méritait pas l'attention de l'Académie. » L'élection de Parmentier ayant été mise au scrutin, « il eut quelques suffrages, mais point en assez grand nombre pour pou- voir lui donner entrée dans l'Acadéune. » a L'Académie requit [ensuite] le directeur de faire connaître à MM. de Launay et Caels, ... que ce corps désirerait qu'ils lui présentassent quelque autre mémoire avant que de les mettre en élection, et de leur insinuer que c'était pour ne pas les décou- rager par un refus que l'Académie ne les avait point fait passer au scrutin. » Nous avons déjà parié de Caels : on se rappellera que dans la séance du 6 octobre 1775, il avait fait savoir qu'il s'occu()aitd'un Traité des minéraux nuisibles aux hommes ou aux bêtes, et que l'Académie avait exprimé le désir de connaîlre le plan de cet ouvrage. — Le 5 novembre, il avait présenté une pièce intitulée : Dissertatio de arsenicalibus eorumqiie antidotis. M. Du Ron- deau, chargé de l'examen de cette dissertation, fit son rapport le 5 janvier 4 774 : « 11 observa que le mémoire de M. Caels n'était LIVRE I. 1774. 109 pas une pièce à procurer à son auteur une place d'académicien, puisque l'auteur y traitait la matière plus en médecin qu'en naturaliste, et qu'à tous égards ce n'était pas là une pièce dont l'Académie pourrait jamais faire usage, qu'il ne s'y trouvait rien de neuf et que M. Caels ne faisait qu'effleurer la matière. » Louis de Launay, qui devait occuper un des premiers rangs dans l'Académie, s'y produisit d'abord sous le voile de l'anonyme. On lit dans le protocole de la séance du 6 octobre ^773 : « Le secrétaire fit connaître à l'assemblée qu'il venait d'engager un jeune homme ... domicilié à Bruxelles, à s'appliquer à quelque ouvrage et à le présenter à l'Académie, en lui donnant à entendre que moyennant cela il pourrait se frayer l'entrée dans ce corps; que ce n'était qu'après l'assurance qu'il avait donnée à ce jeune homme que son nom demeurerait secret, au cas que son ouvrage ne fût point goûté, qu'il l'avait déterminé à lui remettre un mé- moire contenant quelques recherches sur l'origine des fossiles accidentels du Brabant, avec quelques réflexions préliminaires sur la théorie de notre globe, mémoire que ce secrétaire produisit à l'assemblée et qui fut remis à l'examen de MM. Needhara et Caussin. » Louis de Launay était fils d'un secrétaire de légation au service (le l'Autriche, qui mourut à Paris en 1749, après avoir résidé successivement à Dresde, à Breda, et à Aix-la-Chapelle pendant le congrès. Après la mort de son mari, M'"^ de Launay se retira à Bruxelles avec ses deux enfants, une fille au berceau et le jeune Louis, alors âgé de neuf ans. Plus tard, celui-ci avait pris ses degrés de licencié en droit à l'Université de Louvain : en 1773, il était avocat au conseil de Brabant. Son mémoire sur les fossiles avait été assez bien accueilli pour qu'il s'en déclarât l'auteur, mais, comme on l'a vu, l'Académie résolut d'ajourner son élection. Avant de passer au concours de 1774, nous donnerons un extrait du protocole de la séance du 7 février : « Lorsqu'on allait procéder au choix des nouveaux membres, le secrétaire informa que MM. de Nelis et de Witry l'avaient autorisé à voter pour eux, en lui faisant connaître leur intention sur le choix à faire. On MO LIVRE 1. — 1774. agita la question, si l'on permettrait de faire choix par procuration, et après quelques contestations il fui résolu que pour celle fois et sans conséquence, le secrétaire pourrait disposer des suffrages de MM. de Nelis et de Witry. [Après qu'on eut terminé les élections,] il fut observé que dans presque toutes les assemblées, sauf à celle du mois d'octobre, il y avait des académiciens absents ; qu il conve- nait cependant que tous les membres de l'Académie assistassent aux élections, vu qu'il pourrait résulter des inconvénients de laisser donner les suffrages par procuration, et que d'un autre côlé les académiciens pourraient être mécontents de n'avoir point de part aux élections, et il fut résolu « que désormais on ne pour- » rait procéder à l'admission de quelque nouveau membre qu'une » seule fois par an, savoir dans la séance du mois d'octobre de » chaque année, bien entendu néanmoins que les aspirants qui » ne se seraient pas faire connaître avant le premier juillet pré- » cèdent, seraient renvoyés par rapport à leur admission à la y> séance du mois d'oclobre de l'année suivante. » Les résultats du concours furent proclamés dans la séance du 14 octobre. Trois questions avaient été proposées : deux sur l'histoire, une sur la physique. Sur la première question d'histoire : « Quels sont les change- ments que l'établissement des grandes abbayes aux Pays-Bas dans le VH' siècle, et l'invasion des Normands dans le IX% ont apportés à nos mœurs, à notre police et à nos usages ? » l'Académie avait reçu deux mémoires, mais aucun n'avait été jugé satisfaisant. Sur la seconde question d'histoire : « Donner une description abrégée des principales rivières qui arrosent les Pays-Bas; dis- cuter les changements arrivés à leurs lits; narrer les travaux entrepris, soit pour rendre ces rivières plus navigables, soit pour établir une communication entre elles et différentes villes ou cantons, jusqu'au commencement du règne de Charles-Quint, » trois mémoires avaient été envoyés, et l'Académie, pour ne pas décourager les concurrents, avait décerné le prix à M. Heylen, professeur à l'Université de Louvain. LIVRE I. 1774. ili La question de physique avait pour oI)jet de rechercher « si la pratique des enclos, tels que la nature du terrain en admettra, adoptée en Angleterre, est avantageuse aux défrichements, et en général quel est le moyen le plus expéditif de fertiliser les terres nouvellement défrichées. » Des sept mémoires qui avaient concouru, trois avaient mérité une récompense. Deux médailles d'or avaient été accordées, avec l'assentiment de S. A. R., l'une au sieur De Coster, d'Anvers, Faufrc à Dom Hickmann, religieux de l'abbaye de Saint-Hubert. M. de Launay avait obtenu un accessit, et il fut reconnu que son mémoire avait particulièrement rempli le but de l'Académie en ce qui concernait la théorie des enclos. Lorsqu'il s'était agi, au mois d'avril i773, de choisir une ques- tion de physique, on n'avait point pu tomber d'accord : quatre questions avaient été indiquées, et c'est le ministre plénipoten- tiaire qui s'était décidé pour la question relative au défrichement des terres. Au mois de novembre 1774, l'Académie fit remettre au prince de Starhemberg un mémoire sur la situation de cet établissement et sur les moyens de le placer sur un meilleur pied. La présenta- tion de ce mémoire avait été résolue dans la séance du 1 5 octo- bre, et le ministre avait consenti à le recevoir, promettant d'en appuyer le contenu auprès de Sa Majesté. Il avait été préparé par un comité composé de MM. Needham, Gérard et Marci, et rédigé par Gérard. Nous l'avons jugé assez intéressant pour le donner ici en entier: Mémoire sur l'état actuel de l'Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles. « Les sciences et les lettres étaient cultivées a.ux Pays-Bas lorsqu'elles étaient encore négligées dans les contrées voisines. Les ducs de Bour- gogne aimaient les belles-lettres; ils distinguaient ceux qui s'y atta- chaient, et leur Bibliothèque était une des plus fameuses de l'Europe. Les débris qui en restent encore à Bruxelles, sont des monuments qui attestent que ces princes n'épargnaient rien pour se procurer les meilleurs 112 LIVRE I. — 1774. ouvrages du temps; leur siècle produisit des hommes célèbres; Monstrclet et Chastellain sont de ce nombre : et les mémoires que Philippe de Com- mines et Olivier de la Marche, gentilshommes de leur cour, nous ont laissés, prouvent que la noblesse avait dès lors des talents littéraires. « Malgré la régence orageuse de Maximilien d'Autriche qui avait épousé rhérilière de Bourgogne, les belles-lettres continuèrent d'être protégées dans ces provinces : comment ne l'auraient-elles pas été? Ce prince aimait les sciences et les savants, composa lui-même des poésies, et donna les mémoires de sa vie. » Marguerite, fille de Maximilien, qui rendit son gouvernement si célèbre par sa sagesse et par sa prudence, et dont nous avons aussi quel- ques ouvrages en vers et en prose, encouragea et fit fleurir également les belles-lettres. Elle attira à sa cour des étrangers de grande répula- lion, distingua les gens de lettres du pays, et par les faveurs qu'elle répandit sur les uns et sur les autres, elle acquit ajuste titre le nom de protectrice des belles-lettres. Elle procura au fameux Corneille Agrippa le titre d'historiographe de l'empereur Charles V, et Jean Molinet, poète, historien et bibliothécaire de cette princesse, fut décoré de celui d'histo- riographe des maisons d'Autriche et de Bourgogne. » Les troubles qui sous le règne de Philippe II agitèrent ces provinces et qui leur furent si funestes, n'y détruisirent cependant pas le goût pour les sciences et les belles-lettres. Granvelle, ministre de ce prince, était le Mécène de son siècle. Il vécut familièrement avec les gens de lettres, leur procura des dignités, des emplois et des récompenses; aussi vit-on alors paraître aux Pays-Bas un grand nombre de savants et d'écri- vains distingués. L'énumération en serait trop longue : on se contentera de rappeler le chef et président Viglius, le conseiller garde des sceaux Hopperus, le chancelier de Brabant Peckius, le fameux géographe Ortelius et le savant Lipsius. » Depuis cette époque, les sciences et les belles-lettres allèrent en déclinant : sans protecteur, comme sans appui, il était impossible de les voir prospérer. L'Université de Louvain produisit par intervalle quel- ques gens de talents, mais quel fruit en rctira-t-elle? Aucun, un homme de lettres isolé ne pouvant donner le ton à la multitude qui, servilement attachée aux préjugés anciens, s'élevait sans ménagement et s'acharnait même contre ceux qui annonçaient vouloir abandonner les vieilles roules pour en frayer de nouvelles, moins longues et plus propres à mener aux bonnes études. 11 est arrivé de là que l'Université de Louvain, autrefois si LIVRE I. 1774. 113 célèbre, est successivement déchue de son ancien lustre, au point qu'elle ne peut plus aujourd'hui être mise en parallèle qu'avec les Universités de second ordre. 0 Ce fut dans ces circonstances que S. M. agréa en 1769 l'établisse- ment de la Société littéraire de Bruxelles. Le but de cet établissement était non-seulement de faire renaître aux Pays-Bas le goût pour les belles-lettres, mais aussi d'introduire avec le temps des bonnes études dans l'Université de Louvain. « Le premier concours pour les prix que la Société distribua, fut grand. Cela prouvait qu'il ne manquait pas dans ces provinces des sujets instruits, versés dans les belles-lettres et surtout dans l'histoire. Cela devait faire présumer de plus, que plusieurs d'entre eux se seraient présentés pour être agrégés à ce corps. L'événement ne répondit pas à l'attente : mais il paraît certain que les vues du gouvernement auraient été parfaitement remplies dès lors, si on avait été autorisé à présenter la perpective attrayante des pensions à ceux qui se seraient distingués par leur zèle, leur application et leur travail. Feu le ministre plénipo- tentiaire le comte de Cobenzl, qui avait pris le titre de président de la Société littéraire, avait promis à la vérité des pensions à quelques mem- bres de cette Société, mais la mort de ce ministre fit évanouir tout espoir de récompense et mit rétablissement à deux doigts de sa chute. ■> En effet M. le chef et président comte de Neny, qui dans le com- mencement avait paru vouloir secondcrles bonnes intentions du ministre plénipotentiaire et qui même avait j)résidé à l'une des assemblées de la Société, ne fut plus disposé à s'en occuper dans la suite; aucun membre du gouvernement n'y prenait intérêt, et la Société, à qui on n'avait pas même désigné d'endroit pour la tenue de ses assemblées, ne savait à qui recourir : ceux qui la composaient n'y avaient pas été reçus par choix : les uns avaient accepté uniquement par zèle pour les progrès des lettres la place de membre qu'on leur avait donnée, les autres y étaient conduits par l'espoir d'une récompense. Ils ne tardèrent pas d'apercevoir qu'on se flatterait en vain des progrès de cet établissement, si on ne lui donnait pas une existence légale, et si on n'assurait pas des récompenses aux membres les plus actifs et les plus laborieux. » On résolut donc dans ces circonstances de supplier S. M. de conso- lider rétablissement en lui accordant des lettres patentes, et en y ajou- tant la faveur de ces pensions. Il n'entrait point dans l'esprit de la demande de faire d'abord distribuer ces pensions, mais on espérait que Tome XXXIV. 8 1 114 LIVRE 1. — 1774. par Tappât d'un intérêt futur et assuré, on engagerait des gens instruits,, et d'ailleurs de bonne volonté, à rechercher des places d'associés. « Cet état de choses ayant été mis sous les yeux de notre auguste sou- veraine, il lui a plu enfin de faire expédier des lettres patentes au grand sceau, datées de Vienne le dG décembre i772, par lesquelles, en éri- geant la Société littéraire en Académie des sciences et belles-lettres, Elle eut la bénignité d'accorder une noblesse personnelle à ceux qui y étaient déjà admis, ou y seraient admis dans la suite, et d'assigner une somme annuelle de trois mille florins pour la dotation de l'Académie. J| » Il est très probable que si S. M. avait daigné permettre alors que les deux tiers de cette somme eussent été convertis en pensions, cette faveur pécuniaire, ajoutée aux marques d'honneur et de confiance que les lettres patentes donnaient aux membres de l'Académie, aurait produit les meilleurs effets; mais la plupart de ces membres n'envisageant pas une simple gratification qu'on leur faisait espérer, comme une récom- pense digne d'un homme de lettres, n'en demandèrent pas; un, ou deux, qui en reçurent dans l'espace de deux ans tinrent la chose secrète; et on ignorait pour ainsi dire dans le public, que l'Académie avait à sa dispo- sition une somme de trois mille florins. « Cependant les membres les plus zélés de cette compagnie, dans la vue d'exciter les jeunes gens au travail, ne cessèrent de répandre partout que les sciences et les lettres allaient être puissamment protégées ^ l'érection d'une Bibliothèque publique, qui se fit à peu près dans le même temps, vint confirmer leurs discours; les largesses d'une quantité de citoyens respectables, qui augmentèrent considérablement cette Biblio- thèque, tout cela annonçait de beaux jours à la littérature belgique. » Déjà plusieurs savants étrangers avaient sollicité avec empressement et obtenu une place dans l'Académie. Le secrétaire perpétuel lui avait procuré une correspondance suivie avec les Académies de Manheim, de Besançon et de Zélande, ainsi qu'avec divers gens de lettres; son zèle lui aurait même fait augmenter ses liaisons littéraires si, d'un côté, les occu- pations de son emploi lui en avaient donné le loisir, et si, de l'autre, il avait pu compter sur le secours et les lumières de quelques-uns de ses collègues pour entreprendre et soutenir une correspondance plus éten- due,- mais ce secours lui manquait et devait lui manquer : peu de mem- bres résidaient à Bruxelles; et ceux qui y demeuraient, ne recevant et ne pouvant espérer de pension, se contentaient de fréquenter les assem- blées mensuelles de l'Académie et d'y lire de temps en temps quelques mémoires. Pouvait-on avec raison en exiger davantage? 1 LIVRE 1. 1774. ii5 « Aussi rAcadémic, qui gagnait de la considération chez Tétranger, commençait à en perdre dans le centre et le lieu même de son établis- sement, et peu à peu dans les autres villes des Pays-Bas. Une autre circonstance y contribua beaucoup: ce fut la retraite de deux de ses membres, qui avaient été agrégés à la ci-devant Société littéraire lors de son institution, et qui la quittèrent au moment qu'elle fut érigée en Académie. 1) L^un de ces membres, le docteur primaire en médecine de l'Univer- sité de Louvain, Van Rossum, est un homme d'une grande érudition et ayant une fortune fort honnête. Il n'avait à la vérité produit aucun mémoire à la Société littéraire, dans laquelle même il ne paraissait être entré que pour ne pas déplaire, par son refus, au comte de Cobenzl,mais ses lumières ne le firent pas moins regretter '. « L'autre de ces membres, le sieur Seumoy, passe ajuste titre pour un très habile mécanicien; il s'était exactement rendu à toutes les séances de la Société litléraire. Il avait fourni plus de mémoires qu'aucun autre de ses collègues; il ne s'était refusé à aucune sorte de travail, dont la Société avait jugé à propos de le charger: en un mot, son zèle égalait ses talents. Il quitta toutefois l'Académie par la raison qu'on ne lui avait pas donné une pension qu'il méritait en effet, et saisit l'occasion qui se présenta, d'un emploi médiocre, mais plus utile pour lui que la qualité stérile d'académicien. » La perte de ces deux membres^ dont l'un avait acquis un grand crédit dans l'Université de Louvain, fit d'autant plus de tort à l'Aca- démie, qu'outre qu'elle était privée par là de deux excellents sujets, ceux-ci ne cachaient pas, surtout le dernier, qu'on les avait amusés par de vaines promesses. « Insensiblement les concours pour les prix devinrent moins nom- breux : à l'exception de quelques anciens membres de la Société litté- raire qui furent agrégés comme tels à l'Académie, et de cinq nouveaux membres qui furent admis dans les premiers moments de l'existence de ce corps, les autres places d'académiciens regnicoles demeurèrent ouvertes. L'inactivité et le découragement succédèrent au zèle et au tra- vail; enfin le publie étonné ne vit bientôt dans l'Académie de Bruxelles érigée par des lettres patentes de S. M. qu'un établissement chancelant, * Nous avons vu que Van Rossum avait été exclu de rAcûdémie, en vertu d'une décision raliliée par le miiiislre plénipotentiaire. Éd. M. \\G LIVRE I. — i-ni. éphémère, et que la mort ou la retraite de quelques membres utiles qui lui restent encore, allait anéantir pour toujours. » Ce fut pour détourner Torage qui menaçait de toutes parts, et prévenir la chute déshonorante d'une compagnie, dont les dehors bril- lants paraissaient devoir assurer la consistance et la durée, que S. A. le ministre plénipotentiaire, touché par la vérité des motifs que l'on vient d'exposer, les porta à la connaissance de l'impératrice, les étaya par son crédit, et obtint de la bienfaisance de S. M. un certain nombre de pen- sions, dont une partie devait être distribuée à quelques membres actuels de l'Académie, et l'autre, être réservée pour des savants regnicoles ou étrangers, qui demanderaient à y être admis dans la suite. n Moyennant cela on croyait, à la première vue, qu'on avait enfin ^ atteint le but qu'on s'était proposé depuis longtemps; mais cette faveur ■' qui dans d'autres temps aurait été regardée comme pouvant conduire à l'objet qu'on avait en vue, n'a plus eu la même valeur ni le même poids dans le moment où elle a été résolue. « La Société des jésuites venait d'être supprimée aux Pays-Bas, et les principaux membres de l'Académie, moins guidés par l'intérêt que par leur zèle pour le bien de la chose, supplièrent S. A. le ministre plénipo- tentiaire de vouloir tenir en suspens la distribution de ces pensions, jusqu'à ce que l'Académie eût pu avoir l'honneur de lui faire là-dessus des représentations ultérieures, à quoi ce prince acquiesça. « On observa donc au nom et de la part de cette compagnie, qu'en supposant même que la somme de 4 200 florins, que S. M. a daigné lui accorder au mois de décembre de l'année dernière, puisse suffire à ses besoins et aux pensions à donner aux membres qui les ont méritées par leur travail, ce qui est d'autant moins probable que presque toutes les places d'académiciens sont occupées par des gens d'une fortune médio- cre, et qu'à en juger de ce qu'on a vu jusqu'ici, on ne peut guère espérer que ces places seront recherchées dans la suite par des personnes atta- chées au gouvernement, ou ayant de quoi vivre d'ailleurs (quoique l'on voie dans d'autres pays les mêmes places d'académiciens sollicitées avec empressement par ce qu'il y a de plus distingué dans le ministère et dans la robe), encore ne saurait-on se promettre, que d'ici en quelques années l'Académie pût par ses progrès, l'on ne dit pas aller de pair avec les Académies nouvellement érigées dans la plupart des grandes villes de l'Europe, mais seulement les approcher; et cela parce que cet établisse- ment est dépourvu de plusieurs objets de nécessité et de convenance que LIVRE I. — 1774. t 17 les autres ont, et sans lesquels le zèle même le plus ardent et le mieux récompensé ne pourrait faire souvent que des efforts inutiles. Tels sont : — l^» Un Cabinet de physique. — 2» Un Laboratoire de cftimie, pour faire et répéter les expériences qu'on annonce de différentes contrées du monde, et en produire de nou- velles. — 5<» Un Observatoire sans lequel il n'est pas possible de faire des ob- servations astronomiques ou météorologiques, observations qui seraient fort utiles pour ces provinces, et qui sont absolument nécessaires, si l'on veut entretenir une correspondance fructueuse avec les autres Acadé- mies qui savent mettre toutes ces choses à profit, au grand avantage de leur pays et de la navigation. — 4» Un Cabinet d'histoire naturelle. Cette histoire est en partie neuve et entièrement à défricher dans les provinces beigiques. Cependant à en juger par les pièces qu'on a déjà rassemblées, elles possèdent la plus grande partie des fossiles dont les autres nations font grand casj mais il faudra faire des voyages coûteux pour aller chercher ces fossiles, et de fortes dépenses pour les déterrer ainsi que pour les acquérir. — 5» Un Jardin botanique. Outre les premiers frais qu'il faudra faire pour l'achat des plantes, il faudra encore salarier un ou deux jar- diniers. — 6° Il convient d'avoir un dessinateur et un graveur attaché à l'Aca- démie. On ne peut sans cela donner des dessins en règle soit d'une nou- velle machine, soil d'une expérience quelconque. — 7° li'histoire civile et ecclésiastique des Pays-Bas est encore telle- ment enveloppée de ténèbres, qu'on ne peut lui donner la clarté désirable que par lambeaux et par le moyen d'une quantité de vieux manuscrits presque indéchiffrables et épars de côté et d'autre. II faudra par consé- quent non-seulement tâcher de rassembler ces manuscrits, mais aussi en faire des copies authentiques et lisibles, ce qui exigera une dépense considérable, nécessaire toutefois, puisque sans ce secours les membres de l'Académie ne pourront jamais produire quelque pièce véritablement intéressante sur l'histoire du pays. >- On ne parlera pas ici des augmentations à faire à la Bibliothèque royale, devenue publique, parce qu'on se persuade que le bon plaisir de S. M. sera d'enrichir cette Bibliothèque, et de la rendre parfaitement complète, en lui cédant une partie de l'immense quantité de livres qui il8 LIVRE I. 1774. se trouveront dans les dilTérents collèges de la ci-devant Société des jésuites. » La circonstance de la suppression de cet ordre religieux aux Pays- Bas paraît aussi le moment le plus propre pour réaliser les espérances de l'Académie sur les autres objets que l'on vient d'indiquer comme nécessaires ou convenables, et on ne dissimulera pas que le sort de cette compagnie, son existence ou sa chute, dépendent entièrement de la disposition qu'on fera de cette partie des biens de la Société supprimée, qui faisait la dotation de deux établissements littéraires, connus sous le nom de BoUandisles et de Musueum BeUarmini. » Les fonds et revenus de ces deux établissements, qui étaient totale- ment séparés de la masse des autres biens de la Société, et dont l'admi- nistration ainsi que la distribution appartenaient aux seuls jésuites préposés à ces mêmes établissements, sans qu'ils dussent en rendre compte à personne, sont provenus en partie de la libéralité de quelques particuliers, dont les vues étaient d'assurer la continuation d'un grand ouvrage ayant pour titre Acta Scmctor^im^ objet du travail des Bollan- distes, et les progrès de l'histoire ecclésiastique et civile des Pays-Bas, dont les membres du Musaeum BcUannini s'occupaient uniquement; en partie de la somme annuelle de 1 500 florins argent d'Allemagne que S. M., à l'exemple de ses augustes prédécesseurs, a daigné continuer dans les mêmes vues aux Bollandistes, et en partie, du produit de la vente de leurs ouvrages, ainsi que de leurs épargnes sur leurs revenus respectifs. » D'après ces circonstances qui sont dans la plus exacte vérité et de notoriété publique aux Pays-Bas, il paraît que ces mêmes fonds et revenus originairement destinés à des objets littéraires, ne peuvent pas, suivant les règles de l'équité, être enjployés à d'autres usages, et qu'attendu que l'Académie des sciences et belles-lettres de Bruxelles est, de tous les établissements qui existent dans ces provinces, celui qui approche le plus de leur destination primitive, on peut espérer avec confiance que tout ce qui a appartenu ci-devant au Musaeum Bellarmini et aux Bollandistes sera désormais uni, avec la somme de 1 500 florins argent d'Allemagne que ces derniers reçoivent annuellement de la caisse de S. M., aux autres fonds de l'Académie ; et que ne doit-on pas espérer de la justice de celte auguste princesse et de la bienfaisance avec laquelle Elle se plaît de protéger les sciences, les belles-lettres et ceux qui les cultivent? Que ne doit-on pas attendre des bons et puissants offices de S. A. le ministre plénipotentiaire, informé comme il est de l'état actuel i LIVRE r. — 1774. 419 €t des besoins de l'Académie. C'est à ses soins et à son appui qu'elle doit principalement son existence, et elle en attend avec la plus grande- confiance des effets ultérieurs dans l'occasion la plus intéressante où il 5'agit de sa stabilité et de ses succès. n Au reste, au moyen de ces nouvelles faveurs, l'Académie pourrait être chargée et se chargerait très volontiers de faire successivement les dépenses nécessaires pour la formation d'un Cabinet de physique, d'un Laboratoire de chimie, d'un Observatoire, etc., etc. La sage économie qu'elle établirait dans la régie des fonds qu'on lui assignerait, la mettrait à même d'exciter les talents des artistes par des récompenses faites à propos, de distribuer de temps en temps quelques prix extraordinaires, d'acheter à ses frais pour la Bibliothèque royale les nouveaux et bons ouvrages qui paraîtront, et de compléter le Cabinet des médailles qui se trouvent dans les divers collèges de la Société éteinte, et dont l'Académie suppliera S. M. de lui accorder l'usage. » On ajoutera à tout ceci que les Bollandistcs ont travaillé, comme on Ta déjà dit, depuis plus d'un siècle à un ouvrage considérable très recherché, et qui leur a fa't infiniment d'honneur; que cet ouvrage est bien loin d'être achevé, et que n'étant pas possible que les Bollandistcs actuels l'achèvent pendant leur vie, il est à craindre qu'il ne le sera jamais complètement, ce qui serait une véritable perte et pour la reli- gion et pour la république des lettres. «> C'est pour la prévenir, cette perte, et faire cesser en même temps tes appréhensions du public à cet égard, que l'Académie se propose, si 5. M. l'agrée, de faire continuer cet ouvrage sous ses yeux, en chargeant de ce travail quelques-uns de ses membres, outre les Bollandistcs actuels, dont elle agrégerait deux à son corps, et auxquels elle paierait au sur- plus, à la décharge de la caisse royale, les pensions que le gouvernement jugera à propos de leur assigner à ce titre, indépendamment de celles dont ils jouiront comme individus de la ci-devant Société des jésuites. " Si les idées qu'on a eu Thonneur de présenter par ce mémoire, et <|uc l'on soumet aux lumières supérieures de S. A. le ministre plénipo- tentiaire, ont le bonheur d'être goûtées par- S. 3L, tous les vœux de l'Académie seront remplis; on verra bientôt alors les sciences, les arts et les belles-lettres sortir de l'engourdissement fâcheux où ils se trouvent depuis plusieurs siècles aux Pays-Bas, et parvenir de nouveau à ce ■degré de perfection et de célébrité qui a fait autrefois tant d'honneur à ces provinces. 120 LIVRE I. 1774. » L'imprimrric, jadis une des branches principales de notre commerce, la gravure, cet art agréable que nos ancêtres ont exercé avec le plus grand succès, y fleuriront comme du passé; enfin les étrangers, gens de lettres, qui dans le moment présent se contentent de passer par les provinces des Pays-Bas de la domination de l'impératrice, s'y arrêteront à l'avenir pour satisfaire leur curiosité, pour s'instruire, et pour admirer surtout, dans la capitale, un établissement littéraire affermi par les bien- faits de S. M., soutenu par une protection toujours active et éclairée, et qui fera un jour, n'en doutons pas, un des plus beaux monuments du glorieux règne de Marie-Thérèse, « On terminera ce mémoire qui n'a déjà que trop d'étendue, par supplier S. A. le ministre plénipotentiaire de vouloir, en portant à la souveraine connaissance de S. M. les objets de la très humble repré- sentation de l'Académie, y ajouter les deux observations suivantes : « La première, que si contre toute attente l'Académie ne remplissait pas les vues qui ont déterminé son établissement et la concession de tant de faveurs, il serait toujours dans le pouvoir de S. M. de retirer les grâces qu'Elle lui a faites, pour les attribuera d'autres établissements plus utiles au public et qui répondraient mieux aux intentions des donateurs. » La deuxième, que l'Académie ne saurait subsister, moins encore acquérir de la réputation par ses progrès, si elle n'obtient pas la réunion des biens ayant appartenu aux ci-devant jésuites Bollandistes et à ceux du Musacum BeUarmini^ aux autres fonds qu'elle tient déjà de la muni- ficence de S. M., et la permission de pouvoir en employer les revenus de la manière et pour les objets détaillés ci-dessus. » Détournons nos regards d'un pareil avenir : car que resterait-il dans ce cas aux membres qui composent actuellement l'Académie? Uiï zèle inutile, et les regrets d'avoir été associés à un corps devenu l'objet de la critique de nos voisins et de la raillerie plus humiliante encore de nos propres citoyens. >^ Le mémoire qui précède nous révèle la cause pour laquelle il n'avait clé dorme aucune suite à la dépêche du 24 décembre 1775, autorisant l'Académie à accorder un certain nombre de pensions : c'était la compagnie elle-même ou du moins plusieurs de ses membres qui avaient supplié le ministre de tenir en suspens la LIVRE I. 1774. 124 distribution de ces pensions. « Nos académiciens sont bien diffi- ciles à contenter, » disait à ce sujet le prince de Kaunilz: « d'abord ils dédaignaient les bienfaits de S. M. à titre de gratifications; Elle leur accorde des pensions, et tandis que les autres acadé^ niiciens de l'Europe se trouvent bonorés d'une grâce pareille, ceux de Bruxelles supplient le gouvernement de ne pas la publier. > Les académiciens de Bruxelles espéraient profiter des dépouiller des jésuites, dont la suppression avait eu lieu dans les provinces belgiques par des lettres patentes du 15 septembre 1773. A l'époque de l'extinction de l'ordre, les Bollandistes étaient parvenus à amasser un capital de 156 000 florins de Brabant^ d'où ils tiraient un revenu annuel de près de 9 134 florins; et le débit des Acta Sanctorum augmentait encore ce revenu, année commune, de 2 400 florins. Le Musaeum Bellarmini^ d'autre part, possédait un fonds d'en- viron 50 000 florins, ce qui représentait, à 5 "/o d'intérêt, 1 500 fl. de rente annuelle. Le revenu des deux établissements s'élevait donc à 15 000 flo- rins environ, ou à trois fois la dotation de l'Académie; et l'on comprend qu'il excitât la convoitise de ce corps. Mais, bien qu'appuyée par Starbembcrg, lidée de charger l'Aca- démie de Bruxelles des ouvrages des Bollandistes et des Hislorio- grapbes, et de lui attribuer les fonds qui appartenaient aux an- ciens rédacteurs des Acta Sanclorum et des Analecta Belgica rencontra une opposition très vive chez le prince de Kaunitz, et l'Académie dut se contenter de sa dotation ordinaire; elle conti- nua a se plaindre, mais aussi à vivre, en dépit des sinistres pré- dictions de quelques-uns de ses membres. Dans la séance du 16 novembre 1774, l'abbé Marci lut un Mémoire sur la façon de donner une meilleure forme à rensei- gnement des humanités, pour les rendre plus utiles et moins épineuses à la jeunesse et plus analogues aux hautes sciences, auxquelles elles servent de préparation. « Les personnes éclairées souhaitaient depuis longtemps qu'on introduisît un changement dans les études. La conjoncture qui paraissait favorable, détermina M. de Marci à communiquer ses 122 LIVRE 1. n7i. vues; l'Académie ne pensa point que cet objet fût indigne d'elle, et ce mémoire fut bientôt suivi de deux autres, ... l'un intitulé : Mémoire sur les écoles et les éludes d'humanités contenant des réflexions tirées de Ihisloire avec une notice tdphabélique de quelques savants maîtres d'école du seizième siècle, par M. l'abbé de Nelis; l'autre : Discours sur la méthode dont on pourrait se servir pour enseigner à la jeunesse le latin et les autres sciences mentionnées dans le mémoire de M. de Marci , par M. Des Roches. L'Académie ayant présenté ces trois pièces au gouverne- ment, qui seul pouvait introduire la réforme, le prince de Star- hemberg pensa comme elle sur l'importance du sujet, et témoigna sa satisfaction de la manière dont les auteurs l'avaient traité. » (Journal des séances.) D'après les protocoles, le mémoire de Nelis et le discours de Des Roches furent lus par leurs auteurs le 29 décembre. Le 50 janvier, le secrétaire informa l'Académie que connais- sant à M. Des Roches, membre de l'Académie, des talents par- ticuliers pour l'enseignement des humanités, il l'avait requis de former un mémoire sur cet objet, et de le remettre à l'Académie pour que celle-ci puisse ensuite le mettre sous les yeux du gou- vernement; que iM. Des Roches, satisfaisant à sa réquisition, avait travaillé à ce mémoire dont il lui avait adressé le commence- ment, en annonçant qu'il adresserait successivement la suite à l'Académie, si celle-ci agréait son travail. — Le secrétaire fit la lecture de la partie du mémoire que M. Des Roches lui avait remis, et ce mémoire ayant été approuvé, il fut chargé de requé- rir l'auteur d'en donner la continuation, de faire faire une copie de ce mémoire et de le présenter à S. A. le ministre pour que celui-ci pût en faire tel usage qu'il jugerait nécessaire dans les circonstances qu'il s'agissait, à l'occasion de la suppression des jésuites, d'introduire une nouvelle forme dans les basses classes des humanités. » S'agil-il ici d'un nouveau mémoire, distinct de celui qui avait été lu par Des Roches dans la séance du 29 décembre? Nous ne saurions le dire. Quoi qu'il en soit, les trois pièces dont nous avons donné les LIVRE I. 1771. 123 titres furent transmises à l'impératrice avec une Relation du prince Charles de Lorraine du 24 avril 1776 S et comme annexes d'un rapport du ministre plénipotentiaire, du 20 du même mois. Selon le prince de Starhemberg, le mémoire de Marci présen- tait de très bonnes idées, en touchant en même temps les défauts qui affectaient l'enseignement antérieur à la dissolution de la Société des jésuites. — Le mémoire de Des Roches renfermait des vues encore plus élaguées avec un développement également très intéressant de principe et d'application. — Celui de Nelis n'était pas bien étendu, mais il n'était pas moins intéressant; il indiquait d'une manière lumineuse et par des motifs fondés sur la raison comme sur l'expérience ce qu'il convenait de faire à présent pour établir quelque chose de solide et de durable. On sait que les trois académiciens, dont il est ici question, firent partie de la Commission royale des études instituée en 1777. CHAPITRE XL Les mesures prises pour la pahlicalion des mémoires des académiciens- Réclama- tions de MM. Vounck et de Launay. — I^laintes au sujet de l'abandon dans lequel on laisse lAcadémie. — Les candidats aux places de membres. — Le concours de 177"), — Le remplacement de Gérard par Des Roches comme secrétaire de l'Académie. il allait y avoir six ans que la Société littéraire avait été établie, et deux ans qu'elle avait été consolidée sous le tilre d'Académie impériale et royale; et bien qu'un assez grand nom- bre de mémoires eussent été lus dans les séances, on n'avait pas encore songé à les faire imprimer, tandis que les mémoires cou- ronnés avaient paru presque tous. Le 16 novembre 1774, sur la proposition de M. de Witry, ' Archiv. du roy. de tîelg. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne ; D. 100, ad. lit. X. 1 (ad n""" 23). \u LIVRE I. « le secrétaire fut chargé de former une liste de tous les mé- moires sur la physique, les sciences, elc, et de l'envoyer avec les mémoires à MM. les membres de la classe physique, à chacun en particulier, en les priant de vouloir s'expliquer par écrit sur chaque mémoire, en s'expliquant nommément sur ceux qu'ils jugeaient dignes d'impression, et en indiquant les corrections ou changements qu'ils croiraient devoir y être faits. Il fut résolu que les avis que les académiciens rendraient sur les mémoires reste- raient secrets, et qu'après que ces avis seraient rentrés, le prési- dent et le secrétaire examineraient ces avis et rendraient ensuite compte à l'Académie de leur résultat. — Le secrétaire fut chargé de suivre la même marche pour la circulation des mémoires his- toriques que pour ceux concernant la physique. » Le 29 décembre, « le secrétaire rendit compte à l'assemblée de ce qu'il avait envoyé les mémoires concernant la classe des arts à MM Needham, Chevalier, Witry,Marci, Vounck et Du Ron- deau; et M. Vounck porta des plaintes de ce qu'on avait fait des changements à son mémoiie [sur le quinquina], ou pour mieux dire qu'on en avait fait un extrait qu'il désavouait. M. Needham, à la réquisition duquel M. de Wilry avait fait cet extrait, prétendit qu'on n'avait fait qu'ôler les choses inutiles du mémoire, mais M. Vounck soutint que son mémoire était détérioré et s'opposa à l'impression de cet extrait. Pour terminer celte contestation, il fut résolu que M. Vounck se chargerait de faire faire lui-même les corrections au style de son mémoire, et que pour éviter dans la suite pareilles altérations, chaque académicien ferait faire les corrections à son mémoire par qui il trouverait bon. — Il fut aussi résolu de donner des extraits, ou au moins de faire mention dans Ihistoire de l'Académie, des mémoires qui auraient été lus dans les séances et qui n'auraient pas été adoptés. ». Les abbés Needham et de Wilry avaient la manie des change-, ments. Dans la séance du G septembre 1775, « le secrétaire fit la lecture d'une lettre que M. de Launay,qui avait remporté l'année précédente l'accessit de la question physique, lui avait écrite, par laquelle en se plaignant des changements faits à son mémoire, il déclarait de le désavouer et de l'avoir déjà désavoué à Vienne LIVRE I. — 177S. 125 OÙ il ctnit actuellement'. — MM. Needhain et de Wilry qui avaient revu ce mémoire avant qu'il eût été remis à Timpri- meur, et dont le premier avait veillé à l'impression, demandèrent communication de cette lettre et du mémoire original de M. de Launay, pièces qui leur furent remises. 11 fut au reste observé qu'il ne convenait pas qu'on fît des changements aux mémoires des concurrents pour les prix, et que l'Académie devait se bor- ner h corriger les fautes d'orthographe s'il s'en trouvait. » Ceci n'était nullement à craindre avec de Launay, qui fut un des rares membres de l'Académie, où il entra plus tard, dont le style ne laissait rien à reprendre sous le rapport de la correction et de la pureté, si ce n'est, dans les premiers temps, un certain nom- bre de germanismes provenant de sa première éducation qui avait été toute allemande. — Le 14 octobre, « la séance se termina par la lecture que fit M. de Witiy dune espèce de justification par laquelle il démontra [ou chercha à démontrer] que c'était à tort que M. de Launay se plaignait des changements faits à son mémoire, puisque ceux qu'on y avait faits n'étaient pas essentiels et ne détérioraient pas, comme M. de Launay le prétendait, le dit mémoire. » Au mois de décembre, une autre plainte fut formée par de Launay contre Needhara, voici dans quelle circonstance. Un précis du mémoire sur l'origine des fossiles accidentels du Bra- bant, dont il a été parlé ci-dessus, avait paru dans le n° d'août du Journal de physique de l'abbé Rozier (t, VI, pp. 113-124). De Launay écrivit de Vienne à l'un des académiciens [Gérard?], « que ce n'était ni de sa connaissance ni de son aveu que cette pièce se trouvait insérée dans ce journal, et qu'il désavouait et désavouerait dans l'occasion l'espèce de sortie qui se trouvait dans cette analyse contre M. de Voltaire et contre les nouveaux philosophes dont il n'était point parlé dans la pièce qu'il avait I présentée à l'Académie. » Il fut résolu, à cette occasion, d'ajouter l'article suivant au * Il y avait accompagné sa mère qui éîait allée solliciter une pension auprès de rimpéralrice. Ed. M. 126 LIVRE I. — 1775. règlement : « Les membres de l'Académie ne pourront dans aucun cas publier, sans le consentement de l'Académie, aucun mémoire lu dans les séances, soit que cette pièce ait été faite par un académicien, soit qu'elle ait été adressée à l'Académie par un étranger. » Nous revenons maintenant à la publication des mémoires des membres par la compagnie. Le 6 septembre d775, « l'on mit en délibération quel serait le meilleur moyen de faire choix des mémoires des membres de l'Académie qu'on ferait imprimer : il fut d'abord observé quil y avait plusieurs inconvénients à faire, comme on l'avait fait jusques ici, circuler les mémoires, et il fut résolu que M. le président nommerait pour l'examen de chaque mémoire trois commis- saires. — L'on délibéra aussi sur les moyens les plus propres pour prévenir que les mémoires adoptés ne se trouvassent rem- plis de fautes de style, d'orthographe, et quelques membres pro- posèrent de prendre un correcteur en titre, mais d'autres observèrent que cela ferait mauvais effet dans le public, et il fut enfin décidé qu'en attendant que l'Académie nommât quelqu'un de ses membres pour remplir cette besogne, les auteurs se char- geraient de faire corriger leurs mémoires par qui ils trouveraient bon. » Le même jour, dans une séance tenue l'après-midi, « on mit en délibération s il convenait de nommer des commissaires pour les mémoires lus dans les différentes séances, qui avaient déjà circulé entre les membres de 1 Académie, et sur l'observation qu'entre les rapports faits sur les dits mémoires, il y en avait plusieurs qui n'étaient pas assez détaillés, il fut résolu que M. le président nommerait des commissaires pour examiner de nouveau tous les mémoires et pour y rendre ensuite leur avis en commun. » Le gouvernement n'avait fait aucune réponse au mémoire que l'Académie lui avait envoyé au mois de novembre de l'année précédente. Aussi les plaintes se multipliaient-elles, et il ne se passait presque plus de séance, sans qu'il s'en produisît. Le 50 janvier 1775, l'abbé Chevalier « insinuait à l'assemblée LIVRE I. 177S. 127 qu'il ne lui était pas possible de faire des observations astrono- miques, faute d'Observatoire et d'instruments: sur quoi il fut dit que dès l'établissement de la Société littéraire, ce corps avait exposé au gouvernement la nécessité qu'il y avait de faire con- struire un Obscrvaloire et de faire l'acquisition non-seulement des instruments astronomiques, mais aussi d'un Cabinet de physique, et de former successivement une collection de fossiles et de pétri- fications de ces pays; que lors de l'érection de l'Académie, les académiciens avaient répété leurs demandes et avaient représenté l'impossibilité de faire quelques découvertes dans les arts et sciences sans ce secours, mais qu'on n'avait jusqu'ici eu aucun égard à leurs propositions ni à celles qu'ils avaient faites sur quelques autres objets qu'ils croyaient nécessaires et même indis- pensables pour accélérer les progrès des belles-lellrcs; que dans cet état de choses on ne devait espérer grand fruit de l'Académie qui était privée des choses les plus nécessaires, et qui n'avait pas même à sa disposition la moindre somme. » Le 5 avril, en attendant l'arrivée du président, « l'on fît quelques observations sur l'état actuel de l'Académie; il fut observé entre autres que cet établissement ne pouvait subsister tel qu'il était; que loin d'acquérir de la considération, l'Académie perdait de jour en jour aux yeux du j)ublic qui ne la regardait que comme un établissement abandonné parle gou\ernement, et qui n'ayant aucuns fonds ni ressources, ne serait jamais à même de pros- pérer : il y fut répliqué que (piel que fût le sort de l'Académie, on ne pourrait avec justice en altiibucr la chute aux membres qui avaient fait ce qui dépendait d'eux; que si les mémoires qu'ils avaient produits n'étaient pas aussi intéressants qu'ils l'auraient pu être, la chose n'avait point dépendu des auteurs qui, privés des instruments de physique, d'astronomie et des monuments historiques, avaient été obligés de s'attacher à des objets qu'ils pouvaient traiter sans le secours de ces instruments et monu- ments. » Le 7 février 1776, on répéta que l'Académie « tirait vers sa décadence; » on ajouta « que depuis longtemps on avait prévu qn'[clle] ne pourrait pas se soutenir; qu'on avait fait plusieurs 128 LIVRE I. — 1775. représentations à ce sujet, tant de bouche que par écrit, depuis deux ans, et qu'on ignorait si le gouvernement voulait soutenir ou laisser tomber un établissement qu'il avait formé lui-même, puisque c'était à la réquisition du gouvernement que les mem- bres de la ci-devant Société littéraire s'étaient assemblés sous les promesses qu'on leur fit que de la part du gouvernement on con- courrait à tout ce qui pourrait contribuer au progrès des belles- lettres et des sciences. » Quatre membres seulement assistaient à celte séance du 7 févrioi" : c'étaient l'abbé Nccdham, Gérard, de Hesdin et l'abbé Chevalier. Needham désirait depuis longtemps voir créer à Bruxelles un Cabinet de physique; dès l'année 1769, il avait fait sentir au ministre plénipotentiaire, comte de Cobenzl, la néces- sité d'un pareil établissement : l'existence même de la Société littéraire en dépendait absolument d'après lui, et il avait appuyé de toutes ses forces l'acquisition du Cabinet d'un certain Delor, physicien de Paris '. Chez Gérard l'habitude de se plaindre était devenue une seconde nature ; mais Chevalier aimait réellement l'astronomie dans laquelle, comme nous l'avons dit, il s'était fait une certaine réputation, et il se désespérait de n'avoir à sa dispo- sition ni Observatoire ni instruments. En attendant qu'une solution gouvernementale intervînt, l'Académie se contentait, en quelque sorte, d'expédier les af- faires courantes, si l'on peut s'exprimer ainsi : elle ajournait tout le reste. Le secrétaire perpétuel étant revenu, dans la séance du 19 décembre 1774, sur la nécessité de multiplier les assemblées, « on remit à prendre des arrangements à ce sujet jusqu'à ce qu'il y aurait une décision sur les représentations de l'Académie.» Le 11 octobre 177S, « l'on mil en délibération l'élection des nouveaux membres : il fut observé qu'il serait bon de ne faire aucune élection jusqu'à ce que S. M. aurait daigné disposer sur les représentations de l'Académie, et la pluralité se rangea à cet avis sous la réserve, que Télcction qui aurait dû se faire dans la séance * Archiv. du roy. de Delg. Secrélaireiie d'État et de guerre : Académies. LIVRE I. ■ — 1775. 129 d'octobre, ne serait envisagée que comme suspendue, et qu'on y procéderait dès qu'il y aurait une disposition sur les représenta- tions de l'Académie. » Plusieurs candidats s'étaient présentés, savoir : pour la classe physique, le lieutenant-colonel du génie de Hucher et le lieutenant de la même arme Bournons; pour la classe historique, le Père Jérôme de Saint Jean-Baptiste, carme chaussé, et les quatre ci- devant jésuites Bollandistes. De Hucher avait envoyé un mémoire sur une machine destinée à curer et à approfondir les [lorts de mer, les- canaux et rivières et autres pièces d'eau; mais d'après l'académicien Mann, celte machine se trouvait décrite dans Belidor, et l'auteur ne l'avait perfectionnée qu'en la rendant plus compliquée. « Si l'Académie désire posséder un bon mécanicien, disait Mann, peut-être n'en Irouvera-t-elle pas facilement dans ce pays un autre plus habile en expériences ([ue M. de Hucher ; cependant il y a lieu de douter s'il est également fort dans la théorie des sciences physico-mathé- matiques. » Bournons était un géomètre distingué, qui possédait des con- naissances littéraires et fut nommé plus tard professeur au col- lège Thérésien de Bruxelles, après avoir sollicité vainement une chaire à l'Université de Louvain. N'ayant rien de prêt, il avait envoyé les calculs numériciues d'une ancienne éclipse du soleil, et comme le prieur des chartreux, Mann, exprimait le doute que ce fût là un titre sulîîsant pour entrer à l'Académie, Needham qui ne brillait pas précisément par l'aménité, et qui tenait beaucoup à l'admission de Bournons, se fâcha; la lettre qu'il écrivit à Mann le 31 août 1775 est curieuse. Après avoir énuméré toutes les raisons qui militent en faveur de son protégé, après avoir combattu les arguments du prieur, il finit ainsi : « Quoi qu'il en soit, tout ce .que je puis dire, c'est que mes propres intentions en faveur de l'Académie ont toujours été pures, et que, si par malheur ou par méprise, je continue à rencontrer une opposition perpétuelle à toutes mes propositions, soit de la part du président ou du secrétaire, comme cela m'est presque toujours arrivé jusqu'à présent, si les Bollandistes avec Tome XXXIV. 9 150 LIVP.E I. — 1773. leurs biens ne sont pas annexés à l'Académie, ele., ele , je quillerai ecrtaincment Bruxelles Tannée prochaine, et j'abandonnerai pen- sion, bénéfices et Académie, pour vivre dans un élat de complète indépendance, comme je le faisais avant de venir à Bruxelles... » Mann avait préparé une réponse à celte lettre, mais il ne l'en- voya i)as. l.a minute existe dans les archives de TAcadémic; on y lit : « ...Vous manifestez un vif mécontentement; bien des gens, dans votre position et avec de pareils bénéfices, s'estimeraient fort heureux. » Mann se plaint ensuite du trailenunl infâme dont il a été dernièrement l'objet de la part des ex-jésuites, et de la viru- lence avec laquelle eux et leurs partisans fanatiques ont attaqué son caractère. Nous ne savons à quoi il fait allusion, et si nous avons mentionné ces lettres, c'est qu'elles montrent le peu de con- sidéi'alion dont l'abbé Needham jouissait auprès du chancelier de Brabant et de Gérard : celui-ci avait pris plaisir à produire les réclamations de de Launay, et Crumpipen, dont les idées, pas plus que celles du secrétaire de l'Académie, ne cadraient avec les idées de l'abbé, s'était convaincu d'ailleurs du peu d'autorité qu'il exerçait sur ses confrères, à ce point que la chute de la Société littéraire pouvait lui élre attribuée pour une bonne part. Cepen- dant il l'avait laissé réélire deux fois comme directeur, sans cher- cher à combattre sa nomination, parce que Needham avait quel- ques chauds adhérents, et que par tempérament, le chancelier cherchait à ne blesser personne. C'était à Needham que les Bollandistes s'élaient adressés à l'efFet d'être associés à l'Académie. Ils étaient quatre, savoir : Corneille De Bye, Jacques De Bue, Ignace Hubens et Joseph Ghesquiere. De Bye avait envoyé un mémoire dans lequel il démontrait que Sainl Denis l'aréopagèle était différent de Saint Denis de Paris; De Bue, un mémoire sur le lieu où se fit l'appai'ition de la croix à Constantin; Hubens, un mémoire sur la vraie cause de l'exil d'Origène, et Ghesquiere, une dissertation géographico-historique sur les principaux peuples qui habitaient la Belgique actuelle avant l'époque de l'empereur Auguste, Ces quatre mémoires, écrits en latin, avaient été présentés dans la séance du 6 septembre 1775, mais l'Académie ayant résolu de i LIVHE I. 1775. 131 ne point faire tie nominations cette année-là, les rapports ne furent lus qu'un an plus tard. Le Père Jérôme de Saint Jean-Baptiste avait fait parvenir un mémoire lalin sur les auteurs de la mort de Charles le Bon : il y attaquait vigoureusement une ancienne erreur populaire qui attribuait cet assassinat aux Vanderstraeten, et démontrait que ceux-ci, loin d'avoir été les assassins du duc Charles, furent tou- jours ses amis et ses })i"otégés. 3Iais, outre que le sujet n'était pas fort intéressant, les rapporteurs firent observer que le P. Jérôme avait tiré la plus grande partie de son mémoire, des Acta Sanc- iorum. On se rappellera que dès l'origine de la Société littéraire, Bour- nons et le P. Jérôme de Saint Jean-Baptiste avaient été mis en avant comme pouvant y occuper une place honorable. Le concours de l'année 1775 ne fut pas brillant; aucun prix ne fut décerné, bien que l'Académie eût reçu douze mémoires sur la question de physique : « Quels seraient les moyens de perfection- ner dans les provinces belgiques la laine des moutons? » et trois sur la question d'histoire : « Quels sont les monuments qui nous restent des Romains, tant dans les Pays-Bas autrichiens et français que dans le j)ays de Liège? » « Comme il était revenu des plaintes à l'Académie de ce qu'il n'y avait point assez de temps pour répondre aux questions, il fut résolu de proposer, dans la suite, les questions deux ans d'avance. » 11 fallut donc arrêter sept questions, à savoir : trois pour les prix non décernés cette année et pour le prix de la classe histo- rique, disponible depuis 1774; deux pour les prix ordinaires de i77G et deux pour les prix ordinaires de 1777. Les sept questions furent ainsi réparties : deux questions d'histoire et une question de physique pour l'année 1776; deux questions d'histoire et deux questions de physique pour l'année 1777. ^ Le chancelier de Brabant, qui n'avait pas assisté aux séances de l'Académie des mois de février et de mars 1776, se rendit à celle du 2 avril, et après qu'on eut fait la lecture de quelques mémoires, il « informa l'assemblée que Sa Majesté avait nommé le secrétaire i32 LIVRE I. — 1776. de l'Académie, auditeur de la chambre des comptes au départe- ment des archives, et que, comme ces archives étaient dans le plus grand désordre, qu'il convenait de pourvoir incessamment à leur arrangement, et que d'ailleurs l'examen des Bibliolhèqiîcs des ci-devant jésuites obligerait le secrétaire de faire de fréquentes absences, ce qui empêcherait celui-ci de se rendre exactement aux assemblées, de veiller à l'impression des mémoires de l'Aca- démie, et d'entretenir les correspondances, Sa Majesté avait nommé M. Des Roches secrétaire de l'Académie, en l'attachant au département des archives en qualité de premier commis. — Il fut observé à ce sujet que selon le règlement de l'Académie, ce corps était autorisé de présenter à S. A. R. un sujet pour remplir la place de secrétaire, sur quoi M. le président dit qu'on devait n'avoir point fait attention à l'article du règlement qui indiquait cette marche; qu'au reste, la chose n'avait point été faite pour ôter le droit d'élection à l'Académie, et il fui conclu, après quel- ques contestations à ce sujet, que l'Académie élirait dans la séance suivante un secrétaire qu'elle présenterait à l'agréation de S. A. R... Le secrétaire fut chargé de convoquer tous les académiciens... pour assister a l'élection d'un secrétaire, et la séance fut fixée au 20 mai 1776. » L'Académie, on le voit, était disposée à se prévaloir de ses privilèges, et à regarder comme non avenue une résolution de l'impératrice qui y était contraire, et Crumpipen n'avait pas osé ou voulu combattre le sentiment de la majorité. Nous ne savons ce qui se passa entre l'assemblée du 2 avril et celle du 20 mai. On chercha probablement à convertir les oppo- sants, et l'on y réussit; car, le 20 mai, le président ayant donné lecture d'une lettre du prince de Starhemberg, en date de la veille, par laquelle la résolution de l'impératrice était notifiée à l'Académie, celle-ci reconnut Des Roches secrétaire perpétuel nemine contradicente. L'idée d'attacher Gérard aux archives par une place d'auditeur à la chambre des comptes, avait été suggérée par Crumpipen, ainsi qu'on l'a vu, mais sans qu'il songeât à lui ôter les fonctions de secrétaire de l'Académie. Starhemberg, de son côté, avait jeté LIVRE I. — 1776. 133 les yeux sur Des Roches pour ces dernières fonctions, et n'avait été arrêté que par la question d'argent, qui déjà avait été un obstacle à sa nomination de bibliothécaire, lors de la réorganisa- tion de la Bibliothèque royale. Il avait imaginé enfin de l'attacher en qualité de commis au bureau des archives avec un traitement de I 500 fl., et de lui donner en même temps une pension de400fl. sur la dotation de l'Académie. Gérard était ])lacé à la tête des archives avec le titre d'auditeur de la chambre des comptes. Le chancelier de cour et d'État avait appuyé les propositions du ministre, et les avait fait adopter par Marie-Thérèse. Sa Majesté, disait Slarhemberg dans sa lettre du J9 mai, avait désigné le sieur Des Roches ))our successeur au sieur Gérard dans la place de secrétaire perpétuel, « en dérogeant pour cette fois et sans conséquence pour l'avenir à la disposition de l'article XXVI du règlement de l'Académie. » 11 y a lieu de croire que la position de Des Roches à Anvers n'était pas aussi brillante que lui et ses amis le j)rétendaient, ou bien que ses ressources avaient diminué; car, après avoir été employé par Gérard à former le catalogue de la Bibliothèque des jésuites à Alost, il avait sollicité, au commencement de l'année 177(3, l'autorisation d'ouvrir à Louvain un cabinet de lecture pour les étudiants de l'Université '. Le 5 juin, le chancelier de Brabant écrivait au ministre pléni- potentiaire 2.* 0 Monseigneur, le sieur Des Roches qui a tenu la première fois, en qualité de secrétaire perpétuel, le protocole de l'Académie, dans l'assemblée du mois de mai dernier, a rédigé, pour l'information de Votre .Altesse, le résultat ci-joint de cette assemblée j)ar lequel Elle reconnaîtra tout ce qu'on y a traité d'intéressant, et nommément les objets précis des mémoires qui y ont été lus... A la suite de chaque séance. Votre Altesse en recevra le résultat, accompagné d'une lettre de ma part, qui con- tiendra mes observations particulières sur les points qui m'en auront paru susceptibles; moyennant cela. Votre Altesse sera < Archiv. du roy. de Belg. Secrétairerie d'Élat et de guerre. * Ibid. Secrétairerie d'Éiat el de guerre : Académies. 154 LIVRE I. — 1776. toujours au niveau des affaires de l'Académie, et à niènie d'eu apprécier le travail et les progrès. Il n'a pas dépendu de moi que cette marche n'ait été observée depuis l'existence de rAcadémie ; mais le sieur Gérard était trop occupé ailleurs pour pouvoir s'en acquitter comme je l'aurais désiré ; et les fonctions de ma place de chancelier, jointe aux autres affaires dont je suis chargé, ne me laissaient pas un loisir suffisant pour remplir par moi-même et avec toute la précision requise une tache surrogatoire de cette espèce... » Plusieurs objets avaient occupé l'Académie dans la séance du 20 mai. Il avait été décidé, sur la proposition du président, que MM. Nelis, Gérard et Des Roches exauiineraient le catalogue de la Bibliothèque délaissée par M. Verdussen, et qu'ils indi(iueraient les livres et manuscrits dont il convenait de faire l'acquisition. Cette Bibliothèque renfermait des manuscrits rares et précieux concernant l'histoire belgique; et « il serait fâcheux, avait dit le chancelier, et même en quelque sorte déshonorant pour 1 Aca- démie, si de semblables monuments passaient en pays étrangers.» On avait délibéré ensuite sur la marche à suivre dans l'impres- sion des Mémoires de l'Académie. Les résolutions prises à cet égard sont relatées comme suit dans le protocole : M Les pièces qui doivent composer le premier volume seront envoyées à leurs auteurs respectifs, qui mettront à profil les avis et les corrections des commissaires dont le secrétaire perpétuel leur aura communiqué des extraits suffisants. Après avoir mis la dernière main à leurs mémoires, ils les renverront à ce dernier qui corrigera les fautes contre la gram- maire, s'il y en a, et qui aura soin de corriger les épreuves et de conduire l'impression conformément au directoire qui sera présenté à l'Académie pom' servir de règle à l'avenir. » Les mémoires imprimés seront précédés de l'histoire de TAcadémie et d'un journal où l'on fera entrer les extraits des mémoires qu'on n'a point jugé devoir imprimer en entier. Ces extraits en exposeront le sujet et les endroits les plus intéressants. » Le président s'était chargé de la convention à faire avec l'iin- LIVRE I. — 1776. 435 primeur '. II traita avec J. L. de Boubers qui prit le titre d impri- meur de l'Académie ^. Oîi avait en troisième lieu yommé des commissaires pour l'exa- men des mémoires qu'on attendait en réponse aux questions du concours. Le commisiaire chargé du rapport aurait désormais un mois pour préparer son travail, et huit jours sciaient accordés à chacun des trois autres, de sorte que les rapports étant faits dans la séance de septembre, il resterait encore du temps aux autres membres de la classe respective, pour examiner les mémoires à leur tour, et se mettre en état de j)rononcer leur jugement en connaissance de cause. On s était encore occupé des candidatures pour les places de membres regnicoles et de membres étrangers. Un nouveau candidat avait surgi pour les premières : c'était le comte de Fraula, excellent homme, sans ambition, qui prétendait réduire aux racines de la langue hébraïque, comme à la première des langues, toutes celles qui sont répandues sur la terre. Les places de membres étrangers étaient sollicitées par l'abbé Gunsco, chanoine de Tournai, par M. Morcau, historiographe de France et bibliothécaire de la reine, par Dom Berthod, bénédic- tin, par M. Parmentier dont nous avons déjà parlé, et par l'abbé Girault de Kondon, « conseiller du roi, lecteur et professeur royal de mécanique, professeur de pliiloso[)bie au collège de Navarre». ' Les principales coiniitions devnienl être : 1" beau papier cl beau carac- tère; 2° le formai el les marges comme ceux des Mémoires de TAcadémie des sciences de Paris; 5" de n'imprimer les feuilles que lorscjuVIIes seraient munies de Viinprimatur du secrétaire perpétuel; -4" de remeilre à ce dernier 80 exemplaires gratis pour l'Académie ; 5" de ne vendre les exemiilaires dans l'intérieur des provinces de la domination de S. M des Pays-Bas qu'à raison d'un sol de Brabanl par feuille, la gravure à part, sauf à vendre à tel prix qu'il voudra les exemplaires qu'il enverra aux étrangers. * Déjà dans la séance du 16 novembre 1774, de Boubers avait été signalé comme le seul imprimeur à Bruxelles, qui eùl un atelier bien monté et de bonnes correspondances chez l'étranger où il pourrait faire circuler les Mé- moires académiques, dont jusqu'alors, par le peu dinduslrie de l'imprimeur D'Ours, le débit s'était borné à quelques villes du pays. 156 LIVRE I. CHAPITRE XII. Les élections de 1776. — La défense de nommer les Bollandistes. — Radiation des associés étrangers qui auront laissé i)asser trois ans sans fournir un mémoire. — ].a demande d'une place de membre honoraire, faite par le comte de Mérode, marquis de Deynse. — Le concours de 4776. — On décide de tenir chaque mois une assemblée particulière des membres résidant à Bruxelles. A la rentrée de l'Académie aj)rès les vaeanees de 1776, le prési- dent fit connaître, le 1 8 septembre, que le ministre plénipotentiaire avait goûté la proposition d'acheter les manuscrits historiques à la vente de M. Verdussen; que M. Des Roches avait été en consé- quence envoyé à Anvers et avait fait des achats pour une somme de i 841 II. J6 s. argent de change, et que cette somme avait été payée des fonds de l'Académie. II lut ensuite un règlement fort détaille sur l'ordre à observer dans l'examen et dans la publication des mémoires académiques. Pms, après que lecture eut été donnée des rapports sur les mémoires envoyés au concours, on passa aux mémoiies présentés par différentes personnes qui avaient demandé d'être reçues de l'Académie comme membres regnicoles ou étrangers. Le comte de Fraula avait envoyé des recherches sur l'origine des villes et des Etats et sur la signification et l'étymologie du nom collectif 6/ a(/ Tout en rendant justice au mérite de l'auteur, les commissaires, MM. labbé Nelis et Des Roches, exprimèrent le souhait qu'il s'exerçât à l'avenir sur des matières moins suscep- tibles d'une détermination arbitraire et plus propres à illustrer l'histoire belgique. Les rapports de MM. Caussin et Des Roches sur les mémoires latins présentés par les Bollandistes furent moins favorables. Des quatre mémoires, il y en avait trois qui roulaient sur des objets étrangers à ceux dont l'Académie s'occupe. La dissertation de Ghesquiere seule offrait de l'intérêt, quoiqu'elle ne renfermât rien de neuf: l'auteur s'était borné à rassembler dans un petit espace ce qu'on trouvait de plus certain sur les limites des LIVRE 1. 1776. ^37 habilalions des morins, des nerviens, des batavcs dans de gros volumes; pour ce qui n'était que vraisemblable, il avait fait un choix des meilleures opinions, et avait combattu avec les armes de la saine critique les erreurs de ses devanciers. Selon l'abbc Marci, M. Girault de Kondon avait trouvé le secret de rendre la géométrie plus abstraite et plus difficile. « Il paraît fort versé dans les calculs d'algèbre, disait le rapporteur, mais ce seul titre suffit-il pour lui donner entrée à l'Académie? » et il ajoutait: « Je ne crois pas que notre .Académie puisse jamais espé- rer qucl(]ue chose de bon des Français, qui sont d'ailleurs trop ja- loux de leur nation pour communiquer leurs produits à d'autres, à moins que ce ne fût pour l'impression. Le principal but de la demande de Tauteur est de ])ouvoir ajouter quelque chose aux titres dont il est décoré, en quoi il s'imaginera peut-être faire beaucoup d honneur à l'Académie... » De Launay, qui s'était déjà mis sur les rangs en 1774, avait envoyé un mémoire sur les ])hénomènes remarquables qu'offrait une couche assez étendue du pays, toute composée de cailloux ronds, phénomène qu'il cherchait à expliquer i)ar une théorie générale sur l'origine de ces fossiles: le rapport devait en être l'ait dans la j)rochaine séance, avant les élections. Le 19 septembre, Crumpipen écrivait au ministre plénipoten- tiaire ' : « L'Académie a tenu hier, 18 de ce mois, sa première assemblée mensuelle après les vacances... J'ai ouvert la séance par communiquer à celte compagnie la notice de manuscrits, achetés dans la vente de feu M. Verdussen... On a procédé ensuite au rapport des mémoires envoyés au concours pour les prix, qui seront distribués dans la séance du 14 octobre. Je j)uis assurer Votre Altesse que depuis plusieurs années on n'a pas reçu des réponses aussi satisfaisantes: les deux questions d'histoire surtout ont été traitées, suivant l'avis unanime de^ commissaires, d'une manière qui ne laisse rien à désirer. C'est dommage que l'un de ces mémoires soit écrit en flamand; mais j'espère que le zèle du secrétaire réparera cette perte par une bonne traduction française. » * Archiv. du roy. de Belg. Secrétairerie d'Étal et de guerre : Académies. i38 LIVRE I. 1776. Ici le chancelier parlait des candidats aux places d'académiciens; il mentionnait, outre les étrangers que nous avons cités, M. de La Lande, « physicien français. » I! demandait que le nombre des membres étrangers fût porté à douze: on se rappellera (jue le minisire avait déjà accueilli verbalement une demande semblable, mais aucune réponse écrite n'avait encore été faite. Quant à ce qui concernait les aspirants rcgnicoles, Crumpipen s'exprimait en ces termes au sujet des Bollandistes: a En laissant h part leur mérite personnel, leur érudition et les coniiaissances qu'ils peuvent avoir dans l'histoire belgique, je crois qu'il ne convient dans aucun cas de les agréger tous les quatre, et à la fois, à un corps, où il n'y a déjà que trop d'ecclésiastiques ; je doute même, si dans les circonstances présentes, et jusqu'à ce que l'on ait pris une résolution définitive, par rapport aux affaires de l'Académie en général, et par rapport à celles des ex-jésuites Bollandistes en particulier, il ne conviendrait pas mieux de n'en admettre aucun. Je serais d'autant plus de cet avis, que je ne vois nulle nécessité de presser la réception de pareils sujets qui ne peuvent jamais nous manquer, et (juil se pourrait aisément, qu'en les admettant, avant que leur sort et la continuation du grand ouvrage, dont ils s'occupent, ne soient décidés, on fit chose contraire aux vues et aux intentions de S. M. — Si Votre Altesse adopte mes idées, il est indispensable de mander à rAcadémie, ou à moi, comme président, par une lettre dont, en ce cas, j'aurai l'honneur de lui remettre le projet, qu'Elle désire qu'on ne procède au choix d'aucun des aspirants Bollandistes jusqu'à nouvel ordre; car sans cela je prévois que la pluralité sera pour eux. — Il est vrai qu'il dépend toujours de la bonne volonté de S. A. R. d'agréer, ou de ne pas agréer les nouveaux sujets que l'Académie lui j)résente, mais il me semble préférable pour l'honneur de ce corps, et des aspirants même, de prévenir une nomination qu'on sait d'avance ne pouvoir pas être ratifiée, que de lui refuser, après l'avoir faite, le sceau de l'approbation... » La réponse de Starhemberg est du 50 septembre. Il a vu avec une bien grande satisfaction les détails du rapport du chancelier, nommément ce qu'il contient sur le résultat de la séance tenue LIVRE 1. — 1776. 139 par l'Acadcmie le 18. — Il autorise la compagnie à porter le nombre de ses membres étrangers à douze, en exprimant toute- fois le désir qu'il reste toujours deux places ouvertes pour tous les cas possibles : « Je suis persuadé d'ailleurs, ajoute-t-il, que l'Académie ne se déterminera constamment que pour les sujets les plus qualifiés et ayant cbez l'étranger et dans leur domicile, une réputation qui puisse rendre leur admission aussi honorable qu'utile. » — Puis il continue en ces termes : « Quant aux mem- bres regnicoles qui pourraient se présenter, étant informé qu'entre autres les ex-jésuites Bollandistes demandent et désirent d'être agrégés à l'Académie, je crois devoir vous prévenir, monsieur, que la confiance que j'ai dans les talents, les lumières, le zèle et l'application de ces sujets m'a déterminé à former, à leur égard et sur leur emploi, un projet et des vues qui répon- dront probablement, et en quelque manière, aux leurs, mais sur lesquels j'attends une souveraine résolution de S. M. Dans cet état de choses, je souhaite, monsieur, que l'Académie supersèdc à toute délibération ou disposition sur leur demande d'y être agrégés, jusqu'à ce que j'aie pu vous faire connaître le })arti pour lequel S. M. se déterminera à leur égard, et qui, (juel quil puisse être, ne pourra manquer de leur être honorable et satisfaisant... J'ai été, on ne peut pas plus, satisfait du recueil des résultats des séances tenues par l'Académie [depuis le mois de novembre 1775]: si je rends justice au zèle et à la manière avec laquelle vous dirigez un établissement qui joint les plus belles espérances à des succès déjà existants, je n'ai pas moins à applaudir au zèle et à l'activité des membres de l'Académie : je vous i)rie de leur en marquer ma satisfaction en leur témoignant tout ce que je me promets ultérieurement de leurs soins et de leur concours, et en faisant connaître particulièrement au secrétaire l'approbation que mérite son travail [mise en ordre, révision ou rédaction des résultats des séances mentionnés ci-dessus]. — Au reste, désirant avoir pour moi et conserver une copie du recueil de tous les résultats des séances, à compter du principe de l'établissement jusqu'à ce jour, je souhaite que vous veuilliez bien faire faire cette copie et me la remettre. » 140 LIVRE I. 177G. Celte IcUre fui lue dans la séance du 14 octobre : la défense (l'élire les Bollandistes, toute gracieuse que fût la manière dont elle était présentée, n'en constituait pas moins une nouvelle atteinte aux privilèges de l'Académie; mais celle-ci dut s'incliner devant la volonté du ministre, comme elle l'avait déjà fait lors de la nomination directe du secrétaire perpétuel. Des Roches inséra au protocole la phrase suivante : « L'Académie pénétrée vivement d'un témoignage si glorieux, ordonna d'insérer celte lettre dans ses registres; et se conformant avec respect aux dispositions de son illustre protecteur, elle ne fit plus mention des Bollandistes, et passa î. l'admission des autres candidats. * Non content d'avoir exclu les Bollandistes, le prince de Star- homberg chercha encore à influencer les choix de l'Académie. Le 14 octobre, jour même où les élections devaient avoir lieu, le seci'étaire dÉtat et de guerre, Henri Crumpipen, écrivait à son frère le chancelier : « Ayant eu l'honneur de voir hier S. A. le niiin'stre. Elle m'a donné à connaître, qu'informée que Dom Ber- thod, bibliothécaire de l'abbaye de Saint-Vincent à Besançon, et membre de l'Académie de la dite ville, ainsi que M. Moreau, con- seiller de la cour des aides de Provence, historiographe de France, etc., désireraient être agrégés à l'Académie des sciences et belles-lettres de Bruxelles en qualité de membres étrangers, Elle s'assure que l'Académie, en répondant à ce qu'Elle vous a fait connaître relativement au choix des membres étrangers, n'hési- tera pas à donner son suffrage à deux candidats aussi distingués, et qui, par le genre des travaux dont ils s'occupent, pourront être particulièrement utiles à l'Académie et seconder les vues de S. A. » Voici comment le protocole s'exprime à l'égard des deux hommes de lettres recommandés, sinon imposés, par le ministre : « La cclébrilc que M. Moreau, historiographe de France, s'était acquise par ses ouvrages, une lettre vraiment éloquente qu'il avait adressée à M. le président et qui a fait concevoir à l'Académie les plus grandes espérances, la recommandation même de S. A. le ministre pléni- potentiaire qui avait témoigné désirer l'admission d'un sujet si distin- LIVRE. I. — 1776. 141 gué, furent les motifs puissants qui entraînèrent tous les suffrages en sa faveur. i> Ces trois motifs concoururent encore à Télection de Dom Bcrthod, bénédictin, membre et bibliothécaire de l'Académie de Besançon. Ce savant était à la vérité moins connu par des ouvrages imprimés ; mais ce qui pouvait en 'enir lieu, c'est le choix que les supérieurs de son ordre avaient fait de lui pour assembler des manuscrits et travailler à la publication du plus riche cartulaire qu'il y ait en deçà des Alpes. Sa lettre à l'Académie, dont M. le président fit la lecture, causa une satis- faction générale, et l'on attend avec impatience les deux mémoires inté- ressants qu'il a promis, dès qu'il sera de retour à Besançon, dont l'un contient la notice des manuscrits de Granvelle, donnés à la Bibliothèque de celte dernière ville par M. l'abbé Boisot, et l'autre des anecdotes piquantes et curieuses louchant le procès fait aux seigneurs d'Egmont et de Ilornes, tirées des lettres écrites au cardinal Granvelle par Claude Bclin, avocat du fisc pour cette procédure. » La lettre éloquente adressée par l'hisloriograplie Moreau au président de l'Acadéniie, dont il est parlé ci-dessus, n'a pas été retrouvée, mais nous avons celle de Dom Berthod. Elle est datée de l'abbaye de Saiut-Bertin, à Saint-Ouier, le 9 octobre 1776, et débute ainsi : « Messieurs, l'estime singulière que j'ai conçue pour votre Société pendant mon séjour à Bruxelles m'a toujours inspiré le désir de lui être attaché par quelque titre. Ayant appris depuis peu que vous pensiez à choisir un certain nombre d'académiciens parmi les étrangers, j'ai cru (jue vous me per- mettriez de me mettre sur les rangs et de solliciter vos suffrages. » Après avoir promis les deux mémoires menlionnés dans le pro- tocole, et qu'il appelle des discours, Dom Berthod parle du projet qu'a conçu l'abbé de Saint-Bertin, de concert avec le ministère de France, pour donner au public les archives de son abbaye. « Celle entreprise, dit-il, est une des plus belles qu'on puisse jamais former pour tirer notre histoire du chaos où elle sera toujours, tant que nous n'aurons pas sous les yeux ces monuments pré- cieux, ensevelis depuis des siècles dans la poussière... Nolie dessein est d'abord de donner une édition correcte de tous les diplômes et des chartes, scrupuleusement collalionnés. sur les I 142 LIVRE I. i originaux ou, à leur défaut, sur les j)lus anciens carlulaires dont le nombre est très multiplié dans l'abbaye de Saint-Berlin. On trouvera à la tête de cliaque volume une préface où nous ferons connaître les différents personnages qui ont figuré dans l'Église et dans l'État sous les différentes époques qui naturellement doivent nous servir de boussole. Nous y joindrons les notes diplo- matiques et bistoriques, qui nous paraîtront nous conduire à 1 intelligence des j)ièces imprimées ou capables d'augmenter nos connaissances dans cette partie de la littérature. Nous essayerons surtout de déterminer l'ancienne géographie de vos provinces, en distinguant vos anciens Pagi ou cantons, et en déterminant leurs bornes et les différents endroits qui y étaient renfermés. Il ne serait ])as difficile, autant que j'ai pu voir, en parcourant quelques-unes de vos archives, den avoir une connaissance ])ar- faite, si on s'attachait à dépouiller les litres de vos plus anciennes abbayes. En effet, leurs j)Ossessions étaient si multipliées, que dès les premiers siècles de leur fondation, elles comprenaient la plupart des villes et des villages, ou que du moins elles avaient sur chacun d'eux quelques droits ou quelques censives. Quel avantage n'en retirerait pas votre histoire, si ce point important était déterminé sur des titres et des bornes fixes et constantes? Si des circonstances que nous ne pouvons prévoir ne nous empêchent point de suivre notre dessein, nous essayerons de jeter un coup d'œil sur les manuscrits rares et précieux de Saint- Bertin. Je voudrais, messieurs, pouvoir vous les faire connaître I en détail, mais aujourd'hui je me contenterai de vous faire obser- ver qu'ils sont en très grand nombre, que la plupart ont été copiés ou rédigés dans le 1 0% 11 ^ et 1 2^ siècle, et que très peu de savants en ont fait usage. En vous rendant compte de mes travaux, vous voyez, messieurs, que tous ont le même objet que les vôtres... » Pour rinlelligence de certains passages de celte lettre, nous dirons qu'en 1774, Dom Berthod avait passé près de quatre mois dans nos provinces. Parti de Paris le 27 septembre, il s'était d'abord arrêté à Tournai, où il avait vu l'abbé de Wilry et l'abbé Nelis, et examiné les différents manuscrits qui faisaient l'objet de son voyage. Après Tournai, il avait visité l'abbaye de Saint-Ghis- LIVRE I. — 1776. 145 lain; puis, dans un séjour assez long à Bruxelles, le cabinet de Gcrard, « enrichi de plusieurs monuracnls des 10% 11^ et 12' siècle, » et la Bibliothèque royale l'avaient occupé tout le leni])S. 11 s'était rendu ensuite successivement à Anvers cl à Gand? et de cette dernière ville à l'abbaye de Saint- Berlin. — Le 21 décembre 1770, Dom Bcrlhod lut à la séance publique de l'Académie de Besançon, la relation de ce voyage littéraire : elle a été publiée dans le Messager des sciences et des arts, t. VI, Gand, 1858. L'auteur se loue beaucoup de l'accueil qui lui avait été fait. A Bruxelles, le chancelier Crumpipen l'avait comblé d honnêtetés et de politesses : après l'avoir présenté au chance- lier, Gérard l'avait conduit chez l'abbé Chevalier et chez l'abbé Necdham. A Anvers, Des Boches l'avait introduit dans l'ancienne maison professe des jésuites, où il avait été fort bien reçu par MM. De Bue et Ghesquiere. Bcj)rcnons maintenant le protocole de la séance du 14 octo- bre 1770. a Le scrutin fut également favorable à M. de La Lande, membre de l'Académie des sciences de Paris et de plusieurs autres; mais il ne le fut point à M. de Kondon ni à M. Parmcntier dont les mémoires avaient causé très peu de satisfaction. « Quant aux membres regnicoles, M. Hucher, lieutenant-colonel, et le P. Jérôme, carme, n'eurent point le nombre de voix qui était rc(]uis pour leur admission; mais tous les académiciens crurent devoir con- courir à celle de M. de Launay, avocat au conseil de Brabant, entraînes par le rapport avantageux que les examinateurs avaient fait de ses mémoires. M. le comte de Fraula et 3L Bournons, lieutenant ingénieur, furent également admis. » L'agrégation des membres étrangers fit naître une réllcxion, et cette réflexion produisit une loi nouvelle. On observait que, quoique l'Aca- démie pût se flatter d'avoir des correspondants étrangers fort exacts à payer par de bons mémoires le tribut littéraire qu'elle exige, il en était assez d'autres, qui, par une négligence insupportable, laissaient passer des années entières sans donner le moindre signe de vie. On trouvait que de pareils correspondants méritaient peu qu'on ménageât leur délicatesse, et l'on convint unanimement de la nécessité d'ajouter à nos I 144 LIVRE I. — 17" statuts larticle suivant : « Si un académicien étranger laisse passer » trois ans sans fournir quelque mémoire, il ne sera plus censé être de » rAcadémiej et si cet académicien ainsi exclu continue à se décorer » du litre qu'il a perdu réellement, on le préviendra que s'il ne cesse » d'en user ainsi, on aura recours aux nouvelles publiques pour annon- » cor son exclusion. » Au reste pour n'exposer personne au cas d'une surprise, le secrétaire fera parvenir cette nouvelle disposition à tous les membres étrangers. » d Dom Bcrtiiod fut le premier à applaudir « au sage règlement » que l'Académie venait de porter touchant les académiciens étran- gers « On devrait le faire dans toutes les Académies, » écrivit-il à Des Roches le 22 octobre, « et les sciences y trouveraient plus d'amateurs qu'elles n'y en ont communément. » Ayant reçu ses lettres d'association, il s'empressa de remercier l'Académie et de renouveler les promesses ({u'il lui avait laites, « lorsqu'il avait eu la hardiesse de solliciter ses suffrages. » (Saint-Omer, le 1" novembre.) Le 22 novembre, La Lande écrivit du Collège royal à Des Roches : « J'ai reçu avec une extrême reconnaissance les lettres d'académicien que vous avez bien voulu m'adrcsser, et la lettre particulière que vous m'avez fait l'honneur de m'ëcrire le 15 octo- bre. [Des Roches disait dans cette lettre : « La demande que » M. Gérard a faite en votre nom dans la séance du 14 de ce » mois, quant à la place d'académicien étranger, a eu le succès » qu'elle devait avoir. »] — Je vous prie de vouloir bien être l'interprète de ma sensibilité auprès de votre illustre Académie à qui j'espère toujours de pouvoir la témoigner de vive voix dans un second voyage à Bruxelles: Celui que j'y fis en 1774 fut si agréable mais si court que je formai dès lors le projet de m'en dédommager à la première occasion, et la faveur que je viens d'obtenir est une nouvelle raison de le réaliser. — Je vous prie de vouloir bien présenter mes respects et mes remercîments à M. de Crumpipen votre digne président, qui me donna tant de marques de bonté à Bruxelles, M. Gérard à qui j'en eus l'obliga- tion, et que je remercie spécialement de l'excellent mémoire sur LIVHE !. 1776. 145 les rivières qu'il a eu la bonté de m'envoyer, M. Chevalier, M. Needham, M. le baron de Poederlé l'aîné, M. de Witl, M. de La Place, M. Thysbaerl, le P. Hallerstein, et M. le chancelier de Marci qui eut la bonté de me conduire et de me garder à Louvain. — J'espère toujours que l'Académie parviendra quelque jour à établir la bonne physique dans la célèbre Université de Louvain, qui persécuta Descartes autrefois, et qui méprise ou ignore le Newio- nianisme actuellement. — La peine d'exclusion attachée à un silence de trois ans me paraît d'une exécution bien difficile. Si pareille peine existait dans notre Académie de Paris, il y a bien des hommes célèbres que nous n'y aurions plus, et qui ornent beaucoup notre liste; je ferai mon possible pour ne pas courir ce risque, mais je pense que des ouvrages imprimés doivent tenir lieu de mémoires, car tant que l'Académie ne fera pas imprimer elle-même, elle ne peut exiger qu'on lui envoie des mémoires pour être ensevelis dans l'oubli. — Je ne savais pas, monsieur, de trouver en vous l'aimable auteur du dictionnaire flamand et de plusieurs pièces couronnées à Bruxelles, que j'allai chercher avec empressement sur sa réputation, vis-à-vis des minimes à Anvers; je vous ai une ancienne et une nouvelle obligation, et je suis enchanté d'avoir cette occasion de me rappeler à votre souve- nir... » Quelques jours après, Des Roches recevait une lettre écrite par Morand et signée de lui et de Messier.Tous deux promettaient l'envoi d'un mémoire : Messier, du reste, avait toujours entretenu une correspondance avec l'Académie. On aura remarqué qu'il ne fut plus question de nommer des membres honoraires. Une seule demande avait été adressée à l'Académie : elle venait du comte de Merode, marquis de Deynse. « Monsieur, écrivait-il le 29 janvier 1775 au président, je m'em- presse de rendre hommage à l'établissement utile auquel vous présidez, en vous exprimant le désir que j'ai d'être admis parmi les honoraires de cette Académie. — Je serai très flatté si ce sentiment dont j'espère que vous voudrez bien rendre compte, peut plaire à votre corps, et me mériter son suffrage. — Les vœux les plus empressés pour sa gloire seront le tribut éternel de Tome XXXIV. 10 146 LIVRE I. 1776. reconnaissance que je ne cesserai de lui payer en attendant que je puisse de concert avec vous, messieurs, célébrer les vertus de nos augustes maîtres, leur gloire, et l'amour de leurs peuples, lieureux par leurs bienfaits. » Crumpipen communiqua la lettre du comte de Merode à l'Aca- démie, dans sa séance du 30 janvier. « Il fut observé que n'y ayant que ce seul seigneur qui se présentait pour membre honoraire, on ne pouvait dans le moment l'admettre. M. le président fut requis de lui faire connaître que l'Académie serait flattée de l'agréger, dès qu'il serait question de former la classe des membres honoraires, » ce qui ne devait jamais arriver. Ainsi que le chancelier de Brabant l'écrivait le 19 septembre au ministre plénipotentiaire, le concours de 177G avait été fort brillant. Deux auteurs avaient très bien traité la question sur le droit écrit et sur les formes de la justice dans les provinces belgiques : l'un, M. le professeur Heylen, obtint la médaille d'or; l'autre, M. D'Hoop, avocat au conseil provincial de Flandre, l'accessit. Quant à la seconde question d'histoire : « Dans quel temps, depuis la domination des Francs jusqu'à la naissance de Charles- Quint, peut-on dire que l'état de la Belgique ait été le [dus flo- rissant, les mœurs publiques les plus saines et le peuple le plus heureux? » le prix fut accordé à l'unanimité à M. Pluvier, chi- rurgien au plat pays, demeurant à Wetteren au quartier d'Alost. «On témoigna quelque surprise de ce qu'un mémoire si satisfaisant, si bien pensé et si bien écrit, était la production d'un chirurgien de village. » Comme il était écrit en flamand, M. Des Roches se chargea d'en donner une traduction française qui serait imprimée avec le texte flamand. Le prix de la question sur les moyens de perfectionner la laine des moutons fut attribué à M. Foullé, demeurant à la bruyère d'Eeckeren; le P. Norton, recteur des dominicains anglais à Lou- vain, obtint un accessit. « On avait souvent remarqué à quel point il serait utile de tenir, outre les séances ordinaires, tous les mois une assemblée particu- lière, du moins des membres résidant à Bruxelles. Le nombre de LIVRE I. — 1776. 147 ces derniers augmenté considérablement, et la nouvelle vigueur qui se répandait de jour en jour dans tout le corps, ne permettait plus de différer la tenue de ces sortes d'assemblées, dans lesquelles on pourrait examiner les mémoires, et préparer les matières qui se doivent traiter dans les séances générales. Aussi dès que la proposition fut Aiite [le 6 novembre], tous les membres l'ap- puyèrent. D'un commun accord elle passa en règle, et la première assemblée de cette espèce [fut] tenue le 20 du mois sous la prési- dence de M. le directeur. » [Journal des séances.] CHAPITRE XIII. Le rapport adressé le 20 avril 177B au gouverneur général par le prince de Starhem- berg : les propositions de confier à l'Académie la continuation de l'ouvrage des Bollandistes et de celui des Historiographes, et de lui transférer leurs biens; d'instituer une imprimerie académique et de nommer un second secrétaire perpé- tuel pour la partie physique et mathématique. — Rejet de ces propositions. — Distribution du i<^r volume des Mémoires. ~ Suppression d'un mémoire de Dom Mann. — Institution de la Commission royale des études. — Mann vient s'établir à Bruxelles. L'bistoire secrète de l'Académie pendant l'année 4770 ofFre beaucoup d'intérêt. Le 20 avril, le prince de Starliemberg avait adressé un volu- mineux rapport au gouverneur général. Ce rapport était accom- pagné des mémoires de Nelis, Marci et Des Roches sur les études et la manière d'enseigner, et d'un plan d'études, tracé par le ministre lui-même. Nous avons déjà parlé des mémoires dont il est ici question, et nous avons dit combien le prince les appréciait: nous ajouterons que, d'après Starhemberg, le succès des établis- sements quelconques pour l'avantage des études devait dépendre principalement des progrès de l'Académie, et, par cette considé- ration, on ne pouvait assez la recommander à l'attention bienfai- sante de S. M. i48 LIVRE I. 1776. Dans un autre mémoire, joint également au rapport du 20 avril, on faisait ressortir l'avantage qu'il y aurait à confier à TAca- démie l'ouvrage des Bollandistes et celui des Historiographes. En transférant h cette compagnie, ne fût-ce que par provision et par forme d'essai, les biens et revenus qui appartenaient aux dits Bollandistes et Historiographes, on la mettrait à même d'ériger une imprimerie pour la publication de la suite de leurs ouvrages et celle de ses propres mémoires; de donner à ses membres des pensions meilleures et en plus grand nombre; de multiplier les recherches, voyages et correspondances littéraires; de préparer les voies pour l'établissement successif d'un Cabinet de physique, d'un Observatoire, d'un Cabinet d'histoire naturelle, d'un Laboratoire de chimie et même d'un Jardin des plantes; et surtout, de procurer un second secrétaire perpétuel pour la par- lie physique et mathématique. Le secrétaire actuel Des Roches était un sujet de la plus grande érudition, un excellent historien, joignant du style à des pensées et à du jugement, mais il n'était pas versé dans les autres branches des sciences : seul d'ailleurs, il ne suffisait pas à la besogne de l'Académie. En envoyant le 24 avril à Vienne le mémoire que nous venons d'analyser, le prince Charles de Lorraine avait déclaré ne pas pouvoir admettre les propositions du ministre plénipotentiaire. Le prince de Kaunitz exprima la même opinion dans la lettre qu'il adressa à Starhemberg le 8 juin \ H y disait notamment : a Je crois avoir de bonnes raisons pour ne pas proposer à S. M. de charger [de la continuation de l'ouvrage des Bollandistes] l'Académie des sciences de Bruxelles... — L'idée de donner un second secrétaire à l'Académie doit me faire penser qu'on s'aper- çoit déjà qu'on s'est trompé sur les talents et la capacité du sieur Des Roches. — Je croirais faire tort à l'Académie si, parmi les motifs qui peuvent la justifier de ce qu'elle n'a rien fait imprimer encore, je comprenais celui du défaut d'une imprimerie en forme, caries bons ouvrages trouvent partout des imprimeurs... » Au lieu * Archiv. du roy. de Belg. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne : D. 100, ad. lit. X. 1. ad n"™ 24 (b). LIVRE I. 1776. 149 d'établir une nouvelle imprimerie pour l'Académie, Kaunitz pré- férait qu'on perlectionnât l'imprimerie royale de Bruxelles ou l'imprimerie de l'Université de Louvain : il ne fallait pas s'exposer à l'inconvénient d'entamer beaucoup et de ne rien faire. Starhemberg essaya de justifier ses demandes ^ mais l'opinion du cbancelier de cour et d'Etat était arrêtée, et le 8 décembre, il la fit agréer par l'impératrice 2. — Le 1 1, il écrivait au ministre plénipotentiaire^ que Marie-Thérèse avait résolu de faire con- tinuer les Acla Sanclorum par les anciens Bollandisles; que ceux-ci pourraient du reste s'associer fun ou l'autre académicien, ou bien être eux-mêmes agrégés à l'Académie; que les Bollan- distes continueraient également l'ouvrage des Historiographes, personne n'étant plus propre à faire de bons extraits d'un livre que ceux qui l'avaient composé; qu'on pourrait toutefois leur adjoindre pour ce second ouvrage l'un ou l'autre des ex-jésuites attachés ci devant au Musaeum Bellarmini. — Quant au projet de mettre l'Académie sur un pied plus brillant par l'attribution du capital des anciens Boilandistes et Historiographes, il ne pouvait être adoplé, même à titre provisoire, car comment le retirer après que l'Académie y aurait assigné des pensions, l'achat et l'entre- tien d'un Cabinet de physique, d'un Cabinet d'histoire natu- relle, etc. — Enfin le ministre était informé que par décision de l'impératrice, l'imprimerie des anciens Boilandistes était attribuée à limprimerie royale de Bruxelles. Cependant l'Académie s'occupait activement de la publication du X^" volume de ses Mémoires. Dans la séance du 8 janvier 1777, le président nomma des commissaires pour rendre compte des mémoires qui n'avaient pas encore été examinés. l\ produisit également les rapports des com- missaires sur plusieurs autres mémoires, « en les accompagnant partout de ses avis et de ses réflexions. Ce fut à cette occasion qu'on renouvela la loi qui ordonnait le plus grand secret dans ' Lettre du 7 septembre 1776. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne : D. 100, ad lit. X. T. ad n"'" 24 (c). - Chancellerie des Pays-Bas à Vienne : D. 100, ad lit. X. 1. ad u""" 24 (a). 5 Secrétairerie d'État et de guerre : P. S. ad n"™ 102. iSO LIVRE I. i777. l'examen des mémoires, sans qu'il pût être permis de découvrir en aucun cas le nom de l'examinateur. » Le 9 avril, le président annonça que l'impression des mémoires des membres, relardée quelque temps par celle des mémoires couronnés, avait été reprise et avançait rapidement. 11 fit ensuite donner lecture du Discours préliminaire et d'une partie du Jour- nal des séances^ qui devaient paraître en tête du volume, et qui avaient été rédigés par le secrétaire perpétuel; puis il nomma des commissaires pour en faire un examen scrupuleux et indiquer les additions ou les changements qu'ils jugeraient nécessaires. Le 7 mai, de Launay lut une note sur les attributs de physique et de mathématique, qu'on pourrait ajouter à la planche qui devait servir de frontispice aux Mémoires. Cette planche avait été gravée par Antoine Cardon, d'après un dessin de G. Herreyns, et destinée primitivement aux Analecla Belgica des jésuites. — Après avoir approuvé le projet de de Launay, l'Académie passa à l'examen des rapports de MM. Needham, Nelis, Gérard et Marci sur le Discours et le Journal préparés par Des Roches. La principale critique portait sur la convenance de développer davantage l'his- toire de la Société littéraire. Le secrétaire s'engagea à présenter une nouvelle rédaction : une assemblée extraordinaire l'ut indi- quée pour entendre ce nouveau travail, après quoi le président en ferait une dernière révision et le soumettrait à l'approbation du ministre*. Le IG août, Crumpipen envoyait le Discours préliminaire et le Journal des séances au prince de Starhemberg^. « Il me reste deux doutes à mettre sous les yeux de Votre Altesse, disait-il : l'un c'est de savoir si indépendamment du Discours préliminaire, il ne conviendrait pas qu'il y eût une Épître dédicatoire à S. M. L'usage des Académies varie quant à ce point... Je ne puis donc qu'attendre également les intentions de Votre Altesse, en soumettant toutefois à ses lumières supérieures, en cas qu'Elle se * Il est digne de remarque que personne n'ait songé à relever l'erreur échappée à Des Roches qui fait naître Simon Stevin à Bruxelles (page vi). ^ Archiv. du roy. de Belg. Secrétairerie d'État et de guerre : Académies. LIVKE I. 17-7. 151 décide pour raffirmativc, le projet ci-joint de l'Epître dédicatoire, aussi l'cdigé par M. Des Roclies, et qui me paraît réunir au mérite de la simplicité, la vérité de l'expression, les seuls ornements dont de pareilles pièces puissent être susceptibles. L'autre doute regarde l'abbé Paquot. Les registres de la Société littéraire prou- vent quil a été désigné par feu le comte de Cobenzl pour un des membres de cette Société, et quil a assisté comme tel à ses séances jusqu'à l'époque de sa retraite de Louvain. Dc'puis lors il n'a plus été invité de se rendre aux assemblées, et Votre Altesse m'a fait connaître plus d'une fois qu'Elle ne désirait pas qu'il le fût. — Quoi qu'il en soit, il est ccriain dans le fait, que l'abbé Paquot a été membre de la ci-devant Société littéraire, et puis de l'Académie; que la fâcheuse affaire qu'il s'est attirée dans l'Uni- versité, ne l'a point privé de son existence ni de ses droits civils; (ju'il a conservé, malgré son éloignement de Louvain, la prébende de chanoine de l'église collégiale de Saint-i*ierre et la place d'hisloriogra|)he de S. M. : pourquoi n'aurail-il pas con- servé de même la qualité d'académicien ? 11 peut, il doit donc, ce me semble, paraître dans le tableau des membres de cette com- pagnie. » Le projet d'Épîlre dédicatoire, joint à la lettre de Crumpij)en, était conçu dans ces termes : « A r Impératrice- Reine. » Madajie, » Les sciences et les lettres autrefois florissantes, négligées ensuite et tombées dans l'oubli, viennent de se relever en ces provinces, et c'est à Votre Majesté qu'elles doivent leur renaissance. Ce beau Irait manquait encore à Thistoire de Marie-Thérèse. Ses heureux sujets s'y attendaient. Après la paix, dont ils jouissent, après tant de sages institutions qui assurent leur honheur, quels autres vœux restait-il à former? Ils les formaient, Madame, avec cette confiance qu'inspirent la bonté et la sagesse, quand elles se trouvent revêtues du souverain pouvoir. )) Qu'il nous est glorieux de concourir aux vues salutaires et sublimes de Votre Majesté! Nous entreprendrions en vain d'exprimer les mouve- J52 LIVRE I. 1777. ments de nos cœurs en lui offrant le résultat de nos premières recher- ches. Qu'Elle daigne les agréer! Pour continuer nos travaux, nous trouverons dans l'approbation d'une Souveraine si auguste et si ten- drement aimée, un devoir bien cher et des motifs bien puissants. >• Nous sommes avec le plus profond respect, » Madame, » De Votre Majesté, 1) Les très humbles, très obéissants et très fidèles sujets et serviteurs, » Les académiciens de l'Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles. » Le ministre repondit le 25 août, qu il ne jugeait pas nécessaire (l'adresser A'Épilre dédicaloire a S. iM., et qu'il se réservait de s'expliquer ci-après sur ce qui concernait le cas de l'abbé Paquot. Il laissait à la considération du chancelier de faire quelques changements à la tournure des dix dernières lignes du Discours préliminaire, dont le fond lui paraissait d'ailleurs très bien. La phrase du Discours qui avait choqué Slarhemberg était celle-ci : « D'ailleurs les personnes sensées s'attacheront moins aux mots qu'aux choses, et ne s'aviseront pas de rejeter une vérité nouvelle par la seule raison qu'elle est annoncée dans une période mal limée ou en des termes incongrus. » Crumpipen y substitua la suivante: « D'ailleurs les personnes sensées s'attacheront moins aux mots qu'aux idées qu'ils présentent, et ne rejetteront pas Uîie vérité nouvelle, une découverte utile, par la seule raison qu'elle aurait pu être annoncée dans des j)ériodes plus arrondies, ou dans des termes plus conformes au bel usage de la langue française. » Le 1" septembre, le secrétaire d'État et de guerre faisait savoir au chancelier que Starhcmberg approuvait cette nouvelle rédac- tion. Pour ce qui regardait l'abbé Paquot, « le ministre, disait-il, attendra une réponse de Vienne sur ce qu'il y en a déjà écrit relativement au cas de cet ecclésiastique. » Le 6 oclohre, Starhemberg adressa au chancelier la lettre suivante: « Ayant examiné ce que vous m'avez représenté sur le LIVRE I. 1777. 153 doute si Tabbé Paquot pouvait paraître dans la liste des académi- ciens, qui doit faire partie du mémoire historique qu'on imprime sur rétablissement de l'Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres, je vous fais la présente, monsieur, pour vous dire, que, comme la disposition qui a obligé l'abbé Paquot à se retirer de Louvain ne l'a point privé ni de sa qualité dhistoriographe, ni de sa place d'académicien, on ne saurait équitablement le rayer à présent du tableau des académiciens, ni même l'exclure absolu- ment de tout travail dans les parties dont l'Académie s'occupe. En échange, monsieur, il est de la prudence de ne pas faire paraître le nom de l'abbé Paquot dans ses ouvrages, du moins d'abord, cl pas avant qu'on ne puisse se flatter que leur mérite fera oublier les circonstances qui ont donné lieu aux dispositions en conséquence desquelles l'auteur a été dans le cas de quitter Louvain. » Au bas de cette lettre, on lit de la main de Crumpipen : « Soit gardé aux actes. .V. B. Il conviendra que M. le secrétaire j)erpé- tuel envoie un billet d'invitation à M. l'abbé Paquot pour la séance prochaine. » Paquot, qui élait devenu bibliothécaire et archiviste du due d'Arenberg, fut donc convoqué pour la séance du 15 octobre. Il n'avait plus paru à l'Académie depuis sept ans. Du mois d'octobre 1777 au mois Qu'on serait hors de tout embarras, et qu'il n'y aurait point à balancer si l'imprimerie royale était en état de pourvoir à l'ensemble, mais qu'elle manquait de plusieurs choses nécessaires pour une bonne imprimerie, et qu'elle aurait assez de peine à suffire au seul objet de l'impression des catalogues [des livres des ci-devant jésuites]. » Dans ces circonstances une imprimerie bien montée ne se trouvant pas et n'étant pas prête, la Commission pense qu'en attendant qu'il y en ait une, où on puisse faire imprimer sous les yeux de la Commission les livres et autres pièces nécessaires pour l'exécution du nouveau plan ' Archiv. du roy. de Belg. Secrétairerie d'État et de guerre : Académies. 466 LIVRE I. 1777. d'éludés, le meilleur sera de traiter avec un libraire pour la première édition seulement de plusieurs de ces livres, en permettant que les professeurs se servent dans Tintervalle des livres, qui jusqu'ici ont été en usage dans les lieux où ils enseigneront. » S. A. aurait désiré que le Lotlo * eût pu se charger du tout, mais il est résulté du rapport de ce département, que son imprimerie actuelle ne saurait suffire à l'objet des livres élémentaires, pas même à l'objet des catalogues que l'on presse, et que d'ailleurs le délogement y appor- tait des obstacles insurmontables : qu'on pourrait ci-après arranger les choses de manière que l'imprimerie du Lotto puisse pourvoir à l'en- semble: mais que la chose serait impossible pour le moment, pns même avec le secours des ouvriers et de l'imprimerie du nommé D'Ours qui a déclaré ne pouvoir y suffire quand même on voudrait lui en laisser le bénéfice entier: qu'ainsi il croyait n'y avoir rien de mieux à faire que de suivre le projet de la Commission de s'entendre pour la première édition de quelques livres avec un autre libraire. [Ce rapport, daté du 28 juin, porte la signature de J.-B. Mean.] » A peine l'avis du département du Lotto était-il rentré, que le cha- noine de Nelis remit à S. A. une note contenant l'exposé suivant : * Le Lotlo ou la loterie impériale et royale avait été établi à Bruxelles par lettres patentes de Marie-Thérèse du 14 septembre 1760. (La première loterie organisée à Bruxelles au profit du gouvernement datait de l'année 1754: elle avait été créée par ordonnance du 4 septembre.) On y avait adjoint une imprimerie pour les besoins du service seuls; mais vers la fin de 1766,1e prince Charles de Lorraine chargea le conseil des finances de s'attacher à ridée d'établir une espèce d'imprimerie royale à la dite loterie, et de le con- sulter sur les moyens et les dispositions a faire pour exécuter cette idée qui paraissait devoir procurer une diminution notable dans les fiais auxquels montait annuellement l'impression de tout ce qui s'imprimait pour le compte de S. M. (Rapport du conseil des finances à S. A. R. du 3 décembre 1766. Archiv. du roy. de Belg. Conseil des finances : carton n» 264.)— Le 14 février 1767, l'imprimeur Fricx signa un acte par lequel il renonçait contre la somme de 7 000 florins argent courant de Brabant, qu'il avait reçue de l'administra- tion de la loterie impériale et royale, à son privilège d'imprimeur juré du gouvernement. • Au moyen de cela, » est-il dit dans une lettre adressée au trésorier général le 18 février, ■> Tel est l'état de cette affaire, et pour mettre Son Altesse à même d'en décider, on croit devoir lui présenter ici les extraits ou la substance de ce qui a été dit sur l'imprimerie dans les différents rapports et dé- pêches où il a pu en être question. » Dans le grand mémoire contenant nommément le plan d'études, il ^68 LIVRE I. 1777. a été observé que l'imprimerie n'était pas aux Pays-Bas dans l'état le plus brillant : on a regardé comme nécessaire d'en établir une sous l'au- torité du gouvernement et l'itispeclion de l'Académie, notamment pour les éditions tant des Mémoires et ouvrages de l'Académie et du grand ouvrage des Bollandisles, que des livres élémentaires pour les nouvelles études, etc. On a fait observer en même temps que l'établissement de cette imprimerie ne coûterait guère, et qu'il serait cependant intéressant à beaucoup d'égards. » Le mémoire dont on vient de parler a été suivi d'un autre mémoire, qui avait particulièrement pour objet le projet de charger l'Académie du soin de suivre le travail des Bollandistes et Historiographes, et dans ce dernier mémoire, on a ouvert l'idée de transporter également à l'Acadé- mie l'imprimerie dont l'établissement avait été proposé par le mémoire précédent. « S. A. le prince de Kaunitz a touché cet article dans une lettre du 8 juin 1776, en observant • qu'il vaudrait mieux perfectionner l'impri- » merie royale à Bruxelles, ou l'imprimerie de l^ouvain, que d'en ériger * une nouvelle pour l'Académie; qu'il ne fallait pas s'exposer à l'incon- » veulent d'entamer beaucoup et de ne rien finir. » » S, A. le ministre rencontrant ces observations dans un mémoire expédié le 7 septembre suivant, s'y est expliqué comme s'en suit : « î/imprimerie de l'Université de Louvain a ses ressources et ses fonds » à elle. Elle va bien et ne paraît pas susceptible d'autres soins ni » secours de la part du gouvernement. L'imprimerie royale de Bruxelles » continue d'aller : elle servira toujours à tous les objets auxquels on » l'emploie actuellement, et il ne s'agit point d'y apporter quelque alté- » ration. — On a proposé une imprimerie particulière pour l'Académie, » parce que beaucoup d'Académies en ont, et qu'il est assez naturel ■» qu'elles en aient une : parce qu'on a un fonds d'imprimerie dans le » dépôt des Bollandistes, et qu'il n'en coûtera pas beaucoup pour l'adap- » ter à l'Académie, et parce qu'une imprimerie devient un gain et un s objet de ressources, comme on en a une preuve frappante à Manhcim n où l'Académie, par la direction et le bénéfice de son imprimerie, » trouve des avantages et épargnes considérables, qu'elle emploie utile- » ment aux objets de son établissement. — Il se réunit donc plusieurs » motifs en faveur du projet peu coûteux d'une imprimerie pour l'Aca- » demie, et tandis qu'on ne paraît point dans le cas de craindre qu'on » n'achèvera point, quant à cet objet, ce qu'on aurait commencé, il LIVRE 1. 1777. 169 » semble d'ailleurs que ce serait dommage de refuser à l'Académie une » ressource qui. intéressera si peu le trésor social. — Si cependant S. A. » le chancelier de cour et d'État jugeait qu'il ne fallait qu'une imprimerie » à Bruxelles, c. à d. de confondre l'imprimerie de l'Académie avec » l'imprimerie royale en enrichissant celle-ci du dépôt qui existait chez » les Boliandistes d'Anvers, on ne pourrait qu'y souscrire d'autant plus » qu'il y aura par là des ouvriers communs, par conséquent moins d'ou- n vriers à salarier; mais dans ce cas en laissant à l'administration du » Lotio le bénéfice qu'elle trouve sur tout ce qui sort de l'imprimerie » royale actuelle, on ne pourrait que solliciter en faveur de l'Académie, » l'attribution du bénéfice à provenir de tout ce qui excéderait les termes » ordinaires de ce qui jusqu'ici est sorti des presses de l'imprimerie t) royale. » » Sur quoi S. A. le prince de Kaunitz a mandé en date du 11 décem- bre 1776 ce qui suit: .. Quant à l'imprimerie des anciens Boliandistes, » S. M. a résolu de l'attribuer à l'imprimerie royale de Bruxelles; mais » Elle autorise en même temps son gouverneur général d'accorder tant » à la nouvelle association des Boliandistes qu'à ceux de l'Académie qui » y feront imprimer leurs ouvrages, des faveurs propres à augmenter le » bénéfice de leur vente, sans néanmoins causer de la perte à notre » imprimerie. • « C'est dans ces termes que se présente l'affaire dont il s'agit: il est question des livres élémentaires, dont l'édition est au moins pressante : or tandis que le département du Lotto propose lui-même de s'entendre avec un libraire pour les premières éditions, on se trouverait dans le cas de se contenter d'éditions lentes, défectueuses et mal dirigées, et cependant vu la nécessité de ces éditions pour tout le monde, dans le cas de voir passer au profit particulier d'un libraire sans mérite un bénéfice considérable, qui sera nul pour l'imprimerie royale, et nul pour l'Académie : au lieu que l'imprimerie étant confiée à l'Académie, et l'ouvrage, qui concerne les études, remis à l'inspection de la Commis- sion, qui a précisément pour actuaire le secrétaire de l'Académie (homme qui réunit des connaissances supérieures, et qui y ajoute tout ce qu'il faut pour faire briller et prospérer cette entreprise particulière), non-seulement on sera sûr que les éditions seront parfaites, mais ce sera pour l'Académie une ressource et un secours certain, qui ne coûtera rien à S. M., et qui ne privera le trésor royal d'aucune partie de la succession des ci-devant jésuites, puisque l'Académie ne demande rien 170 LIVRE I. — 1777. M qu'un octroi h l'instar de ce qu'on aurait été dans le cas d'accorder à un libraire particulier, et qu'elle renonce même s'il le faut au fonds peu considérable de caractères et d'ustensiles qui ont été trouvés chez les Bollandistes. » Enfin ce serait procurer le bien de la chose dans ce moment parti- culièrement quant aux livres élémentaires et favoriser en même temps l'Académie, sans qu'il en coûte la moindre chose à S. M., sans risque pour le trésor royal puisque l'Académie prend tout à elle, et sans faire le moindre tort à l'imprimerie royale, qui retiendra tout ce qu'elle a, qui procurera et conservera tout l'avantage dont elle a pu et peut être, et à qui on pourra, conformément à l'intention de S. M., céder l'imprimerie des anciens Bollandistes, en ménageant des facilités pour l'impression de la continuation des ouvrages de cette association, supposé que ces ouvrages ne dussent ou ne pussent pas être imprimés dans la typogra- phie académique. Au reste cette typographie sera d'ailleurs sufïisam- raent alimentée par les différents ouvrages auxquels l'établissement des nouvelles études donnera lieu, et par les mémoires et autres pièces qui intéressent l'Académie même : nombre de mémoires, entre autres l'histoire de cette association, sont prêts à être remis à l'imprimerie : les retards du libraire, avec qui on avait contracté, son inattention, le désagrément du travail qu'elle fait naître, tout cela joint à la valeur que les savants attachent à l'exactitude des éditions, ont depuis longtemps fait désirer à l'Académie, d'avoir une imprimerie à elle, et l'occasion présente paraît d'autant plus propre à cela qu'il s'agit de livres élémen- taires pour lesquels il faudrait d'ailleurs s'adresser à un libraire qui y trouverait nécessairement un bénéfice qu'il vaut sans doute autant réserver à l'Académie. >^ Il se présenterait actuellement l'occasion de s'assurer d'une maison, qui à toutes sortes d'égards serait singulièrement propre à l'objet dont il s'agit; et il serait ainsi à désirer que l'Académie pût savoir bientôt l'intention de S. A. dont elle attendra les ordres, en observant unique- ment, que l'Académie de Manheim, qui a aussi une imprimerie à elle, y a fait successivement un bénéfice, qui lui a valu un nouveau fonds, et qu'il ne s'agit aucunement d'altérer à l'égard de l'imprimerie royale, l'objet pour lequel elle a été établie, ni de toucher aux ouvrages qui lui ont été attribués, ni de diminuer les avantages qu'elle peut en recueillir ou qu'on jugera à propos de lui attribuer pour les ouvrages quelconques, qui excéderaient le cercle des livres élémentaires et autres pièces de cette nature sur lesquelles l'octroi porterait. » LIVRE I. 1777. 171 Le 15 septembre 1777, le chancelier de Brabant recevait la lettre suivante * : « Monsieur, il est arrivé une réponse de Vienne sur l'objet d'une imprimerie à établir par l'Académie, ainsi que d'un octroi à lui accor- der pour l'impression des livres élémentaires des nouvelles écoles ; et d'après cette réponse, qui laisse à l'autorité de S. A. R. d'y disposer, S. A. le ministre plénipotentiaire se propose de déterminer le sérénissime duc à autoriser les vues de l'Académie : mais suivant l'esprit de la réponse de Vienne, il est nécessaire i° que la chose, quant à la conces- sion de l'octroi soit traitée dans les mêmes formes que s'il s'agissait d'un octroi à accorder à un libraire particulier; Q» que le nouvel éta- blissement soit soumis aux lois déjà émanées et à émaner encore en fait d'imprimerie et de librairie ; 3" que les octrois à accorder à l'Académie ne soient que pour des livres et un temps déterminé; à quoi on ajoute i» qu'il ne pourra pas être question d'attribuer à l'Académie l'impri- merie des Bollandistes, ou l'impression de la suite de ces ouvrages, S. M. en ayant disposé différemment; 5« que l'Académie ne pourra point donner pour hypothèque des levées qu'elle fera ni sa dotation ni ses épargnes, mais seulement l'octroi pour l'exécution duquel elle a besoin d'argent; enfin G» on désirerait avoir à Vienne une note sur la manière dont la dotation de l'Académie est employée actuellement ainsi que des épargnes qu'on peut avoir faites là-dessus. — S. A. le ministre m'ordonne, monsieur, de vous marquer tout ce que dessus, désirant que yous veuillez bien lui proposer la note qu'Elle pourrait faire passer à Vienne sur l'usage ou la destination des fonds de l'Académie, et quant au surplus S. A. attendra qu'après avoir combiné l'affaire avec les membres de l'Académie, que vous trouverez convenir, l'on puisse au nom de l'Aca- démie articuler les demandes et dispositions précises qu'Elle désire, et établir en forme les demandes y relatives. » Cette lettre était signée par le secrétaire d'Etat et de guerre. La Note pour Son Altesse le mlmstre plénipotentiaire fut remise le 22 septembre ^; voici en quels termes elle répondait aux diffé- rents points touchés dans la lettre susdite : * Archiv. du roy. de Belg. Secrélairerie d'Élat et de guerre : Académies. « Ibid. Idem. 172 LIVRE 1. 1777. u y4d l""" ... Celui qui demande un octroi [exclusif], présente une requête au conseil privé, ou au conseil de Brabant... Mais ne serait-il pas humiliant pour TAcadémie, de présenter une requête en corps...? Ne pourrait-on pas, comme on le peut certainement, lui faire cette faveur d'oiïice, et sans insérer dans Toctroi cette clause ordinaire du protocole : « Nous avons reçu Thumble supplique et requête de notre Académie » impériale et royale des sciences et belles-lettres, etc. » » Ad 2'^"™. Cette précaution peut-être juste par rapport aux livres élé- mentaires, et aux autres ouvrages étrangers, qui sortiront de la presse académique; [mais TAcadémie a obtenu par ses lettres patentes la faculté de faire imprimer, sans avoir recours à l'approbation des cen- seurs, les mémoires de ses membres et les mémoires couronnés.] ^ Ad 5""". Celava sans dire : ... on pourrait fixer [la durée de l'octroi] à douze ans, pourvu toutefois qu'on [n'en refuse pas le renouvellement]. » Ad 4""\ S. M. ayant disposé différemment sur ces objets, il serait inutile d'en parler davantage. » Ad 5"™. L'argent nécessaire pour cette entreprise est prêt depuis longtemps; il n'est question ni d'hypothèque, ni de la dotation, ni des épargnes de l'Académie. Un simple reçu du secrétaire perpétuel de l'Aca- démie, qui aura en même temps la direction de l'imprimerie, suffira au prêteur, qui de son côté n'exigera que l'intérêt ordinaire en pareil cas. » ... Il suffira, pour assurer à l'Académie l'effet de la résolution de S. M., ... que le conseil privé en soit informé par un décret de S. A. R., avec ordre de présenter à ce sérénissimc prince le projet de l'octroi à expédier, dans lequel il conviendra d'exprimer 1" la permission d'ériger une imprimerie pour des livres seulement; 2" celle d'imprimer les livres à l'usage des nouvelles écoles publiques, à l'exclusion de tout autre im- primeur, pendant le terme de douze années consécutives, à compter de la date de l'octroi, et 3° l'obligation de se conformer aux lois déjà faites et à faire sur la police de l'imprimerie, sans préjudice néanmoins à la faveur que les lettres patentes accordent à l'Académie relativement aux productions littéraires des membres qui la composent, et aux mémoires couronnés par elle. » Il conviendra de plus que cet octroi, pour autant qu'il accorde la permission exclusive d'imprimer les livres élémentaires, soit également expédié par le canal de la chancellerie de Brabant..., sans quoi, en cas de contrefaction, l'Académie serait dans l'impossibilité d'exécuter son octroi en Brabant. LIVRE 1. — 1777. 173 w Quant aux autres points des intentions de S. M., louchant Timpri- merie et l'impression des ouvrages des Bollandistcs et la défense de donner pour hypothèque la dotation et les épargnes de FAcadémie, S. A. le ministre plénipotentiaire pourrait avoir pour agréable de les notifier à TAcadémie par une lettre particulière, et il semble qu'il serait superflu d'en instruire le conseil privé. •» Sous la dale du 5 octobre, Starhemberg adressa au chaucelicr de Brabant, président de l'Académie, la lettre que nous allons transcrire : c'est celle dont Crumpipen donna lecture dans la séance du 14. a Monsieur, » Vous êtes déjà informé de l'agrément que S. A. R. a donné au projet d'accorder à l'Académie des sciences et belles-lettres la permission d'éta- blir une imprimerie, et un octroi exclusif pour l'impression des livres élémentaires, destinés au nouvel enseignement dans les écoles publiques: je vous fais maintenant la présente, monsieur, pour vous prévenir que S. A. R. vient d'avoir chargé le conseil privé de rédiger et présenter à son approbation l'octroi à expédier en faveur de l'Académie, portant 1" la permission d'ériger une imprimerie pour des livres seulement; 2° celle d'imprimer les susdits livres élémentaires à l'exclusion de tout autre imprimeur, pendant le terme de douze ans, et 5° l'obligation de se conformer aux lois déjà faites et à faire sur la police de l'imprimerie; sans préjudice, néanmoins, à la faveur que les lettres patentes accordent à l'Académie, relativement aux productions littéraires des membres qui la composent, et aux mémoires couronnés par elle. Au reste, je crois devoir vous prévenir d'avance, monsieur, l» que l'Académie ne pourra faire aucun calcul sur l'impression des ouvrages des Bollandistes, S. M. ayant déjà disposé dilïéremment à cet égard; et 2° que pour les sommes que l'Académie pourra être dans le cas de lever pour l'établissement d'une imprimerie, elle ne pourra donner pour hypothèque ni sa dota- lion, ni les épargnes que l'Académie fera, mais seulement l'octroi même. » De tout quoi je vous donne part, monsieur, pour votre information et direction et pour celle de l'Académie. Je me suis fait un plaisir de seconder et de faciliter des vues qui se concilient si bien avec son intérêt, et je ne doute point que vous ne fassiez tenir la main à ce que, pour 174 LIVRE l. — 1777. rinstitulioii el la direction du nouvel établissement, on suive à la fois le> règles de la meilleure économie, et les moyens les plus propres à conduire à la perfection Vous voudrez bien, monsieur, me faire parvenir succes- sivement, de demie en demie année, le relevé du compte de Timprimcrie, afin que je puisse être informé des succès d'un établissement que je sou- haite voir prospérer. « Dans le protocole de la séance du 14 octobre, cette lettre est suivie du paragraphe que voici : « La faveur accordée à l'Académie, les termes gracieux qui raccom- pagnaient et la chaleur avec laquelle S. A. le ministre avait embrassé les intérêts de ce corps, firent naître un sentiment vif de reconnaissance. On résolut sur-le-champ que MM. le président, le directeur et le secrétaire seraient députés vers ce prince, pour le remercier au nom de l'Académie, et lui faire connaître avec quelle sensibilité elle avait reçu les effets de sa protection. » A la fin du protocole, on lit : « La direction des affaires qui regardent Timprimerie a été confiée à M. le président et au secrétaire perpétuel. » L'octroi fut accordé le 20 novembre 1777. 11 était conçu en ces termes : « Marie-Thérèse, etc., à tous ceux qui ces présentes verront, salut : » Voulant témoigner à l'Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres, que nous avons érigée pour nos provinces belgiqucs, la satisfaction que nous éprouvons des progrès de ce corps, ainsi que du zèle et du travail de ceux qui la composent, et lui donner en même temps une nouvelle marque des faveurs, que nous aimons à répandre sur les lettres et les sciences utiles ; » Nous avons, à la délibération de notre très cher et très aimé beau- frère et cousin, Charles-Alexandre duc de Lorraine et de Bar, notre lieu- tenant, gouverneur et capitaine général des Pays-Bas, accordé et accor- dons à la dite Académie des sciences et belles-lettres, la permission d'établir une imprimerie pour des livres seulement, et celle d'imprimer les livres élémentaires et classiques à l'usage des collèges et écoles publi- LIVRE I. 1777. 175 tjucs de nos provinces des Pays-Bas, à l'exclusion de tout autre impri- meur, et ce pour le terme de douze années consécutives, à compter de la date du présent octroi : sous obligation, cependant, de se conformer aux lois déjà faites et à faire sur la police de l'imprimerie; mais sans préju- dice à la faveur que nos lettres patentes portant érection de l'Académie, lui accordent relativement aux productions littéraires des membres qui la composent, et aux mémoires couronnés par elle. ÙNous déclarons aussi, que Nos présentes lettres d'octroi ne porteront aucune atteinte aux octrois que d'autres imprimeurs pourraient avoir obtenus ci-devant pour l'impression des livres élémentaires et classiques. Notre intention étant, que ces imprimeurs continuent à jouir du droit qui leur a été accordé pour le terme désigné, conformément aux ordonnances et à l'usage établi en ces provinces relativement à l'imprimerie, etc. « Nous reviendrons sur l'impriinerie académique. Pour le moment nous nous bornerons à dire qu'elle fut loin de répondre aux espérances qu'on en avait conçu : elle ne semble même avoir eu d'autre résultat avantageux que celui de procurer pendant trois ans un logement gratuit au secrétaire Des Roches Crumpipen avait fait l'avance des fonds nécessaires à son érection, et, pour sauver son capital qui n'allait pas à moins de 124 000 flo- rins, il cul l'adresse, vers la (in de 1780, de passer l'alfaire à une Société typographique, dirigée par l'imprimeur de Boubers et dont celui-ci était l'un des trois actionnaires, les deux autres étant le |)rince de Salm-Kirbourg, représenté par l'académicien de Hesdin, et les associés des papeteries de la Hulpe et de Dieghem. représentés par M. de Cellier. Nous ferons connaître l'ingénieuse combinaison financière par laquelle le chancelier de Brabant parvint à se tirer d'embarras, et l'Académie avec lui ; mais le contrat passé avec la Sociélé typo- graphique, en éteignant une dette qui n'allait pas à moins de 44 000 florins, devint d'autre part pour l'Académie la source de nombreuses tribulations, et empêcha, comme on le verra, la pu- blication du tome VI de ses Mémoires, dont tous les matériaux élaient prêts. Si l'imprimerie de l'Académie ne put se soutenir, la faute en est bien un ])eu à Des Roches. Cet homme, remarquable du reste ilQ LIVRE I. 1777. SOUS tant de rapports, n'avait absolument rien de ce qu'il faut pour faire prospérer un établissement industriel. Toutefois il y avait d'autres causes: l'abbé Nelis, l'un des promoteurs de l'entre- prise, les exposait fort bien dans un mémoire adressé en 1785 à l'empereur Joseph H. « On a établi il y a vingt ans, disait-il, une imprimerie académique et privilégiée à Louvain, on en a établi une à Bruxelles. Le privilège de la première a été donné à l'Uni- versité, celui de la seconde à l'Académie des sciences et belles- lettres de Bruxelles. Mais ni l'un ni l'autre de ces établissements n'a prospéré, par un vice attaché à tout ce qui est gouverné par un corps, où l'intérêt particulier et la propriété, qui sont l'âme de toutes les grandes entreprises, manquent de ressort. Aussi l'im- primerie de Louvain n'a-t-clle pas fait parler un seul instant d'elle, pendant vingt ans qu'elle a subsisté; et l'Académie de ikuxelles a été obligée, après une épreuve beaucoup plus courte, de céder son privilège à une autre Société... Ce n'est en un mot qu'entre les mains des particuliers que cette sorte d'établissements peut prospérer; mais peu de particuliers savent réunir le goût et le discernement nécessaires à la direction d'une in]primerie, avec l'aisance du côté de la fortune, qui n'est pas moins nécessaire pour soutenir de grandes entreprises. » CHAPITRE XV. La Bibliothèque royale. — Le projet de loger cette Bibliothèque ainsi que l'Académie dans l'église des ci-devant jésuites. — La publicité à donner aux travaux de l'Aca- démie par le Journal de physique de l'abbé Rozier et par l'Esprit des journaux. — Le concours de 1777. — Résolution du ministre plénipotentiaire au sujet de la place à attribuer à l'Académie dans l'Almanach de la cour de S. A. R. — L'envoi de l'abbé Mann en Angleterre pour y étudier les nouveaux moyens de mettre les édifices à l'abri des incendies. — Son mémoire sur ce sujet. L'Académie n'avait cessé de se préoccuper de la Bibliothèque royale qu'elle regardait comme une de ses dépendances. Tous les cadeaux de livres qu'elle recevait y étaient dé}»osés, et, à l'époque LIVRE I. 1777. 177 OÙ nous sommes arrivés, elle avait dépensé près tîe fi 300 florins pour raiigmenler. D'ordinaire le conservateur de la Bibliothèque, lorsqu'il dési- rait ftiire une acquisition, s'adressait au ministre plénipotentiaire, et celui-ci jjrenait l'avis du président de l'Académie. Or, voici deux pièces curieuses qui montrent bien quel était l'esprit du temps '. Le 7 mars 1775, l'abbé Chevalier demande de pouvoir souscrire aux ouvrages suivants : « 1° ï^e Journal des savcuits de Paris, assez bien travaillé et d'un format in-4° plus convenable à la Bibliothèque. Tous les mois on reçoit un cahier : à la fin de Tannée ces cahiers donnent un bon in-4°. On souscrit pour trente livres de France; 2° un ouvrage périodique qui se publie actuel- lement sous le lilre de Tableau du travail annuel de toutes les Académies de VEurope, lequel sera fort utile à notre Académie et à la Bibliothèque. Chaque mois on donne un cahier in-i*" enrichi de gravures en taille-douce; ces cahiers formeront 2 vol. in-i" par an; le prix de la souscription est de 24 livres à Paris et de 50 livres pour les provinces franc de port. » Le président de l'Académie donne son avis le 31 mars dans ces termes : « Je crois qu'il convient de s'y refuser [à souscrire], 1° parce qu'une Bibliothèque publique n'a que fjure de pareils ouvrages, qu'un chacun peut se procurer à un prix raisonnable; 2° parce qu'il importe que ceux, qui fréquentent notre Biblio- thèque, n'y aillent que dans la vue de s'instruire par la lecture de bons livres, et non pour s'amuser à celle de feuilles périodiques, dont il y a une prodigieuse quantité en Europe, mais peu, ou point, qui soient véritablement utiles. » Cet avis fut adopté. Bien des gens s'étonneront aujourd'hui d'entendre Crumpipcn parler du Journal des savants et d'une revue des travaux académiques en Europe comme de feuilles légères dont il faut interdire la lecture aux visiteurs de la Biblio- thèque, parce qu'ils ne peuvent que servir à les amuser. iMais si l'abbé Nelis avait eu raison de signaler les vestigia ruris de * Aichiv. du roy. de Belg. Secrétaireiie d'Élal et de guerre : Académies. Tome XXXIV. 12 178 LiVUE I. — 177T. I Université de Loiivain, la plupart des académiciens de Bruxelles, et leur président en lêle, n'avaient pu se garantir complètement de la rouille que fait naître un amour trop vif pour les recherches d'érudition pure, amour assez général, du reste, à cette époque. La sensation qu'on éprouve en parcourant les anciens inventaires delà Bibliothèque royale et les catalogues des livres des jésuites, n'a rien de bien agréable : les titres des ouvrages ont quelque chose d'effrayant. La Bibliothèque royale avait été installée en 1754 dans l'an- cienne salle du Grand-Serment des arbalétriers, entre la rue d'Isabelle et le Parc. Avant de la rendre publique, on avait dépensé mille ducats pour préparer le local d'une manière avantageuse, mais celui-ci allait devenir trop petit, par suite des ordres donnés à Gérard de réserver en faveur de l'Académie les ouvrages des col- lèges des jésuites qui pourraient lui être profitables. On ne savait où placer ces livres extrêmement nombreux, quand on eut l'idée (rmiliser à cet effet l'église des jésuites, devenue disponible par la suppression de l'ordre, et assez grande pour y loger en même temps l'Académie. Le 25 novembre 1777, le secrétaire d'Etat et de guerre écrivait au chancelier de Brabant * : « Comme il pourrait être question de donner dans une partie de l'église des ci-devant jésuites, un autre emj)lacement à la Bibliothèque royale, et de choisir cet emplacement de manière à pouvoir aisément déposer, tant les livres actuels delà Bibliothèque de Bourgogne, que tous ceux que 1 on retirera des Bibliothèques des ci-devant jésuites, en réser- vant même une place pour des acquisitions ultérieures, S. A. le ministre plénipotentiaire me charge de vous en informer, mon- sieur, et de vous prévenir que dans le même bâtiment où sera cette nouvelle Bibliothèque, on se propose de construire une salle ou Musaeum pour les assemblées de l'Académie impériale et l'oyale de Bruxelles, avec un ou deux cabinets tant pour l'usage du bibliothécaire que de l'Académie. Avant de faire travailler aux plans, S. A. désire que vous fassiez former, pour le lui remettre, ' Arcliiv. du roy. de Belg. Secrélairerie d'Élal et de guerre : Académies. LIVRE I. 1777. 479 un mémoire explicatif et détaillé de la consistance et distribution des appartements que vous croirez nécessaires aux usages ci-des- sus individués. » Dans sa réponse, datée du 12 janvier 4778, le chancelier de Brabant fait savoir qu'il a requis Tabbé Nelis et le secrétaire Des Roches de lui donner leurs avis sur l'objet en question, et il envoie au secrétaire d'État et de guerre les deux notes que ces académiciens lui ont remises : elles faciliteront, dit-il, le travail des architectes chargés de préparer les plans, et l'on déterminera ensuite par une inspection locale, combinée avec les plans, quelle sera la manière la plus propre d'exécuter ce beau et vaste projet. D'après Nelis, la Bibliothèque publique de Bruxelles ne saurait être mieux placée que dans la grande nef de l'église des ci-devant jésuites, où l'on pourra d'ailleurs renfermer très aisément tous les accessoires d'une Bibliothèque : Cabinets de manuscrits, de médailles, d'histoire naturelle et d'instruments de physique, ainsi que les anciennes archives du gouvernement. ]\Iais il doute s'il sera bien possible d'y trouver un emplacement convenable pour loger l'Académie. Les nefs latérales sont trop étroites; et jamais il ne sera bien possible d'y pratiquer une salle ou deux, telles qu'en demandent les asseniblées académiques, surtout les assemblées générales et pubh'ques; les salles seront longues et étroites, et auront l'air d'un corridor ou d'une galerie. L'ancien théâtre des jésuites, qu'il serait aisé de joindre à l'église par une allée ou un corridor, serait tout ce qu'il faut. Au reste, ce sera aux architectes à examiner et à discuter tout cela, après avoir toisé le terrain. Des Roches voudrait que toute la nef du milieu fut consacrée à la BibHothèque, sauf à faire servir la partie antérieure à la con- struction d'un beau vestibule en demi-cercle, de toute la largeur de l'église. Au fond de ce vestibule une grande et belle porte don- nerait entrée dans la Bibliothèque : deux portes semblables condui- raient des deux côtés dans les nefs latérales destinées à d'autres usages. Derrière le vaisseau de la Bibliothèque, on pourrait prati- quer un cabinet particulier, où l'on conserverait les manuscrits qui ne doivent pas être confondus avec les autres livres. — Au 180 LIVRE I. — 17-7. reste il conviendrait qu'il y eût clans cette Bibliothèque une ou plusieurs galeries, afin d'avoir un grand emplacement de réserve, et de ne se trouver jamais à l'étroit, lorsqu'il sera question d'aug- menter le nombre des livres. Ce cas pourrait se représenter plus d'une fois. Déjà les Bibliothèques jésuitiques fourniront une aug- mentation très considérable, ^x Quand on considère la quantité de livres que nous avons, » dit-il, « quand on fait réflexion qu'on ignorait, il y a dix ans, que Bruxelles eût une Bibliothèque, on peut présumer, sans être téméraire, qu'elle sera un jour très nombreuse. C'est une considération qu'il faut avoir en vue. Quels regrets n'aurait-on pas dans vingt ans, si le défaut d'em- placement empêchait de songer à de nouvelles acquisitions. — Quant aux nefs latérales, si le bruit public, qui destine une partie de l'église à l'usage des archives, est fondé, une de ces nefs pourra servir à cet usage : l'autre doit être conservée à l'Académie. La salle où elle tiendra ses assemblées doit être vaste; sans cette précaution, elle ne pourrait jamais tenir des assemblées publiques. Elle aura tôt ou tard des instruments de physique, un Cabinet d'histoire naturelle, un Jardin bolam'que, sans parler d'un Observatoire ni des instruments d'astronomie. Il faudra songer à placer tout cela. Si les circonstances ne permettent pas qu'on s'occupe de tous ces objets à la fois, ne parlons plus de l'Obser- vatoire ni du Jardin botanique, et contentons-nous de trouver place pour tout le reste. — Il est visible (jue le rez-de-chaussée n'y saurait suffire, parce qu'il en faut prendre une partie pour le cabinet du bibliothécaire et pour une place à mettre des provi- sions de bois, etc. — En faisant un premier étage, tout le monde serait à l'aise. La salle des assemblées pourrait avoir l'étendue qui lui convient, et il resterait assez de place pour le Cabinet d'his- toire naturelle, pour celui des instruments de physique, pour une chambre où l'on admettra les personnes qui demanderont à parler aux académiciens, et enfin pour une autre chambre à l'usage des domestiques, etc. » Il avait déjà été question en 177G de faire servir l'église des jésuites à quelque objet d'utilité publique. Le projet auquel le prince de Starhemberg s'était arrêté à cette époque, est consigne LIVRE 1. — mi. d81 dans un rapport adressé ic 20 avril de la même année au gou- verneur général, e Si, comme je le crois, disait le ministre, l'église de Bruxelles n'est pas dans le cas détre conservée, Tidée qui m'a été donnée d'y déposer la Bibliothèque royale publique paraîtrait de nature à pouvoir être accueillie... Ce serait un projet d'une exécution aussi facile que peu coûteuse. La grande nef suffirait pour recevoir les livres... Quant aux nefs latérales, on y trouverait, au moyen de simples cloisons, de quoi pratiquer des cabinets qui serviraient pour l'étude de ceux qui fréquenteraient la Bibliothèque, ainsi qu'aux individus à qui on confierait la suite du travail des BoUandisles et Historiographes, sans que l'empla- cement actuel de la Bibliothèque devînt inutile par là, puisqu'il sera toujours nécessaire tant pour les manuscrits et pour les livres qu'on croirait ne devoir pas laisser à l'usage du public que j)Our la tenue des séances de l'Académie. « H ne s'agissait donc point, alors, de loger l'Académie dans léglise des jésuites. Mais soit qu'on eût réfléchi au désavantage de séparer la compagnie de ses livres, soit que la décision de faire continuer les Acla Sanctorum \)nv les anciens Bollandistes eût modifié la manière de voir de Stnrhcmbcrg, la lettre écrite par ses ordres au chancelier de Brabant dix -huit mois plus tard avait une portée beaucoup plus grande. Quoique le premier projet du ministre eût été adopté par Marie-Thérèse (le 20 octobre 1776), il n'y avait été donné aucune suite, et c'est le sort que subit également le second projet jus- qu'en 178o : alors on put espérer un moment de le voir exécuter. Quand nous serons arrivés à cette époque, nous exposerons les phases i)ai* lesquelles il avait passé dans l'intervalle, et nous ferons connaître le sort qu'il subit finalement. L'Académie comprenait très bien les avantages de la publicité : on en verra la preuve dans les extraits que nous allons donner de ses protocoles. Séance du 14 octobre 1777 : « M. l'abbé Rozier, auteur du Journal de physique, avait représenté cjmbien il serait utile aux progrès des lettres si les membres de 182 LIVRE 1. — 1777. rAcadémic de Bruxelles, à l'exemple de plusieurs autres académiciens, voulaient bien donner dans son journal comme dans un dépôt consacré à rinstructlon publique, les précis des mémoires dont ils font la lecture dans les séances, surtout s'ils contiennent quelque nouvelle découverte. Les mémoires des Académies, disait M. Rozier, tardent quelquefois cinq ou six ans avant que d'être rendus publics par l'im- pression, d'où il résulte qu'un savant d'une nation, qui a travaillé sur un objet, se trouve souvent devancé, au moins pour la publication, par un savant d'une autre nation, et Thonneur de la découverte devient problématique. D'ailleurs combien de savants n'est-il pas, hors d'état de se procurer les mémoires de toutes les Académies. Un dépôt public bien monté, tel qu'il suppose son journal, leur apprendrait du moins les sources où ils doivent puiser, et leur donnerait une idée de ce qui a été dit sur tel ou tel sujet. M. Rozier ajoute que presque toutes les Académies ont adopté son plan : deux ou trois seulement, qui aiment plus les privilèges exclusifs que les progrès des sciences, ont répondu que si elles envoyaient ainsi des précis, leurs mémoires n'auraient plus, au temps de la publication, la fraîcheur de la nouveauté. M. Rozier détruit aisément celte objection et ne manque pas de la peindre des couleurs qu'elle mérite. [La lettre de l'abbé Rozier est datée de Bruxelles, le 15 juillet 1777. En parlant de l'abbé Mann, il écrit deux fois Vabbé Men.] » L'Académie, quoique intimement persuadée que le zèle qui anime ses membres, et la précieuse facilité d'avoir une imprimerie à ses ordres [l'institution d'une imprimerie académique venait d'être accordée], ne permettent pas de croire que l'impression de ses volumes soit retardée considérablement à l'avenir, ne refuse pas de se prêter à l'exécution du - projet de M. Rozier. En conséquence elle a permis à tous ses membres d'envoyer à cet auteur le précis des mémoires qu'ils auront lus dans ses séances, avec cette seule restriction que ces précis mêmes doivent être auparavant communiqués à l'Académie. » Assemblée parliciiiièrc du 25 novembre 1777 (Protocole de la séance du 9 décembre) : « Comme on avait observé plus d'une fois combien il importait que le public fût instruit des séances académiques et connût les objets LivuE I. — >---. 183 traites dans les mémoires dont on y fait lecture, sans attendre la publi- cation d'un nouveau volume, il fut résolu que Ton annoncerait doréna- vant dans V Esprit dos journaux les séances de rAcadémic et les titres des mémoires qu'on y lit, moyennant que les auteurs respectifs de ces mémoires consentent à cette annonce et qu'on y observe rordrc dans lequel ils auront été présentés à TAcadémie. » Pour le concours de ranncc 1777, l'Académie avait proposé deux questions d'histoire et deux questions de physique. Sur la première (pieslion d'histoire : « Quels étaient les droits el les prérogatives du duc de Lolhier ou de la Basse-Lorraine du temps de Godefroi le Barbu, c'est-à-dire au commencement du 12" siècle? En quoi consistaient les possessions allodiales de ce prince et celles (ju'il acciuit en vertu de son investiture? » elle n'avait reçu qu'un mémoire, éciit en flamand. Les avis furent partagés sur le mérite de ce mémoire : Des Roches et Nclis jugeaient qu'il méritait le prix, mais l'opinion contraire, soutenue par Gérard, de Fraula et de Hesdin prévalut. Le prix de la questiori sur les manufactures : « Quel était l'état des manufactures et du commerce aux Pays-Bas pendant le 13'^ et le 14^ siècle?» fut accordé à M. V^erhoeven, de Malines, et l'accessit à M. Pluvier qui avait déjà remporté une médaille Tannée précédente. Notons que « le chirurgien de village» était, dans l'entre-lemps, devenu professeur de gi-ainmaire au collège royal d'Alost, el qu'au lieu d'éci ire son mémoire en flamand, ce ([ui lui avait si bien réussi en 177G, il l'avait cette fois rédigé en latin. Les commis- saires lui reprochaient son style de rhéteur, de si mauvais goût dans un mémoire académique. Si, disaient-ils, il avait employé à des recherches historiques le temps et les peines qu'il en a coûté pour donner, comme il la fait, du nombre et de la cadence à ses périodes, il aurait pu espérer de voir son ouvrage couroniié. Le mémoire de Verhoeven, écrit en flamand, était, à la vérité, d'une longueur excessive, et ne brillait ni par l'ordre ni par la méthode; mais en revanche on y apercevait des recherches im- menses et un travail étonnant L'auteur, selon les commissaires, n'écrivait pas mal, il avait de l'esprit et du jugement. i84 LIVHE I. — 1777. Le prix de la question sur remj)loi des bœufs fut décerné au P. Norton, qui obtint encore un accessit pour la question sur les moyens de cultiver les teires humides et marécageuses: le prix de celle dernière question ayant été remporté par M. Foullé. Pour terminer l'exposé des i)rincipaux faits qui signalèrent l'année 1777, il nous reste à mentionner une Note pour S. A. le MINISTRE PLÉNiPOTENTiAMtE, claléc du 5 novcmbrc, et signée J. Crumpipen, eiianeelicr de Brabant, président de l'Académie*, et un voyage fait à Londres par l'abbé Mann pour étudier un nouveau moyen d'éteindre les incendies. L'objet de la noie du cliancclier était d'obtenir que l'Académie fût insérée dans l'Almanacli de la cour de S. A. R. Le ministre plénipotentiaire agréa cette demande, et, le 9 novembre, il écrivit au conseil privé pour lui faire part de sa résolution et charger le chef et président de placer l'Académie dans l'Almanaeh après le corps bydraulique 2. Le 24 octobre 1777, le comte de Bclgioioso, ambassadeur d'Aulricbe à Londres, écrivait au prince de Slarhemberg: a ... Je saisis cette occasion pour faire parla Voire Altesse d'une deuxième découverte faite ici pour garantir les maisons et toute sorte d'édi- fices, du feu. Elle aura sans doute entendu pailer de la première faite par un nommé M. Harlley, membre du parlement, dont j'ai vu moi-même les expériences l'année passée et dont les frais en bâtissant, ne passent guère le trois pour cent de plus et qu'on peut même appliquer aux édifices déjà existants : il y a eu là- dessus des mémoires imprimés. Actuellement le lord Mahon, fils du comte de Stanbopc et gendre de milord Chatam, vient de trouver une méthode beaucoup plus simj)le, et meilleur marché (quoique d'après les mêmes principes philosopbiques) (jui garantit du feu tant au dedans qu'au debors, aussi les maisons de bois revêtues en chaux ou en plâtre. Cette invention est si simple, que chaque paysan peut se bâtir sa maison de la sorte sans plus de dépenses, ne consistant que dans la manière de revêtir ses murs * Arcliiv. du roy. de Belg. Secrétaircrie d'Élal el de guerre : Académies. ' Arcbiv. du roy. de Belg. Conseil privé, carton n" 1089 : Académies. LITft£ U ITTT. f 83 ^^ pbfoiid^. Les deui iawtnîioas sont ii nlilG âo bûn poMîe ront si certaines qu'il Taodrait la peine, a moo ÎAihle aTi> que n pôl enTOTer iei quelque dief naeoo. oa eneorc mieux qnelque coostmeteur pour l'apprendre: il n'aurait pas bes^iîa d^an lotL^ scjoar ; If^ dcox ioTenteors, je me iatte, à bu soiEeiUtioa. se feraient un plalirr de lai mootrer et et Iw c^fcfer lowt, ptii i ■ que ce soit ma hàmmt àrnUt et iftlcfi^cal. T«Crr ^Itesie thI Bienx que moi de qvel aTaafai^ ce fiiak être fflvr les ardues et poar les magasiBS lmU[ t ml mit ■! et t^kà des partienfin^ Je c— ipte d'en éerîre aussi à X. le prîaer de Kaaaîlz; tmmÊÊÊt U y a phis dlneendîes dans les pays heicJitaires et es llni^i îr qœ partout âillears. je crois q«c ces déconrertes aj scnâcat pas placées...» Le 8 noveabre, !e secrétaire d'État et de goerre Sc pi ■■€■■■ sm diaocdier de Brabant. de la part d« aHa^tre. Textraft q«î peé- ecde de b lettre de Be%BMiso : « Soa Alicsse, loî ccrivaîl-fl^ ^^îre, monsieur, que votts le conuMniqnâez k TAtaàtwmit des eaecs et belles -letiirs. et qae cefle-ei s'cxpfiqne smr ce qoi en l robjct. » L? hr: :' : .^a de dewifidfr on rafport à TaUé >i ,. !e «f?Mrt b ?if»fi*e' de fAcadéoûe êm 1 f novemF r . L---r- .: !.. .1-. -. E- le conle de R-r s . l'abbé M •» au cétcbre d»e- ■iT Haies, qui a prouvé par diverses es^ laites sar des piaaehes de bo'^ '' -— ; l,, le saMe. qaaoeno bois - kmiqsc Dpêche Pair de le traverser, oa d'attetadre . - it à i un des deux côtés. Ccst an« vérité constatée : : - par toute sorte d'expériences, que U feu me ?3' nier, si on lai euMpe emtiémmeMi ia einc :f Catr. L'est sur ce seul principe qu'est î' ' ' ^ -- - présent en Au^ctôre pour , - > .. !r 'i.-\ ^ uches. laadis que lord Mahoa recL,Iiv-i:: U r. Ia:^'-:e 186 LIVRE I. 1777. de fer par une couche de plâtre et diminuait ainsi considérable- ment la dépense. D'après le rapporteur, l'objet méritait bien la peine d'envoyer une personne en Angleterre pour s'instruire à fond de toute cette matière, c'est-à-dire de la manière de préparer les plaques de fer et de les poser dans la boiserie, ainsi que de la manière de pré- parer la chaux et le plâtre et d'en revêtir les bois qui entrent dans la construction des maisons. Ce rapport détermina le prince de Starhemberg à charger l'abbé Mann d'aller prendre à Londres des informations précises sur les procédés de M. liartley et de lord Mahon : il en informa le chancelier de Brabant par sa letti-e du 19 novembre. L'abbé 3lann se mit en route le 20, et l'on conserve aux archives du royaume les lettres qu'il adressa de Londres, les 9 et 12 dé- cembre, au secrétaire d'Etat et de guerre — Le 23 de ce dernier mois, il était rentré à Bruxelles après un voyage très pénible : le ministre et le gouvernement étaient si pressés de savoir ce qu'il avait vu et entendu, qu'il fut occupé pendant à peu près quinze jours sans interruption à rédiger ses rapports '. On lit dans le protocole de la séance du 15 janvier 1778 : « M. le président ayant fait lecture du Mémoire de M. Mann sur les diverses méthodes inventées jusqu'à présent pour garantir les édifices d'in- cendie, il n'y eut qu'un sentiment sur le mérite de cette production et sur l'utilité que le public en pourrait retirer... 11 fut résolu de ne pas différer la publication de cet ouvrage jusqu'à celle du second volume des Mémoires de l'Académie, mais de représenter à S. A. le ministre plénipotentiaire combien il serait avantageux de le publier dès à présent... » Starhemberg s'empressa d'autoriser l'Académie à faire impri- mer le mémoire de l'abbé Mann : c'est la première pièce qui soit sortie de l'imprimerie académique 2. — Le 28 février, il en envoya * Lettres de l'abbé Théodore-Auguste Mann à sir Joseph Banks, traduites de ranghus par Octave Delepierre. Bruxelles, 1845; 1 vol. in-18 de 169 pages. "2 Nous ne comptons pas une pièce de vers, qui se trouve dans les archives du royaume (secrélairerie d'État et de guerre : Académies). Elle est intitulée : I LIVRE I. 1778. 187 quatre exemplaires au chancelier de cour et d'Etat : dès le 10 du même mois, il lui avait transmis une copie manuscrite du mé- moire, et par lettre du 21, Kaunitz avait promis de l'examiner et de le communi(jucr ensuite au président de la régence d'Au- triche. II avait été ({ueslion de répéter à Bruxelles les expériences faites en Angleterre ; on aurait élevé à cet effet une maisonnette consiruite d'après les principes exposés dans le mémoire susdit, et M. Hartley s'était offert à passer la mer, au cas qu'on crût avoir besoin de lui pour l'exécution des essais projetés. Nous ignorons si ces essais euienl lieu. Dans la séance du 7 mai 1779, l'abbé Mann présenta un sup- plément au mémoire dont nous venons de parler. « Quelques académiciens observèrent que, malgré le peu de débit du premier ouvrage, [l'impression de ce supplément] était indispensable, parce [qu'il] contenait des additions nécessaires, et que les succès du colonel Brequin qui y étaient rapportés pouvaient porter le public à recevoir avec moins d'iiuliffércnce la métbodc qu'on lui a communiquée. Sur cette observation, il fut résolu (rim[)rimer le su|)plément, de renricbir d'une gravure, et d'en tirer liOO exemplaires. > Premier essai de rimprimerie académique, dédié à monsieur de Crumpipefi, chancelier de Brahant, président de V Académie, et porte la siiinature de J. Des Roches, Eu la lisant, on se rappelle involontairement les deux fameux vers attribués au ptiiiosophe Malebranche; qu'on en juge : « Les Presses vont gémir, et l'Encre va couler. Les Lettres et les Arts que les soins font renaître, Les neuf aimables Sœurs, mon Apollon, peut-être, [Mon Apollon qui veuf [our toi se signaler] Vont dans cet Allelicr payer avec usure Le seul prix qui convienne à ton cœur-,bienfaisant : Ils vont rendre ton nom si cher dès à présent ; Cent fois plus cher encore à la race future. » 188 U\ RE I. 1778. CHAPITRE XVI. Les jetons de présence à distribuer aux académiciens. — Le projet d'instituer une classe de correspondants, et celui d'établir une salle électrique. — Le ministre plénipotentiaire ajourne ces deux projets. — Il exprime le désir que l'Académie accélère l'impression et la publication d'un second volume de ses Mémoires. Sans nous astreindre rigoureusement à l'ordre des dates, nous passerons en revue les prineipaux objets qui occupèrent l'Acadé- mie pendant l'année 1778. 11 sera intéressant de voir comment le chancelier Crumpipen envisageait ces objets dans les rapports qu'il adressait au ministre plcnipolenliaii'c ; on apprendra aussi h connaître son opinion sur l'Académie, telle qu'elle était com- posée alors, et sur certains candidats aux places d'académiciens. (Commençons par les jetons de présence. Le secrétaire perpétuel avait été chargé, vers la fin de 1777, de rédiger une note à ce sujet pour le ministre. Celte note peut être résumée comme il suit : ^ .1 « Dans les principales Académies de TEiirope, c'est un usage établi de donner un jeton d'argent aux membres qui composent l'assemblée... L'usage d'exciter ainsi les académiciens par l'appât d'une distinction honorable h fréquenter les assemblées et à s'acquitter avec zèle des devoirs de leur état, n'a point eu lieu jusqu'ici dans l'Académie de Bruxelles... Comme aujourd'hui ce corps a pris une forme stable, qu'il donne des marques de vigueur, que le zèle de ses memhres se soutient, ce qui paraît assez par le grand nombre de rapports et de mémoires qui sortent de leur plume, l'on peut assurer qu'il serait à propos de mettre cette Académie de niveau avec tant d'autres et de lui accorder la distinc- tion qu'elle demande... »... H s'agit de distribuer à chaque académicien qui se trouve aux séances un jeton d'argent, de ceux qu'on frappe pour la nouvelle année. Il faudrait vingt-deux jetons à chaque séance, qui multiplies par neuf, nombre des séances par année, produiraient un total de 198 jetons qu'il faudrait frapper tous les ans. Mais comme les assemblées des membres résidant à Bruxelles sont de véritables séances,... puisqu'on y fait des rapports, et qu'on y lit des mémoires, il serait convenable d'accorder LIVRE I. — 1778. 189 aux membres présents l'honneur du jeton académique. Eu comptant MM. de Nelis et de Marci parmi les académiciens résidant?, il faudrait quinze jetons par assemblée, qui, multipliés par neuf, font un excédant de 135. Ajoutons cette somme à la précédente, l'on voit que la totalité serait de 533... « Quand on a besoin d'une lampe, disait Anaxagorc, on a soin d'y mettre de l'huile. Le zèle des académiciens est celle lampe; et l'Académie ne regrettera jamais d'avoir employé une petite partie de ses deniers pour prévenir qu'elle ne s'éteigne... '^ On donnera [les jetons] à dix heures précises. L'académicien qui ne se trouvera pas à cette heure-là à la séance sera privé pour cette fois de sa rétribution. Le premier jeton ainsi réservé sera donné au plus ancien membre présent, et ainsi de suite, en observant l'ordre de l'admission selon la liste imprimée. >» Comme les membres regnicoles résidant dans les autres villes sont tenus de paraître à quatre séances chaque année, ceux qui s'acquittent de celle obligation, méritent d'être censés présents h toutes j en consé- quence ils auront neuf jetons par année. S'ils manquent une fois, deux fois, etc., on retranchera pour chaque fois le quart des jetons qu'ils au- raient dû recevoir. » Le chancelier, en trnnsmeltant celte note an prince de Starhem- berg, disait « qu'elle rendait, on ne saurait mieux, l'objet, les motifs et les circonslances d'une demande qui lui paraissait, à tous égards, 1res bien vue et dont la dépense pourrait être aisé- ment supportée par la caisse de l'Académie. » Le rapport de Crumpipen était du 12 janvier 1778*, et le 25 septembre le chancelier résumait ainsi l'origine et l'élal de cette affaire ^. « ... Par un rapport du 12 janvier dernier, j'adressai à Votre Altesse une note rédigée suivant le vœu général de l'Académie, pour obtenir la permission de distribuer des jetons aux académiciens qui assisteraient aux assemblées, sur le pied que cela se pratique, avec beaucoup de * Archiv. du roy. de Belg. Secrétairerie d'Étal et de guerre : Académies. ^ Ibid. Secrétairerie d'Étal et de guerre : portefeuille n« 398. 190 LIVRE I. 1778. succès, dans les Académies de la France et ailleurs. Votre Altesse me fît connaître par sa réponse du 15 du même mois, que cette idée, à la vérité, lui paraissait bonne et utile, mais qu'il lui paraissait aussi, qu'il serait beaucoup mieux, i*> de frapper pour cela un jeton, qui ne serait pas celui de la nouvelle année, mais qui aurait trait à l'Académie, et qui serait toujours le même; 2" de déclarer simplement, que chaque acadé- micien en aurait un à chaque séance, à laquelle il interviendrait, ce qui indiquerait suffisamment, sans autre explication, que celui, qui n'y assisterait pas, ne jouirait pas de cet avantage attaché à la présence réelle : Votre Altesse me chargea de l'informer de mon sentiment là-dessus, et de lui proposer mes idées et celles de MM. les académi- ciens, que je consulterais, sur la forme, la représentation et l'inscrip- tion, qu'on pourrait donner à ce jeton. Pour remplir les intentions de Votre Altesse sur ces deux points, j'eus l'honneur de l'informer par un autre rapport du 25 avril, que l'avis unanime de M.M. les académiciens, à l'exception de M. l'abbé de Nelis, avait été, qu'il était absolument pré- férable, comme Votre Altesse le pensait aussi, de faire frapper un jeton pour servir de récompense de la présence réelle, autre que celui de la nouvelle année. » Je lui observai au surplus, par rapport au deuxième point, qu'en déclarant simplement que chaque académicien recevrait un jeton à chaque séance à laquelle il assisterait, ce serait priver les académiciens non résidant à Bruxelles, qui ne doivent être présents qu'à quatre assem- blées par an, d'une sorte de récompense plus llatteuse qu'utile qu'ils méritaient à tous égards, et laquelle, comme on le sentait bien, était fort éloignée de les indemniser des frais de voyage, dont on ne leur tenait pas compte. » Enfin je lui observai, qu'il convenait absolument, que la forme du jeton fût ronde, et quant à la représentation et à l'inscription de ce jeton, que l'idée de M. l'abbé Mann, de placer sur l'un des côtés des jetons le buste de l'impératrice avec l'exergue Maria Thercsia augusta, et sur l'autre l'inscription suivante, renfermée dans une couronne de lauriers : Numisma Academiae Scientiarum et Litterarum Bruxellis, me paraissait la plus simple et la meilleure. » Votre Altesse me manda sur tout ceci par son billet du i3 mah, qu'Elle croyait effectivement qu'il suffisait, que le jeton désignât par l'inscription même, que c'était un jeton académique, mais que, comme il convenait d'avoir présent, dans tous les cas, l'exemple des autres Acadé- LIVRE I. — 1778. 191 mies, Elle souhaitait de savoir avant tout, quelle inscription TAcadémie de Paris avait donnée à ses jetons, ainsi que les règles qu'on y suivait dans leur distribution; lui paraissant toujours qu'il serait plus simple et plus convenable de n'attacher l'avantage, dont il s'agit, qu'à l'interven- tion réelle. » Ayant été à Paris au mois de juillet dernier, où j'ai assisté à deux assemblées de l'Académie des sciences, j'ai eu l'occasion de demander et d'apprendre très exactement, quel était l'usage, qu'on y observait, par rapport à la distribution des jetons; et je fis en même temps l'acquisition d'un de ces jetons, ainsi que de deux pareils jetons, dont on se sert respectivement à l'Académie française et à celle des inscriptions et belles-lettres. Je crois bien faire de joindre ici ces trois jetons pour l'information de Votre Altesse, ne doutant point, que d'après ces modèles Elle ne se décide pour la forme ronde, et vu que l'Académie de Bruxelles n'a point d'emblème ni de devise, pour le projet de M. l'abbé Mann, qu'Elle paraît avoir préféré aux autres, par son billet du 15 mai. « Suivant l'usage observé à l'Académie des sciences, chaque acadé- micien, présent à la séance, à l'heure fixée, reçoit deux jetons. Or, comme le nombre des académiciens est de quarante, cela fait par séance quatre-vingt jetons, et deux cent quarante jetons pour les trois assem- blées qui se tiennent par semaine. II est vrai, que ceux, qui n'assistent pas à la séance, n'ont point de jeton, mais la caisse de l'Académie n'en profite pas, puisque les jetons des absents accroissent aux présents, de sorte qu'il arrive souvent qu'un académicien tire trois, et quelquefois quatre jetons, pour son intervention à une seule séance. » Il paraît, qu'on pourrait suivre sur cela le même usage ici, sauf que nos académiciens seront très contents, et auront tout lieu de l'être, si on leur donne à chaque assemblée un jeton ^ à titre de présence. Au surplus cet objet de dépense ne sera pas fort considérable, puisque nous n'avons que vingt académiciens et régulièrement pas plus de séances par année. >> Il ne me reste plus qu'à observer à votre Altesse, que l'Académie de Bruxelles est composée d'académiciens résidant dans cette ville, et d'autres, qui, quoique regnicoles, ont leur domicile ailleurs. Ceux-ci * « Il conviendra pourtant, que ce jelon soit plus grand et plus pesant, que celui que l'on donne dans les Académies à Paris. Il pourrait avoir la grandeur et le poids de nos jetons de la nouvelle année. » 192 MVHE I. 1778. selon le règlement décrété par Sa Majesté, remplissent exactement les devoirs de leurs places, en se rendant à quatre assemblées par an, et par conséquent paraissent devoir être gratifiés, pour leur présence à quatre séances, du même nombre de jetons, que perçoivent leurs con- frères, demeurant à Bruxelles. S'ils manquent à une, ou h deux assem- blées, il est juste aussi, qu'ils perdent un quart, ou une moitié des jetons, qui leur sont destinés. o De cette manière, il sera toujours vrai de dire, que la rétribution du jeton académique ne sera que le fruit de la présence réelle; mais il y aura cette différence, d'ailleurs fort équitable, entre les académiciens domiciliés en celte ville, et les autres, que la présence des derniers, qui n'est requise que quatre fois par an, sera récompensée par plusieurs jetons, et dont le total, pour quatre séances, égalera le nombre de jetons, qu'un académicien de Bruxelles aura reçu pour avoir assisté à toutes les assemblées pendant une année. » Le 8 0('lobre, le prince de Slarhcmbcrg écrivit au chancelier de Brabant la lettre suivante, dont la lecture fut faite dans la séance de l'Académie du 12. « Monsieur, « Ayant examiné ce (juc vous m'avez exposé successivement sur les jetons à distribuer aux membres de l'Académie, qui assisteraient aux séances de ce corps, je vous fais la présente, monsieur, pour vous dire qu'enayant trouvé l'idée à tous égards très convenable, j'ai résolu l"Quc le jeton qui aura la forme ronde représente d'un côté le buste de S. M. avec l'exergue Maria Therem'a aiigusfa, et que le revers porte l'inscription suivante renfermée dans une couronne de lauriers , Numisma Academiae Scîentiarum et Liltcrarum Bruxellis. 2" Le déparle- ment des monnaies recevra d'abord l'ordre de faire travailler les carrés dont les frais seront supportés par Tbôtel des monnaies, mais les fonds de l'Académie pourvoiront au prix des jetons. S» La distribution de ces jetons commencera avec le mois de janvier de l'année prochaine. 4* Chaque académicien résidant dans cette ville recevra un jeton pour chaque séance à laquelle il aura assisté : quant aux académiciens non résidants en celte ville, comme il est juste de considérer leur éloigne- I LIVRE 1. 1778. 193 ment, ils recevront pour chaque séance à laquelle ils se rendront deux jetons au lieu d'un. » Je me fais un plaisir, monsieur, de mettre la dernière main à cette disposition, et je ne doute point que messieurs de l'Académie ne l'ap- prennent avec satisfaction. » Je suis avec une parfaite considération, etc. • Par une seconde lettre, en date du 8 octobre, dont il fut égale- ment donné lecture dans la séance du 12, le prince de Starhem- berg ajournait indéfiniment le projet d'établir une classe de correspondants et l'institution d'une salle électrique, dont les pro- moteurs avaient été respectivement l'abbé Needham et le médecin Du Rondeau. Un rapport du chancelier de Brabant du 30 septembre ' ré- sume fort bien les phases par lesquelles les deux projets avaient passé. « Par une note du 25 avril dernier, » écrit Crumpipen au ministre plénipotentiaire, « j'ai eu l'honneur d'adresser à Votre Altesse deux extraits du protocole de l'Académie, dont l'un regardait l'établissement d'une classe de correspondants, et l'autre celui d'une salle électrique en cette ville de Bruxelles. " J'observai sur le premier objet, que les motifs, qui avaient déter- miné l'Académie à faire cette proposition, se trouvaient détaillés dans une note de M. l'abbé Mann, et que le projet de règlement, joint à l'ex- trait de protocole, pour être décrété, si Votre Altesse acquiesçait au vœu de l'Académie, paraissait fort sîige, bien combiné, et très propre à prévenir les inconvénients, qui auraient pu résulter, sans cela, de cette nouvelle institution. » Je remarquai sur le deuxième extrait de protocole, que, comme l'établissement d'une salle électrique tenait à la police, et que par consé- quent les frais d'exécution de ce projet, s'il était adopté, paraissaient devoir être supportés par la caisse municipale, je ne pouvais qu'aban- * Archiv. du roy. de Belg. Secrétairerie d'État et de guerre : portefeuille n" 398. Tome XXXIV. iZ 194 LIVRE (. — 1778. donner à la considération supérieure de Votre Altesse, s'il ne serait pas convenable de faire communiquer ce même projet à ceux du magistrat de Bruxelles, en le chargeant de s'y expliquer, après avoir pris tous les éclaircissements nécessaires sur la manière dont on s'y était pris pour former cet établissement à Paris, ainsi que sur les preuves, qu'on y avait recueillies de l'utilité de cette nouvelle méthode pour la guérison de plusieurs maladies, qai n'ont pu l'être par les autres secours de l'art J'ajoutai, qu'on pourrait aussi faire connaître au magistrat que l'Acadé- mie se prêterait volontiers à s'entendre et à se concerter avec lui sur tout ce qui aurait rapport à cet établissement. « Il a plu à Votre Altesse de me mander là-dessus par une lettre du 13 mai : Quant à la classe de correspondants, « qu'ElIe désirait que « l'Académie lui présentât dans un mémoire bien motivé : d» les règle- » ments et les détails, ou conditions, d'après lesquels on avait procédé >^ dans les principales Académies de l'Europe à l'établissement de y> correspondants ; 2" si et quelle différence il pouvait y avoir entre ces « règlements et celui que l'Académie proposait, et S" quel intervalle il r> y avait eu relativement aux autres Académies entre leur établissement « et celui de correspondants. » « Par rapport à l'institution d'une salle électrique, « que quoique les » vues de l'Académie lui parussent dignes d'attention. Elle souhaitait » néanmoins aussi, que l'Académie portât à sa connaissance les détails « les plus essentiels de l'établissement de la même nature, qui s'est fait « à Paris, afin qu'ElIe pût juger plus particulièrement de ce qui pour- « rait en être communiqué au magistrat, ou à la ville, pourvu que la « dépense n'en irait pas trop loin, attendu que, surtout dans ce moment- « ci, il ne conviendrait pas d'exposer la ville à des dépenses de quelque » considération. » « Par une autre lettre de la même date, Votre Altesse m'a communi- que confidentiellement un doute ultérieur qu'Elle avait sur rétablissement d'une classe de correspondants. Ce doute était relatif à la faculté qu'on proposait d'accorder à ces nouveaux associés d'assister aux séances de l'Académie. « Elle observait, que ce corps était composé, sans doute, de « plusieurs excellents sujets, également éclairés et zélés; mais qu'il y >^ en avait probablement parmi eux, qui n'avaient point du côté de » l'éducation, ce qu'il fallait pour maintenir la dignité et la décence, ma « peut-être même l'honnêteté dans les discussions, et qu'il serait vérita- ' « blement fâcheux, si en présence de correspondants, même regnicolcs, LIVRE 1. 1778. 195 » il s'élevait des débats, qui, du côté de la forme, de la véhémence, ou » des termes, excéderaient le cercle de la décence, surtout s'il en résul- » tait, comme cela pouvait arriver, des éclats dont les nouveaux associés » répandraient le bruit désavanlageusement pour l'Académie. Votre " Altesse ajoutait que j'étais à tous égards à même d'apprécier cette » considération, et qu'Elle me requérait de lui en dire mon sentiment, >^ lorsque je lui rendrais compte du rapport ultérieur de l'Académie » sur la matière. » » Votre Altesse reconnaîtra par ce rapport, que MM. Needham et Mann ont rédgé, et que l'Académie a approuvé dans sa séance du 18 mai, qu'il présente, à la vérité, plusieurs éclaircissements satisfaisants, mais qu'il ne lève pas tous les doutes, qui avaient arrêté Votre Altesse, et sur lesquels Elle avait trouvé bon de demander des explications particu- lières. Aussi je dois avouer que la délibération de l'Académie, ainsi que le rapport des commissaires auraient pu être dirigés d'une manière plus conforme à ses vues. J'y aurais certainement tenu la main, si la circon- stance de la mort de m:i mère, arrivée la veille de la séance, ne m'avait pas empêché d'y assister. » Au reste, il ne parait pas qu'il y ait grand mal à cela. Les deux projets de l'Académie méritent, sans doute, comme Votre Altesse l'a observé, une sorte d'attention, mais je ne vois pas qu'il soit nécessaire, ni même convenable de se presser à les réaliser. » D'abord une classe de correspondants nous exposera à quantité d'inconvénients : l'Académie est dans son premier âge, et ce n'est que par de bons mémoires et des productions intéressantes, qu'elle peut, et qu'elle doit se former un nom dans la république des lettres. Les corres- pondants^ souvent choisis par faveur, ou par intrigue, n'ajouteront rien à sa réputation : on pourra s'en occuper, lorsque celle-ci sera bien établie. » Je puis cependant assurer Votre Altesse avec vérité, que, malgré le ton dur et le peu d'éducation de plusieurs académiciens, les discussions se font dans nos assemblées avec autant d'ordre, et peut-être avec plus de décence, qu'à l'Académie des sciences de Paris, où j'ai vu deux savants se quereller sur un fait d'ailleurs assez peu important, d'une manière si malhonnête, que le directeur, M. Le Roy, a été obligé de leur en témoigner publiquement son mécontentement, et cela dans des termes, dont jusqu'ici je n'ai pas encore été dans le cas de devoir me servir. En général les gens de lettres proprement dits sont doux et honnêtes; mais l'urbanité n'est ordinairement pas l'apanage de ceux qu'on appelle savants. i96 LIVRE I. 17-8. » Pour ce qui regarde rétablissement d'une salle électrique^ quelque utile et même quelque nécessaire que cet établissement puisse être, il ne paraît pas qu'il faille songer, dans les circonstances présentes, de charger l'administrafion de la ville de Bruxelles d'une nouvelle dépense. D'ail- leurs le moyen de différer la décision de cette affaire, se présente natu- rellement, puisque l'Académie ne s'est expliquée sur les différentes demandes que Votre Altesse lui a faites, que d'une manière fort incom- plète, et qui laisse presque autant à désirer que la première fois. » Je pense donc, que, dans la vue d'arrêter pour quelque temps l'exécution de l'un et de l'autre des deux projets de l'Académie, et d'agir, en môme temps, vis-à-vis d'elle, avec ce ton d'honnêteté et de confiance, la seule voie dans toutes les affaires, qui mène au but que l'on se pro- pose, souvent sans qu'on s'en aperçoive, et toujours sans aigrir les esprits, il pourrait plaire à Votre Altesse de m'adresser, pour l'informa- tion de l'Académie, la lettre dont je soumets ci-joint le projet à son approbation... » Nous croyons inutile de donner ce projet : la lettre que le prince de Starhembcrg adressa le 8 octobre au chancelier de Brabant n'en différait pas sensiblement, mais elle était plus concise. a Monsieur, « disait le ministre, « ayant examiné le rapport par lequel vous avez porté à ma connaissance les éclaircissements présentés par l'Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres, sur les objets de ma lettre du 13 mai, concernant le projet d'établir une classe de correspondants et une salle électrique en cette ville de Bruxelles, je vous dirai, monsieur, que, tandis que les circonstances actuelles ne permettraient point de proposer dans ce moment-ci une dépense nou- velle quelconque à la charge de l'administration de la ville, comme le serait le projet d'une salle électrique, je ne trouve point encore dans le résultat de la délibération de l'Académie du 18 mai des détails suffisants pour me décider définitivement sur l'un et l'autre de ces projets. — J'ai donc résolu, monsieur, d'attendre des éclaircissements et de tenir en suspens l'exécution des mêmes projets, d'autant plus qu'il ne sera pas difficile de revenir à celui d'une salle électrique, lorsque les circon- stances le permettront, et que si l'établissement d'une clasçe de corres- pondants peut procurer des avantages, ceux sur lesquels on doit compter le ( I LIVRE I. 497 plus, et qui seront sans doute aussi les plus réels et les plus intéressants, sont ceux qui résulteront de la pirblication djes bonnes productions et des bons mémoires rédigés par les membres de TAcadéniie; je ne doute point, monsieur, que l'Académie n'ait déjà une excellente étoffe pour donner au jour un second volume : et dans la persuasion où^e suis que la publication d'un second volume contribuera infiniment plus dans ce moment-ci qu'une association de correspondants à augmenter le nom et la réputation de l'Académie, aux progrès de laquelle je m'intéresse toujours véritablement, je ne puis que l'inviter à accélérer l'impression et la publication de ce second volume, et vous prier d'y concourir en ce qui pourra dépendre de vous. Vous voudrez bien, monsieur, communi- quer ma résolution là-dessus à messieurs de l'Académie, et je suis, avec une parfaite considération, etc. » CHAPITRE XVII. Historique de ce qui s'était passé dans l'Académie au sujet de la salle électrique et de la classe de correspondants projetées. — Règlements proposés pour la classe de correspondants. Le projet d'établir une salle électrique à Bruxelles était dû, comme nous l'avons rappelé, à l'inilialive de l'académicien Du Rondeau. Voici ce qu'on trouve à ce sujet dans le protocole de la séance du 13 janvier 1778 : a ... On lut ensuite une autre note communiquée par M. Du Rondeau qu'une raison légitime empêchait de se trouver à la séance. Cette note avait pour objet Vélectricité médicale^ méthode qui, selon l'auteur, a déjà produit d'heureux succès, et qui en fait espérer de plus grands à l'avenir. A cet effet il pnopose l'établissement d'une salle électrique à l'instar de celle de Paris. Cet objet, après avoir subi l'examen des rapporteurs, sera porté à la connaissance de S. A. le ministre plénipo- tentiaire. « J98 LIVRE I. 1778. La noie dont il est ici question, était t'erite avec une certaine emphase, et le style en était assez négligé, quoique Du Rondeau se mclàt aussi de belles-lettres. I « Messieurs, » disait l'auteur, o Thumanité accablée du poids de ses infirmités, vient avec confiance implorer votre protection pour obtenir par votre intercession le secours que Télectricité médicale accorde si libéralement... L'électricité médicale est le plus précieux présent que la physique expérimentale pouvait accorder à Thomme; elle offre à la médecine des armes si avantageuses pour combattre des maladies déses- " pérées, qu'il n'est pas étonnant que le roi de France... ait bien voulu fournir aux dépenses nécessaires pour procurer à ses sujets un avan- tage si considérable... Il paraît bien juste que le corps municipal de Bruxelles qui jouit d'un revenu immense, fît [le cadeau d'une salle élec- trique] à ses citoyens, ce serait sans doute le meilleur usage qu'il pût faire d'un revenu dont il n'est proprement que l'administrateur. « Le protocole de la séance du 5 avril porte ce qui suit : « MM. Needham et de Merci ayant examiné le projet de M. Du Ron- deau sur l'établissement d'une salle électrique à l'instar de celle de Paris, on fit la lecture de leurs rapports qui contiennent en substance les points suivants : 1° Que réleclricitc médicale, ou la nouvelle méthode i curalive au moyen de l'électricité a produit réellement des succès heureux dans des cas qui semblaient désespérés. — 2° Que le bien de l'humanité souffrante exigeait l'établissement d'une salle, où l'on pût faire sous la direction d'un médecin physicien les opérations nécessaires et administrer les secours, en traitant gratis les pauvres. — 5° Qu'il conviendrait que ce médecin physicien fût tiré du corps de l'Académie, et qu'il fût assisté par un autre médecin de la ville qui tiendrait registre des effets et qui en certifiant la vérité pût convaincre les incrédules, qui sont en grand nombre. — 4" Que les frais de cet établissement ne seraient point excessifs, puisqu'il ne s'agissait que d'avoir un endroit convenable et une excellente machine d'électricité... y L'Académie, désirant que ce projet se réalise, chargea le secrétaire d'en porter le résultat à la connaissance de S. A. le ministre plénipo- tentiaire. » i i LIVKE I. 1778. 499 Les rapports des commissaires sont assez curieux. Celui de l'abbé Needliam est daté du 1 5 mars ; on y lit : « La salle d'électricité médicale établie à Paris aux frais du roi, sur le vœu unanime de la Société royale de médecine, a été confiée aux soins de M. Mauduit de la Varenne, de la dite Société. — Un enfant paralysé de la moitié du corps y a été complètement guéri dans l'espace de deux mois et demi. — Un homme âgé de trente ans, attaqué d'une scialique, a été guéri en trois mois. — Une fille de dix-huit ans, ayant une suppression des règles depuis dix-huit mois, a été guéi'ie au bout de quatre séances d'électricité... — Un officier invalide qui n'entendait pas même le bruit qu'on fait au réfectoire de rhotcl où un nombre considé- rable de personnes dînent ensemble, est en étal aujourd'hui de converser avec ses camarades ; il y a deux mois qu'on l'électrise... » Il nous semble de plus qu'on peut très avantageusement employer réleclricité connue un agent vérificateur, moyen qu'on cherche depuis longtemps pour s'assurer, sans un graiid délai, et à peu de frais, de la mort certaine des individus, afin de mettre les citoyens à l'abri d'être enterrés vivants. Nous ne sommes pas les premiers h recommander cette méthode... Une occasion s'est présentée à Paris d'en faire usage, et un homme qu'on croyait mort a été sauvé... » Le rapport de l'abbé Marei porte la date du 20 mars : « Il serait à souhaiter, >■> dit-il, « que depuis qu'on opèie avec l'électri- cité, les médecins de nos provirjces, et surtout ceux de Louvain, eussent voulu faire quelques expériences. Il y a près de cinquante ans que l'élec- tricité fait l'objet principal des recherches des physiciens et l'amusement du public; les médecins qui n'aiment pas l'étude et qui ne s'occupent que d'aller d'un malade chez l'autre pour gagner une visite, aiment mieux décréditer l'électricité comme ils font assez généralement, que de faire la moindre recherche; ils font plus, ils taxent de charlatanisme tout ce qu'on en rapporte des pays étrangers; par celte conduite qui leur est favorite, ils croient montrer qu'ils sont mieux au fait de la nature que tout le reste de l'univers; si on veut les convaincre de leur ignorance et les mettre à même de faire usage de ce grand remède, je crois que le plus efficace est d'établir une chambre pour l'éleclricité médicale, en y 200 LIVRE I. 1778. préposant un physicien pour le traitement de rélectricité, et un médecin qui fît les observations et tînt registre des effets pour certifier la vérité et convaincre les incrédules. » Dans un rapport ultérieur du 17 mai, approuvé le 18 par l'Académie, MM. Needliam et Manu parlent de plusieurs cures considérables faites déjà dans k ville de Bruxelles sur difîércntes personnes paralytiques, par un opérateur physicien natif d'Arion dans la province du Luxembourg et sujet de S. M. Cet opérateur paraît très expert dans son art, l'ayant exercé pendant longtemps dans différentes parties de l'Amérique avec le plus grand succès sous les yeux de plusieurs médecins anglais établis dans ce pays. ]| possède de plus une excellente machine électrique, qui est toute de sa propre construction. Les signataires du rapport s'of- frent à satisfaire complètement le magistrat, en lui démontrant clairement la grande utilité de cette espèce detablissement, en même temps qu'ils s'engagent de faii'c l'acquisition de cet habile opérateur avec la machine pour le fixer à Bruxelles à un prix très modique et très raisonnable. L'opérateur en question s'appelait J. Gibbcns. On lisait dans une lettre qu'il avait adressée à l'Académie : i« Le suppliant ose se flatter que jusqu'à ce jour il n'a rencontré per- sonne qui puisse mieux administrer [rélectricité médicale] que lui. Il en a fait fréquemment usage en Angleterre et en Amérique. Il se propose au magistrat de la ville de Bruxelles, par Tintermédiaire de l'Académie, en qualité de physicien directeur et administrateur de l'électricité médicale sous l'inspection d'un médecin. 11 demande que l'Académie nomme quelques commissaires pour le voir opérer : s'offrant de plus à répondre à toutes les questions sur l'application de ce puissant remède, ainsi que sur les précautions à prendre avant et pendant l'administration. » Les abbés Needham et Mann prétendaient au commencement de leur rapport du 17 mai, que les détails sur la salle électrique de Paris, réclamés par le ministre plénipotentiaire, se trouvaient tout au long dans les rapports des commissaires sur la proposition I LIVRE I. — 1778. 201 de racadémicien Du Rondeau. Cela n'était pas tout à fait exact. Nous avons vu, en effet, que l'abbé Marei s'était borné à des géné- ralités, et que son eonfrère l'abbé Necdham n'avait parlé que des cures njerveilleuses opérées. Il y a plus : ces rapports n'avaient pas même été communiqués à Starhemberg; on s'était contenté de lui envoyer l'extrait de protocole que nous avons fait con- naître, où il n'était rien dit de la salle électrique française, et dans lequel on ne donnait aucune indication précise sur l'organi- sation de la salle à établir à Bruxelles, sur la dépejise qu'elle entraînerait, etc. Le cbancelier Crumpipen ne paraît pas, du reste, avoir été favorable à l'établissement d'une salle électrique. Quant aux motifs que Starhemberg mit en avant pour faire ajourner le projet, ce n'étaient que des prétextes : son opinion était si bien arrêtée qu'il ne fut plus question de la dite salle. L'abbé Mann en avait écrit deux fois à sir Joseph Banks, le 29 juin et le 19 octobre 1778; voici ces lettres que nous emprun- tons au recueil déjà cité : I. « Nous sommes divisés en ce moment au sujet de l'clectricité médicale qui nous occupe sérieusement. Plusieurs prétendent que c'est un remède infaillible pour beaucoup de maladies incurables, ou que l'on regardait comme telles; d'autres disent que ce moyen tuera plus de personnes qu'il n'en guérira; d'autres encore, parmi lesquels je me compte, s'imaginent qu'il peut en résulter de grands avantages, si on en fait un usage convenable dans certains cas, et beaucoup de mal, si on xipplique le remède sans discernement, ainsi que cela se pratique en ce moment... » II. €... Cet été, nous avons fait de grands efforts pour établir à Bruxelles un salon public d'électricité, sous la direction d'un des méde- cins de la cour [Du Rondeau], pour le soulagement des personnes atteintes de paralysie; mais nous n'avons pu encore y réussir. Le pre- mier ministre donne pour ra'son que les dépenses à Toccasion de la guerre d'Allemagne empêchent pour le moment cet établissement... » Le projet d'instituer une classe de correspondants avait été pré- 202 LIVRE I. 1778*. sente le 2i février 1778, et renvoyé à la séance du 10 mars. Voici ce qu'on lit dans le protocole de cette dernière séance: « M. le président entama le projet de M. Needham sur rétablissement d'une classe de correspondants, à rimitalion de ceux de TAcadémie des sciences de Paris, qui sont au nombre de cent. Le projet portait que cette institution semblait promettre des avantages réels; qu'il y avait des gens de loi, des médecins, des religieux et autres ecclésiastiques dispersés dans nos différentes provinces, ainsi que dans les pays voisins, qui par leur situation seraient en état de procurer de grands secours et de fournir beaucoup de lumières aux académiciens dont ils seraient les collaborateurs; que pour engager les gens instruits à désirer ces places, il sutïirait de mettre leur nom dans TAImanach de la cour à la suite des membres, et de leur permettre d'assister aux séances, quand ils vien- draient à Bruxelles, mais sans leur accorder ni voix active ni passive; que le nombre de ces correspondants pourrait être fixé à quarante, qu'ils seraient subordonnés aux académiciens, et qu'on ne les exclurait pas du concours pour les prix annuels. « Malgré les avantages qui semblaient devoir naître d'une pareille institution, plusieurs membres ne purent s'empêcher de remarquer les inconvénients qui en pourraient résulter. Les gens d'un vrai mérite, disaient-ils, seront peu charmés d'une situation qui les met dans la dépendance d'un académicien; cette classe ne sera donc composée que de sujets médiocres. Ils seront confondus dans le public avec les membres effectifs; et quand il y aura une place d'académicien vacante, ils y pré- tendront par préférence, et ne verront qu'avec peine qu'elle soit donnée à quelque autre, de manière que l'Académie sera souvent réduite à l'alternative d'admettre des candidats médiocres ou d'indisposer ses correspondants. »> M. le président observa là-dessus que des inconvénients auxquels on pouvait parer ne devaient pas empêcher un arrangement dont les avantages étaient d'ailleurs visibles; que pour faire des recherches telles qu'on en devait supposer, un talent supérieur n'était pas d'une nécessité indispensable, qu'il serait possible de mettre des bornes si distinctes et si marquées entre les classes des membres et des correspondants que Dcrsonne n'y fût trompée moins qu'il ne voulût l'être; et qu'enfin la place de correspondant ne donnerait par elle-même aucun droit, aucune prétention à celle d'académicien. Il ajouta que comme la question pré- LIVRE I. — 1778. 203 sentait des mesures h prendre, des conditions dont il fallait convenir, des inconvénients à écarter, son avis était que pour faciliter les délibéra- tions, l'Académie commençât par discuter si le nouvel établissement, sous les modifications qui seraient jugées à propos, pouvait être utile à TAcadémie. « La pluralité des suffrages décida Taffirmative; et M. le président chargea le directeur [iVeedham] de rédiger un nouveau projet d'après les remarques qu'on venait de faire, afin que ce projet, après avoir été examiné dans la séance prochaine, put être présenté h l'agréation de S. A. le ministre plénipotentiaire. « Dans l'assernblco du 24 mars, on remit sur le tapis l'affaire des correspondants étrangers. Le secrétaire fut charge de minuter un règlement à cet effet. Voici l'extrait de protocole qui fut envoyé au prince de Starhem- berg, le 25 avril : Assemblée du 24 mabs 1778. « Les motifs qui ont porté l'Académie dans la séance du \0 mars à établir une classe de correspondants, se trouvent déduits dans la note ci-jointe de M. Mann rédigée d'après le projet primitif de iM. Needham. ^) Dans la présente assemblée il s'est agi de déterminer les devoirs à prescrire à ces correspondants, leur nombre et les prérogatives dont ils pourront jouir, et de prendre des arrangements convenables pour retirer de cette institution tous les avantages qui paraissent en devoir résulter. Dans celte vue on a projeté le règlement qui suit: » Article 1". La classe de correspondants sera en tout inférieure et subordonnée à celle des membres... î> Jrt. 2. Il sera permis à chacun des membres regnicolcs de proposer deux correspondants à son choix; ils pourront se contenter d'un seul, et même n'en choisir aucun... Ainsi toutes les places occupées, il y en aura jusqu'à quarante, mais ce nombre n'est^point tellement déterminé qu'on ne puisse le passer. Au contraire, il sera libre aux membres qui composent la classe de l'histoire et des belles-lettres, de se faire nommer un troisième correspondant, s'ils le jugent à propos. " Art. 3. L'Académie s'est réservé la nomination, et y procédera de la manière suivante. Celui des membres qui aura fait choix d'un corres- 204 LIVRE 1. J778. pondant, le présentera dans une des grandes séances. Si le sujet est connu par des ouvrages, ou qu'il occupe déjà une place dans quelque Académie, il sera adopte sans autre examen, h moins qu'il n'y ait quelque raison suffisante qui empêche son admission. Que si Ton n'a pas de ces preuves publiques de capacité, le candidat sera tenu de pré- senter un mémoire ou quelque autre pièce de sa composition, qui appuie le témoignage de l'académicien présentateur, et qui serve à asseoir le jugement de l'Académie. » Art. 4. L'admission décidée à la pluralité des suffrages, S. A. le ministre en sera informée. Le secrétaire perpétuel expédiera les lettres patentes, accompagnées d'une copie du règlement, et inscrira le corres- pondant dans le registre de l'Académie. » Art. 5. Quoiqu'il soit très convenable d'avoir de ces correspondants dans toutes les parties des Pays-Bas de la domination de S. M., le lieu de la demeure d'un candidat ne sera point une raison de l'exclure, et l'on pourra nommer des étrangers, des regnicoles et même des per- sonnes demeurant à Bruxelles. » Art. 6. Les correspondants qui habitent en cette ville, et les autres (juand ils s'y trouvent, auront la permission d'assister aux séances académiques à l'heure qui leur sera indiquée, excepté aux séances de septembre et d'octobre où l'on examine les mémoires présentés au concours; cependant on ne fera point difficulté de les admettre à cette dernière, après que les prix auront été décernés. On leur assignera des places derrière celles qui sont occupées par les académiciens. » S'il arrive qu'un de ces correspondants tienne d'ailleurs un rang distingué dans la république des lettres, ou qu'il soit membre de quel- que Académie étrangère, il dépendra de celui qui préside à l'assemblée de lui donner une place plus honorable. » Art. 7. Mais en leur accordant la permission d'assister aux séances, l'Académie n'entend point leur donner le droit de suffrage ni voix déli- bérative. Lorsqu'un correspondant voudra proposer quelque chose, ou donner quelque information, il ne le fera que par l'organe du membre dont il est le correspondant. Il pourra encore dire son avis, quand il en ' sera requis par celui qui préside à l'assemblée. » Art. 8. La place de correspondant ne donnera aucun droit de préfé- rence pour être élu académicien; dans les choix de ce dernier genre, la supériorité des talents et du mérite continuera seule à déterminer l'Académie. LIVRE I. 1778. 205 « Art. 9. Les correspondants se prêteront volontiers à faire les recher- ches et à procurer les éclaircissements qu'on désire. — Les mémoires qu'ils fourniront, si l'Académie les juge dignes de paraître, seront imprimés ou à la suite de ceux des membres, ou dans un volume séparé, comme on le jugera convenir. » Art. iO. Comme les correspondants ne sont point établis pour examiner les mémoires présentés au concours annuel, et qu'ils n'assistent pas même aux séances où l'on s'occupe de cet objet, il leur sera permis de concourir pour les prix, en évitant avec soin de se faire connaître, et en observant les conditions prescrites dans les programmes. » ^rf. il. Comme l'Académie en s'agrégeant cette classe de corres- pondants n'a eu en vue que le progrès des sciences et des lettres, elle se réserve le droit d'exclure de son corps celui de ces sujets qui tromperait son attente, en se refusant à la communication de lumières qu'il doit à l'académicien dont il est le correspondant. D'un autre côté elle distin- guera ceux qui lui auront fourni le plus de secours, soit par les éclûircissements demandés par ses membres, soit par les recherches, les observations et les mémoires qu'ils communiqueront sans en avoir été requis particulièrement. Elle recevra ces morceaux avec reconnais- sance, et se fera un plaisir de faire imprimer ceux qu'elle jugera dignes de l'attention du public. » Une autre rédaction du plan discuté et arrêté dans la séance du 24 mars 1778, plan qui n'avait pas été inséré au protocole, se trouve dans le protocole de la séance du 2 janvier 1 787; elle y est donnée d'après une copie que l'abbé Mann en avait gardée. Nous croyons utile de la reproduire : a 1" La nomination des membres de la classe de correspondants doit être faite par l'Académie dans une séance ordinaire quelconque, sur le témoignage de celui des membres qui les choisit pour ses correspondants, et elle doit être confirmée par le ministre plénipotentiaire. » 2° II y aura une pleine liberté de choisir pour correspondants des regnicoles ou des étrangers, suivant l'utilité ou l'exigence du cas. » 5» Pour la même raison, on pourra prendre pour correspondants des personnes résidant à Bruxelles, aussi bien que dans les provinces. » 4° Le nombre de cette classe ne sera pas limité : cependant il y 206 LIVRE I. 1778. aura cette restriction que chaque académicien, en son nom privé, ne pourrait pas présenter au delà de trois correspondants dont il se charge, dont il répond quant au mérite, et auxquels l'Académie n'aura rien à opposer. Outre cela, il sera libre à l'Académie, sur des recommandations auxquelles il convient d'avoir égard, ou sur des motifs d'utilité, d'adopter des correspondants qui communiqueront avec l'Académie eu corps, ou avec tels membres qui leur seront assignés. » S" Quoique la classe des sciences occupe plus de membres que la classe des belles-lettres dans la raison de douze à huit, cependant si l'utilité ou les circonstances le requièrent, la dernière de ces classes peut avoir autant ou plus de correspondants que la première. » 6° Les correspondants n'auront point de voix dèlibéî-alive à l'Aca- démie, quoiqu'ils auront le droit d'assister aux séances. Il conviendra même d'en faire mention expresse dans leurs patentes. » 7° On pourra leur accorder une voix consullalive dans les séances; mais avec cette restriction, qu'ils ne parleront pour donner leur avis, que quand ils en seront requis par celui qui préside à l'assemblée. • « S'» Les correspondants seront astreints, sous peine d'exclusion, de fournir à l'Académie un mémoire au moins une fois en trois ans; et ceux de leurs mémoires qui seront adoptés pour l'impression, seront impri- més dans les mêmes volumes que les mémoires des membres ordinaires, mais avec cette différence qu'ils seront mis à part à la fin des volumes. » 9° Les correspondants pourront concourir pour les prix de l'Aca- démie, parce qu'ils ne sont pas juges pour la distribution de ces prix. « lO» La place de correspondant ne donnera ni droit ni litre d'être élu membre ordinaire quand il y a quelque place vacante, à moins que le correspondant qui la sollicite, n'ait un mérite au moins égal à celui des candidats qui ne sont pas correspondants. » Le rapport du 15 mai, mentionné précédemment, renfermait la réponse des abbés Needham et Mann aux observations que le ministre avait présentées relativement au projet d'établir une classe de correspondants. « La nature de la classe des correspondants dans diverses Académies, » y lisait-on, t> est et doit être toujours relative à leurs institutions respec- tives : or les institutions de différentes Académies sont très différentes LIVHE I. 1778. 207 entre elles. La plupart ne sont guère que des Sociclés privées sous la protection néanmoins de leurs gouvernements respectifs sans aucune liaison immédiate avec eux, autre que la protection qu'ils leur accordent. Telle est la célèbre Société royale de Londres et bien d'autres Académies provinciales, qui ne sont pas fondées, comme celle de Bruxelles, par le souverain. On ne connaît que trois entre les principales Académies d'Europe, qui sont des corps immédiatement soumis, dirigés, et fondés par leurs souverains de la même manière que l'est celle de Bruxelles : ce sont les Académies de Paris, de Berlin et de Pétersbourg, et de ces trois les soussignés croient qu'il n'y a que celle de Paris seule, h laquelle une classe de correspondants se trouve adjointe, dont les membres ne sont en quelque façon que des associés honoraires, avec droit d'assister aux séances académiques, sans aucune obligation fixe quelconque. On ne leur demande ni mémoires, ni recherches d'aucune sorte par devoir, ce qui est bien éloigné de l'objet que celle de Bruxelles s'est proposé dans l'établissement de la dite classe. Cet objet est d'en retirer de vrais services par des recherches historiques et des observations physiques dans un pays jusqu'à présent inculte et dans des provinces éloignées de la capi- tale, en même temps qu'elle espère de répandre par ce moyen l'émula- tion et le goût de solides connaissances... « Quant aux détails ultérieurs que S. A. demande, qui regardent les règlements ou conditions d'après lesquels on a procédé dans les princi- pales Académies de l'Europe à l'établissement des correspondants; et si, et quelle différence il peut y avoir entre ces règlements et celui que l'Académie propose, il paraît aux soussignés qu'il n'est pas possible d'y répondre sans avoir préalablement obtenu des éclaircissements là-dessus de l'Académie des sciences à Paris, la seule, comme on vient de le dire, à laquelle se trouve adjointe une classe de correspondants. Comme une partie de ces recherches regarde plutôt les discussions qu'on a faites préalablement lors de ces établissements dans des séances privées, qui n'ont rien de commun avec le public, on ne les trouvera pas certaine- ment dans l'histoire de la dite Académie, ni ailleurs que dans ses registres, dont le contenu ne peut se communiquer. Cependant si l'on trouve quelque chose relative à cet objet dans son histoire, aussitôt qu'on aura accès à la Bibliothèque publique, on l'ajoutera à la fin de cette réponse, surtout pour ce qui regarde l'intervalle entre l'établissement de cette Académie et celui de la classe des correspondants. » P. S. En conséquence de ce qui est dit ici, les soussignés ont fait 208 LIVI\E I. — 1778. des recherches dans THistoire de l'Académie royale des sciences de Paris, et ils ont trouvé dans le volume pour Tan 1699, à la page H, im- médiatement après le règlement pour TAcadémie donné par Louis XIV^, daté le 26 janvier 1699, ce qui suit : « En vertu de ce règlement» » l'Académie des sciences devient un Corps établi en forme par l'autorité » royale, ce qu'elle n'était pas auparavant. » Et un peu plus bas, sur la même page:» Il [ce Corps] a des correspondances dans tous les lieux, où » il y a des sciences, et il attire à lui les premières nouvelles, et les » premiers fruits de la plupart des découvertes, qui se feront au dehors. » Ce qui prouve que la classe des correspondants a existé dans l'Académie de Paris depuis qu'elle est un corps établi par l'autorité royale. » On a vu que rinstitution d'une classe de correspondants auprès de l'Académie de Bruxelles fut tenue en suspens par le ministre plënipolenliaire : il secoula huit ans avant que l'idée en fût reprise, mais sans plus de succès, comme la suite de cette histoire nous l'apprendra. Deux points auront frappé le lecteur dans l'exposé que nous venons de faire. C est d'abord le changement d'opinion du chan- celier Crumpipen qui, de favorable qu'il était à l'institution d'une classe de correspondants, avait fini par ne plus en apercevoir que les inconvénients. N'aurait-il pas ici, comme en d'autres circon- stances, été entraîné par le désir de ne pas contrarier le prince de Slarhemberg? — C'est ensuite l'opinion que ce prince avait de nos académiciens! Qui donc les avait dépeints à ses yeux comme des gens pour la plupart sans éducation, et incapables « de main- tenir la dignité et la décence, peut-être même Ihonnêteté dans les discussions. » Était-ce Crumpipen lui-même? n'avouait-il pas « le ton dur et le peu d'éducation de plusieurs académiciens. » Que dirait-on aujourd hui de la distinction que le chancelier fait entre les hommes de lettres et les savants? Oserait-on encore répéter « qmen général les gens de lettres proprement dits sont doux et honnêtes, mais que l'urbanité n'est ordinairement pas l'apanage de ceux qu'on appelle savants. » Il ne sera pas hors de propos de faire connaître ce que Crumpi- pen entendait par un savant. On lit dans la lettre quil adressait le 28 avril 1778 au prince de Starhcmbcrg, pour détourner celui-ci LIVRE 1. — 1778. 209 de confier à l'abbé Paquot la rédaction de préfaces et de notes destinées aux livres à l'usage des écoles * : « Il est certain que l'abbé Paquot est, dans toute l'étendue du mot, ce qu'on appelle un savant, c'est-à-dire un homme rempli de bonnes connaissances, amassées par un travail infatigable, et conservées à l'aide d'une mémoire fort heureuse, mais il a aussi les défauts ordinaires des gens de cette classe, beaucoup d'entêtement, peu d'ordre et de méthode dans le choix des pensées, supportant difficilement la contradiction, etc. » CHAPITRE XVIII. Les élections de -1778. - Le rapport adressé le 3 octobre par le chancelier au ministre plénipotentiaire. Portrait de l'abbé Ghesquiere.— Les moyens employés pour empê- cher l'élection de ce dernier. — Deux lettres de l'astronome La Lande. Les élections de nouveaux membres n'avaient pas cessé d'être une importante affaire pour l'Académie : celles de l'année i778 donnèrent lieu à un rapport confidentiel, fort curieux, adressé par le chancelier de Brabant au ministre plénipolentiaire '-. Ce rapport, daté du 3 octobre, était ainsi conçu : « Lorsqu'au mois d'octobre 1776, il fut question de procéder au choix de quelques nouveaux académiciens regnicoles, Votre Altesse me notifia par une lettre du 50 septembre de la même année « qu'étant informée » que les ex-jcsuilcs Boliandistes demandaient d'être agrégés à TAcadé- » mie, Elle croyait devoir me prévenir, que la confiance qu'ElIe avait » dans les talents, le zèle et l'application de ces sujets l'avait déterminée » à former, à leur égard, et sur leur emploi, uîi projet et des vues, qui » répondraient probablement, et en quelque manière, aux leurs, mais « sur lesquels Elle attendait une souveraine résolution de Sa Majesté. » Archiv. du roy. de Belg. Secrélairerie d'Élal et de guerre : Académies. ^ Ibid. Secrétairerie d'État et de guerre : portefeuille n» 398. ïomeXXXIV. 14 2i0 LIVRE I. — 1778. « Que dans cet étal des choses Elle souliailait, que TAcadémie supcrsédâl » à toute délibération, ou disposition sur leur demande d'y être agrégés, » jusqu'à ce qu'elle ait ])u nie faire connaître le parti, pour lequel » Sa Majesté se déterminerait à leur égard, et qui, quel qu'il pût être, « ne pourrait manquer de leur être honorable et satisfaisant. « » Par une autre lettre du l;2 octobre 1777, Votre Altesse me manda, « qu'ayant aj)pris, qu'il serait question dans l'assemblée de l'Académie » du 15 du même mois, de procéder au choix de quelques académiciens, » Elle croyait devoir me prévenir, que le nombre des académiciens » regnicoles ayant été fixé à vingt par l'article V du règlement de » Sa Majesté, Son Altesse Royale désirait], que, jusqu'à nouvel ordre, il » restât au moins une place d'académicien ouverte, et qu'en conséquence » on se bornât cette fois-là à l'élection d'un seul académicien. » » En conséquence de ces deux lettres les ex-jésuites Dollandistes ne furent pas admis au concours de l'an 1776; et le commandeur de Nieu- port, seul, fut choisi académicien dans l'assemblée du 15 octobre 1777. » Indépendamment des anciens aspirants, qui ont renouvelé leurs instances, cette année-ci, pour être reçus à l'Académie, et parmi lesquels l'on compte l'abbé Ghesquiere, ex-jésuite, nous en avons un nouveau, M. Heylen, ancien professeur en philosophie de l'Université de Louvain, actuellement doyen du chapitre de Lierre, dont les ouvrages couronnés par l'Académie, et le mérite personnel sont connus. » Il n'est point douteux que l'acquisition de ce sujet serait fort avan- tageuse pour l'Académie, surtout pour la classe historique, qui est très faible, mais tandis que la lettre de Votre Altesse du li2 octobre 1777 subsistera, il ne peut être question de choisir ni M. Heylen, ni aucun autre, vu qu'il y a dix-neuf places d'académiciens remplies, et que la vingtième, d'après cette lettre, doit demeurer ouverte. Quant à l'abbé Ghesquiere, outre cette circonstance, sa qualité d'ex-jésuile s'oppose également à son admission, suivant la lettre de Votre Altesse du , 30 septembre 1776. 'M » Je sais bien, qu'il est aisé de lever toute difficulté à cet égard, en déclarant que les deux lettres, rappelées ci-dessus, viennent à cesser; mais alors, il me paraît certain, selon les connaissances que j'ai de la façon de penser de MM. les académiciens, que l'abbé Ghesquiere sera préféré à M. Heylen. Il ne me paraît pas moins certain, en cas que Votre Altesse permette à l'Académie de choisir deux nouveaux membres, dont l'un remplirait la vingtième place d'académicien, et l'autre celle de LIVRE I. — 1778. 211 M. le conseiller du conseil de Flandre Vander Vynckl, vieillard oclo- i,'énairc, qui ne nous est plus d'aucujie utilité, que M. Tabbc Gliesquierc et M. Ileylen seraient élus tous deux '. » J'avouerai à Votre Altesse, que voilà préciséiiient ce que je vou- drais éviter. Du côté de l'érudition les deux candidats sont égaux; ils écrivent tous deux assez bien en latin, assez mal en français; mais Tun est paisible, peu propre aux intrigues, sans prétentions et sans liaisons. L'autre se pique d'une politique profonde; il est rusé, remuant, ilatteur; il a toujours à ses ordres un tas de journalistes et de folliculaires. Pour peu qu'il se mette un projet en tête, on le verra recommandé dans les journaux de l^aris et de Luxembourg, dans les feuilles de Genève et dans la Gazette de Cologne, qui ne man(jucront j)as d'annoncer au public, d'une voix commune, que M. l'abbé Gliesquiere est un homme, comme il n'y en a point. » Mais un sujet pareil est-il bien propre pour s'asseoir dans une Académie? N'y portera-t-il pas le trouble et la discorde? Ne s'emparera- t-il pas des suffrages? Ses rapports, ses jugements seront-ils marqués au coin de l'équité? Il possède, me dit-on, au suprême degré l'art de se faire valoir par toutes sortes de moyens. Ceux qui le connaissent, l'ont toujours regardé comme le plus fin, le plus délié et le plus dangereux des jésuites. Avec ces qualités, s'il n'a que des vues louables, il peut être utile aux lettres, je l'avoue; mais s'il en a d'autres, quelle digue lui opposera-t-on? » Quant à l'érudition, je suppose même qu'il l'emporte sur son compétiteur, peut-on se flatter qu'il l'emploiera au profit de l'Académie? Il est chargé de la rédaction des Analecta Belgica. 11 n'y a aucun sujet d'un mémoire académique, qui ne puisse y figurer. 11 ne manquera pas d'y faire entrer les bons morceaux par préférence, et l'Académie n'aura pour elle que les pièces de rebut. » Il y a plus : je sais qu'on a fait accroire à Sa Majesté que l'Aca- démie de Bruxelles est une assemblée de déistes : de là, peut-être, celte froideur, avec laquelle on accueille à Vienne toutes les productions de ce corps. * « Si nous étions en d'autres circonstances, c'est-à-dire, pour parler plus clairement, si l'abbé Ghesquiere nous convenait autant, qu'il paraît nous convenir peu, je n'hésiterais pas de demander à Votre Altesse la permission de pouvoir choisir deux académiciens. » î212 LIVRE I. 1778. » On soupçonne les jésuites, et leurs affiliés, d'avoir répandu ces traits calomnieux. J'ignore à quel point le soupçon peut être fondé; mais je crois que dans l'incertitude l'Académie ferait une grande imprudence, que d'admettre, dans son sein, un suppôt de la ci-devant société *. » Une autre considération encore doit nous faire pencher pour M. Hey- len. Il a des titres, que son compétiteur n'a point. 11 a remporté deux fois la couronne académique, après avoir débuté par un accessit. Ses mémoires ont été imprimés, et la critique les respecte. Quand un auteur a pris de pareils engagements avec une Académie, il mérite la préférence, à moins qu'on ne trouve de l'autre côté des talents supérieurs. » D'après toutes ces observations, que je soumets avec autant de franchise que de confiance aux lumières supérieures de Votre Altesse, je pense, qu'il pourrait lui plaire de faire subsister, du moins promsion- nellcment, l'inéligibilité des ex-jésuites Bollandistes comme académiciens, en déclarant au reste, que la vingtième place d'académicien, qui devait demeurer ouverte en conformité de sa lettre du 12 octobre 1777, pourra être remplie par un historien; à quel efi'et j'ai l'honneur de joindre ici le projet d'une lettre à écrire à l'Académie, pour le cas que Votre Altesse agrée mes idées. » Projet de lettre qu'il powrait plaire à S. A. le ministre plénipoten- tiaire d'écrire à V Académie : — Messieurs, comme j'apprends que dans votre assemblée du 12 octobre prochain, il sera question de délibérer sur les instances des aspirants à une place d'académicien, je vous fais la présente pour vous dire que Son Altesse Royale a agréé, que la place d'académicien, laquelle d'après les intentions de ce sérénissime prince, que je vous ai annoncées par ma lettre du 12 octobre 1777, devait demeurer ouverte jusqu'à nouvel ordre, soit remplie par un sujet propre pour la classe historique, bien entendu néanmoins, que l'abbé Ghesquiere qu'on me dit être un des aspirants^ ne pourra pas encore être admis au concours, vu sa qualité d'ex-jésuite, en conformité de la lettre que je vous ai adressée le 50 septembre 1776. » * « On croit, au surplus, devoir informer Son Altesse le ministre plénipo- tentiaire, que l'abbé Ghesquiere prend en toute occasion, le litre d'historio- graphe de S. 31. , et qu'on le lui donne dans les papiers publics. Serait-il effectivement décoré de ce titre; M. Paquot ne serait-il plus historiographe, ou y en aurait-il deux dans les provinces des Pays-Bas de la domination de S. M.? » LIVRE. I. 1778. 2i5 Au lieu de celte lettre, le ministre écrivit au président de l'Académie, sous la date du 8 octobre, la suivante, qui aboutissait au même résultat, mais d'une autre manière : « Monsieur, comme j'apprends qu'il se présente de nouveaux aspi- rants à une place d'académicien, et qu'il pourra être question d'y déli- bérer dans la séance que tiendra l'Académie le J2 de ce mois, je vous fais la présente, monsieur, pour vous dire que S. A. R. persiste dans la résolution que je vous ai notifiée par ma lettre du d2 octobre de l'année dernière, et qu'en conséquence c'est encore son intention qu'une place d'académicien ordinaire soit et reste ouverte jusqu'à autre disposition de sa part. Elle me charge d'y ajouter cependant que, si vu l'âge et l'état du conseiller du conseil de Flandre Vander Vynckt, qui depuis long- temps ne remplit et ne peut remplir aucun devoir, l'Académie jugeait que l'admission d'un nouvel académicien pourrait être utile ou nécessaire, S. A. R. agréera que s'il est dans le nombre des aspirants des candidats, qui à l'étude et à des connaissances bien constatées sur la partie histo- rique, joignent le mérite d'avoir présenté des mémoires à l'Académie et d'avoir déjà obtenu son suffrage pour les prix, elle fasse choix d'un sujet de ce calibre. Elle pourra donc procéder dans ce cas à l'élection d'un nouveau membre pour la classe historique et lui déférer ainsi la récompense à laquelle doivent plus particulièrement s'attendre ceux dont les ouvrages ont été couronnés par le jugement de l'Académie même. « i ■ Avant de présenter nos réflexions sur les pièces qui précèdent, nous ferons connaître en quels tei'mes la question des élections avait été présentée à l'Académie dans la séance du l*""" octobre: «... M. le président informa l'Académie que deux nouveaux candidats y postulaient une place. L'un était M. Ileylen assez connu par plus d'une palme remportée dans les concours; l'autre M. l'abbé Ghesquiere, un des ci-devant Bollandistes. M. le président observa que pour procéder à l'élection, il fallait y être autorisé par S. A. R., puisque l'année dernière le prince de Starhemberg avait fait connaître à l'Académie que l'intention du sérénissime gouverneur général était qu'on suspendît toute élection jusqu'à nouvel ordre. Il ajouta qu'en particulier celle de l'abbé Ghes- 214 LIVRE I. 1778. quiere ne pouvait avoir lieu sans une permission expresse de S. A. le ministre plénipotentiaire, qui avait pareillement sursis rélection des quatre Bollandistes jusqu'à ce qu'il eût informé l'Académie des disposi- tions de S. M. à leur égard. M. le président se chargea de porter l'affaire à la connaissance de S. A., et de procurer les directions nécessaires pour la prochaine séance. « Nous avons retrouvé dans les archives de l'Acadcmie les re- quêtes de l'abbé Ghesquiere et du doyen Heylen. La requête de Ghesquiere est datée de Bruxelles, le 27 juin; elle est ainsi conçue : « Monsieur, j'ose me flatter que l'emploi d'historiographe dont Sa Majesté et le gouvernement viennent de m'honorcr, bien loin de mettre obstacle à mon admission dans l'Académie des sciences et belles- lettres, ne contribuera pas peu à faire agréer mes premières sollicitations et à réunir enfin en ma faveur le suffrage de Votre Seigneurie et ceux des membres de l'Académie. » C'est dans cette confiance que je prends la liberté de réitérer mes sollicitations respectueuses, et de présenter à Votre Seigneurie une dissertation que j'ai faite sur un article de l'histoire littéraire des Pays- Bas, dont M. l'abbé S. Léger de Soissons, ancien bibliothécaire de Ste-Geneviève de Paris, a bien voulu être l'éditeur, et dont les journa- listes ont rendu compte. » Il me serait aisé de produire encore d'autres écrits de ma composi- tion sur différents points de l'histoire belgique; mais j'ose espérer, que Votre Seigneurie se contentera du compte, que j'aurai l'honneur d'en rendre, au cas qu'Elle le juge à propos, à M. l'abbé Turberville Needham, et qu'Elle daignera regarder ces écrits comme des preuves de mon zèle et de mon assiduité à travailler sur l'histoire des Pays-Bas. » Je ne vous dissimulerai pas, monsieur, que j'aspire beaucoup à l'honneur d'être admis au nombre de MM. les académiciens de Bruxelles; mais j'avoue en même temps que ce qui m'engage le plus à solliciter cette grâce, c'est l'espoir flatteur de pouvoir par ce moyen profiter des lumières, des notions et des observations de ces savants hommes, et de me mettre ainsi plus à portée de rédiger les Analecta Belgica avec toute l'exactitude et la célérité que S. M., notre auguste souveraine, le gouvernement et le public pourront dés'rer. LIVRE F. n78. 21 0 » C'est dans celte vue que j'ai osé avoir recours aux bonics de Votre Seigneurie, et implorer sa protection, étant avec le plus profond respect et la plus parfaite soumission, etc. » (Signé) : Joseph Glicsquicre prêtre, etc. n La requête du doyen Hcylcn est datée de Lierre, le 7> août; en voici le contenu : « Monsieur, j'ose prendre la très respectueuse liberté de me recom- mander à Votre Seigneurie pour que je puisse être admis membre de l'Académie impériale et royale dont vous êtes, monsieur, le très digne chef. Si je me pourrois flatter de réussir, je tàcherois de préparer un mémoire, touchant (juelqucs antiquités romaines de nos Pays-Bas. J'ai l'honneur, etc. » Ileylen, en écrivant celle requête, avait fait de son Fiiicux.Nous avons eu entre les mains les différents rapports qu il rédigea après son entrée à l'Académie; ils sont presque illisibles. En s'en tenant à sa requête du 5 août, et en la compai'ant à celle de l'abbc Glies- quiere, le chancelier avait-il bien le droit de dire que les candi- dats écrivaient tous deux assez mal en français? Il eût été plus juste d'avouer qu'HeyIcn ne savait que le flamand et le latin, tandis (jue Glicsquicre s'exprimait en français d'une manière très convenable. Et puis, comment Grumpipen osait-il émettre un doute sur l'assertion de Ghes(|uicre, ([ue celui-ci avait été nommé historiographe de limpératrice? La passion seule peut expliquer ces choses-là; il est vraisemblable, du reste, que la manière de voir du chancelier était conforme à celle de Starhembcrg. Mais l'Académie, comment la traite-t-on? En 1777, il lui avait été interdit d'élire Burtin ; en 1778, quoique la majorité, de l'aveu de Grumpipen, soit favorable à Ghesquiei'e, on lui impose le choix de Hcylcn, en rendant toute autre nomination impos- sible. Il y eut cependant des récalcitrants: le 13 octobre, dix-huit membres étaient présents à la séance. « [.e scrutin, » porte le pro- tocole, « fut favorable au premier candidat [M. Heylen], dont l'élec- 216 LIVRE I. — 1778. tion se fil à la pluralité de douze voix contre cinq. » Il y eut une abstention. Est-ce à dire que le doyen Heylen fût sans mérite? Non sans doute : c'était même aux services qu'il avait rendus dans l'instruc- tion publique et aux prix qu'il avait remportés à rAcadémie, qu'il avait du d'être présenté en première ligne par le conseil privé et par le prince Charles de Lorraine pour la place de doyen de la collégiale de Saint-Gomard à Lierre, et d'être nommé à cette place le i septembre 1777. Né vers 1757, licencié en théologie, il avait enseigné la philosophie depuis l'année 1759 au collège du Faucon à Louvain. Une autre élection avait eu lieu au commencement de l'année 1778. Le protocole de la séance du 10 mars porte ce qui suit : « M. le prince de Gallitzin, ambassadeur de Russie à la Haye, ayant fait connaître à TAcadémie par lettre du 22 février, qu'une place de membre étranger lui serait infiniment agréable, rassembléejugea qu'il ne conve- nait pas d'attcndrejusqu'au mois d'octobre pour etîcctuer celte admission; qu'on pourrait pour celte seule fois, et sans lirer à conséquence pour l'avenir, demander à S. A. le ministre plénipotentiaire la permission de procéder exlraordinairement et sans délai à cette élection, en représen- tant h ce prince que le mérite personnel et l'illustre naissance du candidat justifieraient suffisamment cette distinction; que la première de ces qualités, en faisant abstraction de la seconde, doit seule faire regarder RL le prince de Gallitzin comme un membre utile que l'Acadénn'e ne saurait s'attacher trop tôt, non-seulement à cause des mémoires qu'il fait espérer de son propre fonds qui est très riche, comme on le voit par le mémoire sur l'éloctricilé, mais principalement à cause de ceux des premiers physiciens de l'Europe, qui s'empressent de lui communiquer leurs découvertes, comme il paraît par celles de M. Achard, dont M. le prince de Gallitzin a déjà fait part à l'Académie, et par celle de M. Fon- tana qu'il y joindra bientôt; qu'ainsi, quand ce candidat ne serait qu'un savant ordinaire, son admission ne pourrait être que très avantageuse; et qu'enfin tant de mérite, soutenu par Tcclat de la naissance et par le rang qu'il tient dans le monde, semble exiger qu'on s'écarte un peu de la règle en admettant le candidat par une élection extraordinaire. Toute l'assemblée ayant adopté cet avis, il fut résolu de porter l'afTairc à la connaissance de S. A. le ministre par extrait de protocole. » I LIVRE I. 1778. 247 Les premières relations du prince de Gallitzin avec l'Académie remontaient au mois de décembre 1777. « Le prince de Gallilzin, » lit on dans le protocole de la séance du 15 janvier suivant, « venait d'augmenter le nombre des correspondants. Il s'était déjà chargé de faire parvenir à l'Académie de Pétersbourg les Mémoires de celle de Bruxelles, en priant le directeur de lui communiquer les expériences et les découvertes qu'on pourrait avoir faites sur l'électricité et sur l'air fixe, sous promesse de faire part de toutes les siennes... » Pour qu'il n'y ait pas de méprise, nous dirons que le prince n'avait aucunement sollicité une place de membre étranger, mais que l'offre lui en avait été faite par l'abbé Needham, directeur de l'Académie. Voici ce que Gallilzin écrivait à ce dernier le 22 février : «... Je suis très flatte que mon mémoire sur rélectricité ait mérité votre approbation et celle de vos messieurs les académiciens; mais la manière dont vous vous proposez, monsieur, de me témoigner votre satis- faction, me pénètre de reconnaissance. Je serai infiniment sensible à l'honneur de vous être associe, et vous ne pouviez jamais me faire un plus grand plaisir. Je n\ni aucun titre pour y prétendre, malgré toutes les honnêtetés que vous avez la bonté de me dire là-dessus; mais j'ai éminennnent celui de respecter infiniment les vrais savants et d'aimer passionnément les sciences... » On lit dans le protocole de la séance du 3 avril : « S. A. le ministre ayant agréé par sa lettre du 17 mars la proposi- tion de procéder extraordinairement à rélection de M. le prince de Gallitzin comme membre étranger, on recueillit les suffrages par le scrutin. Toutes les voix concoururent à cette élection. » Remarquons que dans sa lettre prémentionnée du 17 mars, Starhemberg avait prévenu le chancelier que le prince de Gallitzin n'était revêtu à la Haye que du caractère de ministre plénipoten- tiaire de Russie, et non de celui d'ambassadeur, comme l'Aca- démie l'avait supposé. 218 LIVRE I. 1778. Gallilzin ne cessa de porter un vif intérêt à rAeadcmie de Bruxelles, et de le témoigner à travers les phases par lesquelles la compagnie passa successivement jusqu'au moment de la suspension de ses travaux en 1794. On ne pourrait en dire autant de l'astronome La Lande qui ne tarda pas beaucoup à perdre l'Académie de vue, après avoir reçu avec « une extrême reconnaissance » ses lettres d'académicien, lettres qu'il avait sollicitées par l'intermédiaire de Gérard. Après sa lettre de remereîments du 22 novembre 1776, que nous avons donnée en son lieu, nous ne trouvons plus que deux lettres de lui dans les archives. L'une, datée du l*''" juin 1777, est fort curieuse : « Il y a longtemps, monsieur, « ccrit-il à Des Roches, « que j'aurais dû vous remercier des mémoires que vous avez eu la bonté de m'cnvoycr avec votre lettre du 2 avril, je les ai reçus avec une extrême reconnais- sance comme le premier gage de mon aggrcgation dans votre illustre Académie, je les ai annoncés dans le Journal des savants, et je les ai communiques à M. d'Aubenton qui s'occupe beaucoup des bêtes à laine. " Souffrez, monsieur, que je profite de celte occasion pour recomman- der à votre amitié M'"^ Drouliin ma parente qui va dans voti'e grande ville pour étendre son commerce de vins, cl placer elle-même ceux qu'elle recueille dans notre pays, et ne point les laisser passer par des mains étrangères et suspectes. Je vous prie de vouloir bien lui procurer des connaissances; elle a tout le mérite et tous les agréments nécessaires pour justifier votre recommandation, et je vous en aurai une obligation personnelle. « Je vous prie de faire mille compliments à mes chers confrères, spécialement M. Gérard, M. Chevalier, M. Needham, M. Tabbé Fromont, le P. Hallerstein. Si iM. l'abbé Fromont est encore chez le chancelier de Brabant, je le prie de vouloir bien y présenter M"« Drouhin. » Il est visible que La Lande n'aurait pas songé à écrire au secrétaire perpétuel de l'Académie de Bruxelles, si sa parente M"^ Drouhin ne fut partie pour la « grande ville, » afin de cher- cher à y placer ses vins. LIVRE 1. 1778. 219 L'autre lettre du célèbre astronome, datée du 48 mai 1778, est purement académique. Voici les circonstances qui y donnèrent lieu. Un anonyme avait présenté à l'approbation de l'Académie un mémoire sur une machine appelée VEtay. Les deux commis- saires, MM. Mann et Bournons, nommés pour examiner cette pièce, ne s'accordaient pas sur son mérite, et l'on était convenu de s'en rapporter au jugement de La Lande. « L'Académie, « lui écrivait Des Roches, « n'a point cru devoir nommer d'autres examinateurs parmi ses membres regnicolcs, parce qu'elle ne veut point causer des altercations entre des gens qui se connaissent et dont les liaisons avec l'un ou l'autre des premiers rapporteurs pour- raient jeter des soupçons sur leur jugement. La juste confiance qu'elle a en vos lumières, et en votre équité, vous a fait nommer pour être l'arbitre de ce différend, dans lequel elle s'intéresse, et où son honneur pourrait être compromis. Les deux partis ont applaudi à ce choix, et déclarent vouloir se soumettre bien volontiers à votre décision. L'engagement que vous avez pris avec nous, et les sentiments que nous vous connaissons, nous fait présumer que vous voudrez bien vous donner la peine d'exami- ner 1« le mémoire, et 2° les deux rapports [ces rapports étaient joints à la lettre de Des Roches, mais on avait omis les signatures]: décider si le premier est digne que l'Académie y donne son approbation, et nous faire connaître le jugement que vous faites des derniers. Il dépend de vous, monsieur, de faire seul cette double décision, ou d'y faire intervenir celui ou ceux de vos confrères de Paris que vous jugerez à propos, pourvu quCj dans ce cas^ vous veuillez bien nous mander leurs noms. » La minute de cette lettre ne porte pas de date, mais elle doit avoir été écrite le 29 on le 50 avril. Les mots imprimés en carac- tères italiques ont été ajoutés par Crumpipen. Le 18 mai, comme nous l'avons dit, La Lande envoya la réponse suivante : « Monsieur et cher confrère, j'ai été bien flatté de la confiance dont l'Académie m'a honoré, je me suis fait un honneur et un devoir d'y répondre. Et je puis vous dire avec certitude que le commissaire qui a "220 LIVRE I. — 1778. désapprouvé le mémoire sur les étais [ce commissaire était Bournons] avait raison; Tauteur du mémoire dit que l'égalité de mouvement établit l'équilibre, ce qui n'a lieu que quand les forces sont opposées. La théorie des plans inclinés donne tout cela d'une manière fort simple. Quant à la courbe que l'auteur explique par un arc de cercle, c'est une courbe transcendante qui dépend de la rectification de l'ellipse; je vous en envoie par la diligence du 20, la solution rigoureuse faite par un jeune géomètre (M. Charles) et qui sera facilement entendue par celui qui a fait le rapport. D'ailleurs le mémoire qui a la prétention d'être élémentaire et clair, ne l'est point du tout, et l'auteur ne prend pas le chemin le plus court... La Lande, après avoir indiqué les moyens de faire parvenir à Paris les publications de l'Académie, soit pour la distribution, soit pour la vente, ce qui lui avait été demande par Des Roches, ajoute : r> Je vous prie, monsieur, de présenter mes respects et mes remercî- ments à votre illustre Académie, spécialement à ceux des membres qui m'ont comblé de bontés en 1774., M. le chancelier de Brabant, M. Gérard, M. le prévôt de Marci, M. Chevalier, M. Needham, le P. Hallerstein, M. le baron de Pocderlé, M. de Wilt, conseiller d'État, haute rue [rue haute]. » Un post-scriptum porte ce qui suit « Je voudrais bien que quelqu'un dans votre Académie voulût s'occuper de la comparaison exacte des mesures du Brabant pour les longueurs, surfaces, bleds et vins, avec celles de France ou d'Angle- terre. Cela devrait être dans un des volumes de vos Mémoires. Quant au poids, M. Tillet l'a donné. » LIVRE I. -^ 1778. 221 CHAPITRE XIX. Le concours de 1778. — L'étonnement que cause à Vienne le prix remporté par le marquis du Chasteler. — Les attaques dirigées par les feuilles de Malines et de Louvain contre l'Académie et contre le lauréat Verhoeven. — Le chancelier de Brabant rappelle aux académiciens les obligations qui leur sont imposées par le règlement. Deux questions avaient été proposées pour le concours de d778. Elles étaient conçues en ces termes : « Donner un précis des principales expéditions ou émigrations des Belges dans les pays lointains, depuis les temps les plus reculés jusques et com- pris celui des croisades, examiner quelle a été l'influence de ces expéditions sur les mœurs et sur le caractère national. » — a Dé- crire la température la plus ordinaire des saisons aux Pays-Bas, et en indiquer les influences tant sur l'économie animale que végé- tale, marquer les suites fâcheuses que peuvent avoir des change- ments notables dans cette température, avec les moyens, sMl y en a, d'y obvier. » Le prix de la seconde question fut adjugé à M. Retz, docteur en médecine à Arras. Pour la première, M. le marquis du Chasteler obtint la mé- daille; MM. l'abbé De Mersseraan et le conseiller Meari, l'accessit; et M. D'Hoop, une mention honorable. Lorsque le ministre plénipotentiaire eut informé le prince de Kaunitz du l'ésultat du concours, le chancelier de cour et d'État lui écrivit le 28 octobre : « Je ne me serais pas attendu à ce que le marquis du Chasteler emportât une couronne. » L'étonnement du prince était assez naturel. Chasteler n'avait fait preuve jusque-là que d'un vif amour des grandeurs : lieute- nant des hallebardicrs à l'âge de vingt et un ans, on l'avait vu, en 1774, offrir jusqu'à cinquante mille florins pour la place de capitaine des archers, ce qui avait indisposé contre lui le gou- verneur général : la dignité du service et de la cour ne compor- tant guère, selon le prince Charles de Lorraine, l'admission des 222 LIVRE I. 1778. finances pour ces sortes de places * ; et c'est à tçrand'peine qu'il avait obtenu l'emploi de lieutenant (par lettres patentes du 20 jan- vier 4775): Marie- Thérèse ne l'aimait pas et avait même fait savoir d'abord « qu'elle n'inclinait nullement pour lui 2. » Deux ans plus tard, Chasteler avait écrit directement à l'impératrice pour solliciter le titre de prince, demande qu'il avait déjà faite en 1771; sa lettre avait été renvoyée au ministre plénipoten- tiaire, et Kaunitz avait exprimé le désir « qu'on fît cesser nna bonne fois ces importunités ^. » En cela il obéissait à la volonté de limpéralrice : « S. M., marquait-il dans une dépêche du 3 fé- vrier 1777, est très mécontente. » Une raison que nous allons rap- porter, suffirait, à défaut d'autres, pour expliquer le mécontente- ment de Marie-Thérèse. Vers la fin de l'année 177C, elle avait été informée par l'archevêque de Malines, que le fils cadet du marquis du Chasteler était élevé en Hollande chez sa mère dans la religion protestante. Elle avait chargé l'archevêque d'adresser au gouver- nement une représentation sur cet objet; mais le conseil privé émit l'avis « que des parents professant une religion différente sont les maîtres d'élever leurs enfants dans celle qu'ils voudront, sans que l'autorité suprême puisse y mettre opposition. En sup- posant qu'il y eût litige entre les parties, c'était au juge compé- tent à décider la chose *. » Pour ne plus devoir y revenir, nous dirons que sous Joseph II, en 1785, le marquis du Chasteler renouvela sa demande d'un diplôme de prince, mais sans être plus heureux cette fois que les deux autres; et qu'il parvint à se faire voir aussi mal de l'empe- reur qu'il avait été mal vu de l'impératrice : en 178G, il s'était adressé à la reine Marie-Antoinette pour obtenir la permission de faire passer au service de France son fils aîné qui servait avec distinction dans le corps du génie autrichien, offrant de le rem- ^ Archiv. du roy. de Belg. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne : Relation du 10 septembre 1774, D. 100, ad. lit. A. 9. 2 Dépêche du 21 septembre 1774. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne. 3 Lettre du 29 janvier 1777. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne. * Consulte du 2o septembre 1777. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne : D. 100, ad. lit. 0.8. LIVRE I. — 1TT3. 223 placer dans le service de lempereur par son second flls. celui dont il a ëlë question ci-dessus, plus riche que le premier et ayant ses biens en Hollande. Lorsque Kaunitz instruit de ces démarches par une lettre du comte de Mcrcy-Argentcau, en fit rapport à Joseph II, celui-ci les qualifia d'extraordinaires et d'insolentes, et chargea son chancelier de cour et dÉtat d'en exprimer sa juste surprise au noble marquis '. Heureusement il y avait deux hommes en Chasteler : l'un très vaniteux et poursuivi par des idées d'agrandissement pour lui et pour sa famille, faisant preuve dans ses rapports avec la cour de Vienne et celle de Bruxelles de beaucoup de légèreté et dinconsé- quence; l'autre, épris de l'amour des belles-lettres, ne dédaignant pas de prendre part aux concours de l'Académie et ne s'offensaut pas d'un échec, comme il le montra bien en se déclarant l'auteur d'un mémoire qu'il avait envoyé au concours de l'année 1774 et qui n'avait pas même obtenu un accessit. Élu membre de l'Aca- démie en 1779, il ne cessa pendant dix ans de témoigner le plus vif intérêt pour les travaux de la compagnie et d'assister à ses réunions, autant que son état de santé le lui permettait. Dans la séance générale du 15 octobre 1778: u M. le président informa rassemblée que dans les feuilles hebdoma- daires de Malines et de Louvain, on avait lancé plusieurs traits d'une critique aussi outrée qu'injuste contre les mémoires des Académies en général et particulièrement contre celui de M. Verhoeven, couronné Tan passé par celle de Bruxelles; il observa quà la vérité cette critique n'était qu'un tissu dignorance et de faussetés, et par conséquent inca- pable de faire impression sur l'esprit des personnes parfaitement in- struites de notre histoire qui d'ailleurs ne s'amusaient pas à lire ces misérables feuilles; que cependant elles faisaient un tort infini à la réputation de 31. Verhoeven et de l'Académie même, par les sarcasmes continuels dune certaine classe de citoyens, qui d'autant plus téméraires et injustes qu'ils sont plus ignorants, ne jugent que d'après ces critiques et ne cessent de tourner en ridicule l'auteur couronné et le corps qui lui * Archiv. du roy. de Belg. Chancellerie des Pays-Bas a Vienne : D. 109. ad lit. E.ô (n° 1). 224 LIVRE I. 1778. a décerné la palme, que surtout à Malines, Tinsolence de ces gens était montée à un tel excès que M. Verhoeven n'osait plus se montrer en public; que dans les cafés, les compagnies et jusque dans les cabarets, il n'était question que de lui et de son mémoire; que quoi qu'il ne soit pas de la dignité d'une Académie de se mesurer avec de pareils écrivains, il était temps d'arrêter le cours de ces mauvaises critiques, et que le meilleur moyen en était de porter l'affaire à la connaissance de S. A. le ministre, afin que l'autorité du gouvernement imposât silence à ces folli- culaires indiscrets et méchants, à qui la seule envie de mordre, et nulle- ment le loisir louable d'éclaircir quelque point d'histoire, avait fait prendre la plume. » Toute l'assemblée embrassa l'avis de M. le président, mais quel- ques membres ayant remarqué que, sans en venir à une réfutation for- melle, il paraissait nécessaire de donner au public abusé dans ces mêmes feuilles quelques échantillons de la mauvaise foi et de la profonde igno- rance des critiques; de peur qu'une simple prohibition de la part du gouvernement ne fournît l'oceasion à ceux-ci de publier partout, que dans l'impuissance de répondre à leurs objections, l'Académie s'était vue obligée d'implorer le secours de l'autorité suprême pour leur fermer la bouche, il fut résolu, du consentement de tous les membres, que S. A. serait informée de cette affaire par un rapport particulier auquel on joindrait le projet d'un avis à insérer dans les feuilles de Malines et de Louvain. La rédaction de ces deux pièces fut commise au secrétaire; et M. le président se chargea de les présenter au ministre, « Le secrétaire donna lecture dans l'assemblée tenue le 25 no- vembre, de la réfutation des critiques de Malines et de Louvain et du rapport qui l'accompagnait; « mais, » dit le protocole de la séance du 7 décembre, «comme ces morceaux se trouvent actuel- lement entre les mains de S. A. le ministre, après avoir été lus et approuvés dans une assemblée académique, il paraît inutile d'en donner ici l'extrait, dont ces sortes de pièces sont d'ailleui's peu susceptibles, puisque pour en juger sainement, on a besoin d'avoir sous les yeux l'objection et la réponse présentées dans toute l'étendue convenable; ce qui obligerait de copier tout le rapport et toute la réfutation sans en rien retrancher. » La réfutation de Des Roches parut en 1780 dans le tome III LIVRE I. — 1778. 225 des Mémoires, pp. xxvii-xxxii. Quant au rapport, il n'en est resté aucune trace dans les archives de l'Académie : on ne saurait dire davantage si le ministre plénipotentiaire y fit une réponse. On lit dans le protocole de la séance du 15 octobre :« La séance de novembre a été fixée au lundi 9 de ce mois. Elle doit s'ouvrir parla Icclure du règlement de l'Académie, M. le président ayant insisté sur la nécessité de celte lecture, afin de rappeler à tous les membres les devoirs qu'ils ont contractés, principalement celui de fournir tous les ans un mémoire, obligation à laquelle tous n'avaient point également satisfait. » L'article qui renfermait cette obligation était le XV^ Les articles XII et XIII prescrivaient aux académiciens ordinaires, établis à Bruxelles, d'assister à toutes les séances, et aux autres, de se rendre cliaque année au moins à quatre assemblées, [.c secrétaire fut chargé de rappeler ces articles à la mémoire de ceux des académiciens qui n'assistèrent pas à la séance du 9 novembre. Ce rappel au règlement était, en ce qui concerne l'article XV, une conséquence de l'opinion émise par Crumpipen, et appuyée par le ministre, que de bons mémoires feraient plus pour la réputation de l'Académie que l'institution d'une classe de correspondants. CHAPITRE XX. Les finances de l'Académie. — Rapports du chancelier de Brabant au prince de Starhemberg, datés du 19 septembre 1778, et relatifs, l'un à l'administration des fonds de l'Académie par Gérard jusqu'au mois d'avril 1773, l'autre à l'administra- tion des mêmes fonds par le chancelier, du 13 avril 1773 jusques et y compris le mois de septembre 1778, Note confidentielle jointe à ces rapports. — Le secrétaire perpétuel Des Roches est chargé de l'administration des fonds de l'Académie. — Le rapport du conseiller des finances Limpens sur les comptes de Crumpipen. — L'acte de décharge du 4 novembre 1778. Nous n'avons point parlé jusqu'ici des finances de l'Académie : les développements dans lesquels nous allons entrer à ce sujet nous semblent dignes de fixer l'attention. Par une lettre adressée le 9 août 1777 au ministre plénipoten- ToME XXXIV. 45 226 LIVRE I. 1778. tiaire, le prince de Kaunitz demandait a connaître l'emploi des fonds el 1 état des épargnes de l'Académie. Cette demande était faite à l'occasion du projet d'établir une imprimerie académique, dont il était alors question. — Le 19 août, Starhemberg pro- mettait de fournir les détails réclamés, mais comme il tardait de le faire, le chancelier de cour et d'État lui écrivait le 22 novem- bre de ne pas oublier de les lui envoyer, et le 2 décembre, le ministre annonçait qu'il les adresserait au commencement de i778. — Le 28 janvier, ayant reçu communication du projet d'allouer des jetons de présence aux académiciens, Kaunitz disait au ministre : « Ce ne sera qu'à la vue de l'état des fonds assignés à l'Académie, qu'on pourra juger si elle peut fournir à la dépense de ces jetons. » — Les détails qui auraient dû être envoyés à Vienne au commencement de l'année, ne l'étaient pas encore au mois d'octobre : le 15 de ce dernier mois, Starhemberg j)romet- tait de les remettre dans peu. Le retard n'était pas imputable au ministre, comme on va le voir par les rapports du chancelier de Brabant du 19 septembre 1778. Ces rapports sont au nombre de deux, et ils sont accompagnés d'une note confidentielle. Voici les trois pièces *. I. — Premier rapport. «Votre Altesse m'a notifié, par sa lettre du il avril 1773, « que » comme M. Gérard, secrétaire de S. M. et de l'Académie des sciences et » belles-lettres, avait demandé plus d'une fois, qu'il fût désigné quel- » qu'un, à qui il pût rendre ses comptes des fonds de la Société litlé- » rairc, dont il avait eu l'administration, tant en recette qu'en dépense, r> et qu'il était juste de déférer à ses instances sur cet objet, il avait été » jugé, que vu ma qualité de président de l'Académie, il convenait que » ce fût moi, qui entendisse et coulasse les comptes de M. Gérard, que » je reçusse les deniers, dont, par la clôture, il pourrait rester reliqua- » taire, et que je lui donnasse sur le tout une décharge complète et * Archiv. du roy. de Belg. Secrétairerie d'Élal et de guerre : portefeuille n° 598. LIVRE I. 1778. 227 » absolue. Qu'enfin Votre Altesse désirait, que je lui fisse, pour Tinfor- » mation de Son Altesse Royale, un rapport par écrit du résultat de » cette opération. » « Je m'en acquittai le lendemain, 12 avril, et j'eus l'honneur d'infor- mer verbalement Votre Altesse, quelques jours après, que M. Gérard m'avait remis un compte en règle, que je l'avais examiné et coulé en la manière accoutumée, et qu'après en avoir reçu la clôture, montant à la somme de fl. 568-1-3, j'avais inséré à la fin du compte... une décharge complète et absolue, relativement à ses gestions. Votre Altesse... me permit d'attendre, pour lui présenter mon rapport par écrit, le premier compte, que je serais dans le cas de rendre de l'administration, qu'Elle m'avait également confiée, par sa lettre mentionnée ci-dessus, pour les années suivantes, des fonds provisionnellement assignés par Sa Majesté pour la dotation de l'Académie... « Comme je viens de remplir ce devoir, par un autre rapport de ce jdur, j'ai cru qu'il convenait, que je satisfisse, en même temps , aux in- tentions de Votre Altesse, par rapport au compte de M. Gérard, en le lui remettant ci-joint en original, avec les pièces vérificatives qui l'ac- compagnent. » ... La recette a consisté en une somme de fl. 5 -400... » Quant à la dépense, elle monte pour les deux années, terme de ce compte, h la somme de fl. 2 851-10-9, presque entièrement employée en achat de livres pour la Bibliothèque royale. « Au surplus chaque article des mises a été vérifié d'une manière exacte, et on ne peut véritablement que se louer de la sage économie de M. Gérard '. 11 eût seulement été à désirer, qu'il se fût dispensé de faire, à la fin de son compte, quelques observations aussi inutiles que déplacées; mais Votre Altesse se rappellera que, dans ce moment, il avait, fort mal à propos néanmoins, contracté un peu d'humeur, et voilà pourquoi j'ai cru devoir passer une croix sur tout le texte de ses obser- vations, ce que j'ai fait en sa présence, et après quelques discussions assez désagréables, avec son aveu. » Les observations « aussi inutiles que déplacées, » sur lesquelles * « On doit remarquer aussi, que la ci-devant Société littéraire alors décou- ragée, et presque anéantie, ne s'assemblait que rarement, n'avait qu'une cor- respondance excessivement bornée, et presque point de frais de bureau. » 228 LIVRE I. — 1778. le chancelier avait cru devoir passer une croix, étaient les sui- vantes : « Le rendant n'ayant fait les achats des livres mentionnés dans le présent compte qu'ensuite d'autorisation verbale de S. A. le ministre, sa dite Altesse lui ayant rendu les notes qu'il avait présentées à ce sujet, sans les signer, et le rendant n'ayant pas osé requérir sa dite Altesse de lui donner une autorisation par écrit : le rendant s'oblige de tenir tous ces ouvrages pour son compte et de refournir endéans deux fois vingt- quatre heures la somme qu'ils ont coûtée, si en cas Son Altesse ne se ressouvenait pas d'avoir donné les autorisations requises. « Au reste le rendant, qui ne s'est chargé de l'emploi de la susdite somme que pour éviter à la Société littéraire les frais du tantième, est prêt d'affirmer qu'il a réellement employé et payé les sommes requises dans le présent compte, et que loin que la place de secrétaire de la Société littéraire lui ait été utile, il a au contraire dépensé plus que l'import de la gratification de fl. 500 qu'il a obtenue (sans l'avoir demandée); il croit inutile d'entrer en quelque détail à ce sujet, d'au- tant qu'il n'en exige ni exigera aucune indemnité. » La mauvaise humeur qu'exhale cette pièce, s'était déjà fait jour dans une lettre adressée par Gérard au chancch'er Crumpipen, le 5 février (4 773) précédent. « Les membres de l'Académie, » écrivait- il, « demanderont vraisemblablement une copie des lettres patentes. Les personnes qui y seront admises dans la suite^ si tant est qu'il s'en présente, souhaiteront sans doute d'en avoir pareillement une, et je suis persuadé que des savants étrangers et des auteurs des ouvrages périodiques m'en demanderont successivement. Je ne vois pas comment je pourrai refuser de communiquer une pièce rendue publique par les Gazettes : mais je vous avouerai, monsieur, que je n'ai ni l'envie, ni le temps de faire une cinquan- taine ou une centaine de copies; si j'avais du temps de reste, je l'emploierais par préférence à des choses qui me seraient ou lucratives ou utiles. D'un autre côté, je ne suis pas d'humeur de payer un copiste. Je n'ai déjà que trop dépensé de mon argent pour des objets littéraires. Si je n'avais mon entrelien et mon logement de mes parents, je serais aujourd'hui accablé de dettes, LIVRE I. 1778. 229 et ce serait là le fruit de mon zèle et de mon travail pour le pro- grès des lettres, à moins que je [ne] considère l'honneur d'avoir joué un rôle unique; car je vous assure qu'après la récompense honorifique et lucrative que j'ai eue, personne ne sera tenté de suivre mes pas. — Quoi qu'il en soit, j'ai [)ensé, monsieur, qu'on pourrait faii'e imprimer 200 exemplaires des lettres patentes, et comme j'ai observé qu'à l'imprimerie royale on payait plus cher et qu'on y était plus mal servi que chez les imprimeurs ordi- naires, j'ai demandé à l'imprimeur D'Ours ce qu'il exigerait pour 200 copies des lettres patentes, et il m'a dit qu'en lui fournissant le papier, cela ne coûterait que dix à douze escalins. Quelque modique que soit celte dépense, je ne crois pas, d'après ce que je vois, qu'un secrétaire d'une Académie des Pays-I3as puisse prendre la chose sur lui, ni contracter avec qui que ce soil, sans ordre et autorisation en forme, à moins de s'exposer à demander un jour, comme grâce, le remboursement de son argent : il est fâcheux et désagréable pour moi de devoir vous importuner pour de pareilles misères, et je vous prie de m'excuser pour cette fois et pour les autres occasions qui [à vue de pays seront assez mul- tipliées] se rencontreront, vous priant d'être persuadé que, si ce n'était la conséquence, j'aurais préféré de payer de mon aigent les 12 escalins plutôt que de vous prier, comme je prends la liberté de le faire par la présente, de vouloir me procurer -par le canal que vous jugerez nécessaire une autorisation par écrit, pour pouvoir faire hors des fonds assignés à l'Académie la forte dépense dont il s'agit. J'aurais pu à la vérité donner un mémoire à M. le conseiller secrétaire d'État, mais comine cela aurait encore multiplié les écritures, puisque je suppose que la chose aurait été envoyée à votre avis, j'ai cru préférable de m'adresser directe- ment à vous .. » — Le io février, le chancelier envoya une note au secrétaire d'État pour faire connaître qu'il ne voyait pas d in- convénient à ce que le ministre plénipotentiaire agréjît la propo- sition de Gérard, et le permis d'imprimer les lettres patentes fut accordé le 2 1 . 230 LIVRE f. 1778. II. — Deuxième rapport. « Il a plu à Votre Altesse de nie notifier par sa le'tre du 11 avril 1773, que Son Altesse Royale venait de donner, au conseil des finances, Tordre de me faire remettre, contre ma quittance, non-seulement la somme de 1 000 ducats que Sa Majesté avait destinée pour la Bibliothèque royale, mais aussi celle de 5 400 IL, qui faisait pour les deux années échues le 12 janvier 1773, le montant des fonds que Sa Majesté a assignés, d'abord pour la Société littéraire, et puis pour TAcadémie des sciences et belles-lettres. Votre Altesse ajoutait à cette information, qu'Elle ne doutait point que je ne me chargeasse, avec plaisir, de recevoir, à présent, ces deux sommes, et successivement les fonds de l'Académie, pour en être disposé suivant les directions qu'Elle me donnerait. » Les désirs de Votre Altesse étant des ordres pour moi, j'y ai déféré avec un empressement égal à mon zèle pour l'Académie j et j'ose espérer de m'en être acquitté de manière à mériter en ceci, comme dans les autres parties, qui me sont confiées, l'approbation de Votre Altesse, la seule, mais aussi la récompense la plus flatteuse que je puisse attendre des soins, que je me donne, sans cesse, pour les progrès d'un établisse- ment véritablement utile, plus considéré et plus justement apprécié dans les pays étrangers, qu'il ne l'est dans le nôtre, et qui malgré l'esprit de contradiction, de critique, peut-être même d'envie de nos concitoyens, fera un jour époque dans les fastes du glorieux règne de Sa Majesté, et un éloge de plus du ministère de Votre Altesse aux Pays-Bas. « Il y a longtemps, que je m'étais proposé de lui rendre compte de cette administration... Il me fallait pour cela quelques jours de loisir : j'ai saisi ceux que les vacances de ce mois m'ont donnés, pour me mettre en règle et au niveau sur ce point. » Le compte ci-joint en original en a été le résultat. Votre Altesse verra par le chapitre de recette, que j'y ai renseigné 1" la somme de fl. 568-1-3, faisant la clôture du compte de M. Gérard; 2» les sommes mentionnées dans la lettre de Votre Altesse du 13 avril 1775, et 3° la dotation annuelle de l'Académie, fixée provisionnellement par Sa Majesté à 3 000 fl. pour les années 1774-, 1775, 1776 et 1777. Le total de cette recette a porté fl. 24 654-4-7, dans laquelle somme celle de 3 000 fl., LIVRE I. — 1778. 231 écliue le 12 janvier de la présente année i778, n'est point comprise, parce que jusqiies ici, elle n'a pas été demandée, ni reçue... »... Je ne pense pas que Votre Altesse trouvera les frais de bureau, pendant les dernières années, excessifs, ou trop considérables : Elle peut être persuadée, que j'ai apporte dans cette partie de mon adminis- tration, un soin particulier et une économie, que bien assurément je n'observe pas, avec la même rigueur, dans mon ménage. D'ailleurs il doit entrer dans les vues de Sa Majesté, comme dans celles de Votre Altesse, que l'Académie étende de plus en plus ses travaux, et par conséquent aussi sa correspondance, ce qui doit nécessairement majorer, en proportion, la dépense. Celle-ci n'allait, pour les frais de bureau, et le compte rendu par M. Gérard le prouve, qu'à neuf florins et quelques sols par an, pendant tout le temps que la ci-devant Société littéraire a subsisté; mais l'on sail, que cet établissement était alors dans une inaction presque absolue, et sur le point de s'anéantir à défaut de zèle, d'encouragement et de protection. « Je dois maintenant supplier Votre Allesse de vouloir me désigner un commissaire, qui, en son nom, examine et entende le compte que je viens d'avoir eu I bonneur de lui présenter. Je dois la supplier aussi de daigner me dispenser à l'avenir d'une administration, qui, à la vérité, n'est pas bien compliquée, mais qui exige cependant une attention et des soins suivis, que les devoirs attacbés à la place, que j'ai l'honneur d'occuper au service de Sa Majesté, ne me permettent pas toujours d'avoir. « 11 conviendra, au reste, que ce soit un académicien, qui me rem- place dans cette administration. Je n'en connais pas de plus zélé, de plus exact, ni de plus désintéressé que M. Des Roches, et je me charge- rais bien volontiers d'être l'auditeur des comptes, qu'il rendra annuelle- ment, et d'en faire, chaque fois, mon rapport à Votre Altesse, ainsi que des observations, dont ces comptes m'auront paru susceptibles, si Elle agrée mes idées. Je pourrai aussi, dans ce cas, faire passer à M. Des Roches, moyennant un reçu de sa part, la caisse de PAcadémie; elle ne saurait être déposée en meilleures mains, et si l'on pouvait avoir quelque défiance à cet égard, ce que je suis fort éloigné de croire, je m'engagerais, sans difficulté, à être son répondant auprès de Votre Altesse et de l'Académie. « Je saisis celte occasion pour recommander de nouveau à la bien- veillance de Votre Altesse un corps, qui lui doit déjà son existence et son accroissement, et qui lui devra un jour la réputation distinguée, dont il jouira dans la république des lettres. » 232 LIVRE 1. 1778. m. — Note confidentielle. « Le chancelier de Brabant, on qualité de président de TAcadémic, a rhonncur d'adresser à S. A. le ministre plénipotentiaire les deux rapports ci-joints. L'un de ces rapports regarde le compte, rendu par M. Gérard, de l'administration qu'il a eue des fonds de l'Académie jusqu'au mois d'avril 1773, et n'exige d'ailleurs aucune observation. L'autre concerne la même administration, confiée au président depuis le 15 avril 1773 jusques et y compris le mois de septembre de la présente année 1778, et dont le compte qui l'accompagne, présente le résultat. » 11 est à remarquer sur ce dernier rapport, qu'il a été rédigé de manière à pouvoir être envoyé, sans inconvénient, à Vienne, où il paraît qu'on est fort curieux d'apprendre, comment, et h quoi les fonds de l'Académie ont été employés. T> Mais, comme il n'est pas nécessaire qu'on y sache exactement tout, le président a cru devoir, par une note particulière, soumettre à la consi- dération supérieure de Votre Altesse, s'il ne serait pas convenable, que la clôture du compte dont il s'agit, et qui fera un objet d'environ 5 000 fl. soit employée d'abord, à amortir à concurrence de cette somme, une partie de celle, qui a été levée pour former l'imprimerie académique ; bien entendu toutefois, que le directeur de cet établissement sera tenu de verser dans la caisse de l'Académie l'intérêt de quatre pour cent, qu'on est dans le cas de donner aujourd'hui à la personne qui a fourni l'argent, et que S. A. connaît, sans qu'il soit nécessaire de la nommer. » Il se voit par la note ci-jointe que cet établissement a coûté 11. 18 214-18-11 % et en calculant l'intérêt de celte somme sur le pied ^ « Note des argt^nls que j'ai successivement remis à M. Des Roch?s, pour former rétablissement d'une imprimeiie académique. » 1777. 25 octobre. En espèces fl. -2 205 0 0 20 novembre. En espèces 3 570 0 0 1778. 2janvier. En assignalion sur Liège 141 3 0 4 d". En assignalion sur Paris 2 3!)7 9 9 16 d". En assignalion sur Liège 25.^ G 0 12 février. En espèces 2 520 0 0 16 mars. En espèces et en assignalion 2 717 2 2 25 avril. En espèces. 945 0 0 20 mai. En assignations sur Paris 1981 12 0 18 juin. En espèces 2l9 5 6 28 juillet. En espèces 1 200 0 0 Fl. 18214 18 II LIVRE I. 17?8. 253 cic quatre pour cent, il en résulte, que rimprimerie académique est chargée actuellement de 720 tl. d'intérêts par an. i> Il doit être assez indifférent à qui l'on paye cet intérêt, mais il semble, que puisqu'il se trouve dans la caisse de l'Académie une somme de 5 000 fl., il vaut mieux placer cet argent, qui produira, pendant plu- sieurs années, un intérêt de 200 fl., que de le laisser infructueux... » ... Cependant, comme on n'a pas grande idée de notre établissement typographique à Vienne, il est plus que probable, qu'on s'y refusera à cette proposition, si on la fait. » L'on supplie donc S. A. le ministre plénipotentiaire de vouloir déci- der la chose par Elle-même, et celui, qui a fait les avances d'argent, mentionnées ci-dessus, demeurera encore volontiers caution pour les 5 000 fl. qu'on prêtera à l'imprimerie académique, en cas que cet éta- blissement vienne à crouler, quoique, si cela arrive, il serait, en tout cas, plus à plaindre que l'Académie, vu qu'indépendamment de ces 5 000 fl., il perdrait encore un capital de 15 000... « ... Un autre point encore, qu'on n'a pas cru devoir toucher dans le dernier rapport, c'est un prêt de 500 fl., que le président de l'Académie a fait à M. Des Roches en diflerentes reprises, et dont la reconnaissance ci-jointe fait la preuve. Comme il n'a pas été autorisé à cela par S. A. le ministre plénipotentiaire, cet objet n'a pas été porté en dépense dans le compte, et ne fait, au vrai, qu'une dette personnelle de M. Des Roches vis-à-vis du président, qui n'est point inquiet de cet argent, et qui en a fait l'avance avec plaisir. » Mais il s'agit de savoir si S. A., ne serait pas disposée à accorder à M. Des Roches une gratification de 500 fl., qui lui donnerait le moyen d'acquitter cette dette? Au vrai, on lui doit la justice de dire, qu'il mérite, à tous égards, ce nouveau bienfait. Personne ne remplit avec plus de zèle, ni avec plus de succès que lui, les devoirs d'académicien; et il serait difficile de trouver quelqu'un qui fût aussi propre et aussi exact qu'il l'est, pour la place laborieuse de secrétaire de l'Académie. » L'on ne peut se dissimuler, que le gouvernement lui a fait un sort honnête, mais il est à considérer aussi, qu'il est surchargé de travaux et d'occupations de toute espèce. Au surplus S. A. le ministre plénipoten- tiaire est plus en état que personne, d'apprécier les services, qu'il rend en qualité d'actuaire du comité pour les études. >^ A cette occasion on doit encore rappeler à S. A. l'affaire des pen- sions et des jetons à distribuer aux académiciens présents aux assem- 234 LIVRE 1. 1778. blées. Il serait bien convenable, que ces deux objets pussent être défini- tivement arrangés avant la séance du 15 octobre; mais il faudrait pour cela, que le président eût un entretien de quelques heures avec M. le secrétaire d'Etat et de guerre et deux ou trois académiciens, à désigner par S. A., qu'on inviterait à y assister. » Fait à Bruxelles le 20 septembre 1778. » 1 Si l'on s'en tient au rapport adressé par Criimpipen au ministre sous la date du 25 septembre 1778, que nous avons donné dans le chapitre XVI, le chancelier semble avoir ajourné l'affaire des pensions, et n'avoir insisté que sur celle des jetons : la lettre du ministre, du 8 octobre (voir même chapitre), lui donna toute satisfaction à cet égard. La personne dont il est parlé dans la note ci-dessus, et qui avait avancé fl. 18 214-18-11 à l'imprimerie académique, n'était autre, nous l'avons déjà dit, que Crumpipen lui-même. Ces argents, pour employer le style de l'époque, avaient été remis à Des Roches, du 25 octobre 1777 au 28 juillet 1778. Le chancelier, semblerait-il, commençait à avoir des inquiétudes sur le sort de rétablissement auquel il avait beaucoup poussé, mais on peut douter que ces inquiétudes fussent sérieuses et qu'il voulût compromettre les fonds de l'Académie. II nous apprend qu'à Vienne on n'avait pas grande idée de l'établissement en question; la proposition de lui avancer 5 000 fl. y serait certainement rejetée, et pour cela, il demande que le ministre décide la chose par lui-même. « On ne doit pas tout savoir à Vienne : » ainsi il ne faut pas qu'on y sache que le chancelier de Brabant a fait un prêt de 300 fl. à Des Roches, prêt dont il désirerait être remboursé, et pour le remboursement duquel il a imaginé de faire accorder une gratification de 500 fl. au secrétaire perpétuel de l'Académie, sur les fonds de la compagnie. Le 8 octobre 1778, le prince de Starhemberg écrivait au chan- celier : « Ayant examiné votre rapport du 19 du mois dernier concernant le compte que vous avez à rendre de l'administration des fonds de l'Âca- LIVRE 1. 1778. 255 demie impériale et royale des sciences et belles-lettres depuis le moment où, à ma demande, vous avez Lien voulu vous charger de celte admi- nistration, je vous fais, monsieur, la présente pour vous dire, que me rendant aux raisons qui vous font désirer d'être déchargé de la même administration, j'y consens volontiers, dans l'attente toutefois que vous voudrez bien seconder par vos soins et vos lumières l'administrateur qui vous succédera. » Je désigne à cet effet M. le secrétaire perpétuel de l'Académie Des Roches... »... J'ai résolu de nommer le conseiller du conseil des finances, de Limpens, commissaire à reffct d'ouïr et clore vos comptes... »...Le résidu de recette... sera versé en mains du sieur Des Roches, qui du jour où cela sera exécuté, sera censé être l'administrateur et deviendra de ce jour-là comptable. » Je vous autorise cependant, monsieur, à prendre sur ce reliquat et à payer au sieur Des Roches une gratification de 500 11. argent cou- rant de Brabant. Je lui accorde avec plaisir un encouragement si bien mérité par la manière avec laquelle il remplit à la fois ses devoirs de secrétaire et d'académicien, mais il est trop équitable lui-même pour ne pas regarder ce secours comme une faveur extraordinaire, qui ne saurait aucunement être tirée à consé«iuence pour l'avenir. «... (]omme l'Académie tient l'octroi pour l'impression des livres éléinentaires, et que s.ms autre fonds (juc sa dotation, et sans autre hypo- thèque que l'octroi, elle n'aurait pas pu fournir aux frais de l'établisse- ment de l'imprimerie, si elle n'avait pas trouvé dans le zèle d'un parti- culier l'avance des fonds considérables déjà fournis à cet objet, c'est mon intention qu'il soit pris des fonds de l'Académie une somme de 5 000 11. argent courant, laquelle sera employée à rembourser à concurrence de cette somme une partie des fonds avancés pour l'imprimerie. Cette somme de 5 000 fl. sera donc une avance que fera l'Académie à l'impri- merie dont, avec le temps, elle aura le fruit et le bénéfice, et la direction de l'imprimerie versera en décharge dans la caisse de l'Académie l'intérêt de la même somme de 5 000 fl. à raison de 4 °/o tant que l'avance durera : bien entendu que le particulier, qui jusqu'ici a fait toutes les avances pour l'imprimerie, demeurera caution pour la susdite somme de 5 000 fl. pour qu'à tout événement l'Académie soit à couvert... » [Le nouveau trésorier aura] à rendre annuellement ses comptes au mois d'octobre de chaque année : le bon ordre de la comptabilité exi- geant que les comptes soient coulés d'année en année... j^ 236 LIVRE I. 1778. »... Je me propose de donner à M. de Limpens d'année en année la commission de couler ces comptes..., m'assurant au surplus que le sieur Des Roches ne disposera d'aucun denier de sa caisse sans une autori- sation ou ordre par écrit de votre part et de Tautrc, que vous ne pren- drez pas sur vous d'autoriser quelque dépense extraordinaire ou tant soit peu considérable, sans avoir au préalable demandé et reçu ma résolution. » Je ne puis au reste, monsieur, que vous réitérer de nouveau l'ex- pression de toute ma satisfaction sur les soins zélés et éclairés avec lesquels vous secondez mes vues et l'intérêt que je prends à un établis- sement dont les succès me tiendront toujours fort à cœur. y> Voici le rapport que Limpens adressa au ministre plénipolen- liaire, le 4 novembre K ë « Monseigneur, » Votre Altesse m'ayant chargé par lettre du 8 octobre dernier de couler en son nom les comptes que le chancelier de Brabant de Crum- pipen avait à rendre de son administration des deniers de l'Académie des sciences à Bruxelles, [j'ai l'honneur] de porter à sa connaissance le résultat de cette comptabilité avec le projet d'acte de décharge qu'Elle pourrait être dans le cas de faire expédier à M. le chancelier. Elle a daigné me prévenir que son intention était que je continue ensuite à couler les comptes de l'administration de l'Académie qu'Elle allait confier au sieur Des Roches qui en est le secrétaire perpétuel. » J'ai procédé hier au coulemcnt du compte que le chancelier m'a présenté et à l'examen des pièces justificatives. » Ce compte... enveloppe, tant pour la recette que pour la dépense, les années 4773, 1774, i775, 1776 et 1777 avec une partie de la dépense de Tannée 1778, quoique la dotation de cette dernière année ne soit pas encore reçue ni renseignée. « Cette dotation... est majorée, parce l'on y renseigne les i 000 ducats faisant o 900 fl. qu'en 1775 S. M. a assignés pour le rétablissement de la Bibliothèque royale, et les 2 400 fl. de surplus assignés pour le même objet : on ajoute encore à la recette une somme de fl. 786-5-4 provenant i * Archiv. du roy. de Belg. Secrétairerie d'Klat et de guerre : porlefeuilie n« 598. LIVRE I. — 1778. 237 de la vcnie de quelques vieux effets et matériaux que Ton a pris soin d'aliéner. » Finalement la recette est encore majorée de Timport de la clôture du compte précédent, antérieur à mon opération, et rendu à iM. le chance- lier par le ci-devant secrétaire perpétuel de Sa Majesté [sic] Gérard : le résultat de celte clôture... présentait un bénéfice de fl. S68-1-3, et toutes CCS sommes réunies ont porté la recette totale du compte que j'ai besogné à une somme de fl. 246o4-4-7... »... La dépense de la première année a été la plus forte, parce qu'on y porte les frais du rétablissement de la Bibliothèque royale. Quoique les ameublements aient été payés un peu cher par celui qui a été chargé de ce détail, on n'a cependant point excédé l'imporl des deux sommes assi- gnées à cet effet : elles se montent ensemble à fl. 8 500-0-0 j et la totalité des dépenses faites en ouvrages et réparations non-seulement pour la première année, mais en entretien et réparations, pour les quatre autres, ne se montent qu'à fl. 7 575-17-2 : par conséquent à une somme de fl. 724-2-10 inférieure aux deux sommes assignées à cet effet. » Du reste les meubles et effets paraissent assez bien conditionnés, et ils pourront utilement servir à présent que l'on se trouve dans la néces- sité de procurer à la Bibliothèque royale un plus vaste emplacement. Le bâtiment où elle est maintenant placée, très ancien et absolument gothique, étant devenu décidément insuffisant, au point de ne pouvoir renfermer la grande quantité de livres que Sa Majesté a résolu de choisir et de réserver de chaque Bibliothèque des ci-devant jésuites pour en enrichir la collection de la Bibliothèque royale, on est à l'égard de celle- ci dans le cas des événements que la prudence humaine ne saurait pré- voir, attendu qu'il n'était pas question dans ce pays de la dissolution de la Société de Jésus, lorsqu'on a procuré à la Bibliothèque royale ce pre- mier rétablissement qui annonçait déjà des vues toutes conformes à la munificence ordinaire de Sa Majesté. » Le surplus de la dépense consiste en achat de livres, en gages des écrivains plumitifs de l'Académie, en frais de ports de lettres et paquets, gratifications accordées aux secrétaires perpétuels, et quelques encoura- gements donnés à ceux qui ont le mieux mérité dans cette république naissante des belles-lettres aux Pays-Bas... « [De la recette totale fl. 24 654-4-7, il n'a été dépensé qu'une somme totale de fl. 19 786-4-7], de sorte que le résultat de la clôture des comptes présente un bénéfice de fl. 4 868-0-0. 238 LIVRE I. 1778. f » ... [Celte somme] est supérieure au montant d'une année de la dotation, et ce résultat ne peut que caractériser une bonne adminis- tration. » ... Je ne puis que proposer à Votre Altesse de donner au chancelier de Brabant Tacte de décharge dont le projet est ci-joint pour être honoré de sa signature, si Elle Tagréc. » (Signé) : A. C. Limpcns. » Projet d'acte de décharge : "^ « Son Altesse le prince de Starhemberg, ministre plénipotentiaire de Sa Majesté aux Pays-Bas, ayant eu rapport en sa qualité de prolecteur de l'Académie royale des sciences à Bruxelles, du résultat de l'admi- nistration des revenus et des charges de cette Académie, dirigée par le chancelier de Brabant et président de la dite Académie, Joseph de Crumpipen, pendant les années 1773, i774, 1775, 1776 et 1777-78, et ayant vu le compte final qu'il en a rendu, par la clôture duquel il reste redevable de la somme de A 868 il., la recette ayant, par ses soins économiques, excédé la dépense à cette concurrence, a, pour et au nom de Sa Majesté, déclaré comme Elle déclare par cette, d'approuver et ratifier tout ce qui, par le dit chancelier de Brabant et président de l'Académie, a été fait et géré en sa qualité d'administrateur pendant les années ci-dessus mentionnées; lui donnant à cet effet, et parmi le refournissement de la dite somme de 4 868 fl., dont l'import sera porté en recette au prochain compte à rendre par le secrétaire perpétuel de l'Académie Des Roches, pleine et entière décharge; voulant que le présent acte soit à cet égard déclaratoire envers tous ceux qu'il appar- tient. » Fait à Bruxelles le A novembre 1778. » Le 12 novembre, le ministre renvoya l'acte de décharge, signé, à Limpens, pour être délivré par lui au chancelier de Brabant. LIVRE I. 1778. 239 CHAPITRE XXI. Détails des comptes précités de Gérard et de Crumpipen. Nous passerons maintenant en revue les comptes dont il vient d'être question, tant celui de Gérard que celui de Crumpipen. Le compte de Gérard, ainsi qu'on l'a vu, renseignait une recette de 3 400 florins. Il portait : « Reçu du conseiller receveur géné- ral des finances Proli,le 26 septembre 1771, la somme de 5 400 fl. arg. cour, de Brabant, savoir 1 000 fl. restant de la somme de 2 400 fl assignée à la Société littéraire par la l'oyale dcpécbe de S. M. du 12 janvier 1 709, pour l'année finie le 12 janvier 1770, et 2 400 fl. pour l'année écliue le 12 janvier 1771. » Raj)pe]ons que les 1 400 fl., excédant de la somme de 2 400 fl. écluie le 12 jan- vier 1 770, avaient été, sur une ordonnance du conseil des finances, distribués directement à MM. Gérard, Vounck et Scumoy, à titre de gratification, en conséquence d'une dépécbe de S. M., du 15 mai 1770. Les 1 000 florins d'épargne devaient, d'après la même dépêche, servir à acheter les instruments et autres objets dont la Société pourrait avoir besoin, ou bien être réservés pour un temps où parmi les membres de la même Société il se trouverait plus de sujets de mérite. La dépense avait été de fl. 2 831-18-î), et se décomposait comme il suit : Achats de livres, manuscrits et reliures, fl. 2 043-15-11; frais de bureau, dépenses diverses, fl. 188-4-10. Ainsi la plus grande partie des 5 400 florins avait été consacrée à des achats de livres et à des reliures pour la Bibliothèque royale. 11 y aurait mémo lieu d'ajouter aux fl. 2 643-15-11 ren- seignés ci-dessus : 1° fl. 118-1-4 pour l'achat à Vienne d'un vélin destiné à « former le volume pour insérer les noms de ceux qui ont fait des présents à la Bibliothèque royale; » 2° fl. 22-15-0 pour achat de quatre alphabets de cuivre destinés à être employés « à mettre les noms de ceux qui avaient fait des présents à la Bibliothèque royale, dans le livre destiné à cet eft'ct. » La somme 240 LIVRE I. 1778. dëpciisce pour la Bibliothèque s'élève alors à fl. 2 784-10-5. Et si l'on retranche encore des dépenses diverses fl. 5-9-0 payés au sieur DOurs pour 200 exemplaires des lettres patentes, et fl. 3-5-0 payés pour achat et reliure des mémoires présentés à S. A. le ministre plénipotentiaire peu après son arrivée à Bruxelles (c'étaient les mémoires qui avaient remporté les prix en 1709 et 1770), il ne reste plus pour frais de bureau, ports de lettres et paquets, etc., que la très modique somme de fl. 58-1 C-G. Mais il y a Heu de transcrire ici la note dont Gérard fait suivre le relevé des dépenses : « Le rendant ayant depuis le mois de février I 769 jusqu'à ce jour 12 du mois d'avril (1775) payé le port d'une quantité de lettres et mémoires qui formaient d'assez gros paquets qui lui ont été adressés par la poste en qualité de secrétaire de l'Académie, tant de lintérieur du pays que de l'étranger, et n'en ayant pas tenu note, tant à cause qu'il ne croyait pas que l'objet aurait été si considérable que parce qu'on lui avait fait espérer qu'on lui ferait suivre la franchise des postes, ne peut que laisser à l'arbitrage de M. le président de l'Académie ce qui lui pourrait être pasïé pour ces débours pendant quatre ans et deux mois. » Le chancelier écrit en marge : « Bon pour mémoire. On attendra là-dessus la résolution de S. A. le ministre plénipotentiaire. » Disons tout de suite que par une résolution du ministre, Gérard reçut le 15 mai 1775 une somme de 252 fl. de Brabant « pour les débours qu'il avait faits en ports de lettres, mémoires, etc., pendant quatre ans, à raison de six pisloles par an. » Ce qui nous frappe dans le compte de Gérard, c'est que la somme relativement élevée de fl. 2 645-15-1 1 pour livres, manu- scrits et reliures, avait été dépensée sans que la Société littéraire eût été une seule fois consultée sur l'opportunité de la dépense. C'était le ministre qui ordonnait ou bien autorisait les acquisi- tions, et Gérard ou l'abbé Chevalier, bibliothécaire, qui les faisait. Le seul manuscrit porté en compte avait pour titre : Métamor- phoses et joyeux devis d'Ovide, etc. In-folio. M. N.-J. Sanchez de Aguilar l'avait acquis à la vente des livres du comte de Cobenzl; il avait été réclame ensuite comme appartenant à la Bibliothèque royale, mais pour éviter toute contestation, on était convenu de payer à M. de Aguilar la somme de 60 florins de change. LIVRE I. 1778. 241 Le coniple de Gérard avait été clos le 12 avril 1775: le même jour, le chancelier de Brabant avait reçu la somme de fl. 568-1-3, « dont le rendant s'était retrouvé reliquataire par clôture d'icelui compte;» et décliaige complète et absolue avait été donnée au rendant. Le compte du chancelier dont nous allons nous occuper, com- mence le 13 avril 1775 et va jusqu'au 10 octobre 1778. La recette totale s'élève à fl. 24 654-4-7. Elle se partage comme suit : FL. s. D. 15 avril 1775. Reçu de Gérard, reliquat 568 1 5 5 mai id. Reçu pour la Bibliothèque royale la somme de 1 000 ducats .... 5 900 0 0 5 mai id. Uue année de dotation échue le 12 jan- vier 1772 2 400 0 0 Id. id. Une année de dotation échue le 12 jan- vier 1773 5 000 0 0 19 mai id. Vente de matériaux 786 3 4 23 février 1774. Une année de dotation échue le 12 jan- vier 1774 5 000 0 0 le«" mars 1775. Une année de dotation échue le 12 jan- vier 1775 5 000 0 0 15 février 1776. Une année de dotation échue le 12 jan- vier 1776 5 000 0 0 8 février 1777. Une année de dotation échue le 12 jan- vier 1777 5 000 t^ Voici quelle a été la dépense, année par année : 1775. Travaux et réparations à la Bibliothèque royale . . Achats de livres et frais de reliure ....... Indemnité payée à Gérard pour ses débours pendant quatre années [voir ci-dessus] Frais de bureau de Gérard du 12 avril 1775 au 20 août Tome XXXIV. 6 749 17 2 684 2 2 252 0 0 20 14 0 16 63 0 0 à . 75 0 0 à • 107 2 0 242 LIVHE I. — 1778. Copie da mémoire de Du Rondeau couronné par TAcadémie, remboursée à l'auteur 31 10 0 Six mois d'appointements de l'écrivain N. Torfs [du 15 mai 1773 au 15 novembre inclus] à raison d'une pistole par mois Six mois d'appointements de l'écrivain De Bareige à partir du 10 avril 1773, à raison de 150 tt. par an Sceau et cachet de l'Académie, gravés par Krafft à Vienne 1774. Travaux et réparations à la Bibliothèque royale et achat de meubles 2 026 4 7 Achats de livres et frais de reliure 429 14 6 Employés subalternes. Payé 1° 31 fl. 10 s. au concierge de la Bibliothèque royale pour un nouvel an et en récompense des services rendus en 1773; 2<» 42 fl. au s^'ïorfs pour gages de décembre 1773 au 20 mars 1774 inclus; 3° 73 fl. 10 s. à l'écrivain Van Bevere pour 7 mois du 20 avril 1774 au 20 novembre in- clus, à raison de 10 fl. 10 s. par moisj 4° 150 fl. au s"" De Bareige, pour une année échue le 10 oct. 1774. 297 0 0 Frais de bureau et dépenses diverses. Paye 1° 85 fl. 2 s. à Gérard pour ports de lettres, aff"ranchissements et fournitures de bureau pendant une année échue au commencement de février 1774^ 2° 50 fl. 9 s. pour cordes et brosses; 3o 17 fl. 10 s. pour voyage concernant les affaires de l'Académie, fait à Louvain par Gérard et Needham 151 1 0 Frais de copie d'un mémoire couronné par l'Académie. 9 9 0 Gratification à Des Roches [voir plus loin] .... 500 0 0 Solde de compte de l'abbé Needham [idem] .... 104 12 0 Réimpression par A. D'Ours de 5 7â feuilles des mé- moires couronnés de Du Rondeau et Du Jardin [idem] 91 7 0 LIVRE I. 1778. 245 177S. FL. S. D. Achats de livres et frais de reliure 105 2 6 Employés subalternes. Payé l» 51 fl. 10 s. au concierge de la Bibliothèque royale pour un nouvel an et en récompense des services rendus en 1774 5 2» 140 fl. à Van Bevere pour 15 mois et 10 jours, du 20 no- vembre 177-4 au 51 décembre 1775; 5° 150 fl. à De Bareige pour une année échue le 10 octobre 1775; 4» 57 fl. 10 s. au même pour trois mois échus le 51 décembre 1775 559 0 0 Frais de bureau. Payé à Gérard lOG 11 0 Copie de dilîérenls mémoires de Needham et Du Ron- deau 69 19 0 Payé à Witry pour une lampe de son invention, le des- sin de cette lampe et deux copies de sa description . 18 19 0 Gratifications, chacune de 500 fl., à Du Rondeau et à DeBeunie 1 000 0 0 Remboursement du voyage astronomique de Pigott et Needham [voir plus loin] 800 0 0 1776. Travaux à la Bibliothèque royale 128 19 3 Achats de livres et de manuscrits faits à la vente Ver- dussen à Anvers 2 148 17 8 Vacations de Des Roches à Anvers à Toccasion de la vente susdite : 22 jours à raison d'une pistole par jour 220 10 0 Achats d'instruments de physique [voir plus loin] . . 42 6 0 Employés subalternes. Payé 1"51 fl. 10 s. au concierge de la Bibliothèque royale; 20 52fl. 10 s. à Van Bevere pour cinq mois, du !''•' janvier 1776 au 31 mai; 3" 52 fl. 10 s. au même pour cinq mois, du l^»" juin au 51 octobre; 4° 26 fl. 5 s. à l'écrivain P. Heris pour cinq mois, du l^"" janvier 1776 au 51 mai, à raison d'une demi-pistole par mois 162 15 0 Frais de bureau. Payé à Gérard et Des Roches ... 170 15 0 244 LIVRE I. — 1778. 1777. FL. S. D. Travaux à la Bibliothèque royale 6 6 0 Instruments de physique 75 15 9 Niveau du s"" Bataille, à Anvers 350 0 0 Employés subalternes. Payé i" 31 fl. dO s. au concierge de la Bibliothèque royale; 2» 73 fl. 10 s. à Técrivain pourgages du l^'"novembre 1776 au 31 octobre 1777. i05 0 0 Frais de bureau 37 14 0 Indemnité à un ouvrier imprimeur à l'occasion de la suppression d'un mémoire de l'abbé Mann [voir plus loin] 3 3 0 Gratification au lieutenant Bournons [idem] .... 321 6 0 1778. Dépenses pour la Bibliothèque royale (dépenses arrié- rées et achat d'un tapis) 103 15 0 Achats de livres et frais de reliure 97 18 0 Écrivain employé par l'abbé Mann 161 6 6 Employés subalternes 162 15 0 Frais de bureau ordinaires 150 13 2 Dédommagement à un ouvrier imprimeur pour perles causées par le mémoire algébrique de Bournons . . 12 12 0 CojiieàxiT/njmo. 383 12 0 Frais de reliure des mémoires couronnés .... - 63 0 0 Gratifications 1° à Bournons 200 fl.; 2o à Des Roches 500 fl. [voir plus loin] 700 0 0 Payé à l'abbé Needham pour les recherches relatives à des mines du côté d'Audenarde 37 1 0 Comme on empiétait volontiers d'un exercice sur l'autre, les dépenses portées au compte de chaque année n'ont pas toujours été faites dans cette année, et se rapportent souvent à des années antérieures. En d'autres termes, les chiffres renseignés ne reprc- LIVRE I. — 1778. 243 sentent que les dépenses soldées pendant l'année^ qu'elles aient été faites cctlc année ou bien une ou plusieurs années auparavant. Si nous récapitulons les dépenses de chaque année, entendues dans le sens que nous venons de préciser, nous trouvons : FL. s. D. i773 7 983 5 4. 1774 3 609 8 1 1773 2 549 il 6 1776 2874 2 il 1777 897 4 9 1778 1 872 12 8 Total. . . 19 786 5 3 11 va dans le compte rendu du chancelier une erreur d'addi- tion, qui porte la dépense de 1776 à fl. 2 874-2-3 au lieu de il. 2 874-2-11 ; de sorte que le total des six années n'est plus que de fl. 19 786-4-7. Limpcns n'a pas remarqué cette erreur, et il est résulté de là qu'il a estimé le reliquat à fl. 4 868-0-0, la recelte totale ayant été de fl. 24 634-4-7. Nous présenterons quelques observations sur les différents postes. Examinons d'abord ce qui concerne la Bibliothèque royale. L'impératrice avait accordé 1 000 ducats ou 3 900 fl. pour la restauration de la salle, et l'Académie avait, paraît-il, été autorisée à consacrer au même objet une année de sa dotation; de sorte qu'elle disposait d'une somme totale de 8 500 fl., à laquelle il faut ajouter encore les fl. 691-5-4 provenant de la vente des vieux matériaux : ce qui donne un total de fl. 8 991 -3-4. La dépense pour les années 1773 à 1778 inclus, s'est élevée à fl. 9 013-2-0. Cette somme comprend l'^nmeublement que Lim- pcns jugeait avoir été payé un peu cher. Limpens fait probable- ment allusion à un poêle acheté à Paris et qui, rendu à Bruxelles, avait coûté fl. 420-8-4. C'était le secrétaire du prince de Star- hemberg, qui avait dirigé les travaux et fait les acquisitions de meubles, sans que l'Académie y fût intervenue. 246 LIVRE I. 1778. L'achat des livres avait aussi continué, sans que jamais on con- sultât la compagnie, si ce n'est lors de la vente Verdussen à Anvers. La somme totale dépensée en livres et reliures, montait à l'époque où Crumpipen rendit ses comptes, c'est-à-dire au mois de novembre 1778, à fl. I 542-2-2; et si l'on ajoute à cette somme les 2 645-13-11 renseignés au compte de Gérard, on arrive à un total dcfl. 4 185-16-1. Les frais des employés subalternes et les frais de bureau ne s'élèvent depuis l'établissement de la Société littéraire jusqu'en 1778 qu'à fl. 2 152-14-8, ce qui fait, en moyenne, à peu près 226 fl. par an. 11 est vrai que le secrétaire perpétuel se chargea de toutes les écritures jusqu'au mois d'avril 1773. A partir de cette époque, il employa deux écrivains dont l'un touchait 126 fl., l'autre 150 fl. par an. Le concierge de la Bibliothèque royale, où l'Académie se réunissait, était payé sur d'autres fonds que ceux de l'Académie : celle-ci se bornait à lui donner, depuis 1774, annuellement 3 pistoles ou 51 fl. 10 s. pour ses étrennes et les services qu'il rendait. Les gratifications occupent un poste assez important dans le compte du chancelier. Nous avons d'abord la gratification de 500 fl. accordée en 1774 à Des Roches, en vertu de la lettre suivante du prince de Star- hemberg, adressée au chancelier de Brabant, sous la date du 30 août : « Le zèle particulier du sieur Des Roches pour l'éta- blissement et le succès de l'Académie des sciences et belles-lettres; les preuves qu'il a déjà données de ses talents distingués, et les circonstances de sa fortune concourant également à lui accorder quelque marque de satisfaction, il me paraît qu'il convient de lui accorder une gratification de 500 fl. arg. cour*. — • Je vous prie, monsieur, de la lui faire tenir en prenant cette somme sur les fonds de l'Académie. » A cette époque. Des Roches demeurait à Anvers. En 1775, deux gratifications, chacune de 500 fl. , sont allouées aux académiciens Du Rondeau et De Beunie, en conséquence d'une autorisation du ministre plénipotentiaire. LIVRE I. — 1778. 247 En 1777, le lieutenant Bournons, membre de l'Académie, reçoit une première gratification de fl. 3:21-6-0. Voici la correspondance qui avait eu lieu à ce sujet : Le 15 septembre 1777,1e secrétaire d'État et de guerre écri- vait au président de l'Académie * : « Comme il est question d'attacher au pensionnat qui sera établi en cette ville M. le lieutenant Bournons, et que Son Altesse le ministre voudrait, en attendant, lui ménager quelque avantage destiné à l'encourager à rester dans la même intention et le même désir de se fixer en cette ville, ce seigneur m'ordonne de vous requérir, monsieur, de vouloir bien lui l'aire compter dès à pré- sent une centaine de florins comme un à-compte sur des encou- ragements auxquels il est dans le cas de s'attendre de la part de l'Académie dont il est membre. » Le 22 novembre, le chancelier fait remettre au ministre pléni- potentiaire la note suivante: « En conséquence d'un billet que le secrétaire d'État et de guerre m'a écrit le 13 du mois de septembre dernier, j'ai donné au lieutenant des ingénieurs Bournons six doubles souverains comme un à-compte sur des encouragements auxquels il est dans le cas de pouvoir s'attendre de la part de l'Académie dont il est membre. J'avouerai ingénument que cette gratification m'a paru infiniment mince pour un homme tel que Bournons, surtout d'après les assurances que M. l'abbé de Nelis doit lui avoir données, et vu les circonstances où il se trouve d'avoir un grand besoin d'argent, comme il se voit delà lettre ci-jointc qu'il m'a écrite. [Cette lettre ne s'est pas retrouvée.] Je serais donc d'avis qu'il pourrait plaire à S. A. le ministre plénipotentiaire de m'autoriser à compter au sieur Bournons dix-huit doubles souverains, à titre d'encourage- ment de la part de l'Académie, au moyen de quoi la lettre de ce prince du 25 septembre, rappelée ci-dessus, viendrait à cesser; Bournons serait tiré d'affaire et aurait reçu une gratification un peu plus proportionnée à son zèle et à ses talents. » Le 25 novembre, le ministre écrit au chancelier : « Le lieutenant * Archiv. du roy. de Belg. Secrétairerie d'Étal et de guerre : Académies. âlS L 17». LIVRE I. 1778. 249 La lampe de l'invention de M. de Witry ouvre la série. En 1777, nous avons le niveau du sieur Bataille, d'Anvers, qui fut acheté 550 fl. Puis vient une somme de fl. 73-15-9, complé- ment d'une autre somme de fl. 42-16 0, portée au compte de 1 77G, et payées toutes les deux à l'abbé Needham. La dernière somme avait servi à acquérir de Magalhaens, à Londres, les différents vases et autres matériaux destinés à répéter les expériences de Priestlcy sur l'air fixe, suivant la résolution de l'Académie, prise dans la séance du 20 novembre ; l'autre somme avait été employée à payer au même Magalhaens différentes pièces et ingrédients |)our faire les eaux minérales ^ Au compte de l'année 1778 figure une somme de fl. IGl-O-G, payée à un écrivain employé par l'abbé Mann. Cet écrivain avait reçu 1°fl.49-G-G pour la copie du journal d'un voyage de l'abbé Mann à Londres et celle de son mémoire sur les moyens de garantir les édifices de lincendie, présentés l'un et l'autre au ministre plénipotentiaire; 2" 112 fl. « tant pour la copie d'un ouvrage intitulé : Réflexions sur la religion, et d'une analyse du même ouvrage, que pour le temps employé à la cor- rection des fautes grammaticales cl à la rédaction du style de tous les endroits qui en avaient paru susceptibles, y compris le papier fourni pour ces copies. » Cet ouvrage avait été également présenté par l'auteur au ministre. La somme de fl. 57-1-0 portée au même compte de 1778 comme ayant été payée à l'abbé Needham « pour les recherches relatives à des mines du côté d'Audenarde », trouve son explication dans la note suivante, adressée par le chancelier de Brabant au secré- taire d'Etat et de guerre, le 25 septembre 1778 ^: « Par un billet du 25 ou 26 du mois d'août dernier, S. A. le ministre plénipotentiaire m'avait autorise à compter à M. l'abbé Needham, sur * Une lettre que Needham écrivait à Des Roches le 21 novembre 1776, nous apprend que Magalhaens se irouvait à cette époque à Bruxelles et devait partir pour Londres le 22. ' Archiv. du roy. de Belg. Secrétairerie d'État et de guerre : Académies. 250 LIVRE F. — 1718. sa demande, la somme de cent florins, pour les frais d'un voyage dont le but était de parvenir à quelques découvertes relatives à l'histoire naturelle de nos provinces. En conséquence j'ai compté effectivement, quelques jours après, cette somme à M. Tabbé Needham, mais comme il me Ta rendue à son retour, par la raison, à ce qu'il m'a dit, que quelques académiciens avaient trouvé à redire à cela, j'ai tracé sur mon registre cet article de mise, et déchiré, comme venant à cesser, le billet du ministre qui le regardait. Cependant ayant fait observer à M. l'abbé Needham qu'il serait injuste, qu'il payât les frais extraordi- naires des recherches qu'il avait faites, il m'a adressé, sous la date de ce jour, l'état ci-joint, suivant lequel ces frais doivent lui avoir coûté fl. 37-J-O. Je pense qu'il n'y a aucune difficulté de lui rembourser cet argent et d'en faire l'objet d'un article de dépense, dans le compte que je dois rendre de mon administration. Mais étant dépourvu d'une auto- rité suffisante, ayant déchiré le billet du ministre, après que M. Need- ham m'eut rendu l'argent que je lui avais donné, je prie M. le secrétaire d'État et de guerre de vouloir bien ra'écrire une lettre de quatre lignes, pour me dire que S. A. consent que j'ai payé des fonds de l'Académie la dite somme de fl. 37-1-0. En quoi il doit y avoir d'autant moins de diffi- culté, que ce prince avait déjà permis qu'on donnât à M. Needham le triple de cette somme pour le même objet. » L'autorisation réclamée fut donnée le 25 septembre. Voici le billet dont Needham avait accompagné l'état de ses frais : « L'abbé Needham a l'honneur de présenter ses respects à monsieur le chancelier, et de lui envoyer conformément à son avis un petit compte des dépenses faites pour la recherche des minéraux et autres objets d'histoire naturelle dans le voisinage d'Audenarde. Il [se] propose de rendre compte de ses recherches dans quelques semaines d'ici, et [croit] que personne n'aura lieu de trouver à redire au peu de dépenses qu'elles causent à l'Académie, ayant lui-même dépensé le double de cette somme pour le même objet. » LIVRE I. — 1778. CHAPITRE XXII. 251 Pièces relatives au voyage astronomique fait dans les Pays-Bas autrichiens par Pigott, en compagnie de l'abbé Needham. II nous reste a donner rexplication des 104 fl. 12 s. payés en 1774 à l'abbc Necdliani pour « solde de oomplc, » et des 800 fl. consacrés en 1775 au remboursement des frais du voyage astro- nomique de MM. Pigott et Needham dans les Pays-Bas autrichiens. La correspondance suivante mettra le lecteur complètement au courant de cette affaire '. I. Mémoire de l'abbé Needham. — Mai 1772. « M. Needham, directeur de la Société littéraire, ayant proposé à son ami M. Pigott, gentilhomme anglais, célèbre astronome membre de la Société royale de Londres et correspondant de FAcadémie royale des sciences à Paris, de vouloir bien s'occuper pendant sa résidence dans ce pays à prendre avec ses propres instruments construits par les plus habiles ouvriers en Angleterre, les longitudes et les latitudes de toutes les principales villes et bourgs des Pays-Bas autrichiens, il s'est accorde volontiers à sa prière à condition que le gouvernement voudrait bien faire les frais du transport de sa personne et de ses instruments seule- ment, et lui donner des lettres de jussion aux magistrats respectifs des dites villes et bourgs, d'y lui assigner à son arrivée des endroits convenables pour faire ses observations astronomiques avec toutes les commodités nécessaires. » Quant à ses dépenses personnelles pour sa nourriture, loge- ment, etc., il ne demande rien ; tout cela se fera à ses propres frais, et les dépenses à faire par le gouvernement ne comprendront que ce qui est extraordinaire et propre à l'entreprise, à savoir le transport de sa per- * Archiv. du roy. de Belg. Seerétairerie d'État et de guerre : Académies.— Conseil privé, carton n^ 1089. — Archiv. de l'Académie. 252 LIVRE 1. — 1778. sonne et de ses instruments. Jamais aucune entreprise de cette nature et si importante [ne] pourra s'exécuter, si on laisse échapper cette occa- sion, avec tant de précision et à si peu de frais dans la suite du temps, ni se renouveler pour ce pays, sinon dans un temps assez éloigné de quelques années au moins, puisqu'elle ne pourra jamais s'exécuter que quand il y aura un Observatoire établi en forme et muni d'instruments de la même perfection que ceux de M. Pigott. » Ces instruments ne peuvent se transporter que sur des mulets..., et on ose espérer que S. A. R. toujours portée à encourager les entreprises utiles, et qui connaît personnellement ce gentilhomme, ne refusera pas de nous accorder l'usage d'une couple de ses mulets sous la guide d'un muletier sûr pour le transport des dits instruments... » M. Ncedham... est d'autant plus persuadé de l'utilité... de sa pro- position..., qu'ayant sçu que 31. le comte de Ferrari [Fcrraris] emploie depuis longtemps des ingénieurs experts à lever des cartes topogra- phiques du dit pays, il a jugé qu'on sera très aise d'y pouvoir ajouter les longitudes et les latitudes des endroits principaux pour perfectionner les dites cartes et les rendre en même temps géographiques. »> Cet ouvrage fera d'autant plus d'honneur au gouvernement..., que toutes les cartes géographiques de ce pays existantes aujourd'hui ne sont fondées que sur des observations très incertaines et même fautives, faites il y a peut-être cent ans, avec des instruments très médiocres et dans un temps oîi la science astronomique était bien éloignée du degré de perfection où nous la voyons aujourd'hui... » M. Needham supplie très humblement S. A. le prince de Starhem- berg de lui faire parvenir ses volontés aussitôt que cela se pourra convenablement, en tant qu'il se trouve dans la nécessité d'avertir M. Pigott au plus tôt, afin qu'il se décide ou de faire passer immédiate- ment ses instruments de Londres à Ostende ou de les laisser chez lui en Angleterre, en cas qu'on n'en aura, aucun besoin ici. Son retour de Londres où il est allé pour quelques semaines seulement et d'où il doit retourner ici pour résider environ deux ans, est fixé pour la fin de ce mois de mai. Dans le cas que le gouvernement approuve ce projet, S. A. est encore suppliée de faire donner les ordres nécessaires au directeur de la douane d'Ostende de laisser passer librement les caisses contenj(nt les dits instruments sans les ouvrir, crainte de quelques dérangements, et dont la seule visite se fera ici à Bruxelles, à leur arrivée, ce qui est essentiel à la sûreté de leur transport. « LIVRE I. 1778. 253 II. Xole (le J. Crumpipcn, chancelier de Brubanl. — 13 mai 1772. « Je ne connais pas particulièrement M. Pigott, dont M. Needham parle dans le mémoire ci-joint ; mais il est certain qu'il doit entrer dans le plan de la Société littéraire de fixer les longitudes et les latitudes des villes des Pays-Bas, et M. Tabbé Chevalier s'en serait peut-être déjà occupé, s'il avait eu les instruments nécessaires pour cela. « L'achat de ces instruments sera très coûteux, et comme le fonds assigné à la Société, qui d'ailleurs n'est pas bien considérable, devra être employé à d'autres usages, il est douteux si d'ici à de longues années on sera à même de se procurer ces instruments, et par consé- quent aucun des membres de la Société ne pourra s'attacher à l'opéra- tion que M. Pigott est disposé de faire. » En conséquence, si S. A. le ministre plénipotentiaire goûte la pro- position de M. ÎNeedham, il s'agira 1" d'accorder la libre entrée des instruments que M. Pigott fera venir d'Angleterre. On ne croit pas que cet objet puisse souffrir la moindre difficulté; — 2° de donner les ordres nécessaires pour que dans toutes les villes et bourgs des pro- vinces des Pays-Bas, il soit assigné à M. Pigott un endroit propre pour y faire ses observations astronomiques. On suppose que la chose ne rencontrera pas des difficultés dans les bourgs et villes ouvertes; mais dans les places fortifiées il pourrait y avoir des obstacles de la part des gouverneurs ou commandants, qu'il conviendra de lever, pour ne pas exposer M. PigoU au désagrément de s'être transporté dans un endroit, sans avoir pu y faire ses opérations j — 5» que Son Altesse Royale veuille accorder l'usage de deux de ses mulets sous la conduite d'un muletier, pour le transport des instruments astronomiques. Il s'agira au surplus de pourvoir à la nourriture des mulets et de leur conducteur, ainsi qu'à leur logement, ce qui pourra occasionner une certaine dépense, si la course de M. Pigott est de longue durée; — -4" de payer les frais des voyages que M. Pigott fera pour l'exécution de son projet. Il n'est guère possible d'évaluer le montant de cette dépense, qui sera plus ou moins forte, selon les arrangements que prendra M. Pjgolt. Du reste on pour- rail s'entendre avec lui, et convenir d'une somme qu'on lui donnerait une fois pour tous les frais des voyages. » III. Lettre de J. Crumpipen. — 14 mai 1772. [Le chancelier qui avait adressé le 15 mai au secrétaire d'État et de 1 254 I.IMŒ I. 1778. guerre le mémoire de Needham, lui envoie \g \A une nouvelle note du même, dont Tobjet est indiqué dans la présente lettre.] « J'ai riionneur de vous envoyer ci-joint une note ultérieure de M. Needham sur l'idée dont j'ai eu celui de rendre compte hier à S. A. le ministre plénipotentiaire. Il en résulte que les frais des voyages que fera M. Pigott, et ceux du transport de ses instruments astronomiques ne monteront pas, suivant le calcul de M. Needham, qui me paraît assez juste, à plus de 11. 800 de notre monnaie. [Needham estime que les voyages dureront quatre mois.] Cette somme n'est assurément pas excessive si Ton considère l'utilité et l'importance du projet qu'il s'agit d'exécuter. Je pense donc qu'il pourrait plaire à S. A. le ministre pléni- potentiaire de m'autoriser à faire connaître à M. Needham, qu'il peut proposer la chose sur ce pied à son ami M. Pigott. Il conviendra, monsieur, que vous me fassiez parvenir encore aujourd'hui les inten- tions de S. A. pour que M. Needham puisse écrire demain vendredi jour de poste d'Angleterre. » IV. Lelire de J. Crumpipen à Vabbé Needham. — 14 mai 1772. tt S. A. le ministre plénipotentiaire, sur le rapport que je lui ai fait fait de votre billet d'hier [c'est la note mentionnée ci-dessus], m'a permis de vous faire connaître, monsieur, qu'Elle agréait que vous proposiez à M. Pigott l'exécution des voyages astronomiques qu'il a en vue, aux conditions suivantes : 1" qu'on lui accordera la libre entrée de ses instruments; 2° qu'on donnera les ordres à qui il appartient, pour que dans toutes les villes, ainsi que dans les autres endroits, où il trouvera à propos de travailler, on lui assigne un emplacement conve- nable pour y faire ses opérations; 5" qu'on lui passera une somme de 800 florins argent courant de Brabant pour les frais de ses voyages et ceux du transport de ses instruments, et 4" qu'on lui donnera un billet d'exemption des barrières. Vous pourrez donc, monsieur, écrire en cette conséquence à votre ami, M. Pigott. Au surplus je suppose que ce gentilhomme n'a d'autre but dans l'exécution de son projet, que celui de nous rendre service, et de satisfaire en môme temps son goût pour cette partie de l'astronomie, car je dois vous prévenir, monsieur, que l'on n'entend pas que les travaux de M. Pigott puissent lui servir de titre, pour demander au gouvernement des gratifications, des emplois, ou d'autres grâces de cette nature. • LIVRE I. 1778. 255 V. Note de J. Crumpipen. — 30 mai 1772. [M. Pigolt, dans sa réponse à la lettre que Needhara lui avait écrite au sujet des voyages astronomiques, disait : « J'accepte volontiers les moyens qu'on m'offre pour cet effet, et je désire qu'on prenne là-dessus les arrangements qu'on jugera les plus faciles et les plus convenables, mais vous devez bien sentir, monsieur, qu'il est impossible que j'entre dans les détails de cette espèce, ou que je me mêle en aucune façon des arrangements qu'on prendra à cet égard. • Cette réserve était bien natu- relle, mais Crumpipcn, toujours défiant, s'empressa de demander des explications, et fit parvenir au ministre plénipotentiaire la note ci-après, datée du 30 mai]. «... Cette période [celle que nous venons de transcrire] m'ayant paru à première vue pouvoir renfermer un sens contraire aux intentions de S. A. le ministre plénipotentiaire, j'en ai parlé à l'abbé Needham qui m'a fortement assuré que tout cela ne regardait que la libre entrée dans ce pays des instruments dont son ami avait besoin, les ordres à donner à ceux à qui il appartient pour lui faciliter l'exécution de son travail, l'exeniption des barrières, etc.; à quoi il a ajouté, qu'une somme de 800 11. argent courant était plus que suflisante pour acquitter les frais des voyages... Du reste, on pourra à son arrivée [de Pigott] ici, lui faire connaître de nouveau, qu'on n'entend pas s'écarter en manière quelconque des conditions sous lesquelles on a agréé son projet, et que l'abbé Needbani doit lui avoir annoncées dans le temps. » . VI. Supplique adressée par l'abbé Needham dS.A. le prince de Starhemberg. — 7 août 1772. « M. Needham, directeur de la Société littéraire, a l'honneur d'in- former S. A. que les instruments astronomiques que iM. Pigott doit recevoir et employer pour ses observations sous les auspices du gou- vernement, sont partis de Londres dès avant-hier et qu'on attend leur arrivée à Ostende de jour en jour. » M. Needham supplie S. A. en conséquence de vouloir bien donner l'ordre au trésor royal de faire compter les 800 florins de Brabant accordés par le gouvernement pour le transport des dits instrumens de lieu en lieu, entre les mains de M. Danoot, banquier, à la disposition de 256 LIVRE 1. — 1778. M. Ncedham qui doit accompagner M. Pigolt, et en prendre sur lui Tarrangeinent. •> 2° Qu'il plaise à S. A. de leur accorder des lettres aux différents magistrats de Namur, de Luxembourg, de Limbourg, de Rurcmonde, de Hoogstraeten, de Gand, d'Ostende et de Tournai... Il sera de plus con- venable que ces lettres présentent M. Pigott à ces messieurs comme un gentilhomme anglais de distinction, pour y être reçu selon sa qualité, et qui désirerait dans ses moments de loisir de jouir des petits agréments de la société. » oo Qu'il plaise à S. A. de nous faire expédier un ordre pour la franchise des barrières. » 4" Que S. A. ait la bonté non-seulement de nous faire accorder les passe-ports nécessaires pour les domaines de S. M., mais aussi de nous faire avoir par sa médiation un passe-port de S. A. S. le princc-évéque de Liège pour nos personnes et pour nos instruments ». VIL Lettre du chef et président comte de Neny au secrétaire d'État et de guerre. — 1 1 août 1772. « Avant que d'expédier les dépêches qui font l'objet d'un de vos billets d'hier au soir, je ne puis me dispenser de soumettre à la considération de S. A. le ministre plénipotentiaire les observations suivantes : » i" J'ignore si le voyage astronomique que MM. Pigott et Needham vont entreprendre dans nos provinces, se fait de la part du gouverne- ment et quel en est l'objet précis... » 2» Soit que ce voyage se fasse par les ordres du gouvernement ou pas, je crois que nous n'avons pas le droit d'ordonner aux magistrats des villes de procurer à ces messieurs, comme ils le demandent [par la supplique de Needham du 7 août] , « une chambre dont la fenêtre soit » vers le sud, et d'où par la même fenêtre on puisse voir le soleil depuis » 8 heures du matin jusqu'à 4 heures de l'après-midi; dans laquelle il » y ait au surplus deux lits de maître, et qui ait dans sa contiguïté un » cabinet pour coucher un domestique... » Tout ce que l'on pourrait faire, quant à ce point, ce serait de recommander aux magistrats de faciliter à messieurs Pigott et Needham les moyens de se procurer de pareilles chambres. » o" ... Le gouvernement n'est en droit d'affranchir MM. Pigott et LIVRE F. 1778. 257 Necdham du payement des barrières que sur les seules chaussées appar- tenant à S. M. Encore si elles sont affermées, ce que j'ignore, faudra-t-il dédommager les fermiers du montant de ces affranchissements. » ... J'attendrai que vous me fassiez parvenir les directions ultérieures de S. A. le ministre. » VIII. Lettre du secrétaire d'État et de guerre à S. E. le comte de Neny. — 15 août 1772. « Ayant mis sous les yeux de S. A. le ministre la lettre que V. E. m'a fait l'honneur de m'écrire le 1 1 de ce mois sur le voyage de MM.Pigott et Needham, S. A. m'ordonne de faire connaître à V. E. : 1° Que 31. Pigott s'élant offert à prendre avec ses propres instruments les longitudes et latitudes des principales villes et bourgs des provinces belgiques de la domination de S. M., parmi le seul remboursement des frais de voilure et du transport des instruments, le gouvernement a agréé cette offre et lui a promis de lui procurer toutes les facilités possibles pour l'exécution d'une entreprise qu'il désirait par inclination. Dans ces circonstances, S. A. désire que V. E. veuille faire insérer dans la dépêche ce qu'elle croira convenable pour concilier quelque considération à ces messieurs. 2" Qu'il suffira de les recommander aux magistrats pour l'article du logement, sur le pied que V. E. le propose, mais qu'il conviendra de relever dans la dépêche l'utilité de l'objet de leur voyage : S. A. laisse même au choix de V. E. d'écrire à des membres particuliers des ma- gistrats, pour les engager à seconder particulièrement les savants qui voyagent, et o» Que S. A. pense qu'on pourrait toujours expédier l'acte pour l'exemption des barrières, mais qu'on dirait à M. de Needham d'ac- quitter les barrières, là où malgré cet acte, il éprouverait des difïicultés, mais d'en tenir note, pour qu'il puisse être pourvu ensuite au rembour- sement de ce qu'il aurait acquitté à ce litre. » Cette lettre est conforme à une note qui avait été remise au secrétaire d'État et de guerre, sauf en un point. Le rédacteur de la note ne trouvait aucun inconvénient à insérer dans les dépêches dont M. Pigott serait muni, que le voyage astronomique que celui-ci faisait avec M. Needham, se faisait de la part du gouver- nement. H. Crumpipen ne décide rien à cet égard, et s'en remet Tome XXXIV. 17 258 LIVRE I. — 1778. à ce qne le chef et président jugera convenable, et l'on va voir comment Neny sut varier ses formules suivant les personnes à qui il s'adressait. IX. Circulaire adressée aux magistrats de Namury Luxem- bourg, Limbourg, Ruremonde, Gand, Ostende, Tournai; aux gens de loi de Hoogslraeten. — 14 août 177^. u Charles Alexandre, etc. » Le sieur Pigotl, gentilhomme anglais, membre de la Société royale de Londres, et correspondant de l'Académie des sciences de Paris, nous ayant offert d'aller reconnaître, et fixer avec les instruments qui lui appartiennent, les longitudes et latitudes des principales villes et bourgs de la domination de S. M. aux Pays-Bas: Nous vous faisons la présente pour vous dire que nous n'avons pas hésité de donner notre agrément à un projet si intéressant pour les progrès des sciences, Jiommément pour déterminer ou pour rectifier plusieurs objets relatifs à la géographie. » Et comme il importe de donner au sieur Pigott, ainsi qu'à l'abbé Needham, membre de la Société royale de Londres et directeur de la Société littéraire de Bruxelles, qui l'accompagnera dans ce voyage, toutes les facilités que leurs opérations exigeront, Nous vous recommandons très particulièrement d'y concourir en tout ce qui dépendra de vous, en vous employant nommément à leur désigner et procurer une chambre dont la fenêtre soit vers le sud et d'où par la même fenêtre on puisse voir le soleil depuis les 8 heures du matin jusques à i heures de l'après- midi; dans laquelle il y ait au surplus deux lits de maître, et qui ait dans sa conliguïté, une autre chambre de maître, ainsi qu'un cabinet pour coucher un domestique. » Vous nous ferez chose agréable en déférant en cette occasion à nos désirs avec tout le zèle qui vous anime pour le bien public; et nous vous prévenons, au surplus, que le voyage de ces deux messieurs va com- mencer incessamment par Namur et Luxembourg, d'où ils se porteront sur Limbourg et Ruremonde, et de là successivement sur des parties septentrionales et occidentales du pays. » A tant, etc. » LIVRE r. — 1778. 259 X. Ordre pour les tenant barrières. — i4 août 1772. <« De part Son Altesse Royale, » 11 est ordonné à tous les tenant barrières des provinces et terres de la domination de S. M. aux Pays-Bas, de laisser passer librement, et exempts du payement des droits des barrières le sieur Pigoll, gentil- homme anglais, membre de la Sociélé royale de Londres et correspon- dant de FAcadémie des sciences de Paris, ainsi que Tabbé Needhara, pareillement membre de la Société royale de Londres, et directeur de la Société littéraire de Bruxelles, chargés de la part du gouvernement de faire un voyage littéraire dans les dites provinces, avec tous leurs effets et bagages, soit qu'ils soient chargés sur leurs propres voitures ou sur des chariots ou charrettes. " XI. Lettre adressée par le secrétaire dEtat et de guerre à M. le comte de Grosherg, représentant du prince-évéque de Liège à Bruxelles. — 13 août 1772. « M. Pigott, gentilhomme anglais, membre de la Société royale de Londres, et l'abbé ^'ccdham, directeur actuel de la Société littéraire de Bruxelles, allant d'après les désirs et avec l'approbation du gouverne- ment faire un voyage astronomique pour prendre les longitudes et lati- tudes des différentes villes des Pays-Bas, seront dans le cas de traverser une partie du territoire de Liège et ils n'auront avec eux que leurs bagages et les instruments nécessaires à leurs opérations. C'est en cou- séquence des intentions de S. A. R. que je me donne l'honneur de vous requérir, monsieur, de vouloir bien écrire à votre cour et d'en obtenir un passeport pour que ces messieurs puissent traverser le pays de Liège sans payer aucun droit ni être sujets à des visites qui pourraient déran- ger leurs instruments. » S. A. le ministre vous serait très obligé, monsieur, si vous vouliez bien interposer vos bons offices pour que le passeport dont il s'agit soit bientôt expédié, et me le faire remettre lorsqu'il vous sera parvenu, vu que MM. Pigott et Needham comptent se mettre en route en très peu de jours. » 260 LIVRE I. — 1778. Xlf. Note de J. Criimpipen sur une lettre de l'abbé Needham, du 9 novembre 4772. — 13 novembre d772. a II [Pabbé Needham] rend compte par cette lettre d'une partie du] voyage astronomique et physique qu'il a fait conjointement avec] M. Pigott. Il demande après cela qu'on veuille lui faire toucher par le! canal du banquier Danoot, l'autre moitié de la somme de 800 florins que le gouvernement a assignée pour les frais de ce voyage et dont une moitié lui a été remise avant son départ par le secrétaire perpétuel de l'Académie Gérard. » Le chancelier de Brabant croit devoir porter cette lettre à la con- naissance de S. A. le ministre plénipotentiaire et lui observer, que comme l'abbé Needham n'a reçu jusqu'ici que la moitié de la somme accordée^ le secrétaire Gérard pourrait être autorisé à faire remettre l'autre moitié au banquier Danoot pour le compte du dit abbé; et à cette occasion le chancelier répondant à la lettre de ce dernier pourrait lui faire connaître de nouveau, que le gouvernement n'entend pas dépasser quelque chose au delà de la somme de 800 florins pour les frais du voyage dont il s'agit. » On attendra sur ceci les ordres de S. A. le ministre plénipoten- tiaire. » XIII. Lettre de J, Crumpipen à l'abbé Needham. — 17 novem- bre 1772. a Sur le compte que j'ai rendu, monsieur, au ministre plénipoten- tiaire de la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 9 de ce mois, S. A. vient d'ordonner que les 400 fl., faisant l'autre moitié de la somme que le gouvernement a assignée pour les frais de votre voyage astronomique et physique, soient remis pour votre compte au sieur Danoot, qui, comme je le suppose, ne manquera pas de vous les faire passer incessamment. Au surplus je vous suis fort obligé, monsieur, du détail que vous avez bien voulu me donner de votre voyage, qui assuré- ment ne pourra que contribuer infiniment à la rectification de la géogra- phie de ce pays; je vous avouerai cependant, qu'on s'était flatté ici, que le résultat aurait produit sur toute cette partie des connaissances exactes et sûres, tandis qu'il paraît par votre lettre, que l'opération ne sera pas LIVRE I. 1778. 261 complète, et qu'à différents égards on devra se contenter des calculs d'approximation, sur lesquels il n'est guère possible de tabler avec certi- tude. Telles sont, au moins, monsieur, les observations que S. A. le ministre a faites sur votre lettre : j'ai cru devoir vous en prévenir et vous répéter à cette occasion, que le gouvernement n'entend pas dépas- ser quelque chose au delà de la somme de fl. 800, que vous avez touchée maintenant en entier pour les frais de votre voyage. » XIV. Lettre du secrétaire d'Etat et de guerre à J. Crutnpipen. — 15 décembre 1773. u s. A. le ministre plénipotentiaire n'a pu qu'être surpris de la demande de M. Needham qui fait le sujet d'une de vos notes du 5 de ce mois : et Elle pense exactement comme vous, monsieur, qu'il n'est rien qui puisse la légitimer, et engager le gouvernement à lui rembourser la somme de 104 11. 12 s. qui en fait l'objet. Elle désire que vous veuillez bien vous en expliquer ainsi vis-à-vis de M. ]\eedham, vous prévenant néanmoins que, s'il persistait à ce que cette somme lui soit payée, pour cette fois-ci, S. A. consent à ce que vous la lui acquittiez hors des fonds de l'Académie s'il y en a, en l'avertissant que c'est par pure faveur, et qu'à l'avenir, ces sortes de dépenses, si elles ne sont pas autorisées d'avance, ne pourront j)lus être allouées en manière quelconque... » [En tête, le chancelier a écrit : a J'ai envoyé un extrait de cette lettre à M. l'abbé Needham, le 51 décembre 1773. » ] Le compte de 104 fl. 12 s. qui fut remboursé à l'abbé Needham, comprenait 20 fl. 12 s. pour les plans et le modèle en bois du fanal de Biddislon près Liverj)OoI. Les 78 fl. restants représen- taient le déficit sur les 800 fl. accordés pour les frais du voyage astronomique. Les 800 fl. susmentionnés furent restitués, des fonds de l'Aca- démie, et sur l'autorisation du 15 février 1775, à la maison veuve deNettine et fils qui les avaient payés en deux fois au secrétaire Gérard, en vertu des lettres du secrétaire d'Étal et de guerre. Remarquons qu'à l'époque où le voyage astronomique de Pigott 262 LIVRE I. — 1778. et Needham fut résolu, la Société littéraire ne s'assemblait plus, et que ce voyage était terminé depuis plusieurs mois, lorsque la séance d'inauguration de l'Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres eut lieu. En effet, le voyage dont il s'agit avait commencé en août 1772 et pris fin en janvier i775j tandis que la dernière séance de la Société littéraire avait été tenue le 1C octobre 1771, et que l'Aca- démie ne se réunit pointavant le 13 avril 1775. — Ce jour-là, le secrétaire perpétuel annonça la candidature de M. Pigott, * gen- tilhomme anglais et membre de la Société royale de Londres, qui avec M. l'abbé Needham avait fait depuis peu un voyage astrono- mique dans les provinces des Pays-Bas; » et M. Needham promit de communiquer les observations de M. Pigott à la compagnie, dans sa prochaine assemblée; ce qu'il fit à la séance du 25 mai. Les observations parurent en 1777 en tète du tome I des Mémoires: M. Pigott les avait publiées par extrait dans les Trans- actions philosophiques de l'année précédente; et les rédacteurs du Journal encyclopédique [de Bouillon], en rapportant le titre de ces observations, remarquaient que l'auteur les avait faites par ordre du gouvernement britannique. Gérard ayant signalé cette remarque « absolument fausse » à l'assemblée du 19 février 1777, le secrétaire fut chargé d'en écrire aux journalistes, ce qui donna lieu à la lettre suivante : « Messieurs, l'Académie des sciences et belles-leltres de Bruxelles remarque avec quelque surprise un endroit de votre journal. C'est au tome II, partie 1'* de l'année 1777, dans l'annonce dés observations astronomiques, faites dans les Pays-Bas autrichiens par M. Nathaniel Pigott. Vous ajoutez que « le gouvernement britannique avait chargé l'auteur de fixer » les longitudes de différentes villes des Pays-Bas autrichiens. » C'est un point, messieurs, sur lequel vous avez été mal informés. Ces observations ont été faites par ordre et aux frais du gouver- nement des Pays-Bas. M. Pigott le dit lui-même dans le titre de l'ouvrage entier, qui est déjà imprimé, et qui paraîtra en peu de temps dans le l'^'^ volume de nos Mémoires académiques. Il le répète dans une lettre à M. Maskclyne, laquelle se trouve à la tête de l'extrait de ses opérations qu'il a fait publier dans les LIVRE I. 1778. 265 Phllosophical Transactions de l'an 1776, vol. 66, part. I. On y lit ces paroles : c This astronomical journey was undertaken at Ihe » reqiiest of ihe governrnent hère. Tliey expressed a désire ihat j> llie situations of some of their towns, at least, should be deter- j> mined by observation. » Comme M. Pigott écrivit cette lettre à Louvain, il est évident que ces mots, « ihe governrnent hère, » signifient le gouvernement des Pays-Bas, et non pas le gouverne- ment britannique, de même que ces paroles, t some of their towns, )> ne peuvent s'entendre que des villes des Pays-Bas autrichiens. — Persuadée de votre équité et de votre amour pour le vrai, l'Académie se flatte que vous voudrez bien rectifier cette annonce dans le tome suivant de votre journal, au moyen d'une note ou d'un errata. Dans cette idée, elle m'a chargé de vous écrire celte lettre... » On sait maintenant que les observations de Pigott n'avaient pas été faites par ordre du gouvernement des Pays-Bas. Du reste, le titre du mémoire imprimé porte : Observations astronomiques faites aux Pays-Bas autrichiens en 1772 et 1775 ; il n'y est pas dit qu'elles ont été faites par ordre du gouvernement des Pays- Bas. Cependant Des Roches annonce le contraire dans sa lettre au Journal encyclopédique; il faudrait en conclure que le titre aura été modifié. La lettre adressée de Louvain par Pigott à l'astronome royal d'Angleterre, Maskelyne, porte la date du 11 août 1775. Était-ce Needham qui lui avait fait croire que le voyage astronomique avait lieu sur la requête du gouvernement autrichien? — Cette idée, du reste, était bien enracinée, puisqu'on lit dans les JVoa- velles littéraires de divers pays , publiées à Berlin par Bernoulii, C"* cahier, l^-" octobre 1771) : a M. Pigott passa par hasard à Bruxelles pour se rendre à Spa, lorsqu'on était embarrassé à trouver quelqu'un pour les observations géodésiques, parce qu'un astronome étranger auquel on les avait propo- sées avait fait une demande exorbitante. On s'adressa à M. Pigott qui se rendit aux instances du gouvernement, renonça à son voyage de Spa, • fit venir ses instruments d'Angleterre et employa cinq mois à ses opéra- 264 LIVRE F. 1778. tions, servi par ses propres domestiques, sans regretter ni peines nî dépenses et nniquement dans la vue d'être utile. II n'avait jamais été question avec lui de remboursement; son état et sa fortune le mettaient au-dessus d'une rétribution... » Nous n'avons pu découvrir à quel astronome étranger Bernoulli fait allusion. Quant à l'exactitude de son récit, les pièces que nous avons données permettront de la juger. Dans la séance de l'Académie du 18 janvier 1776, aM.Needham informa l'assemblée que M. Pigoll l'avait requis de vendre les instruments avec lesquels il avait opéré pendant le voyage astro- nomique qu'il avait fait dans ce pays, et il proposa d'en faire l'achat pour l'Académie, en insinuant que la valeur n'en montait qu'à i 200 fl. M. Chevalier dit à celle occasion que, faute d'instru- ments, il ne pouvait faire aucune observation astronomique, et la pluralité ayant insisté sur la nécessité de fournir l'Académie tant des instruments d'astronomie que des instruments pour pou- voir faire des expériences physiques, M. le pjésidenl se chai'gea de parier à S. A. le ministre des instruments de M. Pigoft. » Le fit-il? Nous ne saurions le dire : quoi qu'il en soit, sa démarche, s'il y en eut une, ne réussit pas. Dans l'assemblée particulière du 19 février 1777, il fut « résolu de représenter à M. le président le désir de l'assemblée de faire emplette des instruments de M. Pigolt. » Mais celte nouvelle tentative ne fut pas plus couronnée de succès que la première. ,IVI\E I. 1779. 265 CHAPITRE XXIIÏ. L'Académie décide qu'elle fera paraître simultanément deux nouveaux volumes : les tomes II et III de ses Mémoires, et que le tome I sera réimprimé. — Les mesures adoptées pour le choix des mémoires dont les tomes II et III seront composés, — Mort de Vander Vynckt. — Son éloge par Gérard. — Les jetons de la nouvelle année.— La distribution des jetons de présence: faculté de les échanger contre leur valeur en numéraire. — Le concours de 1779. On se rappellera la lettre adressée le 8 octobre i778 au elian- cclier de Brabant par le prince de Starhemberg, pour être communiquée à l'Académie. • Si rétablissement d'une classe de correspondants, » y lisait-on, « peut procurer des avantages, ceux sur lesquels on doit compter le plus, et qui seront sans doute aussi les plus réels et les plus intéres- sants, sont ceux qui résulteront de la publication des bonnes productions et des bons mémoires rédigés par les membres de l'Académie ; je ne doute point, monsieur, que l'Académie n'ait déjà une excellente étoffe pour donner au jour un second volume : et dans la persuasion où je suis que la publication d'un second volume contribuera infiniment plus dans ce moment-ci qu'une association de correspondants à augmenter le nom et la réputation de l'Académie, aux progrès de laquelle je m'intéresse tou- jours véritablement, je ne puis que l'inviter à accélérer l'impression et la publication de ce second volume, et vous prier d'y concourir en ce qui pourra dépendre de vous. • L'Académie, tant de sa propre impulsion que de celle de son président, se mit en mesure de publier ce second volume de Mémoires. On lit dans le protocole de la séance du 14 janvier 1779 : « Les rapports des commissaires sur les mémoires physiques qui doivent figurer dans le second volume, venaient d'entrer. M. le président, dans la vue d'accélérer l'impression, avait trouvé à propos de les séparer des mémoires historiques ; et ce fut dans cette séance qu'il rendit compte 266 LIVRE I. 1779. des avis des rapporteurs, en les soumettant à la décision de PAcadémic, à laquelle il appartient de prononcer en dernier lieu sur le sort des mémoires examinés. M. le président ayant communiqué à l'assemblée le résultat des avis et noté la résolution finale, remit le tout au secrétaire, afin de communiquer aux auteurs respectifs les remarques faites sur leurs ouvrages par les examinateurs, et de procéder incontinent à l'im- pression. » Le 9 février, il fut résolu « que l'Académie ferait un nouveau triage des mémoires physiques déjà approuvés et destinés à paraître dans le second volume, et qu'en attendant on arrêterait l'impression déjà commencée et la communication des rapports aux auteurs respectifs, jusqu'à ce qu'on eût décidé quels mémoires seraient insérés préférablement dans ce second volume. Un double motif occasionna cette résolution. Parmi les mémoires qui n'avaient pas encore subi l'examen des rapporteurs, quelques-uns parais- saient plus intéressants que plusieurs de ceux qui étaient approu- vés. Et lorsqu'on publia le premier volume, difTérents mémoires exclus ne l'avaient pas été absolument: on avait supposé qu'ils pourraient trouver place soit en entier, soit par extrait, dans un des volumes suivants; il paraissait donc juste de les examiner de nouveau. Pour cet effet, le secrétaire fut chargé de vider le porte- feuille, et de produire à la prochaine assemblée tout ce qu'il y restait d'anciens mémoires. » On décida de plus « que dorénavant le secret serait banni des rapports, et qu'en s'écartant de la règle observée jusqu'ici, on suivrait désormais une nouvelle marche, tracée dans les termes suivants : » Après qu'un mémoire aura été lu, M. le président, sur la réqui- sition de l'auteur, nommera des commissaires en pleine Académie. Ceux-ci feront leurs rapports par écrit, pareillement en pleine séance; après quoi la pluralité des suffrages décidera du sort des mémoires. « La révision des mémoires physiques renfermés dans le porte- feuille, le choix des mémoires historiques, prirent plusieurs mois, et comme il se trouva que, vu leur grand nombre, les mémoires LIVRE I. 1779. 267 de l'une et de l'autre catégorie, adoptés pour être imprimés, n'au- raient pas pu trouver place dans un seul volume, on résolut d'en publier deux qui formeraient les tomes II et III des Mémoires de l'Académie. Le Journal des séances devait être placé en tète du tome II : ce journal, rédigé par Des Roches, fut lu les 9 et iO mars 1780, et l'auteur retoucha sur-le-champ les endroits que l'assemblée trouvait susceptibles de ehangements. Comme l'édition du tome I des Mémoires était épuisée depuis longtemps, on avait décidé de faire une réimpression de ce volume, en même temps qu'on imprimerait les tomes II et III. Les trois volumes furent achevés au mois de mai 1780 : le 19 de ce mois, .l'Académie chargea le secrétaire de faire publier dans les Gazettes de Bruxelles, d'Anvers et de Gand l'annonce qui suit : « Le public est averti que les Mémoires de l'Académie impéi'iale et royale de Bruxelles (5 vol. in-4°) se vendent à l'imprimerie de l'Académie, à raison de 17 escalins le volume, et que ceux qui achèteront douze exemplaires à la fois, en auront un treizième gratis. NB. Chaque volume se vend séparément. » Dans la séance du 9 février 1779, l'Académie fut informée de la mort de M. le conseiller Vander Vynckt. La lettre suivante avait été adressée de Gand, sous la date du 30 janvier, au prési- dent et au directeur : « Monsieur, pénétré de la plus vive douleur, j'ai l'honneur de vous donner part de la perte sensible que je viens de faire de mon très honore père, Luc-Joseph Vander Vynckt, conseiller ordinaire et jubilaire de S. M. rimpéralricc-rcine et membre de PAcadémie littéraire de Bruxelles, décédé hier le soir à huit heures et trois quarts, à Tâge de 88 ans, muni de tous les sacrements de notre mère la Sainte Église : sa parfaite rési- gnation à la volonté de son créateur et ses vertus chrétiennes me font espérer qu'il jouit déjà de la récompense des élus; comme cependant les décrets du Tout-Puissant sont impénétrables, j'ose implorer le secours de vos prières pour son âme, et j'ai l'honneur d'être, monsieur, votre très humble et très obéissant serviteur. » (Signe) : E. Vander Vynckt. » 268 LIVRE I. 1779. Valider Vynckt était le second membre que l'Académie perdait depuis sa fondation. Verdiissen, désigné comme lui le i" février 1769 pour faire partie de la Société littéraire, était mort à Anvers le 15 octobre 1773. Aucun d'eux n'avait pris une part active aux travaux de la compagnie; Verdussen même n'avait pu assister à aucune des séances, après l'érection de la Société litté- raire en Académie; et Vandcr Vynckt s'était borné à paraître à la séance d'inauguration, du 13 avril 1773, et à celle du lendemain. On a dit précédemment que, vu son âge et son état, il avait été remplacé au mois d'octobre 1777 par le doyen Heylcn. Un éloge du défunt avait élé lu le 9 février même par Gérard. Le 1o, celui-ci informait l'abbé Needliam qu'il ne pourrait pas assister aux deux séances procbaines, devant faire une absence assez longue à l'occasion de la vente des Bibliotbèques dcsci-dcviuit jésuites à Louvain et à Anvers. Puis il continuait en ces termes : « Me doutant que feu M. Vandcr Vynckt avait fait d'autres ouvrages que ceux dont j'ai parlé dans son éloge, j'ai pris des informations ulté- rieures dont je joins ici le résultat. Je vous prierais, monsieur, d'en faire lecture dans la prochaine séance et de prier de ma part M. le secrétaire d'insérer les ajoutes à leur place, et de vouloir bien me faire faire une copie de l'éloge parce que ma minute n'est point en ordre. — Si je m'en souviens bien, il a été dit dans la dernière séance qu'on ne devait point faire mention de la famille de M. Vandcr Vynckt. Si vous voulez jeter un coup d'oeil sur les éloges des académiciens de l'Académie des inscrip- tions et belles-lettres, vous y verrez, monsieur, qu'on y parle des familles des académiciens. On a dit aussi dans la dite séance qu'il fallait examiner les ouvrages de M. Vandcr Vynckt avant que d'en faire mention. Je vous avoue que je ne conçois pas quel a été le motif de cette observation; il ne s'agit et ne doit s'agir que de l'annonce du litre, comme on annonce dans les Mémoires de l'Académie le titre des mémoires qui ne sont point approuvés et qu'on n'imprime point. Du reste, monsieur, on fera ce qu'on voudra; j'ai cru qu'il pouvait être intéressant pour une partie du public et même pour la postérité de connaître les auteurs des manuscrits qui, l'un jour ou l'autre, pourront tomber entre leurs mains. Si l'on eût toujours eu cette attention, nous aurions moins d'ouvrages anonymes. » LIVKE I. 1779. 269 Le prolocole de In séance du 9 février renfermait la note sui- vante : « Le président s'est ehargé de faire connaître à S. A. le ministre que l'Académie n'a vu qu'avec peine que de toutes les inscriptions que ses membres ont faites, pas une n'a été adoptée » 11 s'agissait ici du jeton de la nouvelle année. Nous n'avons trouvé dans les protocoles aucune trace des inscriptions dont il est parlé, mais une lettre adressée par Des Roches à labbe Mann, le 2 oc- tobre 1778, nous apprend que les bâtiments de la Place royale étaient le sujet du jeton. « Voici, dit-il, la devise communiquée à l'Académie, que j'avais laissée chez moi : Surlatis Ruinis — Forum Regium — Bhuxellis msTAURATUM. » Rcuiarquons que Ics archivcs du royaume possèdent différents documents relatifs aux inscrip- tions des jetons : [)resque toujours le ministre s'adressait direc- tement à des membres de l'Académie pour demander des projets d'inscriptions. Nous continuons à dépouiller les protocoles. Celui de la séance du 11 mars 1779 contient un paragraphe intéressant que nous allons reproduire : 0 On délibéra ensuite, » y lit-on, « sur une nouvelle lettre de M. Retz, auteur du mémoire physique couronné au dernier concours. Cet auteur insiste beaucoup sur la nécessité de refondre son ouvrage, désirant pour cet effet qu'on le lui renvoie. L'Académie persistant dans son refus, lui a fait écrire par le secrétaire qu'il pouvait envoyer les changements et les nouvelles observations; que l'Académie les ferait examiner, et que si cet ouvrage ne différait point essentiellement du premier, elle le ferait imprimer. Elle pense que dans la publication des mémoires couronnés, on peut admettre des additions en forme de notes, quelques corrections, quelques changements peu considérables; mais pour l'impression d'un mémoire tout différent de celui qu'elle a couronné, elle croit que ce serait en imposer au public à qui elle est responsable de la manière dont elle juge les ouvrages présentés aux concours. » Le 25 mars, le président fit pour la première fois la distribu- tion des jetons académiques. Voici les règles qui avaient été ad- mises à ce sujet : 270 LIVRE I. — 1779. « Les séances et les assemblées commenceronl comme d'ordinaire à neuf heures et demie. Cependant les académiciens qui se trouveront présents à dix heures et un quart auront le jeton. Tous seront obligés de rester jusqu'à midi et demi. L'heure de la distribution sera exacte- ment observée. Toutefois les membres retenus par le service ou par quelque affaire indispensable dont ils auront eu soin de prévenir M. le président ou en son absence M. le directeur, pourront recevoir le jelon, quand même ils arriveraient un quart d'heure après la distribution. » Quatre-vingt-dix-sept jetons furent distribués, nombre con- forme à celui des présences comptées depuis le commencement de l'année. Il fut résolu de présenter tous les ans au nom de l'Académie, vingt-quatre jetons à S. A. le prince deSlarhemberg, ministre plénipotentiaire, et douze à M. IL de Crumpipen, secré- taire d'État et de guerre. — Pour ne pas devoir y revenir, nous dirons que dans la séance du 22 mars ^781, on décida que les membres de l'Académie, qui voudraient remettre les jetons au trésorier, en recevraient le prix comme on le payait à la Monnaie, savoir : 2 florins 5 liards, suivant déclaration du monnayeur. Une résolution importante fut prise le 8 mai au sujet des mémoires de concours. « Il fut arrêté d° que toujours dans la der- nière séance de mai, l'Académie nommera trois commissaires, dont l'auteur de la question sera le premier; 2" que les mémoires circuleront entre leurs mains pendant six semaines, et qu'ils se les feront passer l'un à l'autre; 5° qu'après les six semaines, les mémoires retourneront au secrétaire qui les distribuera parmi les autres membres de la classe respective; 4° que ceux-ci feront leurs observations par écrit, mais que les trois commissaires seront seuls tenus de faire des rapports bien détaillés et raisonnes; 5" que chaque classe nommera ses commissaires; 6" que chaque membre, lorsqu'on lui remettra des mémoires, donnera un reçu muni de la date du jour; 7" qu'afin d'accélérer l'examen quand il y aura nombre de mémoires, on n'en distribuera qu'un tiers à la fois à chacun des commissaires, » Le concours de la classe physique pour l'année 1779 « fut des plus nombreux et fournit plus d'un mémoire digne de l'attention du public. » LIVRE I. 1779. 271 La question proposée clfiii celle-ci : c Quels seraient les meil- leurs moyens d'élever les abeilles dans nos j)rovinces et d'en tirer le plus grand avantage par rapport au commerce et à l'économie? » Onze mémoires avaient été reçus : six français, quatre flamands et un latin. M. Seghers, curé de Saint-Léonard, près d'Hoog- straeten, remporta la palme; le |)ère Norton, recteur des domi- nicains anglais à Louvain, eut le premier accessit; le second fut adjugé à im auteur anonyme que Ton suppose être Dom Hickmann, religieux de Saint-Hubert. Enfin un accessit extraordinaire fut adjugé à M. Sullivan, ci-devant oflicier des grenadiers au service de S. M. L et H. M. Sullivan avait présenté son mémoire sous l'anagramme Navillus. Il fut décidé qu'on imprimerait tous ces mémoires, y compris celui de Navillus, si l'auteur se faisait positivement connaître. M. Du Rondeau se chargea de traduire en français le mémoire flamand du curé Seghers, et les soins qu'il apporta à ce travail lui valurent une gratification extraordinaire. En 1781, Seghers demanda la permission de publier son mémoire en flamand, à ses frais, sous la censure de l'Académie : « Il fut résolu de lui accor- der Tune et l'autre sous condition que l'ouvrage ])araîtrail tel qu'il avait été présenté au concours; et que, si l'auteur voulait y faire des changements et des augmentations, il serait tenu de les ren- fermer dans des notes, sans pouvoir changer le corps de l'ouvrage. Le secrétaire fut chargé d'expédier la censure convenable. [Séance du 56 avril.] » Le mémoire de Sullivan ne fut pas imprimé, et l'on se borna à donner un extrait de celui de Dom Hickmann. Le concours de la classe d'histoire avait été moins brillant. Aux termes du programme publié en 1775 et proposé de nouveau deux ans après, il fallait déterminer les droits et les prérogatives du due de Lolhier, du temps de Godefroi le Barbu, faire voir en quoi consistaient les possessions allodiales de ce prince, et celles qu'il acquit en vertu de son investiture. L'Académie avait reçu tiois mémoires : deux flamands et un français. Aucun de ces mémoires ne remplissait ses vues, « bien qu'elle distinguât dans ceux de MM. D Hoop [avocat au conseil de Flandre] et Verhoeven [négociant à Malines], à qui elle décerna une médaille d'argent, 272 LIVRE I. — 1779. cet esprit de recherches et celte connaissance du moyen âge, si nécessaires à ceux qui veulent traiter avec succès les matières de ce genre. » 11 fut arrête que rien ne serait imprimé, et qu'on abandonnerait la question. CHAPITRE XXIV. Les élections de 1779. — L'exclusion de Valmont de Bomare. — La candidature du pro- fesseur Scherflfer de Vienne. — Les autres postulants. — La communication faite par le chancelier de Brabant au nom du prince de Starhemberg relativement aux Aualecla Belgica. — Historique des plans conclus pour la continuation et la publi- cation de ces Analecta. Dans sa séance du 14 octobre 1779, l'Académie s'occupa de l'élection des nouveaux membres. Quoique Vander Vynckt eût déjà été remplacé l'année précé- dente par le doyen Heylen, sa place fut considérée comme vacante lorsqu'il vint à mourir. Deux candidats étaient sur les rangs : l'abbé Ghesquiere et le marquis du Chasteler. Des dix-neuf membres présents, deux volèrent pour Ghesquiere et quinze pour Chasteler : il y eut deux abstentions. Chasteler avait postulé une place de membre par une lettre adressée de Bruxelles au chancelier de Brabant, le 28 avril, et conçue en ces termes : « L'indulgence avec laquelle l'Académie impériale et royale de cette ville a daigné juger les mémoires que j'ai eu l'honneur de lui envoyer, me fait espérer qu'elle ne désapprouvera pas le désir que j'ai d'être reçu au nombre des membres ordinaires, qui la composent; et l'arailic dont vous m'honorez m'assure que vous ne me refuserez pas d'être l'inter- prète de mes sentiments. » Proposé par vous, monsieur, je regarderai le succès comme certain, LIVRE I. 1779. 275 et robligation, que je vous en aurai, égalera la considération avec la- quelle j'ai l'honneur d'être, etc. » (Signé) : Du Chasteler. » Le protocole de la sénnce du 14 octobre porte : « Plusieurs académiciens désiraient l'admission de M. Van Swinden, professeur de philosophie en l'Université de Franeker, connu par divers ouvrages, et particulièrement par un beau mémoire [sur la météorologie] présenté à l'Académie dès le commencement de cette année [le dl mars]. Pour y parvenir, ils observèrent que le règlement excluait M. Valmont de Bomare qui non-seulement depuis trois ans n'avait rien fourni, ce qui aux termes du statut aurait suffi pour le destituer, mais qui depuis le moment même de son élection, n'avait entretenu aucune liaison avec le corps, sinon par les exemplaires des mémoires imprimés qu'il en recevait; que par conséquent rien ne serait plus utile que de remplacer ce membre oisif par le laborieux et zélé M. Van Swinden, dont la plume féconde promettait des secours continuels. Une très grande pluralité de suffrages ayant fait passer cette proposition, on résolut de rayer M. Valmont de Bomare du catalogue des académiciens. Le scrutin ayant eu lieu ensuite, seize voix se déclarèrent pour M. Van Swinden, il y eut un vacat et deux fèves noires. » La lettre par laquelle Van Swinden postulait une place de membre n'a pas été retrouvée, mais on a celle du prince de Gallitzin qu'il avait prié de le recommander : elle est datée du 27 février. L'élection du marquis du Chasteler portait à vingt, nombre réglementaire, le nombre des membres ordinaires regnicoles; onze appartenaient à la classe physique, savoir : MM. Ncedham, Vounck, Chevalier, Marci, Du Rondeau, de Witry, De Beuhie Mann, de Launay, Bournons et de Nieuporl; neuf à la classe d'histoire, savoir : MM. Nclis, Gérard, Paquot, Caussin, de Hes- din, Des Roches, de Fraula, Heylcn et Chasteler. Ainsi lobligalion imposée pendant plusieurs années à l'Aca- démie de laisser une place vacante avait cesse d'exister. Nous Tome XXXIV. 18 274 LIVRE I. 1779. n'avons trouvé aucune pièce qui autorisât la compagnie à se compléter. L'obligation dont nous parlions n'avait été imaginée du reste, comme on se le rappellera, que pour empêcher l'élection de Burtin. Au mois d'octobre 4 779, les académiciens étrangers étaient au nombre de douze, conformément à une décision du gouverneur général que nous avons fait connaître. Ces douze membres étran- gers étaient, suivant l'ordre de leur élection: MM. de Limbourg lé jeune, Pigott, De Necker, Messier, Morand, Godart, Valmont de Bomare, Van Wyn, de La Lande, Moreau, Dom Berthod et Gallilzin. Il fallait donc, pour faire entrer Van Swinden a l'Académie, exclure l'un des douze membres précités. Le choix s'arrêta sur Valmont de Bomare, nous ne saurions dire pourquoi, car d'autres que lui tombaient sous l'application de la résolution prise dans la séance du 14 octobre 1776 : « Si un académicien étranger laisse passer trois ans sans fournir quelque mémoire, il ne sera plus censé être de l'Académie. » Valmont de Bomare avait été élu en 1774. Le 15 avril 1777, il avait écrit au secrétaire perpétuel Des Roches, au sujet de la résolution rappelée ci-dessus : « Je crains fort d'être dans le cas de radiation, mes occupations pour le public étant multipliées au point de n'avoir aucun moment à moi. — Il me serait très affligeant d'éprouver une telle mortification. Toutes les autres Académies (au nombre de dix) dont j'ai l'honneur d'être, me traitent avec indulgence, par la connaissance que leurs membres ont de mon travail assidu. . » On lit dans le protocole de la séance du 14 octobre, à la suite du paragraphe relatif à l'élection de Van Swinden : « D'autres savants avaient postulé une place de membre étranger : M. Retz, M. l'abbé Bertholon, M. le professeur Scherffer. Ce dernier devait fixer d'autant plus l'attention de l'Académie, qu'il avait été forte- ment recommandé par M. le baron de Lederer et même par S. A. le ministre plénipotentiaire, mais un obstacle invincible dans les circon- stances présentes s'opposait à son admission. Le règlement de S. M. a LIVRE I. 1779. 275 fixé à six le nombre des académiciens étrangers; dans la suite S. A. R. a permis d'en élire jusqu'à douze. Ces places depuis longtemps sont remplies, et l'Académie ne peut sans blesser ses lois songer à de nouvelles élections. Il est vrai, au lieu de M. Van Swinden elle aurait pu mettre au scrutin M. le professeur Scherffer; mais il faut remarquer que la première place vacante était destinée à M. Van Swinden, avant que M. Scherffer se fût mis sur les rangs. Il eût été admis depuis plusieurs mois, si l'Académie ne s'était astreinte à n'élire qu'au mois d'octobre. Dans ces dispositions, elle n'a point voulu exposer M. Scherffer au hasard du scrutin; elle a cru qu'il était de l'intérêt de ce professeur d'attendre une occasion plus favorable. Dès que les rapports sur le mémoire qu'il a présenté [sur la trigonométrie sphéroïdique] seront rentrés, le secrétaire aura soin de l'informer des raisons qui retardent pour (juelque temps son élection. » On voit avec quels ménageinents le secrétaire perpétuel traitait le candidat « fortement recommandé » par M. de Lederer et par le ministre plénipotentiaire, et les peines qu'il se donnait pour excuser sa non-admission. Son embarras augmenta encore quand lîournons eut déclaré qu'à son jugement, le mémoire de Scherfl'er, s'il voyait le jour, « ferait la honte de l'auteur et de ceux qui l'auraient publié; » et INieuport, que ce mémoire était plutôt une raison d'exclure l'auteur de l'Académie que de Vy admettre. Les rapports de Bournons, de Nieuporl et de Mann, qui émit un avis opposé à ceux des deux premiers commissaires, furent pré- sentés dans l'assemblée du 25 novembre, et Des Roches en fut réduit à insérer au protocole le paragraphe suivant: « On a vu dans le résultat du [mois d'octobre] l'espèce d'impossibilité qu'il y eut à recevoir ce professeur [Scherffer] au nombre des académi- ciens étrangers; et quant à son mémoire, on n'a pu se dissimuler qu'il manquait d'exactitude et de cette rigoureuse vérité qui fait tout le mérite de cette espèce d'ouvrages. Quand les circonstances permettront de songer à l'élection de M. Scherffer, il sera en quelque façon nécessaire que celui-ci présente un autre mémoire. C'est de quoi le secrétaire l'informera ainsi que des raisons qui ont empêché le scrutin à son égard. » 276 LIVRE I. 1779, L'abbé ScheriTer était docteur en pliilosopbie (sciences) et j)rofesseur de mathématiques supérieures ou Iranscendanles à l'Université de Vienne. li passait pour un habile malhéniaticien et physicien. Son œuvre, d'après la liste qu'il avait envoyée à l'Académie, ne comprenait pas moins de 11 opuscules, 4 traduc- tions et W ouvrages, publiés de 1752 à 1778 inclus. Dans le nombre se trouvaient deux dissertations sur les couleurs acci- dentelles : l'une en latin avait paru en 1761 ; l'autre, en allemand, en 1765. — l.e refus de l'Académie de l'admettre fut très mal reçu à Vienne. Le 25 février 1779, Retz avait écrit d'Arras au secrétaire per- j)étuel en le priant de continuer à faire valoir ses sollicitations pour une association aux travaux de l'Académie : « Cette grâce que j'attends avec impatience, disait-il, sera l'époque de mon entier dévouement à satisfaire l'Académie sur plusieurs objets nouveaux que j'ai entrepris de développer touchant la physique médicinale des Pays-Bas. » La lettre par laquelle l'abbé Bcrtholon, « des Académies des sciences de Beziers, Montpellier, Lyon, Marseille, Dijon, Toulouse, Nismes, Bordeaux, etc., » sollicitait une place de plus à l'Académie de Bruxelles, était datée de Beziers, le 19 décembre 1778, et accompagnée d'un mémoire sur un paratremblement de terre. — Les rapports des commissaires furent présentés h la séance du 8 mai 1779, et le mémoire fut trouvé ers comtes, ducs ou seigneurs particuliers; sous les bourguignons et la maison d'Autriche]. Il croyait pouvoir fournir tous les deux ans et demi, un volume de cette partie, en même temps que deux des Actes des saints. — La 5"^ partie des Analectes qui devait contenir les chroniques belges inédites, latines, flamandes et françaises, aurait formé cinq volumes in-4'' au moins, dix au plus. — Après Fachèvement des Analectes, une Société littéraire dont Ghesquiere proposait de jeter les fonde- ments à l'abbaye de Caudenberg, se serait occupée l" d'une histoire des Pays-Bas en langue française, ou d'un abrégé chrono- logique de cette histoire, dans le goût de celui fait par le président Renault; 2° d'une histoire littéraire des Pays-Bas en français ou en latin, modelée sur celle de l'histoire littéraire de la France par les bénédictins; 5" d'un recueil complet des antiquités belgiques. Celte société aurait pris le nom de Société des antiquaires de Bruxelles; on aurait formé à l'abbaye de (Caudenberg un dépôt d'antiquités. La lettre à écrire aux chapitres, aux abbayes et autres maisons religieuses, avait pour objet d'obtenir de ces corps une liste détaillée des chroniques, diplômes, chartes, actes de conciles ou synodes tenus dans les Pays-Bas avant 1500, ainsi que de toutes autres pièces historiques existant en manuscrit dans leurs archives ou bibliothèques. Pour soutenir la formation d'un dépôt public d'antiquités, Ghesquiere disait : « 11 y a près d'un siècle et demi que la seule partie des Pays-Bas actuellement soumise à l'auguste maison 280 LIVRE I. — 1779, d'Autriche, ne cédait à aucun pays de l'Europe, pas même à l'Italie entière, ni pour l'érudition des antiquaires, ni pour le nombre des beaux Cabinets d'antiquités... Il existait alors, dans les seuls Pays-lias, un plus grand nombre de Cabinets d'antiquités que dans toute l'Allemagne et l'Espagne prises ensemble...; le nombre des Cabinets... allait alors jusqu'à deux cents... [Les trésors qu'ils renfermaient sont devenus] la victime de l'avarice ou le jouet de l'ignorance .. Si l'on excepte le Cabinet d'antiquités de S. A. R. notre sérénissime gouverneur, celui de MM. les chanoines de la cathédrale de Tournai, celui de M. le comte de Leeuvergbem à Gand...; enfin la petite collection que le soussigné a formée avec les secours pécuniaires de ses parents, à peine trouverait-on dans tous les Pays-Bas autrichiens, un seul Cabinet d'antiquités grecques ou romaines, qui soit digne d'un coup d'œil de la part d'un étranger curieux, ou qui puisse servir à réclaircissemcnt de l'his- toire ancienne. » Ghesquiere s'attachait ensuite à faire ressortir l'importance des collections d'antiquités, non-seulement sous le rapport de l'art, dont elles servaient à constater les commence- ments et les progrès, mais aussi sous celui de l'histoire : « Combien de fois une seule médaille ancienne, un bas-relief antique, ou tout autre monument ancien, n'ont-ils pas jeté plus de jour sur un fait contesté, ou sur une époque douteuse, qu'un long mémoire académique. » Le conseiller de Kulberg appuyait et recommandait toutes les idées suggérées par l'historiographe de l'impératrice; leur exécu- tion ne pouvait, selon lui, que faire beaucoup d'honneur aux lettres, et répandre un nouveau lustre sur la Belgique. Toutefois, comme Ghesquiere avait cinquante ans, Kulberg prop!)sait de lui adjoindre ses anciens aides Lenssens et Cornet: au moyen de quoi l'établissement historiographique acquerrait la consistance qui avait été donnée à l'hagiographie. — Nous n'avons point parlé de cette dernière, parce qu'elle ne rentrait pas dans notre plan et que l'Académie s'en était désintéressée. Le prince de Starhemberg fit savoir au conseiller de Kulberg, par une lettre du 9 août, que, quoique les vues de l'abbé Ghes- quiere fussent bonnes, et que son plan pût même avoir des avan* LIVRE I. 1779. 281 lagos, les directions qu'il avait reçues de la cour impériale ne lui permettaient pas de concourir à leur exécution. II lui était expres- sément recommandé de n'excéder, dans aucun cas, pour la dépense des Analecta,\a somme annuelle de 1 500 fl. (jui formait, à 5 °/o, le revenu de la dotation du Musaeum Bellarmini ; il était donc impossible de donner à Gliesquiere des coopérateurs, aux frais du gouvernement. De plus, les travaux de Thisloriographe devaient consisler, pour le moment, non pas à publier les Analecta Belgica, mais à en rassembler les matériaux, ce qui n'empêchait pas cepen- dant, que, si l'on trouvait le moyen de livrer au public quelque partie des Analecles, sans qu'il en résultat des frais pour le trésor royal, cela ne se fil. Le ministre invitait le commissaire du gou- vernement à lui présenter un nouveau plan, et il témoignait Ic dé-^ir qu'il le formât de concert avec l'abbé Nclis. Avant d'aller plus loin, nous rappellerons que dans son rapport confidentiel du 3 octobre 1778, le chancelier de Brabant avait exprimé des doutes sur le droit de Gliesquiere de prendre le litre d'historiographe de Sa Majesté. « Serait-il effectivement décoré de ce titre, disait-il; M. Paquot ne serait-il plus historiographe, ou y en aurait-il deux dans les provinces des Pays-Bas de la domi- nation de Sa Majesté? » La mauvaise opinion que Crumpipen avait des ex-jésuites, allait jusqu'à ne pas ajouter foi aux paroles de Gliesquiere, dont il avait, comme on le sait, reçu une lettre, datée du 29 juin 1778 et commençant par ces mots : « J'ose me flatter (jue l'emploi d'historiographe dont Sa Majesté et le gouver- nement viennent (le m'honorer, etc. » Le décret du 11) juin du prince Charles de Lorraine portait effectivement que l'abbé Glies- quiere jouirait d'une pension de 800 florins, en qualité d'histo- riographe, y com|)ris celle de 360 fl. qui lui était attribuée comme membre de la Société supprimée ; il devait avoir en outre le logement et la table dans l'abbaye de Caudenberg; et, de plus, comme il ne participerait plus aux émoluments dont jouiraient les Bollandistes [auxquels les mêmes avantages étaient accordés], il lui était assuré des gratifications annuelles sur les revenus du Musaeum Bellarmini. Il n'avait pas été question d'ôler à Paquot le litre d'hislorio- 282 LIVRE I. 1779. graphe dont il était revêtu par une commission du 23 avril 1762, et auquel, ainsi qu'on l'a dit, Marie-Thérèse avait joint une pension de GOO fl. arg' cour* de Brahant, qui lui fut payée jusqu'en 1782. Voici maintenant quelle élait l'origine des Analecta Belgica. Vers le commencement du XVIII*' siècle, le chancelier de Brahant De Grysperre avait fondé à Malines, sous le nom de Musaeum Bellarmini, nn établissement dont le but était d'écrire contre les jansénistes et les autres ennemis de la Société des jésuites. Les discussions sur le jansénisme et le molinisme s'élant apaisées, les jésuites transférèrent le Musaeum dans leur maison d'Anvers, et conçurent l'idée d'en employer les revenus à la publication d'Analectes helgiques. Le prospectus de celte entreprise, dont le P. Ghcsquiere fut l'un des principaux promoteurs, avait paru au mois de mai 1775 sous le titre : Prospectus operis, quod inscri- betur : Analecta Belgica ad XVII Provinciarum Belgii ac dilio- num interjacentium Hisloriam dilucidandam pertinentia^ etc. Antverpiae typls J. Grange civitulis Tijpographi in Foro ovorum. MDCCLXXIII, in-A% pp. 7. Cet ouvrage devait avoir trois par- ties distinctes : la première contiendrait les origines belges, un abrégé chronologique des événements, les témoignages des auteurs anciens et les inscriptions; la deuxième, les Actes des saints, par ordre chronologique; la troisième enfin, les chroniques et les au- tres monuments concernant Ja Belgique. —Tel est le premier plan: c'est, comme on voit, celui que Ghcsquiere reproduisit en 1779. Toutefois, d'après un nouveau prospectus, intitulé: Prospectus operis, quod Atialecta Belgica inscrihetur, une feuille in-4", l'ouvrage n'aurait eu que deux parties: la première, contenant les chroniques et les diplômes, aurait composé au moins 4 vol. in-4''; la seconde, consacrée aux Acta Sanctorum Belgii, aurRii eu envi- ron 12 vol. du même format. Ce second prospectus, sans date et sans nom dimprimeur, paraît êlre le plus récent, selon les au- teurs de la Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus. Ghcsquiere devait êlre aidé dans son travail par Du Jardin, Cornet et Lenssens. Le prospectus avait été communiqué au prince de Starhemberg, et, le 26 mai 1773, le comte de Neny écrivait au secrétaire d'Etat et de guerre, H. Crumpipen, la curieuse lettre que voici : LIVRE I. — 1-;79. 285 « Il y a déjà dix ans que j'ai proposé aux jésuites d'Anvers d'entre- prendre l'ouvrage dont le prospectus ci-joint a été remis à S. A. le ministre plénipotentiaire. Je leur en avais tracé le plan, dont l'objet était de rassembler, dans un ou tout au plus dans deux volumes in-folio, tout ce qui se trouve d'essentiel dans l'immense ouvrage des Acta Sanclorum, sur la géographie, l'histoire et la chronologie des Pays-Bas, surtout pen- dant le moyen-âge... Je réussis enfin, il y a environ deux ans, à les déterminer. Au commencement de l'hiver dernier, le P. provincial vint m'entretenir du plan qu'on avait arrangé dans la Société, et suivant lequel cet ouvrage sera composé de 56 et peut-être de plus de volumes in-^o, puisqu'on se propose d'y faire entrer des vies des saints tout entières, et que le P. provincial m'a dit que la vie de saint Bavon seule remplira tout un volume. Je lui ai répondu que je respectais beaucoup les saints, mais que je ne prévoyais pas que j'aurais jamais ni l'envie ni le temps de lire la vie de saint Bavon; qu'ainsi le plan arrangé par la Société ne s'accordait pas avec mes idées, qui ne tendaient qu'à faire répandre de nouvelles lumières, dirigées par la critique, sur ce qu'il y a de véritablement intéressant dans l'histoire, et dont l'accomplissement aurait fait beaucoup d'honneur aux jésuites flamands. Le P. provincial m'assura que sa façon de penser s'accordait avec la mienne, mais qu'il n'avait pas été le maître de la faire adopterj à quoi je répliquai qu'il fallait donc les laisser faire. » Aj)rès celle parenthèse un peu loui>iie, nous reprenons notre historique. CHAPITRE XXV. (^.ontinuation de l'historique des Ànalecia Belgica. — L'Académie s'occupe des moyens propres à faire elle-même la publication d'un recueil d'historiens et des monuments historiques relatifs aux Pays-Bas aulrichiens. — Ghesquiere est élu membre. — Le comité institué par l'Académie, — Ses premières propositions, — Résolution de ne plus admettre de mémoires anonymes. — Le concours de 1780. — Les concours particuliers ouverts pour les éloges du président Viglius et du prince Charles de Lorraine. Nous en étions restés à la lettre du 9 août 1779, par laquelle le prince de Slarhemberg demandait au conseiller de Ruiberg de lui 284 LIVRE I. 1779. présenter un nouveau plan, en s'aidant des lumières de l'abbé Nelis. M. de Kulberg satisfit à la demande du ministre par un rap- port en date du -15 septembre. D'accord avec Nelis, il y proposait l'établissement dune associa- tion de gens de lettres qui aurait son siège à l'abbaye de Cauden- berg, et qui serait composée de Nelis, du comte de Fraula, du doyen Heylen, tous trois membres de l'Académie de Bruxelles, de Ghesquiere,deLensscns qu'on lui adjoindrait sans cbarge nouvelle pour le trésor, l'abbé de Caudenberg offrant de le loger gratis et de lui fournir la table, moyennant une indemnité à prélever sur le produit éventuel des publications à faire; enfin de l'abbé de Caudenberg, sous la présidence d'un commissaire du gouverne- ment. Celle association commencerait de suite la publication des Analectes. Nelis et Kulberg avaient trouvé que borner le travail de Gbesquiere [lendant un assez grand nombre d'années à recueillir des pièces pour laisser peut-être après lui tout l'hon- neur de leur mise en lumière à d'autres, serait peu encourageant et peu équitable d'ailleurs. Après en avoir référé au prince de Kaunitz,le ministre pléni- potentiaire donna son assentiment au nouveau projet, et chargea de Kulberg de le mettre à exécution dès qu'il se serait entendu avec Nelis. L'Académie ne pouvait voir de bon œil l'érection d'une nou- velle Société littéraire. Elle aurait volontiers abandonné à Ghes- quierc la publication des extraits des Atta Sanctorum, mais celle des chroniques belges inédites devait lui rester. On jugera de l'état d'agitation dans lequel elle se trouva , par un rapport de Des Roches au chancelier de Brabant*. « M. le chancelier, » y lit-on, « me demande en quoi consiste propre- ment le mécontentement de rAcadémie... Ce qui blesse l'Académie, c'est la rivalité des jésuites. L'entreprise de ceux-ci est entièrement du res- sort de l'Académie; elle la regarde comme le premier point de son * Areliiv. du roy. de Belg. Secrélairerie d'État et de guerre : portefeuille n« 398. LIVRE 1. 1779. 285 institution; pour rexécuter, elle a fait des plans, elle a fait acheter des manuscrits, elle a assemblé des matériaux, elle a fait copier les trois volumes de Pierre à Thymo; elle se proposait de les publier, d'y joindre la chronique de Dinter, et de faire paraître successivement tout ce qu'elle pourrait découvrir de plus intéressant. Qu'est-ce qui a pu arrêter cette entreprise poussée vivement en 1776 et partie de l'année suivante? L'établissement de M. Ghesquiere à Caudenberg. Ce fatal établissement a éteint tout le zèle de l'Académie. Elle n'a pu voir d'un œil indifférent qu'on lui ùtât ainsi tout moyen de se distinguer. Elle n'a pu se résoudre à courir une même carrière avec M. Ghesquiere... » Jl était si facile dans le commencement d'accorder les vues diffé- rentes et de concilier les dispositions de S. M. avec le projet de l'Acadé- mie et même avec l'établissement de M. Ghesquiere. Il en était un moyen bien naturel... Il fallait laisser à l'Académie la publication des Rcriim Belgicarum Scriplorcs, avec défense à M. Ghesquiere de se mêler de cet ouvrage. Il fallait charger ce dernier de publier les extraits des Jcla Sanctorum et d'y joindre toutes les notes et toutes les dissertations qu'il voulait donner. Par là tout le monde eût été d'accord; et on aurait concouru des deux côtés au même but avec une émulation noble et sou- tenue. Après avoir essayé de prouver que cet arrangement n'aurait pas contredit les dispositions de S. iM., Des Roches continue ainsi : « Je dois répondre ici à une autre objection... La voici comme je l'imagine. Les membres de la classe historique ne feront jamais rien qui vaille. Soit paresse, soit incapacité, soit le chagrin de n'avoir point de pensions, on ne peut espérer qu'ils se livrent à un travail considérable et de longue haleine; ou même quand ils s'y livreraient, que leurs pro- ductions seront dignes du public, dignes d'une Académie. Je ne veux point déguiser cette terrible objection. Elle est vraie à l'égard de quel- ques-uns; elle est fausse à l'égard de tous; Il y a des membres qui s'acquitteraient de la tâche en question à la satisfaction du public. 11 y a des membres qui depuis longues années ont recueilli plus de maté- riaux, plus de faits, plus de notes que tous les jésuites des Pays-Bas. Voilà les membres qu'il eût fallu employer, et ne pas s'embarrasser des autres. Car enfin, pour l'ouvrage dont il s'agit, un ou deux savants qui 286 LIVRE I. 1779. travaillent en chef, c'est tout ce qu'il en faut. Les originaux qu'on public font toujours les dix-neuf vingtièmes du volume...; il ne s'agit que d'avoir des copistes habiles, qui sachent bien déchiffrer les anciennes écritures. Ainsi la grande objection se réduit à rien. « A propos des Rerum BeUjkanim Scriptores, nous rappelle- rons que ridée de les publier, conçue par Juste Lipse, avait été reprise par le comte de Cobcnzl, après (ju'il eut été nommé mi- nistre plénipotentiaire de Timpératrice Marie-Thérèse aux Pays- Bas. Cobcnzl en avait confié l'exécution, d'abord au comte de Neny, à Verdussen, à Van Heurck et à l'abbé i\clis, puis à ce dernier et à l'abbé Paquol. Les seuls résultats de l'entreprise avaient été la publication de la chronique de Robert Macquereau et d'un recueil de lettres d'Hopperus à Viglius. La mort de (lobenzl avait ensuite fait abandonner le projet. Au mois de juillet 1778, Starheniberg avait désiré savoir quelles notes on avait obtenues au sujet des manuscrits conser- vés dans les cathédrales, les collégiales et les monastères. Il s'était adressé à Paquot que le comte de Cobenzl avait chargé de classer ces notes, et en avait reçu, le 24 juillet, la réj)onse déjà mention- née dans notre Introduction : « Il ne me fut pas dilïicile de m'apercevoir que la plupart de ceux à qui l'on s'était adressé, ou n'avaient pas compris le but auquel on tendait, ou n'étaient pas d'humeur d'y contribuer, ou n'étaient nullement en état de le faire, quoiqu'avec de la bonne volonté.... Les listes envoyées autrefois par les monastères n'ont pas été conservées... » Le protocole de la séance de l'Académie du i25 décembre 1771) porte : « On lut une note présentée par M. l'abbé Paquot, relativement aux Analecta Belgica projetés par les BoUandistes. Elle contient des remar- ques sur ce qui a été fait et principalement sur ce qu'il faudrait faire pour rendre cette entreprise digne de l'attention du public. On ne sau- rait parler ici plus particulièrement de celte note de iVl. Paquot, parce qu'elle a été remise d'abord à M. le président, à la réquisition duquel l'auteur l'avait rédigée. » Celte note n'a pas été retrouvée. LIVRE 1. 1-79. 287 LWcndémie que n'avait pas rassurée complètement, quoi qu'en (lise le [)rolocole, la déclaration faite par Crumpipen dans la séance du 2^ novembre, au nom du ministre plénipotentiaire, ne tarda pas à s'occuper des moyens propres à faire elle-même la publication dont on voulait charger une nouvelle Société littéraire. Dès le 9 décembre, Gérard lisait un mémoire traçant « un plan vaste d'après lequel on pourrait former un recueil d'historiens et de monuments historiques relativement aux Pays-Bas autri- chiens. » Le :27 janvier 1780, le secrétaire perpétuel consignait ce qui suit dans le protocole : « Depuis longtemps l'Académie, même avant qu'elle existât sous ce titre, avait formé le projet de publier les monuments historiques des Pays-Bas. Dans cette vue, elle avait acheté les manuscrits de feu M. Ver- dussen, et s'était procuré la copie de l'histoire diplomatique de P. à ïhymo. Déjà en 1777 on avait lu un mémoire sur l'usage qu'on ferait de ce [dernier] manuscrit, et l'on avait proposé de le publier incessamment, précédé de la chronique de Dinter, qu'on voulait enrichir de notes et de plusieurs dissertations. Une circonstance défavorable avait pour ainsi dire fait perdre de vue ce projet. On crut avoir de bonnes raisons pour y revenir, et 31. le président n'ayant pu se trouver à l'assemblée, il engagea M. Needham qui la présidait, à faire délibérer sur les moyens de publier un corps de )ios historiens et de nos monumejits historiques. [Le plan de M. Gérard] fut remis aux commissaires pour en faire rapport dans une autre séance. Avant de lever celle-ci, M. Needham proposa de demander à S. A. le ministre la permission d'élire extraordinairement 3L l'abbé Ghesquiere, quoique toutes les places d'académiciens fussent remplies, sous condition qu'on ne ferait point de nouvelle élection à la première qui viendrait à vaquer. Celte proposition fut adoptée. » Les commissaires chargés d'examiner le mémoire de Gérard, MM. Des Roches, Paquot, Chaslcler et Nelis, s'y montrèrent géné- ralement favorables. Quant à la permission à demander au ministre, d'élire extraor- dinairement l'abbé Ghesquiere, le chancelier observa dans la 288 LIVRE 1. 1780. séance du 10 février, « quuiic pareille démarche paraîtrait pré- maturée dans la conjoncture présente, où le gouvernement s'occu- pait à régler les limites qui doivent séparer les travaux littéraires de l'Académie et ceux de cet abbé, ou en d'autres termes à décider si c'est lui ou l'Académie qui doit publier le recueil de nos monu- ments historiques. Il lui semblait qu il serait plus prudent, plus analogue aux circonstances, de ne point prévenir la décision du gouvernement, et de différer l'élection jusqu'à ce que Ton sût à quoi s'en tenir sur l'article principal; article auquel l'Académie attachait une si grande importance, qu'elle avait déjà faitentendre qu'elle envisagerait comme l'époque de sa destruction le moment où un autre qu'elle serait chargé de publier ce recueil. L'avis de M. le président fit naître une nouvelle délibération, et l'on réso- lut de tenir en suspens la proposition qu'on avait voulu faire à S. A. » Le 42 octobre, « M. le président remit sur le tapis l'affaire de l'élection de M. l'abbé Ghesquiere comme membre de la classe his- torique... Ce candidat avait pour compétiteur M. Verhoeven... Le scrutin détermina l'élection de M. l'abbé Ghesquiere, par une majorité de quatorze suffrages contre trois... » Voilà donc l'abbé Ghesquiere reçu de l'Académie, après avoir frappé à sa porte pendant plusieurs années. Il assistait à la séance du 6 novembre, dans laquelle il fut résolu de confier la publication des chroniques manuscrites et des autres monuments de notre histoire, aux soins d'un comité qui rendrait à l'Académie un compte exact de toutes ses opéra- lions. MM. Nelis, Gérard, Des Roches, Chasleler et Ghesquiere furent nommés pour composer ce comité. Le 24 novembre, le marquis du Chasteler donna lecture des propositions suivantes, arrêtées par le comité dans ses deux pre- mières séances tt 1" On commencera par la publication de tous les manuscrits histo- riques que Ton jugera utiles, et qui n'ont pas été imprimés. — 2" L'im- pression sera dirigée de façon que les volumes imprimes séparément, puissent faire dans la suite, au moyen d'un litre double, un corps LIVRE I. 1780. 289 complet. — 3° Le format m-A" sera adopté uniformément pour faire- suite aux Mémoires de l'Académie. — A" Les éditeurs qui le désireront feront imprimer les ouvrages dont ils se seront chargés, à leurs risques et dépens, par tel imprimeur qu'ils jugeront à propos, et le débit sera à leur profit. — 5° Les membres du comité se sont chargés dès à présent de faire imprimer sous ces conditions, savoir : A/, de Nelis, Dinter et Pierre à Thymo; M. Gérard, Jean de Henin, Molinet, Jean le Clercq et Chastellain ; M. Des floches, la chronique en rimes flamandes, attri- buée à Clericus, sous le nom de Drabanlsche Gesten^ avec une traduction française et plusieurs dissertations; item une Bibliothèque historique des Pays-Bas, contenant les auteurs imprimés et manuscrits en deux parties distinctes; M. du Chastelery le manuscrit de Gilbert; M. Ghcs- quiere, le troisième volume de Jacques de Guise. — 6» On fera dans le courant de l'année différents voyages littéraires pour accumuler les matériaux. A cet effet on propose : Pour les Bibliothèques de Bruxelles, Louvain, et leurs alentours : MM. de Fraula, Gérard et Ghesquiere ; — pour le [Jainaut et le Tournaisis : MM.de Nelis et du Chasteler; — pour Courtrai, Gand et Anvers : MM. de Hesdin, Des Roches et Ghes- quiere; — pour Aamur : MM. Gérard et du Chasteler; — pour Lierre et ses environs : M. Heylen. — 7" De plus on propose : Pour faire les extraits des auteurs grecs et latins par rapport à l'histoire belgique, ainsi que les extraits des ouvrages des Bollandistes : M. Ghesquiere; — pour faire les extraits des historiens anglais, des historiens des croi- sades, des collections latines des historiens d'Allemagne : M. l'abbé Mann ; — pour faire le catalogue des manuscrits et des historiens belgiques, qui se trouvent dans la Bibliothèque de Bourgogne et dans celles des jésuites : MM. Gérard et Chevalier; — pour demander à S. A. le prince de Starhemberg la copie du catalogue des manuscrits et des historiens belgiques de la Bibliothèque de feu S, A. II. : M. de Aelis; — pour l'histoire naturelle des Pays-Bas : MM. Needham, de Nelis, de Marci, de Witry, Du Rondeau, De Beunie, Mann et de Launay, qui seront priés de diviser les provinces entre eux. » « L'Académie, » porte le protocole, « adopta d'une commune voix celte marche, et approuva toutes ces propositions. Elle consentit que la copie tirée autrefois à ses frais du manuscrit de P. à Thymo fût remise, de même que l'original, à M. de Nelis, la première pour s'en servir pour l'édition qu'il médite, le second pour faire la collation. » Tome XXXIV- 19 290 LIVRE I. 1780. Nous verroDS bicnlôt ce qui advint de ces beaux projets. Pour le momeni, nous avons à compléter l'exposé des objets qui occu- pèrent l'Académie pendant l'année J 780. Dans la séance du 19 mai, on résolut de ne plus admettre des mémoires anonymes : « On observa que parmi les pièces de cette nature, jamais on n'en avait trouvé une bonne; qu'il y avait trop de désavantage et quelquefois trop de risque pour les commissaires à s'expliquer librement au sujet d'un auteur ainsi masqué, qui parvenant tôt ou tard à découvrir les examinateurs, se livre à son ressentiment et à une haine personnelle; inconvénient dont il y a eu plus d'un exemple. On ajouta que si l'ouvrage était bon, l'auteur ne risquait rien à se faire connaître, et que, s'il était mauvais, l'Académie ne perdait rien en le laissant au rebut. » Au mois d'octobre, l'Académie eut à se prononcer sur les mé- moires de concours. Pour question d'bistoire, on avait proposé : « L'origine des seigneurs, comtes et ducs de Limbourg, leur succession et leur généalogie; les dates du commencement et de la fin de chacun; la réfutation des fautes qui peuvent se trouver dans ce qu'en ont dit Auberl le Mire, Bertholel, l'éditeur de Wernerus Teschen- macher, en 17:21 (page 450); ce qu'étaient les comtes d'Aidenne, leurs possessions, leur commencement et leur fin. » Un seul mémoire avait été reçu: il ne fut pas jugé digne du prix, et la (jueslion fut proposée de nouveau pour le concours de ilS\. Comme question physique, l'Académie avait demandé « d'indi- quer les espèces de poissons qui font l'objet ordinaire de la pêche, tant sur la côte que dans les rivières de Flandre; et de faire con- naître les abus qui régnent dans cette pêche et les moyens de les corriger. » Deux mémoires écrits en flamand obtinrent, le pre- mier le prix, le second l'accessit. Les auteurs respeclifs étaient M. Verhoeven, de Malines, et M. Van Bavegem, chirurgien à Dcndcrmonde. L'Académie s'était chargée déjuger un concours ouvert au mois de novembre 1779 par un anonyme qu'on sut plus tard être le LIVKE I. 1780. 291 chancelier de Brabant, pour un éloge du chef et président V'iglius. Le prix de vingt-cinq ducats ne fut pas décerné, bien qu'il eût été disputé par dix concurrents; et l'on décida de laisser le concours ouvert jusqu'au 1" avril 1781. Le but du chancelier, en proposant ce prix, avait été « d'en- courager les auteurs de ce pays à cultiver l'art d'écrire correcte- ment et noblement.» — « [Son exemple,]» lit-on dans le protocole de l'assemblée du 25 novembrel779,ct excitera peut-être le zèle et le concours des personnes à qui le progrès des lettres et la gloire de nos hommes célèbres n'est point indifTéicnte. » C'est ce qui arriva en elTct. A la mort du prince Charles de Lorraine, « le secrétaire ayant représenté [19 mai] qu'un citoyen anonyme [le marquis du Chasteler] s'était adressé à lui pour proposer l'éloge de feu S A R., dont le prix serait une médaille d'or de la valeur de 25 ducats, le tout à ses frais, l'Académie agréa cette offre, et chargea le secrétaire de faire placer dans les papiers publies l'annonce convenable. » On vient de voir que l'Académie avait accordé un prix et un accessit pour la question relative aux poissons. Cette décision avait été prise dans la séance du M octobre, mais on n'avait rien arrêté au sujet de l'impression des mémoires couronnés : « M. le président ouvrit [la séance] du 12 par la délibération de cet article. Il observa d'abord que la question s'il fallait imprimer ces deux pièces, dé])endait d'une autre qu'il fallait décider d'avance : savoir, s'il convenait en général de publier, comme on avait fait jusqu'ici, aux dépens de l'Académie les mémoires couronnés; et s'il n'était pas préfé- rable d'abandonner cette tâche à leurs auteurs respectifs, conformément à ce qui se pratique dans presque toutes les compagnies savantes. M. le président ajouta que la raison qui semblait recommander ce parti, était le peu de débit de cette sorte d'ouvrages pour lesquels le public ne témoi- gnait pas le même empressement que pour les. Mémoires de l'Académie. L'alTaire ayant été mise en délibération, tout le monde convint que celte raison était véritable, et que si on ne pouvait continuer ces impressions qu'à la charge et aux risques du corps, il faudrait y renoncer; mais on observa en même temps, que le changement qui allait avoir lieu dans l'imprimerie académique amènerait un état de choses 292 LIVRE I. 1780. dans lequel ces entreprises se feraient aux frais d'un libraire, comme cela se faisait anciennement. En conséquence de cette observation, il fut résolu que Ton continuerait de publier les mémoires jugés dignes de paraître, pourvu qu'il n'en coûtât rien à l'Académie. » Quant à la question s'il fallait imprimer les deux mémoires de cette année, elle demeura encore indécise. Les auteurs avaient indiqué les abus de la pêche et les moyens d'y remédier; mais ces moyens étaient d'un genre à ne pouvoir s'exécuter ([ue par le gouvernement. De là il semblait résulter qu'il était inutile de mettre sous les yeux du public des avis dont il ne pouvait profiter, du moins jusqu'à ce que l'on sût quel parti le gouvernement prendrait relativement à ce même objet, lequel, comme on a lieu de le supposer, avait été porté à sa con- naissance. La discussion de cette affaire fut renvoyée à un autre temps. »> Le mémoire de Vcrliocvcn fut imprimé aux dépens de l'auteur, ehez Hanicq, à 31aliiies. CHAPITRE XXVL L'imprimerie académique est transférée à la Société de J.-L, de Boubers par un contrat en date du 2 novembre 1780. — Teneur de ce contrat. — Le bilan de l'im- primerie au 81 décembre 1779. — Les mesures prises par le prince de Starhem- berg pour que les fonds de l'Académie ne soient plus exposés à de nouveaux revers. — De Launay est nommé trésorier. — L'abbé d'Eenaeme acquiert au profit de son abbaye la rente que la Société de Boubers devait payer à l'État. Le changement dans l'imprimerie académique, qui avait été annoncé le 12 octobre 1780, fit l'objet d'une communication de Crumpipen à la séance du 0 novembre. On lit dans le protocole sous cette date : « M. le président ouvrit la séance par un rapport sur les affaires de l'imprimerie académique, et par la lecture du contrat qui la transportait LIVRE I. — 1780. 295 à la Société du sieur Jean-Louis de Boubers. Il représenta Timpossibilité de soutenir plus longtemps cet établissement qu'on avait cru avanta- geux, et qui l'aurait été si le débit et Texactitude des payements avaient répondu à ce que Ton s'était promis j que dans l'espérance, et par le seul motif de procurer à l'Académie un profit considérable, il avait risqué lui-même un capital de 24 000 fl. pour monter rimpriraerie et fournir aux premières opérations; que la lenteur du débit et celle des payements ayant occasionné d'autres avances, les dettes montaient en tout à 44.000 fl.; que d'après l'expérience on prévoyait que ces dettes augmenteraient à mesure qu'on remplirait le magasin de nou- velles éditions; tandis que la recette était trop faible pour payer les intérêts du passé, et que loin de suffire à de nouveaux emprunts, elle pouvait à peine couvrir les dépenses journalières; que cet état de choses n'offrant pour l'avenir qu'une perspective alarmante il avait embrassé, sous l'autorisation de S. A. le gouverneur général *, le seul parti qui restait à prendre, savoir de vendre et de transporter le tout, dans un temps où la richesse du magasin et la bonté des caractères et des ustensiles de l'imprimerie pouvaient présenter un appât aux acheteurs; que S. A. avait chargé le procureur général de Brabant de procéder à la vente, et que pour la faciliter, Elle avait bien voulu permettre que la somme entière fût tirée des fonds scolastiques, et prêtée aux acheteurs, à un modique intérêt; qu'au moyen de cette facilité on était parvenu à conclure le marché et à terminer cette affaire embarrassante, sans perte pour l'Académie ou pour les autres créanciers. » Après cet exposé, M. le président ayant fait lecture du contrat, il fut mis en délibération s'il convenait de l'approuver. On alla aux vo"x, et l'on résolut à la pluralité des suffrages de ratifier le transport aux con- ditions qu'on venait d'entendre; et comme quelques membres n'admet- taient qu'avec répugnance celle par où il était stipulé que l'Académie payerait la moitié du prix courant les 80 exemplaires qu'elle a coutume de distribuer quand elle fait imprimer des mémoires, -M. le président promit de faire une nouvelle tentative auprès des acheteurs pour obtenir, s'il était possible, tous les exemplaires gratis, sans cependant mettre obstacle au transport, en cas qu'ils persistassent à rejeter la proposition. » ^ Le prince de Starhemberg reniplssail provisoirement ces fonctions de- puis la mort du prince Charles. Éd. M. 294 LIVRE I. — 1780. Le contrat dont il vient d'être parlé, portait la date du 2 novembre 1780. Il était conçu en ces termes : « L'Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres à Bruxelles, ayant trouvé convenir de se défaire de son imprimerie, le conseiller procureur général de Brabant a été chargé par S. A. le gou- verneur général de procurer à cette Académie un acheteur, qui, ca devenant propriétaire de son octroi et de la continuation de cet octroi, de ses ustensiles et de son magasin, mette ladite imprimerie en état d'ac- quitter ses avances, et en continue l'activité : et ledit conseiller procu- reur général ayant trouvé pour faire l'acquisition de ladite imprimerie, la Société d'imprimerie de Jean-Louis de Boubers, si est-il que le sieur Jean Des Roches, secrétaire perpétuel de ladite Académie, pour et au nom de la même Académie, a déclaré vendre, céder et transporter comme il fait par cette, au profit de ladite Société, savoir : de S. A. le prince de Salm-Klrbourg pour trois huitièmes; de Jean -Louis de Boubers pour trois autres huitièmes, et des associés des papeteries de la Hulpc et [de] Dieghem pour les deux autres huitièmes restants, l'imprimerie de l'Académie avec son octroi du six février mil sept cent soixanlc-dix-huit et de la continuation de cet octroi du vingt-un août mil sept cent quatre- vingt, ainsi que les presses, caractères, livres, papiers, dettes actives et généralement tout ce qui en dépend, rien réservé ni excepté, pour et au moyen d'une somme de quarante-quatre mille florins argent courant de Brabant, qui sera payée en mains du seigneur chancelier de Brabant, en qualité de président de ladite Académie, le tout aux conditions énon- cées ci-après. » Laquelle vente, cession et transport déclarent d'accepter le sieur Martin de Hesdin pour et au nom de S. A. le prince de Salm-Kirbourg , en vertu de sa procuration passée à Paris par-devant MM. Brichard et Boursier, notaires, le vingt-quatre octobre mil sept cent quatre-vingt et scellé ledit jour et an, et ci-jointe, pour trois huitièmes, item le sieur Jean-Louis de Boubers pour trois autres huitièmes et le sieur Robert- Joseph de Cellier pour et au nom des associés des papeteries de la Hulpc et de Dieghem, en vertu de leur procuration en date du vingt-un septem- bre mil sept cent quatre-vingt ci-jointe, pour les deux huitièmes restants. Aux conditions qui suivent, savoir : » 1* Que ladite imprimerie, avec les octrois, presses, caractères, \ LIVRE 1. — 1780 295 ustensiles, livres, papiers, impressions et généralement tout ce qui en dépend, à Texception des registres contenant les dettes actives, seront remis au pouvoir dudit Jean-Louis de Boubers, et que lesdits registres seront remis au sieur Claude De La Roche, caissier de ladite Société. » 2" Que les acheteurs seront obligés d'imprimer pendant la durée desdits octrois, tous les œuvres et programmes de TAcadémie et de lui fournir quatre-vingts exemplaires de chaque, à moitié du prix cou- rant. y^ 5<» Que l'imprimeur de ladite Société sera tenu, avant d'imprimer les ouvrages de ladite Académie, d'en faire voir les épreuves à la per- sonne que l'Académie nommera pour cet objet, pour en faire les correc- tions nécessaires avant l'impression, et qu'il devra suivre en tout les directions de ladite Académie. » 4» Que la somme de quarante-quatre mille florins, faisant le prix d'achat, sera avancée par Sa Majesté des fonds jésuitiques, à quoi le conseiller procureur général de Brabant faisant partie pour S. M. s'est engage comme il s'engage par cette, aux conditions qui suivent, savoir : » Que cette somme de quarante-quatre mille florins sera payée en mains du seigneur chancelier de Brabant, en qualité de président de l'Aca- démie, qui en donnera son reçu au gouvernement, et parmi quel reçu, dont copie authentique sera remise aux acheteurs, ceux-ci auront leur pleine et entière décharge à l'égard de l'Académie, relativement au paye- ment du prix d'achat. >i Qu'en conséquence les acheteurs s'obligent à payer au profit de S. M. une rente annuelle et héréditaire dudit capital de quarante-quatre mille florins à cint] pour cent argent pour argent, et par conséquent deux mille deux cents florins par an, qui prendra cours à la date diî cet acte, et qui continuera jusques au remboursement effectif dudit capital, bien entendu que les acheteurs passeront, pendant les dix premèrcs années, en payant ladite rente à rata de trois pour cent argent courant du capi- tal, réduit en argent de change, qu'à la fin de la dixième année, ils seront obligés de mettre bonne et suffisante hypothèque en Brabant ou à rem- bourser ledit capital avec les intérêts. Conditionné encore que les ache- teurs pourront rembourser ledit capital par partie, mais pas moins que par trois mille florins à la fois. » Tout quoi a été respectivement fait, promis et accepté par les sous- signés qui se sont soumis pour le cas de quelque défaut à la condamna- 296 LIVlîE I. 1780. tion volontaire à décréler par le conseil souverain de Brabant_, et par tous autres juges compétents dans les Pays-Bas de Sa Majesté. »> A Bruxelles, ce deux novembre mil sept cent quatre-vingt. » (Était signé) : J. Des Roches, secrétaire perpétuel, DE HesdiiN, J. L. de Boubers, de Cellier; » Plus bas (était signé) : P. Reuss, conseiller et procu- reur général de S. M. en Brabant. « L'octroi du 21 août, mcnlioYiné dans le contrat, était rédigé comme il suit : « Marie-Thérèse, etc., à tous ceux qui ces présentes verront, salut : Comme Nous avons résolu de continuer dès à présent à l'Académie des sciences et belles-lettres en cette ville, pour un second terme de douze ans, l'octroi qu'elle a obtenu pour son imprimerie le 26 novembre 1777, afin qu'au moyen de ce renouvellement anticipé elle ait l'assurance du refournissement des avances qui ont dû être faites pour l'établissement de cette imprimerie, Nous avons, à la délibération de notre très cher et féal cousin, George-Adam, prince du saint-empire romain de Starhem- berg, notre lieutenant gouverneur et capitaine général des Pays-Bas, consenti et accordé, consentons et accordons à la dite Académie des sciences et belles-lettres la continuation de l'octroi que Nous leur avons accordé par nos lettres patentes du 26 novembre 1777. » On a vu par la note jointe aux rapports du chancelier de Bra- bant, du 19 septembre 1778, qu'à cette date l'imprimerie avait absorbé fl. d8 214-18-11. Cette somme avait été avancée par Crum- pipcn en divers payements et assignations, à partir du 25 oc- tobre 1777 jusqu'au 28 juillet 1778 inclusivement. Du 27 septembre 1778 au 13 février 1779, le chancelier avait avancé de nouvelles sommes s'élevant en total à il. 9 785-1-1, qui, joints aux fl. 18 214-18-1 1 relevés ci-dessus, faisaient monter ses déboursés à 28 000 fl. Le 13 février 1779, en vertu de l'autorisation du ministre, du 8 octobre précédent, l'Académie versa dans la caisse de l'impri- LIVRE I. — 1780. 297 nierie une somme de 4 8C8 fl. qui permit de réduire les déboursés du chancelier à 24 000 fl. On jugera, d'après le bilan arrêté au 51 décembre 4779, de la situation de l'imprimerie académique à cette époque. L'actif se composait de la dette des libraires qui avaient pris en vente les livres classiques, les Mémoires de l'Académie et les Mémoires couronnés. La vente avait produit une somme de fl. 10 733-0-0 sur laquelle il avait été payé fl. 5 985-15-6; les fl. 6 747-4-G qui restaient dus, se partageaient entre les différents libraires de la manière suivante : FL. s. D. 2 libraires d'Anvers [Grange et Bineken] 278 i9 G 3 id. de Mons [Hoyois, Poissonnier et Terccllin]. 255 9 0 2 id. de Malines [Scghcrs et Hanicq] .... 319 15 0 2 id. de Gand [Begyn et Gimblet] 340 5 0 2 id. dTpres [Walwcin et De Clercq] . ... 416 14 0 5 id. de IVamur [Slapleaux, Le Clercq et La Fon- taine] C07 13 0 2 id. de Luxembourg [Bruck et Kleber] . . . 564 0 0 5 id. de Louvain [Michel, Kuypers, Vander Haert, Urban et Van Overbeke] 739 19 0 9 id. de Bruxelles [Lemaire, Durant, Lourois, Le Francq,Collaer, Jorcz, Vanden Berghcn, rSerstevens et Tellier] 557 17 0 2 id. de Liège [Bollen et Desoer] 42 0 0 2 id. de Hervé [Del Trappe et Urban] .... 399 14 6 1 id. de Tournai [Varié] 957 16 0 1 id. d'Amsterdam [Rey] 52 10 0 3 id. de Bruges [Van Pract, De Bnsscher et De- moer] 306 1 0 1 id. d'Alost [D'Herdt] 162 6 0 1 id. de Ruremonde [Mackay] ...... 31800 2 id. d'Enghien [Beauveoix et Vanden Bruele] . 78 13 0 1 id. de Menin [Fryson] 91 0 0 1 id. de Saint-Hubert [Grand-Jean]. .... 258 13 0 Total. ... 6 747 4 6 298 LIVRE I. — 1780. Les ouvrages et le papier en magasin étaient évalués a 50 560 fl. 4 s., comme il résulte du tableau ci-après : Tiré Vendus En Grammaire de Restant. . Paterculus Salluste Catéchisme de Fleury. . Nepos Caesar Grieksclie fab Histoire romaine. . . . Ciceron. De Officiis. . . Ciceron. Orationes. . . Ciceron. Epistolae. . . Ovide. Métamorphoses . Fables grecques. . . . Virgile. ...... Phèdre Q. Curtius Horat Rudim. Tricot Grondreg. der lat. taele . Instit gramm Mémoire de l'abbé Mann sur les incendies. . . Supplém. au dit mém. . Prix de 1777 Prix de 1778 4 000 16 4 043 2 944 4000 -16 912 3 072 4 000 d6 49 3 935 4 000 47 4 014 2 972 4 000 46 4 420 2 864 4 000 46 987 2 997 2 000 46 596 4 388 4000 46 4 008 2 976 2 000 46 800 4 184 2 000 46 239 4 723 2 000 46 820 4 464 2 000 46 21o 4 769 2 000 46 4 482 802 2 000 46 489 4 793 4 000 46 4 286 2 698 4 000 46 666 3 318 2 000 46 466 4 318 4 000 46 4 486 2 498 2000 46 4 451 533 4000 46 918 3 066 4 700 80 420 4 500 400 80 — 320 600 80 420 400 600 80 220 300 fl. sols 0 5 0 7 0 6 0 46 0 8 0 8 0 20 0 43 0 42 2 46 0 8 4 8 0 20 4 48 0 3 0 45 4 4 0 40^ 0 40 0 40 0 7 0 40 2 9 i 8 Outre ces articles, on a en magasin les éditions presque achevées du 1. 1 des Mémoires de l'Académie, réimprimé, des t. II et 111 desdits Mémoires : le 4er tiré à 500 exempl., les autres à 800; item. Prix de 4779, tiré à 300; item, 43 feuilles des Selecta Groe- corum exempla et 6 feuilles du premier livre de Y Iliade. On ne peut fixer ici la valeur précise de ces articles, mais sans risquer une grande méprise, on peut les mettre par approximation à . . On a encore en magasin 500 rames de papier à 5 fl. 5 s Item, 6 rames papier à taille-douce à fl. 9 LIVUE I. 1780. 299 Le passif se décomposait comme il suit : L'imprimerie devait à M. de Crumpipen 24 000 — Au même pour rintérêt de la dite somme à 4 °/o dont l'année devait échoir le 13 février 1780 . — A la caisse de l'Académie pour le versement fait le 13 février 1779 — A la même pour l'intérêt de cette somme à 4 "/o, à échoir le 13 février 1780 . , — A la même pour nouvelles avances — A la V^* de Cellier pour papiers livrés jusqu'à la fin de 1779, déduction faite des décomptes . . — Au sieur Vandievoet pour 54 pierres de chandelles à 38 sols — A la caisse pour déficit de clôture Total. . . . La dépense de rimprimeric, au 31 décembre 1779, s'élevait à £1. 38 542-19-3. Il avait été dépensé: en 1777, fl. 2 334-3-5; en 1778, IL 29 22G-7-0; en 1779, fl. 0 782-9-0. « Les deniers reçus par l'administration, au moyen desquels les sommes marquées avaient été payées » étaient : FL. s. D. Deniers avancés par M. le chancelier de Brabant. . . 24 000 0 0 Deniers avancés par l'Académie 4 868 0 0 Deniers avancés par la même à titre de tirage et papier pour taille-douce 550 0 0 Idem à titre de papier à imprimer 5 225 0 0 Pour impression des programmes des années 1777, 1778, 1779 ] . . 30 0 0 Reçu en payement de diverses personnes (vente de livres) 3 985 15 G Total. . . . 38 658 15 (> FL. s. D. 24 000 0 0 960 0 0 4 868 0 0 194 14 0 5 775 0 0 7 984 12 0 64 12 0 32 13 3 43 879 11 5 300 LIVUE I. — 1780. Le dircclcur de l'imprimerie, Des Roclies, présenta son eomple le 12 mai 1780 au conseiller des finances A. de Limpens. à ce autorisé par dépêche de S. A. le ministre plénipotentiaire du 2o janvier. Ce compte, commencé au 25 octobre 1777, allait jus- ques et y compris le 31 décembre 1779. Le 25 novembre 1780, le prince de Starhcmberg écrivait au chancelier de Brabant la lettre suivante, destinée à être mise sous les veux de l'Académie : « Comme la perte que vous étiez menace de faire par une suite du mauvais succès de l'imprimerie académique, d'un capital d'environ 31 000 fl. a été prévenue, du moins en partie, au moyen de l'arrange- ment, que le procureur général de Brabant a contracté par mes ordres et sous mon agrément avec l'imprimeur de Boubers et ses associés, je ne doute nullement, que sur le rapport que vous en avez fait à l'Académie, celle-ci n'ait appris avec plaisir le résultat d'une négociation qui met à couvert la totalité de ses fonds, que j'avais permis de verser dans la caisse de l'imprimerie, et qui vont rentrer dans la sienne, avec une augmentation de 284- fl. 14 s. à titre d'intérêts; et que d'un autre côté, les risques auxquels votre zèle vous avait expose, soient considérable- ment diminués. « Il s'agit maintenant, monsieur, de prendre de bonnes orécautions, pour que les fonds de l'Académie, qui font un total de 10 927 fl. 17 s., argent courant de Brabant, ne soient plus exposés à de pareils revers; et dans cette vue, sur le rapport verbal que vous m'en avez fait, et attendu que le sieur Des Roches, déjà occupé par quantité d'autres objets, vous a demandé d'être déchargé de la caisse académique, j'ai résolu de faire les dispositions suivantes : « lo II sera établi un caissier tiré de la classe des académiciens domi- ciliés à Bruxelles, qui sera seul charge de la recette et de la dépense de l'Académie, et qui seul aussi en rendra compte tous les ans. n 2" Ce caissier ne pourra faire aucun payement sans une autori- sation par écrit du président, qui suffira pour les objets de dé^^jense annuels et ordinaires, et au surplus, sans une ordonnance particulière de ma part, lorsqu'il s'agira de toute autre dépense quelconque. » 50 La caisse de l'Académie sera provisionnellement déposée chez le président qui en demeurera responsable, moyennant quoi le caissier sera LIVRE I. 1780. 301 dispensé, quant à présent, de donner la caution, que tous ceux qui ont le maniement des deniers de S. M. ou des administrations, doivent prêter. « 4" Quoique suivant les règlements décrétés pour l'Académie, il n'y ait que la place de directeur qui soit absolument à sa disposition, cepen- dant pour donner aux membres de cette compagnie une nouvelle preuve de la confiance que j'ai en eux, j'ai résolu de suspendre la nomination du caissier, jusqu'à ce qu'elle m'aura proposé trois sujets pour remplir cette place, hors desquels j'en choisirai un. « 5° Enfin comme il est juste que l'Académie sache à quoi ses fonds et revenus ont été employés chaque année, elle nommera deux académiciens, qui interviendront, avec le président, aux comptes que le caissier rendra de son administration au commissaire du gouvernement désigné à cet effet. » V^ous voudrez bien, monsieur, faire lecture de la présente lettre dans la première assemblée de l'Académie, et faire délibérer, dans la même assemblée, sur la proposition de trois académiciens pour la place de caissier. » Cette dépêche fut lue, ainsi qu'on l'a dit, dans rassemblée du 24 novembre 1780. Les trois membres à proposer au ministre, que l'assemblée choisit à la pluralité des suffrages, furent MM. de Fraula, Gérard et de Launay. Le jour même, Slarhemberg accordait la place à de Launay. Pour ne pas devoir y revenir, nous dirons ici que le 12 mai 1781, le procureur général de Brabant passa un contrat avec l'abbé de l'abbaye de Saint-Sauveur, à Eenacme près Audenarde, Dom Locquenghien *, par lequel celui-ci acquit au profit de son abbaye la renie de 2 200 fl à payer à l'État par la Société typo- graphique avec les intérêts à échoir depuis la date de ce nouveau contrat, et ce moyennant de refournir aux fonds jésuitiques le capital de 44 000 fl. cour\ de sorte que la dite abbaye fut subrogée en tous les droits que S. M. avait envers les premiers débiteurs. * Les lettres patentes nommant Dom Locquenghien à la dignité d'abbé de l'abbaye de Saint-Sauveur à Eenaerae, sont du 16 décembre 1780. 302 LIVRE I. 1780. CHAPITRE XXVJI. La gestion des fonds de l'Académie, du 20 octobre 4778 au ?A décembre 1780.— L'élec- tion du comte de Fraula comme directeur, en remplacement de l'abbé Needham, — La mort du prince Charles de Lorraine et celle de l'impératrice Marie-Thérèse. — Le comité historique de l'Académie est substitué au Musaeuin Bellannini, avec le marquis du Chasteler pour président et pour commissaire du gouvernement. — Les travaux du comité. — Le projet formé par l'abbé Nelis en 1788 de publier une collection d'historiens de la Belgique. — Rapport de l'abbé Mann sur une proposition d'établir un comité pour les sciences. La gestion de Des Roches avait duré deux ans, deux mois et dix jours. Le conseiller du conseil des finances, de Limpens, à ce autorisé par une dépêche du ministre plénipotentiaire en date du 25 jan- vier 1780, coula le 9 mai suivant un premier compte, allant du 20 octobre 1778 au 5i décembre 1779. La recette comprenait Timport de la clôture du compte rendu par le chancelier de Brabant, soit 4 8G8 fl.; la dotation de l'Aca- démie pour l'année échue le 12 janvier 1778, et celle pour l'année échue le 12 janvier 1779, soit G 000 fl. : total 10 868 fl. La dépense s'élevait à fl. 12 829-7-10. Voici quels en étaient les articles : FL. s. D. Avances faites à rimprimerie académique 10 643 0 0 Remboursé à rimprimerie susdite un déficit provenant de la reprise de 270 exemplaires de la i"^ édition du t. I des Mémoires , achetés au sieur de Boubers pour fl. 1 507-15-0, et vendus en partie pour fl. 1 201-4-0 306 11 0 Payé au graveur Cardon pour les planches des trois premiers volumes des Mémoires 1 002 4 4 LIVRE I. 1780. " 503 493 7 0 J91 13 6 552 16 0 139 16 0 ïniprcssion des programmes et reliure des Mémoires donnés en présents Achat de livres Traitements des employés subalternes j gratifications. Frais de bureau Le 2 janvier 1781, Limpens coula le compte allant du 51 dé- cembre 1779 au 51 décembre 1780. Cette fois la recelle se bornait à 5 000 fl., dotation de l'Acadé- mie pour Tannée écliue le 12 janvier 1780. Il fallait en déduire le déficit du comple précédent, qui s'élevait à fl. 1 961-7-10, ou bien porter cette dernière somme en dépense, comme l'avait fait Des Rocbes. La dépense comprenait alors un total de fl. 2 492-19-4, savoir : FL. s. D. Somme due au rendant pour solde du compte du 51 dé- cembre 1779 1961 7 10 Traitements des employés subalternes; gratification . 170 2 0 Frais de bureau 118190 Reliure et brochage des Mémoires distribués en présents 242 10 G De sorte que la recette excédait la dépense de fl. S07-0-8. Plusieurs faits d'importance différente avaient marqué l'année 1780. Le 19 mai, l'abbé Necdbam avait été remplacé dans les fonc- tions de directeur qu'il remplissait depuis l'institution de la Société littéraire : son successeur élu à la pluralité des suffrages, était le comte de Fraula. Le prince Charles de Lorraine était mort le 4 juillet, et l'impé- ratrice Marie-Thérèse, le 29 novembre. Le gouverneur général avait contribué pour une large part à l'érection de l'Académie et aux progrès des sciences et des lettres dans les Pays-Bas autrichiens. Inspiré par deux ministres éclairés, le comte de Cobenzl et le prince de Starhemberg, il avait fait un I 304 LIVRE I. 17.S0 noble usage de son inOuence auprès de l'impéralrice, influence qui, sans conlre-balancer celle du prince de Kaunitz. n'élait cepen- dant pas à dédaigner. Il avait forme à grands frais des collections de livres et de manuscrits, de médailles, de cartes, d'objets de physique et d'his- toire naturelle. Sa Bibliothèque fut évaluée par l'abbé Nelis à 70 464 fl. 5 s.: les médailles à 15 240 fl. 4 s. De Launay estima le Cabinet de physique à io 946 fl , et celui d'histoire naturelle à i99 761 fl 16 s. Ce n'est pas ici le lieu de faire l'éloge de Marie-Thérèse. On sait que son oraison funèbre fut prononcée par Nelis dans l'église de Sainte-Guduie, le 23 décembre 1780. l.e 15 février suivant, l'abbé de Wilry donna lecture à l'Académie d'un éloge de la défunte impératrice, qui n'a pas été imprimé. Joseph II, par une dépêche du 30 novembre 1780, avait con- firmé le prince de Starhemberg dans le poste de gouverneur général et capitaine général des Pays-Bas par intérim, poste auquel il avait été appelé à la mort du prince Charles, et qu'il occupa jusqu'au mois de juillet 1781, épo(jue de l'arrivée à Bruxelles des nouveaux gouverneurs généraux, l'archiduchesse Christine et le duc Albert de Saxe Teschen. Quinze jours avant l'avènement du nouvel empereur, Starhem- berg avait obtenu l'agrément de la cour de Vienne pour la retraite qu'il avait sollicitée. Le décès de Marie-Thérèse et la dépêche pré- mentionnée du 30 novembre firent ajourner cette retraite jus- qu'au mois de mai de Tannée 1783. L'Académie ne pouvait rien espérer de plus favorable à ses intérêts. Nous abordons maintenant l'année 1781. Pour plus de facilité, nous exposerons d'abord ce qui concerne le comité historique. Séance de l'Académie du 4 janvier 1781. « ... M. le marquis du Chasteler rapporta... les opérations du comité historique qui s'assemble chez lui. On avait proposé de rédiger et de faire imprimer une Table chronologique et raisunnce des Actes publics LIVRE I. — 1781. 305 concernant notre histoire. L'Académie adopta cette idée et chargea M. Mann de Texécution... » Assemblée du 22 nnirs. « ... M. de Nelis qui s'était chargé de publier les chroniques de Dinter et d'à Thymo, demanda la permission de se servir à cet effet des copies de CCS ouvrages qui appartiennent Tune à l'Académie, l'autre à la Biblio- thèque royale, à condition qu'il remettrait à cette Bibliothèque un exemplaire bien relié de ces deux auteurs après la publication, et que si celle-ci n'avait point lieu, et que les copies fussent gâtées ou notablement détériorées, il en ferait tirer d'autres copies, le tout à ses frais. A ces conditions l'on consentit à la demande de M. de Nelis... » Séance du i7 mai. « ... M. le président communiqua à l'Académie une dépêche de S. A. le prince de Starhemberg, touchant rétablissement du comité historique et quelques autres points relatifs à cet objet. Elle était adressée à M. le chancelier de Brabant et conçue dans les termes suivants : tt Monsieur, ayant examiné le rapport que vous m'avez adressé, en votre qualité de président de l'Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres, le 16 du mois de février dernier, sur plusieurs objets qui intéressent cette Académie, je vous fais la présente pour vous dire, que me conformant à votre avis sur la convenance qu'il y a que l'éta- blissement littéraire, connu sous le nom de Musacum BeUarmini, autrefois attaché au collège 'des ci-devant jésuites d'Anvers, et consistant aujourd'hui, d'après une résolution prise par l'Académie, et que je ne puis qu'approuver à tous égards, dans un comité de plusieurs académi- ciens tirés de la classe hisloriéiations et rendre compte, par écrit, de mois en mois, au ministre plénipotentiaire, de Tétat des choses. Enfin, par une troisième lettre, Tauditeur de la chambre des comptes Gérard recevait Tordre de faire transporter à labbaye de Caudenberg, pour Tusage de Ghesquiere, les livres du Musaeum Bellarmini dont une partie avait été réservée, ainsi que nous Tavons vu, pour la Bibliothèque royale, et une autre était destinée à être vendue. Nous donnerons maintenant un extrait de la biographie du marquis du Cliaslelcr par H. Dclmotte, insérée dans les Ardiives historiques et littéraires du nord de la France et du midi de la Belgique, t. IV, i83i, Valenciennes. « [Par une lettre du 16 mai 1781,] le prince de Starhemberg confia à du Chasteler la direction de l'établissement littéraire, connu sous le nom de Musaeum Bellarmini. w [Le comité qui fut formé à cette occasion] tint ses séances chez le marquis, où il convint de se réunir de quinze jours en quinze jours. « [Du Chasteler en qualité de président du comité devait] rendre compte par écrit au ministre, de mois en mois de la situation des travaux... « Les deux premiers rapports de du Chasteler..., dont le second était daté du iC^ octobre 1781, sont perdus, et ncse trouvent plus aux archives du royaume. Dans un troisième rapport, daté du 22 février 1782, il dit que sa santé ne lui a pas permis de remplir avec autant de zèle qu'il Peut désiré, la commission dont il avait été revêtu; que cependant il a employé les intervalles de sa maladie à faire rédiger par Ghesquiere le prospectus des Acta Sanclorum Belgii, lequel a été approuvé par le comité. Il ajoute : « Étant parvenu à me procurer du chapitre de » Sainte-Waudru le seul exemplaire [manuscrit] connu des Annales du >^ Hainaut par Gilbert, chancelier du comte de Ilainaut, Bauduin V, je LINRE I. 1781. ÔOO » l'ai fait copier, et cette copie est sur le point d'être achevée. Je me » chargerai des notes qui peuvent cire nécessaires à l'éclaircissement » du texte, et j'espère pouvoir donner au public cet ouvrage neuf et )> intéressant dans le courant de 1784. « » Dans un autre rapport qu'il adressa, le 22 mars 178i, au comte de Belgioioso qui avait succédé... au prince de Starhemberg, on trouve le passage suivant : « J'ai souvent assemblé les membres de l'Académie » qui composent le comité destiné à concourir à ce but. Dans ces dilïé- i» rentes séances, chaque membre s'est chargé de faire imprimer quelque » ouvrage relatif à cet objet, pour mettre à l'abri des ravages du » temps des manuscrits précieux qui n'avaient pas encore été imprimés; « mais les occupations de MM. Gérard, de Nelis et Des Roches ne leur « ayant pas permis de donner jusqu'aujourd'hui au public les ouvrages « dont ils se sont chargés, les travaux du comité se bornent dans ce » moment-ci à l'impression du volume des Acta Sanctoriim Belgii « selecla, dont la rédaction est confiée à l'abbé Ghesquiere, et à l'im- » pression de la chronique de Hainaut par Gilbert, qui vient d'élre » achevée, et dont je retarde la publication pour vérifier un manuscrit n de cette chronique qu'on m'assure être plus ancien que celui que les » dames chanoincsses de Saintc-Waudru ont bien voulu me confier. » « Le comité historique, dans une de ses premières séances, avait résolu que les éditeurs qui le désireraient, feraient imprimer les ouvrages dont ils se seraient charges à leurs risques et périls, et que le débit serait à leur profit. Ce fut d'après ces bases que MM. du Chasteler et Ghesquiere firent imprimer, l'un la chroiiiqiie de Gilbert, l'autre les Acta Sanctorum Belgii. » Cette chronique parut en I78i sous ce titre : Gislebcrti Ealduini Quinti Hannonine comitis cancdfnrii chronica I/annoniae mine primum édita, cura et studio mnrchionis du Chasteler, Bruxellensis Academiae socii. Accedunt notae altcro volumine eomprehcnsae. Bruxellin, typis E. Flou, i784', in-4% 320 pages '. Du Chasteler s'est borné à transcrire le texte du chroniqueur; il devait publier un second volume renfer- mant les notes, ainsi que l'indique le titre, mais il ne le fit pas... Le nom de l'auteur est une garantie que ces notes, perdues pour nous, eussent été d'un grand prix pour le monde savant : mais malheureusement des 1 Cet ouvrage avait été tiré à 1000 exemplaires : il se vendait huit livres de France. Le débit n'excéda pas une centaine d'exemplaires. Éd. M. 510 LIVHE I. — 1781. personnes très à même de le savoir, m'ont affirmé que M. du Chasteler est mort sans les avoir faites. » On lit encore dans le mémoire déjà cité de M. Gacliard : « Le résullat ne répondit que médiocrement à l'attente [qu'avait fait concevoir l'ardeur du comité pour la publication des monuments de l'histoire nationale et les connaissances des membres dont il était com- posé.] » L'abbé Glicsquierc seul accomplit avec honneur la tâche qu'il s'était imposée. Ses collègues, à Texccplion du marquis du Chasteler, qui publia un petit volume in-4°, la chronique de Gilbert, chancelier de Bauduin V, comte de Hainaut, ne produisirent rien. Il est vrai que, en i785, l'abbé de Nelis annonça le dessein de mettre au jour, en 50 à 55 volumes in-i», une collection d'historiens belgiques; mais ce projet ne fut suivi d'aucune exécution... » [Les publications de Ghcsquiere eurent lieu dans l'ordre suivant : Acta Sanctorum Befyii selocia, t. I, 1785 (il fut pré.'enté à l'Académie par Ghcsquiere dans la séance du 24- octobre); I. Il, i78i; t, II F, i785; t. IV, 4 787 5 t. V, 4 781); t. VI, 1704 (à l'abbaye de ïongerloo, en com- pagnie avec le P. Thys, religieux de cette abbaye).] « En 4785, l'abbé Corneille de Smet fut adjoint à Ghcsquiere, en qualité de lecteur et copiste d'anciennes écritures; le gouvernement lui assigna, pour ce travail, une gratificalion annuelle de 500 fl. Plus tard, il reçut aussi le titre d'historiographe. Il travailla, avec Ghcsquiere, à la rédaction des tomes III, IV et V des Acta Sanctorum Belf/ii. » Nous n'avons pas à parler ici de rœiivre des Bollandistes. Nous nous bornerons à rappeler que le 1 G octobre 4 788, le conseil du gouvernement notifia à la chambre des comptes qu'il avait résolu de faire cesser leur travail, ainsi que celui des Hisloj-iographes, et que. par une convention du 41 mai 4 789, le gouvernement transféra h l'abbaye de Tongerloo la propriété de leurs Biblio- thèques avec le matériel y appartenant, ainsi que du fonds de magasin des ouvrages des Acla Sinictoriim (b'jà imj)rimés, cl des papiers, ustensiles et effets de la typograj)liie qui y était con- sacrée. LlVliC I. — 1781. 511 M. Gacliard a publié dans les Bulletins de la Commission royale d'histoire (S"'*" sci'ie, t. II, 185!, p. 101) différents documents relatifs au projet formé par l'abbé Nelis, en 1783, de publier une collection d'historiens de la Belgique. La première pièce est un mémoire adressé par Nelis à Joseph II: c< On a fait, y cst-il dit, difl'ércntes tentatives de nos jours, pour réveil- ler les presses belgiques de leur léthargie. [Ces tentatives ont échoué par le défaut d'œuvres sérieuses.]... Dans ces circonstances, le vicaire général de mgr l'cvéque de Tournai et président des Étals du Tournaisis, Tabhé de Nelis, a osé songer à exécuter une entreprise aussi vaste qu'utile pour Thisloirc de ces provinces, et pour les lettres en général, entreprise dont feu S. M. Marie-Thérèse avait désiré ou ordonné plutôt rexécution, en établissant l'Académie de Bruxelles. Le projet et le plan de cette entreprise sont développes dans l'ouvrage ci-joint, qui sert de Prospectus ^ ou de préface générale. Il ira au moins à oO ou 55 vol. in-4% chacun de plus de COO pp. : ce qui, sans compter les frais qui ont déjà été faits pour rassembler un grand nombre de livres à consulter, et pour copier les manuscrits dont il s'agit, coûtera facilement plus que 200 000 fl., et exige des avances très considérables. « ... L'abbé de Nelis ne demande à Sa Majesté et à son gouvernement général aucun secours pécuniaire... [Il se borne à prier S. M.] de lui accorder sans nouveaux frais un privilège exclusif, tant pour les Pays- Bas et les autres pays héréditaires que pour l'empire..., et, au cas qu'il ne puisse s'arranger avec aucun libraire de la domination de Sa Majesté, [il demande] de pouvoir établir une imprimerie à ses frais, et sous tel nom qu'il trouvera convenir, plutôt que de recourir à des libraires étrangers... » Par une lettre en date du 19 novcmbi'e 1785, Nelis remercie le prince de Kaunitz de l'accueil qu'il a fait au plan de son travail sur l'histoire bclgique, « histoire si étroitement liée avec celle des plus grandes monarchies de l'Europe. » « II n'insisterait pas, dit-il, sur un privilège aux Pays-Bas, si cette ' Selon M. Gacliard, il y a tout lieu de croire que ce prospectus était le Bclyicaritm reriim Prodromus. 312 LIVRE I. — 1781. sorte de privilèges, si souvent contraires en d'autres occasions à l'cco- nomie générale du commerce..., n'étaient pas tout à fait nécessaires dans la librairie, et lorsqu'il s'agit d'une grande et nouvelle entreprise... Indépendamment de la satisfaction principale qu'il ambitionne, de pro- duire au grand jour et de rendre utiles au public une foule de monu- ments concernant l'histoire des Pays-Bas et celle du moyen âge,... tous ses vœux seraient de relever un peu notre imprimerie de cet état de dé- cadence et de langueur où elle est tombée... S'il pouvait craindre quel- que chose, ce serait que son travail ne parût trop vaste,... mais lorsque rétude a été la passion de quelqu'un dès sa jeunesse; lorsqu'on a dirigé vers ce but toutes ses vues, ses travaux et sa fortune, on peut espérer d'aller un peu plus loin que d'autres. La plupart des entreprises, un peu au-dessus du médiocre, ont d'ailleurs toujours été conduites par un seul, et Son Altesse, qui connaît si bien les hommes et la conduite de leurs affaires, sait, mieux que ne l'ont dit Richelieu et Montesquieu, que les épines des compagnies sont ordinairement bien plus propres à retarder qu'à accélérer un travail, et qu'avec beaucoup de pieds on marche comme les insectes. Muratori en Italie, Leibnitz en Allemagne, ont fait plus, eux seuls, pour la gloire de leur pays, que la plupart des Académies ensemble. » Nous rapprocherons de ces lignes le passage suivant du mémoire adressé à Joseph 11. Quoique nous l'ayons déjà donné en partie, nous eroyons utile de le reproduire, en le eomplélant. « On a fait différentes tentatives de nos jours, pour réveiller les presses belgiques de leur léthargie. On a établi, il y a vingt ans, une imprimerie académique et privilégiée à Louvain, on en a établi une à Bruxelles. Le privilège de la première a été donné à l'Université, celui de la seconde à l'Académie des sciences et belles-lettres de Bruxelles. Mais ni l'un ni l'autre de ces établissements n'a prospéré, par un vice attaché à tout ce qui est gouverné par un corps, où l'intérêt particulier et la propriété, qui sont l'âme de toutes les grandes entreprises, manquent de ressort. Aussi, l'imprimerie de Louvain n'a-t-elle pas fait parler un seul instant d'elle, pendant vingt ans qu'elle subsiste; et l'Académie de Bruxelles a été obligée, après une épreuve beaucoup plus courte, de céder son privilège à une autre Société, dont jusqu'ici les succès ne sont pas plus LIVP.E I. 1781. 515 éclatants, et dont les opérations ne promettent pas une plus longue durée. Ce n'est, an un mot, qu'entre les mains des particuliers que cette sorte d'établissements peut prospérer j mais peu de particuliers savent réunir le goût et le discernement nécessaires à la direction d'une imprimerie, avec l'aisance du côté de la fortune, qui n'est pas moins nécessaire pour soutenir de grandes entreprises. « Ces réflexions, chez Nelis, sont caractéristiques. Il avait été à la télé de l'imprimerie de l'Université, et l'un des promoteurs de celle de l'Académie ; il avait poussé à la formation de la Société de gens de lettres, qui devait publier les monuments de l'histoire belgique; dans le comité de l'Académie, il s'était chargé des ouvrages manuscrits de Dinter et de P. h Th) mo : s'il eût payé de sa personne, il aurait peut-être entraîné ses collègues. Ceux-ci avaient d'abord montré un beau zèle, et l'institution du comité historique avait même engagé quelques académiciens à proposer de former un comité |)Our les sciences et Ihistoire naturelle. [Séance du i" février 1781.] Le but principal de ce nouvel établissement devait être de pré- parer les matières et de les proposer. L'abbé Mann s'était chargé de rédiger à cet égard un projet. On fit lecture de son rapport dans l'assemblée du 22 mars 1781; en voici le résumé d'après le protocole : a Le rapporteur observe qu'un pareil établissement serait très con- venable, que quatre ou cinq membres dont il serait composé, pourraient s'appliquer avec fruit à préparer les matières, à les discuter entre eux, afin de les pouvoir soumettre toutes digérées à la décision du corps entier, et d'épargner par là bien des moments qui se perdaient dans les discussions académiques. Que ce comité pourrait pareillement diviser les recherches à faire sur l'histoire naturelle dans les différentes provinces, et assigner, sous agréation de l'Académie, h chaque membre celle qui serait la plus analogue au genre d'étude qu'il a embrassé. Que ce comité pourrait rédiger un corps d'instructions touchant les recherches à faire dans les provinces ; que l'Académie, après l'avoir examiné et approuvé, pourrait charger les membres qui doivent aller examiner sur les lieux 514 LlVr.E I. — 1781. différents objets d'histoire naturelle, etc., de se conformera ces instruc- tions. Qu'ainsi le but du comité n'était autre que de traiter les matières avec moins de confusion et d'apporter la plus grande accélération pos- sible aux opérations académiques. M. le directeur ayant mis cette affaire en délibération, la pluralité des suffrages fît résoudre l'établissement du comité : les membres de la classe physique proposeront incessamment les personnes qui doivent le composer. « C'est tout : le comité ne semble pas avoir été composé, du moins n'en n'est-il plus fait mention dans les protocoles de l'Aca- démie. CHAPITRE XXVIII. La représentation adressée par l'Acadcmie au prince de Starhemberg, au mois d'avril 1781. — La participation de l'Académie aux observations harmoniques de l'Académie de Manheim. — Le 27 juin, elle va complimenter l'empereur Joseph II et le remercier du présent qu'il lui a fait d'une partie des instruments de physique du prince Charles de Lorraine. — Le 2 septembre, elle est informée qu'une somme de 2 000 florins est mise à sa disposition pour acheter des objets d'histoire natu- relle à la vente du Cabinet du prince. — Description de ce Cabinet. — Son inventaire et son évaluation. — Le rapport de l'abbé de W'itry qui avait été chargé des achats. — Il est chargé de l'arrangement du Cabinet de l'Académie. Un autre objet préoccupait la compagnie, objet que plusieurs membres avaient souvent entamé : celui des pensions ou des gratifications à tirer des épargnes en faveur de quelques acadé- miciens. « Les sentiments étaient partagés sur l'usage qu'on pourrait faire de ces épargnes. Quelques-uns croyaient que dans la disette totale où l'on était de tout ce qui peut contribuer aux progrès des sciences, on devait les employer à l'achat de plusieurs instruments de physique et d'aslro- LiVHE I. 1781. 515 numie, d'autres y ajoutaient une collection de pièces servant à Tliistoire naturelle, d'autres une collection de médailles, et tous ces sentiments étaient appuyés sur de fortes raisons. Mais la plupart des membres ayant remarque avec M. le président que l'Académie n'ayant ni Cabi- net où Ton put placer ces instruments, ni emplacement pour en former un, ce n'était point le moment de faire des acquisitions de cette espèce, et qu'il fallait attendre jusqu'à ce que le gouvernement eût procuré à l'Académie un logement convenable. Quant aux pensions ou gratifications, elles paraissaient dans les circonstances présentes plus nécessaires que jamais, pour ranimer le zèle de plusieurs membres utiles, qui, ne tirant aucun fruit de leurs travaux, faisaient craindre un refroidissement dont les effets ne pouvaient qu'être pernicieux pour les progrès des lettres. Après une longue délibération, l'on résolut de porter l'affaire à la con- naissance de Son Altesse, et M. le président se cliargea de rédiger le mémoire qu'il convenait de présenter à ce prince. » [Assemblée du Ui février 1781.] Le niénioirc préparé par le chancelier de Brabnnî ftit lu dans rassemblée du ^G avril 1781. Nous le donnons ici tel quil figure au protocole ; « L'Académie ayant considéré dans plusieurs séances son état actuel, et recherché les causes de Tespèce de découragement qui semblait s'em- parer de plusieurs membres, circonstance qui, parmi d'autres mauvais effets, faisait craindre un vide dans les mémoires à publier, elle a résolu unanimement de faire à S. A. le gouverneur général, relativement à ce sujet, la représentation qui suit : « Dans un mémoire adressé à ce prince le 19 novembre 1774-, elle a proposé les moyons qui semblaient les plus propres pour assurer son existence et hâter ses progjès. Ces moyens qui supposaient la réunion des revenus des Bollandisles et du Musacum Bcllarmini à la dotation de rÂcadén)ic, n'ont point été agréés. Dans l'attente qu'ils le seraient, les principaux niembres du corps avaient supplié Son Altesse de vouloir tenir en suspens la distribution de quelques pensions que S. M. venait d'accorder, jusqu'à ce que l'Académie eût fait ses représentations. Son Altesse acquiesça à cette demande, et les pensions ne furent point dis- tribuées. » Maintenant que le motif qui occasionna cette demande ne subsiste 516 LIVHE 1. — 1781. plus, que S. M. a dispose autrement des fonds que Ton envisageait comme suffisant aux pensions, et de plus à rétablissement d'un Observatoire, d'un Cabinet de physique, etc., il est temps de revenir h l'objet des pen- sions, et relativement à celte matière, l'Académie se croit obligée de porter à la connaissance de Son Altesse le véritable état des choses. » Plusieurs membres des plus utiles ne jouissent pas des biens de la fortune, ou s'ils possèdent un petit patrimoine, les besoins de leur famille les empêchent de consacrer aux progrès de leurs éludes un argent revendiqué par des objets plus nécessaires. Ces membres, outre l'hon- neur de concourir aux vues de Sa Majesté, ont toujours envisagé la place qu'ils occupaient, comme un moyen qui devait leur procurer la récompense de leurs travaux; et les promesses qu'on leur a faites ont nourri longtemps celte idée. Rien d'ailleurs ne saurait être plus juste. Sans cette vue, la place d'académicien serait excessivement onéreuse; outre le loisir qu'elle emporte et l'application qu'elle exige, elle occa- sionne des dépenses de plus d'une espèce. Pour faire un bon mémoire. il faut se procurer des livres, quelquefois à un prix considérable; il faut faire des expériences coûteuses; et par-dessus tout cela, les membres qui ne résident pas à Bruxelles, ont encore à fournir aux dépenses des voyages : ceux qui résident ne peuvent que perdre par les fréquentes assemblées un temps qu'ils pourraient utilement employer ailleurs. » La perspective des pensions a soutenu longtemps l'espérance de ces membres. Les nombreux mémoires qu'on lisait autrefois dans les séances académiques prouvent leur aclivilé et leur application. Mais on ne peut se dissimuler que depuis quelque temps on lit peu de mémoires, et que le découragement parait gagner à mesure que la perspective des pensions s'éloigne. « Dans cet état des choses, l'Académie estime qu'il est temps de ral- lumer le zèle ralenti : et pour produire cet effet, elle a l'honneur de proposer à Son Altesse les points suivants : « 1» Il pourrait plaire à ce prince de convenir en pensions de 300 fl. chacune, une somme annuelle de 1 800 florins, prise sur la dotation de l'Académie. » 20 Comme après cette opération le reste des 3 000 florins qu'on reçoit tous les ans, ne peut suffire aux dépenses ordinaires et extraordi- naires, l'Académie supplie Son Altesse de vouloir ordonner que l'on verse dans sa caisse l'augmentation annuelle de I 200 florins, accordée par Sa Majesté de glorieuse mémoire. J.IVRE 1. — 1781. 317 n 5" QuTIIc permette également, dans les années où les voyages littéraires, quelque emplette considérable, ou quelque dépense extraor- dinaire et forte auraient épuisé la somme de la dotation, de prendre le déficit des pensions sur les épargnes de l'Académie, lesquelles supporte- ront aisément celte charge éventuelle. » 4" Que Son Altesse veuille agréer que dans la distribution de ces pensions Ton suive Tordre de Tancienneté, en les donnant aux plus anciens membres qui sont dans le cas d'y aspirer. » 5" Comme il serait j^ossible qu'un membre pensionné ne remplît point l'attente qu'il aurait fait concevoir et qu'il négligeât le travail, si ce cas a jamais lieu, Son Altesse pourrait agréer, dès à présent, que tout académicien jouissant d'une de ces pensions, s'il a laissé écouler l'année, sans présenter au moins un bon mémoire, sa pension sera réservée pour celte année et restera au profit de la caisse. « Tels sont les moyens que l'Académie croit seuls efficaces dans les circonstances présentes. En les proposant à Son Altesse, elle ne peut que supplier ce prince de vouloir les adopter. La septième année s'écoule depuis la dernière représentation que l'Académie a faite au même sujet. « Ce long délai a découragé plusieurs membres. Une résolution favo- rable ne pourra qu'opérer un heureux changement, elle produira dans ces provinces les mêmes effets qu'ont eus des encouragements semblables dans presque toutes les Académies de l'Europe. » Pour l'explication du second point proposé au minisire dans la représenlation ci-dessus, nous rappellerons que la dotation de l'Académie avait été portée à 4 200 florins à partir du i'''" jan- vier 1774, en vertu d'une dépêche de Marie-Thérèse du 2i dé- cembre de l'année précédente : mais les 1 200 florins d'augmen- tation avaient été réservés parle gouvernement, et c'est sur cette somme qu'on avait payé les pensions de l'abbé Needham et du secrétaire Des Roches. La dotation. entière, avec les arrérages, ne fut point payée avant l'année 1785, époque à laquelle on régla définitivement l'affaire des pensions. Dans le mémoire qu'elle avait fait remettre au prince de Slar- liemberg, au mois de novembre 1774', l'Académie avait insisté sur la nécessité de créer pour son usage j)articulier un Observatoire, un Cabinet de physique et un Cabinet d'histoire naturelle. 518 LIVHE I. — 1781. Ses vœux, pour ce qui concernail les Cabincls, de^uieul è(rc exaucés en partie pendant l'année 1781, mais lObscrvatoire dont elle avait réclamé l'ércclion, dès son origine, ne donna pas même lieu à un avant- pi ojet, bien qu'une occasion se présenta d'y re- venir, comme nous allons le voir. La séance du l'^'" mars s'ouvrit par ia lecture du rapport de MM. Needbam, Chevalier et Mann sur les propositions faites par l'Académie de Manheim, relativement aux observations météoro- logi([ucs que cette compagnie voulait recueillir, et pour lesquelles elle offrait de fournir des instruments. « Il résulte de ce rapport, « lit-on dans le protocole, « que le projet de TAcadémie de Manheim était bien conçu, que son exécution ne pou- vait que procurer de grandes lumières sur la physique, et sur cette théorie complète des météores qu'on cherche depuis si longtemps; que toutes les compagnies savantes devaient seconder un dessein si avanta- geux, pour la réussite duquel TAcadémic de Manheim faisait de si - grandes avances. Mais en même temps les rapporteurs remarquent que dans la situation actuelle il serait difficile de faire à Bruxelles toutes les observations qu'on demande, et cola faute d'emplacement, faute d'avoir un Observatoire, des instruments de physique, etc. Comme cependant l'Académie de Manheim demandait une réponse positive, et que rien ne serait plus malhonnête qu'un refus, les rapporteurs propo- sèrent, et l'Académie résolut de répondre qu'elle se ferait un plaisir de concourir au but proposé, que si l'Académie de Manheim voulait envoyer les instruments harmoniques, l'on s'en servirait ici dans toutes les occa- sions possibles, et que sur ces modèles on en ferait d'autres pour les^ communiquer à nombre d'observateurs que l'on tâcherait d'engager aul même travail; que cependant on ne s'obligeait point à faire générale- ment les observations de toute espèce, parce que n'ayant pas encore un Observatoire ou autre place convenable, il y en avait qu'on ne pourrait faire que difficilement. Le secrétaire fut chargé de répondre d'après ces remarques, d'écrire en latin, parce que la lettre de l'Académie étiit en cette langue, et de produire la minute de la réponse dans la prochaine séance. » Cette minute fut présentée par Des Roches, le 22 mars, et l'Aea- LIVRE I 1781. 31î> demie l'ayant approuvée, il fut chargé de l'expédilion de la Ictlre. On lit dans le protocole de la séance du 5 novembre : « Pendant les vacances, rAcadéraie de Manheim avait envoyé les instruments nécessaires aux observations dont il est parlé dans le résul- tat du i" mars. On les avait reçus bien entiers, bien conditionnés; il s'agissait d'en faire usage pour correspondre aux vues de PAcadémie de Manheim. M. le directeur ayant mis cette affaire en délibération, iM. Che- valier lut un rapport détaillé sur les moyens de s'acquitter avec honneur de l'engagement qu'on avait contracté avec l'Académie de 3Ianheim, eu recevant ses instruments. M. Needham ayant offert un endroit convenable de sa maison, que l'on pouvait avec une dépense peu considérable approprier à l'usage qu'on avait en vue, on accepta cette offre, et l'ou résolut de placer -chez lui les instruments en question. MM. Needham, Chevalier et Mann se chargèrent du soin de faire les observations : on les autorisa à faire les dépenses nécessaires, dont M. Chevalier présen- tera un aperçu, et à s'assumer un aide, le tout aux frais de l'Académie. » Après la mort de Tabbc Needliam, survenue six semaines plus tard, le président Crumpipen prit sur lui d'engager Fabbé de Caudenberg a à céder une place convenable dans sa maison pour faire les observations météorologiques qu'on allait commencer dans celle de racadcmicicn défunt. » [Séance du 'iO jan\ier 1782.] Uetournons maintenant en arrière. « Le 27 juin [1781] l'Académie en corps alla complimenter S. 31. l'empereur. [Joseph II était arrivé à Bruxelles le 22 juin, à minuit uu quart.] M. le président qui portait la parole exprima en peu de mots les sentiments de la compagnie, et nommément sa reconnaissance du présent dont ce monarque venait de la gratifier, consistant en une partie des instruments de physique du feu duc Charles de Lorraine. S. M. après avoir demandé les noms de tous les membres, et s'être informée du nombre des séances qui se te^iaicnt dans le courant de l'année, eut la bonté de dire qu'Elle était bien aise que ce présent eût fait plaisir à l'Académie, qu'Elle y ajouterait une partie du Cabinet d'histoire naturelle de feu S. A. R. et les livres d'histoire belgique dont l'Académie pourrait avoir besoin. Quelques jours après, comme S. 31. O20 LIVHE 1. — 1781. allait voir la Bibliothèque, Elle voulut bien réitérer celte promesse à MM. De Marci, Chevalier et Gérard, qui s'y trouvaient en ce moment. » Le 14 septembre, le prince de Starhemberg, qui, après l'arrivée des nouveaux gouverneurs généraux à Bruxelles [le 10 juillet], avait repris ses fonctions de ministre plénipotentiaire, adressa la lettre suivante au chancelier de Brabant : « 3Ionsieur^ l'empereur a daigné, sur mon très humble rapport accorder aussi à l'Académie quelque portion des effets du Cabinet d'histoire naturelle de feu S. A. R., mais comme au moment oîi S. M. a pris cette résolution, le catalogue était déjà imprimé et sur le point d'être distribué, il a été jugé que pour concilier la faveur que S. M. a bien voulu accorder à l'Académie avec le succès de la vente, et pour ne pas manquer au public en soustrayant des effets qui auraient été annoncés, le meilleur serait de fixer une somme au moyen de laquelle on pourrait acheter pour l'Académie les effets qu'elle jugerait lui convenir le mieux: en conséquence S. M. m'a permis de déterminer à cet effet une somme de 2 000 ff., et en vous en faisant part, je ne puis, sur le moyen d'employer cette somme utilement pour l'Académie, que m'en remettre à vos soins et à ceux de cette compagnie, vous prévenant au reste que M. le chanoine de Wilry en est déjà informé, et que son influence dans les emplettes à faire sera d'autant plus utile qu'il connaît à fond l'état du Cabinet. « J'ajouterai au surplus que S. M. destine la même faveur à l'Univer- sité, d'où vous reconnaîtrez facilement, monsieur, combien il importe que l'Académie s'entende avec M. le président Thysbaerf, afin de prévenir entre les deux corps une concurrence sur les mêmes objets, qui deviendrait nuisible à l'un et à l'autre. »> Cette dépêche fut communiquée par Crumpipen à l'Académie, dans la séance du 2 octobre, la première après les vacances. < M. le président proposa de confier à M. de Witry le choix des articles qu'on achèterait de préférence et l'emploi de la somme en ques- tion. Toute l'assemblée adopta cet avis, et iM. de Witry se chargea de la commission » L'abbé d'Everlangc de Witry, on le sait, avait été attaché pen- dant l'espace de dix-sept à dix-huit ans au prince Charles de LIVRE I. — '781. 321 Lorraine. Il résidait déjà à Bruxelles en 1745, et par conséquent il avait vu commencer les Cabinets du gouverneur général, dont la formation ne remontait pas au delà de l'année 1752. Il avait été mis à leur léte, et même, selon l'abbé Needham, c'est lui qui les avait formés sous les ordres du prince. On trouve une description du Cabinet dbistoire naturelle du prince Charles, dans la troisième édition de la Conchyologie de d'Argenville, considérablement augmentée par MM. de Favanne de 3Iontcervclle, père et fils, publiée à Paris chez Debure en 1780, tome I, pp. ôi28-354. Cette description avait été envoyée de Bruxelles par le direc- teur du Cabinet, M. Maleck de Wcrtlienfcld. « En 1752, dit M. Maleck, [le prince Charles de Lorraine], protecteur éclairé des ails et des sciences, ayant vu, pendant son séjour à Vienne, le Cabinet impérial, résolut à son retour d'en établir un pareil et sur le même plan à Bruxelles; à cet effet il commença à faire des acquisitions à Vienne, et donna commission à des connaisseurs de rassembler en Hollande et en Angleterre, ce qu'ils jugeraient convenable à cet éta- blissement. De retour à Bruxelles, le prince fit mettre en ordre ce Cabinet; mais par les acquisitions consécutives qui raugmenlaient, on fut obligé plusieurs fois de le changer d'emplacement, et ce n'a été qu'en 1770 qu'il a reçu la forme stable qu'on lui voit actuellement. » C'est un bâtiment long de 73 pieds, sa largeur à l'entrée est de 48 pieds et de 26 à l'autre extrémité. Ce plan lui donne une figure théâtrale ou de perspective; des colonnes placées dans le milieu et sur les côtés à certaines distances, le font paraître divisé en trois pièces d'inégale étendue. Le changement du local en ayant occasionné un dans l'arrangement adopté jusqu'alors, on plaça dans la première séparation, qui est en même temps la plus grande, tout ce qui concerne le règne animal et le règne végétal; dans la seconde, les productions du règne minéral; et la troisième fut destinée aux pétrifications, aux ouvrages de l'art et aux bronzes; treize grandes armoires et dix petites sculptées et vitrées, plus de quatre cents tiroirs et des gradins en pyramides, servent à loger les productions de la nature et de l'art qui composent ce Cabi- net... » ... Ce Cabinet est aussi décoré de divers ouvrages de l'art, tant Tome XXXIV. 21 522 LIVRE 1. — 1781. anciens que modernes, comme de vases, de coupes, de tasses, de taba- tières de pierre, de marbre, d'agates, de calcédoine et de cristal de roche, garnis en or, en argent et en bronze doré; de couteaux, d'armures anciennes et modernes, de quelques bronzes ou dieux pénates, d'urnes et de lampes antiques posés sur des gradins. S. A. a acquis en il^i le bureau de la reine Christine de Suède, pour la somme de 100 000 fl., argent de Brabant : ce bureau, construit de bois des Indes, est couvert de plaques d'argent et incrusté de pierres gravées, de camées et de pierres précieuses. Les tiroirs contenaient une belle suite de pierres et de camées antiques, que l'on a placées sur un gradin à tablettes au pied du bureau. — On y voit aussi les instruments et les outils en petit de tous les mé- tiers connus, ainsi que ceux de quelques manufactures et fabriques. Chaque métier est désigné par une petite caisse séparée en forme d'ate- lier, où sont déposés les outils propres à chacun en particulier, et toutes les caisses, rangées par ordre, sont adaptées dans deux pyramides tournantes sur un pivot et que l'on peut baisser à volonté. II est à remar- quer que cette collection des arts et métiers a été faite à Bruxelles en 1755, par des ouvriers de la même ville. i> Son Altesse possède aussi un très beau Cabinet de tableaux de presque toutes les écoles; un Cabinet de physique des plus complets; une Bibliothèque où il y a une collection de médailles antiques en tous mé- taux, digne de l'attention des curieux; une collection de porcelaines de la Chine et du Japon, tant anciennes que modernes; une suite de différentes porcelaines de l'Europe ; ainsi que des laques qui garnissent une chambre, dont peut-être on aurait de la peine à rencontrer la pareille dans toute l'Europe... » Nous avons dit précédemment que le Cabinet du prince Charles avait été évalué par de Launay à la somme de 199 7G1 fl. 16 s. arg' cour'. Le rapport que cet académicien adressa le 22 septem- bre 1780, au ministre plénipotentiaire, nous apprend qu'il avait fait l'inventaire du Cabinet à l'intervention des sieurs Maleck père et fils, et son évaluation, de concert avec le sieur Maleck père et le médecin Du Rondeau. D'après de Launay, le bureau de la reine Christine aurait été acheté en 4 751 [et non en 1754] par S. A. R. au nommé de Grick : S. A. R. aurait acquis pour une somme de 150 000 fl. ars,' cour', non-eeulement le bureau, mais en outre LIVRE I. — 1781. ÔZO des médailles, des tableaux, des bronzes, des armes et des curio- sités naturelles. La valeur du bureau pouvait monter à une somme de 91 9-22 fl. arg^cour'. Le catalogue du Cabinet parut en 1781 cbez Lemaire, impri- meur-libraire, rue de la Magdelaine à Bruxelles, sous le titre : Catalogue tant du Cabinet d'hisloire naturelle, que de diverses raretés de feue S. A. R. le duc Charles-Alexandre de Lorraine et de Bar, grand-maitre de l'ordre teutoniqney et gouverneur général des Pays-Bas, etc., etc. Dont on fera la vente à Bruxelles, le 15 octobre 1781 et jours suivants, en argent de change, au magasin du Parc. On commencera le matin à 9 heures, et l'après- midi à trois. — L'exemplaire qui est à la Bibliothèque royale donne les prix fidellemenl copiés d'après ceux du bâtonnier de Bruxelles. La vente du Cabinet, comme on vient de le voir, devait se faire en argent de change. On en conclut, à l'Académie, que les 2 000 11. accordés par l'empereur pour les acquisitions, étnient aussi des florins de change. Dans le cas contraire, on résolut de payer le surplus de la somme sur les épargnes. Il fut décidé, dans la séance du 19 octobre, qu'il en serait écrit au ministre jdénipotenliaire, et qu'on demanderait en même temps la permis- sion de disposer sur les épargnes, d'une somme de 500 fl. que M. de Witry jugeait nécessaire pour placer convenablement les emplettes et les mettre à l'abri de l'humidité et des autres causes de détérioration. Oans la séance du 5 novembre : « M. de Witry rendit compte de ses opérations à la vente du Cabinet d'histoire naturelle de feu S. A. R. A cet effet il lut un grand rapport dont la substance se réduit aux points suivants : \° Que lAcadémie a acquis à un prix bien modique des morceaux distingués que Ton trouve difficilement dans les plus riches Cabinets, morceaux dont les plus intéressants sont spécifiés dans le rapport. 2" Que la somme totale des emplettes monte à * argent de change, o» Pour mettre ^ Le ctiilTre est en blanc. ôM't LIVHF I. — i7M. l'ordre et rarrangemcnt dans la collection acquise, M. de Witry s'offre à demeurer à Bruxelles jusqu'à la prochaine séance, et plus longtemps s'il le faut, et de s'y rendre dans la suite plus fréquemment. De plus il destine à ce nouveau Cabinet tous les doubles en histoire naturelle qu'il possède dans le sien. 4" il instruira le concierge de l'Académie à entre- tenir en bon état et à manœuvrer les instruments de physique, afin que les académiciens puissent s'en servir dans les occurrences. 5» Il informa l'Académie que la nouvelle collection venait d'être augmentée de plu- sieurs articles consistant en instruments de physique, antiquités et objets d'histoire naturelle, que M. Gérard avait remis ensuite d'un ordre du gouvernement. 6° Il propose enfin d'enrichir à peu de frais le Cabinet de l'Académie, au moyen d'un ordre qu'il pourrait plaire au gouvernement d'adresser à tous les chefs des minières, afin qu'ils envoient des échantillons des diverses mines qu'ils font exploiter. >> Tel est en substance le rapport de M. de Witry. L'Académie ap- prouva les opérations qu'il avait faites; elle accepta ses offres et lui en témoigna sa satisfaction. » CHAPITRE XXIX. Rapiiort de M. de Witry sur l'état du Cabinet de physique et d'histoire naturelle de l'Académie. — Proposition de Burtin de vendre son Cabinet d'histoire naturelle au gouvernement et d'établir une leçon publique de cette science. — Quelques détails sur les Cabinets existants dans les Pays-Bas autrichiens. — Note sur la proposition de Burtin. Ce qui suit est extrait du protocole de la séance du 20 no>em- bre 1781. « M. de Witry qui dans la séance précédente avait rendu compte de ses opérations à la vente du cabinet de S. A. R., lut en celle-ci un nou- veau rapport sur les arrangements déjà pris et à prendre relativement au nouveau Cabinet de physique et d'histoire naturelle que l'Académie venait d'acquérir. On a cru devoir insérer ici ce rapport tout entier. LIVUK i. I-8i. 523 « Ensuite (le la confiance 'dont, messieurs, vous avez bien voulu m'honorcr, j'ai fait mettre en état quel(|ues-uns des instruments de l'usage le plus général, tels que les pompes pneumatiques, les machines d'électricité, les microscopes et autres pièces courantes, lesquelles sont actuellement en état de servir aux usages que Ton en doit attendre; Ton pourra ensuite faire réparer les machines démontrant les principes de mécanique tant pour le choc des corps que pour le mouvement cenlii- pète et centrifuge, besogne que Ton pourra faire peu à peu pour ne pas trop épuiser les fonds de TAcadémie. Quant à moi, j'ai commencé par le plus pressé, par faire arranger tous les tiroirs que nous avons acquis à la vente [du prince Charles], de manière à loger tous les objets dans leur classe, tant ceux de la mer que de la terre. La partie des mines qui est très belle et nombreuse est déjà totalement arrangée, tant dans les armoires que dans les tiroirs, depuis les marcassites, les demi-métaux de suite jus- qu'à l'or inclusivement; autant en peut-on dire des pierres, marbres, pierres fines, cristaux, ainsi que des pétrifications, insectes, gommes, résines et tous les divers objets de la mer. « Reste à faire un catalogue raisonné de tous ces mêmes objets, lequel demeurant sur le bureau du Cabinet, indique sur-le-champ les pièces (jue l'on veut examiner, et surtout celles qui peu ou nullement connues peuvent fournir matière à d'utiles mémoires. Je n'ai pu jusqu'ici, faute de temps suffisant, dresser qu'une minute de ce catalogue auquel je me propose de donner la dernière main dans le lieu de ma résidence, me promettant à chaque voyage que je ferai assez fréquemment ici de remettre sur le bureau les parties qui seront achevées. » J'oserais donc prier n)es très honorés confrères d'engager M. l'abbé Chevalier à ne confier la clef de ce Cabinet à aucun étranger ou autre personne qui pourrait déplacer les pièces, ce qui rendrait mon arrange- ment nul ou difficile à rétablir, surtout tant que le catalogue n'est pas fini. » Au reste, je chercherai toujours à profiter des lumières de messieurs de la classe physique, et me ferai gloire de suivre leurs vues autant qu'il sera en mon pouvoir; en attendant, pour que messieurs les académiciens sachent en quoi consistent les acquisitions qu'ils viennent de faire à la dernière vente, je remettrai à M. l'abbé Chevalier un des catalogues imprimés ou seront désignés en marge par la lettre a tous les articles acquis pour l'Académie. A l'un de mes premiers voyages je lui remettre un inventaire de tous les instruments de physique que nous avons obte- 52G LIVRE I. — 1781. nus de S. M. par la médiation de notre digne confrère M. le prévôt Marci et de M. le marquis du Chastelcr, de même que celui des effets que nous avons reçus du gouvernement par la voie de M. Gérard, tant en histoire naturelle qu'en physique et en curiosités artificielles dont je donnerai un reçu à M. Gérard avant mon prochain départ. » Il me paraît, messieurs, qu'il conviendra ensuite de l'ouverture que j'ai pris la confiance de vous donner dans mon rapport fait à la dernière séance pour l'accroissement utile de notre Cabinet, de solliciter du gou- vernement pour qu'il adresse un ordre aux chefs des minières d'envoyer à l'Académie des échantillons des diverses mines qu'ils font exploiter dans les provinces belgiques. » Le rapport que l'abbé de VVitry avait fait à la séance du 5 novembre, et dont nous avons donné le résumé d'après le pro- tocole, se trouve dans les archives de l'Académie. Il nous apprend que le sieur iVIaleck père avait dirigé pendant vingt-huit ans le Cabinet du prince Charles sous la surintendance de l'abbé; que les emplettes pour l'Université furent faites à la vente par Du Rondeau; et que les objets remis par Gérard sur l'ordre du gouvernement provenaient des Bibliothèques des ci- devant jésuites. Le Journal des séances, inséré au tome IV des Mémoires, renferme ce qui suit, page xxvi : Séances du 5 et du 20 novembre 1781. « S. M. venait de créer en faveur de son Académie les commencements d'un Cabinet de physique et d'histoire naturelle: ^es arrangements à prendre relativement à cet objet, firent l'occu- pation de la séance du 5. » Disons encore que M. de Witry avait placé ce Cabinet au rez- de-chaussée de la Fîibliothèqtie royale, comme ou l'aura deviné d'après la recommandation faite à l'abbé Chevalier, dont il a été parlé ci-dessus. Dans l'assemblée du 13 février 1781, Ghesquiere avait lu une note raisonnée sur le projet d'acquérir le Cabinet de médailles du prince Charles; mais il ne paraît pas que ce projet ait été discuté : la note avait été remise à Crumpipen, comme président d.' l'Académie; nous ignorons ce (jue celui-ci en a fait. LIVRE 1. — 17SI. 327 La lettre de l'abbé de Wilry que iioas allons donner, nous servira de transition pour arriver à un autre projet connexe à la formation d'un Cabinet d'histoire naturelle. Elle est adressée à l'abbé Needbani et porte la date du 8 décembre 1781 : « Monsieur mon très honoré confrère, » Voilà plus de trente ans que j'ai l'avantage de vous être connu, que je vous suis attaché, et que je vous regarde à juste titre comme mon maître dans cette physique transcendante qui tient à la métaphy- sique, et que je crois que vous avez reconnu au moins en moi quelques notions générales dans la physique pratique et en histoire naturelle, et peu^-ctre quelques vues tendantes à éclaircir Tune et l'autre. C'est en conséquence que feu S. A. R. a cru pouvoir me confier ses Cabinets, et que le gouvernement m'a offert passé vingt ans, chose trop connue, de me tenir présent dans la capitale. Je m'en suis excusé alors; il daigne aujourd'hui me faire la même offre, et je pense comme ci-devant, ne voulant pas changer un état qui me donne une considération réelle contre celui qui ne m'occjsionnerait peut-être que des contradictions; je vous mande ceci, mon cher et ancien ami, pour vous prouver la faus- seté de l'allégué d'une certaine personne qui va, me dit-on, publiant que j'ai écarté ses vues pour m'ancrer à sa place à Bruxelles; cela est si évidemment faux que j'ai proposé moi-même au gouvernement notre confrère Du Rondeau pour tenir la main à notre nouveau Cabinet, comme étant logé au voisinage et comme ayant moins d'âge que moi, mais il s'en excuse aussi par rapport à ses occupations, dont les avantages ne seraient pas compensés par ceux qu'on pourrait lui faire pour prendre soin de ce Cabinet. D'après cette sorte de refus, le gouvernement a la bonté de croire qu'ayant du passé formé ces Cabinets, je dois avoir conservé quelque aptitude à cet égard, et il insiste obligeamment à jeter les yeux sur moi. Cette proposition m'embarrasse d'autant plus que je ne songe nullement à quitter ma résidence. J'ai donc lâché de garder un milieu, je me suis offert à venir plus fréquemment, à tout classer, à faire un catalogue raisonné et enfin, selon mes petites lumières, à mettre ce Cabinet sur un pied aussi respectable qu'utile à l'Académie; mais cela demandera un certain temps, surtout n'étant pas à demeure à Bruxelles. J'ose donc vous prier de suspendre votre jugement sur mes opérations jusqu'à ce qu'elles soient finies, et ne pas donner croyance trop facile à 528 LIVRE I. — 1781. certains critiques inclinés à n'approuver rien de ce que je ferai en ce genre. Je conviendrai aisément avec eux qu'il s'est glissé dans le catalogue de la vente quelques erreurs de nomenclature; mais je les rectifierai dès qu'on m'en laisse le temps. Je me souviens, mon cher et honoré confrère, que vous avez désiré chaudement, lorsque j'ai été reçu académicien par vos bons offices, que je demeurasse à la tète de ces Cabinets, si l'Académie les obtenait. J'acquiesce aujourd'hui en partie aux désirs que vous aviez alors. J'avoue que vous avez placé votre confiance en quelqu'un qui est sans doute plus versé que moi en histoire naturelle, surtout quant à la nomenclature moderne assez arbitraire ; j'avoue que je m'en tiens encore souvent à l'ancienne, qui a bien des savants distingués pour partisans. Quoi qu'il en soit de tout ceci, j'ai aimé par la présente de vous faire connaître de quoi il s'agit, n'ayant pas trouvé le moment de vous en parler de vive voix. D'ailleurs je songe si peu à être à charge à l'Aca- démie, que je me suis, comme vous savez, engagé à enrichir ce Cabinet par pur don de mes doubles^ je ferai même plus si l'on ne me dégoûte pas trop : je pourrai faire dès à présent ce que je me proposais de ne faire qu'après moi, en y donnant mes plus beaux morceaux que j'ose dire être précieux. Tout ce que je demande est d'être indemnisé de quelques frais extraordinaires que j'aurai faits, comme de mes déboursés. Vous voyez aisément que l'intérêt me guide bien moins que l'honneur et l'avantage de l'Académie que j'ai toujours eu si à cœur de voir établie en ce pays; aussi n'est-il rien que je ne fasse pour éteindre les dissen- sions que je ne vois que trop régner parmi plusieurs de nous; j'ose même croire que je suis parvenu à calmer quelques esprits en suivant la méthode que j'ai adoptée dans mon chapitre, dont j'ose me flatter d'avoir gagné la confiance : jugez d'après cela si je songe à le quitter comme l'on peut vous l'avoir dit. Aussi est-ce la moindre de mes pensées de m'établir fixement à Bruxelles. Aller et venir, à la bonne heure, quoique cela ne laissera pas de coûter de l'argent; mais je serai trop paye si je contribue à faire prospérer notre Académie. » Je ne vous ennuyerai pas plus longtemps. Croyez-moi avec l'atta- chement le plus vrai et le plus sincère, etc. » Ln personne, dont il est question dans celte lettre, « qui allait publiant que Witry avait écarté ses vues pour s'ancrer à sa place à Bruxelles; » le quelqu'un, «f à qui Needliam avait accordé sa LIVRE 1. — 1781. 529 confiance, et qui étnit plus versé en histoire naturelle, » ne for- maient sans doute qu'une seule et même personne. Éfait-ce Mnleck ou Burlin? Nous ne saurions le dire. Quoi qu'il en soit, dans la séance du 2 octobre 1781, le prési- dent, après avoir donné lecture de la dépêche du prince de Starhemberg, concernant les 2 000 fl. accordés par l'empereur pour les acquisitions à faire à la vente du prince Charles de Lorraine, fit un second raj)port qui regardait une requête de M. Burlin. « 11 informa l'.Académic que [M. Burtin] avait proposé au gouvernement d'acheter et de rendre public le Cabinet d'his- toire naturelle que possède ce médecin, et d'établir une leçon publique de celte science, dont il se chargerait ainsi que de la direclion du Cabinet, moyennant une pension viagère de 4 000 fl. dont la moitié à tilre de laliénation de son Cabinet. M. le prési- dent ajouta que sur le rapport du conseil privé, S. A. avait envoyé la requête à l'avis de l'Académie, et que pendant les vacances il avait nommé commissaires MM. Needham, de Marci et Du Ron- deau. On fit lecture du rapport du conseil privé et de celui des commissaires nommés par M. le président ', et après une longue délibération, on convint à la pluralité des suffrages d'adresser h S. A. l'avis de l'Académie conçu dans les termes suivants : « L'Académie ayant été chargée de s'expliquer sur robjet d'une requête de W. Burlin tendant à rétablissement d'un Cabinet et d'une leçon publique d'histoire naturelle; après avoir ouï le rapport des trois commissaires (ci-joinl en original) et délibéré sur celle matière en pleine séance, elle a l'honneur de présenter à Son Altesse l'avis suivant. » L'établissement d'un Cabinet public d'histoire naturelle ne peut qu'augmenter le lustre déjà répandu sur la ville de Bruxelles, et faciliter 1 La requête de Burlin, le rapport du conseil privé, ceux des commissaires se trouvent aux archives du royaume de Belgique, secrélairerie d'Fvlal et de guerre : Académies. Needhnm et Marci se prononcent en faveur de Taccepla- tion des propositions de Burlin; leur rapport est de la main de Needham- Du Rondeau rejette la leçon publique, et n'accepte Tacquisilion du Cabinet que pour autant que la dépense n'en soit pas imputée sur bs fonds de l'Académie. Voir la note A à la fin de ce chapitre. 330 LIVlîE I. les recherches cl rétude des naturalistes, d'autant plus que Ton s'aper- çoit visiblement des progrès qu'a faits le goût de cette science, autrefois inconnue dans ces provinces. >^ Quant à l'établissement de la leçon publique, proposée également par M. Burlin, s'il n'était question que de savoir en général, si une pareille leçon ne présente pas à certains égards une perspective avanta- geuse, l'Académie pourrait encore répondre affirmativement ; mais en particularisant la question, en combinant les circonstances, les moyens, les conditions, le lieu et les personnes, elle ne peut s'empêcher de mettre sous les yeux de Son Altesse les considérations suivantes. « 1" Ou la leçon publique et la direction du Cabinet seraient une dépense de l'Académie, ou elles seraient isolées, c'est-à dire renfermées dans la maison de M. Burtin. Dans cette dernière supposition, on doit présumer qu'il y manquerait cet éclat et cet air de décence qui accom- pagne un établissement royal, et qui attire la considération du public. Dans la première, il serait difficile et peut-être impossible de trouver si tôt un emplacement convenable. Au reste en supposant même que le Cabinet et la leçon fussent remis à l'Académie, celle-ci est persuadée que l'intention de Son Altesse ne sera pas de lui faire supporter une partie des frais, auxquels ses fonds et ses épargnes ne pourraient guère suffire, et qui, quand même ils le pourraient, seraient plus utilement employés à des objets plus nécessaires qu'une leçon publique. » 2° A quelle classe de personnes cette leçon serait-elle nécessaire ? Les savants qui voudront s'appliquer à la minéralogie belgique pour- raient avoir besoin du Cabinet, mais on doit présumer qu'ils possèdent déjà les éléments de cette science, et que par conséquent la leçon leur serait inutile. Elle pourrait servir aux jeunes gens qui embrasseraient par goût rétude de l'histoire naturelle; mais en ce cas, il conviendrait plutôt de l'attacher à TUnivcrsilé de Louvain qu'à l'Académie. Nos jeunes gens tandis qu'ils fréquentent les collèges d'humanités, n'ont guère de temps de reste pour s'appliquer avec succès à cette étude; et quand ils sortent de l'Université, ils embrassent d'ordinaire un état qui les en éloigne davantage. Il est donc apparent que cette leçon à Bruxelles serait peu fréquentée. » 5° L'Académie a su par des informations particulières, que les conditions posées par M. Burtin sont au nombre de trois : d" une pension viagère de 800 florins pour l'aliénation de son Cabinet ; 2" pareille pension de 800 florins pour la leçon publique ; o" il se LlVRt I. 551 réserve la direction du Cabinet. Au défaut d'une de ces conditions, au moins des deux premières, il ne paraît point disposé à en céder la propriété. C'est-à-dire que son Cabinet, sans la leçon, ou la leçon y comprise, doit coûter 1600 florins par an, sa vie durant. L'Académie n'oserait, même d'après le rapport des commissaires, évaluer précisé- ment le Cabinet de M. Burtin, à cause que les articles rares ont une valeur extrêmement arbitraire; mais en général, elle ne craint point d'assurer qu'au moyen d'une somme si considérable, il serait possible de se procurer avec le temps, et en faisant des emplettes petit à petit, à mesure que les occasions se présentent, un Cabinet tout autrement riche que celui de M. Burtin. « Tel est le sentiment de l'Académie. Elle a l'honneur de le soumettre sans réserve aux lumières supérieures de Son Altesse. » Le 12 octobre, Starhemberg adressait la lettre suivante au chancelier de Brahant : « Monsieur, sur le compte qui a été rendu du rapport de l'Académie concernant la proposition faite par M Burtin relativement au Cabinet d'histoire naturelle dont il est possesseur, je vous fais la présente, monsieur, pour vous dire que comme il ne serait pas possible de se décider quant à présent sur le projet de l'offre dudit sieur Burtin, il convient que l'Académie prenne ses mesures pour faire fruit à la pro- chaine vente du Cabinet de feu S. A. R. de la somme que S. M. a daigné lui accorder pour des emplettes à y faire. » Voici en quels termes il est parlé du cabinet de iM. Burtin dans la ô""*" édition de la Conchyologie de d'Argenville, dont il a été question précédemment : « La collection de M. Burtin, docteur en médecine à Bruxelles et médecin de la cour, est principalement composée d'une nombreuse suite de coquilles, et d'une immense quantité de fossiles et de pétrifications, dans laquelle on distingue ce que fournissent les environs M. l'abbé Nelis, chanoine et vicaire général de la cathédrale de Tournai, commence à se former un Cabinet relatif à la minéralogie. » L'édition de la Conchyologie d'où nous avons tiré les renseigne- ments qui précèdent, avait paru, comme nous l'avons dit, en 1780. Dans son Oryclographie de Bruxelles, imprimée en 1784, LIVRE I. 1781. ÔÙÙ Burlin donne les « noms des souscripteurs, avec une courte no- tice des Cabinets en leur possession. » On y lit : « M. De Nelis... Né pour les sciences qu'il cultive avec le plus grand succès, ce savant ne pouvait manquer d'être un des premiers à saisir la nécessité de l'étude naturelle, si longtemps ignorée dans nos provinces ; aussi s'est-il formé en peu de temps un très beau Cabinet, qui renferme des productions des différentes parties du globe, mais surtout les fossiles de notre pays... n M. Fawden 5a/id<;^ apothicaire et chimiste. Il s'est formé un Cabinet qui renferme quelques coquilles et quelques insectes, mais qui est parti- culièrement relatif au règne minéral... » M. Seumoy, opticien, receveur de la fondation du Saint-Esprit de N.-D. de la Chapelle. Ce naturaliste, qui mérite toute ma reconnaissance par son empressement à me communiquer les fossiles de nos environs qui manquaient à ma propre collection, était déjà assuré de toute mon estime, pour avoir osé croire le premier entre mes concitoyens, que l'histoire naturelle fût une science utile... » lUirlin cite encore le Cabinet de M. t'Kint, premier lieutenant au service de S. M. 1. et R. ; puis il passe à M. VValckiers de Saint- Amand. Ce dernier « n'a épargné ni soins ni dépenses pour se former un Cabinet de physique qui... sera dans peu d'années le plus beau de lEurope. Jusqu'ici il brille surtout dans la partie relative à l'électricité et dans celle qui regarde les arts: mais ce qui le rend le plus intéressant, c'est une salle très spacieuse, des- tinée uniquement à recevoir les instruments inventés ou corrigés par M. de Saint-Amand lui-même; entre lesquels on distingue une machine électrique d'une construction toute nouvelle, qui a eu l'approbation la j)lus marquée de l'Académie royale de Paris, à laquelle elle a été présentée... » Note A. " Extrait du protocole du conseil privé de S. M. du i2 sep- tembre i78i. » M. de Limpens fit rapport de la requête du médecin Burtin, qui, 00* LIVRE I. 1781. après avoir exposé qii'[il a] employé quinze ans et au delà pour for no cr une rare et riche collection, composée de plus de douze mille morceaux relatifs à l'histoire naturelle, dit qu'il est disposé de faire le sacrifice de cette collection et de donner des leçons publiques sur cette science, moyennant que S. M. daigne lui accorder une pension annuelle qui lui servirait de dédommagement de l'abandon de son Cabinet, et d'hono- raires tant pour la direction qu'il en prendrait, que pour les leçons qu'il donnerait sur cette matière. » Le conseil, chargé d'informer Leurs Altesses royales de son senti- ment, observe qu'une leçon publique sur l'histoire naturelle ne peut être qu'avantageuse, si elle est bien donnée, qu'une collection de tout ce qui a trait à cette science est nécessaire pour l'enseigner avec succès; que l'on ne peut par conséquent que proposer l'établissement d'une pareille leçon, et l'acquisition des pièces y ayant trait comme dignes de l'encouragement que l'on donne en ce pays aux arts et sciences; que si Leurs Altesses royales sont disposées à donner les mains à semblable établissement, il est important 1° de connaître les talents du suppliant relativement à l'histoire naturelle; et 2» de se procurer des apaisements sur l'importance et la valeur des pièces qui composent son Cabinet d'histoire naturelle; que l'on ne peut par conséquent que proposer de charger l'Académie impériale et royale établie en cette ville de se pro- curer les éclaircissements nécessaires sur les objets ci-dessus indiqués, en lui enjoignant de porter le tout à la connaissance des sérénissimes gouverneurs généraux, et de rendre en même temps son avis sur la matière. » La requête ou remontrance de Burtin à Sa Majesté impériale et royale, est conçue en ces termes : « Prosterné aux pieds de Votre Majesté impériale remontre ilérative- ment avec le respect le plus profond F. X. Burtin, membre de la Société royale de médecine de Paris et du Collège de Bruxelles, que, depuis quinze ans et au delà, il s'est fait une étude particulière de l'histoire naturelle, et a formé en même temps une rare et riche collection com- posée de plus de douze mille morceaux qui fixent souvent l'attention des connaisseurs; que, quoiqu'il ait embrassé avec beaucoup de zèle toutes les parties de cette science, il a cependant suivi avec une ardeur plus particulière celle qui regarde la physique souterraine de ces pays, LIVRE 1. 1781. ÔÔO sur laquelle il a acquis des notions qui pourraient être très utiles pour le service de Votre Majesté et comme il n'y a dans ces provinces aucune leçon publique sur une science si nécessaire, ni aucun Cabinet où la jeunesse puisse en prendre les premières notions, tandis que les autres États de Votre Majesté jouissent de ces avantages, le remontrant prend la respectueuse liberté de s'offrir à faire au bien public le sacrifice de son Cabinet, dans l'espoir que Votre Majesté impériale daignerait le dédommager en quelque façon de la perte des fonds qu'il a employés à l'acquérir, par une pension annuelle, qui lui servirait en même temps d'honoraires pour la direction du Cabinet, et pour la leçon qu'il y donnerait sur celte matière. » C'est la grâce, etc., etc. » Rapporl. de trois commissaires de IWcadéniie impériale et roijale des sciences et fjelles-lettres relativement à la jtersonne et au Cabinet d'histoire naturelle du médecin Burtin. [Ce rapport tout entier de la main de Needliam, est signé : a Tabbé Necdliara un des trois commissaires. — L'abbé Marci prévôt de Saint- Pierre à Louvain. » Le troisième commissaire, Du Rondeau, fit un rapport séparé.] « En conformité des ordres de Leurs Altesses royales, nous nous sommes rendus chez le médecin Burtin pour prendre inspection de son Cabinet d'histoire naturelle. Nous sommes obligés d'avouer, que quoique nous en eussions déjà une idée très avantageuse, il a surpassé notre attente non-seulement par la multitude d'objets qu'il renferme, mais surtout par le nombre des morceaux intéressants, et de la plus grande rareté, qui s'y font remarquer. « Il contient assurément au delà de douze raille pièces, dont environ cinq mille pétrifications, noyaux, empreintes et fossiles; à peu près quatre mille coquilles, oursins, étoiles de mer, coraux, madrépores, millepores,rétépores,fongines, astroites, lithophytes, corallines, et autres productions de mer ; autour de trois mille Ininéraux, cristallisations, pierres fines, et autres parties appartenantes à la minéralogie propre- ment dite : outre tout cela il s'y trouve des semences, fruits, et autres parties intéressantes de végétaux exotiques; des parties détachées remar- quables d'animaux, comme têtes, cornes, mâchoires, dents, bézoards, etc., 35G LivHt: I. — 1781. et une caisse de matière médicale, ou collection des objets d'usage en pharmacie. Il faut joindre à tout ceci un magasin très considérable d'objets doubles destinés à faire des échanges... » Pour procéder à la taxation, voici comment nous nous y sommes pris; nous avons d'abord fait abstraction des pièces rares, et nous avons taxé le tout, comme s'il ne contenait que des morceaux ordinaires, de la manière suivante : >» Les pétrifications à dix sols la pièce font fl. 2 500 » Les coquilles, qui sont toutes de la plus belle conservation, à un florin la pièce font 4 000 » Les minéraux et pierres à deux florins la pièce font ... G 000 Ensemble. . . H. d2 500 « Ce qui revient à peu près à mille louis d'or; et pour tous les objets rares réunis mille autres louis d'or, ce qui fait ensemble autour de deux mille louis d'or... Après cette évaluation, nous n'avons pas pu nous em- pêcher de témoigner notre surprise en apprenant que le suppliant ne demandait pour tout dédommagement que la modique somme annuelle, sa vie durant, de huit cents tlorins, ce qui fait environ trois pour cent de son argent, outre les huit cents florins qu'il exige pour ses leçons et sa direction : à la vérité notre élonnement est diminué en partie, après qu'il nous a appris que sa collection lui est venue pour la plupart par ses propres recherches, par ses correspondances très étendues, et par les échanges avantageux qu'il a faits pendant quatorze à quinze ans qu'il s'était occupé de cet objet, ne négligeant aucune occasion de profiter pour enrichir son Cabinet de ses connaissances... » Nous ne pouvons donc que hautement approuver un projet si utile au pays, et si désintéressé de sa part, en le recommandant avec empres- sement à Leurs Altesses royales, d'autant plus que l'histoire naturelle étant la base de plusieurs arts et sciences, une leçon publique sur cette science nous paraît d'une nécessité indispensable. Rien d'ailleurs nous semble plus fait pour perfectionner, en l'étendant, le plan nouveau, si bien conçu, de l'éducation de la jeunesse... » Nous ajouterons h ceci que, s'il est un pays où l'étude de l'histoire naturelle est indispensable, c'est sans doute celui-ci où l'ignorance sur cette partie est poussée à un point qui est presque incroyable, et qui est LIVUE I. — 1781. 337 très préjudiciable à TÉtat, et au bien public, vu que tout conspire à per- suader que ces provinces possèdent de très bonnes mines de fer, de plomb, d'argent, de cuivre... » Nous croyons donc qu'aucun motif d'économie ne peut contre- balancer les grands avantages, qui résulteront de l'exécution de ce projet... » Quant aux capacités personnelles du suppliant, autre recberchc qui nous a été recommandée par Leurs Altesses royales, voici ce que l'abbé Needham, un des trois commissaires, a appris sur cet objet... Il a rem- porté dans toutes ses classes tous les premiers prix... 11 était premier en dialectique, le premier de son collège en pbilosophie, quoique seulement le sixième de la première ligne au concours général de l'Université. Il a rempli , ce qui ne se voit guère, deux fois la place de Fisc et doyen en médecine avec beaucoup de distinction ; depuis il s'est acquis une très bonne réputation ici, de même que chez les étrangers, en médecine, comme ses consultations journalières et sa pratique assez étendue le prouvent. Mais ce qui l'a fait valoir le plus chez les savants étrangers, et ce qui vient plus directement à notre objet, sont les connaissances quil a acquises en histoire naturelle. Outre les langues ordinaires, il possède l'anglais, l'italien, et l'allemand, langue très essentielle dans l'élude de la minéralogie. Il s'est formé de plus la Bibliothèque la plus complète en médecine et en histoire naturelle, qui existe dans ce pays. Quant à ses connaissances en physique et histoire naturelle, on peut consulter le rapport de l'Académie sur le mémoire qui lui a été présenté de sa part, et le catalogue raisonné de ses minéraux, qu'il a commencé. D'ailleurs la Société royale de médecine de Paris, sans qu'il l'ait sollicité, lui a envoyé ses patentes proprio mo(u, comme un de ses membres. » 11 est en même temps en correspondance avec [plusieurs] des pre- miers naturalistes tant de l'Europe que de l'Amérique. » En un mot, sa collection même, la justesse des classifications, et la manière lumineuse et instructive avec laquelle il traite en discourant les différents objets de son Cabinet, sont une preuve suffisante de sa capacité à donner dts leçons publiques avec beaucoup de fruit sur l'histoire naturelle. » TojiE XXXIV. 22 358 LIVRE I. 1781. CHAPITRE XXX. Les concours ordinaire et extraordinaires de 1781. — Le compte rendu par de Launay de la gestion des fonds de l'Académie, du i*'^ janvier 4781 au 31 juillet de la même année.— Le comte de Fraula est nommé trésorier et remplacé comme directeur par le marquis du Chasteler. — Lettre du prince de Slarhemberg relative au placement des épargnes de l'Académie. — Les attaques dirigées contre l'Acadé- mie et principalement contre le marquis du Chasteler. — Le mémoire de ce dernier sur l'étude de la langue grecque. Le jugement des concours restait toujours la grande affaire de l'Académie. Dès le mois de mai 1781, elle eut à s'occuper des éloges de Viglius présentés au nouveau concours dont le terme avait été fixé au 1" avril précédent. On se rappellera que le prix n'avait j)as été décerjié en 1780 : il ne le fut pas encore cette fois-ci, et l'on résolut d'employer à la discussion d'une question historique les vingt-cinq ducats que le chancelier de Brabant avait destinés à ce concours particulier. Le 2 octobre, on procéda à l'examen des mémoires présentés au concours ordinaire de l'année, o examen le plus laborieux qu'il y eût eu depuis l'érection de l'Académie, n'étant jamais arrivé qu'on eût publié des programmes sur sept questions différentes. » Sur la question : « Inscrire dans une figure donnée, le plus grand nombre de fois possible, une autre figure plus petite, i)a- reillement donnée, > on avait reçu quatre mémoires, deux latins, un flamand et un français. Aucun ne fut jugé digne du prix. Le prix de la question sur l'origine et la généalogie des comtes et ducs de Llmbourg, etc., fut décerné à M. Le Paige, curé de Laerne. M. D'IIoop, conseiller pensionnaire d'Alost, remporta deux médailles : l'une pour avoir donné en latin la notice des manu- scrits relatifs à l'histoire des Pays-Bas autrichiens, composés avant l'ajinée 1400; l'autre pour son mémoire flamand sur la question : « Quelle a été l'origine des compagnies connues dans les villes de Brabant sous le nom de Serments ou de Gilden? 4 LIVRE I. 1781. 339 Quels étaient les devoirs et les privilèges de ceux qui les compo- saient? Quelles sont les expéditions militaires où ces compagnies ont assisté? » Mais quant à cette dernière question, « l'Académie avait reconnu dans un autre mémoire un égal degré de mérite, et l'avait jugé également digne de remporter la palme. Dans cette circonstance, elle résolut de couronner ces deux auteurs, en employant aux frais d'une seconde médaille d'or, les vingt-cinq ducats destinés par un citoyen anonyme [Crumpipen] au prix d'un éloge de Viglius, que l'Académie n'avait pu adjuger; arran- gement qui fut agréé par ce citoyen. L'auteur de ce second mémoire était M. Verhoeven, secrétaire perpétuel de î'Académic des beaux-arts à Malincs. » Telle est la mention faite dans le Journal des séances. Dans le protocole de la séance du 19 octobre, on lit à propos du mémoire de Verboeven : « [Ce mémoire] ren- fermait beaucoup plus de recbercbes historiques [que celui de M. D'Hoop], quoique son excessive longueur, ses bors-d'œuvre, et le défaut d'ordre et de liaison le rendissent inférieur. » Une quatrième question concernait l'état des lettres aux Pays- Bas, depuis le siècle de Cbarlemagne inclusivement, jusqu'à la naissance de Charles-Quint. Deux concurrents s'étaient pré- sentés. M. Pluvier, professeur au collège royal d'AIost, remporta le prix : son mémoire était écrit « en beau flamand. » L'accessit fut adjugé à Dom Jérôme André, religieux et procureur de l'abbaye de Saint-Hubert, « qui eût été couronné, sans doute, si la suite de son mémoire [écrit en français] avait répondu à la manière distinguée dont l'auteur avait traité l'époque de la renaissance des lettres sous Charlemagne. » En dehors des questions qu'elle avait proposées elle-même en 1779, l'Académie eut encore à juger deux concours ouverts, l'un par le marquis du Chasteler, l'autre par la châlellenie d'Aude- narde. Le marquis du Chasteler avait demandé un éloge de feu le prince Charles de Lorraine. Six concurrents s'étaient mis sur les rangs : l'Académie adjugea le prix à M. Lesbroussart, professeur de rhétorique au collège royal de Gand. « Ce n'est pas », lit-on dans le protocole, a que cet éloge eût paru satisfaisant à tous 340 LIVRE I. 1781. égards; mais du moins il l'emportait de beaucoup sur tous les autres, et les défauts observés par les rapporteurs n'étaient pas en fort grand nombre. Au reste il fut déclaré que l'impression ne regardait point l'Académie. » Le marquis du Cbasteler avait proposé cette question sous le voile de l'anonyme : il ne se fit connaître que dans la séance du i9 octobre où le jugement fut prononcé. La cbâlellenie d'Audcnarde avait promis un prix extraordi- naire de 500 florins à celui qui parviendrait à trouver la cause du dépérissement des patates dans ladite châtelienie, et qui indi- querait les moyens d'y remédier. Le mot patates effaroucha le secrétaire d'État et de guerre, H. de Crumpipen : il pria Des Roches « de voir si dans le bon langage il ne faudrait pas un autre mot que patates, ou si au moins il ne faudrait pas ajouter: ou pommes de terre. » Des Roches s'empressa de faire droit à cette observation, en substituant au mot trivial de patates le mot plus noble de pommes de terre. Le prix fut remporté par M. Van Bavegem, demeurant à Baesrode. Neuf mémoires avaient été reçus par l'Académie. Dans la séance du 6 décembre 1781, « il fut résolu que l'Aca- démie ne ferait imprimer aucun des mémoires qu'elle avait cou- ronnés dans le mois d'octobre; qu'il serait permis aux auteurs de les publier à leurs frais, comme à leur bénéfice, moyennant les retranchements que les commissaires avaient jugés nécessaires ; qu'il serait permis pareillement à M. Verhoeven de faire impri- mer son mémoire sur la pèche, qui avait remporté le prix en 1780; et que MM. Du Rondeau et Mann examineraient de nou- veau, s'il convenait de supprimer le supplément de ce dernier mémoire. » Cette suppression fut décidée dans la séance du 20 décembre. L'Académie allait être privée pendant près de cinq ans d'un de ses membres les plus distingués. La dernière séance à laquelle de Launay assista fut celle du 18 mai \7S\, et il ne figure plus sur les listes de présence avant le G février i786. De Launay avait été nommé de l'Académie, le 14 octobre 1776. Il était à celle époque avocat au conseil de Brabanl, et ne devait LIVRE F. 1781. 341 pas tarder à entrer dans les fonctions publiques. Après avoir rempli les fonctions d'olïicial à la secrétaircrie d'État et de guerre, où il avait été chargé de l'administration des Gastos secretos, il s'était vu appelé à Vienne par une résolution de l'Empereur, du II avril 1781, pour y être employé à son service, et ne revint aux Pays-Bas qu'en 1786, avec le titre de secrétaire, qui lui avait été accordé par lettres patentes du 9 janvier de cette année. Avant de partir pour Vienne, de Launay avait eu à rendre compte de la gestion des fonds de l'Académie, dont il avait é\é chargé par un décret du prince de Starhemberg du 24 novembre 1780, ainsi qu'on Ta dit précédemment. L'audition du compte se fit le 5 août 1781 par-devant messire Ange-Charles de Limpens, conseiller du conseil des domaines et finances de S. M., en présence du chancelier Crumpipen et de MM. Gérard et comte de Fraula, président et membres délégués de l'Académie. La gestion comprenait sept mois, depuis le l^"" janvier 1781 jus- (pi'uu 51 juillet suivant. Voici les détails du compte : Recette. FL. s. D. Chapitre premier. Reliquat du compte de Des Roches . 507 0 8 Chapitre second. Refournissement des sommes avancées à la ci-devant imprimerie académique 10 927 17 0 [Les fl. 10 927-17-0 renseignes comprennent fl. 284-14-0 pour intérêts : déduction faite de ces in- térêts, il reste fl. 10 645-5-0, savoir : 4 868 fl. payés à la caisse de l'imprimerie, 5 775 fl. avancés pour achat de papier. Les 5 s. sont perdus. Chapitre troisième. Dotation de l'Académie, du 12 jan- vier 1780 au 51 décembre, soit onze mois et vingt jours, à concurrence de 5 000 fl. arg' cour» par an . 2 909 11 11 [Au moyen de ce payement partiel, le payement annuel de 5 000 fl. se trouvait ramené pour l'avenir à l'année naturelle allant du l^*" janvier au 51 dé- cembre, conformément à un décret adressé au conseil des finances sous la date du 2 janvier 1781.] Total de la recette. ... 14 544 9 7 342 LIVRE I. — nst. DÉPENSES. FL. S. D. Chapitre premier. Payement des frais de bureau de l'Aca- démie, emplettes faites pour la Bibliothèque publique. 589 db 4 [Payé à des Roches : frais de bureau et chauffage, du 1" janvier 1781 au 30 juin inclus, fl. 81 19 0 — Gratifie, au concierge et à l'official. . 69 6 0 — Appointements de l'official (1" janv.- 30 juin) 63 0 0 Payé à l'abbé Chevalier : achat de livres et de deux manuscrits, autorise par Starhemberg 166 I 1 Payé à l'abbé Needham : Pour frais de quelques expériences de physique, rela- tives à deux mémoires qu'il a lus à l'Académie] 990 Chapitre second. Jetons académiques 1 666 1 10 [Payé au directeur de l'hôtel de la monnaie Woulcrs, pour prix de 600 jetons académiq. fl. 1 223 5 7 — Payé au gravure général Van Berckel : « pour vingt médailles d'argent et vingt médailles de cuivre, frappées à roccasion [de la pose de] la première pierre du nouvel hôtel de la chan- cellerie de Brabant ; ... ces médailles ont été distribuées dans une des séan- ces de l'Académie au lieu de jetons académiques. » . 45 10 0 — Payé à des académiciens pour 195 je- tons qui ont été remis au secrétaire perpétuel; à raison de 2 £1. et 3 liards (9 deniers) la pièce] 397 6 3 Chapitre troisième. Payement de gratifications accordées à quelques membres de l'Académie 560 0 0 [Payé à M. Du Rondeau fl. 280 0 0 Idem à M. de Hesdin] 280 0 0 Total DES DÉPENSES. . . . 2 615 16 11 LIVRE I. 1781. 343 La gratification de cent ccus accordée à Du Rondeau était la suite d'une résolution prise par l'Académie dans sa séance du \S mai 1780. En transmettant cette résolution au ministre pour avoir son agrément, Crumpipen avait demandé une gratification semblable pour de Hesdin, dont il n'avait pas été question à l'Aca- démie. Le chancelier ayant déclaré par écrit que le reliquat de H 728 fl. 12 s. 8 d. était entre ses mains, Limpens clôtura le compte. Le 4 août, Crumpipen fit parvenir au ministre la note sui- vante: « M. de Launay, membre et trésorier de l'Académie, étant à la veille de quitter ce pays, pour aller résider fixement à Vienne, où il est appelé par l'empereur, il a rendu hier à M. le conseiller du conseil des finances de Limpens, à mon intervention, et en présence des deux commissaires nommes par l'Académie, un compte en règle de l'administration, qu'il a eue, de la caisse de celle-ci, depuis le l*''" janvier de cette année jusques et y compris le 31 de juillet dernier, c'est-à-dire, pour un terme de sept mois. » M. de Limpens aura l'honneur de porter, en temps et lieu, le résultat de ce compte à la connaissance de S. A. En attendant je crois qu'il est de mon devoir de Lui observer 1° que M. de Launay, depuis qu'il est de l'Académie, n'a reçu aucune gratification, quoiqu'à tous égards, il en ait mérité une par le zèle et le succès, avec lesquels il a rempli la place d'académicien; 2o que, vu réioignemcnt de son domicile futur, ne pouvant plus être rangé que dans la classe des membres étran- gers, il perd nécessairement le droit et Tespoir d'obtenir une gratification à l'avenir Dans ces circonstances, je ne puis que soumettre à la consi- dération de S. A. de m'autoriser à faire payer audit sieur de Launay, à titre de gratification, une somme de cent couronnes, faisant fl. 315, que bien assurément j'aurais proposé de lui accorder à la première occasion, qui s'en serait présentée, et qui servira à le dédommager des dépenses qu'il a dû faire, comme la plupart des académiciens, en achat de livres, absolument nécessaires, lorsqu'on se livre, avec quelque ardeur, à des travaux littéraires. » Au surplus, l'Académie, dans sa première assemblée, délibérera sur 544 LIVRE I. — 1781. la nomination de trois sujets, à présenter à S. A. pour le choix d'un nouveau trésorier; la caisse de l'Académie qui est déposée chez moi, et dont je suis responsable, n'étant exposée à aucun risque pendant cet intervalle. » On lit en marge de celte note, à la date du 6 août : « S. A. le prince de Starhemberg a agréé la proposition faite en faveur du sieur Launay, et le chancelier a été chargé de faire pourvoir au payement de la gratification proposée. » Nous donnerons dans le cliapitre XXXIV la lettre d'assentiment du ministre, et la protestation des commissaires de l'Académie contre la gratification accordée à de Launay, sans que la compa- gnie eût été consultée. Oii lit dans le protocole de la séance du \9 octobre 1781 : « Le départ de M. de Launay ayant laissé vacante la place de trésorier de l'Académie, place qu'il convient de remplir incessamment, cette compagnie, conformément à la marche établie par la lettre de S. A. du 23 novembre i780, a l'honneur de proposer à ce prince trois sujets dans le nombre desquels il pourrait lui plaire de choisir un nouveau trésorier, savoir: en premier lieu, M. le comte de Fraula; en second lieu, M. Gérard; en troisième, M. de Hesdin. » D'après les comptes rendus dernièrement par iM. de Launay, ancien trésorier de l'Académie, il se trouve un fonds de caisse de plus de \{ 000 florins, capital qui en attendant les dispositions de S. A. sur l'extrait de protocole du 26 avril 178i relativement aux pensions, reste infructueux. Comme il ne faudra pas une somme bien forte pour subvenir aux besoins ordinaires jusqu'à l'échéance de la dotation de cette année, il a été résolu à la pluralité des suffrages, de placer pour le terme d'un an la somme de 10 000 florins, à trois pour cent argent pour argent, sauf à continuer après le terme cet emploi en tout ou en partie, selon que les circonstances l'exigeront. M. le président, sur la réquisition de l'Académie, s'est chargé de placer cet argent avec toute la sûreté requise, d'en faire conster et d'en remettre l'acte entre les mains du trésorier, quand celui-ci sera nommé. LIVRE I. — 1781. 545 » En conséquence l'Académie a cru devoir porter cette résolution qu'elle a prise, à la connaissance de S. A. » Le () décembre, le chancelier fit connaître que le ministre avait nommé trésorier le comte de Fraula. II donna ensuite lecture d'une lettre du prince du Starhem- berg, en date du 2G novembre, relative au placement des épar- gnes de l'Académie : « Messieurs, disait cette lettre ', M. le président de l'Académie ayant porté à ma connaissance, que vous souhaiteriez placer à intérêt pour le terme d'un an une somme de iO 000 florins, argent courant de Brabant, provenue de vos épargnes, je vous fais la présente pour vous dire que j'agrée l'arrangement que vous vous proposez de faire à ce sujet, et qui véritablement ne peut tourner qu'à l'avantage de l'Académie j mais je ne puis pas me dispenser de vous faire connaître en même temps que mon intention est que, l'année révolue, vous ne disposiez pas de cet argent, ni, en général, des fonds qui constituent la dotation de l'Académie, sans une autorisation expresse de ma part, telle étant la volonté de S. M. qui doit vous être connue, et dont on ne s'est écarté jusqu'ici dans aucun cas. » Le nouveau trésorier de l'Académie avait été remplacé le 17 mai 1781 dans ses fonctions de directeur par le marquis du Chasteler. Peut-être la compagnie avait-elle voulu venger ainsi le noble marquis des attaques dirigées contre lui sous le voile de l'ano- nyme, attaques qui ne l'avaient pas épargnée elle-même. Le 26 avril, on avait fait rapport à l'assemblée qu'il se distri- buait dans Bruxelles une brochure injurieuse à r\cadémie et principalement à un de ses membres, indiqué par les lettres initiales M. L. M. D. C. (X Cette brochure dont on joint ici un exemplaire, » porte le proto- * Le projet en avait été soumis au ministre par une note du chancelier, • Une note annexée au protocole de la séance du \ 9 octobre \ 78 1 nous apprend que « M. le comte de Fraula a été chargé de solli- citer où il conviendra la poursuite de l'afraire entamée par l'extrait de protocole du 2() avril, à l'efTet de découvrir l'auteur de la brochure injurieuse publiée contre M. le marquis du Chasteler. » L'afïaire ne reçut une conclusion qu'au mois de mars i78'2. A la séance du 21, il fut donné lecture de la lettre suivante, en date du 9, adressée par le prince de Starhemberg au président de l'Académie : « Monsieur, sur l'examen que j'ai fait de l'extrait de protocole du 26 avril de l'année dernière, concernant une brochure qui se distribuait alors, et que l'Académie a regardée comme injurieuse à son corps et principalement à l'un de ses membres, désigné par les lettres iniliaics M. L. M. D. C, je vous fais la présente, monsieur, pour vous dire qu'il me paraît d'autant plus convenable de ne pas donner de suite à l'objet dont il s'agit, qu'il ne fait plus sensation et que d'ailleurs, suivant le rap- port de l'Académie, l'intéressé principal lui-même a paru préférer ce parti. « La lecture de celte lettre amena une délibération. « Tous les membres convenaient qu'il fallait cesser les poursuites ultérieures; mais quelques-uns pensaient qu'en prenant ce parti, et en se conformant avec respect au sentiment de S.A., l'Académie devait témoi- 348 LIVRE I. — 1781. ijner à ce prince le déplaisir que lui causait celte cessation de poursuites, qu'elle eût voulu pousser du moins jusqu'à découvrir l'auteur de la bro- chure. D'autres membres soutenaient qu'il suffisait de consigner ce regret dans le protocole de l'Académie; d'autres enfin pensaient qu'il ne fallait plus parler en aucune façon de cette affaire. Les suffrages se balançaient, et la décision fut renvoyée à une autre séance. » Le 11 mai, après que le marquis du Chasleler, dont l'année de direction venait d'expirer, eut été continué dans ses fonctions pour une seconde année : « On revint... à l'affaire de la brochure anonyme sur la langue grec- que... Il fut résolu que dans une lettre adressée à S. A., le secrétaire ferait connaître à ce prince que l'Académie, en se conformant avec respect à son sentiment, qui était de ne plus donner de suite à cette aff"aire, ne pouvait s'empêcher de témoigner du regret de ce que, par la cessation des pour- suites, un membre distingué, et la compagnie même, ne recevait pas la satisfaction que leur nom compromis et lésé dans la brochure semblait exiger. » La brochure dont il est ici question avait pour titre : Lettre à messieurs de la Commission royale des études à Bruxelles^ dictée par la langue française et suivie d'une requête dictée par la langue latine. In-8* de 35 pp. L'auteur anonyme avait eu connaissance de deux mémoires ou lettres du marquis du Chastelcr sur l'étude de la langue grecque, destinés à paraître dans les Mémoires de l'Académie, mais que l'auteur avait retirés sur le désir exprimé par les membres acadé- miciens de la Commission des études. Il est à remarquer que le protocole de l'Académie n'en fait aucune mention, avant la séance du î20 avril 1781. Postérieurement à cette date, Chasleler se dé- cida à les publier sous le titre : Mémoire et Lettres sur l'élude de la langue grecque; 1 vol. in-8° de vin et 53 pages; Bruxelles, Lemaire, 1781 ; et avec l'approbation suivante sur laquelle le pro- tocole est éi^alement muet : « Je déclare que trois commissaires nommés pour Texamen de l'ouvrage intitulé : Mémoire et Lettres LIVHE 1. 1781. 349 sur l'élude de la langue grecque, par M. le marquis du Chnsleler, directeur de l'Académie impériale et royale des sciences et belles- lettres, ont approuvé ledit ouvrage, n'y ayant rien trouvé qui puisse en empêcher l'impression. Fait à Bruxelles, le 25 juin 1781. (Signé) : J. Des Roches, secret, perpét. de l'Académie. » On lit dans les Observations préliminaires : « Tout écrivain, qui fait imprimer un ouvrage, le soumet au jugement du public . ; mais il élail inouï jusqu'aujourd'hui de voir paraître la critique imprimée d'un ouvrage manuscrit, qui ne devait jamais sortir du portefeuille de l'auteur. . » Voici quelques extraits du mémoire (pp. 1-15) : « Le temps consacre à l'étude des langues est dérobé à celle des sciences; ainsi la masse des connaissances humaines n'acquiert aucun nouveau degré d'accroissement par cette étude; on ne doit donc pas la multiplier sans une nécessité évidente. Celte nécessité ne peut avoir que deux causes, Tune c'est l'utilité dont une langue peut être dans le commerce ordinaire de la vie; l'aulic, celle dont elle peut être pour servir à celui qui la sait, à acquérir des connaissances qu'elle seule peut lui procurer. — Tous les bons ouvrages grecs sont traduits en latin ou en langues vivantes. — Quel serait l'homme assez présomptueux pour se flatter de saisir seul avec plus do. sagacité le vrai sens d'un auteur grec, que cette foule d'hommes érudits, qui ont contribué successivement à le fixer? — Les sciences s'appuient sur des faits et. des arguments positifs, ces faits et ces arguments peuvent être exprimés dans toutes les langues également. — On me citera les chefs-d'œuvre d'éloquence et de poésie...; c'est dans la connaissance du cœur humain que réside la véritable éloquence, et cette connaissance est de toutes les langues. — Apprenons à nos enfants à connaître les hommes, développons à leurs yeux les replis du cœur humain, qu'ils approfondissent les intérêts de leur patrie, qu'ils maîtrisent les passions des hommes, et vous aurez formé des orateurs, — C'est leur langue qu'il est essentiel de leur apprendre; que ne sommes-nous assez heureux pour pouvoir borner leur étude à celle d'une langue? Que de temps détourné de sa vraie destination. — La langue laline est d'une nécessité absolue, parce qu'elle est celle qui unit les savants de tous les pays ; telle est la vraie raison qui en rend l'étude si nécessaire, cette raison ne milite pas en 350 LIVIIE I. — 1781. faveur du grec. — L'histoire doit être un récit fidèle des faits, et l'his- torien ne doit y ajouter que les réflexions nécessaires pour développer les causes de ces faits, et les faire servir à Tinstruction de ses lecteurs; il me paraît que toutes les langues peuvent atteindre ce but. — Peut- être conviendra-t-on de la vérité de mes réflexions relativement aux sciences, à l'éloquence, à l'histoire ; mais j'entends les poètes élever leur voix pour me condamner... Mais le grec est-il l'idiome exclusif des poètes? — Le génie n'a pas de langue qui lui soit particulièrement con- sacrée, c'est dans l'âme qu'il réside. — Les langues reçoivent l'empreinte de celui qui s'en sert. — Une langue peut être plus ou moins harmo- nieuse..., mais quel mérite aurait parmi nous le poète qui écrirait en grec! — D'ailleurs il ne s'agit pas de savoir si la langue grecque est plus riche, mieux modulée, plus harmonieuse que toute autre langue... Je me suis borné à discuter ici si l'é'ude de cette langue devait être comprise parmi celles qu'on enseigne dans les collèges, et j'ai cherché à prouver qu'on devait l'en exclure. » Notons (jue dans ses Observations préliminaires , Chasteler avait avoué ne pas savoir un mot de grec. A la page 16 du mémoire, se trouve V Avertissement suivant : a Persuadé que le choc des opinions produit seul la vérité, j'ai instamment prié M. l'abbé Mann de vouloir me faire connaître les objections qui pouvaient détruire mes idées sur la manière d'étu- dier la langue grecque; j'espère qu'il me pardofinera la liberté que je prends de faire imprimer les deux lettres qu'il m'a fait l'honneur de m'écrire sur cet objet. » La première lettre de l'abbé Mann est datée du 12 août 1780 : elle occupe les pages 17-31. Elle débute ainsi : « J'avoue que mes idées sont différentes, je ne dis pas plus justes, mais différentes et presque opposées à celles contenues dans ce mémoire. — L'on peut se passer des Grecs comme scientifiques, et des traductions fidèles de leurs ouvrages peuvent suffire : mais comme modèles à imiter j je soutiens qu'ils sont de première nécessité. — Je con- viens qu'il serait à souhaiter que les années de la jeunesse fus- sent employées à connaître les choses plutôt qu'à apprendre des mots. — L'expérience prouve que la première jeunesse est plus propre à l'exercice de la mémoire qu'à celui du jugement, et qu'en I LIVRE I. 1781. 351 vétendant et fortifiant celle-là par une étude telle que celle de la langue grecque, la plus riche, la })lus abondante et la plus expressive de toutes les langues, les autres facultés de l'âme se développent en même temps et le goût se forme. » L'abbé Mann, grand admirateur des Grecs, s'attache ensuite à réfuter les idées de Chasteler : celui-ci essaye de lui répondre par une lettre du 18 août (pp. 53-48), mais il est visiblement déconcerté, et ne se montre plus si absolu : il voudrait qu'on commençât par apprendre sa langue maternelle; le grec pourrait s'apprendre au sortir du collège; l'étude du grec devient néces- saire au jeune homme qui se destine à la théologie ou à la méde- cine. « Personne, au reste, dit-il, n'a plus besoin que moi d'amis éclairés; livré dans le tourbillon du monde, je ne peux consacrer à l'élude que des heures morcelées, et je sens l'impossibilité réelle de ne pas m'égarer souvent, si je n'étais pas guidé par les lumières supérieures de ceux, dont l'indulgence a bien voulu m'admettre parmi eux. » La seconde lettre de l'abbé Mann porte la date du 6 octobre : elle occupe les pages 49-58. « Quand on ne cherche que la vérité dans les discussions littéraires, y lit-on, on est bientôt d'accord: c'est notre cas, monsieur. [Votre second mémoire m'a montré que je ne m'éloignais guère de vous, quant au fond des choses]... » Pure formule de politesse, exigée en quelque sorte par l'aveu échappé au noble marquis. 55:2 LIVRE I. CHAPITRE XXXI. L'élection d'un membre regnicole, le 10 janvier 1785. - Les candidats entre lesquels l'Académie eut à se prononcer. - Mort de l'abbé Needham, — Le présent fait par l'abbé de Witry d'une partie de son Cabinet. — Résolution de publier un quatrième volume de Mémoires. — M. Du Rondeau est chargé de la garde du Cabinet de l'Académie, — Les tables de monnaies, poids et mesures de l'abbé Mann. — La démarche de l'Académie auprès du gouverneur général pour obtenir des étalons authentiques des poids et mesures en usage dans les différentes provinces et villes des Pays-Bas. L'année i782 s'était ouverte par l'élection d'un nouveau membre. Avant d'y procéder, il avait fallu solliciter l'autorisation du ministre plénipotentiaire. Le protocole de la séance du 19 octobre 1781 renfermait à ce sujet le paragraphe suivant : « Comme M. de Launay est retenu à Vienne au service de S. M., et que d'ailleurs TAcadémic ne peut plus guère compter sur M. Tabbé Paquot qui s'est absenté sans Tinformer de son départ ni du temps où il comptait revenir, Tabsence légitime du premier et l'espèce de désertion du second ont laissé un vide dans les séances académiques, tellement que l'on ne compte que dix-neuf membres regnicoles qui puissent fré- quenter. A ces causes, l'Académie croit devoir recourir à S. A. pour lui demander, en tant que de besoin, la permission d'élire un nouveau membre regnicole parmi les candidats qui depuis longtemps sollicitent une place d'académicien. *> L'assentiment du ministre ayant été obtenu, l'on procéda le 10 janvier par la voie du scrutin à l'élection d'un nouveau membre de la classe physique. Trois candidats regnicoles, MM. Caels, Van Bochaute et Burtin, aspiraient à cette place : le dernier eut une voix, le second en eut cinq; les onze autres voix déterminèrent l'élection de M. Caels. Van Bochaute, professeur royal de chimie à l'Université de Louvain, avait présenté à l'appui de sa candidature deux mé- LIVRE 1. 1782. 35o moires, Tiin skv la nature et l'origine de la matière animale, l'autre sur la reproduction des êtres vivants^ animaux et végé- taux. Ces pièces avaient été remises à l'examen de MM. Needham, Marci et Du Rondeau : on avait commencé la séance du 6 décem- bre 1781 par la lecture des rapports des commissaires et par celle des mémoires mêmes. « Sur l'idée avantageuse que cette double lecture fit nailre, il fut résolu d'admettre M. Van Bochaute au premier scrutin parmi les autres candidats. » Les deux mémoires de Van Bochaute étaient fort remarquables pour l'époque et n'ont guère perdu de leur valeur. L'auteur ne tarda pas à être nommé de l'Académie. Si, dans l'élection du 10 janvier, on fit passer Caels avant lui, cette préférence doit être attribuée aux litres plus anciens, quoique très inférieurs, de ce dernier. Cacls avait du reste de la réputation ; voici ce qu'on lit sur Burtin et sur lui dans Le voyageur dans les Pays-Bas autri- chiens, ou Lettres sur l'état actuel de ces pays. L'auteur, comme on sait, était un Français nommé Dérivai. Lettre XXL Bruxelles, ce... septembre 1782. « ... J'allai le voir [Bur- tin], et dans la conversation que j'eus avec lui, je m'aperçus qu'il joignait aux connaissances de son état celles d'un véritable amateur des produc- tions de la nature : il en a rassemblé un grand nombre qui forment un très beau cabinet d'histoire naturelle : on y trouve plusieurs morceaux très rares : comme il n'a ni l'insociabililé, ni le pédantisme qu'ont quel- quefois les savants, j'ai continue à le voir... Si tous les médecins alliaient comme M. Burtin l'étude de la nature à celle de leur profession, la pauvre humanité serait plus efficacement secourue qu'elle ne l'est sou- vent dans ses infirmités. Beaucoup de vos confrères, lui demandai-je un jour, s'adonnent-ils à la composition? « Le nombre de ceux qui se font » imprimer n'est pas bien grand, me répondit-il. La crainte de la cri- rt tique les a retenus jusqu'à présent, mais cette crainte commence à » disparaître. Mon confrère Calce [Cacls] a donné, il y a un an ou dix- » huit mois, un excellent traité sur les maladies occasionnées par l'abus >> des minéraux... » Le hasard m'a aussi fait connaître le médecin Calce : à ce qu'on m'avait dit, de son savoir et de sa prudence, je le croyais un vieillard; je fus on ne peut pas plus surpris, lorsque le Tome XXXiV. 25 Oo4 LIVRE 1. 178-2. voyant entrer chez un malade que j'étais venu voir, je m'aperçus qu'il ne pouvait avoir que 40 à 45 ans au plus : aux questions qu'il fit à son malade et à sa garde sur l'effet des remèdes qu'il avait ordonnés la veille, je jugeai qu'il se considérait comme l'aide et non comme le directeur de la nature. « Le protocole de la séance du 10 janvier rapporte un événement digne d'une mention toute particulière. On y lit : « La mort de M. Needham, décédé le 50 décembre 1781, amena une double résolution : 1" de faire célébrer la semaine suivante dans l'église des carmélites un service pour le repos de son âme; 2° de faire de lui et de ses ouvrages, dans le premier volume de Mémoires qu'on publie- rait, une mention honorable, dans le goût de ce qu'on a fait il y a quelque temps pour M. Vander Vynckt. Dans la séance d'octobre, temps destiné aux élections ordinaires, l'Académie songera à remplir le vide que laisse dans les places la perte d'un de ses membres les plus distingués. » Le Journal des Sécnices, phcé en tcte du tome IV des Mémoires^ renferme une Notice historique de la vie et des ouvrages de M l'abbé Needham, par Tabbé Mann : elle avait été lue dans la séance du 24 janvier. Les sacrifices que le gouvernement autrichien avait faits pour fixer Needham à Bruxelles, étaient restés improductifs. Il n'exerça aucune autorité ni dans la Société littéraire ni dans l'Académie. Il était partisan de la génération spontanée, et les recherches par lesquelles il chercha à faire prévaloir ses idées appartiennent à l'histoire de cette ({uestion célèbre. Voltaire, à qui il avait ose s'attaquer à propos des miracles, l'a tourné impitoyablement en ridicule, mêlant, suivant sa coutume, le faux avec le vrai. « Vol- taire, dit l'abbé Mann, avait tous les rieurs et les mauvais plaisants pour lui, gens qui examinent rarement si le lidicule porte à faux ou non. Il ne cessa d'attribuer à M. Needham, et de lui faire dire des disparates, que celui-ci n'avait jamais dit ni pensé [sic]; mais on n'en riait pas moins. II avait tort sans doute de s'attirer, de gaieté de cœur, un antagoniste tel que Voltaire. — Sa plume n'était ni féconde ni méthoditiue... En parlant et en écrivant, il se mon- LIVRE I. — 1782. 335 trait presque toujours inférieur à sa science. » — Nous ajoute- rons que les rapports qu'il faisait à l'Académie sont d'une lecture extrêmement pénible : il faut souvent un grand effort pour com- prendre ce qu'il a voulu exprimer. Needham s'était aliéné la plupart des académiciens, le chance- lier Crumpipen, Gérard, de Launay, l'inoffensif De Beunie*, et nous avons vu que l'abbé Mann avait failli se brouiller avec lui, à propos de Bournons. Cependant, malgré quelques nuages, une amitié sincère n'avait pas cessé d'exister entre les deux abbés. Des lettres de Mann à sir Joseph Banks [Recueil d. c] donnent une explication assez plausible de la non-réélection de Needham, en mai 1780, aux fonctions de directeur qu'il remplissait depuis l'institution de la Société littéraire : elles mettent également son caractère sous un nouveau jour. Le 2G mars 178:2, Mann écrit à Banks : « ... Dans mon isolement, qui est plus grand que jamais depuis la mort de M. Needham, que puis-jc avoir à vous communiquer qui soit digne de votre attention? La santé de mon cher et ancien ami avait décliné depuis un an et demi; son décès arriva le 30 décembre 1781. L'affaiblissement de sa mémoire et de sa présence d'esprit était encore plus visible que celui de sa santé. Il est mort d'une hydropisie de poi- trine, dans la Ci)'"<= année de son âge, étant né à Londres le 10 sep- tembre 1715. Sa droiture et sa bonté de cœur furent les sources de ses plus grandes fautes, je veux dire celles d'êlre trop crédule et trop facile- ment dupe des fripons. Je sens cruellement cette séparation. J'ai été chargé par notre Académie de donner un court aperçu de sa vie et de ses écrits. » i On se rappellera qu'en 1776 l'évêché de Québec, au Canada, avait été offert à l'abbé Mann par le gouvernement anglais. On avait cru au départ de Mann, à ce point que le i^'' novembre, De Beunie écrivait à Des Roches- : « Ik wensch Dom Mann aile heel en voorspoed op zyn rys, maer wenschte wel dat by de heer Needham zyn eerste suffragaeu maakte mils hy mogte van striecte residentie zyn ende dat hy daer zyn anthousiasme onder de Irrocoisen zoo veel hy wilt exerceerl. » De Beunie disait dans une autre lettre à Des Roches, datée du 27 novembre 1776 : « Hy [Needham] is een laslig man zoo nien in zyn hersenscliimmig gevoelen niet va 11. » 356 LIVRE I. — 1782. Déjà on lisait dans une lettre du 25 novembre 1779: a ... M. Needham est certainement trop pressé en adoptant et en approuvant des secrets d'inventions prétendues nouvelles; et quoique souvent il s'y brûle les doigts, sa franchise et sa droiture l'exposent constamment à de nouvelles déceptions de la part de ceux qui veulent rcxploiter... » Et dans une lettre du 24 juillet 1780 : « ... M. Needham a longtemps travaillé en vain pour engager notre gouvernement à établir une salle publique où seraient exposés les prin- cipes de l'électricité médicale, mais où peut-être, comme quelques-uns Je craignent, l'on tuerait autant de gens qu'on en guérirait. Son incessante activité s'occupe maintenant d'une mine d'argent ou de plomb, ou des deux ensemble, qu'il suppose avoir découverte dans le Limbourg, et qui est déjà en exploitation. 11 s'est rendu dans cette partie du pays depuis deux mois, et se propose d'y rester encore quelque temps. Je souhaite qu'il n'enterre pas dans cette mine, des centaines de livres de son argent, au lieu de s'enrichir, ainsi que tous ceux qui y sont intéressés. Le direc- teur en chef de l'entreprise est le fameux Billeard, qui fut mis au pilori, il y a quelques années, à Paris, pour fraude, mais qui a obtenu l'entière confiance de M. Needham, ainsi que cela est très facile. Je regrette de voir autant de bonté d'âme, une aussi grande droiture de cœur, devenir continuellement le jouet de ceux qui l'exploitent. Mais tout avis de ma part, tendant à relâcher ou à amortir cette activité singulière, est perdu et souvent plus que cela. » On lit dans le protocole de la séance du 10 janvier 1782 : « M. de Witry venait de s'acquitter de la promesse qu'il fit au mois de novembre dernier, d'enrichir le Cabinet de l'Académie d'une partie du sien. Les curieux morceaux qui composent son présent, sont détaillés dans une notice raisonnée, dont il fit lecture, et qu'on croit devoir insérer toute entière dans ce résultat. » LIVRE I. — 1782. 357 La notice débutait ainsi: « Mon but a été, dans le don que j'ai Thonneur d'offrir à l'Académie, de conlribuer à compléter sa riche collection. Ma première intention était de ne me détacher en sa faveur que de mes doubles, me réservant de lui léguer après moi tout mon Cabinet; mais, me rappelant l'adage latin qui dit : Qui cita dal^ bis daf, je me suis déterminé à y faire déposer dès à présent tout ce que j'ai de mieux en ce genre; mais comme c'est blesser la délicatesse de celui qui donne et de celui qui reçoit que d'exalter ses présents, et par là en rabaisser le mérite, je tâche ici d'en parler sans enthousiasme et de me borner à citer les auteurs qui en traitent, ou lorsque ces morceaux sont peu ou nullement connus dans les Cabinets, à indiquer la classe à laquelle ils peuvent se rapporter et les vues qu'ils présentent pour éclaircir divers points d'histoire naturelle. Quoique je sois persuadé qu'une compagnie aussi respectable que la nôtre, soit très éloignée de me soupçonner d'avoir joué des gobelets, si je puis m'expri- mer ainsi, en faisant croire que je donne ce qui existait déjà dans notre Cabinet, j'ose vous proposer, messieurs, d'assister à l'ouverture de la caisse, ou de nommer de votre part des commissaires à cet effet, afin qu'il vous soit fait rapport de son contenu. » Le présent consistait c en plusieurs corps marins, remarquables la plupart par quelque singularité, en pierres de diverses espèces, telles que marbres, agates, jaspes et cristallisations, en quelques pétrifications rares ou nouvellement connues, enfin, en deux inslrunicnls de j)li} sique, un cngiscopc et un grand zolipile. » « Je ne manquerai pas, » disait en terminant l'abbé de Witry, « de continuer, messieurs, à m'occupcr tant à ma résidence à Tournai qu'ici, à dresser un catalogue raisonné de votre Cabinet, afin que vous puissiez en retirer l'utilité que ces sortes d'objets sont dans le cas de procurer si cfiicacement à une Académie; c'est dans cette sage vue que le gouver- nement, de même que plusieurs de vous, messieurs, ont estimé que ma présence permanente conviendrait ici, mais quoique très sensible à la marque de confiance dont on veut bien m'honorer, j'ai prié que l'on me dispensât d'accepter cette proposition, malgré l'avantage promis de me tenir présent dans mon chapitre; en revanche j'ai promis, comme je 3S8 LIVRE I. 1782. promets volontiers, de venir plus fréquemment ici, et d'y séjourner plus longtemps, en continuant à prendre à mon compte les voyages et séjours que j'ai été accoutumé de faire pour assister aux séances, sauf que l'on me bonifie ceux excédants que j'ai faits, et que je serai dans le cas de faire pour la tenue de ce Cabinet, qui deviendrait bientôt à rien s'il est abandonné à lui-même; car, messieurs, vous seriez dans le cas de regar- der comme fanfaronnade de ma part qu'un simple particulier s'avisât de donner à plus riche que soi, et je compte trop sur l'équité de S. A. le ministre plénipotentiaire pour douter qu'Elle pense différemment de vous, messieurs, à cet égard, et qu'elle ne consente à ce remboursement ou à tel autre arrangement peu dispendieux qui en tienne lieu... » Après la lecture de cette notice : « L'Académie témoigna à M. de Witry beaucoup de satisfaction du présent qu'il venait de lui faire; et quant à sa proposition touchant les frais des voyages extraordinaires qu'il serait dans le cas d'entreprendre, pour mettre la dernière main à son ouvrage, il fut résolu que ces frais lui seraient remboursés sur le billet qu'il présenterait à la fin de l'année au trésorier de l'Académie. «> Le 24 janvier, M. le président fit délibérer sur la publication d'un quatrième volume de Mémoires, et cette publication ayant été résolue, le secrétaire fut chargé de produire à la prochaine séance tous les mémoires qui se trouvaient dans le portefeuille de l'Académie. — Ce dépôt ayant eu lieu le 7 février, l'Académie nomma des commissaires pour faire le triage. Un grand nombre de séances furent consacrées à l'audition et à la discussion des rapports, et plus d'une année s'écoula avant qu'un choix définitif eût été arrêté. Parmi les mémoires qui avaient été présentés figurait une notice des chroniques manuscrites de Gilbert et de Jacques de Guise, par l'abbé Ghesquiere. a Vu la circonstance de la pro- chaine publication de ces manuscrits, j> lit-on dans le protocole de la séance du 7 mars 1783, « [il a été] résolu que [la] notice [de Ghesquiere] ne sera point imprimée, et que l'Académie ne LIVRE I — 1-8-2. 50i) nomniera j)oint de commissaires pour l'examen. » — La chroni- que (le Gilbert fut publiée en 1784 par le marquis du Chasleler, ainsi qu'il a été dit précédemment. — Quant à Jacques de Guise, il trouva son éditeur, quarante deux ans plus tard, en la personne du marquis de Fortia d'Urban dont le baron de RcifFcnberg a écrit une si amusante biographie [Aîinunire de l' Académie pour 1844] Le 10 janvier 1782, Chasteler avait présenté une ?iote sur }i)ie tombe de Saventhem. — Le 125 avril suivant, il lut une note sur les tombes de Tirlemont, et proposa dy faire des fouilles dans l'espérance d'y trouver quelques antiquités. « L'on sait, « dit le protocole, « que les capitaines romains étaient ordinairement enterres le long des grands chemins, et que chaque soldat portait de la terre sur leurs tombeaux, usage qui fut imité par les Francs. Telle est probablement Tongine de ces monticules ou tombes qu'on aperçoit dans les environs de Tirlemont et ailleurs. Telle était la tomhc de Saventhem à peu de distance de Bruxelles, donf M. du Chas- teler a donné la description dans une note précédente. L'Académie ayant rlélibéré sur la proposition de son directeur [Chasteler], il fut résolu de faire les fouilles aux frais des fonds académiques, de corjficr l'entreprise à M. le marquis du Chasteler et à M. Tabhé Mann, de prendre de nouveau cet objet en délibération dans la séance prochaine, qui étant la dernière avant les vacances, devait être plus nombreuse, et dans laquelle on concerterait les arrangements nécessaires. » Le 1 1 mai : « M. le président remit sur le tapis Taffaire des fouilles de Tirlemont, qui avait été entamée dans la séance du 25 avril. On délibéra de nouveau sur cette matière, on pesa la probabilité des espérances que pouvait donner cette entreprise. On y joignit le projet d'un voyage littéraire, pour lequel TAcadémie était suflisamment autorisée par l'article XXII du règlement de S. M. Il fut dit que dans l'extrait de protocole qui serait présenté à ce sujet au prince de Starhemberg, les deux articles seraient conglobés et exposes sous le même point de vue, c'est-à-dire que 500 LIVRE 1. — 1782 la fouille de Tirlemont y entrerait comme une suite et comme partie du voyage littéraire; que la somme nécessaire à ce voyage serait prise dans les fonds de TAcadémie à la concurrence de 600 florins; que les voyages littéraires seraient faits par deux membres qui voyageraient de compa- gnie, Tun de la classe historique, l'autre de la classe physique; que par rapport à la visite des lombes de Tirlemont et des fouilles qui pourraient en résulter, MM. du Chaslclcr et Mann se chargeraient de cette besogne, et prendraient les arrangements qu'ils croiraient convenir. » Nous ne savons ce qui advint de cette affaire : il n'en est plus parlé dans le protocole, si ce n'est dans le résultat de la séance du 7 mars 1785, où il est dit à propos de la note sur la tombe de Saventhem, « que celte note serait réservée, et ne subirait l'exa- men que lorsque l'ouvrage sur les autres tombes anciennes serait acbevé. » Du Chasteler paraît avoir abandonné la question. Entre-temps, l'abbé de Witry ne cessait de s'occuper du Cabi- net d'histoire naturelle de l'.^cadémie. Le M mai 178^2 : I « Il représenta que dans le cabinet de feu M. Needham, il se trouvait une belle collection des mines d'Ecosse, qui probablement serait vendue dix à douze pistoles; quMl convenait d'en faire à ce prix l'acquisition pour le Cabinet de l'Académie, et que M. Du Rondeau pourrait être chargé du soin de faire celte emplette. La proposition de M. de Witry fut agréée, et M. Du Rondeau accepta la commission. » Le 17 octobre : « On délibéra sur une proposition faite par M. de Witry relativement au Cabinet d'histoire naturelle, dont une partie venait d'être transportée chez M. Du Rondeau. — Dans le temjis de l'acquisition de ce Cabinet, M. de Witry l'avait placé au rez-de-chaussée de la Bibliothèque, présu- mant qu'au moyen d'un poêle on corrigerait l'humidité de cet endroit, et qu'on préviendrait la détérioration. Bientôt après, l'événement a fait voir que ce parti n'était pas le meilleur; aussi ne l'avait-on pris qu'au défaut de toute autre occasion. Pendant les vacances on s'était aperçu LIVRE I. 1782. 50 1 que rhumidité gagnait, que plusieurs morceaux du Cabinet d'histoire naturelle, plusieurs instruments de physique et de mathématique en étaient attaqués. Il n'y avait pas un moment à perdre. M. Du Rondeau offrit un appartement convenable dans sa maison, et sans différer, on y logea provisoirement toute la partie qui était en danger. • L'expérience avait montré combien il était nécessaire que ce Cabi- net fût placé dans un endroit propre cl sec, qu'un homme intelligent en eût soin, qu'il entretînt les instruments toujours en état de servir, qu'il profitât des occasions assez fréquentes d'enrichir le Cabinet de quelque nouveau morceau. I\I. de Wilry s'était chargé de tout cela, et, dans la séance du 10 janvier 1782, l'Académie avait consenti que les frais qui naîtraient de cette occasion, ceux des voyages et du séjour qu'il ferait à Bruxelles, lui seraient remboursés par le trésorier sur son billet. II observa que la résidence qu'il était obligé de faire à Tournai, et les affaires dont le chapitre le chargeait, ne lui permettaient guère de don- ner ses soins au Cabinet; que pour que ces soins produisissent un bon effet, il serait nécessaire qu'il passât à Bruxelles au moins cinquante jours dans l'année, ce qui, à ne compter qu'un ducat par jour, coûterait à l'Académie oOO florins par an. Que cette somme serait infiniment mieux employée, si l'Académie l'accordait à M. Du Rondeau, et qu'au moyen de cet argent, cet académicien gardât le Cabinet dans les chambres où il se trouve actuellement, qu'il y entretînt Tordre, qu'il y donnât tous les soins nécessaires, qu'il y admît les autres académiciens et même les personnes qui lui seraient présentées par un membre de l'Académie. Qu'au reste rien n'obligeait d'envisager cette somme de 3.00 florins comme une charge perpétuelle, mais seulement comme un arrangement provisoire, qui subsisterait jusqu'à ce que l'Académie eût obtenu un autre emplacement, ou qu'elle en eût disposé autrement. » Cette proposition de M. de Witry fut agréée à la pluralité des suf- frages, et l'on résolut de la porter à la connaissance de S. A. par un rapport particulier que M. le président se chargea de rédiger et de pré- senter à ce prince. « On lit encore dans le protocole de la séance du 21 février 1785 : • Lorsque M. de Wilry eut été chargé de faire à la vente du Cabinet de feu S. A. R. le duc Charles de Lorraine les emplettes d'histoire natu- 362 LIVRE I. 1782. relie, pour lesquelles Sa Majesté avait gratifie rAcadémie d'une somme de 2 000 florins, celle-ci avait consenti que son commissionnaire ne se bornât point rigoureusement h la somme prescrite. Les comptes du crieur public avaient fait voir que cet excédant avait été porté à la somme de fl. 1 lOI-iS-'/^ arg^ cour'. 31. le président mit en délibération s'il fallait avouer les opérations de M. de Witry, et payer des fonds de l'Académie la somme dont il s'agissait. Tous les suffrages s'accordèrent pour l'affir- mative, et la résolution fut prise en conséquence. » Puis dans le j)rofocolc de la séance du 7 mars : « Dans la séance du d 1 mai 1782, M. Du Rondeau avait accepté la commission d'acquérir aux frais, et pour le Cabinet, de l'Académie, la belle collection des mines d'Ecosse de feu M. l'abbé Needham, article de dépense qui élait évalué à 10 ou 42 pisloles. M. le président ayant, sur la réquisition de M. Du Rondeau, remis cette affaire sous les yeux de la compagnie, elle confirma sa résolution précédente, et porta à i 5 ou 18 pis- toles la somme que M. Du Rondeau pourrait employer à cet effet, en Tau- torisant aussi à acheter à un prix honnête le baromètre et le thermomètre de feu M. Needham. « Enfin dans le protocole de la séance du 9 mai : « M. de Witry ayant fait au Cabinet de l'Académie un nouveau pré- sent de différents objets d'histoire naturelle, consistant dans une masse considérable de fossiles du poids de 960 livres, accompagna ce présent d'une notice qui en explique le mérite et la rareté. Elle est intitulée : Mémoire pour servir de suite à l'histoire des fossiles belyiques qu'il a don- nés au Cabinet d'histoire naturelle de l'Académie. « Nous abandonnerons maintenant le Cabinet d'histoire natu- relle, pour revenir aux faits accomplis pendant l'année 1782. Le protocole de la séance du 7 février porte ce qui suit : « La séance se termina par la lecture d'une consulte du conseil des finances sur la proposition de l'Académie touchant les poids et mesures. Cette pièce fut remise aux rapporteurs de cette affaire pour y faire leurs observations. » LIVRE I. 1782. 565 Voici de quoi il s'agissait. A la séance du 9 décembre 1779, l'abbé Mann avait présenté un Recueil de tables de monnaies, de poids et de mesures. Les commissaires, MiM. du Cliasteler, Cheva- lier et Marci avaient lu leur rapport, dressé en commun, le 24 novembre 1780, et l'Académie avait résolu de communiquer ce rapport par extrait de protocole à S, A. le gouverneur général. Il était conçu en ces termes : « M. Tabbé Mann ayant présenté à TAcadémie des sciences et belles- lettres un mémoire qui contient les comparaisons et réductions des mon- naies, des poids et de toutes les mesures actuelles, tant de longueur que de contenance, des principales villes des quatre parties du globe, tirées des meilleurs auteurs et des plus fameux bureaux des commerçants, aux- quelles il a ajouté les poids et les mesures des anciens, comparés aux modernes, le tout réduit en tables qui d'un coup d'œil font voir tous les rapports qu'on peut désirer, on a observé à l'Académie, après avoir loué et approuvé le travail de l'auteur, qu'il serait aussi utile qu'avantageux aux Pays-Bas autrichiens qu'on y ajoutât quelques tables uniquement pour nos provinces, où chaque ville et presque chaque village a ses mesures et ses poids particuliers et difTcrcnts. » Comme toutes les tables rassemblées par M. l'abbé Mann sont calcu- lées et rapportées au pied de Paris, et les poids au poids de marc ou livre de Troye, ainsi que l'intrinsèque des monnaies, il conviendrait sans doute, pour l'uniformité de l'ouvrage, de travailler là réduction des différents poids et mesures de nos provinces belgiques sur les mêmes échelles, afin d'avoir un même point fixe pour tous les calculs. * Cette opération tant désirée ne peut s'exécuter sans avoir tous les étalons ou des pièces bien étalonnées juridiquement de tous les différents poids et mesures qui se trouvent dans nos provinces, mais qu'on ne pourrait jamais se promettre d'obtenir sans un ordre précis du gouver- nement, donné à tous les chefs des provinces pour faire parvenir ces pièces à l'Académie d'après la note qui suit ; l» Deux copies des poids, l'une en ctain le plus fin, l'autre en bois très dur et très sec, tel que le buis, le hêtre ou quelque autre de même nature. Celle de bois doit être enduite d'huile de lin et vérifiée de nouveau lorsque l'huile sera séchée; — 2o deux copies du pied, l'une en fer, l'autre en bois, avec la même précaution ci-devant indiquée pour celle de bois. Chaque copie doit être 504 LIVRE I. 1782. divisée et subdivisée, selon Tusage de Teiidroil, en pouces, lignes, etc.; — 3" deux aunes, Tune en fer, l'autre de bois, avec leurs subdivisions, telles qu'elles ont cours dans le commerce, soit pour les draps, soieries, toiles blanchies ou écrues, et savoir si ces aunes servent indifféremment pour toutes les marchandises, ou s'il y en a de diflérentes pour certaines marchandises. L'aune de bois doit être faite avec les précautions indi- quées pour les poids et les pieds de bois; — 4^'' un pot et un demi-pot d'étain fin, dans la forme usitée dans l'endroit, avec les noms des divi- sions et subdivisions dont on se sert dans la langue du pays, en y ajou- tant la traduction en français. Ces pots devront être marqués du poinçon ordinaire de l'endroit. On y ajoutera la note du nombre de pots dont la tonne, la pièce, poinçon, baril ou telle autre mesure d'usage sont compo- sés; — 5" une pièce bien ajustée et bien vérifiée de chaque mesure usitée pour les grains avec leur dénomination, telle que sac, rasière, quartier, muid, etc., etc., et on devra indiquer combien il faut de petites mesures pour faire les plus grandes, et ainsi par gradation. A cet effet, il suffira de donner en nature la plus petite des mesures, afin qu'on puisse de celle-làj connaître la grandeur des autres ; — 6" une notice du contenu du bonnier, firpent, mencaudée, journal, huitelées, verge, perche ou telle autre mesure] €n usage dans chaque endroit pour mesurer les terres; en spécifiant le' pied dont on se sert et le nombre de pieds contenus dans chaque verge,] €t le nombre de verges contenues dans chaque bonnier, etc. Et savoir si] la même mesure sert indifféremment pour les terres labourables et pour' les prairies; — 7« chaque pièce devra être marquée du nom de l'endroit | d'où elle vient, et porter le nom qui la désigne dans cet endroit, ainsi que le nom de l'étalonneur. » Avec toutes ces pièces bien conditionnées on pourra donner une, juste comparaison d'une ville à l'autre, en prenant telle mesure qu'on jugera à propos pour servir d'objet de comparaison, soit, par exemple, le marc de Bruxelles pour les poids, le pied du roi pour les mesures de longueur, et tel autre étalon qu'on jugera convenir pour les mesures de contenance. » L'AcaJémie se promet que si Son Altesse agrée l'exécution de ce plan. Elle voudra bien donner les ordres nécessaires pour que toutes les pièces mentionnées dans cette note (dont il serait bon de distribuer; des copies imprimées) soient remises à l'Académie. » Nous n'avons pas sous les yeux la consulte du conseil des LIVllE 1. 1782. 565 finances, mais clic ne paraît pas avoir é(é favorable, si l'on en croit une lettre adressée le 18 février 1785 par Tabbé Mann au membre du conseil pi'ivé B. S. Sanchez de Aguilar, qui avait demandé communication (hs tables dont nous parlons*. « J'ai reçu hier, > dit Tabbé Mann, « la lettre que vous m'avez fait riionueur de rrrécrire touchant le Recueil des tables de monnaies, de poids et de mesures, que j'ai fait en 1779. En faisant ce travail, que j'ai cru utile, mon intention était de le donner au public dans un petit volume à part du format ordinaire des tarifs des monnaies, afin d'y être joint par ceux qui le voulaient. — L'Académie, qui a témoigné fort approuver mon travail, a voulu, contre mon opinion, aller beaucoup plus loin là-dedans, et engager le gouvernement d'autoriser un relevé général des poids et des mesures de toutes les villes et de tous les dis- tricts des Pays-Bas autrichiens. Vous savez, monsieur, mieux que moi, où la chose s'est arrêtée. Ce qui me faisait désapprouver en mon parti- culier la démarche du corps dont je suis membre, c'est la difficulté immense qu'il y ait de faire une comparaison (telle qu'il faut pour pou- voir s'y fier) des différentes mesures, poids, etc., ensemble... Comme l'on m'a dit depuis quelques semaines, que S. M. notre auguste souverain a ordonné quelque chose relalivemcnt à un poids et à une mesure uni- formes, je suppose que ce pourrait être l'objet qui vous fait désirer de voir mes tables avec le mémoire qui les accompagne. Je me presse donc, monsieur, de vous les communiquer... » Les tables de l'abbé Mann parurent dans le tome V des Mémoires. Elles sont précédées de la note suivante, datée du 25 avril 1788 : « Ce Recueil de tables fut présenté à l'Académie impériale et royale de Bruxelles, à la séance du 9 décembre 1779, qui nomma des commissaires pour l'examiner. En approu- vant le travail de l'auteur, l'Académie désirait qu'il eut pu y joindre des coniparaisons exactes des poids et des inesitres des provinces et villes des Pays-Bas autrichiens, faites sur des étalons authentiques de chaque endroit; et ce fut dans l'espérance de 1 Archiv. du roy. de Heig Sccréta'rerie d'Étal et de guerre : Académies. 5()6 LIVRE I. — 1782. les obtenir, que l'on en différa la publication... » Après les mots, « faits sur des étalons authentiques de chaque endroit, y> Mann avait ajouté : « et l'on fit plusieurs démarches pour cet effet, mais sans succès. » Ces mots ont été supprimés dans l'impres- sion. CHAPITRE XXXII. L'Académie est consultée sur différents procédés et inventions. — Le comte et la comtesse du Nord assistent, en compagnie des gouverneurs généraux, à la séance du 12 juillet 1782. — Le concours de 1782. — L'accessit remporté à Paris par M. De Beunie. — L'élection d'un membre regnicole. — Mort de l'abbé Caussin. t- Le nouveau ministre plénipotentiaire, comte Louis de Barbiano et Belgioioso. — Lettre d'adieu du prince de Starhemberg : elle résout la question de la dotation définitive de l'Académie et celle des pensions. — L'Académie rejette une proposi- tion tendante à ce que les deux classes siègent séparément. L'article XX du règlement portait : « L'Académie examinera, lorsque le gouvernement général rordonnc, les projets qui regardent de nouvelles fabriques, manufactures, machines, ou la perfection de quelque art utile, et elle s'expliquera en même temps sur le genre et l'étendue des avantages, qui pourraient dériver de l'exé- cution de ces projets. » Les inventeurs, ou prétendus tels, ne manquaient pas plus dans ce temps-là qu'aujourd'hui : aussi l'Académie fut-elle sou- vent consultée. Le 5 mars 1782, le prince de Starhemberg écrivait au prési- dent : « Sur le compte que j'ai rendu à LL. AA. RR. du rapport de l'Aca- démie daté du 25 juillet dernier, relatif à la requête présentée à S. M. par le médecin Michel concernant le secret qu'il dit avoir pour raffiner LIVRE I. 1782. 367 le lin et le chanvre, ces scrénissinies princes ont résolu d'agréer que TAcadémie s'apaise de la manière qu'elle propose sur le secret dont il s'agit. Je vous fais la présente, monsieur, pour vous en prévenir pour l'information de l'Académie, et afin qu'elle fasse en conséquence ce qui résulte de sa proposition, et qu'elle rende compte du résultat par un rapport en forme que je porterai à la connaissance de LL. AA. RR. « Conformément à celle lellrc, MM. Marci, Du Rondeau et Mann, qui, avec feu M. Ncedham, avaient rapporte l'affaire, furenl char- gés de procéder aux essais dont il était question. Le 15 mars, Slarhemherg Iransmellait au chancelier de Bra- bant une brochure intitulée : Vanliméphitiqiie, ou moyens de (létr litre les exlialaisotts pernicieuses et mortelles des fosses d\iisance, etc., brochure que le comte de Mcrcy-Argenteau lui avait fait parvenir. « Vu qu'il s'agit d'un ouvrage qui intéresse le bien publie, » disait le ministre, « j'ai cru ne pouvoir njieux faire que de vous le remettre, monsieur, afin que l'Académie l'examine et s'explique sur l'attention dont elle le trouvera susceptible et l'usage que l'on pourrait en faire. » L'auteur de celte brochure était un M. Janin. Le 21 mars, MM. Chevalier, Du Rondeau et Caels furent nommés commis- saires et chargés de présenter un rapport dans la séance suivante. Les protocoles sont muets au sujet des rapports sur ces deux dépêches du ministre plénipotentiaire. Le 6 novembre, Slarhemberg envoyait une caisse contenant des essais d huile préparée d'après une nouvelle méthode, et une note qui en indiquait les propriétés respectives. « L'on assure, écrivait-il, que ces huiles sont au moins d'aussi bonne qualité que celles dont on a fait usage jusqu'ici, quoiqu'elles coûtent beaucoup moins, et que surtout il y aurait beaucoup d'avantage et d'éco- nomie à se servir de celle dont l'essai est désigné dans la note n" A pour l'illumination des rues. — Quoi qu'il en soit de cette annonce, LL. AA. RR., avant que de se déterminer sur les propositions faites par 568 LIVRE I. — 1782. le possesseur du secret, souhaitent qu'on fasse Fessai de ces différentes huiles, et que cet essai se fasse par, ou sous les yeux des membres de l'Académie, à Tintervention de tels autres experts sûrs et intelligents qu'ils jugeront convenir; mais Elles souhaitent en même temps que ces essais se fassent promptemcnt, et qu'il leur soit rendu un compte détaillé du résultat de Texamen qu'on en fera... » Dans la séance du 8, le président nomma MM. Vounck, Marci et Van Bochante, qni venait d'être élu membre, pour essayer ces difîerentes huiles au nombre de six. Le 22, on lut les rapports des commissaires, et on confia à M. Du Rondeau le soin de faire quelques nouveaux essais des mêmes huiles. Ces essais ayant été jugés satisfaisants, on remit [leo décembi'e] les rapports des quatre commissaires au secrétaire pour en faire un résumé général qui pût être présenté à LL. AA. RR. sous le nom de l'Académie. — Nous croyons inutile de donner ce résumé. Bor- nons-nous à (lire (jue l'un des principaux éléments d'appréciation manquait, à savoir le prix des huiles en question. Un prix extra- ordinairement bas aurait pu, selon les commissaires, les faire adopter par des gens peu dilïiciles; « mais si l'Académie, > ajou- taient-ils, « ne doit examiner que les qualités de ces huiles, son jugement ne j;eut tendre quh les improuver. » Quelquefois les inventeurs s'adressaient directement à l'Aca- démie, ou avaient recours à l'intermédiaire d'un de ses membres. Ainsi l'on voit, dans la séance du 7 mars 1 78^2, le commandeur de Ps^ieuport communiquer une « manière d'adapter des rames aux plus grands vaisseaux, inventée par M. le baron de Bissy. » L'Aca- démie fait introduire l'auteur, et c'est en sa présence qu'il est donné lecture de son mémoire, et procédé à l'examen du modèle qu'il a présenté. On charge ensuite MM. Mann, Bournons et le commandeur de faire un rapport à la prochaine assemblée. Mais dans l'intervalle l'abbé Mann apprit, par un de ses amis, que le baron avait présenté depuis plusieurs années son invention à l'Amirauté d'Angleterre, et que celle-ci l'avait fait mûrement exa- miner; que les commissaires lavaient rejelée comme insuflisanle et que l'Amirauté n'avait pas jugé à propos d'en ordonner l'essai. — II n'en fut plus parlé à l'Académie. LIVRE I. 1782, 569 Pendant les vacances de d 782, le sieur Bonafont, mécanicien de S. M. rempereur et roi, avait sollicité une approbation d'une machine à filer le coton. MM. Marci, Mann et Nieuport furent nommés commissaires dans la séance du 2:2 novembre : il résulte de leur rapport, lu à la séance du I) décembre, que la machine de Bonafont était exécutée sur le principe de celle qui avait été inventée à Manchester; par une seule personne elle mettait enjeu trente-six bobines et produisait telle finesse de coton qu'on dési- rait. A cause de sa grande simplicité et de la facilité de son ma- niement, les commissaires étaient d'avis qu'elle pouvait êlre uti- lisée avec beaucoup d'avantage dans les manufactures de coton. « L'auteur de celte machine », disaient-ils en terminant, < ayant eu j'honneur de la faire travailler sous les yeux des sérénissimes gouverneurs généraux des Pays-Bas, de M. le comte et de M"* la comtesse du Nord, ces augustes personnages lui en ont témoigné toute leur satisfaction. » Le grand-duc et la grande-duchesse de Russie, qui voyageaient sous le nom de comte et comtesse du Nord, étaient arrivés à Bruxelles au mois de juillet 1782. Le 12, ils assistèrent, en com- pagnie (\c> gouverneurs généraux, à une séance extraordinaire de l'Acadéniie, tenue en leur honneur : ils furent reçus par le ministre plénipotentiaire et par le président, et quand ils curent pris [)lace, le secrétaire leur adressa un comi)liment. Ensuite le président leur présenta un exemplaire des trois volumes de l'Académie, et le trésorier, le jeton ordinaire des membres. L'abbé Mann lut un mémoire intitulé : Vue générale des derniers pro- grès des sciences académiques, et de ce qui reste d faire pour les amener de plus en plus vers leur perfection. Ce mémoire avait été composé par ordre et exprès pour la circonstance, conmie il résulte d'une lettre adressée par Tabbé Mann à sir Joseph Banks, le 2o novembre. — Après la séance, le comte et la comtesse du Nord jetèrent un coup d'œil sur les manuscrits les plus précieux de la Bibliothèque royale. Les séances des 5 et 17 octobre 1782 furent consacrées au jugement des mémoires présentés pour le concours annuel. Le prix de la question physique sur les arbres et les plantes Tome XXXIV- 24 570 L^RE I. — 1782. étrangères qu'on pourrait naturaliser dans les Pays-Bas, fut décerné à M. Seghers, curé de Saint-Léonard, et l'accessit à M. De Badts, demeurant à Steenvoorde, La question historique était ainsi conçue : « Depuis quand le droit romain est-il connu dans les provinces des Pays-Bas autri- chiens, et depuis quand y a-t-il force de loi ? » M. de Berg, amman de Bruxelles, remporta le prix ; MM. Heylen, archiviste de l'abbaye de Tongerloo et frère cadet de l'Académi- cien du même nom, iïeltema, docteur en droit de l'Université de Franeker demeurant à Malines, d'Outrepont, avocat au Conseil de Brabant, et Verhoeven, négociant, eurent des accessits. On décida de ne publier les mémoires de MM. Seghers et De Badts que par un extrait dont la rédaction fut confiée à M. Du Rondeau. Quant aux mémoires historiques, on résolut de les imprimer, en les faisant précé. l'avons dit en son temps el lieu. Dans un mémoire lu à rAcadémic le 6 octobre 1773, [De l'étal des dix-sept provinces des Pays-Bas, depuis qu^elles sont connues, jusqu'au traité de Rheims de l'an 980j] il s'était laissé aller à critiquer Des Roches, et celui-ci, ])eu endurant, avait riposté par ce coup de massue : « ... De 5'2 pages [du mémoire de Caussin] il ny en a pas quatre qui tendent au but de l'auteur, ou du moins qui répondent au litre. Il règne dans ce mémoire une espèce de galimatias qui fait qu'on perd de vue le sujet à tout momeiit. Encore s'il s'y trouvait quelques nouveaux éclaircissements; mais le peu de faits qui ont trait à notre histoire se trouvent dans vingt autres qui ont dit la même chose et toujours mieux que lui. » — Après sa mort, parut chez t'Serstevens, à Bruxelles, sa Méthode de géographie à l'usage des pages de S. A. R. Dans la séance du 24 octobre 1785 : c< M. le président mit en délibération s'il convenait de procéder à rélection d'un nouvean membre pour remplacer feu M. Caussin, ou s'il fallait regarder la place vacante comme allant se remplir par M. de Lau- iiay dont les lettres annon[çaient] le prochain retour, puisque dans ce cas le nombre de vingt académiciens regnicoles se trouvera complet. Les sentiments étaient partagés, mais la pluralité des voix fit prendre la résolution de supcrsédcr à l'élection quant à présent et d'attendre le retour de M. de Launay. » La crainte de voir élire Rurtin qui venait d'être couronné dar.s la même séance, et non sans peine, ainsi que nous le verrons, pourrait bien avoir contribué pour quelque chose à la résolution d'ajourner l'élection d'un nouveau membre. On gagnait un an, el Ton ne se doutait pas que l'Académie, faute d'admettre librement un savant dune haute distinction, courait le risque de devoir le subir, comme déjà cela lui était arrivé à l'occasion de Ghesquiere: encore y avait-il cette différence qu'en nommant Ghesquiere, la compagnie avait cru servir ses propres intércls, tandis que la nomination de Burlin lui fut imposée par la haute volonté d'un nouveau ministre. LÏVUE I. — 1783. 573 Ce nouveau ministre était le eomte Louis de Barbiano et Bei- gioioso, chevalier de Malle, ex-envoyé extraordinaire et ministre plérjipotenliaire à la cour d'Angleterre. Designé dès le mois d'août 178:2 pour remplacer le prince de Starliemberg, il ne reçut ses lettres patentes que le 9 jnai 1785, et prit possession de son poste à Bruxelles au mois de juillet suivant. Le remplacement de Starliemberg par Belgioioso reste le fait capital de Tannée 1783, non-seulement au point de vue poiili(pie dont nous n'avons pas à nous occuper ici, mais encore par rapport à l'Académie, habituée aux formes bienveillantes et à l'esprit con- ciliant, quoitpje trop enclin à s'ingérer dans ses affaires intérieures, du prince qui avait présidé en 1772 à son établissement définitif, et qui lui laissait en partant une nouvelle et dernière preuve de sa protection efficace. Le 26 juin, « comme l'Académie allait rendre ses devoirs à S. A. le prince de Starhembeig qui était à la veille de son dé- part, et féliciter son successeur sur son arrivée à Bruxelles, M. le président communiqua à la compagnie une lettre du premier dans laquelle la dotation de l'Académie et le nombre ainsi que le montant des pensions étaient réglés. » Voici la lettre de Starhemberg, datée du 25 juin : « Messieurs, tt Avant de quitter le ministère de ces provinces, je me suis fait repré- senter les actes concernant raugnicntation de votre dotation annuelle, déjà accordée par feu S. M. rimpératricc-rcinc, et les pensions à donner aux gens de lettres de votre compagnie qui se sont rendus dignes d'une pareille faveur. • Sur le rapport que j'en ai fait à LL. AA. RR., c'est avec bien de la satisfaction que je puis vous annoncer \° Que la dotation de l'Académie portée depuis le l*»" du mois de janvier 1774 h une somme de 5 000 11. d'Allemagne, continuera à être payée sur ce pied au trésorier de votre compagnie, et qu'en conséquence, on adressera incessamment au conseil des finances les ordres nécessaires pour cela, ainsi que pour vérifier le montant de la somme qui peut être due à la caisse académique du chef de cette augmentation depuis l'époque mentionnée ci-dessus, et qui sera 574 LIVUE I. — 1785. pareillement versée dans cette caisse, après déduction de ce qui a été payé à feu Tabbé Needham à titre d'une pension de fl. 500 par an, et au secrétaire Des Roches du chef d'une pension de fl. 400 qui leur ont été expressément attribuées par feu S. M. ; » 2» Que LL. AA. RR. ont agréé en conformité des intentions de feu S. M. qu'à commencer du mois de novembre prochain, il soit assigné sur la dotation de l'Académie six pensions académiques, savoir deux de fl. 300, deux de fl. 400, et deux de fl. 500, et qu'en conséquence l'Acadé- mie pourra y délibérer dans la première assemblée générale, h l'exclusion néanmoins de ceux des académiciens qui demanderont des pensions, et adresser ensuite au ministre plénipotentiaire de S. M. pour l'information de LL. AA. RR. le rapport par lequel elle proposera ceux des membres qui lui paraîtront mériter par préférence d'avoir part à cette récom- pense flatteuse. » Je dois pourtant vous prévenir qu'il ne peut être question d'accorder dans ce moment-ci que quatre de ces pensions, vu que d'après les ordres exprès de feu S. M. l'impératrice, une des deux pensions de fl. 500 doit être réservée pour quelque savant étranger dont on pourrait ou désirerait faire l'acquisition dans la suite, et qu'une des deux pensions de fl. 400 a été, ainsi que je l'ai dit ci-dessus, attribuée depuis l'an J776 par feu S. M. au sieur Des Roches à titre de secrétaire perpétuel de l'Académie. » Il me reste à vous assurer, messieurs, du plaisir infini que j'aurai d'apprendre les progrès ultérieurs d'un établissement qui m'est cher, et qui, si mes vœux sont remplis, parviendra un jour à ce degré de célébrité auquel le zèle constant des gens de lettres qui le composent, soutenu par des récompenses bien méritées, ne peut manquer de le conduii-e. 0 Je suis parfaitement, etc. » (Signé): Starhemberg. o Nous verrons dans le chapitre XXXIV que linspirateur de cette lettre fut le chancelier de Brabant. L'Académie était entrée en vacances quand elle la reçut : la délibération sur la suite qu'il convenait d'y donner, fut remise au mois d'octobre. Le président en fit lecture dans la séance du 24, et « pria les membres qui aspiraient aux pensions de se déclarer. MM. Gérard, de Hesdin, Du Rondeau, De Réunie, Bournons, Ghesquiere et Van Bochaute se levèrent; et comme la délibération devait se faire en leur 1 ( LIVRE I. — 1783. 575 absence, on résolut de tenir à cet effet une assemblée particulière à l'hôlel de M. le président, le G novembre prochain, veille de la séance ordinaire que Ton fixa au 7. » Avant de faire connaître les résultats de l'assemblée particulière du 6 novembre, disons que dans la séance du 7 : a M. le président proposa une matière bien importante aux délibéra- tions de FAcadémie. Il s'agissait de savoir s'il ne serait pas préférable que les deux classes de TAcadémie tinssent séparément des séances sur les objets de leur travail respectif. Cette affaire mise en délibération, la pluralité des suffrages fît rejeter la proposition. Quelques membres avaient projeté cette séparation comme un moyen de doubler l'activité, et d'éviter quelques abus qui naissent de la communauté des classes. Les autres membres regardaient cette nouveauté comme dangereuse dans les conséquences qu'elle devait avoir. » La séparation des classes revint plusieurs fois à l'ordre du jour, après la restauration de rAcadémie en 1817, mais, comme on le sait, elle ne fut admise qu'en 1845, lorsque l'Académie fut complétée par Tadjonclion d'une classe des beaux-arts. CHAPITRE XXXIII. Les membres de l'Académie choisis pour être pensionnés. — Les obligations qui leur sont imposées. — Le Cabinet est placé chez l'abbé Mann. — La représentation adressée au comte de Belgioioso en novembre 1783. — Note confidentielle du chan- celier Crumpipen pour le ministre. — Belgioioso fait la distribution des médailles remportées au concours, — Sa promesse d'examiner avec bienveillance les demandes de l'Académie. Reprenons maintenant la question des pensions. La décision du comité qui s'était réuni le C novembre 4785, fut consignée dans un rappoit adressé immédiatement après au comte de Belgioioso, sous forme d'extrait de protocole *. * Archiv. du roy.de Belg. Secrétairerie d'État et de guerre : portefeuille n" 398. 576 LIVRE I. — 1783. Ce rapport, rédige très probablement par le cliancelier Crum- pipen, exposait aussi les doléances ordinaires de l'Académie au sujet de son état et de ses besoins; il était conçu en ces termes : « En conséquence de la lettre de S. A. le prince de Starhemberg en date du 25 juin de cette année, concernant la dotation de l'Académie et la création de quatre pensions en faveur d'autant de membres à proposer par ce corps, il s'est tenu cejourd'hui une assemblée extraordinaire sous la présidence de M. le chancelier de Brabant, à l'exclusion de ceux qui aspirent à ces pensions, et qui sont MM. Gérard, de Hesdin, Du Kondeau, De Beunie, Bournons, Ghesquiere et Van Bochaute, auxquels on peut ajouter M. de Launay, actuellement à Vienne, qui s'est recommandé par plusieurs lettres au président et au directeur de l'Académie. » Après une longue et mûre délibération, après avoir pesé les motifs tirés de l'ancienneté, des services rendus, des espérances que l'on pouvait concevoir, en un mot de tous les titres qui pouvaient recommander cha- cun des aspirants, l'Académie, se déterminant par la pluralité des suf- frages, a l'honneur de proposer une pension de 500 florins en faveur de M. Gérard, une de 400 florins en faveur de M. Du Rondeau, une de 300 florins en celle de M. De Beunie, et enfin la dernière, aussi de 300 florins, en faveur de M. de Hesdin. Elle se promet que S. E. le mi- nistre plénipotentiaire voudra bien confirmer ce choix et le porter à la connaissance de Leurs Altesses royales pour obtenir leur agréation. « Pour que les pensions, si longtemps désirées, produisent l'effet qu'on doit attendre, les académiciens pensionnés seront plus strictement tenus que les autres à remplir l'obligation, imposée à tous, de produire chaque année un bon mémoire au moins. Ils seront chargés aussi, par préférence aux académiciens non pensionnés, des rapports et des recher- ches concernant les objets sur lesquels le gouvernement ou les Académies étrangères auront consulté la compagnie. L'on doit présumer que tout académicien pensionné pourra se livrer avec empressement à ces devoirs, et il n'est nullement probable qu'aucun s'y refuse; si cependant ce cas arrivait, et qu'après avoir été admonesté, l'académicien en défaut ne se corrigeât pas, il sera, sur la délibération du corps entier, privé de sa pen- sion pour l'année où il aura manqué de satisfaire, et la pension de celte année restera au profit de la caisse. Ainsi l'académicien négligent sera puni pour le passé, et puissamment excité à ne pas tomber l'année sui- vante dans la même faute; mais, comme on l'a déjà dit, il n'est poin* apparent que ce cas existe jamais. LIVRE I. 1783. 377 « Au reste, comme M. Du Rondeau jouit déjà d'une somme annuelle de 300 florins qui lui fut accordée par un arrangement provisoire du il octobre 1782, à la charge de loger et d'entretenir le Cabinet de phy- sique et d'histoire naturelle, l'Académie, dans la vue de ménager ses fonds, a reçu avec satisfaction l'ofl're qui lui a été faite par 31. l'abbé Mann, de placer ce cabinet chez lui, et d'en avoir tous les soins qu'il exige, le tout gratis et moyennant le simple remboursement des frais extraordinaires, jusqu'à ce que l'Académie ait obtenu un emplacement convenable et fixe pour son Cabinet. » Telles sont les dispositions qui ont été faites d'après la lettre de M. le prince de Starhemberg; mais l'Académie regardant la création des pensions comme une occasion très favorable de sortir de l'espèce de langueur qui la mine, elle a porté ses regards sur son existence actuelle, et elle prend la respectueuse confiance d'exposer à S. A. le ministre plé- nipotentiaire le résultat de ses réflexions. Quel moment plus heureux pourrait-elle désirer que celui oîi l'on vdit le sort des lettres et des sciences entre les mains de princes qui les aiment et les cultivent, et d'un ministre à qui elles doivent infiniment! » L'Académie envisage les pensions comme un moyen excellent d'ex- citer le zèle refroidi de plusieurs de ses membres; mais ce moyen seul ne lui donnera pas le degré d'activité et de considération où elle tend. Elle a des besoins qui, à moins qu'on n'y pourvoie, mettront toujours à ses succès un obstacle insurmontable. Elle a un astronome, mais ni Observatoire, ni instruments, ni un lieu convenable oîi elle puisse faire les observations correspondantes que d'autres Académies lui demandent. Elle a des chimistes savants et laborieux, mais point de Laboratoire pour faire les expériences. La bienfaisance de S. M. lui a donné un Cabinet, ou du moins le commencement d'un Cabinet de physique et d'histoire naturelle, que la générosité d'un de ses membres a beaucoup enrichi, mais on ne sait où le placer, on le réfugie d'un endroit à l'autre, et depuis deux ans qu'on le possède, on songe déjà à le déloger pour la troisième fois. La Bibliothèque publique particulièrement destinée à l'usage de l'Académie, et dont plusieurs livres imprimés et manuscrits lui appartiennent, est trop petite pour contenir la dixième partie des ouvrages tirés des Cabinets des ci-devant jésuites pour son augmentation. Ces livres parmi lesquels il y en a de précieux sont depuis quelques années dans une église abandonnée. On n'est pas sans crainte sur leur conservation; ils peuvent devenir la proie des vers, de l'humidité, peut- 578 LIVRE I. — 1783. être de la rapacité de ceux qui sauront s'ouvrir les portes, ou les fenêtres de cette église. Dans la supposition la plus favorable, il sera toujours vrai de dire que ces livres se détériorent, que tant qu'ils demeurent cachés dans ce lieu peu convenable, le don de l'empereur est rendu inu- tile à l'Académie, inutile au public. Plus d'une fois, on a exposé au gou- vernement ces vérités frappantes, ces appréhensions peut-être trop fon- dées j plus d'une fois le gouvernement a paru disposé à prêter l'oreille aux unes et à faire cesser les autres; mais jusqu'ici aucun effet n'a répondu à l'attente publique; toujours des vues qui la croisaient, ont prévalu; et cette collection reste constamment exposée à des dangers, et ensevelie dans un obscur dépôt où personne ne peut avoir accès. « Ce n'est pas que l'Académie présume que l'on puisse pourvoir à la fois à tous ses besoins, et que tout d'un coup elle aura de riches Cabinets, un bel emplacement, un Observatoire bien fourni; elle sait que tout cela ne s'acquiert qu'à la longue, et ce qui l'inquiète le moins, ce sont ces acquisitions, parce qu'ayant des fonds suffisants, administrés avec beau- coup d'économie, rien ne serait plus aisé que de faire petit à petit les emplettes convenables; ce qui est vraiment décourageant pour elle, et alarmant pour le progrès des connaissances, c'est de voir tout son éta- blissement réduit à la salle où elle tient ses assemblées; c'est de voir que faute de place, faute de bâtiments, faute d'un terrain convenable, elle ne peut, ni ne pourra peut-être de longtemps faire usage des livres qui lui sont destinés, ni correspondre aux travaux des autres Académies , ni amasser les instruments nécessaires à ses opérations. Il est certain que dans son état actuel, elle doit regarder Taslronomie, la chimie , la bota- nique, la plus grande partie des sciences physiques comme une carrière qui lui est défendue, et se contenter de juger tous les ans quelques ques- tions économiques, ou autres, qui ne demandent pas un bien grand appa- reil. Les Mémoires qu'elle publie ne se ressentent que trop de la sphère rétrécie où ils ont pris naissance; de plus, faute d'un lieu convenable, elle a déjà eu la confusion de ne pouvoir remplir la tâche dont elle s'était chargée envers une autre Académie, relativement aux observations har- moniques pour lesquelles cette dernière avait même envoyé des instru- ments. • Ce qui rend la perspective encore plus triste, c'est qu'elle ne peut pas même espérer de sortir de la médiocrité tant que ses besoins exis- tent. Si cette médiocrité ne provenait que de celle des talents de ses membres, elle pourrait se flatter d'un heureux changement, moyennant LIVRE I. 178-. 579 quelques nouvelles admissions. Telle Académie était ignorée en Europe, qui dix ans après était étonnée de Téclal dont elle se trouvait environnée tout à coup. Il ne faut pour cela que deux ou trois savants distingués et quelque grande entreprise exécutée heureusement. Ce serait avoir trop mauvaise opinion des Pays-Bas que d'y croire ces circonstances impos- sibles; mais tandis que l'Académie manque de tout, quand elle serait composée des plus illustres savants, qu'arriverait-il? Ses membres se cou- vriraient de gloire, parce que de grands hommes n'ont pas besoin d'une Académie pour se faire remarquer; mais celte gloire ne rejaillirait pas sur elle; elle n'en imposerait «à personne, elle serait toujours considérée comme un établissement éphémère et médiocre. Ses membres contribue- raient à étendre les connaissances humaines , mais elle n'y contribuerait point. 0 L'Académie de Bruxelles doit son existence, ses fonds et les préro- gatives honorables dont elle jouit à Tintercession du prince de Starhem- berg; elle aime à se persuader que ce ministre aurait achevé son ouvrage, si les circonstances l'avaient i)ermis. Maintenant les qualités et la manière de penser de son illustre successeur sont le point où se réunissent toutes les espérances; cette attente frustrée, toute autre espérance serait vaine. Mais si S. E. voulait j)rêtcr une main secourable à l'Académie qui l'im- plore, que ne doit-on pas attendre? On l'a déjà dit, ce qui presse le plus, ce qui est essentiel et indispensable, c'est un emplacement spacieux pour elle, pour la Bibliothèque, pour les différents Cabinets; c'est un édifice où elle puisse réunir ses opérations; c'est un lieu où elle puisse observer. Sans ce secours nécessaire une riche collection de livres périra sans res- source; sans ce secours, l'Académie ne doit plus songer à se procurer des instruments, elle doit se défendre les observations et les tentatives; enfin sans ce secours, un dernier moyen qui lui reste à proposer, deviendrait inutile, il faudrait y renoncer pour plus d'une raison. «) Ce moyen consiste à faire venir à Bruxelles et attacher à l'Académie un ou plusieurs de ces savants distingués qui se sont fait une grande réputation dans les sciences physiques et mathématiques. Les disposi- tions du prince de Starhembcrg ont réserve à cet effet une pension de 500 florins, non comprise parmi les quatre pensions proposées dans cet extrait de protocole. Une somme si modique ne sufiira point certainement pour attirer un savant, dont la réputation en impose; mais S. E. pourrait ajouter à cette pension quelque bénéfice ou quelque autre avantage con- sidérable. Au reste, si l'on se détermine ici à désirer quelque homme 580. LIVRE I. — i783. célèbre par ses succès dans les sciences exactes plutôt que dans Thistoire ou la littérature belgique, c'est que ces dernières parties supposent des connaissances qu'on chercherait vainement chez l'étranger, joint que l'Académie ne manque pas de sujets qui ont traité et qui traiteront ces matières à la satisfaction du public. »> Voilà les réflexions que l'Académie a tirées de l'examen qu'elle a fait de son état actuel; voilà ce qu'une confiance bien légitime ne lui permet pas de dissimuler devant un ministre trop éclairé pour se faire illusion sur le véritable état des choses, trop ami des sciences pour ne pas les tirer de la médiocrité oîi elles sont encore dans nos provinces. Il lui reste à supplier S. E. de vouloir employer sa puissante médiation soit auprès de S. M., soit auprès de Leurs Altesses royales, comme il appar- tiendra, afin que l'Académie prenne une fois la consistance d'où doivent naître ses succès. » Fait à Bruxelles, le 6 novembre 1783. » (Signé) : J. Crumpipen, président. » J. Des Roches, secrétaire perpétuel. » Le chancelier de BrabaiU avait accompagné ce rapport d'une note pour Son Excellence le minisire plénipotentiaire, datée du 12 novembre ', dont nous allons donner la substance. « En ce qui concerne les pensions, Crumpipen déclare n'avoir aucune remarque à faire. » Les quatre sujets qu'on propose de gratifier d'une pension lui paraissent dans la composition actuelle de [l'Académie], ceux qui méritent le plus cette distinction ; et les arrangements qu'on a faits, sous l'agrément de S. E., pour s'assurer que les académiciens ne manquent pas à leur devoir, lui semblent également bien vus. — L'autre point [du rapport], le plus essentiel, regarde les moyens à employer pour tirer l'Académie de l'état de faiblesse et de cette espèce d'engourdissement oii elle se trouve aujourd'hui. Son Excellence observera sans peine, que cet objet a été traité d'une manière analogue aux vues qu'Elle a eu la bonté de communiquer au président, en plusieurs occasions, et d'après * Archiv. du roy. de Belg. Secrélairerie d'Élat et de guerre : porlefeuille n« 598. LIVRE I. — 1783. 581 lesquelles celui-ci a cru être de son devoir de diriger la délibération de rassemblée. — Mais un article qu'on n'y a pas touché, et sur lequel le président a jugé, comme de raison, plus convenable de s'expliquer par une note particulière, c'est la question suivante que S. E. pourrait faire à l'Académie : c< Messieurs, quand on vous aura procuré tout ce que vous » demandez; quand S. M. aura fait une dépense de cent mille florins » pour vous loger plus convenablement et vous donner tous les objets » qui vous sont nécessaires, m'assurez-vous que vos mémoires seront » meilleurs, et les sciences plus cultivées, etc., etc. ? »> Le président avouera qu'il serait difficile de répondre absolument par un oui à cette terrible question; mais ce qui lui paraît certain d'un autre côté, c'est qu'il était inutile de donner à l'Académie 30 000 volumes, qu'on aurait pu vendre avantageusement pour les royales finances de S. M., si on ne voulait pas bâtir un autre vase pour la Bibliothèque; que si on n'enten- dait pas faire les fiais d'un Cabinet, il ne fallait pas faire des dons si considérables en instruments de physique et en morceaux d'histoire naturelle; qu'un souverain, que des ministres éclairés ne bornent pas leurs regards au temps présent, qui n'est qu'un point; qu'ils pénètrent dans l'avenir, et que la postérité réclame également leurs soins et les cfTels de leur bienfaisance; que si l'Académie n'est pas infiniment bien composée dans ce moment-ci, elle pourra l'être mieux dans la suite; que si l'on veut étendre le goût des connaissances utiles, pourquoi ne pas faire dès aujourd'hui une dépense qu'il faudra nécessairement faire plus tard? Que si un Cabinet, un Observatoire, une Bibliothèque sont des objets inutiles à présent, ils ne le seront pas toujours; que nos arrière- neveux seront plus instruits, plus actifs que nous; qu'ils béniront la mémoire de ceux qui leur auront facilité les moyens de se perfectionner, et que la patrie ne les oubliera jamais. En un njot, qu'il faut ou suppri- mer l'Académie et la Bibliothèque publique, ou chercher à mettre l'une et l'autre dans un état décent et digne du grand monarque qui nous gouverne. En effet, que peuvent penser des étrangers, quand on leur dit que la Bibliothèque royale consiste en 40 000 volumes, dont 40 000 sont enfermés dans des cadres dorés, et 50 000 jetés à l'abandon dans une église déserte, dont les toits et les fenêtres sont percés en plusieurs endroits ?... » Le 20 novembre, Crumpipcn ouvrit la séance de l'Académie, en faisant connaître que la distribution des prix décernés au 08:2 LIVRE I. — 178Ô. dernier concours aurait lieu le 6 décembre, et que le ministic plénipotentiaire remettra'.t les prix aux lauréats dans la salle des réunions ordinaires de la compagnie. En effet, au jour fixé, l'abbé Mann venait de commencer la lec- ture de son Essai sur Chisloire naturelle de la ville de Bruxelles et de ses environs^ lorscju'on annonça l'arrivée du comte de Bel- gioioso. a S. E. voulut bien assurer l'Académie qu'Elle avait fait attention au dernier rapport, qu'Elle allait le porter incessamment à la connaissance de Leurs Altesses royales, que l'article des pen- sions ne souffrirait point de difficulté, qu'Elle s'occupait déjà d'un projet de loger convenablement l'Académie et la Bibliothèque, qu'Elle prendrait en considération les antres moyens indiqués dans le rapport pour faire fleurir les sciences, qu'il fallait tout attendre de la protection que S. M. leur donne. » Le 2 décembre, le chancelier avait fait remettre la note suivante au ministre ^ : « Le président de l'Académie, on conséquence de Tentrelien que S. E. a bien voulu lui accorder la semaine passée, s'est cru autorisé à faire les arrangements suivants : i" La séance ordinaire de TAcadémie se tiendra samedi prochain, 6 de ce mois. S. E., à son arrivée, sera reçue par l'Académie en corps, à la descente de la voiture... L'entrée la plus commode est celle qui donne dans le Parc...; 2" Les auteurs, dont les mémoires ont été couronnés au dernier concours, se trouveront dans la salle d'assemblée à l'heure indiquée, et recevront des mains de S. E., après avoir élé appelés et nommes par le président, la récompense honorable de leurs travaux; o'' Cette cérémonie achevée,... il semble que ce serait alors le moment propre d'annoncer à l'Académie que LL. AA. RR... ont résolu d'accorder [des pensions]... Si, après cela, S. E. jugeait à propos d'informer l'assemblée, qu'Elle prendra en consi- dération les objets touches dans l'extrait de son protocole du 6 du mois dernier..., il est certain que tout cela produirait un excellent effet. S. E. pourrait aussi faire connaître à l'Académie, qu'Elle désire que le secré- taire lui présente à la fin de chaque mois le résultat des deux séances no 568. Arcliiv. du roy. de Belg. Secrélairerie d'Étal et de guerre : poriefeuille oc LIVRE I. 1783. Obô ordinaires de ce corps, afin qu'ElIe soit toujours au courant des affaires qui s'y traitent et à même d'en rectifier la marche, si elle est trouvée défectueuse. » Le chancelier de Brabant qui a l'honneur de présider l'Académie depuis dix ans, peut assurer S. E. qu'une annonce faite directement de sa part, que son intention est non-seulement d'être informée avec exac- titude de tout ce qui se passe à l'Académie, mais aussi d'assister quel- quefois à ses séances, exciterait infiniment l'émulation parmi les académiciens et encouragerait beaucoup quelques bons sujets qui s'y trouvent... » Si le protocole dont nous avons donné un extrait est fidèle, Belgioioso ne crut pas devoir tenir compte de la dernière reconi- mandalion du chancelier. Le a janvier 1784-, il adressa à viessieurs les membres de r Académie des sciences et belles-lettres de Bruxelles, la Ici Ire suivante dont le projet avait été préparé par Crunipipen : « Messieurs, » Ayant mis sous les yeux de Leurs Altesses royales votre rapport du 0 novembre dernier, par lequel vous proposez ceux d'entre vous que vous estimez mériter par préférence d'être gratifiés d'une pension acadé- mique, c'est avec beaucoup de plaisir que je puis vous annoncer que Leurs Altesses royales se sont conformées à votre proposîtior., et qu'en conséquence Elles vous ont autorisé à accorder une pension de cinq cents florins à M. Gérard, une de quatre cents florins à M. Du Rondeau, une de trois cents florins à M. de Hesdin et une pareille pension de trois cents florins à M. De Beunie. A l'efTet de quoi vous pourrez faire les dispositions requises en la forme que vous jugerez le mieux convenir. « Au surplus Leurs Altesses royales ont également adopté votre avis par rapport au nouvel emplacement à donner à votre Cabinet de physi- que et d'histoire naturelle, lorsque M. Du Rwideau ne pourra plus le garder chez lui ; et Elles ont trouvé fort juste l'observation que vous avez faite que la somme annuelle de trois cents florins accordée provi- sionnellement à ce dernier par votre résolution du 17 octobre 17812 pour la garde et l'entretien du même Cabinet, doit venir à cesser depuis 584 LIVRE I, — 1785. le 1" de novembre 1785, date que la pension académique du dit sieur Du Rondeau a commencé à courir. » Pour ce qui regarde les autres objets touchés dans votre rapport mentionné ci-dessus, je vous ai déjà fait connaître de vive voix, mes- sieurs, tout mon désir à seconder vos vues, lorsque les circonstances le permettront, et je ne puis que vous répéter aujourd'hui les mêmes assurances. « Je suis très parfaitement, etc. » (Signé) : Barbiano de Belgioioso. « Avant d'aller plus loin, il nous faut revenir sur nos pas et don- ner quelques pièces et quelques éclaircissements qui se rappor- tent à l'adminislration du prince de Slarhemberg. CHAPITRE XXXIV. Le compte rendu par M. de Fraula de la gestion des fonds de l'Académie, du ier jan- vier au 81 décembre 1782. — Rapport du conseiller des finances Limpens au prince de Starhemberg, en date du 27 mai 178o. — La lettre adressée par le chancelier de Brabant à Starhemberg vers le lo juin suivant. — Note du chancelier résumant l'histoire de la dotation et des pensions académiques. — Décret de LL. AA. RR. du 24 juin. M. de Fraula, le successeur de M. de Launay dans la place de trésorier de TAcadémie, rendit compte, le 27 mai 1783, des de- niers qu'il avait reçus et déboursés « depuis le premier jusqu'au dernier jour de l'année 1782, » par-devant messire Ange-Charles de Limpens, conseiller du conseil des finances de S. M. I. et R., à l'intervention du président de l'Académie el de ses députés, MM. Gcrard et de Nicuport. LIVRE I. 1783. 583 Le tableau suivant présente le résumé du compte : Recette. FF,. s. D. Clôture du compte do M. de Launay jusqu'au 51 juillet 4781 H 7^28 12 8 Année de la dotation de rAcadémie, échue le 51 dé- cembre 1781 5 000 0 0 Dix mois de la même dotation, échus le 51 oct. 1782 . 2 500 0 0 [Pour Tannée 1782, les payements des finances belgiques ont été ramenés aux échéances de Tannée militaire qui commence le 1" novembre] .... Reçu de M. Crumpipen pour une année d'intérêt d'un capital de 10 000 à 5 '/a "A échue le 51 décembre 1782 550 0 0 Total de la recette. ... 17 578 12 8 ► Dépenses. CliapUi'c /«•■. Dépenses ordinaires 854 10 5 Chapitre II. Dépenses extraordinaires 958 7 4 CAaj;//re ///. Dépenses arriérées 470 7 G Chapitre IV. Fonds places 10 000 0 0 Total DES DÉPENSES. . . . 12 245 5 1 Doit le rendant 5 555 7 7 Voici le détail des dépenses. Les dépenses arriérées se rapportent aux cinq derniers mois de l'année 1781, et avaient été remboursées au chancelier Crum- pipen. On y voit figurer en première ligne une somme de fl. 315 payée à titre de gratification à de Launay, en vertu de la lettre suivante du prince de Starhemberg, datée du 4 août : « Monsieur, ayant résolu d accorder au sieur de Launay, d'après votre témoi- gnage, la gratification de fl. 315 que vous proposez en sa faveur, je vous fais la présente pour vous en prévenir et afin que vous Tome XXXI V. 25 380 LIVRE I. 1785. veuillez bien faire pourvoir aux dispositions qui en résultent. » Limpens écrivit en marge de cet article : « Vu la lettre de S. A. en date du 4 août 1781 et la quittance du sieur de Launay ci-pro- duile se passe, en prenant égard néanmoins aux observations faites par MM. les commissaires intervenants de la part de l'Aca- démie sur ce qu'à l'avenir il serait à désirer qu'il ne soit disposé sur les gratifications que d'après l'avis de l'Académie ou de ses députés. » — Vient ensuite un compte de Des Rocbes s'élevant à fl. 15S-7-6 pour frais de bureau du l^"" juillet au 51 décembre 1781, à savoir : Papier, encre, plumes, etc., fl. 59-0-6; bois et fa- gots pour le chauffage du bureau, fl. 22-10-0; port et affranchis- sement de lettres et paquets, fl. 15-2-0; 6 mois d'appointements de l'oflicial Heris, échus le 51 décembre 1781, fl. 05-0-0; payé au relieur Grohin, pour la reliure en maroquin des tomes II et III des Mémoires et du volume des prix de l'année i 779, destinés à LL. AA. RR.,fl. 15-15-0. Les dépenses ordinaires comprennent : 1" deux comptes de Des Roches se rapportant à l'année 1782 et formant un total de fl. 299-15-0 qui se décompose comme suit : Papier, encre, plumes, etc.,fl. 51-18-0; bois et fagots, fl. 22-0-0; port et affran- chissement de lettres et paquets, fl. 20-14-0; une année de gages et gratification de l'official Heris, fl. 105-16-0; achat (fl. 17-17-0) et reliure en maroquin doré sur plat et sur tranches (fl. 15-15-0) des tomes I, II et III des Mémoires, pour le comte et la comtesse du Nord, fl. 35-12-0 ; reliure du catalogue du Cabinet de l'Académie, fl. 1-15-0; 2" la gratification du concierge de la Bibliothèque, fl. 31-10-0, et SM'achat de 247jetons (à fl. 2-0-9 la pièce), fl. 505-5-3. Les dépenses extraordinaires ont été faites en grande partie pour établir le Cabinet d'instruments de physique et d'objets dhistoire naturelle : on a payé à l'abbé de Witry pour sa dépense d'auberge pendant trois semaines de séjour en novembre 1781, fl. 74-0-0; au même pour 28 jours de séjour à Bruxelles à partir du 1" jan- viei' 1782, fl. 65-6-8; au même pour le remboursement des répa- rations faites à trois instruments de physique, fl. 26-1-0; au même pour le remboursement de diverses dépenses faites pour le Cabi- net, fl. 152-8-0; à l'abbé Marci pour objets de physique, achetés LIVRE I. — 1785. 587 à la vente du prince Charles, et réparations, fl. 74-1 1-0 ; les tra- vaux de menuiserie, serrurerie, etc., ont coulé fl. 208-12-5. On a encore pajé pour arranger une chambre destinée aux observations à faire avec les instruments envoyés de Manheira, fl. 37-5-5; pour deux paires de chandeliers platinés et une paire de chandeliers argentés, et branches idem, fl. 114-6-0; pour 20 médailles de l'inauguration à une couronne pièce, fl. 63-0-0; pour 20 médailles à l'efligie du comte et de la comtesse du Nord, à un ducat pièce, fl. M 8-0-0; pour quelques petits frais à la séance du comte et de la comtesse du Nord, fl. 3-5-0; pour menues dépenses, fl. I-U-0. Le 27 mai 1785, Limpens écrivit au prince de Starhemberg' : « 3fonscigneur, » Ensuite de rautorisation que Votre Altesse a daigné me donner dans sa lettre du 18 de ce mois, j'ai coulé le compte ouvert de l'Académie des sciences et belles-lettres de cette ville, que M. le comte de Fraula a présenté pour Tannée finie le 31 décembre 1782. J'avais coulé l'année dernière le compte rendu par le sieur de Launay pour sept mois finis le 31 juillet 1781, à quelle époque ce rendant avait été obligé d'inter- rompre sa gestion pour se rendre à Vienne où il était demandé. » ... Pendant cette année-là [1782], il est arrivé que tous les paye- raenls des finances belgiques ont été ramenés aux échéances de l'année militaire qui commence le l" de novembre... A la fin de 1782, M. le comte de Fraula a encore reçu pour dix mois de dotation académique la somme de fl. 2 500. » Il est arrivé de là que le compte rendu pour 1782 présente une double dotation à deux douzièmes ou un sixième près, [le comte de Fraula ayant encore reçu l'année de dotation échue au 31 décembre 1781 ou fl. 3 000.] » La recette se trouve donc majorée casuellement par celte circon- stance, et cela contribue à procurer la forte clôture active dont l'entre- mise de l'Académie se trouve maintenant garnie; ce qui y contribue bien * Archiv. du roy. de Belg Secrétairerie d'Élal et de guerre : portefeuille n*^ 398. 588 LIVRE I. — 1783. plus, c'est la rentrée des fonds considérables employés ci-devant dans rimprimerie académique et que Ton est parvenu à récupérer sans perte pour l'administration. r> C'était l'objet principal de mon rapport du 2 janvier 1781 et de mes propositions précédentes que Votre Altesse avait daigné puissam- ment seconder et agréer par sa lettre du 2 juin 4780. » C'est à ce refournissement qu'il faut attribuer la forte clôture du compta de l'année dernière qui se montait au profit de l'Académie à fî. Id 728-12-8. » Elle est exactement renseignée en recette dans le com])tc de 1782, et Votre Altesse ayant agréé que M. le président de l'Académie procure d'une somme de fl. 10 000 prise sous sa responsabilité hors de cette clôture active l'intérêt de 3 ^/g p. «/o argent pour argent, cet intérêt se trouve renseigné et vient encore majorer la recelte de l'année 1782 à concurrence de fl. 350. Elle s'élève en total à une somme de fî. 17 578-12-8. » La dépense ne porte que sur des articles assez médiocres; ils sont usités et ne présentent matière à aucune observation, excepté que l'objet des frais de bureau du secrétaire perpétuel de l'Académie ont paru susceptibles d'une espèce d'abonnement à lui proposer pour éviter les renseignements minutieux. » Un seul article a fixé l'attention des deux députés intervenant aux comptes de la part de l'Académie, le commandeur de Nieuport et l'audi- teur Gérard 3 il s'agissait de la gratification que Votre Altesse a accordée au ci-devant trésorier de l'Académie Launay par sa disposition du 4 août 1781 à concurrence de fl. 315. Ces députés ayant témoigné leur sollici- tude et celle de l'Académie sur la part qu'elle désirait de prendre à la concession de pareilles faveurs, se sont arrêtés à un désir soutenu d'obtenir que l'Académie serait désormais entendue en corps ou par députés en pareils cas; j'ai cru pouvoir me charger de motiver leur observation dans l'apostille que j'ai marginée sur cet article du compte; mais après avoir pris soin de l'allouer définitivement comme dûment ordonné par Votre Altesse et comme légalement acquitté sur acquit pertinent; il m'a paru qu'après avoir établi par là la déférence due à la disposition de Votre Altesse, je pouvais prendre la liberté de porter à sa connaissance le désir que les députés de l'Académie ont témoigné sur cela. » .... Le fonds libre de l'Académie est de fl. 15 335-7-7... LIVRE I. — t783. 589 » ... [Votre Altesse] mettrait le comble au soutien de ce berceau des arts et à la reconnaissance des lettres en ce pays, si Elle daignait lui procurer un emplacement plus analogue à son accroissement actuel. » Les trente à quarante mille volumes de livres choisis hors des Bibliothèques jésuitiques, destines à enrichir la Bibliothèque de Bour- gogne, ont été réserves dans Tintention de fournir un nouvel aliment aux recherches et aux opérations académiques. « Il y a eu deux projets pour donner à ces livres un emplacement convenable : Tun était peu dispendieux, Paulre plus vaste devait coûter environ 80 à 90 mille florins; il s'agissait pour chaque projet de l'église des ci-devant jésuites. » J'ignore si Ton peut encore revenir à cette idée, et s'il y aura moyen d'obtenir le fonds requis à la dépense; mais je ne puis que sou- mettre à la considération de Votre Altesse si Elle ne croirait pas que dans l'une ou l'autre portion de bâtiments, surtout dans le nombre des églises que la dissolution des couvents laisse de libre disposition, on ne pourrait pas convenablement trouver remplacement des livres jésuitiques combi- nés avec ceux de la Bibliothèque de Bourgogne actuelle, et si l'on ne pourrait pas en même temps destiner dans celte nouvelle Bibliothèque un emplacement pour les séances académiques et ses autres besoins quelconques. » Une pareille destination de l'une ou de l'autre église des couvents supprimés ne présenterait-elle pas an public l'idée d'un emploi très utile? et ne serait-elle pas conforme au but annoncé par les suppres- sions ? »> Si Votre Altesse donnait quelque consistance à ce projet qui sem- blerait réunir les vœux de l'Académie, j'estime qu'Elle pourrait être servie de procurer une direction au comité établi pour les affaires de la caisse de religion, faire nommer deux députés de l'Académie qui concer- teraient avec un ou deux députés de ce comité l'emplacement à trouver aux moindres frais que possible; et s'il fallait, comme cela sera sans doute inévitable, supporter une dépense quelconque pour la réunion des Bibliothèques et la préparation du nouvel emplacement de l'Académie, il paraît qu'une partie du fonds libre de l'administration ne saurait être mieux employée qu'à lui donner une Bibliothèque considérable et bien distribuée avec les appartements convenables sans faste, mais suffisant à contenir les instruments de physique et [les objets] d'histoire naturelle dont elle a déjà fait l'acquisition, mais qu'elle a été obligée de placer- 390 • LIVRE l. — 1783. chez un membre de la compagnie, faute de capacité dans son bâtiment actuel. » J'ai rhonneur d'être, etc. » (Signé) : A.-C. Limpens. » D'après la lettre que nous allons donner', c'est à l'intervention du chancelier Crumpipen que l'Académie fut redevable de voir résoudre, avant le déj)art de Starhcmberg, la question de sa dota- tion et celle des pensions, depuis tant d'années en suspens. La lettre n'est {)as datée : elle est tout entière de la main de Crumpipen, et a dû êlre envoyée au minisire plénii)Otenliairc vers le 15 juin. tt Monseigneur, > Je supplie votre Altesse de permettre qu'avant son départ je l'en- tretienne un moment dos affaires de l'Académie. » Elle aura reconnu par le rapport ci-joint que M. le conseiller des finances de S. M., de Limpens, a eu l'honneur de lui adresser [voir ci- dessus], que le fonds de caisse de cette compagnie montait à la fin de l'année 1782 à la somme de fl. 15 335-7-6. Je dois avoir celui de l'in- former de mon côté, qu'il est encore dû à l'Académie par les royales finances de S. M. une autre somme de fl. 2 700, comme il se voit de la note pareillement ci-jointe, laquelle somme ajoutée à la précédente fait un total de fl. 18 055-7-6 appartenant à l'Académie et de libre dispo- sition. » Dans ces circonstances favorables il semble que l'on peut sans inconvénient donner exécution à la dépêche de feu l'impératrice du 24 décembre 1773, et porter en «oriséquence la dotation de l'Académie, qui jusqu'ici n'a été que de fl. 3 000 argent courant de Brabant, à fl. 3 000 d'Allemagne, en assignant sur ce revenu annuel deux pensions de fl. 300, deux pensions de fl. 400 et deux pensions de fl. 500, en faveur des gens de lettres qui se seront rendus les plus dignes d'un pareil bienfait. * Archiv. du roy. de Belg. Secrélairerie d'État el de guerre : portefeuille no 398. LIVRE 1. — 1783. 591 ») Si Voire Altesse agrée celte proposition, Elle pourrait avoir pour agréable d'en informer l'Académie par une lettre à lui écrire en cette conformité, et qui mettrait le comble aux bontés dont Votre Altesse n'a cessé d'honorer cet établissement. » Il conviendrait aussi que cette compagnie fût chargée par la même lettre de proposer à son futur protecteur, par un rapport en forme, à délibérer à rintervcntion de ceux seulement qui ne demandent pas de pension, quels sont les académiciens qui méritent par préférence une pareille faveur. » Enfin il serait à propos que l'Académie sût aussi qu'une des six pensions mentionnées ci-dessus, doit être réservée, selon les ordres exprès de S. M., pour quelque savant étranger, dont on pourrait, ou désirerait faire l'acquisition dans la suite; et que le secrétaire perpétuel a joui depuis l'année 1776, et continuera à jouir de même d'une pension aca- démique de fl. 400, de sorte qu'il n'y a dans ce moment-ci que quatre pensions, dont une de fl. 500, une de fl. 400 et deux de fl. 300 qui puissent être accordées. » Il me reste à porter à la connaissance de Votre Altesse la requête ci-joinle du secrétaire perpétuel de l'Académie, Des Roches. Elle tend à obtenir une dernière grâce, qu'on lui a fait envisager comme possible, il y a deux ans; qu'il semble mériter à tous égards, et sans laquelle il est hors d'état de se tirer d'embarras. J'ose donc supplier Votre Altesse de vouloir faire une attention favorable à la demande de cet excellent ouvrier, dont les services rendus tant à l'Académie qu'au comité des études sont de la parfaite connaissance de Votre Altesse. » J'ai l'honneur d'être etc. » (Signé) : J. Crumpipen, chancelier de Brabant. » La note dont il est parlé au commencement de la lettre du chancelier, était conçue dans les termes suivants : nous la trans- crivons ici parce qu'elle résume l'histoire de la dotation de l'Aca- démie. 0 Feu S. M. l'impératrice-reine a daigné dans le principe accorder à l'Académie une dotation de fl. 2 400 par an. Mais bientôt après S. M. augmenta cette somme de fl. 600 par an et porta ainsi la dotation de l'Académie à fl. 3 000 argent courant de Brabant. » En 4773, M. l'abbé Marci, membre de l'Académie, forma un 592 LIVRE I. — 1783. mémoire. Il y proposa entre autres de fixer des pensions à accorder à des académiciens, au lieu de leur donner des gratifications, et il repré- senta que si S. M. daignait passer fl. 3 000 argent d'Allemagne au lieu de fl. 3 000 argent de Brabant, et permettre qu'on fixât quelques pen- sions, Ton serait bientôt en état d'avoir quelques bons sujets pensionnés à Bruxelles, et qu'on pourrait établir deux pensions de fl. 300, deux de 400 et deux de 500, ce qui ferait en tout fl. 2 400, les 1 800 fl. restants pouvant servir à l'acquittement des frais tant ordinaires qu'extraordi- naires de l'Académie. » Ces propositions furent portées à la connaissance de S. A. le chan- celier de cour et d'État par un P. S. de S. A. le ministre plénipotentiaire du 27 novembre 1773. « Par une royale dépêche du ^4 décembre de la même année feu S. M. autorisa feu S. A. R. 1" à porter provisoirement la dotation de l'Académie à fl. 3 000 argent d'Allemagne, faisant en argent courant de Brabant fl. 4 200; 2» à assigner là-dessus deux pensions de fl. 300, deux de fl. 400 et deux de fl. 500; et S» S. M. se rapporta à S. A. R. et à S. A. le prince de Starhemberg sur le choix des gens de lettres de l'Académie qu'ils croiraient les plus dignes d'un pareil bienfait: voulant néanmoins S. M. qu'une des deux pensions de fl. 500 fût attribuée à l'abbe Needham, en place de celle de la même somme qu'Elle lui avait assignée en dernier lieu, et que l'autre restât ouverte, pour pouvoir être accordée à quelque savant dont on désirerait dans la suite faire l'acquisition. « La dotation de l'Académie est restée sur ce pied jusqu'aujourd'hui, mais l'Académie n'a jamais rien reçu de l'augmentation de fl. 1 200 courant, accordée par la royale dépêche que l'on vient de rappeler. On sait que la pension de fl. 500 a été payée à l'abbé Needham, et que le sieur Des Roches a reçu annuellement fl. 400, ensemble fl. 900, de sorte qu'il revenait annuellement à l'Académie fl. 500, et par conséquent qu'il lui revient de ce chef fl. 2 700 pour neuf ans commencés le l*^*" jan- vier 1774 et finis au dernier décembre 1782. » Il est à remarquer que l'abbé Needham étant décédé depuis environ un an, sans qu'on ait attribué sa pension à quelqu'autre sujet, il revient encore à l'Académie la rate de la pension éteinte de l'abbé Needham depuis le jour de sa mort jusqu'au dernier décembre 1782. I) Soit que le gouvernement trouve convenir de disposer maintenant des deux pensions de fl. 300^ d'une de fl. 400, et de deux autres de fl. 500, en laissant la seconde de fl. 400 au sieur Des Roches, ou qu'il I 1 LIVRE I. — 1783. 593 juge à propos de ne les attribuer à personne, mais d'en destiner les montants à augmenter le fonds de TAcadémie, dans Tun cas comme dans l'autre il paraît convenable que Ton fasse remettre à PAcadémie ce qui lui reste dû du chef de l'augmentation de dotation que S. M. a accor- dée en 1773, après déduction de ce qui en a été payé à feu l'abbé Needham et au sieur Des Roches. » Le 24 juin, LL. AA. RR. adressaient au conseil des finances le décret dont la teneur suit : « Comme feu S. M., par une royale dépêche du 24 décembre 4773, a trouvé bon d'augmenter la dotation de l'Académie des sciences et belles-lettres, d'une somme de { 200 fl. arg' cour' de Brabant, en portant celte dotation, qui était alors de 5 000 fl., à A 200 11. par an, et que, pour des considérations particulières, la dite somme de 1 200 fl. d'aug- mentation n'a jusqu'ici pas été acquittée à la dite Académie, sauf qu'il a été payé fl. 500 par an à feu l'abbé Needham, et fl. 400 au secrétaire perpétuel de la même Académie, Des Roches, à titre de leurs respectives pensions, qui, suivant les intentions de feu Sa Majesté, leur ont été successivement assignées sur la dite augmentation. Nous chargeons le conseil de faire acquitter maintenant au trésorier de la dite Académie la somme de fl. 1 200 par an, du chef de l'augmentation dont il s'agit, à commencer du i*""" janvier 1774, bien entendu moyennant déduction de ce qui en a été payé à feu l'abbé Needham et au secrétaire Des Roches, à titre de leurs dites pensions; au surplus, Nous chargeons le conseil de faire payer dorénavant à la même Académie d'année à année, la dotation entière de fl. 4 200 arg' cour', moyennant quoi il ne sera plus question d'acquitter la pension de fl. 400 au secrétaire Des Roches qui la recevra à la suite directement de l'Académie. » Le conseil des finances fixa à la somme fl. 5 595 le montant des arrérages dus à l'Académie depuis 1" janvier 1774 jusqu'au 51 octobre 1782. 394 LIVRE 1. — 1783. CHAPITRE XXXV. Pièces relatives à des demandes d'argent adressées par Des Roches au ministre plénipotentiaire prince de Starhemberg i. Par sa lettre du mois de juin 1783, le chancelier, ainsi qu'on l'a vu, transmettait au prince de Starhemberg une demande d'argent du secrétaire perpétuel de l'Académie, Des Roches. C'est un triste spectacle que celui d'un homme de celle valeur sollicitant des secours dans le langage le plus humble. Doué de qualités éminentes, travailleur infatigable. Des Roches n'avait aucun ordre dans sa vie privée Pour tout autre que lui, la posi- tion que le gouvernement lui avait faite, eût été brillante : il rece- vait 1 500 fl. à titre de son emploi de commis aux archives, 400 fl. comme secrétaire de l'Académie , \ 200 fl. comme actuaire de la commission des études...; pendant plusieurs années il avait été logé gratuitement dans l'imprimerie académique. Quoi quil en soit, voici sa lettre ou représentation au ministre : elle est datée de Bruxelles, le Jô juin 1783. « C'en est fait, monseigneur, j'ai beau détourner mon esprit d'une pensée désolante j je n'en suis pas moins à la veille de perdre mon pro- tecteur. Votre Altesse m'avait donné de l'emploi; j'ai travaillé sous ses ordres; Elle a eu les yeux ouverts sur mes succès, et plus d'une fois Elle m'a fait l'honneur d'en témoigner sa satisfaction. J'ai peu souvent solli- cité des grâces : votre encourageante bonté, mon prince, a plus ordinai- rement prévenu mes demandes, et quelquefois mes désirs. Apres cela, comment ne pas mêler mes regrets à ceux de tant de personnes que votre départ afflige? Comment me défendre d'en exhaler quelques-uns, même dans cette représentation où le respect peut-être devrait les sup- primer? » Parmi les heureux changements que vous avez opérés pendant le cours de votre glorieux ministère, l'équitable postérité distinguera les soins éclairés par lesquels vous avez relevé les lettres et créé les bonnes * Archiv. du roy. de Belg. Secrétairerie d'Élal et de guerre. LIVRE I. 1783. 593 études. Vous avez voulu que je fisse la plus grande partie des Traités nécessaires à vos desseins. Vous savez, monseigneur, avec quel zèle j'ai rempli cette tâche honorable; vous savez que, réglant mes idées sur celles de Votre Altesse, j'ai souvent préféré des travaux utiles à des tra- vaux brillants, quoique cette préférence exigeât de ma part quelques sacrifices. *) Sous un ministre ami des lettres, qui lui-même consacrait ses moments précieux à leur rétablissement, les récompenses ne pouvaient m'échapper. Aussi dès les derniers jours de l'année 1780, je reçus une gratification provisionnelle de 1 000 écus. Ma tâche n'était pas achevée à beaucoup près; l'ouvrage le plus important, l'histoire des Pays-Bas, restait à faire. Il fallait encore rédiger les cahiers de géographie, retou- cher la traduction flamande du catéchisme historique, examiner et cor- riger le traité élémentaire de la prosodie, etc., etc. Votre Altesse daigna me faire connaître qu'Elle me destinait une nouvelle récompense, lorsque le tout serait achevé. Tout cela est fini présentement, excepté les seuls cahiers de géographie, qui ne demandent que quatre ou cinq mois d'ap- plication, et qui n'ont été retardés que par l'entreprise d'un ouvrage, pour ainsi dire, surérogaloire, mais dix fois plus considérable et d'une nécessité absolue; ce sont les dictionnaires qui manquaient à nos études réformées , dont ils doivent assurer les progrès. Ce grand ouvrage est poussé avec ardeur; et le tout pourra être achevé au commencement de l'année prochaine, à moins que je ne sois traversé par quelque obstacle imprévu. Je glisse rapidement sur tous ces objets, parce que V^otre Altesse les ayant agréés eu détail. Elle en connaît l'importance et la diffîcullé- D'aillcurs je suis bien honteux de parler si longtemps de moi et de mes ouvrages. Une nécessité impérieuse a pu seule m'y obliger, et voici cette nécessité. » Pour rédiger les nombreux traités élémentaires et classiques d'une manière qui fît honneur au gouvernement, qui méritât l'approbation des personnes éclairées, et qui imposât un silence éternel aux malintention- nés dont le nombre était effrayant, j'avais besoin d'une quantité de livres qui ne se trouvaient pas dans ma Bibliothèque. Par exemple, sans le Thé- saurus de Henri Etienne, je n'eus point facilité l'intelligence d'Homère et d'Esope; sans les Acta Sandorum^ j'eus rempli difficilement quel- ques siècles de mon histoire belgiquc. Plein de confiance dans l'équité, dans la bonté de Votre Altesse, et me reposant sur les gratifications qu'Elle avait daigné me promettre, je fis à la vente des ci-devant jésuites 596 LIVRE I. — 1783. les acquisitions dont j'avais besoin. II s'agit maintenant d'en payer l'import... « Voilà, monseigneur, ce qui m'a fait hasarder cette représentation. C'est la dernière grâce qu'osera jamais vous demander un homme que vous avez jugé digne de votre protection; et mon cœur me dit que vous ne la refuserez point. Il m'eût été bien doux d'achever sous votre minis- tère les ouvrages commencés sous vos auspices; malgré la plus obstinée application, cela n'a pas été possible; mais ce qui manque est peu de chose; et Votre Altesse n'aura pas le moindre doute que je ne l'achève. Les cahiers de géographie ne sont pas un ouvrage de longue haleine; les dictionnaires sont surérogatoires : je viens d'en finir un, ou du moins j'en suis à la dernière feuille. Je suis plus intéressé que personne à ce que les autres ne se fassent pas attendre. r> Daignez, monseigneur, avoir égard à ma respectueuse demande. Daignez finir avant votre affligeant départ, par forme de gratification ou de récompense, l'embarrassante affaire des livres que j'ai acheté? à la vente des jésuites... » Le même jour, Des Roches écrivait au chancelier de Brabant: « J'ai l'honneur d'envoyer à M. le chancelier de Brabant la représen- tation à S. A. le ministre, à l'effet d'obtenir la quittance de ce que je dois à Suys [le cricur public]. Je dois tout espérer de l'intervention des deux illustres frères qui appuyeront ma demande qui au fond est juste. Qui sait si le succès ne surpassera pas mes espérances, et si, profitant de l'occasion qui est favorable, ils ne parviendront pas à persuader S. A. de quelques vérités que j'ai osé dire, savoir, que j'ai publié en six ans un nombre de volumes qui semblait demander la vie d'un homme, qu'ils ont été reçus avec applaudissement malgré les circonstances les plus fâcheuses; que les savants étrangers en ont conçu une haute opinion, point que je pourrai démontrer par plusieurs lettres qu'ils m'ont écrites; que ces livres ont produit de très bons effets dans la réforme des études; que quand le tout aurait coûté au gouvernement 2 000 écus, de manière qu'outre la quittance il y eût quelque chose de reste pour le maigre secrétaire qui est toujours brouillé avec la fortune, cela ne serait nullement exorbitant. Un travail excessif, d'assez grands succès, un ministre qui favorise les lettres, un chancelier et un secrétaire d'Etat qui sont mes protecteurs déclarés, que de circonstances réunies qui autorisent LIVRE I. — 1783. 397 les plus belles espérances! Souffrez, monsieur, que je me jette entre vos bras, et que ma confiance soit toujours égale au profond respect et à réternelle reconnaissance avec lesquels, etc., etc. » Nous ignorons la suite qui fut donnée à cette requête. Dans sa lettre du 15 juin 1785, donnée ci-dessus, Des Roches parle d'une gratification provisionnelle de 1 000 écus qu'il a reçue vers la fin de l'année 1780. La supplique de l'actuaire de la Com- mission royale des études avait eu, à cette époque, l'appui du comte de Neny et de J. Crumpipen : toutefois le chancelier avait trouvé un peu forte la somme de 5 500 florins proposée par le chef et président. Voici les pièces qui se rapportent à celle demande d'argent. l.— Supplique de Des Roches à S. E. le prince de Slarhemberg, gouverneur général des Pays-Bas^ etc., etc. — Sans date. « Représente très respectueusement l'actuaire de la Commission royale des études, J. Des Roéhes : )) Qu'outre les devoirs de sa charge, il a travaillé avec un zèle con- stant à la rédaction des piéfaces latines des auteurs classiques, et à celle de plusieurs livres élémentaires à l'usage des collèges des Pays-Bas. y> Parmi les préfaces, il en est que l'on peut regarder comme des traités complets; par exemple celle de Virgile, d'Ovide, etc. » Dans les auteurs classiques, il a fallu choisir, retrancher, expliquer le texte, trier ou rédiger les notes. « Pour ce qui est des livres élémentaires, le remontrant a fait l'ouvrage intitulé : Groîidregels der latynsche taele ; les Institutiones grammaticae ; la traduction flamande du rudiment de M. Le Roi et des Fables d'Esope avec une explication de tous les mots grecs; il a pareillement expliqué le premier livre de l'Iliade; il travaille présentement à l'ouvrage qui aura pour titre : Epitome historiae belgicae. « Tous ces traites étaient d'une exécution difficile ; aussi le seul motif qui ait porté le remontrant à s'en charger, était la crainte que si on les abandonnait aux soins d'un auteur peu exercé, ils ne répondissent point aux vues du gouvernement et à l'attente du public. » L'extrême équité de Votre Altesse, sa haute protection, dont le remontrant a senti plus d'une fois les précieux effets, lui font espérer 398 LIVRE I. 1783. qu'Elle voudra bien lui accorder une gratification proportionnée au nombre et à la difficulté de ses ouvrages. » Pénétré de confiance, il ose même la supplier de ne point différer cette gratification jusqu'à ce que les livres qui restent à faire soient achevés, une foule d'accidents ayant mis le remontrant dans des circon- stances qui ajouteront un prix infini au bienfait qu'il espère d'obtenir. » C'est la grâce, etc. » II. — Note du comte de Neny sur lu requête ci-jointe de M. Des Roches, actuaire de la Commission royale des études. — 4 no- vembre 1780. « Si quelqu'un mérite des gratifications pour avoir réveillé dans le pays le goût des bonnes études, c'est certainement M. Des Roches, et je ne hasarde rien en assurant qu'il les mérite mieux que tous les profes- seurs ensemble, puisque depuis plusieurs années il a soutenu ce goût par de nombreuses et savantes productions, qui doivent lui avoir coûté des peines et un travail infinis. 1) C'est d'après ces principes que je me suis expliqué souvent sur son compte, nommément dans ma note du 9 juin dernier. Il est beaucoup moins bien traité que les autres membres de la Commission des études, et comme le public jouit de ses travaux par 24 volumes accompagnés la plupart d'excellentes préfaces qu'il a déjà publiées, je crois qu'il est de la plus exacte justice de lui accorder une gratification, sans attendre que les ouvrages qui lui restent à faire soient achevés. » En marche de celte note, on lit de la main de H. Crumpipen, secrétaire d'Etat et de guerre, et sous la date du 6 novembre : « D'après ce que V. E. expose par sa note du 4 sur la requête ci-jointe de M. Des Roches, S. A. a résolu d'accorder une gratification à cet excellent sujet, mais Elle souhaite avant tout l» que M. Des Roches déclare positivement dans quel terme il s'engage de finir les ouvrages qui lui restent à faire, et 2° que V. E. veuille bien lui proposer le mon- tant de la gratification à laquelle S. A. juge qu'il convient d'attacher au moins la condition d'un prompt achèvement des ouvrages commencés. » S. A. pense d'ailleurs qu'il convient aussi de presser les ouvrages entrepris par les professeurs qui paraissent demeurer dans le silence et dans l'inaction à cet égard, o LIVRE 1. — 1783. 599 III. — Nolc du comte de Neny sur les affaires de M. Des Roches. — Il novembre 1780. « II m'a été proposé deux points de la part de S. A. le gouverneur général par le billet de M. de Crumpipen du 5 [?] de ce mois. » 1» Qu'il déclare positivement dans quel terme il s'engage de finir les ouvrages qui lui restent à faire. » 2° Que je propose le montant de la gratification à laquelle S. A. juge qu'il convient d'attacher au moins la condition d'un prompt achèvement des ouvrages commencés. » Ad i"m. On verra parla note ci-jointe de M. Des Roches les ouvrages qui lui restent à faire, outre ceux qu'il a déjà publiés, et que pour les pre- miers il demande encore deux années. Loin que ce soit trop, il me paraît que ce n'est pas assez. Si l'on veut du bon, comme c'est certainement l'intention de S. M., il faut laisser aux gens le loisir de travailler. Si on se contente du médiocre ou du mauvais, alors on peut prescrire un terme précis ou une accélération extrême en termes généraux. Cela est égal. » ^d 2»m. Quant au montant de la gratification, il est à remarquer que Des Roches travaille toute la journée, et qu'il a de fort médiocres appointements. Cela étant, je pense qu'il mérite au moins une gratifica- tion de fl. 3 500; et il m'a fait connaître de vive voix qu'il est fort pressé d'avoir de l'argent. » Je m'en rapporte du reste à ma note du 9 juin dernier, et à celle du A de ce mois. « Quant aux ouvrages entrepris par les professeurs, on les fera pres- ser par la voie de la commission des études. » IV. — Note pour Son Excellence mgr le comte de Neny, chef et président. (Annexe de la note du \\ novembre.) vt Pour compléter les livres élémentaires à l'usage des collèges des Pays-Bas, outre ceux dont les professeurs du collège Thérésien ont été chargés, il reste encore cinq ouvrages à faire : « 1° U Epitome hisforiae belgicae. » 2» Un traité de géographie. » 3*» Un nouvel essai sur l'histoire ancienne. » i" L'histoire des monnaies formées des débris de l'empire romain. 400 LIVRE I. — 1783. )> 5° Les Selecta Groecorum exempla avec un index alphabétique où tous les mots grecs sont expliqués. « Je ne parle pas de riiistoire sainte. Les enfants en trouveront les principaux traits dans le catéchisme de Fleury qu'on leur fait appren- dre par cœur. Plus d'une raison me porte à croire que cela suffit. » 11 faudra deux ans pour achever tous ces ouvrages. Certainement ce terme n'est pas trop long, quand on considère que toutes les matières doivent être tirées des sources, et traitées d'une façon qui réveille le goût et la curiosité des jeunes gens, et qui les apprenne à penser. C'est ce que ne font point ces abrégés stériles dont l'Europe est inondée. Si on voulait se contenter de cette mauvaise marchandise; s'il ne s'agissait que de meubler la tête des étudiants de dates, de morts et de batailles, de noms de villes et de rivières, six mois suffiraient pour compléter les livres nécessaires. Mais de quelle utilité seraient ces informes produc- tions ? On sait que c'est le gouvernement qui fait rédiger les livres élémentaires : il faut donc quils satisfassent les personnes éclairées; qu'ils soient à l'abri d'une juste censure, en un mot qu'ils soient dignes du gouvernement. Mais pour que les livres en question aient ces qua- lités, il faut comparer, vérifier; et pour une période qu'on écrit, il faut des heures, quelquefois des jours employés aux recherches. » Il pourrait même arriver une circonstance, qui me mettrait hors d'état de finir en deux ans, et qui m'obligerait à sacrifier trois mois de plus. Voici cette circonstance. J'avais employé un certain M. Neel pour faire l'index des Selecta Groecorum exempla, dans le temps que je m'oc- cupais à celui d'Homère. La moitié de son ouvrage est finie et imprimée. Je viens d'apprendre que ce M. JVeel est parti pour Liège où il se trouve de l'emploi. Il sera difficile de le remplacer; il ne le sera pas moins de retirer les papiers qu'il avait entre les mains, et les livres nécessaires que je lui avais prêtés. S'il faut que j'active cet ouvrage, j'ai besoin de quelques mois de plus. » V. — Note du chancelier de Brahant pour S. A. le gouverneur général. — 21 novembre 1780. a L'actuaire Des Roches est certainement un excellent sujet et qui mérite à tous égards d'être bien traité, mais une gratification de fl. 3 500 est un peu forte. Plusieurs membres du gouvernement, qui LIVRE I. — 178Ô. 401 n'ont pas de patrimoine, s'en contenteraient après dix et quinze années de seivice. Le sieur Des Roches, malgré son zèle et ses talents, ne peut pourtant pas, à ce qu'il me semble, être placé sur la même ligne. J'observerai d'ailleurs que la manière, dont on s'explique là-dessus, n'est pas du tout agréable. » Quoi qu'il en soit, Des Roches a le défaut commun à tout ce qu'on appelle savant; c'est-à-dire, plein des objets de son travail, il ne connaît pas l'économie, ni la valeur de l'argent. Il est probable que la somme mentionnée ci-dessus, fait le montant de ses dettes. Dans ce cas, si l'on veut tirer parti de ce bon sujet, il conviendra, sans doute, de le tirer d'embarras, car un homme pressé par la détresse et poursuivi par des créanciers importuns, n'est guère propre au travail. » Je trouve d'autant moins de difficulté en ceci, que M. le chef et président opine chaudement pour Des Roches; et que d'ailleurs ce der- nier a quelque désintéressement à prétendre, si pas suivant strict droit, du moins en termes d'équité, du chef de l'imprimerie académique. » Il me semble d'après cela qu'il pourrait plaire à S. A. le gouver- neur général de se conformer à l'avis de M. le chef et président, bien entendu néanmoins 1° que Des Roches s'engage à finir, le plus tôt qu'il se pourra, les ouvrages qui tiennent à l'enseignement public, et 2° que moyennant la gratification qu'on lui donnera, tout objet de désintéresse- ment qu'il pourrait prétendre comme ancien directeur de l'imprimerie académique, vienne absolument à cesser. » VI. — Lettre de Des Roches au secrétaire d'État et de guerre. 23 novembre 1780. « Monsieur, dans le généreux dessein où vous êtes de me tirer d'une situation accablante, pardonnez si j'ai des précautions peut-être super- flues, en vous suggérant des motifs qui puissent porter S. A. d» à m'ac- corder tout à la fois, et sans que les ouvrages soient achevés, tout ce que sa bonté me destine; 2" à proportionner la gratification au nombre et à la difficulté des ouvrages. Je sais que M. le chef et président a déjà donné son rapport; j'ignore quelle somme il propose; mais d'après l'opinion qu'il a conçue de mes travaux, j'ai Heu de croire qu'elle sera assez forte pour finir mes embarras. Il m'a demandé une note des ouvrages qui restent à faire. Si S. A. désire une caution qui l'assure de Tome XXXIV. 26 402 LIVRE I. — 1785. ma diligence à les finir, j'ai un garant sûr à lui donner. Ce garant est M. le secrétaire d'Étal. Je me croirais coupable h son égard, si je doutais un moment qu'il voulût répondre de moi. — Quant au second point, qui est le plus important : voyez les livres grecs que j'ai publiés, et concevez combien l'exécution en était difficile. Voyez les premiers cahiers de mon histoire belgique dont je joins ici la minute. Il n'y a pas une période qui n'ait coûté des heures de recherches. La feuille qui les enveloppe vous indiquera le plan que j'ai formé. Les autres ouvrages seront également neufs et intéressants. A cette considération ne serait-il pas de l'équité de S. A. de m'accorder quelque chose de plus par livre que ce que l'on a proposé pour les professeurs du collège Thérésien ? Tous leurs traités ensemble coûteront moins de peine, moins de temps, moins de recherches, moins de dépenses que mon seul abrégé de l'his- toire belgique. — Allons, cher et généreux protecteur, comblez mon attente. Si je reçois une seule fois ce que l'on paye à mes confrères à la Commission, je suis au-dessus de ma destinée; ses coups funestes sont heureusement d'une nature à ne plus se répéter. « P. S. Je joins ici mes cahiers au cas que vous vouliez en faire usage. , Je vous supplie de me les rendre, je n'en ai pas de copie. » ||| Nous ne ferons qu'une remarque sur les pièces qu'on vient de lire. Dans sa note du 21 novembre 1780, le chancelier Crumpipen appelle l'attention du ministre sur un désintéressement à donner à Des Roches, du chef de l'imprimerie académique dont il avait été le directeur. Or la chute de cette imprimerie pouvait, à juste titre, être imputée à l'incapacité commerciale de Des Roches, à son défaut d'ordre et à sa mauvaise gestion : on n'avait évité un désastre que grâce à l'habileté consommée du chancelier. Admettre que le directeur ou gérant pût prétendre à un dédommagement, c'était en vérité dépasser les limites de la bienveillance. LIVRE I. — 1785. 403 CHAPITRE XXXVI, Le concours de 1788. — La question relative à l'époque de l'admission du tiers état dans les états de Brabant, proposée pour le concours de 1784. — Opposition qu'elle soulève : représentation des états : rapport de Crumpipen au ministre. On a dit précédemment que le comte de Belgioioso avait fait, le 6 décembre 1783, la remise des prix du concours de cette der- nière année. L'octroi des médailles pour les questions proposées en 1781 avait donné lieu à des opérations très laborieuses, et occupé les séances des 5, 4, G, 7, 25 et 24 octobre. La classe physique avait mis au concours deux questions. La première était ainsi conçue : « Développer la théorie des pou- tres qui reposent par leurs extrémités sur deux points d'appui, en les considérant dans l'hypothèse la plus conforme à la naturi^, c'est-à-dire, comme des amas de fibres pesantes, extensibles, élas- tiques et unies entre elles dans toute leur longueur. Déduire de celte considération la cause de leur rupture et l'endroit où elle doit se faire dans les difTérents cas, par rapport aux différentes situa- tions des masses dont ces poutres pourraient être chargées, et dé- terminer en conséquence le meilleur emploi des liens pendants. » Quatre mémoires avaient été reçus, mais aucun ne fut jugé digne du prix, ni d'une mention, et la question fut abandonnée. La seconde question demandait : « Quels sont les végétaux indi- gènes que Ton pourrait substituer dans les Pays-Bas aux végétaux exotiques, relativement aux différents usages de la vie 1 » Sur les six mémoires envoyés en réponse à cette question, les commissaires, MM. Du Kondeau, Caels et Van Bochaute, n'en avaient remarqué que deux, écrits l'un en français, l'autre en latin, qui méritassent quelque attention. Disons tout de suite que le mémoire français était de Burtin, le mémoire flamand, du doc- teur Wauters, de Wetteren. Le premier eut le prix; le second, une mention honorable. Ce ne fut pas sans peine que l'Académie se décida à couronner 404 LIVRE I. 1783. Burlin : il était trop remuant pour que le secret de sa participa- tion au concours n'eût bientôt transpiré, et il paraît assez proba- ble qu'on ne tarda pas à le savoir l'auteur du mémoire français dont nous avons parlé ci-dessus. Deux des commissaires, MM. Du Rondeau et Van Bocbautc, refusaient le prix à ce mémoire. Van Bocbaule exprimait Tavis que les analyses chimiques étaient indispensables pour prouver une analogie parfaite entre les plantes exotiques et celles du pays; et comme le mémoire de Burlin n'avait pas de chimie, il ne pouvait pas l'approuver, quoiqu'il le trouvât préférable aux autres. Caels, seul, opinait pour l'octroi du prix à ce travail qui lui semblait très bien fait ; mais il avait affaire à forte partie, et sans la résistance de quelques membres qui ne voulurent pas se soumettre à une décision ex abrupto, les ennemis de Burlin l'em- portaient. Dans la séance du 3 octobre, l'Académie avait résolu, à la pluralité des suffrages, de ne couronner personne. On se plai- gnit alors de ce que les mémoires n'avaient pas circulé, et le 6, il fut décidé de tenir compte de ces plaintes qui avaient déjà percé dans le public, et de regarder la résolulion du 5 comme provisoire. L'Académie devait se réunir le 25 octobre. Or le 20, l'abbé Mann n'avait pas encore reçu les mémoires dont il s'agit. A cette date, il écrivait au secrétaire perpétuel : « Je demande à voir ces mémoires avant que celte question soit jugée ; sans quoi je ne pourrais que me plaindre de l'injustice d'être privé du droit qu'a chaque académicien d'examiner les mémoires des prix qui sont relatifs à sa classe. » On a le rapport de l'abbé Mann. Il y fait justice de l'objection de Van Bocbaule : l'Académie n'ayant pas demandé d'analyses chimiques, leur omission ne doit pas être imputée à tort à Burlin. Celui-ci, du reste, a donné les raisons qui l'ont porté à ne pas grossir son écrit déjà trop volumineux par ces analyses qu'on trouve en beaucoup d'auteurs. Burlin se montre très au fait de son sujet. Quoique l'Académie ait demandé plutôt un recueil ou répertoire général que des choses purement neuves, le mémoire paraît contenir beaucoup de neuf, ou du moins de 1res peu LIVRE I. — 178Ô. 403 connu. « La nomenclature surtout, dit l'abbé Mann, est la pins exacte et scienlifiquc de tout ce que j'ai vu paraître jusqu'à pré- sent dans ce pays ; je la crois la première où nos plantes indi- gènes sont déterminées par la méthode et les définitions de Lynnaeus. — D'ailleurs l'auteur est attentif partout de réfuter les erreurs et les assertions fausses ou dangereuses du mémoire sur le même sujet, couronné à Lyon, ainsi que celles dauîres auteurs. — L'énergie avec laquelle il tâche de persuader ses con- citoyens de se servir des trésors que leur présente la patrie, les raisons et les motifs qu'il donne pour les y engager, montrent un zèle vraiment louable... » Burtin avait eu soin de faire parvenir à l'Académie un exem- plaire du mémoire couronne à Lyon : l'auteur principal de ce travail, M. Coste, sétait adjoint un pharmacien-chimiste, M. Wil- lemet; et Van liochaute, dans son rapport, avait argumenté de cette collaboration, en faveur des analyses chimiques qu'il jugeait indispensables, comme on Ta vu, mais il n'avait pas dit un mot des erreurs relevées par Burtin. Celui-ci, du reste, avait accompagné l'envoi du mémoire de MM. Coste et VVillcmet de la lettre suivanle, qui nous a paru assez curieuse pour èlre repro- duite. Il va de soi que la lettre n'est pas signée : l'auteur ne s'y fait connaître que par la devise de son mémoire. « Monsieur, » Il ne doit pas vous être inconnu qu'il s'est répandu dans le public un bruit assez général que le programme qui fait le sujet de mon mé- moire, a déjà été proposé par l'Académie de Lyon : ce bruit, tel mal fondé qu'il soit, n'a pas laissé de faire une assez mauvaise impression, qui cessera dès qu'on sera convaincu de l'énorme différence qui se trouve entre Futilité du programme de l'Académie de Lyon, borné à cinq exotiques, et celle du programme actuel qui a pour objet les exoti- ques en général. » Comme le mémoire de MM. Coste et Willemet, qui a remporté le prix double à l'Académie de Lyon, est introuvable en ce pays-ci, j'ai cru qu'il était de mon devoir de vous communiquer l'exemplaire que j'en possède, tant pour que l'Académie puisse se convaincre de la différence des pro- 406 LIVRE I. — 1783. grammes, que pour qu'elle puisse juger quel emploi j'ai fait de ce mé- moire dans le mien... » Je suis si pénétré de l'importance de la question proposée, que, malgré ma répugnance pour les concours académiques, je n'ai pu résis- ter au désir d'y répondre ; pas tant par l'espoir prochain de mériter par mon coup d'essai les suffrages de mes juges, que par la certitude flat- teuse d'augmenter de quelque chose le nombre des découvertes utiles à la patrie, dont la liste est un dépôt précieux qu'il appartient à l'Académie seule de conserver, perfectionner, étendre et faire fructifier en le publiant sous sa sanction. n J'avoue cependant que dés le commencement de mon ouvrage, j'ai été arrêté par la disproportion que j'apercevais entre l'étendue de la matière donnée et les bornes étroites du temps accordé : mais j'ai osé espérer que l'Académie usera envers moi de la même indulgence au sujet de la demi-heure de lecture, dont elle a usé vis-à-vis d'autres, surtout en dernier lieu vis-à-vis du savant mémoire de M. de Berg, qui n'avait qu'un point à discuter, tandis que j'ai près de 200 objets à traiter : j'ai fait tout ce qui était en mon pouvoir pour être bref, mais comme j'étais persuadé que ce n'est pas une simple nomenclature de choses qu'elle n'ignore pas plus que moi que demande l'Académie, mais un mémoire utile au public, j'ai cru devoir me servir de tous les moyens que les objets ont présentés pour engager ce public à profiter des trésors qu'on lui offre, et qu'il n'est que trop enclin à négliger : j'ai été d'ailleurs dans la nécessité de m'étcndre sur plusieurs articles de matière médicale trop sérieux pour être traités lestement : ceci a donné à mon mémoire une étendue, nécessaire à la vérité, mais qui excède les bornes prescrites. » Au reste si contre toute apparence la compagnie savante, dont vous êtes l'organe, ne daignait pas relâcher sur ce point, mon mémoire a cela de commode que, étant arrangé par ordre alphabétique, on peut en retrancher l'introduction et tous les articles qui paraîtront les moins intéressants à l'Académie, tandis que ce qui restera pour faire la demi- heure de lecture formera toujours un mémoire indépendant de ce qu'on en aura retranché. • La décision, qui accordait le prix à Burtin et une mention honorable à Wautcrs, mais sans le nommer, fut prise dans la séance du 2i octobre. LIVRE I. — 1785. 407 VVaiiters fil imprimer son mémoire à Gand en 1783 (in-S" de vi et 80 p.) et y joignit un abrégé du travail couronné de Burlin, dont il eut le bon goût de faire l'éloge. — Il reprit la question en 1808 à l'occasion d'un concours analogue, ouvert par la Société médicale de Bordeaux : cette fois, son mémoire obtint le premier prix, et fut publié à Gand en 4810 (in-8° de vni et 502 p.). Le jugement des mémoires envoyés en réponse h la question sur l'époque de l'entrée des ecclésiastiques dans les états de Brabant fit l'objet de nouibreuscs discussions. On avait reçu neuf mémoires, dont quatre étaient écrits en français, trois en fla- mand et deux en latin. Deux prix égaux furent décernés à MM. Heylen, arcbiviste de l'abbaye de ïongerloo, et Ernst, cha- noine régulier de l'abbaye de Kolduc. M. Engels, ofllcial de l'Aca- démie, eut un accessit. Les trois mémoires devaient être imprimés. Cette question avait fait une vive sensation dans le publie : elle était de Gérard et, suivant l'usage, elle avait été proposée deux ans d avance, en 1781, pour le concours de 1783. Pour le con- cours de 1784, le même académicien avait fait admettre, en 1782, la question que voici : « Comment et depuis quel temps s'est formé l'oidre du tiers état, en sa qualité de représentant du peuple dans les assemblées des états du duché de Brabant ? Cet ordre est-il plus ancien ou moins ancien que celui de la no- blesse ? » Nous réunissons ici les deux questions : dans la pensée de Gérard, elles se rattachaient à la question générale de VOrigine des trois membres des états de Brabant, comme le prouve un mémoire qu'il lut à la séance du 7 octobre d785. Et si la sensa- tion produite par la première avait été grande, l'effet de la seconde fut tel qu'elle donna lieu à la représentation suivante des états de Brabant, adressée sous la date du 8 novembre 1782, au prince de Slarhemberg, en sa qualité de protecteur de l'Aca- démie. 0 Monseigneur, » L'expérience n'a que trop fait voir combien il y a d'inconvénients à laisser rendre publics des livres qui ont quelque rapport avec notre 408 LIVRE I. — 1783. constitution, quand ce ne serait même que des ouvrages purement histo- riques, et nous ne doutons pas que Votre Altesse ne le pense comme nous, parce que ces sortes d'ouvrages, par les notions souvent peu exactes qu'ils présentent, fournissent quelquefois matière à des prétentions des- tituées de fondement. » Nous n'avons donc pu que regretter que l'Académie des sciences établie en cette ville, ait pris, pour sujet de la question historique pour l'année prochaine, l'époque de l'établissement de l'ordre du cleigé dans nos assemblées, et qu'elle vienne de proposer encore, pour Tannée 1784, une question pareille, relativement au tiers état, laquelle touche même également les deux autres ordres. n Ainsi nous supplions Votre Altesse, qui représente Sa Majesté en qualité de protecteur de l'Académie, de ne pas permettre qu'aucun des mémoires qui seront présentés pour ces deux questions, soit rendu public par la voie de l'impression, ou autrement, vu les inconvénients qui en pourraient résulter. » Le prince de Starhemberg désira savoir le sentiment du chan- celier Crumpipen sur cette pièce, et celui-ci le fit connaître par une lettre du 5 décembre. o II démontra au ministre que la prétention des états n'était pas plus fondée que les craintes qu'ils paraissaient concevoir. « Le but principal » de l'Académie, lui dit-il, est d'éclaircir l'histoire belgiquc ; et com- « ment éclaircir cette histoire si inconnue et si intéressante, sans donner » des idées nettes et vraies sur l'origine des états et sur plusieurs autres » points qui touchent à la constitution? Sans la connaissance de ces » matières, on peut faire une chronique insipide, mais l'on ne saurait » écrire l'histoire... « » L'expérience qu'invoquaient les états pour faire ressortir les incon- vénients qu'il y avait à laisser publier des livres relatifs à la constitution du pays, ne pouvait, selon M. de Crumpipen, s'appliquer qu'à deux ou- vrages, savoir : le Luysier van Brabant, publié et débité clandestine- ment, en 1699, par les doyens de Bruxelles, et l'abrégé de l'histoire de Brabant, par Havermans, intitulé : Beknopte historié van Brabant, im- primé à Leyde, en 1652; ouvrages qui donnaient des idées fausses du pouvoir du souverain et des droits des sujets. « Mais, disait-il, où serait; LIVRE I. — 1785. 409 » le danger, où serait rinconvénient, si, dans une histoire mieux traitée, » dans des mémoires plus savants, on remontait à l'origine des choses, » si on donnait au public des notions plus vraies, des connaissances plus » exactes? C'est sans doute le but de l'Académie; c'est particulièrement » celui des deux questions qui ont alarmé les états. » » M. de Crumpipen, retraçant en quelques mots les circonstances de l'admission du clergé et du tiers ordre dans les états de Brabant, ne trouvait pas que la discussion de ces faits pût produire la moindre fer- mentation dans l'esprit de la multitude : « D'ailleurs, ajoutait-il, si les » mémoires qu'on présentera au concours donnent des notions peu » exactes, s'ils fournissent matière à des prétentions destituées de fonde- « ment, ils ne seront pas imprimés, ils ne seront pas même couronnés, » on n'en fera aucune mention 5 ils demeureront dans l'oubli auquel leur » médiocrité les condamnera; mais s'il arrive que ces mémoires, écrits y> avec sagesse, avec érudition, représentent la véritable origine des » choses; si, à la faveur d'une critique lumineuse, ils établissent solide- » ment l'époque où les trois ordres des états ont commencé, et comment » leurs assemblées se formèrent, pourquoi craindrait-on de communi- » quer au public ces lumières nouvelles? Pourquoi ne pas détruire les » opinions erronées, les idées fausses, que les ignorants éditeurs du « Luystcr van Brabant ont fait naître? Pourquoi la constitution excel- » lente de nos provinces doit-elle être plus inconnue que celle de TAlle- » magne, celle de la France et des autres contrées de l'Europe? ... » Dans Ja réponse qu'il fit parvenir le 14 décembre aux états, Starhemberg se conformant au sentiment du clianceiier, qui était d'ailleurs le sien, usa toutefois « des ménagements que le minis- tère était accoutumé de garder avec le corps le plus puissant du pays. » L'Académie, disait-il, n'accorderait son sufTrage qu'à des mémoires qui, en établissant solidement les faits, et en exposant les litres et les droits avec vérité et candeur, ne blesseraient d'ailleurs en rien la dignité d'aucun ordre. Les états ne purent prendre connaissance de cette lettre que dans leur assemblée générale du 14 mai 1785: « Attendu les assurances qu'elle renfermait, et sur l'engagement pris par le marquis du Chasleler, membre de l'élat noble, directeur de l'Académie, de veiller à ce que la promesse faite fût observée, ils 410 LIVRE I 1783. résolurent alors de ne pas adresser au gouvernement de repré- sentation ultérieure *. » Nous devons dire encore que la rédaction de la question relative à la formation de l'ordre du tiers état venait du chancelier. On avait eu quelque peine à arrêter les termes de cette question. La première rédaction portait : « On demande depuis quand les com- munes, ou le tiers état, ont été un des membres des états du duché de Brabant? » Mais, avait-on fait remarquer, cet énoncé suppose qu'il fut un temps où les états existaient sans que le peuple en fût, ce qui serait absurde : les communes ayant été convoquées dans les affaires de subsides, avant que l'ordre de la noblesse fît partie des états. — Le mol communes , lui-même, présente une équivoque. Pour lever ces difficultés, Gérard avait proposé de dire : « Depuis quand les représentants du peuple, connus sous le nom de tiers état, ont-ils été convoqués par les ducs de Bra- bant ?» Le mot convoqués paraissant bien vague à Des Roches, ce dernier avait imaginé la rédaction suivante : « Depuis quand les représentants du peuple, connus sous le nom de tiers état, ont-ils été membres des états de Brabant? Sont-ils en cette qua- lité plus anciens ou moins anciens que Tordre de la noblesse? Fut-il un temps où ils étaient seuls convoqués dans les affaires de subsides ? » * La représentation des états de Brabant, l'avis du chancelier Crumpipen et la réponse de Starhemberg aux états, ont été publiés par M. Gachard dans le Bulletin de TAcadémie royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles, du 7 janvier 1843. Nous avons emprunté à M. Gachard l'analyse du rapport de Crumpipen et le résumé de la lettre du ministre, ainsi que la résolution finale des étals. LIVRE I. — 1783. 411 CHAPITRE XXXVII. Différents avis ou approbations donnés par l'Académie. — Le Cabinet de physique et d'histoire naturelle. — L'emplacement proposé par Du Rondeau pour le nouvel Hôtel-Dieu. — Les machines aérostatiques. — La machine à feu du sieur Fastré. — Résolution de publier les titres et notices des manuscrits que Ion viendrait à découvrir. — Gérard est élu directeur en remplacement de Chastcler, — La l)ublication d'un cinquième volume de Mémoires. — Le concours de 1784. — Les élections, — Xavier Burtiu. Que remarquons-nous encore d'intéressant, lorsque nous par- courons les j)rolocoles de l'année 1783 ? Dans la séance du 24- janvier, l'Académie approuve un nouvel échappement du sieur Sarlon, horloger-mécanicien du prince- évê(iue de Liège. « Elle le croit très propre aux observations astronomiques et à perfectionner les montres marines, et ne peut que donner de justes éloges à son auteur qui est d'ailleui's connu très avantageuseujent. » Dans la même séance, il est fait rapport dii ne 7»ac///;hères armillaires des systèmes de ('oj)ernic et de Plolémée. » Cette machine avait été commencée depuis onze à douze mois par feu le frère Paulus et par M. Michel Ghiesbrccht, professeur de l'Acadéniie de mathématiques établie à la maison de ville de Bruxelles, qui l'avait achevée. a Les commissaires, de Marci, Mann et Bournons, en rendant justice à cet industrieux mécarjicien, ont regretté que cette ma- chine n'eût pas été montée en bois plus précieux ou en métal, et que les pièces intérieures cl extérieures ne soient pas achevées aussi élégamment qu'elles méritent de l'être: défaut auquel cepen- dant l'artiste peut encore remédier. » Le i\ juin, pendant les vacances, il se tient une assemblée par- ticulière, au sujet d'un insecte destructeur qui désolait les prai- ries de la province de Limbourg. Le prince de Starhemberg avait 442 LIVRE I. — 1783. demandé l'avis de l'Académie sur ce fléau et sur les moyens d'en délivrer la province. — Le 23, on s'arrête à l'idée que ces insectes ne sont autres que des vers de hannetons : l'assemblée n'a aucun moyen efficace à proposer, mais elle appelle l'attention des pro- priétaires sur la nécessité de détruire les hannetons pour en diminuer la reproduction. Le 22 décembre, « sur une note présentée de la part de M. de Witry, touchant la manière dont il rédigerait le catalogue du Cabinet de l'Académie, il a été résolu de laisser M. de Witry le maître de choisir tel plan qui lui paraîtrait le plus convenable, et d'en confier l'exécution entièrement à son zèle et à ses lumières, sans lui prescrire aucune marche à laquelle il dût se conformer. » — Dans la séance du 7 novembre, MM. de Witry et Du Rondeau avaient été autorisés à faire des échanges des morceaux doubles; et M. de Witry, à employer annuellement une somme de quinze pisloles pour l'acquisition de nouveaux morceaux, dont il jugerait à propos d'augmenter ce Cabinet. Disons tout de suite que le l*"" décembre 1784, cette dernière résolution fut annulée à la demande du chanoine de Tournai. On a [)u remarquer que jusqu'ici nous n'avons guère parlé des mémoires présentés par les membres de l'Académie. De même, pour les concours nous nous sommes généralement borné à faire connaître les résultats. Nous nous proposons, comme nous l'avons annoncé, de consacrer à ces mémoires et à ces concours les livres 11 et m, dans lesquels on pourra suivre leur développement et apprécier l'esprit d'ensemble qui y présida. Nous devons cependant faire une exception pour certains mé- moires restés à peu près inconnus. Ainsi, le 22 décembre 1785, Du Rondeau avait lu un mémoire où il examinait quel serait l'endroit le plus propre à bâtir un Hôtel-Dieu à Bruxelles, et il avait requis l'Académie de présenter ce travail au ministre j)léni- potentiaire : ce qui eut lieu par extrait de protocole, suivant la règle admise, après que le mémoire eût été examiné par des com- missaires. En voici une courte analyse : Du Rondeau avait été consulté, il y a plusieurs années, pour donner son avis sur l'endroit le plus propre à placer le nouvel Hôtel-Dieu. LIVKE I. — 1783. 413 0 Je ne balançai point, dit-il, à me décider pour le carré contenant au- jourd'hui la maison de force, riiôtcl des imbéciles, celui des orphelines occupé aujourd'hui par l'hùpitàl militaire, et un grand nombre d'édifices appartenant à des particuliers. >i Mais depuis les fortifications ont été rasées et les portes détruites : c'est ce qui engage l'auteur à exposer les désavantages de son ancien projet et les avantages d'un nouvel emplace- ment, situé à cent pas du cordon, entre la porte de Schacrbeek et celle de Laekcn, sur la mi-côte entre la chaussée de Schaerbeek et la rivière. « On peut y aborder par la porte de Schaerbeek, par celle de Laeken au moyen du pont que Ton va bâtir dans l'endroit proposé sur la rivière, et enfin par une porte de sortie située à peu près en face de la rue du 3Ieyboom. » [C'est l'emplacement occupé aujourd'hui par le Jardin bota- nique. ] Le mémoire dont nous venons de parler se trouve dans le pro- tocole de la séance du 22 janvier 1784: nous ne pensons pas qu'il ait été imprimé. On s'occupait beaucoup vers Ja fin de 1783 des ballons ou machines aérostastiques, comme on les appelait. Le 22 décem- bre, Van Bocliaule avait lu un mémoire su7' les avantages du gaz de la houille fossile dans ces machines, « mémoire, » dit le Jour- nal des séances, « qu'on lui permit de publier incontinent, à part ou par la voie de quelque journal, vu Tintérét que le j)ublic pre- nait alors à ces machines, sensation que probablement elles ne feront pas plus tard. » Le 8 janvier 1784, Van Bocliaule [)résenta un supplément à son mémoire, « destiné, » dit encore le Journal, « à être rendu public incessamment, pendant que son ob^et avait de rintérct. » Le sieur Fastré, de Namur, avait soumis à l'Académie une machine à feu, exécutée en petit. Le G février, MM. Chevalier, Mann et de Nieuport firent leur rapport : l'essai de la nouvelle pompe à feu avait eu lieu en leur présence le 26 janvier, et avait parfaitement réussi. « Celte pompe, » disait l'abbé Mann, rapporteur, « est fort supérieure à celles qui sont en usage dans nos provinces, et quoique le sieur Fastré ne prétende guère à riionneur de l'invention, ayant construit sa machine sur les prin- 414 LIVRE I. — 1784. cipcs des nouvelles pompes à feu inventées en Angleterre, il lui reste le mérite d'avoir beaucoup simplifié la construction et dimi- nué considérablement la dépense. » C'est dans ce sens que fut rédigée l'approbation de l'Académie, et il fut résolu à cette occa- sion, que dorénavant les noms des commissaires seraient donnés dans les approbations; jusque-là ils avaient été omis et remplacés par iin terme général. Un mémoire d'un M. de Plenciz, envoyé à l'avis de l'Académie par le ministre plénipotentiaire, fit fobjet d'un rapport très déve- loppé, présenté à la séance du 8 janvier. Il s'agissait d'un remède contre les vers qui percent les vaisseaux : les conclusions du rapport étaient que ce remède, consistant dans l'emploi de l'arsenic, n'était nullement nouveau, qu'il serait infructueux, et pourrait devenir funeste dans l'usage qu'on en ferait. Le '2:2 janvier, Chasteler fit admettre la publication des litres et des notices des manuscrits que Ton parviendrait à découvrir. Il se chargea de rédiger l'ouvrage et d'en soigner l'édition, a la- quelle au reste, dit le protocole, sera regardée comme une publi- cation de fAcadémie, et donnée comme telle aux frais ainsi qu'au bénéfice de la Société typographique qui possède l'oclroi de l'Aca- démie. » Il ne fut pas donné suite à cette décision; toutefois le tome V des Mémoires, qui parut en 1788, renfermait une rubrique spéciale, avec le titre : Notice des manuscrits et monuments rela- tifs à l'histoire belgique. Le 13 mai, Gérard fut élu directeur en remplacement du marquis du Chasteler. L'un des derniers services rendus par celui-ci, avait été d'obtenir du comte de Belgioioso le transport à la Bibliothèque royale des manuscrits des ci-devant jésuites, qui pourrissaient dans leur ancienne église de Bruxelles. L'Académie songeait déjà à publier un cinquième volume de Mémoires, Il avait été décidé, le 18 mars, que lorsque les commis- saires auraient fait rapport d'un mémoire, il serait statué immé- diatement sur la question de savoir s'il serait imprimé ou non : un nouvel examen n'aurait lieu que dans le cas où les mémoires approuvés seraient trop nombreux pour entrer dans un même volume, et ne porterait que sur le choix à faire. LIVRE I. 1784. 415 La question de physique proposée pour le concours de l'année 1784, était la suivante : « Quels sont les effets de l'électricité ap- pliquée aux plantes dans les serres? Les auteurs doivent constater ces effets par une suite d'expériences bien détaillées. » Un seul mémoire avait été envoyé : l'auteur, M. Vanden Sande, maître en pharmacie et en chimie à Bruxelles, obtint la médaille d'or. La question d'histoire, comme on le sait, demandait de déter- miner l'époque de l'entrée du tiers état dans les états du duché de Brabant. L'Académie jugea qu'aucun des six mémoires qu'elle avait reçus ne contenait une réponse satisfaisante, et décida de remettre la question au concours, en doublant le prix. Nous arrivons maintenant au fait capital de l'année 1784. Rap- pelons d'abord cet extrait du protocole de la séance du 24 octobre 1785, que nous avons déjà donné, mais quil est important d'avoir de nouveau sous les yeux : « M. le président mit en délibération s'il convenait de procéder à réicction d'un nouveau membre pour remplacer feu M. Caussin, ou s'il fallait regarder la place vacante comme allant se remplir par M. de Lau- nay dont les lettres annon[çaient] le prochain retour, puisque dans ce cas le nombre de vingt académiciens regnicoles se trouvera complet. Les sentiments étaient partagés, mais la pluralité des voix fît prendre la résolution de supcrscder à l'élection, quant à présent, et d'attendre le retour de M. de Launay. >^ Les vingt académiciens regnicoles étaient au mois d'octobre 1785 : MM. Nelis, Gérard, Vounck, de Hesdin, Chevalier, Marci, Des Roches, Du Rondeau, de Witry, De Beunie, Mann, de Fraula, de Launay, Bournons, de Nieuport, Heylen, du Chasteler, Ghes- quiere, Caels et Van Bochaute. Les membres étrangers étaient : MM. de Limbourg, Pigott, De Neclcer, Messier, Morand, Godart, Van Wyn, de La Lande, Moreau, Dom Berthod, Gallitzin et Van Swinden : le nombre réglementaire de douze était donc égalenicnt atteint. Au mois d'octobre 1784, ces académiciens, regnicoles et étran- 416 LIVRE I. — 1784. gers, étaient tous en vie, à l'exception de ^lorand, décédé à Paris le 15 août précédent. Il est bon de rappeler que Paquot et Val- mont de Bomare avaient été rayés des listes académiques, l'un par un ordre du gouvernement que nous n'avons pas retrouvé, l'autre en vertu d'une décision de l'Académie môme. — De Launay n'était pas encore revenu aux Pays-Bas : on sait quil ne reparut à l'Académie que le G février i78G. iMais il n'est pas probable qu'on eût nommé un nouveau membre, et l'on peut croire, sans risque de se tromper, que l'Académie, consultée sur l'opportu- nité de procéder à une élection, se fût prononcée pour la néga- tive, comme elle l'avait fait l'année précédente. Le comte de Belgioioso devait être informé de ces dispositions, lorsqu'il se décida à écrire à la compagnie la lettre suivante, por- tant la date du d" octobre : « Messieurs, » Comme le nombre des académiciens regnicoles a été fixé à vingt par le règlement portant établissement de votre compagnie, et qu'en observant cette disposition dans toute sa rigueur, il pourrait en résulter des inconvénients réels et nuisibles aux progrès des sciences et des belles- lettres qui doivent faire constamment l'objet de vos vœux, Leurs Altesses royales, sur la proposition que j'ai eu l'honneur de leur faire, ont agréé que je vous fisse connaître, messieurs, que vous pourrez à l'avenir, sans blesser la disposition énoncée ci-dessus, procéder, sous l'agréation de Leurs Altesses royales au choix d'un ou de plusieurs membres regni- coles par-dessus le nombre de vingt, dès lors que des sujets connus, et dont vous pourrez vous promettre que l'acquisition sera avantageuse à l'Académie, se présenteront pour y être reçus, de même que d'un autre côté vous pourrez vous dispenser de remplir le nombre de vingt acadé- miciens regnicoles, dans le cas que ce nombre soit incomplet, si parmi les aspirants il ne se trouve pas de gens à talents, que vous jugiez propres par leurs lumières et par leur zèle à concourir avec vous au but essentiel de votre établissement. » Vous pourrez également suivre, messieurs, la règle que je viens de vous indiquer, à l'égard des sujets non regnicoles qui rechercheront une place d'académicien étranger, toutes les fois que vous estimerez que leur LIVRE I. — 1784. 417 association puisse vous convenir, surtout par une correspondance litté- raire et utile de ces étrangers avec votre compagnie, ou avec quelques- uns de ses membres. » Veoiint de Belgioioso, cette lettre, dont nous allons voir le but, n'avait rien qui dût étonner, mais ce qu'on aurait plus de peine à s'expliquer, si on ne connaissait déjà le caractère de Crumpipcn, enclin par tempérament à ménager le pouvoir, c'est qu'elle avait été préparée par le cliancelicr même, comme le prouve la minute qui en a été retrouvée et qui est de la main de celui-ci ^ J.a lettre fut communiquée à l'Académie, le 6 octobre, par le directeur Gérard. Lorsqu'il en eut été donné lecture, le direc- teur et le secrétaire informèrent la compagnie que 31. Burtin postulait de nouveau la place d'académicien, et que iM. Te VValcr, historiographe de Zélande, demandait une place de menibre étranger. Aucune observation ne fut faite par les académi- ciens présents, et le !2G octobre, « MM. Burtin et de Berg furent élus membres ordinaires regnicoles; M. Te VVater fut élu membre étranger. M. Verhoeven avait également été mis au scrutin, mais il n'eut pas le nombre des suffrages sulFisants pour l'admission. » La coïncidence de la dépêche du ministre plénipotentiaire et de l'annonce faite à l'Académie que Burtin postulait de nouveau la place d'académicien, ne laisse aucun doute sur la résolution de Belgioioso de faire élire quand même l'homme qui était parvenu à gagner sa faveur. Du reste l'élection de Bui'lin se justifiait par le mérite très réel du candidat : les bizarreries de son caractère, sa vanité excessive peuvent seules expliquer comment on l'avait écarté pendant sept ans d'une compagnie sur laquelle il devait jeter un grand lusti'c. A l'époque de son entrée à l'Académie, Burtin venait de publier son Orijclograpliie des environs de Bruxelles. « Dans cet ouvrage, fort remarquable pour ^'époque à laquelle il fut écrit, l'auteur fait connaître les substances minérales qu'il a recueillies * Projet de lettre à écrire par S. E. le ministre 'plénipotentiaire à MM. les membres de r Académie de Bruxelles. Arciiiv. du roy. de Belg. Secrélairerie d'Élat et de guerre : portefeuille n» 398. Tome XXXI V. 27 418 LIVRE I. — 1784. dans un rayon de cinq lieues autour de Bruxelles, décrit et représente, sur les trente-deux planches qui accompagnent le texte, une partie de ces débris d'animaux marins accumules, en si grande abondanco, dans les sables et dans les roches les plus consistantes du terrain qu'il a si bien étudié; établit que la plupart de ces êtres ne peuvent être rapportés aux espèces qui vivent aujourd'hui; que Ton n'en connaît d'analogues à quelques-uns d'entre eux que sous la zone torride; qu'ils ont été parqué au fond d'une mer qui couvrait ces champs où fleurissent, aujourd'hui de riches moissons, et qu'ils ont été ensevelis, tranquillement, dans la position où ils ont vécu. II déduit de ces données, aujourd'hui admises par tous les naturalistes, des conséquences très judicieuses sur la théorie de la terre *. » i L'ouvrage est dédié aux gouverneurs généraux. Dans un dis- cours préliminaire, l'auteur s'attache à démontrer l'ulililé de la leçon d'histoire naturelle, qu'il avait proposé d'instituer à Bruxelles, et dont l'Académie avait contesté les avantages. Dès le commencement de sa carrière, dit-il, il fut frappe de Vinsoii- ciance générale, pour ne pas dire du mépris, dont on accueille en ce pays une science qui est la base de toutes les autres. L'exemple donné par le due Charles de Lorraine et par quelques particuliers, surtout l'érection de l'Académie impériale et royale qui se fit vers le même temps et dont les sciences devaient être le principal objet, lui donnèrent l'espérance bien fondée, de voir naître chez ses concitoyens un goût, dont d'autres nations recueil- laient tant de fruits ; « mais combien me trompai-je, ajoute-t-ii; on continua de regarder comme simple amusement une étude, utile à tous les hommes et nécessaire au médecin. » L'auteur publiera peut-être un jour la géographie physique de nos pro- vinces; aujourd'hui il donne le fruit des recheiches et des obser- vations qu'il a faites pendant l'espace de dix- huit ans sur l'Oryc- (ographie des environs de Bruxelles. < Rapport sur les progrès et sur Vétat actuel, en Belgique, de la géologie et des sciences qui s'y rattachent. Par M. Cauchy; lu à la séance publique de TAcadémie, le !6 décembre 1855. LIVRE I. 1784. 419 Voici ce qu'on lit au sujet de l'Oryctograpliie clans les Annales qénèrcdes des sciences physiques, par MM. Bory de Saint-Vincent, Drapiez et Van Mons, t. 1, 1819 : « Cet ouvrage aussi parfait qu'il était susceptible de l'être à l'époque où il a paru, aurait, dans une édition nouvelle, reçu des augmentations considérables, et même présenté une classification méthodique de tous les fossiles reconnus jusqu'à ce jour, soit à la surface du globe, soit à l'intérieur des couches qui le composent, si la mort de son estimable auteur [6 août 1818] n'était venue mettre fin à ses recherches. On sait qu'il avait associé à ses travaux l'un des rédacteurs actuels des Annales générales des sciences physiques [M. Drapiez]. » François-Xavier Burlin,né à Maestricht en décembre 1743, avait fait de brillantes éludes à l'Université de Louvain, et s'était établi à Bruxelles dans le courant de l'année 1767, après avoir pris le grade de licencié en médecine. Le mémoire sin- les bois fossiles des Pays-Bas autrichiens qu'il avait présenté à l'Académie en 1777 à l'appui de sa candidature pour une place de membre, avait été fort remarqué. — Le l®"" décembre 1784, il lut à l'Aca- démie un mémoire intitulé : Voyage et observations minéralo- qiqiies depuis Bruxelles par Wavre jusqu'à Cour-St-Étienne. Ce mémoire, qui fut imprimé dans le tome V des Mémoires^ com- mençait ainsi : « L'approbation dont le public a daigné honorer mon premier travail oryctographique, ne me laisse pas de choix sur la route que je dois suivre dans la vaste carrière des sciences, et semble m'imposer le devoir de m'attacher de plus en plus à la partie qui en a été l'objet. Heureuse- ment qu'en ceci le goût et le devoir sont tout à fait d'accord chez moi. Je prends donc volontiers à tâche, tant que mes occupations me le per- mettront, de publier successivement tout ce que mes observations m'of- friront d'intéressant sur l'histoire naturelle des provinces belgiques en général, et principalement tout ce qui sera relatif à leur oryetographie ou à leur géographie physique. — Nos provinces sont assez riches en productions souterraines utiles pour rendre ce travail intéressant, d'au- tant plus que jusqu'ici personne ne s'en est occupé ni en grand ni en 420 LIVRE I. — 1784. détail. — Il est vrai que les parties basses du Brabant et de la Flandre n'offrent guère que de la tourbe, de la pierre à chaux, des pierres à bâtir ou à paver, des argiles à potier et des mines de fer; mais en revanche les autres provinces et les parties élevées du Brabant et de la Flandre donnent en plusieurs endroits des indices peu équivoques de bonnes minières qu'on semble avoir ignorées jusqu'ici. Pour ne rien dire des marbres, pierres à chaux, à bâtir ou à paver et autres que j'ai rencon- trées à chaque pas, j'observerai seulement qu'un coup d'œil rapide, jeté sur notre pays, a suffi pour me convaincre qu'il est probablement aussi riche qu'aucun autre au monde en houille, tourbe, bonnes argiles, fer, calamine et plomb. Aussi ne douté-je nullement qu'un examen plus attentif de notre sol ne me mette à même d'offrir à la patrie plus d'une nouvelle source de richesses. L'excursion que je viens de faire à Cour- St-Élienne, et dont on va lire les détails, offre un échantillon de mes découvertes. » Quelques jours avant de lire son mémoire à l'Académie, Burtin écrivait au secrétaire d'État et de guerre [le 27 no- vembre] ^ : « Monsieur, » Dans un moment où les affaires majeures qui vous occupent m'in- terdisent tout accès auprès de vous, daignez me permettre de vous annoncer par écrit une découverte intéressante que je viens de faire. » Lorsque j'eus l'honneur de vous remettre mon plan selon vos ordres, vous témoignâtes, monsieur, désirer surtout que par quelque découverte, utile plutôt qu'instructive ou curieuse, je fisse d'abord toucher au doigt la nécessité de faire des recherches dans nos provinces. Je n'ai pas perdu un instant de vue ces désirs qui seront toujours des ordres pour moi, et le hasard a secondé mes efforts au point que depuis lors j'ai déjà trouvé le long de la Dyle dans le Brabant wallon une mine de plomb très riche et qui promet d'être copieuse et abondante, dont je présenterai les échantillons, accompagnés des différentes pierres qui les précèdent ou les enveloppent, le l*"" de décembre à l'Académie; j'y joindrai des 1 Archiv. du roy. de Belg. Secrétairerie d'Étal et de guerre : portefeuille n" 5(8. LIVRE I. 1784. 421 cclianlillons de plusieurs terres coloriées, propres à la peinture, que j'y ai découvertes, surtout de la noire, de la rouge et de la jaune. Je ne vous entretiendrai pas en ce moment de plusieurs indices frappants d'autres mines que j'ai observés; j'ajouterai seulement que j'ai découvert une veine arsenicale, qui me flatte de l'espoir d'obtenir du cobalt, objet sur lequel je vais faire les expériences nécessaires. » Si vous le trouvez bon, monsieur, c'est-à-dire si le temps vous le permet, je m'empresserai de vous rendre compte du résultat de mes observations, et des précautions qui me semblent nécessaires, avant de permettre l'exploitation des minières dont il est question. » Espérant que vous daignerez approuver mon zèle et Tbonorcr de votre protection, je suis, avec le respect le plus profond, monsieur, le plus liumbic cl le plus soumis de vos serviteurs. >^ (Signé) : F.-X. Burtin, M. D. " CHAPITRE XXXVIll. Rapedius de Berg, — Son système pour extirper lépizootie, — Ses mémoires couronnés à Paris et à Bruxelles. — M. Te Water. — M. Walckiers de Saint-Amand refuse d'entrer à l'Académie. — Le Cabinet est transporté à l'abbave de Caudenberg. — Formation d'une collection de substances chimiques. — Il est résolu que tous les modèles soumis à l'Académie deviendront sa propriété et seront déposés dans son Cabinet. — Le comte de Belgioioso accorde à Burtin une pension académique de oOO tloiins restée vacante. — Son projet de Mre entrer Linguet à l'Académie. Nous (lirons maintenant quelques mois de l'amman de Berg, qui avait été élu de l'Académie en même temps que Burtin. Ferdinand-Pierre Rapedius de Berg était né à Bruxelles, le 5 mars 1740, de Jean-Louis Rapedius de Berg, conseiller maître à la chauibrc des comptes, et de Marie-Anne de Fcltz. Promu au grade de licencié en droit à l'Université de Louvain le 9 juillet 1759, il avait été successivement avocat au conseil souverain de Brabant, substitut procureur général au même con- 492 LIVRE I. 1784. sc'il, et remplissait depuis le mois de septembre 1775, les fonc- tions d'amman de la ville de Bruxelles. Nous n'avons pas à le juger comme administrateur, mais nous pouvons appliquer au savant ce que l'ancien secrétaire d'Etat, H. de Crumpipen, disait en 1790 de l'homme politique ^ : « 11 est assez haut, impérieux et à prétentions... ; il est long dans ses écrits... » La première communication que de Rerg eût faite à l'Académie de Bruxelles remontait au 17 février 1778. Il lui écrivait à cette date : « Messieurs, le jugement dont la Société royale de médecine de Paris vient d'honorer le mémoire ici joint me donne la confiance, messieurs, d'oser vous le présenter. — Votre application constante à la recherche des vérités utiles, et l'accueil encourageant que vous accordez à ceux qui s'efforcent de concourir à vos vues, me font espérer que vous dai- gnerez agréer que je saisisse cette première occasion qui se présente de vous prouver, messieurs, comhien je suis jaloux de mériter votre estime.» Le titre du mémoire est : Mémoire qui [au jugement de la Société royale de médecine de Paris prononcé, le 27 janvier 1778, dans sa séance publique tenue dans la grande salle du collège royal de France] a remporté le prix [d'une médaille d'or de la valeur de 500 livres] proposé, en 1 776, par M. le duc de Charost [pair de France, maréchal des camps et armées du roi, lieutenant- général pour S. M. des provinces de Picardie, du Boulonnais, etc.] AU mémoire qui serait jugé avoir le mieux « déterminé, par une description exacte des symptômes, à quel genre de maladies on doit rapporter l'épizootie de 1774, 75 et 76, dans la Flandre, l'Andresis, le Calaisis, le Boulonnais et l'Artois; en quoi cette maladie diffère de celles de ce genre qui ont régné depuis dix ans; quelle a pu être la source et par quelle voie elle s'est com- muniquée; s'il y a des faits constatés qui prouvent que l'air ait contribué à sa propagation : et quels sont les moyens curali/s * Notes confidentielles. LIVRE I. — 1181. 423 qui auraient le j)Ius de succès » — Rédigé par Ferdinand Hapi- dius de Berg. Ce mémoire fut présenté à l'Académie dans la séance du 5 avril 1778 par l'abbé Needham. On en commença la leclure, qui fut terminée dans l'assemblée du 28. Le 25, de Berg avait écrit une nouvelle lettre à la compagnie : « Messieurs, disait-il, dans Pespoir que vous avez reçu la lettre, en date du 17 février, que j'ai eu l'honneur de vous adresser avec une copie du mémoire concernant Tépizootie pestilentielle, qui a remporte le prix adjuge par la Société royale de médecine de Paris dans sa séance du 27 janvier dernier, et me référant à ce mémoire par rapport au fond de la question si l'air peut contribuer à la propagation de celte épizootie, j'ai celui de vous adresser la note ici jointe relative à l'opinion de M. Paulet, annoncée dans le n' 24 des Annales de M. Linguet et suivant laquelle on devrait répondre négativement à cette question, tandis (jue j'y ai répondu et que je crois plus que jamais (d'après les expériences de 31. Vicq d'Azir rapportées dans le cahier ici joint) devoir y répondre affirmativement... — J'ai pris la liberté de rédiger ma réponse à M. Pau- let par forme de notes en marge de l'extrait ici joint du n" 24 des Jnnales politiques y etc.. « La réponse dont il est ici question parut sous forme de Lellre à M. Linguet. Brochure iu-4° de 28 pages, Paris. Quant au mémoire lui-même, il fut imprimé à Paris en 1780 et comprend 24 pages, sans l'épîlre dédicatoire au prince de Slar- hemberg. Ce mémoire a aussi été imprimé dans ï Histoire de la Société royale de médecine, avec les Mémoires de médecine et de physique médicale. Paris, 1779, in-4°; t. il, pp. 01 8-04^8. Voici le jugement que la Société de médecine en avait porté : « Avant d'en connaître l'auteur, les commissaires se sont bien aperçus qu'il n'était pas médecin. Lors(ju'il parle des médica- ments, ses conseils sont un peu vagues; mais lorsqu'il apprécie les avantages des traitements faits par les gens de l'art, lorsqu'il décrit la marche de l'épizoolie, lors surtout qu'il expose les moyens de la prévenir, il est très conséquent et très lumineux^on 424 LIVRE I. — 1784. y reconnaîtra un homme consommé dans celte partie de l'admi- nistration et qui ne dit que ce qu'il a vu. L'extinction de l'épi- zootie dans le Brabant et dans le Limbonrg est presque entière- ment son ouvrage, et il a rendu un grand service à la France en déterminant un foyer de contagion qui lui a tant de fois été funeste. [Histoire de la Société royale de médecine, t. I. p. 12.] » De Berg préconisait l'extirpation de l'épizoolie par la tuerie dès son apparition. Lorsqu'il s'était agi en 1775 de nommer un ammanà Bruxelles, le prince Charles de Lorraine, sur la recommandation de Starhem- bcrg, avait proposé pour cette place le substitut procureur géné- ral de Berg « dont l'activité, à part ses autres mérites, était constatée par la célérité et le succès avec lesquels il avait opéré dans les affaires qu'on lui avait confiées, particulièrement dans celles de la maladie parmi le gros bétail, tant dans les occasions où il s'agissait de faire observer les mesures et précautions contre ce fléau que dans les cas de poursuites qui en étaient résultées *. » Quand de Berg eut obtenu la médaille d'or pour son mémoire sur la question : « Depuis quand le droit romain est-il connu dans les provinces des Pays-Bas autricbiens, et depuis quand y a-l-il force de loi ? » Des Roches s'empressa de lui écrire (le 17 octobre 1782) : « Après avoir mérité une première couronne dans un pays étranger, voli'C gloire n'eût pas été complète si vous n'en aviez remporté une seconde peut-être plus honorable dans le sein de votre patrie. » Le 10 février 1785, de Berg envoya son mémoire sur le droit romain à l'Académie française, afin de prendre part au concours fondé en 1781 par le baron de Montyon, sous le voile de l'ano- nyme. Le prix était une somme de 1 200 livres à adjuger tous les ans à l'ouvrage le plus utile au bien de l'humanité, à l'exclu- sion des arts et des scienecs : le 16 janvier 4 785, l'Académie l'avait accordé une première fois à M"' d'Epinay pour son ouvrage intitulé : Les conversations d'Emilie. ' Archiv. du roy. de Belg. Cliancellerie des Pays-Bas à Vienne : D. 102, ad lit. B. 1 (n° 1). LIVRE I. — 1784. 425 Le 21 février, le secrétaire perpétuel de l'Académie, d'Aleni- bert, répondait à de Berg : qu'il n'avait pas été exactement informé des conditions du concours; que l'Académie excluait de ce concours les ouvrages de jurisprudence locale... Toutefois comme l'ouvrage de de Bcrg renfermait aussi plusieurs vues gé- nérales et utiles h la jurisprudence de toutes les nations, l'Aca- démie se réservait de décider dans le temps s'il devait être admis au concours. — « Il serait de plus à souhaiter, pour faciliter ce jugement, ajoutait d'Alembert, que le livre en question fût plus connu et plus répandu à Paris. » Le troisième académicien admis dans la séance du 2G octobre 1784, Jona-Guillaumc Te Waler, était né en Zélande le 28 octobre 1740 A répoque de son élection, il venait d'être nommé à la chaire de théologie et d'histoire ecclésiastique de l'Université de Lcyde, qu'il n'alla occuper que Tannée suivante. Il était entré en relations avec l'Académie comme historiographe de Zélande et secrétaire de la Société Zélandaise de Middclbourg. A l'appui de sa demande d'une place de membre étranger, il avait transmis le l®' chapitre d'une dissertation latine intitulée : « De insigni usu studii gcographici in historià praesertim belgicà, » offrant d'en- voyer incessamment la suite au cas que cet hommage fût agréable à la compagnie. — Ce mémoire, resté incomplet, fut renvoyé à Te Wateren 1791. Te Water remplaçait M. Morand, docteur régent de la faculté de Paris et bibliothécaire de l'Académie des sciences, élu membre étranger en 1775. Morand avait toujours témoigné beaucoup d'intérêt à l'Acadé- mie, et celle-ci pai-aissait y avoir été sensible, comme le témoigne l'extrait suivant du protocole de la séance du l""" octobre 1778: « Parmi plusieurs brochures et plusieurs lettres, remises à M. le pré- sident pendant son séjour à Paris, et communiquées par lui à l'assem- blée, il se trouvait une lettre de M. Morand, académicien étranger, qui demandait la permission d'imprimer séparément un mémoire qu'il vou- lait présenter à TAcadémie, à condition de mettre sur le litre qu'il le lui dédiait; souhaitant que cette publication n'empêchât point l'Académie 426 LIVRE I. — 1784. de rinsérer dans Tun ou Taulre volume qu'elle destine au public. L'atta- chement que M. Morand a toujours fait paraître pour les intérêts de ce corps, fît résoudre qu'on lui accorderait sa demande; de manière que le mémoire étant d'ailleurs approuvé, la publication particulière ne serait point une raison pour l'exclure, quoique l'Académie ne soit pas dans l'usage d'imprimer des pièces qui ont déjà paru. » On lisait encore dans le protocole de la séance du 13 avril 1779 : " L'Académie avait fait connaître il y a quelque temps à M. Morand, membre étranger, qu'elle consentirait à publier ses opérations pour fondre et affiner le fer avec les braises de charbo?i de terre, en lui laissant la liberté de les faire paraître séparément en France. Ensuite de cette per- mission, M. Morand envoya son mémoire à M. le président, qui le pré- senta à l'Académie de la part de l'auteur, et qui nomma des commissaires pour l'examiner. « ê Les commissaires étaient MM. Needham, Marci et de Launay : les deux premiers proposèrent 1 impression, mais le troisième la fit , rejeter. — Morand cut-il connaissance de ce rejet? Nous ne sau-^ rions le dire : quoi qu'il en soit, il ne donna plus signe de vie, et quand il mourut cinq ans après, son décès ne fut pas même annoncé à l'Académie; du moins n'y en a-t-il aucune mention dans les protocoles. Il a été parlé précédemment du Cabinet d'instruments de phy- sique que M. Walckiers de Saint-Amand avait fondé à Bruxelles. On a rappelé, d'après Burtin, qu'une machine électrique de l'in- vention de Walckiers, et d'une construction nouvelle, avait été soumise à l'Académie des sciences de Paris, et avait été l'objet d'un rapport très favorable. Dans la séance du 16 décembre 1784, le chancelier Crumpipen déposa sur le bureau ce rapport qui avait été imprimé, et fit savoir en même temps que Walckiers mettait obligeamment son Cabinet à la disposition de la compagnie j)Our le cas où l'un de ses instruments pourrait lui être utile. « Sur la réquisition de la compagnie, M. le président se chargea de faire LIVRE 1. — 1781. 42/ connaître b M. Walckiers qu'elle avait reçu cette offre avec plaisir, et que dans l'occasion elle la mettrait en exécution. » Le 22 décembre, Walckiers adressait la lettre suivante au chan- celier : cette lettre appartient à l'histoire secrète de l'Académie; lecture en fut faite, il est vrai, à la séance du 7 janvier 1785, mais le protocole se borne à dire sous forme de note : « M. le président lut une lettre que lui avait écrite M. Walckiers de Saint-Âmand, dans la([uelle il répète ses offres de services pour tous les cas où l'Académie croirait avoir besoin de lui ou de son Cabinet. » Voici le texte de la lettre : « Monsieur, « Rien ne pourrait m'être plus agréable et me flatter davantage, que l'opinion favorable de TAcadémie à mon égard, et surtout d'apprendre par vous, que ces messieurs m'ont jugé digne d'être associé à leurs tra- vaux : j'accepterais sans hésiter l'offre que vous voulez bien me faire par votre lettre d'hier, si je ne persistais dans les sentiments que j'ai déjà eu l'honneur de vous faire connaître, et qui jusqu'à présent m'ont empêché d'accepter les offres réitérées que vous m'avez faites de me présenter à l'Académie; ma liberté m'est chère, et je crains trop de con- tracter des engagements qui pourraient me détourner des études aux- quelles j'ai consacré tout mon temps. Croyez cependant, monsieur, que toutes les fois que l'Académie voudra disposer de moi, je ferai tout ce qu'il me sera possible pour répondre à l'idée avantageuse qu'elle a de mon travail. >> On lisait dans le protocole de la séance du 16 décembre : « En conséquence des résolutions prises dans les séances précédentes, M. le président mit sur le tapis les arrangements à prendre pour le dc- logement du Cabinet d'histoire naturelle et des instruments de physique qui avaient été sous la garde de M. Du Rondeau, ainsi que de ceux de l'Académie de Manheim qui avaient été remis à M. Chevalier pour ser- vir aux observations correspondantes dont la compagnie s'était chargée envers cette dernière. Il fut résolu que sans attendre la rédaction d'un inventaire complet, rédaction dont cependant la nécessité fut reconnue 428 LIVRE I. — i785. et à laquelle on doit mettre la main incessamment, M. Mann prendrait de concert avec MM. Du Rondeau et Chevalier le premier jour commode pour se faire remettre respectivement par ces deux académiciens les collections dont il s'agit, qu'il les placerait à la salle de l'abbaye de Caudenberg, et commencerait sans différer les observations promises à l'Académie de Manheim, tâche dont M. Mann venait de se charger à la place de M. Chevalier qui jusqu'ici avait fait une partie de ces observa- tions, tandis que faute d'un emplacement convenable le reste avait clé omis. « Le 24 janvier 1785, Van Bochaulc fit agréer la formation d'une collection de substances chimiques qui serait déposée dans le Cabinet de l'Académie; et le 28 février, il fut résolu, à propos d'un ventilateur de M. Nivoy, qu'à l'avenir les modèles approuvés deviendraient la propriété de l'Académie et seraient déposés dans le même cabinet. Le comte de Belgioioso, non content d'avoir fai\ entrer Burlin à l'Académie, lui octroya la pension de 500 fl., qui avait été a réservée pour quelque savant étranger dont on pourrait ou désirerait faire l'acquisilion, » aux termes de la dépêche du prince de Starhemberg du 25 juin 1785. Le 7 janvier 1785, il adressa à la compagnie la lettre suivante: M Messieurs, » Comme il a été résolu d'accorder au sieur Burlin, membre de l'Aca- démie impériale et royale des sciences et belles-lettres, la pension de 500 fl. qui est encore vacante sur les fonds de l'Académie, je vous fais la présente, messieurs, pour vous en prévenir pour votre information et direction. J'ajouterai que l'on destine la première pension qui viendra à vaquer au sieur Van Bochaute, académicien et professeur de chimie à Louvain, et qu'en attendant je vous autorise à payer dès à présent à ce dernier et pour cette fois une gratification de cent écus à prendre sur les fonds actuels de l'Académie. » Le chancelier remit cette lettre h l'Académie le jour même dont elle portait la date, et qui était celui fixé pour la première séance LIVRE I. 1785. 4i2l) de 1785. l.e dépit qu'en ressentit la majorité perce à travers la rédaction soigneusement travaillée du protocole : « Plusieurs membres, «y lit-on, « observèrent au sujet de cette lettre, que l'Académie était néanmoins fondée à se promettre qu'en disposant en faveur de M. Burtin de la pension réservée, l'intention du gouvernement n'était point d'exclure à l'avenir les délibérations de la compagnie lors- qu'il serait question d'accorder quelque pension vacante : il fut résolu cependant que dans ce moment l'Académie ne ferait aucune représen- tation à cet égard. » Remai'quons (ju'en allouant à Burtin la pension réservée, le ministre contrevenait à la volonté de Marie-Thérèse, exprimée dans la dépêche de Starhcmherg du 25 juin 1785. Burtin, en effet, n'était [)as un snvant étranger, et son élection à une place d'académicien paraissait devoir par elle-même combler tous ses vœux. En faisant savoir que dès à présent on destinait à Van Bochaute la première pension ortlinaire qui viendrait à vaquer, Belgioioso méconnaissait le droit de jjrésentation formellement réservé à l'Académie par son prédécesseur. Mais le nouveau ministre n'était pas homme à s'arrêter devant de pareilles bagatelles. Le chancelier le fit comprendre à la com- pagnie, et celle-ci n'osa point protester. Crumpipen avait préparé un projet de lettre', qui du moins sauvait les apparences. Après avoir rappelé les termes de la dépêche de Starhemberg au sujet de la pension réservée, il fai- sait dire au ministre : « Ayant considéré qu'il serait difficile d'attirer dans ces provinces un savant, ou homme de lettres connu, résidant ailleurs, par l'appât d'une pension de 500 fl., et qu'il pourrait arriver que pendant bien des années cette pension ne fût pas donnée, j'ai cru qu'il était préférable, et plus * Archiv. du roy. de Belg. Secrétairerie d'État et de guerre : portefeuille 11» 398. 430 LIVRE I. 1785. conforme aux vues générales qu'on a eues en permettant la distribution des pensions, d'en gratifier un académicien actuel et rcgnicole, qui par son zèle et ses talents pouvait mériter cet encouragement utile et hono- rable. — En conséquence j'ai proposé à LL. AA. RR. d'accorder la pen- sion de 500 fl., réservée jusqu'ici, au sieur Burtin, également recom- mandable par son zèle et par ses connaissances dans l'histoire naturelle, dont il a donné des preuves, encore récemment, par la publication d'un ouvrage fort estimé par tous ceux qui cultivent cette science. Et comme le sieur Van Bochaute, dont la réputation dans la chimie, et les décou- vertes qu'il a faites, sont généralement connues, m'a paru mériter aussi un encouragement, j'ai proposé de plus à LL. AA. RR. d'accorder à celui-ci, sur la pension de 500 fl. à donner au sieur Burtin, une somme de 200 fl. par an, à titre de gratification, laquelle viendra à cesser du moment qu'il sera pourvu d'une pension académique, lorsque ledit sieur Burtin jouira de la sienne en entier... » Belgioioso ne l'cnlendait pas ainsi, et le 7 janvier, il écrivait de sa main au secrétaire d'État et de guerre : « ... J'ai oublié de vous informer ce matin, que m'étant entretenu hier au soir avec M. le chancelier de Brabant, j'étais convenu avec lui au sujet de M. Burtin pour que dans la séance de l'Académie des sciences qui doit se tenir aujourd'hui à 4 heures, la pension entière lui soit don- née sans diminution, et que le professeur de chimie de Louvain aurait l'assurance d'être pourvu de la première pension qui vaquerait, tandis qu'en attendant il recevrait des fonds de l'Académie une gratification de cent écus. M. le chancelier attend un billet de la secrétairerie d'Etat, qu'il m'a prié de lui faire avoir avant la séance, ou pour mieux dire avant les 4 heures. « Le ministre plénipotentiaire conçut un aulrc projet pendant l'année 1785. D'après M. Gachard {Bulletins de la Commission royale d'histoire, 5*^ série, t. X, 18G9, p. 416) : Linguct ayant demandé à être attaché au service de l'empereur aux Pays-Bas, le comte de Belgioioso avait rendu compte de celte demande au prince de Kaunitz, le 3 septembre 1785, en lui rappelant A LIVRE 1. 1785. 451 qu'il avait déjà eu rhonneur de lui proposer de faire l'acquisition de l'écrivain français. Le ministre plénipotentiaire était d'avis que les lettres de naluralité et le diplôme de noblesse sollicités par lui lui fussent déli- vrés gratuitement. Il exaltait le zèle et le courage avec lesquels Linguct avait plaidé la cause de l'empereur et la convenance de l'acquérir et de se l'attacher... On n'abondait pas h Bruxelles de bonnes plumes, et le style connu dans le gouvernement était plutôt un style d'affaires qu'un style ministériel : il serait bon d'avoir à la main la ressource d'un rédac- teur liabile qui serait à même de donner, quant à la tournure, le vernis qui persuade mieux que la raison. Le ministre proposait, pour Linguet, soit une chaire de professeur d'éloquence, soit la charge de conseiller historiographe de l'empereur, après qu'on Vaurait fait recevoir à V aca- démie comme membre; il pensait qu'on pourrait lui attribuer un traite- ment de 5 000 à 5 500 fl. — Joseph II ayant reçu là-dessus un rapport de Kaunitz, écrivit en marge : « Il faut éviter de toute façon et autant qu'on pourra, de ne pas attirer cet homme dans le pays. Sa plume est déjà trop connue pour être vénale et fertile en paradoxes, pour que tout ce qu'il puisse écrire puisse luire effet dans le monde. » — Des raisons que nous ne connaissons pas firent revenir l'empereur à d'autres sentiments: le 49 mars 1786, il accorda à Linguet des lettres de naturalité, fondées sur « le zèle qu'il avait déjà montré en plusieurs occasions pour son service; « le 22 mars, il signa un diplôme qui Tano- blissait, eu égard au même motif, et de plus « à la considération qu'il s'était acquise, tant par ses différentes productions littéraires que dans l'exercice de la profession d'avocat. « Joseph II n'eut pas à se féliciter, dans la suite, de ces faveurs qu'il avait prodiguées au fougueux et versa- tile écrivain. Linguet avait déjà prêté sa plume sous l'administralion du [)rince de Starhemberg à qui il avait été en quelque sorte imposé par Kaunitz : mais il fallut l'arrivée dans nos provinces du comte de Belgioioso pour que l'idée vînt au protecteur de l'Académie, à celui par conséquent qui devait être jaloux de sa dignité et de son honneur, de lui imposer un homme taré. Heureusement ce projet n'eut pas de suite, et à l'Académie, il n'en fut pas même question. 432 LIVRE I. 1785. CHAPITRE XXXIX. Nouveaux arrangements pour la publication des Mémoires. — Le rapport de Gérard sur cet objet, et les avis des académiciens. — La consulte du conseil des finances du 23 mai -178o, relative au projet d'approprier l'église des ci-devant jésuites à l'usage de l'Académie, de ses collections, de la Bibliothèque royale et de l'Arsenal. — En quoi consistait l'Arsenal : son historique. L'Académie ne perdait pas de vue la publication de ses Mémoires. Le tome IV avait paru en 1783, et l'on avait déjà réuni beaucoup de matériaux pour un cinquième volume. Des objec- tions avaient été soulevées contre le mode de publication, tant des mémoires des membres que des mémoires couronnés. Dans la séance du 2 avril 1784, Gérard avait lu une note sur les incon- vénients de l'état actuel de l'impression et sur les moyens de la rendre plus utile et moins onéreuse à l'Académie. « Cette note, porte le protocole, doit passer per manus, afin que tous les mem- bres de la compagnie s'y expliquent et y ajoutent leurs observa- lions. Dans la séance générale de mai, on reviendra à cet objet intéressant. » Mais au mois de mai, les avis n'étaient pas rentrés, et nous ne trouvons plus rien qui ait trait à cette alTaire avant le 4 mars 1785. La séance de ce dernier jour « avait été destinée uni- quement à la lecture des avis que tous les membres de l'Académie avaient faits sur le mémoire de M. Gérard contenant les arti- cles de réforme et les nouveaux arrangements par rapport à la publication des mémoires, séparation des matières, changement du titre, caractère et format, grosseur des volumes, soins à donner à l'impression et autres objets de cette nature. Tous les rapports ayant été lus, et la matière sutïisamment discutée, le secrétaire fut chargé de préparer pour la prochaine séance le projet d'une résolution à insérer dans le registre de l'Académie, résolution qui doit être conforme à la pluralité des avis et servir de règle dans la suite. » LIVRE I. 1785. 433 Le 18 mars, les points suivants furent résolus et consignes au protocole : i« A l'avenir les mémoires historiques ne paraîtront plus dans le même volume avec ceux qui ont pour objet les sciences et les arts, mais on les imprimera séparément, en indiquant les premiers sous le titre de Nouveaux Mémoires de V Académie de Bruxelles^ Histoire, t. I, et ceux de la seconde espèce aussi sous le titre de Nouveaux Mémoires de F Acadé- mie de Bruxelles f Sciences et arts, t. I; moyennant que l'imprimeur fasse un litre double à l'usage des personnes qui désireront que ces Nouveaux Mémoires fassent suite avec les précédents. Ce titre portera : Mémoires de l'Académie de Bruxelles, t. V, Histoire, ou t. V, Sciences et arts, selon le genre du premier volume que l'on publiera, ensuite t. VI, Histoire, etc. 2° Chaque volume des Mémoires ne sera plus que de 500 ou 400 pages d'impression; et lorsqu'il arrivera qu'un mémoire seul en ait 200 ou 500, l'auteur le fera imprimer séparément pour son compte par tel impri- meur qu'il voudra ; mais en ce cas, il lui sera permis d'ajouter au titre : Ouvrage qui peut servir de suite aux Mémoires de l'Académie de Bruxelles. Cette addition dépendra de la volonté de l'auteur, de manière qu'il pourra l'omettre, s'il le juge à propos, comme aussi il pourra employer tel format qu'il lui plaira. S*» L'Académie conservera à ses Mémoires le format in-quarto de la même hauteur que celle des volumes précédents, mais le quarré de ce format qui contient l'impression sera considérablement augmenté en largeur et en hauteur, de sorte que les marges des quatre côtés ne pré- senteront qu'autant de blanc qu'il sera nécessaire pour ne point gâter le coup d'oeil du format. 4» L'imprimeur pourra continuer à se servir du caractère Saint-Au- gustin ; mais en cas de changement, il observera d'en choisir plutôt un, tant soit peu plus petit j et ce changement, il ne pourra l'effectuer qu'a- près s'être concerté avec les commissaires que l'Académie nommera pour soigner l'édition. 5" Si l'imprimeur refuse à consentir à une "diminution dans le prix, il pourra continuer à vendre au public à raison d'un sou par feuille, le bénéfice des libraires restant à sa charge. Il ne pourra point augmenter ce prix; mais si le volume contient des gravures, il lui sera permis de charger ce volume à proportion des frais qu'elles auront amenés : les Tome XXXIV. 28 454 LIVRE I. — 1785. frais de la gravure étant pour son compte et à sa charge, et nullement à celle de TAcadémie. 60 Quand TAcadémie aura résolu l'impression d'un nouveau volume, elle nommera en même temps deux commissaires qui soigneront l'édi- tion, qui feront observer à l'imprimeur tous les points prescrits dans les articles précédents, et qui feront en dernier lieu la révision des épreu- ves : chaque membre au reste étant autorisé à revoir avant eux les épreuves des mémoires dont il est l'auteur. Et comme cette double inter- vention, vu les différents systèmes d'orthographe et de ponctuation, pourraient causer dans les Mémoires une bigarrure désagréable, les commissaires s'entendront avec les auteurs respectifs, afin d'éviter ces inconvénients autant qu'il est possible. Le mémoire lu par Gérard dans la séance du 2 avril 1784, débutait ainsi : « Le principal motif de l'institution de l'Acadé- mie de Bruxelles a été de faciliter aux habitants des Pays-Bas les moyens de pouvoir s'appliquer à l'étude de l'histoire de ces pro- vinces et de s'adonner à la culture des arts et des sciences. L'on a cru qu'un des moyens pour parvenir à ce but était de publier les mémoires couronnés par l'Académie et ceux composés par les membres de ce corps. Et que pour engager un chacun à faire l'acquisition de ces mémoires, il fallait les faire vendre au plus bas prix possible. En conséquence les trois mémoires couronnés en 4709, dont les auteurs étaient MM. Des Roches, Caussin et de Hcsdin, n'ont été vendus ensemble que quatorze sols [deux escalins].,. » — Gérard parlait ensuite de la convention faite avec l'imprimeur D'Ours, «homme de la plus exacte probité. » L'obliga- tion imposée à D'Ours de donner gratis cent exemplaires à l'Aca- démie et de faire fondre un nouveau caractère, avait amené une légère augmentation du prix des mémoires, que l'Académie s'était réservé de fixer. « Mais lorsqu'on contracta avec Boubers, impri- meur plus qu'industrieux, l'Académie lui abandonna la fixation du prix, et lui permit ou toléra qu'il les imprimât à sa guise. » Il en résulta qu'en 1775, on dut payer une couronne ce qu'on avait eu en 1769 pour deux escalins. Boubers livrait beaucoup de papier et peu d'impression; le débit des volumes diminuait dans LIVRE 1. — 1783. 435 le pays, et pour se défaire de son édition, Boubers cédait quel- ques mois après les exemplaires restants à des libraires étrangers pour trois à quatre escalins. — « L'imprimerie académique suivit le même pied que Boubers avait pris, mais point avec le même succès. La direction de cette imprimerie ignorait absolu- ment l'art de débiter des livres, et dépendait d'une quantité de subalternes qui ne clierchaient que leur profit particulier. — Depuis que l'Académie s'est défait de son imprimerie, les choses sont à peu près dans le même état. Les volumes contien- nent plus de papier blanc que d'impression, et se vendent presque aussi cher qu'auparavant ; à l'exception qu'à l'égard des mémoires couronnés la Société suit le pied que Boubers avait pris, c'est- à-dire qu'elle cède aux libraires pour trois escalins les volumes qui ont été vendus une couronne dans leur nouveauté. » — Ici Gérard exposait les moyens qui lui semblaient de nature à assurer le débit des mémoires couronnés et ceux des membres de l'Aca- démie dans les provinces belgiques, pour les habitants desquelles ils étaient principalement destinés. Nous croyons inutile d'entrer dans ces délails, d'autant plus que la plupart des idées de Gérard furent adoptées par l'Académie dont nous avons donné les résolu- tions. L'Académie, toutefois, eut à tenir compte du contrat conclu avec la Société typographique, contrat que Gérard aurait voulu résilier : comme le fit remarquer de Hesdin, représentant de l'un des actionnaires de la Société, « l'on ne résilie pas si aisé- ment un contrat qu'on l'imagine. » Gérard n'épargnait pas non plus l'Académie. « Il se trouve dans les volumes publiés, disait-il, des commencements de mémoires, dont l'un ne sera jamais continué parce que son auteur, l'abbé Caussin, est mort. Il est certain que de pareils fragments déparent une collection académique, et l'Académie s'expose au désagrément de devoir approuver et laisser imprimer des ouvrages médiocres, lorsqu'elle approuve et permet l'impression du commencement d'une pièce dont elle n'a point examiné la fin » Le médecin Caels allait plus loin : « Je crois, disait-il, qu'il con- viendrait aussi de réimprimer les mémoires qui ont été publiés depuis le commencement de l'institution de notre Académie, en 436 LIVRE 1. — 1-8S. omettant cependant tous ceux qui seraient incomplets, ou peu dignes de paraître dans une collection académique. » Dom Berlhod se bornait à recommander d'une manière géné- rale « la sévérité qu'on doit apporter à ne donner au public que des choses bien faites, vraiment dignes de lui et d'une compagnie savante. » L'abbé Mann relevait ce que Gérard avait avancé au sujet de l'abbé Caussin : « II n'y a, disait-il, ni mémoire ni commence- ment de mémoire de M. l'abbé Caussin dans aucun des volumes de l'Académie. » « Dans toutes les collections académiques, » faisait remarquer Tabbé Chevalier, « on trouve des mémoires continués dans deux ou trois volumes différents, et d'autres non finis, ou par la mort de l'auteur ou par d'autres causes. » Voici une analyse des observations de Burtin : « L'encoura- gement des sciences, des arts et des belles-lettres en ce pays, » disait-il en commençant, cme semble devoir être sans contestation le premier but de l'Académie. Plus ses mémoires renfermeront de découvertes, de vues utiles, de recherches applicables au bien des individus ou de la société en général, en un mot, de choses vrai- ment intéressantes et capables d'exciter l'attention du public, plus on remplira la tâche que nous prescrit notre institution j mais il ne suffit pas d'imprimer des mémoires utiles, il faut les faire lire aussi. » — C'étaient, selon Burtin, le bon marché, la bonté des matières et la réputation de l'auteur qui déterminaient à acheter un livre. Les deux derniers motifs dépendaient entière- ment des académiciens ; et pour cette raison il n'avait garde de s'y arrêter. 11 se bornait donc à discuter la question du prix, et il disait à ce propos : « Je ne puis assez insister sur la nécessité de vendre au particulier un quart plus cher qu'au libraire. Les meilleurs livres restent au rebut chaffue fois que l'intérêt de ces sangsues littéraires n'est pas mis en jeu pour leur [)rocurer des lecteurs; or le moindre bénéfice qu'ils daignent accepter est de vingt-cinq pour cent: et même demandent-ils la plupart ce rabais pour se charger d'un livre en commission, o On n'a pas oublié peut-être le passage du rapport adresse au LIVRE I. — 1785. 437 comte de Belgioioso, le 6 novembre 1783, dans lequel l'Académie, après avoir exposé ses doléances au sujet de son état cl de ses besoins, s'écriait : « On la déjà dit, ce qui presse le plus, ce qui est essentiel et indispensable, c'est un emplacement spacieux pour [l'Académie], pour la Bibliotbèque, pour les différents Cabinets; c'est un édifice où elle puisse réunir ses opérations ; c'est un lieu où elle puisse observer. Sans ce secours nécessaire une ricbe collection de livres périra sans l'essource; sans ce secours, l'Aca- démie ne doit plus songer à se procurer des instruments, elledoit se défendre les observations et les tentatives... » Dès l'année 1770, comme on le sait, il avait été question de loger la Bibliotbèque royale dans l'ancienne église des jésuites. Deux ans plus tard, on avait songé à y établir non-seulement la Biblio- tbèque, mais l'Académie elle-même : nous avons exposé le projet qui avait été conçu à cet effet. Ce projet, disions-nous, fut ajourné jusqu'en 1785: « Alors on put espérer un moment de le voir exécuter. Quand nous serons arrivés h cette époque, nous expose- rons les pbnses par lesquelles il avait passé dans l'inlervalle, et nous ferons connaître le sort qu'il subit finalement. » Pour remplir la première partie de celte promesse, nous n'avons rien de mieux à faire que de donner la consulte suivante du conseil des finances, en date du 25 mai 1785* : elle renferme un bistorique complet de la question, en même temps que rex|)osé des moyens proposés pour arriver à une solution. u Lorsqu'on prit les arrangements pour Texploitation du mobilier de la succession jésuitique, il fut arrêté que Ton vendrait les livres des Bibliothèques qui dans ce pays avaient appartenu à la Société suppri- mée : et ces ventes qui furent effectuées successivement dans les diffé- rentes villes où Ton avait concentré des dépôts de livres pour s'en défaire par hausses publiques avec le plus d'avantage que possible, produisirent une somme de 140 000 fl. environ. » Mais comme il se trouvait en double plusieurs livres même rares et intéressants, feu S. M. agréa qu'on en réserverait une certaine quantité ' Arcliiv. du roy. de Belg. Conseil des finances : carlon n° 265- 458 LIVRE I. — 178S. pour en augmenter la colleclion de la Bibliothèque de Bourgogne à l'usage du public et surtout de rAcadémie qui tient ses séances dans la salle où cette ancienne Bibliothèque est déposée. » Les livres réservés à ce double usage furent en conséquence rassem- blés à Bruxelles, et se trouvent depuis quelques années éventuellement placés dans Téglise des ci-devant jésuites de cette ville. » Il était déjà question depuis Tannée 1770 de destiner le vase de cette église à quelque objet d'utilité publique... Dans un rapport pré- senté [le 20 avril i776 à feu S. A. R.,] on proposait [de l'adapter] à l'usage d'une Bibliothèque publique et à ceux de l'Académie des sciences [?]. ... Feu l'impératrice adopta ce projet dans sa royale dé- pêche du 20 octobre de la même année... *) On s'occupa dès lors des plans propres à exécuter cette souveraine résolution, et il y en eut deux de présentés; l'un devait coûter 50 000 tl. et l'autre 90 000 fl. » Tandis que l'on délibérait sur l'exécution de ces plans et plus en- core sur les moyens d'assigner la dépense,... il s'éleva une opposition contre [le projet] d'abandonner l'église à l'usage des sciences, et il fut de nouveau question d'y célébrer le service divin. Cependant les cloches, les orgues, les tableaux, le vestiaire, tout cela était vendu... ensuite de la première résolution bien positive de feu S. M. consignée dans sa royale dépêche du 20 octobre 1776; et l'opposit'on arrivée dans le commence- ment de l'année 1780 [par lettre du prince de Kaunitz du 29 mars], ne put à son tour avoir aucun effet... » Il fut peu à près question de démolir l'église des ci-devant jésuites de Bruxelles; ce projet nous fut notifié par décret de Vos Altesses royales du 51 décembre 1781, mais comme les offres présentées pour cette dé- molition n'équivalaient point à plusieurs milliers de florins près aux estimations qui en étaient faites, ce projet ne put avoir aucune suite. « Les livres choisis pour la Bibliothèque publique sont donc restés déposés dans l'église des jésuites de Bruxelles... L'air enfermé et le défaut de feu pendant les hivers [détérioreraient nécessairement] les volumes s'ils devaient y rester plus longtemps. Cet objet fut celui de notre sollicitude, et nous demandâmes souvent des directions pour obte- nir un emplacement définitif et tel qu'on puisse remplir le but qui avait présidé au triage et à la conservation des livres choisis dont il s'agit. » Le comité de religion, de qui l'on croyait probablement tirer quel- que projet pour leur emplacement, se borne à faire dans l'extrait de son LIVHE I. — 1785. 459 protocole en date du 11 janvier dernier des propositions qui ne mènent à rien. Il y cite le couvent et l'église des magdelonnetles, celui des char- treux, comme ayant paru propres à l'emplacement dont il s'agit; mais en citant d'autres destinations déjà données à ces couvents, il renverse en même temps l'idée d'y placer les livres... Il croit qu'il suffît de faire réparer l'église des jésuites pour y conserver les livres qui y sont déposés. [Or] l'entretien [est] bien soigné. Ce n'est point à l'abri de la pluie qu'il faut placer ces livres; ils n'y sont pas exposés, mais c'est dans un endroit où ils puissent remplir convenablement leur deslinalion qu'il importe de les placer, sans quoi il eût été inutile de les conserver. » Dans cet état de choses, on a cru essentiel de faire faire un plan le moins dispendieux de tous, pour en revenir une bonne fois à la parfaite exécution du projet formellement agréé par feu S. M. en 1776; et nous avons l'honneur de présenter à l'agréalion de Vos Altesses royales les plans ci-joinls que l'Académie des sciences a vus et approuvés dans son assemblée générale du 18 de ce mois. r> Nous ne pouvons que nous référer à l'aveu et à l'approbation que cette compagnie donne aux plans projetés. » Elle prouve son désir de voir se réaliser ce plan, par l'offre qu'elle fait dans sa résolution ci-jointe en original, d'y employer la plus grande partie des épargnes qu'elle s'est ménagées depuis longtemps à force de soins et d'économie sur sa dotation. » Elle a bien senti qu'elle n'aurait jamais de consistance bien solide, tant qu'elle ne pourrait tirer parti des effets qui lui sont acquis pour la propagation des sciences. » En effet le défaut d'emplacement l'oblige à laisser épars chez plu- sieurs de ses membres ses instruments de physique, les articles d'histoire naturelle; elle est éloignée de ses livres, de ses manuscrits, n'a même point d'accès pendant les hivers à ceux qui sont éventuellement déposés dans l'église des jésuites; autant lui vaudrait n'avoir aucun effet que de les avoir éparpillés comme ils sont sans pouvoir s'en servir. » Les épargnes que l'Académie a résolu d'employer pour son emplace- ment et qui sont le fruit d'une économie sévère d'au delà de dix ans, se montent à 14 000 fl. courant. « Mais l'exécution des plans pour combiner tous les emplacements nécessaires à l'Académie dans le vase de Péglise actuelle des ci-devant jésuites coûterait 32 000 fl. suivant le devis estimatif ci-joint formé par le directeur des bâtiments de Vos Altesses royales Montoyer, qui offre 440 LIVRE I. — 1785. de s'en charger à ce prix; il manquerait donc 18 000 fl. pour compléter les parties de ce plan qu'il s'agirait d'exécuter maintenant. >^ Pour trouver ce vide sans toucher en rien au trésor royal ni aux finances jésuitiques (malgré que celles-ci aient profilé d'une somme d'environ 41 000 fl. du chef d'une vente particulière de livres choisis, faite dans l'intention d'avoir un fonds pour l'emplacement de ceux qui sont restés invendus), nous avons traité avec le directeur Montoyer pour l'engager à reprendre des bâtiments et des matériaux qui deviendront tous de libre disposition si l'on place l'Académie dans l'église des jésuites et autrement point. ); Le bâtiment où se tient actuellement la Bibliothèque de Bourgogne cl (jui ne peut servir à aucun autre usage pourrait être démoli. 11 est évalué en produit net de démolition par l'inspecteur Baudour assisté de deux experts à une somme de 3 000 fl. de change. Montoyer consent de le démolir à ses frais et de le reprendre à ce prix, mais en argent courant, parce qu'il ne peut faire cette démolition en se servant de la poudre. > Il y a un vieux bâtiment qui a fait partie du collège des ci-devant jésuites de Bruxelles, oîi les archives venues de Lille, maintenant transfé- rées au nouvel hôtel de la chambre des comptes, ont été déposées quel- que temps; et où se trouve actuellement placé l'Arsenal des antiquités des souverains de ce pays. On logerait cet Arsenal dans une des salles basses de l'église des ci-devant jésuites, à l'endroit indiqué à cet effet dans le plan projeté pour l'Académie. Moyennant quoi et autrement pas ce bâtiment de l'Arsenal, d'ailleurs vieux et caduc, deviendrait de libre disposition. Il est évalue à 6 000 fl. de change. Montoyer offre de le reprendre pour 0 000 fl. courant, et comme cette différence ne devrait pas arrêter sur l'ensemble de ce marché, d'autant plus que Montoyer devra élever à ses frais un mur de séparation d'avec le jardin du collège- pensionnat Thérésien, lequel mur est évalué à très bas prix dans J'exper- tise de Baudour, nous estimons que la proposition de Montoyer est à accepter. » Il offre ensuite de démolir à ses frais une partie de la tour de l'église des ci-devant jésuites jusqu'à une certaine hauteur pour éviter les frais d'un entretien éventuel ; il offre de reprendre une partie du pavement de l'église, de sa corniche, de ses balustrades et autres objets évalués à 9 000 fl. De manière qu'il prendrait en tout des effets et des bâtiments inutiles, à concurrence d'une somme de 18 000 fl., se chargeant de toutes les démolitions, ce qui compléterait la somme de 32 000 fl. faisant l'im- porl de sa soumission. LIVRE I. 1785. 441 » Moyennant quoi, l'Académie, ses instruments, ses livres, tous ses effets, l'Arsenal et le concierge actuel de l'Académie seraient logés sans qu'il en coûtât rien à S. M. » On n'aurait qu'un seul bâtiment à entretenir au lieu de trois que l'on entretient à présent pour la Bibliothèque de Bourgogne, pour les livres jésuitiques et pour l'Arsenal... « ... Le projet de placer l'Académie dans l'église des jésuites a d'ail- leurs cet avantage, qu'elle sera à portée d'un beau jardin qui sert à l'usage des professeurs du pensionnat Thérésien. Vos Altesses royales peuvent sans le moindre inconvénient destiner dès à présent ces jardins à l'usage de l'Académie, dès que de nouvelles épargnes qu'elle se mé- nage si bien lui donneraient le moyen d'y cultiver des plantes bota- niques; il ne faudra pour cela faire aucune nouvelle acquisition... » ... Si Vos Altesses royales daignent adopter les divers arrangements que nous venons de proposer, il s'agira de faire faire un contrat sur de bonnes conditions entre PAcadcmie el le directeur des bâtiments Mon- toyer, et comme S. M. y est intéressée, il conviendra de faire rédiger ces contrats par le conseil. » Ainsi avisé, w La résolution de l'Acadéniic dont il est parlé dans la consulte précédente, était présentée comme il suit dans l'extrait du proto- cole (le la séance du 18 mai, joint à ladite consulte. « M. le président fit l'ouverture de la séance par l'exposition du projet de donner un nouvel emplacement à l'Académie et à la Bibliothèque publique. Il informa la compagnie que S. E. le ministre plénipotentiaire avait résolu de mettre en exécution cette afifaire importante qui depuis longtemps faisait l'objet des vœux de l'Académie; que pour cet effet MM. Gérard, Des Roches, le comte de Fraula et l'abbé Mann avaient été nommés pour conférer en qualité de commissaires avec M. de Limpens, conseiller du conseil des finances; que le gouvernement général destinait à ce nouvel emplacement l'église des ci-devant jésuites, dans laquelle, outre plusieurs salles au rez-de-chaussée qu'on pourrait adapter dans la suite, on construirait un premier étage, consistant dans un vaisseau con- venable pour la Bibliothèque, ayant sur les deux côtés différentes salles pour l'usage de l'Académie et de ses Cabinets, le tout conformément aux 442 LIVRE I. 178S. coupes et profils qui étaient sur la table et qui furent expliqués à la compagnie; que la construction des parties dont on avait besoin présen- tement coûterait 30 000 fl. dont le gouvernement fournirait 16 000 à la faveur de plusieurs démolitions que Tarchitecte prendrait en payement et d'autres moyens quelconques, de manière qu'il ne resterait que 14 000 florins à la charge des fonds académiques. » En conséquence de cet exposé, M. le président proposa à la délibé- ration des membres d'autoriser M. le trésorier à tirer de la caisse des épargnes qui lui est confiée ladite somme de 14 000 fl. pour être em- ployée à la construction de l'édifice dont il s'agissait. » Cette proposition fut acceptée, et toutes les voix ayant été recueil- lies, l'Académie résolut unanimement que cette somme serait prise sur les épargnes, et chargea M. le trésorier d'en faire le payement. « En envoyant cet extrait à Limpens, Crumpipen y avait joint une note constatant l'état actuel de la caisse de rAcadémie. « Je pense, disait-il, qu'on peut tabler avec d'autant plus d'assurance sur le résultat qu'elle présente que le trésorier de rAcadémie est fort exact, et mérite véritablement la plus grande crédi- bilité. » Voici la note; elle est signée : « le c"^ de Fraula, » et datée du 19 mai 1785. « Lorsque je fus nommé trésorier, il y avait 10 000 fl. en caisse. Le 17 janvier 1785, j'ai déposé chez V'^ Net- tine et fils une somme de fl. 5 000. Le 27 novembre 1785, j'y ai encore déposé fl. 9 000 : total fl. 14 000. Je compte la dépense sur les fl. 14 000 à fl. 8 000. Reste salvo juste fl. 6 000 et avec les 40 000, fl. IG 000. Nous en donnerons 14 000 : il restera en caisse environ fl. 2 000 qui seront bientôt absorbés dans nos bâtiments. » La consulte du conseil des finances portait les signatures du baron de Cazier, de MM. Baudicr et de Limpens :1a minute que nous avons copiée ci-dessus était de la main de ce dernier Elle fit l'objet d'un rapport de Limpens, en date du 30 mai 1785'. Nous croyons devoir donner un extrait de ce rapport, * Archiv. du roy. de Belg. Conseil des finances : carton n" 262. LIVRE I. — 1783. 445 parce qu'il résume la consulte et renferme un paragraphe curieux sur l'Arsenal dont il y était question. « ... En même temps que l'Académie a pris cette résolution [consistant à destiner hors du produit de ses épargnes la somme nécessaire pour être employée aux ouvrages à faire ainsi qu'aux arrangements à prendre pour adapter l'église des ci-devant jésuites à Bruxelles à l'usage de l'Académie], l'on a trouvé un entrepreneur qui exécuterait les ouvrages nécessaires, si on laissait à l'Académie le profit de la démolition du vase actuel de la Bibliothèque de Bourgogne qui ne peut servir à aucune habitation, et si on lui permettait de tirer parti d'un vieux bâtiment caduc où se trouvent déposés les effets de ce que l'on nomme l'Arsenal des antiquités des anciens souverains de ce pays. » L'Académie logerait cet Arsenal dans son nouvel emplacement, et ce serait toujours quelque chose d'avoir trouvé un dépôt pour placer ces effets : à la vérité il paraît naturel au prime abord de vendre ces effets, mais tandis que leur vente ne produirait que peu de chose, il ne serait peut-être pas sans inconvénient relativement à l'opinion, de vendre ces effets, vu qu'ils comprennent entre autres le berceau de Charles-Quint, ainsi que des armes, bardes et effets dont on dit que ce monarque se ser- vait : ce qui leur donne une valeur d'opinion, au point que le public ne verrait peut-être pas sans peine la vente de choses auxquelles il attache un prix, relativement à l'usage qu'en faisait un prince dont la mémoire est toujours précieuse à la nation. » Du reste, il résulterait toujours de l'ensemble du projet dont on vient de parler, que les royales finances qui entretiennent maintenant trois bâtiments, savoir : celui de la vieille Bibliothèque de Bourgogne, celui où est déposé l'Arsenal et l'église des ci-devant jésuites, n'en entre- tiendraient plus qu'un seul, savoir : l'église des ci-devant jésuites qui réunira les deux Bibliothèques, tous les instruments de l'Académie et l'Arsenal; que cette réunion ne coûtera rien à S. M. ni aux fonds jésui- tiques, hors le sacrifice de deux vieux bâtiments d'un entrelien dispen- dieux, et que par ce projet l'on épargnera non-seulement les frais consi- dérables qu'il faudrait exposer pour remeubler, rouvrir l'église des ci-devant jésuites et la doter pour y célébrer le service divin, mais que Ton n'aura plus ni embarras ni frais pour loger ailleurs les livres ou pour procurer à l'Académie les emplacements qui.tiennent à son établis- sement et dont elle a un besoin indispensable : moyennant cela il ne 444 LIVRE I — 1785. s'agira d'aucun bâtiment à prendre sur les bâtiments des couvents sup- primés, comme il en faudrait sûrement, à défaut de pouvoir se servir de réglise des ci-devant jésuites, laquelle est d'ailleurs (juant au local d'au- tant plus convenable que touchant au collcgc-pensionnat Tliérésien, les jardins qui servent au principal et aux professeurs pourront être em- ployés à la culture des plantes botaniques à l'usage de l'Académie, sans devoir pour cela faire quelque nouvelle acquisition ou priver la caisse de religion du produit de quelque terrain. » Le projet si complet, si bien élaboré, dont noiis avons donné les détails, et qui devait remplir les vœux exprimés depuis de longues années par l'Académie, ne fut pas exécuté, et l'Académie, jusqu'à sa dispersion en 1794, dut se contenter de la Bibliothèque royale pour tout local. Elle essaya bien encore une fois, sous l'adminis- tration du comte de Traultmansdorff, d'arriver à son but ; mais on était à la fin de 1787, et la situation politique du pays préoccupait seule le gouvernement général : la tentative qu'elle fit alors était condamnée d'avance. On a vu par le rapport de Limpcns, que ce conseiller n'avait qu'une médiocre estime pour les objets renfermés dans l'Arsenal: il aurait volontiers proposé de les vendre, si ce n'eût été 1° que la vente produirait peu de chose, les objets n'ayant qu'une valeur d'opunon\ 2° que le public la verrait j)eut-être de mauvais œil à cause du berceau de Charles-Quint et des armes, bardes et effets dont on disait que ce prince s'était servi. L'Arsenal remontait au commencement du quinzième siècle, mais c'est à Charles-Quint et aux archiducs Albert et Isabelle qu'il était redevable de son développement. Établi d'abord au palais de Bruxelles, il avait été, pendant la dernière période de la domination espagnole, transporté dans la vaste enceinte des écuries du palais, vis-à-vis de l'abbaye de Caudenberg et avait échappé ainsi à l'incendie de 1751. En 1775, on l'avait transféré dans la galerie qui servait de Bibliothèque au collège des ci-devant jésuites. Il s'y trouvait encore en 1788, lorsqu'on eut besoin de cette galerie pour les écoles latines, dont le local allait être occupé par les trois facultés de l'Université de Louvain trans- LIVRE I. 1783. 445 férées à Bruxelles. « Celte nouvelle destination d'une partie du collège Tliérésien, » disait le baron de Fellz, rapporteur de la Commission ecclésiastique, « nécessitera le déplacement de l'an- cien Arsenal, chose qui ne mérite aucune autre attention que celle que dicte la charité en faveur des employés à la garde des antiquailles que l'on y montre aux dupes étrangères... [Ils ont] une nombreuse famille dont l'entretien roule en grande partie sur le produit de la curiosité déçue*... » L'Arsenal fut placé à la chambre héraldique. En 171)4, les Autrichiens emportèrent avec eux la plus grande partie des objets qui le composaient: le reste se trouve déposé aujourd'hui au Musée de la porte de Hal. CHAPITRE XL. Le compte rendu par M. de Fraula de sa gestion des fonds de l'Académie, du le>" janvier 1783 au 81 octobre -1784, — Rapport du conseiller des finances Limpens au minisire plénipotentiaire, en date du 81 juillet 1785. — La séance générale du mois d'octobre i78o. — Les difï'ércnls points touchés dans le mémorandum du chancelier Crumpipen. — Résolutions prises par l'Académie. — Le concours de -1785. — Le concours extraordinaire pour un éloge et mémoire historique sur la vie de messire Jean de Carondelet. — La réclamation du chanoine de Rolduc S. P. Ernst. — Les élections. Par sa lettre du 6 juillet !785, le comte de Belgioioso avait chargé le conseiller des finances, messire Ange-Charles de Lim- pens, de couler le plus tôt qu'il se pourrait les comptes ouverts des fonds de l'Académie des sciences et belles-lettres. Le lendemain 7, Limpens procéda à l'audition de ces comptes, à l'intervention du président de l'Académie Crumpipen et des députés commissaires Gérard et Chevalier : ce dernier avait été désigné pour remplacer le commandeur de Nieuport qui « ne fréquentait plus depuis longtemps. » Tiès assidu jusque-là aux * Arcliiv. (la roy. de Belg. Conseil du gouvernement général : carton n" 29. 446 LIVHE I. 1785. séances, le commandeur n'avait paru qu'une fois à l'Académie depuis le 18 mars 1784, et ne fit plus acte de présence avant la révolution brabançonne pour laquelle il montra de vives sympa- thies, jusqu'à compromettre l'Académie, ainsi (ju'on le verra. Les comptes du trésorier de Fraula comprenaient: l'un, l'inter- valle entre le 1" janvier 1785 et le 31 octobre de la même année; l'autre l'intervalle entre le l*"" novembre 1783 et le 31 octobre 1784. (11 avait été décidé que l'année financière com- mencerait désormais au 1" novembre.) Le premier compte accusait une recette de fl. 24 930-7-7, à savoir : FL. s. D. Clôture du compte précédent 15 535 7 7 [Fl. 5 535-7-7 en argent et £1. 10 000 en une obli- gation à charge du chancelier Grurapipen.] Année de la dotation de TAcadémie, échue le 31 octobre 1783 4 200 0 0 Arrérages depuis le 1" janvier 1774 jusqu'au 51 oc- tobre 1782, du chef d'une partie de la dotation qui n'avait pas été payée 5 395 0 0 La dépense totale s'élevait à la somme de fl. 3 455-17-5, et se décomposait comme il suit : FL. s. D. a) Traitements des employés subalternes 235 11 6 [Gratification au concierge de la Bibliothèque, fl. 51-10-0; idem à un messager du conseil des finances, fl. 5-5-0; Técrivain Heris, fl. 61-8-6 (4 mois et demi au 1 5 mai); Técrivain J.-B. Engels, fl. 1 57-10-0 (5 mois et demi au 51 octobre. — A partir du 15 mai il avait remplacé Heris et devait recevoir 500 florins par an).] 6) Nécessités de bureau 168 14 0 [Ports de lettres et afl'ranchissements, fl. 21-19-0; papier, plumes, encre, fl. 61-18 0; bois de chaufi"age, fl. 21-10-0; bougies, fl. 14-0-0; reliures, fl. 49-7-0.] LIVRE I. — 178S. 447 FL. S. D. c) Reliures 49 7 0 [Paraît être un double emploi. La somme aurait été portée deux fois en compte.] d) Frais d'une messe de requiem chantée par les P. mi- nimes pour le repos de Tâme de Tabbé Caussin . . 42 0 0 e) Pensions des membres de l'Académie 733 6 8 [Des Roches : une année échue le 31 décembre d782, fl. 400; dix mois échus le 51 octobre 1785, fl. 555-6-8.] /•) Rachat de 122 jetons h n. 2-0-9 l'un 248 il 6 g) Dépenses pour les Cabinets de physique et d'histoire . naturelle i 958 6 9 [Frais de garde par M. Du Rondeau, florins 500; objets achetés à la vente du Cabinet d'histoire natu- relle du prince Charles de Lorraine : excédant sur la somme qui avait été accordée par S. M., fl. 1 101-15-5; frais divers, fl. 556-11-6.] 11 y avait un excédant de fl. 21 496-10-2 dont il faut déduire 10 000 fl. acceptés en rente à 3 ^2 % P^r le président de l'Aca- démie et portés également en recette, de sorte que l'excédant réel était de fl. 11 496-10-2- Le second compte du comte de Fraula portait en recette une somme de fl. 16 046-10-2, à savoir : FL. s. D. Clôture du compte précédent 11 496 10 2 Année de dotation échue le 51 octobre 1784. . . . 4 200 0 0 Une année d'intérêt, échue le 1" décembre 1783, des 10 000 fl. placés chez Crumpipen 350 0 0 La dépense totale qui était de fl. 14 527-4-2, y compris les fl. 10 000 acceptés à 3 '/a % P^^" ^^ chancelier, se décomposait comme il suit : FL. s. D. a) Traitements des employés subalternes 333 1 6 [Gratification au concierge de la Bibliothèque, fl. 51-10-0; idem à un messager du conseil des finances, fl. 1-11-6; une année d'appointements d'En- gels, échue le 51 octobre 1784, fl. 500.] 448 LIVRE I. — I78S. FL. S. D. 6) Nécessités de bureau 129 i '2 0 [Porls de lettres et affranchissements, fl. 33-0-0; papier, etc., fl. 61-19-0; bois de chauffage, fl. 19-10-0; bougies et huile, fl. 15-3-0.] c) Pensions des membres de l'Académie 1 900 0 0 [Gérard, 500 fl. ; Des Roches et Du Rondeau, cha- cun 400 fl.; de Hesdin et De Beunie, chacun 300 fl. — Année échue au 31 octobre 1784.] d) Jetons 1 126 7 0 [Rachat de 250 jetons à fl. 2-0-9 Tun, fl. 509-7-6; 110 jetons neufs, fl. 210-3-6; rachat de 200 jetons remis le 15 février 1781 et qui n'avaient pas été payés, fl. 406-16-0.] e) Dépenses pour les Cabinets de physique et d'histoire naturelle 471 16 8 [Complément des frais de garde dus à Du Rondeau, échus le 30 septembre 1784, fl. 8-11-0; achat d'ob- jets pour le Cabinet d'histoire naturelle et raccom- modage d'instruments de physique, fl. 463-5-8.] /■) Reliures 770 g) Livres fournis par la Société typographique en vertu d'une clause du contrat du 2 novembre 1780 (Méra. cour, et Mém. des membres) 559 0 0 La recette étant de fl. 16 040-10-2, le rendant devait la somme de fl. 1 519-0-0, et l'avoir de l'Académie s'élevait à fl. 11 519-6-0, dont fl. 10 000 en une obligation et fl. 1 5 19-6-0 en argent comp- tant. Le 31 juillet, Limpens fit son rapport au comte de Belgioioso : « La dépense, » y lit-on, « sera diminuée aux comptes suivants, parce qu'il a été résolu de stater pour quelque temps les achats d'instruments de physique jusqu'à ce qu'il y ait un emplacement pour les déposer et s'en servir : il sera aussi refourni quelque chose à l'Académie dans les comptes suivants, parce que j'ai ... fait vendre les Mémoires académiques non distribués gratis, et cette vente balancera un peu la dépense de LIVRE I. — n83. 449 rimpression de ces mémoires. — Un autre article sur lequel j'ai réveillé l'attention des administrateurs, consiste dans les frais de bureau et de chauffage; mais tant que TAcadcmie, faute d'emplacements, n'a point de centre, tant que ses effets doivent être éparpillés comme ils le sont chez divers de ses membres : les instruments de physique étant déposés d^un côté, les effets d'histoire naturelle Tétant d'un autre côté, et les principaux livres qui comprennent sa Bibliothèque étant divisés et placés en deux endroits différents, sans que l'Académie en corps puisse bonnement avoir accès à la plus riche partie de ses possessions, la con- servation de ces objets est dispendieuse, parce qu'il faut fournir des provisions de chauffage et de luminaire à divers endroits sans que la jouissance de ces mêmes objets lui soit pour ainsi dire d'aucune utilité. La véritable économie ne serait donc à espérer que du moment où le tout se trouverait réuni dans un même emplacement, où l'on pourrait faire les provisions pour le chauffage dans la bonne saison et en surveiller la livrance dans un seul endroit : et il est évident que dans remplacement actuel il n'y a rien à espérer de tout cela. « Ln scance générale du mois d'octobre 1785 se tint le 17 et fut conliiuice les 18 et 19. Le chancelier Cnimpipen avait préparé, en vue de celte séance générale, la note suivante sur les propositions et observations à y faire : « 1» Qu'il ne sera pas possible de terminer tous les objets à traiter dans les deux séances du 17 et du 18, si aux après-midi de ces jours on n'ajoute pas la matinée [du 18]. » A proposer en conséquence de s'assembler ledit jour [18] à dix heures du malin, en observant de plus qu'il ne convient pas que MM. les membres étrangers quittent l'assemblée avant qu'elle n'ait été complètement terminée. ») 2° Qu'il importe de fixer, une fois pour toutes, les jours où les deux séances de chaque mois se tiendront. » A proposer, dans cette vue, le premier et le troisième lundi de chaque mois, et si l'un ou l'autre de ces lundis tombe sur un jour de fête, le lendemain, mardi. » Quant aux assemblées générales du mois de mai et d u mois d'octobre, Tome XXXIV. 29 450 LIVRE I. 1785. on aura soin de les faire annoncer particulièrement et à temps pour MM, les étrangers. * 5° Qu'on fera chaque année, à la rentrée de TAcadémie après les vacances, la lecture des règlements de ce corps, ainsi que des conditions sous lesquelles les pensions ont été accordées. » A proposer de se conformer exactement à la teneur de ces actes, et s'il y a quelques académiciens pensionnaires qui n'aient pas rempli lesdites conditions, de leur accorder un terme de trois à quatre mois pour y satisfaire et se mettre en règle à cet égard. « 4" Qu'il s'agit de procéder au choix de quelques membres étran- gers. Les aspirants sont M. le comte de Brûhl, M. de Kock, M. Magellan, M. de Zach et Dom Bevy. » A proposer de les élire dans cet ordre par la voie du scrutin. » 5° Qu'il n'y a d'aspirants pour membres regnicoles que M. Ver- hoeven. » A proposer, vu qu'il n'y a pas de place de celte catégorie vacante, de ne pas faire de choix. « G^ On examinera après cela les rapports des commissaires sur les questions pour les prix à distribuer cette année. « On proposera de commencer par celle de physique, puis celle d'his- toire, et 5° pour l'éloge de Carondelet. » 7" A prendre un parti pour l'examen des mémoires rédigés par les académiciens, la méthode qu'on a suivie jusqu'ici étant sujette à beau- coup d'inconvénients. » 8" Qu'il importé de ménager les fonds de l'Académie. » A proposer, d'après cela, que ceux qui ne se trouvent pas à l'assemblée, quoique absents pour cause légitime, ne percevront pas de jetons, non plus que ceux qui la quitteront avant la fin, ou qui ne s'y trouveront pas un quart d'heure après l'heure indiquée. » A proposer de ne faire présent des Mémoires académiques qu'on imprimera dans la suite, qu'à ceux des membres étrangers qui nous envoient leurs ouvrages : idem pour les Académies étrangères; — de faire une liste exacte et nouvelle des présents à faire, et de charger de l'exécution M. le trésorier, vu les occupations multiples du secrétaire perpétuel. » Voici les résolutions qui furent prises sur les différents points de ce mémorandum. LIVRE I. 1785. 451 Premier point. L'académie se réunit non-seulement le 17 et le 18 le matin et l'après-midi, mais encore le 19. Deuxième point. La proposition relative aux jours des deux séances mensuelles fut adoptée. Troisième point. « On observa que MM. Du Rondeau et de Hes- din n'avaient point fourni les mémoires que les académiciens pensionnés sont tenus de présenter tous les ans sous une obliga- tion plus stricte que les autres. M. Du Rondeau répondit qu'il travaillait h un ouvrage qui tiendrait lieu de plus d'un mémoire, et qu'il le montrerait à l'Académie dès qu'elle le voudrait : réponse qui lut admise par le principe qu'il importe peu à ce corps, pourvu que ses membres produisent de bons ouvrages, que ce soit sous la forme d'un mémoire académique, ou sous celle d'un livre publié sous leur nom, M. de Ilosdin promit de présen- ter dans le courant de cette année deux mémoires au lieu d'un, et cette promesse fut également admise. » Quatrième et cinquième points. « On allait procéder au scrutin [pour l'élection des membres étrangers], lorsque quelques mem- bres trouvèrent à propos d'arrêter l'opération, en déclarant que le scrutin en faveur de M. Verhoeven, aspirant regnicole, devait précéder. Ce [)oint fut emporté par la pluralité des suffrages. Sur quoi les membres qui étaient d'un avis contraire proposèrent à leur tour de différer toute élection jusqu'aux séances de novem bre, proposition qui passa unanimement, » Le septième et le huitième points ayant été renvoyés à un autre temps, il nous reste à rendre compte du sixième dont l'objet était l'examen des rapports sur les mémoires de concours. Le prix de la question physique ne fut pas décerné : il s'agis- sait de déterminer « ])ar quelle raison la culture des vers à soie avait manqué dans ces provinces, et quels seraient les moyens de la faire réussir. » On avait reçu six mémoires: l'un d'eux appuyait presque exclusivement sur l'impossibilité absolue d'élever les vers à soie en Belgique : « Ce n'est pas le cas, » disait à ce propos l'abbé de Wilry, « d'accorder de palme à un annonceur de mau- vaises nouvelles, quelque véridique qu'il soit. » La question fut retirée du concours. 452 LIVRE 1. 1785. La question d'histoire avait été présentée en ces termes : « A quel titre le comte Herman. époux de la comtesse Richilde, fut-il comte de Hainaut; était-ce de son chef ou du chef de la comtesse son épouse ? » Dix mémoires étaient parvenus avant le 16 juin: on en reçut encore un le 9 juillet, mais celui-ci fut exclu comme étant arrivé après le terme fixé. Le prix fut adjugé à l'abbé Corneille Smet, ex-jésuite, dont Ghesquiere avait fait son collaborateur. M. Baert, bibliothécaire du marquis du Chasteler, et M. Lesbroussart, professeur de poésie au collège Thérésien, à Bruxelles, obtinrent chacun un accessit. L'éloge de Carondelet avait été mis au concours à la demande et aux frais d'un anonyme. Le prix devait être une médaille d'or de la valeur de 400 livres de France : il fut décerné à M"® Marie- Caroline Muriay, demeurant à Bruxelles. Des trois autres mémoires qu'on avait reçus, deux obtinrent une mention hono- rable : les auteurs étaient respectivement MM. Baert et Lesbrous- sart, les mêmes qui avaient remporté un accessit pour la question d'histoire. Parmi les mémoires envoyés en réponse à la question d'histoire, il y en avait un de S. P. Ernst, chanoine régulier de Rolduc; il n'obtint aucune récompense : « Sans m'arrêter à faire aucune observation sur ce mémoire que je n'ai pas eu le courage délire en entier, » disait Gérard dans son rapport, «je suis du sentiment que son étendue seule doit le faire rejeter et que, comme l'auteur est connu, il serait bon de lui faire insinuer que l'Académie n'ad- mettra plus dans la suite des mémoires si volumineux. Quant à moi, je déclare que je n'en ferai plus l'examen. » Le 24 octobre, Ernst écrivait de Hervé à l'évéque d'Anvers' : « Monseigneur, je viens d'apprendre que mon mémoire sur les comtes de Hainaut, portant devise Vixere fortes, etc., a échoué à TAcadémie. Il semble que je ne suis pas fait pour ces sortes d'écrits, il faut que mes concurrents aient eu des ressources cachées quMI m'est impossible de deviner, car j'avais mis tous les imprimés à contribution, ou il faut que * Celle leltre a été publiée par M. de Reiffenberg dans V Annuaire de la Bibliothèque royale de Belgique, \^^ anuée, 1840, pp. 167-168. LIVKE i. — iTsn. 455 j'aie un fort par li contre moi à rAcadémie. Quand je réfléchis combien de mémoires faibles ont été couronnés, tel que celui de M, Heylen % ou annoncés avec une honorable mention, et que d'un autre côté je vois que mon travail (qui a du moins ce mérite de recherches s'il n'a pas celui du choix) reste pour la deuxième fois déjà sans la moindre récom- pense, je suis tenté de ne plus courir cette carrière, si ce n'est peut-être encore l'année prochaine. Ce qu'il y a de certain, c'est que rien n'est plus capable de décourager un auteur que la conduite tenue par l'Aca- démie à mon égard. Après sa résolution de communiquer mon mémoire à monseigneur le garde des sceaux [?], je l'ai fait demander et M. Engels [le commis de Des Roches] m'a écrit qu'il me le renverrait. Je suis d'intention de le faire imprimer avec d'autres mémoires, mais oscrais-je vous prier, monseigneur, de daigner me faire l'honneur de me dire si je puis faire connaître au lecteur que mon mémoire a échoué à l'Aca- démie ?... « Dans la séance du 21 novembre, on reprit Taffaire de l'élection de quelques sujets aspirants à la place d'académicien. « Sur la pro- position de M. le président, il fut résolu avec unanimité de suf- frages de ne point procéder au choix d'un membre rcgnicole, de tenir M. Verhoeven dont on venait de recevoir des lettres, comme inscrit sur la liste des postulants pour la première occasion où il pourra s'agir d'une élection de membres de celte classe; enfin de passer incessamment au scrutin en faveur de M. le comte de Brùlil, de Dom Bevy, de M. de Zach, de M. de Kock et de M. Magellan, aspirants à la place de membres étrangers. En ce même instant on commença le scrutin; et les cinq postulants ayant été élus l'un après l'autre, à la pluralilé des suffrages, on chargea le secrélaire de préparer l'extrait de protocole ordinaire afin d'obtenir l'agréation de Leurs Altesses royales. » Le comte de Briibl représentait lëlecteur de Saxe près la cour de Londres. Grand amateur d'astronomie, il s'était fait bâtir un Observatoire aux environs de la ville, et avait pris Zach à son service en qualité de précepteur de ses enfants. Dans l'été de 1785, l'ambassadeur et son protégé avaient passé par Bruxelles, * Sur l'époque de l'entrée des ecclésiastiques aux états de Brabaut [?]. 454 LIVRE I. — 1785. et c'est pendant le séjour qu'ils y avaient fait que Zach avait remis au président de l'Académie un mémoire sur la nouvelle planète Uranus, en postulant une place de membre étranger. Dom Charles-Jose[>h Bevy, bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, bistoriographe du roi j)our la province du Hainaut français, avait sollicité en 1777 auprès de Marie-Tbérèse le titre d'historiograpbe du Hainaut aulricbien * Consultée sur cette requête, l'Académie avait donné un avis défavorable. « Quiconque, avait-elle répondu, aspire à ce titre bonorable [d historiograpbe] doit l'avoir mérité. » — Dans la séance du 4 février 1783, l'abbé Bevy avait fait présenter à l'Académie par le marquis du Chas- leler, un mémoire « sur les buit grands cbemins militaires con- struits par Marcus Vipsanius Ai^rippa sous le règne d'Auguste, et conduits en ligne directe du centre de Bavai, capitale des Nerviens, aux buit principales villes de la seconde Belgique. » Ce mémoire devait lui servir de titre à une place de membre étranger. M. de Kock, cbevalier du saint-empire, professeur et biblio- thécaire de Strasbourg, s'était adressé directement à l'Académie pour exprimer le désir d'y être agrégé. Sa lettre, datée du 26juin i785, avait une tournure fort modeste. « Il convient sans doute, disait-il, pour obtenir une si flatteuse distinction, de s'être fait un nom dans la république des lettres ou de l'avoir mérité par quelque talent consacré à votre illustre corps. Au défaut de l'un et de l'autre, si le penchant le plus décidé à vous servir dans vos savantes recherches pouvait me concilier vos glorieux suffrages, j'ose espérer, messieurs, que la riche Bibliothèque dont le soin m'est confié, mes liaisons avec d'autres Académies et ma corres- pondance avec plusieurs savants étrangers pourront dans la suite m'en fournir les occasions... » De Koch joignait à sa lettre la note des ouvrages qu'il avait déjà publiés et de ceux qui étaient sous presse. Parmi ces derniers on remarquait La vie de feu M. Schoep/ïin, dont le nom se rattache à la fondation de l'Académie. M. de Magellan était venu à Bruxelles en 177G : il avait assisté * Arctiiv. du roy. de Belg. Secrélairerie d'Étal et de guerre : Académies. LIVRE I. — 1786. 455 à la séance de l'Académie du 20 novembre de cette année On lit dans le protocole de la séance que «M. Needhamle présenta comme membre étranger et chargea le secrétaire d'en tenir note, pour que l'Académie en fut instruite quand il serait temps de procéder à l'élection des membres étrangers. » L'Académie, on le voit, n'avait pas mis un grand empressement à s'associer le protégé de Needliam. De Magellan, ou plutôt de Magalhaens, élait un moine augustiu de Lisbonne, qui passa vers I7()i en Angleterre. 11 descendait du célèbre navigateur de ce nom. CHAPITRE XLL L'accessit remporté par de Launay à l'Académie de Saint-Pétersbourg. — Départ de Des Roches pour Vienne. — La Commission des éludes. — But du voyage de Des Roches. Ses lettres au secrétaire d'État et au ministre plénipotentiaire. — Dans la prévision d'une autre forme à donner à l'Académie, celle-ci est invitée à ne pro- céder à aucune élection. — Le concours de 1786. Pendant le premier semestre de 1786, l'iiistoirc de l'Académie se borne en quelque sorte : 1° A la lecture d'un Essai sur les révolutions du globe, par Burtin. — Cette lecture, qui avait été commencée dans la séance du 19 décembre de l'année précédente, occupa encore plusieurs séances de la présente année. L'auteur n'avait pas destiné son ouvrage au recueil de l'Académie : il l'envoya plus tard à la Société de ïeylcr, en réponse à une question sur les révolutions et rage du globe terrestre. Le mémoire fut couronné et parut en 1790 à Harlem, avec une traduction hollajidaise; 2" A l'envoi d'une députation au ministre, pour demander les manuscrits des couvents supprimés; 3" A l'élection (13 mai) du marquis du Chasteler à la place de directeur, en remplacement de Gérard qui occupait ces fonc- tions depuis le mois de mai 1784. 456 LIVRE I. 1786. Dans la séance du 20 février, « l'Académie fiU informée qu'un de ses membres, M. de Launay, venait de remporter le premier accessit de l'Académie de Pétcrsbourg sur la question proposée pour la classification des roches. » Pendant les vacances, le secrétaire perpétuel Des Roches partit pour Vienne. Le but de ce voyage était d'étudier l'organisation des écoles normales de la métropole, afin de pouvoir les établir sur le même pied aux Pays-Bas : il avait été décidé par l'empe- reur, conformément à un rapport de Kaunitz du 18 juillet. II ne sera pas hors de pro[)Os de faire connaître ce qu'était devenue, à ce moment, la Commission des études établie par un décret du 9 mars 1777 *. La Commission avait été composée h l'origine du chef et prési- dent comte de Neny, président, du chanoine Nelis, du prévôt Marci et du procureur général de Brabant, bientôt après conseil- ler du conseil privé, de Limpens, membres, et de Des Roches, ac- tuaire. On leur avait adjoint le conseiller du conseil des finances, A. de Limjjens, et l'auditeur de la chambre des comptes, Vander Dilft, pour les matières de comptabilité. Elle ne devait avoir, dans la pensée de Kaunitz, qu'une durée limitée : « Les sujets qui composent la Commission, écrivait-il le 24 mai 1777, sont fort propres pour cette partie, mais leur?» salaires sont si considérables que je pen>e qu'on ne pourra pas la^i laisser subsister au delà du temps nécessaire pour mettre la chose en train, après quoi il en faudra charger le conseil privé. »> La] résolution de S. M. du mois de juin, approuvant le choix des mem- bres, portait : « S. M. désire que la dite Commission puisse être dissoute le plus tôt possible. » — Les choses n'allèrent pas si vite. Nous apprenons par un rapport du prince chancelier du 26 juillet 1785, que le ministre plénipotentiaire Slarhemberg avait proposé de supprimer la Commission et d'établir en échange Nelis intendant des études et Des Roches intendant adjoint. Comme ces emplois auraient coûté presque autant que toute la * Archiv. du roy. de Belg. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne : D. 100, ad lit. X. 2. — G. 21, ad n""" 32.— Commission royale des éludes : n" 20. LIVHE I. — 1786. 457 Commission, Kaunitz n'avait pas pu se ranger de l'avis du ministre. L'empereur avait trouvé bon aussi de rejeter cette pro- position, en déclarant que « tant qu'on n'aviserait pas à réfor- mer efficacement, et sans égard, tout l'absurde et monstrueux de la constitution de l'Université de Louvain, tout ce qu'on pourrait faire pour les études aux Pays-Bas serait infructueux. » Ce sont les termes mêmes de Tempereur, rappelés dans un rapport de Kaunitz du 0 octobre 1784, relatif à l'évéché d'Anvers alors vacant. « Si Votre 3Iajesté, disait le chancelier, trouve à propos de nommer l'abbé Nclis à l'évéché d'Anvers, je serais du respec- tueux avis avec le ministre, qu'Elle pourrait faire dissoudre la Commission à laquelle il préside'. Cette Commission n'a pour but que la surveillance des écoles des humanités, et il semble que le sieur Des Roches, homme qui entend cette partie au parfait, pourrait seul convenir à surveiller, toujours sous la direction supérieure du i^ouvernement, à ce qui regarde l'instruction, le choix, la conduite et la manière d'enseigner des professeurs, déli- bérant sur ce qui a trait à la police, à la finance et à la compta- bilité avec le conseiller des finances de Limpens et l'auditeur de la chambre des comptes Vander Dilft, qui, pour ces parties, ont été aussi jusqu'à présent membres delà Commission...» En marge Joseph II écrivit : « ... La Commission des études sera dissoute et on aura grand soin de faire le plus tôt possible les arrangements pour l'amélioration de l'Université de Louvain. » Le 5 septembre 1785, le conseil privé reçut communication du décret suivant, daté du o: « Comme. ..le nouveau plan des études établi à la suite de la suj)pression des ci-devant jésuites est déjà porté à un point qui n'exige plus le maintien du département établi pour y surveiller, Sa iMajesté a trouvé bon de faire cesser la Commission des études, et de déclarer qu'il suffira que le secré- taire Des Roches, actuaire de cette Commission, continue, par pro- vision, seul la surveillance sur la partie qui porte sur l'instruc- * Nelis avait succédé dans la présidence au comte de Neny qui s'était retiré du service de l'empereur au mois d'avril 1785. — Il fut nommé évêque d'An- vers par lettres patentes du 10 novembre 1784. 458 LIVRE 1. 1786. tion dans les écoles, tandis que d'un autre côté, le conseiller du conseil [privé], de Limpens,pourla partie delà police, le conseiller du conseil des finances, de Limpens, pour la partie des finances seolastiques, et l'auditeur de la chambre des comptes, Vanderdiift, pour les objets de comptabilité, continueraient de s'assembler de temps à autre au choix du premier, pour s'entendre et se concerter sur les objets de ces respectives catégories pour en être fait ensuite rapport par eux aux corps dont ils sont membres suivant la nature des différentes affaires. » Le bureau du secrétaire Des Roches où devaient aboutir toutes les affaires, fut nommé département scolastique. Nous arrivons maintenant au voyage de Des Roches à Vienne. Le but de sa mission, avons-nous dit, était d'étudier les écoles normales. Lorsqu'il avait été question des écoles normales dans la Com- mission des études, la dénomination avait paru étrange au prési- dent Neny qui déclara ignorer ce que c'était. Voici une noie curieuse à ce sujet * : elle n'est pas signée, mais doit être de Neny : a J'avais distribué à MM. Nclis et Des Roches laffaire des écoles normales; mais M. Marci m'ayant dit qu'il connaissait parfaitement ces objets, et que d'ailleurs la plupart des livres étaient en allemand, je l'ai substitué à M. Nelis. — J'ignore d'ail- leurs ce que c'est qu'une école normale... Il paraît que c'est une école pour les maîtres mêmes. Dans le rapport de la Commission des études, M. Marci les appelle aussi écoles triviales. Je sais ce que c'est qu'une expression triviale; mais si l'on disait, par exemple, dans une gazette, que l'empereur a résolu d'établir aux Pays-Bas cinq cents écoles triviales, personne ne comprendrait, je crois, ce que l'on veut dire par là... >■ Nous croyons qu'on lira avec intérêt les deux lettres suivantes, adressées de Vienne par Des Roches, le 7 novembre \ 786, l'une au secrétaire d'État et de guerre, H. Crumpipen, l'autre au ministre plénipotentiaire, comte de Belgioioso ^. ^ Archiv. du roy. de Belg. Commission royale des éludes : n" 32. ^ Ibidem. SecrétaTerie d'Élal et de guerre : Académies, LIVRE I. i786. 459 Voici la première : « Monsieur, » Une lettre de votre main, une lettre qui respire ramitié! Ah! que je vous en remercie. Ah! que cela est doux à trois cents lieues de chez soi. La distance m'en fait plus vivement sentir le mérite. Éloigné de ce qui m'est cher, je suis tout consolé quand je vois que M. de Lcderer à Vienne, M. de Crumpipen à Bruxelles, conspirent à me rendre cet éloi- gnement plus supportable. » Dans une lettre que j'écris aujourd'hui à S. E. le ministre plénipo- tentiaire, je lui rends compte d'une longue conférence que j'ai eue le 4- de ce mois avec notre grand monarque. Comme scion toutes les apparences vous verrez cette lettre, il serait inutile de la répéter ici. S'il en arrivait autrement, je serai toujours en état de reproduire la conver- sation : un entretien comme celui-là ne sort point aisénient de ma mémoire. Au reste S. M. m'a ordonné bien expressément de me rendre auprès d'Elle bien souvent, et toutes les fois que j'aurais fait quelques nouvelles observations, et cela sans attendre qu'on m'appelle. Ces obser- vations rouleront d'abord sur les livres déjà publiés à l'usage des écoles normales. J'ai été chargé de les examiner et d'indiquer librement en quoi l'on pourrait les corriger ou les perfectionner. M. Van Svvicten m'a dit que c'est là une des principales raisons pour lesquelles j'ai été appelé à Vienne. » Une lettre de Bruxelles m'apprend la mort du préfet du Beaure- paire, préposé avec moi à l'écolâtrerie. Vous savez que j'ai partagé avec lui les émoluments de cette j)lace. Bappelez-vous que dès le commence- ment le conseil privé ne voulait proposer que moi seul, et que si sur les instances de MM. de Nelis et de Marci, l'abbé du Beaurepaire a été nommé mon collègue, ce n'a été apparemment que parce que j'ai moi- même intercédé pour lui. Je devais le faire, à cause que je lui avais promis mes bons offices dans un temps où je ne songeais nullement à demander cette place pour moi-môme. Maintenant que je l'ai desservie si longtemps ' ; maintenant que je connais le bien que je pourrais faire ' Des Roches avait été préposé à réeolàtrerie de SaiDle-Gudule, avec l'abbé (lu Beaurefiaire, par une résolution du prince Charles de Lorraine du 23 mai 1780. 460 LIVRE 1. ~ t786. dans celte place, si je l'avais seul, et que j'en eusse seul les émoluments, je vous avouerai, monsieur, que je serais désolé si on me donnait un compagnon. Daignez avoir égard à ma demande. Vous me voulez du bien et vous voulez le bien du service : l'un et l'autre se trouvent réunis. Le petit surcroit de fortune qui en résultera pour moi, ne sera point inutile aux écoles mêmes. J'ai cent fois regretté de n'avoir pas une petite somme que j'aurais employée pour l'encouragement. De plus j'ai la confiance des maîtres, j'ai leur estime. Ce qui leur sera ordonné par moi, sera reçu avec empressement, avec soumission. Si vous partagez l'autorité, elle s'aiFaiblira et probablement l'un voudra défaire ce que l'autre aurait fait. Il est douteux que les deux aient les mêmes principes; l'unité est ici nécessaire. J'attends tout de votre bonté. Au reste j'ignore comment je dois m'y prendre pour venir au but. Vous êtes la seule personne à qui je me suis ouvert, mais seul vous me valez tout le monde. » M. de Lcdcrer continue comme il a commencé. Je ne parle pas seulement de l'accueil charmant qu'il me fait. Il m'est utile de plus d'une manière. Il me donne des conseils, il me sert de père. Priez M. de Ledercr de mettre un terme à ses bontés pour moi; sans quoi je l'aimerai encore plus que vous; et cependant il me paraît que cela serait impos- sible. B Je suis avec un profond respect, etc. « La seconde lettre de Des Roches était conçue en ces termes : « Monseigneur, « J'ai informé en son temps M. le secrétaire d'État et de guerre de mon arrivée à Vienne. J'ai différé d'écrire directement à Votre Excel- lence jusqu'à ce que j'eusse quelque chose de particulier à dire. » Grâces au rapport favorable que vous avez daigné faire de ma personne, je suis accueilli ici au delà de ce que je pouvais me promettre. Je sais, monseigneur, à qui j'en ai l'obligation. L'on a cru que je valais quelque chose, parce que Votre Excellence faisait cas de moi. Samedi dernier, 4 de ce mois, l'empereur me fit appeler à la secrétairerie du cabinet, où je fus tête à tête avec ce monarque pendant une heure. LIVRE I. 1786. 461 ■> P. S. « Il conviendrait de faire vérifier le fait de M. Burtin par le domestique de l'Académie. Je vous prie de l'y envoyer pour pouvoir en faire rapport à l'assemblée. » * Archiv. du roy. de Belg. Chancellerie des Pays-Bas à Vienne : D. 109, adlit. Z. 1 (nMl). i LIVRE I. 1787. 475 Le ton de ce billet n'est déjà pas très flatteur pour Burtin, mais que dire de celui que l'abbé Mann, voulant satisfaire au P. S. ci-dessus, adresse à son confrère : « J'ai l'honneur de vous écrire cette note pour vous prier de vouloir bien remettre à mon domestique Hullet les dix mémoires sur la question touchant les vers des hannetons, que je vous ai envoyés le 50 août: j'en aurai nécessairement besoin à la séance de cet après-midi. C'est par la direction de M. le marquis du Chasteler, directeur de l'Académie, que j'envoie chez vous à cette occasion. » C'était à coup sûr un moyen original de savoir si Burtin était blessé; mais celui-ci ne donna pas dans le piège; il ne répondit pas, et comment aurait-il pu le faire, lui qui avait mandé un prêtre pour recevoir sa confession et un chirurgien pour le tré- paner! Mais voici ce qui est plus extraordinaire, et sur quoi nous ne pouvons donner aucune explication. Le G octobre, Crumpipen écrit à l'abbé Mann, de sa campagne de Tamise : o ... Pour ce qui concerne notre confrère Burtin, j'espère qu'on s'adoucira sur son compte, et que l'Académie ne se portera pas à vouloir le rayer du tableau. Du moins pour moi, quel que puisse être le personnel du sujet, je ne saurais être de l'avis de se porter à cette désagréable extrémité. » Enfin le 7 octobre, l'abbé Marci ajoutait le P. S. suivant à une lettre adressée de Louvain à l'abbé Mann : « Comment se porte messire B. qu'on avait dit mort à Louvain pen- dant qu'à Bruxelles on assurait qu'il n'avait qu'une légère égratignure. » Burtin ne reparut à l'Académie qu'à la seconde séance de novembre. Des événements importants s'étaient accomplis. Au mois de juillet, les gouverneurs généraux et le ministre plénipotentiaire 474 LIVRE I. 1787. Jj comte de Belgioioso avaient quitté la Belgique. — Le 21 septembre, le comte Murray, chargé du ^gouvernement du pays, faisait savoir que les clauses du diplôme du i" janvier, relatives aux députa- tions permanentes, aux cercles et aux nouveaux tribunaux avaient été supprimées — Le 17 octobre, il annonçait aux états de Brabant que Joseph Crurapipen avait été réintégré dans ses fonctions de chancelier. Alors les syndics des nations protestèrent auprès des états et les mirent en demeure de ne plus tolérer la présence de Crumpipen au conseil de Brabant; ils ameutèrent contre lui la populace; et s'étant rendu le 20 novembre à l'hôtel de ville pour remplir un devoir de sa charge, il avait été hué à son entrée, et plus encore à sa sortie. L'ancien amman de Berg, après avoir passé quelques mois dans les fonctions d intendant du cercle de Bruxelles et dq directeur de la police de celte ville, avait été appelé à la place de conseiller du conseil du gouvernement général : il avait prêté serment en cette qualité, le 20 octobre, entre les mains du vice-président du con- seil H. Crumpipen. Dès le 5 avril, le ministre plénipotentiaire avait reçu le serment du conseiller Burtin et celui du directeur du protocole des exhi- bés, Gérard : le 16 avril, il avait reçu le serment de Des Roches, afférent à la charge d'inspecteur général des écoles normales, direc- teur des écoles latines, membre et assesseur de la commission pour les affaires des études et de la censure. L'Académicien de. Launay était revenu aux Pays-Bas vers I< commencement de 178G : il avait demandé d'y être renvoyé avec le titre de secrétaire et les gages de 1 500 florins dont il jouissait alors, pour y être employé à la traduction des papiers italiens et allemands, relatifs au nouvel ordre qu'on voulait introduire dans l'administration de la justice. L'empereur avait acquiescé à ce désir, et avait signé le 9 janvier des lettres patentes de secrétaire à son profit. C'est le besoin qu'on avait de ses services pour les traductions, qui avait, en avril, mis obstacle à sa nomination de secrétaire près le conseil du gouvernement général : a Dans les nouveaux arrangements des tribunaux, disait Kaunitz, on trouvera sans doute pour lui une place permanente à sa convenance. » — LIVRE I. — 1787. 475 La place de secrétaire du conseil avait été accordée à de Launay, après que le projet de réforme de l'ordre judiciaire eut été retiré. Voilà donc, outre le président, cinq académiciens employés au service de l'Elat : Gérard, Des Roches, Burtin, de Berg et de Launay, et, sauf Des Roches, revêtus tous de fonctions purement administratives. D'un autre côté, la période d'agitation permanente qui s'ouvrit avec l'année 1787, n'était point favorable aux travaux littéraires et scientifiques. CHAPITRE XLin. La question des correspondants remise sur le tapis. — Le mémoire de l'abbé Mann sur cet objet et sur l'organisation de l'Académie. — La formation et l'impression du tome V des Mémoires. — L'horloge du sieur Gratte. — Autorisation de choisir parmi les livres des couvents supprimés ceux qui pourraient convenir à la Biblio- thèque royale. — Retour de Des Roches. — Sa mort. — L'élection à l'unanimité de l'abbé Mann en qualité de secrétaire perpétuel. — Les médailles provenant des maisons des ci-devant jésuites. — Les candidatures de MM. Duval et Lesbroussart. — Le désordre dans lequel se trouvaient les archives de l'Académie : les mesures prises pour y remédier et pour combler leurs lacunes. — Le concours de 1787. L'Académie cependant continua régulièrement ses séances. La première question dont elle s'occupa fut celle des corres- pondants. On se rappellera que dès l'année 1778 l'institution d'une classe de correspondants avait été résolue, et qu'un projet d'organisation de cette classe avait été présenté au ministre, mais que celui-ci, de l'avis conforme du chancelier, avait tenu la chose en suspens. Dans la séance du 18 décembre 1786, la question fut remise sur le tapis, et le directeur, marquis du Chasteler, pria chacun des membres de coucher par écrit leurs idées et leurs réflexions sur ce sujet. Le 2 janvier suivant, l'abbé Mann, pour satisfaire au désir du 476 LIVRE I. 1787. directeur, donna lecture d'un mémoire intitulé : « Réflexions sur l'utilité d'agréger à l'Académie une classe de correspondants comme un moyen de répandre le goût des connaissances utiles dans le pays. » Voici l'analyse de ce mémoire : L'auteur voudrait établir des liaisons étroites entre l'Académie et les personnes de toutes les classes de citoyens, s'occupant dans les provinces bclgiqnes des sciences et des belles-lettres. « Par là, l'Académie, au lieu de se borner à des travaux qui font peu de sensation dans le public, ou de viser à la considération trop exclusive de ceux qui la composent, deviendrait ce que devraient être toutes les Académies, savoir: un point de réunion pour l'émulation de tous ceux qui s'adonnent aux sciences dans ce pays, pour comparer le résultat des expériences, pour diriger les recherches, et pour répandre plus généralement dans le peuple de la campagne aussi bien que des villes, les découvertes utiles dans tous les arts; connaissances qui, faute d'un pareil moyen, restent souvent ignorées pendant longtemps; tandis que nos voisins, qui sont nos rivaux en matière d'art et de manufacture, en jouissent, et surmontent tranquillement notre industrie dans bien des genres, pour la consommation même de ce pays. » — L'institution d'une classe de correspondants n'aurait pas seulement pour eiîet de ranimer le goût des bonnes études. Elle permettrait de faire des recherches touchant l'histoire et les anti- quités, dans les Bibliothèques des abbayes et des couvents et dans les archives des villes, par l'intermédiaire des gardes de ces dépôts, devenus correspondants de l'Académie. Elle procurerait des observateurs, physiciens et naturalistes, répandus sur tout le territoire des Pays-Bas autrichiens, et qui s'occuperaient des météores ainsi que de Tinfluence des saisons sur les hommes, les animaux et les fruits de la terre, en même temps qu'ils feraient des recherches dans leurs cantons respectifs de tout ce qui peut intéresser les arts, l'agriculture, la minéralogie et les autres par- ties de l'histoire naturelle. — Ce serait encore un moyen de déterrer les bons sujets, de les pousser et d'attribuer aux plus méritants les places d'acadé- Livre i. — i787. 477 miciens, en cas de vacaliire, tout en gardant une liberté ab- solue. — Ici l'auteur donne les articles du plan arrêté provisionnelle- mcntdans la séance du 24 mars 1778; puis il expose l'état actuel de l'Académie. « Selon le règlement de Tinstitution..., donné par son auguste fonda- trice, le IC décembre 1772, celte compagnie devait être composée de 56 membres, savoir : de iO honoraires, dont 2 pouvaient être étrangers, et de 26 ordinaires, dont 20 devaient être regnicoles, et les 6 autres pouvaient être étrangers... Au lieu de cette disposition primitive, l'Aca- démie est actuellement (i'"'" janvier 1787) composée d'un président, de 25 membres ordinaires regnicoles et de 15 membres étrangers. L'Académie n'a pas encore eu de membres honoraires, et les 10 places affectées à cette classe sont encore vacantes. » Les membres étrangers ont été portés au double du nombre limité par le règlement, et cela sans que l'Académie ait pris cette augmentation arbitraire en considération [?]. En 1776, elle a astreint ceux de cette classe de lui fournir un mémoire une fois en trois ans, sous peine d'être rayés de la liste des académiciens. » Les objets des travaux de l'Académie, selon l'intention de l'auguste fondatrice, sont cette partie des belles-lettres qui comprend l'histoire et les antiquités, spécialement celles des Pays-Bas, d'une part; et de l'autre, les sciences naturelles et les arts (jui en dépendent. » Ces deux grands objets divisent les membres de l'Académie en deux classes, suivant qu'ils en cultivent l'un ou l'autre. On les nomme classe des sciences et classe d'histoire. » La première doit cultiver les mathématiques, la physique, les sciences physico-mathématiques, la chimie, l'histoire naturelle, ainsi que les arts qui dérivent et qui dépendent par leurs principes de ces diffé- rentes branches des connaissances humaines ; la seconde classe ne doit principalement s'occuper que de l'histoire belgique. Vu donc le grand nombre d'objets tout h fait différents, qui sont le partage de la classe des sciences, tandis que la classe d'histoire n'est proprement astreinte qu'à un seul, l'Académie, dans la séance du 17 septembre 1777, a pris la résolution que de 20 membres ordinaires regnicoles, la classe des sciences devait en avoir 12, et la classe d'histoire 8 : résolution très juste et convenable, mais qu'on a eu peine à observer. 478 LIVRE I. 1787. » II a été proposé, en différentes occasions, de diviser plus spécifique- ment le travail propre à chaque classe entre ses divers membres. La classe d'histoire, en effet, a établi un comité pour faire ce partage et pour distribuer les diverses parties de son travail entre ses membres respectifs. Le rapport de ce comité a été lu, approuvé et rédigé en réso- tion académique, dans la séance du 2-4 novembre 1780. La classe des sciences, qui a encore plus besoin de faire ce partage et cette distribu- tion de travail entre ses membres, à cause de la variété, de la disparité même des objets qui l'occupent, ne l'a pas encore fait. Mais comme les raisons qui portent à le faire, subsistent de plus en plus, voici, à ce qu'il semble, comment on pourrait s'y prendre pour l'effectuer. » Comme la classe des sciences est composée de 12 membres, on pourrait distribuer les objets de son travail en six départements, et atta- cher à chacun deux ou trois membres dont les études et le genre des connaissances y rendent les plus propres. » Ces objets sont 1° les mathématiques; 2° l'astronomie, la météoro- logie j 3» la physique générale et expérimentale, la statique et la méca- nique, l'hydraulique, la navigation; 4-" la géographie physique, l'histoire naturelle dans toutes ses parties, telles que la minéralogie et la docimasie ou l'art d'essayer les métaux, la botanique, l'agriculture et l'économie rustique ; S» l'anatomie et l'économie animale, la médecine et la chirur- gie, la chimie; 6° les arts et les métiers, » , — « [L'auteur] passe ensuite à exposer les différentes manières que chaque département pourrait suivre en traitant les matières qui seront de son ressort, en cas que ce partage fût fait, et il compare les convcnients et les inconvénients qui résulteraient de chaque méthode. — »[ll] finit son ouvrage en montrant de quelle utilité pourrait être à l'Académie ainsi organisée une classe de correspondants, en attachant quelques-uns de cette classe sous le nom d'adjoints à chaque déparlement pour préparer les matières qui devraient être discutées dans les jointes des membres qui le composent; pendant que d'autres correspondants ne seraient astreints à autre chose qu'à donner des notices instructives, quand il y aurait quelque chose à leur portée qui mérite l'attention de l'Académie. » Après avoir présenté la substance du mémoire de l'abbé Mann, LIVRE I. 1787. 479 Je protocole ajouîe : « L'Académie n'entama aucune délibération touchant celte matière, sur lobservation que firent quelques membres, qu'un objet de cette nature ne pourrait être convena- blement discuté que dans une assemblée générale de tous les membres. » C'était un nouvel ajournement. On revint encore, plus lard, à cette affaire des correspondants, mais elle ne reçut jamais de solution. Dans la séance du 18 décembre 178G, on avait délibéré sur limpression d'un cinquième volume de Mémoires : le secrétaire par intérim avait été chargé de faire un relevé des mémoires manuscrits qui se trouvaient dans le portefeuille. L'abbé Mann présenta ce relevé le 2 jan\ier 1787, et le \b, il fut invité d'en extraire une liste des pièces de nature à être publiées. De leur côté, M>[ le comte de Fraula et Burlin s'étaient mis en relation avec la dircclion de l'imprimerie académique, pour savoir si elle était résolue à continuer d'imprimer les ouvrages de l'Académie dans la forme spécifique qui lui serait indiquée. D'après le rapport communiqué à la séance du lo janvier, ladite direction avait répondu affirmativement à cette demande, se reconnaissant obligée de le faire en verlu de son contrat d'achat. 11 fut décidé dans la même séance qu'on négocierait l'acquisi- tion du fonds des quatre volumes de Mémoires déjà imprimés. Le "IS février 1787, Leurs Altesses royales avaient demandé l'avis de l'Académie sur une pendule de nouvelle invention du sieur Gratte, horloger à Bruxelles: MM. Chevalier et Mann, en firent un rapport favorable dans la séance du 3 mars. « Sans porter de jugement sur la parfaite précision et égalité de la marche de cette horloge, ce qui ne pouvait être vérifié qu'à la longue et en la comparant avec le temps vrai déterminé par des observations astronomiques, » les commissaires signalaient un mode de com- pensation qu'ils croyaient nouveau et de l'invention du sieur Gratte, n'ayant aucune connaissance qu'un autre artiste s'en fût servi avant lui. Le 28 février encore, le secrétaire d'État avait envoyé à Gérard le catalogue des livres des couvents supprimés, en autorisant ^80 LIVRE I. 1787. l'Académie à choisir parmi ces livres ceux qui manquaient à la Bibliothèque royale: Gérard ayant communiqué cette lettre dans la séance du 6 mars, fut chargé de faire avec l'abbé Clievalier le choix dont il s'agissait. Le 5 mars, Des Roches reparut à l'Académie. Il rapportait de Vienne de mauvaises nouvelles : à l'en croire, on n'y voulait plus entendre parler de la compagnie, tant avaient été vifs le mécon- tentement et l'humeur que son refus d'admettre M. Scherffer au nombre de ses membres y avait suscités. Peut-être y avait-il de l'exagération dans le dire du secrétaire perpétuel, homme fort impressionnable et porté à voir les choses en noir. La séance générale du 7 mai fut la dernière à laquelle Des Roches assista : le 20, il mourut à lâge de 47 ans. Le 21, Crumpipen invitait les académiciens résidant à Bruxelles à se réunir le surlendemain. Il s'agissait de prendre sans délai des arrangements touchant les papiers et autres choses du secrétariat de l'Académie, qui se trouvaient dans la maison du feu secrétaire. MM. Gérard et Mann furent nommés à cet efîet, et l'on résolut de] convoquer pour le l^"" juin une assemblée extraordinaire de tous les membres regnicoles, afin de procéder à l'élection d'un nou-' veau secrétaire perpétuel. Le l"juin, l'abbé Mann fut élu à l'unanimité des membres présents ^ — A la pluralité des voix, on résolut de faire nn service] pour le repos de l'âme du feu secrétaire, aux frais de la caisse] de l'Académie, à l'instar de ce qui avait été fait pour les abbés Needham et Caussin : ce service fut célébré le 1 6 juin dans l'église du petit béguinage près du Parc. Bien que portée immédiatement à la connaissance de Leurs Altesses royales, la nomination de l'abbé Mann ne fut agréée et approuvée que le 14 juillet. * Le 30 mai, l'abbé Marci avait écrit à Mann : « ... Vous pourriez être assuré de mon suffrage si j'étais à la séance [un rhume de poitrine l'empê- chait de s'y rendre]; il n'y a que la langue flamande qui pourrait exciter des réclamations; vous connaissez les génies qui rendent le corps infirme par les contrariétés qu'on suscite pour le plaisir de contrarier et de chicaner et faire échouer tout ce qu'on pourrait faire de bon ...» LIVRE I. 1787. 481 Pendant les vacances, le président de l'Académie fit remettre entre les mains de l'abbé Mann la collection des médailles rassem- blées des maisons des ci-devant jésuites, lors de leur suppres- sion, médailles dont il était devenu le gardien après le départ de Bruxelles de l'abbé Nelis qui en avait été le premier dépositaire, comme il consle par la lettre suivante de Belgioioso en date du 27 juin 4785 : « Comme on a destiné à rAcadcmie des sciences et belles-lettres la collection des médailles que Ton a trouvées dans les maisons des ci-devant jésuites à leur suppression, elle avait été gardée en dépôt, de Taveu de M. le prince de Slarliembcrg, chez M. Tabbé de Nelis, maintenant évoque d'Anvers. — Je l'ai chargé à son départ d'ici de vous la remettre, et je vous fais la présente, monsieur, pour que vous veuillez bien vous con- certer avec l'Académie sur le dépôt de cette collection de médailles, et sur le catalogue à en faire : je souhaiterais qu'elle fût composée de manière à mériter le suffrage des connaisseurs, mais il est à espérer qu'au moins elle contiendra d'assez bonnes choses pour pouvoir servir à un commencement. — Je serai charmé de voir le catalogue lorsqu'il sera achevé, et j'ai l'honneur etc. » A la séance de rentrée du 24 septembre : « Il fut résolu que le secrétaire conserverait ce dépôt de médailles sous sa garde jusqu'à ce que l'Académie en disposât autrement, et que l'on procéderait incontinent à la mettre en ordre et à en rédiger un catalogue. M. le directeur, marquis du Chastcler, [qui avait été réélu le 7 mai], M. Gérard et M. l'abbé Ghesquiere furent nommés commissaires à cet effet, à l'intervention du secrétaire perpétuel, chez qui le travail devait se faire. » Le secrétaire avait reçu le 26 juin un mémoire concernant quelques changements à apporter aux machines d feu, par M. Du val, auditeur de la chambre des comptes, ci-devant capi- taine ingénieur, et, le 22 septembre, un mémoire sur les causes de l'agrandissement de la famille des Pépins, par M. Lesbroussarl, Tome XXXIV. 51 482 LIVRE I. 1787. professeur au collège Thérésien : tous deux sollicitaient une place d'académicien à la première élection que l'Académie ferait de quelques nouveaux membres. Leurs lettres ayant été lues dans la séance du 24 septembre : « Quelques-uns de la compagnie mirent en délibération s'il ne con- venait pas de procéder à ladite élection dans la séance générale d'octobre suivant; mais d'autres observèrent qu'il y avait plusieurs candidats sur la liste, outre les deux qu'on venait d'admettre, nommément M. Verhoc- ven, de Malines, qui y était inscrit depuis l'année 1780, et M. D'Hoop, actuaire des états de Flandre, qui l'était depuis 4781 : ils observèrent de plus que M. Lesbroussart s'était présenté trop tard pour qu'il pût être question de son élection cette année, puisque selon la résolution académique du 7 février 4774^, les aspirants qui ne se seront pas pré- sentés avant le d^' juillet, seront renvoyés par rapport à leur admission à la séance du mois d'octobre de l'année suivante. Mais enfin il fut résolu unanimement, quant à l'élection de nouveaux membres, de se conformer aux ordres de LL. AA. RR. portés dans la lettre ministérielle du 6 octobre 1786, adressée à l'Académie, qui défendent de faire aucune élection jusqu'à nouvel ordre. » Crumpipen n'assistait pas à cette séance. Le 49 septembre, il avait écrit, de Tamise, à labbé Mann : « Il ne me sera pas possible de me trouver à l'assemblée académique indiquée pour le M de ce mois; l'air de la campagne me fait un bien infini, et ma santé, comme d'autres circonstances encore, m'engagent à y rester aussi longtemps que la saison le permettra. Vous voudrez donc bien en prévenir 31. le marquis du Chasteler... J'ai toujours pensé très favorablement sur le compte de M. Duval, et j'estime, comme vous, monsieur, que son acquisition pour la classe des sciences nous serait avantageuse. La seule question, c'est de savoir si c'est le moment propre à s'associer de nouveaux collaborateurs. Je m'en rapporte sur cela au jugement de l'Académie... » Duval avait été recommandé par le secrétaire perpétuel comme un habile mécanicien, doué d'un génie d'inventeur, et déjà LIVRE I. — 1787. 485 avantogeusement connu de l'Académie par une nouvelle écluse approuvée en 1777. Voici la lettre par laquelle Lesbroussart postulait une place de membre: « Messieurs, ^) Depuis près de dix ans que j'ai adopté la Belgique pour ma patrie, je n'ai pas cessé un seul instant de me regarder comme votre compa- triote, et j'ai cru que cette adoption m'imposait l'obligation de consacrer une partie de mes loisirs à l'étude de l'histoire de votre pays. Vous avez daigné, messieurs, recevoir avec indulgence les éloges historiques du chef président Viglius et du prince Charles, celui du chancelier Caron- delet et un mémoire sur un point relatif à l'histoire du Hainaut. Ces productions, je le sais, n'étaient point sans défauts; mais en les honorant de vos suffrages, vous m'avez encouragé, et lors même que je me suis vu vaincu par un rival plus heureux, je n'ai pas perdu l'espoir de vous appartenir un jour. Livré dès ma jeunesse à Pctude des lettres, j'ai toujours envisagé l'honneur d'être associé à une compagnie savante, comme la plus douce satisfaction qui puisse dédommager celui qui les cultive du sacrifice qu'il leur fait de son repos; et c'est vers cette association que j'ose aujourd'hui, messieurs, tourner mes vœux et mes désirs, sous les auspices de la paix publique. » Aux titres que j'ai pris la liberté de rappeler plus haut et qui vous sont connus, j'en pourrais joindre quelques autres, tels qu'un mémoire couronné à l'Académie de Chalons-sur-Marne, et deux autres mentionnés honorablement, l'un par la Société d'émulation de Liège et le dernier par l'Académie d'Amiens. Je ne dois parler ici du développement du nouveau plan d'études dont je suis l'auteur, que parce que cet ouvrage a été composé exclusivement pour l'institution belgique. Ces ouvrages sont tout à fait étrangers aux objets qui vous occupent; et je ne prétends point les invoquer comme des titres propres à appuyer ma demande; mais j'ai pris la liberté d'en joindre un ici sur ibn sujet directement lié à l'histoire nationale. Ce n'est pas le seul que je me propose d'offrir à l'Académie; mais il est en ce moment celui que je crois développé avec plus d'étendue, et par conséquent plus capable de soutenir l'épreuve de votre critique. » Un motif qui me fait encore désirer votre association, messieurs, 484 UM\E 1. — 1787. c'est l'avantage que j'y trouverai de m'éclairer de vos lumières. Domi- cilié dans cette capitale des Pays-Bas autrichiens, vos assemblées devien- dront pour moi une suite de leçons utiles et d'autant plus précieuses, qu'il me sera facile de n'en perdre aucune. Du moment où un homme de lettres appartient à une Société littéraire, tous ses instants, tousses loisirs et le fruit de ses veilles appartiennent au corps dont il est membre. Placé à côté de ses rivaux ou de ses maîtres, il doit les regarder comme ses juges et ses critiques naturels. Leur exemple l'encourage, comme leurs conseils l'éclairent et le guident dans ses travaux. « Telle est, messieurs, ma profession de foi littéraire; tels sont les sentiments dans lesquels je réclame en ma faveur les suffrages de l'Académie, et avec lesquels j'ai l'honneur d'être, etc. » (Signé) : Lesbroussart, » professeur de poésie au collège Thérésien et membre du Musée de Bordeaux. » Dans la séance générale du 15 octobre 1787, le secrétaire donna lecture d'une noie datée du 6, touchant plusieurs pièces qui manquaient dans les archives de l'Académie dont la remise lui avait été faite de la maison mortuaire de M. Des Roches. Voici celte note : « Depuis plus de quatre mois, j'ai employé tous mes moments de loisir à lire et à relire les protocoles de l'Académie depuis son origine en 17C9 jusqu'à présent, et à en extraire par forme de notes ou de répertoire abrégé, tout ce qui peut servir à mon instruction dans les choses de l'Académie, ou qu'il pourrait être utile de rappeler à l'avenir dans les séances. En même temps j'ai fait des listes exactes de toutes les résolutions qui ont été prises par l'Académie, les rédigeant tant par ordre chronologique que par ordre des matières où chaque genre se trouve à part : j'ai fait faire d'autres listes de tous les mémoires qui ont été présentés jusqu'à présent par les membres de l'Académie suivant les protocoles, distinguant ceux qui sont imprimés en entier de ceux qui ne le sont que par extrait dans le journal des séances, et de ceux qui ne l'ont pas encore été du tout; d'autres listes enfin de toutes les questions pro- posées par l'Académie depuis 1769, avec le nombre de mémoires envoyés I I LIVUK I. — 1787. 485 aux concours sur chacune, ainsi que les numéros ou épigraphes de ceux d'entre ces mémoires qui ont obtenu des prix, soit palmes ou accessits, distinguant ceux qui ont été imprimés par l'Académie ou par leurs auteurs respectifs. » Ces diverses listes étaient destinées à servir d'autant d'inventaires particuliers des pièces qui devaient se trouver dans la secrétairerie de l'Académie, et ce n'était que par leur moyen que je pouvais en constater l'intégrité, et en faire un arrangement en sorte de pouvoir trouver, au point nommé, une pièce quelconque dont on aurait besoin. Ayant reçu la plupart des pièces pêle-mêle, je réservais pour mon premier loisir de les assortir et de les arranger dans un ordre convenable, prévoyant que pour le faire comme il faut, il me fallait bien du temps et un travail suivi. « La nécessité qui m'est survenue de trouver incessamment quelques pièces envoyées aux concours, m'a obligé de me mettre à la lâche sans plus de délai, en laissant [de] côté toute autre occupation. J'ai commencé par repasser tous les papiers de l'Académie sans exception, en séparant du reste tous les mémoires envoyés aux concours, puis ayant absolu- ment tous ceux-ci ensemble, j'ai séparé les mémoires historiques des mémoires qui regardent la physique et les arts. Enfin j'ai fait des paquets étiquetés des mémoires envoyés sur chacune des questions qui ont été proposées tant par la classe d'histoire que par celle des sciences, en les comparant avec mes listes de ceux qui devraient s'y trouver selon les protocoles, en faisant attention en même temps que les manuscrits de ceux de ces mémoires qui ont été donnés au public, ayant été livrés à l'imprimeur, ne doivent pas s'y trouver. « Voilà la marche que j'ai suivie dans ce long et pénible travail : elle était indispensable pour constater avec certitude ce qu'il en est, tou- chant l'intégrité des seuls mémoires des concours qui m'ont été remis. Je l'ai cru également nécessaire d'exposer cette marche à l'Académie, afin de faire voir sur quel fondement je parle et quelle foi méritent mes assertions. Je suis fâché de me trouver dans le cas de devoir assurer que l'intégrité des mémoires enyoyés aux concours n'y est pas à beaucoup près, comme la liste ci-jointe de ceux qui manquent le fera voir. A mesure que j'avance dans ce travail par rapport aux autres parties des archives de l'Académie qui sont entre mes mains, j'en rendrai compte à la compagnie pour ma propre décharge, car il n'est pas juste que je sois chargé d'un dépôt censé entier, pendant qu'il ne m'est parvenu 486 LIVRE I. — 1787. qu'en partie. [Suit la « Liste des mémoires envoyés aux concours de l'Académie sur les questions d'histoire, et qui ne se trouvent pas dans le dépôt remis au nouveau secrétaire, quoiqu'ils ne soient pas de ceux qui ont été imprimés. — Idem des mémoires envoyés aux concours sur les questions de la classe des sciences. «] Celte lecture étant faite et la chose mise en délibération : « Il fut résolu de charger le secrétaire et le trésorier de l'Académie, de faire tous les devoirs convenables pour retrouver et répéter les pièces dont on s'est déjà aperçu du manque, et toutes celles que l'on trouvera manquer d'après des recherches ultérieures. En conséquence, MM. Mann et le comte de Fraula ^ furent autorisés par la compagnie de se servir de tous les moyens légaux et accoutumés en pareil cas, pour parvenir à réintégrer les archives de l'Académie. » Si l'abbé Mann n'était pas supérieur à Des Roches en intelli- gence et en activité, il rem[)ortait sur lui par l'ordre et la mé- thode, réunissant d'ailleurs toutes les qualités que l'on peut souhaiter chez un secrétaire perpétuel. Il reconstitua, autant que possible, les archives de l'Académie, et les conserva avec soin jusqu'à la seconde invasion française. Les 15 et 16 octobre, on s'occupa du concours annuel. L'Académie avait reçu neuf mémoires en réponse à la question: a Quels sont les moyens que la médecine et la police pourraient employer pour prévenir les erreurs dangereuses des enterre- ments précipités? » Le prix de cette question n'avait pas été adjugé en 1786, et la question avait été proposée de nouveau pour le concours de 1787. Les neuf nouveaux mémoires joints aux sept qui avaient déjà concouru, formaient un total de seize mémoires, dont neuf étaient écrits en latin (les n'^' 2-3-5-6-8- 10-11-15-14), cinq en français (les n°' 4-7-9-16-16), et deux en flamand (les n"^ 1 et 12). ^ M. Gérard leur fut adjoint, à la demande du secrétaire, dans la séance du lendemain, 16 octobre. LIVRE I. 1787. 487 Les commissaires étaient MM. Caels, Du Rondeau et Burtin. Après une discussion approfondie, une médaille d'or fut décer- née au mémoire français n° 15, de M. Previnaire, médecin à Bruxelles, et une pareille médaille au mémoire latin n® 14 de M. Wauters, médecin à VVetteren près de Gand. M. Stappaerts, médecin à Anvers, obtint un accessit pour son mémoire latin, coté n° 13. L'Académie avait demandé en 1785 « d'indiquer les nouvelles branches de manufactures et de commerce, qui pourraient être introduites dans les diverses provinces des Pays-Bas autrichiens, sans nuire à celles qui y sont déjà établies. » Sept mémoires avaient été reçus, à savoir trois flamands, trois français et un allemand, qui avait été traduit en français. La médaille d'or fut décernée au mémoire français de M. Coppens, médecin à Gand, et l'accessit à un autre mémoire français de M. François Lammens, négociant dans la même ville. On résolut ensuite, par des motifs particuliers, d'accorder un second accessit au mémoire allemand, dont l'auteur était Frédéric Noble d'Entnersfeld, conseiller de cour du prince de Passau à Vienne. Une seconde question physique avait été proposée en 1785 en ces termes : « Indiquer des moyens sûrs de détruire les hannetons dans leurs différents états, tant d insecte que de ver, avec le moins de frais et de perte possibles. » Quoique l'Académie eût reçu dix mémoires, elle décida qu'il n'y avait pas lieu d'accor- der la métlaille, et résolut de remettre la question au concours pour 1789, en doublant le prix. Les commissaires pour ces deux questions avaient été respec- tivement l'abbé Mann, Du Rondeau, Burtin et Vounck; Marci, Mann et Van Bochaute. La question historique proposée en 1785 était la suivante : « Indiquer les villes ou autres lieux des Pays-Bas, dans lesquels les souverains respectifs ont fait frapper des monnaies durant le 14* et le 15* siècle; et surtout indiquer d'après les ordonnances émanées dans ces deux siècles, ou au défaut de celles-ci, d'après d'autres documents dignes de foi, le nom, le titre de l'or ou de l'argent, le poids et l'évaluation de ces monnaies en mon- 488 LIVRE I. — 1787. iiaie belgique ou française de nos jours; faire connaître enfin les passages des historiens et des documenls contemporains ou presque contemporains qui font mention de ces anciennes mon- naies belgiques. » Les commissaires étaient MM. Tabbc Ghesquiere, Gérard et marquis du Chasteler. Le seul mémoire (flamand) envoyé en réponse à la question ayant été jugé de nature à pouvoir l'em- porter même dans un concours nombreux, il fut décidé unanime- ment de lui accorder le prix. A l'ouverture du billet cacheté qui l'accompagnait, il fut trouvé que M. Heylen, chanoine régulier et archiviste de l'abbaye de Tongerloo en était l'auteur. C'était la troisième médaille qu'il remportait dans les concours de l'Académie. On résolut de faire imprimer les mémoires auxquels on venait d'adjuger des prix et des accessits, et d'ajouter des notes et des corrections, soit de la part des auteurs respectifs, soit de la part de l'Académie, aux endroits de l'un ou l'autre de ces mémoires, qui paraîtraient en avoir besoin, mais toujours d'une manière distincte du texte envoyé au concours. CHAPITRE XLIV. Mort du comte de Fraula. — Le nouveau ministre plénipotentiaire comte de Trautt- mansdorff. — L'Académie lui est présentée le 3 novembre 4787. — A sa demande,, elle lui remet le 9 décembre un mémoire sur ce qui lui manque pour remplir le but de son institution. — Les lauréats du concours de 1787. Le comte de Fraula qui assistait encore à la séance du 16 octo- bre 4787, mourut subitement quelques heures après la fin de cette séance. Il était issu d'une famille noble, originaire du royaume de Naples. Né à Bruxelles le 2^ juin 1729, il avait fait ses humanités au collège des jésuites de cette ville et son cours de philosophie LIVRE I. — 1787. 489 et de droit à l'Université de Louvain. Très honnête homme et fort aimé de tout le monde, il remplissait depuis le mois de novembre j 781, la place de trésorier de l'Académie. Il avait entre- pris une lâche impossible, celle de réduire aux racines de la langue hébraïque, comme à la première des langues, toutes celles qui sont répandues sur la terre. « Infatigable dans ses recher- ches, dit Gérard •, les difficultés ne le rebutaient point, et rien ne put l'engager à renoncer à cette étude aride, pour se livrer à des recherches plus analogues à l'institution de l'Académie, et dont ses connaissances lui assuraient un succès plus heureux. » « La mort du pauvre comte de Fraula, » écrivait Crumpipen à l'abbé Mann le 20 octobre, « m'a surpris beaucoup, et je le regrette avec vous, monsieur, comme un très parfaitement galant homme, comme un académicien fort zélé et comme un de mes amis particuliers. » Une assemblée extraordinaire fut convoquée par le directeur, en l'absence du président, afin de prendre les arrangements que la mort du trésorier de l'Académie rendait nécessaires. Dans cette assemblée tenue le 50 octobre, MM. Gérard, Chevalier, Mann et de Launay furent choisis au scrutin pour retirer de la maison mortuaire l'argent, les registres, papiers, actes, quittances et tous autres documents et effets appartenant à la compagnie et en donner un reçu qui servît de décharge à ladite maison mortuaire. Les mêmes commissaires furent également chargés de faire les devoirs convenables pour parvenir à réintégrer les archives de la secrétairerie de r.4cadémie, en se servant de tous les moyens légaux et usités pour retrouver et réclamer partout où besoin serait les pièces dont le manque avait déjà été constaté, et toutes celles que l'on trouverait manquer d'après des recherches ulté- rieures. 11 fut résolu tout d'une voix de faire un service pour le feu comte de Fraula dans Tcglise de Caudenberg, paroisse du défunt- Ce service eut lieu le 6 novembre. * Notice historique du comte de Fraula, daos le lome V des Mémoires de rAcadémie. 490 LIVRE I. — 1787. Dans la même assemblée, on prit encore les arrangements né- cessités par l'arrivée du nouveau ministre plénipotentiaire, comte de Traultmansdorff. « M. président, par sa lettre du 25 octobre adressée au secrétaire, ayant prié M. le directeur de se charger de présenter T Académie, ou une dcputation de TAcadémie, à S. E. le comte de Trauttmansdorff, il fut décidé que TAcadémie se présentera en corps pour rendre ses hom- mages au nouveau ministre plénipotentiaire de S. M., et M. le directeur se chargea de demander à S. E. le jour et l'heure quand Elle voudrait bien la recevoir, dont le secrétaire devait aussitôt instruire les membres. " Voici la lettre de Grumpipen : « En réponse à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le 25, et que j'ai reçue hier le soir, j'aurai celui de vous dire, que ne comptant quitter la campagne que dans les premiers jours du mois de novembre, à moins qu'un ordre supérieur et très exprès ne m'oblige d'en partir plus tôt, M. le directeur me fera plaisir s'il veut bien se charger de présenter la députation de l'Académie à S. E. le nouveau ministre plénipotentiaire selon l'usage. J'observerai uniquement qu'il conviendra d'attendre que les autres corps du gouvernement et du pays se soient adressés à M. le comte de Trauttmansdorlî pour avoir la per- mission de lui rendre leurs devoirs, pour faire demander la même faveur de la part de l'Académie... » Ferdinand, comte du saint-empire ctdeTraultmansdorfT-Weins- berg, cbambellan, conseiller d'État intime actuel, ex-ministre plénipotentiaire près iélecteur de Mayence et les cercles du haut- Rhin et de Franconie, avait reçu ses lettres patentes de ministre plénipotentiaire aux Pays-Bas autrichiens, le 11 octobre. Il était arrivé à Bruxelles le 27 du même mois, et donna audience à l'Aca- démie le 5 novembre : le secrétaire perpétuel, qui lui présenta la compagnie, s'exprima en ces termes : « Le président de l'Académie étant absent de la ville et le directeur étant incommodé [d'un accès de goutte], chargé de leur part, j'ai l'hon- LIVRE 1. — 1787. 491 neur de présenter à Votre Excellence ceux des membres demeurant à Bruxelles qui la composent. n Daignez, monseigneur, honorer de vos bontés un corps qui a rhonneur de vous avoir pour protecteur. Daignez être convaincu que son plus grand désir est de contribuer de tout son pouvoir au bien-être du service de S. M., en exécutant avec autant de zèle que d'application les ordres qu'il vous plaira de lui faire passer. » Que Votre Excellence me permette de lui nommer les membres qui sont présents : » M. Gérard, secrétaire du bureau des exhibés. « M. de Hesdin, roi d'armes de la province de Namur. n M. l'abbé Chevalier, garde de la Bibliothèque royale, » M. Du Rondeau, médecin de la cour de LL. AA. RR. « Dom Bcrthod, adjoint par le gouvernement à la Société des Bol- landistes. » M. de Launay, secrétaire de Sa Majesté. »> M. Caels, médecin. » M. de Berg, conseiller du gouvernement. » De plus, trois ou quatre membres absents par maladie, et sept autres demeurant hors de Bruxelles. » On lit dans une noie annexée au prolocolc : « Son Excellence reçut la compagnie avec beaucoup de bonté, s'enquit du progrès que faisait l'Académie à répandre dans les Pays-Bas le goût des connaissances utiles et finit par demander si elle avait déjà tout ce qui lui était nécessaire: sur la réponse négative de la part de plusieurs membres, S. E. chargea la compagnie de lui fournir un mémoire détaillé sur tout ce qui manquait encore à compléter l'établissement de l'Aca- démie, promettant de l'appuyer auprès du souverain. » Ghesquiere s'était excusé par la note suivante : « L'abbé Ghes- quiere se sent encore trop faible pour oser risquer de se présen- ter à l'audience de Son Excellence le ministre plénipotentiaire, et il prie monsieur l'abbé iMann, de vouloir bien faire ses excuses » 492 LIVRE I. — 1787. Crumpipen, qui avait repris le litre de chancelier de Brabant, présida la séance de l'Académie du 19 novembre. « Comme il s'agissait dans la séance de ce jour de délibérer sur la rédaction du mémoire demandé par S. E. le ministre plénipotentiaire, touchant l'état actuel et les besoins de l'Académie, ainsi que sur le choix de trois membres à proposer h S. E. pour la place de trésorier, et sur d'autres objets, enfin, de nature à intéresser tout le corps, M. le prési- dent avait chargé le secrétaire d'y convoquer tous les membres regni- coles, ce qui avait été fait en conséquence. » Étaient présents, outre le président, MM. le marquis du Ghas- teler, directeur, l'évéque d'Anvers, Gérard, de Hesdin, l'abbé Chevalier, Pigott, l'abbé Marci, Du Rondeau, l'abbé Mann, secré- taire perpétuel, Doin Berthod, de Launay, l'abbé Ghesquiere, Caels, Van Rochaute, Burtin et de Berg. « Après la lecture accoutumée du résultat de la dernière séance [du 5 novembre], M. le président mit en délibération le mémoire à pré- senter au ministre plénipotentiaire de S. M. sur ce qui manque encore pour compléter l'établissement de l'Académie : il proposa, entre autres choses, de prier S. E. de permettre qu'à l'avenir le trésorier puisse rendre ses comptes au président et aux commissaires nommés à cet effet par l'Académie, sans l'intervention d'un commissaire du gouvernement, mais en faisant passer un double de ces comptes à S. E. même, qui les fera examiner par qui il lui semblera bon, pour s'assurer que l'usage et l'application que l'Académie fait de ses fonds, sont conformes à l'inten- tion du souverain. Un ou deux des membres s'y opposèrent; mais M. le président ayant levé les voix, la grande pluralité dès suffrages fut pour faire cette demande à S. E. MM. le directeur, Gérard et Mann furent chargés de préparer le mémoire en question, de conférer sur leur travail avec M. le président, et de l'avoir prêt pour en faire lecture dans la séance du 5 (îéccmbre, afin qu'il soit remis sans délai au ministre par une députation de l'Académie, composée de MM. les président, directeur, secrétaire, et deux des plus anciens membres, qui lui remet- tront en même temps l'exemplaire des Mémoires déjà reliés pour cet effet. » LiVHE I. — 1787. 493 Conformément au règlement, on élut an scrutin trois candidats à proposer au ministre pour la place de trésorier devenue vacante par la mort du comte de Fraula : MM. Gérard, l'abbé Chevalier et de Launay emportèrent les suffrages. Il fut également décidé qu'on prierait le ministre de désigner un commissaire du gouvernement, pour ouïr et clore le plus tôt possible les comptes de la gestion financière du défunt trésorier, selon l'usage établi depuis quelques années. « Ces objets principaux de la séance ayant été vidés, le secrétaire proposa à l'Académie d'appliquer aux frais de son bureau et à Tentretieu des Cabinets de physique et d'histoire naturelle qui sont logés chez lui, la pension de 400 fl. que S. M. a attachée à la place de secrétaire perpé- tuel, et que M. l'abbé Mann, en Je devenant, a laissée au profit de la caisse pour autant qu'il n'arrive aucun changement dans le sort que S. M. lui fait. M. le président ayant mis la chose en délibération, la proposition du secrétaire fut agréée et adoptée par toutes les voix, et le premier semestre de cette pension doit être censé échu au premier de ce mois de novembre, en compensation des meubles et ustensiles que M. l'abbé Mann a dû acheter pour ledit bureau, en entrant dans la place de secré- taire de l'Académie, n'ayant rien reçu en ce genre de la maison mortuaire de son prédécesseur. » Le 3 décembre, en présence des membres qui avaient assisté à la séance du 19 novembre, sauf le marquis du Chasteler, l'abbé Marei, de Launay, Glicsquiere et Caels : « Le secrétaire rendit compte du comité tenu chez lui le l'"'' décembre pour la rédaction du mémoire demandé par S. E. le ministre plénipo- tentiaire, concernant les besoins de l'Académie. Le travail de ce comité se réduisit à examiner le contenu des mémoires qui avaient été présentés précédemment en 4774 et 1783 pour la même fin, et à prendre unani- mement la résolution de se borner dans celui dont il s'agissait présen- tement à un seul point, savoir : à la demande d'un emplacement convenable pour l'Académie, dans lequel doivent se trouver des bâtiments assez spacieux pour réunir tous les livres qui doivent composer la Bibliothèque publique; chose d'autant plus essentielle, que ceux qui 49-4 LIVRE 1. — 1787. sont renfermés dans Téglise des ci-devant jésuites restent inutiles à l'Académie et au public, et sont dans le cas de se détériorer journelle- ment. Le secrétaire fut chargé de rédiger sur ce plan ledit mémoire, et d'en faire la lecture dans la séance de ce jour, ce qu'il fît en conséquence. Quelques changements ayant été faits à celte pièce, d'après les remarques de l'un ou l'autre des membres, elle fut lue de nouveau, avec ces correc- tions, et agréée de toutes les voix dans les termes suivants : ^) Mémoire a Son Excellence. » Ayant plu à Son Excellence de charger l'Académie de lui présenter un mémoire sur ce qui manque à son établissement et pour achever le but de son institution, elle a l'honneur de lui représenter, qu'elle a notoirement des besoins qui, à moins qu'on n'y pourvoie, mettront tou- jours à ses succès un obstacle insurmontable. Ce qui lui manque essen- tiellement, en premier lieu, et sans lequel toutes autres demandes et grâces deviennent inutiles et seront frustrées de leur effet, c'est un emplacement convenable pour l'Académie et pour la Bibliothèque publique. Elle a des observateurs, mais ni Observatoire ni autre lieu convenable oui elle puisse faire les observations astronomiques et météo- rologiques correspondantes que d'autres Académies lui demandent. Elle a des chimistes savants et laborieux, mais point de Laboratoire pour faire les expériences docimastiques ou chimiques, souvent demandées par le gouvernement même. w La bienfaisance de Sa Majesté lui a donné un Cabinet, ou du moins le commencement d'un Cabinet de physique et d'histoire naturelle, que l'on augmente peu à peu ; mais on n'a aucun endroit convenable pour le placer et pour rendre utiles les pièces qu'il contient. » La Bibliothèque publique particulièrement destinée à l'usage de l'Académie, et dont plusieurs livres imprimés et manuscrits lui appar- tiennent, est trop petite pour contenir la moindre partie des ouvrages tirés des Bibliothèques des ci-devant jésuites pour son augmentation. Ces livres parmi lesquels il en est de précieux sont depuis quelques années dans une église abandonnée. On n'est pas sans crainte sur leur conserva- tion; ils peuvent devenir la proie des vers, des rats et des souris, ou de l'humidité. Dans la supposition la plus favorable, il sera toujours vrai de dire que ces livres se détériorent, que tant qu'ils demeurent cachés dans ce lieu peu convenable, le don du souverain est rendu inutile à l'Acadé- LIVRE 1. — 1787. 49& mie, inutile au public. Plus d'une fois, on a exposé au gouvernement ces vérités frappantes, ces appréhensions peut-être trop fondées ; plus d'une fois le gouvernement a paru disposé à prêter l'oreille aux unes et à faire cesser les autres; mais jusqu'ici aucun effet n'a répondu à Tallente du public; toujours des vues qui la croisaient, ont prévalu; et cette riche collection reste constamment exposée à des dangers, et ensevelie dans un dépôt obscur où elle est inutile à l'Académie et au public. » Ce n'est pas que l'Académie présume que l'on puisse pourvoir à la fois à tous ses besoins, et que tout d'un coup elle aura de riches Cabinets, un bel emplacement, un Observatoire bien fourni; elle sait que tout cela ne s'acquiert qu'à la longue, et ce qui l'inquiète le moins, ce sont ces acquisitions, parce qu'ayant quelques fonds, administrés avec beau- coup d'économie, il serait possible de faire petit h petit les emplettes convenables; ce qui est vraiment décourageant pour elle, et alarmant pour le progrès des connaissances, c'est de voir tout son établissement réduit à la salle incommode et malsaine où elle tient ses assemblées; c'est de voir que faute de place, faute de bâtiments, faute d'un terrain conve- nable, elle ne peut, ni ne pourra peut-être de longtemps faire usage des livres qui lui sont destinés, ni correspondre aux travaux des autres Académies, ni amasser les instruments nécessaires à ses opérations. Il est certain que dans son état actuel, l'Académie doit regarder Vastro- nomie, la chimie, la botanique, en un mot la plupart des sciences physiques, comme une carrière qui lui est presque fermée, et se contenter de pro- poser tous les ans des questions économiques j ou autres, qui ne demandent pas un grand appareil d'observations ou d'expériences. Les Académies étrangères et tous les gens instruits et équitables conviendront de la vérité de cette observation. 0 Pour tout dire en un mot, ce qui presse le plus, ce qui presse uniquement dans ce moment, ce qui est essentiel et indispensable, c'est un emplacement spacieux et convenable pour l'Académie, pour la Biblio- thèque publique et pour les différents Cabinets; c'est un édifice où elle puisse réunir ses opérations ; c'est un lieu convenable où elle puisse observer. Sans ce secours nécessaire une riche collection de livres doit périr à la fin; sans ces moyens, l'Académie ne doit plus songer à se procurer des instruments, elle doit se défendre les observations et les expériences qui font une des fins principales de son établissement. » Voilà les réflexions qu'elle a tirées de l'examen de son état actuel; voilà ce qu'une confiance bien légitime ne lui permet pas de dissimuler 496 MVllIi I. 17S7. devant un ministre trop éclaire pour se faire illusion sur le véritable état des choses, trop ami des sciences et des arts utiles pour ne pas les tirer de l'état de médiocrité, où elles sont encore dans nos provinces. Il ne lui reste qu'à supplier Son Excellence de vouloir employer sa puis- sante médiation auprès de Sa Majesté, afin que TAcadéniie prenne une fois la consistance que la nature de son institution requiert, et d'où doivent naître ses succès. » Ce mémoire, daté du 5 décembre, portait la signature du prési- dent et du seci'étairc perpétuel. Le 9, la dépulntion de l'Aeadémic, conduite par son président, le remit au ministre plénipotentiaire, et dans la séance du 17, Crumpipcn fit rapport de la réception que le ministre avait faite à la députalion : le protocole n'en dit pas davantage; il est probable que TrauttmansdorfT s'était borné, selon l'usage, à quelques phrases banales qui ne l'engageaient à rien. Nous reviendrons maintenant au concours de 1787, pour dire \\n mot des lauréats. Previnaire s'était fait connaître en 1785 par une vive polémi- que avec un confrère, le docteur Dcfreiuie, à propos d'un livre de ce dernier, intitulé : « 3Iédecine simplifiée ou manuel de méde- cine et de (diirurgie. » Il y avait eu un échange de brochures dans lesquelles les deux champions se traitaient réciproquement de charlatan et d'empirique. Waulers avait obtenu une mention honorable au concours ouvert par l'Académie sur les végétaux indigènes quel'oJi pourrait substituer dans les Pays-Bas aux végétaux exotiques. On se rap- pellera que Burlin avait remporté le prix. Slapi)acrls était président du collège des médecins et de la Société littéraire médico-latine d'Anvers. 11 avait étudié la méde- cine sous les docteurs Vounck et Van Rossum, et avait passé, le î22 mai 1775, avec la plus grande distinction, les examens de licencié. De même que la plupart des hommes de son temps, sortis de l'Université de Louvain, il écrivait très bien en latin et très mal en français. Bernard Coj)pens, né à Gand en 1 7o6, avait également étudié LIVRE I. — 1787. 497 la médecine à Louvain. II était à la tète d'une fabrique de blanc de plomb et de cëruse hollandaise, et avait sollicité du conseil des finances une augmentation des droits d'entrée sur les produits similaires qu'on tirait jusque-là de la Hollande. 11 regardait les corporations et les maîtrises comme pernicieuses, parce qu'elles <'réaient un monopole odieux. — C'était un esprit cultivé et pos- sédant les langues étrangères. François Lammens faisait le commerce à Gand. En remerciant, le 25 octobre, l'abbé Mann pour l'accessit que l'Académie venait de lui décerner, il disait : « Je regarderai celte faveur comme un double bonheur, s'il me pro- curait l'occasion de faire votre connaissance, monsieur, et de vous offrir mes services 5 si une correspondance assez étendue en Angleterre et dans tous les endroits de la Mer Baltique [pouvait] vous être de quelque utilité pour prendre des informations, ou faire venir des livres, etc., dont vous pourriez avoir besoin , veuillez être persuadé que je ferai toujours gloire de pouvoir vous être bon à quelque chose, et que j'esti- merai une grâce particulière, lorsque vous daignerez m'cmployer de quelle façon que ce soit. » Le conseiller de cour du prince de Passau, Frédéric Noble d'Enlnersfeld, à qui l'Académie avait accordé un second accessit par des motifs particuliers (?), était assesseur de la Société patrio- tique impériale et royale à Vienne, et membre des Sociétés impé- riales et royales d'agriculture, des arts et sciences de Gratz, Glagenfurt, Laybach, Goritz et Gradisca, ainsi que de celle de Pétersbonrg. D'après la lettre qu'il adressa le 12 novembre au secrétaire per- pétuel, il avait été ravi d'admiration en apprenant que la très fameuse Académie des sciences et belles-lettres de Bruxelles avait honoré son mémoire d'un accessit : il désirait passionnément recevoir la médaille, et saurait donner alors les marques entières de sa reconnaissance. L'Académie avait été d'avis de se concerter avec M. Heylen, auteur du mémoire flamand sur les monnaies, pour faire traduire Tome XXXIV. 32 498 LIVRE I. — 1787. et imprimer son mémoire en français. Mais par sa lettre datée de Tongerloo, le 25 octobre, Heylen exprima le désir de le voir imprimer en flamand, croyant à bonne raison, disait-il, qu'il serait au moins aussi bien accueilli en cette langue qu'en langue fran- çaise. CHAPITRE XLV. Les lettres de Marci à l'abbé Mann. — La Bibliothèque de Des Roches. —Les recherches faites à la Haye pour découvrir son extrait de baptême, — L'impression des mémoires couronnés. — Le supplément de Burtin aux mémoires sur les manu^ factures. — L'errata du mémoire de Wauters. — Le tome V des Mémoires de l'Aca- démie. — La marche suivie pour sa formation. — Le Journal des séances. — La section réservée aux manuscrits \et aux autres monuments historiques. — Le mé- moire de M. de Berg sur l'inoculation de la peste au gros bétail. — La distribution des exemplaires du tome V des Mémoires et des Mémoires des prix de 1787 et 1788. Tandis que J. Crumpipen attendait les événements à sa cam- pagne de Tamise, pendant l'automne de i787, et que ses lettres à l'abbé Mann décelaient ses préoccupations et ses inquiétudes, l'évéque d'Anvers n'avait rien perdu de son style agréable et léger. Qu'on en juge par le billet suivant adressé de Bruxelles à l'abbé Mann, le i5 octobre : « Je.suis bien fâché, monsieur, d'être dans le cas de devoir vous prier de vouloir bien présenter mes excuses et mes regrets à l'Académie; je m'étais fait une fêle d'assister à ses séances et délibérations, et une petite fièvre importune m'en empêche. Permettez que mon petit billet vous porte, ainsi qu'à tous nos messieurs, mes sincères hommages. » Un abbé de cour français ne se fût pas exprimé avec plus de grâce. Pendant ce temps-là, le vieil abbé Marci se voyait de plus en plus délaissé à Louvain. Chancelier de TUniversité, il n'y exerçait aucune autorité, et son attachement connu à la maison d'Autriche LIVnE I. — 1787. 499 ainsi que ses idées libérales l'avaient rendu suspect. Dans son isolement, il s'était tourné, pour avoir des nouvelles, vers l'abbé Mann, mais il est à croire que celui-ci fit preuve de beaucoup de circonspection, ne voulant pas se compromettre. Le i" décembre, Marci s'excuse de ne pas pouvoir aller à Bru- xelles, et il ajoute le P. S. suivant à sa lettre : y Qu'en sera-t-il du séminaire général? Vous êtes à la source ; si vous savez quelque chose de positif, vous me ferez grand plaisir de m'en faire part. « On lit dans une autre lettn» datée du 50 décembre : « Tout est fort tranquille ici, le militaire garde les murailles du séminaire général dont les bourgeois ne veulent pas se mêler, moyennant quoi tout est tranquille. C'est aux évéques à vider celte difficulté vis-à- vis du souverain. Il est à désirer que ces pauvretés finissent d'une manière ou de l'autre; je crois qu'on entamera bientôt la réforme de l'enseignement théologique. Si le clergé se prête aux vues du souverain, il n'y aura rien à craindre pour la catholicité de l'enseignement, mais si l'cnlêtement à de simples opinions ne veut pas démordre d'en vouloir faire des articles de foi, il y aura des sujets qui ne s'en trouveront pas bien. Vous êtes à la source des règlements, je serais charmé de savoir de temps en temps ce qui se passe, si vous daigniez en informer celui qui vous est très sincèrement attaché, etc. » Empiétant sur Tannée 1788, nous donnerons encore quelques lettres de iMarci. Le 5 janvier, remerciant l'abbé Mann de ses souhaits de bonne année, et s'excusant de ne pouvoir assister à la séance de l'Acadé- mie, il ajoute: « Tout est ici aussi tranquille qu'il puisse être à Bruxelles. Le sémi- naire général fait la nouvelle du jour. Si les ennemis de cet objet peuvent parvenir à faire soulever toute la nation, ils n'y manqueront pas; mais il faut espérer que le ciel y mettra ordre; les évéques sont les grands opposants et sont gagnés depuis plus d'un an; ils veulent à présent enseigner ce qu'ils ne sont pas en état d'exécuter; nous verrons sans 500 LIVRE I. 1787. doute dans peu de jours la réponse que l'Université aura faite à la der- nière lettre du ministre. '^ L'abbé Marci écrit le 5 mars : « Si les choses continuent le train qu'elles paraissent prendre, j'es- père de vous voir le 10 du courant... [1 est bien étonnant que nous soyons si tranquilles ici avec des gens dont les consciences sont à peu près comme la lune, et qui voudraient entamer une guerre de religion contre ceux qui ne se conforment pas à leurs caprices. L'Université a sollicité le souverain pour avoir le séminaire général à Louvain, à pré- sent leur conscience n'en veut plus. Les évéques avaient envoyé au com- mencement leurs séminaristes ici, aujourd'hui leur conscience [le] leur défend. C'est quelque chose de risible que les consciences de ces mes- sieurs qui tournent à tous vents selon les nouvelles idées qu'ils se forment. Je souhaite que cela finisse honorablement... ■> Il nous reste, pour terminer l'histoire de l'Académie pendant Tannée 1787, à parler d'une affaire qui fut traitée directement par le président, bien que la pièce suivante semblerait indiquer le contraire: « Académie impériale et royale des sciErvcEs et belles-lettres DE Bruxelles. " Le conseil royal du gouvernement ayant, par une dépêche du 20 du courant, remis à l'Académie le catalogue de la Bibliothèque du feu secrétaire Des Roches, avec demande de faire connaître le phis tôt possible si elle trouverait convenable qu'il fût retenu quelque partie notable des livres qui y sont contenus, pour être placés dans la Biblio- thèque royale, elle nomma MM. Gérard et l'abbé Chevalier pour faire cet examen et en donner le résultat,- ce qu'ils ont fait par la liste ci-jointe que l'Académie a l'honneur de remettre au gouvernement général avec le susdit catalogue, estimant avoir satisfait par là à la demande qui lui a été faite. » A Bruxelles, le 51 décembre 4787. « (Signé) : L'abbé Mann, secrétaire perpétuel. » LIVBE I. — 1787. 501 Le conseil du gouvernement avnit été saisi de cette affaire par un rapport du procureur géiiéral de Brabant, en date du 15 dé- cembre. — Il résulte de ce rapport que le cbargé d'affaires de S. M. l'empereur à la Haye avait été requis de nouveau d'informer le ministre plénipotentiaire du résultat de ses recherches pour la découverte de l'extrait de baptême de Des Roches; et que Des Roches avait fait dresser lui-même un catalogue de sa Biblio- thèque en quatre volumes in-folio, rédigé par ordre alphabétique et divisé en différentes classes de matières. Le catalogue envoyé à l'Académie n'était qu'un extrait de l'inventaire dressé notariale- ment. L'affaire de l'impression des mémoires couronnés en 1787, fut reprise dès les premières séances de l'année 1788. Tout ce qui regardait l'impression proprement dite avait été réglé au mois de décembre. On lit dans le protocole de la séance du 3 de ce dernier mois : « Le secrétaire avait préablement reqnis le directeur de l'imprimerie académique d'agrandir le cadre d'impression de chaque page, conformé- ment à la résolution prise dans la séance du 18 mars 1785, et en cas de changement de caractères, d'en prendre un, tant soit peu plus petit : il l'avait également requis d'envoyer une pa^e, au moins, de l'impression pour être vue et approuvée par l'Académie dans la séance de ce jour, avant que de procéder plus loin. Une feuille entière de l'impression fut apportée pendant la séance même, et l'Académie remarqua aussitôt, qu'en changeant de caractères, on en avait pris un plus grand au lieu d'un plus petit, et que la grandeur de la page d'impression n'était pas à beaucoup près autant qu'elle la voulait. Le secrétaire fut chargé en con- séquence d'informer la direction de l'imprimerie, que l'Académie rejette absolument le caraclère dont on s'était servi pour l'impression de cette feuille, et requiert que l'on se serve des caractères ordinaires dont on a fait usage jusqu'à présent pour imprimer les mémoires de l'Académie, et quant à l'étendue de la page d'impression, elle exige qu'elle remplisse (sans y comprendre les sommaires ou notes marginales) le cadre qui entoure les quatre pages d'impression de la susdite feuille, que le secré- taire fut chargé de leur remettre signées de sa main, et dont le double reste chez lui, pour en vérifier l'exactitude dans l'exécution en cas de besoin. >> 50;2 LIVRE I. — 17S8. Le 17 décembre, l'abbé Ghesquiere avait fait voir à la compa- gnie six feuilles d'impression du mémoire de M. Hcylen sur les monnaies, dont il s'était cbargé de corriger les épreuves : « les caractères et l'étendue de la page d'impression étant conformes à ce qui avait été décidé à cet égard dans la séance du 5 décembre, et l'impression au reste étant bien soignée, l'on témoigna en être fort content. •> Voilà pour ce qui regarde la partie matérielle. En ce qui con- cerne les mémoires mômes : « Comme il avait été décidé d'ajouter des notes et des suppléments aux endroits des mémoires..., qui paraîtraient en avoir besoin, et que ces noies et suppléments pourraient être donnés soit par les auteurs, soit par l'Académie, en distinguant dans l'impression les uns des autres, et tous du texte des pièces envoyées au concours, le secrétaire [avait été] autorisé [à] remettre aux auteurs respectifs leurs mémoires, s'ils les de- mandaient, sous récépissé et pour un terme limité, et en prenant des précautions que l'on ne pourrait pas changer les feuillets sans qu'on s'en aperçoive. Les trois commissaires qui avaient été nommés pour chaque question, [avaient été] chargés de rédiger lesdites notes et suppléments qui devaient être ajoutés dans l'impression de ces mémoires, après que lecture en aurait été faite dans une séance de l'Académie. •> I Ces décisions prises dans la séance du 5 novembre avaient été communiquées aux auteurs par le secrétaire perpétuel, dès le 9 Le 11, Stappaerts demandait à l'abbé Mann de lui rendre sa première dissertation, présentée au concours de 1786, avec la devise : Qui succurrere potest^ cum non saccurrit, occidit, etc., si toutefois l'Académie voulait bien accepter quelques notes pbysico- médico-politiques, dont il avait enrichi cette dissertation, et lui permettre de rétablir plusieurs réflexions qui s'y trouvaient. Le 13, Wauters envoyait quelques notes et rectifications. « Si cependant, disait-il, vous jugez ce changement inutile, faites-moi la grâce d'agir selon votre jugement. >• Le 15, Lnmmens écrivait ce qui suit : « Je revins d'un voyage de douze mois vers la fin du mois de mai passé; une foule d'affaires arriérées ne me laissèrent que très peu de loisir, je J LIVHE I. 1788. 503 fus obligé de coucher de temps à autre mes idées sur des papiers volants, que j'ai rassemblés à mesure que j'écrivis mon mémoire pour l'envoyer au concours; au reçu de votre lettre, j'ai examiné les lambeaux détachés qui me restent, et je ne puis plus en sortir. D'après cela, s'il eût dépendu de moi de faire imprimer le mémoire, j'eus préféré qu'il ne le fût point j s'il doit l'être, ce serait me rendre un service des plus importants, si vous vouliez condescendre à corriger les fautes contre la langue française, l'or- thographe et la ponctuation qui doivent s'y trouver en grand nombre. » Dans la séance du 21 janvier 1788, Burlin donna lecture d'un supplément aux mémoires relatifs à l'introduelion de nouvelles branches de manufactures et de commerce, qui étaient sous presse. On résolut de communiquer ce supplément à MM. Cop- pens et Lammens, avant de le faire imprimer. Les lettres suivantes se rapportent à ce qui s'était passé avant la séance du 21 janvier. I. — Lettre de l'abbé Mann à Du Rondeaic. — O novembre 1787. c< Monsieur, ce matin, M. Burtin étant passé chez moi, je l'ai informé de la résolution que l'Académie avait prise dans la séance de lundi passé [5 novembre], de charger les trois commissaires nommés pour chaque question d'extraire des divers rapports les réflexions qu'ils jugeront utile d'ajouter par forme de supplément. Il s'est aussitôt chargé de faire ce travail par rapport aux questions touchant les enterrements précipités et les manufactures et le commerce, dont il est un des commissaires, et il a pris avec lui vos deux rapports avant que j'aie pu avoir votre aveu pour les lui remettre. Si cependant, monsieur, vous aimiez mieux rédiger vous-même votre part dans ce travail, je lui redemanderai sans délai vos deux rapports, et je vous les ferai passer aussitôt. Au reste, qui que ce soit qui se charge de la rédaction de ces suppléments, ils doivent être lus et approuvés dans une séance de l'Académie avant que de les donner à l'impression. J'ai l'honneur d'être, etc. » II. — Lettre de Vabhè Mann à Burlin. — 13 janvier 1788. « Monsieur, l'impression des mémoires sur les nouvelles branches de manufactures et de commerce est achevée, et l'on est venu ce matin chercher la copie du supplément que je leur ai annoncé devoir suivre le 504 LIVRE 1. — 1788. dernier de ces mémoires. Je vous prie donc de vouloir bien m'envoyer cette pièce par mon domestique, et si vous daignez y joindre les rapports sur cet objet, que je vous ai remis le 9 novembre, je les remettrai à leur place dans les actes, afin que l'on puisse y avoir recours à l'avenir, s'il en est besoin. J'ai l'honneur d'être, etc. • III. — Lettre de Vahbé Mann à Burtin. — 17 janvier 1788. « Monsieur, au défaut de l'approbation d'une séance de l'Académie pour donner à l'impression ce supplément que vous m'avez envoyé hier, je l'ai porté à M. le chancelier, notre président, pour prendre ses ordres à cet égard. Après qu'il en avait fait la lecture, en convenant entièrement de la justesse de vos remarques, il était du sentiment, ainsi que les deux autres commissaires [Du Rondeau et Vounck], que plusieurs expressions étaient de nature à faire de la peine aux auteurs des mémoires, surtout à celui qui a eu l'accessit, et que d'ailleurs elles semblaient donner lieu au public d'improuvcr le jugement de l'Académie qui a accordé un prix à cette dernière pièce. II m'a dit enfin qu'il ne voulait pas prendre la chose sur lui et qu'il fallait attendre la séance de lundi pour prendre une résolution là-dessus, malgré que la composition de la feuille, dont ce supplément devait faire partie, est statée depuis quatre ou cinq jours, en l'attendant. En vous informant par son ordre de ces dispositions, je vous remets ledit supplément dans la supposition que vous vous trouverez vous-même à la prochaine séance, dans laquelle il est de nécessité de finir cette affaire, pour ne pas arrêter plus longtemps l'impression desdils mémoires sur les manufactures, etc. J'ai l'honneur d'être, etc. » Comme on l'a vu, rien ne fut terminé dans la séance du 21 janvier, et l'on décida que l'on demanderait l'approbation des auteurs respectifs, avant de commencer l'impression du supplé- ment. Le 31, Buriin écrivit à l'abbé Mann : « Monsieur, enfin me voilà en état de vous renvoyer les réflexions sur les mémoires, telles qu'elles peuvent être imprimées de l'aveu des auteurs. Elles ont été de retour de Gand dès le deuxième jour, comme je l'avais promis à l'Académie. Malheureusement M. Coppens ne convenait pas sur le point des droits de sortie que payent nos toiles. Pour mettre l'Acadé- LIVRE 1. — 1788. 505 mie en règle contre tout reproche, j'ai demandé une note authentique sur cet article à la régie. Cette note a dû passer par toutes les forma- lités; et malgré toutes les peines que je me suis données pour l'obtenir, je ne l'ai reçue que hier l'après-midi. Ainsi je compte que vous, mon- sieur, et l'Acadé-Tiie me tiendrez pour diligent, et que vous voudrez bien être assuré que je suis avec le dévouement le plus sincère, etc. « Waulers avait demandé 50 exemplaires de son mémoire à l'im- primeur de l'Académie : ayant remarqué des fautes d'impression, il fit tirer une feuille d'errata et en envoya le 21 avril un exem- plaire à l'abbé Mann: « J'espère, disait-il, que votre très honorable Société ne prendra point cela de mauvaise part, au contraire j'es- père qu'elle m'honorera toujours de sa bienveillance... » On lisait en tête de cet errata: « Cum adversaria haec non sint impressa sub inspeclionc Auctoris, innumeris erratis scatent. Neglectis levioribus et benigno Lectori sat conspicuis, praecipua sic sunt corrigenda. » Suivaient cinquante-deux lignes de fautes à corriger. L'abbé Mann prit très mal la chose, et le 27 avril, il adressa à Waulers une lettre qui finissait ainsi : v< ... En un mot, monsieur, si vous ôtez de cet errata les fautes qu'on a commises en suivant à la lettre votre manuscrit; d'autres qui ne pro- viennent que de mots mal écrits et à peine déchiffrables; d'autres enfin, parce qu'on ne s'est pas servi de caractères qu'on n'a pas dans le pays, ou parce qu'on a omis un C) sur un a ou sur un ?/, votre feuille d'errata se trouvera réduite à bien peu de chose. Ainsi je ne puis regarder cet errata que comme m'étant injurieux, et je le mettrai comme tel sous les yeux de l'Académie, avec votre manuscrit pour preuve. « L'abbé Mann avait certainement tort de se fâcher. Les fautes que relevait l'errata étaient très sérieuses, et l'auteur ne pouvait pas admettre que sous prétexte qu'on manquait de caractères, on imprimât uher au lieu de t76er, ware au lieu de ware, jimgeling au lieu ôe jûngling, musste au lieu de miïssle, etc. Ces dernières fautes provenaient de ce que Mann, familiarisé avec les langues 506 LIVRE I. — 1788. d'origine latine, ne savait pas l'allemand. Il traitait de minuties les corrections que nous venons d'indiquer : « Après de pareilles minuties, disait-il, que pourraient être ces moindres [neglectis levioribus] que vous négligez ? » Wauters lit preuve d'une extrême modération : « Il me fait de la peine, » écrivit-il le 50 avril, « que j'ai péché par im- prudence; je vous en demande excuse. Je pense que je pourrai en quel- que manière redresser la faute en ne donnant point cette feuille au jour. Je vous ai dit que je n'ai fait imprimer que "iO exemplaires de mon mémoire, et je les aï encore presque tous. Il ne m'en manque que six que j'ai donnés h mes amis, desquels je révoquerai tant qu'il me sera possible ces feuilles d'errata. Il n'y en aura peut-être pas plus que deux que je ne pourrai plus ravoir; avec cela le mal sera moins grand. Si vous trouvez bon de faire encore autre chose, monsieur, je vous supplie de ne pas me refuser vos avis. Implorant votre bonté, j'ai l'honneur d'être avec le plus profond respect, etc. '^ Nous avons vu que dans la séance du 18 décembre 1786, l'Académie avait délibéré sur l'impression d'un cinquième volume de .Mémoires. Le il février 1788, cette impression fut résolue à l'unanimité. « Gomme plusieurs mémoires, même de ceux qui étaient déjà adoptés pour être imprimés dans le recueil de l'Académie, ne se [trouvaient] plus dans le portefeuille, le secrétaire fut chargé d'en fournir une note à M. le président qui voulut bien faire des perquisitions à cet etïet. Tous les mémoires non imprimés de feu MM. Des Roches et comte de Fraula [étaient] dans ce cas, ainsi que ceux de M. Bournons, sans parler de plusieurs autres... » M. le directeur fut autorisé à nommer des commissaires pour faire l'examen des mémoires qui n'avaient pas encore subi cette épreuve, et donner leur avis sur l'opportunité de leur insertion dans le tome V. L'Académie consacra de nombreuses séances à la formation de LIVKE r. — 1788. 507 ce volume. Voici la marche que l'on suivit ; le secrétaire, après avoir lu le titre de chacun des mémoires approuvés par les com- missaires, faisait lecture des rapports entiers ou d'un résumé de ceux de ces rapports qui avaient déjà été lus précédemment: à mesure qu'il achevait, l'Académie décidait de l'adoption du mémoire pour l'impression, sans s'astreindre du reste à aucun ordre d'ancienneté ou de date. Pour certains mémoires, on devait se borner à un simple ex- trait dans le Journal des séances. Il fut du reste « recommandé au secrétaire, chargé d'office de la rédaction dudit Journal, d'y faire mention de toutes les pièces qui auraient été présentées à l'Académie et d'insérer des analyses de celles qu'il jugerait les mériter, avec des extraits de ce qu'elles offrent d'intéressant, ainsi qu'il se pratique dans les principales Académies étran- gères. » Le 23 février, il avait été résolu que les notices à donner suc- cessivement des manuscrits et autres monuments relatifs à l'his- toire bclgique, composeraient en chaque volume une section à part sous un titre distinct à la suite des mémoires historiques. Parmi les mémoires qui furent rejetés, il s'en trouvait plusieurs de Gérard et un grand mémoire de de Berg, intitulé : « Considé- rations sur l'effet de l'inoculation de la peste au gros bétail, et des remèdes curatifs de celte épizoolie. » Le mémoire de de Berg avait été lu dans la séance du 1" dé- cembre 1784. Dans celle du 7 avril 1788 : « Deux des commissaires nommés pour l'examiner, iMM. Du Rondeau et Caels, optèrent pour l'impression; le troisième, M. De Bcunie, en avait fait un long rapport où il entrait dans un grand détail sur l'objet de ce mémoire qu'il [paraissait] avoir étudié à fond : la lecture de ce rapport fît juger à la compagnie qu'il serait prudent de différer jusqu'à une occasion plus favorable l'impression [du] mémoire auquel cepen- dant on reconnut beaucoup de mérite. Les raisons principales de cette détermination furent, que son objet tient directement à la police suprême, et que d'ailleurs l'esprit des paysans est encore trop aigri contre la méthode extirpative que l'auteur regarde comme la seule efficace dans 508 LIVRE I. 1788. le genre d'épîzootie dont il traite, pour ne pas rendre un silence par- fait sur ce sujet, préférable à tout ce qu'on pourrait en dire pour ou contre, » Le tome V des Mémoires ne fut distribué aux nfiembrcs qu'au mois de janvier 1789. On avait, dans l'assemblée du 22 décembre précédent, arrêté la liste de ceux à qui on devait, par obligation ou par convenance, distribuer ce volume, ainsi que les mémoires des prix de 1787 et de 1788. « Cet objet, porte le protocole, amena beaucoup de dis- cussion dont le résultat se trouve coucbé rfans la liste suivante, qui doit servir de règle, tant pour la reliure ou brochure desdits mémoires, que pour leur distribution. » Voici cette liste : 1" Exemplaires reliés en maroquin rouge : S. M. l'empereur et roi. — LL. AA. RR. les gouverneurs généraux. — S. A. le prince de Kaunitz. — Le comte Philippe de Cobenzl. — Le prince de Slarhembcrg. 2" Exemplaires reliés en veau fauve, dorés sur Iranche : S. E. le ministre plénipotentiaire. — M. le chancelier de Brabant. — M. le vice-président du conseil du gouvernement. — M. le baron de Lederer. — La Bibliothèque impériale à Vienne. — La Biblio- thèque royale de Bruxelles. 5° Exemplaires brochés : Dix-huit pour tous les membres rcgnicoles. 4" Exemplaires des seuls Mémoires de l'Académie, brochés: M. de Limbourg. — M. Pigott. — M. Messier. — M. Godart. — M. le prince de Gallitzin. — M. Van Swinden. — M. Magellan. « Et aucun autre des membres étrangers, à moins qu'ils n'en- voient quelque mémoire de leur façon à l'Académie. » 5** Exemplaires des seuls Mémoires de l'Académie, brochés : La Société royale de Londres. — La Société des antiquaires à Londres. — Le Musaeum britannique à Londres. — Le bureau des longitudes à Londres. — L'Académie royale des sciences de Paris. — La Société patriotique de Milan. — La Bibliothèque publique de Strasbourg. — L'Académie électorale de Manheim. — La Société LIVRE I. 1788. 509 zélandaise des sciences à Flessingue. — L'Académie impériale de Saint-Pétersbourg. — Le rédacteur du Journal de physique, « en cas qu'il continue d'envoyer ce journal gratis à l'Académie. >» Sommaire. 5 exemplaires reliés en maroquin rouge. 6 id. id. en veau fauve, dorés sur tranche. 48 \ 7 > id. brochés. II ) 47 exemplaires en tout, hors de 80. CHAPITRE XLVI. Liste des membres de l'Académie à l'époque de la publication du tome V des Mé- moires^ c'est-à-dire à la fin de 1788. — Le 19 mars, elle avait perdu Dom Berthod, et le 22, Bournons. — Le concours de 1788. — Le mémoire adressé le 10 novembre au ministre plénipotentiaire. — Le mauvais vouloir du conseil du gouvernement général. — Les affaires financières de l'Académie. — Le refus de l'abbé Chevalier d'accepter les fonctions de trésorier. - Réclamation du président contre l'obliga- tion imposée au trésorier de rendre ses comptes à la chambre des comptes. — II est fait droit à cette réclamation, — L'abbé Mann est préposé provisionnellement à la caisse. A l'époque de la publication du cinquième volume des Mé- moires dont il est ici question, c'est-à-dire à la fin de l'année 1788, les membres regnicoles de l'Académie étaient, d'après la liste qui accompagnait ledit volume : Classe des sciences : L'abbé Chevalier, le prévôt Marci, Du Ron- deau, l'abbé d'Everlange de Witry, De Réunie, l'abbé Mann, de Launay, le chevalier [commandeur] de Nieuport, Caeis, Van Rochaute et Rurtin. 510 LIVRE I. — 1788. Classe d'histoire: Nelis, évêqiie d'Anvers, Gérard, de Hcsdin, le doyen ticylen, le marquis du Cliasteler, l'abbé Ghesquiere et de Berg. Les membres étrangers étaient : De Limbourg, Pigott, Messier, Godart, de La Lande, le prince de Gallitzin, Van Swinden, le comte de Briihl, de Zach, de Magellan, Van Wyn, Moreau, Te Water, de Koch et l'abbé Bevy. Nous avons déjà dit que l'Académie avait perdu le 22 mars 1788 M. Bournons, de la classe des sciences : trois jours aupara- vant était mort à Bruxelles Dom Berthod, associé de la classe d'histoire. Dans la séance du 7 avril, « il fut résolu unanimement de faire un service commun pour le repos de leurs âmes dans l'église paroissiale de Caudenberg, accompagné de plain-chant au lieu de musique, et d'employer le restant que ce moyen fera épargner de la somme de 48 florins, dans une distribution de pain pour les pauvres. » Le service et la distribution de pain eurent lieu en conséquence le 15 avril. Bournons, comme on l'a dit, n'avait plus paru à l'Académie depuis le 17 octobre 1785. Atteint d'aliénation mentale, il avait été placé chez les frères cellites par ordre du conseil privé. C'était un habile géomètre, familiarisé avec le calcul infinitésimal et la mécanique rationnelle, chose rare parmi nous à cette époque. Il ne brillait point par un excès de bienveillance et avait plus d'une fois échauffé la bile des abbés Needham et Mann; mais il avait trouvé un aide puissant dans la personne du commandeur de Nicuport, impitoyable comme lui-même *. Dom Berlhod était entré à l'Académie le même jour que Bournons. A peu près du même âge que celui-ci, il en dif- férait complètement par la douceur des manières et l'aménité du caractère. Dom Berthod appartenait à l'ordre des bénédictins. Nous avons parlé du voyage qu'il avait fait aux Pays-Bas autrichiens en 1774. * Voir ma Notice sur Rombaut Bournons, dans le l orne XXVII des Mk- MoiRES in-S" de TAcadémie royale de Belgique. LIVRE I. 1788. Mi Dix ans après, il y fut appelé pour remplacer l'hagiographe Hubcns. « Entrant dans une nouvelle carrière, étrangère à ses occupations précédentes, et qui exigeait d'immenses recherches, Dom Berthod, qui ne jouissait que d'une santé faible, ne put s'y adonner avec la même activité qu'on lui avait remarquée antérieu- rement : il ne négligeait cependant rien pour se procurer les connaissances et les matériaux nécessaires pour pouvoir s'appli- quer avec succès à l'ouvrage [des Bollandisles] K » Dans la séance générale d'octobre 1788, l'Académie s'occupa de l'examen et du jugement des mémoires envoyés au concours. La question de physique, proposée en 1786, était celle-ci : « Quels sont les végétaux indigènes propres à fournir des huiles qu'on pourrait substituer avec succès et sans danger à l'huile d'olive ? quelles sont les méthodes de préparer et de conserver ces huiles ? enfin, quel sera leur prix, en supposant un prix donné des matières dont on les tire ? » On avait reçu six mémoires: un latin, trois flamands et deux français. A l'unanimité le prix fut décerné h M. Wauters, de Wetleren, déjà couronné l'année précédente, et l'accessit à M. J. B. Vanden Sande, maître en pharmacie et en chimie à Bruxelles. 11 fut décidé de faire imprimer le mémoire flamand de Wauters, mais non pas celui de Vanden Sande, écrit en français, « à cause du grand nombre des choses inutiles et étrangères à la question qu'il renfermait et qui le rendaient d'une longueur extrême. » Une mention honorable fut faite d'un mémoire fla- mand dont l'auteur, comme on le sut plus tard, était M. Seghers, curé de Saint-Léonard près Hoogsiraeten. Aucun mémoire n'était parvenu en réponse à la question d'his-^ toire qui demandait un mémoire sur le duc Ghislebert, fils de Rainierau long-col. Le protocole de la séance du 28 octobre porte : « L'Académie se trouvant fort diminuée depuis une année et demie par la mort de quatre de ses membres [Des Roches, de Fraula, Dom * Nolice historique de Dom Anselme Berthod, par M. Gérard, dans le tome V des Mémoires de l'Académie, oi2 LIVRE I. — 1788. Berthod et Bournons], ainsi que par d'autres causes [Nieuport ayant cessé de se rendre aux assemblées], il s'agissait dans cette séance de dis- cuter et de prendre des arrangements touchant plusieurs candidats qui se trouvent sur la liste de l'Académie pour y avoir place; en second lieu touchant la suspension de toute élection d'académicien jusqu'à nou- vel ordre, faite par une dépêche ministérielle en date du iO octobre 1786 j enfin touchant la convenance de fixer invariablement le nombre des académiciens pour l'avenir, et de l'établissement d'une classe d'asso- ciés correspondants, sur le pied, à peu près, qu'elle fut adoptée (quoique sans effet pour lors) dans la séance du 24 mars 1778. Le temps qui res- tait de cette séance n'étant nullement suffisant pour l'examen de tant d'objets importants au bien-être de l'Académie, il fut résolu de nommer un comité pour les discuter et les préparer pour la considération de la compagnie dans une séance future, et M.M. les président et directeur, avec MM. Gérard, l'abbé Chevalier, Du Rondeau et le secrétaire, furent choisis pour cet effet. ^ Le 10 novembre, le président rendit eomple du travail de ce comité, et fit lire par le secrétaire le mémoire à présenter à S. E. le ministre plénipotentiaire sur les objets mentionnés ci-dessus, ainsi que le projet de règlement pour une classe d'associés corres- pondants : l'une et l'autre de ces pièces furent adoptées par la compagnie, après qu'on y eut fait quelques légers changements. Le Mémoire à Son Excellence le ministre plénipotentiaire de Sa Majesté était conçu en ces termes : « L'Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles a l'honneur de représenter à Son Excellence que selon le règle- ment de son institution, donné par feu Sa Majesté l'impératrice et reine, elle devait être composée de trente-six membres, dont dix honoraires, vingt membres regnicoles et six étrangers. La classe des membres hono- raires n'a jamais eu lieu; mais par une dépêche ministérielle du 30 sep- tembre 1776, le prince de Starhemberg permit de porter à douze le nombre des membres étrangers. « S. E. le comte de Belgioioso, par une dépêche du l*"»" octobre 1784, rendit illimité le nombre des membres, tant regnicoles qu'étrangers; mais comme plusieurs inconvénients résultèrent peu après de ce nouvel LIVRE I. 1788. 513 arrangement, le même ministre, par une dépêche du iO octobre 1786, Ht suspendre toute élection de nouveaux membres jusqu'à nouvel ordre : cet empêchement subsiste encore, n'ayant jamais été révoqué. « Depuis cette dernière époque, l'Académie a perdu quatre de ses membres par la mort, et un autre par absence du pays. Afin de réparer ces pertes, ainsi que pour satisfaire à l'empressement de plusieurs can- didats, qui demandent, depuis longtemps, d'y avoir place, elle supplie Son Excellence de vouloir bien lever la susdite défense d'élire de nouveaux membres. » Pour éviter les inconvénients qui pourraient résulter d'un nombre illimité d'académiciens, elle supplie en outre Son Excellence de vouloir bien approuver et sanctionner le vœu de ses membres, en le bornant et fixant invariablement pour l'avenir, sur le pied que le nombre des membres regnicoles ne puisse jamais passer vingt- quatre, ni celui des membres étrangers, douze; par là, les deux classes ensemble ne feront que le nombre de trente-six, porté par l'institution primitive de l'Aca- démie. X Outre que le nombre de vingt-quatre membres regnicoles est à peu près autant que la modique dotation de l'Académie puisse défrayer en jetons de séances, etc., l'on peut croire, non sans fondement, que ce nombre est autant que l'étendue des Pays-Bas puisse fournir à la fois de sujets de premier mérite dans les sciences et dans l'histoire; et d'ail- leurs, il est évident que plus le nombre d'une Académie est augmenté j>ar des sujets médiocres, plus elle doit perdre en considération, et moins aussi les places seront recherchées par des savants d'un mérite distingué. » L'on pourrait éviter tous ces inconvénients, sans amener aucune nouvelle charge sur la dotation, et satisfaire en même temps à l'empres- sement de beaucoup de solliciteurs, en établissant des liaisons étroites entre l'Académie et des personnes instruites et de bonne volonté, prises dans toutes les classes des citoyens et par toutes les provinces belgiques, sous le titre d'associés correspondants ou de correspondants académiques .• ce serait un nouveau moyen de répandre de ,plus en plus le goût des connaissances utiles : l'Académie deviendrait un point de réunion pour l'émulation de tous ceux qui s'adonnent aux sciences et aux arts utiles, et qui s'y trouveraient agrégés par une distinction qui leur serait tou- jours honorable parmi Uurs concitoyens. Par cet établissement le corps de l'Académie établi dans la capitale, étendrait ses ramifications par Tome XXXIV. 53 514 LIVRR I. — (788. toutes les provinces, dirigerait et recueillerait les recherches, les obser- vations et les expériences, comparerait et rédigerait les résultats des unes et des autres, et répandrait bien plus généralement par le moyen de ses correspondants, parmi le peuple de la campagne aussi bien que des villes, les découvertes utiles dans tous les arts ; connaissances qui, faute d'un pareil moyen, restent souvent ignorées pendant longtemps; tandis que nos voisins et rivaux dans les arts et les manufactures en jouis- sent et surmontent tranquillement notre industrie pour la consommation même de ce pays, dans bien des genres d'arts et de manufactures, des plus propres à y être exercés dans toute leur perfection. » Il y a plus de dix ans que l'Académie a désiré de voir réaliser ce projet, que les circonstances ont empêché jusqu'à présent d'etfectuer. Elle supplie donc Son Excellence, dans le cas qu'EIle trouve une classe de correspondants académiques utile et convenable. Elle voudrait bien donner sa sanction à cet établissement, afin qu'il puisse être exécuté et sortir son effet. » Ce mémoire, daté du 10 novembre d788, portait la signature du président et celle du secrétaire : aucune réponse ne semble y avoir été faite, et il n'y eut pas de nomination d'académiciens avant la révolution brabançonne. Le nombre des postulants s'était encore augmenté de Vanden Sande; mais cette candidature, présentée en dehors des délais fixés par le règlement, devait subir un ajournement. Restaient MM. Duval et Lesbroussart, M, Verhoeven s'étant retiré. « Vous verrez par la lettre ci-joinle, » écrivait le 25 août le marquis du Chasteler à l'abbé Mann, « qu'effectivement M. Verhoeven ne continue plus ses sollicitations pour entrer à l'Académie, ainsi c'est un candidat de moins, et je n'en connais aucun autre qui ait véritablement des titres recommandables... » Voici la lettre de Verhoeven, datée du 21 août : « Monsieur, » C'est avec la reconnaissance la plus parfaite que je remercie Votre Excellence de la considération distinguée qu'EIle m'a toujours portée, principalement au sujet de l'Académie à laquelle je ne songe plus du LIVRE I. 1788. 5iS tout, me rappelant sans cesse ce beau passage d'Horace : « Beatus ille qui » procul negotiis, etc; » il y a actuellement trente ans que j'ai travaillé sans relâche, en recueillant tout ce que j'ai pu déterrer touchant notre histoire; je m'occupe aujourd'hui à l'écrire en français. Les mémoires que j'ai fournis à l'Académie sur cet objet, me font espérer que cet ouvrage ne sera pas plus mal reçu du public que [ne] l'ont été ces avant- coureurs. C'est à l'instigation de Votre Excellence que j'ai entrepris ce travail; le poids en est fort, j'ai consulté mes forces, j'ai commencé et j'espère d'en venir à bout. » J'ai l'honneur d'être, etc. » Une nouvelle candidature fut annoncée dans la séance du 24 novembre Le secrétaire lut une longue lettre de M. Laugier, docteur en médecine à Paris, qui demandait une i)lace d'associé étranger, et faisait le dénombrement de ses découvertes en méde- cine et des ouvrages qu'il avait publiés. 11 y avait joint une Minéralogie nouvelle ou l'art de faire des eaux minérales, bro- chure de 10 pages, imprimée en 1786. La compagnie chargea l'abbé Mann de répondre à M. Laugier « que le nombre de membres étrangers étant actuellement complet, et ayant même en outre trois surnuméraires, l'Académie ne pouvait pas, quant à présent, se prêtera sa demande. » Le 27 décembre, l'abbé Mann fit parvenir au chancelier de Brabant la lettre suivante qui vient corroborer ce que, dès le 4 septembre de l'année précédente, Tabbé Marci écrivait au sujet du mauvais vouloir du conseil du gouvernement général contre l'Académie*. « Monsieur, « ... Je dois prendre la respectueuse liberté d'occuper pour quelques moments votre attention sur un autre objet qui me semble de plus de conséquence que ce qui précède. * « ... Vous savez que tout ce qui vient de l'Académie est mis de côté soit par haine, soil par jalousie, soil par un mépris affecté parce quelle dépend immédialemeul du souverain, etc., etc. » 516 LIMÎE I. — 1788. w Jusqu'à présent S. E. le ministre plénipotentiaire n'a rendu aucune réponse sur le sujet du mémoire que l'Académie lui a présenté ensuite de la séance du 10 novembre. Le but de ce mémoire était de faire lever la suspension de faire d'élection de nouveaux membres, d'en fixer le nombre et de permettre l'élablisscmcnt d'une classe de correspondants. Tout ceci ne demandait qu'une parole, qu'une petite apostille de la main de S. E. de qui seul l'Académie selon son institution devrait recevoir les ordres, et c'est ainsi que ses illustres prédécesseurs en usaient toujours. Mais à présent, à ce que Ton dit, et même à ce qu'il était assez ouver- tement insinué dans la dernière séance, tout ce qui nous regarde est renvoyé au conseil, et malheureusement pour nous à un département qui ne nous est nullement favorable et qui ne serait pas fâché de faire crouler à la fin tout rétablissement. Je parle, monsieur, sans réserve, et je vous ouvre mes plus secrètes appréhensions, ce que je n'oserais faire à tout autre. Ce ne sont pas de purs soupçons de ma part; ce que j'en dis m'est revenu en substance d'ailleurs. L'on m'avertit, qu'à moins que vous ne daignez insister fortement auprès de S. E. pour en obtenir une décision avant son départ pour Vienne, il est assez probable que nous n'en aurons jamais une favorable. Pour revenir un instant à ce chan- gement dans la direction ministérielle de ce qui regarde l'Académie, l'on peut assurer qu'il n'est d'usage nulle part ailleurs de soumettre les corps littéraires à d'autres qu'aux ministres seuls : c'est ainsi à Paris, à Milan, à Manheim, à Berlin, à Pétersbourg, qui sont toutes de fon- dation et de dotation des souverains respectifs, de même que celle de Bruxelles. » Comme vous m'avez permis, monsieur, de vous exposer ce que je crois utile à l'Académie, j'ose vous exposer dans cette seule vue, com- bien il me semble convenir de faire une élection celte année des seuls candidats qui sont en règle, savoir MM. Duval et Lesbroussart. Outre le nombre des membres regnicoles réduit à 18, la classe d'histoire surtout ne peut plus compter pour quelque travail que sur trois ou quatre de ses membres tout au plus; mais aussi en différant les élections d'année eu année on décourage et on dégoûte les aspirants, ainsi qu'il est arrivé à M. Verhoeven. D'un autre côté, si on fait une élection cette année, on a une excuse légitime pour différer celle de l'apothicaire Vanden Sande à un autre temps, parce qu'il ne s'était pas présenté en temps suivant le règlement, et ne pas faire d'élection au mois d'octobre prochain : je ne dis ceci que parce que je vois que M. Vanden Sande n'est pas agréable à LIVRL I — 1788. 517 la compagnie en général, et que d'ailleurs on a lieu d'appréhender qu'un ou deux de la compagnie qui ont de fortes liaisons avec lui, ne trouvent le moyen de le faire entrer par une influence étrangère. Il passe lui- même pour une tète chaude et pour un intrigant du premier ordre, et nous avons déjà autant de brouillons qu'il nous en faut. » Je vous prie de nouveau, monsieur, d'excuser ma franchise à vous exposer mes soupçons et mes craintes : en le faisant ainsi avec une entière soumission à votre meilleur jugement d'en faire usage ou de les négliger comme vous trouverez convenable, je ne crains pas de me com- promettre. J'ose assurer qu'aucun motif personnel n'y est mêlé, et que je ne vise qu'au seul bien-être de l'établissement dont vous êtes le chef et le soutien, établissement qui croulera infailliblement sans votre puis- sant appui, que je vous prie instamment de ne pas en retirer dans ces moments dilïiciles... « J'ai l'honneur d'être, etc. » Le département dont il est question dans la lettre que nous venons de transcrire, et auquel l'Académie ressortissait, avait pour chef le conseiller Lcclerc. L'Académie rentrait spécialement dans les attributions de la commission ecclésiastique, annexée à ce département et composée de M. Leclerc, du prévôt Du Fours et du baron de Fellz. Déjà par un volum du I 1 octobre 1788, cette commission avait émis l'avis qu'il était plus que temps de mettre fin au travail des Bollandistes, s'étonnant que, lors de l'abolition de l'ordre des jésuites, on eut pu intéresser le gouvernement dans un fatras comme celui des Acta Sanctorum. On conçoit sans peine qu'un pareil avis eût suscité les alarmes de l'abbé Mann. Habitué de son côté à traiter toutes les affaires de l'Académie avec le ministre, le chancelier n'avait pas dû voir de bon œil la prépondérance du conseil. Le changement qu'on avait voulu introduire dans la vérification des conjptes n'était pas de nature à les tranquilliser. Voici ce qui s'était passé à ce sujet. On se rappellera que le 19 novembre 1787, l'Académie avait élu au scrutin trois candidats pour la place de trésori'^''^ vacante 518 LIVRE I. — nss. par la mort du comte de Fraula. Ces candidats étaient M VI. Gérard, Chevalier et de Laiinay. Rapport en fut fait par le conseil dn gouvernement au ministre, en lui laissant le choix, et celui-ci nomma le 29 novembre l'abbé Chevalier; mais l'Académie n'en fut informée que le 10 mars 1788. La veille, le vice-président du conseil, H. Crumpipen, avait écrit à son frère le chancelier de Brabant : « Ce n'est que dans ce moment que l'on a retrouvé l'expédition pour la nomination d'un trésorier de l'Académie. Jai cru devoir l'accompagner de ce billet, pour que vous ne soyez pas surpris de la date, la pièce ayant été égarée et mêlée avec d'autres papiers. » Le il avril, le chancelier adressait la note suivante au ministre plénipotentiaire*. « Je dois avoir Thoniieur, en qualité de président de rAcadémie impériale et royale des sciences et belles-lettres, d'informer Son Excel- lence le ministre plénipotentiaire que Tabbé Chevalier, récemment nommé par Elle à la place vacante de trésorier de TAcadéinie, vient de présenter à celle-ci la requête ci-jointe, pour être excusé de Tae- cepter. » Les motifs de sa demande sont, qu'il est né étranger, sans posséder des biens-fonds dans ce pays; d'ailleurs logé dans un quartier garni, où il lui serait difficile de placer la caisse, avec une sûreté et une aisance convenables. » Au vrai, ces motifs sont plausibles, et ils ont paru tels à l'Académie : il est une autre raison encore que l'abbé Chevalier ne dit pas, mais qui certainement a plus déterminé, que toute autre chose, le parti qu'il a pris; c'est l'obligation que l'on semble imposer au trésorier de rendre compte de son administration à la chambre des comptes de S. M. Cette circonstance donne une répugnance extrême pour la place, parce que d'après la rigueur des édits, relativement à ceux qui manient les deniers du souverain ou du public, et les formalités infinies auxquelles on assujettit, à ce que l'on prétend, les comptables, on craint de se charger d'un pareil département, qui entraîne une responsabilité dangereuse, et expose souvent à des difficultés, toujours à de grands embarras, sans * Archiv. du roy. de Belg. Secrélairerie d'État et de guerre : Aciidémies. LIVIIE I. — 1788 519 aucun profit d'ailleurs pour le trésorier, qui ne jouit d'aucun émolument en cette qualité. >> Dans cet état de choses, l'Académie ayant considéré la nécessité urgente et pressée qu'il y avait de retirer des héritiers du défunt tréso- rier, comte de Fraula, la somme de onze mille cinquante-six florins, six sols, onze deniers, d ni ceux-ci sont restés reliquataires par leur compte final, arrêté à la chambre le d 1 janvier dernier, a cru devoir prendre, dans sa séance du 17 du mois passé, la résolution d'autoriser provision - nellement 31. l'abbé Mann à recevoir desdits héritiers le solde de leur compte, ainsi que les actes, papiers et autres elîets appartenant à la trésorerie, et à leur donner sur celte remise, au nom de l'Académie, «luittancc absolue et décharge com])lèle. » Cela a été effectué; et les affaires pécuniaires de l'Académie qui, depuis le mois d'octobre dernier, époque de la mort du comte de Fraula, se trouvaient dans une stagnation absolue, commencent à s'arranger. Mais pour les mettre complètement en règle, il faut encore que S, E. ait la bonté de faire passer une ordonnance à la chambre des comptes, à l'effet que la dotation annuelle de la compagnie, qui consiste dans une somme de i 200 fl. courant de Brabanl, et qui est échue de|)uis le !<"" novembre 1787, soit comptée à M. l'abbé Mann, et sous sa quittance, comme préposé provisionnellemcnt à la caisse académique. » Quant au choix d'un nouveau trésorier, je pense qu'aucun acadé- micien ne sera disposé [à] l'accepter, aussi longtemps que l'ancien usage adopte et suivi depuis l'institution de l'Académie pour le coulement de ses comptes, ne sera pas rétabli. . Selon cet usage le trésorier les rendait annuellement au ministre plé- nipotentiaire de S. M. comme protecteur de l'Académie, à l'intervention du président et de deux membres du corps. Le protecteur désignait un conseiller de l'ancien conseil des finances (ce fut toujours M. de Limpens, le cadet, aujourd'hui conseiller du conseil royal du gouvernement) pour examiner, ouïr et clore, en son nom et de sa part, les comptes de cet officier, et aucun autre conseil, ni département, ne s'en mêlait. >» Je ne vois pas qu'il y ait, ou qu'il puisse y avoir une raison quel- conque d'innover à ce pied qu'on a suivi depuis quinze ans, et qui ne paraît susceptible de nul inconvénient. >^ Il est, sans doute, dans l'ordre d'une bonne comptabilité que la dotation de l'Académie se paye sur une autorisation du gouvernement, adressée h la chambre des comptes, et sur une ordonnance de cette 520 LIVRE I — 1788. chambre rendue dans les formes prescrites par le souverain ; mais dès que la somme a été reçue par le trésorier, ou par celui qui en fait les fonctions, l'emploi de l'argent ne la regarde plus; c'est l'Académie, ou, pour mieux dire, son illustre chef seul qui a droit de faire vérifier si la recette a été fidèlement renseignée; et surtout si la dépense a été faite d'après les règles prescrites. » Je ne puis donc que prier très instamment S. E. de vouloir bien faire revivre cette forme-là, et le déclarer ainsi. » En attendant je demeure volontiers caution pour la caisse acadé- mique, actuellement déposée chez M. l'abbé Mann. Je connais la régula- rité de ce savant et honnête ecclésiastique, et je suis convaincu de l'attention qu'il aura de ne point disposer d'un seul denier, sauf pour les objets de dépense ordinaires et déterminés, sans une autorisation particulière et par écrit de moi, ce qui d'ailleurs a constamment été observé jusqu'.ci... » La chambre des comptes n'existait plus que nominalement; il avait fallu la conserver parce qu'elle était mentionnée dans la Joyeuse entrée, avec prescription de la tenir ainsi qu'elle l'avait été jusqu'alors. De fait elle était devenue un département du conseil royal, confié à M. de Locher, directeur et chef de ladite chambre. Le 20 janvier 1788, le ministre plénipotentiaire avait informé le président de l'Académie que la chambre des comptes avait coulé les comptes du défunt trésorier pour les années 1785, 86 et 87, d'après celui de 1784, coulé précédemment par le commis- saire du gouvernement, et qu'il avait été trouvé convenir de faire déposer des copies des comptes de ces quatre années à l'Académie pour la direction de son nouveau trésorier. Ce coulement par la chambre avait été précédé de la corres- pondance que nous allons résumer'. Le 19 novembre 1787, le ministre plénipotentiaire recevait une représentation de l'Académie, tendante à la nomination d'un com- missaire du gouvernement pour ouïr et clore les comptes des héritiers de Fraula, selon Tusage établi. * Archiv. du roy. de Beig. Conseil du gouvernement général des Pays-Bas : carton n" 51. LIVRE I. — 1788. 521 Le 24 novembre, cette représentaton était remise par le eon- seil du gouvernement général à la chambre des comptes, et celle-ci lui adressait le I" décembre son rapport signé par Locher. « Comme d'après les nouvelles instructions, •> disait-elle, « tout compte doit être coulé à la chambre par un de ses membres et revu par le conseiller du département respectif, ainsi que par le directeur, le conseil pourrait informer l'Académie que les héritiers du comte de Fraula n'ont qu'à y présenter le compte du défunt avec toutes les pièces justifi- catives y afférentes, et une liste en double de ces pièces, dont un exemplaire sera délivré aux intéressés, après qu'on en aura constaté l'exactitude, muni du vidit du directeur cl de la signature de l'employé qui effectuera cette vérification. Nous croyons devoir ajouter que la même pratique s'observe à Vienne. « Dans sa séance du 17 décembre, la commission ecclésiastique adhérait à la proposition de la chambre, et le même jour le ministre plénipotcnliairc prenait une résolution conforme, en stipulant qu'à l'avenir les trésoriers de l'Académie seraient tenus de suivre la marche indiquée. Par suite des instances de J. Crumpipen, l'autorisation de procéder direclement au coulement des comptes, sans passer par la chambre, fut accordée de nouveau au président et aux com- missaires de l'Académie nommés à cet effet, par une lettre du ministre plénipotentiaire en date du 11 juin 1788, adressée au chancelier de Brabant. La lettre du ministre avait été préparée par la commission ecclésiaslique dans sa séance du 7 juin, après avoir entendu l'avis de la chambre des comptes < ; elle était conçue en ces termes : « Monsieur, » Ayant communiqué à la chambre des comptes l'extrait du proto- cole de l'Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres * Archiv. du roy. de Beig Conseil du gouvernemenl général : carton n'ôes. S22 LIVRE 1. — 1788. du i9 novembre 1787, dans lequel elle fait des instances pour qu'à l'avenir le trésorier puisse rendre ses comptes au président et aux commissaires nommes à cet effet par l'Académie, sans l'intervention d'un commissaire du gouvernement, il résulte de la réponse qui a été donnée à ce sujet que le trésorier de l'Académie pourra à l'avenir rendre ses comptes à vous en qualité de président et aux commissaires nommés à cet effet sur le pied que l'Académie le demande, mais qu'il convient cependant d'observer à l'égard des formes de la comptabilité de tenir un journal de toutes les receltes et dépenses, ainsi qu'il s'est pratiqué jusqu'à présent, munies dos assignations signées par le protecteur ou le prési- dent et les quittances usitées des personnes entre les mains desquelles les payements ont été faits d'après les susdites assignations. » CHAPITRE XLVII. Les comptes rendus par les héritiers de Fraula de la gestioQ par le défunt des deniers de l'Académie, du i^r novembre 1784 au 16 octobre 1787, — La lettre adressée par l'abbé Mann au comte de Fraula le 4 septembre 1787. — L'Académie est consultée par le conseil du gouvernement général, ou directement par les auteurs, sur diffé- rents procédés, inventions, etc. Les comptes des héritiers de Fraula sont au nombre de trois : l'en-léte porte qu'ils ont été rendus par-devant messire de Loeher, directeur en chef de la chambre des comptes de S. M. l'empe- reur et roi. A la suite du troisième compte, on lit : « Ouï, examiné et clos à la chambre des comptes de S. M. l'empereur et roi par l'auditeur de ladite chambre, Charlier, le 10 janvier 1788. » Le premier et le deuxième avaient été ouïs, examinés et clos respectivement les 7 et 8 janvier. Le premier compte comprend l'intervalle écoulé entre le l'' no- vembre 1784 et le 31 octobre 1785. LIVRE 1. — 1788. 523 II accuse une recette de fl. 1 869-6-0, à savoir : FL. s. D. Clôlure du compte précédent 1 510 G 0 Une année d'intérêt, échue le l*''" décembre 1784, des 10 000 fl. placés chez Crumpipen 350 0 0 Pour mémoire. Viwg, obligation de 10 000 fl. La dépense s'élève à la somme de fl. 5 C85-16-9, et se décom- pose comme il suit : FL. s. D. a). Traitements des emp'oyés subalternes 363 0 0 [Gratification au concierge de la Bibliothèque, fl. 31-JO-O; Engels, fl. 500; J. A. Hellin (écritures faites pour le trésorier), fl. 51-10-0.] h). Nécessités de bureau 96 8 0 [Ports de lettres et afi'ranchissements, fl. 20-1 i-Oj papier, plumes, encre, etc., fl. 47-1-0; bois de chauffage, fl. 21-0-0; port de trois volumes venant de Londres, fl. 7-13 0.] c) Pensions des membres de l'Académie 2 400 0 0 [Gérard et Burtin chacun 500 fl.; Des Roches et Du Rondeau, chacun 400 fl.; de Hesdin et De Beunie, chacun 500 fl.] d) Rachat de 262 jetons à fl. 2-0-9 l'un 533 16 3 e) Transport des Cabinets à l'abbaye de Gaudenberg. 12 12 6 f) Gratification à Van Bochaule. 280 0 0 il y a un déficit de fl. \ 816-10-9. Le deuxième compte s'étend du 1" novembre 1785 au 31 oc- tobre 4786. La recette a été de fl. 4 573, à savoir : KL. s. D. Année de dotation échue le 31 octobre 1784. . . . 4 200 0 0 Une année d'intérêt, échue le 1" décembre 1785, des 10 000 fl. placés chez Crumpipen 350 0 0 Vente de 40 exemplaires du mémoire de M. Smet, à 3 plaquettes 1 sol pour la brochure 23 0 0 524 LIVRE I. 1788. D'où il faut déduire le déficit de l'année précédente, ce qui réduit la recette à fl. 2 756-9-5. La dépense s'élève à fl. 3 164-7-2, et se décompose comme il suit : FL. S. D. a) Traitement des employés subalternes 331 10 0 [Gratification au concierge de la Bibliothèque , fl. 31-10-0; Engels, fl. 300.] b) Nécessités de bureau 82 16 8 [Ports de lettres et aff'ranchissements, fl. 18-0-0; papier, plumes, encre, etc., fl. 33-1-0 ; port de livres envoyés par le bureau des longitudes, fl. 14-6-8; bougies et huile, fl. 15-9-0.] c) Dépenses pour la Bibliothèque publique .... 197 9 0 [Achat de livres, fl. 98-0-0; reliure, fl. 58-2-0; dépenses diverses, fl. 41-7-0.] d) Pensions des membres de l'Académie 1 900 0 0 [Gérard, 500 fl.; Des Roches et Du Rondeau, cha- ^ cun 400 fl.; de Hesdin et De Beunie, chacun 300 fl.] ^ e) Rachat de 201 jetons à fl. 2-0-9 l'un 409 11 0 f) Cabinets de TAcadémie 203 4 6 [Délogement en juin 1786, fl. 25-17-6; entretien pendant 17 mois, fl. 25-11-6; observations météoro- logiques pendant 15 mois, fl. 39-8-6; premiers frais pour loger les Cabinets, fl. 40-4-6; payé à Gubens pour instruments de physique, fl. 68-9-0 ; gaze blanche, fl. 3-13-6. ] g) Perte sur la médaille Carondelet 3 13 0 h) Programmes et mémoires académiques 56 3 0 [200 programmes, fl. 3-3-0; 80 exemplaires du mémoire de M. Smet, fl. 28-0-0; brochage desdits exemplaires, fl. 5-0-0.] Il y a un déficit de fl. 407-17-11. Il est toujours dû par les rendants l'obligation de lOOOOfl, acceptée en rente 5 '/* **/« P^'' '^ président de l'Académie. Le troisième compte va du 1" novembre 1786 au 16 octobrç. 1787. I LI\ RE I. 1788. 525 II accuse une recette de fl. i 550, à savoir : m-- FL. s. D. Année de dotation échue le 31 octobre 1786. . . . 4 200 0 0 Une année d'intérêt, échue le i"' décembre 1786, des 10 000 fl. placés chez Crumpipen 350 0 0 D'où il faut déduire le déficit de l'année précédente, ce qui réduit la recette à fl. 4 142-2-1. La dépense a été de fl. 5 085-15-2, et se décompose comme il suit : FL. S. D. a) Traitements des employés subalternes 164 0 0 [Engels, six mois échus le 50 avril 1787, fl. 150j Heris, mois de mai, fl. 14.] bj Nécessités de bureau 95 18 5 [Ports de lettres et paquets, et affranchissements, il. 50-7-5; papier, plumes, encre, etc., fl. 55-7-0 j bougies et huile, fl. 1 5-5-0 ; pupitre, caisse fl. 1 J -1 8-0 j transport de la secrétairerie chez Tabbé Mann, fl.. 5-5-0.] c) Pension des membres de l'Académie 2 150 0 0 [Des Roches, 6 mois, Gérard, de Hesdin et Du Rondeau, chacun 9 mois; De Beunie, 12 mois; Bur- tin, 18 mois.] d) Rachat de 242 jetons à fl. 2-0-9 Tun 490 4 3 e) Cabinets, etc 67 5 6 [Cabinets et leur délogement en 1787, fl. 51-18-6, y compris probablement la rétribution d'une demi- pistole par mois (5 fl. 5 s.) payée par Mann à son domestique, soit fl. 15-15-0 pour le trimestre échu le 51 août; observations météorologiques, fl. 8-12-6; délogement des meubles et transport des médailles, fl. 6-14-6.] f) Service funèbre de Des Roches 47 0 0 [Payé à la supérieure du petit béguinage, 26 fl. ; au sieur Delhaye pour la musique, 21 fl.] ^) Avance de 56 jetons à fl. 2-0-9 l'un 75 7 0 526 LIVRE I. 1788. Il y a un excédant de recette de fl. l 056-0- 1 1, auquel il faut ajouter l'obligation de iOOOO fl. acceptée en renie 3 ^2 °/o par le président de l'Académie. De sorte que les rendants sont redeva- bles d'une somme totale de fl. 1 1 056-6-1 1. Nous ferons quelques observations sur les comptes dont nous venons de présenter l'analyse. La première se rapporte à la Bibliothèque royale. On lisait dans le protocole de la séance du 5 mars 1787 : « Messieurs des finances de S. M. ayant voulu que les frais du service de la Biblio- thèque royale fussent payés à l'avenir des fonds de l'Académie, M. le trésorier, comte de Fraula, fut autorisé de payer lesdits frais jusqu'à la fin d'octobre 4786. » Au compte de 1785-4 786 figure une somme de fl. 68-9-0 pour fourniture d'instruments de physique par Gubens. L'auditeur Charlier a écrit en marge : « Par autorisation et quittance se passe attendu la nécessité de ces instruments certifiée par M.labbé Mann, paraissant que cette dépense n'est pas comprise dans l'apos- tille couchée au compte de 1785-1784 ..., par laquelle il a été fait mémoire de stater dorénavant les achats pour le Cabinet de phy- sique. » Les frais de bureau avaient été payés à Des Roches jusqu'au 30 avril inclusivement: ils figurent au troisième compte des héri- tiers de Fraula. Le même compte comprend les frais de bureau du 1" au 29 mai d'après la note de l'employé Engels, et ceux de la secrétairerie pendant l'absence de Des Roches, d'après la note de l'abbé Mann. Enfin on y trouve les déboursés du nouveau secrétaire perpétuel pour le trimestre échu à la fin du mois d'août : dans la lettre d'envoi au comte de Fraula, datée du 4 septembre 4 787, l'abbé Mann donne quelques explications: l'employé Engels qui recevait 300 fl. par an, s'est démis de sa place en faveur du sieur Heris dont le salaire mensuel n'est que de 44 florins; une demi-pistole par mois a été portée en compte pour le domestique du secrétaire, « en considération de l'augmentation de son travail, de ses peines, de l'usage de ses souliers et habits, en faisant les commissions du secrétariat de 'Académie, c.-à-d. pour porter des lettres, des paquets, des mes- LIVRE I. 1788. 527 sages, et pour ses soins à l'égard de l'entretien des Cabinets de l'Académie. » — « L'on a eu la dureté de me dire à cet égard, écrit l'abbé Mann, que l'Académie paie trois pisloles par an au con- cierge, et que si l'on passe quelque chose à mon domestique pour cet objet, il faut en priver l'autre, sans faire attention aux soins qu'il donne pour les séances de l'Académie, ni à la grande famille dont il est chargé; mais je proteste contre une pareille inhu- manité... » Le 17 mars 1788, après qu'il eut été décidé de charger l'abbé Mann de la caisse, le président avait dressé, séance tenante, un acte pour autoriser ledit abbé de finir les affaires au nom de l'Académie avec les héritiers du feu trésorier, en retirant de leurs mains les fl. 11056-6-11 dont ils étaient reliquataires et désiraient être déchargés, et leur en donner décharge complète, ainsi que de tous papiers, actes et effets. L'Académie continuait à élre consultée sur différents objets relatifs aux sciences ou à l'industrie, tantôt directement, tantôt par l'intermédiaire du gouvernement. 11 se passa à ce sujet un fait qui montre combien la compagnie craignait de déplaire au nouveau conseil royal. Après la mort du comte de Fraula, on avait trouvé parmi ses papiers une dépêche dont l'ouverture eut lieu dans la séance du 50 octobre. Par cette dépêche, datée du 11 août précédent, le gouvernement deman- dait l'avis de l'Académie sur un mémoire du sieur Bochet touchant des minéraux trouvés dans la province de Namur et renfermés dans deux paquets. « Comme ce doit avoir été par un oubli de la part du feu trésorier, » porte le protocole de la séance, « que cette dépèche, avec les deux paquets de minéraux qui l'accompagnent, n'ont pas été rendus à l'Aca- démie depuis longtemps pour en faire l'examen requis, le secrétaire fut chargé de remettre à M. Gérard, au bureau des exhibés, une note en forme d'extrait de protocole, pour porter à la connaissance du gouver- nement que ce délai a élé involontaire de la part de la compagnie, qui ignorait Texistcnce de cette dépêche jusqu'au moment de la séance de ce jour, et que pour prouver son empressement à concourir à ses vues, 528 LIVRE 1. 1788. elle avait nommé à l'instant même des commissaires pour procéder incessamment à l'examen chimique et à rendre leur avis sur la nature de ces mines, dès que les héritiers du feu trésorier veulent les remettre à TAcadémie comme ils en ont déjà été requis. » Le rapport des commissaires, MM. Vounck, Du Rondeau et Van Bochaute, fut fait dans la séance du 3 décembre, et déposé le 6 au bureau des exhibes : nous ignorons quel en était le contenu. Par une dépêche du 23 décembre, le gouvernement général avait communiqué la copie d'une requête du sieur De Geneffe, apothicaire à Hannut, qui sollicitait difTérentes faveurs et fran- chises pour un rob ou marmelade de pommes, de sa confection, des- tiné à être vendu au public. Plusieurs livres de ce rob avaient été envoyées parle receveur principal des droits de S. M. à Bruxelles. MM. Caels et Du Rondeau, chargés de l'examiner, exprimèrent l'avis que l'auteur était digne à tous égards des faveurs et de la protection qu'il implorait : « [Son] projet, disaient-ils, ne se born€ pas à nous procurer uniquement de nouveaux enclos et vergers, mais une ressource contre la disette ou la cherté du beurre, du fromage, etc.; [il nous procure] de plus un objet de salubrité, et un nouveau motif d'industrie, enfin une branche d'exporta- tion... » Ce rapport fut déposé au bureau des exhibés, le 11 jan- vier 1788. Dans sa séance du 25 février, l'Académie reçut communication de deux nouvelles dépêches concernant: l'une un projet du sieur D'Avaine, habitant d'Alost, pour rendre les voitures d'une marche plus légère, et en engraisser continuellement les essieux sans être obligé de s'arrêter; l'autre une requête du sieur Baudour de Pommereuil, au sujet de différentes machines qu'il prétendait avoir inventées. Baudour n'ayant présenté aucune de ses machiiies à l'Académie, malgré l'invitation qu'il en reçut du conseil royal, il ne pouvait pas y avoir lieu de faire un rapport. Quant à D'Avaine, le rapport sur son invention fut lu dans la séance même du 25 février. Le 21, les commissaires nommés par LIVRE I. — 1788. 5:29 îe président, MM. de Nieuport, Chevalier et Mann, avaient pro- cédé à l'examen d'une voiture de la nouvelle construction, et l'auteur leur avait dévoilé son moyen sous le sceau du secret. Le rapport, conservé aux archives, est de la main de Nieuport qui avait fait trêve à sa bouderie, mais sans reparaître aux séances de l'Académie. 11 est conçu en ces termes : « Nous soussignés, nommés commissaires pour examiner l'invention du sieur D'Avaine, tendante à faciliter le mouvement des roues de voi- ture, déclarons que le moyen proposé nous paraît très avantageux, qu'il peut s'appliquer facilement à toute voiture; qu'il est très simple, et même d'une simplicité telle que ce serait compromettre la propriété de l'inventeur, que d'entrer à cet égard dans le moindre détail. Nous nous bornerons donc h dire qu'il nous paraît que cette invention remplit ce que le sieur D'Avaine annonce dans sa requête, et que sa grande sim- plicité ne fait qu'en augmenter le mérite. » Ce rapport fut transmis au gouvernement le 27 février. — Par lettre du 3 mars, U'Avainc, au lieu d'un octroi conclusif de six ans, sollicité en premier lieu, demanda une récompense ou grati- fication d'une journée d'économie que cette découverte devait procurer au trésor royal. Il prétendait que cette économie serait au moins de vingt à vingt-cinq mille florins dans les frais et dépenses de l'armée. L'affaire fut renvoyée au commandant général par lettre du 12 mars, comme nétant pas du ressort du conseil. Dans la séance du 10 mars 1788, l'Académie fut appelée par l'abbé Lambinct à donner son avis sur un bureau chorégraphique, de l'invention du sieur Hubin, horloger de la ville de Huy; et le 7 avril, elle entendit la lecture du rapport des commissaires, MM. Chevalier, de Nieuport et Mann. « Nous avons jugé, « disaient les commissaires, « l'invention du sieur Hubin, quant au principal, très simple dans son mécanisme et d'une utilité réelle dans ses usages : 4" pour les aveugles, qui à l'aide du tact et d'un peu d'habitude, et surtout de cette adresse que le besoin suggère. Tome XXXIV. 34 550 LIVRE I. — 1788. peuvent écrire en tout temps, sans exposer leurs pensées secrètes à la connaissance de ceux qui les environnent j 2« pour tous ceux mêmes qui jouissent de la vue, ils pourront en tout temps et en tout lieu jeter sur le papier leurs idées, leurs remarques, leur calculs, et les abandonner à la curiosité publique, sans crainte d'être dévoilés... Au reste nous sommes de sentiment que cette invention est de nature à être encore beaucoup perfectionnée. » Le H juin, lo gouvernement général fit remettre à l'Académie un petit mémoire avec un échantillon de minerai trouvé près de la Buissière en Hainaut. Le président nomma commissaires MM. Du Rondeau, de Launay et l'abbc Mann, et leur rapport fut envoyé le 4 juillet. — L'analyse du minerai avait été faite par l'apothicaire Vanden Sande, dont il a déjà été parlé. CHAPITRE XLVIIL Suite des lettres de Marci à l'abbé Mann. — Un mémoire de Vanden Sande. — Le Laboratoire de chimie monté à Bruxelles par Van Bochaute. — L'établissement dans cette ville des facultés de philosophie, de droit et de médecine : composition de ces facultés. — L'orage du 13 juillet -1788 et l'hiver de 1788 à 4789. — Le con- cours de 1789 : nomination des commissaires. — La correspondance de l'Académie. — Les manuscrits de P. à Thymo. — Les plaintes de l'abbé Mann au sujet de l'inertie dans laquelle sont tombés la plupart des académiciens. — La dernière séance avant la révolution. Nous reprenons maintenant les extraits des lettres adressées par Marci à l'abbé Mann. Le 22 mai 1788, le prévôt de Saint-Pierre, chancelier de l'Uni- versité de Louvain, mais tout dévoué à Joseph II, exprime le sou- hait « que la tenue des états soit heureuse et que les brouilles qui couvent toujours sous la cendre soient une bonne fois termi- nées j) Le 15 septembre, il écrit : « ... Il faut espérer que la jeunesse des trois facultés qui sont transférées à Bruxelles sous les yeux du I LIVRE I. — 1788. 551 gouvernement aura une meilleure éducation, et qu'elle sera en état de se produire dans les honnêtes assemblées. Tout est à peu près enlevé d'ici, jusqu'aux bancs des écoles, sans que personne ait dit mot ni en bien ni en mal. » Le 12 octobre, Marci s'élonne qu'on n'ait pas encore annoncé la séance générale de l'Académie: « Est-ce que la catastrophe du Thérésien [?] a influé sur l'Académie? Y a-t-il une raison qui puisse faire transférer ce jour qui a été fixé si solennellement ? Dites-moi, je vous prie, ce qu'il en est, car à présent que je suis le seul membre qui réside à Louvain, je ne suis au fait de rien et n'entends pas la moindre chose de tout ce qui se passe à Bru- xelles. Si de temps en temps vous n'avez la bonté de m'en instruire, je serai ici comme si j'étais transporté dans les déserts de la Lybie; ayez donc cette charité à mon égard et soyez assuré qu'en échange je serai toujours avec un attachement inviolable, monsieur et très cher ami, etc. » Le i7 octobre, le prévôt promet de se rendre à la séance du 24, si son rhume le lui permet. « Je ne vous ai rien écrit de positif touchant l'amalgamation de l'Académie avec les facultés de l'Université, » ajoute-t-il, « parce que M. Thysbaert partit d'ici pour Bruxelles sans m'avoir parlé, quoiqu'il me l'eût promis; j'ignore par conséquent si lui et M. Minckelers en feront la de- mande, comme je l'ai conseillé; je crois que M. Van Bochaute pourrait s'en informer et vous communiquer leur réponse. » La dernière lettre de l'année est datée du 20 décembre et conçue en ces termes : « Vous avez bien deviné que la saison extraordinaire m'empêcherait d'aller à Bruxelles, quoique pour d'autres raisons j'aurais besoin d'y aller; mais les ordres de TEsculape qui me défendent de m'exposer à l'air froid, m'obligent de tenir fidèle compaguie à mon étuve. Depuis l'an 1772 que je suis à Louvain, je n'ai essuyé aucun hiver aussi pré- maturé ni aussi irrégulier que celui de cette année 1788, dont je crois qu'on ne trouvera pas beaucoup d'exemples dans nos provinces... La résolution de M. Van Bochaute est déplacée. Sans doute qu'il aura pré- texté la charge de donner toute la chimie, tant l'ordinaire que la phar- 532 LIVRE !. 1788. maceutiquc, et les dépenses ainsi que le temps à employer aux expériences que l'Académie pourrait exiger; sans cela il aurait agi en vrai Malinois. On débite depuis hier ici quMl a une attaque d'apoplexie que je crois un mensonge louvaniste, ainsi que les disgrâces du gouver- nement sur MM. Goessens et Thysbaert, et la retraite de la cour et du ministre, avec les ordres à quelques membres du conseil royal de se rendre à Vienne. Jugez du peuple par ces échantillons... Dites-moi, je vous prie, quelques nouvelles avérées de Bruxelles avec la même fran- chise que je vous marque les mensonges d'ici. » Voici ce que le protocole de la séance du !24 novembre nous apprend sur le refus de Van Bochaute de faire des expériences, pour l'Académie. « Dans la séance du 10 de ce mois, MM. De Beunie, Du Rondeau et Van Bochaute avaient été nommés commissaires pour examiner le mémoire de chimie [sur le moyen de décomposer le sel marin pour en obtenir l'alkali minéral, et sur un nouveau moyen de faire le sel ammo- niac] que M. Vanden Sande avait présenté à l'Académie en demandant une place d'académicien, et M. le professeur Van Bochaute s'était spé- cialement chargé de vérifier les procédés chimiques que l'auteur y allègue. Dans celle de ce jour, M. Van Bochaute s'excusa de cette der- nière tâche à cause de la multitude de ses occupations et des devoirs de sa place, à moins que M. Vanden Sande lui-même ne fût assigné pour répéter ces expériences chimiques sous ses yeux et dans son Laboratoire. Le reste de la compagnie trouvant des inconvénients à faire vérifier des expériences par celui-là même qui les alléguait pour obtenir une place de membre de l'Académie, M. Van Bochaute se chargea de nouveau de vérifier dans son Laboratoire les procédés chimiques décrits dans le mémoire de M. Vanden Sande. » Le Laboratoire dont il est parlé ci-dessus fut pillé et dévasté pendant la révolution brabançonne. Le 2i février 1791, Van Bochaute demanda que l'Académie en sollicitât le rétablissement auprès de S. M. La note suivante qu'il lut à cette occasion nous paraît devoir être reproduite dès à présent : » La dévastation du Laboratoire royal de chimie, érigé l'année 1788 et monté avec beaucoup de soins et dans le goût moderne, doit néccs- LIVRE 1, — 1788 555 sairement ajfifecter Tillustre Académie : ce Laboratoire étant destiné pour la leçon de la chimie générale pour les arts et fabriques ; S» pour la leçon de chimie médicinale pour le temps de Texistence de la faculté de médecine à Bruxelles; 5° pour Tusage de cette illustre Académie. C'est pourquoi le soussigné se propose de recourir vers Sa Majesté afin de la supplier qu'Elle daigne de rechef accorder la restauration du même Laboratoire dans son emplacement antérieur, qui y est le plus propre; priant en même temps monsieur le président et les membres de cette illustre Académie d'y vouloir intcrmédier et de l'appuyer par son appro- bation. » Dès le 47 juillet 1788, les gouverneurs généraux avaient écrit aux états de Brabant : « Sa Majesté a trouvé bon de nous ordonner de vous faire connaître de mot en mot, de sa part, ce qui suit : ... « Que mécontente de tous les » événements qui se sont succédé à Louvain, Elle a résolu de transférer « en cette ville de Bruxelles, sous les yeux du gouvernement; les facultés » de droit, de médecine et de philosophie, en laissant la faculté de théo- » logie à Louvain avec le séminaire général. « L'installation des trois facultés à Bruxelles eut lieu le \" octo- bre. Le même jour une messe du Saint-Esprit fut célébrée dans réglise de Caudenberg, en présence du ministre plénipotentiaire, des principaux fonctionnaires du gouvernement, du recteur magnifique, des professeurs et des élèves. La nouvelle Université avait pour recteur magnifique le doc- teur en médecine Van Leempoel, et pour vice-chancelier l'abbé Thysbaert. Les cours de la faculté de philosophie commencèrent le 2 octobre; ceux des facultés de droit et de médecine, le 6. Voici quelle était la composition des trois facultés : Philosophie. Directeur : Meyer. — Professeurs : Thysbaert, Hermans, Minckelers, Fery, Vanden Ghyn et Hahn. Droit. Directeur : Vander Heyden. — Professeurs : Goessens, Le Plat, Van Cutsem et Lambrechts. Médecne. Directeur : Melli. — Professeurs : Van Leempoel, 534 LIVRE I. — 1788. Jacquelart, Van Bochaute, Smith, Mattusca, Jacobs, Brabander et Kok. Les directeurs Meyer et Vander Heyden sortaient de l'Univer- sité de Vienne, où le premier avait occupé la chaire de philoso- phie, le second celle de droit public. — Melli était premier méde- cin du grand hôpital de la même ville. L'académicien Van Bochaute avait dans ses attributions la . chimie et la botanique. La chaire d'histoire naturelle était destinée à un professeur de Vienne, nommé Moerter : le 8 octobre, Kaunitz écrivait que Moerter se mettrait en route dans une quinzaine de jours et qu'il pourrait aussi être chargé d'enseigner la botanique. Un Jardin botanique devait être établi à l'hôpital Saint-Pierre, et la Commis- sion des éludes proposait d'y employer aux gages de i 000 fl. le nommé Brettmaier qui avait fait avec le professeur Moerter le voyage de l'Amérique. On espérait obtenir de Vienne et de Pavie les plantes et semences nécessaires pour peupler le jardin. Le médecin Previnaire, lauréat de l'Académie, avait demandé qu'on instituât pour lui une nouvelle chaire de la police en médecine et de la médecine légale; mais cette demande ne fut pas agréée par le prince chancelier, du moins pour le moment. Van Rossum, Vounck et Michaux avaient été privés de leurs emplois par un décret du 25 février 1788. Van Bochaute donnait provisoirement le cours de botanique, en remplacement de Michaux; les deux cours de Vounck étaient confiés, l'analomie à Brabander, la chirurgie à Jacobs. Les facultés avaient été établies dans les locaux du collège Thé- résien; et les ennemis du gouvernement avaient, à l'avance, répandu le bruit que ce collège, dont ils évaluaient la dépense à 18 000 florins par an, allait être supprimé : c'est sans doute à ce bruit que Marci faisait allusion dans sa lettre du 12 octobre, lors- qu'il disait : « Est-ce que la catastrophe du ïhérésien a influé sur l'Académie ? » Quant à « l'amalgamation de l'Académie avec les facultés de l'Université, » dont il est question dans la lettre du 17 octobre, je n'ai rien trouvé qui s'y rapportât, sauf la note de Van Bochaute sur son Laboratoire. I LIVRE I. 1789. 535 Lorsqu'on parcourt les protocoles de l'Académie pendant les premiers mois de 1789, on n'y découvre aucune trace de l'agita- tion des esprits. Le chancelier Crumpipen préside à toutes les séances. Deux questions spéciales sont à l'ordre du jour : l'une relative à l'orage épouvantable du 13 juillet i788, l'autre au terrible hiver de i788-I78t>. A la demande de l'Académie des sciences de Paris, Tabbé Mann s était chargé de recueillir toutes les notices qu'il pourrait obtenir sur l'un et l'autre objet. L'orage du 13 juillet avait étendu ses ravages depuis l'Anjou et la Touraine jusque dans la Flandre où il était entré par Douai et Lille. Les pertes occasionnées par la gréle dans la châtellenie de Courlrai s'élevaient à plus d'un demi-million de florins. La châ- tellenie d'Audenarde avait moins souffert; le dommage n'y était évalué qu'à cinq mille florins : les paroisses contiguës à la châ- tellenie de Courtrai avaient été seules éprouvées; la ville d'Au- denarde en avait été quitte pour une très grande obscurité, des bouffées de vent et une pluie extraordinaire; de même Tournai, Menin et Ypres. A Bruxelles et à Louvain, l'orage s'était borné à un violent ouragan, sans tonnerre, ni gréle, ni pluie. Dans le pays de Liège, on ne l'avait pas ressenti du tout. L'abbé Mann présenta dans la séance du 20 avril 1789 un résumé des notices qu'il avait pu rassembler au sujet de ce fameux orage, quant aux effets produits dans les Pays-Bas autrichiens et dans les Provinces-Unies. Dans la même séance, il acheva là lecture d'un grand mémoire intitulé : « Mémoire sur les gelées extraordinaires, dont il est fait mention dans l'histoire, depuis les temps les plus reculés jusques et y compris celle de 1788 à 1789; suivi de considéra- tions physiques sur les grandes gelées. » A la séance générale du 12 mai, la dernière avant les vacances, seize membres étaient présents, outre le chancelier : c'étaient le marquis du Chasteler, MM. Gérard, de Hesdin, l'abbé Chevalier, Pigott, l'abbé Marci, Du Rondeau, De Deunie, l'abbé de Witry, l'abbé Mann, de Launay, le doyen Heylen, l'abbé Ghesquiere, 536 LIVRE I. — 1789. Van Bochaule, Burtin et de Berg. — Étaient absents : Vounck, le chevalier de Nieuport, Caels et l'évéque d'Anvers; ce dernier était venu pour la dernière fois à l'Académie le 4 juin 1788, ei n'y reparut qu'en 1793. Le marquis du Chasteler fut réélu directeur à la pluralité des suffrages. On nomma ensuite des commissaires pour le concours: MM. Marci, Mann et Van Bochaute pour la question des hanne- tons; MM. de Hesdin, le marquis du Chasteler et Gérard pour la question sur Charles de France, duc de Lolliier. — Quatre mémoires dont trois français et un allemand avaient été remis en réponse à la question d'histoire. Quant à la question des hanne- tons, il était arrivé 12 mémoires avant le 12 mai; un treizième fut remis le 25 septembre: de ces 15 mémoires, il y en avait 5 français, 5 flamands, 2 allemands et 5 latins; à quoi il fallait joindre les 10 mémoires reçus en 1787*. « A la fin de la séance, M. le président recommanda, dans les termes les plus expressifs, le travail académique d'une manière plus exacte que par le passé à tous les membres, et plus spécialement à ceux qui ont des pensions, conformément aux obligations qu'ils ont contractées en les obtenant. » La correspondance de l'Académie, depuis le commencement de l'année 1789 jusqu'à la fin des vacances, renferme quelques lettres- dignes d'attention. Le 1 1 janvier, de Witry adresse à l'abbé Mann un petit imprimé de 4 pages, intitulé : « Courtes réflexions morales sur le froid de 1788. — A l'occasion d'un phénomène qui a paru dans le ciel, le 30 décembre de cette même année. » En voici le contenu : « Quoique depuis plusieurs semaines le froid le plus mémorable achève de mettre le comble aux divers maux qui afïligent presque l'Europe entière, le luxe le plus effréné, le plus révoltant, dans les * L'abbé Mann ayant demandé à être déchargé des fonctions de commis- saire, parce que, disail-il, la majeure partie des mémoires se trouvaient écrits dans des langues (le flamand el l'allemand) qu'il ne connaissait pas sufTisara- ment, fui remplacé le 5 juillet par Du Rondeau. LIVKE I. 1-89. 537 parures mondaines des deux sexes ne cessait de s'afïicher jusque dans les temples, pendant les cérémonies les plus augustes de la religion; ce fut en ce temps qu'il apparut dans le ciel un signe éclatant, qui sem- blait annoncer le fruit des déclamations pathétiques contre cet abus si dégradant pour Thumanité. Le 50 du mois de décembre 1788, vers dix heures du matin, une multitude de personnes assemblées vit dans le ciel une large bande, dont le fond singulièrement bariolé et liséré de noir, s'élevait de la pointe d'un clocher; quelques-uns d'entre les plus pieux spectateurs crurent voir dans ce phénomène toutes les parures outrées du jour, qui enlaidissent et dénaturent si fort les physionomies, les boisseaux de gaze ou autres étoffes, les monstrueux chapeaux cmplu- mes, les larges plateaux, et les pyramides entourées de fleurs, qui sur- chargent les têtes féminines, les énormes manchons, les grandes plaques de métal qui recouvrent les souliers ronds ou pointus ; ces spectateurs enfin crurent voir tous ces accoutrements théâtrals s'exhaler, sous la forme de vapeurs, hors de ce temple, de manière à être à jamais purgé de ce qui en blessait la décence; que de vœux à faire pour que ce qui n'est qu'un emblème devienne une réalité, et pour que l'extrême rigueur de la saison, qui a produit ce phénomène observé dans le ciel, rende les cœurs froids sur l'ineptie des modes exagérées, et les pénètre vivement, qu'en ce moment de calamité publique, la valeur de ce qui se trouve de superflu, de démesuré * dans les parures modernes, servirait à arrêter le dernier souflle de vie d'une foule d'individus, que consume le besoin le plus pressant : combien alors les grandes glaces destinées aux toilettes, à répéter l'extravagance des modes, se multiplieraient délicieusement chez les cœurs doués de la plus simple humanité, en leur faisant trouver autant de miroirs, toujours renaissants dans les yeux des êtres auxquels, par des secours charitables, on a rendu une vie prête à s'exhaler; c'est alors que ces mêmes cœurs doués d'une sensibilité religieuse, en abjurant * « Démesuré. Le cœur saigne en voyant dans ces douloureux moments, que le prix de ce qu'il y a de gigantesque en parures, dans un seul individu, servirait à couvrir la nudité d'un grand nombre d'indigents, et à les alimenter. Mais que deviendront, s'écrira-t-on, les élégantes créatrices de modes, ces oracles de toilettes, si celte réforme avait lieu ? Comme ce n'est que l'excès et l'exagération des modes que l'on cherche à proscrire, ces savantes artistes ne seraient pas sans occupalion, et elles mériteraient plus d'éloges en faisant des parures décentes qui n'effraient pas les spectateurs, qu'en créant celles pro- pres à faire reculer un cheval ombrageux. » 538 LIVRE I. 1789 tout ce qui profane la sainteté des temples, s'occuperont dorénavant à fléchir le courroux céleste qu'ils pourraient y avoir excité par l'étalage fastueux des parures d'un luxe outré ! Daigne la bonté suprême agréer ces expiations, et faire renaître ces jours sereins auxquels, depuis si long- temps, a succédé la foule des maux, qui, plus que jamais, accablent l'espèce humaine. » « Dieu, écrit le chanoine de Tournai, a daigné bénir ce petit ouvrage en écartant de noire église ces mascarades qui venaient la profaner. » Le même jour, l'évéque d'Anvers répond à une lettre du secré- taire perpétuel : « Monsieur, l'Académie, en corps, a daigné m'accorder les manuscrits dont vous me faites l'honneur de me parler [MSS. de Pierre à Thymo], pour les préparer et arranger, pour une édition à faire de nos principaux historiens. Je n'ai pas cessé de m'en occuper, non-seulement avant que je fusse évêque d'Anvers, mais même depuis, et je m'en suis occupé même dans l'endroit où il y a trois mois que je suis malade d'une maladie de poitrine. J'en ai une partie ici, à Hoeven ; l'autre est sous la clé à Anvers. — Il m'est donc impossible de remettre à présent un ouvrage dont j'ai aussi continuellement besoin, et pour lequel j'ai fait trop de frais pour l'abandonner. Au reste, quand je serai à Anvers, si notre confrère qui aurait envie, dites-vous, de voir cet ouvrage, mais qui n'en est pas nommé l'éditeur (et que je vous supplie de vouloir bien me nommer, pour que je puisse m'entendre avec lui), désire, dès à présent, \ep?'emier volume, j'aurai l'honneur de le lui envoyer. — Je vous prie, monsieur, d'agréer mes remercîments sincères pour les souhaits de l'amitié que vous daignez m'adresser; je vous prie de recevoir en échange tous les miens, et surtout pour une meilleure santé que n'est actuellement la mienne. C'est un des plus grands biens de la vie présente que la santé; au reste tous les biens présents, mis ensemble, sont peu de chose sans doute vis-à-vis de ceux à venir. • Le 1" avril, l'abbé Marci écrit : «... Les religieux de l'abbaye du Parc ont quitté hier leur demeure et sont entrés en ville pour se loger où ils ont pu; ils auront 450 fl. de LIVRE I. 1789. 559 pension et leur pleine liberté selon leur désir; Tabbé, le prieur et le pro- viseur sont retenus à Tabbaye sans doute pour désigner tous les biens et revenus; cette suppression servira d'exemple aux rénitents. Le cardi- nal paraît ne vouloir répondre aux ordres du souverain sur le point de la doctrine, tant pis pour lui. » L'abbaye du Parc avait ëlé supprimée le 24 mars, pour avoir contrevenu à un ordre du 23 février précédent, enjoignant au supérieur de l'abbaye de faire conduire au séminaire général de Louvain tous les religieux de sa maison qui n'avaient pas achevé leurs cours de théologie. Le 29 avril, l'abbé 3Lann, répondant à une lettre du 10 mars de l'abbé de Witry, s'excuse de ce relard sur le désir qu'il avait de l'informer en même temps du jour de la séance générale de mai. « Personne, dit-il, n'est plus sincèrement affecté que moi de l'inertie où sont tombés la plupart des membres de l'Académie, et personne n'en soulîVe davantage, parce que je dois remplir seul le vide laissé par les autres, c'est-à-dire que pendant tout cet hiver, j'ai dû fournir seul de la lecture pour toutes les séances, et je n'en ai laissé aucune de vide. Outre cela, j'entretiens une correspondance suivie avec les Académies de Lon- dres, de Paris, de Milan, de Manheim, de Liège, de Zélande, de Rotter- dam et d'Amsterdam, sans compter celle que je liens avec les membres de l'Académie et d'autres gens de lettres ; aussi il me reste ensuite peu de moments dont je puis disposer. Outre cela, je puis prouver que je mets encore deux et trois cents florins annuellement de mon argent pour le logement et l'entretien des Cabinets et les frais extraordinaires du bureau du secrétaire. Voilà, monsieur, ce que je fais de bon cœur pour l'Académie, et si je puis par là ranimer peu à peu l'énergie et le zèle de mes confrères, et soutenir ce corps chancelant jusqu'à ce que l'orage soit passé, je me croirai richement récompensé de mes peines et de mes frais. Les bonnes et solides connaissances, 4es vraies lumières s'étei- gnent d'une manière effrayante pour ceux qui haïssent la frivolité et la barbarie : si nous réussissons donc à y mettre une barrière et à soutenir le goût des bonnes études dans les Pays-Bas, il est possible que le temps viendra quand on se souviendra des efforts utiles de l'Académie avec respect et reconnaissance : voilà, monsieur, les motifs de ma conduite S40 LIVRE ï. 1789. qui me font travailler sans relâche, au risque de me rendre la victime de la paresse de nos confrères, malgré l'avis amical que vous me faites du contraire. — D'ailleurs, l'inertie dont nous nous plaignons ne date que du commencement de l'hiver dernier; car pendant le printemps et l'été qui précédèrent, chacun travaillait à l'envi pour fournir sa quote-part au 5« volume de nos Mémoires^ qui ne déparera pas, j'espère, ses quatre frères aînés ; il les surpasse au moins de beaucoup en quantité de matière, puisque, après la comparaison la plus exacte de la grandeur et du nombre des pages d'impression, il contient autant d'impression qui aurait rempli 1225 pages des volumes précédents, sans compter encore tous les titres et pages en blanc qui se trouvent dans ceux-ci. Ainsi l'on peut compter que nous venons de donner deux volumes au lieu d'un ; et si le zèle se ranime, nous donnerons un autre de 5 à 600 pages dans deux ans : il y a peu d'Académies aussi peu nombreuses que la nôtre qui font davan- tage. — Je vous écris tout ceci, mon cher et respectable confrère, afin que nous ne nous découragions pas, et j'en dis autant à tous les autres auxquels je puis m'expliquer librement. Venez donc à notre prochaine séance, je vous en prie par toute l'amitié dont vous voulez bien m'ho- norer, et portez-y quelque petite lecture à faire en mépris des frondeurs de profession, et pour faire honte aux oisifs. Entre nous, il est singulier qu'il faut compter entre ces oisifs sans zèle et sans énergie, tous ceux sans exception qui ont été reçus depuis l'année 1780 : réflexion qui rend la vie et la santé des anciens membres de plus en plus précieuses, et qui doit nous faire chercher de n'agréger à l'avenir que des gens de bonne volonté et de vrais travailleurs... * L'allusion aux frondeurs de profession est empruntée k la lettre de Witry : « Si j'ai quelque chose en état d'être lu, j'en ferai la triste lecture au hasard d'être encore critiqué par nos frondeurs de profession... » De Witry, comme on l'a vu, se rendit à la séance du 12 mai, mais il se borna à lire un rapport « sur la convenance qu'il en- trevoyait d'admettre comme membre étranger de l'Académie M. l'abbé Berlholon, membre de plusieurs Académies et écrivain laborieux et fort connu des physiciens, » et à présenter un recueil de ses propres mémoires, qu'il venait de faire imprimer à ses frais à Tournai dans un volume in-S". LIVRE 1. — 1789. 541 C'est probablement à l'instigation de l'abbé Mann que le prési- dent recommanda le travail académique d'une manière expresse, surtout aux membres pensionnaires. Le 25 avril, Marci avait écrit à l'abbé Mann : « On débite de bien mauvaises nouvelles sur la santé de l'empereur, plusieurs même prétendent qu'il est mort; ce serait un coup fatal dans les circonstances où nous sommes; je me figure toujours que la nou- velle est fausse j vous êtes plus près de la source, marquez-m'en, je vous prie, quelque chose de positif si vous pouvez... » La maladie de l'empereur était réelle; elle donna lieu à une lettre assez curieuse, adressée le "Id par le cliancelier Crumpipcn au secrétaire de l'Académie : « En réponse, monsieur, au billet que vous m'avez fait l'honneur de nrécrire le jour d'hier, je vous dirai que je pense qu'il est préférable que l'Académie ne fasse pas dire une messe votive pour le rétablissement de Tempereur, et cela i° parce que peu de nos confières, comme vous l'avez observé, se rendent à de pareils actes de dévotion; 2<» parce que ia plupart des membres de notre compagnie sont déjà attachés à des corps qui ont rempli ce devoir de religion, et 5° parce que les frais de la messe ne peuvent pas être pris sur la caisse académique, mais doivent être payés par chacun des individus qui la composent, comme cela s'est pratiqué aussi au conseil du gouvernement, à celui de Brabant, aux états et au magistrat de cette ville. Adieu, monsieur, soyez persuadé, je vous prie, que personne au monde ne vous est plus sincèrement attaché que moi. » Ce ne fut que le 25 juillet que l'abbé Mann répondit à la lettre de l'cvêque d'Anvers du 11 janvier, transcrite ci-dessus. Voici comment il explique ce relard : u C'était Son Éminence le cardinal de Malines, qui, désirant mettre de l'ordre dans les archives de l'archevêché, avait fait demander à l'Aca- démie par un des membres, le prêt [du manuscrit de Pierre à Thymo] pour quelque temps, comme pouvant servir utilement à ce travail. Celui 542 LIVRE I. — 1789. qui le fît de sa part, ne sachant pas si S. E. approuverait que le manu- scrit fût demandé en son nom, la chose est restée là jusqu'à ce que le même membre m'a remis le reçu ci-joint. Si Votre Grandeur ne peut pas se prêter commodément à cette demande, je la prie de vouloir bien me renvoyer le reçu, afin que je le rende à celui qui me Ta remis. » Le reçu était de la teneur suivante : « Le soussigné reconnaît d'avoir tiré Pierre à Thymo^ 4 vol. in-folio, de la Bibliothèque de l'Académie de Bruxelles, se chargeant par ordre de Son Emi- iience le cardinal archevêque de Malines de reproduire cet ouvrage. Fait à Bruxelles, ce 21 juin 1789. Par ordre de Son Eminence. (Signé) : J. H. Duvivier, secrétaire. » Par la même lettre du 23 juillet, l'abbé Mann envoyait à l'évé- que d'Anvers les quatre mémoires reçus cette année pour le concours d'histoire : « M. le marquis du Chasteler qui aurait dû les avoir premièrement en sa qualité d'un des trois commissaires nommés spécialement pour les examiner, étant absent, et à ce qu'on assurait, fort incommodé de santé.... » Le 26, Nelis répond de Bruxelles : « Monsieur, je ne me suis rendu à Bruxelles que pour un moment, et je me trouve dans le cas de partir tout à l'heure. Ces circonstances et beaucoup d'autres, monsieur, ne me permettent guère [de m'occuper] des mémoires ici rejoints j mais je me promets bien, ainsi qu'à l'Aca- démie, de récompenser un jour avec usure, si je puis, mes négligences involontaires et forcées. Je vous prie d'agréer, et de faire agréer à MM. nos collègues, ce désir qui est au moins bien sincère. — Quant à rà Thymo, je m'en occupe dans tous les petits moments d'intervalle que je puis trouver. Je suis persuadé d'après cela que ni l'Académie ni Son Eminence Mgr. le cardinal ne voudraient pas me faire perdre tout le fruit de mes veilles. J'aurai l'honneur d'en parler au prélat. » Nous donnerons encore quelques lettres adressées à l'abbé Mann. Le 26 juillet, le marquis du Chasteler écrivait du château de Courcellcs (par Gosselies), où il était arrivé le jour même, venant LIVHE I. 1789. 545 de l'abbaye de Floreffe : il annonçait la présence à Namur du comte d'Artois, en route pour Cologne. « Ma santé est mauvaise, disait-il, et mon séjour à Floreffe n'y a pas apporté l'amélioration que j'attendais de l'air pur de cette maison, qui domine la Sambre et les vastes prairies qui la bordent : mais pour jouir des beautés de la nature, il faut que le cœur soit content et exempt de chagrin: ce n'est pas ma situation. Mais dans quelle position que je me trouve, soyez persuadé que rien n'altérera jamais le sincère et inviolable attachement avec lequel j'ai l'honneur d'être pour la vie, etc. » Une lettre du chancelier, datée de sa campagne à Tamise, le i9 septembre, porte : a En réponse à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire en date du ii de ce mois, j'aurai celui de vous dire qu'il n'y a nul inconvénient que la première des deux assemblées de l'Académie, après les vacances, se tienne le lundi 5 du mois d'octobre, comme vous me le proposez; mais, comme il n'est pas possible que je vienne présider cette assemblée, que nous avons coutume de nommer préparatoire^ et que d'ailleurs les objets, qu'on y discutera, n'exigent pas absolument ma présence, je vous prie d'en informer la compagnie, et de la prévenir en même temps que la séance suivante, la plus importante de toutes, se tiendra à mon intervention, vers la fin du même mois, au jour que je me réserve de vous indiquer à temps, mais que je ne saurais déterminer à présent, vu qu'il dépend de celui de mon retour en ville, qui sera avancé, ou retardé suivant les circonstances... » Le 23 septembre, l'abbé Marci fait savoir qu'il est de retour à Louvain, d'où il était absent depuis le 25 juillet : « J'ai rôdé, dit-il, pour éviter les brouilles dont on était menacéj pour tâcher de rétablir ma santé, j'ai été prendre l'air de la campagne qui m'a été très avantageux chez un seigneur du Brabant, sur les confins de la principauté de Liège; j'ai passé deux semaines dans cette capitale pendant le fort de la révolution, tout s'y est passé en grande tranquil- Hté. Le prince qui s'est retiré à Trêves après avoir donné sa sanction, 544 LIVRE I. 1789. fait mine de rester hors de sa résidence jusqu'à ce que le tout fût arrangé par les états et la municipalité, il sanctionnera alors les articles qu'il trouvera pouvoir convenir; ce ne sera qu'alors qu'il se rapprochera de son pays; les bourgeois, en attendant, ont soin de la police et font nuit et jour les patrouilles pour écarter les pillards de la ville, on forme des régiments bourgeois tant à pied qu'à cheval, on démolit actuelle- ment la citadelle qui était principalement bâtie pour contenir les bour- geois; enfin c'est le tiers état qui commande et veut être obéi... — On dit ici qu'une partie de l'armée des jeunes gens de nos provinces s'assemble dans les environs de Tirleraont dont on ne savait rien où j'ai été pendant les derniers huit jours de mon absence à deux lieues de là, ce qui me fait suspecter cette nouvelle. — Gomme vous êtes à la source, je suis persuadé que vous êtes informé des secrets du gou- vernement; ne soyez donc pas si réservé à mon égard et communiquez quelques vérités intéressantes de nos provinces. On dit ici qu'on fortifie Anvers : est-ce pour l'armée des jeunes gens qu'on a munis de passe- ports? Je n'en crois rien ; est-ce crainte d'une flotte anglaise et hollan- daise qui pourrait attaquer Anvers sur l'Escaut? Chose très possible, mais fort douteuse. Cette flotte pourrait bien être destinée pour la Bal- tique et donner du secours à la Suède contre la Russie, et par là obliger les Russes à faire la paix avec le Croissant, et conséquemmcnt obliger l'empereur à retirer son armée dans les états d'Autriche... » P. S. « Nonob- stant la déclaration de Son Éminence sur l'enseignement orthodoxe du séminaire général, il y a déjà dans les 70 théologiens. •> L'asscmblce du 5 octobre fut présidée, en l'absence du prési- dent et du directeur, par Gérard comme étant le plus ancien membre. Étaient présents : MM. de Hesdin, Chevalier, Du Ron- deau, Mann, de Launay, Ghesquiere, Caels, Van Bochaute, Burtin et de Berg. La plus grande partie de la séance fut occupée par la lecture des rapports sur les mémoires envoyés au concours pour le prix de la question d'histoire. MM. de Hesdin, du Chasteler et Gérard s'accordaient à ne pas décerner le prix, mais tandis que les deux premiers voulaient remettre la question au concours, le troisième optait pour son abandon. L'abbé Ghesquiere proposait de donner le prix au mémoire français avec l'épigraphe : « L'étude réfléchie LIVRE I. 1789. 545 iotliécaire de l'Université de Louvain d'une partie des livres destinés à la Bibliothèque de Bourgogne. Les états des divei^ses provinces des Pays-Bas anliMeliiens s'clanl déclarés indépendants eoiiiine ceux de la j)i'Ovince de Bra- bant, envoyèrent des députés à Bruxelles pour y tenir les étals i;énéraux. La première séance eut lieu le 7 janvier 1790, et dans la nuit du 10 au 11, à deux heures du malin, on arrêta l'acte d'union conslilnanl les états belgiques unis, en décrétant en outre la formation d'un congrès souverain des étals- belgiques, composé des définies de toutes les provinces. Ce coni^rès, qui était permanent, devait exercer le j)Ou^oir exéeulif. Nous navons pas à nous occuper ici de la manière dont on régla ses attributions, ainsi que celles des états généraux. II nous sufïira de dire que l'évcque d'Anvers fut le premier président des états généraux, et que la picmière séance du congrès se tint le ^0 février. Le 18 janvier, une nouvelle réunion du comité de rAcadcmie S56 livre; i. — 1790. eut lieu chez l'abbé Mann. Voici comment le protocole en rend compte : « Dans rintervalle qui s'était écoulé depuis le dernier comité tenu le 30 décembre, le secrétaire avait reçu des nouvelles de son chapitre de Courtrai, qui rendaient nécessaire et qui pressaient même une prompte détermination de ce qui le regardait personnellement, et pour cette fin, il demanda la convocation d'une assemblée de l'Académie qui seule pouvait en donner une décision. — Voici son cas : En vertu des lettres de signi ficamus accordées par le souverain, il est dispensé de [la] rési- dence, avec droit aux gros fruits de son canonicat. Mais par le change- ment de souverain, son chapitre prétend que sesdites lettres de signifi- canius sont devenues nulles, et se prépare à le déclarer foî'am, à moins qu'il ne se rende sous peu à Courtrai pour y faire sa résidence. Or, par cette déclaration, il perdra une année ou peut-être deux années de revenu de sa prébende, il perdra son droit à une maison canoniale, il de- viendra le dernier en rang dans le chapitre, etc. D'un autre côté, ayant entre les mains tous les actes et registres de l'Académie, les fonds de caisse qui passent 17 000 florins, (une année de rente des iO 000 fl. sur obligation avait été reçue depuis le 26 décembre où il est dit que ces fonds passaient 16 600 florins,) les Cabinets d'histoire naturelle et d'instruments de physique, ainsi qu'une très nombreuse collection de médailles, il ne peut pas les abandonner, et quitter Bruxelles sans en être auparavant légalement déchargé. 11 est d'ailleurs chargé du bail d'une maison qu'il a louée avec l'approbation expresse des deux chefs de l'Académie, pour y loger plus commodément et d'une manière plus stable tous ces objets qui en occupent effectivement trois chambres, une pour les Cabinets, une autre pour le magasin d'exemplaires des Mémoires- imprimés, et une troisième pour le bureau, les actes et registres de la secrétairerie, sans qu'il lui ait jamais été passé un seul denier pour l'indemniser à cet égard. — Or, il est de nécessité, ou qu'il soit totale- ment déchargé de tous ces objets dans peu de semaines et mis dans le cas de pouvoir partir librement pour faire sa résidence à l'avenir à son cano- nicat; ou si l'Académie croit ledit secrétaire utile ici pour ses intérêts, (et c'est de quoi elle seule est juge,) elle doit aussi faire des démarches (qu'il ne peut pas faire lui-même) auprès du gouvernement actuel, non- seulement pour lui obtenir une nouvelle dispense de résidence à son cha- pitre, mais aussi afin que le traitement qu'il lui était fixé par le précé- LIVRE F. — 1790. 557 (lent gouvernemcnl lui soit conlinué, traitement dont les gros fruits de son canonicat ne font qu'environ la moitié. Sans cette dernière condi- tion, il lui est impossible de continuer de vivre à Bruxelles, et sans la première, il s'expose inévitablement de la part de son chapitre à des peines odieuses et flétrissantes, qu'il ne veut pas se mettre dans le cas d'encourir, la prudence ne permettant pas de perdre, ni même de risquer le certain pour Vinccrtaiu. — Outre ces motifs purement personnels et particuliers au secrétaire pour demander la convocation d'une assem- blée de l'Académie, ... il lui était revenu de bonne part que le nouveau gouvernement ne délibérerait pas sur ce qui regarde cet établissement en général, que sur une représentation ou requête de la part du corps, présentée dans les formes ordinaires; mais que sur une pareille repré- sentation, on avait lieu de croire que la résolution des états des pro- vinces belgiques serait très favorable à la conservation et au soutien de l'Acadéruie; que par conséquent une assemblée était également néces- saire pour délibérer sur les arrangements à prendre dans ces circon- stances et pour arrêter la représentation à présenter. — Le secrétaire exposa au comité tenu ce jour-là chez lui, tous ces objets et ces motifs pour avoir au plus tôt une assemblée de l'Académie, sur quoi il fut una- nimement résolu de la convoquer, sous l'approbation de Mgr d'Anvers, pour le 27 du mois. »> Sa Grandeur ayant donné son approbation par un billet du 19, les lettres de eonvocalion furent envoyées immcdialenient, et la séance eut lieu au jour tixë. Huit membres y assistèrent, à savoir: MM. Gérard, Vounck, de Hesdiu, l'abbé Chcvalici', Du Rondeau, l'abbé Mann, le commandeur de Nicuport et Caels'. « Les circonstances ne permettant pas à Mgr d'Anvers, doyen de l'Académie, de se trouver à cette séance, elle fut présidée par M. Gérard, en qualité d'ancien. — MM. l'abbé de Wilry, De Beunie, Heylen et l'abbé Ghesquiere faisaient savoir, par leurs lettres, les raisons qui les empêchaient de s'y trouver. Tous les autres membres étant ou absents du pays, ou privés de leur liberté, leur présence ne pouvait pas y avoir lieu. 1 Vounck n'avait plus paru à l'Académie depuis le Ifi octobre 1787; Nieu- port, depuis le 7 janvier 1785. 558 LIVRE I. 1790. « L'Académie, [en l'absence du secrélairc qui s'était retiré, afin de mettre ciiacun en pleine liberté de dire son opinion,] décida i» que les services dudit secrétaire lui étaient réellement nécessaires 5 2° qu'elle ferait, soit auprès de la nouvelle administration, soit ailleurs, les démarches convenables pour obtenir qu'il [puisse] légitimement continuer sesdits services avec le traitement dont il jouissait sous le précédent gouvernement, et sans qu'il soit exposé à des désagréments de la part de son chapitre de Courirai à cause de sa non-résidence (MM. de Witry, De Beunie et Ghesquiere accédèrent par leurs lettres respectives à ces deux résolutions); o" sur ce qu'il représentait à la compagnie que, quoiqu'il [eût] un délai de résidence de la part de sondit chapitre jusqu'à la Saint-Jean prochain, cependant, s'il ne renon- çait pas à sa maison où les Cabinets, etc., de l'Académie sont actuel- lement logés, avant la fin du mois de mars, il serait astreint à une année de plus de rente, l'Académie promit de l'indemniser à cet égard, en cas qu'après toutes les démarches faites, il se trouvait néanmoins dans le cas de devoir quitter Bruxelles et se rendre à sondit chapitre pour y faire sa résidence. » Cette matière vidée quant à présent, le secrétaire lut la minute qu'il avait dressée d'une représentation à faire à la nouvelle admi- nistration sur ce qui regarde l'Académie : il fut résolu de reprendre cet objet plus lard... w Le secrétaire fit observer h la compagnie que le feu directeur marquis du Chasteler, étant décédé à Liège le 1 l octobre, peu de jours après la dernière séance, les circonstances n'avaient pas encore permis de lui faire un service funèbre, comme l'Académie a été accoutumée de faire pour tous les autres membres qu'elle a perdus jusqu'ici par la mort... Quelques membres observèrent qu'il était bien tard de revenir à ce service après près de quatre mois d'intervalle: au reste, il ne fut pris aucune résolution à cet égard. » La compagnie fut d'accord que les circonstances actuelles des affaires ne permettaient pas encore de penser à la convocation d'une assemblée générale pour juger les mémoires envoyés au concours de l'année dernière, pour la distribution des prix qu'il était incertain d'ob- tenir, pour proposer de nouvelles questions sous la même incertitude, enfin pour l'élection d'un nouveau directeur de l'Académie et de nou- veaux membres, malgré le besoin qu'on en a. Il fut cependant décidé que dans ces circonstances et vu le petit nombre des membres, il se LIVRE 1. 1-Î90. 350 tiendra, en attendant d'autres arrangements, une assemblée par mois, h laquelle ils seront spécialement convoqués. « A propos de cette séance du 27 janvier, Gérard écrit dans son Journal des troubles des Pmjs-Bus en 1790 : a Ledit jour [le 27], TAcadémie des sciences et belles-lettres s'as- sembla ponr la première fois depuis la révolution. M. le commandeur de Nieuport qui s'en était absenté depuis quelques années, à cause que le gouvernement ne laissait pas à ce corps la liberté qui doit régner dans les établissements littéraires, s'y rendit ainsi que M. Vounck, docteur en médecine en l'Université de Louvain, qui avait été exclu par sentence du recteur de l'Université Van Lcempoel, et que le gouvernement, contre le gré de l'Académie, avait fait rayer de la liste de l'Académie de la cour. Gomme il n'y avait ni président ni directeur de l'Académie, le président étant fugitif et le directeur étant décédé, M. Gérard y présida comme ancien, Tévéque d'Anvers n'ayant pu se trouver à rassemblée. L'Académie y résolut de retrancber de son corps les membres attachés au ci-devant gouvernement qui s'étaient rendus odieux à la nation, et d'ôter au médecin Burtin, ci-devant conseiller proto-médecin, la pension de 500 florins par an que le comte de Belgioioso lui avait fait assigner sur les fonds de l'Académie, tandis que l'Académie avait le droit de donner les pensions sous l'agréation du gouvernement '. « 11 est h remarquer qu'aucune de ces rcsolulions n'est menlion- née dans le protocole Le 18 février, eut lieu la seconde séance de l'Académie depuis la révolution. Six membres étaient présents, à savoir: MM. de Hcsdin, Chevalier, Du Rondeau, Mann, de Nieuport et Caels. « Mgr l'évéque d'Anvers, doyen de l'Académie, étant empêché par ses occupations de se rendre à celte séance, et M. Gérard se trouvant malade, elle fut présidée par M. de Hesdin, le plus ancien membre présent... Le payement des pensions académiques ayant été stalé depuis quelque temps, ... il fut résolu ... que * On lit dans le Journal à la date du :25 février : « 11 n'y eut personne qui fui tant bafoué en 1787 et en 1790 que M. Burtin : sou caiaclère singulier, sa vanité et sa présomption lui avait ut attiré la haine de tout le monde. » 560 LIVRE 1. 1790. le trésorier recommencerait à les payer, comme auparavant, à ceux à qui elles étaient dues. » Ici, pas plus que dans le protocole de la séance du 27 janvier, il n'est parlé de la déci- sion qui avait été prise, selon Gérard, de ne plus payer la pension de Burtin. L'abbé Mann, avec sa circonspection ordinaire, emploie des termes vagues et ambigus. En fait, Burlin ne reçut rien de sa pension jusqu'après la restauration du gouvernement autricliien; mais il faut observer qu'il avait quitté le pays. Le principal, et l'on pourrait dire l'unique objet de la séance du 48 février, était la représcnlalion à adresser à « Nosseigneurs les états généraux, t» touchant l'Académie. L'abbé Mann donna lecture de la minute qu'il avait préparée, on y apporta quelques légers changements, et il fut résolu de la faire remettre à M. Van Eupen par le comité chargé de la direction de l'Académie. La représentation était conçue dans les termes suivants : tt L'Académie des sciences et belles-lettres établie à Bruxelles par lettres patentes de feu rimpératrice-reine Marie-Thérèse, données à Vienne le 16 décembre 1772, dans la vue d'exciter, d'entretenir cl de répandre le goût et l'étude des sciences et des arts utiles et de la bonne littérature, représente très respectueusement qu'elle a pour objets de ses recherches et de son travail, particulièrement les mathématiques, la physique et Vhistoirc naturelle^ avec les arts qui en dépendent; ainsi que V histoire ecclésiastique ^ civile et littéraire des Pays-Bas; et aussi d'exa- miner, lorsque le gouvernement l'ordonne, les découvertes et les projets touchant Véconomie rurale, les mines, les fabriques et les manufactures, les machines, et les rivières, les canaux et les ports de mer ; en un mot, le progrès et la perfection des arts utiles, et d'en donner son avis; et de plus d'examiner les anciens manuscrits des Bibliothèques du pays ; enfin, de faire connaître les découvertes relativement à la géographie, aux anti- quités et à Vhistoire des provinces belgiques : elle représente aussi, que pour subvenir aux frais de tous ces objets de travail, et des expériences et recherches qui y sont relatives, son auguste fondatrice l'avait dotée d'une somme annuelle de 3 000 florins d'Allemagne, faisant 4 1200 florins des Pays-Bas, assignés sur la caisse de la recette générale, et a fondé deux prix annuels de la valeur chacun de vingt-cinq ducats, avec quel- ques médailles d'argent, pour être adjugés par l'Académie dans les con- LIVRE 1. 1790. 561 cours ordinaires : elle représente de plus, que depuis son établissement, elle n'a pas cessé de s'occuper assidûment à remplir tous les susdits de- voirs qui lui sont prescrits par le règlement de son institut, décrété par le souverain et attaché aux lettres patentes de sa fondation. « C'est pourquoi ladite Académie supplie Vos Seigneuries de conser- ver cet établissement national sur le même pied, et avec les mêmes droits, dotation et prérogatives que ci- devant, de le prendre sous leur protec- tion, et de lui fournir les occasions d'exercer son zèle et ses travaux pour le progrès et le perfectionnement des connaissances et des arts vraiment utiles à la société et au bien-être des provinces belgiques, objets qui font essentiellement le but de son institution. » C'est la grâce, etc. « Dans l'assemblée de ladite Académie tenue le 18 février 1790. » (Était signé) : f^'abbé Chevalier, Du Rondeau, commissaires pour la direction de l'Académie 5 l'abbé Mann, secrétaire perpétuel de l'Aca- démie. » En guise de post-scriptum ou d'annexé à cette représentation, se trouvait la pièce que voici : u' L'Académie des sciences et belles-lettres de Bruxelles, outre l'objet principal de son respectueux recours envers Vos Seigneuries, porté dans sa requête de ce jour, concernant la conservation de cet établisssment, et qu'elle espère obtenir gracieusement de leur amour pour le bien de la patrie, ose représenter de plus, qu'elle juge qu'il sera très utile pour son bien-être et le progrès de ses travaux, que son secrétaire actuel abbé Mann, qui s'y adonne entièrement, puisse être conservé dans cette place; et pour cet effet, elle supplie Vos Seigneuries qu'il leur plaise de lui continuer le traitement dont il jouissait sous le précédent gouvernement, de 2 400 11. par an, dont les gros" fruits de son canonical faisaient partie, et aussi de faire continuer la dispense légale de résidence à son chapitre de Courtrai, qui a eu lieu jusqu'à présent en vertu des lettres de signifi- camus accordées par le souverain; faute de quoi, il devra se rendre dans peu de temps à son canonicat, pour y faire sa résidence fixe sous peine de se voir déclarer forain. fl C'est la grâce, etc. » Tome XXXIV. 36 562 LIVRE I. — 1790. La troisième séance de l'Académie se tint le 24 mars. Étaient présents : MM. de Hesdin, qui présida comme ancien, Chevalier, Du Rondeau, Mann et Caels. Le secrétaire annonça que la repré- sentation de l'Académie avait été remise à M. Van Eupen, le 5 mars, par MM. Du Rondeau et Mann: les deux autres membres du comité directeur, Gérard et Chevalier, s'étant excusés de se rendre chez le secrétaire d'Etat ' ; que M. Van Eupen avait promis d'en faire rapport le jour même aux états, mais que jusqu'ici et malgré de nouvelles démarches, aucune décision n'avait encore été prise. « Le secrétaire avait également sollicité, par écrit et de bouche, Tex- pédition de cette affaire auprès de Mgr révoque d'Anvers, en sa qualité de membre des états généraux, et il fit rapport de la réponse que Sa Grandeur lui avait faite verbalement sur ce sujet, savoir : « Qu'EIle n croyait que les affaires de TAcadcmie iront bien et au gré de ses » désirs; mais ce qui la regarde tenant à d'autres arrangements, on ne » peut pas en décider dans ce moment : qu'en attendant, tout doit « aller dans la compagnie comme ci-devant, sans en rien omettre ni interrompre, et nommément le payement des pensions et autres » charges ordinaires. » — Le secrétaire annonça à la compagnie la mort de M. Magellan, un de ses membres étrangers, décédé près de Londres, le 7 février de cette année, âgé de soixante-huit ans ^. — Il annonça aussi le séjour de M. l'abbé Ghesquiere à l'abbaye de Tongerloo, où il doit continuer la publication de ses Acla Sanclorum Belgii. Cette circonstance rédui[sait] à sept le nombre des membres résidant fixement à Bruxelles, savoir : MM. Gérard, de Hesdin, abbé Chevalier, Du Ron- deau, abbé Mann, commandeur de Nicuport et Caels. « Aucune mention ne fut faite de la mort de Joseph II, survenue le 20 février, ni de l'avènement au trône de son successeur l'em- pereur Léopold II. Le 14 avril, Gérard présida l'assemblée à laquelle assistaient ^ Il est à noter que celle qualification donnée à Van Eupen dans les proto- coles, a été barrée partout où elle se trouvait. * Une lettre adressée de Londres à l'abbé Mann, le 15 décembre 1789, fai- sait connaître que Magellan avait perdu complètement l'esprit. LIVRE I. — 1790. 563 MM. de Hesdin, Chevalier, Du Rondeau, Mann, de Nieuport et Caels. « Le secrétaire informa la compagnie qu'il n'y avait encore rien de nouveau de la part des états généraux touchant le sort de TAcadémie, sinon des assurances verbales de plusieurs parts, que tout ira bien et au gré de ses désirs. n Le secrétaire s'était adressé à Rome pour s'informer si le saint-siége lui accorderait, en sadite qualité, une dispense de résidence à son cano- nicat à Courtrai; et ayant reçu une réponse favorable depuis la dernière séance, il avait dressé sa requête pour cette fin, et y avait joint la for- mule d'une attestation de la part de l'Académie en preuve de la vérité de ce qu'il alléguait dans sadite requête. Celle-ci ayant été lue, ainsi que la formule d'attestation, elles furent approuvées par la compagnie... » Gérard avait toujours fait preuve d'un vif intérêt pour la Bibliothèque de Bourgogne. A la veille de la révolution, ayant appris qu'on voulait envoyer à Louvain les manuscrits des cou- vents supprimés, il avait demandé et obtenu que l'Académie pro- testât contre ce projet auprès du ministre plénipotentiaire : « Ces manuscrits, disait la représentation, sont plus utiles et néces- saires à une bibliothèque publique qu'à une bibliothèque d Uni- versité; et d'ailleurs le gouvernement général était disposé, il y a quelques anné(;s, de les faire passer à la Bibliothèque publique de Bruxelles, comme il résulte d'une lettre de M. le secrétaire d'État du 28 février 1787, communiquée dans le temps à l'Académie. » Le 14 avril, Gérard « informa la compagnie qu'il avait appris de bonne main que le docteur en théologie Vandevelde, biblio- thécaire de l'Université de Louvain, était occupé à enlever hors de l'église des ci-devant jésuites et de transporter à Louvain une partie des livres appartenant à la Bibliothèque de Bourgogne, qui y sont déposés depuis plusieurs années. » ^ Il s'agissait des livres provenant des jésuites, donnés à ladite Bibliothèque par Marie-Thérèse. MM. Gérard, Chevalier et Mann furent chargés de se rendre aussitôt après la séance à l'église en question pour vérifier le fait, et s'il était vrai, de protester contre au nom de l'Académie et « faire tous les autres devoirs 564 LIVRE 1. — 1790 qu'ils trouveraient nécessaires pour empêcher la continuation de cet enlèvement, ainsi que pour faire rendre et remettre à leur place par l'Université ceux qui avaient déjà été enlevés. » CHAPITRE Ll. L'assemblée générale de l'Académie du 14 mai 1790. — La souscription patriotique pour des canons. — L'élection d'un membre regnicole. — Le jugement du concours de 1789, — Les facultés de philosophie, de médecine et de droit sont replacées à Louvain. — L'avanie faite au prévôt Marci, chancelier de l'Université. — La sen- tence rendue contre Van Bochaute. — Le concours de 1790. — Les états généraux nomment un commissaire pour les affaires de l'Académie. - La dotation de l'Aca- démie est maintenue, mais le payement en est ajourné. il avait été décidé que l'on prierait l'évéquc d'Anvers de fixer le jour qui lui conviendrait pour tenir l'assemblée générale du mois de mai; le secrétaire fît savoir que l'évéquc avait choisi le 14, et que Sa Grandeur se proposait de présider elle-même la réunion. Les objets dont on aurait à s'occuper, étaient : le jugement du concours de l'année 1789, que les circonstances avaient empêché de faire plus tôt, l'élection de nouveaux membres, « et d'autres objets assez intéressants pour demander très spécialement la présence de tous les membres. » — La circulaire de l'abbé Mann était adressée à MM. Gérard, Vounck, de Hesdin, Chevalier, Du Rondeau, de Witry, De Réunie, de Nieuport, Heylen, Ghesquiere et Caels. Au jour fixé, le secrétaire annonça que Mgr l'évéquc d'Anvers était encore retenu chez lui par maladie, et que MM. Vounck et Ghesquiere ne pouvaient pas non plus, pour des raisons de santé, assister à la séance. LIVRE I. — 1790. 565 L'assemblée se tint en présence des autres membres qui avaient été convoqués, et fut présidée par Gérard. « [Elle apprit de Tabbé Mann que la maladie de Mgr d'Anvers avait empêché celui-ci] de faire aux états généraux les rapports touchant les affaires de l'Académie, dont il avait été chargé par lesdits états : ainsi le sort de cet établissement restait encore indéterminé, quoiqu'on [reçût] des promesses verbales très formelles qu'il serait conservé et soutenu. » M. Gérard lut une note, dans laquelle il rendit compte de tout ce qui avait été fait jusqu'alors par rapport aux livres enlevés de l'église des ci-devant jésuites par ceux de l'Université de Louvain, s'offrant de soutenir les droits de la Bibliothèque de Bourgogne sur ces livres à ses propres frais, si l'Académie ne voulait pas exposer ses fonds pour cet effet. » Sur la proposition de M. le commandeur de Nieuporl, la compagnie prit la résolution de souscrire sur les fonds de l'Académie pour quatre pièces d'artillerie de campagne de six livres de balle, à rate de trente louis d'or chacune, et le secrétaire fut chargé d'en donner la soumission et de payer, en sa qualité de trésorier provisionnel, la somme de \W louis sur demande. La minute de cette résolution fut signée, dans la séance même, par M. Gérard, pour servir d'autorisation au trésorier pour le payement de la somme spécifiée. '^ La compagnie ayant demandé si les fonds actuels de l'Académie étaient en état de fournir cette dépense extraordinaire sans être gênés, jusqu'à ce qu'elle puisse toucher une partie des douze mille florins placés à intérêt sur obligation de la banque Van Schoor, le secrétaire répondit, qu'outre ledit capital, il avait près de quatre mille florins en caisse, et que les comptes de sa gestion étaient prêts si on voulait les recevoir et les couler. » Il prit cette occasion pour observer que le traitement que lui faisait le précédent gouvernement n'étant plus payé depuis la révolution bel- gique, et ne sachant pas ce qui sera décidé touchant son sort à l'avenir, il se trouvait par là complètement dans le cas spécifié en prenant gratui- tement la place de secrétaire, et de nouveau dans la séance du 19 novembre 1786, savoir : « que cette condition ne devait avoir lieu » que pour autant qu'il n'arrivât aucun changement dans le sort que le rt souverain lui faisait. » Or, ce changement étant arrivé, il réclamait la pension de 400 florins attachée à ladite place, à commencer au l^' no- S66 LIVRE I. 1790. vembre 1789, époque où a cessé le payement de son traitement par le précédent gouvernement des Pays-Bas. La chose fut trouvée juste et accordée nemine contradicenie. » L'affaire des canons, qui faillit tourner mal pour rAcadémie après la restauration, demande quelques éclaircissements. Le 12 mai 1790, le congrès souverain des états belgiques unis avait ouvert une souscription patriotique pour des canons dont on avait le plus pressant besoin. « Le congrès, portait le Pro- gramme, s'attend qu€ les corps ecclésiastiques et séculiers, les corps de métiers, les serments, les confréries et tous les citoyens s'empresseront de souscrire en proportion de leurs facultés, afin de porter l'artillerie de la république sur un pied formidable. » Chaque canon en bronze, de six livres de balle, devait coûter trente louis. C'était sans doute à son insu que l'abbé Mann figurait, avec l'évêque d'Anvers et le commandeur de Nieuport, parmi les mem- bres du bureau chargé de recueillir les souscriptions. Nous ver- rons plus tard comment il expliqua la souscription de l'Académie : celle-ci venait sur la première liste qui fut publiée, pour la somme de \ 308 florins, immédiatement après le commandeur de Nieu- port (784 fl. pour deux canons); l'évêque d'Anvers avait donné 59:2 fl. (un canon). Il avait été annoncé dans les lettres de convocatio» pour l'assemblée du 14 mai, qu'il s'agirait dans cette séance générale^ de délibérer sur la réception de quelques nouveaux membres. Le secrétaire rappela qu'il y avait sur la liste des candidats MM. Duval, Lesbroussart, Vanden Sande et l'abbé Berlholon, les] trois premiers pour des places de membres regnicoles, le dernierj pour une place de membre étranger. Duval s'était présenté, dès le mois de juin 1787, avec un mé- moire a concernant quelques changements à faire aux machines] à feu; » Lesbroussart, au mois de septembre suivant, avec un « mémoire historique sur les causes de l'agrandissement de la famille des Pépins: » au mois de mai 1788, il avait transmis àj l'Académie un mémoire sur Baudouin, premier comte de Flandre. LIVRE r. — 1790. 567 Vanden Sande avait envoyé un mémoire sur la fabrication du sel ammoniac et de l'alkali minéral : nous avons fait connaître le jugement qu'en avait porté De Beunie. La lettre d'envoi de ce mémoire, datée de Bruxelles le 6 juillet 1788, était conçue en ces termes : « Messieurs, un travail continuel pour acquérir des connaissances utiles et nécessaires à Thumanité, m'avait engagé d'en publier quelques- unes après en avoir soumis à vos lumières; vous avez daigné encoura- ger mes travaux, en couronnant un de mes mémoires; cette récompense me sert donc à nourrir mon émulation, pour donner des preuves ulté- rieures du zèle dont je me sens animé, et je serais au comble de mes désirs si à la promotion prochaine que vous proposez de faire, je pouvais efficacement espérer d'être agréé membre de votre illustre Académie; ces auspices favorables me traceraient le sentier pour tendre plus loua- blement à me distinguer, heureux si vos suffrages veuillent à cette fin incliner en ma faveur, ce n'est pas pour me parer d'un titre toujours vain lorsque la vanité seule l'a recherché, mais comme mon unique envie est de marcher sur vos traces, je compterais le moment où j'y serais admis pour le plus beau de ma vie. « L'abbé Bertholon n'était pas un nouveau candidat. Dès le mois de décembre 1778 il avait sollicité une place d'académicien, afin, disait l'abbé Mann, d'ajouter un nouveau titre à tous ceux qu'il possédait déjà. Mais, son mémoire sur les para-iremblemenls de terre avait été trouvé « mauvais en tout sens. » Son protecteur, M. de Witry, ne s'était pas découragé, et il avait proposé Ber- tholon, d'abord par une lettre lue à la séance du 16 février 1789, et ensuite par un rapport qu'il fit lui-même à la séance du 12 mai suivant, ainsi qu'on l'a vu. Par égard pour le respectable chanoine de Tournai, la compagnie s'était abstenue de toute remarque critique. Le 14 mai 1790, « MM. Duval et l'abbé Bertholon ne passèrent pas le scrutin et ne furent pas même proposés; on les laissa à part sans délibérer sur ce qui les regardait. » En ce qui concerne Bertholon, il est probable qu'on chercha à 568 LIVRE 1. 1790. lui éviter le désagrément d'un rejet certain, pour ménager à la fois de Witry et le clergé, tout-puissant à cette époque. — Quant à Duval, on peut supposer que des considérations politiques mirent obstacle à son élection. Duval était gendre de Delplancq, qui, après avoir rempli les fonctions de conseiller au conseil des finances, avait été, lors de la formation du conseil du gouverne- ment général, chargé du cinquième département (conseil des finances — ; affaires de commerce en général — ; douanes). On attribuait à Delplancq et à Burtin le fameux édit sur les lins. « M. Vanden Sande fut exclu par toutes les voix, et M. Les- broussart adopté pour la classe d'histoire avec pareille unanimité de suffrages. » Parmi les nombreux mémoires que l'Académie avait reçus en réponse aux questions de physique et d'histoire du concours de 1789, aucun ne répondait à ce qu'elle avait lieu d'attendre, aucun ne remplissait le but qu'elle s'était proposé : il fut donc résolu de refuser les prix et d'abandonner les questions. — Quant aux nouvelles questions à proposer pour le concours de 1791, on décida d'attendre la séance générale du mois d'octobre, et de choisir alors des questions de nature à ne demander qu'une année d'intervalle pour y répondre. — Le secrétaire demanda à la com- pagnie de pouvoir s'absenter de Bruxelles pendant une partie des vacances pour vaquer à ses affaires personnelles, ce qui lui fut accordé. Toutes ces affaires étant vidées, l'assemblée se sépara et l'Académie entra en vacances. Cependant l'Université de Bruxelles avait cessé d'exister, et les facultés de philosophie, de médecine et de droit avaient été re- placées à Louvain L'abbé Marci, étant rentré dans celte dernière ville, voulut y reprendre ses fonctions de chancelier : mal lui en advint. On lit dans le Journal de Gérard, à la date du 26 juin 1790: « Ledit jour l'abbé Marci, chancelier de TUniversité de Louvain et prévôt de réglise de Saint-Pierre dans la même ville, étant dans la sacristie de ladite église, occupé à mettre ses habits sacerdotaux pour I LIVRE I. 1790. 569 donner en sa qualité de chancelier de l'Université la bénédiction à l'occasion d'une licence, il s'y rendit beaucoup de monde qui lui demanda ce qu'il allait faire; il répondit qu'il allait faire une des fonc- tions de sa place de chancelier de l'Université, sur quoi on lui répondit qu'on n'avait point besoin à cet effet de royaliste et qu'il n'avait qu'à s'en aller. C'est le parti que M. Marci prit; il retourna chez lui par des chemins détournés et vint le lendemain à Bruxelles pour demander un sauf-conduit aux états. » Le 12 juillet, Van Bochaute fut déclaré, par sentence du tribu- nal académique, déchu de toutes ses fonctions dans l'Universilé pour avoir violé le serment quMl avait prêté de maintenir les pri- vilèges de ladite Université ; s'être rendu à Bruxelles à l'effet d'y occuper une chaire, après le transfert de l'Université dans cette dernière ville, au mépris de la bulle d'érection du pape Martin V, et avoir, en sus, emporté tous les instruments de chimie et les objets anatomiques, et avoir fait détruire ceux de ces objets dont le transport ne pouvait pas s'effectuer. Cette sentence, rendue par contumace, fut affichée le 51 juillet aux portes des halles et de Saint-Pierre. Le 27 septembre, l'Académie tint sa première séance après les vacances. Étaient présents : MM. Gérard, qui présida en qualité d'ancien, de Hesdin, Chevalier, Du Rondeau, Mann et Caels. Le secrétaire donna lecture d'un précis de tout ce qui avait été imaginé pour détruire les manset les hannetons : l'auteur, outre ses rechercbes personnelles, avait réuni dans ce précis ce qui se trouvait de nouveau dans les mémoires envoyés aux concours de 1787 et de 1789. Il demanda et obtint l'autorisation de l'insérer dans V Esprit dea journaux. L'assemblée générale pour le jugement du concours de 1790 avait été fixée au 14 octobre. Les membres qui y assistèrent furent MM. Gérard, Vounck, de Hesdin, Chevalier, Du Rondeau, de Wilry, Mann, de Nieuport, Caels et Lesbroussart. MM. de Beunie, Heylen et Ghesquiere s'étaient fait excuser. 570 LIVRE I 1790. La séance fut présidée par Gérard comme ancien. Aucun mémoire n'avait été envoyé sur la question d'histoire : « Indiquer les marches de César dans la Belgique. » — On en avait reçu un seul sur la question : « Quelles sont les plantes qui croissent spontanément dans les Pays-Bas autrichiens, dont il n'a été fait mention par aucun des auteurs, tant anciens que mo- dernes, qui ont écrit sur la botanique desdiles provinces ou des pays voisins. » Le mémoire dont l'auteur était Roucel, médecin à Alost, ne parut pas avoir mérité une récompense, et l'on résolut d'annoncer au public l'état de ce concours, afin qu'on ne taxât pas l'Académie de se rendre trop difficile dans la distribution de ses prix. L'Académie s'occupa ensuite du choix des questions pour le concours de 1791, et prolongea jusqu'au \^' août le temps pour l'envoi des mémoires. « Il fut résolu de remettre pour l'avenir les jours des assem- blées sur l'ancien pied, savoir : au premier et au troisième lundi de chaque mois ou au lendemain en cas que l'un ou l'autre de ces jours soit une fête, ainsi qu'il a été réglé par la résolution du 17 octobre i785. — Ce fut en conséquence, que la prochaine assemblée fut fixée à mercredi, 3 novembre, lundi et mardi étant les jours des Toussaints et des Trépassés. » Avant de parler de cette séance du 5 novembre, nous devons mentionner la résolution suivante qui avait été prise par les états généraux le 15 octobre : « Sur la vue de deux requêtes de rAcadémie des sciences et belles- lettres de Bruxelles, en date du 18 février, et d'une autre requête du secrétaire de ladite Académie, l'abbé Mann, en date du 5 mai, toutes trois tendantes à ce que cette compagnie soit maintenue dans son existence et ses prérogatives; ouï le rapport de Mgr l'évêque d'Anvers, M. Beltjens est nommé commissaire, à l'effet de prendre connaissance de l'état des Archives, de la Bibliothèque, du Cabinet de physique, d'histoire naturelle et de médailles pour en rendre compte ; ensuite de quoi, il sera délibéré sur l'objet desdites requêtes. «» Rien n'avait transpiré de cette résolution, quand l'.^cadémie se LIVRE I. — n90. 57i réunit le 5 novembre. Les membres présents étaient: MM. Gérard, de Hesdin, Chevalier, Mann, Caels et Lcsbroussart. « Comme une année de la dotation de TAcadémie était échue à la fin du mois dernier, le secrétaire demanda à la compagnie s'il fallait en solliciter le payement. Il fut convenu qu'il fallait auparavant savoir quelle résolution aurait été prise par les états généraux sur la requête en date du 48 février que T Académie leur avait présentée le 5 mars dernier, par laquelle elle sollicita la confirmation de cette dotation. « l/Académie ayant été informée que les Seigneurs états de Bra- bant venaient d'ordonner la vente des livres choisis par ordre de l'impéralrice-reine Marie-Thérèse des bibliothèques des ci-devant jésuites, pour être incorporés dans la Bibliothèque publique de Bruxelles, M. Caels se chargea de faire les démarches néces- saires pour empêcher celte vente. Le 15 novembre : « Le secrétaire rendit compte des démarches qu'il avait faites auprès de M. Beltjens, commissaire des états généraux pour les affaires de l'Académie, pour savoir quelle résolution avait élé prise à l'égard de cet établissement. Il en avait appris que les rapports y relatifs avaient été faits par Mgr l'évêque d'Anvers le 28 août aux états généraux et au con- grès unis, et que la dotation de l'Académie sera payée sur l'ancien pied ; mais que quant à présent, les étals étaient en défaut d'argent. « MM. Gérard, de Hesdin, Chevalier, Du Rondeau, Mann et Lcs- broussart assistaient à cette séance. 572 LIVRE I. — 1790. CHAPITRE LU. Restauration du gouvernement autrichien. — Le nouveau ministre plénipotentiaire comte de Mercy-Argenteau, — Le secrétaire d'État et de guerre baron de Feltz. — L'Académie est présentée au comte de Mercy le 9 janvier 1791. — Le chancelier de Brabant préside la séance du 21 février. — Sa recommandation aux membres pen- sionnés de remplir les obligations prescrites par l'acte de collation des pensions. — Les interpellations à adresser au commandeur de Nieuport, quand il reparaîtra à l'Académie, et les mesures à prendre s'il se mettait de nouveau sur le pied de ne pas fréquenter. — La note de Van Bochaute sur le pillage et la dévastation de son Laboratoire. — Le discours dédié par de Berg aux mânes de Joseph IL— Son offre de mettre à la disposition de l'Académie le recueil qu'il a formé de pièces, actes, documents, etc., sur les troubles de 4787 et leurs suites. — Lettres de Vanden Sande. La séance ordinaire qui aurait dû avoir lieu le 6 décembre 1790, premier lundi du mois, fut forcément ajournée. Les troupes de Sa Majesté l'empereur et roi étaient rentrées à Bruxelles le jeudi précédent, et le bas de la Bibliothèque se trouvait encore occupé par une assez forte garde militaire: « Plusieurs anciens membres crurent qu'il était prudent de laisser passer ces premiers moments avant que de s'assembler dans la salle qui est au- dessus. » Voici dans quels termes laconiques Gérard [Journal des troubles] raconte les événements du jeudi 2 décembre : « Vers deux heures et demie arriva à Bruxelles sur la place royale un détachement de quatorze housards autrichiens commandés par un officier. Le peuple qui y était assemblé cria, Vive Léopold! et tourna les chapeaux, quelques-uns frappèrent des mains. M. de Rcul, administrateur du Lotto alla parler h l'officier, il m'a paru qu'il lui faisait compliment. Ces housards se rangèrent vis-à-vis de l'hôtel du Lotto à peu près au milieu de la place royale. » Le 23 décembre, on fut informé que le ci-devant conseiller au conseil du gouvernement, baron de Feltz, était nommé secrétaire d'État, et le ci-devant vice-président dudit conseil, Henri Crum- LIVRE I. 1790. 575 pipen, président du conseil privé qu'on allait rétablir. Joseph Crumpipen reprenait naturellement sa place de chancelier du conseil de Brabant. Le 24, le conseil de Brabant reçut une lettre du comte de Mercy-Argenteau*,lui notifiant qu'il était nommé ministre pléni- potentiaire. Le même jour, l'abbé Mann écrivait à H. Crumpipen : « C'est avec le plus vif plaisir que j'ai reçu la lettre que vous m'avez fait rhonneur de m'adresser hier; car depuis plus d'une année, je n'ai guère connu que des désagréments et de la tristesse. Dieu soit loué, qu'à la fin, la sûreté et la vraie liberté, sous la protection des lois, se trouvent rétablies par le retour de notre auguste monarque. Malgré la modération avec laquelle j'ai constamment tâché de me conduire, on voulait se saisir de moi aussitôt après la funeste révolution, et depuis lors, ma maison a été menacée à plusieurs reprises, et même récemment, d'être pillée. Les états généraux de leur part voulaient que je continuasse mes fonctions dans l'Académie, tandis que, tout leur règne durant, je n'ai jamais pu toucher un denier de mon traitement. L'Académie que lesdits états vou- laient conserver, n'a pas été mieux traitée que moi... ' » Le 20, l'Académie avait tenu sa dernière séance de l'année 1790. Les membres présents: Gérard, de Hesdin, Chevalier, Du Rondeau, Mann, Ghesquiere et Lesbroussart s'étaient bornés à entendre la lecture du commencement d'un mémoire de M. Van Wyn, l'un des membres étrangers. Le 3 janvier 1791, on vit reparaître à l'Académie MM. de Lau- nay, Burtin et de Berg. Les autres membres présents étaient : MM, Gérard, qui présida comme ancien, de Hesdin, Chevalier, Du Rondeau, Mann et Lesbroussart. * Florimoiid, comle de Mercy-Argenteau, chevalier de la loison d'or, grand-croix de l'ordre de S'-Étienne, chambellan, conseiller d'État intime, actuellement ambassadeur près le roi très chrétien. — Ses lettres patentes sont du 50 novembre 1790. 2 Archiv. du roy. de Belg. Secrétairerie d'État et de guerre : portefeuille n» 598. 574 LIVRE I. 1791. « La séance fut ouverte, comme à l'ordinaire, par la lecture du résultat de celle du 20 décembre. Il fut parlé ensuite de la présentation de l'Académie à Son Excellence le ministre plénipotentiaire comte de Meicy-Argenteau qui était sur le point d'arriver à Bruxelles. Le secré- taire fut chargé de s'informer en temps du jour et de l'heure quand ce seigneur voudrait recevoir les hommages de la compagnie, et d'en instruire les membres. » Le ministre arriva à Bruxelles le 4 janvier : la présentation eut lieu le 9; elle fut faite par Gérard, et le petit discours suivant fut prononcé : « En l'absence de M. le chancelier de Brabant, notre président, j'ai l'honneur de présenter à Votre Excellence ceux des membres de l'Acadé- mie impériale et royale des sciences et belles-lettres qui résident à Bruxelles. Daignez, monseigneur, agréer les hommages d'un corps établi par l'auguste Marie-Thérèse, pour coopérer à répandre le goût et l'étude des connaissances solides et utiles dans les provinces belgiques; corps qui a le bonheur d'avoir le ministre plénipotentiaire pour son protec- teur-né. Daignez être convaincu que le plus grand désir de l'Académie est de contribuer de tout son pouvoir au bien-être du service de S. M. notre auguste souverain, en exécutant, avec autant de zèle que d'applica- tion, les ordres qu'il vous plaira de lui faire passer. — Que Votre Excel- lence me permette de lui nommer les membres qui sont présents [de Hesdin, Chevalier, Mann, de Launay, Burtin et de Berg], » Le i 9 janvier, une dëputation composée du secrétaire perpé- tuel et de MM. Gérard et Chevalier remit à S. E. un exemplaire des cinq volumes de ses Mémoires, reliés en veau marbré, dorés sur tranche et plat. — Le ministre ayant témoigné le désir de recevoir également les Mémoires couronnés, le secrétaire fut chargé d'en faire relier un exemplaire et de le présenter à S. E. au nom de la compagnie. Les premières séances de l'Académie, après la restauration, se passèrent assez tranquillement. Le 3 janvier, le secrétaire avait été chargé de préparer pour le ministre une note relative à LIVRE 1. — 1791. 575 l'enlèvement des livres destinés à la Bibliothèque royale, dont il a été parlé précédemment, mais il n'y fut pas donné suite, le gouvernement ayant voulu que l'Académie laissât tomber cette affaire. Le 17, le secrétaire donna lecture d'une lettre par laquelle M. Vanden Sande sollicitait de nouveau une place de membre : « Quand j'ai eu Thonneur, disait-il, de me présenter pour être admis dans votre respectable et illustre corps académique, plusieurs d'entre vous, messieurs, m'ont témoigné que mes titres étaient suffisants; mais ils m'ont observé que S. 31. avait enjoint par son ministre à l'Académie impériale et royale de Bruxelles de ne plus recevoir des membres jusqu'à nouvel ordre. Je dois croire que cet ordre de suspension est levé^ puisque j'ai appris par la voix publique et par V Esprit des journaux de l'année 1790 que l'Académie avait reçu dans son corps M. Lesbroussart : à cet effet, et n'osant croire que mon absence forcée, après avoir été injustement emprisonné, pillé et maltraité pendant ce temps de délire que nous devons tous chercher à oublier, soit un motif pour m'éloigner du bonheur d'être ajouté au nombre des membres de votre illustre corps, je prends la liberté de vous réitérer l'offre de mes titres et mes travaux auxquels j'ajouterai, messieurs, la fidélité que j'ai constamment gardée à notre souverain. Si vous daignez agréer ma demande, je ne négligerai rien pour me rendre digne de votre choix en contribuant de tous mes talents au bien-être de mes concitoyens et à la splendeur du pays. » Cette lettre était datée du 1 7 janvier, et signée : « Vanden Sande, membre de plusieurs sociétés littéraires. De présent chez M. Cuvelier, m^ épicier près la Chapelle. » « Il fut observé que le scrutin pour les divers candidats qui se trou- vaient sur la liste de l'Académie, avait été fixé pour avoir lieu dans la séance générale d'octobre 1789; que cette séance n'ayant pu se tenir alors à cause des circonstances du temps, avait été remise, tant par rapport à cet objet que par rapport au jugement des mémoires envoyés au concours de 1789 et à la distribution des prix, jusqu'à la séance générale du mois de mai suivant 5 que dans cette séance, deux seulement 376 LIVRE I. — 1791. d'entre les candidats avaient été mis au scrutin, savoir : M. Vanden Sande et M. Lesbroussart; enfin que ce scrutin avait été favorable à M. Lesbroussart, et ne l'avait pas été à M. Vanden Sande. Le secrétaire confirma ce rapport par la lecture du protocole de la séance de mai 1790. Ce détail amena une assez longue discussion touchant les scrutins et l'élection faite dans ladite séance de mai, dont le résultat fut, que les trois membres absents alors et présents dans celle-ci, savoir : MM. de Launay, Burtin et de Berg, accédèrent à ce qui fut alors fait, et il fut résolu de présenter un extrait du protocole, faisant mention de leurdite accession, pour avoir la confirmation de l'élection de M. Lesbroussart de la part de S. E. le ministre plénipotentiaire faisant les fonctions de gouverneur général ; confirmation dont les circonstances seules avaient obligé de différer la demande jusqu'à présent [cette confirmation fut donnée par S. E. le 27 janvier]. Quant à la lettre de M. Vanden Sande, il fut décidé qu'on ne devait pas y faire de réponse, o Le 7 février, Van Bochaute reparut à l'Académie. « Le secrétaire annonça la demande d'une place d'académicien qui avait été faite en octobre 1789, de la part de M. le baron de Feltz, demande que celui-ci avait confirmée de nouveau depuis son dernier retour à Bruxelles. Cet énoncé se réduisit, quant à présent, à tenir M. le baron de Feltz présent sur la liste des candidats pour la première élection de nouveaux membres que l'Académie sera dans le cas de faire.» Le 21 février, la séance fut présidée par le chancelier de Bra- bant. Van Bochaute donna lecture de la note que nous avons reproduite (chap. XLVIII), et qui était relative au pillage et à la dévastation de son Laboratoire : il réclama l'appui de l'Académie pour en obtenir le rétablissement, mais rien n'est dit au sujet de l'accueil que celte demande aurait reçu. — Le protocole renferme les notes suivantes pro memoria : « lo En cas que M. le commandeur de Nieuport vienne à quelque séance future de l'Académie, il a été décidé, h la réquisition de MM» de Launay et de Berg, de l'interpeller de déclarer si c'était de son chef, ou par induction d'autrui, qu'il a fait dans la séance du 14 mai 1790 la LIVRE I. 1791. 577 proposition d'un don de canons sur les fonds de la compagnie. 2" Au cas que ledit M. de Nieuport se mette de nouveau sur le pied de ne plus fréquenter TAcadémie, il a été décidé pareillement, à la réquisition des mêmes membres, de discuter dans la première séance générale à quoi il faut se tenir par rapport à sa qualité d'académicien. 5° M. le pré- sident recommanda très spécialement aux membres pensionnés l'exac- titude à remplir les obligations qui leur sont prescrites par l'acte de la collation de leur pension j avertissant qu'il ne pourrait pas s'empêcher de faire connaître au souverain ceux qui se seront trouvés en défaut à cet égard. » Le 10 mars : « Le secrétaire lut [une lettre] de M. de Berg,adressée à l'Académie, et accompagnée d'un présent de 24 exemplaires de son Discours dédié aux mânes de Joseph II, à laquelle le secrétaire fut chargé de répondre et de lui faire les remerciments de la compagnie, tant pour le présent qu'il venait d'envoyer, que pour les offres contenues dans sa lettre, de com- muniquer aux membres le recueil des pièces, actes, documents, etc., sur les troubles de 1787 et leurs suites, qu'il avait rassemblés dans la vue d'en donner l'histoire. » Le discours dédié aux mânes de Joseph II formait une brochure iii-S" de 24 pages. Le titre avait été imprimé de la manière sui- vante : « Discours dédié aux mânes de Joseph IL Prononcé à Bruxelles, au jour anniversaire de sa mort. Le 20 février 1791 . » Le jour même de la séance, de Berg envoya, de Gand, un errata consistant à substituer au second et au troisième paragraphe : « A prononcer à Bruxelles, au jour anniversaire de sa mort. Le 20 février 1800, » et à placer les mots : « A Joseph il » devant l'épigraphe : « Que l'oreille des rois s'accoutume à l'entendre ! » C'est à toi d'annoncer ce qu'ils doivent apprendre. » Cet errata ne put être communiqué à l'Académie que le 21 mars. Tome XXXIV. 37 578 LIVRE I. 1791. De Berg n'avait pas mis son nom au Discours, mais il ne garda pas longtemps l'anonyme, et fit imprimer la lettre lue à l'Acadé- mie le 10 mars. Il semblerait résulter de cette lettre que le Dis- cours avait été imprimé à son insu. « Messieurs, écrivait-il, en vous présentant la production très défec- tueuse, intitulée : Discours dédié aux mânes de Joseph II, etc., je vous dois, messieurs, non pas une indication des défauts de cet ouvrage, qui ne sauraient échapper à votre sagacité, mais un aveu qui puisse servir à vous convaincre du regret que j'ai de ce que cet opuscule ait paru avant que par le concours de vos conseils et de votre censure il ait pu être complété, corrigé, achevé, et mériter d'être publié sous vos auspices. >> Un Discours à prononcer à un jour anniversaire de mort exige le style oratoire et doit être un éloge. » Or, si Ton en excepte une vingtaine de lignes, ce Discours n'a rien, ni dans la forme ni dans le style, qui soit dans le genre du panégyrique ; II renferme plutôt une justification qu'un éloge de Joseph II; et n'offre guère au lieu des louanges méritées qu'un reproche des calomnies et des intrigues qui ont fait méconnaître ce monarque infortuné. » Je ne vous dirai pas, messieurs, que j'eusse pu faire mieux en con- servant à ce canevas la forme d'un éloge funèbre; j'avoue que cela me serait impossible : n'ayant pas reçu en naissant le germe du talent oratoire, je suis convaincu que l'étude ne saurait me le donner. n Cet ouvrage, qui n'est que celui de mon cœur et de la vérité, est le canevas informe et très incomplet d'une apologie de Joseph II, purement historique. » Ce canevas occupait et continuera d'occuper une place dans la masse des documents, notices, observations et actes que je rassemble depuis quatre ans, pour vous présenter un jour, messieurs, des maté- riaux pour servir à l'histoire des troubles de 1787 et à celle de leurs suites. » Le journal exact que j'ai tenu de tous les faits, accompagné des preuves nécessaires, vous apprendra, messieurs, si vous désirez en prendre inspection, quand l'ouvrage dont il s'agit ici, a été commencé, interrompu, continué, abandonné ou suspendu ; quel rang il occupait dans les actes joints à des mémoires intéressants; comment et à quelle I LIVRE I. — 1791. 579 occasion je m'aperçus le 22 février dernier que ce canevas d'un éloge historique de Joseph II manquait à la collection de mes actes; et quels soins je me suis donnés depuis le 25 du même mois (jour où j'eus con- naissance de son impression) pour découvrir l'éditeur du Discours imprimé. » Je ne reproche pas à l'éditeur d'avoir dévoilé mes sentiments; je lui reproche au contraire de n'avoir pas ajouté mon nom à mon ouvrage, puisqu'il a voulu le rendre public : mais si son but a été louable, il eût dû consulter des personnes de goût et de génie avant de le remplir; il eût dû considérer encore qu'il est un temps pour tout, et que le temps de dire la vérité en traitant l'histoire de Joseph II n'est pas venu. » Au reste, puisque la chose est faite, je remercie l'éditeur de m'avoir fourni celte occasion de vous instruire, messieurs, de la naturo du tra- vail dont je m'occupe depuis plusieurs années et constamment pour justifier un jour, autant qu'il peut être en moi, l'honneur que vous m'avez fait en daignant m'admettre parmi vous et m'associcr à vos travaux. » Daignez agréer, messieurs, ces expressions de mon zèle et l'offre que je fais de vous en convaincre plus intimement par l'inspection des mémoires historiques et des actes intéressants que j'ai rassemblés et continuerai de rassembler pour vous les offrir un jour : je vous prie, messieurs, de vouloir considérer ces mémoires et documents, comme étant à votre disposition dans tous les temps où vous désireriez, soit collectivement et par commissaires ou individuellement, en avoir inspec- tion ou en tirer des extraits. » Anticipant sur les temps, nous dirons que dans la séance du 5 mars 1792, il fut donné lecture d'une production intitulée : a Discours adressé à l'Académie I. et R. des sciences et belles- lettres de Bruxelles par le conseiller privé de Berg, membre de cette Académie, accompagné i° de l'histoire de la fable des 40 "/o extraite des Mémoires pour servir à l'histoire de Joseph II et à celle des troubles des Pays-Bas commencés sous son règne; 2° d'une copie d'une instruction émanée de Joseph II en 1785, qui fut la source unique de la fable des 40 "/o- » M. Hoppé, secrétaire du ministre plénipotentiaire comte de Mcrcy-Argenteau, assista à la séance du iO mars 4791. L'abbé 580 LIVRE 1. 1791. Mann y donna lecture d'un mémoire sur la formation des grêlons et des glaçons dans les orages, et M. Burlin « des vers latins qu'il avait faits sur la révolution belgiqne, pendant sa détention au commencement de 1790, mais qu'il ne destinait pas au recueil de l'Académie. » Le lendemain de la séance, Gérard écrivit au secrétaire la lettre que voici : « Monsieur, par votre billet du 7 de ce mois, vous m'avez informé que M. le président de TAcadémie désirait voir les mémoires qu'on se proposait de lire dans la prochaine séance où un étranger [M. Hoppé] assisterait : ma minute étant si embrouillée qu'elle n'était pas lisible et ayant des choses à y ajouter, j'ai copié de nouveau mon mémoire et la copie n'ayant pu être achevée que vers le midi du jour de la séance, je n'ai pas eu le temps de la faire passer à M. le président, et comme je n'attachais aucune valeur à ce que mon mémoire fût lu ce jour-là, je vous ai prié de le retenir pour la séance suivante, d'autant plus que je croyais d'ailleurs que les autres mémoires dont on ferait lecture avaient été vus par M. le président. » Il m'importe, monsieur, de savoir si ce sont mes mémoires seuls qui doivent être examinés d'avance, et j'espère que vous voudrez bien me donner un mot de réponse à ce sujet pour ma direction, afin que je puisse en parler dans la prochaine séance avec connaissance de cause, d'autant qu'il a paru singulier à quelques membres de l'Académie qu'y ayant des mémoires destinés à entrer dans la collection académique, on ait fait d'autres lectures. Je vous le répète, monsieur, c'est principale- ment parce que M. le président n'avait pas vu mon mémoire que j'ai eu l'attention de n'en pas faire lecture, et je ne vous cacherai point que je ne serais pas indifférent si c'était à moi seul que vous auriez écrit dans le temps que vous saviez que d'autres membres de l'Académie avaient des lectures à faire. J'ai l'honneur d'être, etc. » P. S. Je vous prie, monsieur, de vouloir me renvoyer mon mé- moire. » Le mémoire de Gérard dont il est ici question, traitait des monnaies belgiques frappées sous le duc de Bourgogne Jean sans peur. Nous ignorons comment l'abbé Mann s'y prit pour calmer LIVRE 1. — 1791. 581 l'irascible académicien, ni quelle explication il lui donna : le pro- tocole nous apprend seulement que Gérard fit lecture du com- mencement de son mémoire dans la séance du 21 mars. Le 4 avril, l'Académie s'occupa de satisfaire à une demande du ministre plénipotentiaire, ayant pour objet d'obtenir des modèles d'inscriptions pour les médailles à frapper à l'occasion de l'inau- guration de Sa [Majesté lempereur Léopold II Le même jour, l'apotbicaire Vanden Sande adressait à l'Aca- démie la leltre que nous allons transcrire et dont il n'est fait aucune mention dans les protocoles. « Messieurs, tout être pensant doit concourir à l'utilité de ses sem- blables et au soulagement de l'humanité souffrante; ainsi la vérité doit servir de guide à l'historien qui veut faire passer à la postérité la connaissance des hommes vertueux et de ceux qui ont démérité, pour suivre l'exemple des uns et se prémunir des défauts des autres : c'est un de ces motifs, si je ne me trompe, qui a porte rimmorlelle Marie- Thérèse à instituer l'Académie impériale et royale. Pénétré de ces sen- timents, j'ai l'honneur de présenter à votre Académie un exemplaire d'un mémoire qui a concouru pour le prix qu'elle avait proposé pour la destruction des mans et des hannetons, malgré que l'Académie de Bruxelles l'avait jugé ne point avoir satisfait au programme proposé, pendant la rébellion. « J'ai l'honneur d'être, etc. » Notons que dans sa préface, l'auteur montrait beaucoup d'hu- meur contre l'Académie et contestait la légalité de sa décision. Il ne se borna pas à cette critique imprimée : l'abbé Mann lui attri- bue encore des lettres injurieuses qui sont probablement les sui- vantes, adressées à l'Académie Tune le () mai sous le voile de 1 anonyme, l'autre le 9 mai, avec la signature De Voleran. « Messieurs, «^ porte la première, datée de Cologne, « j'ai observé par le mémoire que M. Vanden Sande a fait imprimer, ainsi que par les feuilles publiques, qu'une partie des membres de votre Académie n'étant pas légalement assemblés, ont, du temps de la rébellion, disposé du prix 582 LIVRE 1. 1791. relatif à la deslraction des hannetons et des vers qui en proviennent; je n'ai point la même bonté que M. Vanden Sande, et j'ose me flatter que le mémoire que j'ai envoyé au concours a satisfait à la question, ainsi que de droit le prix me compète. J'espère, messieurs, qu'étant présentement légalement assemblés, vous jugerez de nouveau les mémoires pour le prix et que ceux de vos membres qui ont été obligés de quitter leurs foyers, pour avoir été fidèles à leur auguste maître, n'ont point l'âme assez basse pour condescendre aux bévues que les autres ont commises pendant la révolution, sinon vous me forcerez à me faire connaitre en présentant ma requête à Sa Majesté pour cet objet, et en cas de besoin, de vous actionner devant vos juges compétents; ne voulant pas être la dupe des académiciens, qui pendant l'insurrection ont osé sans autorité nom- mer un échappé de France [Lesbroussart] pour un de leurs membres, afin de le récompenser des brochures qu'il a faites contre votre auguste bienfaiteur et que les membres qui ont été éloignés pour avoir été fidèles à S. M. tolèrent. » J'ai l'honneur d'être très parfaitement, messieurs, votre très humble et très obéissant serviteur. » Un [de] ceux qui a concouru au prix pour la destruction des hannetons. » La seconde lettre est datée de Lille; elle est ainsi conçue : <« Messieurs, dans V Esprit des journaux du mois de novembre 1790, j'ai rencontré que l'Académie de Bruxelles avait proposé quelques programmes, et que je crois que l'Académie de Bruxelles du temps des rebelles est présentement l'Académie imp'^ et r'« de Bruxelles, et que je sais que son président et plusieurs de ses principaux membres ont dû s'enfuir, crainte d'être canonnés par les canons que ce mémorable corps a donnés aux rebelles, et qu'une corporation ne peut rien faire si elle n'est légalement assemblée, je vous prie donc, messieurs, de me faire savoir par les feuilles publiques si l'Académie imp'^ et r'e a agréé les programmes que l'Académie de Bruxelles du temps des rebelles a fait publier, et si elle accordera réellement les prix à ceux qui auront satis- fait à leurs questions. Je suis très respectueusement, etc. » Le d8 avril, l'Académie avait fixé au mercredi 18 mai la séance générale, et le secrétaire avait été chargé d'en informer tous les LIVRE I. 1791. 585 membres regnicoles. Voici la circulaire qui leur fut envoyée le 2 mai : M Monsieur et très honoré confrère, » J'ai rhonneur de vous informer que la séance générale, dernière avant les vacances, se tiendra mercredi 18 de ce mois de mai, à Theure et au lieu ordinaires. Il s'y agira du choix d'un directeur et d'un trésorier de l'Académie, de l'élection d'un nouveau membre ordinaire qui a été différée jusqu'à présent, à cause des circonstances du temps, ainsi que d'autres objets qui demandent très spécialement la présence de tous les membres. « Dès le 1 1 avril, l'abbé Mann avait adressé la lettre suivante à De Beunie : « Monsieur et très honoré confrère, » Il y a bien longtemps que nous avons gardé un silence mutuel; l'état peu stable des choses en a été la cause de mon côté. Pour plusieurs raisons, j'espère vous voir ici à la séance générale du mois de mai, dont le jour n'est pas encore fixé, mais que je vous annoncerai dès qu'il le sera. J'ai entre les mains pour vous le jeton du nouvel an et les arrérages de votre pension. » Le don des canons que l'Académie a fait dans la séance du 44 mai de l'année p issée où vous vous êtes trouvé, a donné beaucoup d'hu- meur; je crains qu'il sera cause de nous faire perdre une année de dotation. D'un autre côté, je ne dois pas vous laisser ignorer que M. le président, dans la séance du 21 février de cette année, a spécialement recommandé aux membres pensionnés de remplir exactement les obligations qui leur sont prescrites par l'acte de la collation de leur pension; avertissant qu'il ne pourrait pas s'empêcher de faire connaître au souverain ceux qui seront trouvés en défa-ut à cet égard. Ceci, mon respectable confrère, est la principale cause pour laquelle je vous écris dans ce moment. Je désire que vous soyez à l'abri sur ce chef en apportant avec vous à la séance de mai (dernière de l'année académique) quelque ouvrage de votre façon. » Dans une lettre que vous m'avez écrite le 28 février 1788, vous me 584 LIVRE I. 1791. marquez que votre mémoire sur la précipitation du mercure était achevé, et que vous alliez travailler incessamment à ceux sur les précipitations de l'argent, de l'or, et des demi-métaux. Ce sont autant de suites de votre ouvrage imprimé dans le 5« volume qui a été fort goûté; mais nous n'avons encore reçu aucune de ces suites. Enfin, donnez-nous ce qu'il vous plaira, et soyez persuadé que c'est la seule amitié qui me fait prendre la liberté de vous écrire ceci, en vous priant de n'en parler à à personne, pour ne pas me compromettre. » L'avant-veille de la séance générale, l'abbé Mann écrivit au chancelier Crumpipen : a Ne sachant pas si je pourrais avoir l'honneur de vous parler avant la séance de l'Académie de mercredi après midi, j'ai celui de vous marquer par écrit les principaux objets dont il s'agira, à ce que je crois, dans ladite séance; ce sont les suivants : 1" L'élection d'un directeur. Les vœux de la majeure partie des membres semblent se fixer sur M. l'abbé Chevalier : on parle de démarches faites pour d'autres, mais je n'en ai aucune connaissance distincte; 2° l'élection de M. le baron de Fellz pour membre ordinaire. J'y ai disposé tout ce que j'ai pu pour cet effet, que je crois de plus en plus nécessaire au bien-être du corps dans l'état de disgrâce oîi les malheureux canons l'ont mis : d'ailleurs il ne conviendra certainement pas de mettre au ballot cette élection sans pouvoir y réussir. Peut-être nous obtiendra-il l'année de dotation; 3* le payement des trimestres échus le 1" de ce mois en faveur des membres pensionnés. M. De Beunie a plusieurs trimestres dus. Or ce payement ne peut se faire, sans recourir aux 2 000 florins placés à rente sur obligation à la fin de décembre i789, pour les mettre en sûreté pendant l'insurrection ; 4o la nomination d'un trésorier et la reddition des comptes. » Le chancelier répondit le 18 : « J'ai couché cette nuit pour la première fois, dans l'hôtel de la chancellerie, et les embarras inséparables de mon délogement ont été cause que je n'ai pas répondu plus tôt à votre billet du d6. Je vous suis fort obligé pour les notes qui s'y trouvent, celles-ci me mettent au ( LIVRE 1. — 1791. 585 courant des différents objets qui doivent être traités dans la séance de ce jour, et sur lesquels je suis entièrement de votre avis, notamment sur ce qui regarde la place de trésorier qui ne saurait être mieux confiée qu'à vous, monsieur, et qu'il serait ridicule, ce me semble, de donner à un autre, du moins à présent, pour gratifier d'une pension ce nouvel officier. Je me trouverai à l'Académie à quatre heures et demie. » CHAPITRE LUI. Séance générale du 18 mai 4791. — La nomination de l'abbé Chevalier aux fonctions de directeur. — L'élection du baron de Feltz : sa lettre de remercîments. — La réception de l'Académie par les gouverneurs généraux. — L'inauguration de Léo- pold II, — L'arrivée du comte de Metternich, ministre plénipotentiaire. — l'Aca- démie lui est présentée le 24 juillet. — Obstacles que rencontre le payement de la dotation, échue le ler novemhre 1790. — La pension de l'abbé Mann. — La nou- velle Commission des études. — L'abbé Mann qui en fait partie est autorisé à cumuler le traitement qu'il reçoit de ce chef avec sa pension. Quatorze membres assistèrent h la séance générale du 18 mai, à savoir : MM. Gérard, de Hesdin , Chevalier, Du Rondeau, De Beunie, Mann, de Launay, Heyien, Ghesquiere, Caels, Van Bochaute, Burtin, de Berg et Lesbroussart. — MM. Vounck, Marci et de Witry s'étaient excusés : l'évêque d'Anvers et le comman- deur de Nieuport n'avaient pas donné de leurs nouvelles. La place de directeur, vacante depuis la mort du marquis du Chasteler, fut donnée à l'abbé Chevalier. Le baron de Feltz fut élu membre, a les suffrages par voie du scrutin s'étant réunis en faveur du candidat. » Le secrétaire reçut l'autorisation de lever les 2 000 florins placés sur obligation à la fin de l'année 1789. On ajourna la nomination d'un trésorier, « en attendant que l'état des choses rentre dans le calme et prenne une meilleure consistance. » Il fut résolu que les comptes du receveur provi- sionnel seraient coulés pendant les vacances par M. le président 586 LIVRE 1. — 1791. et les deux commissaires, MM. Gérard et l'abbé Chevalier, nommés ci-devant à cet effet par l'Académie. On décida de s'occuper de la formation d'un sixième volume de Mémoires On nomma les commissaires chargés d'examiner les mémoires du concours, savoir : MM. Du Rondeau, Mann et Burtin pour la question de physique, et MM. Gérard, de Berg et Lesbroussart pour la question d histoire. Enfin M. De Beunie, se conformant à la recommandation de l'abbé Mann, présenta une « suite d'expériences sur les précipita- tions des métaux, comprenant celles de l'argent et de l'or » ; et M. Burtin lut une « description d'une grotte de la province de Luxembourg, nommée vulgairement Trou de Han. » Le baron de Feltz, qui avait été informé immédiatement de son élection, adressa le jour même la lettre suivante au secrétaire perpétuel : M Monsieur, » Je suis singulièrement flatté de Thonneur que TAcadémie a bien voulu me faire en agrégeant mon ignorance aux lumières et aux utiles travaux des membres qui composent celte Société littéraire, je sais par- ticulièrement flatté d'être en grande partie redevable de cette flatteuse distinction à votre suffrage ; soyez, je vous prie, l'interprète de ma recon- naissance et le garant de mon zèle pour les intérêts de l'Académie, ce sera le seul contingent que je puisse y porter avec l'hommage de ma vénération : agréez mes remercîments de vos bons offices et les assu- rances des sentiments distingués avec lesquels j'ai l'honneur d'être, etc. » Nous avons vu ci-dessus, par la lettre que l'abbé Mann écrivait au président de l'Académie le 16 mai, les raisons politiques de l'élection du baron de Feltz. Celui-ci ne s'était fait aucune illusion à cet égard. Vingt-cinq ans après, ayant été appelé à présider l'Académie restaurée, il disait dans la séance d'installation du 18 novembre 1816 : « En qualité d'un de ses anciens membres, je n'avais que de bien faibles titres à être associé à cette illustre compagnie : je n'ai dû dans le temps cette distinction, qu'au LIVRE I. 1791. 587 poste que j'occupais alors, de secrétaire d'État pour le gouverne- ment général des Pays-Bas autrichiens. » Guillaume-Antoine-François de Feltz était né à Luxembourg le 5 février 1744 : il était le second fils de Jean-Jacques de Feltz, conseiller au conseil provincial du Luxembourg, et de Marie- Élisabeth de Meven. — Jean-Jacques de Fcllz mourut en décem- bre 1755 Le 2 septembre i757, Marie-Thérèse fît expédier à sa veuve des lettres patentes de baron au profit du défunt et de ses descendants en ligne directe et selon l'ordre de primogéniture. Par cet octroi du litre de baron, fimpératrice avait voulu recon- naître les bons et utiles services que ceux de la famille de Feltz avait rendus à son auguste maison dans les différents emplois, tant civils que militaires, dont ils avaient été revêtus. Le jeune Guillaume de Feltz était chargé de la recette des étals de la province de Luxembourg, lorsqu'il fut appelé à coopé- rer à la rédaction du cadastre de celte province. Ce travail terminé, il entra (en 1770) à la jointe établie aux Pays-Bas pour les affaires des administrations et subsides, avec le titre d'audi- teur à la chambre des comptes. Le 25 janvier 177:2, Marie-Thérèse lui accorda, pour lui et ses descendants par ordre de primogéniture, le tilre de baron que portail déjà son frère aîné. Le 13 juin 1774, l'auditeur baron de Fellz oblint la recette générale des aides et subsides de la province de Luxembourg. Dix ans après, nous le trouvons conseiller cl maître de la chambre des comptes, et chargé de l'administration de la caisse de religion. En 1 786, il échangeait ce titre contre celui de conseiller du conseil du gou- vernement général, et formait avec le conseiller Leclerc et le conseiller prévôt Du Fours, la commission pour les affaires ecclé- siastiques, celles des étu«les et la censure des livres. Voici le portrait qu'Henri Crumpipen traçait du baron de Feltz dans les Notes confidentielles : « Il a beaucoup d'esprit et de connaissances, surtout en connais- sances agréables, il écrit à merveille, mais il n'a aucune érudition en affaires d'administration supérieure : il est caustique dans son style : l'esprit est au-dessus de la forme, et il y a des saillies de plaisanterie et 588 LIVRE I. — \191. des gloses qui ne conviennent pas à toutes les affaires. Il les emploie quelquefois dans les affaires de religion, et cela fait parfois mauvais effet, quoiqu'il puisse avoir raison pour le fond : d'ailleurs il ne fait pas grande difficulté de dire son opinion sur la religion et ses pratiques; et cela fait dire quelquefois qu'il est hors de sa place dans une commission ecclésiastique; au reste il n'y est que pour le numéraire, mais cela n'em- pêche pas qu'il ne soit des délibérations, et dans l'état d'acharnement tout est mal interprété. — C'est d'ailleurs un sujet qui abonde en zèle et qui serait excellent pour un département de domaines ou d'administra- tion; sa plume serait même d'un grand service pour des pièces publiques qui demanderaient de l'ornement dans les tournures... « Le baron de Feltz avait été envoyé en Hollande par le eomte J.-P. de Cobenzl ^, dans le mois de février 1790, pour y négocier des lettres de change, et pour y rechercher les moyens de pro- curer des grains et de l'argent à l'armée impériale, refoulée dans le Luxembourg. Un des articles de ses instructions le chargeait de mander tout ce qu'il lui serait possible d'apprendre sur la con- duite et les vues delà Hollande vis-à-vis de l'insurrection belgique. Le baron de Feltz s'acquitta de cette mission d'une manière qui lui mérita les remercîmcnts de la cour de Vienne. Après la rentrée des autrichiens, il fut nommé secrétaire d'État et de guerre. C'est à lui que l'abbé Mann avait été chargé par le chancelier de s'informer de ce qu'il y aurait à espérer touchant le payement de la dotation de l'Académie pour l'année échue le 1" novembre 1790. L'abbé Mann avait rendu compte du résultat de sa mission, dans la séance du 18 mai : d'après ce qu'il avait apj)ris, le ministre avait réserve la décision de celte affaire à Leurs Altesses royales les sérénissimes gouverneurs généraux, Kt là-dessus, il avait été * Vice-chaocelierdecour et d'État, pareni de l'ancien ministre plénipoten- tiaire. « Il avait été chargé, à la fin de 1789, de tenter une dernière démarche pour faire rentrer dans le devoir les provinces belges soulevées contre la do- mination de l'Autriche; sa tental've resta infructueuse et il ne |)ut dépasser Luxembourg, seul point que les troupes impériales occupaient encore el oîi lui parvint la nouvelle de la mort de son maître [Alph. Wauters]. » LIVRE I. — 1791. 589 décidé « que pour faire face aux besoins immédiats de l'Académie, et nommément pour payer les trimestres des pensions des acadé- miciens échus à la fin d'avril, il fallait lever les fl. 2 000 ajoutés aux fonds de l'Académie et placés sur obligation à la fin de décem- bre 1789. » Le 13 juin 1791, les archiducs rentrèrent dans Bruxelles. Le 18, le baron de Fellz écrivit au secrétaire de l'Académie : « Leurs Altesses royales recevront demain entre neuf et dix heures les hommages de rAcadémie ; je saisirai avec empressement celte occasion pour avoir Thonneur de m'agréger à une de ses cérémonies, mes occupa- tions me permettant si peu de participer à ses travaux, même pour mon instruction, car je ne trouve plus le temps de lire. Je serai consolé si je trouve au moins l'occasion de prouver à TAcadémie et à vous en parti- culier les sentiments de respect et d'attachement avec lesquels j'ai l'hon- neur d'être, etc. » Voici le discours prononcé par le chancelier de Brabant, en présentant la compagnie aux sérénissimes gouverneurs géné- raux : « Madame et Monseigneur, » L'Académie des sciences et belles-lettres supplie Vos Altesses royales d'agréer le renouvellement de ses très respectueux hommages. Les tristes événements qui ont désolé la Belgique ont ralenti, ont dû arrêter nos travaux littéraires, comme ils avaient paralysé toutes les sources de la prospérité publique. A l'aspect de Vos Altesses royales, celles-ci vont être révivifiées; et Leurs bontés encourageantes pour un établissement fondé par l'auguste Marie-Thérèse, en ranimant notre zèle, nous feront redoubler d'efforts pour mériter la continuation de la haute bienveillance de Vos Altesses royales, et par celle-ci, la protection suprême du grand prince qui nous gouverne. »> La rentrée des archiducs fut suivie, le 50 juin, de l'inaugura- tion de l'empereur Léopold H. 590 LIVRE I. — 1791. Le dimanche 26 juin, au soir, l'abbé iMann écrivait à Les- broussart : « Monsieur, il s'agit de faire une superbe illumination au Parc, jeudi Drochain au soir, à roccasion de Tinauguration. Au milieu du bassin de gazon qui est en face de Thôtel du conseil de Brabant, s'élèvera un obé- lisque à trois faces : chacune de ces faces doit porter un emblème avec devise, dont voici les sujets : » La face principale aura pour emblème le double aigle impérial pour représenter la personne de Tcmpereur avec une devise à faire. — La 2« doit avoir un emblème qui représente ou qui désigne Leurs Altesses royales, avec une devise correspondante. — La 3^ face doit porter un emblème qui désigne la nation, avec une devise ou inscription corres- pondante. » C'est depuis huit heures ce soir qu'on vient me demander ces deux emblèmes et les trois inscriptions : je m'adresse à vous, monsieur, comme académicien et comme professeur royal, en vous priant de vouloir bien me donner vos idées là-dessus d'ici à demain matin à 7 heures; j'y penserai de même. Voyez, si vous voulez, quelque autre professeur; je tâcherai de voir quelques-uns de l'Académie, parce qu'il nous intéresse à tous de donner quelque chose dont on n'aura pas à rougir. » Voici [ce] que l'on m'a prescrit : les inscriptions doivent être en français et très courtes. » Le comte de Melternich *, appelé à remplacer Mercy-Argenteau, arriva à Bruxelles le 8 juillet, et des lettres patentes du 27 du même mois rétablirent les conseils collatéraux dont les anciennes attributions avaient été, depuis le commencement de Tannée, remplies par des comités. L'Académie fut présentée au nouveau ministre le 24 juillet. On a dit précédemment que le comte de Mercy-Argenteau avait * François-George, comte de Metternich-Winnebourg, grand-croix de l'ordre de S'-Élienne, chambellan, conseiller d'État intime actuel, ministre plénipo- tentiaire de l'ennpeieur près les cours électorales de Trêves et de Cologne» ainsi que près le cercle de Westphalie. — Ses lettres patentes sont du 1 7 juin 1791. r LIVRE I. 1791. 591 réservé à Leurs Altesses royales la décision à prendre dans l'af- faire de la dotation de l'Académie, échue le 1" novembre 1790. Il est curieux de voir les obstacles que le payement de cette dotation avait rencontrés. Le commissaire des états généraux pour les affaires de l'Acadé- mie, tout en promettant que la dotation serait payée, avait fait savoir que pour le moment les états « étaient en défaut d'ar- gent. » Dans la séance du 15 novembre 1790, l'abbé iMann avait communiqué à ses confrères ce qu'il avait appris de la bouche du susdit commissaire. Le 51 décembre, Mann s'était adressé au gouvernement restauré. Sa note avait été renvoyée, le 17 janvier 1791, à Tavis de la chambre des comptes par le comité des domaines et finances, et le 14 février, M. Limpens avait fait le rapport suivant* : « Dans les deux rescriptlons ci- jointes de la chambre des comptes, il s'agit de la dotation de l'Académie des sciences de Bruxelles et de la pen- sion de Tabbé Mann'. » La dotation de l'Académie est de fl. 4 200 par an; la chambre des comptes propose tout uniment de la payer pour toute l'année 1790. » Le comité estime qu'il y a moins de raison de payer cette charge que bien d'autres pour cette année, puisqu'il est publiquement connu que l'Académie a donné des canons en dons patriotiques aux états pen- dant la révolution ; si c'est à cela qu'elle a employé sa dotation, il ne peut même pas être question de permettre aux états de payer l'arrérage de sa dotation à une corporation qui s'est ainsi conduite : ce payement devant absolument entrer dans la défense que S. E. a d'abord signifiée aux états de Brabant en particulier et ensuite à ceux des autres pro- vinces, de rien payer d'extraordinaire; et comme en général, Sa Majesté ne paye des charges de l'année 1790 qu'à ses employés restés fidèles et aux rentiers qui ont la banque de Vienne pour hypothèque, la dotation de l'Académie n'est pas dans le cas d'être payée pour l'année arriérée. « Si quelques pensionnistes de ce corps assignés sur la dotation sont restés fidèles, ils se produiront pour la moitié de l'arrérage et leur afiFaire sera un cas particulier... » * Archiv. du roy. de Belg. Conseil des finances: carton n" 125. 2 Nous parlerons plus loin de cette seconde affaire. 592 LIVRE I. — 1791. En marge de ce rapport, on lit l'apostille suivante du comte Mercy : « S'il est prouvé que l'Académie ait donné des canons aux insurgents, elle mérite à tout égard d'être traitée très sévèrement. Ainsi sur ce point..., je me conforme à l'avis du comité. » Pour Tannée échue au 1" novembre 1791, nous trouvons la note suivante dans le protocole du conseil des domaines et des finances, sous la date du 25 novembre : w Vu et approuvé un extrait de protocole sur note de l'abbé Mann, secrétaire perpétuel de l'Académie des sciences et belles-lettres de Bruxelles, tendante à ce qu'on lui fasse payer la dotation de cette Académie pour l'année échue à la fin du mois d'octobre dernier. Il fut résolu de soumettre à la détermination de LL. AA. RR., si cette dotation qui est de fl. 4-200 par an doit être payée en entier pour l'année échue au 51 octobre dernier, ou s'il faut en déduire la partie de l'année 1790 qui est antérieure à la rentrée des troupes, savoir du l^"" novembre au 2 décembre 1790. » 1 L'année échue au 51 octobre 1791 fut payée en entier par suite d'une décision des gouverneurs généraux, datée du 12 décembre de la dite année. Nous arrivons maintenant à la seconde rescription de la cham- bre des comptes, dont il était parlé dans le rapport susmentionné de Limpens. Cette seconde rescription était relative à la pension de l'abbé Mann : « Quant à la pension qu'a l'abbé Mann sur les fonds civils , » disait Limpens, c elle est de fl. 2 400 par an dans lesquels on impute les fruits de sa prébende à Courlrai. Ces fruits ont été nuls pendant les années de carence; il déclare à présent qu'il a perçu fl. 1 109-4 pour 1790, la chambre propose de lui suppléer fl. 1 200-16 pour atteindre les fl. 2 400 de l'année 1 790, mais sur cela on doit remarquer que cette pension n'en LIVRE I. — 1791. 595 est pas une de retraite ni de jubilarisation, mais est censée être le prix d'un travail quelconque. Ce serait une exception marquée de traiter mieux que les employés quiescents du gouvernement, l'abbé Mann qui n'a certainement rien fait ni pu faire pour le service pendant l'année 1790, et qui ne s'est pas même retiré du pays. Il ne peut donc être mieux traité que les pensionnistes jubilaires qui n'ont eu que la moitié de leur pension de retraite pour l'année 1790. Sous ce point de vue, l'abbé Mann ayant eu fl. i 109-4 de son canonicat,il lui revient fl. 90-16 pour compléter la moitié de sa pension de l'année 170O; et pour le premier trimestre de l'année 1791, comme il déclare avoir reçu de sa prébende fl. 524-8-9, on lui imputera cette somme sur un mois de demi-pension et sur deux mois de pension entière, si S. E. agrée les principes que le comité propose. La chambre rappelle à cette occasion une proposition qu'elle avait faite en 1789 de conférer à l'abbé Mann un canonicat qui vaudrait fl. 2 400 pour épargner aux royales finances le supplément de sa pension, et le comité ne peut que porter cette propo- sition à la connaissance de S. E. comme assez avantageuse au service pour mériter d'être notifiée au comité du conseil privé avec injonction de tenir l'abbé Mann présent pour un premier canonicat de cette valeur qui viendrait à vaquer. » Le comte de Mercy-Argenteau écrivit en marge : « ... Ainsi sur ce point [de l'Académie], sur celui de l'abbé Mann, et sur l'idée très raisonnable de lui procurer un canonicat de fl. 2 400 qui lui serve d'appointements, je me conforme à l'avis du comité. » Quelques jours après, un décret du comte de Mercy-Argen- teau, du 25 février 1791, nommait l'abbé Mann et le P. Jansscns, augustin, « })our prendre inspection de l'état de tous les collèges de ce pays, recevoir les plaintes, mémoires et demandes quelcon- ques faites et à faire relativement à ces. collèges, y pourvoir d'après ceque les directions et règlements prescrivent, portera [la] connaissance [du ministre ce qu'ils pourraient] croire exiger [sa] sanction ou détermination. » Sur une consulte du conseil privé du 28 mars, le ministre plé- nipotentiaire résolut qu'il serait adjoint aux deux commissaires un Tome XXXIV. 38 594 LIVRE I. 1791. conseiller prive et un conseiller des finances, et que les deux com- missaires seraient payés à raison de iOO fl. par mois chacun. M. Podevin était désigné pour remplir les fonctions d'actuaire de la Commission, avec le titre provisoire de premier officiai et des appointements de 800 fl. par an. La Commission devait être présidée par le président du conseil privé H. Crumpipen. Les conseillers du conseil privé et du con- seil des finances, appelés à en faire partie, étaient respective- ment MM. de Berg et N. d'Aguilar. Elle tint sa première séance |e G mai. Le 5 mai, le baron de Feltz écrivait au commandeur de Crum- pipen [c'est le titre que l'on donnait alors à H. Crumpipen] : « ... Vous verrez au surplus par la lettre également ci-jointe de cet ecclésiastique [l'abbé Manp] , que sa position n'est pas des plus riantes, et que, quoiqu'il paraisse avoir de la délicatesse à demander des secours, son état est critique, et d'après cela S. E. serait disposée à faire à M. l'abbé Mann quelque avance ou à lui faire payer quelque à-oompte sur le traitement qu'on lui destine comme membre de la Commission des éludes, et Elle attendra ce que le comité ou vous, monsieur, lui proposerez à cet égard. » L'extrait que nous venons de transcrire de la lettre du baron de Feltz fut communiqué au comité des finances, et le conseiller d'Aguilar y mit l'apostille suivante, à la date du 14 mai : » Lu au comité; il a été résolu de faire examiner de quelles pensions l'abbé Mann a joui jusqu'à présent, et de tenir entre-temps en sur- séance l'ordonnance projetée du 9. « Cette ordonnance du 9 mai allouait à l'abbé Mann fl. 30 1-5-9 arg* cour* de Brabant, « qui avec les fl. 238-14-5 qu'il avait reçus des fruits de sa prébende dans l'église collégiale de Courtrai faisaient 600 fl. cour*, import d'un trimestre de ses gages, échu le 30 avril dernier. » LIVRE I. 1791. 595 L'appoinlemenl de M. d'Aguilar fit l'objet de la note suivante D'ailleurs, sans parler des dépenses que lui a causées sa fuite forcée avec son fils pendant les troubles, les pertes immenses qu'il a faites, par les pillages commis chez lui par les satellites du comité de Bruxelles, surtout en linge et autres articles d'un besoin immédiat, l'ont obéré au point qu'il est tout à fait impossible, qu'avec ses demi- gages il puisse se tirer d'affaire dorénavant. » 11 ose donc prendre son très respectueux recours vers la magnani- mité, l'équité et la bienfaisance connues de Vos Altesses royales, les sup- pliant très humblement, de daigner le réintégrer dans ses fonctions de conseiller rapporteur lors de la nouvelle organisation du gouverne- ment, et de daigner lui accorder entre-temps ses pleins gages. » Le suppliant se permettra d'observer à Vos Altesses royales, que, comme dans l'organisation précédente, il a été rapporteur pour les hôpitaux, les enfants trouvés et autres établissements en faveur de l'humanité souffrante, s'il arrivait qu'un tel département n'aurait pas lieu dans l'organisation nouvelle, il espère avoir prouvé par son tra- vail, pendant les années 1785, 80 et 87, qu'il est suffisamment qualifié à rendre également service dans ce qui regarde l'économie tant rurale que commerciale et financière; objets, auxquels il ne cesse de s'appli- quer depuis plusieurs années, et qui sont d'une importance majeure pour le conseil des finances. » Le 25 juin, Leurs Allcsses royales remirent cette requête au comité des finances, « afin qu'il y fasse une attention convenable. » Le \ 1 juillet, le conseiller d'Aguilar écrivit au bas de l'envoi : « Vue la jubilarisation du suppliant, résolu de mettre ces pièces aux actes. » Le conseil des finances avait reçu le 7 un décret par lequel la pension de retraite du conseiller proto-médecin de S. M., Burtin, « proportionnée à la nature et à la durée de ses services », était fixée à fl. 5 1 50. Le 2:2 septembre 1791, le chancelier Crumpipen coula les 602 LIVRE I. — 1791. comptes du trésorier provisionnel de l'Académie, à l'intervention de MM, l'abbé Chevalier, directeur annuel, et Gérard, commis- saires députés par l'Académie pour assister à laudition de ces comptes, et de M. le baron de Fellz. Les comptes de l'abbé Mann étaient au nombre de trois. Le premier comprenait l'intervalle entre le 47 octobre 1787, jour de la mort du comte de Fraula, et le 31 octobre 1788; le second, l'intervalle entre le 1" novembre 1788 et le 31 octobre d789; le troisième, l'intervalle entre le I" novembre 1789 et le 34 octobre 4790. En voici une analyse ; Premier compte. La recelte a été de fl. 15 615-16-1 1, et se décompose comme il suit : Reliquat du dernier compte des héritiers de Fraula . H 056 6 11 Année de dotation échue le 31 octobre 1787. ... i 200 0 0 Une année d'intérêt, échue le 31 décembre 1787, des 10 000 fl. placés chez Crumpipen 350 0 0 Instruments de chimie cédés à M. de Witry .... 7100 La dépense a été de fl. 4 245-9-9, et se décompose comme il suit : FL. s. D. a) Traitements des employés subalternes 160 13 0 [Gratifications au concierge de la Bibliothèque, fl. 157-10-0; messager des finances, fl. 3-3-0.] b) Nécessités de bureau . , 24 4 6 [Ports de livres envoyés en présent, fl. 13-10-6; bougies et huile pour les séances, fl. 10-14-0.] c) Pensions des membres de TAcadémie . , . . . 2 850 0 0 [Gérard, de Hesdin et Du Rondeau, chacun cinq trimestres; Burtin et Mann, chacun six idem.l LIVRE I. 1791. 605 FL. S. D. d) Jetons 965 4 9 [Confection de 200 jetons, fl. 612-15-0; rachat de 173 jetons à fl. 2-0-9 Tun, fl. 352-9-9.] e) Cabinets de TAcadémie 5140 [Esprits, fl. 2-0-0 j table, fl. 3-U-O.] f) Impressions, Mémoires, reliures 145 9 6 [200 programmes de 1787, fl. 6-6-0; 1 exem- plaire du tome I des Mémoires^ fl. 5-16-0; reliure de 9 vol. in-i<* présentés au ministre le 9 décem- bre 1 787 , fl. 20-9-6 ; gravures et corrections , fl. 112-18-0.] g) Services funèbres 94 4 0 [Comte de Fraula, fl. 47-0-0; Bournons, fl. 47-4-0.] Deuxième compte. La recelte a été de fl. 15 918-7-2, à savoir : FL. s. D. Clôture du compte précédent. 11 368 7 2 Une année de dotation échue le 31 octobre 1788 . . 4 200 0 0 Une année d'intérêt des 10 000 fl. échue le 31 dé- cembre 1788 350 0 0 La dépense a été de fl. 5 279-1 3-iO, et se décompose comme il suit : FL. s. D. a) Traitements des employés subalternes 100 18 4 [Gratifications au concierge de la Bibliothèque, fl. 94-10-0; messager des finances, fl. 6-8-4.] b) Nécessités de bureau (Huile). ....... 5140 c) Pensions des membres de TAcadémie 2 625 0 0 [De Beunie, une année et trois trimestres; Gérard, de Hesdin, Du Rondeau, Mann et Burtin, chacun une année.] rf) Rachat de 122 jetons à fl. 2-0-9 l'un 248 11 6 e) Cabinets de l'Académie 12 9 6 604 LIVRE I. 1791. FL. S. D. f) Bibliothèque royale 79 7 0 [Reliures, frais de bureau, entretien et chauffage en 1787 et 1788.] gf) Impressions, Mémoires, reliures 207 13 6 [200 programmes, fl. 6-6-0; garçons imprimeurs, fl. 21-0-0; garçons relieurs, fl. O-li-O; correcteurs, fl. 20-10-0; reliures, cartonnages, fl. 126-8-0; D'Ours, syndic, fl. 1-11-6; achat d'exemplaires et affranchissement, fl. 31-4-0.] Troisième compte. La recette a été de fl. 17 188-13-4, à savoir : FL. s. D. Clôture du compte précédent 12 638 13 i Une année de dotation échue le 31 octobre 1789. 4 200 0 0 Une année d'intérêt des 10 000 fl. échue le 31 dé- cembre 1789 350 0 0 La dépense a été de fl. 3 873-18-4 et se décompose comme il suit : FL. s. D. a) Traitements des employés subalternes 289 16 0 [Gratification au concierge de la Bibliothèque, florins 31-10-0; une année de gages de l'écrivain Heris, fl. 189-0-0; gratification au domestique Hullet, fl. 63-0-0; étrennes à l'écrivain et au con- cierge, fl. 6-6-0.] 6) Nécessités de bureau 105 8 3 [Port de lettres, fl. 46-18-0; papier, plumes, encre, etc., fl. 12-4-9; bois à brûler, fl. 38-11-0; huile, fl. 3-5 6; serrurier, fl. 4-9-0.] c) Pensions des membres de l'Académie 1 825 0 0 [De Beunie, trois trimestres; Gérard, de Hesdin, Du Rondeau et Mann, chacun une année.] LIVRE 1. 1791. 605 FL. S. D. d) Rachat de 14- jetons, à fl. 2-0-9 l'un 28 10 6 e) Bibliothèque royale 39 19 0 f) Achat d'exemplaires de quelques mémoires couron- nés 4 3 3 g) Achat d'une statue antique de la déesse Vehallenia et de quelques autres antiquités 13 1 4? h) Payé pour quatre canons à 50 louis l'un .... 1 568 0 0 La recette ayant été de fl. 17188-13-4, il reste un boni de fl. 13 314-15-0, dont 10 000 fl. sur obligation à rente. II y a plusieurs observations à faire au sujet de ees comptes. Par résolution de l'Académie du 19 novembre 1787, l'abbé Mann avait été autorisé à appliquer aux frais de son bureau et à l'entretien des Cabinets logés chez lui, la pension de 400 fl. atta- chée à la place de secrétaire perpétuel, pension qui devait lui être payée à partir du l"juin 1787. Dans la séance du 14 mai 1790, il fit observer qu'il n'avait accepté gratuilemenl la place de secrétaire perpétuel que sous réserve, c'est-à-dire cjue la pension de fl. 400 attachée à cette place lui serait payée du moment où le sort qui lui avait été fait, subi- rait un changement. Or ce changement venait d'avoir lieu, le nouveau gouvernement ayant cessé de payer son traitement de fl. 2 400. Il obtint en conséquence que la pension de fl. 400 lui serait payée à litre personnel à partir du 1" novembre 1789, date à laquelle avait cessé le payement dudit traitement. Par suite, les frais de bureau et ceux des Cabinets furent portés de nouveau en compte. Une nouvelle dépense aura été remarquée dans les comptes II et III, sous le titre de Bibliothèque royale. La note suivante en donnera l'explication ; elle accompagnai^ une requête de î'abbé Chevalier, datée du G noveriibre 1791 : « Les petites dépenses que le bibliothécaire de la Bibliothèque royale a été autorisé à faire pour le service de la Bibliothèque, à savoir les frais de papier, encre, plumes, laver la Bibliothèque, fendre et scier le bois, etc.. 606 LIVRE I. — 1791. depuis Tannée 1772 que la Bibliothèque a été ouverte jusqu'à 1786, ont été payés par la recette générale des finances de S. M. sur les mé- moires que le bibliothécaire était autorisé à présenter tous les six mois ou tous les ans. Au commencement de 1787, on a mis au conseil des finances une apostille au mémoire du bibliothécaire, par laquelle il était renvoyé au trésor de l'Académie imp'« et r'*' des sciences pour être payé. L'Académie a acquitté ces mémoires les derniers quatre ans, mais avec une grande répugnance et difficulté, et avec raison, puisque l'Aca- démie et la Bibliothèque sont deux établissements différents, mais comme la Bibliothèque n'a pas le moindre revenu fixe, on supplie le gouvernement général de vouloir ordonner le payement du mémoire ci- joint par la recette générale des finances comme on le pratiquait ci- devant. » 11 fut fait droit à cette demande. Sur le troisième compte de l'abbé Mann, on lit le nota suivant, après le poste de fl. \ 568 payés pour les canons : « M. le com- mandeur de Nieuport fit cette proposition en pleine assemblée générale de l'Académie, sans en avoir auparavant prévenu qui que ce soit, et la fit dans le moment de la plus grande fermenta- tion publique à Bruxelles, quand c'aurait été s'exposer à un dan- ger imminent de s'y être opposé. » — Crumpipen écrivit en marge: « .. Se passe; au surplus, il en sera fait rapport dans la procliaine assemblée générale. » Le 5 octobre 1791, l'Académie tint sa première séance après les vacances. Le secrétaire annonça la mort de l'abbé Marci, décédé le 15 septembre précédent, à l'âge de 82 ans Ses obsèques avaient eu lieu à Louvain les 19 et 20, sans qu'aucun des mem- bres de l'Université dont il était chancelier y assistât. L'Académie décida de faire un service pour le défunt, en commun avec le marquis du Chasteler, décédé le 11 octobre 1789 : ce service eut lieu le 20 octobre dans l'église du petit béguinage. La mort de l'abbé Marci réduisait le nombre des académiciens regnicoles à dix-neuf, savoir : onze pour la classe des sciences, MM. Vounck, Chevalier, Du Rondeau, de Witry, De Beunie, Mann, de Launay, de Nieuport, Caels, Van Bochaute et Burlin, et huit pour la classe des lettres, MM. Nelis, Gcrard, de Hesdin, Heylen, Ghesquiere, de Berg, Lesbroussart et de Feltz. LIVRE 1. — 1791. 607 La séance générale avait été fixée au 19 octobre. Treize mem- bres s'y rendirent. Les absents étaient : l'évéque d'Anvers, Du Rondeau, de Witry, De Reunie, de Nieuport et de Feltz. Le président informa la compagnie que, le 22 septembre, il avait coulé les comptes du trésorier provisionnel, et il exposa les raisons pour lesquelles il croyait convenable de laisser la caisse académique entre les mains de l'abbé Mann. Il lut une note sur Tétat et les embarras de l'Académie pendant les troubles. Cette note préparée par Fabbé Mann et destinée à Leurs Altesses royales, était conçue dans les termes suivants : « Il a été observé par plusieurs membres dans la séance de ce jour, que pendant la malheureuse révolution, TAcadémie ne s'était occupée qu'à sauver ses fonds et ses effets; et en attendant le retour de Tordre et de la tranquillité, d'éviter tout ce qui pourrait la compromettre de quel côté que ce fût 5 mais qu'au mois de mai 1790, dans le moment de la plus grande effervescence parmi le peuple, dans le moment que plus de quatre-vingts personnes de cette ville ont été emprisonnées dans l'espace de trois à quatre jours, un des membres très connu de l'Acadé- mie, sans en prévenir personne, est venu proposer à l'assemblée un don soi-disant patriotique. Quels que fussent les sentiments des individus, aucun comme de raison n'a osé y contredire, beaucoup moins s'y oppo- ser, et n'aurait pu d'ailleurs se permettre la moindre réclamation sans s'exposer à un danger imminent. Il est même très probable que, si l'Aca- démie en corps s'était refusé à adopter cette motion, ses Cabinets et ses fonds auraient été livrés au pillage. La compagnie reconnaît toute- fois que le consentement d'un don prétendu patriotique porté par un corps qui doit tout à l'auguste maison d'Autriche, quoique nécessité par le malheur des circonstances, lui a imprimé une tache, et c'est cette tache qu'elle désire effacer. » Il fut observé en même temps qu'une partie de ses livres furent effectivement enlevés et transportes à Louvain" malgré les réclamations de quelques membres, les états de Brabant y ayant donné les mains; et que peu de jours avant la rentrée des troupes de S. M. à Bruxelles, un commissaire du congrès annonça plus d'une fois au secrétaire l'heure à laquelle il viendrait, au nom et de la part de ses commettants, invento- rier les effets et les fonds de l'Académie. 7 I 608 LIVRE I. — 1791. i> Tel a été l'état de la compagnie pendant les troubles. Comme corps, elle ne s'est jamais départie de la soumission qu'elle devait à son souve- rain légitime, sinon dans cette seule circonstance véritablement forcée, et qui ne peut être attribuée qu'au fanatisme et aux sentiments person- nels d'un individu unique. « Elle a cru de son devoir de saisir l'occasion présente pour désavouer formellement l'acte qui lui a été arraché alors, de consigner ce désaveu, ainsi que son repentir dans le protocole de ce jour, et d'en faire remettre un extrait sous les yeux de Leurs Altesses royales par l'entremise de M. le secrétaire d'État et de guerre, baron de Feltz. » Par ordre exprès et unanime de l'Académie. » (Signé) : L'abbé Mann, secrétaire perpétueL » Le 21 novembre , l'abbé Mann communiqua à l'Académie « la très gracieuse apostille » que les gouverneurs généraux avaient daigné mettre sur la note précédente. Voici quelle était cette apostille. « Nous avons reçu avec satisfaction l'expression des sentiments de l'Académie consignés dans son protocole, ensuite de résolution de l'as- semblée générale tenue le 19 de ce mois [d'octobre]. » Nous chercherons constamment des motifs pour mettre en oubli tout ce qui s'est passé pendant les malheureux troubles; d'après cela la démarche de l'Académie ne peut que nous être agréable. » Héritiers des sentiments de son auguste fondatrice. Nous exhortons l'Académie à ne rien négliger pour les progrès des sciences, des arts et des bonnes études dans ces provinces, et Nous l'assurons avec plaisir de notre appui et de notre bienveillance. » LIVRE I. — 1791. 609 CHAPITRE LV. Les livres des Bibliothèques des ci-devant jésuites réservés pour la Bibliothèque royale, — Communication de l'abbé Mann relativement à la pension attribuée au secrétaire perpétuel. — Le concours de 1791. — L'élection d'un membre étranger. —Les bons offices du prince de Gallitzin en faveur de l'Académie auprès du comte de Mercy-Argenteau et du baron de Feitz. — Le sixième volume des Mémoires. — Les difficultés suscitées par la Société typographique. II n'était pas fait mention dans l'apostille de Leurs Altesses royales des livres appartenant à l'Académie, qui avaient été enlevés et transportés a Louvain. Déjà dans la séance du 8 no- vembre, avant que l'apostille fût connue, la communication sui- vante avait été faite à la compagnie : « Il a été souvent parlé dans les séances et les protocoles de TAcadé- mie, des livres rassemblés des Bibliothèques des ci-devant jésuites et destinés par feu rimpératrice-reinc à Tusage du public dans la Biblio- thèque royale de Bruxelles. Or, depuis plusieurs années, TAcadémie a vu avec peine dissiper et perdre une partie de cette riche collection par les mains des ouvriers qui y ont eu accès, et enfin enlever par ceux de Louvain ce qu'il y avait de plus précieux. Depuis le retour de Tautorité de Sa Majesté, le militaire ayant besoin du bâtiment de réglise des ci- devant jésuites où ces livres avaient été déposés depuis quatorze ou quinze ans, pour en faire leur dépôt économique, les débris de cette collection furent transportés à la hâte et déposés dans une des places du bâtiment qu'avait occupé la commission ecclésiastique. Présentement le comité établi pour les affaires du séquestre des biens ecclésiastiques français, devant occuper le même bâtiment, et ayant besoin de la place où se trouvent ces livres, le conseil des finances a été chargé de pour- voir à ce qu'ils fussent transportés dans un" lieu où les membres de l'Académie Chevalier et Mann pourront avoir un libre accès et faire le choix et le triage des ouvrages qui peuvent convenir à la Bibliothèque royale. » Sur ce rapport du secrétaire, l'Académie résolut que, dès que l'au- torisation en forme serait donnée, les abbés Chevalier et Mann feraient Tome XXXIV. 39 610 LIVRE I. 1791. transporter ces livres et en déposer autant que faire se pourrait dans la Bibliothèque royale et les places qui y sont attenantes, ou enfin ailleurs selon que les circonstances exigeront, et d'en faire Tin vcn taire : le tout aux frais de la caisse académique. M. Gérard, comme connaissant mieux que personne cette collection de livres rassemblés par ses soins, fut prié de se joindre à MM. Chevalier et Mann, pour faire le triage des ouvrages qui pourraient convenir à la Bibliothèque, et ensuite pour faire un cata- logue des livres qui auront été choisis pour y être placés, et un autre des doubles et de ceux qui auront été rejetés comme inutiles à ladite Bibliothèque. » Le 10 novembre, l'abbé iMann écrivait au baron de Feltz : « ... M. le conseiller des finances d'Aguilar m'a déclaré plusieurs fois, et en dernier lieu, que si l'Académie ne [fait] pas transporter ail- leurs sans délai les livres provenant des Bibliothèques jésuitiques qui lui avaient été donnés pour la Bibliothèque royale par feu Timpératrice- reine, et qui sont déposés dans une partie des bâtiments des conseils dont on a un besoin pressant, on sera obligé de les exposer en vente sans forme ni catalogue, ou encore pire, de les jeter par les fenêtres... Ces livres seront déposés partie chez moi, partie ailleurs, si l'on peut, en attendant que la Bibliothèque [ait] un emplacement assez spacieux pour les recevoir... » Le baron de Fellz répondit le même jour : « La partie de mes devoirs qui me flatte le plus sensiblement, c'est de concourir par ma faible influence à tout ce qui peut tendre à l'avan- cement des sciences... L'ordre a été donné hier de vous laisser le temps de trier les livres et de former les catalogues, et, si le service l'exige, de les faire transporter dans un autre bâtiment royal. « Nous reviendrons maintenant à la séance générale du i9 octo- bre 1791. « M. le président lut... une note que le secrétaire lui avait remise touchant la pension de fl. 400 attachée par S. M. au secrétariat de l'Aca- LIVRE r. 1191. 61 1 demie depuis 1776. En J787, le secrétaire actuel s'était désisté de cette pension en faveur de la caisse académique, pour autant qu'il n'arrivât aucun changement dans le sort que le souverain lui faisait ; et elle lui fut passée pour subvenir aux frais du bureau et pour Tcnlrelien des Cabi- nets logés chez lui. Or, pendant les troubles, le secrétaire, se trouvant privé dudit sort, avait réclamé et obtenu, du consentement unanime de la compagnie, ladite pension en sa faveur, et en avait joui en consé- quence depuis le J^"" novembre 1789; mais ce qui le regardait venant d'être rétabli sur l'ancien pied, et son traitement d'ailleurs amélioré, il se proposait de nouveau de se désister pour son usage de ladite pension de fl. iOO, à commencer du l^"" novembre prochain, et de la reprendre, si la compagnie agréait cette proposition, pour les frais du bureau du secrétaire et de l'entretien des Cabinets logés chez lui, sur le même pied que ci-devant, mais avec celte condition expresse, que ce désistement n'aura lieu que pour si longtemps que le sort dont il jouit actuellement lui sera continué sans diminution. M. le président ayant proposé la chose à la compagnie, la proposition du secrétaire fut adoptée de toutes les voix. » On passa ensuite au jugement du concours de l'année. Le prix de la question de la classe des sciences : « Y a-t-il des obstacles qui puissent s'opposer à l'établissement des salines sur les côtes maritimes de la Flandre ? quels sont ces obstacles, et quels sont les moyens de les lever ? » ne fut pas décerné. L'Académie n'avait reçu qu'un seul mémoire écrit en flamand. — Sur la question d'histoire : « Comment se terminèrent les différends qu'eut Marguerite, comtesse de Flandre et de Hainaut, avec Jean et Baudouin d'Avesnes ses fils ?» il était arrivé neuf mémoires, à savoir sept flamands et deux français. Le chanoine régulier de Tongerloo, Isfride Thys, obtint la médaille d'or. Une médaille d'argent fut donnée à titre d'encouragement au prêtre Amand. sous-principal du collège d'Ath. Enfin l'on résolut de faire une mention honorable d'un mémoire flamand. Isfride Thys avait déjà remporté un des prix d'histoire en 1786. Il était devenu Bollandiste hagiographe, après que le gou- vernement eut transféré, par une convention du M mai 1789, à l'abbaye de Tongerloo la propriété des Bibliothèques des Bollan- 612 LIVRE 1. — 1791. distes et du Musaeum Bellarmini, avec le matériel y appartenant, ainsi que du fonds de magasin des volumes des Acta Sanctonim déjà imprimés, et des papiers, ustensiles et effets delà typographie qui y était consacrée. Le tome VI d'octobre des ActaSanclorum venait de paraître, lorsque la seconde invasion française dis- persa, en 1794, les moines de Tongerloo et les Bollandistes. Le 27 octobre 4791, M. Amand adressa la lettre suivante au secrétaire perpétuel : « Monsieur, une indisposition assez sérieuse m'a empêché de répondre plus tôt à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire en date du 25 de ce mois, par laquelle vous m'annonciez que l'Académie avait adjugé un accessit à mon mémoire. » Je n'avais pas lieu d'espérer autant de succès vu le peu de res- source qu'offre à la littérature une petite ville sans amateur ni Biblio- thèque, et ma fortune ne me permettant pas de m'en procurer une bien considérable. Si les recherches que j'ai faites depuis quelque temps sur l'histoire du Hainaut pouvaient être agréables à l'Académie, je me ferais un plaisir bien ^rand de les lui offrir. Elles sont pour la plupart tirées du beau manuscrit de La Fontaine, et des archives de Valenciennes où un de mes amis m'a procuré un accès. Je m'efforcerai toujours, mon- sieur, de mériter la bienveillance de l'Académie impériale et royale et en particulier des savants qui la composent. » _«, I Le comte de Mercy-Argenteau, à son arrivée à Bruxelles, était accompagné de M. Hoppé, secrétaire de légation. M. Hoppé possé- dait des connaissances variées et avait fait une étude particulière des pierres précieuses. Il voulut assister à une séance de l'Acadé- mie, et fut invité à celle du 10 mars 1791. On se rappellera que, le 7, Tabbé Mann avait informé Gérard que si son intention était de lire un mémoire dans la séance du 10, il eût à communiquer j au préalable ledit mémoire au président : nous avons donné la lettre de l'irascible académicien qui demanda s'il était le seul à qui cette injonction eût été faite. Le 5 octobre, de Berg porta à la connaissance de l'Académie que M. Hoppé avait témoigné un grand désir d'être mis au LIVKE 1. — 1791. (H 3 nombre de ses associés étrangers. — Le 21 novembre, la compa- gnie reçut communication d'une pièce intitulée: « Expériences et observations nouvelles sur les couleurs prismatiques, » que le candidat avait fournie comme mémoire d'épreuve, et le 22, le secrétaire perpétuel envoya la circulaire suivante aux membres qui n'habitaient pas Bruxelles: « Monsieur, je suis chargé par rAcadémie de vous informer que sur les instances faites depuis quelque temps par M. Hoppé, secrétaire de légation attache à S. E. le comte de iMercy-Argcnteau, pour obtenir une place d'associé étranger, il aurait dû être proposé au scrutin dans la séance générale d'octobre, si la multiplicité d'affaires qu'il y avait à traiter ne l'avait pas fait différer à un autre temps. » Ce savant est avantageusement connu par des recherches sur diffé- rentes parties de l'histoire naturelle, nommément sur les pierres pré- cieuses : recherches citées avec éloge par feu M. de Bulfon, et auxquelles notre illustre confrère, le prince de Gallitzin , rend un témoignage éclatant. » Par ces considérations, l'Académie a fixé la séance de lundi 6 dé- cembre pour mettre ce candidat au scrutin, et j'ai été chargé en consé- quence de l'annoncer spécialement à tous les membres demeurant hors de Bruxelles, pour les mettre dans le cas d'y venir s'ils jugent à propos, et afin que celte séance, par sa convocation, soit générale. « Aucun des membres convoqués par cette circulaire n'assista à la séance du G décembre. 3IM. Vounck, Heylen et Ghesquiere écrivirent pour s'excuser; l'évéque d'Anvers, l'abbé de Witry et M. De Beunie ne donnèrent pas de leurs nouvelles. M. lïoppé, « chanccliste de l'ambassade impériale et royale à la cour de France,» ayant été mis au scrutin, fut déclaré dûment élu à la majorité des voix. «< M. le président rendit compte des comités composés des membres de la classe d'histoire, qui avaient été tenus chez le secrétaire le 27 et le 29 novembre, pour convenir d'une inscription de la médaille de la nouvelle année prochaine. Leurs Altesses royales avaient choisi en 614 LIVRE I. — 1791. premier lieu pour le sujet de cette médaille le rélnhlissement de la forme du gouvernement^ tel qu'il était sous Vimpératrice Marie- Thérèae, et entre plusieurs inscriptions qui avaient été proposées, ces sérénissimes princes choisirent la première conçue en ces termes : Félicitas publica veteri restituto regimine; mais ayant ensuite préféré pour le sujet de cette médaille l'arrivée de l'archiduc Charles , envisagée comme une preuve de l'affection de Sa Majesté pour Leurs Altesses royales et de son amour pour la nation, le comité du 29 proposa six modèles d'inscriptions entre lesquels les sérénissimes princes choisirent encore le premier, conçu en ces termes : Carolus Austriacus ah Auguslo sorori carissimae concre- ditus in spem Belgicae. » La dernière séance de Tannée 1791 eut lieu le 19 décembre. Cette année avait été très difïicile pour l'Académie. Le conseil des finances, dont elle dépendait en partie, lui était fort hostile, comme on l'a vu, et il ne falliil rien moins que la protection du baron de Feitz, tout-puissant auprès des gouverneurs généraux, pour la tirer du mauvais pas où la malheureuse alTaiie dos canons l'avait conduite. De Fellz avait été flatté d'èlie élu membre de la compagnie, et n'avait négligé aucun moyen de dissiper les pré- ventions du gouvernement. C'était le conseil des finances, on s'en souvient, qui par l'organe de son rapj)orleur de Limpens, avait indisposé contre l'Académie le comte de Mercy-Argenleau, au mois de février. Mercy était arrivé à Bruxelles avec les meilleures intentions, et tout d'abord il avait fait preuve de beaucoup de bienveillance à l'égard de l'Académie, il venait de l^a Haye où le prince de Gallilzin lui avait fortement recommandé les intérêts de la compagnie dont il était membre. '* Avec un ministre aussi sage et aussi éclairé que Test M. le comle de Mercy, » écrivait Gallitzin à l'abbé Mann le 18 janvier 1791, « on n'a pas un grand mérite d'obtenir de la protection aux sciences, et l'Acadé- mie ne doit assurément voir dans quelques sollicitations que j'ai pu faire auprès de lui en sa faveur, que cette estime vraie et sincère dont je suis pénétré pour plusieurs de ses membres, et, pour vous, monsieur, en particulier. Je suis persuadé que M. de Mercy ne quittera point le Bra- bant sans avoir posé une base solide à cet établissement, et que vous LIVRE I. — 1791. 6lS jouirez pleinement du bonheur d'être gouvernés par un souverain [Léopold II] dont jusqu'ici les vertus n'ont eu pour but que le bien-être et la fidélité de ses sujets... » On lit dans une autre lettre de Gallitzin, datée d'Afschafîen- bourg, le 15 août : ^< ... La réception de M. de Fcltz au nombre des membres de notre Académie m'a fait le plus grand plaisir. C'est un homme d'esprit qui m'a plu infiniment, et que j'estime beaucoup. S'il néglige notre Acadé- mie, je ne le lui pardonnerai de ma vie. Je vous prie de le lui dire de ma part. » Cette lettre fut communiquée par l'abbé Mann au baron de Feltz, et celui-ci répondit le 27 : ^< Monsieur, c'est quelque mauvais génie ennemi de votre bon génie si utile à nos sciences négligées, qui arrête l'expédition des ordonnances qui vous concernent; j'ai cru que c'était chose faite depuis longtemps, et je vais y donner un nouveau coup de collier. — Je suis très flatté du souvenir obligeant de monsieur de Gallitzin; il vous honore, il vous aime comme vous le méritez; voulez-vous bien lui faire parvenir ma lettre ci-jointej je ne négligerai ni l'Académie ni ses membres. Je suis honteux de ne pouvoir lui offrir que des services extérieurs, je suis trop occupé et franchement trop ignorant pour partager ses travaux, et mes occupa- tions me feront le bien de sauver mon amour-propre toutes les fois que je viendrai à vos assemblées les mains vides. — Agréez, monsieur, les assurances de ma vénération et de mon attachement. » Voici encore une lettre de Gallitzin à l'abbé 3Iann, datée d'Aix- la-Chapelle, le 16 septembre : « ... J'ai écrit ces jours-ci à M. Feltz pour le prier d'employer son crédit à empêcher la Société typographique de mettre des obstacles à la prompte impression des Mémoires de l'Académie. Comme je lui connais beaucoup de zèle pour tout ce qui s'appelle le bien, je vous conseillerais 616 LIVRE I. — 1791. de vous adresser sans cesse à lui, toutes les fois qu'il s'agira du bien de l'Académie. Je ne le crois pas homme à s'en impatienter : il est fait pour faire tout aller bien. — Je meurs d'envie de passer par Bruxelles en retournant d'ici en Hollande. Je ne pourrais m'y arrêter qu'une couple de jours et ce serait uniquement pour avoir le plaisir et l'honneur d'y voir vous, M. le baron de Feltz, et quelques membres de l'Académie. Je garderais le plus grand incognito, afin de n'être pas obligé de paraître à la cour. » P. S. « Je compte encore rester ici tout ce mois-ci. » Le prince passa par Bruxelles, comme il en avait exprimé l'in- tenlion. Le d6 octobre, il écrivait à l'abbc Mann : « Le P« de Gallitzin a l'honneur de saluer monsieur l'abbé Mann. N'étant venu ici que pour voir M. l'abbé Mann et M. Burtin, il le prie en grâce de ne le nommer à qui que ce fût, mais de lui donner son heure dans cet après-midi ou ce soir, afin qu'il pût avoir le plaisir de s'entre- tenir avec M. Mann. Le P« loge à Bellevue, dans le quartier de la maison qu'on nomme le café, sous le nom de Yerapoff, lieutenant russe. « Des le mois de mai 1791, il avait été question de publier un sixième volume des Mémoires de l'Académie. Le président avait chargé des commissaires d'examiner les mémoires proposés pour prendre place dans ce volume, mais l'impression fut relardée à cause des difficultés suscitées par la Société typographique, pro- priétaire de rimprimerie académique. La discussion de ces diffi- cultés et des mesures à prendre pour les faire cesser occupa la plus grande partie de la séance du 18 février 1792. « Le secrétaire produisit le contrat par lequel la susdite Société a acquis cette imprimerie à titre onéreux, et avec la charge d'imprimer tous les ouvrages de l'Académie et de lui en fournir 80 exemplaires à moitié du prix courant. II lut ensuite d'autres pièces relatives à cet objet, et enfin un mémoire en forme de factum en réponse aux alléga- tions de ceux de l'imprimerie, dans lequel il expose toute leur conduite et toutes les tracasseries qu'ils ont suscitées à l'Académie depuis plus de quatre ans : il y donne les preuves de la mauvaise régie de cet LIVRE F. 179i. 617 élablissement, de l'ignorance et de l'inaptitude des préposés, et cite des exemples qui prouvent que, si loin de vouloir établir une correspon- dance de librairie pour le débit de leurs impressions, ils ne veulent pas quelquefois se donner la peine de fournir les exemplaires qu'on va demander à leur propre magasin. Après avoir amoncelé impression sur impression, tant des ouvrages académiques que de mauvaises éditions de livres classiques, et tandis qu'ils se conduisent de la façon qui vient d'être dit, ils cherchent à jeter sur l'Académie la faute du non-débit de ses ouvrages ; et encore plus, en chargeant à double prix les exem- plaires qu'ils lui en fournissent, ils veulent lui faire payer jusqu'aux affronts mêmes qu'ils lui font : enfin pour y mettre le comble, au mépris des termes les plus formels du contrat, ils finissent par refuser de con- tinuer à imprimer pour l'Académie. — Cet exposé ayant mis la compa- gnie entièrement au fait de cette affaire, il en fut délibéré à loisir, sans cependant qu'il y eût aucune résolution prise à cet égarJ.M, le président se chargea de conférer là-dessus avec l'un ou l'autre des propriétaires de ladite imprimerie, afin de trouver le moyen de lever les difficultés à l'amiable, et, en attendant, il jugea convenable de surseoir à une déter- mination sur cet objet de la part de la compagnie. La seule conclusion formelle qui résulte de toute cette discussion était, que d'après le susdit conirat, l'Académie n'est pas obligée de faire imprimer exclusivement ses ouvrages par ceux de l'imprimerie académique, leur octroi exclusif ne tombant que sur les livres classiques à l'usage des écoles belgiques. Conséquemment à quoi la compagnie prit sur le champ la résolution d'abandonner à l'auteur, M. Thys, l'impression de son mémoire couronné dans le concours de l'année passée, qu'il avait été résolu de donner au public,et le secrétaire remit à M. l'abbé Ghesquiere, dans la séance même, le manuscrit pour le faire parvenir à l'auteur, chanoine régulier de 618 LIVRE I. 1791. CHAPITRE LVI. Historique des démêlés de l'Académie avec la Société typographique. — Rejet de la requête de la Société adressée aux gouverneurs généraux à l'effet de recevoir une indemnité sur les finances de S. M. — Ladite Société est interpellée de répondre si elle est prête à imprimer les Mémoire^) de l'Académie conformément ^ son con- trat. — La mort de M. de Hesdin. — Les projets de Tutot, propriétaire de l'Esprit des journaux. — Le botaniste suédois Rozin. Les démêlés (lerAcadéinie avec la Société typographique remon- taient au commencement de l'année 1788. Voici ce que porte une note annexée au protocole de la séance du ii5 février de cette dernière année : « Au moment que le secrétaire allait se rendre à la séance de ce jour, le directeur de Timprimerie académique De La Roche était venu le trou- ver, pour annoncer à l'Académie par son canal différents points et résolutions que les propriétaires de ladite imprimerie venaient d'arrêter entre eux. Le secrétaire les ayant couchés par écrit de la bouche dudit directeur, et les lui ayant lus ensuite pour s'assurer qu'ils étaient con- formes à son intention, en fit lecture à l'Académie à la fin de la séance; mais aucune résolution n'ayant été prise à cet égard, et les objets étant de nature à y revenir dans quelque autre séance, on se bornera à con- signer ici une copie de cet écrit, qui est de la teneur suivante : « Le sieur De La Roche, chargé de la direction de l'imprimerie aca- » démique, vient de la part des propriétaires informer l'Académie des « points suivants : i« Que MM. les propriétaires de ladite imprimerie ne « veulent plus fournir les 18 exemplaires relies des Mémoires, dont » ci-devant ils faisaient présent à l'Académie. — 2° Que lesdits proprié- » taires ne veulent point se charger des frais des gravures, ni de fournir » le papier ou l'impression des gravures, que l'on pourrait être dans le w cas de faire dorénavant dans les volumes à imprimer pour l'Académie. » — 30 Que pour tout ce qui regarde le prix des Mémoires qu'ils impri- » ment au nom de l'Académie, et qu'ils sont dans le cas de vendre au LIVRE I. 1791. 619 » public, ils soutiennent n'avoir aucun ordre à recevoir de la part de » ladite Académie. — 4° Que les propriétaires proposent à rAcadémie » de finir la négociation entamée en janvier 1787 par MM. le comte de » Fraula et Burtin, à la fin d'acheter le fonds d'imprimerie des Mémoires » académiques, tant ceux des concours que ceux des membres de l'Aca- » demie (y compris les cuivres gravés), faute de quoi, ils vont prendre » incessamment d'autres arrangements à cet égard, et les vendre, s'il y le faut, aux beurriers. — 5° Qu'au reste, Icsdits propriétaires s'en- " tendent à se tenir purement et simplement aux ternies de leur contrat • d'achat. » Dans la séance du 10 mars, Burtin se chargea de poursuivre ralîaire de l'acquisition du fonds des quatre volumes des Mémoires de l'Académie, qui avaient paru à cette é[)oque, afTairc à laquelle il est fait allusion ci-dessus. Le 10 novembre, le président mit sous les yeux de rassemblée un comj)le delà Société typographique pour l'impression et la bro- chure de 80 exemplaires des Mémoires des prix de l'année 1787 : les exemplaires y étaient chargés à a fl. la pièce, outre 1 1 sols 3 liards pour chaqtie brochure. Ce compte fut trouvée exorbitant, et l'on résolut de le déférer à la chambre syndicale des impri- meurs-libraires, laquelle chambre taxa l'impression à trois sols et demi par exemplaire. Le volume des Mémoires des prix de l'année 1787, contenant 48 feuilles d'impression, ne devait donc être payé que 48 sols en feuilles, et 2 fl. 1 1 ^ja sols broché; ce qui faisait 90 fl. pour les 40 exemj)laires que l'Académie avait à payer, et 14 florins pour la brochure des 80 exemplaires fournis: ensemble 1 10 fl. au lieu des 247 fl. que réclamait la Société typo- graphique. L'acte de taxation de la chambre syndicale, portant la signature du syndic D'Ours et de douze autres libraires ou relieurs, fut présenté par l'abbé Mann à la séance dû 22 décembre; et l'on décida de soutenir. Je cas échéant, la réduction du compte en justice réglée. Sur la proposition du secrétaire, M. de Launay lui fut adjoint pour traiter à l'avenir tout ce qui regardait cette a flaire. 620 LIVRE I. 1791. Rien n'était encore terminé au 16 février 1789. En effet le pro- tocole de Ja séance de ce jour porte : « A la demande du secrétaire, M. de Launay fut chargé de finir seul avec ceux de l'imprimerie académique ce qui concerne l'arrangement du prix des 80 exemplaires déjà fournis à l'Académie, tant du 5^ volume de son recueil que des Mémoires des prix des années 1787 et 1788. » On lisait dans la lettre de l'abbé Mann au baron de Feltz, en date du 10 novembre 1791, lettre dont nous avons déjà donné un extrait : « ... 11 a été résolu de faire imprimer le mémoire couronné [de Thys], autant dans la vue de remettre en activité l'imprimerie académique, dont l'engourdissement (suite de sa mauvaise régie) fait beaucoup de tort à l'Académie, que pour la bonté du mémoire : c'est dommage qu'il n'y a pas à la télé de cet établissement un homme de l'activité de Tutot de Liège... » Tutot était l'éditeur et le propriétaire deV Esprit des jour?iaux. Fondé à Liège en 1772, cet ouvrage avait paru l'année suivante pendant six mois à Bruxelles, où le prince Charles de Lorraine en avait accepté la dédicace. Puis, sur l'invitation du gouvernement du prince-évéque, accompagnée de propositions avantageuses, Tutot était retourné dans sa patrie; mais, vers 1791, il avait conçu le projet de s'établir définitivement h Bruxelles, et s'en était ouvert à l'abbé Mann avec qui il entretint une correspondance conservée dans les archives de l'Académie. La première idée de Tutot avait été de reprendre l'imprimerie académique : les négo- ciations avec les propriétaires ayant échoué, il se rabattit sur l'imprimerie royale dont il sollicita la direction. Le baron de Feltz écrivait le 10 novembre 1791 à l'abbé Mann, en réponse à la lettre du même jour de ce dernier : « ... Je désirerais fort de voir ici M. Tutot, son journal et ses presses ; un changement qui va se faire dans l'imprimerie royale pourra peut- être faciHter son projet. » LIVRE I. — 1791. 621 Le 3 décembre, il annonçait à Tutot que les gouverneurs géné- raux avaient agréé la dédicace de Y Esprit des journaux : « L'auteur et vous et vos presses, disait-il, serez très bien accueillis et très libres ici, et favorisés autant que nos lois commerciales peuvent le permcltre. Quant à vos profits secondaires, il ne peut rien être décidé avant quatre ou cinq mois; il y aura alors des arrangements nouveaux pour une imprimerie royale qui embrassera plusieurs objets; vous pourrez fournir vos projets et votre soumission, et si on ne traite pas spécialement avec vous, du moins serez-vous admis à concourir avec d'autres à la baisse; j'ai prévenu de tout cela M. l'abbé Mann qui s'inté- resse beaucoup à vos presses et à votre journal... » En transmettant une copie de cette lettre à l'abbé Mann, le 9 décembre, Tulot s'étonne de l'idée de mettre l'imprimerie royale au rabais, ce qui, au lieu de la relever, ne pourrait que la faire tomber plus bas. Tutot s'était attacbé le botaniste suédois Rozin pour les traduc- tions et les comptes rendus. Et ce dernier avait offert ses services à l'abbé Mann, lorsqu'il s'agirait de faire l'extrait de quelque ouvrai;e ou mémoire pour être inséré dans V Esprit des jour- naux. « Depuis que j'y travaille, » écrivait-il le 25 novembre d791, « je n'ai rien négligé pour faire connaître les Mémoires des Académies étrangères, dans la persuasion qu'on ne peut indiquer de meilleures sources aux lecteurs qui aiment à s'instruire, que ces ouvrages qui ont passé sous les yeux d'une compagnie de savants les plus éclaires, avant que de paraître au public. L'bomme isolé fait des découvertes, mais il est rarement donné à un seul de les perfectionner. » Dans une autre lettre, il rappelait sa méthode consistant à s'abstenir de porter un jugement qui quelquefois pourrait être téméraire, mais au lieu de cela, à donner un extrait assez étendu pour mettre le lecteur instruit à portée de juger lui-même. — Les extraits du tome IV des Mémoires de l'Académie de Bruxelles parurent dans les numé- ros de mars, avril et mai 1792 de V Esprit des journaux j ceux du tome V dans les numéros de novembre et décembre 1792, 622 LIVRE I. 1791. et de janvier et mai 1795. — Il avait éic rendu compte du tome l dans les numéros d'août, septembre et octobre 1778; des tomes II et 111 dans le numéro de janvier 1782. Le compte rendu des tomes II et III avait donné lieu à une lettre fort curieuse, adressée par l'abbé Mann à Gérard, te 28 jan- vier 1782. Voici cette lettre : « Monsieur et très honoré confrère, » J'ai rhonneur de vous écrire cette note touchant Tanalyse ou le compte rendu des 2« et 5« volumes des Mémoires de notre Académie, qui se trouve dans l'Esprit des jour?iaux pour janvier 1782, pp. 107-157, laquelle analyse est traduite du il/on^//7y /?e«;îew ou Journal littéraire de Londres (Appendice au 65^ vol., pp. 516-5il) qui parut au mois de juillet 1781. « Il m'est revenu, monsieur, depuis une dizaine de jours, plusieurs fois et de différentes personnes, à qui vous l'avez débité, que cette ana- lyse a été faite ou par feu 31. Needham ou par moi, ou par tous les deux ensemble, et envoyée par nous au journal de Londres pour y être insérée. ^m » J'ignore où cette idée peut avoir pris naissance, mais je puis répon- s[ dre hardiment, quant à moi, qu'elle est absolument fausse et destituée de tout fondement; j'ose assurer la même chose avec presque autant de confiance de mon défunt ami, dont je connais la droiture et les sentiments incapables d'un pareil trait que je regarde pour plusieurs raisons comme indigne d'un honnête homme. [Se] louer soi-même et critiquer ses con- frères, sous le manteau de Panonyme, est une vile bassesse. » Celui donc, qui que ce soit, qui est auteur de la susdite imputatioi et qui attribue l'analyse et la critique en question à moi, comme ayant ei part directement ou indirectement dans sa composition ou dans son insertion dans le journal anglais, ou d'en avoir eu connaissance quel- conque jusqu'au moment où je l'ai vu imprimée dans ledit journal, est un f. m. » Je vous prie donc, monsieur, par cet intérêt qui doit lier les con- frères ensemble, de ne plus débiter cette imputation qui est fausse à tous égards. » Revenons maintenant à la Société typographique. Le 19 septembre 1791, les propriétaires avaient présenté LIVRE I. — 1792. 625 requête pour demander que par un moyen quelconque le gouver- nement voulut les indemniser de la non-jouissance des avantages promis par roctroi qu'ils avaient acquis de l'Académie, et prévenir ainsi leur ruine totale. Le 8 octobre, le procureur général de Leenheer avait été « chargé de se faire produire les titres des suppliants et de s'expliquer sur ce qu'il pourrait avoir fait ensuite des dépêches des 16 octobre i788 et 24 janvier 1789 par les- quelles il avait été chargé déjà de moyenner une transaction avec eux, afin de faire cesser leurs doléances. » L'avis de Leenheer porte la date du 8 avril 1792 : « [Il expose] que par contrat du 2 novembre 1780, rAcadémie a vendu aux suppliants son imprimerie avec son octroi du 6 février 1778 et la continuation de cet octroi en date du 21 août 1780, et ce au prix de fl. 44 000, qui durent être avancés aux suppliants par les fonds jésuitiques, et pour lesquels les suppliants s'engagèrent à payer une rente à S. M. [Cette rente fut transférée à l'abbaye de Saint-Sauveur à Eenaeme]. Que par ces octrois il avait été accordé à l'Académie d'ériger une imprimerie pour imprimer les livres élémentaires classiques néces- saires aux collèges et écoles publiques des Pays-Bas, et ce à l'exclusion de tous autres imprimeurs, pour un terme de douze ans. Que par ledit contrat du 2 novembre 1780 les suppliants avaient acquis le même privilège exclusif. Que leur demande d'indemnité est appuyée sur ce qu'ils n'auraient pas pu jouir de ce privilège. — L'avisant observe que le fondement de la demande des suppliants dépend d'une question de fait. Qu'il devrait être prouvé non-seulement que les suppliants n'ont pas pu jouir de leur octroi, mais surtout que ce serait par la faute du gouvernement qu'ils n'en auraient pas joui. Qu'il devrait être prouvé nommément que le gouvernement aurait autorisé les contre factions des livres, desquelles ils se plaignent. Qu'ils ne prouvent rien de tout cela. Que loin qu'il conste que le gouvernement n'aurait pas rempli les condi- tions du contrat du 2 novembre 1780, il conste au contraire par décret du 5 mai 1788, suivi sur requête des suppliants, que dès 1787 le gouver- nement avait renouvelé à tous les collèges l'ordre de ne point permettre qu'on y fit usage d'autres livres classiques que de ceux provenus de l'imprimerie des suppliants. De ce que les suppliants n'ont point fait conster que le gouvernement serait en défaut de remplir le contrat du 624 LIVP.E I. — 1792. 2 novembre 4780, l'avisant conclut qu'il n'y a point ici matière à tran- siger, et qu'il ne peut échoir sur la requête des suppliants que de les envoyer en justice réglée. » Les conclusions du procureur général furent adoptées par le conseil privé le 49 avril, sur le rapport du conseiller de Berg. L'extrait de protocole de la séance dudit jour porte : « Sur quoi ayant délibéré, le conseil estime, comme l'avisant, que vu que les suppliants ri ont pas fait conster que le gouvernement aurait été cause de ce qu'ils n'auraient pas joui des effets des octrois des 6 février 1778 e^ 21 août 1780, il n'y a point matière à charger les finances de S. M. de les indemniser, ni à transiger avec eux, et qu'il pourrait consé- quemment être du bon plaisir de Leurs Altesses royales d'approuver que par appointement sur la requête des suppliants il fût déclaré, après expression du motif ci-dessus souligné que « ce que les suppliants » requièrent, ne se peut, eux entiers de se pourvoir en justice réglée, » s'ils croyent être fondés dans leurs prétentions. » — En marge : « Nous nous conformons. 71/.^ A.^ ». Il résulte de l'avis du procureur général, dont nous avons donné ci-dessus la partie principale, qu'outre le dommage causé par les contrefaçonSjles pétitionnaires alléguaient encore la stagna- tion complète des affaires, survenue à la suite de la « malheu- reuse révolution. » Au 19 septembre 1791, il n'avait été vendu des livres provenant de l'Académie que pour une somme de fl. 7 557-4-0, tandis que tant du chef de la rente au capital de fl. 44 000 qui avait fait le prix de l'achat des suppliants que du loyer de maison et des gages de leurs commis, ils avaient déjà déboursé fl. 2()745-15-G; outre la somme considérable qu'ils avaient employée en sus pour Fimpression des livres qui se trou- vaient encore en magasin, puisque l'import s'en montait à fl. 25 242-2-G; qu'outre cette dépense les suppliants étaient encore chargés du capital de fl. 44 000, que S. M. avait cédé à labbaye * Arebiv. du loy. de Belg. Conseil privé : carton n" t089. LIVRE 1. — 1792. 625 d'Eenaeme, de la part de laquelle ils se trouvaient poursuivis au conseil de Brabant pour que, conformément à leur contrat d'ac- quisition, ils eussent à le rembourser ou à donner bonne et suffi- sante liypothèque. Dans la séance générale du 22 mai 1792, l'on décida d'inter- peller notarialement ceux de la Société typographique de faire l'impression des Mémoires académiques, conformément aux arti- cles 2 et 5 du contrat passé avec eux le 2 novembre 1780. Les pièces suivantes se rapportent à cette décision. I. « Je soussigné, par ordre et au nom de rAcadéniie impériale et royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles, charge par cette le notaire royal Marc V'errycken, résidant à Bruxelles, d'interpeller la Société typographique, propriétaire de l'imprimerie dite académique , située dans la rue des bouchers en cette ville, ou au défaut de leur pré- sence ceux préposés à la direction de ladite imprimerie, à relTet de savoir si ils veulent, suivant rarticle second du contrat passé le 2 no- vembre 1780, imprimer les ouvrages de ladite Académie que je suis chargé et prêt à leur livrer pour cet effet, en dirigeant Timpression con- formément à Tarticle troisième du même contrat. » Fait à Bruxelles, sous le cachet de PAcadémie, le 16 juillet 1792. » Était signé : l'abbé Mann, secrétaire perpétuel de ladite Académie, et était apposé un cachet imprimé en cire noire. » II. ^> Je soussigné notaire royal admis au conseil souverain de Sa Majesté ordonné en son pays et duché de Brabant, de résidence en cette ville de Bruxelles, relate et déclare que ce jourd'hui dix-huit juillet 1700 quatre-vingt-douze, à la réquisition de M. l'abbé Mann, secrétaire perpé- tuel de l'Académie i. et r. des sciences et belles-lettres, et en vertu de la commission dont ci-dessus est copie, me suis transporté chez le notaire Van Lint comme propriétaire partiaire de ladite imprimerie auquel parlant en personne je lui ai fait la demande reprise en ladite commis- sion, lequel m'a demandé copie de cette dite commission pour la com- muniquer aux intéressés de la Société typographique et que dans une huitaine de jours il nie donnerait la réponse par écrit, laquelle copie je déclare lui avoir remise le même jour. — ' Cejourd'hui vingt-deux juillet 1700 quatre-vingt-douze, M. De La Roche, secrétaire et caissier de ladite Société, m'a remis de la part des Tome XXXIV. 40 626 LIVRE I. — nga. intéressés de la même Société en réponse à la demande que je leur ai faite le dix-huit dudit mois, leur réponse par écrit dont la copie s'ensuit : « La Société typographique à l'interpellation lui faite par le notaire » Marc Verrycken de la part de monsieur l'abbé Mann pour l'Académie » de Bruxelles dit qu'elle est prête à continuer d'imprimer les ouvrages » de ladite Académie pourvu i° Qu'elle paye avant tout à la Société )i typographique ce qu'elle lui doit.— 2° Qu'elle continue à payer quatre- » vingts exemplaires qu'on doit lui livrer sur le pied fixé par l'article » second du contrat du 2 novembre 4700 quatre-vingt, et comme elle les » payait avant l'an 1700 quatre-vingt-huit. — 5" Que les pages à impri- « mer n'auront point plus de lignes, ni les lignes plus de longueur que » n'en avaient les ouvrages académiques au temps du contrat du deux » novembre 1700 quatre-vingt, à moins que l'Académie ne veuille aug- » menter le prix des feuilles au dire d'experts. » Protestant bien expressément contre toutes les infractions que ladite » Académie pourrait avoir faites ou pourrait faire contre la teneur du » contrat du deux novembre 1700 quatre-vingt. » Chargeant le notaire Verrycken de tenir protocole de la demande « et de la présente réponse. » Fait à Bruxelles, ce 20 juillet 1792. » Signé : Alex, de Cellier, J. Anneet qq* [qualitate quâ] et J.-L. Van Lint comme constitué du prince de Salm. » « Ita est; signé: Verrycken nots. » Le notaire Van Lint qui figure dans cet acte comme représen- tant du prince de Salm-Kirbourg, l'un des propriétaires de l'impri- merie, avait remplacé en cette qualité M. de Hesdin, l'agent du prince, décédé le 29 juin, et pour lequel le bureau de l'Académie fit célébrer le 5 août un service dans l'église du petit béguinage. On voit par le protocole de la séance du 19 octobre que « l'af- faire de l'imprimerie académique amena de longues diseussions, sans qu'il fût pris aucune résolution, sinon de laisser traiter cette affaire par M. de Launay qui espérait de la finir par un accommodement, ce qui fut unanimement jugé préférable à toute autre voie; et au reste, de différer pour quelque temps de pren- dre un autre imprimeur, comme il avait été proposé par quelques membres... » LIVRE I. — 1792. 627 CHAPITRE LVII. Le mémoire de l'abbé Maun sur les grandes gelées depuis les temps les plus reculés jusques et y compris celle de 1788 à 1789. — Le certificat délivré à l'avocat Ber- trand, auteur d'un programme renfermant ses questions et ses vues sur l'agricul- ture et sur l'économie rurale. — l-'opinion de M. De Beunie sur M. Bertrand. — Les achats faits à la vente des livres appartenant au fonds de religion. — Rapport de l'abbé Mann à la Commission des études, relativement aux livres tirés des Biblio- thèques des ci-devant jésuites. — L'élection d'un membre étranger. — Les candi- dats aux places vacantes de membres regnicoles. Nous reprenons maintenant l'histoire de l'Académie pendant l'année 1792 Le 6 février, Tabbé Mann fut autorisé à imprimer à part, sous le privilège de l'Académie, son mémoire sur les grandes gelées depuis les temps les plus reculés jusques et y compris celle de 1788 à 1789. Ce mémoire avait été lu dans différentes séances du printemps de l'année 1789. L'ouvrage parut sous ce titre : Mémoires sur les grandes gelées et leurs effets ; où l'on essaie de déterminer ce qu'il faut croire de leurs retours périodiques, et de la gradation en plus ou moins du froid de notre globe. Par M. l'abbé Mann, chanoine de l'église de N.-D. à Courtrai; membre de la Commission royale des études; membre et secrétaire perpétuel de l'Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles; membre de la Société royale de Londres, etc , etc. A Gand, chez P. F. de Goesin, impri- meur de S. M.; 1792, in-8°. — L'abbé Mann en présenta un exemplaire relié à l'Académie, dans la séance du 22 mai. Le mémoire « sur le changement successif des climats, » où il est traité des grandes gelées de l'antiquité, était le seul de ce recueil qui eût déjà paru : il avait été imprimé en 1789 dans le volume de physique de l'Académie électorale de Manheim. A la suite des mémoires de l'abbé Mann, on avait imprimé des « Observations sur l'effet qu'a produit le froid rigoureux de 1788 à 1789 sur les végétaux en général, et spécialement sur les arbres G28 LIVRE I. — 1792. indigènes et exotiques ; par M. le baron de Poederlë, associé étranger de la Société royale d'agriculture, à Bruxelles. » Ces observations avaient été lues dans la séance de l'Académie du 2 janvier 1792. Le 10 janvier, le secrétaire avait distribué aux membres pré- sents des exemplaires imprimés du Programme de lavocat Bertrand, de Malines, renfermant ses questions et ses vues sur Vagriculture et l'économie rurale. — Le certificat suivant fut accordé, au mois de février, à l'auteur de ce programme: « L'Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles, ayant eu rapport par ses commissaires, MM. Du Rondeau, de Launay et Van Bochaute, des questions sur l'agriculture et Téconomie rurale, des éclaircissements sur ces questions et du supplément à ces mêmes éclaircissements par M. Bertrand, déclare qu'il lui paraît que ce dernier a fait réellement nombre de recherches, d'expériences et de dé- couvertes intéressantes dans la culture des végétaux; à quoi elle ajoute qu'il conste à l'un des commissaires susdits que l'auteur s'est adonné de- puis un grand nombre d'années avec un zèle infatigable et de très grands frais à des observations et des recherches agronomiques, et que selon le témoignage de plusieurs personnes dignes de foi, il y a très bien réussi j elle croit au surplus qu'on pourrait accueillir les vues qu'il a pour intro- duire des espèces d'écoles d'agriculture et d'économie rurale, ainsi que pour établir des correspondances relatives à ces deux arts, et elle estime en conséquence qu'il mérite des encouragements. » Un avis, sans date, de M. De Beunie, était moins favorable. « M. l'avocat Bertrand,» y lisait-on, t< a eu une maison et un grand jardin à Malines; il s'est appliqué depuis quelques années à la culture des arbres et des arbustes indigènes et exotiques pour les jardins anglais; il a dis- tribué publiquement des catalogues et en a vendu quelques-uns, mais, par [je ne sais] quelle fatalité, il n'a jamais pu avoir le concours de M. Wiggers qui est bien assorti dans cette ville et qui est connu dans toutes nos provinces. — M. l'avocat Bertrand m'a fait l'honneur de me venir voir dans le mois d'octobre passé, et m'a entretenu de l'agricul- ture pendant plusieurs heures et principalement sur des articles qu'il LIVRE I. 1792. 629 avait lus dans mon mémoire sur l'agriculture, inséré dans Tun des vo- lumes de l'Académie de Bruxelles; puis il m'a entretenu sur un achat qu'il avait fait avec quelques associés près de Maestricht de plus de dOO bonniers, partie en bruyères et partie en bois mal soigné; il me disait que son plan était d'y planter beaucoup de cerisiers et de gro- seillers pour en faire du vin et du brandevin, puis qu'il méditait d'y construire des verminières produites par le sang des porcs et des bœufs des villages et villes voisines pour nourrir des poules et des dindons ; il comptait d'en tirer un gros profit par la vente, et avoir du fumier assez pour engraisser ses bruyères; il avait plusieurs idées semblables qui me paraissaient des châteaux en l'air. De tous ses ré- cits, je ne puis pas avoir une idée favorable de la science d'agri- culture ni des recherches expérimentales dont il se vante partout, ni des questions proposées à l'Académie par M. l'avocat, mais à condition d'être largement récompensé, ce qui me paraît le grand mobile de l'au- teur, et nullement l'intérêt de l'Académie. — M. Foullé, par de grandes promesses et beaux propos, avait obtenu de plusieurs personnes, il y a quinze ou dix-huit ans, une somme de 200 000 florins pour défricher les bruyères de Gapelle, à deux lieues d'Anvers : il a en dix ou douze ans dépensé cette somme énorme; on a vendu presque pour rien une partie, et le reste a été abandonné. Par conséquent il sera très dange- reux d'aider à cette entreprise [de M. Bertrand], vu que l'auteur ne nous donne que des promesses très vagues et incertaines. " Le protocole de la séance du 18 février portait ce qui suit : « ... Un autre objet principal de celte séance était de délibérer sur les moyens de faire rendre par ceux de l'Université de Louvain les livres tirés des Bibliothèques des ci-devant jésuites pour la Bibliothèque royale de Bruxelles, qu'ils avaient enlevés et fait transporter à Louvain pen- dant les troubles; mais le secrétaire informa" la compagnie sur ce chef, que l'ordre était donné de la part du gouvernement général à ceux de l'Université de rendre tant ces livres que ceux des couvents supprimés qu'ils avaient enlevés en même temps : cette information fît surseoir pour le présent à toute délibération sur ce sujet, en attendant ce qui résultera des ordres donnés par le gouvernement. « 650 LIVRE I. — 1792. A la date du 22 mai, on n'avait encore reçu aucune nouvelle concernant la réintégration des livres susdits, i.'abbé Mann en ayant entretenu l'Académie, « il fut observé que ce n'était pas encore le moment de remuer celle affaire. » On lisait aussi dans le protocole de la séance du 1 8 février : « Le secrétaire informa la compagnie que M. l'abbé Chevalier et lui venaient d'être autorisés par une résolution de Leurs Altesses royales à acheter comme pour leur compte à la hausse publique des livres des couvents supprimés appartenant au fonds de religion, dont la vente de- vait se faire dans peu, les articles qui conviennent à la Bibliothèque royale, et que ceux-ci seront payés au fonds de religion par les fonds jésuitiques. » Le décret des gouverneurs généraux renfermant cette résolu- tion était daté du 9 février Le 22 mai, l'abbé Mann présenta les listes des livres qu'il avait fait acheter : la dépense s'élevait à fl. 768-1 1-6 arg. cour. Comme il a été souvent parlé dans ce qui précède des livres réservés des Bibliothèques des jésuites, nous croyons devoir don- ner ici le rapport fait par l'abbé Mann à la Commission royale des études, le 15 février 1792 ^ « Dans les années 4777 et suivantes, une grande quantité de livres furent tirés des Bibliothèques jésuitiques par ordre de feu Timpératrice- reine, contenu dans un décret de feu le duc Charles de Lorraine du 12 mai 1777 : une partie de ces livres devaient être incorporés dans la Bibliothèque royale à Bruxelles; une autre, composée des livres clas- siques, réservée pour les écoles et pensionnats, et le reste vendu. En attendant qu'un emplacement convenable fût assigné à la Bibliothèque royale, capable de recevoir cet accroissement, les livres qui y étaient destinés furent déposés dans l'église des ci-devant jésuites de cette ville. Pendant les troubles, un très grand nombre des plus rares et précieux de ces livres furent enlevés par ceux de l'Université et transportés à * Archiv. du roy. de Belg. Protocole de la Commission royale des éludes. LIVRE I. 1792. 631 Louvain, malgré l'opposition la plus formelle de la part du bibliothé- caire de la Bibliothèque royale, abbé Chevalier, qui protestait en vain contre cet envahissement injuste. >> Au commencement de Tannée dernière, le bâtiment où ces livres étaient déposes ayant été trouvé nécessaire pour un dépôt militaire, les livres qui y restaient furent transportés à la hâte dans le bâtiment qui sert actuellement au comité du séquestre des biens du clergé de France. » Par un décret du 9 novembre dernier, Leurs Altesses royales char- gèrent le conseil des finances de faire transporter ailleurs ces livres, dans quelque endroit où le rapporteur et le bibliothécaire abbé Chevalier pourraient avoir accès libre pour faire le choix et le triage de ceux de ces ouvrages qu'il conviendrait de placer dans la Bibliothèque royale. « L'endroit le plus convenable à cet effet fut jugé la Bibliothèque même, et c'est là où tous furent déposés péle-méle, et où on n'a pas cessé depuis lors de faire, sous inventaire, le triage ordonné. » Ce travail étant fini, il s'est trouvé une grande quantité d'exem- plaires d'ouvrages doubles et triples, qui ne peuvent être d'aucun usage dans la Bibliothèque royale. « Entre ceux-ci il y a 205 ouvrages de vieux classiques et autres à l'usage des collèges des humanités, qui seraient utiles à la Commission des études, soit pour servir dans les concours pour les professorats où il s'agit d'examiner les aspirants sur leurs connaissances classiques, soil pour le travail qu'on pourra être dans le cas de faire plus tard sur les livres classiques et élémentaires. « Il fut observé dans la délibération que ces livres doubles étant entièrement inutiles à la Bibliothèque royale, et étant pour la plupart fort mal conditionnés, si on les exposait en vente ils apporteraient bien peu de chose, et que s'il fallait les chercher ensuite pour servir au tra- vail de la Commission, on les rassemblerait difficilement; que par consé- quent il conviendrait plutôt de les conserver en les déposant sous inven- taire au bureau de la Commission. » Il fut observé de plus, qu'entre les livres du même genre qui avaient été déposés autrefois au bureau de la précédente Commission des études, il se trouve le même ouvrage répété jusqu'à douze et quinze fois, quoiqu'un ou deux exemplaires [soient] tout ce qu'il faut; ainsi que d'autres ouvrages presque tous incomplets; qu'il serait utile de s'en défaire, par échange ou autrement, et d'acquérir avec ce qu'on en reti- 632 LIVRE I. — 1792. rera un Thésaurus linguae latinae, A vol. in-folio, qui ne se trouve pas entre lesdits livres, et qui manque au bureau de la Commission qui n'a aucun bon dictionnaire latin; quoiqu'on prévoie que tout ce qu'on reti- rera de ces livres de rebut ne suffira pas pour acheter ce seul ouvrage. » La Commission ayant délibéré sur ces objets, résolut de proposer au bon plaisir de Leurs Altesses royales d'agréer que les livres des humani- tés, tirés des Bibliothèques des ci-devant jésuites et trouvés inutiles pour la Bibliothèque royale, dont l'inventaire est ci-joint, soient déposés au bureau de la Commission des études, et d'autoriser celle-ci [à] se défaire de ceux de ces livres de rebut et absolument inutiles, qui se trouvent déjà à son bureau, et d'acquérir, avec ce qu'on en peut avoir, d'autres dont elle a besoin. « En marge de ce rapport on lit : Résolution de LL. AA. RR. « Nous nous conformons,- mais nous recommandons la plus grande économie dans les ventes et les achats, et la plus grande régularité dans la comptabilité de cette concession. M., A. « Dans la séance générale du 22 mai : « M. le président lut une lettre de M. le marquis de Chabert, du 27 avril, par laquelle cet illustre savant demande une place de membre (étranger) de l'Académie, lui offrant la suite de ses ouvrages, et notam- ment l'atlas intitulé Neptune français pour la Méditerranée, fruit de ses observations astronomiques et nautiques, qu'il fait graver et imprimer ac- tuellement en 60 feuilles. M. le marquis s'offre également à tout ce à quoi l'Académie croirait qu'il pourrait lui être utile, soit relativement à sa correspondance avec l'Académie royale des sciences de Paris, soit relati- vement aux éclaircissements et observations qu'elle voudrait se procurer, particulièrement dans la partie astronomique. Sur cette demande, il fut observé que la séance générale du mois d'octobre étant spécialement destinée aux élections de nouveaux membres, on proposera alors cet illustre candidat au scrutin. » Le marquis de Chabert avait été admis, avec le clievalier de la Coudraye, à la séance de l'Académie du 5 mars. Les deux nobles LIVRE I. — 1792. 653 étrangers avaient été introduits par le baron de Feltz. Ils avaient encore assisté à la séance du 2 avril, et le mar([ius, à celle du 16 a\ril. Dès le 6 février, le directeur avait présenté à la compagnie, de la part de M. le chevalier de la Coudraye, « un ouvrage de ce savant marin sur la théorie des vents, » qui avait été couronné, en 1783, par l'Académie de Dijon. Le 5 mars, le marquis de Chabert avait fait don de son Mé- moire sur l'usage des horloges marines, relativement à la ?iavi- gation, et surtout à la géographie ^ etc. Le 18 octobre, il fut élu membre étranger à l'unanimité. Deux places de membres regnicoles étaient vacantes parla mort de l'abbé Marci et de M. de Hesdin. Mais le président proposa de différer pour quelque temps de délibérer sur la réception de quelques candidats qui se présentaient pour ces places. Nous avons déjà cité, parmi ces candidats, l'apothicaire Vanden Sandc. Venaient ensuite M. Coppens, médecin et professeur d'anatomie à Gand, et M. Pluvier, professeur au collège royal de la même ville, tous deux lauréats de l'Académie. Le premier s'était mis sur les rangs dès le milieu de Tannée 1791 ; il avait écrit à l'abbé Mann qu'il travaillait à un mémoire dont le sujet lui parais- sait nouveau et intéressant pour le commerce de ce pays: « Il rou- lera, disait-il, sur les connaissances nécessaires et les mesures qu'il convient de prendre pour la réussite des fabriques et manu- factures. » Différentes circonstances empêchèrent M. Coppens d'envoyer ce mémoire avant le mois de septembre 1795: nous y reviendrons. — M. Pluvier avait demandé au secrétaire perpétuel de lui indiquer les démarches et Vétiquette nécessaires pour être reçu membre de l'Académie; et l'abbé Mann lui ayant répondu, paraît-il, qu'il suffisait pour cela d'envoyer quelque excellente pièce de littérature de sa façon, Pluvier, dans une lettre du 25 février 179^, avait exprimé la crainte de ne pas réussir. « Quclqu' excellente pièce de littérature! » s'écriait-il, v« convenez-en, mon respectable protecteur, que ce n'est pas imposer petite tâche à un auteur qui croit n'en avoir jamais fait que des médiocres!... Vous m'ac- 634 LIVRE I. — 1792. cordez, monsieur, votre protection, à condition que je veuille être bon travailleur... Je n'ai jamais désisté de l'être!... mais j'en ai été dégoûté pour quelque temps par les tracasseries cruelles que me suscita feu M. Des Roches, à cause que dans mon mémoire couronné sur la littéra- ture belgique, j'avais avancé indirectement « que l'art d'imprimer avec » des lettres mobiles n'avait pas été inventé à Anvers, » ce qui était con- traire au paradoxe qu'il avait voulu mettre en vogue... L'indignation de M. Des Roches contre moi devint sans bornes, dès que malheureuse- ment je lui fis parvenir mes remarques sur la quantité énorme de fautes grossières qui se trouvaient dans l'édition de plusieurs livres classiques imprimes sous ses yeux... Jamais je n'ai connu homme aussi sensible à la critique, même la plus modérée, de ses productions littéraires que M. Des Roches... C'est votre affabilité... qui m'a fait revenir de mon apathie, de mon dégoût involontaire pour les lettres... Je m'étais d'abord proposé de faire un mémoire sur l'état de la littérature belgique depuis la naissance de Charles-Quint jusqu'à nos jours...; mais après avoir par- couru sommairement deux tiers de cette étonnante période, touchant à peine à notre siècle, je me suis bien gardé de passer outre!... Que Patercule a bien senti la source des obstacles que j'y rencontrai, lors- qu'il a dit de son temps: Vivorum censura clifficilis! Après avoir resté longtemps indécis sur l'objet de mon mémoire à faire, je me suis enfin déterminé à rechercher les causes qui ont dégradé et qui dégradent encore aujourd'hui si étrangement la langue flamande ; s'il est vrai, ainsi que l'on débite, qu'il nous manque dans cette langue des chefs- d'œuvre de littérature qui puissent nous fournir des morceaux choisis pour former notre nation au bon goût, en se servant de cet idiome;... à finir enfin ce mémoire par prouver, par des pièces authentiques, ce que j'avancerai dans mes recherches. » LIVRE I. 1792. 635 CHAPITRE LVIII. M, de Witry fait savoir qu'il lègue à l'Académie tous les instruments de son Cabinet de physique qui ne se trouvent pas dans celui de la compagnie. — Le concours de 179:2. — L'invasion française. — La suspension des séances. — Revue rétrospec- tive. — L'occupation militaire de l'abbaye de Tongerloo. — Deux mémoires de Ghcsquiere. — Il sollicite la pension académique devenue vacante par la mort de M. de Hesdin. — Lettres de Gérard à l'abbé Mann. La séance générale du 22 mai 1792, dont il a déjà été parlé, s'était tenue en présence de MM. de Crunipipen, président, labbé Chevalier, directeur, Gérard, de Hesdin, Du Rondeau, labbé i\Iann, secrétaire |)erpétuel, de Launay, le doyen Heylcn, Tabbé Ghcs- quiere, Cacls, Van Bochaute, Burtin, de Berg, Lesbroussart et le [)aron de Fellz. « MM. V^ounck et De Beuriic avaient écrit leurs excuses de ne pou- voir se trouver à rassemblée. M. l'abbé de Witry s'en excusait de même, promettant de suppléer au défaut de sa présence par quelques fruits de son travail à la rentrée d'octobre, et il chargeait le secrétaire de déclarer de sa part à la compagnie, que dans les dispositions testamentaires qu'il venait de faire, il lègue à l'Académie de Bruxelles tous les instruments de son Cabinet de physique qui ne se trouvent pas dans celui de cette Académie; objet, dit- il, qui peut monter à la valeur de deux à trois cents guinées... La compagnie chargea le secrétaire d'écrire à M. l'abbé de Witry pour le remercier de ses sentiments et de ses intentions favorables envers l'Académie. » La séance générale d'octobre se tint le 18 et fut prolongée jusqu'au 19. Le 18, le comte de Metternich, minisire plénipotentiaire, prit place comme représentant de S. M. * en qualité de protecteur de l'Académie. Étaient présents, outre le chancelier de Crumpipen et les membres qui avaient assisté à la séance générale de mai, ' François II, successeur de Léopold II qui était mort le l^r mars 1792. 636 LIVRE I. 1792. MM. Vounck et Hoppé. On a déjà dit que M. de Hesdin était mort le 29 juin. Mgr l'évêque d'Anvers, l'abbé de Wi!ry, MM. De Beunie et de Nieuport s'étaient excusés. Le secrétaire avait été chargé, en annonçant ladite séance à l'évêque d'Anvers et au commandeur de Nieuport, «* d'exprimer au premier la peine qu'il fait h la comp.ignic de voir qu'il s'absenle depuis tant d'années de ses assemblées [les dernières séances aux- quelles il avait assisté , étaient celles du 5 et du 4 juin 1 788] ; » et de prier le second « de faiie un mot de réponse, en cas qu'il ne pourrait pas s'y trouver. » Nelis écrivit d'Anvers le 11 octobre : a ... Vous me faites un reproche amical de ce que je n'ai pas paru, depuis tant d'années, aux assemblées de la compagnie. Je vous prie, monsieur, de daigner présenter à la compagnie, cette fois-ci encore, avec mes hommages, mes très humbles excuses. Je dois nécessairement voyager dans mon diocèse, et y faire mes fonctions, le 18 de ce mois. Du 2i octobre matin jusqu'au 26 le soir, je puis m'absenter, et je serais à vous s'il le fallait. — Et quant à ce grand nombre d'années que j'au- rais été absent, permettez-moi d'observer que, jusqu'à ce qu'il a plu à S. E. le ministre plénipotentiaire comte de Trauttmansdorfï de m'ordon- ner de ne pas sortir d'Anvers sans ses ordres, j'ai été de temps à autre, et autant qu'aucun membre, devenu étranger, à nos assemblées. Au reste, je récupérerai volontiers, et autant que cela dépendra de moi, les pertes que j'ai faites par là. » La réponse du commandeur de Nieuport était datée d'Everberg le 9 octobre, et conçue en ces termes : « Monsieur, très sensible à la marque de souvenir dont l'Académie veut bien m'honorcr, je vous prie d'être auprès d'elle l'interprète de ma reconnaissance et de mon regret de ne pouvoir me rendre à son invita- tion, et d'agréer en votre particulier l'assurance des sentiments avec lesquels j'ai l'honneur d'être, etc. » Le principal objet de la séance était le jugement du concours. L'Académie n'avait reçu aucun mémoire sur la première des deux questions qu'elle avait proposées en 1791 : « Pourquoi les LIVRE I. 1792. 637 papiers et cartons fabriqués aujourd'hui dans les Pays-Bas autri- chiens sont-ils inférieurs à ceux de plusieurs fabriques étrangères, et quels seraient les moyens de perfectionner chez nous ces fabriques ? » Sur ia seconde question : « Quels étaient les cantons de l'an- cienne Flandre dont Baudouin, surnommé Bras de fer, fut comte? combien d'années l'a-t-il été, et quel était son pouvoir? » il était arrivé cinq mémoires : deux français, un flamand et deux latins. Le prix fut décerné à M. Siard Van Dyck, chanoine régulier de l'abbaye de Tongerloo et l'un des Bollandistes hagiographes. M. Van Hulthem, avocat au conseil de Flandre, à Gand, et Isfride Thys obtinrent chacun un accessit. L'usage élait de faire chaque année, dans la séance générale d'octobre, le choix des questions à mettre au concours. Cette fois, pour donner le temps aux membres d'examiner à loisir les sujets proposés et leur permettre de présenter les questions sous la forme la plus convenabIe,on résolut d'ajourner au premier lundi de novembre la décision à prendre. Mais rien ne fut terminé le 5, et, pour en finir, on décida de convoquer spécialement à la séance du 20 tous les membres regnicoles. Le 6 novembre, le général Dumouriez gagna la bataille de Jemappes, et dès le 8, les archiducs annonçaient aux états de Brabant et au magistrat de Bruxelles, que les circonstances impé- rieuses du moment exigeaient, comme mesure de précaution, que le gouvernement se retirât à Ruremonde. Le même jour, ils quit- taient la capitale, et le 14, Dumouriez venait y établir son quar- tier général. L'Académie ne devait plus se réunir qu'après la rentrée des Autrichiens au mois de mars 1793. Nous profilerons de cette suspension des travaux de la compa- gnie, pour douiier des extraits de la correspondance et passer en revue les faits de l'année 179:2 dont nous n'avons point parlé. Le ^0 janvier, l'abbé Ghesquiere, retiré à Tongerloo, écrivait à l'abbé Mann : « ... Je n'ai plus le courage de ressasser tous mes papiers, surtout dans la malheureuse situation où nous nous trouvons ici depuis le 2 de ce 658 LIVRE I. — 1792. mois, et principalement depuis le 9 du mois, pouvant dire d'après la plus exacte vérité avec le second successeur de S. Pierre dans la chaire d'Antiochie : « Nocte dieque ligati sumus cum leopardis ( et depuis » le 9 du mois, ils sont au nombre de cinquante tant Slocquarts que « chasseurs de Dandinï) quibus et cum benefeceris, pejores fîunt. « Je vous en épargne, monsieur, le détail, d'autant qu'il fait frémir tout cœur honnête et sensible. — J'ignore par quel ordre ces gens nous traitent si mal, et qu'ils causent à l'abbaye une dépense d'environ cent florins par jour, en exigeant d'elle une quantité énorme de la meilleure bière, plus de cinquante pots de vin par jour, de l'eau de vie, du café, deux repas par jour, tels que les meilleurs bourgeois de Bruxelles n'en ont pas; et, ce qui est arrivé hier à midi, du vin de liqueur de Monie- jove, presque égal au Tockai, pour régaler une belle qui était venu voir un ci-devant bas officier; mais si tout cela se fait par ordre de Leurs Altesses royales (ce que j'ai peine à imaginer), il faut qu'on ait surpris la religion de Leurs Altesses, comme cela est déjà arrivé plus d'une fois. •>■' Ghesquiere fait savoir ensuite que l'impression du mémoire sur l'agriculture d'Isfride Thys, couronné par une Société de Bois- le-duc, est déjà fort avancée, et que l'auteur se propose de pré- senter un exemplaire à l'Académie, puis il continue ainsi : « A propos de ce chanoine régulier, j'ai compati beaucoup aux grossières insultes qu'il a dû essuyer deux fois en trois jours, c'est à - dire le 14 et le i6 de ce mois, de la part d'un soldat de Dandini, qui a menacé ledit respectable ecclésiastique de le frapper d'une baguette de fer, à cause que M. Thys n'avait pas ôté son chapeau^ dans le temps que le soldat le regardait en face, sans témoigner de son côté aucune marque de politesse envers M. Thys. — Quant à moi, pour ne pas m'exposer aux brutalités de ces gens, plus de cent fois réitérées depuis qu'ils sont à Tongerloo, je n'ai pas mis le pied hors de l'abbaye depuis mon retour de Bruxelles. A la vérité, ma santé en souffre; mais jusqu'à présent j'ai pris patience. Si cependant notre situation ne change pas bientôt en un état supportable, je suis résolu d'abandonner la continuation de nos ouvrages, et d'en faire connaître la vraie cause à toute l'Europe litté- raire. » LIVRE I. — 1792. 659 L'occupation mililairc de Tongerloo et la conduite des troupes envers les religieux de l'abbaye, s'expliquent très bien par la par- ticipation active du fougueux abbé Godefroi Hermans ^ aux événe- ments de la révolution brabançonne : on sait qu'il avait équipé un régiment à ses frais, et qu'il avait été nommé aumônier géné- ral de Farmée des patriotes. Gbesquiere s'était efTacé pendant la révolution, mais deux mémoires qu'il avait présentés à l'Académie faillirent le compro- mettre devant une compagnie dont plusieurs membres n'étaient déjà pas bien disposés à son égard. Nous en dirons ici quelques mots. Le premier de ces mémoires portait le titre de Recherches sur l'antiquité de la peinture S((r verre. Il débutait en ces termes : « Parmi les cent mille erreurs en tout genre, consignées dans un ouvrage d'autant plus propre à les perpétuer, qu'il est malheureuse- ment devenu très célèbre et presque classique parmi nos messieurs du bon ton, j'en ai par hasard rencontré une qui m'a singulièrement frappé. Il est vrai que cette erreur n'est pas du nombre de celles qui ont beaucoup contribué à saper en France la religion, et par une suite à laquelle il fallait s'attendre, le trône du fils aîné de l'Église. Non, ce n'est qu'une erreur historique... » L'un des commissaires, M. le baron de Feltz, présenta les obser- vations suivantes : « Pour intéresser le lecteur impartial, pour mériter place dans les collections académiques, [ce mémoire] devrait être dégagé de ces pieuses diatribes contre un ouvrage extrêmement utile malgré tous les défauts qu'on lui reproche... L'auteur prête un dessein aux encyclopédistes, dont ceux-ci peuvent se laver par le texte même sur lequel [il] les attaque; et ce serait provoquer, inutilement selon moi, contre l'Acadé- mie la colère de cette classe nombreuse de. gens de lettres, parmi les- quels il y en a de vraiment estimables, qui ne pourraient pas voir avec indifférence attaquer si amèrement dans un recueil académique, une ^ Le religieux Godefroi Hermaos avait été élevé à la dignité d'abbé de l'ab- baye de Tongerloo par lettres patentes du 17 juin 1780. 640 LIVRE I. 1792. colleclion immense, enrichie du fruit de leurs veilles... [On] pourrait inviter Tauteur à retrancher toute invective contre l'Encyclopédie et contre la Société des encyclopédistes. » Le second mémoire de Ghesquiere avait pour litre : Recherches numismatiques et historiques sur deux médailles de Caracalla jusqu'à présent uniques, ou du moins regardées comme telles. » Ce mémoire fit l'objet d'une note curieuse de M. de Bcrg : « Il a été fait lecture dans la séance du 5 mars [1792], » disait le con- seiller académicien, « d'un mémoire concernant une médaille de l'empe- reur Caracalla. L'auteur y qualifie dans plusieurs endroits du mémoire cet empereur d'auguste fourbe, et je crois y avoir lu en propres termes, « cet auguste fourbe, souverain de la Belgique. » Je pense que l'Aca- démie s'attirerait un blâme mérité si, sous le prétexte d'exercer comme historien une juste censure, elle donnait au public l'exemple pernicieux de l'oubli des égards qui sont dus et qu'il importe au bonheur des hommes être également conservés à la majesté du trône et aux ministres du sanctuaire. — Je ne doute pas que l'auteur du mémoire ne blâmât comme moi l'historien qui, forcé par la vérité de censurer les vices et les crimes de tels ou tels ministres de la religion, et de rendre compte des impostures par le moyen desquelles ils séduisirent ceux qu'ils eussent dû éclairer et guider, se servirait pour qualifier ces individus coupables et odieux des expressions indécentes de sacré fourbe, fourbe sacré, etc. — Je ne puis conséquemment attribuer l'expression que je relève ici qu'à un défaut momentané de réflexion de la part de son auteur sur les conséquences de cette expression qu'il s'est permise dans son indigna- tion, très juste d'ailleurs, contre le tyrannique, le crapuleux, le cruel, le superstitieux, le fourbe Caracalla. — Je suis du sentiment que l'ex- pression mentionnée d'auguste fourbe, après avoir été observée, et avoir été mise sous les yeux de l'Académie, comme elle l'est par cette note, doit être biffée et ne peut continuer d'exister dans des mémoires exa- minés et approuvés par elle. — Pour autant que, contre mon attente, l'Académie ne serait pas de mon opinion, et que l'expression d'auguste fourbe continuerait d'exister dans un des mémoires approuvés par elle, je demande que ma présente note soit mentionnée au protocole et qu'elle demeure consicnée dans les actes de l'Académie. » i LIVRE I. — 1792. 6-41 L'Académie, après avoir entendu la lecture de cette note dans sa séance du 19 mars, fut d'avis, comme de Berg, que les expres- sions dont s'était servi Ghesquiere pour qualifier l'empereur Caracalla, « semblaient manquer aux égards dus à la majesté du trône, et étaient de nature à pouvoir être malignement inter- prétées. » En conséquence, elle résolut de renvoyer le mémoire à l'auteur avec une copie de la note et une lettre « honnête, » afin de le mettre en état de rectifier lui-même ses expressions. Ghesquiere ne fit aucune difficulté de se rendre au désir de TAcadénn'e. Non-seulement il consentit volontiers à changer deux ou trois expressions « qui lui étaient échappées, et qui avaient paru trop fortes à l'un des commissaires, » mais il proposa même de ne pas insérer son écrit dans le 6^ volume des 3Iéinoires auquel il avait été destiné, « à cause, disait-il, que je ne possède plus la médaille d'or de Caracalla. » Il déclarait de plus accepter d'avance toutes les modifications que les commissaires de ses mémoires trouveraient à propos d'y apporter. Voici sa lettre datée du 12 octobre; elle fait voir pourquoi il se montrait si accommodant : « Monsieur le secrétaire de l'Académie, » Ayant appris par la lettre de convocation pour l'assemblée géné- rale de notre Académie, fixée au 18 de ce mois, qu'il s'agira probable- ment dans cette séance, de la proposition d'un membre ordinaire pour la pension académique de 500 florins, vacante par le décès de M. de Hesdin, membre de la classe historique, je prends la respectueuse liberté de demander votre suffrage en ma faveur, ainsi que votre protection, vous priant, monsieur, de vouloir bien prendre en considération 1" que je suis le seul des membres ecclésiastiques de TAcadéraie, qui n'ait aucun bénéfice, ni aucun poste avantageux ; 2<» qu'après Mgr l'évêque d'Anvers et M. le doyen de Lierre qui ne demandent pas une pension académique, je suis le plus ancien membre regnicole et ordinaire de la classe histo- rique; 5° que M. de Hesdin n'ayant obtenu la pension de la classe histo- rique qu'au seul titre d'ancienneté, il est naturel de faire valoir en ma faveur ledit titre d'ancienneté, d'autant plus que je n'ai jamais manqué de fournir à l'Académie plusieurs mémoires et nombre de rapports raison- ToME XXXIV. 41 I C42 LIVRE I. — 1792. nés, nonobstant que je fusse occupé à la rédaction pénible d'un ouvrage, désiré par le gouvernement, par l'Académie et par le public, et dont, à cause des circonstances fâcheuses du temps, je n'ai retiré aucun avan- tage solide. n Si vous daignez, monsieur, prendre en considération les motifs sus- dits, et vous rappeler les événements qui ont précédé et ensuite accom- pagné la concession primitive des pensions académiques, j'ose me flatter, que par un elïet de votre équité vous m'accorderez votre suffrage pour la pension vacante dans la classe historique, et que vous voudrez bien appuyer efficacement mes sollicitations pour cet effet. » J'ose vous assurer, monsieur le secrétaire, qu'en ce cas ma grati- tude ne se bornera pas à de simples protestations de reconnaissance, mais qu'elle se réalisera par des effets qui ne vous seront pas moins agréables qu'à toute l'Académie. » J'aurai l'honneur de remettre à l'Académie, le 18 de ce mois, les divers mémoires dont j'ai été nommé commissaire, mes rapports relatifs auxdits mémoires, la proposition de quelques nouvelles questions pour le prix historique, et, de plus, un nouveau mémoire historique qui, en cas de besoin, pourra trouver place dans le sixième volume de nos Mémoires. » Je remettrai aussi à l'Académie mon mémoire sur deux médailles de Caracalla, dans lequel j'ai suivi l'avis d'un des commissaires, en changeant conformément à ses désirs, deux ou trois expressions qui lui ont paru trop fortes, et qui m'étaient échappées. Peut-être trouverez- vous à propos de ne pas faire imprimer ce mémoire dans le sixième volume, à cause que je ne possède plus la médaille d'or de Caracalla. Si cela est, j'y consens volontiers, ainsi qu'aux changements que MM. les commissaires de mes mémoires trouveraient à propos d'y faire. » J'aurai, de plus, l'honneur de vous remettre un catalogue de mes médailles impériales en grand bronze que je me propose de vendre, afin que vous puissiez l'examiner et le faire examiner par l'Académie. Si elle désire d'en faire l'acquisition, je serai de bonne composition pour le prix, et j'arrangerai celles que l'Académie possède déjà, selon leur ordre et leur époque. Mais dans le cas que l'Académie ne trouve pas à propos de faire l'acquisition de ma collection de grand bronze, je la prie de me rendre mon catalogue, afin que je puisse l'envoyer en pays étrangers. » En attendant le bonheur d'obtenir l'effet de mes désirs, j'ai l'hon- neur d'être, etc. « LIVRE I. — 1792. 645 Remarquons ici que dans la lettre de convocation pour la séance générale du 18 octobre, il n'était nullement question de l'octroi de la pension vacante par la mort de M. de Hesdin. Les objets dont l'Académie aurait à s'occuper concernaient le juge- ment du concours, la proposition de nouvelles questions et l'élec- tion du marquis de Chabert. Avant de terminer ce chapitre, nous donnerons quelques lettres écrites par Gérard à l'abbé Mann pendant l'été de 1792. Pour les faire compreiitlre, nous rappellerons que Gérard avait été mis à la retraite à la fin d'octobre 1789, mais que les événemeiits de la révolution n'avaient pas permis à cette époque de liquider sa pension. Par un décret du 28 avril 1792, cette pension avait été fixée à fl. 1 400, moitié de ses gages, et devait prendre cours à partir du 1" novembre 1789. Le IG juillet, Gérard adressa la lettre suivante au secrétaire perpétuel de l'Académie : -1 ... Vous n'ignorez pas, monsieur, qu'après avoir été ballotté pendant huit mois, on me donne ma jubilarisation avec la moitié de mes gages, dans le temps que Jean Engels, ci-devant jockey du sieur Des Roches, ayant obtenu un emploi qui ne rend pas la totalité de ses anciens gages, reçoit' un supplément de 1 200 à 1 500 florins. — Une des choses qui me fait le plus de peine est qu'on vous ait fait servir d'instrument pour me jouer, et que j'aurais pu avoir de singulières idées sur votre compte si je n'étais assuré de votre amitié et de votre probité, et si je n'avais d'ailleurs des preuves que vous vous êtes employé vivement pour m'être utile. — Si vous ne vous étiez point rendu chez moi, il y a environ un an et plus, pour m'engager à présenter requête, à la sollici- tation, disiez-vous, de personnes que mon inaction empêchait de me rendre service, j'aurais, en attendant que je me serais assuré d'une pro- tection efficace, demandé le payement de mes gages et arriérés au con- seil des finances, qui, d'après les ordres qu'il avait à ce sujet depuis octobre 1789, m'aurait fait payer à l'instant : mais croyant bonnement d'après vos assurances qu'en présentant requête % mon sort serait amé- ^ Gérard avait présenté sa requête aux gouverneurs généraux le 14 août 1791. 644 LIVRE 1. — 1792. lioré, j'ai vendu des effets sur lesquels j'ai perdu considérablement pour me procurer l'argent comptant dont j'avais besoin faute de recevoir ma pension. Voilà, monsieur, comment innocemment vous avez concouru à m'occasionner des pertes considérables pour une personne qui a famille. — Je ne sais pas trop, monsieur, si vous n'étiez pas informé, il y a longtemps, qu'on me jouait, et que cela a été cause que vous avez cessé tout à coup de me venir voir, tandis qu'auparavant vous veniez de temps en temps chez moi pour me presser à solliciter mes affaires. Si cela était, j'aurais un petit reproche à vous faire de ne m'en avoir pas averti. — Je me donne la torture pour découvrir le but qu'on a eu de me jouer, ou mystifier pour me servir d'un terme à la mode, et de faire courir le bruit que j'étais nommé à un emploi, au point que des conseillers des conseils des finances et privé m'en ont fait compliment. M'a-t-on voulu faire donner dans le panneau et jeter un ridicule sur moi, mais encore quel plaisir y a-t-il d'accabler une personne qui ne se mêle de rien et vit comme un solitaire, et de troubler sans aucun intérêt sa tranquillité. — J'avais supporté, monsieur, avec assez de courage ma jubilarisation, parce que je l'attribuais aux circonstances du temps 5 j'avais vu sans me plaindre que des personnes qui n'avaient pas à beaucoup près rendu des services comme moi, avaient des avantages considérables, tandis que j'essuyais des pertes, mais je ne suis pas insensible au ridicule qu'on a voulu jeter sur moi et à la perte qu'on m'a fait essuyer par le retard du payement de ma pension, parce que ce sont des choses faites à dessein prémédité et sans autre profit que celui de vouloir nuire. — Vous sen- tez bien, monsieur, que pour me sauver du ridicule, je serai obligé d'informer mes amis et peut-être le public de la manière dont j'ai été joué, ce que je n'ai point encore fait jusqu'à présent, mais vous pouvez être persuadé que si je suis obligé de vous nommer, je le ferai de ma- nière que l'on reconnaîtra que votre but a été de m'être utile et non de me nuire, et je vous écris la présente afin qu'elle serve de témoignage de ma façon de penser à votre égard. » La lettre que nous venons de transcrire porte, comme nous l'avons dit, la date du 16 juillet 1792, mais il se pourrait que cette date fût fautive et que la lettre remontât à une époque antérieure. En voici une autre datée du 17 juin, et dans laquelle on lit : «... Je me propose de faire peut-être une très longue absence en Hollande pour voir si je ne trouverai point d'amateurs pour ma biblio- LIVRE I. 1792. 643 thèque dont je viens d'achever le catalogue, et y faire des arrangements avec quelque imprimeur pour faire imprimer quelques MSS., un de mes amis, M. Van Wyn, m'ayant écrit qu'il s'y trouve des imprimeurs qui payent très bien des bonnes copies. Malgré toute l'économie possible, ayant toujours des malades chez moi (ma femme tient encore le lit depuis quelques jours), je ne puis vivre avec la modique pension qu'on m'a donnée, surtout à Bruxelles, ce qui m'a engagé à acheter une maison de paysan où à peu de frais je pourrai me faire un logement dès que je serai débarrassé de ma bibliothèque; je n'ai que ce parti à prendre après toutes les pertes et injustices que j'ai essuyées, pour conserver le débris de ma fortune à mes enfants. En me rendant à l'Académie sur le même pied que M. De Deunic, et en fournissant un mémoire par an, j'espère qu'on ne me contestera point ma pension académique : ce serait ajouter aux injustices que j'ai déjà essuyées. Je le crains cependant après la récompense que je reçois pour tous les soins et peines que je me suis données pour l'Académie et la Bibliothèque qui n'existerait point sans moi. J'avais cru de présenter une nouvelle requête, pour être au moins traité à l'égard de la pension comme les autres personnes qui ont servi ci-devant à la secrétairerie d'État, dont aucun n'a jamais sorti qu'avec les deux tiers de gages, mais comme on a su empêcher que mal- gré la résolution bienfaisante de Leurs Altesses royales, dont M. le baron de Feltz m'a donné connaissance en votre présence et celle de M. le chan- celier et de M. l'abbé Chevalier dont j'invoquerai un jour le témoignage, je n'ai obtenu l'effet de cette résolution *, j'ai cru qu'on pourrait aussi mettre obstacle à une augmentation de pension : j'attendrai donc l'évé- nement ou des temps plus heureux pour moi, si après quelques légères sollicitations, je ne puis point obtenir un meilleur sort dans une quin- zaine de jours... » Le 25 juin, Gérard écrivait encore à l'abbé Mann : «... Quant à moi qui ne suis pas jésuite [il venait de parler de Ghes- quiere et des jésuites « qui ne pardonnent jamais i»], je suis fâché que les deux lettres que je vous ai écrites vous aient fait peine, comme je m'en aperçois par la vôtre du 18 et je vous répète que je suis persuadé que " ' Il est à remarquer que les gouverneurs généraux s'étaient bornés à de- mander l'avis du conseil des finances sur la requête de Gérard. 646 LIVRE 1. — 1793. VOUS avez fait tout ce qui dépendait de vous pour m'être utile, et si l'oecasion s'en présentait je vous donnerais des preuves de ma recon- naissance; ce qui est arrivé ne doit pas vous dégoûter de rendre service à d'autres; mon cas est unique, et me feraitrhonneur s'il était connu, parce qu'on verra comment on a traité une personne qui a le plus contri- bué au rétablissement des lettres dans son pays, et qui avait rendu de plus longs services au souverain que des intrigants et autres personnes qui n'avaient d'autre mérite que d'être protégés et qui lui ont été pré- férés. Cela, comme vous voyez bien, pourra faire l'objet d'un mémoire très historique et très piquant... « CHAPITRE LIX. La première séance de l'Académie après le retour des Autrichiens. — Mort de De Beunie. — Réception des académiciens par le nouveau gouverneur général l'ar- chiduc Charles-Louis. — Gérard est élu directeur. — Décision d'insérer dans le recueil des Mémoires les pièces émanant de personnes étrangères à l'Académie, qui auront été approuvées par celle-ci. — Questions choisies pour le concours de 4794. — L'affaire des pensions. — L'extrait de protocole relatif aux choix faits par l'Académie pour les deux pensions vacantes par le décès de MM. de Hesdin et De Beunie. L'Académie se réunit le J5 avril 1795. Sept membres seule- ment étaient présents : l'abbé Chevalier, directeur, Gérard, Du Rondeau, de Launay, Van Bochaute, Burtin et Lesbroussart. M. de Berg s'était excusé. L'abbé Mann n'était pas encore rentré à Bruxelles: il n'y revint que le 18 avril. Lors de l'invasion fran- çaise, au mois de novembre 1792, il s'était rendu d'abord à Maestricht avec Podevin, actuaire de la Commission des études, et de là en Angleterre avec lord Elgin, envoyé extraordinaire de Sa Majesté britannique à Bruxelles. A Londres, il avait reçu l'accueil le plus flatteur. Il est à remarquer que la séance du 15 avril était la première à laquelle il n'eût pas assisté, depuis sa nomination aux fonctions de secrétaire. LIVRE I. 647 A roiiverture de la séance, le directeur donna lecture de la note suivante : « La dernière séance de rAcadémie s'est tenue le 5 de novembre 1792. Les malheurs arrivés dans ce pays n'ont plus permis de tenir des assemblées ; il [y] avait un petit nombre de membres de l'Académie en ville, et il n'était pas permis de se rassembler sans des permissions qu'il ne convenait pas de demander. » Les victoires remportées par les troupes de Sa Majesté l'empereur et roi ayant forcé les Français à abandonner la Belgique, S. A. le minis- tre plénipotentiaire et les membres du gouvernement sont revenus à Bruxelles, et nous ont ramené la liberté, la paix et la tranquillité. Dans ces heureuses circonstances, il a paru convenable que l'Académie se présentât à S. E. le ministre plénipotentiaire qui faisait les fonctions de gouverneur général. » Le directeur ayant demandé l'heure où S. E. voudrait recevoir l'Académie, et ayant reçu sa réponse, il convoqua- par lettres tous les membres qui se trouvaient à Bruxelles; et le 5 avril, à G heures du soir, rAcadémie fut admise à l'audience de S. E. qu'elle complimenta par l'organe du directeur. S. E. reçut gracieusement les hommages de l'Académie, et s'entretint quelque temps avec les membres présents, leur parlant avec grande affabilité et les exhortant à continuer leurs occu- pations littéraires et à travailler à ramener l'opinion publique à la paix et raison, et à rendre à l'auguste souverain ce qui lui est dû. « Le protocole nous apprend que les membres qui se rendirent chez le ministre étaient l'abbé Chevalier, Gérard, de Launny, le commandeur de Nieuport, Cacls, Van Bochaute, Burtin, de Berg et Lesbroussart. Nous y voyons ensuite que Lesbroussart lut un mémoire intitulé : « Réflexions sur le caractère qu'ont dcveloj)pé les Belges, et particulièrement les Brabançons pendant l'occupation des Pays-Bas par les Français depuis le mois de novembre 179:2 jusqu'au mois de mars 1795. » L'.Académie résolut de faire imprimer celte pièce dans les deux formats in-i° et in-S", « persuadée qu'elle serait très bien G48 LIVRE I. — 1793. accueillie du public cl qu'elle ferait bon effet dans les circon- stances actuelles. » L'impression était achevée dès le 20 avril, et le même jour il en fut remis six exemplaires à chacun des académiciens résidant à Bruxelles. a M. Gérard informa l'Académie que M. De Beunie, membre de ce corps, était décédé le 20 février dernier à Anvers, à l'âge de 75 ans, et qu'il avait été requis par le fils de M. De Beunie, de donner part de celle morl à l'Académie; mais que l'Académie n'ayant point été assemblée depuis, il n'avait pu s'acquitter plus tôt de celle commission. »> Selon l'usage, un service fut célébré dans l'église du petit béguinage pour le repos de rame du défunt. — Le 21 mai, M. J.-F. De Beunie adressa la lettre suivante à l'abbé Mann : « Nous sommes bien sensibles h la part que vous voulez prendre, ainsi que rAcadcmie, à la perte que nous avons essuyée de notre cher père... Quant à la courte notice de sa vie, je ne saurais vous dire autre chose que nous ne l'avons jamais trouvé autrement que vous ne Pavez connu, c'est-à-dire d'humeur toujours égale et de bon naturel : il était natif de Roosendael, place qu'il a quittée dès ses études auxquelles il s'est occupé jusqu'à la veille de son attaque d'apoplexie, avec tant de zèle et d'assiduité que je ne saurais dans cette ville trouver son égal; je ne sais qu'il ait jamais rendu public de ses ouvrages que les mémoires qu'il a présentés à l'Académie de Vlissinghe [Flessingue], dont il était membre, et un accessit qu'il a remporté dans l'Académie de Paris sur le salpêtre. Il est mort dans la 75« année de son âge... « Le 29 avril, l'Académie tint sa seconde séance de l'année 1795. Oulre les membres qui avaient assisté à la séance du 15, on comptait encore parmi les académiciens présents, MM. l'abbé de Wilry, l'abbé Mann, le commandeur de Nieuport et M. de Berg. La séance fut présidée par J. Crumpipen. Pour récupérer en partie les séances académiques interrompues par l'invasion fran- çaise, Crumpipen proposa d'en tenir le i3 et le 27 mai, et de remettre la séance générale qui précède les vacances jusqu'au mois de juin. LIVRE I. — 1793. . 649 Le secrétaire fut chargé de s'enquérir auprès du ministre pléni- potentiaire du jour et de l'heure où l'Académie pourrait rendre ses hommages à S. A. R. l'archiduc Charles-Louis d'Autriche, le nouveau gouverneur général qui venait d'arriver à Bruxelles. La veille de la séance, Gérard avait écrit à l'ahhé Mann : « J'ai été très surpris, monsieur, de trouver hier le soir une carte chez moi annonçant la séance de PAcadémic pour demain lundi, tandis que M. le directeur avait dit que la séance ne se tiendrait que lundi en huit, afin de suivre l'usage de tenir nos séances le premier et le troisième lundi du mois. — Comme je ne pouvais prévoir de changement dans les jours de séance, j'avais pris des arrangements pour demain, qui m'em- pêcheront vraisemblablement d'assister à la séance, où j'espère qu'il ne se traitera rien qui puisse donner matière à des réclamations de la part des absents. — Je ne vous cacherai pas, monsieur, qu'il me paraît hors des règles que sans consulter le directeur, on ait changé le jour d'as- semblée^ vous pourrez prétexter peut-être, car on trouve des prétextes quand on veut, qu'il s'agit de prendre jour pour aller complimenter S. A. R., mais il n'était nécessaire pour cela que d'annoncer à MM. les académiciens l'heure que ce prince voudrait recevoir [leurs] hommages. — J'espère, monsieur, que vous ne vous prêterez plus dans la suite à des choses qui pourraient contribuer à semer la zizanie dans l'Académie. En suivant exactement les règlements, chacun sera content. — Je suis très amicalement votre très obéissant serviteur. » Malgré les arrangements pris par Gérard pour la journée du 29 avril, il assista à la séance. Le 8 mai, Crumpipen qui ne joint plus à sa signature le titre de chancelier de I3rabant, comme il avait coutume de le faire*, prévint l'abbé Mann que le gouverneur général recevrait l'Acadé- mie au palais, le 10 à dix heures du malin. En conséquence, * Le 5 avril 1795, on avait reconstitué le conseil de Brabant, mais en n'y admettant que les conseillers qui avaient siégé en 1790. Par le fait J. Crum- pipen s'en trouvait exclu. Au mois de juillet, il fut pensionné, en même temps que son frère H. Crumpipen et le baron de Feltz : tous trois reçurent le titre de conseiller d'Etat. 6S0 . LIVRE I. — 1793. Tabbé Mann était prié d'inviler les membres de se trouver au palais, dans la salle d'audience, au jour et à l'beure indiqués, en les informant qu'il aurait l'bonneur, lui Crumpipen, de s'} joindre à eux, et de faire au nom du corps le compliment d'usage à monseigneur l'arcbiduc. Nous ignorons quels furent les membres présents à cette audience. De Launay seul s'était excusé sur ce que « ils étaient dans le cas d'avoir une séance au comité. » Voici, d'après le protocole, le compliment du président : « Monseigneur, « L'Académie des sciences et belles-lettres vient pour avoir l'honneur de saluer Votre Altesse royale en sa qualité de gouverneur général des Pays-Bas : elle vous supplie, monseigneur, d'accueillir avec bonté l'hom- mage de son profond respect et le juste tribut de reconnaissance et d'ad- miration qu'elle vous offre, avec toute la Belgique. » n'est à votre bravoure, à l'intrépidité que Votre Altesse royale a montrée, en marchant à la tête des troupes victorieuses de l'empereur, que cette belle contrée doit spécialement son salut. C'est de votre jus- tice, de voire sagesse, qu'elle attend, avec confiance, le retour prochain de la félicité publique. » Daignez, monseigneur, honorer de votre bienveillance une compa- gnie littéraire que feu votre auguste aïeule, Timmortelle Marie-Thérèse, a fondée, et qui s'efforcera toujours à mériter, par son zèle comme par ses travaux, les regards et la haute protection de Votre Altesse royale. » L'arcbiduc avait agréé un exemplaire des Mémoires publiés par la compagnie depuis son établissement. Cet exemplaire lui fut remis par une députation composée du président, du direc- teur et du secrétaire perpétuel. La séance générale qui se tenait tous les ans avant les vacances, avait été fixée au 48 juin. Outre le président, treize membres y assistèrent : c'étaient l'abbé Cbevalier, directeur, l'évêque d'An- vers, Gérard, l'abbé Mann, de Launay, le doyen îlcylen, labbé Gbesquiere, Caels, Burtin, de Berg, Lesbroussart, l'abbé Be\y et M. Hoppé. — De Witry, Vounck, Du Rondeau et Van Bocliaute LIVRE 1. — 1793. G51 s'étaient excusés, « les trois derniers à cause de maladie, et M. de Witry par la circonstance de militaires logés chez lui. » On décida d abord de faire imprimer le mémoire de Van Dyck couronné au dernier concours, « dès que les affaires de 1 impri- merie académique auraient été arrangées par M, de Launay. p Celui-ci parla de quelques ouvertures qui se présentaient pour faire faire cette impression à de bonnes conditions par limpri- merie royale du Lotto, mais rien ne fut arrêté à cet égard. « Il fut mis en délibération si on rayerait de la liste de TAcadémie les noms de qnelijucs membres étrangers qui, depuis longtemps, ne correspondaient plus avec elle, et ne remplissaient pas l'obligation qui leur est imposée par la résolution du 14 octobre 177C, nommément MM. de La Lande et de Kock, qui par-dessus cet oubli envers la compa- gnie qui se les avait associés, s'étaient montrés très opposés aux droits et prérogatives de noire auguste souverain par leur attachement au système français. La chose ayant été assez longtemps discutée de part et d'autre, il fut décidé d'attendre avant de prendre une résolution finale sur ce chef; ainsi que sur la proposition qui fut faite de mettre à l'avenir les noms des membres étrangers dans une liste à part à la suite de celle des membres rcgnicoles. » La compagnie décida ensuite que tout mémoire approuvé par elle pourrait être inséré ilans son recueil, bien que l'auteur ne fût pas un de ses membres. « Comme il s'agissait dans cette séance générale de faire l'élection an- nuelle d'un directeur, ainsi que le choix d'entre les aspirants aux pensions vacantes [par les décès de MM. de Hesdin et De Beunic], et de quelques autres objets qui concernaient l'état interne de l'Académie, il fut ques- tion 1° si les membres étrangers qui se trouvaient présents à la séance, auraient voix délibérative sur ces objets, et 2" si les membres rcgnicoles absents pourraient donner leurs suffrages, soit par lettres, soit en char- geant un membre présent de le donner en leur nom. 11 fut décidé néga- tivement sur l'une et l'autre de ces questions. Une des raisons qui firent exclure du suffrage les membres rcgnicoles absents, était, que pour le donner avec connaissance de cause, il fallait être présent aux délibéra- tions qui précèdent la levée des voix, laquelle décide de ces affaires. 652 LIVRE I. 1793. » Ces déterminations étant prises, on procéda par voie de scrutin à l'élection d'un directeur, et la majorité des suffrages fut trouvée en faveur de M. Gérard qui doit en commencer les fonctions après les vacances. » Lors des absences forcées du secrétaire perpétuel en 1790, et à l'occasion de l'invasion française, la garde des effets de l'Acadé- mie, logés chez ledit secrétaire, avait été confiée à son domes- tique, Philippe Hullet: celui ci avait également suivi en 1792, et sans rétribution quelconque, la vente des livres des couvents sup- primés, pendant trois semaines, pour acheter les livres dont LL AA. RR. avaient gratifié la Bibliothèque de Bourgogne. Pour le récompenser, le trésorier provisionnel fut autorisé à lui payer une somme de dix louis sur les fonds de l'Académie. La séance commencée le 18 juin fut continuée le lendemain 19. Celte fois, il y avait, outre le président, onze membres présents. De Launay,lc doyen Heylen,Caels cl Hoppé, qui avaient assisté à la séance du 18, ne parurent pas à celle du 19; mais par contre, Du Rondeau et le commandeur de Nieuport se montrèrent à cette dernière. Toute la séance du 19 se passa à faire le choix des questions à proposer pour le concours de 1794. Ce choix, pour la classe d'his- toire, amena de bien longues discussions; enfin, on adopta la question de M. l'abbé de Bevy : « Quelles sont les places dans les dix-sept provinces des Pays-Bas et le pays de Liège, qui depuis le Vn^ jusqu'au XIP siècle exclusivement ont pu passer pour des villes ? » C'était la suite de la question qui avait été proposée en 1769 par la Société littéraire et qui s'arrêtait au VII'' siècle. Pour la classe des sciences, on adopta la question de M Burtin: « Quels sont les défauts qu'on reproche h plusieurs espèces de nos briques? quels sont les moyens de les rendre plus parfaites? quels sont les matières et les procédés employés en Hollande pour la fabrication de certaines espèces de briques qui manquent chez nous? N. B. 11 est requis de distinguer les matières à employer, avec tant d'exactitude qu'on ne puisse s'y méprendre. » L'affaire des pensions avait été portée à l'ordre du jour de la LIVRE 1. 1793. 653 séance générale de juin, mais elle ne put pas y être mise en déli- bération. Un comité s'était tenu chez le secrétaire le 19, sans qu'une décision fût prise, et il fallut que ce comité se réunit de nouveau le 23 pour arriver à un accord sur le choix des nou- veaux pensionnaires. Il y avait deux candidats pour chacune des pensions vacantes. Dès le 1i2 octobre 1792, l'abbé Ghesquiere, comme on l'a vu, avait fait valoir ses titres. Le 4 juin 1795, il écrivait de nouveau à labbé Mann : . « ... Quant à mon mémoire sur deux médailles de Caracalla, je l'ai ici [à Tongerloo], avec le changement de deux ou trois expressions qui ont paru faire de la peine à M. le conseiller de Berg dans un temps critique. J'apporterai avec moi ce mémoire. — Je vous remercie, monsieur, très sincèrement de ia bonté que vous avez eue de remettre à M. le président ma lettre relative à la pension académique, et de m'avoir fait parvenir l'ouvrage du prince de Gallitzin. C'est un double service que vous m'avez rendu; car il est très possible que M. le président n'ait plus sous la main la lettre que j'ai pris la liberté de lui écrire, l'année passée, qui était à peu près de la même teneur. II en est peut-être de même quant aux lettres que j'ai écrites en ces temps-là et sur le même objet, aux respectables membres de l'Académie. Leurs réponses reviennent, à peu de chose près, au jugement que vous avez porte avec pleine connais- sance de cause, savoir que j'ai certainement des droits bien fondés pour être nommé de préférence à une des pensions vacantes. Mais il sera tou- jours très avantageux pour moi, que ces messieurs s'en ressouviennent, et surtout, que M. le président, et vous, monsieur, vous leur exposiez la justice de ma demande... » Lesbroussart s'était également mis sur les rangs. On lit dans la lettre datée du 18 juin que Vounck écrivait pour s'excuser de ne pas assister à la séance de l'Académie : « ... Comme M. Lesbrous- sart a sollicité ma voix pour la pension vacante par la mort de M. de Hesdin, si le vœu d'un membre absent peut entrer en compte, je vous prie, monsieur, de lui déférer le mien. » Il n'y a pas de trace, dans les archives, des démarches faites par 654 LIVRE I. — 1793. de Lauiiay et Van Bochaute, aspirant tous les deux à la pension de De Beunie. Le 15 mai, l'abbé Mann avait envoyé au président les extraits des protocoles concernant les pensions « qu'on avait, disait-il, constamment regardées comme le grand ressort qui donnerait de l'activité et du zèle à l'Académie, et qui n'ont nullement pro- duit cet effet. » — Le 19 juin, Crumpipen répondait : « ... Je ferai un usage convenable et direct des informations que vous avez eu la complaisance de me donner..., mais il est fâcheux d'avoir constamment affaire à des mécontents, et à des gens qui veulent toujours l'emporter sur les autres. » Nous donnerons maintenant les protocoles des comités tenus les 19 et 25 juin. Comité du 19 juin. — Présents: M. de Crumpipen, président; MM. Tabbé Chevalier, directeur, de Nelis,évéque d'Anvers, Gérard, Du Rondeau, l'abbé 31ann, secrétaire perpétuel, le commandeur de Nieuport, Caels, Burtin et de Berg. « Tous les membres regnicoles, à rexception des aspirants aux pen- sions, avaient été convoqués à ce comité, et tous ceux qui se trouvaient alors à Bruxelles s'y rendirent. w M. le président fit lecture des rétroactes concernant les pensions académiques, leur établissement, la marche qui avait été suivie en y nommant, et les obligations imposées spécialement aux pensionnés. » Il fut observé l" que la seule direction que TAcadcmie avait reçue pour le choix de ses membres pensionnés, était contenue dans une lettre officielle du prince de Starhemberg, en date du 25 juin 1785, et énoncée en ces termes ; « L'Académie proposera ceux des membres qui lui » paraîtront mériter par préférence d'avoir part à cette récompense » flatteuse; » — 2** que de ceux qui obtinrent en premier lieu les cinq pensions disponibles (celle attachée à la place de secrétaire ne l'étant pas), trois étaient membres de la classe des sciences, et les deux autres membres de la classe d'histoire ; cette disposition étant entièrement con- forme et proportionnée au nombre respectif des deux classes, établi par la résolution du dC septembre 1777, il paraissait qu'il ne convenait pas d'y donner atteinte j — o° que l'ancienneté seule ne donne pas droit à une pension, puisque si cela était, l'Académie n'aurait pas de choix à LIVRE I. 1793. C55 faire : mais que l'ancienneté jointe au mérite envers TAcadémie était certainement un litre légitime de préférence. » De ces observations préliminaires le comité passa à discuter les litres respectifs des quatre aspirants qui étaient 3IM. de Launay et Van Bocliautc, de la classe des sciences, pour la pension vacante par la mort de M. De Beunie, membre de celle classe, et MM. l'abbé Ghesquiere et Lesbroussarl, de la classe d'histoire, pour celle qui vaquait par la mort de M. de Hesdin, attaché à celle classe. » Une partie des membres du comité optait à partager les deux pen- sions également entre les quatre aspirants; les autres à nombre égal, s'opposèrent à cette mesure, en sorte que le comité se sépara, sans qu'il y eût rien de décidé. » Comité du 25 juin. — M. le président, par un billet du 20 juin qu'il écrivit au secrétaire, fit inviter les mêmes membres qui s'étaient trouvés au comité du 19, à se rendre au même endroit et pour le même objet, le 25 suivant : tous s'y rendirent à l'excep- tion de Mgr l'évêque d'Anvers qui se fit excuser pour cause d'in- commodité. « Après avoir résumé ce qui s'était passé dans le précédent comité, M. le président fit connaître la convenance qu'il avait trouvée de l'assem- bler de rechef afin de parvenir à une détermination quelconque au sujet des pensions vacantes. » La chose étant de nouveau mise en délibération, les trois résolutions suivantes furent prises à l'unanimité : 1° De proposer M. de Launay pour la pension vacante par la mort de M. De Beunie; 2° de proposer M. l'abbé Ghesquiere pour celle qui vaque par la mort de M. de Hesdin 5 o» d'accorder une gratification de cent écus à M. Lesbroussarl. » 11 fut résolu d'informer S. E. le ministre plénipotentiaire par extrait de protocole, du choix qui a été fait pour les deux pensions vacantes, de le supplier de confirmer ce choix et de le faire munir, en la manière accoutumée, de l'agrément de Son Altesse royale le gouverneur général.» Crumpipen, qui portait toujours le même intérêt à l'Académie, et qui rédigeait toutes les pièces de quelque importance, s'était chargé de l'extrait de protocole relatif aux pensions. 656 LIVRE I. — 1793. Cet extrait fut envoyé au ministre sous la date du 4 juillet. Voici quelle en était la teneur : « Il vaque deux pensions académiques, chacune de trois cents florins : l'une dans la classe de physique, par la mort du sieur De Beunie, médecin demeurant à Anvers, Tautre, dans celle d'histoire, par le décès du sieur de Hesdin, roi et héraut d'armes à titre de la province de Namur, domicilié en cette ville de Bruxelles. Quatre candidats se sont présentés pour les obtenir : les sieurs de Launay, greffier du conseil des finances de Sa Majesté, et Van Bochaute, professeur de chimie en l'Uni- versité de Louvain, aspirent à la pension dont jouissait feu le sieur De Beunie. Les sieurs abbé Ghesquiere, historiographe de Sa Majesté, et Lesbroussarl, professeur de poésie au collège royal de Bruxelles, deman- dent celle de feu le sieur de Hesdin. » L'Académie, en suivant la marche prescrite pour de pareils cas par une lettre du ci- devant ministre plénipotentiaire au gouvernement général des Pays-Bas, prince de Starhemberg, s'est assemblée en comité, le 23 du mois de juin dernier, sur convocation de M. le président, faite ad hoc; et, après une mûre délibération, elle a résolu, à l'unanimité, de proposer le sieur de Launay pour la pension vacante dans la classe de physique, et le sieur abbé Ghesquiere pour celle vacante dans la classe d'histoire. » En conséquence, Son Excellence le ministre plénipotentiaire, comme représentant Sa Majesté en qualité de protecteur de l'Académie, est sup- plié de confirmer cette double proposition, et de la porter à la connais- sance de Son Altesse royale le gouverneur général, afin qu'elle soit agréée par ce sérénissime prince. Il suffira que la notification en soit faite à l'Académie par une lettre de Son Excellence. )> Au surplus, l'Académie ayant pris en considération le zèle distin- gué du sieur Lesbroussart, l'un des deux aspirants à la pension de la classe historique, les différents ouvrages dont il est l'auteur ou l'éditeur, les services qu'il a rendus à la compagnie, ainsi que ceux qu'on doit s'en promettre encore, a résolu, aussi à l'unanimité, d'accorder audit sieur Lesbroussart, à titre de récompense et d'encouragement, une gratifica- tion de cent écus, et d'en informer Son Excellence le ministre plénipo- tentiaire par le présent extrait de protocole. » LIVRE I. — 1793. 657 CHAPITRE LX. L'abbé Chevalier est inquiété pour avoir prêté le serment de fidélité au peuple pen- dant l'occupation française. — Le concours de 1798. — La réclamation du chanoine Ernst qui avait été exclu du concours, parce que son mémoire était arrivé après le terme fixé. Vers rëpoque où nous sommes arrivés, le brave et inoffensif abbé Chevalier avait eu une vive alerte. Les pièces que nous allons transcrire en donneront l'explication et !e dénouement K I. — Lettre de Vabbé Chevalier , bibliothécaire de la Biblio- thèque royale, à 31. Sanchez de Aguilar, conseiller au conseil royal des finances. — 20 juin 1795. « Monsieur le conseiller, n'ayant pas eu le bonheur de pouvoir vous parler chez vous, je prends la liberté de vous importuner un moment sur une petite alFaire qui me regarde. Depuis 2J ans que je sers la place de bibliothécaire de la Bibliothèque royale, on m'a payé au trésor royal les petits appointements qu'on m'avait assignés, et qui n'ont jamais été augmentés comme on m'avait fait espérer : au commencement, ces appointements étaient payés sur des ordonnances particulières du con- seil des finances, et après on m'a mis dans une liste générale des em- ployés pour être payé sans avoir besoin d'une nouvelle ordonnance : ce qui a été renouvelé en 1792. Présentement qu'on a envoyé au trésor des nouvelles listes de ceux qui doivent être payés, le receveur me dit que mon nom ne s'y trouvant pas, il ne peut pas me payer les quartiers qui me sont dus, et qu'il faut que je m'adresse au conseil qui peut-être m'a oublié; et sachant que vous, monsieur, avez le département de la caisse, je m'adresse à vous pour vous prier de vouloir bien ordonner que je sois payé comme ci-devant, puisque je continue le service de ma place. Je vous serais bien obligé, et j'aurai l'honneur de vous témoigner de vive voix les respectueux sentiments de la parfaite considération avec laquelle je serai toujours, etc. » ' Archiv. du roy. de Bolg. Conseil des finances : carton d» 266. Tome XXXIV. 42 658 LIVRE I. 1193. II. — Leltre du même au même. — 25 juin 1795. « Monsieur le conseiller, en réponse à votre billet, j'ai l'honneur de vous dire que durant roceupation de ce pays par les Français, je ne leur ai rendu aucun service, je n'ai reçu aucune rétribution, ni aucun payement d'appointements, ni d'eux ni des représentants provisoires : mais ayant été obligé de rester dans le pays par Timpossibilité d'en sortir comme je souhaitais, je me suis tenu tranquille et en retraite, bor- nant tous mes soins à la conservation de la Bibliothèque qui m'avait été confiée : mais je n'ai pas pu échapper à l'avidité et jalousie de quelques personnes que je ne connais pas, et, sur leur dénonciation, à ce que je dois croire, j'ai été mande à la maison de ville pour prêter aux Provi- soires le serment sur la conservation du dépôt qui m'avait été confié. Ma première résolution a été de ne pas me prêter à cette réquisition, et j'avais déjà écrit une lettre aux Provisoires pour me démettre de ma place, mais celle résolution ayant été connue de quelques personnes respectables et de probité, et qui s'intéressaient à la conservation de la Bibliothèque, elles ont fait tout le possible pour me persuader à prêter le serment requis, qui n'avait rien contre la religion et conscience, et qui, dans des cas semblables, a été toujours prêté au vainqueur qui se trouve en possession juste ou injuste d'un pays conquis; etque c'était le moyen unique d'empêcher la dilapidation de la Bibliothèque. » Persuadé un peu par ces raisons, et par l'exemple de quelques per- sonnes qui avaient prêté le serment pour continuer à servir leurs places, je me suis rendu à la maison de ville, où ayant bien examiné la formule du serment demandé, qui était seulement celui des subalternes, ou des derniers commis, qui en peu de lignes obligeait à peu de chose..., je me suis décidé à faire cette promesse, laquelle, en rigueur, ne peut pas être appelée un serments C'était le 4 de décembre, et par conséquent dans le temps que le pays pouvait encore conserver ses lois et sa religion, et longtemps avant l'émission du décret du 15 décembre qui voulait obliger ce pays à suivre les lois de la France. « Depuis ce temps-là je n'ai plus vu ni parlé à ces Provisoires, et je n'ai rien demandé ni reçu d'eux, et ma résolution était de continuer de * La formule du serment était celle-ci : y Je jure d'être fidèle au peuple mon souverain légilime, de maintenir la liberté, l'égalité, et de remplir avec zèle, probité et exactitude les fonctions qui me sont confiées. » \ LIVRE I. 1793. 659 même, encore que les Français auraient resté plus longtemps maîtres du pays : au reste ils m'ont laissé tranquille dans la Bibliothèque et n'ont rien pris ni emporté, et seulement, dans le dernier mois de leur séjour ici, ils ont fait arracher du plafond les armes impériales que j'avais con- servées jusqu'à ce moment. » Voilà, monsieur, la vérité du fait que je ne déguise ni ne déguiserai jamais, et sur lequel vous pouvez avoir les apaisements nécessaires pour votre direction. » Je dois vous remercier très sincèrement de votre bonne volonté à me rendre service. » J'ai L'honneur d'être avec la plus respectueuse considération, monsieur, etc. » On lit en tête de cette lettre : « Le 26 juin 1793. — Résolu d'écrire aux conseillers receveurs géné- raux qu'ils pourront payer ce qui est dû au suppliant parmi les apaise- ments qu'il a donnés au comité. » III. — Protocole du conseil des domaines et finances. — 28 juin 1795. « Résolu de prévenir l'abbé Chevalier, bibliothécaire de la Biblio- thèque royale, qu'il devra abjurer entre les mains de M. le trésorier général le serment qu'il a prêté aux représentants provisoires durant l'occupation française, et renouveler celui qu'il a prêté lors de sa nomi- nation h la même place. » IV. — Formulaire du serment à prêter par l'abbé Chevalier, bibliothécaire de la Bibliothèque royale. « Je jure et promets à Dieu notre seigneur et à son saint Évangile de servir loyalement Sa Majesté l'empereur et roi notre souverain en m'ac- quittant soigneusement et diligemment des devoirs et fonctions de biblio- thécaire royal aux Pays-Bas, conformément aux instructions décrétées et à décréter à l'avenir pour l'exercice des fonctions de bibliothécaire sans m'en écarter en façon quelconque. » Ainsi m'aide Dieu et tous ses saints. » CGO LIVRE I. — 1793. V. — Renouvellement du serment. « Ce jourd'hui 8 juillet 1793, M. l'abbé Chevalier, bibliothécaire de la Bibliolhèquc royale, a abjuré le serment qu'il avait prêté aux Français pendant leur invasion de ces provinces et a renouvelé celui ci-dessus et ce aux mains de M. le vicomte de Sandrouin, conseiller d'État d'Épée et trésorier général des finances, etc. » Moi présent. (Signé) : de Maleck. » La première séance de rAcadcmie après les vacances eut lieu le 7 octobre. « M. le président ouvrit la séance par la lecture du résultat de la séance générale des 18 et 19 juin, ainsi que des comités tenus les 19 et 25 du même mois pour le choix des aspirants à proposer pour les pen- sions vacantes, avec l'extrait de protocole qui en résultait... » L'arrangement à faire avec ceux de l'imprimerie académique qui traîne depuis quatre ans, et la nécessité qu'il y a d'y mettre fin, étant mis sur le tapis par M. le président, M. de Launay, chargé de cet arran- gement, en fit un rapport verbal dont il résultait que rien n'est encore fait. On le pressa de mettre fin à cette affaire qui arrête depuis si long- temps l'impression des Mémoires de l'Académie. « La prochaine séance générale avait été fixée au 22 octobre. Oulre le président, treize membres y assistèrent, à savoir : MM. Gérard, directeur, Vounck, l'abbé Chevalier, Du Rondeau, labbc Mann, de Launay, de Nieuport, l'abbé Ghesquiere, Caels, Burtin, de Rerg, Lesbroussart et l'abbé de Bevy. Avant la séance, l'abbé ÎMann avait reçu le billet suivant du ministre plénipotentiaire : « Le ministre plénipotentiaire sait beaucoup de gré à monsieur l'abbé Mann de son attention à le prévenir de la tenue de la séance générale de l'Académie, une indisposition qui le relient au lit le mettra dans l'impossibilité de s'y rendre; il prie monsieur l'abbé Mann d'assurer LIVRE I. 1793. 661 messieurs les membres de rAcadémie de tous les regrets qu'il en éprouve. » (Signé) : Metternicu Winnebourg. » L'objet principal dont l'assemblée avait à s'occuper, était le ju- gement du concours. Sur la question de la classe des sciences : « L'on demande quelles sont les plantes propres aux Pays-Bas autrichiens ? — Leur désignation doit se faire d'après le système sexuel de Linné, ainsi que d'après les espèces pour la plupart décrites par Miller,» l'Académie avait j'eçu deux mémoires, écrits en latin. Une médaille d'or fut accordée à titre d'encouragement à M. Hendrickx, licencié en médecine à Louvain, et une médaille d'argent à M. Hccart, demeurant à Alli. II fut décidé en même temps que ni l'un ni l'autre mémoire ne méritaient d'être donnés au public, n'ayant point rempli le but de l'Académie. Pour le concours historique, l'Académie avait promis un prix extraordinaire à l'auteur de la meilleure dissertation sur un point quelconque de Ihistoire belgique, qui lui serait remise avant le 16 juin 1793. Cette décision prise dans la séance du 8 novembre 1791, sur la proposition de Gérard, avait donné lieu aux remarques suivantes de l'abbé Ghesquiere, conlenucs dans une lettre adressée de Ton- gerloo à l'abbé Mann le 29 : a ... Je prévois que la question his- torique, qui roule sur une dissertation sur un point quelconque de l'histoire belgique, mettra les rapporteurs et les membres de la classe historique dans un terrible embarras, dans le cas très possible et presque certain qu'il y ait deux mémoires également bons, mais sur des objets tout à fait différents. Auquel des deux donnera-t-on la préférence? comment en faire un examen com- paratif? » — Le 2 décembre, le doyen Heylen s'était exprimé dans le même sens. Quatre dissertations se disputèrent le prix : deux étaient écrites en français et deux en latin. Ces deux dernières, dont l'une répon- dait à la question sur le duc Gislebert, fils de Régnier au long col, proposée par l'Académie en 1786, et dont l'autre traitait de 662 LIVRE I. — 1793. Régnier I, comte de Hainaut, de son origine, et de ses enfants, obtinrent respectivement le prix et l'accessit : elles étaient toutes deux du chanoine régulier de l'abbaye de Tongerloo, Isfride Thys. — On résolut de faire dans les papiers publics une mention honorable de la dissertation historique et critique sur la maison royale des comtes d'Ardennes, qui n'avait pu prendre part au concours, étant ari'ivée après le terme prescrit. Le 26 octobre, ^I. Hendrickx, en remerciant l'Académie, exprima le regret de ne pas avoir pu faire des recherches plus amples, tant à cause de ses affaires particulières qu'à cause des troubles du pays. Comme cependant « la botanique était fort négligée dans nos belles provinces si fertiles en plantes quelcon- ques, » il se proposait de revenir sur le sujet « pour compléter autant que possible cette matière vaste et étendue, ainsi qu'utile et agréable. » Le 5 novembre, M. Hecart écrivait de Valencienncs à l'abbé Mann : ft Monsieur, » Je ne puis attribuer qu'à l'excessive indulgence de TAcadémie la médaille qu'elle a bien voulu accorder à mon mémoire sur la question de botanique de 1791. Cependant comme je croyais le catalogue exact, je désirerais, si la chose est possible, de connaître quelle est la diffé- rence qui existe entre le mémoire couronne et le mien, et surtout si c'est dans le nombre des plantes, car il est essentiel qu'il ne m'échappe rien dans Thisloire générale des plantes des Pays-Bas à laquelle je travaille depuis vingt ans, et qui est presque terminée, et dont le mémoire que j'ai envoyé à TAcadémie n'est qu'une des tables méthodiques^ vous m'obligeriez beaucoup, monsieur, si vous pouviez me marquer ces diffé- rences, et, s'il est d'usage dans votre Académie, comme dans plusieurs autres, de faire imprimer les mémoires couronnés, de m'en envoyer un exemplaire dont je vous ferai remettre fidèlement la valeur. » Une chose qui retardera la publication de mon ouvrage, c'est la synonymie; j'ai déjà celle d'un très grand nombre d'auteurs, mais il m'en manque quelques-uns d'essentiels, entre autres un livre flamand intitulé: Fr. van Sterbecck Tonneel der Camper noelien. Antwerp. 1712. 4°. LIVRE I. — 1793. 6C5 » Je vous écris aujourd'hui, monsieur, de ma demeure ordinaire, parce que les obstacles qui existaient lors de l'envoi de mon mémoire ont cessé; ainsi si vous daignez répondre à mes questions, c'est à mon adresse rue de Cambrai que la lettre doit être envoyée; je me propose d'aller dans quelque temps à Bruxelles, et si l'Académie trouve bon de me recevoir parmi ses membres, je me munirai de quelques-uns de mes ouvrages; je suis déjà de plusieurs Sociétés littéraires, il ne manque à ma satisfaction que d'être de celle de Bruxelles. » J'ai l'honneur d'être, etc. » Dans la séance du 2 décembre : « M. le président communiqua à la compagnie une lettre que le ministre plénipotentiaire de Sa Majesté lui avait adressée, le 26 du mois passé, relativement à une plainte faite par le religieux de Rolduc, Ernst, de ce que l'Académie avait exclu du concours sa dissertation sur la mai- son 7'oyalc (les comtes d'Ârdennes, à cause qu'elle n'avait été reçue qu'après le terme prescrit par le programme. Le ministre chargea la compagnie de lui rendre compte des circonstances dont ce religieux se plaignait dans sa lettre jointe à celle de Son Excellence. A cette occasion le secrétaire communiqua aussi une autre lettre que le sieur Ernst lui avait adressée en son particulier, le 19 novembre, sur le même sujet, ainsi que la réponse qu'il y avait faite. L'assemblée ayant trouvé cette réponse du secrétaire en tout aussi conforme à la vérité qu'elle l'était à la manière de penser de chacun de ses membres, elle croyait ne pouvoir mieux remplir les intentions de Son Excellence, qu'en lui remettant copie de ladite réponse qui renferme tous les éclaircissements que l'on peut désirer pour faire voir que les plaintes du sieur Ernst sont absolument mal fondées dans tous les points. « L'extrait de protocole ci-dessus fut^ envoyé au ministre le 4 décembre : il avait été revu et corrigé par Crumpipen. La lettre dErnst, datée d'Afden le 19 novembre, était très vive. L'Académie, selon lui, aurait dû s'informer d'abord si le retard apporté à l'envoi du mémoire provenait de l'auteur, ou s'il ne devait pas être imputé au directeur de la diligence, comme il 664 LIVRE 1. 1793. cherchait à le dëinonlrer. Plusieurs fois il avait envoyé des paquets à Bruxelles, et nommément à M, Des Roches, sans qu'il eût jamais essuyé ce revers pour lequel il ne méritait pas d'être puni par une exclusion aussi contraire à la profession de l'Acadé- mie de 11 avoir rien plus d cœur que d^encourager autant qu'il dépend d'elle l'élude des sciences, sans qu'on eût au moins pris des informations à la diligence sur la date de l'arrivée du paquet; le registre du directeur de Maestricht du vendredi 14 juin, remis sans doule, comme il est d'usage, au conducteur eût éclairci la chose. « C'est donc, monsieur, ajoutait Ernst, un de ces petits mystères que cette exclusion, qu'il n^est pas bien difficile à pénétrer pour qui sait porter ses recherches dans des choses abstruses, etc. — Depuis ce qui m'était arrivé il y a quelques années, continuait-il, j'avais toujours eu de la répugnance pour les concours académiques, et ce n'a été que d'après l'invitation que vous m'aviez fait l'honneur, monsieur, de [me] faire que je me suis déterminé à rentrer dans la lice; mais l'accueil que mon ouvrage vient d'avoir me détermine bien décidément à ne plus m'y engager. Vestigia terrent. Si des loisirs me permettent encore de travailler sur l'histoire belgique, je prendrai le public pour juge de mon travail en comptant toujours sur son indulgence et j'aurai au moins l'avantage de n'avoir pas perdu mes peines. — Comme mon écrit n'a point été admis au concours, l'Académie n'a point par conséquent de droit sur lui-, ainsi je vous prie, monsieur, de daigner me faire le plaisir de me le renvoyer par la diligence de Liège sur Aix-la-Chapelle au refuge de Rolduc, car je n'ai pas la commodité de faire tirer des copies de mes écrits. Il serait d'ailleurs absurde qu'un autre se décorât de mes plumes, ce sérail la fable du geai, ce qui pourrait cependant aisément arriver par la suite si mon écrit restait à Bruxelles, et ce qui ne pourrait qu'être fâcheux pour moi, malgré les moyens qui me resteraient pour revendiquer ce qui m'appartient, et même, en cas de besoin, pour faire connaître l'injustice qui m'a été faite contre les présomptions les plus évidentes et contre la réalité môme des choses, auxquelles si l'on avait voulu faire attention, le désir de l'Académie se trouvait rempli, savoir que réellement l'auteur avait envoyé sa dissertation avant le terme fixé par le programme; l'inexactitude à la remettre ayant été uniquement du côté des directeurs LIVRE I. 1793. 665 de la diligence, comme elle eût pu l'être, si je l'avais envoyée un mois plus tôl... » P. S. « J'ai été piqué trop vivement du procédé à mon égard, pour que j'aie pu m'empéchcr d'en écrire à S. E. le ministre pour qu'il daigne faire réparer ce tort. » La réponse de l'abbé Mann à cette lettre était datée du 25 no- vembre et conçue en ces termes : V Monsieur, les sentiments que je vous ai voués depuis plusieurs années, font que je n'ai lu qu'avec peine la lettre du 19 de ce mois que vous avez bien voulu m'adresscr. L'Académie publie chaque année dans ses programmes..., que ^' ceux qui se feront connaître de quelque « manière que ce soit, ainsi que ceux dont les mémoires auront été remis « après le terme prescrit, seront absolument exclus du concours. « C'est une obligation de stricte justice qu'elle prend envers le public ; et votre dissertation, qui ne me fut remise que six jours après le terme limité, eût-elle été la plus parfaite qui eût jamais été envoyée à un concours académique, devait être exclue du concours, et la palme accordée à la meilleure d'entre celles qui eussent été reçues dans le terme prescrit; sans quoi, l'auteur de celle-ci aurait été fondé d'attaquer l'Académie en justice réglée en réparation de l'injustice qui lui aurait été faite... » Comme il est défendu sous la même condition d'exclusion du con- cours aux auteurs des mémoires qu'on y envoie, de se faire coïinaître de quelque manière que ce soil, il est de même rigoureusement défendu aux membres de l'Académie, et au secrétaire plus spécialement, de faire aucune perquisition d'où et de quelle main viennent ces mémoires. Votre dissertation me fut remise le 21 juin, -j'ignorais qu'elle fût venue par une diligence, encore plus, par quelle diligence; et vous devez avoir une singulière idée des devoirs de ma place, de croire que j'aurais dû courir compulser les registres des bureaux des diligences, pour savoir d'où venait que ce paquet ne m'eût été remis six jours plus tôt. » Vous sentirez par là, je i'espèreau moins; combien sont peu fondées vos réclamations et vos plaintes. L'Académie est rigoureusement en règle sur cet objet, et je serais fâché pour vous, que vous en eussiez écrit à S. E. le ministre pour faire réparer un tort qui n'existe pas. Ce n'est pas par des injustices que l'Académie doit encourager les sciences. » Quand vous ajoutez donc que « c'est un de ces petits mystères que G66 LIVRE I. 1793. « cette exclusion, qu'il n'est pas bien difficile à pénélrer pour qui sait » porter ses recherches dans les choses abstruses, etc., » permettez-moi de vous dire, monsieur, que vous faites une injure atroce à l'Académie. Ma place exige que je sois présent à toutes les délibérations, que je résume les rapports et les opinions sur chaque objet pour les consigner dans le protocole, et j'ose assurer qu'il n'y a pas eu l'ombre d'intrigue ou de mystère h cet égard. Quoique vous voiàs étiez plus fait, connaître dans cet écrit que le programme ne permet, tous les membres de la classe d'histoire rendaient justice aux vastes recherches qu'il contient; mais il était et devait être exclu du concours par les termes mêmes du programme; et je répète que ce n'était pas à l'Académie, ni à moi en particulier, de rechercher d'où venait la faute. »> Au reste, je ferai lecture de votre lettre dans la prochaine séance (le 2 décembre) à moins que vous ne m'en préveniez d'avance, et je prendrai les ordres par rapport au renvoi de votre dissertation. Il est de règle dans toutes les Académies que je connais, de ne pas se dessaisir des originaux des pièces qu'elles reçoivent; mais comme le cas dont il s'agit est particulier, je n'en puis rien dire de moi-même. Comme tous les actes de l'Académie et les pièces qu'on y envoie sont déposés chez le secrétaire et doivent rester dans son bureau, les insinuations que vous faites sur l'usage qu'on pourrait faire de votre travail, ne sont pas assuré- ment trop honorables pour moi, et je me flattais même de ne les avoir méritées en aucun cas, ni de la part de qui que ce soit. » Au reste, quand je vous ai exhorté [à] ne pas cesser de concourir, c'était par des sentiments d'amitié et de sincérité dont je suis bien loin de rougir. C'est dans ces mêmes sentiments que je vous écris cette lettre de mon chef et en mon nom privé, pour rectifier vos idées sur le compte de l'Académie, n'hésitant pas de dire que vous êtes dans le tort à cet égard. » Le jour même où il écrivait à l'abbé Mann la lettre que nous avons donnée ci-dessus, Ernst adressait une supplique au minis- tre, ainsi qu'il l'annonçait : « L'Académie, » lisait-on dans cette supplique, « avait proposé un prix extraordinaire à l'auteur de la meilleure dissertation sur un point quel- conque de l'histoire belgique, qui lui serait remise avant le d6 juin 4793... J'avais envoyé... une dissertation historique et critique sur la mai- LIVRE I. 1793. 667 so?i royale des comtes d'Ardennes, sujet absolument neuf pour le public. C'était un ouvrage de cent pages in-folio d'écriture assez serrée. L'Aca- démie n'a pu s'empêcher d'en faire une mention honorable, mais elle ne l'a pas admis au concours par la raison qu'il ne lui avait pas été remis avant le 16 juin. » Après avoir fait remarquer que la faute de ce retard était impu- table aux directeurs de la diligence de Maestricht à Bruxelles, et que l'Académie aurait dû prendre ce fait en considération, Ernst ajoutait : « Il serait malheureux pour un auteur de devoir perdre le fruit de son travail par Tinexaclitude des directeurs de la diligence, et ce ne pour- rait que décourager les gens de lettres éloignés de Bruxelles à présenter leurs mémoires au concours de crainte d'essuyer un pareil revers'. Le J*"" décembre, Ernst, qui venait de recevoir le jour même la lettre de l'abbé iMann du 25 novembre précédent, deman- dait pardon audit abbé de la peine qu'il avait pu lui causer en « outrant » des plaintes dont toutefois il maintenait la justesse. « Je soutiens, disait-il, et soutiendrai toujours, et je crois que les tribunaux seraient de même avis, qu'on n'est punissable que lorsqu'on est en faute, et qu'on ne l'est pas quand toutes les présomptions sont en faveur de celui qu'il s'agit de punir, comme elles l'étaient à mon égard... — Si j'ai cru voir dans cette exclusion du mystérieux, c'est, monsieur, que j'ai su de bonne part ce qui s'était passé dans une certaine occasion, et je suis bien aise d'apprendre que je me suis trompé, et c'est de bien bon cœur, que sur votre assurance, monsieur, je rétracte ce que j'ai insinué à cet égard. — J'ignorais absolument^ monsieur, que les pièces envoyées à l'Académie et rejetées par elle restaient en dépôt chez vous. J'aime à me persuader que vous voudrez me rendre la justice de croire que jamais il n'est entré en mon esprit que vous voulussiez faire usage de mon travail. Un homme de votre calibre et doué de talents si supérieurs n'a certainement pas besoin d'un si bas manège. Mais n'ayant pas l'aisance de faire copier de nouveau cet ouvrage où d'ail- leurs il y a des choses qui ne se trouvent pas dans ma minute, je vous * Archiv. du roy. de Belg. Secrétairerie d'Étal et de guerre : portefeuille n« 398. 668 LIVRE I. — 1793. prie derechef de daigner me le renvoyer... — J'ose encore espérer que malgré le divorce que je fais avec l'Académie, bien entendu par rapport aux concours, vous daignerez me conserver quelque part à votre pré- cieuse amitié, n On lit dans le protocole de la séance du 16 décembre : « Le secrétaire lut une lettre que M. Ernst lui avait écrite en réponse à la sienne dont il a été parlé dans la séance précédente [du 2]. Comme M. Ernst avait fort radouci son ton, et que sa dissertation lui avait été renvoyée, il est apparent que cette lettre fera la clôture de cette affaire. » Ernst avait-il le don de la prescience? On serait tenté de le croire quand on l'entend exprimer la crainte qu'un académicien pourrait s'approprier ses travaux. Encore, ne s'agissait-il dans sa pensée que d'en tirer parti, tandis qu'on a vu de nos jours un académicien publier sous son nom des mémoires entiers du cha- noine de Rolduc. CHAPITRE LXI. Les questions choisies pour le concours de 1795. — Les lettres de MM. Coppens et Stappaerts sollicitant des places de membre. — Mort de Van Bochaute. — Autres demandes de places à l'Académie. — Le don patriotique de 3 000 florins fait par l'Académie pour les dépenses de la guerre. — Mort du doyen Heylen. — Les instruments de physique donnés par l'abbé de Witry. — En considération de ce présent et sur le désir du donateur, un cadeau de dix louis est fait à l'abbé Bevy. Après avoir terminé l'afTaire du concours de l'année 1793, l'Académie s'était occupée dans la séance générale du 22 octobre du choix des questions à propo.-er pour le concours de 1795. On était convenu de demander 1° « un mémoire sur un sujet quelcon- que au choix des concurrents, relatif soit aux manufactures ou à LIVRE I, — 1793. GG9 leurs mctièrcs premières, soit à réeonomie rurale : les unes et l'autre considérées par rapport aux Pays-Bas autrichiens »; 2" un mémoire sur la question : « Vers quel temps et à quel titre les j)rovinccs des Pays-Bas, possédées par différents princes, ont- elles été réunies successivement et possédées par un seul sou- verain ? » « Ayant été ensuite mis en délibération s'il fallait procéder au scrutin sur les aspirants à la place d'académicien, dont il n'y avait que deux sur la liste, MM. Coppens et Stappaerts, le premier licencié en méde- cine à Gand, l'autre à Anvers, la grande majorité fut d'avis de s'en tenir strictement à la résolution du 7 février 4 774', qui exige « que les » aspirants se fassent connaître avant le 1" juillet pour pouvoir être » procédé à leur élection dans la séance générale d'octobre suivant, et » que ceux qui ne l'auront pas fait, seront renvoyés au mois d'octobre »> de l'année suivante. » Or M. Coppens n'avait envoyé son mémoire d'admission et fait sa demande que par lettre du 21 septembre der- nier [adressée à l'abbé Mann, secrétaire perpétuel], et M. Stappaerts par lettre du 40 de ce mois d'octobre, sans envoyer de mémoire d'entrée. » Voici la lettre i)ar laquelle Coppens renouvelait Sa demande, déjà ancienne, d'une place d'académicien : 0 Monsieur, j'eus l'bonneur de vous marquer par ma lettre du 10 juin 1791, que j'aurais eu le plaisir de vous faire parvenir mon mémoire de réception à l'Académie des sciences de Bruxelles, dans le courant de 1792; l'invasion des Français, et les troubles du pays, ayant occasionné des absences et le déplacement de ma Bibliothèque et papiers, m'ont mis dans l'impossibilité de tenir ma parole 5 le calme que la rentrée des troupes autrichiennes a rendu au pays, m'a fait reprendre le travail, et je crois être à même de présenter actuellement à l'Académie un ouvrage complet sur l'influence de la chimie sur les fabriques : les commissaires y trouveront, outre l'application de toutes les nouvelles découvertes de la chimie aux fabriques, des vues nouvelles sur plusieurs établissements très importants, tels que les articles sur la fabrication du blanc de plomb, du vert de gris, de l'huile de vitriol, de l'alkali minéral, etc. Ce mémoire, en un mot, doit être envisagé comme le complément nécessaire de celui (570 LIVRE I. — 1793. qui fut couronné en 1787, et [ils] formeront ensemble un traité complet sur les fabriques qui ont la chimie pour base. » Je crois que dans deux ou trois jours, j'aurai une occasion de vous le faire parvenir par ami, sans cela vous le recevrez par la diligence; je vous prierais de le faire distribuer de suite, pour que les commissaires puissent en faire leur rapport à la séance prochaine d'octobre, et s'il est nécessaire de faire quelques démarches à ce sujet, vous m'obligerez infi- niment à me le faire savoir. » Dans cette attente, j'ai l'honneur d'être, etc. » La lettre de Slappaerts adressée à « Messieurs le président, le secrétaire perpétuel et membres de l'Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres, » portait : '^ Messieurs, comme je crois posséder toutes les qualités requises par l'article VU du règlement de votre illustre Académie, pour pouvoir aspirer à la place d'académicien, vacante par le décès de feu mon respec- table confrère monsieur le médecin De Beunie; et que d'ailleurs l'Acadé- mie a déjà favorablement accueilli le mémoire intéressant que j'ai eu l'honneur de lui présenter sur la question : Quels sont les moyens que la médecine et la police pourraient employer pour prévenir les erreurs des enterrements précipités, y ose espérer, messieurs, que voudrez bien agréer la très humble et très respectueuse demande, que je prends la liberté de vous faire, de m'accorder ladite place vacante. Vous pouvez être assurés, messieurs, que la concession de cette place sera pour moi un puissant motif pour coopérer de plus en plus au bien-être de l'État et de l'humanité souffrante j et que je ne négligerai rien qui puisse contri- buer à la splendeur de la savante Académie qui aura bien voulu m'ad- raettre parmi ses membres de la classe physique. — En attendant cette grâce, j'ai l'honneur d'êlre, etc. » Stappaerts, n'ayant pas reçu de réponse à cette lettre, renou- vela sa demande d'une place d'académicien le 21 novembre : « Comme je présume, » écrivait-il à cette date, « que ma respectueuse du mois passé vous soit parvenue, dans laquelle je croyais posséder toutes les qualités requises par votre illustre Académie, pour pouvoir LIVRE I. — 1793. 671 aspirer à la place d'académicien vacante par le décès de monsieur Van Bochaut [sic], ancien professeur de chimie dans l'Université de Louvain, j'ose espérer de nouveau, messieurs, que vous voudrez bien agréer la très humble demande que je prends la liberté de renouveler encore de m'accorder ladite place vacante. — Je vous conjure, messieurs, que cette bienfaisance animera toutes mes forces pour contribuera la splen- deur de la célèbre Académie qui aura bien voulu m'admettre parmi ses membres de la classe physique. » Stappaerts oublie que dans sa « respeclueusc » du mois d'octo- bre, c'était la place de son confrère De Bcunie qu'il sollicitait. Van Bochaute vivait encore à ce moment : il mourut à Bru- xelles, dans la nuit du 4 au 5 novembre. Le protocole de la séance du 5 se borne à annoncer son décès, et à faire observer que par là il vaque une quatrième place de membre regnicole de l'Académie. Van Bochaute n'avait que CI ans, quand il fut enlevé à la science dont il était le plus brillant adepte aux Pays-Bas autri- chiens. Ayant perdu sa place de professeur lors de la révolution brabançonne, non-seulement il ne fut pas réintégré dans sa chaire après la restauration, mais le Laboratoire qu'il avait créé à Bruxelles ne fut pas même rétabli. H y a plus : quand le comte de Belgioioso, sans consulter l'Académie, avait au commencement de 1785, octroyé une pension de 500 florins à Burtin, il avait eu soin de dire dans sa lettre du 5 janvier : « L'on destine la pre- mière pension ordinaire qui viendra à vaquer au sieur Van Bochaute, académicien et professeur de chimie à Louvain. » Or, le cas s'étant présenté, l'Académie avait, comme on l'a vu, désigné de Launay pour une pension, quoique Van Bochaute se fût mis sur les rangs pour l'obtenir. Des considérations politiques, ainsi qu'il arrive trop souvent, exercèrent ici leur influence : le nouvel em- pereur tenait à ménager l'Université de Louvain, et il fcillait laisser dans l'cubli le professeur que cette Université avait solennelle- ment exclu de son sein. Pour en revenir aux demandes de places d'académicien, nous avons encore à mentionner celle que l'abbé Lambinet avait faite le G72 LIVRE I. 1793. i " octobre \ 792, en présentant un « mémoire sur l'origine de l'im- prinieric et sur ses premiers établissements aux Pays-Bas. » 11 renonça à sa candidature par une lettre datée de Bruxelles, le 3 août 1793 : « Ne voyant, » écrivait-il à l'Académie, « dans l'occurrence présente du temps et des personnes, aucune con- joncture agréable et satisfaisante, je réclame ma demande et mon mémoire du mois d'octobre dernier. » Nous avons déjà parlé de la demande faite au mois de novem- bre 4795 par M. Hecart, de Valenciennes. Le d" mars 1794, M. Hecart annonçait qu'il travaillait à un mémoire sur un objet très intéressant, et qu'il se proposait d'adresser ce mémoire à l'Académie pour obtenir son admission parmi les membres étran- gers. Il fut donné lecture de sa lettre dans la séance du 10 mars. Dans la même séance, la compagnie reçut communication de la lettre suivante, en date du 7, de M. J. F. P. Vanderstegen de Putte, ancien écbevin de la ville de Bruxelles : « Messieurs, permettez que j'interrompe un instant vos précieuses occupations pour vous offrir, comme un hommage dû par le zèle à la science, la première partie ci-jointe du Système de la nature de Linné que j'entreprends de traduire. Cet ouvrage célèbre ne peut être trop uni- versellement connu, et je crois rendre un service essentiel à toutes les classes de la société en tâchant de leur rendre familier un livre élémen- taire qui peut ajuste titre être regardé comme la clef du sanctuaire de la nature, et que la langue dans laquelle il est écrit met à la portée de trop peu de personnes. Quelque forte et difficile que soit mon entreprise, mon désir de voir fleurir les sciences naturelles et de contribuer à leur progrès m'en fera surmonter les obstacles, heureux si dans ma carrière épineuse, je pouvais, assis parmi vous, m'aider de vos lumières et pro- fiter de ces réflexions judicieuses que la réunion de vos talents fait éclore; vos savants entretiens me fourniraient mille occasions de vous prouver mon zèle à concourir avec vous à l'utilité publique, seul vrai but de tout homme de lettres. » La seconde invasion française qui mit fin aux travaux de l'Aca- démie ne lui permit point de se compléter. Un mois avant l'occu- pation de Bruxelles et lorsque déjà la eom])agnie était entrée en LIVRE I. — - 1793. G75 vacances, Stappnerts lui adressait encore la lettre suivante, datée d'Anvers le 12 juin : « J'ai rhonneur de faire hommage à TAcadémie de mon mémoire d'admission, d'après la teneur de la lettre dont vous m'avez honoré en date du 25 novembre de Tannée 4793. » Messieurs les commissaires et tous les membres de l'Académie qui examineront ce mémoire, verront au premier coup d'œii que son objet est des plus intéressants pour le bien-être tant physique que moral de tous les citoyens belgiqucs qui ont le bonheur de vivre sous l'empire de I'alguste empereur François II. « Vous jugerez, messieurs, si j'excède les bornes d'un amour-propre bien placé, quand je crois que mon mémoire d'admission est le vrai sup- plément, qui jusqu'ici a manqué au but et à l'exécution des meilleurs mémoires présentés au concours sur la question physique, proposée par l'Académie en 1784. » Si dans ce mémoire je me borne pour l'exécution de mon plan à la seule ville d'Anvers, ce n'est pas que je croie que mon plan ne j)uisse avoir lieu à Bruxelles, à Gand, à Bruges et en d'autres villes ; mais parce que, connaissant les dispositions de mes compatriotes, je crois fer- mement que ma ville natale est la plus propre à adopter mon plan et à en donner un exemplaire salutaire aux autres villes de nos Pays-Bas... » Le litre du mémoire de Stappaerts était « Voorberigt en bewys der zoo gewigtige en verheve als mogelyke inslelling eener ant- werpsche niaetschappy ter redding van aile schynbaere dooden. » Dans sa séance du 2 décembre 1795, l'Académie avait résolu de faire au gouvernement un don volontaire de 5 000 florins. Le 5, elle écrivait au ministre plénipotentiaire : « Monseigneur, » L'urgence des circonstances et l'intérêt général des fidèles sujets de l'empereur dans la Belgique, nous ont déterminés dans notre séance ordi- naire, tenue hier 2 de ce mois, à offrir à S. M. à titre de don patriotique une somme de trois mille florins argent cour', de Brabant. Nous avons cru ne pouvoir faire un meilleur usage d'une partie de la dotation de Tome XXXI V. 45 674 LIVRE I. — 1793. notre compagnie qu'elle lient de la bienfaisance du souverain, et du fruit de ses épargnes, qu'en la faisant servir, conjointement avec les secours multipliés de tous les ordres de l'État, à repousser loin de nos contrées l'ennemi commun, et infiniment dangereux, de la religion, du trône et de la patrie. » En portant cette résolution à la connaissance de Votre Excellence, nous devons avoir l'honneur de la prier de vouloir bien, en sa qualité de représentant de S. M. près l'Académie, rendre compte à S. A. R. l'archi- duc gouverneur général de ce nouvel hommage de notre zèle inalté- rable pour tout ce qui peut intéresser le royal service de S. M. et le bien public. » Nous sommes avec un profond respect, etc. « Les président, directeur et membres de l'Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres. » La minute de cette lettre, de la main de Crumpipen, est aux archives de l'Académie. On y trouve également la réponse du ministre, en date du il décembre; elle est ainsi conçue : « Messieurs, » J'ai rendu compte au sérénissime gouverneur général de la lettre que vous m'avez adressée, messieurs, le 3 de ce mois pour m'informer de votre résolution d'offrir à Sa Majesté une somme de fl. 3 000 pour les frais de la guerre. S. A. R. a vu avec plaisir cette marque de votre zèle et Elle m'a chargé, messieurs, de vous en marquer sa gratitude. De mon côté, je me suis empressé de porter à la connaissance de la cour cette preuve de votre zèle et de votre dévouement à la bonne cause. « Je suis, etc. » (Signé) : Mettermch Winnebourg. » Les membres présents à la séance du 2 décembre étaient, outre le président, MM. Gérard, directeur, l'abbé Chevalier, Du Rondeau, l'abbé Mann, secrétaire perpétuel, de Launay, le commandeur de Nieuport, Burtin et Lesbroussart. Le secrétaire avait été chargé d'informer de la résolution les membres rcgnicoles résidant hors Bruxelles; il lut à la séance du 16 les réponses qu'il en avait reçues : « tous exprimaient leur accession dans les termes de la plus vive approbation. » I LIVRE I. 1793. 675 La circulaire de l'abbé Mann avait été adressée à l'évéquc d'Anvers, à MM. Voiinck, abbé de Witry, doyen Heyien et abbé Ghesquiere : elle portait la date du 5 décembre. Le 8, Nelis écrivait de Bruxelles : « Monsieur, mon attachement connu à la cause de mon souverain, qui est aujourd'hui celle de la religion et des mœurs, et de tout ce qui peut intéresser l'humanité et les hommes, ne peut pas vous laisser de doute sur la manière sincère et vive dont j'applaudis à la motion et au dessein de notre Académie. » J'ai cependant cru pouvoir me donner l'honneur et le plaisir de vous le confirmer par écrit; et c'est une vraie jouissance pour quiconque a le sens droit et des volontés raisonnables. » Je suis avec un entier dévouement, etc. « Voici la réponse de l'abbé Ghesquiere, datée de Tongerloo, le 10 : .. Monsieur le secrétaire, je ne puis qu'applaudir à la résolution una- nime, que l'Académie a prise le 2 de ce mois, relativement à un don patriotique de trois mille florins. » De mon côté, j'y ajouterais un don particulier avec bien du plaisir, si je n'avais déjà employé, en faveur des estimables ecclésiastiques émigrés, le peu d'argent qui me reste au bout de l'année, de la modique pension jésuitique; car vous savez, monsieur, que je ne suis pas pourvu d'un bon canonicat, et que jusqu'à présent, je n'ai pas reçu un sol de ma pension académique. » Mais j'espère que lorsque mes justes prétentions à la charge de ceux qui sans droit et sentence m'ont enlevé divers livres, meubles et effets pécuniaires, auront été liquidées à l'amiable (ce que je préfère à un arrêt du conseil souverain de Brabant), je serai "alors en état de faire, en mon propre et privé nom, un don patriotique, en prouvant en même temps mon vrai zèle et mon dévouement inviolable pour un souverain aussi juste et équitable qu'est notre empereur et roi, François H, pour les jours et la prospérité duquel je ne cesse d'adresser au ciel les vœux les plus ardents. » 676 LIVRE I. 1793. Le même jour, l'abbé de Witry fit connaître qu'il ne pouvait qu'acquiescer avec satisfaction au don que l'Académie faisait de D 000 fl. à S. M. « pour la guerre contre les ennemis déclarés de notre sainte religion et de tout principe d'équité. >» Nous n'avons pas la lettre de Vounck. Quant au doyen Heylcn, il était mort à Lierre, le 5 décembre. Dans sa lettre susmentionnée du 10, l'abbé de Witry annonçait l'envoi de deux télescopes de 52 pouces de longueur et d'un double microscope. «Je vous prie, » écrivait il à Tabbé Mann, «de déclarer à messieurs de l'Académie en leur présentant mes hommages, que quoique mon dessein soit de leur laisser par mes dispositions testamentaires tous les instru- ments de physique qui manquent à l'Académie, j'ai pris la résolution de leur en envoyer dès à présent quelques-uns des principaux... Si en con- templation de ce don, messieurs de rAcadcmie trouveraient à propos de vous charger de verser une légère somme tirée de la caisse dont vous êtes dépositaire sur quelques émigrés dans la détresse, surtout de ceux qui cuUivent les sciences, s'il s'en trouve, je leur en serai très reconnais- sant; cette œuvre miséricordieuse ne pourra qu'engager ceux qu'elle aura un peu soulagés à adresser des vœux au ciel pour la prospérité de l'Académie, dont le but sagement dirigé peut et doit concourir au main- tien de la religion que l'on cherche aujourd'hui h anéantir. » Les télescopes et le microscope dont il est ici question furent mis sous les yeux de l'Académie le 16 décembre. On décida de remer- cier l'abbé de Witry, et de le prier d'indiquer lui-même l'émigré, homme de lettres, à qui il désirait que l'Académie fît un don d'argent. Le 7 janvier 1794, le secrétaire présenta de la part de M. de Witry une balance hydrostatique, un cadran à canon et une double lampe de l'invention du donateur. « On fit lecture ensuite de la lettre que celui-ci venait d'adresser à la compagnie [le 27 décembre], par laquelle il indiquait M. l'abbé de Bevy pour le don qu'il désirait qui fût fait des fonds de l'Académie en considé- ration de ses divers présents. Sur quoi M. le président ayant mis LIVRE 1. 1795. 677 la chose en délibération, il fut résolu que le trésorier provision- nel serait chargé de payer à M. de Bevy une somme de dix louis. » CHAPITRE LXII. Pièces relatives à ÏEsprit des journaux. Proposition de charger l'Académie de la censure de cet ouvrage. — Les mesures prises pour compléter la collection des médailles ou jetons du nouvel an. — Le tome VI des Mémoires. — Suite de l'ex- posé des démêlés de l'Académie avec la Société typographique. — Acte notarié du 16 juin 1794 qui y met fin. Nous avons parlé plusieurs fois de Y Esprit des journaux, de son éditeur Tutol et de son priuci[)al rédacteur, Rozin. Les archi- ves de l'Académie renferment encore quelques pièces intéres- santes au sujet de ce journal : nous allons les donner. I. — Supplique adressée au ministre plénipotentiaire comte de Metternicli Winnebourg par Ch. Tutot [i)our son père]. — Mai 1795. « Monseigneur, » L'auguste protection que trouve la littérature en général sous le sceptre de Sa Majesté l'empereur et roi, et la sollicitude paternelle de Votre Excellence pour faire jouir les sujets de S. M. dans les Pays-Bas de riieureuse influence d'un gouvernement doux et bienfaisant, me font espérer que Votre Excellence daignera honorer de sa bienveillance un ouvrage qui, depuis vingt ans, rend le compte le plus détaillé et le plus impartial des productions littéraires de ^'Europe. » Leurs Altesses royales madame l'archiduchesse et monseigneur le duc son époux, en acceptant la dédicace de cet ouvrage périodique, avaient en même temps favorisé de leur gracieuse approbation mon dessein d'en établir l'impression à Bruxelles; j'avais en conséquence pris des arrangements pour rentrer en jouissance de mes droits d'ancien C78 LIVRE I. — 1793. imprimeur-libraire de cette ville, et pour transporter ici tout l'établisse- ment de T^'sjonY des journaux, lorsque les circonstances qui causèrent l'absence momentanée du gouvernement, me privaient alors de tout appui, et m'obligèrent d'attendre un instant plus favorable. Déjà les plus heureux auspices font renaître mon espoir; et la grâce dont j'ose sup- plier par la présente, c'est que Votre Excellence daigne prendre sons sa protection ce journal dont je suis le propriétaire, et que je serai bien aise de continuer sous la surveillance que Votre Excellence trouvera bon d'ordonner. Mais comme il est probable que monsieur le procureur général n'aura pas toujours le loisir qu'exige un pareil objet, et comme le retard des épreuves entraîne de grands inconvénients pour l'impri- merie, j'oserai de même supplier Votre Excellence de confier à l'Acadé- mie impériale des sciences et belles-lettres la censure de V Esprit des journaux. La compétence de cette compagnie savante pour juger de ce qui regarde un ouvrage de cette nature, et son zèle pour les progrès des connaissances utiles, l'engageront sans doute à se charger de celte com- mission. Je n'ai pas besoin d'insister sur les avantages que la littérature pourra tirer d'un pareil arrangement: le journal littéraire de Goettingue, si avantageusement connu dans toute l'Europe, doit une grande partie de sa réputation à l'influence de la Société royale des sciences établie dans la même ville, et chargée du soin de le surveiller. » Soumettant à cet égard ma très humble pétition au bon plaisir de Votre Excellence, je suis, etc. « II. — Lettre de l'évêque d'Anvers à Vabbé Mann. — Bruxelles, le 30 décembre 1793. « Monsieur, » Vous aimez trop la religion et cette moralité qu'on veut ôter à une nation qui l'a toujours respectée et chérie, et qu'on est venu malheureu- sement à bout d'ôter au peuple français ; vous aimez trop la religion, pour ne pas accepter une charge, il est vrai, mais qui sera peu pesante pour vous : la charge de censurer, avant qu'il ne s'imprime, V Esprit des journaux. » Je m'intéressais à cet ouvrage, et beaucoup à son principal auteur ou rédacteur, M. Rozin. J'ai cru que l'acquisition de ce dépôt de con- LIVRE I. — 1793. 679 naissances pourrait être fort utile à nos provinces, où il importe de répandre les principes de goût et de toute bonne philosophie. » Mais autant que cela est important pour nous, autant ou davantage l'est-il d'éloigner cette philosophie prétendue qui renverse les autels et les trônes. » C'est ce que j'ai représenté avec les vrais tons de l'amitié et de la candeur, plus d'une fois à M. Rozin. » Quel fut donc mon étonnemenl de voir, à la tête du journal de novembre, (que je trouvai hier à mon arrivée d'Anvers,) un long extrait des prétendues recherches ecclésiastiques d'un certain Robinson. » Je ne connais rien de plus mal représenté^ quant au fond, que ce prétendu état du christianisme des premiers siècles; de plus imperlinant , quant au style, de plus insidieux pour la simplicité ignorante en fait d'histoire, du commun des fidèles; de plus contraire enfin aux vues sages de ceux qui gouvernent. » Pour moi, je croirais être complice du scandale, et du bruit que, tôt ou tard, cela fera, dès qu'il sera connu dans le pays, si je continuais à recevoir ce journal, ou à ne pas empêcher qu'il le fût par ceux qui me consultent ou m'écoutcnt. V J'ai donc renoncé à mon abonnement, jusqu'à ce que le rédacteur fasse retirer ses exemplaires et en fournisse d'autres, et je crois, mon- sieur, devoir vous engager, pour l'amour de cette religion qu'il faut avoir dans le cœur plus encore que dans la bouche, de solliciter le mi- nistre pour nommer un censeur à cet ouvrage, si tant est que vous per- sistiez absolument h vous y refuser. « J'ai fait part de mes sentiments, sans feinte, à M. Rozin, ce matin; et j'en ai reçu une pitoyable excuse: » Je vous prie, etc. » in. — Lettre de l'abhé Mann d Vévêque (V Anvers. — Bruxelles, le 30 décembre. « Monseigneur, o Je viens de recevoir la lettre d'aujourd'hui que Votre Grandeur m'a fait l'honneur de m'écrire. Je n'ai pas sûrement été moins scanda- lisé qu'Elle de l'extrait de l'ouvrage de Robinson, auteur impie que je ne connais pas d'ailleurs. Ce n'est pas à beaucoup près le seul extrait 680 L1\RE I. — 1793. qui me déplaît infiniment. Le venin du système français répandu dans ce journal depuis un certain temps, me dégoûte de sa lecture : je Tai fait sentir, dans les termes les plus clairs, à M. Rozin, dès le printemps passé que rimprimerie de ce journal fut établie ici. Il m'avait promis qu'on ne donnerait plus lieu à ces justes reproches, dont il rejetait le blâme sur Delignac qui en avait eu la direction à Liège. Mais bien loin de tenir parole, le mal s'empire depuis quelques mois, au point qu'il me semble qu'il est plus que temps d'y porter remède par la censure, ou de suppri- mer le journal. » Il y a plus de six mois que j'ai engagé les propriétaires de ce jour- nal de demander, par requête, l'Académie de Bruxelles pour censeur, dont le président aurait pu départir la besogne entre les membres. Ils m'ont assuré plus d'une fois avoir présenté cette requête à Son Excel- lence le ministre. Quant à moi, monseigneur, comme il ne s'est jamais agi, à ce que je sache, de m'en nommer le censeur, je n'ai jamais été dans le cas de m'y refuser, ni quant au tout ni quant à quelque partie. Ma proposition de faire charger l'Académie de cette censure prouve bien le contraire, puisque je ne me suis jamais refusé à aucun travail qui en venait ; au reste, il me paraît, sous correction, qu'un mot de Votre Grandeur aurait infiniment plus de poids dans cette affaire' que tout ce que je pourrais dire. On pourrait me demander de quoi je me mêle, tandis que cette affaire regarde très directement les chefs pasteurs de l'église. Après tout, s'il est jugé que je puisse contribuer quelque chose, dans ce cas et dans tout autre qui tend à soutenir les autels et les trônes, la bonne volonté très assurément ne me manque pas. » J'ai l'honneur d'être, etc. » IV. — Lettre de l'èvèque d'Anvers à l'abbé Mann. — Bruxelles, le 50 décembre, au soir. « Monsieur, » II me coûterait d'être le dénonciateur direct àw Journal ; ci si M. Rozin n'a pas mieux tenu sa parole, à l'Académie et à vous, monsieur, qu'à votre serviteur, il me paraît que l'Académie et son zélé secrétaire ont une raison de plus encore, et je me joins volontiers à eux, pour obtenir un redressement devenu nécessaire. LIVRE I. — 1793. 681 » Outre que je ne suis pas Tévéque diocésain ici; et que, dans la grande rigueur, ce serait à Son Éminence le cardinal archevêque d'élever la voix contre ces productions, capables d'ôtcr le peu de foi qui reste à grand nombre de personnes; outre cela, je suis si occupé et fatigué d'écritures de toute espèce, que je ne sais ni par oii commencer ni par où finir. » Faites donc cette bonne œuvre, mon cher confrère, et si vous jugez que cela soit utile ou nécessaire, joignez ce billet-ci, et le précédent, à votre représentation au ministre plénipotentiaire. Persuadez-lui que le mal demande un prompt et éclatant remède, comme la suppression de ce volume (novembre 1793), par exemple, et la censure à donner à l'Académie ou plutôt à son secrétaire, cum assumendls. » Je crains que, dès que la chose deviendra plus publique, l'on n'en tire encore des inductions défavorables; puis, qui est une fois perverti, reste souvent perverti. » Si vous ne me répondez rien sur l'objet et contenu de ce billet, je prendrai votre silence, comme je désire vivement qu'il le soit, pour un acquiescement; et gratia tihi accrcscct apud Dcwn et apud homines. » Je suis, etc. » V. — Lellre de labhé Mann à S. E. le comte de Mellernich Winnebourg, minisire plénipotentiaire de S. M. Vempereur et roi. — Bruxelles, le 51 décembre. « Monseigneur, » J'ose prendre la respectueuse liberté de porter à la connaissance de Votre Excellence un objet que je crois important et qui me semble demander un prompt remède. Les deux notes ci-jointes de Mgr l'évêque d'Anvers, ainsi que ma réponse à la première, feront connaître à Votre Excellence le sujet dont il s'agit. » L'extrait de VEsprit des journaux, cité dans ces billets, n'est pas le seul à beaucoup près, oii respirent l'irréligion et l'esprit du système français. Chaque journal est farci des analyses d'un grand nombre de pièces de théâtre dont la plus grande partie est écrite dans ce goût. » Ce journal, dont le plan est excellent, et s'il était sagement rédigé, qui pourrait être très utile à répandre les bonnes connaissances, ne peut servir sur le pied où il est présentement, qu'à contribuer à répandre de C82 LIVRE 1. 1794. plus en plus le poison des funestes principes qui tendent à renverser le trône comme Tautel, et à bouleverser tout ordre établi. Il sera facile, monseigneur, de remédier au mal en soumettant ce journal à une rigou- reuse censure, de la manière que la sagesse de Votre Excellence la jugera convenable. » J'aurais désiré, comme je dis dans ma réponse à Mgr l'évêque d'Anvers, que ceci aurait été porté à la connaissance de Votre Excellence par ceux à qui il incombe directement par leurs places; mais puisque ce prélat pense autrement, mon zèle pour le service de notre auguste souve- rain, ainsi que pour le soutien de la vraie religion et des bonnes mœurs, ne m'a pas permis d'hésiter de faire cette démarche, qui, j'espère, me sera pardonnée en vue de la droiture de mon intention et des conseils que j'ai suivis en la faisant. » J'ai l'honneur d'être, etc. » VI. — Lettre du comte de Metternich Winnehourg à l'abbé Mann. — Bruxelles, le 5 janvier 1794. « Monsieur, » Je vous suis fort obligé, monsieur, de l'information que vous me donnez par votre lettre du 34 décembre, touchant la censure qu'il con- viendrait d'exercer sur V Esprit des journaux. S. A. R. a trouvé bon que je vous adresse pour cet objet à M. le chef et président qui sans doute ne tardera point à vous en entretenir. Je m'en rapporte à ce que ce magis- trat éclairé pourra vous faire connaître à cet égard, et je suis avec une parfaite considération, etc. » lei s'arrêtent les documents que nous avons sur cette afîaire dont il n'est point parlé dans les protocoles de l'Académie. Dans la séance du 20 janvier 1794 : « Il fut observé que les vingt-quatre médailles du nouvel an, que l'Académie est accoutumée de recevoir, ne lui étaient pas encore parve- nues, et comme on était informé de la part du conseil des finances que lesdites médailles avaient été remises entre les mains de S. E. le ministre plénipotentiaire pour les faire passer à l'Académie, il fut résolu que le LIVRE I. 1794. 683 secrétaire écrirait à S. E. pour la prier de vouloir bien les lui faire remettre. « Le secrétaire ayant observé à cette occasion, qu'il restait entre ses mains plusieurs médailles des années précédentes, commençant par 1788 quand il a été chargé de leur distribution, mais aucune avant cette époque, il fut résolu qu'en ne gardant qu'une seule de chaque espèce, on tâcherait de changer le reste à la monnaie de S. M. contre d'autres, afin de compléter peu à peu une suite de ces médailles qui sera déposée dans le Cabinet de l'Académie, et qu'on fera de même à l'avenir avec les médailles surnuméraires. » Les médailles on jetons de la nouvelle année 1794 furent reçues le 27 janvier et distribuées dans la séance du 5 février. Nous avons déjà parlé de la décision qui avait été prise de publier un 0^ volume de Mémoires, a Le président, avons-nous dit, avait cbargc des commissaires d'examiner les mémoires pro- posés |)our prendre place dans ce volume, mais Timpression fut retardée à cause des dilïicultés suscitées par la Société typogra- phique. » Ces difficultés, ainsi qu'on va le voir, donnèrent encore lieu à de longues discussions et négociations, et lorsqu'enfin on était |)arvenu à les écarter, arriva la seconde invasion française, et, avec elle, la suspension des travaux de l'Académie. De nombreuses séances avaient été consacrées à la lecture des rapports. La plus grande liberté avait régné dans les discussions, et le choix des mémoires n'avait été dicte que par l'intérêt seul de la science, sauf dans un cas, celui de M. de Berg, dont nous dirons quelques mots. Le protocole de la séance du 2 décembre 1793 porte ce qui suit : « Le mémoire de M. de Berg intitulé : Considérations su?' l'effet de Vinoculation de la peste au gros bétail, et des remèdes curatifs de cette épizootie, fut pris de nouveau en considération. Quand il s'agissait, en 1788, du choix des pièces pour composer le 5« volume, l'impression de ce mémoire fut différée h un autre temps, dans l'appréhension que sa publication par l'Académie aurait pu produire une sensation désa- gréable sur l'esprit du peuple très aigri contre la méthode que l'auteur propose. Cette même appréhension se fit sentir de nouveau dans les C84 LIVRE I. 1794. délibérations de ce jour, et aucune autre résolution ne fut prise h cet égard, sinon de faire passer le mémoire aux autres membres de la classe des sciences qui désireraient de le parcourir, dans la vue d'être plus à même de juger de la convenance ou de Tinconvenance de le donner pré- sentement au public dans le recueil de TAcadémie. » C'était un rejet déguisé. — II devait y avoir une séance le 16 décembre; Crumpipen, qui ne pouvait pas y assister, écrivait le matin même à l'abbé Mann : « ... Si l'honnête membre [de Berg], notre ami commun, parle de son mémoire, il me semble qu'on pourrait lui dire qu'il a été résolu de le faire examiner de nouveau par les mêmes commissaires, et notamment par la considération qu'il pourrait être impolitique peut-être, dans les circonstances actuelles, de le faire entrer dans le 6^ volume qu'il s'agit d'imprimer, quelque mérite que l'ouvrage puisse avoir d'ailleurs. » L'exposé des démêlés de l'Académie avec la Société typogra- phique, que nous avons donné, s'arrêtait au 19 octobre 1792. Dans la séance du 7 octobre 1795, on revint sur la nécessité de mettre fin à une situation trop prolongée j et le 2i2, « ayant été de nouveau parlé de l'affaire de l'imprimerie, la compagnie autorisa M. de Launay à offrir à ceux de la Société typographique pour ce que l'Académie leur doit, et pour le fonds des mémoires acadé- miques qui se trouvent dans leur magasin, y compris les planches gravées, une somme de 1 600 florins avec la condition expresse de rescinder la partie du contrat de vente de la susdite imprimerie qui regarde l'impression des ouvrages de l'Académie. » De sorte que celle-ci serait libre à l'avenir de faire imprimer ses ouvrages où et comme bon lui semblerait. Pour atteindre ce but, il fut résolu, le 5 novembre, que M. de Launay proposerait le payement de ce qui pourrait être dû à l'imprimerie, même selon la manière de compter des propriétaires. Le 18 novembre : « [Une grande partie de la séance] fut entièrement occupée à délibérer sur l'affaire de l'imprimerie, afin de trouver quelque moyen de sortir des LIVKE J. 1794. 685 embarras où les termes peu précis du contrat de vente de celte impri- merie avaient jeté TAcadémie depuis plus de cinq ans, ces difficultés ayant commencé avec l'impression du S« volume des Mémoires au mois de février 1788, et l'Académie ayant été en pleine contestation avec ceux de ladite imprimerie depuis le mois de novembre de la même année. Après toutes les discussions qui eurent lieu sur cette affaire dans la séance de ce jour, ne trouvant que des embarras de toute part, il fut résolu de la soumettre à Tavis de quelques habiles avocats, que M. le président se chargea de consulter; et pour cet effet le secrétaire aurait à lui fournir incessamment des copies de toutes les pièces qui pouvaient servir à Péclairer. ï> Le président prit-il l'avis de « quelques habiles avocats «? Nous ne saurions le dire; en tout cas, la consultation resta sans effet, car on lit dans le protocole à la date du 3 février 1794 : « Tout le reste de cette séance, comme de tant d'autres depuis quel- ques années, fut occupé par l'affaire de l'imprimerie, et avec aussi peu de fruit : le plus qu'on la discuta, le plus elle parut embarrassante et de difficile issue. Aucune résolution ne fut prise, sinon de temporiser encore, et de saisir la première occasion qui se présentera pour en sortir par un arrangement, le moins mauvais que faire se pourra. « Enfin, le 10 mars :« Le secrétaire fut chargé de finir celle affaire le mieux qu'il pourrait, et pour cet effet, d'avoir recours à l'aide d'un notaire pour les actes à faire. » Le jour même, les proprié- taires de rimprimerie avaient remis l'état de leurs prétentions à la charge de l'Académie, et leur j)roposition de lui vendre le fonds de ses ouvrages à un sol par feuille d'impression, sans distinction de complet ou d'incomplet. Le secrétaire avait observé qu'ils avaient inséré dans leur facture le mémoire de prix de l'année 1785, déjà soldé; et que d'autre part ils y avaient omis trois articles que l'Académie leur devait effeciivemenl : d'où il résul- tait que leurs livres se trouvaient dans un état de confusion à ne pas leur permettre de savoir où ils en sont, et ne méritaient par conséquent aucune créance selon les lois. » 686 LIVRE I. 179*. La pièce suivante va nous apprendre quelle fut la conclusion de celte longue négociation. « Ce jourd'hui seize juin mil sept cent nonante-qiiatre par-devant moi notaire soussigné, admis au conseil souverain de Brabant résident en la ville de Bruxelles et en présence des témoins ci-après nommés, furent présents le sieur Jacques-Louis Van Lint, en qualité de constitué de Son Altesse sérénissime le prince régnant de Salm-Kyrbourg, pour autant que ses pouvoirs ci-vus lui peuvent permettre pour trois cin- quièmes dans la Société typographique, et le sieur Alexandre de Cellier, à la fin suivante autorisé de messieurs les intéressés de la Société de papeterie de La Hulpe et de Dieghem, ensuite de la résolution de ladite Société en date du dix juin mil sept cent nonante-quatre ci-vue par copie authentique pour deux cinquièmes dans ladite Société typographique d'une part, — et monsieur Tabbé Mann, secrétaire de l'Académie impé- riale et royale des sciences et belles-lettres en cette ville, et en cette qualité muni de procuration manuelle du onze juin mil sept cent no- nante-quatre, de monsieur le directeur de l'Académie des sciences et belles-lettres de Bruxelles G.-J. Gérard ci-vue et qui restera jointe à la minute des présentes, d'autre part; » Lesquels comparants ayant trouvé que le deuxième et troisième articles stipulés au contrat de vente de l'imprimerie et des octrois que ladite Académie a faite à la Société typographique en daté du deux novembre mil sept cent quatre-vingt, chargeant ladite Société typogra- phique d'imprimer pendant la durée des octrois tous les œuvres et pro- grammes de ladite Académie et de lui fournir quatre-vingts exemplaires de chaque, à moitié du prix courant et autres charges, sont préjudi- ciables et fort difficiles à suivre à ladite Société typographique et gênent également ladite Académie, à ces causes les parties comparantes ont déclaré comme elles déclarent par cette que les articles deux et trois dudit contrat dès à présent viendront à cesser et seront considérés comme anéantis et non avenus. » Ainsi fait et passé en cette ville de Bruxelles, date que dessus, en présence des sieurs Philippe et Frédéric Hullet comme témoins à ce requis, agréant les parties contractantes les ratures de l'autre part. Étant la minute de cette munie d'un timbre selon règlement par lesdits com- parants et témoins conjointement de moi notaire soussigné : » Quod attester, » L.-J. MORIS NOTS. » LIVRE I. — 1794. 687 — « Le soussigné, directeur de l'Académie des sciences et belles-lettres de Bruxelles, déclare qu'ensuite de la résolution prise par ladite Aca- démie dans sa séance du dix mars de la présente année, monsieur Tabbé 3Iann, secrétaire perpétuel de la même Académie, est autorisé de ter- miner définitivement toutes les affaires qui peuvent être pendantes entre la susdite Académie et la Société typographique, résultant du contrat passé entre l'Académie et la Société typographique le deux novembre mil sept cent quatre-vingt, en foi de quoi j'ai signé la présente sous le scel de l'Académie. Bruxelles le onze juin mil sept cent nonante-qualre. Était signé G.-J. Gérard avec apposition dudit scel en cire rouge. » Quod attestor, » L.-J. MORIS NOTS. » — Assemblée tenue le 6 juin dTO-i. « Présents M. Charles de Cellier tant pour lui que pour ses frères et sœurs ayant deux voix, M. Joseph Henri Cogels par procuration de M. Jean- Baptiste Cogels pour une voix, de M. Joseph-Ignace Cogels pour une voix et de M. le comte de Baillet et sa sœur pour une voix. Il a été résolu d'autoriser M. Alexandre de Cellier à renoncer pour la Société des papeteries à l'article deux et trois du contrat passé avec l'Académie le 2 novembre 1780 et ce au moyen d'un acte qui portera déclaration mutuelle et réciproque entre la Société typographique et l'Académie que ces deux articles viendront à cesser et seront comme non avenus quant à tous ses effets avec décharge réci- proque au moyen duquel acte l'Académie devra en même temps acquit- ter à la Société typographique les fl. 800 ou environ qu'elle lui doit. » Était signé J.-H. Cogels qq^ et Charles de Cellier qq*. » Collata concordat cum suo originali quod attestor, « M. De Hase nots. » 688 LIVRE I. 1794. CHAPITRE LXIII. Lès livres des ci-devant jésuites enlevés en 1790 et transportés à Louvain. — L'ar- rivée à Bruxelles de l'empereur François II. — L'Académie lui est présentée. — La dernière séance tenue par l'Académie, le 2o mai 4794. — L'élection de J'abbé Chevalier comme directeur. — Nomination des commissaires pour le concours. — Communication du secrétaire au sujet des précautions qui ont été prises pour sauver les effets les plus essentiels de l'Académie en cas d'une irruption des Fran- çais jusqu'à Bruxelles, — La lettre du ministre plénipotentiaire qui approuve l'at- tribution à MM. de Launay etChesquiere des pensions vacantes, ainsi que la grati- fication accordée à M. Lesbroussart. — Mort de M. Godart. — Liste des membres regnicoles et étrangers de l'Académie, au moment de sa dispersion : les survi- vants à l'époque de sa restauration en 1816.— La situation financière de l'Académie lors de la suspension de ses travaux. Nous avons déjà parlé des livres rassemblés des Bibliothèques des ci devant jésuites et destinés par Marie-Thérèse à la Biblio- thèque royale. Nous avons dit que pendant la révolution brabançonne beau- coup de ces livres avaient été enlevés par les agents de l'Univer- sité de Louvain et transportés dans cette dernière ville. L'Académie s'était occupée de cet objet dans ses séances du 19 octobre et du 8 novembre i79l, du 11 février et du '22 mai 1792. Elle y revint le 17 février 1794, et, le 10 mars suivant, le secrétaire communiqua les extraits des décrets de 31arie-Thérèse constatant la donation : ils furent remis à M, Gérard qui s'était chargé de })oursuivre cette affaire. Le 9 avril 1794, l'empereur et roi arriva à Bruxelles, et le len- demain soir le ministre plénipotentiaire informa le président de l'Académie que S. 31. recevi-ait les hommages de la compagnie vers onze heures de la matinée suivante, 1 \ du mois. Tous les membres regnicoles résidant à Bruxelles furent invités à se trou- ver au palais à Iheiire indiquée : le président les présenta au souverain qu'il harangua en peu de mots. « Sa Majesté daigna assurer la compagnie de sa protection et bienveillance. Elle rendit ensuite ses hommages à Son Altesse royale l'archiduc LIVRE I. — 179*. 089 Joseph n h Son Exccllciice le chancelier de coui', comte de TrauUmansdor/r, et en fut reçue de la manière la plus gra- cieuse, ï L'Académie, comme on le sait, tint sa dernière séance le 21 mai 1794. Étaient présents: MM. Gérard, directeur, Nclis, évéque d'Anvers, Vi\hhé Clievalier, Du Rondeau, l'abbé Mann, sccrclaire perpétuel, de Launay, le commandeur de Nieuport, Burlin, Les- broussart et l'abbé Bevy. — Le président et l'abbé Ghesquicre s'étaient excusés. J. Crumpipen avait écrit à Tabbé Mann le 15 mai : « J'ai eu rhonneur, monsieur, dépasser chez vous, hier cl aujourd'hui, sans avoir eu celui de vous trouver. L'objet principal de ma visite de ce malin a été de vous annoncer que je me proposais de partir demain avec madame de Crumpipen et mes trois filles pour Cologne. Ce n'est pas le danger du moment, que je crois évanoui, qui m'ait décidé à prendre ce parti, mais la crainte possible d'une nouvelle alerte, telle qu'a été celle de mardi dernier. Voilà trois fois que j'éprouve l'embarras de trouver des chevaux cl des bateaux pour partir en pareille circonstance, et je ne veux plus y être exposé. D'ailleurs il est si heureux de pouvoir coucher à l'aise pour un homme qui, n'ayant plus l'honneur d'être attaché au service de Sa Majesté, n'est pas tenu de rester à un poste quelconque jusqu'à la dernière extrémité. A la vérité je n'imagine pas, cl je parie- rais dix contre un le contraire, que les Français viennent s'emparer de Bruxelles, mais un coup de main est possible, et, après ce que l'expé- rience m'a appris, j'ai pensé que l'éloignemcnt de la capitale et du pays pourrait me faire éviter même l'appréhension inquiète du renou- vellement d'une scène pareille à celle que j'ai éprouvée en 1789. Voilà les motifs de mon départ, monsieur, je n'ai pas voulu vous les cacher, parce que je connais, et que je suis persuadé de la sincérité de vos sentiments et de votre amitié pour moi. A moins que nos affaires n'aillent excessivement mal, j'espère toujours pouvoir vous rejoindre dans quelques mois d'ici, et vous renouveler alors les assurances de rattachement invariable avec lequel j'ai l'honneur d'être, monsieur, tout à vous. >^ P. S. Faites-moi l'amitié, je vous prie, d'annoncer mon départ à la compagnie dans sa prochaine assemblée. » ToM3 XXXIV. U 690 LIVRE I. — 1794. La lettre de l'abbé Ghesquiere était datée de Tongerloo, le i8 mai : c< C'est avec une douleur bien sincère, « disait-il, « que je dois vous informer que dans les tristes circonstances où se trouve ma parenté en Flandre,. ..je suis dans le cas d'en recevoir à tous moments diverses lettres, qui exigeront des réponses promptes et certaines précautions; ce que je ne puis faire en m'absentant de Tongerloo, où ces lettres seront adres- sées. Je crois, monsieur, en avoir dit assez, par ce peu de mots, pour justifier mon absence de la séance générale fixée au 21 de ce mois. » L'Académie élut l'abbé Chevalier directeur, en remplacement de Gérard dont l'année de directorat était expirée. Ensuite elle nomma rapporteurs : pour le concours de la classe des sciences concernant les briques, MM. Burtin, auteur de la question, Du Rondeau et de Launay; et pour celui de la classe d'histoire sur les villes des Pays-Bas depuis le VIP jusqu'au XII" siècle, MM. l'abbé de Bevy, auteur de la question, l'abbé Ghesquiere et Lcsbroussart. « Vu rétat très critique des choses, le secrétaire exposa les précau- tions qu'il avait prises pour sauver les effets les plus essentiels de l'Académie en cas d'une irruption des Français jusqu'à Bruxelles, et l'impossibilité où il était de répondre pour le reste, nommément pour le fonds des Mémoires, pour les Cabinets de physique et d'histoire natu- relle, et pour la collection des médailles; lesquels étant d'un volume à en empêcher le transport dans une pareille occasion, il devait nécessai- rement les abandonner à leur sort, si le malheur arrivait : personne d'entre les [membres] présents ne voulant s'en charger, les précautions et les raisons du secrétaire furent agréées de tous. » La séance finie, l'Académie entra en vacances. Nous avons vu que, dès le mois de juillet 1793, l'Académie avait disposé des pensions vacantes par la mort de MM. De Beunie et de Hesdin en faveur de MM. de Launay et Ghesquiere, et qu'elle avait proposé d'accorder une gratification de iOO écus à M, Les- UVnE I. — 1794. 691 broussarl. La réponse du ministre n'arriva que le 13 juin d794; elle était datée du iO juin et conçue dans les termes suivants : « Monsieur, » Vous verrez de la résolution que j'ai prise sur Tcxtrait des délibé- rations de l'Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles, ci-rejoint, que j'ai donné mon agrément, après avoir porté l'affaire à la connaissance de S. A. R., aux propositions de l'Académie pour que la pension de fl. 300 ouverte sur sa dotation par la mort du sieur De Beunie fût assignée au sieur de Launay, greffier du conseil des domaines et finances, et l'autre pension de la classe d'histoire fût attri- buée à M. l'abbé Ghesquiere. J'ai au surplus approuvé également la gratification de cent écus arrêtée en faveur du professeur Lesbroussart. » Je désire, monsieur, que vous fassiez pourvoir à l'assignation de ces pensions qui doivent prendre cours au 4^ juillet 1795, et comme M. Ghesquiere a fait depuis peu des instances à ce sujet, je vous saurais gré de vouloir vous occuper de cet objet le plus tôt possible. » Je suis avec les sentiments d'une parfaite estime, etc. » (Signé) : Mettermch Wlnnebourg. » Cette lettre était adressée au j)résident de l'Académie. Le 14 juin, l'abbé Mann informa de Lnunay et Ghesquiere de son contenu : • Comme les circonstances critiques où nous nous trouvons, « leur écrivit-il, « font juger convenable de payer le trimestre courant des pensions académiques, je tiens prêt pour vous une assignation sur la maison de banque V^^ Michel Van Schoor et fils, pour la somme de 323 fl. cour' de Brabant, étant le montant de ce qui vous revient de la- dite pension depuis le â juillet 1793 jusqu'à la fin de juillet 1794... » Au moment de la dispersion des membres de l'Académie, il y avait encore, outre le président, (piinze membres regnicoles et quatorze membres ou associés étrangers. Les membres regnicoles étaient, suivant l'ordre de leur admis- sion : MM. Gérard, Nclis, évêque d'Anvers, Vounck, l'abbé Clie- 692 LIVRE I. 1794. valier, Du Rondeau, l'abbé d'Everlange de Witry, l'abbé Mann, de Launay, le commandeur de Nieuport, l'abbé Ghcsquiere, Cacls, Burlin, de Berg, Lesbroussart et le baron de Feltz. — Les associés étrangers étaient : MM. Pigolt, Messier, Van W3'n, de La Lande, Moreau, le prince de Gallitzin, Van Swinden, Te Water, le comte de Briihl, Bevy, de Zach, le cbevalier de Koch, Hoppé, le marquis de Chabert. Godart était mort le 2 mars 1794. Lorsque l'Académie fut rétablie en 1816, il n'y avait plus de survivants des membres regnicoles mentionnés ci-dessus que de Launay, de Nieuport, Caels, Burlin, Lesbroussart et de Feltz. Des membres étrangers, il y avait encore Messier, Van Wyn, Van Swinden, Te Water, Bevy et de Zach. Tous les survivants, à l'ex- ception du baron de Zach, furent confirmés par le nouveau gou- vernement. Il nous reste à compléter ce qui concerne la gestion par l'abbé Mann des fonds de l'Académie. Comme on l'a vu, le président avait fait connaître dans la séance du 19 octobre 1791, qu'il avait coulé le 21 septembre précédent les comptes du trésorier provisionnel jusqu'au 31 octo- bre 1790. Nous avons donné un aperçu des recettes et des dépenses effec- tuées par l'abbé Mnnn à celte dernière époque. Du 1" novembre 1790 jusqu'en 1794 il ne fut plus rendu couipte des recettes et des dépenses. Les archives de l'Académie renferment toutefois un projet de compte pour l'intervalle écoulé entre le i" novembre 1790 et le i" août 1791. En voici le détail : Recette. D. Clôture du compte précèdent 1351415 0 Une année d'intérêt, échue le 51 décembre 1790, des 12 000 florins placés à la banque V^^ Michel Van Schoor et fils 420 0 0 Total de la recette, fl. 15 734 15 0 LIVRE I. — 1794. 693 DÉPENSES. FL. S. D. a) Employés subalternes 222 1 6 [Gratifications: le concierge de la Bibliothèque, fl. 31-10-0; le domestique de Mann, Hullet, fl. 47-5 0 * ; le portier de la légation d'Angleterre où Ton avait réfugié la caisse et autres effets de l'Académie, fl. 1-1 l-C*. Gages de l'écrivain Heris, neuf mois: fl. 141-13-0*.] b) Frais de bureau 1134-6 [Ports de lettres, etc., fl. 30-4-C*; papier, en- cre, etc., fl. 13-7-0*; poêles, fl. 2-18-0*; bois à brûler, fl. 44-10-0*; huile de lampe et bougies, fl. 21-19-0.] c) Rachat de jetons 270 19 9 d) Pensions 2 575 0 0 [De Beunie, une année échue le 50 avril 1791, fl. 300; Gérard, trois trimestres dont le dernier échu le 31 juillet 1791, fl. 575; de Hesdin, trois dit» dit», fl. 225; Du Rondeau, trois dit» dit», fl. 500; Mann, trois dit» dit», fl. 500; Burtin, une année échue le i" novembre 1790 et trois trimestres dont le der- nier échu le 51 juillet 1791, fl. 875]. c) Reliure des 5 vol. des Mémoires des membres et de 0 vol. des Mémoires couronnés, présentés au comte de Mercy-Argentcau; idem des 5 vol. des Mémoires des membres, présentés au comte de Mettcrnich . . 45 0 0 Total des dépenses, fl. 3 026 5 9 N. B. Les articles marqués d'un astérisque, faisant ensemble un total de fl. 281-17-0 figurent comme Compte des déboursés pour le bureau du secrétaire et pour l'entretien des Cabinets de r Aca- démie depuis le i" novembre i790 jusques et compris le i" août i79i. La reeeltc ayant été de fl. 15 734-15-0, il y avait au 1" août 1791 un boni de fl. 10 708-9-3. Ce boni comprenait une obliga- tion de fl. 10 000 et fl. 708-9-3 en argent comptant. 694 LIVRE I. — 1194. Pour pourvoir aux dépenses, l'abbé Mann avait été autorisé dans la séance du 18 mai 1 791, comme on l'a vu, à retirer 2 000 florins des 12 000 placés chez la V^* Van Schoor à la fin de l'année i789 : il avait reçu 1 000 florins le 21 mai, et 400 florins le 21 août. Les 600 florins restants ne furent retirés que le 18 octobre. Après celte époque, nous n'avons plus de compte en règle. Toutefois les extraits suivants des procès-verbaux de la com- pagnie, après sa restauration en 1816, permettent d'établir sa situation financière, lors de la suspension de ses travaux. Séance du 3 octobre 1817. « M. le commandeur de Nieuport et M. le duc d'Urscl ayant été priés... de prendre des informations sur l'emploi de l'argent, provenant de la dotation de l'Académie impériale et royale des sciences et belles- lettres de Bruxelles, déposée par feu M. l'abbé Mann à la maison Van Schoor, donnent connaissance de la note suivante et de la distribution qui a été faite aux membres pensionnaires. Note sur l'emploi des argents provenant de la dotation de l'ancienne Académie impériale et royale de Bruxelles, déposés par feu M. l'àbbé Mann à la maison Van Schoor. « M. l'abbé Mann, secrétaire perpétuel et trésorier de la ci-devant » Académie de Bruxelles, avait confié à la maison Van Schoor, dès le » 3 décembre 1791, une somme de 10 000 florins... dont ladite maison » promit de payer l'intérêt à 3 */, °/o. » Le 25 novembre 1793, le même abbé Mann déposa chez MM. Van » Schoor une autre somme de A 200 florins. • En janvier 1808 [le 22], le département des finances autrichiennes * délivra à M. l'abbé Mann, à M. de Burtin et à M. de Launay, membres » de la ci-devant Académie des sciences de Bruxelles, une déclaration » par laquelle il était porté à leur connaissance que de la part des » finances autrichiennes, on ne formait aucune prétention sur le capital » de 10 000 florins, arg' cour' de Brabant, placé par la ci-devant Aca- » demie hors des épargnes de sa dotation j qu'en outre on ne pouvait » plus prendre aucune part à la liquidation des comptes de l'Académie, » et qu'il ne serait fait par le trésor impérial aucune prétention sur les LIVHE I. — 1794. 695 » argents et les médailles qui pourraient encore se trouver en mains de « l'abbé Mann. > Muni de cette pièce, M. l'abbé Mann sollicita et obtint de la maison » Van Schoor le remboursement dudit capital de 10 000 (1. et d'une » année [et demie] d'intérêt échue le 30 juin 1794, montant à 525 flo- • rins, plus d'une somme de 1 i44 fl. restant de celle de 4 200 florin.»,* » import du second billet ci-dessus mentionné. » L'abbé Mann, de concert avec les anciens académiciens pensionnés, f) résolut de distribuer ces sommes ainsi recouvrées entre les pension- » naires au marc le franc de leurs pensions respectives, montant ensemble e à 2 400 fl. par anj ce qui fut fait, sauf que les héritiers de M. Du Ron- » deau et de M. Ghesquierc n'ont pas touché jusqu'ores leur part H » portion. » DlSTRiniTION. FL. S. D. .^ A M. de Burtin 2 508 2 6 o A M. Gérard 2 508 2 6 « A M. Mann 2 006 10 0 " A M. Du Uondeau i 636 10 0 « A M. (le Launay 1 504 17 6 » A M. Ghesquiere 1 504 17 6 4 1 669 0 0 > Comme il conste par cette note que jusqu'à présent les héritiers de feu MM. Du Rondeau et Ghesquiere n'ont pas reçu leur portion, l'Acadé- mie arrête qu'il sera écrit à S. E. le commissaire général d'instruction, d'arts et sciences, afin qu'il veuille demander à S. M. quel emploi il sera fait de ces deux portions qui jusqu'à présent n'ont pas été payées. » SÉANCE DU 2 FÉVRIER 1818. « L'Académie avait appris dans sa séance du 3 octobre dernier qu'une somme de fl. 11 669-0-0 restant de ce qui avait été déposé par feu M. l'abbé Mann, secrétaire perpétuel et trésorier de l'Académie, à la maison Van Schoor, avait été remboursée le 26 août 1808 à M. P. J. L'Orlye comme mandataire de M. l'abbé Mann, et que cette somme ainsi 696 LIVRE I. 1794. recouvrée avait été partagée entre les membres pensionnaires au marc le franc de leurs pensions respectives, à l'exception de deux portions dues aux héritiers de feu M. Du Rondeau et de M. Ghesquiere qui sont restées entre les mains de M. L'Ortye, et résolut qu'il serait écrit à S. E. le commissaire de Tinstruction, des sciences et des arts pour le prier de demander au roi quel emploi il serait fait de ces deux portions. » Le commissaire général, en transmettant à M. le président par sa lettre du 20 décembre dernier Tarrêlé de S. M. du 10 du môme mois, annonce que cotte aifaire doit élre regardée comme domestique, et que l'arrangement en est laissé à rAcadémie. [Dans l'arrêté du 10 décembre, il est fait mention d'une requête de la veuve Du Rondeau à reflfet d'obtenir le payement de la portion due à feu son époux, conformément à la répartition de deniers originaires de la ci-devant Académie des sciences et belles-lettres de Bruxelles. La veuve Du Rondeau est renvoyée à rAcadémie.] » L'Académie a résolu, en conséquence, que ces deux portions seraient abandonnées aux héritiers des deux membres décédés, et a chargé le secrétaire d'écrire à M. L'Ortye pour le prier de payer à M'n« V* Du Rondeau fl. 1 656-10-0 et aux héritiers de M. Ghesquiere £1. 1 504-17-6 qui sont restés entre ses mains, en le remerciant en même temps de toutes les peines qu'il a bien voulu prendre pour le partage et le payement des sommes dues aux différents membres. » [La lettre du secrétaire Van Hullhem est du 6 février 1818. Elle est adressée «. à M. P. J. L'Ortye, secrétaire général au commissariat du culte catholique, » et porte en P. S. : . Aguilar (N.-J. Sanchez de), 240, 594, 601,610, 6o7. Albert de Saxe-Teschen (Le duc), 304, 320, 393, 473, 533, 589, 600, 601, 608, 613, 621, 624, 630, 632, 687. Alembert (d'i, 425. Amand, 611, 612. Anneet (J.), 626. Azevedo (G.-D. de), 9. B JîAERKPh.), 452. Banks (Sir Joseph), 186, 201, 355, 369. Bataille (Théodore), 249. Bauiher, 442. Baudour (L'inspecteur), 440. Baudour (de Pommereuil), 528. Beaurepaire (L'abbé du), 459. Belgioioso (Le comte de Barbiano et), 459, 184, 373, 382, 383, 403, 416, 428, 430, 445, 462, 468, 469, 471, 473, 481. Beltjens, 570, 571,591. Berg (F.-P. Rapedius de), 370, 406, 417, 421, 464, 474, 475, 491, 507, 553, 573, 576, 577, 586, 594, 612, 624, 640, 683, 692. Bernoulli (Jean), 263. Berthod (Dom Anselme), 435, 140, 141, 144, 436, 469, 491, 510. Bertholon (L'abbé), 274, 276, 5i0, 566, 567. Bertrand (L'avocat), 628. Bevy (L'abbé de), 450, 453, 454, 652, 676, 690, 692. BisSY (Le baron de), 368. BOCHET, 527. BONAFOND, 369. Boubers (J.-L. de), 135, 167, 175, 293, 294, 295, 434. Bournons (R ), 9, 129, 143, 159, 163, 219, 220, 247, 275, 368, 374, 414, 469, 506, 510. Brabander, 534. Brequin (Le colonel), 187. Brettmaier. 534. BrOhl (Le comte de), 450, 453,692. BuRTiN (Fr.-Xav.), 159, 162, 329, 331, 332, 333, 334, 335, 352, 353, 372, 403, 405, 406, 417, 428, 436, 455, 464, 471, 472, 474, 479, 487, 503, 504, 553, 559, 560, 568, 573, 580, 586, 600, 619, 652, 690, 692, 694, 695. C Caels (Th.-P.), 75, 90, 91, 107, 108, 161, 352, 353, 367, 403, 435, 464, 487, 491, 507, 528, 571, 692. Cardon (Antoine), 150, 302. Caussin (L'abbé), 31, 35, 36, 91, 106, 109, 136, 371, 415, 435, 436, 447. Cazier (Le baron de), 42, 442. Cellier (Alex, de), 175, 626, 686, 687. Cellier (Ch. de), 687. Cellier (R.-J. de), 294. Chabert (Le marquis de), 632, 633, 692. Charles de Lorraine (Le prince), 2, 1,4, 36, 43, 52, 54, 55, 60, 61, 82, 123, 148, 154, 221, 258, 277, 280, 291, 303, 319, 320, 321, 323, 326, 339, 361, 424, 620. Charles-Louis (L'archiduc), 614, 649. Charles (J.-A.-C), 220. Charmer, 522, 526. 704 LISTE ALPHABETIQUE DES NOMS PROPRES. Chasteler (Le marquis du), S^l, 27i2, 287, 288, 289, 291, Wt, 805, 307, 308, 309, 326, 339, 34o, 348, 3o9, 363, 409, 414, 455, 468, 472, 475, 481, 488, 490, 492, 512. 51 i, 536, 542, 544, 545. Chevalier (Labbé», 26, 40, 54, 55, 66, 81, 86, 102, d03, 426, 428, 443, 445, 477, 248, 240, 264, 289, 348, 319. 325, 363, 367, 443, 427, 436, 445, 469, 470, 479, 489, 494, 493, 500, 512, 548, 529, 546, 547, 548, 562, 563, 574, 584, 585, 586. 602, 605, 609, 630, 647, 657, 690, 694. COBENZL (Le comte Charles de), 4, 2, 3, 4, 5, 6, 44, 43, 44, 21, 24, 29, 31, 33, 34,38,44,92,443,286. COBENZL ;Le comte Louis de), 4, 5. COBENZL (Le comte J.-P. de), 588, COGELS (J.-H.), 687. COLLIN, 42, 43, 43, COPPENS (B. B), 487, 496, 503, 5U4, 633, 669. CORBURY (Le comte de), 41 . Cornet (Ph.j, 280, 282 CosTE, 405. COUDRAYE (Le chevalier de la), 632, 633. Crampagna (Guill. de), 76, 401, 402. Crumpipen (H. de), 49, 22, 44, 140, 471, 478, 485, 247, 257, 259, 261, 270, 340, 398, 422, 471, 518, 545, 572, 587, 594, 649. Crumpipen (J. de), 42, 44, 46, 49, 52. 53, 54, 55, 56, 58, 61, m, 69, 70, 72, 73, 76, 77, 79, 81, 84, 85, 86, 87, 88, 426, 431, 433, 434, 137, 443, 144, 450, 452, 457, 459, 462, 471, 474, 475, 477, 479, 481, 189, 493, 201, 202, 208, 209, 213, 219, 220, 223, 225, 226, 232, 234, 238, 241, 247. 249, 253, 254, 255, 260, 264, 265, 269, 277, 281, 287, 291, 292, 295, 296, 299, 315, 319, 320, 329, 339, 344, 343, 344, 369, 374, 375, 376, 380, 382, 384, 390, 400, 402, 408, 440, 147, 429, 441, 149, m, 166, 469, 470, 471, 473, 474, 482, 487, 490, 492, 496, 498, 504, 512, 518, 524, 535, 536, 544, 543, 545, 546, 550, 551, 553, 554, 573, 577, 584, 585, 589, 601, 607, 613, 617, 648, 619, 650, 654, 655, 680, 633, 673, 68 'f, 685, 688, 689, 692. D'AvAiNE, 528. De Badts, (P.-J.), 370. De Bareige, 242. De Beunie (J.-B.), 48, 76, 80, 85^ 406, 246, 289, 355, 370, 374, 383, 507, 532, 583, 586, 628, De Beunie (J.-F.), 648. De Bue (J.), 429, 430. 436, 438, 4 43, 277. De Bye (C). 429, 430, 136, 438, 88, 376, 648. 139, 439, De Coster (F.), 444. Defrenne, 496. De Geneffe, 528 De Grysperre, 282. De h as F., 687. Delhaye, 52o. De La Boche, 293, 618, 625 Delmotte (H.), 308. Delor, 428. Delplancq, 568. De Mersseman (L'abbé J.), 221. DeNecker (IS -M-J.),76, 80, si. Derival, 353. Desmeut, 79. Des Boches (J.), 31, 39, 48, 49, 54 76, 80, 9i, 422, 423, 132, 433, 436, 440, 443, 44i, 446, 447, 450, 451, 455, 456, 467, 474, 479, 483, 487, 488, 219, 22i, 233, 235, 242, 216, 248. 267, 275, 281, 287, 288, 289, 294, 302, 309, 318, 340, 370, 372, 394, 396, 397, 399, 401, 440, 4 il, 456, 437, 458, 459, 460, 464, 474, 475, 480, 484, 500, 634, 697. , 64, 434, 448, 475, 231, 269, 300, 37 4, 424, 462, 506, LI-TE ALPHABETIQUE DES NOMS PROPRES. 705 D'Hoop (F.-D.), 146, 2^21, 271, 338, 482. D'Ours (A.), iQ^, 2i9, 240, 242, 434, 619. Dubois de Schoondorp, 26, 27, 39. Du Four, 517. Du Jardin (D.), 7o, 248, 282. DUMOURIEZ (Le général), 637. Du Rondeau (Fr.), 48, 49, 75, 76, 80, -106, 108, 12i, d93, 197. 246, 289, 322, 326, 329, 332, 335, 340, 342, 353, 360, 362, 367, 368. 370, 374, 376, 377, 383, 403, 412, 427, 451, 464, 487, 491, 504, 507, 512, 528, 530, 532. 536, 546, 552, 553, 554, 586, 628, 690, 692, 695, 696. DuvAL (Le chevalier M.-L.-A.-J.), 481, 482, 514, 516, 566, 567, 568. DuviviER (B.), 33. DuviviER (J.-H.), 542. Elgin (Lord), 646. Engels (J.-B.), 407, 446, 453, 462, 523, 526. Entnersfeld (Fr. de), 487, 497. Ernst (S.-P.), 407, 452, 464, 467, 663, 666, 667, 668. F astre, 413. Feltz (Le baron G.-A.-F. de), 445, 517, 572, 576, 584, 585, 586, 587, 589, 594, 602, 608, 610, 614, 615, 620, 633, 639, 649, 692. Ferraris (Le comte J. de), 252. Fery, 533. Fontana,216. FoRTiA d'Urban (Le marquis de), 359, Foullé (J.-F.), 146, 184, 629. François I (L'empereur), 1, dl, 24. François II (L'empereur), 635, 688. Fraula (Le comte T.-F.-J. de), 135, 436, 143, 183, 284, 289, 301, 303. 341, 344, 345, 347, 384, 441, 442, 446, 469, 479, 486, 488, 493, 506, 520, 522. Tome XXXIV. Fressoinc, 9. Fricx,166. Fromont (L'abbé), 218. Gachard, 307, 310, 311, 410, 430. Gallitzin (Le prince D. de), 216, 217, 550, 614, 615, 616, 692. Gérard (G.-J.), 5, 13, 18, 22, 25, 26, 29, 31, 35, 37, 39, 43, 45, 52, 54, 58, 62, m, 67, 71, 73, 78, 86, 87, 90, 93. 95, 98, 99, 100, 109, 411, 114, 122, 124, 128, 131, 134, 143, 144, 150, 183, 218, 220, 226, 227, 228, 239, 242, 262, 268, 287, 288, 289, 301, 306, 309, 324, 326, 341, 344, 370, 374, 376, 383, 384, 388, 407, 410. 414, 432, 434, 441, 445, 452, 455, 464, 465, 469, 474, 475, 479, 480, 481, 486, 488, 489, 491, 492, 493, 500, 507, 512, 536, 544, 546, 550, 552, 553, 559, 563, 565, 569, 572, 574, 580, 586, 602, 610, 622, 643, 649, 652, 661, 686, 687, 688, 691, 695. Ghesquiere (L'abbé J.), 129, 130, 136, 138, 139, 210, 211, 212, 214, 272, 278, 279, 281, 282, 284, 287, 288, 289, 306, 308, 309, 310, 326, 358, 374, 469, 481, 488, 491, 502, 544, 562, 617, 637, 639, 640, 641, 653, 655, 661, 675, 690, 691, 692, 696, 696. Ghiesbrecht (M.), 411. GiBBENS, 200. GiRAULT DE KONDON, 135, 137, 143. GODART (G.-L.), 75, 87, 692. GOESSENS, 532, 533. GOYERS (J.), 9, 27, 28. Gratte (H.). 479. Grohin,386. Grosberg (Le comte de), 259. GUASCO (L'abbé), 135. Gubens, 526. 45 706 LISTE ÀLPHABISTIQUE DES >OMS PROPRES. U Hahn , 533. Hales, -185. Hallerstein (Le P.), Uo, 218, 220. Harrewyn (J.-B.), 70. Hartley, 484, 48o, 187. Hecart (G.-A.-J.), 661, 662, 672. Hendrickx (Le médecin), 661, 662. Hendrickx (Le directeur de la maison de banque V^» M. Van Schoor), S48, 549. Heris (P.), 243, 386, 446, 526. Hermans (Godefroi), 639. Hermans, 533. Herreyns (G.), 150. Hesdin (M. de), 31, 35, 36, 183, 289, 294, 342, 344, 374, 376, 383, 435, ■ 451, 491, 536, 544, 559, 562, 626. Hettema, 370. Heylen (J.-F„ en religion Adrien), 370, - 407, 453. 464, 488, 497, 502. Heylen (P.-J.), 75, 110, 146, 210, 212, 213, 215, 216, 284, 289, 661, 676. Hickmann (Dom R.), 111, 271. HOLLIER, 27, 28. HOPPÉ, 579, 612, 613, 692. HUBENS (Ignace), 129, 130, 136, 138, 139, 277. HUBIN, 529. HucHER (N.-B. de), 129, 143. HuLLET (Ph.), 525, 526, 652. Jacobs, 534. Jacquelart, 534. Janin, 367. Janssens (Le P.), 593. Jérôme André (Dom), 339. Jérôme de SAiNiJEAN-BAPTiSTEiLeP.), 27, 28, 129, 131, 443. JOFFROY, 9. Joseph (L'archiduc), 688. Joseph II (L'empereur), 2, 223, 304, 319, 341, 431, 456, 457, 460, 470, 541, 562, 577. H Kaunitz (Le prince de), 12, 44, 43, 52, 55, 56, 60, 80, 98, 400, 121, 133, 148, 449, 464, 469, 487, 221, 222, 223, 225, 277, 431, 456, 457, 474, 534. KiNT (f), 27, 333. KocH (Le baron de), 2. KocH (Le chevalier C.-G. de), 450, 453, 454, 651, 692. KoK, 534. Krafft, 61, 242. KULBERG (Fr.-Ans. de), 278, 280, 284, 305. L La Lande (J. de), 138, 443, 444, 218, 219, 651,692. Lambinet (L'abbé P.), 529, 674. Lambrechts, 533. Lammens (F.), 487, 497, 502, 503. La Place (de), 445. Laugier, 545. Launay (L. de), 407, 408, 409, 444, 424, 425, 437, 443, 450, 459, 289, 304, 304, 322, 332, 340, 343, 352, 372, 376, 385, 388, 415, 446, 426, 456, 474, 475, 489, 491, 493, 530, 550, 553, 573, 576, 619, 620, 626, 628, 651, 654, 655, 660, 684, 690, 691, 692, 694, 695. Leclerc, 405, 517. Lederer (A.-G. de), 274, 459, 460. Leenheer (de), 623. Leeuverghem (Le comte de), 280. Lenssens 'F.), 280, 284. Léopold II (L'empereur), 562, 584, 589, 635. Le Paige-de-Bar (Le comte A.-F.), 338. Le Plat, 533. Le Roy, 495. Lesbroussart (J.-B.), 339, 452, 481, 483, 514, 516, 566, 568, 575, 576, 586, 590, 647, 653, 655, 690, 691, . 692. Ligne (Le prince de), 18. LISTE ALPHABÉTIQUE DES NOMS PROPRES. 707 LiMBOURG (J.-P. de), 26, 27. LiMBOURG (R. de>, 27, 36, 39. l.iMPENS (de), l'aîné, 456, 333, 456, 458. LiMPENS (A.-C. de), le cadet, 156, 236, 300, 302, 341, 343, 384, 386, 387, 44i, 442, 444, 445, 448, 456, 457, 458, 519, 591, 592, 614. LiNGUET, 423, 430. LocHER (de), 520, 521, 522. LOCQUENGHIEN (DoiTl), 301. L'Ortye, 695, 696. M Magellan iMagalhaens), 249, 450, 453, 454, 562. Mâhon (Lord), 484, 485. Maleck de Werthenfeld, 321, 322, 326, 329, 332. Mann (L'abbé), 90, 91, 405, 106, 429, 430, 454, 456, 458, 459, 463, 484, 485, 486, 487, 490, 493, 495, 200. 204, 203, 205, 206, 249, 249, 275, 276, 289, 305, 313, 318, 319, 340, 346, 350, 354, 355, 359, 363, 367, 368, 369, 377, 382, 404, 414, 443, 428, 436, 441, 462, 466, 469, 470, 473, 475, 479, 480, 481, 484, 486, 487, 489, 490, 492, 493, 500, 503, 504, 505, 510, 512, 515, 519, 526, 527, 529, 530, 535, 536, 539, 544, 542, 547, 548, 550, 552, 553, 554, 555, 556, 558, 560, 561, 563, 565, 566, 569, 574, 573, 574, 580, 583, 584, 586, 588, 590, 592, 593, 594, 595, 597, 602, 605, 607, 609, 610, 646, 648, 620, 622, 625, 627, 630, 636, 646, 654, 665, 679, 684, 683, 685, 686, 690, 694, 692, 694, 695, 696. Marci (L'abbé), 64, 76, 80, 82, 88, 95, 96, 444, 424, 423, 424, 437, 445, 147, 450, 456, 498, 499, 220, 289, 326, 329, 335, 353, 363, 367, 368, 369, 386, 444, 426, 456, 458, 470, 473, 480, 487, 498, 515, 530. 534, 536, 538, 544, 543, 553, 568, 606. Marie-Christine ( L'archiduchesse ) , 304, 320, 393, 473, 533, 589, 600, 601, 608, 613, 621, 624, 630, 632, 637. Marie-Thérèse (L'impératrice), 4, 2, 47, 48, 23, 54, 56, 60, 400, 449, 474. 222, 296, 303, 304. Marquart (J.-B.-C), 76, 401, 402, 403, 404. Mattusca, 534. Mean (J.-B.), 466, 224. Melli, 533, 534. Mercy-Argenteau (Le comte de), 223, 367, 573, 574, 590, 592, 593, 644. Merode-Deynze (Le comte de), 445. Messier, 76, 80, 81, 82, 445, 692. Metternich (Le comte de), 590, 635, 660, 663, 674, 682, 691. Meyer, 533, 534. Michaux (J.-J.), 44, 42,43, 21,25,43, 534. Michel, 366. MiNCKELERS (J.-P.), 534, 533. MOERTER, 534. MONTOYER, 439. Morand (J.-F.-C), 76, 80, 82, 86, 145, 416. 425. Morand (S.-F.), 82. Moreau (J.-N.i, 435, 440, 692. MoRis (L.-J.), 686. Munnichuysen, 75. MuRRAY (Le comte), 474. Murray (Marie-Caroline), 452. Needham (L'abbé), 9, 24, 22, 26, 30, 31, 73, 75, 77, 78, 81, 401, 402, 409, 444, 429," 443, 145, 450, 499, 200, 202, 206, 243, 244, 249, 250, 264, 287, 289, 303, 329, 335, 342, 333, 367, 426, 455, 510, Neel, 400. 42, 44, 45, 48, 37, 45, 52, 66, 85, 86, 87, 91, 424, 423, 428, 493, 495, 498, 218, 220, 242, 251, 255, 261, 318, 349, 328, 354, 360, 362, 622. 708 LISTE ALPHABETIQUE DES NOMS PROPRES. Nelis (C.-F. de), 3, 4, S, 6, 8, II, 42, 21. 23, 2i, 26, 37, 75, 76, 77, 78, 83, 86, 92, 409, 122, 423, 434, 436, 442, 447, 4oO, 4o6, 463, 466, 476, 479, 483, 490, 281, 284, 286, 287, 288, 289, 304, 305, 309, 340, 344, 332, 333, 456, 457, 481. 498, 538, 542, 550, 552, 537, 562, 564, 566, 570, 574, 636, 675, 678, 680, 691. Nelis (D.-J.-H. de), 8. Neny (Le comte Patrice de), 2, 3, 6, 41, 42, 43, 22, 24, 26, 29, 32, 37, 44, 45, 49, 52, 54, 443, 456, 457, 458, 256, 282, 286, 398, 399, 456, 437, 458. Netti.ne (Vve), 442 NiEUPORT (Le commandeur de), 459, 461, 463, 275, 368, 369, 384, 388, 443, 445, 469, 510, 529, 559, 565, '566, 576, 606, 636, 692, 694. NiYOY, 428. Nord (Le comte et la comtesse du), 369, 387. Norton (Le P.), 446, m, 274. Outrepont (Ch-L. d'), 370. 1» Paquot (L"abbé), 3, 4, 8, 21, 23, 26, 32, 37, 74, 73, 451, 452, 209, 242, 281, 286, 287, 352, 469. Parmentier (A -A.), 407, 408, 435, 443. Paulus (Le frère), 444. Philips, 9, 42. Pigott (N.), 76, 80, 243, 251, 262, 264, 692. Plenciz (de), 414. Pluvier (L.-J.-E.), 446, 483, 339, 633. POEDERLÉ (Le baron de), 445, 220, 628. Podevin, 594, 646. Previnaire (P.-J.-B.), 487, 496, 534. Quetelet (A.), 27. R Reiffenberg (Le baron de), 279. Reniers (A.), 465. Retz, 224, 269, 274, 276. Reul (de), 572. Reuss (P.), 294. RoucEL (F.-A.), 570 RoziER (L'abbé), 425, 481. RoziN, 621, 678. Salm-Kirbourg (Le prince de), 36, 475, 294, 626, 686. Sarton (D.-H.), 444. SCHERFFER (C), 274, 276, 480. ScH0EPFLiN(J.-D.),4, 5, 6, 42, 48, 32, 454. Seghers (E.), 274, 370, 544. Seumoy (H.-J. de), 8, 44, 43, 22, 25, 34, 37, 43, 79, 89, 445, 239, 332, 333. Smet (L'abbé C), 340, 452, 466, 523, 524. Smith, 534. Springer, 26,27. Stappaerts (J.-C), 487, 496, 502, 669, 670, 673. Starhemberg (Le prince G.-A. de), 34, 37, 41, 43, 53, 54, 55, 59, 64, 65, 69, 74, 73, 79, 84, 94, 424. 423, 432, 436, 438, 440, 447, 449, 452, 454, 455, 436, 464, 463, 464, 468, 473, 480, 486, 492, 493, 496, 204, 243, 247, 226, 234, 23.^, 246, 247, 264, 270, 274, 277, 280, 283, 284, 286, 296, 300, 304, 305, 307, 320, 334, 344, 343, 347, 366, 367, 369, 374, 373, 409, 442, 434, 456. Steenmascher, 332. Sullivan (J.-C. 0'), 274. Te Water (J.-G.), 417, 425, 692. Thys (J.-F., en religion Isfride), 340, 465, 644, 647, 637, 638, 662. LISTE ALPHABETIQUE DES NOMS PROPRES. 709 Thysbaert (F.-J.), 76, 401, 108, i04, U5, 320, 531, 532, 533. TiLLET, 220. TORFS, 242. Tour et Taxis (Le prince de la), 51, 63, 65. Trauttmansdorff (Le comte F. de), 444, 490, 491, 496, 521, 636, 689. TUTOT, 620, 621, 677. U Ursel (Le duc d'), 694. Valmont de Bomare (J.-C), 105, 106, 273, 274. Van Bavegem (P.-J.), 290, 340. Van Bërckel, 342. Van Bevere, 242. Van Bochaute (C), 9, 332, 368, 371, 374, 403, 413, 428, 487, 523, 528, 631, 532, 534, 536, 553, 569, 576, 628, 654, 655, 671. Van Cutsem, 533. Vanden Ghyn, 533. Vanden Sande (J.-B.), 333, 415, 511, 5U, 516, 530, 532, 566, 567, 568, 575, 681, 633. Vander DiLFT, 456, 457, 458. Vander Heyden,533, 53i. Vander Stegen de Putte (Le comte J.-F.-P.), 672. Vander Vynckt (E.), 267. Vander Vynckt (L.-J.), 8, 21, 23, 67, 160,211,213.267. Vande Velde. 563. Van Dyck (Siard), 637, 651. Van Eupen, 562. Van Helirck (J.-C.-J.), 3, 86, 92, 286. Van Hulthem (C.-J.-E.), 637, 696, 697. Van Leempoel (J.-G.), 533, 569. VanLint(J.-L.),626, 686. Van Bossum (A.-C.-J.), 8, 21, 23,32,39, 71,72,73,78,115,534. Van Schoor (Vve Michel), 548, 554, 691, 694, 695. Van Swieten, 17,469. Van Swinden (J.-H.), 273,692. Van Wyn (H.), 93, 105, 106, 673, 692. Verdussen (J.-B.), 3, 8, 21, 26, 67, 106, 134, 136, 137. 243, 268, 286. Verhoeven (G.-G.-F.), 183, 223, 271, 288, 290, 292, 339, 340, 370, 417, 450, 451, 463, 463, 482, 514, 616. Verhulst, 332. Verrycken (M.), 623. VouNCK (J.-J.-H.), 11, 12, 13, 22, 25, 31, 43, 75, 77, 78, 79, 82, 86, 87, 102, 107, 124, 239, 368, 487, 504, 628, 634, 557, 559, 653, 69). W Walckiers de Saint-Amand, 333, 426. Warnots (G.-J.), abbé de Caudenberg, 284, 319. Wauters (P.-E.), 403, 406, 407, 487, 496,502,505,506,511. Wiggers, 628. Willemet, 405 Witry (L'abbé d'Éverlange de), 76, 80, 84, 88, 109, 123. 124, 142, 243, 249, 289, 320, 323, 324, 327, 332, 356, 360, 361, 386, 412, 451, 536, 640, 667, 633, G76, 692. WiTT (de), 145, 220. Wouters (P.), 3, 42. Wynants (Le comte de), 100. Zach (Le baron de), 450, 453, 469, 692. 1 10 ERRATA. Page 71, ligne 27, au lieu de Gérard, lisez Gérard. — 14-5, ligne 29, au lieu de Deynse, lisez Deynze. — H6, ligne 24-, au lieu de Welteren, lisez Weslrem. — 154-, ligne 12, lisez : on y détermine la profondeur que doivent avoir les canaux et les écluses, et on indique plusieurs nouveaux moyens d'obtenir un parfait écoulement des eaux dont les basses ferres de la Flandre sont ino7idées tous les hivers. — 155, ligne 18, au lieu de sept pages, lisez quarante-huit pages. — 342, ligne 19, au lieu de gravure général, lisez graveur général. — 453, 454-, 651, au lieu de de Kock, lisez de Koch. — 517, ligne 20, au lieu de Du Fours, lisez Du Four. — 605, ligne 8, au lieu de : il reste un bo7ii de fl. 13 314-15-0, dont 10 000 /Z. sur obligation à rente, lisez : il reste un boni de fl. 13 514-15-0, dont 12,000 (l. sur obligation à rente. — 688, ligne 4, au lieu de 25 mai, lisez 21 mai. — 691, dernière ligne, placez Nelis avant Gérard, et mettez après Vounek l'abbé Paquot, qui n'avait pas été privé formellement de son titre d'académicien. pi TABLE DES MATIERES. Pages. PRÉFACE I INTRODUCTION.— L'arrivée à Rruxelles du comte de Cobenzl, ministre pléni- potentiaire aux Pays-Ras. — Ses efforts pour ranimer le goût des sciences et des lettres. — L'impératrice Marie-Thérèse agrée l'établissement d'une Société littéraire, par sa dépêche du 42 janvier 1769 1 LIVRE PREMIER. - Histoire générale de l'Académie. Chapitre I, — Formation de la Société littéraire, — La circulaire du comte de Cobenzl du \" février 1769. — Les membres désignés pour faire partie de la Société 21 Chapitre II — Les séances tenues par la Société littéraire en 1769.— Son règle- ment provisionnel. — L'abbé Needham est nommé directeur. — On s'occupe de renforcer la Société. — Le premier concours. — La médaille destinée aux auteurs des mémoires couronnés . 26 Chapitre III. - Mort du comte de Cobenzl. — Son successeur le prince de Starhemberg. — Les nouveaux membres de la Société littéraire. — Le con- c^ours de -1770. — Les démarches faites pour obtenir la réorganisation de la Société 34 Chapitre IV. — La lettre en date du 3 août 1771 du prince de Starhemberg, adressée au prince de Kaunitz. — L'établissement d'une Ribliothèque publique particulièrement lié avec l'affaire de la Société littéraire. — Les fonds mis à la disposition de Gérard chargé de prendre soin de la Ribliothèque de Rour- gogne. — Le chancelier de Rrabant est désigné pour présider la Société lit- téraire. — Son rapport au ministre plénipotentiaire. — La dernière séance de la Société : elle reçoit communication des vues du gouvernement à son égard, — Le concours de 1774 41 Chapitre V. — Les rapports du prince de Kaunitz à Marie-Thérèse, — L'érec- tion de la Société littéraire en Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres. — L'élaboration des lettres patentes et du règlement. — La dépêche royale du 46 décembre 4772. — Le sceau de l'Académie 52 Chapitre VI. — Modifications apportées au règlement. — Mesures prises pour notifier et faire enregistrer les lettres patentes. — Le jeton frappé à l'occasion de l'institution de l'Académie et de l'ouverture au public de la Ribliothèque royale 61 712 TABLE DES MATIÈRES. l'ages. Chapitre VII. — La première assemblée de l'Académie. — Le discours du pré- sident J. Crumpipen. — Le jugement du dernier concours ouvert, en 4771, par la Société littéraire. — L'annonce des candidatures pour les places de membres regnicoles et de membres ou associés étrangers. — Le rapport de Crumpipen sur cette assemblée. — La question des pensions 71 Chapitre VIII. — L'élection de nouveaux membres. — Les manuscrits de la Bibliothèque royale. — Les rapports de Crumpipen au ministre plénipoten- tiaire sur les séances de l'Académie. Ses observations relativement au secré- taire. — Les réflexions de l'abbé Marci sur les Académies et les Univer- sités. — La question des pensions; la nécessité d'en accorder aux membres laïques de l'Académie 80 Chapitre IX. — Le post-scriptum adressé par le ministre plénipotentiaire au prince de Kaunitz le 27 novembre ■1773. — Envoi du mémoire de l'abbé Marci sur l'Académie et la convenance de porter sa dotation de 8 000 florins de Bra- bant à 3 000 florins d'Allemagne. — Le rapport du prince de Kaunitz à Marie- Thérèse. — La dépêche royale du 24 décembre 4773 qui élève la dotation de l'Académie à 4 200 florins de Brabant, et institue des pensions au profit de ses membres. — Les candidats regnicoles aux places d'académiciens, rejetés en 4773. — Mort de M. Verdussen 1)4 Chapitre X. — Les élections en 4774. — Le concours de celte dernière année. — Le mémoire sur l'état actuel de l'Académie présenté au ministre plénipoten- tiaire.—L'Académie demande la réunion à sa dotation des biens ayant appar- tenu aux Bollandistes et snMusaeum Bellarmini. — Les mémoires de Marci, Nelis et Des Boches sur les réformes à apporter dans l'enseignement des humanités 40f) Chapitre XI. — Les mesures prises pour la publication des mémoires des aca- démiciens — Réclamations de MM. Vounck et de Launay.— Plaintes au sujet de l'abandon dans lequel on laisse l'Académie. — Les candidats aux places de membres. — Le concours de 4775. — Le remplacement de Gérard par Des Boches comme secrétaire de l'Académie 423 Chapitre Xil. — Les élections de 4776. — La défense de nommer les Bol- landistes. — Badiation des associés étrangers qui auront laissé passer trois ans sans fournir un mémoire. — La demande d'une place de membre hono- raire, faite par le comte de Mérode, marquis de Deynse. — Le concours de 4776. — On décide de tenir chaque mois une assemblée particulière des membres résidant à Bruxelles 436 Chapitre XIII. — Le rapport adressé le 20 avril 4776 au gouverneur général par le prince de Starhemberg : les propositions de confier à l'Académie la continuation de l'ouvrage des Bollandistes et de celui des Historiographes, et de lui transférer leurs biens ; d'instituer une imprimerie académique et de nommer un second secrétaire perpétuel pour la partie physique et mathé- matique. — Bejet de ces propositions. — Distribution du 4<'r volume des Mémoires. — Suppression d'un mémoire de Dom Mann. — Institution de la Commission royale des études. — Mann vient s'établir à Bruxelles. ... 447 Chapitre XIV. — L'élection de 4777. — L'Académie obtient la permission d'établir une imprimerie, et un octroi exclusif pour l'impression des livres TABLE DES MATIÈRES. 713 Page». élémentaires destinés aux écoles publiques. — Le rapport adressé au prince de Kaunitz et les autres pièces relatives à cette affaire. — La lettre du prince de Starhemberg à l'Académie, datée du 3 octobre 1777. — Le sort réservé à la nouvelle imprimerie 458 Chapitre XV. — La Bibliothèque royale. — Le projet de loger cette Biblio- thèque ainsi que l'Académie dans l'église des ci-devant jésuites. — La publi- cité à donner aux travaux de l'Académie par le Journal de physique de l'abbé Rozier et par l'Esprit des journaux. — Le concours de 1777. — Résolution du ministre plénipotentiaire au sujet de la place à attribuer à l'Académie dans l'Almanach de la cour de S. A. R. — L'envoi de l'abbé Mann en Angleterre pour y étudier les nouveaux moyens de mettre les édifices à l'abri des incen- dies. — Son mémoire sur ce sujet 176 Chapitre XVL — Les jetons de présence à distribuer aux académiciens. — Le projet d'instituer une classe de correspondants, et celui d'établir une salle électrique. - Le ministre plénipotentiaire ajourne ces deux projets. — Il exprime le désir que l'Académie accélère l'impression et la publication d'un second volume de ses Mémoires 188 Chapitre XVIL — Historique de ce qui s'était passé dans l'Académie au sujet de la salle électrique et de la classe de correspondants projetées. — Règle- ments proposés pour la classe de correspondants 197 Chapitre XVIII. — Les élections de 1778. — Le rapport adressé le 3 octobre par le chancelier au ministre plénipotentiaire. Portrait de l'abbé Ghesquiere. — Les moyens employés pour empêcher l'élection de ce dernier. — Deux lettres de l'astronome La Lande 209 Chapitre XIX. — Le concours de 1778. — L'étonnement que cause à Vienne le prix remporté par le marquis du Chastelcr. — Les attaques dirigées par les feuilles de Malines et de Louvain contre l'Académie et contre le lauréat Verhoeven. — Le chancelier de Brabant rappelle aux académiciens les obli- gations qui leur sont imposées par le règlement 221 Chapitre XX. — Les finances de l'Académie. - Rapports du chancelier de Brabant au prince de Starhemberg, datés du 19 septembre 1778, et relatifs, l'un à l'administration des fonds de l'Académie par Gérard jusqu'au mois d'avril 1773, l'autre à l'administration des mêmes fonds par le chancelier, du 13 avril 1773 jusques et y compris le mois de septembre 1778. Note confi- dentielle jointe à ces rapports. — Le secrétaire perpétuel Des Roches est chargé de l'administration des fonds de l'Académie.— Le rapport du conseiller des finances Limpens sur les comptes de Crumpipen. — L'acte de décharge du 4 novembre 1778 225 Chapitre XXI. — Détails des comptes précités de Gérard et de Crumpipen . . 239 Chapitre XXII. — Pièces relatives au voyage astronomique fait dans les Pays- Bas autrichiens par Pigott, en compagnie de l'abbé Needham 251 Chapitre XXIII. — L'Académie décide qu'elle fera paraître simultanément deux nouveaux volumes : les tomes II et III de ses Mémoires, et que le tome I sera réimprimé. — Les mesures adoptées pour le choix des mémoires dont les tomes II et III seront composés. — Mort de Vaiider Vynckt. — Son éloge par Gérard, — Les jetona de la nouvelle année. — La distribution des jetons de 714 TABLE D£S MATIÈRES. rages. présence : faculté de les échanger contre leur valeur en numéraire. — Le concours de 1779 265 Chapitre XXIV. — Les élections de 4779. — L'e.^clusion de Valmont de Bomare. — La candidature du professeur Scherffer de Vienne. — Les autres postulants. — La communication faite par le chancelier de Brabant au nom du prince de Starhemberg relativement aux Analecla Belgica. — Historique des plans conçus pour la continuation et la publication de ces Analecta . . 272 Chapitre XXV. — Continuation de l'historique des Analecla Belgica. — L'Académie s'occupe des moyens propres à faire elle-même la publication d'un recueil d'historiens et des monuments historiques relatifs aux Pays-Bas autrichiens. — Ghesquiere est élu membre. — Le comité institué par l'Aca- démie. — Ses premières propositions. — Résolution de ne plus admettre de mémoires anonymes. — Le concours de 4780. — Les concours particu- liers ouverts pour les éloges du président Viglius et du prince Charles de Lorraine 283 Chapitre XXVI. — L'imprimerie académique est transférée à la Société de J.-L. de Boubers par un contrat en date du 2 novembre 1780. — Teneur de ce contrat. - Le bilan de l'imprimerie au 81 décembre 1779. — Les mesures prises par le prince de Starhemberg pour que les fonds de l'Académie ne soient plus exposés à de nouveaux revers. — De Launay est nommé trésorier. — L'abbé d'Eenaeme acquiert au profit de son abbaye la rente que la Société de Boubers devait payer à l'État 292 Chapitre XXVII. - La gestion des fonds de l'Académie, du 20 octobre 1778 au 31 décembre 1780.— L'élection du comte de Fraula comme directeur, en remplacement de l'abbé Needham. — La mort du prince Charles de Lorraine et celle de l'impératrice Marie-Thérèse. — Le comité historique de l'Académie est substitué au Musaeiun Bellarrnmi, avec le marquis du Chasteler pour président et pour commissaire du gouvernement. — Les travaux du comité. — Le projet formé par l'abbé Nelis en 1783 de publier une collection d'his- toriens de la Belgique. — Rapport de l'abbé Mann sur une proposition d'éta- blir un comité pour les sciences 302 Chapitre XXVIII. — La représentation adressée par l'Académie au prince de Starhemberg, au mois d'avril 1781. — La participation de l'Académie aux observations harmoniques de l'Académie de Manheim. — Le 27 juin, elle va complimenter l'empereur Joseph II et le remercier du présent qu'il lui a fait d'une partie des instruments de physique du prince Charles de Lorraine. — Le 2 septembre, elle est informée qu'une somme de 2 000 florins est mise à sa disposition pour acheter des objets d'histoire naturelle à la vente du Cabinet du prince. — Description de ce Cabinet. - Son inventaire et son évaluation. — Le rapport de l'abbé de Witry qui avait été chargé des achats. . — Il est chargé de l'arrangement du Cabinet de l'Académie 3I4 Chapitre XXIX. — Rapport de M. de Witry sur l'état du Cabinet de physique et d'histoire naturelle de l'Académie. — Proposition de Burtin de vendre son Cabinet d'histoire naturelle au gouvernement et d'établir une leçon publique de celte science. — Quelques détails sur les Cabinets existants dans les Pays- Bas autrichiens. — Note sur la proposition de Burtin 324 TABLE DES MATIÈRES. 715 Page». Chapitre XXX. — Les concours ordinaire et extraordinaires de i781. — Le compte rendu par de Launay de la gestion des fonds de l'Académie, du 4er janvier 1781 au 31 juillet de la même année. — Le comte de Fraula est nommé trésorier et remplacé comme directeur par le marquis du Chasteler. — Lettre du prince de Starhemberg relative au placement des épargnes de l'Académie, — Les attaques dirigées contre l'Académie et principalement contre le marquis du Chasteler. — Le mémoire de ce dernier sur l'étude de la langue grecque 388 Chapitre XXXI. — L'élection d'un membre regnicole, le 10 janvier 178''2. — Les candidats entre lesquels l'Académie eut à se prononcer. — Mort de l'abbé Necdham. — Le présent fait par l'abbé de Witry d'une partie de son Cabinet. — Résolution de publier un quatrième volume de Mémoires. — M. Du Rondeau est chargé de la garde du Cabinet de l'Académie. — Les tables de monnaies, poids et mesures de l'abbé Mann, — La démarche de l'Académie auprès du gouverneur général pour obtenir des étalons authen- tiques des poids et mesures en usage dans les différentes provinces et villes des Pays Bas ?}\j>i Chapitre XXXII. — L'Académie est consultée sur différents procédés et inven- tions. — Le comte et la comtesse du Nord assistent, en compagnie des gou- verneurs généraux, à la séance du l!2 juillet 178!2, — Le concours de 178'2, — L'accessit remporté à Paris par M, De Réunie, — L'élection d'un membre regnicole, — Mort de l'abbé Caussin. - Le nouveau ministre plénipotentiaire, comte Louis de Barbiano et Belgioioso. — Lettre d'adieu du prince de Starhemberg : elle résout la question de la dotation définitive de l'Académie et celle des pensions. — L'Académie rejette une proposition tendante à ce que les deux classes siègent séparément ?)6() Chapitre XXXIIL - Les membres de l'Académie choisis pour être pensionnés, — Les obligations qui leur sont imposées. — Le Cabinet est placé chez l'abbé Mann. — La représentation adressée au comte de Belgioioso en novembre 1783. — Note confidentielle du chancelier Crumpipen pour le ministre, — Belgioioso fait la distribution des médailles remportées au concours, — Sa promesse d'examiner avec bienveillance les demandes de l'Académie , , . 37,^) Chapitre XXXIV. — Le compte rendu par M. de Fraula de la gestion des fonds de l'Académie, du l^r janvier au 31 décembre 1782. — Rapport du conseiller des finances Limpens au prince de Starhemberg, en date du 27 mai 1783. — La lettre adressée par le chancelier de Rrabant à Starhem- berg vers le lo juin suivant. — Note du chancelier résumant l'histoire de la dotation et des pensions académiques. — Décret de LL. AA. RR. du 24 juin " 384 Chapitre XXXV. — Pièces relatives à des demandes d'argent adressées par Des Roches au ministre plénipotentiaire prince de Starhemberg 394 Chapitre XXXVI. — Le concours de 1783. — La question relative à l'époque de l'admission du tiers état dans les états de Rrabant, proposée pour le concours de 1784. — Opposition qu'elle soulève : représentation des états : rapport de Crumpipen au ministre 403 7i6 TABLE DES MATIÈRES. Chapitre XXXVII. — Différents avis ou approbations donnés par l'Académie. — Le Cabinet de physique et d'histoire naturelle. — L'emplacement proposé par Du Rondeau pour le nouvel Hôtel-Dieu. — Les machines aérostatiques. — La machine à feu du sieur Fastré. — Résolution de publier les titres et notices des manuscrits que Ion viendrait à découvrir. — Gérard est élu directeur en remplacement de Chasteler. — La publication d'un cinquième volume de Mémoires. — Le concours de 1784. — Les élections. — Xavier Burtin -ilt Chapitre XXXVIH. - Rapedius de Berg. — Son système pour extirper l'épi- zootie, — Ses mémoires couronnés à Paris et à Bruxelles. — M. Te Water. — M. Walckiers de Saint-Amand refuse d'entrer à l'Académie. — Le Cabinet est transporté à l'abbaye de Caudenberg. — Formation d'une collection de sub- stances chimiques. — 11 est résolu que tous les modèles soumis à l'Académie deviendront sa propriété et seronL déposés dans son Cabinet. — Le comte de Belgioioso accorde à Burtin une pension académique de 500 florins restée vacante. — Son projet de faire entrer Linguet à l'Académie 421 Chapitre XXXIX. — Nouveaux arrangements pour la publication des Mémoires. — Le rapport de Gérard sur cet objet, et les avis des académiciens. — La consulte du conseil des finances du 23 mai 4785, relative au projet d'appro- prier l'église des ci-devant jésuites à l'usage de l'Académie, de ses collec- tions, de la Bibliothèque royale et de l'Arsenal. — En quoi consistait l'Arsenal : son historique 482 Chapitre XL. — Le compte rendu par M. de Fraula de sa gestion des fonds de l'Académie, du i^r janvier 4783 au 31 octobre 4784. — Rapport du con- seiller des finances Limpens au ministre plénipotentiaire, en date du 31 juil- let 4785. — La séance générale du mois d'octobre 4785. — Les différents points touchés dans le mémorandum du chancelier Crumpipen. — Résolutions prises par l'Académie. — Le concours de 4785. — Le concours extraordinaire pour un éloge et mémoire historique sur la vie de messire Jean de Caron- delet. — La réclamation du chanoine de Rolduc S, P. Ernst. — Les élections. 445 Chapitre XLL — L'accessit remporté par de Launay à l'Académie de Saint- Pétersbourg. — Départ de Des Roches pour Vienne. — La Commission des études. — Rut du voyage de Des Roches. Ses lettres au secrétaire d'État et au ministre plénipotentiaire. — Dans la prévision d'une autre forme à donner à l'Académie, celle-ci est invitée à ne procéder à aucune élection. — Le . concours de 1786 455 Chapitre XLII. — L'inscription demandée à l'Académie pour le jeton de la nouvelle année, destiné à rappeler l'érection du séminaire général de Lou- vain. — Le projet d'attacher l'astronome de Zach à l'Université. — L'acadé- micien Rournons. — Les réformes de Joseph II. — La nomination de J. Crumpipen à la présidence du conseil souverain de justice. — Rurtin proposé d'abord pour une place d'inspecteur général des mines, est mis à la tête du département des hôpitaux avec le titre de conseiller et de proto- médecin. — L'attaque à laquelle il est en butte au mois de septembre 4787. — Plusieurs réformes sont annulées, et J. Crumpipen est réintégré dans ses fonction de chancelier de Rrabant 468 TABLE DES MATIÈRES. 717 Page». Chapitre XLIII. — La question des correspondants remise sur le tapis. — Le mémoire de l'abbé Mann sur cet objet et sur l'organisation de l'Académie. — La formation et l'impression du tome V des Mémoires. —■ L'horloge du sieur Gratte. — Autorisation de choisir parmi les livres des couvents sup- primés ceux qui pourraient convenir à la Bibliothèque royale — Retour de Des Roches. — Sa mort. — L'élection à l'unanimité de l'abbé Mann en qua- lité de secrétaire perpétuel, — Les médailles provenant des maisons des ci-devant jésuites. — Les candidatures de MM. Duval et Lesbroussart. — Le désordre dans lequel se trouvaient les archives de l'Académie : les mesures prises pour y remédier et pour combler leurs lacunes. — Le concours de 4787 475 Chapitre XLIV. — Mort du comte de Fraula. — Le nouveau ministre pléni- potentiaire comte de TrauttmansdorfF. — L'Académie lui est présentée le 3 novembre 4787. — A sa demande, elle lui remet le 9 décembre un mémoire sur ce qui lui manque pour remplir le but de son institution. - Les lauréats du concours de 4787 488 Chapitre XLV. — Les lettres de Marci à l'abbé Mann. — La Bibliothèque de Des Roches. — Les recherches faites à la Haye pour découvrir son extrait de baptême. — L'impression des mémoires couronnés. — Le supplément de Burtin aux mémoires sur les manufactures. — L'errata du mémoire de Wauters. — Le tome V des Mémoires de l'Académie. — La marche suivie pour sa formation. — Le Journal des séances. — La section réservée aux manuscrits et aux autres monuments historiques. — Le mémoire de M. de Berg sur l'inoculation de la peste au gros bétail. — La distribution des exem- plaires du tome V des Mémoires et des Mémoires des prix de 4787 et 4788. . 498 Chapitre XLVI. — Liste des membres de l'Académie à lépoque de la publi- cation du tome V des Mémoires, c'est-à-dire à la fin de 1788. — Le 49 mars, elle avait perdu Dom Berthod, et le 22, Bournons. — Le concours de 1788. — Le mémoire adressé le 40 novembre au ministre plénipotentiaire. — Le mauvais vouloir du conseil du gouvernement général. — Les affaires finan- cières de l'Académie. — Le refus de l'abbé Chevalier d'accepter les fonctions de trésorier. — Réclamation du président contre l'obligation imposée au trésorier de rendre ses comptes à la chambre des comptes. — Il est fait droit à cette réclamation. — L'abbé Mann est préposé provisionnellement à la caisse o09 Chapitre XLVIL — Les comptes rendus parles héritiers de Fraula de la ges- tion par le défunt des deniers de l'Académie, du i" novembre 4784 au 46 octobre 4787. — La lettre adressée par l'abbé Mann au comte de Fraula le 4 septembre 4787. — L'Académie est consultée par le conseil du gouverne- ment général, ou directement par les auteurs,"sur différents procédés, inven- tions, etc S22 Chapitre XLVHL — Suite des lettres de Marci à l'abbé Mann. — Un mémoire de Vanden Sande. - Le Laboratoire de chimie monté à Bruxelles par Van Bochaute. — L'établissement dans cette ville des facultés de philosophie, de droit et de médecine: composition de ces facultés. — L'orage du 43 juillet 4788 et 1 hiver de 4788 à 4789. — Le concours de 1789 : nomination des corn- 7i8 TABLE DES MATIÈRES. Pages- missaires. — La correspondance de l'Académie. — Les manuscrits de P. à Thymo. — Les plaintes de l'abbé Mann au sujet de l'inertie dans laquelle sont tombés la plupart des académiciens. — La dernière séance avant la révolution , 530 Chapitre XLIX. — La mort du marquis du Chasteler. — Le départ du chan- celier de Brabani. — Les lettres de l'abbé Mann aux frères Crumpipen et au prince de Gallitzin. — La situation de Bruxelles au mois de décembre d789. — Le départ de la garnison. — L'Académie après le triomphe de la révolution. — Un comité nommé par l'évêque d'Anvers se réunit le 126 décembre. — Une partie des fonds est placée dans la maison de banque Vve Michel Van Schoor et fils. 545 Chapitre L. — L'acte d'union constituant les états belgiques et décrétant la formation d'un congrès souverain desdits états. — Nouvelle assemblée du comité de l'Académie. — L'abbé Mann est requis par son chapitre d'aller résider à Courtrai. — Séance de l'Académie du 27 janvier 1790: il y est résolu de faire les démarches nécessaires pour que Mann puisse continuer sa rési- dence à Bruxelles et pour que son traitement lui soit conservé. — La repré- sentation adressée par l'Académie à Nosseigneurs les états généraux. — La mort de Joseph II. — La mort de Magellan. — L'enlèvement par le biblio- thécaire de l'Université de Louvain d'une partie des livres destinés à la Bibliothèque de Bourgogne 555 Chapitre LI. — L'assemblée générale de l'Académie du U mai 1790. — La souscription patriotique pour des canons. — L'élection d'un membre regnicole. — Le jugement du concours de 1789. — Les facultés de philosophie, de mé- decine et de droit sont replacées à Louvain. — L'avanie faite au prévôt Marci, chancelier de l'Université. — La sentence rendue contre Van Bochaute. — Le concours de 1790. — Les états généraux nomment un commissaire pour les affaires de l'Académie. - La dotation de l'Académie est maintenue, mais le payement en est ajourné 564 Chapitre LU. — Bestauration du gouvernement autrichien. — Le nouveau ministre plénipotentiaire comte de Mercy-Argenteau. — Le secrétaire d'État et de guerre baron de Felfz. — L'Académie est présentée au comte de Mercy le 9 janvier 1791. — Le chancelier de Brabant préside la séance du 21 février. — Sa recommandation aux membres pensionnés de remplir les obligations prescrites par l'acte de collation des pensions.— Les interpellations à adresser au commandeur de Nieuport, quand il reparaîtra à l'Académie, et les mesures à prendre s'il se mettait de nouveau sur le pied de ne pas fréquenter. — La note de Van Bochaute sur le pillage et la dévastation de son Laboratoire. — Le discours dédié par de Berg aux mânes de Joseph IL— Son offre de mettre à la disposition de l'Académie le recueil qu'il a formé de pièces, actes, docu- ments, etc., sur les troubles de 1787 et leurs suites. — Lettres de Vanden Sande S'TS Chapitre LIIL — Séance générale du 18 mai 1791.— La nomination de l'abbé Chevalier aux fonctions de directeur. — L'élection du baron de Feltz : sa lettre de remercîments. — La réception de l'Académie par les gouverneurs généraux. — L'inauguration de Léopold II. — L'arrivée du comte de Metter- TABLE DES MATIÈltËS. 719 Pages. nich, ministre plénipotentiaire. — l'Académie lui est présentée le 24 juillet. — Obstacles que rencontre le payement de la dotation, échue le -1" novembre 4790. — La pension de l'abbé Mann. — La nouvelle Commission des études. — L'abbé Mann qui en fait partie est autorisé à cumuler le traitement qu'il reçoit de ce chef avec sa pension 585 Chapitre LIV. — Requête adressée par Burtin aux gouverneurs généraux. — Sa jubilarisation. — Les comptes rendus par l'abbé Mann de la gestion des deniers de l'Académie, du 17 octobre 4787 au 31 octobre 1790 inclus. — Mort de l'abbé Marci. — Note sur l'état et les embarras de l'Académie pendant les troubles : désaveu de l'achat des canons: l'apostille mise par LL. AA. RR.sur cette note 600 Chapitre LV. — Les livres des Bibliothèques des ci-devant jésuites réservés pour la Bibliothèque royale. — Communication de l'abbé Mann relativement à la pension attribuée au secrétaire perpétuel. — Le concours de 1791. — L'élection d'un membre étranger. — Les bons offices du prince de Gallitzin en faveur de l'Académie auprès du comte de Mercy-Argenteau et du baron de • Feltz. — Le sixième volume des Mctnoires. — Les difficultés suscitées par la Société typographique 609 Chapitre LVL ~ Historique des démêlés de l'Académie avec la Société typo- graphique. — Rejet de la requête de la Société adressée aux gouverneurs généraux à l'effet de recevoir une indemnité sur les finances de S. M.— Ladite Société est interpellée de répondre si elle est prête à imprimer les Mémoires de l'Académie conformément à son contrat. — La mort de M. de Hesdin. — Les projets de Tutot, propriétaire de l'Esprit des journaux. — Le botaniste suédois Rozin 618 Chapitre LVIl. — Le mémoire de l'abbé Mann sur les grandes gelées depuis les temps les plus reculés jusques et y compris celle de 1788 à 1789. — Le certificat délivré à l'avocat Bertrand, auteur d'un programme renfermant ses questions et ses vues sur l'agriculture et sur l'économie rurale. — L'opinion de M. De Beunie sur M. Bertrand. — Les achats faits à la vente des livres appartenant au fonds de religion. — Rapport de l'abbé Mann à la Commission des études, relativement aux livres tirés des Bibliothèques des ci-devant jésuites. — L'élection d'un membre étranger, — Les candidats aux places vacantes de membres regnicoles 627 Chapitre L'VIIi. — M. de Witry fait savoir qu'il lègue à l'Académie tous les instruments de son Cabinet de physique qui ne se trouvent pas dans celui de la compagnie. — Le concours de 1792. — L'invasion française. — La suspen- sion des séances. — Revue rétrospective. — L'occupation militaire de l'ab- baye de Tongerloo. — Deux mémoires de Ghesquiere.— Il sollicite la pension académique devenue vacante par la mort de M. de Hesdin. — Lettres de Gérard à l'abbé Mann 635 Chapitre LIX. — La première séance de l'Académie après le retour des Autri- chiens. — Mort de De Beunie. — Réception des académiciens par le nouveau gouverneur général l'archiduc Charles-Louis. — Gérard est élu directeur. — Décision d'insérer dans le recueil des Mémoires les pièces émanant de per- sonnes étrangères à l'Académie, qui auront été approuvées parcelle-ci. — 720 TABLE DES MATIÈRES. Pages, Questions choisies pour Je concours de 1794. — L'affaire des pensions, — L'extrait de protocole relatif aux choix faits par l'Académie pour les deux pensions vacantes par le décès de MM, de Hesdin et De Beunie 646 Chapitre LX. — L'abbé Chevalier est inquiété pour avoir prêté le serment de fidélité au peuple pendant l'occupation française. — Le concours de 1793. — La réclamation du chanoine Ernst qui avait été exclu du concours, parce que son mémoire était arrivé après le terme fixé 6S7 Chapitre LXL — Les questions choisies pour le concours de i79o. — Les lettres de MM. Coppens et Stappaerts sollicitant des places de membre. — Mort de Van Bochaute, — Autres demandes de places à l'Académie. — Le don patriotique de 3 000 florins fait par l'Académie pour les dépenses de la guerre. — Mort du doyen Heylen. — Les instruments de physique donnés par l'abbé de Witry. — En considération de ce présent et sur le désir du donateur, un cadeau de dix louis est fait à l'abbé Bevy ........ 668 Chapitre LXII, — Pièces relatives à l'Esprit des journaux. Proposition de charger l'Académie de la censure de cet ouvrage. — Les mesures prises pour compléter la collection des médailles ou jetons du nouvel an. — Le tome VI des Mémoires. — Suite de l'exposé des démêlés de l'Académie avec la Société typographique. — Acte notarié du 16 juin 1794 qui y met fin 677 Chapitre LXIIL — Les livres des ci-devant jésuites enlevés en 4790 et trans- portés à Louvain. — L'arrivée à Bruxelles de l'empereur François IL — L'Académie lui est présentée. — La dernière séance tenue par l'Académie, le 21 mai 1794. — L'élection de l'abbé Chevalier comme directeur. — Nomina- tion des commissaires pour le concours, — Communication du secrétaire au sujet des précautions qui ont été prises pour sauver les effets les plus essen- tiels de l'Académie en cas d'une irruption des Français jusqu'à Bruxelles. — La lettre du ministre plénipotentiaire qui approuve l'attribution à MM. de Launay et Ghesquiere des pensions vacantes, ainsi que la gratification accor- dée à M. Lesbroussart, — Mort de M, Godart. — Liste des membres regnicoles et étrangers de l'Académie, au moment de sa dispersion : les survivants à l'époque de sa restauration en 1816. — La situation financière de l'Académie lors de la suspension de ses travaux 688 ADDITION au chapitre XLVIII 697 Tableau des monnaies mentionnées dans cet ouvrage 699 SÉANCES tenues par la Société littéraire et par l'Académie impériale et royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles 700 LISTE alphabétique des noms propres 703 Errata 710 Table des matières 711 "'i^^^S^SraS^iyssO-