qu | ° ee ULATION DOS. VOLUME: 1867 ” ETE D'EM ÈME SÉRIE DE LA TROISIEME BESANCON QUATRI IMPRIMERIE DE DODIVERS ET Ce, : Grande - Rue, 42. 1868 LA De (0 La 548) nCI Liu: + . Fe Le la ja « + à 4 : ee ; “4 + 7 A ne. à - F L MÉMOIRES SOCIÉTÉ D'ÉMULATION EEE CE 5. Role 2 À # " Era : | | COMTE A EN ET / HAE ‘{ = 44 | b ? à ( (} EE AA M VE AS H TR ni Mi =. : TN ÉSREUANES Frs : 43 ARTE OERTRO al ; é nes à ARE Æ MÉMOIRES DE LA LL ” ” SOCIÊTÉ D'ÉMULATION EU POUBS. Pa QUATRIÈME SÉRIE. LS TROISIEME VOLUME. 41667 BESANCON IMPRIMERIE DE DODIVERS BT Ce, Grande - Rue. 42. 1868 CPL M AU é ’ EAN x Tv MAX » VS en : cs * Lo À . a UE CE * * { . . , , i 4 CPL 7 ‘ 1 . à, “ ' * ” ‘ Ve * : 3 p. À È | 5 14 NON 6 ROSES g _ L £ Vs » 0 A LAS CU L er, En 2 RIT MUR : ie AMP IONT SNARRORIS MÉMOIRES LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION 1867 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES. Séance du 12 janvier 1867. PRÉSIDENCE DE MM. GRENIER ET Victor GiIRoD. Sont présents : Bureau : MM. Grenier, premier vice-président sortant ; Girod (Victor), deuxième vice-président sortant, élu président; Gouillaud, vice-président élu; Bavoux, secrétaire honoraire : Jacques, trésorier; Faivre, vice-secrétaire; Castan, secrétaire; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Arbey, Bial, Blondon, Courlet de Vregille, Courtot, Delacroix ( Alphonse),. Delacroix (Emile), Drapeyron, Ducat, Dunod de Charnage, Faucompré, Fitsch (Christian), Jacob, Lebreton, Lhomme, Renaud (Louis), Trémo- bières, Vivier (Edmond). La séance s'ouvre sous la présidence de M. Grenier. Le procès-verbal de la réunion du 20 décembre 1866 est lu et adopté. En conséquence de la ratification des opérations électorales relatées dans cet acte, M. Grenier appelle au bureau les nou- veaux membres du conseil d'administration, et cède la prési- dence à M. Victor Girod. Il est donné lecture d’une circulaire de M. le Ministre de l'Instruction publique, en date du 28 décembre 1866, par laquelle Son Excellence fait appel au bon vouloir des sociétés savantes pour doter les lycées et colléges de l’Université d’ob- jets d'histoire naturelle pouvant servir aux démonstrations des professeurs de cette science, et aider ainsi « à populariser” dans notre pays, où elle est trop négligée, une des études les plus charmantes et tout à la fois les plus utiles. » La Société qui, depuis sa fondation en 1840, n’a cessé d’en- richir le musée d'histoire naturelle de Besançon, devenu grâce à elle l’un des plus remarquables de France, est heu- reuse et flattée de trouver dans cette circulaire une approbation de sa constante sollicitude pour la vulgarisation des sciences naturelles ; il ne lui reste donc, comme mesure pratique à prendre en vue du désir de Son Excellence, qu'à exprimer le vœu que les collections du musée, dont la presque totalité lui est due, soient mises à la disposition des professeurs spéciaux du lycée pour les besoins de leurs cours. M. Grenier, l’un des professeurs-conservateurs du musée, est délégué pour se concerter à cet effet avec M. le Recteur de l’Académie, M. le Maire de Besancon et M. le Doyen de la Faculté des sciences, conformément à l’article 3 du traité intervenu, le 16 mai 1861, entre l'Université et la Société d'Emulation, relativement à la gestion du musée d'histoire naturelle. | | M. Grenier expose ensuite que, lors de sa récente visite à Besançon , M. le Ministre de l'Instruction publique lui a demandé si, parmi les objets existant en double au musée d'histoire naturelle, quelques pièces ne pourraient pas être détachées en faveur de l'Ecole normale de Cluny, nouvelle- ment instituée; qu'une réponse affirmative ayant été faite à Son Excellence, l'administration de l'établissement a dressé une liste de 169 objets, tous provenant de la Société, qui pourraient recevoir cette utile destination. La Compagnie, après avoir pris Connaissance de ce cata- UE — logue, approuve, en ce qui la concerne, la cession dont il s’agit, à la seule condition que chacun des objets ainsi offerts à Son Excellence portera, sur une étiquette, la mention du don qui en est fait par la Société d’'Emulation du Doubs. M. Grenier est chargé de donner suite à cette délibération, dont copie sera adressée à M. le Ministre. La Société délègue, en outre, M. Grenier pour faire, en son nom, la remise à M. le Recteur de l’Académie de 52 objets nouveaux (1 squelette de lama et 1 de porc, 45 oiseaux em- paillés, 1 poisson et 5 fragments d’elephas fossile) qu'elle à l'intention de déposer au musée d'histoire naturelle. M. Alphonse Delacroix donne lecture d’une étude intitulée : La Séquanie et la Vie de Jules César. La Société vote l’impression-de ce travail, ainsi que des sept morceaux qui ont rempli la séance publique. Il est pris une décision semblable, ensuite d’un rapport de M. Castan, au sujet d’une notice sur la Charte d'affranchisse- ment du bourg d’Oiselay, par M. Jules Gauthier, membre résidant. L'ordre du jour appelle l'élection de trois membres étran- sers au conseil d'administration, pour vérifier les comptes du trésorier. fe L'Assemblée désigne MM. Courlet de Vregille, Bertrand et Bial, ce dernier comme rapporteur. MM. Varaigne et Castan proposent d'admettre, au titre de membre résidant, M. Leblanc (Léon), peintre. Les présentations faites dans la précédente réunion sont l'objet d’un scrutin secret, à la suite duquel sont proclamés : Membre résidant, M. Bonrer (Eugène), docteur en médecine ; Membre correspondant, M. Prosr (Bernard), élève de l'Ecole des Chartes, à Paris. Le Président, Le Secrétaire, VicTror GIRoD. A. CASTAN. ion. ANT ms Séance du 9 février 1867. PRÉSIDENCE DE M. Vicror G1RoD. Sont présents : BurEAU : MM. Girod (Victor), président, Jacques, trésorier: Bavoux, secrétaire honoraire; Faivre, vice-secrétaire; Va- raigne, archiviste; Castan, secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Arbey, Bial, Blondon, Canel, Courlet de Vregille, Delacroix (Alphonse), Delacroix (Emile), Ducat, Dunod de Charnage, Girolet, Grenier, Lhomme, Marchal, Renaud (Louis), Robert et Saillard. Le procès-verbal de la séance du 12 janvier est lu et adopté. Il est donné lecture d’une dépêche de M. le Ministre de l'Instruction publique, en date du 12 janvier 1867, informant la Compagnie que le travail manuscrit de M. Cessac sur le véritable emplacement d'Uxellodunum a été communiqué, par les ordres de Son Excellence, à la commission d'examen du concours archéologique de 1866. Il est ensuite communiqué une seconde lettre de Son Excellence, ayant pour objet de remercier la Société du don qu'elle fait à l'Ecole normale de Cluny de 169 objets existant en double au musée d'histoire naturelle, ainsi que des facilités accordées dans ce même établissement aux professeurs spé- ciaux du lycée de Besancon. L'Assemblée juge convenable d'enregistrer le texte de cette lettre, qui est ainsi concu : « Paris, le 25 janvier 1867. » Monsieur le secrétaire, j'ai recu, avec la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, copie d’une délibération par laquelle la Société d'Emulation du Doubs veut bien mettre à ma disposition 169 objets provenant de dépôts faits par la Société et qui existent en double au musée d'histoire naturelle de Besancon, à la condition que chacun de ces objets portera sur une étiquette la mention du don. ty » Je suis vivement touché, Monsieur, de l'empressement avec lequel la Société d'Emulation du Doubs veut bien seconder mes efforts pour doter l'Ecole de Cluny de collections en rap- port avec l'importance de son enseignement. Je vous prie de lui en exprimer mes sincères remerciments. J'adhère de grand cœur au désir de la Société : M. le directeur de l'Ecole aura soin de faire indiquer sur chacun des objets le don qui en aura été fait à l'établissement. » Veuillez, en outre, remercier la Société de vouloir bien mettre les collections du musée à la disposition de MM. les professeurs du lycée. Cette mesure libérale ne pourra qu'avoir les plus heureux résultats pour leur enseignement. » Recevez, Monsieur le secrétaire, l'assurance de ma consi- dération distinguée. » Le Ministre de l'Instruction publique, » V. DuruY. » Par une dépêche, en date du 19 janvier 1867, M. le Rec- teur de l’Académie remercie la Société du nouveau groupe d'objets dont elle veut bien enrichir le musée d'histoire natu- relle, et commet M. le Doyen de la Faculté des sciences pour procéder, en son nom, à la réception de ce dépôt. M. Grenier, délégué par la Société pour en faire la remise, déclare qu'il a rempli cette mission, le 23 janvier, et qu'un double du procès-verbal dressé en conséquence sera délivré à la Compagnie pour ses archives. Par une lettre du 29 janvier, M. l’Inspecteur d’'Académie nous demande de coopérer à une souscription ouverte, sous les auspices de M. le Ministre de l'Instruction publique, dans le but de procurer la visite de l'Exposition universelle à quelques instituteurs primaires des plus méritants. La Compagnie, heureuse d’avoir cette occasion nouvelle de s'associer, dans la mesure de ses modestes ressources, aux idées généreuses et progressives dont M. le Ministre poursuit la réalisation, vote une somme de cinquante francs au profit de la souscription ouverte par Son Excellence. UT — M. Marchal met sous les yeux de l’Assemblée une série d'’é- chantillons représentant les diverses phases de la fabrication du rouge à polir l'or et l'argent, à laquelle il se livre depuis deux années par des procédés qui lui appartiennent. Les membres compétents constatent que les échantillons de M. Marchal présentent bien le caractère d’infime division qui est spécialement désiré par les polisseurs. A cette occasion, M. le président rappelle que le rouge à polir, connu sous le nom de rouge d'Angleterre, est un produit essentiellement bisontin, notre ville fournissant la plus grande partie de ce qui s’en consomme dans le monde entier. Il constate avec intérêt les efforts de M. Marchal pour perfec- tionner cette industrie spéciale et augmenter le chiffre de ses affaires. | M. Marchal termine en invitant les membres de la Société à visiter ses appareils, au moyen desquels il peut fabriquer de 50 à 60 kilogrammes de rouge en douze heures de travail. Le secrétaire dépose sur le bureau une série de 69 feuilles de dessins reproduisant les formes et les couleurs d'un très orand nombre de pollen de fleurs et de microsoaires, tels que les uns et les autres apparaissent au microscope. M. le juge de paix Langlois, auteur de ce recueil, en fait hommage à la Société. M. Grenier, qui a examiné ces dessins, pense qu ils consti- tuent une suite intéressante de documents, capable même de faire l’objet d’une publication si l’auteur y avait introduit un classement systématique. Il estime donc que la Compagnie doit accepter avec reconnaissance le +ecueil de M. Langlois et le faire relier pour lui donner place dans sa bibliothèque. Ces conclusions sont adoptées. M. Grenier rend également compte d'un mémoire de M. Leclerc, membre correspondant, dont l'examen lui a été confié par le conseil d'administration. Ce travail, intitulé Monographie*de l'appareil fructifère de l'Ipomæa purpurea, offre une heureuse application des principes qui font l'objet en NÉE = d’un opuscule du même auteur imprimé par la Société. L'ho- norable rapporteur propose de faire un semblable accueil à cette nouvelle production. L'Assemblée vote en conséquence l'impression du mémoire de M. Leclerc. M. le président instruit la Compagnie que le local qui lui a été concédé par la ville, dans le palais Granvelle, est à la veille d'être disponible; mais il fait observer que l'accès n'en sera possible qu'après des réparations assez considérables et l'achat d'un mobilier nécessaire à la tenue des séances. La Société, considérant que son budget annuel est presque totalement absorbé tant par ses publications que par le con- cours qu'elle prête au recrutement des collections publiques, se reconnaît dans l'impossibilité de faire face aux dépenses dont il s’agit; mais elle espère que le Conseil municipal vou- dra bien lui venir en aide et compléter sa gracieuse concession par le vote d’une somme qui permette d'en jouir immédiate- ment. Il est décidé qu'une demande sera écrite dans ce sens à M. le Maire de la ville. Parmi les dons arrivés à la Société depuis sa dernière réu- nion, le secrétaire fait remarquer l'Annuaire du Doubs et de la Franche-Comté pour 1867; cette publication, due à notre sa- vant confrère M. Paul Laurens, continue à se recommander par des qualités de méthode et de conscience qui la placent au premier rang des meilleurs livres du genre. Le secrétaire mentionne également de la manière la plus honorable l'Etude sur le pilum de l'infanterie romaine, par M. Jules Quicherat : grâce à ce lumineux mémoire, on suivra désormais les transfor- mations de l'arme la plus terrible des guerres ‘antiques, aussi nettement que nous connaissons les modifications subies par notre moderne baïonnette. MM. Delacroix (Alphonse) et Castan demandent le titre de membre résidant pour M. Stehlin, professeur de musique à l'Ecole normale du Doubs. MM. Gauthier et Castan proposent d'admettre comme — VII — membre correspondant, M. Robinèt (Paul), peintre-paysa- aiste, rue du Vieux-Colombier, #, à Paris. Un scrutin secret ayant eu lieu sur la candidature posée dans la précédente séance, M. le président proclame : Membre résidant, M. Legranc (Léon), peintre, à Besançon. Le Président, Le Secrétaire, Vicror GIRoD. A. CASTAN: Séance du 9 mars 1867. PRÉSIDENCE DE MM. Euize Deracroix ET Vicror GäiRob. | Au moment d'ouvrir la séance, les membres présents du conseil d'administration constatent l'absence de MM. les pré- sident et vice-présidents; ils décident, conformément à l’art. 7 du règlement, qu'en attendant l’arrivée de l’un de ces digni- taires, le fauteuil sera occupé par M. Emile Delacroix, l’un des fondateurs de la Société. Sont présentés : Bureau : MM. Delacroix (Emile), chargé de la présidence; Jacques, trésorier; Faivre, vice-secrétaire; Varaigne, archiviste; Castan, secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Arbey, Bial, Delacroix (Alphonse), Drapeyron, Faucompré, Girolet, Hory, Lancrenon, Lebreton, Lhomme, Marchal, Renaud (Louis), Rollot et-Tournier (Paul). Le procès-verbal de la séance du 9 février est lu et adopté. Il est donné lecture d’une circulaire de Son Excellence M. le Ministre de l’Instruction publique notifiant les dispositions suivantes : la distribution des récompenses accordées aux sociétés savantes des départements, à la suite du concours de 1866, aura lieu à la Sorbonne le samedi 27 avril 1867, à midi: cette solennité sera précédée de quatre jours de lectures pu- bliques, les mardi 23, mercredi 24, jeudi 25 et vendredi 26 avril; aucun mémoire ne sera admis à ces séances s’il n’a été préalablement lu devant une société savante et jugé digne par celle-ci d’être proposé pour la lecture publique; cette mesure ne concerne que les travaux d'histoire et d'archéologie, ceux de l’ordre des sciences pouvant être présentés directement par leurs auteurs; enfin, les manuscrits des mémoires relatifs à l’histoire ou à l'archéologie devront être transmis au ministère le 5 avril au plus tard, et ils devront être suffisamment courts pour que la lecture de chacun d’eux ne dépasse pas vingt minutes. Il résulte de l'appel fait par le conseil d'administration, en conséquence de cette circulaire, que MM. Drapeyron et Castan sont disposés à aller faire chacun une lecture à la Sorbonne, le premier devant la section d'histoire, le second devant la section d'archéologie du Comité impérial des sociétés savantes. Mais ces deux délégués pensent que leurs travaux ne pourront être prêts qu'au dernier moment; et comme la Société doit en entendre la lecture, ils proposent de fixer dans ce but au 3 avril l'époque de la séance du mois prochain. Cette proposition est adoptée. Une circulaire de l'Institut des provinces informe la Compa- eue que le congrès des délégués des sociétés savantes s’ou- vrira cette année à Paris, rue Bonaparte, 44, le jeudi 21 avril; mais que celte assemblée ne s’occupera que des questions de l'ordre des sciences, l'histoire et l'archéologie devant avoir leurs assises spéciales dans le congrès archéologique de France, qui se tiendra au même lieu dès le 15 avril prochain. M. de Chardonnet, qui nous a si bien représenté jusqu'à présent dans les congrès de l'Institut des provinces, sera prié cette fois encore d'accepter le même mandat, et, dans le cas où cet honorable membre se trouverait empêché, le conseil d’ad- ministration aviserait à procurer un autre délégué. — X — Le secrétaire annonce qu'il a recu de M. le colonel fédéral de Mandrot l'épreuve d’une carte du siége d’Alaise, qui serait tirée en trois couleurs par la lithographie Furrer, de Neu- châtel, et se distinguerait autant par l'exactitude topographique ue par le charme de l'exécution. M. de Mandrot fournirait, à des conditions de prix modérées, un tirage de ce spécimen de son beau talent pour nos Mémoires. La Société pense qu'il y a lieu d'accepter la proposition de son honorable correspondant, et elle décide que la carte qui en est l'objet sera jointe à l'étude de M. Alphonse Delacroix, dont l'impression a été votée dans la dernière séance. Il est ensuite décidé que la Société de statistique de Mar- seille, qui nous à fait parvenir plusieurs fascicules de ses publications, comptera désormais parmi les compagnies cor- respondantes. Le secrétaire fait connaître qu'en retour d’une demande à M. le Maire de la ville, délibérée dans la dernière séance, le Conseil municipal a alloué à la Société une somme de 600 fr. pour subvenir aux frais d’appropriation du local qui nous est concédé au palais Granvelle. L'Assemblée se montre particulièrement flattée de ce subside, dans lequel elle voit avant tout un encouragement donné à ses efforts pour l'accroissement des collections publiques et la divulgation des connaissances utiles; elle vote en conséquence des remerciments unanimes au Conseil municipal. M. l'architecte Delacroix, chargé par le conseil d’adminis- tration de pourvoir à l'emploi de la subvention dont il s’agit, rend un compte sommaire des dispositions qu'il a prises pour arriver à un aménagement économique et convenable, qui satisfasse à la tenue des séances mensuelles et à l’installation de la bibliothèque sociale. La Compagnie remercie M. Delacroix de ses bons offices et le prie de les continuer dans l'esprit qu'il a indiqué. M. Marchal demande et obtient la parole pour une double communication. Il présente d’abord un petit appareil destiné à prévenir les surprises dans les cas, si fréquents à Besançon, de l'inondation des caves. Il creuse dans celles-ci un petit puits de sept centi- mètres de profondeur, y introduit un cylindre en zinc, envi- ronné de charbon, percé de nombreux trous et contenant un flotteur de même métal dont la tige seule dépasse le niveau du sol. Dès que l’eau arrive par dessous terre, la tige du flotteur s’exhausse et le propriétaire est averti. M. Marchal décrit ensuite un procédé pour la préparation des huiles servant au jeu des petites machines et particulière- ment des montres : il s'agit d'assurer à ce produit un degré de fluidité qui défie jusqu'à un certain point les abaissements de température. Au lieu d'employer à cet effet les agents chi- miques qui modifient toujours plus ou moins la constitution de l'huile, M. Marchal se borne à retirer par une action mé- canique une partie de la margarine contenue dans l'huile d'olive. Il se sert pour cela d'une turbine dans le cylindre de laquelle il introduit l'huile figée par le froid : en imprimant au système un mouvement giratoire, la partie la plus fluide de l'huile s'échappe en vertu de la force centrifuge. Cette portion du liquide est ensuite logée dans de petits récipients ayant la forme d'une seringue, disposition qui permet de les maintenir constamment pleins et de préserver leur contenu des causes ambiantes de détérioration. Si l’on veut avoir une huile complètement blanche, pour obéir à un préjugé de pure fantaisie, mais généralement admis, M. Marchal recommande l'emploi du charbon de sucre, seul agent de cette catégorie qui n'introduise dans le liquide à décolorer ni alcali, ni sels solubles. Pendant cet exposé, M. Girod vient prendre la présidence de l’Assemblée ; il remercie M. Marchal de ses intéressantes recherches et fait décider qu'elles seront relatées au procès- verbal. M. Emile Delacroix présente l'analyse de la partie historique d'une étude sur la ville, l’abbaye et les bains de Luæeuil. — XI — La Société Juge qu'elle ne saurait trop contribuer à faire connaître une station thermale de premier ordre et qui a tou- jours joué un rôle important dans l’économie hygiénique de la Franche-Comté: elle vote donc l'impression du travail de M. Emile Delacroix, ainsi que l'exécution en lithographie d'un plan des bains de Luxeuil qui doit accompagner ce mémoire. M. le président, reprenant la question de l’aménagement du nouveau local de la Société, demande s'il n'y-aurait pas lieu de l'éclairer au moyen du gaz, la dépense qui en résulterait ne paraissant pas devoir dépasser 200 francs. M. le trésorier ayant été consulté et estimant que l’état de la caisse permet de réaliser cette amélioration, l’Assemblée émet un vote affirmatif sur la question posée par M. le président. Sont proposés pour faire partie de la Société comme mem- bres correspondants : _ Par MM. Delacroix (Emile) et St-Eve (Charles), M. Perrier (Francis), manufacturier, à Thervay (Jura); Par MM. Delacroix ( Alphonse) et Castan, M. Garnier (Georges), avocat, à Bayeux (Calvados). Puis, à la suite d'un scrutin secret ouvert sur le compte des candidats présentés dans la dernière séance, M. le président proclame : Membre résidant, M. Srexux (Charles), professeur de musique à l'Ecole nor- male du Doubs; | Membre correspondant. M. Roger (Paul), peintre-paysagiste, à Paris. Le Président, ” Le Secrétaire, VicToR GiIROD. A. CASTAN. ae Séance du 3 avril 1867. PRÉSIDENCE DE M. Vicror G1RoD. Sont présents : Bureau : MM. Girod (Victor), président; Jacques, trésorier; Faivre, vice-secrétaire; Castan (Auguste), secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Arbey, Canel, Delacroix (AÏl- phonse), Drapeyron, Dunod de Charnage, Grenier, Jacob, Lan- crenon, Machard, Renaud (Francois), Renaud (Louis) et Robert: MEMBRE CORRESPONDANT : M. Castan (Francis). # Le procès-verbal de la séance du 9 mars est lu et adopté. Le secrétaire met sous les yeux de l’Assemblée un exemplaire de la carte du siége d’Alaise, exécutée en chromolithographie par M. le colonel de Mandrot et destinée, conformément à une délibération prise dans la précédente séance, à accompa- gner la nouvelle étude de M. Alphonse Delacroix sur le débat d'Alesia. Le conseil d'administration ayant déjà félicité M. de Man- drot de l’habileté dont 1l a fait preuve dans ce travail, témoi- gnage auquel s'associe l'Assemblée, le savant colonel fédéral a répondu en ces termes : « Je suis fort aisé que vous soyez contents de ma carte; elle me sera très utile, parce que je prouve par elle que je puis, à Neuchâtel, faire aussi bien qu'à Paris et à beaucoup meilleur marché, et c'est sur cette consi- dération que je base mes espérances de doter les pays de langue française d’un atlas géographique de même valeur artistique que ceux des éditeurs de Gotha et de Stuttgard. Ces messieurs établissent au prix de 20 francs des atlas fort supérieurs, pour l'exactitude et l'exécution, aux ouvrages similaires qui s’'exé- utent à Paris et se vendent 80 francs. » La Société applaudit d'avance à cette entreprise et lui promet le concours de toutes ses sympathies. = AIM L'ordre du jour appelle l’audition préalable des mémoires préparés par MM. Drapeyron et Castan pour les prochaines assises scientifiques de la Sorbonne. | M. Castan lit une notice sur la Statue de Charles-Quint à Besancon. L'Assemblée décide que ce travail lui paraît digne d’être proposé à Son Excellence le Ministre de l’Instruction publique pour être lu publiquement devant la section d'archéologie du Comité impérial des sociétés savantes. M. Drapeyron lit l'introduction et trois fragments d’une étude sur Æbroïin et saint Léger. Il est pareillement arrêté que ces extraits seront proposés pour être lus en Sorbonne devant la section d'histoire du Comité impérial. La Société se réserve, en outre, de publier dans ses Mémoires la totalité de ce travail, ainsi que la notice de M. Castan. M. le président et le secrétaire appuient la candidature, au titre de membre correspondant, de M. de Rattier de Susvalon (Ernest), littérateur, rue de la Paix, 10, à Bordeaux. Un scrutin secret ayant eu lieu sur les présentations faites dans la dernière séance, M. le président proclame : Membres correspondants, MM. Garnier (Georges), avocat, à Bayeux (Calvados) ; Perrier (Francis), manufacturier à Thervay (Jura). Le Président, Le Secrétaire, VIcTOR GIROD. A. CASTAN. Séance du 11 mai 1867. PRÉSIDENCE DE M. GRENIER. L'absence de MM. les président et vice-présidents étant constatée avant l'ouverture de la séance, le conseil d’admi- nistration, conformément à l’article 7 du règlement , appelle Re M: Grenier, l’un des membres fondateurs, à occuper le fauteuil. Sont présents : Bureau : MM. Grenier, chargé de présider la séance ; Jacques, trésorier; Faivre, vice-secrétaire; Varaigne, archi- viste: Castan, secrétaire ; Meugres RÉsIDANTS : MM. Arbey, Delacroix ( Alphonse), Lancrenon, Lhomme, Machard, Renaud (Louis), Saillard et Tournier (Paul). Le procès-verbal de la séance du 3 avril est lu et adopté. Le secrétaire fait un compte-rendu verbal de la part prise par la Société d'Emulation du Doubs aux réunions de la Sor- bonne du mois d'avril dernier. Il relate que sa notice sur la Statue de Charles-Quint a ouvert la série des lectures de l’ordre archéologique, puis que, dans la section d'histoire, l'étude sur Ebroïin et saint Léger de M. Drapeyron, après avoir recu de chaleureux applaudissements, a été, ce qui vaut mieux encore. l'objet des félicitations publiques et privées de M. Amédée Thierry, qui a expressément recommandé que son opinion sur l’œuvre du jeune et érudit professeur fût exprimée à ses an- ciens compatriotes de Besancon. Le rapport sur les travaux envoyés au concours d'archéologie, fait par M. le marquis de La Grange, a proclamé, dans les termes les plus flatteurs, tout le mérite de la démonstration, désormais acquise à la science, de l'identité du Puy-d’'Ussolud et de l'Uxellodunum des Commentaires: l'éminent orateur a constaté les droits de la Société d'Emulation du Doubs sur cette belle entreprise, le succès en étant entièrement dû tant à la démonstration insérée par M. Bial, dès 1858, dans nos Mémoires, qu'aux nombreuses campagnes de polémique et de fouilles poursuivies, avec une habileté et un dévouement au-dessus de tous les éloges, par notre confrère M. Cessac. Le secrétaire termine en demandant à la Société un témoi- gnage exceptionnel de gratitude pour M. Amédée Thierry, non-seulement en raison du charmant accueil qu'il a fait aux — XVI — délégués de Besançon, mais, avant tout, afin de consigner, une fois de plus, dans les fastes de la cité le souvenir des ap- plaudissements qu'elle a eu l’insigne honneur de décerner la première aux savantes pages par lesquelles l'illustre historien préludait à la reconstitution de notre Genèse nationale. M. Grenier rappelle à ce propos les termes si bienverllants dans lesquels M. Emile Blanchard avait motivé, l’an dernier, la récompense obtenue par la Compagnie au concours scien- tifique de la Sorbonne; il revient en outre sur l'intérêt que ce savant porte à nos collections d'histoire naturelle, qui bientôt lui devront une série de poissons de ce département, classés et étiquetés de sa main; il conclut en exprimant le désir que la Société aille au-devant des gracieuses intentions de M. Blan- chard envers elle, en lui offrant une place dans la catégorie supérieure de ses membres. Les deux propositions qui précèdent ayant été agréées par acclamation et à l’unanimité, M. le président proclame élus : Membres honoraires, M. Amédée Trierry, sénateur, membre de l'Institut, pré- sident de la section d’histoire du Comité impérial des sociétés savantes : Et M. Emile BrancHarp, membre de l'Institut, professeur au muséum d'histoire naturelle, secrétaire de la section des sciences du Comité impérial des sociétés savantes. M. Grenier présente l'analyse de deux mémoires de bota- uique envoyés par M. François Leclerc, membre correspon- dant. Il expose que la conclusion du premier de ces travaux est une vérité aujourd'hui généralement admise par les natu- ralistes, et que celle du second n’a d'autre objet que de sub- stituer un terme nouveau à une appellation qui étymologi- quement peut être contestable, mais sur le sens pratique de laquelle tout le monde est parfaitement d'accord. Conformément aux propositions de l'honorable rapporteur, — XVII — l’Assemblée vote des remerciments à M. Leclerc pour sa double communication. La Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux ayant demandé à entrer en relations d'échanges avec nous, l'Académie des sciences, belles-lettres et arts de Marseille nous ayant adressé son volume récemment publié, et la So- clété d'encouragement pour l'industrie nationale nous ayant fait parvenir le programme des prix et médailles qu'elle met au Concours, il est décidé que ces trois associations seront inscrites sur la liste des compagnies correspondantes. Il est délibéré en outre que l'attention de la Société d'en- couragement sera appelée sur l'invention de l'étamage à fil courant des fils de fer, qui est due à notre confrère M. le doc- teur Delacroix et qui paraît à l’Assemblée de nature à figurer dans les concours industriels dont le programme est sous nos yeux. MM. Grenier et Jacques proposent de recevoir, au titre de membre correspondant, M. Deis (Jules), architecte, rue du Pont-Louis-Philippe, 4, à Paris. Puis, à la suite d'un vote favorable de la Société, M. le pré- sident proclame : | Membre correspondant, M. DE RATTIER DE SusvaLoN (Ernest), littérateur à Bor- deaux. Le Président délégué, Le Secrétaire, CH. GRENIER. A. CASTAN. Séance du 8 juin 1867. PRÉSIDENCE DE M. VicTror G1RroD. | ; Sont présents !: Bureau : MM. Girod (Victor), président; Jacques, trésorier: Bavoux, secrétaire honoraire; Faivre, vice-secrétaire; Castan, secrétaire : ; = QUI MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Alexandre, Arbey, Canel, Dela- croix (Alphonse), Delavelle (professeur), Dunod de Charnage, Girolet, Grenier, Lebreton, Lhomme, Marchal, Paillot et Pétey. Le procès-verbal de la séance du 11 mai est lu et adopté. La Société se réunissant pour la première fois au palais Granvelle, M. le président croit devoir marquer cette cir- constance par une chaleureuse allocution. 11 remercie d’abord l'administration municipale d’avoir placé l'œuvre de la Com- pagnie sous le patronage des grands souvenirs de cette de- meure princière des Granvelle, qui fut, au xvi* siècle, un sanctuaire des sciences, des lettres et des arts. A ces trois mo- biles de l’émulation des sociétés savantes, le xIx° siècle a ajouté l’industrie, et notre Association, qui veut être de son temps, lui a fait une large place dans ses préoccupations. M. le président engage la Société à se maintenir dans cet esprit qui lui permet d'intéresser à son développement toutes les forces vives de la contrée; 1l la félicite d’avoir rompu avec les idées d’exclusivisme qui semblaient faire autrefois la puissance des corporations, et d'ouvrir au contraire ses portes à tous les hommes d'honneur et de bonne volonté, car, dans une action collective, tous les genres de concours sont à dé- sirer. Les dernières paroles de M. le président ayant été couvertes par les applaudissements de l’Assemblée, le secrétaire commu- nique la réponse que lui à faite M. Amédée Thierry en retour de l'envoi du diplôme de membre honoraire; puis la Compa- gnie décide l'insertion au procès-verbal de cette dépêche, qui est ainsi CONÇue : « Paris, le 28 mai 1867. » Monsieur le secrétaire, je ne pouvais avoir une surprise plus honorable et plus douce que celle que m'a causée votre lettre du 15 de ce mois, et le diplôme de membre honoraire de la Société d'Emulation du Doubs qui s’y trouvait joint. » Vous voyez, Monsieur, que j'ai raison d'aimer la Franche-Comté qui veut bien se rappeler, au bout de qua- At IT rante ans, les humbles débuts de ma carrière, et n'a point cessé de me donner, dans les lettres comme dans la politique, les marques d’une affection maternelle. Veuillez être, près de la Société d'Emulation du Doubs, l'interprète de ces sen- timents. » J'accepte avec une profonde reconnaissance le titre de membre honoraire que daigne me décerner votre savante Compagnie, dont j'ai de fréquentes occasions de connaître et d'apprécier les excellents travaux. Il me reste un regret pour- tant, celui de ne pouvoir y coopérer de si loin. J'espère néan- moins que, ma bonne étoile me ramenant quelque jour à Besançon, je pourrai occuper un instant la place à laquelle vous m'avez appelé, et renouveler verbalement à la Société d'Emulation du Doubs l'hommage de ma gratitude et de mon respect. » Agréez, je vous prie, Monsieur le secrétaire, l'assurance de ma haute considération et de mes sentiments les plus affectueux. - » AMÉDÉE THIERRY. + » P.,S. Je vous prie encore, Monsieur, d'offrir en mon nom à la Société l'ouvrage que j'ai publié tout récemment sous le titre de Saint-Jérôme. » Procédant à l’'énumération des dons reçus depuis la der- nière séance, le secrétaire signale, en dehors du savant ou- vrage offert par M. Amédée Thierry pour son cadeau de bien- venue, le Regeste genevois, splendide volume in-4° orné de planches, envoyé par la Société d'histoire et d'archéologie de Genève. Cette analyse méthodique et consciencieuse de tous les documents imprimés relatifs à la ville et au diocèse de Ge- uève, antérieurement à l’année 1312, est une source de pré- cieuses analogies pour notre histoire locale, en même temps qu'un modèle à suivre au point de vue d’un dépouillement semblable à exécuter dans l'intérêt des annales de la Franche- Comté. IL y a donc tout à la fois à féliciter la Société gene- — XX — voise de son utile entreprise et à la remercier de nous en avoir communiqué l'excellent résultat. Cette proposition est mise aux voix et adoptée. Le secrétaire fait remarquer en outre que la livraison de. février-mars de la Revue des sociétés savantes, organe officiel du Comité impérial des travaux historiques, contient un compte-rendu très bienveillant de M. Alfred Darcel sur notre recueil de l’année 1865. Le savant rapporteur veut bien y ap- peler notre Compagnie « l’une des sociétés les plus actives et le plus fructueusement actives de la province. » La Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes, à Nice, nous ayant fait parvenir le premier volume de ses travaux, il est décidé que cette compagnie recevra dorénavant un exemplaire de nos publications. M. Girod donne lecture d'une Notice sur la fabrication de l'horlogerie à Besançon et dans le département du Doubs, travail rédigé par l'honorable président pour être présenté au jury de l'Exposition universelle, à l'appui de l'envoi collectif de notre eroupe horloger. Il résulte de ce lucide document que sur un total de 310,849 montres contrôlées l’année dernière par les bureaux de garantie de l'Empire , la fabrication de Besançon figure à elle seule pour un chiffre de 305,435, ce qui démontre surabondamment que notre ville est le seul centre de l'éta- blissement des montres en France. « Nous ajouterons, dit en terminant la Notice, que ces montres sont de plus en plus estimées sur le marché français, qu'elles alimentent presque en totalité, et qu'elles commencent à jouir d'une grande répu- tation à l'étranger. C'est ce fait commercial, ignoré d'une srande partie du public à l'étranger, que l'exposition collective du Doubs a pour but de mettre en évidence. » La Société, se souvenant et se félicitant de nouveau d’avoir contribué à ce brillant résultat en organisant l'exposition bisontine de 1860, remercie vivement M. le président de sa bonne communication. M. Marchal entretient l'assemblée d’une application à don- — XXI — ner au silicate de soude que prépare M. Kulmann : elle con- siste à utiliser ce produit pour la peinture des cheminées de chaudières à vapeur. Trois parties égales de silicate de soude à la consistance de sirop, d'oxyde jaune de fer et d'eau, for- ment un encaustique inaltérable : il est bon d'en revêtir à trois reprises l’intérieur et l'extérieur du tube à préserver, en laissant sécher complètement chaque couche avant de donner la suivante. Le même membre, ayant remarqué que les cendres de monteurs de boîtes de montres renferment de notables quan- tités de sulfure alcalin, propose un moyen de combattre l'obstacle qu'apporte cet agent à l'absorption des métaux pré- cieux par le mercure : il verse dans les cendres une forte dose d'acide sulfurique et d'acide hydrochlorique, ce qui produit une décomposition des sulfures et des bases alcalines, ainsi qu'un décapage des parcelles métalliques; 1l conseille égale- ment de faire intervenir la chaleur, car le mercure agit beau- coup plus énergiquement quand il est tiède qu'à l'état froid. Dans la distillation de l’'amalgame, il arrive souvent que le mercure se tourne en poussière onctueuse : ce phénomène provient de ce que le mercure a retenu des parcelles oxydées de métaux volatils, tels que le zinc ou le plomb, ce qui a em- pêché ses molécules de se rejoindre. Pour éviter cet inconvé- nient, il suffit de recouvrir l’amalgame d’une couche de poussière de charbon : on chauffe modérément tant que la distillation se soutient, et l'on termine par un bon coup de feu. Si l'on a cependant du mercure divisé à l’état de pous- sière, 1l ne faut pas le jeter, car, en le traitant par un bain d'acides sulfurique et hydrochlorique dilué et tiède, on le ramène aisément à l’état fluide. La Compagnie remercie M. Marchal de ses intéressantes observations, et en retient une analyse pour le procès-verbal de la séance. Sont présentés comme candidats au titre de membre rési- dant : — XXI — Par MM. Girod et Castan, M. Bossy (Xavier) ; fabricant d'horlogerie ; Par MM. Delacroix (Alphonse) et Castan, M. Gassmann ‘Emile), rédacteur du Courrier franc-comtois. La Société élit enfin : Membre correspondant, M. Deis (Jules), architecte à Paris. Le Président, Le Secrétaire, VicTror GIROD. A. CASTAN. Séance du 6 juillet 1867. PRÉSIDENCE DE M. VicTror Gi1RroD. Sont présents : Bureau : MM. Girod (Victor), président; Jacques, trésorier: Faivre, vice-secrétaire; Varaigne, archiviste; Castan, secré- taire ; | MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Arbey, Bial, Delacroix (Alphonse), Ducat, Girolet, Grenier, Hory, Lancrenon, Lhomme, Renaud (François), Renaud (Louis), Rollot, Saillard et Tournier (Paul). Le procès-verbal de la séance du 8 juin est lu et adopté. Une lettre de M. le président de la Société d'agriculture nous remercie de l'envoi fait à cette compagnie du volume récemment paru de nos Mémoires. « Les publications de la Société d'Emulation, dit l'honorable président, se recom- mandent hautement à l'attention des hommes d'étude; elles renferment toujours une foule de documents d’un grand inté- rêt, et, sous ce rapport, le 2° volume de votre 4° série l'emporte peut-être sur ceux qui l’ont précédé. » M. le président annonce que, dans sa séance du 28 juin dernier, le Comité départemental de l'Exposition universelle a décidé qu'il serait proposé à la Société d'Emulation du Doubs Er MALE —+ d'accepter, pour ses Mémoires, une étude du concours du Champ-de-Mars rédigé, au point de vue de la région franc- comtoise, par MM. Victor Fontaine, Résal, Cuvinot, Sire et Castan. Le secrétaire développe ensuite les motifs qui justifient cette démarche. Il démontre que le Comité n’a plus les ressources suffisantes pour éditer l'œuvre collective dont il s'agit, ses fonds ayant été employés dans une large mesure à procurer la visite de l'Exposition aux ouvriers méritants du pays; il fait ressortir aussi la valeur qu'aura cette solennelle constatation de la part qui revient à la Franche-Comté dans la puissance industrielle et artistique de la France. Il résulte de ces deux considérations que s'il importe à l'honneur du pays que le travail du Comité départemental puisse voir le jour, il ya également pour la Société d'Emulation un bénéfice moral sérieux à recueillir de la publication qui lui est proposée : la Compagnie a déjà fait d’ailleurs une heureuse expérience de ce genre d'entreprise, en ouvrant ses Mémoires à la collection des documents relatifs au concours agricole de 1865. M. Grenier insiste à son tour sur l'intérêt qu'a la Société d'Emulation à ne pas limiter son activité, et à intervenir au contraire dans toutes les questions d'utilité publique. La Compagnie, adoptant les raisons qui précèdent, délibère à l'unanimité que l'étude du Comité départemental entrera dans ses Mémoires. M. Delacroix donne connaissance d'un travail envoyé par M. Charles Toubin, membre correspondant, intitulé : Re- cherches sur la langue Bellau, argot des peigneurs de chanvre du haut Jura. L'Assemblée juge qu'il est intéressant de mettre au jour ce tableau d’un argot local qui n'avait pas encore été étudié; elle vote, en conséquence, l'impression du travail de M. Toubin. M. Bial lit ensuite une. note intitulée : Formes et dimensions des camps romains au temps de César, écrite à propos d’une découverte récente qui justifie les calculs du savant officier ht ERIV —— sur l'espace nécessaire à l'installation et au séjour des diverses subdivisions du corps légionnaire. La Société, considérant cette note comme un corollaire de l'important ouvrage du même auteur qu’elle a publié en 1862, décide que la communication de M. Bial fera partie de ses Mémoires. : Sous ce titre : Un cachet inédit d’oculiste romain, M. Castan présente la description d’une pierre sigillaire possédée par la ville de Besançon, mais provenant de la trouvaille d’un groupe de ces monuments qui fut faite à Naïis-en-Barroiïs, en 1808. M. Castan fait remarquer que le principal intérêt de ce cachet réside dans les caractères cursifs qui couvrent ses deux plats; il estime dès lors que, dans le cas où la Société imprimerait son opuscule, une planche serait indispensable pour mettre ces graffiti à la disposition des philologues capables d'en essayer le déchiffrement. La Compagnie, accueillant cette manière de voir, vote l’im- pression du travail de M. Castan, et l’autorise à faire exécuter une planche pour accompagner son texte. M. le président Girod instruit l'assemblée de la part insuffi- sante qui a été faite à l'horlogerie du département du Doubs dans la distribution des récompenses de l'Exposition universelle. Il oppose à ce jugement erroné diverses appréciations de la presse spéciale qui témoignent des progrès immenses accomplis par notre belle et vaillante industrie, laquelle est bien reconnue par tous comme le seul centre important de la production des montres en France. | En retour de l'envoi d’un exemplaire complet de ses publi- cations qui nous a été fait par la Société des sciences phy- siques et naturelles de Bordeaux, il est décidé que cette com- pagnie recevra un exemplaire de la 3° série de nos Mémoires. La Société de climatologie algérienne nous ayant adressé un fascicule de ses travaux, il est arrêté que cette association sera portée sur la liste des compagnies correspondantes. Sur la proposition du secrétaire, l'assemblée autorise son À RARE, conseil d'administration à tenter de lui ouvrir des relations d'échanges avec la Société des antiquaires de France et avec la Société de l’histoire de France. MM. Girod et Jacques demandent le titre de membre rési- dant pour M. Bailly, pharmacien, à Besancon. MM. Delacroix (Alphonse), Hugon (Charles) et Castan pro- posent d'admettre comme membres correspondants : M. le baron Henri de Kavanagh-Ballyanne, à Graz (Styrie), Schüzen- hof, 608, et M. Hugon (Gustave), adjoint au maire et premier suppléant du juge de paix de Nozeroy (Jura). La Société élit ensuite : Membres résidants. MM. Bossy (Xavier), fabricant d’'horlogerie ; GrassManx (Emile), rédacteur du Courrier franc-comtois. Le Président, Le Secrétaire, VicToR GIROD. A. CASTAN. Séance du 10 août 1867. PRÉSIDENCE DE M. GRENIER. M. le président et MM. les vice-présidents étant absents au début de la séance, les membres du conseil d'administration, se conformant à l’article 7 du règlement, défèrent la prési- dence à M. Grenier, l’un des fondateurs de la Société. Sont présents : Bureau : MM. Grenier, chargé de la présidence ; Jacques, trésorier; Bavourx, secrétaire honoraire; Faivre, vice-secré- taire; Varaigne, archiviste ; Castan, secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Alexandre, Bertrand, Canel, Courlet de Vregille, Hory, Lancrenon, Marchal, Renaud (Fran- cois), Renaud (Louis), Rollot et Stehlin. Le procès-verbal de la séance du 6 juillet est lu et Men. — XXVI — L'ordre du jour appelle le rapport de la commission chargée de vérifier les comptes du trésorier. En l'absence de M. Bial, rapporteur, M. Bertrand, l’un des membres de la commission, s'exprime en ces termes : « La commission a examiné les comptes de M. le trésorier de la Société d'Emulation. Elle a constaté : 1° Que les écritures des livres sont régulièrement tenues: » 2° Qu'il y a exacte correspondance entre ces livres et les pièces de dépense. » Il résulte de cette vérification que la situation financière de la Société, au 31 décembre 1866, était la suivante : » En caisse au 31 décembre 1865 . . . . . . 2,532f.75 c. » Recettes pendant l’année 1866. . . . ... 5,249 » » Avoir de l’année 1866. se \ AO ON TS » À déduire le capital inaliénable des cotisa- » tions rachetées",. 12 0 CON ES » Restait disponible. 44 4 CONS » Dépenses de l’année 1866 . . . . . . . .. 5,172 10 » Excédant de dépenses au 21 décembre 1866. 60.35 c. » Ainsi les dépenses ont excédé les recettes de 60 fr. 35 €, et le budget voté de 1,132 fr. 10 c. Cela a tenu à deux dé- penses extraordinaires, que la Société ne regrette pas d’ailleurs, dépenses faites pour les impressions de volumes et pour le moulage des bas-reliefs de Porte-Noire. » Cette situation a néanmoins fait réfléchir la commission, non point sur les comptes du trésorier dont elle vous propose d'approuver la gestion, en lui votant les remerciments dûs à son zèle et à son dévouement, mais sur la conduite générale de nos finances... ) Le rapport se termine par l'exposé d’une méthode de comptabilité qui comporterait, pour l’ordonnancement de tout mandat, deux signatures : celle du membre du bureau dans — XXVI — les attributions duquel rentrerait la dépense, puis celle du président de la Société. L'Assemblée s'empresse de donner décharge à M. le tréso- rier de sa gestion pendant l'exercice 1866, en lui votant à l’unanimité les remerciments demandés par la commission ; mais, quant aux réformes proposées par le rapport, elle juge convenable d'en renvoyer l'examen à son conseil d'adminis- tration. Le secrétaire communique deux notes concernant les sciences physiques, adressées par M. Berthaud, membre cor- respondant, et accompagnées d'un avis de M. le vice-président Gouillaud déclarant que ces opuscules offrent une utilité réelle au point de vue de l’enseignement. La Société vote l'impression de ces deux notes qui sont in- titulées : Sur La démonstration du principe d’Archimède et Sur les nombres de vibrations des sons de la gamme. Il est ensuite donné lecture d’une lettre de M. Quiquerez, membre correspondant, présentant le résultat des sondages comparatifs opérés par lui sur les voies gauloise et romaine qui passaient par Pierre-Pertuis pour se rendre à Augusta- Rauracorum. Ce travail, qui vient compléter l'étude du même auteur publiée l'an dernier par nos soins, est accompagné de deux feuilles de vues, plans et coupes des troncons de che- mins explorés par l'habile ingénieur. La Société retient pour le prochain volume de ses Mémoires le texte et les planches de cette nouvelle communication de M. Quiquerez. M. Marchal obtient la parole pour l'exposé de deux perfec- tionnements industriels. Il s’agit d'abord d'un expédient, imaginé par MM. Bourdy et Marchal, pour éviter les mouvements brusques de dilatation ou de retrait qui occasionnent si souvent la brisure des creu- sets. Les meilleurs de ces ustensiles sont composés de silice, d'alumine et de magnésie : or l’alumine est attaquée lorsqu'on emploie un flux acide, tel que le salpêtre, et la silice ne résiste — XXVII — pas aux flux alcalins. Pour remédier tout à la fois à l'action délétère du contenu et aux contractions résultant d'un feu trop brusque, on donne une épaisseur considérable aux parois du creuset et on le chauffe modérément et graduellement, ce qui occasione une perte de temps énorme. Un moyen plus simple et plus rapide consisterait, suivant les ingénieux inventeurs, à immerger extérieurement le creuset, une minute avant de s’en servir, dans de l’eau, ou, mieux encore, dans de l’acide sulfurique dilué. Le creuset ainsi préparé peut être immédia- ment porté dans le foyer le plus ardent : tant qu'il existe dans ses parois une goutte d'eau, il arrive régulièrement à une température de cent degrés; cette température passe et se maintient à deux cents degrés tant qu’il reste de l'acide; dès lors le creuset est en état d'arriver au rouge sans accidents. Il est entendu que ce procédé ne s'applique ni aux creusets que l'eau désagrége, tels que ceux en graphite, ni à ceux qui n'absorbent pas le liquide, tels que ceux en biscuit. M. Marchal décrit ensuite, en son nom personnel, un mode particulier de fabrication d’une colle pour fixer les étiquettes des horlogers. La gomme arabique offre l'inconvénient de se transformer bien vite en acide mucique, et quant à la colle forte, comme on la prépare à l'acide nitrique pour qu'elle se maintienne en état de dissolution, elle détruit promptement les couleurs de l'encre et du papier. M. Marchal traite sa colle par l'hydrochlorate d'ammoniaque. L'acide hydrochlorique a la propriété de dissoudre la gélatine, mais étant combiné avec l’'ammoniaque, il n’est plus susceptible d’altérer l'encre mi les couleurs. Pour empêcher le bouchon d’adhérer au col du flacon, il suffit de l'avoir fait bouillir dans un bain de suif. L'Assemblée exprime le vœu que la double communication qui précède soit analysée dans le procès-verbal de la séance. Sont présentés pour faire partie de la Société : Comme membres résidants, Par MM. Jacques et Canel, M. Boiteux, inspecteur du ser- vice des enfants assistés ; — XXIX — Par MM. Girod et Castan, M. Picard (Arthur), banquier; Et comme membres correspondants, Par MM. Girod et Castan, M. le marquis de Marmier, membre du conseil général du Doubs; Par MM. Jacques et Castan, M. Pillod (Félix), notaire à Pontarlier (Doubs) ; Par MM. Delacroix ( Alphonse) et Castan, M. Roy (Jules). professeur à l'Ecole des Carmes, à Paris. Sont élus enfin. à la suite d’un vote au scrutin secret : Membre résidant, M. Baïrzzy, pharmacien, à Besançon ; Membres correspondants, MM. le baron Henri be KAvaxAGH-BALLYANE, à Graz (Styrie) ; Hucon (Gustave), adjoint au maire et premier sup- pléant du juge de paix de Nozeroy. Le Président délégué, Le Secrétaire, CH. GRENIER. A. CASTAN. Séance du 16 novembre 1867. PRÉSIDENCE DE M. VicTor GiIRroD. Sont présents : BUREAU : MM. Girod (Victor), président; Jacques, trésorier: Bavoux, secrétaire honoraire; Faivre, Mce-secrétaire ; Va raigne, archiviste; Castan, secrétaire ; MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Arbey, Canel, Chotard, Courtot, Delacroix (Alphonse), Delacroix (Emile), Dietrich, Drapeyron, d'Estocquois, Grenier, Hory, Renaud (Francois), Renaud (Louis et Tailleur; MEMBRE CORRESPONDANT : M. Petit. Le procès-verbal de la séance du 10 août est lu et adopté. sus YRX — Le secrétaire rappelle à la Compagnie que, depuis sa der- nière séance, M. le président Girod a été élevé aux fonctions d'adjoint au maire de la ville; il ajoute que l'administration supérieure ayant toujours grandement égard, dans les choix de ce genre, au vœu de la population, la Société a le droit de se flatter d'avoir contribué à cette promotion en plaçant à sa tête M. Girod; 1l prie enfin ses confrères de l’autoriser à con- signer au procès-verbal l'expression d’un sentiment de satis- faction qui a été partagé par la cité tout entière. Cette proposition ayant été accueillie par acclamation, M. le président remercie l'assemblée et l'assure que tous ses efforts tendront à justifier la distinction dont il a été l'objet. Le secrétaire donne ensuite lecture d'une dépêche de M. le Ministre de l'Instruction publique, notifiant que, par arrêté du 19 août, il a accordé à la Société une allocation de 400 fr. . L'Assemblée ratifie et réitère les remerciments adressés à ce sujet à Son Excellence par le conseil d'administration. Est également communiquée une dépêche de M. le préfet du Doubs informant la Société que, par décision du 12 octobre, Son Excellence le Ministre de l'Instruction publique l'autorise à rendre solennelle sa séance du mois de décembre. Par une circulaire du 3 octobre dernier, M. le président de l'Association scientifique de France annonce la création, par les soins de cette compagnie, d’une double collection d'instru- ments et de livres pouvant être prêtés aux travailleurs des provinces par l'intermédiaire des sociétés savantes. En échange de ces services, l'Association demande que les sociétés veuillent bien lui adresser, au profit de son Bulletin devenu hebdoma- daire, des résumés de chacune des communications scienti- fiques qu'elles recevraient. La Société décide qu'elle fera son possible pour seconder les intentions généreuses de l'Association scientifique, et qu'afin de lui donner un gage de cette disposition, elle complétera, par l'envoi du volume de 1865, l'exemplaire de la 4° série de nos Mémoires dont cette compagnie possède déjà le second tome. — XXXI — Sur la demande faite par M. le président de la Société Du- noise, ayant son siége à Châteaudun, il est délibéré que cette corporation recevra les deux volumes parus de la 4° série de nos Mémoires et sera portée sur la liste des compagnies corres- pondantes. | Le secrétaire fait part du désir qu'a l'un des membres cor- respondants, M. Alfred Gevrey, juge impérial à Mayotte, de procurer à la Société des échantillons de la flore et de la faune de cette colonie française. L'Assemblée se montre très sensible au bon souvenir de M. Gevrey; puis elle charge M. Grenier de s'entendre avec le secrétaire pour transmettre à l'honorable correspondant les instructions qu'il réclame dans l'intérêt de sa patriotique en- treprise. M. Delacroix (Alphonse) présente l'analyse d’un très court mémoire transmis à la Société par M. Francois Leclerc, membre “correspondant. Dans cet opuscule, intitulé : Encore quelques mots au sujet de Vercingétorix et de sa statue, l’auteur, qui est l’un des rares bourguignons acquis à la cause d’Alaise, résume les principales objections topographiques que soulève le mon Auxois au point de vue de sa prétendue identité avec l'Alesia des Commentaires : éloignement trop considérable des collines du pourtour, ce qui n’est pas d'accord avec le mediocri inter- jecto spatño du texte; plaine absolument plate et aussi longue que large, au lieu d’une planities intermissa collibus que in lon- gitudinem patebat; existence de trois cours d’eau, dont l’histo- rien latin aurait omis le principal, la Brenne; sol ne présentant que deux niveaux uniformes, contrairement au récit historique qui dépeint un terrain rempli d'accidents, ainsi qu'en témoi- gnent les expressions prærupta loca, demissi loci, campestres loci, superiores loci; circuit d’oppidum ne mesurant que 4,000 pas environ, tandis que celui d’Alaise fournit exactement les 11,000 pas des Commentaires ; vestiges de siége qui ne répon- dent, ni comme caractère d'époque ni comme importance, à ceux qui devraient résulter de l'investissement d’Alesia, — XXXI — M. Leclerc insiste également sur la différence essentielle qui sépare le nom antique du mont Auxois, Alisia, de celui qui fut porté par le célèbre oppidum. Puis il fait remarquer qu'au- tant les traditions d’Alaise parlent de combats et du culte druidique, autant les lieux-dits de l'Auxois sont insignifiants pour l'histoire; c'est ainsi que le nom de la plaine des Laumes, auquel on voulait faire signifier plaine des Larmes, n’est autre chose qu'un vocable communément employé dans le pays pour désigner une terre de vallée fertile en céréales. Quant à la rencontre de César et de Vercingétorix qui eut le siége d'Alesia pour conséquence, M. Leclerc constate que les histo- riens modernes les plus autorisés, acceptant les témoignages formels de Dion Cassius et de Plutarque, placent cet événe- ment en Séquanie. M. Amédée Thierry est de ce nombre : « Les Arvernes, dit-il {Histoire des Gaulois, édit. de 1828, t. III, p. 238), avaient déposé dans un de leurs temples l'épée que César avait perdue dans sa grande bataille en Séquanie contre Vercingétorix. » La conclusion de M. Leclerc est que la statue élevée sur le mont Auxois à la mémoire de Vercingétorix n’occupe pas sa véritable place : elle serait beaucoup mieux à Gergovie, le seul endroit où le généralissime des Gaules triom- pha de la stratégie romaine; mais si l’on tient à conserver à ce monument le caractère expiatoire qu'il affecte, c'est à Alaïise du Doubs, l’Alesia des Mandubiens, qu'on devra le trans- porter. La Société remercie M. Leclerc de sa savante et sincère protestation, dont elle décide qu'un résumé sera retenu pour le procès-verbal de la séance. Le secrétaire donne lecture des passages de la Revue des sociétés savantes ayant trait aux lectures faites en Sorbonne par les délégués de la Compagnie, puis au résultat du concours d'archéologie de 1866, en ce qui concerne les découvertes de nos confrères MM. Bial et Cessac à Uxellodunum. Il est arrêté que ces passages entreront dans le prochain volume des Mémoires. + AMRIIE = L'ordre du jour appelle la discussion du projet de budget . pour 1868, préparé par le conseil d'administration. M. le président fait remarquer tout d’abord que les charges de la Société ont été énormément accrues pendant les derniers exercices, par trois dépenses extraordinaires qui sont : 1° le moulage des bas-reliefs de Porte-Noiïre; 2° le surcroît d'im- pressions résultant à la fois du beau volume de 1866 et de la publication supplémentaire de la Flore du Jura; 3° l'appro- priation du nouveau local, dont les frais dépassent de 1,328 fr. le subside accordé par la ville pour cet objet. Or, en prélevant sur les ressources présumées de 1868 de quoi solder l’arriéré et pourvoir aux dépenses d'administration, il manquerait en- viron 2,000 francs pour acquitter les sommes dues à l'impri- meur et pourvoir à la confection du volume de 1867. Le conseil a pensé que cette situation ne devait pas être prolongée : il propose en conséquence d'emprunter, sur le fonds inaliénable des cotisations rachetées, une somme de 2,000 francs qui serait inscrite au chapitre des impressions dans le budget de 1868, et que la Compagnie reconstituerait au plus tôt par des rem- boursements annuels. La Société, considérant que l’article 20 de son règlement lui permet de déterminer elle-même le placement à assigner au capital provenant du rachat des cotisations, délibère à l’unani- mité : {° qu'une somme de 2,000 fr. sera empruntée sur ce éapital et portée au chapitre des impressions dans le budget de 1868; 2° que cette somme sera reformée, à partir de 1869, au moyen de six remboursements annuels et consécutifs, dont cinq de 300 fr. et le dernier de 500 fr. Ensuite de quoi le budget de 1868 est arrêté de la manière suivante : Recettes présumées. : ne mention de l'Etat: 2 EPS QI CUT 400 f. ml. du département. . . ....... 300 He Id. Ur et RON EE AE RNSALE Pi LE 600 .: A reporter . . . 1,300 f. en NAN . Report. =... :1 4,300 f. 4° Cotisations des membres résidants . ... . . . 1,800 De Id. des membres correspondants . . . 500 6° Emprunt fait au capital inaliénable des coti- sations rachetées, et remboursable, à partir de 1869, en Six termés ANDUEIS. ... . 0 0 CRE 2,000 1° Intérêts de la partie non empruntée de ce ca- DA ne D LC EEE DO CE RES 30 8° Droits de diplôme, recettes accidentelles. . . . 40 Totd' ose. 5070 1. Dépenses. 1° Impressions, gravures et lithographies. . 3,741 f. 9,6 c. 2° Frais de bureau, de chauffage et d’éclai- TASSE 0 LOU SEE MIO MIN NERRMERER ER 150 » 3° Indemnité aux personnes chargées de l'entretien de la salle et des courses de la So- ctété are LORS Sue TT ET ROMANE 200 » 4° Solde des dépenses d’appropriation de la sallerdes:séances 11.014. rar tiiag DOS 1,378 04 5° Solde de l'acquisition d'un herbier exo- tiquériiior nas 30 a lais Lerr te RE 200 » Total des dépenses égal à celui des recettes. 5,670f. » c. Au sujet de la séance publique et du banquet annuel, l’Assemblée délibère : que cette double solennité aura lieu le jeudi 19 décembre prochain, la séance dans la grande salle de l'hôtel de ville et le banquet dans les salons du palais Gran- velle; que la souscription au banquet demeure fixée à 10 fr. par convive; que les membres honoraires y seront invités et les sociétés correspondantes du voisinage priées d'y déléguer chacune deux personnes; que les membres correspondants seront avisés du tout par une circulaire. Des pouvoirs sont donnés en outre au conseil d'administra-. tion, tant pour l'organisation du banquet que pour le choix des lectures qui devront remplir la séance publique. — XXXV — Il esteenfin décidé qu'une séance administrative, consacrée principalement aux élections du bureau de 1868, aura lieu le mercredi 18 décembre, à quatre heures du soir. Parmi les dons arrivés à la Société depuis sa dernière réu- nion, M. le président fait remarquer un moulage en plâtre d'un autel gallo-romain de Luxeuil, dont l'inscription votive associe le nom d’Apollon à celui d'une divinité toute locale, la déesse Sirona. M. le président exprime les remerciments de la Compagnie à M. le docteur Delacroix, l’un de ses fonda- teurs, qui a exécuté et offert cette intéressante reproduction. Le secrétaire dépose à son tour, au nom de M. le capitaine d'artillerie Castan, membre correspondant, une hache en silex et un poincon en os provenant des tourbières du Bouchet, commune de Vert-le-Petit (Seine-et-Oise), gisement d'objets de l'industrie primitive qui n'avait point encore été signalé. Des remerciments seront transmis à M. Francis Castan. L'assemblée en vote également à M. le président Girod, qui a fait don de deux montres style Louis XV, ainsi qu'à M. Louis Renaud, membre résidant, qui a offert des frag- ments de momie. Sont présentés pour entrer dans la Société : Comme membre résidant, par MM. Canel et Castan, M. Tailleur (Louis), professeur de langue allemande; Comme membre correspondant, par MM. Girod et Castan, M. Devarenne (Ulysse), capitaine de frégate de la marine im- périale. Sont élus, à la suite d’un scrutin secret : Membres résidants, MM. Borreux, inspecteur du service des enfants assistés: Prcarp (Arthur), banquier ; Membres correspondants , M. le marquis DE Marmier, membre du Conseil général du Doubs; — XXXVI — MM. Prop (Félix), notaire, à Pontarlier; Roy (Jules), professeur à l'Ecole des Carmes, à Paris. Le Président, Le Secrétaire, Vicror G1RoD. A. CASTAN. Séance du 18 décembre 1867. PRÉSIDENCE DE M. BRETILLOT. Sont présents : Bureau : MM. Bretillot, premier vice-président ; Jacques, trésorier; Bavoux, secrétaire honoraire; Faivre, vice-secré- taire; Varaigne, archiviste; Castan, secrétaire. MEMBRES RÉSIDANTS : MM. Alexandre, Bertin, Bial, Canel, Courtot, Delacroix (Alphonse), Delacroix (Emile), Dodivers, Drapeyron, Ducat, Dunod de Charnage, Ethis (Edmond), Fau- compré, Fitsch (Christian), Fütsch (Léon), Gassmann, Gérard (Jules), Grenier, Lancrenon, Lebreton, Lhomme, Marchal, Mai- rot (Edouard), Micaud, Michel (Brice), Perrier, Renaud (Fran- cois), Renaud (Louis), Saint-Eve (Charles), Vivier (Edmond). Le procès-verbal de la séance du 16 novembre est lu et adopté. | Sont communiquées les réponses des membres honoraires et des sociétés correspondantes du voisinage, en retour des invitations qui leur avaient été faites d'assister à la séance pu- blique et de prendre part au banquet. | La Compagnie apprend ainsi, avec une vive satisfaction, que les principales auiorités de la ville siégeront parmi ses audi- teurs et compteront au nombre de ses convives : elle est éga- lement flattée de posséder dans les mêmes circonstances MM. les présidents de la Société d'histoire de Neuchâtel, de la Société d'Emulation de Montbéliard et de l'Association des bibliothèques communales de cet arrondissement; elle est = t'EXANE — d'avis de considérer comme présent M. le président de la So- ciété d'Emulation du Jura, empêché par une indisposition, mais représenté par une lettre des plus cordiales et le précieux envoi de l’un des trois exemplaires photographiés des bronzes de la fonderie celtique découverte à Larnaud. Le secrétaire expose que son frère, le capitaine d'artillerie Castan, a reconnu, dans le voisinage du Bouchet (Seine-et- Oise), sur un versant de la seule colline de cette région qui soit ombragée par des chênes, un ensemble de monuments druidiques des plus remarquables : un menhir d'au moins sept mètres de haut, trois dolmens dont les tables mesurent de 25 à 30 mètres cubes, et enfin une niche creusée dans un gros bloc de grès. Cette trouvaille étant une conséquence des no- tions acquises par son auteur dans sa collaboration aux re- cherches d’Alaise, le conseil d'administration a jugé que la Société d'Emulation du Doubs avait qualité pour s’en faire honneur. En conséquence MM. Henri Martin et Jules Qui- cherat ont été délégués pour repérer les monuments signalés par M. Francis Castan et en consigner une première descrip- tion dans nos Mémoires. Cette mission a été gracieusement acceptée, et M. Henri Martin a bien voulu se charger du rapport. La Société ratifie cette mesure prise d'urgence par son con- seil d'administration : elle vote des remercîments unanimes à MM. Francis Castan et Henri Martin; elle se félicite de pou- voir ouvrir ses publications à l'étude qui lui est promise par le plus populaire des historiens français. Le secrétaire rend compte d'un nouveau travail de M. Qui- querez, membre correspondant, sur l’ameublement des chd- eaux et maisons nobles au milieu du xvi° siécle. Cet opuscule, rempli de curieux détails, est retenu pour les Mémoires de la Société. I est donné lecture d’une note de M. Travelet, membre correspondant, sur quelques souvenirs des temps celtiques dans les cantons de Vitrey et de Champlitte (Haute-Saône). Cette ER — note, dont l’Assemblée décide l'insertion au procès-verbal, est ainsi CONÇUE : « La Pierre-qui-vire de Molay. — Elle fait partie d’une chaîne de collines qui commence à Bourguignon et s'étend jusqu'au delà de Suaucourt. Plus large au sommet qu’à la base, elle surplombe de sept mètres un aride vallon. » La Dame noire de Lavigney. — Elle habitait une carrière de pierres à bâtir, au bois de la Rieppe. Elle avait la spécialité de récompenser les enfants bien sages, comme aussi le don de prendre toutes les formes : un jour qu’elle affectait celle d'une grosse araignée, un méchant garcon l'écrasa sous son pied. » Les Dames blanches de Larret. — C'étaient des fées bien- faisantes qui, lorsqu'on les appelait par leur nom, venaient en aide aux malheureux. Quand on abattit le Chêne de la Vierge, près duquel elles se montraient, le dernier coup. de hache fut suivi de gémissements prolongés : c'était le cri d'adieu des Dames blanches. » Le Chêne de la Vierge à Cintrey. — Ce chêne séculaire , situé sur le bord de la route qui relie Cintrey à Vaite, est en vénération de temps immémorial. Son écorce s'est, dit-on, re- fermée sur bien des madones; mais à la suite de chaque ab- sorption, une nouvelle entaille est pratiquée dans l'arbre et une statuette neuve reprend la place de celle qui a disparu. » M. Tuetey, membre correspondant, a trouvé, dans les mi- nutes de la Cour des monnaies de Paris, le procès-verbal, en date du 8 mars 1579, de l'essai de deux pièces alors nouvelle- ment émises par la monnaie municipale de Besançon, ainsi que la lettre d'envoi de ce document à la juridiction compé- tente. Cette lettre relate avec étonnement la singularité, au- jourd'hui bien connue, de la présence du type de Charles- Quint sur des pièces frappées longtemps après la mort de cet empereur; mais elle rend hommage à la bonne fabrication des espèces bisontines : « Si les Savoysiens, dit-elle, et ceux du Genefve et Montferrat battoient leur monnoye aussy loyale PRELIE — que ceux du Besancon, nous n'aurions pas occasion de craindre si fort le cours de leur monnoye. » M. Tuetey sera remercié de son intéressante communication, et un extrait de celle-ci entrera dans le procès-verbal. Le secrétaire entretient l’Assemblée d’un ingénieux mémoire de M. de Rochas, membre correspondant, sur cette question : Ce que pourrait bien avoir été le cheval de Troie. La Société exprime le désir de comprendre ce nouveau tra- vail dans ses publications. Sur la proposition de M. Grenier, des remerciments sont votés à M. le conseiller Proudhon, à l’occasion de son offrande d'une belle série de coquillages provenant des mers de la Chine; il est fait de même à l'égard de M. Muess-Rebillet, qui a donné trois remarquables échantillons minéralogiques. Après un vote favorable sur les candidatures posées dans la précédente séance, M. le président proclame : Membre résidant, M. Tarzzeur (Louis), professeur de langue allemande ; Membre correspondant, M. DEvarenxe (Ulysse), capitaine de frégate de la marine impériale. L'ordre du jour appelle la Société à élire son conseil d'ad- ministration pour l’année 1868. Six scrutins, successivement ouverts à cet effet, donnent les résultats suivants : Pour le président, 33 votants : M. Faucompré, 28 voix; M. Vézian, 4 voix; M. Grenier, 1 voix. Pour le premier vice-président, 32 votants : M. Girod (Victor), 25 voix; M. Boullet, G voix; M. Vézian, 1 voix. - Pour le deuxième vice-président, 33 votants : M. Boullet, 25 voix; M. Girod (Victor), 8 voix. Pour le vice-secrétaire, 33 votants : M. Faivre, 31 voix; M. Jacques, 1 voix; M. Marchal, 1 voix. Pour le trésorier, 34 votants : M, Jacques, 31 voix ; M. Arbey, Î voix; M. Faivre, | voix; M. Varaigne, 1 voix. Pour l’archiviste, 34 votants : M. Varaigne, 32 voix ; M. Ducat, 1 voix; M. Faivre, 1 voix. Aucune réclamation ne s'étant produite contre ces résultats, M. le président déclare le conseil d'administration de 1868 ainsi COMPOSÉ : PIERRE A LENS RE INR MM. FaucompPrÉ; Premier vice-président . . . Girop (Victor) ; Deuxième vice-président. . . BouLLET ; Secrétaire décennal . . . . . CASTAN ; Vice-se0rélonne ". "2" PR: FAIVRE ; Drésoribr, UNE LE MIREAUNE JACQUES; ATORAUISIE AE NEO RER VARAIGNE. Sont présentés pour entrer dans la Société : Comme membres résidants, Par MM. Girod (Victor) et Picard (Arthur), M. de Bigot, chef-d’escadron d'état-major ; Par MM. Girod (Victor) et Alexandre, M. Brelin (Félix), sculpteur; Par MM. Girod (Victor) et Castan, M. Gros (Jules), avocat; AN SE = Par MM. Bretillot et Faucompré père, M. Faucompré (Ph1- lippe), professeur d'agriculture du département du Doubs ; Par MM. Girod (Victor) et Vivier (Edmond), M. Tissot, économe de l’asile départemental du Doubs ; Comme membre correspondant, Par MM. Lancrenon et Castan, M. Sandras, inspecteur d’A- cadémie à Poitiers. Le Vice-Président, Le Secrétaire, L. BRETILLOT. A. CASTAN. Séance publique du 19 décembre 1867. PRÉSIDENCE DE M. Vicror G1ROD. La séance s'ouvre extraordinairement : à deux heures un quart de l'après-midi, dans la grande salle de l'hôtel de ville de Besançon. Prennent place au bureau : M. Girod ( Victor), président annuel; MM. LE GÉNÉRAL COMMANDANT LA 7° DIVISION MILITAIRE, LE PRÉFET DU Douss, . LE PROCUREUR GÉNÉRAL PRÈS LA COUR IMPÉRIALE, LE MAIRE DE LA VILLE, LE RECTEUR DE L' ACADÉMIE, membres honoraires de la Société; M. Bretillot (Léon), premier vice-président annuel ; MM. Faucompré et Boullet, président et vice-président élus pour 1868; M. le colonel de Mandrot, président de la Société d'histoire du canton de Neuchâtel; M. Duvernoy, président de la Société d'Emulation de Montbéliard ; M. Bouthenot-Peugeot, président de l'Association des bibliothèques communales du même arrondissement; MM. Jacques, trésorier de la Société d'Emulation du Doubs; Bavoux, secrétaire honoraire; Va- raigne , archiviste; Faivre, vice-secrétaire; Bial et Gérard (Jules) membres résidants; Castan, secrétaire décennal. Prennent séance sur les siéges réservés aux membres rési- dants : ae MM. Adler, Bellair, Bourcheriette, Boysson d’'Ecole, Canel, Carlet, Chotard, Delacroix (Alphonse), Delacroix (Emile), Do- divers, Drapeyron, Dunod de Charnage, Ethis (Edmond), Gassmann, Grangé, Grenier, Lancrenon, Lhomme, Lieffroy, Machard, Mairot (Félix), Marchal, Noiret, Pétey, Percerot, Re- naud (François), Renaud ( Louis), Stehlin, Tailleur (Louis), Veil-Picard. Le reste de la salle est occupé par un nombreux public. Le secrétaire énumère les lectures qui vont remplir la séance. M. le président Girod esquisse l’histoire de l'horlogerie à Besancon, industrie à laquelle il reporte l'honneur que lui a fait la Société; puis il résume les travaux qui ont occupé la Compagnie pendant l’année 1867. Le secrétaire donne lecture d’une étude de M. de Rochas d'Aiglun, membre correspondant, sur l’organisation des armes spéciales chez les Romains. M. Jules Gérard fait l'histoire intime du philosophe Théo- dore Jouffroy, en empruntant quelques données nouvelles à la correspondance de l’illustre penseur avec le bibliothécaire Charles Weiss. M. Bial décrit les restes des Halles des rois de Tara, palais d’une dynastie de race celtique qui gouverna l'Irlande. M. le colonel de Mandrot démontre que les armoiries ne sont point l'apanage exclusif de la noblesse, tout homme libre, au moyen-âge, pouvant avoir un sceau et le décorer d’em- blèmes de son choix. M. Castan expose sa découverte de l'emplacement et des ruines du Capitole de Vesontio, au centre de la presqu'ile qui renfermait l’oppidum gallo-romain. La séance est levée à quatre heures. Le Président, Le. Secrétaire, VicTror GtïRoD. A. CASTAN. ee ARRUTI = . BANQUET DE 1867. Cette réunion s’est tenue le jeudi 19 décembre, à six heures du soir, dans le grand salon du palais Granvelle. Sur des groupes de drapeaux aux couleurs de la France, de la Suisse et de la ville de Besancon, ressortaient les armoiries de la Société d'Emulation du Doubs (l'aigle bisontine en regard du lion franc-comtois, avec une abeille en pointe), ainsi que les écussons de Neuchâtel, de Lons-le-Saunier et de Monthbé- liard. Cette décoration avait été dirigée par M. Varaigne, ar- chiviste de la Société. La table, qui comprenait soixante couverts, supportait un parterre d’élégants arbustes, disposés avec un goût exquis par M. Lépagney, membre de la Société : des lustres, des lampes et des candélabres, fournis par M. Mathey, projetaient une éblouissante lumière sur la riche vaisselle du restaurateur Co- lomat, le continuateur des habiles traditions de M. Klein. La fête était présidée par M. Victor Girod, président annuel, ayant à ses côtés M. le premier président Loiseau et M. d'Ar- noux, préfet du Doubs. En face, était M. Faucompré, président élu pour 1868, assis entre M. Blanc, procureur général, et M. Proudhon, maire de la ville. Les autres places d'honneur étaient occupées par MM. Ca- resme, recteur de l’Académie; de Mandrot, président de la Société d'histoire de Neuchâtel; Duvernoy et Bouthenot-Peu- geot, présidents de la Société d'Emulation de Monthéliard et de l'œuvre des bibliothèques communales de cet arrondisse- ment; Boysson d'Ecole, Delacroix (Alphonse), Grenier et Lancrenon (de l'Institut), anciens présidents de la Société d'Emulation du Doubs ; Reynaud-Ducreux et Delacroix (Emile), membres fondateurs de cette Compagnie ; Mairot, président du tribunal de commerce; le baron Daclin, membre du Conseil général ; Jacquard et Veil-Picard, membres du a NV Conseil municipal; Lamy, bâtonnier des avocats; les com- mandants Bial et de Bigot; Arthur Picard, président de la commission administrative du culte israélite; Vivier, directeur de l'asile départemental; Gérard, professeur de philosophie au lycée impérial; Faucompré fils, professeur d'agriculture du département, etc. Le moment du dessert arrivé, M. le Préfet du Doubs a le premier pris la parole. Il a rappelé en excellents termes les titres que comptaient l'Empereur et l'Impératrice à la recon- naissance publique; il a dit les justes espérances que fondait la nation sur le Prince impérial. Prononcé avec l'accent du cœur, ce toast a été chaleureusement accueilli. M. le président Girod s’est ensuite levé et s’est exprimé en ces termes : Messieurs, Après la parole autorisée et sympathique de M. le Préfet qui vient de porter un toast à notre auguste Souverain, j'ai l'honneur de proposer, Messieurs, pour me conformer à nos usages, la santé de tous les membres de notre chère Société. Puissent vos travaux se multiplier, vos recherches fournir à la science de nouvelles notions incontestées et incontestables, et vos idées trouver dans le pays de nombreux adeptes! Que l’année prochaine, ce banquet, auquel préside une si franche gaîté, nous réunisse de nouveau tous pour boire comme en ce Jour : À la prospérité de la Société d'Emulation du Doubs! Puis M. Castan, secrétaire de la Société, a porté le toast suivant : Messieurs, Les emblèmes qui décorent cette salle sont assez expressifs pour ne laisser aucun doute sur le sens de la présente réunion. En organisant ces agapes confraternelles, votre but a été de resserrer de plus en plus le faisceau de vos efforts pour l’avan- rt XENRS cement intellectuel, moral et matériel de cette province de Sé- quanie que César, après l’avoir conquise, appelait le meilleur terroir de la Gaule. Mais si l'association des individus est une force, combien plus puissante encore est l’union de groupes animés du même souffle, ayant même devise et semblables tendances! Bannissant donc l’égoisme de votre programme, vous con- sidérez les sociétés savantes de la région jurassique, celles du moins qui ne dédaignent pas d'être de leur temps et de leur pays, non comme des rivales, mais comme des amies; et c'est toujours une joie pour vous de tendre une main cordiale aux représentants qu'elles délèguent à vos fêtes. Habituellement chargé d'exprimer en votre nom ce senti- ment, permettez-moi de porter un toast aux savants voisins qui nous font aujourd'hui l'honneur d’être nos convives : A M. le colonel de Mandrot, président de la Société d’his- toire du canton de Neuchâtel, à cet hôte d'élite qui réunit en sa personne les qualités de l’érudit, de l'artiste, du militaire et de l’homme du monde; qui, renouant avec des traditions vingt fois séculaires, aime à payer le tribut de ses rares talents à la cité que ses aïeux regardaient comme leur métropole! À MM. Duvernoy et Bouthenot-Peugeot, l'un président de la Société d'Emulation de Montbéliard, l’autre directeur de l’œuvre des bibliothèques communales du même arrondisse- ment, dévoués tous deux à la cause de l'émancipation des intelligences, travaillant avec une ardeur égale à conserver au département du Doubs la place éminente qu'il occupe sur la carte de l'instruction publique! A M. Rebour, retenu loin de nous par une indisposition, mais représenté par l'envoi d’un rarissime exemplaire de la photographie des bronzes celtiques de Larnaud; à ce conti- nuateur des Perrin et des Désiré Monnier, dont l'esprit d'ini- tiative a su faire revivre, pour le grand profit des études com- toises, la Société d’'Emulation du Jura ! A ces nobles ouvriers du progrès, à la prospérité des com- UAUVE. + pagnies dont ils sont les âmes, à la continuation des rapports intimes de la Société d'Emulation du Doubs avec ses sœurs de Neuchâtel, de Montbéliard et de Lons-le-Saunier ! Ce toast appelant des réponses, M. le colonel de Mandrot fit la suivante : Messieurs, Je vous remercie des paroles cordiales qui viennent d'être prononcées en votre nom : je vous en rends grâce pour moi et pour la Société d'histoire de Neuchâtel que j'ai l'honneur de représenter ici. Soyez assurés, Messieurs, que nous tenons beaucoup à entretenir avec nos voisins de l’autre côté du Jura des relations qui datent de loin et que votre hospitalité tend à rendre plus intimes : aussi, pour affirmer nos sentiments à votre égard, viens-je vous proposer un toast-à l'annexion... Entendons-nous bien , Messieurs, je ne parle pas d'annexion politique; celle-là serait peu goûtée en Suisse : il s’agit, au contraire, de l'annexion intellectuelle qui profite à tous, en respectant l'indépendance de châcun. Je bois à l'annexion intellectuelle ! M. Duvernoy, président de la Société d'Emulation de Mont- béliard, fit entendre à son tour ces paroles : Messieurs, C'est avec joie que je viens aujourd'hui représenter au milieu de vous la Société d'Emulation de Montbéliard. J'ai toujours considéré ces réunions toutes sympathiques qui nous rassemblent comme étant, non pas seulement pleines de charme et d’agréments, mais comme ayant une très réelle utilité, En effet, si elles ravivent l’activité des sociétaires, stimulent leur zèle et les rattachent plus directement à l'œuvre qui les occupe, elles créent en même temps entre les sociétés voisines des rapports de bonne et cordiale entente, parfois de véritables amitiés; et en permettant un plus libre échange des idées, en ==: XELVI rendant les communications plus nombreuses, elles facilitent le travail et hâtent le progrès. Pour ma part, Messieurs, j'ai été heureux de nouer, avec plusieurs des membres de la Société d'Emulation de Besancon, des relations qui me sont infiniment précieuses. Et pourquoi, lorsqu'on à concouru dans les champs com- muns du travail et de la science, ne deviendrait-on pas frères d'armes, comme après avoir combattu sur un même champ de bataille ? Je remercie infiniment M. le secrétaire des paroles gra- cieuses qu'il a bien voulu adresser à la Société d'Emulation de Montbéliard. I y a quelques mois, nous avions le plaisir de recevoir à Montbéliard les délégués de Besançon : aujourd'hui, c'est nous qui, à notre tour, venons nous inspirer de vos exemples, nous éclairer de vos lumières; et, croyez-bien, Messieurs, qu’en vous adressant les vœux et les félicitations de la Société d’'E- mulation de Montbéliard, c'est de tout cœur que je bois au maintien de nos bonnes et cordiales relations. M. Faucompré, président nouvellement élu, prononca l'allo- cution que l’on va lire : Messieurs, L'honneur que vous me faites en me nommant votre prési- dent pour l’année 1868, m'impose l'obligation d'accepter une charge qui me semble bien lourde. Mes nombreuses occupations, les missions agricoles que le Ministre veut bien me confier, ne me permettant pas une résidence continuelle dans la ville de Besancon, ma patrie adoptive, j'avais d'abord pensé à décliner l'honneur insigne que vous voulez bien me faire; mais mon ancien métier ne m'a pas habitué à reculer. J'irai donc en avant, et, avec l’aide des bons et valeureux collègues que vous m'avez donnés, j'espère encore élargir la brèche que vous avez déjà faite à la routine et à l'ignorance, — XLVI — pagnies dont ils sont les âmes, à la continuation des rapports intimes de la Société d'Emulation du Doubs avec ses sœurs de Neuchâtel, de Montbéliard et de Lons-le-Saunier ! Ce toast appelant des réponses, M. le colonel de Mandrot fit la suivante : Messieurs, Je vous remercie des paroles cordiales qui viennent d'être prononcées en votre nom : je vous en rends grâce pour moi et pour la Société d'histoire de Neuchâtel que j'ai l'honneur de représenter ici. Soyez assurés, Messieurs, que nous tenons beaucoup à entretenir avec nos voisins de l’autre côté du Jura des relations qui datent de loin et que votre hospitalité tend à rendre plus intimes : aussi, pour affirmer nos sentiments à votre égard, viens-je vous proposer un toast-à l'annexion... Entendons-nous bien , Messieurs, je ne parle pas d’annexion politique; celle-là serait peu goûtée en Suisse : il s’agit, au contraire, de l'annexion intellectuelle qui profite à tous, en respectant l'indépendance de châcun. Je bois à l'annexion intellectuelle ! M. Duvernoy, président de la Société d’Emulation de Mont- béliard, fit entendre à son tour ces paroles : Messieurs, C'est avec joie que je viens aujourd'hui représenter au milieu _de vous la Société d'Emulation de Montbéliard. J'ai toujours considéré ces réunions toutes sympathiques qui nous rassemblent comme étant, non pas seulement pleines de charme et d’agréments, mais Comme ayant une très réelle utilité. En effet, si elles ravivent l’activité des sociétaires, stimulent leur zèle et les rattachent plus directement à l'œuvre qui les occupe, elles créent en même temps entre les sociétés voisines des rapports de bonne et cordiale entente, parfois de véritables amitiés; et en permettant un plus libre échange des idées, en 1 XEVEE rendant les communications plus nombreuses, elles facilitent le travail et hâtent le progrès. Pour ma part, Messieurs, j'ai été heureux de nouer, avec plusieurs des membres de la Société d'Emulation de Besancon, des relations qui me sont infiniment précieuses. Et pourquoi, lorsqu'on a concouru dans les champs com- muns du travail et de la science, ne deviendrait-on pas frères d'armes, comme après avoir combattu sur un même champ de bataille ? | Je remercie infiniment M. le secrétaire des paroles gra- cieuses qu'il a bien voulu adresser à la Société d'Emulation de Monthéliard. I y a quelques mois, nous avions le plaisir de recevoir à Montbéliard les délégués de Besançon : aujourd'hui, c'est nous qui, à notre tour, venons nous inspirer de vos exemples, nous éclairer de vos lumières; et, croyez-bien, Messieurs, qu’en vous adressant les vœux et les félicitations de la Société d’'E- mulation de Montbéliard, c'est de tout cœur que je bois au maintien de nos bonnes et cordiales relations. M. Faucompré, président nouvellement élu, prononca l’allo- cution que l’on va lire : Messieurs, L'honneur que vous me faites en me nommant votre prési- dent pour l’année 1868, m'impose l'obligation d'accepter une charge qui me semble bien lourde. Mes nombreuses occupations, les missions agricoles que le Ministre veut bien me confier, ne me permettant pas une résidence continuelle dans la ville de Besançon, ma patrie adoptive, j'avais d'abord pensé à décliner l'honneur insigne que vous voulez bien me faire; mais mon ancien métier ne m'a pas habitué à reculer. J'irai donc en avant, et, avec l’aide des bons et valeureux collègues que vous m'avez donnés, j'espère encore élargir la brèche que vous avez déjà faite à la routine et à l'ignorance. MEN RE. En me plaçant cette année à votre tête, Messieurs, vous avez voulu sans doute honorer l’agriculture que presque seul je représente parmi vous; je vous en remercie du fond du cœur. Il est bon que des esprits éclairés comme les vôtres cherchent à remettre à sa véritable place une profession qui, honorée et respectée dès la plus haute antiquité, n’est maintenant plus pratiquée que par ces populations des campagnes auxquelles un célèbre orateur vient d'infliger l’épithète d’aveugles. S'il en est ainsi, ne faut-il pas, par tous les moyens possibles, ouvrir leurs yeux à la lumière ? Et c'est par l'instruction primaire et professionnelle qu'on y arrivera certainement. Le gouver- nement s'occupe très activement de la répandre, mais seul il ne peut pas tout faire; nous devons donc tous, Messieurs, nous piquer d'émulation pour vulgariser la science, non-seu- lement dans les villes, mais encore dans les campagnes. L'agronomie a fait de grands progrès depuis un certain nombre d'années, depuis surtout que les Elie de Beaumont, les Liebig, les Boussingault, les Paul Thénard et tant d’autres ont appliqué leurs connaissances à découvrir les lois qui ré- gissent la production du sol; mais ces lois ne sont encore connues que par quelques hommes d'élite : il est fort à désirer qu'elles soient répandues dans toutes les classes de cultivateurs. Je vous signale là, Messieurs, un des vœux le plus généra- lement exprimés dans l'enquête agricole; car, vous le savez, le métier d’agriculteur, qui exige les connaissances les plus étendues et les plus variées, est le seul qui habituellement n’est point enseigné : chaque cultivateur hérite de la pratique et souvent de l'ignorance de son père, comme il hérite de son champ. : Un prochain avenir, espérons-le, Messieurs, changera cet état de choses, et alors, et seulement alors, on pourra compter que la terre cultivée d’une manière plus intelligente et avec des moyens plus puissants, découverts tous les jours par la science, donnera des récoltes plus abondantes et surtout plus régulières. ALLIE Une agriculture honorée et florissante a toujours fait la force des Etats. Dans l'antiquité, Rome navait-elle pas atteint l'apogée de sa puissance à l'époque où ses généraux, après avoir triomphé, descendaient du Capitole pour retourner à la charrue ? De nos jours, ce ne sont pas les fusils à aiguille, croyez-le bien, Messieurs, qui ont donné à la Prusse les moyens de reconstituer l'empire d'Allemagne; ce sont les immenses pro- _ grès que son agriculture a faits dans une longue paix de cin- quante ans, qui lui ont formé de bonnes finances et de vigou- reux soldats. Mais, Messieurs, je me laisse entraîner à vous soumettre des idées qui, toutes justes que je les croie, ne sont peut-être pas toutes opportunes : aussi je m'arrête, et, me soumettant à vos excellentes traditions, je viens porter deux santés que vous accueillerez sans doute avec autant de plaisir que j'en éprouve à les proposer. La première, c'est celle de notre président, M. Victor Girod, de ce rude travailleur qui, tout en suivant la carrière de ses pères, a prouvé que la noblesse de cœur et l'intelligence existent tout aussi bien sous le sarrau de l’ouvrier que sous le frac du gentilhomme; de M. Victor Girod que vos suffrages de l’an dernier ont certainement désigné au choix que le gouver- nement a su faire de lui! A Monsieur l’adjoint Victor Girod, notre honorable prési- dent! La seconde santé que je vais porter, Messieurs, un devoir de reconnaissance collective m'engage à le faire en votre nom, et je suis certain d'avance de votre unanime assentiment : cette santé c’est celle de la ville de Besançon qui nous comble de ses bienfaits, c’est celle de son nouveau Maire qui la repré- sente si dignement à ce banquet fraternel. A la santé de M. Proudhon qui, après avoir longtemps labouré la mer pour protéger notre commerce et défendre l'honneur de notre pa- | villon, a déposé l'épée du combat pour prendre celle de l’admi- d VER nistrateur. Sous sa haute et habile direction, la ville suivra jusqu’au bout la voie de progrès où l'avait fait entrer son re- oretté prédécesseur. À Monsieur le maire Proudhon! A la ville de Besancon! De justes applaudissements couronnèrent le souhait de bien- venue du nouveau président de la Société. M. le président Girod se leva de nouveau et, au milieu du silence de l'Assemblée, s’exprima ainsi : Messieurs, Permettez-moi, en terminant, de porter la santé des membres honoraires de notre Société, qui viennent chaque année embellir cette fête annuelle de leur présence. Je porte spécialement la santé de M. le Préfet, dont l'administration paternelle et bienveillante est hautement appréciée de notre population, et celle de madame d’Arnoux, cette digne émule de notre Souveraine dans le champ de la charité. Je crois, Messieurs, me rendre l'interprète de votre pensée en expri- mant le désir qui, j'espère, se réalisera, de les voir de longues années au milieu de nous. , Ce toast de M. Girod recut le plus chaleureux accueil. Il valut au premier magistrat de notre département une véritable ovation. Visiblement ému, M. d’'Arnoux remercia l'assistance en peu de mots. Il lui dit qu'il n'oublierait jamais un témoi- gnage si spontané d'affectueux dévouement; il ajouta qu'il était fier d'avoir conservé jusqu'à ce jour l'estime de ses con- citoyens, et que la marque si précieuse qui venait de lui en être donnée était la meilleure récompense qu'il pût désirer. Quand on n’a que le bien public en vue, on peut du reste être sûr, a-t-il dit en finissant, de ne jamais démériter de l'opi- nion publique. Les conversations, qui n'avaient cessé d'être aussi animées -que cordiales, se prolongèrent jusqu'à dix heures du soir. 4 LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS A LA RÉUNION ANNUELLE DES SOCIÉTÉS SAVANTES ET A LA DISTRIBUTION DES RÉCOMPENSES EN 1887. (Extraits de la Revue des sociétés savantes, n° de juillet 1867.) RÉUNION DES DÉLÉGUÉS. Le mercredi 23 avril, à midi, a eu lieu, dans la grande salle de la Sorbonne, la réunion des délégués des sociétés savantes des départements. La séance était présidée par M. Le Verrier, sénateur, président de la section des sciences, assisté de MM. Amédée Thierry, sénateur, président de la section d’his- toire et de philologie; le marquis de La Grange, sénateur, président de la section d'archéologie; Léon Renier et Milne Edwards, vice-présidents ; Hippeau, Chabouillet et Blanchard, secrétaires. Parmi les membres du Comité et les représentants des socié- tés savantes présents à la séance, on remarquait MM. Mourier, vice-recteur de l’Académie de Paris; Théry, recteur de l’Aca- démie de Caen ; Payen, l'abbé Cochet, Julien Travers, Peigné- Delacourt, Jourdain, Boutaric, Cocheris, Marty-Laveaux, Caillemer, Valentin-Smith, Bellaguet, Servaux, de La Ville- aille, Barry, Charma, P. Gervais, Le Jolis, Eichhoff, Godard- Faultrier, Nicklès, Isidore Pierre, Buignet, J. Desnoyers, L. Figuier, de Quatrefages, Raulin, Combes, Maggiolo, Belin de Launay, Marion, Castan, Rosenzweig, l'abbé Dehaisnes, l SRE Servois, Bertsch, Douët-d’Arcq, Gustave Bertrand, comte Clément de Ris, A. de Montaiglon, P. Meyer, Rathery, d'Ar- bois de Jubainville. | réunions des délégués, à la distribution des prix et à la compo- sition des bureaux, M. Le Verrier à pris la parole et a signalé, au moyen de quelques exemples empruntés à l’histoire an- cienne, les secours mutuels que se sont toujours donnés et peuvent se donner encore les différentes branches des connais- sances humaines. Les trois sections se sont ensuite rendues dans leurs salles respectives, pour entendre la lecture des mémoires présentés par MM. les délégués. Compte-rendu des lectures faites à la section d'archéologie, par M. CHABOUILLET, secrétaire de la section. SÉANCE DU 23 AVRIL 1861. M. Castan, membre de la Société d'Emulation du Doubs, a donné lecture d’un travail intitulé : La Statue de Charles-Quint à Besançon. Il s'agit, dans ce mémoire, d’un monument élevé à ce prince après sa mort, et non pas alors qu'on pouvait le craindre ou attendre de lui des faveurs. Ecrit avec un patrio- tisme bisontin que M. Castan sait allier avec l'amour de la France moderne, cette notice est un tableau en raccourci, mais coloré et parfaitement exact, des phases politiques traversées par l'antique Vesontio. La statue de Charles-Quint n'existe malheureusement plus, et malgré les recherches les plus actives, M. Castan n’a pu en retrouver d'autre souvenir figuré qu'une pauvre vignette. « On n'en connaissait pas le moindre croquis, dit M. Castan, lorsque le hasard nous le révéla tout entier dans la marque typographique d’un libraire qui, en 1591, tenait boutique vis-à-vis l'hôtel de ville de Besançon. » Les D Ce sont là de ces hasards qui n'arrivent qu'à ceux qui savent chercher, et il faut féliciter M. Castan de sa découverte. C’'en est une, en effet, et des plus intéressantes, que la résurrection d’un monument regretté par une cité. Si modeste que soit la représentation de la fontaine votée par la ville en 1566, et dont le sujet devait être « une figure en bronze d'un César assise sur une aigle impériale, tirée du portrait de feu de très heu- reuse mémoire l’empereur Charles cinquième, » M. Castan a dû être bien heureux lorsqu'il la retrouva. Nous ne manque- rons pas de reproduire ce précieux vestige de l’art bisontin du xvi° siècle, que M. Castan a si bien décrit et commenté. Compte-rendu des lectures faites à la section d'histoire et de philologie, par M. HipPpEAU, secrétaire de la section. SÉANCE DU 25 AVRIL 18671. M. Drapeyron, professeur d'histoire au lycée impérial de de Besancon, membre de la Société d'Emulation du Doubs, expose d'abord les causes qui ont donné naissance à la mémo- rable rivalité de la société gallo-romaine et de l'aristocratie germanique. Les Mérovingiens amollis s'étant fixés en Neus- trie, l'Austrasie demande un prince du sang de Clovis qui règne et un maire du palais qui commande et combatte. En vain Dagobert et son ministre saint Eloi réagissent contre la féodalité ecclésiastique, déjà maîtresse du bassin de la Saône, en fondant à l’abbaye de Solignac un Luxeuil plébéien. Leurs réformes déterminent une scission radicale entre les deux royaumes, et la célèbre lutte d'Ebroïn et de saint Léger. L'un triomphe, dit en terminant le jeune et habile professeur, mais son œuvre, le despotisme neustrien, disparait avec lui; l’autre succombe, mais par son prestige affermit la féodalité ecclésias- ET tique. La bataille de Testry ouvre une ère nouvelle. L’Austra- sie va créer l'Allemagne, la Neustrie préparera la France. DISTRIBUTION DES RÉCOMPENSES. Le samedi 27 avril a eu lieu à la Sorbonne la distribution des récompenses aux membres des sociétés savantes des dé- partements, à la suite du concours de 1866. S. Exc. M. Duruy, ayant déclaré la séance ouverte, a donné la parole à M. Blanchard, secrétaire de la section des sciences, qui a fait le rapport sur les travaux scientifiques. M. Amédée Thierry, sénateur, président de la section d’his- toire, a ensuite présenté le compte-rendu des études histo- riques. d Après ce rapport, M. le marquis de La Grange, sénateur, président de la section d'archéologie, a lu son rapport sur les travaux et les découvertes archéologiques. Discours de M. LE MARQUIS DE LA GRANGE, sénateur, membre de l’Institut, président de la section d'archéologie. Le véritable emplacement d'Uxellodunum, par M. Jean- Baptiste Cessac, sous les auspices de la SOocIÉTÉ D'EMULATION pu Douss. La question de l'emplacement d'Urellodunum est traitée par d'Anville dans sa Notice des Gaules; réfutant péremptoire- ment les attributions de Cahors et de Capdenac, il repousse l'hypothèse de Luzech comme inadmissible, attendu que cette dernière ville, dominée par des coteaux, ne peut représenter l'oppidum cadurque d'Hirtius, escarpé de tous côtés; 1l se pro- nonce jusqu à preuve contraire pour le Puech d’Issolu (Podium Uxelli}, montagne abrupte au pied de laquelle coule une petite rivière nommée la Tourmente, qui va rejoindre la Dordogne : = 5 = à enfin il inscrit sur sa carte le nom d'Uxellodunum sur l'em- placement même du Puy-d'Issolu. On aurait pu croire qu'après cela les recherches se dirigeraient sur le point indiqué par le célèbre géographe, mais les dissentiments et la lutte des loca- lités voisines se prolongèrent jusqu à nos jours; les savants mêmes les partageaient; il n'y a pas longtemps que M. Val- kenaër qualifiait Uxellodunum de situation inconnue, et tout récemment encore Luzech et Ussel avaient leurs partisans. M. Paul Bial, capitaine d'artillerie, qui avait fait son ap- prentissage aux fouilles d'Alaise, visita le Puy-d'Issolu en 1858, et dans un mémoire publié par la Société d'Emula- tion du Doubs, frappé de la ressemblance des travaux du Puy- d'Issolu et de ceux d’Alaise, il affirma l'attribution d'Uxello- dunum au Puy-d'Issolu. Il fit plus encore : s’appuyant sur les traditions et sur les opinions du passé, confrontant avec les lieux mêmes le texte d'Hirtius, il déclara que la fontaine de Loulié était la source détournée par César, et dans les mouvements des terrains 1l reconnut les travaux du siége. A M. le capitaine Bial revient donc l'honneur de la con- ception et de la mise en lumière de sa découverte; A M. J.-B. Cessac l'honneur de la réalisation ; Au premier l’idée génératrice, au second le bras intelligent qui exécute. Il ne faut pas croire cependant que le but, quoique indi- qué et bien connu, fût si facile à atteindre; il restait encore des dificultés à surmonter. Si l'opinion du capitaine Bial rencontrait des adhérents , elle soulevait de vives objections de la part des prétentions locales ou des amours-propres engagés. La Com- mission de la carte des Gaules, traduisant peut-être un peu librement un passage d'Hirtius, en conclut qu'il fallait cher- cher dans une presqu'île l'emplacement d'Uxellodunum, et se prononça pour Luzech (). () Revue des sociétés savantes, t. III, 2e série, 1860, p. 187-192, 199-207 En es La Commission de la carte des Gaules est une autorité res- pectable et puissante; une conviction profonde pouvait seule lutter avec elle. Une polémique s'engagea. M. J.-B. Cessac ne s’y épargna point. Il soutint dans plusieurs mémoires la cause du Puy-d'Issolu; mais ce dont on doit lui tenir compte, c’est qu'il comprit bientôt que le moyen le plus efficace de con- vaincre ses adversaires était de chercher sa démonstration dans le sol même, et de lui arracher, la pioche à la main, le secret qu'il recélait. Des souscriptions s’ouvrirent, un vote du Conseil général du Lot les compléta, et M. Cessac se mit à l'œuvre résolument. Le récit de cette campagne, car c'en était une véritable, est aussi accidenté qu'émouvant. Les fouilles, habilement dirigées, mirent à découvert le bassin de la source, la galerie souterraine qui servit de canal de dérivation pour détourner les eaux, les vestiges de la terrasse ou de l’agger des Romains, les débris d'armes et d'instruments, les entailles creusées dans le tuf pour les bois qui soutenaient les mante- lets, enfin jusqu'aux blocs de rocher lancés du haut des murs contre les travaux des assiégeants. L'Auteur de César ne pouvait rester indifférent à la consta- tation de l'emplacement d'Urellodunum, ce dernier rempart de l'indépendance gauloise; 1l se fit rendre un compte exact des fouilles. L'Empereur témoigna sa satisfaction à M. Jean- Baptiste Cessac, et ordonna que les objets trouvés à Uxellodu- num fussent déposés au Musée de Saint-Germain. CHARTE D'AFFRANCHISSEMENT DU BOURG D'OISELAY (FRANCHE-COMTÉ ) PUBLIÉE ET ANNOTÉE Par M. Jules GAUTHIER Elève de l'Ecole impériale des Chartes. Séance du 12 janvier 1963. La période des affranchissements, commencée vers le xrr1° siècle en Franche-Comté, dura près de deux cents ans, et quand le mouvement communal, qui s'était déjà ralenti sur la fin du xiv° siècle, cessa complètement dans les premières années du xv°, plus de soixante villes ou bourgades de notre province avaient reçu des lettres d'affranchissement et s'étaient constituées en communes. Un certain nombre de ces chartes de communes furent accordées par les seigneurs aux vives et pressantes instances de leurs sujets, quelquefois même à la contrainte résultant de leurs rébellions; d’autres, et il en existe un certain nombre dans nos archives, furent de la part de ceux qui les concédèrent un acte libre et spontané. Il ne faut pourtant pas croire que ces dernières ont été dictées par la philanthropie, car on n'y reconnaît d'ordinaire que des actes de bonne politique, ou plutôt des spéculations; et le seigneur, tout en paraissant soigner les intérêts de ses vassaux, sy préoccupe presque uniquement de ses avantages personnels. Tel est le caractère que ces chartes présentent en général, et celui que l’on retrouve entre autres dans l’une des dernières chartes du xv° siècle, la charte d’affranchissement donnée aux Er x habitants d'Oiselay par Jean et Antoine, seigneurs de ce lieu, le 18 novembre 1429 (1). Jusque là les habitants du bourg d'Oiselay avaient été sou- mis pour la plupart à la servitude et à la main-morte (?), et en outre à une foule de tailles, de corvées et d'impôts. De plus, le territoire du lieu qu'ils habitaient était, durant les chaleurs de l'été, peu propre à la culture; et, à cette époque de l’année, le manque d'eau, quis’y faisait fréquemment sentir, obligeait les paysans à des courses lointaines et pénibles pour abreuver leurs ménages. Grevés d'impôts et de charges de toutes sortes et par suite accablés de misère, chaque jour quelque sujet de la terre d'Oiselay abandonnaït la seigneurie pour aller dans l’une des bourgades voisines (*) jouir des droits et des immunités qu'y garantissaient des chartes de franchise. Les émigrations devenaient de plus en plus fréquentes, et Oiselay, perdant constamment quelques habitants, menaçait de devenir désert. Ce fut alors que les sires d'Oiselay, voulant porter remède au mal et arrêter une émigration qui les eût laissés sans vas- saux, se décidèrent à affranchir leurs sujets. Grâce à ces franchises qu'ils vont promulguer, les maisons se relèveront dans leur seigneurie, leurs vassaux reviendront en foule, de nouveaux habitants se presseront dans l'enceinte devenue trop étroite du Bourg-du-Château, du Bourg-Dessous et du Bourg-l'Eglise; ils travailleront plus volontiers et de meilleur cœur et paieront au seigneur leurs redevances, ce que, dit naïvement la charte, ils ne faisaient point auparavant. Tel est le mobile qui donna naissance aux franchises d’Oï- selay, et que les seigneurs n'hésitèrent pas à avouer dans les considérants de leur charte. () Le 14 septembre 1436, les mêmes sires d'Oiselay affranchirent encore deux autres de leurs terres, celles de Pont-de- Planche et de Neufvelle. () Les habitants du Bourg-Dessous, alors fortifié, étaient déjà à cette époque affranchis de la main-morte, dont ils s'étaient rachetés par le paie- ment annuel d'une certaine somme. (#) Gy affranchi en 1348, Marnay en 1354, Pesmes en 1416, etc. Re, plu Moyennant une redevance annuelle de quarante écus d'or vieux, l’aide aux quatre cas, l’ostet la chevauchée, des corvées à certains jours et à certaines occasions, et différentes autres obligations qu'ils s'engagent à remplir, les habitants d'Oiselay seront désormais affranchis de la main - morte et de toutes autres servitudes. La concession de ces franchises eut-elle un heureux effet sur la prospérité du bourg? C'est ce que tout nous porte à croire; car, dans les années et les siècles qui suivirent, Oiselay fut longtemps considéré comme une des bourgades les plus importantes et les mieux peuplées de cette partie de notre province. La charte d’affranchissement d'Oiselay, conservée aux ar- chives de la Haute-Saône, étant encore complètement inédite, nous avons cru qu'elle méritait d'être publiée intégralement. CHARTE D'AFFRANCHISSEMENT. En nom de Dieu, nostre Seigneur, Amen. L'an de la Incarnacion d'icellui nostre Seigneur mil quatre cens vingt et nuef, le jour du vanredi après feste Saint-Martin d'ivers, que fut le dix-huitième jour du mois de novembre, heure d'icellui jour de prime ou environ, la imdicion huitième, en l'an trezième du pontifiement de très saint père en Dieu et seigneur, monseigneur Martin, par la divine pourvéance, pape cinquième, en la citey de Besancon, c'est assavoir en la rue de Granges d'icelle citey, en l'osté de moy Jehan, seigneur d'Oiseillart, chevalier, c’est assavoir en la chambre basse derrier dudit hostel, en la présence des notaires publiques cy dessoubz suscrips et des tesmoins cy après nomez, Nous JEHAN, seigneur d'Oiseillart (‘), et ANTHoINE d'Oiseillart (?), escuier, filz dudit () Jean 11 d'Oiselay, seigneur d'Oiselay et de Frasne -le-Château, chef de cette famille de 1400 à 1442. (?) Antoine son fils, né de son mariage avec Marguerite de Vergy, sire d'Oiselay et de Frasne-le-Château, 1442-1472, — 10 — monsieur Jehan, espécialment je ledit Anthoinne de l’aucto- ritei, loux, licence, consentement et voluntei dudit monsieur Jehan, mon sieur et père, à moy donnez en tant comme besoing est, et que je ledit Jehan, seigneur d'Oiseillart, ay donnez à mondit filz présent et acceptant pour faire louher, stipuler, passer et promettre toutes et singulaires les choses cy après escriptes et devisées, faisons savoir à tous ceulx quilz varront et orront ces présentes lettres : Que comme aucuns des habitans dudit Oiseïllart, c'est assa- voir ceulx demeurans et quilz demoirent ou fort bourg dudit Oisellart (‘), fuissent et soient frans et de franche condicion sens main-morte, méant certainne somme d'argent et autres servitutes à nous dehuees chascum an perpétuelment par lesdiz habitans dudit bourg; et les autres habitans dudit Oisellart, demourans hors dudit bourg, soient noz hommes de maïin- morte et serve condiecion, taillables deux fois l’an à voluntei, et aussi corvéables et de plusours autres servitutes chargiez et obligiez à nous comme seigneurs dudit Oisellart; et desquels habitans, tant dudit bourg comme des autres demourans hors d'icelli bourg, pluseurs d'iceulx s’en soient départis, alez et diffuis ledit lieu, tant pour les sommes d'argent à nous comme dessus par eulx dehuees, censes, tailles, prises, quises et autres servitutes à nous comme dessus par eulx dehuees chascum an, comme pour la malvaise aisance dudit lieu qu'est troupt hault, auquel lieu chascum an, pour la plus grant partie du temps, espécialment en estez, pour occasion de la saiche- resse d’estez, l'on ne puet semer ne havoir aigue, tant pour la necessitez desdiz habitans comme pour leurs bestes, ençois convient de necessitez audit temps d’estez aler querre l’aigue par lesdiz habitans ès fontainnes etautres lieux lointains dudit Oiseillart, qu'est chose moult penable, difficille et de grant travail pour lesdiz habitans; et tellement que pour occasion des () Oiselay (Mons avium) a eu ces diverses formes françaises de son nom: Oiseler, Oiseillart, Oiselet, avant d'arriver à l’ortographe actuelle. — 11 — choses dessus dictes, mesmement des dictes sommes d'argent, censes, rentes, tailles, prises, quises, subsides, aides et autres servitutes à nous dehuees chascum an par lesdiz habitans, et aussi pour la malvaise aisance dudit lieu, lesdiz habitans de- mourans de présent audit Oisellart, et tant audit bourg comme dehors, sont tellement poures et appovris des biens mondains que à grant peine ilz puent avoir leurs vies ne passer lours temps dessoubz nous; et, que pis est, pour occasion des choses dessus dictes, ladite ville d'Oisellart, pour deffalt de habitans, et que de jour en jour ung chascun delaisse et deffuent, le leu vient en désercion et comme lieu inhabitable, et saira encour plus ou temps advenir, se par nous, méant l'adjutoire de Nostre Seigneur, n’y est pourveu de remide convenable, lequel remide, méant l'adjutoire que dessus, pour nostre très grant et évidant proffit et de noz hoirs, désirons et davons désirer de toute nostre puissance. Pour ce est-y, que nous lesdiz Jehan et Anthoine, et chascun de nous, mesmement je ledi Anthoinne de l’auctoritei que dessus, ehue premièrement mehuie et grande délibéracion à noz parens et amis, advisez aussi et bien conseilliez par che- valliers , clercs saiges en droit costumiers et autres de noz parens et amis, dissectans et considérans, comme davons de tout nostre pouvoir, l'amendement, accroissance et maintene- ment de ladite ville et bourg, et qu'elles se repairoient et pueplent de gens ou temps advenir, et aussi que plus de legier et volunter ceulx quilz s'en sont alez diffuir et dégurpir le lieu pour les causes que dessus ils reveignent et retornent, ensamble tous autres esquelz il plaira ou temps advenir de y venir demourer, et aussi que les voisins du pais entour mer- rient leurs enffans plus tost en ladite ville, demourent et retrahient leurs corps et biens plus ségurement en cas de nécessite, etaussi que plus tost aucuns ils viengnent demourer en ladicte ville et édiffier là où bon leur semblera, et que lesdiz bourgois et habitans de ladicte ville plus voluntier et de meilleur cuer gardient leurs biens et plus fort se travaillient LEE d'acquérir, quant icy seront combien ilz devront à nous et à nos hoirs, ce qu'ilz ne faisoient avant la date de ces présentes; Nous lesdiz Jehan et Anthoine, c’est assavoir je ledit An- thoinne de l’auctoritei que dessus, et chascum de nous pour le tout, non controins, deceuz ou baretez, mais de noz bonnes et franches voluntey et certaines sciences, et aussi pour nostre très grant et évidant proffit et de noz hoirs, pour les causes que dessus desquelles nous fumes bien informez, cerciorez et certifiez de la véritey d'icelles, et lesquelles nous confessons et affirmons par ces présentes, par noz fois et sairemens de nos corps, estre vrayes et véritables comme dessus sont déclaraées, escriptes et devisées, et pour pluseurs autres causes ad ce nous mOvans Justement; Pour ce, nous lesdiz Jehan et Anthoinne, c'est assavoir je ledit Anthoine de l’auctoritei que dessus, et chascun de nous seul et pour le tout, pour nous, noz hoirs et successeurs et ayans cause de nous ou temps advenir, seigneurs et dames dudit Oisellart et desdiz bourg et ville, yceulx habitans dudit Oisellart quilz de présent sont et tous autres habitans dudit lieu quilz ou temps advenir icy sairont, pour eulx et leurs hoirs et ceulx quilz de leurs et d’ung chascum de leurs auront cause ou temps advenir, avons affranch1z et affranchis- sons par ces présentes lettres de toutes rentes, censes, quises, prises, tailles, courvées, gaiz, gaistes, subsides, aides et autres servitutes quelcunques, quels qu'ilz soient et par quelque nom qu'elles soient dictes, nommées ou appellées, ou que ilz davoiïent ou poient davoir et estoient obligiez où attenuz à nous pour quelcunque cause que ce fut, soit avant la date de ces pré- sentes, méant tant seullement les choses cy après escriptes et devisées; c’est assavoir : Premièrement que lesdiz habitans d'Oisellart, c'est assavoir du bourg fert de murs, ou bourg dessoubz le chastel dudit Oisellart, et en la ville d'Oisellart après de l'église dudit Oisellart, doires en avant, paieront et sairont tenuz de paier à nous et à noz hoirs ou nostre receveur dudit Oisellart, chascun 20: NS an perpétuelment, le jour de feste Saint Nycolas d'ivers, la somme de quarante escuz d'or viez et de poiz, en monoie à la valeur d'iceulx, par enssin que lesdiz habitans geteront et deviseront et égualeront entre eulx bien et léaulment la dicte somme selon leurs facultés et d’ung chascun d’eulx, et la dicte somme getée, devisée et égualée, 1ilz la lèveront et raisonna- blement controindront ung chascum desdiz habitans de paier ce que lui en saira distribuer toutes fois qu'ilz leurs plaira, et chascum an devant la dicte feste Saint Nycolas en yvers, sens préjudice et sens prendre licence de nous ou de l’ung de nous ou de noz hoïrs, et sens requérir, somer ou appeller nous ou no0z hoirs et successeurs seigneurs dudit lieu ou aultres offi- ciers; et de ce faire havons donner et donnons pour nous et noz hoirs puissance, povoir, auctoritei, mandement et com- mandement espécial esdiz habitans présens et advenir et à leurs hoirs et successeurs ou à ceulx ou à cellui qui sairont ou sairoit élis ou commis par sairement par les dessus diz bourgois et habitans présens et advenir, ou leurs hoirs et successeurs, pour geter et lever ladicte somme d'or, affin d'estre paiez au terme, de gaigier, barrer et vendre les gaiges de ceulx quils ne vouldront paier, et que de ladicte somme leur saira getié et imposez par les proudomes et commis ad ce pour paier ladicte somme desdiz quarante escuz d’or ou monoie à la valeur, la justice dudit lieu d'Oisellart ad ce appellée et requise esdiz gaigemens et vendue; et en cas que ladicte somme d'or ne sairoit par lesdiz habitans ou aucun d'eulx paiée à nous ou à n0z hoirs au terme dessus dit ou huit jours après suigvans ledit terme, ilz lesdiz habitans encharront à nous et à noz hoirs et commettront la peinne de sexante solz d'estevenans, pour peine et émende commise, et en nom de peine commise de paier et rendre à noz et à nosdiz hoirs par lesdiz habitans, toutes et quanteffois qu'ilz deffauldront de paier ladicte somme d’escuz d’or ou la monoie à la valeur aux termes dessus diz; et en oultre, ou cas que ladicte somme d'or ne sairoit par lesdiz habitans ou leurs commis getée devant CE ladicte feste Saint Nicolas en yvers ou devant l'uitave après, nous ou nosdiz hoirs la geterons pour celle foy tant seullement quilz deffauldront, ladicte feste premièrement passée, et la feriens lever tant de foys qu'ilz deffauldrient; et se emssin estoit que nous la getissiens ou feissiens lever ou noz hoirs aussi une foy ou plusours au deffault desdiz habitans quilz ne lairoient paier et geter audit terme, pour ce ne perdroient-ilz pas leurs libertey de geter et lever par leurs ou leurs commis chascum an devant ledit terme et toutes foys que meilleur leurs semblera; laquelle rente ou cense desdiz quarante escuz d'or, pour la pouretey desdiz habitans et pour ce qu'ilz remaingnent plus tost en bonne prospéritey et en augmentacion et habundance de biens, nous lesdiz Jehan et Anthoine, pour nous et noz hoirs et successeurs quilz hauront cause de nous, leurs avons donnez et donnons par ces présentes ladicte somme de et pour les termes de quatre ans prochamnement venans, en telle manière que eulx sont et demourent quictes de ladicte somme pour les termes de quatre ans prochamnement venans; Item, davront et sairont tenuz chascum desdiz habitans quilz auront cheval, pour leurs et leurs hoïrs chascum an perpé- tuelment, de faire une courvée en moisson de froment et charroiïer à leurs chevalx, et une autre courvée en moisson d'avenne, toutes et quanteffoys que nous lesdiz seigneurs ou celui de noz hoirs leur commandera; et cellui ou ceulx desdiz habitans chief d'ostel quilz n'auront chevalx pour aïdier à charroïier lesdictes moissons, saira tenu de faire une courvée à la facille en la moisson d’avenne; et aussi davront et sairont tenuz chascum chief d’ostel desdiz habitans, pour chascum fue, faire une courvée en vandange tant seullement ; Item, davront et sairont tenuz lesdiz habitants, pour leurs et leurs hoirs à tousiourmais, de mettre à leurs despens une gaite tant seullement ou chastel dudit Oisellart pour gaitie de uuyt; liem, paieront et sairont tenuz de paier perpétuelment lesdiz habitans le droiz de cellui quil doit garder la porte du bourg, RU c'est assavoir chascum fue selon ce qu'il a acostumez de paier ; liem, que toutes et quanteffoys que le seigneur dudit Oisel- lart mariera sa fille, ou son filz devanra chevallier, ou fera le vouaige d'oultre-mer, ou la prise du corps dudit seigneur, lesdiz habitans sont et sairont tenuz de lui aïdier, chascum d'iceulx habitans modérément et selon sa puissance et facultey. et sens lui engrever; | Ttem, davront lesdiz habitans audit seigneur l'ost et la che- valchie, pour son propre fait et non autrement, aux missions et despens dudit seigneur. Et parmy ce, et moiennans les choses dessus dictes, nous lesdiz Jehan et Anthoinne, c'est assavoir je ledit Anthoïinne de l’auctoritey que dessus, havons volu et consentu, et par ces présentes lettres volons et consentons, pour nous et noz hoirs et ceulx quilz auront cause de nous, que doires en avant à tousjourmais lesdiz habitans puissent demorer et demourent et faire résidance et havoir leurs domicilles ung ou plusours là où leurs plaira et bon leurs semblera, c'est assavoir ou bourg fert de murs, ou bourg dessoubs le chastel d'Oisellart, ou en laditte ville laquelle est près de l’église dudit lieu. Et yceulx habitans et ung chascum d’'eulx, pour leurs et leurs hoirs et successeurs habitans et aussi ceulx quilz vanront ou temps advenir demourer esdiz lieux, nous lesdiz Jehan et Anthoinne, en tant comme à ung chascun de nous toiche ou puet toichie et appartenir, pour nous et noz hoirs et successeurs seigneurs et dames dudit lieu, havons affranch1z et affranchis- sons par ces présentes de la morte-main pour eulx et leurs hoirs à tousjourmais, en ceste manière que lesdiz habitans quiz ausdiz lieux demouront sairont frans et quictes de toutes autres charges et servitutes quelcunques, par quelques noms qu'elles soient nommez ou appellées, en quelcunque manière que ce soit que seigneur puet ou doit de droit ou de voluntey à son homme ou subjez, en demourant lesdiz habi- tans et leurs successeurs perpétuelment frans et quictes envers 46 nous, n0z hoirs et ceulx quilz de nous hauront cause ou temps advenir, seigneurs et dames desdiz lieux, méans les choses dessus dictes. Et aussi avons voluz et consentuz, et par ces présentes lettres volons et consentons, nous lesdiz Jehan et Anthoïinne, pour nous et nosdiz hoirs et de ceulx quilz de nous hauront cause ou temps advenir, que lesdiz habitans demeurans et résidans esdiz lieux, et ceulx quilz voudront demourer ou temps adve- nir, soient et sairont hoirs les ungs des autres, tant en meubles comme en héritaiges, et succéderont de grez en grez, de ligne en ligne, jusque au nuevième degrez de lignaige, ou tant qu'ilz se pouront en lignaigie. Item, aussi havons voluz et consentuz, nous lesdiz Jehan et Anthoinne, c'est assavoir je ledit Anthoinne de l’auctoritey que dessus, volons et consentons par ces présentes, pour nous et nosdiz hoirs, que lesdiz habitants et résidans esdiz lieux et en chascum d’iceulx puissent vendre, aliéner et haïient puis- sance de vendre et aliéner leurs héritaiges, c’est assavoir terres arables, priez, vignes et autres choses quelcunques, les ungs aux autres estans de leurs franchises et condictions, c’est assavoir estans des finaiges et territoires desdiz lieux et non autrepart, parmy ce que nous et nosdiz hoirs en pourterons et en davrons pourter, et en pourtera et en devra pourter ledit seigneur d'Oisellart, de cellui ou ceulx quil vendra ou ven- dront, pour chascune livre, douze deniers estevenans pour nostre droit, et de cellui ou ceulx quilz achéteront, cinq solz pour le scel dudit territoire. Et se aucuns desdiz habitans vuillient faire change ou eschange de leurs terres, de leurs vignes, ou de leurs maix, maisons et curtilz, les ungs contre les autres ou li ung à l’autre, nous, ou ledit seigneur dudit Oisellart, empourterons ou empourtera cinq solz estevenans d’ung chascum desdiz permutans ou eschangeans, pour le droit de scel du territoire; et se li avoit point d'argent de suite, ledit seigneur dudit ET de Oissellart en pourtera et en davra pourter, pour son droit d’une chascune livre, douze deniers estevenans. Item, se aucun estrangier venoit ou temps advenir demourer en l’ung desdiz lieux cy dessus nommez avec lesdiz habitans et en leurs franchises, il ledit devant demourer saira de la franchise et condiction desdiz habitans et poura acquérir et aicheter desdiz habitans terres, vignes, maix et maisons, parmy paiant audit seigneur d'Oisellart, comme dessus est dict, douze deniers de chascune livre, et pour le scel du territoire cinq solz estevenanz. Item, se aucun des habitans desdiz lieux se vouloit départir de ladicte franchise pour aler demourer autrepart, la succession d'icellui départant, tant en meubles comme héritaiges, vanra et demoura et davra venir et demourer à son plus prouchain de lignaige quil demoura en ladicte franchise. Et ou cas que cellui quil enssin s’en ira dudit lieu davoit rien audit seigneur, cellui quil tanra les héritaiges de cellui qui s'en ira saira tenu de paier audit seigneur ce que ledit départant davroit audit seigneur. Item, et que lesdiz habitans et résidans ausdiz lieux hauront, tanront et possideront, ou davront tenir et possider leurs fran- chises, usaiges et libertez quilz ont d’anciennetey et de loing temps, c'est assavoir l'usaige des bois, de mectre leurs pors ou paissonnaige que 1lz ont accostumez, sens Ce que nous ou noz hoirs et successeurs seigneurs dudit Oissellart les en puisse ou temps advenir ou doigiens empeschier ou destourber. liem, avons voluz et consentuz, volons et consentons, par ces présentes, nous lesdiz Jehan et Anthoinne, pour nous et noz hoirs, que lesdiz habitans demourans esdiz lieux puissent esserter et faire esserter là où 1lz vouront et pouront pour semer blef et autres grains, ou planter vignes, ou faire prelz, exceptez ès bois bannalx dudit Oisellart, et pour trancher tous bois, exceptez et réservez le perier et le pomier. Et aussi avons donnez et donnons par ces présentes lettres esdiz habitans, présens et advenir, demourans ès lieux dessus 2 PUR | OR diz, tout le mort bois et le conduit de le mener là où leurs plaira et bon leurs semblera, exceptez le chayne. Et, moyennans les choses dessus dictes, nous lesdiz Jehan et Anthoinne, c’est assavoir je ledit Anthoinne de l’auctoritey que dessus, pour nous et noz hoirs et ceulx quilz de nous hauront cause ou temps advenir, seigneurs et dames desdiz lieux, yceulx habitans d'Oissellart, et ceulx quilz de leurs hauront cause ou temps advenir, havons affranchiz et affran- chissons par ces présentes lettres de toutes servitutes, main- morte et des subsides, prises, quises, gaictes, courvées et autres servitutes quelcunques, sens aucune chose excepter ou retenir, mais que tant seullement la seignoirie et justice haulte et basse et moïenne, anssin comme nous en havons accostumez d’user, et aussi exceptez et réservez à nous et à nosdiz hoirs les choses dessus dictes et devisées à nous dehuees chascum an par. lesdiz habitans tant seullement et non autres. Lesquelles choses dessus dictes,c’est assavoir : ladicte somme de quarante escuz d’or ou monoie à la valeur, de faire achar- roier une courvée de froment et une autre d'avenne en mois- sons, la courvée à la falcille, et chascun fue une courvée en vandanges, de mettre une gaicte ou chastel, de païer le droit de cellui quil garde la porte du bourg, de aïdier à marier fille, et quant le filz devrient chevallier, de la prise du corps du seigneur, du vouaige d’oultremer, l’ost et la chevalchie, d’ap- peller la justice dessus diz, lesquelles choses dessus dictes et non autres lesdiz habitans sairont tenuz de faire tenir, garder et accomplir par la forme et manière que dessus et en ces présentes sont escriptes et devisées, sens aucunement venir ou faire venir ou temps advenir au contraire; en telle manière que doires en avant lesdiz habitans présens et advenir et leurs hoirs sont frans bourgois et de franche condiction, méans les choses dessus dictes, comme sont les frans bourgois du conte de Bourgoingne, sens ce que jamais ou temps advenir nous, nosdiz hoirs et successeurs leurs puissions ou doigiens aucune autre chose demander, exiger ou quereller pour quelcunque fg — cause ou occasion que ce soit, fuer que tant seullement les choses dessus dictes, escriptes et contenues en ces présentes lettres; et en ladicte libertey et franchise dessus dictes, nous lesdiz Jehan et Anthoinne, c'est assavoir je ledit Anthoinne de l’auctoritey que dessus, pour nous et noz hoirs et de ceulx quilz de nous et d’ung chascun de nous hauront cause ou temps advenir, havons promis et promectons, par ces présentes lectres et par nos sairemens pour ce donnez corporelment aux Sains Euvangilles de Dieu par nous corporelment toichiez ès mains des notaires publiques cy dessoubs subscripz, solennée et légitime stipulacion sur ce entrevenant, lesdiz habitans présens et advenir, pour leurs et leurs hoirs, garder, deffendre et mantenir fermement en ceste présente franchise, et toutes et singulaires les choses dessus dictes esdiz habitans, quilz de présent sont et que ou temps advenir y sairont, fermement garder et inviolablement observer et acomplir tout le contenu en ces présentes lectres, en tant qu'il nous toiche et appartient ou puet toichier et appartenir, sens jamais ou temps advenir faire ou dire ne aler au contraire, ne consentir que autre y viengne en appart ou en recondui, taisiblement ou expressé- ment, et que nous n'avons fait ou temps passez ne ferons ou temps advenir chose par quoy toutes et singulaires les choses contenuees et escriptes en ces présentes lectres ne haient et obtiengnent force, vigueur et valeur perpétuelle, soubz l’expresse obligacion de tous et singuliers noz biens et des biens de nosdiz hoirs et successeurs, meubles et immeubles, présens etadvenir, acquis et acquérir, quelque part qu'ilz soient et pouront estre trouvez, pour yceulx biens prendre, vendre, distraire et aliéner de la propre auctoritey desdiz habitans et de leurs hoirs, sens offense de juge et injure de partie, et'sens en demander ou obtenir rendue ne récréance d'iceulx; vuillans etexpressément oultroiens, nous lesdiz Jehan et Anthoinne, c’est assavoir je ledit Anthoinne de l'auctoritey que dessus, estre controins et compellez à la observacion de toutes et singulaires les choses dessus dictes par toutes cours et juridictions, tant d'église VER comme séculaires, et par toutes autres cours et juridictions que sur ce plaira mieulx élire esdiz habitans ensemble et par une foy, c'est assavoir par sentence d’excomeniement et par la prise, vendicion, distracion et aliénation de nosdiz biens et des biens de noz hoirs, aucune exception de fait, de droit ou de costume ad ce contraire non obstant; renunceans expressé- ment en cest fait, nous lesdiz Jehan et Anthoinne, c’est assa- voir je ledit Anthoinne de l’auctoritey que: dessus, par les sairemens et stipulacions que dessus, à toutes excepcions,., raisons, deffenses, drois et allégacions de mal, de barast, de fraude, de lésion, de déception, à la accion en fait et condiccion sens Causes Où moins soffisante cause, à la chose nommée enssin havoir estée faicte, ou que une chose fut et soit dicte et aultre chose escripte, à la excepcion desdictes franchises et libertez non einssin comme dessus sont escriptes et devisées esdiz habitans avoir estées faictes, dictes, louhées et passées par nous pour les causes que dessus, à ce que nous ou les nostres dessus diz ne puissiens dire que les causes dessus dictes nous mevans à faire et donner lesdictes franchises ne soient véritables, à toutes erreurs et decepvemens, au bénéfice de restitucion par entier pour quelcunque cause que ce soit, à toutes libertez et franchises, à tous drois canons et civilz en faveur des nobles introdus ou à introduire, à tous priviléges et graces données ou impétrées, à donner ou à impétrer, tant de papes, d’empereurs, de rois, de princes, de dux, de contes comme d’autres, et généralement à toutes autres excepcions, raisons, drois et deffenses que contre la teneur de ces présentes lectres ou cest présent fait ou temps advenir pourroient estre dictes, obiciées ou opposées, et au droit disant que général renunciacion ne vault se l’espécial ne prétend; et pour ce que ce soit chose plus ségure, ferme et estable, nous lesdiz Jehan et Anthoinne havons priez, suppliez et requis, et par ces présentes lectres prions, supplions et requérons à nostre très redoubté et souverain seigneur monseigneur le duc et conte de Bourgoingne, lequel est seigneur du fief à cause de son = on chastel de Roicheffort, que ès choses dessus dictes lui plaise consentir , lequel consentement et bon plaisir nous avons réservé et réservons par Ces mesmes, en affermans par nos sairemens que ce nous n'avons fait ou consentiz par dons ou promesses ne proffit que en haiens ehuz desdiz habitans ne pansiens à havoir, mais que purement pour les causes dessus dictes, la augmentacion, emendement et enfortissement dudit Oisellart et du fied de nostredit très redoubté et souverain seigneur ; et en oultre havons requis à discrètes personnes messire Jehan d'Abbans, de Besancon, prestre, et à Jehan de Courcelles, demourant à Besancon, notaires publiques des auctoritez apostoliques et imperialx et jurez de la court de Besancon, que des choses dessus dictes facent publique ins- trument, ung ou plusieurs et tant comme mestier sera , d’une mesme substance et teneur, et tant à nostre proffit comme desdiz habitans, ès mains desquelx nous l'avons louhé et passez toutes et singulaires les choses dessus dictes par la forme et manière que dessus sont escriptes et devisées. En tesmonaige de veritey, je ledit Jehan, seigneur d’Ois- sellart, ay mis mon grant scel pendant en ces présentes lectres, données et oultroiées l'an, le jour, l'eure, le lieu, l'indicion, Je pontifiement que dessus : présens enqui discrètes personnes messire Jehan de Villar-la-Combe, prestre, curé d'Oissellart; Jehan de Pymont, Pierre son frère, escuiers; Jehan de Villar- la-Combe, clerc; et Guillemet de Beaulmay -en-Cambrési, de mourant à Fresne-le-Chastel, et pluseurs autres tesmoins à ce appellez espécialment et requis. Et je Jehan d'Abbans, de Besancon, prebstre, des auctoritez apostolique et impérial notaire publique et jurez de la court de Besancon, à toutes et singulaires les choses cy dessus dictes et devisées, quant elles sont estées dictes, agitées, spé- cifiées, faictes, louhées, passées et promises, avec les tesmoins dessus nommez et le notaire publique cy dessoubs subscript, je suis estez présent, et ycelles choses j'ay veu, oizetentendu, icelles receu en note, de laquelle j'ay cest présent publique RE) Es instrument extrait et fait et mis en ceste forme publique, en- semble et avec le notaire publique devant dit, et icellui ay redigiz en escript de ma propre main et signez de mon seing publique accostumez, ensemble et avec le seing publique du notaire publique cy dessoubz nommez et du grant scel pendant dudit monsieur Jehan, seigneur d’Oissellart, en signe et tesmoingnaige de véritey de toutes et singulaires les choses dessus dictes, sur ce appellé espécialment et requis. Et je Jehan Fèvre de Courcelles, de la diocèse de Besançon, notaire de l’auctoritey impérial et jurez de la court de Besan- con, à toutes et singulaires Les choses dessus dictes et devisées, quant elles sont estées dictes, agitées, spécifiées, faictes louhées, passées et promises, entre le notaire dessus escript et les tesmoings dessus nommez, ay estez présens quant l’on les disoit et faisoit, et icelles choses, enssi comme dessus sont escriptes, hai veu et o1iz dire et faire, et ce présent publique instrument, escript de la propre main du notaire dessus es- cript, haï signez de mon seing publique accostumez, ensamble et avec le saing publique du notaire cy dessus nommez et du scel pendant dudit monsieur Jehan, seigneur d'Oiseller, en signe et tesmoignaige de véritey des choses dessus escripies, sur ce espécialment appellé et requis. (Deux sceaux presque illisibles pendent à _côtie pièce : tous deux portent les armoiries d'Oiselay; sur l’un d'eux elles sont écartelées de Frolois et de Coucy.) CONFIRMATION DES FRANCHISES D'OISELAY PAR LE DUC PHILIPPE-LE-BON. (5 avril 1427.) PxeLiprz, par la grace de Dieu, duc de Bourgoingne, de Lo- thier, de Brabant, de Lembourg, conte de Flandres, d'Artois, de Bourgoingne palatin, de RÉ de Hollande, de Zellande et de Namur, marquis du Sainct-Empire, seigneur de Frise, de Salins et de Malines, savoir faisons à tous présens et à ve- cs ES nir nous avoir fait veoir par aucuns des gens de nostre con- seil les lettres patentes d’affranchissement de nostre amé et féal cousin messire Jehan, seigneur d'Oiselar, et de messire Anthoimne d'Oiselar, son fils, chevaliers, pour les habitans d'Oiselar demeurans hors du bourg dudit Oiselar, dont la te- neur s'ensuit : | Lesquelles lettres cy-devant transcriptes ayans agréables, nous icelles et tout leur contenu, à l’humble supplication des- diz habitans d'Oiselart demorans hors dudit bourg d'Oiselart, et sur ce heu l’advis et délibéracion de nos amez et féaulx les gens de noz comptes à Dijon et de pluseurs aultres des gens de nostire conseil, avons, pour nous et noz hoirs et successeurs contes et contesses de Bourgoingne, loé, gréé, ratiffié, con- senti et appreuvé, louons , gréons, consentons, ratiffions, ap- provons, et de nostre grace espécial et certaine science confer- mons à tousjours par ces mesmes présentes ; parmi et moye- nant ce touteloys que lesdiz supplians seront tenus de nous paier pour ceste cause finance modérée pour une fois, à l’arbi- traige et tauxation de nosdites gens de noz comptes à Dijon que à ce commectons. Si donnons en mandement à iceulx sens de noz comptes à Dijon, à nos baïlly d’Amont en nostre- dit conté de Bourgoingne, à nostre trésorier de Vesoul et à tous nos.aultres justiciers et officiers présens et advenir cui ce puet et pourrai regarder, ou à leurs lieutenans et à chascun d’eulx en droit strict, que, ladicte finance tauxée et arbitrée par lesdiz gens de noz comptes et paiée à nostre receveur ou offi- cier de recepte cui ce concerne pour et en non de nous, lequel sera tenu d'en faire recepte et despense à nostre proffit, ilz facent de nostre pleine grace et confirmacion lesd. supplians et leurs successeurs joir et user plainement, paisiblement et perpétuelment, sans leur faire ne donner, ne souffrir estre fait ou donné, ne aueun d’eulx, près ne ou temps advenir, d'aucun que ce soit contrevenir à cestes, quelconque destourbier mo- lestacion ou empeschement, car ainsi nous plait-il et voulons estre fait; et afin que ce soit ferme chose et estable à tous- jours, nous avons fait mectre nostre scel à ces présentes, sauf en aultres choses nostre droit et l’autruy en toutes. Donné en nostre ville de Dijon, le cinquième jour du mois d'avril, après Pasques, l’an de grace mil quatre cens trente et sept. QUITTANCE DONNÉE AUX HABITANTS D OISELAY D’ UNE SOMME DE 112 LIVRES 10 SOUS PAR LA CHAMBRE DES COMPTES DE DIJON. (16 avril 1437.) Je Mathieu REGNAULT, Conseiller de monsieur le duc et son receveur genéral de Bourgoingne, confesse avoir eu et receu des habitans d'Oisellart la somme de cent douze livres dix sols tournois, pour la valeur de cent florins, le florin en la va- leur de xx11 solz vi deniers tournois pièce, monnoie ayant cours à présant, pour la composition par eulx faicte avec mes- sieurs des comptes de mondit seigneur à Dijon, pour la ratifi- cacion, consentement et confermation de l’affranchissement que leur a fait messire Jehan d'Oiselart et messire Anthoïinne d'Oiselart, son fils, chevalier, et confermé par mondit seigneur le duc et conte de Bourgoingne; de laquelle somme de cent x livres x sols tournois, pour ladite valeur, je me tiens pour con- tant et en ay promis faire recepte en mes comptes au proffit de mondit sieur le duc : tesmoing mes saing manuel et signet cy mis, le xvi° jour d'avril mil c. c. c. c. trente et sept, après Pasques. (Signé) M. REGNAULT. MONOGRAPHIE DE L'APPAREIL FRUCTIFÈRE DE L'IPOMOEA PURPUREA Lam. CONVOLVULUS PURPUREUS Lin., Par M. François LECLERC (de Seurre). Séance du 9 févricr 1963. Ce que j'ai avancé comme une présomption à l'égard de ceux des organes floraux qui contribuent à la formation du fruit (dans mon précédent mémoire {!) sur les fonctions du cadre placentaire et de la columelle dans les Crucifères), j'ai cher- ché à le traduire en fait, en ayant recours à l'étude analytique d'une plante à appareil floral compliqué et appartenant à une autre famille que celle des Crucifères. Dans le but de rendre cette étude applicable à des plantes de familles différentes, j'ai choisi pour objet d'expérimentation une espèce exotique, l’1- pomæa purpurea (le volubilis des jardiniers), dont l'examen est facile à raison du renflement du pédoncule, lequel a pour effet d'augmenter les dimensions du réceptacle ou de l’axe flo- ral. Il est difficile, en présence des phénomènes que présente le système floral, de n’admettre qu'un seul ordre d'organes centraux ou axiles, selon l'opinion de Turpin et de Moquin- Tandon (?), et il me semble rationnel de reconnaître dans l’é- volution du végétal deux ordres axiles d'organes, l’ordre pri- maire ou celui de la racine et de la tige, et celui des organes floraux, où les phases de cette évolution sont signalées par les (?) Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 4° série, t. II (1866), pp. 349-358. () Voir MoQuiN-TANDON, Elém. de Tératologie végétale, in-8o, 1841. Le produits divers qu'elles émettent (1). J'ai tenté, en me main- tenant dans la question du rôle de l’axe dans la formation du fruit (M. Eugène Fournier), de faire à cet organe sa part d’é- laboration, et de pouvoir dire (autrement que Auguste Saint- Hilaire) que l’axe commun ou le réceptacle de la fleur n’est pas la continuation du pédoncule, cet axe étant produit pour d’autres conditions, car bien que cet organe soit dans une dé- pendance nécessaire de la tige et du rameau, les organes flo- raux ne sont pas non plus, à mon avis, des organes foliacés modifiés (?); quoique cet habile morphologiste ait dit en outre que « le réceptacle est véritablement l'axe de la fleur. » De même que le collet est le point intermédiaire de deux systèmes d'organes différents, le réceptacle est également celui où va se développer un nouveau travail. Le calice est la pre- mière production du réceptacle : le cas où il est caduc est une des circonstances qui démontrent qu'il n'appartient pas au pé- doncule. Dans la fleur que j'examine, le calice est marcescent et se renverse complètement. Dans l’Zpomæa purpurea, le pédoncule de la fleur se renfle après la floraison pour former le réceptacle. Celui-ci porte un disque hypogyne qui est surmonté de l'ovaire, dont la base charnue forme une sorte de torus d'où sortent les branches des cloisons L'origine de ces branches entoure la base de l'ovaire, et cette même base adhère au disque par plu- sieurs points. Ce corps charnu de l'ovaire est blanc et pulpeux à sa face supérieure. Les branches ou cordons placentaires (qui ici ne remplissent pas cette fonction) sont triples et émanent, comme je viens de le dire, de la partie inférieure de l'ovdire.. | La corolle hypogyne porte les étamines à sa base. Ge der- nier organe naît du disque en même temps que la corolle. Quelques heures après la fécondation opérée, cette corolle, -(:) En outre, la distinction faite entre les bourgeons floraux et les bour- geons proprement dits, aurait dû conduire à cette conclusion. (2) Auguste SAINT-HILAIRE, Lecons de botanique, p. 589. 14,1 26 ainsi que le style qui est creux, s’oblitère par sa partie infé- rieure et se détache avec celui-ci. Alors du centre de l'ovaire s'élève une columelle, tandis que les cordons qui doivent for- mer le cadre des cloisons s’allongent pour prendre une forme : circulaire et se réunir en haut de la capsule, dont les feuilles carpellaires commencent également à apparaître. Elles em- brassent le disque par leur extrémité inférieure, de même que la corolle qui leur est sous-jacente, et naissent aussi du disque; mais ce sont les expansions libériennes de la columelle qui s’avancent de l’axe à la circonférence pour former les cloisons. Je dis que cette columelle, imprégnée d’un peu de chro- mule, traverse l'ovaire après avoir pris naissance dans le disque. Pour l'ovaire, il est accolé au centre de ce disque dont il se détache facilement; 1l a comme celui-ci sa partie infé- rieure verte; lui-même, ce disque, adhère fortement au récep- tacle. | Les cordons sont de couleur verte avant la maturité, et de nature ligneuse. Les panneaux de la capsule à trois loges se séparent aisément des parois des cloisons. Celles-ci sont minces et tout à fait incolores dans la jeunesse; elles deviennent jau- nâtres et très résistantes en vieillissant. L'ensemble des cloi- sons, qui sont formées de trois cordons, demeure très adhérent à la base de l’ovaire, et lorsqu'il est isolé du disque, il affecte en se desséchant une tendance à se contourner en spirale, après avoir perdu ses feuilles carpellaires. Ces feuilles, exami- nées à l'état frais ou sec, se montrent sillonnées dans leur épaisseur de fibres allongées et grisâtres. Le calice de l’Zpomæa, charnu ou très épais , qui a son ori- gaine dans le réceptacle et non dans le pédoncule, puisqu'à ce point de la vie de la plante une élaboration nouvelle se pré- pare; ce calice, destiné à fournir de la sève à la fleur et au fruit, est comparable dans sa constitution au calice de la Ficaire (Ficaria ranunculoides), à celui de la rose, ou, par une comparaison éloignée, à la cupule de la noisette, qui enveloppe ce fruit et le nourrit jusqu'à sa maturité. Le calice de l’/po- RS, mæa fonctionne donc de la même manière que ces derniers. J'ai à faire observer, comme une anomalie à l'égard du cadre placentaire, que bien que les cordons qui bordent les cloisons soient doubles, 1ls ne sont pas destinés dans cette fleur à servir de placentas aux graines, puisque les ovules sont fixés au bas des cloisons à la partie charnue de l'ovaire, à laquelle ils adhèrent par un filet extrêmement court, en alternant deux à deux avec les cordons. La colonne à trois angles qui réunit les trois cloisons sort, comme je l'ai dit, de l'axe du disque (!); c’est une fausse colu- melle, car elle ne peut être séparée des cloisons que par déchi- rement. Après avoir fourni les membranes qui constituent les cloisons, elle devient ligneuse comme les cordons, en alter- nant avec ceux-C1; les graines se trouvent placées en verticille au pourtour de la partie charnue de l'ovaire. Du reste la colu- melle, comme produit direct de l’axe discoïde, est bien un or- gane appendiculaire; mais dans la fleur de l’/pomæa, c'est la partie épaisse de l'ovaire qui lui fournit ses aïles libériennes, son centre ligneux provenant de la base du disque. Les graines d’Zpomæa sont blanches au moment de la fé- condation; après quoi, elles se revêtent peu à peu d'un épi- derme noirâtre. Les cotylédons, plissés dans la graine non en- core müre sont colorés en vert. Quant au pédoncule, celui-ci très renflé sous le disque avant la maturité des graines, finit par se réduire à l’exiguité de sa tige volubile. La partie du disque où repose l'ovaire est revêtue de liber ainsi que son bourrelet, et c’est de ce bourrelet que naïssent la corolle et les étamines. Chacun de ces organes, disque, ovaire, columelle, retient une certaine quantité d'élément respiratoire ou de chromule, à la base ou dans son intérieur, tant que dure la végétation de la plante. () Voir dans Achille RICHARD, Nouv. élém. botanig., un intéressant cha- pitre (ch. x1) sur le Disque. pe Lorsque dans un organe floral le disque fait défaut, c'est le réceptacle qui est chargé de donner naissance aux organes que produit le premier. Ce que l’on a dit du disque, comme pou- vant être formé d’une foule d'étamines avortées ou déguisées, n’est qu'une rare exception. Là où ces étamines jonchées à la surface du disque en dissimulent la présence, cette surface est d'ordinaire enduite d’une couthe blanche ou sécrétion pul- peuse, élaborée par le disque lui-même ou par le réceptacle, et qui paraît être du cambium épaissi. J'ai cité dans mon premier mémoire, comme M. Eugène Fournier, une observation de Hugo-Mohl, d’après laquelle ce serait la partie interne du calice qui, dans les Ombellifères, fournirait les deux nervures qui constituent leur carpophore. J'ai vu que pour l’/pomæa purpurea, c'est l'ovaire qui est chargé de la production des cordons qui circonscrivent les cloisons. On ne met plus en doute, je crois, que le calice, dans les genres spiræa et rosa, soit un produit du réceptacle, mal- gré la soudure qui semble l’unir au pédoncule, car on a ob- servé des roses ayant un calice à folioles séparées et ne pre- nant plus la forme d’un ovaire. Le réceptacle est alors hémi- sphérique et central, et porte les organes appendiculaires (Au- guste Saint-Hilaire). En outre le calice, dans un assez grand nombre de familles (entre autres les Crucifères, les Légumi- neuses, quelques Labiées), affecte la couleur des pétales de la corolle, et c'est là encore une présomption qui porte à le re- garder comme un produit du réceptacle. Enfin il est permis de prendre pour une preuve de plus le cas où ce même organe est soudé avec l'ovaire (dans les genres Samolus Cyclamen), un calice adhérent étant toujours monophylle. De ce que le disque du Citrus aurantium, de l'Aquilegia vulgaris, d'un Pæonia, etc., se métamorphose en étamines, cela ne signifie pas qu'il ait été originairement formé d'éta- mines ou même de feuilles proprement dites; un verticille d'étamines, un verticille de pétales est tout autre chose que le verticille qui forme les pièces d’un disque. A l'égard du calice, “OR on ne doit pas être surpris de sa transformation foliacée, son adhérence avec les téguments du pédoncule pouvant donner lieu à ce phénomène. Le calice du genre Rosa, qui simule un ovaire, n’engendre pas les styles, quoiqu'il les renferme; mais la corolle et les étamines sont insérées à son pourtour. Quant aux styles, chacun d'eux surmonte un ovaire pariétal libre. Un placenta central procède naturellement du réceptacle floral, et sans que l’on puisse dire qu'il appartient au système axile primaire comme ce même réceptacle; et quoi qu'en pense Auguste Saint-Hilaire, les ovules que porte le placenta libre ou central ne procèdent pas nécessairement du système axile primaire, mais au contraire du système appendiculaire, non- obstant la position centrale de ce support, pas plus que le disque ne naît du pédoncule; et l’on ne peut attribuer un fruit quelconque qu'aux organes appendiculaires. Le filet central et séminifère qui se sépare des bords épaissis du carpelle dans l'Asclepias nigra (Auguste Saint-Hilaire, Leçons, p. 488) n'est pas d’une autre nature que ces carpelles, et il est appendicu- laire malgré sa position centrale. Dans les Crucifères et les Papaveracées, c'est l’axe qui donne naissance à deux filets passant par l'ovaire, pour se réunir et former le style; ce sont ces deux cordons pistillaires qui portent les ovules. On voit là un ovaire à deux carpelles et à deux placentas pariétaux; la colonne stylaire qu'a donnée le récep- tacle y devient porteur de produits appendiculaires, comme dans le Chelidonium majus, par exemple. Je dirai, pour exprimer librement ma pensée, que les com- paraisons continues sur les ressemblances qui existeraient pour les botanistes entre la tige et le rameau, ce dernier comme se retrouvant dans la fleur pédonculée ou sessile; sur le pla- centa comme représentant la tige, et ses ovules les rameaux; : puis, d’un autre côté, toute expansion florale, telle que les pé- tales et les étamines, comparée aux feuilles de la plante; la feuille aussi se modifiant pour devenir anthère et donner naissance au pollen; l’ovule lui-même considéré comme une LI ES = = » T7. n. À - v v + 2 S ñ Aït x 2: À Fr : ee LT A 4 … cn LT , 7 . branche en miniature composée de son axe et d'organes ap- pendiculaires (!); tout cela me semble découler d'une mé- taphysique qui s ‘éloigne visiblement de la philosophie natu- relle et contredit formellement la théorie de la phase nouvelle du développement du système floral, ainsi que la doctrine de l'épigénèse. L'explication de ces faits de déformation ou de métamorphose pouvant se trouver aisément dans une irruption de la végétation du système axile primaire, laquelle procède ou se montre d'ordinaire par le centre de l'inflorescence, et qui par sa nature tend à reproduire les organes qui lui sont essentiels (?) et s’assimiler les organes appendiculaires, c'est- à-dire que le pédoncule, en continuant de s’allonger, traverse le verticille floral pour donner des feuilles, des bractées, elc., et déformer par son contact les organes propres de la as … Decandolle reconnaît que la conversion des organes, soit de à l'état pétaloïde, soit de pétales à l’état foliacé, est un 1 mène physiologique plutôt qu'anatomique; mais il en tire une conclusion forcée, en affirmant que tous les organes floraux ne sont que des verticilles de feuilles dans un état par- ticulier. Puis plus loin il modifie son assertion, en constatant l'influence réciproque de l’un des systèmes sur l’autre, et di- sant que l'état des verticilles dont l'inflorescence se compose n'est en général modifié que de proche en proche : ainsi, ajoute-t-il, les bractées ne deviennent pétaloïdes que lorsque les calices le sont aussi; les étamines ne deviennent foliacées que quand les pétales sont déjà passés à cet état (*). Les bota- nistes qui sont venus après Decandolle ont exagéré son opi- nion sur la théorie des métamorphoses, Moquin-Tandon entre autres et Auguste Saint-Hilaire. Cette même opinion a été () Auguste SAINT-HILAIRE, Leçons de bot., pp. 543-44. (?) Augustin-Pyr. DECANDOLLE, ce génie linnéen, s'exprime ainsi sur ce même phénomène : « J'état foliacé est celui dans lequel ces organes servent à Ja nutrition; l'état pétaloïde tend avec plus ou moins d'énergie à les rapprocher de la sexualité. (Organograph. vég., t. IL.) (#) Organograph. végét., t. IT, pp. 543-44. — 32 — | combattue par MM. Martins et Bravais , dans leur Précis d'histoire naturelle, pp. 223-24. Or il n’est pas logique d’ériger en aphorismes des faits simulés qui rentrent tout simplement dans les allures de la nature, je veux dire dans les écarts où elle tombe habituellement (1). à De même que l’on a négligé l'emploi du mot dégénérescence introduit par Decandolle, pour ceux de métamorphose et d’a- vortement ( Moquin-Tandon), de même devrait-on, à mon avis, rejeter les mots épuisement, défaut de vigueur, appliqués à l'inflorescence par Auguste Saint-Hilaire. En effet, toute végétation a un terme qui aboutit à la fructification, et ce fait de la fructification n’annonce pas à proprement parler l’épui- sement, la mort du végétal, puisque les arbres survivent à cette phase. Par le même motif un organe qui se transforme en un autre organe subit, non pas une dégénérescence, mais une métamorphose. L'inflorescence ne présente donc autre chose qu’une période naturelle de végétation, la surabondance des parties dans la production florale n'étant d’ailleurs qu’une anomalie. On comprendra aisément que le but de ce travail n'est pas de faire valoir une proposition absolue sur le rôle spécial de l’axe floral : la fonction organogénique de cette pièce en l’ab- sence ou la présence du calice et du disque, dans la position de l'ovaire et du disque lui-même, offrant un grand nombre de modifications à signaler quant à la formation des autres organes préposés à la fécondation et à la fructification. Là, sans doute, une ou plusieurs lois sont à découvrir. (:) Voir sur cette question des métamorphoses : DECANDOLLE, Org. végét.; Achille RICHARD, Nouv. élém. botaniqg. (nature de la fleur); Aug. SAINT- HiLAIRE, Leçons de botanique, et MoouiN-TaNDoN, Tératolog. végét. Société d'Emulation du Doubs,1867. « g ARE # €: UN, 1f eo 1} - ee 1 A) 2 NP g À Lee ANNNT 7 SE NN HA ï 17 ne DES { Le: | AL QREnt Re > Re - — WS < o< HP OH AN ol } { CACHET D'OCULISTE ROMAIN. ( Lapis Nasiensis oclav4s) GRAFFITI DES PLATS DE LA TABLETTE. Echelle double de grandeur naiurelle. UN CACHET INÉDIT D'OCULISTE ROMAIN Par M. Auguste CASTAN. Séance du 6 juillet 1863. - Rien n’est plus connu en archéologie, et n’a été aussi com- plètement étudié, que la classe des monuments appelés cachets d'oculistes romains. Ce sont de petites tablettes, généralement en stéatite verdâtre ou en serpentine, à peu près invariablement de forme carrée, portant sur chaque tranche une inscription gravée à rebours et destinée à être imprimée sur les bâtonnets ou petits pains que l’on faconnait avec les collyres, pour servir à ceux-ci _ d’étiquette ou d’estampille. Chaque inscription commence par un nom propre au génitif, celui de l’oculiste débitant, suivi du nom du collyre au nomi- uatif, de celui de la maladie à guérir précédé de la préposition ad, et enfin quelquefois d'une indication, s'ouvrant par la préposition ex, relative à la manière d'employer le remède. Les surfaces planes de nos cachets sont ordinairement lisses; mais si, par exception, il s'y trouve quelques lettres ou figures, celles-ci, au lieu d'être gravées à rebours comme les inscrip- tions des tranches, se présentent au contraire dans le sens direct, ce qui montre assez qu'elles ne devaient pas être im- primées et n'étaient faites que pour le regard du possesseur. Une centaine de ces pierres sigillaires ont été décrites et commentées (!). À en juger par le caractère de leurs inscriptions, () Voici les titres des monographies en langue française qui portent sur l’ensemble des cachets connus par leurs auteurs : Dissertation sur les pierres antiques qui servaient de cachets aux médecins oculistes, par Tôcaon d'An- neci, Paris, 1816, in-4o ; — Observations sur les cachels des médecins oculistes 3 ST Ur et par celui des gisements d'où elles sont sorties, elles ne semblent pas pouvoir remonter au delà du deuxième siècle de notre ère, ni descendre au-dessous du troisième. La plupart proviennent des contrées voisines du Rhin, quelques-unes de la Grande-Bretagne, tandis qu'aucune n’a été trouvée d’une manière certaine en Italie : d’où l’on a conclu qu’elles avaient été imaginées et utilisées par des oculistes qui suivaient les stations militaires romaines de la Germanie, du nord de la Gaule, du Belgium et de la Bretagne. Nos grandes stations militaires de la Séquanie ont été assez fécondes en ce genre de monuments : Besancon (Vesontio) en a fourni cinq et Mandeure (Epomanduodurum) quatre. Le cachet inédit que je viens signaler, bien que possédé par la ville de Besançon, ne provient cependant pas du sol de cette antique cité. Il y est arrivé avec la collection d’un antiquaire, qui avait la manie des échanges, et quelques indices tirés de la correspondance de cet amateur me donnent la certitude que nous avons affaire à l’une des treize tablettes qui furent trou- vées à Nais-en-Barrois, en 1808, et dont sept seulement ont pris rang jusqu 1c1 dans les monographies spéciales (1). Cette pierre, qui s’appellera désormais Lapis Nasiensis octavus est en stéatite verdâtre : sa forme est un quadrilatère, long de 27 millimètres sur 21 de large; son épaisseur moyenne est de o millimètres. C'est l’une des plus petites connues, mais aussi l'une des mieux conservées. Ses quatre tranches présentent chacune deux lignes de lettres gravées avec soin. anciens, par À. DucHaLais, dans les Mémoires de la Société des antiquaires de France, t. XVIIT, 1845; — Cinq cachels inédils de médecins oculistes romains, par J. SICHEL, Paris, 1845, in-80; — Nole sur les cachets d'ocu- listes romains, par L. WETZEL, dans les Mémoires de la Société d'Emulation de Montbéliard, 1859-1860 ; — Nouveau recueil de pierres sigillaires d'ocu- listes romains, par J. SICHEL, Paris, 1866, in-8o. @) Voir sur cette découverte de Nais : DuLAuURE, Explications de quelques inscriptions trouvées dans les ruines de Nasium, dans les Mémoires de l'Aca- démie celtique, t. IV, pp. 104-114; — Tôcon d'Anneci, ouvrage cité, pp. 69-71; — GRIVAUD bE LA VINCELLE, Recueil de monuments antiques, pp. 280-286, pl. xxxvi. j Ra Voici ces inscriptions ({) : 10° ALL AL BVCOI-CHEL A DC ALIGGENSC ALBVCI . CHELID AD . CALIGGEN . SCABR ALBUCI CHELIDONŸÏUM AD CALIGGENES SCABR- iticias. Collyre à la chélidoine d’Albucius pour les affections chassieuses. Traduction : ALBUCI . DIAPOBALS AD . OMN . CALGDELAC ALBUCIÈ DIAPOBALSamatum (?) AD OMNES CALIGgeneS DELACYYMmatorias. Collyre astringent au baume de Judée d’Al- bucius pour toutes les affections larmoyantes. SEE ALBVCI . MELIN DELAC . EX . EM. PVL ALBUCI MELINUM DELACYYMAIOrTiUuM EX EMendala PULvVere Collyre jaune d’Albucius excitant le larmoïie- \ ment, à employer en poudre tamisée. Traduction : Traduction : () Les fac-simile que nous en donnons résultent du moulage et de la reproduction galvanoplastique des inscriptions elles-mêmes, double opé- ration dont nous sommes heureux de remercier notre collègue M. Varaigne. (?) Ce terme résulte de la soudure et de la contraction des deux mots diapsoricum opobalsamatum, qui figurent déjà sur le premier cachet de Lyon, sur celui d’'Iéna et sur le second cachet de Mandeure. PE IV. ERGEE à 11 ALBVCI .TRIT ADCLARITVD / ALBUCIŸ TRITICUM (!) AD CLARITUDiNEM Traduction : Collyre au froment d’Albucius pour éclaircir la vue Depuis que M. le docteur Sichel, le maître en la matière dont nous traitons, a si bien démontré que les oculistes romains étaient le plus souvent d'obseurs affranchis, il n’est plus permis de.s'ingénier à faire des généalogies pour ces modestes débitants de collyres : aussi nous abstiendrons-nous de chercher une parenté quelconque entre l’Albucius de notre cachet et son célèbre homonyme, médecin de l'empereur Tibère, dont le talent, au dire de Pline, était récompensé par un traitement de 250,000 sesterces (?). Ce nom d’Albucius était d’ailleurs très répandu à l'époque romaine, et on le trouve accolé aux plus humbles professions, celle de potier par exemple (5). Si les inscriptions des tranches de notre cachet n'offrent aucune singularité de premier ordre, il en est tout autrement de l'étrange décoration qui couvre les deux plats. Sur l’un, on voit au centre la grossière image en creux de deux larges feuilles d’une plante, laquelle est encadrée par quatre lignes uon interrompues de caractères cursifs légèrement tracés à la pointe. L'autre face offre également ce cadre de mêmes carac- () Ce remède, qui n’est indiqué par aucun des cachets publiés jusqu'ici, est décrit ainsi dans l’un des opuscules de Galien : « Ad diuturnas lippitu- dines — Triticum ignitis ferreis laminis incortum ex vino illinimus pal- pebris. » (GALENI de remediis paratu facilibus libellus, cap. x ) (#) Puit Historia naturalis, lib. XXIX, c. v. — Cf. Daniel LE CLErc, Hist. de la médecine, p. 576. (*) DE BonNsTETTEN, Recueil d'antiquilés suisses, pl. xvu, fig. 21. ii tères, plus trois lignes semblables au centre, coupées en outre à angle droit par une ligne complémentaire ({). Ces caractères ne pouvant procéder d’un autre ordre d'idées que celui auquel appartiennent les inscriptions des tranches, nous y verrions volontiers une sorte de memento pharmaceu- tique, composé en grande partie de signes conventionnels, les uns analozues aux notes tironiennes, les autres aux hiéro- gelyphes. Une ligne nous parait cependant écrite en caractères cursifs ordinaires, et nous avons cru pouvoir la lire ainsi : Coclee decem, c'est-à-dire dix limacons; on sait que cet animal est encore employé dans le traitement des maladies de poitrine. Nous avouons sans peine notre incompétence pour déchiffrer le reste et à plus forte raison pour l'interpréter, et nous ne trouvons rien de mieux à faire que de joindre à cette note une image du tout, agrandie du double, d'après une photographie de notre collègue M. Varaigne. () Le professeur Henri MoniN, de regrettable mémoire, avait déjà appelé l'attention des érudits sur ces singuliers caractères, selon lui, « vrai gribouillage d'enfant ou d'apprenti apothicaire. >» (Monuments des anciens idiomes gauloi;, Besancon, 1861, in-8°, p. 14.) SUR LA DÉMONSTRATION DU PRINCIPE D’ARCHIMÉDE Par M. BERTHAUD Professeur de sciences physiques au Lycée de Mâcon. Séance du 10 août 18632. Dans une lecture faite à la Société d'Emulation du Doubs en 1866 (!), M. Sire a fait remarquer avec raison que la mé- thode indiquée dans les ouvrages de physique pour la démons- tration expérimentale du principe d'Archimède manque ab- solument de généralité, et par suite il a été conduit à en pro- poser une qui lui semble apparemment la meilleure. Tout en ne m'expliquant pas bien l'ignorance ou le silence des auteurs de livres sur ce sujet, j'ai peine à croire que mes collègues, les professeurs de physique, aient attendu jusqu'ici pour dé- montrer ce: principe par une expérience simple. En général, chaque professeur un peu expérimenté a plus ou moins ses méthodes à lui, ses procédés particuliers, qu'il n’a pas l’occa- sion de divulguer, à moins qu'il ne vienne grossir le nombre des traités publiés sur la nature de son enseignement. Dans tous les cas, en ce qui me concerne, je puis affirmer que de- puis plus de vingt ans j'indique dans mes lecons, pour la dé- monstration dont il s’agit, une expérience qui me semble ne rien laisser à désirer pour la précision, la simplicité et la fa- cilité d'exécution. J'aurais cru ne rien apprendre à personne en la publiant, si le travail de M. Sire n'était venu me faire penser qu'il peut en être autrement. Je crois donc devoir don- ner ici cette démonstration expérimentale. — ) Mémoires de la Sociélé d'Emulalion du Doubs, 4° série, t. II (1866), pp. 1-10. | PT. JR Il faut démontrer que si un Corps de forme quelconque est suspendu à l’un des plateaux d’une balance et équilibré, la poussée ou perte de poids qu'il éprouve, lorsqu'on le fait plon- ger dans un liquide, est égale au poids du liquide déplacé. Le procédé revient en définitive à trouver facilement et avec exactitude le poids du liquide déplacé. On l'obtiendrait par la méthode du flacon, bien connue des physiciens; mais on veut avoir ce liquide lui-même en nature, afin de le mettre sur la balance et de voir si, comme cela doit être, il rétablit l'équi- libre. Dès lors, il faut absolument enlever ce liquide du vase ou le faire déverser d’une manière convenable. L'idée de M. Sire de faire déborder le liquide par une rainure circu- laire, etc., est certainement ingénieuse, mais compliquée, et, : je crois, peu susceptible de rigueur dans la pratique, car la manière dont le liquide s'élève dans la rigole sans déborder et en mouille les parois est variable. J'ai. peine à croire qu'on -puisse imaginer une disposition plus sûre et plus simple que la suivante : On emploie un vase cylindrique À, comme un vase à pré- cipiter, qui porte latéralement un petit tube C recourbé en bec à orifice étroit, comme dans une burette d'analyse. Une “burette elle-même servirait si son ou- verture était assez large pour laisser passer le corps. Le vase étant posé d’une Va 3 | manière bien fixe sur une table, on verse æy À == | doucement de l’eau (ou autre liquide sur lequel on veut opérer) jusqu’à ce qu’elle déborde par le petit bec latéral. Alors la sacs de l’eau se met d'elle-même à un niveau qui est presque exactement celui de l'orifice du bec (la différence vient de la capillarité), et il est évident que ce niveau est parfaitement fixe et ne saurait être dépassé. Si donc on fait plonger dans l’eau du vase le corps B, préalablement suspendu au plateau d’une balance et équilibré, on voit que ce corps, ne pouvant faire monter l'eau au-dessus de son niveau invariable, va en faire — 40 — sortir exactement le volume qu'il déplace. On recueille cette eau dans une petite capsule D qu'on a eu soin de placer vide sur le plateau de la balance, de manière qu'elle fasse partie de l'équilibre. En remettant sur le même plateau cette capsule avec l’eau qu'elle contient, on voit que l'équilibre est parfai- tement rétabli; ce qui démontre le principe d’Archimède. On conçoit que pour avoir dans le liquide un niveau com- plètement invariable, on devra laisser le vase fixe. D'ailleurs, en essuyant l’orifice du bec latéral au moment où l’on établit le niveau de l’eau dans le vase, puis l’égouttant de la même manière avec la capsule, quand le corps est plongé, on aura l'eau chassée par le corps avec une exactitude que je crois dif- ficile, sinon impossible, de dépasser. On fera bien de frapper de légers coups contre le vase, afin d'éviter l'erreur, faible d'ailleurs, qui pourrait tenir à l’adhérence du liquide contre les parois. J'ajoute qu'on peut remplacer, comme je l'ai fait jusqu'ici, le vase à bec latéral par un vase quelconque (peu large) au- quel on adapte un siphon à orifice étroit. Mais on fera aisé- ment pour les cabinets de physique un appareil plus élégant, en forme de verre à pied, et qui servira en même temps pour trouver les densités des solides et même des liquides. La ba- lance hydrostatique, plus commode que toute autre, n'est pour- tant pas indispensable. Une balance quelconque servira, en l'élevant à l’aide de cales, de manière que le corps suspendu soit à la hauteur de l’eau du vase. Une petite addition à la ba- lance commune, dite à plateaux en dessus, permettrait aussi de l’employer. Du reste la disposition de l'expérience dans ses menus détails peut varier suivant la fantaisie et les ressources de l'opérateur. On pourrait, au lieu de faire déborder l’eau par un bec, l'enlever à l’aide d'une pipette, mais ce procédé serait plus long et moins précis. SUR LES NOMBRES DE VIBRATIONS DES SONS DE LA GAMME Par M. BERTHAUD Professeur de sciences physiques au Lycée de Mâcon. Séance du 10 août 18637. Je crois devoir saisir l’occasion de la note précédente pour communiquer aux physiciens une observation aussi vieille que mon enseignement, mais à laquelle je n'avais pas attaché non plus assez d'importance pour la publier. On donne habituellement les nombres de vibrations des sons de la gamme en prenant pour unité le premier, qui correspond à ut; les autres sont alors des nombres fractionnaires qui n'ont rien de simple et que, malgré toutes les remarques ingé- nieuses dont on saide, on ne parvient pas à retenir aisément. Mais il en est tout autrement si on prend pour ut le nombre douze. Alors les nombres de vibrations des sons de la gamme sont les suivants : ut, res «mé; fa, sol, la, st, ul. teya/23115,018, 18, 20,:22 1/2, 24 Un seul coup d'œil, comme aussi la pratique, nous apprend combien ces nombres sont faciles à retenir. On sait d'abord que le premier étant 12, le dernier doit être double, c’est-à- dire 24. Mais on voit que cette série tout entière n’est que la suite des nombres pairs de 12 à 24 : 1214-1628, 20, 22, 24, sauf les modifications suivantes : 1° On remplace 14 par les deux nombres impairs voisins, 13 et 15; 2° On ajoute ensuite 1/2 au second et à l’avant-dernier. He Ces modifications sont si simples qu'on les fait mentalement avec facilité en écrivant les nombres pairs de 12 à 24. Aussi, après avoir fait les remarques précédentes et écrit les nombres une ou deux fois, il est impossible de les oublier. Je me per- mets donc de croire que désormais les fractions bizarres qu'on donne habituellement seront remplacées par la série si simple que je viens de faire connaître. Je me suis toujours attendu à voir cette petite observation faite et publiée par quelque auteur. J'ai été étonné de voir M. Daguin renoncer aux fractions ordinaires sans arriver à mes nombres. Cela tient à ce qu'il n’a eu que l’idée d’em- ployer des nombres entiers, ce qui l’a conduit à la série : 24, 27, 30, 32, 36, 40, 45 et 48, « dont les nombres, doubles des miens, ont une différence va- riable, n'ont par eux-mêmes rien de simple et ne se retiennent qu'avec difficulté. | a RECHERCHES SUR LA LANGUE BELLAU ARCOT DES PHIGNECRS DE CHANVRE LU HAUT JURA Par M. Charles TOUBIN Professeur d'histoire au collége arabe d'Alger. Séance du 6& juillet 1863. © La partie de la chaîne du Jura comprise entre Morez et la plaine de Bresse est certainement fort pittoresque; mais il est peu de pays moins fertiles, plus pauvres même : cette pauvreté tient à la fois à la maigreur du sol, à la longue durée des hivers et peut-être plus encore aux sécheresses qui sévissent périodiquement sur une terre sans profondeur et bien trop perméable. Nécessité, dit-on, est mère d'industrie, adage plus ou moins vrai selon les races et leur degré d'intelligence native et de disposition au travail. Voyez les Arabes et les Corses du centre de l’île; leur pauvreté n'est égalée que par leur apathie. Sans aller si loin, le paysan de la vallée de Chamounix n’en- voie-t-il pas tailler en Allemagne, plutôt que de les tailler lui- même, les cristaux fournis par ses roches ? Le montagnard du Saint-Bernard ne passe-t-1l pas paresseusement et stupidement ses huit mois d'hiver à jouer aux cartes et à dormir ? Dans la zône jurassienne que nous venons d'indiquer, et surtout dans la portion comprise entre Morez et les Bouchoux, l'homme réagit au contraire énergiquement contre la double ingratitude du sol et du climat, et ce que lui refuse la nature, il le demande à l'industrie et sait le conquérir par ses intelligents efforts. Horloger à Morez, cloutier dans beaucoup de localités autour de cette ville, lapidaire à Septmoncel, le Jurassien travaille à — 48 — | Saint-Claude, et dans les environs de Saint-Claude, le bois sous toutes ses formes, dans toutes ses essences, depuis le sapin jusqu'au bois et à la racine de bruyère, et pour tous les usages tant de luxe que de nécessité. La même main qui tient la charrue ou soigne le bétail, fabrique souvent aux heures disponibles les ustensiles de cuisine et les diverses pièces des chronomètres, ou bien elle taille le rubis, la topaze, l'éme- raude et l’améthyste. Avant l'établissement des chemins de fer, d’autres montagnards de la même zône exerçaient, sous le nom de grandvalliers, la profession de rouliers au long cours, et de Paris ou du Hävre poussaient leurs longues files de cha- riots jusqu'à Vienne, Milan et Madrid. Une autre industrie nomade du même pays, industrie en- core en pleine activité, est celle des peigneurs de chanvre, ‘plus connus en Franche-Comté sous le nom de pignars (1). Cultivateurs pendant neuf mois de l’année, les pignars, leur blé ou leur orge une fois récoltés et battus, et le chanvre une fois roui dans les pays qu'ils se proposent d'exploiter, les pignars, dis-je, quittent leurs montagnes et s’en vont d’un trait jus- qu'au fond de la Lorraine et de la Champagne, d'où, de vil- lage en village, de métairie en métairie, ils se rapprochent peu à peu de leur point de départ, en travaillant partout où de l'ouvrage s'offre à eux. Ils partent vers la fin de septembre et reviennent presque invariablement pour les fêtes de Noël. Leurs mœurs ne manquent pas d'intérêt; mais ce n'est pas le lieu de les décrire ici. Tant qu'ils restent au village, ils ne parlent d'autre langue que le patois du pays; mais une fois en campagne, ils se servent entre eux d'une langue à part ou plutôt d'un argot de métier, argot qui n’a pas été étudié jus- qu'à ce jour, du moins à ma connaissance, et qu'on nomme () Le pays dont les habitants se livrent au peigne du chanvre, s'étend dans un espace d'environ douze lieues du nord au sud, depuis Mijoux, village situé au pied de la Dôle et à l'entrée de la Valserine, jusqu'à la Balme (arrondissement de Nantua), dernier village jurassien au-dessus de la plaine bressane. SD la langue Bellau. Voici les mots de cet argot que j'ai pu re- cueillir, durant un séjour de quelques semaines dans les prin- cipales localités habitées par Les peigneurs : AFFIlA, AFFLA, apporter. — Lat. afferre. AFFIA, Oui. ARKI, soldat. — Cf. &pyh, commandement. ARPIOT, pied. — Argot parisien arpion, même signification. ARPOUÉ, SOU. ARTI, ARTA, pain. — Argot paris. lartot; grec äproc, même signification. ATELÉ, allumer. ATROSCHA, Corde dont se sert le peigneur pour son travail. BARIBANE, cloche. BATZE, BOITZE, BOITZI, fille. BaüLo, sac du peigneur, pareil à celui de fantassin. BazyA, froid. — Etre bazya, avoir froid. BELLAUDE, foire. Beurû (bien fort ?), même signification que affia. BERTOLIN, fourneau, poêle. BerToziNa, brebis. BiGn1, regarder. Bizz, argent. — Même signification dans l’argot parisien. Bzaxc (le), chemin ; épithète devenue substantif, comme il s'en trouve tant dans les divers argots : la menteuse (la langue), la tournante (la clef), la barbue (la plume), le fau- cheur (le bourreau), etc. — En argot parisien chemin se dit trimar. | Bzess, marchand. Bo, écurie. — Lat. bos. BoËNo, plein, rassasié. — Lat. plenus ? Borgo, étoupes. Bora, tabac, bourre de pipe. Braizut (1l mouillées,, même signification que boëé. — Cf. brailler, et le patois jurassien brillie qui se dit à la fois des cris î SR. | qe de l’homme et de ceux des divers animaux. (Darrois, Coup d'œil sur les patois de Franche-Comté.) … BRAMELLA, faim. — Dz'avilou bramella, j'ai faim. — Cf. bramer, crier, crier la faim ? Bramo, bœuf : littéralement le beugleur. — « En langue- docien bramer et dans notre patois bran ma se disent du beu- glement des vaches et des bœufs. » (HumBERT, Nouveau glos- saire genevois.) Brava, vache. BREYA, gens, personnes. — La breya qué sivé pa le blanc, le monde qui passe. BRITÉ, peigne pour le chanvre, outil du peigneur. BusSETTE, fenêtre. CABECA, tête; mot espagnol. CABOTTE, soulier. CABOTTIER, Cordonnier. CaBra, chèvre. — Patois jurass. cabre, même signif. (Dar- TOIS, OP. cit.) Cagnou, loup, diable, douanier. — Lou cagnou te ctèse, que le loup te mange! CALABRE, pièce d’un franc. CALETTE, livre. CaMBRÉÉ, même signif. que calabre. CanTi, poulet, coq. — Of. Le latin cantus. Capucxo, chapeau; mot emprunté aux langues du Midi. Casa, maison; mot emprunté à l'italien. CASTAGNADA, communion. CàTIN, matin. CHANTAN (la), église. — L'argot de Paris appelle d'une ma- nière analogue les églises entonnes et priantes. Caross, prendre. — Chross de l’arti, prends du pain. CORRENTIN, coureur. CRÉIA, viande. — Grec xpéas, chair; argot des prisons, crie. Crocs, doigts. EL 2 CRoQuANTSs, dents. Croquanr (la), fourchette. DARETTE, pièce de vingt francs. DesmaLr, pleurer. Dzaye, paille. DzÈve, jeune personne de l'un ou l'autre sexe. Dorra, rivière. — Cf. le franc-comtois doue et doie, source, et les doires Baltée et Susine. DouEraA, ventre. DureTTe, pierre; mot d'origine analogue à celles de blanc, crocs, croquant, etc. EcxrarRANs, yeux, ce qui éclaire. — En argot des prisons les yeux se nomment, d'une manière à peu près analogue, les ardents. | | ERECHAN, sel. EuBacxes, bouillie de maïs, gaudes. EurigLe, le peigneur qui fait les étoupes, le dégrossisseur. FampaLai, lune. Farpe, chanvre et aussi filasse. Farpaï, peigneur de chanvre; d’où sans doute le nom pa- tronymique Fardet, assez commun en Franche-Comté. FLOCCA, FIOCCO, FLOUQUÉ, Couper. FoLran, même signif. que calette, livre. ForRcHA, FOURCHA, fort. — Zima fourcha', eau-de-vie; littér. vin fort. Fuspé, diable; même signif. que cagnou. GâpiN, jeune homme. GANDE, dimanche. GappIAN, douanier. GÔ, maître de maison, chef de famille. GOFFA, soupe. GÔôni, mourir. — Cf. agonie. 2 EC = Gor, GoRDO, bon, beau. Gor-gädin, beäu garçon; gorda- boitze, belle fille; gor-temple, beau temps. — Cf. argot pari- sien gourdement, bien, beaucoup. GORDE, peigne fin pour le chanvre. (Gors4a, manger. Gou, poux. GRANET, blé. — Argot de Paris grenu. GREvA, mal faire quelque chose. GRIFF0, auberge. GriGNo, blanc. — Arti grigno, pain blanc. GRiILLAU (Il mouillées), pois. GRILLAUDES, haricots. GROULE, même sens que cabotte, soulier. GrRüDA, maîtresse de maison. GûBA, tuer. Gupi, apprenti peigneur de chanvre. GUERRE, couteau. Hosrau, maison. — Cf. le latin hospitalis, le français hostel, le franc-comtois houtau, logis, et le langued. houstaou, même sens. INTERVÉ, comprendre. — Argot paris. entervé, savoir. JARBON, Curé. KEUGNI, KEUGNO, même signification que le précédent. KiBa, soif. — Dz'avitou kiba, j ai soif. KîBarou, peureux, poltron. Kio, enfant. — Espagnol hijo, fils. KizLo, cheval. — Lat. caballus. KuÉ, maison. Kouax, même signification que g6, maître de la maison. Kûri, même signification que gorsa, manger. LaBourNa, peut-être plutôt bourna, bouteille. LaARBIO, chien. LAvVÉRAN, porte. LR LEMIEUSE, blouse. — Cf. limas, cotillon. (DucanGe.) LEMIEUx, drap. LEUTA, sé leuta, travailler avec ardeur. — Cf. lutter. LEeuTo, bras. LiaNpra, marier, — Sé liandra, se marier. LoxpzaN, année. — Argot paris. longe, année. Loupe, mensonge. Luse, fumier. Lupa, même signification que fampalai, lune. Serait-ce parce que loup et lune ne se montrent que de nuit? Mar, petit. MaRABE, pelit garcon, enfant. Mari, syn. de gudi, apprenti peigneur. Le radical mar si- enfant en bellau jeune et petit, nos paysans font un pléo- nasme quand ils appellent l'apprenti peigneur petit mari. MariILONDzAN, mois; litt. la petite année. MATUÉ, village. — E fa sivé du matué, il faut quitter le village. Mwzr8, midi. Mrzce (Il mouillées), femmes. — Lat. mulier, ital. moglie, même signification. MissoN ou MONZ1, je OÙ Mol. MisToreya, miche de pain. MonNEYyA, semaine. Morri, bouche. — Argot paris. morfiller, manger. MouURRIA, MURGNA, nez. Mucxacxo, enfant; mot emprunté à l'espagnol. NIver, non. — Non verè ? OBÉGUE, mouton. PADOLAN, raisin. PÉyA, se coucher. PeLvé, cheveu, foin. — Cf. Aargôt paris. pellard, foin; lat. pilus, poil. PERRET, fromage. ER: ee PERGUELIN, soleil. PERGUELETTA, lampe; littéralement petit soleil. On dit aussi perlingue et épiliguetta. PERRO, PERROU, Chat. PICATIN, PICANTÉ, même signification que canti, coq. PICATERNA, PICANTELLA, poule. — Argot paris. pique-en- terre, volaille. PrccoziNa, jeune fille; mot italien. Pre, sou. Prou, lit. — Argot paris. pieu, même signification. d PiQUE-EN-FER, maréchal-ferrant. Poixcar, voleur. — Poinçar de bille, bohémien,; litt. voleur d'argent. PRIKET, café. Râgo, gendarme. Racorpi, embrasser. RAME, cuillère, sans doute à cause de la ressemblance de forme des deux objets : de même la cuillère s'appelle pelle dans l'argot des bons- cousins; l'assimilation de rame et cuillère est probablement d'origine marseillaise. RANFLE, bâton. Rappia, prendre, dérober. — Lat. rapere. REGorpi, se confesser. — Lat. recordari, repasser dans sa mémoire? Resäroua, rire. — Cf. bafouer. REeuBgiA, brûler. RtB10, gros. RIONDAL, RIONDELLA, pomme. RIoNDAU, poire. RioeTTA, écu de cinq francs. Rôp, rouge. — Rodzima, vin rouge. — féberos, rosé? RÔUXÉ, porc et aussi lard. Rouggio, feu; d'où reubbia, cité plus haut. — Cf. ruber, rouge. PORT" RER RucHI, RUCHE, chien. RuLLiERDA, bouteille. — Argot paris. rouillarde. SàBOU, verre. Sâpan, même signification que morfi, bouche. SADÉ, dire. SAPRE, bois; d'où correntin de sapre, lièvre, littér. coureur de bois. — Argot paris. sabri, forêt. SAVETS, même signification que grillaus, pois. * SERGA, CHERGA, servante; sergoi, domestique mâle. — Lat. serva, ServUs. SEUGNI, nuit; aussi seugne et seurne. — Lat. somnus? argo paris. sorque. SIBEL, horloge: d'où le diminutif sibelletta, montre, littér. petite horloge. SOMBARDE, cloche, même sens que baribane. SUSAUNA, fermer. Tacco, sac de blé. TAQUE, poche. — Patois jurassien fdche; italien fasca; alle- mand Tasche. | TÉLupA, table. TEMPLE, temps. TÉNA, sécheresse. TÉNOTTE, marmite. TÉRUDA, semer. TERRUDE, pomme de terre. TEyNA, chauffer. Teyxo, feu. ToiR, TOIRON, maître. — Gor-toir, le bon Dieu, littér. le bon maître. — En argot des prisons maître se dit coire, mot qui vient peut-être du grec xôptoc. Toxzi, toi. TorcHAN, clef. TRÉ, même sens que croquant, fourchette. En) me VERGNA, ville. — Argot paris. vergne, pays. VouéssA, eau. — Cf. Vouisse et Vèze, noms de plusieurs ri- vières, et l'allem. Wasser. — Correntin de vouéssa, poisson ; littér. coureur d’eau. Zacco, laid. — Zacca breya, personne laide. ZAMPIO, nom. ZaARDA, travailler. ZÉMA, ZIMA, TSIMMA, FIMA, VID. ZémaA, boire. Zir, jour; d'où midzib, midi. ZERVÉLA, Orge. — Arti-zervéla, pain d'orge. — Cf. cervisia, vin d'orge, bière. Ziva, zIvÉ, aller. ZivADA, ZIVETTE, avoine. — Espagnol cevada, même signi- fication. Tel est le vocabulaire des mots bellau que j'ai pu recueillir, vocabulaire que je me suis efforcé de rendre aussi complet que possible. Marquons rapidement les principaux caractères de cet argot : 4° Accent tonique fortement prononcé, comme du reste dans le patois de cette partie du Jura : les mots empruntés à l’argot parisien font seuls exception ; 2° A l'exemple de ce patois, transformation de l’s et du c en ds et en iché; 3° Lexique très restreint et réduit aux mots de première nécessité ; 4° Absence presque complète de signes de rapports, signes que le peigneur de chanvre emprunte au français ou aux patois locaux ; 9° Comme dans la langue sabir, l'argot des prisons, celui des bons-cousins et le rommany ou argot des bohémiens d’Angle- terre, absence complète de déclinaison et de conjugaison, sauf pour quelques mots à terminaison italienne en o qui se fémi- ee Re nisent en à : brdmo, bœuf, bräma, vache; gorda-batze, zacca- breya, etc.; 6° Existence de diminutifs, dérivés et composés, qui parais- sent ne pas se retrouver dans les autres argots et constituent au bellau une véritable supériorité sous ce rapport. Diminutifs : sibel, horloge, sibelletta, montre (petite horloge); perguelin, soleil, pergueletta, lampe (petit soleil). Dérivés : mar, petit, marabe, enfant, mari, apprenti peigneur, marilondzan, mois (petite année); roubbio, feu, reubbia, brûler; teyno, également feu, ténotte, marmite, téna, sécheresse, teyna, chauffer. Com- posés : correntin de sapre, lièvre (coureur de bois); correntin de vouëssa, poisson (coureur d'eau); zima-forcha, eau-de-vie (vin fort); Gor-toir, Dieu (le maître bon); 7° Existence d’un certain nombre de mots grecs : arki, arti, créia, etc., qui ont eu probablement pour point de départ la vieille cité phocéenne de Marseille, d'où ils se sont répandus dans les divers argots; 8 Vocabulaire tout hétérogène et dont la moitié au moins est visiblement empruntée au vieux français, à l’argot des prisons et aux langues méridionales tant anciennes que mo- dernes. L'origine de l’autre moitié est encore une énigme pour moi, énigme que Je soumets à l'érudite sagacité des philologues. | | RL LUXEUIL DELLE ABBAYE.— THERMES. PAR M. EMILE DELACROIX Docteur en médecine et ês-sciences naturelles, Professeur à l'Ecole de médecine et pharmacie de Besançon, Médecin-Inspecteur des Thermes de Luxeuil. Séance du 9 mars 18697, 114 DOIVENT LAS Æ SFLLS "a, ri 4 n AT de + # NE: NET: \ Mi té ERP EPUTE CHAPITRE PREMIER. Origine et nom de Euxeuil. La haute antiquité d’une ville est ordinairement l'indice de quelque condition de territoire assez importante pour avoir attiré vivement l'attention des hommes, soit dans un intérêt de refuge et de défense, soit dans un intérêt plus spécialement favorable aux arts de la paix. Ce sont tantôt les riches plaines arrosées par des fleuves, où la culture, le pâturage et les trans- ports étaient faciles, tantôt même les accidents de nature les plus sauvages, qui ont été le théâtre de la constitution des premières sociétés; et nous voyons qu'il n’est pas jusqu'aux cavernes que l’homme n'ait eu à disputer aux animaux. La terre de Luxeuil, telle qu'elle a pu se montrer dans les anciens temps, n'ofirait rien de bien accentué, mais plutôt une réunion de dispositions heureuses : au nord des collines, dernières ramifications des Vosges, où la forêt se développe avec une rare majesté, d'où la vue s'étend vers de beaux ho- rizons; au sud une riche vallée, plaine bien arrosée et d’une fertilité exceptionnelle, s'étendant à l’ouest vers la Saône, l’'Arar des anciens. Ce territoire offrait ainsi à nos robustes et premiers pères un magnifique pays de chasse, de pêche, de culture, et peut-être aussi de refuge; mais de plus il possédait des sources chaudes. Or la connaissance des sources chaudes, nous l'avons déjà dit (‘), est aussi vieille que le genre hu- main. () Les Eaux, Etudes sur l'origine, la nature, les divers emplois des eaux, dans la Revue d'hydrologie médicale, Strasbourg, 1866; tirage à part, 1 vol. in-12, Paris, F. Savy. LR Quoique présentant d'une manière remarquable ce dernier genre de richesses qui, selon Pline, fondent des villes {urbes condunt), Luxeuil n'est mentionné ni dans les itinéraires, ni dans la carte de Peutinger, ni dans les écrits que l'antiquité nous a laissés. Mais son existence à l'époque gallo-romaine n'en est pas moins certaine (!). Si nous n’en avions pas les preuves que donne chaque jour le sol luxovien, tout encombré de ruines antiques, ces preuves nous seraient déjà suffisam- ment signalées au vr° siècle par ce qu'a écrit le moine italien Jonas, de Bobbio, sur l’arrivée de saint Colomban à Luxeuil vers 590 : «Il trouva une forteresse autrefois bien défendue (à huit milles environ d'Annegray, dans la Vosge) qui, dans les temps anciens, avait porté le nom de Luxovium, et où se montraient des thermes, ou eaux chaudes, édifiés avec un art excellent. Il y avait là beaucoup de statues de pierre aux- quelles les payens avaient jadis rendu un culte profane et cri- minel, se livrant à leur égard à d’exécrables cérémonies. Mais alors on n’y voyait que des bêtes féroces, des ours, des buffles et des loups en grande quantité. C'est là que l’homme d'élite se mit à élever un monastère (?). » | Le nom de Luxeuil a varié souvent dans sa forme : son éty- mologie , comme toutes celles qui dérivent de la langue cel- tique, est assez mal connue. Sa terminaison en euwil est récente; nous la voyons figurer pour la première fois dans un procès- verbal d’assemblée des officiers municipaux tenue, en la chambre du conseil de l'hôtel de ville de Luxeuil, le dix juillet () BOURQUELOT, Inscriptions antiques de Luxeuil et d'Aix-les-Bains, dans les Mémoires de la Société impériale des antiquaires de France, t. XXVI. (2) « Invenit autem castrum quoddam, quod olim munitissimum fuisset, a supradicto loco distans plus minus octo milliaribus (a castro Anagratis in Vosego), priscis temporibus Luxovium nuncupatum, ubi etiam thermæ, sive aquæ calidæ, eximio opere extructæ habebantur. Multæ illic statuæ lapideæ erant, quas cultu miserabili rituque profano pagani quondam coluerant, execrabilibus eas cæremoniis prosequentes. At nunc sole illic feræ, belluæ, ursi, bubali, lupi frequentes visebantur. 1bi ergo vir egregius monasterium construere cœpit. » m6 2 mil sept cent soixante-dix-sept, où lecture est donnée par le maire d’une lettre de l’intendant de la province, proposant à la ville de faire un emprunt de 28,000 livres à la commune de Mont-sous-Vaudrey pour l'achèvement de la construction des Bains. On écrivait auparavant Luxeul; longtemps on avait écrit Luxeu, qui est resté le vrai nom dans la prononciation popu- laire de la Franche-Comté. A ce titre au moins, cette forme est celle qui rappellerait le mieux les origines. On lit aussi dans des chartes françaises : Lixel, Lisseul, Litu. Quant aux formes latines, c'est-à-dire gallo-romaine et du moyen-âge, elles ne sont guère moins nombreuses : Lixovir thermas, dans l'inscription dite contemporaine de César et attribuée à Labienus; Luxovio et Brixiæ, dans une inscription votive; Lossoro et Briciæ dans une troisième; Lo » wOvIo, sur une prétendue monnaie abbatiale que les uns ont attribuée à l'administration de saint Valbert (!), et que d'autres considèrent comme une médaille frappée du temps de saint Eloi en l'honneur du monastère. Enfin, dans divers écrits du moyen-âge, on voit paraître les formes Lissovium, Lussedium, Losodium, Lixui. Confessant ici notre incompétence, bornons-nous à constater que les deux radicaux lux et lix ou lis paraissent dater des premiers temps, et ajoutons une simple observation. Si l'ins- cription de Labienus où figure le mot Lixovii était bien au- thentique , il faudrait reconnaître, en admettant que li ou lis eût signifié eau, comme on l'a dit, que Lixovium indiquerait assez bien une station d'eaux. Mais s’il fallait donner l’anté- riorité à la forme Luxovium, qui a commencé à paraître dans une inscription non contestée, n’en pourrait-on trouver la racine dans le mot louch, luch ou loch, qui en bas-breton, () BoissELET, Collections numismatiques de Luxeuil, dans les Annales franc-comtoises, 1865. cn ON gallois, gaëlique irlandais, signifie encore aujourd'hui marais : caractérisation qui ne serait certes pas en désaccord avec l'état primitif des lieux ? En effet, s’il était permis de reconstituer par la pensée l'état en quelque sorte anté-historique du milieu où se trouvaient les eaux minérales de Luxeuil, on ne verrait dans cette petite vallée latérale à pentes douces qui va mourant dans la plaine, qu'un ruisseau lent, formé d'abord de la réunion de quelques sources d'eau vive en amont de la forêt, s’enflant et s'embarras- sant peu à peu d'eaux et de boues ferrugineuses données laté- ralement par les bancs de grès, bouillonnant et s’élargissant aux points où du fond des granites poussent des jets d'eau sa- lino-thermale et se couvrant de mystérieuses vapeurs. De l'eau chaude émergée des entrailles de la terre; des bassins fumants sous un dôme de chênes, d'aulnes et de foyards si vigoureux dans la contrée : il n’en fallait pas plus, assurément, pour at- tirer l'attention des habitants primitifs, leur inspirer des senti- ments de vénération et de terreur religieuse. Partout où rè- gnait le druidisme, cette religion qui avait, malgré sa barba- rie, l'immensité de la nature à sa base et Dieu à son sommet, de pareils lieux ont été des lieux de rassemblements. Quoi qu'il en soit et sans trancher la question, ni prétendre même à l'éclairer, la ville de Luxeuil, prenant sans doute un jour en considération les trois première lettres de son nom, a mis le soleil dans ses armoiries. Passons en revue ses titres d’antique noblesse. = Se — CHAPITRE DEUXIÈME. Monuments gallo-romains. I VIEUX CHEMINS. D'anciennes voies dont on retrouve les traces au sud : l’une dans la direction de Ronchamps, sur la commune de La Cha- pelle, où plusieurs bornes milliaires ont été découvertes, l’autre sur Ehuns et Visoncourt, où sont aussi de nombreux restes d’antiquités, mettaient en communication Luxeuil d’une part avec Mandeure (Epomanduodurum), d'autre part avec les rives gauches de la haute Saône et avec Besançon. Jusqu'à une distance de 6 ou 7 kilomètres, dans cette sorte d’éventail s’ouvrant ainsi au sud de Luxeuil, les lieux dits ca- ractéristiques abondent. Tout indique que dans la petite val- lée marécageuse, au dessous de Visoncourt, il existait une autre station thermale; et sur les hauteurs d'Ehuns, nous voyons figurer les restes d'un vieux campement sous le nom un peu trop vulgarisé peut-être de camp de César, mais qui n’en mérite pas moins attention. En se rapprochant de Luxeuil, les routes, après avoir fran- chi la rivière de la Lanterne, se réunissaient en passant le Breuchin en une unique et large voie qui s'élève du sud au nord sous la principale rue de la ville actuelle. Les travaux faits sur toute cette ligne en 1858, pour l'établissement des ca- naux et des trottoirs, ont mis à découvert cette belle voie an- tique, construite d'épaisses Couches d'un gros gravier, telle- ment lié par un ciment ferrugineux qu'il avait acquis toute la solidité d’un poudingue bien résistant; et comme dans presque toute l'étendue le sol est d’une argile qui n’avait à fournir au- cun ciment ferrugineux, il n’est guère permis de douter que R D. po l'eau ferrugineuse des sources mêmes n'ait été répandue le long de cette ligne, pour en consolider la voie par de fréquents arrosements. En prolongement à peu près rectiligne, au nord de la ville actuelle, sous les fondations de l'hôpital que construit M. le marquis de Grammont, on a rencontré les lambeaux d’un pavé romain, divers débris, e‘ des murs qui semblent indiquer que c'était de ce côté, c'est-à-dire entre cette partie de la voie et les Bains, que se trouvaient les principales constructions de la ville antique. À cinq ou six cents mètres au delà, dans la direction de Fontaines, on voit bientôt reparaître dans les champs la ligne de gravier, à gauche de la route de Fouge- rolles. Sa continuation à travers la forêt se dessine longtemps par une sorte d'avenue que trace à l'œil une plus courte végé- tation. Cette voie, qui reparaît dans la commune d’Anjeux et au delà, tournait à l’ouest sur Langres (Andomatunum). Un autre embranchement, parti d’une bifurcation qui est dans la forêt, près de la fontaine du Miroir, se dirigeait au nord à tra- vers les vallées d’Ajol et d'Ogronne qui sont perpendiculaires à celle de la Moselle; mais, pour aborder cette dernière vallée, une voie romaine, obliquant à l'est, occupait les hauteurs intermédiaires. En effet, si nous suivons sur ces hauteurs la trace des lieux dits : la Croisette, les Charrières, qui sont entre Plombières et Val-d’Ajol, nous trouvons les restes d’un très beau dallage de voie romaine en blocs de grès, allant dans la direction de Remiremont. IT LE CHAMP-NOIR. ” Aux abords de Luxovium, les sépultures étaient placées, selon l'usage, le long de la voie. On sait, par des fouilles pratiquées au moyen âge, comme par celles qui se font encore aujourd'hui pour des constructions, que le Champ-Noir s'éle- vait des bords du Morbief à la ville, à droite et à gauche du Ut: chemin, principalement à droite. Son centre occupait vraisem- blablement la place actuelle de Saint-Martin, où fut la très ancienne église de même nom qui a recu le corps de saint Valbert. Les débris d'architecture antique d'assez grande dimension qu'on a trouvés autour de cette église, et ce qu'on sait des usages du temps, permettent de supposer que cet emplacement avait été, à l'époque gallo-romaine, celui d'un temple de Mars. Sur la plus grande étendue du Champ-Noir, des tombes chré- tiennes ont été superposées à celles de l'antiquité. C’est de là que viennent la plupart des pierres tumulaires conservées à Luxeuil. En 1229, on en avait tiré comme d’une carrière une telle quantité, qu'elles ont servi à faire les fondations des rem- parts de la ville. Sur un point où passaient ces remparts, en arrivant par la route de Breuches, on a découvert en creusant une cave, en 1845, dix-huit pierres tumulaires ainsi entas- sées (1). Elles portent encore la trace du mortier qui les liait. Ces pierres sont la plupart de celles qu'on voit aujourd'hui rangées sous la galerie des Bains. D'autres sépultures, aussi à droite de la voie, ont été trou- vées à peu de distance au nord de la ville. Quant aux tombes chrétiennes, un très petit nombre de celles qu'on a citées appartiennent à l'antiquité. Les sarco- phages qu'on découvrit en 1858, en abaissant le sol de la Grande - Rue, sont des époques mérovingienne et carlovin- gienne, comme l'indique leur forme rétrécie de la tête aux pieds. IT INSCRIPTIONS ET MONUMENTS DIVERS. Après beaucoup d'hommes éminents dans la science qui ont décrit, quelquefois rapidement il est vrai, nos monuments gallo-romains de Luxeuil et qui en ont interprété les inscrip- (:) Colonel DE FaBerT, Notice sur la villé de Luxeuil, De = tions, nous devons être circonspect. Cependant, comme une observation attentive et répétée, en un mot la fréquentation des choses, peut aider beaucoup à leur intelligence, nous allons passer en revue quelques-uns de ces monuments lapi- daires. Une inscription, sorte d'état civil de la station, se présente la première en date. Mais son authenticité a été si souvent combattue, qu'il est à regretter peut-être qu’on en ait voulu faire le principal titre d’une localité si riche d’ailleurs en vieux souvenirs. Essayons cependant d'éclairer le débat, en mettant sous les yeux du lecteur les circonstances de la découverte, relatées comme il suit dans les archives de la ville de Luxeuil (Reg. BB. 6, pp. 99 et 100) : « L'an mil sept cent cinquante-cinq, environ les sept heures et demie du matin du vingt-trois juillet, nous Melchior Pigeot, maire et juge civil et criminel de haute, moyenne et basse justice des mairie et police de la ville de Luxeul; Claude-Joseph Desgranges, avocat au parlement, premier échevin; Jean- Claude Fabert, docteur en médecine, second échevin; Claude- Joseph Leclerc, ancien ingénieur; Pierre-Claude Belot, et Pierre-François Guin, tous conseillers-assesseurs de l'hôtel de ville dudit Luxeul, ensuite des ordres de Mer de Boynes, intendant du comté de Bourgogne, du neuf du courant, por- tant qu'il seroit travaillé à la découverte des sources des eaux minérales qui sont autour des Bains de cette ville, avons le présent jour ordonné que, par Desle-Pierre Beurgey, Nicolas Dancour, Jean-Jacques Chiron, Nicolas Vidy, Antoine Balan- dier, Marie Jacquemin et Marguerite Chiron, il seroit fait une ouverture dans le pré du sieur George Bassand, aussi conseiller dudit hôtel de ville, dans l'endroit où il paroît un écoulement d’eau chaude, ce qui nous a fait présumer qu’il y avoit une source d’eau de cette qualité, qui est abandonnée et ruinée d’un temps immémorial, et à environ trente pieds au-dessus du tirant du nord au levant est une autre source d’eau ferru- gineuse également abandonnée et ruinée. Les ouvriers cy- FC". pi dessus dénommés avant ouvert les terres sous les ordres dudit sieur Guin, dans l'endroit où la source d'eau chaude paroît, en continuant d'approfondir et élargir le fossé qu'on y a fait pratiquer, distant du bain des Pères Capucins qui est au midi dudit fossé de quatorze toises quatre pieds, lesdits ouvriers ont découvert une pierre de sable blanche, d’un fin grain, de quinze pouces de longueur, large de treize pouces et de trois pouces d'épaisseur, écarrie et taillée dans la surface, piquée à la pointe du marteau des quatre côtés et à la face opposée, et sur la face polie de cette pierre est un cadre d'environ une digne de profondeur, de treize pouces neuf lignes de longueur, et de onze pouces de largeur, dans lequel sont gravées ces lettres romaines : LIXOVII THERM. REPAR. LABIENVS IVSS. C. IVL. CAES. IMP. » Cette pierre étoit à trois pieds et demi de profondeur en terre, dans des débris de pierres, de maçonnerie, de tuiles à la romaine et de boue noire, de laquelle ladite pierre est encore chargée; et ayant mené une ligne de l'endroit où elle a été trouvée à l'angle qui est entre le septentrion et le levant du bain des Pères Capucins, elle décline du midi au levant de ciny degrés; elle est longue de quatorze toises quatre pieds et demi. L'emplacement de cette pierre est aussi à cinq toises deux pieds du milieu de l'égout d’un ruisseau d’où coulent actuellement les eaux qui formoient précédemment l'étang des Pères Bénédictins; et ayant fait mener dudit emplacement une ligne, jusqu'à la source d'eau ferrugineuse qui en est la plus voisine, elle décline du nord au levant de cinquante degrés et est longue de six toises. A la gauche d’un peu plus de deux tiers de cette ligne et à cinq pieds d’icelle, est une source d'eau chaude. Cette pierre a été levée en présence du R. P. Fortuné de Conhége, gardien des Capucins de cette Pa, || ville; Dom Constance Pouthier, religieux bénédictin de la congrégation de Saint-Maur; Dom Jean Bouché, visiteur de l'étroite observance de l'ordre de Cluny ; du sieur Charles- Antoine Ebaudy, seigneur de Bricon et autres lieux, conseiller- secrétaire du roi, demeurant à Amance; du sieur François Huvelin, intéressé dans les affaires du roi, demeurant à Lure: de Jeanne-Francoise Seguin, femme de Claude Perrin; de Jeanne-Baptiste Vannoz, fille de Joseph Vannoz; et la recon- naissance en a été faite en présence des ci-dessus dénommés, et de messire Alexis-Francçcois Rance, conseiller-auditeur en la cour et chambre des comptes à Dole; Dom Jérôme Bassand, visiteur de la congrégation de Saint - Vannes et Saint- Hidulphe, et Dom Jean-Baptiste Varin, prieur et sous-prieur de l’abbaye de Luxeul; père Isidore de Vesoul, religieux capucin à Luxeul; des sieurs Jacques Boulangier, Sébastien Grammasson et Constance-[gnace Renaud, prêtres, chapelains en l’église de Saint-Martin dudit Luxeul; des sieurs Sébastien Magny, procureur sindic de ladite ville; Georges-François Pigeot, procureur et notaire au bailliage de la même ville: des sieurs Claude-Benoît Prinet et Charles-Antoine Vinot, avocats en parlement, et autres aussi présents, de même que messire Géraud du Pouget, chevalier et seigneur de Reniac, capitaine aide-major au régiment de Marcieux en quartier à Luxeul: du sieur J ean-Baptiste Bontems des Essards, lieute- nant audit régiment. De tout quoi nous avons dressé le présent procès-verbal sur les lieux, et l'avons signé avec tous les y dénommés présents ayant l'usage des lettres, les autres ayant déclaré être illettrés, de ce enquis après lecture. Et avons ordonné que ladite pierre, portant ladite inscription, sera inces- samment déposée à l'hôtel de ville dudit Luxeul. (Suivent les signatures). » Enregistré aux actes importants de l'hôtel de ville, fol. 99 et 100, par moi ledit Guin soussigné, le vingt-trois juillet mil sept cent cinquante-Cinq. | » (Signé) GUIN. » La TE 71 AT Est-il permis de supposer que le rédacteur même de ce procès-verbal, Pierre-Francois Guin, qui a dirigé les travaux et qui passait alors pour un antiquaire habile, grand collec- tionneur et un peu brocanteur, ait été plus que le parrain de l'inscription ? En tous cas, l'absence de complicité des témoins ne saurait être mise en doute. Leur nombre même s'explique aisément, puisqu'on était alors en pleine saison des bains; mais la supercherie n'aurait pu-que surprendre leur bonne foi, car il est évident qu'un Labienus apocryphe, quelque peu versé dans le triste art de la fraude, n'aurait pas attendu le dernier instant pour opérer; qu'il eût au moins de longue date préparé l'aspect du terrain, afin qu'une exhumation en temps utile prit aux yeux de tous les caractères de l'imprévu. L’authenticité de cette inscription a été repoussée par de Caylus (!) et d’autres antiquaires éminents, et récemment encore par M. Bourquelot, professeur à l'Ecole des Chartes. Mais elle a eu pour elle aussi de savants défenseurs, en tête desquels était D. Grappin (?). En 1864, M. Déy (*) a de nou- veau rompu une lance en faveur de cette inscription, qu'on peut voir sous le vestibule des Bains. Ce n’est pas à nous qu'il appartient de juger, mais son antiquité fûüt-elle encore plus suspecte, il n'en résulterait pas que Labienus n'ait rien eu à faire à Luxeuil. Mis en quartier d'hiver en Séquanie, après les défaites d'Arioviste et de Vercingétorix, il serait étrange qu'il n'eût pas profité de la station balnéaire qu'il avait en quelque sorte sous la main. Supposer autrement, ce serait oublier combien la balnéation était entrée dans les habitudes de la vie romaine. Labienus eut d’ailleurs, dans la première de ces circonstances, à surveiller la Gaule belgique, et à rendre compte à César des agitations qui s’y manifestaient (*). 11 n’est () Recueil d'antiquités, t. LIT, pp. 364-65. (?) Histoire de l'abbaye royale de Luxeu, manuscrit de la bibliothèque de Besançon. (°) Mémoires pour servir à l'histoire de la ville de Luxeuil, dans les Me- moires de La Commission archéologique de la Haute-Saône, t. IT et IV. {(*) De bell. gall., lib. I, c. 1. PER” TER donc pas impossible qu'il ait établi quelque poste à proximité de Luxeuil même, alors situé près des limites séquanaise et belge, la localité lui offrant au mieux les secours nécessaires à l'alimentation d'une partie de ses troupes, et la facilité de surveiller les passages des monts Faucilles. Passons à une autre inscription : LVXOVIO ET BRIXIAE C IVL FIRMAN IVS V.S. L. M. Lvxovio ET BRixiAE Caius Iurius FirMaNIvs votum solvit Libens Merito (1). Cette inscription, connue déjà de longue date, était transerite sur la couverture d'un manuscrit du vin ou 1x° siècle (Homiliæ SS. Patrum in Evangelia quatuor) de l’abbaye de Luxeuil. Quant à la pierre d'où elle était tirée, on l'avait sans doute rejetée dans les décombres, puisque de nos jours elle a été _ trouvée le 31 octobre 1777, ainsi qu'il est dit dans le procès- verbal qui suit de l'assemblée extraordinaire des officiers mu- nicipaux de Luxeuil (Reg. BB. 10, p. 39) : « À l'assemblée extraordinaire des sieurs officiers munici- paux de la ville de Luxeuil, le trente-un octobre mil sept cent soixante-dix-sept, sur l'avis donné à l'instant que dans les fouilles et enlèvement de terre qui se faisoient autour de la cour actuelle des bâtiments des Bains par les communautés des villages voisins, ensuite des ordres de M. de la Coré, intendant de cette province, on venoit de trouver une ancienne inscription qui paroissoit romaine, gravée sur une pierre du pays et commençant par LVXOVIO ET BRIXIAE, ainsi que celle qui a été vue autrefois et dont on a conservé une note sur l’intérieur de la couverture ou les premiers feuillets d'un ancien manuscrit déposé dans la bibliothèque des Béné- dictins de cette ville; et sur la proposition faite qu'il étoit con- venable de faire dresser procès-verbal, ainsi que de lever un (1) BOURQUELOT, ouvrage cité. — 173 — plan de l'endroit précis où a été trouvée cette inscription, que l'on vient de rapporter à cet instant avoir été remise par les ouvriers qui l'ont trouvée au sieur avocat Prinet, de cette ville (!); et la matière mise en délibération, il a été statué et arrêté qu'on se transporteroit incessamment sur l'emplacement où on a trouvé ladite inscription, tant pour la vérifier et re- connoître que pour faire dresser procès-verbal de la découverte qui en a été faite, enfin dresser plan de l'endroit où elle a été trouvée pour être joint au procès-verbal, et le tout être remis pour en conserver la mémoire dans les archives de cet hôtel de ville. S’étant lesdits officiers municipaux soussignés après lecture. 4 » (Signé) DESGRANGES, FABERT, DENICOURT, J.-B. THIERRY. » Le 11 mai 1781, une nouveile inscription où figure le nom de Bricia fut découverte au bord d’un® riscine romaine aban- donnée, au nord du grand bain actuel. La voici telle qu'elle est sous le vestibule des Bains, en face de celle de Labienus : DIVA AVXI BRICIA REG CAE AVG COS TIB ET PIS DEDICATV TEMPLVM. Il en résulterait, comme on le voit, qu'un temple aurait été élevé, sous le règne de César Auguste et le consulat de Tibère et de Pison, à la déesse secourable Bricia. Parmi les inscriptions où se voit ce nom de Bricia ou Brixia, celle dont il est question dans une délibération du corps muni- cipal du 19 avril 1778, et qui est aujourd'hui à Vesoul dans la collection de M. Boisselet, héritier du cabinet Fabert, n'est () Alors chargé de représenter la ville de Luxeuil dans les négociations relatives à l’achèvement de ses Bains. — 74 — certes pas une des moins authentiques ni des moins intéres- santes : re SOIO ET BRICIAE DIVICTI VS CONS TANS VASTE UMR On doit lire (d’après M. Bourquelot) : Lussoro ET BRIGIAE Drvicrits CoxsTaxs votum solvit Libens Merito. Que signifie dans nos inscriptions le nom de Bricia? Son association à celui de Luxovium ou Lsusoium dans les monu- ments de Luxeuil, n'ayant pu être mise en doute, les savants ont dû l’interpréter. D'après une conjecture de Dom Grappin, le mot Brixia, suivi du nom de Firmanius, pourrait indiquer que ce Firma- nius était Brixien, c'est-à-dire de Brescia en Lombardie. Mais nous voyons à Luxeuil une autre inscription où le nom de Divictius Constans se lit sous celui de Bricia. Ce Divictius Constans était-il donc aussi de Brescia ? Pour peu qu'on trouve à Luxeuil quelque autre monument analogue, on y verrait bientôt une colonie brixienne. Dunod de Charnage {‘) s'est demandé à ce propos si le mot Brixia ne serait pas une faute de transcription, à laquelle on devrait selon lui substituer le mot Hygiæ, nom de la déesse de la santé. D. Calmet (?) croit que le mot Brixia s'applique au village de Saint-Bresson; mais de Caylus a fait observer que le village de ce nom, près Luxeuil, doit son nom à l’évêque saint Brice (sanctus Bririus), postérieur à l'inscription. D'Anville ($), croyant reconnaitre un lien intime entre le 6) Histoire de l'église de Besançon, t. IT, p.117. (?) Traité des eaux de Plombières, de Bourbonne et de Luxeu. (8) Notice de la Gaule, pp. 430-431, . — 75 — _ mot Brixia et le nom de la rivière Breuchin, pense que Brixia pourrait être une divinité locale ou gauloise. Enfin Walckenaer (!), se fondant sur ce que le mot tudesque Brucke signifie pont, dit que Bria, Briva ou Briria, désignerait un lieu situé au passage d’une rivière appelée Breuchin. Or, de ce que Brucke veut dire pont ou passage, et sous ce rapport s'applique assez bien aux lieux dits nombreux qui se retrouvent le long du Breuchin, s’ensuit-il que la rivière tire son nom de sa prétendue patronne la déesse Brixia, ou réci- proquement ? __ Qu'on nous pardonne aussi de ne pas nous incliner devant une figure de sirène trouvée à Faucogney (?), et qui représen- terait la fameuse déesse. C'est tout bonnement la grossière décoration d’une retombée de voûte d'église du treizième siècle ou du quatorzième. Il faut reconnaître néanmoins que parmi tant d'opinions diverses, celle qui divinisait le Breuchin sous le nom de Brixia avait fini par prévaloir, sans doute à cause d’une de ces apparences de similitude de noms qu'on retrouve un peu partout avec de la bonne volonté. Mais a-t-on jamais lu dans quelque ancien titre que le nom de Brixia se rapportät au Breuchin ? Dans la vie de saint Colomban, écrite par Jonas, on voit que le Breuchin s'appelait Brusca. Il y est question d'une pêche que Gall, alors à Annegray, va faire ad Bruscam. Ce nom de Brusca est aujourd’hui parfaitement conservé dans ceux de Breuche, Breuchotte, la Breuche, les Breuches, qu'on retrouve tout le long du Breuchin. Mais les étymologistes les plus érudits de notre temps n’y voient aucun rapport d'o- rigine avec le mot Brixia ; et encore à supposer qu'il y en eût, comment se pourrait-il que les eaux insignifiantes d'une petite rivière, située à distance, eussent été associées aux sources () Géographie ancienne des Gaules, t. 1, p. 320. (?) Note de M. le docteur Tæiriow, dans les Mémoires de la Commission d'archéologie de la Haute-Saône, 1867. en it thermales de Luxovium dans un même ex-voto, par un bai- gneur demandant secours à la station ? Sans paraître adopter entièrement une opinion que nous avions émise, M. Bourquelot est de tous les auteurs qui ont écrit sur Luxeuil celui qui nous semble s'être approché le plus de la vérité, puisqu'il dit : « Ce qui est certain, c'est l'existence d’un culte à deux divinités locales, qui ont laissé leur nom dans le pays, et qu’on invoquait sans doute dans les maladies. » Or, nous le répétons, des fouilles considérables faites à Luxeuil, en 1857 et 1858 {!), ont démontré qu'à l'époque an- tique les sources ferrugineuses de la station avaient été l'objet d’une exploitation non moins importante que celle de leurs voisines les sources thermales proprement dites. Il y avait donc là comme deux établissements distincts, quoique situés côte à côte, et pouvant se prêter un secours mutuel. Ainsi s'expliquerait l'adjectif auxiliaris appliqué à Bricia dans une de nos inscriptions, dont on a voulu contester l'authenticité, mais qui nous semble incontestable, par cela même que ce mot auæiliaris y apparut dans un temps où nul n'avait encore la moindre idée de ce qu'avaient pu faire les anciens de nos sources ferrugineuses. Et comme il est bien admis aujourd'hui qu'il n'y avait pas de source minérale fréquentée qui n'eût sa petite divinité, nous ne voyons pas plus d’invraisemblance dans une consécration de l’eau ferrugineuse à Bricia, qu'on n'en trouve dans celle de l’eau salino-thermale à Luxovium. Ainsi s'expliquerait encore une fois pour nous l'association de ces deux noms, Luxovium et Bricia, dans un même ex-voto. Ajoutons qu’au milieu des vastes constructions antiques élevées sur les sources ferrugineuses, on a trouvé des colonnes tour- nées, dont les bases étaient sur la grande galerie de surveillance et de captage, et qui rappellent là l'existence d'un petit temple ou de quelque monument analogue. C’est même de là que () Voir le compte-rendu de ces fouilles dans les Mémoires de la Soriété d'Emulalion du Doubs, 3e série, t. VII, 1862, pp. 93-105. cage DE vient le nom de Sources du temple donné de nos jours et d'une commune voix à nos principales sources ferrugineuses. Une de nos inscriptions, sans contredit des plus intéres- santes, est celle qu'on lit sur une des faces d'un petit autel. A l'opposé est un sacrificateur nu (!), le bras levé et armé d’un court coutelas, le genou gauche appuyé sur une roche. Sur chacune des deux autres faces est un personnage nu jusqu'à enroulement à la ceinture. L'un d'eux porte des brodequins larges et à bouts pointus, comme on les retrouve aux pieds des personnages sculptés de nos pierres tumulaires. Ce monu- ment, d’une hauteur de 0",95, d'un beau style indiquant l'époque des Antonins, est assez bien conservé pour que nous en ayons fait un moulage à l'intention du musée archéolozique de Besancon. Son inscription, que nous avons plusieurs fois relevée et avec le plus grand soin, parce qu'elle nous pa- raissait avoir été mal lue, porte : APOLLINI ET SIRONAE IDEM TAVRVS Ici, comme on le voit, la consécration du monument cesse d'avoir un caractère exclusivement local. Elle s'applique à Apollon et à une nymphe des eaux, Sirona, dont le nom se retrouve en différents lieux (?), ordinairement associé à celui d'Apollinus Grannus, l’Apollon de la-médecine. Mais que signifient les lettres de la troisième ligne de notre inscription ? Seraient-ce des initiales ? Nous ne pouvons que répondre de leur exactitude, laissant aux érudits le soin de les interpréter. De nos jours, le nom de Sirona a servi à former celui de Sironabad, station d'eau sulfureuse située au bord du Rhin, entre Oppenheim et Nierstein. () Un de nos plus habiles sculpteurs, M. Jean PETIT, y voit Apollon le couteau levé pour scalper Marsyas. (2) GRUTER, Corpus inscriptionum. à IV PIERRES TUMULAIRES. Les nombreuses pierres tumulaires, rangées sous la ga- lerie des Bains de Luxeuil, sont généralement ornées de figures en relief, se détachant d'un creux, la plupart avec des inscriptions. Ces figures ont toutes le costume complet, gaulois ou romain, la longue blouse ou la toge, et portent aux pieds- le soulier pointu. Elles ont dans les mains des vases funéraires, pots et coupes de forme variable, des paniers ou des coffrets à anses, des offrandes, des outils et jusqu'à des ustensiles de toilette. Plusieurs dames romaines emportent dans l'autre monde un petit miroir. Aux pieds de l’une d'elles est la louve accroupie. L’exécution plus ou moins achevée de ces monu- ments nous montre l'art à tous ses degrés, depuis la grande facture du sculpteur éminent jusqu'aux plus modestes essais du simple tailleur de tombes. On y voit l'attitude de la danseuse à côté de celle de la matrone sénatoriale; mais généralement elles sont empreintes d’une sorte de gravité mystique, indi- quant bien le passage de l’une à l’autre vie. Ce sont les figures les plus gauloises qui offrent le mieux ce caractère. Plusieurs groupes montrent de bons époux se tenant par la main. Des professions très diverses nous paraissent avoir aussi là leurs représentants. Un arüste barbu, avec l'inscription : D MARICIAINI M tient d’une main la coupe funéraire et de l’autre la gouge du sculpteur. Un autre personnage, dont l'inscription placée à l'angle droit supérieur de la pierre a peut-être été mal interprétée, nous laisse lire très nettement : D M VICTORINI COAC TILI RC QU Cette tombe serait-elle celle d’un foulon ‘coactiliarius) ? ou s'agirait-il simplement d'un surnom tiré de la chevelure quelque peu feutrée de ce Victorinus ? Une troisième représentation, sans nom, est évidemmen] celle d’un artisan, grave et barbu, qui tient de la main droite une coupe, de la gauche un instrument de menuiserie, sorte de couteau à deux manches. | Une autre représente, selon toute vraisemblance, un cam- pagnard. De la main gauche il tient un fouet. Derrière son épaule droite, on distingue encore assez bien les linéaments de l’encolure d’un cheval. L'inscription qu'on voit au bas de la pierre offre tous les signes de la décadence. Elle a été mal lue jusqu’à ce jour et peut-être encore plus mal traduite. Nous en donnons le fac-simile, en y joignant une interpré- tation qui nous a été fournie par M. Castan : D Mode 04 /VA MVSINURIANMUEFI C'est-à-dire : Dis Manibus MVSINi LIRIIi /pro LIREi) ATILIY3 {pro AELIi, Fllii; — Aux mdnes de Musinus, le labou- reur, fus d'Ælius. Suivant les archéologues, la plupart de ces pierres seraient du temps des Antonins et se rapporteraient principalement au deuxième siècle. On en voit non-seulement aux Bains de Luxeuil, mais encore dans les murs des jardins, derrière les treilles, notamment dans celui qui appartenait à un ancien inspecteur de la station, le docteur Leclerc, ainsi que dans beaucoup de villages des environs, surtout dans la direction de Langres. Rien n'indique mieux combien cette partie nord de la Séquanie était riche et peuplée à l’époque gallo-romaine. Parmi ces tombes, un certain nombre se terminent en arc aigu, comme celles qui se trouvent aux environs de Saverne (1). (1) C£. Quelques monuments de l'époque gallo-romaine trouvés sur les som- mités des Vosges près de Saverne (Bas-Rhin), par M. le colonel bE MorLer, Es 'URienes M. J. Quicherat nous a fait observer que cette forme était particulière aux Vosges, où elle se rencontre sur le versant lorrain comme sur celui d'Alsace. Une de celles que nous possédons à Luxeuil a pour attribut la petite déesse Epona, latéralement assise à cheval. CHAPITRE TROISIÈME. Ancien état de In ville et des Bains. On voit, par un plan dressé en 1772 (!), que l'enceinte fortifiée de Luxeuil commençait alors au sud, à la porte Notre-Dame, près du ruisseau dit Morbief, et qu'elle passait au nord à la porte Saint-Nicolas, un peu au-dessous de la place actuelle du Collége. Fermée à l’est, elle donnait passage à l'ouest à une route sur Breuches par la porte Veuve. Les Bains restaient dans le faubourg, au nord. Telle avait été probablement la ville du moyen âge, mais là n'avait pas été la ville antique. Il est nécessaire de se reporter à ces limites de 1772 pour bien comprendre l'empla- cement de la ville gallo-romaine, située autour des Bains. D. Grappin, dans son Histoire de l’abbaye royale de Luxeu, nous à laissé un plan approximatif d'une enceinte supposée de la ville antique, à laquelle il donne, on ne sait pourquoi, une forme plus ou moins arrondie. La grande voie, faisant axe principal, comprenait, du sud au nord entre portes, envi- ron 700 pas géométriques (?). Elle aurait eu, à droite, un long dans le Bulletin monumental, t. XXVIII, 1862, pp. 363-268, et dans celui de La Société pour La conservation des monuments d'Alsace, Strasbourg, 1863. (:) Par be Houzé, lieutenant de mineurs au régiment de Strasbourg, corps royal d'artillerie; plan accompagné d'indications données par M. Grandmougin dans son Hisloire de La ville et des Thermes de Luæeuil, 1866. () La moyenne du pas romain est de 1m4816. — Cf. Paul Biaz, Chemins, habitations el oppidum de la Gaule, dans les Mém. de la Soc. d'Em. du Doubs, 3° série, t. VII, 1862, pp. 380-381. == 98 — portique, à gauche les Bains. Dans cette hypothèse et à vue du plan du savant bénédictin, la ville romaine se serait éten- due à peu près à 500 mètres au nord, au sud et à l’est des Bains, à 200 mètres seulement à l’ouest. Mais laissons parler D. Grappin, dont l'autorité est ici d'autant plus grande qu'il a eu certainement sous les yeux des documents qui ont échappé depuis aux collections publi- ques et que le brocantage a perdus ou dispersés. « A travers ces monuments, dit-il, je découvre Luxeu romain, son éten- due, ses limites. A l'entrée du fauxbourg des Baïns, presque : sous la porte Saint-Nicolas qui sépare le fauxbourg septen- trional de la ville moderne, on vit en 1740 les jambages de la porte méridionale de l’ancienne, saillants d'un pavé romain fort étendu. Quatre médailles de Vespasien, trouvées sous la base, font une preuve que du temps de ce prince on répara les fortifications de Luxeu, mais non pas qu'on y ait travaillé pour la première fois. Assez près de la porte méridionale (!), on découvrit les ruines d'un ouvrage avancé qui avoit encore trois pieds d'élévation. Et vers le même temps un creusage, entre l'étang des Bains et le bois appelé Goutil-Joran, pro- duisit deux gonds énormes de quatre pouces de diamètre pour chaque mamelon, et dont la partie qui entroit dans la feuil- lure avoit un pied et demi de longueur. C'était là, où je place avec assez de fondement la porte septentrionale, que commen- coit une ancienne route dont nous voyons encore les vestiges au voisinage de celle de Fontaines. Ce chemin a toutes les indices des voyes romaines : solide dans les lieux mêmes sujets à l'eau, la levée en forme de rhombe est de vingt-quatre pieds de largeur ; les deux côtés en talus. Autant qu'on en peut juger, il prenoit sa direction vers Bourbonne, et probable- ment il conduisoit à Langres, pour y joindre la route de Besançon à la Gaule- Belgique. » Ainsi, ces médailles de Vespasien, trouvées sous une base er () À l'est de cette porte. PT de jambage de porte, indiqueraient qu'au premier siècle Luxeuil était déjà, sinon une ville fortifiée comme le suppose D. Grappin, au moins un vaste établissement thermal fermé, ce qui est plus vraisemblable (!). INDICATIONS DONNÉES PAR LES FOUILLES. En tous cas, on ne saurait douter, d’après les vestiges anciennement découverts et ceux que la pioche met encore au jour à chaque instant, que de très vastes constructions exis- taient sur les deux flancs des Bains, surtout à l’est. Il est probable qu'entre ces constructions, la petite vallée en amont était plutôt un espace laissé libre, une sorte de forum réservé aux marchands et aux réunions publiques. C’est là qu'on a trouvé en nivelant le Parc, en 1858, et parmi les fondations d'anciens murs à gauche, le petit autel votif d’Apollon et de Sirona. Au moyen âge, tout cet espace au-dessus des Bains avait été converti en étang, à l’aide d’un barrage formé de deux murs parallèles jetés transversalement sur les ruines, et revé- tant une chaussée qui donnait passage de l’une à l’autre rive. Nous avons dit que, dans les temps primitifs, bien des sortes d'eaux mélangées avaient dû former les Bains de Luxeuil. Dès l’époque celtique, ces Bains étaient fréquentés, puis- qu'on y retrouve les objets d'alors, notamment les poteries les plus caractéristiques, enfouis au plus profond des terres remuées ou accumulées de main d'homme. (:} Une tombe que l'on voit aux Bains et qui a été trouvée près de la voie romaine, à la sortie nord de la ville antique, a pour inscription : D M CERIALIS DONICATI Ce Cerialis a-t-il quelque rapport avec le général romain qui eut à réduire la révolte batave et gauloise? An ee Peut-être même avant la grande occupation romaine, avait- on compris que les eaux thermales et les eaux ferrugineuses ont là des origines bien distinctes, et qu'il convenait de faire des travaux pour permettre à volonté ou empêcher leur mé- Jlange. On pourrait en effet, sans invraisemblance, attribuer aux purs Gaulois la construction de cette longue galerie formée de grosses pierres presque brutes et sans ciment, que nous avons décrite à la suite des fouilles faites en 1857 et 1858 aux sources ferrugineuses (!). Des fouilles plus récentes pour les travaux de captage faits dans le Parc en 1865, à la source dite du Pré-Martin, située à 150 mètres environ au nord-est de l'établissement actuel, ont mis à découvert (?), entre autres objets antiques, à une pro- _fondeur de 4 mètres une médaille de Constantin, à 5 mètres une médaille de Domitien; enfin, dans une terre noire et à 0,50 seulement au-dessus de la roche, une médaille d’Au- guste. On comprend aisément cette succession chronologique des remblais ; mais ce qui est ici bien remarquable, c'est que cette terre noire ait été recouverte et masquée par une assise uniforme de crassin sableux supportant en partie des fonda- tions d'importantes constructions romaines. Dans cette même terre noire, située ainsi entre crassin et roche, on a découvert, à 15 mètres en aval de la source et sur une longueur de 12 mètres, un amas de 0",40 de figurines en bois de chêne, la plupart coiffées d’un capuchon, les autres à tête nue sculptée avec un certain goût et portant pour collier le grand anneau ouvert à bouts renflés, caractéristique de certaines statuettes trouvées en Séquanie, et qu'on voit au cou du petit Morphée en bronze du musée de Besancon. Ces figurines de Luxeuil sont entremêlées de cendres, de () Notice sur les fouilles faites en 1857 et en 1858 aux sources ferrugineuses de Luxeuil, dans les Mém. de la Soc d'Emulation du Doubs, 3° série, t. VIF, 1862, PP: 93-105. __ (*) Rapport de M. CHaLor. = A débris de bois brûlé et déjà de quelques poteries romaines. N'oublions pas qu'à quelques pas de là, le terrain analogue renfermait une médaille d’Auguste. On voit par là que si les Thermes de Luxeuil ont pu être restaurés par Labienus du temps de César, ainsi que l'indiquerait l'inscription, la faveur romaine ne les aurait pas protégés longtemps contre l'incendie. Ce qui est plus vrai encore, c'est que les grands travaux antiques de la station, ceux qui ont laissé leurs ruines au- dessus du crassin dont nous venons de parler, sont postérieurs à cette destruction. Faut-il donc admettre qu'il y ait eu là, soit du temps d'Auguste, soit du temps de ses successeurs les plus rapprochés, quelque cause de ruine et d'incendie à ce” point terrible qu'elle ait fait perdre le souvenir de l'état anté- rieur des lieux? Est-il vraisemblable que des Romains, si habiles en construction, aient pu prendre un crassin accidentel pour de la roche, et fonder par inadvertance de grands édifices sur des remblais, quand il ne leur restait qu'un mètre à tra- verser pour atteindre le rocher même ? La couche de crassin n’est pas là du sable amené par les eaux torrentielles; elle est établie de main d'homme. Ce que nous savons des mœurs antiques fait supposer avec beaucoup de vraisemblance qu'elle a servi de sol artificiel couvrant quelque dépôt sacré d’ex-voto d’un âge antérieur. N'avons- nous pas vu, à Besancon, une disposition analogue quand on faisait des fouilles profondes à travers un cimetière gallo-romain du premier siècle, et même antérieur, pour établir les fonda- tions de l'arsenal? Là aussi un remblai servit à protéger des restes sacrés, dont rien n'avait été soustrait, pas même les objets de prix, quand plus tard on a établi sur ce remblai de vastes édifices. Revenons à Luxeuil. Le rapport sur les travaux faits autour de la fontaine du Pré-Martin, signale là deux rangées parallèles de colonnes, l’une à l’est avec un mur en gros moellons, l’autre à l’ouest avec divers travaux d'enceinte et d’étanche- ment, qui ne permettent pas de douter de l'existence, à une SEX époque gallo-romaine, d'un vaste bassin au centre duquel: émergeait la source. Alors, selon toute probabilité, l'amas de figurines et de débris enfouis à quelques mètres en aval avait été déjà dérobé aux regards. Un mur à l'est protégeait cette source, dont l’eau est d’une pureté extrêmement remarquable, contre l’arrivée latérale des eaux ferrugineuses. Ces dernières, comme nous l'avons dit, avaient un système de captage parti- culier et bien distinct, une canalisation du nord au sud, avec une série de petits drainages transversaux à l'est. Si chaque fois qu'on a découvert à Luxeuil des substructions antiques, on avait eu soin de les rapporter fidèlement sur un plan général des lieux, nous aurions peut-être aujourd'hui tous les éléments d’un plan de restauration des anciens Thermes. Mais quelle valeur peut-on accorder aujourd'hui à ce tracé un peu conjectural d'une longue ligne de pilastres, à droite de la voie romaine, qu'on voit figurer dans l'œuvre de D. Grappin ? Si l'existence de ces pilastres n'est pas contes- table, la détermination vraie de leur emplacement laisse trop à désirer. Que dire de cet aqueduc de 300 mètres de longueur, partant du nord des Bains, descendant à la Corvée, dont il est question dans un ancien manuscrit déposé aux archives de la ville ? si ce n'est que, d'assez longue date, on aurait eu con- naissance de la galerie qui suit les principales sources ferru- gineuses. Quant à ce qui a pu exister à l'ouest des Bains, et surtout au nord-ouest, où quelques visiteurs ont cru reconnaître, dans les profils et le contour du terrain, des vestiges d’un Cirque, nous sommes encore plus mal renseignés. De ce côté, il est vrai, jämais de grandes fouilles n'ont été faites. Revenons au versant est où, selon toute vraisemblance, la voie antique a fait grouper le plus de constructions, entre les Bains actuels et le lieu dit Trou-des-Fées. 11 est indubitable qu'au bas de ce versant, du nord au sud et suivant la ligne tracée souterrainement par la galerie ferrugineuse, il a existé de grands édifices. Leurs ruines consistent surtout en rangées Mn Le de pilastres, se reproduisant parallèlement à l'est, et en débris de longues pièces de bois à demi-brülées, entremêlés de tui- leaux romains. Il devient évident par là que le principal système adopté pour les constructions accessoires des Thermes de Luxeuil, associait largement le bois à la pierre du pays. C'étaient de longs portiques, formés de piles en grès couron- nées de sablières et supportant de vastes combles. Sur diffé- rents points, comme on a pu le constater, notamment aux sources pour cela dites du Temple et à la fontaine du Pré-Martin, il y a eu de plus des groupes de colonnes. Mais ces colonnades et ces portiques sont-ils bien contemporains ? A l'époque ro- maine, les Thermes de Luxeuil, sans jamais cesser longtemps d'être fréquentés, paraissent avoir subi plus d’une ruine et conséquemment plus d'une réparation. S'il nous a été possible d'établir quelques grandes divisions dans la coupe générale des remblais qu'on voyait aux sources ferrugineuses en 1857 et 1858, il devient très difficile, en prenant à part la période gallo-romaine, d'y préciser des dates. Nous n'’essaierons même pas de le faire. Bornons-nous à rappeler les divisions que nous avons déjà indiquées. « Première période. — Avant les grands travaux de canali- sation des eaux ferrugineuses. En effet, sous quelques parties de ces travaux on trouve les poteries noires, brutes et nette” ment gauloises dont nous avons parlé (!), et même déjà quel- ques débris de poterie rouge fine, mais unie, des cendres et des fragments de bois brülé. Cette époque évidemment précède une première destruction (?). » Deuxième période. — Etablissement des nombreuses rigoles de drainage à l’est etau nord-est. Construction du large canal en bois de chêne réunissant les eaux du nord au midi, et de () Etudes sur Luxeuil, dans les Mém. de La Soc. d'Emul. du Doubs, 1857, 3e série, t. 1[, pp. 380-386. (?) Les conditions dans lesquelles on a trouvé depuis les figurines en bois de chêne, à la fontaine du Pré-Marlin, se rattachent clairement à cette première période. 2 M la galerie supérieure qui l'accompagne. Le plafond de cette galerie est de niveau avec des piles énormes et régulièrement espacées à l’est; une de ces piles est formée du flanc même de la galerie, ce qui indique la contemporanéité? d’autres, fran- chissant le canal, descendent vers l’ouest. On peut conclure de cette disposition qu'un très vaste bâtiment, construit sur la galerie prise comme niveau, s'étendait d'une part vers la ville, à l’est, et d'autre part vers les sources thermales dans l'axe de la vallée. » Troisième période. — Sur les ruines nivelées de l’établis- sement qui précède, s'étendait au nord l'aire à potier que nous avons décrite { Mém. 1857) et dont nous avons déposé une coupe (plancher, terre et rivage en ciment romain) au musée de Besancon. Sur d’autres points, au même niveau et entre remblais, gisait un large dépôt de l'argile couleur perle qui appartient aux grès bigarrés, et à quelque distance un amas de chaux éteinte sur place, contenant encore quelques rognons non fusés, madrépores siliceux, etc. Cette époque d'ateliers divers, établis sur les ruines qui ont encombré les sources ferrugineuses, constituerait ainsi une troisième période assez distincte. » Quatrième période. — Enfin, plus tard, à des époques dont la tradition et les historiens nous ont conservé plus ou moins le souvenir, 1l est certain que les Thermes de Luxeuil étaient entièrement dévastés, que toutes leurs eaux, thermales et ferrugineuses, mélangées à travers les décombres et notable- ment élevées de niveau, se frayaient péniblement en aval un passage vers le Breuchin; tandis qu’en amont les eaux froides superficielles, retenues par un barrage, avaient converti en un vaste étang l'espace au-dessus des Bains. » Il est aisé de voir au moins, dans cette succession de rem- blais qui se montraient assez nettement tranchés : une pre- mière période qui serait la celtique, plus ou moins reculée; une deuxième, qui est incontestablement gallo-romaine; une troisième, qui est celle des invasions barbares et notamment HR de l'installation des Burgondes en Séquanie; enfin la longue période du moyen âge, pendant laquelle on avait à peu près oublié les sources ferrugineuses sur lesquelles on continuait l'amoncellement des déblais, en se contentant d'utiliser tant bien que mal les eaux chaudes au milieu des ruines, à quel- ques pas de là. Les tessons de poteries diverses et les ustensiles qu'on à pu recueillir dans tous les étages des remblais, ont été tellement variés, d'époques si diverses et trouvés en telle abondance, qu'ils sont la preuve, non-seulement de l'ordre non interrompu dans lequel se succédaient à Luxeuil les générations anciennes, mais de la grande fréquentation du lieu. Après les épais frag- ments de poterie gauloise, brute, noire, plus ou moins gros- sièrement malaxée et à courbes inégales, ou plus régulière et ornée de lignes en zig-zag, se montrent les tessons de fine pâte rouge, unie, dont les profils, d'une pureté sévère, rappellent les beaux temps de l’art gréco-romain ; puis les mêmes terres avec des reliefs représentant des courses, des combats, des chasses, des animaux, des fleurs, quelquefois des têtes d'hom- mes ou de femmes qui paraissent être des portraits de princes d'une plus basse époque. C'est à ces terres rouges, souvent sigillées, qu'appartiennent les signatures CIBIS, IANVA- RIVS, PAVLIANVS, PERAS, OF. BASSI, que nous avons recueillies et qu'a reproduites M. Bourquelot (‘). Joignons-y le nom de NICIA, que nous lisons sur un fragment qui est dans la petite collection du docteur Pierrey. Si la plupart de ces poteries ont été apportées par des visi- teurs de différentes nations et représentent ainsi une industrie plus ou moins exotique, il n’est pas moins vrai qu'on en fabriquait de très remarquables à Luxeuil même, et qu'on y façonnait notamment de cette belle poterie rouge, fine, lustrée, à reliefs, qui semble marquer partout le passage de la civili- sation romaine. À l'appui de cette opinion, nous avons déjà () Mémoires de La Soc. imp. des antiquaires de France, t. XXVI. eu cité le beau fragment de moule trouvé en 1858 par l'ingénieur des mines M. Descos, et qu’on peut voir aujourd'hui au musée d'archéologie de Besancon. Mais comme aucune des terres du pays ne pouvait donner seule la pâte et la couleur de cette belle poterie caractéristique dont nous venons de parler, il est rationnel d'en conclure qu'elle résultait d'un mélange connu traditionnellement et fait partout à peu près de même par les potiers romains. Il MÉDAILLES. Tous les auteurs qui ont écrit sur Luxeuil s'accordent à signaler l'immense quantité de monnaies trouvées dans la station. D. Grappin nous dit, dans ses Recherches sur les an- ciennes monnoîies du comté de Bourgogne : « Le médailler de la bibliothèque publique de Besançon est un des plus riches pour les monnoies romaines trouvées dans la Séquanie. Celles des empereurs, surtout d'Adrien et de Constantin le Grand, sont très multipliées dans cette collection, à commencer depuis Jules César jusqu'au grand Théodose. Luxeul a fourni dans ces derniers temps assez de monnoies romaines pour en faire un médailler aussi considérable que celui de la bibliothèque publique. ‘On conserve ces monnoies à l'abbaye de Luxeul et chez diffé- rents particuliers de la ville. » Aïnsi, chose assurément remar- quable, en 1782, Luxeuil avait des médaillers aussi riches que ceux de la capitale même de la province. M.J.-J.-T. Boisselet, dans son mémoire intitulé : Collections numismatiques de Luxeuil, nous instruit de ce que sont devenus ces médaillers. Celui de Pierre Vinot, médecin, qui a écrit sur les anti- quités de sa ville en 1710, a passé dans le cabinet de J.-C. de Fabert. | Les intéressantes et nombreuses collections, successivement formées sur place et accompagnées de notes, par P.-F. Guin, D. ancien notaire et membre du magistrat municipal, mort en 1800, ont été malheureusement faites en vue de la spéculation et conséquemment dispersées. | Il en est arrivé de même du riche médailler de l’avocat Prinet, que son auteur avait destiné à devenir une collection de la ville, et qui néanmoins, après sa mort (en 1784), est devenu la proie des brocanteurs de Bâle. Les Bénédictins de Luxeuil avaient aussi leur riche cabinet de médailles et d'antiques. Mais celui du dernier abbé, Jean de Clermont-Tonnerre, paraît avoir été pillé dans une émeute, le 21 juillet 1789. Peu après, les religieux auraient, dit-on, sauvé le leur en en faisant entre eux le partage. Une grande partie de ces richesses avaient été recueillies par J.-F.-M. Fonclause, qui était parvenu à rassembler jusqu’à près de dix mille médailles, « dont un dixième, d’une grande beauté, manque dans les cabinets les plus nombreux. » Quatre mille environ de ces médailles, dont mille en argent, toutes provenant de Luxeuil, ont passé, par acquisition, dans la belle collection de M. le docteur Sallot, de Vesoul. De son côté, M. Boiïsselet conserve religieusement les anti- quités que la famille de Fabert a pu lui transmettre par héritage. Le docteur Revillout, par l'acquisition qu'il a faite du cabinet du docteur Leclerc, a eu aussi sa part des richesses abondamment récoltées à l’époque où l’on faisait de très grands mouvements de terres pour la reconstruction des Bains de Luxeuil. 3 Mais en quelques bonnes mains qu'une partie de ces mo- numents de la station eût pu tomber, il est regrettable qu'ils soient aujourd'hui disséminés. Quand donc saura-t-on bien que tout ce qui touche à l'histoire d’un peuple, ou d’une ville, appartient en quelque sorte à tous, et n’a de garanties vraies de conservation que dans les collections publiques ? En 1848, la ville de Besançon, voulant mettre sous la sau- vegarde de la population même les objets les plus disparates; Es. ge monuments d'histoire de tous les régimes, a fondé son musée d'archéologie, qui s’est accru comme par enchantement, cha- cun se faisant un mérite d'apporter son offrande et d'y atta- cher son nom. Ainsi rien ne s'égare, pas même le nom des donateurs. Il serait bien temps que la ville de Luxeuil imitât cet exemple, si elle veut laisser à ses historiens futurs autre chose à étudier que de la poussière et des on-dit. III VESTIGES DE BAINS. On trouve dans les ouvrages des anciens inspecteurs des eaux de Luxeuil, notamment dans ceux des docteurs Chape- lain, Aliès, Revillout, Molin, des renseignements sur la structure des salles et des bassins de la station dans l'antiquité. Ces bassins, découverts aux différentes époques de construc- tion des Bains modernes, étaient ou circulaires ou quadrila- téraux, pavés d’albâtre ou de mosaïques (‘). On y voyait des stalles creusées dans le roc, des voûtes en tuf. Cinq belles salles de bains auraient été ainsi exhumées. Malheureusement, nous ne voyons nulle part le plan qu'on dit avoir été levé de ces précieux restes, et déjà nous ne les connaissons plus que par une sorte de tradition. Dans ce qui nous est conservé des constructions romaines, le principal ouvrage est un bel aqueduc souterrain, qui reçoit encore aujourd'hui les eaux de vidange des bains et le petit ruisseau de la vallée. Il est construit en assises alternatives de gros et petit appareil. Voûté jusqu'au lavoir qu'on voit au delà du jardin du Salon, il se continuait . à ciel ouvert jusqu'à la route de Breuches; mais cette dernière partie, longue de 450 mètres, a été voûtée en 1865 et supporte ainsi une avenue nouvelle pour aborder l'établissement. () « Il y a quelques années on trouva, derrière le bain gradué, trois bassins, dont deux de forme circulaire; l’autre était un quadrilatère oblong. Ces trois bassins, dans lesquels on descendait par des degrés, étaient éga- lement pavés en albâtre. » (D' CHAPELAIN, Luxeuil et ses Bains, 1851.) — 99 — Au souvenir de tant de monuments dispersés et qu'on a tirés longtemps du sol luxovien comme d'une carrière, à la vue de ce qui se présente encore dans les travaux qui mettent à nu certaines parties non explorées des remblais, quelque opinion qu'on se forme des vieilles origines de Luxeuil, on ne saurait disconvenir qu'il a joui, au moins comme établisse- ment thermal, d’une très grande considération sous l'empire romain. Nous l'avons dit ailleurs (‘), comment expliquer au- trement cette accumulation de débris de coupes, tasses, cruches, urnes, de toute pâte, de toute forme et de toute dimension, qu'on a trouvés autour des sources, et qui forment là une collection céramique si variée qu'on la dirait empruntée à tous les lieux de la terre ? Il est hors de doute que la statuaire antique avait là aussi plus d’une merveille : beaucoup de statues de dieux, dont parle Jonas, et au moins des bustes nombreux des grands personnages du temps. Celui de Lucius Verus, qu'on voit à l'hôtel de ville de Luxueil, fait déplorer vivement les ravages exercés par les invasions barbares dans la station. Au nombre de ces ravages, celui qui s'étendit à tout l'est des Gaules en 451, et qui avait renversé tant de villes sous les bandes d’Attila, paraît n'avoir laissé à Luxeuil que des ruines (?). Mais il faut reconnaître qu'auparavant bien d’autres orages avaient déjà passé par là. On sait ce qu'étaient devenus, bien avant Attila, ces pays entre Saône et Rhin, que les successeurs de Constantin ne pouvaient plus défendre (). () De l'emploi des eaux minérales chez les anciens, dans les Mémoires de la Soc. d'Emulat. du Doubs, 4e série, t. 1, 1865, pp. 239-249. (?) Est-ce à cette invasion qu'il faut rattacher un singulier outil que nous avons trouvé dans les remblais qui couvraient les sources ferrugineuses ? 11 consiste en une mâchoire inférieure de cheval, usée profondément et aplanie en dessous. On voit qu'elle a servi d’instrument soit pour affiler les lames, soit pour lisser des surfaces à la façon d'un brunissoir. (*) Voici dans quels termes l’empereur Julien dépeint l’est de la Gaule, après la première invasion germanique de 355 : « …. Innumera Germano- rum multitudiue circum eversa per Gallias oppida commorante. Quorum ==: Alors, ce qui pouvait y rester de population gauloise ou romaine commençait à négliger des cités compromises ou détruites, aimant mieux partager avec des colons barbares les habitations rurales. Ne soyons donc pas étonnés que Colom- ban, quand il vint aborder le territoire de Luxeuil en 590, n'ait trouvé là, comme on l’a dit, qu'un lieu désolé et en quelque sorte rendu à l’état de nature, où erraient plus d’ani- maux sauvages que d'habitants humains. CHAPITRE QUATRIÈME. Luxeuil religieux et municipal au moyen âge. Au bord d’une de ces vallées qui, entre les Vosges et le Jura, donnaient depuis la Germanie entrée facile au cœur des Gaules, Luxeuil inévitablement, à chaque invasion, rece- vait plus de farouches visiteurs que de restaurateurs de ses Thermes. Que pouvait-il y rester debout, même avant la fin de l'empire d'Occident? Nous avons dit qu'au milieu des ruines, qu'en {858 on voyait amoncelées sur l’ancien établis- sement ferrugineux, on a pu retrouver et distinguer assez nettement une période d'ateliers divers. Or, ce que nous savons des habitudes industrieuses et des mœurs relativement douces des Burgondes, installés dès lors en Séquanie, permet de supposer que ces ateliers établis sur des ruines leur apparte- naient. La civilisation romaine, à l’est des Gaules, avait bien perdu de sa splendeur. Elle y avait laissé peut-être plus qu'ail- leurs d'ineffacables traces, mais aussi d'affreuses misères. Tous les historiens s'accordent à nous faire de la Séquanie, aux 1v° et v° siècles, une triste peinture. numerus oppidorum ad quinque et quadraginta pervenerat, burgis et cas- tellis minoribus omissis. » (JULIANI epist. ad.s. P.Q. A., inter ejusd, opera, 1696, in-fol., p. 279.) ol 7 Jetons un coup d'œil plus général sur l’histoire de ces temps, pour comprendre ce qu'avait pu devenir Luxeuil, à l’époque où une colonie à peine installée avait à s’y défendre contre de nouveaux envahisseurs. Le premier royaume de Bourgogne (Besançon, Genève, Lyon et Vienne), partagé en 463 entre les quatre fils de Gun- dioc, dont l'un était père de sainte Clotilde, avait passé aux mains de Gondebaud seul, par un de ces procédés fort en usage alors, la spoliation et le meurtre des frères. Bientôt, du côté des Francs, auxquels Clovis avait assuré la suprématie dans les Gaules, le même système de partage, en 511, avait eu lieu entre quatre fils également rois : Thierry à Metz, Clodomir à Orléans, Childebert à Paris, Clotaire à Soissons. Thierry I‘, secondé par son fils le vaillant Théodebert, por- tant la guerre en Allemagne, avait fait de l’Austrasie un Etat considérable. Mais les trois derniers enfants, que Clovis avait eus de son deuxième mariage avec Clotilde, avaient d’abord songé à s'u- nir pour envahir la Bourgogne, qu'ils réclamaient du chef de leur mère, et ils en avaient précipité le roi Sigismond dans un puits. L'année suivante l’un d'eux, Clodomir, avait péri dans un combat contre Gondemar IT, frére de saint Sigismond, laissant deux fils, âgés l’un de dix, l’autre de sept ans, dont les oncles convoitaient l'héritage. Aïnsi se formaient et se dé- formaient les royaumes! En vain l’aïeule éperdue, la sainte veuve de Clovis, avait pris ces enfants sous sa protection. Elle n'eut pas même le temps de choisir pour eux entre la tonsure ou la mort, entre les ciseaux et l'épée qu'on avait fait luire à ses yeux. Clotaire fut le bourreau, Childebert le complice. On voit qu'avant d'aboutir à la longue série des rois fainéants, la dynastie mérovingienne était alors dans toute sa verdeur. En 558, Clotaire était resté seul maître des Gaules. A sa mort, en 561, ses fils eurent en partage : Caribert le royaume de Paris; Gontran ceux de Bourgogne et d'Orléans; Sigebert = MS = celui de Metz ou d'Austrasie; Chilpéric celui de Soissons, au- quel il ajouta Paris en 567. Le bon Gontran avait eu ainsi, sans contredit, la part la moins difficile à gouverner, la Bourgogne, qui tenait alors le premier rang dans les Gaules. « Elle avait été, lors des inva- sions, le refuge des familles dépossédées. La civilisation, chassée de Trèves, avait cédé la ligne du Rhin, celle de la Meuse, et s'était repliée sur la Saône. Les inscriptions chré- tiennes, beaucoup plus nombreuses et plus touchantes en cette contrée, suffiraient à en démontrer la supériorité intellectuelle et morale à l'époque des Mérovingiens ({). » Néanmoins, Gontran ne fut pas heureux .en s'efforçant d'entretenir un peu de paix parmi ses frères, et surtout entre leurs femmes. Déjà commençait entre deux reines, Brunehilde et Frédégonde, dont la terrible célébrité plane sur toute l’his- toire de ce temps, une trop mémorable lutte. L'épouse du brave Sigebert, Brunehilde, fille d’Athanagilde, roi des Wisi- goths d'Espagne, avait été élevée à la cour de Tolède, et avait apporté à celle d’Austrasie une réputation de grâce et de beauté, une intelligence supérieure, une grande énergie fa- connée par une éducation mi-romaine, mi-barbare. Sa sœur, la douce Galswinthe, était femme de Chilpéric; et ainsi les deux sœurs, en épousant deux frères mérovingiens, étaient devenues reines d’Austrasie et de Neustrie. Mais à la cour de Chilpéric, une favorite, Frédégonde, ré- gnait dans l'ombre. « Elle s’empara de l'esprit du pauvre roi de Neustrie, roi grammairien et théologien, qui dut aux crimes de sa femme le nom de Néron de la France. Elle lui fit d’a- bord étrangler sa femme légitime, Galswinthe, sœur de Brunehaut; puis ses beaux-fils y passèrent, puis son beau- frère Sigebert. Cette femme terrible, environnée d'hommes dévoués qu'elle fascinait de son génie meurtrier, dont elle (1) Ludovic DRAPEYRON, La reine Brunehilde et la crise sociale du vi° siècte, dans les Mémoires de la Soc. d'Emul. du Doubs, 4e série, t. 11, 1866, p. 408. De. D troublait la raison par d'enivrants breuvages, frappait par eux ses ennemis ({). » C'est peu après ces événements, et, comme on le voit, au milieu des luttes barbares, qu'arrivait Colomban. Nous n’au- rions certes pas à nous occuper, à propos de Luxeuil, des sentiments de douleur et de vengeance qui avaient envahi l'âme ardente de Brunehaut, à la nouvelle de l'assassinat de sa sœur et de son époux, ni des agitations qui s’ensuivirent, si nous n'avions à nous faire une idée de l’état de l’est des Gaules quand le saint réformateur irlandais vint y fonder une école qui, pendant plusieurs siécles, eut un rôle considérable et qui a conservé dans l'histoire une grande célébrité. SAINT COLOMBAN ET LES ORIGINES DE L'ABBAYE DE LUXEUIL. Au milieu des éléments hétérogènes où les Francs domi- naient par la force et les Gallo-Romains par la civilisation, la religion nouvelle étendait chaque jour son empire. Les pre- miers monastères étaient non-seulement le refuge des hommes qui voulaient s’écarter des brigandages du temps, ils mettaient en honneur le travail exercé par des mains libres : leurs bi- bliothèques sauvaient de la destruction les œuvres de l’anti- quité; leurs écoles entretenaient la culture des sciences et des lettres. Situé au pied des Vosges, à proximité de l’Austrasie et vers l'extrémité nord du royaume de Bourgogne, Luxeuil était alors dans les Etats du roi Gontran, dont le neveu, Childe- bert II, fils de Sigebert et de Brunehaut, possédait l’Austrasie et n'eut la Bourgogne qu'en 593. Or c’est en 585 que saint Colomban serait venu s'établir à Annegray, d’après les biographes, et en 590 qu'il aurait ob- tenu la concession des ruines de Luxeuil même, situé à huit (@) MicueLer, Histoire de France, t. I, p. 221. — 97 — | - milles d'Annesray. Ainsi c'est du roi Gontran que daterait la fondation du fameux monastère. Luxeuil, nous dit D. Grappin, n'était plus qu'un désert quand y vint Colomban. Cette opinion est aussi celle de D. Guillot (‘), et il faut avouer qu'en prenant à la lettre la sombre description des lieux que nous a laissée Jonas au vue siècle, il n’était guère possible de s’en faire une autre idée. Les auteurs de la Vie des saints de Franche-Comté ont été depuis moins absolus. Nous lisons dans leur Vie de saint Co- lomban : « Les rares habitants qui ont survécu au désastre sont dispersés, et n'ont conservé qu'une vague idée de la reli- gion chrétienne... Le saint y prévoit pour lui et pour ses com- pagnons un double but à atteindre : une terre inculte à dé- fricher et des âmes à sauver (?).» Cette interprétation, qui ne réduit pas tout à fait Luxeuil à l’état de désert au vr° siècle, nous semble plus juste. Dans des pays de facile refuge, comme le Jura, avec ses anfractuosités et ses innombrables cavernes, comme les Vosges, avec leurs immenses forêts, une population, quelque amoindrie qu'elle ait pu être par la guerre et les maux qui accompagnent les invasions, parvient toujours à réparer une partie de ses pertes aussitôt qu'un peu de calme a reparu. Aussi voyons-nous qu'après trois jours d'installation à Anne- gray, Colomban et ses compagnons, tourmentés par la faim, recoivent la visite d’un étranger suivi de plusieurs chevaux chargés de vivres; que ces provisions épuisées, et quand de- puis neuf jours la confiante colonie n'avait plus d’autres ali- ments que l'écorce des arbres et les racines du sol, l’heu- reuse inspiration d'un prêtre nommé Carantoc, abbé d’un monastère peu éloigné, fait partir plusieurs voitures de se- cours , sous la direction du cellérier Marculfe, qui, laissant aller ses chevaux à l'aventure, arrive tout droit à Annegray. () Histoire de l'illustre abbaye de Luxeu (1725), ms. de la bibliothèque de Vesoul. (*) Vie des saints de Franche-Comté, par les professeurs du collége Saint- François-Xavier de Besancon, t. II, p. 17, ‘ EE, . WEAR A plus forte raison, le principal centre d'habitation du pays, Luxeuil, ne pouvait-il être en ce temps tout à fait abandonné. Grande était sans doute la foi de Colomban et de ses douze courageux compagnons de labeur en abordant un pays où la forêt avait en grande partie fait disparaître les travaux hu- mains; mais ils venaient de traverser en missionnaires du Christ les Gaules, où ils s'étaient probablement aguerris contre plus d’un danger; ils sortaient de la grande école de Ban- chor (1), fameux monastère dirigé par Comgall, dans l'Irlande alors surnommée l'Ile des Saints, tant le christianisme, apporté par saint Patrick en 431, s’y était substitué facilement et ra- pidement au druidisme. Là, dans une vallée dite des Anges, quatre mille moines, dit-on, entretenaient sans interruption le chant des louanges de Dieu, et de là vient sans doute l’u- sage du laus perennis importé à Luxeuil. On nous représente le nouvel apôtre comme attaché forte- ment à son église plus celtique que romaine. Il tenait aux ha- bitudes nationales. Sa tonsure même n'était pas circulaire, mais elle allait, découvrant complètement le front, de l’une à l’autre oreille. Il continuait aussi l’usage irlandais de célébrer la Pâque le quatorzième jour de la lune de mars, quand ce jour tombait un dimanche, tandis que le concile de Nicée avait décrété que la fête serait mobile et se ferait le premier dimanche après la première lune qui suivrait l’équinoxe du printemps. Cette dissidence attira beaucoup d’ennuis à Co- lomban. Les lettres qu’il écrivit à ce sujet au pape saint Gré- goire-le-Grand n’arrivèrent pas à destination ou restèrent sans réponse. S'adressant à un concile où se traitait la question, il suppliait les pères et ses frères de laisser à chacun les pra- tiques qui lui sont propres. Il demandait qu'on lui permit de vivre en paix dans le silence et la solitude des forêts ; qu'on ne les considérât pas, lui et les siens, comme des étrangers : Gaulois, Bretons, Ibériens, tous étant membres d’un même (}) Dans l’Ulster, comté de Down. = = corps. Il paraît qu’à dater de ce moment on lui laissa, sur ce point, sa tranquillité. Nous le voyons d’abord fondant le monastère d'Anne- gray (!), qui devint bientôt insuffisant, puis celui de Luxeuil, qui fut le grand centre et où il établit ses cellules autour d’une église dédiée à saint Pierre, etenfin celui de Fontaines. Allant de l’un à l’autre, excitant partout les travaux de défrichement et de culture, l'étude des lettres anciennes et des sciences de son temps, la réforme des mœurs et la sanctification des âmes, ne laissant place dans sa règle que pour la prière et le travail, il fut sans contredit le restaurateur sévère d'un pays qu'avait ravagé la barbarie : aussi la réputation de son école grandit-elle au point qu'elle attira bientôt beaucoup de per- sonnages des familles les plus considérables des Gaules. Au milieu de ses travaux civilisateurs, Colomban semblait entrainé à rechercher les impressions de la vie au grand air, et cette paix profonde des solitudes de la nature qui donne toute liberté à la méditation. Tantôt seul, tantôt en compagnie de son fidèle ministre Domoalis, ou de Gall, ou de quelque autre de ses frères irlandais, on dirait qu'il ait visité, infati- gable colon, jusqu'aux lieux les plus sauvages de la région montueuse où d’abord il s'était fixé et d’où il pénétrait dans la vallée de la Moselle. Souvent on nous le représente se reti- rant au désert. Comme à ce propos il est question d'une pêche malencontreuse sur l'Ognon, miraculeuse sur le Breu- chin, que fit saint Gall pendant un séjour au désert, on peut en conclure que ce lieu était entre les deux cours d'eau, sur les hauteurs les plus arides qui séparent Faucogney de Ser- vance. Mais la retraite favorite du maître était une caverne, dont il avait pris possession en en chassant un ours. Tout fait présumer que cette caverne est un abri de quelques mètres de profondeur, sous des bancs de grès qu’on trouve à gauche en gravissant la montagne, un peu avant d'arriver de Luxeuil à (1) Aujourd'hui hameau près Faucogney. — 100 — Breuches-lez-Faucogney. Là existe encore, pour confirmer la tradition , une petite chapelle dédiée à saint Colomban. Une source est au fond de la grotte. Du haut de la montagne s'ouvrent à la vue d'immenses horizons, au sud sur le Jura, à l’est sur les ballons des Vosges. Au pied passe la belle vallée du Breuchin. A quelques milles, au fond d’une gorge pitto- resque, on voit distinctement le territoire d’Annegray. L'opposition qu'avait soulevée la doctrine de Colomban parmi les évêques n'avait pas eu d’abord des suites bien graves, puisque nous le voyons lié d'amitié avec l'évêque saint Nicet, qui occupait alors un des principaux siéges, celui de Besancon, d’où il vint consacrer les autels des monastères. d'Annesray, Luxeuil et Fontaines. Mais du côté des cours mérovingiennes tout n'allait pas aussi bien. Thierry Il, roi de Bourgogne, sans mariage légi- time, avait quatre enfants. Montrant néanmoins pour l'abbé de Luxeuil la plus haute estime, souvent il lui rendait visite et lui demandait ses prières. Celui-ci ne ménageait pas les re- montrances et avait presque obtenu du roi plus de respect pour l’hérédité de sa couronne, quand un jour arriva Bru- nehilde. Devenue la terreur des grands d’Austrasie, exilée par Théodebert IT, elle passait par Luxeuil, allant demander asile à son autre petit-fils le roi de Bourgogne. Elle voulait visiter le monastère. Colomban fut inflexible dans sa règle qui en interdisait l'entrée aux femmes. Est-ce à dater de ce jour que l’orgueilleuse reine devint l'implacable ennemie de Colomban ? Elle l’attira à la cour de Thierry, dont elle essaya par surprise de lui faire bénir les enfants naturels. On connaît le refus de l’homme de Dieu et l’anathème d’'exhérédation dont il osa frapper la progéniture du roi. En attendant que sa prédiction s'accomplit, dès lors il fat livré à la persécution et condamné au bannissement. Un instant cette situation sembla s'amender; maïs le saint per- sistait dans sa sévérité, et Brunehaut, dans sa haïne, excitant contre lui la cour, et autant qu’elle le pouvait l'Eglise. Bientôt — 101 — Thierry lui-même, se faisant l'instrument de ces vengeances et le défenseur des rites de l'Eglise universelle, se rend au monastère de Luxeuil dont il viole l'enceinte; mais il recule effrayé de nouveau devant l'attitude et les prédictions de Co- lomban, et laisse à ses gens de cour le soin de l'arrêter. Ré- fugié d’abord à Besançon, où il devait attendre son sort, l'il- lustre proscrit était vénéré des habitants et consolé par saint Nicet. Rien cependant ne pouvait”lui faire oublier sa chère colonie, vers laquelle se tournaient ses regards du haut de la citadelle de Vesontio. Un attrait irrésistible ly ramena fugi- tif. Mais bientôt, devant céder à de nouvelles violences, et surtout aux supplications de ceux qui étaient chargés de le conduire vers la Loire et de là jusqu'à Nantes, pour le reje- ter sur les côtes d'Irlande, il fit de touchants adieux à sa patrie d'adoption. Les Irlandais et les Bretons ayant eu seuls la permission de l'accompagner, il emmena avec lui ceux qui étaient encore en état de supporter les fatigues de la vie er- rante. L'un d'eux, accablé par l’âge, fit halte à courte dis- tance. C'était Desle, qui alla fonder le monastère de Lure. Ainsi fut arraché Colomban à ses travaux et à sa terre de prédilection. C'était en 610. On présume, d’après son épiître en vers latins à Fedolius, qu'il avait alors soixante-six ans. Quelque intéressante et glorieuse qu’ait pu être dorénavant sa mission, soit quand on l'entraînait vers l'Océan, soit dans son retour imprévu à travers les Gaules, où l’accueillirent avec empressement Clotaire II et Théodebert II, il ne nous appartient pas de le suivre au loin jusqu'au terme de ses pé- régrinations , à Bobio , dans les Apennins, où il construisit avec ses religieux.son dernier monastère. C'était près d’une basilique en ruines, dédiée à saint Pierre, et que lui avait donnée Agilulphe, roi des Lombards. Là encore se trouvait une grotte qui devint la retraite la plus habituelle du saint homme. En vain Clotaire IT, devenu maître des Gaules et se souvenant de la prédiction que lui avait faite Colomban de sa future grandeur, voulut-il le ramener dans ses Etats; là Co- — 102 — lomban finit sa carrière après deux années de repos, d'étude et de méditation, le 21 novembre 615. On a conservé de lui des Lettres, seize instructions fort re- marquables où il expose toute sa doctrine à ses moines, sept pièces en vers latins, et sa Règle qui, rapidement répandue principalement en Gaule, en Italie, en Irlande, a fini par s'allier et se confondre avec celle de saint Benoît. Aux yeux des théologiens, comme des historiens et des phi- losophes, saint Colomban est resté une des grandes figures du moyen âge. À ce titre au moins il était convenable de lui consacrer quelques pages en nous occupant de Luxeuil. À son arrivée dans cette contrée , d'après ce que nous dit son biographe Jonas, il y avait trouvé un prêtre du nom de Winioc, pasteur d’une petite paroisse. On pense assez géné- ralement que cette paroisse était celle de Saint-Sauveur, qui depuis a toujours été considérée, malgré un certain éloigne- ment, comme la mère-église de la ville de Luxeuil et qui a été reconnue comme telle en 1692 par un arrêt du Parlement de Besancon. Mais D. Grappin n’admet pas qu'il y ait eu aussi près un curé et des paroissiens, Jonas ayant dit : « Winiocus vint une seconde fois à Luxeu pour voir saint Colomban, et il coucha dans le monastère. » Ces questions d’antériorité de la paroisse ou du monastère peuvent nous paraître aujourd'hui puériles. Ce n'est pas non plus dans l’origine qu’on y voyait matière à dissidence; mais la paix n’a pas duré toujours à Luxeuil. La commune ayant eu, là comme partout, ses temps d'épreuves et de luttes, et les priviléges de l’abbaye datant de loin, souvent la ville moderne, qui voulait dater de plus loin encore avec son prétendu muni- cipe, a pu oublier, dans ses querelles contre de puissants abbés, la gloire qu'elle tenait en grande partie de son monastère. — 103 — IT ABBÉS ET RELIGIEUX CÉLÈBRES DE LUXEUIL. La longue série des abbés de Luxeuil, pendant douze cents ans, nous semble offrir assez d'intérêt pour que nous la met- tions comme il suit sous les yeux de nos lecteurs, en la tirant des sources les plus autorisées (1) : 1. S'CocLomBan {Columbanus), 590. 2. St EusrTaise (Eustasius), 613. 3. St VALBERT ( Waldebertus), 625. 4, VINDOLOGE ( Vindologqus). BERTOALD (Bertoaldus). . StIxGorrot (Ingofredus), 665. Cuncran (Cunctanus, al. Cunctatus), vers 682. Rusric (Rusticus). 9. SayrRocE (Sayfrocius, al. Sayfarius), vers 700. 10. Apo, le bienheureux, (Adonus). 11. ARuLFE (Arulphus). 12. Renpin (Rendinus, al. Lendinus). 13. REGNEBERT (Regnebertus). 14. GÉRARD I°' (Gerardus). 15. RaTToN (Ratio). 16. VinzincRaN (Vinlincrannus, al. Vuikeranus). 17. S'MeLuin (Mellinus), vers 730. 18. Frupoazp (Frudoaldus, al. Trudoaldus, seu Wandoal- dus), vers 746. 19. GayLeMBE (Gaylembus). 20. ArriBRAN (Ayribrandus, al. Adebrandus). 21. Bosox (Boso), vers 764. 22. GrimoaLp (Grimoaldus). œuœu @) Duxopn, Hist. de l'église de Besancon, t. 11, pp. 121-129 ; — D. GRAPpPiN, Hist. de l'abbaye de Luxeu ; — Hugves bu TEms, Le Clergé de France, t. II, pp. 98-105 ; — Gallia christiania, t. XV, auct. B. HAURÉAU, col. 147-162. — 104 — ANDRÉ I° (Andreas), 785. DorTrTon (Docto), vers 786. SILIERNE (Siliernus, al. Sichelmus). Danix (Dadinus, al. Dademus). . S'ANSÉGISE (Ansegisus), 817. Léorric (Leotricus). DroGoN (Drogo), fils naturel de Charlemagne, évêque de Metz et abbé de Luxeuil, 833, + 853 ou 855. FuzsEerT (Fulbertus), 856. . S'G1BART (Gibartus), + vers 888. Eupes [° (Odo). Gén (Guido), vers 950. AALONGUE (Aalongus), 983. Mizon (Milo), 1018. GUILLAUME I* (Guillelmus). GÉRARD II (Gerardus), 1049. RoGER (Rogerius). | ROBERT (Robertus). Gui IX (Guido). TaiéBauD 1% (Theobaldus), 1090. Hueues I* (Hugo), parent de l'empereur Henri IV, 1125: JoceRAN (Jocerannus), 1136. ETIENNE I°' (Stephanus), 1139. GÉRARD III (Gerardus), 1147. à PIERRE (Petrus). SirRot (Sayfridius, al. Suffridus), 1165. Bourcarp (Borcardus, al. Bochardus), 1178. GÉrARD IV (Gerardus), 1186. Ozrvier d’Abbans (Oliverius), 1189. Frépéric (Fredericus), 1201. HERvÉ (Hervæus), 1204. Hueues II (Hugo), 1209. SIMON (Simon), 1219. THréBauD I (Theobaldus), 1234. 73. 74. — 105 — RÉGNER (Raynerius), 1265. Huaues III (Hugo). CHarzes I* (Carolus, al. Kaules), 1271. TarégauD III de Faucogney (Theobaldus), 1287, + 1308 (jour de Pâques). ETienne II de Luxeuil, 1308, + 1314 (1° août). Vacance de cinq ans. — JEAN, moine de Saint-Bé- nigne de Dijon, élu et non confirmé. Eupes II de Charenton, 1319. Fromonp de Corcondray, 1346, + 1351 (27 mars). GuiLLAUME II de Saint-Germain (en Auvergne), 1357, + 1363 (24 avril). Amon de Bourbonne ou de Molain, 1364, + 1382 (20 avril). fr GuizLAuME II de Bussul, + 1416 (7 août). PIERRE de Leugney, élu et non confirmé, 1418. ETIENNE III Pierrecy de l'Isle, 1422, + 1424 (3 août). Gui IT Pierrecy de l'Isle, destitué, pour cause de si- monie, en 1427. JEAN I d'Unguelle, + 1431. Gur IV Briffaut (de Faverney}), 1431, + 1449 (20 fé- vrier). JEAN IT Jouffroy (de Luxeuil), devenu le fameux cardi- nal de ce nom, 1451. ANTOINE I[* de Neuchätel, évêque et comte de Toul, abbé commendataire, 1468, + 1495 {1° mars). JEAN III de la Palud de Varambon, protonotaire apo- stolique, abbé commendataire, 1495, + 1533 (dé- cembre). François I* de la Palud, neveu du précédent, abbé commendataire, 1534, + 1541. François II Bonvalot (de Besançon), ambassadeur de Charles-Quint en France, abbé commendataire, 1542, + 1560 (janvier). — (SA 79. 80. 81. 82. 83. 84. 89. — 106 — ANTOINE II Perrenot de Granvelle, neveu du précédent, célèbre ministre de Philippe IT, abbé commenda- taire, 1560, + 1586 (21 septembre). Louis de Madruce, cardinal-évêque de Trente, abbé commandataire, 1587, + 1600 (2 avril). AXNDRÉ II d'Autriche, cardinal-évêque de Constance, abbé commendataire, 1600 (20 mai), + 1600 (12 no- vembre). Anromxe III de la Baume Saint- Amour, abbé commen- dataire, 1601, + 1622 (6 septembre). Paicippe de la Baume Saint-Amour, neveu et coadjuteur du précédent, abbé commendataire, 1622, + 1631 (22 février). JÉRÔME Coquelin, réformateur de l'ARN) abbé régu- lier, 1633, + 1639 (15 août). Jeax-Baprisre I Clerc, abbé régulier, 1642, puis commendataire, avec Jean de Watteville et ensuite Claude - Paul de Beauffremont pour coadjuteurs ; + 1671 (16 avril). JEAN-BAPTISTE II de Bémitiémiont ab bé commenda- taire, 1671, démissionnaire en 1680. EuManuEL Privey, abbé régulier, dépossédé par arrêt du Parlement. CHarLes II de Beauffremont, frère de Jean-Baptiste, commendataire, 1680, + 1733 (27 juin). Vacance de neuf ans : administration du chapitre métropolitain de Besançon. RENÉ de Rohan-Soubise, abbé commendataire, 1741, + 1743 (7 février). JEAN IV de Clermonti-Tonnerre, vicaire-général de Be- sancon, abbé commendataire de 1743 jusqu’à la sup- pression de l’abbaye. On voit que, dès les temps mérovingiens, le monastère de Luxeuil a eu à sa tête, comme il a renfermé dans ses cloîtres, — 107 — des hommes éminents à divers titres. Saint Colomban, assisté des douze compagnons venus avec lui d'Irlande, en avait fait non-seulement la grande école des sciences, des lettres et de la civilisation chrétienne luttant alors contre la barbarie, mais encore une pépinière d'où sortirent une foule de religieux élevés à des chaires épiscopales, ou de saints personnages et de fondateurs d'établissements conformes à celui de Luxeuil. Là vécurent : Saint Colomban jeune et saint Lua, venus d'Irlande; Saint Sigisbert, aussi Irlandais, moine de Luxeuil et pre- mier abbé de Dissentis {Suisse-Grisons) ; Saint Léobard, premier abbé de Maur-Munster ; Saint Ragnachaire ou Ragnaire, évêque d'Augst et de Bâle; Saint Hermenfroi (de Strasbourg), évêque de Verdun; Saint Waldolène (de Picardie) et saint Valery { d'Au- vergne), qui allèrent fonder le monastère de Leuconaüs ou Leuconay (aujourd'hui Saint-Valery-sur-Somme) ; Saint Desle ou Déicole, Irlandais, qui fonda le monastère de Lutra (Lure); Saint Colombin (Irlandais ?), deuxième abbé de Lure; Saint Gall, Irlandais, fondateur du célèbre monastère qui a pris son nom, vers le lac de Constance ; Saint Ursanne, dont le nom est resté au monastère fondé vers Porrentruy; Saint Attale (Bourguignon), devenu deuxième abbé de Bo- bio, et que saint Colomban avait d'abord désigné pour lui succéder à Luxeuil ; Saint Bertulfe ou Bertoul (Austrasien), troisième abbé de Bobio; Saint Babolein , fils de Winnoc et quatrième abbé de Bo- bio; Saint Eustaise (Bourguignon), deuxième abbé de Luxeuil et l’un des hommes les plus érudits de son temps; Saint Cagnoald (d'origine franque) , élevé d’abord à la cour de Théodebert, devenu évêque de Laon ; — 108 — Saint Achaire, évêque de Noyon et de Tournai; Saint Amé, de Grenoble, qui vint du monastère d'Agaune (Saint-Maurice-en-Valais) à celui de Luxeuil, et fonda sur le Saint-Mont, dans le domaine de Romaric, le couvent d'où sortit l'abbaye des Dames de Remiremont; Saint Romaric, qui quitta la cour d’Austrasie pour suecé- der à saint Amé ; Saint Waldalène, ou Vandelène, ou Vandelin, premier abbé de Bèze, près Dijon; Saint Omer, des environs de Constance, évêque de Thé- rouanne, et qui a laissé son nom à la ville actuelle de Saint- Omer ; y Saint Mommolin, de même origine, évêque de Noyon; Saint Bertin, de même origine, parent d'Omer et deuxième abbé de Sithiu (nom primitif de Saint-Omer) ; Saint Ebertram ou Bertrand, de même origine, abbé de Saint-Quentin ; Saint Valbert ou Waubert, du Ponthieu, troisième abbé de Luxeuil, et qui a laissé son nom au village près duquel était sa retraite favorite ; Saint Aïle ou Agile, fils d'Agnoald, conseiller de Childe- bert IT, qui fut élevé à l’école de Colomban et d'Eustaise, et devint premier abbé du monastère de Rebais (Brie) ; Saint Germain, de Trèves, premier abbé de Granfeld ou Grandvilliers (dioc. de Bâle), honoré comme martyr; Saint Ermenfroi, de la vallée du Cusancin, près Baume (Doubs), premier abbé de Cusance, l’un des monastères fon- dés du temps de saint Valbert, selon la règle de saint Co- lomban ; Saint Adelphe, troisième abbé de Remiremont ; Saint Frobert ou Flobert, de Troyes, abbé de Moutier-la- Celle, près Troyes ; Saint Théoffroy, premier abbé de Corbie (Somme), envoyé par saint Valbert ; | Saint Berchaire, qui, dans le même temps, fonda le mo- — 109 — nastère de Hautvilliers, près Reims, selon la règle de saint Colomban alliée à celle de saint Benoît; Saint Ingofroy, sixième abbé de Luxeuil, qui reçut en- semble dans leur exil Ebroïn et saint Léger ; Saint Emmon, moine chargé des soins de l'hospitalité sous Ingofroy ; Saint Mellin, dix-septième abbé, qui périt vers 730, dans le massacre général et l'incendie du monastère attribués aux SarTasins ; Saint Anségise, vingt-septième abbé, qui fut élevé au mo- nastère de Fontenelle {Saint-Vandrille, Normandie), recut de Charlemagne différentes missions, et de Louis le Débonnaire celle de relever l’ancienne réputation du monastère de Luxeuil ; Le B. Angelôme, érudit distingué, disciple de Mellin, qui enseigna les lettres à la cour de Lothaire et fut moine à Luxeuïil du temps de Drogon ; Saint Gibart ou Gibert, trente-unième abbé de Luxeuil, qui mourut percé de flèches à Martinvelle, en fuyant son mo- nastère saccagé en 888 par les Normands; Saint Tételme, moine, qui fut tué, dans le même temps, avec plusieurs de ses compagnons près de l’abbaye. III L'ABBAYE DE LUXEUIL SOUS LES SUCCESSEURS DE SAINT COLOMBAN. L'abbaye de Luxeuil, pendant une durée de douze siècles, a eu nécessairement sa part des malheurs publics: elle a eu de plus ses misères propres comme ses gloires. Saint Colomban n'y fut atteint que des maux venant du dehors; mais son digne successeur Eustaise, qui d’abord avait été maître des études au monastère, eut à lutter contre plus d'une difficulté, particulièrement contre les accusations d’A- — 110 — grestin, moine de mauvaises mœurs et turbulent, qui avait dénoncé à la cour de Clotaire et aux évêques la règle de Colomban, comme étant dissidente et surtout trop rigide. Il faut dire qu'avant de se faire moine, Agrestin avait été secré- taire du roi Thierry. Valbert, noble sicambre, comte de Ponthieu, comme il est dit dans l'inscription gravée à la porte de son ermitage (!), avait passé sa jeunesse dans la vie militaire avant de se réfu- gier au monastère de Colomban, où il devint le successeur de saint Eustaise. « Son gouvernement forme une époque mémo- rable dans l'histoire de Luxeu. Jamais ce monastère n'eut un si grand nom. Des cloîtres presque innombrables furent érigés sous ses auspices, par les soins de l’infatigable abbé ou de ses disciples. Je citerai seulement les abbayes qui nous touchent de plus près, celles de Saint-Ursin, de Saint-Paul et de Jussa- Moutier dans la ville de Besancon, et celle de Rebais, qui eut pour premier abbé saint Agile, né dans le comté des Porti- siens. Diverses églises vinrent à Luxeu choisir des évêques. Saint Donat (évêque de Besancon) y recut les premiers élé- ments des sciences et de la piété, et il apprit dans cette abbaye le grand art de conduire un vaste diocèse. » Saint Valbert mourut à Luxeu, où il avait présidé l’espace de quarante ans. Ses obsèques y furent dirigées par l'évêque saint Miget, qui avoit eu pour lui la plus tendre amitié. Plu- sieurs églises le choisirent pour leur patron et leur titulaire, distinction qui prouve celle qu'on faisait de sa vertu, et qui justifie la vénération que l’on conserve encore aujourd'hui pour sa mémoire (?). » Sous l’abbatiat de saint Ingofroi, quand saint Emmon était chargé des soins de l'hospitalité, les cloîtres de Luxeuil ont servi d'asile, sinon de prison d'Etat, à deux célèbres antago- (*) Voir la Vie de saint Valbert, par M. J.-B. CLErc, professeur au sé- minaire de Luxeuil. (*) D. GRaPpPiN, Histoire de l'abbaye royale de Luxeu, introduction. — 111 — uistes. C’est là qu'Ebroïn, maire du palais, devenu odieux par ses cruautés, dut se réfugier par ordre de Childéric IT, et que bientôt son rival calomnié, saint Léger {Leodegarius), évêque d’Autun et ministre du roi, alla s'enfermer à son tour en 673. On dit qu'ils s'étaient réconciliés, le pieux asile leur ayant fait oublier un moment leurs rivalités. Mais on sait qu'Ebroïn, s’échappant à la mort de Childéric et formant un parti, mit le siége devant Autun en 676, fit crever les yeux à saint Léger qui était rentré dans son diocèse, et deux ans après lui fit trancher la tête. À son tour, Ebroïn périt de la main d'Hermanfroi, seigneur qu'il avait dépouillé de ses biens. Ainsi le monastère de Colomban ne portait pas tous les fruits qu'avait espérés son saint fondateur. Il paraît cependant qu'il fut bientôt appelé à jouer un rôle important dans la période d'ignorance, de corruption et d’a- narchie, qui signala le règne des derniers Mérovingiens; car nous voyons Albon, successeur de Tétrade à l'épiscopat de Besançon, s'associer le bienheureux Adon, abbé de Luxeuil, pour relever les mœurs dans son diocèse et y rappeler l'étude des lettres. Les bienfaits de cette réforme ne furent pas de longue durée. Les Allemands, et principalement les Saxons, faisaient des incursions dans le nord-est de la France; puis les Sarrasins inondaient et ravageaient le midi et le centre. On sait que de part et d'autre Charles Martel repoussait et châtiait rudement ces envahisseurs. Mais la Bourgogne avait été réduite au plus triste état : Besançon était en ruines; Luxeuil eut le même sort, et son abbé, saint Mellin, fut massacré avec une partie des religieux. « Ainsi parut rentrer dans le néant, dit D. Grappin, l'école de toutes les sciences, l'académie des grands hommes, le mo- dèle des monastères de France. » Bientôt l'établissement relevé trouva de larges compensa- tions dans les libéralités des Carolingiens. Un des abbés de ce temps, Anségise, était en grande considération à la cour de Charlemagne, qui en fit l’intendant des édifices royaux, le — 112 — chargea de nombreuses missions pour réparer des monas- tères, et de diverses ambassades. IL paraît qu’en outre Ansé- gise était très versé dans les matières d'agriculture, notam- ment d'arboriculture, à ce point qu'il en savait tirer pour les indigents d’abondantes largesses (‘). On lui attribue aussi la collection des Capitulaires de Charlemagne et de Louis le Débonnaire. Sa douceur, son habileté, son éloquence lui va- lurent encore plusieurs ambassades sous Louis le Débon- naire , et c'est probablement à son intervention que Luxeuil dut en grande partie la réparation de ses pertes. IL lui laissa en mourant, ainsi qu'aux monastères d'Annegray, Fontaines et Cusance, la meilleure part d’une immense fortune dont il ne s'était servi qu'en la répandant. Alors aussi vivait un religieux qui a laissé de remarquables souvenirs dans les lettres: c'était Angelôme, élevé à Luxeuil du temps déjà de l'abbé Mellin, et qui avait achevé ses études à l'école du palais de Charlemagne, sous la direction d’Ama- laire, successeur d’Alcuin. Angelôme à son tour fut chargé d'enseigner les saintes lettres à l’école du palais du temps de Lothaire, qui le pressa d'écrire un Commentaire sur le Can- tique des cantiques. La réputation du savant moine était alors très étendue. On lui doit aussi un Commentaire sur la Genèse, plus un Commentaire sur les quatre livres des Rois, qu'il fit à son retour à Luxeuil, à la prière de l’abbé Drogon. Drogon , fils naturel de Charlemagne, avait vécu en bons termes avec Louis le Débonnaire; néanmoins il avait eu des prétentions à quelque partie de l'héritage du grand empe- reur , s'il faut en croire Adson. Aussi les fils de Louis s’en étaient-ils débarrassés en lui donnant l'évêché de Metz, et comme supplément d'honneur l’abbaye de Luxeuil, où il sut se résigner bravement et remplir au mieux les devoirs de sa (1) « In præceptis rei rusticæ sagacissimus erat; unde factum est ut diversarum frugum maxima illicopia nunquam deesset, quam semper larga manu cunctis indigentibus erogare noverat. » (Vita S. Ansegisi, apud Acta SS. 0. S. Benedicli, sæc. 1V, pars 1, p. 631.) — 113 — fonction. Il avait un grand penchant pour l’aménité du lieu et les distractions de la campagne, même pour la pêche qui faisait alors partie des exercices princiers. Il périt en poursui- vant dans la rivière du Lignon (l'Ognon aujourd'hui) un poisson monstrueux. Son corps fut transporté à Metz et inhumé dans l’église de Saint-Arnoul, auprès de celui de Louis le Débonnaire {!). Dans les temps féodaux qui suivirent le démembrement de l'empire carolingien, l’abbaye de Luxeuil, au milieu des pe- tites guerres et des grands brigandages, était bien exposée à perdre la splendeur qu'elle avait acquise dans les premiers siècles de sa fondation. Cependant son école est loin d’avoir péri, puisqu'au commencement du xr° siècle elle était encore dirigée par Constantius, homme qui, au dire de Gudin son disciple, était incomparable pour sa vertu et son érudition, et que l'on respectait dans les principales villes d'Allemagne, de France et de la Bourgogne. L'élégie dans laquelle Gudin cé- lébra sa mémoire a pris place dans le Recueil des historiens de France (?). On y lit ce vers : Mæret plebs Luxoviensis lacrymis coutinuis. Au siècle suivant, Pierre le Vénérable voyait beaucoup d'a- bus à réformer à l'abbaye de Luxeuil (5). Mais il faut dire (2) « Drogonem vero quintum, æque regnandi avidum...., ad amplioris supplementum honoris Luxovio pastorem præesse decernunt... Dum amc- nitate locorum fruitur, Lignonem vicinum fluvium gratia piscandi agressus, dum piscem immanem sequitur, aquis lapsus subito præfocatur, Mettisque delatus, in sancti Arnulfi confessoris Christi ecclesia tumulatur. » (ADso, Miracula S. Valdeberti, ap. Acta SS. O. S. B., sæc. LIT, part. 11, p. 456.) PRE, p. 995: (#) « Præterea notum facio Luxoviense monasterium, cui anno præterito per fratres nostros Ciuniac. providere voluistis, et vere, sed brevi tempore providistis, in deteriorem statum quam prius fuerat relapsum, omni pene monastica religione et observantia destitutum, parum a sæcularibus differre, in tantum ut quod priscis temporibus cuncta Galliarum monasteria anteibat, nunc pence universa vix a longe sequi videatur. Additur ad hoc malum he- betudo , ne dicam stultitia, pastoris qui ita gregi proprio præest, ut jam fere de abbate nihil ei nisi nomen supersit. » ({nnocentio 11 papæ epistola, inter PETRI VENERABILIS epist., lib. IV, no 3.) g — 114 — qu'il était alors en instance pour la soumettre à son abbaye de Cluny. A la fin du xn° siècle et pendant le treizième, « ce fut une alternative continuelle de foiblesse et de puissance, de prospé- rités et de malheurs. Jamais notre province ne fut plus agitée que dans ces jours déplorables. Les guerres intestines la dé- solèrent longtemps, et les dissensions des seigneurs ache- voient de ruiner ce qui avoit échappé à la fureur des guerres civiles. Dans l’espace de quatorze années, le monastère fut deux fois consumé par les flammes qu'allumèrent les sei- gneurs d'Aisremont et de Hobourg. Les archives et les autres manuscrits devinrent la proie de l'incendie. Philippe de Souabe s’efforca, en 1201, de réparer le désordre. Mais les lettres y firent une perte irréparable. C'est à ces deux embra- sements qu'on peut attribuer les lacunes qui se trouvent quel- quefois dans l'histoire de Luxeu et le manque de chartes qu'on aperçoit dans les archives ({). » Ce manque de chartes, dont parle D. Grappin , n'a jamais empêché qu'on en trouvât, de part et d'autre, chaque fois qu'une question d’antériorité était débattue entre l'abbaye et la ville dans leurs interminables procès. IV. LA COMMUNE DE LUXEUIL. La ville qui nous occupe aurait-elle eu presque sans inter- ruption, comme on l’a dit, des institutions analogues à celles des municipes romains (?)? Ce serait, 1l faut l'avouer, un bien remarquable privilége, dont ne paraissent pas avoir joui les villes même les plus libres et les plus importantes du moyen âge : Besançon ne retrouva son organisation municipale que dans () D. GRAPPIN. Ù | (*) A DÉY, Mém. pour servir à l'histoire de La ville de Luxeuil, introduc- tion, dans les Mémoires de la Commission d'archéologie de Lu Haute-Saône, t. III, 1862. — 115 — le dernier quart du xrr° siècle (‘), et encore cette date est-elle reconnue comme étant la plus ancienne du genre en Franche- Comté (?). | On conviendra que le mot plebs, qui se lit dans le vers que nous avons cité d’un petit poème de Gudin, ne saurait indi- quer à Luxeuil l'existence antérieure d’une population civile gouvernée par ses propres institutions. Quant à une fameuse cloche municipale, qui portait l'inscription : Condita anno 952, et qui fendue en 1760 fut renouvelée par ordre du magistrat, il doit être permis d'en suspecter la date, une erreur de lec- ture seule pouvant l’avoir créée. | Mais autant on se donnerait aujourd'hui de ridicule en voulant soutenir que Colomban était arrivé dans une ville thermale tellement ruinée qu'elle était absolument vide d’ha- bitants, autant il nous semblerait puéril de ne pas recon- naître que c'est à la rapide célébrité de son abbaye qu'elle avait dû de sortir assez promptement de ses ruines. On sait que beaucoup de centres populeux ont dû leur résurrection, et souvent même leur premier établissemtnt, à des monas- tères. C'est à la suite des deux incendies qui avaient détruit Luxeuil en 1200, puis en 1214, qu’on voit paraître pour la première fois la qualification de cité appliquée à la ville, et celle de citoyens donnée aux habitants qui avaient demandé à à se fortifier pour se mettre à l’abri de nouveaux malheurs. . Nous voyons ces fortifications autorisées par une charte de Henri, roi des Romains (*), en date à Haguenau du 29 dé- cembre 1228 (‘). Dans cette pièce l'abbé Simon est qualifié prince d'empire. « Dès cette époque, on y trouve, dit D. Grappin, des ingé- () A. CASTAN, Origines de la commune de Besançon, dans les Mémoires de la Soc. d'Em, du Doubs, 3e série, t. III (1858), pp. 288-289. (?) Tuereyx, Droit municipal en Franche-Comté, p. 13. (°) Cet Henri était fils de l'empereur Frédéric 11, alors en Palestine. (+) Cartulaire de Luxeuil, ms. de la bibliothèque de Besançon. — 116 — nus, des chevaliers , des nobles, des citoyens, titres respec- tables, incompatibles avec ce que nous appelons mainmorte. Cela prouveroit une vérité constante parmi nous, que la mainmorte ne fut jamais présumée dans l’ancienne Séquanie, et surtout dans les villes qui ne se peuplèrent que sous les auspices de la bourgeoisie et de la liberté. » Aussi quand, le 5 décembre 1291, l'abbé de Luxeuil, Thié- baud III de Faucogney, délivra aux habitants leur charte de franchise, cette charte fut-elle considérée, dit-on, comme une sorte de traité, de part et d'autre consenti. Dorénavant l’histoire civile et l’histoire abbatiale de Luxeuil marchent parallèlement, ou plutôt se touchent par tant de points qu'elles se confondent. Ce n'est pas à nous qu'il appar- tient d'en suivre les événements et de les exposer dans leur ordre chronologique. V ÉDIFICES HISTORIQUES DE LUXEUIL. Nous avons vu que l’église paroissiale de Luxeuil avait été d'abord, et presque jusqu'à nous, celle de Saint-Sauveur. Dans cette église, nouvellement rebâtie, on conserve un petit monument, précieux par son âge autant que par sa valeur ar- tistique. C'est une cuve baptismale, sculptée sur ses huit faces et supportée par quatre lions accroupis. Son style rappelle la fin du xu° ou le commencement du xmi° siècle; et peut-être est-il permis de voir dans ce monument, qui remonte ainsi aux premiers temps d'organisation de la commune, un souve- air des pieuses libéralités des Luxoviens affranchis. A dater de la Révolution, la ville a fait acquisition de l'an- cienne église abbatiale, qui est ainsi devenue paroissiale de Luxeuil. Cette église, élevée d'abord par Colomban sous le vocable de saint Pierre, a peut-être été primitivement bâtie avec des débris d'anciens temples, selon la coutume du temps quand on avait ces ruines sous la main; mais elle a subi bien — 117 — des ravages et conséquemment plus d’une transformation. In- cendiée par les Sarrasins, lors du massacre des moines en 731; probablement maltraitée par les Normands en 888, quand furent tués saint Gibart et une partie de ses religieux ; réédi- fiée sous l’abbatiat de Gérard II au xrr° siècle, et de nouveau ravagée par les incendies qu'allumèrent les seigneurs au commencement du x1rr° siècle, elle a été reconstruite en 1330 à peu près complètement : Eudes II de Charenton était alors abbé de Luxeuil. On lui doit dans la ville encore d'autres construc- tions, faites dans les moments de répit que lui laissaient ses terribles voisins, notamment celle d’une immense tour à neuf étages, élevée à l'angle sud-est des remparts qui formaient de ce côté l'enceinte de l’abbaye. Cette tour existait encore au commencement du siècle dernier. Au milieu du xv° siècle, l’église avait été décorée, par Antoine I* de Neuchâtel, abbé commendataire, d'un jubé qui n'a pas dû être sans valeur pour une plus grande consoli- dation de l'édifice. On a fait disparaître ce jubé en 1693, quand furent placées les belles stalles de saint Etienne de Besançon, qui avaient été achetées par les religieux. Une partie de ces stalles orne encore aujourd’hui le chœur de l'église, à l'entrée de laquelle se voit aussi un remarquable et gigantesque travail sculpté en bois de chêne, buffet d’orgues attribué à la muni- ficence d'Antoine II de la Baume-Saint-Amour, abbé en 1601. Les nombreux mausolées des personnages célèbres de l’ab- baye de Luxeuil, qui étaient adossés à l’intérieur des murs, et parmi lesquels on voyait celui du savant Angelôme (t), ont été détruits en 1793. Des hommes, trop ignorants pour voir dans une révolution quelque chose de plus utile que la des- truction des monuments historiques ou religieux, n’ont pas même su dans leur fanatisme établir des distinctions, car on leur attribue aussi la disparition de monuments gallo-ro- () D. GRaPrin, Hist. de l'abbaye de Luxeu. — 118 — mains, notamment d'un groupe antique gravé dans le Recueil de Caylus ({). Mais n'accusons pas les barbares, quand des princes de l’E- glise avaient donné le mauvais exemple. N'est-ce pas la triste inspiration de l'un d'eux, voulant se loger plus commodément dans le palais abbatal, à côté des grottes de Saint-Valbert et de Saint-Colomban, qui a fait disparaître dans un adossement de murs le portail du temple de Saint-Pierre ? Dès lors, la statue du saint patron, descendue de son portail, aerré autour de l'édifice et jusqu à travers les débris du vieux cimetière, en attendant qu'une main plus généreuse lui donnât au moins le modeste abri momentané qu'elle occupe aujourd’hui dans le coin de gauche à l'entrée de l’église. Cette statue mutilée qui, dans son exil, a servi à transmettre à la postérité le nom de plus d’un gamin de la ville, appartient cependant aux plus beaux temps de l’art gothique. Sa date approximative est indi- quée par la coiffure du saint, qui est une pyramide tronquée à six pans : forme qui, avant l'adoption de la triple tiare papale au commencement du quatorzième siècle, avait duré depuis la fin du douzième. En sortant de l'église Saint-Pierre par la porte de la nef droite, on se trouve sous les galeries mêmes d’un cloître, dont l'aile septentrionale date de la fin du quatorzième siècle, du temps de l'abbé Guillaume de Bussul. Au commencement du quinzième siècle, l'aile orientale a été construite par Etienne Pierrecy de l'Isle, vertueux person- nage, qui a eu pour neveu et successeur à l’abbatiat un homme qui s'en était emparé de vive force et dont la mémoire est restée odieuse par toute sorte de crimes et de débordements (?). Les deux autres ailes, construites sur les mêmes dessins, sont dues au gouvernement réparateur du 69% abbé, Gui Briffaut, prédécesseur de Jean Jouffroy. () Recueil de monuments antiques, t. III, pl, xcix. (>) D. GRAPPIN. — 119 — Au bas du faubourg du Chêne, à peu près à cent pas au sud du séminaire actuel, on trouve, au centre de plusieurs maisons formant enveloppe, des séries de colonnes supportant une succession de voûtes bien conservées à arêtes ogivales. Aucun titre connu n'indique l’ancienne destination de cet édifice, qui n’était ni un couvent ni une église, mais qui nous semble avoir été quelque riche hospice ouvert aux étrangers visitant la ville, et aux fermiers nombreux qui venaient au monastère. Au nord et à proximité de l'église Saint-Pierre, était celle de Notre-Dame, dont on voit des restes adossés au bâtiment des Frères des écoles chrétiennes. On lui attribue une date très ancienne. Relevée de ses ruines en 1403 par Guillaume de Bussul, démolie en 1718, elle a renfermé les sépultures d'Etienne Pierrecy et des Jouffroy. Sur la place actuelle de Saint-Martin a existé l’église de même vocable, où, d'après Adson, fut inhumé saint Valbert, derrière le maître autel; ce qui ferait remonter la construction aux premiers temps du monastère. Brüûlée en 1434 et bientôt relevée, cette église, malgré son emplacement au centre de la ville, n'était pour les habitants qu'une sorte de succursale de Saint-Sauveur, desservie par un religieux du couvent, assisté des prêtres séculiers de Luxeuil; elle n'a guère cessé d'être, jusqu'à sa démolition en 1793, un sujet de contestation entre les habitants, les Bénédictins et les chapelains. Sur la place de la Baille, où s'élevait autrefois le tribunal du bailliage, entre les églises Notre-Dame, Saint-Pierre et Saint-Martin, existait une tour dite de {a Lanterne, où s’allu- mait anciennement un feu, sorte de phare éclairant les moines qui se rendaient aux offices de la nuit. Cette tour qui, dans les derniers temps, ne servait plus qu'aux illuminations des fêtes publiques, a été démolie en 1788. Des chapelles, dédiées à Saint-Jacques, Saint-Léger, Saint- Roch, Sainte-Madeleine, Sainte-Anne, Saint-Romaric, Saint- Colomban, avaient, en outre, été bâties à l’intérieur ou au — 120 — dehors de la ville; mais les deux dernières ont seules pour nous un intérêt particulier. Celle de Saint-Romaric, ou de l'hôpital, avait été élevée, en 1409, à l'extrémité de La rue des Tanneries, par Guillaume de Bussul, qui avait doté les malades pauvres de champs, prés, bois, situés près du village de Saint-Valbert, au lieu dit encore aujourd'hui les Granges de l'hôpital. Dans la suite, les Béné- dictins ont dénaturé cette œuvre en obtenant l'autorisation d'y substituer des secours à domicilà. Quant à la chapelle Saint-Colomban, située à l'angle sud-est de la cour actuelle des Bains, elle était, dit-on, fort ancienne. Un Bénédictin y disait la messe pour les baigneurs. On l’a démolie en 1767. Luxeuil n'a pas souffert autant que d'autres villes de Franche-Comté, dans les luttes meurtrières qu'eut à soutenir cette malheureuse province avant son annexion à la patrie francaise. Aussi trouve-t-on là encore quelques maisons par- ticulières datant du quatorzième siècle; beaucoup datent des quinzième et seizième. Il est vrai que la nature même de la pierre de grès facilite singulièrement leur conservation. Quand fut fait, en 1760, le plan que nous avons déjà cité, la ville avait encore un caractère moyen âge très prononcé; et, de nos jours, ce caractère n'a disparu qu'en partie par l’enlè- vement des remparts et des tours d'enceinte. A l'intérieur de Luxeuil, une foule de maisons conservent leurs escaliers en tourelles, leurs fenêtres à meneaux, avec tous les profils d'architecture du vieux temps, principalement ceux de la fin de l’art gothique. Au centre et au point le plus élevé domine un édifice flanqué de tourelles, d’une grande élégance et très bien conservé, construit vers 1440 par Perrin Jouffroy, qui avait acquis, dit-on, dans le commerce du change une grande fortune. Son fils, Jean Jouffroy, s’éleva rapidement aux dignités de l'Eglise: évêque d'Arras, puis cardinal et évêque d’Alby, abbé de Luxeuil et de Saint-Denis-en-France, il fut très engagé dans — 121 — les confidences de Louis XI, qui le chargea de missions poli- tiques importantes, particulièrement de celles qui concernaient l'abolition de la pragrnatique sanction; on le vit même investi du commandement des troupes qui assiégèrent et firent périr dans Lectoure Jean V, comte d'Armagnac {t). La haute maison carrée de Perrin Jouffroy, avec une vaste salle à chaque étage, avec ses tourelles d'observation propres à faire le guet, et d'où la vue plonge dans toutes les directions à travers les forêts et la plaine (au sud vers le Jura et les grands sommets des Alpes, à l’est jusqu'aux Ballons élevés des Vosges), convenait si bien à l’ancienne municipalité de Luxeuil qu'elle en fit l'acquisition en 1552. C'est là qu'ont délibéré les prud'hommes jusqu'à l'achat fait par la ville des anciens bâtiments de l’abbaye, où sont aujourd'hui un peu confondus le séminaire, un théâtre, une halle et la mairie. Beaucoup de bons esprits regrettent que la vieille tour muni- cipale, qui se prêterait si bien à l'installation d'une biblio- thèque et d'un musée, n'ait pas encore rêcu cette destination. De l’autre côté de la rue, en face de cette tour, est une seconde maison des Jouffroy, dont la construction semble un peu antérieure. Malgré les mutilations et les restaurations ma- ladroites qu'elle a subies, c'est encore un curieux monument. Plus bas, dans la Grande-Rue, se présente un édifice de la’ Renaissance, à colonnes, et dont Le style rappelle assez celui du palais Grauvelle de Besançon, pour qu'on le fasse remonter au temps où le fameux cardinal cumulait, avec les plus hautes fonctions de l'Eglise et de l'Etat, le titre d’abbé commendataire de Luxeuil. () Voir D. GRappin, Eloge du cardinal Jouffroy, Besancon, 1785, in-8o, — 122 — CHAPITRE CINQUIÈME. Thermes de Luxeuil depuis le moyen âge jusqu'a nos jours. I ANTÉRIEUREMENT AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE. S'il est hors de doute, comme nous l'avons constaté, que les Thermes de Luxeuil, qui avaient eu une véritable splen- deur à l'époque romaine, étaient dévastés à la fin du vi‘ siècle quand y vint Colomban, il est également vrai que leur ruine n'était pas telle qu'ils fussent abandonnés, puisqu'il est dit que peu de temps après, Agile y ramena à la vie un baïigneur qu'un autre avait noyé (‘). On se baignait donc alors aux Bains de Luxeuil. Peut-être même l'utilité de ce voisinage pour une colonie de défricheurs, avait-elle été bien appréciée par Colomban, quand il prit la résolution de transporter son principal siége hors d’Annegray, où certes les terres ne man- quaient pas, mais Où l’on n'avait, et encore à distance, que les eaux froides et souvent dangereuses du Breuchin. | Nous savons, d'autre part, qu'au neuvième siècle, Drogon, fils naturel de Charlemagne, aimait beaucoup Luxeuil, ob amænitatem loci. Or, selon toute vraisemblance, les Bains entraient pour quelque chose dans cette aménité du lieu. Elevé dans un temps où la cour entière du grand empereur d'Occi- dent se baignait à la fois dans les piscines des bains d’Aix-la- Chapelle, Drogon, devenu abbé de Luxeuil et allant encore volontiers, comme le disent ses biographes, de l’une à l’autre station, n’a pu manquer de réparer et d'améliorer cette der- nière. () «Ilis præsentibus (monachis Luxoviensibus) mortuum suscitavit, qui, dun lavaretur in Thermis, ab altero submersus est. » (Vila S. Agili, cap. v, ap. Acta SS. Augusti, t. VI, p. 584. — 123 — Mais en quoi ont pu consister les réparations ? nul ne le dit; et bientôt de nouvelles dévastations ont dû mettre l’éta- blissement dans le pire état. Ce qui l'indique, c'est qu'il fut un temps où les eaux mélangées, probablement barrées par l'amoncellement des ruines, s'élevaient à un étrange niveau, comme le prouvent les lignes ocreuses d'imbibition qui sont restées dans les remblais, à trois ou quatre mètres au-dessus du niveau réel des sources ferrugineuses. | Il faut dire qu’au moyen âge les moines avaient transformé toute la vallée en amont en un vaste étang, à l’aide d'un bar- rage, et que la pression des eaux en faisait nécessairement filtrer une partie à travers les remblais, accumulés surtout à l'est des Bains. Cet étang, précieux sans doute au point de vue de l'alimentation et des. revenus de l'abbaye, est la preuve la plus certaine que les intérêts de l'établissement thermal n'étaient pas pris alors en grande considération; et peut-être est-ce à cette négligence même que la ville a dû d'en devenir peu à peu propriétaire. Au quinzième siècle, la municipalité en réglait déjà la police: ce fait est rappelé dans des lettres-patentes du 9 août 1503 (). A la fin du seizième l'établissement était en ruines, si l’on en juge par l'impôt que la ville frappait sur le sel, en 1601, pour subvenir à sa reconstruction (?). Mais tandis que la commune s'efforçait d'atteindre ce but, on dirait que les Bénédictins, dorénavant plus soucieux d’exer- cer leurs droits de propriété, aient pris à tâche de la contrarier dans ses projets. Deux fois, en 1682, ils avaient levé la vanne de leur étang. En 169%, puis en 1717, la même opération, sous prétexte de pêche, avait fait déluge à travers les Bains. De là, colères et procès, jusqu'à ce qu'enfin l'étang fût converti en prairie. L'existence de cet étang était non-seulement incom- patible avec celle d'un établissement thermal, c'était de plus (2) Archives de la ville de Luxeuil, AA, n° 1. (*) Id., Reg. BB, 1, — 124 — une cause d'insalubrité; à tel point qu'aujourd'hui il est re- grettable qu'on n'ait pas encore obtenu l'écoulement plus rapide des eaux de la vallée, comme cela se faisait à l’époque romaine. IT DIX-HUITIÈME SIÈCLE. Toutes les descriptions que nos prédécesseurs ont données des Bains de Luxeuil s'accordent à dire que les plus grands efforts ont été faits pendant le dix-huitième siècle pour les restaurer. En ce qui concerne la police médicale, on comprenait déjà parfaitement alors qu'un homme responsable est nécessaire dans chaque établissement de bains. Un médecin du roi, intendant général des eaux minérales du royaume, présidait à ce service; et ce fut l'intendant général Chicoyneau qui insti- tua, en 1749, le docteur Aubry, de Luxeuil, intendant des eaux de la ville, en remplacement de Jurain, décédé. Cette fonction de surveillance et d'assistance, au moins en cas d'accident, était bonne assurément, et de nos jours encore on en reconnaît assez généralement la nécessité. Malheureu- sement elle a ouvert dans un temps la porte à plus d'un abus; elle n'est même pas sans péril pour un médecin-inspecteur qui ne donnerait pas l'exemple sévère du respect des règle- ments qui assurent les garanties exigées à bon droit par le public. Or, il paraît qu'Aubry voyait dans sa fonction plus de pri- viléges à exercer que de devoirs à remplir. Il n'était pas sans mérite : on lui doit un livre estimé, les Oracles de Cos. Mais il eut la singulière prétention de vouloir réglementer seul l'éta- blissement et d'en nommer et révoquer le personnel, ce qui lui attira maintes difficultés et procès avec le magistrat muni- cipal; enfin on lui reprochait de s'être fait remplacer par un aide-chirurgien du nom de Bouchey, qui avait inventé de nouveaux moyens de rançonner les baigneurs. Au milieu de — 195 — ces honteux débats, la ville n’en poursuivait pas moins son but : l'entière reconstruction des Bains. Il reste un plan dressé par le géographe Michaud, le 4 mars 1760, qui donne une idée approximative de l'état antérieur du vieil établissement. En 1737, Dunod de Charnage (‘) n’a guère parlé de nos eaux qu'au point de vue des bons effets qu'on en peut tirer. En 1748, D. Calmet (?), après un apercu historique inté- ressant du lieu, fréquenté longtemps avant Plombières, mais négligé à cause de l’incommodité ou de l'éloignement de ses logis, recommandait aussi la station et donnait des renseignements sur ses piscines {Petit bain ou des pauvres, Grand bain, Bain des Dames, Bain des Bénédictins, Bain des Capucins), et sur la source savonneuse dont l’eau, prise en boisson, avait, disait-on, guéri en 1719 une épidémie de dyssenterie. Morand, professeur de médecine, médecin du roi Stanislas, signalait en 1756, dans le Journal de Verdun (*), les trouvailles archéologiques qui venaient de se faire à Luxeuil, notamment l'inscription de Labienus. En même temps, il donnait la tem- pérature des bains de la station comme il suit : rond DRE. 2 à: . J0 Pet bein. 35? Bain des Dames . . . 32° 1/2 Bains des Bénédictins. 29° 1/2 Bain des Capucins. . 27° Eau savonneuse . . . 18° 1/2 Eau ferrugineuse . . 17° Or, il s'agit ici, bien entendu, de degrés du thermomètre de Réaumur, que son auteur avait fait connaître à l'Académie des sciences en 1731. Augmentons ces chiffres de 1/4 pour les () Hisloire du comté de Bourgogne, t. 11, p. 454. (*) Traité historique des Eaux et Bains de Plombiéres, de Bourbonne, de Luxeuil et de Bains. {*) Leltre sur la qualité des Eaux de Luxeuil en Franche-Comté. — 126 — convertir en degrés centésimaux usités aujourd'hui, et nous aurons idée de la haute température à laquelle on prenait les bains à Luxeuil en 1756. | Mais un mémoire antérieur à la lettre de Morand, et dont nous devons communication à l'obligeance de M. Castan, bibliothécaire de la ville de Besancon, va nous donner sur l'état de la station à cette époque, des renseignements encore plus exacts (‘). Son auteur, Jean - François Charpentier de Cossigny, membre correspondant de l’Académie des sciences de Paris, ancien ingénieur à l'Ile-de-France et constructeur de Port-Louis, était directeur des fortifications en Franche-Comté, quand il vint passer une longue saison à Luxeuil en 1746. Il présente ainsi toutes les conditions d’un observateur attentif et sûr. Ses notes donnant de précieux points de comparaison avec l’état actuel des sources et des Bains, nous en citerons les passages les plus intéressants. Constatons d’abord que ses températures ne s'accordent guère avec celles que dix ans plus tard indiquait Morand. Il est vrai que ce dernier, partant de Plombières où il avait accompagné le roi Stanislas, ne faisait probablement à Luxeuil que de courtes apparitions. Température examinée par M. de Cossigny aveo un thermomètre fait sur les principes de M. de Réaumur. 1° Grand bain. « Le mardy 14 juin, à 5 heures du soir, l'air extérieur étant à 15 degrés, je tins mon thermomètre plongé pendant deux heures dans l’eau chaude du plus grand bain public, et la liqueur dans le tube s'éleva à 37 degrés... Mais dans ce temps il pleuvoit au milieu du bassin par une assez grande ouverture pratiquée exprès au haut du toit pour laisser échapper les va- peurs... » () Discours à l'Académie de Besançon (séance du 4 septembre 1752) : Observations faites en juin et août 1746 sur les eaux chaudes et minérales de Plombières et de Luxeuil, — 127 — Le lendemain mercredi, à six heures du matin, même tem- pérature du bassin. Une grenouille et un crapaud s'y tiennent trois minutes en mouvement, deux minutes à la surface sans mouvement, puis coulent au fond couchés sur le dos. Retirés et mis sur le pré, ils ne donnent plus signe de vie. Jeudi 16, à six heures du matin, température extérieure de 10 degrés : assez beau temps, sans pluie. L'eau du même bassin est à 38 degrés. « Ce plus grand bain, qui est le bain public, n’est qu'un petit carré long, pavé et bordé de pierres de taille; on le vuide et on le nettoye chaque soir. Deux sources, qui sortent du sol, le remplissent en six heures jusqu'à la hauteur de vingt pouces réduits. Au-dessus des vingt pouces, l’eau s'échappe par une entaille faite au rebord supérieur. » En cet état de vingt pouces, le bassin, diminution faite du gradin qui règne intérieurement et sur lequel les baigneurs s’assoient, contient 217 pieds 10 pouces cubes d’eau (1). » Les païsans des environs, affligés de sciatiques, de rhuma- tisme, de foulures de nerfs et autres maux qui leur interdisent la culture, s’y rendent en foule, et bien loing d'y rechercher les commodités les plus nécessaires et d'y user des précautions requises en pareil cas, ils croyent qu'il leur suffit de se plonger dans les eaux chaudes, de s'habiller tout de suite et de s’en retourner à leur village. Souvent, au sortir du bain et de la douche, la plupart se reposent quelques moments éten- dus autour du bassin sur un long et large banc de pierre, dont la fraicheur naturelle, qui contraste trop avec la disposi- tion de leur corps au sortir du bain chaud, ne peut que leur occasionner beaucoup plus de mal qu'ils n’en avoient en ve- pant-y chercher du soulagement. » Ainsi, on se baignait alors au grand bain de Luxeuil à la () Le bassin ayant en longueur 7",50, en largeur 2",81, en profondeur 0®,541, sa contenance était de 7 mètres 438 déc. cubes. [1 recevait proba- blement de 20 à 25 baigneurs. — 1928 — température de 38° Réaumur, c’est-à-dire à 47° 1/2 de notre thermomètre centésimal! Il est probable qu'on n'y restait pas longtemps. Notons le fait; nous y reviendrons. 2° Petit bain ou des pauvres. « Les deux petits bassins qui sont dans la chambre voi- sine (‘) ne sont que des auges, chacun d’une seule pierre creusée, qui se remplissent l’un et l’autre jusqu’à la hauteur de 20 pouces par un même tuyau qui est entre deux, jaillis- sant horizontalement de part et d'autre. Dans cet état de 20 pouces, l’une de ces auges contient 37 pieds 2 pouces 1/2 cubes d’eau (?); l’autre ne contient que 28 pieds 5 pouces cubes (*)}. Le thermomètre s’y soutient à 36° (45° cent.). » 3° Bain des Capucins. « Le bain clos des Capucins, qui suit..…., contient, à la même hauteur de 20 pouces, 94 pieds 9 pouces 1/2 cubes d’eau (*). . Le thermomètre ne s’y élève qu'à 31° (38°,75 cent.). » 4° Bain des Bénédictins. « Les RR. PP. Bénédictins ont leur bain particulier dans un bâtiment isolé, séparé du bain public d'environ 15 toises. Son bassin octogone, en pierre de taille, peut contenir 192 pieds cubes d’eau, toujours à la hauteur de 20 pouces (5). Le thermomètre s'y soutient à 36° 1/2 (40° 1/2 cent.). » 5° Bain des Dames. « À cinq toises à côté de celui-ci est le bassin public des femmes, dans un bâtiment isolé, clos et couvert. Ce bassin (4) Aujourd'hui le vestibule central. (?) L’auge était un carré de 1",52 de côté; la contenance de 1,268 déc. cubes. Quatre baigneurs y devaient être assez mal à l'aise. (8) 1m,33 de côté : contenance 0m,959 déc. cubes; deux baigneurs à l'aise. (*) Longueur 2,99, largeur 1",99; profondeur 0,541, contenance 4m,222 décimètres cubes ; dix à douze baigneurs. (5) Côté de l’octogone 1,59, contenance du bassin 6,581 1m cubes ; seize baigneurs, — 129 — octogone en pierre de taille, avec des gradins tout autour, se remplit comme celui des Bénédictins , par trois robinets, qui sortent d'une grosse pierre ronde bien taillée qui est au milieu en forme de colonne peu élevée, autour de laquelle il y a aussi un gradin. Ce bassin , sur 20 pouces de hauteur d'eau, toute distinction faite des gradins et de la colonne, contient 192 pieds 5 pouces cubes d’eau (1), et le thermomètre s’y sou- tiendroit, s’il (le bassin) était moins grand, à 35° (43°,75 c.). » Tous ces bassins ont un même canal d'écoulement qui est en partie revêtu de maçonnerie (?), mais il a été si fort négligé qu'il est presque comblé par l'éboulement des terres; de sorte que les eaux chaudes ont non-seulement bien de la peine à s'écouler dans un ruisseau qui est plus bas et qui les reçoit, mais encore ces Bains construits dans un fond, entre deux éminences, se trouvent noyés par les pluies qui viennent s'y rendre... De plus, à 50 toises au-dessus, les RR. PP. de l’abbaye ont une vaste pièce d’eau, retenue du côté des Bains par une épaisse digue de terre, dont la nogue ou écouloir est tournée du côté des Bains, de façon que les eaux viennent s'y rendre pour profiter du canal d'écoulement lorsque l’on met à sec la pièce d’eau, ce qui se fait de deux ans en deux ans. » Une pareille peinture de l’état des lieux, en 1746, explique assez la mésintelligence qui régnait entre l’abbaye et la ville. Charpentier de Cossigny s’intéressait beaucoup à la restaura- tion des Bains; il nous paraît être un de ceux qui l'ont le plus vivement sollicitée. Aussi ne cache-t-il guère son méconten- tement dans plus d’un point de son discours. « Je ne dois pas taire, dit-il, qu'en 1708 ou 1709 l'électeur de Bavière (*), père du dernier empereur mort (*), eut occa- sion de venir sur les lieux, flatté de l'espérance de se délivrer () Côté de l’octogone 1,60, contenance 6,581 décim. cubes; seize bai- gneurs. (?) L'ancien canal romain en axe de la vallée. () Maximilien-Emmanuel mort en 1726. (*) Charles VII (Charles-Albert) mort en 1745. — 130 — | de quelque incommodité pour laquelle les bains d'eau miné- rale lui étaient conseillés. Ses médecins qui le précédèrent firent l'analyse et la comparaison des eaux de Plombières et de Luxeuil, et se déterminèrent à user de celles-ci de préfé- rence... C'étoit une époque qui devoit trouver place dans les fastes de l’abbaye où ce prince logeoit... On ne peut donc attribuer le silence des RR. PP. Bénédictins de l’abbaye de Luxeuil sur l'événement de l'électeur de Bavière, qu'à leur parfaite indifférence pour tout ce qui se passe ici bas. » Depuis longtemps la ville de Luxeuil pensait à relever ses Thermes. Nous voyons qu'en 1670 elle avait rebâti une des salles , qui prit alors le nom de Bain-Neuf; et que, deux ans après (t), elle entreprit d'en faire une spéciale pour le service des pauvres. Ce sont évidemment ces constructions qu'on re- trouve plus tard sous le nom de Grand et Petit Bains. Nous ne saurions dire si l’ensemble des Thermes , ainsi quelque peu restaurés, avait beaueoup souffert en 1682, lors du violent tremblement de terre qui causa de grands dom- mages à Plombières et à Luxeuil. Dans la première de ces stations, ce fut le 12 mai, à deux heures de l'après-midi, que beaucoup d’édifices furent crevassés; que douze maisons furent détruites; que la voûte de l’église tomba et que plusieurs per- sonnes périrent (?). Est-ce alors que les solides piliers de l’é- glise Saint-Pierre de Luxeuil firent une légère incurvation vers l’axe de la grande nef, et que la consolidation de l'hôtel Jouffroy nécessita les colonnes qui soutiennent son grand balcon ? Tandis qu'à Plombières le désastre était arrivé en plein jour, à Luxeuil les plus terribles effets ne s'étaient fait sentir que dans la nuit suivante. « Par la permission de Dieu, disent les actes municipaux, il est arrivé pendant la nuit du lundi au mardi des douzième et treizième jours du présent (?) Archives de la ville de Luxeuil, BB, ne 2. () E. DELAcRoIx, Notice sur Plombières et ses Bains, — 131 — mois un étrange et épouvantable tremblement de terre sur cette ville, qui a causé beaucoup de ruines aux édifices (1). » Autre désastre : le 17 août 1729 un violent orage avait presque entièrement ruiné les Bains. Pour les réparer, la ville demanda et obtint l'établissement d’un octroi en 1738; mais nous voyons qu'une partie des fonds ainsi recueillis fut em- ployée en 1749 par Sérilly, alors intendant de la province, à la construction d’une caserne dont on a fait depuis le collége. Heureusement Bourgeois de Boyne, son successeur, rendit bientôt les fonds à leur destination première. Ce fut lui qui ordonna , comme nous l'avons vu, les fouilles faites pour la recherche des sources en 1755; et, selon toute apparence, Cossigny ne fut pas étranger à cette détermination. Ce qui l'indique, c'est que les travaux sérieux commencèrent par la réparation du mal qu'il avait signalé : en 1758 on restaurait le canal voûté de l'époque romaine, et on donnait un libre écoulement aux eaux de vidange et du ruisseau par la conti- nuation d’un canal à ciel ouvert, traversant le terrain dit de la Fosse-Pageot (?) pour tomber dans la partie basse du Morbief appelée Ruisseau des cuirs. En même temps, le plan des nouveaux Thermes était étudié par Querret du Bois, ingénieur des ponts et chaussées. On commença en {1761 les fouilles pour la fondation des princi- paux bâtiments; et enfin, le 15 mai 1764, « à la réquisition et prière des magistrats de Luxeuil, le curé de l’église paroissiale de Saint-Sauveur de Luxeuil (Nicolas Mouton, de Scey-sur- Saône), accompagné de ses deux vicaires, et solennellement en présence des officiers municipaux, de la compagnie bourgeoise sous les armes, de l'ingénieur des ponts et chaussées de la province, des entrepreneurs et adjudicataires des travaux et d'un grand nombre d'assistants, fit la bénédiction de la pre- () Archives de la ville, BB, ne 3. (*) Cette deuxième partie du canal, voûtée en 1865, supporte l'avenue qu'on fait en ce moment pour atteindre la route de Luxeuil à Breuches. — 132 — mière pierre des Bains (!).» Cette pierre porte une inscription commémorative, où l’on ne manqua pas, bien entendu, de mentionner Labienus et César. Les bâtiments construits d’abord étaient distincts et au nombre de deux. Le principal, en face et au fond de la cour, comprenait le portique actuel, le vestibule ou Petit Bain, ayant à droite le Bain qui a conservé le nom des Capucins (?), à gauche le Grand Bain, avec deux étuves. L'autre bâtiment à gauche en entrant, et tel à peu près qu'il existé encore, comprenait les Bains des Dames et des Bénédic- tins. Son fronton porte sans sourciller une inscription rédigée par l’Académie royale des inscriptions et belles-lettres, trans- mise par son secrétaire Le Beau, et revue pour quelques mots d'une valeur secondaire par l’Académie de Besancon. Il faut la lire, quelque opinion que l’on puisse avoir de l'intervention de César et de Labienus à Luxeuil : LVXOVII THERMAE A CELTIS OLIM AEDIFICATAE A LABIENO JVSSV C. J. CAES. IMP. RESTITVTAE LABE TEMPORVM DIRVTAE SVMPTIBVS VRBIS DE NOVO EXSTRVCTAE ET ADORNATAE FAVENTE D. DE LACORÉ SEQVANORVM PROVINCIAE PRAEFECTO REGNANTE ADAMATISSIMO LVDOVICO DECIMO QVINTO ANNO MDCCLXVIII. Les facades de ces bâtiments sont d’une architecture un peu lourde et sévère, mais correcte et d’un effet incontestablement monumental. L'intervalle d'environ trente mètres qui les séparait du nord au sud, et l’écartement des axes, étaient une conséquence de l'emplacement même des principales sources ; mais ce défaut d'unité avait sans contredit quelque chose de disgracieux. () GRANDMOUGIN, Histoire de La ville et des thermes de Lugeuil, 1866. (?) 11 avait été cédé aux Capucins en 1685. — 133 — Pour établir la symétrie, l'intendant de la province () avait demandé la construction d’un bâtiment à droite, en face de celui des Bénédictins et des Dames, et celle de galeries couvertes, pour réunir les deux bâtiments avancés au bâtiment principal du fond de la cour. Ces nouvelles constructions étaient dispo- sées pour un grand salon, diverses aisances, et devaient porter un étage en mansarde pour loger des baigneurs. | Le projet effraya la ville par la dépense qu'il devait entrai- ner : elle objecta que jamais aucun baignant ne se détermine- roit à habiter des logements rendus tristes et malsains par la continuité des vapeurs, et qu'on ne trouverait pas un fraiteur- concierge assez riche, qui voulüt hasarder des meubles pour quatre mois seulement de l’année, dans toutes ces chambres où les meubles seroient pourris au bout de trois à quatre ans, ainsi que l'expérience le montre à Plombières. Néanmoins, de deux projets qui étaient en présence, l'un de Bertrand, ingénieur en chef, l’autre de Lingey, sous-ingé- nieur des ponts et chaussées, les officiers municipaux avaient d'abord adopté celui de ce dernier comme étant moins dispen- dieux, et parce qu'il portait les deux galeries en aile jusque entre les corps avancés des bâtiments (?); mais bientôt se ravi- sant, ils demandèrent un Bain gradué et une seule galerie, allant de l’un à l’autre des bâtiments déjà construits. C'est alors qu'un plan plus modeste de Lingey, daté de. 1784 et ap- prouvé par l'intendant Le Fèvre de Caumartin-Saint-Ange le 21 janvier 1787, servit à l'achèvement des Thermes tels que nous les a légués le xvrrr° siècle. A dater de 1755, la ville avait affecté à ces travaux une somme d'environ 300,000 livres, sans compter les secours considérables qu'elle avait recus des communautés des villages voisins dans les travaux de fouilles et de terrassements. (1) C'était encore Charles-André de Lacoré, qui fut remplacé, en 1785, par Marc-Antoine Le Fèvre de Caumartin-Saint-Ange. (?) Archives de Luxeuil, Reg. BB, 10. Délibération du 29 mars 1778. — 134 — JII PREMIÈRE MOITIÉ DU DIX-NEUVIÈME SIÈCLE. Un établissement thermal, quel qu'il soit, a deux intérêts à servir -: l'intérêt des malades, qui exige ordinairement de grands frais de matériel et de service, et celui de sa propre conservation, qui n'est possible qu'avec des ressources suffi- santes et des économies. Ces deux intérêts sont-ils d'accord ? Le mieux sans doute serait qu'ils le fussent toujours. Quand il s'agit surtout d'intérêt particulier, on peut voir prospérer pour un temps une station même de peu de valeur, si son administrateur est habile et sait attirer la clientèle. Là, jusqu'au luxe, tout a besoin d’être bien calculé. Mais quand 1l s'agit de ces grandes stations que leurs vertus propres et une antique célébrité ont recommandées à travers les siècles à l'attention publique, on a peine à se figu- rer ce qu'elles ont pu nécessiter de sacrifices, et ce qu'y vau- drait un simple bain, si tout était compté! Là, évidemment, c'est un intérêt général qui a d’abord été pris en considéra- tion. Aussi, abstraction faite de ce qu'elles ont pu coûter, soit aux villes, soit à l'Etat, est-il d'usage que leur libre accès. avec la possibilité d'y trouver tout ce qui est utile au traite- ment, soit assuré à tous sous la garantie des règlements. Ce sont alors, indépendamment des succès de mode qui peuvent varier, de véritables établissements d'assistance générale. A ce titre même, il est encore bon sans doute qu’une station fasse ses frais, et le devoir de ses employés est d'y veiller de leur. mieux; mais la plus prospère peut nécessiter de grandes constructions nouvelles au-dessus des forces d'une ville ou d’une compagnie qui auraient besoin d'assurer le revenu du capital dépensé. Telle était évidemment la situation en ce qui concernait Luxeuil. Au siècle dernier, la ville, ignorant encore tout ce qu'avaient valu dans l'antiquité ses sources ferrugineuses, ne s'était — 135 — guère occupée que des constructions relatives aux eaux salino- thermales et n'avait pour l'eau ferrugineuse que de simples fontaines. Les nouvelles piscines, agrandies, étaient moins chaudes que les anciennes, et conséquemment mieux en rap- port avec les besoins généraux du service médical. Sans né- gliger les avantages de ces bains en commun et bien réglés, qui sont la véritable richesse des grandes stations, peu à peu on avait développé le système des bains particuliers en cabi- nets. Ainsi Luxeuil acceptait avec une patriotique résignation toutes les innovations que lui imposaient sa réputation et les exigences du temps. Mais à côté de ses eaux salino-thermales, peu à peu ses eaux ferrugineuses étaient devenues l'objet d'études attentives. Traditionnellement la connaissance de leur valeur thérapeu- tique s'était maintenue. Leurs fontaines, recommandées par Dom Calmet, Cossigny, Morel {‘), D. Gastel (?), Fabert (#), avaient été examinées avec un soin particulier par Foderé, professeur à la Faculté de Strasbourg (*), qui le premier y signalait la présence du manganèse associé au fer. Les nouveaux médecins-inspecteurs de la station, les doc- teurs Leclerc, Aliès (5), Molin (f), Revillout (7), Chapelain (), Delacroix, ont aussi plus ou moins appelé l'attention sur ces eaux, dont la richesse était à divers temps signalée par les chimistes Braconnot (*), Levrey (1°), Longchamp (t), par les 1) Observations sur les eaux minérales de Luxeuil: Besancon, 1756. ?) Traité sur les eaux minérales et thermales de Luteuil; Besançon, 1761. #) Essai historique sur les eaux de Luxeuil ; Paris, 1773. (*) Mém. sur les eau.r minérales des Vosges, dans le Journal complémentaire des sciences médicales, t. V et VI, 1819. (5) Précis sur Les eaux thermales et minérales de Luxeuil, 1831 ; — Etudes sur les eaux minérales et sur celles de Luxeuil en particulier, 1850. (5) Notice sur Lueuil et ses eaux minéralks, 1833. (7) Recherches sur les propriétés physiques, chimiques et médicinales des eaux de Luxeuil, 1838. ; (5) Luxeuil et ses Bains, 1851 ; — Bains de Luxeuil, 1857. (°) Examen d'un sediment des eaux salines de Luxeuil, dans les Annales de chimie et de physique, 1821. (1°) Analyse des eaux de Luxeuil, 1831. (2) Note sur une source ferrugineuse de Luxeuil, dans les Annales de chimie et de physique, 1836. ( ( ( — 136 — docteurs Martin Lauzer (!), Billout (?), A. Rotureau (*) Pétre- quin et Socquet (*), Constantin James (*), Leconte (f), Dela- porte (T), Aimé Robert (*), ainsi que par la plupart des hydro- logues de nos jours, notamment par l’auteur de ce mémoire (°), et par ceux du Dictionnaire général des eaux minérales, MM. Durand-Fardel, Le Bret, J. Lefort et J. François. IV PÉRIODE CONTEMPORAINE. Déjà, en 1838, on pensait à établir à Luxeuil un bain ferru- gineux; mais ce nest que le 13 janvier 1853 que le projet de construction fut approuvé par la ville. Les ressources n'étaient pas grandes. Heureusement l'Etat intervint. À la pressante sollicitation de l'administration et, il est juste de le rappeler, de l'inspecteur Chapelain, qui fut forte- ment appuyé par la princesse Mathilde, l'Etat accepta, le 5 décembre 1853, la propriété des Thermes de Luxeuil. L'acte de cession, fait à la préfecture à la date ci-dessus, est signé du préfet Dieu, du maire Vergain, du sous-préfet de l’arron- dissement de Lure Destremau , du directeur des domaines Lançon. @) De l’action thérapeutique du manganèse et des eaux qui en contiennent (Luxeuil, Karlsbad, Cransac), dans le Journal des connaissances meédico-chi- rurgicales, 1849 ; — Les eaux de Luxeuil, 1866. (2) Notice sur Les eaux minéro-thermales de Luxeuil et spécialement sur le bain ferrugineux, 1857. (5) Des principales eaux minérales de l'Europe, 1859. (‘) Traité général pratique des eaux minérales de La France et de l'étranger, 1859. (5) Guide pratique aux eaux minérales françaises et étrangères. (5) Etudes chimiques et physiques sur les eaux thermales de Luxeuil, 1860. (T) Hydrologie médicale : Bains de Luxeuil, 1862. (5) Guide du médecin et du touriste aux Bains de la vallée du Rhin, de la Forét-Noire et des Vosges; Strasbourg, l'° édit. (1857), 2e édit. (1867). (®) Notice sur les fouilles faites en 1857 et 1858 aux sources ferrugineuses de Luxeuil, dans les Mém. de La Soc. d'Emul. du Doubs, 3e série, t. VII (1862), pp. 93-105. — 197 — Par cet acte : « AnT. 5. L'Etat s'engage à conserver aux habitants de Luxeuil seulement le privilége dont ils jouissent depuis un temps immémorial et qui consiste dans la faculté : 1° de se servir de l’eau des fontaines destinées à la consommation de la table; 2° de prendre des bains, depuis le 15 septembre jusqu'au 15 mai de chaque année, moyennant une rétribution de cinq centimes dans les bassins, et de vingt-cinq centimes dans les cabinets, en se servant de leur linge personnel; s'ils emploient celui de l'établissement, ils le paieront au même taux que les étrangers, sous la déduction d’un tiers. » ART. 6. Le département de l'Agriculture, du Commerce etdes Travaux publics fera effectuer, jusqu'à concurrence d’une somme de 125,000 fr. et dans la proportion des ressources dont il pourra disposer chaque année pour cet objet, les travaux d'agrandissements et d'améliorations dont le projet a été étudié par M. Charles Gourlier, membre du conseil général des bâti- ments civils. Il fera notamment établir un Bain ferrugineux avec des cabinets de douches de diverses espèces. » ART. 7. La ville de Luxeuil prend, de son côté, l'engage- ment de seconder l'Etat de tous ses efforts pour la prospérité de l'établissement, notamment pour les grands travaux d'em- bellissement et d'utilité générale qu'elle projette et auxquels toutes ses ressources devront être consacrées. » A Luxeuil, comme à Plombières, à Vichy et dans d’autres grandes stations, l'Etat, il faut le dire, a dépassé largement ses promesses ; mais la ville a-t-elle bien tenu les siennes ? L'éclairage au gaz et les trottoirs, qu'elle a établis depuis, sont incontestablement d'utilité générale; mais ses ressources ne paraissent pas encore lui avoir permis de faire aux environs des embellissements faciles, qui seraient si précieux pour les habitants eux-mêmes, pour l'agrément des baigneurs étran- gers et pour la prospérité de la station. Il est vrai qu’antérieu- rement la ville avait bien fait sa part. — 138 — En 1826, Alibert {t) parlait déjà des Thermes de Luxeuil comme d’un des plus beaux établissements que l'on püt citer. Depuis qu'ils appartiennent à l'Etat, les Bains ferrugineux et les fouilles faites aux sources pour les alimenter, le Bain des Fleurs, le Parc, une foule de travaux d'appropriation ,.les ont rendus plus remarquables encore. Aussi le docteur Leconte n'a-t-il fait que leur rendre justice dans son savant mémoire (?), en disant qu'ils comptent parmi les principaux thermes que possède la France. D'après le docteur Rotureau (*), aucun établissement d'Europe ne surpasse en goût et en élégance les Bains ferrugineux; et le docteur Constantin James, si bien informé, ne craint pas de dire aussi que le nouvel établisse- ment est peut-être le plus gracieux édifice de ce genre que l’on connaisse (*). Ajoutons, pour rendre à chacun l'honneur qui lui est dû, que M. J. François, actuellement inspecteur général des mines, est un de ceux qui ont pris la plus large part à sa construction. Une description complète des Bains de Luxeuil, telle que plusieurs de nos devanciers ont voulu la faire, exigerait de longs développements. Nous essaierons de l'abréger à l’aide du plan annexé à ce travail. Les Thermes sont dans un parc de cinq hectares, limité au sud par l’ancienne route dite rue des Bains, au nord-est par la nouvelle route de Saint-Loup, à l’ouest par une ruelle bordée d'habitations, à l’est par les jardins de MM. de Grammont et Pierrey. Deux magnifiques avenues de platanes séculaires se prolongent, l’une à droite, l’autre à gauche des établissements. - Au sud, devant un jardin à compartiments anguleux, tracé à la Lenôtre, et devant la cour d'honneur, est une belle grille () Précis historique sur les eaux les plus usitées en médecine. (2) Etudes chimiques et physiques sur les eaux thermales de Lueuil; Paris, 1860. (8) Des principales eaux minérales de l'Europe, 1859. (*) Guide praliqu eaux eaux minérales françaises et étrangères, 5° édition: Paris, 1861. | — 139 — d'entrée, tirée de l’ancienne abbaye. Toutes les plantations nouvelles, distribuées en jardin paysager, sont au nord, au delà des Bains. Ces Thermes, dont la perspective, vue de l'entrée, est encore à peu près telle que l'avaient établie les anciens architectes, comprennent : A gauche, dans l’avant-corps, le Bain des Bénédictins et le Bain des Dames; latéralement, derrière le long portique vitré faisant promenoir, le Bain des Fleurs et le Bain gradué. Au fond de la cour, un portique ouvert; un grand vestibule carré donnant à gauche sur le Grand Bain, à droite sur le Bain des Capucins, et conduisant en axe aux Bains ferrugineux. A droite de la cour est un espace libre, où l’on espère qu'il y aura bientôt une vaste piscine ferrugineuse de natation, sorte de gymnase aquatique particulièrement destiné à la. Jeunesse. Toutes les piscines de Luxeuil étant alimentées directement et incessamment par les sources thermales, les meilleures conditions de propreté et de traitement y sont ainsi bien assu- rées, ainsi qu'une certaine constance de la température du bain, dont les variations n'obéissent qu'avec beaucoup de lenteur à celles de l'atmosphère. Plus loin, nous nous occu- perons de la température des sources mêmes. Entrons d'abord, à vue du plan, dans quelques détails concernant chaque partie de l'établissement. Chacun peut y trouver, à l’aide des numéros des cabinets, la place que lui assure à son tour son rang d'ins- cription au bureau du régisseur. C. Le Bain des Bénédictins, près du bureau du régisseur et du cabinet du médecin-inspecteur, est une piscine circulaire alimentée par trois sources : deux sont réunies dans la colonne centrale; la troisième est au bord de la piscine. Ce bassin est divisé en deux compartiments, pour hommes et pour dames, et peut contenir 24 baigneurs. Sa température est variable, suivant la saison, de 34°,75 à 35° et peut aller même au delà. — 140 — Deux vestiaires et un cabinet de douches diverses, dont une écossaise, sont annexés au Bain des Bénédictins. D. Le Bain des Dames, à l’ouest du précédent, est nouvelle- ment restauré. Ilse compose d’une piscine sans compartiments et de plusieurs cabinets. Une douche écossaise est à proximité. L'abondance et la température (42°,4) de la source des Dames, excédant de beaucoup les besoins ordinaires de la piscine, qui est de petite dimension et ne contient guère que dix personnes, la plus grande partie de l’eau est ordinairement dérivée dans un vaste réservoir, d'où elle descend aux cabinets du Bain des Fleurs et à ceux du Bain gradué. E. Le Bain des Fleurs, entièrement reconstruit, en 1859, par l'architecte Grandmougin, a été dédié à la princesse Ma- thilde. Dix cabinets sont aux côtés de cette élégante salle, où sont aussi deux buvettes, l’une alimentée par la source des Dames, l’autre par la source dite gélatineuse. Tous les cabinets sont pourvus de douches. Trois robinets : pour l’eau des Dames, l’eau gélatineuse et l'eau d’Hygie, sont à chaque baignoire. F. Le Bain gradué a conservé le style large des Bains de Luxeuil au siècle dernier. Sa vaste salle carrée, dont les naïs- sances de voûtes sont portées par huit colonnes, a trois ves- tiaires et onze cabinets, dont deux sont pourvus des douches nécessaires au service général de la piscine. Cette piscine, au centre de la salle, est la plus vaste de l'établissement et la plus fréquentée. Elle peut contenir 40 baigneurs bien à l'aise, en quatre compartiments : deux pour les hommes et deux pour les dames. Le Bain gradué tire son nom de ce qu'autrefois il avait quatre températures différentes, une pour chaque case, sans distinction de sexe. Aujourd’hui la séparation des services ne permet plus que deux températures, qui sont ordinairement 33°,50 et 34°,50, écart qui peut être augmenté ou diminué par une disposition intérieure de l'appareil central qui associe, en proportions variables à volonté, quatre sources de diverses températures. B. Nous avons dit que le grand vestibule central, donnant — 141 — entrée à tous les Bains situés dans les bâtiments du nord, a pris la place d’un ancien Bain dit des Cuvettes. Aujourd'hui sa source, qui est recue dans un vaste réservoir sous les dalles, a pour principal usage l'entretien d'une des buvettes préférées de Lnxeuil. K. Le Grand Bain, ainsi nommé, non parce qu'il est le plus spacieux, mais parce qu il a été substitué à la piscine de même nom qui fut la plus considérable pendant longtemps, se com- pose de dix cabinets pourvus d'appareils à douches. Une nou- velle disposition des conduites permet d'y recevoir à volonté, ou l’eau des sources du Grand Bain élevée par une machine, ou de l’eau ferrugineuse arrivant par sa pente naturelle. Aïnsi le Grand Bain est devenu, pour les temps de presse, une annexe momentanée des Bains ferrugineux. KK. Deux salles destinées aux douches de forme et de di- rection variables, mais particulièrement aux douches écossaises, c’est-a-dire alternantes; un tepidarium L précédant une salle d'étuves à gradins; d’autres accessoires, et notamment tout ce qui concerne un service de douches internes P, complètent de ce côté l'établissement. J. A l'opposé, le Bain des Capucins, où l’on descend par un escalier de sept marches, consiste en deux jolies piscines ellip- tiques, adossées, et séparées par une vasque d'où tombe l'eau des sources. Là est le véritable bain tempéré de Luxeuil. Sa température, assez habituellement de 33°, ne s'élève guère, dans la saison la plus chaude, au delà de 34°. Il peut contenir aisément de 16 à 20 baigneurs. La salle, d’un style simple et de bon goût, a été construite par l'architecte Monnier. Quatre cabinets munis de douches sont aux angles. Au fond sont les vestiaires. M. On descend aux Bains ferrugineux par un escalier, au bas duquel on trouve à droite la Fontaine ferrugineuse, à gauche celle des Cuvettes. Une première salle, d’une jolie perspective et d’une gracieuse architecture entremêlée de glaces et d’orne- ments sculptés, est bordée de dix cabinets. Les deux premiers — 142 — sont disposés chacun pour deux baignoires; les deux derniers pour piscine de famille. N. On passe de cette première salle dans une deuxième demi-circulaire, non moins gracieuse et plus luxueuse encore, où sont disposés en éventail dix nouveaux cabinets : c’est le Bain dit impérial ferrugineux, où chaque cabinet est précédé d'un vestiaire. Au sommet de l'éventail sont les deux cabinets d'honneur de l'établissement, réservés au service impérial ou à de hauts fonctionnaires ; mais quand ils sont inoccupés, le public y peut être admis. Tous les cabinets du Bain ferrugineux sont munis des divers appareils de douches nécessaires à la spécialité du traitement. Là, comme dans toutes les parties de l'établissement, sauf au Bain des Dames, les baignoiïres sont en grès fin, et à demi- enfoncées dans le sol pour un plus facile accès. Dans la précédente énumération, nous n’avons pas compris les cabinets situés dans les passages, c’est-à-dire ceux qui pré- cèdent le Bain des Capucins, le Grand Bain et le Bain des Dames, ni les deux cabinets du nouveau Bain dit des Arcades, qui est sous le fronton du bâtiment de l'ouest. On peut dire que tout est disposé dans l'établissement de Luxeuil pour un certain luxe d'élégance et de propreté. Par- tout où les parois intérieures ne sont pas revêtues de faïence à vernis blanc, on a su mettre à profit pour les panneaux les plus belles nuances des magnifiques tables du grès bigarré. C'est la décoration naturelle et en même temps la caractéri- sation la plus accentuée de la station minérale. — 143 — CHAPITRE SIXIÈME. Kerritoire de Luxeuil et des environs. GÉOLOGIE. La ville de Luxeuil, au centre d’un hémicycle de forêts qui l’abritent au nord, est assise à une altitude de 339" sur une dernière colline ondulée des monts Faucilles, qui vont mou- rant, comme on sait, à l'ouest des Ballons des Vosges. Au midi de la ville, la vallée du Breuchin, élargie par une plaine venant de Lure, se relève vers une première ligne des chaînes jurassiques. Cette dépression intermédiaire, large de plus d’une lieue, est chargée d’alluvions. Elle recoit du sud-est les eaux de la Lanterne, qui passe à Baudoncourt; du nord-est, par Faucogney, celles du Breuchin, qui, avant de passer entre Luxeuil et Saint-Sauveur, donne au-dessus de la Corveraine une dérivation traversant la ville. La plaine, sous Luxeuil, est à peu près parallèle aux autres vallées qui, plus au nord, suivent les Faucilles perpendiculairement à la grande vallé de la Moselle. Dans cette région, au sud-ouest des Vosges, appartenant en grande partie au département de la Haute-Saône, nous trou- vons au nord de Luxeuil : le ruisseau de Roge, coulant au bas de Saint-Valbert, à la Grande-Gabiote et à Fontaines; la Combeauté, qui suit la magnifique vallée d’Ajol et passe à Fougerolles; l’'Ogronne, qui traverse Plombières; la Sémouse, qui serpente dans la vallée dite des Forges, avant de se rendre à Aillevillers; le Coney, qui passe derrière Bains. La Sémouse, l'Ogronne et la Combeauté, réunies vers Saint-Loup, se jettent à Conflans dans la Lanterne, qui a reçu le ruisseau de Roge et le Breuchin, et le tout se rend dans la Saône, au-dessus de Port-sur-Saône, avec d’autres affluents. Ainsi le pays de — 144 — Luxeuil, avec tout ce qui l’avoisine, appartient au grand bassin du Rhône, dont les limites, de ce côté, sont à peu près celles de l’ancienne Franche-Comté. Si nous considérons Luxeuil et ses environs au point de vue de la constitution géologique, nous voyons qu'ils se rat- tachent presque entièrement à la grande formation du Trias : grès bigarré, muschelkalk (calcaire coquillier) et marnes irisées (keuper). Sous la ville même, à part quelques lambeaux d'argile tertiaire, on ne trouve que le grès bigarré, dont l'épaisseur, d’après un sondage fait en 1855, serait de 18 à 19 mètres (!). Il est assis là, comme dans la plus grande étendue du pourtour des Vosges, sur le grès vosgien, qui lui- même repose directement sur le granite ou sur d’autres masses d'origine ignée. En allant vers Faucogney, notamment au- dessus de Saint-Colomban, on retrouve les bancs de grès des Vosges élevés sur le porphyre. | On comprend que ces dépôts arénacés des vieux âges de la terre, étendus autour des Vosges, aient suivi en s'y rattachant les ondulations de leurs massifs ; ils ont de plus pris part à tous leurs mouvements postérieurs, subissant des exhausse- ments ou de nombreuses déchirures. Là, dans toute vallée un peu profonde, ouverte jusqu'au granite, les écroulements ont laissé rouler souvent pêle-mêle d'énormes blocs de grès des Vosges et de grès bigarré, qui ne contribuent pas peu au cours cascadé des rivières. Le grès des Vosges varie beaucoup d'aspect, tant pour le volume de ses éléments, qui donnent depuis un grès fin jus- qu'au poudingue à cailloux volumineux, que pour la dureté même du ciment qui les lie. Parfois il arrive qu'il se désag- srége au moindre choc, et on serait alors tenté de prendre ses galets dispersés à travers les terres pour une alluvion récente. Quand il est bien résistant, la forme qu'il affecte le plus vo- lontiers dans ses larges brisures sur les flancs de vallées, est () ETALLON, Du sol dans une partie de la Haute-Saône. — 145 — celle d'un encorbellement caverneux. Et comme ordinairement il offre une couche assez perméable. assise sur une roche mas- sive que l’eau ne pénètre guère, il n’est pas rare de voir à ses pieds de petites sources. En ce qui intéresse plus particulièrement Luxeuil, on peut se faire à distance une idée générale bien nette de la disposi- tion des terrains, en consultant la carte de M. Thirria (!). On voit que le premier étage du Trias, le grès bigarré , s’etend là du nord-ouest au sud-est, jusque vers Villersexel; et que transversalement , c'est-à-dire du sud-ouest au nord-est, des environs de Conflans aux Vosges , il s’élargit et occupe une étendue de près de 25 kilomètres. Couvrant les hauteurs, entre Plombières et Val-d’Ajol, comme entre Val-d’Ajol et Saint-Bresson, à une altitude de 621 mètres au point dit Pierre- la-Sentinelle, et de 743 vers le village de La Montagne, il des- cend au bas de Luxeuil à moins de 330 mètres, et se perd on ne sait où au-delà de la plaine, ‘sous les terrains postérieurs ; car on le considère comme une formation littorale (?). Son incli- naison générale vers le sud-ouest est sous des angles qui va- rient, dans les carrières où on peut l’observer, de 5 à 20 de- grés, ce qui indique au moins de notables ondulations. De plus, par l'effet des fractures et même en constituant de petites failles, il peut incliner en sens inverse, c'est-à-dire vers le nord-est, comme on a pu le constater dans les fouilles faites à la recherche des eaux ferrugineuses de Luxeuil, sous la di- rection de MM. les ingénieurs Drouot et Descos, en 1857 et 1858. ; = Nous avons dit que l'épaisseur du grès bigarré sous la ville ne paraît pas dépasser une vingtaine de mètres. Elle est pro- (2) Statistique minéralogique et géologique de la Haute-Saône, 1833. (*) « Les trois formations dont la réunion compose le TRIAs sembtent s'être déposées dans une mer où les montagnes qui constituent le système du Rhin formaient des îles et des presqu'iles……. La zône ondulée du grès bigarré dessine le pied occidental des Vosges. » (DurRÉNoY et Elie bk BEAUMONT, Explication de La carte gévlogique de France, t. II, p. 11.) 10 — 146 — bablement moindre sous l'établissement thermal, par suite des travaux faits pour asseoir les captages à l’époque romaine. Là , la roche est fracturée à peu près du nord au sud en plu- sieurs lignes parallèles à l’axe de la petite vallée; et ce qu'il y a de remarquable, c’est qu'à 500 mètres en aval, il y a discor- dance complète dans l’aspect des grès, à droite et à gauche de la Fosse-Pageot : à droite, la roche de la carrière dite de La Saline est blanche, extrêmement compacte et crie comme verre sous le marteau ; à gauche elle est molle et tellement friable qu'elle servirait au besoin de sable à mouler, si elle n’était pas trop ferrugineuse. Y aurait-il là faille accentuée? De pareilles dissemblances, établies côte à côte, paraissent se rattacher à des ‘phénomènes intéressant d’assez près notre établissement thermal. Le grès bigarré mérite bien son nom à Luxeuil, car il y affecte une foule de couleurs et de nuances, variant du rouge amarante au blanc jaunâtre ou verdâtre quand c’est le fer qui domine dans le ciment, et du gris clair jusqu’au noir quand c'est le manganèse. Ces couleurs, souvent peu apparentes au sortir de la carrière, vont s’accentuant à l’air par l'oxydation. Disposées en ellipses, en bandes, en zônes, elles arrivent, quand la roche est dure et susceptible d’un demi poli, à con- stituer de grandes marbrures un peu mates du plus bel effet. Mais souvent des paillettes micaciques ajoutent au brillant de la roche en diminuant sa qualité. Les dernières couches des carrières sont ordinairement chargées d'une telle quantité d’un beau mica blanc argentin, qu'elles s’effeuillent avec une facilité extrême et n’ont plus assez de consistance pour former même des dalles de recouvrement, ou des laves pour toiture. Ce sont les bancs profonds ou moyens qui donnent la bonne pierre de construction. Les grains quartzeux du grès bigarré sont parfois bien trans- lucides, surtout quand ils sont unis par une sorte de gelée siliceuse durcie, comme à la carrière de la Saline. Plus sou- vent ils sont liés par une fine argile, dont la proportion peut — 147 — être telle que la roche soit happante et manque de ténacité. Aussi les mauvais constructeurs, qui ne tiennent qu'à aller vite en besogne et à ménager leurs outils, préfèrent-ils ces mauvais grès , quoique à la base des maisons ils soient desti- nés à s'égrainer dans une humidité perpétuelle, et même à rester imbibés d’eau pluviale aux étages supérieurs. On a con- seillé avec raison, pour améliorer ces grès tendres, de les tenir quelque temps immergés dans de l’eau de chaux; mieux serait encore de ne pas s’en servir pour les habitations, surtout dans un pays où tant de malades viennent avec l'espoir bien fondé de se dépouiller de leurs affections rhumatismales. Une grande amélioration à faire à Luxeuil, au point de vue de l'hygiène, consisterait à bâtir en calcaire la partie infé- rieure des maisons : réforme facile et peu dispendieuse, car on trouverait à peu de distance les matériaux. En effet, si nous embrassons là du regard tout l’amphi- théâtre des collines, du sud-est au nord, nous trouvons à peu près partout, dans un rayon de six à sept kilomètres, les deux étages supérieurs du Trias : d’abord le muschelkalk, dont le calcaire, quoique un peu inégal de structure, est de bonne cohésion ; puis le keuper, dont le calcaire magnésien (dolo- mie) donne souvent une belle et bonne pierre à bâtir. La disposition de ces terrains, en avant de Luxeuil, est parfaitement conforme a ce qui a été dit d’une manière géné- rale de l'enveloppe du pied des Vosges. « Les trois grandes assises du Trias occupent trois zônes qui enveloppent consé- cutivement le pied des Vosges, disposition qui est due à ce qu'elles s'enfoncent successivement l’une au-dessous de l’autre, en plongeant légèrement du pied des Vosges vers l’intérieur de la France (1). » La première de ces assises, celle du grès bigarré, a des ca- ractères minéralogiques qui, ordinairement, la distinguent (@) DurRÉNOY et E. DE BEAUMONT, Explication de la carte géologique de la France, t. II, p. 10. — 148 — bien du grès des Vosges; mais quand les deux roches se montrent superposées, le passage de l’une à l’autre est souvent peu sensible : c'est comme la continuation d'un même dépôt, sauf les différences se rattachant aux temps et à la durée de la formation. On peut supposer qu'autour de cette sorte d’archi- pel primitif, qui semble avoir constitué le système de ces montagnes, le plus gros sable siliceux et les caïlloux, entrat- nés dans la mer ambiante, ont été ramenés par les marées et étendus le long de la plage, formant ainsi le grès vosgien ; qu'ensuite le dépôt, continuant dans des temps plus calmes et avec plus de lenteur, aura donné un grès fin et régulier (de- venu plus tard bigarré par la pénétration des solutions métal- liques), ainsi que les dépôts argileux' qui accompagnent ces grès. Depuis, ces formations ont évidemment subi, avec le massif des Vosges, de nouveaux mouvements. Non seulement elles penchent, comme nous l’avons vu, vers le sud-ouest, perpen- diculairement à un axe de soulèvement indiqué par la vallée de la Moselle, mais sur différents points on dirait que de nou- velles éruptions, granitiques ou autres, aient pris Jour posté- rieurement à la formation du grès des Vosges. Ainsi à Plom- bières, on voit à mi-côte, sur le flanc droit de la vallée, le eranite porphyroïde tellement engagé dans le grès vosgien, qu'on a peine à dire si c’est celui-ci qui se serait comme moulé par son poids dans une masse encore molle, ou si c'est la pâte granitique encore fluide qui aurait pénétré dans les interstices du grès. Ce qu'il y a de certain, c’est l’intrusion de la silice seule, ou accompagnée de diverses substances métalliques, dans des fissures de la roche, à proximité des sources thermales de toute la région. A Plombières c’est principalement à tra- vers le grès vosgien, à Luxeuil à travers le grès bigarré, qu'on trouve des filons de jaspe à pâte plus ou moins fine et diver- sement colorée. — 149 — Faut-il, avec M. Hogard (!), avec M. Jutier (*), et d’autres géologues, voir une relation plus ou moins intime entre ces filons et les sources thermales? Ce qu'on ne saurait nier, c'est la coïncidence des sources chaudes et des brisures formant les vallées au sud-ouest des Vosges. Une assez grande analogie de composition des eaux de Bains, de la Chaudeau, de Plom- bières et de Luxeuil semble indiquer de plus, sinon une cer- taine communauté d'origine, au moins un même mode de minéralisation dans les mêmes terrains granitiques. On peut dire que ces eaux ne diffèrent que par des qualités accessoires, empruntées à la composition des terrains stratifiés qu'elles _ peuvent avoir eu à traverser en sortant des terrains massifs. En ce qui concerne Luxeuil, nous verrons qu'il faut y tenir compte aussi des formations qui se montrent à l'horizon. En effet, on trouve dans les eaux minérales émanées de fond, c'est-à-dire du granite et à travers les grès, non-seulement ce qu'ont fourni le granite et les grès, mais ce qu'ont pu donner, . par des infiltrations souterraines latérales, les deux étages su- périeurs du Trias. Il en résulte incontestablement que ses eaux salino-thermales ont un caractère plus complexe, qui les différencie de celles de Plombières et de Bains et enrichit leur minéralisation. | x De plus à Luxeuil, une disposition particulière des grès bigarrés, sur une grande longueur à l'est des Bains, forme une sorte de barrage qui ralentit la marche latérale des eaux de surface qui s'étaient engagées dans ces grès ; et, grâce à ce ralentissement, l'acide carbonique d'émanation souterraine a le temps d'intervenir largement pour la constitution d’une eau mangano-ferrugineuse attiédie par le voisinage des courants thermaux (*). Telle est l’origine de ces fameuses sources ferrugineuses, () Description du système des Vosges, 1837, p. 258. (3) Etudes sur les eaux minérales el thermales de Plombières, 1862, p. 16. (*) E. DELACROIX, Sources ferrugineuses de Luxeuil, loc. cit. — 150 — abondantes et demi-thermales, qui avaient attiré fortement l'attention des anciens et qui, de nos jours, seraient déjà la principale richesse de la station, si le traitement ferrugineux y était institué plus largement avec l'hygiène fortifiante qui doit l'accompagner. IT. HYDROLOGIE. Les eaux de Luxeuil peuvent être divisées, d’après leur ori- gaine et conséquemment leur nature, en eaux potables ordi- naires, eaux mangano-ferrugineuses, eaux salino-thermales. 1° Eaux potables ordinaires. Les eaux ordinaires sont nécessairement ici des eaux super- ficielles ou peu profondes; cela résulte de la constitution même du terrain. La formation du grès bigarré présente sa couche argileuse la plus épaisse à l'étage supérieur, où elle est entremêlée des débris d'une mauvaise roche connue sous le nom de crassin. Or 1l suffit ordinairement de cette disposition pour que l'eau pluviale ne pénètre pas au delà, et qu'elle suive immédiatement les pentes à une petite profondeur, ou même les rigoles des prés. Si elle a pu pénétrer dans les cassures verticales des bancs de grès, jusqu'à la rencontre d’une autre couche argileuse formant arrêt, elle donne lieu à de véritables sources sortant de la roche et qui généralement sont plus nombreuses qu’a- bondantes. Les plus considérables sont à la base de la forma- tion. Les grains siliceux ne pouvant que se désagréger et ré- sistant à la dissolution, il est aisé de comprendre pourquoi les cassures du grès n'arrivent pas à constituer de larges trajets souterrains, Comme on en voit dans les montagnes calcaires, et comment les eaux pluviales, qui ne trouvent pas d'assez vastes drainages naturels, restent stagnantes à la surface, quand elles ne sont pas immédiatement entraînées à l'état torrentiel; chose doublement fâcheuse : pour l’agriculture , — 151 — qui récolte dans beaucoup de prairies autant de jones que de bonnes graminées; pour l'industrie, dont les cours d’eau n’ont pas de réservoir souterrain qui les mette suffisamment à l'abri des sécheresses. Là, l'atmosphère reprend en grande partie les eaux qu'elle apportait; le climat s'en ressent, mais la végétation forestière en tire une incontestable vigueur, une richesse remarquable. A l’ouest, au nord et à l’est de Luxeuil, à travers les ma- anifiques forêts à sol siliceux, où malgré de nombreux filets d’eau la boue est inconnue, on peut errer librement sous un dôme majestueux de futaies qui, pour la rectitude et l’éléva- tion, semblent défier les sapins de la région plus montueuse des Vosges. Là sont les sources chéries des habitants de: Luxeuil, les fontaines qui tour à tour ont attiré leurs hom- mages et l'attention des étrangers. Elles ont changé si souvent de nom qu'il nous serait difficile de dire tous ceux que cha- cune d'elles à pu porter. Les plus abondantes ont entretenu longtemps les fontaines de la ville, et il est bien regrettable qu'on les ait tout à fait abandonnées. Aujourd’hui c'est l'eau du Breuchin, prise à cinq kilomètres en amont, qui reste seule chargée de ce service. Elle offre sans contredit les prin- cipales conditions de salubrité, mais elle ne peut pas avoir cette constance de température qui est une des plus précieuses qualités des sources. Toutes les eaux ordinaires, descendant la pente sud-ouest de la contrée, n'ont été en rapport qu'avec des terrains siliceux et sont conséquemment d'une simplicité extrême de composi- tion, si rien n'est venu les altérer ; mais toutes renferment au moins quelques traces de fer, qui bientôt se dépose. Dans le lit de beaucoup de ruisseaux, alternativement tor- rentiels ou à sec, on peut aussi remarquer des galets de grès, dont la surface est tellement marquée de manganèse peroxydé à l’air qu'on dirait cette surface peinte en noir (t). () Il n'est pas rare de trouver du peroxyde de manganèse en dépôt — 152 — ." 2° Eaux mangano-ferrugineuses. Les eaux mangano-ferrugineuses de Luxeuil sont bicarbona- tées. Les principaux éléments de leur minéralisation, fer et manganèse, se trouvent plus ou moins partout de le grès bigarré de la région; mais il n’y a pas partout assez d'acide carbonique pour en opérer la dissolution richement et sur une vaste échelle. Or à Luxeuil, avons-nous dit, se trouvent les plus heureuses coïncidences. Il y a là collection des eaux sur une assez grande étendue, ralentissement marqué de la marche latérale des eaux imbibées dans la roche, arrivée incessante d'acide carbonique d'émanation souterraine, éléva- tion de température dans tout le sol ambiant; mais de plus il y a tendance au mélange des eaux ferrugineuses arrivant par côtés et des eaux salino-thermales poussant de fond. Ce mélange, qui s'établit naturellement si on n’y met obstacle, avait été respecté sur un point à l'époque romaine; et depuis, on l’a conservé dans la construction du vaste réser- voir appelé Puits romain. À côté, c'est-à-dire à quelques mètres plus à l’est, sont les sources plus pures dites du Temple. Empruntons au D' Leconte, qui avait été chargé par la So- ciété d'hydrologie de l'examen des eaux de Luxeuil, l'analyse qu'il a faite de ces eaux ferrugineuses. pulvérulent dans les lacunes des grès. Les géodes pleines de cette poudre ont recu des carriers le nom de tabalières. Existe-t-il quelque rapport d'origine entre le manganèse ainsi répandu dans le grès bigarré, et celui qu’on cherche à exploiter dans les riches filons des porphyres au delà de Faucogney ? — 153 — Eaux mangano-ferrugineuses. Substances contenues dans un litre d’eau. me SOURCES PUITS du Temple. romain. Sesquicarbonate de potasse . . . .| 0,01551 0,01909 AA de soude... . . .:. .... 0,10826 0,06865 Chlorure de sodium . . .. . . .. 0,11122 0,23596 Chlorure de calcium. . . . . . .. 0,02470 ) Chlorure de magnésium. . . . .. 0,02230 » HoDuate de Chaux . . . . . . .. 0,15489 0,04011 Carbonate de magnésie . . . . .. 0,02428 0,00990 Piuorure de calcium". : | : : .. 0,00359 0.002329 us una m4. 0,00479 ? Oxyde rouge de manganèse . . . .| - 0,01220 0,00499 Sesquioxyde de fer . . . .. . .. 0,02500 0,00939 MD SGiques 2 EUR 0 NU, 0: 0,03120 0,04100 Matières organiques . . . . . . .. 0,00405 0,00911 5 1 Traces trèsfaibles| Traces tr. faibles, LS RER Perte résultant des calculs. . . . . 0,00001 0,00001 Total des matières solides . . . .. 0,54200 0,44060 5 1 4-1 999,45800,: 999:55940 C C, C. Di es 7 0,00 0,42 Gaz 4 Acide carbonique. . . . 25,95 30,58 »- 2. 7 Hdi dlede dc BRU 17,45 9,42 Cette analyse, due à un hydrologue distingué et faisant au- torité dans la science, exprime bien, on n’en peut douter, la constitution chimique d’une eau soumise dans le laboratoire à toute la série des épreuves connues. Mais est-il bien certain -qu'elle nous rende compte de toutes les substances qui peuvent exister dans les eaux ferrugineuses de Luxeuil , de leur état de combinaison, et surtout qu'elle nous éclaire suffi- samment sur les réactions auxquelles ces substances ont pu prendre part dans un travail de minéralisation évidemment exceptionnel et très complexe ? Ici le problème à étudier nous — 154 — semble exiger une attention toute particulière et prolongée sur les lieux mêmes. Il est plusieurs faits qui demandent encore explication. On ne nous a pas dit ce que peut être cette belle patine à éclat doré si vif, qui recouvre par une sorte de galva- noplastie naturelle toutes les pièces de bronze, styles, fibules, monnaies, au moment où on les tire des remblais profonds baignés par les eaux ferrugineuses, et qui met des années à se ternir; ni quel est le rôle de ces concrétions mamelon- nées, jaunes, rouges, brunes, noires, qui tapissaient les pa- rois de la faille à l’est des sources quand on en a fait l'explo- ration; ni celui de la boue métallique noirâtre, à odeur de plombagine, qu’à différentes époques on a trouvée arrêtée au- dessus de l'établissement dans de profonds barrages. On n’a pas expliqué non plus, que nous sachions, ni autrement que nous avions essayé de le faire (!), cette singulière transforma- tion que subissait l’eau, qui de bicarbonatée devenait sulfatée, dans de petits bassins rocheux où elle arrivait lentement, se concentrant au soleil et au grand air. Ainsi, nous avons plus d’une raison de considérer l'étude chimique fort intéressante des eaux mangano-ferrugineuses de Luxeuil comme n'étant pas encore achevée, et notre devoir est d'en recommander la continuation aux hommes tout à fait spéciaux que cette étude concerne plus que nous. Comme toutes les eaux ferrugineuses et comme beaucoup d'autres encore, ces eaux sorties du sol et livrées à l’air sont très sensibles. Elles ont bientôt perdu de leur acide carbo- nique et pris de l'oxygène : une couleur ocreuse s'ensuit. Mais ce qui paraît surtout accélérer le mouvement de décomposi- tion, c’est, comme nous l'avons dit ailleurs, le développement d’une conferve qui semble vivre aux dépens mêmes du sel ferrugineux. Partout où se montre à l'air un suintement de l’eau minérale sur la roche ou sur les parois des galeries, une agglomération -de filaments a bientôt constitué une masse (@) Notice sur les fouilles faites aux sources ferrugineuses, loc. cit. — 155 — fongueuse, légère et tremblante, qui retient le précipité ferru- gineux avec ses teintes successives et graduées arrivant au rouge brun; sur quelques points la matière est noiïrâtre , et c'est le manganèse qui paraît avoir fourni le plus au dépôt. Le moindre choc détruit tout l'édifice de cette végétation en- chevêtrée, et il en résulte une boue moitié organique, moitié minérale. Cette boue, qu'on peut recueillir en grande quan- tité dans les réservoirs, et qui est très propre à divers emplois thérapeutiques, n'est pas une des moindres richesses de la station. Elle renferme le fer dans un état de ténuité que les préparations du laboratoire donneraient difficilement. Le mélange qui se fait au fond du Puits romain, où l'on a pu observer jusqu'à dix points d'’émergence bien distincts, dont quatre d’eau salino-thermale à dégagement gazeux et d'une température de 28 à 31°, donne une température moyenne de 29°. Son rendement à l'époque des travaux, quand plus d’une émergence ferrugineuse était contrariée par les fouilles, a été évalué par le D' Leconte à 44,695 litres en vingt-quatre heures. Quant aux sources du Temple, elles ont donné, dans le temps des explorations faites par MM. Drouot et Descos, envi- ron 40,000 litres. Leur température, aux divers points de sortie déterminés par les vieux drainages romains, variait de 18 à 20° et plus. Aujourd'hui, elles sont recueillies dans une cunette creusée dans la roche et formant un bassin souterrain bien clos, d'une longueur de 40 mètres sur un mètre de lar- geur et autant de profondeur, où arrivent en vingt-quatre heures 25,000 litres d'eau. Un puits d'accès est à chaque extrémité de la cunette. Ainsi, tout compensé et dans l’état actuel des choses, on peut disposer chaque jour à Luxeuil d'environ 70 mètres cubes d'eaux mangano-ferrugineuses plus ou moins chargées : quantité qui serait bien augmentée s’il devenait nécessaire d'utiliser les suintements encore aujourd'hui perdus tant à distance qu’au pourtour de l'établissement. — 156 — 3° Eaux salino-thermales. Nous avons vu que pendant longtemps, et presque jusqu à nos jours, l'accumulation des ruines avait tellement dissimulé aux habitants de Luxeuil l'existence des sources ferrugineuses et l'usage qu'en avaient fait les Gallo-Romains, que les sources chaudes à peu près seules attiraient l'attention. C'est pour ces eaux salino-thermales qu'avaient été faits tous les travaux du xviri® siècle. On les comparait alors assez volontiers à celles de Plombières, avec lesquelles elles ont sans contredit beau- coup d’analogie. Mais ce qui aurait pu servir au premier as- pect à les différencier, c'est la facilité avec laquelle les plus riches eaux de Luxeuil, notamment celles de la source des Dames, impreignent d'oxyde noir de manganèse les parois des bassins. Un autre fait, curieux et non moins caractéristique de la station, est la diversité des teintes prises par le linge de service. En voyant l'étalage bariolé des chemises des baï- gneurs, mises à sécher le long du pré de la Fosse-Pageot, in- volontairement on pense au grand teinturier du lieu : au grès bigarré. a. Captages. La plupart des sources salines ont encore leur captage tel qu'il existait à l'époque romaine. Il consiste, pour chacun des principaux griffons ou points d'émergence, en une cheminée de pierre formée d'assises superposées, dans laquelle s'élève l’eau pour déborder au niveau que lui permet sa force ascen- sionnelle. Au pourtour, sur la roche où ces cheminées sont établies, tous les petits griffons sont écrasés par d'énormes quantités de béton et de ciment. Si nous consultons le profil indiquant le niveau des points d'émergence des principales sources , ainsi que la hauteur de leurs jets et des tubes de captage, relativement à la surface dallée du grand vestibule central du Bain des Cuvettes (!), nous voyons que : () GRANDMOUGIN, ouvrage cité. TES . Ba source centrale des Bénédictins arrive à 0,40 De des Dametinisaunburs ) 1: Ress 0810 La centrale du Bain STE ns pere TI Pa du Grand Bain à . . . : .4 . . .:. 0,36 D ED Ma. . +. 4. . .:. 0,20 D de Capuensa L V1: JN... 0",90 et91 au-dessous du niveau du dallage e LATE central. Ces différences expliquent assez comment on a pu établir les piscines des Bénédictins et des Dames presque à fleur de sol, tandis qu'on descend par un escalier à celles du Bain gradué et du Bain des Capucins. Au Bain gradué, une des sources accessoires qui contri- buaient à l'alimentation de la piscine, celle qui est sous le vestiaire nord-est, a baissé de quelques centimètres et n'arrive plus à destination. Au Bain des Capucins, une troisième source, qui est sous le chauffoir, à l'extrémité de la galerie adossée au Bain, est à une profondeur de 1*,16 et n’a pas été captée. Il en résulte que ce Bain n'a pas toute l’eau qu'il pourrait utiliser. C'est en dehors et au nord de l'établissement que sont les émergences les plus hautes. Celle de la source d’Hygie est à 0,55 au-dessus du dallage central, et celle de la source Eu- génie ou du Pré-Martin, située dans le Parc à 150 mètres en- viron au nord-est des Bains, a son déversoir à trois mètres au-dessus du même dallage. b. Température et débit. Les principales sources de Luxeuil, depuis qu'on les soumet à une observation bien attentive, ne paraissent pas avoir varié ; ce n'est que dans leurs trajets accessoires et tout à fait secondaires qu'elles ont pu éprouver quelques changements de température et de rendement. Avant de comparer leur état actuel avec leur état le plus anciennement connu, voyons ce qu'il était en 1866. Nous — 158 — établissons le tableau qui suit d’après les renseignements em- pruntés à l'ouvrage de M. Grandmougin (1). PRODUIT TT, POINT D'ÉMERGENCE et tube de captage. par heure| par jour. | Température. CARTE : SRE ARS Litres c,| Litres c. 1° Source du Bain des| Au centre de la pis- Bénédictins, communi-|cine. quantsouterrainement avec la source ne 10, située dans la paroi droite du canal d’écou- lement des eaux deser- vice des Bains. 400 284 15| 6819 60 2° Source du Bain des| Sous es pied droit Bénédictins. méridional de la porte d'entrée du cabinet de 6 499 :60|,11988 20 douches. 3° Source du Bain des| Au centre de la pis- Dames. cine. 420,4 2214 » 53136 » ms | 4o Source du Bain des! En dehors des bâti- Fleurs. ments. 320,3 240 » 5760 » ——————— | octets | oennnen mémmment 5e Source gélatineuse| Dans le cabinet occi- du Bain des Fleurs. |dental, placé sur l'axe de l’est à l’ouest. 370,6 85 95| 2062 80 re |... | ne ———————— _6o Source du Buin| Au centre du petit gradué,communiquant|bassin de graduation.| 6°,4 sous sol avec deux pe- tites sources : l'une sous le vestiaire est des Dames ; l’autre 400,3 sous la baignoire du 3 cabinet n° 10. | 1620 »| 38880 » 7° Source du Bain| Dansla cour, devant gradué. la grande galerie vi- trée, dans la paroi] 430,2 | 2989 08| 71737 92 gauche du canal d'é- | coulement des eaux. (*) Histoire de la ville et des thermes de Luxeuil. “ — 159 — n POINT D'ÉMERGENCE et tube de captage 8° Source des Yeux. À Dans la cour. ’ 7 9o Source savonneuse.| A l'angle est de j'a- vant-corps du bâtiment principal, sous le trot- toir. 100 Source communi-| Dans la paroi droite quant avec la centrale|du canal d'écoulement n° 1 des Bénédictins. |des eaux de service, en face de la grande galerie vitrée. Près de l'entrée du grand vestibule cen- tral. 11e Source des Cu- veltes. Au pied de l'escalier d'accès dans le bassin de réserve. 12° Source du Grand Bain. 13° Source du Grand Bain. A l'angle Sud-est du petit bassin de l'étuve. Sous le revêtement en dalles formant paroi de la salle au midi, près de la buvette fer- RE 140 Source du Bain des Capucins. 15° Bain desCapucins.| Puits creusé sous le Source A. chauffoir de la galerie contigue. L'une dansle cabinet 2 Sources B. (nord-est ; l'autre entre la piscine et le cabinet pa vestiaires, E PRODUIT ss EE LT, 5 par heure! par jour. SR Litres €. ” Litres €. 39° 73 80| 1771 20 919,3 13 » 312 » 420,6 443 82| 10651 68 499 5 856 85| 20564 40 500,4 1012 20! 24292 80 520,4 665 88| 15981 12 340,6 260 »| 6240 » 34560 » 38°,6 1440 » / | — 160 — a POINT D'ÉMERGENCE PRODUIT Te AT, et tube de captage. Température. par heure| par jour. 16° Source d’Hygie. | En dehorset au nord- est de l’établissement.| ?9%%8 | 249 »| 5976 » 170 Source Labienus.| Non captée. A quel- ques mètres au nord-| 340,6 370 79] 8899 » est du Bain ferrugineux a | © ————— —— — | Total des produits par jour. 319539 72 Ce tableau, qui ne renferme que les sources salino-thermales anciennement captées, représenterait ainsi un volume d’eau de près de 320 mètres cubes, dont la température moyenne serait, si tout était réuni, de 41°,7. D'autre part, la source considérable du Pré-Martin, située aujourd’hui dans le Parc et dite source Eugénie, ayant un débit d'environ 300,000 litres à 24°, il en résulte que la station pourrait disposer d'environ 620 mètres cubes d’eau véritable- ment thermale, mais dont la température moyenne ne serait plus que de 33°,12 s’il était possible de tout comprendre dans un même captage, en ne laissant de côté que les eaux ferru- gineuses. Il y a sans contredit quelque chose de séduisant dans ce ‘système d’unification des sources d’une station. Ordinairement il permet, sinon d'augmenter, au moins d'assurer le rende- ment des eaux. Malheureusement aussi, il blesse un peu la foi des fidèles, en brisant l’urne des vieilles Naïades. A Luxeuil, on a pu conserver jusqu'à ce jour ces distinc- tions de sources auxquelles le public a confiance, et que res- pecte avec raison toute bonne thérapeutique. Il pourrait se faire cependant qu'il devint urgent, pour la conservation même des émergences, de remanier profondément plus d'un captage. — 161 — On sait que, dans les établissements thermaux de l'Etat, ce genre de travaux ne s’entreprend qu'après d'attentives études, comme toute amélioration ne s’y fait qu'en vue du bien public. En ce qui concerne les sources du Grand Bain de Luxeuil, nous trouvons dans le mémoire de Charpentier de Cossigny, que nous avons déjà cité et qui nous donne une observation faite en juin 1746, des termes précieux de comparaison avec l’état actuel des choses. « À huit heures du soir, ayant fait écouler toute l’eau du plus grand bassin, j'y plongeai le thermomètre dans l’un des trous par où sort l’eau de l’une des sources qui le remplissent et qu'on disoit être la plus chaude. Ce trou, quarré d'environ 6 pouces, est pratiqué dans le milieu de l’une des grandes pierres taillées qui pavent ce bassin. La liqueur s’y est élevée à 45 degrés. » Dans l’autre trou d’un pied de longueur sur trois pouces de largeur, fait également dans une pierre du sol de ce bassin, la liqueur du thermomètre s’est tenue à 41 degrés 1/4. Je n'ai pu retirer de ce dernier trou qu’un peu de sable pur, mais le premier étoit presque plein d’une boue fort noire en pâte. _ » d'en fis enlever à la main deux écuelles pleines, et j'y remis mon thermomètre dont la liqueur ne put s'élever alors que de 41 degrés 1/4, c’est-à-dire 3 degrés 3/4 moins qu’au- paravant, ce qui semble prouver que c’est la même source qui fournit aux deux trous, ou que si ce sont deux sources diffé- rentes, elles ont le même degré de chaleur. » Aujourd'hui, la piscine du Grand Bain d'alors est remplacée par un réservoir, où retombe l’eau qui s'élève par deux canaux de pierre construits sur les sources. Les températures n’ont pas baissé : dans l’un, nous avons trouvé 53°,4, et dans l’autre 51°,4 du thermomètre centésimal, ou si l’on veut en moyenne 52°,4, ce qui représente autant que possible les 41° 1/4 Réau- mur observés par Cossigny. Quant au sable signalé dans un trou, tandis que l’autre était encombré. d’une pâte noire, on peut encore observer cette différence en fouillant légèrement 11 — 162 — avec une cuillère longuement emmanchée le fond des tubes de captage : on retire de celui du nord-ouest une boue noirûtre, tremblante et comme gélatineuse. Ajoutons que ce point était le plus rapproché de la source mangano-ferrugineuse de l’ouest, qui pendant longtemps a été la buvette privilégiée annexée à la piscine du Grand Bain. Mais existe-t-il plus ou moins profondément une commu- nauté entre les deux sources du Grand Bain, comme le pensait Cossigny, de telle sorte qu’on ne puisse modifier l'émergence de l’une sans influencer les conditions de débit et de tempé- rature de l’autre ? C’est probable. Une question de cette nature a sans contredit son intérêt médical; néanmoins son étude concerne plus particulièrement nos deux honorables ingé- nieurs des mines, MM. Trautmann et Demongeot, dont elle a déjà attiré l'attention. Si les principales sources de la station ne paraissent pas avoir sensiblement varié depuis 1746, peut-on en dire autant de celles des Capucins, ou du moins de leur mode d’ascension dans les piscines ? La vasque intermédiaire où se fait le partage et où arrivent les eaux par deux tubes ascensionnels, nous a montré une température moyenne qui, en 1866 et 1867, a varié de 38° à 40°. Il est vrai que si nous admettons que la . température la plus habituelle y soit de 39° cent., elle diffère peu de celle de 31° Réaumur, observée par Cossigny en 1746, dans le bassin même où les eaux arrivaient alors sans inter- médiaire, et où probablement elles étaient à un niveau moins élevé qu'aujourd'hui. La vasque et les piscines du Bain des Capucins se couvrent incessamment d'un bel enduit verdoyant, dû à des conferves, qui leur donne un aspect de malakite, et qu'on ne retrouve pas dans les autres bassins de l'établissement. Gette végétation dépend-elle d'une modification légère dans la composition des eaux qu'on observe de ce côté, ou simplement de ce que les sources des Capucins ont plus de relations que les autres avec des eaux de surface et sont aussi plus aérées, ce qui est incon- * — 169 — d'un confrère exprimer le vœu du rétablissement du Bain actuel des Dames à une haute température; ce qui serait facile assurément, en laissant arriver constamment dans le bassin une partie de l’eau de la source. Malheureusement ce serait aussi, pour venir en aide à des cas bien exceptionnels, dépen- ser une des grandes richesses de la station. Les piscines étant faites pour les cas ordinaires et les plus nombreux , la plupart de celles de Luxeuil, qui sont entrete- nues directement et constamment par des sources à tempéra- ture modérée, offrent au mieux les conditions nécessaires à ce point d'équilibre relatif et réglant la dépense de la chaleur humaine dont nous parlions tout à l'heure. Pendant la belle saison, la piscine des Capucins est habituellement à 33°; celle des Bénédictins à 35°; tandis que celle du Bain gradué offre, dans ses divers compartiments, de 33°,5 à 34°,5. On voit que, dans ces limites, il est facile à chacun de trou- ver Ce qui lui convient pour tout traitement qui n'a rien d'exceptionnel. En disant que telle est la température habituelle de nos piscines, il est bien entendu que nous ne prétendons pas dire qu'elle soit tout à fait invariable. Evidemment la température extérieure du moment a son influence sur celle des salles, qui à son tour agit sur celle des bassins. On ne pourrait avoir une piscine exactement à même température en toute saison, qu'en intervenant par quelque artifice; et alors il serait bien difficile d'amener les eaux telles que les sources nous les donnent. Effets du bain alcalin. La nature de nos eaux salino-thermales est-elle vraiment assez alcaline pour avoir bien motivé le nom d'alcalin donné au bain d'une partie de l'établissement ? Un peu de carbonate de potasse dans toutes, de carbonate de soude dans quelques- unes, autorisent jusqu'à un certain point cette caractérisation. Ces eaux, comme on l’a déjà fait observer, sont notablement — 170 — plus riches que celles de Plombières en sulfate de soude; mais le chlorure de sodium y dominant, elles ont dû être rangées , d'après la nouvelle méthode de classification, parmi les eaux chlorurées-sodiques. Pour essayer d'expliquer rationnellement l’action du bain dit alcalin de Luxeuil, on conçoit qu'il ne suffise pas d'étudier les premiers effets physiologiques dont nous avons parlé : il nous faudrait aussi des preuves directes et matérielles.d'ab- sorption que nous n'avons pas encore. Quant aux probabilifés d'absorption, elles sont incontestables. I y a dans cette eau assez de carbonates alcalins pour nettoyer l'épiderme et le rendre perméable après un certain temps. Au sortir du bain, les frictions aidant, bientôt la peau est comme décapée. Elle prend une vitalité nouvelle. Alors commence une autre série de phénomènes. Est-ce à ces causes qu'il faut attribuer une distinction assez nette en deux périodes que nous croyons avoir bien remarquée dans la cure faite aux eaux salino-thermales de Luxeuil ? D'abord, pendant un temps qui rarement dépasse une se- maine, beaucoup de malades éprouvent une certaine fatigue et dorment peu. Quelques-uns mêmes accusent des douleurs plus vives. On constate aussi parfois un peu de fièvre ther- male. L’urine des goutteux et des rhumatisants donne souvent un sédiment d'acide urique. Enfin, peu de baigneurs sont tout à fait exempts de quelque agitation fonctionnelle. Qu'on nous permette d'employer les vieux termes de période de coction pour caractériser ce premier temps. Mais bientôt une détente arrive avec des sécrétions plus faciles et plus normales. L’appétit s'éveille, ainsi que le besoin d'activité. Le sommeil habituellement reparaît; nous l'avons même vu devenir excellent chez des personnes qui disaient l'avoir perdu de longue date. Mais ce qu'il y a de remar- quable, c'est que chez la plupart la confiance renaît, comme l'aptitude à faire de longues promenades. En pareil cas, nous nous abstenons de trop contrarier ces dispositions, dût-il en — 171 — résulter un peu de fatigue. Appelons ce deuxième temps de la cure la période de renouvellement. Si elle s'établit assez net- tement dans la majorité des cas pendant la durée même du traitement, elle peut aussi ne commencer qu'après. Cette as- sertion n’est pas seulement une consolation et une espérance pour plus d'un malade : elle est fondée sur l'expérience de toutes les stations; mais le devoir du médecin est de n'en pas trop faire une règle générale. Effets de la boisson. L'eau minérale dite alcaline prise à l'intérieur, entre sans contredit pour beaucoup dans ce travail de pression sur l'éco- nomie, puis d'entraînement et de réparation. Quelques per” sonnes plus naïves que réfléchies, ou mal inspirées, tirent de là cette conséquence que plus on boit de cette eau minérale plus on est tôt guéri. Elle renferme, il est vrai, des sels qui, à petite dose, sont les uns toniques et reconstituants, tandis que les autres entraînent par des effets altérants ou fondants ; et il semble que dans la médication un certain équilibre puisse en tous cas se maintenir. Mais, ici comme toujours, la tolérance est très variable suivant l’état du malade. Assez gé- néralement les urines et les sueurs se font très librement, et un peu de constipation se déclare. Quand la sécrétion intesti- nale l'emporte, il est à peu près certain que le malade a fait quelque abus, soit d’eau soit de régime. Cependant, il faut le dire, les susceptibilités individuelles doivent être prises ici en grande considération. Même avec des eaux plus légères, il nous est arrivé maintes fois de constater, notamment a l'hôpi- tal de Plombières, qu'un seul verre d’eau minérale suffisait à purger certains individus. Mais laissons là les exceptions. A Luxeuil on boit très communément de quatre à six verres par jour. On attribue à l’eau de la fontaine des Cuvettes quelque peu de propriété laxative, surtout quand elle est prise en lavement. Est-ce vrai pour tous les malades? L'évacuation pourrait bien — 172 — n'être ici que le résultat d’une excitation légère. Tout ce que nous en pouvons dire, c'est que chaque médecin, dans sa propre clientèle, est juge de l'attribution et de l'opportunité de l'emploi. Mais s'il s'agissait d'obtenir un effet plus franche- ment tonique, nous donnerions sans la moindre hésitation la préférence à l'eau de la fontaine des Dames, ou même à la centrale des Bénédictins et à celle du Grand Bain. Quant à l’eau de la fontaine d’Hygie, en grande vénération chez les habitants de Luxeuil, il est incontestable qu’elle con- vient surtout aux malades qui n’ont à faire qu’un traitement modéré. | | Celle de la source Eugénie, qui donne deux fontaines dans la cour d'honneur, est impuissante à exercer une action mar- quée sur les sécrétions, puisqu'elle est d’une pureté à peu près absolue ; mais par cela même elle peut être en certains cas plus dissolvante que toute autre et non moins propre à faire de l'entraînement. I TRAITEMENT FERRUGINEUX. Quoiqu'il ait été dit souvent que Luxeuil, eu égard à la di- versité de ses eaux, avait repris son antique et double attribu- tion, beaucoup de malades y viennent encore sans savoir s'ils auront à faire usage des eaux salino-thermales ou des eaux mangano-ferrugineuses. Aussi, Dieu sait le traitement que font ceux qui ont la prétention de s’y diriger d’après leurs propres lumières! Il en est qui se décident pour le Bain fer- rugineux, uniquement en vue d'un plus beau cabinet. On a là sous la main l’eau tiède et l’eau chaude : l’eau ferrugineuse et l'eau saline. Comment résister au plaisir de se rafraîchir avec l’une quand on s’est échaudé avec l’autre ? et vice versa. On appelle cela faire un traitement ferrugineux. Quelques- uns, plus avisés, s’y font tout simplement un bain mieux réglé et différant peu de celui qu’on aurait dans toute autre partie — 173 — de l'établissement. Par compensation , il en est qui, prenant trop à cœur le traitement ferrugineux et en voulant comme pour leur argent, ont la prétention de rester une heure un quart dans un baïn à peu près pur, à 31°, c'est-à-dire à demi frais et qui va se refroidissant. Nous avons constaté dans ce cas des troubles graves de circulation et d’innervation , ré- veillant des douleurs, congestionnant des points malades. Aussi est-ce toujours au Bain ferrugineux que nous avons eu différentes fois à porter secours à des baigneuses en défail- lance. Il est vraiment regrettable qu'un élément de succès aussi riche que celui que donnent les eaux mangano-ferrugi- neuses de Luxeuil ne soit pas toujours appliqué avec la ré- flexion que réclament le soulagement ou la guérison des ma- lades. | Est-il possible d'éviter ces abus de traitement dans l'état actuel du matériel de balnéation ? Est-il aisé même, à l’aide de quelques améliorations, de tirer grand parti de l’établisse- ment ferrugineux ? C’est notre avis. Essayons, d’après l’expé- rence acquise et moyennant un peu de théorie, d’ expliquer ce qui se passe et ce qu il faudrait faire. Un bain vraiment ferrugineux à 31° ou 32°, comme on l'a d'habitude à la station, n’est qu'un bain tiède, assez agréable en y entrant, mais qui pour la plupart des personnes débili- tées qui en font usage est presque frais après vingt-cinq mi- nutes et commence à donner du frisson. Evidemment c’est le moment d'en sortir, si l’on veut conserver l'effet tonique et ne pas tomber dans une période de sédation qui peut être fà- cheuse. Il est vrai que beaucoup de personnes, luttant contre le malaise, se donnent alors de l’eau simplement thermale à plein robinet : le bain cesse d’être assez ferrugineux; souvent le but est manqué. Considérons aussi la part due à un sel soluble de fer appli- qué à la peau. Quelque légère qu'elle puisse être à travers l'épiderme, son action astringente est bien connue et ne peut — 174 — être contestée. La sensation qui en résulte ajoute probable- ment aux effets de la température peu élevée du bain. Ici se présente encore la grave question de l'absorption. Le sel de fer pénètre-t-il profondément par la peau dans l’écono- nomie, lui qui doit être rangé parmi les plastifiants , c'est-à- dire parmi les agents qu'arrête et précipite l’albumine ? « Quelques sels deviennent absorbables à la faveur d’un excès de leur propre substance, c’est-à-dire que la combinaison in- soluble qui résulte de leur union avec les éléments albumi- neux du sang ou des tissus, est soluble dans un excès du com- posé salin qui lui a donné naissance : tels sont certains sels d'alumine, de zinc, de fer et de cuivre (1). » S'il faut ranger dans cette catégorie le sel ferreux de nos eaux, ce serait une raison de plus, on l’avouera, pour ne pas trop l’affaiblir ou le décomposer par un excès d’eau thermale, dont le jet, surtout quand il tombe de haut, introduit dans le bain une notable quantité d'air. Ainsi, bien des raisons concourent à justifier l'opinion que nous avions déjà émise : que le bain ferrugineux de Luxeuil, pour produire tout son effet, ne devrait pas être prolongé au delà d’une demi-heure. En donnant le même temps aux opé- rations accessoires, y compris la douche quand il y a lieu, chaque série serait réduite à une heure. Cette opinion est justifiée par notre propre expérience et celle de plus d’un de nos confrères. Nous insisterons autant qu'il le faudra auprès de ceux qui ne l’auraient pas encore admise. Quant aux effets de l’eau ferrugineuse en boisson, il est peu de malades qui n’apprennent bientôt ici que ces effets diffèrent suivant l'heure et le mode d'emploi. Veut-on utiliser leur action tonique immédiate sur les voies digestives ? évidem- ment c'est à la buvette même qu'il faut les boire. En n'en faisant usage qu'aux repas, on évite le premier effet trop () Mia, Chimie appliquée à la physiologie et à La thérapeutique, p. 203 ; Paris, 1856. — 175 — astringent pour beaucoup de malades; et l'expérience dé- montre qu'on n'en retire pas moins le résultat final qu'on se propose sur la constitution du sang. Autant le bain ferrugineux en cabinet convient aux per- sonnes qui ont besoin du traitement sous différentes formes, notamment des irrigations internes si usitées dans ce service, autant, pour des cas plus simples, il est à désirer que bientôt une vaste piscine plus légèrement ferrugineuse, permettant le mouvement si nécessaire à la jeunesse, et même la natation, vienne compléter des améliorations en quelque sorte pro- mises, et dont le projet a été soumis à l'attention de S. Exc. le Ministre des Travaux publics. Cette piscine, qui aurait constamment une température de 24 à 25°, c'est-à-dire la plus élevée qu'on puisse trouver pen- dant la belle saison dans nos rivières, offrirait en tout temps les ressources d'une douce hydrothérapie jointe au traitement ” ‘op Les exercices du corps y permettraient une durée … de bain toute facultative et variable selon les besoins de cha- cun. Sa création, dont la nature a déjà fait la plus grande partie des frais, est demandée par la plupart des médecins visitant la station. Elle serait pour les familles un bienfait, comme elle serait une facile application des idées tant de fois exprimées par l'Empereur au sujet des Bains publics. III TRAITEMENT MIXTE. Il n’est pas rare qu'on fasse usage à Luxeuil de l’eau man- gano-ferrugineuse en boisson, pendant qu'on se livre d'autre part au traitement salino-thermal le plus complet. Quand cette méthode n'est suivie que par esprit d'imitation, ce qui pour beaucoup de personnes est un motif assez déterminant, on s'expose à ne tirer de la cure aucun résultat, si ce n’est de la fatigue. Mais le monde est plein de gens qui croient encore que le remède est tout, que la manière de l'employer n'est — 176 — rien. De là beaucoup d'erreurs de bien des genres, dont on a écrit et dont 1l resterait à écrire des volumes. En ce qui concerne le sujet actuel, il est hors de doute que dans la majorité des cas les deux médications, l’une plus ou moins entraînante et l’autre analeptique, employées simulta- nément se contrarient et peuvent se neutraliser. Mais il n’est pas moins vrai qu'appliquées successivement, elles peuvent être appelées quelquefois à rendre les plus grands services. Prenons un exemple. En juin 1867 arrive à la station, entre autres officiers de ma- rine, M. X., qui six mois auparavant avait eu la fièvre jaune au Sénégal. Il a le teint cuivreux et bizarrement diapré, de la diarrhée fréquente, quelquefois de la céphalalgie, une grande maigreur, il manque absolument d’appétit. L’insomnie, l’agi- tation, quelquefois la fièvre le fatiguent; un grand abattement s'ensuit. Pendant la première semaine, 1l est soumis à la mé- dication salino-thermale dite alcaline : bains, eau minérale d'Hygie en boisson; puis, graduellement quelques do ches généralisées. Déjà le teint semble s’éclaircir; les excrétions se régularisent , l’appétit revient avec un peu de sommeil , et les promenades sont bien supportées. Pendant la deuxième se- maine , eau minérale plus active pour boisson : le matin, quatre verres eau des Dames; eau ferrugineuse aux repas. Ce traitement d’une activité graduelle est continué pendant près d’un mois. Dans la dernière semaine, non-seulement le malade se porte bien et commence à se diriger sans conseils; mais tout son être est comme transformé. Il prend part aux excursions les plus éloignées de la station et compte au salon parmi les plus infatigables danseurs. On citait sa résurrection inespérée, son aimable et spirituelle gaîté, que nous souhai- tons à tous. Au moins est-il possible à tous de faire un emploi judicieux des ressources de la station, souvent même de sa pliquer avec profit l’à-propos de l'ex-voto antique : Luxov ET BRIXIAE. Autre exemple, 1866. Madame X. Assez belle constit: L'EMPEREUR CHARLES-QUINT ET SA STATUE A BESANÇON PAR M. AUGUSTE CASTAN. Séance du 3 avril 186%. I Tant que la province qui s’appela successivement Séquanie, Haute-Bourgogne et Franche-Comté, fit partie d’une nation fortement constituée, la ville de Besançon, qui en était le centre géographique et le groupe de population le plus considérable, y cumula les titres de capitale politique et de capitale religieuse. Mais du jour où, par suite du morcellement féodal, la Haute- Bourgogne isola ses destinées de la nation celto-franque pour devenir la propriété de dynastes qui se rattachaient par les liens si élastiques de la féodalité à l'empire germanique, les archevêques de Besancon n’eurent pas de peine à accaparer la souveraine puissance dans leur ville métropolitaine, et à obliger les comtes, leurs rivaux, à créer une autre capitale politique du pays. Durant le règne absolu du système féodal, les empereurs eurent intérêt à recevoir séparément l'hommage de l’ancienne métropole, où vivaient encore les traditions du municipe gallo- romain, et celui des bourgs et campagnes, qui se gouvernaient suivant les principes issus de la conquête germanique. Par là s'explique l'appui que prêtèrent aux archevêques les empereurs 13 — 186 — du xrr° siècle, pour écraser les tentativès qui, sous le nom de Commune, devaient aboutir à l'organisation d’un gouverne- ment civil à Besancon. Mais lorsque le temps, ce grand mé- diateur des discordes de ce monde, eut dissous les ferments d'antagonisme entre les habitants d'origine diverse qui peu- plaient le même sol, l’idée de fusionnement national germa dans la tête des principaux monarques de l’Europe. Les petits souverains, ceux de l'ordre clérical particulièrement, durent s'insurger contre ces projets d’unification ; les communes, au contraire, qui ne pouvaient qu y gagner, s’y associèrent : elles obtinrent de cette facon leur reconnaissance officielle, et un protectorat puissant contre leurs adversaires, mais non gênant pour elles, puisqu'il s’exerçait de loin et qu'elles pouvaient régler à leur gré l’usage des sentences qui en découlaient. Ce fut ainsi que la commune de Besançon, disputant pied à pied le terrain aux archevêques et retirant successivement à elle tous les éléments du pouvoir, finit par constituer un petit Etat, analogue comme organisation aux républiques italiennes et aux villes libres allemandes (1). Cette indépendance de la principale place de guerre du pays, la seule capable de tenir en échec une armée, portait ombrage à la vanité et atteinte à la puissance des comtes de Bourgogne : aussi mirent-ils tout en œuvre pour y avoir accès. À chaque menace d’invasion qui survenait au dehors, comme à chacun des troubles intérieurs qui sont le lot de toute démocratie, on les voyait accourir pour prêter main-forte à la commune ou aider ses magistrats à y rétablir la paix; mais ces services n'étaient point désintéressés, et leur usage ne tarda pas à créer un droit. Par un traité du 24 mai 1386, le comte-duc Philippe le Hardi fut déclaré gardien de la ville, et à ce titre se fit constituer une redevance annuelle de 500 francs sur la caisse communale. Philippe le Bon, son fils, alla plus loin encore : () Voir nos Origines de la commune de Besancon, dans les Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 3e série, t. III, 1858, pp. 183-383. — 187 — profitant d’une insurrection de la plèbe contre la bourgeoisie, il obtint, en échange de son intervention et par un traité du 10 septembre 1451, la moitié des gabelles et des amendes de la cité, ainsi que la faculté d’avoir en permanence un juge et un capitaine qui siégeaient dans le conseil de la commune toutes les fois qu'on y instruisait des procès ou qu'on y agitait des questions militaires (t). Besancon eut à compter dès lors avec trois puissances, qui auraient été fort dangereuses pour son indépendance, si la rivalité ne les eût pas amoindries : c'étaient d’abord les em- pereurs, qui pouvaient étendre ou restreindre à volonté les priviléges de la commune; puis les comtes de Bourgogne qui, à la moindre querelle, coupaient les vivres aux citoyens, en interdisant les marchés de la grande ville aux habitants du reste de la contrée; c'étaient enfin les archevêques, qui se prétendaient toujours seigneurs de Besancon et usaient fré- quemment des foudres ecclésiastiques pour défendre les vestiges de leur ancienne splendeur. Ce qu'il fallut d'abnégation, d'é- nergie et de dextérité pour cheminer entre d'aussi redoutables adversaires et les neutraliser, en opposant les unes aux autres leurs prétentions concurrentes, nos héroïques prud'hommes auraient pu seuls le dire. Cet état de luttes permanentes, qui absorba pendant trois siècles les ressources morales et matérielles de la commune, ne cessa qu'avec l’avénement de Charles-Quint. IT Entre tous les Etats que ce monarque réunit sous son sceptre, et dont l'assemblage dépassa les proportions de l'em- pire de Charlemagne, rien ne lui fut plus cher que les an- (2) Ed. Czerc, Essai sur l'histoire de la Franche-Comlé, t. 11, pp. 208- 210, 475-485. — 188 — ciennes possessions de la maison de Bourgogne. C'était là qu’il était né, qu'il avait été élevé par sa tante et bonne mère, Mar- guerite d'Autriche, dont le tendre cœur était régi par une tête de profond diplomate et inspiré par une imagination d'artiste. « Ne criez pas Noël! avait-elle dit aux populations qui accla- maient son début dans la vie politique, mais bien : Vive Bourgogne ()! » Etau moment de quitter ce monde, elle priait et suppliait l'empereur, son neveu, de garder, tant qu'il vi- vrait, la Franche-Comté, « pour non abolir, disait-elle, le nom de la maison de Bourgoingne (?}. » Charles-Quint demeura fidèle à cette tradition de famille. La nature des Franc-Comtois convenait d’ailleurs à son esprit, qui était plus judicieux et ferme que vif et brillant (*). C'était de chez eux que sa tante avait tiré ses plus sages conseillers ; il ne crut lui-même pouvoir puiser à meilleure source, et l’on vit les Granvelle parvenir à la suite des Carondelet, puis ou- vrir la carrière aux Richardot et aux Antoine Brun (). De même que l’empereur Maximilien, son aïeul, Charles- Quint regardait Besancon comme « la retraicte de tous les gens du conté en cas d'éminant péril (), » et il prévoyait bien que ce cas devait être amené plus d’une fois par les orages de l'avenir. Depuis le jour où la France avait retrouvé le senti- ment de son unité nationale, le comté de Bourgogne, qui par- lait sa langue et rentrait dans ses frontières naturelles, lui semblait une conquête légitime à réaliser : deux fois déjà, () LE GLay, Notice sur Marguerite d'Autriche, à la suite de la Correspon- dance de l'empereur Maximilien 1e", t. II, p. 425. (2) Codicille ajouté au testament de Marguerite d'Autriche, le 28 novembre 1530, publié à la suite de l'Histoire de l'église de Brou, par M. J. Baux, p. 104. (*) MiGnET, Rivalité de François I: et de Charles-Quint, dans la Revue des Deux-Mondes, n° du 15 mars 1867, p. 426. (*) Ch. Weiss, Notice préliminaire des papiers d'Etat du cardinal de Granvelle. (5) Correspondance de l'empereur Maximilien Ie* et de Marguerite d'Autriche, sa fille, édition Le Glay; lettre du 7 nov. 1518, t. 11, p. 215. — 189 — sous Philippe le Bel et sous Louis XI, elle avait pu temporai- rement s'en saisir; mais en attendant que la valeur de ses armes et l’habileté de ses diplomates eussent donné raison à sa convoitise, la pauvre province, aussi éloignée de ses maîtres que facilement accessible pour leurs rivaux, allait forcément devenir la première victime de toute coalition contre la maïi- son d'Autriche. On comprend dès lors que Charles-Quint, qui tenait à perpétuer le nom de Bourgogne dans sa descen- dance, ait été touché par cette perspective navrante, et se soit efforcé d'assurer au comté de Bourgogne tous les éléments de résistance que comportait sa triste situation. Le point délicat de cette entreprise était de lier étroitement l’une à l’autre la province de Franche-Comté et la république de Besancon, afin qu'au jour du danger il y eût concordance d'action entre le gouvernement du pays et celui de sa princi- pale place de guerre. Maximilien avait déjà jeté les amorces de cet arrangement : 1l s'était attaché le corps municipal en détruisant à son profit les derniers restes du droit d'asile que possédaient les églises (‘), et en appliquant presque constam- ment aux fortifications de la cité la prestation annuelle que celle-ci lui devait comme gardien ; aussi, dans ses lettres à sa fille Marguerite, appelait-il les Bisontins « nos bons subgectz et désirans l’augmentacion et accomplissement de nostre maïi- son de Bourgoigne, comme se originelement ilz en estoient _yssuz (?). » Ces assurances sentimentales ne satisfaisaient point l'esprit pratique de Charles-Quint; il aurait voulu des garanties plus formelles pour le présent et plus certaines pour l'avenir. C'est dans ce but qu'il avait imaginé, en 1521, de créer un vicaire impérial dans le comté de Bourgogne et de fixer à Besançon (2) Diplôme de Maximilien Ier abolissant, au profit de la juridiction mu- nicipale, le privilége de l'asile que le quartier de l’abbaye Saint-Paul offrait aux malfaiteurs, Anvers, 24 février 1503 ; dans nos Pièces justifica- lives (no IT). (?) Lettre de Maximilien citée plus haut. — 190 — le siége de ce gouvernement supérieur. « Moyennant lequel, envoyait-il dire aux Bisontins, le conté de Bourgoingne vous pourra mieulx secourir en voz affaires et necessitez, et en se- rez plus fortiffiez, avec ce que les gens de bien dudit conté, pour la pluspart, se habiteront audit Besancon, dont la cité sera grandement méliorée et par succession de temps pourra venir en grande prospérité, estans ainsi joinctz et conformes avec ceulx de nostredit conté, et demeurant nostredite cité en tous ses priviléges, libertez, franchises et bonnes exemptions, et aussi l’auctorité et supériorité de nostre sainct empire ré- servées comm il appartient, de sorte que ledit vicariat bien veu et entendu redonde entièrement à vostre grand avantaige, seurté et préservation, comme ceulx que tenons et réputons estre et avoir esté de toute ancienneté noz bons et loyaulx subgectz et serviteurs ({). » Tout doré qu'il était, ce langage ne séduisit pas la commune de Besancon; elle savait par une longue expérience que rien n'est fatal à l'indépendancedes petits Etats comme l'immixtion permanente d’un pouvoir supérieur dans leurs affaires. Elle voulait bien faire corps avec la province en face du danger; mais elle entendait que ce fût dans la limite de ses intérêts et d'une liberté qui lui était plus précieuse que tous les tré- sors (?). Voilà €e que les Bisontins objectèrent à l'empereur, en s'appuyant sur un diplôme de Sigismond qui les dispensait (:) Lettre de Charles-Quint aux gouverneurs de Besançon, Bruxelles, 27 juin 1521, dans les Archives de notre ville. — Le dernier parägraphe de cette dépêche exprime d'une facon très nette la préoccupation qui domina les rapports de Charles-Quint avec notre commune : «..... Au surplus, continue le monarque, madame nostre bonne tante nous a dit les bonnes assistances et plésirs que faictes journellemert à ceulx dudit conté, dont nous vous scavons bon grey, et voulons que persévérez en vous aydant les ungs aux aultres, actendu que c'est pour vo:stre commung bien; et tout ce que en ferez, l'estimerons estre fait à nous-mesmes. Si n’y faictes faulte. »- () Le préambule d'un édit municipal de 1427, que nous publions dans nos Pièces justificatives (no I), montrera quelle idée la commune de Besançon se faisait de son importance et de l'antiquité de ses priviléges. — 191 — d'obéir à tout vicaire impérial qui serait autre chose qu'un envoyé temporaire et ne respecterait pas jusqu'au moindre de leurs priviléges (‘). Cette réponse coupa court au projet de Charles-Quint. Il préparait alors sa grande lutte contre Fran- cois I, et le moment eût été mal choisi pour risquer d’a- moindrir les sympathies des Bisontins envers la maison d'Autriche. Il savait d’ailleurs qu'un traité d'alliance défen- sive existait entre la commune de Besancon et les villes de Berne, Fribourg et Soleure (?), et l'arrière petit-fils de Charles le Téméraire devait éviter, plus que tout autre, un sujet de brouille avec les Suisses. Mais l'intelligence de l'empereur avait suffisamment de ressources pour tourner une pareille difficulté. A la suite du merveilleux succès qui avait mis à sa discré- tion le roi de France (*), Charles-Quint fut assez maître de lui pour ne mesurer que davantage les coups de son autorité, et c'est avec cette disposition qu'il reprit la poursuite de ses desseins sur notre commune : n'ayant pu réussir à décréter cette union si désirable entre Besançon et la province, il tenta de la réaliser par les moyens moraux et économiques. Il se reposa de ce soin sur Granvelle, dont il avait fait le chef de (2) Diplôme de l’empereur Sigismond, Bude, 9 octobre 1423, dans les Archives de la ville de Besancon. (?)-Traité du 24 décembre 1518, dans les Archives de la ville de Besancon. (#) Voici les termes dans lesquels la muniripalité de Besancon consigna sur ses registres la nouvelle de la bataille de Pavie : « MARDI VIIe DE MARS 1524 (V.S.) » Prinse du roy de France. » Ce jourd’huy messieurs ont receu lettres de maistre Pancras de Chaffoy, escuyer de la maison de monseigneur l’archiduc, datées à Ysbrug du xxvite de febvrier, contenant que les gens de monseigneur de Bourbon avoyent donné bataille au roy de France estant au camp devant Pavye, occis plus de quinze mil franceois et le roy de France prins prisonnier, et que monsieur de la Mothe, maistre d’hostel de mondit seigneur de Borbon, avoit icelluy prins. » — 192 — ses conseils et qui, par son alliance avec l’une des familles les plus considérables de Besançon, était le mieux à même de diriger la conscience politique du corps municipal de la cité (1). Il y eut d'abord à vaincre les susceptibilités de la petite ré- publique vis-à-vis d’un pouvoir qui n'aurait pas eu de peine à l’étouffer sous prétexte de caresses : il ne fallut pas moins de six décisions impériales, plus chargées de faveurs les unes que les autres, pour démontrer la sincérité et la bienveillance des intentions du monarque. Non-seulement tous les priviléges de la commune se trouvèrent confirmés dans des termes magni- fiques (?), mais son alliance avec les Suisses avait dû être offi- ciellement tolérée (*); puis elle fut déclarée exempte de tout impôt levé pour les nécessités de l’empire (‘), et trois énormes canons de l'artillerie impériale, autrefois laissés dans ses murs par Maximilien, furent définitivement adjugés à son ar- senal (5). | En retour de chacune de ces gracieusetés, la république bi- sontine relâchait quelque chose de sa raideur et devenait de plus en plus confiante envers les délégués du souverain ; le maréchal du comté et le président du parlement finirent par y avoir en quelque sorte droit de cité, et par acquérir une influence sérieuse sur le conseil de la commune (5) La brèche @) Voir notre Monographie du palais Granvelle, dans les Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 4e série, t. II (1866), pp. 71-165. (2) Diplôme de Charles-Quint, Essling, 5 février 1526, dans les Archives de la ville de Besançon. () Lettre de Charles-Quint à la commune, en date du 27 septembre 1520. — Délibération municipale du 9 janvier 1524. (#) Lettre de Charles-Quint à la commune, Tolède, 1 mai 1534, dans les mêmes Archives. (5) Cette concession de Charles-Quint fut enregistrée dans les actes mu- nicipaux sous la date du 28 janvier 1536. Le 18 avril suivant, la commune traitait avec le maître artilleur de la ville de Strasbourg pour la conversion des trois canons impériaux en « nouvelles et plus duysantes artilleries. » (‘) Le maréchal du comté, qui avait en même temps le titre de capitaine * — 193 — était ouverte dans la muraille cinq fois séculaire qui isolait Besancon du reste de la province : il s'agissait de la maintenir en y faisant passer un courant continu de population. Ce fut là l’objet de deux nouveaux diplômes donnés à Tolède, le 8 mai 1534. Le chancelier Granvelle, en édifiant au centre de la cité un magnifique palais , éveillait chez ses concitoyens le goût des embellissements publics, et parquait dans Besançon une pre- mière colonie d'ouvriers venus de tous les points du comté ; mais le mauvais vouloir du propriétaire d’une bicoque encla- vée dans son terrain avait singulièrement contrarié l'exécution de ses plans (‘). Il ne fallait pas que la commune, qui était disposée à suivre cette impulsion, fût arrêtée par de sem- blables chicanes. Une patente impériale enjoignit à tout habi- tant de Besancon, propriétaire de maisons ruinées ou de places vides, d’avoir à construire dans un délai de trois an- nées; faute de quoi la municipalité était en droit de se saisir de ces immeubles, moyennant un prix fixé par deux pru- d'hommes, et d’adjuger ensuite les lots expropriés, et dégrevés par le fait de toute servitude, à tels gens qui seraient disposés à bâtir (?). Jamais le retrait pour cause d'utilité publique n a- vait été formulé par un souverain d'une manière aussi peu restrictive (%). Un tel mouvement de reconstructions devait avoir pour con- séquence d’impatroniser dans la ville le commerce, seul agent capable de procurer des habitants et de donner de La valeur aux nouveaux édifices. Trois causes avaient fait échouer jusqu'alors toute tentative d'établissement de ce genre : c'é- dans la ville de Besançon pour le comte de Bourgogne, était Claude de la Baume, chevalier de la Toison d'or ; le président du parlement de Dole se nommait Hugues Marmier. (2) Voir notre Monographie du palais Granvelle, déjà citée. (2) Voir le texte de ce diplôme dans nos Pieces justificatives, n° LIT. (5) Cf. MERLIN, Répertuire de jurisprudence, t. XI, p. 829, et DALLoz, Ré- pertoire de législation, t. XXIII, p. 449. — 194 — taient d'une part la défiance de la commune envers tous les étran- gers, d'autre part l'absence d'une monnaie locale suffisante pour servir aux transactions, enfin le déplorable état des voies de communication. Charles-Quint n'hésita pas à enlever aux archevêques un monopole monétaire qui avait toujours été stérile entre leurs mains : il autorisa la municipalité à élever un hôtel des monnaies et à y frapper des pièces de tout métal, portant au droit sa propre effigie et à l’avers les armoiries de la cité; ces espèces durent avoir cours dans le comté de Bour- gogne, après vérification de leur aloi par le parlement de Dole (*). En même temps, à la considération de l'empereur, une compagnie de banquiers génois se fixait à Besançon et venait commencer l'éducation commerciale de la ville (?). Quant aux routes qui convergeaient sur Besançon, l’expro- priation des terrains utiles à leur redressement ne devait pas tarder à en aplanir les plus dangereux passages (#). Du même train que les améliorations civiles, marchaïent les perfectionnements militaires. Une maison pour l'artillerie, élevée dans le jardin de l’hôtel de ville (‘), se peuplait chaque année de quelques nouveaux canons, et le corps municipal prêtait sans trop de difficultés ces engins de guerre et des tonnes de poudre aux autres localités de la province (°). Tous les citoyens aisés et valides étaient tenus d'entrer dans les compagnies d’archers et d’arquebusiers, et obligés de racheter ————— () Diplôme de Charles-Quint, Tolède, 8 mai 1534. Mandement de la cour souveraine, rendu au nom de Charles-Quint, Dole, 23 mai 1538. Voir ces deux actes dans l'Essai sur les monnaies du comté de Bourgogne, par MM. PLANTET et JEANNEZ, pp. 198, 273% et 278. (2) Les négociations pour l'établissement des Génois datent du mois de février 1535. (8) Voir, dans nos Pièces justificatives (no V), le mandement de Charles- Quint (Augsbourg, 19 août 1550) relatif à la rectification de la rampe du Montdurt, près Besancon. (#) Cette construction eut lieu dans le cours de l’année 1530. (8) Délibérations municipales des 18 novembre 1522, 11 mai 1525, 26 mai 1536 et 14 avril 1527. y — 195 — dela commune les corselets, morions et armes qu'elle tirait des manufactures les plus renommées de l'Allemagne (1). Cette milice locale allait quelquefois disputer des prix dans les villes du voisinage. Enfin les vieilles murailles de Besancon étaient mises en harmonie avec les progrès de la science des fortifications et avec les enceintes analogues qui s’exécutaient autour des diverses places de la contrée; on imposait des cor- vées aux habitants pour accélérer cet important travail, et la commune trouvait bon que le capitaine de Charles-Quint rendit une ordonnance pour obliger les particuliers à tenir leurs manoirs à. une certaine distance des remparts (?). Tous les préjugés qui avaient si fortement trempé le ca- ractère des Bisontins, mais avaient aussi singulièrement en- travé l'agrandissement de leur cité, s'étaient fondus comme par enchantement sous le soleil des faveurs impériales : une solidarité étroite, et dont la durée était garantie par des inté- rêts réciproques, allait désormais unir les destinées de Ja ville. de Besancon à celles du comté de Bourgogne. Ce résultat, que Charles-Quint avait obtenu par sa modération et son habileté, le premier monarque du monde avait le droit de s’en féliciter. On jugera, par la dépêche suivante (#), de la satisfaction qu'il en ressentait et du souci qu'il avait de conserver dans cet état les esprits et les choses : « À nos chiers et féaulx les Gouverneurs de nostre cité im- périale de Bezancon. » Chiers et féaulx, par lectres des mareschal et président en nostre conté de Bourgoingne, et ce qu'ilz ont escript à nostre très chier et féal chevalier le sieur de Grantvelle, avons en- tendu les amyables et honestes offices que derrièrement avez fait faire ausdictz mareschal et président, pour en toute bonne () Délibération municipale du 11 mai 1536. (?) Voir le texte de cette ordonnance dans nos Pièces justificatives, n° IV. (°) Cette dépêche est transcrite au fol. 315 du registre des délibérations municipales de 1535-1537. — 19 — et sincère intelligence vous emploier en ce que serait advisé convenir au bien, tranquilité et seurté de nostredict conté; qu'est selon l'affection et amitié que vous et voz prédécesseurs avez continuellement eu à icelluy pays et dévocion envers nous et les nostres, et à la bonne voisinance envers noz offi- ciers et subgectz oudict conté. Et est nostre intencion que le réciproque se face par eulx envers vous et ce que concernera . nostre cité de Bezançon, comme l'escripvons à nosdictz ma- reschal et président. Et aussy nous aurons tousjours regard à tout ce que sera au bien de ladicte cité, en laquelle désirons estre entretenue bonne union et paciffication, selon que ledict sieur de Grantvelle nous a affermé qu'elle y est, dont nous avons très grant contentement, comme scet le Créateur, que, chiers et féaulx, vous ait en sa sainte garde. » Escript en nostre cité de Naples, le derrier jour de février XNÉ-XXXV. Et UE » (Signé) CHARLES. plus bas : » PERRENIN. » II Le règne de Charles-Quint passe encore dans nos annales pour l’âge d’or de l’histoire municipale de Besançon. Du vi- vant même de ce monarque, la commune avait fait une loi à tous les habitants de la ville de s’agenouiller chaque jour, à l'heure de midi, « pour rendre grâce à Dieu le créateur des . biens qu’il luy plait mettre apparans, » et prier « pour la con- servation de la personne et estat de la très sacrée majesté de l'empereur (!). » Il y eut de bonnes raisons pour que ces sen- timents survécussent à la retraite de Charles-Quint. G) « Edict de prier Dieu pour l'empereur nostre souverain seigneur, au son des cloches ordonnées estre sonnées à heure de midy. » — « De par messieurs les Gouverneurs de la cité de Besancon, et à fin nous employer comme nous debvons à rendre grâce à Dieu le créateur des biens qu'il luy plait mettre apparans, et pour la conservation de la personne et estat de la — 197 — Le nouvel empereur fut, en effet, d’une indifférence pro- fonde envers la république bisontine, et ses délégués auprès d'elle durent obéir aux inspirations de l'infernal génie qui sté- rilisait, par des auto-da-fé, les Espagnes, les Pays-Bas et les Indes. Les commissaires impériaux et royaux qui entraient constamment dans la ville, par la porte que Charles-Quint leur avait ouverte, n’y venaient plus, comme ceux du règne pré- cédent, avec des missions gracieuses ou Conciliatrices : armés de réquisitions sanguinaires , is constituaient une sorte d'in- quisition laïque dans la cité ({). Chacune de ces sinistres assises était pour la commune l'oc- casion de se ressouvenir des procédés si paternels et si discrets de l'empereur Charles-Quint. On comprend ainsi que la mu- nicipalité bisontine ait tenu à maintenir sur ses monnaies une figure qui lui était si chère, et que ce type ait persisté inva- riablement jusqu'en 1664, époque où Besancon cessa d'être ville impériale pour être placé sous le protectorat de l’'Es- pagne (?). Il fut également entendu que le portrait de Charles- Quint, qui ornaïit la salle du conseil de la cité, conserverait toujours la place d'honneur et primerait même celui du sou- verain régnant (*). Mais un hommage plus solennel encore était réservé à la mémoire du bienfaisant monarque. très sacrée majesté de l’empereur nostre souverain seigneur, exercité et prospérité d’icelluy, l’on ordonne que chascun jour, heure de midi, au son des cloiches, tous citoiens et habitans en ladicte cité ayent dévotement et à nue teste soy mettre à deux genoulx ès lieux esquelx se trouveront, et prier nostre souverain Créateur pour ladicte prospérité et conservation et augmentation de sadicte majesté, aussi de ceste sa cité et du pays, en suyvant ce que du passé a esté en tel cas statué et publié. Donné le pénul- tième jour du mois de juillet, l’an nostre Seigneur mil cinq cens trente six. » (*) Chronique de Jean BoNNET, citoyen de Besancon (1567-1613), dans les Mémoires et documents inédits pour servir à l'histoire de La Franche-Comté, t. 1, pp. 257-320. (2) D. GnaPpin, Recherches sur les anciennes monnoïes du comté de Bour- gogne, pp. 69-73. — PLANTET et JEANNEZ, Essai sur les monnaies du comté de Bourgogne, p. 202. (*) Récit véritable de l'acquisition de la grande et belle cité de Besançon au roi (d'Espagne) ; Bruxelles, 1664, in-40, p. 4. C'était en 1566. La municipalité venait d'amener dans la ville des eaux saines et abondantes, et cinq fontaines monu- mentales se dressaient pour les distribuer. Déjà quatre d’entre elles avaient recu le couronnement obligé d'une statue my- thologique en pierre (‘). On voulut faire mieux encore pour la fontaine dont on avait ménagé la place en réédifiant la façade de l'hôtel de ville. 11 fut décidé que la grande niche contigué au portail de cet édifice, et dont l'arc était supporté par deux colonnes en marbre rouge de Sampans, encadrerait la figure en bronze d'un César « assise sur une aigle impériale, tirée du portraict de feu de très heureuse mémoire l’empereur Charles cinquiesme. » Le modèle de l'effigie fut commandé à un maître maçon, nommé Claude Lulier, et on chargea les frères Journot, de Salins, artilleurs de la cité, de le jeter en bronze. Cette dernière opération eut lieu le 15 mars 1568, à huit heures du soir, « ayant le tout succédé si heureusement que la figure s’est treuvée parfaicte et partout accomplie au grand contentement d'ung chacun (?).» On fondit ensuite à part les ailes et les deux cous de l'aigle impériale , puis un serrurier vint armer de griffes les deux pattes de l'animal. Pour réparer la figure, on avait mandé de Lyon un ouvrier spécial; mais les exigences de celui-ci furent telles que l'on dut le congédier, et Claude Lulier entreprit lui-même, avec le concours des fondeurs et d’un orfèvre, le regrattage de son œuvre (#). | | Quelques-uns s’étonneront peut-être de ce cumul du métier de maçon avec les plus hautes fonctions de l’art. C'était ce- pendant le cas ordinaire des ouvriers de la Renaissance, et il ne faut pas chercher ailleurs la cause de cette merveilleuse (:) S. Droz, Rerherches historiques sur les fontaines publiques de la ville de Besançon, pp. 212-239. (?) Délibération municipale du 15 mars 1568. (?) Ces détails, ainsi que ceux qui vont suivre sur le prix de revient de la statue, sont empruntés aux comptes de la commune de Besançon pour les années 1566-1569. — 199 — harmonie qui existe entre la conception et la facture de tous les produits de cette admirable époque. Un divorce s'est opéré depuis entre l’art et l’industrie : l’ouvrier et l'artiste reçoivent une éducation complètement distincte, appartiennent à deux _classes différentes de la société, ne parlent plus le même lan- gage; il en résulte qu'ils ne peuvent que difficilement se com- prendre et que très souvent les plus nobles projets sont tra- vestis par les mains qui les exécutent. La dépense totale pour la statue de Charles-Quint atteignit environ 2,000 francs : le sculpteur avait recu 100 francs pour son modèle et 300 francs pour l’entreprise du travail de répa- ration ; le métal, dont le poids atteignait 3,863 livres 8 onces, avait été payé 613 francs 1 gros et demi. Les Bisontins furent bientôt idolâtres de ce monument; ils n'hésitaient pas à le proclamer un chef d'œuvre de l’art, pou- vant être comparé sans désavantage au Jupiter Olympien (!). Les ambassadeurs suisses, qui le virent au mois d'avril 1575, en ont laissé la description suivante : « Vers l'entrée (du pa- lais de la ville), s'élève une fontaine où se dresse une aigle à deux têtes aux ailes déployées. Sur cet aigle, dont les pattes sont découvertes, est assis Charles V, empereur des Romains, tenant l'épée de la main droite et de la gauche le globe impé- rial. L'image de César est d’une exacte ressemblance, et sa grandeur est celle d’un homme fort et robuste. L’aigle rejette par son double bec une eau très limpide et très abondante. L'endroit où figurent l'empereur et l'aigle est une niche prati- quée dans la pierre contre la muraille (?). » Ajoutons que, () « Le Jupiter Olympien n'imprimoit pas plus de respect et n’avoit pas plus de majesté : on ne sçauroit voir cet ouvrage sans admiration, et peut- être n'y a-t-il pas de pièce en Europe qui marque mieux que les modernes n'ont rien à envier aux anciens.» (PROST, Histoire de La ville de Besançon, manuscrit de la bibliothèque de cette ville, p. 562.) — Cf. Journal de Be- sançon, n° du 10 avril 1786. (?) G. C£LLARIUS, Itinéraire des députés suisses se rendant à la cour de Henri 111, roi de France, publié en latin dans le t. XIV des Archiv. für — 200 — dans l’entablement qui dominait cette niche, ressortait en lettres de bronze doré l'inscription : PLEVT A DIEV, devise favorite de Charles-Quints laquelle, sous sa forme latine VTINAM, est devenue le complément héraldique des armoi- ries de la ville de Besançon (!). On a déjà compris que Claude Lulier avait ajusté sa com- position d’après le type si connu de l’apothéose antique. La manière de ce sculpteur, à en juger par deux ouvrages qui nous restent de lui (?), comportait plus de puissance que de finesse, plus de vigueur que d'élégance : c'est d’une réalité quelque peu lourde, tempérée toutefois par ce sentiment du goût, alors universellement répandu et qui n’eût toléré dans une œuvre d'art rien de lâché ni de trivial. IV Lorsque le grand Condé vint, le 8 février 1668, prendre possession de notre ville qui avait capitulé entre ses mains, « il s’arresta, dit Jules Chifflet, à considérer la statue en bronze de l’empereur Charles-Quint, assise sur un double aigle impérial qui jette de l’eau par ses deux testes; puis 1l osta son chapeau (#). » C'était assez affirmer que le gouverne- ment de Louis XIV respecterait ce souvenir des bienfaits d’un autre régime. La Révolution française ne devait point avoir les mêmes égards. Comme toutes les réactions violentes et qui sont de schweizerische Geschichte (Zurich, 1864), et traduit en partie dans les Annales franc-comtoises, t. III, pp. 167-178, par M. G. Perrenet. () Voir, dans les Pières justificatives de ce travail (n° VI), une note sur les origines et variations des armoiries de notre ville. (*) La statue de Neptune, sur la fontaine dite des Carmes, à Besancon, et le buste en terre cuite d'un seigneur allemand, conservé dans la bibliothèque de cette ville. (5) Jules CHIFFLET, Mémoires sur les deux conqguêles de La Franche-Comté par Louis XIV, liv. II, c. 11, manuscrit de la bibliothèque de Besançon. — 201 — longue durée, elle dépassa le louable but en vue duquel elle avait été entreprise : elle détruisit souvent là où il n’y aurait eu qu'à rectifier. Les hommes nouveaux qui arrivèrent alors aux affaires, ignorant les précédents des choses, ne purent obéir à cette loi qui veut que toute institution humaine soit la déduction du passé, la satisfaction du présent et la préparation de l’avenir. Ce qui se dit au conseil général de la commune de Besançon, le 21 août 1792, fera voir à quel point les es- prits étaient éloignés de telles préoccupations. « Un membre du conseil, porte le procès-verbal, après avoir rendu compte des crimes des despotes, et notamment de la conduite tyran- nique de l'empereur Charles-Quint qui fit couler le sang des Français, a fait la motion que sa statue soit enlevée sur-le- champ et brisée. Cette motion appuyée a été adoptée à l’una- nimité, et les ordres ont été donnés sur-le-champ pour en procurer l'exécution (1). » Aussitôt cet arrêt rendu, la statue fut brisée. On avait songé d'abord à fondre avec ses débris une pièce de canon ; mais la matière n'ayant pas été trouvée d’une ductilité suffisante pour cet emploi, il fut décidé, dans la séance du 20 septembre 1792, qu'on la convertirait en pièces de 12 deniers : le produit net, déduction faite de 39 livres de fer et de terre adhérant au cuivre, donna comme poids 3,823 livres 8 onces, et comme valeur 5,151 livres 6 sous 8 deniers {?). Le monument ne vécut plus dès lors que dans la mémoire de ceux qui avaient pu l’envisager. On n’en connaissait pas le moindre croquis, lorsque le hasard nous le révéla tout en- tier dans la marque typographique d’un libraire qui, en 1591, tenait boutique vis-à-vis l'hôtel de ville de Besançon (*). Nous (*) Délibérations du conseil général de la commune de Besancon, dans les Archives de cette ville. (*) Comptes-rendus de l'officier municipal Martin et de Détrey aîné, aux Archives de la ville de Besançon. (5) Voici la description bibliographique de l'unique volume sur le titre duquel existe celte marque : « Nova-vetus Rhelorica ad usum collegir Bisun- 14 — 202 — reproduisons ici cette image microscopique, afin que si jamais notre municipalité voulait redonner son ancien lustre à la vénérable façade de la maison commune, le nouvel artiste puisse s'éclairer d’une lueur de la pensée de son devancier. tini conscripla, per Corn. CAMERARIUM Gandav. Pr.; ad Illustrem, ac Rmum Heroem, Prosperum a Bauma, comitem Montisrivelli, Cariloci antistitem commendatarium, etc.; Vesontione, ex typographia Jani Exerterii; de licentia sup-riorum; M.D.XCI ; » in-4°, 62 pages de texte, et 4 feuillets prélimi- naires comprenant le titre, la dédicace et des pièces de vers latins à la louange du livre. : ER NN as 47 — 203 — PIÈCES JUSTIFICATIVES. 1. — Préambule d’un “dit municipal, en date du 15 septembre 1427, énumérant les priviléges politiques de la commune de Besançon et les prérogatives de ses magistrats. (Archives de la ville de Besancon.) Civiras BIsuNTINA, a priscis Romanorum tribunis condita, imperio romano immediate subjecta, insignis, amplissima ac diffusa, muris et turribus magnificis vallata , extra regnum Francie et in confinibus Alamanie sita , ab imperatorihus et regibus romanis pro tempore existentibus quamplurimis pri- vileaiüs notabilibus dotata, et per eadem privilezia imperatores et reges prelibati recoznoverunt et professi sunt : quod civitas Bisuntina, cives et incole civitatis Bisuntinensis predic:e, nec non habitatores in ea, sunt et esse debent, per jura suarum hbertatum, tantummodo subdicti imperatorie majestati; quod- que ipsi imperatores seu reges non possunt nec debent civi- tatem predictam, universitatem et cives predictos, seu habita- tores in eadem, vendere, quictare, donare, obligare, vel etiam alienare in quacunque manu, nisi ad proprium dominium romani imperii, Cul ipsa Civitas, universitas et habitatores in ea nullo medio sunt subjecti, item et quod ipsi cives habent et habere debent custodiam clavium portarum et introituum civitatis Bisuntine, que nune sunt vel esse poterunt infuturum; quodque ipsi cives Bisuntini habent et habere debent com- munitatem seu universitatem, domum, archam communem, procuratorem, actorem vel sindicum, sigillum universitatis, campanas Communes ad convocandum universitatem predic- tam, vexilla seu bannerias; et quod ipsi cives, quociens eis — 204 — placuerit seu majori parti ipsius universitatis, possunt eligere unum vel plures ad regendum et ordinandum omnia negocia : ipsius universitatis; et quod, pro sue libito voluntatis, rectores dicte universitatis possunt facere et exigere, absque judice et justicia, cäptiones, huancias et taillias inter cives et habitatores dicte civitatis, et habere peccuniam communem pro suis fa- ciendis negociis ut melius et utilius sibi videbitur expedire, et de predictis uti possunt libere, nullo judice impediente vel alquatenus reclamante; item et quod omnes habitantes in civitate predicta, qui utuntur libertatibus et rebus communibus civitatis predicte, seu bona patrimonialia tenentes et possi- dentes in eadem, sunt et esse debent porcionarii ut ahi de missionibus quas cives ordinati pro universitate regenda pre- dicta facient infuturum ; item et quod dicti cives qui pro tem- pore electi fuerunt, ut dictum est, ad regendum et ordinandum negocia universitatis predicte, possint, auctoritate sua, sine juris et judicis offensa, tociens quociens necesse fuerit, capere et in ipsius universitatis carceribus communibus detinere quoscunque cives ipsius Civitatis et habitantes in ipsa civitate qui mandatis ipsorum rectorum licitis non paruerint, seu contra privilegia ipsorum forefecerint in toto vel in parte, donec super inobediencia et delicto ad satisfactionem devene- rint et amendam.... Datum in domo communi dicte civitats, die lune post festum exaltacionis sancte Crucis, anno Domini millesimo quadringentesimo vicesimo septimo. (Signatum) J. LANTERNERN. Dee d 4 — 205 — - JL. — Diplôme de l'empereur Maximilien I‘, en date à Anvers du 24 février 1503, abolissant, au profit de la juridiction muniripale, le privilége d'asile que le quartier de l'abbaye Saint-Paul de Besancon offrait aux malfaiteurs. (Archives de la ville de Besançon.) MaxiImiLIANUS, divina favente clementia, Romanorum Rex semper augustus, ac Hungarie, Dalmacie, Croacie, etc., Rex, Archidux Austrie, Dux Burgundie, Lotaringie, Brabantie, Stirie, Carinthie, Carniole, Lymburgie, Lucemburgie, Ghel- drie, Lantgravius Alzacie, Princeps Suevie, Palatinus in Habsburg et Hannonie, Princeps et Comes Burgundie, Flan- drie, Tyrolis, Goricie, Holandie, Zelandie, Ferrets, in Kyburg, Namurci et Zutphanie, Marchio sacri Romani Imperii ad Anasum et Burgovie, Dominus Frisie, Marchie sclavonice, Mechline, Portus Naonis et Salinarum, notum facimus uni- Versis : Recte olim et sapienter a lesgislatoribus institutum est eum qui autoritatem legis condende habet, ejusdem etiam solvende potestatem habere. Cum itaque omnis auctoritas legum penes Romani Impern principem et totius orbis moderatorem su- premumque ab ipso Creatore mundi constitutum dominum collocata sit, habeatque condende tollendeque legis potestatem, multo magis privilegia ac libertates a se aut predecessoribus suis datas vel concessas limitare, Coartare, minuere, et si visum fuerit penitus abolere et tollere potest. Nam quamvis imperatoria celsitudo nemini quod concessum fuit aufert, debet tamen providere diligenter ut ita concessa privilegia conservare Conetur ne respublica ac commune bonum exinde enormiter ledatur aut detrimentum patiatur : quod cum nos, qui Dei optimi maximi nutu ad hanc Imperii sublimitatem provecti sumus., pro viribus ex omni parte facere semper conemur, mentis nostre aciem undequaque diligenter inten- dimus ut oneri nobis commisso fideliter preesse videamur. Quocirca, cum relatum nobis sit monasterium sive abba- tiam sancti Pauli, ordinis sancti Augustini canonicorum — 206 — regularium, pro securitate ipsius ecclesie et abbatie ac habi- tantium in ea, a divis Romanorum Imperatoribus et Resibus, predecessoribus nostris, hujusmodi esse privilegio donatos : quod confugientes ad dictam ecclesiam sive abbatiam et, ut asseritur, vicum eidem coherentem, qui vulgo vicus sancti Pauli cognominatur, una cum bonis et rebus suis omnibus et quibuscunque et quomodocunque secum delatis, immunitate et securitate plenaria gaudeant, nec possint per quemvis judi- cem quavis auctoritate fungentem deprehendi, arrestari, citari realiter sive personaliter, aut quovismodo cum eorum personis aut bonis distringi. Unde, sumpta occasione et spe confu- giendi ad dictum vicum, quilibet passim per furtum, homi- cidium ac rapinam direpta bona ad ipsum vicum libere et impune defert cum securitate fruendi, absque alicujus metu, dictis bonis. Ex quaquidem concessione exorbitanti, prebetur licentia in dicta civitate latrocinia, homicidia, furta, rapinas et alia innumerabilia et enormia mala impune committendi et passim in quoscunque grassandi. Cumque id ab omni equitate et honestate, ac communi jure gentium et unione penitus alienum, et postremo nostre civitati predicte ruinam et exter- minium ultimamque desolationem pariturum sit; et omnes humane societates ex hoc dissolvantur et corruant, cum male- factoribus prebetur audacia, et bonis, metu malorum, omnis est adempta libertas. Itaque cum novis supervenientibus causis novis sit remediis providendum, predictam concessionem dili- genti consideratione revolventes, eam denique ratam firmam- que habendam esse legem existimamus, que ratione quoque fulcita esse dinoscitur. Cum igitur Concedens, si mala que exinde secuta sunt considerasset, verisimiliter non creditur dictum privilegium voluisse concedere. Idcirco; cum prefata Bisuntina civitas, in lmitibus Imperii constituta, nobis et sacro Romano Imperio singulari fide et devotione se semper prestiterit obedientissima , nec ullis un- quam periculis, adversitatibus aut perturbationibus ab obser- vantia nostra et sacri Imperii divelli potuerit, sed tanquam arx munitissima et clipeus fortissimus adversus hostes Imperii se semper objecerit, eam singulari gratia nostra prosequi rei- publice ipsius honestatique ac communi utilitati adesse, et, hujusmodi malis evenientibus, ut tenemur, oportunis remediis providere cupientes, prenominatum privilegium et concessio- nem auctoritate Romana nostra re2ia, motu proprio et ex certa scientia et de plenitudine nostre potestatis, limitandum, _coartandum et quo ad hanc partem tollendum, cassandum, irritandum et annullandum duximus, et tenore presentium limitamus, coartamus et quo ad hoc tollimus, cassamus, irri- tamus et annullamus ac penitus abolemus : ita quod in pos- terum fures domestici, latrones, homicide et animo deliberato delinquintes et hujusmodi graviter et enormiter scelerati, confugientes cum bonis ablatis et etiam sine ipsis bonis ad dictum vicum, nulla amplius securitate et immunitate gau- deant et potiantur, sed Libere et absque aliqua contradictione ac impedimento possint a judicibus et habentibus jurisditionem temporalem capi, deprehendi ac detineri, et debitis modis jus- ticie, juxta ipsius civitatis jura et jurisditiones, contra eosdem procedi et fieri ea que de jure facienda occurrerint; ita tamen quod in reliquis, preter ea que hic sunt manifeste expressa, omnia privilegia dicto monasterio et abbatie concessa conser- ventur 1llesa et inviolata; non obstantibus quibuscunque legi- bus, constitutionibus, concessionibus, privilegiis, confirmatio- nibus,etiam apostolicisautimperialibus, necnon quibuscunque gratis, donationibus, largitionibus, immunitatibus ac prero- gativis dicto monasterio hactenus concessis, quibus omnibus et singulis, quavis auctoritate fulgeant, presentium per teno- rem, motu proprio et auctoritate supradictis, derogamus et derogatum esse volumus. Nulli ergo hominum liceat hanc nostre privationis, cassa- tonis, annullationis, limitationis, irritationis, constitutionis. derogationis et decreti paginam infringere, aut ei quovis modo ausu temerarlo contraire. Si quis autem hec attemptare pre- sumpserit, indignationem nostram gravissimam ac penam — 208 — quinquaginta marcharum auri puri fisco nostro regali appli- candum se noverit incursurum. Harum testimonio litterarum sigilli nostri appensionis munitarum. Datum in civitate nostra Antwerpia, die vicesima quarta mensis februari, anno Domini millesimo quingentesimo ter- cio, regnorum nostrorum Romani decimo septimo, Hungarie vero tercio decimo. (Signatum) PER REGEM, pro. m. Ad mandatum Domini Regis proprium : (Signatum) N. ZIEGLER. Grand sceau armorié en cire rouge, dans une capsule de cire jaune, suspendu au diplôme par une double cordelière de soie natée aux trois couleurs bleue, blanche et rouge. IT. — Diplôme de l'empereur Charles-Quint, en date à Tolède du 8 mai 1534, concédant à la municipalité de Besancon le droit de forcer les propriétaires de maisons ruinées ou de places vides, situées dans l'inté- rieur de la ville, à bâtir dans un délai de trois ans, ou, én cas d'inexé- cution, de pouvoir exproprier les immeubles de cette nature et les adjuger ensuite à tels gens disposés à construire. (Archives de la ville de Besancon.) CaroLUS QuiNTus, divina favente clemencia, Romanorum Imperator augustus ac Rex Germaniæ, Hispaniarum, utrius- que Sicillæ, Hierusalem, Hungariæ, Dalmatiæ, Croatiæ, Insularum Balearium, Sardiniæ, Fortunatarum et Indiarum, ac terræ firmæ, maris Oceani, etc., Archidux Austriæ , Dux Burgundiæ, Lotharingiæ, Brabantiæ, Lymburgiæ, Lucem- burgiæ, Geldriæ, Wiertembergæ, etc., Comes Habspurgi, Flandriæ, Tyrolis, Arthesiæ et Burgundiæ palatinus, Hanno- niæ, Hollandiæ, Zelandiæ, Ferreti, Namurci et Zutphaniæ, Lantgravius Alsatiæ, Marchio Burgoviæ et sacri Romani Im- perii, etc., Princeps Sueviæ, etc., Dominus Frysiæ, Molinæ, Salinarum, Tripolis et Mechliniæ, etc., recognoscimus tenore — 209 — præsentium, pro nobis et nostris successoribus in Romano Imperio, ac notum facimus universis : cum nobis, pro parte honorabilium nostrorum et Imperii sacri fidelium dilectorum gubernatorum imperialis civitatis nostræ Bisuntinæ, reve- renter fuerit expositum quod, retroactis temporibus, eadem civitas, crebra incendiorum vi subinde grassante, graves rui- nas passa sit, eoque deventum esse ut complura ædificia, domus et areæ, per suos possessores aut censuales desertæ, in hodiernum diem aut collapsæ, aut ruinis obnoxiæ remaneant, quæ res non modo deformitatem in diversis et insignioribus locis, verum etiam evidens detrimentum civitati pariat, nobis propterea humiliter supplicando ut ipsorum et prædictæ civi- tatis conservationi benigne consulere et super præmissis oppor- tune providere vellemus. Cum itaque nobis, tanquam Roma- norum Imperatori et supremo ejus civitatis Domino, ratione imperialis nostræ dignitatis et officii, incumbat ea quæ publi- cum ejus bonum concernunt, diligenti studio promovere et taliter prospicere debemus ut ipsa civitas, in limitibus sacri Imperü constituta, quæ ad Imperii fines tuendos multum habet momenti, ruinis non deformetur, sed in pristina sua dignitate ac decore conservata permaneat. Eapropter, ex prænarratis et aliis causis nos juste moven- tibus, et ut deinceps prædicta civitas in nostra et Imperiïi sacri fide et devotione {prout hactenus fecit) constanter perseverare valeat, animo deliberato, ex certa nostra scientia et auctoritate imperiali, de potestatis nostræ plenitudine, dedimus, conces- simus ac tenore præsentium damus et concedimus prædictis gubernatoribus eorumque successoribus et civitati Bisuntinæ hanc specialem gratiam et privilegium quo statuimus, decer- nimus et ordinavimus : ut, per eorum syndicum qui pro tempore fuerit, possint et valeant omnes et singulos ad quos hujusmodi collapsæ aut desertæ ac ruinosæ domus, ædificia sive areæ spectant vel hereditario jure pertinent, aut quibus alioqui ratione cujuscunque census perpetui vel remibilis, hypothecationis, debiti, seu quovis alio titulo obstrictæ sunt, — 210 — monere ac requirere ad instaurandum et reædificandurm illas seu illa, infra triennium proxime sequuturum post publica- tionem hujus nostri decreti et ordinationis, voce preconis per frequentiora civitatis loca aut aliàs factam, prout moris est; et si prædictæ personæ, eodem triennio elapso, illud facere neglexerint aut contempserint, nec compertus fuerit qui eadem ædificia ruinosa seu areas instaurare aut reparare velit, extunc prædicti gubernatores, ad ipsius syndici instantiam et requi- sitionem, duos probos et honestos viros designabunt qui hujusmodi domos ædificiaque collapsa et areas ( mediante eorum juramento) extimabunt et taxabunt, habita ratione ad verum et justum valorem duntaxat, non ad census, hypo- thecas, servitutes aut alia quæcunque jura quibus dicta loca et areæ gravantur; qua quidem æstimatione per 1llos facta, eisdemque areis, domibus, ædificiis per dies viginti et unum publicæ auctioni seu incanto per syndicum expositis, si repe- riatur qui ea aut aliquod ex eis pluris emere velit quod æsti- mata fuerint, huic in primis concedantur per ipsos guberna- tores libera et immunia ab omni censu et servitute; si vero, prædictum terminum viginti et unius dierum infra, non reperiatur qui plus offerat quam æstimata fuerint, eo casu liberum sit eisdem gubernatoribus illa seu illas aut eorum aliqua pro precio sic æstimato vendere, aut, si desint emptores, ipsi gubernatores vel syndicus eadem pro hujusmodi precio sibi servare sub libertatibus et immunitatibus prædictis, ita tamen ut ex hujusmodi precio, prius deductis ipsius syndici qui prosequutionem facturus est impensis per eosdem guber- natores taxandis et æstimandis, quod reliquum fuerit prædic- tarum ædium, ædificiorum sive arearum dominis, proprieta- riis vel censuahbus, aut aliis quibus censu sive alio jure vel titulo pertinere, habita ratione censuum quorumeunque ut ex quohbet centenario quinque duntaxat (quatenus precium se extenderit) in solutionem et satisfactionem numeretur; quod- que quicunque hujusmodi domos, ædificia sive areas, ut supra, acquisiverint aut comparaverint, teneantur 11lico ins- — 211 — taurare et reædificare, juxta moderamen et judicium guber- natorum qui pro tempore fuerint, solutoque hujusmodi precio, ut supra, easdem domos et ædificia libere et pacifice, ab om- nibus hypothecis, oneribus, censibus tam perpetuis quam remibilibus et servitutibus quibuscunque immunia, exempta et libera, possidere ac retinere valeant et possint: quod idem in domibus et ædificiis quæ infuturum vel incendio absumi vel aliàs collabi, seu ruinæ obnoxias fore continget, servari volumus, hac interim lege adjecta, ut hberum sit dominis qui, inopia gravati, hujusmodi domos seu ædificia ruinosa sive areas instaurare non possunt, eas vendere seu alienare, dum- modo tamen et hi qui illa comparaverint seu acquisiverint eas infra triennium exædificare, juxta præscriptum et mode- ramen gubernatorum, teneantur. Decernentes ac volentes ut iidem gubernatores ac syndici et eorum successores, et prædicta civitas Bisuntina, hac nostra concessione et privilegio perpetuo gaudere, seque in eisdem conservare possint et valeant, neque cuique ea de causa intra vel extra judicium respondere aut aliquid præter præmissa solvere teneantur. | Mandantes idcirco et serio. præcipientes omnibus et singulis principibus ecclesiasticis et sæcularibus, prælatis, ducibus, marchionibus, comitibus, baronibus, nobilibus, militibus, militaribus, proceribus, capitaneis, vicedominis, præfectis, castellanis, præsidibus, judicibus, procuratoribus, officialibus, quæstoribus, civium magistris, consulibus, civibus, commu- mitatibus, et denique omnibus nostris et Imperii sacri subditis et fidelibus dilectis, cujuscunque præeminentiæ, dignitatis, status, gradus, ordinis aut conditionis existant, ut præfatos gubernatores, syndicos et eorum successores inperpetuum, ac civitatem Bisuntinam, in hujusmodi nostro privilegio, con- cessione, statuto, ordinatione, aliisque prædictis non pertur- bent nec impediant, sed illis pacifice et quiete uti, frui et gaudere, et in eis permanere sinant et permittant, quatenus gratiam nostram charam habent, ac pœænam quinquaginta — 212 — marcharum auri puri, pro dimidio fisco nostro impcriali et pro residuo injuriam passo sive passis, quotiescunque contra- factum fuerit, irremissibiliter applicandam, incurrere formi- dant. Harum testimonio litterarum manu nostra subscriptarum et sigilli nostri cæsarei appensione munitarum. Datum in ci- vitate nostra Toleti, die octavo mensis maïi, anno Domini millesimo quingenlesimo trigesimo quarto, Imperii nostri decimo quarto et Regnorum nostrorum decimo nono. (Signatum) CAROLUS. Ad mandatum cæsareæ et catholicæ majestatis proprium : (Signatum) J. OBERNBURGER. A ce diplôme est appendu, sur une double queue de parchemin, un grand sceau de cire rouge aux armes de l’empereur, encastré dans une capsule de cire jaune. IV. — Ordonnance du capitaine de Charles-Quint dans la ville de Besancon, en date du 31 juillet 1536, réglementant les distances auxquelles les constructions privées devront se tenir des remparts de la place, et mandement de la municipalité, en date du 10 octobre suivant, rendant ces prescriptions exécutoires. ( Délibérations municipales, registre de 1535 à 1537, fol. 436 et 437.) CLAUDE DE LA BAUME, chevalier de l’ordre du Toison d'or, baron et seigneur de Mont-Sainct-Sorlin, Montrublot, Presilly, Tholonjon, Igny, Chemilly, Valay, Chastenoy, etc., mareschal de Bourgoingne, baïlly d’Amont et capitaine en la cité impé- riale de Besancon, etc., scavoir faisons que, ensuyvant le bon vouloir et plaisir de la très sacrée majesté de l'Empereur nous ayant ordonné, comme capitaine audict Besançon, entendre et veoir cuelle distance estoit nécessaire entre les murailles, d'une part, manoirs et héritaiges des particuliers de sadicte cité, d’aultre, afin pourveoir à la seurté, forteficacion et deffense d’icelle, nous susmes transportez en plusieurs lieux et quartiers aux entours desdictes murailles, ayans précédem- — 213 — ment prins et eu communicacion avec messieurs les gouver- neurs de ladicte cité en leur hostel consistorial, et appellé avec nous sur lesdicts lieux les par eulx adce commis, veu et visité lesdictes murailles, manoirs et héritaiges, considéré aussi ce que le droit a sur ce en tel cas ordonné et mesme en cité de semblable qualité audict Besancon, et pour la forteficacion, seurté et préservacion d'icelle présentement plus que requises et nécessaires, tant à raison du temps courrant que pour l'ad- venir, nous à apparu et avons advisé : de doiz la porte de Rivotte jusques à la tour y contiguë, nommée du Port, sur la rivière du Doulx, ladicte distance doit estre continuée de trois toises, selon qu'elle est commencée, pour y conduire et getter du long d’icelle muraille, et à l'entour de ladicte tour, la plate forme y nécessaire; pour la deffense des advenues d'’icelle porte de Rivotte ou de piéca, il a esté advisé réduire la garde de la porte Taillée; et doiz ladicte tour, circuyant et environnant le reste de toutes les aultres murailles de ladicte cité, icelle distance doit estre de deux toises et demye franchement; et semblablement que, deans icelles distances et lieux aboutissans sur lesdicts particuliers manoirs et héritaiges, se debvoir plan- ter bons abres de noyers assés prouchains l’ung de l’aultre, afin entre icelles murailles et abres se puissent plus commo- dément et seurement dresser bons et puissans rampaires , plates formes, résistances et aultres fortificacions duysantes et nécessaires pour ladicte deffense et conservacion d'icelle cité. A ces causes, comme commis de sadicte majesté en ceste partie, et de par icelle, avons ordonné et ordonnons que, par lesdicts sieurs gouverneurs, doiïbvent estre, précisément, réal- ment et de fait, contrainctz tous ceulx et celles qu'il appar- tiendra souffrir et permettre estre exécuté ce que dessus, deans le jour de feste sainct Martin d'iver prouchainement venant, nonobstant toutes contradictions faictes ou à faire au con- traire. En tesmoingnaige de ce, avons signer cestes de nostre main, seelleer de nostre seel et fait signer par nostre secrétaire , — 14 — audict Besançon, le derrier jour de juillet, l'an nostre Seigneur mil cinq cens trente six. (Aïnsi signé) CLAUDE DE LA BAULME. Seellées de son seel armoyé de ses armes, en cire vermeil et quehue pendant ; Et signées de son secrétaire : J. Piquenet. * _ LES GOUVERNEURS DE LA CITÉ IMPÉRIALE DE BESANCON, : Pour mettre à exécution le mandement précédemment escript, décerné par nostre très honoré et doubté seigneur monseigneur le mareschal de Bourgoingne, capitaine en ladicte cité, commissaire de l'Empereur nostre souverain sei- eneur, député en ceste partie, avons commis et commectons Nicolas Boncompain, Pancras de Chaffoy, escuyer, Anthoine Buzon et Claude Monyet, noz confrères, les quatre, les trois et les deux d’iceulx, leurs donnant toute puissance adce perti- nente et nécessaire. Donné au conseil de ladicte cité, le dixiesme jour du mois d'octobre, l’an mil cinq cens trente six. V.— Mandement de l'empereur Charles-Quint, en date à Augsbourg du 19 août 1550, instituant des commissaires pour étudier la rectification de la rampe du Montdart, près Besancon, et pour exproprier les terrains à ce nécessaires. (Archives de la ville de Besancon.) CHARLES, par la divine clémence, Empereur des Romains tousjours auguste, Roy de Germanie, de Castille, de Léon, de Grenade, de Navarre, d’Arragon, de Naples, de Secille, de Malliorque, de Sardaine, des isles Yndes et terre ferme, de la mer Occéane, Archiduc d'Austrice, Duc de Bourgoingne, de Lothier, de Brabant, de Lembourg, de Luxembourg et de Gheldres, Conte de Flandres, d'Artois, de Bourgoingne palatin, et de Haynnault, de Hollande, de Zélande, de Ferrette, de — 215 — Hagnau, de Namur et de Zutphen, Prince de Zwave, Marquis du sainct Empire, Seigneur de Frise, de Salins, de Malines, et Dominateur en Asieet en Affrique, à tous qui ces présentes verront salut. De la part de noz très chiers et féaulx les gou- verneurs de nostre cité impériale de Besançon, nous a esté remonstré comme près d’icelle et rière nostre conté de Bour- soingne, au lieu dit le Montdart, y a certain chemin tant pré- cipiteux et difficile que sans danger et péril l'on ne peut aller ne venir par icelluy de nostredict conté de Bourgoingne en ladicte cité, et bien souvent advient que les chevaulx et cha- riotz y passans tumbent et périssent, pour estre icelluy chemin quasi inaccessible, et journellement se rend pire et plus diffi- cile, que vient à grande incommodité, intérest et dommaige des habitans de nostredict conté et de ladicte cité, parce qu'ilz ne peuvent bonnement amener ne conduyre leurs denrées et marchandises en icelle cité, ny les citoyens audict conté. Nous supplians à ceste cause lesdictz gouverneurs, désirans le bien commung d'icelluy conté et de notredicte cité et pour avoir meilleur et plus grande fréquence et amitié ensemble, qu'il . nous pleut leur permettre réparer et rendre plus commode ledict chemin du Montdart, ou le dresser et conduyre par aultre lieu convenable et moins difficile rière nostredict conté, et, afin que noz haulteurs, jurisdictions et droictures, tant en qualité d'Empereur que Conte de Bourgoingne, fussent mieulx gardées, depputer et commectre personnaiges telz qu’il nous plairoit, avec povoir que s'il convenoit pour la commodité dudict chemin prendre et approprier à icelluy quelque portion d'héritaiges d’aucuns particuliers, de contraindre lesdictz par- ticuliers vendre et laisser audictz supplians lesdictz héritaiges ou partie d'iceulx, pour applicquer et servir audict chemin, moyennant pris raisonnable et tel que par lesdictz commis seroit advisé, toutes oppositions, appellations et contradictions cessantes ad ce que une si bonne el si nécessaire œuvre, em- portant au bien publicque de nosdictz conté et cité de Besançon, ne fut retardée ou empeschée. — 216 — Nous, les choses susdictes considérées, inclinans favorable- ment à la supplication et requeste desditz gouverneurs, avons, comme Empereur et d'auctorité impériale, commis et député, commectons et députons par ces présentes, pour austant que la susdicte matière peult concerner nostredicte cité de Besan- con, nostre chier et bien amé le lieutenant de nostre juge en ladicte cité de Besançon, et semblablement, en tant qu'icelle uous peult toucher comme Conte de Bourgoingne, nos chiers et bien amez maistre Philippe Marchant, trésorier de Dole,. ou son Commis, et celluy à présent commis procureur fiscal en nostre bailliage dudict Dole, ausquelz avons donné et don- nons par cesdictes présentes plain povoir etauctorité d'entendre à la susdicte matière et y besongner, et faire comm ilz treu- veront convenir pour la réparation dudict chemin du Montdart et le dresser par aultre lieu plus convenable rière nostredict conté, si mestier est, aussi pour l'achat des héritaiges desditz particuliers. | Ordonnant et commandant expressément que ce que par nos- dictz commis sera advisé soit mis à dehue exécution, nonob- stant toutes contradictions, oppositions et appellations, et sans . préjudice d'icelles, auctorisant, comme auctorisons par cesdictes présentes, ce que par iceulx commis y sera faict et ordonné. Mandant et commandant très expressément à tous nos ofii- ciers, serviteurs et subgectz que en ce que dessus ils obéissent à nosdictz commis et leur prestent toute ayde, faveur et assis- tance dont ils seront requis et besoin auront. Car ainsi nous plaist-il. En tesmoing de ce, nous avons fait mectre nostre seel à cesdictes présentes. Donné en nostre cité impériale d'Ausbourg, le dix-neufième d’aoust, l'an de grâce mil cinq cens cinquante, de nostre Empire le trente-ungième, et de nos Règnes de Castille et aultres le trente-cinquième. Par l'Empereur et Roy, Duc et Conte de Bourgoingne : (Signé) BaAve. Grand sceau de cire rougo à l'effigie impériale, avec contre-sceau armorié, sur double queue de parchemin. — 217 — VI. — Origines et variations des armoiries de la ville de Besancon. Les armes de Besancon se blasonnent ainsi : d’or à l'aigle éployée de sable et lampassée de gueule, soutenant en chacune de ses serres une colonne de gueule mise en pal. On a beaucoup disserté sur l'origine de ces armoiries, et cette question fut même l'objet d'un concours ouvert par l'A- cadémie de Besancon en 1761 ; mais il n'en sortit aucune solution satisfaisante, les auteurs qui y prirent part ayant beaucoup plus consulté leur imagination que les documents. Le problème ne nous paraît pouvoir être résolu qu'au moyen d'un examen attentif des différents sceaux dont usa notre municipalité. Le plus ancien de ces sceaux, qui est mentionné dans une bulle pontificale dirigée contre la commune en 1259, repré- sente une croix ornée de médaillons, accostée à sa gauche d'un bras de saint Etienne bénissant. M. Ed. Clerc a publié ce monument dans le tome I, p.448, de son Essai sur l'histoire de la Franche-Comté. La commune de Besançon étant entrée, à la suite du siége de 1290, dans le vasselage immédiat des empereurs d’Alle- magne, un symbole nouveau, l'aigle impériale, vint équili- brer, sur le sceau qui fut fait alors, l’image du bras de saint Etienne. (V. Ed. Clerc, ouvrage cité, t. I, p. 474.) Puis la commune étant parvenue à isoler complètement ses destinées de celles de l'Elise et à imposer un gouvernement civil à la totalité du territoire de la cité, la croix et le bras de saint Etienne disparurent de ses sceaux, et la seule image d'une aigle impériale éployée remplit le champ de celui qui fut gravé vers 1410 et servait encore en 1433. A partir de janvier 1434, apparaît un sceau plus monumental que le précédent. On y voit une aigle éployée, planant au- dessus d'une montagne sur laquelle se dressent deux colonnes: cette montagne n'est autre que le rocher où est assis notre 15 — 218 — citadelle, et les colonnes sont celles du portique d’un temple gallo-romain qui occupait le centre de l'arx antique et dont les vestiges ne furent rasés qu'à l'époque de la construction stratégique de Vauban (!); le populaire considérait ces colonnes comme les piédestaux de quatre divinités du paganisme (Voy. J.-J. Chifflet, Vesontio, pars I, pp. 56 et 57.) Concurremment avec le grand sceau que nous venons de décrire, la commune en employait un de plus petite dimen- sion, soit pour Contremarquer le premier, soit pour authen- tiquer les actes de moindre importance; dans celui-ci on avait supprimé la montagne, mais les deux colonnes se dressaient de chaque côté de l'aigle, dont les griffes buttaient contre chacune des bases. Ce petit sceau fut renouvelé, avec la même représentation, vers 1450, et servit à l'expédition des diplômes municipaux jusqu à la Révolution francaise. Ce fut seulement dans.la première moitié du xvr° siècle que nos héraldistes locaux, obéissant à une pure fantaisie artistique, retournèrent les griffes de l'aigle et y insérèrent les bases des colonnes; cette modification se montre pour la pre- mière fois sur l'avers des monnaies qui furent émises par la commune à partir de 1537 (V. Plantet et Jeannez, Essai sur les monnaies du comté de Bourgogne, pl. VII-X et XV.) (2) Si nos sceaux ne représentent que deux de ces colonnes, c'est qu'il n'en restait debout que ce nombre des la fin du quatorzième siècle. Les actes municipaux relatent, en effet, que « l'an nostre Seigneur mil CCC LXXX et saze, le jour de la feste de la Conversation (sic) saint Pol, cheut par terre l'une des trois columpnes de Saint-Estienne, c'est assavoir celle devers la porte de Reveite. » 0 TABLE L'Empereur Charles-Quint ct sa statuc à Bcsançon. $ L. $ IL. $ IL. S IV. Pièces justificatives. I. Préambule d’un édit municipal (15 septembre 1427) énumérant les priviléges de la commune de Besançon. II. Diplôme de l’empereur Maximilien I‘ (Anvers, 24 février 1503) abolissant, au profit de la juridiction municipale, le privilége d'asile de l’abbaye Saint-Paul de Besancon. IL. Diplôme de l’empereur Charles-Quint (Tolède, 8 mai 1534) concédant à la municipalité de Besançon le droit d’exproprier pour cause d'utilité publique. IV. Ordonnance du capitaine de Charles-Quint dans la ville de Besancon (31 juillet 1536), réglementant les distances à observer entre les constructions privées et les remparts. V. Mandement de l’empereur Charles-Quint (Augsbourg, 19 août 1590) instituant des commissaires pour la rectification d'une route dangereuse aux abords de Besançon. VI. Origines et variations des armoiries de la ville de Besançon. « ÉTUDE COMPARATIVE DU CHEMIN CELTIQUE DE PIERRE-PERTUIS ET DE LA VOIE ROMANE QUI L'AVAIT REMPLACÉ Par M. A. QUIQUEREZ Ancien Préfet de Delémont (Suisse). Séance du 10 août 196%. La Société d'Emulation du Doubs à bien voulu admettre dans ses Mémoires une note relative à un tronçon de voie celtique à Pierre-Pertuis (*). Elle y a ajouté quelques observations sur lesquelles je me permettrai de revenir. J'ai voulu m'assurer du mode de confection de ce troncon de route, et, le 6 août courant, je me suis rendu à Pierre- Pertuis, à 30 kilomètres de mon domicile, pour y opérer une fouille. J'en ai déblayé une longueur de 12 mètres, entièrement taillée dans le roc, avec pente régulière de 14 pour cent. Une longueur pareille avait été enlevée précédemment pour une carrière. Les parties qui y aboutissent des deux côtés sont construites en gravier de montagne pris sur place, et en grosses pierres très arrondies par le frottement, mais qui ne forment pas un pavé régulier. Le plan et les coupes ci-jointes donneront des mesures exactes et normales. J'avais d’abord trouvé une voie de 1",20: mais ce n’est pas la largeur moyenne, qui n'est que de 1",14. La différence provient de ce qu'en certains lieux 1l y avait () Mém. de la Soc. d'Emul, du Doubs, 4e série, t. IT (1866), pp. 339-343. | — 221 — plus d'ébattement, à raison de l'inégalité de dureté de la roche etdu niveau transversal de la voie qui n’est pas toujours régu- lier. C'est un défaut de construction, et non pas d'usure, et qui provient aussi de l'inégalité du rocher. Par contre, les rainures transversales sont d’une régularité très remarquable. Elles n'offrent que des variantes sans im- portance. Elles sont faites avec le marteau à pointe, ce qu'il est facile de reconnaître à leurs extrémités où elles ne sont nullement usées : nouvelle preuve qu'on attelait les chevaux à la file et non pas de front. | Les ornières sont plus ou moins profondes; quelquefois, au niveau des rainures et ailleurs, elles descendent sensiblement plus bas. Ce chemin étant encaissé dans le roc, ses côtés, surtout celui vers la montagne, sont taillés au marteau à pointe, et le bout de l’essieu a usé le roc à une hauteur moyenne de 30 centi- mètres, ce qui rappelle des roues de 60 cent. de diamètre. La voie étant ainsi étroite et encaissée, on ne pouvait passer à côté d'un char qui en occupait absolument toute la largeur. Pour remédier à ce grave inconvénient, on avait taillé un trottoir, du côté de la montagne, sur une largeur de 30 centi- mètres. Son niveau n’est pas constant, à raison de l'inégalité du rocher; cependant il varie peu. Les ornières ont une largeur moyenne de 9 centimètres dans le haut et de 6 centimètres dans le fond qui est arrondi, ce qui indique que les bandes ou les cercles des roues étaient un peu convexes ou usés par le frottement. Les différences de profondeur des ornières proviennent de la dureté variable de la pâte du rocher et des cahotements quand la voie n'est pas de niveau transversalement. Evidemment les roues, les bouts des essieux et les pieds des chevaux étaient ferrés. Ce tronçon se courbait à sa partie inférieure, et comme le roc manquait alors de régularité, les ornières se sont élargies et même quelquefois déplacées; mais cette irrégularité ne — 22 — figure pas sur mon plan : elle n'apparaît qu’un peu pl:s bas. La route moderne, à peu près superposée à celle romaine, est à deux mètres au-dessous du niveau du chemin celtique et à sept mètres vers l'occident. Comme les documents des xrv° et xv° siècles parlent souvent du château de Pierre-Pertuis, j'ai cherché dans tout le voisi- nage du tunnel s'il y avait des restes de constructions murées; mais on ne découvre rien de semblable. Il est probable que cette porte des montagnes a été fortifiée plus d'une fois par des levées de terre et surtout des palissades, comme on l’a encore fait en 1813 et 1815. Sur le rocher à crête étroite et bordée de précipices, j'ai trouvé un petit emplacement fermé à l'orient par un fossé coupant la crête; mais il n’a pu y avoir en ce lieu qu'un corps de garde en bois, un poste d'observation d’où l’on découvrait les approches du tunnel des deux côtés. Près de là, on avait placé une petite pièce de canon en 1815; mais le fossé dans le roc et l'emplacement sont d’une époque très éloignée. Une charrière passe non loin de ce lieu. Elle sert au trans- port du bois de la montagne, et ce n’est point une ancienne route pour franchir celle-ci. Les chevaux et les roues ont seu- lement arrondi le rocher sans creuser d’ornières. Cette diffé- rence entre le tracé des charrières et celui des anciennes voies régulières est très remarquable. Les environs de Pierre-Pertuis offrent un autre troncon de voie antique absolument semblable à celle précédemment dé- crite. Elle partait du pièd de la montagne, du côté de Tavannes, et se dirigeait vers Tramelan par un pli de terrain ou une combe. Elle est taillée dans le roc plus profondément encore, avec mêmes rainures transversales et même trottoir latéral. Il y a deux voies ou trois ornières. La voie étroite a 1",14. J'avais d'abord trouvé 1",20, mais ce n'était pas la voie nor- male. L'autre est un peu plus large et plus moderne : c'est un élargissement de ce chemin d’un côté pour donner Pt aux voitures à voie plus large. — 223 — Cesroutes, ainsi taillées profondément dans le roc, avec ces rainures transversales, ces trottoirs, sont un indice manifeste qu'elles ont eu jadis une grande importance. Elles révèlent l’usage de l'acier ou du fer aciéreux, dont on a trouvé récem- ment un morceau près d'une forge d'époque inconnue. Sur cette voie vers Tramelan, comme sur celle de Pierre- Pertuis, on a recueilli plusieurs de ces fers de cheval à bords onduleux, remontant chez nous aux temps celtiques, comme à chaque instant j'en acquiers de nouvelles preuves. La voie de Pierre-Pertuis a laissé des traces, toujours sem- blables, dans les gorges de Court, de Moutier, du Vorbourg, et plus en aval vers Bâle. Elle suivait quelquefois un niveau très bas, que lui a encore emprunté la voie romaine forcée de suivre son tracé. Cet hiver, j'ai retrouvé un troncon de cette route romaine, près de ma maison, à Bellerive. Il est à un mètre plus bas que la route moderne. Sa construction, de bas en haut, consiste en une espèce de pavé posé sur le vieux sol, qui est peut-être la vieille voie celtique, puisqu'on y a trouvé un fer de cheval à bord onduleux et une cheville de roue. Au-dessus il y a une couche de gravier de montagne sans mélange de terre. Cette couche renfermait un fer de cheval à rainure et une monnaie en moyen bronze, presque fruste, mais appartenant à un des premiers empereurs romains. Vient alors un pavé fait avec soin, mais sans ciment, et qui n'a éprouvé que peu ou point d'usure. Plus haut, il y a des rechargements successifs de gravier avec traces d'ornières dont la distance varie entre 1,14 et1",20, mais d'une manière peu certaine. On reconnait enfin un mauvais empierrement formant la base de la route mo- derne, dont toutefois le tracé n’a jamais pu changer, à raison de la conformation du terrain. Comme la rivière de la Byrse pouvait emporter la voie romaine, On avait établi une digue formée de gros sapins en grume, couchés parallèlement à la voie et à la rivière, et fixés dans le sol par des pieux aiguisés en biseau simple ou double. — 224 — C'étaient en général des sapineaux, maïs il y avait aussi un carrelet de sapin de six centimètres de côté fabriqué à la scie. Un fouillis de troncs de saules et d’ossements d'animaux (bœufs ou vaches) remplissait ce terrain jadis marécageux, mais depuis des siècles recouvert de sable d’alluvion. Il y avait encore bien des fers de chevaux et d'’ânes dans les terrains voisins, à plus de deux mètres de profondeur, et tous à bords onduleux. Dans la couche de terre tout à fait supérieure, sous le gazon, on a trouvé une hache en fer du v° siècle. La coupe ci-jointe donnera une idée de ce tronçon de route. Bellerive, le 8 août 1867. Société d'Emulation du Doubs, 1867 Chemins de Pierre:Perturs PI 1 Hihelle deuble LES TRONÇON D'UNE ROUTE CELTIQUE: PIERRE-PERTUIS. Antérieure à La voie rematne d'Avenlicanr a Augusta Rauracorunt, Détlaye cl mesure par » 1 Quigquerer Le 6 Août 1867. A RE — = ee SN, 4 D on ML mt So / LR = LS | re + dé 7 — | Ge 5 Cl [ se - NE 12 mètres r De TS = + ni ee CRE > Es = 2 cent. pour 1 metre L mc Te a —- —_——— —— —— _ a —_— —— — ss . ’ : 1 2 4 , 5 C2 7 ë F re Hours ÉBROIN ET SAINT LÉGER ORIGINE, DÉVELOPPEMENT ET RÉSULTATS DE LA LUTTE ENTRE LA NEUSTRIE ET L'AUSTRASIE PAR M. LUDOVIC DRAPEYRON Professeur d'histoire au Lycée impérial de Besançon, Ancien élève de l'Ecole normale. Séance du 3 avril 48653. Si la lutte de la Neustrie et de l’Austrasie n'a cessé d'attirer l'attention des historiens, c’est qu'on y a vu, avec raison, le point de départ de la France et de l'Allemagne. Tous ceux qui ont voulu se rendre un compte exact de ces deux grandes civilisations, parvenues à leur pleine et radieuse floraison, ont été mvinciblement ramenés à une époque obscure et com- pliquée, où triomphait la barbarie. 11 importe, en effet, de surprendre dans leur naturelle et inistinctive manifestation des caractères irréductibles destinés à réagir l’un sur l’autre, mais non à se combiner, à se fondre ou à s’effacer mutuelle- ment. Aussi bien, aux généralités si profondes et si vraies de l’auteur de la Germanie, fait-on succéder les récits saisissants de l'historien ecclésiastique des Francs et les mille légendes aux contours si indécis où la vérité se laisse encore deviner : défrichement laborieux qui prête à notre intelligence, salutai- rement mise à l'épreuve, des forces nouvelles (!). @) Les principales légendes à consulter sont celles des saints Colomban, Arnoul, Pepin de Landen, Eloi, Ouen et Léger. On peut tirer grand profit de cette lecture, mais à condition de bien saisir le point de vue où s’est placé chaque hagiographe. Rien n'est plus opposé, par exemple, à la doctrine politique de la Vie de saint Eloi que celle de la Vie de saint Léger. 16 — 226 — Peut-être reste-t-il, dans cet ordre d'études, un travail à entreprendre. Il conviendrait de bien déterminer l’origine et de bien expliquer les phases de la longue rivalité de la Neustrie et de l’Austrasie. Le champ de bataille et les péri- péties de l’action demandent un général habile, capable d’em- brasser et de débrouiller une mêlée confuse. Mais Augustin Thierry, dans ses Lettres et dans ses Récits, a tellement sim- plifié la tâche qu'il est moins téméraire de l'essayer. L'époque mérovingienne se divise en trois périodes bien tranchées : la première est signalée par une invasion rapide et victorieuse qui s'étend à la Gaule entière et s’aventure par- fois au delà des Alpes et des Pyrénées; dans la deuxième, les conquérants, rangés sous plusieurs bannières ennemies, se tournent les uns contre les autres et entraînent au milieu de leurs rivalités sanglantes les vaincus eux-mêmes; la troisième nous montre un essai d'organisation sociale contrariée par des violences inouiïes et des usurpations réciproques (1). Puisque c'est l'influence des Gallo-Romains sur les Francs qui à donné lieu à la lutte mémorable dont nous pærlons, il est évident qu'on ne saurait la faire légitimement remonter au premier établissement des Barbares. Les courses éperdues d'un Clovis, d’un Clotaire, d’un Théodebert, ne permettaient pas de relations suivies et décisives entre les bandes nomades des guerriers et les populatioris sédentaires. A Soissons comme à Metz, le roi franc, dans ses courts moments de repos, restait entouré de ses fidèles : la Germanie le suivait partout; il n’y avait encore ni Neustrie, ni Austrasie (?). Avec les querelles () On peut assigner des dates assez positives à ces trois périodes : la première comprend les règnes de Clovis et de ses fils (481-561); la seconde ceux de Gontran et de Brunehaut (561-613); la troisième s'étend jusqu'à la bataille de Testry, c’est-à-dire jusqu'à la déchéance irrévocable des Méro- vingiens (613-687). (2) Le nom de Neustriens n’est pas employé une seule fois par GRÉGOIRE DE Tours. Celui d'Austrasiens est mentionné dans un ou deux passages du même écrivain (lib. V, c. 19). — 227 — sanglantes de Chilpéric et de Siegebert, l'histoire mérovin- gienne change de caractère. Une guerre civile d’un demi-siècle met en rapport intime les Gaulois et les Francs. Les uns et les autres sont associés aux mêmes chances, favorables ou fâcheuses. Les indigènes, grâce à leur supériorité intellectuelle, se font une large part dans le gouvernement. On les trouve à la tête des armées, des cités, des provinces, des ambassades, du palais lui-même. Les évêques, qui, pour la plupart, leur appartiennent encore, jouent un rôle considérable comme médiateurs, souvent consultés, parfois écoutés. On n'a plus devant soi deux sociétés différentes et séparées. Mais il est juste d'ajouter que, par suite d’un rapprochement brusque et violent, toute l’organisation sociale a été dissoute. Des éléments contraires sont en présence et ne peuvent s’amalgamer. De là ce chaos dont Grégoire de Tours a été le témoin effrayé, et qui marque un moment unique mais bien triste de l'humanité. La confusion est universelle. C’est dire suffisamment qu'il ne s'est pas encore formé dans la Gaule d'Etat ayant une physio- nomie propre, une idée arrêtée, un but précis. Bien plus, les Etats sont mal délimités, morcelés à l'infini, incapables de réunir leurs membres épars. Les villes passent sans cesse de main en main, suivant les hasards d’une guerre désordonnée. Les Francs eux-mêmes, que cent années n'ont pu fixer au sol de leur patrie adoptive, quittent et reprennent leurs rois et leurs apanages avec une mobilité sans égale. La querelle pro- digieuse des deux reines vient témoigner de cette anarchie et de cette incohérence. On serait tout d'abord disposé à penser que Frédégonde, reine de Neustrie, doit soutenir les intérêts de la civilisation ; Brunehaut, reine d’Austrasie, ceux de la Germanie. Or, il en est tout autrement. L'épouse de Chilpéric, par sa beauté, sa résolution, ses sortiléges, sa sauvagerie même, exerce un empire souverain sur les Francs. L'épouse de Sie- gebert combat, neutralise autant que possible cette influence magique et empêche une ligue générale des Barbares. Qu'on ue l'oublie pas : la Neustrie, aussi bien que l’Austrasie, avait — 228 — été recouverte par le flot de l'invasion. Il y eut dans la suite, nous le reconnaissons, réaction au sein de la première, tandis que la seconde subit une métamorphose tous les jours plus complète; mais il fallut pour cela un concours d'événements que nous nous proposons d'étudier. Cette recherche de la Neustrie et de l’Austrasie, qui jusqu'ici nous ont échappé. nous conduit au commencement du vrr° siècle, à la chute de l’immortelle et infortunée Brunehaut. Alors s'établit ce que nous appellerions volontiers l'équilibre de la barbarie. Au bouleversement dont les récits mérovingiens : nous offrent le tableau succède un grand apaisement. La so- ciété, à peu près dissoute, se reforme avec lenteur. L'isolement remplace la confusion. Plusieurs groupes distincts, destinés à poursuivre, chacun pour sa part, un but, une idée, se dessinent. L'Austrasie est définitivement le domaine exclusif des Frances, l'Aquitaine celui des Gaulois: la Bourgogne et la Neustrie apparaissent comme des Etats mixtes et comme une transition du monde romain au monde germain. La belliqueuse Aus- trasie est retenue sur les deux rives du Rhin par la nécessité de surveiller les tribus allemandes, obligées elles-mêmes de refouler les tribus slaves. La Bourgogne et la Neustrie ont la mission de maitriser les ennemis intérieurs. C’est ainsi que chaque royaume est tenu en échec et subsiste en permettant à ses voisins de subsister. S'il en eût été différemment, si les Germains n’eussent pas été divisés en nations rivales, la Gaule tout entière serait devenue allemande, et l’une des plus bril- lantes de ces civilisations dont l’ensemble constitue l'harmonie de l’Europe aurait été sacrifiée. L'Austrasie et la Neustrie deviennent donc véritablement des Etats après la grande conflagration que nous avons signa- lée. En Austrasie, l'aristocratie franque, si vivace et si instable, acquiert un fondement solide, la propriété territoriale et l’hé- rédité : elle échappe presque entièrement à tout contact étran- ser. En Neustrie, à Paris, c'est un centre romain qui se forme et qui recueille les débris de la société romaine, attirant à lui — 229 — les Mérovingiens et un grand nombre de conquérants long- temps disputés entre la féodalité et la monarchie. Recherchons la cause prépondérante de cette organisation séparée des deux royaumes. Nous avons déjà, l'année dernière, appelé l'attention sur le rôle de la Bourgogne à l'époque mérovingienne, et nous avons indiqué le développement lozique de ses destinées depuis l’in- vasion des Burgondes jusqu à la bataille de Testry (!). Nous mettrons surtout en lumière aujourd'hui ce fait, à notre sens incontestable, que la Bourgogne, grâce à l'avance que lui assuraient son voisinage de l'Italie et son histoire bien connué, a essayé successivement diverses formes de gouver- nement qu'elle a livrées plus ou moins perfectionnées à la Neustrie et à l’Austrasie. C'est elle qui la première a posé le principe de l'égalité des vainqueurs et des vaincus. La loi Gombette, dont la ponctuelle exécution est douteuse, marquait, plusieurs siècles d'avance, le but que l’on devait atteindre. C’est elle qui cherche tout d’abord à établir sur les rives du Rhône une royauté importée de Constantinople, romaine et chrétienne, fait subir au fils du rude Clotaire, au roi Gontran, des transformations successives, et lui donne un faux air de souverain de Bas-Empire. C'est elle encore qui, sous la direction de la fille d’Athana- gilde, poursuit et même réalise pour quelque temps l'unité gallo-franque. Là ne s'arrêtent pas ses essais et ses innovations précipitées : la Bourgogne crée véritablement avec Warnachaire, auteur de la chute de Brunehaut, la mairie du palais, institution qui va jouer un rôle si considérable. C’est la Bourgogne qui, avec plusieurs évêques dont le plus célèbre est saint Léger, a _ () Pour le rôle si considérable de la Bourgogne, voir nos deux études insérées dans les Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs (4° série, t. 11, 1866) : 19 Du rôle de la Bourgogne sous les Mérovingiens; 2° La reine Brunehilde et la crise sociale du vi siècle sous les Mérovingiens. — 230 — organisé la féodalité ecclésiastique, autre grand fait dont les conséquences sont immenses. C’est en Bourgogne que l’abbaye de Luxeuil a jeté les bases de la société monastique, bientôt propagée jusqu'à l'Océan. Cette activité fébrile et en sens divers s'explique par la pré- sence dans le bassin de la Saône des peuples d’une instruction et d'une nature fort diverses. Chacun d'eux cherche à faire prévaloir son point de vue, et c'est ainsi que l’on passe sans transition de la monarchie à l'aristocratie, de l'unité a la division. À travers ces ébauches de gouvernement, on aperçoit un caractère persistant : la tendance ecclésiastique s’accentue de plus en plus; c’est le christianisme que la Bourgogne organise pour le moyen âge. Et voilà pourquoi la Bourgogne a pu exercer une influence si prolongée sur la Neustrie et sur l’Austrasie : elle leur a légué, avec ses formes politiques, des idées qu'elle était elle- même incapable de faire prévaloir, parce que des circonstances fâcheuses paralysaient ses efforts. La royauté byzantine, l'unité, la mairie, l’abbaye de Luxeuil, la féodalité ecclésiastique, furent, au vi siècle, des indications précieuses dont profitèrent l’Austrasie et la Neus- trie, mais en les appropriant à leur nature. N'oublions pas d’ailleurs que c'est la Bourgogne qui, en détruisant l’œuvre de Brunehaut et en substituant l'isolement à la confusion, a donné véritablement naissance à la Neustrie et à l’Austrasie. | En effet, il ne faut point s’en tenir à de vaines apparences : l'unité proclamée par le fils de Frédégonde était purement nominale. Il n'y avait plus qu'un roi, on en convient; mais il y avait trois maires du palais. Pour lequel des trois royaumes allait se prononcer le des- cendant et l'héritier de Clovis ? Question capitale, car du choix qu'on ferait devait dépendre l'avenir de la dynastie. Tout d'abord, on peut affirmer que le séjour de la Bourgogne — 231 — lui était interdit par les événements dont elle avait été récem- ment le théâtre. L'autorité royale venait d'y recevoir un coup trop rude, et, à côté du maire Warnachaire, Clotaire IT n'eût été que le premier des rois fainéants {!). Restaient l’Austrasie et la Neustrie. L'intérêt bien entendu des Mérovingiens eût été de séjourner sur les bords du Rhin au milieu de leurs guerriers, conservant précieusement leur énergie native et leur prestige séculaire. Les Francs, qui s'é- taient accoutumés à ne pas séparer dans leur esprit la royauté du commandement militaire, seraient demeurés, malgré leur organisation aristocratique, strictement subordonnés à leurs défenseurs héréditaires : c’est ce que comprit plus tard Char- lemagne, le fondateur d'une nouvelle dynastie. Mais on l’a démontré dans un fort beau livre, les Mérovin- she : , | & aiens avaient, bien plus que les autres Germains, ressenti les \ effets de la conquête (?). Toutes les voluptés, tous les raffine- ments que la civilisation et la corruption romaines avaient inventés, ils les avaient goûtés autant que le comportait leur grossière éducation. Caribert, Gontran, Chilpéric, Clotaire le Jeune, n'étaient plus des Francs comparables à ceux qui avaient fait les invasions. Ils avaient tellement modifié leurs mœurs et leurs usages qu'ils ne pouvaient, en se fixant dans 4) Comparez le récit de l’extermination de Brunehaut et de sa famille dans FRÉDEÉGAIRE et dans les Gesta : « Tunc adunato agmine Francorum et Burgundionum, cunctis vociferantibus, Brunihildam' morte turpissima esse condignam : tunc, jubente Chlothario rege, in camelo levata, toto exercitu girato, deinde, equorum indomitorum pedibus ligata, dissipatis membris, obiit. Ad extremum sepulerum ejus ignis fuit, essa ipsius com- busta. » (Gesta Francorum, c. 40.) — « Warnacharius in regno Burgundiæ substituitur majordomus, sacramento à Chlotario accepto, ne unquam vitæ suæ temporibus degradaretur. » (FREDEGAR., C. 42.) (?) Nous désignons ici l'Histoire des instilutions mérovingiennes par LEHUEROU, historien plein de savoir et de sagacité, et notamment le cha- pitre intitulé : Influence de la conquête sur la royauté mérovingienne. L'au- teur nous semble cà et là incliner un peu trop vers le système de l'abbé Dubos, et prêter aux Francs une docilité exagérée envers l'empire romain. — 232 — l'Austrasie, accepter un rapatriement qui eût été le plus dou- loureux des exils. - En Neustrie, au contraire, ils rencontraient une position intermédiaire conforme à leur nature indécise, moitié franque, moitié romaine : pour leur sécurité des leudes nombreux et dévoués, pour leur bien-être des sujets industrieux et em- pressés. Clotaire prit donc le chemin de la Neustrie : il s'établit non pas à Soissons aux abords de la forêt des Ardennes, comme l'avait fait son aïeul, alors qu'il n'y avait ni Neustriens, ni Austrasiens, mais seulement des Germains; il s'établit à Paris, le plus loin possible de ces duchés de Dentelin et de Cham- pagne, que les guerres civiles avaient transformés en déserts. Cette ville se désignait à leur préférence par sa situation sur le cours moyen de la Seine, qui, prenant sa source en Bour- sogne et ramenant à elle plusieurs affluents considérables issus de l’Austrasie, assurait les communications avec les pro- vinces (!). Eviter l'isolement, tout en recherchant la sohtude, tel semblait être le vœu des Mérovingiens après la sanglante mêlée du vi° siècle. L’/le-de-France leur agréait sous ce double rapport. D'ailleurs, dans les premières années, ils ne néghi- oèrent pas de visiter leurs possessions les plus lointaines : nous trouvons Clotaire en Alsace punissant par le glaive les rebelles de la Bourgogne (?). Mais ce reste d'activité disparaît bientôt. Nous remarquons chez ces descendants de Frédégonde, chez ces ancêtres des énervés de Jumiéges, une fatigue singulière, qui ne peut être comparée qu'à l’affaissement de la postérité d'Otman ou d’'Akbar (?). En même temps, les Austrasiens, dont les mœurs guerrières () La Marne, l'Aisne et l'Oise. @) « Chlotarius cum in Alesatia, in villa Maurolagia cognomento, cum Bertetrude reginafaccesserat, pacem infectans, multos inique agentes gladio trucidat. » (FREDEGAR, C. 43.) (8) Voir, dans les Essais de MacauLay, Vie de lord Clive. — 233 — n avaient subi aucune atteinte, et que le voisinage des tribus germaniques forçait à une lutte de tous les instants, récla- maient des rois et des capitaines dignes d'eux. Ils les rencon- traient dans la puissante famille d'Héristall, dont la gloire récente ne pouvait encore se mesurer avec la gloire séculaire de Clovis. Le présent n'était pas encore égal au passé : une transaction dut s'opérer. Nous lisons dans Frédézaire : « Clo- taire associa à son royaume son fils Dagobert et l'établit roi sur les Austrasiens, gardant pour lui ce qui s'étendait vers la Neustrie et la Bourgogne, au delà des Ardennes et des Vosges (1). » Arnoul et Pepin étaient investis de la mairie du palais, institution empruntée à la Bourgogne, au moment où celle-ci, toujours promptement dégoûtée de ses inventions les plus originales, la laissait tomber en désuétude. Le maire devait gouverner et le roi sanctionner les actes du maire. Sous ce nouveau régime, les deux royaumes rivaux entretenaient encore des rapports réguliers. Dagobert vient à Clichy (?) visiter Clotaire et resserre avec lui ses liens de parenté. Mais déjà J'inimitié s'annonce : « le fils demandait tout ce qui appar- tenait au royaume d'Austrasie pour le soumettre à sa domi- nation, et Clotaire refusait avec force de le lui céder (*). » Un jury de seigneurs et d'évêques donna tort à la Neustrie () « Anno xxxvit regni Chlotarii, Dagobertum filium suum consortem regni fecit, eumque super Austrasios regem instituit : retinens sibi quod Ardenne et Vosagus versus Neustes et Burgundiam excludebant. » (FRED., 6.47.) (?) « Anno x1u regni Chlotarii, Dagobertus cultu regio et jussu patris honeste cum leudibus in Clippiaco, non procul Parisius, venit, ibique germanam Sichildæ reginæ, nomine Gomadrudem in conjugium accepit. » (FREDEGAR.. C. 53.) (#) « Transactis nuptiis, die tertio, inter Chlotarium et filium suum Dagobertum gravis orta fuit intentio. Petebat enim Dagobertus cuncta quæ ad regnum Austrasiorum pertinebant suæ ditioni velle recipere, quod Chlotarius vehementer denegabat, eidem ex hoc nihil velle conce- dere. Electi sunt ab his duobus regibus x11 Franci..….. Hoc tantum exinde, quod citra Ligerem vel Provinciæ partes situm erat, suæ ditioni retinuit.» (FREDEGAR., C. 53.) défaillante. La Bourgogne elle-même commençait à se tourner du côté de sa rivale : le meurtre du patrice Aléthée et celui du fils de Warnachaire pouvaient seuls la décider à ajourner ses desseins (!). Dagobert, « apprenant la mort de son père, ordonna à tous les leudes qui lui étaient soumis en Austrasie de s'assembler en armée; il envoya des députés en Bourgogne et en Neustrie pour se faire élire roi. Etant venu à Reims et s'étant approché de Soissons, tous les évêques et tous les leudes du royaume de Bourgogne se soumirent à lui. Un grand nombre d'évêques et de seigneurs de Neustrie parurent aussi désirer de lui obéir. Il s'empara des trésors (?). » L'unité était ainsi refaite par un hardi coup de main sous les auspices de l’Austrasie. La question que Clotaire avait eu à résoudre au début de son règne se posa devant Dagobert : à qui donnerait-1l la pré- férence ? Au royaume d'Orient ou au royaume d'Occident ? Il l'écarta tout d'abord. En vertu de son premier et vigoureux élan, comparable à celui du grand Clovis, il sembla ne devoir s'arrêter nulle part. Il parut dans la Bourgogne pour la châtier sans pitié. I frappa de terreur « les évêques, les grands et les leudes, » et procura du soulagement aux pauvres en pronon- cant des sentences équitables. « I] ne mangeait ni ne dormait, » s'écrie naïvement le chroniqueur pour exprimer cette justice fébrile et impitoyable du redouté Mérovingien. « Son courage avait tellement semé l'épouvante que tous les peuples se sou- @) « Aletheum ad se venire præcepit. Hujus consilio iniquissimo com- perto, gladio trucidare jussit. » (FREDEGAR., c. 44.) — « Godinus per præ- cipua Joca sanctorum domni Medardi Suessonis et domni Dionysii Parisius, ea præventione sacramenta daturus adducitur, ut semper Chlotario deberet esse fidelis, ut congrue locus esset repertus, quo pacto separatus a suis interficeretur. » ([p., €. 54.) Voir aussi la sanglante scène de Montmartre. (ID., c. 55.) (2) « Dagobertus, cernens genitorem suum fuisse defunctum, universis leudibus, quos regebat in Auster, jubet cum exercitu promovere..... » (FREDEGAR., C. 56.) — 235 — mettaient à lui avec empressement..... On présageait qu'il subjuguerait tout le pays jusqu'aux terres de la république romaine (!). » Frédégaire, interprète de l'opinion franque, attribue la gloire de Dagobert aux conseils de trois Austrasiens : Pepin de Landen, maire du palais; Arnoul, évêque de Metz; Cunibert, évêque de Cologne. « Il en fut ainsi jusqu'à son arrivée à Paris, » ajoute d'une manière malveillante le moine bourguignon (?). C’est que le terrible, justicier s'était fatigué à son tour, et il avait trouvé refuge en Neustrie. « Il se plut dans la résidence de son père Clotaire et résolut d'y demeurer continuellement. Oubliant alors la justice qu'il avait autrefois aimée, il voulut, avec les dépouilles qu'il amassait de toutes parts, remplir de nouveaux trésors... Son cœur devint corrompu (#). » L'exagération est évidente. Toutefois on vit les Austrasiens, à la fois abattus et courroucés, se laisser honteusement mettre en fuite par les Wénèdes pour briser cette unité gallo-franque qu'ils avaient reconstituée (). @) « Dagobertus cum jam annos vit regnaret, maximam partem regni patris (ut supra memini) assumpsit, Burgundias ingreditur. Tanto timore pontifices et proceres in regno Burgundiæ consistentes, seu et ceteros leudes adventus Dagoberti concusserat, ut a cunctis esset mirandus..… nec somnum capiebat oculis, nec cibo satiabatur..….. Avaros et Sclavos, cete- rasque gentes suæ ditioni subjiciendas fiducialiter spondebat. » (FREDEG., c. 98.) (2) « Usque eodem tempore, ab initio quo regnare cœperat, consilio pri- mitusbeatissimi Arnulfi Mettensis urbis pontificis, et Pippini majorisdomus usus, tanta prosperitate regale regimen in Auster regebat, ut a cunctis gentibus immenso ordine laudem haberet.... Post discessum beati Arnulfi, adhuc consilium Pippini majorisdomus et Huniberti pontificis urbis Colo- niæ utens, et ab ipso fortiter admonitus,.… usqe dum ad Parisius pervenit.» (FREDEGAR., C. 58.) (5) « Revertens in Neustria, sedem patris sui Chlotarii deligens, assidue residere disposuit. Cum omnis justitiæ, quam prius dilexerat, fuisset obli- tus .… » ([p., c. 60.) — « Omnibus undique spoliis novos implere thesau- ros.... » ([D., ibid.) (#) « Non tantum Sclavinorum fortitudo obtinuit, quantum dementatio Austrasiorum, dum se cernebant cum Dagoberto odium incurrisse, et assi- due expoliarentur. » ([p., c. 69.) — 236 — En réalité, les conseillers dont s'entourait Dagobert n'étaient ni moins sages, ni moins désintéressés que ceux qu'il avait possédés auparavant. Ouen et Eloi égalaient à coup sûr Pepin et Arnoul; mais leurs maximes étaient tout autres. Ici éclatait la profonde différence de la Neustrie et de l’Austrasie. La vie de saint Eloi, écrite par saint Ouen, nous permet de pénétrer au cœur de cette époque, que nos grands historiens n'ont pas spécialement traitée. Né en Aquitaine, saint Eloi était Gallo-Romain; son adresse manuelle avait fait presque seule toute sa fortune. C'est elle qui, de Limoges, l'avait attiré à Paris; c’est elle qui lui avait ouvert le palais du roi Clotaire. Son insigne probité l'avait élevé au premier rang, et Dagobert le vénérait comme un père et comme un saint. « Il enseignait ce qu'il croyait et il pratiquait ce qu'il enseignait. » On retrouvait dans cet enfant du peuple les mâles qualités de l'aristocratie romaine. Son biographe nous représente la gravité de son maintien, la no- blesse de sa démarche, sa discrétion, son agréable conversa- tion. Comme tous les hommes intelligents de son époque, il sentait le besoin de réagir contre la barbarie en prenant pour appui le christianisme. Et il prêchait d'exemple, même au milieu de la cour. Revêtu des habits les plus somptueux, il appliquait sur sa chair un dur cilice et il se dépouillait volon- tiers en faveur des pauvres (!). @) « Tranquillus moribus et sererus adspectu, gerebat vultum planum, moderatam speciem, ornatum adspectum, quietum sensum, animum lætum, humilem sapientiam. Semper opera bona factis amplius quam verbis osten- debat : corpus fame castigans, jejunium potius quam epulas amans, do- lentem consolans, spem suam Deo committens, orationi frequenter incum- bens, nihilque amori Christi præponens, quod credebat docens, quod docebat imitans, Parcus in sermone, blandus in eloquio.. Fragrabat ejus ubique fama in tantum, ut si qui ex Romana, vel Italica, vel Gothica, vel quali- cunque gente proveniens, legationis fædere aut alia quacumque ex causa palatium regis Francorum adire pararent, non prius regi occurreret quam Eligium aggrederentur … Intrinsecus vero ad carnem cilicium gestabat ex consuetudine.... Multitudo pauperum, sicut apes ad alvearium, undique quotidie ad eum confluebant. » Néanmoins il était envié, et c'est bien à lui — 237 — Tel.est l’homme qui, sous l’autorité de Dagobert, imprima à la Neustrie une direction nouvelle que l’on ne saurait trop étudier. Nous voici encore ramenés en Bourgogne, à l’abbaye de Luxeuil, la plus incontestable des gloires de la Franche-Comté. Saint Colomban, l’apôtre irlandais, avait fondé au pied des Vosges son illustre monastère, lorsque la société germanique n'existait pas et que. la société romaine s’en allait en pous- sière (1). Admirable intuition du génie! Luxeuil, par sa posi- tion, devait nécessairement être le rendez-vous des Gallo- Rômains et des Francs. Un courant devait s'établir de la Bourgosne et de l’Austrasie vers l’oratoire et l’école de Luxeuil, un autre courant de Luxeuil vers les extrémités de la Gaule pour l’évangélisation des infidèles. Aïnsi l’abbaye recevait discrètement des Barbares et renvoyait avec largesse des moines convertisseurs ! Ces moines, bien différents des ermites et des stylites qui, durant les querelles des rois francs, s'é- taient, par dégoût du monde, réfugiés dans une solitude exta- tique, s'étudiaient surtout à former sur le modèle de Luxeuil d’autres abbayes animées de la même pensée bienfaisante (?) L'historien des Moines d'Occident a tracé un tableau aussi complet que saisissant de cette expansion religieuse au vu* siècle. En l'examinant, nous avons surtout été frappé du nombre considérable de cénobites appartenant à l'aristocratie franque qui sont venus se réfugier dans l'enceinte de saint qu’en veulent les Austrasiens et leur partisan Frédégaire : « A quo (Da- goberto) Eligius tanta familiaritate habitus est, ut plurimorum ejus felicitas ingens gigneret odium. » L'inimitié de saint Eloi et de saint Arnoul avait les mêmes causes que celle de saint Præjectus et de saint Léger. (Voir la Vie de saint Eloi.) (1) Voir les Moines d'Occident de M. de MoNTALEMBERT, t. II, livre 1x, chap. 2 et suivants. j (2) M. de MOoNTALEMBERT, M. MIGNET (La Germanie aux huitième et neu- vième siècles) et M. Henri MARTIN ( Histoire de France, t. 11, liv. x) ont mis en pleine linière le rôle religieux de Luxeuil. Nous insistons sur son rôle politique qui avait jusqu'ici échappé. Pr. Colomban, et l'ont quittée pour fonder eux-mêmes des cloîtres renommés. Tel est le cas de saint Donat, évêque de Besancon, et de sa famille qui comptait deux ducs dans la région juras- sique (t‘). Par une tendance bien curieuse à noter, c’est prin- cipalement dans les solitudes de la Neustrie, à l'embouchure de la Seine, que ces hardis Austrasiens venaient s'établir. Ainsi le noble saint Philibert créait Jumiéges; saint Vandrille, allié à Pepin de Landen, Fontenelle. Saint Eloi se réjouissait et s’alarmait à la fois de cet état de choses. Il pensait que de longtemps la seule société régulière en Gaule serait celle des cénobites : car la famille avait reçu un coup terrible, et l'autorité si salutaire des sénateurs gaulois avait disparu (?). Mais la présence des abbés austrasiens à la tête de communautés puissantes pouvait, d'un jour à l’autre, livrer sans défense le royaume de Neustrie à son rival. Afin de réagir noblement et dans une juste mesure, le ministre de Dagobert établit à Solignac, en Aquitaine, loin de toute influence aristocratique et austrasienne, un Luxeuil plébéien. Saint Ouen nous donne une description poétique et biblique de ce monastère, dont il énumère les richesses et les agréments infinis. Il le compare au paradis terrestre. Cent cinquante moines y furent installés. La plupart étaient d’an- ciens esclaves saxons ou gaulois, victimes de la traite qui avait lieu sur les’ bords de la Manche, rachetés par l’inépuisable charité du saint orfèvre. Solignac fut sous sa direction un établissement agricole, une manufacture florissante, en un mot une cité ouvrière telle qu'on n’en rencontrait nulle part (*}. — () Pour saint Donat, voir le moine Jonas, dans la Vie de saint Colomban. (2) L'histoire de l’épiscopat gallo-romain sous les Mérovingiens est un sujet important dont GRÉGOIRE DE Tours nous fournit les éléments. Il suit principalement les vicissitudes de l'église de Clermont, sa ville natale. (, Il n’est pas douteux que saint Eloi ait connu Luxeuil : « Aliquando etiam nimis sanctæ conversationis ardens desiderio, properabat ad monas- teria, maxime Luxovium, quod erat eo tempore cunctis eminentius atque districtius. » — « Petiit ab illo (Dagoberto) villam quondam in rure Lemo- vicino, quam Solemniacum vocabant : hanc mihi, inquiens, domine mi rex, — 239 — La portée politique du monastère de Saint-Denis est encore plus incontestable. Dagobert voulut avoir une abbaye qui fût vraiment sienne et qui pût à elle seule contrebalancer toutes les autres. Il la placa fort habilement à côté de sa propre rési- dence, aux portes mêmes de Paris. II la combla de dons et de faveurs. Même en faisant la part de la naïve crédulité de son historien, on est étonné de son excessive munificence. On s'explique certaine invective de Frédégaire, qui le dit enflammé de cupidité pour les biens des églises : pour enrichir Saint-Denis, il dépouilla sans doute beaucoup d'abbayes florissantes (!). Saint Eloi eut encore l’heureuse inspiration de gagner à sa cause cette aristocratie neustrienne, moins puissante que l'a- ristocratie austrasienne, mais qui pouvait, en se liguant avec celle-ci, amener la ruine de la monarchie. Le plus auguste, de ses représentants était précisément saint Ouen, l'ami, le col- lègue, l’imitateur de saint Eloi, saint Ouen, qui jamais ne pactisa avec les seigneurs laïques ou ecclésiastiques et fut content de propager l'Evangile sous les auspices de l'autorité légitime. A la même époque, on mit en grand honneur, au profit de la royauté, une coutume germanique, celle de la recomman- serenitas tua concedat, quo possim ibi, et tibi et mihi, scalam construere per quam mereamur ad cœlestia regna uterque concedere... Abbate consti- tuto, multos ex suis vernaculis mancipavit, pluresque ex diversis provin- ciis usque ad centum et quinquaginta monachos congregavit, redditusque terræ qui affluentes possent sufficere delegavit, artifices plurimi, diversa- rum artium periti.. Quem ad locum etiam ipse accessi.. situs amœænus.. » — « Nonnunquam vero agmen integrum, et usque ad centum animas, cum navi egrederentur, utriusque sexus ex diversis gentibus venientes, pariter liberabat, Romanorum scilicet, Gallorum atque Britannorum, sed præcipue ex genere Saxonum qui abunde eo tempore, veluti greges e sedibus propriis evulsi, in diversa detrahebantur.... Chartas eis libertalis tribuebat. » Rom- pant avec les traditions de Luxeuil, il créa une communauté de vierges. sans acception de naissance ni de nation. (Voir la Vie de saint Eloi.) (4) « Cupiditatis instinctu super rebus ecclesiarum.» (FREDEGAR., ©. 60). — La Vie de Dagobert, par un moine de Saint-Denis, nous montre la contre- partie. — 240 — dation, qui donnait aux Mérovingiens des fidèles attachés dès la première enfance à leur personne : féodalité monarchique, pour ainsi dire, qui écartait tout intermédiaire, C'est-à-dire tout rival (1). L'école du palais recevait les leudes de l'avenir et les pré- parait à une étroite subordination. Ainsi s’accusait chaque jour davantage l'opposition de la Neustrie et de l’Austrasie. Lorsque le malaise fut à son comble, Dagobert consentit à une scission définitive et sembla se dé- sintéresser des Francs orientaux. [1 leur accorda un roi de son sang, mais les contint dans les limites les plus étroites, réservant à la Neustrie le duché de Dentelin et le royaume de Bourgogne. La terreur qu'il inspirait encore détermina les grands et les évêques à ratifier le traité. À sa mort, ses trésors eux-mêmes furent partagés, et de longtemps il ne fut plus question d’une réunion des deux contrées, qui, sous un Méro- vingien, ne pouvait être que factice et éphémère (?) De ia mort de Dagobert à la bataille de Testry, d'épais nuages planent sur l'histoire; il convient de ne pas abandon- ner notre fil conducteur au milieu des ténèbres. Saint Eloi et saint Ouen, le ministre gallo-romain et je leude neustrien, afin de hâter le triomphe des principes qu'ils () Voir D. PITRA, Histoire de saint Léger, chap. 2 (saint Léger recom- mandé à Clotaire If). (?) « Dagobertus, Mettis urbem veniens, cum consilio pontificum seu et procerum, omnibusque primatibus regni sui consentientibus, Sigibertum filium suum in Auster regnum sublimavit.. Thesaurum, quod sufficerct, filio tradens.. Ut Neustria et Burgundia solidato ordine ad regnum Chlo- dovei post Dagoberti discessum aspicerent.... Quicquid ad regnum Austra- siorum jam olim pertineret, hoc Sigibertus rex suæ ditioni regendum reci- peret, et perpetuo dominandum haberet, excepto ducatu Dentelini, qui ab Austrasiis iniquiter abstultus fuerat.. Has pactiones Austrasii, terrore’ Dagoberti coacti, vellent nollent, firmare visi sunt. » (FREDEGAR., €. 97.) — < Facultates plurimorum, quæ jussu Dagoberti in regno Burgundiæ et Neustriæ illite fuerant usurpatæ,.… omnibus restaurantur. » (1b., ©. 79.) — C'est Pepin de Landen qui présida au partage de la succession de Dagobert. (Voir sa Vie.) — ?41 — ont produits au grand jour, se laissent investir des fonctions sacerdotales en réclamant une complète liberté d'action. La barbarie et le paganisme reculent devant ces hardis cham- pions, que soutiennent à la tête du gouvernement les maires Ega et Erkinoald et la reine Bathilde, cette ancienne captive saxonne. Eux - mêmes inspirent la royauté et en retracent l'idéal aux jeunes princes (!) Plût à Dieu que tous les évêques eussent apporté dans l'exercice des fonctions sacrées une ambition aussi élevée et aussi exclusivement spirituelle ! Mais le danger que Dagobert et saint Eloi avaient cherché à conjurer apparaissait plus me- nacant que jamais : je veux parler de la féodalité ecclésiastique qui se constituait en Bourgogne. | Au temps de Grégoire de Tours, la Gaule ne comptait qu'un très petit nombre d'évêques d'origine germanique. La honte attachée par les conquérants à la tonsure et à une existence pacifique , le péril que courait quiconque n'’exerçait pas le métier des armes, l'ignorance des Francs, l'interdiction for-. melle des rois, les empêchaient de convoiter ces positions, que les Gallo-Romains se disputaient par l'intrigue ou par la vio- lence et s'assuraient à prix d'argent. Mais trois grands faits étaient venus modifier leur sentiment à cet égard : les illustres maisons d’où l’on tirait jadis les évêques avaient disparu ; les monastères, qui étaient surtout des séminaires, avaient formé beaucoup d’ecclésiastiques francs et burgondes; enfin la Constitution perpétuelle de Paris avait attribué au clergé et à ses chefs, déjà en possession de la dime, une immense prépondérance (?). Aussitôt, et comme par en- @) Voir D. Pirra, Histoire de saint Léger, passim. (2) Concile de Mâcon, l’an 585 (après la tentative de Gondovald) article v: « Leges divinæ, consulentes sacerdotibus ac ministris ecclesiarum pro hæ« reditatis portione, omni populo præceperunt decimas fructuum suorum locis sacris præstare, ut, nullo labore impediti, horis legitimis spiritualibus possint vacare ministeriis..….. Statuimus ut decimas ecclesiasticis famulan- tibus ceremoniis populus omnis inferat. Si quis autem contumax nostris 17 — 242 — chantement, le dédain avait fait place à un désir très prononcé. Hâtons-nous de dire que leur moralité était en général parfaite, leur zèle religieux exemplaire. Somme toute, on avait gagné à cette invasion, la plupart du temps pacifique. Mais ces nou- veaux évêques, apparentés aux plus nobles et aux plus riches familles franques, leur prêtaient volontiers maïin-forte et même voulaient être souverains dans leurs cités. Tous les biens que le cupide Chilpéric enviait à l'Eglise étaient devenus leur apanage. L'avertissement sévère de Dagobert les avait rendus plus circonspects; mais sous la régence des princes mineurs une recrudescence se produisit. C’est sans doute pour aviser à cette situation si inquiétante que Flaochat fut élu maire de Bourgogne. Après avoir juré de maintenir les prélats dans leurs honneurs, il se vit obligé d'engager avec eux une lutte à outrance. L'aristocratie séculière et l'aristocratie sacerdotale se liguèrent contre lui. Flaochat parut triompher, mais « il fut aussitôt frappé du jugement de Dieu. » Quelques années après, nous signalons une autre conspiration, ourdie par deux grands seigneurs austrasiens : Grimoald, maire d’'Austrasie, et Diddon, évêque de Poitiers. Ici c'est un Mérovingien qui disparaît, une antique dynastie que l’on veut subrepticement dépouiller au profit d'une nouvelle (‘)! L'entreprise échoua, statutis saluberrimis fuerit, a membris ecelesiæ omni tempore separetur. » — Voir surtout la Constitution perpétuelle de Paris signée par Clotaire, et que LEenuEROU appelle la Charte du va siècle : « lo Ut canonum statuta in omnibus conserventur, et quod per tempora ex hoc prætermissum est, vel dehinc perpetualiter observetur. — 20 Ita ut, episcopo decedente, in loco ipsius, qui a metropolitano ordinari debet cum provincialibus, a clero et populo eligatur. — 60 Ut nullus judicum de quolibet ordine elericos de civilibus causis, præter criminalia negotia, per se distringere aut dam- nare præsumat, nisi convincitur manifestus, excepto presbytero aut diacono. Qui vero convicti fuerint de crimine capitali, juxta canones distringantur et eum pontificibus examinentur. —- 9° Libertos a sacerdotibus defensandos. » — On le voit, cette charte, manifestement inspirée et même dictée par la Bourgogne, était toute cléricale. 4 () « Mortuo Sigiberto rege, Grimoaldus majordomus Dagobertum filium ejus suæ fidei commendatum, ut Austrasiorum potiretur regno, tonsoravit Er D Ps - Ve A DA: PL MERS — 243 — tant le souvenir de leurs ancêtres protégeait les rois fainéants et prolongeait, non leur existence, mais leur agonie ! L'intrigant Diddon était l'oncle et le maître du fameux saint Léger, qui devait, avec Ebroïn, imprimer à la lutte de la Neustrie et de l’Austrasie un caractère plus décidé et déter- * miner une crise suprême. Nous nous garderons bien de l’ac- cuser à la légère et de contredire systématiquement un savant cardinal, son historien (‘). Son affreux martyre si héroïque- ment enduré, sa légende qui témoigne d’une popularité légi- time, nous inspirent encore du respect, même après douze siècles. Il nous est impossible de relire sa vie écrite par l’ano- nyme d'Autun, sans éprouver pour lui, sinon une constante sympathie, du moins une vive admiration. Notons certains détails significatifs. « Léger s’appliqua à toutes les études aux- quelles ont coutume de s’adonner les puissants du siècle (?). » En effet, tout nous montre qu'il avait conquis sur son entou- rage une autorité que la culturé intellectuelle peut seule con- férer. On est forcé de lui accorder, dans une sphère politique différente, la supériorité de Brunehaut. Ce sont les mêmes vues d'ensemble, la même fermeté. « {l fut un juge terrible des séculiers, et, plein de la science des dogmes canoniques, il se montra un docteur excellent pour les clercs (*). » Le biographe nous livre bien à son insu le secret des haines qui se déchaînèrent contre lui. « Ceux que la prédication ne in clericum, consilio Didonis Pictavensis cpiscopi, qui fuit avunculus sancti martyris Leodegarii, et per manum ipsius Didonis insontem puerulum in Scotiam direxit exilio irrevocabili, » (Vita Sigeberti III Austriæ regis.) () D. PITRA. (2) « Cumque a Didone avunculo suo Pictavensi episcopo, qui ultra affines suos prudentia divitiarumque opibus insigni copia erat repletus, fuisset strenue enutritus, et ad diversa studia, quibus seculi potentes studere solent, adplene in omnibus disciplinis politus esset, in eadem urbe archidiaconus fuit electus. » (Vita sancti Leodegarii.) () « Nam cum mundanæ legis censuram non ignoraret, secularium terri- bilis judex fuit; et dum canonicis dogmatibus esset repletus, extitit cleri- corum doctor egregius. » (Id.) — 244 — ramena pas à la concorde, la justice et la terreur les y for- cèrent (1).» Le fanatisme se trahit dans la plupart de ses actes, comme la vengeance est le motif déterminant de Brunehaut. La vengeance! elle semble animer toute l'existence d’'Ebroïn, tour à tour victime et bourreau de saint Léger. Ce personnage, le plus terrible des maires du palais, a eu, comme Clovis, l'instinct de la politique plutôt qu’une éducation supérieure. On s'étonne de le voir rivaliser de mystère avec Frédégonde, à laquelle le successeur de Prétextat le compara un jour ironi- quement et par manière d'oracle (?). La Bourgogne, si inventive et si empressée de livrer des modèles à ses voisins, avait déjà créé le type d’Ebroïn avec Flaochat. « Il était enflammé d’un tel amour d'argent que ceux qui lui en donnaient davantage avaient toujours gain de cause (*). » Surtout il voulait couper la racine de la double aristocratie que conduisaient saint Léger et Pepin d'Héristall. Son gouvernement se divise en deux parties : dans la pre- mière, avec une impétuosité sans égale, il monte à l'assaut et éprouve un double échec; dans la seconde, joignant à sa sau- vage énergie une précision remarquable, il remporte un double triomphe. Défaite et victoire également sanglantes, tel est le résumé de ce règne dévorant. Dès le premier jour, l’Austrasie se sépare et Ebroïn l'aban- donne à l'anarchie. Satisfait de gouverner paisiblement la (:) « Quos prædicatio ad concordiam non adduxerat, justitia et terror cogebat. » (Vita sancti Leodegarii.) (?) « Ebroinus itaque consilio accepto, capillos crestere sinens, congre- gatis in auxilium sociis, hostiliter a Luxovio cæœnobio egressus, in Franciam revertitur cum armorum apparatu. Ad beatum Audoenum direxit, quid ei consilium daret interrogaturus. At ille per internuncios hoc solum scripto dirigens, ait: de Fredegunde tibi subveniat in memorium. At ille, ingeniosus ut erat, intellexit, et de nocte consurgens, commoto exercitu usque ad Iseram fluvium veniens, interfectis custodibus ad Maxentiam transiens, ibi quos reperit de insidiatoribus suis occidit. » (Gesla Francoum, c. 45.) (2) Erat enim memoratus Ebroinus ita cupiditatis face Succensus, et in ambitione pecuniæ deditus, ut illi coram eo justam causam tantum habe- rent, qui plus pecuniæ detulissent, » (Vila sancli Leodegarii, c. 2.) — 245 — \ Neustrie, il reprend la politique d'isolement qu'avaient adop- tée Dagobert, saint Eloï et saint Ouen. Il défend aux Bourgui- gnons de se présenter au palais sans en avoir recu l'ordre (1). Puis, voyant qu'aucune protestation ne se produisait autour de lui, il ose rompre avec les anciennes formes de la monar- chië mérovingienne. Il intronise un jeune prince en vertu du droit d’hérédité : exemple funeste, que les Austrasiens et les Bourguignons se gardèrent bien de laisser prévaloir (?). Ils prirent les armes. Ils envoyèrent Ebroïn à Luxeuil, au milieu de l'aristocratie monacale, « pour y laver ses crimes par la pénitence (%). » A Théodoric, illégalement nommé, on substi- tua Childéric, déjà roi d’Austrasie. Singulière destinée que celle de ces deux frères ! L'un, élevé en Neustrie, paraît sur le trône comme un fantôme qu'Ebroïn évoque et fait disparaître à volonté ; il assiste impassible, presque muet, aux sanglantes tragédies de son règne. « Il prend le Dieu du ciel pour juge, » et se confine dans Saint- Denis ; et, en effet, il redevient roi sans jamais redevenir homme, ayant tour à tour pour ennemis et pour tuteurs Ebroïn et Pepin d'Héristall (*). L'autre, enfant de l’Austrasie, proteste par les violences les plus inouïes contre la spoliation dont les seigneurs le me- qe “mn mm À () « Ut de Burgundiæ partibus nullus præsumeret adire palatium, nisi qui ejus accepisset mandatum.» (Vila sancti Leodegarii, c. 3.) Cet édit, que l'hagiographe appelle tyrannique, nous montre que les Bourguignons et les Austrasiens s'étaient ligués contre Ebroïn, comme autrefois contre Bru - nehaut. (2) « Sed cum Ebroinus Theodoricum, convocatis optimatibus solemniter ut mos est, debuisset sublimare in regnum, superbiæ spiritu tumidus eos noluit deinde convocare..» (1d.) Brunehaut avait commis la même illégalité en proclamant son arrière-petit-fils Siegebert. (8) « Multitudo nobilium..., inito in commune consilio, relicto eo (Theo- dorico), omnes expetunt Childericum juniorem ejus fratrem, qui in Aus- trasia acceperat regaum. » (Id.) — « Luxovio monasterio dirigitur in exi- lHium, ut facinora quæ perpetraverat evaderet pœnitendo. » (Jd.) (*) « Deus cœli, quem se judicem habiturum est professus, feliciter postmodum ipsum permisit regnare. » (1d.) ne nacent, et il périt en cherchant à maîtriser par les verges et par le glaive ses anciens partisans. | La situation de Childéric IT ressemblait en effet à.celle de Clotaire IT. On l'investissait de la souveraineté honorifique des trois royaumes, à condition de laisser les grands dominer et le maire du palais gouverner. L'acte de 670 complétait celui de 615, et renforcait la féo- dalité ecclésiastique par la féodalité laïque. « On observerait la loi et la coutume de chacun, selon sa patrie, comme fai- saient jadis les juges; les gouverneurs d’une province ne pourraient entrer dans une autre; personne ne s’emparerait de la tyrannie et ne mépriserait ses égaux; chacun arriverait tour à tour à la place la plus élevée {!) » : clauses qui montrent une aristocratie puissante, mais encore mal constituée et anarchique. Childéric n’acceptant pas le rôle humilié qu’on lui préparait, et changeant subitement les coutumes de sa patrie qu’il avait donné l’ordre d'observer, on voit saint Léger rappeler d'Irlande un Mérovingien douteux, dont l'identité avec la victime de Grimoald peut être contestée (?). Surtout on le voit s'appuyer, en désespoir de cause, sur les Gallo- Romains de Provence. Le roi, venu à Autun pour surveiller (#) « Interea Childericum regem expetunt universi, ut alia daret decreta, per tria quæ obtinuerat regna, ut uniuscujusque patriæ legem vel consuetu- dinem deberent, sicut antiquitus, judices conservare, et ne de una provincia rectores in aliam introissent, neque unus, ad instar Ebroini, tyrannidem assu- meret, et postmodum sic ille contubernales suos despiceret ; sed dum mutuam sibi successionem culminis habere cognoscerent, nullus se aliis anteferre au- deret. » (Vila sancti Leodegarii, c. 4.) — La Constitution perpétuelle disait déjà : « Ut nullus judex de aliis provinciis aut regionibus in alia loca ordinetur, » (Article 14.) | (2) L’Anonyme nous donne une explication singulière des résolutions de Childérie : « Ut vero ille libenter petita concessit, stullorum et pene gentilium depravatus consilio… quod per sapientum consilia confirmaverat refragatus est. » (1d.) — Il n’est pas douteux que la dureté de l’évêque n'ait exaspéré la plupart des Francs : « Virilitatem cœlestis civis senescens mundus gra- vatus vitiis non valuit sustinere. » (/d.) Eloge sublime qui n'exclut pas la critique ! dt mm lt Éd Dé — 247 — le redoutable prélat, y trouva Victor, patrice de Marseille, « d’une grande noblesse et s'élevant au-dessus de tous (t). » Les soupçons furent aggravés quand le maire du palais Wul- foald, le reclus de Saint-Symphorien Marcolin, et l’évêque de Clermont Præjectus dénoncèrent la ligue. Ces accusations envenimées par la haine semblent indiquer un conflit entre les évêques indigènes et les évêques francs, entre l'épiscopat et les monastères, entre l'autorité ecclésiastique et l'autorité civile (?). Saint Léger brava la colère homicide de Childérie, et montra la fermeté que Thomas Becket déploya plus tard en face d'Henri II. « Il ne craignait pas le martyre, » s’écrie l’hagiographe (%). Toutefois l'intérêt du parti l'emporta. Il quitta Autun avec Victor et une faible armée. Poursuivi par ordre du roi, il tomba entre Les mains de ses ennemis, tandis que son compagnon était frappé mortellement. On le relégua à Luxeul, auprès d'Ebroïn et des moines austrasiens. Il est certain que ce pacifique séjour ne calma ni la fougue aristo- cratique de l'évêque, ni la fureur vengeresse du maire. Ils se tendirent une main amie, car l'impuissance leür conseillait la résignation; mais tous les deux attendaient, sans y trop comp- ter, l'occasion favorable à la reprise de leurs vastes desseins. Enfin la nouvelle désirée arrive à Luxeuil : Childéric II a été massacré par les grands du palais. Les champions de la () « Affuit in illis diebus vir quidam nobilis, Victor nomine, qui tune regebat in fascibus patriciatum Massiliæ, quique ut generis nobilitate claro stemmate ortus, ita erat prudentia seculari præ ceteris ortus. » (/d., c. 5.) (2) Il y à là tout un problème à résoudre, le plus intéressant de ceux que présente cette époque. L'Anonyme avoue que Marcolin était regardé comme un prophète de Dieu. D. PirrA dit très bien en parlant des deux évêques : « Pourquoi n’y eut-il point autant d'unanimité dans leurs actes qu'il y eut dans leurs pensées, de droiture et d'innocence et d'uniformité dans leur vie et leur mort?» (Hist. de saint Léger, ch. 16.) Voilà des saints partis de points de vue fort opposés et dont l'inimitié trahit une crise sociale aussi profonde que douloureuse. (5) « Nec enim adeo æstimandum est eum formidasse martyrium. » (Id, AR). — 248 — Neustrie et de l’Austrasie sont rendus à leur mission. Saint Léger, « serviteur de Dieu, » voit se précipiter autour de lui « Les ducs, leurs femmes, tous leurs compagnons, leurs familles et même tout le peuple » de Bourgogne. Ebroïn, « relevant sa tête venimeuse, » est, lui aussi, environné de ses anciens partisans bannis par Childéric, qui revenaient sans crainte, « comme les serpents, pleins de poison, ont coutume, au retour du printemps, de quitter les cavernes qu'ils habitent pendant l'hiver. » Les deux cortéges firent longtemps route ensemble, et une collision meurtrière aurait eu lieu sans la médiation du doux Genesius, évêque de Lyon (!). Le passage de saint Léger dans sa ville épiscopale lui procura des forces supérieures, et quand on marcha sur Paris, Ebroïn s'esquiva prudemment. Le roi Théodoric, arraché à l'abbaye de Saint- Denis, recut la couronne de celui qui la lui avait ravie, tandis que son ancien protecteur attribuait à un prétendu fils de Clotaire II le titre royal. Jeux singuliers d’une politique sans règle! L’anonyme d’Autun, qui est si précis lorsqu'il parle de saint Léger, ne formule contre Ebroïn que des accusations vagues. Il appelle ses adhérents « les méchants » et « les Aus- trasiens, » qui nous paraissent être simplement les habitants de la Champagne réunis sous leur duc-Waïmer. 11 dénonce «les mauvais conseillers, hommes diaboliques, » et notam- - ment les évêques de Châlons et de Valence, Francs de basse extraction. Il résume plus nettement ses longues accusations en disant : « Hors d'état de combattre au milieu des soldats @) Igitur cum Childerici mors subito nunciata fuisset, tunc hi, qui ob ejus jussionem exilio fuerant condemnati, tanquam verno tempore post hiemem de cavernis solent serpentia venenata procedere, quidam sine metu fuerunt reversi. » (1d., ce. 7.) — « [pse enim Ebroinus caput relevavit venenosum. » (Jd., ©. 8.) — « Tune enim ibidem famulo suo (Leodegario) , gratia superna concesserat venerabilem dignitatem. ut in illis locis tam prædicti duces, quam eorum matronæ, simulque ministri universæque familiæ, necnon et vulgus populi, ut si ita necessitas immineret, semet- ipsos pro eo non dubitarent offerre. » ({d.) 3 — 249 — du Christ, le maire attaqua ses ennemis avec les armes sécu- lières (1). ». La surprise de Saint-Cloud, le pillage du trésor royal, ame- nèrest le triomphe inopiné d'Ebroïn, qui condescendit aux vœux des évêques et des grands en rétablissant Théodoric. Mais Léger, tant qu'il serait à Autun, pouvait, par un retour agressif, élever l'aristocratie triomphante sur les ruines du despotisme neustrien. L'évêque franc, bien plus ambitieux qu'un Grégoire de Tours et que-les prélats gallo-romains, régnait dans sa cité. A l'approche de la crise qu'il pressentait, ses prodigalités politiques, son attitude à la fois euerrière et pieuse, inspirèrent au peuple de la Bourgogne un dévouement sans bornes. « Les gens des environs se retirèrent dans la ville et on ferma l'issue des portes avec de fortes serrures... L'évêque prescrivit un jeûne de trois jours et parcourut l'en- ceinte des murs avec le signe de la croix et les reliques des saints (2). » Le siége d’Autun fut décisif pour la mémoire des deux rivaux : il donna au maire un renom odieux, à l'évêque le prestige de la gloire et de l'héroïsme. Saint Léger, ne pou- vant obtenir le triomphe de son parti, brigua du moins le martyre. Ce martyre si désiré (*), la cruauté d'Ebroïn le lui accorda tel que nul confesseur du christianisme n’en souffrit en aucun pays, supplice de trois ans, dont plusieurs grands () « Cum repentino superventu Ebroinus cum Austrasiis affuit.….; ad recuperationem accedere non valebant perversi :.….. suadente diabolo..…. in partibus Austri secum levant in regnum... Tunc adjunctis sibi nequissimis consiliis iniquorum..….. Et quia in Christi castra militare non potuit, cum adversariis secularia arma arripuit. » {Jd., c. 8et 9.) (?) « Statim jussit custodi discos argenteos cum reliquis vasis quamplu- rimis foras ejicere, et argentarios eum malleis adesse, qui minutatim cuneta confregerunt, quod per fidelium dispensationem jussit pauperibus erogare . Commovens igitur universum urbis illius populum, cum triduano jejunio, cum crucibus et sanctorum reliquiis murorum ambitum circumiens… Cum ob metum hostium certatim populi undique se recepissent in urbe, et meatus porltarum forti obturassent ferratu..…. » (Jd., c. 9.) (5) « Lætabatur autem Dei martyr in omni patientia, quia debitam sibi, remuperante Domino, martyrii sentiebat appropinquare coronam. » — 250 — personnages furent les instruments empressés, et qui avec Ebroïn flétrit son époque tout entière. : Aucun remords ne pouvait arrêter ce sectaire du despo- tisme. De son glaive à deux tranchants il frappait la féodalité laïque et ecclésiastique. « [1 commenca à persécuter les grands; ceux qu'il pouvait prendre, tantôt il les faisait mourir, tantôt il leur enlevait leurs biens et les bannissait en pays étranger. Il détruisit beaucoup de monastères de femmes nobles (). » Toutefois il serait injuste de ne pas reconnaître que les colo- nies de Luxeuil avaient trop souvent manifesté leurs tendances aristocratiques. La rupture de l’irrépréhensible saint Ouen avec saint Philibert, abbé de Jumiéges, est un trait de lumière dans les ténèbres profondes du règne de Théodorie (?). Le procès de saint Léger, devant les évêques réunis en synode, rappelle celui de Prétextat. On l'accusa, contre toute vraisemblance, de la mort de Childérie. L'impitoyable Ebroïn sentait sans doute le besoin de justifier ses atroces cruautés. Il s'était déjà efforcé de faire rejaillir l’odieux de sa conduite sur ses complices en les livrant au bourreau. Le comte Warein, frère du martyr, périt lapidé. Le silence obstiné de saint Léger lui permit enfin de se débarrasser de l'ombre vengeresse de sa victime, qui le suivait partout ($). () « Priores optimates cœpit instanter persequi, et si quempiam eorum in aliqua occasione comprehendere valuit, aut gladii interfectione prostra- vit, aut ad gentes extraneas, ablatis facultatibus, effugavit, sane feminarum nobilium monasteria destruens, et ipsius religionis primarias in exilium diri- gens. » (1d., ©. 12.) — « On voit, dit M. bE MONTALEMBERT, que la naissance semblait une qualité infiniment précieuse aux saints et aux fondateurs des institutions religieuses d'alors. » (Les Moines d'Occident, t. IT, c. 5.) Nous avons donné les raisons politiques et intimes de ce fait. (2) Sur cette rupture, voir D. PiTRa, {Histoire de saint Léger, ch. 18. Le savant Bénédictin nous semble être dans l'erreur quand il dit qu'Ebroin avait trompé La vieillesse du vénérable évêque. Saint Ouen est resté jusqu'à la fin en pleine possession de ses facultés, maïs il avait des idées politiques très arrêtées. (®) « Tunc ministri ad stipitem ligatum Wareinum lapidibus obruere cœæperunt.. Eodem tempore.. ad quamdam villam regiam venientes, mul- tam episcoporum turbam adesse fecerunt.... Ubi dum deductus fuisset ad _— 251 — Maïs il n'eut pas moins à le redouter mort que vivant. Son tombeau fut témoin de miracles consolants ou terribles. « Le . méchänt “Ebroïn, l'ayant appris, se taisait, et, tout tremblant, n'osait en parler à personne, de peur que, toujours croissant, la gloire du martyr ne le fit décroître dans l'esprit des peuples, lui qui avait voulu éteindre une telle lumière (!). » Nous ne dirons pas néanmoins avec la légende que « l'esprit du tyran se troublait et chancelait de jour en jour (?).» Bien loin de là! Il remportait une: éclatante victoire sur Pepin d'Héristall, le fondateur d'une nouvelle dynastie, dont il re- tarda l'avénement; et les évêques neustriens, qui pensaient comme saint Eloi et saint Ouen, applaudissaient à ces nou- veaux succès. Un seigneur franc, dépouillé de ses fonctions par le maire du palais, frappa du glaive « celui qui voyait briller dans les trois parties du monde la renommée de son pouvoir, » un dimanche lorsqu'il se rendait à matines, « et le précipita, dit l'inexorable légende, dans une double mort (5). » L'œuvre d’Ebroïn ne devait pas lui survivre. Il avait été, par la résistance même de ses adversaires , entraîné trop loin. La Neustrie n'était point en mesure de faire prévaloir à son avantage l'unité de l'empire. medium, inquirentes ab eo verbum, ut de Childerici morte se conscium fateretur fuisse..…. nullatenus dixit fuisse se conscium, sed potius Deum quam homines hoc est scire professus. » (Vita sancti Leodegarit, c. 14.) () Cum tantæ rei divulgaretur opinio, et fidelibus hoc provenisset ad gaudium, hæc cognita Ebroinus iniquissimus tacito corde retinebat..... ne forte, crescente gloria martyris, sua qui tale lumen exstinguere cupiebat esset diminuta in populis. » (Id., ec. 16.) (2) « Cum mens errabunda tyranni nutaret. » (Id.) (5) « Dies agebatur Dominica, ideo processurus erat ad matutinarum solemnia. Cum autem ille pedem foras misisset de limine, ecce iste inspe- rate prosiliens, gladio ejus percussit caput, Ob cujus ictum duplicem decidit in mortem.» Ebroïn, mort en se rendant aux offices de l'Eglise, ne saurait être considéré comme un impie. D'ailleurs il avait pour adhérents de très pieux évêques. Cette remarque n'atténue en rien ce que nous avons dit de sa cruauté. Mais il est avéré que les coups d’Ebroin s'adressaient, non pas à la religion, mais à la féodalité ecclesiastique. — 252 — Tout autres furent les résultats des efforts de saint Léger et de Pepin d'Héristall. Par sa victoire de Testry, due à la ligue des Francs des deux royaumes un instant dissoute.par saint Ouen (‘), le duc austrasien établit la prépondérance de l’aris- tocratie laïque. Par son martyre, l’évêque d’Autun assura le même bénéfice à l'aristocratie ecclésiastique. Plus tard, Char” lemagne consacra cette double conquête. Durant tout le moyen âge, 1l y eut, à côté des ducs et des comtes héréditaires, des évêques et des abbés souverains. La Réforme et la Révolution française eurent seules raison de ces derniers (?). Mais la Neustrie, c'est un fait bien digne de remarque, ne put être assimilée à l’Austrasie. Après Testry, après Viney, après Poitiers, elle conserva sa physionomie et sa constitution distinctes. Les Carolingiens en évitèrent autant que possible le séjour. La gloire de saint Léger, moine, évêque et martyr, un instant revendiquée par toute la Gaule, fut, à travers bien des vicissitudes, reléguée sur les bords du Rhin, à Murbach et à Lucerne, loin du cloître où avait langui le dernier roi fainéant (#). Les Capétiens, renouvelant les traditions méro- () « Rediviva orta est inter gentem Francorum atque Austrasiorum in- tentio. Pergens itaque vir Dei, assumens sacra consilia, Dei fretus auxilio, ad urbem Coloniam filius pacis advenit. » (Vita sancti Audoeni.) (?) C'est sous les auspices de cette féodalité ecclésiastique, que Pepin le Bref constitua le pouvoir temporel des papes en Italie (l’an 755.) (5) Voir le chapitre 25 de D. P1TRA, sur la gloire posthume de Léodegar. Le Bénédictin se plaint du délaissement du saint dont il a retracé l’histoire, mais il n’en a pas recherché les causes : « Il n'y a plus de controverse entre les six monastères qui se disputaient son chef vénérable... En même temps que la cendre du martyr était dispersée, sa mémoire était flétrie.….. Le martyr est donc demeuré sur sa croix.» À Lucerne, au contraire, l'é- glise abbatiale et paroissiale est consacrée à saint Léger. « Saint Léger, dit D. PiTRA, a eu seul et conserve encore le signe de royauté le plus éclatant, une place sur le champ des monnaies qui courent aux mains du peuple. » Dans notre voyage en Suisse (1864), nous avons examiné, sur un pont couvert (les Kapell-Brücke) des tableaux qui représentent les prin- cipales actions du martyr. Ce pont, disait-on, devait être prochainement supprimé. — 253 — vingiennes, firent de Paris et de Saint-Denis le centre de leur domination. Le nom de France (1) s'étendit, de proche en proche, jusqu'à l'Océan, aux Alpes, aux Pyrénées et au Rhin. La Bourgogne se fondit dans la grande unité nationale. Quant à l’Austrasie, l'Allemagne et la France se la partagèrent d'une ) Le nom de France, après avoir été donné à des contrées fort diffé- rentes et très diversement étendues, s'était limité, au 1x° siècle, à la région appelée successivement Duché de France et Ile de France. Autour de cette première province se groupèrent toutes les autres. Quant à l’histoire de France, telle que nous l’entendons aujourd’hui, il est impossible de l’iden- tifier avec l'histoire des Mérovingiens et des Carolingiens, qui étaient pour notre pays, non des rois nationaux, mais des conquérants et des maîtres, et qui lui avaient imposé, sauf pendant la cburte existence de la Neustrie, des principes contraires à ses traditions toutes romaines. Ce n’est que len- tement que la Gaule se dégage de la Germanie. Aussi bien éprouve-t-on, à la poursuite de cette vraie France que nous cherchons, comme l'illusion d'un mirage dans le désert. On croit la tenir sous Dagobert ; mais elle s'évanouit à Testry. Elle reparaît avec Charles le Chauve. Nouvelle décep- tion, après le traité de Kiersy-sur-Oise. Troisième apparition et troisième éclipse sous Hugues Capet. Cette course décevante nous conduit au x1e siècle, six cents ans après Clovis, ce prétendu fondateur de la monar- chie française. Les noms de Louis l'Eveillé et de Suger, l'Université de Paris, la Renaissance du droit romain, la Révolution des communes, signalent l’avénement, non plus de la France germanique, mais de notre France, qui nous semble fondée sur l’idée de l'Etat empruntée à la Rome impériale, ayant pour dernière conséquence le despotisme royal. Ce carac- tère est déjà nettement accusé à l’époque de Philippe le Bel. Malgré plu- sieurs réactions féodales, c’est-à dire germaniques, il ne cesse de s’accen- tuer sous Charles V, Charles VIT, Louis XI et Louis XII. Francois Ier lui donne sa formule : le bon plaisir. Henri IV rend l’absolutisme aimable ; Richelieu assure son triomphe en domptant la nation par une sorte de ter- reur monarchique qui dresse, elle aussi, de sanglants échafauds. Louis XIV peut dire : l’Elat, c’est moi, la nalion ne fait pas corps en France; maximes auxquelles la Révolution française a depuis donné tant de démentis. En 1789, en effet, notre pays eut à son tour à réagir contre les traditions romaines qui l’avaient sauvé de l'anarchie, mais qui laissaient la nation et l'individu asservis, On eut alors une autre, une dernière France, ni germanique, ni romaine absolument, mais humaine, ayant moins besoin de traditions historiques que de raison philosophique. Nous résumons en ces quelq:s lignes un aperçu qui est comme la déduction de nos modestes travaux sur les origines de la France et de l'Allemagne. — 254 — manière à peu près égale. Mais avant de perdre son nom elle avait, par Charlemagne, Winfried et Alcuin, conquis, con- verti et civilisé la Germanie, c'est-à-dire préparé l'Allemagne moderne. LES DERNIERS SIRES D’ASUEL ET LE MOBILIER DE LEURS RÉSIDENCES AU XVI° SIÈCLE Par M. A. QUIQUEREZ Ancien Préfet de Delémont (Suisse). Séance du 18 décembre 1867. En écrivant l’histoire des châteaux de l’ancien Evêché de Bâle, j'ai dû faire quelques recherches sur leur distribution, leur ameublement et autres menus détails. Parmi les documents que j'ai copiés dans les archives de cet Evêché, il y a une trentaine d'années, j'ai retrouvé quelques inventaires du mobilier qui se trouvait dans des châteaux ou maisons fortes de la Franche-Comté et du Jura bernois au milieu du xvi° siècle. Déjà, en 1852, la Société jurassienne d'Emulation a publié une de mes notices, comprenant. la description et l'ameublement du château de Sogren dans la seconde moitié du xv° siècle, lorsqu'il appartenait à la famille d’Asuel, dite de Boncourt : c’est encore dans les papiers de cette maison noble que je puiserai les éléments de ce nouveau mémoire. Ces gentilshommes, qui remontent au moins au xr° siècle, portaient primitivement le nom de Boncourt; mais l’un d'eux ayant reçu en fief des barons d’Asuel, en 1345, une maison dans la cour du château d’Asuel et des fiefs assez considé- rables, ajouta dès lors le nom d’Asuel à celui de Boncourt, et peu à peu l'usage s'établit de les appeler purement d’Asuel. — 256 — Dans le courant des xv° et xvi° siècles, cette maison s’allia le plus souvent à des familles nobles de la Franche-Comté, et acquit des domaines nombreux dans cette province. Au com- mencement du xvi° siècle, elle était représentée par Gaspard d'Asuel, chevalier seigneur de Vendelincourt, de Sogren, ou Soyhière, et de Moutone, et par son frère Jean d’Asuel, che- valier, sire de Sogren, de Loray et d'Arlay. Le premier avait épousé Etiennette de Courlaou, dame de Rothenay, dont il eut deux fils et une fille; il mourut avant 1540. Son frère Jean eut trois femmes : Charlotte de Prandt ou de Brante, une seconde de la maison de Belmont, et puis Philiberte d’Arlay. Il eut deux fils et mourut en 1544. Il paraît que jusqu’à cette date les biens de ces deux frères étaient restés en partie indivis; en sorte qu'il fallut alors faire un partage et dresser un inventaire de leur fortune et des meubles qu'ils avaient dans chacune de leurs maisons, car ils en possédaient plusieurs, plus ou moins complètement meublées. Ce sont ces inventaires que nous allons mettre en œuvre. Dans la maison que le chevalier Jean d’Asuel avait eue à Porrentruy, on ne trouve que peu de meubles. C’étaient d’a- bord : une grande chayère ou fauteuil à dossier; puis un grand lit à colonnes de chêne, avec tiroirs ou couchettes se glissant sous le lit, tandis que sur le ciel de celui-ci il y avait un troisième étage avec literie. Les chaises ne consistaient qu'en six escabelles de bois. Il y avait quelques marmites en bronze ou en métal de cloche, et une rotissoire ingénieuse qui fonctionnait sur la table même. Un bahut déposé dans la salle renfermait : une chemise de petites mailles ou haubergeon, beaucoup de mors de bride, trois épées de chasse, une épée de combat, une pertuisane, une hache d'arme, deux arbalètes, des vieilles armures, un pilon à moutarde, deux paires de fers de prisonniers et des custodes ou rideaux de lit en serge verte : ainsi toute la défroque militaire du chevalier défunt était contenue dans ce bahut. — 257 — Jean d’Asuel possédait la maison forte ou château de Vennes (canton de Pierrefontaine). Le mobilier de cette résidence sei- oneuriale fut inventorié, et l’on nota fort en détail les objets suivants déposés pêle-mêle dans deux grands coffres : vingt- sept nappes de fil de lin, douze douzaines de serviettes et autre linge de lit, deux coussins de velours cramoisi et un tapis de drap vert, vingt-neuf draps de toiles diverses, trois cuillères d'argent renfermées dans une boîle avec une coiffe de soie et une autre en fil d’or, des bésicles contre la poussière, une bourse de velours cramoisi à double flot, une image de Notre- Dame et des chaperons de faucon. Dans le château ou manoir d’Arlay, où résidait une des veuves d’Asuel avec ses enfants, il y avait un lit de plumes monté, qui, avec ses coussins et sa garniture de toile, pesait 18 livres; un autre de 59 livres, et dix de poids variables entre ces deux chiffres. A cette époque toute la vaisselle de table était en étain. brillant comme de l'argent sur les dressoirs des maisons bien tenues, gris comme de l’ardoise quand la ménagère était néghigente. Nous en avons vu de cette époque qui était faite au marteau, et d’autres pièces coulées dans des moules avec de charmants dessins en reliefs. Celle du manoir d’Arlay consistait en deux douzaines de plats pesant 59 livres, quatorze plats et dix tranchoirs (assiettes plates), deux grands flacons pour le vin, six salières, deux pots de chambre dits pisse-pots, un grand moutardier et douze plus petits, pesant ensemble 61 livres. Il y avait encore beaucoup d'autre vaisselle de même métal. La vaisselle de cuisine en cuivre consistait en quatre grandes chaudières et poissonnières, en plusieurs marmites de bronze, en diverses chaudières dont une à fromage, une aiguière, des chandeliers, pesant en tout 245 livres. Il y avait beaucoup d'ustensiles de cuisine en fer, du linge de table, des rideaux de grands lits et de couchèttes, des couvre-lits, des pans de tapisserie en laine, des tapis de pied, le tout dans des coffres. 18 — 258 — Puis, appendus aux parois, on voyait une hallebarde, une épée de chasse, un filet ou tirasse pour prendre les caïlles, quatre paires de halliers ou grands filets, et un autre pour prendre les canards sauvages. Dans la maison de Loray (canton de Pierrefontaine), on trouva beaucoup de vaisselle d’étain, comme plats et tranchoirs, flacons, gobelets, brocs, pisse-pois, moutardiers, saucières et autres ustensiles, le tout pesant 538 livres. En vaisselle de cuivre, bronze et laiton, 222 livres, et, parmi les objets détaillés, 1l y avait des bassins, des aiguières, des plats à barbe, des pisse-pots, des coquemars, poissonnières et autres objets, La literie est digne d'attention : elle se composait de dix lits de plumes dont le plus petit, celui d'une couchette, pesait 30 livres; un gros bon lit avec ses coussins pesait 99 livres: deux arrivaient de 89 à 93 livres, et ainsi de suite. Qu'on se figure de pareilles couches pour s’engloutir durant les cani- cules ! Les meubles meublants n'étaient pas fort beaux. On désigne une méchante table carrée, une méchante chaise-percée, une image de Notre-Dame et de saint Benoît, une boîte à épices et quelques chayères ou fauteuils de bois. Voici maintenant le catalogue de la bibliothèque : deux livres de remarques ou de dépenses; les Commentaires de Jules César; le Trésor des personnes; un méchant livre en lambeaux, dont il ne restait que la moitié; un autre sur les oiseaux; le Mireur (serait-ce le Miroir de Soudbe ?), exemplaire relié; un livre allemand de Geoffroy; un registre de la seigneurie de Loray; un livre de recettes et secrets; un livre d'heures; un manuserit en parchemin à fermoirs d'argent; le Roman de la Rose ; le livre de Mandaville ou la messe des fols; un gros ivre de papier blanc relié en cuir; un livre de lois; l’Art du fau- connier, relié en parchemin; les Fables d’Esope en allemand; enfin un livre de confession. On trouva ensuite des tapis de table, à grands personnages; — 259 — une table de chêne qu'on pouvait plier; un buffet de chêne ou dressoir à liettes; un coffre ferré en lambrouseries; un fau- teuil de cuir, six escabelles tant méchantes que bonnes; des pantoufles et autres méchants meubles. Dans la chambre ou poile bas : un coffre fait à l'aiguille « qui guère ne vaut; » un moulin à moutarde; une table de sapin posée sur « tout plein de pieds ; » une chayère à dossier couvert, une escabelle; une arche ou coffre pour le grain; une bouteille de vinaigre. Dans la grande salle étaient : un chaulxlit (bois de lit) de chêne, avec trois couvertures, dont l’une rouge, brodée et garnie; un grand coffre en cuir bouilli, des filets pour les mulles, des gibecières, des vieux souliers, une corne rouge pour la poudre d’arquebuse, un buffet de chêne en lambrou- serie, avec deux serrures; une table de sapin sur deux tréteaux, des bancs servant de coffres, ou archebancs; une pesante table de chêne, des andiers de fer dans la grande cheminée, quatre arches ou coffres de sapin, trois bonnes chayères, deux épées et cinq hallebardes. | | Dans un de ces coffres de sapin il y avait un tapis vert, trois corps de cuirasse d’autres armures et armes, un filet et des mors de bride. I y avait encore dans cette arche bien d’autres méchants meubles pareils, comme aussi six arbalètes, un cri et des quarreaux; une effigie de femme « impressée sur toile, » une nage de sainte Véronique et beaucoup d’autres vieilleries, comme des bésicles pour aller contre le vent. Dans les autres arches on trouva des chaperons de faucons, un gant de fau- connier et une méchante bourse de velours. Du coffre voisin, véritable arche de Noé comme les précé- dentes, on retira le portrait de feue damoiselle Charlotte de Prandt, première femme de messire Jean d’Asuel, une Notre- Dame peinte sur verre, une gorgerelte à franges, et du linge gaté faute d'air. — 260 — La quatrième arche contenait de la vaisselle d'étain, de cuivre et de fer, et des débris de harnais. Voilà donc quel était l’'ameublement d’une bonne maison noble de la Franche-Comté au milieu du xvi° siècle! Il offrait les plus intimes rapports avec celui qui peuplait au siècle précédent le château de Sogren. Un acte des premières années du xvu° siècle, relatif encore à la même famille, fournit des détails qui ne sont pas sans intérêt. Alors vivait à Porrentruy Jean-Philibert d’'Asuel, sire de Soyhière et de Moutone, petit-fils de Gaspard précité. Il pre- nait aussi le titre d’écuyer, et il avait épousé Marthe Faber ou Schmidt, d'une bonne famille du pays. Il en eut plusieurs filles, dont quatre épousèrent des gentilshommes franc-com- tois : Henri de Grandvillers, Jérôme Collin de Valoreille, Jean de Lezay, sire de Fauron, Jean-Baptiste Rondchamp de l'Isle; une cinquième fut abbesse de Schœnenstembach; enfin son fils Philibert, dont il avait fort négligé l'éducation par avarice, fut tué au siége d'Ostende, en 1603, sans laisser de descendants : aussi fut-il le dernier mâle des Asuel de Bon- court. Son père dépensa plus pour lui faire des funérailles qu'il n'avait fait pour son instruction; mais C'est qu'il était mauvais époux, mauvais père et partant mauvais citoyen. Il n’y avait de bon chez lui qu'un énorme appétit, qui obligeait son homme d'affaire à payer double pension pour cet ogre, quand celui-ci, privé de sa femme, qu'il avait fait mourir de chagrin, et de tous ses enfants dispersés, ne trouva plus per- sonne qui voulût tenir son ménage, crainte des écarts de sa violence. [1 ne sortait jamais sans son épée; chez lui il ne quittait pas son poignard. Un jour que, selon son habitude, il querellait sa pauvre femme, il voulut la frapper avec cette arme; Marthe n'eut que le temps de fermer la porte sur elle, et la lame lancée avec force alla se ficher dans la planche protectrice. Sa conduite brutale, nous dirions presque féroce, souleva — 261 — contre lui une rumeur générale, au point qu'en 1597 l’auto- rité intervint et fit une enquête. Plus de vingt témoins furent entendus. Ils révélèrent des actes de méchanceté révoltante contre sa femme, à laquelle 1l avait une fois cassé le bras, _ contre ses enfants et sa domestique qu'il battait impitoya- blement. II se faisait redouter dans tout le quartier, et sa violence se manifesta jusque devant la cour, qui fut obligée de le rappeler à l’ordre et de le condamner à l'amende. On le mit sous tutelle, et ses gendres, craignant que par malice il ne détournât encore ses meubles ponr en frustrer ses filles, firent dresser un inven- taire de sa fortune et de son mobilier en 1611, c'est-à-dire plusieurs années après la mort de son fils. Sa femme Marthe Schmidt était déjà morte en 1599. : La famille de Marthe était riche, et celle-ci avait recueilli dans la succession de son père un mobilier intéressant à étudier. I y avait dix-huit pièces d'argenterie, tasses, gobelets et autres; de l'argent monnoyé : ducats d'Espagne, nobles à la rose, écus d'or d'une valeur de 54 écus d’or au soleil, dix écus d’or de France, dix doublons d'Espagne, un quart de doublon d'Italie, un double florin d'or, cinq écus d’or ou pistoles, deux louis d’or et quelques monnaies. Les bagues d’or enrichies de pierreries étaient nombreuses. On y trouvait beaucoup d'étain, de vaisselle et d’ustensiles de ménage; de la toile ouvragée eten pièce en bonne quantité; des vêtements, comme des burats (mantelets) de coton, de camelot, quelques-uns fourrés de pelisses, des doublats, une robe de chambre, un pelisson de femme, un manteau de deuil, des chemises de toile, des goneys (jupons) de drap vert, de soie moirée et autres. La literie était copieuse, ainsi que le linge et la provision de porc salé : fioses ou bandes de lards, jambons, etc. La tablature, ou les tableaux, consistait en deux peintures représentant la conversion de saint Paul, les sept vertus, — 262 — le passage de la mer Rouge, l’adoration des rois mages, le mauvais riche, la Samaritaine et la charité romaine. Parmi les meubles, on remarque des Reichtrog ou bahuts de Bourgogne, des épées à poignée d'argent, un grand chan- delier de salon placé au milieu de l'appartement, des chayères diverses, ou grands fauteuils, un lit avec ses couchettes au- dessous et son montoir ou marche-pied pour l'étage du haut. Il y avait une armure complète avec ses gantelets. L'inventaire des meubles de Jean - Philibert d’'Asuel, en 1611, fournit aussi de curieux détails. Sa maison, située à Porrentruy, attenait aux murailles de la ville. L'argenterie qu'on y trouva se composait : de plusieurs grandes coupes à couvercles en vermeil, de douze coupes ou gobelets à pied et couvercle en vermeil, d'une grande coupe de pareil métal surmontée d’une statuette de saint Luc, de plusieurs vases d'argent dont l’un servait à mettre les cuillères. On avait gravé au fond de ce dernier vase l’image d'un évèque avec un fifi (serait-ce un oiseau ?). Quelques autres sobelets de vermeil sont indiqués comme fort anciens : l’un d'eux était orné de la statuette d’un soldat suisse. Plusieurs cuillères d'argent portaient les armoiries des Asuel (de gueule à deux haches d'armes d'argent passées en sautoir). D'autres cuillères d'argent avaient des manches en bois. Parmi les autres pièces d'argenterie, on remarque deux douzaines de boutons en vermeil. Il y avait beaucoup de linge de table et de lit, et des rideaux d'étoffe à grands personnages. Un coffre, orné de feuillages peints en belles couleurs, renfermait du linge et des vieux livres. Un autre, tout en fer, était rempli d’étain, de bassins de cuivre, de coussins de laine, de chausses de velours frangées de rouge. On y trouvait en outre une Casaque sans manche fourrée de gris, des chausses à la suisse, un burat de damas bleu bordé de velours noir, des pourpoints et manteaux de diverses couleurs brodés et passementés, un bonnet rouge et deux grands andiers de fer. Le coffre était plein et complet. — 263 — La literie nombreuse n'offre rien de remarquable. Cepen- dant son détail prouve que l'on usageait encore les grands bois de lit à colonnes, avec couchettes au-dessous. 11 y avait des buffets et coffres bourrés de vieilleries et objets des plus divers; des marches-bancs aux fenêtres, tenant lieu de gradins et- d'armoires, où l'on resserrait du linge de table, partie en toile d’étoupe. Dans cette même salle se trouvait une grande table, avec des tiroirs où le sire mettait ses papiers. On voyait appendus aux parois neuf pistolets, quelques-uns avec leurs fourreaux, quelques autres à l’ancienne mode et dont deux avaient perdu leurs rouets; une cuirasse blanche ou polie, avec ses brassards et cuissards, et une chemise de mailles, où haubergeon, ornée de franges. Un coffre de voyage, ou Reistrog, se trouvait dans la même salle, et il était rempli de papiers, de parchemins, de lettres, etc. Il s’y rencontrait aussi une grande chayère à dossier, à l’an- cienne façon, et une autre plus simple. La cuisine donnait sur les murailles de la ville. Outre la vaisselle de cuivre et de fer, on y avait suspendu une demi- cuirasse. Dans d’autres chambres voisines, 1l n’y avait que des meu- bles de peu d'intérêt. Quant à la chambre à coucher du seigneur, on y inventoria deux lits, un épieu, une ancienne hache d'armes et autres menus fatras. Dans un autre appartement (car la maison, ou hôtel, était grande), on trouva un grand coffre bourré de linge, de vête- ments, de manteaux, de livres, de chemises, enfin la défroque de Jean-Philibert d'Asuel. Ce personnage, qui dans un autre siècle aurait été un che- valier félon ; mourut à Porrentruy, le 30 août 1624 : on l’en- terra au cimetière de Saint-Germain, avec son épée et son redoutable poignard, comme étant le dernier membre mâle des nobles de Boncourt-Asuel. — 264 — Nous ne savons ce qu'est devenue sa pierre tumulaire qui était peut-être voisine de celle du dernier des Tavannes (t), si heureusement retrouvée ces années passées et conservée sans mutilation, parce qu'on l'avait retournée, comme l’a été, de mon souvenir, celle de l'archevêque de Besançon, puis évêque de Bâle, Jean de Vienne, enterré, le jour même de sa mort, devant Le grand autel de l’église de Porrentruy. () La pierre du sire de Tavannes représente une porte à plein cintre avec les armoiries des Tavannes (d'azur au coq d'or crêté, barbé et langué de gueule). Dessous on lit dans un cartouche : CY GIST NOBLE ESCUYER JEHAN DE TASVANE LE DERRIER DE SA RASSE, A SON VIVANT SEIGNEUR DE MONTYOUHAY, QUI TRESPASSA LE 18 JOUR DU MOIS DE DÉCEMBRE 1549. DIEU AIE SON AME. AMEN. Cette pierfe, en grès rouge, est actuellement posée contre le mur de l'église. a) LT LA FABRIQUE D'HORLOGERIE DE RESANÇON. ET LA SOCIÈTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS EN 1867 Discours d'ouverture de la séance publique du 19 décembre Par M. Victor GIROD Président annuel. Messieurs, Avant de céder à mon savant successeur les fonctions dont vous m'aviez investi, permettez-moi de vous entretenir quel- ques instants de l’industrie à laquelle j'ai voué ma vie tout entière : c’est à cette industrie que j'ai dû l'honneur de pré- sider une des sociétés savantes les plus éminentes de France; ce sera l’un des beaux souvenirs de ma carrière si complexe. La fabrique d’horlogerie de Besancon date de l’an IT de la République (1793) ; elle a été établie par un décret du Comité de salut public. A cette époque, cent familles de patriotes neuchâtelois vinrent se fixer dans notre cité. En échange de l'exil et des privations qui l’accompagnent, ils recurent du gouvernement des indemnités et le titre de citoyens français. La fabrique allait définitivement se constituer, lorsque les guerres de l'Empire éclatèrent et mirent son existence en péril : le travail se ralentit, la misère se fit sentir. Pour subvenir aux premiers besoins, la colonie neuchâteloise fonda une société mutuelle de secours qui, dans la suite, rendit de nombreux services. Pendant les cruelles années de 1816 et de 1817, cette modeste association alimenta la population horlogère indigente. SR A Les temps plus calmes de là Restauration permirent à la fabrique de prendre un développement réel : l'établissage des montres dites à roues de rencontre favorisa considérablement ce SUCCÈS. La révolution de 1830 arrêta cet essor : l'existence de la fabrique sembla de nouveau menacée; mais l'intelligence et les efforts soutenus de nos artistes horlogers triomphèrent de toutes les difficultés. La fabrication de la montre Lépine, la fondation de la maison Ch. Lorimier pour l'établissage des montres chinoises, ouvrirent à notre industrie de nouveaux débouchés. Ce rapide résumé nous a conduits jusqu'à l’année 1840. A partir de cette époque, la fabrique, restée pendant un demi- siècle exclusivement suisse et protestante, devient vraiment nationale. M. l'abhé Faivre, aumônier de Bellevaux, eut l'idée de fonder une école d’horlogerie, destinée à former de véritables artistes et à recruter Ceux-ci parmi la population locale. Après quelques succès apparents, cette utile institution suecomba sous des charges trop lourdes. Néanmoins le résultat obtenu surpassa l'attente de l'honorable abbé et de ses amis. Un cer- tain nombre de jeunes élèves avaient acquis les premières notions de mécanique et d'horlogerie ; ils continuèrent leur apprentissage dans les ateliers et devinrentde bons travailleurs. La crise de 1848, si funeste à toutes les industries, n'é- prouva que faiblement notre fabrique. Sa véritable prospérité remonte à la fondation du second Empire. A partir de l’année 1855, le mouvement ascensionnel de production atteignit des chiffres extraordinaires. En 1849, la fabrique de Besançon livrait au marché 428, 20 Un tal OS à En 1859, Heu a estate 0 CON En 1908 24. ab ere OR SIENNE En 1867, malgré le ralentissement général des affaires, ce — 267 — dernier chiffre se trouve augmenté de 50,000, soit un total de 355,000 montres. Le jury de l'Exposition universelle, il est vrai, a placé nos produits dans un rang inférieur; mais le public, qui prononce toujours en dernier ressort, a déjà fait justice de cette décision peu équitable. Les productions de la Suisse et de l'Angleterre peuvent en- core l'emporter sur les nôtres par leur solidité et leur précision; les nôtres leur sont incontestablement supérieures par l’élé- sance et le goût : tant il est vrai qu'en France seulement on a du goût, comme l’a dit quelque part M. Jules Simon. Aussi qu'est-il arrivé? Tandis que la fabrique des cantons suisses éprouve une funeste stagnation et envisage l'avenir avec crainte, la nôtre peut à peine, en ce moment, suffire aux commandes journalières. . Nous voyons donc l'avenir avec confiance; un succès com- plet ne peut manquer de couronner cet édifice si laborieuse- ment, si honnêtement construit. J'en ai pour gages l'importance : actuelle de notre fabrique, notre belle école d’'horlogerie pleine d'avenir, l'espoir que bientôt Besancon communiquera direc- tement par un nouveau chemin de fer avec les montagnes neuchâteloises, enfin la sollicitude de l'administration supé- rieure qui ne nous fera jamais défaut. Il me reste, Messieurs, conformément à l'excellent usage établi par mes prédécesseurs, à passer avec vous une revue sommaire des travaux qui ont rempli nos séances pendant l'année qui s'achève. Vous avez débuté par une double adhésion aux mesures généreuses qui seront l'éternel honneur du ministère de M. Duruy. Son Excellence avait, lors de son passage à Besançon, manifesté le désir d’avoir, pour la naissante école normale de Cluny, quelques pièces existant en double dans les collections que vous formez avec tant de sollicitude au profit de notre musée d'histoire naturelle : vous vous êtes empressés de distraire, pour cette utile destination, une belle — 268 — série de 169 oiseaux empaillés; puis, accueillant avec non moins de faveur un autre vœu du savant Ministre, vous avez consenti à ce que les objets qui composent ce même établisse- ment fussent prêtés aux professeurs spéciaux du lycée dans l'intérêt de la clarté de leur enseignement. M. le Ministre vous a remerciés avec effusion : bientôt après, son département vous Continuait le maximum des allocations que reçoivent les compagnies savantes; puis, ensuite de l'examen de votre volume de 1865, le Comité impérial des travaux historiques dé- clarait la Société d'Emulation du Doubs « l’une des sociétés les plus actives et le plus fructueusement actives de la province. » Vous avez fourni un large contingent aux assises scienti- tiques qui se sont tenues à la Sorbonne, au printemps dernier. C’est un travail de M. Castan, votre secrétaire, intitulé : L'Empereur Charles-Quint et sa statue à Besancon, qui a été choisi pour ouvrir la série des lectures de l’ordre archéologique. Dans la section d'histoire, notre confrère M. Drapeyron a su - mériter, par son étude sur Æbroïn et saint Léger, les justes félicitations d’un grand maître, M. Amédée Thierry. Le rap- port sur le concours annuel d'archéologie, présenté par M. le sénateur marquis de La Grange, a constaté officiellement, et dans des termes aussi élogieux qu'équitables, les droits exclu- sifs de deux de nos confrères, MM. Bial et Cessac, sur la découverte qui a irrévocablement fixé l'emplacement d'Uxello- dunum. La grande Exposition de 1867 a dû réveiller en vous l’ar- deur qui nous avait valu, en 1860, la bonne fortune d’une manifestation du même genre : aussi avez-vous secondé, dans toute la mesure du possible, la mission des délégués départe- mentaux de la Commission impériale. Par trois subventions consécutives, vous avez accru le fonds destiné à permettre la visite du Concours aux instituteurs et ouvriers méritants; de plus, vous avez pris à votre charge l'impression d'une étude sur le palais du Champ-de-Mars, poursuivie au double point de vue de l'honneur et des intérêts de la Franche-Comté. — 269 — Le département du Doubs ne pouvait manquer d'être seu- sible à ces sacrifices, et son Conseil général vous l’a témoigné par une augmentation du subside que M. le préfet lui propose annuellement de vous accorder. Conformément à une habitude qui vous s honore, vous avez encore saisi plusieurs occasions d'enrichir nos on musées d'histoire naturelle et d'archéologie. Le premier de ces établis- sements a recu par vos soins une soixantaine de pièces nou- velles, habilement préparées par notre confrère M. Constantin, plus une collection de coquillages, don de M. le conseiller Proudhon. Dans le second, vous venez de déposer un moulage du célèbre autel gallo-romain de Luxeuil, exécuté et offert par l’un dés fondateurs de cette Compagnie, M. le docteur Dela- croix. Vous y avez joint une hache et un poincon de l’âge celtique, recueillis dans les tourbières du Bouchet (Seine-et- Oise) par notre confrère M. le capitaine d'artillerie Castan ; puis deux montres de style Louis XV, que vous aviez acceptées de votre président. La ville de Besancon, qui vous sait gré de ce genre de services, a comblé le plus cher de vos désirs, en abritant votre bibliothèque et vos séances sous le toit princier des Granvelle, et en pourvoyant, par le don d’une somme de six cents francs, à près d'un tiers des dépenses de cette belle installation. Vous avez accordé votre patronage à deux entreprises éga- lement intéressantes pour le pays : la reproduction photogra- phique, par les soins de votre archiviste M. Varaigne, des bas-reliefs romains de Porte-Noire, déjà moulés à vos frais sous la même direction; l'exécution en trois couleurs d’une carte de la Franche-Comté, par notre éminent confrère M. le colonel de Mandrot. Grâce à ces deux opérations, les archéo- logues pourront étudier de leurs cabinets les questions que soulève le plus orné des arcs antiques, tandis que les amateurs de nos pittoresques sites auront un guide sûr et agréable pour y diriger leurs pas. Après le magnifique volume que vous avez publié au mois L LU = #È = de mai dernier, il semblerait naturel que votre activité som- meillât quelque temps sur les hautes et nombreuses félicita- tions que ce recueil vous a procurées : l’état un peu précaire de vos finances vous le conseillerait peut-être ; mais votre foi dans l'avenir et votre rajeunissement perpétuel, résultat de vos incessantes adjonctions, vous le défendent. Vous saurez tenir un Juste équilibre entre ces deux courants; et si vos impressions éprouvent un léger ralentissement, les lecteurs seront dédommagés par leur contenu, qui n’aura ni moins de variété ni moins d’attrait que celui de vos précédents volumes. En dehors du compte-rendu de l'Exposition universelle, par MM. Résal, Cuvinot, Victor Fontaine, Chauvelot, Sire et Castan, dont la rédaction s'achève; en dehors aussi des deux lectures faites en votre nom à la Sorbonne et des mémoires qui vont remplir cette solennité, votre volume de 1867 renfer- mera les communications assez nombreuses qui ont fait le charme de nos réunions particulières. Dans l'ordre des sciences physiques, vous avez recu de notre confrère M. Berthaud, président de l’Académie de Mâcon, deux notes extrêmement lucides sur la démonstration du principe d’Archimède et sur le nombre des vibrations des sons de la gamme. Notre zélé confrère M. Marchal a continué à vous entretenir des ingénieux perfectionnements qu'il s'efforce d'introduire dans le traitement des cendres d’orfèvres et d’'horlogers : l’une de ces découvertes, obtenue avec le concours de M. Bourdy, membre de notre Société, a pour objet d'empêcher la dilata- tion trop brusque des creusets que l’on soumet au feu. Vous poursuivez, en matière d'histoire naturelle, la publi- cation de l’œuvre monumentale de M. Grenier, la Flore de la chaîne jurassique; vous ferez connaître, en outre, la monogra- phie spéciale d’un appareil fructifère, qui vous a été adressée par un autre de nos confrères, M. Francois Leclerc, de Seurre (Côte-d'Or). s Un travail considérable, qui ressort à la fois de l’histoire, — 271 — de l'archéologie et des sciences médicales, vous a été présenté par notre savant confrère M. le docteur Delacroix, si compé- tent en ces diverses branches : vous avez accepté avec empres- sement ce mémoire qui résume, dans un style attachant, les annales de la ville, de l’abbaye et des thermes de Luxeuil. Un infatigable et érudit observateur des procédés industriels de la haute antiquité, M. Quiquerez, vous a transmis une étude comparative sur les voies gauloises et romaines qui se côtoient aux abords du tunnel de Pierre-Pertuis, pour gagner de là la capitale des Rauraques; vous avez recu du même auteur une curieuse description du mobilier de quelques-uns des châteaux franc-comtois au xvr° siècle. Dans la découverte récente d’un camp romain appartenant incontestablement à l’époque de la conquête des Gaules, M. le commandant Bial à trouvé la justification de ses calculs sur l’espace nécessaire au stationnement des diverses subdivisions des corps légionnaires; vous avez été heureux d'accueillir cette . éclatante confirmation de résultats publiés antérieurement par VOS SOINS. M. François Leclerc, qui cultive avec un égal succès l’ar- chéologie et les sciences naturelles, vous a envoyé une critique motivée de l'emplacement choisi pour élever la statue de Ver- cmgétorix : elle serait, selon lui, infiniment mieux placée à Gergovie, le seul oppidum où le généralissime des, Gaules ait eu raison de la stratégie romaine ; mais si l’on tient à conserver au monument un Caractère expiatoire, c'est à Alaise du Doubs, l'Alesia des Mandubiens, qu'il devra être transporté. Ce plai- doyer est d'autant plus généreux de la part de son auteur, d'autant plus flatteur pour la cause qu'il défend, que M. Leclere appartient au département de la Côte-d'Or. Notre secrétaire, M. Castan, vous a présenté la description d’un cachet inédit d’oculiste romain, l’un des treize qui furent trouvés, en 1808, à Nais en Barrois. M. Castan vous a expliqué les inscriptions latines des quatre tranches de cette tablette; il vous a demandé de reproduire, d'après la photographie, — 272 — l'image des caractères étranges qui couvrent les plats du même objet, et dans lesquels il paraît difficile de voir autre chose qu'un memento pharmaceutique composé en grande parte de signes conventionnels, les uns analogues aux notes tironniennes, les autres aux hiéroglyphes. L'un de nos plus jeunes confrères, M. Jules Gauthier, élève distingué de l'Ecole impériale des Chartes, a exhumé la charte des franchises du bourg d'Oiselay, au début du quinzième siècle, et a soigneusement annoté ce texte pour nos Mémoires. De son côté, M. Charles Toubin, professeur d'histoire au colléce arabe d'Alger, a témoigné une fois de plus que le sou- venir de la terre natale sait avoir raison de toutes les distances : c'est comme gage de ce noble sentiment qu'il vous a fait par- venir une étude absolument neuve sur la langue Bellau, argot des peigneurs de chanvre du Jura. Sept nouvelles compagnies savantes ont demandé à faire avec la nôtre l'échange du titre de société correspondante ; vous avez accueilli ces diverses propositions, leur effet devant . concourir tout à la fois à enrichir votre bibliothèque et à vul- gariser vos propres travaux. Votre personnel s’est accru de vingt-deux membres, dont deux dans la catégorie des honoraires, neuf dans celle des résidants et onze dans celle des correspondants. La qualité, je dirais presque la dignité, de membre hono- raire vous à toujours paru devoir être la consécration d'im- portants services rendus, soit à la Société elle-même, soit an pays avec lequel ses intérêts sont identifiés. En décernant ce titre à M. Emile Blanchard, de l'Institut, vous avez voulu reconnaître la sollicitude toute particulière de ce grand natu- raliste pour nos collections zoologiques; et quant à l'élection de M. le sénateur Amédée Thierry, son but a été (Je cite vos expressions) « de consigner une fois de plus dans les fastes de la cité le souvenir des applaudissements qu'elle a eu l'insigne honneur de décerner la première aux savantes pages par — 273 — lesquelles l'illustre historien préludait à la reconstitution de notre Genèse nationale. » | Parmi les pertes que vous avez faites, aucune ne vous a été plus sensible que celle de M. Clerc de Landresse, l’un des administrateurs les plus distingués qu'ait eus la ville de Be- sancon. M. Clerc de Landresse appartenait à cette Compagnie depuis douze ans : il en appréciait l'esprit libéral et les ten- dances progressives; son dévouement ne nous a jamais fait défaut, et il est juste que sa mémoire vive honorée parmi nous. Remercions le gouvernement de l'Empereur d'avoir choisi pour lui succéder son collaborateur le plus intime, celui qu'il appelait un sage et dont vous avez recherché vous-mêmes, plus d’une fois, les bons conseils. En descendant de ce fauteuil où votre indulgence m'avait appelé, où vos sympathies m'ont soutenu, permettez-moi, Messieurs, de remettre sous vos yeux l'idée-mère qui a pré- sidé à la naissance de cette Compagnie et qui doit demeurer la formule de son développemerit. Ce qu'ont ambitionné vos fondateurs, le voici : c’a été d'organiser dans notre ville, et au cœur de la province de Franche-Comté, une association large- ment ouverte à tous les hommes d'honneur et de bon vouloir, à toutes les aspirations généreuses et utiles; ils ont voulu qu’en un temps de démocratie intellectuelle, notre pays ne fût pas privé plus que d’autres du bénéfice de cette alliance toute moderne entre la force qui conçoit et celle qui fournit aux conceptions les moyens d’éclore ; ils ont sagement prévu que dans un centre nombreux, disposant de ressources abondantes et variées, tous les ordres de connaissances pourraient être encouragés à leur tour, sans que jamais l’exclusivisme vint barrer le passage aux idées neuves, sans que jamais aussi l'utopie empiétät sur les droits du bon sens collectif. C'est là, Messieurs, un noble programme : conservons-le, parce que, capable de s'adapter à tous les temps et à toutes les circonstances, il fera indéfiniment la fortune de notre Société. 19 DE L'ORGANISATION DES ARMES SPÉCIALES CHEZ LES ROMAINS PAR M. A. DE ROCHAS D'AIGLUN Capitaine du Génie. Séance publique du 149 décembre 186%. Il est peu de sujets sur lesquels on ait autant écrit, autant discuté que sur l’armée romaine : j'ai toutefois vainement cherché dans les travaux des érudits des notions précises sur la manière dont étaient organisées, à cette époque, ce que . nous appelons aujourd'hui les armes spéciales. I] m'a paru _intéressant pour les gens du métier et utile peut-être, à un moment donné, pour les antiquaires, de combler cette lacune: c'est ce que j'ai essayé de faire dans les quelques lignes qui suivent. La légion romaine, organisée de facon à pouvoir se suffire partout à elle-même en campagne, comprenait dans son sem non-seulement toutes les espèces de corps de troupe, mais encore les services de natures diverses qui devaient assurer son armement et sa subsistance. Elle était commandée par un officier nommé præfectus legionis, qui ne reconnaissait d'autre chef que l’imperator; elle se subdivisait en dix cohortes, ayant chacune à leur tête un tribun; chaque cohorte comprenait six centuries et renfermait, comme la légion, à la fois de l'infan- terie et de la cavalerie (!). () En cherchant à assimiler les grades anciens avec les grades modernes par la comparaison du nombre d'hommes auxquels les possesseurs de ces grades étaient appelés à commander, on pourrait dire que le préfet de la légion était général, les tribuns colonels et les centurions capitaines. ht — 975 — Il n'y avait pas de troupes spéciales à l'artillerie. Chaque centurie possédait une baliste servie par l’une de ses escouades {contubernium) (*). Montées sur des affûts à roues et traînées par des chevaux ou des mulets, ces machines faisaient l'office de nos canons de campagne et pouvaient être rapidement menées partout où s’engageait l'action (?). Chaque cohorte avait en outre un onagre, que l’on transportait sur un charriot attelé de deux bœufs (%); cet engin était l'équivalent de notre canon de siége (*). Enfin la légion traînait à sa suite un équi- page de ponts de bateaux, diverses machines de siége et un approvisionnement d'outils de toute espèce. Ce matériel était acheté à l'industrie, livré aux troupes, et surveillé, quant à sa conservation, par un officier relevant directement du préfet de la légion et nommé præfectus castro- rum. Végèce définit ainsi ses attributions : « Le tracé, l'exécution et le paiement de tous les ouvrages du camp et des retranchements le regardaient. Il avait inspec- tion sur les tentes et les baraques des soldats et sur tous les bagages. Son autorité s’étendait aussi sur les médecins de la légion, sur les malades et sur leurs dépenses. C'était à lui de pourvoir qu'on ne manquât jamais de charriots, de chevaux de bât, ni d'outils nécessaires pour scier ou couper le bois, creuser le fossé, élever les palissades et se procurer de l’eau. Enfin il était chargé de faire fournir le bois et la paille à la (:) Le contubernium était composé de dix hommes qui, sous les ordres de leur chef (decanus), se partageaient la’même tente. On voit que, contrai- rement à l'opinion maintes fois émise par les historiens de l'artillerie, les Romains n’employaient pas que des esclaves au service de leurs machines de guerre. — Cf. VEGET. De re milit., lib. IT, c. xv. (?) On voit représentée l’une de ces balistes avec son char sur la colonne de Marc-Aurèle. (5) Ammien Marcellin donne (livre XXIII, chap. 1v) une description détaillée de cette machine. (*) En admettant 100 hommes par centurie (ce qui est le nombre normal), on voit que le rapport de l'effectif des troupes servant à l'artillerie, à l'ef- fectif réuni de l'infanterie et de la cavalerie était compris chez les Romains entre-le 1/9 et le 1/10. C’est la proportion encore admise aujourd'hui, — 9% — lésion, de l’entretenir de béliers, d'onagres, de balistes et de toutes autres machines de guerre. Cet emploi se donnait à un officier de mérite qui avait servi longtemps d’une manière distinguée, afin qu'il pût bien montrer ce qu'il avait pratiqué lui-même avec applaudissement (1). » Nous ferons observer, à propos de la première phrase de cet extrait, qu'avant l'invention de la poudre, la science de la fortification, telle que nous la comprenons aujourd'hui, n'existait pas. Alors que les machines de jet étaient peu puis- santes et que les armes du soldat ne pouvaient agir que de près, créer un obstacle à peu près inerte était le seul but que se proposât la défense. Il ne s'agissait pas, comme dans les temps modernes, d'élever autour des places une série d'ou- vrages étagés avec art, qui, voyant sans être vus, superposent ou croisent leurs feux de manière à prendre l’assaillant de face, de revers, d'écharpe ou d’enfilade. Pourvu que les murs d'une ville fussent assez épais pour résister au bélier, assez hauts pour défier l'escalade, ils remplissaient suffisamment leur objet : aussi étaient-ce des architectes, et non des officiers du génie, que les anciens chargeaient d’édifier leurs forteresses. Les mêmes considérations peuvent s'appliquer à ce que nous appelons maintenant la fortification passagère. Les retranche- mens se tracaient suivant un petit nombre de règles fixes et précises, bien plus du ressort du tacticien que de l'ingénieur : le général ordonnait, il n’y avait plus qu'à exécuter. Quant aux Camps volants, ils étaient la reproduction constante de deux ou trois types déterminés, parfaitement entendus au point de vue de l’ordre et de la discipline, mais où l’art entrait pour si peu que les officiers spécialement chargés d'en choisir les emplacements et d'en déterminer les dimensions étaient connus sous les titres modestes de metatores ou d’agrimen- sores (?) (mesureurs ou arpenteurs). () De re milit., lib. II, c. x. (?) VEGET., lib. 11, e. var, et lib. III, c. vis. — CiceroNis Philip., 1. XI, c. vV. — Lucani Pharsal., lib. I, v. 382. — Ammian. lib. XIX, c. xt. — 2717 — Les fonctions du præfectus castrorum étaient donc surtout administratives. Quand il s'agissait de travaux de siége qui, comme les mines, les tours roulantes ou les muscules, nécessitaient des ouvriers d’artet des connaissances scientifiques assez étendues, on avait recours à un autre préfet nommé præfectus fabrum. Celui-ci avait sous ses ordres des artisans de toute sorte : charpentiers, forgerons, mineurs, maçons, etc. (!). Il présidait aux travaux d'attaque et de défense des places, ainsi qu'à la fabrication et à la réparation des machines, charriots, outils et armes de toute espèce (?). C'était à lui de faire établir les camps d'hiver et à diriger toutes les constructions dont l’armée pouvait avoir besoin. Il avait pour auxiliaires non-seulement ses ouvriers, mais encore tous les soldats de la légion. C'est du moins ce qui se passait dans les premières années de la République où chaque homme de troupe devait porter un outil aussi fidèlement que ses propres armes (*). Mais la discipline ne tarda point à se relâcher : les cavaliers, les rengagés volontaires evocati), les porte-drapeaux, parvinrent d’abord à se faire dispenser des rudes travaux auxquels les avaient soumis les fondateurs de (?) La création des compagnies d'ouvriers date des premiers temps de Rome : d'après Tite-Live, Servius Tullius en avait formé deux centuries. Ces ouvriers, de même que les médecins, vétérinaires, musiciens, melatores, et autres employés de la légion, jouissaient, au point de vue des charges civiles, de certains priviléges énumérés dans le 50e livre du Digeste (loi VI, titre vi). (2) On a vu que ce matériel provenait en grande partie d'achats faits par le préfet des camps. Le préfet des ouvriers ne fabriquait que quand on ne pouvait avoir recours à ce mode d’approvisionnement; c’est ce qui a lieu encore, quoique sur une échelle peut-être trop restreinte, dans l’armée française. | (*) Quand il s'agissait de retranchements à exécuter au moment d'une bataille, on en chargeait plus spécialement les triaires, troupe d'élite qui servait ainsi de réserve : « Triarii erant, qui muniebant, et ab hastatis principibusque, qui pro munitoribus intenti armatique steterant, prælium initum, » (Tir. Liv. Hist., lib, VII, ec. xx11.) — 278 — la puissance romaine; le général accorda ensuite quelques exemptions dans l'infanterie comme récompense de services rendus ({), et ces exemptions devinrent peu à peu l’objet d’un honteux trafic ; les centurions, qui s’étaient arrogé le droit de les distribuer, fatiguaient, dit Tacite (?), les hommes par des corvées inutiles, jusqu'à Ce que ceux-ci eussent donné leur dernier as pour se racheter. On vit alors se former, sous le nom de munifices, une classe de soldats composée de ce que l’armée avait de plus infime. Ces malheureux, chargés de toutes les corvées, méprisés des autres soldats qui s'enorgueillissaient du titre de principales (?), avaient à peine de quoi subsister. Ammien Marcellin ne trouve rien de plus fort pour louer la sobriété de l'empereur Julien, que de dire qu'il se contentait de la vile et précaire pitance d'un soldat pionnier (*). Les munifices n'étaient même pas assimilés aux principales aux yeux de la loi : ainsi, d'après une loi de Constantin, quand l’un n'était puni que de la dé- gradation, la peine s'élevait pour l’autre à la déportation (*). Cette tache originelle les poursuivait jusque dans les cas, sans doute fort rares, où ils parvenaient aux grades supérieurs. (2) « Dépouor OÀ oi èv mepi Tôv otoarnydv émihextor melol À0OYYnvV «ai aonida, À dÈ ouh PAAQYÉ ÉvoTéy ve ai Oupedv éniuñyn, mpôc os mptova AG XODIWOV, Qunv TE Hal RÉhEXUV, mpùs dE IUGvTa ai ÜpÉTAVOV ai MAvOLV, ALEDDVY TE Tpiüv ÉgOÛtov, ds OMyov anodeiv TOY ay0opOpOUVTWY ÔpÉWY Tdv metov.» — « Les fantassins d'élite qui escortent le chef ne portent qu'une javeline et un bouclier rond : les autres ont des lances avec de longs boucliers; de plus ils portent, dans une espèce de hotte, une scie, une serpe, une hache, une pince, une faucille, une chaîne, des longes de cuir et du pain pour trois jours, en sorte qu’il s’en faut peu qu’ils ne ressemblent à des bêtes de somme. » (FLAv Josepx Bell. Judaïc., lib. II, ec. v, S 5.) (2) Annales, lib. I, c. xvir. (#) « Hi sunt milites principales qui privilegiis muniuntur, reliqui mu- nifices appellantur quia munus facere coguntur. » (VEGET. Dere mil., lib.IT, cap. VII.) (8) « Munificis militis vili et fortuito cibo contentus. » (lib. XVI, c. v.) (5) « Qui contra hanc fecerit sanctionem, promotus regradationis humi- litate plectetur, munifex pœnam deportationis excipiat. » (Codex THEODOs., lib. VITE UE,%, 1.29 — 279 — Dion Cassius rapporte un discours de Mécène à Auguste, dont l’un des objets est de proposer l'admission au sénat de quelques centurions, en en exceptant toutefois ceux qui auraient débuté par la classe des munifices, « parce que, dit le ministre, ceux qui ont porté les pieux et les corbeilles, ce serait une honte et une injure pour le sénat si quelqu un d'eux en devenait membre (!). » Cependant on ne vit jamais que par exception les esclaves ou même les paysans chargés des travaux de la guerre (?); quand le soldat n'eut plus le courage ou la force de manier la pioche, on ne fit plus ni siéges ni retranche- ments, et Végèce, qui vivait sous Valentinien, dit que de son temps on ne savait même plus fortüfier les camps (#). L'accroissement démesuré de l'empire avait alors fait dé- choir les institutions romaines de ce haut degré de perfection où des améliorations successives les avaient amenées au com- mencement de l’ère des Césars. C’est en général à cette dernière époque que se rapporte Ce que nous avons exposé précédem- ment sur l'organisation de la légion. Mais dans une étude comme celle-ci, pour laquelle il n'y a guère d’autres docu- ments que quelques allusions plus ou moins directes répan- dues cà et là dans les auteurs anciens, il est difficile de ne point commettre d'erreurs dans l'ordre des temps; et l'on s'expose même, si l'on a recours aux inscriptions, dont on ne () «..... &IV ésypagéotwoav xai ÊË Énelveov, x&v ÀEXOYAYNLOTES TLVÈS Èv TOËs HOMTILOÏS GTPATOTÉdOL WOL, TARV TOY ÊV TG TETAYLÉVE ÉGTPATEULÉVWOV. Toÿtewv LLÈY yAD TV ZA POPLOPOLNTAVTWV, 4AÙ AUGXOPOPNTAVTWV, XAÙ ais ypOV za énovelôuoroy éctiv èv t@ Boudevtix& Tivac éÉerdteorau. » ( Dion. Cass. Hist. rom., lib. LIE, c. xxv.) (2) Les soldats romains étaient accompagnés à la guerre d'esclaves nom- _més calones, qui leur servaient de valets. Tite-Live nous apprend (liv. IX, c. xxxvI1) qu'on leur faisait quelquefois défaire le camp : « Dolabræ calo- nibus dividuntur ad vallum proruendum fossasque implendas. » César raconte qu’une ou deux fois il fit exécuter des retranchements par des paysans, afin de ménager ses soldats épuisés par une longue marche et menacés d'une attaque. (8) « Hujus rei scientia prorsus intercidit : nemo enim jamdiu ductis fossis præfixisque sudibus castra constituit. » (De re milit., lib. I, c. xxr.) — 280 — peut toujours déterminer la date, à juxtaposer des faits en réalité séparés quelquefois par des siècles. Nous devions faire cette réserve avant d'emprunter à l'épigraphie quelques détails sur la condition des préfets des camps et des ouvriers à l'époque romaine. Il résulte des inscriptions rapportées à la suite de cette notice, et empruntées aux recueils de Reinesius et de Gruter, que ces officiers étaient en général revêtus du grade de tribun et de dignités municipales ou religieuses d’un ordre élevé (inscript. n° 3, 6, 7, 8, 9), et que souvent ils avaient occupé, dans le cours de leur carrière, les fonctions les plus diverses même en dehors de l’ordre militaire. Ainsi quelques-uns se glorifiaient du simple titre d'ouvrier (inscr. n° 1); d’autres avaient été sénateurs dans les colonies romaines (n° 2), édiles (n° 3), questeurs (n° 4), généraux de cavalerie (n° 5) ou ami- raux (n° 6) : peut-être même cumulaient-ils quelques-unes de ces charges. Quoi qu'il en soit, ce que nous savons de certains præ/fecti fabrum montre que, dès les derniers temps de la République, ces fonctionnaires étaient déjà des personnages fort impor- tants. Turpilius, préfet des ouvriers de Metellus et son ami parti- culier, fut nommé par ce consul gouverneur d'une ville im- portante qui allait être assiégée (!) Théophane de Mytilène, à la fois ingénieur et poète, reçut de Pompée le titre de citoyen romain aux acclamations de l’armée (?) : ce fut à sa considération que le grand général épargna Mitylène qu'il avait prise d'assaut (). Il nous est resté deux lettres adressées par Cicéron à Quintus Lepta, qui avait été sous ses ordres pendant son proconsulat en Cilicie, et cette correspondance témoigne d’une grande (?) PLUTARCHI C. Marius, ©. vin. {?) CICERONIS Oralio pro Archia, c. x. (?) PLUTARCHI Pompeius, c. xLH; Cicero, ©, XXXVIH, — 281 — intimité entre le prince des orateurs et son ancien ingénieur militaire (t). Cette intimité était du reste assez naturelle; car le préfet des ouvriers, au lieu d'être choisi par le peuple comme les autres officiers de la légion (?), était nommé directement par le général en chef (*) dont il était habituellement la créature. Il en résultait des abus de toutes sortes, que facilitait une impunité à peu près certaine ; et, comme officier du génie, Je confesse à regret qu'au milieu de la corruption générale, nos prédécesseurs romains trouvaient encore le moyen de se faire remarquer par leurs prodigalités insolentes et leurs vices éhontés. « Le premier, dit Pline, qui fit voir à Rome, sur le mont Célius, un bâtiment revêtu de marbre, est, selon Cornelius Nepos, Mamurra de Formies, chevalier romain, préfet des ouvriers de César en Gaule. Qu'on ne s’indigne pas de voir un pareil personnage donner l'exemple d’un si grand luxe : c'est ce Mamurra, déchiré par les vers du poète de Vérone (#), et sa maison, mieux encore que les vers de Catulle, prouve qu'il possédait en effet tout ce qu'avait possédé la Gaule che- velue. Selon le même Nepos, toutes les colonnes de cet édifice étaient de marbre, et de marbre massif de Caryste ou de Luna (5). » à Cornelius Balbus, autre préfet de César, ne paraît pas avoir été beaucoup plus scrupuleux, témoin ce passage d'un plai- @) Ciceronis Epistol., lib. VI, ep. xvur et x1x. (2) Pozys. Histor., lib. VI, c. v. (*) « OÙtGros, Etedds àvñp, &Ada te noddà thc Kixépwvos quias àmoke- - Aavzbe ai YEyovbS DTaATEUOVTOS AÜTOŸ TEXTOVWY ÉTÉpYOc...… » (PLUTARCHI Cicero, ©. xxx. (*) Quis hoc potest videre, quis potest pati, Nisi impudicus, et vorax, et aleo, Mamurram habere, quod Comata Gallia RE ee 6 ste à (CATULLI carm. xxIx in Cœæsarem.) (%) Pin Hist, natur., lib. XXVI, c. vu. — 282 — doyer de Cicéron en sa faveur : « Et pourquoi l’amitié de César, au lieu de mettre le comble à la gloire de Balbus, lui causerait-elle le moindre tort? Dès sa jeunesse, il a connu César; il a plu à cet homme éclairé qui, dans la foule de ses amis, l'a distingué comme un de ses intimes. Dans sa préture, durant son consulat, il l’a créé préfet de ses ouvriers; il a goûté sa prudence, apprécié son dévouement, agréé ses bons offices et son affection. Balbus a partagé d’abord presque tous les travaux de César : peut-être participe-t-il aujourd’hui à quelques-uns de ses avantages... (1) » En résumant ce que nous venons d'exposer, on voit : 1° À la tête de la légion, un préfet commandant, d’une. facon directe et constante, à la fois les tribuns chefs des corps militans et les préfets particuliers des camps et des ouvriers; 2° Le préfet du camp réunissant dans sa main les services administratifs et exerçant la police sur tout le matériel de la légion ; 3° Le préfet des ouvriers fabricant les engins et les armes de toute sorte, et chargé de diriger tout ce qui est œuvre d'art ; 4° Les corps de troupes exercés au maniement de toutes les armes, y Compris celui des grosses machines de jet, et servant aux travaux des siéges sous la conduite de quelques hommes SpéClAUX ; o° Les préfets des camps et des ouvriers occupant dans la hiérarchie militaire un rang élevé et ayant rempli à l'armée des charges diverses, ce qui tendait à les préserver de l'esprit étroit et routinier inhérent à l'exercice permanent d'une même fonction. En langage moderne, ces cinq paragraphes se traduiraient ainsi : | Permanence pendant la paix de l’organisation de guerre des divisions ; | (1) CicERONIS Oralio pro L. C. Balbo, c. xxvur. re 28 Annexion à l'intendance de la partie administrative du ser- vice du corps d'état-major; Réunion des états-majors particulier de l'artillerie et du génie ; Séparation de ces états-majors d'avec les corps de troupe qui portent le même nom; ‘ Recrutement par voie de concours du personnel des premiers dans celui des seconds. Les officiers que l'on qualifie volontiers aujourd'hui d'uto- pistes quand ils formulent des propositions semblables, ne se doutent probablement pas, pour la plupart, qu'ils peuvent invoquer comme précédent l'exemple de la légion qui a donné aux Romains l'empire du monde. — 284 — INSCRIPTIONS JUSTIFICATIVES I DIS MANIBVS SACRVM GC. ANCHARIVS C. L. EVTYCHVS FABER FERRARIVS LEG. XX. GEMINAE L. ANCHARIVS C. F. PHILOSTORGVS FABER LIGNAR. MACHIN. BELL. Q. ANCHARIVS L. F. NICOSTRATVS FAB. ET PRAEF. FABR. LEG. XX. FECER. LOC. DONAT. IN FR. P. XI. IN AGR. PEDES XIIIT. (Reixesn Syntagma inscript., cl. VITE, n° zxv.) I L. GOSSIO ORIENTI. LO EX. QVINQVE PRAEF. FABR. II DECVRIONI (GRUTERI Corpus inscript., p. MXCOV, n°3.) III Q. CAESIO. Q. F. FAL. FISTVLANO CVRATORI. OPER PVBLICOR. DATO A. DIVO. AVG. VESPASIAN AED. Q. IIVIR. PRAEF. FABR (GRUTERI Corpus, p. MXCII, n° 4.) — 285 — IV LE À LA A. OP RRE AIO SALANCG:..e.... PRAEF. QUINQ. TI. CAESARIS PRAEF. QUINQ. NERONIS.. ET. DRVSI CAESARVM. DESIGNATO. TVB. SAC. PR AED. III. AVGVRI. INTERREGI TRIB. MILIT. LEG. II. AVGVST LEG. X. GEMINAE. PRAEF. EQVIT PRAEF. CASTROR. FRAEF. FABR OPPIA. 'VXOR (GRUTERI Corpus, p. CCCCXCI, n° 10.) VI SEX. AVIENO. SEX. F. ANI PRIMOPIL. II. TR.-MIL. PRAEF. LEVIS. ARMAT PRAEF. CASTR. IMP. CAES. AVG. ET. TI. CAESARIS. AVGVSTI PRAEF. CLASSIS. PRAEF. FABR. IT. VIR. VENAFRI. ET. FORO. IVLI FLAMINI. AVGVSTALI NEDYMVS. ET. GAMVS. LIB (GrurTERI Corpus, p. CCCLXX, n° 1. CG. AVES ST RCE OURS SACERDOS. ROMAE. ET. AVGVST. AD. ARAM QUAE. EST. AD CONFLVENTEM. PRAEFECTVS. FABRVM. D (GRUTERI Corpus, p. CCXXXV, n° 5:) VIII L. BAEBIVS. L. F. GAL. IVNCINVS PRAEF. FABR. PRAEF. COH. III. RAETORVM TRIB. MILIT. LEG. XXII DEIOTARIANAE PRAEF. ALAE. ASTYRVM PRAEF. VEHICVLORVM - IVRIDICVS AEGYPTI (GruTER: Corpus, p. CCCLX XIII, n° 4.) IX FORTVNAE. SACRVM P. OBSIDIVS. P. F. RVFVS. III. VIR TR. MIL. LEG. III. SCHYTH PRAEF. FABR (GrurEer: Corpus, p. LXXII, n° 9.) | LE PHILOSOPHE s THÉODORE JOUFFROY D'APRÈS SA CORRESPONDANCE AVEC CHARLES WEISS PAR M. JULES GÉRARD Professeur de philosophie au Lycée impérial de Besançon, Séance publique du 19 décembre 1863. Le nom de Jouffroy est au nombre de ceux qui ont de bonne heure appelé l'attention de tous les maîtres de la philo- sophie et de la critique, et ses œuvres comme son talent ont été l'objet d’études multipliées. Aussi n'aurais-je point osé m'essayer à parler de lui à mon tour, si je n’avais trouvé à la fois une occasion et une excuse dans cette correspondance précieuse, pieusement recueillie par M. Weiss et léguée par son patriotisme à la bibliothèque de notre ville. II m'a semblé qu'en placant en tête de ces lignes le nom de cet homme aimable et vénéré dont on ne peut sans émotion et sans regret évoquer le souvenir, je me concilierais l’indulgence de mes auditeurs, et j'ai espéré que les nombreux amis de M. Weiss me pardonneraient de revenir sur la mémoire, déjà souvent célébrée, de notre philosophe, si je la présentais, pour ainsi dire, sous le patronage de celui dont le temps ne peut leur faire oublier la perte. I Peu d'époques dans l'histoire des lettres présentent un spec- tacle plus attachant que cette période qui s’écoula dans notre pays de 1520 à 1840. D’autres temps ont vu surgir des œuvres — 288 — plus grandes tt plus durables; mais jamais on ne vit toutes les curiosités s'éveiller avec plus d'ensemble et de force; jamais activité intellectuelle plus générale et plus vivace ne règna dans le monde; jamais surtout il n'y eut un plus complet accord entre la féconde variété des talents qui se produisaient et l'enthousiasme du public, passionné pour les œuvres de l'esprit et tout animé, lui aussi, de nobles espérances. Poésie, critique, histoire, philosophie, tout se renouvelait à l'envi avec le même éclat. Des voies plus larges s’ouvraient de toutes parts, et toute une armée d'esprits jeunes et vigoureux s'y élançait avec transport. Mais c'était surtout autour des chaires, nouvellement relevées, de la Sorbonne et du Collége de France que se pressaient les jeunes générations, avides d'idées nou- velles et de nobles croyances. Ce fut l’âge d'or du haut ensei- onement en France. | L'éloquence et la science se donnaient rendez-vous dans ces tribunes pacifiques, où, animés par la généreuse passion du beau et du vrai, des maîtres illustres faisaient naître à la fois dans leur auditoire les puissantes émotions et les grandes pensées. Dans cette pléiade d'hommes éminents, Jouffroy représente dignement la Franche-Comté. L'illusion même du patriotisme ne saurait, sans doute, élever notre philosophe jusqu’au rang supérieur d'où les Villemain, les Guizot, les Cousin dominaient toute la génération qui marchait à leur suite. Mais, à côté de ces grands hommes, il y avait encore de belles places à prendre; et si le nom de Jouffroy ne fut pas au nombre de ceux qui jetèrent le plus d'éclat, sa figure, du moins, fut l’une des plus nobles et des plus pures, l’une des plus dignes d'intérêt et de sympathie, et, par certains côtés, l’une des plus originales de cette époque. Ce n’est ni dans la hardiesse des vues, ni dans la profon- deur des conceptions qu’il faut chercher les titres de gloire de Jouffroy. Sa philosophie fut animée de ce même esprit qui, venu de l’Ecosse, avait déjà fait le succès de l’enseignement de Royer-Collard. Ce fut la philosophie du bon sens avec son — 289 — amour de la précision et de la clarté, son goût pour les obser- vations et pour les faits, sa haine des hypothèses et des systèmes, sa méthode prudente et circonspecte. On put croire même, au début de sa carrière, qu'il pousserait le scrupule jusqu'à la ümidité, lorsque, en face de questions difficiles, il laissa échap- per l'expression sincère de ces doutes qu'on a tant calomniés. Mais on vit bien plus tard que son esprit, affermi par les lon- gues méditations et la vue plus claire de la vérité, n’emprun- terait aux Ecossais que leur sagesse, devenue par lui plus lumineuse et plus sûre d'elle-même. On l’a traité de sceptique, et pourtant ce fut lui qui, s'inspirant à la fois de Descartes et de Maine de Biran, et appliquant à la démonstration de la spiritualité de l'âme une rigueur et une simplicité toutes nou- velles, vint, au sein même de l’Académie des sciences morales, engager la lutte avec le matérialiste Broussais et le forcer à s'avouer vaincu par les admirables analyses du Mémoire sur la distinction de la Psychologie et de la Physiologie. Jamais la morale philosophique ne parla un langage plus élevé; jamais elle ne consacra par de plus solides démonstrations des pré- ceptes plus nobles que ceux que puïent recueillir autour de la chaire de Jouffroy les auditeurs du Cours de droit naturel, et, depuis Platon peut-être, nul philosophe ne trouva en faveur des sublimes espérances de l’immortalité des arguments plus forts et des termes plus éloquents que ceux qui ont rendu fameuse la Leçon sur la destinée humaine. Mais il y avait dans Jouffroy quelque chose de plus grand encore que sa doctrine : c'était son âme elle-même, éprise pour la vérité d’un de ces amours profonds et souverains qui suffisent à justifier une renommée et à expliquer une influence. I était de cette famille de grands esprits qui cherchent moins dans la science la satisfaction d’une noble curiosité qu'une foi, une croyance morale, je dirais presque une reli- gion, et qui, altérés de la vérité, souffrant quand ils ne la rencontrent pas, ne peuvent cependant se contenter qu'à bon escient, el armés, en quelque sorte, contre eux-mêmes d’un 20 — 290 — impitoyable bon sens, sont jusqu'au bout, même au prix de leur repos, sincères avec eux-mêmes. La vie intérieure fut de bonne heure pour lui toute la vie, et les découvertes ou les déceptions rencontrées dans ses recherches furent les événe- ments qui retentirent le plus profondément dans son âme : aussi ne partagea-t-1l que fort peu le goût des études histo- riques par lesquelles la philosophie cherchait alors à se re- nouveler. S'il ouvrait les Livres des philosophes, c'était plutôt pour apprendre où en étaient les questions, que pour leur en demander la solution. Il en vint bientôt à se persuader qu'il ne comprenait bien que ce qu'il avait trouvé lui-même. Il cherchait donc dans le silence de la méditation solitaire, per- dant, comme il le dit lui-même, tout sentiment des choses du dehors; 1l cherchait avec une sorte de calme passionné, met- tant la possession du vrai au-dessus de tout, même au-dessus de son propre désir, s’avançant à la fois avec impatience et avec circonspeelion, avide d'atteindre le but, mais prêt à s’ar- rêter à moitié chemin, plutôt que de faire un pas sur le terrain qu'il aurait senti vaciller sous ses pieds. A voir sa pensée ‘revenir sur elle-même etse plaire, en quelque sorte, à ébranler sa foi pour la rendre plus solide, on comprenait qu'il ne pou- vait se contenter autrement que par la possession d’une vérité à toute épreuve. On eût dit un artiste qui, dans sa lutte avec un idéal qui lui échappe et qu'il veut fixer à tout prix, déchire vingt fois sa toile et brise ses pinceaux, pour recommencer son œuvre avec un courage que la défaite même ne peut abattre. Lui aussi il était artiste : l'artiste de la recherche philosophique et de la méditation intérieure. Il le fut par cette méthode qui, ne s’arrêtant jamais à une idée vague ou à moitié éclaircie, s'obstinait jusqu'à ce qu'elle Le fût complètement, la décom-- posait dans toutes ses parties, la considérait sous toutes ses faces, jusqu'à ce qu'aucune obscurité ne donnât plus prise à son analyse opiniâtre. Il le fut aussi par ses enthousiasmes d'un moment et par la mélancolie qui vint si souvent les trou- bler. Fort de son amour même pour la vérité, de sa sincérité 2. | Mfes et de son bon sens, il se flatta un moment de donner à sa science chérie une base inébranlable, de faire cesser les dis- cussions, et, suivant ses propres expressions, « d'organiser la philosophie. » Il entrevit des horizons dont l'aspect exalta ses espérances, et 1l entonna, avec une grandeur dont on ne peut se défendre d’être ému, ce qu'on pourrait appeler le Chant du départ de la philosophie. Mais la sincérité et la candeur de son esprit le retinrent presque toute sa vie sur les premiers problèmes de la sciente : 1l fut obligé de poser bien des ques- tions, sans se croire capable de les résoudre; il n’arriva point à se satisfaire. De là cette sorte de tristesse résignée dont sa belle âme fut de bonne heure frappée, au milieu même de ses succès. Il ne se souleva pas contre ces impuissances de sa pensée avec cette âpreté d'angoisse et de désespoir qui ont rendu à jamais célèbre le nom de Pascal; mais il souffrit silencieusement, blessé dans son plus. cher espoir, et cette mélancolie austère, signe de sa souffrance, devint un caractère essentiel de son talent. C'est par de telles qualités que Jouffroy exerca une si pro- fonde influence sur les disciples d'élite qu'il attira autour de lui, d’abord dans sa pauvre chambre de la rue du Four, et plus tard autour des chaires de la Sorbonne et du Collége de France. M. Mignet nous a conservé en traits délicats le sou- venir de ce mélancolique jeune homme, dont la figure grave et belle avait des expressions si douces et si fières, si sérieuses et si tristes, dont les yeux, d’un bleu pâle et d’une lenteur réfléchie, ne se laissaient pas détourner des contemplations intérieures; et la belle statue de Pradier, que possède notre bibhothèque, nous permet de reconnaître encore aujourd'hui. que sur son visage son âme respirait avec tous ses nobles caractères. Cet extérieur était d'accord avec son enseignement, qui nétait, en quelque sorte, que sa méthode même de recherche mise en acte devant son auditoire. 11 semblait, en parlant, qu'il continuât tout haut sa méditation solitaire, et qu'il fût plus soucieux de se convaincre lui-même que d’éclai- — 292 — rer les autres. Il n’annoncait pas la vérité à ses disciples, il la poursuivait avec eux. « C'était moins encore, comme on l'a dit avec finesse, une parole extérieure qu’une parole intérieure. Rien n'était donné à la curiosité littéraire, rien non plus à l'effet oratoire. Sa conscience se dévoilant, l'idée devenue visible sans perdre son essence d'idée pure, un geste sobre et fin dessinant en quelque sorte la forme idéale de la pensée, une voix faible mais timbrée par l'âme, voilà ce qui frappait un-auditoire assidu, pour qui Jouffroy était comme un révé- lateur du monde intérieur (!).» On était bien loin, sans doute, de cet enthousiasme communicatif, de ces mouvements impé- tueux, de ces formes vives et saisissantes qui retenaient les admirateurs autour de quelques chaires voisines. Mais l'exemple même de son effortet la contagion de sa sincérité étaient plus puissants sur ses disciples que tout l’art de l’orateur le plus dramatique. Comment se serait-on défendu de croire devant un homme qui semblait s’effacer pour laisser parler la vérité ? Et comment aurait-on pu éprouver quelque désir ou quelque regret, quand on avait mieux que l'éloquence : la pensée même d'un grand esprit mise à nu devant ses auditeurs ? Il Par cette sincérité de sa pensée, par cette simplicité austère de son talent, par cette élévation morale, Jouffroy était le véritable représentant de son pays, et l’on peut dire qu'il faisait d'autant plus d'honneur à la Franche-Comté, que c'était à des qualités franc-comtoises, idéalisées en lui, qu'il devait son succès. C'est ce que font ressortir, avec le charme nouveau de l'abandon et de la familiarité d’une correspondance intime, les lettres de notre philosophe à M. Weiss. Ces lettres, qui commencent avec le premier séjour de Jouffroy à Paris pour ne finir presque qu'à la veille de sa mort, nous font apercevoir @) E. Caro, Revue des Deux-Mondes, n° du 15 avril 1865. | | — 293 — successivement les différentes phases de sa vie. Les unes, animées d’une verve contenue et parfois d’une sorte de gaité humoristique et maligne, nous rappellent les années de sa jeunesse active et militante, alors qu'enrôlé parmi les rédac- teurs du Globe, il quittait parfois les sereines régions de la philosophie pour descendre sur le terrain plus âpre et plus troublé de la polémique. D'autres datent du temps de sa ma- turité et de l’époque où sa réputation, agrandie et affermie, l'avait appelé à la chaire du Collége de France et à la Chambre des députés. Ecrites d’un ton plus grave, elles sont de plus en plus empreintes aussi de ces sentiments mélancoliques que lui inspiraient à la fois et ces déceptions intérieures dont nous avons parlé, et sans doute aussi l’affaiblissement de jour en jour plus marqué de ses forces. Mais toutes elles nous révèlent également le caractère noble et droit, le cœur généreux, qui pouvaient seuls s’allier à sa grande âme. Il suffit de songer à la constante fidélité de cette correspondance, prolongée durant près de vingt années, malgré tant d'affaires et de travaux; il suffit surtout de recueillir au milieu d'elle les mille traits touchants et délicats que son amitié lui suggère, pour sentir quelle souree d'affection était en lui, sous l’austérité apparente du dehors, pour comprendre qu'il était de ceux qui connaissent ce goût de la pure amitié, où ne peuvent atteindre, suivant La Bruyère, « ceux qui sont nés médiocres. » Mais il est une affection dont l'expression domine toutes les autres dans cette correspondance, et qui, également marquée partout, forme comme le fond sur lequel les autres se détachent : c'est l'amour qu'il avait voué à la Franche-Comté. Parmi les pensées privilégiées qui pouvaient lutter dans son âme avec l'amour de la science, celle du pays natal était évidemment la plus forte. Il avait pour lui un attachement de poète et de patriote tout à la fois. De ses premières années passées dans la montagne, 1l avait gardé pour ces sévères et grandioses paysages du Jura un goût qui ne se démentit jamais. A Paris, il était parfois comme épris de leur souvenir, et, ne pouvant — 294 — s'en détacher, 1l s'imaginait les aimer encore plus de loin que de près : «Je ferais volontiers des Bucoliques, écrivait-il alors, tant j'ai besoin de campagne. Virgile devait être dans la pous- sière de Rome quand il composait les siennes; on ne sent les choses que de loin : la perspective est la condition de la pein- ture, et l'absence celle de l'amour. » Aussi avec quel empres- sement et quelle joie 1l revenait chaque année se reposer dans ces lieux amis des labeurs de la pensée et des fatigues de là vie de Paris! Que de fois l'écho de cette joie se fait entendre dans la correspondance ! Que de fois M. Weiss est convié à aller embellir de son amitié cette chère solitude, ét à aller lire à son ami les chapitres commencés de ses livres, « sur les sommets ombragés du Jura, en regardant les Alpes et en écoutant les clochettes des troupeaux! » Mais c’étaient les intérêts de la Franche-Comté qui lui étaient chers avant tout. Il n’attendit pas, pour s'en préoccuper, que les suffrages de ses concitoyens l'eussent investi du mandat de représenter à la Chambre et de défendre ces intérêts. On peut dire quil n'y a pas une de ses lettres où il ne soit question de quelque affaire utile au pays; et ce n’est pas dans le temps où sa réputation ne faisait que de naître, que Ces préoccupations patriotiques étaient les moins vives. Seulement, en vrai philosophe, c'était surtout des intérêts moraux et intellectuels qu'il se montrait soucieux. Tout ce qui pouvait tendre à agrandir les connaissances, à élever les esprits, était pour lui l'objet d’une sollicitude presque pas- sionnée. Il souhaitait, il aurait voulu donner à Besançon les professeurs les plus distingués. Il excitait M. Weiss à se faire le centre d’une société philosophique qui eût attiré l'élite des jeunes gens d'alors, et occupé de graves études une partie de leurs loisirs. Et, chose remarquable! c'était moins la philo- sophie que le patriotisme qui lui inspirait ce désir. I com- prenait tout ce que l’habitude de la réflexion et des pensées sérieuses peut produire dans les âmes; il redoutait cet affais- sement des intelligences assoupies au sein des jouissances — 295 — matérielles ; et il lui semblait que celui-là seul peut être un vrai Citoyen, qui fait sa compagnie ordinaire des idées géné- reuses, et sait élever ses regards au-dessus des biens positifs et des occupations vulgaires. | En même temps, soucieux des titres de gloire de la Franche- Comté dans le passé, 11 excitait M. Weiss à entreprendre cette histoire littéraire de la province qui devait être l’œuvre de sa vie, et dont il n'est resté malheureusement que des notes inachevées. Il fut l'un des plus ardents promoteurs de la publication des papiers d'Etat du cardinal Granvelle : la cor- respondance nous le montre stimulant, dans vingt lettres, le zèle du comité chargé de cette publication, signalant les erreurs ou les lacunes et poussant le dévouement jusqu'à corriger de ses propres mains les épreuves qui sortaient de l'imprimerie royale. Il eût fait plus encore, sans doute, si une énergie plus à l'épreuve et une habileté pratique plus exercée l’eussent appelé à jour un rôle politique véritable, et à acquérir l'influence attachée à un semblable rôle. Mais les qualités même qui en faisaient le philosophe ému et sincère que nous avons essayé de dépeindre, devaient l’éloigner de la vie active et des combats de la politique. Les âpres mêlées des passions et des intérêts n'étaient pas faites pour son âme délicate et sensible à l'excès. « Dans cette épreuve de la vie publique, dit M. Villemain avec une pénétrante justesse, 1l obtint plus de considération que de bonheur. » Le désir d’être utile à ses concitoyens le maintint seul à la Chambre. Bien revenu des emportements parfois excessifs de sa jeunesse, il voyait avec douleur les excès du parti même auquel il était attaché, et sa modération lui suggérait des craintes que l'avenir ne devait que trop jus- tifier. Dans plus d’une de ses lettres, on surprend la plainte à demi-étouffée que lui arrachaient les luttes pénibles dont il eut plus d'une fois à souffrir, ou l'expression des inquiétudes qui envahissaient son âme. Toutes les fois que de tels sujets se présentent sous sa plume, le ton grandit, le style s'élève, — 296 — et l'on sent à l'expression presque toujours douloureuse qui s’exhale, que le cœur du savant battait bien fort pour d’autres intérêts que ceux de la science. Mais les intentions droites, la fierté des sentiments et la grandeur des vues ne suffisent pas dans cette carrière agitée où il se trouvait engagé; il le comprit bientôt lui-même, et de bonne heure songea à déposer un trop lourd fardeau. Avant le temps où sa faiblesse croissante lui fit une nécessité d'aller demander au ciel plus doux de Pise des forces qui, hélas! ne devaient pas revenir, il ne pouvait s'empêcher d’as- pirer au moment où 1l lui serait donné, dans une philoso- phique retraite, de reprendre ses études interrompues et de se livrer tout entier à ses travaux : « Mes belles années sont passées, écrivait-1l alors, ma vie décline et je voudrais laisser quelque trace de mon passage; j'ai tant de choses à écrire! il est temps que je me mette à l'œuvre si je ne veux pas être surpris avant d'avoir rien fat. » Ce suprême désir ne devait pas se réaliser. Obligé d’aban- donner, en 1839, sa chaire du Collége de France, Jouffroy dut, en 1841, se retirer de la Chambre des députés, où sa santé affaiblie ne lui permettait plus de siéger. Maïs ce ne fut pas pour s’enfoncer dans cette studieuse retraite après laquelle il soupirait; ses forces épuisées ne lui permettaient plus même le travail : il ne put, suivant ses propres expressions, que se retirer de son cœur dans son me, de son esprit dans son intelli- gence, et se rapprocher de la source de toute paix et de toute vérité. « La maladie, disait-il, est certainement une grâce que Dieu nous fait, une sorte de retraite spirituelle qu'il nous ménage, pour nous reconnaître, nous retrouver et rendre à nos yeux la véritable vue des choses. » Qu'on songe cependant à ce qu'il dut souffrir, en voyant peu à peu ses forces décroiître et la vie se retirer, avant qu'il eût rempli la mesure de son talent, alors peut-être que commencaient à luire à son esprit ces pensées définitives, « résultat suprême d'un grand travail — 297 — intérieur et fruit de la vie, » toutes prêtes pour une œuvre qui eût énfin été digne de lui. Toutes ces tristesses et tous ces regrets éclatent avec une éloquence au-dessus de laquelle il ne s’éleva jamais, dans le discours qu'il écrivit, presque au dernier jour de sa vie, pour la distribution des prix du lycée Charlemagne. « La vie, disait-il aux Jeunes gens qui l’écoutaient, je l’ai en grande partie parcourue, j'en connais les promesses, les réalités, les déceptions; vous pourriez me rappeler comme on l'imagine, je veux vous dire comment on la trouve, non pas pour briser Ja fleur de vos belles espérances (la vie est parfaitement bonne à qui en connait le but), mais pour prévenir des méprises sur ce but même, et pour vous apprendre, en vous révélant ce qu'elle peut donner, ce que vous avez à lui demander et de quelle manière vous avez à vous en servir. On la croit longue, _elle est très courte, car la jeunesse n’en est que la lente prépa- ration, et la vieillesse la plus lente destruction. Dans sept ou huit ans, vous aurez entrevu toutes les idées fécondes dont vous êtes capables, et il ne vous restera qu'une vingtaine d'années pour les réaliser. Vingt années! une éternité pour vous, en réalité un moment! Croyez-en ceux pour qui ces vingt années ne sont plus : elles passent comme une ombre, et il n'en reste que les œuvres dont on ies a remplies. Apprenez donc le prix du temps, employez-le avec une infatigable, avec une jalouse activité. Vous aurez beau faire, ces années qui se déroulent devant vous comme une perspective sans fin n’ac- compliront qu'une faible partie des pensées de votre jeunesse; les autres demeureront des germes inutiles, sur lesquels le rapide été de la vie aura passé sans les faire éclore, et qui s'éteindront sans fruit dans les glaces de la vieillesse. » L'éloquente tristesse de ces paroles, et l’enseignement mé- lancolique qu'elles contiennent, résument la vie de Jouffroy, son talent et les causes de sa renommée. Il Tut grand surtout par le généreux élan qui emporta son âme vers les sublimes — 298 — horizons de la vérité entrevue; il fut grand par cette souffrance que laissèrent en lui ses efforts impuissants et ses espérances trompées; il fut grand enfin parce qu'il personnifia en lui l'amour désintéressé de la science, l'élévation morale, une sorte de piété philosophique et de dévotion à la vérité. LES ARMOIRIES SONT-ELLES L'APANAGÉ EXCLUSIF DE LA NOBLESSE ? PAR M. A. DE MANDROT Lieutenant-Colonel à l’Etat-major fédéral suisse. Séance publique du 49 décembre 1863. Les armoiries sont-elles l'apanage exclusif de la noblesse ? Voilà une question à laquelle maint de mes auditeurs ré- pondraient sans hésiter d’une manière affirmative; et pourtant cette opinion ne serait pas plus vraie que celle qui attribue aux souverains seuls le droit de permettre l'usage de ces signes honorifiques, pas plus fondée que celle qui considère comme signes de fantaisie les armes portées par telle famille qui n'a jamais prétendu à la noblesse. Je ne voudrais pas affirmer qu'au moyen âge ce qui se pratiquait dans un pays, ou dans une de ses parties, a dû nécessairement se pratiquer dans toutes les provinces du même pays, à plus forte raison dans une contrée voisine. Cependant une coutume, légalement établie dans un pays, semble pouvoir se retrouver également dans une région limitrophe de la pre- mière, surtout lorsque ces deux circonscriptions ont eu de tout temps, et au moins jusqu'au seizième siècle, des rapports constants et intimes. Je me bornerai donc à parler de l'usage des armoiries däns ma patrie d'origine, le canton, soit l'ancien pays de Vaud; mais je Crois que de l'usage vaudois on peut, sans grande hardiesse, conclure que la même règle existait aussi de l’autre côté du Jura. Il ne faut pas oublier que jusqu'en 1476, les seigneuries d'Orbe et d'Echallens faisaient partie de la Bour- — 300 — gogne, et que néanmoins, pour l'usage des armoiries, on y suivait les errements du pays de Vaud au cœur duquel elles étaient situées. Dans la Suisse romande, et surtout dans le pays de Vaud, soumis jusqu'en 1536 à la maison de Savoie, les armoiries ne se fixent qu'au treizième siècle, et, même à cette époque, des actes nombreux nous attestent que la petite noblesse allodiale n'avait point encore de sceaux. Lorsqu'il s'agissait de sceller un acte, on priait tantôt le grand seigneur le plus voisin, tantôt le chef d’une maison religieuse de la contrée, d'apposer son sceau. Il va sans dire que dans le même temps 1l ne peut être question de sceaux pour la noblesse ministérielle, c'est- à-dire de celle qui tenait en fief des offices de la haute noblesse ou des maisons religieuses. Il se pourrait que la petite noblesse allodiale et ministérielle eût porté déjà des armoiries; mais, dans la Suisse romande, il n'est resté d'elle n1 sceau ni pierre tumulaire blasonnée de cette époque. Au quatorzième siècle, la petite noblesse allodiale et la noblesse ministérielle commencent à se confondre. Il est vrai ue les petits nobles ont presque tous perdu leur indépendance en entrant dans la vassalité des grands feudataires. Des mi- nistériaux obtiennent la qualité de chevaliers dès le treizième siècle : or, les chevaliers, qui marchaient de pair avec les sires ou hauts barons, puisque dans les actes on leur donne comme à ces derniers le titre de dominus, les chevaliers, dis-je, prirent des armoiries: les autres membres de leurs familles les imi- tèrent, bien que n'ayant pas la même dignité : de sorte que vers la fin du susdit siècle la petite noblesse avait généralement armes et SCeaux. À Mais pendant que la noblesse ministérielle montait pour ainsi dire en grade, une autre classe de la société s'était fait aussi sa place au soleil. Du neuvième au onzième siècle, il est évident, par plusieurs chartes, que dans la Suisse romande on trouvait un nombre considérable d'hommes libres possédant leurs biens en franc alleu. C'est sans doute à cette classe — 301 — d'hommes que l’on présentait, suivant les anciens actes, le roi élu par les grands du royaume de Bourgogne transjurane ; c'était elle qui, par ses acclamations, ratifiait les suffrages de l'aristocratie : populus laudabat, disent les documents. Or, le mot populus ne peut s'entendre des serfs qui, représentés par leurs seigneurs, n'avaient personnellement aucun droit poli- tique. Il faut nécessairement le rapporter à cette classe d’hom- mes nommés si fréquemment, dans nos chartes romandes, homines liberi ou regii, en français hommes libres où royés. Ces hommes ne devaient autre chose pour leurs biens que le service militaire : encore ne le devaient-ils qu'au souverain, pour la défense du pays et dans certaines limites seulement ; ils ne payaient d’autres contributions que celles qu'ils avaient librement consenties. Dans l’origine, ils se regardaient comme fort au-dessus des ministériaux : c'était avec raison, car ces derniers n'étaient pas libres de leur personne, et l’on voit, dans les partages domaniaux de la maison de Neuchâtel, les ministériaux répartis suivant la convenance de leurs seigneurs qui ne les consultaient aucunement pour cela; et cependant parmi les familles ainsi traitées, 1l en est qui plus tard sont devenues illustres. La position des hommes royés devint fort précaire après l'extinction de la famille royale de Bourgogne transjuranne et pendant les troubles qui suivirent ce fait si désastreux pour la Suisse romande. Les hauts barons où dynastes cherchèrent à soumettre les hommes libres à leur domination ; et cela leur fut facile, car ces hommes vivaient disséminés dans la cam- pagne sans centre Commun. Dans cette extrémité, les recteurs de Bourgogne de la maison de Zæhringen qui, en qualité de représentants de l'empereur, étaient les protecteurs naturels des hommes libres, suivirent l'exemple qu'avaient donné en Allemagne les princes de la mai- son de Saxe : dans le but de contenir les grands vassaux, ils firent choix de positions militairement favorables et y grou- pèrent tous les hommes libres des environs et même des — 302 — membres de la petite noblesse. Ces localités, entourées de murailles, portaient le nom germanique de bourgs, ce qui veut dire lieu fortifié : leurs habitants recurent le nom collectif de bourgeois. Les villes de Fribourg-en-Suisse, de Berne, de Morat, de Zurich, etc., etc., n’eurent pas d'autre origine. Il ne faut donc pas s'étonner si, dès le onzième siècle, les bour- geois de ces villes siégeaient dans leurs conseils respectifs à côté de personnages appartenant à la plus ancienne noblesse du pays. Is étaient complètement libres, ne devaient à l’em- pereur qu'une redevance peu considérable, et, sauf que la haute justice découlait de l'empire, tout le gouvernement de la cité leur appartenait. Lorsque la maison de Savoie eut étendu sa domination sur tout le pays de Vaud, au commencement du quatorzième siècle, elle trouva déjà bon nombre de ces communautés libres : suivant en cela la politique des Zæhringen, elle en augmenta le nombre. Parmi les villes libres ainsi constituées, on distin- guait les quatre bonnes villes du pays de Vaud : Moudon, Yverdon, Morges et Nyon. Ces localités avaient des priviléges encore plus étendus que les autres villes libres du pays. Leurs conseillers appartenaient souvent à la meilleure noblesse, et les autres familles du conseil, comme on les nomma plus tard, s’allièrent de très bonne heure aux races nobles des environs. Ces bourgeois eurent encore la faculté de posséder des fiefs nobles; il est donc assez naturel qu'ils aient pris des armoiries comme les nobles. Je me suis servi à dessein de l'expression prendre des armoi- ries, parce que, en maint pays, nombre de personnes croient que les gentilshommes eux-mêmes ne peuvent porter que des armes concédées par le souverain. Il est certain que diverses familles, anoblies pour des faits honorables ou des services rendus, ont recu des armoiries avec leurs lettres de noblesse; mais, même dans ces patentes, il arrive fréquemment que le prince se contente de confirmer à l’anobli des armes qu'il avait habitué de porter. D'une manière générale, on peut dire que » — 303 — l'opinion recue est certainement fausse pour la Suisse romande _et la Savoie; elle l’est, je le crois aussi, pour la Bresse et les deux Bourgognes. Sur plus de cent familles nobles de la Suisse romande, on n’en trouvera pas dix qui tiennent leurs armes d’un souverain quelconque. Ces familles ont adopté les armoi- ries qui leur convenaient; elles en ont changé même quelque- fois, sans qu'aucune autorité supérieure ait eu l'idée de s'en préoccuper. Ce fait du changement d’armoiries s'applique du reste aux maisons de Savoie, de Genève et de Neuchâtel, lors- qu'elles n'étaient pas encore souveraines, puis aux maisons de Grandson, de Duins, de Blonay, etc., qui faisaient partie de la haute noblesse du pays de Vaud. Il faut maintenant, après avoir admis que les nobles pou- vaient prendre des armoiries, examiner si les hommes libres des villes, les bourgeois, avaient la même faculté. Je crois pouvoir répondre affirmativement, en invoquant * les dispositions de la charte des franchises de la ville de Nyon sur le lac de Genève. Nyon était la dernière des quatre bonnes villes du pays de Vaud, et ses franchises, identiques à celles de ses trois sœurs, dérivaient de celles de Moudon, octroyées en 1293. L'extrait qui suit est tiré des Documents historiques relatifs à l’histoire du pays de Vaud, par le baron de Grenus, pp. 59 à 64, et notes : « tem, que les bourgeois puissent acquérir, tenir et entrer » en possession d’un fief noble ou autre comme les nobles et » autres capables de telles choses, en payant le laod au septième » denier, s'il est dû. » Îtem, qu'entre les nobles bourgeois, les premiers nés » succèdent aux armoiries paternelles, et à la maison du père » laquelle ils aimeront le mieux, avec les choses qui l’attou- » Cheront tout autour, les murs et les fossés d'icelle, de la » longueur de 40 toises, et chaque toise de 9 pieds, outre la » rate-part à eux compétente dans le reste. Que cependant » entre l°3 bourgeois non nobles, le dit privilége n'ait pas lieu, » et que l’écu soit à celui à qui appartiendra la maison même — 304 — » dans laquelle le-père faisoit sa résidence dans le temps de sa » IMOrt. » On voit, par ce court extrait, le droit reconnu aux bourgeois d'acquérir et de tenir des fiefs nobles en payant, il est vrai, le - laod au septième denier, tandis que les nobles le payaient au cinquième seulement; on voit de plus que, dans le pays de Vaud, les bourgeois avaient le droit de porter des armoiries. La même charte leur reconnait le droit de chasser comme les nobles {sicut nobiles). Le même document montre bien qu'a- lors, dans la Suisse romande, les armoiries n'étaient pas encore fixées, puisque, soit chez les bourgeois nobles, soit chez les autres, un des fils seulement porte l’écu du père après sa mort. Remarquons de plus une chose, c’est que la bourgeoisie se composait de nobles et de roturiers, et que les premiers gardaient leurs qualifications honorifiques, sans toutefois qu'il en résultât pour eux une prépondérance quelconque. Les nobles faisaient partie des corps d'artisans, tout en n'exercant pas de métiers, exactement comme de nos jours feu le duc de Wellington appartenait, dans la bourgeoisie de Londres, à la corporation des marchands de poisson. Je crois avoir établi que les bourgeois du pays de Vaud avaient le droit de porter des armoiries. Or, les franchises des villes vaudoises étaient fort semblables à celles de leurs voisins de la Comté, quand on ne les avait pas, comme pour Neu- châtel, calquées sur ces dernières. Je ne m'avance donc pas beaucoup en supposant que les bourgeois des villes comtoises usaient du même privilége, lequel, dans notre opinion, était inhérent à la qualité d'homme libre. Les vitraux du musée archéologique de cette ville sont là pour prouver que je ne me trompe pas, et les armoiries des familles bourgeoises de. Besançon figurent de plein droit dans le recueil historique des armoiries de l’ancienne Comté. Il y a deux siècles, une légère différence faisait distinguer en Suisse les armes nobles des armes roturières; cette distinc- tion s'est maintenue jusqu'à présent dans la Snisse allemande, — 305 — bien qu'aucune loi ne s’en occupe. Les armes nobles étaient timbrées d’un casque grillé, les autres d’un casque ouvert. Mais, à partir du dix-septième siècle, chacun s’affuble d’une couronne de comte ou de marquis, abandonnant sottement les cimiers historiques des familles. Ce furent nos officiers au service de France qui, dit-on, suivirent les premiers le mau- vais exemple que leur donnait une grande partie de la noblesse française. Dans la Suisse actuelle, bien que la législation d'aucun canton ne se préoccupe d'armoiries ni de qualifications nobi- liaires, le public n éprouve aucun sentiment de jalousie vis- à-vis des familles qui continuent à se servir des armoiries héritées de leurs pères. Ce même public accueille favorable- ment les recueils historiques ou armoriaux qui donnent ces blasons. Il est vrai que ces armoriaux ne sont jamais une spéculation sur la vanité humaine; ce sont des recueils sérieux et composés par des hommes qui savent se mettre au-dessus des partis politiques ou religieux, et qui ne transigent point avec leur conscience par égard pour telle ou telle famille. L'armoirie, décoration du sceau et plus tard du cachet apposé au pied d’un acte, n'était au fond qu'un équivalent ou une corroboration de la signature. Il n'y a donc rien d'étonnant de voir user de ce signe les hommes qui, par leur état poli- tique, avaient le droit de siéger en justice et quelquefois le . devoir de sceller des actes municipaux. 21 _ NOTICE SUR LE SÉNATEUR LYAUTEY MEMBRE ET BIENFAITEUR DE LA SOCIÉTÉ D'ÉMULATION DU DOUBS PAR M. AUGUSTE CASTAN Secrétaire. Séance du 11 janvier 1868. Encore une honorable personnalité franc-comtoise qui vient de s’éteindre! Encore une mémoire digne de toutes les sym- pathies et de tous les respects, qui entre, pour l'édification de la postérité, dans la pléiade des illustrations de notre province! Hubert-Joseph Lyautey naquit à Vellefaux (Haute-Saône ), le 13 juillet 1789 (1). Son père, qui était un type d'intégrité, de capacité et de distinction, fut, sous le premier Empire, l’une des lumières de l'administration militaire, puis, au début de la Restauration, le législateur du corps naissant de l’inten- dance. C'était un homme antique, dans la plus haute et la plus complète acception de ce mot, et les traditions de son intelligence et de son caractère furent noblement continuées par ses quatre fils, qui tous ont fait de brillants chemins dans la carrière des armes. L'ainé, Just, mourut au champ d'honneur en Espagne, venant de recevoir les épaulettes de capitaine; le second est. celui dont nous déplorons la perte; le troisième, Antoine, est le digne général d'artillerie que notre ville aime encore comme l’un de ses meilleurs citoyens; le quatrième, Charles, retiré avec le 2rade d’intendant militaire, consacre les loisirs de sa () Le nom des modestes aïeux de MM. Lyautey s’écrivait, au xv° siècie, Loyaulté : étymologie qui prouve que la droiture du caractère est de vieille tradition dans cette famille. LA LR — 307 — verte vieillesse à d'importantes études sur les questions mili- taires ({). Hubert Lyautey fut dès le berceau, pour ainsi dire, ce qu'il a été toute sa vie : grave, réfléchi et bon. Après de fortes études au lycée de Besancon, il fut admis, en 1805, à l'Ecole poly- technique; il en sortit avec le brevet de sous-lieutenant d’ar- tllerie. Versé bientôt dans l’armée active, il prit part aux plus rudes campagnes des temps modernes : il figurait dans cette mémorable retraite de Russie et il y supporta tout ce que l'imagination peut concevoir en fait de souffrances. « On cite de lui, en cette circonstance, un trait admirable. Comme il marchait presque seul, il rencontra un de ses com- pagnons du même grade, qui, les jambes entièrement gelées, gisait sur la route. Le commandant Lyautey n'hésita pas à le charger sur ses épaules. Cette action sublime lui sauva la vie à lui-même, car ses deux mains, saisies par le froid, devinrent incapables de le nourrir, et il serait mort de faim sans l’assis- tance de celui qu'il portait et qui lui mettait les aliments dans la bouche. » Neuf ans plus tard, sa belle conduite au passage de la Cos- tadura lui obtenait les épaulettes de lieutenant-colonel, et c'est à lui que fut confié le commandement des pontonniers dans l'action décisive de la campagne d'Espagne, la prise du Trocadero. Les événements de 1830 le trouvèrent mûr pour le grade de colonel, et bientôt la guerre d'Afrique allait de nouveau faire appel à ses talents. Il passa la mer comme colonel; mais son mérite, reconnu par tous, lui valut promptement, avec le grade supérieur, le poste important de commandant de l'ar- üllerie du corps expéditionnaire. Revenu en France, il dirigea, de 1844 à 1846, l'école de (:) Depuis la rédaction de cette notice, l’intendant Charles Lyautey est mort, en son château de Francourt (Haute-Saône), le 12 avril 1868. — Voir les quelques lignes que nous avons consacrées à sa mémoire dans le Cour- rier franc-comtois du 23 avril suivant. — 308 — Vincennes. [Investi d'une auguste confiance, il eut alors sous ses ordres et presque sous sa tutelle le jeune duc de Mont- pensier, dont il acheva l'éducation militaire. Sa place était depuis longtemps marquée au comité consultatif de l'artillerie; il y entra en 1847. Les réactions politiques, si fatales aux ambitieux, épargnent ordinairement ceux que le souffle de l'intrigue n’a pu jeter en dehors de la droite ligne du devoir. Sans peur et sans reproche, n'ayant jamais brigué que ce qui lui était légitimement dû, le général Lyautey put se trouver à l'aise vis-à-vis de tous les pouvoirs. Elevé au grade de général de division en 1848, il recut consécutivement du second Empire la plaque de grand- officier de la Légion d'honneur et la récompense suprême d’un siége au Sénat. On l’a dit souvent, rien n'est plus commun en France que la bravoure irréfléchie : la valeur du général Lyautey fut d'une nature plus sérieuse et plus rare. Il a brillé surtout dans les conseils de son arme, où sa connaissance approfondie de tous les secrets d’un art extrêmement complexe lui donnait une véritable autorité. Sous une apparence froide et réservée, le sénateur Lyautey portait en lui le cœur le plus dévoué et le plus tendre. Sa disposition naturelle était l'obligeance; mais, sévère pour lui- même, il exigeait des garanties de ceux qui réclamaient sa protection : son crédit n’en était que plus considérable, car il ne recommandait qu'avec discernement et discrétion. Comme tous les Francs-Comtois d’un vrai mérite, le séna- teur Lyautey était épris d'une vive affection pour la terre natale. Il s’intéressait à toutes les manifestations honorables de notre province et n’épargnait ni sa personne ni sa bourse pour contribuer à leur succès. Ce fut ainsi qu'en 1859 il versa une somme de mille francs dans la caisse, alors bien pauvre, de l'Exposition universelle qu'organisait la Société d'Emulation du Doubs. Cette Compagnie lui était d’ailleurs particulière- ment chère : il en avait compris l’opportunité et pressenti les + ds & LA 7 — 309 — services; il n’y voulut jamais d'autre place que celle de membre actif, et son concours se traduisait chaque année par une offrande de deux cents francs. | | Dans l’ordre moral comme dans l'ordre physique, chaque terroir imprime à ses produits une allure qui les distingue. Le sénateur Lyautey a résumé dans sa vie les plus nobles traits de la nature franc-comtoise, et 1l n'est personne dans ce pays qui ne lui sache un gré éternel d'avoir mis la dignité du caractère au-dessus de toute autre préoccupation. — 310 — OBJETS DIVERS DONS Faits à la Société en 18267. Par Son Exc. M. LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE CL ETES ee de SANTO SERRES 400 fr. Par LE Den DU Sie RU 200 fr. Par LA VILLE DE BESANCON . . .. TUE 208 Fr. Par M. H. LyauTey, général de dass d'artil lerie: sénateut 070 RTE 200 fr. Par Sox Exc. M. LE MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE Revue des Sociétés savantes des départements, 4° série, t. 4, octobre-décembre 1866; t. 5, janvier-juin 1867; t. 6, juillet- octobre 1867 ; Mémoires lus à la Sorbonne dans les séances extraordinaires du Comité impérial des travaux historiques, tenues les 4, 5 et 6 avril 1866 : Histoire et Archéologie, ? vol. in-8°, RE impériale, 1867. Par MM. E. DE RATTIER DE SusvaLON, membre correspondant, l'an- née 1867 de son journal l’Etincelle, publié à Bordeaux ; A. pe MaxproT, colonel fédéral, membre correspondant, ses Armoriaux historiques de Genève (en collaboration avec M. Galiffe) et de Neuchätel (en collaboration avec M. du Bois de Pury), 1859 et 1864, 2 vol. in-4°; son Essai sur l’organisa- tion militaire de la Suisse, Neuchâtel, 1863, broch. in-18; — 311 — Jean MAcÉ, son Projet d'établissement d’une lique de l’ensei- gnement en France, bulletins f et 2, Colmar, 1866-1867, 2 br. in-8° ; Ch. CoNTEJEAN, membre correspondant, ses Conférences sur les phénomènes glaciaires, et sur les premiers habitants de l’Eu- rope, Niort, 1867, 2 broch. in-8° ; - ORDINAIRE DE LA COLONGE, membre correspondant, sa Note sur la perforation mécanique des roches par le diamant, ses Recherches sur le moteur à pression d’eau de M. Perret, sa Con- férence sur l’eau considérée au point de vue physique, mécanique et alimentaire, 1867, 3 broch.; L'abbé Cocxer, ses Notes sur les poteries acoustiques de nos églises et sur un cimetière gaulois découvert au Vaudreuil (Eure) en 1858 et 1859, Rouen, 1864, 2 broch. in-8°; Mæerzzer, membre correspondant, ses Recherches chimiques sur la patine des silex taillés, Montauban, 1866, broch. in-8°; Paul Laurexs, membre résidant, son Annuaire du Doubs et de la Franche-Comté pour 1867, 1 vol. in-8° ; Jules QuicHERAT, membre honoraire, son Ætude sur le pilum de l'infanterie romaine, 1867, broch. in-8° ; Eugène CortTer, membre correspondant, l’Analyse, revue mensuelle, 1° année, t. I, n° 12, 15 décembre 1866; Urbain DESCHARTES, son Etude critique sur les travaux his- toriques de la ville de Paris, 1867, broch. in-8° ; Le commandeur Alexandre Crazpr, Les ports-canaux, article extrait de son ouvrage sur le mouvement des ondes, traduit de l'italien, Rome, 1866, broch. gr. in-8°; Rapport verbal fait à l’Académie des sciences, par M. de Tessan, sur l'ouvrage de M. Cialdi, Paris. 1866, broch. in-4° ; Larour-pu-MouriN, membre correspondant, ses Questions constitutionnelles, Paris, 1867, 1 vol. in-8°; VIvIEN DE SAINT-MarTiIN, membre correspondant, son Année géographique, 5° année, 1866, Paris, 1867, 1 vol. in-12; La CHAMBRE DE COMMERCE DE BESANCON, Compte-rendu de ses travaux en 1866, br. in-4° : — 312 — Amédée Taierry, membre honoraire, son ouvrage intitulé Saint Jérôme, la société chrétienne à Rome et l’émigration romaine en Terre-Sainte, Paris, 18674 2 vol. in-8° ; RouGEeT, membre correspondant, ses Observations médicales, Besancon, 1867, broch. in-8° ; Victor Grrop, président de la Société, sa Notice sur la fabri- cation de l'horlogerie à Besançon et dans le département du Doubs, Besancon, 1867, broch. in-8°; BERTHAUD, membre soon ses Discours de pr ésidence à l'Académie de Mäcon en 1867, broch. in-8° ; À. GuicHARD, ses Votes statistiques sur la mortalité des nour- rissons à Troyes, 1867, br. in-8° ; RésaL, sa brochure intitulée Applications de la mécanique à l'horlogerie, Paris, 1867 ; Em. Bexoir, membre correspondant, sa Note à propos de la grotte de Baume (Jura), 1867, broch. in-8° ; Léon GALLOTTI, membre Correspondant, sa brochure inti- tulée Nouveau système de signaux à l'usage de l'armée, 1867. LanGLois, membre correspondant, un recueil de 69 feuilles de dessins faits par lui, d’après la vision microscopique, de divers pollen de fleurs et de microsoaires, in-4°; KonLManx, membre correspondant, deux empreintes en soufre de sceaux du moyen âge : l’une du grand sceau de Rodolphe, dit l'Ingénieux, grand-veneur de l'empire d’Alle- magne, devenu plus tard (1358) duc d'Autriche et de Carin- thie, sous le nom de Rodolphe IV; la seconde reproduisant le sceau de la ville d’Aquilée au xv° siècle; Emile DEcacroix, membre résidant, un moulage en plâtre de l’autel gallo-romain d'Apollon et Sirona, à Luxeuil ; Francis CasTan, membre correspondant, une hache en silex et un poincon en os, provenant des tourbières du Bouchet, commune de Vert-le-Petit, arrondissement de Corbeil (Seine- et-Oise) ; — 313 — Victor Giro, président de la Société, deux montres, style Louis XV; Louis RExaAUD, membre résidant, des débris de momie; La SocIÉTÉ D'EMULATION DU JURA, photographies des bronzes de la fonderie celtique découverte à Larnaud (tableaux in-4° tirés à trois exemplaires ; LA SocrÉTÉ D'EMULATION DE MOXTBÉLIARD, deux photogra- phies de l’autel laraire en bronze de Mandeure ; Camille Proupxon, membre résidant, une collection de coquillages provenant des mers de la Chine; Muess-RE£BILLET, trois échantillons minéralogiques ; Achille Grron, membre résidant, un Colin d'Amérique, mâle. - Envois faits, en 867, par Les Sociétés correspondantes. Société d'histoire de Neuchâtel : Les antiquités de Neuchatel, de Frédéric Dubois de Montpéreux, { vol. in-4°; Musée neu- chätelois, organe de la Société d'histoire du canton de Neuchà- tel, 1"° année (1864), 2° année {1865), 3° année (1866): Memoirs of the literary and philosophical Society of Manches- ter, third series, vol. 2, 1865 ; Proceedings of the literary and philosophical Society of Man- chester, vol. 3 (1862-64), vol 4 (1864-65) ; Verhandtungen der Naturforschenden Gesellschaft in Basel, vierter Theïl, Heft 3 (1866), Heft 4 (1867) ; Société académique des sciences, arts, belles-lettres, agriculture et industrie de Saint-Quentin, 3° série, t. 6, 1864-1866 ; Abhandlungen herausgegeben vom naturwissenschaftlichen Vereines zu Bremen, Band I, Heft 1, Heft 2; Bulletin de la Société impériale d'horticulture pratique du Rhône, 1866, décembre, n° 12; 1867, n° 1-8, janvier-août; Répertoire des travaux de la Société de statistique de Marseille, t. 28, 2° fascicule; t. 29, 2° fascicule; t. 30; — 314 — Bulletin de la Société géologique de France, ?° série, t. 22, feuilles 37 à 38; t. 23, feuilles 52 à 55; t. 24, feuilles 1 à 46: Bulletin périodique publié par les Sociétés d'agriculture et d'horticulture du Doubs, 1° année, janvier à septembre 1867, n° 1-9 ; Bulletin de la Société archéologique de l’Orléanais, 1866. 2e_4e trimestre; 1867, 1° trimestre: Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny, 7e année, 1866, n°5 9-12; 8° année, 1867, n°° 1-6; Sitzungsberichte der kœnigl. bayer. Akademie der Wissenschaf- ten zu München, 1866, Band}, Heft 1-4; 1866, Band II, Heft 1; Supplementbandes zu den Annalen der Münchener Stermoarte, von J. Lamont, V, 1866; Die Enthoicklung der Ideen in der Naturiwissenschaft, von Justus Freiherrn'von Liebig, München, 1866, in-4° Die Bedeutung moderner Gradmessungen, von Karl-Maximi- lan Bauernfeind, München, 1866, in-4° : Académie des sciences, belles-lettres et arts de Besançon, séance publique du 25 août 1866 : Mémoires de la Société littéraire de Lyon, année 1866; Mémoires de la Société académique de Maine-et-Loire, t. 19et 20; Bulletin trimestriel de la Société d'agriculture de Joigny, 1866, octobre-décembre; 1867, janvier-septembre ; Jahrbuch der k.-k. geologischen Reichsanstalt, 1865, Band 15, n° 4, Band 16, n° 1-3; A de la Société de médecine de Besançon, 2° série, n° 1, 1866 ; Mémoires de la Société d'Emulation du Jura, 1866; Bulletin de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne, t. 20, 1866, 3° et 4° trimestres; t. 21, 1867, 1® et 2° trimestres ; Bulletin de la Société polymathique du Morbihan, année 1866, 2° semestre; — Catalogue des plantes phanérogames du Morbihan, par M. Arrondeau, publié par la même Société ; Bulletin de la Société archéologique et historique du ee LES t. 16, 1866 ; — Nobiliaire du diocèse et de la généralité de Li- moges, feuilles 12-20; — Registres consulaires de la ville de Limoges, t. 1°"; | Mémoires de l’Académie des sciences, belles-lettres et arts de Marseille, ann. 1858-1864 : Programme des prix mis au concours par la Société d’encou- ragement pour l'Industrie nationale, prix et médailles à dé- cerner de 1867 à 1874; Mémoires de la Socièté d'Emulation de Montbéliard, ?° série, He, 1806; Zwoælfter Bericht der oberhessischen Gesellschaft für Natur- und-Heilkunde, n° 12, Giessen, febr. 1867 ; Mémoires et documents publiés par la Société d'histoire et d'archéologie de Genève, t. 16, 2° livraison, 1867 ; Regeste gene- vois où répertoire chronologique et analytique des documents imprimés relatifs à l’histoire de la ville et du diocèse de Genève avant l’année 1312, publié par la même Société, Genève, 1866, in-4°, avec cartes et tableaux généalogiques : Annales de la Société des lettres, sciences et arts des Alpes- Maritimes, t. 1, 1865: Société de secours des amis des sciences, compte-rendu de la 10° séance publique annuelle, tenue le 29 avril 1867; __ Mémoires de l’Académie du Gard, 1864-1865 : Mémoires de la Société des sciences physiques et naturelles de Bordeaux, t. 1-4, 1855-1866, t. 5, 1° cahier, 1867 ; Bulletin de la Socièté de climatologie algérienne, 4° année, 1867, n°° 4-6; Mémoires de la Société académique de l'Aube, 3° série, t. 3, 1866; Annales de la Société impériale d'agriculture, industrie, sciences, arts et belles-lettres de la Loire, t. 10, 1866 ; Bulletin de la Socièté des sciences naturelles et historiques de l'Ardèche, n° 3, 1866: Bulletin de la Société vaudoise des sciences naturelles, t. 9, juillet 1866, juin 1867: — 316 — Mémoires de la Société des sciences naturelles de Strasbourg, t. 6, {'e livraison ; Bulletin de la Société d'histoire naturelle de Colmar, 6° et 7° années, 1865-1866 ; Tiie ti Mémoires de l'Institut national genevois, t. 11, 1866; Bulletin de l’Institut national genevois, n° 30, 1866; n° 31, 1867; Mémoires de la commission d'archéologie de la Haute-Saône, t. 4, complément, 1867; Mémoires de la Société littéraire et scientifique de Castres, GAS: Bulletin de l'Association scientifique de France, n° 21-45, mai-décembre 1867; Schriften der kœnigl. physicalisch-œkonomischen Gesellschaft zu Kænigsberg, Band VI, 1865, Heft 1-2; Band VII, Heït 1-2; Proceedings of the Boston Society of natural history, &. 2-10 (1845-1866) ; t. 11, feuilles 1-6 ; — Memoirs reade before the Boston Society of natural history, being a new series of the Boston journal of natural history, t. 1; — Condition and Doings of the Boston society of natural history, 1865 et 1866; Nouveaux mémoires de la Société helvétique des sciences natu- relles, t. 22 (3° série, t. 2), Zurich, 1867; — Actes de la Société helvétique des sciences naturelles réunie à Neuchdtel les 22, 23 et 24 août 1866, 50° session ; Mittheilungen der naturforschenden Gesellschaft in Bern, 1866. — 317 — MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ Au 31 décembre 186%. Le millésime placé en regard du nom de chaque membre indique l’année de sa réception dans la Société. Les membres de la Société qui ont racheté leurs cotisations annuelles sont désignés par un astérisque (*) placé devant leur nom, conformément à l’article 21 du règlement. Conseil d'administration pour 4868, Dréodent 0... . . .... MM. Favcowpré: Premier vice-président . . . Girop (Victor); Deuxième vice-président. . . BouULLET ; Secrétaire décennal . . . .. CASTAN ; Mice-secrélaire = . : + … . FAIVRE ; D 5. . JACQUES ; PTS DE CESSER VARAIGNE. Secrétaire honoraire. . . . . M. Bavoux. Membres honoraires. MM. Le PRÉFET du département du Doubs. L'ARCHEVÈQUE du diocèse de Besancon. LE GÉNÉRAL Commandant la 7° division militaire. LE PREMIER PRÉSIDENT de la Cour impériale de Besançon. LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour impériale de Besançon. Le Recreur de l’Académie de Besancon. Le Marre de la ville de Besançon. L'InsPEcTEUR d’'Académie à Besancon. BAYLE, professeur de paléontologie à l'Ecole des mines; Paris. — 1851. — 318 — MM. < BLANCHARD, Em., membre de l'Institut (Académie des scienc.), professeur au Muséum d'histoire naturelle ; Paris. — 1867. Coquaxp, Henri, professeur de géologie; Marseille. — 1850. Devizce,: Henri-Sainte-Claire, membre de l’Institut (Académie des sciences); Paris. — 1847. Devoisins, sous-préfet; aux Andelys (Eure). — 1842. DouBLepay, Henri, entomologiste; Epping, comté d’Essex (Angleterre). — 1853. GouGer, docteur en médecine; Dole (Jura). — 1852. Lécur, membre de l'Institut (Académie des sciences morales); rue Vanneau, 15, Paris. — 1866. Magice (M5), évêque de Versailles. — 1858. MarTix (Henri), historien, Paris-Passy, rue du Ranelagh, 54. — 1865. Paravey, ancien conseiller d'Etat, rue des Petites-Ecuries, 44, Paris. — 1863. QUICHERAT, Jules, professeur de première classe à l'Ecole im- périale des Chartes; Paris, rue Casimir-Delavigne, 9.— 1859. THierry, Amédée, sénateur, membre de l'Institut (Académie des sciences morales); rue de Grenelle-Saint-Germain, 122, Paris. — 1867. Membres résidants (:). ApLER, fabricant d'horlogerie, quai Vauban, 30-32. — 1859. ALEXANDRE, secrétaire du conseil des prud'hommes, rue d’An- vers, 4. — 1866. ALVISET, président de chambre à la Cour impériale, rue du Mont-Sainte-Marie, 1. — 1857. D'ARBAUMONT, chef d’escadron d'artillerie, sous-imspecteur des forges de l’Est, rue Sainte-Anne, 1. — 1857. @) Dans cette catégorie figurent plusieurs membres dont le domicile habituel est hors de Besancon, mais qui ont demandé le titre de résidants, afin de payer le maximum de Ja cotisation et de contribuer ainsi d'une manière plus large aux travaux de la Société. — 319 — MM. | ARBEy, négociant, Grande-Rue, 55. — 1861. ARNAL, économe du lycée impérial. — 1858. BarzLy (l'abbé), maître des cérémonies de la cathédrale.— 1865. BaïzLy, pharmacien, rue des Granges, 20. — 1867. BarGuE, entrepreneur, rue des Boucheries, 23. — 1859. BarBauD, Auguste, adjoint au maire, rue Saint-Vincent, 43. — 1857. BarBauD, Charles, négociant, rue Neuve-St-Pierre, 15.— 1862. BATAILLE, ancien fabricant d'horlogerie, rue des Chambrettes, 15. — 1841. * Bavoux, Vital, vérificateur des douanes, à St-Louis (Haut- Rhin). — 18535. BELLAIR, médecin-vétérinaire, rue de la Bouteille, 7. — 1865. Becor , essayeur du commerce, rue de l’Arsenal, 9. — 1855. BERTHELIN, Charles, ingénieur en chef des ponts et chaussées, rue de Glères, 23. — 1858, \ 3 BERTIN, négociant, aux Chaprais (banlieue). — 1863. * BERTRAND, docteur en médec., rue des Granges, 9. — 1855. Besson, avoué, place Saint-Pierre, 17. — 1855. Braz, Paul, chef d’escadron d'artillerie, sous-directeur à l’ar- senal. — 1858. BLoxpeau, Charles, entrepreneur de menuiserie, juge au tri- bunal de commerce, rue St-Paul, 57. — 1845. BLonpeau, Léon, entrepreneur de charpenterie , rue St-Paul, 07. — 1845. BLonpon, docteur en médecine, rue des Granges, 68.— 1851. Bopier, Eugène, docteur en médecine, Grande-Rue, 53. — 1867. | Boireux, inspecteur du service des enfants assistés, rue de la Bouteille, 9. — 1867. Bossy, Xavier, fab. d’horl., rue des Chambrettes, 6. — 1867. BouLLer, proviseur du lycée impérial. — 1863. BOURCHERIETTE dit POURCHERESSE, entrepreneur de peinture et propriétaire, rue des Chambrettes, 8. — 1859. — 320 — MM. Bourpy, Pierre, essayeur du commerce, rue de la Lue, 9. — 1862. BourGoN, président honoraire à la Cour impériale, rue du Chapitre 4. — 1865. BourrTey, Paul, fabricant d'horlogerie, juge au tribunal de commerce , rue Moncey, 12. — 1859. Boysson D’EcoLe, trésorier-payeur général du SE rue de la Pro étre 22. — 1852. BRETENIER, notaire, rue Saint-Vincent, 22. — 1857. BreTizLor, Eugène, propriétaire, rue des Granges, 46.—1840. BRETILLOT, Léon, banquier, ancien maire de la ville, prési- dent du tribunal de commerce, rue de la Préfecture, 21. — 1853. BrerTizzor, Maurice, propriétaire, rue de la Préfecture, 21.— 1857. BReTiLLor, Paul, propriét., rue de la Préfecture, 21. — 1857. BrucHoN, professeur à l'Ecole de médecine, médecin des hos- pices, rue des Granges, 16. — 1860. BRUGNON, ancien notaire, rue de la Préfecture. 12. — 1855. Bruxswick, Léon, fabric. d’'horlog., Grande-Rue, 28.—1859. DE BUSSIERRE, Jules, conseiller à la Cour impériale, président honoraire de la Société d’agricult., rue du Clos, 33.— 1857. Caxez, chef de bureau à la préfecture. — 1862. CarLeT, Joseph, ingénieur, rue Neuve, 13. — 1858. CasTan, Auguste, conservateur de la bibliothèque et des ar- chives de la ville, rue Saint-Paul, 3. — 1856. DE CHARDONNET (le vicomte), ancien élève de l'Ecole polytech- nique, rue du Perron, 28. — 1856. CHauveLor, professeur d’arboriculture, à la Butte (banlieue). — 1858. CHevizier, professeur de mathématiques spéciales au lycée impérial, rue du Clos, 27. — 1857. CaorarD, professeur d'histoire à la Faculté des lettres, rue du Chapitre, 19. — 1866. — 321 — MM. DE CONEGLIANO (le marquis), chambellan de l'Empereur, dé- puté du Doubs. — 1857. CoNSTANTIN, préparateur d'histoire naturelle à la Faculté des sciences, rue Ronchaux, 22. — 1854. Corpter, Jules-Joseph, employé des douanes, rue de la Pré- _ fecture, 26. — 1862. Coucox, Henri, avocat, rue de la Lue, 7. — 1856. CourLeT, proviseur de lycée en retraite, rue Ronchaux, 11.— 1863. | COURLET DE VREGILLE, chef d’escadron d'artillerie en retraite, rue Saint-Vincent, 48. — 1844. CourTorT, Théodule, commis-greffier à la Cour impériale. — 1866. CouTENOT, professeur à l’Ecole de médecine, médecin en chef des hospices, Grande-Rue, 44. — 1852. CuENIN, Edmond, pharmacien, rue des Granges, 40. — 1863. Dacux (le baron), juge au tribunal de première. instance, membre du Conseil général, rue de la Préfecture, 23.— 1865. DaviD, notaire, Grande-Rue, 107. — 1858. Decoumois. Ch., directeur d'usine; la Butte (banlieue). — 1862. DeLacroix, Alphonse, architecte de la ville. — 1840. DeLcacroix, Emile, professeur à l'Ecole de médecine, inspec- teur des eaux de Luxeuil, rue de Chartres, 6. — 1840. DELAVELLE, notaire, Grande-Rue, 39. — 1856. DELAVELLE, professeur au lycée impérial, rue St-Antoine, 2. — 1866. DExaANs, vérificateur des poids et mesures, rue Neuve-Saint- Pierre, 16. — 1866. Dérrey, Just, banquier, Grande-Rue, 96. — 1857. Drérricx, Bernard, négociant, Grande-Rue, 73. — 1859. Donivers, Félix, imprimeur, Grande-Rue, 42. — 1854. DrapEyrox, Ludovic, professeur agrégé d'histoire au lycée impérial, rue Moncey, 7. — 1866. 22 eu MM. Ducar, Alfred, architecte, rue Saint-Pierre, 19. — 1855. Duxop DE CHARNAGE, avocat, rue de la Bouteille, {. — 1863. DurerT, géomètre, rue Neuve, 28. — 1858. ETtxis, Edmond, propriétaire, Grande-Rue, 91. — 1860. Eruis, Ernest, propriétaire, Grande-Rue, 91. — 1855. Erxis, Léon, sous-inspecteur des forêts, rue de la Préfecture, 25. — 1862. Farvre, Adolphe, professeur à l'Ecole de médecine, rue du _ Lycée, 14. — 1862. FaucouPrÉ, chef d’escadron d'artillerie en retraite, lauréat de la prime d'honneur au concours régional agricole de Besan- con en 1865, rue du Lycée, 6. — 1855. FaucouPprÉé, Philippe, professeur d'agriculture du département _ du Doubs, rue du Lycée, 6. — 1867. Ferier, Louis, fabricant d’horlogerie, président du conseil . des prud'hommes, rue Ronchaux, 3. — 1859. FEuvrier (l'abbé), professeur à Saint-François-Xavier, rue des Baïins-du-Pontot, 4. — 1856. Firscx, Christian, propriétaire et entrepreneur de maçonnerie, _rue du Chateur, 12. — 1866. Frrscx, Léon, entrepreneur de maconnerie, rue des Martelots, 8. — 1865. ; Foix, agent principal d'assurances, place Saint-Pierre, 6. — 1865. | | Fouix, Auguste, mécanicien, rue de l’Arsenal, 9. — 1862. GassuanN, Emile, rédacteur en chef du Courrier franc-comtois. — 1867. Gaupor, médecin; Saint-Ferjeux (banlieue). — 1861. GAUFFRE, receveur principal des postes, Grande-Rue, 100. — 1862. GAUTHEROT, entrepreneur de menuiserie, rue Morand, 9. — 1865. Gaurier, Jules, élève de l'Ecole des Chartes, rue Racine, 2, anse 1866. — 323 — MM. GÉRARD, Edouard, banquier, ancien adjoint au maire, Grande- Rue, 68. — 1854. GÉRARD, Jules, professeur agrégé de philosophie au lycée impérial, rue de la Préfecture, 25. — 1865. GiraRDOT, Régis, banquier, rue Saint-Vincent, 15. — 1857. Giro», Achille, propriétaire; Saint-Claude (banlieue).— 1856. GiroD, avoué, rue Moncey, 5. — 1856. Girop, Victor, adjoint au maire, Grande-Rue, 70. — 1859. Girozer, Louis, dit ANDROT, peintre-décorateur, rue de l'Ecole, 2428-30. — 1866. GLoRGET, Pierre, huissier, Grande-Rue, 58. — 1859. GouiILLAUD, professeur à la Faculté des sciences, rue Saint- Vincent, 3. — 1851. Graxp, Charles, directeur de l'enregistrement et des domaines, Grande-Rue, 68. — 1852. | GRANGÉ, pharmacien, rue Morand, 7. — 1859. GRENIER, Charles, professeur à la Faculté des sciences et à l'Ecole de médecine, Grande-Rue, 106. — 1840. GROSJEAN, bijoutier, rue des Granges, 21. — 1859. GUERRIN, avocat, rue de la Préfecture, 20. — 1855. GuigaRD (l'abbé), aumônier de la citadelle, rue du Chapitre, 7. — 1866. GuicHARD, Albert, pharmacien, rue d'Anvers, 3. — 1853. GUILLEMIN, ingénieur-constructeur; Casamène (banlieue). — 1840. Hazpy, fabricant d'horlogerie, rue Saint-Jean, 3. — 1859. Hory, propriétaire, rue de Glères, 17. — 1854. JAcoB, Alexandre, maire de Pirey, propriétaire, rue Saint- Paul, 54. — 1866. JACQUARD, Albert, banquier, rue des Granges, 21. — 1852. JAcQuEs, docteur en médecine, rue du Clos, 32. — 1857. JEANNINGROS, pharmacien, place Saint-Pierre, 6. — 1864. DE JOUFFROY (le comte Joseph), propriétaire, au château d’Ab- bans-Dessous et à Besançon, rue du Chapitre, 1. — 1853. — 324 — MM. KraAcHPELTz, graveur en horlogerie, rue des Granges, 19. — 1866. Lamy, bâtonnier des avocats, rue des Granges, 14. — 1855. LANCRENON, Conservateur du Musée et directeur de l'Ecole de dessin, correspondant de l’Institut, rue de la Bouteille, 9. — 1859. LAUDET, conducteur des ponts et chaussées, rue Ronchaux, 10. — 1854. LAURENS, Paul, président de la Société d'agriculture du Doubs, rue Saint-Vincent, 22. — 1854. LEBLaxc, Léon, peintre, rue Morand, 8. — 1867. LEBoN, Eugène, docteur en médecine, Grande-Rue, 88.— 1855. LEBRETONX, directeur de l’usine à gaz, Grande-Rue, 97.— 1866. LeGENDRE, Louis, chef de bureau à l'hôtel de ville, receveur du bureau de bienfaisance, rue du Chateur, 15. — 1866. LÉPAGNEY, Francois, horticulteur; la Butte (banlieue).— 1857. LHome, Louis. ancien notaire, rue de la Vieille-Monnaie, 4. — 1861. LiEFFROY, Aimé, propriétaire, rue Neuve, 11. — 1864. Lorcxer, avoué à la Cour impériale, rue Proudhon, 6.— 1866. DE LONGEVILLE (le comte), propriétaire, rue Neuve, 7.— 1855. Louvor, Arthur, ancien avoué, rue du Lycée, 6. — 1858. Louvor, Hub.-Nic., notaire, Grande-Rue, 48. -# 1860. Lumière, Antoine, photographe, rue des Granges, 59.— 1865. Macxarp, viticulteur, Grande-Rue, 14. — 1858. Maire, ingénieur des ponts et chauss., rue Neuve, 15.— 1851. Marmor, Félix, banquier, ancien président du tribunal de commerce, rue de la Préfecture, 17. — 1857. Marror, Edouard, entrepreneur de charpenterie, rue Morand, 2. — 1865. Maznixey, entrepreneur de charpenterie, abbaye Saint-Paul. — 1865. | MarcHaL, Georges, essayeur du commerce, Grande-Rue, 14. — 1860. ji — 325 — MM. Mariox, mécanicien ; Casamène (banlieue). — 1857. Marzer, Adolphe, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Saône. — 1852. MarQuUE, Hector, propriétaire, ancien élève de l'Ecole poly- technique; Poligny (Jura). — 1851. MaraioT, Joseph, avocat, rue du Chateur, 20. — 1851. Mazoyie, ancien notaire, rue des Chambrettes, 12, — 1840: Micau», Jules, directeur en retraite de la succursale de la Banque, juge au tribunal de commerce, rue des Granges, 38. — 1899. Micmez, Brice, décorateur des promenades de la ville; Fon- _ taine-Ecu (banlieue). — 1865. Monnier, Paul, correcteur d'imprimerie, rue de Glères, 15.— 1867. Moxxor, Théodose, docteur en médecine, médecin des épidé- mies, rue Moncey, 1. — 1856. Morer, Ernest, docteur en médecine, rue Moncey, 12.— 1863. MourriLie, Alfred, banquier, rue de la Préfecture, 31.—1856. Norrer, voyer de la ville, rue de la Madeleine, 19. — 1855. D Orivaz, Léon, propriétaire, rue du Clos, 22. — 1854. D ORIVAL, Paul, conseiller à la Cour impériale, place Saint- Jean, 6. — 1852. Ouper, Gustave, avocat, rue Moncey, 2. — 1855. OUTHENIN-CHALANDRE, fabricant de papier et imprimeur, pré- sident de la Chambre de commerce, rue des Granges, 23. — 1843. OUTHENIN-CHALANDRE, Joseph, ancien juge au tribunal de commerce, Grande-Rue, 68. — 1856. Parzcor, Justin, naturaliste, rue des Chambrettes, 13.— 1857. PancHaux, Francisque, architecte, rue Neuve, 18. — 1859. PERCEROT, architecte, rue du Chateur, 25. — 1841. PÉRIARD, docteur en médecine, rue du Clos-St-Paul, 6.— 1861. Perrier, Just, employé à la préfecture; quai Napoléon, 1. — 1866. : LT — 326 — MM. : PérTey, chirurgien-dentiste, Grande-Rue, 70. — 1842. PETITHUGUENIN, notaire, rue de la Préfecture, 12. — 1857. Picarp, Arthur, banquier, Grande-Rue, 48. — 1867. Preuer, Emm., fabricant d’horlogerie, place Saint-Pierre, 9. — 1856. Prouerez, Aristide, fabric. d'horl., rue de Glères, 23.— 1866. Por&xaxp, médecin-vétérinaire, rue Morand, 9. — 1855. PorGxanD, premier avocat général, rue des Granges, 38. — 1856. ; Pourcy DE Lusaxs, docteur en médecine, rue de la Préfecture, 23. — 1840. Proupxox, Camille, conseiller à la Cour impériale, Grande- Rue, 129. — 1856. Proupxox, Léon, maire de la ville, rue de la Préfecture, 25. — 1856. RaaxE, Louis, négociant, ancien adjoint au maire, rue Bat- tant, 7. — 1857. RaAcxE, Pierre, négociant, rue Battant, 7. — 1859. Ravier, Franc.-Joseph, ancien avoué; St-Claude (banlieue). — 1858. Rexaup, François, négociant, abbaye Saint-Paul. — 1859. - RexauD, Louis, ancien pharmacien, rue d'Anvers, 4.— 1854. Reyxaup-Ducreux, professeur à l'Ecole d'artillerie, rue Ron- chaux, 22. — 1840. Rira, Arth., professeur à l'Ecole de médecine, rue du Chateur, 9. — 1860. RozLoT, contrôleur des contributions indirectes en retraite; les Chaprais (banlieue). — 1846. S4lLLARD, Albin, professeur à l'Ecole de médecine, rue Mo- rand, 8. — 1866. SanT-Eve, Ch., entrepreneur de serrurerie, place Granvelle. — 1865. | SainxT-Eve, Louis, fondeur en métaux, rue de Chartres, 8. — 1852. — 327 — MM. SarnT-GinesT, Etienne, architecte du département LE eaux. _rue de la Préfecture, 18. — 1866. DE SAINTE-AGATHE. Louis, membre et ancien président de la Chambre de commerce, rue d'Anvers, 1. — 1851. Saxcey, Louis, employé au bureau central de la compagnie des forges de Franche-Comté; Montjoux (banlieue). — 1855. SARRAZIN, propriétaire de mines; Laissey (Doubs). — 1862. Sicarp, Honoré, négociant, rue de la Préfecture, 4. — 1859. SizvanT, Adolphe, propriétaire, Grande-Rue, 44. — 1860: SIRE, Georges, docteur ès-sciences, directeur de l'Ecole d’ hor- logerie, rue done: 6. — 1847 Soupe, André, contrôleur de la bte rue Proudhon, 6. — 1865. STEHLIN, professeur de musique à l'Ecole normale, rue du Chateur, 18. — 1867. TaïrLLEUR, propriétaire, rue d’Arènes, 33. — 1858. Tarzzeur, Louis, professeur de langue allemande, rue d’A- rènes, 33. — 1807. THréBaup (l'abbé), chanoine, Grande-Rue, 112. — 1855. TourxiER, Justin, propriét., rue de la Préfecture, 25.— 1855. Fournier, Paul, docteur en médecine, rue des Granges, 32. — 1866. TRAvELET, essayeur de la garantie, rue St-Vincent, 53.— 185%. TrémoLières, Jules, avocat, rue des Martelots, 1. — 1840. VARAIGNE, Charles, premier commis à la direction des contri- butions indirectes, rue Saint-Vincent, 18. — 1856. VeiL-Picarp, Adolphe, juge au tribunal de commerce, Grande- Rue, 14. — 1859. De Vezer (le comte), propriétaire, rue Neuve, 17 ter. — 1859. VéziAN, professeur à la Faculté des sciences, rue Neuve, 21. — 1860. Vivier, employé à l'hôtel de ville, rue de Chartres, 22.— 1840. Vivier, Edmond, directeur des prisons du département du Doubs, quai Napoléon, 27. — 1866. — 328 — MM. ù Voisin, Pierre, propriétaire-agriculteur; Montrapon (banlieue). — 1855. VouzEau, conservateur des forêts, rue des Granges, 38.— 1856. VUILLERET, Just, Juge au tribunal, secrétaire de la commission municipale d'archéologie, rue Saint-Jean, 11. — 1851. Membres correspondants. . MM. ’ BABINET, Capitaine au 5° régiment d'artillerie ; Strasbourg. — 1851. , DE BANCEXEL, chef de bataillon du génie en retraite; Läesle (Doubs). — 1851. Barpy, Henri, pharmacien ; Saint-Dié (Vosges). — 1853. BarRAL, pharmacien, ancien maire de la ville de Morteau (Doubs). — 1864. BarTaop, Charles, conducteur des ponts et chaussées; Morteau (Doubs). — 1856. BATAILLARD, Claude-Joseph, greffier de la justice de paix: Audeux (Doubs). — 1857. BEAUQUIER, économe de lycée en retraite; Montjoux (ban- lieue). — 1843. BELTRÉMIEUX, agent de change; La Rochelle (Charente-[nfé- rieure). — 1856. BExoiT, Claude-Emile, vérificateur des douanes; Paris, rue du Faubourg-Saint-Martin, 188. — 1854. * BERTHAUD, professeur de physique au lycée de Mâcon (Saône-et-Loire). — 1860. | * BERTHOT, ingénieur en chef du canal en retraite; Pouilly (Saône-et-Loire). — 1851. BERTRAND, Alexandre, conservateur du musée impérial de Saint-Germain-en-Laye (Seine-et-Oise). — 1866. Bessox, gérant des forges de Bourguignon-lez-Pont-de-Roide Doubs). — 1859. Berre, Abel, impr.-lithogr.; Lure (Haute-Saône). — 1862. — 329 — MM. * BEUQUE, triangulateur au service de la topographie algé- rienne; Constantine. — 1853. BEURTHERET, Paul, rédacteur en chef de la France centrale : Blois (Loir-et-Cher). — 1865. Bix10, Maurice, agronome, rue Jacob, 28, Paris. — 1866. BLancxe, naturaliste et étudiant en droit; Dijon {Côte-d'Or ). — 1865. * pe BoisLecouTE (le vicomte), général de division; Paris, boulevard Haussmann, 82. — 1854. BoïsseLeT, archéologue; Vesoul (Haute-Saône). — 1866. Borssox, Emile, propriétaire ; Moncley (Doubs). — 1865. Borssox, Joseph, pharmacien ; Lure { Haute-Saône). — 1862. * Bouizzer, Appolon, rue de Grenelle-St-Honoré, 18, Paris. — 1860. Bouvor, chef de bataillon du génie en retraite; Dole (Jura. — 186%. BrANGET, conducteur des ponts et chaussées; Terre - Noire (Loire). — 1852. * BreDin, profess. au lycée de Vesoul {Haute-Saône).— 1857. Bucagr, Alexandre, propriét.; Gray (Haute-Saône). — 1859. BurCKkARDT, Jean-Rodolphe, docteur en droit, conseiller à la Cour d'appel de Bâle (Suisse). — 1866. CARME, conducteur des travaux du chemin de fer; Dole (Jura). — 1856. CARTEREAU, docteur en médecine; Bar-sur-Seine (Aube). — 1858. | CasTax, Francis, capitaine d'artillerie à la poudrerie du Bou- chet (Seine-et-Oise). — 1860. CessAc, archéologue, rue des Feuillantines, 64, Paris. — 1863. CHawpiN, sous-préfet; Baume-les-Dames (Doubs). — 1865. -* Cnazaup, archiviste du départ. de l'Allier; Moulins. — 1865. CHERBONNEAU, directeur du collége arabe d'Alger. — 1857. * CLoz, Louis, peintre; Lons-le-Saunier (Jura). — 1863. CozarD, chef d'institution; Ecully (Rhône). — 1857. — 330 — MM. Coran», Charles, architecte; Lure (Haute-Saône). — 1864. Cou, juge de paix; Pontarlier (Doubs). — 1864. * ConTEJEAN, Charles, professeur à la Faculté des sciences de Poitiers (Vienne). — 1851. Correr, Eugène, littérateur, rue Royer-Collard, 12, Paris. — 1866. | Cosre, docteur en médecine et pharmacien de première classe ; Salins (Jura). — 1866. * CoTTEaU, juge au tribunal de première instance; | ei (Yonne). — 1860. * CouTHERUT, Aristide, notaire; Lure (Haute-Saône).— 1862. CREBELY , Justin, employé aux forges de Franche-Comté ; Fraisans (Jura). — 1865. CuIxET, curé de canton ; Amancey {Doubs). — 1844. CuRÉ, docteur en médecine; Pierre (Saône-et-Loire). — 1855 DarLorT, ingénieur-opticien, rue Chapon, 14, Paris. — 1864. DE LA PorTE, médecin du Corps législatif; Paris. — 1862. Deis, Jules, architecte, rue du Pont-Louis-Philippe, 4, Paris. — 1867. DELEULE, instituteur; Jougne (Doubs). — 1863. Déprerres, Auguste, avocat, bibliothécaire de la ville de Lure (Haute-Saône). — 18359. * DessERTINES, directeur des forges; Quingey (Doubs).—1866. Derzen, ing. des ponts et chauss.; Réthel (Ardennes).— 1851. * DEuzux, Eugène, banquier; Epernay (Marne). — 1860. DEvARENNE, Ulysse, capitaine de frégate de la marine impé- riale; Toulon (Var). — 1867. Devaux, pharmacien ; Gy (Haute-Saône). — 1860. Déy, conservateur des hypothèques; Laon (Aisne). — 1853. Dinier, Jules, pharmacien; Lure (Haute-Saône). — 1864. Doxer, chef de service de la compagnie des chemins de fer de Paris à Lyon; Paris. — 1857. Dusosr, Jules, maître de forges; Châtillon-sur-Lizon (Doubs). — 1840. — 331 — DumorTier, Eugène, négociant, avenue de Saxe, 97, Lyon (Rhône). — 1857. Farvre (Pierre), apiculteur; Seurre (Côte-d'Or). — 1865. * FazLor fils, architecte; Monthéliard (Doubs). — 18358. FarGEAUD, professeur de Faculté en retraite; Saint-Léonard (Haute-Vienne). — 1842. * Favre, Alphonse, profess. à l'Académie de Genève (Suisse. — 1862. * De Ferry, Henri, maire de Bussières, par Saint-Sorlin, près Mâcon (Saône-et-Loire). — 1860. * FéreL, curé; la Rivière (Doubs). — 1854. FouTÈTE, curé; Verne (Doubs). — 1858. Forruxé, Pierre-Félix, employé aux forges de Franche-Comté: Fraisans (Jura). — 1865. * pe FROMENTEL, docteur en médecine; Gray / Haute-Saône. — 1857. GALLOTTI, Léon, capilaine, professeur à l'Ecole impériale d'Etat-major, rue du Marché, 16, Passy-Paris. — 1866. GaxxaRD, Tuskina, propriétaire ; Quingey (Doubs). — 1866. GaARNIER, Georges, avocat; Bayeux (Calvados). — 1867. GENTILHOMME, pharmac. de l'Empereur: Plombières (Vosges). — 1859. Gevrey, Alfred, juge impérial à Mayotte (colonie française), canal de Mozambique, voie de Suez. — 1860. * GIRARDIER, agent voyer d'arrondissem.; Pontarlier ‘Doubs. — 1856. | * Girop, Louis, architecte; Pontarlier (Doubs). — 1851. * Goprox, doyen de la Fac. des sciences de Nancy (Meurthe). — 1843. GoGuELz, Charles, manufacturier ; le Logelbach (Haut-Rhin). — 1856. ; GOGUEL, pasteur; Sainte-Suzanne, près Monthéliard (Doubs. — 1864. GoGuELy, Jules, archit.; Baume-les-Dames (Doubs). — 1836. — 332 — MM. * GRANDMOUG&IN, architecte de la ville et des bains; noi (Haute-Saône). — 1858. RON Félix, chef d'escadron d'artillerie; Rennes (Ille-et- Villaine. — 1866. * GuiLLemoT, Antoine, entomologiste; Thiers (Puy-de-Dôme). — 1854. HexRiey, médecin ; Mont-de-Laval (Doubs). — 1854. Hucox, Charles, littérateur; Moscou (Russie). — 1866. Hueox, Gustave, adjoint au maire et suppléant du juge de paix de Nozeroy (Jura). — 1867. JACCARD, Auguste, naturaliste; le Locle, canton de Neuchâtel (Suisse). — 1860. JEANNENEY, Victor, professeur de dessin au lycée de Vesoul (Haute-Saône). — 1858. DE KAVANAGH-BALLYAxE (le baron Henri, à Graz (Styrie). — 1867. | KLEIN, ancien juge au tribunal de comm. de la Seine, adjoint au maire du 16° arrondiss. de Paris: Passy-Paris. — 1858. * KozcauiN, Oscar, chimiste: Dornach (Haut-Rhin). — 1858. KoxLer, Xavier, président de la Société jurassienne d'Emu- lation ; Porrentruy, canton de Berne (Suisse). — 1864. * KoxLMANx, receveur du timbre; Angers (Maine-et-Loire). — 1861. * Kozzer, Charles, constructeur; Lons-le-Saunier (Jura). — 1896. - LAMBERT, Léon, ingénieur en chef du canal du Centre; Cha- lon-sur-Saône. — 1852. * LaAMoTTE, directeur de hauts-fourn.; Ottange, par Aumetz (Moselle). — 1859. * LanGLois, juge de paix; Dole (Jura). — 1854. LANTERNIER, chef du dépôt des forges de Larians ; Lyon, rue Sainte-Hélène, 10. — 1855. Larour-pu-Moux, député du Doubs, rue de Suresne, 17, Paris. — 1864. — 333 — MM. * LAURENT, Ch., ingénieur civil, rue de Chabrol, 35, Paris.— 1860. | * pe LAVERNELLE, inspect. des lignes télégraphiques, membre du Conseil général de la Dordogne; rue Saint-Dominique- Saint-Germain, 87, Paris. — 1855. * LeBEaAU, chef du service commercial de la compagnie des forges de Franche-Comté; Fraisans (Jura). — 1859. [UN A Leccerc, François, archéologue et naturaliste; Seurre (Côte- d'Or). — 1866. LENORMAND, avocat; Vire (Calvados). — 1843. * Leras, inspecteur d'Académie; Auxerre ( Yonne). — 1858. Laomme, Victor, directeur des douanes et des contributions indirectes ; Colmar (Haut-Rhin). — 1842. LiGier, Arthur, pharmacien ; Salins (Jura). — 1863. DE Lainiers (le marquis), général de division; Châlons-sur- Marne. — 1861. Lory , professeur de géologie à la Faculté des sciences de Grenoble (Isère). — 1857. Macnarp, Jules, peintre d'histoire, pensionnaire de l'Aca- démie de France à Rome. — 1866. * Murzcarp, docteur en médecine; Dijon (Côte-d'Or). 1855. MarsoxxerT, curé; Villers-Pater (Haute-Saône). — 1856. * pe MaANDROT, lieutenant-colonel à l'état-major fédéral suisse ; Neuchâtel. — 1866. Marcou, Jules, géologue, rue Madame, 44, Paris. — 1845. Marës, Paul, docteur en médecine, rue du Faubourg-Pois- sonnière, 50, Paris. — 1860. DE MarmiEer (le duc), député au Corps législatif; Seveux (Haute-Saône). — 1854. De Marmier {le marquis), membre du Conseil général du Doubs; hôtel du ministère des Affaires étrangères, Paris. — 1867. Marquis=T, Gaston, propriét.; Fontaineez-Luxeuil (Haute- Saône). — 1858. — Bee MM. MarTiN, docteur en médecine; Aumessas (Gard). — 1855. * Maraey, Charles, pharmacien ; Ornans (Doubs). — 1856. Merzzer, pharmacien et archéologue; Poitiers ( Vienne). — 1865. | DE MENTHON, René, botaniste; Menthon { Haute-Savoie). — 1854. MEssEeLeT, Séb., méd.-vétér.; Voray (Haute-Saône). — 1841. * Micuez, Auguste, instituteur communal ; Mulhôuse (Haut- Rhin). — 1842. MicHELOT, ingénieur en chef des ponts et chaussées, rue de la Chaise, 24, Paris. — 1858. Mizcer, Maurice, caissier; Lure (Haute-Saône). — 1864. Monnier, Eugène, architecte, rue Tolozé, 8, Montmartre- Paris. — 1866. MorérTix, docteur en médec., rue de Rivoli, 68, Paris. — 1857. Muxier, médecin; Foncine-le-Haut (Jura). — 1847. Musrox, docteur en médec.; rue de Seine, 76, Paris. — 1864. DE NERVAUX, Edmond, chef de bureau au ministère de l’Inté- rieur; Paris. — 1856. Nicozer, Victor, docteur en médec. au service de la marine. — 1865. ORDINAIRE DE LA COLONGE, chef d’escadron d'artillerie en re- traite; Bordeaux (Gironde). — 1856. * PARANDIER, inspecteur général des ponts et chaussées, rue de Berri, 43, Paris. — 1852. Paris, docteur en médecine; Lons-le-Saunier (Jura). — 1866. Parisor, Louis, pharmacien; Belfort (Haut-Rhin). — 1855. PARMENTIER, Jules, membre du Conseil général de la Haute- Saône; Lure. — 1864. Parriaux, Vital, maire de Jougne (Doubs). — 1863. PATEL, ancien maire de Quingey (Doubs). — 1866. PÉcouz, Auguste, archiviste-paléographe, attaché d'ambas- _ sade, à Madrid et au château de Draveil (Seine-et-Oise). — 1865. SR MM. PERRET, Paul, littérateur, rue de Moscou, 11, Paris. — 1866. Perrier, Francis, manufacturier; Thervay (Jura). — 1867. * PerRoN, conservateur du musée de la ville de Gray (Haute- Saône). — 1857. PErroN, docteur en médecine; les Chaprais (banlieue de Be- sancon). — 1861. * Pessières, architecte; Pontarlier (Doubs). — 1853. Perir, Jean, statuaire, rue d'Enfer, 125, Paris. — 1866. Peucesor, Constant, membre du Conseil général ; Audincourt _ (Doubs). — 1857. Prerrey, docteur en médecine; Luxeuil (Haute-Saône). — 1860. Pizcop, Félix, notaire; Pontarlier (Doubs). — 1867. PÔôxe, docteur en médecine, maire de la ville de Pontarlier (Doubs). — 1842. DU Pousy, général en retraite ;: Pelousey (Doubs). — 1865. Prevor, Eugène, avocat; Lure (Haute-Saône). — 1864. Prosr, Bernard, élève de l'Ecole des Chartes, rue de Bréa, 7, Paris. — 1867. Proupox, Hippolyte, membre du Conseil d'arrondissement ; Ornans (Doubs). — 1854. * QuÉLET, Lucien, docteur en médec.; Hérimoncourt (Doubs). — 1862. QUIQUEREZ, ancien préfet de Delémont; Bellerive, canton de Berne (Suisse). — 1864. RaAGINE, Pierre-Joseph, ancien avoué; Oiselay (Haute-Saône. — 1856. DE RATTIER DE SUSVALON, littérateur, rue de la Paix, 10. Bordeaux. — 1867. REBILLARD, pasteur ; Trémoins (Haute-Saône). — 1856. * Rexaup, Alphonse, officier principal d'administration de l'hôpital militaire de Vincennes. — 1855. Rexaup, :locteur en médec; Goux-lez-Usiers (Doubs).—1854. Revo, Pierre, banquier; Gray (Haute-Saône). — 1858. — 336 — MM. RicHarD, Ch., docteur en médecine; Autrey-lez-Gray (Haute- Saône). — 1861. RogerT, Ulysse, professeur au collége de Tonnerre ( Yonne. — 1866. RoBinerT, Paul, peintre-paysagiste, rue du Vieux-Colombier, 4, Paris. — 1867. DE RocHaAs D AIGLUN , Capitaine du génie; Chambéry (Haute- Savoie). — 1866. | RouGer, docteur en médecine; Arbois (Jura). — 1856. RouxeLz, professeur de physique au lycée de La Rochelle (Charente-Inférieure). — 1864. | Roy, Jules, professeur à l'Ecole des Carmes, rue de Vaugi- rard, Paris. — 1867. Rurrey, Jules, docteur en médecine, rue des Moulins, 20, Paris. — 1863. | | * SARRETTE, Colonel du 34° régiment de ligne; Alger.— 1864. * DE SAUSSURE, Henri, naturaliste; Annemasse (Haute-Savoie). — 1854. SAUTIER, chef de bataillon du génie; Langres (Haute-Marne). — 16848. * THéNarD (le baron), membre de l’Institut (Académie des sciences); Talmay (Côte-d'Or). — 1851. Tissor, doyen de la Faculté des lettres de Dijon (Côte-d Or. — 1859. | Tousix, Charles, professeur au collége arabe d'Alger. — 1856. Tourer, Félix, percepteur ; Nans-sous-Sainte-Anne (Doubs). — 1854. * Tournier, Ed., docteur ès-lettres, rue de Vaugirard, 92, Paris. — 1854. TraveLer, Nicolas, adjoint au maire de Bourguignon-lez- Morey (Haute-Saône). — 1857. TrucHELUT, photographe, rue Richelieu, 98, Paris. — 1854. Tusrey, Alexandre, archiviste aux archives de l'Empire, rue Bertholet, 4, Paris. — 1863. — 331 — MM. VALFREY, Jules, rédacteur en chef du Mémorial diplomatique, boulevard Malesherbes, 36, Paris. — 1860. VENDRELY, pharmacien; Champagney (Haute-Saône).— 1863. Viæizze, Emile, libraire, maison Victor Masson, rue de l'E- cole-de-Médecine, 17, Paris. — 1862. VIEILLE, Eugène, fabricant de meules; La Ferté-sous-Jouarre (Seine-et-Marne). — 1860. VIVIEN DE SAINT-MaRTIN, vice-président de la Société de géo- graphie, quai Bourbon, 15, Paris. — 1863. Werzez, architecte de la ville et président de la Société d'E- mulation de Montbéliard (Doubs). — 1864. Wey, Francis, inspecteur général des archives de France; Paris, rue du Hâvre, 11. — 1860. 23 — 338 — SOCIÉTÉS CORRESPONDANTES. Le millésime indique l'année dans laquelle ont commencé les relations FRANCE. Comité impérial des travaux historiques et des sociétés savantes près le Ministère de l'Instruction publique (deux exemplaires des Mémoires) . . . . . . . . . : . 1856 Aisne. Société académique des sciences, arts, belles-lettres, agriculture et industrie de Saint-Quentin . . . . . . 1862 Allier. Société des sciences médicales de l'arrondissement de CODE PLACE PA + 14861 Société d'Emulation à etes de l'AIES Fr ss. RS OS Alpes-Maritimes. Société des lettres, sciences et arts des Alpes-Maritimes; Nice .:. 512426 2 RS EN Ardèche, Société des sciences naturelles et historiques de l’Ar- dèché: Privas . . : OR SON Aube. Société académique de l'Aube; Troyes . . . .. . . . . 1867 Bouches-du-Rhône. Société de statistique de Marseille . . . . .. : 11867 Académie des sciences, belles-lettres et arts E "1 soie € ui ON Me S 1867 — 339 — Calvados. Société Linnéenne de Normandie ; Caen. Société francaise d'archéologie; Caen Charente-Inférieure. Société d'agriculture de Rochefort . Côte-d'Or. Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon. Société d'agriculture et d'industrie agricole du départe- ment de la Côte-d'Or; Dijon... Doukrs. , Académie des sciences, belles-lettres etaris de Besancon. Société d'agriculture, sciences naturelles et arts du dé- partement du Doubs; Besancon . Commission archéologique de Besancon . Société d'Emulation de Monthéliard . . . Société de médecine de Besancon Société de lecture de Besancon . ; ; Eure-ct-LEoir. Société Dunoise: Châteaudun . : Gard. Académie du Gard; Nimes. Gironde. Commission des monuments de la Gironde; Bordeaux. Société des sciences physiques et naturelles de Bor- deaux. . Isère. Société de statistique et d'histoire naturelle du départe- ment de l’[sère ; Grenoble . . . , Jura. Société d'Emulation du département du Jura; Lons- le-Saunier . Fc ND PL CHERS Société d'agriculture, sciences et arts de Poligny. 1857 1861 1841 1853 1854 1861 1865 1867 1866 1866 1867 1857 184 1860 : — 340 — Loire. Société impériale d'agriculture, industrie, sciences, arts et belles-lettres du département de la Loire; Saint- Etienne. . . . 2. 42 SR Loiret. Société archéologique de l'Orléanais: Orléans . . . . . 1851 NMaine-cft-Loire. Société industrielle d'Angers et du département de Maine-et-Loire; Angers. .. . . .. SÉPARÉE 11655 1857 Société académique de Maine- LS Xnsoo D Manche. Société des sciences naturelles de Cherbourg. . . . . . 1854 Riarne. Société d'agriculture, commerce, sciences et arts du département de la Marne; Châlons . . . , . . . . . 1856 Niayenne. Société de l’industrie de la Mayenne; Laval . . . . . . 1857 Société d'archéologie, sciences, arts et belles-lettres du département de la Mayenne; Mayenne . .. . . . . 1866 *icuse. Société philomathique de Verdun . .,. . . . . . . - . 1851 Morbihan. Société polymathique du Morbihan; Vannes . . . . . 1864 i Bloselle. Société d'histoire naturelle du département de la Mo- selle: Metz. 405 4 Le EE RES Oise. Société d'agriculture de Compiègne . . . . . . . .. . 1862 Pyrénées (Hautes-). Société académique des Hautes-Pyrénées; Tarbes. . . 1859 é Pyrénées-Orientales. Société agricole, scientifique et littéraire des Pyrénées- Orientales; Perpignan . | Rhin (&as-). Société des sciences naturelles de Strasbourg Rhin (Haut-). Société d'histoire naturelle de Colmar Rhône. Société Linnéenne de Lyon FETE RTE Société d'agriculture, d'histoire die et arts AE de Lyon ee. Académie des sciences, ere HAS et arts de TS on. Société d'horticuliure pratique du département du Rhône; Lyon . Société littéraire de Lyon. Srônce-ct-Loire. Société Eduenne; Autun. Ë Société d'archéologie de Chalon-sur- ne: Saône (Hautc-). Commission d'archéologie de la Haute-Saône: Vesoul. Scine. Société géologique de France; Paris . Société de secours des amis des sciences; Paris Société de linguistique; Paris, rue de Lille, 34 Association scientifique ; Paris. D fre Société d'encouragement pour l'industrie nationale ; Paris . ne ln En era. Société impériale des antiquaires Fe Re : Paris Seine-ct-31arnce. Société d'archéologie, sciences, lettres et arts de Seine- url int 2e Eat L 1856 1866 1860 1819 1850 1850 1853 1866 1846 1897 1861 1847 1863 1865 [866 1807 1867 1869 — 342 — Seine-ct-Oise. Société des sciences naturelles et médicales de Seine- et-Oise; Versailles . E'arn. Société scientifique et littéraire de Castres . Haute-Vienne. Société archéologique et historique du Limousin: Li- moges Vosges. Société d’'Emulation du département des Vosges; Epinal. Yonne. Société des sciences Si et naturelles de l'Yonne; Auxerre TE Société d'agriculture Fe JOISn y. ALGEÉREEN. Société de climatologie algérienne ; Alger . SLLEMAGNE. Institut impérial et royal de géolozie de l'empire d’Au- triche (Kæserlich-kæniglich geologische Reichsan- stalt); Vienne . PR Académie royale des sciences Bavière, à Mumich (Kænigl. bayer. Akademie der Wissensthaften zu München), représentée par M. Scheuring, libraire, à Lyon. ANR ER 0 | Société des sciences con Fe Brême (Naturwissen- schafticher Verein zu Bremen) 0 Société des sciences naturelles et médicales f 4 His Hesse (Oberhessische Gesselschaft für Natur und Heïlkunde); Giessen LE RE LE Société des sciences naturelles du sis aiché a Luxembourg ; Luxembourg . 1855 1865 1866 — 343 — . zu Kænigsherg ; Prusse | AMÉRIQUE Société d'histoire naturelle de Boston, représentée par MM. Gustave Bossange et C°, libraires, quai Vol- taire, 25, Paris. . ANGLETERRE. Société littéraire et philosophique de Manchester {Lite- rary and philosophical Society of Manchester) SUISSE. | Société des curieux de la nature de Bâle (Naturfor- schenden Gesellschaft in Basel) . Société d'histoire naturelle de Berne ( (Élineriethe Na- turforschenden Gesellschaft). stp? À Société jurassienne d’ Emulation de PE canton de Berne a, Société d'histoire et d PAIE de Gale . Institut national de Genève re Société vaudoise des sciences D Pr Se Société neuchâteloise des sciences natur cn ; Neuchâtel. Société d'histoire et d'archéologie de Neuchâtel Société helvétique des sciences naturelles (Allgemeine schweizerische Gesellschaft für die gesammten Na- turwissenschaften }; Zurich . Société de physique et des sciences edes Fe Zu ee (Naturforschenden Gesellschaft in Zurich) Société des antiquaires de Zurich Société royale physico - économique de Kænigsberg {Kœnigliche physikalisch- ækonomische Gesellschaft 1861 1865 1859. 1864 BIBLIOTHÈQUES PUBLIQUES Ayant droit à un exemplaire des Mémoires. + Bibliothèque de la ville de Besançon. Id. de l'Ecole impériale d'artillerie de Besançon. Id. de la ville de Montbéliard. Id. de la ville de Pontarlier. Id. de la ville de Baume-les-Dames. Id. de la ville de Vesoul. | Id. de la ville de Gray. Id. de la ville de Lure. Id. de la ville de Lons-le-Saunier. Id. de la ville de Dole. Id. de la ville de Poligny. Id. de la ville de Salins. Id. de la ville d’Arbois. x Id. du musée impérial de Saint-Germain. — 345 — TABLE DES MATIÈRES DU VOLUME PROCÈS-VERBAUX. Don à l'Ecole normale de Cluny d’une collection de 169 oiseaux empaillés, et remerciments de Son Exc. M. ie MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE à Ce sujet.......... BD: IF TAG Nouveaux dons au musée d'histoire naturelle de Besançon. pp.nretv Souscription pour faciliter la visite de l'Exposition universelle nu mag ss domone e P.-v Communications de M. MARCHAL : Ha fabrication du rouge à polir... .:. 4. : . . . . p. vi Sur un appareil indicateur de l'inondation des caves. . . .. p. XI Sur la préparation de l'huile pour l'horlogerie . . . . . . .. id. Sur la peinture des cheminées de chaudières à vapeur . . . p.xxi Sur le traitement des cendres d'orfèvres. . . .. . . . . .. id. Sur la préparation d’une colle à l’usage des horlogers . . p.xxvini Sur un expédient pour empêcher la brisure des creusets d’es- sayeurs (en collaboration avec M. BouRDY). . pp. xXXVII et XXvINI Réunion de la Sorbonne en 1867 : lectures de MM. DRAPEYRON et Casta; mémoire de M. Cessac sur l'emplacement d’'Uxellodunum. ....... Re on DDI-XI TE SLT CU XV Carte de la re Ce entrepris par M. le colonel DE MANDROT.. ru : res De ASS Election de MM. nées TRS et Emile tn en qualité de membres honoraires... ............. pp. XV et xvi Remerciments de M. Amédée THIERRY.......... PP. XVIII et xIxX Installation de la Société au palais Granvelle : allocution pro- noncée à ce sujet par M. Victor GIROD............... P. XVIII Notice sur la situation de la fabrique bisontine d’horlogerie, par M. Victor Giron. de: ; ROUE RE Acceptation, pour les Mure . la Société, du re rendu de l’Exposition universelle préparé par le Comité départemental du Doubs. ................... PP. XXII et XXII Rapport sur la gestion financière de 1866............... p. XxXVI Félicitations adressées à M. Victor Giro sur sa nomination à l’un des postes d’adjoint au maire.................... P. XXX 23" — 346 — Critique de l'emplacement choisi pour élever une statue à Vercingétorix, par M. François LECLERC. .... pp. xXxX1 et xxXXII Emprunt de 2,000 fr., remboursable en six annuités, fait sur le capital des cotisations rachetées . ................ pP. XXXII Budget 16 1868. LR TEE RE PET RO EEE PP. XXXIII et XXXIV Découverte, par M. Francis Casran, de monuinents druidiques à Ballancourt (Seine-et-Oise). ... ..1............... ‘p. XXXVU Souvenirs des temps celtiques ne les battèits ‘dé Vitrey et ë. Champlitte (Haute-Saône), recueillis par M. N. TRAVELET PP. XXXVII €f XXXVIII Procès-verbal de l’essai fait à Paris, en 1579, de la monnaie municipale de Besançon, communiqué par M. A. TuETEY | PP: XXXVIII Et XXXIX Election du conseil d'administration de 1868..... pp. xxxix et xL Séance publique du 19 décembre 1867........... PP. XLI et XLII Banquet annuel et toasts prononcés dans cette circonstance par MM. le préfet n'ArNoux, Vicior Girop, A. CasrTan, le colonel DE ManproT, Cl. DuvERNOY et FAUCOMPRÉ. .. PP. XLIHI-L s MÉMOIRES. La.SocrÉTÉ D'EmuLaTioN pu Douss à la réunion des sociétés savantes et à la distribution des récompenses bR ASDT. LL et PAPE À Di Charte d'affranchissement du bourg x Mrs FREE Comté),.publ. par M. J. GAUTHIER. . . . . CS Monographie de l'appareil fructifère de l'Innn Set pur- purea; par M..F. Leeceré 4 te cu SOON Un cachet inédit d’oculiste romain, par M. " Cie (planche): su SUR MANS NES Sur la démonstration du principe d'Archimède, par M..Béaraiun 2 72000 Fe PONS Sur les nombres de vibrations des sons de la gamme , par M. BEgmHauD 57752 01 SONORE Formes et dimensions des camps romains au ira de César, par M. P. Biz . 5, 2, : : LOC — 347 — Recherches sur la langue Bellau, argot des peigneurs dechanvre du haut Jura, par M. Ch. Touin . . . Lugeuil : ville, — abbaye, — thermes, par M. Emile 0 L'Empereur Charles-Quint et sa statue à Besancon, par D it DOS gravé)... 7. 0... . Etude comparative du chemin celtique de Pierre-Pertuis et de la voie romaine qui l'avait remplacé, par D Ouooumnrez (2 planches). . . .. . . . . .. \£ ) Ebroïn et Saint-Léger (lutte entre la Neustrie et l'Aus- A DA DE D DRAPEYRON : . .. . :. : . . . Les derniers sires d’Asuel et le mobilier de leurs rési- dences au xvi° siècle, par M. A. QUIQUEREZ. . . . . La Fabrique d’'horlogerie de Besançon et la Société d’E- mulation du Doubs en 1867, par M. V. GIRoD . . . De l’organisation des armes spéciales chez les Romains, À px ROGHAS D'AIGLUN . .:. : . - : . . . Le philosophe Théodore Jouffroy, d’après sa correspon- dance avec Ch. Weiss, par M. J. GÉRARD . . . . .. Les armoiries sont-elles l'apanage exclusif de la noblesse ? D MANMEOM >. D 5. 0. 0... . Notice sur le sénateur Lyautey, par M. A. CASTAN OBJETS DIVERS. Dons faits à la Société en 1867......................... Envois des sociétés correspondantes. ................... Membres de la Société en 1867. Sociétés correspondantes.. ER Bibliothèques recevant les FRS SO ds ae a SR -S mr — LE p. D. Besancon, imp. Dopivers et Ce, Grande-Rue, 42. sw “ » PER st A: da ee x A g #T LEE ir ui A 'aida À — È , A ++ + EN . =” 1 $ CRE 4 Ê Fi DS € mr VIT Las A à 6 NS SCA SNMEUE N 4 ST: e * * . j j . " +, j es à E n - k 274 i { « L # Ne TC _ 4 L L x? + >, * D .* - L # 1 . É 4 ap" , CA + % n? LL La di De, r u ACT, one 5 00317 D —— — RPM. à £ —— où Décret impérial du 22 avril 1865 : « “14 Société d'Emralatot tn Doubs, à Besancon, est reconnue comme établissement œutitité > publique... » Pme à Art. 1% des statuts : « Son but est de concourir -- L- aux “progrès des sciences et des arts, et, pour er ‘facililer le € ment,ide coopérer à la formation des collections publiqé diter les travaux utiles de ses membres. 5 » Elle encourage principalement Les études reReE à la Franche Comté. » Art. 15 des statuts : « La Société pourvoit à ses dois au De - moyen : » 1° D’une cotisation annuelle payable par chacun de ses membres résidants et par chacun de ses membres COTES ous est exigible dès l’année même de leur admission. es | er » 2 De la somme de deux francs payable par les: nait rési- dants et correspondants au moment de la remise du diplôme... > Art, 47 du règlement : « La cotisation annuelle est fixée à dix francs pour les membres résidants et à six francs pour les membres - correspondants. » ; % Art. 23 des statuts : « Les sociétaires ont la latitude de se jibérer de leur cotisation annuelle en versant un capital dans CE caisse de la Société. | | » La somme exigée est de cent francs pour les membres | rési- SE É dants et de soixante francs pour les correspondants... » e EE Aré. 15 des statuts : « Tout membre qui aura cessé rs sa cotisation pendant plus d’une année, pourra être considéré comme. + démissionnaire par le conseil d'administration. » FE be hotels Art. 6 du règlement : « Lies séances PRES se tignn: de. cond samedi de chaque mois... » ES RSe Art. 9 du règlement : « La Société publie, Des année, . CE un bulletin de ses travaux, sous le titre de Mémoires. .… » Rider. Art. 15 du règlement : « Le bulletin est remis gratuitement : 5 £ + 4 Diet À chacun des membres honoraires, résidants # corres- | pondants de la Société... » Adresse du Trésorier de la Société: M. le docteur dacqurs, rue du Clos, n° 32, à Besancon.