S. 804, 8.162 MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES DE L'INSTITUT DE FRANCE. TOME XXIV. HADAAIDE EN AIEAUADANT HAS : : d 5 ue ù MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES DE L'INSTITUT DE FRANCE. TOME XXIV. PARIS, DE L'IMPRIMERIE DE FIRMIN DIDOT FRÈRES, IMPRIMEURS DE L'INSTITUT, RUE JACOB, N° 56. 1854. CAE De GA FLE LI ILE T: MU OP NALE HU 1 FHARELOESE CU 11 4 à è : - t ‘ 4 à n L TOTÉTEMNE EL 142€ HOPRIUE 40 2 AO "Ra : Po : pu 5e MU: cuir le, Ye Tete HT CS ev, sa# HAS PO PO AMAR A ARE 0ù DLL "ENT: 070 ICT D | = Pl d Li Den ns Less Re SAS RSR DURS RS LOTS ENST LEUR RNA RE AR ARR UE NAS LUEUR SOUS LAS LA LR LAS LA ELA NES TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS LE VINGT-QUATRIÈME VOLUME DE LA NOUVELLE COLLECTION DES MÉMOIRES DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES. Pages Brocrarxig de Gaspard Monge, par M. AraGo, secrétaire per- pétuel...... OCT Fi ee sde Jo Diod ion j Mémornes sur le système nerveux des mollusques acéphales jamellibranches ou bivalves, par M. Duvennox............ pi Mémorne sur plusieurs réactions chimiques qui intéressent l'hy- giène des cités populeuses, par M. E. CnevREuL............ 213 Reckencues de quelques dates absolues qui peuvent se conclure des dates vagues inscrites sur des monuments égyptiens, par M. Bior. ..... Mes Mie Men ete dre laie: à Do MS EQ 265 16 v] TABLE DES ARTICLES CONTENUS DANS CE VOLUME. Rarrorr sur un mémoire de M. Pasteur, intitulé : Nouvelles Re- cherches sur les relations qui peuvent exister entre la forme cristalline, la composition chimique, et le phénomène rota- toire moléculaire, par M. ne SENARMONT.............. SE RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA TEINTURE, par M. Cmevreur Septième mémoire.—Sur la composition immédiate de la laine, sur la théorie de son désuintage et sur quelques propriétés dérivées de sa composition immédiate qui peuventavoir de l'influence dans les travaux industriels dont elle est l’objet. Lu à l'Académie des sciences, le 20 avril 1840.......... Huitième mémoire. — Considérations sur la théorie de la teinture et applications de cette théorie au perfectionne- ment de plusieurs procédés pratiques eu général, et à celui de la teinture d’indigo dite en bleu de cuve en particulier. Lu à l'Académie des sciences, le 23 novembre 1846...... Neuvième mémoire. — De l'action que des corps solides peuvent exercer, en conservant leur état, sur un liquide te- nant en solution un corps solide ou liquide. Lu à l’Acadé- mie des sciences, le 6 Juin 1099 ..--2e---:--er-cce Dixième mémoire. —De l'action de l’indigotine et du bleu de Prusse sur la soie. Lu à l’Académie des sciences, le 29 MAIS AO AD ann sc ne rate de cle à Sur un calendrier astronomique et astrologique trouvé à Thèbes en Egypte, dans les tombeaux de Rhamsès VI et de Rhamsès IX. Deuxième et dernier mémoire, par M. Bior.............. FIN DE LA TABLE DU VINGT-QUATRIÈME VOLUME, Pagea 407 409 5y1 549 IR ARR BR ARR ARR ARR ER LR RE RE LR RS LR LR RS ARR LUE LUE RAR LR Lee en nn BIOGRAPHIE DE GASPARD MONGE, ANCIEN MEMBRE DE L'ACADÉMIE DES SCIENCES, Par M. ARAGO, SECRÉTAIRE PERPÉTUEL, Lue à la séance publique du 41 mai 1846. Le maréchal de Saxe racontait les hauts faits de Chevert, dans la grande galerie de Versailles, au milieu d’un groupe d'officiers et de courtisans. — Tout à coup, un de ses audi- teurs l’interrompit en ces termes : M. le maréchal, la chaleur de vos éloges nous autorise à penser que l’histoire de Che- vert ne vous est pas complétement connue; vous ignorez, sans doute, que cet officier est le fils du bedeau de la plus modeste église de Verdun ? — Vraiment ? s’écria le héros de Fontenoy. — Chevert avait toute mon estime ; à partir de ce moment, je lui devrai de la vénération. C'est aussi jusqu’à la vénération que je désirerais porter les sentiments de cette assemblée pour le confrère dont je vais tracer la biographie. Je dirai donc, sans autre préambule, que Jacques Monge, le père de l’'illustre académicien, était T. XXIV. a Il BIOGRAPHIE un marchand ambulant, et que, dans ses courses autour de la ville de Beaune, il ne dédaignait pas d’aiguiser les couteaux, les ciseaux des ménagères bourguignonnes. Jeunesse de Monge; ses dispositions précoces ; il est admis dans la seconde division de l’école de Mézières. Le laborieux commerçant de la rue couverte de Beaune, Jacques Monge, s’imposa de rudes, d'honorables privations, et parvint ainsi à placer ses trois fils dans le collége de cette ville, dirigé alors par les oratoriens, Les trois jeunes gens répondirent avec distinction à la sollicitude paternelle, L’ai- né, Gaspard, notre ancien confrère, devint, dès son début, un sujet d'élite. Il remportait les premiers prix dans toutes les facultés; ses maîtres trouvaient un plaisir particulier à inscrire, à côté de son nom, la formule quelque peu maniérée des écoles de cette époque : Puer aureus. Jusqu'à Ja fin de sa vie, Monge conserva religieusement les petits bulletins hebdomadaires dont les oratoriens de Beaune s'étaient complu à le gratifier. Voulait-il témoigner ainsi, comme le grand Condé, que les succès du collége pro- curent seuls des plaisirs sans mélange? Attachaital plus de prix au souvenir d’un thème ou d’une version irréprocha- bles, qu’à celui de certains triomphes géométriques dont le monde lui fut redevable et qui jetèrent tant d'éclat? Non, Messieurs ; ne cherchez en tout ceci qu'un tendre sentiment filal : les satisfecit du collége de Beaune réveillaient, dans le cœur de l'illustre académicien, le souvenir des sacrifices qu'un père prévoyant s'était imposés, et celui des efforts que le fils avait faits pour les rendre fructueux. DE GASPARD MONGE. ui Le jeune Gaspard Monge, malgré ses succès, n'était pas tellement absorbé par les études littéraires, qu'il ne trouvät l’occasion de faire des excursions dans le domaine des sciences et des arts. À quatorze ans, l'élève rhétoricien exécuta une pompe à incendie, dont les effets frappèrent d’admiration les personnes les plus instruites. Comment, lui demandait-on, avez-vous pu; sans guide et sans modèle, me- ner à bonne fin une pareille entreprise ? — J'avais, répondit- il, deux moyens de succès infaillibles : une invincible téna- cité, et des doigts qui traduisaient ma pensée avec une fidé- lité géométrique. La ténacité dans l'esprit, des doigts exercés et dociles, ne furent pas moins nécessaires au jeune Monge, le jour où il entreprit de faire le plan détaillé de sa ville natale. Le géo- mètre improvisé eut à inventer les méthodes d’observation, à construire les instruments propres à mesurer les angles, à exécuter le tracé graphique. Une réduction gravée de ce travail, orne un petit ouvrage historique de l'abbé Gandelot. L’original est conservé dans la bibliothèque de Beaune. Les chefs de cet établissement ne réussissent pas toujours à con- vaincre les voyageurs, — quand ils leur présentent ce plan célèbre comme le coup d'essai d’un enfant de seize ans, même après avoir ajouté que cet enfant fut, plus tard, lil- lustre créateur de la géométrie descriptive. Les oratoriens de Lyon voulurent juger.par eux-mêmes du mérite de l’écolier dont leurs collègues de Beaune par- laient toujours avec de pompeux éloges; ils l’appelèrent dans leur établissement et lui confièrent d'emblée la chaire de physique. Le professeur de physique du célèbre coliége de l'Oratoire a. IV BIOGRAPHIE à Lyon n'avait que seize ans. Son enseignement eut, toute- fois, un succès extraordinaire; des manières affables, la pa- tience d’un bénédictin, une conduite dans laquelle on aurait vainement cherché, même de simples indices de l'esprit in- constant et léger qui semble le lot inévitable de la jeunesse, procurèrent à Monge autant d'amis que ses lecons lui avaient donné d’admirateurs. Les oratoriens désirèrent se l’affilier, et ne négligèrent pas de faire briller, aux yeux du néophyte, les services que dans sa nouvelle position il pourrait rendre à des parents chéris, à une famille nombreuse et sans for- tune. Ces considérations devaient toucher le cœur de Monge ; aussi, allait-il entrer dans les ordres, lorsqu'une lettre partie de Beaune renversa ce projet. «Mon cher Gaspard, disait Jacques Monge à son fils, je n'ai pas le dessein de contrarier ta vocation, si elle est bien arrê- tée; mais je te dois une réflexion paternelle, tu la pèseras : « Je suis persuadé qu’on commet une faute grave, quand on entre dans une carrière quelconque autrement que par /a bonne porte ; or, on n\'assure que tes études littéraires n’ont pas été assez complètes pour la carrière d’oratorien. Main- tenant, c'est à toi de prononcer. » Peu de jours après avoir reçu cette lettre, Monge était de retour dans sa ville natale. Vous excuserez, Messieurs, ces minutieux détails; je ne pouvais supprimer ce que notre confrère, comblé de digni- tes et de gloire, nous racontait avec tant d'émotion. J'aurais manqué à un devoir en ne consacrant pas quelques paroles à l'homme de bien, à l’homme au jugement sûr, à la raison élevée, dont Monge ne parla jamais qu'avec une vénération profonde ; au rémouleur auquel il se plaisait à faire remon- DE GASPARD MONGE. V ter tout ce qui lui était arrivé d’heureux durant sa longue carrière. Un officier supérieur du génie auquel on montrait, à Beaune, le plan manuscrit de la ville, devina, du premier coup d'œil, que le pays tirerait un jour grand profit des tra- vaux d’un enfant dont les premiers essais étaient si brillants, et il offrit à Jacques Monge de faire entrer son fils à l’école de Mézières. La proposition fut agréée, et le jeune Gaspard se mit en route, le cœur plein d'espérance. Hélas! combien de déceptions ne devaitil pas éprouver! L'école de Mézières jouissait d’une grande réputation, due en partie au profond mystère dont elle s’enveloppait. Les élèves, au nombre de vingt, se renouvelaient tous les ans par moitié. Les dix élèves sortants allaient, avec le titre de lieutenant du génie, présider aux travaux de fortifica- tions dans les nombreuses places de guerre qui formaient alors une barrière presque continue sur nos frontières de terre et de mer. On ne tarda pas à remarquer que la bonne exécution de ces dispendieux travaux dépendait au moins tout autant de la capacité des surveillants que du mérite des chefs. De ce moment, l’école de Mézières créa, auprès d’elle, une succursale destinée à former des appareilleurs, des con- ducteurs; pour tout dire, en un mot, des praticiens. Les élèves de cette succursale apprenaient les principes élémentaires du calcul algébrique et de la géométrie , le des- sin graphique, les traits de la coupe des pierres et de la charpente. Ils exécutaient encore de leurs mains, avec du plâtre gâché, des modèles de toutes les parties ou voussoirs qui composent les différentes espèces de voûtes en usage dans l'architecture civile et militaire. C'était, par allusion à cet VI BIOGRAPHIE exercice si utile, et dont il eüt été de bon goût de ne point parler avec dérision, que les élèves de l’école privilégiée avaient donné le nom de Gäche à l’école pratique. Les élèves de la Gäche, pour parler ici comme les fils de famille, n'étaient astreints à aucune condition de naissance ou de fortune; mais aussi, quelle que fût leur capacité, ils ne devaient jamais prétendre même au modeste grade de sous- lieutenant du génie. Les élèves de- la première division, au contraire, n'étaient admis à l'examen qu'après avoir prouvé que leurs pères avaient vécu zoblement, c’est-à-dire, car l’ex- pression roblement appelle, je crois, un commentaire, sans s'être Jamais livrés à aucun genre de commerce, à aucun genre d'industrie, à aucun genre de fabrication, celle des vitres et des bouteilles exceptée, la constitution du pays admettant alors des gentilshommes verriers. Je ne sais si l'officier qui décida Monge à se rendre à Mézières, avait espéré que le mé- rite de son jeune recommandé pourrait faire fléchir la règle ; en tout cas, il n’y eut pas d’exception : Jacques Monge de Beaune, n'ayant vécu ni de ses rentes ni d’une fabrication quelconque de bouteilles, son fils Gaspard fut impitoyable- ment relégué dans la Gäche avec la perspective, en cas de grand succès, de veiller un jour en sous-ordre à la construc- tion d’un bastion, d’une demi-lune ou d’une porte de ville. Monge exécutait les travaux quotidiens imposés aux élèves de l'école pratique, beaucoup plus vite que des règlements, rédigés en vue de capacités moyennes, ne l'exigeaient, Il avait donc du loisir, et l’'employait à rechercher les fondements mathématiques des constructions de stéréotomie qui, dans ce temps-là, étaient recommandées et prescrites au nom de leur ancienneté, autant dire au nom de la routine. Durant DE GASPARD MONGE. Vii ces études solitaires, Monge, quoique dépourvu de tout guide, n’arriva pas seulement à des démonstrations simples et élégantes des méthodes obscures en usage; il les perfec- tionna, il ouvrit des voies entièrement nouvelles. Il fallut néanmoins qu’une circonstance fortuite vint apprendre aux chefs supérieurs de l'établissement de Mézières, que la petite école, que la division des kommes de peu, renfermait un es- prit actif et pénétrant, une intelligence d'élite, en mesure de beaucoup améliorer la science de l'ingénieur, capable même de la remuer jusque dans ses fondements. Monge est nommé répétiteur et professeur à l’école de Mé- zières. Travaux de Monge sur la géométrie descriptive et sur l'analyse transcendante. Son talent comme profes- seur. Caractère de Monge ; son mariage. Défiler une fortification, c’est-à-dire ne laisser aucune de ses parties en prise aux coups directs de l'artillerie de l’assié- geant, tel est le problème capital sur lequel, de tout temps, il a fallu diriger les premières réflexions des jeunes ingénieurs militaires. À l’époque où Monge arriva à Mézières, les solu- tions connues de ce fameux problème reposaient ou sur des tâtonnements incertains, ou sur des calculs d’une longueur rebutante. Les calculs, il est vrai, on les donnait à faire aux malheureux praticiens de la gâche. C’est à ce titre que Monge fut chargé de traiter un cas particulier, dont les éléments avaient été fournis par l'état-major de l’école. Lorsque no- tre confrère se présenta pour remettre le résultat de son travail au commandant supérieur, cet officier refusa de le recevoir. Pourquoi, disait-il, me donnerais-jela peine de sou- VIII BIOGRAPHIE mettre une solution imaginaire à de pénibles vérifications ? L'auteur n’a pas même pris le temps de grouper ses chiffres ; je puis croire à une grande facilité de caleul, mais non à des miracles! Sur l’insistance du jeune élève, on se décida enfin à l’en- tendre : il avoua d’abord , sans détour, que les scrupules de son chef avaient quelque fondement, que les procédés con- nus ne l'auraient pas conduit si promptement au but, quelle qu’eût été son habitude des calculs arithmétiques. Aussi, ajouta-t-il, ce que je demande en première ligne et avec une entière confiance, c’est l'examen scrupuleux de la route que je me suis tracée. La fermeté triompha, cette fois, de la pré- vention. La route nouvelle, étudiée sous tous ses aspects, se trouva plus directe, plus facile, plus méthodique qu'on n’a- vait osé l’espérer, et Monge fut récompensé de son inven- tion par la place de répétiteur de mathématiques. En sortant de la classe des appareilleurs, où il avait pu craindre de rester éternellement relégué, pour ailer donner des lecons à messieurs les officiers du génie, Monge voyait s'ouvrir tout à coup devant lui une belle et vaste carrière. Dans les premiers moments, il fut cependant moins sensible à cette brillante perspective qu'au plaisir d’avoir enfin reçu un témoignage de satisfaction qui ne s’adressait pas exclusi- vement à la dextérité de ses doigts. Il faut bien l'avouer, tout en accordant jusque-là de très-grands éloges aux travaux graphiques de notre confrère, on avait paru l’engager à ne pas porter son ambition plus loin; et lui, dans le sentiment de sa force, voulut plus d’une fois déchirer, fouler aux pieds ses belles épures, afin d'échapper à des compliments presque toujours suivis de restrictions, de conseils qui l’humiliaient. DE GASPARD MONGE. IX C’est de l'époque où Monge entra en fonction comme ré- pétiteur à l’école de Mézières, que date réellement la branche des mathématiques appliquées, connue aujourd’hui sous le nom de Géométrie descriptive. Au point de vue de l'utilité, la géométrie descriptive est incontestablement le plus beau fleuron de la couronne scien- tifique de notre confrère. Je ne saurais donc me dispenser d’en donner ici une idée générale. Je ne me fais pas illusion sur la sécheresse des détails que l'analyse des découvertes de Monge pourra m'imposer ; mais je sais aussi que j'ai l’hon- neur de parler devant une assemblée, juste appréciatrice du sentiment du devoir, et cette réflexion me rassure entière- ment. Personne d’ailleurs n’a dù supposer qu'il ne serait pas question de mathématiques dans la biographie d’un mathé- maticien. La géométrie descriptive, la géométrie analytique ne s’oc- cupent, ne peuvent s'occuper que de lignes, que de surfaces susceptibles d’une définition rigoureuse : ce sont les expres- sions sacramentelles de Monge. Quel sens devons-nous leur attribuer ? Les mots définition rigoureuse n'impliquent en aucune manière que la forme de la surface pourrait toujours être in- diquée dans les termes de la langue parlée : une surface est dé- finie rigoureusement, lorsque la position de tous ses points se déduit d’une même formule analytique, à l’aide d’une série d'opérations uniformes, c'est-à-dire par un simple chan- gement dans la valeur numérique des lettres qui y figurent. Ceci convenu, indiquons le plus brièvement possible le but de la géométrie descriptive. Une figure plane peut être représentée sur une surface T. XXIV. b X BIOGRAPHIE plane sans aucune altération dans les proportions de ses par- ties. La représentation est, dans ce cas, une sorte de minia- ture de la figure réelle; les lignes qui sont doubles, triples,.. décuples,etc., les unes des autres dansl’objet, sont également doubles, triples,.… décuples, etc., les unes des autres dans la représentation. Il n’en est pas de même d’un corps à trois dimensions, d'un corps ayant longueur, largeur et profondeur : sa représenta- tion sur une surface plane est inévitablement altérée. Des lignes qui, sur le corps, sont égales entre elles, peuvent être extrémement inégales dans la représentation plane. Les an- gles formés dans l’espace par les arètes, par les diagonales du corps, n’éprouvent pas de moindres altérations comparatives, quand elles viennent à être figurées sur un plan. Malgré ces difficultés, les dessinateurs, les peintres, par- viennent, à l’aide de divers artifices, à représenter sur une feuille de papier, sur une toile, et même de manière à faire illusion, des objets très-composés , tels que des monuments d'architecture, des machines, etc. On arrive à ce résultat par une application intelligente des principes de la perspective linéaire, des principes encore plus délicats de la perspec- tive aérienne, des principes qui règlent ce que les artistes ont si singulièrement appelé le clair-obscur. Ajoutons que les représentations pittoresques, si satisfaisantes quand il s’agit seulement de donner une idée générale des objets, seraient à peu près sans valeur pour l'architecte qui voudrait repro- duire ces objets avec toutes leurs dimensions. Qui n’a vu dans de vastes chantiers une multitude de pierres de taille numérotées, de grandeur et de formes va- riées? C’est l’image du chaos. Attendez! le poseur viendra DE GASPARD MONGE. XI prendre ces pierres une à une, il les superposera, et le dôme majestueux s'élancera dans l’espace, sans qu'elles dévient même de quelques millimètres de la place et de la forme que l'imagination de l'architecte leur avait assignées ; et des ar- cades à plein cintre naîtront, sous vos yeux, en affectant une régularité de contours presque mathématique; et les nervures, les corniches, les dentelles en pierre de l’église gothique, se marieront entre elles avec une merveilleuse précision. Les constructions en charpente ne sont pas moins remar- quables. Les nombreuses pièces qui entrent dans la compo- sition d’un grand comble avaient été taillées, faconnées cha- cune à part ; l’ouvrier monteur n’a eu, pour ainsi dire, qu'à lés présenter les unes aux autres, qu’à en faire un tout, comme l’ébéniste compose, de pièces rapportées, la table d’un échiquier. * Ces beaux, ces magnifiques problèmes n'auraient pas été solubles si on n'avait eu pour guide que les représenta- tions pittoresques des objets; mais en substituant à ces images, des dessins assujettis à certaines règles, toutes les relations de grandeur et de forme, entre les différentes par- ties d’une construction quelconque, s’obtiennent à l’aide d'opérations très-simples. Obéissant à une sorte de géométrie naturelle, poussés par la nécessité qui, souvent, produit les mêmes effets que le gé- nie, d'anciens architectes firent usage, dans certains cas, de ces dessins spéciaux où le constructeur peut trouver, presque à vue, les dimensions et les formes des parties dans lesquelles il se voit obligé de décomposer un édifice projeté. Ces archi- tectes seraient les inventeurs de la géométrie descriptive, s'ils avaient fonde leurs épures sur des principes mathématiques, b. XII BIOGRAPHIE et généralisé la méthode; mais, loin de là, ils affectaient de considérer les préceptes qui leur servaient de règle comme le fruit d’une pratique aveugle. Aussi, dès qu’on les tirait des cas particuliers traités dans les plans de leurs portefeuilles, ils ne savaient plus marcher même à tatons. A une époque gouvernée par l'empirisme, les chefs des diverses écoles ne pouvaient être que du même avis relati- vement à la valeur des méthodes en usage. Il n’est pas rare de lire dans leurs traités : Je parie 10, 20 et même 100 mille livres, que mes procédés sont exacts. Il faut avouer que ja- mais, à l’occasion de ces défis, on ne tomba d'accord sur le choix des experts qui auraient eu à trancher le différend. L'autorité intervint elle-même dans ces débats. Ainsi, elle défendit à l'artiste Bosse, d'adopter les méthodes de Desar- gues pour son cours de perspective de l'École royale de peinture. L'autorité fut mal inspirée; nous savons aujour- d'hui que les méthodes interdites étaient très-exactes; mais aussi pourquoi vouloir régler l’art, la science, par arrêt du parlement ? Des décisions ridicules ont toujours été la con- séquence de ces tentatives d’usurpation sur la liberté de la pensée humaine. Des hommes de mérite, Desargues en tête, réussirent en- fin à rattacher aux règles de la géométrie élémentaire la plupart des méthodes, des tracés en usage dans la coupe des pierres et dans la charpente. Malheureusement, leurs démonstrations étaient longues, embarrassées: elles devaient toujours rester hors de la portée des simples ouvriers. À quoi tenaient ces complications? Elles tenaient à ce qu'on était obligé de créer la science tout entière, à l’occa- sion de chaque problème, Adoptez cette même marche dans DE GASPARD MONGE,. XIII telle autre branche quelconque des mathématiques, et la plus inextricable confusion en sera aussi la conséquence inévitable. Un analyste poursuivant la solution d'une question, et s'arrêtant chemin faisant suivant les circonstances, pour dis- courir sur la règle des signes, sur celle des exposants, etc.; pour expliquer la numération, la multiplication, la division, l'extraction des racines, etc., offrirait l’image, assez fidèle, de ce qu'’étaient jadis, dans leur genre, les sféréotomistes. Monge débrouilla ce chaos. Il fit voir que les solutions graphiques de tous les problèmes de la géométrie à trois dimensions, se fondaient sur un très-petit nombre de prin- cipes qu'il ex posa avec une merveilleuse clarté. Désormais aucune question, parmi les plus complexes, ne devait rester l'apanage exclusif des esprits d'élite ; avec des instruments bien définis et une méthode de recherches uniforme, la géométrie descriptive, dont Monge devint ainsi le créateur, pé- nétra jusque dans les rangs nombreux de la classe ouvrière, malgré le peu d’instants qu’elle peut consacrer à l’étude. Il faut se bien pénétrer de l’état où des hommes d’un grand talent avaient laissé la stéréotomie, pour apprécier le haut mérite que Monge déploya dans l’accomplissement de son œuvre. En toutes choses, qu'il s'agisse d’une fable de la Fontaine, ou du Traité de géométrie descriptive de notre confrère, ce qui est réellement beau paraît simple, et semble avoir dû coûter peu d'efforts. Lagrange exprimait une pen- sée analogue avec sa finesse habituelle, lorsqu'il disait en sortant d’une lecon de son ami: « Ævant d’avoir entendu « Monge, je ne sävais pas que je savais la géométrie des- € criptwe. » XIV BIOGRAPHIE La géométrie descriptive, fondée sur l'emploi des projec- tions, n’est pas seulement le moyen de résoudre avec rigueur une multitude de problèmes relatifs aux constructions; elle constitue encore une méthode très-propre à faire découvrir des propriétés cachées et précieuses des espaces limités, ainsi que Monge en donna de nombreuses preuves, ainsi que ses successeurs l'ont établi par tant d'exemples éclatants. Le premier point de vue intéressa particulièrement l'école de Mézières; elle se montra justement fière d’avoir vu naître, dans son sein, une branche des mathématiques éminemment utile. Malheureusement on s’obstina à placer la nouvelle science sous le boisseau. Il ne fallait pas, disaient les autori- tés de l’École, aider les étrangers à devenir habiles dans l’art des constructions; les méthodes imparfaites, ou seulement obscures, obligent les ingénieurs à des tàtonnements; ils sont forcés de démolir plusieurs fois leurs ouvrages, et, d’or- dinaire, il en résulte de graves défauts de solidité. Faire plus vite, avec moins de dépense et plus solidement, sont des avantages dont le constructeur français, l'ingénieur militaire surtout, doivent autant que possible se conserver le privi- lége. Telles étaient les considérations empruntées, avouons-le franchement, à un esprit patriotique, petit, mesquin, qui firent intimer à Monge l’ordre de ne rien divulguer, ni ver- balement, ni par écrit, de ses succès en géométrie descrip- tive. Il ne lui fut permis de professer publiquement cette science qu’en 1794, à l'École normale. Les quinze années d’un silence absolu prescrit par l’auto- rité, d’un mutisme vraiment cruel, ne Yurent pas entie- rement perdues pour la science. Monge ne pouvant pas DE GASPARD MONGE. XV mettre le public dans la confidence des études qu'il faisait sur les propriétés des corps, à l’aide de la méthode géomé- trique des projections, traita les mêmes questions par l’ana- lyse transcendante. Ici, on lui accorda toute liberté. C'est par des recherches analytiques que notre confrère commenca à être conuu dans le monde savant, et qu'il y prit, dès son début, un rang distingué. Malgré les difficultés du sujet, j’essayerai de donner une idée générale de la principale découverte de Monge dans ce genre de travaux. Quelques notions préliminaires très-sim- ples faciliteront notre recherche. Veut-on s'assurer qu'une ligne donnée est courbe, on en approche une ligne droite. Désire-t-on quelque chose de plus; faut-il connaître /e degré de courbure d'une ligne, en un certain point, on dé- termine le rayon du cercle qui, passant par ce point, ap- proche de la courbe le plus possible, le rayon du cercle que les géomètres appellent le cercle osculateur. Ce rayon est-il grand, la courbure est petite et réciproquement. Des courbes tracées sur des plans, passons aux surfaces. Quand on désire avoir une idée nette des courbures di- verses d’une surface en un quelconque de ses points, on mène d’abord au point donné, une normale à la surface; en- suite on fait passer par cette ligne droite, une série de plans sécants. Chaque plan sécant détermine une section qui est réellement partie intégrante de la surface, et qui en fixe la courbure dans un sens déterminé. Parmi toutes les sections curvilignes qui résultent des intersections d’une surface par une série indéfinie de plans sécants normaux passant par un point donné, il en est une XVI BIOGRAPHIE qui, comparativement, possède le maximum de courbure, et une autre le minimum. Les plans dans lesquels ces sections de plus grande et de moindre courbure se trouvent contenues, sont toujours per- pendiculaires l'un à l'autre. Les courbures des sections normales intermédiaires peu- vent se déduire de la plus grande et de la moindre courbure, d’après une règle générale très-simple. Cette théorie des sections courbes appartient à Euler, l’homme qu'on aurait pu appeler presque sans métaphore, et certainement sans hyperbole, l’analyse incarnée. Ceux qui possèdent une qualité sans laquelle nul succès n'est assuré dans la carrière des sciences, la qualité de s’é: tonner à propos, n'ont jamais refusé leur admiration aux découvertes dont je viens de faire mention. Le mot admiration serait-il ici hors de place? Exami- nons. Toute équation entre trois indéterminées représente une surface. Si les indéterminées y entrent au premier degré, cette surface est plane. L’équation est-elle du second degré, il en peut ressortir un ellipsoïde, un paraboloïde, un hyperbo- loide, ou des surfaces qui sont des modifications, des cas particuliers de celles-la. S'élève-t-on jusqu’au troisième de- gré, il y a tant de surfaces distinctes contenues dans l’équa- tion, qu'on n’a pas même essayé d'en faire le dénombrement. Le nombre de ces surfaces augmente dans une énorme proportion, quand on passe du troisième au quatrième degré; du quatrième au cinquième, etc. L'imagination a peine à concevoir l'immense variété de formes qui peuvent être déduites des seules équations de tous DE GASPARD MONGE. XVII les degrés, dites algébriques. Eh bien! ces formes les plus dissemblables ont un caractère commun; la variété, dans l'aspect général, n'empêche pas qu’en un point donné d’une quelconque de ces milliards de surfaces, les deux sections normales de plus grande et de moindre courbure ne soient perpendiculaires entre elles, et que les courbures des sec- tions intermédiaires ne dépendent des deux premières, sui- vant une loi simple et générale. Le théorème d’Euler trace, en quelque sorte, une limite que dans leurs dissemblances, d’ailleurs infinies à d’autres égards, les surfaces géométri- ques ne peuvent jamais dépasser. Appliqué aux transfor- mations qui découlent des combinaisons de l'analyse, ée théorème peut être assimilé à ces belles paroles del’Écriture: « Océan, tu n’iras pas plus loin! » Les géomètres supposaient qu'une question creusée si profondément par le génie d’Euler était épuisée. Monge montra combien on se trompait. Le travail dont les géomè- tres lui furent redevables ne porte pas seulement, comme celui de son illustre prédécesseur, sur la considération d’arcs élémentaires, d’arcs infiniment petits, appartenant aux sec- tions normales faites dans une surface par un point donné. Il s'occupa de deux courbes indéfinies, susceptibles d'être tracées sur toutes les surfaces possibles. Il me suffira de quelques paroles pour caractériser nettement la belle dé- couverte de notre confrère. Menez une perpendiculaire, une normale, à une surface en un point donné; menez ensuite une semblable normale en un point très-voisin du premier. En général, cette se- conde ligne ne rencontrera pas la première; les deux nor- males ne seront pas contenues dans un même plan. T. XXIV. c XVIII BIOGRAPHIE Il y a deux directions (deux directions seulement) dans lesquelles, sans exception aucune, les normales consécutives se rencontrent. Ces directions, comme les sections de plus grande et de moindre courbure, avec lesquelles, dans une très-petite étendue, elles se confondent, sont rectangulaires entre elles ; ces directions peuvent être suivies dans toute l'étendue d’une surface quelconque. Monge les appela les lignes de courbure. On peut appliquer à ces lignes de courbure de Monge, toutes les considérations auxquelles j'ai eu recours pour faire ressortir la beauté du travail d'Euler. Notre confrère a donc eu letrès-rare privilége, d'attacher son nom à la décour- verte d’une des propriétés primordiales des espaces termi- nés par des surfaces quelconques, avec la seule limitation que ces surfaces soient susceptibles d’une définition rigou- reuse. Dans une des leçons, non obligatoires, de l’ancienne École polytechnique; dans une de ces leçons aujourd’hui suppri- mées, qui étaient destinées à développer le goût des sciences chez les premiers élèves, Monge appliqua sa théorie des lignes de courbure à l’ellipsoide. Plusieurs professeurs s’é- taient empressés d'aller écouter leur confrère : ils se don- naient alors, les uns les autres, de ces marques de déférence. A l'issue de la séance, Monge fut entouré et comblé de féli- citations. Celles qui sortirent de la bouche de Lagrange nous ont été conservées : « Vous venez, mon cher confrère, « d'exposer des choses très-élégantes; je voudrais les avoir « faites. » Monge avouait que jamais compliment n’alla plus droit à son cœur. DE GASPARD MONGE. XIX Je demande à l'assemblée la permission de lui présenter encore quelques considérations générales, très-courtes, sur un troisième travail qui forme aussi un des points culmi- nants de la carrière scientifique de Monge. Lorsque Descartes ent réalisé l'application de l'analyse à la géométrie, sa plus brillante, sa plus solide découverte, les mathématiciens s’attachèrent d'abord à l'examen des propriétés des lignes planes représentées par les équations des deux premiers degrés à deux indéterminées. La route semblait tracée : il n’y avait qu'à passer successivement à la discussion des lignes du troisième ordre, du quatrième, du cinquième, et ainsi de suite. Newton entreprit ce travail pour l'équation du troisième degré. Ses prédécesseurs avaient trouvé trois espèces de courbes dans l'équation du second ; il fut amené à en distinguer soixante-douze dans l'équation du troisième. Euler, prenant l'équation du qua- trième degré, n’osa pas même entrer dans la question des espèces proprement dites. En se tenant à des caractères plus généraux, en ne poussant son investigation que jusqu'aux genres, il en trouva cent quarante-six. Ce mode de classification des courbes devait évidemment être abandonné. Il n’eût d’ailleurs pas été abordable en pas- sant aux surfaces. Monge, toujours guidé par des vues d'utilité, considéra que lorsqu'ils ont à faire choix de surfaces pour un but dé- terminé, les constructeurs ne s'inquiètent guère du degré des équations à l’aide desquelles ces surfaces pourraient être représentées. Quand ils hésitent, c’est entre des surfaces sou- mises à un même mode de génération, les unes appartinssent- elles à des équations du second degré, et les autres à des C, XX BIOGRAPHIE équations du millième. Il substitua donc à l’ancien mode de classification, à celui de Descartes, de Newton et d'Euler, un mode entièrement nouveau; il groupa les surfaces d’après leur mode de génération; il étudia ainsi simultanément les propriétés des surfaces cylindriques de tous les ordres, puis les propriétés des surfaces coniques, puis celles des surfaces de révolution, etc., sans jamais se demander quelle place la surface occuperait, qu’on me passe l’expression, dans la hié- rarchie algébrique. Pour atteindre ce but, Monge se vit obligé d’avoir recours à un genre particulier de calcul, que l'étude des mouvements des fluides venait de faire naître dans les mains de d’Alem- bert : le calcul aux différences partielles. Monge mania cette analyse transcendante avec une telle délicatesse; il donna à ses démonstrations une si admirable clarté, que personne ne se doutait, en le lisant, qu'il avait été entrainé sur les der- nières limites des connaissances mathématiques du dix-hui- tième siècle. Les premiers mémoires de Monge, relatifs à la recherche des équations des surfaces connues par leur mode de généra- tion, ont été imprimés dans le recueil de l'Académie de Tu- rin, pour les années 1770 à 1773. On sera peut-être curieux de trouver à côté de l'appréciation si franchement modeste que Monge faisait de son œuvre, le Jugement qu'en portait Lagrange : « Persuadé, disait Monge dans le préambule de son mé- « moire, qu'une idée, stérile entre les mains d'un homme « ordinaire, peut devenir très-profitable entre celles d’un « habile géomètre, je vais faire part de mes recherches à « l'Académie de Turin. » DE GASPARD MONGE. XXI -Voici, maintenant, les paroles de Lagrange dans toute leur naïveté : « Avec son application de l’analyse à la représentation des « surfaces, ce diable d’homme sera immortel ! » A-t-on raison de voir dans ces paroles une trace de jalou- sie? Ce sera le plus grand éloge qu’on ait jamais pu faire du remarquable travail de Monge. En 1768, à la mort de Camus, examinateur des élèves du génie, Bossut lui succéda. Monge, de son côté, passa de la place de répétiteur à celle de professeur, que Bossut occu- pait avant sa promotion; il avait alors vingt-deux ans. Trois ans après, en 1771, l'abbé Nollet étant mort, Monge fut chargé de le remplacer; il se trouva donc à la fois pro- fesseur de mathématiques et professeur de physique à l’école de Mézières. Son zèle et sa facilité lui permettaient de satis- faire amplement à ces deux fonctions. Comme répétiteur, Monge n'avait avec les élèves que des relations individuelles, dans les salles d'étude, à l’occasion des travaux graphiques. Après sa nomination aux places de professeur de mathématiques et de physique, il eut à faire des lecons devant les élèves réunis : son succès fut aussi complet qu’on puisse l’imaginer. Ceux qui se rappellent la réputation, la prééminence incontestées que Monge acquit plus tard comme professeur à l’Athénée de Paris, à l'École normale et à l'École polytechnique, trouveront naturel que je m’arrête un moment à en chercher la cause. Puisse mon investigation devenir profitable à tel professeur qui, placé à l’antipode de Monge, semble ne faire aucun effort pour en sortir ! Monge, comme professeur, appartenait à l'école du philo- XXII BIOGRAPHIE sophe célèbre « qui, faisant peu de cas, je cite ses propres ex- « pressions, de la vertu parlière, ne trouvait pas grand choix «entre ne savoir dire que mal, ou ne savoir rien que bien «dire. » Dans ses lecons, toujours substantielles, il visait exclusivement à être clair, à se rendre accessible aux intel- ligences les plus paresseuses, et il atteignait complétement son but. De l'ensemble descendiez-vous aux détails ; vous prenait- il fantaisie d'analyser le talent oratoire de Monge, votre oreille était désagréablement affectée par une prosodie dé- fectueuse. À des paroles traînantes succédaient, de temps à autre, des membres de phrase articulés avec une volubilité faite pour dérouter l'attention la plus soutenue. Vous alliez alors, par dépit, jusqu’à vous ranger à une opinion erronée, mais fort répandue : vous croyiez Monge bègue. Bientôt, ce- pendant, entrainé, séduit par la lucidité des démonstrations, vous étiez tenté de rompre le silence solennel de l’amphi- théâtre et de vous écrier, à l'exemple d'un des élèves les plus distingués de notre confrère : « D’autres parlent mieux, per- sonne ne professe aussi bien. » On a vu des professeurs imposer à un nombreux auditoire par la régularité et la noblesse de leurs traits, par l’assu- rance de leur regard et l'élégance de leurs manières. Monge ne possédait aucun de ces avantages. Sa figure était d’une largeur exceptionnelle; ses yeux, très-enfoncés, disparais- saient presque entièrement sous d’épais sourcils; tin nez épaté, de grosses lèvres formaient un ensemble peu attrayant au premier abord; mais, qui ne le sait, dans les tableaux de certains peintres fameux, les incorrections du dessin dispa- raissent sous la magie du coloris. Les qualités de l'âme jouis- DE GASPARD MONGE. XXIIL sent d’un privilége analogue ; elles répandent sur les traits du visage des nuances harmonieuses qui en masquent tous les dé- fauts. Tel est surtout, à mon avis, le sens qu’on doit attacher à cet adage de Chesterfield : « La laideur et la beauté sont des questions de trois semaines au plus. » Il n’était nullement question de semaines pour s'accoutumer à la tigure sévère de l'illustre professeur. Dès les premières paroles de chacune de ses leçons, on la voyait soudainement s'illuminer d’une bienveillance infinie, qui commandait le respect et la re- connaissance. L’œil serutateur de Monge découvrait jusque dans les parties les plus reculées de son nombreux auditoire, l'élève que le découragement commençait à gagner; il reprenait aussitôt sa démonstration, en modifiait la marche, les ter- mes ; et lorsque toutes ces attentions étaient demeurées sans résultat, il manquait rarement, la séance finie, d’aller, à tra- vers la foule, se saisir, pour ainsi parler, de l'auditeur à l’es- prit distrait ou paresseux qu'il avait remarqué, et de faire pour lui seul une seconde lecon. Ordinairement elle n'avait point de préambule, et commençait en ces termes : « Je re- « prends, mon ami, du point où j'ai commencé à devenir « inintelligible. » J'entends souvent attribuer les succès de Monge dans l’en- seignement de la géométrie descriptive à l’habileté sans pa- reille avec laquelle il savait, par des gestes, figurer et poser dans l’espace les surfaces, objet de ses démonstrations. Je méconnais d'autant moins ce genre particulier de mérite, que j'ai entendu souvent notre confrère lui assigner une extrème importance. Je dois, plus que personne, me rappeler qu ’au commencement de la dernière lecon qu'il ait donnée à l’ École XXIV BIOGRAPHIE polytechnique, en 1809, Monge s'exprimait ainsi : « Je suis, «mes amis, obligé de prendre congé de vous, et de renon- «cer pour toujours au professorat; mes bras engourdis, «mes mains débiles ne m'obéissent plus avec la prompti- « tude nécessaire. » Néanmoins, c’est ailleurs que j'ai cru apercevoir la cause principale du silence religieux, de l’in- térêt puissant, de la vénération profonde dont les disciples de l'illustre académicien ne manquaient jamais de l’entourer. Monge enseignait ordinairement ce qu'il avait lui-même dé- couvert. C'était pour un professeur, vis-à-vis de ses élèves, la position la plus avantageuse qu'on püût imaginer, surtout lorsqu'une modestie franche et naïve, comme celle de notre confrère, y ajoutait un nouveau charme. Monge ne suivait pas strictement, devant ses auditeurs, la marche qu'il s'était tracée dans le silence du cabinet; il s’abandonnait souvent à des inspirations subites ; on apprenait alors de lui comment les esprits créateurs font avancer les sciences, comment leurs idées naissent, percent l'obscurité qui d’abord les entoure, et se développent. Dans les occasions dont je parle, mon ex- pression ne sera que juste : Monge pensait tout haut. Partout où il s’établira ainsi une sorte de communauté en- tre la Jeunesse avide de savoir et un professeur homme de génie, celui-ci obtiendra un succès d'enthousiasme, dont on doit renoncer à trouver la cause dans les grâces du langage ou même dans la clarté de l’exposition. Il y a toujours un grand avantage à faire professer les sciences par ceux qui les créent: ne négligeons pas les occasions de proclamer cette vérité, puisqu'on a si souvent affecté de n’en tenir aucun compte. Beaucoup de nos jeunes professeurs, s’abandonnant sans DE GASPARD MONGE. XXV défiance à un de nos penchants les plus doux, mais aussi les plus pernicieux, les plus trompeurs : la paresse, s'imaginent de bonne foi qu’il serait impossible de cultiver fructueuse- ment les sciences loin de Paris. Renversons de fond en com- ble une erreur si funeste, en faisant remarquer que les prin- cipaux travaux de Monge sur la génération et les propriétés des surfaces courbes, sur la géométrie descriptive, datent de l’école du génie. Reportez-vous cependant par la pensée à soixante-dix ans de notre époque, et vous ne trouverez pas, tant s’en faut, qu'un habitant de Mézières fût, comme il l’est aujourd’hui, régulièrement informé tous les matins, vingt- quatre heures seulement après la capitale, du plus petit évé- nement arrivé dans le monde scientifique. Voulez-vous la mesure, qu’on me passe l'expression, de l'i- solement où vivait Monge à Mézières, je la trouverai dans une lettre inédite qui a passé sous mes yeux. Cette lettre est du 16 septembre 1776. Monge y complimentait Condorcet sur sa nomination à la place de secrétaire perpétuel de l’Aca- démie des sciences; six mois s'étaient écoulés avant que Monge, dont toute l’attention devait être tournée vers la sa- vante compagnie, fût informé du changement capital qui s’y était opéré. À notre époque, il ne faut pas un temps aussi long pour qu'on apprenne aux antipodes l'événement le plus insignifiant arrivé dans une bourgade sans nom de la Lapo- nie ou de l'Islande. La jeunesse si féconde de Monge restera done comme une protestation permanente contre l’apathie de tant de profes- seurs de mérite, qui croient s’excuser de ne rien produire en parlant sans cesse de leur isolement. En écrivant la biographie de Watt, j'ai essayé de tracer FeXXIN, d XXVI BIOGRAPHIE l'histoire de la découverte de la composition de l’eau. Je crois cette histoire fidèle, quoiqu'elle ait donné lieu à bien des diatribes de la part de quelques-uns de nos voisins engoués de titres nobiliaires, qui ont trouvé que je m'étais rendu cou- pable d’une irrévérence impardonnable en essayant de de- pouiller, ce sont leurs expressions, Cavendish, de l'illustre famille des ducs de Devonshire, en faveur de l'artiste Watt. De ce côté du détroit, quelques amis de Monge m'impu- tent le tort de n'avoir pas cité les expériences relatives au même objet de notre savant compatriote. Mais ils ont done oublié qu’en publiant son travail dans les Mémoires de l’4- cadémie des sciences de 1783, Monge lui-même s’exprimait ainsi : « Les expériences dont il s'agit dans ce mémoire ont été « faites à Mézières, dans les mois de juin et de juillet 1783, « et répétées en octobre de la même année : je ne savais pas « alors que M. Cavendish les eût faites plusieurs mois aupara- « vant en Angleterre. » Quoique cette note de l’auteur donne incontestablement l'antériorité au savant anglais, nous devons réclamer pour notre compatriote le mérite d’avoir opéré très en grand, et en s’entourant de toutes les précautions que la science pou- vait commander. Monge ne se faisait pas moins remarquer à Mézières par ses mœurs irréprochables et la noblesse de ses sentiments, que par ses talents précoces. Il croyait, il disait que l’homme de cœur doit, en tout temps, en tout lieu, se considérer comme le mandataire des honnêtes gens absents, et prendre ouvertement leur défense quand on les attaque. Adopter un DE GASPARD MONGE. XX VII pareil principe pour règle de conduite, c’est faire bon mar- ché de son repos. Monge eut bientôt l'occasion de le reconnaître, quoique Mézières fût une très-petite ville ; quoique les questions po- litiques ou sociales qui, depuis plus d’un demi-siècle, ont si profondément agité le monde, enflammé tant de passions, fussent alors posées à peine, et n’occupassent, en tout cas, que les érudits et quelques publicistes, à titre de simples utopies. Je dois avouer que Monge n’hésitait jamais, même au ris- que d’un duel, à rompre ouvertement en visière avec qui- conque faisait parade devant lui d’un sentiment déshonnêète. Je pourrais, à ce sujet, citer plusieurs anecdotes qui auraient leur côté piquant. Je me bornerai à une seule : Dans un salon de Mézières, certain personnage, infatué de son mérite et de sa fortune, racontait, comme une chose à peine croyable, que la belle madame Horbon de Rocroy n’a- vait pas voulu l'accepter pour mari. Au reste, ajoutait-il, en s'efforçant de rire pour égayer ses auditeurs, je m’en suis bien vengé : des historiettes de ma façon, que j'ai répandues dans la ville et aux alentours, ont déjà empêché la dédai- gneuse veuve de contracter un autre mariage. Monge ne connaissait pas madame Horbon. Il n’en écarta pas moins rudement avec les mains et les coudes la foule, toujours si prompte à se grouper autour des médisants, alla droit à l’'épouseur éconduit, et, d'un ton d'autorité qui n'admettait point de délai dans la réponse, il lui posa cette question : « Est-il vrai, Monsieur (j'ai besoin de vous l'entendre répé- « ter), est-il vrai que vous ayez essayé de nuire à une faible « femme, en colportant des anecdotes dont vous connaissiez d. XXVIIT BIOGRAPHIE « la fausseté ?— Cela est vrai, mais que vous importe? » Je « vous déclare un infäme ! » reprit Monge d'une voix reten- tissante. Et l’action, aussi prompte que la foudre, ayant accompagné son exclamation, les spectateurs virent la que- relle se dénouer comme celle du père de Chimène et de don Diègue, dans la belle tragédie de Corneille. Seulement le don Diègue souffleté de Mézières n'ayant demandé répara- tion, ni par procuration, ni personnellement, il arriva que Monge, contre ses prévisions, avait, cette fois, puni un misé- rable calomniateur, sans courir aucun danger. A quelque temps de là, Monge rencontra chez des amis de Rocroy une personne de vingt ans dont il devint fortement épris; c'était madame veuve Horbon. Il demanda sa main, sans se donner la peine de recourir, suivant l'usage, à l’en- _ tremise d’un tiers. Madame Horbon ignorait la scène de Mé- zières; mais la voix publique lui avait appris que le profes- seur de l’École du génie jouissait de l’estime générale et que ses élèves l’adoraient. Elle hésitait cependant : veuve d’un maître de forges, madame Horbon ne voulait imposer à per- sonne les ennuis d’une liquidation compliquée. Ne vous ar- rêtez pas, madame, à de pareilles vétilles, repartit Monge avec vivacité; J'ai résolu dans ma vie des problèmes bien autrement difficiles; ne vous préoccupez pas non plus de mon peu de fortune; veuillez m'en croire, les sciences y pourvoiront. Ces épanchements naïfs vainquirent les scrupules de ma- dame Horbon. En 1777, elle devint madame Monge. DE GASPARD MONGE. XXIX Monge, chargé de professer l'hydraulique dans l’école éta- blie à Paris par Turgot, est nommé membre de l'Acadé- mie des sciences et examinateur de la marine. Monge cessa, en 1780, d’être confiné à Mézières. Cette an- née, il fut nommé à une chaired’hydrauliqueque Turgot avait créée au Louvre, à la demande de d’Alembert et de Condor- cet. Le ministre statua que le nouveau professeur d’'hydrau- lique passerait six mois à Mézières et six mois à Paris. L'Académie, à son tour, trouva que six mois de résidence dans la capitale satisferaient à la prescription la plus impé- rieuse de son règlement, et elle reçut Monge au nombre de ses membres. Il avait alors trente-quatre ans. En 1785, à la mort de Bezout, examinateur des élèves de la marine, ou, si l’on veut, car c'était la dénomination offi- cielle, examinateur des gardes du pavillon, notre confrère lui succéda. Il quitta alors définitivement l’école de Mézières. Cette école était devenue peu à peu, dans l'opinion commune, et surtout dans l'opinion des élèves, l’école de Monge. Aussi, les chefs militaires, placés à sa tête, se montraient-ils très- jaloux de leur subordonné, le jeune professeur de mathéma- tiques et de physique ; aussi, le commandant supérieur alla- t-:1l jusqu’à s'écrier, en faisant un emprunt au cardinal Maza- rin: « /l nous faut remplacer Monge par un homme qui ve & SOIT PERSONNE! » Vous le voyez, la jalousie est quelquefois, à son insu, plus flatteuse, plus explicite, plus vive dans ses éloges que l’amitié elle-même. XXX BIOGRAPHIE Monge remplit l'emploi d’examinateur de la marine jus- qu'au commencement de la première révolution. Chez Monge, la douceur et l’aménité n’excluaient pas une grande fermeté. On le trouvait même inflexible toutes les fois que l'intérêt public semblait exiger qu'il fit prévaloir les décisions de l’examinateur. Vous avez refusé un candidat qui appartient à de bien puissantes familles, disait à notre confrère le maréchal de Castries, ministre de la marine. Votre décision me donne mille tracas; je suis accablé de réclamations. Vous êtes par- faitement le maître, repartit l’austère examinateur, d’admet- tre le candidat qui m'a paru incapable; mais si vous prenez cette décision, monsieur le maréchal, il faudra en même temps supprimer la place que je remplis. Les fonctions d’exa- minateur ne seraient plus ensuite ni utiles ni acceptables. Le candidat inadmissible ne fut pas admis. Monge résista aux désirs du maréchal de Castries dans une circonstance encore plus délicate peut-être. Le ministre, plein d'estime et de bienveillance pour Monge, lui demanda, je pourrais presque dire lui enjoignit, de rédi- ger un cours complet de mathématiques à l’usage des aspi- rants et des élèves de la marine, L'ouvrage serait devenu obligatoire, et aurait été pour notre confrère la source d'une fortune considérable. Monge refusa sans hésiter un seul instant ; il ne voulut pas enlever à la veuve de son prédéces- seur l'unique revenu que celui-ci lui eût laissé, le bénéfice résultant de la vente de ses livres. Cet acte de délicatesse semblera aujourd’hui incroyable, car beaucoup de personnes n'hésitent pas, dit-on, à repro- dire, avec des changements de rédaction insignifiants, les DE GASPARD MONGE. XXXÉ ouvrages des maîtres de la science; car le public a été jusqu'à supposer que certaines de ces publications, dont il serait im- possible de trouver /a raison suffisante, étaient destinées à des candidats que les auteurs des ouvrages en question de- vaient examiner tôt ou tard à titre officiel, J'ai besoin, au reste, de le remarquer, en résistant au désir du ministre de la marine, Monge ne faisait pas seulement un acte d’hu- manité, il proclamait encore les services distingués rendus par Bezout à l'enseignement des mathématiques, et rendait hommage au noble caractère de l’examinateur. Après son entrée à l’Académie, notre confrère donna plu- sieurs très-beaux mémoires d'analyse transcendante: un grand travail, avec Berthollet et Vandermonde, sur le fer considéré dans ses différents états; des expériences et des explications très-fines sur des effets de capillarité. 11 publia en 1790, dans les Ænnales de chimie, tome V, la théorie de diverses observations paradoxales d'optique; un ingé- mieux traité concernant les principaux phénomènes de la météorologie, sur lequel je dois m'arrêter quelques instants. Ce mémoire célèbre fut longtemps, dans notre pays, la base de l’enseignement de la météorologie. Il y avait toujours une affluence extraordinaire aux lecons dans lesquelles Monge développait sa théorie. Chacun était sous le charme. Les principes fondamentaux paraissaient si naturels, si simples, les déductions si nettes, si rigoureuses; le professeur se mon- trait si profondément convaincu, qu’on aurait cru commet- tre la plus grande des inconvenances en se permettant une objection, un simple doute. Qui d’ailleurs n’aurait été satis- fait d’avoir appris dans l’espace de quelques minutes, sans XXXII BIOGRAPHIE aucune contention d'esprit, les causes des brouillards, des nuages, de la neige, de la pluie, de la grêle, des vents, et du plus dévastateur de tous les météores, des trombes ? A l’époque où Monge rédigeait son mémoire, la plupart des phénomènes atmosphériques n'avaient été étudiés que d'une manière générale et vague. Les météorologistes sen- taient à peine le besoin de fonder la science sur des données numériques précises ; à peine commençaient-ils aussi à com- prendre que les détails sont la véritable pierre de touche des théories. Les théories météorologiques de Monge ne résisteraient point aujourd’hui à cette épreuve, et cependant elles n’en resteront pas moins dans l’histoire de la physique, comme un témoignage frappant de l'esprit ingénieux et net de notre confrère. Qui ne le voit ? il y aurait une injustice flagrante à tenter d'apprécier les conceptions de 1790, sans se reporter par la pensée à cette époque, sans mettre momentanément à l'écart les observations, les expériences faites dans l’espace de plus d’un demi-siècle, sans se rappeler que Monge n'a- vait, qu'il ne pouvait avoir aucune connaissance d’une mul- titude de détails que le progrès des sciences a rendus fami- liers même aux élèves de nos écoles. Monge n’était pas tellement absorbé par ses cours obliga- toires du Louvre, par des leçons bénévoles données à quel- ques jeunes gens de mérite, au nombre desquels figuraient nos deux anciens confrères, Prony et Lacroix, qu'il ne trouvât le temps de jeter sur la mécanique appliquée le regard per- cant qui avait si bien sondé les obscurités de la géométrie des- criptive. Ses investigations réduisirent les machines les plus compliquées à un nombre très-limité d'organes élémentaires. DE GASPARD MONGE. XXXIII Monge fut bientôt frappé de tout ce que les inventeurs et les simples constructeurs trouveraient de ressources dans une énumération complète de ces divers organes; dans des tableaux synoptiques réunissant les moyens connus de trans- former les mouvements des pièces sur lesquelles les moteurs exercent directement leur action, en des mouvements très- différents imprimés à d’autres pièces; dans la représentation graphique des combinaisons ingénieuses, où l'on voit la force d’impulsion de l’eau, celle de l'air, la force élastique de la vapeur, tantôt forger à coups redoublés l'ancre colossale du vaisseau de ligne, tantôt enlacer avec une régularité mathé- matique les filaments de la dentelle la plus délicate. Il y au- rait, dans les mémoires mathématiques de Monge, de quoi fournir matière aux éloges de plusieurs académiciens. Mais telle est la richesse de mon sujet, que je ne puis seulement citer les titres de ces écrits, et que je me vois forcé de courir à d’autres objets. Monge s'associe avec enthousiasme aux idées de régénéra- tion proclamées par l'assemblée constituante. Sa nomina- tion au ministère de la marine. Notre confrère venait de poser seulement les bases de son important travail sur la composition des machines, lorsque la révolution de 1789 éclata. Les principes de justice, de liberté, d'égalité, qui retentirent alors d’une extrémité de la France à l’autre, excitèrent dans l’âme de Monge des sentiments de sym- pathie et d’enthousiasme. Pendant sa jeunesse, irrévocable- ment attaché par les préjugés nobiliaires à la section de l’école du génie, nommmée dédaigneusement /a Gäche, il se trans- HUXXEV. e XXXIV BIOGRAPHIE portait avec bonheur dans ses rêves à une époque éloignée où le génie pourrait prendre librement son essor, où chacun re- cevrait du pays l'emploi le plus approprié à son mérite, à ses facultés. Cette utopieallait devenir une réalité; les événements s'étaient déroulés avec une rapidité que les plus fervents amis du progrès n'avaient osé espérer. Monge attendait avec anxiété une occasion de mettre son dévouement au service d’une si belle cause. Elle lui fut d’abord offerte par le projet d'établissement d’un nouveau système de poids et mesures. Le nom de notre confrère figure honorablement parmi ceux des commissaires que l’Académie chargea d'éclairer le public sur les avantages de mesures assujetties à la division décimale, et d’étalons pris dans la nature. Lorsque la désaffection des faubourgs, entretenue par la commune, et surtout par Danton; lorsque l’arrivée à Paris de cinq cents révolutionnaires marseillais pleins d’exaltation ; lorsque l’inqualifiable manifeste du duc de Brunswick, eurent amené, le 10 août 1792, un sanglant combat sur la place du Carrousel, la prise du château des Tuileries, et la suspension provisoire de l'autorité royale, autant dire la déchéance dé- finitive de Louis XVI, l'assemblée législative eut à pourvoir sans retard à la création d’un conseil exécutif. C’est le nom qu'elle donna au ministère de son choix. Roland fut placé à l’intérieur, Servan à la guerre, Clavière aux finances, Lebrun aux affaires étrangères, Danton à la justice. On avait songé à Condorcet pour la marine, mais il ne crut pas devoir ac- cepter. Sur sa proposition, l'assemblée nomma Monge, qui, après quelque hésitation, se dévoua. Je vois dans les écrits du temps qu'on trouva très-extraor- dinaire qu’un savant eût refusé d’être ministre, et plus en- DE GASPARD MONGE. XXXV core, qu'il se füt décidé à désigner un confrère pour occuper cette position. Je ne prendrai pas la peine de discuter sérieu- sement l'épigramme, même en thèse générale. J'observerai seulement que le caractère loyal et élevé de Condorcet l'avait placé toute sa vie hors des atteintes de pareils traits. Le jour de son installation, Monge ayant remarqué dans les appartements du ministre beaucoup plus de pièces qu'il ne lui en faudrait pour ses besoins personnels et pour ceux de sa famille, songea aussitôt à loger chez lui tous les offi- ciers de marine qui viendraient à Paris en mission. Sijene me trompe, Monge alla au delà du projet, etles ports militaires furent officiellement informés des intentions du ministre. La Fontaine n’aurait pas fait autrement. A l’époque où Monge devint ministre de la marine, toutes les régions de la France, et la ville de Paris en particulier, étaient dans la plus grande fermentation. Un décret de l’as- semblée législative venait de frapper de destitution les em- ployés du gouvernement qui avaient adhéré à la pétition dite des dix mille. Presque tous les chefs de division, les chefs de bureau et les simples commis du ministère se trouvaient dans cette catégorie. Ils se présentèrent en masse à notre confrère, s’'avouèrent signataires de la pétition fatale, et dé- clarèrent vouloir résigner leurs fonctions. Vous êtes signataires ? repartit Monge ; et qui vous le de- mande ? Non, non! Messieurs! parlons avec franchise : vous désirez vous retirer, parce que le nouveau ministre n’a pas vos sympathies. Eh bien! patientez : je suis ici pour peu de temps, soyez-en certains; mon successeur vous conviendra peut-être mieux. Ces paroles naïves, affables, changèrent les dispositions de Br XXXVI BIOGRAPHIE la plupart des employés, et l'administration centrale ne fut pas désorganisée. Notre confrère ne réussit pas toujours aussi heureusement dans les démarches qu'il fit auprès des officiers de la flotte. Le plus grand nombre émigra. Monge eut au moins le bon- heur, par ses prières, par ses supplications, car il erut s’ho- norer en allant jusque-là, de conserver à la France l’homme supérieur qui, à cette époque, était à la fois une des lumières de l’Académie des sciences et une des gloires de la marine. Tout le monde a déjà nommé M. de Borda. Dans sa sollicitude inépuisable, Monge n'oublia pas M. Du- bouchage, son prédécesseur au ministère. Pour lui assurer un refuge contre la terrible tempête qui menaçait déjà tous les favoris de l’ancienne cour, il le nomma inspecteur général de l'artillerie de marine. Vous le savez, Messieurs, l'ennemi foulait le sol de la France, le trésor public était vide, des factions acharnées se disputaient déjà le pouvoir, lorsque Monge prit le timon de nos affaires maritimes; l’activité énergique de notre con- frère suppléa à tout dans les limites des possibilités. Les ar- senaux se repeuplèrent; on construisit, on arma plusieurs bâtiments. Enfin, quand le savant géomètre crut apercevoir qu'il pourrait quitter ses hautes et périlleuses fonctions sans se rendre coupable du crime de lese-patrie, il donna sa dé- mission. C'était le 12 février 1793; Monge fut réélu le 17. Sa re- traite définitive est du 10 avril. [l eut Dalbarade pour suc- cesseur. Notre confrère quitta le pouvoir avec une sérénité d'âme, une tranquillité d'esprit que ne montrent guère ni les minis- DE GASPARD MONGE. XXXVII tres disgraciés, ni même les ministres démissionnaires. Je puis sur ce point défier toute dénégation, car j'ai tenu dans les mains quatre grandes pages couvertes de formules de ma- thématiques transcendantes, écrites par Monge le jour même de sa retraite, Monge prend la part la plus active à la création des moyens de défense dont la France avait un besoin impérieux. La convention avait décrété la levée de neuf cent mille hommes. Il ne fallait rien moins pour tenir tête à J’ou- ragan qui, de tous les points de l’horizon, allait fondre sur la France. Bientôt un cri sinistre, un cri de détresse se fait entendre, et porte le découragement dans les esprits les plus fermes. Les arsenaux sont presque vides : on n’y trouverait pas la dixième partie des armes et des munitions que la guerre exi- gera. Suppléer à ce manque de prévoyance, d’autres disent à cette trahison calculée de l’ancien gouvernement, semble au-dessus des forces humaines. La poudre? Depuis longtemps elle a en France, pour principale base, le salpêtre tiré de l'Inde, et l'on ne doit plus compter sur cette ressource. Les canons de campagne? Le cuivre entre pour les quatre-vingt-onze centièmes dans l’alliage dont ils sont formés : or, les mines de France ne pro- duisent du cuivre que dans des proportions insignifiantes ; or, la Suède, l’Angleterre, la Russie, l'Inde, d’où nous tirions ce métal précieux, nous sont fermées. XXX VIII BIOGRAPHIE L’acier ? Il nous venait de l'étranger ; l’art de le faire est ignoré dans nos forges, dans nos usines, dans nos ateliers. La difficulté ne git pas seulement dans la pauvrèté des ap- provisionnements en matières premières. Si vous le voulez, remplissez, par la pensée, les magasins de l'État de salpétre brut de l'Inde ; avant qu'il ait été purifié et rendu propre à la fabrication de la poudre, il s'écoulera un temps fort long, et le temps vous manque. Possédez-vous d'immenses quantités de salpètre déjà raf- finé,, on ne réussira pas à en faire un prompt usage; car il n'existe, dans tout le royaume, qu'un nombre très-borné de moulins à poudre, car l’on ne crée pas des établissements de cette espèce en quelques jours. Les arsenaux regorgent-ils de cuivre; avez-vous aussi de l’étain en abondance, cette richesse vous fera plus cruelle- ment sentir encore la lenteur des moyens en usage pour mou- ler, pour forer et aléser les bouches à feu. Tout annonçait que les neuf cent mille citoyens, déjà levés et enrégimentés, n'auraient à opposer aux légions ennemies que des bras désarmés, que des poitrines sans défense, et qu’a- près l’inutile sacrifice de tant de milliers de nobles cœurs, la république et l'indépendance nationale périraient sans retour. Telles étaient les déductions douloureuses des faits, et l’im- pression générale des esprits, lorsque le comité de salut pu- blic fit un appel à la science. Dans la première réunion des savants d'élite qui avaient été convoqués, la question de la fabrication de la poudre, la première de toutes par son importance et par sa difficulté, assombrit fortement les esprits. Les membres expérimentés DE GASPARD MONGE. XXXIX de la régie ne la croyaient pas soluble : Où trouver le salpé- tre, disaient-ils avec désespoir ? Sur notre propre sol, répon- dit Monge sans hésiter : les écuries, les caves, les lieux bas, en contiennent beaucoup plus que vous ne croyez. Ce fut alors qu’appréciant avec hardiesse les ressources infinies que le génie possède, quand il s'allie à un ardent patriotisme, notre confrère s'écria : « On nous donnera de la terre sal- pétrée, et trois jours après nous en chargerons les canons! » Parmi ceux qui entendaient cette exclamation de Monge, plusieurs peut-être se rappelèrent avec anxiété que le sublime touche souvent au ridicule ; mais les faits tranchèrent bien- tôt la question : l’exclamation resta sublime ! Des instructions méthodiques et simples furent répandues à profusion sur tous les points de la république, et chaque citoyen se trouva en mesure d'exercer un art qui, jusque-là, avait été réputé très-difficile; et, d’un bout de la France à l’autre, on voyait jour et nuit des vieillards, des enfants, des femmes, lessiver les terres de leurs habitations, et acquérir ainsi le droit de se dire : Moi aussi, j'ai contribué à la défense du pays. On fouilla de même les demeures des animaux avec une ardeur sans exemple. Quant à l’approvisionnement de sal- pêtre brut, la plus entière sécurité succéda au désespoir. La chimie inventa des moyens de purification nouveaux et rapides. De simples tonneaux que des hommes faisaient tourner, et dans lesquels le soufre, le charbon et le salpêtre pulvérisés étaient mélés avec des boules de cuivre, suppléèrent aux an- ciens moulins. La France devint une immense manufacture de poudre. XL BIOGRAPHIE Le métal des cloches est un alliage de cuivre et d’étain, mais dans des proportions qui ne conviendraient pas aux armes de guerre. La chimie trouva des méthodes nouvelles pour séparer ces deux métaux. Les cloches des églises don- nèrent ainsi tout le cuivre que les anciens centres d’appro- visionnement nous refusaient. À défaut de l'Angleterre, de la Suède, de la Russie, de l'Inde, chaque village fournit son lingot du précieux métal. Des hommes aveugles crièrent au sacrilége! Leurs clameurs se dissipèrent comme un vain bruit. Quoi de plus religieux, dans la véritable acception de ce terme, que la défense de la liberté, de l'indépendance nationale! A la voix de la patrie éplorée, les découvertes sur chaque objet naquirent aussi rapidement que les besoins. L'art de faire l'acier est ignoré, on le crée. Le sabre, l'épée, la baïion- nette, la lance, la batterie de fusil, se fabriqueront désor- mais avec de l'acier français. Le moulage en terre, en usage dans toutes les anciennes fonderies de canons, n’était pas assez expéditif pour les cir- constances ; on le remplaça par le moulage en sable, beau- coup plus rapide. Les moyens de forer, d’aléser les pièces, reçurent aussi des perfectionnements importants. Le public suivait tous ces es- sais avec un intérêt très-vif, melé de quelque inquiétude. Le jour où le premier canon moulé et foré très-rapide- ment put être essayé au Champ de Mars, la population pari- sienne se porta en foule sur les talus. Le succès fut salué par les plus bruyantes acclamations. De ce moment, on parut pouvoir compter avec assurance sur le triomphe de nos sol- dats, car chacun se disait : [ls auront des armes! DE GASPARD MONGE. XLI Pour mettre les établissements des départements au ni- veau de ceux de la capitale, on fit venir de chaque district de la république des citoyens choisis parmi les canonniers de la garde nationale. Fourcroy leur enseigna les moyens d’ex- traire et de raffiner le salpêtre; Guyton-Morveau et Berthol- let, la nouvelle manière de fabriquer la poudre; Monge, l'art perfectionné de fondre, de forer et d’aléser les canons de bronze pour les armées de terre, et les canons de fonte de fer pour la marine. Ces élèves d’une nouvelle espèce se montrèrent pleins de zèle, d'intelligence, et portèrent dans les districts l’instruc- tion que nos confrères leur avaient donnée à Paris. Monge consacrait ses journées à la visite des ateliers; la nuit, il composait des notices propres à diriger les ouvriers, et même un ouvrage considérable, ? {rt de fabriquer les ca- nons, destiné à servir de manuel dans les usines particulières et les arsenaux de l'État. Monge, en un mot, était l'âme de ce vaste, de cet immor- tel ensemble de travaux; il dominait ses collègues par l’as- cendant que donne un vif enthousiasme; il les entraînait par l'exemple d’une activité dévorante. Pour diminuer le mérite de notre confrère, on a dit que tout autre à sa place serait arrivé aux mêmes résultats; qu’au milieu de l’effervescence qui s'était emparée des esprits au commencement de notre révolution, les idées nouvelles n’a- vaient presque pas besoin de patrons; qu'elles se propa- geaient pour ainsi dire d’elles-mêmes. Je voudrais que le temps me permit de faire ici une histoire détaillée de l'adoption du télégraphe aérien en 1793. On y verrait à combien d'objections futiles Chappe fut T. XXIV. “à XEII BIOGRAPHIE exposé, même de la part d'hommes très-éminents ; on y verrait un des commissaires de la convention ne donner son appui à l'invention qu'après avoir reçu, à Saint-Martin-du-Tertre, cette dépêche partie de Paris : « La convention vient d’au- «toriser son comité de sûreté générale à apposer les scellés «sur les papiers des représentants du peuple. » (Le représen- tant du peuple commissaire avait des papiers à cacher.) On y verrait la convention tout entière ne se rendre qu'après avoir entendu cette remarque de Lakanal : « L'établissement « du télégraphe est la meilleure réponse aux publicistes qui « pensent que la France est trop étendue pour former une « république. Le télégraphe abrége les distances, et réunit, «en quelque sorte, une immense population en un seul « point. » On y verrait, enfin, que dans tous les temps l’homme s’est laissé dominer par la routine, par une tendance invincible à tout apprécier, à priori, du haut de sa vanité, du haut d’une fausse science; que les vérités, les inventions les plus utiles ne parvinrent jamais à occuper la place qui leur appartenait légitimement que de vive force et grâce à l'intervention per- sévérante de quelques esprits d'élite, Le monde fourmille de personnes qui confondent la froi- deur avec la sagesse. Avez-vous l'âme ardente, l'imagination vive, le caractère décidé? Si vous mettez ces qualités au ser- vice d’un principe, d’un système politique, vous devenez aussitôt un démagogue. L'expression blesse le sens com- mun; n'importe : elle se propage incessamment par la parole, par la presse; on s’habitue à la considérer comme une partie intégrante de votre nom. C’est ainsi que cer- tains historiens de notre révolution sont arrivés, bien en- DE GASPARD MONGE. XLIIL tendu sans articuler aucun fait précis, à parler de l’ardent démagogisme de Monge. Devant une Académie des sciences, tout doit être soumis au calcul, Je vais donc donner en chiffres la mesure exacte de ce prétendu démagogisme. Avant la révolution de 89, à peine réussissait-on à extraire annuellement du sol de la France un million de livres de salpêtre. On en tira douze millions en neuf mois, par les soins de la commission que Monge avait animée de son activité sans pareille. Il n’y avait dans tout le royaume que deux fonderies de canons de bronze lorsque l'Europe menaça notre indé- pendance. Sous l’action de notre confrère, le nombre de ces fonde- ries s’éleva à quinze, et leur produit annuel à 7,000 pièces. Les fonderies de canons en fonte de fer furent portées de quatre à trente, et les produits annuels de goo pièces à 13,000. Les usines pour la fabrication des bombes, des obus, des boulets et des attirails de l'artillerie se multiplièrent dans les mêmes proportions. Il n'existait qu’une manufacture d'armes blanches; il y en eut bientôt vingt. Paris vit avec étonnement fabriquer dans son enceinte 140,000 fusils par an. C'était plus que n’en fournissaient auparavant toutes les manufactures d'armes réunies. On créa des établissements analogues dans plusieurs des départe- ments de la république les moins exposés aux attaques de l'ennemi. Li XLIV BIOGRAPHIE Enfin, car il faut mettre un terme à cette énumération, au lieu de six ateliers de réparation pour les armes de toute espèce que possédait le pays avant la guerre, on en compta bientôt cent quatre-vingt-huit. Qui ne serait heureux de la pensée de rendre à son pays dé si nombreux, de si patriotiques, de si magnifiques services. dussent-ils être qualifiés de démagogiques par des historiens mal informés ou étourdis ? Il ne sera peut-être pas inutile de jeter un coup d’œil rapide sur les circonstances extraordinaires au milieu desquelles Monge accomplit son œuvre patriotique. Quoique l’illustre géomètre n’eût pas alors de fortune, ses fonctions,comme délégué du comité de salut public auprès des manufactures d'armes, n'étaient pas rétribuées. Aussi (je copie textuellement ces mots dans une note de la respectable compagne de notre confrère), aussi arrivait-il souvent qu'après ses inspections journalières, si longues et si fati- gantes, dans les usines de la capitale, Monge, rentrant chez lui, ne trouvait pour diner que du pain sec. Cest aussi avec du pain sec, qu'il emportait sous le bras en quit- tant sa demeure à quatre heures du matin, que Monge dé- jeunait tous les jours. Une fois (les détails qui peignent un caractère et une époque ne sont jamais bas), une fois la famille du savant géomètre avait ajouté un morceau de fro- mage au pain quotidien. Monge s’en apercut, et s’écria avec quelque vivacité : Vous alliez, ma foi, me mettre une mé- chante affaire sur les bras; ne vous ai-je donc pas ra- conté qu'ayant montré la semaine dernière un peu de gourmandise, j'entendis avec beaucoup de peine le représen- tant VMioux dire mystérieusement à ceux qui l’entouraient : DE GASPARD MONGE. XLY « Monge commence à ne pas se gêner : Voyez, il mange des «radis! » Cette pénurie, dont aujourd’hui nous pouvons à peine nous faire une faible idée, faillit, vers la même époque, être fatale au célèbre géomètre. Après une séance de douze heures dans les foreries de canons, 1l fut pris d’une esquinancie qui, dès le début, parut très-inquiétante. Berthollet ordonna un bain; mais on dut renoncer à ce genre de traitement : il n’y avait pas de bois dans la maison de Monge pour faire chauffer de l’eau : on n'aurait pas trouvé de baignoire dans le quartier. De semblables incidents se présentaient chaque jour, sans faire aucune impression sur notre confrère. Il avait voué son esprit, son cœur, son âme, son corps à la fabrication des armes dont les défenseurs de la patrie manquaient; hors de ce cadre, tout lui paraissait petit, secondaire, insignifiant. Voyez : madame Monge apprend que son mari et Berthollet ont été dénoncés. Tout éplorée, elle court aux informations, et trouve le célèbre chimiste assis paisiblement aux Tuile- ries, à l'ombre des marronniers; le même avis lui est parvenu, mais 1l croit savoir que rien ne se fera, ni contre lui, ni contre son ami avant huit jours. Ensuite, ajoute-t-il avec sa sérénité habituelle, nous serons certainement arrêtés, jugés, condamnés et exécutés. Monge rentre; sa femme tout en pleurs lui répète la terrible prédiction de Berthollet. Ma foi, dit l’ilustre géomètre, je ne sais rien de tout cela; ce que je sais, c’est que mes fabriques de canons marchent à mer- veille ! On se demande souvent dans le monde comment, avec les plus faibles moyens, nos pères exécutèrent de si grandes XLVI BIOGRAPHIE choses; ne viens-je pas, Messieurs, de répondre à la ques- tion ? Fuite de Monge après le 9 thermidor. Réfutation des con- séquences que la malveillance en avait déduites. Peu de jours après le 9 thermidor, Monge, dénoncé comme partisan de la loi agraire par son portier de la rue des Petits- Augustins, fut décrété d'accusation, et crut devoir se déro- ber par la fuite aux conséquences périlleuses de ce décret; car, sous les thermidoriens, le tribunal révolutionnaire, d'odieuse mémoire, et les poignards des assassins firent autant de victimes qu'avant la chute de Robespierre. La calomnie profita de la circonstance pour répandre son noir venin sur le caractère politique de notre confrère. Il n’est dans ma nature ni de jeter un voile sur les diffi- cultés que je rencontre ni d'essayer de les tourner. J'ai donc porté franchement mes investigations sur les imputations diverses qu'on fit planer sur Monge. Il est résulté de mon travail, je me plais à le proclamer, que jamais on n'avait accumulé autant de faits d’une fausseté plus manifeste, plus palpable. Quand cette biographie aura vu le jour, il ne res- tera plus aucune trace, j'en ai la certitude, de la trame odieuse dont notre confrère faillit devenir la victime. Je me bornerai ici, par le besoin d’abréger, à déclarer, avec la con- viction de ne céder à aucune illusion, de ne me laisser aveu- gler ni par la reconnaissance ni par l'amitié, que Monge eut une véritable aversion pour les hommes qui avaient de- mandé à la terreur, à l’échafaud, la force d'opinion dont ils DE GASPARD MONGE. XLVII croyaient avoir besoin pour diriger la marche de la révolu- tion. L'illustre géomètre ne s’est jamais associé à la pen- sée méprisable que nos compatriotes ne pussent être poussés à la frontière que par l'horreur et la crainte des supplices quotidiens; il aurait couvert de son indignation ces paroles d’un auteur légitimiste célèbre : Le gouvernement révolutionnaire avait besoin d’endurcir le cœur des Fran- çais en le trempant dans le sang. Enfin, Monge, qui dans ses travaux ne recourut jamais ni à un acte de rigueur, ni, qui plus est, à une parole blessante; Monge, qui exécuta de si grandes choses en se contentant d’exalter à propos l'amour du pays et de la liberté, aurait protesté de toutes les forces de sa belle âme contre cette décision de M. de Maistre, si déplorablement adoptée de nos jours : le génie infernal de Robespierre pouvait seul opérer un prodige, pouvait seul briser l'effort de l’Europe conjurée! Le tribunal révolutionnaire, cet instrument docile et odieux, ne fut pas détruit immédiatement après le 9 ther- midor; néanmoins, on se bercait de l'espérance que les jugements cesseraient sans retour d’être une amère dérision s qu'un sentiment général d'humanité succéderait enfin à la plus aveugle barbarie! En prenant la fuite, Monge montra qu'il ne partageait pas ces illusions, et les événements justifièrent complétement ses défiances. Remarquons d’abord que Robespierre, Saint- Just, Couthon, Henriot avaient été exécutés sans jugement préalable, après une simple constatation d'identité, à la suite de la mise Lors la loi. Peu après, le tribunal révolutionnaire régénéré envoya soixante-douze membres de l’ancienne commune à l’écha- XLVIIT BIOGRAPHIE faud, avec quelques tempéraments dans les formes de Ja procédure, mais sans plus d'hésitation que n’en montrait l'ancien tribunal lorsque, avant le 9 thermidor, il obéissait si aveuglément aux injonctions du comité de salut public. Les montagnards s'étaient défaits des girondins après le 31 mai; les girondins victorieux se défirent, à leur tour, par l'échafaud ou par la proscription, de soixante-seize monta- gnards conventionnels. La tyrannie s'était seulement dépla- cée ; on fit, dans le midi surtout (je cite le langage de l’épo- que), la chasse aux jacobins ; bien entendu que cette classe jacobine, alors maudite, s’étendait indéfiniment au gré des inimitiés personnelles et de la cupidité. Quand les meurtres individuels ne suffirent plus aux implacables réacteurs, on vit des massacres par masses, on égorgea dans les prisons: l'événement le plus justement flétri dans les désordres de la capitale se reproduisit sur beaucoup de points du territoire ; un grand nombre de villes eurent, comme Paris, d'horribles 2 septembre à enregistrer dans leurs annales. Fallait-il vraiment s'étonner qu'un père de famille, qui avait su prévoir ces épouvantables désordres, eût voulu se soustraire aux poignards des réacteurs? Vous ne le penserez pas, Messieurs; et cependant, je dois le répéter, la fuite mo- mentanée de Monge, après le 9 thermidor, a été une des bases fragiles sur lesquelles on s'est fondé pour faire de notre confrère, soit un terroriste farouche (c'est l'imputation dans toute sa crudité), soit un démagogue, car telle est l'épithète que les histoires de la révolution les plus répandues accolent sans hésiter au nom de l’illustre géomètre. J'avais résolu de porter mes investigations non-seulement sur les imputations écrites, celles dont quelqu'un répond, DE GASPARD MONGE. XLIX mais encore sur les imputations plus dangereuses qui se pro- pagent par la conversation. J'ai dû renoncer à mon projet. En temps de révolution, les partis songent beaucoup plus à frapper fort qu'à frapper juste; ils se servent d'armes em- poisonnées ; ils ne reculent pas même devant l'emploi de la plus dangereuse de toutes : La calomnie. La calomnie orale a plusieurs fois répandu son venin sur le caractère politique de l’illustre géomètre; mais elle a oublié qu'on manque le but en le dépassant ; elle s’est tuée elle- même par le dévergondage de ses inventions hideuses: elle ne peut plus exciter que le profond mépris des honnêtes gens de toutes les opinions. Ainsi, je relèverai seulement trois où quatre imputations contenues dans des ouvrages où le public pouvait espérer de trouver la vérité sur toutes choses. Je vois dans une multitude d’écrits des allusions très- directes aux votes de Monge dans nos assemblées. Napoléon lui-même, à Sainte-Hélène, citait notre confrère comme ayant voté la mort de Louis XVI. Voilà de bien singulières erreurs. Les unes doivent être qualifiées d’involontaires; les autres ont été propagées par les méchants, que toute vie honnête importune, ou par des esprits légers, presque aussi dangereux que les méchants. Deux mots, et il n’en restera plus de trace. Monge n’a jamais figuré dans aucune de nos assemblées politiques. Peu de temps avant la campagne d'Égypte, la ville de Marseille l'avait choisi pour la représenter au conseil des Cinq-Cents, mais le départ de l'expédition l’empêcha de siéger. Monge était sans frein, sans mesure contre quiconque n'a- OCR IV. g L : BIOGRAPHIE doptait pas ses idées politiques! Les actes du ministre ont déjà répondu. — Voici un fait non moins décisif : Monge se donna pour collègue à l'École polytechnique, en 1794, d'Obenheim, un de ses anciens élèves de Mézières, qui avait déserté en octobre 1793 l'armée républicaine et pris du service parmi les Vendéens. À l’époque où les besoins de la défense nationale exigeaient que la population presque en masse se portât à la frontière; à l’époque où l’on pouvait craindre que nos armées ne fussent pas assez nombreuses pour résister aux efforts des innom- brables légions ennemies marchant à la curée de la France, Monge promit de donner ses deux filles en mariage aux deux premiers soldats qui seraient blessés à la frontière. Napoléon racontait cette anecdote à ses compagnons d’exil à Sainte- Hélène. Supposons un moment le fait exact, qu'en pourra-t-on conclure? Le citoyen voulait évidemment dire qu'aucun sa- crifice ne doit coûter quand l'indépendance nationale est menacée, et le père de famille, pour rendre sa pensée en quelque sorte palpable, citait ce qu'il avait de plus précieux au monde. Puisque les paroles de Monge ont été prises dans leur sens littéral, on peut regretter qu'il les ait prononcées: mais j'affirme que personne n’osera blâmer le sentiment honorable qui les a inspirées. J'ajoute maintenant, d’après le témoignage de madame Monge, que son mari n’a probablement jamais tenu le propos qu'on lui a prêté. Notre confrère avait trop de délicatesse dans le cœur et dans l'esprit pour avoir jeté le nom de ses filles dans l'arène des partis. DE GASPARD MONGE. LI Lisons les biographies, et nous y verrons que Monge con- servait les habitudes révolutionnaires à une époque où tout le monde les répudiait; on rappelle, par exemple, qu'à l’École normale, en 1794, dans les séances qui portaient le nom de débats, il était le seul professeur qui tutoyât les élèves. On aurait pu étendre le reproche : ce n’est pas seulement aux écoles normales que Monge commettait l'immense faute qu'on lui impute; deux mille élèves se rappellent qu'il les tutoyait à l'École polytechnique. De la part de tout autre professeur, cette familiarité eût semblé peut-être extraordi- naire; elle coulait de source, pour ainsi dire, de la bouche de Monge : un père ne pouvait parler autrement à ses enfants. Si l’excuse n'est pas acceptée, je me soumettrai, car Je n'ai point entendu faire de Monge un personnage idéal, ab- solument sans défauts ; je m’engagerai même, pour peu qu'on en manifeste le désir, à demander à la commission chargée de présider à l'exécution de la statue qui doit être érigée à notre confrère, sur la principale place de Beaune, d'écrire sur un des bas-reliefs, à côté des mots sonores d'École polytechnique, de géométrie descriptive, d'analyse appliquée : Monge tutoyait ses élèves. Pendant que Monge était ministre de la marine, plusieurs actes du gouvernement blessèrent à la fois les principes éternels de la justice, les sentiments sacrés d'humanité et les règles d’une saine politique! Voilà le texte d'un des princi- paux reproches adressés à notre confrère. Qu'on me per- mette quelques lignes de commentaire. Pendant que Monge remplissait les fonctions de ministre de la marine, sous la convention, lui et ses collègues n'étaient 5 £* LII BIOGRAPHIE guère que les serviteurs très-subordonnés de la terrible assemblée. Ceux qui, trompés par l'identité du titre, s'imagi- neraient que les ministres de 1793 possédaient quelque chose d’analogue à la puissance d’un Richelieu, d'un Mazarin, d'un Louvois, d’un Fleury, etc., ou même à l'influence des mi- nistres des gouvernements constitutionnels; ceux-là, dis-je, seraient très-peu préparés à apprécier les événements de notre révolution. [l est des temps, a-t-on dit, où l'homme de cœur ne doit pas rester dans les emplois publics! Il est des temps où donner sa démission est l’accomplissement d’un devoir. J'accepte ces aphorismes en thèse générale ; je dirai seu- lement qu'ils sont sans application quand l'indépendance nationale est en péril. En de pareilles circonstances l’hon- nète homme peut aller jusqu'à s’écrier, avec un personnage fameux dans nos fastes révolutionnaires : « Périsse ma répu- tation plutôt que mon pays. » Ajoutons cependant que, tout en contribuant avec une activité sans pareille et un succès vraiment inoui à la dé- fense de la patrie, Monge n'a jamais eu besoin de mettre sa réputation en péril. Pour se débarrasser du ministère de la marine, en 1793, Monge avait parlé de ce qu'il appelait son incapacité poli- tique et administrative en des termes si catégoriques, Si po- sitifs, que beaucoup de personnes le prirent au mot. Il en fut tout autrement des corps constitués. Le nom de notre con- frère figura, en effet, deux fois dans les listes des candidats aux fonctions de membre du Directoire exécutif. On était alors bien près des événements terribles pendant lesquels tous les hommes publics s'étaient montrés à nu; on DE GASPARD MONGE. LIN savait la source des calomnies, écrites ou verbales, que les partis se renvoyaient mutuellement pendant nos troubles. Ce fut donc avec une connaissance complète des faits, avec tous les moyens de les apprécier que des sociétés populaires don- nèrent à Monge la plus haute marque de confiance et d'estime, et qu'elles le désignèrent pour une des cinq places de direc- teur de la république, ou, comme disaient les adversaires du gouvernement d'alors, pour un des cinq rois de France. En présence d’un pareil hommage, ne serait-il pas insensé de s'arrêter à des inculpations anonymes et sans aucune ap- parence de fondement ? Monge réunissait en lui deux choses qui semblent s'exclure mutuellement : la fougue et la douceur. Telle est l’origine des jugements si divers qu’on a portés sur son caractère po- litique. Ecole normale. Peu de temps après le 9 thermidor, la convention sentit le besoin de réorganiser l'instruction publique. Les profes- seurs manquaient dans tous les départements; elle décida qu'il en serait créé dans le moindre délai possible, et les écoles normales naquirent. J'ai raconté ailleurs en détail les services rendus par cet établissement sans modèle, où il fut permis à Monge de professer publiquement, pour la pre- mière fois, la géométrie descriptive. Ces leçons orales, re- cueillies par des sténographes, forment la partie principale de l'ouvrage dont on est redevable à notre confrère. Cet en- seignement s'est répandu depuis avec un grand avantage dans toutes nos écoles, dans les usines, dans les manufac- LIV BIOGRAPHIE tures, dans les plus humbles ateliers, où il sert de guide sûr et invariable à l’art des constructions. Je dirai, comme dans la biographie de Fourier : ces écoles normales périrent de froid, de misère et de faim, et non pas à cause de quelques vices dans leurs règlements, qu'on eût pu facilement corriger. On ne se trompe pas moins lorsqu'on prétend que la con- vention elle-même hâta de tout son pouvoir la dispersion des quinze cents élèves dont se composait l’école, parce qu'ilsétaient imbus d'idées peu démocratiques. Propagateurs de cette calomnie, voulez-vous être détrompés, parcourez l'analyse de la séance d'installation; vous y trouverez qu'au moment de la lecture de la loi conventionnelle qui créait l'établissement tous les élèves et les spectateurs se décou- vrirent et se levèrent d’un mouvement spontané en témoi- gnage de respect. Voyez ensuite la leçon, la seconde, où Daubenton parlait des abus du style pompeux dans l'histoire naturelle; vous y trouverez cette phrase : € On a appelé le lion le roi des ani- maux; il nya point de roi dans la nature; » et les ap- plaudissements, les acclamations que ces mots excitèrent dans le vaste amphithéâtre du Jardin des Plantes, où se réu- nissaient les élèves de l’École normale, vous diront si les au- diteurs qui le remplissaient étaient animés de sentiments républicains. Les mérites des écoles actuelles ne pourraient- ils donc être célébrés sans déverser le mensonge et l'outrage sur les créations analogues qui les ont précédées? Ne serait-il pas d’ailleurs de toute justice de faire la part des circons- tances très-difficiles dans lesquelles nos pères essayaient de reconstruire ce que la révolution avait balayé sur tous les points du territoire ? DE GASPARD MONGE. É LV École polytechnique. En France, le public semble éprouver l’invincible besoin de rattacher un nom d'homme au nom de chacune des ins- titutions qui font la gloire et la force de notre pays. C'est ainsi que les mots fortification et Vauban sont devenus in- séparables, que le premier n’est presque jamais prononcé sans le second ; c’est ainsi qu’on est obligé de faire une sorte d'effort sur soi-même pour ne pas ajouter Buffon après avoir dit Jardin des Plantes ; et, revenant à mon sujet, c'est ainsi que le nom de Monge semble être l'accompagnement obligé du nom d’École polytechnique. Ces réflexions me conduisent à examiner si vraiment le public, jusqu’à ces dernières années, a été le jouet d’une il- lusion; si Monge, comme on l’a soutenu récemment, ne fut pas le fondateur réel de notre grande École; si parmi les trois ou quatre prétendants posthumes à cet honneur insigne il en est un seul dont les titres puissent résister à une discus- sion sérieuse. Voulons-nous que cette sorte de personnification des grandes institutions, que cette haute récompense accordée spontanément par tout un peuple, excite l’émulation des hommes d'élite, les soutienne dans leurs pénibles travaux, enflamme leur courage, ne souffrons pas que l'intrigue se substitue jamais au mérite modeste, qu’elle se pare d’hom- mages qui ne lui sont pas dus. La question ainsi posée, j'avertis que pour la résoudre je n'ai reculé devant aucun développement, que je ne me suis pas laissé détourner de mon but, même par la crainte de vous LVI BIOGRAPHIE fatiguer. Pouvais-je m'abandonner à de misérables calculs d'amour-propre lorsqu'il s'agissait de la gloire la plus pure de notre confrère et d’un établissement dont on a dit avec toute raison que c’est plus qu’une grande école, que c'est une institution nationale. Les historiens ayant oublié que l'insti- tution polytechnique méritait une large place dans le tableau de la révolution française, c'est aux biographes à s’en sou- venir et à combler la lacune. Pour prononcer un jugement éclairé sur le mérite dont un architecte a fait preuve dans la construction d’un édifice, les hommes consciencieux ne manquent jamais de s’enqué- rir de l’ancien état du sol, du nombre, de la grandeur et de la position des bâtisses de toute nature qui le couvraient an- térieurement ; des modifications que les préjugés, que l’inté- rêt privé, non moins tenace, forcèrent d'apporter aux concep- tions primitives de l'artiste. Suivons cette marche si nous voulons apprécier sainement les travaux de la convention, de cette assemblée justement immortelle par l'énergie, par l’héroïsme qu'elle déploya dans la mission sainte de défendre le territoire de la France contre l'Europe coalisée, et qui, malheureusement dominée par d'affreuses circonstances, commit des actes odieux, dont le seul souvenir remue douloureusement jusqu'au fond de l'âme tout citoyen jaloux de la gloire de son pays. \ l’époque où la révolution française éclata, le royaume possédait plusieurs écoles spéciales. l’enseignement pour le génie militaire était concentré dans le célèbre établissement de Mézières, dont nous avons déjà parlé en détail. L’artille- rie, après avoir eu successivement une école particulière à \ la Fère (1756) et à Bapaume (1772), préparait, exerçait ses DE GASPARD MONGE. LVII jeunes officiers à Châlons-sur-Marne. Les élèves destinés à la carrière des ponts et chaussées étaient réunis à Paris dans l'école fondée en 1747 sous le ministère de Trudaine. L'É- cole des mines, d’une date beaucoup plus récente, et celle des constructeurs de vaisseaux avaient également leur prin- cipal siége dans la capitale. Pour compléter cette énuméra- tion, je devrais dire où se formaient les ingénieurs-géogra- phes, mais je ne suis pas parvenu à le découvrir! Ces diverses écoles étaient languissantes, par des causes que nous devons rechercher. Je ne reviendrai point sur la prescription odieuse qui écar- tait irrévocablement de l’école de Mézières tout candidat, quel que fût son mérite, dont les parents ne pouvaient pas prouver qu'ils avaient toujours vécu noblement. Je signalerai seulement ici comme vices radicaux de cette école la clan- destinité des examens d'admission et de sortie; l'absence com- plète de leçons orales communes, de lecons données aux élè- ves dans des amphithéâtres, de lecons qui auraient tant facilité les travaux graphiques qu’on devait exécuter dans les salles ; peut-être encore ne dois-je pas oublier l'isolement dans lequel des préoccupations aristocratiques tenaient le profes- seur de dessin. L'école de Chälons mérite à peine de nous occuper par quelques mots de critique. Les examens y étaient publics, mais très-faibles, les moyens d'étude intérieurs presque nuls. Là, point de cabinet de physique ou de laboratoire de chi- mie, point de bibliothèque, point de collections d'aucune es- pèce : le matériel se réduisait à quelques pièces de canon de divers calibres. L'établissement de Châlons, malgré toute sa pauvreté, pri- T. XXIV, h LVIIT BIOGRAPHIE mait encore de cent coudées l’École des ponts et chaussées. Les examens pour l'artillerie étaient assurément peu diffi- ciles ; mais, tout considéré, il y avait examen; on entrait, au contraire, à l'École des ponts et chaussées sans avoir été sou- mis à aucune sorte d’épreuve. Le recrutement de l'artillerie s'effectuait d’après des rè- gles certainement mesquines; mais ces règles étaient du moins déterminées et connues du public. Il n'existait point de règle pour le recrutement des ingénieurs civils; la fa- veur seule décidait du choix des candidats. L'école de Chà- lons avait deux professeurs pour l’enseignement des sciences ; c'était assurément très-peu; eh bien! aucun professeur en ti- tre n’était attaché à l'école de Paris ; les élèves les plus forts aidaient leurs camarades quand ils en avaient le temps et la volonté. Certains jours de la semaine, ces futurs ingénieurs allaient tous ensemble assister, en ville, aux leçons particu- lières de tel ou tel professeur de physique et de chimie à la mode. C'était aussi chez des professeurs particuliers de Paris que des ingénieurs constructeurs de vaisseaux recevaient généra- lement leur complément d'instruction sur les mathématiques etsur la physique. L’exécution graphique des plans de navires était seule soumise à un contrôle officiel et régulier. Hätons- nous de le déclarer, ce qu'une pareille organisation offrait de défectueux était corrigé, en partie, par les exercices pra- tiques faits, chaque année, dans les chantiers de nos ports de guerre, surtout par l'influence, toujours féconde, d’exa- mens, disons mieux, de concours d'entrée et de sortie. Avant la révolution, le service des mines n’avait en France qu'une importance très-médiocre. La mode, ce tyran aveugle DE GASPARD MONGE. LIX et tout-puissant dans notre pays, conduisait d’ailleurs à l’é- tranger la plupart de ceux qui aspiraient au titre d’ingé- nieur. En encourageant cette tendance, le gouvernement condamnait sa propre école. Aussi, quoiqu'elle renfermät presque autant de professeurs que d'élèves, ne fit-elle que végéter. Les ingénieurs-géographes échapperont, par une raison singulière, au genre d'investigation que je me suis imposé: ils s'étaient décidés, eux, à n'avoir point d'école, à s’aban- donner, pour le recrutement de leur corps, à ce qui, de tout temps, occupa une bien grande place dans les événements heureux ou malheureux dont notre pays fut le théâtre: au hasard. Du point de vue rétréci de l'intérêt ou de l’amour- propre, les géographes paraîtront moins inconséquents qu'on ne pourrait le croire. Pourquoi se seraient-ils imposé des études délicates, pénibles, lorsque l'autorité leur avait ac- cordé un droit absolu, exclusif, sur toute opération ayant trait à la géodésie, à la géographie; lorsque les officiers du génie, à qui on enseignait ces sciences à Mézières, étaient obligés, aux termes d’une ordonnance formelle, de s'abstenir d'en faire aucune application dans leur service ? Telles étaient, dans le glorieux royaume de France, les institutions mesquines d’où sortaient, avant la révolution, les officiers, les ingénieurs des corps savants. Le moment est maintenant venu de raconter comment nos pères les remplacèrent; comment ils en bannirent tout ce qui portait la trace du privilége, de la routine ; comment l'École polytechnique devint le pivot sur lequel roule ma- jestueusement, depuis plus de cinquante années, un ensem- h. LX BIOGRAPHIE ble d'institutions dont aucun pays, dont aucun siècle n'avait offert le modèle. En 1793, la France soutenait sur toutes ses frontières une immense et glorieuse lutte contre les armées de l'Europe coalisée. Les ingénieurs militaires manquant, deux lois de la convention, en date du 9 mars et du 16 septembre, mi- rent tous les ingénieurs civils à la disposition du ministre de la guerre. Il ne fallait rien moins que la voix impérieuse de la nécessité pour légitimer une détermination si radicale. Il est certain qu’elle amena, qu'elle devait amener la désor- ganisation complète de l’École des ponts et chaussées. Les jeunes gens arrivés dans cette école en 1794 n’y trouvèrent aucan moyen d'étude. Leur instruction première était d’ail- leurs à peu près nulle. Les autres écoles d'application avaient aussi ressenti plus ou moins fortement le contre-coup de la mesure conventionnelle. Tout annonçait que cet état fàcheux durerait un grand nombre d'années. Le successeur de Per- ronet à la direction de l'École des ponts et chaussées, l’ha- bile ingénieur Lamblardie, pensa que pour porter un remède efficace au désordre dont il devait plus que personne être frappé, que pour empêcher de semblables difficultés de se re- produire on pourrait créer une école préparatoire commune à tous les services publics ; une école où l’on enseignerait les principes généraux des sciences, également indispensables aux ingénieurs civils et aux ingénieurs militaires. Telle est l’idée juste, mais en vérité bien vague dans sa gé- néralité, sur laquelle on s’est appuyé pour faire de Lamblardie le créateur de l’École polytechnique. S'il était vrai qu'un aperçu aussi peu développé légitimât la conséquence qu’on en a tirée, le titre de créateur de notre grande École appartien- DE GASPARD MONGE. LXI drait de plein droit au comité de salut public. Je trouve, en effet, dans le décret en date de février 1794, sur la transla- tion à Metz de l’école de Mézières, un paragraphe où l’on préconise (je cite les paroles textuelles) : « Les avantages at- «tachés à un centre, réunion de toutes les branches de « l'instruction relative aux travaux publics. » Monge adopta avec enthousiasme la pensée d’une école commune, où l'État réunirait les jeunes gens destinés à le servir dans les diverses branches des professions et des ar- mes savantes, et fit goûter ce projet aux membres du comité de salut public, surtout à Fourcroy, à Carnot et à Prieur de la Côte-d'Or. Par l'influence du savant chimiste et des deux anciens officiers du génie, élèves de Mézières, la convention, en créant, le 11 mars 1794, une commission qui devait pré- sider aux constructions civiles et militaires dans toute l’é- tendue de la république, lui enjoignit de s'occuper sans re- tard « de l’établissement d’une école centrale des travaux « publics, du mode d’examen de ceux qui seraient appelés à « en suivre les leçons. » Au temps dont nous parlons, les décrets n'étaient jamais une lettre morte. Pour répondre aux ordres de la conven- tion, la commission des travaux publics choisit, au Palais- Bourbon, le local où la nouvelle école serait installée; elle le fit approprier à cette destination, et, puisant à pleines mains dans des dépôts publics, elle forma un eabinet de mi- néralogie, un cabinet de physique, un cabinet de modèles, une bibliothèque et une riche collection de gravures et de rondes bosses pour le dessin d'imitation. Vingt-cinq artistes travaillèrent, nuit et jour, à l'exécution des épures qui de- vaient servir à l’enseignement de la géométrie descriptive. LXII BIOGRAPHIE Il restait à assurer par une loi l'allocation annuelle de la somme considérable sans laquelle ces immenses préparatifs n'auraient pas eu de résultat ; il restait à trouver, à faire adopter pour la nouvelle école une organisation forte, satis- faisant par sa libéralité à des principes, à des droits sur les- quels le public avait des idées très-arrêtées, et qui, du point de vue des études, primât toutes les institutions connues. Tel fut l'objet du projet de loi que le comité de salut public fit présenter par Fourcroy, un de ses membres, à la conven- tion nationale. Le rapport du célèbre chimiste était écrit avec une grande lucidité. La loi passa le 28 septembre 1794 (7; vendémiaire an 111) sans aucune opposition. La loi d'organisation de l'École des travaux publics, nom- mée plus tard, École polytechnique, fut rendue sur le rap- port de Fourcroy. Le savant conventionnel est donc le fon- dateur réel de cette école célèbre. Voilà, dans toute sa sim- plicité, le raisonnement sur lequel tant de personnes se sont appuyées pour substituer le nom de l’auteur du Système des connaissances chimiques aux noms de Lamblardie et de Monge ; voilà comment Fourcroy en était venu lui-même à se persuader que ses droits au titre de fondateur l’empor- taient sur ceux de l’homme de génie à qui nous sommes re- devables de la géométrie descriptive. Dans les sociétés modernes, aucune affaire n'arrive à son terme qu'après avoir passé par une multitude de filières. De là mille conflits d'amour-propre entre les personnages du monde politique ou du monde administratif à qui ces filières se trouvent confiées. On s’exagère si volontiers l'im- portance des actes auxquels on a pris part! Voyez le con- seiller municipal, cette contre-épreuve si exacte de l'ancien DE GASPARD MONGE. LXIII échevin. A-t-il, en forme de rapport, Jjuxtaposé quelques li- gnes concernant les projets laborieusement étudiés d’un in- génieur consommé, d’un architecte habile, d’un peintre cé- lèbre; si ce rapport dans la hiérarchie administrative à précédé immédiatement le vote d'adoption des travaux , l'é- chevin ne parle plus, sa vie durant, que du majestueux canal dont le commerce /ui est redevable ; que du splendide édifice qu'il a fait élever ; que des magnifiques peintures qui, grâce à lui, ornent les murs de l'antique basilique ou du temple nouvellement sorti de terre, etc. Soyons justes, l’échevin n'est pas un personnage excep- . tionnel. Le monde fourmille de membres de nos assemblées législatives dont les prétentions, dont les discours donne- raient lieu à de semblables remarques. En cherchant bien, on découvrirait quelque honorable député qui se dit, qui se croit même l’auteur d’une de nos lois les plus importantes, sans aucun autre fondement que celui d’avoir, par sa boule tardive, complété, le jour du vote, le nombre minimum de boules fixé par le règlement. Dieu me préserve de réduire à ces proportions mesquines, j'allais dire à ces proportions risibles, l'intervention de Fourcroy dans l’organisation de l’École polytechnique. Son rapport fut souvent éloquent, toujours lumineux. La loi renfermait assurément un grand nombre de dispositions ex- cellentes ; mais serait-il juste d’en faire exclusivement hon- neur au célèbre chimiste? Plusieurs de ces dispositions vita- les ne provenaient-elles pas d’une autre source ? Telle est la question. La loi stipulait que les élèves seraient classés et reçus d’a- près une liste générale, par ordre de mérite, formée à la LXIV BIOGRAPHIE suite d’un concours ouvert dans vingt-deux des principales villes de la république. Le fils d’un ancien duc et pair ne devait avoir aucun privilége sur le fils du plus humble arti- san; la cabane et le palais se trouvaient placés sur la même ligne. Un traitement était accordé aux élèves. Supprimez ce traitement, et l'égalité décrétée dans le premier article n’est plus qu’un vain mot, et les enfants des pauvres, quel que soit leur mérite, n'ont plus de place dans la nouvelle école qu'en théorie. Ces dispositions, grandes et fécondes, n'étaient au fond que la conséquence immédiate et nécessaire du principe d’é- galité, celle de toutes les conquêtes de notre révolution sur laquelle le public aurait le moins facilement transigé. Les membres les plus obscurs, disons mieux, les membres les plus arriérés de la convention les auraient eux-mêmes introduites dans la loi. Il n’était nullement nécessaire de s'appeler Fourcroy ou Carnot pour comprendre qu’une école nationale entachée de quelque privilége n'aurait pas vécu seulement dix jours dans un temps où la tribune reten- tissait, aux applaudissements de tous, de ces paroles carac- téristiques : L'égalité est plus qu'un principe; elle est un sentiment. Le rapport de Fourcroy était accompagné d’une pièce intitulée : Développements sur l’enseignement adopté pour l'École centrale des travaux publics. Ces développements parurent sans nom d'auteur, mais l'empreinte profonde de la main de Monge se voyait dans l’ensemble du travail et dans les détails ; l’ancien professeur de Mézières était alors en Europe le seul mathématicien capable de parler avec DE GASPARD MONGE,. LXV tant d'autorité de la géométrie descriptive et du mode d’en- seignement qui devait la rendre populaire et usuelle. La durée du cours complet d’études polytechniques avait été fixée à trois ans. De là, trois classes, trois divisions parmi les élèves. Ne vous semble-t-il pas que trois ans durent s’é- couler avant que le pays tirât aucun fruit de la nouvelle école ? Détrompez-vous, Messieurs : les besoins publics n’au- raient pas pu s’accommoder d’un pareil délai; d’ailleurs, on faisait alors peu de cas des promesses à long terme. Il fallut donc découvrir un moyen de créer rapidement des ingénieurs instruits, sans porter atteinte à l’organisation sa- vante qui venait d’être décrétée. L'expédient que l’on adopta caractérise trop bien l'esprit entreprenant de cette grande époque pour ne pas mériter de nous arrêter un instant. Environ quatre cents élèves furent reçus dès la première année. C'était à ce nombre que d'ordinaire devait s'élever l’ensemble des trois divisions. Les quatre cents élèves, réunis momentanément en une division unique, reçurent, pendant les trois mois qui suivirent leur installation, un enseigne- ment accéléré qu’à raison de cette circonstance le rapport de Fourcroy qualifia d'enseignement révolutionnaire. L'enseignement révolutionnaire embrassa sous une forme concentrée toutes les matières qui, suivant la marche régu- lière des programmes, devaient être réparties sur trois an- nées. L'enseignement révolutionnaire permit, au bout de trois mois, de faire entre les élèves un triage intelligent, de les partager en trois groupes de forces dissemblables, d’en former les trois divisions instituées par le projet de loi. Dès sa naissance, l'École se trouva ainsi en activité dans toutes ses parties. T. XXIV. ë LXVI BIOGRAPHIE Rien ne semblait plus propre à assurer la marche de la nouvelle École que la création des chefs de brigade. Ce nom était réservé à des élèves qui, ayant déjà suivi avec succès les leçons des trois années et voulant s’adonner aux sciences, consentaient à reprendre une seconde fois le même cours d’études. Les chefs de brigade, toujours réunis à de petits groupes d'élèves dans des salles séparées, devaient avoir des fonctions d’une importance extrême : celles d’aplanir les difficultés à l'instant même où elles surgiraient. Jamais com- binaison plus habile n'avait été imaginée pour ôter toute ex- cuse à la médiocrité ou à la paresse. Cette création appartenait à Monge. À Mézières, où les élèves du génie étaient partagés en deux groupes de dix, à Mézières, où, en réalité, notre confrère fit quelque temps, pour les deux divisions, les fonctions de chef de brigade per- manent, la présence, dans les salles, d’une personne toujours en mesure de lever les objections avait donné de trop heu- reux résultats pour qu'en rédigeant les développements joints au rapport de Fourcroy, cet ancien répétiteur n'es- sayät pas de doter la nouvelle école des mêmes avantages. Monge fit plus; il voulut qu'à la suite des leçons révolu- tionnaires , qu'à l'ouverture des cours des trois degrés, les vingt-cinq sections de seize élèves chacune, dont l’ensemble des trois divisions devait être composé, eussent leur chef de brigade, comme dans les temps ordinaires; il voulut, en un mot, que l'École, à son début, marchät comme si elle avait déjà trois ans d'existence. Voici comment notre confrère atteignit ce but en appa- rence inaccessible. Il fut décidé que vingt-cinq élèves, choisis par voie de DE GASPARD MONGE. LXVII concours parmi les cinquante candidats que les examinateurs d'admission avaient le mieux notés, deviendraient les chefs de brigade des trois divisions de l’école, après avoir toute- fois reçu à part une instruction spéciale. Le matin, ces cin- quante jeunes gens suivaient, comme tous leurs camarades, les cours révolutionnaires ; le soir, on les réunissait à l'hôtel Pommeuse, près du Palais-Bourbon, et divers professeurs les préparaient aux fonctions qui leur étaient destinées. Monge _présidait à cette initiation scientifique avec une bonté, une ardeur, un zèle infinis. Le souvenir de ses lecons est resté gravé en traits ineffaçables dans la mémoire de tous ceux qui en profitèrent. Ayant à caractériser cette première phase de l'École polytechnique, je ne saurais mieux faire que d’ex- traire quelques lignes d’une Notice intéressante, publiée il y a vingt-huit ans par un des cinquante élèves de la maison Pommeuse, par M. Brisson. « C’est là, disait le célèbre ingénieur des ponts et chaus- « sées, que nous commençâmes à connaître Monge, cet homme « si bon, si attaché à la jeunesse, si dévoué à la propagation « des sciences. Presque toujours au milieu de nous, il faisait « succéder aux leçons de géométrie, d'analyse, de physique, « des entretiens particuliers où nous trouvions plus à gagner « encore. Il devint l’ami de chacun des élèves de l’École pro- « visoire; il s’associait aux efforts qu'il provoquait sans « cesse, et applaudissait, avec toute la vivacité de son carac- « tère, aux succès de nos jeunes intelligences. » Les études mathématiques, si justement qualifiées de logt- que en action, ont montré la complète inutilité de la foule de règles pédantesques dont nos pères avaient prétendu faire une science, et qui devait énerver l'esprit plutôt que de le for- 1. LXVIII BIOGRAPHIE tifier. J'oserai ajouter, sans craindre de tomber dans un pa- radoxe, que des études dans lesquelles il faut, à chaque pas, tracer une ligne de démarcation nette et précise entre le vrai et le faux sont très-propres à développer le sens moral. Monge partageait cette opinion. [Il comptait tout autant sur les sentiments élevés des cinquante aspirants aux fonctions de chef de brigade que sur leur savoir. Aussi, lorsqu'il fallut désigner entre ces jeunes gens les vingt-cinq plus capables, Monge crut pouvoir se dispenser d'intervenir. Sur sa propo- sition, les aspirants firent eux-mêmes les choix, au scrutin de liste, à la majorité absolue. Un seul tour suffit pour décider des vingt-cinq nominations; dix-sept candidats obtinrent plus des trois quarts des voix; les huit autres plus des deux tiers. Parmi ces vingt-cinq premiers chefs de brigade de V’'É- cole polytechnique, il en est un bon nombre, Malus, Biot, Lancret, Francœur, etc., dont les travaux ont complétement justifié l'opinion favorable que les jeunes votants de l'hôtel Pommeuse avaient manifestée. Ces marques d’honnéteté et d'intelligence, données par les premiers élèves de l'École polytechnique, contribuèrent trop puissamment à la renommée de notre grand établissement national pour être passées sous silence. Ajoutons que le nom de Monge se montra presque toujours dans les mani- festations qui honorèrent cette brillante jeunesse. Lorsque, après tant de dispositions préliminaires, l’École polytechnique s’ouvrit, Monge recommenca pour les quatre cents élèves des trois divisions tout ce qu'il avait fait pour les cinquante élèves de l’École préparatoire. Ses nombreuses leçons, données dans les amphithéâtres, sur l’analyse, la géo- métrie, la physique ne l’empêchaient pas d’aller dans les sal- DE GASPARD MONGE. LXIX les d'étude lever les difficultés qui eussent entravé la marche des études. Ces visites se prolongeaient souvent jusqu’à l'heure de la sortie de l’École; alors, groupés autour du professeur illustre, les élèves l’accompagnaient jusqu’à sa demeure, jaloux de recueillir encore quelques-uns des ingé- nieux aperçus qui Jjaillissaient, semblables à des éclairs, de la plus féconde imagination dont l’histoire des sciences ait conservé le souvenir. À peine irons-nous aujourd’hui jusqu’à concevoir la pos- sibilité de ces entretiens savants qui se continuaient le long de la rue de l’Université, au très-grand avantage d’une cin- quantaine de jeunes gens. L'École, dans ses premières an- nées, nous offrirait d’autres exemples des relations, en quelque sorte patriarcales, qui s'étaient établies entre les professeurs et les élèves, et dont aujourd’hui il ne reste plus que le souvenir. À cet égard, les habitudes sont totalement changées. Est-ce un bien ? est-ce un mal? Je dis modestement que c’est un fait, et je le livre à ceux qui jugeront utile de mettre en parallèle les diverses phases de notre grande ins- titution. Pour montrer que les services de Fourcroy primaient ceux de Monge, les partisans du célèbre chimiste ont eu recours à des arguties qu’on tolérerait à peine dans le temple de la chicane. Si Monge, a-t-on dit, avait été le vrai fondateur de l’École, le conseil des professeurs n’aurait pas manqué, dès l’origine, de le placer à sa tête, de lui déférer la prési- dence. L’argument est sans force : remarquons d’abord que Fourcroy lui-même ne fut point ce premier président. J'a- joute que Monge déclina cet honneur : sa réponse aux of- LXX BIOGRAPHIE fres de ses collègues nous a été conservée : « Nommez La- «grange, s'écria-t-il, nommez le plus grand géomètre de « l'Europe. D'ailleurs, je vaux mieux attelé au char que placé « sur le siége. » Jai exposé jusqu'ici, en toute sincérité, les droits respec- tifs de Lamblardie, de Fourcroy et de Monge à un titre très-vivement, très-justement envié. J'ai laissé nettement pressentir le jugement que je croirais devoir porter sur les prétentions rivales de ces hommes éminents, ou plutôt sur celles de leurs amis. Il m'eût été difficile, en effet, de ne pas voir le vrai fondateur d’une école scientifique dans celui qui y créa l’enseignement, dans celui qui par ses leçons de tous les jours, j'allais dire de tous les instants, qui, par son in- fluence personnelle, par la généralité de ses connaissances, par sa dévorante activité, par l'attachement qu'il savait ins- pirer, placa du premier coup les études de ses jeunes amis dans une région si élevée, que le titre d’ancien élève de l'École polytechnique devint immédiatement presque l’égal des ti- tres académiques les plus enviés, et que des savants célèbres ne dédaignaient pas de s’en parer. L’excellente organisation de l'École eut certainement sa part dans le succès; mais, à l’origine, au moment de la mise en action, pour ainsi parler, elle ne joua évidemment qu’un rôle subordonné. Cette or- ganisation n'est-elle point connue du monde entier ? N’a-t-on pas voulu créer sur le même modèle bien des écoles poly- techniques? Où existent-elles autrement que de nom? Ces insuccès répétés rappellent ceux de l’agriculteur novice qui, ayant reconnu, en Europe, dans le sol de son domaine, les éléments minéralogiques et chimiques des terres de Saint- Domingue et de Cuba, assignait d'avance l’époque où l’on DE GASPARD MONGE. LXXLI verrait pêle-mèle dans ses jardins des palmistes aux tiges élancées, des bananiers toujours couverts de longs régimes de fruits, des cocotiers pliants sous le poids de leurs lourdes grap- pes, des orangers, des citronniers embaumant l'air de leurs parfums. Le pauvre enthousiaste n'avait oublié qu'une toute petite circonstance : l’action vivifiante du soleil équatorial. Pour arriver au terme de cette discussion laborieuse, il me reste encore à caractériser les services rendus à notre grande école par le conventionnel Prieur de la Côte-d'Or. Le nouvel établissement n'avait pas moins besoin de col- lections que de professeurs et d'élèves. Prieur, membre du comité de salut publie, ouvrit, comme je l’ai déjà indiqué, aux agents de l’École les dépôts de l'hôtel d’Aiguillon. De cette sorte, le cabinet de physique, le cabinet de machines et celui de minéralogie se trouvèrent immédiatement formés. Grâce à la même influence les dépôts de l’hôtel de Nesle, des Petits-Augustins, de la salle des Antiques du Louvre fu- rent mis à contribution pour les modèles des dessins d’imita- tion. Dans ces temps de pénurie extrème, la création des la- boratoires de chimie donna lieu à de grandes difficultés : les matières premières manquaient, Il fallut attendre que les victoires de nos armées y pourvussent ; c’est ainsi que sur un geste de Prieur l’alun fut tiré de la Belgique et le mercure du Palatinat, ete. En créant le matériel de l’École, Prieur fit plus que de rendre les études faciles et complètes. Il faut bien l’avouer, c'est par leur matériel que les établissements scientifiques imposent aux esprits étroits; c'est dans leur matériel qu'ils ont souvent trouvé le moyen le plus efficace de résister aux efforts de la malveillance. LXXII BIOGRAPHIE Prieur ne se borna pas, envers l'École polytechnique, à la protection indirecte dont je viens de parler. Toutes les fois qu'elle fut menacée à la suite de quelque acte politique des élèves, on le vitsurla brèche conjurer courageusement le dan- ger. Il nese montra pas moins empressé à solliciter des alloca- tions pécuniaires pour aller au secours de beaucoup d'élèves que la misère avait dispersés. Vers le milieu de 1795, l'École s'étant trouvée en péril à la suite de vives réclamations d’un corps privilégié, puissant et justement estimé, à la suite des demandes instantes du corps du génie, Prieur, officier du génie lui-même, n'hésita pas à combattre ouvertement des préten- tions dans lesquelles, sous les apparences de l'intérêt publie, il apercevait des motifs puérils, et, pour citer ses propres ex- pressions, du charlatanisme. W établit, dans un mémoire qui fut remis à la commission chargée de réformer la constitu- tion de l'an 111, que le secret sur les principes de la fortifica- tion, dont ses camarades avaient tant parlé, devait être res- treint aux moyens locaux de défense de chaque place de guerre, et ne pas comprendre les principes généraux de l’art; et l'orage qui semblait devoir renverser l'École se dissipa. S'il me fallait caractériser en quelques mots les droits res- pectifs de Monge et de Prieur au titre glorieux de fonda- teur de notre grande école; si l'on me demandait une de ces formules concises dans lesquelles l'esprit se complait, je dirais avec la certitude d’avoir fait une juste part aux deux compétiteurs : Monge donna la vie à l'École polytechnique ; Prieur, dans les premiers temps, l'empêcha de mourir. L'amour de Monge pour l'École polytechnique n'eut pas le sort ordinaire des sentiments qui, à leur début, sont em- preints d'enthousiasme : il dura , il conserva toute sa force DE GASPARD MONGE. LXX II primitive pendant plus de vingt années. Quelques citations trés-courtes mettront la passion de notre confrère dans son vrai jour. Je ne m'astreindrai pas, cette fois, à l'ordre des dates ; j'anticiperai méme beaucoup sur le temps à venir ; les principaux faits relatifs à notre établissement national se- ront ainsi réunis en un seul faisceau. Partout où les circonstances conduisaient notre confrère. il faisait de École polytechnique, des services qu'elle avait rendus, de ceux que le pays devait en attendre encore, l'ob- Jet de ses entretiens de prédilection. Tous les amis de Monge devenaient ainsi des admirateurs de la célèbre École, et ils ne manquaient pas, dans leurs voyages à Paris, d'en suivre les leçons. Voilà le secret de la présence aux amphithéitres du Palais-Bourbon de généraux illustres, tels que Desaix et Caffarelli ; voilà comment. entre la conquête de l'Italie et celle de l'Égypte, le général Bonaparte lui-même assista à plu- sieurs cours et parcourut attentivement les diverses salles d'étude; voilà pourquoi, après trois années seulement d’exis- tence, la création de Monge n'était guère citée à la tribune législative, dans les actes des autorités et dans les Journaux, qu'accompagnée d'une de ces trois locutions : L’établisse- ment sans rwal comme sans modèle ; l'institution que l'Eu- rope nous envie ; la première école du monde! Monge était loin de croire que l'École polytechnique füt absolument sans défauts; mais il pensait également que, dans le cercle des attributions qui lui avaient été prescrites, le conseil de perfectionnement pourrait seul statuer en con- naissance de cause sur les légers changements dont l'expé- rience semblerait indiquer l'utilité. Aussi, exhala-t-il hau- tement sa douleur lorsque Napoléon se montra décidé, en T. XXIV. ] LXXIV BIOGRAPHIE 1805, à modifier l'institution dans ses bases les plus essen- tielles et de sa pleine autorité. Monge combattit ce funeste projet à plusieurs reprises. Les raisonnements n'eurent pas plus d'effet que ses prières : la politique avait prononcé. De toutes les modifications apportées en 1805 à l’organi- sation de l’École polytechnique, celle qui froissa le plus vi- vement la fibre populaire de Monge fut la suppression de la solde journalière accordée aux élèves, et l'obligation à contracter par chaque candidat, dès le jour de son examen, de payer une forte pension. L'établissement national lui parut alors être descendu de la région élevée où les décrets de la convention l'avaient placé. Le privilége de la fortune faisait irruption là où le mérite intellectuel des candidats semblait, d’après les règles du plus simple bon sens, devoir seul décider des admissions et des rangs. La création d’un petit nombre de bourses ou de demi-bourses aux frais de l'État n’était qu’un palliatif. Monge porta personnellement remède à un mal que dans sa jeunesse il avait si douloureu- sement ressenti lui-même; dès qu'une place de sénateur lui eut donné de l’aisance, les 6,000 francs qu'il recevait comme professeur furent affectés, tous les ans, au payement de la pension de quelques malheureux élèves que le manque de fortune aurait tenus à l’écart. Cette générosité éclairée a laissé dans l'École un tendre et reconnaissant souvenir. Chaque promotion le transmet religieusement à la promo- tion qui lui succède. Les passions politiques pénétrèrent plus d’une fois dans l'enceinte de l’École polytechnique, et y troublèrent les étu- des. Ainsi, des élèves se joignirent aux sections de Paris qui, le 13 vendémiaire an 1v, iivrèrent bataille aux forces du DE GASPARD MONGE. LXXV gouvernement, Leur expulsion paraissait inévitable. Les membres de la convention ne dissimulaient pas leur colère; Monge parvint cependant, par ses démarches actives, à con- server aux sciences des jeunes gens tels que Malus, Biot, etc., dont les découvertes devaient, un jour, faire tant d'honneur à la France. « Si vous renvoyez ces élèves, dit Monge au con- « seil d'instruction réuni, je quitte l’École. » C’est avec un langage aussi ferme qu’en toutes choses on tranche les questions. Tel avait été Monge devant la convention irritée, tel 1l se montra lorsque Napoléon, à son tour, crut avoir à se plain- dre de l'École. Les élèves avaient accueilli avec une extrème froideur, et même quelquefois avec une désapprobation très-explicite et publique, les actes qui, peu à peu, devaient conduire à l’é- tablissement du régime impérial. Le trône fut relevé, Napo- léon y monta; beaucoup d'élèves refusèrent de joindre leurs félicitations à celles de presque tous les corps constitués, et, de ce moment, l'École se trouva en grande défaveur. Il pa- raît même que des mesures de rigueur devaient atteindre les élèves les plus ardents. Monge n’hésita pas à plaider la cause de ceux qu'il appelait courageusement ses fils adoptifs. Les paroles très-brèves qui furent échangées à ce sujet, entre Napoléon et notre confrère, méritent d’être conservées. « Eh bien, Monge, vos élèves sont presque tous en révolte « contre moi; ils se déclarent décidément mes ennemis. — « Sire, nous avons eu bien de la peine à en faire des répu- « blicains; laissez-leur le temps de devenir impérialistes. « D'ailleurs, permettez-moi de vous le dire, vous avez tourné « un peu court! » J- EXXVI BIOGRAPHIE L'empereur, cette fois-là aussi, tourna court sur lui-même; mais aucun élève ne fut exclu. Monge se fit remplacer, comme professeur d'analyse ap- pliquée, dans le courant de 1809.— Pour les besoins de ce cours, on avait antérieurement réuni en un corps d'ouvrage les mémoires épars dans les collections académiques de Tu- rin et de Paris.— L'auteur y joignit des additions essentiel- les sur sa méthode d'intégration des équations aux diffé- rences partielles, fondée sur la considération des caracté- ristiques. — Cet ouvrage capital et volumineux était dis- tingué parmi les élèves de l’École polytechnique du Traité de géométrie descriptive par le titre de Gros-Monge. A la fin de 1819 il avait déjà eu quatre éditions. Création de l'Institut. Les académies, supprimées en 1793, furent reétablies une année après, non à l’état ficheux d'isolement où l’es- prit craintif de l’ancienne monarchie les avait soigneusement maintenues, mais réunies au contraire en un majestueux faisceau. Les documents me manquent pour dire avec certitude quel fut le contingent de Monge dans les vues grandes et fécondes qui présidèrent à la fondation de l'Institut national; je sais seulement qu'on ne négligea point de s’entourer de ses avis. Faut-il, Messieurs, que je justifie les termes dont je viens de me servir, en qualifiant l'œuvre de Lakanal, de Daunou, de Monge? Je pourrai presque me borner à de simples cita- tions. DE GASPARD MONGE. LXXVII Le perfectionnement des sciences et des arts n'était pas pour les fondateurs de l’Institut un objet secondaire, pou- vant être livré sans inconvénient aux caprices, au mauvais vouloir de tel ou tel ministre. L'existence de l’Institut fut consacrée par un article de la constitution du pays, et non pas seulement par une loi facilement révocable. « Il y aura « pour toute la république un Institut national chargé de re- « cueillir les découvertes, de perfectionner les arts et les « sciences. » Tels étaient les termes sacramentels de la consti- tution de lan ur. Je vous le demande, Messieurs, un plus no- ble hommage fut-il jamais rendu à l'intelligence humaine ? L'Institut devait tous les ans « rendre compte au corps « législatif des progrès des sciences et des travaux de chacune « de ses classes. » Si cette disposition, dont la grandeur frappera les esprits les plus froids, n’eût point été abolie, nous posséderions aujourd’hui, j'ose l’assurer, de précieux, d’inappréciables chapitres de l’histoire des sciences. Quel est donc le savant, le littérateur, l’érudit, qui n'aurait pas fait des efforts surhu- mains pour mettre en relief, en pleine lumière, les décou- vertes contemporaines, pour tracer un tableau destiné à être déroulé solennellement à la tribune nationale devant les mandataires du pays ? Qui, d’ailleurs, se serait chargé d'une si périlleuse mission sans avoir bien calculé ses forces ? Des académies s’abandonnant jadis à des sentiments de vanité irréfléchis et puérils traitèrent avec une ficheuse, avec une coupable indifférence les découvertes qui n'étaient pas nées dans leur sein. Rien de régulier ne s’y trouvait éta- bli pour avoir rapidement connaissance des travaux des étrangers. L'Institut national devait échapper à ce double ‘ LXXVII BIOGRAPHIE écueil, non pas, veuillez le remarquer, parce qu'il lui était ordonné de correspondre avec toutes les sociétés savantes du monde, car de telles prescriptions sont souvent une lettre morte; mais par les conséquences nécessaires de la disposi- tion dont je vais donner lecture : « L'Institut national nommera, tous les ans, six de ses « membres qui voyageront aux frais de l'État, soit ensem- « ble, soit séparément, pour faire des recherches sur les di- « verses branches des connaissances humaines. » Les progrès de la première de toutes les sciences d'appli- cation, les progrès de l’agriculture étaient confiés, avec la mème perspicacité, à la sollicitude du nouveau corps acadé- mique : « L'Institut national, disait la loi organique (titre V, AJ article 1°), nommera tous les ans, au concours, vingt-cinq citoyens qui seront chargés de voyager et de faire des ob- servations relatives à l’agriculture, tant dans les départe- ments de la république que dans les pays étrangers. » À À L'abrogation de cette disposition importante n'a sans doute point diminué le nombre d’inspecteurs nomades que le trésor public devait défrayer; mais j'hésiterais à dire : la suppression du concours et du contrôle de l’Institut n’a pas empéché le vrai mérite de triompher de l'intrigue, et la mis- sion de comparer les divers modes de culture n'est jamais echue en partage à des agronomes dont la science avait été puisée, tout entière, dans les Géorgiques de Virgile. Üne autorité qui répudiait avec tant de résolution les pri- viléges du bon plaisir, qui, substituant le concours à l’arbi- traire, se plaçait elle-même dans l'impossibilité de faire des actes de favoritisme, et de se créer ainsi des clients dévoués, devait ne prendre nul souci des limites dans lesquelles l'Ins- DE GASPARD MONGE. LXXIX titut exercerait son influence. Loin de resserrer la sphère de cette action féconde, on s'était au contraire attaché à l’éten- dre ; témoin cet article de la loi : « Lorsqu'il aura paru un ouvrage important dans les « sciences, les lettres, les arts, l’Institut pourra proposer « au corps législatif de décerner à l’auteur une récompense « nationale. » Voilà, Messieurs, quelques-unes des dispositions actuelle- ment abrogées que Lakanal, Daunou et Monge avaient fait insérer dans les premiers règlements de l’Institut. Vous le voyez, je puis accepter sans crainte la part, quelle qu’elle puisse être, qu'on voudra attribuer à notre illustre confrère dans la création de cette Académie nationale jusque-là sans modèle. Je n’ignore pas que la critique s’est exercée sur plusieurs dispositions de nos plus anciens règlements, que, par exem- ple, elle a vivement attaqué celle-ci : « Aucun membre ne peut appartenir à deux classes diffé- « rentes. » J'avouerai même très-volontiers qu’en voyant aujourd'hui les académies opérer une sorte de recrutement réciproque, et se fondre les unes dans les autres, beaucoup de personnes ont dû croire consciencieusement que l’article dont je viens de donner lecture n’était pas commandé par l'intérêt des sciences et des lettres. Au reste, quel que puisse être, sur le cumul des titres ou, si l’on veut, des fonctions académiques, le jugement définitif du public, les motifs qui le firent proscrire en 1794 plane- ront au-dessus des interprétations malveillantes, et la mé- moire des fondateurs de l’Institut n’en souffrira pas. Lorsque LXXX BIOGRAPHIE Lakanal, Daunou et Monge, stipulant pour une égalité abso- lue entre tous les membres de notre institution nationale, portaient le scrupule jusqu'à s'occuper des esprits qui au- raient pu trouver dans le nombre de leurs diplômes un droit de préséance, ils satisfaisaient au premier besoin des corpo- rations académiques. Lorsque nos trois confrères déclaraient dans la loi, du moins implicitement, qu'à toute époque le ca- dre de l’Institut pourrait être très-dignement rempli, sans qu'il füt jamais nécessaire de remplacer des littérateurs par des géomètres et des géomètres par des littérateurs, etc., ils rendaient à la puissance intellectuelle de la France un hom- mage mérité, et dont les hommes voués à des études sérieuses doivent se montrer reconnaissants. Monge fit partie du premier noyau de l’Institut, je veux dire des quarante-huit membres désignés par l'autorité, qui en- suite nommèrent au scrutin quatre-vingt-seize savants, his- toriens, philosophes, érudits et artistes, pour compléter les trois classes, les trois académies dont le corps était compose. On avait compris que l’élection, mème dans une première institution, est l'unique mode valable de créer des académi- ciens. C'est ainsi, Messieurs, que dès sa naissance l'Institut prit dans le pays la position la plus élevée. Voulez-vous savoir le prix qu'on attachait alors à l'honneur de vous appartenir, lisez la première ligne, toujours la même, d’une multitude de proclamations célèbres, datées de Toulon, de Malte, d'Alexandrie, du Caire, etc.; la voici textuellement: « Bo- naparte, membre de l'Institut national et général en chef. » Je croirais vous faire injure en ajoutant un seul mot de com- mentaire à la citation. DE GASPARD MONGE. LXXXI Missions de Monge en ftalre. Jusqu'ici, Monge n'avait pas dépassé la frontière du royaume. En 1796, le Directoire l’envoya en Italie avec Ber- thollet et divers artistes, afin de recevoir les tableaux, ies statues que plusieurs villes devaient céder à la France pour se libérer de contributions de guerre. Lorsque la commission fut présentée au commandant en chef de l’armée, Monge apprit avec joie qu'il était connu personnellement de l'illustre général. — Permettez, dit ce- lui-ci à notre confrère, que je vous remercie de l'accueil bienveillant qu'un officier d'artillerie jeune, inconnu et quelque peu en défaveur recut du ministre de la marine en 1792 ; il en a conservé précieusement le souvenir. Vous voyez cet officier dans le général actuel de l’armée d'Italie. Il est heureux de vous présenter une main reconnaissante et amie. Tel fut le début d’une amitié qui a occupé une place im- mense dans la vie de Monge. Après avoir terminé sa mission à Rome avec une habileté que la biographie imprimée permettra à tout le monde d’ap- précier, Monge alla rejoindre le général Bonaparte au chä- teau de Passeriano, près d'Udine, où il se lia d'amitié avec le général Desaix. Les allées séculaires de cette magni- fique habitation étaient journellement témoins des en- tretiens savants qui achevèrent de cimenter l'union du grand géomètre et du héros de l'Italie. Celui-ci saisissait toutes les occasions de donner des témoignages de sa défé- rence à son nouvel ami. C’est ainsi qu'ayant remarqué l’en- T. XXIV. k LXXXII BIOGRAPHIE thousiasme du membre de l'Institut pour l'hymne, gage presque assuré de la victoire, que nos soldats entonnaient en abordant l'ennemi, il manquait rarement, dans les ban- quets diplomatiques, même en présence des négociateurs autrichiens, d’ordonner à haute voix à la musique « de jouer la Marseillaise pour Monge! » Lorsque le traité de paix de Cumpo-Formio fut signé, le gé- néral Bonaparte donna à notre confrère la preuve la plus écla- tante de son attachement ; il le chargea, conjointement avec le général Berthier, de porter letraité à Paris. Dans sa lettre au directoire, le vainqueur de Rivoli parlait de Monge comme de l’homme qui, par son savoir et par son caractère, avait le plus honoré le nom français en Italie. Second voyage de Monge en Italie. Monge va de nouveau passer les Alpes et retourner à Rome; sa mission, cette fois, touchera par divers côtés à la politique et sera hérissée de difficultés de toute nature. Le 8 nivôse an vi (28 décembre 1797), le jeune général Duphot fut assassiné à Rome, à côté de Joseph Bonaparte, ambassadeur de France. Berthier, chargé de tirer vengeance de ce grand crime, se porta à marches forcées sur la ville éternelle, à la tête d’un corps d'armée, et y entra le ro fé- vrier 1795. La partie la plus active de la population faisait profession depuis quelque temps de principes très-démo- cratiques ; elle s’empressa de demander l’abolition de la puis- sance temporelle du pape et le rétablissement de la républi- que romaine. L'assassinat du général Duphot avait fait à Paris une dou- DE GASPARD MONGE. LXXXIII loureuse sensation. Le 12 pluviôse an vi(31 janvier 1798), le directoirenomma une commission de trois membres, MM. Dau- nou , Monge et Florent , avec la mission « de se rendre à Rome « en qualité de commissaires du directoire, d’y recueillir des « renseignements exacts sur les faits qui s’y étaient passés « le 8 nivôse, d’en rechercher les véritables auteurs, et d’in- « diquer les mesures propres à empêcher que de semblables « événements ne se renouvelassent. » Telle était, dans le fond et dans les termes, la mission très-large dont nos deux confrères se trouvèrent d’abord in- vestis. Bientôt des circonstances imprévues la restreignirent et en changérent le caractère. Masséna , qui avait succédé à Berthier dans le commande- ment de l’armée, considéra l'établissement de la république romaine comme un fait accompli, déclara qu’il n’y avait plus à délibérer que sur la forme de la constitution, et offrit (je cite les termes), au nom du directoire, la constitution de l'an nr, qui régissait alors la France. La proclamation de Masséna était du 30 ventôse an vi (20 mars 1798). À partir de ce jour , Monge, Daunou et Flo- rent n’eurent plus qu’à faire voter la population des États romains sur la constitution offerte, et, après son adoption, qu’à chercher les moyens de la mettre en activité. La république romaine ne dura que Auit mois et neuf Jours ; elle fut renversée le 29 novembre 1798, sans avoir jamais marché d’une manière satisfaisante. On a cru trouver, dans cette courte durée, le texte légi- time des plus insolents quolibets contre Monge et Daunou. Je n’ai point appris que nos confrères aient jamais aspiré à la renommée de Solon et de Lycurgue ; ce n’est pas à cause k. LXXXIV BIOGRAPHIE de leur mission à Rome qu'ils ont pu, qu'ils ont dù espérer d'attirer les regards de la postérité. Cependant, puisque la malveillance a essayé de déverser le ridicule sur deux des plus brillantes illustrations de l’ancien Institut, notre devoir est de les défendre et, s’il est possible, de les venger. Citons, devant cette assemblée impartiale, quelques-unes des diffi- cultés que Monge, que Daunou eurent à vaincre; montrons que dans leurs actes, que dans leurs conseils ils furent tou- jours modérés, éclairés, prévoyants; établissons surtout que jamais, malgré mille passions déchaînées, l'ombre d'un soupcon n’effleura la scrupuleuse probité, le parfait désin- téressement de nos deux confrères. Cette discussion ne sera pas ici un hors-d’œuvre, même en l’envisageant d'un point de vue général. Le projet de parquer les hommes d'étude dans leurs plus strictes spécialités est presque aussi ancien que le monde. Il semble, en vérité, que pour ètre propre à tout, on doive n’avoir rien appris. Un pa- reil principe aura toujours l’assentiment intéressé de la foule; pour qu'il n'usurpe pas à la longue l'autorité de la chose jugée, ne négligeons aucune occasion de le combattre au nom de la raison éternelle, au nom de la logique, et, ce qui vaut mieux encore, en nous appuyant sur des faits po- sitifs, Je pense également qu'il faut contester avec vigueur la prééminence que certaines sectes de lettrés veulent aujour- d'hui s’arroger sur toutes les autres, comme, en Chine, les mandarins aux boutons rouges lisses dominent les man- darins à boutons de toutes les autres nuances et à facettes. S'il arrive, par exemple, qu'on vienne à prononcer , même dans cette enceinte, des paroles dédaigneuses pour une bran- DE GASPARD MONGE. LXXXV che quelconque des connaissances humaines, ne nous figu- rons pas que le silence les a suffisamment réfutées ; procla- mons, au contraire, bien haut, que tout se tient dans le domaine de l'intelligence; qu'il n’est pas plus séant au litté- rateur de se débarrasser (l'expression n’est pas de moi) de l'étude des sciences exactes qu’au savant de se débarrasser des études littéraires. Ne souffrons pas qu’on assigne, par exemple, un rang secondaire à la science qui, après avoir combattu victorieusement les illusions nombreuses et invété- rées de nos sens, a marqué en traits indélébiles la modeste place que le globe terrestre occupe dans l'univers; qui a fait de tous les points lumineux connus des anciens sous le nom de planètes des mondes semblables à la terre par leur forme. Daunou, Monge et Florent, nonobstant l'éclat de leur mission, nonobstant la puissance, alors immense, de la ré- publique, dont ils étaient les mandataires, s’'interdirent à Rome toute représentation. Les commissaires français s’é- taient petitement logés dans les bâtiments de notre ancienne académie de peinture; ils mangeaient ensemble. Leurs mo- destes repas ne ressemblaient à ceux du château de Passe- riano qu'en un point: Monge, toujours enthousiaste de la Marseillaise, la chantait chaque jour à pleine voix avant de se mettre à table. Les défauts de la constitution de l'an in, de la constitu- tion offerte, ne sauraient concerner nos confrères : le thème leur était imposé. Ajoutons qu'ils firent sans difficulté, dans les questions de forme, les concessions que l'esprit des po- pulations, que les mœurs, les habitudes parurent rendre nécessaires. Trouve-t-on, par exemple, que la traduction italienne des mots : directeurs, conseil des Cing-Cents, LAXXVI BIOGRAPHIE conseil des Anciens sonne mal sur les bords du Tibre; désire-t-on des noms qui rappellent les institutions de l’an- cienne république romaine; sur-le-champ le directoire de- vient le Consuiat, les deux branches du corps législatif s'appellent le tribunat et le sénat. Les commissaires du directoire ne se montrèrent inflexi- bles que sur un seul point : ils exigèrent que Capitolio fût substitué à Campi d’Oglio. Le mot Capitole a de tout temps si magnifiquement résonné en France aux oreilles de la jeu- nesse; il est en quelque sorte une partie tellement intégrante de notre littérature, de la littérature dramatique surtout, qu'on ne pouvait vraiment souscrire à la pensée de le rem- placer. Bien des années se seraient écoulées avant qu'un pro- fesseur, sans exciter le sourire de ses élèves, eüt pu faire dire à Scipion, parlant à ses accusateurs : Montons au Champ de l'huile, et rendons grâces aux dieux! Je n’accorde pas, quoi qu'on en ait pu dire, que nos deux confrères commirent la faute impardonnable de donner peu d'attention à la désignation des chefs du nouveau gou- vernement romain. Îls n’eurent garde d'oublier que la machine politique, même la plus parfaite, exige des mains savantes, fermes et exercées pour présider à ses mouve- ments. Examinez plutôt : Rome possédait alors un homme dont les premiers pas dans la carrière de l’étude avaient excité l'étonnement de l'Europe. À deux ans, il reconnaissait sur les médailles les effigies de tous les empereurs, depuis César jusqu'à Gallien ;à trois ans et demi, il lisait tout aussi facilement le grec que le latin; à dix ans, son intelligence s'était portée avec le mème succès sur toutes les branches des connais- DE GASPARD MONGE. LXXXVII sances humaines, y compris la géométrie transcendante. La suite n'avait pas démenti ces commencements précoces. L'en- fant extraordinaire était en 1798 à la tête des archéologues ; ses rivaux eux-mêmes disaient que personne dans le monde entier ne connaissait mieux l'antiquité. On le citait encore comme un des caractères les plus honorables de l'Italie. Je n'ai pas besoin d’en dire davantage; qui n’a déjà nommé Ennius-Quirinus Visconti, notre ancien confrère de l'Acadé- mie des inscriptions? Eh bien! Ennius-Quirinus Visconti fut le premier des consuls nommés par les commissaires du directoire. Le choix des quatre collègues de Visconti pourrait ètre également justifié. Plusieurs fois nos confrères, il faut bien l'avouer, firent des nominations qui ne répondirent pas aussi bien à leur attente, quoiqu'elles eussent été dictées, en quel- que sorte, par la voix publique; mais les citoyens avaient- ils eu réellement l’occasion de s’apprécier les uns les autres pendant le gouvernement papal? Pouvait-on savoir d'avance qui montrerait de l’ardeur, de l’activité? qui, au contraire, s'abandonnerait au dolce far niente ? La jeunesse italienne, aujourd’hui fort régénérée, refuse de reconnaître que la proverbiale apathie des pays chauds ait nui à Rome, en 1798, au jeu des institutions républi- caines. Les commissaires français professaient l’opinion toute contraire, et s’appuyaient sur des faits irrécusables. Qu'on lise leur correspondance, et l’on y trouvera, par exemple, que le médecin Corona, un des hommes les plus estimés du pays, nommé ministre de l’intérieur, n’avait pas fait un seul acte, , donné une seule signature un mois après son installation. Or, savez-vous la raison de cette inaction complète pendant LXXXVII BIOGRAPHIE tout un mois ? Le ministre de l’intérieur, le docteur Corona, n'avait pas encore lu la constitution (une constitution de quelques pages) lorsque, sur la clameur publique, Daunou, Monge et Florent furent obligés de le destituer. Ce n’était pas là du far niente, puisque le mot déplaît ; je me résignerai à dire que le docteur Corona était un Fabius administratif, pourvu qu'on me permette d'ajouter que si les Fabius réussissent quelquefois à la guerre, ils sont, dans l’ordre civil, les causes les plus immédiates de la chute des souvernements NOUVEAUX. La justification de nos deux confrères ne se fonde pas uniquement sur le fait isolé du docteur Corona. Je vois dans une lettre inédite de Daunou que, malgré toutes ses prières, le tribunat romain vaquait de deux jours l’un, et le sénat deux jours sur trois. Or, ces vacances d’un jour sur deux, et de deux jours sur trois, on les prenait au début d’un nouveau gouvernement, dans un pays où tout était à organiser ou à régulariser, même les actes de l’état civil, même les transac- tions entre particuliers, etc. Étrange bizarrerie! L'apathie chez les Romains de 1798 s'alliait à une ambition désordonnée et imprudente. Ce fut pour Monge et Daunou la source de mille embarras. J'en citerai un exemple. Les dix-huit cent mille âmesdes États du pape se trouvaient réparties, par la nouvelle organisation, entre les Auit départe- ments du Cimino, du Circeo, du Clitumno, du Metauro, du Musone, du Tronto, du Trasimène et du Tevere. À peine quelques exemplaires de la constitution étaient-ils sortis de l'imprimerie que des députations accoururent chez nos con- frères pour leur demander instamment qu'à la suite des huit DE GASPARD MONGE. LXXXIX noms que je viens de citer on mît une série indéfinie de points. Ces points tant désirés, et que, du reste, les commis- saires n’accordèrent pas, devaient, provisoirement, marquer la place des noms de départements nouveaux qui seraient graduellement formés aux dépens du royaume de Naples. On avait vu des choses analogues dans l’ancienne répu- blique romaine; mais on n’y faisait pas régulièrement la sieste; mais le far niente y était inconnu! Le gouvernement français avait beaucoup compté sur les spectacles pour développer à Rome les idées démocratiques. Ses espérances ne se réalisèrent qu'en partie. Monge et Daunou firent traduire nos pièces républicaines; les écrivains du pays en composèrent dans le même esprit; mais le public n'avait pas une patience assez robuste pour entendre de suite les cinq actes d’une tragédie. Afin de prévenir la déser- tion des spectateurs, il fallut, bon gré, mal gré, jouer des parades entre le troisième et le quatrième acte des tragédies, entre le quatrième et le cinquième. Se figure-t-on rien de plus ridicule que Pasquin et Mar- forio débitant des quolibets ; Que Pierrot et Arlequin occupant un moment la place d’Auguste ou du vieil Horace. Non, assurément. Mais qu'on nous explique donc com- ment le goût des Romains pour les parades aurait été moindre si le directoire, au lieu d'envoyer en Italie des com- missaires savants et lettrés, tels que Monge et Daunou, s'était fait représenter par des ignorants, sans notoriété d'aucune sorte ? La question tout entière est là. T. XXIV. l XC BIOGRAPHIE Une circonstance fortuite a fait tomber dans mes mains la correspondance encore inédite d’un des trois commissaires français avecle président du directoire exécutif. J’ai donc pour apprécier la mission de nos illustres confrères mieux que l’élé- ment unique, et souvent trompeur, dont les biographes, dont les historiens puissent ordinairement disposer : le résultat ; je sais jusqu'où allait l'initiative de Monge et de Daunou; je connais les questions sur lesquelles leurs vues s’éloignaient de celles du gouvernement français ; j'ai lu les réclamations vives et franches qu'ils adressaient à Paris. Si un peu de lou- che venait encore à planer sur la conduite de nos deux con- frères après les quelques lignes d’éciaircissement que je vais donner, ce serait à moi, à moi seul qu’il faudrait s’en pren- dre. Les embarras financiers sont ce qui, ordinairement, para- lyse le plus la marche des gouvernements nouveaux .Daunou, Monge, Florent le méconnurent-ils? Écoutez ces passages extraits de leur correspondance inédite, et jugez : « Si vous voulez que ce peuple reste libre, ne le laissez pas « épuiser et saigner jusqu’au blanc. — Subsistances et finan- « ces, voilà les points les plus difficiles. Les dilapidations et « les impositions sont en Italie les seules causes réelles de « mécontentement; il faut faire cesser partout les premières et « modérer les secondes le plus possible. — En comptant les « 35 millions payés par le pape, ce pays aura fourni 70 mil- « lions; cela est énorme! — Envoyez qui vous voudrez pour « nous remplacer, mais pas de fournisseurs ! » L’enlèvement des objets d'art était à Rome une cause réelle de mécontement. Les cinq cents caisses que les commissaires du directoire allaient expédier à Paris ne pesaient pas moins DE GASPARD MONGE. XCI de 30,000 quintaux. Le port seul devait coûter 2 millions de francs. Voici comment Daunou s’exprimait sur ce point délicat, dans une lettre du 6 germinal an vi : « Il n’est ni juste ni politique de trop multiplier les en- « lèvements de cette nature. Les patriotes les plus estimables « de ce pays ne les voient qu'avec peine; convenons qu’à « leur place nous n’y serions pas moins sensibles. Il faut « qu’il y ait un terme à tout, même au droit de conquête. » Je pensais que la question religieuse avait dû contribuer pour une certaine part à rendre la mission de nos confrères difficile. Une lettre, encore inédite, du 27 prairial an vi, a fait succéder la certitude à de simples conjectures. Je vois dans cette lettre que les chefs du gouvernement français n’é- taient pas aussi tolérants dans leurs actes que dans leurs paroles. En rédigeant le code de sa république, le chanson- nier national disait : À son gré que chacun professe Le culte de sa déité ; Qu'on puisse aller même à la messe, Ainsi le veut la liberté. Eh bien, le Directoire se croyait en droit de faire une en- quête pour découvrir si les consuls allaient à la messe ; et les consuls, au lieu de se refuser sur ce point à toute expli- cation, au nom de la liberté de conscience, au nom de la di- gnité humaine; au lieu de crier bien haut à l’inquisition, car l’inquisition peut exister sous divers masques, déclaraient avec une condescendance coupable que l'enquête était inu- tile; qu'au surplus elle montrerait avec une entière évidence L. XCII BIOGRAPHIE qu’on les avait calomniés ; que seulement, n'ayant pas réussi, à l’aide du raisonnement, à vaincre les préjugés de leurs femmes, de leurs enfants, ils croyaient, pour la paix du mé- nage (ceci est textuel), ne devoir point exiger impérative- ment qu’on rompît avec des habitudes invétérées. Ainsi répondaient, en 1798, les consuls de la république romaine, à une dénonciation émanée des chefs de la républi- que française. J'ai recueilli cette anecdote, moins encore pour la justification de nos deux confrères qu’afin de mon- trer, par un nouvel exemple, avec quelle lenteur l'esprit hu- main rompt les langes dont les siècles l'avaient enveloppé, avec quelle hésitation il marche à son émancipation défini- tive et vraiment libérale. Je suis parvenu, j'espère, à décharger la mémoire de deux illustres membres de l’Institut du blâme qu'on avait voulu faire peser sur eux à l’occasion de la marche molle, indé- cise, souvent peu intelligente de la république romaine. La justification de Monge et de Daunou, s’il s'agissait de la chute du nouveau gouvernement, serait plus aisée encore. La république périt le 9 frimaire an vu (le 29 novem- bre 1798); elle périt le jour où, par suite de la retraite de Championnet, le roi de Naples et Mack entrèrent dans Rome. Monge et Daunou n'étaient plus alors en Italie. Les rendre d’ailleurs responsables des résultats qu'amenèrent les mouvements des armées, ce seraitse jouer outrageusement de la vérité et du sens commun. Pendant le séjour des commissaires français à Rome, Monge fut plus spécialement chargé du choix des objets d’art qui, à titre de contribution de guerre, devaient être envoyés à Paris. On à religieusement conservé dans le pays le souvenir DE GASPARD MONGE. XCIII de la politesse exquise, des égards infinis que notre confrère montra dans l’accomplissement de sa mission. Plus d’une fois les autorités de l’époque voulurent lui en témoigner leur reconnaissance par le don de tableaux de très-grand prix ; elles le prièrent d'accepter des statues antiques, des mosaïques superbes; Monge repoussa ces offres avec indignation. Le collecteur de tant de chefs-d'œuvre de peinture et de seulp- ture n’eut jamais en sa possession ni un tableau ni la plus modeste statuette. Dans les salons de son hôtel de la rue de Bellechasse, les murs étaient d’une complète nudité. Ce spec- tacle élevait l’âme : l’honnête homme goûte peu de plaisir à contempler les merveilles des arts là où de toutes parts sur- sissent ces flétrissantes paroles : possession illégitime. Expédition d'Égypte. Monge était encore à Rome, occupé jour et nuit de la mis- sion que le directoire lui avait confiée, à l'époque où l’on faisait à Paris, à Toulon, à Gênes, à Civita-Vecchia, les im- menses préparatifs de la campagne d'Égypte. Peut-être n'a- t-on pas assez remarqué une circonstance singulière de cette mémorable expédition : je veux parler du voile impénétrable dont elle resta enveloppée, quant à sa destination et à son but, jusqu’après le moment où la flotte eut mis à la voile. On pourrait être tenté de trouver là une justification sans réplique du reproche d’indiscrétion qui nous est si souvent adressé par les autres nations; mais on n'ignore pas que dix à douze personnes au plus avaient été mises dans le secret. Je vois dans une lettre de Civita-Vecchia, adressée au géné- ral Bonaparte, en date du 6 prairial an vi (25 mai 1798), que XCIV BIOGRAPHIE Monge était une de ces dix à douze personnes privilégiées. En se rappelant qu'un des généraux les plus illustres de notre vaillante armée, que Kleber lui-même quitta Toulon sans savoir où il allait combattre, on se fera une juste idée de la place que notre confrère avait conquise dans l'estime et dans l'affection du général en chef. Le recrutement du personnel scientifique de l’expédi- tion s opérait à Paris par les soins de Berthollet, en son nom et au nom de Monge. Nous ignorons, disait l'illustre chi- miste, vers quelle région l’armée va se diriger. Nous savons que le général Bonaparte en aura le commandement, et que nous formerons une commission scientifique destinée à ex- plorer les pays lointains dont nos légions auront fait la con- quête. C’est sur la foi d’une déclaration si vague que qua- rante-six personnes, ayant appartenu à l'École polytechnique ou en faisant encore partie à divers titres, sollicitèrent, comme une faveur insigne, d’être attachées à la mystérieuse expédition. L'esprit aventureux de l’époque suffirait assuré- ment pour expliquer de telles résolutions; mais, dans cette circonstance, elles furent presque toutes dictées par la con- fance sans bornes que Monge et Berthollet avaient su inspi- rer à leurs disciples, Chacun entrevoyait que sous de tels guides il trouverait l’occasion de se rendre utile, et même d'acquérir un peu de gloire. L'escadre de Toulon mit à la voile le 30 floréal an vi (19 mai 1798). Le 3 juin, elle rallia la division que Desaix et Monge lui amenaient de Ciwita-Vecchia. On s'étonnera peut- être de me voir associer ainsi notre confrère à l’illustre gé- néral dans une opération qui semble avoir dû être du res- sort exclusif de l'autorité militaire ; mais pouvais-je hésiter DE GASPARD MONGE. XCV après avoir lu dans une lettre du général en chef à Monge, datée de Paris (le 2 avril 1798), ce passage, à mon avis, en- tièrement décisif : « Je vous prie de remettre la lettre ci- « jointe au général Desaix. Je ne compte que sur vous et sur « lui pour l’embarquement de Civita-Vecchia. » Le 9 juin 1798 (21 prairial), cinq cents voiles françaises se déployaient autour de Malte. Le 10, l’île était attaquée sur sept points principaux ; le 11, elle capitulait ; le 12, le général en chef faisait son entrée solennelle dans la capitale ; le len- demain, par l'influence de Monge, Malte était dotée de quinze écoles primaires et d’une école centrale qui devait se com- poser de huit professeurs, convenablement rétribués, chargés d'enseigner les mathématiques, la stéréotomie, l'astronomie, la mécanique, la physique, la chimie et la navigation, c’est-à- dire précisément toutes les sciences qui n'étaient point pro- fessées sous le gouvernement des chevaliers. Le 19 juin, l’escadre se remit en route. Monge quitta alors la division de Civita-Vecchia et passa à bord du vaisseau amiral /’ Orient, que montait le général en chef. Quoique ar- rivé à l’âge de cinquante-deux ans, il avait encore, comme à Mézières, un esprit plein de jeunesse, une imagination vive, un caractère enthousiaste. Les descriptions animées que Monge se plaisait à faire des merveilles de l'Italie, des chefs- d'œuvre de la peinture, de la sculpture qu'il venait de res- taurer avec un soin religieux et d'envoyer en France, tenaient sous le charme l'auditoire d'élite qui l’entourait. Pour répan- dre de la variété sans confusion sur ces entretiens savants, il fut convenu que le général en chef indiquerait chaque matin les questions qui seraient examinées et débattues dans les réunions de l’après-dinée. J’ai remarqué qu’on agita ainsi XCVI BIOGRAPHIE plusieurs des plus grands problèmes de la cosmogonie et de l'astronomie; ceux-ci, par exemple : Les planètes sont-elles habitées ? Quel est l’âge du monde? Est-il probable que le globe éprouvera quelque nouvelle catastrophe par l’eau ou par le feu ? Voilà quelles étaient les occupations journalières des pas- sagers du vaisseau l'Orient, de cette immense ville flottante qui, quelques semaines après, envahie par les flammes, devait sauter en l'air avec son vaillant équipage. Voilà ce qui, dès le début, imprima à l'expédition d'Éygpte un caractère dont l’histoire d'aucun peuple n'avait offert le modèle. Lorsque Alexandre, à la prière d’Aristote, se fit accompagner en Asie par le philosophe Callisthène, ce fut uniquement dans le des- sein de recueillir, de rassembler les documents scientifiques qu'on arracherait violemment aux nations vaincues. Monge, Berthollet, Fourier, leurs amis avaient la mission plus no- ble de porter les fruits de la civilisation européenne au sein de populations barbares, abruties, courbées sous le joug. Les entretiens à jamais mémorables dans lesquels, à bord de l'Orient, Monge énumérait chaque jour les brillantes con- quêtes de l'intelligence humaine devant un auditoire où l’on voyait au premier rang Bonaparte, Berthollet, Caffarelli, Berthier, Eugène Beauharnais, Desgenettes, etc., n'étaient qu'une magnifique préparation au saint apostolat que notre confrère allait exercer. L'escadre arriva le 1% juillet, au matin, devant la côte égyptienne. La colonne dite de Pompée annonçait Alexan- drie. Monge débarqua un des premiers, et il ne fallut rien moins que l’ordre le plus formel de son ami, le général en DE GASPARD MONGE. XCVII chef, pour l'empêcher de prendre part personnellement à l'attaque de la ville. Il ne lui fut pas non plus accordé d’ac- compagner l’armée dans sa marche vers le Caire, à travers le désert, et il dut s'embarquer, avec Berthollet, sur une flottille de petits bâtiments destinée à remonter le Nil jusqu'à Rahma- niéb. Bonaparte avait assigné à son ami la voie fluviale comme la plus sûre. Les circonstances trompèrent ses prévisions. Les eaux du Nil étant basses, plusieurs de nos barques s’é- chouèrent sur des bancs de gravier. Dans cette fâcheuse po- sition, la flottille française eut à combattre des chaloupes ca- nonnières turques descendues du Caire et armées de pièces de gros calibre, des Mamelouks, des Fellahs et des Arabes qui garnissaient les deux rives du fleuve. L'engagement avait commencé à neuf heures du matin, le 14 juillet; à midi et demi tout semblait annoncer que le dénoüment serait fatal, lorsqu’averti par les détonations incessantes de l'artillerie le général en chef se porta rapidement vers le Nil. A la vue de l’armée française, les ennemis s’éloignèrent précipitamment ; les chaloupes turques levèrent l’ancre et remontèrent vers le Caire. Le bulletin officiel du combat nautique de Chebreys fit mention de la bravoure de Monge et de Berthollet. Dans cette périlleuse rencontre, nos deux confrères, en effet, ren- dirent l’un et l’autre des services signalés. Ajoutons que jamais la différence, ou, si l’on veut, le contraste de leurs caractères n'avait été plus manifeste. Cinq djermes ve- naient d’être coulées bas; les Turcs , après s'être em- parés à l’abordage de deux de nos bâtiments, élevaient dans les airs, avec une joie féroce et bruyante, les têtes des T. XXIV. m XCVIII BIOGRAPHIE soldats et des matelots massacrés ; on vit alors Berthollet ramasser des cailloux et en remplir ses poches. Comment peut-on penser à la minéralogie dans un pareil moment, disaient les compagnons du célèbre chimiste! « Vous vous « trompez, repartit Berthollet avec le plus grand sang-froid ; il « n’est question pour moi ni de minéralogie ni de géologie : « Ne voyez-vous pas que nous sommes perdus. Je me suis « lesté pour couler à fond très-vite; j'ai maintenant la certi- « tude que mon corps ne sera pas mutilé par ces barbares. » Quant à Monge, il se montra toujours plein d'espérance, et compta sur la victoire, après même qu’un boulet de canon ayant mis hors de combat l’intrépide Perrée, commandant de la flottille, tout le monde s’abandonnait au découragement. L’illustre géomètre exerça pendant cette longue et sanglante rencontre tantôt les fonctions de canonnier servant, tantôt celles de canonnier pointeur. On eût dit à la vivacité de ses gestes, à la mobilité expressive de ses traits, à la confiance qui rayonnait sur toute sa personne, qu'il expliquait quel- que construction de géométrie descriptive devant une réunion d'ingénieurs. Le 2 thermidor (20 juillet 1798), nos soldats, campés au pied des colossales pyramides de Gizeh, apprirent par ces magnifiques paroles ce que le général en chef attendait de leur courage : « Soldats, du haut de ces monuments, qua- « rante siècles vous contemplent ! » Peu d'heures après, qua- rante siècles contempièrent l’incomparable bravoure de quel- ques carrés d'infanterie française; ils furent témoins de la déroute complète des Mamelouks, je veux dire de la cavale- rie la plus hardie, la plus brave, la mieux montée et la mieux armée qui füt au monde. DE GASPARD MONGE. XCIX Le surlendemain notre armée traversa le Nil et occupa le Caire. Le grand Caire, cette seconde capitale de l'Orient, égale- ment célèbre par son étendue et par son ancienneté ; ce ma- gnifique centre commercial entre l'Europe, l'Asie et l’Afri- que; ce point de passage des caravanes marchandes et des caravanes de pèlerins, avait, à la fin du XVIIF siècle, une splendeur dont on ne pourrait guère se former une idée que par la lecture des Mille et une nuits. Quarante palais de beys, quarante palais de kachefs, les somptueuses demeures de beaucoup de Mamelouks, plus de quatre cents mosquées renfermaient des richesses immenses qu’il était urgent de con- server pour les besoins de l’armée. Bonaparte croyait n’avoir pas eu toujours à se louer de ceux qui, en des circonstances pareilles, avaient obtenu sa confiance ; il s'en ouvrit à Monge. Mes jeunes gens sont capables de tout ce qui est beau ! Telle était la réponse habituelle de notre confrère lorsqu'on le questionnait sur les élèves de l'École polytechnique ; telles furent aussi les paroles qu’il prononca pour décider le général Bonaparte à donner à ses amis de prédilection la plus délicate des missions. Les disciples de Monge montrèrent qu'on n'avait pas trop auguré de leur savoir, de leur ardeur, de leur scrupuleuse fidélité. Ce brillant début des élèves de l’École dans la carrière administrative combla notre confrère de joie. Il apprit aussi avec une vive satisfaction que dans la ligne scientifique les jeunes gens ingénieurs (au nombre des- quels était notre honorable et savant confrère Jomard), qui, restés à Alexandrie, devaient poser les fondements de la carte de l'Égypte, ne s'étaient laissé détourner par aucun m. C BIOGRAPHIE danger, et que leurs travaux marchaient à pas de géant. Quel géographe, au surplus, n'aurait pas été électrisé par le désir de fixer définitivement les coordonnées astronomiques de la colonne de Pompée, de l'aiguille de Cléopâtre et du rocher sur lequel s'élevait déjà, près de trois siècles avant notre ère, le célèbre phare de Sostrate de Cnide. Les anna- les de la géodésie française offriraient peut-être des triangles plus irréprochables, au point de vue géométrique, que ceux dont nos jeunes compatriotes couvrirent le sol de l'empire des Pharaons ; mais il n’en existe certainement nulle part qui s'appuient sur des monuments plus célèbres ou plus capables de réveiller de grands souvenirs. Il m'est rarement arrivé, dans le cours de cette biographie, d'écrire le nom de Monge sans avoir été amené à y joindre celui de Berthollet. Désormais ces noms seront invariable- ment unis; désormais Wonge-Berthollet semblera ne dési- gner qu'une seule personne, et le général en chef apprendra aux deux amis inséparables que des soldats se sont battus en duel, les uns (ceux-là avaient vu Berthollet), pour avoir prétendu que Monge-Berthollet avait des cheveux blonds et flottants, tandis que les autres (ils ne connaissaient que Monge) soutenaient avec non moins d'assurance que Monge- Berthollet était d’un teint très-brun et portait une longue queue. La liaison de Monge et de Berthollet commença en 1780, aunée de l'admission des deux savants à l’Académie. Si on avait demandé au géomètre pourquoi il aimait le chimiste, sa réponse eüût été celle de Montaigne parlant de la Boëtie: «Parce que c'était lui, parce que c'était moi... Nous nous « cherchions avant de nous être vus, et par les rapports que DE GASPARD MONGE. CI « nous oyions l’un de l’autre... Nous nous embrassions par « nos noms. » Poussée plus loin, la citation des ÆEssais n'offrirait plus rien d'applicable aux relations de nos deux confrères. Il ne fut donné à Montaigne de jouir de la douce compagnie et société de la Boëtie que pendant quatre années. L’intimité de Monge et de Berthollet dura plus d’un tiers de siècle. Les deux philosophes du Périgord jugèrent que l'amitié descoust toutes autres obligations ; ils la cachèrent dans la plus pro- fonde retraite; ils détournèrent les yeux des malheurs du temps et vécurent pour eux seuls. Monge et Berthollet, au contraire, prirent tous deux une part active aux événements de notre grande révolution. Les convulsions violentes qui, trop souvent, hélas! jetèrent dans des camps ennemis le mari et la femme, le père et le fils, le frère et la sœur, ne créèrent pas même l’ombre d'un dissentiment passager entre le géo- mètre et le chimiste. Oh !'combien j'aurais été heureux de mettre sous vos yeux des lettres, aujourd’hui perdues sans retour, écrites sur les bords du Nil, dans lesquelles Monge dépeignait, en termes pleins d'émotion, une amitié si digne d'être offerte en mo- dèle et qui fit le charme de sa vie. Ces lettres eussent prouvé aux esprits les plus prévenus que la culture des sciences fortifie l'intelligence sans détremper les ressorts de l'âme, sans émousser la sensibilité, sans attiédir aucune des bonnes qualités dont la nature a déposé le germe dans le cœur hu- main. Après avoir lu les tendres effusions de notre confrère, personne n'aurait plus trouvé qu'une immense hérésie dans ces paroles de Jean-Jacques : « On cesse de sentir quand on « commence à raisonner ! » cui BIOGRAPHIE Institut d'Egypte. Le 3 fructidor an vi (20 août 1798), le général en chef créa au Caire un /nstitut égyptien des sciences et des arts. La section des sciences mathématiques comptait, dès l’ori- gine, parmi ses membres le général Bonaparte, Monge, Fourier, Malus, etc. Dans la section des sciences physiques, on distinguait Berthollet, Dolomieu, Geoffroy Saint-Hilaire, Conté, Descostils, Savigny, Delille, etc. De tels noms pla- caient l’Institut d'Égypte sans désavantage à côté des sociétés savantes étrangères les plus célèbres. Cependant, veuillez bien le remarquer, Messieurs, en perdant momentanément de si brillants collaborateurs, l’/nstitut de France n’en était pas moins resté la première Académie du monde. Ce titre appartenait incontestablement à la compagnie qui, dans les sciences mathématiques, pouvait citer Lagrange, Laplace, Legendre, Lacroix, Lalande, Delambre, Coulomb, Bougain- ville ; et dans les sciences physiques : Jussieu, Haüy, Desfon- taines, Fourcroy, Vauquelin. L'histoire impartiale ne refusera pas de qualifier de grande époque ces dernières années du xvin* siècle qui virent nos armées, le lendemain du combat, le lendemain de la con- quête, établir de nombreuses écoles, et même des acade- mies, pour répandre à pleines mains sur les populations vaincues les trésors de la civilisation et de la science. L’his- toire dira qu'en ces temps glorieux la France conservait encore dans sa capitale, au point de vue scientifique, le sceptre de l'intelligence, même après avoir envoyé dans les régions lointaines des savants dont les brillants travaux DE GASPARD MONGE. CIII eussent suffi à l'illustration d’une nation et d’un siècle. Gloire au pays où de telles réflexions ne blessent pas la vérité, où l’on peut les proclamer publiquement sans encourir le re- proche de flatterie. Dans sa première séance, le 6 fructidor an vur (23 août 1798), l'Institut d'Égypte nomma (je copie le procès-verbal): « le «citoyen Monge, président; le citoyen Bonaparte, vice-pré- «sident, pour le premier trimestre; et le citoyen Fourier, « secrétaire perpétuel. » La nomination de Monge aux fonctions de président ne fut pas, quoi qu’on en ait dit, un acte d'opposition contre le général en chef. Le 5 fructidor, dans une réunion prépara- toire de tous les membres de l’Institut, Bonaparte avait po- sitivement décliné la présidence, et formulé son refus en ces termes : « Il faut placer Monge, et non pas moi, à la tête de «llnstitut; cela paraîtra en Europe beaucoup plus raison- « nable. » Comment est-il arrivé que ces paroles, parfaitement au- thentiques, aient trouvé des incrédules ? Voudrait-on, par basard, établir que le génie et le bon sens ne marchent jamais de compagnie? Un journal scientifique et littéraire, paraissant tous les dix jours, {a Décade égyptienne , rédigé à l'origine par Tallien, rendait un compte sommaire des séances de l'Ins- ütut, et publiait même, in extenso, les travaux des divers membres. C’est dans la Décade que parut pour la première fois le Mémoire de Monge relatif au phénomène d'optique connu sous le nom de Mirage. Monge avait incontestablement indiqué la vraie cause physique de ce singulier phénomène. Peut-être même aurait- CIV BIOGRAPHIE on le droit de soutenir que, dans les circonstances où se trouvait notre confrère, les assimilations dont il s’étaya pour rendre son explication accessible à tout le monde étaient préférables à une théorie plus exacte, mais beaucoup plus compliquée. Après la publication du mémoire de Monge, le mirage cessa, même pour les simples soldats, d’avoir rien de mystérieux, rien d'inquiétant. En aurait-il été de mème si, au lieu de se fonder sur les lois de la réflexion de la lumière à la surface des miroirs plans, on avait parlé de eausti- ques, etc.? Au reste, depuis, la science a repris ses droits et s’est enrichie de plusieurs savantes dissertations où la ques- tion est envisagée sous tous les aspects possibles. Le mémoire de Monge n’en restera pas moins un des premiers, un des principaux anneaux de cette belle chaîne de recherches. Les travaux de l’Institut firent naître un incident qui, à cause de sa singularité et du rôle que Monge y joua, mérite que nous lui consacrions quelques lignes. Le général Bonaparte, malgré les obligations infinies atta- chées au commandement en chef de l’armée et à l’organisa- tion du pays conquis, déclara un jour que, lui aussi, voulait présenter un mémoire à la docte assemblée. Avide de toutes les gloires, souffrait-il d'être le seul membre de l’Institut d'Égypte qui n'eût pas fourni son contingent à la science proprement dite? Avait-on raconté au général que le czar Pierre le Grand, nommé associé de notre Académie des sciences, ne prit le titre que cette nomination lui conférait qu'après avoir envoyé à Paris un travail de sa façon sur la géographie de la mer Caspienne? Quoi qu'il en soit, tous ceux à qui Bonaparte parla de son projet y applaudirent ; les uns, c'était le petit nombre, en termes modérés, les au- DE GASPARD MONGE. CV tres avec enthousiasme. Monge seul osa ne point partager l'avis du général et de son entourage. « Vous n'avez pas le « temps, dit-il à son ami, de faire un bon mémoire; or, son- « gez qu'à aucun prix vous ne devez rien produire de mé- « diocre. Le monde entier a les yeux fixés sur vous. Le mé- « moire que vous projetez serait à peine livré à la presse « que cent Aristarques viendraient se poser fièrement devant « vous comme vos adversaires naturels. Ceux-ci découvri- « raient, à tort ou à raison, le germe de vos idées dans quel- « que ancien auteur, et vous taxeraient de plagiat; ceux-là « n'épargneraient aucun sophisme, dans l'espérance d’être « proclamés, ne fût-ce que quelques instants , les vainqueurs « de Bonaparte!» Bonaparte reconnut qu'il ne devait pas courir les chances défavorables que Monge lui dépeignait avec tant de franchise; contre son habitude, il se décida à faire retraite, et le mémoire ne fut pas rédigé. Je vous ai montré Monge plein de fougue au combat nautique de Chebreys. Nous allons le trouver, au Caire, dans une situation non moins dangereuse, déployant le même cou- rage, mais faisant preuve aussi d'un sang-froid , d’une pré- sence d'esprit dont ne le croyaient pas capable ceux qui connaissaient son ardente imagination. Personne n’ignore que la ville du Caire s'insurgea, sans aucune cause apparente, le 30 vendémiaire an vi (21 octo- bre 1798); que tous nos petits postes, attaqués à l'impro- viste, succombèrent ; que deux à trois cents Francais isolés périrent dans les rues ; que l’hôtel de l’état-major fut boule- versé de fond en comble, et tous les instruments qu'il ren- fermait détruits ou emportés. Le palais de Hassan-Kachef, où on avait établi l'Institut, T. XXIV. n CVI BIOGRAPHIE était à une lieue du quartier général. Bientôt une multitude furieuse l'entoure; des eris de mort retentissent ; la position ne semble pas défendable : du côté du jardin, il n'existe, pour résister aux insurgés, qu'un faible treillage; d’ailleurs, on n’a point de fusils; la seule chance de salut est donc de faire retraite vers le quartier général. Cette opinion va prévaloir ; déjà la plupart des savants, des artistes, des littérateurs se présentent en ordre à la porte pour sortir. Monge s’y oppose; il barre l'issue, et, s'adressant aux plus décidées : « Oserez- « vous, dit-il, ivrer à une destruction certaine les instruments « précieux confiés à votre garde ; vous serez à peine dans « la rue que les insurgés s'empareront du palais et mettront « tout en pièces. » Ces paroles sont entendues ; on se décide à rester; Monge, déjà chef légal du corps académique, est unanimement désigné comme l'ordonnateur suprême des mesures défensives. À sa voix, chaque outil devient une arme; les couteaux, fortement attachés à de longues perches, feront l'office de fers de lance; on consolide les murs; on barricade les issues, et quand ces préparatifs sont achevés, lorsque Monge a pourvu à tous les devoirs du commande- ment, il va, de sa personne, se mettre en faction au poste le plus dangereux, et s'écrie avec une gaieté naïve: « Mainte- nant, qui veut venir causer avec moi pour tempérer les en- nuis de la situation ? » Ainsi se passèrent de longues heures, au milieu d'alertes continuelles. Le palais de Hassan-Kachef ne fut dégagé qu’a- près deux jours et demi d'investissement. Monge trouva alors le plus noble dédommagement de sa belle conduite dans ces paroles solennelles des membres de l’Institut : « Votre pru- « dence, votre fermeté, votre présence d'esprit nousontsauvés.» DE GASPARD MONGE. GVII Le palais de l’Institut était en communication avec le beau jardin de Cassim-Bey. Les séances officielles du corps savant se tenaient au palais. C'est dans le jardin que les membres de toutes les classes et ceux de la commission scientifique se retrouvaient le soir. Ces réunions nocturnes n'avaient rien de solennel; ne serait-ce point à raison de cette circonstance qu'elles offraient tant d'intérêt? Sous un ciel d'azur, parsemé de milliers d'étoiles resplendissantes, Monge, donnant carrière à sa brillante imagination, excitait l'enthousiasme des savants, des littérateurs, des artistes qui l’entouraient. Tantôt l'auditoire se sentait entraîné par la variété, la richesse et la grandeur des aperçus; tantôt son attention se portait de préférence sur le talent d’expo- sition admirable qui le faisait pénétrer sans efforts dans les profondeurs de la science, réputées inaccessibles au vulgaire. Ces conversations savantes se prolongeaient fort avant dans la nuit. Nos confrères se complaisaient à les assimiler aux entretiens en plein air des philosophes grecs et de leurs disciples dans le jardin d’Académus. On s’habitua même à ne trouver entre les deux situations, entre les deux époques, qu'une différence légère : les platanes du jardin d'Athènes étaient remplacés au Caire par des acacias. Voïlà une bien grande erreur, Messieurs. I] y avait réelie- ment tout un monde entre les vues et les méthodes des deux écoles. Mettez à l’écart quelques points de morale, sur les- quels d'anciens philosophes nous ont légué des conceptions vraiment sublimes, et vous ne les trouverez généralement occupés que de problèmes à jamais inabordables, sans solu- tion possible; que de questions qui ne pouvaient pas même IL. CVIIT BIOGRAPHIE être posées en termes nets et précis ; que de rêveries oiseuses ou stériles. A l’Institut d'Égypte, au contraire, sans prétendre porter atteinte à un droit imprescriptible de l'imagination, celui de tracer à l'esprit humain des routes entièrement nouvelles, on s’accordait à n’enregistrer les théories dans les fastes de la science qu'après leur avoir fait subir le contrôle sévère de l'expérience et du calcul. Combien n’y a-t-il pas de ques- tions capitales que nous serons réduits à léguer à nos ne- veux telles que nous les avons reçues, et qui seraient défi- nitivement résolues si les philosophes tant vantés de la Grèce, au lieu de prétendre deviner la nature, avaient accepté le rôle infiniment plus modeste, mais plus sûr, de l’observer. Un rapport de Berthier, chef de l'état-major général de l'armée d'Orient, au ministre de la guerre, contenait ces li- gnes, si flatteuses pour les deux représentants de l'Institut de France en Égypte : «Les citoyens Monge et Berthollet « sont partout, s'occupent de tout, et sont les premiers mo- «teurs de tout ce qui peut propager les sciences. » Le gé- néral aurait dù ajouter que, dès l’origine, les deux acadé- miciens s'étaient occupés sans relâche des moyens de frapper l'imagination des Orientaux; des spectacles empruntés aux arts, aux sciences qui semblaient propres à montrer la supé- riorité de la France et à fortifier notre conquête. Il est vrai que ces tentatives restèrent presque toujours sans résultat. Un jour, par exemple, Bonaparte demanda aux prinei- paux cheiks d’assister à des expériences de chimie et de physique. Dans les mains de Monge et de Berthollet, divers liquides éprouvèrent les plus curieuses transformations; on engendra des poudres fulminantes; de puissantes machines DE GASPARD MONGE. CIX électriques fonctionnèrent avec tous leurs mystères. Une science qui venait de naître, celle du galvanisme, fut mise aussi à contribution; par de simples attouchements métalli- ques, on produisit sur des animaux morts, dépecés, des convulsions qui, au premier aspect, autorisent à croire à la possibilité de résurrections. Les graves musulmans n’en res- tèrent pas moins des témoins impassibles de toutes ces expé- riences. Bonaparte, qui s'attendait à jouir de leur étonne- ment, en témoigna quelque humeur. Le cheick El-Bekry s'en aperçut, et demanda sur-le-champ à Berthollet si, par sa science, il ne pouvait pas faire qu'il se trouvât en même temps au Caire et à Maroc. L’illustre chimiste ne répondit à cette demande ridicule qu’en haussant les épaules. « Vous « voyez bien, dit alors El-Bekry, que vous n'êtes pas tout à « fait sorcier. » Monge n'éprouva pas une moindre déconvenue le 1° ven- démiaire, septième anniversaire de la fondation de la répu- blique. Sur sa proposition, il avait été décidé que, ce jour de fête, on rendrait les indigènes témoins d’un spectacle qui semblait devoir inévitablement frapper leur imagination. L’ascension de l’aérostat, préparé par Conté, réussit à sou- hait; mais les Africains n'en montrèrent aucune surprise; on vit même bon nombre d'individus de tous les rangs tra- verser la grande place Æsbékiéh sans daigner lever la tête à l'instant où le ballon planait majestueusement dans les airs. Monge ne se trompait-il pas en cherchant dans ce qu'il appelait l’apathie des pays chauds la cause du peu d’éton- nement qu'avait manifesté l’élite de la population égyptienne dans le laboratoire de chimie, dans le cabinet de physique cx BIOGRAPHIE ou sur la place Esbékiéh, pendant l’ascension de l'aérostat ? Le cheick El-Békry a déja répondu : les Orientaux croient généralement à la sorcellerie ; or, que sont les résultats po- sitifs de la science, de l’art, à côté des conceptions imagi- naires d'un sorcier? Pouvait-on raisonnablement espérer d’exciter de l'enthousiasme, par quelques expériences plus ou moins ingénieuses, chez des hommes nourris de la lecture des Mille et une nuits ; chez des hommes habitués à prendre les récits de la princesse Schéhérazade non pour des rêve- ries d’une imagination fantasque, mais comme des peintures d'un monde réel? Présentez à ces mêmes hommes des choses vraiment extraordinaires dans l’ordre de leurs idées ou de leurs habitudes, et vous les trouverez susceptibles d’étonne- ment, d'enthousiasme comme les Européens. Voyez, par exemple, avec quelle assiduité, avec quel recueillement des musulmans de tout âge, des dignitaires de l’ordre des ulé- mas assistaient aux séances de l’Institut, même avant de sa- voir un seul mot de notre langue. Une assemblée délibérante qui ne s'occupait ni de religion, ni de guerre, ni de politi- que, était à leurs yeux un véritable phénomène. Ils com- prenaient encore moins que le chef suprème de l'expédition, que le vainqueur de Mourad-Bey, que le sultan Kébir, pour parler leur langage, n’eût qu'une voix dans les scrutins, comme le plus humble membre de l'Institut, et qu’il con- sentit à courber ses: opinions personnelles devant celles de la majorité. Dans ce cas-ci, tout était neuf, sans précédents ; aucune légende orientale, aucun conte, parmi les plus romanesques, n'avaient fait mention d’une république des lettres. Lorsque cette république apparut aux habitants du Caire, ils donnèrent DE GASPARD MONGE. CXI un libre cours à leur surprise, et dévoilèrent ainsi nettement les causes qui, en d’autres circonstances, les avaient fait pa- raître si apathiques. Dans la série de tentatives auxquelles Monge se livra pour amener les musulmans à reconnaître notre supériorité, il en est une dont le besoin d’abréger me déciderait à ne point faire mention si des recherches toutes récentes d’un érudit n'étaient venues, à mon sens, lui donner un véritable intérêt. Sur la proposition de Monge, on chercha à conquérir les sympathies des Égyptiens par les charmes de la musique. Un orchestre nombreux , composé d’artistes très-habiles, se réunit un soir sur la place Esbékiéh du Caire, et exécuta en présence des dignitaires du pays et de la foule, tantôt des morceaux à instrumentation savante ; tantôt des mélodies simples, suaves; tantôt enfin des marches militaires, des fanfares éclatantes. Soins inutiles ; les Égyptiens, pendant ce magnifique concert, restèrent tout aussi impassibles, tout aussi immobiles que les momies de leurs catacombes. Monge s’en montrait outré. « Ces brutes, s’écria-t-il en s'adressant aux musiciens, ne sont pas dignes de la peine que vous vous donnez; jouez-leur Marlborough ; c'est tout ce qu’elles mé- ritent.» Marlborough fut joué à grand orchestre, et aussitôt des milliers de figures s’animèrent, et un frémissement de plaisir parcourut la foule, et on crut un moment que jeu- nes et vieux allaient se précipiter dans les vides de la place et danser, tant ils se montraient gais et agités. L'expérience, plusieurs fois renouvelée, donna le même résultat. Se passionner pour l'air de Marlborough et ne trouver, comparativement, qu'un vain bruit dans des mor- CxII BIOGRAPHIE ceaux de Grétry, de Haydn, de Mozart, c'était, disait-on universellement, montrer une inaptitude complète pour la musique. Cette conclusion , appliquée à tout un peuple, avait, psychologiquement et physiologiquement parlant, quelque chose de très-extraordinaire : aussi l'esprit péné- trant de Monge l’admettait avec peine, quoiqu'elle se pré- sentâät comme une déduction inévitable des faits. Aujour- d'hui les faits peuvent être envisagés sous un autre jour; aujourd'hui la prédilection des Égyptiens pour l'air de Marlborough est susceptible de recevoir une explication qui n'implique nullement l'absence du sens musical chez tout homme coiffé du turban ou du fez. Cette explication est très-simple. Monge l’eüt certainement adoptée; quelques mots suffiront pour montrer que je m'aventure peu en par- lant avec cette assurance. Il résulte d’une tradition que M. de Chateaubriand n’a pas dédaigné de recueillir et de commenter, de la dissertation plus récente pleine d'érudition, et, ce qui n’est pas toujours la même chose, pleine d'esprit, publiée récemment par M. Gé- nin, que l'air de Marlborough a une origine arabe; que la chanson elle-même appartient au moyen âge; que, suivant toute probabilité, elle fut rapportée en Espagne et en France par les soldats de Jacques I“ et de Louis IX; qu’on doit con- sidérer cette chanson comme une sorte de légende d'un croisé obscur, nommé Mabrou ; que la légende Mabrou était, musique et paroles, la chanson que madame Poitrine chan- tait pour endormir son royal nourrisson, fils de Louis XVI, lorsque Marie-Antoinette la surprit, trouva l'air à son gré, et déclara vouloir le mettre à la mode; qu'enfin le nom du duc de Marlborough (Churchill), le nom du général ennemi DE GASPARD MONGE. CXIII de Malplaquet, ne prit la place du nom du très-modeste croisé Mabrou que par une grosse bévue. Ces résultats d’une fine érudition une fois adoptés, les scènes de la grande place Esbékiéh n’ont plus rien d’extra- ordinaire : les Égyptiens furent émus quand on leur joua Marlborough, comme le sont les Suisses lorsqu'ils entendent le Ranz des vaches. Les souvenirs d’enfance ont le privilége de faire circuler la vie dans les natures les moins généreuses. Ajoutons que le Marlborough, admirablement exécuté par le nombreux orchestre de la place du Caire, devait avoir des charmes auxquels les musiciens barbares de l'Orient n'’a- vaient pas accoutumé leurs auditeurs. Monge eut toujours un goût très-prononcé pour la con- naissance des étymologies, des origines, de la filiation des coutumes populaires. La certitude que la digression dont la chanson de Marlborough a fourni le texte aurait, en point de fait du moins, intéressé l'illustre géomètre, m'a peut-être entraîné au delà des limites que le sujet comportait. Je con- fesse ma faute, mais sans prendre l'engagement de ne la plus commettre, même en connaissance de cause, lorsque, sans blesser la vérité, je pourrai introduire dans les biographies de nos confrères des faits, des anecdotes, des détails qu’à . mon avis ils eussent désiré y voir; je me conformerai à cette intention présumée, tout aussi scrupuleusement que le ferait un exécuteur testamentaire en présence de la stipulation écrite la plus formelle. Dans cette œuvre de conscience, je ne reculerai pas même devant ce que j'appréhende à un très-haut degré : la crainte de fatiguer mes auditeurs et de leur causer de l'ennui. RENNES ( CXIV BIOGRAPHIE Expédition de Syrie. Monge et Berthollet accompagnèrent le général en chef dans l'expédition de Syrie. Monge fut atteint devant Saint- Jean d’Acre de la terrible dyssenterie qui décimait l’armée. Tout le monde tenait la maladie pour contagieuse ; cette opi- nion, chacun l’a deviné, n’empêcha pas Berthollet de s’éta- blir dans la tente de son ami, et de lui prodiguer nuit et jour, pendant trois semaines consécutives, les soins les plus ten- dres. Bonaparte lui-même, quoiqu'absorbé par les péripé- ties souvent cruelles d’un siége long, meurtrier et d’une difficulté sans exemple, allait régulièrement visiter son con- frère des Instituts de France et d'Égypte. L'intelligence d'é- lite dont la nature l'avait doué lui fit rapidement com- prendre que les ressources de l’art seraient impuissantes si l'on n’arrivait pas à calmer l'imagination de l'illustre malade. Un bulletin journalier, rédigé dans cette vue, tint Monge au courant de la marche des opérations de l’armée; souvent même on lui communiquait les lettres de service écrites sous la dictée du général en chef. Mais notre confrère, on l'avait oublié, n’était pas seulement un géomètre théoricien; il avait passé douze années dans une école du génie; il connaissait à merveille les bases des calculs techniques qui servaient à dé- terminer le nombre de jours de tranchée ouverte après le- quel, disait-on, une forteresse devait inévitablement se rendre, après lequel la garnison pouvait capituler sans dés- honneur; il savait surtout que ces calculs n'étaient point applicables à des places maritimes, en libre communication avec la mer, pouvant sans cesse renouveler leurs provisions, DE GASPARD MONGE. CXV leurs munitions, leurs défenseurs; évacuer leurs blessés, leurs malades. Monge ne prenait donc pas à la lettre les prédictions contenues dans les ordres du jour. Cependant notre confrère conservait quelque espérance : Bonaparte n’a- vait-il pas vaincu souvent, très-souvent, malgré les prévisions contraires des officiers les plus expérimentés ? Une dépêche dont on donna lecture au malade dissipa ses dernières illusions; elle était datée du 25 germinal an vn (14 avril 1799). Le général en chef disait au gouverneur d'Alexandrie : « Depuis quinze jours nous ne tirons pas. « L’ennemi, au contraire, tire comme un enragé. Nous nous « contentons de ramasser humblement ses boulets, de les « payer vingt sous, et de les entasser au parc. » Ces paroles éclairaient toute la situation. Les écrivains systématiques qui cherchaient anciennement à évaluer les plus longues durées de la résistance possible des forteresses n'avaient pas cru devoir s'occuper, même théoriquement, d’une attaque où l’assiégeant serait réduit, dans ses moyens d'action, aux pro- jectiles que lui lancerait l’assiégé. A partir du jour où la lettre du 25 germinal lui fut con- nue, Monge désespéra entièrement de la prise de Saint-Jean d’Acre, et les médecins de son rétablissement. Les choses, en ce qui touchait la santé de notre confrère, tournèrent tout autrement qu'on ne l'avait craint. Tant que la question pendante parut être, très-sérieusement, la red- dition de la ville de Djezzar-Pacha, le moindre mécompte dans l'effet d’une mine, dans le passage projeté d’un fossé, dans l'assaut d’un ouvrage avancé, mettait le malade au dé- sespoir , et amenait dans son état des crises très-dangereuses. Du moment où Monge fut convaincu que la retraite était iné- oO. CXVI BIOGRAPHIE vitable, que les derniers efforts n'avaient qu'un but: le droit d'écrire légitimement sur les bannières de l’armée, l'honneur est intact ; le calme revint, et notre confrère ne parut plus guère occupé qu’à classer méthodiquement dans sa mémoire les événements qu'on lui transmettait. Parmi ces événements, il en est un qui fit sur Monge une impression profonde, ineffaçcable. Quand il le racontait, même quinze ans après, ses yeux jetaient des éclairs; des larmes de satisfaction humectaient ses paupières. « De ce « moment, disait-il, je compris que la vraie gloire n’est pas «toujours dans le succès. N’a-t-on pas vu des canons habi- « lement pointés par des hommes d’une bravoure équivo- « que décider souvent du gain d’une bataille, de la réussite « d’un assaut, de la perte ou de la conservation d’une for- « teresse ? « L'action du capitaine de la 85° demi-brigade, que cha- « eun s'empressa de me communiquer, à l'instant même où « l’armée venait d’en être témoin, partait d’un sentiment qui « serait resté sublime , comme le dévouement des Spartiates «aux Thermopyles, même au milieu d’une défaite. Cette «action produisit dans ma santé la plus heureuse révolu- « tion; je Jouissais d'avance du plaisir que je trouverais à la « retracer devant tous ceux qui me parleraient de la levée du « siége. » Monge circonscrivait beaucoup trop, par ces dernières paroles, les occasions où il raconterait l'événement qui l’a- vait tant ému. Sous la domination permanente de son ima- gination vive et patriotique, ces occasions se reproduisaient sans cesse, et Je crois, en vérité, obéir à une injonction de mon illustre maître en essayant, autant qu’il est en moi, DE GASPARD MONGE. CXVII de sauver de l'oubli ce que ces récits renouvelés avaient si fortement gravé dans notre mémoire : . Un capitaine de la 85° demi-brigade reçut l'ordre de monter à l'assaut d’une tour dont la partie saillante seule- ment avait cédé à l'explosion d’une mine. Il commandait quatre-vingts hommes d'élite. Vingt-cinq de ces intrépides soldats prirent position dans le fossé, afin d'empêcher que leurs camarades , gravissant la brèche, ne fussent attaqués en flanc. Ceux-ci, après bien des efforts, arrivèrent au sommet des décombres. Le capitaine y planta, suivant sa promesse, le drapeau que le général Bonaparte lui avait remis au mo- ment où il débouchait de la tranchée, et il en confia la garde à un sous-officier. Toutes les issues de la tour étaient barri- cadées. L’ennemi occupait la partie encore intacte, et de là faisait rouler sans cesse sur le détachement des bombes, des boulets creux, des matières incendiaires. Dans une sortie de la garnison de la place, les vingt-cinq soldats du fossé, après une magnifique défense, furent tous exterminés. Sur la brèche, le nombre des hommes valides se trouvait réduit à dix. Aucune disposition n'annonçait qu’on voulut leur por- ter secours, quoique depuis une heure ces braves gens se maintinssent dans cette position périlleuse. Le capitaine com- manda donc la retraite ; mais, au moment du départ, le sous- officier préposé à la garde du drapeau fut tué sans qu'au milieu d'une fumée épaisse et de tourbillons de poussière personne s'en aperçüût. Le capitaine, après avoir échappé à mille périls, était rentré dans la tranchée, lorsqu'’en se re- tournant il vit son drapeau flottant encore au sommet de la tour. Aussitôt il s’élance, remonte seul à l'assaut et va le reprendre. Ses habits sont criblés de balles ; il a reçu deux CXVIII BIOGRAPHIE graves blessures, mais sa glorieuse bannière n’est pas restée aux mains de l'ennemi! Il est des faits que les biographes, sous peine d’une sorte de sacrilége, doivent rapporter avec une exactitude scrupu- leuse. Telle est la pensée qui me dominait lorsque je m'atta- chais à reproduire le récit que Monge m'avait fait, plusieurs fois, de l’action héroïque du capitaine de la 85° demi-bri- gade. Je me demandais avec inquiétude si la mémoire de notre confrère avait été entièrement fidèle; si moi-même, sur quelques détails, je ne me laissais pas abuser par mes sonve- nirs. Le plus heureux hasard m’apprit naguère que le vaillant officier vit encore près de Rodez, dans le départe- ment de l'Aveyron. Un ami commun sechargea de lui écrire ; la réponse nous est parvenue ; elle porte en tête le mot : Rap- port, tant, Messieurs, un désir exprimé, même indirectement, au nom de l’Académie, a fait d'impression sur le vieux sol- dat. Le Rapport m’autorise à ne pas changer une seule syl- labe dans ce que j'avais tracé d’après des souvenirs déjà fort anciens. Je crois, cependant, que s’il m'eût été connu plus tôt J'aurais substitué à quelques expressions animées de Monge ces paroles plus calmes de l’intrépide officier : « Je vis le drapeau flotter sur les décombres de la tour; «Je crus qu'il ne fallait pas l’abandonner ; je remontai pour « le reprendre. » J'ai pensé qu'une action à laquelle Monge attribua sa con- valescence et la possibilité où 1l se trouva de suivre l’armée dans son mouvement de retraite pouvait être, dans cette bio- graphie, l’objet d’un souvenir circonstancié. Je crois aussi m'acquitter d'un devoir en soulevant le voile derrière lequel voudrait rester caché le capitaine de la 85° demi-brigade, DE GASPARD MONGE. CXIX dont les rapports sont signés aujourd'hui : « L’officier qui, « n'ayant plus d'épée, manie la charrue! » Cet officier est le général Tarayre. L’armée d'Égypte, depuis les généraux jusqu'aux simples fantassins, regrettait vivement, les jours de bataille exceptés, qu'on l’eût amenée faire la guerre dans le pays du sable. C'était l'expression des troupiers. Suivant l'opinion com- mune, Monge et Berthollet avaient été les promoteurs de cette malencontreuse expédition. Souvent ces deux noms figu- rérent dans l’expression du mécontement des soldats, surtout lorsqu'une soif ardente les torturait, surtout après la le- vée du siége de Saint-Jean d’Acre, au milieu des sables ar- dents du désert. Ce sentiment, que dans certaines circons- tances on aurait pu prendre pour de la haine, n’avait rien de sérieux. Monge ne quittait jamais un poste, un bivouac sans s'être fait des amis de tous ceux qui l'avaient approché. L'armée mourant de soif aperçoit un puits ; chacun se pré- cipite ; c'est à qui boira le premier, sans distinction de grade. Monge arrive, et entend dire de toute part dans la foule, Place à l’ami intime du général en chef : Non, non, s’écrie illustre géomètre, les combattants d’abord, je boirai ensuite, s'il en reste! L'homme qui, en proie à la plus cruelle des tortures, a prononcé ces belles paroles peut compter à jamais sur la vé- nération profonde de tous ceux qui les ont entendues, quoi- qu'il ait amené l’armée dans le pays du sable. Si Monge se faisait des amis de tous ceux qui l’appro- chaient, c’est qu'il était pour tout le monde d’une complai- sance inépuisable; c’est qu'il répondait avec le même em- pressement, avec le même soin, avec le même scrupule à la CXX BIOGRAPHIE question du fantassin et à celle du général. Seulement, quand il avait un auditoire principalement composé de simples sol- dats, notre confrère manquait rarement de jeter dans ses ex- plications des détails familiers et gais. Un jour, au milieu de ces mers de sable indéfinies, où il n'existe pas un seul brin d'herbe pour reposer la vue, Monge fut entouré par une multitude de soldats, jadis laboureurs peut-être, qui lui demandèrent si le pays avait toujours été aussi aride, et s’il ne s’y opérerait pas des changements dans le cours des siècles. Monge leur raconta aussitôt tout ce que les membres de l'Institut d'Égypte avaient observé sur la manière dont les sables se déplacent, sur la vitesse moyenne de leur propagation, etc., etc. Il était arrivé au terme de sa démonstration lorsque le général en chef survint et s’écria : Monge, que dites-vous donc à ces braves gens, pour qu’ils vous écoutent avec tant d'attention. Je leur expliquais, général, que notre globe éprouvera bien des révolutions avant que des voitures se réunissent ici en aussi grand nombre qu'à la porte de l'Opéra, à Paris, les jours de première repré- sentation. Une immense explosion de gaieté, dont le général prit sa bonne part, prouva que Monge, dans l’occasion, savait sortir avec esprit de sa gravité habituelle. Je ne quitterai pas ce sujet sans appeler encore votre at- tention sur une circonstance dans laquelle Monge reconnut, avec une vive sensibilité, combien, malgré quelques appa- rences contraires, l'armée avait su l’apprécier. C'était aussi dans le désert. Un soldat mourant de soif jette sur la petite gourde que notre confrère porte susnen- due à son ceinturon un regard où se peint à la fois le désir, DE GASPARD MONGE. CXXI la douleur, le désespoir. Monge a tout remarqué, et n'hésite pas une seconde : Viens, crie-t-il au soldat; viens boire un coup. Le malheureux accourt et n’avale qu’une gorgée : Bois donc davantage, lui dit affectueusement notre confrère. — Merci, répond le soldat, merci. Vous venez de vous montrer charitable, et je ne voudrais pour rien au monde vous expo- ser aux douleurs atroces que j'endurais tout à l’heure! On peut être fier, ce me semble, d’appartenir à un pays où des hommes sans culture éprouvent de pareils sentiments et savent les exprimer avec tant de noblesse ! Monge quitte l'Égypte avec le général en chef. Pressé par le temps, je suis obligé de supprimer l'analyse de plusieurs travaux de l’Institut d'Égypte auxquels Monge participa, afin d'arriver plus promptement aux circonstances dramatiques qui signalèrent le départ du général en chef et de notre confrère pour la France. L'armée turque, débarquée à Aboukir, venait d’être anéan- tie; la solde était au courant. Vers cette même époque, de très-fâcheuses nouvelles de l’armée d'Italie arrivèrent au Caire. Le général Bonaparte se décida aussitôt à retourner en France et à emmener avec lui Monge: et Berthollet. La moindre indiscrétion pouvait compromettre ce projet auda- cieux. Monge fit donc tous ses efforts pour garder scrupuleu- sement le secret d'État que le général lui avait confié. Y réus- sit-il ? Je n'ose pas prononcer; j'aime mieux m'en remettre à votre propre décision. Le général annoncait publiquement qu'il allait visiter le Delta, passer de là aux lacs Natron et ensuite au Fayoum, T. XXIV. P CXXII BIOGRAPHIE étudierenfin minutieusement la partie ouest du désert comme il avait exploré la région orientale peu de temps après la conquête du Caire. Un voyage de quelques jours à l'embouchure du Nil et aux lacs Natron n'aurait pas dû décider Monge à faire présent de tous ses livres, de tous ses manuscrits à la bibliothèque de l'Institut. Cet incident frappa d’étonnement tous les habi- tants du palais de Hassan-Kachef. Le même jour, notre con- frère donna ses provisions de bouche à Conté. Quand ce second fait fut connu, quelques membres de la commission scientifique, en proie à une inquiétude légitime, se décidè- rent à surveiller toutes les démarches de leur chef; ils le surprirent se parlant à lui-même, et disant avec douleur : « Pauvre France!» L’exclamation n'apportait aucune nou- velle lumière quant au projet de départ ; malheureusement elle autorisait les suppositions les plus sinistres sur l’état de notre pays. Monge eut, dès ce moment, à subir une foule d’interpellations directes. Il n’y répondait que par des pa- roles sans suite. La douleur qu’il éprouvait à se séparer si brusquement de ses confrères, de ses amis, de ses disciples était empreinte dans les traits de sa figure, dans toute sa personne ; elle lui arracha même cette expression de blâme : « Le général va trop vite dans ses expéditions. » Enfin, après deux jours d’angoisses, le 30 thermidor, à dix heures du soir, la voiture du général en chef, escortée de guides, s'arrêta devant le palais de l’Institut. Monge et Berthollet y étaient à peine montés que Fourier, que Costaz se jetèrent à la portière, et supplièrent leurs deux confrères de calmer les vives alarmes de toute la commission scientifique ; « Mes chers amis, répondit Monge, si nous partons pour DE GASPARD MONGE. CXXIII «la France, nous n’en savions rien aujourd’hui avant « midi. » Le projet de départ pour la France se trouvait ainsi claire- ment divulgué. Le général, à qui les adieux compromettants de Monge furent rapportés, en témoigna de l'humeur. Notre confrère se justifia facilement. Il dépeignit, d’une voix émue, les difficultés de sa position; il fit remarquer que plusieurs circonstances avaient pu amener les membres de la commis- sion scientifique à croire que Berthollet et lui ne se sépare- raient jamais d'eux ; que peut-être ils seraient accusés l’un et l'autre d’avoir manqué à leur parole ; qu’il n’en fallait pas davantage pour expliquer quelques propos indiscrets qu'on leur reprochait. Quant aux démarches, ajouta-t-il, qui ont donné l'éveil, permettez, mon cher général, que je vous le dise : vous y figurez vous-même pour une large part : certain portrait, un portrait de femme, demandé au peintre Conté trois fois dans la même journée, a plus fait travailler les imaginations que mes livres, mes manuscrits et mes modes- tes provisions. Le général réprima un léger sourire, et le dé- bat n'alla pas plus loin. Pendant que les membres de la commission scientifique s’'abandonnaient au désespoir, sans interrompre cependant leurs préparatifs de voyage pour la haute Égypte, un d’entre eux, Parseval-Grandmaison, en proie à une nostalgie inquié- tante, quitta le Caire sans prendre conseil de personne et se dirigea sur Alexandrie. Comment un homme malade, isolé, réduit à ses propres moyens parvint-il à franchir l'intervalle de ces deux villes, à peu près aussi vite que le général en chef, disposant de tou- tes les ressources de l’armée et du pays conquis? J’ignore si 2: CXXIV BIOGRAPHIE le poëte, en commerce de tous les instants avec sa muse, trouva jamais l'occasion de divulguer ce secret à d’humbles mortels; je sais seulement qu'il arriva à Alexandrie à l'ins- tant où les deux frégates la Muiron et la Carrère, déjà loin du port, allaient mettre à la voile, et que le général, s’obs- tinant à considérer le voyage de Parseval comme un acte d’indiscipline (il prononça même le mot de désertion), refu- sait de permettre l’embarquement du fugitif. Monge s’épui- sait en sollicitations : Rappelez-vous, disait notre confrère au général Bonaparte, que Parseval a souvent embelli nos séances de l’Institut du Caire en nous lisant des fragments de sa traduction de la Jérusalem délivrée, auxquels vous ap- plaudissiez vous-même. Veuillez songer qu'il travaille à un poëme sur Philippe-Auguste; qu'il a déjà fait douze mille vers. « Oui, repartit le général, mais il faudrait douze mille « hommes pour les lire! » Un immense éclat de rire succéda à cette saillie. La gaieté rend bienveillant; Monge ne l’igno- rait pas ; il profita de la circonstance, et Parseval fut embar- qué. Vous pardonnerez à l’'épigramme, malgré tout ce qu’elle avait d’injuste, puisqu'elle sauva du désespoir, et probable- ment d’une mort prématurée, un des littérateurs les plus es- timables dont notre pays puisse se faire honneur; puisqu'elle donna à l’Académie française l’occasion d'accorder ses suf- frages à un homme qui, tout aussi légitimement que Crébillon, aurait pu s’écrier, en prenant pour la première fois séance dans cette enceinte . « Aucun fiel n’a jamais empoisonné ma plume, » DE GASPARD MONGE. CXXV Les conversations qui s'engageaient sur le pont de la fré- gate la Muiron pendant son passage d'Alexandrie aux côtes de France étaient moins savantes, moins philosophiques que celles dont le pont du vaisseau l'Orient avait été le théâtre pendant que notre belle et puissante escadre, sortie de Tou- lon, voguait vers le rivage égyptien. Les inquiétudes qu’on avait sur l'état intérieur de la France et sur ses relations avec les puissances étrangères en fournis- saient presque exclusivement le sujet. Savez-vous, dit un jour le général Bonaparte, que je suis entre deux situations très-dissemblables. Supposons que J'aborde la France sain et sauf, alors je vaincrai les factions, je prendrai le commandement de l’armée, je battrai les étran- gers, et je ne recevrai que des bénédictions de nos compa- triotes. Supposez, au contraire, que je sois pris par les An- glais, je serai enfermé dans un ponton et je deviendrai pour la France un déserteur vulgaire, un général ayant quitté son armée sans autorisation. Aussi il faut en prendre son parti, je ne consentirai jamais à me rendre à un vaisseau anglais. Si nous sommes attaqués par des forces supérieures, nous nous battrons à outrance. Je n’amènerai jamais mon pavillon. Au moment où les matelots ennemis monteront à l’abordage, il faudra faire sauter la frégate. Toutes les personnes dont le général était entouré écoute- rent ce discours avec une surprise manifeste, et ne prononcè- rent aucune parole approbative. Lorsque Monge, rompant ce silence significatif, s'écria : Général, vous avez bien appré- cié votre position; le cas échéant, il faudra, comme vous l’a- vez dit, nous faire sauter. Je m'attendais, repartit Bonaparte, à ce témoignage d'amitié de votre part; aussi je vous char- CXXVI BIOGRAPHIE gerai de l'exécution. Le surlendemain on aperçut à l'horizon une voile qu’on prit d’abord pour un bâtiment anglais; aus- sitôt le branle-bas de combat fut exécuté, et chacun se rendit à son poste. Bientôt on reconnut que le bâtiment n’était pas ennemi. Où est Monge, demanda le général. On le chercha pour l'avertir que tout danger avait cessé; on trouva le savant illustre à côté de la sainte-barbe, une lanterne allumée à la main. Arrivée en France. Monge et Berthollet firent le voyage de Fréjus à Paris avec le général Bonaparte et dans sa voiture. Leurs vêtements dataient de deux ans, et étaient complétement usés. Là où le général passait incognito, les hommes du peuple, quand ils voyaient descendre nos deux confrères, manquaient rarement de dire : N’est-il pas singulier que des individus ainsi faits se soient avisés de courir la poste avec six chevaux ? Dans les lieux où Bonaparte était reconnu, on s’étonnait de le voir en si étrange compagnie. [y avait loin de là, Messieurs, à l'étiquette qui, quatre ans après, régnait despotiquement à la cour impériale. Tout considéré, certains esprits trouveront peut-être plus de vraie grandeur à la première de ces deux époques. Monge, arrivé à Paris, avait eu à peine le temps de vaincre la résistance du portier et des domestiques de sa femme, refusant de recevoir un homme si mal vêtu, qu'il se rendit à l'École polytechnique, où le conseil de perfectionnement était assemblé. J'ignore comment les choses se passeraient DE GASPARD MONGE. CXXVII aujourd’hui en pareille circonstance ; je sais seulement que la rentrée de notre confrère produisit une très-vive émotion : « Le conseil, dit le procès-verbal dela séance, suspend toute « délibération pour se livrer à l’effusion de ses sentiments « de joie sur le retour de Monge et de Berthollet. Monge était « présent. Il recueille avec sensibilité les doux épanchements _ « de l'amitié qui lui sont prodigués par ses collègues ; puis, « par une heureuse diversion, il ramène les souvenirs sur les « élèves de l'École polytechnique qui les ont accompagnés. « Tous se sont distingués par leur conduite et leurs talents. « Ils se sont montrés hommes faits avant l’âge. Au combat, «ils égalaient les vieux grenadiers ; au travail périlleux des « siéges, ils rivalisaient de sagesse et de sang-froid avec les « ingénieurs consommés. Les membres du conseil s’arrachent « avec peine aux douces émotions qu’ils éprouvent et repren- « nent le cours de leurs travaux. » Je vais reprendre aussi le cours de mon récit; mais ce ne sera point sans recommander à l'attention publique cette époque où les savants avaient les uns pour les autres une si franche amitié; cette époque où, en parlant des liens qui unissaient les professeurs de notre célèbre École, les procès- verbaux eux-mêmes échappaient à leur sécheresse prover- biale. Monge sénateur. Sa conduite dans les cent-jours. Monge fut nommé sénateur à la première création, en 1799. Cinq ans après il devint titulaire de la sénatorerie de Liége. Entre ces époques et celle des désastres de nos armées, je n’aperçois, dans la carrière de notre confrère, d'autre inci- CXX VIII BIOGRAPHIE dent digne d'attention que les vifs débats dont j'ai déjà dit quelques mots, qui s'élevèrent entre Monge et l’empereur au sujet de l'École polytechnique. Les fonctions de sénateur étaient peu assujettissantes. Monge revint donc à ses études favorites sur la géométrie analytique. Les numéros du Journalde l'École polytechnique, où ses travaux paraissaient régulièrement, font foi que l’âge n'avait apporté aucune atteinte ni à la vigueur de concep- tion de notre confrère, ni à cette rare qualité de l'esprit qui m'a permis de parler d'élégance à propos de mémoires de mathématiques. L'illustre géomètre continuait à donner de temps à autre des leçons à l'École polytechnique. Les élèves lui faisaient toujours un accueil où la vénération le disputait à l’en- thousiasme, Notre confrère prenait une part active aux discussions de la commission chargée de présider à la composition et à la pu- blication du magnifique ouvrage sur l'expédition d'Égypte. Monge était tout aussi assidu à nos séances qu'à l’époque où, Jeune et encore peu connu, l'Académie l’enleva à l’école de Mézières pour se l’associer. Presque tous les ans l’auteur de la Géométrie descriptive allait prendre quelque repos dans son pays natal. Ce fut à sa terre de Morey, en Bourgogne, qu'il reçut le vingt-neuvième bulletin de la grande armée de Russie; ce fut pendant qu'on lui en donnait connaissance que Monge vit se dissiper une à une les illusions dont il s'était bercé jusque-là sur les ré- sultats de cette colossale expédition. Lorsque le lecteur ar- rivait à la dernière ligne du bulletin, Monge tomba frappé d’apoplexie! DE GASPARD MONGE. CXXIX Les sentiments qui se manifestent avec cette véhémence ont droit aux respects des hommes de cœur de toutes les opinions. Quand notre confrère revint à lui, il dit avec douceur, avec le plus grand sang-froid à ceux qui l’entouraient : « Tout à l'heure j'ignorais une chose que je sais maintenant ; « Je sais de quelle manière je mourrai. » Dans les premières pages de cette biographie, je me suis étendu avec complaisance et bonheur sur l’enfance de Monge, sur ses succès précoces; ma tâche sera maintenant moins douce : j'ai à vous montrer un homme de génie aux prises avec les passions politiques et succombant dans la lutte. Je puiserai dans le sentiment du devoir la force qui me sera nécessaire pour retracer avec détail cette courte et doulou- reuse période de la carrière de Monge; je n’oublierai pas que l'utilité doit être notre but, que ces biographies enfin ne mé- riteraient pas de fixer un seul moment l'attention des hom- mes sérieux si elles ne devaient pas nous éclairer sur la mar- che de l'esprit humain, dans ses élans comme dans ses dé- faillances, et signaler à ceux qui nous suivront les écueils sur lesquels tant de brillantes renommées ont été se briser. Vous avez déjà vu l’illustre académicien tombant comme frappé de la foudre à la lecture du vingt-neuvième bulletin de la grande armée. Par une rare exception, cette effrayante apoplexie ne porta pas une atteinte profonde aux facultés morales et intellectuelles de notre confrère. Les cent-jours le retrouvèrent encore plein de vivacité et d’ardeur. L'empereur se montrait très-irrité contre certains person- nages qui lui semblaient avoir trop promptement, trop com- plétement oublié, pendant la première restauration, les de- T. XXIV. q CXXX BIOGRAPHIE voirs de la reconnaissance. Monge devint leur avocat. Il fit plus, Messieurs; plusieurs fois notre confrère viola les consi- gnes formelles du palais des Tuileries, jeta résolûment sur les pas de Napoléon des savants, des hommes de lettres en défa- veur, et arriva ainsi à des rapprochements inespérés. Pendant les cent-jours on remarqua que Monge assistait régulièrement à toutes les revues du Carrousel. Arrivé le premier, il ne quittait la place qu'après le défilé. C'est ridi- cule, disaient les uns; c’est triste, s’écriaient les autres avec une feinte pitié. Serait-il donc vrai, Messieurs, que l'amour de la patrie, dans ses exagérations, si en pareille matière l’exagération était possible, düt cesser d’exciter le respect? Non, non! dans cette enceinte, j'ose l’affirmer, de vives, d’honorables sympathies auraient été acquises à l'homme illustre, au vieil- lard septuagénaire qui, se défiant des rapports des jour- naux, cherchait, en s'imposant de grandes fatigues, à s’assu- rer par ses propres yeux que l’armée française improvisée serait, je ne dis pas assez vaillante, mais assez nombreuse pour résister au choc de l'Europe. Monge était préparé par ses revues du Carrousel à la catas- trophe de Waterloo. J'avais, disait-il, acquis la certitude que pour exciter la confiance de la capitale, les mêmes troupes paradaient plusieurs fois sous des dénominations différen- tes. Monge se faisait illusion, sans doute, mais son erreur était excusable : n’avait-il pas vu, après la campagne de Sy- rie, le retour de notre petite armée au Caire transformé en une marche triomphale, dans laquelle, par ordre, chaque soldat s'était couvert de palmes? Des évolutions de toute nature, très-habilement combinées, n’eurent-elles pas pour DE GASPARD MONGE. CXXXI but et pour effet de tromper la population égyptienne sur la force de l’armée française ? Quoi qu’il en puisse être, Monge fut plus assidu encore auprès du général trahi par la fortune qu’il ne l’avait été auprès du vainqueur de Marengo, d’Austerlitz, d'Iéna, de Friedland, aux époques de sa toute-puissance. Les palais de l'Élysée et de la Malmaison, alors presque complétement dé- serts, recurent le grand géomètre matin et soir. Que ne m'est-il permis, Messieurs, de citer ici par leurs noms des personnages qui, entièrement privés, sans doute, du sens moral, croyaient simplement faire preuve d’une gaieté spirituelle en présentant des devoirs assidus rendus au malheur comme une preuve irrécusable d’affaiblissement dans les facultés intellectuelles ? Le vaincu de Waterloo habitait l'Élysée. Dans un de ses entretiens intimes avec Monge, Napoléon développa les pro- jets qu'il avait en vue. L'Amérique était alors son point de mire; il croyait pouvoir s’y rendre sans difficulté, sans obstacle, et y vivre librement. Le désœuvrement, disait-il, serait pour moi la plus cruelle des tortures. Condamné à ne plus commander des armées, je ne vois que les sciences qui puissent s'emparer fortement de mon âme et de mon esprit. Apprendre ce que les autres ont fait ne saurait me suffire. Je veux, dans cette nouvelle carrière, laisser des travaux, des découvertes dignes de moi. Il me faut un compagnon qui me mette d’abord et rapidement au courant de l’état actuel des sciences. Ensuite, nous parcourrons ensemble le nou- veau continent, depuis le Canada jusqu’au cap Horn, et dans cet immense voyage nous étudierons tous les grands phénomènes de la physique du globe, sur lesquels le monde q- CXXXII BIOGRAPHIE savant ne s’est pas encore prononcé. Monge, transporté d’en- thousiasme, s’écria : Sire, votre collaborateur est tout trouvé : je vous accompagne! Napoléon remercia son ami avec effu- sion ; il lui fit comprendre, non sans peine, qu'un septuagé- naire ne pouvait guère se lancer dans une entreprise si pé- nible, si fatigante. On s’adressa alors à un savant beaucoup plus jeune. Monge exposait à son confrère, sous les plus vives couleurs, tout ce que la proposition avait de glorieux par son objet, et plus encore à cause de la position du personnage illustre au nom duquel elle était faite. Une somme considérable devait dé- dommager le jeune académicien de la perte de ses places ; une autre forte somme était déjà destinée à l’achat d’une collection complète d'instruments d'astronomie, de physique, de météorologie. La négociation n’eut point de résultat. Elle avait lieu dans un moment où l'armée anglaise et l’armée prussienne s’avançaient à marches forcées sur la capitale, Or, le confrère de Monge s’imaginait à tort ou à raison que Napoléon avait commis une immense faute en venant à Paris s'occuper des motions oiseuses, intempestives de la chambre des représentants, au lieu de rester à la tête des troupes pour les rallier et faire, sous les murs de Paris, un dernier et solennel effort; or il déclara n’avoir pas, lui, assez de liberté pour s'occuper du cap Horn, des Cordillères, de tempéra- tures, de pressions barométriques, de géographie physique dans un moment où la France allait peut-être perdre son indépendance et disparaître de la carte de l’Europe. Jamais l'amour de Monge pour Napoléon ne s'était mon- tré plus à nu. Le refus catégorique d'accompagner l’'empe- reur en Amérique, de devenir collaborateur d’un si grand DE GASPARD MONGE. CXXXIII homme dans des recherches scientifiques variées frappa l'il- lustre géomètre de stupeur. Jamais il n’aurait placé d’avance une telle résolution dans le cercle des possibilités; il la re- garda comme l'effet d’une aberration momentanée dans l’in- telligence de son jeune confrère et alla demander de nouveau à partir. Dans l'intervalle, les événements avaient rapide- ment marché; les pensées étaient tournées sur d’autres com- binaisons. Le projet aurait d’ailleurs été s’ensevelir dans les flancs du vaisseau le Northumberland. Seconde restauration. Examen des diatribes dont le savant illustre fut l’objet. Peu de jours après la seconde restauration, Monge alla rendre visite à Guyton-Morveau, qui était très-gravement malade. Le célèbre chimiste reconnut son confrère, et lui dit d’une voix défaillante : « Je n’ai que peu de moments à vi- « vre. Ma mort d’ailleurs arrivera bien à propos. Je leur épar- « gnerai le soin de me trancher la tête. » Les derniers accents d’un mourant ont quelque chose de solennel, qui agit fortement, même sur les esprits les moins enclins à la superstition. Les funèbres paroles de Guyton re- venaient sans cesse à l'esprit de Monge, et, quoiqu’aux yeux de la raison sa position politique füt entièrement différente de celle d’un conventionnel qui avait figuré parmi les juges de Louis XVI, il ne s’en croyait pas moins menacé du dan- ger dont le célèbre chimiste l’entretenait à son heure suprême. Cette préoccupation n’ayant pu être vaincue, il fallut que la famille de Monge se décidât à chercher une retraite où l'illus- tre vieillard serait exempt d'inquiétude, et que, s'imposant, CXXXIV BIOGRAPHIE encore une fois, la plus douloureuse privation, elle se sépa- rât momentanément de l’homme, objet de toute sa tendresse, qui faisait à la fois son bonheur et son Juste orgueil. Monge se réfugia d’abord chez madame Ybert, rue Saint- Jacques. Les femmes, pendant les phases diverses de notre longue ré- volution,onttoujours mis plusd'empressement queles hommes à accueillir les proscrits. Je ne sais si la remarque est nou- velle ; en tout cas, je puis espérer qu'une fraction, au moins, de cette assemblée me pardonnera de l'avoir reproduite, En sortant de chez madame Ybert, Monge fit à un de ses anciens élèves l'honneur de se réfugier chez lui. Un peu plus tranquille dans cette seconde retraite, notre confrère y re- prit ses études favorites de géométrie analytique. C'est là que se manifesta un phénomène psychologique assez étrange pour mériter qu'on en conserve le souvenir. Monge venait de se livrer avec succès à des combinaisons très-compliquées sur le calcul aux différences partielles. Un pas encore, et le plus difficile problème était résolu. Ce pas, Monge ne parvint pas à le faire tout seul; ce pas n'était ce- pendant que la recherche des deux racines d’une équation algébrique du second degré, question qu'on ne propose guère, tant elle est simple, même dans les examens des élèves de première année de mathématiques. Il se passera bien du temps, je le crains, avant que l’étude des propriétés de l’encéphale permette de pénétrer ces mys- tères de l'intelligence. Napoléon était enchaîné au milieu de l'océan africain sur DE GASPARD MONGE. CXXXV une pointe de rocher volcanique et aride. Monge, rentré dans sa famille, mais à jamais séparé de son immortel ami, n'avait plus devant lui que quelques années d’une vie mélancoli- que. Désormais, la voix de l’illustre mathématicien, faible ou sans écho, ne devait plus avoir le privilége de faire des- cendre les faveurs d’un grand monarque sur le mérite mé- connu, sur d’honorables pauvretés. Tel fut le moment que des folliculaires choisirent pour soumettre la vie politique, scientifique et privée du fondateur de l'École polytechnique à des examens passionnés et de mauvaise foi. Ces examens, disons mieux, ces réquisitoires étaient les si- gnes avant-coureurs de l'orage qui allait éclater sur la tête du célèbre académicien. J'ai reconnu avec douleur qu'il en reste encore aujourd’hui des traces, et que le devoir me commande d'essayer de les effacer. Nous avons déjà soumis les actes politiques de Monge à une discussion scrupuleuse. Je puis donc, sans autre transi- tion, passer aux accusations dirigées contre le savant et l'homme privé. Les ennemis implacables de notre confrère essayèrent d’a- bord de le dépouiller de ses titres de gloire les plus éclatants, les mieux constatés. Ils allèrent jusqu’à nier effrontément que Monge füt le fon- dateur de l’École polytechnique. Vous savez ce que valait une pareille dénégation. Je dois supposer que les folliculaires eux-mêmes n’en at- tendaient pas un très-grand effet, car leurs principales atta- ques portèrent sur le mérite réel de notre École. A les en croire, elle n’aurait joui, en F rance, en Europe, dans le_ monde, que d’une réputation usurpée. L'institution où, de- CXXXVI BIOGRAPHIE puis un demi-siècle, se recrutent les armes savantes, les ponts et chaussées, les mines, les constructions navales et même l’Institut ne posséderait aucun des mérites qu'on s’est complu à lui attribuer. Je croirais vous faire injure en m'’arrêtant à réfuter de telles hérésies. Cependant, puisqu'elles ont été en partie reproduites, dans une occasion solennelle, par des personnages fort en crédit, permettez que je consigne ici le jugement que portait déjà sur l’école, dès l’année 1799, un savant immortel à qui personne n’a jamais reproché de pro- diguer ses éloges. Le jour où il résigna, à cause de sa faible santé, ses fonc- tions de professeur d'analyse transcendante, Lagrange écri- vit au conseil de perfectionnement une lettre qui se termi- nait en ces termes : « Recevez les assurances de l'intérêt que « je conserveraitoujours pour un établissement que je regarde « comme un des plus beaux ornements de la république. » Les déclamations passionnées et aveugles de quelques in- dividus sans compétence ne feront pas descendre l'École polytechnique du rang élevé que, dès l'origine, lui assigna l’auteur de la mécanique analytique. Monge n'était, au dire de ses zoiles, qu'un homme sans lettres, n'ayant aucun sentiment du beau et du bon en ma- tière de littérature; sachant à peine distinguer Jes vers de la prose. Autant de mots, autant d'erreurs. Monge, absorbé par des travaux géométriques, n'avait guère le temps de chercher des distractions dans la lecture. La Bible, Homère, les Commentaires de César, Plutarque, Corneille, Racine et les Noëls , en langue bourguignone, de Lamonnaie étaient ses ouvrages de prédilection. Vous le voyez, on aurait pu choisir plus mal. DE GASPARD MONGE. CXXX VII J'avoue, car je ne veux rien dissimuler, qu’il n’appréciait pas, qu'il n’aimait pas La Fontaine! On pouvait très-légiti- mement s'étonner de cette singularité; je concevrais même qu'on eût voulu s’en faire une arme pour empêcher l'illus- tre géomètre d’être admis à l’Académie française, si jamais il avait songé à l'honneur delui appartenir. Aller plusloin, c'était tomber dans l’exagération et le ridicule. Ne pourrais-je pas, si uneindiscrétion m'était permise, citer un poëte contemporain très-aimé du public qui, lui aussi, chose singulière, décrie à toute occasion les petits vers du bonhomme, et déclare ne leur trouver aucun mérite? — Mais j'aime mieux chercher des exemples de semblables bizarreries chez des auteurs an- ciens. Boileau ne méconnut-il pas le mérite éminent de son contemporain Quinault ? Qui ignore qu’un des plus élégants écrivains du siècle de Louis XIV, Malebranche, déclarait « que jamais il ne put lire dix vers de suite sans dégoût. » Monge aimait les vers; il n'avait d’antipathie que pour ceux de l’immortel fabuliste. Plaignons-le, car il fut privé d’un des plaisirs les plus grands et les plus profitables qu’on puisse trouver , à tout âge, dans la lecture des poëtes; hâtons-nous ensuite d'ajouter que, nonobstant ce manque extraordinaire de goût sur un point de littérature spécial et circonscrit, la géométrie descriptive, le traité de météorologie et la plu- part des mémoires de Monge seront toujours cités comme des modèles dans l’art d'écrire sur des matières scienti- fiques. Fermement résolus à dénier à notre confrère tous les gen- res de mérite, même ceux dont la postérité prend d’ordi- naire très-peu de souci , les biographes réacteurs et haineux dont j'examine l’œuvre mensongère s'attaquèrent avec amer- TACXIV. r CXXXVIII BIOGRAPHIE tume, pour ainsi parler, aux manières, aux allures corpo- relles de Monge; aux formes, aux habitudes de sa conversa- tion. Dans cette petite section de leur grande croisade, ils eurent pour auxiliaire madame Roland. Cette femme célèbre avait fait quelques portraits fort res- semblants, pétillants d'esprit et de finesse ; elle échoua com- plétement en voulant peindre Monge. — Son prétendu por- trait de notre confrère était une caricature aux contours grossiers, couverte de couleurs fausses, heurtées, blessant les vues les moins délicates. La compagne du ministre Ro- land, du personnage de France le plus solennel, le plus com- passé, le plus roide dans ses manières, devait manquer des qualités indispensables pour bien apprécier la bonhomie, la naiveté de Monge. Si la haine avait jamais raisonné, aurait-elle pris au sé- rieux une diatribe où Monge (oserai-je vraiment l'écrire?) était représenté comme unesprit épais et borné ; où les termes pasquin, singe, ours et tailleur de pierre (ces trois derniers mots pris pour une injure) se trouvent groupés de telle manière que l’esprit se refuse à y voir l’œuvre d’une femme. Monge ne possédait peut-être pas à un degré éminent les manières élégantes que donne l'usage du grand monde; mais il avait, ce qui vaut infiniment mieux, une politesse sans af- fectation et sincère : la politesse qui vient du cœur. Je suis loin de penser que sur des questions politiques Monge rivalisät, dans les salons du girondin Roland, avecles Guadet, les Gensonné, les Vergniaud ; mais j'ose dire que personne ne traitait un point de science d’une manière plus claire, plus pittoresque, plus attachante. Le témoignage de deux mille élèves de l'École polytechni- DE GASPARD MONGE. CXXXIX que ; celui des membres de l’ancienne Académie des scien- ces, de la première classe de l’Institut de France, de l'Institut d'Égypte tout entier; le témoignage, enfin, de Napoléon, sont, je pense, plus décisifs en pareille matière, que les décisions irréfléchies et sans convenance de madame Roland. Vous avez remarqué, Messieurs, combien jusqu'ici il m'a été facile de renverser l’échafaudage de critiques que les en- nemis de Monge s'étaient complu à édifier. J'arrive à deux points sur lesquels mon succès, je le crains, sera moins com- plet. Si j'écrivais ce qu’on est convenu d'appeler un éloge académique, je pourrais me jeter ici dans des considérations générales et vagues, formant, suivant l'usage, une sorte de voile à travers lequel les difficultés de mon sujet seraient fai- blement aperçues, ou disparaîtraient entièrement. Un biogra- phe n’a pas ces facilités, s’il est consciencieux ; tout ce qu'il articule doit être clair, net, précis, vrai, et ne jamais servir, malgré un adage célèbre, à déguiser la pensée. J’'aborde donc, sans ambages d'aucune sorte, les deux reproches les plus spécieux qu'on ait voulu faire peser sur la mémoire de notre confrère. Au début de sa vie politique, Monge applaudit avec un en- thousiasme qui fut remarqué à l'abolition des titres nobi- liaires. En 1804, Monge devint le comte de Péluze; à partir de la même époque, il eut sur les panneaux de sa voiture des armoiries d’or, au palmier de sinople, terrasse de méme, au franc quartier de comte sénateur ; bien entendu que co- piant littéralement la formule, et étant fort peu expert en blason, j'ai pu commettre ici des erreurs considérables, pour lesquelles, s’il y a lieu, je m'excuse d'avance. CxL BIOGRAPHIE Où faut-il chercher la cause de l’anomalie que je viens de signaler? Devons-nous supposer que les opinions de notre confrère avaient éprouvé, en très-peu d'années, une complète transformation ; que cette même noblesse, qu'il qualifiait,en 1789, d'institution vermoulue, était à ses yeux, quinze ans après, un élément indispensable dans l’organisation politique d’un grand royaume ? Je repousse l'explication, car je ne la crois pas fondée. No- tre confrère devint le comte de Péluze, tout en conservant les sentiments intimes du citoyen Monge. Il me serait facile, personne nel’ignore, de puiser une mul- titude de faits analogues dans l’histoire ancienne, et, plus en- core, dans l'histoire de notre époque. Permettez que je m'en abstienne : ce n'est pas ainsi qu’un homme de génie peut être justifié quand il a failli. Ceux qui marchent à la tête des siè- cles par les travaux de l’esprit doivent aussi se distinguer de la foule par leurs actes. Considérant les choses en elles-mèmes, j'ai toujours re- gretté, Je l'avouerai, de trouver entre le début et la fin de la magnifique carrière de notre confrère, un manque d’har- monie qui exigera toujours des commentaires, des explica- tions. L'histoire scientifique aurait, ce me semble, fourni au savant géomètre des motifs péremptoires pour décliner les honneurs dont on voulait le combler. Je me persuade d’ail- leurs que Napoléon, admirateur si net, si franc, des savants du premier ordre, eût trouvé naturel que Monge lui tint ce langage : « Les géomètres sur la trace desquels je me suis efforcé de « marcher, Euler, d'Alembert, Lagrange, ont acquis une « gloire immortelle, sans avoir recherché, sans avoir obtenu DE GASPARD MONGE. CXLI « des titres nobiliaires. La découverte mémorable de la cause « physique du changement d’obliquité de l’écliptique, de la « précession des équinoxes, de la libration de la lune, ces « grandes énigmes de l’ancienne astronomie, ne gagneraient « absolument rien à être signées d’un marquis d’Euler, d’un « comte d’Alembert, d'un baron de Lagrange. Il en sera de « même de mes travaux; leur valeur restera indépendante de « la place que vous pourrez m'assigner dans la hiérarchie « sociale de votre empire. « Sire, il n’est nullement nécessaire, pour envisager les « choses ainsi, d’avoir yu de près une grande révolution, soit « comme acteur, soit comme simple témoin ; de’se trouver « sous la domination tyrannique d’une imagination vive et « d'une âme ardente. Voyez Fontenelle : l'académie de Rouen « lui donne, en 1744, un témoignage d'estime. Dans sa lettre « de remerciments, le philosophe, perpétuellement cité « comme un modèle de réserve, de calme, de modération, « s'exprime en ces termes : « De tous les titres de ce monde, je n’en ai jamais eu que « d’une espèce : des titres d'académicien, et ils n'ont été pro- «.fanés par aucun mélange d’autres plus mondains et plus « fastueux. » Haller semble prendre les choses moins au sérieux ; cepen- dant le motif qu'il allègue pour ne pas se parer du titre de baron, dont plusieurs princes d'Allemagne l'ont gratifié, est, au fond, plus dédaigneux, plus épigrammatique que la phrase un peu brutale de Fontenelle : « Je ne suis pas assez modeste « pour supposer que personne ne s'occupera de mes travaux ; « je dois donc songer à épargner quelques fatigues à ceux « qui me citeront verbalement ou par écrit : or, il leur sera CXLII BIOGRAPHIE « plus commode d'écrire ou de dire Haller tout court que le « baron de Haller! » Si l'entretien du savant géomètre avec Napoléon s'était prolongé jusque-là, ce dont quelques personnes douteront peut-être, notre confrère eût sans doute ajouté à ses objections sur le titre de comte, donné à un homme d’études, des remar- ques encore plus sérieuses, concernant la substitution du nom d'une des embouchures du Nil à celui de Monge. Il aurait pu observer que dans la carrière des sciences, des lettres, le public, résistant avec opiniätreté aux fantaisies des princes, avait tres-rarement sanctionné de pareils changements de nom; que, par exemple, les érudits eux-mêmes savent à peine aujourd’hui que, suivant décision royale de Jacques I°, Bacon s'appela quelque temps le vicomte de Saint-Alban. L'illustre géomètre aurait pu assurer qu’un jour viendrait où les bibliothécaires ignoreraient s’ils avaient sur leurs tablet- tes la géométrie descriptive du comte de Péluze. Je n'ai pas hésité à me rendre ainsi l'interprète des pensées de Monge sur la valeur réelle de la distinction honorifique dont il fut l’objet; ces pensées étaient souvent le texte de ses épanchements intimes: alors, notre confrère parlait du titre dont il était revêtu avec une liberté d'esprit, avec une verve de critique que j'ai cru devoir tempérer. I faisait remarquer surtout que sa nomination n'avait pas été un acte indivi- duel; que, sans exception aucune, tous les sénateurs de la pre- mière formation furent créés comtes par un seul et même décret du 1‘ mars 1808. Au reste, ajoutait-il avec une grande franchise, je suis tellement sous le charme pour tout ce qui émane du grand Napoléon, que je n'ai jamais la force de résis- ter à ses désirs, DE GASPARD MONGE. CXLIII Voici le grief principal, le grief foudroyant; celui, a-t-on dit, devant lequel les confrères, les amis de Monge auront éter- nellement à courber la tête : Un jour, le corps diplomatique, entrant inopmément dans le salon de réception de l’empereur, vit Monge étendu sur le tapis, près d’une fenêtre jouant avec le roi de Rome. Les am- bassadeurs, les ministres plénipotentiaires, les envoyés à tous les degrés de la hiérarchie se montrèrent, ils l’assuraient eux-mêmes, douloureusement affligés de cette dégradation d’un savant. Le spectacle que ces graves personnages avaient sous les yeux leur navra le cœur. Le lendemain, tout Paris connaissait la nouvelle ; le lende- main, chacun déplorait qu’un homme de génie se fût suicidé moralement. Je n'ai pas cherché à affaiblir le reproche; je l'ai repro- duit dans toute sa crudité. Dois-je maintenant, suivant la prédiction, me contenter de courber la tête ? Nullement, Messieurs, nullement! Un mot d'explication, et toute cette fantasmagorie de dignité aura disparu. Monge aimait les enfants avec passion ; il prenait un plai- sir tout particulier à s'associer à leurs divertissements, quels qu'ils fussent ; je l’ai vu, par exemple, à soixante-cinq ans, jouer (je ne recule devant aucune expression quand il s'agit de disculper un confrère), je l’ai vu jouer à colin-maillard avec les jeunes fils d’un académicien qui n'avait, lui, ni cré- dit ni influence d’aucune nature. Ces détails n'étaient cer- tainement pas connus du public, ni même de MM. les ambas- sadeurs, si susceptibles en fait de dignité; sans cela, se serait-on étonné que Monge jouât aussi avec le fils du meilleur et du plus illustre de ses amis! CXLIV BIOGRAPHIE Le prisonnier de Sainte-Hélène faisait un jour, devant son entourage, le dénombrement des principaux personnages de la république et de l'empire avec lesquels il avait eu des re- lations intimes. Quand le tour de notre confrère arriva, Na- poléon , sans chercher à déguiser son émotion, prononça ces paroles : « Monge m'aimait comme on aime une maîtresse. » Fadmets l'assimilation , si l’on accorde qu’en toutes circons- tances la maîtresse, pour ne pas perdre cette tendre affec- tion, poussait les prévenances jusqu'à la coquetterie. Les traits de coquetterie de Napoléon envers Monge sont très-nombreux. J'en citerai quelques-uns, pris parmi les plus frappants. J'espère qu'ils affaibliront l'impression défavora- ble que beaucoup de personnes ont éprouvée en entendant dire, sur tous les tons : Monge avait pour Napoléon un engouement invincible, un enthousiasme poussé jusqu'à l'a- veuglement, une adoration qui tenait de l'ivresse. Peu de temps avant de quitter Paris pour se rendre à Toulon, le 2 avril 1798, le général Bonaparte écrivait à notre confrère : « Mon cher Monge, je compte sur vous, « dussé-je remonter le Tibre avec l’escadre pour vous pren- LCA dre! » Vous le savez déjà, Messieurs, la flottille du Nil, com- mandée par le chef de division Perrée, aurait probablement éprouvé une défaite, près de Chebreys, si le général Bona- parte ne fût accouru, pour mettre fin à la fusillade de la nuée d'Arabes, de Fellahs et de Mamelouks qui couvraient les deux rives du fleuve. Le général, en se jetant dans les bras de Monge, qui venait de débarquer, lui adressa des pa- roles que l’histoire doit enregistrer : « Vous êtes cause, mon « cher ami, que j'ai manqué mon combat de Chebreys. C'est DE GASPARD MONGE. CXLV « pour vous sauver que j'ai précipité mon mouvement de « gauche vers le Nil, avant que ma droite eût tourné suffi- « samment le village, d’où aucun Mamelouk , sans cela, ne « se serait échappé! » J'ai vainement cherché dans mes souvenirs un témoignage d'amitié qui pût être mis en parallèle avec celui que je viens de rapporter. Personne ne me contredira: en manquant vo- lontairement un combat pour sauver Monge, le général Bona- parte fit à son ami le plus grand de tous les sacrifices. Bonaparte manqua, en Égypte, son combat de Chebreys, pour ne pas laisser tomber la tête de Monge sous le yatagan des Arabes ; à Paris, dans l'intérêt de notre confrère, il com- mit une indiscrétion qui aurait pu amener l’insuccès du coup d’État de Saint-Cloud. « Engagez vos deux gendres à ne pas aller aux cinq-cents, disait Bonaparte à Monge, la veille du 18 brumaire ; demain nous tenterons une opération qui pourra bien se terminer par un combat; il y aura peut- être du sang répandu. » Le moyen le plus assuré de conquérir l'affection et la re- connaissance d’un homme de cœur, c’est d’être favorable à ses amis; Napoléon ne le méconnut pas : il accueillait les de- mandes que Monge lui adressait pour des savants dans l’ad- versité, avec un grand empressement. Souvent la concession d’une faveur était entourée de for- mes qui en doublaient le prix. Vous avez, plusieurs fois, voulu me faire de riches ca- deaux , dit un jour Monge à l'empereur; je ne l’ai pas oublié, mais vous vous souviendrez aussi que je n’ai jamais accepté. Aujourd’hui, au contraire, je viens vous demander , sans hé- siter, une forte somme. — Cela m'étonne, Monge; parlez, je "XXE. s CXLVI BIOGRAPHIE vous écoute. — Berthollet est dans l'embarras; lui qui cal- cule si bien quand il s’agit d'analyses chimiques, s'est jeté dans des constructions de machines, de laboratoires; dans de grandes dépenses relatives à des jardins destinés à des expériences; ses prévisions ont été dépassées. Mon ami doit cent mille francs. — Je ne veux pas vous priver du plaisir de les lui offrir; vous recevrez demain un bon de cent mille francs sur ma cassette. Dans la nuit, Napoléon changea d'avis; au lieu d’un bon, il en envoya deux: cent mille francs étaient destinés à Ber- thollet, et cent mille francs à Monge. Cette fois le géomètre ne fut pas libre de refuser ; les ter- mes de la lettre d'envoi n’en laissaient pas la possibilité. L’an- cien général de l’armée d'Orient ne voulait pas consentir à créer une différence entre les deux moitiés du savant Monge- Berthollet que les soldats avaient si singulièrement réunies en Égypte. Monge, dit un jour Napoléon à notre confrère, je désire que vous deveniez mon voisin à Saint-Cloud. Votre notaire trouvera facilement dans les environs une campagne de deux cent mille francs ; je me chargerai de la payer. L’illustre géomètre ne voulut pas accepter cette offre dans un moment, dit-il à son ami, où le public, à tort ou à raison, s’imagine que les finances du pays sont obérées. C'est à ce refus que Monge faisait particulièrement allusion, en parlant à l’empereur de la position difficile de Ber- thollet. Assailli sans cesse par une multitude de mendiants dorés, Napoléon ne pouvait manquer de voir avec satisfaction ceux qui l’aimaient pour lui-même, sans aucune pensée d'intérêt DE GASPARD MONGE. CXLVII personnel. Monge, s’écria-t-il un he avec malice au milieu d’un groupe de solliciteurs, vous n’avez donc pas de neveux ; je ne vous en entends jamais parler ? Un poëte célèbre avait dit : « L'amitié d’un grand homme est un bienfait des dieux ! » Monge était de ce sentiment; l'amitié de Napoléon, cette amitié vive, active, persévérante ; cette amitié qui, remontait à 1794, se développa en Égypte et grandit encore sous l’em- pire; cette amitié qui resta immuable quand tout changeait chez les hommes et dans les institutions; cette amitié d’un héros inonda le cœur de notre confrère de satisfaction, de Joie, de reconnaissance. Îl n’est pas rare d'entendre des personnes s’écrier: J'aurais su résister, moi, à toutes les séductions du général, du con- su], de l’empereur. On en rencontre peu qui puissent dire : J'ai résisté. L'épreuve, par le plus malheureux des hasards, n’aurait-elle été faite que sur des caractères cupides, vani- teux, sans noblesse, sans fermeté ? Je pourrais, en citant des noms propres, montrer combien on s'égarerait en s'obstinant à envisager les choses de ce point de vue; mais je veux écarter du débat toutes les sus- ceptibilités contemporaines. Je me bornerai à un seul fait, emprunté à une époque éloignée. Qui ne connaît les solitaires de Port-Royal? Un d’entre eux, célèbre par les qualités de l'esprit, la droiture et la fermeté du caractère et une incorruptibilité à toute épreuve, est mandé à Versailles. Louis XIV lui parle pen- dant quelques minutes avec affabilité. 11 n’en fallut pas da- ss CXLVIII BIOGRAPHIE davantage. Le bonhomme, comme l’appelait madame de Sé- vigné, sortit de l'entretien tellement charmé, tellement séduit, qu'on l’entendait se dire à chaque instant: « /{ faut s’hu- « milier, il faut s humilier ! » Je recommande ces paroles d’Ærnaud d’'Andilly à ceux qui parlent avec tant de sévérité de la faiblesse de Monge et du superbe dédain que les prévenances de Napoléon leur eussent inspiré. Monge rayé de la liste des membres de l’Académie des sciences. — Sa mort. — Ses obsèques. Pendant la première restauration, le gouvernement voulut (c'était le terme sacramentel) épurer l’Institut. La première classe (l'Académie des sciences) perdait trois de ses mem- bres : Monge, Carnot, Guyton-Morveau. L’ordonnance était rendue ; elle allait paraître; mais le ministère apprit que l'Académie refuserait certainement de procéder au rempla- cement des trois membres exclus. On en était déjà arrivé à des menaces violentes contre l’académicien qui, par lé pri- vilége de la jeunesse, avait dû prendre l'initiative de la résistance aux aveugles rancunes du pouvoir, lorsque Napo- léon débarqua à Cannes. Après les cent-jours, le ministère revint à son système d'épuration ; mais il s'y prit d’une autre manière. L'Institut tout entier fut dissous et reconstitué par une ordonnance royale du 21 mars 1816, signée Vaublanc. D'après cette nouvelle organisation, Monge et Carnot cessaient d’appartenir à la section de mécanique, et étaient remplacés par deux académiciens nommés d'autorité. Ainsi, après trente-trois DE GASPARD MONGE. CXLIX ans d’exercice, notre confrère se trouva brutalement exclu d’un corps où il brillait aux premiers rangs. En dehors du cercle de sa famille, notre confrère avait concentré ses plus vives affections sur Napoléon, sur l’École polytechnique, sur l’Académie des sciences. Napoléon subis- sait à Sainte-Hélène la plus humiliante des tortures pour un homme de génie : il se trouvait placé sous la dépendance de la médiocrité tracassière, envieuse et jalouse. L'École polytech- nique était licenciée; le nom illustre de l’auteur de la Géo- métrie descriptive ne figurait plus parmi ceux des membres de l’Institut. Quelle source d’amères, de poignantes réflexions! Monge n’y résista pas : à la noble et belle intelligence dont l’Europe tout entière avait admiré l'éclat succédèrent d’é- paisses ténèbres. Monge n’était pas, mème dans le cercle restreint des mem- bres de l’Académie des sciences, le premier homme supe- rieur chez qui la vie matérielle eût continué après la perte totale des facultés intellectuelles. Huygens avait éprouvé ce mystérieux accident pendant son séjour en France; quelque temps après il se rétablit, et montra de nouveau toute la puissance, toute la fécondité d’un beau génie. Ces souvenirs entretenaient une lueur d'espérance parmi les amis de Monge. Ils se rattachaient avec bonheur à la pensée qu’un intervalle de quelques mois pourrait faire succéder la lumière aux té- nèbres; que dans le monde des idées, comme dans le monde physique, la léthargie n’est pas la mort. Un des amis de notre confrère rappela qu’en des circons- tances semblables on était parvenu à provoquer, chez divers malades, un réveil intellectuel de quelques instants, en fai- sant seulement retentir à leurs oreilles les paroles, les ques- CL BIOGRAPHIE tions qui les avaient le plus occupés, le plus charmés lorsqu'ils jouissaient de la plénitude de leurs facultés. Il raconta, entre autres traits singuliers, celui de l’académicien Lagny. Ce mathématicien était tombé dans un tel état d’insensibilité que depuis plusieurs jours on n’avait pas réussi à lui arra- cher une syllabe; mais quelqu'un lui ayant demandé : Quel est le carré de 12? en obtint, sur-le-champ, la réponse: Cent quarante-quatre. Il était naturel que ce souvenir académique suggérât aux amis de Monge la pensée d’une expérience analogue, et qu'ils espérassent s’éclairer ainsi sur la véritable nature des affec- tions encéphaliques dont l'illustre géomètre ressentait si déplorablement les effets. D'une voix unanime on convint que rien au monde, dans le vaste champ de la science ou de la politique, ne conduirait à un résultat plus décisif que l'hymne patriotique de la Marseillaise. La Marseillaise laissa Monge complétement impassible ; la Marseillaise ne fit éprouver aucune émotion visible au com- mensal du général Bonaparte à Passeriano, au commissaire organisateur de la république romaine. De ce moment la maladie fut jugée incurable; la famille, les amis de notre confrère n’eurent plus d’autre perspective qu’une doulou- reuse résignation. Monge mourut le 28 juillet 1818. Aussitôt que ce triste événement fut connu, les élèves de l'Ecole polytechnique sollicitèrent, d’une voix unanime et à titre de faveur insigne, la permission d'accompagner jusqu’à leur dernière demeure les restes inanimés de l’homme éminent que la France venait de perdre. L'autorité repoussa brutalement cette prière. Elle s'obstina à qualifier d’intrigue politique une démarche où, DE GASPARD MONGE. CLI en se dépouillant de toute prévention, on n’aurait vraiment trouvé que la manifestation honorable d’un sentiment filial. I m'est pénible de l'avouer, d'anciens élèves de Monge eurent la faiblesse de croire que, dans ses préoccupations, l'autorité avait pensé à eux, et qu'un ministre restait dans la limite de ses pouvoirs en interdisant à des citoyens de se montrer reconnaissants. Heureusement, Messieurs, un grand nombre de savants, d'hommes de lettres, de vieux militaires, d’arti- sans, comprirent tout autrement leurs droits et leurs devoirs. Grâce à eux, des cendres illustres reçurent un hommage public et solennel. Deux membres de cette Académie, MM. Huzard et Bosc, se signalèrent, entre tous, dans cette circonstance : ils feignirent d'oublier que Monge avait été destitué, qu’il n’était plus leur confrère, et se joignirent au cortége en costume de membre de l’Institut. Cette protesta- tion significative, quoique muette, contre une mesure odieuse, fit, dans le moment, une vive sensation. Me serais-je trompé en me figurant que l'acte de courage des deux membres de la section d'agriculture pouvait être l’objet d’un respectueux souvenir? Tout ce qui honore les lettres doit, ce me semble, trouver place dans nos fastes. Berthollet prononcça sur la tombe encore entr'ouverte de son vieil ami un discours qui mettait noblement en relief les mérites transcendants de l’académicien et du professeur, les services rendus au pays par le citoyen. Le lendemain, jour de sortie à l'École polytechnique, les élèves, bravant les colères ministérielles, se rendirent en corps au cimetière du Père Lachaise. Ils adressèrent un dernier, un touchant adieu à leur ancien professeur, et déposèrent res- pectueusement des couronnes sur sa tombe. Cette manifesta- CLII BIOGRAPHIE tion n'étonna personne : en France, la jeunesse s'est toujours distinguée par la noblesse et l'élévation des sentiments. Voulez- vous la trouver docile, ne lui commandez aucun acte qui blesse le sens moral. Je veux était assurément une formule très- commode, mais elle a fait son temps. L'autorité ne possédera le prestige dont il est si désirable, dans l'intérêt de tous, qu’elle soit environnée qu'à la condition de prendre invaria- blement pour guide les paroles que Monge,au camp de Bou- logne, entendit sortir de la bouche de Napoléon, et qu'il nous à conservées : « Vous vous trompez, Messieurs, sur ma « puissance, disait le jeune souverain, au moment où la vail- « lante armée qu’il commandait allait s’élancer des rives de « l'Océan jusqu’à Austerlitz; vous vous trompez. Dans notre « siècle, on n'obtient une obéissance franche et cordiale qu’à « la pointe du raisonnement. » La mémoire de Monge, malgré les difficultés du temps, est l'objet des plus honorables témoignages de la part d'anciens élèves de l'École polytechnique. — Résumé des services rendus au pays par l'illustre géomètre. M. Brisson, ingénieur des ponts et chaussées, M. Charles Dupin, ingénieur de la marine, tous deux sortis de l'École polytechnique, tous deux au début de leur carrière, tous deux amovibles, n’hésitèrent pas, en 1819 et 1820, à publier des biographies de Monge, dans lesquelles on aurait vainement cherché la plus légère concession aux passions haïneuses qui, à ces tristes époques, poursuivaient encore la mémoire de l’illustre géomètre. Des compositions si bien senties, si sa- DE GASPARD MONGE. CLIIL vantes, ne me laissant plus qu'à glaner, je pouvais me croire affranchi du devoir que nos usages imposent aux secrétaires Perpétuels; mais je n’ai pas su résister à un désir de la respec- table compagne de Monge; les paroles d’une femme deman- dant, après un laps de trente années, que les mérites éclatants de son mari fussent proclamés dans le lieu même d’où il avait été brutalement exilé, victime de haines politiques à la fois mesquines et odieuses; les paroles, entremélées de sanglots, d’une centenaire réclamant une sorte de réparation solennelle pour l’homme de génie dont elle avait noblement partagé la bonne et la mauvaise fortune, ne laissaient aucune place aux calculs, aux préoccupations de l’'amour-propre. N'oublions pas de rappeler que, dans le cours de l’année 1818, il fut ouvert une souscription destinée à élever un mo- nument à la mémoire de notre confrère, et, circonstance très- digne de remarque pour l'époque, que le signal était parti d’un régiment d'artillerie, de celui qui tenait garnison à Douai. Ce monument funéraire, ce témoignage de la recon. naissance, de la vénération d’un très-grand nombre d'élèves, avait le double caractère d'hommage et de protestation. Il était jadis visité, avec intérêt et recueillement, par les hom- mes instruits de tous les Pays qui venaient passer quelques semaines dans la capitale. Aujourd'hui, le voyageur le re- trouve à peine dans le dédale de tombeaux de dimensions colossales que l'engouement irréfléchi du publie, ou la vanité des familles, a élevés à la mémoire d'individus dont la postérité ne prendra certainement nul souci. Il est (permettez l'emploi d’un mot nouveau à qui doit parler d’une chose nouvelle), il est comme enseveli sous une multitude de réclames en T. XXIV. t CLIV BIOGRAPHIE pierre, en bronze, en marbre qui vont transformant nos prin- cipaux cimetières en bureaux d'adresses. Les amis de Monge doivent-ils beaucoup s’en affliger? Je ne le pense pas, Messieurs; la gloire de notre confrère ne saurait dépendre de la splendeur d'un mausolée, de la nature des éléments périssables qui s’y trouvent groupés ; de l’ha- bileté d’un architecte; de la célébrité d’un sculpteur. Cette gloire est établie sur des bases beaucoup moins fragiles, Le nom de Monge se présentera toujours à la mémoire des publicistes qui voudront établir que le génie, quand il est uni à la, persévérance, triomphe à la longue des en- traves qui lui sont suscitées par les préjugés. Les constructeurs de toutes les professions, les archi- tectes, les mécaniciens, les tailleurs de pierre, les charpen- tiers, soustraits désormais à des préceptes routiniers, à des méthodes sans démonstration, se rappelleront avec recon- naissance que s'ils savent, que s'ils parlent la langue de l’in- génieur, c'est Monge qui l'a créée, qui l'a rendue accessible à tout le monde, qui l'a fait pénétrer dans les plus modestes ateliers. Les méthodes employées par Monge pour trouver les équations différentielles des surfaces dont le mode de géné- ration est connu conserveront aux yeux des mathématiciens le caractère qui leur fut assigné par Lagrange, le juge le plus compétent en pareille matière ; elles resteront placées parmi les conceptions analytiques qui donnent, qui assurent l’immortalité, Monge a eu le bonheur bien rare de découvrir une des propriétés primordiales des espaces géométriques, des espaces limités par des surfaces susceptibles d’être définies DE GASPARD MONGE. CLV rigoureusement. Archimède désira qu’en mémoire de celui de ses travaux qu'il prisait le plus on gravät sur son tom- beau la sphère inscrite au cylindre. Monge aurait pu, avec non moins de raison, demander qu’une figure tracée sur sa pierre tumulaire signalàt les propriétés des lignes de cour: bure, ces propriétés si belles, si générales, dont les mathé- matiques lui sont redevables. Monge a été le fondateur de la première école du monde; d'une école très-justement appelée un principe, et que les pays étrangers nous envient; d’une école qui a rendu d’im- menses services, tant aux sciences pures qu'aux sciences appliquées, et devant laquelle, quand on l'a crue mena- cée, l'opinion publique s’est toujours placée comme un bouclier. Enfin, le rôle de Monge pendant les combats de géants qui firent triompher la république française de l’Europe coalisée et de tant d’ennemis intérieurs, plus redoutables encore, ne sera pas effacé, aux yeux de l’histoire clair- voyante et impartiale, par celui des généraux les plus renommés de cette grande époque. Il eût été certainement moins difficile, en 1793, en 1794, de précipiter nos com- patriotes désarmés contre les légions étrangères, qu'il ne le fut de leur fournir les canons, les fusils, les baïon- nettes et les sabres dont ils firent un si patriotique usage. Analysez, Messieurs, avec précision et netteté, en quelques motstechniques,sans aucun artificedelangage, comme je viens de le faire à l'égard de Monge, les ouvrages des hommes de tous les pays, qu'un assentiment tacite place aujourd’hui parmi les lumières de l'esprit humain, et vous en trouverez un grand nombre qui, ne résistant pas à cette épreuve, tom- le CLVI BIOGRAPHIE beront lourdement de la haute position que le publie semble leur avoir assignée. Celle de Monge me paraît, au contraire, invariablement fixée : l'importance et la variété des décou- vertes de notre confrère, la grandeur et l'utilité de ses tra- vaux lui assureront à jamais l'admiration des savants et la reconnaissance des citoyens. Nous n'avons pas à craindre que la postérité infirme les appréciations des contemporains de Monge. Nos derniers neveux ne nous démentiront point; comme nous, ils placeront l’auteur de la Géométrie descrip- tive sur le premier rang, parmi les plus beaux génies dont la France puisse se glorifier. Les biographes qui se dépouilleront de toute idée pré- concue avant de jeter un regard scrutateur sur la vie privée de Monge reconnaîtront combien le négociateur de Campo- Formio l'avait justement caractérisée, lorsque, dans une lettre au Directoire, il appelait en quelque manière notre confrère l'honneur français personnifié. Ils trouveront en lui le plus parfait modèle de délicatesse ; l'ami constant et dévoué; l’homme au cœur bon, compatissant, charitable; le plus tendre des pères de famille. Ses actions leur paraîtront tou- jours profondément empreintes de l'amour de l'humanité; ils le verront, pendant plus d'un demi-siècle, contribuer avec ardeur, je ne dis pas assez, avec une sorte de fougue, à la propagation des sciences dans toutes les classes de la société, et surtout parmi les classes pauvres, objet constant de sa sollicitude et de ses préoccupations. . Vous me pardonnerez, Messieurs, d'avoir ajouté ces nou- veaux traits à ma première esquisse. N'encourageons per- sonne à s’imaginer que la dignité dans le caractère, l'honné- teté dans la conduite soient, même chez l'homme de génie, DE GASPARD MONGE. CLVII de simples accessoires ; que de bons ouvrages puissent jamais tenir lieu de bonnes actions. Les qualités de l'esprit condui- sent quelquefois à la gloire; les qualités du cœur donnent des biens infiniment plus précieux : l'estime, la considéra- tion publique, et des amis. Ass DOTE % “Aron ces uses di A1 Env run Lire LS 1 4X EL ARRETE ts er "b dau Ha ‘ue DUC Liber JD ER dt , TA er; Séri& DURE TRANS HAICEE PS Hibenn "oi F2 La à ju | L Ab PRE se kPa, ps re Edge jah hype, "E hip; ER Me nn NE ñ # gl RUES ATLIT r" FUME La ET ie. de, "NAN ENMÉT re WE ñ PTE " V8 Un CN OUEE P , Fee HAAIEE “Ha Nm RE ne AM k MÉMOIRES L'ACADÉMIE DES SCIENCES DE L'INSTITUT DE FRANCE. FAN: i ARLES LAS RES AARLUDELELAL IAA MARIA RIT RL ARR SR ARS AARSA RAR LEE RLT LT AL A AR LA R NAT LA RSS eus nm MÉMOIRES SUR LE SYSTÈME NERVEUX DES MOLLUSQUES ACÉPHALES LAMELLIBRANCHES OU BIVALVES, Par M DUVERNOY. Communiqués dans les séances des 8 novembre 1841, 25 novembre 1844, 24 février 1845, 3 mai et 26 juillet 1852. INTRODUCTION (1). Lorsqu'on entreprend de traiter une question relative à une classe entière du règne animal, on est sans doute en- couragé par l'espoir de découvrir quelques parcelles de ce trésor inépuisable de vérités que récèle la nature organisée, et dont elle récompense par intervalles ses persévérants, ses plus zélés scrutateurs. (1) Communiquée à l'Académie dans sa séance du 3 mai 1852. 1. mn DU SYSTÈME NERVEUX Mais on éprouve aussi des instants de découragement, lorsqu'on s'aperçoit que toute question semblable s'agrandit et s'étend, à mesure que l'on cherche à l’approfondir, et que l’on prévoit la nécessité où l’on sera, par suite de la brièveté du temps et de la rapidité de la vie, de se résigner à la laisser incomplète, sans pouvoir parvenir à l’épuiser. Ces réflexions me sont venues tout naturellement à l'occa- sion du Mémoire que j'ai l'honneur de présenter à l’Acade- mie pour la troisième fois. Je ne compte pas un travail préliminaire sur l'animal de l’'Onguline couleur de laque, animal qui était resté in- connu jusqu'à ma communication à l’Académie, du 8 no- vembre 1841. Ce Mémoire fut immédiatement l’occasion de celui d'au- jourd'huiï, dont la première lecture (à l'Académie) est du 25 novembre 18/44. Je l'avais divisé en trois parties. La première était relative à l’histoire de la science. La seconde comprenait vingt Monographies, dont les des- criptions étaient éclairées par quarante et une figures, dis- tribuées dans neuf planches, et représentant les divers sys- tèmes nerveux décrits dans ces Monographies. La troisième partie se composait à la fois d’une descrip- tion générale des divers arrangements du système nerveux dans cette classe, et de sa structure intime ; l’une et l’autre résumées dans vingt-six paragraphes, qui ont été imprimés dans le compte rendu de cette séance (1). 7 (2) T. XIX , p. 1132-1137. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 5 Ce Mémoire, qui avait été renvoyé, à ma demande (1), à la Section de zoologie et d'anatomie comparée, n'ayant pu être examiné en temps utile par cette section, me fut remis, par son honorable président, immédiatement après la séance du Q décembre suivant. Le 4 février 1845, j'eus l'honneur de l'adresser de nou- veau à l’Académie, cette fois par l'organe de M. le secrétaire perpétuel, avec une NOTE ADDITIONNELLE, qui fut imprimée dans le compte rendu de la mème séance (2). Fajoutai la prière à M. le président de vouloir bien nommer des com- missaires pour l’examiner et en rendre compte à l'Aca- demie (3). Le temps ne leur ayant pas permis de faire immédiate- ment cet examen, ayant d’ailleurs moi-même l'intention de compléter, autant que possible, ce premier travail resté longtemps chez M. de Blainville, je priai M. le secrétaire per- pétuel, l’un des commissaires, auquel M. de Blainville l'avait fait passer, de vouloir bien me le rendre. Souvent détourné, par d’autres devoirs, de cette tâche que je n'étais imposée, ce n’est qu'après un intervalle de sept années, écoulées depuis ma dernière communication, que je viens, enfin, offrir à l’Académie le résultat de mes anciennes et récentes recherches sur ce sujet d'anatomie comparée des plus difficiles à étudier. (x) Je n'étais alors que correspondant. (2) T. XX, p. 482 à 484. (3) Les commissaires désignés furent MM. de Blainville, Flourens, Milne-Edwards. On a omis d'imprimer leurs noms dans le compte rendu de la séance. 6 DU SYSTÈME NERVEUX Je ne pouvais me dispenser de rappeler ces souvenirs per- sonnels, pour constater, à plusieurs égards, mes droits de priorité sur des travaux postérieurs; où du moins pour me justifier de revenir sur ce sujet, malgré plusieurs publica- tions, dont l’une toute récente, que je ne connais que depuis quelques Jours, a été faite en Allemagne par M. le docteur Keber. J'aurai soin d’ailleurs de parler en détail de ces der- nières publications, dans la troisième partie historique de mon Mémoire. La première ne comprendra encore que l’histoire de la science jusqu'a l’époque de ma communication du 25 no- vembre 18/4. La seconde sera un exposé succinct des résultats que ren- ferment les Monographies que j'aurai l'honneur de remettre sur le bureau de l’Académie, en distinguant toutefois ceux obtenus déjà en 1841, puis en 1844, 1845 et 1846, de ceux auxquels je suis parvenu plus récemment. ne © DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. SI EEEE————————— EE . HISTOIRE DE LA SCIENCE RELATIVE AU SUJET TRAITÉ DANS CE MÉMOIRE. PREMIÈRE PARTIE. Jusqu'au 25 novembre 1844. Je chercherai, dans cette première partie, à donner une idée exacte des travaux qui ont précédé le mien, en les expo- sant dans leurs généralités; me réservant de revenir sur les détails, dans celles de mes Monographies dont les sujets au- raient déjà été traités par d’autres anatomistes. Pour comprendre combien la science est restée, jusqu'à ces derniers temps, très-pauvre ou très-incomplète, relativement au système nerveux des Bivalves lamellibranches, il faut s'être occupé soi-même de semblables recherches. L'extrème finesse des filets nerveux qui se détachent des principaux nerfs, et qui est telle qu'on ne peut les aperce- voir souvent qu'à la loupe ou au microscope à dissection : leur: transparence, la blancheur des üssus; {a difficulté de distinguer les vaisseaux des filets nerveux : la facilité avec la- quelle on brise ceux-ci, à cause de leur extrême ténuité et de 0 DU SYSTÈME NERVEUX leur nature molle et peu résistante, ont retardé longtemps leur connaissance. Elle est devenue un peu moins difficile depuis l'emploi de quelques procédés chimiques, au moyen desquels on rend les nerfs opaques, en coagulant leur contenu, et en rendant plus ferme leur névrilème. C'est le chlorure de zinc, employé de- puis quelque temps dans le laboratoire d'anatomie comparée du Jardin des Plantes, qui a le mieux réussi, et que nous pré- férons à présent à l'emploi des acides minéraux, de l’acide nitrique entre autres, très-étendu, ou de la solution de subli- mé, dite liqueur d'Owen, dont nous avons également fait usage. C'est à Porr que l’on doit les premières indications concer- nant plusieurs parties du système nerveux de ces mollusq ues mais avec la détermination erronée de vaisseaux lympha- tiques. Il figure, dans quatre espèces de Mollusques bivalves, les ganglions postérieurs, qu'il appelle citerne du chyle, et les nerfs qui en partent ou qui s’y rendent, qu’il prend pour les principaux vaisseaux du chyle. Nous avons très-bien reconnu, parmi ces prétendus vais- seaux, notre nerf palléal postérieur, le nerf branchial et le nerf du grand collier. Dans le Solen siliqua, Poli a fait représenter, parmi ces prétendus vaisseaux lymphatiques, les ganglions antérieurs ou buccaux, de forme quadrilatère, et le cordon du petit collier qui en part et se dirige dans le pied ; mais il n’a pas découvert ce cordon jusqu'au ganglion pédieux (r). (1) # Poli, Testacca utriusque Siciliæ, etc. — Parmæ, 1791 et 1795; DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 9 La première rectification de l’erreur de Poli, et conséquem- ment la juste détermination du système nerveux des Acé- phales bivalves, est due à G. Cuvier (1). Du moins, cette pré- tendue citerne du chyle est désignée comme le cerveau de ces Mollusques dans son Tableau élémentaire des animaux, imprimé en 1798 (9). Deux années plus tard, en 1800, MM. Cuvier et Duméril ont décrit, dans le t. II des Lecons d'anatomie comparée, le système nerveux des ÆAcéphales bivalves, comme formé cons- tamment d'un grand collier, embrassant tous les viscères dans son circuit, et comprenant deux ganglions, un sur la bouche, représentant le cerveau, et l’autre vers la partie op- posée. On voit, par les détails qui suivent cette description géné- rale, que la dénomination commune de cerveau, comprend à la fois le cordon de commissure qui réunit les deux gan- glions labiaux et ces deux ganglions. On distingue très-bien, dans ces détails, le nerf qui sort en avant de ces ganglions et qui fournit des filets au muscle adducteur antérieur et au manteau ;. c'est notre palléal antérieur. On y reconnaît de même les cordons du grand collier, les nerfs branchiaux et notre palléal postérieur, de chaque côté, fournis par le gan- ET NS ee SP 2 vol. in-fol. : tabula XI, f. 1, pour le Solen siliqua; t. VIII, f. x, pour le Pholas dactylus ; t. X, pour la Moule des peintres, Mya picto- rum, L.; t. XXV, f. r et 3, pour l'A4rca Noë. (1) Auquel on doit encore la découverte du système nerveux des Asci- dies, pour nos Tuniciers thoraciques, et des Anatifes, pour les Cirrhopodes. (2) Le cerveau est placé entre les branchies et le canal intestinal, du moins dans les Solens et les Pholades, p- 415. Û T. XXIV. 2 10 DU SYSTÈME NERVEUX glion de ce côté, qui est d'une forme bilobée. « Ges derniers, « y est-il dit, passent sur le muscle postérieur, absolument « comme ceux du cerveau sous l’antérieur, et après lui avoir « donné quelques filets, ils se rendent dans le manteau, dont «ils suivent le bord, jusqu'à ce qu'ils se joignent à ceux du « cerveau, ce qui en fait un cercle complet (1). » Mangili, en 1804, décrivit plus complétement le système nerveux central chez les Unio et les Ænodontes. I] fit, à cette époque, la découverte du ganglion pédieux, qu'il appelle ganglion central. 1 commit l'erreur de déterminer, comme des nerfs viscéraux, la plupart des nerfs qui en partent. Il distingue de plus, dans sa description, les ganglions labiaux, qu'il nomme cérébraux, du filet de commissure qui les réunit (2). En 1824, M. de Blainville déterminait avec exactitude les trois paires de ganglions du système nerveux central de la Moule commune (3), Mytilus edulis : 1° La paire antérieure ou les ganglions buccaux avec leur filet de commissure, et le cordon du grand collier qui les unit à la paire postérieure ; 2° La paire moyenne, dont il n’a pas vu le cordon qui la réunit à la première paire pour former le petit collier, mais dont il a présumé l’existence dans un petit filet très-fin qui en sort en avant et va peut-être, dit-il, se joindre au gan- glion antérieur ; A (1) Pag. 310 et 311. (2) Nuove richerche zootomiche sopra alcune specie di Conchilie bi- valvi. Del cittadino G. Mangili; Milano, 1804. (3) Dictionnaire des: sciences naturelles, t. XXX II, p. 121. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. [1 3° Enfin, la troisième paire, située tout à fait en arrière, contre la partie antérieure du muscle adducteur de ce côté. Les ganglions de cette paire sont distants et réunis par un filet de commissure très-fin. Parmi les nerfs que ces ganglions produisent, l’auteur n’a vu que ceux du grand collier, un nerf pour le muscle adduc- teur, et le palléal postérieur. Il n’a pas connu le nerf bran- chial, représenté déjà par Poli dans les quatre figures des es- pèces que nous avons citées, et par Mangili dans l’/nodonte. Jusqu'en 1838, année de la publication de la Zoologie médicale, par MM. Branpr et RATZBURG, on n'avait pas publié de description du système nerveux appartenant à un Bivalve monomyaire. M. Branpr remplit cette lacune d’une manière remarquable dans cetimportant ouvrage. Le système nerveux de l’Auitre comestible s'y trouve décrit par ce savant, avec beaucoup plus de détails qu’on n’en trouve chez les anato- mistes précédents. Seulement, il est à regretter que l’au- teur n'ait pas fait de recherches comparatives; elles l’au- raient conduit à de meilleures déterminations. Les ganglions de son système branchial sont en partie nos ganglions la- biaux. Les quatre prétendus filets qui s'avancent régulière- ment de ces ganglions, pour se porter vers le sommet des deux branchies de chaque côté et se distribuer à leurs deux lames, ne sont que des brides ligamenteuses. Il y a aussi un peu de confusion dans l’énumération des nerfs que produisent les ganglions postérieurs. Ces observations ne doivent pas diminuer le mérite qu'a (1) Medicinische Zoologie 2° Band., pl. XXXVI; Berlin, 1833. 2. 12, DU SYSTÈME NERVEUX eu M. Brandt de parvenir, il y a déjà vingt années, ou à peu près, à découvrir dans le système nerveux de l'Huître comes- tible les détails qu'il a rendus dans trois figures propres à en faire comprendre la description. Malgré ce progrès dans la connaissance du système nerveux des Bivalves, la science restait, à cet égard, singulièrement incomplète dans les ouvrages élémentaires, qui doivent en comprendre les principaux faits et les notions les plus es- sentielles. Dans la première édition du Règne animal,çqui est de 1817, et dans la seconde qui a paru en 1830, M. Cuvier, ayant con- servé dans la classe des Æcéphales ceux qui manquent de co- quille ou les Zuniciers, se borne à une courte généralité sur leur système nerveux qui convienne à l’un età l’autre : « Le cer- «veau est sur la bouche, et il y a un ou deux ganglions(r). » Ce n'était pas là, à la vérité, mais dans les Lecons d’anato- mie comparée, qu'un historien impartial devait chercher ce que M. Cuvier savait sur le système nerveux des Bivalves lamellibranches. En 1834, M. Milne-Edwards ne mentionne pas les ganglions pédieux. La figure de la page 704 des Éléments de zoologie , publiés cette même année par notre savant collègue, ne repré- sente que les deux ganglions œsophagiens comme très-éloi- gnés l’un de l’autre, et réunis par une bride transversale. Il y a de plus une partie dite ventrale de ganglions postérieurs réunis en une seule masse, placée sous l'intestin, et liée aux ganglions antérieurs par deux cordons nerveux très longs. (1) Le Règne animal, etc., t. IL, p. 116; Paris, 1830. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 13 Ce que je viens d’écrire est copié de la note explicative de cette figure ; voici ce qui est imprimé dans le texte (p: 764 et 765) : « Chez un grand nombre de Mollusques les moins parfaits, « tels que le Manche de couteau et la plupart des {céphales, « qui habitent une coquille à deux valves, le système ner- « veux ne se compose guère que de deux paires de ganglions « réunis en deux longs cordons interganglionnaires, et don- « nant naissance à diverses branches. Les ganglions de la « partie antérieure sont tantôt assez éloignés entre eux et « réunis seulement par un cordon intermédiaire, tantôt ac- « colés l’un à l’autre, ou même confondus en une seule À masse ; ils sont situés au-dessus de l'œsophage, et fort éloi- « gnés des ganglions postérieurs, placés au-dessous de l'in- « testin, vers la partie postérieure du corps. » On trouve, dans les Éléments d'anatomie comparée, de M. R. Wagner, qui parurent dans les années 1834 et 1835, une description du système nerveux de l’Ænodonte, comme exemple de celui de tous les Bivalves. Cette description ne va pas plus loin que celle que Man- gili avait donnée trente ans auparavant. Les ganglions antérieurs ou labiaux, avec leur filet de commissure, constituent le cerveau. Il y a un ganglion considérable dans le tranchant du pied , qui communique par deux filets nerveux avec les ganglions cérébraux. Ce même ganglion fournit les nerfs des viscères avec ceux des muscles du pied. Enfin un ganglion postérieur reçoit deux cordons des gan- glions antérieurs, dont on ne voit se détacher aucun filet nerveux. 14 DU SYSTÈME NERVEUX Après les premières esquisses de Manci1 et de M. Branr, où l’on trouve les principales dispositions du système ner- veux des Bivalves, auxquelles d’ailleurs nous pourrions ajou- ter celles de Port, en corrigeant sa fautive interprétation du système nerveux comme système lymphatique; il faut ar- river jusqu’en 1837, époque de la publication du Mémoire de M. GarNER (1), pour citer un travail général sur le système nerveux de tout l’embranchement des Mollusques et de la classe des Acéphales bivalves en particulier. La planche XXIV de ce Mémoire représente le système nerveux dans cinq espèces d’'Æcéphales lamellibranches (>). Un texte fort court donne à connaître les principaux ca- ractères de ce système et les déterminations de l’auteur. Les ganglions antérieurs sont pour lui les ganglions cére- braux, attendu qu’ils communiquent à la fois avec les gan- glions postérieurs et le moyen, et que ce dernier et les ganglions postérieurs ne communiquent pas directement entre eux. Le ganglion pédieux , que M. Garner regarde, à tort, comme constamment simple, est le plus souvent double. Ce ganglion, suivant cet auteur, devrait être envisagé comme le ganglion de la locomotion. Nous verrons en effet que les nerfs qui en partent, se dis- tribuent aux faisceaux musculaires du pied et des parois . abdominales, dont le pied n’est qu'une extension. Mais il faut observer que les muscles adducteurs ou les (1) Dansles Transactions de la Société linnéenne de Londres. (2) Ce sont : les Ostrea edulis, Pecten maximus, Modiola vulgaris, Mactra stultorum et Pholas dactylus. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 15 muscles rétracteurs, qui jouent un rôle plus ou moins im- portant dans la locomotion de ces animaux ; reçoivent leurs nerfs, soit des ganglions postérieurs, soit des ganglions an- térieurs. Les ganglions postérieurs sont désignés dans ce travail sous le nom de ganglions respirateurs, parce qu'ils donnent des nerfs aux branchies.et aux siphons, suivant M. Garner, quand ceux-ci existent. Nous n'avons pas adopté cette dénomination trop exclu- sive, qui donne une idée très-inexacte des fonctions de ces ganglions, puisque les principaux nerfs qui vont au manteau, et dont ceux des siphons ne sont que des branches ou des rameaux, proviennent également des ganglions postérieurs, et que ce sont des nerfs sensitifs ou musculaires, plus consi- dérables d’ailleurs que les nerfs branchiaux. M. Deshayes, dans les premières livraisons de son Traité élémentaire de conchyliologie, qui ont paru en 1839, a cher- ché à décrire les différences qui existent entre les Acéphales dimyaires et monomryaires, relativement à leur système ner- veux; mais ilest loin d'y avoir réussi. On est étonné, en lisant sa description du système ner- veux des Mollusques dimyaires (1), qu’il n’ait pas profité de l'ouvrage de Mangili pour décrire les ganglions pédieux , dont il ne parle pas, et qu’il ne paraît pas avoir con- nus au moment où il écrivait ces généralités. Il indique cependant le cordon du petit collier sous le nom de filet viscéral, qu’il suppose, à tort, donner des filets à l'estomac, au foie, au cœur et à l'ovaire. (1) Pag. 255 et 296. 16 DU SYSTÈME NERVEUX L'assertion que le système nerveux des Monomyaires est, en général, moins développé que dans les Dimyaires (1), et que les ganglions postérieurs ne sont guère plus grands que les antérieurs, est le contraire de ce qui existe. J'aurais à placer ici, par ordre de date, comme travaux renfermant d’intéressantes découvertes sur quelques parties du système nerveux des Bivalves, en premier lieu, un mé- moire de M. de Siebold, sur un organe problématique qui existe dans quelques Bivalves, organe que l’on considère à présent comme le sens de l’audition de ces animaux. Il est remarquable que MM. Gaudichaud, Eydoux et Sou- leyet le découvraient dans plusieurs Ptéropodes et Gastéro- podes hétéropodes en 1836 et 1837, durant leur voyage au- tour du monde. Nous aurons l’occasion d’y revenir dans plusieurs de nos monographies. Nous citerons en second lieu, parmi ces découvertes parti- culières, celle d’un cordon palléal, que MM. Grube et Krohne ont décrit en 1840, dans les Peignes et les Spondyles. Nous en parlons en détail dans notre monographie du Pecten Maximus. (1) Page 297. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 17 SUITE DE L’HISTOIRE DE LA SCIENCE. DEUXIÈME PARTIE. Mes propres travaux de 1841 à 1844, février 1845 et 1846, et accessoirement ceux de 4852. Je viens d’esquisser et de montrer l’état de la science au moment où j'ai entrepris de lui faire faire quelques progrès. J'avais compris que, pour parvenir à avoir une idée juste du système nerveux, il fallait l’étudier comparativement dans les principales familles de cette classe, et que l’on ne devait pas se borner à quelques observations particulières généralisées prématurément. Les recherches sur le système nerveux, sur sa disposition générale, sur sa distribution; sur les renflements ganglion- naires qui en composent les parties centrales, et sur leurs proportions; sur le nombre, les proportions et le mode de distribution des filets qui en constituent les parties périphéri- ques; ces recherches, dis-je, sont de la plus haute importance sous le rapport physiologique, pour juger de la prédomi- nance de certaines fonctions, ou du moins pour mesurer, pour ainsi dire à l’œil, la quantité relative d'influence ner- T. XXIV. 6) 18 DU SYSTÈME NERVEUX veuse qu'exige l'exercice de ces fonctions, par la quantité de nerfs que ces parties reçoivent et par leurs proportions. Relativement à la Zoologie, l'arrangement du système ner- veux dans tel ou tel animal détermine le type, au moins, et souvent la classe à laquelle il appartient. On peut même descendre dans les premières divisions des classes et trouver, dans certaines dispositions de ce système, de bons caractères des sous-classes , des ordres ou mème des familles. Nous le montrerons tout à l'heure pour les Mollusques acéphales lamellibranches. Cette influence dominatrice du système nerveux sur tou- tes les parties de l’organisme auxquelles il donne la vie qui leur est propre, fera comprendre facilement combien son étude détaillée, approfondie, peut être utile sous le double rapport de la physiologie et de la zoologie. C'est cette idée qui m'a encouragé dans les pénibles recherches dans les- quelles j'ai persévéré, malgré la faiblesse de ma vue; mais, grâce au secours que j'ai trouvé dans les yeux et les mains ha- biles, sans parler de la science de MM. Maissiat et Robin, mes préparateurs au Collége de France jusqu’en 1845; puis de M. Focillon, qui a succédé à M, Maissiat dans les mêmes fonctions; et, en dernier lieu, de M. Gratiolet, l’un de mes préparateurs au Muséum d'histoire naturelle. Les dessins nombreux, si utiles pour l'intelligence des des- criptions, que j'ai eu soin d'ajouter à mon texte, sont dus à l'habile pinceau de MM. Lackerbauer et Focillon. Plusieurs autres sont de M. Gratiolet, qui joint, comme M. Focillon, à l'habileté de l’anatomiste, le talent bien précieux pour la science de dessinateur exact et éclairé. J'avais ainsi étudié, sous le point de vue du système DES MOLLUSQUES ACEÉPHALES. 19 nerveux, vingt et quelques espèces différentes, lors de ma première communication de 1844, appartenant à autant de genres ou de familles, de tous les ordres de la classe des Acéphales lamellibranches. 11 en est résulté vingt Monogra- pluies dont j'ai extrait un certain nombre de propositions distribuées dans les vingt-cinq paragraphes, qui ont été im- primés dans le compte rendu de la séance de l'Académie du 25 novembre 1844. Dans la séance du 24 février 1845 j'en ajoutai un vingt- sixième. Parmi les propositions comprises dans ces vingt-six para- graphes, il en est surtout deux (les$$ XII et XII) qui devaient être complétées ou rectifiées, ainsi que je l’expliquerai en dé- tail, par le texte même de ces Monographies ou par les figures que j'y avais jointes. Après ces préliminaires, je vais donner successivement les deux résumés du 25 novembre 1844, et des 3 mai et 26 juil- let 1852, dans lesquels j'ai cherché à exposer brièvement l’état de la science au moment où je m'en suis occupé, et qui renferment plus particulièrement l'énoncé des résultats de mes recherches successives et de mes études. 20 DU SYSTÈME NERVEUX PREMIER RÉSUMÉ (1). $ I. Le système nerveux des Mollusques acéphales lamelli- branches peut se diviser, comme celui de tout autre animal, en parties centrales et en parties périphériques. $ IT. Les parties centrales se composent généralement de trois paires de ganglions et de cordons nerveux qui les réu- nissent pour constituer deux colliers ou deux anneaux, un grand et un petit. $ IL. Les trois paires de ganglions de ce système central ont toujours la même position relative entre eux, et le plus souvent avec les autres parties de l'organisme. $ IV. L'une est antérieure et située le plus souvent de chaque côté de la bouche, près des palpes labiaux, ou même à leur base ou un peu plus en arrière. Les ganglions qui la forment sont toujours séparés, plutôt distancés que rap- prochés. Un cordon de commissure les réunit au-devant de l’orifice buccal (2). $ V. La seconde paire de ganglions est située dans les parois abdominales ; elle n'existe que lorsque ces parois se séparent des viscères pour former un pied distinct. Cette paire (x) Du 25 novembre 1844 et du 24 février 1845. (2) J'avais ajouté, à tort, « plus rarement en arrière de ces orifices. » DES MOLILUSQUES ACÉPHALES. 21 est toujours située dans un plan inférieur aux deux autres. Elle peut être remplacée par un seul ganglion (l’Onguline), où du moins paraître fondue en un ganglion unique. Quand il y en a deux, et c’est le cas le plus fréquent , ils sont toujours rapprochés, se touchent au moins, et se sou- dent souvent en partie. S VI. La troisième paire est la postérieure. Elle est en même temps supérieure, puisqu'elle est constamment placée contre la face inférieure et un peu antérieure du muscle ad- ducteur de ce côté, quand il y a deux adducteurs; ou du seul muscle adducteur qui existe dans les Monomyaires. Les ganglions de cette troisième paire sont plus générale- ment rapprochés et plus ou moins soudés ensemble ; rare- ment les deux ganglions sont-ils distants, comme dans la Moule comestible et le Lithodome caudigère. Ainsi que les ganglions moyens, ils peuvent être confon- dus en un seul. $S VIT. Les ganglions antérieurs et leur cordon de com- missure forment avec les ganglions postérieurs, au moyen du cordon nerveux qui réunit le ganglion antérieur et le ganglion postérieur du même côté, un grand anneau entou- rant, comme une ceinture, le haut de la masse viscérale ab- dominale, dans laquelle il est plus ou moins enfoncé. $ VIII. Les mêmes ganglions antérieurs forment avec les ganglions pédieux un petit anneau ou un petit collier, au moyen de deux cordons qui réunissent les ganglions du même côté. Ce collier a d'autant plus d’ampleur que le pied est lui- mème plus volumineux. Ilexiste, ainsi que les ganglions pédieux, chez tous les 22 DU SYSTÈME NERVEUX Bivalves qui ont un pied, qu'ils soient monomyaires, les Per- gnes, où dimyaires, où trimyaires , l’Æromie. $ IX. Les Bivalves qui n'ent pas de pied n’ont que le grand collier (1). $ X. Lorsqu'il n'y a qu'un grand collier, les ganglions postérieurs forment la partie centrale du système nerveux, la plus importante par son volume et par le nombre de nerfs qui en sortent, comme chez les Juitres. $ XI Les parties périphériques du système nerveux des Bivalves proviennent généralement des trois paires de gan- glions centraux, lorsque ce système a son plus haut degré de composition (2). $ XIL. Les cordons qui forment le grand et le petit collier ne produisent aucun filet nerveux apparent. (Il aurait fallu ajouter, à l'œil non armé et sans préparation chimique qui rende visibles les filets les plus déliés. Mais par l’action, en- tre autres, d’une solution de chlorure de zinc, nous sommes parvenu à découvrir plusieurs de ces filets fins partant du cordon du grand collier. Voir en particulier la Monogra- phie de l'Huitre.) $ XIE Le premier nerf que donne le cordon postérieur, en dehors du cordon du grand collier, est le nerf branchial qui gagne le bord supérieur et adhérent des branchies, soit directement, soit en faisant un coude plus ou moins pro- longé en avant, pour prendre ensuite sa direction du côté opposé. (1) Ge paragraphe avait besoin d'être expliqué par ce que je dis $ I du second résumé; ou corrigé, relativement aux nerfs viscéraux, par ce qui est dit $ XX de ce second résumé. : (2) Voir encore le 6 XX du second résumé. DES MOLLUSQUES ACÉPHALÉS. 23 Ce nerf est constant; il a pour caractère de ne pas se divi- ser en branches jusqu’à sa terminaison, vers laquelle il est cependant plus délié qu’à son origine. Ce nerf est d'autant plus long que le muscle adducteur auquel il s’applique est plus en avant, comme dans les Ho- nomyaires, et qu'il y a une plus grande portion de branchies, en arrière de son origine. (On peut le distinguer en deux parties : l’une antérieure formant un coude en avant ; ainsi qu'il vient d’être dit, du- quel nous verrons, dans le résumé suivant, que partent un grand nombre de filets très-fins qui se rendent dans la par- tie de la branchie qui est en avant du muscle adducteur pos- térieur ; l’autre qui suit le bord dorsal des branchies jusqu’à leur extrémité postérieure. Il en sort de courts et fins filets qui vont aux cloisons musculaires interbranchiales.) $ XIV. Après le nerf branchial, et sur le côté, ces mêmes ganglions produisent un nerf palléal latéral, et plus en ar- rière un nerf palléal postérieur; troncs nerveux plus ou moins considérables, plus ou moins divisés, dont les bran- ches et les rameaux se distribuent exclusivement au manteau pour le premier, à ce même manteau, aux tubes quand ils existent, et au muscle adducteur de ce côté, pour le dernier. Souvent ces troncs nerveux sont réunis en un seul. Dans le Peigne, le nerf palléal latéral sort du ganglion sur les côtés, et se divise dichotomiquement de manière à for- mer douze rameaux principaux qui envoient leurs ramus- cules aux trois quarts de la circonférence de chaque he- micycle du manteau. Dans l’Auitre, on peut compter jusqu’à huit nerfs qui sor- tent de toute la circonférence extérieure du ganglion, et se 24 DU SYSTÈME NERVEUX portent en rayonnant, soit en se divisant , soit directement dans toute la circonférence du manteau. $ XV. En avant, les ganglions labiaux produisent un nerf palléal antérieur qui se distribue au manteau, à l'adducteur antérieur et aux palpes. Plusieurs de ces nerfs, au lieu de sortir d'un seul tronc, peuvent avoir leur origine immé- diate dans les ganglions : tels sont les nerfs qui vont aux palpes. Quelquefois (dans l’Auitre) un petit filet se rend à la partie antérieure des branchies et un autre à l'estomac. $ XVL Lorsque les ganglions pédieux existent, les nerfs qui en sortent, en nombre variable (pour chaque espèce, genre ou famille), de deux au moins, quelquefois de six (les Unio), se distribuent particulièrement aux parois museu- leuses de l'abdomen et au pied. Il est toujours rare et diffi- cile de pouvoir distinguer ceux qui appartiennent aux vis- cères, à l'ovaire, au foie, au canal intestinal. (Ils ont plutôt leur origine dans le cordon du grand collier ou dans le ganglion buccal.) S XVITL. Nous avons vu que les nerfs qui se distribuent aux organes moteurs ou sensitifs, ou aux viscères abdomi- naux, remplissant l’une ou l’autre fonction de nutrition ou de génération, ont tous leur origine dans l’un ou l’autre des ganglions centraux (1). Ces nerfs vont directement de leurs diverses origines centrales aux parties auxquelles ils sont destinés. S XVIIL Le système nerveux du Peigne fait exception à (x) Ges derniers proviennent du cordon du grand collier, $ XX du se- cond résumé. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 25 la règle précédente. Tous les nerfs sensitifs ou moteurs qui appartiennent aux ganglions antérieurs et aux ganglions postérieurs aboutissent par leurs dernières divisions dans un ample cordon, complétement circulaire, qui suit le bord du manteau dans tous ses replis. Ce cordon produit ensuite, par son côté externe, une quan- tité de filets qui vont animer les tentacules ou les pédicules oculaires qui garnissent ce même bord du manteau. Ce cordon périphérique est comme un ganglion de ren- forcement et de concentration, qui était sans doute néces- saire, pour donner à cette partie toute la puissance ner- veuse dont elle avait besoin, et peut-être l'unité nécessaire d'action ou de sensation. J'ai tout lieu de croire que ce cordon circulaire existe chez tous les Mollusques qui ont le manteau largement ou- vert, comme le Peigne, et son bord libre garni d'organes tactiles. J'ai découvert un segment de ce nerf en avant du man- teau chez le Zithodome caudigère.(Voy. la planche 5, fig. 1.) (Ce cordon ganglionnaire circumpalléal existe, comme nous l’avions présumé, dans les Æuitres, dans l'Anomia ephippium, dans la Lima glacialis, ete.) (1). $ XIX.-Un des caractères du système nerveux des Bival- ves est le peu de développement des nerfs viscéraux et l’ex- trême difficulté que l’on éprouve pour en reconnaître quel- ques traces. Chez tous les Bivalves à double collier, ils ne semblent (1) Voir le compte rendu de la séance du 24 février 1845. T. XXIV. 4 26 DU SYSTÈME NERVEUX guère provenir que (du cordon du grand collier) des gan- glions pédieux (et buceaux). Il y en a encore qui se déta- chent des ganglions postérieurs ( pour l'ovaire, pour le rec- tum et pour le cœur. Les deux nerfs branchiaux, toujours considérables, sem- blent faire exception à cette petite proportion des nerfs de la vie de nutrition; mais ils sont encore ici, en grande par- tie du moins, des nerfs moteurs, et ils donnent aux bran- chies et à leur mécanisme musculaire la faculté de se con- tracter.) La très-grande partie des nerfs du système nerveux des Bivalves sont des nerfs moteurs ou sensitifs. Cette grande proportion de la partie du système nerveux qui appartient aux fonctions du mouvement etaux sensations, relativement aux nerfs qui président à la vie de nutrition ou de propagation, est sans doute générale dans tout le règne animal ; mais elle est surtout très-sensible chez les Bivalves. Dans cette classe, comme dans toutes les autres, se mou- voir et sentir exige une puissance nerveuse beaucoup plus grande que la nutrition etles sécrétions. $ XX. Comme on devait s'y attendre, le système nerveux des Bivalves montre des différences dans sa composition, qui sont en rapport avec l'existence ou la présence de certains organes, ou avec leur degré de développement, leur forme et leur composition, ainsi qu'avec la forme générale du corps. $S XXI. La présence ou l'absence d’un pied a entraîné la présence ou l'absence des ganglions ou du ganglion pé- dieux, et le développement de ces ganglions est en raison directe du développement du pied. Cette circonstance démontre encore que les nerfs qui sor- DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 27 tent des ganglions pédieux sont, pour les principaux, des nerfs moteurs. $ XXII. Les ganglions postérieurs sont en général les plus importants. C'est ce que prouvent : 1° Leur existence constante, tandis que les autres parties du système nerveux central sont réduites à l’état rudimen- taire (les ganglions labiaux), où manquent absolument (les ganglions pédieux) ; 2° Leur concentration en un seul dans beaucoup de cas; 3° Leur rapprochement sur la ligne médiane ; 4° Leur plus grand développement chez les Mollusques qui n’ont qu'un muscle adducteur postérieur, contre lequel ils sont toujours placés ; 5° L'importance et le nombre des nerfs qui en partent, soit moteurs, soit sensitifs, soit respirateurs; 6° La constance de ces derniers. S XXIIT. Le développement des ganglions antérieurs est inverse de celui des ganglions postérieurs. Ils deviennent ex- trêmement petits chez les Monomyaires (les Huîtres, les Pei- gnes). Leur développement est en raison de celui de la partie antérieure du manteau, des palpes et du muscle adduc- teur antérieur qu’ils doivent animer. Nous avons évité de les appeler cérébraux, afin de ne pas leur donner une impor- tance qui ne nous est pas démontrée. Dans le Peigne et l'Huitre, le grand développement des ganglions postérieurs, et la grande proportion des nerfs mo- teurs et sensitifs qui en partent, forment de ces ganglions un véritable-cerveau , plutôt que des ganglions buccaux ou pédieux , qui sont rudimentaires. 4. 28 DU SYSTÈME NERVEUX $S XXIV. Le système nerveux des Acéphales bivalves est presque toujours symétrique, pour la forme de ses parties centrales. Il l’est encore très-généralement pour la forme et la distribution de ses parties périphériques. Mais il peut être asymétrique pour le volume ou le développement de ces mêmes parties centrales ou périphériques, lorsque les or- ganes auxquels ces dernières se distribuent sont asymé- triques. Cette asymétrie exceptionnelle est bien remarquable dans le système nerveux de l’Ænomia ephippium (1). $ XXV. J'ai retrouvé dans le système nerveux des Bi- valves, étudié dans sa structure intime, les cellules que M. annover a signalées dans celui des Gastéropodes. Les nerfs montrent des stries parallèles, longitudinales, inter- rompues irrégulièrement. Le plus généralement les ganglions sont colorés en jaune de différentes nuances. Cette couleur est due à la partie médul- laire (2); elle s'étend quelquefois dans une petite portion des troncs nerveux. Le plus ordinairement ces troncs ou les filets dans lesquels ils se séparent sont blancs. Dans un exemplaire d’Unio pictorum , J'ai vu les nerfs qui partent de chaque ganglion pédieux commencer dans ces ganglions par une dilatation vésiculeuse qui se distinguait, comme le nerf, par sa couleur blanche ; tandis que le gan- (1) Voir notre PI. 1, fig. 3 et 4, et PI. 2, fig. 2. (2) Nous comprenons ici par partie médullaire le contenu du névrilemme; mais ce contenu se compose de globules médullaires proprement dits et de globules graisseux. Ce sont plus particulièrement ces derniers qui sont colorés. {Voir notre second résumé, $ XXII.) DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 29 glion était jaune. C'était comme une portion du cylindre conducteur d’une machine électrique avec une de ses extré- mités dilatée en demi-sphère. En général, chez les Mollusques bivalves comme chez les animaux inférieurs , les nerfs et les ganglions se composent d'un névrilemme peu résistant et d’une partie médullaire presque liquide. C’est cequi a fait prendre par Poli le système nerveux des Bivalves pour leur système lymphatique. C’est cette même circonstance, sans doute, qui a fait hésiter, chez quelques animaux inférieurs, sur la détermination de leurs cordons nerveux; ils semblent être tout aussi bien des troncs vasculaires. $S XXVL Relativement à la classification des Acéphales lamellibranches, selon la méthode naturelle, nous avons dit, dans notre communication du 24 février 1845, que ceux de ces Mollusques qui ont le manteau largement ouvert et garni de nombreux appendices tactiles et de tubercules qui pa- raissent propres à la vision, sont les plus avancés ou les plus élevés dans le degré d'animalité ; tandis que ceux qui ont le manteau complétement fermé, sauf l'ouverture antérieure unique pour l'entrée de l’eau et des aliments, et les deux ou- vertures postérieures des tubes respirateur et excréteur des fèces, sont les plus inférieurs (1). (1) Quelques additions que nous avons faites à ce premier résumé pour le mettre en harmonie avec le suivant , qui est du 3 mai et du 26 juillet 1852, ont été placées entre deux parenthèses, afin de les distinguer de l'ancien texte et de conserver ainsi la vérité historique. 30 DU SYSTÈME NERVEUX DEUXIÈME RÉSUMÉ. Afin de donner plus de clarté et plus de précision à ce court exposé, je le diviserai encore en paragraphes, comme mon premier résumé. $ L. Je dois rappeler tout d'abord que l’on connaissait, depuis Mangili, les trois paires de ganglions centraux, for- mant, avec leurs cordons de commissure, un grand et un pe- tit collier, et le plus haut degré de composition du système nerveux central de ces animaux. Je ne connais jusqu'ici qu'un seul exemple d'une composi- tion un peu plus compliquée : c'est celui que j'ai découvert, en 1841, dans l’'Onguline, d'un petit ganglion surajouté à chaque ganglion postérieur, à l'endroit où le nerf bran- chial sort de ce dernier ganglion. Une dissection récente me l'a montré exactement comme je l'avais vu en pre- mier lieu. $ IL. Je pense avoir déterminé le premier ce que l'on doit appeler le cordon du petit collier dans les Auitres, malgré l'absence bien réelle des ganglions pédieux chez ces Mollus- ques, que l’on sait manquer de pied. Ce cordon est un petit filet de commissure, allant d’un gan- glion labial à l’autre, que l'on trouve en arrière de l'orifice buccal. Il coexiste avec le cordon de commissure ordinaire, qui se voit en avant de la bouche. S IT. Le développement des ganglions pédieux, et celui DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 31 du petit collier dont ils font partie, est en raison du volume du pied. On peut en conclure que les nerfs qui en partent se distri- buent essentiellement au pied et aux parois abdominales, dont le pied n’est qu’une extension; que ce sont, en un mot, des nerfs moteurs ou sensitifs. À cet égard, la science était incertaine : je l’étais moi- même à l’époque de mes premières recherches, en détermi- nant avec doute, et je pense en ce moment, sans motifs suffi- sants, quelques filets viscéraux parmi ceux que fournissent les ganglions pédieux. $ IV. Les principaux nerfs allant des ganglions labiaux aux palpes, au muscle adducteur antérieur, au manteau, ou se dirigeant des ganglions postérieurs aux branchies, au man- teau, au muscle adducteur postérieur, avaient été indiqués d'une manière très-générale, et sans la détermination de dif- férences très-importantes dans leur distribution. $ V. On n'avait d’ailleurs pas assez précisé leur nomencla- ture, ce qui était cependant nécessaire pour donner à leur description la clarté indispensable, et pour indiquer facile- ment les différences qu'ils présentent, selon les ordres et les familles, les genres et même les espèces. C’est ce que j'ai cherché à faire en désignant les nerfs pal- léal antérieur, palléal postérieur, palléal latéral, branchial antérieur et postérieur, gastrique, circumpalléal, ete., etc. $ VL. J'avais observé, dans mon premier travail, que le cor- don nerveux, découvert en 1840 dans les Peignes et dans les Spondyles par MM. Grube et Krohne, n'avait pas d'origine centrale, ni aux ganglions antérieurs ni aux ganglions posté- rieurs; mais qu'il faisait, sans interruption et d’une manière 32 DU SYSTÈME NERVEUX parfaitement continue, le tour du manteau, très-près de son bord et à travers ses commissures antérieure et postérieure. $ VIL J'avais fait représenter, en même temps, dans le Peigne (Pecten maximus, L.), la manière dont les principaux nerfs palléaux postérieurs et le petit palléal antérieur vien- nent en rayonnant, et en se divisant dichotomiquement, se rendre dans ce cordon, que leurs derniers ramuscules pénè- trent par son côté interne. S VIIL. J'avais décrit les filets, beaucoup plus nombreux que ces ramuscules, qui sortent du côté opposé de ce cordon nerveux (tenant lieu de ganglion d'une forme insolite), et qui vont animer les pédicules tactiles ou les pédicules ocu- laires qui garnissent dans les Peignes et les Spondyles pres- que toute l'étendue du bord du manteau. S IX. Dans ma communication du 24 février 1845, j'ai an- noncé à l’Académie que ce même cordon ganglionnaire cir- cumpalléal existe, comme je l'avais présumé, au mois de no- vembre précédent, chez les Auitres, les Anomies et les Limes. Dans mes dernières recherches, je l'ai encore vu dans les Jambonneaux ; mais il manque dans les Ærches et les Trigo- nies, qui sont aussi classées parmi les Bivalves de l’ordre des Ouverts, c'est-à-dire qui ont les deux lobes du manteau com- plétement libres. S X. Cette considération importante m'a conduit à distin- guer, dans la classe des Mollusques bivalves lamellibranches, deux arrangements principaux ou deux types du système nerveux, très-distincts l’un de l’autre, et dont j'ai déjà esquissé un premier aperçu dans ma communication du 24 février 18/45. S XE Dans l’un, qui est celui des BivaLvEs MONOMYAIRES, DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 33 comme les Æuîtres, les Ænomies, les Limes, les Peignes; et des Jambonneaux, parmi les Dimvaires, dont lemanteau est com plétement ouvert, le système nerveux palléal est monocircu- laire. Tous les nerfs qui vont des ganglions postérieurs en bien plus grand nombre, et des ganglions antérieurs en petit nombre, rayonnent dichotomiquement vers le nerf ganglion- naire circumpalléal et s'y terminent. $ XII Dans l’autre arrangement, il y a un paléal antérieur et un palléal postérieur, qui diffèrent moins par leur pro- portion relative ; ils entournent le manteau presque immédia- tement dans sa partie musculeuse, et parallèlement à son bord, en allant à la rencontre l’un de l'autre par leurs bran- ches principales, dont une au moins peut être continue. Dans cette disposition, les derniers ramuscules de ces branches peuvent s'anostomoser et former des plexus très- compliqués, entrecoupés par de nombreux petits ganglions. C'est de ces plexus que sortent les filets déliés qui vont aux tentacules des bords du manteau, dans les diverses parties où ils existent. $ XII. Cette distinction de deux types, dans le système nerveux des Bivalves, me paraîtimportante sous le double ra p- port de l'anatomie zoologique et physiologique. Il montre que la division des Mollusques vraiment mono- myaires n’est pas essentiellement séparée des trimyaires, où des ÆZnomies; ni de quelques dimyaires qui ont le manteau complétement ouvert, tels que les Jambonneaux. D'autres Bivalves de l’ordre des Ouverts (les Arches, les Trigonies) ont le second type du système nerveux, celui qui est le plus commun, le plus général : je l’appellerai palléal T. XXIV. 5 34 DU SYSTÈME NERVEUX bicirculaire, en opposition au premier type, qui est monocir- culaire. Outre la famille des Ærches, y comprisles Trigonies, dans l’ordre des Ouverts, on trouve le second type dans tous les autres ordres de cette classe, c'est-à-dire dans les Ziforés ou les Mytilacés, dans les Triforés ou les Chamacés (du moins dans les 7ridacnes), où nous l’avons observé, dans les Car- diacés et dans l’ordre des £nfermés. Mais il y a, dans ces divers ordres, et plus particulière- ment dans les familles qui les composent, des caractères su- bordonnés au caractère général, qui sont liés avec diverses formes du manteau. $ XIV. Pour en apprécier toute la valeur, il faut avoir présentes à l'esprit la structure et la puissance fonctionnelle de cet organe. Je démontre, dans mes monographies, les nerfs nombreux qui viennent l’animer, et qui sont d'autant plus multipliés et forts, qu'il est plus libre et que ses lobes sont plus déta- chés. Dans ce cas, ses bords peuvent être garnis de nombreux appendices tactiles, parmi lesquels on a distingué depuis longtemps, dans quelques espèces privilégiées, des organes qui paraissent propres à la vision. Des muscles qui se divisent et s’étalent dans l'épaisseur de ses deux replis tégumentaires, et s'étendent jusqu’à son bord libre, peuvent, par leur grande étendue de contraction, le res- serrer dans un très-petit espace, et le réduire à un volume très-minime. Enfin, une partie du manteau est un organe de sécrétion de la ecquille; des divers pigments qui la colorent régulière- ment, selon les espèces; de la matière nacrée qui la double, . DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 35 et de l'épiderme velu, appelé vulgairement drap marin, qui en recouvre quelques-unes d’une manière permanente et très- remarquable. Les formes du manteau et les arrangements des organes de circulation, de sécrétion, de mouvement et de sensibilité qui le composent, leur développement plus ou moins grand, jouent un rôle important dans la vie des Acéphales lamelli- branches. Ceux qui ont les lobes du manteau complétement libres, et dont les bords sont garnis de nombreux tentacules sensi- tifs, et même, dans quelques cas rares, de pédicules visuels, comme cela a lieu chez les Peignes et les Spondyles, sont bien autrement doués que ceux dont le manteau est fermé et re- couvert, comme chez la Panopée, d'un épais épiderme qui doit le rendre à peu près insensible. $ XV. Le manteau, dans le second type du système ner- veux que nous avons signalé ($S XIT), peut montrer des plexus nerveux plus ou moins compliqués, le long de son bord, et conséquemment dans sa partie périsphérique, lorsque ce bord est garni de tentacules; ou bien dans le voisinage de ses tubes, quand ceux-ci existent. Parfois aussi, on découvre, dans les entre-croisements des filets qui composent ces plexus, de très-petits ganglions, dont le nombre est très-considérable dans quelques cas, entre autres chez l’Unio, où nous les avons découverts dès 1845, et chez les Ænodontes, où nous les avons reconnus et fait fi- gurer plus récemment. Déjà, en 1844, j'en avais signalé plusieurs dans le nerf pal- léal antérieur du Zithodome caudigère, et dans le plexus bran- chial du Jambonneau, qui sont décrits dans mes monogra- fe 36 DU SYSTÈME NERVEUX phies, et figurés dans les planches que j'ai eu l'honneur de présenter à cette époque à l’Académie. Ces ganglions de troisième ou de quatrième grandeur, qui appartiennent au système nerveux palléal et périphérique, ne me paraissent pas avoir une grande importance zoolo- gique, ni même physiologique; leur existence est trop va- riable. $ XVE Dans les branches principales du palléal posté- rieur, qui fournissent les nerfs qui vont aux tubes, on ren- contre aussi, dans quelques espèces, un ou plusieurs ganglions secondaires ou tertiaires, desquels partent les filets qui vont animer ces tubes. Ces ganglions appartiennent encore au système nerveux périphérique; leur existence et leur nombre peuvent beau- coup varier dans des espèces très-rapprochées, dont les unes les possèdent, tandis que les autres en manquent. Ces circonstances diminuent de beaueoup leur importance, comparée à celle des ganglions centraux, avec lesquels on ne pourrait les confondre dans le même degré d'importance physiologique ou zoologique, sans commettre une grande erreur. $ XVIL Ces petits ganglions secondaires ou tertiaires, que l'on rencontre chez quelques espèces qui ont des tubes au manteau, à l'origine de ces tubes, n'y forment jamais de double série régulière, dont chaque paire aurait un filet de commissure qui la réunirait. Du moins, nos observations et nos recherches assidues ne nous ont rien montré de sem- blable. Cette remarque est importante pour l'idée générale que l'on doit se faire de la disposition cireulaire du système ner- DES MOLLUSQUES ACEÉPHALES. 37 veux des animaux de cette classe; disposition qui ne devient jamais longitudinale dans aucune de ses parties, et se rappro- cherait par là des deux types supérieurs des Ænrimaux ver- tébrés et des Animaux articulés. $ XVIII. Si le manteau joue un rôle important dans la vie de relation des Acéphales bivalves, et mème dans leur vie de propagation, lorsqu'il devient un organe d’incubation , les branchies en ont à remplir un non moins essentiel dans la vie de nutrition deces animaux, etmême, pour un grand nombre d'espèces, dans leur vie de propagation; lorsque les œufs fécondés pénètrent entre leurs lames et y séjournent pour une incubation à la fois nutritive et protectrice. Nous reviendrons, dans une autre communication, sur les différences importantes qu'elles présentent dans leur structure, et qui expliquent pourquoi le manteau les rem- place, dans quelques cas, comme organe d’incubation. Il nous suffira de dire, en ce moment, que, parmi les diffé- rences de structure que présentent les branchies, nous en avons reconnu trois principales et plusieurs subordonnées : 1° Les branchies à surface unie des Ænodontes ; 2° Les branchies plissées en travers, dont les unes sont à larges plis uniformes (les Tridacnes), dont les autres sont réunis par paires, sont courts et forment de fortes cannelures (les J’énus) ; 3° Enfinlatroisième structure est celle des branchies filamen- teuses, ou en franges, des Peignes, de la Moule comestible, etc. On comprend pourquoi, dans ce cas, le manteau les rem- place comme organe d'incubation, leur forme et leur com- position les rendant impropres à remplir cette fonction. L'étendue des branchies doit faire juger de leur impor- 38 DU SYSTEME NERVEUX tance, et leur contractilité, dans les deux formes les plus générales, est une propriété vitale que je devais signaler. Il faut ajouter que leur surface, au moins dans les deux premiers cas, est couverte de cils vibratiles, dont la vitalité a résisté, d’après nos propres expériences, à l’action des poi- sons qui tuaient immédiatement les spermatozoïdes. Les branchiessont annexéesàun organe vasculaire considé- rable, que Méry en premier lieu, et Bojanus bien plus tard, ont regardé comme le seul organe derespiration de ces animaux. J'aurai l’occasion de revenir incessamment sur les usages de cet organe problématique, dont j'ai étudié et fait figurer la structure, déjà en 1845, après des injections heureuses qui nous en ont démontré l'extrême vascularité. Si j'en parle en ce moment, c'est pour faire connaître qu'il recoit de nombreux filets nerveux d’un plexus très-compli- qué qui en donne aussi aux branchies. S XIX. Les branchieset le poumon de Bojanus (c’est ainsique nous le désignerons provisoirement) recoivent la plus grande partie de leurs filets nerveux du nerf branchial postérieur, dont l'existence et la disposition sont constantes, ainsi que le diamètre proportionnel, généralement assez considérable. Ce nerf sort en avant de chaque ganglion postérieur, s’a- vance obliquement en dehors, à la rencontre de la partie dorsale des lames branchiales de son côté, se coude en se fléchissant en arrière pour longer cette partie des branchies jusqu'à leur extrémité. Le nerf branchial, nous l'avons dit dans notre partie histo- rique, était connu de Poli, mais comme vaisseau lymphatique. Il avait été ensuite bien déterminé par M. Garner, qui avait proposé de désigner, sous le nom de ganglions de la res- - DES MOI.LUSQUES ACÉPHALES. 3g piration, les ganglions postérieurs, à cause du nerf bran- chial qui y prend naissance. Mais on ne connaissait que ses rapports de contiguité avec les branchies, et l'on n'avait pas décrit les filets extrèmement déliés, et pour ainsi dire microscopiques, qui s'en séparent successivement pour pénétrer dans les branchies. Je les ai découverts en 1845 et fait figurer dans l’Auitre de cheval; du moins ceux qui se détachent de la partie de ce nerf en arrière de son coude; et j'ai montré, en même temps, que les cloisons qui divisent les intervalles des deux lames de chaque branchie se contractent par l’action galvani- que (1). J'avais vu et fait figurer, dès 1844, dans la Pinna nobilis, une partie des filets qui sortent de ce coude et du ganglion postérieur, et qui se portent vers la portion des brauchies qui est en avant de ce coude. Ces filets, qui n’avaient pas encore été décrits, je viens de les étudier plus en détail dans cette même espèce, dans ies Huitres, dans les Anodontes, ete., ete. Ils existent générale- ment en très-grand nombre dans tous les Bivalves lamelli- branches, à en juger du moins par les espèces de diverses familles où nous les avons vus. Ilsy forment, soitune sorte de frange qui garnit tout le coude du nerf branchial (les Jam- bonneaux, les Huitres), soit un plexus très-compliqué (les Anodontes). Nous les avons fait figurer dans les Bivalves que nous venons de citer. (1) Revue zoologique de M. Guérin-Méneville pour 1846, p. 120, numéro d'avril. * 4o DU SYSTÈME NERVEUX $XX. Le nerf branchial postérieur est complété parun petit nerf branchial antérieur qui vient du ganglion labial, et même quelquefois (dans l’Æuitre) du cordon de commissure qui est en arrière de la bouche; il se rend au sommet des branchies. Ce nerf a très-peu d'importance relativement au nerf bran- chial postérieur ; mais son origine montre surabondamment combien on aurait tort denommer, avec M. Garnier, les gan- glions postérieurs ganglions de la respiration, comparati- vement aux nerfs qui vont aux ovaires, au foie, au canal ali- mentaire. L’abondance des nerfs branchiaux démontre, il me semble, d'une manière indubitable, l'importance du rôle que jouent, dans la vie de ces animaux, les branchies et leur organe accessoire. Les nerfs branchiaux sont d’ailleurs des nerfs ganglion- naires, c'est-à-dire composés, comme le nerf cireumpalléal, de nombreux globules médullaires, entremêlés avec les filets nerveux élémentaires. Les nerfs viscéraux, c’est-à-dire les filets très-fins qui vont au foie, à l'estomac, à l'intestin, aux glandes spermagène ou ovigène, sont très-difficiles à découvrir à cause de leur ténuité. Dans l’ancienne figure du système nerveux d'une espèce dont j'avais reçu l'animal sans la coquille, sous un faux nom, mais que mes études subséquentes sur le système nerveux m'ont démontrée être une espèce d'Auitre (de la mer Rouge), on trouvera deux filets qui se détachent du cordon du grand collier et qui vont à l'estomac, Je l'indique positivement dans le texte de la monogra- phie du système nerveux de cette espèce. Cette observation particulière aurait dù être généralisée, DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 41 au lieu de dire, à la vérité avec réserve, que ces cordons ne fournissent aucun filet apparent (1). C'est, en effet, de ce cordon que nous avons vu se détacher successivement, dans l’Awitre comestible, des filets qui vont au foie, à l'estomac et à l'ovaire. Leur extrême ténuité rend ces filets très-difficiles à dé- couvrir. Nosfigures les représentent dans cette espèce, et le nerf gastrique dans l’/nodonte. SUITE DU DEUXIÈME RÉSUMÉ. Communiquée à l’Académie le 26 juillet 1852, En terminant la dernière lecture de ce travail, que l’Aca- démie a bien voulu entendre le 3 mai de cette année, je lui annonçai que ma prochaine communication comprendrait la suite et la fin des considérations générales, à la fois his- toriques et dogmatiques, qui ont fait le sujet de cette lecture, et qu’elle présenterait, entre autres, les résultats de mes étu- des anciennes et nouvelles sur la structure des nerfs et des ganglions dans les animaux de cette classe et la signification de leur système nerveux, comparé à celui des autres classes de Mollusques. re ee IE SR RS (x) $ XII de notre résumé de 1844. T. XXIV. 6 42 DU SYSTÈME NERVEUX Je déposerai en même temps, disais-je encore, le reste de mes monographies, celles concernant les ordres des Cardia- cés et des Enfermés. C'est cette tâche que je viens remplir aujourd’hui. Les monographies que je remets sur le bureau de l'Acadé- mie sont au nombre de seize. Ce nombre porte à trente la totalité de celles qui composent la partie principale ou fon- damentale de mon travail (1). Il est vrai que l’une d’elles, la 30°, est celle du système nerveux de la Terebratula australis, qui me servira à dé- montrer la grande différence qui existe entre ce système ner- veux et celui des Bivalves; à confirmer et à justifier la sépa- ration des Brachiopodes comme classe, faite par son illustre fondateur G. Cuvier, aussi bien qu'à démontrer l'erreur des zoologistes qui ont voulu les réunir aux autres Acéphales. Le système nerveux de dix-neuf de ces Monographies était inconnu, même pour le genre (2). Cinq concernent des espèces dont le système nerveux d'es- pèces congénères avait déjà été étudié (3). Enfin, le système nerveux des six autres avait été dé- (:) Voici les monographies qui ne sont pas comprises dans ma première liste imprimée, au nombre de vingt, dans le Compte rendu de la séance du 24 février 1845, t. XX, p. 483 et 484. Elles concernent les Trigonia australis, Triducna squamata, Cytherea complanata, Cytherea Chione, Mya arenaria, Terebratula australis, Lutraria solenoïdes, Solen siliqua, Pholas callosa, Ungulina rubra, d'après de nouvelles observations. (2) Ce sont les numéros 3, 5, 6, 7, 9, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 22120, 24529820, 20. (3) Ce sont les numéros 2, 11, 19, 27, 30. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 45 crit, et figuré partiellement ou plus ou moins .compléte- ment dans son ensemble (1). [me reste done, pour accomplir ma tâche, à donner la suite des vingt paragraphes qui doivent résumer les pro- positions que j'ai pu tirer de mes observations anciennes et nouvelles. Ge sera la fin dela partie historique qui concerne mon travail. La troisième partie se composera des monographies qui en sont la base. Je le termineraiï par une analyse des travaux;se rapportant au même sujet, qui ont paru depuis mes communications de 1844 et de 1845. $ XXI. Relativement à sa structure intime, le système ner- veux des Mollusques bivalves nous a présenté plusieurs par- ticularités importantes, soit dans ses parties centrales ou ses ganglions principaux, soit dans ses parties périphériques ou dans les nerfs qui partent de ces ganglions ou qui s'y ren- dent. $ XXII. Les ganglions centraux sont souvent colorés en jaune clair ou en jaune orange, tendant plus ou moins au rouge. Dans l'Ænodonte des cygnes, nous avons vu cette colora- (1) Ce sont les systèmes nerveux : de l'Ostrea edulis, par MM. Garner, Brandt et Ratzebourg ; — du Pecten maximus, publié dans son ensemble par M. Garner, et partiellement par MM. Grube et Krohne ; — celui de l’Anodontes cycneus, décrit par M. Mangili; — celui de la Moule co- mestible, par M. de Blainville; — et celui de la Mya arenaria et de la Pholade ( Pholas dactylus), décrits et figurés par M. Garner. (2) Voir la p.665 du T. XXXIV des Comptes rendus. 6. 44 DÜ SYSTÈME NERVEUX tion en jaune orange s'étendre à l'origine ou au commen- cement du nerf branchial. Cette partie colorée se compose de cellules rondes ou de vésicules qui renferment des amas de corpuscules de diverses dimensions et formes. Ces corpuscules colorés de substances semi-fluides, dont quelques-uns sont libres,se dissolvent dans l'éther. On peut en conclure qu'ils sont de nature grais- seuse. De petites cellules incolores ou globules médullaires sont mêlés à la substance colorée. Ils sont accollés aux filets nerveux qui entrent dans la composition du ganglion. Une partie de ces filets s’entre-croisent évidemment d'un côté à l’autre. Lorsque les deux ganglions sont rapprochés de manière à paraître deux moitiés d’un seul tout, comme dans l’Æn0- donte, pour les ganglions postérieurs, on ne voit pas de cloi- son qui les séparerait. $ XXII. Relativement à leur structure intime, les nerfs des Bivalves peuvent se distinguer en nerfs proprement dits et en nerfs ganglionnaires. Les premiers ne sont jamais colorés, et se composent pres- que exclusivement de filets nerveux, indiqués par des séries longitudinales parallèles (:). De rares vésicules médullaires peuvent s’y montrer entre les faisceaux de filets qui consti- tuent ces nerfs. $ XXIIT. Les nerfs ganglionnaires (2) sont ceux qui se (1) Compte rendu de 1844, t. XIX, p. 1136,$ xxv. (2) M. Van Beneden appelle nerf ganglionnaire, dans l'Argonaute,le nerf de chaque bras qui montre une série de ganglions de distance en distance, DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 45 composent de filets nerveux et d’un grand nombre de vési- cules ou de globules médullaires qui entrent essentiellement dans la composition des ganglions. Le nerf circulaire circumpalléal des Pectens, des Huitres, des Ænomues, des Limes, etce., est un nerf ganglionnaire qui transmet au bord du manteau plus de filets nerveux déliés qu'il n'en recoit en apparence des nerfs palléal postérieur et pal- léal antérieur. Le nerf branchial est aussi un nerf ganglionnaire, et cette structure ganglionnaire est surtout prononcée dans le nerf branchial des Pectens. Il peut même être mélangé, dans son origine, de la subs- tance colorante qui caractérise les ganglions de certaines espèces. $ XXIV. Le nerf palléal postérieur, dans quelques Car- diacés, où dans l’ordre des Enfermés, nous a montré, dans la partie qui fournit les nerfs des tubes du manteau, des renfle- ments colorés qui ne sembleraient qu'une augmentation de diamètre de ces nerfs, s'ils n'étaient pas colorés en jaune comme les ganglions secondaires. Il est évident que ces nerfs deviennent des nerfs ganglionnaires pour la forme dans ce trajet, et de véritables ganglions pour la composition intime. Un coup d’æil jeté sur les figures de notre planche en con- vaincra. depuis son origine jusqu'à sa terminaison. L’acception dans laquelle je me sers de cette épithète est différente. Il n'y a pas ici de ganglions distincts; mais tout le nerf est un ganglion. (Voir la PI. 4 du Mémoire sur l'Argo- naute, qui fait partie des Exercices zootomiques de cet auteur; Bruxelles, 1839.) 46 DU SYSTÈME NERVEUX $ XXV. Les cordons du grand et du petit collier n'ont que la structure des nerfs proprement dits. Nous avons aussi rencontré quelques rares globules médullaires dans la com- position de celui du grand collier. $ XXVI. Relativement à l'application qu'il est possible de faire de mes recherches à la classification des Mollusques bivalves lamellibranches, je crois pouvoir conclure des deux types principaux que m'a montrés leur système nerveux, types dont j'ai donné la description dans le $ XHIT de ce résumé : 1° Que les Mollusques bivalves qui présentent le premier type, qu'ils soient monomyaires, dimyaires où trimyaires, appartiennent à une division principale de la classe dont les deux lobes du manteau sont largement séparés, et qui est principalement caractérisée par cette disposition du système nerveux périphérique que j'appelle palléal monocirculaire ; 2° Que tous les autres Bivalves appartiennent à un second groupe, caractérisé par l'arrangement du système nerveux périphérique que j'ai appelé palléal bicirculaire. $ XXVIL. Les Mollusques à système nerveux palléal bi- circulaire peuvent avoir les lobes du manteau complétement séparés (les #rches, les Trigonies); ils peuvent avoir ces lobes réunis dans un court espace pour former l'ouverture anale (les Mitylacés), où réunis encore une seconde fois pour sé- parer l'ouverture respiratrice de celle du pied (les Zriforés ou les Camacés). Enfin, le manteau, au lieu de simples ouvertures pour l'ex- crétion fécale et la respiration, peut avoir deux tubes plus ou moins prolongés, soudés, ou séparés dans une partie de leur longueur, ou dans toute leur étendue. Dans ce cas encore, les lobes du manteau peuvent être DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 47 libres en avant et laisser passer largement le pied, comme dans certains Solens; ou se souder et ne laisser qu’une étroite ouverture pour aspirer, avec l’eau, les molécules nutritives, comme dans les Panopées. Une partiede cesdifférences neme paraissent plus que secon- daires. Jeregarde, comme très-i mportante, celle de la présence ou de l’absence des tubes au manteau; puisque, dans ce dernier cas, l'animal peut s’'enfoncer plus ou moins dans le sable et continuer de communiquer avec l'eau qui baigne la surface du sable, au moyen des orifices qui terminent ses tubes. Mais la séparation plus où moins grandede ces tubes, ou leur soudure complète; celle du manteau en avant qui ferme au pied uneissue, ou qui la lui donne plus ou moins large, ne me pa- raissent pas suffire pour caractériser etséparer les deux ordres des Cardiacés et des Enfermés, la disposition générale et dé- taillée du système nerveux étant la même dans l'un et l'au- tre de ces ordres. Ils me paraissent devoir être réunis en un seul (1), caractérisé par l'existence des tubes an manteau. S XX VII. Il me reste à appliquer les connaissances acqui- ses sur le système nerveux des Bivalves à celui des autres clas- ses de ce même embranchement des Mollusques, afin d'en’ déduire le caractère général que présente ce système domi- nateur de l’organisation dans ce même embranchement, et la véritable signification de ses parties dans la classe qui nous a occupé si longnement. Je rappellerai dans ce bat la dispo- Re NPA lin d (1) Je viens de voir que Latreille avait proposé cette réunion dans ses Familles naturelles, mais sans avoir le motif fondamental que je viens d’énoncer. 48 DU SYSTÈME NERVEUX sition générale du système nerveux dans les six classes que je reconnais dans le type des Mollusques. $S XXIX. Les Céphalopodes ont leur système nerveux central, composé de deux ganglions principaux, l’un dorsal et l'autre ventral, formant au moyen de deux commissures un collier serré autour de l’œsophage. C’est de ces deux renfle- ments médullaires cérébraux que rayonnent tous les nerfs du corps, soit directement, soit par l'intermédiaire de ganglions, subordonnés périphériques. Les nerfs optiques viennent du ganglion supérieur; tandis que des ganglions inférieurs naissent les nerfs acoustiques et ceux qui vont aux huit bras. Je ne cite ces détails que pour faire comprendre que l’un et l’autre ganglion sont des par- ties d’un même tout, analogues à l’encéphale des animaux supérieurs. I y a de plus un stomato-gastrique, que l’on a comparé au sympathique des Vertébrés, et une paire de nerfs branchiaux correspondant au pneumo-gastrique de ces derniers (1). Mais on n’y trouve rien qui réponde à la moelle épinière ou vertébrale; c’est-à-dire aucune trace dela centralisation médiane longitudinale du système nerveux ; il n’est centra- lisé dans cette classe que cireulairement. Il en est de même de toutes les autres classes du type des Mollusques. $ XXX. Ainsi dans les Gastéropodes, que nous plaçons im- mediatement après les Céphalopodes, tous les nerfs irradient (1) F. le Mémoire sur l'anatomie des Céphalopodes, par G. Cuvier, et celui de M. Van Benellen sur le système nerveux de l'Argonaute. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 49 des ganglions, formant autour de l’œsophage un collier ou chapelet plus ou moins serré, qui peut d’ailleurs être simple ou double. Il est simple dans le Colimaçcon, et se compose de deux ganglions principaux ou de deux renflements médullaires cérébraux, l’un sus-œsophagien, l’autre sous-æœsophagien, C’est du cerveau su périeur que naissent les nerfs optiques ; les nerfs buccaux ; du côté droit, ceux qui vont à la verge; un nerf stomato-gastrique, pourvu d’un petit ganglion secon- daire. Le ganglion, ou le cerveau inférieur, produit les nerfs qui vont au pied, aux glandes de la génération et à l’orifice du sac pulmonaire. Dans l'AÆplysie, on peut compter jusqu’à cinq ganglions principaux, dont l’un est viscéral ; ils forment proprement trois colliers avec les cordons qui en dépendent (1). Le collier principal se compose, suivant M. Cuvier, d’un ganglion su- périeur ou sus-œæsophagien et de deux ganglions latéraux. Le premier fournit les nerfs qui vont aux muscles de la tête, aux grands tentacules et à l'œil, ainsi qu’à la verge pour celui du côté droit. Le pied reçoit les nerfs nombreux des ganglions latéraux , qui fournissent en sus chacun un cordon formant une espèce de grand collier allant aboutir à un ganglion viscéral, placé près du cœur et des glandes de la génération, etc. auxquels il envoie ses nerfs. CR —_—_— (1) Voir le beau Mémoire de M. G. Cuvier sur plusieurs espèces de ce genre. T. XXIV. 7 50 DU SYSTÈME NERVEUX Un troisième collier, beaucoup plus court, est formé par deux nerfs qui vont du ganglion sus-æsophagien vers la masse buccale, où ils aboutissent à un ganglion carré collé à cette masse, qui lui fournit trois nerfs et qui en donne à l'œsophage et aux glandes salivaires. Enfin, dans les Zimnées, le collier œsophagien est com- posé de neuf ganglions formant un double chapelet (1). Comme toujours les ganglions sus-œsophagiens fournis- sent les nerfs qui se rendent à la bouche et aux yeux. De plus, celui du côté droit, qui est plus grand que le gauche, envoie des nerfs à la verge, placée de ce côté. $S XXXI. Les Ptéropodes ont, comme certains Gastéropo- des, un double collier en chapelet, le Clio borealis, d’après M. Cuvier ; les Pneumodermes, d’après M. Cuvier et M. Van Beneden. $ XXXIL. Les renflements médullaires cérébroïdes dispa- raissent dans les Zérébratules, à en juger par ce que nous en avons vu dans la Zérébratule australe ; mais le collier entou- rant de près l’orifice buccal subsiste. Il est même de forme carrée, et tous les nerfs du corps naissent du côté plus épais qui répond à la valve percée, de quatre troncs principaux qui se ramifient dans les deux lobes du manteau, revêtant chaque valve. Les nerfs viscéraux ont leur origine dans le côté opposé de ce collier quadrilatère. Ce côté est beaucoup moins épais. (1) Voir le Mémoire de M. Cuvier sur la Limnée des étangs, et celui de M. Van Beneden sur le Limnœus glutinosus. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 51 Cette disposition et cette composition du système nerveux des Brachiopodes où Palliobranches, si différentes de celle des Lamellibranches (1), démontrent combien on aurait tort de réunir ces deux classes; sans parler des autres différences importantes qu'elles présentent dans le reste de leur organi- sation, dans les branchies entre autres, dans le cœur, etc. Elles confirment la justesse de leur séparation, établie par M. Cuvier. Déjà M. Richard Owen avait indiqué, en peu de lignes, cette disposition générale du système nerveux dans la 7ere- bratula flavescens. Le pharynx, y est-il dit, est entouré d'un collier nerveux simple, et les principaux nerfs naissent de petits renflements situés aux angles du côté de ce collier qui avoisine la base transversale des bras frangés. Or, si le tube alimentaire était redressé par le tiraillement de la bouche et du pharynx en avant, cette base transversale des bras et les points d’origine des nerfs qui naissent ordinairement des ganglions sous- œsophagiens chez les Mollusques plus élevés en organisation, -seraient situés du côté de la grande valve perforée (2). $ XXXIIL C’est encore une centralisation en collier œso- phagien, avec un seul ganglion, que l’illustre auteur des Mé- moires sur les Mollusques a reconnue dans les Æscidies, qui font partie dela classe des Tuniciers de Lamarck et de ma sous- classe des Tuniciers thoraciques. Tandis que dans les Salpa, dont j'ai fait ma sous-classe des T'uniciers trachéens, on ne (1) Annales des sciences naturelles, 3° série, t. II, p. 315. (2) 1bid., p. 317. 52 DU SYSTÈME NERVEUX trouve plus qu’un seul ganglion cérébroïde, duquel rayonnent les nerfs du corps. C'est du moins ce que nous avons vu et démontré sur la nature, il y a déjà plus de six années, dans nos lecons du Collége de France, en suivant les exactes indica- tions publiées par notre confrère M. Milne Edwards. $ XXXIV. Si nous comparons à présent le système ner- veux des Bivalves avec celui des autres classes de l'embran- chement des Mollusques, nous trouverons que le double col- lier que nous avons signalé et qui existe généralement dans cette classe, avec trois paires de ganglions ou deux paires au moins, est comparable à celui que l’on rencontre chez plusieurs Gastéropodes. Il y a ici la plus grande analogie, sans complète ressemblance. L'analogie se tire des nerfs que fournissent ces ganglions ou les cordons qui les réunissent. On a vu les nerfs du manteau, qui se composent de filets sensibles et moteurs, naître principalement des ganglions postérieurs dans le plan que j'ai distingué sous le nom de circumpalléal monocirculaire. Ces ganglions, appelés improprement ganglions bran- chiaux, deviennent les ganglions cérébraux les plus impor- tants dans le système nerveux que nous venons de nom- mer ; tandis que les ganglions buccaux, désignés encore sous le nom de cérébroïdes, ont singulièrement perdu de leur volume relatif et de leur importance, et que les ganglions pédieux peuvent manquer au petit collier, comme cela à lieu dans le système nerveux de l'Auitre. Chez les Bivalves lamellibranches, la disposition essentielle du système nerveux est la même que dans les autres classes ; cest toujours une centralisation circulaire avec cette diffé- DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 58 rence que le cercle, au lieu d’être étroit et serré autour de l'æœsophage ou de l’orifice buccal, a pris une extension qui lui permet de circonscrire les viscères. Mais tout démontre que les ganglions postérieurs qui suivent le muscle adduc- teur postérieur des valves, sont comparables au cerveau, au- tant que les ganglions buccaux. C'est une manière de voir que nous avions déjà en 1844 et 1845, lors de nos premières communications de ce tra- vail à l’Académie; cette doctrine, nous l’exposons ici plus explicitement, parce que nos études subséquentes n'ont fait que la confirmer à nos yeux. XXXV. Nous serons très-concis au sujet des rapports du système nerveux de l'Embranchement des Mollusques avec celui des trois autres Embranchements du Règne animal. Ces quatre grandes divisions, reconnues par M. Cuvier dès 1812, ont été généralement adoptées, avec des modifications dans leur circonscription ou dans leurs limites ; suite néces- saire des progrès que la science de l’organisation a faits dans la connaissance de celle des animaux inférieurs. Je regarde en particulier les types des ’ertébrés et des Animaux articulés, comme formant un groupe dont le plan d'organisation a plus d’analogie qu'avec celui des Mollus- ques et des Zoophytes, qui composent un autre groupe. Ces rapports et ces différences peuvent s'exprimer briè- vement par la disposition générale de leur systèine nerveux. Dans les deux premiers types, le système nerveux est cen- tralisé à la fois circulairement et longitudinalement; cette dernière centralisation se fait dans la ligne du corps mé- diane dorsale, pour les Vertébrés, et médiane abdominale pour les Ænimaux articulés. 54 DU SYSTÈME NERVEUX $ XXXVI. La centralisation longitudinale manque dans les deux autres types des Mollusques et des Zoophytes, et la centralisation circulaire est la seule qui subsiste. Elle peut y former plusieurs cercles, concentriques ou non, ou bien ètre réduite à un simple segment de cercle, comme cela se voit chez certains Æelminthes (x). (x) Cette doctrine, que nous avons professée depuis longtemps au Collége de France, se trouve dans l'extrait de nos lecons imprimé en 1846. Nous l'avons développée, en 1851, dans notre premier cours au Muséum d'his- toire naturelle. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 55 TEE —— TROISIÈME PARTIE, Comprenant les Monographies ou les descriptions particulières du système nerveux des Acéphales bivalves. Ces Monographies, d’où nous avons déduit les proposi- tions générales de la partie précédente, serviront à la justi- fier. Elles appartiennent à tous les ordres et aux différentes fa- milles de cette classe. La trentième et dernière, celle du système nerveux de la Terebratula australis, étaitnécessaire pour la comparaison du système nerveux des Brachiopodes à celui des Acéphales lamellibranches, qui fait le sujet de ces mémoires. PREMIÈRE MONOGRAPHIE. Système nerveux de l'Huttre comestible, Ostrea edulis, L. (PL. 4, fig. 4 et 2, et pl. 7, fig. 1.) Le système nerveux de l’Huitre se distingue, au premier coup d'œil, par l'importance et la grande proportion de ses deux ganglions postérieurs, et par les troncs nerveux qui 56 DU SYSTÈME NERVEUX rayonnent de ces ganglions, pour se distribuer principalement au manteau. Ces deux ganglions se montrent sous le muscle adducteur des valves. Leur connexion avec ce muscle, qui est unique dans les Huiïtres, connexion qui a toujours lieu dans les Bivalves di- myaires avec l’'adducteur postérieur, démontre qu'ici le seul adducteur répond à ce dernier muscle, quoiqu'il soit déplacé et situé plus en avant. Ces deux ganglions sont rapprochés l’un de l’autre et ap- pliqués à la circonférence de l'adducteur du côté du ventre et un peu en arrière. [ls sont comme soudés entre eux, dans la ligne médiane, parleur névrilemme. Nous avons souvent trouvé le ganglion droit un peu plus grand que le gauche. Cette petite différence de volume et une légère dépression dans la ligne médiane, se terminant par une petite échancrure en avant et en arrière, dans leur ligne d’union, indiquent leur séparation. Voici les nerfs qui sortent de chacun de ces ganglions, en procédant de dedans en dehors et le contournant d'avant en arrière. Le premier, qui sort du bord antérieur et externe, est le cordon du grand collier (fig. 1, ec). Ce cordon se rend en avant dans le ganglion labial, très- petit renflement qui se voit en arrière de la bouche (2, hp net). Le second nerf important que produit chaque ganglion principal, etqui en sort tout près du cordon du collier, ap- partient aux branchies(f. 1, nbr., et f. 2, 8 et 8'). DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 57 Ce nerf, que nous verrons exister constamment chez tous les Bivalves que nous avons pu étudier, y montre FAIquEe et très-exactement la même disposition. Après s'être porté en avant et en dehors, il forme un coude en avant, pour se replier en arrière et suivre le bord dorsal des deux branchies de son côté, jusqu’à leur extrémité pos- térieure. En dehors du même nerf branchial sort, de chaque gan- glion principal, un fiiet qui doit se perdre dans le man- teau. Un autre filet naît du même ganglion, entre le nerf bran- chial et le cordon du collier, mais dans un plan supérieur ; ce filet contourne le muscle adducteur, pour venir se perdre dans le manteau en passant sur la face postérieure du cœur. Ün troisième filet naît encore plus en dedans du ganglion principal, au-dessus du cordon du collier, auquel il reste quelque temps accollé; il s’en détache ensuite, passe au- devant du cœur et se perd dans le manteau. Un tronc nerveux considérable à son origine, qui semble un prolongement anguleux, en avant eten dehors de chaque ganglion postérieur, produit, en se divisant dichotomique- ment, des filets qui se dirigent en dehors et en avant dans le manteau. Les branches et les rameaux les plus avancés se portent aux parties antérieures du manteau. Les branches et les ra- meaux qui s’en détachent un peu moins en avant, vont aux parties moyennes et latérales de ce même organe. Enfin, la partie latérale et postérieure recoit des rameaux de la bran- che la plus reculée du même tronc. T. XXIV. 8 > 58 DU SYSTÈME NERVEUX Deux autres troncs ramifiés, qui appartiennent au gan- glion droit, se rendent à la partie postérieure du manteau, après s'être détachés du bord postérieur de ce ganglion. En- tre eux naît un filet simple, ayant la même destination. Du côté gauche nous n'avons trouvé qu'un seul tronc, remplaçant ce filet et les deux troncs voisins. Plus en dedans se voit un nerf considérable qui se distri- bue au muscle adducteur et au manteau. Le cordon du grand collier semble se continuer au delà du petit ganglion labial pour former le trone commun du palléal antérieur et du cordon de commissure. Celui-ci se porte au-devant de la bouche et la contourne en arcade. Le palléal antérieur est assez considérable, il se bifurque avant de se distribuer au manteau. Nerf branchial antérieur. — Le petit ganglion labial pro- duit en dehors un filet qui se porte entre le manteau et la branchie interne et semble se rendre dans cette branchie (fig. 1, bra). Nerf gastrique. — En dedans, ce même ganglion produit un petit nerf qui s'enfonce dans le foie et va à l'estomac. Cordon du petit collier sans ganglions pédieux. — K y a ensuite un filet de commissure qui va d’un ganglion à l’autre, et que je regarde comme le représentant du cordon du petit collier. Le système nerveux de l’Auitre comestible a été décrit avec détail par M. Brandt, déjà en 1833 (1), et par M. Garner en 1837. (1) Medizinische zoologie, 2° Band., pl. XXX VI; Berlin, 1833. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 59 La description du premier de ces savants est, sans contre- dit, la plus complète des deux que nous venons de citer. Les anatomistes qui se donneront la peine de comparer celle de ce Mémoire avec les précédentes, trouveront peut- ètre que je suis parvenu, dans ces très-difficiles recher- ches, à découvrir des faits importants ou à rectifier des er- reurs. Dans ma première communication du 25 novembre 1844, Je signalai la grande proportion des ganglions postérieurs , la petite différence de volume de l’un à l’autre, et consé- quemment leur asymétrie; enfin, les nombreux nerfs qui en naissent pour rayonner vers le bord du manteau. En février 1845, j'annonçai que ces nerfs aboutissaient, comme dans le Peigne, à un cordon ganglionnaire, faisant le tour complet du manteau, vers son extrême bord, et four- nissant de nombreux filets aux tentacules qui garnissent cet organe. Ce cordon avait échappé aux recherches de MM. Brandt et Garner (1). En 1845, j'annonçai, dans mon cours du Collége de France que j'avais découvert dans l’Æuitre pied-de-cheval les filets dé- liés, presque microscopiques, qui se détachent successive- ment de la partie supérieure du nerf branchial, en arrière de son coude, pour se distribuer dans les cloisons muscu- leuses qui séparent les deux feuillets de chaque branchie. Je constatai en même temps, par l’action galvanique, la (x) The Trans. of the Linnean Society:of London, vol. XVII; London, 1837. 8. 60 DU SYSTÈME NERVEUX contractilité de ces cloisons et l'importance qu’elles doivent avoir dans le mécanisme de la respiration de ces animaux (1). Je distinguai, dans ma première communication, les gan- glions buccaux, malgré leur extrême petitesse, en me servant à cet effet de leur connexion avec les deux filets de commis- sures en avant et en arrière de l’orifice buccal. 9 Je déterminai d’ailleursle cordon de commissure qui passe en arrière de la bouche, comme représentant le cordon du petit collier; en même temps que je signalai l'absence des ganglions pédieux, coïincidant avec l'absence de pied chez ces animaux. On pourra voir (dans le n° 7 de la fig. 2, pl. 1, la même où je démontre l'existence du cordon circulaire) trois filets qui se détachent successivement du cordon du grand collier, avant sa terminaison dans le ganglion buccal. De sorte que je n'ai pas tardé à me convaincre que ce cordon pouvait aussi fournir dans son long trajet quelques filets nerveux , et que l’une de mes propositions, publiée en novembre 1844, de- vait être rectifiée à ce sujet, dès le mois de février 1845, époque de ma seconde communication à l’Académie (2). Enfin, dans mes dernières recherches, je me suis convaincu que les quatre prétendus filets récurrents indiqués dans la Zoologie médicale comme se rendant à la partie la plus avan- cée des quatre feuillets branchiaux de chaque côté, depuis les ganglions buccaux, ne sont que des brides membraneuses. Mais il existe un seul nerf, lequel n'avait pas encore été (1) Voir la Revue zoologique d'avril 1846, p. 120. (2) C.R.T. XIX, p. 1133, $ XII. Les cordons qui forment le grand et le petit collier ne produisent aucun filet apparent. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 61 décrit, qui part de ce ganglion, ou du cordon decommissure qui tient lieu de petit collier, et se porte sur le bord dorsal du feuillet interne de la branchie interne; tandis que son feuillet externe et la branchie externe recoivent des filets nombreux qui leur sont fournis par le nerf branchial posté- rieur à l’endroit de son coude. J'avais aussi indiqué, dans ma première communication, ce filet branchial récurrent comme se portant vers la branchie. [me MONOGRAPHIE. Autre espèce d’Huëtre ou d’'Ostracé de la mer Rouge. (PL 2, fig. 1.) J'avais reçu, en 1842, l’exemplaire unique, sans la coquille, qui a fait le sujet de cette étude, avec l'étiquette de Chama gigas. Mais après l'examen détaillé de son système nerveux et de sa disposition générale, il est devenu évident pour moi que j'avais eu à examiner un Mollusque bivalve lamellibranche de l’ordre des Ouverts et de la section des Monomyaires apodes, ou un Ostracé proprement dit. J'ai été conduit à cette conviction, 1° Par l’absence des ganglions pédieux et l’existence d’un petit filet de commissure en arrière de la bouche, tenant lieu de petit collier ; 2° Par les petites proportions des ganglions buccaux et des cordons du petit collier; 62 DU SYSTÈME NERVEUX 3° Par la grande proportion des ganglions postérieurs et de leur commissure ; 4° Par les nombreux nerfsqui partent en rayonnant de ces ganglions pour se distribuer au manteau. Cet arrangement indique un nerf circumpalléal régnant dans le bord du manteau, et dans lequel aboutissent les der- niers ramuscules des nerfs palléaux postérieurs ; 5° Enfin, les grandes proportions des nerfs branchiaux, leur longueur après leur coude, démontrent le grand déve- loppement des branchies et leur étendue en arrière du muscle adducteur, qui est évidemment avancé vers l’axe des valves. Je conserve donc à cette monographie la place que je lui avais donnée, et je ne change rien à la description qu’elle comprend et qui reste telle que je l'ai présentée à l’Académie le 25 novembre 1844. Le principal centre nerveux est un ganglion postérieur uni- que, comme dans le Peigne et l Anomie, beaucoup plus large que long, disposé en travers sous le muscle adducteur, immédiatement derrière le foie, qui le recouvre un peu. Sa forme est rectangulaire, et sa face inférieure estun peu bombée. Il donne de ses angles les différents nerfs qui rayonnent dans toutes les parties du corps. Un nerf branchial (g) considérable et le cordon du col- lier (f) ont en apparence un pédicule comme cylindrique qui se voit au-devant de chaque extrémité de ce ganglion. Le nerf branchial est très-gros, et le cordon du collier trés-gréle à proportion. Ils se portent l’un et l’autre en avant, le nerf branchial en dehors, et le cordon du collier en DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 63 dedans , cachés par le foie et sous la face inférieure du mus- cle adducteur. Le nerf branchial traverse ensuite de dedans en dehors l'épaisseur du foie, etgagne le bord du cœur et des branchies, en se coudant pour se porter en arrière. Il suit, comme à l'ordinaire, dans cette direction, le bord dorsal de ces orga- nes, jusqu'à leur extrémité postérieure. Le cordon du grand collier (f) s’avance sous le foie dans un sillon de la face inférieure de ce viscère. Un peu en avant du coude du nerf branchial, celui de droite Journit de son côté interne, et celui du côté gauche de son côté externe, un petit nerf (c) qui, après un court trajet dans le foie, se perd _ sur le canal intestinal. Le cordon du grand collier continue de s'avancer sous le foie, et finit par atteindre le bord postérieur du palpe in- terne. Il y aboutit, de chaque côté, dans un petit ganglion triangulaire (a). Un filet de commissure se porte transversalement d’un ganglion à l’autre et les réunit. En dedans et en avant, il se détache de chaque ganglion un petit filet qui se perd, en se divisant, dans le palpe in- terne. En avant et en dehors chaque ganglion buccal fournit un gros nerf (Æ) qui se porte un peu en dehors, longe le bord adhérent du palpe interne, passe à 0",003 des commissures de la bouche et s'étend dans l'épaisseur du manteau; il s’avance ainsi en se divisant en deux branches, dont l’interne suit Ja direction du tronc, en se rapprochant un peu de la ligne mé- diane, et dont l’externe se porte en bas. Leurs rameaux et 64 DU SYSTÈME NERVEUX ramuscules se perdent sur le bord musculaire de cette partie du manteau. Le ganglion principal a ses extrémités qui se prolongent en deux autres pédicules coniques, celui du côté droit plus transversal, celui du côté gauche plus dirigé en arrière; des- quels se détachent quatre nerfs (2, n, 0, p). Ces nerfs se portent en dehors sous le muscle adducteur et le manteau, sous le bord musculaire duquel leurs rameaux se distribuent. Le premier ("») se dirige en avant, en dehors et en bas, et ne tarde pas à°se diviser en deux branches. Le suivant (») se bifurque du côté droit; tandis qu’à gau- che il se sépare en cinq branches déliées. Les autres (77 et p) ont une direction oblique en dehors et en arrière. L'angle postérieur du ganglion fournit directement en ar- rière un nerf considérable, le palléal postérieur, qui traverse la face inférieure du muscle adducteur, et se perd en se con- tournant autour de ce muscle, après s'être divisé en plu- sieurs branches ou rameaux. Du côté gauche, la branche (g) se rend dans le man- teau. La branche (r), avee ses rameaux, a la mème destination, aussi bien que la branche suivante (s). Le tronc principal continue sa marche en arrière pour se perdre dans le muscle adducteur. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 65 Im MONOGRAPHIE. Système nerveux de l’Anomia ephippium, X. (PI. 1, fig. 3 et 4, et pl. 2, fig. 2.) Le système nerveux de cette espèce montre, dans sa com- position, les plus grands rapports avec le type général qu'il présente dans cette classe de Mollusques lamellibranches ; mais il est modifié dans son arrangement par la disposition asymétrique de la bouche : elle est telle, qu’on ne peut s’em- pêcher de la comparer, en la voyant, à celle des Pleuro- nectes. L’asymétrie du système nerveux, dans sa partie antérieure, montre que cet arrangement, ou plutôt ce dérangement, est en rapport avec celui des organes qu'il doit animer ou qu'il entoure. Le ganglion central postérieur, les ganglions buccaux, le ganglion pédieux existent dans ce singulier système nerveux, ainsi que le grand et le petit collier, dans la composition des- quels ils entrent. Des deux ganglions labiaux, placés, comme à l'ordinaire, à la base des palpes labiaux, l’un, c’est le droit, est très-sen- siblement moins en avant ; l’autre, le gauche, plus avancé, est en partie masqué par le ganglion pédieux (PI. 2, fig. 2, 4), déplacé, hors de la ligne médiane, du côté gauche. Il en résulte que la branche du petit collier ( f) qui réunit le ganglion labial gauche au ganglion pédieux, est extrêmement courte; tandis que celle (f') qui va à ce même ganglion pé- dieux, depuis le ganglion labial droit, est très-longue. Cette grande asymétrie dans la longueur de ces deux T. XXIV. 9 66 DU SYSTÈME NERVEUX nerfs et dans la forme du petit collier est très-remarquable. Les ganglions labiaux (&,a) sont petits. Leur cordon de com- missure (b) contourne en avant la grande ouverture buccale. Les cordons du grand collier se dégagent de leur angle postérieur. Celui du côté gauche contourne le muscle adduc- teur moyen, qui est très-considérable. Du côté droit, il suit en dehors la masse viscérale; l’un et l'autre viennent joindre le ganglion postérieur à l'angle an- térieur de ses extrémités. Le ganglion pédieux (h) est assez gros, de forme quadri- latère. Il recoit les cordons du petit collier par ses angles anté- rieurs, et donne de ses angles postérieurs un nerf de chaque côté, qui se dirige en arrière autour du muscle adducteur moyen, dans lequel il se perd (k'et X”). Le ganglion postérieur est étroit, allongé dans le sens transversal et disposé symétriquement, dans ce sens, contre la face inférieure de l’adducteur postérieur. Les nerfs qui en partent ne sont pas symétriques. Celui qui s'en détache en avant du côté gauche pénètre dans l’adducteur moyen (PI. 2, fig. 2, x). Les nerfs branchiaux forment, avec le nerf palléal princi- pal, un tronc commun (fig. 2, Z, {) qui semble la continua- tion du ganglion, tant ce tronc est gros à son origine. Mais il s’affaiblit promptement en fournissant successive- ment un nerf palléal dorsal, le nerf branchial de son côté, et un nerf palléal ventral. Cette circonstance explique pourquoi ce nerf branchial, une fois séparé de ce tronc commun, est bien diminué en approchant de la branchie DES MOLLUSQUES ACEPHALES. 67 Il faut le considérer dans les figures 3 et 4 de la PI. 1 pour comprendre ses rapports d’origine avec les nerfs palléaux. Les nerfs qui vont au manteau appartiennent essentielle- ment, comme dans l'Auitre, au ganglion central postérieur. Ils se composent de trois branches principales qui se sépa - rent successivement du tronc commun que nous venons d’in- diquer , et se portent soit vers le côté dorsal du manteau, soit vers son bord postérieur, soit vers son bord abdominal. Les uns et les autres rayonnent et se divisent à peu près di- chotomiquement, et gagnent ainsi tout le pourtour du man- -teau, dont le bord est garni de nombreux tentacules. C’est dans ce pourtour qu'ils rencontrent le nerf circumpalléal, faisant les fonctions de ganglion, comme dans l’AÆuitre, le Peigne, etc. Ce nerf n’a pas, en effet, son origine directe dansles gan- glions antérieurs ou postérieurs; mais il forme un cercle complet sur l’extrème bord du manteau ; il reçoit de son côté interne les derniers ramuscules des nerfs palléaux, et fournit, par son côté opposé, de nombreux filets très-déliés qui pé- nètrent dans les tentacules qui garnissent le bord du man- teau, et doivent les rendre irritables ou sensibles. Cette disposition singulière est parfaitement rendue dans les figures 3 et 4 de la planche 1. Comme dans l’Auitre et le Peigne, ces filets nerveux ten- taculaires ne correspondent pas aux terminaisons du nerf palléal dans le cordon circulaire, et n’en sont pas une con- tinuation directe. Ce que je viens de dire du nerf circumpalléal est une ad- dition à ma monographie, d’après la découverte de ce nerf que j'avais faite peu de semaines après ma première commu- 9- 68 DU SYSTÈME : NERVEUX nication, et que j'annonçai à l'Académie dès le mois de fé- vrier 1845. D'ailleurs, personne n'avait encore décrit, avant moi, le système nerveux de l'Ænomie; seulement M. Garner avait dit (1) que les ganglions antérieurs étaient déplacés, et que le ganglion pédieux était porté de côté par suite du change- ment de position du pied. Dès 1844 je décrivais un filet nerveux allant au cœur, au rectum et à l'anus. J'indique, dans la figure 4 de la pl. 1, un nerf qui se rend à l'ovaire. Ceux du foie et de l’estomac sortent des ganglions buc- caux. Le ganglion buccal gauche envoie un petit nerf au muscle adducteur antérieur. Le pied recoit un petit nerf que lui envoie le ganglion pédieux. Le même ganglion donne deux nerfs considérables au moyen adducteur, qui en reçoit un troisième du ganglion postérieur. Enfin le muscle adducteur postérieur recoit un nerf du ganglion central postérieur. L'asymétrie du système nerveux de l’Ænomie se montre surtout, ainsi que nous l'avons dit, dans la position excen- trique du ganglion pédieux, et par suite dans l'extrême brièveté du cordon gauche du petit collier; tandis que le cordon droit est, à proportion, d’une grande longueur. (1) Mémoire cité. DES MOÏLLUSQUES ACÉPHALES. 6g IVme MONOGRAPHIE. Système nerveux du Pecten maximus, L. (PI. 2, fig. 3 et 4, et pl. 3 et 4, fig. 2 et 3.) Les Peignes se distinguent, entre autres, par la dissem- blance de leurs deux valves et par l’existence du seul muscle adducteur postérieur, qui est d’une très-grande proportion et un peu avancé vers l’axe des valves. Ces Mollusques ont un petit pied, en avant de la masse viscérale, qui doit leur servir d’organe de préhension ou d'adhésion, plutôt que d’organe de locomotion. Le manteau, qui borde et garnit de ses deux lobes toute la circonférence de la coquille, est largement ouvert dans toute cette étendue et ne gêne nullement l’écartement des valves, autant du moins que le permet le muscle adducteur. ILest garni, dans son bord interne, d’un grand nombre de papilles ou pédicules tactiles, et de quelques pédicules ocu- laires, déjà remarqués et décrits par Poli en 1791, sur les- quels MM. Krohne et Grube ont de nouveau fixé l'attention des savants (1). À en juger par les arrangements du système nerveux qui sont en rapport avec les circonstances d'organisation que je viens d’énoncer, les Peignes devraient être considérés comme étant à la tête des Mollusques bivalves, par la perfection (1) Archives de J. Müller pour 1840. 70 DU SYSTÈME NERVEUX de leurs organes sensitifs et par la puissance de leur organe principal de mouvement, leur unique muscle adducteur. Nous aurons l’occasion de revenir sur cesujet important, que nous ne faisons qu'indiquer ici. Le ganglion central principal (1) est le postérieur, dont la paire est confondue en un seul ganglion (2). Les ganglions buccaux (a, a) ou labiaux sont très-petits ; il en est de même des ganglions pédieux (6, c). Le ganglion postérieur forme un carré long, disposé en travers contre la face antérieure de l’adducteur, précisément dans sa partie moyenne. La position centrale de cette partie, rapproche de l'axe de la coquille et du manteau le principal centre nerveux. Aussi est-ce de ce ganglion qu'irradient vers la circonfé- rence presque tous les nerfs du manteau. Ce ganglion est un peu coloré en jaune. Le premier nerf qui en sort, en avant et en partant de la ligne médiane , est le cordon du grand collier ( f, f). Il se porte presque directement en avant, en contournant la masse viscérale. Chaque cordon aboutit au ganglion labial de son côté, qui semble n'être qu’une légère dilatation de ce cordon. Le nerf branchial (g, g) sort du ganglion tout près du nerf du grand collier, et passe sous la partie postérieure du cœur en se portant en avant eten dehors. 4 Il s’en détache des filets qui vont à l'oreillette du cœur. Ce nerf continue de se porter en avant et en dehors, puis se (1) M. Garner en représente deux de forme ronde, réunis par une large commissure. Mémoire cité, pl. 24, fig. 8. (2) PL 2, fig. 3, 6. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 71 fléchit en arrière pour suivre le bord postérieur et superieur des branchies de son côté. Ce tronc nerveux très-fort est remarquable par sa struc- ture ganglionnaire; il ne montre que des globules. Son dia- mètre est très-inégal et renflé assez régulièrement de dis- tance en distance. C’est de ces renflements que sortent les filets nerveux. (Voir la fig. 5 de la pl. 5, qui représente cette structure singulière.) Un troisième nerf (m) considérable sort de l’extrémité du même ganglion du côté droit, et répond à trois ou quatre autres troncs nerveux distincts, qui sortent du côté gauche de l’autre extrémité de ce ganglion (m, m', m" et m"'). Le premier (m) se compose d’un faisceau de nerfs qui se séparent bientôt en trois, et dichotomiquement en six, puis en un plus grand nombre de filets successivement plus petits, qui vont en rayonnant jusqu'au bord du manteau. Ils y aboutissent dans un cordon circulaire qui règne tout le long de ce bord. Les quatre cinquièmes de la circonférence du manteau, dans sa partie latérale et moyenne, sont animés par les divi- sions rayonnantes de ce tronc nerveux, que j'appellerai nerf palléal latéral. Le nerf palléal postérieur (q, 4) est le dernier des nerfs que fournit ce ganglion. Il s’en détache en arrière, et se porte presque directement dans ce sens, jusqu’au bord postérieur du manteau, où les filets qui le composent se séparent et s'écartent les uns des autres, pour aboutir dans le cordon circulaire. Les deux troncs nerveux qui composent chaque nerf pal- 70 DU SYSTÈME NERVEUX léal latéral, de l'un et l’autre côté, ne sont pas exactement symétriques. Les nerfs branchiaux (g et g°) sont encore plus asymétri- ques. Celui du côté gauche (g°) forme un are bien moins ouvert que celui du côté droit. Les ganglions labiaux (a, a) sont très-petits; ils semblent n'être qu'un léger renflement en massue, ainsi que nous l’a- vons déjà dit, du cordon du grand collier. On les voit en arrière de la bouche au-devant de la base du pied. De leur angle interne sort le cordon de commissure (d) qui se porte en avant et contourne en arcade l'orifice buccal. Plus en dehors on voit se détacher du même ganglion labial, de chaque côté, un nerf palléal antérieur (k) dont les filets aboutissent à la section la plus avancée du cordon cireum- palléal. Un petit filet labial provient du même tronc nerveux. Un autre nerf (x,x) sort de chaque ganglion labial, plus en dessus et un peu en arrière. Îl pénètre dans le foie : c'est le nerf gastrique. De l’angle interne du même ganglion sort un court cor- don (e, e), celui du petit collier, qui se porte en dedans et en arrière, et rencontre, après un trajet de quelques millimètres, le ganglion pédieux (c) de son côté, situé sous la base du pied avec son symétrique, auquel il adhère. Ce double ganglion est très-petit et proportionné à la faible dimension du pied auquel il envoie les nerfs. Il'est de forme quadrilatère; de chacun de ses angles pos- térieurs sort un tronc nerveux qui se distribue au pied. La particularité la plasremarquable du système nerveux du Peigne, particularité que j'ai déjà fait connaître dans l Auitre DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 73 et l'Ænomie, est sans contredit l'existence d’un cordon ner- veux ganglionnaire que j'appelle circumpalléal, parce qu'il forme un cercle complet en dedans de l'extrême bord du manteau. Je lui donne l’épithète de ganglionnaire, pour distinguer à la fois sa composition et la manière dont les nerfs du manteau aboutissent à ce nerf par son côté interne ; tandis qu'il en sort de son côté externe un plus grand nombre de très-petits filets qui se rendent aux pédicules tactiles et vi- suels qui garnissent le bord du manteau. Ces filets, qui forment comme les franges du cordon gan- glionnaire, ne répondent que pour un très-petit nombre aux derniers ramuscules de chaque nerf palléal. Ts se divi- sent encore, après s'être détachés du cordon, en se portant dans les appendices tactiles ou visuels que nous venons de mentionner. Un pédicule tactile recoit un, deux, jusqu'à trois de ces filets. Un pédicule oculaire en reçoit un central, c’est son nerf optique, et un pour les enveloppes et la substance du pédi- cule, - Cette substance est fibreuse et contractile. Une petite sphère aplatie est enchâssée dans chaque pé- dicule oculaire jusqu’à la moitié de sa hauteur. Le reste du globe oculaire n’est recouvert, comme tout le pédicule, que par la peau. La partie centrale du globe oculaire qui est libre, est une sorte de cornée transparente, autour de laquelle il ÿ a une zone colorée en brun foncé. ‘Cette couleur brune est produite par un pigment de cette EF -XXIV. 10 74 DU SYSTÈME NERVEUX nuance qui colore la sclérotique jusqu'à la cornée transpa- rente. Celle-ci a un reflet, dans l’état de vie, d’un beau vert d'émeraude, déjà remarqué par Pol. Ce reflet vient d’une sorte de tapis qui est au fond du globe oculaire, et se compose de deux couches de pigment. L’exté- rieure est rouge , l’intérieure est d’un bleu céleste avec un reflet argenté (1). Le globe oculaire renferme deux corps transparents. L'un, plus dense que l'autre, a la formelenticulaire, et touche par sa convexité supérieure à la cornée transparente. Il est enchässé, par la convexité opposée, dans le second corps transparent, sorte de corps vitré, ayant moins de consistance que le pre- mier. Il remplit le reste du globe oculaire. C’est autour de ce corps vitrée que s'élèvent jusqu’au cristallin les deux couches de pigment. Un nerf optique, ainsi que je l'ai déja dit, se détache du cordon et pénètre dans l’axe du pédicule jusqu’à la capsule oculaire ou jusqu'à la sclérotique du globe de l'œil. Là il se sépare en deux branches : lune se divise en filets très-fins et se perd dans la base du globe oculaire; l’autre s'élève jusqu'à la hauteur d’une sorte de diaphragme qui sépare le corps vitré du cristallin (2). (1) M. Krohne, qui a décrit cet organe avec beaucoup de détails et d'exactitude, mais dans d’autres espèces que le Pecten maximus, n'y a pas vu le pigment bleu ; il ne parle que du reflet argenté. Suivant cet observa- teur, la cornée transparente est un peu plus convexe que la partie du globe qui l'entoure. Archives de J. Müller pour 1840. PI. r1, f. 16. (2) Voir le mémoire de M. Krohne, déjà cité, et la note que j'ai insérée dans le Bulletin de la Société philomathique, pour la séance du 9 février 1845. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 75 Les figures que nous publions du système nerveux du Pecten mazximus, et de la structure de ses yeux, donneront une idée exacte de ce que nous avons observé de cettesi remarquable organisation. Vue MONOGRAPHIE. Système nerveux du Jambonneau ou de la Pinna nobilis, 1. (PI. 3 et 4, fig. 4, 1-a, 1-6, 1-c.) La disposition générale du système nerveux de cette es- pèce a les plus grands rapports avec celle que nous venons de décrire dans les Auitres, V Anomie et le Peigne. Quoique le Jambonneau ait un petit muscle adducteur antérieur de plus que ces mollusques, qui sont Monomyaires, il a un cor- don nerveux circumpalléal monocirculaire, dans lequel se rendent, en rayonnant, les nerfs qui prennent leur origine en plus grand nombre dans les ganglions postérieurs et dans les ganglions labiaux, en petit nombre. Lorsque nous avons étudié cette espèce en 1844, nous ne nous étions apercu de l'existence du cordon palléal mono- circulaire que dans la partie élargie du manteau. Mais nous n'avons pastardé à voir que, la disposition rayon- nante des nerfs du manteau faisant partie du plan qui com- prend ce nerf, ce cordon devait nécessairement exister dans ce genre, aussi complétement que dans les précédents. Il y a d’ailleurs, dans les proportions des parties centrales et périphériques de ce système nerveux, des caractères orga- niques qui sont évidemment en rapport avec la forme singu- D 10. 76 DU SYSTÈME NERVEUX lière de l'animal, indiquée par celle de sa coquille. C’est dans la partie étroite de cette coquille que sont concentrés les or- ganes d'alimentation et de propagation. Au sommet se voit un très-petit muscle adducteur antérieur. A l'endroit où elle a commencé à s’élargir beaucoup, se trouve le muscle adducteur postérieur, qui est très-consi- dérable. Au delà de ce muscle, qui rappelle par ses propor- tions celui des Peignes, le manteau, toujours libre, se déploie largement avec les valves qui s'élargissent. Les organes de respiration, ou les branchies, se prolongent en arrière, et au delà de l'adducteur, aussi loin que le manteau qui les protége. r Le pied est très-petit. Ce n'est qu'une filière pour le bys- sus (1), qui est tellement abondant et fin, qu'on en a tiré parti, dans le royaume des Deux-Siciles, pour faire des tri- cots qui imitent la soie. Il résulte, de cette forme générale, que l'organe protecteur de ces animaux après la coquille, leur manteau , a de très- grandes proportions ; Que les organes de respiration sont de même tres-consi- dérables, relativement aux organes d'alimentation. Voyons à présent les arrangements du système nerveux qui sont en rapport avec ceux des autres systèmes que nous ve- nons d'indiquer très-succinctement. Les ganglions antérieurs, pédieux et postérieurs sont pro- portionués, jusqu’à un certain point, au nombre et à la gros- seur des nerfs qu'ils fournissent; je dis, jusqu’à un certain (1) Ou du moins un organe servant, sinon à filer ce byssus, du moins à en diriger et en placer les fils sur les objets fixés, auxquels l'animal peut s'attacher. Voir le t. VIII des Lecons d'anatomie comparée, p. 667-671., DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 75 point, la forme grêle de la paire postérieure dans sa partie moyenne, qui y semble fondue en un seul ganglion, parais- sant une exception à cette règle. Ce ganglion se présente en effet comme un gros tronc nerveux, posé en travers contre la partie moyenne la plus avancée de la face inférieure de l’ad- ducteur. Il grossit à ses extrémités pour fournir les diffé- rents nerfs qui en sortent. A la vérité, l’on pourrait déterminer, comme les deux ganglions postérieurs bien distincts, les deux renflements ar- rondis d’où partent les divers nerfs principaux que fournis- sent ordinairement les ganglions postérieurs, et l’on regar- derait la partie étroite et transversale qui est entre eux, et qui les réunit, comme une commissure. Le premier nerf qui se détache en avant de chaque gan- glion, et le plus rapproché de la ligne médiane, est, comme à l’ordinaire, le cordon du grand collier (4), qui est épais et se pofte assez directement en avant pour aboutir au gan- glion antérieur ou buccal de son côté (a). Immédiatement après, en procédant de dedans en dehors, on découvre un nerf très-grêle (4), qui s'avance sous la peau , adhérant à la face inférieure-de l’ ovaire, et vase perdre près d'un petit orifice béant (5) qui est l'issue de cet organe. Du côté gauche, il se sépare de ce nerf, près de son origine, un filet très-grêle (6), qui se rend à un petit renflement gan- glionnaire (Æ') que je décrirai bientôt. Plus loin, il s'en sépare un autre filet (7) qui se bifurque, et dont les deux branches se réunissent à un autre petit renflement ganglionnaire (4”) qui ne se voit que du côté gauche. Le troisième nerf (8) qui se détache du ganglion est aussi 78 DU SYSTÈME NERVEUX très-grèle, un peu flexueux, dirigé encore en avant: il abou- tit au ganglion (#’) mentionné en premier lieu. Ce renflement du côté droit est situé près du bord interne de la partie des branchies adhérente à l'ovaire: il est étroit et allongé, et se montre immédiatement sous la peau. Il ne parait formé que par la fusion ou la réunion des nerfs qui s'y rendent. Il en sort en avant deux filets, dont l'un (9), situé plus en dehors, longe le bord adhérent des branchies, puis s’en éloigne pour se rapprocher un peu de la ligne médiane, et passer de la face inférieure de l'ovaire à celle du foie, et va se perdre dans les palpes labiaux. Le filet interne qui naît de ce ganglion (#') se rend du côté gauche au ganglion (4”) après un court trajet. Ce dernier renflement (4") est très-petit; il ne fournit en avant qu'une seule branche de communication, qui se réunit au nerfqu'envoie dans cette même direction le ganglion pré- cédent (4). L Du côté droit, le seul ganglion (#) qui existe, réunit les deux branches de communication du filet (;) et l'unique du filet (8). Ce ganglion fournit en avant deux nerfs (9° et g';, qui se voient dans la partie des branchies qui adhère à l'ovaire. Is passent aussi de l'ovaire sous le foie, et se perdent dans les palpes. Ces nerfs sont sous-cutanés dans tout leur trajet. Le nerf branchial (7 /) sort de l'extrémité interne et anté- rieure du ganglion : c'est un gros cordon qui se porte un peu en avant et en dehors, pour se couder bientôt en se di- rigeant en arrière, le long du bord supérieur des deux bran- chies de son côté, depuis une courte portion qui est au-de- DES MOLLUSQUES ACEPHALES. 79 vant du muscle adducteur, jusqu'à la partie la plus reculée de la coquille et du manteau, où les branchies se terminent. Ici l'étendue des branchies au delà de l’adducteur étant considérable, celle de ce nerf l'est aussi; on peut le suivre jusqu’à leur extrémité. Dans l'individu que nous avons sous les yeux, le nerf est fortement plissé par suite de la contraction de la branchie au moment de la mort. En arrière de l’origine du nerf branchial, l'extrémité du ganglion semble se prolonger dans un tronc plus épais que la partie moyenne de ce ganglion : c'est notre nerf palléal latéral. Ce tronc se sépare bientôt en deux branches, l'une anté- rieure grêle (10), qui se porte directement en dehors sous l’adducteur, puis en avant, où elle longe le bord postérieur de l'ovaire. Vers l'extrémité de l’adducteur, ce nerf se divise de nouveau en deux branches, l’une qui continue de se por- ter en dehors, et l’autre qui se dirige en avant. La première (12) donne des rameaux et des ramuscules à la partie membraneuse du manteau, et se perd dans la partie correspondante du cordon circumpalléal. La dernière (11) s'avance le long de l'ovaire également dans le manteau, et se distribue plus en avant dans cet or- gane, et plus particulièrement dans son bord musculeux. Cette mème branche du tronc palléal latéral donne, du côté droit seulement, après un court trajet, un rameau (10') qui se porte directement en dehors, pour se distribuer immédia- tement dans le bord musculaire du manteau. L'autre branche (p) du tronc palléal latéral est, par son 80 DU SYSTÈME NERVEUX volume, la continuation de ce tronc, et la première n’en pa- raît qu'un rameau. Ce nerf, le plus considérable, par son diamètre, de ceux que nous avons décrits jusqu'ici, et de tous ceux de l’animal, a plus d’un millimètre de large à son origine; il se porte obli- quement en arrière et en dehors, sous le grand muscle ad- ducteur. Îl est aussi sous-cutané, et s'aperçoit à travers la peau dans une grande partie de son étendue. Il pénètre au delà du muscle adducteur dans le manteau, appliqué contre le faisceau musculaire du bord interne de cet organe. Là il se sépare bientôt en trois branches, puis celles-ci en plusieurs autres, qui suivent les divisions des faisceaux musculeux de cette partie du manteau, et se terminent dans le cordon cir culaire de son bord. Du côté droit, la première des trois branches, ou la plus interne, se sépare plus tôt de son tronc que du côté gauche. Le nerf palléal postérieur (m) sort du ganglion un peu plus en dedans que le précédent. Il traverse, sans fournir de branche, la face inférieure du musele adducteur postérieur, remonte le long du côté postérieur de ce muscle, qu’il con- tourne Jusqu'au manteau, dans la partie moyenne et posté- rieure duquel il se distribue, en suivant les faisceaux mus- culeux longitudinaux de cette partie. Le dernier nerf (7) que produit le ganglion postérieur, le plus interne des nerfs qui sortent en arrière de ce ganglion, appartient au rectum, à l'extrémité duquel il se distribue. Pour cela, il se porte directement en arrière, sous la face in- férieure de l'adducteur, qu'il traverse à peu près parallèle- ment à son symétrique, et finit par trois filets qui se perdent autour de l'anus. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 81 Les ganglions antérieurs sont ici assez reculés relative- ment à la bouche, puisqu'ils sont de deux centimètres plus en arrière. Chaque ganglion (a) se voit sur le côté, à l’extrémité anté- rieure du foie, au niveau du bord antérieur du pied et du point de séparation de ses deux tendons antérieurs. Le pli de la peau qui se prolonge des lames branchiales aux palpes le recouvre. Ces ganglions sont petits, irréguliers, oblongs; ils ne sem- blent formés que par la continuation du cordon du grand collier et par les nerfs qui en partent. Le nerf palléal antérieur (d), qui s’en détache en avant, en semble de même une prolongation. Ce nerf contourne le tendon antérieur du pied, de son côté, et continue de se porter en avant jusqu’au muscle ad- ducteur antérieur, dans lequel il se termine. A droite, il est plus considérable, et mérite mieux, par sa distribution, la dénomination que nous lui donnons. Le filet (2) qu il donne au muscle adducteur n’en est qu'un rameau. Îl se coude ensuite pour suivre le bord du man- teau et se perdre dans son bord musculaire en continuant de se porter en arrière (1). À l'instant où il se coude, il four- ‘ nit encore un rameau en avant (3), toujours pour le bord mus- culaire du manteau et le cordon circumpalléal ? Le nerf palléal antérieur gauche, que nous avons dit se distribuer exclusivement au muscle adducteur antérieur, est pour ainsi dire décomposé de ce côté en deux. Un gros nerf (d'), qui sort du ganglion par son côté ex- terne, est proprement ici le nerf palléal antérieur. Ce nerf se bifurque en deux branches principales, l’une antérieure (d), et T. XXIV. 11 82 DU SYSTÈME NERVEUX l’autre postérieure (1'), qui longent le bord du manteau en avant et en arrière, et s’y perdent. Enfin on voit encore sortir du ganglion antérieur, entre les deux nerfs (d) et (d') du côté gauche, un petit nerf (d”) qui se distribue dans la partie membraneuse du manteau. Du côté droit,ce dernier nerf est une branche du nerf palléal ; il s'en détache à un centimètre plus avant que le ganglion antérieur. Les ganglions antérieurs donnent de leur extrémité pos- térieure du côté interne le cordon du petit collier (ec, c). C'est un assez gros nerf qui se porte en dedans et en bas, à la rencontre du ganglion pédieux de son côté. Dans son court trajet, il est en rapport avec le tendon antérieur du pied et avec le foie, Les ganglions pédieux (b b) qu'il nous reste à décrire, sont très-petits et proportionnés au pied en languette auquel ils se distribuent. On dirait un léger renflement terminal du cordon du petit collier. Ils sont oblongs, adhérents l’un à l’autre, etrestent cepen - dant très-distincts l’un de l’autre. Il en sort trois nerfs distincts : le plus petit (4') est anté- rieur, le moyen (2")se porte directement en bas dans l’épais- seur du pied en se divisant en quatre petits rameaux. Le plus important de ces nerfs, par son étendue et sa gros- seur, sort de l'extrémité postérieure du ganglion (4). Ilse porte directement en arrière entre le pied et le foie ; il se divise en deux branches après un court trajet. Ces deux branches continuent de se porter entre le foie et la partie postérieure du pied, dans laquelle elles se distribuent. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 83 Ce système nerveux,on vient de le voir,semble presque ex- elusivement destiné aux organes du mouvement, de la sensi- bilité et de la respiration. Les différentes proportions de ses parties centrales et pé- riphériques sont exactement en rapport avec celles des or- ganes auxquels ces nerfs se distribuent. Le ganglion postérieur seul n’est pas volumineux à pro- portion des nerfs qu'il produit de ses extrémités. Il ne semble qu’un cordon de commissure, réunissant par ses deux extrémités deux petits ganglions, ainsi que nous l'avons déjà exprimé. Nous n'avons vu, du filet de commissure en avant de la bouche, que les deux portions (b, b), qui en faisaient proba- blement partie ; ce filet, dans ce cas, devait être très-grêle. Observations sur la Monographie précédente. Dans des recherches nouvelles, faites sur un individu bien conservé, J'ai pu constater que les deux filets que je présumais appartenir à la commissure des ganglions buecaux lui appar- tenaient en effet. Del’angle rentrant que forment à la fois le cordon du grand collier et le nerf branchial, sort du ganglion principal et de l’origine du nerf branchial un faisceau de très-fins nerfs qui s’avancent sous la peau sur l'organe de Bojanus et vers la partie antérieure des branchies. Du coude que fait le nerf branchial, et après ce coude, un grand nombre de filets très-déliés vont aux branchies, comme dans l’/nodonte. Quant aux petits ganglions accessoires que j'avais vus, dans 11. 84 DU SYSTÈME NERVEUX mes observations de 18/4, réunir quelques petites branches nerveuses, et que J'ai désignés par (#') dans la figure 1, je ne les ai pas retrouvés dans mes dernières observations. Cet exemple, et d’autres que j'aurai l’occasion de citer, me persuadent que, dans un certain nombre de cas, les très-pe- tits ganglions que l’on aperçoit aux angles d'union des filets nerveux, sont loin d’être constants, et qu'ils peuvent exister ou disparaître chez les divers individus d’une même espèce. La figure 1 de la planche 3 et 4 montre évidemment le cordon circumpalléal, les nerfs qui s'y rendent, et les courts filets déliés qui en partent. Vine MONOGRAPHIE. Système nerveux de l'Arca inæquivalvis. (PL 8 et 9, fig. 3.) Ce système nerveux a beaucoup de rapports avec celui des Mytilacés. I y a un grand et un petit collier. Les ganglions postérieurs sont écartés comme dansla Moule comestible et le Lithodome caudigère. Le cordon de commissure qui les réunit est large. Le nerf branchial est petit et dirigé en dehors avant de se porter en arrière. Les ganglions labiaux sont très-écartés, de forme quadran- gulaire; leur filet de commissure est en avant de la bouche. Is produisent un nerf palléal antérieur qui se distribue au manteau, après s'être bifurqué. Le cordon du petit collier est court. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 85 Les ganglions pédieux sont aplatis et tellement rappro- chés, qu'on dirait ne former qu’un seul ganglion. Deux filets sortent sur le côté de chacun de ces ganglions et se rendent à la base du pied. Un filet plus considérable sort de chacune de leurs extré- mités postérieures. Après le nerf branchial, le ganglion postérieur donne un tronc commun qui se sépare bientôt en palléal latéral et en palléal postérieur. Deux autres filets sortent, plus en dedans, du bord posté- rieur de chaque ganglion. L’un se rend au muscle adducteur postérieur : c'est l’ex- terne ; l’autre se distribue au cœur et au rectum : c'est l’interne. VIlme MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Trigonia australis, Quoy et Garmaro. (PL. 7, fig. 3.) Dans la coupe de l’animal représentée dans la figure que je publie, on voit que le manteau est largement ouvert, comme dans les Auîtres, et qu’il n’ya aucune bride, aucun pont allant d’un lobe à l’autre. Cependant il existe dans le bord du manteau un espace (tr) garni de papilles, qui indiquerait la fonction de tube res- pirateur dans cette partie du manteau; et, au-dessus de ce bord papilleux, un autre espace (£a) à bord lisse, qui répond à l’anus etindiquerait le tube anal. D'ailleurs la distribution du système nerveux n’est pas du 36 DU SYSTÈME NERVEUX tout celle des Ostracés à cordon nerveux palléal monocircu- laire, mais bien celle des Mytilacés. Les ganglions postérieurs (c‘) sont rapprochés sous l'ad- ducteur postérieur. Ils fournissent sur le côté et en arrière le nerf palléal pos- térieur, puis un gros nerf qui va à l'adducteur postérieur et à l'anus. En avant ils donnent le nerf du grand collier et le nerf branchial. Les ganglions labiaux sont petits ; ils donnent un palléal antérieur et un nerf labial. Ilen sort en arrière le cordon du petit collier, qui est long pour descendre à travers la masse des viscères jusqu'au gan- glion pédieux (gp). Ce ganglion est unique; situé au milieu de la longueur du pied, il lui envoie des filets en avant et en arrière. Ce pied a quelque chose de particulier; il s'avance comme une carène détachée de la masse abdominale, au delà du ni- veau de la bouche, et il se termine en pointe. Son bord infé- rieur, tranchant, est hérissé de dentelures ou de papilles pointues, dont il y a une seconde rangée sur le côté de sa partie la plus reculée. On peut conclure, de cette distribution du système ner- veux, que la circonstance d’avoir le manteau complétement ouvert n’est pas caractéristique de tout l'organisme, ou autre- ment, que ce n'est pas un caractère dominateur. Les Ærches etles Trigonies se rapprochent singulièrement des Mytilacés par leur système nerveux, et ceux-ci des 7rifores ou au moins des 7ridacnes, qui font partie de cette division. Cette Monographie est nouvelle; elle a été faite d'après un DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 87 individu rapporté des mers australes par MM. Quoy et Gai- mard, auxquels la science doit un grand nombre de faits nouveaux, non-seulement pour la classe dont nous nous occu- pons dans ces Mémoires, et pour tout l’'Embranchement des Mollusques, mais encore pour toutes les autres parties de la Zoologie. VITIme MONOGRAPHIE: Système nerveux de l'Anodonte des cygnes (Anodontes cycneus, L.). (PL. 6, fig. 4; pl. 7, fig. 2, et pl. 8 et 9, fig. 4 et 2.) Le système nerveux central de l’Ænodonte a été décrit, en 1804, par Mangili, ainsi que nous l'avons dit dans la partie historique de ces Mémoires. Nous aurons peu de chose à ajouter à cette description, dont nous avons vérifié l'exactitude. Il n’en sera pas de même du système nerveux périphérique. Les ganglions postérieurs semblent soudés et même con- fondus en un seul de forme rectangulaire. Il est carré dans la figure de Mangili. Ce ganglion, unique en apparence, est situé, comme à l’or- dinaire, sous le muscle adducteur. En avant et vers chacune de ses extrémités, s'élève une petite proéminence angulaire qui produit le cordon du grand collier, L’un et l’autre tronc nerveux qui forment ce collier, d'abord assez rapprochés, s'écartent peu à peu en s’avançant, con- tournent la masse des viscères, se glissent entre eux et la base 88 DU SYSTÈME NERVEUX de la branchie de leur côté, et gagnent le ganglion buccal, sur les côtés de l’orifice de ce nom. En avant, mais plus en dehors que le nerf précédent, sort le nerf branchial, qui est court et petit, se porte d’abord obliquement en dehors et en avant, sous le muscle adducteur, ne dépasse pas ce muscle, se coude de ce dernier côté pour se porter en arrière le long de la petite étendue du bord adhé- rent de la branchie, qui est au niveau de l’adducteur et le dépasse en arrière. Un troisième tronc nerveux (4, fig. 1, pl. 6) considérable sort de l'angle postérieur de ce même ganglion, et semble l’absorber, à lui seul, par le gros diamètre qu'il montre à son origine. Ce tronc nerveux se dirige obliquement en arrière et en dehors, et produit successivement, de chaque côté, six ou sept filets courts et fins qui vont au muscle adducteur et au man- teau. Une partie de ces filets se bifurquent avant de se ter- miner. Le tronc lui-même diminue rapidement de diamètre, à mesure que ces petits nerfs s’en détachent, et semble un peu noueux aux endroits où il les produit. Le premier de ces filets en sort très-près de la base, du côté droit, et semble encore appartenir au ganglion principal, du côté gauche. Ce filet (5) rudimentaire dans cette espèce, celui des nerfs postérieurs le plus près de la ligne médiane ayant la direction la plus droite en arrière, est le même que nous avons signalé dans l’Auitre comestible (pl. 1, fig. 1), où il contourne le muscle adducteur pour arriver jusqu’au rectum, auquel il se distribue. Dans l’AÆuitre de la mer Rouge (pl. 2, fig. 1), il a une ori- gine commune avec le palléal postérieur. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 89 Notre tronc (4) n’est qu’indiqué à son origine dans la figure de Mangili, Cette figure montre aussi l’origine du filet (5), mais avec une direction trop oblique. Le nerf branchial s’y trouve bien tracé. On n’y voit pas le nerf palléal latéral (4), indiqué dans notre fig. 1, pl. 6, dont l’origine est aussi à chaque extrémité du ganglion principal, entre le nerf branchial et le nerf pal- léal postérieur. Ce nerf se distribue au manteau. D'autres petits filets très-courts et très-fins, au nombre de quatre ou cinq de chaque côté, sortent du même ganglion, entre ie nerf précédent et le branchial , ou entre celui-ci et le cordon du collier, et se perdent dans le muscle adduc- teur. Aucun de ces filets n’a été vu par Mangili. Nous avons déjà dit que le cordon du grand collier abou- tissait vis-à-vis chaque commissure labiale, en dedans des palpes, c’est-à-dire plus rapproché de la ligne médiane, à un petit ganglion buccal (c) irrégulièrement quadrangulaire. I] en forme, avec le cordon du petit collier (d), l'angle posté- rieur. Le filet de commissure (/), qui dessine une arcade au- devant de la bouche, sort de l’angle antérieur et interne du même ganglion. L’angle antérieur et externe produit un nerf assez fort (a), qui se bifurque bientôt, en se portant en avant, et dont les branches ét les rameaux se distribuent à la partie antérieure du manteau. C’est le nerf palléal antérieur. Le filet interne provenant de cette bifurcation va directement au bord mus- culaire du manteau, dans lequel il se contourne. Avant d'atteindre ce bord, il s’en détache un filet qui ne tarde pas de se perdre dans la partie mince ou membraneuse de ce même manteau. T. XXIV. 12 90 DU SYSTÈME NERVEUX La branche externe de la bifureation du nerf palléal an- térieur forme une arcade qui se contourne d'avant en ar- rière , et se distribue dans la partie la plus mince du man- teau. Du même angle externe sort, plus en dehors que le pré- cédent , un second palléal antérieur (1). Le cordon(d) du petit collier, après s'être détaché de l’angle postérieur interne du ganglion buccal , ainsi que nous l'avons déjà dit, se porte directement en bas et en dedans, dans le bord intérieur du pied, où chaque cordon aboutit à l'extrémité antérieure du ganglion pédieux (e) de son côté. Ce cordon est assez gros pour sa longueur. Les deux ganglions pédieux sont de forme oblongue; ils se touchent et sont adhérents par leur névrilemme dans la partie moyenne de leur long côté interne, et donnent leurs nerfs de leur côté externe et de leur extrémité postérieure et inférieure. Ces ganglions, de mème que le postérieur et les ganglions buccaux, sont colorés en jaune de rouille, et cette couleur s'étend un peu dans les nerfs qui en sortent. Du ganglion pédieux sort un petit filet(»”) de son bord externe, un peu en arrière de son extrémité antérieure, qui se porte directement en dehors et en bas, dans les fibres mus- culaires du pied. (1) On pourra voir dans les pl. 8 et9, fig. 1, qu'il ya même un troisième et un quatrième palléal antérieur, et que ces nerfs sont beaucoup plus compliqués qu'on ne l'aurait supposé d’après notre première description. Consulter l'explication de la figure que nous venons de citer, après avoir suivi, pour la description qu'on vient de lire, la fg. 1 de la pl. 6. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. g1 Deux autres filets (2 et 3) sortent plus en arrière du même bord externe, et se perdent dans le pied sans se diviser. Un quatrième nerf (7), plus long, se porte en arrière et plus directement dans le bas du pied, vers son bord tran- chant, où il se perd après s'être bifurqueé. Dans la figure publiée par Mangili, il est beaucoup trop gros, trop large et pas assez oblong. Le ganglion unique répond aux ganglions pédieux que nous venons de dé- crire. ) On remarquera dans cette description et dans nos figures : 1° le grand écartement, l’un de l’autre, des ganglions buecaux, et leur peu de volume, malgré les nerfs qui en sortent; 2° La coloration en jaune de rouille de tous les ganglions ; 3° Le développement des ganglions pédieux et leur du- plicité ou distinction ; 4° La fusion des ganglions postérieurs en un seul ; 5° La brièveté des nerfs branchiaux principaux, brièveté qui a sa raison dans le peu d'étendue des branchies en ar- rière de l’adducteur postérieur. Supplément à la description précédente. Nous avons signalé, dans notre partie historique, la décou- verte faite par Mangili, déjà en 1804, du ganglion central de l’Anodonte, qui répond à nos ganglions pédieux , ainsi que du petit collier, qui met ces ganglions en communication avec les ganglions buccaux. Nous disions, en commencant la présente Monographie, qui est du 25 novembre 1844, que nous aurions peu à ajou- ter ou à changer à la description de cet anatomiste, dont 12. Ga « DU SYSTÈME NERVEUX nous avions vérifié l'exactitude, pour le nombre et la posi- tion des ganglions centraux ; mais déjà nous donnions plus de détails relatifs aux nerfs qui en partent et à leur distribu- tion. Poursuivant ces recherches en avril 1846, afin de mieux connaître lesystème nerveux périphérique, nous sommes par- venus, dès cette époque, à découvrir, dans l’Ænodonte des cy- gnes, un plexus nerveux très-fin, qui règne sur tout le bord du manteau, et dont la complication est au plus haut degré dans la partie postérieure de ce manteau, dont le bord est garni de papilles ou d'organes sensitifs (1). Plus récemment nous avons découvert beaucoup de filets nerveux qui naissent du coude que fait le nerf branchial , et qui vont se répandre sur l'organe que Bojanus regardait comme le seul organe de respiration de ces animaux, en limi- tant les branchies aux fonctions d'organes d'incubation (2). Ces mêmes filets, qui forment même un plexus très-compli- qué, se prolongent jusque sur les branchies, dans toute l’é- tendue de ces organes qui est en avant du muscle adduc- teur (3). Cette découverte complète le système nerveux branchial ou respirateur, dont nous avions depuis longtemps avancé la connaissance par celle des nombreux petits filets que nous avons vus en premier lieu, dans l'Autre de cheval, partir du nerf branchial après son coude, et se distribuer aux cloisons (x) Voir notre pl. double 8 et 9, fig. 1. (2) Nous ferons incessamment une communication particulière à l’Aca- démie, sur ce poumon de Bojanus, en démontrant par sa structure que c'est en effet une branchie accessoire. (3) PL 7, fig. 2. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 93 musculeuses et contractiles qui divisent en canaux respira- teurs l'intervalle des deux lames ou des deux feuillets qui composent chaque branchie. Enfin nous sommes parvenus à reconnaître un nerf viscé- ral où gastrique (1), qui se détache du cordon du grand col- lier avant sa terminaison dans le ganglion buccal, pénètre dans le foie, gagne les parois de l’estomac, et s’unit dans la partie médiane dorsale de ce viscère à son symétrique. Ce nerf à été récemment décrit, par M. Keber, dans les Archives de M. J. Müller (2). Enfin , recherchant, dès le mois d’avril 1846, la structure intime des ganglions colorés de ces animaux, nous avons trouvé que les ganglions labiaux se composaient d’une ma- tière colorante, de globules et de filets nerveux entre-croisés. IXme MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Moule des peintres (Unio pictorum, 1). (PL. 6, fig. 3, 3a, 3b, 3c.) Ce système nerveux a les plus grands rapports avec celui de l'Anodonte, que nous venons de décrire. Les ganglions sont de même colorés en jaune. Les postérieurs sont aussi confondus en un seul (b), de forme presque carrée ou un peu rectangulaire. Les ganglions (x) PL 8 et 9, fig. 2. (2) Année 1852, n° 1,p. 76-80. L 94 DU SYSTÈME NERVEUX pédieux (c), encore plus séparés, ont chacun la forme d'une olive. Les buccaux (a) ne semblent formés que par la réunion ou la confluence des nerfs qui s'y rendent ou qui en sortent. Le ganglion principal (b) reçoit en avant le cordon du grand collier (f), et semble s’allonger en fuseau, pour rece- voir ce nerf par son angle externe et antérieur. Il donne de son bord externe le nerf branchial (g), qui est de même court et reculé; puis de son angle postérieur le tronc (2) qui appartient au manteau, et répond à la fois au palléal latéral et au palléal postérieur. Le filet le plus près de la ligne médiane est celui qui s'en détache le premier; il est en même temps le plus direct en arrière, répond au filet (5) de l’Ænodonte ; il se perd dans l'extrémité du rectum. Le tronc (2) et ses rameaux animent la partie postérieure du manteau, qui est garnie de papilles. Les ganglions pédieux, qui correspondent à ceux que nous avons décrits dans lÆnodonte, envoient de même au pied et aux muscles abdominaux, par leur bord externe, quatre filets nerveux (m1, 2, 3, n), dont les deux derniers se bifurquent avant de s'y perdre. Mangili en indique trois autres qui sortent, dans l’Æn0- donte, du côté supérieur et interne de ce ganglion; nous les avons trouvés et fait représenter dans la fig. 3b, 4, 5, 6. Voici d’ailleurs une description détaillée des ganglions pédieux des nerfs que ces ganglions produisent, d'après nos observations du mois d'octobre 1844. Ces ganglions sont fortement colorés en jaune orangé ; le liquide colorant s'est épanché dans les nerfs qui en naissent, surtout dans ceux de la paire (eete', fig. 3 c), qui semblent par DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 9 l'irrégularité de leur calibre en être engorgés et jusqu'à un certain point dilatés. L'animal avait été plongé, toute une nuit, dans une eau assez fortement mélangée d'acide nitrique ; il vivait cependant en- core lorsqu'il en fut retiré. Les nerfs pédieux semblent distribués en paires régulières. (Voir la figure 5 c.) Il y en:a dix, outre le cordon du petit collier. La paire postérieure (eé), la plus volumineuse de toutes, se détache en arrière de l'extrémité du gauglion. Le filet (e) se dirige obliquement en s'éloignant de la ligne médiane; puis, après quelques lignesdetrajet, se porte paral- lèlement à cette même ligne jusqu’à la jonction des deux tiers antérieurs du pied avec le tiers postérieur. Là, dans le mème plan à peu près que le ganglion lui-même, il se perd dans les faisceaux musculaires. Si nous en donnons une description aussi minutieuse, c’est que nous l’avions vu, une autre fois, se rendre à l'organe présumé auditif, ainsi que le montre la figure 3 a. Le second filet (e)se dirige plus obliquement que le précé- dent, et va se perdre de même dans les faisceaux musculeux du pied, après un plus court trajet. La paire précédente (dd) s'irradiant encore plus oblique- ment de dedans en dehors, pénètre entre les faisceaux mus- culeux du pied, et se perd dans le plan charnu le plus rap- proché des viscères. Les deux paires (cc, bb’) se détachent perpendiculare- ment du ganglion, etse distribuent de même dans les fais- ceaux musculeux du pied. Enfin la paire (aa')se rend à ceux les plus rapprochés du bord libre du pied. 96 DU SYSTÈME NERVEUX Cette disposition des filets nerveux du pied, qui deviennent plus superficiels à mesure qu'on les observe d'arrière en avant, est constante. Organe présumé auditif. Cet organe, que nous avons vu dans une observation (du 5 octobre 1844), consistait en une vessie sphérique, membra- neuse, transparente, renfermant un liquide transparent et un petit corps dur amylacé d’un bien plus petit diamètre. Nous venons d'indiquer le filet nerveux très-délié qui nous a paru tendre à l'extrémité postérieure du ganglion pédieux et se rendre à cette vessie. Les ganglions buccaux (a), outre les cordons du grand collier (f)et du petit collier (d) qui s’y rendent en arrière, et le filet de commissure (/) qui s'en détache en avant et en de- dans pour former une arcade au-devant de la bouche, pro- duisent un tronc fort court, en avant et au dehors, qui ne tarde pas à se séparer, dans les deux nerfs (#) et (1) que nous avons décrits dans l’Ænodonte, et qui se distribuent parti- culièrement à la partie antérieure du manteau. Ce tronc est conséquemment le palléal antérieur. La grande ressemblance du système nerveux, soit dans là forme et la disposition des parties centrales de ce système, c'est-à-dire des ganglions buccaux, pédieux et postérieurs, soit dans l’existenceet les proportions d’un grand et d'un petit collier, soit dans la grande conformité des filets nerveux qui sortent de ces ganglions, démontre que les Unio et les 4no- dontes ne forment réellement qu’un seul genre, et que les caractères qu'on a crus suffisants pour les séparer dans deux genres différents, ne peuvent pas avoir cette importance. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. . 97 Xme MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Moule comestible (Mytilus eduls, L.). (PL. 6, fig. 4 et 5.) Le système nerveux central nous a offert des différences sensibles avec celui que nous venons de décrire, soit dansl’4- nodonte, soit dans l U/nio. Il forme de même, à la vérité, deux colliers, un grand et un petit ; il se compose aussi de deux ganglions buccaux (a), petits, réunis par un filet de commissure (/) courbé en arc au-devant de la bouche, et de deux ganglions pédieux (c) bien distincts et assez considérables. Mais les deux cordons du grand ( f) et du petit collier (d) n’en font d’abord qu'un, et ce n’est qu'après avoir marché réunis pendant les deux cinquièmes du chemin que doit faire le cordon du petit collier, que celui-ci se sépare du grand. La principale différence est dans les ganglions postérieurs (b,b), qui sont petits et très-séparés, comme les ganglions buc- caux, et qui ont entre eux un cordon de commissure épais et assez étendu. On voit ces cordons et ces ganglions contre le bord anté- rieur du muscle adducteur. Le nerf palléal antérieur (4) qui sort de l'angle externe et antérieur du ganglion buccal, se bifurque avant de se distri- buer au bord antérieur du manteau. Il y a un filet (s) qui se sépare du ganglion plus en arrière pour se distribuer aux palpes. Le nerf branchial (g) sort de l'angle antérieur et externe Te XXIV. 13 98 DU SYSTÈME NERVEUX du ganglion postérieur, et se porte directement en arrière le long de la partie la plus-reculée desbranchies, entre le bord supérieur de cette branchie et le muscle adducteur. Plus en arrière et en dedans, le ganglion postérieür pro- duit le nerf palléal postérieur, qui va directement en arrière à travers le muscle adducteur, puis se coude en dehors, suit le bord du manteau; se coudé de nouveau-pour suivre d'ar- rière en avant ee même bord. Ce nerf produit -avant..ce second coude un filet quise distribue aussi au manteau,-mais plus éloigné du bord; et, en arrière du premier-eoude, il donne le filet ordinaire pour l’adducteur postérieur-et le ree- tum. Chaque ganglion buccal est appliqué sous le tendon du muscle rétracteur antérieur de son:côté. H est oblong'et plus large en avant, où il a deux angles, d’où sort en dedans le filet de commissure et en dehors le nerf palléal antérieur ; ce même ganglion est plus étroit en arrière, où il produit de son angle postérieur le double nerf des deux colliers. Les ganglions pédieux (c) produisent en arrière et sur le côté un nerf large et plat (m) qui se distribue dans:le pied , en se divisant successivement en filets qui.se perdent dansles faisceaux musculeux de cet organe. Un petit filet nerveux (»') sort de chaque ganglion plus en arrière, et se rend dans l'organe du byssus: Les trois paires de ganglions du système nerveux central de cette espèce avaient été reconnues depuis longtemps par M. de Blainville (1). (1) Dictionnaire des sciences naturelles , article Moule commune; Paris, 1824; t, XXXII, p. 121 et 122. DES MOLLUSQUES .ACÉPHALES. 99 Mais celui qui lira l’article que nous citons trouvera que la connaissance du système nerveux des Bivalves était encore bien limitée à cette époque si rapprochée de nous. Le sa- vant auteur n’était. pas.certain d’avoir vu le cordon du petit collier, dans un filet très-fin qui, dit-il, va peut-être se joindre au ganglion antérieur. Le nerf branchial, si constant, dans son origine et sa dis- position, lui était inconnu. . En général, sa courte description des ganglions centraux et de quelques nerfs qui en partent semble faite avec peu d'assurance. . Supplément de 1852 a cette ancienne Monographie. Dans ma seconde communication du mois de février 1845, J'annonçai que j'avais trouvé une continuité, dans la Moule commune, entre une branche du palléal antérieur et une autre branche du palléal postérieur ; de sorte que le plan du sys- tème nerveux est bicirculaire, le cercle de chaque côté étant complété par le cordon du grand collier. J'opposai cette disposition, qui est la plus ordinaire, à celle où il existe, comme dans les Huîtres, les Peignes, etc., un cordon ganglionnaire circumpalléal, qui se continue. dans tout le pourtour des deux lobes du manteau. La figure 5 de la pl. 6_a seulement pour but de montrer cette disposition. M. Lackerbauer nous en ayait peint, avec une grande perfection, une autre figure où ces nerfs étaient en rapport avec les organes. Nous n’avons pas pu la faire graver. 100 DU SYSTÈME NERVEUX XIme MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Modiola albicosta. (PL. 6, fig. 7.) Les ganglions postérieurs (b) sont de forme polygonale, col- lés l’un à l’autre, sans cordon de comnuissure intermédiaire. Ils donnent en avant chacun un filet quise rend à la partie postérieure de la masse viscérale, où se trouve l'ovaire. Le cordon du grand collier (f) en sort un peu plus en de- hors. Vient ensuite le nerf branchial (1) ; puis le palléal pos- térieur, qui se rend en totalité dans le manteau. Enfin, un filet délié (r) va directement au rectum. Les ganglions labiaux (aa) sont oblongs. Le cordon de commissure (c) qui les réunit est épais. Le palléal antérieur a un tronc qui suit les palpes et se bifurque. La branche interne suit la base des palpes ; l’autre va au manteau. Le ganglion pédieux (m) est unique, très-petit, de forme ronde. Les cordons qui s'y rendent des ganglions labiaux sont assez longs. Ce ganglion produit en arrière une paire de petits filets qui vont au renflement de la filière. Deux filets latéraux de chaque côté se rendent aux faisceaux musculeux du pied. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 101 XIIme MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Lithodome caudigère, Cuv. ; Modiola caudigera, Lin. (PL. 6, fig. 6.) C'est avec celui de la Moule commune que ce système ner- veux à le plus de rapports; mais il présente des particula- rités remarquables, qui justifient l'établissement de ce genre par M. Cuvier. Sa partie centrale se compose de deux ganglions buc- caux (a) dont le filet de commissure (/) passe derrière la bou- che, au lieu de former une arcade au-devant de cet orifice. Il y a deux ganglions moyens ou pédieux (c) rapprochés, quoique séparés et de forme allongée. Les ganglions postérieurs(e, e), situés, comme à l'ordinaire, contre le bord antérieur du muscle adducteur, sont de même que dans la Moule commune petits et très-écartés, et commu- niquent, comme les antérieurs, par un filet de commissure. Les cordons du grand et du petit collier sont aussi réunis à leur origine commune, en sortant du ganglion antérieur et un peu en arrière ; on pourrait à la vérité considérer cette origine comme appartenant encore au ganglion. Il n’y a qu'un tronc nerveux, comme dans la Moule com- mune, qui sort, en avant, du ganglion buccal. C’est le nerf Palléal antérieur (4). Ce nerf se porte en avant sous la partie antérieure du manteau, se replie en arrière, et suit le bord du manteau dans cette direction en se bifurquant d'abord, puis ense divisant encore une fois dans une de ces bifurcations. Le coude que le nerf palléal antérieur forme en avant 102 DU: SYSTÈME: NERVEUX produit successivement trois courtes branches (3,7et 5) dont la seconde est bifurquée ; ces branches se perdent dans le nerf suivant (2), qui n’a point d'autre origine, pour lequel ces branches sont comme autant de filets de commissure entre lui et le tronc palléal antérieur. Ce nerf, complémentaire du précédent, a son origine dans sa partie moyenne par les trois filets que nous venons d’in- diquer, et sa terminaison double, puisqu'elle a lieu à cha- cune de ses deux extrémités, qui sont libres. Il forme au:bord du manteau une arcade à peu près parallèle au précédent , un peu plus ouverte cependant. Sa jonction avec le troisième filet de commissure forme un ganglion (6), en arrière duquel:sortent de petits nerfs qui se perdent dans le manteau. C’est sa terminaison externe et in- férieure. En dedans et en avant de la bouche, le même nerf se bi- furque pour se perdre dans le muscle adducteur antérieur ; c'est sa terminaison interne et supérieure. De leur côté externe; les mêmes ganglions buccaux don- nent un petit filet (1) qui va aux palpes postérieures. Les ganglions pédieux (c)donnent, de leur côté externe, un nerf (») qui descend perpendiculairement dans la masse mu- sculaire de la languette qui constitue le pied. Cenerfse bifur- que avant de s’y terminer. Son tronc et ses: branches sont plissés lorsqueile pied est contracté. Un autre nerf (x) sort del’extrémité postérieure des mêmes ganglions, se bifurque et se perd-dans les ovaires. Les ganglions postérieurs (ee), écartés l'un de l’autre et petits, comme dans la Moule commune, ne produisent de même que-deux troncs nerveux. L’antérieur (9) ou l’externe DES MOLLUSQUES. ACÉPHALES. 103 est aussi.petit et court, et,.comme. toujours; sans, division apparente à l'œil nu ; il se distribue à.læ partie la plus reculée des branchies.. Celui qui,sort.du ganglion tout à côté du premier, mais un peu plus en dedans, est le tronc palléal postérieur, qui appar- tient essentiellement au manteau, .mais dont quelques.filets vont au muscle adducteur. postérieur. Son tronc (4) traverse ce muscle d'avant en arrière, puis.se coude et se porte en avant en suivant assez Join le bord du manteau... À peine a-t-il commencé à se couder en arrière, qu'il pro- duit un nerf qui.appartient au tube que forme le manteau... Ilserenfle ensuite, et forme commeun ganglion allongé(8), pour produire à la fois trois petits filets, en avant. qui vont au muscle adducteur.et au manteau, et deux en arrière, qui se distribuent encore aux tubes incomplets de ce Mytilacé. Un troisième filet sort en arrière. de ce nerf, après qu’il. à reprissesdimensions de troncnerveux,et se distribue-demême au manteau. Plusieurs ramuscules. s’en détachent successivement à me- sure qu’il. s’avance dans le bord du manteau, en perdant peu à peu de son diamètre. Voici d’ailleurs les particularités remarquables.que nous signalons dans ce système nerveux du Lithodome :. 1° Le nerf singulieren arcade que nous avons nommé com- plémentaire du nerf palléal antérieur, n’a proprement point d’origine. Il semble que ce soit un fragment du nerf.palléal circulaire que nous avons décrit dans le Peigne. Il a trois filets de commissure pour sa partie centrale, par 104 DU SYSTÈME NERVEUX lesquels il communiqueavec le nerf palléal antérieur, et il est libre parses deux extrémités. Le ganglion qui existe à l'endroit où:il est joint par le troi- sième filet de commissure est encore une particularité de ce singulier arrangement. Ilen est de méme du renflement pour ainsi dire ganglionnaire de la partiecoudée du nerf palléal postérieur, àV'endroit précis où il s’en détache, en avant et en arrière, cinq filets nerveux. L’écartement et le peu de volume des ganglions postérieurs, réunis seulement par un filet de commissure; les deux seuls troncs nerveux que fournit chacun de ces ganglions ; le peu d'importance du nerf branchial; l'importance au contraire du nerf palléal postérieur ; les deux ganglions pédieux non moins bien distincts ; les deux nerfs qui en sortent ; la réunion à leur origine commune des cordons du grand et du petit collier, sont autant de rapports que l’on peut saisir entre le système nerveux de la Aoule commune et celui du Lithodome. Si l’on compare le système nerveux de cette espèce de Li- thodome, avec celui de plusieurs des Cardiacés ou des Enfer- més, on y trouvera de grands rapports, une sorte de passage entre les Biforés etles Mollusques à siphons, indiqué d’ailleurs par la présence des tubes très-courts au manteau. Ces tubes et les modifications du système nerveux qui en sont la conséquence, telles que l’épaississement ganglionnaire du palléal postérieur, avant de fournir les nerfs des tubes, ou pour les produire, justifient complétement, quoi qu'on en ait dit (1), l'établissement de ce genre par M. Cuvier et sa sépa- (x) Voir l’article Lithodome, Dictionnaire universel d'histoire naturelle de M. C. d'Orbigny, t. VII, p. 407. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES, 105 ration du genre Mytilus de Linné et Modiola de Lamarck. C'est une nouvelle preuve de la nécessité d'étudier l’ani- mal, pour saisir les véritables rapports des Mollusques tes- tacés. XITIm MONOGRAPHIE. Système nerveux de l’'Onguline couleur de laque, Ungulina rubra. (PI. 5, fig. 2, et pl.8 et 9, fig. 4. Nouveaux dessins par M. Focillon.) J'ai présenté à l’Académie des sciences, dans la séance du 8 novembre 1841, toute l'anatomie decet animal, que la science apprenait à connaître pour la première fois. Je devais à mon vieil ami M. le docteur Kéraudren, alors inspecteur général du service de santé de la marine, l'exemplaire précieux sur lequel j'ai pu faire ces recherches. En 1849, M. Souleyet, qui continuait alors ses beaux tra- vaux sur l’anatomie des Mollusques, qui ont paru dans la pu- blication du Voyage de la Bonite, travaux qui, par les gran- des espérances qu'ils donnaient à la science, ont rendu sa perte récente on ne peut plus regrettable; M. Souelyet, dis-je, eut la générosité de m'en remettre deux exemplaires bien conservés. Ces exemplaires m'ont servi à de nouvelles recherches, qui n'ont fait que confirmer, en tous points, les premières. J'avais annoncé que le manteau de l’animal avait Ja plus grande ressemblance avec celuides Mytilacés, qu'il manquait entre autres de tubes, et qu'il n’y avait qu’une bride ou un DENIS 14 106 DU SYSTÈME NERVEUX pont pour séparer l’orifice anal de la grande ouverture par laquelle sort le pied. J'enavais conclu que l'Onguline devait être placée dans l’or- dre des Mytilacés, et non parmi les Cardiacés, par les natu- ralistes du moins qui suivent les principes de la méthode du Règne animal de M. Cuvier. A peine la monographie où j'avais tiré ces conclusions avait- elle paru dans les Ænnales des sciences naturelles du mois d'août 1842, que M. Deshayes s’éleva contre ma proposition en supposant gratuitement que les tubes existaient et que je les avais méconnus (1). Les nouveaux exemplaires que j'ai eus à ma disposition m'ont permis de faire dessiner une seconde fois cette circons- tance organique, caractère de l’ordre des Mytilacés ou des Biforés. Quant au système nerveux, j'ai pu non-seulement vérifier l'exactitude de ce que j'avais dit dans mon premier travail, mais encore étendre mes observations, et montrersesrapports avec celui des Mytilacés (2). Les ganglions labiaux (b) sont oblongs. Les ganglions pédieux (c) sont fondus en un seul. Les ganglions postérieurs restent distinets, quoique se tou- chant. Leur forme est très-allongée et leur développement considérable. (1) La pièce anatomique était restée à sa disposition dans la collection du Collége de France, pour lui permettre d’y venir vérifier l’exactitude des faits que j'avais avancés. (2) Nous le montrons, dans la figure 2 de la pl. 5, en rapport avec les organes ; et dans la figure 4 de la pl. 8 et 9, isolé des organes et vu dans son ensemble, DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 107 Les nerfs branchiaux (br) qui en sortent, commencent par un renflement ganglionnaire sphérique et très-distinct du nerf ou du ganglion postérieur de son côté. Le cordon du grand collier (f), celui du petit collier (d), le filet de commissure(/), sont, à proportion de l'animal, d’un grand diamètre, ainsi que je l’avais déjà remarqué dans ma première description. Le palléal antérieur (pa) sort du ganglion labial après le filet de commissure et le nerf qui va à l’adducteur antérieur. Il contourne le bord du manteau jusqu’à ce que ses ramus- cules y rencontrent ceux du palléal postérieur (ps). Après le palléal antérieur, chaque ganglion labial produit un nerf qui va aux palpes (»p). De même, chaque ganglion postérieur produit le nerf qui va à l’'adducteur avant le palléal postérieur, et celui-ci un ra- meau pour la bride anale et le rectum. Les lettres que nous venons d'indiquer sont celles de la figure 4 de la planche 8 et 9. On pourra voir d’ailleurs, dans la figure 2 de la planche 5, que dans les quelques ramifications du nerf palléal antérieur droit qui sont indiquées, il y a comme des renflements gan- glionnaires, qui pourraient être considérés comme de petits ganglions. Les muscles adducteurs antérieur et postérieur étaient très-forts. Le pied sedistingue par sa forme en fuseau et par sa pro- portion. Îl est tellement détaché de l’abdomen, et le ganglion pédieux tellement séparé de cette région, que les nerfs qui en partent appartiennent iciévidemment et exclusivement au pied. 14. 108 DU SYSTÈME NERVEUX Les parois abdominales sont tellement amincies, que les œufs dont l'abdomen est plein se dessinent à travers ces parois. Les palpes sont petits et les branchies très-grandes. XIVme MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Tridacne faitière, Tridacna squamosa, La- mark, et de la Tridacna gigas, Lamarck ( Chama gigas, L.) (Nouvelle de 1852.) (PL. 8 et 9, fig. 5.) Le système nerveux de ces deux espèces ne nous a pas offert de différences essentielles. C'est d’après un individu de la première espèce que nous le décrivons. Mais auparavant nous croyons devoir faire connaître, ou rappeler, plusieurs des caractères organiques de ces singuliers Mollusques. Remarquons d'abord que l'animal était libre dans sa co- quille, et qu'il semble pouvoir se détacher facilement de ses valves; ce qu'ilavait fait probablement à l'instant où l’on avait détaché son byssus des corps sous-marins et où l’on a placé cet animal dans l’alcool. Ajoutons, à cette observation préliminaire, que les muscles adducteurs ne laissent pas d’empreinte bien marquée dans l'intérieur des valves. Lorsque l'animal est fixé par son byssus, qui est très-abon- dant, la charnière doit être en avant et remonter oblique- ment des sommets des valves vers l’angle antérieur de la co- DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 109 quille. Cette charnière occupe le côté antérieur et le plus court d’un triangle très-ouvert que forme la coquille. Le ligament se voit antérieurement dans presque toute l'étendue de ce côté. L'autre côté, où se trouve l’écartement des valves qui lais- sent passer le byssus et le pied, et qui répond à la bouche, aboutit comme le précédent, aux sommets des valves, qui sont situés au sommet de l'angle très-ouvert que forment les deux côtés de ce triangle. Sa base répond au bord libre des valves ; elle est très-longue relativement aux côtés, et tournée vers le haut, l'animal étant toujours supposé fixé par son byssus. Le manteau est fermé dans une grande partie du bord libre des valves, à partir de l'extrémité supérieure de la charnière, qui est en même temps extérieure, ou de l'angle de la coquille qui est de ce dernier côté. L'ouverture anale est percée à 0",050 de cet angle; elle à 0",005 de long. Après un intervalle de 0”,020 en arrière de l'anus , dans lequel le manteau est fermé, il s'ouvre de nouveau pour la respiration. Cette ouverture se continue jusqu’à l’angle pos- térieur de la coquille; elle a cinq à six centimètres de lon- gueur, en suivant le contour des valves et de l’angle posté- rieur de la coquille. € Le manteau se ferme encore une fois dans un court es- pace d’un centimètre, précisément au-dessous de cet angle. En avant de cette dernière bride ou de ce pont, se voit la troisième ouverture qui répond d’abord à la gerbe du bys- sus , au rudiment de pied, enfin à la bouche, située comme à l’ordinaire en arrière des sommets des valves. Cette description, que nous aurions pu commencer par 110 DU SYSTÈME NERVEUX la dernière ouverture, que nous appelons buccale, montre que le manteau en a trois bien distinctes, situées relativement l’une à l’autre comme à l'ordinaire , puisque celle de la bou- che est en avant de celle de la respiration, et celle-ci entre l'ouverture buccale et l'ouverture anale. Mais, relativement aux valves, ces ouvertures ne sont plus dans ces rapports ordinaires, ce qui vient en partie du rap- prochement des deux muscles adducteurs. Dans les ouver- tures branchiale et anale, le manteau n’a aucune disposition à se prolonger en tubes. L'ouverture anale n’a qu'un simple bourrelet à surface lisse, lequel est produit pas un fort sphincter musculeux. Cette ouverture est entourée d'un pli qui la fait paraître plus grande. L'ouverture branchiale est bordée en dedans par le rebord mince de la partie profonde du manteau, qui est continue et sans solution de continuité depuis la charnière , sauf la petite ouverture anale. Ce rebord forme, en avant de l'ouverture branchiale, un are saillant sans papilles; sur les côtés de cette ouverture jusqu'à la bride qui la sépare de l'ouverture du pied, cet ex- trême bord est garni d'un rang de petites papilles à peu près de même grandeur et de même forme; la plupart sont tricuspides. Le bourrelet extérieur, qui est épais et saillant et se con- tinue dans toute l’étendue du bord des valves, est garni dans sa face interne d’amas irréguliers de verrues arrondies de grandeurs très-différentes. Ce bourrelet se voit jusqu'à la commissure antérieure du manteau au-devant de la charnière. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 111] Il répond au bord libre du manteau chez les Ouverts et chez les Mytilacés, et au bord libre des valves chez ces Mol- lusques. Il a une lèvre extérieure qui est l'organe sécréteur des valves. L'ouverture buccale qui vient après la charnière, en des- sous, répond à la bouche en premier lieu, puis au pied et à sa gaîne musculeuse, de laquelle sort une gerbe de byssus. Le pont qui la sépare en arrière et au-dessus de l’ouver- ture branchiale, n'a qu'un centimètre de large. L'ouverture buccale, devenue ainsi postérieure par la position de la charnière, a cinq centimètres de longueur. Elle est bordée d’une bande de nombreux tubereules, d'abord fort étroite, qui s’élargit beaucoup dans le milieu de sa longueur et se rétréeit de nouveau en avant. En dedans de cette partie tuberculeuse, le bourrelet principal qui borde cette ouverture est accompagné d’un second bourrelet cylindrique, à surface lisse, qui grossit d’arrière en avant. Il est creux et semble de nature glandu- leuse dans ses parois. IL y a deux muscles adducteurs bien distincts, quoique se touchant dans une partie de leur circonférence. La double impression qu'ils laissent dans la coquille se voit près du bord libre de chaque valve : l'antérieure répond en grande partie dans l'intervalle de la seconde et de la troisième dent, et commence avant cet intervalle.* La seconde impression, celle de l’adducteur postérieur , répond à la troisième dent. Observons qu'il n'y en à que quatre dans cette espèce, tandis qu'il y en a six dans la Tridacne faïtière. 112 DU SYSTEME NERVEUX La position de l'adducteur postérieur, sous lequel se voient les ganglions postérieurs au milieu de l'extrémité reculée des branchies de chaque côté, rend indubitable l'orientation de la coquille et du manteau, telle que je viens de la déter- miner. Les palpes sont étroits et longs, triangulaires, cannelés en travers sur l’une de leurs faces, comme à l'ordinaire. Les lèvres, dont ils sont la continuation, se voient im- médiatement en arrière de la charnière et des sommets des valves. La bouche, qu'elles recouvrent, est une petite ouverture. Le pied est petit, rudimentaire, se prolongeant en arrière pour former une gaine charnue à la gerbe de byssus, à la- quelle cette gaîne donne passage. Les branchies sont étroites et longues. L'interne est moins étroite que l’externe. Elle est d’ailleurs double, c'est- a-dire qu'elle se compose de lames ou de replis épais, qui vont parallèlement l’un à l’autre du bord dorsal de la bran- chie au bord ventral. Il y a une lame centrale qui se termine au bord ventral de la branchie, dans la Tridacne géante; sur chaque côté de cette lame se voient les replis cutanés qui forment les lames branchiales. La branchie externe n’est proprement qu’une demi-bran- chie. Elle n’a qu'une rangée de plis, qui sont larges, libres et détachés à commencer du bord ventral en remontant vers le bord dorsal, dans une partie de leur étendue. Les branchies de la 7ridacne faitières, Law. (Tridacna squamosa)sont un peu différentes. L'interne n’a pas de diaphragme central jusqu'à son bord DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 113 abdominal, de sorte que les lames des deux côtés ne sont pas séparées dans ce bord. Le système nerveux des Tridacnes ne diffère pas, dans sa disposition générale, de celui des Bivalves biforés ou des Mytilacés, qui n'ont de même pas de tubes. Les ganglions postérieurs sont adossés à la face inférieure du second muscle adducteur, le côté antérieur de ce muscle touchant à l’adducteur antérieur. Ces ganglions sont réu- nis en un seul de forme carrée, duquel partent en avant les deux cordons du grand collier, puis les nerfs bran- chiaux plus en dehors. En arrière et de chaque angle sort un grand nerf palléal postérieur, et plus en dedans deux filets pour l’adducteur postérieur. Les ganglions labiaux sont petits. Il y a un filet de commissure et un nerf palléal qui en sor- tent en avant, tandis que le cordon du petit collier s’en déta- che en arrière. Celui-ci aboutit à chacun des ganglions pédieux, qui sont petits, rapprochés, oblongs, et donnent leurs filets au pied et à la gaîne du byssus. Cette étude du système nerveux des Tridacnes montre, de nouveau, que la circonstance d’avoir les lobes du manteau fermés dans une assez grande étendue, et seulement ouverts pour la sortie du pied et du byssus, en avant, pour la res- piration en arrière, et pour l’orifice anal en dessus, n’a pas modifié essentiellement la disposition générale du système nerveux, ni sa distribution. Il y a deux colliers et trois paires de ganglions, comme cela a lieu toutes les fois qu'il existe un pied. Le rapprochement de l’adducteur antérieur, qui vient XX IV. 15 114 DU SYSTÈME NERVEUX s’accoler à l'adducteur postérieur, a fait descendre sous ce- lui-ci les ganglions postérieurs. Mais les nerfs qui en sor- tent ne sont pas comme dans les Monomyaires, ils restent dans le plan des Dimyaires mytilacés et dans celui d’une partie des Dimyaires ouverts, ou des Arches et des Trigonies. Les nerfs du manteau sont plutôt circulaires que rayonnants ; c’est-à-dire que le palléal postérieur et l’antérieur contour- nent immédiatement le manteau près de son bord, à la rencontre l’un de l’autre, et distribuent à mesure leurs ra- muscules à cet organe. XVme MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Lucina tigerina, et de la Lucina Lemannir. (Ancienne de 1844.) ( PL 5, fig. 3, et pl. 10, fig. 1.) Ce système est extrèmement peu développé dans cette espèce, et conséquemment difficile à découvrir (1). Aussi n’en décrirons-nous qu'une partie; mais c’est la prin- cipale. Le ganglion postérieur est unique, c’est-à-dire que les deux ganglions ordinaires sont fondus en un seul. Il est situé, comme à l'ordinaire, sous le muscle adducteur posté- rieur. (1) C'est le contraire de ce que nous avons trouvé dans l'Onguline, dont le système nerveux est relativement très-développé et très-apparent. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 115 Sa forme est étoilée; il se prolonge par trois angles de chaque côté, pour produire, en avant, le cordon du grand collier ; sur le côté, le nerf branchial, et en arrière, le nerf palléal postérieur. Le nerf branchial est très-épais à son origine; il va en di- minuant rapidement et devient très-fin ou très-délié. Nous remarquerons, en passant, qu'il n'y a dans cette espèce, non plus que dans la Zucina Lemannii, qu’une seule lame branchiale de chaque côté; mais cette lame a une plus grande épaisseur que lorsqu'il y en a deux. Les palpes labiaux manquent également. Je décrirai plus tard ce fait extrêmement intéressant de l'existence d’une seule branchie de chaque côté, dans cette espèce et dans la Zucina Lemannü, et l'absence simultanée des palpes labiaux. Ces derniers semblent remplacés par des plis réguliers de la partie antérieure du manteau. Ces plis, au nombre de sept ou huit de chaque côté, sont de forme triangulaire, plus larges en avant, et se portent en arrière parallèlement les uns aux autres. Ce sont autant de lames de forme permanente, qui rem- placent peut-être à la fois les palpes et la paire de branchies. Toutes ces circonstances organiques concernant les plis du manteau et les branchies ont été fidèlement représentées dans la figure citée au commencement de cette monogra- phie. Il n’y a pas plus de traces de tubes dans la Zucina tigerina que dans l’Ongulina rubra. Une simple bande qui va d’un tube du manteau à l’autre, sépare l'ouverture anale, comme dans les Mytilacés. 15. 116 DU SYSTÈME NERVEUX Quant au système nerveux, l'exemplaire unique que nous avions de la Lucina tigerina ne nous ayant pas permis ces recherches de détails, nous l'avons fait figurer d’après la Lucina Lemanni (1). On verra dans cette figure (pl. 1, fig. 1) que sa distribu- tion est celle qu'il affecte dans les Mytilacés. La Monographie qui concerne ces deux espèces renfer- mant la découverte d’une branchie unique, de l'absence de palpes et de l'existence des plis au manteau, a été présentée à l'Académie, en novembre 1844 et en février 1845. Elle à été paraphée par M. le secrétaire perpétuel, afin de prendre date sur ces faits nouveaux, dont la découverte ne pouvait m'être contestée. XVIme MONOGRAPHIE. Système nerveux du Cardium edule. (Pl U2etAS; fig due) Ce système nerveux ressemble beaucoup à celui que nous décrirons dans la Cytherea Chione, dans la Pullastra decus- sata, dans la Venus rugosa et dans le Mesodesma Quoyi. Cela tient aux ressemblances des organismes de tous ces Car- diacés. Leur pied développé exigeait des ganglions pédieux proportionnés, produisant des nerfs propres à animer les faisceaux musculaires de ce pied. Le palléal antérieur et le palléal postérieur sont considé- rables. (x) Voir la pl. ro, fig. 1, et l'explication de cette figure. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 117 Celui-là fournit deux branches principales, d et d', qui se portent parallèlement l’une à l’autre le long de la partie externe et de l’interne du ruban musculeux plus épais qui garnit le bord du manteau, à la rencontre de deux branches semblables du palléal postérieur. Dans aucune de ces espèces il n'y a de palléal latéral. Mais le palléal postérieur, qui en tient lieu, est considé- rable, ainsi que nous venons de le dire. Son tronc (p) se divise, après s'être porté directement en arrière à travers l’adducteur postérieur, en deux branches principales. L'antérieure ou l’externe (0 et o') appartient exclusivement au manteau. Ses rameaux vont joindre les nerfs d et d'du palléal antérieur. La branche interne et postérieure appartient plus exclu- sivement aux tubes respirateur et anal. Ces deux tubes, qui existent dans tous les Cardiacés et sont très-contractiles, exigeaient pour cette fonction une grande influence nerveuse. Les papilles qui les terminent, et qui sont surtout déve- loppées à l'extrémité des tubes respirateurs, reçoivent sans doute aussi des nerfs sensibles. Cette double nécessité à fait que l’on rencontre quelque- fois, à l’origine des nerfs qui se distribuent à la base de ces tubes ou à leurs muscles rétracteurs, de petits ganglions accessoires, tels que ceux que nous avons décrits dans la Cytherea Chione. Nous n’en avons pas vu dans le Cardium edule. Il y a aussi des filets qui se dirigent transversalement en arcade, soit au-devant de l'ouverture ou de l'embouchure du 118 DU SYSTÈME NERVEUX tube anal, soit entre cette ouverture et celle du tube respi- rateur. Ces filets transverses qui partent de chaque côté, à la ren- contre l’un de l'autre, ont été pris mal à propos pour des filets de commissures. Leurs ramuscules rapprochés se per- dent et ne paraissent pas dans la ligne médiane de la base des tubes. Dans le Cardium edule, le premier de ces filets donne ses ramuscules au rectum; il est au-devant de cet organe. II provient d'un rameau de la première branche du palléal postérieur. Le second, qui forme une arcade entre les deux embou- chures des tubes, est fourni par la seconde branche prinei- pale du palléal postérieur, qui se distribue à l'adducteur, aux muscles rétracteurs des tubes et à ces tubes. Lenerf branchial(l), dans le plan des Cardiacés, a sa partie postérieure, en arrière de son coude, courte comme la por- tion des branchies qu’elle doit animer de ses filets ténus. Mais les filets qui partent du coude pour s’avancer vers le bord dorsal de l’autre portion des branchies qui est anté- rieure à ce coude, sont nombreux. La forme des ganglions labiaux varie d’une espèce à l’autre. On verra en détail, dans notre figure, celle de l’un de ces ganglions et l’arrangement des nerfs qui en partent, ainsi que leur diamètre relatif. Nous avons également représenté à part les ganglions pé- dieux, qui sont distincts, quoique soudés ensemble. Les quatre filets nerveux qu'ils produisent de leur côté externe, en arrière, se rendent au pied ou aux parois muscu- laires de l'abdomen. DES MOZLUSQUES ACÉPHALES. 119 Nous avons remarqué, dans le trajet du cordon du petit collier, un petit ganglion produisant un filet qui se distribue aux parois musculaires de l'abdomen. XVIIme MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Cytherea complanata. (PL. 5, fig. 4.) Les principales parties du système nerveux de ce Mollusque sont proportionnées aux organes du sentiment et du mouve- ment qu’elles doivent animer, c’est-à-dire, au développement des deux muscles adducteurs de la coquille, au pied abdomi- nal qui est grand dans cette espèce, aux tubes du manteau qui sont très-contractiles, et à toute l’étendue de cette en- veloppe. Ce système nerveux se compose de deux ganglions buc- caux considérables, de forme irrégulièrement quadrangu- laire, et réunis par un filet de commissure formant une arcade au dedans de la bouche ; De deux ganglions pédieux (k) de forme oblongue, collés l’un contre l’autre sans être confondus; de deux ganglions postérieurs, confondus en un seul ()de forme rectangulaire, posé en travers sur le bord moyen et antérieur de l’adduc- teur postérieur ; Il se compose, enfin, des cordons formant avec les gan- glions et le filet de commissure des deux ganglions buccaux le grand et le petit collier. Voyons, à présent, la partie périphérique de ce système ; 120 DU SYSTÈME NERVEUX je veux dire les nerfs qui proviennent de ces parties centrales, et qui vont aux organes. Les ganglions buccaux (a) produisent , de leur angle in- terne et antérieur, le tronc (c) du nerf palléal antérieur. Le premier filet (e) qui s'en détache en dedans, appartient au muscle adducteur, sous lequel il rampe d’avant en arrière. Le nerf principal (d) continue de se porter en avant, et donne successivement plusieurs filets dans le manteau avant de s’y terminer. Un peu en avant de l’angle antérieur et interne de cha- que ganglion buccal sort un petit nerf (g) qui va aux palpes. L’angle interne et postérieur de ce même ganglion produit le cordon du petit collier (f), qui va joindre le ganglion pédieux (h) de son côté. Il rencontre dans ce trajet l'ovaire et le foie, et la partie musculaire du pied. Les ganglions pédieux, qui reçoivent chacun un des cor- dons par leur extrémité antérieure ou plutôt supérieure, produisent de l’autre extrémité deux filets qui se rendent dans la partie musculaire du pied , l’interne sans se diviser, l'externe en se divisant. Un autre filet, qui se distribue à la partie antérieure du pied, provient du même ganglion, un peu en dehors de sa Jonction avec le cordon du collier. Le ganglion postérieur (A) recoit le cordon du grand col- lier (i) par un angle qui se voit en avant et en dehors; une saillie qui se voit au milieu de chaque petit côté du rectan- gle que forme ce mème ganglion produit le nerf branchial (2), qui se coude en avant, et se dirige en arrière pour joindre la branchie de son côté. En arrière, et toujours vers chaque extrémité, naît un DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 121 tronc nerveux considérable (p), dont les divisions sont mul- tipliées et se distribuent au muscle adducteur postérieur, aux tubes du manteau, et à la portion reculée de cet organe qui double la coquille. C’est notre nerf palléal postérieur. Le premier filet (m#) qui se détache de ce tronc, du côté interne, va directement en arrière sous le muscle adducteur qu'il traverse, donne un rameau autour de l’anus, et se termine, par son extrémité, à l'embouchure du tube supé- rieur. La seconde branche (0) se détache de ce tronc du côté ex- terne; elle se distribue dans le bord postérieur du man- teau, en passant au-dessus de l’expansion musculaire qui, de la paroi supérieure du tube inférieur, s’épanouit dans le manteau (le muscle rétracteur des tubes). La troisième branche (r) du nerf palléal postérieur se distri- bue à la paroi supérieure du tube inférieur. Ce nerf se porte directement en arrière, parallèlement à la première bran- che (m). La quatrième branche qui se détache de ce tronc se di- vise plusieurs fois pour gagner la base des tubes où elle se distribue. Le tronc, bien diminué (s) par les branches qu'il a four- nies, continue de se porter en arrière; il gagne le côté ex- terne du tube inférieur, s'y divise en deux filets dont l’un se perd sur le même côté externe, et l’autre gagne plus en dedans sa face inférieure. Du côté droit, la distribution de ce nerf est la même. Seu- lement il passe au-dessous de l'expansion musculaire du tube inférieur ou de son muscle rétracteur, au lieu de passer au-dessus. T. XXIV. 16 122 DU SYSTÈME NERVEUX On à pu remarquer, dans cette description, le développe- ment ét les divisions multipliées des nerfs qui se distribuent aux tubes du manteau, à leurs muscles rétracteurs, ét au man- teau lui-même. C’est un caractère particulier aux Bivalves qui ont des tubes, et qui les distingue de ceux qui n’en ont pas. IT suffira de comparer cette partie du système nerveux des Cardiacés avec celle des Ænodontes, des Unio, des Li- thodomes et des Moules. Cependant les nerfs du manteau n'avaient pas été vus dans cétte espèce aussi complétement que dans la Cytherea Chione. | XVIIIe MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Cytherea Chione. (Cythérée fauve, Lan. ; Venus Chione, L.) (PI. {1 et 19, fig. 3.) Les ganglions postérieurs (gp) sont réunis. Ils semblent composés de deux couches ; une inférieure et plus antérieure, de couleur claire, donne naissance, en avant, au cordon du grand collier et au nerf branchial, et, en ar- rière, au nerf de l’adducteur postérieur, qui le traverse di- rectement. Cette partie, plus claire, a Ja forme d'un cœur. Au-dessus se voit une partie de couleur brune, qui donne naissance au palléal postérieur, ou devient l’aboutissant de cette paire de nerfs. Elle dépasse la première en arrière. Les ganglions labiaux (gb) sont très-rapprochés derrière l'ad- DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 123 ducteur postérieur. Leur cordon de commissure est court, épais et coloré comme ces ganglions. Cette coloration dé- montre aussi sa nature ganglionnaire. Ces ganglions ont de même un pigment brun dans une partie centrale plus ar- rondie. Les ganglions pédieux (gpd) sont considérables comme le pied; ils sont enfoncés dans une sorte de poche creusée dans la partie moyenne des parois abdominales qui forment ie pied. Ces ganglions sont de couleur brun clair, et leur capsule d’un brun foncé. Voyons à présent les nerfs principaux qui naissent de ces trois paires de ganglions, ou qui s'y rendent. Ceux des ganglions postérieurs sont : 1° Le cordon du grand collier (10); 2° Le nerf branchial (9); 3° Le palléal postérieur. Ce dernier nerf est considérable. Il ne tarde pas à se bi- furquer. La branche interne que nous avons vue aussi, comme un nerf distinct, provenir avec le nerf branchial et le cordon du grand collier, du disque inférieur du ganglion , ainsi que nous venons de le dire; cette branche, ou le nerf distinct, se dirige obliquement en arrière à travers l'adducteur de ce côté. Parvenue au bord postérieur de ce musele, elle se renfle un peu en massue (g') ou en forme de ganglion avant de donner de petits filets rayonnants (4 et 5) à l'adducteur, au tube anal, à la commissure du manteau, et au muscle ré- tracteur des tubes (1 et 2). La branche antérieure ou externe se sous-divise bientôt elle-même en deux autres. 16. 12/ DU SYSTÈME NERVEUX L'interne aboutit aussi à un petit ganglion arrondi (g'), coloré en jaune, d’où sortent des filets qui se distribuent dans le tube anal et dans le tube respirateur en se divisant dichotomiquement. Le plus grand de ces filets se voit entre les deux tubes. Au delà de chaque ganglion, le même nerf se continue avec son similaire pour former une arcade complète dans la moitié inférieure de l’origine des tubes. La branche externe ou antérieure (1) de la seconde divi- sion du palléal postérieur est proprement la continuation du tronc qui appartient essentiellement au manteau. Elle en contourne le bord, à distance, d’arrière en avant, en lui distribuant à mesure et assez régulièrement des petits nerfs qui s’en détachent à angle droit. Ces petits nerfs doivent se composer de filets moteurs et sensitifs; leurs ramuscules se perdent dans le bord du manteau et dans la bande muscu- laire qui le garnit. Ce nerf se continue et se confond avec le nerf palléal anté- rieur. Le nerf branchial (g) qui sort de la couche inférieure, de couleur plus claire, du ganglion postérieur, ne tarde pas à former un coude en avant, d’où partent les filets qui se distri- buent à la partie des branchies de son côté qui est en avant de ce coude. Il se porte ensuite en arrière, et diminue rapi- dement de diamètre, à mesure qu'il donne ses filets aux cloi- sons des deux paires de lames branchiales. Le cordon du grand collier (10), à peine sorti du ganglion postérieur, fournit un filet qui se rend à l'ovaire à travers la racine du pied. Plus avant, un second filet qui se détache de ce même cor- DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 125 don, se rend au foie et à l'intestin. Il est en dehors et récur- rent. Un troisième filet, aussi récurrent, s’en sépare en dedans et un peu plus en avant. Un quatrième filet se sépare du même cordon encore plus en avant et en dedans: il est aussi récurrent. Il traverse de même le foie pour se rendre à l'estomac (15). Enfin, un cinquième filet qui naît en dehors (13), tout près du ganglion buccal, va encore se distribuer à l'estomac. Évidemment ici les très-petits nerfs viscéraux naissent du cordon du grand collier. Les nerfs qui naissent des ganglions buccaux (gb) où qui s'y rendent sont : 1° Le cordon du grand collier; 2° Le palléal antérieur (6); 3° Le cordon du petit collier (n) ; 4° Un nerf pour l’adducteur antérieur (7) ; 5° Un filet qui se rend au palpe interne. Le palléal antérieur se porte directement en avant sous l'adducteur de ce côté, et se bifurque non loin de son bord antérieur. La branche la plus avancée contourne le bord du man- teau d'avant en arrière, et paraît se perdre vers le milieu de la longueur de ce bord, Le premier filet qui s'en détache se replie en avant et se perd dans l'extrème bord de cet or- gane. J'en ai distingué plusieurs autres qui s'en détachent comme des ramuscules en dedans et en dehors, en suivant la même direction que leur tronc d'avant en arrière. L'autre branche, qui est plus en dedans, est celle qui se continue avec le palléal postérieur. 126 DU SYSTÈME NERVEUX Elle produit, après la moitié supposée de son trajet, un rameau considérable qui se distribue au manteau plus en dedans qu'elle. Quant au cordon du petit collier, il ne présente rien de particulier. Les nerfs qui sortent des ganglions pédieux (gpd), étudiés d'un côté seulement comme dans notre figure, qui les repré- sente du côté gauche, présentent deux troncs, uu moyen et un postérieur, Le premier fournit immédiatement deux branches laté- rales, qui se sous-divisent en rameaux et en ramuseules. Le tronc se continue vers le tranchant antérieur du pied ; mais avant de s’y diviser en rameaux et en ramuscules, il fournit un nerf qui ne tarde pas à se séparer en deux rameaux qui se perdent dans deux vésicules transparentes (1/4), contenant un corps opaque beaucoup plus petit. Ces vésicules sont évidemment les organes problémati- ques, que l’on a cependant déterminés comme les organes de l'ouie des Bivalves. Ces vésicules sont très-difficiles à découvrir, parce qu'elles se rompent très-facilement sans laisser de traces. Nous venons de déerire bien en détail le système nerveux de l’une des espèces les plus connues et les plus communes du grand genre l’enus de Linné. Nous avons examiné comparativement le système nerveux de la Cytherea complanata, de la Venus rugosa, de la l’enus decussata où Pullastre croisée. Les différences que nous avons trouvées dans cette dernière espèce justifient complé- tement sa séparation dans un genre particulier. Son palléal externe n’a qu'une seule branche qui forme DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 127 arcade. C’est de cette arcade que partent les nerfs qui vont aux tubes. On ne trouve pas non plus de ganglions qui ré- pondent à la cloison des tubes : ceux-ci sont complétement séparés. Un des caractères distinctifs communs à toutes les espèces du grand genre Venus de Linné, de celles du moins que nous avons pu observer, est d’avoir les ganglions buccaux très- rapprochés. XIXm MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Mactra semistriata. Ce système nerveux a bien des rapports avec celui de la Cytherea complanata. 11 en diffère cependant à quelques égards, peu importants à la vérité, et dans les parties cen- trales et dans les parties périphériques. Les ganglions antérieurs ou buccaux et les moyens où pé- dieux sont arrondis. | Les premiers, qui ont une forme lenticulaire, sont très- écartés l’un de l’autre, et réunis par un filet de commissure faisant une arcade au-devant de la bouche. Il y a deux ganglions postérieurs oblongs, rapprochés, soudés l’un à l’autre dans une partie de leur étendue. Le cordon du grand collier est très-développé ; celui du petit collier est très-plissé. Les ganglions antérieurs se voient sur les côtés, un peu en arrière de la bouche, plus rapprochés du bord antérieur de l'adducteur que de son bord postérieur. En avant ils ne 128 DU SYSTÈME NERVEUX sont recouverts que par les téguments; en bas ils sont cachés par la base du palpe interne. Ils ont 0",001 de diamètre. Chacun de ces ganglions fournit en avant et en dehors un nerf palléal antérieur assez considérable, qui traverse l'ad- ducteur, le contourne le long du bord musculaire en man- teau, s’y divise en deux branches, et s’y perd en se prolon- geant assez loin. Une autre branche, qui se détache de ce nerf avant sa division, contourne le muscle adducteur anté- rieur, et suit le bord musculaire du manteau du sens in- verse des branches précédentes, c'est-à-dire en remontant vers la face dorsale. Deux petits filets, qui sortent du même ganglion, toujours en dehors, mais plus en arrière, se distribuent au muscle adducteur antérieur. Leur direction est oblique en arrière et en dehors. Vient ensuite le cordon du grand collier, de forme un peu aplatie, qui se porte un peu en dehors. Il pénètre, après un trajet de > ou 3 millimètres, entre les faisceaux musculaires des parois abdominales, et se place entre ces parois et le foie. Il se glisse, dans cette position, jusqu'au bord pos- térieur de l'abdomen, en perce de nouveau les parois pour joindre le ganglion postérieur. Sorti de l'abdomen, on le voit sous les téguments, un peu au-dessus du tendon postérieur du pied, et plus rapproché du bord adhérent des branchies. Le cordon du petit collier sort de chaque ganglion labial, en dedans et en arrière. Il pénètre aussitôt dans les parois musculaires de l'abdomen, les traverse, se place entre ces parois et le foie, se loge assez profondément dans ces or- ganes, se porte directement en bas en formant beaucoup DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 129 d'ondulations, et gagne le ganglion pédieux. Ce nerf est demi-transparent dans toute son étendue. Deux petits nerfs qui se détachent du ganglion buccal en dedans et en dehors du cordon précédent, gagnent le palpe interne, le pénètrent et s’y distribuent. Les ganglions pédieux ou moyens () sont situés dans la partie inférieure et antérieure du pied. Une portion du foie les sépare des parois musculaires abdominales. Leur position est donc profonde et non superficielle. Les deux ganglions sont soudés ensemble et presque confondus en un seul, dont un étranglement, sur la ligne médiane, indique seul la duplicité. Il en sort trois filets nerveux : un antérieur ('), qui s’en détache pour se porter en dehors et en haut, dans les pa- rois musculaires de l'abdomen; le second (4) se dirige en bas et en dehors; le troisième (2") a sa direction en bas et en avant. Ils se distribuent l’un et l’autre au pied abdo- minal. Les ganglions postérieurs sont situés contre la face infé- rieure de l’adducteur postérieur. Les deux ganglions sont soudés l’un à l’autre. Après avoir reçu en avant le cordon du grand collier, ils produisent, du même côté, mais plus en dehors, le nerf branchial, qui gagne la partie postérieure flottante des bran- chies, le long de laquelle on peut le suivre jusqu’à leur ex- trémité. En arrière, le ganglion postérieur ne donne qu’un seul tronc, le nerf palléal postérieur, comme nous l’avons fait remarquer dans le système nerveux de la Cytherea compla- nata. TORXIV 17 130 DU SYSTÈME NERVEUX La première branche (m) qui s’en détache en dedans se porte, comme toujours, directement en arrière, traverse le muscle adducteur, et se termine dans le tube supérieur du manteau. La petite branche (o) qu'il produit un peu plus en arrière et en dehors, va se perdre, en suivant cette direction et après un court trajet, dans le bord musculaire du manteau. Une branche qui suit la direction du tronc primitif d’a- vant en arrière, et qui pourrait être considérée comme une bifurcation de ce tronc, s'incline ensuite un peu en dedans, et se termine par deux rameaux qui se perdent, l’un dans la partie supérieure du tube inférieur, l’autre dans sa face infé- rieure. Cette même branche, aussitôt qu'elle est détachée du tronc principal , en produit une autre qui se porte directe- ment en dedans et en haut, et va se perdre dans le petit ap- pendice de la lèvre inférieure du tube supérieur. Après avoir produit ces différents nerfs, le tronc principal se prolonge encore le long du bord musculaire du manteau, et s’y termine par une bifureation. On voit dans ce système nerveux la plus grande analogie avec celui du Cardium edule et de la Cytherea complanata, soit dans les parties centrales, soit dans les parties périphé- riques. Celles-ci se composent de nerfs proportionnés aux extensions du manteau qu'elles doivent animer. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 131 XXm MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Mye des sables, Mya arenaria, Wa. (PI. 41 et 12, fig. 5.) Si l’on compare la figure que nous donnons du système nerveux de cette espèce avec les figures du système nerveux du Cardium edule, du Mesodesma, de la Cytherea Chione et de la Zutraire, on trouvera le même plan, avec des différen- ces’ importantes dans les détails. Les ganglions buccaux sont distants comme dans le Cardium. Ils produisent immédiatement un filet nerveux, en dedans pour la lèvre antérieure et en dehors pour les palpes. Ensuite le tronc du palléal antérieur, duquel se détache en dedans un petit nerf pour l’adducteur antérieur. Ce tronc produit ensuite un petit nerf qui se ramifie dans la partie centrale du manteau. Plus en dehors, il se divise en trois branches successive ment plus rapprochées du bord du manteau. La plus exté- rieure est la moins étendue; elle longe, en le contournant en dehors et en arrière, l'extrême bord de cet organe. Un pe- tit filet qui se dirige dans le sens opposé, comme dans la Zu- traire, Va à la partie la plus avancée du manteau et de l’ad- ducteur antérieur. La seconde branche, plus forte, se porte parallèlement au bord du manteau jusqu’à la partie la plus reculée, et s’y perd. 11 s’en sépare à angle droit cinq petits nerfs, qui se divisent et se perdent dans le bord du manteau, à la manière de ce que nous avons vu dans la Cytherea Chione. Enfin la troisième branche, plus déliée, c’est-à-dire d’un 17. 132 DU SYSTÈME NERVEUX moindre diamètre, contourne encore plus en dedans toute l'étendue du manteau d’avant en arrière, lui fournit à me- sure des rameaux et des ramuscules, et se continue avec une branche du palléal postérieur, comme nous l'avons vu de la seconde branche dans la Cytherea Chione, et de la première dans la ZLutraire. Les ganglions postérieurs sont distincts, quoique rappro- chés. Le cordon du grand collier, qui les réunit, produit en ar- rière et en dedans un petit nerf qui pénètre le bord tran- chant de l’abdomen et du pied. En arrière, il paraît se dis- tribuer à l’ovaire. En avant, ce même cordon donne successivement deux nerfs récurrents dont les ramifications se rendent à l’esto- mac et au foie. En dehors de l’origine de ce cordon, chaque ganglion postérieur produit le nerf branchial, qui se coude en avant et se replie en arrière, pour suivre, comme toujours, dans cette direction, le bord dorsal des branchies de son côté et s’y distribuer. La partie de ces branchies qui est en avant de ce coude recoit de nombreux filets qui en partent. Entre le nerf branchial et le cordon du grand collier, il y a un long filet nerveux comme dans le Jambonneau, qui part du ganglion postérieur et va se distribuer à l'organe de Bo- Janus. Un nerf branchial antérieur, qui naît du ganglion anté- rieur ou buccal, se porte directement en arrière, et vient joindre une partie de ses ramifications à celles de ce der- nier nerf. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 133 Le tronc du palléal postérieur, qui est réuni ici au palléal latéral, fournit d’abord un petit nerf qui se distribue dans l’adducteur postérieur et au rectum. En se portant plus en dehors, ce tronc s’épaissit et se co- lore en jaune, et devient nerf ganglionnaire, en formant trans- versalement plusieurs ondulations. Il en sort, en premier lieu, un nerf considérable qui ap- partient au tube anal, et y distribue ses branches et ses ra- meaux d'avant en arrière. Vient ensuite, plus en dehors, un tronc qui se bifurque presque immédiatement. Sa branche interne se distribue, à la manière de la précé- dente, au tube respirateur. Sa branche externe appartient à la partie postérieure du lobe du manteau de son côté. Enfin une dernière et troisième branche, plus déliée, va se continuer avec la plus externe du palléal antérieur, qui est aussi la troisième de ce nerf principal. Je n’ai rien à dire de particulier des ganglions pédieux, qui sont petits et colorés en jaune comme les deux autres paires, ni des nerfs qu’ils produisent. 134 DU SYSTÈME NERVEUX XXIm MONOGRAPHIE. Système nerveux du Mésodesme de Quoy(x),Mesodesma Quoyi, Drsx. (PL 44'et 19, fig. 2, et pl. 10, fig. 2 et 2.) Ce système nerveux est complet pour les parties centrales comme pour les parties périphériques. Gelles-ci sont très- développées dans le pied, qui est grand; et dans les tubes. On remarquera les arcades et l’espèce d’anastomose que forme le nerf palléal postérieur avec le latéral, et la pe- titesse des ganglions postérieurs, malgré le développement des nerfs qui en sortent. Nous avons trouvé les nerfs de ce système assez volumi- neux et d’un blanc mat. Les ganglions antérieurs (&) sont quadrilatères , aplatis, situés profondément près des commissures de la bouche, un peu en avant, dans l'intervalle qui sépare le palpe antérieur du palpe postérieur ; ils s'aperçoivent contre le bord posté- rieur du muscle rétracteur. L’angle interne et postérieur de chaque ganglion se pro- longe en arcade, au-devant de l’orifice buccal, à la rencontre l'un de l’autre, en formant la commissure (b) de ces deux gan- glions, qui sont très-rapprochés. Le premier nerf que fournit chaque ganglion, à partir de la ligne médiane en avant, est un petit nerf (c') qui se perd dans l’adducteur ; nous disons petit relativement à sa lon- (1) Traité élémentaire de conchyliologie, par Deshayes, pl. X, f. 13. DES MOLLUSQUES, ACÉPHALES. 135 gueur, mais assez grand pour son diamètre. On le voit se bifurquer avant de pénétrer dans ce muscle. Le suivant (c) est assez considérable : c’est le nerf palléal antérieur, qui traverse la ligne d'attache de l’adducteur, en se portant directement en avant sous la peau et le long. de la face inférieure de ce muscle. Il s'en détache, vers le milieu de ce trajet, deux branches (d' et d”) qui traversent la partie membraneuse du manteau et se perdent dans le bord de cet organe, après s'être dirigées en arrière, parallèlement à ce bord, en le contournant et en se portant à la rencontre du palléal postérieur. Le petit nerf (d) qui vient après, s'appuie contre la face inférieure du tendon antérieur du pied. Il paraît s’enfoncer dans ce tendon en se subdivisant, toutefois après avoir fourni un filet aux palpes. Le cordon du grand collier (f) se détache de l'angle posté- rieur du ganglion antérieur, et forme, avec son symétrique, comme toujours, cette espèce de ceinture qui contourne de chaque côté la masse viscérale, d'avant en arrière, pour aller joindre, près de la ligne médiane, les ganglions postérieurs. Dans ce trajet, chaque nerf se glisse entre les fibres du ten- don antérieur du pied, puis-entre les fibres musculaires de l'abdomen et le foie. Arrivé aux limites postérieures de la masse abdominale, il paraît de nouveau sous la peau, con- tourne la face externe du tendon postérieur du pied, gagne sa face inférieure, se rapproche beaucoup de son congénère, et vient aboutir à l'extrémité antérieure des ganglions pos- térieurs (k) de son côté. Le cordon du petit. collier () se dégage du bord posté- rieur du même ganglion, et se dirige en bas dans le pied. I] 136 DU SYSTÈME NERVEUX passe tout près de la commissure de la bouche, traverse les fibres musculaires du pied à l’endroit où elles vont aboutir au tendon antérieur, se place entre le foie et les faisceaux musculaires abdominaux, et vient aboutir au ganglion pé- dieux de son côté. Dans tout ce trajet, il est plus rapproché de la partie an- térieure que de la postérieure de la masse abdominale, et on parvient à le découvrir sur le côté de cette masse viscé- rale, sous les téguments musculeux de cette partie. Ce cordon se porte un peu en arrière dans l’epaisseur du foie, à un centimètre des ganglions pédieux , pour joindre celui de son côté. Les ganglions pédieux (h) sont situés sur les limites du foie ou de la masse viscérale et du pied proprement dit, rap- prochés de son bord antérieur. Leur forme est ovale, et ils reçoivent par leur grosse ex- trémité, qui est la supérieure, le cordon (2) que nous venons de décrire. Les deux ganglions restent distincts, quoique rapprochés et soudés par leur côté interne. Ils donnent par leur extrémité inférieure deux nerfs (4°) et (4) qui se séparent successivement en de nombreux filets de plus en plus petits, qui vont se perdre dans les faisceaux musculeux du pied. Les ganglions postérieurs (k) sont très-petits. Leur forme est allongée d’avant en arrière; ils ne paraissent qu’un petit renflement produit par la réunion des nerfs qui s’y rendent ou qui en partent. Ils sont, comme à l'ordinaire, sous-cutanés et placés sous DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 137 le tiers antérieur de la face inférieure de l’adducteur de ce côté, précisément dans la ligne médiane. Le cordon du grand collier (f) aboutit à leur extrémité antérieure. En dehors, et tout à côté, ils produisent le nerf bran- chial (7), qui fait un coude en avant pour se diriger en ar- rière, en longeant l'angle de réunion des deux lames bran- chiales du même côté. Ce nerf est petit et court, ainsi que la partie des branchies à laquelle il se rend. Vient ensuitele nerf palléal latéral (p), qui sort de l’angle postérieur et externe du ganglion. On le voit se porter en arrière et surtout en dehors, contre la face inférieure de l'adducteur postérieur ; il s’avance contre le muscle rétrac- teur des tubes, lui donne des filets (o et x), et parvient à la partie membraneuse, puis au bord musculeux du manteau, le longe en changeant de direction et en se portant en avant, et se perd dans cette partie. Le nerf palléal postérieur (m) sort du ganglion un peu plus en dedans précisément de son extrémité postérieure, et se porte plus directement en arrière, à travers la face inférieure du muscle adducteur. Arrivé à l’origine du tube supérieur, près de l'anus, il descend en formant une arcade contre la paroi latérale de ce tube de son côté, et va joindre le palléal latéral, vis-à-vis la réunion des deux tubes. Le nerf palléal postérieur appartient plus particulière- ment aux tubes du manteau par les nombreux filets qu'il leur envoie, et qui partent de l’arcade qu’il forme. On voit en (y) sa continuation et en (z) son anastomose avec le nerf palléal latéral. A AECIN: 18 138 DU SYSTÈME NERVEUX Sa branche interne (2) se porte vers l'anus et dans l'épais- seur de la paroi supérieure du tube supérieur. L'autre branche qui la suit (n°) a la même destination. La continuation (y) du nerf palléal postérieur se porte en dehors sur les parois latérales du tube supérieur, et four- nit à mesure des filets à ce tube. Parvenu en (z') — entre le tube supérieur et l’inférieur, il donne peu après la branche (z'}, qui appartient au tube inférieur, et il se réunit presque immédiatement au nerf palléal latéral en (2). On pourrait aussi décrire le nerf (z) comme une branche de ce dernier nerf, et le rameau (z") comme une production de cette branche. Alors l’anastomose des deux nerfs, palléal latéral et palléal postérieur, serait censée se faire en (z”). Dans tous les cas, cette réunion est très-remarquable, et tend à donner de l'unité aux mouvements des tubes. Leur contraction après la mort rend très-flexueux tous les filets nerveux qui s’y rendent. XXII MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Psammobia vespertinalis. (PL. 10, fig. 5, et pl. 11 et 19, fig. 4.) Ce système nerveux a les plus grands rapports avec celui du Mésodesme. Les trois paires de ganglions sont plus ou moins distinctes, et les postérieures sont de même proportionnellement petites. Mais ici les deux ganglions antérieurs (a) sont très-écartés et réunis par un long filet de commissure (b). On les découvre sous la peau, à la base des palpes, sous l'angle postérieur de l’adducteur. Leur forme est aussi quadrilatère. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 139 Le nerf palléal antérieur (c), qui sort de leur angle anté- rieur, se porte directement en avant sous la ligne d'attache de l’adducteur, et donne successivement trois branches qui vont au manteau, La première (d') longe la partie membra- neuse de cet organe, et finit par atteindre sa partie museu- leuse, où il disparaît. Les deux autres appartiennent plus particulièrement à cette partie musculeuse; elles s’y conti- nuent en arcades. Le rameau (d”") de la branche (d”) se perd dans la partie membraneuse de cet organe. Comme dans le Mésodesme, il y a un petit nerf (c) qui appartient exclusivement à l'adducteur. Le cordon du grand collier (à) suit la même direction que dans le Mésodesme et conserve les mêmes rapports. Le cordon du petit collier (f), de mème. Les deux ganglions pédieux (h) sont grands proportion- nellement aux autres ganglions. Leur forme est ovale ; ils sont distincts en haut et en bas par leurs extrémités, et sou- dés par leur partie moyenne. Les ganglions sont, dans l'épaisseur du foie, assez distants des parois musculeuses de l’abdomen et des bords antérieur ou postérieur de la masse viscérale. Chaque ganglion recoit de son extrémité supérieure le cordon {f) du petit collier, et donne de son extrémité op- posée deux nerfs (L"') qui traversent une partie du foie, se portent directement en bas, et se séparent en plusieurs filets pour se distribuer dans les faisceaux musculaires du pied. Un autre nerf (4), qui tient au ganglion par le côté, se rend aux faisceaux musculaires de la base du pied'ou des parois abdominales. 18. 140 DU SYSTÈME NERVEUX Les ganglions postérieurs (À) sont petits, allongés, accolés lun à l’autre dans la ligne médiane, sous le bord antérieur de l’adducteur postérieur. Le cordon du grand collier () aboutit à leur extrémité antérieure, Le nerf branchial (1) en sort tout à côté, mais en dehors. Il est court,commela partie desbranchies danslaquelleil se rend. Un seul tronc (p) qui sort de l'extrémité postérieure de chaque ganglion tient lieu à la fois de nerf palléal latéral et de nerf palléal postérieur. La branche (m), qui ne tarde pas à s'en séparer, est évi- demment ce dernier nerf. Il se porte dans l'embouchure du tube supérieur du manteau, et se distribue dans sa demi-cir- conférence supérieure. Son filet (7), qui s’en détache avant qu'il ait dépassé l'adducteur, se dirige dans la portion médiane du manteau immédiatement derrière l'anus. Les nerfs (n° et 7”), qui sont encore des rameaux du nerf palléal postérieur (m), se distribuent dans le bord musculaire du manteau. La continuation de ce nerf palléal postérieur se voit en (7”), et sa jonction avec le palléal latéral en (y). C'est une ressemblance remarquable avec un arrangement analogue que nous avons décrit dans le système nerveux du Mésodesme. Après s'être séparé du nerf palléal postérieur, le tronc commun des deux nerfs ne répond plus qu’au nerf palléal latéral. X continue de se porter en dehors et en arrière, re- çoit en (y) le rameau de jonction du nerf (m”); donne immé- diatement le nerf (g'), qui va au manteau, et se termine par les branches (3 et z') qui vont se distribuer dans la demi- DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 141 circonférence supérieure du tube inférieur, et les nerfs (0 et 0’), qui se distribuent au muscle rétracteur des tubes. XXITIme MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Lutraire solénoïde, Lutraria solenoides, Lam. (PI. 41 et 12, fig. 5.) Ce système nerveux a beaucoup de ressemblance avec celui de la Cytherea Chione. Les deux ganglions buccaux sont encore plus rapprochés, puisqu'ils se touchent sans commissure intermédiaire. Les ganglions postérieurs sont de même fondus en un seul. Il n’y a que les ganglions pédieux qui soient un peu dis- tincts. Nous les avons vus de même dans la Cytherea. On ne trouve qu'un palléal antérieur, divisé en deux pre- mières branches, qui se sous-divisent bientôt en deux autres. Les deux nerfs produits par la branche interne sont très- rapprochés du bord du manteau. Ils s’y distribuent en sens opposé. Celui qui se dirige vers la ligne médiane est court et petit, et se distribue à l’entrée du bord antérieur du manteau et au muscle adducteur, au- devant duquel il faut le chercher. L'autre contourne en dehors et en arrière tout le bord du manteau, et se confond avec une branche correspondante du palléal postérieur. Les deux divisions de la branche externe du palléal con- tournent le manteau plus en dedans et parallèlement à ce dernier nerf; mais on n’a pu les suivre que jusqu'au tiers ou à la moitié du manteau. 142 DU SYSTÈME NERVEUX Le palléal postérieur est un petit nerf pair qui se détache du ganglion postérieur plus en dedans quelle palléal latéral, se porte un peu obliquement en arrière à travers le muscle adducteur postérieur ; se renfle un peu en massue avant de se diviser en ramuscules qui vont à ce muscle et au rectum. Le palléal latéral sort du ganglion immédiatement à côté du palléal postérieur, et se divise en deux branches avant d’avoir dépassé le muscle adducteur postérieur, sous lequel il se dirige obliquement en arrière. La branche externe se contourne dans le manteau plus en dedans que l’autre, et s'y distribue exclusivement. La branche interne et postérieure, parvenue à la base du tube supérieur, tout près de son union avec letube inférieur, y forme un ganglion coloré en jaune, et se continue au delà en un tronc plus épais que le nerf palléal postérieur à son origine, qui contourne transversalement la paroi inférieure du tube inférieur, pour former un seul are continu avec son symétrique. Les nerfs qui vont au tube supérieur, d'avant en arrière, partent d’un seul tronc qui a son origine dans le ganglion que nous venons de décrire. Ceux du tube respirateur appartiennent à deux troncs qui se séparent successivement de l’are transversal qui se voit à l’origine de ce tube. Un peu au delà du ganglion jaune, mais en avant, cemême arc fournit une première branche palléale qui va à la partie musculeuse du manteau, ainsi que la première qui se sépare du tronc palléal. Une seconde branche plus rapprochée du bord du man- teau semble appartenir à la partie sensible de cet organe. Sa DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 143 division la plus externe est celle qui va joindre une branche du palléal antérieur, pour former avec ce nerf un are continu qui complète le cercle. avec le ganglion buccal, le ganglion postérieur et le cordon du grana collier. Le nerf branchial fournit de son coude antérieur les nerfs qui vont aux branchies de leur côté. Le cordon du grand collier donne deux petits filets gas- triques dans le premier quart de son trajet d'avant en arrière. Les ganglions pédieux fournissent au pied et aux parois musculeuses de l'abdomen des nerfs assez forts, dont la figure que nous en publions donnera une idée juste. XXIVne MONOGRAPHIE. Système nerveux du Solen siliqua, Desx. (PI. 11 et 12, fig. 7.) Nous ajouterons au système nerveux du Solen vagina, que nous avons décrit en 1844, celui du Solen siliqua, qui nous a présenté des différences intéressantes ; elles correspondent à celles que montre l'ouverture du manteau dans les deux espèces. Comme dans le Mésodesme, les ganglions postérieurs sont petits et confondus en un seul, qui ne semble que la réunion des nerfs qui s’y rendent ou qui en partent. Ils ne sont nullement proportionnés aux nerfs qui s'en détachent, et qui sont très-forts. C’est, pour le dire en pas- 144 DU SYSTÈME NERVEUX sant, la preuve qu'ils ne les produisent pas, mais qu'ils en sont un centre de réunion. Le cordon du grand collier et le nerf branchial ne pré- sentent rien de particulier. Du coude que ce dernier forme en avant, on voit sortir un des filets nerveux qui vont à la portion antérieure des bran- chies du même côté. En arriere, il ne se détache des ganglions postérieurs qu'un seul tronc nerveux. Mais ce tronc, en se portant directement en arrière à tra- vers le petit muscle adducteur, se sépare déjà sous ce mus- cle en deux branches principales qui correspondent aux nerfs palléal postérieur et palléal latéral, décrits dans le Mésodesme. La plus interne fournit des ramuscules au rectum, et se porte directement en arrière dans la paroi latérale du tube anal, en lui fournissant des ramuscules qui s'en détachent en dedans jusqu'aux deux tiers de son étendue. La branche extérieure et inférieure appartient principa- lement au tube respirateur. Cependant il ne tarde pas à s’en détacher une branche secondaire, qui longe le bord infé- rieur du tube anal et se ramifie dans son dernier tiers, après avoir produit une petite arcade qui se joint à un rameau de la branche du tube respirateur. Cette branche suit d'avant en arrière le bord supérieur de ce tube, et ne tarde pas, après la première division que nous venons de décrire, à produire un rameau qui descend transversalement en formant une arcade presque vers la ligne médiane du manteau. Là , elle se partage en deux branches dont l’une se porte directement en avant en suivant à une DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 145 petite distance le bord de soudure du manteau. Cette bran- che, peu avant l'endroit où le manteau est ouvert, à la hau- teur de la pointe postérieure des palpes, s’épaissit peu à peu, et prend un diamètre considérable vis-à-vis d’assez grosses papilles sensitives que montre le bord du manteau aussitôt qu'il estséparéen deux lobes dans la ligne médiane inférieure. Ces papilles du manteau, qui sont vis-à-vis des palpes la- biaux, reçoivent de courts filets de la partie renflée du nerf palléal que nous venons de décrire. Ce nerf reprend ensuite son petit diamètre, et va s’unir à une branche, correspondante du palléal antérieur. L'autre branche, qui naît de la bifurcation de la première arcade du palléal postérieur, se porte directement en arrière parallèle- ment à la ligne de soudure des deux lobes du manteau, et se joint à un rameau de la seconde arcade produite par le pal- léal que nous décrivons. Cette seconde arcade, qui se voit dans la partie postérieure du tuberespirateur, paraît la continuation du nerf principal qui augmente ici de diamètre, et semble ensuite se recourber de bas en haut pour former une dernière arcade encore plus près de l’extrémité de ce tube, en rejoignant la branche qui l’a produite et en formant un anneau complet. Il sort des deux arcades, et surtout de la dernière, des ra- muscuüles qui vont aux papilles sensibles qui garnissent l’ori- fice du tube respirateur, Il est intéressant de voir de nouveau le nerf palléal se renfler pour produire ces ramuscules. Nerfs gastriques (ng). Ce sont deux petits filets qui se détachent du cordon du grand collier tout près du ganglion buccal, en dehors dece cordon; tandis qu’on voit un nerf assez T. XXIV. 19 146 DU SYSTÈME NERVEUX considérable se séparer de ce même cordon, mais du côté opposé, et tout près du ganglion buccal {celui du côté gau- che), ou de ce ganglion lui-même (celui du côté droit), pour se rendre aux palpes. Les ganglions buccaux sont très-petits , distants l’un de l’autre, et réunis par un filet grêle de commissure. Outre les cordons du grand et du petit collier qui s'y rendent, ces ganglions produisent en avant le tronc com- mun du palléal antérieur. Ge tronc ne tarde pas à se bi- furquer. La branche principale, la plus forte, se porte abli- quement en avant et en bas vers le bord libre du manteau, où elle se sépare de nouveau en deux branches, dont la postérieure, suivant le contour du manteau, va se confon- dre , comme nous l'avons dit, avec la branche antérieure du palléal postérieur. L'autre branche, qui semble la con- tinuation du tronc, se porte en avant en suivant une di- rection analogue, c’est-à-dire parallèle au bord du manteau. Elle est renforcée en avant par une branche qui se détache de bonne heure de cette première et principale bifurcation dunerf palléal antérieur,traverse obliquement de haut en bas et en avant le lobe du manteau de son côté, et s’anastomose, tout près du bord du manteau, avec la branche précédente. Plus en dedans, et encore plus près du bord externe de l’adducteur antérieur, se voit un second nerf ayant la même origine et la même direction et distribution. Enfin la branche interne de la première bifurcation du nerf palléal antérieur se porte directement en avant le long du bord externe et inférieur du long muscle adducteur antérieur, lui donne des ramuscules, et finit par s’anastomoser en arcade DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 147 dans l’extrême bord antérieur du manteau avec la seconde branche qu’elle lui fournit. La première, qui s'en détache plus en dehors, aboutit aussi par ses ramuscules à cette partie avancée du manteau. Elle reçoit beaucoup de nerfs, quoiqu'elle ne présente pas de papilles, ce qui me fait présumer que ce sont des nerfs moteurs pour la partie musculeuse de cet organe. Les ganglions pédieux sont réunis en un ganglion consi- dérable, d’où partent, du côté opposéaux cordons, des nerfs assez forts au nombre de cinq, dont quatre se prolongent dans toute la longueur du pied, ens'écartant à mesure les uns des autres, et en produisant quelques ramifications évidentes. Ce système nerveux est, à notre avis, plein d'instructions. Il montre de nouveau que les partiescentrales du systèmenerveux ne sont pas toujours en rapport devolume avec celui des nerfs dont ils sont les aboutissants ou les points de départ. Il montre encore que les nerfs se renflent, suivant la néces- sité de produire une plus grande action nerveuse sensitive, par des filets nerveux qui en sortent. XXVme MONOGRAPHIE. Système nerveux du Solen vagina (1). La disposition générale de toutes les parties de ce système est modifiée par la forme étroite et allongée de l'animal et de ———————_—_—_—_———]." (1) La figure de cette espèce a été supprimée à regret, faute de place. Elle était double : l'une montrait le système nerveux isolé, l’autre le faisait voir en rapport avec les organes ; cette figure datait de 1844. 19. 148 DU SYSTÈME NERVEUX sa coquille. Les nerfs en sont très-déliés et presque transpa- rents , très-difficiles conséquemment à bien distinguer. Les deux ganglions antérieurs sont très-petits et triangu- laires , situés à deux millimètres sur les côtés et en avant de l'orifice buccal, cachés par le palpe externe. Un cordon de commissure formant une arcade au-devant de la bouche les réunit. Le nerf palléal antérieur, qui sort de l’angle antérieur et externe de ce ganglion, se porte en dehors et en avant sous le tendon antérieur du muscle rétracteur du pied, et se sépare en deux autres nerfs. L'un correspond à l'insertion de l’adducteur, se sépare en deux rameaux, et peut être suivi jusqu’au bord antérieur de ce muscle : il lui appartient. Nous l'avons vu, dans plusieurs cas, provenir immédiatement du ganglion. L'autre est proprement le nerf palléal antérieur. Il gagne le bord du manteau, se coude pour se porter en arrière, et suit assez loin la face inférieure du manteau, à travers lequel on le distingue. Les deux cordons du grand et du petit collier sortent de l'extrémité postérieure de chaque ganglion antérieur, et vont aboutir, le premier au ganglion postérieur, et le dernier aux ganglions pédieux. Ces derniers ganglions sont ovales, aplatis sur les côtés, longs de deux millimètres et larges d’un millimètre. Logés dans le foie , un peu plus près du bord antérieur que du côté postérieur dela masse viscérale, ils sont accolés l’un à l’autre par leur côté interne. Il en sort successivement quatre filets de leur extrémité inférieure qui se rendent dans le pied. Le cordon du grand collier, à peine dégagé du ganglion antérieur, s'enfonce entre deux faisceaux du tendon antérieur. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES, 149 du rétracteur du pied, se porte en arrière entre le foie et la paroi abdominale, longe pendant un petit espace une circon- volution intestinale, se dégage de ces parois environ un cen- timètre avant de se terminer au ganglion postérieur, et paraît dans cet espace sous les téguments. Les ganglions postérieurs sont situés à deux millimètres du muscle adducteur, dans l’écartement des tendons des ré- tracteurs postérieurs. Îls sont oblongs et soudés ensemble par leur face interne. Après avoir reçu en avant le cordon du grand collier, ils donnent de ce côté, en dehors de ce cordon, le nerf branchial, qui est considérable et très-long, comme la partie libre des branchies, dont il suit comme à l'ordinaire le bord supérieur. Ces ganglions ne donnent en arrière qu'un seul tronc ner- veux, qui répond à la fois au nerf palléal latéral et au nerf palléal postérieur. Le premier filet qui s’en sépare se perd dans la face inférieure de l’adducteur. Le nerfse distribue au musele rétracteur des tubes. La continuation du tronc appartient au manteau et se distribue d’arrière en avant à sa partie moyenne et infé- rieure. Ce nerf sépare un palléal latéral. Au moment où ce nerf se coude ou un peu avant, il se sépare d’un nerf qui se porte assez avant dansle manteau, et s’y termine par trois nerfs distincts. Un autre filet se rend aussi au manteau en se portant en arrière. 150 DU SYSTÈME NERVEUX XXVIme MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Pholade dail, Pholas dactylus, 1. (PL. 10, fig. 4.) Ce système nerveux ressemble beaucoup à celui du Solen, de la Pandore et de la Panopée. Il est plus simple que celui de la Psammobie et du Mésodesme. Les ganglions buccaux (a) sontsitués un peu en arrière de la bouche, sur les côtés du bord antérieur du pied. Ils sont logés assez profondément au-dessus de la base du palpe in- terne. Leur cordon de commissure (b) forme un are au-des- sus de la bouche. Le nerf palléal antérieur (c) se dégage de l'angle interne, et se rend au manteau en contournant son bord musculaire. Deux autres très-petits nerfs (e et e) quise dégagent du même ganglion se portent aux palpes, et peuvent être suivis jusqu’à l'extrémité de ces organes (vus par transparence avec un grossissement de vingt diamètres). Celui qui va au palpe externe est parallèle au nerf du man- teau (d). L'angle postérieur de ce même ganglion produit le cordon du grand collier (4). Celui du petit collier (.f) se dé- gage de la face interne du même ganglion; il s'enfonce dans le foie, après avoir traversé les parois abdominales. Il est flexueux, et suit une circonvolution intestinale avant d’abou- tir aux ganglions pédieux. Ces derniers ganglions (.)sont situés dans le foie entre deux circonvolutions intestinales; ils sont soudés ensemble de ma- nière à ne paraître former qu'un seul ganglion dont la figure est ovale. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 151 Leur diamètre transversal est. le plus:grand; de sorte que leur soudure s’est effectuée par la grosse extrémité. Elle est marquée à l’extérieur par un sillon circulaire assez pro- fond. Le cordon du petit collier s’insère près du sillon médian. Deux nerfs sortent de chaque côté des extrémités opposées : l’un, plus fort (4'), se dirigeant plus en dehors, va aux parois du pied; l’autre, plus petit (4), se porte en arrière vers l'intestin qui est au-dessus du ganglion. On ne peut le sui- vre plus loin. Les ganglions postérieurs (p)sont situés sous la peau, entre le bord postérieur de l’adducteur et le rectum, qu'ils semblent écarter de ce muscle. Ils sont formés de deux ganglions ovoides tellement unis par leur côté interne, que, sans le sillon profond qui les distingue encore, on dirait qu’il n’yen a qu’un seul. Ils reçoivent par leur extrémité antérieure le cordon du grand collier (i) Le nerf branchial (/) s’en détache, comme toujours un peu en dehors de ce cordon. Un seul tronc nerveux, le palleal postérieur, sort de son extrémité postérieure. Ce nerf se porte directement en de- hors sous le muscle adducteur et dans la direction de ses faisceaux. Arrivé sous le muscle rétracteur des tubes, il se sépare en trois branches. L'une (0) se distribue à ce dernier muscle. La seconde (x) fournit ses rameaux-au tube anal, à sa paroi supérieure. On peut la suivre jusqu'aux deux tiers de la lon- gueur de cette paroi. La troisième (4) continue sa direction en baset.en dehors À 152 DU SYSTÈME NERVEUX dépasse la cloison des deux tubes, arrive à la paroi supé- rieure du tube inférieur, et se distribue dans son premier tiers. XXVIIm MONOGRAPHIE. “Système nerveux de la Pholade calleuse, Pholas callosa, Lam. Nous avons pu distinguer, dans cette espèce, les nombreux filets nerveux qui partent du coude antérieur que forme le nerf branchial pour se diriger en arrière. Ils se portent en avant, pour se distribuer à la portion des branchies qui dé- passe ce coude. D'ailleurs le système nerveux de cette espèce n’est-il qu’une copie du système nerveux de la précédente ; aussi avons-nous pensé pouvoir en supprimer la figure. XXVIIIm MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Pandora rostrata. (PI. 10, fig. 5.) Le système nerveux de cet animal se compose de très-petits ganglions et de nerfs extrêmement fins, qui ne peuvent être aperçus et disséqués qu’au moyen d’un grossissement de vingt à trente diamètres. On ne les aperçoit à l’œil nu qu’à la lumière du soleil. Cependant nous sommes parvenu à voir les principaux DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 153 nerfs et les trois paires de ganglions, et nous avons pu nous convaincre de la conformité du système nerveux de la Pan- dore avec celui des autres Bivalves. Les ganglions antérieurs (a) sont écartés et réunis par un cordon de commissure (b) formant une arcade au-devant de la bouche. Leur forme est oblongue. Après le cordon de commissure, il sort de ce ganglion un nerf (ce, qui se porte directement en avant, sous la face inférieure du rétracteur, près de son bord d'insertion : c’est le nerf de l’adducteur. Le nerf palléal antérieur (d) sort du ganglion plus en de- hors, et contourne le bord du manteau en arcade. Les cordons du grand (£) et du petit collier (f) n’offrent rien de particulier. Les ganglions pédieux (h) semblent fondus en un seul, dont les deux moitiés, séparées par un sillon médian peu profond, répondent à chaque ganglion. Cependant nous le considérons encore comme double, précisément à cause de ce sillon, de la forme ellipsoïde que conserve chaque moitié, et des origines ou des terminaisons toujours bien distinctes des ner's qui en partent ou qui s'y rendent. - Ces ganglions sont cachés dans l’épaisseur du foie, comme ceux des Psammobies et du Mésodesme, non loin des tégu- ments de l’abdomen. Chaque ganglion donne, de son côté externe, deux filets extrêmement fins qui se perdent dans les faisceaux muscu- leux de la base du pied. Leur extrémité donne le nerf ordinaire, qui se bifurque avant de se perdre dans la masse musculaire de cet organe. FRKXIV. 20 154 DU SYSTÈME NERVEUX Les ganglions postérieurs (k) sont de même intimement unis, et ne semblent en former qu’un seul. Chaque moitié reçoit en avant le cordon du grand col- lier ; elle produit de ce côté, un peu plus en dehors, le nerf branchial (2). Comme dans la Psammobia vespertinalis, il n'y a qu'un seul tronc nerveux (p) pour le nerf palléal latéral et pour le nerf palléal postérieur ; mais nous n'avons pu découvrir de communication ou de jonction subséquente entre les deux branches de ce tronc précédemment séparées, qui nous sem- blent répondre aux deux nerfs du manteau. La branche (0) répond au nerf palléal latéral, et n'appartient qu'au man- teau. La suite de ce tronc et ses divisions (y) et (z)se distri- buent aux tubes du manteau : la branche (y) au tube supé- rieur, paroi supérieure, et la branche (z) à la partie externe et supérieure du tube inférieur. XXIX® MONOGRAPHIE. Systeme nerveux de la Panopee australe, Panopea australis, Sowersy. (PI. 140, fig. 6, et pl. 43.) Avant de décrire ce système nerveux, je dois faire con- naître ce que j'ai pu observer de l’organisation de cet ani- mal, encore peu connue (1). Je n’ai eu pour cela qu'un seul (x) C'est M. Ménard de la Groye qui a établi ce genre en 1807 (dansun DES MOLLUSQUES: ACÉPHALES. 155 exemplaire, dont les viscères étaient en mauvais état, et les téguments fortement durcis et contractés par l'alcool. L'animal est enfermé de. toutes parts dans son manteau, qui,n'a qu'une ouverture en avant, percée. longitudinalement dans la ligne médiane. Cette ouverture à 07,020 de long à l'extérieur, et 0o®,015 à l'intérieur, du moins dans l’état. de contraction où je décris tout l'animal. La partie moyenne et latérale du manteau est une peau mince, assez résistante : c’est. celle qui touche à la coquille sans y adhérer par des, muscles. Cette partie mince du manteau se voit encore à la face dorsale, du côté de la charnière. Lereste desicôtés est occupé en, haut.et én arrière var le muscle. adducteur Postérieur, dont la forme oblongue se dessine au-dessus du muscle rétracteur des tubes (x). En haut et en avant se voit l'udducteur antérieur, qui est eee RO EG purs egnger en] mémoire publié t. XI des Annales du Muséum, p. 131), d’après deux es- pèces, l’une vivante , l’autre fossile. La première est la Panopée d’Aldro- vande ; la seconde, la Panopee de Faujas. L'animal de l'espèce vivante lui était inconnu. [la cependant très-bien saisi, d'après les valves de la coquille et leurs impressions, les rapports de ce genre avec les Solens et les Myes. M. Valenciennes a publié en 1839; dans les 4rehives du Muséum , 1. I, une Description de l'animal de la Panopée australe.et des! Recherches sur les autres espèces vivantes et fossiles de ce genre. Cette monographie est surtout zoologique. (x) Le corps, sans doute contracté par l'alcool , a dans la ligne médiane dorsale 0",138 de long ; dans la ligne médiane abdominale, depuis la com- missure inférieure de l'ouverture du manteau, 0,125; de plus grande hau- teur en avant, 0",062. Les tubes ont 0",280 de long. Leur circonférence à leur naissance est de 0", 140, et près de leur extrémité de 0,080. 20. 156 DU SYSTÈME NERVEUX étroit et long, et se porte à la rencontre du muscle cutané abdominal. Le muscle adducteur antérieur a encore au-devant de lui un muscle cutané antérieur, qui garnit toute la face anté- rieure de l'animal que la coquille ne paraît pas devoir re- couvrir. Ce muscle aboutit à tout le pourtour de l'ouverture du manteau par des fibres perpendiculaires au bord de cette ouverture, et qui s’entrelacent avec celles du sphincter pro- prement dit. Il doit dilater cette ouverture, au contraire des faisceaux du sphincter, qui la resserrent. Ce même muscle se continue avec un muscle cutané abdo- minal qui double toute fa peau de la face abdominale restée a découvert dans un espace assez large. Il forme mème un ruban qui circonscrit cette partie, et qui doit adhérer aux valves de la coquille, en decà de leur bord. Le muscle cutané abdominal doit avoir une grande puis- sance d'action, son épaisseur variant, dans les différentes parties de la ligne médiane, de 0,008 en avant, et jus- qu'a o",012 en arrière. Il a même o",o11 dans une sec- tion transversale que j'en ai faite, à peu près au milieu du corps. Ses contractions doivent servir puissamment à chasser l’eau qui entre dans la cavité du manteau pour la respiration et la nutrition. Il est évident qu’elles contribuent encore aux mouve- ments de l'animal. On voit des intersections fibreuses et tendineuses dans sa longueur. Le manteau est généralement recouvert d’un épiderme DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 157 noir, qui devient très-épais dans les parties que la coquille ne protége pas. Cet épiderme a l'apparence d’une vieille écorce brülée, surtout vers l'extrémité du double tube. Une partie de la ligne médiane abdominale est marquée par un étroit sillon. La cavité du manteau a une capacité plus grande que les organes qu’elle renferme (1). Ses parois sont tapissées par une membrane lisse, qui semble plutôt de la nature des séreuses que des mu- queuses. Il y a dans la cavité du manteau, en avant et en haut, un assez profond cul-de-sac, immédiatement au-devant de l’ad- ducteur supérieur, entre lui et les téguments, qu'intercepte un pli transverse qui descend de ce muscle adducteur. La bouche se voit à deux centimètres en arrière de ce repli, à la partie dorsale de la cavité du manteau. Les palpes labiaux qui la garnissent de chaque côté sont longs et triangulaires. C’est évidemment un prolongement libre des lèvres, dont la face externe est lisse et tout unie, dont les faces qui se regardent ont dans leur étendue des plis transverses, membraneux, liés entre eux par paires dans leur extrémité inférieure. Ces plis n'occupent d’ailleurs qu'une partie de cette face; sa partie supérieure en a de moins prononcés dans un espace triangulaire beaucoup (1) Elle a 0",120 de long, tandis que la masse des viscères, y compris les branchies, n’occupe que 0",078 de cet espace. Le vide qui subsiste au bas est aussi considérable. 158 DU SYSTÈME NERVEUX moindre, et séparé de l’espace principal par une :canne- lure. En arrière des palpes se voient les branchies, qui descen- dent obliquement d'avant en arrière, l'antérieure ou l'interne recouverte par la postérieure ou l’externe. Les branchies internes commencent en avant, ét les ex- ternes en arrière, au plafond de la cavité palléale, la pre- nuère entre les deux palpes labiaux. L'une et l’autre se composent de séries obliques de plis très-épais, qui naissent au-dessous de la partie lisse qui les suspend, et protége les vaisseaux qui s'y rendent ou quien sortent. Les quatre branchies se réunissent en arrière sur la ligne médiane, après s'être détachées du corps; elles interceptent de ce côté un large espace qui permet à l’eau de le tra- verser. Entre les branchies du côté dorsal se voient les branchies accessoires, ou le poumon de Bojanus , qui est très-deve- loppé. En dedans des branchies et derrière les palpes labiaux ‘se trouve la masse abdominale, qui, vue de profil, a la forme d'un œuf, dont le gros bout se voit en avant et un peu vers le haut, et le petit bout en arrière et en bas. La surface en est lisse comme celle des parois de la cavité palléale. C'est en avant de cette masse abdominale que le pied est suspendu. Il est en forme de massue, beaucoup plus épais dans son extrémité libre. Sa surface est toute plissée en différents sens, et contour- née en spirale. DES MOLLUSQUES! ACÉPHALES. 159 On y remarque plusieurs, sillons:qui ont cette direction, depuis la base du pied vers son extrémité. Sur les côtés de la cavité palléale , en-arrière, et en haut, se voit, à partir de l'extrémité antérieure de la branchie ex- terne, un repli adhérent auquel elle est suspendue; mais à l'endroit où cette branchie: s’en détache, ce repli devient libre et plus large, et se joint en arrière à celui du côté op- posé. Il en résulte une cloison, incomplète qui sépare la papille anale, et l'embouchure du tube supérieur, de l'embouchure du tube inférieur ou de la respiration. Cette dernière embouchure donne dans un sillon qui rè- gne dans le tiers postérieur de la ligne médiane de la paroi inférieure du manteau. l’orifice buccal est très-petit; il s'ouvre dans l'œsophage, qui a o",o14 de long, et des plis intérieurs longitudi- naux. Le cardia a deux replis circulaires saillants dans l'es- tomac. Entre ces deux replis on voit des valvules conniventes qui vont de l’un à l’autre. On peut distinguer, dans la cavité de l'estomac, une pre- mière partie qui reçoit les orifices biliaires. La seconde partie, plus considérable, a sa muqueuse lisse et moins verte. Un repli valvulaire sépare ces deux parties. Le canal intestinal est étroit; son diamètre, au commen- cement, est de 0,005. Un pli épais, de 0",002 de saillie, commence au py- lore. 160 DU SYSTÈME NERVEUX Des plis fins, parallèles, transverses, contournent la circon- férence de l'intestin, en partant de la base de ce pli. On ne voit dans la muqueuse intestinale aucune villosité. Ce tube contenait beaucoup de très-petits œufs dont l'ani- mal s'était nourri. Il se porte d’abord en arrière en suivant la partie dorsale de l'abdomen, se coude ensuite d’arrière en avant, en suivant la paroi abdominale, et revient vers le pied ; de là il se porte vers le dos, et le contourne en arrière pour former une dernière circonvolution au delà de l'anus. Le repli intérieur de l'intestin cesse à la fin du premier tour, au niveau du pied. Le système nerveux central de la Panopée australe, autant du moins qu'il a été possible de le disséquer dans un seul exemplaire mal conservé, se compose d'un double collier et des ganglions antérieurs, moyens et postérieurs qui en font partie. Les ganglions antérieurs (a) étaient à un centimètre plus avant que la bouche, de forme carrée, et cachés par la base du palpe externe. Leur angle interne et antérieur donne le cordon de commissure (2) qui forme une arcade au-devant de la bouche. De l'angle interne et postérieur se détache le cordon du petit collier (f), qui se rend dans le pied pour aboutir au ganglion pédieux de son côté. Le nerf palléal antérieur ( pa) sort de l'angle externe et antérieur. Enfin le cordon du grand collier (g) se sépare de l'angle externe et postérieur. Ce dernier cordon, qui entoure la masse des viscères comme une ceinture, est considérable. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 161 Le nerf palléal antérieur s’avance sous le muscle adduc- teur antérieur, auquel il envoie plusieurs petits filets. Il contourne à distance le sinus dans lequel se loge le pied dans l’état de repos, se rapproche de l’orifice du man- teau, et continue de s’avancer (c) dans le manteau en le con- tournant en bas et en arrière. Le nerf palléal antérieur, avant de se replier en arrière, donne une branche de son côté externe, qui se divise en deux rameaux (d et d'), dont le premier se perd dans la par- tie membraneuse du manteau, et le second se distribue au muscle adducteur. Entre le muscle palléal antérieur et le cordon du grand collier, le ganglion antérieur produit un petit nerf ( pa’) que l'on pourrait considérer comme une première ramification du nerf palléal antérieur. Il se perd dans la portion musculeuse correspondante du manteau. Trois autres petits nerfs sortent du même ganglion, entre le cordon du grand collier et celui du petit. Le premier ou le plus externe de ces nerfs (e”) se porte en arrière, entre le foie et la paroi abdominale, et finit par se perdre dans cette paroi. Les deux autres filets (e et é) vont aux palpes labiaux, dans lesquels ils pénètrent par leur base. Le cordon du petit collier (f) a cela de particulier, qu'il donne un petit nerf (f”) aux parois du pied, peu avant d’a- boutir au ganglion pédieux de son côté. Les ganglions pédieux (h) restent distincts, quoique ac- colés l’un à l’autre; ils sont de forme ovale et situés à la base du pied, entre elle et le foie. TU RXIV. 21 162 DU SYSTÈME NERVEUX Ces ganglions fournissent de leur extrémité postérieure, ou plutôt inférieure, deux troncs nerveux (4° et 2”) qui s’a- vancent dans le pied en se séparant plusieurs fois en filets plus petits. Le cordon du grand collier (g) est épais, aplati, situé entre le foie et la paroi abdominale; il s'enfonce un peu dans l’é- paisseur de ce viscère. En arrière il se dégage du foie, traverse les parois abdo- minales, se place entre le tendon postérieur du pied et la peau, passe au-dessus des branchies, et aboutit enfin au ganglion postérieur de son côté. Ces deux ganglions (4) sont accolés l’un à l’autre encore plus intimement que ceux du pied. Ils sont remarquablement petits et disproportionnés, ainsi que les nerfs qui en partent, avec le volume des organes de l'animal. Ces ganglions sont situés sous le bord antérieur de l’ad- ducteur postérieur. Après le cordon du grand collier que reçoit chaque gan- glion d’un côté, il produit plus en dehors le 2erfbranchial (1), qui se porte en avant et en dehors dans un repli de la peau jusqu'aux branchies de son côté. Alors il se coude en arrière, et longe le bord supérieur et postérieur des branchies jus- qu'à leur extrémité. Le nerf palléal postérieur (pp) sort de l'extrémité posté- rieure de ce même ganglion. C’est un tronc nerveux considé- rable qui traverse la face inférieure de l’adducteur de ce côté, tout près de l'anus, dépasse ce muscle, arrive à la eloi- son de séparation des deux tubes, et se bifurque. La branche inférieure se porte dans le tube inférieur , et DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 163 suitun trajet assez étendu dans la paroi supérieure ou cloison de séparation des deux tubes, qui est extrêmement muscu- leuse. Il est situé profondément dans les fibres musculaires. La branche supérieure se perd dans la paroi supérieure du tube anal, après un trajet plus court que celui du nerf pré- cédent. XXX® MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Tercbratula australis. (PL 8'et 9, fig. 6.) Un bocal renfermant des individus assez bien conservés de cette espèce, qui a été déposé dans les collections d’ana- tomie comparée du Muséum d'histoire naturelle par les voyageurs célèbres MM. Quoy et Gaimard, m'a donné l’oc- casion de faire faire des recherches, sous mes yeux, sur l'organisation de cette espèce. Je les ai confiées à M. Gratiolet, qui en fera connaître les résultats intéressants. Je ne parlerai ici que de celles concernant le système ner- veux. Il forme un collier carré (2) autour de l’orifice buccal (b), qui en constitue la partie centrale, Le côté qui répond à la valve percée est beaucoup plus fort que celui qui lui est parallèle, et qui correspond à l’autre valve. Derrière le premier, et plus rapproché de la bouche, se voit un filet de commissure. Tous les nerfs du manteau, des ovaires, ceux qui vont au 21. 164 DU SYSTÈME NERVEUX cœur, aux muscles des valves, viennent du côté épais du col- lier, que nous avons dit répondre à la valve percée. Les nerfs des muscles qui appartiennent aux valves, nais- sent de la partie moyenne de ce côté du collier. Près de ses extrémités sort, de chaque côté, le tronc ner- veux (p) qui se distribue au lobe du manteau de la valve percée. Il s'y ramifie successivement en rayonnant vers son bord. Les extrémités du même côté du collier se continuent dans le tronc du palléal de l’autre valve, dont la distribution se fait de la même manière. De très-petits nerfs (f) qui partent des angles du collier opposés aux précédents, semblent appartenir au foie et à l'estomac. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 165 QUATRIÈME PARTIE. Des travaux publiés sur le système nerveux des Mollusques acéphales lamellibranches, depuis la fin de 1844 et le commencement de 1845. Je ne connais qu'un travail général, celui de M. E. Blan- chard, et deux monographies particulières, l’une sur l’orga- nisation des Tarets, par M. de Quatrefages, qui comprend leur système nerveux, et l’autre de M. Keber, sur celle des Anodontes. Ce n’est pas sans hésitation que je me suis décidé à rendre compte du premier travail, Je pouvais craindre de ne pas conserver toute l’impartialité nécessaire pour l’apprécier comme il le mérite. Cependant l'auteur ayant jugé à propos de parler du mien, d’après les simples propositions impri- mées dans le compte rendu de la séance de l’Académie des sciences du 25 novembre 1844, et d’en critiquer plusieurs, j'ai été forcé de répondre à ses critiques, de me justifier au- tant que possible, et d'apprécier à mon tour son travail. L'histoire de la science ne perdra pas, je l'espère du moins, à ce jugement. Dans la même séance du 24 février 1845, où je venais de lire un supplément à mon Mémoire du 25 novembre précé- 166 DU SYSTÈME NERVEUX dent, M. E. Blanchard communiqua à l’Académie un travail sur le même sujet (1). L'auteur venait de terminer depuis quelques mois un voyage de recherches zoologiques qu'il avait faites en Sicile, sous la direction de M. Milne Edwards, en sa société et en celle de M. de Quatrefages. ; Il avait eu l’idée heureuse, soit de lui-même, soit qu'elle lui eût été suggérée, de faire des recherches sur le même sujet que celles dont je m'occupais depuis longtemps, et de dissé- quer, dans ce but , les Mollusques bivalves des mers de la Sicile et de Naples. Cette facilité d'obtenir de bons et nombreux sujets d’ob- servations avait dû lui donner la conviction qu'un travail fait sous d'aussi heureux auspices devait avoir une prééminence sur des recherches entreprises dans des circonstances moins favorables. C'est du moins l'opinion qui se fait jour à chaque ligne de ses appréciations historiques. On trouvera dans notre second résumé (à la séance: de l'Académie du 3 mai 1852) les explications et les dévelop- pements qui serviront de réponse aux critiques de notre:tra- vail, qui n'avait pu être jugé que par la publication denotre premier résumé. (1) Ce travail a pour titre : Observations sur le système nerveux des Mol- lusques acéphales testacés et lamellibranches. W a été imprimé ir extenso dans les Annales des sciences naturelles, 3° série, t. IL, p. 321, et pl. XIT, avec la date inexacte du 14 février, sans doute par une erreur typographique. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 167 Voici, d’ailleurs, si je ne me trompe, ce que le mémoire de M. Blanchard renferme de nouveau : 1° La mention:et la figure d’un petit ganglion qui existe dans les Peignes sur une très-petite plaque musculaire de chaque côté, sous la partie antérieure du manteau. 2° L'auteur a recherché avec un soin particulier les nerfs et les ganglions des siphons, dans plusieurs des principaux genres des Cardiacés et des Enfermés ; mais sa description des ganglions, disposés par paires en séries régulières, avec des filets de commissure , n’est pas du tout conforme à ce que nous avons pu voir. Rien ne ressemble, d'après nos recherches, à cette concen- tration longitudinale du système nerveux que présenterait celui des Acéphales qui ont des siphons (1). L'auteur figure dans les Solens une série de très-petits gan- glions sur le nerf palléal commun, qui se continue d’un gan- glion buccal ou antérieur, au ganglion postérieur du même côté. Ces très-petits ganglions sont les analogues de ceux dé- crits et figurés en très-grand nombre dans le réseau du bord du manteau de beaucoup de Bivalves. Il ÿ aurait, dans les Solens et les Arches,un petit ganglion sur le cordon de commissure du grand collier. Nous ne l’a- vons pas trouvé dans les premiers. Je ne vois plus à citer dans ce travail que le rapprochement des ganglions buccaux, dits cérébroides, dans les Mactres et les Vénus, contrairement à la disposition la plus générale, qui les montre toujours distants. (x) Voir notre $ XVII du second résumé. 168 DU SYSTEME NERVEUX Nous avons vu que ce caractère n’était pas sans exception dans toutes les espèces de ces genres. Sous d’autres rapports, le mémoire que nous analysons est resté en arrière. Les filets branchiaux qui partent du nerf branchial après son coude, ceux qui naissent de ce coude en très-grand nombre, le nerf branchial antérieur, n'y sont pas mention- nés. La continuité du cordon du bord du manteau dans les Peignes, à travers les lobes de cet organe, a été méconnue. Ce cordon s’y trouve décrit comme ayant son origine des ganglions cérébroïdes en avant, et des ganglions soi-disant branchiaux en arrière (1). L'interprétation des ganglions pédieux des Æluitres nous paraît inexacte : elles ont un cordon du petit collier, sans ganglions pédieux. Les recherches qu'on y trouve sur les nerfs viscéraux, qui sont supposés prendre naissance ou aboutir dans les gan- glions centraux (2), laissent dans le vague cette paitie très- difficile de la science de l’organisation. Quant aux appréciations historiques que renferme ce tra- val, nous observons : 1° Qu'il passe sous silence le mérite qu'a eu M. Cuvier de reconnaître , le premier, que les prétendus réservoirs du chyle et les vaisseaux chylifères, selon Poli, sont précisément les ganglions centraux postérieurs et leurs nerfs. Si l’on veut bien comparer ce que nous avons rapporté de (1) Pag. 335 et 336. (2) Jbid. , p. 337. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 169 la description du système nerveux des Mollusques acéphales bivalves, qu'on lit dans l'ouvrage des Lecons, avec le juge- ment du travail que j'analyse, on le trouvera singulièrement incomplet (1). Il n'était pas exact de dire que Mangili a décrit plusieurs ganglions pédieux, mais un seul. C’est sans doute la raison qui lui a fait prendre ce ganglion pour le cerveau de ces ani- maux. [1 regardait les nerfs qui en partent comme viscéraux, tandis qu'ils paraissent être tous des nerfs moteurs ou sen- sibles. M. Blanchard ne cite la seconde édition des ZLecons que pour en critiquer un passage sur l’écartement des ganglions qu'il appelle cérébroides. Cette citation prouve au moins que les additions à la pre- mière édition, que la seconde renferme, lui étaient connues, et que leurs auteurs avaient l’antériorité de publication sur son travail (2). Il n’est d’ailleurs pas exact de dire que les ganglions dits cérébroïdes sont toujours très-rapprochés chez les J’énus et chez les Mactres. Ils restent assez distants dans la Mactra semistriata, ainsi que je le démontre dans la monographie de cette espèce. Au reste, l’auteur de ce travail, dégagé des circonstances dans lesquelles il l’a fait, pour sa partie critique, me semble être arrivé à une appréciation plus juste du mien, si j'en juge par les deux lignes où il veut bien en faire mention, dans sa (1) Tom. IE, p. 309 à 312 ; Paris, 1800. (2) Ajoutons qu'elles ont paru après ma communication à l’Académie, du 25 novembre 1844. TOXXIEN. 22 170 DU SYSTÈME NERVEUX première livraison de l'ouvrage qu'il a entrepris sur l’orga- nisation du règne animal. M. de Quatrefages, dans un mémoire sur les Zarets, pu- blié en 1849, a fait connaître plusieurs particularités de leur système nerveux qui les distinguent des Pholades ; tout en montrant leurs rapports avec ces Bivalves également per- forants. Les Tarets n'ont pas de pied. Cependant ses recherches ont constaté l'existence de très-minimes ganglions pédieux, formant un petit collier avec le ganglion antérieur. Celui-ci est unique. C'est le seul exemple, dans cette classe, d’une fusion com- plète des ganglions buccaux, que l’auteur appelle cérébroïdes avec M. Blanchard. Il nomme branchiaux les ganglions pos- térieurs , à limitation de MM. Garner et Blanchard, malgré les nerfs considérables qu'ils fournissent au manteau et aux siphons. Les nerfs branchiaux qui en naissent lui ont montré des renflements ganglionnaires très-rapprochés, desquels se dé- tachent à angle droit des filets très-déliés qui se perdent dans le tissu de la branchie (1). Nous avons réservé la désignation de palléal antérieur au nerf qui vient du ganglion buccal de son côté, et se porte en premier lieu à la partie antérieure du manteau. (1) Nous avons découvert des filets semblables dans l’Huitre, et publié cette découverte dès 1846 dans la Revue zoologique de cette année et dans notre VIII volume des Lecons, p. 618. La citation de cette découverte antérieure, ou sa comparaison avec celle dont il est question ici, n'aurait pas diminué son mérite, tout en rendant justice à un travail précédent. DES MOLLUSQUES ACÉPHA LES. 171 L'auteur nomme palléal antérieur le premier tronc ap- partenant au manteau qui se détache du ganglion postérieur. C’est notre palléal latéral. Le nerf des siphons est ici distinct du palléal postérieur, comme nous l’avons vu dans plusieurs autres cas. Ce nerf est très-considérable. Il finit par se renfler en une série de huit ou neuf très- petits ganglions. Deux autres petits ganglions secondaires (1), qui tiennent à un très-fin filet, lequel se détache en avant du ganglion pos- térieur, produisent trois ou quatre filets excessivement ténus, dont l’un se distribue à l'oreillette du cœur. Celui qui a fait connaître avec le plus de détails, et d’une manière plus complète, le système nerveux des Bivalves, en se bornant à la vérité à une seule espèce, est sans contre- dit M. le D' J. A. F. Keber. Il avait choisi ce sujet difficile pour sa dissertation inau- gurale, soutenue à Berlin déjà en 1837 (2). Malheureuse- ment cet opuscule nous est resté inconnu. Ce n’est même qu'il y a peu de mois, lorsque les deux premiers numéros des Archives d'anatomie et de physiologie, de M. I, Müller, pour 1852, nous sont parvenus par la librairie, dans lesquels se trouve un nouveau mémoire de l’auteur, que nous avons eu connaissance de son premier travail. M. Keber a imprimé plus tard, mais avec la date de 1851, un mémoire spécial sur l'Ænatomie et la physiologie des Mol- (x) PL IL, £. 6, k. (2) De Nervis Concharum ; Berolini, 1 837. 22. 172 DU SYSTÈME NERVEUX lusques (1), dans lequel il cite ce mémoire, qui n’a paru dans les Ærchives qu'en 1852 (2). On verra, dans la planche de ce recueil (tabl. IIT) et dans la planche IT du mémoire particulier, beaucoup de détails sur le système nerveux des Ænodontes. Nous en signalerons quelques-uns. Les filets qui partent du coude que fait en avant le nerf branchial, pour se rendre dans les branchies et dans l'organe de Bojanus, y sont bien indiqués. Quant aux nerfs du manteau et au réseau admirable qu'ils forment dans toute l’étendue de son bord, réseau qui est parsemé d’un grand nombre de petits ganglions, aucun de ceux-ci n'y est figuré. M. Keber a, dans plusieurs cas, spécifié encore plus que nous ne l'avons fait, la destination de plusieurs filets ner- veux. Il indique dans le plexus gastrique un petit ganglion que nous n'avons pas décrit; de plus, un ramuscule qui longe l’aorte antérieure pour se rendre au cœur. Les nerfs moteurs qui ont leur origine dans les ganglions pédieux, que l’auteur appelle abdominaux, y sont représen- tés en assez grand nombre. M. Keber affirme qu'aucun des nerfs de ces ganglions ne se rend dans les viscères abdominaux. C'est aussi à cette (1) Batrage zur Anatomie und Physiologie der Weichthiere ; Kœmg- sberg, 1851. (2) Cette citation démontre que le Mémoire in extenso, malgré sa date de 1857, est postérieur, pour la publication du moins, au Mémoire inséré dans les Archives. Peut-être cette insertion a-t-elle été retardée? DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 173 conclusion que nos recherches nous ont conduit jusqu’à présent. M. Keber paraît avoir l’antériorité de la découverte des nombreux filets qui partent du coude que fait en avant cha- que nerf branchial, à en juger par le passage de sa disser- tation latine, qu’il rapporte page 108 de son mémoire spé- cial. Mais il ne parle pas des filets très-déliés que fournit, aux cloisons des feuillets branchiaux, la partie de ce nerf qui est en arrière de ce coude. Je les ai indiqués dans le numéro d'avril pour 1846, page 120, de la Revue zoologique, ainsi que je l’ai déjà dit à l’occasion du travail sur les Z'arets, de M. de Quatre- fages. Je désire que les auteurs, dont je viens de citer les travaux, trouvent que j'en ai rendu compte avec impartialité, et de manière à faire voir les véritables progrès qu'ils ont fait faire à cette partie difficile de la science de l’organisation des Mollusques. L ent ma ta | : Lu ÉTONE het. d'a le d'upau tuto ad “ou EEE * À , PA ui Ga y n di Va x ame i ab tr: MU sl lab" “ion nb Pi ol | ‘M | Hd. fngre tés PE np ‘ Ac) M RTEUT DE NT: @: br: . TE fe 40 Eretre D Has LUN né ft Re We L + {je Niort to» 40 PE re 2 L | : + aLEE fi LIL Ra LA , qe | TT RUES sir] }. | Li 15 oi sit # sh ; Ç hf V4 =! 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Elle remplace, entre autres, une figure partielle dans laquelle J'avais fait représenter dès 1845, dansl’Huïtre de cheval, les filets extrêmement déliés qui se détachent successivement du nerf branchial, pour se rendre dans les cloisons des . branchies, Je les ai décrits dans les Lecons, t. VIIL, p. 627 et 628. Voir encore la Revue zoologique, avril 1846. (1) Ganglions principaux ou postérieurs. (2) Ganglion labial gauche; le droït est caché sous les palpes de son côté; il n'est marqué que par des points. (3) Tronc du nerf palleal latéra!, qui donne des branches, des rameaux et des ramuscules à presque toute la circonfé- rence du manteau de son côte. 176 DU SYSTÈME NERVEUX (4) Nerf palléal postérieur. (nbr) Nerf branchial droit; celui du côté gauche a été coupé avec la branchie de son côté, qui a été enlevée pour mettre le manteau et les nerfs complétement à découvert. (e, c) Cordon du grand collier. (5) Nerf palléal antérieur et gauche. (cm) Cordon de commissure. (6) Nerf labial du côté droit cache par le palpe interne; le gauche est à découvert. (7) Filets qui vont, au nombre de trois, du cordon du grand collier aux parois du ventre. (bra) Nerf branchial antérieur, qui naït du cordon de commis- sure (cm), ou du ganglion labial de son côté, suivant les individus, et se porte à la branchie interne correspon- dante, en suivant le bord dorsal de cette branchie. On voit dans le coude du nerf branchial principal beaucoup de filets nerveux qui se portent successivement en avant de ce coude, dans la lame externe de la branchie interne et dans la branchie externe. (ccp) Cordon circumpalléal duquel partent les filets déliés qui vont aux tentacules du bord du manteau. PI. 1, fig. >. Vue par le côté droit du système nerveux de l’Auitre co- mestible. Cette figure est de février 1846, par M. Focillon. (a) Anus. (8) Bouche. (pe) Palpe labial externe. (pi) Palpe labial interne. (e) Estomac. (ét) Intestins. (f) Foie, (o) Ovaire. DES MOLLUSQUES ACEPHALES. 177 (c) Cœur. (br) Branchies droites , leurs extrémités antérieures : leur partie moyenne a été coupée pour laisser voir les nerfs. (br') Branchies droites, leurs extrémités postérieures. (») Muscle adducteur des valves divisé en deux moitiés, l'une antérieure charnue, l’autre postérieure fibreuse. (1) Ganglion postérieur ou inférieur. (2) Ganglion buccal ou antérieur et latéral droit. (3, 3") Deux petits ganglions du côté droit, situés en avant de la bouche. Il y en a deux semblables du côté gauche. (4) Autre ganglion latéral qui fournit au rebord du manteau, sous lequel la bouche est cachée. (>) Ganglion supplémentaire sur le trajet du grand collier, et dont un filet (5') va à l'estomac, et l’autre à la peau qui recouvre les viscères. (6) Autre ganglion supplémentaire qui fournit un filet à l’o- yvaire. (7) Autre petit ganglion duquel sort un filet allant à la peau de l'abdomen. (8) Nerf branchial droit coupé. (8) Nerf branchial gauche conservé entier. (9) Nerf circulaire ou circumpalléal. PI. 7, fig. 1. (Voir à ce sujet les Comptes rendus des séances de lAca- démie, de 1845, t. XX, p. 462.) Cette figure est destinée à montrer le nerf ganglionnaire monociréulaire circumpalléal, les nerfs qu’il reçoit des ganglions centraux, et les filets déliés qu'il envoie aux tentacules du manteau dans l’Huitre comestible. (a, a) Nerf ganglionnaire circumpalléal. (m) Faisceaux musculaires du manteau. (Let!) Tentacules du bord du manteau. HORRXIN : 23 178 DU SYSTÈME NERVEUX (ëb) Branches nerveuses aboutissant au nerf circumpalléal gan- glionnaire. (o) Idem. (e,e,c;e) Filets qui vont du nerf ganglionnaire circumpalléal aux ten- tacules qui bordent le manteau. PI. 2, fig. 1. Ostrea. Vue d'ensemble du système nerveux d'un Ostrace de la mer Rouge, dont l'espèce n’a pu étre determinee, faute de la coquille. La grandeur des ganglions postérieurs, l'état presque rudi- mentaire des ganglions labiaux, le manque de ganglions pédieux, la position avancée des ganglions postérieurs, la longueur des nerfs branchiaux après leurcoude,montrant que la partie correspondante des branchies en arrière du coude est très-longue : toutes ces circonstances caractéri- sent une espèce d'Ostrace. (aa) Ganglions labiaux. ({) Cordon de commissure postérieur à la bouche, qui tient lieu de petit collier. (f) Cordon du grand collier. (c) Nerf gastrique. (d) Nerf qui va aux palpes. (Æ) Palléal antérieur. (g) Nerf branchial postérieur. (m, n,0,p) Branches du tronc commun du palléal latéral. (g) Palléal postérieur. (g',r,s,t) Ses rameaux principaux. IL" MONOGRAPHIE. Anomia ephippium, L. PI. r, fig. 3 et 4. Ces figures sont la suite de nouvelles études faites en DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 179 1845 sur cette espèce, après avoir découvert le nerf circumpalléal dans l'Huître. Elles ont pour but prin- cipal de le démontrer dans | Anomie. (b) La bouche. (a) L’anus. (00) L'ovaire. (f) Le foie. (ër) Les branchies. (p) Le pied. (rm) Muscle idducteur moyen. (m") Muscle adducteur de la troisième valve. (#) Adducteur principal : les deux précédents peuvent en être considérés comme des parties séparées. (x, 1) Ganglion central postérieur. (2) Ganglion pédieux. (3,3) Ganglions buccaux. (4, 4) Nerf circumpalléal. (5,5) Nerf branchial. (6) Nerf qui va à l'ovaire. (7) Nerf qui va à l’anus. Ces figures sont de M. Focillon. PI. 2, fig. 2. Système nerveux de l’Aromia ephippium isolé. C'est d'apres une première étude que nous avions faite en 1844 que ce dessin a été exécuté par M. Lackerbauer. (aet a) Ganglions buccaux. (b) Nerf de commissure formant une arcade au dedans de la bouche, (c) Nerf qui va du ganglion buccal gauche au muscle adducteur antérieur. (c') Nerf qui va du ganglion buccal droit au foie et à l'estomac. (Lettre omise.) (f) Cordon du petit collier réunissant le ganglion buccal gauche 23. 180 DU SYSTÈME NERVEUX au ganglion pédieux. Ce cordon est remarquablement court relativement au cordon du côté droit, ce qui rend ce collier très-asymétrique. (h) Ganglion pédieux. (Lettre omise.) (»' et") Nerfs du muscle adducteur moyen. (k”) Nerf du pied. (i) Cordons du grand collier. (4,1) Nerfs branchiaux. (Æ) Ganglion central postérieur. (m) Nerf qui va au cœur. (p) Nerf qui va au muscle adducteur postérieur et au man- teau. (p) Nerf palléal postérieur. (x) Nerf qui va du ganglion postérieur au muscle adducteur moyen. IV" MONOGRAPHIE. Système nerveux du Pecten maximus, L. La fig. 3 de la planche 2 est ancienne (de novembre 1844); elle a été faite par M. Lackerbauer. Cette figure représente l'ensemble du système nerveux central et périphérique du Pecten maximus. (a, a) Ganglions labiaux. (&) Ganglions postérieurs confondus en un seul. (ce, c) Ganglions pédieux rapprochés. (d) Cordon de commissure qui réunit les ganglions labiaux. (e,e) Cordons du petit collier qui vont du ganglion buccal de chaque côté aux ganglions pédieux. (/,f) Cordons du grand collier qui vont de chaque ganglion la- bial au ganglion postérieur. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 181 (g,g”) Nerfs branchiaux. (4, 4, k, h) Cordon ganglionnaire circumpalléal. (m) Tronc du nerf palléal latéral du côté droit. (m';m",m"",m"") Branches du nerf palléal latéral du côté gauche. (£, #) Nerf palléal antérieur qui fournit un nerf labial. (g,q') Nerf palleal postérieur. (w, u) Troncs du nerf pédieux. (x, æ) Nerfs gastriques. PI. 3 et 4, fig. 2. Cette figure (faite déjà en 1844, comme la précédente, par M. Lackerbauer) représente un fragment du manteau du Peigne, vu par la face interne. (4,1) Sont les pédicules tactiles qui garnissent la face interne du bord du manteau. (po) Est un pédicule oculaire. (A, k) Est le cordon ganglionnaire circumpalléal. On a mis à découvert ce cordon et les filets nombreux qui en partent pour pénétrer dans les pédicules tactiles et dans le pédicule oculaire: On voit encore quelques filets du nerf palléal (m,m,m) qui viennent s'y rendre. Au-dessous sont les nombreux faisceaux musculaires de cette partie du manteau. PI. id, fig. 3. Cette figure est une coupe du globe oculaire et du pédi- cule dans lequel ce globe est enchässé. (Elle a été faite au mois de février 1845, par M. Focillon.) (g) Est la coupe du pédicule. Sa substance est fibreuse, blanche, presque demi-transparente. (f) Corps vitré. (b) Cristallin. (a) Cornée transparente recouverte par une sorte de conjonc- tive. 182 (c) (d, d) (c) PI. 2, fig. 4. — n° S (A, #) (mn, m) (no) DU SYSTÈME NERVEUX Limite du cadre tégumentaire qui enchässe le globe de l'œil. Coupes des téguments enveloppant ce globe. Limite entre le corps vitré et le cristallin. Cette figure est du mois de mars 1852, par M. Gratiolet. Elle est destinée à faire voir les pigments de l'œil, ses nerfs et ceux des tentacules. Un pédicule oculaire. On a fendu ce pédicule et les té- guments qui recouvraient le globe oculaire en les reje- tant de côte. Les deux pigments rouge et bleu argenté se montrent dans la partie inférieure du globe oculaire. Des traits indiquent les tentacules (/, /)qui les entourent et les filets nerveux qui les pénètrent. Est le cordon nerveux d'où partent ces nerfs. Les nerfs du palléal latéral qui s’y terminent. Est le nerf optique. V®: MONOGRAPHIE. Concernant le système nerveux de la Pinna nobilis, L. (PI. 3 et 4, fig. 1, 1a, 1bet ic.) Les ganglionspostérieurs sont placés, comme à l'ordinaire, sous le muscle adducteur postérieur, tout à fait en avant. Ils sont réunis par une épaisse et longue com- missure, de manière à ne former ensemble qu'un cen- tre nerveux qui est ici, comme toujours, le principal; c’est de ce centre quesortent ou dans lequel aboutissent la plupart des nerfs et les plus gros du système. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 183 (ë, i) Cordons du grand collier: ; Ce sont les premiers qui sortent de chaque ganglion, en commençant en avant par les plus rapprochés de la ligne médiane. (a, a) Ganglions buccaux auxquels ces cordons aboutissent en avant. (à) Les ganglions pédieux. Le trait qui doit les indiquer ne s'avance pas jusqu'à ces ganglions. (c) Cordon gauche du petit collier. Nous reprenons ici l'indication des nerfs qui partent de ces différents centres nerveux. (4) Le premier qui se détache de chaque ganglion postérieur, après le cordon du grand collier, est un nerf très-grêle, qui va se perdre du côté droit dans l’ovaire, près de lorifice béant de l’oviducte (5). (4”) Petit renflement ganglionnaire dans lequel le même nerf vient aboutir. (7) Autre filet qui se sépare du côté gauche du filet (4), se di- vise en deux branches qui se réunissent à un autre petit ganglion (4) qui n'existe que du côté gauche. (8) Troisième nerf qui se détache du ganglion principal et aboutit au petit ganglion accessoire (4'). (9, 9' et 9”) Filets qui sortent du ganglion (#'), pour s’avancerle long du bord dorsal des branchies, sous l'ovaire et sous le foie, jusqu'aux palpes, où ils paraissent se terminer. (Z, 2) Sont les nerfs branchiaux. (ro) Tronc du nerf palléal latéral. (x0') La première branche qui s’en sépare et donne un ra- meau (11) à l'ovaire et l’autre (12) au manteau. (p) Branche principale du nerf palléal latéral. (0,gr;s) Branches et rameaux du palléal latéral qui vont se dis- 184 DU SYSTÈME NERVEUX tribuer au manteau, partie musculeuse, et finissent par aboutir au cordon circumpalléal, que nous n'avions pas encore découvert dans cette espèce et dans ce genre en 1844. (m) Nerf palléal postérieur. (x) Nerf qui se distribue au rectum. (d) Nerf palleal antérieur. appartient aussi au muscle ad- ducteur antérieur. Le trait indicateur de ce nerf devait être porté jusqu'au premier nerf plus rapproché de la ligne médiane. (2) Filet de ce nerf qui s'en détache du côté droit pour se rendre dans le muscle adducteur antérieur. (1et 1") Divisions de ce même nerf qui appartiennent au manteau. (d') Nerf qui sort du ganglion buccal gauche et mériterait plus que le nerf (4) du même côté la dénomination de nerf palléal antérieur ; ses branches appartiennent ex- clusivement au manteau. (d”) Petit nerf qui se distribue à la partie membraneuse du manteau. Îl vient du côté gauche immédiatement du ganglion labial, et du côté droit, du tronc du nerf pal- léal antérieur, dont il est la première branche. Il résulte, de la distribution et des divisions du nerf pal- leal antérieur, que ce nerf est très-asymétrique, si l’on compare celui du côté droit à celui du côté gauche, soit dans son origine simple à droite et triple à gauche, soit dans la manière dont il se divise. Quant aux or- ganes ou aux parties qui en recoivent les ramifications, ce sont de part et d'autre les mêmes. (4',h", 4") Sont les nerfs que les ganglions pédieux fournissent aux parois musculeuses de l'abdomen et au pied. (e,e) Sont deux portions du filet de commissure qui se portent en avant de la bouche. (Ces lettres ont été omises par le graveur.) DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 185 Fig. r a. Détails du système nerveux antérieur, représenté isolé des organes. (a) Ganglions buccaux. (b) Ganglions pédieux. (2) Filets latéraux qui vont aux parois abdominales et aux pieds. (k!") Nerf plus considérable qui part en arrière des mêmes gan- glions, et se porte en se divisant dans cette direction pour se distribuer aux mêmes organes. (k) Tronc qui naît en avant des mêmes ganglions; il a la même destination que les précédents. (c) Cordon du petit collier qui réunit chaque ganglion labial au ganglion pédieux du même côté. (cm) Cordon de commissure qui passe au-devant de l’orifice buccal et réunit les deux ganglions labiaux. (d, d',d") Palléal antérieur. (1,2, 3, 3°) Rameaux de ce nerf. (à) Cordon du grand collier. Fig. 1 6. Un des ganglions pédieux avec les nerfs qui en partent. Les trois figures précédentes sont de 1844 ; elles sont de M. Lackerbauer. La figure 1 à est une partie d’une figure d'ensemble de tout le système nerveux isolé des organes. Fig.ic. Cette figure est nouvelle ; elle est de M. Focillon ; elle re- présente les nombreux filets qui naissent du nerf bran- chial à l'endroit de son coude et se dirigent en avant pour se rendre dans la branchie du même côté. Les mêmes lettres que celles de la figure 1 indiquent les mêmes nerfs. T. XXIV. 24 186 DU SYSTÈME NERVEUX VI® MONOGRAPHIE. Système nerveux de l’Arca inæquivalvis. (PI. 8 et 9, fig. 3.) (a, a) Ganglions labiaux. (2) Leur filet de commissure. (&) Ganglions postérieurs avec leur cordon médian de com- missure. (c) Ganglions pédieux. (d) Cordon du petit collier. (f) Cordon du grand collier. (Æ) Palléal antérieur. (br) Nerf branchial postérieur. (2) Tronc commun du palléal latéral et du palléal postérieur. (m,n) Filets qui vont des ganglions pédieux au pied. VII" MONOGRAPHIE. Systeme nerveux de la Trigonia australis, Quoy Er Gaimarn. PI. 7, fig. 3. Nouvelle de 1852 (Dessin de M. Focillon). (bc) Bouche. (a) Anus. (br) Branchie droite externe. (ca) Ouverture anale, non séparée, à la vérité, de l'ouverture générale du manteau, mais indiquée par une saillie longitudinale. (tr) Ouverture principale, dite respiratoire, commune avec la précédente, mais dont sa séparation semble indiquée DÉS MOLLUSQUES ACÉPHALES. 187 par la saillie déjà mentionnée et par une série de pa- pilles assez fortes. (ma) Muscle adducteur antérieur. (p) Muscle adducteur postérieur. (p) Le pied. (gp) Le ganglion pédieux. (&) Ganglion labial droit. (c) Ganglion postérieur. (f) Cordon du grand collier. (em) Partie du nerf de commissure entre les deux ganglions labiaux. () Cordon du petit collier. VIF MONOGRAPHIE. Système nerveux de lAnodonte des cygnes, par M. Lackerbauer. PI. 6, fig. r. Vue d'ensemble. (ë) Ganglions postérieurs. (e) Ganglions antérieurs. (c) Ganglions pédieux. (£) Filet de commissure des ganglions labiaux. (d) Cordon du petit collier. (f) Cordon du grand collier. (aeta') Branches du palléal antérieur. (9) Nerf branchial. (4) Palléal latéral. (4) Palléal postérieur. (5) Nerf qui va au rectum et au cœur. (m2) Filet du ganglion pédieux qui va aux parois de l’ab- domen. (2 et 3) Filets qui se distribuent dans le pied. (2) Nerf qui va à la vessie présumée auditive. 24. 188 DU SYSTÈME NERVEUX PI. 7, fig. 2. Système nerveux branchial de l’Anodonte des cy- gnes, par M. Lackerbauer. (p) Le pied abdominal vu de son côté gauche. (Le trait de cette lettre a été omis par le graveur.) (AP) Le muscle adducteur postérieur. (Bi) La branchie interne gauche. Elle a été déplacée de manière que son bord libre et inférieur est de- venu supérieur. On a de plus écarté le bord su- périeur de la lame interne de cette branchie, afin de montrer les cloisons musculeuses quiséparent les deux lames, ainsi que les filets nerveux qui se portent dans leur tissn. (Be) Branchie interne gauche. (ggp) Sont les deux ganglions postérieurs réunis. (ec) Le cordon du grand collier qui sort de son angle antérieur avec le nerf branchial (xbr). (2) Nerf grêle qui part du bord antérieur de chaque ganglion postérieur, plus en dedans que le cordon du grand collier et se porte en avant avec son symétrique, sous les téguments, le long de l'or- gane de Bojanus, jusqu'à la partie postérieure du pied auquel il se distribue. (3) On voit, encore plus rapproché de la ligne médiane, un petit filet (3) qui se distribue à l’organe de Bojanus, dans sa partie moyenne. (2br) Le nerf branchial, qui a été coupé du côté droit près de son origine, se voit du côté gauche dans une grande partie de son trajet. Du coude qu'il forme en se portant obliquement en avant et en dehors, puis en arrière le long du bord dorsal des deux branchies, partent un grand nombre de filets très-déliés qui se dirigent tous en avant sous l’or- gane de Bojanus, où ils forment un réseau très- compliqué. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 18y Un bon nombre de ces filets vont même jusqu'aux branchies de leur côté et pénètrent entre deux lames, où on les voit sur la face interne de ces lames. (5) Sont des nerfs qui appartiennent au muscle adduc- teur. (p,p) Nerf palléal postérieur qui a été coupe. (4, 4) Est le nerf qui va au rectum. (Cette figure est grossie trois fois.) PI. 8 et 9, fig. 1. Plexzus ganglionnaire du bord du manteau dans l’Anodonte des cygnes, par M. Lackerbauer. Dans cette figure on voit en (ggp) le double gan- glion postérieur appliqué sous le muscle adduc- teur postérieur (AP). (gb) Ganglion buccal droit. (cc) Cordon du grand collier du même côté. (cp) Portion du cordon du petit collier, aussi du côté droit. (br) Nerf branchial du même côté. (pm) Nerf palléal moyen ou latéral. (pp) Nerf palléal postérieur. Ce nerf, qui est le plus considérable de ceux que fournit le ganglion postérieur, et conséquemment de tous les nerfs du corps, naît, encore un peu coloré, de l’angle postérieur et interne de ce gan- glion. Il se porte en dehors et en arrière, et ne tarde pas à fournir une branche (pp') quise dirige plus en dehors et s’infléchit en avant, pour suivre à distance le bord du manteau. Elle produit dans sa marche un plexus délié dont les ramuscules 190 DU SYSTÈME NERVEUX en se joignant montrent grand nombre de petites dilatations ganglionnaires, colorées pour la plu- part comme les ganglions centraux. Ce même tronc continue de s'approcher du bord postérieur du manteau (pp), garni dans cette partie de papilles tentaculaires ; il s’y divise en rameaux et en ramuscules, qui forment un plexus très-compliqué tout le long de ce bord, avec de petits renflements ganglionnaires. Des ramuscules de ce plexus les plus rapprochés des papilles du bord du manteau, il se détache de très-petits nerfs qui pénètrent dans les papilles. Le plexus que produit en arrière la partie princi- pale du nerf palleal postérieur va joindre celui moins compliqué qui longe le bord du manteau dans sa partie moyenne. Ce plexus latéral est formé par la branche (pp') de ce nerf, que nous avons décrite en premier lieu. Le nerf palleal antérieur est divisé ici en trois troncs qui tous viennent du ganglion labial de leur côté, et dont les branches et les rameaux se portent plus ou moins directement vers le bord du man- teau, pour y former par leurs ramuscules un plexus avec de nombreux ganglions, à la manière du palleal postérieur. Le tronc (pa) est le plus interne. Il semble se con- tinuer plus directement avec la première bran- che (pp') du palléal postérieur. On voit cepen- dant un court réseau ou plexus entre ces deux nerfs. Le tronc qui se détache du ganglion plus en avant se divise presque immédiatement en deux bran- ches (pa et pa”) qui vont plus directement à la partie antérieure et marginale du manteau, pour DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 191 former le plexus ganglionnaire du bord de cette région. Enfin, le troisième tronc (pa) traverse d'avant en arrière l’adducteur antérieur, et fournit à mesure des rameaux qui joignent la branche (pa”). Aux angles de réunion des nombreux filets de ce plexus marginal se voient en grand nombre de très-petits ganglions, dont la plupart sont co- lorés, dont plusieurs sont blancs comme les nerfs. (pé) Une branche remarquable se détache du ganglion labial, entre le cordon du grand collier et la pre- mière branche du palléal antérieur. Elle con- tribue à réunir l’action du palléal antérieur et du palléal postérieur. (Aa) Muscle adducteur antérieur. (AP) Muscle adducteur postérieur. PL. 8 et 9, fig. 2. Nerfs gastriques de chaque côté, vus par la face dor- sale de l'estomac. (a, a) Bord dorsal et antérieur du manteau. (a) Muscle adducteur antérieur. (pa) Palléal antérieur. (cp) Cordon du petit collier. (cc) Cordon du grand collier. (2g) Nerf gastrique gauche. (ps) Branche interne du palléal antérieur. (Pë) Branche déjà indiquée dans Ja figure précédente avec ces lettres. (Gette figure est de M. Focillon.) 192 DU SYSTÈME NERVEUX IX% MONOGRAPHIE. La Moule des peintres, Unio pictorum. PI. 6, fig. 3. (a) Ganglions labiaux. (c) Ganglions pédieux. (ë) Ganglions postérieurs. (f) Cordon du grand collier. (d) Cordon du petit collier. (m, 2,3, n) Filets qui se distribuent aux parois abdominales et au pied. (g) Nerf branchial. (4) Tronc commun du palléal latéral et du palléal pos- térieur. (i, n) Ses deux branches principales. (r) La plus interne qui se rend au rectum. (c) Cordon de commissure des ganglions labiaux. (4) Nerf palléal antérieur. (x) Son rameau interne qui va à l’adducteur des valves. Fig. 3 a. Ganglions pédieux avec le nerf qui va à la vésicule auditive. Fig. 3 0. Le même ganglion, pour montrer les filets dé- liés (4, 5, 6) qu'il fournit de sa partie supérieure, outre ceux qui sortent de son bord interne pour se rendre dans le pied. Ces filets sont décrits dans le texte. His1c: Un ganglion pédieux séparé, avec les nerfs qui en sortent pour se distribuer à l'abdomen et au pied. Voir le texte. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. X"° MONOGRAPHIE. La Moule comestible, Mytilus edulis, L. PI. 6, fig. 4. (a) Ganglions labiaux. (c) Ganglions pédieux. (8) Ganglions postérieurs. (t) Cordon de commissure. (Æ) Palléal antérieur. (é et o) Ses principales branches. (s) Nerf qui va aux palpes. (d) Gordon du petit collier. (F) Gordon du grand collier. (p) Trajet où les deux‘cordons restent réunis. (2, r) Les deux nerfs principaux du pied. (g) Nerf branchial. (2) Nerf palléal postérieur et latéral réunis. La fig. 5 a pour but de montrer comment les deu x nerfs palléaux antérieur et postérieur s'unissent par une de leurs branches, et forment ainsi, avec le cordon du grand collier un cercle complet. (a) Ganglions labiaux. (c) Ganglions pédieux. (ë) Ganglions postérieurs. (f) Gordon du grand collier. (d) Nerfs gastriques qui en sortent. (P; P) Branche du palléal postérieur qui va s'unir avec une branche du palléal antérieur. Elle suit de très- près le bord du manteau. (r) Branche plus interne du palléal postérieur. (s) Rameau qui va au rectum. (e) Filet qui se distribue au manteau. T. XXIV. 25 194 DU SYSTÈME NERVEUX XI* MONOGRAPHIE. La Modiola albicosta. PI. 6, fig. 7. (a) Ganglions antérieurs ou labiaux. (m) Ganglion moyen ou pédieux. (b) Ganglion postérieur. (e) Cordon de commissure. (f) Gordon du grand collier. (4,2) Nerf branchial. (4) Palléal postérieur. (r) Nerf qui va au rectum. (2) Nerfs qui vont au pied. XII” MONOGRAPHIE. Le Lithodome caudigère, Lithodomus caudigerus. PIS pre Le systeme nerveux en rapport avec les organes (par M. Lackerbauer, 1844). (a) Ganglions labiaux ou antérieurs. (ë) Ganglions postérieurs. (e) Ganglions pédieux. (f) Gordon du grand collier. (3, 7, 5) Comme dans la figure 6 de la planche 6. (4) De même. (g) Nerf branchial. (8) Portion renflée du palléal postérieur. (4) Le tronc de ce nerf. (m) Nerf du pied. L1 DES MOLLUSQUES :ACÉPHALES. *., 299 (2) Nerf qui va au muscle rétracteur postérieur du pied. (4) Nerf palléal antérieur. (6) Nerf palléal antérieur accessoire. (1) Nerf des palpes. (2) Cordon du petit collier. PI. 6, fig. 6. (Par M. Lackerbauer, en 1844.) (a) Ganglions antérieurs. (c) Ganglions pédieux. (e) Ganglions postérieurs. (F) Cordon du grand collier. (d) Cordon du petit collier. L (2) Filet de commissure pour les ganglions labiaux. (Æ) Tronc du palléal antérieur. (3, 7, >) Ramuscules qu'il envoie à un nerf qui lui est pa- rallèle et qui n’a pas d'autre origine. (4) Terminaison de ce nerf du côté interne. (6) Ganglion qui existe à l'endroit de la réunion de ce nerf et de l’une de ses racines (3). (72, r) Nerfs du pied. (g) Nerf branchial. (4) Palléal postérieur. XII MONOGRAPHIE. . Système nerveux de l' Onguline couleur de laque, Ungulina rubra. CPL 5, fig. 2; pl. 7, fig. 4, et pl. 8 et 9, fig. 4.) PI. 5, fig. 2. (bc) Masse du foie. (Ces lettres devaient indiquer la bouche, le trait du graveur a été conduit sur le foie.) 25. 196 DU SYSTÈME NERVEUX (an) Ouverture anale du manteau. (Le trait du graveur est arrêté à la bride qui est au- devant de cette ouverture.) (ma) Muscle adducteur antérieur. (ma!) Muscle adducteur postérieur. (a) Ganglions postérieurs. (b) Ganglions labiaux. (f) Cordon du grand collier du côté gauche. (d) Cordon du petit collier. (7) Cordon de commissure des ganglions labiaux. (Le trait du graveur ne va pas jusqu'à ce cordon.) Palléal antérieur gauche. (pa (P ( 4 ) pa ) Palléal antérieur droit. pp') Palléal postérieur droit. (pp) Palléal postérieur gauche. (bp) Branchies droites, partie postérieure, avec le nerf branchial séparé de son tronc. PI. 8 et 9, fig. 4. (Cette figure et la précédente sont de M. Focillon.) Les mêmes lettres indiquent les mêmes nerfs ou ganglions que dans la figure précédente, sauf les indications suivantes : (br) Nerf branchial. (x) Nerf de la bride anale. (na) Nerf de l’adducteur antérieur. (ap) Nerf de l’adducteur postérieur. (ap) Nerf des palpes. PI. 7. fig. 4. (p) Pied. (oa) Ouverture anale. (ap) Adducteur postérieur. (mg) Partie gauche du manteau. (md) Partie droite de cet organe. (ë) Bride anale. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 197 Cette figure sert à démontrer qu'il n’y a aucune trace de tube au manteau et qu'il n'existe qu'une grande ouverture pour le pied et les branchies, comme dans les Mytilaces. XIV MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Tridacna squamosa (1), Lam., ou de la Tridacne faitiere. PI. 8 et 9, fig. 5. (a, a) Ganglions postérieurs. (6,b) Ganglions buccaux. (c, c) Ganglions pédieux. (f,f) Cordon du grand collier. (d, d) Cordon du petit collier. (2) Filet de commissure. (pa) Palléal antérieur. (pp) Palléal postérieur. (br) Nerf branchial. (x) Nerf du rectum. XV* MONOGRAPHIE. Systeme nerveux de la Lucina tigerina et de la Lucina Lemannix. PI. 6, fig. 3. (Pour la première espèce.) ‘ (bc) Bouche. (bd) Branchie droite. (bg) Branchie gauche. (aa) Muscle adducteur antérieur. (x) 1 faut lire, dans la planche citée, le nom spécifique indiqué ici, au lieu de celui de lamellosa. 198 DU SYSTÈME NERVEUX (abd) Abdomen. (p) Le pied. (ap) Partie antérieure du pied, terminée par un appen- dice unique, mince.et long. (m, m) Extrême bord du manteau en avant. (pe, pe) Plis permanents de la partie antérieure du manteau, que je suppose remplacer les palpes. (oag) Séries des cloisons qui séparent les lames des bran- chies gauches. (oag) 1d., des branchies droites. (ab) Adducteur postérieur. (ov) Ovaire. (Le trait devrait descendre jusqu'à la partie supérieure de l'abdomen.) Cette figure ne montre rien du système nerveux. On le voit dans l'espèce suivante et la figure qui Ja concerne. On remarquera qu'ici le manteau est complétement ouvert en arrière, qu'il n'y a pas même une bride anale. Ce genre Lucina doit passer aux Mytila- cés avec l'Onguline. Lucina Lemannii. Pro; ho (a) Ganglions labiaux. (g) Ganglions pédieux. (e) Ganglions postérieurs. (f) Gordon du petit collier. (à) Gordon du grand collier. (2) Nerf pédieux. (2) Nerf branchial. (p) Palléal postérieur. (m) Nerf qui va au rectum. (è) Cordon de commissure. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 199 (c) Division du nerf palléal antérieur qui va à l'adduc- teur. (d) Autre branche du palléal antérieur qui va au man- teau. Le manteau manque de tube, comme dans l'espèce précédente. XVI® MONOGRAPHIE. Système nerveux du Cardium edule. Pliret12, fig. r. (a) Ganglion labial gauche. (f) Cordon du petit collier. Ce cordon donneplusieurs filets abdominaux, avant d'aboutir au ganglion ; ils sont marqués (gete). (4, #',R",h") Filets qui vont du ganglion pédieux gauche au pied et à l'abdomen. (4) Ganglions postérieurs. (ë, i) Cordon du grand collier. (2) Nerf branchial. (p) Palléal postérieur. (cet o') Divisions de ce nerf. (n, n) Nerfs qui vont au rectum. (2) Bride du manteau au-dessous du rectum. (d) Branche considérable du palléal antérieur qui se continue avec le palléal latéral. (d') Arcade de ce nerf. Du côté gauche il a été coupé avec une partie du marteau. 200 DU SYSTÈME NERVEUX XVII" MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Cytherea complanata. PI. 5, fig. 4. (a) Ganglion buccal gauche. (2) Ganglion pédieux. (Æ) Ganglion postérieur. (f) Cordon du petit collier. (Le trait du graveur ne va pas jusqu’à ce nerf.) () Cordon du grand collier. (&) Commissure des ganglions buccaux. (g) Filet qui va à l'adducteur antérieur. (c) Tronc du palléal antérieur. (d) Branche externe du nerf précédent. (e) Branche interne. (2) Nerf branchial. (p) Tronc commun du palléal postérieur et du palléal latéral. (o) Palléal latéral. (g,r, s) Rameaux du palléal postérieur qui vont au manteau et aux tubes. (me) Nerf qui va au rectum. (2) Bride du manteau sous le rectum. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 201 XVII MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Cytherea Chione. (PI. 11 et 12, fig. 3.) (bo) Bouche. (a) Anus et rectum. (ma) Muscle adducteur antérieur. (mp) Muscle adducteur postérieur. (tr) Tube respirateur. (ta) Tube anal. (br) Branchie. (p) Pied. (pa) Palpe interne. (p'a') Palpe externe. (gb) Ganglion buccal droit. (gpd) Ganglions pédieux. (8Pz) Ganglion postérieur. (88) Ganglions intermédiaires à la base des tubes. (g) Nerf branchial, (2 pour 11) Cordon du petit collier. (10): Cordon du grand collier. (7) Filet qui va à l’adducteur antérieur. (6) Palléal antérieur. (8) Rameaux externes de ce nerf qui se perdent dans le bord antérieur du manteau, tandis que le ra- meau interne forme une arcade continue avec le palléal latéral. (13) Nerfs des palpes. (15) Nerfs gastro-hépatiques. (12) Filet principal qui du ganglion pédieux se distri- bue dans le pied. (14) Vésicules présumées auditives. LYXXIV: 26 202 DU SYSTÈME NERVEUX (1) Pailéal latéral provenant d'un tronc commun avec le palléal postérieur. (2) Palléal postérieur, rameau interne qui se rend au ganglion supplémentaire des tubes. (4) Rameau interne du même nerf qui se rend au petit ganglion du tube anal. (3) Nerfs des tubes. XX" MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Mya arenaria ou la Mye des sables. Pl. rr et 12, fig. 5. (ma) Muscle adducteur antérieur. (mp) Muscle adducteur postérieur. (bd) Branchie droite. (bg) Branchie gauche. (a) Anus. (tr) Tube respirateur. (ta) Tube anal. (p) Pied. (gb) Ganglions buccaux. (gpd) Ganglion pédieux. (gpz) Ganglions postérieurs. (g') Ganglion supplémentaire des tubes. (ag) Nerf gastrique. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 203 XXI" MONOGRAPHIE. Système nerveux du Mésodesme de Quoy. PI. 10, fig. 2. (a) Ganglions buccaux. (4) Ganglions pédieux. (Æ) Ganglions postérieurs. (è) Commissure des ganglions buccaux. (ce pour c’) Filet qui va à l’adducteur antérieur. Ce même filet est indiqué par la lettre (c') dans la pl. 11 et 12, fig. 2, et dans le texte. (c) Palléal antérieur. d'etd”) Filets qui vont au bord antérieur du manteau. q (d) Nerf des palpes. (é) Cordon du petit collier. Lettre omise. Cordon du grand collier, bien indi- Es qué fig. 2, pl. r1r et 10. (k'et A") Filets qui vont au pied. (£) Nerf branchial. (p) Palléal latéral. (m) Palléal postérieur. z, z) Arcade qui unit le palléal postérieur au palléal q P P P latéral. net n') Filets qui vont au rectum. q (7, z' et 2) Nerfs des tubes. (oet x) Filets du palléal latéral. Fig. 2, a. Les lettres ont la même signification que dans la figure précédente, Pl rret12, fig. 1. Système nerveux en rapport avec les organes. 26. 204 DU SYSTÈME NERVEUX Les lettres ont la même signification que celles de la fig. 2, pl. ro. (ë) A été omis pour désigner le petit collier. XXII" MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Psammobia vespertinalis. (PI. 10, fig. 3, et pl. 11 ef 12, fig. 4.) Les mêmes lettres indiquent les mêmes nerfs dans les deux figures. (a) Ganglions buccaux. (k) Ganglions pédieux. (Æ) Ganglions postérieurs. (f) Cordon du petit collier. (ë) Cordon du grand collier. Cette lettre a été omise dans la pl. 10, fig. 3. (2) Nerf branchial. (ce, c) Palléal antérieur. Lettres omises dans les pl. 11 et 12. (d, d', d"', d””) Filets qui vont au manteau. (b) Commissure des ganglions buccaux. (k'eth”) Filets qui vont au pied. (p) Palléal postérieur qui naît par un tronc commun avec le palléal latéral. (0,0) Filets du palléal latéral. (met n) Palléal postérieur se réunissant en arcade avec le palléal latéral. (m') Nerf du rectum. (a, n°, gy'z) Filets qui vont aux tubes et au manteau. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 205 XXII MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Lutraire solenoide. Pl. 1ret 19, fig. 6. (Dessin de M. Focillon.) (p) Le pied. (ëg) Branchies gauches. (64) Branchies droites. (tr) Tube respirateur. (ta) Tube anal. (ma) Muscle adducteur antérieur. (2p) Muscle adducteur postérieur. (a) Anus et rectum. (p2) Palpes. (gb) Ganglions buccaux. (gpd) Ganglions pédieux. (gp) Ganglions postérieurs. (g) Ganglion supplémentaire. (7) Gordon du grand collier. (2m) Repli interne plissé et frangé du bord postérieur et du bord antérieur du manteau. (pp') Nerf qui se rend au premier de ces replis. (ag) Nerfs gastriques. (za) Filets nerveux du tube anal. (2r) Filets du tube respirateur. (Pa, pa',pa') Filets qui vont au bord antérieur du manteau. (pp) Nerf palléal latéral. 206 DU SYSTEME NERVEUX XXIV® MONOGRAPHIE. Systeme nerveux du Solen siliqua. PL. rret 12, fig. 7. Ne de M. Focillon.) de Aus et rectum. (p) Pied. (bg) Branchies gauches. (bd) Branchies droites. (tr) Tube respirateur. (ta) Tube anal. (tr) Tentacules en avant de la commissure postérieure du manteau. (gb) Ganglions buccaux. (gpd) Ganglions pédieux. (gp) Ganglions postérieurs . (pt) Papilles tactiles du bord du tube respirateur; cha- cune de ces papilles recoit un filet nerveux. (pp) Palléal postérieur. (pe,pd) Arcade nerveuse qui joint le palléal postérieur et le palléal latéral. (pb) Palléal latéral. (pa) Palléal antérieur. XXVI® MONOGRAPHIE. Systeme nerveux de la Pholade dail, Pholas dactylus, L. PI. ro, fig. 4. (b) Filet de commissure qui réunit les deux ganglions buccaux, dont les lettres ont été omises. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 207 (f) Cordon du petit collier. (e,e) Nerfs séparés du palléal antérieur qui sortent de chaque ganglion buccal, plus en avant que ce dernier. Le palléal antérieur naît de l'extrémité antérieure de chaque ganglion buccal. (Les lettres qui devaient l'indiquer ont été omises par le graveur.) (4) Ganglions pédieux. (4°, k") Nerfs pédieux. (ë) Cordon du grand collier. (2) Nerf branchial. De nombreux filets partent de son coude pour rayonner dans les branchies. (p) Ganglion postérieur. (7:2,0) Rameaux du palléal postérieur. XXVIIT" MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Pandora rostrata. (PL 10, fig, 5, ancien dessin.) (b) Filet de commissure réunissant les deux ganglions buccaux. (c) Nerf qui va à l’adducteur antérieur. (d) Palléal antérieur. (f) Cordons du petit collier. (ë) Cordons du grand collier. (2) Ganglions pédieux. (2) Nerf branchial. (p) Palléal postérieur. (0) Une de ses branches tenant lieu de palléal latéral. 208 PI. ro, fig. 6. PIx3: Fig. r. DU SYSTÈME NERVEUX XXIX" MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Panopea australis. (PI. 10, fig. 6, et pl. 13.) (a) Ganglions buccaux. (&) Leur filet de commissure. (2) Ganglions pédieux. (4) Ganglions postérieurs. (f ) Cordon du petit collier. (g) Cordon du grand collier. (pa) Palléal antérieur. (c, d, d') Ses ramifications. (pa) Sorte de palléal latéral antérieur. ({) Nerf branchial. (pp) Palléal postérieur. (Ancien dessin de M. Lackerbauer.) Cette planche est destinée à montrer avec quel- ques détails la forme et une bonne partie de l’organisation de la Panopee australe, d'après des dessins que nous avons fait faire en 18/44, par M. Lackerbauer, sauf celui de la figure 7, qui est de M. Focillon. L'animal entier extrait de sa coquille, demi-gran- deur naturelle. (bd) Bord dorsal. (bv) Bord ventral. (br) Branchies droites vues par transparence. (pa) Palpes labiaux vus de même. (om) Orifice du manteau. (msp) Sphincter de cet orifice. DES MOLLUSQUES ACÉPHALES. 209 (ma) Muscle adducteur antérieur. (»p) Adducteur postérieur. (10, me, mc) Muscle du manteau. (mc', mc') Son insertion au pourtour de la coquille. (art) Muscle rétracteur des tubes. (£) Tubes. (ta) Tube anal. (cr) Tube respirateur. Fig. 2. Croquis de la face ventrale de l'animal. Les mêmes lettres que dans la fig. 1. Fig. 3. Système nerveux de la Panopée en rapport avec les organes. (A) Anus. (B) Bouche. (T) Tubes. (BG) Branchie gauche. (BD) Branchie droite. (MV) Masse viscérale. (PA) Palpes labiales du côté gauche. (P) Pied. Les autres lettres se rapportent à celles de la fig. 6, pl. ro. XXX® MONOGRAPHIE. Système nerveux de la Terebratula australis, Quox er Garmann. PI.8et9, fig. 6. (get b) Côtés gauche et droit du collier de forme carrée que forme autour de l'orifice buccal la partie centrale du système nerveux de cet animal. Les deux autres côtés, qui répondent aux deux valves, sont très-inégaux en épaisseur. T. XXIV. 27 310 DU SYSTÈME NERVEUX, ETC. Le plus épais, qui répond à la valve percée, fournit, de ses deux extrémités, les deux troncs nerveux principaux qui vont aux deux lobes du man- teau. Celui de la valve non percée est indiqué du côté gauche par (p). (m) Nerfs qui partent de ce même côté, près du collier, pour se perdre dans les muscles des valves. (f) Filets qui partent des extrémités du côté opposé et pénètrent dans le foie. RER LS LL LR LAS LUE LAS LES Le RER ER RAR AR AR LR ER LL LR LR Re a Lan MÉMOIRE SUR PLUSIEURS RÉACTIONS CHIMIQUES QUI INTÉRESSENT L'HYGIÈNE DES CITÉS POPULEUSES, Lu à l'Académie des sciences le 9 et le 16 novembre 1846. Par M. E. CHEVREUL. Je me suis borné dans le Compte rendu (t. XXII, P-779) à la simple indication de plusieurs passages de mes anciens écrits, que j'ai rappelés à cause de leur intime relation avec un travail d'hygiène publique depuis longtemps commencé dont j'ai cru devoir dire quelques mots à l’Académie, après avoir entendu la lecture du dernier mémoire de M. Dumas. En composant un écrit spécial sur ce sujet, en liant des ré- sultats déjà publiés à des recherches encore inédites, je me conforme au désir qu'ont exprimé M. Dumas lui-même et plusieurs autres de mes confrères. 27: 212 DE L'HYGIÈNE Je divise ce mémoire en deux parties : la première com- prend le résumé de mes publications sur la conversion des sulfates alcalins en sulfures opérée par différentes matières organiques ; la seconde, des considérations sur l’hygiène des cités populeuses. DES CITÉS POPULEUSES. 213 PREMIÈRE PARTIE. RÉACTION DES SULFATES ALCALINS ET DE PLUSIEURS MATIÈRES ORGANIQUES, S Tes Considérations générales sur les eaux naturelles. J'ai traité, dans le Dictionnaire des Sciences naturelles , des Eaux que la nature nous offre, relativement aux corps qui sont capables d’en altérer la pureté à cause de leur solu- bilité et de ce qu'ils se trouvent naturellement exposés à leur contact, en ayant principalement égard aux circons- tances suivantes : la température de l’eau, la pression qu’elle supporte, son état de mouvement ou de repos, enfin son con- tact ou son non-contact avec l'air atmosphérique. L'avan- tage de cette manière de voir a été de résumer en quelques pages un très-grand nombre de faits en coordonnant autour de quelques-uns, pris comme principes, un très-grand nom- bre d’autres qui ne sont que de simples conséquences des premiers. Supposons que de l’eau, privée du contact libre de l'air, reçoive des matières organiques; elle va acquérir des pro- priétés plus ou moins désagréables à nos sens, suivant que 214 DE L'HYGIÈNE ces matières en s’altérant donneront naissance à des produits d'une odeur plus ou moins fétide, d’une saveur plus ou moins désagréable, et suivant que ces produits seront en plus grande quantité. Que l’eau contienne en outre des sulfates alcalins, et cette circonstance sera la cause d’une nouvelle altération de l’eau envisagée au point de vue économique, lors méme que les matières organiques ne s'y trouveraient qu'en une proportion assez faible pour ne pas l'altérer s’il y avait absence de sulfates ; mais ceux-ci présents, l’affinité de leur oxygène pour là partie combustible de la matière organique, et l’affinité du soufre pour le potassium, sodium ou calcium des sulfates supposés alcalins, opèrent la conver- sion de ces sels en sulfures fétides. Si l’eau stagnante, au lieu d’être privée du contact libre de l'atmosphère s’y trouve ex- posée, et toutes choses étant pareilles d’ailleurs, elle sera moins disposée à l'infection, par la raison que la matière or- ganique prendra l’oxygène à l'atmosphère pour se brüler, et que dès lors la production des sulfures n'aura plus lieu. Ad- mettez en outre que des végétaux aquatiques puissent se développer au milieu du liquide, et une nouvelle cause d’as- sainissement surviendra, parce que les végétaux s’empare- ront d’une portion de la matière organique comme engrais, et queleurs parties vertessubmergées, frappées par la lumière, dégageront de l'oxygène qui concourra avec celui de l’at- mosphère à brüler la matière organique. Enfin, après avoir considéré l'atmosphère comme le réservoir d'un agent chi- mique de salubrité des eaux, je le considère, au point de vue mécanique , comme un simple espace où les corps odo- rants susceptibles de rendre les eaux infectes tendent à se répandre. DES CITÉS POPULEUSES. 215 Voilà donc l'influence de l’air et celle des végétaux aqua- tiques sur les eaux stagnantes appréciées; maintenant, sup- posez l’eau en mouvement au milieu de l’atmosphère, et vous apercevrez aussitôt l’effet de cette circonstance pour aug- menter la diffusion de l’oxygène dans le liquide et la diffu- sion de ses matières odorantes dans cette même atmosphère. C'est après avoir considéré les eaux naturelles à ce point de vue que j'insiste sur l'utilité du conseil que M. Thénard avait donné aux habitants de la Hollande d'établir un cou- rant d'air dans les citernes où ils recueillent les eaux plu- viales. GI Expériences sur la conversion des sulfates alcalins en sulfure par des matières organiques. Tel est le résumé des considérations générales qui servent d'introduction à l’article Eaux NATURELLES , imprimé en 1819 dans l’ouvrage cité plus haut; on lit à l’article Æydrosul- Jfurique (acide), page 293 du tome XXII, publié en 1821 : « Le « gaz hydrosulfurique (sulfhydrique) se dégage des matières « organiques en décomposition ; il se reconnaît à son odeur « et à la couleur noire qu’il donne à l'argent ou au cuivre qui « sontexposés aux émanations de ces matières. Quand il est « produit aux dépens du soufre contenu dans les matières « organiques, il est toujours en petite proportion parrapport « aux gaz qui se sont développés en même temps que lui. « Nous nous sommes assuré que dans beaucoup de cir- « constances l'acide hydrosulfurique, et méme le soufrequ'on « rencontre dans des eaux où il y a des matières organiques 216 DE L'HYGIÈNE « en putréfaction, proviennent de ce que des sulfates conte- « nus dans ces eaux sont réduits en hydrosulfates par le car- « bone et l'hydrogène des matières organiques. Nous nous en « sommes convaincu en suivant la putréfaction en vais- « ceaux clos d’un grand nombre de ces matières submergées « dans l’eau de puits et dans l’eau distillée : dans le premier « cas, le liquide, au bout de trois ans, contenait un hkydro- « sulfate et avait déposé des cristaux de soufre ; dans le se- « cond cas, il n’en contenait point et il n'avait point déposé « de soufre. » J’ajouterai le passage suivant, extrait de ma sixième lecon de chimie appliquée à la teinture, page 48, publiée en 1029: « On trouve l'acide hydrosulfurique dans les eaux miné- « rales, et généralement dans toutes les eaux qui contiennent « du sulfate de chaux et des matières organiques et qui n'ont « pas le contact de l'air. Yelle est l’origine de l'acide hydro- « sulfurique : 1° dans les eaux de la Bièvre qui séjournent « dans une citerne; 2° dans les eaux qui contiennent du « sulfate de chaux, qu'on a renfermées dans des tonneaux « dont l'intérieur n'a pas été charbonné. La matière végétale « des tonneaux, en réagissant sur le sulfate de chaux, le con- « vertit en hydrosulfate. Cette conversion du sulfate de chaux «en hydrosulfate s'opère pendant la chaleur de l'été dans la « rivière méme de Bièvre. » Je choisis les expériences que je vais décrire parmi celles que j'entrepris pour m'assurer de l'influence réelle des ton- neaux sur l’altération des eaux sulfatées qu’on y renferme. Ayant mis dans un flacon de verre fermant à l'émeri de l’eau de puits de Paris avec des copeaux de chêne ou de mer- DES CITÉS POPULEUSES. ; 217 rain, elle devint fétide; tandis que de l’eau distillée , renfer- mée de la même manière avec des copeaux de chêne, se colora sans acquérir de mauvaise odeur, et que de l’eau de puits aussi renfermée dans un flacon de verre, mais sans addition d’au- cune matière, ne subit aucun changement appréciable. J'obtins une solution de sulfure de calcium en mettant de l’eau distillée, du sulfate de chaux en poudre et des feuilles de tilleul dans un flacon fermé à l’émeri. Ces expériences expliquent bien, je crois, l'utilité qu’il y a de carboniser l’intérieur des tonneaux destinés à renfermer l’eau potable dans les voyages de long cours ; pratique pres- crite par Berthollet, dont les avantages ont été constatés par l'amiral Krusenstern dans son mémorable voyage de cir- cumnavigation. Il est clair, d’après les principes précédents, que la carbonisation a surtout pour objet de détruire les matières solubles que l'eau‘enlève au bois de chêne non car- bonisé. $ III. De la présence de l’acide sulfhydrique dans plusieurs sortes d'eaux souterraines. Préoccupé de la facilité avec laquelle les sulfates sont dé- composés par des matières organiques, je cherchaiï la présence des sulfures et celle de l'acide sulfhydrique dans toutes les eaux souterraines que je pus étudier. C’est ainsi que je cons- tatai la présence de ce gaz dans l’eau du puits artésien de la gare de Saint-Ouen ; qu'en 1830 je le reconnus dans les gaz quise dégagent des eaux ferrugineuses de Spa, où sa présence n’avait point été soupconnée. Etici je ne parle pas de l’eau de XIV 28 218 DE L'HYGIÈNE la Géronstère, qui a toujours été considérée comme décidé- ment sulfureuse par tous les chimistes qui savent se servir des réactifs, je veux désigner les gaz qui se dégagent des sour- ces du Pouhon, du Tonnelet , de la Sauvinière et du Gros- beck. Je constatai qu'ils noircissaient le papier imprégné d’a- cétate de plomb qu'on plongeait pendant un quart d'heure dans leur atmosphère; c'est ce procédé dont j'avais re- commandé l'usage dès l’année 1808 (Ænnales de Chimie, t. LXVIIT, page 29/4). M. Plateau, occupé à cette époque de l’analyse des eaux de Spa, fut témoin de mes résulats ; et M. Fontan, qui est allé à Spa longtemps après moi, cite mon opinion sur la nature sulfureuse de la Géronstère, sans parler de mes expériences sur les gaz des autres sources ; il recom- mande, pour reconnaître l'acide sulfhydrique, précisément le procédé dont je me suis servi. Je retrouvai encore en 1830 le même acide dans les gaz qui se dégagent des eaux de Baden-Baden et d’un grand nombre d’autres sources moins connues. $ IV. De l’altération de l’eau de mer. Dans le courant de l’année 1841 , M. le ministre de la marine m'ayant confié l'examen de plusieurs produits que l’on disait avoir été obtenus de la distillation de l’eau de mer, et rendus salubres par différents procédés tenus se- crets, jJeus l’occasion d'ajouter de nouvelles observations à celles que j'ai mentionnées sur la réaction des sulfates alcalins et des matières organiques. Je vis qu'en été il suffit de quelques jours pour que l’eau de mer renfermée dans des DES CITÉS POPULEUSES. 219 vaisseaux de verre avec des copeaux de chêne se change en sulfure fétide. Cette réaction explique la corruption de l’eau de mer qui, ayant pénétré au fond de cale d’un vaisseau, se trouve soustraite au contact libre de l'atmosphère en même temps qu'elle reçoit des matières organiques capables de changer les sulfates en sulfures. Dans le cours de cette même année 1841 j'eus l’occasion d'observer un fait remarquable relatif au changement dont je parle, c’est que toutes les ma- tières organiques ne sont pas capables de l'opérer. Par exemple, des copeaux de sapin peuvent être conservés pen- dant plusieurs années avec l’eau de mer sans en altérer le sulfate. Je présenteà l'Académie trois flacons misen expérience depuis 1841 :le premier renferme de l’eau de mer ; le second, de l’eau de mer avec des copeaux de sapin ; le troisième, de l'eau de mer avec des copeaux de chêne; dans les deux pre- miers l’eau a conservé sa limpidité. Dans le troisième elle est devenue brune et a acquis une odeur sulfureuse qui dure encore , tandis que l’eau du second flacon n’est pas altérée, seulement elle a pris au sapin l'odeur qui lui est propre. En examinant avec M. l'ingénieur de la marine Lebas le produit de la distillation de l’eau de mer dans divers appa- reils de cuivre, nous reconnûmes qu'il estexcessivement dif. ficile d'éviter la présence de ce métal dans ce produit. Tel est le motif qui nous a déterminés à proposer à M. le ministre de la marine de prendre la disposition suivante : « Sur tous « les bâtiments de la flotte où un appareil distillatoire sera « établi, le docteur du bord sera chargé de constater, au € moyen de l'eau hydrosulfurée ou d’une solution de sulfure « alcalin neutre, l'absence du cuivre dans l'eau destinée à la « boisson des hommes. » Et à ce sujet j'ai proposé de rem- 28. 220 DE L'HYGIÈNE placer les solutions sulfurées précitées par de l’eau de mer renfermée avec des copeaux de chêne dans de petits flacons à l’émeri d’un décilitre, qu'on tiendrait à une température de 15° à 25°. Enfin, M. Lebas et moi avons constaté que le pas- sage de l’eau distillée qui tient en solution de la matière cui- vreuse au travers du charbon, l'en dépouille, conformément à l’affinité de ce corps pour les sels, les sulfures, les oxydes, que je lui ai reconnue dès 1809. ( {nnales de Chimie, t. LXXIIT, p. 177.) S V. Influence des sulfates réduits en sulfures sur l’oxygène d’atmosphères limitées. J'ai reconnu par l'analyse que des atmosphères limitées , impropres à entretenir la vie des hommes et des animaux, ne devaient point cette propriété, comme on le soupçonnait, à la présence du gaz sulfhydrique, mais bien à ce que des sulfures en avaient absorbé l'oxygène (1). M. Félix Leblanc a pareillement observé une diminution d'oxygène dans l’at- mosphère d'une galerie de mines où il y avait des sulfures métalliques efflorescents. $ VI. Acide volatil odorant produit par la putréfaction d’un grand nombre de matières azotées. Il est nécessaire encore, pour l’objet que je me suis pro- (1) Compte rendu de la Société royale et centrale d'agriculture. DES CITÉS POPÜLEUSES. 221 posé en rédigeant cette note, de citer l’article FERMENTATION PUTRIDE du Dictionnaire des Sciences naturelles, t. XNI, p: 448. En parlant avec insistance de l’obscurité de la science sur ce sujet à l’époque où parut cet article (1820), je men- tionne la putréfaction des matières animales en général et celle des tendons en particulier , comme donnant naissance à un acide volatil d’une odeur très-désagréable, neutralisant pour 100 parties une quantité de base dont l'oxygène est 12. Cet acide est remarquable par sa facile production dans la plupart des cas où des matières azotées végétales ou animales se putréfient, par son abondance, par la beauté des cristaux de ses sels et par la fétidité de son odeur. C’est lui qui donne aux colles fortes l'odeur désagréable qu’on leur connaît lors- que les matières avec lesquelles on les a préparées se sont ai- gries. Il contribue également à la fétidité des vieilles cuves d'Inde et de pastel. Enfin il existe dans un très-grand nom- bre de produits altérés d’origine organique, où personne encore ne l’a mentionné ; il appartient au groupe des acides gras volatils que j'ai fait connaître; mais c’est des acides phocénique et butyrique qu’il se rapproche le plus par son odeur. J'espère être bientôt en mesure d’en exposer l’his- toire à l'Académie. Je me borne à faire remarquer que la pré- sence de ce corps dans un grand nombre de produits fétides explique comment les bases salifiables, et particulièrement la chaux , peuvent, en le neutralisant, faire alors l'office de dé- sinfectant. 229 DE L'HYGIÈNE DEUXIÈME PARTIE. DU SOL DES CITÉS POPULEUSES AU POINT DE VUE DE LA SALUBRITÉ. CHAPITRE [*. Considérations théoriques. $ I. De l'influence de l’air pour maintenir la salubrité de l’eau et du sol, con- sidérée en général dans sa tendance à produire des combustions lentes de matières organiques. Si le contact de l'air a tant d'influence pour maintenir en particulier la salubrité de l'eau qui tient à la fois des sulfa- tes alcalins et des matières organiques, il n'en a pas moins pour maintenir la salubrité partout où séjournent des ma- tières organiques qui, n'étant point exposées à servir d'en- grais aux végétaux ou de nourriture à des animaux, peuvent s'altérer lentement et de manière que les produits immédiats de leur décomposition se dégagent dans l'air, ou restent DES CITÉS POPULEUSES. 223 soit dans le sol, soit dans des eaux stagnantes, avant d’être convertis par l'oxygène atmosphérique en eau, en acide carbonique et en azote. C'est en effet à des produits immé- diats, ou presque immédiats, des matières organiques qu'il faut attribuer les graves inconvénients, pour la santé de l’homme et celle des animaux domestiques, des cimetières et de tout autre grand dépôt de matières organiques sus- ceptibles d’altération dans l’intérieur des villes. Mais quoiqu'on puisse déduire déjà, de la conversion des sulfates en sulfures par des matières organiques, la ten- dance de celles-ci à être détruites sous l'influence de l’oxy- gène par une action où une combustion lente, je crois utile cependant de rappeler dans une note le titre des mémoires que j'ai présentés à l’Académie sur ce sujet (1). Voici en quelques mots les conséquences de mes recherches : La plupart des matières organiques colorées que l'on a dit étre altérables à la lumière ne le sont pas dans le vide ; elles ne le deviennent qu'avec le concours des agents atmos- phériques, l'oxygène et souvent la vapeur d’eau. L'influence de l'oxygène est analogue dans le cas où ces mémes matières sont exposées à des températures plus élevées que celle de l'atmosphère ; car dans le vide ces matières ré- sistent à une température où elles s’altèrent au contact de l'air. (1) De l’action simultance de l'oxygène gazeux et des alcalis sur un grand nombre de substances organiques. Mémoire lu à l'Académie, le 23 août 1824. Imprimé. — Recherches chimiques sur la teinture. Qua- trième et cinquième mémoire, lus à l'Académie le 2 janvier et le 7 août 1837. Imprimés. 224 DE L'HYGIÈNE Des matières incolores présentent les memes résultats que des matières colorées, sous le rapport dont je parle. Enfin, je ne puis omettre l'influence qu'un excès d’alcali exerce sur les matières organiques pour leur faire absorber l'oxygène atmosphérique et les dénaturer profondément. Mais afin de prévenir une contradiction qu'on pourrait m'adresser relativement à ce que j'ai dit ailleurs de l'in- fluence possible de l’air dans le développement d’un miasme, je remarquerai que je ne considère l'oxygène atmosphérique comme agent de salubrité qu'autant qu'il est en quantité suffisante et dans des circonstances convenables pour que son action sur la matière organique soit profondément al- térante; car je ne puis méconnaître l'influence d’une très- faible quantité de ce corps pour rompre l'équilibre des élé- ments de certains composés qui, sans lui, ne se seraient point altérés, comme on le remarque dans la fermentation du jus de raisin et dans la putréfaction de plusieurs matières. Dès lors j'admets donc que le contact de l'air peut rendre délétère une matière dépourvue d’action nuisible sur l’éco- nomie animale, comme il arrive qu'un grand nombre de produits animaux, inodores au moment où ils sortent des organes qui les ont sécrétés, deviennent odorants par l'ac- tion de l'oxygène atmosphérique. En parlant maintenant de l'influence que les sols des villes populeuses recoivent de la présence de l'homme qui les ha- bite, je vais montrer comment les observations précédentes m'ont conduit à un travail dont je ne présente aujourd’hui, à l’occasion de l'incident qui m'a fait rédiger ce Mémoire, qu'un simple aperçu propre à indiquer l'aspect sous lequel j'envisage ce sujet. DES CITÉS POPULEUSES. 295 En définitive l'oxygène atmosphérique tend à brûler lente- ment les matières organiques qui peuvent être dissoutes dans les eaux, ou dispersées à la surface de la terre, ou enfin enfouies dans le sol. L'action de l'oxygène est augmentée par l'intensité de la lumière et l'élévation de la température atmosphérique. Enfin, elle est augmentée, du moins à l'égard de certaines matières organiques, lorsque celles-ci sont en présence d’un excès d’alcali. $ IL. Considérations générales sur les causes d'insalnbrité et de salubrité des sols des villes. Par là même que des hommes agglomérés sur un sol don- nent lieu à l'établissement d’une ville où doivent vivre une suite de générations, ce sol est exposé à recevoir des impré- gnations de matières organiques qui tôt ou tard produisent des effets d'infection de diverses sortes, si des précautions hygiéniques ne sont pas prises dans la vue de les prévenir. Dès lors reconnaissons donc tout ce qui tend à imprégner le sol de matières organiques pour une cause prochaine ou éloignée d’insalubrité, et reconnaissons donc pour des cau- ses de salubrité tout ce qui tend à empécher cette imprégna- tion, à la limiter dans l’espace le plus étroit, à détruire incessamment les matières organiques par une combustion lente, comme le fait l'air atmosphérique ; enfin, tout ce qui tend à s’assimiler cette matière, comme peuvent le faire des animaux et surtout des végétaux. Mais avant de chercher à apprécier l'influence de chacune T. XXIV. 29 226 DE L'HYGIENE de ces causes en particulier dans un lieu donné, il faut avoir égard à trois considérations générales : A. La première concerne la perméabilité aux liquides du sol habité et des murs des édifices élevés sur ce sol; B. La seconde, la nature du sol et celle des matériaux avec lesquels on a construit les murs de ces édifices, et parti- culièrement ceux des fondations et du rez-de-chaussée ; C. Et la troisième concerne la position d'un sol perméable qut sera telle, que l'infection des matières organiques y sera impossible à cause d'un déplacement des eaux per de- scensum. A. Considération de la perméabilité aux liquides du sol et des murs. La perméabilité aux liquides nous apparaît à des degrés bien différents dans les divers sols, depuis la roche graniti- que ou quartzeuse, absolument imperméable, jusqu’au sable siliceux, doué au plus haut degré de la propriété contraire. Je prends avant tout ces matières sur lesquelles l’eau n’exerce aucune action chimique, afin de commencer par le cas le plus simple, celui où l’action d’un sol est exclusivement phy- sique où mécanique. Les eaux coulent sur les roches compactes que j'ai nom- “mées sans y pénétrer, à moins qu'il n’y ait des fissures qui en interrompent la continuité. Si, au lieu de ce sol compacte, elles rencontrent un sol de DES CITÉS POPULEUSES. 227 sable siliceux, elles s’y infiltrent, le pénètrent de toutes parts jusqu’à ce qu'elles aient trouvé une couche imperméa- ble, ou si, ne l’étant pas essentiellement, elle l’est devenue par la présence d’un liquide que les premières ne peuvent déplacer. Parvenues à cette couche, les eaux pourront s’arrè- ter et rester en repos, ou bien, la couche imperméable étant en pente, elles couleront plus ou moins librement, soit dans l'intérieur du sol même, soit à la surface d’un sol situé en contre-bas du sol habité. Les eaux arrivent alors à la ma- nière d’une source sur le second sol, en supposant que les eaux de la ville pénètrent incessamment dans les couches perméables. Je reviendrai bientôt sur cette circonstance (C). Les sols les plus communs ont une perméabilité inférieure à celle du sable siliceux, et dans une même ville il est rare que le sol soit assez homogène pour avoir partout cette pro- priété à un degré constant. Si les édifices construits sur un sol perméable ou sur une roche imperméable sont de granite, de quartz ou de toute autre matière pareillement imperméable , l'humidité du sol ne s’élèvera dans les murs que par la capillarité du mortier qui réunit entre elles les pierres dont ces murs sont cons- truits. B. Considération relative à la nature du solet des maté- riaux des édifices. Un sol granitique, etc., ou de sable siliceux n’ayant aucune action chimique sur les eaux qui entrent dans nos habita- tions pour nos usages et qui en sortent après y avoir satis- fait, il n’y a rien à ajouter aux considérations précédentes, 29. 228 DE L'HYGIÈNE Mais si nous supposons que des sols et des murs perméa- bles à l’eau soient formés, non plus de matières siliceuses mais de sous-carbonate de chaux, ou bien à la fois de ce sel et de sulfate de chaux , des réactions chimiques auront lieu inévitablement, les eaux deviendront plus ou moins calcai- res; partout où le sous-carbonate de chaux poreux sera en contact avec l’eau, l'air et une matière azotée, il se produira des azotates à base de chaux , de potasse, de magnésie, que ce sous-carbonate de chaux fasse partie du sol ou d'une construction. Enfin, comme je l'ai dit, lorsque Je sol con- tiendra du sulfate de chaux, partout où il sera en contact avec une grande masse de matière organique végétale ou animale sans le contact de l'air , il se produira du sulfure de calcium. C. Considération relative à la position d'un sol perméable dans lequel l'infection des matières organiques est impos- sible à cause d'un déplacement incessant des eaux per descensum. La cause dont il s’agit de reconnaitre l'influence sur la salubrité d’un sol perméable, quelle qu'en soit la nature, est sa position. Celle-ci ne laisse rien à désirer, lorsque les eaux chargées de matières organiques qui pénètrent dans ce sol s'en écoulent incessamment , pressées par des eaux pures de sources situées au-dessus de la ville, par les eaux pluviales ou même par des eaux impures; mais dans ce dernier cas le renouvellement de l’eau doit être assez rapide pour ne pas permettre à la matière organique de s’altérer. Il est entendu que l'oxygène atmosphérique, entraîné par les eaux, peut DES CITÉS POPULEUSES. 229 concourir avec leur déplacement per descensum à la sa- lubrite. D'après cela on conçoit comment un sol qui ne sera pas placé dans la condition dont je viens de parler pourra s’in- fecter, puisque les eaux chargées de matières organiques qui le pénétreront n’en seront point expulsées par la pres- sion d'eaux venues de plus haut que le terrain qu'elles ont pénétré; ou si elles sont expulsées en totalité ou en partie seulement par cette cause, ce ne sera qu'après avoir subi quelque altération. CHAPITRE II.. Application des considérations théoriques du chapitre F*. Après avoir considéré en général l'influence du sol et des murs au triple point de vue de leur perméabilité aux liqui- des, de leur näture et de leur position, relativement au re- nouvellement des eaux per descensum , je rappellerai l'ori- gine diverse des matières qui, une fois dans le sol, peuvent devenir des causes d’insalubrité pour les habitants des vil- les; je parlerai ensuite des moyens de salubrité, en distin- guant les moyens simplement préventifs de ceux qui sont capables à la fois de prévenir l’insalubrité et de la combattre si elle existe. 230 DE L'HYGIÈNE S L. Origine des matières qui tendent à rendre insalubre le sol des villes. Les besoins incessants que nous avons des matières orga- niques pour notre nourriture, et la conséquence nécessaire de ces besoins, l'emploi que des industries exercées dans l'intérieur de nos villes font d’un grand nombre de ces ma- tières, les animaux domestiques, les animaux incommodes qui vivent dans nos demeures, enfin les restes mortels de nos semblables déposés dans le sein de la terre, sont l’origine des matières organiques qui pénètrent dans le sol des villes ou qui peuvent y avoir pénétré autrefois. Ajoutons une nou- velle cause d'infection du sol dans les villes où l'éclairage au gaz est établi, et je dois dire en quoi consiste, selon moi, cette infection; car je ne crois pas que les effets en aient tou- jours été attribués à la cause qui les produit. L'infection du sol n’est pas produite par ie gaz propre- ment dit; elle provient des vapeurs liquéfiables entraînées avec lui dans les tuyaux de conduite, desquels , en s’échap- pant par des fuites, soit à l’état liquide, soit à l'état de va- peur, elles se répandent dans la terre où ces tuyaux sont or- dinairement enfouis. Si dans un court espace de temps l'infection du sol produite par cette cause est partielle et très- limitée, cependant avec le temps elle peut augmenter beau- coup. L'effet de cette infection n'est pas borné à l'odeur fétide qui se manifeste au moment où des réparations obli- gent à remuer le sol pour mettre les tuyaux à découvert, mais il va jusqu'à frapper de mort les arbres dont les raci- nes touchent au sol infecté, et à corrompre les puits dont 0] DES CITÉS POPULEUSES. 291 les eaux n'arrivent dans la cavité qu’elles alimentent qu'après avoir traversé ce même sol. Quoique je reconnaisse aux gaz hydrogènes carbonés la propriété d’être absorbés par les corps poreux, et conséquemment par la terre, cependant la cause de la mort des arbres qui ont pu être par leurs racines en contact avec ces gaz me paraît devoir être surtout attri- buée aux vapeurs liquéfiables entraïnées par eux. C'est de cette manière que j'explique l'empoisonnement de plantes qui avaient été assujetties à des pieux imprégnés de goudron de houille, empoisonnement dont je connais plusieurs exem- ples, et sur lesquels je reviendrai lorsque plus tard je pu- blierai les détails des expériences auxquelles je me suis livré sur ce sujet. Je dois indiquer ici la part que peuvent avoir différentes matières d’origine inorganique dans l'infection du sol des villes, telles que des matières métalliques cuivreuses, arséni- cales, etc., qui, échappées de certaines usines, pénètrent dans les puits, lorsqu'elles ne sont point exposées à être entrai- nées au loin par un cours d’eau, ou qu’elles ne se trouvent pas converties en composés, absolument insolubles. L'influence de toute matière combustible qui empêche l'oxygène atmosphérique de pénétrer dans le sol doit être signalée encore comme fàcheuse; tel est le fer détaché des roues des voitures et des fers des chevaux qui, à cause de sa grande division, s’oxyde immédiatement. Le fer qui s’est sul- furé dans un grand état de division au sein de la terre et des eaux non aérées, a une grande tendance à absorber l'oxygène gazeux. (Voyez 1" note à la fin du Mémoire.) Enfin, l'absence de la lumière du soleil concourt à l’insa- lubrité, puisque le contact de cet agent a une si grande in- 239 DE L'HYGIÈNE fluence dans les combustions lentes des matières organiques, comme le prouve la conservation des matières colorantes privées de ce contact, et leur destruction, même à l’état so- lide, lorsqu'elles sont exposées à le recevoir au sein de l’at- mosphère. $ IL. Des moyens d'assurer la salubrité du sol des cités populeuses. Les moyens auxquels on a recours pour assurer la salu- brité des cités populeuses étant, comme je l'ai dit, simple- ment préventifs, ou bien à la fois préventifs et capables de combattre l’insalubrité du sol si celle-ci existe, je vais parler successivement de chacun de ces moyens en parti- culier. A. Des moyens simplement préventifs. Tous les moyens simplement préventifs se réduisent en définitive à diminuer autant que possible la quantité des matières organiques qui pénètrent dans le sol. Je me bor- nerai à citer ceux dont les bons effets sont universellement reconnus, tandis que j'entrerai dans quelques détails relati- vement aux moyens dont l'efficacité, pour être appréciée à sa juste valeur, demande un examen particulier. 1. Moyen PRÉvVENTIF. Établissement des cimetières et des voiries hors des villes. Je ferai une seule remarque sur l'établissement des cime- DES CITÉS POPULEUSES. 233 tières, c’est que le sol où on les établit, s’il est perméable, doit être placé en aval des habitations, afin que celles-ci ne soient jamais exposées à recevoir dans leurs fondations des infiltrations d’eau pluviale qui pourraient provenir des ci- metières situés en amont. 2. Moyen PRÉvENTIF. Toutes les fosses d'aisance doivent étre étanchées. Le sulfate de chaux employé comme plâtre, et à plus forte raison comme moellon à l’état de pierre à plâtre, doit être éloigné de leur construction, à cause de la facilité avec la- quelle il est changé en sulfure de calcium. 3. MoYEN PRÉVENTIF. Pavage des rues. Le pavage des rues est nécessaire : non-seulement il as- sure la circulation du public en prévenant l'inconvénient des ornières, des mares d’eau, des boues dans Ja saison pluvieuse, mais il diminue beaucoup les effets fächeux de la poussière dans la saison sèche; et les inconvénients de ces effets sont bien plus grands pour les magasins du commerce de détail, pour les appartements richement décorés et les galeries d'objets précieux , qu'on ne pourrait se l'imaginer lorsqu'on n’a pas eu l’occasion de les remarquer ; enfin, le pavage des rues a encore l'avantage d'’éloigner des fonda- tions des maisons une grande partie des eaux pluviales et des eaux qui ont servi aux usages domestiques. Si tous ces avantages sont incontestables et si le pavage des rues est une nécessité pour la population de toutes les T. XXIVY. 30 234 DE L'HYGIÈNE villes, cependant il entraîne des conséquences qui compro- mettent l’usage des eaux de puits comme boisson dans beau- coup de cas dont je parlerai plus bas. 4. Moÿen PRÉVENTIF. Æau versée d’une manière continue par des fontaines ou des bornes-fontaines dans les ruisseaux des rues. La condition la plus favorable à la salubrité d’une ville pavée avec trottoirs et ruisseaux des deux côtés d'une chaussée bombée, est sans contredit celle où des bornes-fon- taines alimentent incessamment ces ruisseaux d’une eau pure dont la masse est considérable relativement à celle des eaux impures qu’elle recoit à leur sortie immédiate des maisons, comme le mouvement en est assez rapide pour qu’elle ne croupisse jamais. Hors de cette double condition de grande masse et de mouvement continu de l’eau pure répandue sur la voie publique, il est bien difficile d'empêcher une certaine quantité de matières organiques de s'y altérer, tandis qu’une autre portion, en pénétrant dans le sol, s'ajoute à celle qu'il recoit toujours de nos habitations, quelque soin qu'on ap- porte d’ailleurs à prévenir toute infection. C’est surtout en comparant les rues de Dijon, où coulent abondamment les eaux de la source du Rosoir, aux rues des autres villes, où des bornes-fontaines ne versent que durant quelques heures par jour une petite quantité d’eau dans les ruisseaux qui bordent les trottoirs, et qui bien souvent exhalent l'odeur ammoniacale des urines décomposées ou l'odeur fétide des sulfures alcalins, que l'on acquiert la con- viction qu'il n’y a de salubrité que là où, comme je l'ai dit, DES CITÉS POPULEUSES. 235 il se trouve une eau continuellement ou presque continuel- lement courante, et assez abondante pour entraîner les eaux impures æu moment où elles s’y mélent. Eh certes! si les ruisseaux qui sont au bas des trottoirs ne devaient jamais recevoir l’eau des bornes-fontaines d’une manière continue, le voisinage des maisons serait plus exposé à l'infection que lorsque les eaux s’écoulaient au milieu de la rue par une chaussée fendue. (2° note.) C'est donc un très-grand service que M. Darcy, ingénieur en chef du département de la Côte-d'Or, a rendu à Dijon, en y amenant, par un aqueduc souterrain en maçonnerie, de 14205 mètres de longueur, la source du Rosoir, qui sort du calcaire jurassique. Cette source donne à la ville par minute 125 hectolitres en hiver et 35 en été. L'eau en est excellente, ainsi que je l’ai vérifié moi-même ; elle a une température constante de dix degrés. Le chlorure de barium et l’azotate d'argent n’y dénotent pas la présence de l'acide sulfurique ni celle du chlore. Elle ne laisse Pour 1000 parties que 0,242 millièmes de partie d’un résidu fixe formé, dit-on, seulement de sous-carbonate de chaux et de traces de magnésie et de manganèse, J'indiquerai plus bas la Proportion du résidu fixe que laissent un certain nombre d’eaux économiques. (3° note.) On prendra une idée de l'abondance de ces eaux quand on saura qu'elle représente, par chaque habitant de Dijon, dans les vingt-quatre heures, de 198 à 678 litres, tandis qu'à Londres on compte, depuis 1829, 95 litres par habitant , à Toulouse de 62 à 78, et à Paris de 11 à 12 litres d’eau po- table. J'extrais ces indications d’une excellente notice pu- bliée en 1845 par M. Victor Dumay, maire de Dijon. 30. 236 DE L'HYGIÈNE 5. Moyen PRÉvENTIF. Égouts étanchés multipliés et se dé- chargeant en aval des villes. Une conséquence de ce qui précède est la nécessité de ne faire couler les eaux impures que le moins longtemps pos- sible sur la voie publique, en les dirigeant dans des égouts à parois inférieures étanchées, établis dans chaque rue prin- cipale, et débouchant en aval de la ville dans quelque cours d’eau si on le peut. 6. Moyen PRÉvENTIF. Établissement dans les égouts des conduites d’eau et des conduites de gaz. Il y aurait un très-grand avantage à placer les conduites d’eau et les conduites du gaz propre à l'éclairage dans les égouts, comme cela existe, m'a-t-on dit, déjà dans la rue de Rivoli. Dès lors le sol ne serait plus exposé à être infecté par les vapeurs liquéfiables que le gaz entraîne avec lui ; et lors- qu'il y aurait des réparations de fuites de gaz à faire, l’atmos- phère des rues et des maisons qui les bordent ne devien- drait plus infecte, comme cela arrive si souvent aujourd'hui, et les réparations de ces fuites, aussi bien que celles des tuyaux qui conduisent les eaux, n'auraient plus pour consé- quence les fouilles de la chaussée des rues qui embarrassent si souvent la voie publique. Il serait facile d'établir un sys- tème de ventilation au moyen duquel on préviendrait le danger des détonations occasionnées par des fuites de gaz. 7. Moyen PRÉVENTIF. Z'oute industrie qui rejette beaucoup de matières organiques hors de ses ateliers ne peut étre éta- DES CITÉS POPULEUSES. 237 blie dans des lieux habités que la où existe un cours d’eau assez considérable pour entrafner ces matières loin des ha- bitations. Il n'est pas douteux pour moi que les cours d’eau sur les bords desquels la plupart des usines sont placées en Angle- terre n'aient un doublé avantage : celui de l’économie comme voie de transport du combustible, des matières premières et des produits élaborés, et celui de la salubrité pour disperser au loin les résidus de fabrique naturellement délétères ou qui seraient susceptibles de le devenir s'ils s’accumulaient dans les sols voisins des usines. 8. Moyen PRÉvENTIF. Les eaux qui sortent des usines en emportant avec elles des combinaisons solubles d’arsenic, de cuivre, etc., doivent, avant de se répandre sur la voie publique, subir l’action de la chaux, afin qu’elles soient dé- pouillées de leurs Principes délétères. Ce moyen est surtout nécessaire lorsque les usines ne sont pas placées sur un cours d’eau ; et à cette occasion Je ferai rémarquer qu’à une certaine époque, au X VIE siècle surtout, on employait, particulièrement dans la teinture en écarlate, une quantité considérable d’acide arsénieux , dont la plus grande partie était évacuée au dehors de l'atelier à l’état de bain épuisé de colorant, J'ai toujours regretté d’avoir ignoré ce fait avant la canalisation de la Bièvre, autrement je me serais empressé de rechercher la présence de l’arsenic dans le fond de la Bièvre, où les eaux de l'atelier fondé par Gobe- lin s’écoulaient. 238 DE L'HYGIÈNE B. DES MOYENS A LA FOIS PRÉVENTIFS ET CAPABLES DE COM- BATTRE L'INFECTION SI ELLE EXISTE. 1. MoYEN PRÉVENTIF ET CAPABLE DE COMBATTRE L'INFEC- rion. Favoriser la dessiccation de la surface du sol et des murs des rez-de-chaussée par le renouvellement de l'air, et aider les combustions lentes du concours de la lumière. Des rues larges à trottoirs, dont les ruisseaux sont inces- samment lavés par une eau courante, n’assurent pas la sa- lubrité des habitations si la face des maisons opposée à celle de la rue n’est pas convenablement exposée à une ventila- tion naturelle propre à sécher le sol de la cour et les murs du rez-de-chaussée. Ces cours doivent être d'autant plus spacieuses qu’elles sont plus garanties de l'influence directe du soleil, soit par la hauteur des maisons, soit par l’expo- sition. Les faits que j'ai rappelés plus haut, en donnant une juste idée de la nécessité du concours de la lumière et de l’air at- mosphérique pour un grand nombre de combustions lentes de matières organiques, justifient la condition de salubrité dont je parle maintenant. Ils font sentir l’heureuse influence de la ventilation qui vient porter à la surface du sol et des murs l'humidité de l’intérieur avec les matières organiques qu’elle tient en dissolution. Quoique je ne veuille pas parler d’une manière spéciale de l'influence des agents atmosphériques sur l’homme, je ne puis m'empêcher de faire remarquer combien les apparte- ments gagnent en salubrité lorsque la lumière y arrive et DES CITÉS POPULEUSES. 239 que l'air s'y renouvelle avec facilité; avantage qui est la con- séquence d’une cour où l'air et la lumière pénètrent li- brement. En définitive, pour que le but qu’on se propose en fai- sant des rues larges soit atteint, c’est à la condition que la voie publique ne sera pas élargie aux dépens des cours des habitations. 2. MOYEN PRÉVENTIF ET CAPABLE DE COMBATTRE L'INFECTION. Puits. Les puits creusés dans les villes doivent être envisagés sous des aspects assez différents, si on veut se rendre un compte exact des avantages divers qu’ils peuvent présenter sous le rapport de la salubrité de l’eau qui les alimente, et sous le rapport de l'influence qu'ils exercent sur la salubrité du sol, par suite du mouvement qui anime cette eau dans les couches du terrain qu’elle parcourt avant de parvenir à la cavité où elle s'arrête. (a) Puits considérés sous le rapport de la salubrité de l'eau qui les alimente. _ Que des eaux pluviales alimentent des puits en s’infiltrant dans les interstices d’un sol pierreux, comme l'est celui de plusieurs parties de la ville d'Angers, sans trouver de ma- tières organiques sur leur passage, et ces eaux, quoique pou- vant renfermer des sels calcaires, seront fort bonnes comme boisson , ainsi que j'en ai fait moi-même l'expérience pen- dant les années que j'ai passées dans cette ville. Mais pour 240 DE L'HYGIÈNE convenir à cet usage, les puits ne doivent point être exposés à recevoir la pluie qui a lavé des sols salpêtrés ou des murs construits en tuffeau, qui le seraient; et en outre, le calcaire poreux que je viens de nommer doit avoir été exclu de la construction des puits, à cause de son extrême disposition à se salpêtrer, sous la triple influence de l'air, de l'humidité et des matières organiques. D'après ce que je viens de dire, les eaux seront exposées à perdre la propriété potable, si les puits où elles se ren- dent sont creusés au milieu d’un sol calcaire poreux, et si ce même calcaire fait partie des assises de leurs murs. Enfin, le résultat serait le même pour des eaux qui alimenteraient les puits d'un sol siliceux ou argileux, après avoir traversé un sol calcaire et nitrifiable, et l’impureté des eaux pourrait être encore augmentée par des infiltrations de matières orga- niques. Telles sont les causes qui concourent avec la présence du sulfate de chaux à rendre l’eau des puits de Paris im- propre à servir de boisson. Les puits de Dijon peuvent être cités comme un exemple opposé à ceux des puits d'Angers, qui sont creusés dans le schiste, et opposé à ceux de Paris, qui le sont dans un sol pénétré de sulfate de chaux ; mais ils ressemblent à ces der- niers par l’insalubrité de leurs eaux, résultant de la perméa- bilité aux matières organiques du terrain où ils se trouvent. Dès 1762, le médecin Fournier appelait l'attention sur ce fait si grave pour le bien-être de la population de Dijon; il disait que les eaux des puits de certains quartiers de cette ville ont un goût désagréabie, qu’elles déposent un Zmon filandreux blanchätre, des concrétions pierreuses, un sédi- ment d’une odeur forte, qui avancent promptement leur cor- DES CITÉS POPULEUSES. 241 ruption. Enfin, elles contribuent, suivant lui, au gonflement des glandes du col dont les personnes du sexe sont attaquées dans cette ville. Deux circonstances me paraissent concourir puissamment à l'infection du sol par les matières organi- ques: c’est d’abord la quantité d’eau, qui s’y trouve en une proportion tellement faible, qu’un arrêté du 1* décem- bre 1723, de la chambre du conseil, motivé sur Le tarisse- ment des puits, défend aux habitants d'y puiser de l’eau pour d'autres usages que leur boisson ; c'est en second lieu le peu de profondeur où se trouve la couche du terrain imper- méable ; on en peut juger par ce fait, que dans les puits de la place Saint-Michel et des environs on puise l’eau de 9 mètres à 9",65 au-dessous du pavé. D’après cela, on concoit com- bien le sol doit être infecté depuis le temps que Dijon existe, comme cité populeuse limitée par des remparts. Lorsqu'un puits a été creusé dans un terrain imprégné de matières organiques, il faut un temps considérable, quand même l'imprégnation ne s'étend que très-peu, et qu’au delà le sol soit dans une excellente condition de salubrité, pour que l’eau de ce puits devienne potable. | J'en ai fait l’expérienceen creusantil y a treize ans un puits dans la cour d’une ancienne ferme dont le sol avait été de- puis longtemps imprégné de jus de fumier à quelques mè- tres de profondeur. La fondation de la maçonnerie repose sur un fond de glaise, et quoiqu'il n’entre point de maté- riaux calcaires nitrifiables dans les murs, que le sol contigu à la maçonnerie en pierres sèches ne soit pas infecté, enfin, que l’eau d’un puits situé en amont du premier soit excel- lente, et qu’elle parvienne à celui-ci au moyen d’une galerie inclinée, cependant dix ans après la construction du puits T. XXIV. 31 242 DE L'HYGIÈNE l’eau n’était pas potable, et dans ces trois dernières années on a commencé à la boire, quoiqu'elle soit encore sensible- ment jaune et très-légèrement odorante (1). Évidemment si dans les premières années qui ont suivi la construction du puits, on ne l’eût pas vidé fréquemment, soit pour l’assainir, soit pour les besoins de la culture; si les eaux pluviales qui tombent sur le sol voisin n’atteignaient, pas les couches in- fectées, nul doute qu'il n’eût fallu un bien plus long temps encore pour arriver à l’état de salubrité que l'eau présente aujourd’hui. (b) Puits considérés sous le rapport de la salubrité du sol dans lequel ils sont creusés. L'observation précédente, en démontrant comment un sol limité peut être désinfecté par les eaux qui arrivent dans un puits qu’on y a creusé, fait comprendre l'influence générale que les puits exercent pour diminuer la quantité des ma- tières organiques qui pénètrent dans le sol, et comment, en diminuant la durée du contact d’une même quantité de ma- tière altérable qui y séjourne, ils peuvent contribuer à l’as- sainissement de ce même sol, surtout si on a le soin de les vider de temps en temps. On ne peut douter que les eaux pluviales qui pénètrent le terrain où les puits sont creusés ne contribuent efficace- ment au renouvellement des eaux qui les alimentent; dès lors (1) Le terrain infecté et les pierres qui s'y trouvaient exhalaient une odeur semblable à celle que manifestent par le choc beaucoup de cailloux quartzeux ; celte odeur, à mon sens, est sulfurée. DES CITÉS POPULEUSES. 243 le pavage des rues d’une ville doit avoir de l'influence sur le genre d'assainissement dont je parle; car évidemment il pé- nètre moins d’eau pluviale dans un sol pavé que dans celui qui ne l’est pas. Influence du pavage des rues sur la salubrité des eaux de puits, et par suite sur celle du sol où ces puits sont creusés. Si on ne peut mettre en doute l’action bienfaisante des eaux pluviales pour assainir un sol infecté d’une petite étendue, et s’il pénètre moins de ces eaux dans un sol pavé que dans celui qui ne l’est pas, on peut se demander en quoi consiste réellement l'influence du pavé d’une ville sur la salubrité de l’eau de puits et sur celle du sol où les puits sont creusés. La réponse à cette question n’est point aussi simple qu’elle le paraît au premier abord; car en reconnaissant qu’une grande quantité d’eau sorte de nos maisons chargée de ma- tières organiques, et que, le pavé mettant obstacle à son infiltration, elle s'écoule sous forme de ruisseau loin de nos habitations, il resterait en définitive à savoir si, dans l’état actuel des choses où nos rues sont pavées, la portion des eaux chargées de matières organiques qui s’infiltre dans le sol de nos maisons avec la petite quantité d’eau pluviale qui ne s'écoule pas par les ruisseaux, forme un mélange plus abondant en matières organiques que le serait le liquide résultant du mélange de toute l’eau pluviale qui tombe sur le sol de la ville, supposé perméable et non pavé, et de toute l’eau impure que nous sommes intéressés à éloigner de nos demeures. 31. 24/ DE L'HYGIÈNE En comparant la quantité de pluie qui tombe annuelle- ment dans la plupart de nos villes, à la quantité d’eau que leurs habitants respectifs consomment dans le même temps, il semble bien que le pavage n’est pas favorable à la salubrité des eaux de puits creusés dans des sols perméables, ni par conséquent à la salubrité des couches intérieures du sol; et Franklin avait été si frappé de l'influence que devait avoir un jour sur la qualité des eaux de puits le pavage des villes, qu'il considérait comme une de ses conséquences la nécessité de recourir aux rivières ou à des sources éloignées, pour se procurer l’eau potable nécessaire aux besoins de la vie. Voici les paroles de Franklin : « ... J'ai observé que, le sol « de la ville étant pavé ou couvert de maisons, la pluie était « charriée loin et ne pouvait point pénétrer dans la terre «et renouveler et purifier les sources, ce qui est cause que « l’eau des puits devient chaque jour plus mauvaise et finira « par ne pouvoir plus être bonne à boire, ainsi que je l'ai « vu dans toutes les anciennes villes. Je recommande donc « qu'au bout de cent ans le corps administratif emploie une « partie des cent mille livres sterling à faire conduire à Phi- « ladelphie, par le moyen de tuyaux, l’eau de Wissahicken- « Creek, à moins que cela ne soit déjà fait. L'entreprise est, « Je crois aisée, puisque la crique est beaucoup plus élevée « que la ville, et qu’on peut y faire monter l’eau encore plus « haut en construisant une digue. » (Extrait du codicille joint au testament de Franklin. Voyez ses Mémoires, traduits en français, page 237 de l'édition publiée en 1841, chez Charles Gosselin.) Mais il est des lieux auxquels les conditions précédentes ne sont point applicables. Par exemple, si une ville est cons- DES CITÉS POPULEUSES. 245 truite sur un sol perméable à l’eau d’un grand fleuve qui en baigne les bords, les puits qu’on y creuse étant constamment alimentés par le fleuve, il y a tout avantage pour la salubrité des eaux et du sol à paver les rues et les places publiques, et à creuser des égouts étanchés dirigés de manière à verser les eaux impures en aval de la ville. Le sol des Brotteaux à Lyon, sur la rive gauche du Rhône, est composé d’un sable siliceux parfaitement perméable aux eaux du fleuve; on peut donc le citer comme un exemple du cas dont je parle. Quoi qu'il en soit, le pavage des villes étant toujours d'une absolue nécessité, et les trottoirs ajoutant à son avantage, je dirai que, si les puits sont un moyen de mettre l’intérieur d’un sol perméable en relation avec l'atmosphère, dans les villes dont la position ne permet pas l'expulsion continue per de- scensum des eaux infiltrées dans ce sol, et si par leur moyen des matières organiques, au lieu de rester dans la terre, en sont dégagées et se trouvent par là même exposées à éprouver une combustion lente sous l'influence des agents atmosphé- riques, cependant lorsqu'il s’agit d’une cité populeuse comme Paris, il faut reconnaître que leur influence est bien limitée, soit qu'on ait égard au fait que leur nombre tend plutôt à se restreindre qu’à suivre l'accroissement de la population, et aux causes nombreuses qui concourent à l'infection du sol. 3.. MoYEN PRÉVENTIF ET CAPABLE DE COMBATTRE LINFEC- TION. Utilité des arbres dans l'intérieur des villes. D’après tout ce qui précède, on voit que les moyens de pré- venir l'infection des sols des villes qui ne sont pas dans une position à permettre le renouvellement des eaux infiltrées 246 DE L'HYGIÈNE per descensum, se réduisent en définitive à empêcher la dis- persion des matières organiques dans le sol; que, quant aux moyens d’assainir un terrain infecté, ou d'en diminuer l'in- fection, je n’en ai examiné que deux : une exposition conve- nable pour que l'air se renouvelle dans les cours et que le soleil en éclaire et le sol et les murs des rez-de-chaussée; en second lieu, les puits dont on renouvelle souvent l'eau et dans la construction desquels il faut éviter l'emploi des matériaux nitrifiables et du plâtre. Il me reste à parler du troisième moyen, qui, à mon sens, est le plus efficace: il s'agit de plan- tations d'arbres faites avec intelligence quant à leur nombre, à leur distribution dans l’intérieur de la ville où on les éta- blit, au choix des espèces relativement aux lieux, et aux dis- positions à prendre pour que les racines puissent, en s’é- tendant dans la terre, y puiser la nourriture nécessaire aux besoins de la végétation, sans être jamais exposées à trouver des principes délétères ou des couches absolument privées d'oxygène atmosphérique. Avant de faire une plantation d'arbres d'une espèce dé- terminée, dans un lieu donné, il faudra être sûr que l’expo- sition leur conviendra, que leurs racines auront l'espace con- venable en superficie et en profondeur, pour s'étendre sans nuire aux fondations des maisons et aux murs des égouts. D'après ces considérations, on est conduit à ne point planter d'arbres trop près des maisons, ainsi qu'on l’a fait sur des boulevards de Paris. Enfin, d’après ce qu'on sait de l'influence des arbres pour- vus de leurs feuilles et frappés par le soleil pour restituer à l'atmosphère l'oxygène qu'elle a perdu, je dois dire la part que j'attribue aux plantations d’une ville sur la purification DES CITÉS POPULEUSES. 245 de l'air de cette ville: à mon sens, elle est excessivement faible, par la raison que, lorsque l'oxygène se dégage sous l'influence de la lumière, il doit s’élever dans l'atmosphère, et non en gagner la région inférieure. Si l'utilité des arbres pour prévenir la dénudation des ter- rains en pente, atténuer les effets des pluies d'orage ou des pluies nuisibles par leur continuité, est incontestable, elle ne l’est pas moins dans les cités populeuses, pour combattre in- cessamment l’insalubrité produite ou sur le point de se pro- duire par les matières organiques et la trop grande humi- dité du sol. Les racines ramifiées à l'infini, enlevant à la terre qui les touche l’eau avec des matières organiques et des sels que ce liquide tient en solution, rompent l'équilibre d'hu- midité des couches terrestres ; dès lors, en vertu de la capil- larité, l’eau se porte des parties terreuses les plus humides à celles qui le sont le moins en raison de leur contact avec les racines, et ces organes deviennent ainsi la cause occasionnelle d'un mouvement incessant de l’eau souterraine, extrêmement favorable à la salubrité du sol. Pour apprécier toute l'intensité de l'effet que les végétaux sont alors capables de produire, je rappellerai que Hales, dans une de ses expériences, observa qu'un soleil (zelianthus annuus) transpira en douze heures une livre quatorze onces d’eau ; et j'ajouterai que, dans une expérience que je fis au Muséum d'histoire naturelle, en juillet 1811, conjointement avec MM. Desfontaines et Mirbel, sur une plante de la même espèce, de 1",80 de hauteur, dont les racines plongeaient dans un pot vernissé et couvert d’une feuille de plomb qui donnait passage à la tige, l’eau dissipée par une transpiration de douze heures s’éleva à 15 kilog. 248 DE L'HYGIÈNE Il est vrai que, d'heure en heure, on avait soin de ramener la terre du pot au maximum de saturation d’eau. On voit donc comment les eaux qui pénètrent de l'extérieur à l’intérieur du sol avec les matières organiques altérables et des matières salines, se trouvent dans la belle saison sans cesse soutirées par les végétaux, qui en répandent la plus grande partie dans l'atmosphère, après en avoir fixé une portion comme aliment avec les matières organiques et les sels qu’elles tenaient en solution. (4° note.) DES CITÉS POPULEUSES. 249 -—>0— Après avoir constaté, par l’expérience directe, que partout où il existe des sulfates alcalins et certaines matières orga- niques au sein d’une eau privée du contact de l'air, il y a formation d’un sulfure, j'ai expliqué l'infection des eaux du bassin de Paris qui contiennent du sulfate de chaux, celle de l’eau renfermée dans des futailles de bois de chène pour l'usage des marins, et l'infection de l’eau de mer qui a pé- nétré dans la cale d’un vaisseau. De l’altérabilité des matières organiques et de leur accu- mulation dans le sol des cités populeuses, j'ai déduit la cause de l’insalubrité et même de l'infection que ce sol et les eaux des puits qu’on y a creusés peuvent manifester au bout d’un certain temps, lorsque, le terrain étant perméable, il n’est pas dans la position d’être incessamment lavé per de- scensum. D'après cela, les matières qui rendent le sol insalubre et infect tirent leur origine des restes des animaux enfouis dans la terre, des matières qui s'échappent des fosses d’ai- sance, des urines répandues sur la voie publique, des ma- tières organiques qui, de nos demeures, pénètrent dans la terre, des matières condensées à l’état liquide dans les con- T. XXIV. 32 250 DE L'HYGIÈNE duites de gaz, qui se répandent au dehors par des fuites. Ajoutons l'influence du calcaire poreux pour produire des azotates de potasse, de magnésie, et surtout de chaux, dans des circonstances convenables, et l'influence d’une certaine proportion de sulfate de chaux, et nous aurons des corps qui produiront avec les matières organiques des effets d’insalu- brité ou d'infection qui n'auraient pas eu lieu sans leur in- tervention. C’est surtout le sulfate de chaux qui donne au sol de Paris un caractère particulier d’insalubrité ou d’infec- tion, qu'on ne remarque pas dans les villes où le sol et les eaux sont dépourvus de ce sel. Les moyens à employer pour assurer la salubrité d’une ville sont, les uns, préventifs seulement, et les autres suscep- tibles d'empêcher l’insalubrité et de la combattre si elle est déclarée. Les moyens préventifs consistent à diminuer autant que possible la quantité des matières organiques qui péne- trent dans le sol. Tels sont l'établissement des sépultures et des voiries loin des villes, l'établissement de fosses d’aisance étanchées ; le lavage incessant, au moyen de fontaines ou de bornes-fontaines, des ruisseaux des rues; des égouts multipliés dans lesquels se trouveront les conduites d’eau et celles du gaz propre à l'éclairage. Les moyens capables d'empécher l'insalubrité et de la com- battre, si elle existe, ne sont pas nombreux. Le premier de ces moyens consiste à porter l'oxygène atmosphérique partout où existent des matières organiques susceptibles de devenir insalubres par un commencement de décomposition. La raison de cette prescription est la ten- dance de l’oxygène à convertir en définitive la matière orga- nique en eau, en acide carbonique et en azote, par les com- DES CITÉS POPULEUSES. 251 bustions lentes sur lesquelles j'ai appelé depuis longtemps l'attention des chimistes, produits qui, en se formant lente- ment au sein de l’atmosphère, n’ont rien de dangereux, en raison de leur faible proportion, pour l’économie animale, et l'influence de la lumière pour favoriser cette tendance. Une conséquence de cette prescription est la largeur des rues, l'étendue suffisante des cours des maisons, pour que l'air et la lumière y pénètrent librement. Le second des moyens existe lorsque des puits sont assez multipliés et placés dans des conditions telles que l’eau s’y renouvelle souvent, parce qu’on l'y puise incessamment, soit pour les besoins qu'on en a, soit pour purifier le sol des matières qu'elle dissout. Au reste, dans tous les cas on peut considérer les puits comme tendant à la purification de l’eau qu'ils ont reçue du sol, parce qu’elle s’ÿ trouve plus exposée au contact de l'oxygène atmosphérique qu’elle n’y était dans les couches de la terre, et que ce contact est une cause de salubrité. Mais si en principe on accorde aux puits cette in- fluence de salubrité, il faut avouer que, tels qu’ils sont aujour- d’hui dans des cités populeuses où le sol est infecté, leur efficacité réelle est extrêmement bornée. Telle est la raison pour laquelle j'attache une si grande importance au troisième moyen, qui consiste à faire des plantations nombreuses dans le sein des villes, car elles sont en quelque sorte l’unique moyen que nous ayons aujourd’hui d’agir directement sur les sols qui ne sont pas dans la condi- tion d’être incessamment pénétrés par des masses d’eau quis’y renouvellent per descensum, ou qui s’y introduisent, comme partie d’un grand fleuve, en raison de la perméabilité du sol à l'eau de ce fleuve. La grande influence des arbres sur la 392, 202 DE L'HYGIÈNE salubrité des terrains est incontestable, puisqu'ils s'accrois- sent en y puisant les matières altérables, causes prochaines ou éloignées d'infection. Mais j'ai fait remarquer la néces- sité de faire les plantations avec intelligence, quant à leur nombre, à leur répartition sur l'étendue de la cité et aux dispositions à prendre pour que les racines puissent, tout en s'étendant assez, satisfaire aux besoins du développement des espèces qu'on à plantées, sans jamais être exposées à atteindre un sol infecté déjà où l'oxygène atmosphérique ne pourrait pénétrer. eu ©) DES CITÉS POPULEUSES. 2 NOTES NOTE 1'°, PAGE 231. SUR LA MATIÈRE NOIRE FERRUGINEUSE QUI SE TROUVE SOUS LES PAVÉS DE PARIS. Lorsqu'on traite par l'acide chlorhydrique la matière noire qui colore la terre sableuse que l’on trouve sous les pavés de Paris, on peut n’obtenir qu'une simple solution de protoxyde et de peroxyde de fer. De sorte que le fer provenant du frottement des roues de voiture, des fers des pieds de chevaux, qui est entraîné entre les pavés et dessous par les eaux pluviales, est passé alors à l’état d'oxyde intermédiaire, (FeFe Fe). Mais on observe, dans certains cas, que la matière noire dégage de l’acide sulfhydrique, de sorte qu'alors elle est un vrai protosulfure de fer, lequel peut être pur ou mélangé d'oxyde intermédiaire de fer. La matière noire de la boue de la Bièvre est du fer sulfuré; car elle dé- gage par l’acide chlorhydrique de l'acide sulfhydrique, même après un lavage soigné. Les expériences que je vais rapporter me paraissent démontrer que le fer métallique en contact avec le plâtre et l’eau ne donne que de l'oxyde de fer, qui passe facilement de l'état intermédiaire à celui de peroxyde sous l'influence ultérieure de l'oxygène atmosphérique. Effectivement lorsqu'on fait des mélanges humides de pierre à plâtre avec du fer, de pierre à plâtre avec du fer et du blanc d’œuf, de pierre à plâtre avec du fer et de la gomme arabique, on n'obtient pas de sulfure de fer: c’est ce que démontrent les expériences suivantes. Le 20 décembre 1846, je fis trois mélanges que je renfermai dans trois flacons de verre fermés à l’émeri de I litre; mais la fermeture n'était pas parfaitement hermétique. 254 DE L'HYGIÈNE jte deffer.-ce"-"h 9oicr. Le 1°" flacon renfermait...........{pierre à plâtre....... 60 eau distillée......... 3o | limaille de fer........ 30 Le 2° flacon renfermait............ ea *RÉSE pere ee blanc d'œufs... 05 Le distilée see eMEre limaille de fer........ 30 - ierre à plâtre....... 60 Le 3° flacon renfermait............ P P Lee] gomme arabique.. œ Loi eau distillée...... Le 20 décembre 1852, un papier de tournesol rouge plongé dans l'at- mosphère du 1° et du 2° flacon est devenu bleu. L'odeur du 1° était très- sensiblement ammoniacale. L’odeur du 2° était ammoniacale avec une odeur de moisi, et en regardant dans ce flacon on y voyait des moisissures. Un papier de tournesol rouge plongé dans l'atmosphère du n°3 ne devint pas bleu. Il y a plus: c'est qu'un papier bleu humide prit après quelques heures une couleur rougeâtre très-légère , mais sensible après 24 heures. L’odeur de cette atmosphère était légèrement butyrique. Les résidus des trois flacons étaient devenus solides et très-durs. Le n° 1 présentait à sa surface et sur les parois qui la dépassaient de la rouille, c'est-à-dire du peroxyde de fer hydraté, et au-dessous une matière d'un vert bleuâtre très-foncé , avec une matière blanche. Le résidu du n° 2 présentait de la rouille dans toutes ses parties ; il n°y avait au fond que quelques taches d'un vert bleuâtre avec une matière blanche. Le résidu du n° 3 était en quelque sorte intermédiaire entre les deux au- tres. Toute la partie supérieure était rouille, et le fond présentait des ta- ches d’un vert bleuâtre dispersées dans une matière blanche. Après 24 heures on ajouta à diverses reprises jusqu'à un litre d'eau dans DES CITÉS POPULEUSES. 255 chaque flacon, et on fut obligé de recourir à l'emploi d’un petit barreau de fer aiguisé en pointe pour délayer la masse solide. Lavage des flacons n° 1, 2 et 3. La matière du flacon n° 1 délayée dans l’eau était d'un gris noirûtre, tandis que celles des flacons 2 et 3 étaient couleur de rouille. Les lavages furent filtrés; on employa environ 1,5 pour laver les matières de chaque flacon. 1°" lavage. Par l'évaporation il laissa du sulfate de chaux, et une eau mère légèrement jaune contenant du sulfate d'ammoniaque. Il n'y avait pas de chlorhydrate d'ammoniaque dans le produit de la distillation, mais une trace de sulfite. Le sulfate de chaux cristallisé donna à la distillation une eau très-am- moniacale. Le résidu du lavage était noir; il agissait sur l'aiguille aimantée, ne donnait pas sensiblement d'acide sulfhydrique par l'acide chlorhydrique, seulement de l'hydrogène fétide, parce que tout le fer n'était pas oxydé. Je m'assurai qu'il ne renfermait pas de sulfure de fer, parce que l'acide chlorhydrique dissolvait toute la matière ferrugineuse. D'un autre côté, le résidu après avoir été lavé ne donnait pas de soufre à la distillation. 2° lavage. Par l’évaporation il laissa du sulfate de chaux et'une eau mère un peu plus colorée que la précédente (1° lavage), qui se prit entière- ment en cristaux. Ceux-ci consistaient en chlorhydrate d’ammoniaque mêlé d'une faible quantité de sulfate; car, les ayant distillés, ils ne laissè- rent qu'un faible résidu, et le sublimé dégageait abondamment de l’am- moniaque par la baryte, il précipitait abondamment l'azotate d'argent en chlorure, et donnait avec la baryte et l’acide azotique une trace de sul- fate provenant du sulfite d’ammoniaque. Le résidu du 2° lavage, quoique couleur de rouille, agissait sensiblement sur l'aiguille aimantée. Il ne renfermait pas de fer sulfuré, car il ne don- nait pas de soufre à la distillation, ne dégageait pas d'acide sulfhydrique par l'acide chlorhydrique et s’y dissolvait en totalité. 256 DE L'HYGIÈNE 3° lavage. Il avait la couleur d'une solution saline de peroxyde de fer. Il exhalait une odeur prononcée d'acide butyrique. Soumis à la distilla- tion, il donna un produit légèrement acide à l’hématine dans lequel il y avait de l'ammoniaque qui devint très-sensible par l'addition de la baryte. La liqueur évaporée donna du butyrate de cette base qui se prit en vernis transparent, je ne sais pas s'il n'était pas mêlé d’acétate. Le résidu de la distillation avait déposé du peroxyde de fer, du sulfate de chaux; il me parut contenir du butyrate de peroxyde de fer mêlé d’une quantité no- table d’acétate. Le résidu du 3° lavage agissait sensiblement sur l'aiguille aimantée etne renfermait pas de fer sulfuré. Il fut dissous en totalité par l'acide chlorhy- drique en dégageant une odeur butyrique sans acide sulfhydrique. Je dois faire remarquer que, dans les trois flacons où il y avait eu oxy- dation du fer sous l'influence de l'eau et de l'air, il s'était produit une quantité très-notable d'ammoniaque, conformément à ce qu'on savait déjà. Examen d'une matière noire prise entre et sous les pavés de a rue Mouf- fetard, pres du pont aux Tripes. Cette matière agissait par l'aiguille aimantée, — elle avait une légère odeur d’écurie. On la mit avec de l’eau dans un flacon fermé à l'émeri. Après douze heures de macération l'eau filtrée était légèrement alcaline au papier rouge de tournesol. Une goutte de sous-acétate de plomb qu'on y mélait don- nait un précipité dont la couleur rousse ne devenait sensible qu’en le com- parant à du sous-carbonate de plomb parfaitement pur. L'eau n’était donc qu'excessivement peu sulfurée. Elle précipitait le chlorure de baryum en sulfate et l'oxalate d’ammoniaque en oxalate de chaux. L’acide sulfu- rique en dégageait une odeur analogue à celle qu'il donne quand on le mêle avec l’urine. L'eau évaporée laissa un résidu légèrement coloré formé de sulfate et de sous-carbonate de chaux, de chlorure de sodium, de chlo- rure de magnésium, de silice, d'un sel ammoniacal et d'un phosphate. Le résidu noir, épuisé par l'eau, fut réduit à un résidu de sable blanc, par l'acide chlorhydrique. Il y eut un dégagement abondant d'acide sul fhydrique, et la solution ne renfermait guère que du protoxyde de fer. DES CITÉS POPULEUSES. 257 Cette matière noire est donc essentiellement formée de protosulfure de fer. CONCLUSION GÉNÉRALE DE LA NOTE 1'°. Il est visible que la couche noire qui se trouve entre et sous les pavés des rues de Paris est une matière combustible qui défend les couches inférieures du solde l’action de l'oxygène, que cette couche noire soit du fer métallique, de l’oxyde de fer intermédiaire, ou du fer sulfuré puisqu'elle tend en définitive à se changer en peroxyde de fer. Elle apporte donc un obstacle réel à la transmission de l'oxygène que l’eau entraîne dans le sol, oxygène qui est nécessaire à la destruction des matières organiques qu'il contient, et par conséquent à son assainissement. Je suis porté à penser, d’après ces faits et les expériences précitées, que le sulfure de fer des pavés et de la vase de la Bièvre, etc., provient de la réaction d’un sulfure soluble sur de l'oxyde de fer. — J'ai observé il y a cinquante ans, dans des morceaux d'argile glaiseuse des bords de la vallée de la Loire, au-dessous du Pont-de-Cé , du phos- phate de fer bleu qui paraissait provenir de la réaction du phosphate de peroxyde de fer contenu dans cette argile glaiseuse sur de la matière orga- nique filamenteuse qui la pénétrait; car c'était dans le voisinage de celle-ci que se trouvait le phosphate bleu qu'on sait aujourd'hui être un composé de phosphate de protoxyde de fer et de phosphate de peroxyde. NOTE 2°, PAGE 23h. NÉCESSITÉ D'UN COURANT D'EAU CONTINU POUR L’ASSAINISSEMENT DES RUISSEAUX. Un courant d’eau fort et continu est nécessaire pour prévenir l’infil- tration des eaux qui s'écoulent des maisons, et à plus forte raison des écuries et des étables, toutes les fois que les pavés du ruisseau ne sont pas cimentés ; car, quelles que soient les précautions que l’on prenne, T. XXIV. 33 258 DE L'HYGIÈNE si le lavage n'est pas continu, il ÿ aura toujours production d'ammo- niaque lorsque le ruisseau recevra des urines ; et si le sol contient du plâtre, il se formera du sulfure à cause de la stagnation des liquides or- ganiques dans les interstices des pavés. Telle est l'origine de l'infection de presque tous les ruisseaux de Villejuif en été et en automne. La première condition pour l'assainissement de cette commune serait d'augmenter la pente des ruisseaux et d'en cimenter les pavés. NOTE 3°, PAGE 239. PROPORTION DE LA MATIÈRE FIXE CONTENUE DANS QUELQUES EAUX NATURELLES, Il n’est pas inutile de donner dans cette note la proportion de résidu salin fixe que l’on trouve dans les eaux appelées de source, de fleuve, de rivière, de puits, de puits artésiens, et de l’eau de mer. Les résultats que je donne sont presque tous le produit de mes propres expériences. Les eaux les plus pures, qu'on appelle de source, sortant des rochers granitiques ou quartzeux, renferment pour 1000 parties en poids..................... 0,09 à 0,10 de résidu. Les eaux de fleuves et de grandes rivières en renferment pour 1000 parties en poids :.1..1..% 24.14% cit e400;17 À 0,20 Seine, Exemples : Marne. Les eaux de petite rivière des pays calcaires en renferment pour TOO NPANLIES ENIPOIUS- Eee r eee ce PETER 0 A0 Exemple : l'Ourcq. Les eaux de puits des terrains calcaires en renferment pour 1000Mparlies tent poids dE -CPE UP SEE le 00,000 Exemple : puits de Paris. DES CITÉS POPULEUSES. 259 Les eaux des puits artésiens peuvent varier beaucoup quant à leurs ré- sidus fixes. Exemples : 1000 parties en poids d’eau du puits de Gre- nelle ENT ART TE trssssssresees....... 0,13 à 0,16 de résidu. 1000 parties en poids d’eau de la tour de Char- lémagueide PoNRs. 2e ur RU Me 0,293 Tours arr ÉOLIEN Éranonc Eh 7 Tours ER à RS NE NC UE Les eaux de l'Océan donnent pour KODO PATES ED ROIS -1-i-e ie somme ne ee 37,700 de résidu fixe. Ou rend l’eau de puits de Paris propre à dissoudre le savon en ajoutant par litre 5%,5 à 65 de sous-carbonate de soude cristallisé. Pour l'eau de Seine il suffirait de 1, 35 à 1“, 45 du même sel. NOTE 4°, PAGE 248. SUR LA THÉORIE DU DRAINAGE. Ayant montré l'inconvénient de la présence des matières Oxygéna- bles pour la végétation dans un sol où l'oxygène ne pénètre pas, j'ai pu envisager le drainage de la manière suivante dès que les bons effets en furent constatés. Je reproduis un passage du Bulletin des séances de la Société nationale et centrale d'agriculture (1850 à 1851, 2° série, t. VI, page 165): « M. Chevreul fait observer qu'il y a dans la pratique du drai- < nage un fait digne d'attention : c'est le renouvellement de l’eau, qui dé- “ termine toujours l'introduction d’une certaine quantité d’air dans le 33. 260 DE L'HYGIÈNE « « « a « « « sol. Or cette circonstance exerce une grande influence sur le bon résul- tat de la végétation. L'eau privée d'air qui séjourne dans le sol y cause toujours des effets nuisibles, ainsi qu’on le remarque pour les arbres des boulevards de Paris, dont le milieu terrestre se trouve souvent dans des conditions telles, que l'air qui peut y pénétrer a perdu son oxygène avant de pouvoir être absorbé par les racines, l'oxygène s'étant porté sur les matières organiques qui pénètrent le sol, « M. Chevreul ne doute pas qu'un des grands avantages du drainage ne tienne à cette circulation de l'air qu'il établit entre l'atmosphere et le sol au moyen du mouvement de l’eau. » Cette manière d'envisager le drainage a dû se présenter immédiatement à mon esprit dès que les bons effets en furent constatés; car la théorie de l’assainissement du sol donnée dans ce Mémoire reposant sur la réaction de l'oxygène et des matières organiques combustibles, j'ai montré la né- cessité du mouvement de l'eau aérée dans le sol pour brûler ces matières, et d'un autre côté l’heureuse influence des puits pour concourir à ce résultat parce qu'ils appellent les eaux qui sont en amont de leur fond. En repre- sentant une série de puits sur une même ligne, il est évident qu'ils repré- sentent une ligne de tuyaux de drainage qui serait à découvert. Si nous ajoutons la nécessité de l'eau aérée pour les racines des végétaux, et le mouvement de l’eau qui ne peut avoir lieu que dans un sol meuble ou non compacte ; l’explication du bon effet du drainage sera complète. NOTE D°. DE LA DÉSINFECTION DES MATIÈRES FÉCALES AU POINT DE VUE DE L'AGRICULTURE. Je crois utile de reproduire ici un passage du Compte rendu des séances de la Société nationale et centrale d’agriculture, 2° série, tome VI, page 249. « « «C « M. Chevreul dit qu'il faut faire plusieurs distinctions quand on parle de désinfection et d'engrais. « À. La DÉsiNrecTION est pour le vulgaire la disparition de la mauvaise odeur qu'exhale une matière ordinairement d’origine organique. DES CITÉS POPULEUSES. 261 « PREMIER EXEMPLE. — Le chlore humide décomposant l'acide sulfhy- =“ drique. « Il se produit alors de l'acide sulfurique, qui. est inodore, et de l'acide chlorhydrique qui, moins odorant que ne l’est l'acide sulfhydrique, cesse « de l'être pour peu qu'il soit étendu d’eau. « DEUXIÈME EXEMPLE. — Le chlore décomposant l’ammoniag ue. « Il se dégage alors de l'azote, et il se produit du chlorhydrate d'ammo- “ niaque, qui sont tous les deux inodores; mais si le chlorhydrate d’am- “ moniaque a le contact d’une matière alcaline, il devient odorant en « exhalant de l’'ammoniaque, par la raison que, le chlore n'ayant décomposé « que le quart de la quantité d’ammoniaque dont il a neutralisé l'odeur, « la matière alcaline met cette ammoniaque en liberté. « TROISIÈME EXEMPLE. — L'eau tenant une matière arimale en dissolu- « tion répand par la Putréfaction une mauvaise odeur, qu’elle perd si on la « passe dans un filtre de charbon. « Mais si l’eau filtrée est abandonnée à elle-même dans un air chaud , « elle redevient odorante, comme M. Vauquelin l’a observé en essayant « les premiers filtres de charbon de Cuchet. « L'explication de ce fait est fort simple. Le charbon absorbe les gaz ou “ vapeurs odorantes, mais il laisse passer la plus grande partie de la ma- « tière organique inodore ;1len résulte que l'eau désinfectée, abandonnée « à elle-même dans des circonstances convenables, fermente de nouve au « jusqu'à la destruction complète de la matière organique. « B. L'encraïs, considéré en général, peut être défini une matière pro- «pre à servir au développement des plantes. « L'engrais peut être odorant, comme le fumier, les excréments ; ino- « dore, comme la corne , la laine, les cheveux, les os moulus . le sang des- « séché, Et si on ne peut affirmer que toute matière aériforme indistinc- 262 DE L'HYGIÈNE « tement , dégagée des excréments, qu’elle soit inodore, comme le sont A l'hydrogène, le gaz carbonique, ou odorante comme le sont l'ammo- « niaque, l'acide sulfhydrique, des carbures d'hydrogène, de l'ammoniaque « des acides organiques , est assimilable aux végétaux, on ne peut nier « que la plupart des matières exhalées de l’engrais le soient ; on peut donc « dire qu'empêcher l'exhalaison de ces matières en les transformant en « corps inertes dans la végétation, c'est appauvrir l'engrais; et l’on doit « ajouter que tout désinfectant qui produira ce résultat sera par là même un « désinfectant énergique. « On aperçoit dès lors l'écueil à éviter lorsqu'il s'agit de désinfecter des « matières destinées ultérieurement à servir d'engrais; si l’on considère, en « outre, qu'il est tel agent désinfectant qui serait de nature à nuire à la « végétation par les composés auxquels il donnerait naissance, on voit « qu'avant de préconiser un procédé de désinfection pour des matières « destinées à servir d'engrais, il y a nécessité de savoir quelle est l'in- « fluence sur les végétaux de ces matières désinfectées. En prenant pour « désinfectant les corps qui agissent par affinité capillaire, c'est-à-dire « par leurs surfaces, comme le font les corps poreux tels que le charbon, « on emploie les agents les moins susceptibles de diminuer la quantité des « engrais, car leur action se borne à en ralentir la décomposition : ils ne « peuvent donc avoir d'autre inconvénient que de ne pas fournir à la vé- « gétation ce qui lui est nécessaire dans un temps déterminé, et de ne pas « donner à toutes les particules terreuses du sol la matière propre à l’ali- « mentation végétale que l’engrais leur auraitcommuniquée s’il eût été em- « ployé sans préparation préalable; car le grand avantage d'enfouir les « engrais odorants, à l'état frais, c'est de pénétrer toutes les parties du « sol qui peuvent recevoir les émanations de matières que les plantes « s'assimileront plus tard, et il est rigoureusement vrai de dire qu'une terre « bien meuble dans laquelle on répand ces sortes d'engrais doit être con- « sidérée comme un corps poreux désinfectant. « Après ces considérations , M. Chevreul donne quelques détails sur le « procédé de désinfection par le sulfate de zine, et fait observer qu'on ne peut apprécier exactement quelle sera l’action des sels de ce métal, at- tendu qu'il n'est pas à sa connaissance qu'on ait encore trouvé des traces x de cette substance dans les végétaux. C’est au reste, ajoute M. Chevreut, ñ x DES CITES POPULEUSES. 263 « une question toute nouvelle. Si la théorie des engrais n’a pas été bien « présentée dans ces derniers temps, c’est que, comme il vient de le « dire, la question de salubrité a fait perdre de vue l'influence que les « agents de désinfection pouvaient exercer sur la qualité de l'engrais. Il « est certain que la meilleure manière d'user de l’engrais humain, en agri- « culture, serait de l’employer sans être désinfecté comme on le fait en « Flandre, dans la vallée de Grésivaudan et dans d’autres localités; mais « les habitudes des populations où cette manière d'employer l'engrais n’est « pas pratiquée obligeant de recourir aux procédés de désinfection , ces « procédés se trouvent par là même justifiés au point de vue de la salu- « brité des villes, » LA AAA 49206 y hols asie. di qe cn pr DUREE EECT LEE (pharaon anilategris lu is | de MA ER 4 Fr ÉD ra he RUE una al dome ap Fret er ter oder LA PT rev deu à LA Pr Lde NU 4) F Afoté lete tn ris Fi, de LE À + SENQ ANGES ‘ete Ni + (is T'en Ve nn . Lbdit: de f 1 s Û à _ Atos hf RAY n ' s Pt 4 a: | et 490 MD BÉ, 8 an (riad Fu jé one dot tortue (age da mu E. | HAL CRE LUF (hé dut hr Aou: nom rie * (ie d, ù x Lire sep D etre we "1 hub ne ny (Lau w et à (anse AL , M héeRiri Hoi: Le | el AE" { ; È : .! 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OO NT no omnone IX heure, Dodo Ana de conen X° heure. ADATO PSV dos ar, XI° heure, MOOD due XIIe heure, x Don, Comm! de Ja nuit,.,...,.. Paonr DCIDOM ner don 100 I° heure, SI tmoarosadooonmoonobions II‘ heure, MC UDODME ee ere sense see III heure, Ro untonendonnronttodoo IV° heure dE ohne Técobondantrondoe Ve heure, MIDOME EE eee tele creer VIS heure, MADOMe eee mess los VII: heure, DCAIDOM Rem ecareemeceene VIII: heure, D DOME EE echec eee IX° heure, DCADOME SEE ee nN Era renler(s X° heure, LE ID EnMmocanaondbotooon XI° heure, DOME er me ADD ben nn XIIe heure, % Dow, Comm! de la nuit. ...... Mesont. MANN Soccancdondonsouanroons I° heure, DCDDM MERE Reach II heure, CDD Rene encre nederre IIIe heure, M envedcoondodennnasnone IV heure, EXADDM-- relier emeaeshetsentele V® heure. DCADOM = nee eee VIe heure. SÉa snopoasonoeucoon ont VII: heure, DOME Rte beceree VIII: heure, SPDOME 2er ereeeleiis IX‘ heure, MA DDMS ea reheeponee-cene X° heure MADOM mr rentree er cnpt XIe heure EXUDOM chere OP MAOHOUD AR XII heure, X Dow. X Dow. X Don. X Dow. X Dow. X Dow. x Dow. + Dow. X Dow. X Dow. X Dow. X Dow, X Dow, x Dow, X Don. X Dow. X Dom. % Don. # Dow. x Dow. x Dom. + Dow. x Dow. % Don. X Dow. Comm! de la nuit 16-15 Pacmon. Sons Abo 600 0e ....l° heure. Honceboanononnonnad at II° heure, Tant INT oNE be IIIe heure, coonsbéteolooongno IV‘ heure, na odtdobolacotoone .Ve heure, Donndobaanoroe once VIS heure, eee ete NII: heure, noohndtodonb nou VIII: heure. TnPn208 006020600002 IX heure. DST 0 LA Don * heure, on adonéonetonHpn XI° heure. ne cie ee eee XII: heure, Comm! de la nuit 16-15 Eprpnr, dobondnodé = LUNeUTe: HIGH NDO bo TO II° heure. Dép Tnad ab ronto 0 ae IIIe heure, HHOOUSUHODS ee. heure, HO0ED dose e nou V‘ heure, Han Han oaneObaan VIS heure, DORA BT00NCOLNEU VII: heure, cobosaontoboan non VIII: heure, nee ooonenadenenn.e ET) TacbODesdodanaoeenac oo EEE HbPBSae too ......XI° heure. han e ere UNE, % Dow. Comm! de la D MAR MADOMS eee aee esse I: heure, IS Gonvotéddondaob en eut IIe heure, DOM ce ane HHOUbEanE II: heure, CADOM ere re =bansas IV: heure. ÉDOMS AE ce ee 2 a ER Ve heure DOME eee en VI° heure. To ecuoninooncanonoecac VII‘ heure. MCUDOM ea ceseoacchoe VII: heure. DOME reine ectae IX° heure. SAINT TseomntiOnodtonnt one nden X° heure, A) beaaoamidonecnsase ct XI° heure, PP fomacbogountounctte ....XII heure, Dow. Comm! de la nuit. ...... Eprpn1, MC DOM Ses senaesm rentes I‘ heure, X Dom... Céobnubs II: heure, DC DOM. ane eine uses ..... Il ‘heure. NOTICE eee rer eue er IV° heure, X Dom...........,.... hodetion Ve heure, H DOM... sm. esossessenee VI: heure, D UDOM TC era rnen ne meesel VII: heure, DC IDOM en er meeneras eee VII: heure. + Dou..,....... emma IX° heure, SJCIDOM recrue UEUTE, + Dom........ Énobbe one be XI° heure, AC IDOM-.. scene XII heure, Acad, des sciences, t. XXIV, page 344. Ro LES PU EME CRE « «+ +0 RAM $ « +20 | LIPRPRTE I ETS" Y e * | HULL Ca LL UL AE é S # TE (à + Hor A1 th : ; dr cod 4 00 | .: Ma one Bb 1 Û * LLC | LERENTE RER ' ad ne: | : TER: 1: t- le 3 NI AU 5 DELL T OCR ER l ü Es Hat rs° 2 Ÿ EDEN bo PYT, 4 : È RRRER ENT IT] - sr : g Æ & ‘ LP à CET. EE un à MOUTON Enese AADONCNY, NE +. à ' s é L Dub EIUV AAA, AZ 2 4 4 F é ° # oo À A | 1 Vis bitad eY A oo eZ; CPNUR RTE POIL CR. ER NE 0 LE, 1 PA A Lee Ce I: heure. Men creer espece II: heure. serre sepnerumece III: heure. BPDou.........-.-..t IVe heure. ROAD OA 00 00000000 V° heure. LABO OU ON TA SD 000 AE VIS heure. RAD UE QUO VII: heure. DID. sereccrcrceroe VII: heure. BE Don...................s Lx heure. Teste CRC X X° heure. DA... ce -ee-----r-rXINIbbUre, BE DON..................c. XII: heure. Dow. Comm! de la nuit 16-15 ( Meonasssemenebere 40 XIe Pirenstemeesoeaeeese XII° Dow. Comm! de la nuit 16-15 Paopni. JHOIAK. heure. heure. heure. heure. je heure. heure. heure. heure. ° heure. heure. heure. heure. % Dow. Comm! de la nuit....... Paopni 2) Cocndooasoocpouaudanns Ie beure CAO een eee ec IIe heure EX ADOBTe tease eseeteneneeets IIIe heure. DC ADDME ere AC Re me rc IV° heure. D DOME ete se mesaieeesa nes Ve heure. CA DOME EEE Ueleneeeeen ee VE heure, DÉADOME Een era res rese NII heure. = SJ voudoooooonooacco -. VIII: heure. ÉDNStabpananonndastesubdco IX° heure. X Dou.............. SATOtS :-X° heure. DÉRDON Lee -r--ce À: XI° heure. SA itosoderooteb don be XIIe heure. % Dow. Comm!‘ de la nuit....... Coran SANT ae coadonoodapPDhDoDbon I heure DOM. ------ 0. meeseseeese Ils heure DC UDOMS --- e-ce-ttecer-te-cr III: heure % Dou.......... nn eee sel IV: heure DC IDOM------- esse . .V° heure DCIDOMP ES ee cree X VI: heure SCIDOM. ---e---p--rmese-e VII‘ heure JC DOM... - 00 21e meiele se sieleles VIII: heure JC DOM. --- messes IX° heure X DOM. .......s.oso.sosense X° heure X DOM. ....ss.ssorsssssseuee XI heure H DOM........s.sorsessres XII° heure % Dow. Comm‘ de la nuit.. 16-13 Tor. x Dom..... OHODD AR OGNL ODA E I° heure DCDOE 2e eme otecsnetsialeter Il° heure. PIN Modogobeoutiocboudadoot Ille heure. SÉDOM A -escrett ee Perben IV° heure. DCPDOMe TE een ess nets els tete ere V° heure. M don dbondooncnnitioe VI° heure. SCADOM- ec -rmensepebeeceres VII° heure. MÉIN éroooodonmeenadbncoce VIII heure. DOME nee eielerlanteisieles IX° heure. JCADOM ES eee eeisdsee) ‘ heure. MADOM era eee se it Xl heure. MODO rence À: XII: heure. X Dow. Comm' de la nuit 16-15 Hatayr. JC DOM--- 5-07 enmelesstalisisieielals Ie heure. CADOM: er rentererereree II: heure. L'ÉIN) pocoodode too oubooonnc IIIe heure JCADOMS E-rea IV‘ heure. d'A 1N) oooootno codaddoUonns V* heure. X DOM... VIe heure. x Dom. soserssecessesses VI heure. JC DOM: reste À: VIII: heure. X DOM... messes IX° heure. X Dom......... Dunod 000 X° heure. 3 DOM... XI° heure X DOM... een see see XI heure X Dom. Commt de la “ae .... THOT. DOM esse mere I° heure HAIDOME- eus ee cet IS heure NC DOM re cesse HIS heure. M DOM esse ere rbtecte IV® heure. DOME Teese V° heure CA DOMS renenecrrecrters VIS heure. DOM: -- 2e VIIS heure. DCDONe- es ---he-ee- ces VIII heure. EXC IDOM = resceresneeeabeee IX° heure. SCNDOM. sets esters :1.X° heure. SCDOM 2 ----eeserreases XI° heure NCUDON----e---e-e-str--X I enres % Dow. Comm de la nuit...... Haraye. M DONS. sense a I: heure DOM eee -sehetee II: heure SJCIDOM-.-- eee III: heure. J DOM. .....s.s.ssesesssse IV: heure. JC DOM. ee esse see tele V° heure. DOM. --- essences VI‘ heure. % DOM. sous. .. VII heure. x Dom..................... VII heure. CIDOMe-- sert enr À: IX° heure. X Dom........ ÉPAO UC RAD OT X° heure JC DOM... ---s--ese-eeu.e XI° heure x Dou...... COQ 000 Taonau XIIe heure. Acad, des sciences, t. XXIV, page 544. V7 DE | Le) 0 1] 124 = "e % L , fu A A k I À JUN) Vo < vag1 MODE dir AT 6 aie) sul ON AR. À 1 ES Al ee #1: Dre AT rit V NTUSE F sh d bit iv, Fi OUT NT ANRT D OT ER ER RTE 1 5 1 ES # AN A EE Et ol na Xe Aa 5 MOI 1 LE DAT ET RER PT PUS lectdi 2 Péretentt 1 FSE re: Tao] serre LEPR VE PPT Mg Sue + soi REA ES BAT url a. is. ET PPS F oil PAF MO RAM NT 00) Nr | nel | 5 LEON 2 PNR A MONO CM: ur À ee LE DIRE FM x CR MATE, 00. Moû à Auot A A ARE D PÉTÉESOR en, MO CPR EN PETER: re) =, 7x , \ \ 4 : à FL k 1 T2 { 4 re k ts I £ VER ILE FN, DM nec crehmeccereue--AIlIeUTEr Do. Conun! de la nuit 16-15 P&aRMOUTI. TRS Né nuA to onnnat I° heure. DOM. Faro De tre ee VII heure, DM ro VII: heure. MDN. cer IX° heure, MAO ba onde anancene X° heure, MDon...............,......XIe heure, Do... OO on sus... XII heure, Dow. Comm! de la “Âx 16-15 MécHis. DONTe ses os sms sissls I° heure. DOM: -.------"--"-s+ercvse IV* heure. DJ coneoindSuno0 Ve heure. DOM: --<-cr-r--c-peerpbe IX° heure. MD cer er-bercur-res ‘ heure. HOM- cc oc=crececpepeeee XI° heure. X Don. Comm! de la nuit.......M£cnir. AS A DO A 0 ..Axk I heure. Dom..... DaondroubaooDe none Il: heure. M DOM er ennemies I: heure, DOM. ceecrecthimeetcc es IV° heure. EXADOM ecran Crest Ve heure. DCRDDM Ce eee eue VI: heure. = I) annoutoo cu nonnonans VII heure. DOME. ES cesser rubis . VIII heure. XrD0Msenvantasnasentdaussvraer IX° heure. DCIDOM- termes Xclhelre. CIDOM- eee e--ec-c-c----Xl0iNenre: ADO rarement amer XII: heure, X Dom. Comm‘ de la nuit....PHARMOUTr. > Too dobboneurensne donne I‘ heure, DC DOME Ce cnine pie cielehianeiss II: heure. DCIDOM eee. Rec Il: heure, SCIDOM EC Ererecertoe-cE es IV“ heure. SCADOMINe ere eeteepehecsrspe V° heure. M DO ee share seetases VIS heure, DCIDOM serment: VII‘ heure, IDOM-- creer VIII heure. SCIDOMS rer eenbesracen IX° heure, % Dom........... AT OD0 Danone X° heure, + Don. ..... CHiener bete XI° heure, IDDN: ee. ceec-e XI MUEUrC, % Dom. Comm‘ de la nuit...16-15 Togr. DÉRDOM ere Le et .-]* heure. SON oc sovovsouonvnon À: Ie heure DCDOM = -merorereeecrretere Ille heure MEMNoréadonoccoerdonencncoun IVe heure SA) Stone ldnoboddi0onun de V heure XODOM- meer -een ere VI‘ heure MCUDOM cer ecerteereree VII: heure MCADOM- re rrresaresecersn VIII heure STD Dora tdecnonubonone IX° heure, HA DOM-. ressentent X° heure. NUDOM =: ssh seeteetareese XI° heure XX DOM. rer smees Rrone XIE heure. X Dow. Coin! de la nuit 16-15 PHAMENOTH, JC IDOMs-- eee I: heure. DOME percer II° heure DOM. ...........sse.. ...Il° heure. DOM: e--nmeeesess ete IV° heure. M DOM... «ess rs sserestsese Ve heure. X DOM. .....s.nsossersesesse VIS heure. JC IDOM: --- vessie NII heure. X DOM... sense NII heure, X Dou.......... Dao ho IXe heure. M DOM... see oem slesielmsislele ...X° heure. Y- DOM... roses -ssesvasenese XI° heure. X DoMescescrsssss. XII heure, X Dom. Comm‘ de la a XTDOM re oser estopes Ie heure SN ét avéeecuncene or Ile heure. DOM - rte reaee 2 -IlI: heure. SCLDOM ec rer À: IV: heure ÉMDOME Se cuites se meelietsnieen V° heure. S') édenand annonce VI: heure. On bocodonscouuonocdr on VII: heure. X Dow...... ssssroerenrens VIII: heure. DOM errérererrenenneterer ee IX° heure. 0) prodocucdedocnrocouncne X° heure. D DOM seems ...XI° heure. DOM =. cs ---e--e-+-NlMNEUrE: X Dom. Comm‘ de la nuit... .PHAMENOTH. DOM ere eue I° heure. DOM... II: heure. SA cordon enooonondonoene IIIe heure. X DOM... Scans IV° heure. SIDOM-.-- cesser sise Ve heure. # DOM... VIe heure X DOM.....ss.sssenssssnee VIT heure. % DoM................... .. VIE heure H DOM.......ssssoseonssee IX° heure. X DOM... mrenenseuse X° heure x DOM: seu anees I IIEUTÉ % Dou.......... danere ton XII° heure. Acad, des sciences, t. XXIV, page 544. RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. 337 27 épiphi jour 327°, à minuit. — J.12 juillet à minuit au méridien de Syène. Ajoutez des deux parts 39 jours... + 39) + 39 LE: PR PRE RE ie 9 Vous aurez... Besosne ue di dote 17 thot suiv. jour 1 à minuit, — J. 20 août à minuit. Retranchez des deux parts 12 heures. . — 422 — 19h STAR IRIN 2 EN ERISENRT IE te UM AIR S Vous aurez finalement. ......... Savete Thot jour 12° à midi. — J. 19 août à midi. ———_—_—_— mo En consultant les tables de concordance, on voit que celle-ci a eu lieu dans les quatre années de notre ère, — . 1445, —1444,—1443,—1442, date chronologique, ou, de la période julienne, 3260, 3270, 3271, 3272, comme le calcul direct l'avait déjà établi. J'adopterai la plus ancienne de ces dates, par les motifs de stabilité déjà exposés précédemment. Les trois levers héliaques de Sirius dont nous venons de retrouver les dates absolues se répartissent dans la série des temps, comme le montre le tableau qui suit : DÉSIGNATION Nou du jour civil égyptien DATE ABSOLUE DE L’OBSERVATION LP re eur : & MU eue c rires. ét : qui comprend dans la période julienne, exprimés en an: | usés le moment auquel en plaçant la concordance au commencement a juliennes roi régnant. |le lever a dûüétre observé, d’une période quadriennale. d’après l'inscription. complètes. 27 épiphi jour 327e.|39698 12 juillet à 4° 18m? qu matin temps vrai à Syène. --]5° épagomène jour 365e. | 34138 14 juillet à 4° 18» du matin temps vrai à Thèbes. -]15 thot suiv. jour 16e.|34738 14 juillet à 4° 180 du matin temps vrai à Thèbes. On remarquera que la dernière de ces dates, celle de Ram- sès VI, repose sur la discussion d’un document très-détaillé, qui exprime un ensemble com plet de levers d'étoiles, parmi lesquels celui de Sirius est mentionné à son rang d'époque, au même titre que les autres, ce qui rend l'identification du phénomène indubitable, et paraît devoir mériter un degré T. XXIV. 43 338 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. particulier de confiance à sa détermination. Les deux dates plus anciennes se rattachent à celle-là par le mode uniforme de calcul et de condition de visibilité d’où on les a conclues; puis encore par les déplacements du quantième du jour égyp- tien correspondant à l'intervalle qui devrait séparer les trois levers, s'ils étaient observés dans un même lieu. Ces motifs, réunis à la condition de stabilité que nous avons imprimée à ces dates, me semblent de nature à faire espérer que cha- cune d'elles ne peut être que d’un très-petit nombre d’an- nées en erreur. Ine me reste plusà considérer que l'inscription de Samneh, sur laquelle M. de Rougé voit, non pas avec autant de cer- titude, mais encore avec une grande vraisemblance, l'indica- tion datée d’un autre phénomène naturel, dont il lit l'énoncé comme il suit : Pharmouti 28. Commencement des saisons ; fête. L'inscription est datée de l’an II du règne de Touth- mès III, le même auquel se rapporte le plus ancien de nos levers héliaques. D’après les observations de Caillaud, les coordonnées géodésiques de Samneh sont : latitude 21° 29 32” boréale, longitude 28° 37'; en temps 1" 54" 28° à l’est de Paris. L'interprétation la plus simple et la plus naturelle que l'on puisse donner à cet énoncé, ce serait qu’il exprime la date actuelle d’une des phases cardinales de l’année solaire dans l’année vague courante. Or une épreuve très-facile et très- décisive va nous servir à vérifier cette conjecture. Quel que puisse être le fait que l’on a voulu mentionner RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. 33g sous le titre de Commencement des saisons , puisqu'il est compris dans le règne de Touthmès III, il ne saurait être sé- paré par un grand nombre d'années du lever héliaque de Sirius, qui est mentionné sous le même règne, et que nous trouvons compris dans la période quadriennale qui com- mence à l'année de la période julienne 32608. Or, dans cette l forme d’années, la date courante des équinoxes et des sols- | tices varie avec beaucoup de lenteur. Elle ne se déplace pas de 1 jour entier en 125 ans, vers le temps où remontent | nos inscriptions. D’après cela, pour savoir si le 28 épiphi de l'inscription de Samneh peut, avec quelque probabilité, être supposé désigner une des phases cardinales de l’année | solaire, il n’y a qu’à le transporter, par concordance, dans cette année même 3269}, examiner quelle place il y occupe {| relativement aux dates courantes de ces phases, et voir s’il | est assez proche d’une d'elles, pour que l’on puisse raison- | | nablement admettre qu’il a effectivement coïncidé avec elle, | | un petit nombre d’années plus tôt ou plus tard. Ce transport se déduit, sans difficulté, des concordances que nous avons précédemment établies. Ainsi, nous avons La trouve : 27 épiphi civil jour 327°ja minuit — 3269 j2 juillet jour 194 à minuit au méridien de Syène. Retranchez des deux parts 96 jours complets. ..... — 96) — 96 EE HOUs aurez. .............. 21 pharmouti civil jour 231° à minuit. — 3269 5 avril jour 98e à minuit ou ot. Elôtant des deux parts 12P. — 12 IE ———…—"— AL restera enfin...._...... 21 pharmouti civil jour 231€ à midi. — 32695 4 avril jour 97° à midi au méridien de Syène. ———.—.]. —"——— ." ———ms Voilà notre 21 pharmouti transporté dans l’année ju- lienne 32695. Il faut maintenant chercher les places que 43. 340 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. les équinoxes et les solstices occupaient dans cette année-là. Ce calcul se fait très-aisément par les Tables de M. Lar- geteau. J'ai trouvé ainsi : Équinoxe vernal..... le 3 avril........ à ar 190 9» | Solstice d’été........ le 6 juillet....... à 10° 5® 19° { Temps moyen compté de minuit EÉquinoxe d’automne. le 5 octobre...... à 16° 58m 30* au méridien de Syène. Solstice d’hiver...... le 2 janvier suiv. à 1" 11m 33° Il ne reste maintenant aucun doute. Le 21 pharmouti de l'inscription de Samneh est trop proche de l’équinoxe vernal pour que l’on puisse le rattacher raisonnablement à une autre phase que celle-là. Cette étroite proximité, jointe à la particularité de commencement des saisons, que l'inscription y annexe, l’identifie complétement avec l’équinoxe vernal de cette même année, ou de quelque autre très-peu distante. Pour apprécier l'étendue de eette indétermination, je fais une opération inverse de la précédente. Je transporte la date julienne de l’équinoxe vernal de l’année 32695 dans l’année égyptienne qui coïncide avec elle. A cet effet, je re- s prends la concordance déjà établie. 21 pharmouti jour 231e à minuit. — 32698 5 avril jour 98€ à minuit ou 0. Otez des deux parts 2 jours complets — 2 = Vous AULEZ Se en De eee -. 19 pharmouti civil jour 229° à minuit. — 32698 3 avril jour 96° à minuit ou 0". Ajoutez des deux parts.. ... ...... + 3h 12m 226 + 3h 12m 925 Vous aurez........................ 19 pharmouti civil jour 229€ à 34 1°m22aprèsmin. =— 3269 5 avril jour 96e à 3° 12» 22 Maintenant, le second membre de la concordance exprime la date julienne exacte de l’équinoxe vernal calculé. Le pre- mier membre exprime donc sa date civile dans l’année égyp- tienne qui a couru simultanément. Ainsi, dans cette année- RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. 34x là, d'après nos Tables solaires, l’équinoxe vernal vrai serait arrivé quelques heures avant le lever du soleil qui commence le 20 pharmouti civil. L'inscription de Samneh le met au 21 pharmouti, la différence n’est que de 1 jour et quelques heures. Ptolémée nous donne, dans l’'Almageste, un équinoxe automnal qu'il dit avoir observé avec le plus grand soin, et qui est plus fautif que celui-là. Si l’on voulait admettre que la détermination égyptienne de l’équinoxe de Samneh a été complétement exempte d’erreur, et que nos Tables solaires, reportées à ces anciennes époques, sont absolument rigou- reuses, la date du 21 pharmouti indiquerait un équinoxe postérieur de quatre années vagues ; car cette phase y retarde, à très-peu de chose près, d’un jour en quatre ans. Cela repor- terait l'inscription de Samneh à l’année julienne 3273 ; et comme elle appartient à la n° année du règne de Touth- mès IL, le lever héliaque d’Éléphantine, supposé aussi sans au- cune erreur d'observation, ni de calcul, remonterait de deux ans plus haut que l’avénement de ce prince, contrairement à l'inscription où on le trouve mentionné. Mais ces discor- dances de quelques années reposent sur des conditions d’exactitude absolue, qui ne se trouvent réalisées ni dans les observations ni dans nos Tables. Loin d’être surpris de les rencontrer, il faut bien plutôt s'étonner de les trouver si pe- tites, portant sur les dates absolues de phénomènes dont l’un surtout, le lever héliaque, comporte tant d’incertitudes d'observation. De sorte que la conclusion qui me paraît ré- sulter de tout cet ensemble, c’est que les époques des règnes de Touthmès III, de Ramsès III et de Ramsès VI se trouvent maintenant fixées, à très-peu d'années près, par les quatre documents que M. de Rougé nous a fournis ; et cela doit l’en- 342 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. courager puissamment à en chercher d’autres qui aient de pareilles applications. | Telles, et meilleures encore pour ce but, seraient des men- tions d’éclipses solaires, si l'on parvenait à en découvrir dans le papyrus, ou sur les monuments. Il est impossible que les Égyptiens n’en aient pas vu, et presque impossible à croire qu'ils ne les aient pas notées. Car Cicéron nous apprend qu'ils consignaient, dans leurs registres sacerdotaux, tous les accidents qui apparaissaient dans le ciel, persuadés qu'ils se reproduiraient les mêmes et dans le même ordre après un long temps. C’est là le principe, antérieur aux théories, qui nous a valu toutes les périodes astronomiques de l'antiquité, celle des Chaldéens, par exemple, qui accorde les mouve- ments relatifs du soleil et de la lune, en 6585i =, si ap- proximativement, que toute l’habileté d'Hipparque n’a pu que la rendre un peu précise en la faisant beaucoup plus longue. Pourquoi ce principe n’aurait-il pas été pratiqué aussi chez les Égyptiens ? Lorsque Sénèque, au livre VII des Questions naturelles, nous dit qu'Eudoxe apporta le premier d'Égypte en Grèce la connaissance des mouvements des pla- nètes; lorsqu'il ajoute que Conon le géomètre, l'habile ob- servateur, l’ami d’Archimède, avait rassemblé les éclipses de soleil conservées par les Égyptiens (ab Ægyptiis servatas), a-t-on bonne grâce aujourd'hui à prétendre que ce sont là des comptes faits à plaisir, et que les Égyptiens n’ont jamais observé le ciel ? Nous comprenons très-bien pourquoi Conon avait voulu se procurer leurs éclipses de soleil. Il espérait y découvrir des périodes de retour, comme on en avait trouvé pour les éclipses lunaiïres. Sans doute, il n’y aura pas réussi, parce que l'effet de la parallaxe complique trop la loi de ces RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. 343 retours ; mais le fait même de leur conservation n’en est pas infirmé. Par le même motif aussi Ptolémée nous a seulement transmis des éclipses de lune observées par les Chaldéens. I] n’en cite pas une de soleil. Dira-t-on pour cela qu'ils n’en avaient pas vu, ou qu'ils auraient omis de les mentionner dans leurs registres? La conclusion à tirer de ces rapproche- ments me semble toute contraire. Jusqu'ici, en étudiant les monuments égyptiens, on s’est peu occupé de rassembler et d'analyser les symboles, les légendes, les représentations qui se rapportent au culte de la lune ; il faut s’y attacher curieu- sement. On ne connaît pas le caractère, ou la formule, qui désigne les éclipses de lune ou de soleil dans l’écriture hié- roglyphique. Il faut le chercher avec une obstination pro- portionnée à son importance. Ce serait le fanal le plus écla- tant, le plus sûr que l’on püt ériger dans les ténèbres de la chronologie égyptienne. Concevez, en effet, que l’on vint seulement à découvrir deux ou trois éclipses de soleil, datées en jours vagues, appartenant à un même règne, ou, sans mention de règne, embrassant un intervalle de temps peu étendu. Connaissant les localités où elles auraient été vues, et sachant qu’elles se seraient opérées à des époques peu dis- tantes, leurs seules dates de jours égyptiens suffiraient pour les faire parfaitement démêler au milieu de toutes celles que nos théories actuelles nous indiquent ; et l’on en conclurait aussitôt, indubitablement, la date absolue de l’année, même celle du jour julien, où elles se seraient accomplies. Si, avec la date égyptienne du jour, on trouvait marqués l’année de règne d’un roi et son cartouche, on connaîtrait la date abso- lue de ce roi, à un jour près, quelque distant qu'il fût de nous. Entre toutes les découvertes que l’on peut espérer de faire 344 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. dans l’archéologie égyptienne, aucune ne serait plus immé- diatement fructueuse que celle-là; et il suffirait de la vouloir avec persévérance, pour être presque assuré de la saisir. RECHERCHES DE CHRONOLOGIE EGYPTIENNE. 345 NOTE 1. Raccordement des tableaux de Ramsès VI et de Ramsès IX, d’après les manuscrits de Champollion, par M. Lenormant. Les deux tableaux, pareils quant à la nature du texte et à leur or- donnance générale, présentent dans le mode d'exécution deux genres de différence, qui, sans altérer l’identité de leur rédaction, font immédiate- ment reconnaître, daus les planches imprimées du Voyage de Champol- lion, les colonnes qui proviennent de l'un, et celles qui proviennent de l'autre. 1° Les colonnes du tableau de Ramsès VI contiennent, à chaque quin- zaine , 13 lignes distinctes ; la 1°‘, qui porte la date, est affectée au com- mencement de la nuit; la 2° à la r°° heure. Ces deux lignes sont écrites à la suite l'une de l’autre, sur une ligne unique de longueur double, dans le tableau de Ramsès IX, ce qui fait que chaque colonne se compose de 12 lignes seulement. 2° Dans le tableau de Ramsès VI, les 24 colonnes sont écrites en un même sens ; de droite à gauche. Dans le tableau de Ramsès IX, les 12 pre- mières quinzaines de l’année sont écrites aussi de droite à gauche ; mais les 12 dernières sont écrites de gauche à droite. Ce changement de sens semble avoir eu pour but de conserver la symétrie du dessin, dans lequel ces deux demi-années sont distribuées sur deux bandes longitudinales, adossées l’une à l’autre, en opposition. Lorsque Champollion n'avait qu'une seule copie d'une colonne, prise d'un des tableaux, sa correspondante dans autre étant effacée, il don- nait celle qu'il avait trouvée , et dont la provenance était toujours évidem- TOUXIV. 44 346 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. ment reconnaissable par les caractères précédents. Si les deux textes d'une même colonne conservée dans les deux tableaux n'offraient pas de va- riantes notables, il ne donnait que la copie provenant du tableau de Ramsès IX. Si les variantes lui paraissaient avoir quelque importance, il les prenait dans le tableau de Ramsès VI, et les joignait, comme telles, à cette copie. Quand elles lui semblaient en avoir davantage , il donnait les deux copies en regard, Au reste, voici le résumé de son travail : Quinz‘s. Lign. THOSE Jre ta. Rhamsès IX. ere Rhamsès VL manque. A EEE TI — 12 Rhamsés IX. ---.-".. Rhamsès VI n'offre pas de variantes. Paophi ..... Je 12 Rhamsès IX, avec l'indi- | Rhamsès VI. Pas de variantes, sauf la 12° heure cation de 11 heures seu- qu'il sert à restituer. lement. La 12° est don- née comme un supplé- ment tiré de Rhamses VI. IH C" I 12 Rhamsès IX, avec va-|Rhamsès VI fournit les variantes et le complément riantes et complément de Rhamsès IX. tirés de Rhamsès VI, Hathyr..... Fè 35 Rhamsès IX, variantes et | Rhamsès VI fournit les variantes et le complément complément tirés de de Rhamsès IX. Rhamsès VI. Id TT CR hamMSES Xe Ces Rhamsès VI n'offre pas de variantes. Ghorak::. LEO Ram Vlr : À Er LE A €: TE SG EE Moby TRS MR TAN EESEN ERA TE) Rhamsès IX manque. (GES « TMS RRAMEES VI PANTS AN Méchir.. .... 1 MS D Rhamses VIe... Id:::707288 Je 12 Rhamsès IX. La vint et | Rhamsès VI, La ve heure manque, ainsi que la van la1x° heure n'offrent que et la 1x. des fragments. Phaménoth.. f* 12 Rhamsès IX, attribuées | Rhamsès IX manque. par inadvertance à Me- sori IT par Champollion, et reportées aussi avec vétteapplicationinexacte dans la planche impri- mée . le ot: If 13 Rhamsès VI. On n'a que | Rhaimsès IX manque jusqu'à la vit heure. | RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. 347 | Pharmouthi.. [© 13 Rhamsès VI........,.. | 17 ÉRRCE I 13 Rhamsès VI........... | | ; À Hans Rhamsès IX manque. | Pachon..... qe lon SR Tamer T, PL Ter dues Ho Rhamses Eten RES | PAONT. -: --. : I Les deux copies, La 1° et 13° lignes, Rhamsès VI, écrites de droite à gauche. La 2° et 12° lignes (la dernière effacée), Rhamsès IX, écrite de gauche à droite. ILES MMS MR RASE A T2 ere Épiphi...... PO PR TA ISE NI ee ter ere Rhamsès IX manque. Kd'...-.MATeU,t 19 Rhamsës MELUN Mésori.. . ... me Manque dans Rhamsès VI et dans Rhamsès IX. RAS : cu: HS Avec les indications précédentes, tout lecteur intelligent pourra, en consultant les manuscrits de Champollion déposés à la Bibliothèque impé- riale , rétablir le texte commun de ces deux tableaux autant qu'il est pos- sible de le faire dans l’état partiel de mutilation où ils sont aujourd'hui. On pourrait même faire en très-grande partie cette restitution d’après les planches imprimées, sauf que l’on n'y saurait pas introduire les va- riantes que l'éditeur s’est permis d'y supprimer. AVERTISSEMENT RELATIF AUX NOTES SUIVANTES. Si le Mémoire auquel ces notes se rapportent s’adressait exclusivement, ou même spécialement, à des astronomes, elles auraient pu être beaucoup sienne piriftinse plus courtes. Quoique la recherche des levers héliaques n’ait plus pour eux aucun intérêt actuel, tous connaissent, au moins par théorie, les procédés généraux de calcul par lesquels on les détermine. Il aurait donc suffi d'indiquer, sous une forme très-concise, les modifications de détail, ou les compléments nécessités par l'application que l’on en voulait faire, sans trop espérer qu'elle attirât leur attention, occupée à des objets bien plus relevés et pratiquement plus fructueux. Mais ces notes, ainsi rédigées, 44. 348 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE EGYPTIENNE. auraient été sans résultat pour les archéologues, auxquels le Mémoire s'a- dresse avant toute autre classe de lecteurs. Car n'ayant pu connaître la théorie des levers héliaques que par les notions restreintes, et assez dédai- gneuses, que l'on en donne dans la plupart des traités d'astronomie usuelle, ils se trouveraient hors d'état d'y adapter les règles de détermination plus précises qu'on leur proposerait, si elles n'étaient pas présentées dans des termes élémentaires, qui leur permissent d'en bien saisir le sens, la néces- sité logique, et d'apprécier ainsi, par eux-mêmes, les limites de certitude ou d'incertitude des résultats qui s'en déduisent; appréciation qui peut seule leur assurer un bon et légitime usage de ces résultats, dans les appli- cations à l'histoire. Ces considérations m'ont décidé à écrire les notes sui- vantes, sous la forme qui me semblait pouvoir seule les rendre profitables, en les rendant complétement accessibles à ceux qui auraient le plus besoin de les lire. Si l’on trouve que la rédaction en est trop simple, trop minu- tieuse, trop chargée de computations arithmétiques, pour avoir place dans un recueil aussi élevé que celui de l'Académie des sciences, je ne saurais alléguer contre ces justes reproches que deux motifs d'excuse : le premier, c'est la nécessité d'être compris de personnes généralement peu exercées aux mathématiques ; le second, c'est que le problème des levers héliaques y est, je crois, envisagé pour la première fois avec l'ensemble de conditions astronomiques et physiques qui le constituent. NOTE IT. Analyse mathématique du tableau de Ramsès V, en ce qui concerne Sirius, avec l'application du calcul aux dates courantes de ses deux levers extrêmes, qu'on y trouve exprimées, 2 Je diviserai cette recherche en deux parties. Dans la première, je deter- minerai les conditions théoriques des levers apparents de Sirius sur lho- rizon de Thèbes vers le temps de Ramsès VI, en prenant comme épreuve RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. ; 349 l'année de la période julienne 3469", que l'histoire nous indique devoir s'en rapprocher suffisamment pour ce but. Dans la seconde partie, je com- . parerai les résultats de ce calcul provisoire aux données relatives à Sirius que fournit le tableau égyptien; et j'en conclurai l’époque absolue, où ils se trouvent en concordance exacte avec ce document. Pour plus de clarté, je subdiviserai encore ces deux parties en paragraphes, ayant des titres spéciaux, qui feront distinguer nettement, dans l'ensemble, ce qui est de théorie , et ce qui est d'application. $ I. Détermination du jour julien auquel Sirius réfracté se levait héliaquement à Thèbes dans l’année de l’époque julienne 34698, ou de notre ère — 1245, date chronologique. $ 1°". D'après la Connaissance des temps, les coordonnées géodésiques des ruines de Thèbes, déterminées astronomiquement, ontles valeurs sui- vantes : Log sin A—1,6371484 Latitude 4 — 25° 42°... | Log cos À —:1,9547619 Log tang À — 1,6823865 Longitude en arc 30° 15° : en temps 2" 1" à lorient de Paris. J'annexe tout de suite à l'arc A les logarithmes qui deviendront conti- nuellement nécessaires dans les opérations ultérieures, et j'agirai de même pour tous les autres éléments de calcul qui se représenteront le plus fré- quemment, À La première chose à faire, c'est de calculer les éléments de la précession pour l'époque désignée. J'emploierai à cet effet les formules numériques, que l'on trouve rassemblées à la page 337 du tome IV de mon Traité d'as- tronomie, 3° édition. Le temps { y est compté en années juliennes moyennes, partant du 1° janvier 1800, ou de la période julienne 6513,0; avec le signe + pour les époques postérieures, et — pour les antérieures. D'a- près les dates du lever héliaque de Sirius en Égypte, déjà obtenues théo - riquement, dans d'autres cas, il est aisé de prévoir qu'à l’époque à la- quelle notre calcul va s'appliquer, ce lever, sur le parallèle que nous considérons, aura dû s'opérer un peu avant le milieu de juillet; de sorte que les éléments de la précession s'y trouveront très-bien adaptés, en les 390 ; RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. évaluant pour l’année 3469,5. Alors la valeur de £ à introduire dans nos formules se détermine comme il suit : Époque choisie pour l'application. . 3469, Origine du temps dans les formules... .. 6513,0 Dong iéets auafls t—==830/3,5 Avec ce nombre, on obtient les résultats suivants , auxquels je conserve les symboles littéraux et les signes propres qui doivent les affecter d’après les formules citées. J'y supprime les fractions de secondes que j'avais con- servées en les calculant : Déplacement du point équinoxial 7 sur l’échptique fixe de 1800 pendant le temps #.......... = — 20.53.34" Déplacement de ce mème point sur l’écliptique mobile... .... Y—— 20.12". 1 Obhquité de l'équateur mobile Log sin w=1,6004353 sur l’écliptique fixe de 1800.. w— 239.29. 5"! Log cos w —1,9624477 Log tango — 1,6379875 | RP Tee Obliquité de ce même equateur fes sin w— 1,6069634 sur l'écliptique mobile... .... w'— 23°.51.45"{ Log cos w—1,9611930 Log tangw—1,6457504 Mouvement du point équinoxial , en ascension droite pendant le temps #..... sÉ Set ses 100:4)%,28" $ 2. Il faut maintenant transporter Sirius sur ce ciel ancien, et y de- terminer ses coordonnées équatoriales. J'effectuerai d’abord ce calcul, en ne lui supposant aucun mouvement propre; après quoi nous corrigerons les résultats, de manière à y tenir compte de ce mouvement. Le transport demandé s'obtiendra en opérant, de point en point, comme je l'ai fait au même tome IV de l'ouvrage cité, page 635 et suivantes, lorsque j'y ai calculé, à titre d'exemple, les conditions du lever héliaque de Sirius même, pour l’année + 139 de notre ère. Prenant donc, comme je l'ai fait alors, pour la longitude et latitude de cette étoile au 1°" jan- { LS a RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. 351 vier 1800, les valeurs qui lui sont attribuées dans la Connaissance des temps de 1804, savoir : DTo10- 19-32. À— — 39°.33.38", où le signe négatif de à signifie que la latitude est australe ; on appliquera à ces deux coordonnées exactement la même série d'opérations qui est exposée et démontrée en détail à l'endroit cité ; sauf que l'on y emploiera les éléments de la précession que nous avons déterminés tout à l'heure pour l’année 3469,5 ; et l’on obtiendra finalement les coordonnées équa- toriales de Sirius pour cette époque-là, en supposant qu'il soit resté abso- lument fixe dans l'espace absolu. Elles seront : En ascension droite : a"—65°.31'.7"; en déclinaison : d'—— 18°.48'.29" Le signe — qui affecte d” signifie que la déclinaison est australe. $ 3. Le mouvement propre de l'étoile altère ces valeurs théoriques. Pour apprécier les modifications qu'il y introduit, nommons a,, d,, les co- ordonnées équatoriales d’un point quelconque M de la sphère céleste au 1°" janvier 1800. Après le temps + f, compté de cette origine, le plan de l'écliptique se sera déplacé dans l’espace absolu ; l'intersection de ce plan par celui de l'équateur aura rétrogradé en vertu de la précession ; et, en vertu de ces mouvements, les coordonnées équatoriales du point M, sup- posé individuellement fixe, seront devenues a” et d”', comme nous ve- nons de les obtenir. Supposons maintenant qu'une étoile douée d'un mou- vement propre ait primitivement coincidé en direction visuelle avec le point fixe M. Après le temps +7, ses coordonnées équatoriales ne seront pas a! et d'', mais a” +0,, d'+0,; a. eto,, désignant les fonctions du temps, dépéndantes des déplacements propres qu’elle a éprouvés : si donc, à cette seconde époque, on détermine par l’observation ses coordonnées équatoriales réelles, et qu’on en retranche les théoriques, a”, d”, qui se- raient propres à un point M absolument fixe, le reste exprimera les valeurs des fonctions &,, dà,, pour l'intervalle de temps +- £ considéré. Les mouvements propres des étoiles ainsi évalués sont tous extrêmement lents ; et comme il s’est écoulé seulement un siècle, depuis que les obser- vations sont devenues assez précises, en même temps que la théorie assez sûre, pour que l’on puisse seulement les constater, on est bien loin de 352 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. couvaître Les lois de leur progression. C'est pourquoi, s’autorisant de leur excessive lenteur, on les considère approximativement comme uniformes, et, après avoir déterminé leurs valeurs actuelles par les comparaisons les plus distantes, on admet qu'elles croissent proportionnellement au temps £, dans toute l'étendue des applications qu'on en peut faire; et l'on conclut de làles grandeurs des arcs 4,, d,, qu'il faut joindre aux coordonnées théo- riques a”, d”', pour avoir les coordonnées vraies. Pour Sirius, par exemple, le temps + £ étant exprimé en siècles juliens, on a trouvé ainsi : a ——052",t; Ge —— 1230.f. Or, pour l'époque à laquelle notre recherche actuelle remonte, nous avons, en siècles : t— — 30,439. Conséquemment, les coordonnées vraies de Sirius à cette époque, éva- luées d’après les conditions approximatives que nous venons d'admettre, se formeront comme il suit : Mouvements propres... œ—+ 0°.26/.23" 0, =— fx. Mar 25 Coordonnées théoriques. @"— 659.31. 7” d'—= — 18°,48'.22" Coordonnées vraies.... (a)'— 65°.57".30" (d}"= — 19.45.59" $ 4. Si l'on négligeait la réfraction, ce seraient là les valeurs qu'il faudrait employer, comme représentant les coordonnées équatoriales ac- tuelles «, d, de l'étoile, dans les formules relatives aux levers héliaques , qui sont établies au tome [V de mon Astronomie, page 625, $ 426 et sui- vants. Alors, en suivant pas à pas l'application de ces formules, comme je l'ai fait page 636 pour Sirius lui-même, en + 139, on trouvera , au mo- ment de son lever vrai, sur l'horizon de Thebes : Différence ascensionnelle OA................. og —= 089.562 157 Ascension droite du point orient de l'équateur : YO a, —=a—u— 54°.49".45" Longitude du point orient de l'écliptique : YL.. IP Prat Inclinaison actuelle de lécliptique sur lhori- ZONE ON EEE EEE CEE eur ne TS SP NL 6081120 J'annexe à chacun de ces éléments les lettres qui les désignent dans les figures sur lesquelles les formules citées sont établies. Leurs signes al- ét RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. 353 gébriques s'appliquent à celle de ces figures qui a été prise pour type, et qui convient aux étoiles boréales. Elle est numérotée 71°. Mais ces signes mêmes placent ici les résultats dans les positions qu’ils doivent avoir pour une étoile australe ; ce qui les dispose comme le montre la figure 71°. Je reproduis ici ces deux figures en appendice dans la planche IV, pour que l’on n'ait pas la peine de les chercher. $ 5. Maintenant pour avoir égard à la réfraction, je construis, dans la même planche IV, la fig. 1° qui convient aux étoiles australes, et la fig. 1° qui convient aux étoiles boréales. Toutes deux représentent la sphère cé- leste, projetée orthogonalement sur la face orientale du méridien du lieu, qui se trouve figuré par le cercle HZH, ayant son centre en O. La droite HH désigne le plan de l'horizon local, ayant le midi vers M, le nord vers N, le zénith en Z. P est le pôle boréal, élevé de l’angle 2 au-dessus de l’ho- rizon HH; et le plan de l'équateur est figuré par le diamètre QOQ, per- pendiculaire à l’axe de la rotation diurne OP.Y est l’équinoxe vernal, d'où se comptent les ascensions droites en allant vers O; et TE est le cercle de l’écliptique, que je ne prolonge pas jusqu’à l'horizon, pour ne pas com- pliquer inutilement la figure. Ces généralités étant établies, soit S le lieu réel d’une étoile, au moment où son image réfractée S’ surgit à l'horizon. YA est l'ascension vraie deS ; PS est sa distance polaire. Mais l’astre fictif S’ a pour ascension droite YA", pour distance polaire PS’; et c’est lui, non pas S, qu'il faut mettre en relation avec le soleil, pour obtenir les conditions du lever obser- vable. Le problème se réduit donc à trouver ses coordonnées apparentes, VA", PS'; après quoi on achèvera le calcul pour elles, comme pour celles d’un astre réel. Afin d'appliquer cette recherche à Sirius, sans détour inutile, je consi- dère immédiatement la fig. 1°. Dans le triangle sphérique SPZ , SP est la distance polaire de S, que je nomme A. PZ est la distance du pôle au zé- nith, ou 90° — z. Enfin ZS est 90° +7, r désignant la réfraction horizon- tale que je supposerai égale à 32°. De là on pourra donc conclure l'angle en S, que je nomme x. C'est le premier cas de Legendre. Dans notre application actuelle 2 est 25°.42'. Nous venons de trouver tout à l'heure dans le $ 3 les éoordonnées équatoriales vraies YA et AS. Nous aurons donc ici: L122.6.11"à 45 354 RECHERCHÉS DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. PS — 107°.45'.59" PZ— 64°.18' ZSi—: 90°.32! Avec ces données on trouve : Log sin æ — 1,g502710 Log cos æ — 1,6555373 Log tang x — 0,2947337 z— 63% 6. 45 ld'où Du point S' je mène l'arc S'R, perpendiculaire a PS : le triangle SSR, rectangle en R, donnera : SR—0°-14/-29: Log sin PR = 1,9793595 Log cos PR — 1,4787449— ! Logtang PR = 1,5006146— conséquemment PR — 107°.31.30" d’où ! Log sin S'R — 3,9191408 S'R— 0°.28/.32/,26 d'où! Log cos S'R— 1,99998b1 Log tangS'R— 3,9191558 Alors le triangle S'PR, rectangle en R, donnera l'angle au pôle p, qui retranché de YA fera connaître YA’; et le côté PS’, qui est la distance polaire de S'. On trouve ainsi : P——00.20% 501 PSE 07e TER nE Or, d’après le( 3, nous avons : YA — 65.57.30" Donc MA! ou.. [a]"—65°.274-34%et [di = =%170.310. 3824 J'applique à la déclinaison [d]"le signe négatif, pour indiquer qu'elle est australe. Ce sont ces coordonnées de l’astre réfracté qu'il faudra pren- dre comme représentant les lettres a et d, dans les formules citées du tome IV de mon Astronomie, page 625, $ 426 et suivants. $ 6. Revenons donc à la fig. 71°, qui exprime les situations respectives de l'équateur YO et de l'écliptique Y L, au moment du lever de S. Il faudra y considérer cette lettre comme désignant l'image de Sirius élevé par la réfraction ». Alors en lui appliquant les formules citées, précisément comme Je l'ai fait pour l’astre réel à la page 636 du tome IV, on trouvera, au moment de son lever sur l'horizon de Thèbes : RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. 355 Différence ascensionnelle OA.............. a—— 8.44 .30" Ascension droite du point orient de l’équa- ROMAN ARS PP MAPERNRL ES a =a—a— 4.12. 4" {Log cos a, —1,1849864 Logtanga, = 0,5182895 Longitude du point orient de l’écliptique : YL L— 86°.46.13",5 Inclinaison actuelle de l’écliptique sur lho- Ë TAHOE PER D EE AT Une ES I 60°.16°.31" Log cos 1 — 1,6953374 Logtang 1 —0,2433907 rizon : Si l'on compare ces résultats à ceux que nousavons obtenus dans le S 4, avec les mêmes coordonnées équatoriales, le Sirius, sans tenir compte dela réfraction horizontale, on voit quela valeur de Lse trouve ici de 35’ moindre qu'elle n’était alors. Pour suivre les conséquences de ce fait, supposons que, dans les deux cas, l'étoile, ou son image réfractée, ne pussent deve- nir perceptibles à l'horizon, par la simple vue, qu'autant que le soleil sera verticalement abaïssé d’un certain angle H, au-dessous de ce plan. Alors, si l'on nomme e l'arc de l'écliptique qu’il faut ajouter à L pour que cet abaissement existe, on aura généralement sin H sin I? sin e — et la longitude que le soleil devra atteindre pour que le lever soit visible sera L + e. Il ne reste plus, pour la connaître, qu'à fixer la valeur conve- nable de H. Dans le chapitre VI du livre VIII de l’Almageste, Ptolémée expose avec beaucoup de netteté la théorie mathématique par laquelle on peut déter- miner les époques annuelles de première ou de dernière apparition per- ceptibles, d’une étoile quelconque, sur l'horizon d'un lieu assigné. Il ex- plique très-bien qu'il faut donner à l’abaissement H des valeurs diverses, selon l'éclat propre de l'étoile considérée; et selon que son lever ou son coucher s’opèrent en des points de l'horizon plus ou moins distants, ou proches du vertical dans lequel le soleil se trouve aux mêmes instants. A ces préceptes généraux il ne joint aucune indication numérique. Il ne s'explique pas davantage à cet égard, dans son traité spécial des apparitions et disparitions des fixes, qui est tout entier d'application. Mais, comme il y donne les dates juliennes de ces phénomènes, dans la première année d'Antonin, pour un grand nombre d'étoiles qu'il définit, et pour plusieurs 45. Log sin a, —1,9832759 ! Log sin 1—1,9387281 356 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. parallèles terrestres qu'il assigne, si l'on refait ses calculs, par les méthodes qu'il a décrites, avec les mêmes données de position que son catalogue d'é- toiles lui fournissait, on retrouvera les valeurs numériques des ares YLou L, telles qu'il a dû les obtenir pour chaque étoile, ou chaque parallèle con- sidéré. Alors, iln’y aura plus qu'à voir quelle était, selon ses Tables du soleil, la longitude vraie L + e de cet astre, à la date du jour julien où il a placé le phénomène pour le parallèle choisi. De là on déduira rigoureusement e par différence; puis de cet e on tirera H, l'angle I ayant été calculé préli- minairement. C’est ainsi qu'a procédé Ideler ; et il a trouvé que, pour Si- rius, dans ses apparitions matutinales, Ptolémée a dû prendre l'arc d'abais- sement H, depuis r0° jusqu'à r1° E. Il en résulterait donc ici: avec H—10°; e—122.32).04; avec H— 11°; e— 12°.41".34". Dans ces deux suppositions , la valeur de e sera un peu plus forte, avec la réfraction, que sans la réfraction, parce que l'angle I est, relativement moindre. Mais l'excès ne s’élèvera pas à 2’; de sorte que, en somme, la longitude héliaque L + e sera d'environ 33° moindre en tenant compte de la réfraction, qu'en n'y ayant point égard. Or, aux époques de l'année que nous considérons, le mouvement diurne du soleil en longitude est environ de 57"1. Conséquemment, une diminution de 33° sur L + e hâtera de plus de 14 heures l'instant où cet astre atteindra le point de l’écliptique qui lui est assigné par les conditions de visibilité que nous venons d'admettre; et cette différence n’est pas si petite que l'on doive, volontairement, la négliger. $ 7. La valeur de l'angle H adoptée par Ptolémée, et, après lui, par tous ceux qui ont voulu calculer des levers héliaques, se présente ici comme une hypothèse purement géométrique, dont le choix et la convenance auraient besoin d'être motivés. Mais on peut lui donner un sens physique qui l'explique et en justifie l'application. A cet effet je construis la fig. 2, qui n'est que la fig. 71°, vue un peu obliquement à la ligne d'est et ouest, pour y rendre sensible la courbure des cercles célestes de l'horizon et de l'équateur. L'image de Sirius réfracté surgit à cet horizon en S’. Les let- tres O, L, désignent le point de l'équateur et le point de l’écliptique qui se lèvent en même temps que lui. À cet instant, le soleil désigné par Q se RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. 357 E trouve abaissé sous l'horizon oriental, dont ileest séparé par l'arc vertical OV ou H, lequel détermine sur l’écliptique l'arc LQ ou e. Celui-ci, s’ajou- tant à la longitude YL ou L, donne la longitude du soleil, au moment du lever de S’, égale à l'arc YLO, ou L + e. , A ce même instant menez du pôle P l'arc de grand cerele POD. 11 définira le plan horaire dans lequel le soleil se trouve; en sorte que l'angle horaire actuel, marqué par cet astre à partir du méridien inférieur, sera QPM. La condition physique du lever héliaque de S’ sera que cet angle horaire con- coure, avec l'aube du jour, au temps et dans le lieu désignés. $ 8. Or notre construction nous fournit le moyen de voir jusqu’à quel point cette condition est remplie, par les limites que Ptolémée assigne à l'abaissement du soleil sous l'horizon, quand l'étoile S’ y devient percep- tible à son lever. Pour cela, considérant d'abordle triangle sphérique YOL, où l'on connaît deux côlés et les trois angles, je calcule le troisième côté OL, par l'une ou l’autre'des formules : sin w sin 4, . : : in w’ sin L ROSE on Rienean Qu eee sin I cos X De là on tire également ........ OL — 26°.37'.51" Et comme OH comprend 90°, il en Log sin LH — 1,9512953 résulte. . ... CREATEEE SÉneg br LH = 63°.22". 9"{ Log cos LH = 1,6515108 Log tang LH— 0,2997845 Maintenant, je prolonge l’écliptique jusqu’à son point d’intersection M, avec le méridien inférieur, et je considère le triangle sphérique LMH. Il est rectangle en H, et l'on y connait le côté LH, avec l’angle adjacent I. On peut donc calculer ses autres éléments, par les formules connues, et l’on trouve | Log sin M — 1,964320o1 LM=—96°.2.16" MH—57.25".57" M—670.5’.30"| Log cos M — 1,5902390 Or on a PH —25°.42'. 0” Log tang M — 0,3740811 Log sin PM — 1,9968729 Donc.. PM — 83°. 7'.57"{ Log cos PM — 1,0776287 ! Log tang PM —0,9192442 Si l’on ajoute l'arc YL ou L, trouvé $ 6, à l'arc LM, trouvé ici, on aura pour somme l'arc TLM, de l'écliptique, qui s'étend depuis l’équinoxe 358 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. vernal jusqu'au méridien inférieur , quand Sirius réfracté surgit à l’ho- rizon oriental; ce sera donc YLM — 162°.48'.29",5 Cet élément nous sera fréquemment utile ; et c'est pourquoi j'ai cru devoir former sa valeur pendant que l'occasion s'en présentait, $ 9. Attribuons à l'arc LO ou e les deux valeurs que nous avons ob- tenues dans le $ 6, en faisant l'arc d’abaissement du soleil égal à 10° ou 11°; et retranchons-les séparément de LM. Nous aurons ainsi : LM — 76°. 2.16” LM=—76. 2'.16” Pour H — 10° ..... Om .520 0 EN PONT — 110. DO — 12/1290 Donc : 1° supposition QM—6/°.30'.11” 2° supposition QM —63°.20".42" Ces valeurs étant trouvées, l'angle horaire P, qui correspond à chacune d'elles devient calculable, puisque alors, dans le triangle QPM, on connaît deux côtés QM, MP, avec l'angle compris M. On trouve ainsi Pour H = 10°; D 657567 en temps 41.200.317 Pour tri; PI 64220706; eu temps 4°.15".295,2 Il faut maintenant voir à quels instants de la fin de Ja nuit ces deux va- leurs de P répondent, dans le lieu et dans la saison où le lever s'observe. Pour cela, je prends la moyenne des valeurs de LQ ou e, qui corres- pondent aux deux abaissements du soleil r0°,11°; et la désignant par (e) je trouve : (e)=—=1x2 267200 Je l’ajoute à YL ou L, quiest... L — 86°.46".13",5 Et j'ai pour somme.. L+(e), ou (L)— 98°.53'. 3" C'est, en moyenne, la longitude que le soleil atteindra, lorsque le lever de Sirius sur l'horizon de Thèbes s'opérera dans les conditions de visibilité supposées. À cela correspond une déclinaison 4 de cet astre, laquelle se conclura par la relation sin d—sin w' sin (L) Le sin d—1,6017216 Ce qui donnera... d— 23°.33'.31"L{ Log cos d — 1,9622040 Log tangd — 1,6395176 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. 359 Cette déclinaison est boréale. Conséquemment, à Thèbes qui est situé au nord de l'équateur, elle déterminera un arc semi-diurne plus grand que 90°, soit 90 + uw, u étant positif; d’où résultera, par supplément, un arc semi-nocturne égal à 90° — 4. Si l’on se reporte à la page 93 du tome [*.de mon Traité d'astronomie | on verra que u est donné par la formule gée- nérale : sin 4 — tang À tang d Mettant donc ici pour k et d leurs valeurs, et désignant par 6H, l'arc semi- nocturne qui comprend six heures temporaires de nuit, on trouvera : u —12. 6.48" D'où l’on conclura : 15°—+Lu,ou H,—12°.58'.52" En temps 0".51"55°,5 5H,= 64°.54".20" 4".19"375,3 Et enfin 90° — u, ou.... ..... U0H,—"5"2b5 na" bn 11325,8 RE L'angle horaire 5H, marque la fin de la XI° heure temporaire de nuit. Si on le compare aux valeurs des deux angles P que nous avons calculées au commencement de ce paragraphe, on verra que celui de ces angles qui répond à un abaissement du soleil égal à 11°, place le lever héliaque de Sirius 4",8°,1, avant la fin de cette XI° heure; et que l’abaissement de 10° place ce lever 54,4 apres le commencement de la XII‘. Donc, si, en re- calculant aujourd’hui ces phénomènes, on trouve, comme l’a reconnu Ideler, que les dates fixes qui lui sont assignées par Ptolémée, sous divers parallèles terrestres, supposent des abaissements du soleil variables entre 10° et 11°, cela ne prouve point qu'il aurait fixé ces limites spéculative- ment, d'après des aperçus géométriques. Il est bien plus à croire qu'il les a déduites de la pratique usuelle, qui aurait fait connaître que la première apparition de Sirius s’observait habituellement vers la fin de la XI° heure temporaire, de la nuit où elle s’opérait. C’est en effet cette heure-làa que lui assigne le scoliaste d'Aratus, que l'on croit être Théon d'Alexandrie. J'adopterai, dans ce qui va suivre, cette condition de temps, préférable- ment à la donnée géométrique qui se conclut des dates assignées par Pto- ‘ lémée, comme étant plus naturellement liée au mode d'observation du phénomène, et mieux adaptée aux indications du tableau de Ramsès VI, que nous avons à discuter. Du reste, on verra qu’elle conduit toujours à des résultats pareils, comme on devait s’y attendre, quand on lui laisse son 360 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. amplitude d’indétermination légitime. En conséquence, me fondant sur l'analyse générale que j'ai faite de ce document, dans le texte du Mémoire, j'admettrai que la fin dela XII° heure conventionnelle, où i] place la pre- mière apparition matutinale de Sirius, concourt approximativement, avec la fin de la XI° heure temporaire de la nuit du 15 au 16 thot; et que la dernière de ses apparitions, qu'il place à l'entrée de la nuit du 15 au 16 méchir, concorde, dans une limite d'approximation pareille, avec la fin de la I°° heure temporaire de cette nuit-là. Ces deux termes n'offrent rien que de compatible avec les circonstances physiques dans lesquelles ces deux levers extrèmes doivent s’opérer pour être compris dans un intervalle de 150 jours, conformément au théorème d'Autolycus, dont c'est même là l'in- terprétation la plus naturelle. Il reste maintenant à voir comment ces sup- positions s'accordent avec le ciel, à l’époque pour laquelle nous établissons le calcul de note document. C'est à quoi je vais procéder. $ 10. Ayant pris, comme je l'ai dit, l’année de la période julienne 3469, à titre d'essai, pour y déterminer le jour julien du lever héliaque, les tables abrégées de solstices et d'équinoxes construites par M. Largeteau me firent aisément reconnaître que les valeurs précédentes de L + e indiquaient très-approximativement le 14 juillet. En conséquence, une personne trés- habituée aux computations astronomiques, M. Picqué, examinateur d'ad- mission à l'École militaire de Saint-Cyr, m'ayant accordé son assistance, je le priai de vouloir bien calculer, par les tables de Delambre, la longi- tude vraie du soleil pour ce jour-là, et il trouva: Année 3469, 14 juillet: ©—3.8°.54".56",1 à o" temps moyen à Paris compte de minuit, À ce même instant, on avait, par les mêmes tables : Mouvement horaire en longitude... 144,34 HéMpS Var -- ere. enter ….. + 3".4b5,4 Conséquemment à Thébes, temps vrai. 2", 4".45s,4; ou en arc, 31°.11°.21" La valeur de »” est donnée par les tables, pour 1° de temps moyen. Mais l'équation du temps varie si peu d'un jour à un autre, que n'ayant à employer ici =" que pour un petit nombre d'heures, nous pourrons sans erreur appréciable appliquer indifféremment cette mème valeur de m°' à ra rit RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. 361 des intervalles de temps moyen, ou de temps vrai, qui seront aussi res- treints. $ 117. Avant d'employer cette longitude du soleil, je dois y faire une modification. Les tables solaires de Delambre supposent la constante de la précession sur l’écliptique mobile égale à 50”,1; et l'inégalité proportion- nelle au carré du temps qui est donnée par sa table auxiliaire V est tirée des formules de Laplace, en y conservant le 1° janvier 1750 pour origine du temps. Or le lieu de Sirius, et les autres éléments du lever que j'ai rappor- tés plus haut, ont été calculés d’après les valeurs de la précession établies au tome IV de mon Traité d'astronomie, page 337. Ii faut donc corriger Ja différence de ces deux modes d'évaluation, dans la longitude du soleil de Delambre, pour rendre les résultats comparables. A cet effet, je prends dans la page citée l’expression de la précession sur l'écliptique mobile qui est désignée par Ÿ’, en plaçant l’origine du temps {au 1°° janvier 1800; et j'y change £en—5o + tpour la faire partir du 1° janvier 1850. Sa valeur comptée de cette nouvelle origine devient alors généralement Ys— 50”,249123 ? + 0",0001129105 (1,7011285) (4,0527343) Dans notre application, l'intervalle & compté du 1° janvier 1800 était — 3043,5. Ainsi en partant de 1750, on aura d # = — 2993, ce qui donne: Va—— 41°.47.0",75 + 0°.16.51",8 —— 41°.30".8",95 au lieu qu’en faisant la constante égale à 5o"”,1 et prenant le terme pro- portionnel au carré du temps dans la table V de Delambre, on trouve pour le même intervalle {”: Yo = — 419.39". 34,35 + 00.17 .51",0 —— 41.21/43",35 d’où l’on tire Vs — np = — 0°.8/.25",6 Or, en nommant ©, la longitude du soleil en 1750, considérée comme commune aux deux calculs, on a pour tout autre temps + # : O1=Oo+Ÿs et On=Oo+Yn conséquemment : Os= On + Ÿr— Ÿ'n = On — 0° 8'.25”,6 T. XXIV. 46 362 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. Ainsi, en retranchant 8’.25",6 de la longitude du soleil conclue des tables de Delambre, avec la précession de Laplace, on l’obtiendra telle qu’elles l’auraient donnée, si l’on yeütemployé la même précession que nous avons employée ici pour calculer les éléments du lever héliaque de Sirius. On aura donc ainsi en definitif : Année 3469 : © = 35.80.46/.30",5 le 14 juillet à 2".4®.45s,4 de temps vrai compté de minuit à Thèbes. À quoi il faut joindre : Mouvement horaire du soleil en longitude »"— 144",343; log m" — 2,1593867 $ 12. La longitude du soleil trouvée ici est seulement de 6/.32",5 moindre que la valeur de L + (e), à laquelle, d’après le $ 9, devrait s'opé- rer le lever héliaque, dans les conditions moyennes de visibilité admises par Ptolémée. Mais aussi Le temps vrai de Thèbes qui y correspond est un peu moindre qu'il ne convient pour amener le soleil à la fin de la XI° heure temporaire de la nuit. L'accroissement de temps que cette cir- constance nécessitera rapprochera donc encore davantage ces deux valeurs de la longitude du soleil, et par suite la durée des heures temporaires de nuit qui y correspondent sur l'horizon de Thèbes , à l'époque de notre 14 juillet. Conséquemment , pour toutes les appréciations préparatoires que nous aurions à faire, nous pourrons attribuer à ces heures les valeurs que nous leur avons trouvées dans le $ 9, ce qui nous donnera 5H,— 64.54.20", ou, en temps, 4".19".375,3 Augmentons maintenant le temps vrai de Thèbes d’un nombre d'heures indéterminé 7, qui fera croître simultanément la longitude du soleil, et son angle horaire P, autour du méridien local ; puis, cherchons quelle valeur aura +, et par suite l'angle P, lorsque Sirius réfracté atteindra l'horizon oriental de Thèbes, le 14 juillet 3469, jour pour lequel nous voulons connaître les conditions physiques de son lever. Le problème ainsi envi- sagé est défini astronomiquement pour chaque jour choisi; et il ne reste qu'à le résoudre, sans y faire intervenir aucun élément étranger. $ 13. A cet effet reportons-nous à la fig. 2. Je suppose + exprimé en heures ; et je désigne par ©, la longitude du soleil déduite ci-dessus des tables, pour l'instant où + est nul. On aura ainsi ©, = 98°.46.30",5 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. 363 Pendant le temps r, cette longitude augmentera de »”+. De sorte que la longitude du soleil après le temps - sera devenue : © = Oo+m"r. Dans notre fig. 2, © est représenté par l'arc YLQ. Or nous avons trouvé dans le S 6 YL=—L—860.46.13,5 Donc, en nommant toujours e l'arc LQ de l’écliptique qui répond à l’abais- sement H du soleil, TLQ sera L+e, ce qui donnera pour condition d'égalité nécessaire: L+e—Or ou, en remplaçant L et © par leurs valeurs : 86°.46".13",5 + e — 98°.46'.30",5+m'x d'où l’on tire (1) e—12°.0".17 + mr Par là, quand = sera fixé, on obtiendra la valeur de l'arce, qui en ré- sulte ; et l’on en déduira l'abaissement correspondant H du soleil par la relation sin H—snesinlI que j'ai rappelée dans le $ 6. Par là, on pourra connaître si le jour choisi amène le lever dans les conditions physiques de visibilité, qui conviennent à la première apparition perceptible. Nous avons également trouvé, dans le $ 8: LM=— 36°. 2',16” Ajoutant......... Late smart DE YTL=— 86°.46.13",5 NOUS AUTONSE: ces » » soie melole ..... VLM —162°.48/.29",5 Retranchant de cette somme l’are YQ ou O—= 98°.46/.30",5+ mx HRRESEOr A nn 2e ee QM— 64°. 1.59",0—m"* Alors, par un calcul tout pareil à celui que nous avons effectué au com- mencement du $ 9, nous pourrons former l'expression de l'angle horaire P qui est sous-tendu en P, par cet arc de l'écliptique. Sa formule, que je rappelle à dessein ici, avec les dénominations de la fig. 2, sera : sin M . tang QM MER sin PM—cos PM cos M tang OM 46. 364 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE EGYPTIENNE. Divisez les deux membres de la fraction par sin PM ; puis remplacez les si- nus et cosinus de M et de PM, par leurs valeurs trouvées dans le $ 8. L'é- quation ramenée ainsi à ses coefficients numériques propres, €, c' deviendra c tang OM tan RE ie 1 — c'tang OM? où l'on aura : c —0,927784681; loge —1,9674472; et c'—0,0466807742 ; log c'— 2,6709948. Mais l'angle horaire P peut aussi être exprimé en fonction du temps 5. Car + étant exprimé en heures, il ajoutera 15°.7 à l'angle horaire primitif de temps vrai 2".4".45°,4, ou en arc 31°.21'.2#", qui avait lieu à Thèbes d’après nos tables solaires, quand + étant nul, comme nous l'avons vu $ 11. Restituant donc à l'arc QM sa valeur en +, la condition qui déter- minera + sera : RER re a (2) tang | 31°.11.21/ + 15%} — En les coefficients numériques c, c', étant ceux que nous venons d’éva- luer. La valeur de + qui satisfera à cette équation, fera connaître la lon- gitude © du soleil et l'heure vraie de Thèbes, qui, selon nos tables so- laires, ont coïncidé avec le lever de Sirius sur l'horizon de cette localité, le 14 juillet de l’année de la période julienne 3469. Il ne restera plus qu'à voir : 1°, si l'apparition de l'étoile a été matutinale, comme nous voulions l'obtenir ; 2° si l'heure à laquelle son lever s’est opéré, supposait un abais- sement du soleil suffisamment considérable pour qu’elle fût perceptible à la vue simple ; 3° enfin, si cet abaissement était le moindre que l'on pût croire conciliable avec cette condition de visibilité; ce qui donnera au lever de ce jour le caractère de lever héliaque, dans le propre sens de l'expression. Nous allons étudier ces diverses particularités. $ 14. L’équation (2) est aisée à résoudre au moyen de quelques essais numériques, parce que la petitesse du coefficient de +, dans le second mem- bre fait que l'argument variable que celui-ci renferme en est peu influencé; de sorte que la valeur qu’il prend, pour toutes les petites valeurs de +, qui sont légitimement supposables, donne toujours au premier membre, à peu de chose près, celle qu'il doit avoir. En conséquence, nous guidant d’après RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. 365 les conditions naturelles du problème, attribuons d'abord à + une valeur telle que le lever dût s'opérer exactement à la fin de la XI° heure tempo- raire de la nuit, auquel cas l'angle horaire P du 1° membre devrait se trouver égal à 5H,. Pour cela, nous n’aurons qu'à prendre donc la valeur de cette dernière quantité dans le $ 9; et la condition de l'égalité sera : 310.11°.21 + 15—64°.54".20" d’où l'on tire : r= HE, —=2).14%.b1,9 — 2".247759 1 £ étant ainsi exprimé en heures, on en déduit............ log T—0,3517497 OrparleS11............ log m"—2,1593867 Il en résultera donc........ log m'r—2,5111364; m'T—324",4—=5".24",4 et par suite : ; 64.1 .59"— mr —63°.56".34",6 —E. Avec cette valeur de l'argument E, le second membre de l’équation (2) pourra être réduit en nombres, ce qui donnera la valeur correspondante du premier. Voici le type du calcul : log tang E — 0,3107214 log tang E — 0,3107214 log c — 1,9674472 log c’ — 2,6709948 log numér, — 0,2781786 2,9817162 0,0958774 log dénom — 1,9562273 dénom 0,9041226 log tang P —0,3219b13; P—64°.31'.23" log dénom—1,9562273 Donc, pour que l'équation (2) fût satisfaite, par la valeur de + que l’on à choisie, il faudrait qu’on eût : 31°.11/.21" — 169% —6/4°.31.23" ce qui donne 33°.20/.2" nt à : T—= ———— —=2".13".20$,1 — 2!,22226 15 Cette valeur résultante de 7 diffère déjà bien peu de celle que nous avions prise à titre d'essai, pour évaluer le second membre de l'équation (2). Mais, en la faisant servir au mêmetitre dans une nouvelle évaluation, elle de- vra approcher bien davantage de satisfaire à légalité que cette équation exige. C’est, en effet, ce que nous allons voir en lui appliquant le même calcul. 366 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE EGYPTIENNE. Prenant donc, cette fois, © — 2"22226, nous aurons : log + — 0,346794x log m" —2,1593867 log mr — 2,5061808 ; mr — 320",8— 5.20 ,8 il en résultera donc: 64°.1°.59" — m'r — 63°.56/.38",2 —E ceci donnera: ; log tang E — 0,3107407 log tang E— 0,3107407 log c —1,9674472 log c' — 3,6709948 log num — 0,2781879 2,9817355 0,09881630 log dén = 1,9562253 dénom 0,904118370 log tang P — 0,3219626; P— 64° 31625 log dén — 1,9562253 Maintenant cette valeur résultante de l'angle P est seulement de 2’ moindre que celle qui nous a servi pour l'obtenir. L’équation proposée en sera donc suffisamment satisfaite, pour notre but. C'est aussi de quoi on peut s'assurer en posant la condition : 310.11 07) + 1597 — 64°.31/.29" d'où l’on tire : Sn At F — 12h, 190-205,3 Cette valeur de + surpasse seulement de o’,2 celle que nous avions employée pour évaluer le second membre, nous pouvons donc sans crainte d'erreur admettre qu'elle réalise avec une approximation suffisante l'égalité des deux membres de l'équation (2). $ 15. En l’adoptant comme telle, il en résultera les conséquences sui- vantes : Premièrement : d’après l'expression générale de la longitude vraie du soleil établie au commencement du $ 13, cette longitude à l'instant du le- ver de Sirius sera : © = 98°.46".30",5 + mr — 98.51.51/,3 Cette longitude donne aux heures temporaires des valeurs à peine diffé- RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPLIENNE. 367 rentes de celles que nous avons empruntées au $ 14 pour préparer notre calcul de . En effet, on en tire 5H, — 64°.54'.17",5 — pr. 19".37s,2 Et puisque nous trouvons : P—64°.31'.24",6 — 4.18". 55,6 Il en résulte : 5H,—P— 0°.22/.52/,9 — 0". 1".315,6 c'est-à-dire que, selon nos tables solaires, le 14 juillet del’année 3469 le lever apparent de Sirius, sur l'horizon de Thèbes, s'opérait 1".31°,6 avant la fin de la XI° heure temporaire de la nuit. Pour connaître quel était alors l’abaissement vertical H du soleil ; Sous cet horizon, il faut reprendre l'expression générale de l'arc e formée dans le $ 13, laquelle était : (1) e— 122.0" .17" + mr et puisque nous avons ici mr — 0°.8’.20",8 il en résultera e—u9°-5.3708 " De là on tire : log sine— 1,3212116 et commeona$G logsinI— 1,938728r on en déduira log sin H— 7,2599397; H — 10°.28'.59",o Cette valeur H est justement intermédiaire entre celles de 10° et 1 1°, qui se tirent des indications de Ptolémée; et elle s'accorde de même avec la con- dition qui place le lever vers la fin de la XI° heure temporaire de la nuit. Tous ces résultats concourent donc à confirmer la date du 14 juillet que nous avions assignée à ce phénomène en établissant nos calculs. $ 16. Le tableau de Ramsès VI place ce lever matutinal deSirius dans la nuit du 15 au 16 thot civil , etle calcul établi Pour notre année d'essai vient de nous montrer que, vers le temps où sa construction remonte, ce lever s’opéraitsur l'horizon de Thèbes, le 14 juillet, à 4" 18" 6° du matin, le Jour julien commencant à minuit. D'après sa loi de périodicité constatée il a dû rester fixé à cette date julienne pendant beaucoup de siècles. Ainsi, pour connaître la date absolue à laquelle son indication sur le tableau s'ap- plique, il ne s’agit plus que de trouver l’année julienne dans laquelle le mi- nuit qui commence le 14 juillet julien a coïncidé avec le minuit quiappar- tenait au 15 thot civil. Cette concordance est établie dans le texte du 368 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. Mémoire, page 330; et elle se trouve réalisée dans toute l'étendue de la pe- riode quadriennale qui commence àl’annéede la période julienne 3473. Celle- ci est si peu distantede notre année d'essai 3469,que la fixité du lever au même jour julien dans cet intervalle ne peut faire aucun doute, de sorte que la date absolue qui résulte de son transport se trouve très-légitimement établie. $ 17. Toutefois, avant de l’adopter définitivement, il ne sera pas inutile de voir s’il y aurait quelque avantage à placer le lever un jour plus tard , c'est-à-dire au 15 juillet, préférablement au 14 ; ce qui, nécessitant une lon- gitude du soleil un peu plus grande, devra donner à son abaissement H une valeur un peu plus forte, comme Ideler trouve que Ptolémée la sup- posait habituellement. Après les préparations qui précèdent, ce nouveau calcul est bien facile : il suffit de faire dans les équations (1) et (2): Tr —24" +7 de celle que nous avions employée pour calculer le second. Par conséquent un troisième essai ne la changerait plus sensiblement, et l'on peut la regarder comme bonne. $ 26. P est l'angle horaire du soleil, compté, du méridien inférieur vers l'occident, au moment du lever de Sirius, dans la soirée du 11 dé- cembre julien ; et nous trouvons ici, pour sa valeur en temps : P—5.34,585,0 Or, cettemême nuit, d’après leS 22, p. 112, on avait à Thèbes 5,H—5".38%. o Ce'quifdonne, MALE COR TN MORE 2 5,H—P—o". 3%.:2* 48. 780 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE, Ainsi, ce soir-là, Sirius se levait 3" 12° après la fin de la 1"° heure Ltem- poraire de la nuit, c’est-à-dire vers le commencement de la nuit close, comme cela est spécifié dans la colonne du 15 — 16 méchir, où il paraît pour la dernière fois dans le tableau égyptien. D'après le $ 24, l'arc de l’écliptique compris alors entre l'horizon occi- dental et le soleil a pour expression générale : et —16°.51".56",7 +m"—T En remplacant m7 par sa valeur définitive, elle deviendra : E— 7201280708 . Delàontire....... log sin e — 1,4684637 On a déjà,66. .... logsin 1— 1,9387281 11 en résulte donc... log sin H'— 1,4071918; H'—:4°.47".49" Tel était donc, à cet instant, l’abaissement vertical H’ du soleil, sous l'horizon occidental de Thèbes. Depuis le coucher de cet astre, 1l s'était écoulé 3" 12° de plus qu'une heure temporaire de nuit ,H; c'est-à-dire 1".10".48°, en remplaçant ,H par sa valeur trouvée $ 22. D'après la concordance établie $ 20, p. 374, le lever que nous venons de calculer s’est opéré dans la nuit du 16 au 17 méchir civil. La distribution du tableau égyptien par quinzaines complètes le faisait donc appartenir à la colonne qui porte la date du 15—16 méchir, puisqu'elle s'applique aux quinze nuits consécutives qui partent de cette date; et ainsi le constructeur a eu raison de placer Sirius à la 1”° ligne de cette colonne-là, comme il l’a fait. Il a eu raison encore de ne plus le faire reparaître dans les colonnes suivantes, parce que ces derniers levers, perceptibles dans le crépuscule du soir, étaient compris dans cette même quinzaine de nuits. C'est ce qui me reste à prouver. & LUI. Détermination théorique du jour julien auquel le lever de Sirius réfracté a été visible pour la dernière fois à Thèbes dans le crépuscule du soir, en l’année de la période julienne 3469, ou de notre ère — 1245 date chronologique. $ 27. Reprenons la fig. 3, qui représente généralement la disposition relative des principaux cercles de la sphère céleste, à l'instant où Sirius ré- te ER ent nn RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. 381 fracté se lève en S/. L'arc de l'écliptique LME’, qui est alors sous l’hori- ZOn, comprend 180°. Or, nous avons trouvé, dans le SO mem ire. LM = 36°. 21.16” nous aurons donc, par supplément, à l'instant de ce lever ME'L' — 1030. 59'. 4%" Mais, dans la nuit du 11 décembre, le soleil étant en Q, à l'instant du lever de Sirius, nos tables solaires don- DCR ARE UN UE MU NA Ua MO — 86°.51.35",7 On avait donc alors depuis le soleil jusqu’à l'horizon oc- LC SANS LEP ST EP NT EAPNR QEL'— 17°. 6, 8,3 C'est, en effet, ce que nous avons trouvé dans leS 26 pour la valeur de e’ à l'époque du lever du 11 décembre. : Tel serait donc l'arc de longitude que le soleil devrait ultérieurement décrire pour se trouver à l'horizon occidental, au moment où Sirius se lève. Mais celui-ci ne serait pas perceptible alors à la vue simple. Pour qu'il le soit, dans de telles circonstances, il faut que le soleil se trouve abaissé sous l'horizon d'un certain angle vertical H’ que les calculs de Ptolémée supposent être d'environ 7°. Admettons pour un moment cette évaluation. Alors l'arc e’ de l'écliptique, qui devra rester compris entre l'horizon oc- cidental et le soleil, au moment du dernier lever perceptible de Sirius, s'obtiendra par la formule sin 7° sin I sin e — - l'angle I étant tel que nous l'avons déterminé dans le $ 6. Ce calcul effec- tué donne : e — 8°. 4. 2,0 Ceci étant retranché de QETL'— 17. 6. 8"3 il en résultera SEL'—e— 9. 2. 63 c'est l’arc de longitude que le soleil devra décrire, depuis le lever du 11 décembre, pour que Sirius soit perceptible à son lever pour la dernière fois, dans les conditions de visibilité adoptées. Or, à cette époque de l'année, le mouvement diurne du soleil, en longi- tude, était fort approximativement d’après nos tables 1°.1”.5", ce qui donne Pour son mouvement horaire 21.33",54 = 153",54 — m' log m'—2,1862215 382 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. son mouvement total péndant 9 jours complets aurait donc été de 9°.9'.45”, ce qui lui aurait fait dépasser la longitude à laquelle le dernier lever de Sirius pût être perceptible. Ce dernier lever devait donc être antérieur au minuit qui commence le 21 décembre julien. Or, d'après la concordance établie $ 20, ce minuit coïncide avec celui qui appartient au 25 méchir civil ; il était donc compris dans les 15 nuits appartenant à la colonne du tableau qui porte en tête la date du 15-16 méchir; de sorte que Sirius a dû cesser d’être mentionné dans les colonnes suivantes, comme cela a lieu effectivement. S 28. Comme complément de cette démonstration, déterminons di- rectement les conditions de visibilité dans lesquelles le lever s'est opéré, d'après nos tables, le soir qui a précédé le minuit où commence le 21 dé- cembre julien. Pour cela, revenons un moment au $ 21, page 375; nous avons trouvé alors, par nos tables solaires : le 12 décembre à o", à Thèbes.............. SU Oo = 249°.54'.16",8 ajoutons le mouvement pour 9 jours. ..... bobos 9°. 9.45" nous aurons : le 21 décembre à o' de Thèbes........ @©o— 259°. 4'. 1,8 et pour tout autre instant antérieur d'un nombre d'heures + à ce même minuit, nous aurons généralement : ©O—=259°.4'-11,8 — m"x. Admettons que cette longitude ©, doive être celle du soleil à l'instant du lever de Sirius. À cet instant, d’après le $ 8, la longitude du méridien in- férieur de Thèbes est toujours YLM = :62°.48'.29",5 donc, cet are, retranché du précédent, nous donnera la valeur de l'arc MQ de notre figure 3, au moment du lever considéré de Sirius. Cet arc sera ainsi : MQ = 960.15'.32",5 — m'T=E. En outre, comme l'arc total MEL’ qui aboutit à l’horizon occidental au moment du lever de Sirius est toujours 103°.47.44", l'arc de l’écliptique e' compris depuis l'horizon jusqu'au soleil, à l'instant du lever que nous considérons, aura pour expression générale l'excès de cette constante sur MQ; ce qui donnera : (Co EE dE pe f | | l RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. 383 alors l'équation qu'il faudra résoudre pour déterminer + sera: ctang (960.15/.32",3 — m"x) (2) RE 1 + c'tang (960.15".32",3—m"T) en prenant toujours, comme dans les applications précédentes : log c—1,9674472; log c'—2,6709948 ; et de plus ici m'— 153,54; log m'— 2,1862215 Pour premier essai, je suppose T— 6", valeur moindre de 45" que l'arc semi-nocturne 6,H du 12 décembre. Il en résulte : mr = 0°.15'.2",2 conséquemment : E — 96°.0'.30",1 alors le calcul s'achève comme il suit : log tang E — 0,9777726 — log tang E — 0,9777726 — log c = 1,9674478 log c' — 2,6709948 log num = 0,9452204 — 1,8487674 — log dén — :,743966x — 0,44541755x log 15% — 1,2012543— dénom 0,55458244g 159 — 93°.36'.0" et par suite : jus 93°.36.0" 6 —=6".140.945 — 6!,24 Cette valeur de 5 diffère trop de celle que nous avons employée au calcul du second membre de l'équation (2)"', pour que nous puissions l'admettre comme bonne; mais elle va utilement nous servir au même titre pour un second essai. Nous aurons cette fois : log r — 0,7951073 log m"—12,1862215 log m'r — 2,9813288; m'r = 958",o = 0°.15'.58",0 et ceci retranché de la partie constante de E donnera E — 95°.59.34",3 384 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. on aura alors: log tang E — 0,9789067— log tang E — 0,9789067— log c — 1,9674472 log c' — 1,6709948 log num = 0,9463539— 1,6499015— log den — 1,7430469 —0,44658224 log tang 15°: — 1,2033069 — dénom 0,55341776 1597 — 93°.34'.59",0 et par suite : 93°.34'.59" —= 6".14".20° ne 14 o no Cette nouvelle valeur de + diffère seulement de 4° de celle que nous avons employée pour calculer le second membre de l'équation (2), et il serait superflu de vouloir la perfectionner par un troisième essai ; car il est évi- dent, par la rapidité de l'approximation, qu’ellen’éprouverait plus de chan- yement appréciable. $ 29. Le lever vespertinal que nous considérons actuellement s'est donc en effet opéré à Thèbes, selon nos tables solaires, 6".14".20°, avant le minuit qui commence le 21 décembre julien, et qui appartient au 25 mé- chir civil, comme nous l’avons reconnu $ »7. Il a donc pu être compris dans la colonne qui porte la date du 15-16 méchir, comme nous l’avions remarqué dans ce même paragraphe, puisqu'il ne dépassait pas la quinzaine à laquelle elle s'applique; et il n'aurait pu être porté dans aucune autre. Au moment de ce lever, la distance du soleil à l'horizon occidental, comptée sur l'écliptique, était d’après le $ 28: é = 7.42/.11",7 + 15".58",o — 8°.8'.9",7 Déttiontine. Annee log sin e — 1,1508293 Orion als 6 ---reecece log sin 1 —1,938728: log sin H' — 1,0895574 d'où il FESUILE: co ce e H'— TRAEVE 34,5 Ce lever, antérieur au minuit du 25 méchir civil, s'est donc opéré à Thèbes précisément dans l’abaissement vertical du soleil, que Ptolémée affecte comme condition de visibilité au dernier lever perceptible de Si- rius. Ainsi, en admettant que le tableau égyptien a été construit pour l'é- RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. 385 poque précise où la première apparition de cette étoile sur l'horizon orien- tal de Thèbes avait lieu dans la nuit du 15 au 16 thot civil, son lever vespertinal, à l'entrée de la nuit, a été très-légitimement placé, cinq mois : plustard, à la première ligne de la colonne quiporte la date du 15-16 mé- chir, non à aucune autre ; et tous les levers de Sirius, ultérieurement visi- bles dans le crépuscule du soir, se sont réellement trouvés compris dans les dix premières nuits des quinze qu'embrasse cette même colonne-là. NOTE III. Détermination du jour julien auquel Sirius réfracté s’est levé héliaquement à Éléphantine dans l’année de la période julienne 32695, ou de notre ère — 1444, date chronologique. Ayant effectué cette détermination en faisant usage des mêmes formules, des mêmes notations et des mêmes figures que j'ai employées dans la note précédente, je me bornerai à rapporter les éléments etles résultats de mes calculs, dans leur ordre de succession naturel, afin que l’on puisse, au besoin, les vérifier. $ 1°". La situation géographique d'Éléphantine ne diffère pas sensible- ment de celle de Syène. En conséquence je lui ai attribué les coordonnées géodésiques de cette dernière ville, lesquelles, d’après la Connaissance des lemps, sont : Latitude hk= 24°.5'.23" boréale. Longitude : en arc 30°.30'.15"; en temps 2".92%,15, à l’orient de Paris. J'ai ensuite calculé les éléments de la précession, pour le milieu de l'an- TNXIV. 49 386 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE. ÉGYPTIENNE. née 3269 comme dans la note II. La donnée générale est l'intervalle de temps #, compté du 1° janvier 1800: t— — 3243,5 avec cette valeur de #, on trouve : Déplacement du point équinoxial L sur l’écliptique fixe de 1800.. ÿ—— 45.43.49" Déplacement de ce même point sur l'écliptique mobile........... Y—— 44.57. 9" Obliquité de l'équateur sur lé- cliptique fixe de 1800........ w — 292010 Obliquite de ce même équateur sur l'écliptique mobile........... wo — RAS DDR Mouvement du point équinoxial Y en ascension droite pendant lefemps 2-1 ---0---c-crh d—— 0.60'.53" Coordonnées écliptiques de Sirius au 1° janvier 1800.......... = :0 10-10-32 NN — 39-392 400 Coordonnées équatoriales conclues pour l’époque £, en faisant abs- traction du mouvement propre. a"—63°.21.34",5 d'——19.18'.21",6 Corrections dues au mouvement propre, pour le temps £,...... —+ 0°.28. 6",6 + 10-029 Coordonnées équatoriales corri- FT RUN ARRE BÉES eee Lo A0 Go ue (a)' = 63.49.41" (d)—=— 18.11.52" $ 2. De là, en n'ayant pas égard à la réfraction horizontale, on déduit les résultats suivants : La différence ascensionnelle OA........... a = — 8'.27",7 Longitude du point orient de l’équateur YO. a, —(a"—a— 72°.16'.48" Longitude du pointorient de l’écliptique YL. CN 121008 Inclinaison actuelle de l’écliptique sur l’ho- TLONMMLO} PRE DE AMENER — 01 60%:b6! 2851 Ces résultats sont analogues à ceux que nous avons obtenus pour Thebes, dans le $ 4 de la note Il, page 352; et les désignations graphiques se rap- portent de même à la fig. 71°. $ 3. Maintenant, pour tenir compte de la réfraction horizontale, que je supposerai encore être de 32', on opérera comme au $ 5 de la note II, RER RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. 387 page 353, en se guidant sur la figure 1°; et l’on trouvera pour coordon- nées équatoriales de l'étoile réfractée : [a]"= 63°. 18.54"; [dŸ = — 190.57.15" Alors, en opérant sur ces coordonnées apparentes comme sur celles d’un astre réel, on trouvera : La différence ascensionnelle OA. æ—— 8°.20.49" Longitude du point orient de l’é- QUATEUT IMMO EURE a = [a] — à — 71°.39'.43" Longitude du point orient de MEHR. NON L— 83°.35'.30" Inclinaison actuelle de léclipti- que sur l'horizon YLO..... I1—= 60°.41'.29/; log sin I —=1,940514/4 Ici, comme dans la noteIl, la réfraction rend la valeur de L plus pe- tite de 34”.48" qu’elle n'était précédemment ; ce qui diminue d'autant la longitude que le soleil doit atteindre pour que l'étoile soit perceptible à son lever. S 4. Ges résultats étant obtenus, on se guidera sur la fig. 2, et, pro- cédant comme dans le $ 8 de la note II » Page 357, on déterminera d’abord l'arc OL, et l'on trouvera : OL— 26°. g'.21" Conséquemment. ...... ... LH=—63°.50!.39" Avec cet arc LH et l'angle I, on résoudra le triangle sphérique LHM, qui est rectangle en H; ce qui donnera LM— 76°.28!.57",0 MH— 55.58.41" M= 67°.23,309" Ajoutant à MH la hauteur locale du DOI Re mere sauce ee en A PH— 24°. 5',93" ienresulienas 2 + un PM— 82. 4. 4 Je forme de suite les valeurs des deux rapports : __ snM. __ cosM . © sin PM’ 7 tang PM”? qui nous deviendront ultérieurement nécessaires ; et je trouve C—0,932090 log c— 1,9694577;. « — 0,033792829/ log c'—2,5288246 A9. 358 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. $ 5. Il faut maintenant recourir aux tables solaires. Ayant trouvé que le lever s’opérait à Thèbes dans les conditions héliaques le 14 juillet, il devra s'opérer plutôt à Syène dont la latitude est plus australe de 1°.37/. Présumant que la différence pourrait être d'environ x jour, j'ai prié M. Pic- qué de vouloir bien calculer le lieu du soleil pour le 13 juillet 3269, par les tables de Delambre ; et il a trouvé: Année 3269, 13 juillet. Longitude vraie du soleil, 3°.6°.24'.36",8 à o" de temps moyen à Paris, ou 2°.2®. 1° au méridien de Syène , le temps étant compté de minuit. Temps vrai à Paris+ 4%.45°,7; donc à Syène 2°.6".46$,7; en arc 31°.41'.40",5 Mouvement horaire de longitude 2’.24",89 = 144,89 log m"—2,1610384 J'ai commencé par ramener cette longitude tabulaire à la même valeur de la précession dont j'avais fait usage pour calculer le lieu de Sirius. Pour cela j'ai opéré avec la valeur actuelle de #, comme je l'avais fait dans le $ 11 de la note précédente, page 361; et j'ai trouvé qu'il fallait en re- trancher 9'.7,9; ce qui la réduit à 3°.60.15/.28",9 le 13 juillet, dans les mêmes conditions de temps et de mouvement horaires, ci-dessus désignées. Mais il m'a été facile de prévoir qu’elle amènerait le lever à s'opérer dans un abaissement vertical du soleil, qui, sans être physiquement inadmis- sible , serait notablement plus fort que ne l'ont indiqué les observations de Thèbes desquelles on se rapprochait davantage, si l’on plaçait ce phé- nomène au 12 juillet. J'ai donc pensé qu'il serait utile d'effectuer succes- sivement le calcul pour ces deux dates , afin d'apprécier l'étendue de l'in- détermination que comportent les résultats qu’on en déduit. $ 6. Prenant donc le mouvement diurne de longitude à cette époque, lequel était fort approximativement 0°.59’.57",36, je l'ai retranché de celle du 13 juillet, et j'ai eu ainsi pour le 12 : Oo 9$°.17".31",5 le 12 juillet dans les mêmes conditions de temps que ci-dessus. Avec cette longitude et l’obliquité vraie © jai calculé la déclinaison , que RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. 589 j'ai trouvée être 23°.46/.48" boréale, et j'en ai conclu la durée correspon- dante des heures temporaires de nuit H,. J'aieu ainsi : H,— 13. 61.22%; en temps 0".52.25°,5 5H, — 65.31.53" Gh:2an 78,6 Arc semi-nocturne 6H, — 78°.38'.16"o 5h.14.335,r On a vu le type de ce calcul dans le $ 9 de la note IE, page 359. Les opérations suivantes s'effectuent comme dans les $$ 13 et 14 de cette même note, en se guidant sur la figure 2. $ 7. Soit + un nombre quelconque d'heures , postérieur à linstant pour lequel la longitude ©, est calculée. La longitude © du soleil, apres le temps +, sera généralement © = Oo + m7 — 95°.17.31,5 + m'r Nommons e la distance du soleil à l'horizon oriental, comptée sur l’éclip- tique, au moment où Sirius réfracté se lève. La longitude actuelle de cet astre sera L +e. Donc, si le temps + doit convenir à ce phénomène on devra avoir : L+He=Q, + mx; ou , en remplacant les symboles L, ©, par leurs valeurs 83°.35'.30" LH e— 95.17.31", + m7 ce qui donne: (1) e—11°.42.1",5 + m'r Quand 7 sera connu, on aura e, d’où l’on déduira l’abaissement vertical H du soleil par la formule : sin H=—sine sin I En nous guidant toujours sur la fig. 2, nous avons trouvé S 4 : LM=— 96.28.57" B—mML—1833:3h:301 conséquemment l'arc total............... YLM = 160°. 4.27" Or le soleil étant supposé en Q à l'instantr, ona YL@— 94°.17.31",5 + m'"% il en résultera donc par différence . . .….. LÉ QM = 64°.46'.557,5 — mr C'est l'arc de l’écliptique qui est compris, à l'instant +, entre le soleil et le méridien inférieur. 390 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. De là, si + est connu on pourra conclure trigonométriquement l'angle horaire QPM ou P, dans lequel le soleil se trouve à l'instant du lever. Mais, d'après les conditions d'époque pour laquelle la longitude ©, est calculée, la valeur de ce même angle P, à l'instant +, sera, en arc, 31°.41.40",5 + 15°T. En égalant sa tangente à l'expression équivalente qui se déduit de l'arc QM, on aura (2) tang | 31°.41.40",5 + 15%{— CE ES où il faudra faire log c = 1,9694577 log c'=— 2,5288246. C'est l'équation qui détermine r, et elle se résoudra rapidement par des essais comme dans le $ 14 de la noteIl. $ 8. Supposons d'abord que le lever s'opère dans l'angle horaire 5H,, précisément à la fin de la XI° heure temporaire de la nuit. Il en ré- sultera 310.41. 40",5 + 169,5 — 659.311.53",3 et par suite: ps 330.50°:13/ 15 A} 10-20-21 020006 mir 32608 —0"0/-20188 ce qui donne l'argument E — 64°. 41.28", 7 En calculant le second membre de l'égalité, avec cette valeur de E, on trouve : PR = 64.46.33" De là retranchant la constante du premier membre 31°.4x".40",5 iles tree resereteenttEE rer CRE Of 330 020 d'où l'onitire-t}. Jeter r'=a".190,.175,b 92 a0b4r7 Cette valeur diffère assez peu de notre valeur d'essai, pour faire prévoir qu'elle doit être extrêmement approchée. Toutefois, pour plus de sûreté, je l'emploie à une seconde approximation. Elle donne cette fois log + = 0,3434908 log m"— °2,1610384 log m'r—2,5045392 ; MUR — 319,04 — 0-0. 1900 ce qui donne l'argument 6-30 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. 391 En calculant le second membre de l'équation (2) avec cette valeur, on trouve : P—6/4°.46'.40" d’où rétranchant la constante du 1°" membre. .2tfRe 221.211 SD EE 31°.41°.40",5 15% — 339. 4°.57",5:1 d'où tr —2".12".19,y Cette valeur résultante de + ne différant plus qu’à peine de celle qui l'a donnée, une troisième approximation serait inutile. $ 9. En l’admettant donc comme bonne, le lever de Sirius aura lieu quand le soleil sera dans l'angle horaire P— 64.46.40" et puisque l’on a, $ 6: 5H,=— 65°,31.54" il en résultera 5H,—P— 0o°.55'.14"; ou en temps 0".3.415 c’est-à-dire que le lever s’opérera le 12 juillet 3" 41°, avant la fin de la XI° heure temporaire de la nuit, ou à 4".18".27° du matin. L’arc de l’écliptique compris entre le soleil et l'horizon oriental à cet instant sera par l'équation (1) e— 119.42.1,5 + 00.b',19",5 — 11°.47'.21" et de là on conclura l’abaissement vertical du soleil H'—10°.15'.45" Les conditions de visibilité se trouveront ainsi parfaitement d'accord avec celles que nous avons tirées des observations de Thèbes, sans répu- gner à celles que Ptolémée admet pour Sirius. $ 10. Maintenant, pour passer de là au lever du 13 juillet, j'opère comme dans le $ 17 de la note II, page 369. En conséquence, je fais : T— 24 ET T' étant une nouvelle indéterminée dont l’origine est postérieure de 24" à _ celle de %, Puis, je remplace le produit 24m”'"par le mouvement diurne de longitude du 12 au 13, que nous avons admis être 0°.57.57",36, et, m'exemptant d’un scrupule de rigueur inutile, j'emploie pour calculer le petit terme correctif, mr’, la même valeur du mouvement horaire z#" qui nous avait servi dans la détermination précédente, ce qui ne saurait 392 RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. occasionner une erreur appréciable sur les conditions du phénomene. J'ai ainsi : m'z—0°.57.57",36 + m'r'; m'—144",89; log m"'=— 2,1610384 Cette expression de »/7, étant substituée dans les équations (x) et (2) du $ 7, les change dans les suivantes (1) e — 12.39.59" + m"r c tang {63°.48.58" — nr (2) tang{31°.41".40",5 + 1507 — EEE où l’on a toujours, comme ci-dessus : log ce —=1,9694577 ; log c — 2,5288246 $ 11. Pour premier essai, mettons le lever à la fin de la XI° heure temporaire de nuit, comme nous l'avons fait d’abord dans le $ 8. Cela nous donnera de même : G— 2 ROUE AIS, 20) 0 IT 206000202271) etil en résultera, pour l’argument du second membre de l'équation (2) : E—63°.43.31" En effectuant le calcul avec cette donnée, on trouve : PP 62038008 Conséquemment, pour que l'équation (2) fût satisfaite, il faudrait qu'on eût : 310.410 400,/5 pr0%0— 63038714 cela donne : 31°.56'.20",5 = = = 2".9m.455,37 — 2°,129268 1 T Cette valeur est notablement moindre que celle qui nous avait servi pour calculer le second membre. Je l'emploie au même usage dans un nou- vel essai; elle donne : mit 308; — 0°.b!,81,b: et par suite E—63°.43'.49/,5 Cette fois, on trouve P—63.380axt—#4".11"5335,4 et la condition d'égalité devient : 31°.41°.40",5 + 1507 — 63°.35'.21" RECHERCHES DE CHRONOLOGIE ÉGYPTIENNE. 393 ce qui donne 31°.56'.40",5 ee STE = 2°.7%.465,7 x’ $ 12. Cette valeur résultante de 7’ diffère si peu de celle qui l’a donnée, que nous pouvons l'admettre comme définitive. Le lever du 13 juillet s’opérera ainsi dans l’angle horaire Ben éHlcomnie: On AN IO LE ee de eee en ane ect 5,H—4" 22% 556 onén conclura. 2 NET CNE RER Re HP 0, 7023182 c'est-à-dire que le lever du 13 juillet s’opérera 7".34°,2 avant la fin de la XI° heure de la nuit ; 3°.54° plus près de minuit que le lever du r2, différence dont le sens était facile à prévoir. Avec cette valeur de +', l'équation (1) devient € — 12°.39.h90 0.5 .84,5— 12°.45!:7",5 ce qui étant substitué dans l'équation : snH=—snesinlI on en déduit: = GOT) UE L'abaissement du soleil sous l’horizon oriental dans le lever du 13 était donc plus grand de 50’.6” que dans le lever du 12, circonstance qu'il était encore facile de prévoir. Cette dernière valeur de Hrentre dans les condi- tions de visibilité habituellement admises comme moyennes par Ptolémée. Mais on ne saurait affirmer qu’elle dût être préférée à la première. C'est pourquoi j'ai établi les concordances de jour sur celle-ci, en attachant la date absolue à la 1'° année de la période quadriennale qu'elles embrassent, pour donner à cette date le plus de chances possible de stabilité. PF XKIV. 5o Page 394. ©] Fig ». FACE ORIENTALE DU PLAN DU MÉRIDIEN A THÈBES. Ce HN FACE NORD-EST DU CERCLE DE PROJECTION , DEJA SPHÈRE CÉLESTE, nbudpz OUEST SUD-EST D Z Tapie E Dion Se Z l'a : RTS ___— — es s == = 2 Fo 1! 0e RUE \CE ORIENTALE Et Fur à Q< É DU PLAN D Te ù 1 FACE ORIENTALE DU PLAN DU MÉRIDIEN \ \e 2 À THÈDES \ \ / & < N - / t \ 7 Î À | UT | |, | FA | | | | | \ Jo | | | | ) | | | —_— Re nu ) \ | \ AN | | | | | | > | | ) — \ | nn — \ | — RES EL ns ; "= DU PLAN DU MEIDIF \ \ / TNT \ \ Ci à uY Ë Ce Y= \ | ai \ \ À 6 cd J LE o Mig 1 é Liv, 3 FAUE ORIENTALE | à t à. / DU PLAN DL RAS 4 / FACE NORD-EST MÉTIDLEN DU CERCLE DE PROJEUTION Z R ——* DE 1 MEN » À c \ CEÉLESTE k \ a 1224 \ ; D, à x | X 1 / X; lux NW | / FACE ORIENTALE / \ DU PLAN DU MÉRIDIEN \ / \ \ A ù \ 4, A TUÈDES x \ k f \ N° 4 \ 4 \” \e À RAPPORT UN MÉMOIRE DE M. PASTEUR, INTITULÉ : NOUVELLES RECHERCHES sur les relations qui peuvent exister entre la forme cristalline, la composition chimique, et le phénomène rotatoire moléculaire. (Convmissaires : MM. Brot, Duwas } DE SENARMONT, rapporteur.) « Le Mémoire de M. Pasteur, dont nous avons l'honneur de rendre compte à l'Académie, est une suite de ses premiers travaux , un progrès de plus dans la voie toute nouvelle qu'il s’est ouverte lui-même, et où il a déjà rencontré tant d’inté- ressantes découvertes. « L'Académie n’a pas oublié que le point de départ des recherches de M. Pasteur est une idée préconçue; cette idée fondamentale, qu’une dissymétrie dans l’arrangement molé- culaire interne doit se manifester dans toutes les propriétés externes, capables elles-mêmes de dissymétrie; desorte que des phénomènes physiques, qui paraissent. indépendants, 5t. 396 RAPPORT SUR UN MÉMOIRE ont réellement entre eux les rapports latents qui doivent unir les effets divers d’une même cause. « Ces propriétés externes capables de dissymétrie, M. Pas- teur les a cherchées dans l'étude comparée de certains carac- tères optiques et cristallographiques bien définis, et suscep- tibles de mesure. « L'un de nous, le doyen de cette Académie, a découvert depuis longtemps qu'un grand nombre de substances natu- rellement fluides, ou rendues telles, soit par voie de disso- lation, soit par la chaleur, déplacent, par un mouvement de rotation de gauche à droite, ou de droite à gauche, le plan de polarisation des rayons lumineux qui les traversent, même sous l'incidence normale : il y a donc là, dans une propriété essentiellement moléculaire, un sens d'action spé- cifique déterminé. 11 n’est pas moins manifeste dans la forme cristalline, quand l’hémiédrie dissymétrique y détermine la formation de polyèdres géométriquement égaux dans toutes leurs parties, mais égaux par inversion, parce qu'ils pré- sentent leurs éléments divers avec une même coordination, tantôt de gauche à droite, et tantôt de droite à gauche. « M. Pasteur, généralisant un rapprochement ingénieux qu'on devait à M. Herschel, a vu dans ce dernier phénomène une dépendance nécessaire du premier, et les a considérés l’un et l'autre comme les signes extérieurs d'un arrangement moléculaire particulier; devant par conséquent, lorsqu'il se manifeste semblablement, mais en sensopposé, constituer, avec les mêmes éléments chimiques, des corps essentiellement différents. « Ses conceptions théoriques, si elles étaient exactes, lui montraient ainsi dans les phénomènes chimiques un champ DE M. PASTEUR. 397 entièrement inexploré, et lui suggéraient des moyens d’in- vestigation très-délicats. C’est ainsi, en effet, qu'il a d’abord découvert, par une sorte de prévision divinatoire, les deux acides tartriques, où les phénomènes lumineux, les particu- larités de forme hémiédrique, ont une complète égalité in- verse; où tout lereste, au contraire, est, jusque dans les plus minutieux détails, absolumert identique; de sorte que les réactions chimiques ordinaires demeurent tout à fait impuis- santes à les distinguer. Premier exemple de deux corps qui échappent ainsi à tous les agents des laboratoires, et qui cependant présentent autre chose que des différences physi- ques, puisqu'ils peuvent former une de ces unions dont on ne connaissait d'exemple qu'entre des bases et des acides , et qu'ils se combinent entre eux, directement, avec chaleur, en proportion définie, en constituant un com posé où leurs pro- priétés premières ont disparu pour faire place à des pro- priétés nouvelles. « Une découverte non moins remarquable a bientôt suivi la première, je veux parler de celle des deux acides maliques. L'identité des caractères chimiques n'est guère moins com- plète dans ces derniers que dans les deux acides tartriques; mails ce n'est pas, Comme ceux-ci, tout à fait une égalité in- verse qu'ils présentent dans leurs caractères optiques et cris- tallographiques. « Dans le premier cas, en effet, les cristaux étaient sem- blablement hémièdres, les uns à droite, les autres à gauche : ici, l’un des deux acides présente des cristaux hémièdres à gauche; l’autre, au contraire, des cristaux où la forme hé- mièdre à droite et la forme hémièdre à gauche coexistent, et se complètent l’une par l’autre. Dans les deux acides tar- 395 RAPPORT. SUR UN MÉMOIRE triques, le pouvoir rotatoire est inverse de sens, égal de quantité; dans l’un des acides maliques, le pouvoir rotatoire existe et correspond à son hémiédrie ; dans l’autre, il est nul, et sembleraits’être évanoui en même temps que la dissymétrie cristalline : comme si des propriétés optiques, égales et oppo- sées, s'étaient superposées pour se compenser dans une neu- tralité optique complète, de même que les deux formes hé- mièdres inverses se superposent en effet dans une même forme géométrique homoèdre, pour y établir la symétrie. « L'Académie a depuis longtemps donné sa haute appro- bation aux beaux Mémoires dans lesquels M. Pasteur a fait connaître ces faits importants; et si nous avons cru devoir les rappeler ici, c'est pour mieux faire comprendre ce que ses récents travaux ont ajouté à ses anciennes découvertes. « M. Pasteur a donc été, comme on vient delle voir, cons- tamment dirigé par la pensée que le pouvoir rotatoire et l'hé- miédrie non superposable ne sont que les effets divers d’une même cause ; aussi s'est-il appliqué sans cesse à en donner de nouvelles preuves. Il pouvait, il est vrai, regarder à bon droit les faits si curieux que ses inductions théoriques lui avaient fait prévoir, comme une éclatante sanction des prin- cipes qui les lui avaient révélés ; mais son bon esprit était en garde contre la trompeuse sécurité qu'on puise trop souvent ainsi dans des idées préconçues, et, par un scrupule qu'on ne saurait pousser trop loin dans les sciences d'observation, il a voulu ne pas laisser place au doute, et porter la démons- tration jusqu’à l'évidence. « Il lui était arrivé de rencontrer plusieurs substances optiquement actives, dont la forme ne s'était pas montrée hémiédrique. L'hémiédrie, il est vrai, ne paraît pas toujours DE M. PASTEUR. : 39g de nécessité essentielle dans la cristallisation d’une même ma- tière; et il ne serait pas difficile de citer plusieurs exemples d’une substance, dont les formes se présentent tantôt absolu- ment hémièdres par l’entière suppression de la moitié de leurs faces , tantôt incomplétement hémièdres par. un amoindris- sement relatif plus ou moins marqué de celles qui viennent d’autres fois à disparaître, tantôt enfin avec une absence complète d'hémiédrie ;et montrant, dans toutes leurs parties. le développement égal.et régulier qui constitue la symétrie proprement dite. « Dans notre ignorance complète des causes déterminantes de la cristallisation, et bornés, comme nous l'avons été jus- qu'ici, à l'examen de leur manifestation géométrique exté- rieure, nous ne saurions donc voir dans l’hémiédrie autre chose qu'uu phénomène du même ordre que celui qui fait naître ou prédominer tantôt l’une, tantôt l’autre des formes simples dont l’ensemble constitue de type cristallin ; elle nous apparaît plutôt eomme une disposition et un mode habituel de l'enveloppe géométrique de certains corps; que comme une propriété absolument inséparable de leur nature; et M. Pas- teur avait , pour toutes les exceptions qu'il avait rencontrées, le droit de supposer, sans témérité, que l’hémiédrie , non visiblement accusée ; existait cependant à l’état latent, n’at- tendant pour:apparaître que le développement des formes sur lesquelles elle sé serait manifestée de préférence.'Tl a au contraire pensé, avec raison; que dans l'étude de la nature toute généralisation trop:prompte est imprudente;let il à cherché à démontrer expérimentalement ce qui eût été ainsi gratuitement ‘supposé. Tel:est le but dela première partie de son travail. oo RAPPORT SUR UN MÉMOIRE « Pour modifier les formes cristallines des substances op- tiquement actives, dont la cristallisation ne s'était pas mon- trée spontanément hémiédrique, M. Pasteur a fait usage d'une méthode bien des fois éprouvée, quoiqu’on n’en puisse expliquer les principes ni en diriger les effets. A l’imitation de Romé de l'Isle, de Leblanc, de Beudant, il a fait varier la nature des dissolvants. Il a introduit dans la dissolution tantôt un excès d’acide ou de base, tantôt des matières étran- sères incapables de réagir chimiquement sur celles qu'il s'agissait de modifier ; il a même employé quelquefois des eaux mères impures; et il a fait naître ainsi des facettes nouvelles. « Chaque fois elles ont montré le genre d’hémiédrie que le caractère optique enseignait à prévoir. Le bimalate de chaux, le bimalate d'ammoniaque, la tartramide , le bitartrate d'am- moniaque , le tartrate neutre de potasse, le tartrate de po- tasse et d'ammoniaque, sont venus ainsi se ranger à la place qui leur était assignée à l'avance ; et quoiqu'il ait dû, comme il le dit lui-même, se borner aux substances qui, par leur fa- cile cristallisation et la beauté de leurs formes, se prêtent le mieux à ce genre d'épreuves, nous pensons avec lui qu'en voyant , sur un si grand nombre de cas pris au hasard, l'ex- périence complétement d'accord avec les prévisions théori- ques, on doit regarder ce fait comme général, et qu'il ne peut raisonnablement rester aucun doute sur la corrélation nécessaire de l'hémiédrie avec le pouvoir rotatoire, alors même que cette hémiédrie ne se montre pas de prime abord visiblement accusée par la structure extérieure. « M. Pasteur termine cette première partie de son Mémoire en faisant connaître de nouvelles formes cristallines où cette DE M. PASTEUR. 4ot corrélation se manifeste avec la même évidence. Il la retrouve entre autres dans les deux tartramides, dans les acides tar- tramiques droit et gauche, que les belles expériences de M. Demondésir lui ont permis de préparer; et là encore on peut suivre le parallèle constant des deux acides dans leurs dérivés. Il serait inutile d’ailleurs d'énumérer toutes les au- autres substances sur lesquelles il a constaté les mêmes faits ; M. Pasteur accumule ici les preuves à l'appui d’un principe qu'on peut, grâce à lui, regarder aujourd’hui comme sura- bondamment démontré. Ces preuves, d’ailleurs, se multiplient chaque jour; et nous nous plaisons à citer une thèse remar- quable et divers travaux où M. Loir vient de faire connaître un grand nombre de substances cristallisées qui, toutes, obéissent à la loi posée par M. Pasteur. « Dans la seconde partie de son Mémoire, M. Pasteur tire, des prémisses qu’il a établies dans ses précédents travaux, des conséquences nouvelles et très-importantes par leurs résultats actuels, par ceux surtout qu’on est en droit d’en attendre encore. « L'expérience prouve, en effet, que tous les corps doués du pouvoir rotatoire le portent à divers degrés dans leurs combinaisons ou dans leurs dérivés. Lors donc que deux de ces corps découverts par M. Pasteur, où tout est chimique- ment identique, et qui se distinguent seulement par la forme géométrique et par le pouvoir rotatoire, sont entrés en com- binaison avec une substance optiquement et cristallographi- quement inactive, tout a pu se conserver, de part et d’autre, chimiquement identique dans les combinaisons nouvelles, parce que tout a pu s’y maintenir optiquement et cristallo- graphiquement comparable ; l'élément inactif n'ayant rien T. XXIV. 51 402 RAPPORT SUR UN MÉMOIRE ajouté, rien retranché aux facultés propres de la substance active. « Introduisons au contraire, dans ces combinaisons, une substance possédant par elle-même des propriétés spécifiques de ce genre. Il faudra qu’elle les conserve en y entrant: dès lors, elle ajoutera quelque chose aux propriétés de l'élément qui agit comme elle, retranchera quelque chose aux pro- priétés de l'élément qui agiten sens opposé. Les effets résul- tant de ces causes, tantôt concordantes, tantôt antagonistes, cesseront de se maintenir comparables en quantité absolue ; et si c'est là, comme l’a toujours supposé M. Pasteur, la con- dition nécessaire de similitude dans l’arrangement molécu- laire, cette similitude aura cessé d'exister; et avec la dis- semblance interne vont commencer à apparaître toutes les différences de propriétés physiques et chimiques qui en sont les manifestations extérieures. « Les faits ont pleinement répondu à ces déductions si logiques, à ces vues intelligentes ; et il a suffi à M. Pasteur de mettre des substances identiques, que les réactifs optiques et cristallographiques apprenaient seuls à distinguer, en pré- sence d’une substance , active elle-même optiquement et cris- tallographiquement, pour créer immédiatement toutes les différences qui n’existaient pas primitivement entre elles, et pour faire rentrer leur manifestation expérimentale dans le domaine ordinaire de la chimie. « Les premiers essais de M. Pasteur ont porté sur des corps capables de s'unir par cristallisation, sans former toutefois de combinaison bien intime. Le pouvoir rotatoire moyen de ces alliages cristallins s'établit, comme il l’avait prévu, tan- tôt par addition, tantôt par soustraction, et par cela seul DE M. PASTEUR. 4o3 qu'il est très-différent à la fois de sens et de quantité; la forme et toutes les propriétés physiques et chimiques ne sont pas moins dissemblables. « Ainsi, tandis qu’une combinaison définie se forme entre le bitartrate d'ammoniaque droit et le bimalate actif de la même base, ce bimalate et le bitartrate gauche mélangés se séparent en cristallisant. Ainsi les deux tartramides droite et gauche s'unissent à la malamide active, mais la forme et la solubilité des deux espèces de cristaux complexes sont très- différentes. Des contrastes bien plus marqués vont d’ailleurs se montrer dans les combinaisons plus énergiques. « Les bases organiques, qui possèdent, comme l’a montré M. Bouchardat, un pouvoir rotatoire propre, se combinent en effet avec les deux acides tartriques , et forment , comme les bases optiquement inactives, deux séries parallèles de sels isomères. Mais tandis qu'avec ces bases inactives les sels pré- sentent une identité absolue, non-seulement dans toutes leurs propriétés chimiques essentielles, mais jusque dans ces mi- nimes particularités qui échappent presque à la description , les bases actives, au contraire, y introduisent, par leur pouvoir rotatoire propre, des dissemblances extrêmement prononcées. « Pour nous borner, par exemple, à quelques faits choi- sis parmi les nombreuses observations que renferme le Mé- moire de M. Pasteur ; on verra la cinchonine former avec l'acide tartrique droit un sel acide en cristaux netset lim pides, avec l’acide gauche un sel en aiguilles indéterminables. Le sel neutre du premier acide contient 8 équivalents d’eau, et commence, après l'avoir perdue, à fondre, en se colorant, vers 120 degrés; le sel neutre du second en contient seule- Sr: of RAPPORT SUR UN MÉMOIRE ment 2 équivalents, et demeurera , dans les mêmes circons- tances , infusible et inaltérable. « Le tartrate droit de brucine est anhydre, et précipitable immédiatement en poudre grenue; le tartrate gauche est hydraté à 10 équivalents, et cristallise lentement en houppes soyeuses et efflorescentes. « La strychnine formera deux sels acides qui renferment , ilest vrai, la même proportion d’eau, mais la retiennent avec une énergie très-inégale, et commencent à se décomposer à des limites de température fort éloignées. La même chose aura lieu enfin pour les sels de quinine, qui présenteront en outre de grandes différences de solubilité. « En voyant les acides tartriques droit et gauche engagés dans des combinaisons devenues aussi dissemblables, par le fait seul du pouvoir rotatoire de la base, il y avait lieu d’es- pérer que, de cette dissemblance même, résulteraient des forces chimiques capables de balancer l’affinité mutuelle de ces deux acides, et, par suite , des moyens nouveaux de dis- socier les éléments de l’acide racémique. Cette’ conséquence probable n’a point échappé à la sagacité dé M. Pasteur; il a cherché à la réaliser, et nous pouvons, dès à présent, an- noncer à l’Académie que ses tentatives ont été couronnées de succès. « Voici donc que l'étude de la forme et des propriétés optiques , après avoir révélé l'existence de ces singuliers iso- mères, si différents à cause de leur arrangement moléculaire symétriquement inverse, et si semblables en même temps à cause de la nature chimiquement identique des matériaux ainsi coordonnés, vient nous enseigner aujourd’hui à intro- duire dans leur structure intérieure une dissymétrie prévue, DE M. PASTEUR. 4o5 pour y créer, de toutes pièces, des dissemblances qui com- menceront à donner prise sur ces corps aux réactifs ordi- naires de la chimie. « De pareils faits nous paraissent capables de jeter un grand jour sur la partie mécanique du problème des combi- naisons. Îl est bien évident, en effet, que c’est en multipliant les exemples semblables, et en isolant ainsi, dans les phéno- mènes complexes de la combinaison, les conditions qui dé- pendent de la nature même des éléments chimiques, et celles qui résultent seulement de leur arrangement, qu’on pourra distinguer un jour ce qui appartient en propre aux unes ou aux autres , et définir la part que chacune d’elles prend à l’acte total par lequel la combinaison s'opère. « En créant ainsi, par une méthode générale et fondée sur des principes rationnels, des substances isomères qui possé- deront à volonté, dans toutes leurs propriétés chimiques, soit une identité, soit des dissemblances complètes et prémé- ditées, M. Pasteur a , par conséquent, doté la chimie de pro- cédés absolument nouveaux, de nature à fournir d’utiles documents pour la solution de ces questions ardues; et les caractères optiques et cristallographiques sont devenus, entre ses mains, de véritables réactifs, auxquels il a donné prise sur des phénomènes qui avaient, jusqu’à ce jour, échappé à tous les moyens d'investigation. « Ces instruments nouveaux doivent être féconds en dé- couvertes nouvelles ; il suffit, en effet, de porter un regard en arrière sur l'histoire de la chimie, pour reconnaître quels pas elle a faits chaque fois qu'il lui est arrivé de sortir ainsi des routes battues. N'est-ce pas à la physique qu’elle a dû déjà la balance et l’eudiomètre, sur lesquels reposent les belles 406 RAPPORT SUR UN MÉMOIRE DE M. PASTEUR. lois des proportions multiples et des volumes ? N'est-ce pas la géométrie des cristaux qui l’a mise en possession du grand fait de l’isomorphisme ? Est-il nécessaire, enfin, de rappeler ici tout ce qu'a produit l'emploi de la pile voltaique ? « Les sciences ont toutes à gagner à ces emprunts mutuels; en s'offrant l’une à l’autre un utile appui, elles viennent se toucher sans se confondre, et chaque nouveau point de con- tact est marqué, pour elles, par de nouveaux progrès. « Les résultats obtenus par M. Pasteur offrent un exemple de plus de ce que peut, dans les sciences d'observation, une idée préconçue fécondée par un esprit juste, qui ne s’en laisse ni préoccuper ni éblouir, et ne voit dans les théories à priori qu'un stimulant de plus à de nouveaux efforts, un devoir plus étroit, une obligation plus impérieuse de les soumettre à des épreuves sévères et multipliées, en épuisant sur elles tous les moyens possibles de vérification expérimentale. Son Mémoire renferme, en même temps, un complément très-intéressant de ses précédents travaux, et une introduction entièrement neuve à des recherches qui promettent de n'être pas moins fructueuses. « Nous avons l'honneur de proposer à l'Académie l'inser- tion de ce Mémoire dans le Recueil des Savants étrangers. » Les conclusions de ce Rapport ont été adoptées. L'Académie, sur la proposition de M. Arago, décide que ce Rapport sera imprimé dans ses Mémoires, comme l'ont été déja ceux de M. Biot sur les précédentes communications de M. Pasteur concernant la même question. DÉC, 2, AR A RS RE RAS ARS RE ARS RAR ARS ARR AR LR ARR RU ANUS LOS DURE LEA UE LES LA RAR RU UE RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA TEINTURE. Par M. CHEVREUL. SEPTIÈME MÉMOIRE. SUR LA COMPOSITION IMMÉDIATE DE LA LAINE, SUR LA THÉORIE DE SON DÉSUINTAGE ET SUR QUELQUES PROPRIÉTÉS DÉRIVÉES DE SA COMPOSITION IMMÉDIATE QUI PEUVENT AVOIR DE LIN- FLUENCE DANS LES TRAVAUX INDUSTRIELS DONT ELLE EST L'OBJET. Lu à l’Académie des sciences, le 20 avril 4840. Malgré mon désir de publier ce Mémoire avant les hui- tième, neuvième et dixième, je suis dans la nécessité d'en ajourner la publication, le temps ne m’ayant pas permis d’y joindre des additions que j'ai jugées nécessaires depuis la lecture que j'en ai faite à l’Académie. ——_“— 000 ——— SALE LABS LA LS RAR LR LS LA ELA LE RARE LA LE LE ARS LENS À À LA LE à DAS LR LA LA LE LRU LA LS LS LA LA LR LE LR LE LA LA AA AT LAN AA AAA ES LE LA La Va Di mao nan HUITIÈME MÉMOIRE. CONSIDÉRATIONS SUR LA THÉORIE DE LA TEINTURE ET APPLI- CATIONS DE CETTE THÉORIE AU PERFECTIONNEMENT DE PLU- SIEURS PROCÉDÉS PRATIQUES EN GÉNÉRAL, ET À CELUI DE LA TEINTURE D'INDIGO DITE EN BLEU DE CUVE EN PARTICULIER. Lu à l’Académie des sciences, le 23 novembre 1846. 1. L'art de la teinture a pour objet de fixer des matières colorées sur des tissus d’origine organique tels que le li- gneux, comprenant le coton, le lin et le chanvre, la soie, la laine, le crin, les poils, les peaux, etc. >. Les matières qui colorent les tissus peuvent y être fixées à l’état d’une combinaison résultant de l’affinité chi- mique; à l'état d’un simple mélange; enfin, à la fois à l’état de combinaison et de mélange, c’est-à-dire que dans ce der- nier cas une portion de la matière colorée est unie au tissu en vertu de l’affinité, tandis que le reste s’y trouve à l’état de simple mélange. Je vais exposer rapidement les motifs qui me font admet- tre l'existence de ces trois états des matières colorées fixées à des tissus. 1. État de combinaison chimique. 3. L'influence de l’affinité dans toutes les opérations de T. XXIV. 5a io RECHERCHES CHIMIQUES teinture où des matières en dissolution dans l’eau ou dans l'alcool quittent ces liquides pour se porter sur le tissu est incontestable, à mon sens, parce que j'admets qu’un solide ne peut s'unir qu’en vertu d’une force chimique à un corps qui l’est déjà à un autre en vertu de l’affinité, et qui y res- terait uni sans la présence du premier. Un des exemples les plus frappants de cette affinité qu’on puisse citer est celle de la soie pour le peroxyde de fer, ou plutôt pour un sous-sulfate de cette base. Je l’ai étudiée avec soin dans mes généralités sur la teinture, en mettant en opposition la force dissolvante de l'acide sulfurique et de l’eau pour le peroxyde de fer, d’une part, et d’une autre part l’insolubilité de celui-ci qui concourt avec l'affinité de la soie à la décomposition du sel. On peut encore citer l’union de l'acide sulfo-indigotique dissous dans l’eau , avec la soie et la laine qu’on y plonge; l'union de la matière colorante du brou de noix avec les mé- mes étoffes ; l'union du rocou avec la soie et le coton. 2. État de simple mélange. 4. L'extrème altérabilité des tons clairs de la plupart des gammes, et particulièrement des gammes de couleurs rabat- tues par des brunitures, m'a obligé pour le service des ma- nufactures royales de recourir depuis une quinzaine d'années à des colorations d’écheveaux de soie et de laine, qui résul- tent, non plus de matières colorées fixées en vertu de l’affinité chimique, mais de l'introduction de ces matières par un moyen purement mécanique entre les fibres les plus déliées qui constituent un fil de soie ou de laine. En observant cer- + AE) SUR: LA TEINTURE. ai taines précautions, les teintes sont unies, et lorsqu'on a choisi des matières, telles que du charbon, de l’outremer, de l'oxyde vert de chrome, des oxydes de fer, etc., etc., qui sont capables de résister à la lumière, on obtient les six pre- miers tons de gammes composées de vingt à vingt-cinq tons, qui sont extrêmement précieux pour les tapisseries et les ta- pis de la Savonnerie. C’est grâce à ces colorations que l’on a pu faire des fonds de tapisserie pour meubles gris de perle capables de résister aussi longtemps que la soie et la laine, tandis qu'autrefois, en recourant à des matières fixées par affinité, les mêmes couleurs ne pouvaient résister plus de quinze jours d'été au soleil. Cela étant, je ne puis omettre, dans ma définition de l’art de la teinture, les procédés à l’aide desquels on a obtenu des tissus colorés par l'introduction de matières qui, à l’état de simple mélange, ont une stabilité absolue pour ainsi dire relativement à celle des matières qui donneraient les mêmes couleurs en vertu de l’affinité. Pour imprégner une étoffe en fil, comme celle dont on fait usage aux Gobelins, d’une matière colorée qu'on introduit à l'état de simple mélange entre les filaments du fil, on dé- laye dans l’eau la matière colorée, préalablement réduite en poudre impalpable; on plonge dans le liquide l’étoffe préalablement mouillée et tordue, on l'y manipule de ma- nière à y faire pénétrer la matière colorée, puis on en exprime l’eau, qui y laisse la matière colorée comme elle la laisserait dans un filtre. On replonge l’étoffe dans le bain coloré, on l'en retire, on la bat entre les mains. On réitère ces manipu- lations jusqu’à ce qu'on la juge suffisamment colorée; enfin, on la lave à grande eau, et on la bat. 52. 412 RECHERCHES CHIMIQUES Une immersion d'une heure et demie dans l’eau bouillante, une immersion de même durée dans de l’eau bouillante contenant de l’alun et du bitartrate de potasse (16 laine, 1 alun, 144 bitartrate), augmentent un peu l'aptitude de la laine à absorber les matières colorées dont je vais donner les noms : l’outremer artificiel, le sesquioxyde de chrome, l’ocre jaûne, le noir animal. La différence n’est pas grande, mais elle est sensible; la laine non préparée est un peu plus claire que les autres laines , et la laine alunée a quelque chose de plus que celle qui a été tenue dans l’eau simplement bouillante. 3. En partie à l’état de combinaison et en partie à l’état de simple mélange. 5. Je citerai, comme exemple de ce cas, le résultat d'un examen que je fis en 1834 d’un échantillon de coton teint en rouge turc et d’une très-bonne qualité. Ce coton fut examiné après avoir subi deux passages à l’eau froide. Il ne céda au liquide que des traces de matière colorante et d’alcali. Le premier lavage contenait en outre une légère trace de sulfate, dont le second était exempt. Après ce traitement, le coton fut imbibé d’eau, puis tordu. L'eau déposa une quantité notable d’une laque rouge flo- conneuse, qui n'était fixée que par adhésion, et non par af- Jinité, car celle-ci n'aurait pas cédé à une force mécanique. Quant à la matière colorante qui restait au ligneux, il me serait impossible d'affirmer que la totalité y était combinée; cependant j'affirmerai qu'une grande partie s’y trouvait dans cet état. Car en recourant à l'alcool froid et à l’alcool bouil- SUR LA TEINTURE. {15 lant, à l’eau bouillante, à l’eau de potasse même, et en fai- sant concourir avec ces moyens les moyens mécaniques, je ne parvins pas à décolorer le coton. 6. J’ajouterai que dans les toiles peintes, où la matière colorée est un sel qu’on a produit par la décomposition mu- tuelle de deux sels introduits successivement dans les inters- tices des fils et des fibres composant chaque fil, quand la totalité de la matière n’y est pas à l’état de simple mé- lange, une portion au moins s’y trouve incontestablement à cet état. 7. Si je crois avec Dufay, et surtout avec Bergman et Ber- thollet, à l'intervention de l’affinité dans l’union des matières colorées avec les tissus ou étoffes d’origine organique dans la plupart des opérations de la teinture proprement dite, j'admets, d’un autre côté, l'existence de matières colorées à l’état de simple mélange dans les interstices de ces tissus, et particulièrement dans ceux des toiles de coton qui doivent leurs couleurs à des matières minérales. — On se tromperait donc beaucoup, d’après cette déclaration de principes, si on m'attribuait une opinion moyenne, une opinion de transac- tion entre les deux hypothèses extrêmes, dont l’une a été professée à l'exclusion de l’autre. — En résumé, à mon sens, il est des cas où l’affinité seule agit; il en est où la coloration est purement mécanique; enfin, il en est d’autres où une portion de la matière colorante est fixée par affinité, tandis que l’autre est à l’état de simple mélange. Voici, au reste, des expériences qui démontrent parfaitement l'exactitude de ces conclusions. On prend quatre paquets d’écheveaux de laine, de soie et de coton, composés chacun d’un écheveau de laine, d’un 414 RECHERCHES CHIMIQUES écheveau de soie et d'un écheveau de coton, pesant chacun 1 gramme; On plonge trois paquets dans un bain de 150% d'une so- lution renfermant 76,5 de sulfate de peroxyde de fer; on les y laisse douze heures, en ayant soin de les agiter, puis on les lève du bain; On lave deux paquets à l’eau distillée jusqu'à ce qu'ils ne cèdent plus de sulfate de peroxyde de fer à l’eau. On sèche le premier paquet; quant au deuxième, on le passe dans une eau de sous-carbonate de soude, on le lave, puis on le fait sécher; Enfin, le troisième paquet n’est point lavé dans l’eau, mais plongé dans de l’eau de sous-carbonate de soude, puis il est lavé ; On plonge le quatrième paquet dans un bain de 50° d’une solution renfermant 25,5 de sulfate de peroxyde de fer qui a été préalablement décomposé par le sous-carbonate de soude, et on l'y malaxe de manière à y faire pénétrer autant que possible de peroxyde de fer en suspension; on le lave parfaitement. Voilà l’exemple d’étoffes teintes par le simple mélange d’une matière colorée interposée. Il est évident, 1° que les paquets n° 1 et n° 2 sont colorés par du peroxyde de fer, fixé en vertu de l’affinité; mais le premier peut l'être par du sous-sulfate de peroxyde, tandis que le second l’est par du ferrate de soude; 2° Que le paquet n° 4 est coloré par du peroxyde de fer simplement mélangé par interposition, ou plutôt par du ferrate de soude; 3° Que le paquet n° 3 est coloré par du ferrate de soude, dal SUR LA TEINTURE. 415 uni chimiquement aux étoffes et par du ferrate de soude interposé. 8. Les procédés dont je vais parler dans ce Mémoire ap- partiennent presque tous à la pratique la plus ancienne de la teinture, et la plupart sont généralement considérés comme étant du domaine de l’affinité, parce qu’ils donnent pour résultats, non de simples mélanges, mais des combinaisons. 9. Pour atteindre mon but, je vais considérer l’ensemble de ces procédés relativement à deux circonstances générales de leur pratique dans les ateliers. À. Premièrement, relativement à la température, qui peut être celle de l’atmosphère, celle de l’ébullition du bain de teinture, enfin une température intermédiaire de 40 à 60“ en- viron. Dans le premier cas on teint à froid, dans le second au bouillon, et dans le troisième à tiède, dit-on générale- ment. B. Secondement, relativement au nombre des matières mises en présence. Le minimum qu'il puisse y avoir est l’eau, la matière co- lorée ou colorante, et l’étoffe à teindre. Le maximum qu’il puisse y avoir est l’eau, susceptible de tenir en dissolution une matière alcaline, une matière acide ouun corps neutre, une ou plusieurs matières colorées, l'étoffe, et une matière appelée mordant, que l’on considère comme un intermédiaire nécessaire pour fixer la matière colorante sur l’étoffe, et dont la nature peut être plus ou moins complexe. 10. Exemples de procédé de teinture sans mordant a froid. 1° La partie colorante rouge du carthame, que j'ai appelée 416 RECHERCHES CHIMIQUES carthamine, étant dissoute dans une eau légèrement alcaline, se combine à froid au coton et à la soie lorsqu'on a neu- tralisé le bain avec un acide tel que le jus de citron, l'acide acétique, etc. 2° L'indigotine de la cuve à froid, qui est unie à la chaux ou à la soude à l’état incolore, s’unit au coton, et, sous: l'influence de l'oxygène atmosphérique, apparaît ensuite avec la couleur bleue violetée qui lui est propre. 3° Les sels de peroxyde de fer sont susceptibles de teindre la soie et le coton à froid en couleur de rouille. 11. Exemples de procédés de teintures sans mordant à tiède. 12 La couleur rouge orangée du rocou dissous dans l'eau alcaline s'applique sur la soie à la température de 60 à 75, Elle peut s'appliquer pareillement sur le coton. 2° La couleur de l’orseille s'applique à tiède sur la soie et mème sur la laine. 3° L'indigotine de la cuve au pastel et l’'indigotine de la cuve d'Inde, qui sont unies à l’état incolore à la chaux et à la potasse, ou seulement à la potasse, s'unissent à la laine et à la soie à tiède; — et, sous l'influence de l'oxygène atmosphérique, la couleur bleue violetée qui leur est propre apparaît ensuite. 19, Exemples de procédé de teinture sans mordant au bouillon. 1° Ja laine est teinte sans mordant au bouillon avec le brou de noix, la racine de noyer, l'écorce d'aune. SUR LA TEINTURE. 417 13. Exemples de procédés de teinture avec mordant à froid. 1° La soie alunée se teint à froid dans la décoction de bois de Campèche ; — autrement on risquerait d’avoir une teinture mal unie. Beaucoup de matières colorantes solubles dans l’eau peu- vent être fixées à froid sur le coton aluné. On peut teindre à froid la soie en cochenille au moyen d'un mordant formé de bitartrate de potasse et d’une com- position d’étain dans l’eau régale. 14. Exemples de procédés de teinture avec mordant à tiède. Le plus grand nombre des matières colorantes solubles dans l’eau d’origine organique se fixent à tiède sur la soie alunée : telles sont celles de la gaude, du brésil, du bois jaune, du fustet, du quercitron, de la garance, de la coche- nille; mais celle-ci peut être appliquée au bouillon. Le plus fréquemment le coton et le lin en fils alunés sont passés à tiède dans les bains de la plupart des matières que je viens de nommer. 15. Exemples de procédés de teinture avec mordant au $ bouillon. 1° Le cramoisi de cochenille sur soie se faisait autrefois constamment au bouillon. — La soie était alunée après avoir recu un léger pied de rocou, puis elle était passée dans un bain de noix de galle et de cochenille qu’on portait au bouil- lon durant deux heures. Postérieurement, on a supprimé le pied de rocou, et l’on T. XXIV. 53 418 RECHERCHES CHIMIQUES a ajouté au bain de cochenille du bitartrate de potasse et une composition d’étain. > Presque toutes les matières colorantes, et notamment celles qui sont solubles dans l’eau, s'appliquent sur la laine au bouillon; le mordant peut être l’alun, l’alun et le bitar- trate de potasse, une dissolution d’étain dans l’eau régale, enfin un sel ferrugineux pour les brunitures. 16. Il n’est pas douteux que les teinturiers praticiens aient eu des motifs pour ne pas opérer toutes les teintures à une même température, et pour ne pas faire constamment usage d’un mordant, soit d’acétate d’alumine, soit d’alun, soit d’alun associé au bitartrate de potasse, soit de composition d’étain dans l’eau régale, soit enfin d'un sel ferrugineux ou cuivreux. — Si l’on explique parfaitement, d’après la diver- sité des résultats obtenus de l'emploi spécial de chacun de ces mordants, pourquoi, dans un cas donné, on emploie l'un à l’exclusion des autres; si l’on sait que la soie alunée doit être teinte à froid dans un bain de campèche pour que la couleur en soit unie, il faut reconnaître qu'il existe un très- grand nombre de cas où un professeur de teinture ne peut expliquer la raison d’une pratique plutôt que d’une autre, et, sous ce rapport, on peut se croire moins avancé aujour- d'hui qu'on ne paraissait l'être à l’époque où Macquer écri- vait son excellente description de l'Art de la teinture en soie; car, dans un avant-propos remarquable d’ailleurs par la justesse de plusieurs considérations relatives à l'analyse chimique immédiate, il semblait expliquer d’une manière aussi simple qu'heureuse pourquoi des matières colorantes devaient être fixées avec des mordants, tandis que certaines autres pouvaient l’être sans leur intervention. ef 7 SUR LA TEINTURE. 419 Par exemple, Macquer distinguait trois sortes de matières colorantes : des matières colorantes résino-extractives, telles que les matières colorantes du brou de noix, de la racine de noyer, du sumac, du santal, de l'écorce d’aune: des matières colorantes résineuses, telles que l’indigotine, le rocou, l’or- seille, le carthame; et enfin des matières colorantes extrac- ñves, telles que celles de la gaude, de la sarette, de la genestrolle, des bois d'Inde et de Brésil, du fustet, de la garance, du kermès et de la cochenille. Les matières colo- rantes résino-extractives n'étaient solubles dans l’eau que par une matière extractive, de sorte que la moindre action suf- fisait pour déterminer la résine à se précipiter de l’eau. C’est ainsi que Macquer expliquait qu'il suffisait du contact de la laine dans l’eau de brou de noix bouillante pour séparer la couleur résineuse, et parce que celle-ci était insoluble dans l’eau, la laine n'avait pas besoin de mordant. C'était par la même raison que l’indigotine, l’orseille, le rocou, la carthamine, qui étaient insolubles dans l’eau à cause de leur matière résineuse lorsqu'elles y étaient dissoutes par l’inter- médiaire de quelque corps, il suffisait de la présence d’une étoffe pour qu'elles se déposassent dessus. Enfin, la solubilité dans l’eau des matières colorantes extractives exigeait l'in- tervention d'un mordant, c’est-à-dire d’un corps qui rendait la couleur extractive insoluble dans l’eau. Macquer, dans cet avant-propos, semblait adopter l'explication toute mé- canique de Hellot concernant le rôle du mordant. 17. Je ne sache pas que depuis Macquer jusqu’à mes recher- ches sur la teinture on ait donné des explications concernant la raison de la diversité des procédés de l’art, et appuyées d’ailleurs d'expériences précises; c'est ce qui m'engage à ré- DS: 420 RECHERCHES CHIMIQUES sumer la manière dont j'ai envisagé ces procédés en général. Mais d’abord je dirai que, touten admettant l'expression de mordant dans le langage des ateliers et des recettes, je la re- Jette absolument du langage scientifique, par le double motif qu'elle manque de précision, et qu'elle peut occasionner quelque embarras dans plusieurs cas. En conséquence, dans chaque teinture produite par affinité, Je ne considère qu’une étoffe et une matière colorée plus ou moins complexe qui s'y combine en vertu des forces que nous appelons chimiques. La matière colorée peut être un acide comme l'acide carba- zotique, l'acide sulfo-indigotique ; une base salifiable, comme le peroxyde de fer; un sel, comme un sulfo-indigotate d’alu- mine, d'étain, etc.; Îe bleu de Prusse; des principes colo- rants d’origine organique, tels que l’indigotine, la cartha- mine, le principe rouge orangé du rocou, la matière colorante du brou de noix; un composé plus ou moins complexe d'un principe colorant de nature organique, tel que l’hématine, la carmine, la lutéoline, le quercitrin, l’alizarine, etc., et d'un acide, d'une base salifiable, et même d’un sel: par exemple, dans la couleur écarlate, la carmine est unie à de l'acide tar- trique et à du peroxyde d’étain. 18. Ces combinaisons, comme toutes les autres, s’opèrent dans des circonstances que la science doit déterminer quantaux corps qui y prennent part essentiellement, quant à ceux qui peuvent en favoriser l’action, quant aux proportions respec- tives de tous, et enfin, quant à la température la plus con- venable à l’action chimique que l’on se propose d'opérer. La science doit en outre chercher à donner aux combinaisons colorées la plus grande stabilité possible. 19. La température a dû fixer mon attention d’une ma- SUR LA TEINTURE. A21 nière toute particulière, dès que je me suis occupé de tein- ture; car j'avais vu déjà la grande influence qu’elle exerce pour modifier les corps, et c'est pour cette raison que j'at- tachais tant d'importance à avoir constaté, avant que le mot isomérie eût été mis dans la science, que l’albumine coa- gulée par la chaleur et celle qui ne l’a point été se rédui- sent, pour des quantités égales , à des résidus égaux en poids, après avoir été séchées dans le vide sec. Je généralisais ce fait en en rapprochant les modifications que les oxydes de zirconium, de titane, etc., en éprouvent de la part de la cha- leur, lorsque, de solubles qu'ils étaient dans les acides, ils y deviennent insolubles après avoir éprouvé le phénomène de l’incandescence. J'en suivais les conséquences en faisant voir la grande différence qu'il y avait entre des matières or- ganiques complexes séchées dans le vide sec et les mêmes matières séchées à une température de 100 degrés et au-des- sus, surtout quand ces matières sont liquides. Enfin, je liais tous ces phénomènes ensemble, en les rapportant à l'opéra- tion que je proposais de désigner par le mot de cuisson. Par là, l'influence que la chaleur exerce sur beaucoup d'aliments enen modifiant les propriétés, l'influence qu’elle exerce dans la teinture, soit qu’on opère dans un liquide bouillant , soit qu'on frappe une étoffe imprimée par la vapeur (1), enfin, (x) C’est surtout en examinant : 1° l’action de l'eau froide sur un tissu de laine imprégné de sulfate de cuivre, 2° l’action de l'eau bouillante sur un pareil tissu, 3° l'action de la vapeur sur un troisième échantillon, que l’on apprécie l'identité de l'influence de la température dans la tein- 422 RECHERCHES CHIMIQUES celle qu’elle exerce sur un grand nombre de matières inor- ganiques, se rapporte à une opération unique, celle de la CUISSON. 20. Il restait à trouver une méthode propre à juger de la stabilité respective d’étoffes teintes, soit avec les mêmes in- grédients , mais employés de diverses manières, soit avec des ingrédients différents, donnant à l'œil des produits sembla- bles ou à peu près semblables ; enfin, il restait à soumettre au même examen comparatif les produits de l’action isolée de chacun des corps qui peuvent concourir à un résultat unique. 21. C’est conformément à cette méthode que j'ai pu ap- précier, dans le quatrième et le cinquième mémoire de mes Recherches chimiques sur la teinture, l'influence exclusive de chacun des agents atmosphériques en particulier, compa- rativement avec leur influence simultanée. 22. Après ces considérations générales, mais indispensa- bles pour établir la dépendance de l’objet particulier de ce Mémoire avec la science proprement dite et la pratique en général des procédés de la teinture, je vais exposer les résul- tats de mes expériences sur la teinture d’indigo, dite en bleu de cuve. Il s’agit ici d’une industrie considérable, car c’est à elle que se rapporte la confection du drap bleu. Quoique ce genre de teinture s'applique au coton et à la soie, cependant il est loin, même pour le coton, d’avoir autant d'importance que pour la laine; c'est donc principalement sur la teinture de cette dernière que je vais insister. ture au bouillon et dans la teinture à la vapeur. Voyez Comptes rendus de l’Académie des sciences, séance du 26 décembre 1837. SUR LA TEINTURE. 423 23. Après avoir cherché vainement s’il y avait un procédé propre à empêcher sûrement les draps bleus de perdre de leur couleur, et de blanchir sur les parties exposées au frot- tement , je résumais en ces termes , en 1834, dans le Diction- naire technologique , l’état des connaissances d'alors sur ce sujet : « Nous avons recherché avec soin la cause de cet ef- « fet, et toutes nos tentatives n’ont abouti qu’à ce résultat : « c’est qu'il n'existe pas de procédé connu susceptible de don- « ner à une laine quelconque la propriété de ne pas présen- «ter le défaut dont nous parlons; mais si on a le soin de « n’employer à ce genre de teinture , 1° que des laines en bon « état de conservation , quelle qu’en soit d’ailleurs la finesse ; « 2° que des laines suffisamment âgées pour qu’elles puissent «se bien dégraisser ; 3° que des laines parfaitement dégrais- « sées ; 4° que des laines teintes au plus haut degré de chaleur « possible (mais alors la couleur est moins brillante que dans « le cas contraire); 5° que des laines qui n’ont été lavées « qu'après avoir été complétement refroidies ; 6° que des lai- « nes teintes dans des cuves récentes ou qui n’étaient pas trop « vieilles ; 5° enfin, si on ne les soumet pas, lorsqu'elles sont « confectionnées en drap, à la machine dite & lustrer, on « aura plus de chances de réussir qu'en négligeant d'observer « ce que nous venons de prescrire. » 24. Enfin, je crois devoir encore rapporter ici le passage suivant du rapport que je fis en 1844 au jury central chargé d'examiner les produits de l’industrie française : « Conformément aux vues que nous venons de dévelop- « per, nous n'avons pu citer favorablement dans notre rap- _ « port des essais au moyen desquels on a voulu remplacer « l'indigotine par des ingrédients de petit teint, soit en re- 424 RECHERCHES CHIMIQUES € A « LCe « montant du bleu d’indigotine avec du campèche, soit en faisant du bleu avec du campèche seulement : les étoffes teintes par ce procédé n’ont pu soutenir les épreuves du soleil, que tous les draps destinés à l'habillement doivent supporter pour être réputés de bon teint. « Enfin, si on peut justifier le procédé du bleu dit de Ne- mours, qui consiste à remonter du drap piété d’indigotine avec du calliatour, ce n’est qu’à la condition de considérer cette couleur ainsi remontée comme rabattue, et non comme une couleur franche destinée à remplacer l’indi- gotine fixée sur les draps à l'exclusion de tout autre prin- cipe colorant; car si la partie colorante du calliatour donne au drap piété de bleu une nuance de violet, en s’altérant assez rapidement sous l'influence de l'atmosphère, elle finit par prendre une teinte rousse qui nuit à la couleur bleue de l’indigotine, et cet inconvénient n’est pas, à nos yeux racheté par l’avantage que peut avoir le drap bleu de Nemours de ne pas blanchir sur les coutures, ainsi que « cela arrive assez fréquemment aux draps teints à l'indigo seulement. Æu reste, nous avons tout lieu d'espérer, d’a- près les expériences qui nous occupent, que d'ici à peu de temps on sera en mesure de fixer plus fortement l’indigo- tine qu'on ne le fait aujourd'hui. » 25. J'expose maintenant les résultats des expériences qui m'autorisent à penser que l'espoir dont je parlais en 1844 n'a pointété décu par mes recherches. 000 mm — SUR LA TEINTURE. . 425 FIXAGE DE L'INDIGOTINE SUR LES ÉTOFFES DE LAINE ET DE COTON. => 0 ——— ARTICLE I. Fixage de l’indigotine sur la laine. Opération. 26. (a) On passa dans une cuve d'Inde en bon état quel- ques décimètres carrés de drap feutre, de manière à les tein- dre en bleu de roi clair, ce qui donna le trente-deuxième ton d’une gamme composée de trente-six tons, le 15 juillet 1844. (b) Le drap fut partagé en quatre morceaux : l’un fut gardé pour norme avec la désignation de n° 1; Un second, n° 2, fut exposé pendant une demi-heure à un courant de vapeur ; Un troisième, n° 3, fut passé pendant une heure à un bouillon d’alun et de tartre dans les proportions suivantes : Etoffe there r re 8" \ Alan EEE 2 | Bitartrate de potasse.. 0,5 Ra EC aa Eee 250,0 il fut bien lavé ensuite; T. XXIV. 54 426 RECHERCHES CHIMIQUES Un quatrième, n° 4, fut passé pendant une heure à un bouillon de composition pour l’écarlate et de tartre dans les proportions suivantes : ÉtoReg ET. E. 8 er: Comp. p. l'écarl... 2 Marti er mer 2 Bateau 250 il fut bien lavé ensuite. (d) Chacun des quatre morceaux fut partagé en deux parties : l’une resta comme norme dans un lieu obscur, et l’autre fut exposée dans la chambre vitrée que j'ai fait cons- truire aux Gobelins, lorsque M. le vicomte de Larochefou- cauld avait la direction des manufactures royales. L'exposition a duré depuis le 22 juillet 1844 jusqu'au 22 octobre 18/46, c’est-à-dire deux ans et trois mois. (e) Voici maintenant les résultats observés en comparant les quatre échantillons normes à leurs échantillons respectifs qui ont subi l'exposition à la lumière. Le n° 1 avait beaucoup baissé, et la couleur en était deve- nue verdâtre. Les n° 2 et 3 avaient peu changé, et la couleur était fran- che; le n° 4 avait un peu plus baissé que les n° 2 et 3, mais moins très-sensiblement que le n° 1. 27. Un fait remarquable, c’est que les échantillons expo- sés à la lumière, n® 2, 3 et 4, ne présentaient pas pour ainsi dire, d’affaiblissement sur la tranche du drap qui avait été le plus exposée à la lumière, tandis que la tranche correspon- dante du n° 1 avait excessivement blanchi. Je mets les résultats de mes expériences sous les yeux de l’Académie. SUR LA TEINTURE, 427 28. Des expériences semblables furent faites sur une mousseline de laine : la couleur était beaucoup moins élevée de ton que le bleu sur drap feutre, les résultats furent les mêmes que les précédents, mais ils me donnèrent l’occasion de faire de nouvelles observations. Une mousseline de laine, passée en cuve d’Inde de manière à constituer le douzième ton d’une gamme de vingt tons com- pris entre le blancet le noir, fut partagée en deux parties, À et B; la partie À ne fut point alunée, et la partie B le fut. Celle-ci avait baissé de ton par l’alunage. Après avoir réservé des normes, j'exposai au soleil, dans la chambre dont j'ai parlé, deux échantillons, du 20 juin 1845 jusqu'au 20 octobre 1846. Après seize mois d’exposition la par- tie À,qui n'avait pas subi l’alunage, avait beaucoup baisséde ton, tandis que la partie B, quil'avaitsubi, avait à peine des- cendu. Le bleu en était plus violeté que celui des normes; et, fait remarquable, il était donc bien plus élevé de ton que la partie À, non alunée, qui avait subi l’insolation. Conséquemment l'influence de l’alunage pour fixer l’indi- gotine est incontestable pour les tons clairs aussi bien que pour les tons foncés. Mais voici la réponse à cette question : Quelle influence l'exposition à la vapeur d’eau exerce-t-elle sur les parties À et B? En soumettant des échantillons de A et de B à la vapeur d'eau pendant une heure et demie, la couleur s'épure dans les deux cas, en perdant du roux et en prenant du violet, elle augmente très-légèrement de ton et toujours A est plus élevé que B qui a reçu l’alunage. Maintenant, en les exposant à l'insolation dans les mêmes circonstances que les échantil- 54. 428 RECHERCHES CHIMIQUES lons passés à la vapeur pendant seize mois, on voit que l’é- chantillon A non aluné a bien plus résisté que l'échantillon A non passé à la vapeur, que la teinte est plus brillante, et en second lieu que l'échantillon aluné B est très-sensiblement plus élevé que A ; d’où je tire cette seconde conséquence, que l’indigotine, pour devenir le plus stable possible sur la laine, a eu besoin de l’alunage et d'un passage à la vapeur. 29. Lorsque je suis entré aux Gobelins, les laines étaient exclusivement ébrouées au son avant de recevoir la teinture. Les difficultés occasionnées par le mélange des laines à tein- dre me conduisirent à passer les laines au sous-carbonate de soude et à la chaux; je n’ai parlé de ces procédés d'une ma- nière publique que huit ou dix ans après avoir acquis la cer- titude qu'ils n'avaient aucun inconvénient sur les qualités de la laine teinte et à la stabilité de ses couleurs, eu égard à sa ténacité. | Les expériences que je viens de rapporter ayant été faites comparativement avec trois échantillons de mousseline de laine, dont l’un avait été ébroué au son, le deuxième passé au sous-carbonate de soude, et le troisième à la chaux, les résultats que j'ai exposés sur l'influence de l’alunage et de l'exposition à la vapeur sont identiques pour les laines soumises à ces trois préparations préalables. SUR LA TEINTURE. 429 ARTICLE Il. Fixage de l’indigotine sur le coton. 30. Un coupon de coton fut passé dans une cuve d'Inde, puis aéré et lavé; on le divisa en plusieurs morceaux, n° 1, na2;ét:n3: Le n° 1 ne subit aucune autre préparation que le passage à la cuve, l’aérage et le lavage. Le n° 2 subit une exposition à la vapeur d’une heure et demie. Enfin, le n° 3 fut soumis à un bouillon d’alun pendant trois quarts d'heure. Le n° 2 prit du violet sans augmenter de ton. Le n° 3 baissa sensiblement en perdant du verdûtre. Ces résultats sont donc les mêmes que ceux que la mous- seline de laine a présentés. Les échantillons n° 1, 2 et 3 furent exposés du 12 août 1844 au 12 octobre 1846 à l’insolation. Après une exposition de deux ans et deux mois, ils présen- tèrent des résultats conformes au précédent, mais non tout à fait identiques ; car l’indigotine avait presque entièrement disparu. J’ai fait remarquer ailleurs que l’indigotine appli- quée par voie de désoxygénation sur le coton est bien moins stable que sur la laine; mais quoi qu’il en soit de cette dis- parition, tout œil exercé remarquera que ce n° 2, soumis à la vapeur, a conservé plus de bleu que le n° 1, qui a une légère 430 RECHERCHES CHIMIQUES teinte jaunatre, et enfin, que le n° 3, soumis à l’alunage, n’a point de teinte rousse, mais une teinte bleuâtre qui est légè- rement moindre que celle du n° 2. L'exposition à la vapeur et l’alunage sont donc favorables au fixage de l'indigotine sur le coton, aussi bien que sur la laine. 31. À ces résultats ajoutons les suivants : J'ai dit que l’alunage avait baissé le ton du n° 1. Ayant soumis le n° 2, passé à la vapeur, à un alunage de trois quarts d'heure, il baissa légèrement mais sensiblement relativement au n° 3. Je vis en outre que l’alunage des n° 1 et 2, fait à froid, n'avait pas la même influence pour abaisser le ton que l'alunage fait à chaud. Enfin je reconnus que, quoique le n° 2 aluné à froid füt à un ton très-sensiblement plus faible que le n° 1, aluné pa- reillement à froid, celui-ci résista moins au soleil que le se- cond, Et le n° 2, qui avait été préalablement exposé à la va- peur, avait peut-être plus résisté au soleil que le n° 1 aluné à froid. Conséquence. L’alunage à froid n'a pas ou n’a qu'une faible influence pour maintenir l'indigotine appliquée à froid ou à la tem- pérature de la cuve d’Inde. L'alunage à froid d'une toile de coton soumise à la vapeur après le bain de cuve m'a semblé ajouter à la stabilité de l’in- digotine. SUR LA TEINTURE. 431 Conclusions. 32. En définitive, toutes les expériences que je viens de rapporter, étant parfaitement comparatives, elles m’autori- sent à tirer les conclusions suivantes. 33. Le drap feutre teint dans une cuve d’Inde a acquis de la solidité par son passage à la vapeur, ou par son pas- sage à l’eau d’alun et de tartre bouillante, ou enfin par son passage à l’eau contenant de la composition d’écarlate et du tartre pareillement bouillante; mais les deux premiers pro- cédés sont préférables au troisième. La mousseline de laine ébrouée au son ou passée au sous- carbonate de soude ou à la chaux a présenté des résultats absolument semblables. On a, en outre, constaté que l’action de la vapeur ajoute à l'effet de l’alunage. 34. Le coton présente des résultats analogues aux précé- dents; mais la vapeur et l’alunage ne donnent point à l’in- digotine la même stabilité sur le ligneux que sur la laine. Cela est bien sensible sur les échantillons de coton et de laine teints à l’indigotine qui ont été exposés le même temps à l’atmosphère. à # Conséquences. 35. La conséquence de ces résultats est de reprendre : 1° Toutes les teintures faites à froid avecou sans mordant, pour voir si elles ne gagneront pas en stabilité par l'effet de la cuisson ; 2° Toutes les teintures faites à chaud sans mordant, pour voir si elles ne gagneront pas en y ajoutant un mordant. 432 RECHERCHES CHIMIQUES SUR LA TEINTURE. 36. Enfin je terminerai ce Mémoire par une observation qui permet d'espérer qu’on augmentera la stabilité des di- verses matières colorantes employées en teinture aussi bien qu’en peinture, au moyen de l'addition de certains corps qui ne sont pas des mordants. J'ai constaté déjà que la gomme arabique et plusieurs substances analogues, que plusieurs corps gras assurent la fixité de l’indigotine sur les étoffes indépendamment de la cuisson et d’un mordant. 1 28 RS TR ET RS RS RS TE SCC EE RES NEUVIÈME MÉMOIRE. DE L'ACTION QUE DES CORPS SOLIDES PEUVENT EXERCER, EN CON- SERVANT LEUR ÉTAT, SUR UN LIQUIDE TENANT EN SOLUTION UN CORPS SOLIDE OÙ LIQUIDE. Lu à l’Académie des sciences, le 6 juin 1853. ———"# 4 — 1. Jusqu'à ce jour, les actions moléculaires qui se manifes- tent lorsque des corps solides, plongés dans des solutions li- quides, conservent leur état solide, n’ont que peu fixé l’atten- tion. C’est ce qui m'engage à rappeler plusieurs observations, déjà anciennes, relatives à ce sujet, et particulièrement un tra- vail présenté à l’Académie, le 9 de juillet 1821, sur les tissus d’origine animale considérés au point de vue de leur faculté d'absorber différents liquides. 2. Les premières observations que je citerai remontent au 21 d'août de l’année 1809 (1). Je remarquai qu’un résidu char- bonneux (provenant de la réaction de 60 grammes d'acide sulfurique sur 30 grammes de camphre), lavé jusqu’à ce que le lavage ne précipität plus l’azotate de baryte, avait, entre autres propriétés , celles que je vais rappeler. (1) Annales de chimie, 1810, tome LXXIII, page 167. T. XXIV. 55 RECHERCHES CHIMIQUES En SS Ù à grammes de ce résidu furent tenus deux heures dans de l’eau bouillante, avec 6 grammes de potasse à l’alcool, et douze heures dans le liquide refroidi. La solution étendue d’eau, filtrée, contenait une matière brune en solution, qui fut précipitée par l'acide azotique, sans qu'il restät une quantité sensible d'acide sulfurique dans la liqueur. Mais voici des faits plus remarquables encore que je vais rappeler. « La partie du résidu charbonneux qui ne s'était pas dis- « soute dans l'alcali (11), bien lavée et desséchée, donna, « lorsqu'on la chauffa dans la boule de verre, 1° du gaz « acide carbonique en grande quantité ; 2° du gaz hydrogène «sulfuré; 3 du gaz hydrogène oxycarburé; 4° un charbon « qui avait une forte odeur de sulfure, quand on exhalait « dessus l’haleine humide. Cette odeur m'ayant fait pré- « sumer qu'il pouvait retenir du sulfure de potasse, je le « lavai à l’eau bouillante. Mais si l'eau en dissolvit, il y en « eut si peu que l’acétate de plomb ne fut pas sensiblement « noirci. D'après ce résultat, je suivis une autre marche d’a- « nalyse: je fis brûler le charbon, et j'obtins une cendre « grisâtre, qui, étant lavée à l’eau, donna du carbo- « nate et du sulfate de potasse, ainsi que les dissolutions « de baryte et de platine le firent connaître. Puisque, dans « ce composé, il y a du soufre et de la potasse qui ne se « dissolvent pas dans l’eau chaude, il me semble très-naturel « de penser que ces corps sont fixés à la matière charbon- « neuse par une véritable affinité chimique. Je pense, d’après « cela, qu'une partie des bases alcalines et terreuses qui se « trouvent dans les charbons de bois, etc., peut y être en « combinaison. » (Ænnales de chimie, tom. LXXIL, p. 177.) po SUR LA TEINTURE. 435 Ainsi, un charbon contenant de l’acide sulfurique prend de la potasse à l’eau sans perdre sa solidité. Le composé produit, exposé à la chaleur rouge, perd son oxygène à l’état d’acide carbonique et d'oxyde de carbone, une partie de son soufre à l’état d’acide sulfhydrique, tandis que le reste forme un sulfure alcalin qui perd sa solubilité dans l’eau par son union avec le charbon. Or, l’insolubilité dans l’eau ne pouvant être que le résultat de l’affinité du corps soluble pour le corps insoluble, j'en ai conclu la possibilité qu’une partie au moins des bases alcalines et terreuses existe en combinaison avec le carbone dans le charbon de bois (1). A ces résultats j'ajoute les suivants, que j'extrais d’un mémoire sur le CARTILAGE du Squalus peregrinus, imprimé dans les Ænnales du Muséum, tom. XVIII, année 1811, P- 136. Le cartilage du Squalus peregrinus renferme du sulfate de soude, du sous-carbonate de soude, du chlorure de sodium, (1) Je profite de cette occasion pour rappeler que la dernière commu- nication de Curaudau à l'Académie fut une expérience qui, selon lui, démontrait que la potasse était un composé de corps gazeux, qui se ré- duisait en ses éléments lorsqu'on chauffait au rouge le sulfate de potasse avec du charbon dans une cornue de grès. Son raisonnement était celui- ci : suivant la théorie que Curaudau combattait, le sulfate de potasse rougi avec du charbon devait se réduire en sulfure de potassium fixe au feu et très-soluble dans l’eau. Or, dans son expérience, il s'était dégagé des gaz inflammables, de l'acide carbonique et de l'azote, et le résidu qu'il avait obtenu ne cédait pas de sulfure de potassium à l’eau. Il ne me fut pas difficile de reconnaître le soufre et le potassium dans ce résidu, en inci- nérant le charbon. M. Vauquelin, devant faire un rapport sur le mémoire de Curaudau, m'avait chargé de répéter ses expériences. 55. 436 RECHERCHES CHIMIQUES des phosphates de chaux, de magnésie et de fer, de la silice. 100 de charbon de ce cartilage ont cédé à l’eau gr. Sulfate de soude anhydre..... 19,8 Sous-carbonate de soude...... 1,43 Chlorure de sodium ......... 19,22 Matières terreuses........... 0,25 40,72 Le charbon ainsi épuisé, traité par l'acide chlorhydrique, dégagea de l'acide sulfhydrique et de l'acide carbonique, et fut épuisé de toute matière saline et terreuse. Je pense que le sodium était à l’état de sulfure et de sous-carbonate uni au charbon. — Voici les proportions : gr Sulfure de sodium représenté par sulfate de soude.. 6,40 Sous-carbonate de soude............... tech 1,40 Phosphates de chaux, de magnésie et de fer....... 0,80 8,60 Je conclus que le quart environ du sulfate de soude du cartilage frais était resté à l’état de sulfure insoluble dans l’eau, combiné avec le charbon provenant de la distillation de ce cartilage, conformément aux faits précédents. Mais j'ajoute à cette conclusion que le charbon qui avait été soumis à l’action de l'acide chlorhydrique retenait de cet acide en combinaison; c’est ce que j'exprimai en ces termes dans le mémoire cité (pag. 149): « J'éprouvai une «peine infinie pour arriver à ce terme; il fallut le faire «bouillir pendant plus d’un mois et demi pour obtenir SUR LA TEINTURE. 437 «un lavage qui ne précipität point la dissolution d'argent. « [n'est pas douteux, d'après cela, qu'il n'y ait une véri- « table affinité entre l'acide muriatique et le charbon. » Ainsi, dès 1811, j'avais donc prouvé par l'expérience que le charbon se combine avec le sulfure de sodium, des ba- ses, et l’acide chlorhydrique, en vertu de l'affinité chimique. 3. Je parlai, dans les termes suivants, des propriétés qu’a le charbon d'enlever des odeurs et des matières colorées à des liquides (Dictionnaire des sciences naturelles, tom. VIII, publié en 1817, page 279, au mot Charbon): « Il n’est pas « douteux que lecharbon n’agisse de deux manières, et comme « filtre mécanique qui sépare des parties qui sont en suspen- «sion (dans un liquide), et comme corps chimique, qui «n’absorbe pas indistinctement toutes les matières odo- « rantes ou colorées. Si son action était tout à fait indépen- « dante d’une certaine affinité élective, on ne voit pas pour- « quoi il n’absorberait que certaines de ces matières. » 4. En 1821, après avoir observé queles cristaux d’alun sem- blent agir sur l’hématine qui en touche la surface, par leur acide, et en vertu d’une affinité faible, je proposai de quali- fier cette affinité de capillaire, Parce que, ajoutais-je en note (Dictionnaire des sciences naturelles, tome XX, page 527), « l’alun exerce cette action sans que sa forme soit altérée, et «il l'exerce à la surface de ses cristaux. Nous pensons que « toutes ou presque toutes les teintures que l’on applique « sur les étoffes sont fixées par une affinité de ce genre. « Plusieurs substances cristallines que l’on rencontre dans « la nature, tantôt incolores, tantôt colorées, peuvent devoir « leur couleur à une substance étrangère qui est fixée par «une affinité capillaire, tant sur leur surface que dans les Â38 RECHERCHES CHIMIQUES « interstices qui se trouvent entre les lames dont le cristal « est formé. » 5. Les tissus d’origine animale, tels que tendons, tissu élastique jaune, cartilage de l'oreille externe, ligament carti- lagineux du genou, fibrine, cornée opaque et cornée trans- parente, et j'y ajoute l’albumine, considérée à l’état sec et à l’état frais, ont été le point de départ des recherches dont il me reste à entretenir aujourd’hui l'Académie. Dans le mémoire du 9 juillet 1821 je suis arrivé aux conclusions suivantes (1): 1° Tous les tissus d’origine animale que je viens de nom- mer sont jaunâtres ou grisâtres à l’état sec, ou après avoir perdu l’eau qui leur ést unie à l’état de tissus frais. 2° Plongés dans l’eau à l’état sec, ils en absorbent des quantités correspondantes à celles qu’ils contenaient à l’état frais, et, en reprenant de l’eau, ils reprennent les propriétés physiques qu'ils possédaient primitivement. 3° On peut faire perdre par la dessiccation à un tissu frais ses propriétés physiques, et les lui faire reprendre par l’imbi- bition de l’eau, et cela un grand nombre de fois, sans que le tissu paraisse éprouver de modification dans sa structure. 4° L'eau seule est susceptible de donner aux tissus secs les propriétés qu'ils ont à l’état frais. 5° Aussi l'alcool, l’éther, les huiles grasses sont-elles absorbées sans que les tissus secs reprennent les propriétés qu'ils ont dans l’économie animale. 6° L'eau qui tient des sels en solution, du chlorure de (1) Mémoires du Muséum, tome XII, page 66, et Annales de chimie et de physique, tome XIX, page 32. SUR LA TEINTURE. 439 sodium, peut avoir des actions fort différentes de celles de l'eau pure. 7° L’isomérisme de l’albumine fraîche, évaporée à sec, sans chaleur, avec l’albumine coagulée par la chaleur et séchée au même degré dans le vide sec, est démontré pour la pre- mière fois dans ce mémoire. 8 Une des conséquences de cette observation est de dé- montrer encore comment la chaleur peut agir sur les corps d’origine organique pour les cuire, et comment elle agit d’une manière analogue sur des corps d’origine inorganique. g° Enfin, c'est de la considération de ces faits que j'ai dé- duit l’action de la chaleur lors du fixage des matières colorées sur les tissus, et que, dans mes Lecons de chimie imprimées en 1829, j'ai comparé l’action du charbon sur les corps dissous à celle des tissus. 6. Le mémoire que je présente aujourd’hui à l'Académie sous le n° 9 de mes Recherches chimiques sur la teinture, se lie de la manière la plus intime aux travaux dont je viens de rappeler les principaux résultats, car il a pour objet l’exa- men de ce qui arrive lorsqu'un corps solide est mis en con- tact, non plus avec un liquide simple, mais avec la solution d’un corps solide ou liquide, qui est incapable de dissoudre le premier corps. Il est clair que, s'il se produit un composé insoluble, comme cela arrive au charbon sulfurique traité par la po- tasse, à la peau qui s’unit à l’acide tannique d’une solution de tan, il n’y a aucune difficulté. Mais si le corps solide s’unit au corps dissous, et que la combinaison cède au lavage qu'on fera du corps solide après l'action, on ne pourra plus conclure s’il y a eu réellement 44o RECHERCHES CHIMIQUES union entre les corps, puisque, si elle a eu lieu, le lavage aura détruit la combinaison. C'est cette difficulté qui m’a conduit à imaginer la méthode suivante; elle est bien simple : elle consiste à prendre une solution d'un corps quelconque dans un liquide quelconque, d'en déterminer rigoureusement la composition, puis de la mettre en contact avec un solide qui y est insoluble, et de l’examiner ensuite lorsqu'on juge l'équilibre chimique établi entre les corps mis en contact. Évidemment, si la solution contient moins du corps dissous après le contact qu’aupa- ravant, celui-ci aura agi sur le solide. Je vais appliquer cette méthode à un grand nombre de cas, en commençant par les plus simples. PREMIÈRE PARTIE. APPLICATION DE LA MÉTHODE A DES SOLIDES DE LA NATURE INORGANIQUE. Application de la méthode à la recherche de l’affinité mutuelle de la chaux et des différents matériaux des mortiers. 7. Les expériences que je vais exposer furent entreprises à l’occasion de leçons sur les mortiers que je fis au Muséum dans mon cours de 1842; j'attache de l'importance à leurs résultats, parce que, depuis la publicité qu’ils eurent dès cette SUR LA TEINTURE, Ali époque, Je puis aujourd'hui en ajouter de nouveaux, qui sont vraiment complémentaires des premiers. En second lieu, la méthode par laquelle ils ont été obtenus se montre appli- quée aux cas les plus simples, parce que les corps mis en contact avec la solution y sont complétement insolubles, et que certains d’entre eux sont incapables de prendre de l’eau même par imbibition. 8. On commenca par laver de la chaux grasse éteinte avec de l’eau jusqu'à ce que le iavage soumis à l'acide carbonique, de manière à en précipiter la chaux, ne retint plus rien en solution, sauf une trace de sous-carbonate de chaux. 9. Du gravier et du gros sable de Seine, de la brique pilée, de la pouzzolane artificielle, de la pouzzolane natu- relle, furent lavés séparément à l'eau distillée jusqu’à ce que celle-ci n’enlevät plus rien. La brique pilée et les pouzzo- lanes cédèrent à l'eau une quantité notable de chlorure. Après les avoir séchées à 100 degrés, on remplit un flacon à l’émeri de o't,6 d’eau de chaux; on le ferma aussitôt avec avec son bouchon et du lut gras, recouvert d’une vessie ficelée; on mit dans autant de flacons semblables qu'il y avait de matières 5o grammes de chacune d'elles, et on les remplit d'eau de chaux. Les six flacons composent une pre- mière série d'expériences. — Six autres furent préparés de la même manière pour être examinés plus tard. L'examen n’en a été fait qu'au bout de treize ans. Ils composent une deuxième série d'expériences. — 0 mm - T. XXIV. 56 442 RECHERCHES CHIMIQUES PREMIÈRE SÉRIE. Après un contact de moins de 80 jours. 10. De l’eau de chaux identique à celle qui avait été mise en expérience, examinée 23 jours après avoir été renfermée dans un flacon semblable à ceux dont on faisait usage pour renfermer les corps dont on voulait connaître l’action sur ce liquide, présenta la composition suivante : 30 grammes d’eau de chaux pesée dansune petite capsule de platine, mis ensuite avec un léger excès d’acide sulfurique, donnèrent o#,100 de sulfate de chaux rougi au feu, représentant o%,041 de chaux (1); donc (adobe 20,999. -:--. 1000 CRAUXE EM O DATE CCR 1,37 On traite de la même manière 30 grammes d’eau de chaux, pris dans chacun des deux flacons, renfermant les corps so- lides soumis à l’action de l’eau de chaux. Eau de chaux après un contact de 23 jours avec le gra- vier de Seine : 30 grammes ont donné 0%",089 de sulfate, représentant 0%-,036 de chaux. Eau! ./-1. 029,964 00.220 Uro0o Ghauxt 10,000 07re 1,20 (1) Sulfate de chaux est composé de Acide sulfurique. 500 .... 58,823 CHAUX ET eee BOUM PTT 77 SUR LA TEINTURE. 443 Eau de chaux après un contact de 23 jours avec le gros sable de Seine, même résultat. Eau de chaux après un contact de 70 jours avec la brique pilée : 30 grammes ont donné 0“,069 de sulfate, représen- tant 0£",028 de chaux. Eau de chaux après un contact de 70 jours avec la pouz- zolane artificielle : 30 grammes ont donné 0f,019 de sulfate, représentant 0%,0078 de chaux. Eau...... 20/0022 rt 1000 Chaux.... o0,0078 ...... 0,26 Eau de chaux après un contact de 70 jours avec de la pouzzolane naturelle : 30 grammes ont donné 0%",015 de sul- fate, représentant 0%",006. DEUXIÈME SÉRIE. | Après un contact de 13 ans. 11. Après 13 ans de contact, on procéda aux expériencessui- vantes : les bouchons des flacons à l’émeri, qui avaientété lutés, étaient tous en parfait état. On enleva le lut, on nettoya exté- 56, 444 RECHERCHES CHIMIQUES rieurement le goulot du flacon, on pritavec une pipette 30 gr. de liquide dans chacun d'eux, qu'on pesa dans une capsule de platine. Puis on ajouta un léger excès d'acide sulfurique aux divers liquides, et on les fit évaporer à sec. On pesa les résidus après qu’ils eurent été rougis. On commença par l'examen de l’eau de chaux, qui servait pour ainsi dire de té- moin. 30 grammes d’eau de chaux, après 13 ans, donnèrent 0f",095 de sulfate de chaux, représentant o%,o19 de chaux ; donc 30 grammes d’eau de chaux pris sur un demi-litre environ, qui avait été 13 ans en contact avec 5o grammes de gravier, donnèrent 0%,0480 de sulfate de chaux, représentant 0,0198 de chaux, donc Eausrrete 29,9802 ...... 1000 Chaux: Vo 01090et-e 0,66 30 grammes d’eau de chaux pris sur un demi-litre environ qui avait été 13 ans en contact avec 50 grammes de gros sable de Seine, donnèrent les mêmes résultats que précé- demment, 0%,0480 de sulfate de chaux, représentant 0,0198 de chaux, donc Eau... :120;0802 0000 Chaux: "0010827" 0,66 La liqueur tenait quelques flocons blancs en suspension. Ce résultat est d'autant plus remarquable que, dans la première série d'expériences, le gravier et le gros sable de SUR LA TEINTURE. 445 Seine s'étaient comportés de la même manière; cependant le gravier était plus gros que le gros sable. 30 grammes d’eau de chaux pris sur un = litre environ qui avait été treize ans en contact avec 5o grammes de bri- que pilée et lavée, ont donné 0f,0115 de sulfate de chaux, représentant 05,0047 de chaux. Donc 30 grammes d’eau de chaux pris sur un = litre environ qui avait été treize ans en contact avec 5o grammes de pouzzo- lane naturelle lavée, ont donné 0% ,0095 de sulfate de chaux, représentant 0%,0039 de chaux. Donc Eau...... 29,9961 ...... 1000 Chaux.... o0,0039 ...... 0,13 30 grammes d’une eau de chaux pris sur un ‘litre environ qui avait été treize ans en contact avec 50 grammes de pouz- zolane artificielle lavée, ont donné 0',0095 de sulfate de chaux, représentant 0%,0039 de chaux. Donc io eee 29,9961 ...... 1000 N 11) Chaux.... 0,0039 ...... 0,13 L'eau de chaux qui avait été en contact avec la brique pi- lée et la pouzzolane, essayée comparativement à l’eau de Seine avec l’oxalate d’ammoniaque, se troublait moins prompte- ment que celle-ci, et le précipité était très-léger. D'un autre côté, la brique et la pouzzolane naturelle surtout étaient prises en masse assez cohérente. 416 RECHERCHES CHIMIQUES RESUME. Après on séjour dans un flacon fermé, Après un séjour dans un flacon fermé, de moins de 80 jours. de 13 ans. Eau de chaux | Eau ....... 1000 ee RENTE To JL Lo0n0 formée. |Chaux..... D Shoot no Soodb De 1,33 Elle est réduite par Le gravier de Seine à chaux. ‘ 1,20 ............. So 0,66 Le gros sable de Seine... . SAN MEME SAN DERAUAL RORFEUENE 0,66 La brique pilée.......... MOMMEREE COOPER EEE EEE 0,15 La pouzzolane artificielle. . GEO Cac 0e co 00 die 0,13 La pouzzolane naturelle. . . O0 ER NS RECETTE 0,13 Addition. J'ai préparé, cette année 1853, de l’eau de chaux avec les mêmes précautions que j'ai décrites plus haut. Elle avait la composition suivante : | Eau... stroe| .. 1000 Chaux. == 1,47 La même eau de chaux renfermée pendant soixante-quinze jours dans un flacon bien sec, fermé avec un bouchon de verre maintenu par une calotte de caoutchouc, a donné dans deux expériences : Premiere expérience. Deuxième expérience. ne. - << A — Eau. 115000 HOLD OUI. 1000 Chaux. ..... 144 Se: 1,43 SUR LA TEINTURE. 447 Quoique la différence de 1,47 à 1,44 et 1,43 soit fort légère, je ne doute pas qu’elle ne soit due à ce que de la chaux s'était déposée sur les parois du vase de verre, celles- cl ayant agi par affinité capillaire. DEUXIÈME PARTIE. Application de la méthode à des solides de la nature organique. 12. La méthode appliquée aux solides de nature organique dont il me reste à parler, donne des résultats plus complexes que les précédents, par la raison que le dissolvant aussi bien que le corps qu'il tient en solution peuvent être absorbés si- multanément par le solide de nature organique. Trois résultats sont possibles : 1° Le dissolvant et le corps qu'il tient en solution sont ab- sorbés par le corps solide dans la proportion où ils consti- tuent la solution, résultat qui ne signifie pas qu'il n’y a nulle affinité entre le corps dissous et le corps solide. 2° Le dissolvant est absorbé en proportion plus forte que ne l’est le corps dissous. 3° Le dissolvant est absorbé en proportion moins forte que ne l’est le corps dissous. 448 RECHERCHES CHIMIQUES MANIÈRE D'OPÉRER. Préparation des solutions. 13. Les solutions des corps qu'on se propose de mettre en contact avec des corps solides de nature organique, peuvent être formées d’un corps naturellement gazeux , comme l'acide chlorhydrique; d'un corps naturellement liquide, comme l'acide sulfurique hydraté ; d’un corps naturellement solide, comme la baryte ou son hydrate; et le corps dissous peut ètre acide, comme le sont les deux premiers, alcalin, comme l'est le troisième, neutre, comme l’est le chlorure de sodium, comme l’est encore un sel, et un principe immédiat organi- que tel que le sucre. 14. Lorsqu'on a voulu préparer des solutions normales, on a constamment eu recours aux pesées, et non à des mesu- res de volume. 15. Préparation des étoffes. A. Laine. Elle a été plongée une demi-heure dans une solution de sous-carbonate de soude formée de 4o parties d'eau et de 0,250 sous-carbonate cristallisé, à une température de 80°. Elle à été lavée à l’eau distillée, puis passée dans l'eau aiguisée d'acide chlorhydrique à une température de 4o° au SUR LA TEINTURE. 449 plus. Elle à été lavée et séchée, puis traitée par l'alcool bouil- lant, et enfin par l’eau. B. Sote. La soie grenade , dont on à fait usage, avait été décreusée et cuite au savon. Elle a été parfaitement lavée, puis traitée par l’eau aigui- sée d'acide chlorhydrique, lavée, séchée et passée dans l’al- cool. Enfin, elle a été lavée à l’eau et séchée. C. Coton. Il à été traité comme la laine. Ces étoffes, séchées à 100°, contenaient pour 1000 : silice. de de fer à l’état de phosph Laine. 1,1 de cendre couleur de] °*7°° % fer à l'état de phosphate probablement. phosphate de chaux. | phosphate de magnésie. rouille, formée de ilice. Soie.. 1,7 de cendre peu colo-(” Ge ÿ Ë chaux. rée, formée de (eroyde de fer. c ; silice. Coton. 1,93 de cendre colorée en ; chaux carbonatée. Jaune, formée de oxyde de fer. 16. Après beaucoup d'essais, voici le mode d'opération que J'ai adopté : T. XXIV. 57 A5o RECHERCHES CHIMIQUES 17. Dessiccation à 100° des étoffes, dans'un courant d'air sec. aaaa, fig. 1, est une chaudière en cuivre rouge destinée à contenir de l’eau qu'on maintient bouillante au moyen d’un fourneau. Elle recoit un couvercle à deux tubulures, bb, pour laisser dégager la vapeur d’eau, ou recevoir un thermomètre. ccce, fig. 1 et fig. 2, est un espace ouvert de part'en part, limité par des parois qui sont celles de la chaudièreelle-même. Cet espace est donc, dans toute sa longueur, entouré d’eau bouillante. La chaudière contient 15 litres environ d’eau. La capacité cecce recoit une caisse en fer-blanc, dddd, fig. 1 et fig. 2, fermée par un couvercle dont, les hords. courbés à angle droit, sont, reçus dans une rainure.dont les vides sont remplis de coton foulé. Deux ouvertures ee’ portent chacune une tubulure. Neuf tubes de verre semblables à celui de la fig. 3 (1) sont disposés en trois étages dans la caisse de fer-blanc, comme le montrent les fig. 1 et 2;ils reposent sur des diaphragmes, 1, 2, 3 et 4, qui glissent verticalement dans une rainure. Du coton en poil, préalablement bien séché, est foulé entre les interstices des diaphragmes, et l’espace resté libre entre les tubes est rempli complétement de planures de cuivre, de manière que l'air de la capacité / ne puisse être appelé en la capacité f” en passant au-travers. Ces neuf tubes renfer- ment les étoffes soumises à la dessiccation, étoffes disposées longitudinalement sans être foulées. (1) Ils sont longs de 0",15, larges de 0,015, et ferment avec deux bou- chons de verre creux. SUR LA TEINTURE. 451 Toutétantainsi disposé, on adapte à latubulure eun tube de caoutchouc:f qui, par son autreextrémité, communique avec uncylindre de verre gg"remplidechaux et de chlorure de cal- cium, et portant une tubulure g' qui-est débouchée lorsque l'appareil est en activité. La tubulure e’ de la:caisse de :fer- blanc communique avec un tube ;/” de caoutchouc, lequel s'adapte par son autreextrémité à untube à bouleset courbéz, il contient un peu d'huile dans sa courbure, etil s'adapte par son extrémité supérieure à la tubulure K. d’un gazomètreuite d'une capacité de 100 litres. Ce gazomètre:a été rempli d’eau par le tube 77’; le robinet # étant fermé ainsi que la tubulure:/, et le bouchon 7 de l’ouverture supérieure d’un niveau d’eau mm étant enlevé. (Voyez le gazomètre inférieur.) Cela étant fait ,on remet le bouchon z et celui du tube 77 ; à la tu- bulure / on a adapté un bouchon'garni d’un tuyau de caout- chouc déversant sur le fond supérieur ä# du gazomètre infé- rieur, semblable au premier. L'ouverture inférieure ‘de ce tuyau se ferme à volonté avec un bouchon de liége. On voit adapté à ce gazomètre ile niveau d’eau mm, dont le bou- chon 7 :est enlevé, afin que l'air s'échappe de l’intérieur lorsque l’eau du premier:gazomètre y arrive. Veut-on mettre l’appareil en activité, on débouche.laitn- bulure g' du cylindre de verre, on règle avec le robinet Æ du gazomètre supérieur l'écoulement de l’eau qui s'échappe par l’ouverture inférieure du tube de caoutchouc adapté à la tubulure e, ouverture dont on a ôté le bouchon. 18. /mmersion des étoffes dans des solutions normales. ‘On a neuf flacons de verre soufflés à la lampe, à bouchon creux, pareillement soufflé, figure 4. Leur capacité est de 6o à 85 cent. cub., et leur poids d'environ 35 grammes. 57. 52 RECHERCHES CHIMIQUES Trois sont destinés à recevoir trois écheveaux de laine ; Trois le sont à recevoir trois écheveaux de soie; Trois, enfin, le sont à recevoir trois écheveaux de coton. On les remplit tous de 25 grammes d’une solution nor- male dont l’eau et le corps qu’on y a dissous ont été pesés chacun séparément. Chaque flacon est pesé avec son bouchon ; puis on y plonge les trois écheveaux de laine n° 1, 2 et 3, trois écheveaux de soie, 4, 5 et 6, enfin, trois écheveaux de coton, 7, 8 et 9, et on a le soin d'éviter l’ascension du liquide entre les parois du flacon et le bouchon lors de l’immersion des étoffes. Les flacons et leurs bouchons sont numérotés. Après un contact de 6, 10, 18, 20... heures des étoffes avec des solutions d’une même substance, on retire les étoffes des flacons, on pèse 10 grammes ou plus de la solution nor- male; puis on les soumet au même essai que 10 grammes ou plus de chacune des solutions qui ont été en contact avec les étoffes. 19. Quand on en détermine la composition par l’évapora- tion, on opère sur trois fractions de la solution normale, et on prend la moyenne des trois résultats s'ils ne sont pas trop différents. SU ÉTOFFES ET CHLORURE DE SODIUM. 20. Fa ’ gr. ! 0,4625 10 gr. de solution normale | CAUSE ere 9,537 | ? pi : e ë _ (moyenne de! 0,4630 ont été trouvés formés de} chlorure. . . 0,4625 | 0,4620 SUR LA TEINTURE. 453 Laine. On plongea dans leurs bains de chlorure trois éche- veaux de laine qui pesaient, après avoir été séchés à 100°: . gr. . Naa.ste merq2cMe r,nr200 Notre Rare 1,090 ! N°3:.......... 1,078 On retira les étoffes de leurs bains respectifs après un contact de vingt heures. 10 grammes des trois solutions éva- porés spontanément dans des verres de montre donnèrent des cristaux qu'on ne pesa qu'après les avoir séchés à 100", jusqu’à ce qu'ils ne perdissent plus rien. gr. gr- gr. NOR EAU Ce vasax deisie Do NU 2; Eau... 9,535 N°3.Eau........ 9,534 Chlorure. ...,........ 0,470 Chlorure .,. 0,465 Chlorure..... 0,466 Conséquemment Veau a été absorbée en une proportion plus forte que le chorure. gr. r. gr Eau de la solution normale . 9,53795 ................ 95375 HART eR ES 9,5375 Eau du n° 1.............. 95300 ...du n°2...... 9,5350 dun°3........... 95340 0,0075 0,0225 0,0035 En multipliant ces différences par 2,5, on a les quantités rapportées à 25 grammes de solution. gr. gr. gr. ENDER Er ete cms ere e1e 001875 ND a ee ee 0,00625 IN° 3.......,...... 0,00875 Conséquemment 100 parties de laine auraient pris d’eau en excès à la proportion primitive, Dont la moyenne est 1,02 (1). (x) D'änciennes expériences avaient donné 2,5. 454 RECHERCHES CHIMIQUES Soie. Voici le poids des trois écheveaux de soie : Et. gr. NOM M nee ersesece ren dat mr nOGiés toi tntse 1,419 N°6 Après un contact de vingt heures avec le chlorure, les so- lutions étaient formées de: s. < N°4 Eau. 4 act .0,522 /IN0,5. Eau. ., 9.%27 Noc.6..Eau......... 91527 Chlorure-:.--....-. 0,478 Chlorure ... 0,473 Chlorure..... 0,473 Conséquemment Veau a été absorbée en proportion plus forte que le chlorure. gr. gr. gr. Eau de la solution normale.. g,5375 ................ Et tBodesaodaonushosn 9,5375 Fat OM ER. 93220 -°- dun... 9,5270 ... dun°6......… 9,5270 0,0155 0,0105 0,010 En multipliant par 2,5 la différence, on a les quantités rapportées à 25 grammes de solution. gr. gr. “ NP ES eEt-cmp- er ctie 003877 NE ere ces 002024 0N 00e. :--rr-tee 0,02625 Conséquemment 100 parties de soie auraient pris d’eau en excès à la proportion primitive. NUE. PA eee use mie e sie 2,82 NS re a it ge 1,85 N°'6bes sr 2,64 Dont la moyenne est 2,43 (1). Chlorure de sodium. Coton. Voici les poids des trois écheveaux de coton. gr. gr. ar. NOR Ra ee a te LOT AMNNOIS ES MALE bis 0 Nha 1,104 Après un contact de vingt heures avec le-chlorure,iles so- lutions étaient formées de : (1) D'anciennes expériences ont donné 2,42. SUR LA TEINTURE. 455 Le er La Not. LATINE 9,532, N°8'Eau....... 9,537 N°9. Eau........ 9,539 chlorure... 0,468 Chlorure... 0,463 Chlorure .... 0,463 Conséquemment Veau a été absorbée en une proportion plus forte que le chlorure. gri sr se: Eau de la solution normale.. 9,5375 ................ CHU toto 9,5375 Eau dun°7.......,.... 9,5320 Eau du n° 8...... 9,5370- Eau du n° g....... 9,370 0,0055 0,000 0,0005 En multipliant les différences par 2,5, on a les quantités rapportées à 25 grammes de solution. gr. gr. hÉbborentcecicoroncreon OO FT IPN DIS eee ete 2e 0/001250N02/9-.+Æ62 Lite 0,00125 Conséquemment 100 parties de coton auraient pris d’eau en excès à la proportion primitive, La moyenne est 0,49 (1). Conséquence finale. 21. On voit donc que les trois étoffes absorbent, relative- ment à la solution primitive, plus d’eau que de chlorure de sodium. 22. Les étoffes passées dans la solution de chlorure de so- dium.et lavées ensuite jusqu’à ce que le lavage ne précipität plus l’azotate d'argent, n’en retenaient pas une trace sen- sible : car, en les incinérant à.la température la moins élevée possible, les cendres lavées et les résidus repris par l’acide azotique ne troublèrent point l’azotate d'argent. (1) D'anciennes expériences ont donné 2. 456 RECHERCHES CHIMIQUES 0#,/4600 de laine passée au chlorure de sodium laissè- rent 0,000 de cendre ferrugineuse. Donc 1000 de laine étaient unis à 1,08 de cendre. o#,517 de soie passée au chlorure de sodium laissèrent 0#,002 de cendre légère, incolore, renfermant de la silice avec une trace de chaux. Donc 1000 de soie étaient unis à 3,86 de cendre. 0%#",475 de coton passé au chlorure de sodium laissèrent 0#,0018 de cendre légère, incolore, renfermant de la silice avec une trace de chaux. Donc 1000 de coton étaient unis à 3,7 de cendre. 23. Les trois étoffes plongées à froid pendant 18 heures dans des infusions de cochenille, de campèche, de garance et de gaude, ont présenté les résultats suivants, comparati- vement avec des étoffes identiques qui avaient été simple- ment plongées dans l’eau pure : Cocnenitre... Colon : très-légèrement lilas, tandis que le coton non préparé était rose. Soie : ton plus foncé que coton, couleur plus violätre que la soie non préparée. Laine : ton plus élevé que la soie cramoisie ; terne, plus violacée que sur la laine non préparée. Campècur.. .. Coton: carmélite, peut-être plus terne que le coton non préparé. Soie : carmélite, un peu plus rougeâtre que coton, différence tres-légere dans le mème sens. Laine : rougeàtre, différence dans le même sens. GaRANGE..... Coton : couleur tres-faible, sensiblement plus basse que coton non préparé. Soie : couleur plus foncée que coton, différence excessivement légère. Laine : identique à la laine non préparée. GAUDE. ...,.. Coton : à peine coloré, un peu moins que coton non préparé. Soie Le un peu plus colorées que coton, difference dans le même sens. Laine SUR LA TEINTURE. 457 $ II. Étoffes et bichlorure de mercure. 24. 10 grammes de solution normale ont été trouvés for- més de gr. gr. Eau: 202 9,764 Ra x NE UE Bichlorure..... 0,236 T DEEE 0,237. Laine. On prit trois écheveaux de laïne qui pesaient, après avoir été séchés à 100 degrés, Après un contact de 18 heures avec le bichlorure, on retira les étoffes de leurs bains respectifs, lesquels pesaient 25 gram- mes primitivement. 10 grammes des trois solutions, évaporés spontanément dans des verres de montre, donnèrent des cris- taux NOEau ee ENS a Ent ÉTIENNE Due Bichlorure. . .... 0,123 Bichlorure. ..... 0,127 Bichlorure...... 0,126 Conséquemment, le bichlorure de mercure a été absorbé en proportion plus forte que l’eau. Bichlorure de la solution gr. gr. gr. normale ........... CRE toccooscncorauus CHEN étonne nt or TES 0,236 Bichlorure du n° 1..... 0,123 dun a ere OA AND AE eee rte 0,126 CRE 0,113 0,109 0,110 En multipliant la différence par 2,5, on a les quantités rap- portées à 25 grammes de solution. TE XEXEV: 58 458 RECHERCHES CHIMIQUES Conséquemment, 100 parties de laine séchée auraient pris de bichlorure PR remets CPE RE Hbbnoe no Toit 20,62 MINS er rc-e--2Pt 26,31 dont la moyenne est 26,24. Soi. Voici les poids des écheveaux de soie : gr. gr. s [LE NONA TE ---ere-erede 0027 DEEE = e0 05903. N26-....--..---". : 0,908 Après un contact de 18 heures avec le bichlorure, les so- lutions étaient formées de gr. gr. gr. NU Rues er DUR NS EAU en 9,800 N°6. Eau....:....... 9,795 Bichlorure....... 0,198 Bichlorure....... 0,200 Bichlorure. ...... 0,205 Conséquemment, le bichlorure a été absorbé en propor- tion plus forte que l’eau . Bichlorure de la solution gr. gr. er. NOCMAÏE.- 5... Co aebe Es 0706 ENE CES MOTS SR 0 Rene bo totoc 0,236 Bichlorure du n° 4..... OPTION AD Eee TT eee 0200 din Gene ressens 0,205 0,038 0,036 0,031 En multipliant par 2,5 la différence, on a les quantités rapportées à 25 grammes de solution. 3 gr. gr. er- h 7000 dE Con DO UN DR. 0,097 N°6..... ARENA 0,0775 Conséquemment , 100 parties de soies séchées auraient pris de bichlorure dont la moyenne est 9,58. Coton. Voici le poids des trois échevaux de coton : gr. gr. : ROSE nono co oan nt On EEPGoedoocoLoe dt D'OBRREN A er ee--ne 0,979 SUR LA TEINTURE. 459 Après un contact de 18 heures avec le bichlorure, on a eu : gr. gr. 4 INTER AU 2e 9,765 N° 8. Fau........... 9,164 N°9. Eau........... 9,765 Bichlorure....... 0,235 Bichlorure....... 0,236 Bichlorure....... 0,235 Conséquemment , les solutions pour 10 grammes No 7. Eau de la solution normale ........... Eau du n° 7...... Conséquences finales. 25. On voit, 1° que la laine et la soie absorbent une grande quantité de bichlorure de mercure à la solution aqueuse de ce composé. D. 2° Que le coton, au contraire, absorbe la solution sans troubler la proportion de ses principes immédiats. Observations sur les solutions de bichlorure qui étaient res- tées en contact avec les étoffes. 26. Ces solutions évaporées, comparativement avec la so- lution normale, ont donné des résultats semblables quant à l'apparence et à la nature des résidus, sauf les quantités, pour les solutions qui avaient été en contact avec la laine et la soie. En traitant ces résidus par l’eau froide, on dissout les cris- taux, et on finit par obtenir une matière brillante très-peu soluble dans l’eau, qui est peut-être un composé de bichlo- rure de mercure + du peroxyde. En le traitant par une grande quantité d’eau froide, j'ai fini par le réduire à du 58. 460 RECHERCHES CHIMIQUES protochlorure de mercure, dont la potasse séparait du pro- toxyde noir de mercure. Les derniers lavages de ce précipité troublaient l’azotate d'argent et conservaient leur limpidité quand on y versait de la potasse. Je crois, d'après ces résultats, que la solution de sublimé corrosif, exposée à l'air, évaporée et cristallisée plusieurs fois, subit une légère décomposition ; il se sépare du chlore et il se produit un composé de bichlorure de mercure + de peroxyde de mercure d’abord; ensuite ce composé est réduit, sous l'influence de l’eau et de la chaleur, en protochlorure de mercure. Mais aucun fait n'autorise à penser que l’immer- sion des étoffes dans la solution du sublimé lui fait éprouver une décomposition. Etoffes qui ont été plongées dans la solution de bichlorure de mercure. 27. Les étofles furent lavées jusqu’à ce que le lavage ne se colorât plus par l'acide sulfhydrique. On continua les lavages jusqu'à ce que l’eau ne troublât plus l’azotate d’argent, réactif plus sensible que l'acide sulf- hydrique. La laine exigea le plus d’eau pour être lavée, le coton en exigea moins que la soie. Les étoffes ainsi lavées présentent les résultats suivants, lorsqu'on les tient plongées dans l’eau d’acide sulfhydrique. Au moment de l'immersion : la laine se colore en jaune, la soie se colore presque immédiatement en brun, le coton deux ou trois minutes après. ie ’ Lau SUR LA TEINTURE. 461 Après une demi-heure, la laine est d’un brun noir, la soie est brune, le coton est coloré faiblement. Après 24 heures, la laine est d’un brun noir, la soie est rousse, le coton est coloré sensiblement. Conclusion. 28. L’affinité de la laine et de la soie pour le bichlorure de mercure est évidente, non-seulement par la grande quantité de bichlorure qu’elles enlèvent à l’eau, mais encore par la grande quantité d’eau qu’il faut pour les amener au terme de ne plus céder à ce liquide de bichlorure, quoiqu’elles en retiennent encore de sensible à l’acide sulfhydrique. L’affinité du bichlorure de mercure pour le coton est ainsi prouvée, 1° D’après la grande quantité d’eau nécessaire pour lui en- lever la plus grande partie du bichlorure qu’il a absorbé ; 2° Surtout d’après le fait qu'il en retient après que l’eau de son lavage ne trouble plus l’azotate d'argent. Ce résultat montre parfaitement qu’il ne faudrait pas con- clure l’absence de l’affinité d’un corps solide, pour un corps dissous dans un liquide, du seul fait que la solution ne pa- raît pas changée dans la proportion de ses principes immé- diats. 29. Ces trois étoffes, plongées à froid pendant 18 heures dans des infusions de cochenille, de campêche, de garance et de gaude , ont présenté jes résultats suivants, comparati- 462 RECHERCHES CHIMIQUES vement avec des étoffes identiques qui avaient été simplement plongées dans l’eau pure. Cocsemicre,.. Coton: très-légerement violâtre, un peu plus que le coton non préparé. Soie : bien plus violâtre ou plus rougeâtre que le coton. La soie bichlorurée très- sensiblement plus foncée que l’autre soie. Laine : violâtre, plus rougeâtre que soie. Différence entre les deux laines moindre qu'entre les soies. Camrëems. ... Coton : carmélite, plus foncé que le coton non préparé. Soie : carmélite plus foncé que la soie non préparée. Laine : carmélite rougeâtre plus foncée que la laine non préparée. Ganance..... Coton : très-légère teinte rosée plus sensible que le coton non préparé. Soie : orangé plus élevé que sur soie non préparée. Laine : orangé un peu plus élevé que sur laine non préparée. GAUDE....... Coton : très-légèrement jaune, peu différent du coton non préparé. Soie : un peu plus jaune que coton ; soie bichlorurée un peu plus jaune que la soie non préparée. Laine : un peu plus orangée que laine non préparée, Contrôle des résultats précédents. 30. Si 100 parties de laine avaient réellement enlevé à l’eau jusqu’à 26 de bichlorure de mercure, ainsi que l'ex pé- rience précédente (24) l’indiquait , je le saurais par les expé- riences de contrôle que je vais rapporter. Quatre écheveaux de laine, composés d’un même nombre de tours, furent séchés à 100 degrés, jusqu’à ce qu'ils ne perdissent plus rien. sr. L gr. L'écheveau n° 1 pesail................, 4435 L'écheveau n° 3 pesait............... 4,566 L'écheveau n° 2 pesait............... 4,573 L’écheveau n° 8 pesait..... ......... 4,537 9,008 9,103 Les écheveaux n° 1 et 2 furent plongés 18 Les écheveaux n° 3 et 4 furent plongés 18 heu- heures dans 250 gr. d’eau tenant 10 gr. de bi- res dans 250 gr. d’eau teuant 10 gr. d’alun po- chlorure de mercure en solution. tassé en solution. Les quatre écheveaux , sortis de leurs bains, furent traités de la manière suivante : on les mit sur des entonnoirs, : de ma- Tee SUR LA TEINTURE. 463 nière à les faire égoutter, puis on les pressa entre deux dis- ques de verre. Les écheveaux n° r et n° # furent mis dans qua- Les écheveaux n° 3 et n° 4 furent traités absolu- tre doubles de papier Joseph et pressés dans une ment comme les écheveaux ne r et n° 2. toile par torsion. On réitéra cette opération jusqu’à ce qu'ils ne mouillas- sent plus le papier. Le n° s fut pesé immédiatement dans une pe- Le n° 3 fut teint comme le n° 1. tite capsule de verre fermée par un obturateur afin d'en prévenir la dessiccation, gr. a. Le poids était...... 8,145 Le poids élait....... 9115 La laine pesait. ..... 4,435 La laine pesait. ..... 4,566 b La surcharge .. .... 3,710 La surcharge... .... 2,549 Laquelle se compose : 1° De bichlorure fixé à laine, 2° De solution de bichlorure diminuée du bi- chlorure fixé à la laine. Le n° 2 resta un quart d'heure dans 63 centi- Le no 4 fut traité comme le n° 2. mètres cubes d’eau, puis il fut pressé comme le ; Û no 2 l'avait été. \ gr. est gr. Le poids était. ..... 7,590 Le poids était. ...... 7,020 La laine pesait...... 4,573 La laine pesait ..... 4,537 La surcharge... ..... 3,017 La surcharge. ...... 2,483 Les quatre écheveaux furent séchés librement à 100 degrés, puis remis dans leurs tubes respectifs et exposés à 100 degrés. Voici les pertes d’eau correspondant aux temps de chauffe : Ces a ——— oo Perte des n° 1..... 2.. SALE 4 Après 4 heures ..... 0,084... 0,107............ 0,095........., 0,107 ST -- 0,028... 0,037...,........ 0033-12 0tal= 0,031 3 + 0,007 0007 se -e--een. 0,020... 0,008 50 I LRRE PPT 0,000 0,00%......,... + 0,005. ..... «+... 0,007 Fi LORS 0,000 0,001...... 125 240 0004. eususmne 0,002 COOP 0,000 0,090... DOODS---- er 0,000 4 0,001 0,000... 0,000. ...:..... 0,002 464 RECHERCHES CHIMIQUES Les écheveaux après cette opération pesaient gr. No 1. 6,263 ; la laine pesant 4,435 On a 1,828 de bichlorure, gr. No 2. 5,924 ; la laine pesant 4,573 On a 1,351 de bichlorure. gr. N° 3. 4,639; la laine pesant 4,566 On à dame No4. 1,584 la laine pesant 4,537 On a 0,047 d'alun. Les quatre écheveaux furent remis promptement dans d’autres tubes et chauffés 25 heures, afin de s'assurer d’une parfaite dessiccation. gr. 6,257 ; la laine pesant 45435 No 1. 1,822 de bichlorure. gr. 5,920 ; la laine pesant ELLE) On a 1,347 de bichlorure. gr 4,635; la laine pesant N° 4,566 On a 0,069 d'alun. gr. N° 4. 4,581; la laine pesant 45537 Ona 0,044 d'alun. En definitive, les quatre écheveaux étaient formés après la torsion, de gr. INO MT D'EAU: Sentier 1,888 Bichlorure............ 1,822 Laine séchée à 1000... 4,435 8,145 gr. NOT 2 EAU SE esse selles 1,670 Bichlorure........... 1,347 Laine séchée à 1 00° 4,573 7,590 No3 FAUNE ---e sete 2,480 AIUNE 2 R Reset 0,069 Laine séchée à r000 4,566 7:15 gr. EP CNRS SRE EE 2,439 Nb Soo I Mocduonus 0,044 Laine séchée à r00°..... 4,537 7020 31. [1 restait à déterminer combien les solutions de bichlo- rure de mercure et d’alun retenaient de ces matières après l'immersion des étoffes qui avait duré 18 heures. SUR LA TEINTURE. 465 1 0 grammes dela solution de bichlorure étaient 10 grammes de la solution d'alun étaient for- formés de : més de : gr. gr. AU ee cree: 1070D LE (TASSE EN DT nr cemaecee 9,617 Bichlorure. .......... 0,244 Alun cristallisé............. .... 0,380 10,000 Eau mère qui donna des cristaux (*). 0,003 10,000 (*) Cette eau mère, concentrée à l’air pendant plusieurs jours, refusa de cristalliser. L’ayant gar- dée plus d’un mois dans de l’air séché par la chaux, elle se prit en cristaux, dont les uns étaient octaèdres ou cubo-octaèdres, et un seul parat cubique. Ces cristaux étaient de l’alun. Les autres pré- sentaient une croix, de petits prismes isolés ou réunis en sphères. Bien entendu que ces formes n’é- taieut distinctes qu’au microscope. Évidemment il y avait entre Jes cristaux une sorte de vernis or- ganique provenant de la laine. L'eau mère, qui pesait 0% ,005, en perdit 0,002 par la cristallisation. Le résidu pesait donc 0,5" 003. On reconnut par la distillation que les cristaux prismatiques étaient du sulfate d’ammoniaque ; car on obtint du sulfite de cette base. On reconnut en outre la matière organique à un résidu noir et à une huile jaune empyreumatique. Il restait un sous-sulfate d’alumine coloré par du charbon. Je necrois pas m’éloigner beaucoup de la vérité en admettant les suppositions suivantes, 17° supposition. L'eau mère cristallisée pesant 0%" ,003 représentait : Alan... ecran Leone TT Matière organique proveuant de la laine... 0,0015 Conséquemment les 10 grammes de la solution d’alun qui ont été évaporés présentent les résultats suivants : gr- Haute. PE CR Mo ET 0 Alu e enr PDO RL OB LS 9:9985 Matière organique de la laine... 0,0015 10,0000 Ces 05° ,00 1 5 doivent être reportés sur la laine, ils en représentent o,03y dans les 250 gr. d’eau tenant 10 gr. d’alun, après avoir été 18 heures én contact avec les 9%”, 103 de laine séchée à 100°. Conséquemment, sig®" ,103 ont perdu 0%" ,039 de substance dans l'eau d’alun, l’écheveau 3, pesant 4%°,556, en aura perdu 0 %-,0197. Dès lors il faudra reporter ce poids sur celui de l’alun ; on aura alors: gr. gr. 2,4800 2,480 - 0,0887 jau lieu de} 0,069 Laine....... 4,5463 4,566 7,1150 7,115 DPONV: 59 466 Conséquemment : No. 1#,888 d'eau du n° tenant of: ,047 de bichlo- RECHERCHES CHIMIQUES Conséquemment, avec les corrections précédentes : No 3. 2 ,4342 d’éau du n° 3 tenant 0%" ,0773 rure en solution, il faut soustraire 0®,047 de d’alun en solution, il faut soustraire 0,0773 de 15,822 de bichlorure pour avoir celle qui s’est 0%-,1345 d’alun pour avoir celle qui s’est fixée par fixée par affinité à 45° ,435 de laine. Or 1,822 — affinité à 4%°,5463 de laine. Or 0%,1345 — 02047 = 1,5" 775. Conséquemment : 45° ,4355 de laine ayant fixé 15°,775 de bichlorure, 0F:,0773 = 05":,0572 Conséquemment : 45,5463 de laine ayant fixé 0%",0572 d'alun 100 de laine auraient fixé 40,02 de bichlorure à 24 HH, 100 de laine en auraient fixé 1,26 de mercure. d’alun à 24 atomes d’eau. No 2. 1,670 d'eau du n° 2 représenterait °,034 de bichlorure, si elle eût été au degré de saturation de l’eau du n° 1; mais évidemment elle était au-dessous de ce terme : dès lors, en re- tranchant of": ,034 de bichlorure de 14,347, on diminue la quantité réelle qui a été fixée par af- finité. Dès lors, 15-,347—0,034 — 1,313. Consé- quemment, si on admet que 45° ,573 de laine ont fixé 167,313 de bichlorure, 100 de laine en auraient fixé, malgré le lavage, un peu plus de 28,71. 2° supposition. L'alun fixé à la laine séchée à r00° ne peut être de l'alun à 25 atomes d’eau, car l'alun chauffé à ce degré sans être uni à la laine perd 18 atomes d’eau (*). Or, d'après ce qu'on sait en général, il est naturel de penser qu'en présence de la laine il doit en perdre encore davantage. Quoi qu'il en soit, admettons dans la laine alunée séchée à ro0° de l’a- lun à 6 atomes d’eau. Voici les corrections : gr. Fau/qui humectait Ia laine... .....-0..:-<-e nee NET Eau de l’alun séparée par la température de 100..,....... 0,0459 e . Alun à 6 atomes d'eau.............,............,.... 030887 DANS Laine..... SRE CO Rues aminehen cn hiies: 40 Es OIL 7,1150 (*) 5° ,931 d’alun à 24 atomes d’eau sont réduits à une température de 100° à 35r.,906 d’alun à 6 atomes. J'ai obtenu deux fois ce résultat à dixans d'intervalle, et M. Henri Lœvel l’a obtenu de son côté. On peut donc l’accepter comme certain. Er 4e LUE ‘ Ligne ol AA VE MS MC Se: CSA " RC ES * SUR LA TEINTURE. 467 32. Si maintenant nous cherchons combien 250 grammes d’eau tenant 10,grammes de bichlorure en ont cédé à 95° ,008 de laine qui y ont été sub- mergés pendant 18 heures, on trouve les résul- tats suivants : 10 grammes de solution après le contact étant représentés par SE eau, 0,244 bichlorure, 10,000 on a pour 250 grammes d’eau 6° ,252 de bi- clilorure. Conséquemment, les 250 grammes d’eau ont cédé à 95” ,008 de laine 108 — 68,252 de bichlorure — 35,748. Conséquemment 9,008 : 3,748 :: 100 : 41,6, c’est-à-dire que 100 grammes de laine auraient pris 41,6 de bichlorure de mercure, ce qui est bien rapproché de la détermination directe qui a donné 40,02, Si maïntenant nous cherchons combien 250 grammes d'eau tenant 10 grammes d’alun en ont cédé à 95° ,103 de laine qui y ont été submer- gés pendant 18 heures , on trouve les résultats suivants : ? 95" ,9985 de solution après le contact, matière organique défalquée, étant représentés par gr. Eau. .... 9,6170, Alun.... 0,3815, on a pour 250 grammes d’eau 9%" ,917 d’alun. Conséquemment, les 250 grammes d’eau ont cédé à 95" ,103 de laine 108 — 96",917 d’alun — 05,083. Conséquemment 9,103 : 0,083 :: 100: o,g11, c’est-à-dire que 100 grammes, de laine auraient pris 0,911 d’alun, ce qui est bien rapproché de 1,26 trouvé précédemment. Conclusion. 33. 1° Les expériences de contrôle pour montrer la forte proportion suivant laquelle le bichlorure de mercure est ab- sorbé, comparativement à d’autres chlorures et à des sels, ont donc complétement réussi, en même temps qu'elles ont fait voir qu’il est possible , dans des cas analogues, de déter- miner comme on l’a fait directement par la synthèse la pro- portion suivant laquelle un corps soluble s'unit à une étoffe. 2° Les expériences où les écheveaux n° 2 et n° 4, après avoir été retirés , le n° 2 de la solution de 250 d’eau et de 10 de bichlorure, le n° 4 de la solution de 250 d’eau et de 10 d’alun, furent agités chacun dans 63 centimètres cubes d’eau 59. 168 RECHERCHES CHIMIQUES durant un quart d'heure, montrent la facilité avec laquelle l’eau pure peut agir sur la combinaison qui s’est formée dans une solution concentrée à un certain point, puisque, pour le bichlorure de mercure, l’écheveau qui avait pris 40 de ce composé, en a abandonné à une quantité du dissolvant pur égale au quart du dissolvant de la solution primitive 40,02 — 28,71 —=11,31. Cela prouve l'influence du lavage pour changer les équilibres chimiques qui se sont établis dans les circonstances les plus favorables à l'union de corps dissous avec des corps solides. Cela prouve encore la nécessité dans les opérations de tein- ture, exécutées comme on le fait en chaudière, d'employer des quantités de sel, d'acide, etc., beaucoup plus considéra- bles que les quantités qui restent en définitive fixées aux étoffes. Ces expériences, j'en ai la conviction, doivent avoir une influence très-grande sur la teinture, sinon pour en chan- ger la technique des opérations manuelles, du moins pour donner la raison de ces opérations, qui jusqu'ici ne l’a point été. 34. Je terminerai l'exposé de mes recherches sur la réac- tion des étoffes et du bichlorure de mercure, par une expé- rience que j'avais faite dans l'intention de savoir si une solu- tion de bichlorure de mercure où plonge de la laine est au même degré de saturation dans toutes ses parties. 8,788 de laine séchée à 100 degrés ont été plongés dans 250 grammes d’eau tenant 10 grammes de bichlorure de mercure en solution, pendant 29 heures, à une température de 12 degrés. SUR LA TEINTURE. 469 On à déterminé la proportion du sel dans trois fractions de la solution , chacune du poids de 10 grammes. gr. 3 = L , 2 { Eau... 9,768.. 250,00 1'e fraction. Solution qui surnageail la laine sans y toucher... ! ” 2 {Bichlorure 0,232. 5,94 10,000 gr. cf L Soluti . FOUR Eau...... 9,762.. 250,00 ? Jraction. Solution qui touchait la laine. ................. À q Bichlorure. 0,258... 6 09 —— 10,000 . . er: gr. 3° fraction. Solution exprimée de la laine placée entre SRG Eu 2 9:753.. 25,000 CESR EE PRO CE ne EN {Bichlorure. 0,247. . 6,33 —_— 10,000 Les différences ne sont point assez prononcées, pour que je me croie autorisé à tirer une conséquence définitive. Cepen- dant, les différences allant dans le même sens, c’est-à-dire, comme s’il y avait tendance de la part du corps dissous à se porter vers la laine, je ne conclurai pas absolument pour re- jeter cette tendance, ou nier que par la pression de la laine entre deux disques de verre on n'expulse pas, par le fait de la pression, d’un dégagement de chaleur , ou de toute autre cause, une portion du corps fixé. Quoi qu’il en soit, si l’on prend la moyenne des trois dé- terminations, on a : Eau... 9,761. ..250 Bichlorure. 0,239... 6,12 Conséquemment, 10,000 — 6,12 — 35,88 de bichlo- rure, qui se sont unis à 85,788 de laine. Conséquemment , 100 de laine en auraient absorbé 44. Le chiffre 44 dépasse 40 de la détermination précédente ; la différence tient à ce que l'immersion a été en dernier lieu de 29 heures au lieu de 18, et probablement encore à ce que 470 RECHERCHES CHIMIQUES le bichlorure était en plus forte proportion, relativement à la laine, que dans l'expérience antérieure où il y avait eu 9%,008 de laine. 35. Voici, en résumé, les proportions d’eau, de bichlorure et de laine qui ont été en réaction dans les diverses expé- riences que je viens d'exposer (24, 30 et 34) : $ TL. Étoffes et acide sulfurique. 36. 25 grammes de solution sulfurique ont été trouvés formés : 0 4 : : résultat de trois expériences. Acide sulfurique. 1,194 25,000 On a précipité l'acide sulfurique par le chlorure de ba- ryum, et lavé le sulfate par décantation; le lavage était fil- trétuie (1) Je ne donne qu'une expérience, quoiqu'on en ait fait un grand SUR LA TEINTURE. 474 Laine. 1,047 de laine séchée à 100 degrés ont été mis dans 25 grammes d’acide sulfurique aqueux. Après 18 heures de contact, la laine a été retirée du flacon et lavée jusqu’à ce qu'elle ne cédât plus d’acide sulfurique à l’eau. Après le contact, la solution était formée de : gr. Eu. 22 A 23,832 Acide sulfurique. 1,168 25,000 Conséquemment, l'acide sulfurique s'était uni en plus forte proportion que l’eau avec la laine. 19,194 — 15,168 — 0 5".,026 qui s'étaient unis à r # 047 de laine séchée à 1000. Conséquemment , 100 parties de laine auraient pris 2,48 d'acide sulfurique. Soie. 05,610 de soie séchée à 100 degrés ontété mis dans 25 grammes d'acide sulfurique aqueux. Après 18 heures de contact, la soie a été retirée du flacon et lavée jusqu’à ce qu'elle ne cédât plus d’acide sulfurique à l’eau. Après le contact, la solution était formée de : 25,000 Conséquemment, l'acide sulfurique s’est uni en plus forte PU nombre; mais, dans les expériences dont je ne donne pas les résultats, on avait lavé avec de l’eau aiguisée d’acide chlorhydrique, afin d'éviter la suspension du sulfate de baryte. C’est alors qu'on s'est aperçu que l’eau, ainsi acidulée, dissolvait du sulfate, On a donc employé l’eau seule, après avoir connu cet effet de l’eau aiguisée d'acide chlorhydrique. 472 RECHERCHES CHIMIQUES proportion que l’eau avec la soie. À la vérité, la différence est très-faible, mais le poids de la soie était très-faible aussi. 1,194 — 1,190 — 0,004 qui s'étaient unis à 0,610 de soie séchée à 100°. Conséquemment , 100 parties de soie auraient pris 0,65 d'acide sulfurique. Coton. 1#,065 de coton séché à 100 degrés, mis dans 25 grammes d'acide sulfurique aqueux. Après 18 heures de contact, le coton a été retiré du flacon et lavé jusqu’à ce qu'il ne cédât plus d'acide sulfurique à l'eau. Après le contact, la solution était formée de : Acide sulfurique. 1,203 25,000 Conséquemment, Veau s’est unie en plus forte propor- tion que l'acide avec le coton. 235,806 — 238,795 — 0%",0009 d'eau qui s'étaient unis à 1 #,065 de coton séché à 100°, Conséquemment , 100 parties de coton auraient pris 0,84 d’eau. 37. Il a fallu beaucoup plus d’eau pour épuiser la soie d'a- cide sulfurique que pour épuiser le coton, et plus d’eau pour épuiser la laine qu'il n’en a fallu pour la soie. 0472 de laine passée à l'acide sulfurique et séchée à 100° ont donné de cendre: 0,00025. Conséquemment, 1000 de cette laine renfermaient 0,53 de cendre qui n’était formée que de silice et d’une trace de chaux, sans sulfate. La laine non passée à l'acide sulfurique avait donné, pour 1000 de laine, 1 de cendre. CNE ô ARE . LE RE NE A 0,435 de soie passée à l'acide sulfurique et séchée à 00° ont donné de ceudres: 0,001. Conséquemment, 1000 de cette soie renfermaient de ceudre formée de silice, peroxyde de fer et de chaux sans acide sulfurique : 2,30. SUR LA TEINTURE. 473 La soie non passée à l'acide sulfurique avait donné, pour 1000, 1,7. rat de coton passé à l'acide sulfurique et séchés à 100° ont donné de cendres: 0,001, Conséquemment, 1000 de coton étaient unis à 1,9 1 cendres formées de silice et de chaux sans acide sul- furique. Le coton non passé à l'acide sulfurique encontenait 1,9. 38. Les trois étoffes plongées à froid pendant 18 heures dans des infusions de cochenille, de campèêche, de garance et de gaude, ont présenté les résultats suivants comparative- ment avec des étoffes identiques qui avaient été simple- ment plongées dans l’eau pure: Cocmeni1re.... Coton : presque incolore;coton non préparé, un peu moinsblanc. Soie : plus colorée que coton en cramoisi; moins colorée que soie non préparée, mais différence très-légère. Laine : différence dans le même sens, quoique légère. Camrècee..... Coton : carmélite sensiblement plus clair et moins rabattu que coton non préparé. Soie : carmélite plus clair et moins rabattu que soie non préparée. Laine : rougeätre orangé, comme les précédentes. GARANCE. ..... Coton : très-faiblement coloré, mais un peu plus que non préparé. Soie : très-légèrement d’un rouge plus orangé et moins brillant que soie non pré- parée. Laine : très légèrement d’un rouge plus orangé que laine non préparée. Caunes à 2 Coton : presque incolore, peut-être moins coloré que coton non préparé. Soie : idem. Laine : peut-être couleur plus franche que laine non préparée. En définitive, quoique les différences fussent légères, il m'est démontré que le traitement des étoffes par l'acide sulfurique avait agi en les rendant moins susceptibles de se teindre, parce qu’elles avaient perdu de leur base salifiable. TXXIV: 6o 474 RECHERCHES CHIMIQUES $ IV. Étoffes et acide chlorhydrique. 39. 25 grammes de solution chlorhydrique ont été trou- vés formés : a ee 23755 Ace chlorhydriqiié. 6245 | résultat de trois expériences. On a précipité l'acide chlorhydrique par l’azotate d'argent, lavé le précipité par décantation ; puis on l’a fondu dans un _creuset de porcelaine. Laine. On prit trois écheveaux de laine qui pesaient, après avoir été séchés à 100 degrés, AN et LCL FE Me A tp Eee CAE D LAS HR 0,966 On retira les écheveaux de leurs bains respectifs d'acide après un contact de dix-huit heures, et on les plongea immédiate- ment dans l’eau pour les laver complétement jusqu'à ce que l’eau ne précipitât plus l’azotate d'argent. 10 grammes de chaque bain furent précipités par l’azotate d'argent. Le pré- cipité fut lavé par décantation à froid, puis fondu dans un petit creuset de porcelaine vernissé et pesé : Û gr. gr. N° x. 2058 de chlorure repré- N° 2. 1,965 de chlorurerepré- Ne 3, 1,960 de chlorure repré- sentant : acide chlorhy- sentant : acide chlorhy- sentant : acide chlorhy- drique....... 0,4978 drique........ 0,499 drique. . 1.2. 0,498 Conséquemment, en multipliant chacune de ces quantités par 2,5, on a pour 25 grammes de solution : r. gr. gr. gr. NOT REP rerrReee ce AAA TN ae Sema RIRES EINO RS Eten séo ete . 1,245 La moyenne est 1,2458. SUR LA TEINTURE. 475 Conclusion. La laine a absorbé la solution sans en changer la propor- tion des principes : ou 100 auraient absorbé 0,08 d’eau. Soie. Voici les résultats pour la soie séchée à 100 degrés. Les écheveaux 4, 5 et 6 pesaient : LE VAPAE ones ATOS No re CO 8 525 ds UMTS T TO Ie à se 1,427 On opéra absolument comme on avait opéré sur la laine. = gr. gr. N° 4. are dechlorurerepré- N° 5. 1,976 de chlorurerepré- N° 6. 1,973 de chlorure repré- sentant : acide chlorhy- sentant : acide chlorhy- sentant : acide chlorhy- drique....... 0,5019 drique........ 0,502 drique........ 0,507 Conséquemment, en multipliant chacune de ces quantités par 2,5, on a, pour 25 grammes de solution, Conséquemment, l'eau a été absorbée en plus forte pro- portion que l'acide par la soie. gr. gr. gr. Eau dela solut. normale 23,755 .........,.....,... REA LT pote de À se -1299700 Eau de lasolution 4. 23,748 . Eau de la solution 5.,. 23,744 ....:....:,........ 23,748 00,007 00,011 00,007 Coton. Voici les résultats pour le coton séché à 100 degrés. Les trois écheveaux pesaient : On opéra absolument comme on avait opéré pour la laine et la soie. 6o. A76 RECHERCHES CHIMIQUES gr. gr. S N° 5. 1,977 de chlorure repré- N°8. 1,978 représentant: acide sentant : acide chlorhy- chlorhydrique.. 0,502 drique........ 0,502 Conséquemment, en multipliant chacune de ces quantités par 2,5, on a, pour 25 grammes de solution, No RE 1.265, Ne 8 ee R eee AGE Conséquemment, l'eau a été absorbée en plus forte pro- portion que l'acide par le coton. gr. Eau dela solut. normale. 23,755 Eau de la solution n°* 7 00,011 Conséquemment, 100 de coton auraient absorbé 0,87 d’eau. 4o. D'anciennes expériences dont j'ai publié les résultats dans le Dictionnaire technologique m'’avaient donné pour la laine et la soie une légère absorption d’acide en excès; mais je dois faire remarquer que la solution employée alors conte- nait une proportion d’acide au moins double de la solution employée en dernier lieu. Car, dans le premier cas, 10 cent. cubes renfermaient 1%, 1628 d'acide chlorhydrique. Quant au coton, les résultats nouveaux confirment les premiers. 0418 de laine passée à l'acide chlorhydrique après avoir été séchée à ro0° ont donné une trace impondérable de cendre ferrugineuse. La laine non passée à l’acide chlorhydrique avait donné, pour 1000, 1 de cendre. CE : 1,5 : . x NME MA , 0,4680 de soie passée à l'acide chlorhydrique après avoir été séchée à 100° ont donné decendre, 9,0009 : Conséquemment, 1000 de cette soie auraient donné 1,93 de cendre formée de silice ferrugineuse et une trace de chaux. La soie non passée à l'acide avait donné, pour 1000, 1,7. SUR LA TEINTURE. 477 gr. £ 0,464 de coton passés à l'acide chlorhydrique et séchés ont donné de cendre : 0,0007. Conséquemment : 1000 de ce coton en auraient donné 1,5 de silice ferrugineuse et de chaux. Lecoton non passé à l’acide chlorhydrique en contenait 1,9. Les cendres des trois étoffes obtenues en brülant celles-ci avec du sous-carbonate de potasse n’ont pas donné dechlorure : l’eau avait donc complétement dépouillé les étoffes d’acide chlorhydrique. 41. Les trois étoffes plongées à froid pendant dix-huit heures dans des infusions de cochenille, de campéche, de garance et de gaude, ont présenté les résultats suivants, comparativement avec des étoffes identiques qui avaient été simplement plongées dans l'eau pure: Coc#ENILLE,. .. Goton. Soie... Ja résultat que pour acide sulfurique. Laine. Soie... Camrècme.... Coton. Idem Laine. GaRANCE...,. Coton. Soie.. ? Idem. GAUDE ....... Coton. Soïe.. } Idem. | Laine. RECHERCHES CHIMIQUES SI Q0 Ki M: Etoffes et eau de chaux. 42. 25,0015 de la solution normale concentrée et trai- tée par l'acide sulfurique donnèrent 0%,089 de sulfate de chaux sec, représentant 0%,0367 de chaux. Donc gr. gr. RE } Eau....... 2439648 mess n SE 0e « mie ms 1000 4 = lChaux--tee 003670 RTE DEP LE 147 25,0015 75,00 Laine. On prit trois écheveaux de laine qui pesaient, après avoir été séchés à 100 degrés : On retira les écheveaux de leurs bains respectifs d’eau de chaux après un contact de vingt heures, et on les plongea im- médiatement dans un flacon à l’émeri d’eau distillée. On réunit les trois bains d’eau de chaux, dont on prit 25 grammes; ils donnèrent 0%*,050 de sulfate de chaux représentant 0%,0205 de chaux. gr. gr. Eau de chaux après son ({Eau......... 2459708. rene TASSE elel-te re se 1000 contact avec la laine. CRAN 6e 00209 0. 06.. O,OOLD MIRE Len Conséquemment, 0%°,1100 —0%",0615—0# ,0485 dechaux, qui s'étaient unis à 3,111 de laine. Donc Laine... ENS TR 0 0 100 Chaux. ..... GTS ones 1,05 Soie. Voici les poids de trois écheveaux de soie : LUE gr. Ë NOM CI EURE 1,030) UN DE meer ere DIO0D ANG Er ee. 2. 100028 On retira les écheveaux de leurs bains respectifs d'eau de SUR LA TEINTURE. 479 chaux après un contact de vingt heures, et on les plongea immédiatement dans un flacon à l’émeri d’eau distillée, On réunit les trois bains d’eau de chaux, dont on prit 25 gram- mes ; ils donnèrent 0%°,0/0 de sulfate de chaux représentant 0%,0165 de chaux. gr. gr. Eau de chaux après son { Eau.......... 24,9835 ses 7459505 ........ 1000 contact avec la soie. | Chaux........ 0,6165 ....:... 0,0495 +... 0,82 Conséquemment, 0%,1100 — 0%,0495 — 0%,0605 de chaux qui s'étaient unis à 3,048 de soie. Donc SDIB en csae 3,0480 ......... 100 Chaux. . .0,0609 insecte : 1,98 Coton. Voici les poids des trois écheveaux de coton : INAUTR SES ae amet ao INR le ments sie statste Fons NRNg Ne EEE ER er On retira les écheveaux de leurs bains respectifs d’eau de chaux après un contact de vingt heures, et on les plongea immédiatement dans un flacon à l’émeri d’eau distillée. On réunit les trois bains d’eau de chaux, dont on prit 25 gram- mes ; ils donnèrent 0%,0746 de sulfate de chaux, représentant 0%,0306 de chaux. gr. gr. Eau de chaux après son{Eau......... 24,9684 .......... 749082 ..... 5... 1000 contact avec le coton. |Chaux....... 0,0306 ......... o0,0918 ......... 1,22 Conséquemment, 0%,1100— 0%,0918 —0%",0182 de chaux qui s'étaient unis à 3,080 de coton, donc GCoton:ii:0.%203058002727.58. 07 100 Chaux. 2-7 CET véraaene 0,595 43. Chaque étoffe fut lavée dans des flacons à l’émeri,où on les avait mises à la sortie de leurs bains respectifs, jusqu’à ce que l’eau cessât de se troubler par l’oxalate d’ammoniaque. Puis on les mit pendant dix-huit heures dans des infu- sions de cochenille, de campèche, de garance et de gaude, avec des étoffes non passées à la chaux : 480 RECHERCHES CHIMIQUES Cocæexiure , .. Coton: un peu plus violâtre que le coton non préparé. Soie : plus montée que le coton, différence plus sensible. Laine : plus montée que soie, différence très-sensible; la laine passée à la chaux plus foncée. Camrècue.... Coton:carmélite foncé, un peu plus que le coton non prépare. Soie : moins foncée que le coton, différence dans le mème sens. L Laine : rouge rabattu plus foncé très-sensiblement que laine non préparée. GARANCE. .... Coton : plus rosé sensiblement que coton non préparé. Soie : orangé plus foncé que sur soie non préparée. Laine : orangé plus foncé que sur laine non préparée. Gaupe..,.... Coton: Soie : en très-faible un peu plus sensible dans les étoffes passées à la chaux. Laine : 44. LE . 240 . . LP ee] ” s ” . 0,4500 de laine passée à l'eau de chaux après avoir été séchée à 100 degrés ont donné de cendre : 0,0025. Conséquemment, 1000 de celte laine ont donné 5,58 de cendre calcaire, La laine non passée à la chaux avait donné, pour 1000 parties de laine, 1 partie de cendre. ge LME FEU : 0,468 de soie passée à l’eau de chaux apres avoir été séchée à 100° ont donné de cendre: 0,002. Conséquemment, 1000 de celte soie auraient donné 4,29 de cendre calcaire. La soie non passée à la chaux avait donné, pour 1000, 1,7. a. PR Co FETURE 4 0,463 de coton passé à l'eau de chaux apres avoir été séché à r00° ont donné de cendre : o,our. Conséquemment, 1000 de ce coton ont donné 2,32 de cendre calcaire légèrement ferrugineuse. Le coton non passé à la chaux avait donné, pour 1000, 1,9. $ VI. Étoffes et eau de baryte. 45. 15 grammes d'eau de baryte concentrée et traitée par SUR LA TEINTURE: 481 l'acide sulfurique, donnèrent 0®",4725 de sulfate de baryte sec représentant 0”,3097 de baryte. Donc aide barste. en Pa POS 146003 CARE 22 CHAT IS AS EEE 100 Barnes es 0,300 ME eee 0,516 2,10 15,0000 25,000 Laine. On prit trois écheveaux de laine qui pesaient, après avoir été séchés à 100 degrés : Li gr. 5 INRP PERTE. CE D'OB2DANP ENS seen Cn0GPN PER EP tee 0,892 On retira les écheveaux de leurs bains respectifs d’eau de baryte après un contact de dix-huit heures, et on les plongea immédiatement dans un flacon à l’émeri d’eau distillée. On neutralisa 15 grammes de chacun des bains par l'acide sul- furique, et on obtint : NA. 0.396 sulfate de baryte, N° 2. 0390 ELEC à PEU E N%3.100397. 7234. représentant... 0,26 baryte. .............. 2,261 barvles Er -2cte cr 0,2605 baryte. La moyenne étant 0% ,2605 baryte, 25 grammes en auraient donné 0,434. Conséquemment , 0®-,516 — 0,434 = 0%,082 de baryte qui se seraient unis à 0,987, moyenne du poids des trois écheveaux de laine. Donc On retira les écheveaux de leurs bains respectifs d’eau de baryte après un contact de dix-huit heures, et on les plongea immédiatement dans un flacon à l’émeri d’eau distillée. On FPÆXIN: 61 482 RECHERCHES CHIMIQUES neutralisa 15 grammes de chacun des bains par l'acide sul- furique ; on obtint : gr. gr. gr. N° 4. 0,394 de sulfate de baryte, N° 5. 0,405........... ONG. "loto... rptee représentant 0%" ,258 de baryte. .......... 0,265 de baryte. .......... 0,263 de baryte. La moyenne étant 0,262 de baryte, 25 grammes en au- raient donné 0°',436. Conséquemment, 0%,516— 08,436 — 0%,080 de baryte qui se seraient unis à 1“,094, moyenne des poids des trois éche- veaux de soie. Baryte...... ELU PER ompoceec 7,31 Coton. Voici les poids des écheveaux de coton : gr. gr. ÿ Nat Sir ose: RON ae citerne aie sas OHIONP IQ ue dr ele 0,948 On retira les écheveaux de leurs bains respectifs d’eau de baryte après un contact de dix-huit heures, et on les plongea immédiatement dans un flacon à l’émeri d’eau distillée. On neutralisa 15 grammes de chacun des bains par l'acide sul- furique ; on obtint : gr. gr. gr. N° 7.0,4235 desulfatede baryte, N° 8. 0,428.............. NO. Edo ce représentant 0,277 de baryte. ........... 0,280 de baryte. ........... 0,281 de baryte. La moyenne étant 0%,279 de baryte, 25 grammes en au- raient donné 0%",465. Conséquemment, 08,516 —0%"-,465 —0%",051 quisesontunis à 1,02, moyenne des poids des trois écheveaux de coton. Baryie. .--... CHERE AND 4,999 ou 5 46. L'eau de baryte qui avait séjourné avec la laine était colorée en jaune; elle laissait un résidu coloré renfermant de la matière azotée et du soufre, car en le chauffant il exhalait SUR LA TEINTURE. 483 de l'ammoniaque, et laissait une matière qui dégageait de l’acide sulfhydrique quand on la traitait par un acide. Voilà ce qui se passe quand on ne sature pas l’eau de baryte par l'acide sulfurique avant l'évaporation. Si avant l’'évaporation On neutralise la baryte par l'acide sulfurique en excès, la li- queur concentrée se colore en violet, puis en brun, et il se dégage une odeur fade sulfurée au commencement de l'opé- ration. La soie donne également de la matière organique à la ba- ryte, mais il n’y a pas de soufre. IT est préférable de neutraliser Ja baryte légèrement con- centrée par l'acide sulfurique plutôt que d’évaporer avant de sulfater. Lorsque la matière est très-noire, il faut y ajou- ter un peu d'acide sulfurique et d'acide azotique, afin d’évi- ter qu'il se produise dans la calcination du sulfure de ba- ryum. Mr oGér de laine passés à l'eau de baryte, préalablement séchés à 100°, ont donné de cendre : 9,0012. Conséquemment, 1000 de celte laine étaient unis à 2,73 de cendre. Cette cendre dissoute avec effervescence par l'acide azotique était formée de baryte et de chaux. 1000 de laine étaient unis à 1 de cendre avant l'opération. 0,465 de soie passés à l’eau de baryte, préalablement séchés à 100°, ont donné de cendre : 0,002. Conséquemment, 1000 de cette soie étaient unis à 4,32. Cette cendre, traitée par l'acide azolique, a donné un précipité de sulfate plus abondant que la cendre de laine. 1000 de soie étaient unis, avant l'immersion dans la baryte, à 1,7 de cendre. sr: Fa D : PA ARE A 0,478 de coton passés à l’eau de baryte, préalablement séchés à 10°, ont donné de cendre : 0,002. Conséquemment, 1000 de ce coton étaient unis à 4,20. Cette cendre s’est comportée comme la précédente. 1000 de coton étaient unis, avant l'immersion dans l’eau de baryte, à 1,0 de cendre, 48. Chaque étoffe fut lavée dans un flacon à l'émeri où Gi. 484 RECHERCHES CHIMIQUES on l'avait mise en sortant de son bain, jusqu'à ce que l’eau cessât de se troubler par l’acide sulfurique; puis on mit les étoffes pendant dix-huit heures dans des infusions de co- chenille, de campêche, de garance et de gaude : Cocuenizze.,.. Coton : violàtre; un peu moins rougeâtre que le coton non préparé. Soie : plus foncée, moins violätre que le coton; plus violätre que la soie non préparée. 4 Laine : plus foncée que la soie; laine plus violätre que la laine non préparée, Camwpècme..... Coton : orangé non rabattu, peut-être moins foncé que le coton non préparé. Soie : très-rabattue, plus foncée que la soie non préparée. Laine : plus foncée et rabattue que la laine non préparée. GARANCE...... Coton : orangé non rabattu, sensiblement moins foncé que le coton non préparé. Soie : orangé rabattu plus foncé que le coton et que la soie non préparés. Laine : orangé violet plus foncé que la soie et que la laine non préparées. Gaupe.. ...... Coton : très-faible, presque identique au coton non préparé. Soie : jaune légèrement orangé, plus foncé que la soie non préparée. Laine : plus foncée que la soie, et bien plus foncée en orangé plus rabattu que la laine non préparée. $ VII. Étoffes et alun. 49. 10 grammes de solution normale ont été trouvés for- més de 5 gr. TC ot our 9,516 | 9% u2, moyenne de { 9,516 AT 0,484 | 9,517 Laine. On prit trois échantillons n® r, 2 et 3 de laine qui pesaient après avoir été séchés à 100 degrés : Nez, Pesit Rue 00 NEO M ou Ab 1,048 NX TR Sands 1,067 On a retiré les étoffes de leurs bains respectifs d’alun pesant 25 grammes, après un contact de dix-huit heures. SUR LA TEINTURE. 485 10 grammes des trois solutions, évaporés spontanément dans des verres de montre, ont donné des cristaux : Alun ; 22: 3400. 0,484 Aldo: 23372 0,483 VEN (TE PTE 0,4845 Conséquemment, la différence de la solution normale et des solutions qui ont été en contact avec les écheveaux de laine est nulle ou à peu près. Soie. Voici les poids des écheveaux de soie : gr. gr. gr. DC 40 path Son UE DOOOMAN EN D te sac e name es 08672 N°26... s.... 1,204 Après un contact de dix-huit heures avec l’alun, les solu- tions étaient formées de : Alan rer ns 0,482 AT do ae 0,482 AIME A 0,480 Conséquemment, V'alun a été absorbé en proportion plus forte que l’eau. gr. gr. gr. Alun dela solut.normale, 0,484 Alun dela solut. normale. 0,484 Alunde la solut. normale. 0,484 Alun du n° 4..,...... 0,482 Alun dun°5.,.,...... 0,482 Alun dun°6.......... 0,480 0,002 0,002 0,004 En multipliant par 2,5 la différence, on a les quantités rapportées à 25 grammes de solution. Conséquemment, 100 parties de soie séchée à 100 degrés auraient pris alun : Coton. Voici les poids des écheveaux de coton : gr. SIT gr. Er EN PAU RE er tt ENS COPA NE bac 5898 N° Desssssssscro pere 0,886 486 RECHERCHES CHIMIQUES Après un contact de dix-huit heures avec l’alun, les solu- tions étaient formées de : gr. sr. r. NOR AE. 0,075 NS NUE SE re. 0. 9,504 UNS g- Eaue.-.-..... 9513 Alun......... 0,4925 Alan. 0,496 Aluns- 20 0,487 Conséquemment, Veau a été absorbée en proportion plus forte que l'alun. gr. er r Eau de la solut. normale, 9,5160 Eau de lasolut. normale. 9,5:60 Eau de la solut. normale. 9516 Eau de la solution n° 7.. 9,5075 Eau de la solution n°8.. 9,504 Eau de la solution n° 9.. 9,513 0,0085 0,012 0,003 En multipliant par 2,5 la différence, on a les quantités rapportées à 25 grammes de solution : Conséquemment, 100 parties de coton séché à 100 degrés auraient absorbé d’eau à la solution d’alun : \ibrnondanebonoon ADR ANNE BE Un net ee IT PGO Poor mono 0,84 50. Conclusion. Laine. Les expériences faites comparativement avec l'a- lun et le bichlorure de mercure en solution dans l’eau, mis en contact avec la laine, m'ayant démontré que 100 de laine absorbent 1,26 d’alun à 24 atomes d’eau (31), j'admets que dans les expériences que je viens de rapporter ce résultat a eu lieu, et qu'il y a eu à peu près compensation entre la quan- tité d’alun fixé et la quantité de laine dissoute. Ce qui est cer- tain, c'est que l’alun obtenu de la solution qui avait été en contact avec la laine était en partie mal cristallisé, qu'il a donné à la distillation un résidu gris, un produit empyreu- matique, et en outre un peu de sulfite d’ammoniaque su- blimé. Je ne puis douter que, dans la réaction de l’alun sur + SUR LA TEINTURE. 487 la laine, il ne se produise une quantité sensible, quoique très- faible, de sulfate d'ammoniaque. Soie. L’alun obtenu de la solution qui avait été en contact avec la soie était en cristaux plus gros et plus prononcés que l’alun obtenu de la solution qui avait été en contact avec la laine. Cependant, il donna à la distillation un résidu grisâtre, mais sans sulfite d’ammoniaque. La soie avait donc cédé aussi une trace de matière organique à l’eau d’alu n. Coton. L'alun obtenu de la solution qui avait été en con- tact avec le coton était en très-beaux cristaux. Il ne donna à la distillation ni résidu gris, ni sulfite d’ammoniaque. 51. Les trois étoffes qui avaient été plongées 18 heures dans l’eau d’alun ont été lavées à l’eau distillée. Le coton l'a été jusqu'à ce que le lavage ne troublât plus le chlorure de baryum. La soie de même, mais elle exigea plus de temps que le coton pour être parfaitement lavée. La laine pour être lavée exigea un temps bien plus long que la soie, parce que les lavages troublaient toujours le chlorure de baryum, et, en les évaporant, ils laissèrent un résidu de matière azotée provenant de la laine qui était unie avec de l’alun, et qui, malgré cela, a donné à la distillation un pro- duit ammoniacal au papier rouge de tournesol. Enfin, en pressant la laine après le lavage dans du papier Joseph, et ce à plusieurs reprises, en réitérant les lavages, on a fini par l'obtenir dans un tel état, qu’en la passant dans l’eau, celle-ci ne précipitait pas le chlorure de baryum; mais la laissait-on macérer 48 heures dans ce liquide, en le con- 488 centrant, après l'avoir filtré, au centième de son volume pri- mitif, on obtenait, avec le chlorure de baryum, un précipité de sulfate de baryte, et toujours l’eau retenait de la matière azotée. Conclusion. L’'alun tient fortement à la laine, et favorise la solution d’une certaine quantité de sa matière dans l’eau où l’on fait macérer la laine alunée. e 52. Les étoffes alunées et lavées jusqu'à ce que l'eau ne précipität plus le chlorure de baryum, ont été plongées pen- dant 18 heures dans des infusions de cochenille, de campé- che, de garance et de gaude, comparativement avec des étoffes non préparées : COCHENILLE.., CAMPÈCHE..... CGARANCGE. ....: GAUDE... 5. sr. & nee DR) À 0,495 de laine passés à l’alun, séchés à 100°, ont donné de cendre : 0,001. Conséquemment, 1000 étaient unis à 2,02. La laine non alunée avait donné, pour 1000, 1. gr: Û ” y» # ” : . 0,385 de soie passés à l'alun, séchés à 100°, ont donné de cendre : 0,00 16. 1 000 étaient unis à 4,17 de cendre. La soie non alunée avait donné, pour 1000, 1,7 RECHERCHES CHIMIQUES Coton : violet rouge, le coton non aluné a peine coloré, Une grande différence. Soie : cramoisie; moins de différence entre les deux soies qu'entre les deux cotons. Laine : rouge violâtre; moins de différence eacore entre les deux laines qu'entre les deux soies. Coton : coton brun, le coton non aluné carmélite, Une grande différence. Soie : même résultat que pour le coton. Laine : orangeâtre ; laine alunée un peu plus intense que l’autre. Coton : rose ; le coton non aluné à peine coloré. Soie : rouge orangé bien plus foncé que la soie non alunée. Laine : même résultat que pour la soie. Coton : jaune sensiblement plus intense que le coton non aluné. Soie : jaune plus intense que la soie non alunée. Laine : même résultat. Conséquemment, /* SUR LA TEINTURE. 489 pe CC * 0,505 de colon passés à l’alun ont donné de cendre : 0,007. Conséquemment, 1000 étaient unis à 1 ,98. Le coton non passé à l’alun contenait 1,9 de cendre. $ VIII. Étoffes et azotate de baryte. 54. 10 grammes de solution normale ont été trouvés for- més de: Azolate.... 0,243. Trois expériences ont donné le même résultat. Laine. On prit trois écheveaux de laine qui, après avoir été séchés à 100 degrés, pesaient : On a retiré ces échantillons de leurs bains respectifs d’azo- tate de baryte, après un contact de 19 heures. 10 grammes des trois solutions, évaporés spontanément dans des verres de montre, ont donné des cristaux qu'on a séchés à 100 degrés, jusqu’à ce qu’ils ne perdissent plus rien, comparativement avec les résidus des liquides normaux. gr. ee gr. = gr NOMME eee 0579 TAINE) 2 EMA POTERIE - FETE D ER ÉCHOS 9,727 Arotatede baryte. 0,243, 0,4. 41... OT | PSE SENS 0,243 y. # Conséquemment, : L1E No:. La solution après le con- N°2. Eau de lasolut. norm. 9,757 No 3. La solution apres le con- tact était la même qu'a- Eau du n° 2..... 9,756 tact était la même qu'a- vant le contact. Feu: ant le contact, L'XXIV:. 62 490 ; RECHERCHES CHIMIQUES Conséquemment, les écheveaux n° 1 et n° 3 avaient absorbé le sel et l'eau dans la même proportion que celle de la solu- tion normale. L’écheveau n° 2 avait absorbé 0%,0025 d’eau, 100 en auraient absorbé 0,25. Soie. Voici les poids des trois écheveaux de soie: Après un contact des étoffes de 19 heures avec les solu- tions d’azotate, celles-ci étaient formées de : gr. gr. gr. No IFAUN er eeetelues Chain COR EEE à OS on be 0757 MIND IG eee at 9,756 Azotate......... DAT TEE CHATS MR DO OT OC dan 0,244 Conséquemment, La solution du n° 4 était la La solution du n° 5 comme No 6. Eau de la solution Ë méme qu'avant le contact. celle du n° 4. normale... "2.4. 9,757 Eau de la solution n° 6.. 9,756 0,001 En multipliant la différence par .-.2....1 1.402 NN ne ARRETE 2,5 on a pour l’eau absorbée par la soie. ......,...,.....,,...,.....,..44.rss.e.ses 0,0025 100 AUTAIENt AONC ADEDIDÉ=- 0... es sm ses es -ceeneee 0eme tee 0,23 Coton. Voici les poids des trois écheveaux de coton: INDE bise cm eue ras Nolan JE 1685 NONg re... 1,020 Après un contact des étoffes de 19 heures avec les solu- tions d’azotate, celles-ci étaient formées de : gr. gr. : No 7e Eau... re. 97565 IN9 8............ 0 9,756 ND nee este 9,757 Azotate........ 0,2435 tee ee ON EE er in eine hiviete 0,243 Conséquemment, les écheveaux n° 7 et 8 auraient absorbé plus d’eau que d’azotate. SUR LA TEINTURE. 491 gr. gr. gr. Eau de la solut. normale. 9,7570 Eau delasolut. normale. 9,7370 Eau dela solut. normale, 9,757 Eau de la solution no 7. 9,7565 Eau de la solution n°8. 9,7565 Eau de la solution n°9. 9,757 0,0005 0,000 5 Différence nulle..... 0,000 Conséquemment, en multipliant par 2,5 0%*,0005, on à 0%°,00125 d’eau absorbée par les écheveaux n° 7 et 8. 100 auraient absorbé 0,11 d’eau. Observations. 55. Les azotates de baryte obtenus par la cristallisation des solutions qui avaient été en contact avec la laine étaient pres- que incolores, tandis que les cristaux provenant des solu- tions qui avaient été en contact avec la soie étaient sensi- blement jaunes , et les cristaux provenant des solutions qui avaient été en contact avec le coton étaient incolores comme les normes. Les azotates normes et ceux du coton, rougis dans un tube, n’ont pas donné d’ignition; ceux de la laine, très-peu ; ceux de la soie, sensiblement. Conclusion. 56. On peut dire que la proportion des principes immé- diats de la solution d’azotate de baryte ne change point par le contact des trois étoffes; qu’en conséquence, s’il y a affi- nité, les étoffes s'unissent aux deux principes immédiats de la solution, sans changer la proportion où ils s’y trouvaient unis. 57. Les trois étoffes ont été mises chacune avec 50 centi- mètres cubes d'eau distillée ; on les a lavées et tordues, puis on leur a donné une seconde immersion dans 50 centimètres G2. 492 RECHERCHES CHIMIQUES cubes d'eau. Enfin, on les a lavées par macération et eau courante. La laine a été plus tôt lavée que le coton et que la soie sur- tout. On reconnaissait que le lavage était parfait, lorsque l'eau ne précipitait pas l'acide sulfurique. 58. On plongea les étoffes qui avaient été lavées, jusqu'a ce que le lavage ne précipitât plus par le sulfate de soude, dans des infusions de cochenille, de campèche, de garance et de gaude, pendant 18 heures, comparativement avec des étoffes non passées à l’azotate de baryte: Cocsenizze... Coton : plus bleuätre et plus foncé que le coton non préparé à l’azotate. Soie : différence dans le mème sens. Couleur plus foncée que sur coton. Laine : pas de différence pour ainsi dire. Camrècse.... Coton: carmélite plus foncé que sur coton non préparé. Soie : idem. Laine : carmélite rougeâtre, idem. Garance... Coton : sensiblement plus rosé que le coton non préparé. Soie . {différence insensible, pour ainsi dire. Laine GAUDE...... Coton : sensiblement plus jaune que le coton non préparé, mais teinte tres-faible. Soie : différence presque insensible. Laine : différence presque iusensible. Br . nl “ , “ “ LA 0,445 de laine passés à l’azotate de baryte et séchés à 100° ont douné de cendre : 0,001. Conséquemment, pour 1000 de laine, 2,2 de cendre. ° La laine, avant le passage à l'azotate, renfermait, pour 1000 de laine, 1 de cendre. Celle-ci, dissoute dans l'acide azotique, ne précipitait pas sensiblement de baryte par le sulfate de soude. gr. È 0,478 desoie passés à l’azotate de baryte et séchés à 100° ont donné de cendre : 0,002. Conséquemment, pour 1000 de soie, 4,2 de cendre, SUR LA TEINTURE. 493 Le rapport de la soie à la cendre, avant le passage à l'azo- tate de baryte, était de 1000 à PE La cendre, dissoute dans l'acide azotique, donna une quantité notable de sulfate de baryte par l'addition du sul- fate de soude ; elle représentait 2,5 de sous-carbonate de ba- ryte. 0484 de coton passés à l’azotate de barÿte renfermaient de cendre : 0,0015. Conséquemment , pour 1000 de coton, 3,1 de cendre. Le rapport du coton à la cendre , avant le passage à l’azo- tate de baryte, était de 1000 à 108 La cendre, dissoute par l'acide azotique, donna une quantité notable de sulfate de baryte par l'addition du sul- fate de soude; elle représentait 1,2 de sous-carbonate de baryte. SEX Étoffes et azotate de plomb. 60. 10 grammes de solution normale ont été trouvés for- més de : à gr. gr 56 eau TRES 9,756 à d cs Azotate... 0,245 Hannene 97 9756 Laine. On prit trois écheveaux de laine qui, après avoir été séchés à 100 degrés, pesaient: NA me 0 0058 Ne 2 UP DIET FEU EMOenal RE 0,908 On a retiré ces écheveaux de leurs bains respectifs d'azotate de plomb après un contact de 19 heures. 10 grammes des 494 RECHERCHES CHIMIQUES trois solutions, évaporés spontanément dans des verres de montre, ont donné des cristaux qu’on a séchés à 100 degrés, jusqu'à ce qu'ils ne perdissent plus rien, comparativement avec les résidus des liquides normaux. ; Er. à gr. gr. No r. Eau........... JITDMNT AT SEUL m7 Tee 9,772 AIN9A3. 0 2 dore 9,770 Azotate de plomb. 0,230 ............ Sn 10 220 SR Let 0,230 Conséquemment, l'azotate de plomb a été absorbé en plus forte proportion que l’eau. Ne 1, Azotate de la solu- r 3 gr. s'- tion normale. ....... 2245 INPED ER etre a eele (EVA REIN DES PER SE CES RSA SET 0,245 Azotate du n° 1... 0,230 :...........,... DAa30 A --ra-cetretr 0,230 0,015 0,015 0,015 En multipliant la différence par 2,5, on a les quantités rapportées à 25 grammes de solution. Conséquemment , 100 parties de laine séchées à 100 degrés auraient pris d’azotate de plomb: Après un contact de 19 heures avec les solutions d’azotate, celles-ci étaient formées de: gr. . Ne 5. Eau.............. 9764 Ne6...... ......... 9,764 Azotate de plomb..., 0,236 ...... rate ee ee 0,236 Conséquemment, V'azotate de plomb est absorbé en pro- portion plus forte que l’eau. gr. gr. Azotate de la solution normale... 0,245 ..................... 0,245 Azotate de la solution n° 5....... 0,236 Azotate du n° 6........ 0,236 0,009 0,009 SUR LA TEINTURE. 495 En multipliant par 2,5 la différence, on a les quantités rapportées à 25 grammes de solution. Conséquemment , 100 parties de soie séchées auraient pris d’azotate de plomb : Coton. Voici les poids des trois écheveaux de coton: gr. gr, Ê INT cu Glauel- pes OS UNEMBE ee er merre de DO2O NO ES--E-ide-- dotiu 1,073 Après un contact de 19 heures avec les solutions d’azo- tate, celles-ci étaient formées de : gr. gr. er. INASPAUR ere. 05794 IN°18/ EAU: 2... 90 MINP OR EAU EE. 2e 9,750 Azotate de plomb, 0,246 Azotate......... 0,250 Azolate......... 0,250 Conséquemment, V'eau a été absorbée par le coton en plus forte proportion que l’azotate de plomb. gr. : gr. Eau de la solut. normale. 9,755 ........, bonbons TANT her cie dates GE Eau de la solution n° 7. 9,754 Eau de la solution n° 8.. 9,750 Eau de la solution ne 9.. 9,750 — 0,001 0,005 0,005 En multipliant par 2,5, on a la quantité d’eau prise à 25 grammes de solution. Conséquemment , 100 parties de coton, séchées à 100 de- grés, auraient pris d’eau: LE Sroranodacro acte 0,22 NB eee en Es Bd PT OURS TAN D 1,1 61. Les étoffes furent lavées dans les tubes de l'appareil à écoulement continu jusqu’à ce que l’eau de lavage ne se co- lorât plus par l'acide sulfhydrique. 496 RECHERCHES CHIMIQUES Lés ayant mises en macération dans l’eau durant plusieurs heures, elles cédèrent à ce liquide des traces d’azotate de plomb sensible à l'acide sulfhydrique. Les quatre premiers jours, on changeait l'eau de 12 heures en 12 heures; les jours suivants, on la changea de 2 heures en 2 heures, et cela, jusqu’à ce qu'on obtint les résultats suivants. On cessa le lavage de la laine et du coton lorsque les étof-, fes plongées dans vingt fois leur poids d’eau, pendant 12 heu- res, ne lui communiquaient pas de trace d’azotate sensible à l'acide sulfhydrique. La laine fut lavée avant le coton. Après ce lavage, la laine se colorait immédiatement en roux par l’eau d'acide sulfhydrique. Il en était de même du coton. La laine, tenue une demi-heure dans l'eau bouillante, se colorait en brun par la réaction de l’azotate de plomb sur le soufre qu’elle contient : il en résultait du sulfure de plomb. L'eau refroidie , essayée par l'acide sulfhydrique, ne se colo- rait pas. La soie, lavée 15 jours après le coton, plusieurs fois cha- que jour, cédait encore de l’azotate à l’eau en quantité sen- sible à l’acide sulfhydrique. La soie lavée de nouveau 15 autres jours, et plusieurs fois chaque jour, cédait encore de l’azotate de plomb sensible à l'acide sulfhydrique. Pour évaluer approximativement la quantité qui pouvait se trouver dans l’eau, on fit les expériences suivantes : On prépara une solution ainsi composée : 1000,000 eau 9,001 azotate de plomb. 100 centimètres cubes de cette solution se sont colorés plus SUR LA TEINTURE. 497 fortement par l'acide sulfhydrique que le dernier lavage de la soie. 5o centimètres cubes de cette solution + 50 centimètres cubes d’eau distillée se sont colorés plus fortement par l’a- cide sulfhydrique que le lavage de la soie. Conséquemment, 100 centimètres cubes de ce lavage ne contenaient pas > de milligramme d’azotate de plomb. Le lavage dela soie ayant été arrêté à ceterme, on reconnut qu'elle tenait assez d’azotate de plomb pour se colorer im- médiatement en orangé rabattu par l’eau d'acide sulfhydrique. Conclusion. 62. La laine et la soie s'unissent à l’azotate de plomb en plus forte proportion qu'avec l’eau. Le coton, au contraire, absorbe proportionnellement plus d’eau que d’azotate ; cependant il se combine réellement avec ce sel, ainsi que le démontre la propriété qu'il a de se colorer par l'acide sulfhydrique, après qu'il a cessé de céder à l’eau de l'azotate de plomb en quantité sensible à l'acide sulfhydrique. 63. Les trois étoffes lavées jusqu’à ce que le lavage cessät de se colorer par l'acide sulfhydrique ont été incinérées. En soustrayant la cendre queles étoffes retenaient, on a trouvé que 1000 de laine retenaient 2,8 d'oxyde de plomb. 1000 de soie retenaïent 8,0 d'oxyde de plomb. 1000 de coton retenaient 1,2 d'oxyde de plomb. 63 bis. Les trois étoffes mises 18 heures dans des infusions de cochenille, de campêche, de garance et de gaude, com- parativement avec des étoffes qui n'avaient pas été passées dans l’azotate de plomb, ont donné les résultats suivants : Cocenizce... Coton :lilas; coton non préparé, rose léger. Soie : lilas plus foncé que le coton, soie nou préparée, violet clair. Laine : rougeâtre sensiblement plus foncé que la laine non préparée. TXEIV- 63 | | | | 498 RECHERCHES CHIMIQUES pré- CaMPÈGHE. . ... Coton : brun, tandis, que le coton non préparé est carmélite. Soie : brun très-foncé tranchant sur la couleur orangeätre de la soie non parée. Laine : plus brune que la laine non préparée, qui est rougeätre. Ï P GARANCE. -.... Coton: bien plus rosé que le coton non préparé. Soie : orangé faiblement moins intense que la soie non préparée. Laine : comme la soie. GAUDE........ Coton : jaune plus rabattu que le jaune sur le coton nonpréparé. Nuance très- faible, Soie : comme le coton. Laine : jaune sensiblement plus foncé que la laine non préparée. Nuance tres- faible, $ X. Étoffes et cyanoferrite de cyanure de potassium. 64. 10 grammes de solution normale ont été trouvés for- més de : 65 04640 de cyauofer. [moyenne too 0,4635 Laine. On prit trois écheveaux de laine, n° 1, n°2, n°3, qui, après avoir été séchés à 100 degrés, pesaient : No re Ve PAT D Dan ae ur 60 NE 2 ee UE er On a retiré ces écheveaux de leurs bains respectifs de cyanoferrite après un contact de 18 heures. 10 grammes des trois solutions ont été évaporés sponta- nément dans des verres de montre dont les bords avaient été légèrement graissés, afin d'éviter le grimpement des cristaux, ce à quoi on réussit parfaitement. Trois fractions de solu- tion normale, du poids de 10 grammes, étaient placées à côté des solutions qui avaient été en contact avec la laine et les SUR LA TEINTURE. 499 deux autres étoffes. Cette manière de procéder est d'autant plus nécessaire, que les solutions laissent dégager une odeur cyanhydrique. Conséquemment , pour les trois solutions, on a: gr. Cyanoferrite de la solution normale. . .. 0,4635 Cyanoferrite n° 1, n°2, n° 3.......... 0,4610 0,0025 En multipliant par 2,5 la différence, on a les quantités rapportées à 25 grammes de solution, c’est-à-dire, 0%",00625. Conséquemment, 100 parties de laines séchées à 100 de- grés auraient pris de cyanoferrite de cyanure de potassium : Dm ee ARTE COR CERN EM GE ge SA ere 0,55 Soie. Voici les poids des trois écheveaux de soie séchés à 100 degrés: sr. ge. NA SEA sr DRE TUENPDS Se. 2e a 0,853 N° 62...... CS LS 0,734 Après un contact de 18 heures avec les solutions de cya- noferrite, celles-ci étaient formées de : gr. gr. gr. No VE MEAUL nee D 5868 12 IN0 HE NE RE DH3B HN IG de rem iens = 9,535 Cor EE ac boooccuveus GHAGNET à à L'Écsééésaoraout 0,465 Conséquemment , l’eau a été absorbée en plus forte pro- portion que le cyanoferrite de cyanure de potassium par les HAMETeF IE. gr. gr: gr. Eau de la solut. normale. 9,5365 ................... DA Me. ne VAT TETE 9,5365 Eau de la solution n° 4. 9,5365 Eau delasolution n° 5. 9,5355 Æau de la solution n° 6. 9,5350 —— 0,0000 0,0010 0,0015 En multipliant par 2,5 la différence, on a la quantité d’eau absorbée pour 25 grammes de solution: gr. 8 NP ee la de eines LEONE DE rene Den MONACO TE Er ECO 0,00375 500 RECHERCHES CHIMIQUES Conséquemment , 100 parties de soie, séchées à 100 de- grés, auraient absorbé d’eau: Moÿenne.............. CFO ne memeErne U:209/No 01 - Fe cata 0,51 Coton. Voici les poids des trois écheveaux de coton, sé- chés à 100 degrés: No 9 ME NS RS D NE BE MT EE Re D PM Le 10057 Après un contact de 18 heures avec les solutions de cya- noferrite, celles-ci étaient formées de : Er- gr. £ NA ve tEau teetrta D SSSDIENG Se ee see DÉS NO SOL ne 9,536 Cyanoferrite... 0,4645 ................. CCR RE ER 0,464 Conséquemment , Veau a été absorbée en plus forte pro- portion que le cyanoferrite. à gr. gr. er. Eaudelasolut. normale, 9,5365 ................... REC OOMESEA MARNTE à 9,5365 Eau de la solution n° 7 9,5355 Eau de la solution n° 8. 9,5350 ....... ee ve... 9,5360 0,0010 0,0015 0,0005 En multipliant par 2,5 la différence, on a la quantité d’eau absorbée pour 25 grammes de solution. n° 0025 N° 8 00375 N° 6 NPA7Ee creer. CSN CL SRE RTE TER Soc 0,00375 OPEN 0.001725 Conséquemment, 100 parties de coton auraient absorbé d'eau: L dont la moyenne est 0,24. 65. Les trois étoffes retirées de leurs flacons respectifs furent lavées séparément par macération. La soie et le coton ne tardèrent point à l'être parfaitement, de manière qu'ils devinrent absolument incolores, que le lavage ne colorait # Ë ri MSN avé SUR LA TEINTURE. bot pas l’eau de sulfate de peroxyde de fer, et que des brins de ces étoffes ne se coloraient pas dans cette même eau lors- qu'on les y tenait plongés pendant plus de 12 heures. La laine tranchait sur la soie et le coton par une couleur jaune verdûtre. Elle présenta un phénomène remarquable. Il y avait déjà eu plusieurs lavages incolores quand on reconnut que l’eau macérée avec elle se colorait fortement en jaune verdâtre et qu'elle exhalait de l'acide cyanhydrique. Elle contenait, en outre, de l’'ammoniaque. La laine exhalait aussi une odeur cyanhydrique qui dé- montrait indubitablement une altération du cyanoferrite qu'elle avait fixé. Enfin, après trois lavages colorés, l’eau du quatrième lavage était parfaitement incolore, et n’éprou- vait pas de changement avec la solution de cyanoferrite de cyanure de potassium; mais avec un peu desulfate de peroxyde de fer elle devint jaune, et en ajoutant de nouveau sel, il se déposa au bout de 12 heures quelques flocons de bleu de Prusse. Je ne doute pas de la présence dans le lavage du cyanhydrate d’ammoniaque et du cyanhydroferrite d’ammo- niaque. C'était à la présence de ce dernier qu'était due la production du bleu de Prusse avec le sulfate de peroxyde de fer. Un brin de laine ainsi lavée, plongé dans de l’eau de sulfate de peroxyde de fer, se colora fortement en bleu. Certes, s’il existe un fait frappant de l’affinité d’une étoffe pour un sel soluble, c’est assurément celle de la laine pour ‘le cyanoferrite de cyanure de potassium. Il l’est d’autant plus qu’on peut l’observer comparativement avec la soie et le coton. 502 RBECHERCHES CHIMIQUES 06,445 de laine séchée à 100° ont donné 0f",0016 d’une cendre rouge ferrugineuse. Conséquemment la proportion de la laine à la cendre était comme 1000 est à 3,38; la sur- charge de la laine était donc de 2,38; la cendre contenait proportionnellement plus de peroxyde de fer que de potasse. 66. Je ne doute pas que des lavages prolongés eussent amené la décomposition du cyanoferrite de cyanure de po- tassium fixé à la laine en cyanhydroferrite d’ammoniaque, qui se serait dissous, et en bleu de Prusse qui serait resté fixé à l'étoffe. Je ne doute pas encore qu’en prolongeant le lavage , celui-ci eût été réduit finalement à du peroxyde de fer. Je pense encore que l’'ammoniaque contenue dans l’eau distillée aurait concouru à produire ce phénomène, surtout l’altération du bleu de Prusse. Conclusion. 67. La laine absorbe du cyanoferrite de cyanure de pe- tassium à l’eau : pour 100 parties de laine, 0,54 de partie. La soie etle coton absorbent, au contraire, proportionnel- lement plus d’eau que de sel. La soie absorbe en moyenne 0,40 d'eau, et le coton 0,24 pour 100 parties séchées à 100°. Résumé et conclusion. 68. L'objet principal de ce Mémoire a été en définitive l'examen de cette question : Un solide étant plongé dans la solution d'un corps solide ou liquide, reconnaître si cette solution éprouve un changement dans la proportion de ses principes immédiats ; et dans le cas où elle n’en éprouve pas, SUR LA TEINTURE. 503 rechercher s’il existe cependant une affinité entre le solide et le corps dissous. Ce Mémoire présente les trois catégories de résultats qu’on pouvait imaginer à priori avant de soumettre la question à l'expérience, savoir : Première catégorie. La solution n’éprouve pas de change- ments dans la proportion de ses principes immédiats. Deuxième catégorie. La solution cède plus d’eau au solide que du corps dissous. Troisième catégorie. La solution cède plus du corps dis- sous au solide que d’eau. Le tableau suivant représente les résultats numériques des expériences. 504 RECHERCHES CHIMIQUES Première calégorie. Deuxième calégorie. Troisième categorie. Solutions absorbées sans change- Solutions qui cèdent à 100parties d'é- Solutions qui cèdent à 100 parties ment de proportion de principesim- tLoffes plus d’eau que du corps dissous. d’étoffes plus du corps dissous que médiats, marquées du signe +. d’eau. CHLORURE DE SODIUM. ACIDE CHLORHYDRIQUE. Lune... - Se eue rec nreCierereede ace: -1030 Coton eee --epite 0908 9un0 ton db ein 0 (17) EAU DE CHAUX. SoIe--r- ere peut=élre 7". -17%.10. ... * 0,28 Coton...."... peut-être. ..... "4... o,1t SUR LA TEINTURE. 5o5 Résultats de la première catégorie. 69. Des solides peuvent absorber les deux principes im- médiats d’une solution , sans qu’on puisse en conclure qu'il n’y a pas d’affinité entre le solide et le corps dissons. Ainsi le coton absorbe le bichlorure de mercure et l’eau dans la pro- portion de la solution, et cependant il en retient une por- tion avec tant de force, qu'après avoir été lavé jusqu’à ce que le lavage ne précipite plus l’azotate d'argent, il se colore par l'eau d'acide sulfhydrique, et agit autrement que le coton pur sur le principe colorant de la cochenille, du campêche et de la garance. 70. Pour que le résultat d’une expérience puisse être classé dans la première catégorie , il faut s'assurer que le solide mis en expérience ne cède rien au liquide, et tenir compte de la perte que le corps qui s’est fixé au solide peut éprouver par la dessiccation, ainsi que cela a lieu pour la laine plongée dans l’eau d’alun. Elle cède une portion de sa matière au liquide, et d’un autre côté, par la dessiccation à 100°, l’alun à 24 atomes d’eau qu'elle a absorbés en perd 18 atomes et peut-être davantage. Résultats de la deuxième catégorie. 71. Des solides peuvent absorber l'eau en proportion plus forte que le corps dissous, et avoir cependant de l’affinité pour celui-ci. Ainsi le coton, qui a absorbé plus d’eau que d’alun, lavé jusqu’à ce que le lavage ne précipität plus le chlorure de ba- ryum, retient de l’alun de manière à se colorer très-sensible- ment à froid dans des infusions de cochenille, de campêche, T. XXIV. 64 506 RECHERCHES CHIMIQUES de garance et de gaude. Le coton passé à l’azotate de baryte et à l’azotate de plomb s’est comporté de la même manière relativement au coton qui n’y avait pas été passé. Résultats de la troisième catégorie. 72. L’affaiblissement de l’eau de chaux avec le gravier de Seine, le sable grossier, l'argile cuite, la pouzzolane artifi- cielle, et la pouzzolane naturelle, préalablement purgée de tout corps soluble, démontre l'affinité capillaire d’une ma- nière remarquable à cause de la simplicité des résultats. Observation. 73. Il ne faut pas oublier que les résultats précédents sont relatifs aux solutions employées, aux températures où elles ont agi, et à la durée de l'immersion; c’est ce que prouve surtout la série des réactions de la laine et du bichlorure de mercure avec la solution la plus concentrée, le temps le plus long et la proportion la plus forte de bichlorure. 100 parties de laine ont pris 44 de bichlorure; avec la même solution, mais plus de laine et une immersion moins longue , 40; enfin, avec une solution plus étendue , 26 seu- lement. 74. Les lavages des étoffes ont été arrêtés lorsque l’eau n'avait plus d'action sur les réactifs propres à signaler le corps uni à l’étoffe ; et cependant celle-ci, dans beaucoup de cas, retenait une quantité notable de ce corps. Faut-il en conclure que des lavages à grande eau, plus prolongés, n’au- raient pas enlevé la totalité du corps, ainsi que cela a eu lieu pour l'acide sulfurique, l’acide chlorhydrique , le chlorure SUR LA TEINTURE. 5o7 de sodium ? Je ne le pense pas; je suis porté à croire, au con- traire, qu'en général les étoffes finiraient par céder le corps soluble à des lavages à grande eau suffisamment multipliés. 75. L'action des solides pour défaire des solutions dé- montre comment des filtres peuvent agir d’une manière chimique sur les liquides qui les traversent, et pour quoi il est si difficile, et quelquefois même impossible de laver cer- tains précipités, parce que ceux-ci ont agi capillairement sur des corps qui étaient en dissolution au moment où ils se sont produits. Beaucoup de phénomènes de ce genre ont certainement lieu dans la nature minérale. Application à l’art de la teinture. 76. En considérant dla faible proportion d’alun que la laine a prise dans les expériences précitées, on est conduit à demander pourquoi on emploie en général pour teindre 100 parties de laine en fil ou en tissu 16 parties d’alun, lorsque l’étoffe n’en prend que 1"*,26.— I] est aisé de ré- pondre, lorsqu'on réfléchit à la quantité d’eau employée relativement au poids de la laine. Effectivement celle-ci ne pourrait prendre la proportion d’alun qui lui est nécessaire à la constitution d’une couleur intense, si l’affinité de l’eau pour l'alun n'était pas satisfaite à un certain point par une quantité du sel en excès à celle qui se fixe. C’est donc la grande quantité d’eau employée dans la teinture en chau- dière qui est la cause de l'emploi d’une proportion des sels appelés vulgairement mordants beaucoup plus forte que celle qui se fixe en définitive sur l’étoffe. C’est en cela que cette sorte de teinture est moins économique que la tein- 64. 508 RECHERCHES CHIMIQUES ture appliquée par impression. Quoi qu'il en soit, on ne peut douter qu'on ne parvienne à teindre en chaudière plus économiquement qu'on ne le fait aujourd'hui. C'est, du moins , l'opinion à laquelle m'ont conduit des essais assez nombreux dont je parlerai dans un autre Mémoire. Application à la physiologie. 77. Les expériences précédentes ont des applications immé- diates à la physiologie : —car, du moment où il est démontré qu'un tissu organique défait une solution pour s’appro- prier un de ses principes immédiats en plus forte propor- tion que l’autre, on conçoit comment des effets analogues peuvent être produits dans l'économie organique sans qu'il soit nécessaire de recourir à une action vitale, du moins pour expliquer la cause première du fait. Par exemple, de l’eau peut transsuder d’une membrane, d’une cellule, d'un vaisseau, à l'exclusion d’une matière qu’elle tenait en solu- tion, et cela sans qu'il y ait un appareil glanduleux. Elles font concevoir comment des solutions qui agissent sur l'or- gane du goût, ou dans l’intérieur même de quelque organe, peuvent produire des effets à un certain état de concentra- tion qui disparaissent ou qui ne sont pas produits lorsque la proportion d’eau est plus considérable. Elles expliquent d’une manière satisfaisante comment les racines des plantes plongées dans certaines solutions sa- lines, absorbent proportionnellement plus d’eau que des sels dissous, ainsi que Th. de Saussure l’a observé, et là encore on conçoit que le premier fait est chimique. SUR LA TEINTURE. 50g Évidemment, les actions dont je parle doivent être prises en considération dans les phénomenes d'endosmose. 78. Il n’est point impossible que des tissus secs concen- trent des solutions liquides en absorbant de l’eau de ma- nière à faire cristalliser le sel qu’elles peuvent tenir en solu- tion. Quoi qu’il en soit, si l’on met dans une des branches d’un tube courbe une solution de chlorure de sodium dans l’eau, et dans l’autre branche un tissu sec, des tendons par exemple, on observe après quelques jours, le tube étant fermé hermétiquement, une cristallisation de chlorure de sodium au-dessus du niveau du liquide. SR AR RAR MELLE VAR LR AAA LE LR LAS EURE SALE LE LE LR LEUR LA LR LE LE LU LR VE ALES LAS LA AVAL A PME TAR Sn DIXIÈME MEMOIRE. DE L'ACTION DE L'INDIGOTINE ET DU BLEU DE PRUSSE SUR LA SOIE. Lu à l’Académie des sciences, le 29 mai 1826. PREMIÈRE PARTIE. Recherches sur la dégradation de l’indigotine appliquée sur la soie. 1. Le premier objet sur lequel l'administration des Gobe- lins ait appelé mon attention a été le bleu sur soie. Il fal- lait trouver une soie teinte en cette couleur assez belle pour qu’on püt s’en servir à imiter en tapisserie une draperie peinte avec de l’outremer. Mais, avant d’aller plus loin, je dois dire en quoi consiste spécialement le genre des tein- tures qu'on exécute dans les manufactures royales pour la fabrication des tapisseries des Gobelins, des tapis de la Sa- vonnerie, et des étoffes pour meubles de Beauvais. Une cou- leur appliquée sur la soie ou la laine n’est propre au service de ces manufactures qu’autant qu’elle est susceptible d’être dégradée, c’est-à-dire, réduite en plusieurs tons différents par l'intensité de la couleur, dont le plus faible doit partir du blanc. La dégradation est d’autant moins im- 512 RECHERCHES CHIMIQUES parfaite que le ton supérieur est plus intense, que la dégra- dation jusqu'au blanc est plus douce, et enfin que les tons inférieurs sont sensiblement ceux qui doivent résulter de la couleur du premier ton affaiblie par du blanc. J'appellerai gamme l'ensemble des différents tons d’une même couleur. 2. L'art du tapissier, qui n’est pas absolument mécanique, quoiqu'il soit borné à exécuter de simples copies de ta- bleaux, n'atteindrait point son but, s’il n'avait pas les moyens d'imiter par des laines ou des soies de différents tons ce que le peintre produit en mélangeant avec une cer- taine couleur des proportions diverses de blanc ou de noir. 3. La soie bleue dont on à fait usage jusqu'ici dans les manufactures royales, a toujours été teinte dans la cuve d'inde, c'est-à-dire, dans une cuve où l’indigo est désoxy- géné sous l'influence de la potasse carbonatée par la garance et le son. Mais il suffit de jeter un coup d'œil sur des éche- veaux de soie que l’on a dégradés dans cette cuve pour voir combien ils laissent à désirer. 1° La dégradation n'est pas harmonique : en effet, la soie teinte à saturation dans la cuve est d’un brun violet rou- geatre, et passé un certain ton descendant, la couleur est un vert plus ou moins bleuâtre; enfin, en s’élevant du ton où le vert commence, on trouve des tons bleuâtres avant d’arri- ver aux tons violets. 2° Les tons précédents, surtout les violets et les bleuâtres, sont plus ou moins ternes. 3° Les tons inférieurs, ceux même qui sont au-dessus du vert, ne sont pas solides. Une exposition de quatorze jours au soleil les détruit complétement ou presque complete- ment. SUR LA TEINTURE. 513 4. Ces défauts de la soie teinte en bleu dans la cuve d'inde m'ont servi de point de départ pour rechercher, 1° Pourquoi la dégradation en est inharmonique; 2° et 3° s’il est possible d'obtenir, avec l’indigo, des soies d’une couleur brillante et solide. Première recherche. 5. Les dégradations sont inharmoniques parce qu'il y a dans la cuve d'inde plusieurs principes colorants de couleurs diverses qui se fixent sur la soie, les uns à l’égard des autres, en des proportions différentes par l’acte même des procé- dés nécessaires pour faire la dégradation du bleu. En effet, la cuve d’inde contient non-seulement avec l'in- digotine (l’indigo à l’état de pureté) tous les principes colo- rants de l’indigo brut, savoir, 1° le principe que j'ai appelé matière verte (1), qui est susceptible de donner des couleurs orangées rougeätres avec les alcalis, et des couleurs jaunes et vertes avec les acides ; 2° un principecolorant jaune; 3° une matière pourpre qu'on a appelée résine de l’indigo; mais encore toute la partie colorante de la garance, c’est-à-dire, deux principes colorants au moins : un principe jaune et un principe rouge. Rappelons encore que la couleur de l’indigo- tine est d’un violet beaucoup plus rouge qu’on ne pourrait le croire d’après la couleur de l’indigo brut. 6. Maintenant, voici ce qui arrive dans la dégradation. Lorsque vous plongez la soie dans la cuve pendant peu (1) Mémoire sur l’indigo, Annales de chimie, tome LXVI, page 5. ECKIV: 65 514 RECHERCHES CHIMIQUES de temps, et que vous l’éventez ensuite, il n'y a que très- peu d'indigotine qui s’y fixe, de sorte que la matière colo- rante jaune de la cuve, qui se combine à l’étoffe en même temps que l’indigotine, forme avec celle-ci une couleur plus ou moins verte. Lorsque vous voulez obtenir les tons supé- rieurs, vous tenez la soie plus longtemps dans la cuve, et vous l'y plongez plusieurs fois en ayant soin de l’éventer chaque fois. Il arrive alors que la soie, qui n’est point imprégnée de mordant, n’ayant qu'une faible affinité pour les matières jaunes et rougeûtres, en est bientôt saturée, tandis qu'il en est autrement pour l'indigotine. En effet, si tant que cette substance est désoxygénée dans la cuve, nous ignorons l’é- nergie de son affinité pour les étoffes, nous savons très-bien que, dès que la soie qui en est imprégnée a le contact de l'oxygèneatmosphérique,l'indigotine passe au violet ets’y fixe assez fortement pour que l’eau de potasse de la cuve ne puisse plus l'en séparer. Dès lors, quand on replonge l’étoffe dans la cuve d'inde, elle imbibe de nouvelle dissolution qui lui cède par l’action de l’air de nouvelle indigotine, tandis qu'il ne s'y fixe plus ou presque plus de matières jaunes et rou- geatres. 7. Il est aisé de prouver que les choses se passent comme je viens de le dire par deux séries d'expériences. Première série. 8. Prenez une certaine quantité de liqueur dans la cuve d'inde, agitez-la avec le contact de l'air, et filtrez à mesure qu'il s’est séparé une quantité sensible d'indigotine; enfin, continuez ces opérations jusqu'à ce que la liqueur ne pré- sente plus de fleurées cuivrées; elle est alors d’un brun SUR LA TEINTURE. 515 jaune rougeûtre. Si on y tient plongée pendant deux mi- nutes de la soie blanche, qu'on agite celle-ci dans de l’eau et qu’on la fasse sécher ensuite, elle sera d’un jaune roux : la même expérience réussissant avéc une liqueur alcaline, la garance et le son, j'en conclus que dans la cuve d’inde la soie s'imprègne de jaune roux en même temps que d'indigo- tine. 9. L’indigotine étant insoluble dans l’eau, tandis que les principes colorants qui se sont fixés avec elle s’y dissolvent plus ou moins bien, j'ai pensé qu’il serait possible d'enlever ceux-ci par une simple macération de la soie dans l’eau pure. Le succès a pour ainsi dire surpassé mon attente il a suffi de laisser macérer pendant quarante-huit heures dans l’eau distillée sept échantillons de soie teinte en sept tons diffé- rents, pour avoir une dégradation harmonique de tons bleu violet. L'eau dans laquelle la soie avait macéré était colorée en jaune rougéatre. Deuxième série. 10. Il me restait une dernière épreuve à tenter : c'était de teindre la soie avec l’indigotine désoxygénée sous l'influence de la potasse avec le protoxyde de fer, Dans ce cas, si les conclusions que j'avais déduites des recherches précédentes étaient exactes, je devais obtenir une série de tons bleu vio- let semblables à ceux qui avaient été teints dans la cuve d'inde, et qui avaient ensuite été macérés dans l’eau. C’est aussi le résultat que j'ai obtenu, ainsi qu’on peut en juger par les échantillons joints à ce mémoire. 65. 516 RECHERCHES CHIMIQUES Deuxième et troisième recherche. 11. La soie teinte en indigotine est plus brillante que la soie teinte avec l’indigo brut dans les tons hauts: mais dans les tons inférieurs elle a une couleur d’un violet ardoisé qui est plus terne que la soie rendue verdâtre par une matière jaune. 12. La soie teinte en indigotine exposée au soleil se déco- lore comme la soie teinte avec l’indigo brut , et d’après un essai qu'à la vérité je n'ai pas répété, je croirais que la première a moins de solidité que la seconde. 13. Il résulte donc, des recherches que je viens d'exposer, que si j'étais parvenu à rendre: harmonique la dégradation de la soie teinte au moyen de l’indigo, cependant la cou- leur n'en était pas assez brillante, ni même assez solide pour qu'on ne cherchât pas à se procurer une dégradation d’un autre bleu. C’est alors que s’est présentée la question de sa- voir sil’on pourrait employer la soie teinte en bleu de Prusse au lieu de la soie teinte en bleu d’indigotine. Les recherches que j'ai entreprises pour résoudre cette question font l'ob- jet de la seconde partie de ce Mémoire. SUR LA TEINTURE. ot NI DEUXIÈME PARTIE. RECHERCHES SUR LA DÉGRADATION DU BLEU DE PRUSSE APPLIQUÉ SUR LA SOIE. 14. Macquer imagina le premier de teindre la soie, la laine, le coton et le fil avec le bleu de Prusse. Il publia ses expériences dans les Mémoires de l’Académie des sciences (année 1749, page 255). Ce travail était pour ainsi dire oublié, lorsque M. Raymond, chimiste distingué de Lyon, le rappela au souvenir des savants, par la publication qu'il fit d’un procédé au moyen duquel on peut teindre la soie en un beau bleu, auquel on a donné depuis le nom de b/eu Raymond. Ce procédé, comme on le pratique ordinairement, consiste à plonger la soie pendant un quart d’heure dans de l'eau contenant environ la vingtième partie de son poids de muriate rouge de fer ; à la laver, à la tenir pendant une demi- heure, dans un bain de savon presque bouillant ; à la laver et à la plonger dans un bain froid de prussiate double de potasse faible auquel on a ajouté autant d'acide muriatique à 21 de- grés qu'il y a de prussiate ; enfin, à l’aviver avec une eau très- légère de sous-carbonate d’ammoniaque. 15. Jusqu'ici, aucun procédé n’a été publié pour dégrader le bleu Raymond. Tel est le motif pour lequel on n’a pas es- sayé cette couleur dans les manufactures royales. En avançant qu'elle n’a pas été dégradée, je ne prétends pas dire que l’on 518 RECHERCHES CHIMIQUES n'ait pas obtenu du bleu de différents tons; car tous ceux qui ont teint souvent la soie en bleu de Prusse ont observé que, pour peu qu'ils aient fait quelque changement dans leur procédé, les bleus qu'ils ont obtenus différaient entre eux, soit pour l'intensité de ton, soit pour la couleur même, qui était bleu verdätre ou violâtré; mais ce que je veux dire, c'est que jusqu'ici personne n’a donné les moyens de pro- duire à volonté une suite de tons aussi rapprochés qu’on le veut, depuis le blanc jusqu’au bleu le plus foncé. C'est, au reste, ce que M. Robiquet a exprimé en ces termes, dans le Nouveau Dictionnaire technologique, tome IIF, page 239 : « Tous les essais qui ont été faits jusqu’à présent pour obte- « nir des dégradations de nuances dans cette couleur, ont « été inutiles: non pas cependant qu'on produise toujours la « même teinte; mais ces variations sont fortuites, elles ne « peuvent pas être reproduites à volonté. » 16. Je décrirai les procédés par lesquels je suis parvenu à produire à volonté les vingt tons de bleu de Prusse appli- qué sur la soie, que je mets sous les yeux de l’Académie, et j'examinerai d’abord les circonstances qui ont le plus d’in- fluence sur cette espèce de teinture. 17. La teinture en bleu de Prusse, telle que je l'exécute, se compose de trois opérations principales : a) La première consiste à plonger la soie dans un bain ferrugineux ; b) La seconde, à la plonger dans un bain d’hydrocyano- ferrate de potasse acidulé ; c) La troisième, à la plonger dans un bain d’avivage. La soie doit être aussi bien purgée de savon que possible. Avant de la plonger dans le bain ferrugineux , il est bon de SUR LA TEINTURE. 519 la mouiller, de la cheviller légèrement, de la mouiller de nouveau et de la conserver humide quinze à dix-huit heures environ. Par ce moyen, elle se pénètre bien plus également du sel ferrugineux dans lequel on doit la passer. $ I. ARTICLE I. 4. Opération du bain ferrugineux. 18. C’estessentiellementcetteopération quidéterminele ton du bleu que prendra la soie dans l'opération suivante, car la hauteur du ton est proportionnelle à la quantité de peroxyde de fer qui se fixe sur elle. Conséquemment, pour réussir dans la dégradation du bleu de Prusse, il faut être certain qu'en employant un sel de fer déterminé, on repro- duira, dans des circonstances également déterminées, cons- tamment le méme ton sur des échantillons divers d’une méme qualité de soie. 19. Lorsqu'on plongelasoie dans la dissolution d’un sel fer- rugineux à base de peroxyde, celui-ci est sollicité par deux forces contraires : 1° par l’affinité de la soie, 2° par l’affinité de l’acide. Toute force qui agira lentement pour séparer le peroxyde de fer de son acide, favorisera l’affinité de la soie, 520 RECHERCHES CHIMIQUES et tendra, toutes choses égales d’ailleurs, à fixer sur elle la plus grande quantité possible de base. D’après cela, trois choses principales doivent avoir de l'influence sur la propor- tion de peroxyde de fer qui se fixe sur la soie : 1° La nature de l’acide, qui, suivant l'intensité de son affi- nité pour sa base, est plus ou moins disposé à en céder à la SOIE; 2° L’acide en excès que peut contenir le sel ferrugineux, excès qui affaiblit l'affinité de l'oxyde pour la soie; 3° Enfin, la proportion de l’eau du bain ferrugineux, car telle dissolution de fer concentrée convenablement, qui se conserve sans se troubler, dépose un sous-sel quand elle à été mélée avec de l’eau. A. Recherches relatives à l'influence de la nature de l’oxyde et de l'acide du sel ferrugineux. 20. D'après les conditions que l’on doit remplir pour at- teindre le but qu'on se propose en faisant la première opéra- tion sous le point de vue de la dégradation du bleu de Prusse, il est évident qu'il faut n'employer que des sels de fer à base de peroxyde, et non de protoxyde, puisque c’est du peroxyde qu'on cherche à fixer, et non du protoxyde. En outre, il faut que le sel de fer soit tel, qu’il soit facile de se le procurer et de le conserver dans un état constant; sous ce rapport, il n'y en a pas de plus convenable que le sulfate à base de peroxyde. Voici comment je le prépare. Préparation du sulfate de peroxyde de fer. Je pèse 100 parties de sulfate de fer cristallisé et pourvu dre ET * SES ps AT 2 qe mg ; : SUR LA TEINTURE. 521 de son eau de cristallisation, sel que je prépare moi-même avec du fer et de l’acide sulfurique à 10°, et que je pèse quand il est parfaitement sec à sa surface. Je le mets dans une cap- sule avec 100 parties d’eau; j'y ajoute 17,76 parties d'acide sulfurique hydraté d’une densité de 1,84; je fais chauffer pour tout dissoudre; puis je verse avec précaution 15 à 18 parties d’acide nitrique d’une densité de 1,32. Je fais chauf- fer doucement; puis je fais concentrer à siccité, en ayant soin de remuer continuellement la matière. Quand elle est réduite en poudre fine, qu’elle n’exhale plus l'odeur d’acide nitrique, je la divise en plusieurs portions, dont chacune pèse 50 gram- mes; je les renferme dans des flacons à l’émeri. On peut fa- ciliter le dégagement de l'acide nitrique en humectant éga- lement la poudre de temps en temps, et chauffant en remuant après chaque addition. B. Recherches relatives à l'excès d'acide du bain ferrugi- neux. 21. La quantité d'acide en excès à la proportion qui neu- tralise le peroxyde de fer a la plus grande influence sur la quantité d'oxyde que la soie peut fixer. Pour s’en con- vaincre, il suffit de prendre deux quantités égales d’une même solution de sulfate de peroxyde de fer, d'ajouter à l'une de ces quantités de l’acide sulfurique, et de plonger des poids égaux de soie dans chacune d'elles. On verra que la soie plongée dans la solution acidulée prendra moins d'oxyde que l’autre, et la différence pourra être de trois tons et plus, suivant l’excès d'acide. D'un autre côté, on pourra obtenir deux écheveaux de soie également colorés de deux LV. 66 522 RECHERCHES CHIMIQUES bains ferrugineux, dont l’un est neutre et l’autre avec excès d'acide, si, avant d’y plonger la soie, on neutralise l'acide du dernier bain par un alcali. D'après cela on voit que si, dans la dégradation du bleu de Prusse, on avait une solution de sel ferrugineux qui contiendrait un excès d'acide, on pourrait s'en servir en ayant le soin de la neutraliser. C. Recherches relatives à la proportion de l'eau qui tient le sel ferrugineux en solution. 22. D'après ce que j'ai dit de la tendance de l'eau à affai- blir l’action dissolvante des acides unis au peroxyde de fer, on conçoit l'influence que doit exercer la proportion de l’eau dans laquelle on dissout le sel de fer destiné à servir de mor- dant à la soie. Pour s’en convaincre, il suffit de plonger pen- dant une heure, 1° 1 gramme de soie dans 10 centimètres cubes d’une solution qui contient 0%. 5 de sulfate de peroxyde de fer; 2° 1 gramme de soie dans 10 centimètres cubes de la même solution étendue de 5o centimètres cubes d’eau. La soie du premier bain est peu colorée, tandis que celle du second est couleur de nankin très-prononcée après que les écheveaux ont été pressés dans du papier joseph. On remarque, en outre, que la première se colore si on la lave dans l’eau, surtout si on ne l’a pas pressée entre du pa- pier, par la raison que ce liquide détermine la décom- position d’une portion de sulfate de fer dont la soie est im- prégnée. Mais l'influence de l’eau pour surcharger la soie de peroxyde s'arrête à un certain point, passé lequel l’eau qu’on ajoute diminue la quantité d'oxyde qui se serait fixée sans cette addition pendant un temps donné. SUR LA TEINTURE. 523 D. Recherches relatives à l'influence de la proportion des bases ferrugineuses et de la durée du bain pour obtenir le ton le plus haut. 23. Après avoir fait un assez grand nombre d'essais pour Savoir la proportion d’eau et de sulfate de fer, ainsi que la durée de l'immersion de la soie dans le bain, pour obtenir le ton le plus élevé, J'ai vu que 1 gramme de soie, plongée dans 55 centimètres cubes d’une solution ferrugineuse qui contient 0%°,25 de sulfate de peroxyde pendant six heures à une température de 18° à 25°, prend le maximum d'oxyde qu'elle est susceptible de prendre. E. Recherches sur la nature du bain J'errugineux après qu’on en a retiré la sote. 24. Il est aisé de reconnaître que les bains dans lesquels la soie a séjourné pendant un temps suffisant Pour s'unir au peroxyde de fer, contiennent, Proportionnellement à la base qui reste en dissolution, beaucoup plus d’acide qu'il n’en faut pour la neutraliser. J'ignore si c’est du peroxyde pur ou du sous-sel de per- oxyde qui se fixe à la soie. ARTICLE II. 2. Opération du bain d’hydrocyanoferrate de potasse. —_— 25. Lorsque la soie à été Passée dans un bain ferrugineux, 66. 524 RECHERCHES CHIMIQUES qu’elle a été lavée dans un excès d’eau, je la plonge dans un bain d’hydrocyanoferrate de potasse, en observant les con- ditions suivantes. Pour 1 gramme de soie, j'emploie une solution de 26 cen- timètres cubes contenant 0,05 de prussiate jaune de po- tasse cristallisé ; j'y lisse la soie de temps en temps pendant une heure, afin qu’elle se pénètre bien de dissolution dans toutes ses parties; puis, je l’en retire, et j'ajoute = ou + de centimètre cube d’acide hydrochlorique fumant; enfin, j'y lisse la soie pendant deux heures. 26. Il est visible que le but de cette opération est de con- vertir en bleu de Prusse tout le peroxyde de fer qui s’est fixé à la soie. On n'y parviendrait pas, ou que très-difficilement au moins, sans l'acide que l’on ajoute au bain. L’acide hydro- chlorique agit certainement en affaiblissant l’affinité de la potasse pour l'acide hydrocyanoferrique, et en facilitant par là l'union de ce corps avec le peroxyde de fer. Il peut agir, en outre, en diminuant la fixité du peroxyde fixé à la soie; mais si cet effet a réellement lieu, il ne faut pas opérer de manière que le peroxyde de fer puisse être dissous par l’acide : alors il se produirait du bleu de Prusse qui serait perdu pour la soie. C'est pour éviter ce dernier effet que je tiens la soie plongée pendant une demi-heure dans le bain d’hydrocyanoferrate, et cette précaution est surtout néces- saire lorsqu'on veut obtenir les tons les plus hauts. Il n’est pas douteux que les deux premiers tons de la gamme, et même les suivants, ne reçoivent une certaine quantité de bleu de la réaction de l'acide chlorhydrique sur le prussiate. SUR LA TEINTURE. 525 ARTICLE HI. 3. Opération de l’avivage de la soie teinte en bleu de Prusse. 27. La soie qui, à sa sortie du bain d’hydrocyanoferrate de potasse, a recu un lavage comme celui qu’on est dans l'usage de donner dans les ateliers, a, quand elle est sèche, une couleur bleue tirant d'autant plus sur le vert, qu’elle est colorée par moins de bleu de Prusse. On observe encore que cette tendance au vert augmente avec le temps, si on la con- serve pendant quelques mois sans l’aviver. Cette remarque s'applique particulièrement à la soie teinte en bleu pâle; car pour le bleu foncé, äl serait possible que l'effet contraire eût lieu. Quoi qu'il en soit de ces phénomènes, sur lesquels je reviendrai, c’est pour faire disparaître cette couleur verdätre que présente la soie teinte en bleu de Prusse, que l’on a ima- giné de la passer dans un bain légèrement alcalisé avec de l'ammoniaque ou du sous-carbonate de cette base. On sait que le bleu de Prusse prend, par le contact d’une faible proportion d’alcali, une couleur violette assez prononcée. Sans parler de l'inconvénient que peut présenter l’usage d’une matière qui, si elle était employée en grande quantité, décomposerait radicalement le bleu de Prusse, il m’a paru difficile de modifier la même couleur par cet agent, sans s’ex- poser à la faire passer dans une gamme différente de celle qu'on veut obtenir, ou sans s’exposer au moins à avoir ce: résultat pour quelques tons. C’est d’après cette hypothèse, 526 RECHERCHES CHIMIQUES que je n’ai point vérifiée par l'expérience, que je me suis dé- terminé à rechercher un autre procédé d’avivage que celui qui est généralement suivi; j'ai été assez heureux pour en trouver un qui est d'une grande simplicité d'exécution. 28. Procédé d'avivage. Ce procédé consiste à laisser macé- rer pendant quatre heures et demie la soie teinte en bleu de Prusse dans 150 fois son poids d'eau de Seine, en ayant soin de la lisser très-souvent et d’agiter l'eau autant que possible. La soie retirée du bain doit être chevillée et agitée dans 150 fois son poids d’eau divisé en trois portions égales, en ayant soin de la cheviller chaque fois qu’elle sort de l’eau. — Enfin, on la fait sécher. 29. Explication du procédé. Le procédé que je viens de déerire a pour objet principal d'enlever à la soie une quan- tité d'hydrocyanoferrate de potasse qui est d'autant plus grande qu’elle a été moins bien lavée.à sa sortie du bain d'hydrocyanoferrate de potasse acidulé, et comme ce sel est jaune, on conçoit très-bien maintenant comment la soie teinte en bleu de Prusse est plus ou moins verdâtre tant qu'elle en retient. — J'ai tout lieu de penser que la petite quantité de sous-carbonate de chaux contenue dans l'eau de Seine contribue à rendre le bleu de Prusse de lavage plus violeté qu'il ne le serait sans cela. 30. Preuve expérimentale. Je me suis assuré, par les ex pé- riences suivantes, que la soie qui a séjourné dans un bain d'hydrocyanoferrate s'y est unie avec une certaine propor- tion de ce sel. Au lieu de faire l’avivage de la soie teinte en bleu de Prusse avec de l’eau de Seine, je l'ai fait avec de l'eau distillée. Voici les phénomènes que ce liquide m'a présenté après que la soie en a été retirée, 2e 4 \ à ï, Ô ù A è 4 SUR LA TEINTURE,. 527 Il n’a pas une couleur aussi décidément jaune que de l’eau de Seine qui a été en contact avec un autre échantillon de la même soie, cependant le premier liquide est aussi fortement coloré et peut-être plus que le second. La moindre colora- tion en apparence du premier tient à du bleu de Prusse qui s’en sépare très-lentement. Il n’est pas sensiblement acide au papier de tournesol. La potasse le fait passer au jaune. Il donne sur-le-champ des flocons de bleu de Prusse avec le sulfate de protoxyde, tandis qu'avec le sulfate de peroxyde il devient vert sans précipiter. Il précipite le sulfate de cuivre comme le ferait une solu- tion faible d'hydrocyanoferrate. Il dépose, quand on le fait évaporer, des flocons bleus qui par les progrès de la concentration passent au rouge. Pen- dant cette opération, il ne se développe pas d’odeur d’acide hydrocyanique. Lorsque le liquide est suffisamment concen- tré, il dépose du bleu de Prusse, manifeste une légère acidité et il cristallise en aiguilles d’un jaune roux. L'eau, appliquée à ce résidu , dissout les cristaux et laisse du bleu de Prusse, de la chaux carbonatée, une trace de matière organique. Quant à la dissolution, elle contient de l’kydrocyanoferrate de potasse qui la colore en jaune et une petite quantité d’am- moniaque unie peut-être à de l'acide hydrocyanoferrique. 31. Phénomènes que présente le bleu avivé. La soie teinte en bleu de Prusse, avivée avec l’eau de Seine, pré- sente un phénomène remarquable. — C’est qu'elle n’acquiert le ton de bleu violeté qui lui est propre que peu à peu; avant qu’elle l’ait atteint, elle a une teinte verte sensible, et l’on observe que dans les tons hauts la couleur monte à mesure 528 RECHERCHES CHIMIQUES que le jaune s’évanouit. L'effet est contraire pour les tons clairs. — Ceci explique un phénomène que j'ai indiqué pré- cédemment : c’est que les tons qui n’ont pas été avivés et qui sont clairs, verdissant avec le temps, doivent monter en cou- leur; tandis que des tons plus élevés ou qui auront été lavés suffisamment d’ailleurs, et seront par conséquent avivés jus- qu’à un certain point, pourront, en perdant du vert, s'élever en couleur. 32. Remarque sur l’avivage précédent. L'avivage que je viens de décrire ne donne de résultat satisfaisant qu'autant que toutes les parties ferrugineuses qui se sont appliquées sur la soie ont été converties dans le bain d’hydrocyano- ferrate acidulé en bleu de Prusse, et, conséquemment, que la couleur verdâtre de la soie sortant de ce bain est produite par de l’hydrocyanoferrate de potasse. En effet, si des parti- cules ferrugineuses n'avaient point été converties en bleu de Prusse par une cause quelconque, mais en définitive parce que la seconde opération aurait été manquée, il est clair que l’avivage ne produirait pas l'effet qu’il produit dans le cas contraire. Au reste, si on remarquait cet effet, il faudrait re- plonger la soie dans un bain d’hydrocyanoferrate de potasse acidulé. Mais, en se conformant aux opérations que je viens de décrire, cet inconvénient n'aura jamais lieu. SUR LA TEINTURE. 529 $ IL. Des procédés à suivre pour dégrader le bleu de Prusse sur la soie. ARTICLE I. Préparation des liqueurs normales et applications. 33. D'après ce que je viens de dire des causes qui ont le plus d'influence pour modifier la couleur du bleu de Prusse appliqué sur la soie, il sera aisé de concevoir comment je suis parvenu à opérer une dégradation qui a été jugée si difficile, que quelques personnes ont été jusqu’à prétendre qu’elle était impossible à effectuer. Mais, avant tout, je dois parler de la préparation de la solution aqueuse de sulfate de per- oxyde de fer qu’on peut appeler rormale, parce qu’elle est la base des bains ferrugineux que l’on donne aux échantillons de soie qui sont destinés à former les divers tons de la gamme. 34. Préparation de la liqueur ferrugineuse normale. Je prends un ballon de verre, fig. 1, à col étroit et tel qu’il con- tient 1 litre de liquide lorsqu'il est rempli jusqu’au trait ». J'y introduis 5o grammes de sulfate de peroxyde de fer bien sec, et je le remplis à peu près à + de sa capacité d’eau distil- lée; je fais chauffer doucement, pour opérer une dissolution DXXIM 67 Fig. 1, 530 RECHERCHES CHIMIQUES complète du sulfate de fer. Après quoi j'ajoute de l’eau jus- qu'au trait »; et après avoir agité la liqueur pour la bien mélanger, je la verse dans un flacon à l’'émeri. — Il est clair que chaque centimètre cube de liqueur normale contient 0%,05 de sulfate de peroxyde de fer. — Je prépare de la même manière la liqueur d'hydrocyanoferrate de potasse. Si on mesure avec une grande précision des volumes de cette liqueur en centimètres cubes et en fractions de centimètre, il est clair que l’on pourra toujours passer du volume au poids de la substance dissoute. Or rien n’est plus facile que d'arriver à ce but; il suffit de faire usage de pipettes graduées, 9. 2, et de cloches graduées, fig. 3 et 4. La pipette graduée, fig. 2, sort de l'atelier de M. Collar- deau. Elle porte 50 centimètres cubes divisés chacun en 5 cin- Fig. 2, 3 et 4. quièmes. Lorsque je veux mesurer des volumes de liquide dont l’er- reur ne doit pas excéder —, je fais usage d’une cloche gra- duée en -—- de centimètre et d’une capacité de 12 à 16 centi- ri, s mètres cubes, fig. 3. Dans ce cas, je puise la liqueur dans cette cloche avec une petite pipette de verre, fig. 5, dont la partie a doit êtreen forme d’entonnoir plutôt qu’en sphère, et cela «afin qu'il ne reste pas de goutte de liquide lorsqu'on en aura puisé dans la cloche graduée. Lorsque je veux mesurer des volumes de liquide à-— près de centimètre, je fais usage d'une cloche, fig. 4, très-étroite, graduée en centièmes de centimètre cube, et d'une capacité de 2 ou 3 centimètres. Dans les cas extrêmement rares où l’on voudrait avoir encore moins d'erreur que par le procédé précédent, au lieu de mettre dans le ballon 50 grammes de matière pour faire SUR LA TEINTURE. 531 une liqueur normale, on n'en mettrait que la moitié, le quart, le huitième, etc., ou, ce qui reviendrait au même, on ajouterait à la liqueur normale la quantité d’eau nécessaire pour que sous un même volume elle contint la moitié, le quart, le huitième du sel dissous qu'elle contenait en pre- mier lieu. 35. Il est évident que la préparation de la liqueur nor- male dont je viens de parler est applicable à celles de tous les mordants employés en teinture et de tous les réactifs dont on peut faire usage, soit dans les ateliers pour moditier les couleurs, soit dans les laboratoires lorsqu'il s'agit de faire des essais propres à se rendre compte du poids des matières employées. 36. En terminant cet article, je ferai remarquer qu'il ne faut pas verser dans le ballon où l’on met le sulfate de per- oxyde de fer toute l’eau nécessaire à la composition de la li- queur normale, par la raison qu’on affaiblirait trop l’affinité de l’acide pour sa base, et que dès lors on risquerait de dé- composer ‘une portion de sel. C’est encore pour cette raison qu'il ne faut pas préparer de trop grandes quantités de liqueur normale ferrugineuse à la fois, parce qu’à la longue elles pour- raient laisser précipiter du sous-sulfate de fer. 37. Enfin, si on avait lieu de soupconner que le sel ferrugi- neux contint un excès d'acide, à la proportion qui constitue le sulfate neutre, il faudrait dissoudre d’abord le sulfate dans un + litre d’eau, ajouter à la solution + de litre, puis y verser de l’'ammoniaque étendue et goutte à goutte. Quand on jugerait l'excès d’acide neutralisé, on achèverait de remplir le ballon jusqu'au trait » avec de l’eau pure. D 532 RECHERCHES CHIMIQUES ARTICLE II. Des procédés propres à dégrader le bleu de Prusse sur la soie. 38. Les soies que l’on veut teindre en bleu de Prusse doi- vent être convenablement décreusées au savon. Elles doivent être parfaitement lavées dans des eaux aussi pures que pos- sible, et tordues afin de les bien purger de savon. On passe au soufre celles qui sont destinées à faire les premiers tons seulement; puis on les lave, et on les tord à la cheville. 39. Les soies ainsi lavées sont bien séchées à l'air, puis pesées avec une balance très-juste. Les écheveaux de soie qui ontservi à mes expériences pe- saient de 150 à 210 grammes; les bains dans lesquels je les ai plongés étaient contenus dans des vases de verre ou de porcelaine cylindriques, de 0,3 de profondeur et de 0",26 de diamètre. Je ne plongeais qu’un écheveau dans chaque vase ; il était placé sur une baguette de verre plein. Je vais indiquer dans le tableau suivant : 1° la proportion en centimètres cubes de liqueur normale ferrugineuse qu'il faut employer pour 1 gramme de soie; 2° La proportion d’eau qu'il faut y ajouter; 3° La durée de l'immersion. Ce tableau ne comprend que les tons qui n’exigent qu'un seul bain ferrugineux. 4o. Les soies alunées ou non alunées peuvent être em- ployées dans la teinture en bleu de Prusse. 11 SUR LA TEINTURE. 533 Je donne ici le tableau des proportions de liqueur nor- male ferrugineuse et d’eau distillée qu’il faut employer pour les tons qui n’exigent qu’un seul bain ferrugineux. Centimètres cubes de liqueur Centimètres Durée du bain. Tons. normale ferrugineuse. cubes d’eau. Heures. RÉ sHÉ ee He 6/00D0 RER PRES Eee HORREUR ( Pare tocadec 210,007 RTC TC (Cle DOUCE ce Be id. DE BaS SONO . ---(0,0100-.-- 27" do detente id, = id A ÉRSRE EAE TR EE LL SÉALES TAN RTE Aie © id Re tre te Fate sais 00200 Le reset CRC RES id GALL NICE 0,0430 0 DAC HbaS- Go LB Los id TE Se pts AT LE SA: WOOD B O2 pr-Te 7 ce 18 cho ee sms ae te id. RÉ SeE rée 00780222 ee sort (lhoioeaedtonds id CFrécoéconosmmee Oj1020..,. eee nmn meme L'AAEE SE be ‘ id UD Lot 60e ASE 0,140..... near pee is or oire de oBto ete id ESA EE 8 0,1950, ou 200?........... TÉCAILTMECE STE id. Ds sf shop Lis LEE Cr 020001 174 1 une SÉPARER En à id Dés de I PEN To Rage MÉCibése osé ounoccodes Éhasscecde cac ot T1 Fee nee SES PR 0,3000....... NE Ne te O7 rec Abrope id, HOIRIONE dire da cle QU TO te ambre ee . noce nd Hone id. RO Re ee ces die 0,8000.. once oo (7 HER a id. inoisrbodovennec Dao ecoaucoctoeec Hbsnréssscede ce? HHetneecoo dons = 2,0000-.--- ne -- Sotiéne ia 0 cr 8 50 00 14 io bagacesatete 3,7000 Pete cos toe Mhcscéecone Cr RO Jatodeso = 0,0000- 2e ne--C Do LL POMPES OC OOCRE 2 4x. Après avoir pesé chaque écheveau de soie qui doit faire un ton de la gamme, on met dans 20 vaisseaux cylin- driques la quantité d’eau qui doit servir à étendre la liqueur normale ferrugineuse destinée à chacun des 20 tons. On mouille chaque écheveau de soie, on le tord, puis on le plonge dans l’eau d’un des vaisseaux cylindriques, en ayant soin de le lisser, pour qu’il se mouille bien, et que l'air adhérent à la soie puisse en être expulsé le plus possible. 534 RECHERCHES CHIMIQUES Après 1 heure, on élève les écheveaux au-dessus de leurs bains respectifs, afin qu'ils s’égouttent dedans, et on ajoute à ceux-ci la liqueur normale ferrugineuse, dont on a cal- culé préalablement le volume en centimètres cubes, comme on a calculé le volume d’eau, c’est-à-dire qu'on a multiplié les doses de liqueur ferrugineuse et d’eau qui sont inscrites dans les tables précédentes, par le nombre de grammes que pèse chaque écheveau de soie. Quand on a bien mêlé la li- queur ferrugineuse à l’eau, on plonge les soies dans leurs bains, en inscrivant l'heure où chacune est plongée, puis on les lisse également et presque continuellement. Après 3 heu- res d'immersion, on les tire du bain. On lave les 9 premiers avec demi-litre d’eau de Seine, et les autres avec 1 litre. 42. Les soies lavées et non tordues à la cheville sont plongées dans des vases semblables aux premiers, où l’on a mis les doses suivantes de centimètres cubes de liqueur normale d’hydrocyanoferrate de potasse et d’eau, pour 1 gramme de soie: ce. Liqueurnormale.... 0,25 | : pour chacun des 20 tons. HAE oo 0 Eu 25,00 | Les soies sont lissées dans leurs bains pendant 1 heure, puis elles en sont retirées; alors on ajoute à chaque bain Acide hydrochlorique concentré. ...... AS DU Sr EM 000 On y replonge les soies, et on les lisse pendant 2 heures. 43. Après ce temps, on les sort des bains, on les lave bien dans 10 centimètres cubes d’eau en les tordant plusieurs fois à la main, et une dernière fois à la cheville. 44. L'avivage se fait, comme je l’ai dit, en tenant chaque SUR LA TEINTURE. 535 écheveau plongé pendant 4 heures et demie dans 150 fois son poids d’eau de Seine. Si on veut que l’avivage produise tout son effet, il faut lisser la soie très-souvent, et chaque fois qu’on le fait, il faut agiter le bain afin qu’il soit homo- gène dans toutes ses parties. Sans cette précaution, la soie n'aurait pas le contact de toute Ja Quantité d’eau qu’on veut faire agir sur elle. Il m'a paru qu'il y a de l'avantage à ne faire l’avivage que quelques jours après le bain d’hydro- cyanoferrate. 45. J'ai pensé, après avoir fait usage d’eau distillée, qu'il convenait de lui substituer l’eau de Seine; et, sans parler des essais nombreux auxquels je me suis livré Pour trouver les proportions les plus convenables à une dégradation correcte, je vais donner les Proportions que j'ai choisies : il est en- tendu que la solution ferrugineuse doit toujours être pré- parée avec de l’eau distillée ou de l’eau de pluie, si on man- quait de la première. 536 RECHERCHES CHIMIQUES Volume de la solution ferrugineuse en centimètres cubes. Chaque centimèt, cub. renferme o£'-,05 de sulfate de Eau de Seine en Durée des bains Tons. peroxyde de fer. centimètres cubes. en heures. L'HERTAR ER Ton eLS 0000 ati se rise TOR DOTE RSS Con Dee cie oil - 0,008..... eee rhdataotosaamis 17} SAME NE : CHOSE UEUSS Los à . id.. RTC eT cent DÉS ETe EE 0 0,021... -2- et ZE ete id. SE co soc don 4 0,035... Hebioud ce Phpoao 0 a cpu id GR E eee GONE - CEE Sonetd hoc 3aRneoe Foie Her m-ehereee . 0,090... id... MOCICCIONL | CAEN RER CHA SIAAIONS HALLE dodhodir Ado du, TOC T à BEC on race che 0200 --L-mee-cr Bonn ordre dodo ch id. F0 eee 0,300: dSTASTI OT DTA Haba dtose obus MR EM Et AS Ce Ton SE 00e 0 dr 0 TONNRRS Sas 000 HA Se SA Dalolele ele ele je se DMAD ee ec ele : TE en tele cie etes id. LS TA TIIo UE 3 à 000 ODTGre traite ciel ri EL boot D. eLtd. Te St ne ES the 06508 rm: Hire ess sen idee id. LD ere e 5 ODOO ere CE D LOT TD d 0 DOS MODE TS T0 rs din 0,900. ...... se oemseoee Ed. =" ere id TT eeccer se 0 a00 (L)E- ee ses so 0 bo 5 UULS TOC ee BE one nest nero IA Sen ree qe id. Do T2 T0 DE 00 1700 1(L)E--e-= cer. n9 lhooce tac Doon So ut DO Rice nanas nel So os oeTo ann 50 London 8.s0 . id, 46. On peut ajouter trois tons aux précédents, en donnant plusieurs bains ferrugineux à la soie, et la passant, après chacun d'eux, 1° dans un bain d’hydrocyanoferrate de po- tasse acidulé, 2° dans l’eau. d (1) La gamme est plus correcte en supprimant les tons 17 et 19. SUR LA TEINTURE. 537 cc. cc. | ‘bain ferrugineux 1,000 + 5o d'eau, 1 heure. 21 : 3 2° bain ferrugineux 5,000 + 5o d’eau, 2 heures. 1 bain ferrugineux 5,000 + 5o d'eau, 2 heures. 22 , : 2° bain ferrugineux 5,000 + 5o d’eau, 2 heures. 1 bain ferrugineux 2,500 + 5o d'eau, 1 heure I. 23 4 2° bain ferrugineux 5,006 + 5o d'eau, 2 heures. 3° bain ferrugineux 5,000 + 5o d’eau, 2 heures. Les 9 premiers tons ont été lavés avec 1 demi-litre d’eau de Seine , les autres avec 1 litre. 47. Mais je suis peu partisan de ces tons faits à plusieurs bains, du moins lorsqu'il s’agit de la soie grenade. Dans le travail des tapisseries, il est toujours avantageux, pour la beauté de l’ouvrage, d'employer dans les tons bruns la laine à l'exclusion de la soie. 48. En comparant la gamme teinte en bleu de Prusse avec la gamme teinte en bleu d’indigo, sous le rapport de l’har- monie, du brillant et de la solidité, on reconnaît : 1° Que la première ne le cède pas à la seconde, sous le rapport de l'harmonie, car, en supposant que l’on jugeât que les proportions que j'ai indiquées ne donnassent pas des tons équidistants, j'affirme qu'avec les données de mon tra- vail il serait bien aisé de se satisfaire; il suffirait d'essayer quelques proportions intermédiaires comprises dans l’inter- valle de la gamme qu'on jugerait défectueux. Il est évident que l’on peut intercaler de nouveaux tons entre ceux que J'ai décrits; 2° Que la gamme au bleu de Prusse a un brillant que la gamme à l'indigotine est bien loin d’avoir; en effet les tons T'aCELV. 68 538 RECHERCHES CHIMIQUES correspondants de celle-ci sont ternes, ardoisés, et comme sales, relativement aux autres ; 3° Que la gamme au bleu de Prusse a beaucoup plus de solidité que la seconde, dans les circonstances suivantes où je les ai comparées. Deux tons à l’indigotine, l'un d’un bleu léger, l'autre d’un bleu très-foncé, et deux tons au bleu de Prusse (1), corres- pondant aux premiers, ont été exposés l'été dernier en même temps et en plein air, de manière qu'ils recevaient l'influence du soleil, de l'air libre et de la pluie: au bout de deux semaines, le ton clair d’indigotine était complétement passé, et le ton haut avait éprouvé une altération profonde; tandis que les tons au bleu de Prusse, après trois semaines d'exposition, n'avaient que très-légèrement bruni (2). 49. 11 me reste à décrire les moyens de préparer, avec le bleu de Prusse, une gamme tirant sur le verdâätre, et une gamme rabattue tirant sur l'olivâtre, qui sont très-convena- bles pour être travaillées à l'état de mélange, avec la précé- dente, afin de la nuancer. (1) La soie n'avait pas été alunée. (2) Enfin, le temps a constaté la supériorité du bleu de Prusse sur la tapisserie même, où l’on a commencé à faire usage de ce bleu aux Gobe- lins. Des draperies commencées depuis deux ans n’ont pas changé d'une manière sensible, tandis que des soies bleues teintes à l’indigo, qui ont été mélangées avec la soie teinte en bleu de Prusse, ont subi une altération très-sensible. (Note ajoutée depuis la lecture du Mémoire à l'Académie.) SUR LA TEINTURE. 539 CHAPITRE Il. Des procédés au moyen desquels on peut faireune gamme de bleu de Prusse verdâtre. 50. Lorsqu'on donne à vingt écheveaux de soie les bains ferrugineux propres aux vingt premiers tons de la gamme décrite dans le chapitre premier, et qu’ensuite on leur donne un bain d’hydrocyanoferrate, tel qu'on emploie une liqueur normale représentant 0,05 d’hydrocyanoferrate cristallisé par centimètre cube, et dans une telle proportion que, pour 1 gramme de soie, le bain est formé de Liqueur normale. ........... I Haut OEM ER PH a et qu'après une heure d'immersion de la soie, on en retire celle-ci pour y ajouter | Acide hydrochlorique. . .... AE enfin, qu'après une heure d'immersion on retire la soie du bain, qu’on lave chaque écheveau de la même manière et dans 50 centimètres cubes d’eau, divisés en deux portions égales, comme il a été dit ci-dessus, voici ce qu'on remar- que, en conservant les écheveaux ainsi lavés pendant deux ou trois mois. 51. Lorsque les écheveaux viennent d’être séchés, ils ont une couleur d’un bleu verdâtre; peu à peu ils prennent du 68. 540 RECHERCHES CHIMIQUES jaune, au point que les premiers tons clairs ne paraissent contenir que peu ou pas de bleu : la proportion de jaune, par rapport au bleu, diminue rapidement à mesure qu'on s'élève, de manière que le vingtième ton semble ne pas en contenir, ou n’en contenir que des traces. Il suit de là que la gamme manque d'harmonie relativement à la couleur, puis- qu’elle paraît jaune à une extrémité et bleue à l'autre. Il est aisé d'expliquer d’abord la nature de la couleur verte des tons non avivés, ainsi que le défaut d'harmonie dont je viens de parler. En effet, ayant démontré que la soie fixe dans le bain d’hydrocyanoferrate de potasse acidulé une certaine proportion de ce sel, et que la combinaison n’est pas de celles qu’on appelle définies, on concoit très-bien les phéno- mènes précédents : 1° La production du jaune : mais dans ce travail je ne cherche pas à expliquer comment cette couleur n’acquiert toute son intensité qu'au bout d’un certain temps, je prends seulement le phénomène de coloration comme un fait ; 2° L'inégalité de la couleur verte dans l’ensemble des tons. 52. En effet l'hydrocyanoferrate de potasse est jaune; il s'unit à la soie; conséquemment, on conçoit très-bien com- ment il la colore en jaune, mais la combinaison est faible, au point qu'il suffit de l’affinité de l’eau pure pour l'enlever en totalité ou presque en totalité. En outre, la proportion de sel jaune qui se fixe à la soie étant loin d’être proportionnelle au bleu de Prusse des tons élevés de la gamme , le jaune doit paraître aller en diminuant à mesure que le bleu de Prusse augmente. Tel est le motif pourquoi je ne propose pas de prolonger la gamme dont je parle au delà du vingtième ton, et J'avoue même que les quatre ou trois derniers sont souvent SUR LA TEINTURE. 541 trop bleuâtres pour les clairs et les demi-teintes, si ceux-ci ont une teinte verdätre prononcée. 53. Les tons clairs ont une tendance au vert qui augmente avec le temps si on les conserve pendant plusieurs mois sans les aviver, tandis que le contraire arrive pour les bleus foncés, c’est-à-dire qu'ils ont une tendance à violeter plutôt qu'a verdir. Ces phénomènes sont faciles à expliquer. La tendance au vert augmente, parce que le jaune de l'hydrocyanoferrate ne prend toute son intensité de colora- tion qu'avec le temps. Maintenant, comment un ton haut peut-il, au lieu de prendre du vert, sembler acquérir du rouge ? C'est que le bleu de Prusse appliqué sur la soie, et avivé par les procédés que j'ai décrits, ne prend son violet qu'avec le temps. Or, voilà deux effets contraires; il est donc possible qu’il y ait compensation. Dans ce cas, on aurait le bleu parfait; mais si le premier effet l'emporte sur l’autre, c'est la tendance au vert qui se manifeste; tandis que, si le second l’emporte sur le premier, le bleu passera au violet. C’est ce qu'on remarque en effet pour les tons qui exigent plusieurs bains ferrugineux ; ils tendent au violet, quoiqu'ils retiennent de l’hydrocyanoferrate de potasse. 54. On explique bien, par la fixation de l'hydrocyanofer- rate sur la soie, le défaut d'harmonie d’une gamme dont les premiers tons n'auraient pas été également lavés; mais il est clair que, quand le défaut d'harmonie ne dépend que de cette seule cause, il est toujours facile d'y remédier par des lavages suffisants pour enlever tout l’hydrocyanoferrate lorsqu'on veut avoir une gamme de bleu de Prusse pur. Et dans le cas où l’on veut avoir une gamme de bleu verdâtre, il faut n’en- lever, par des lavages ménagés, que l'hydrocyanoferrate 542 RECHERCHES CHIMIQUES qui est en excès à la couleur bleu verdätre que l'on veut avoir. 55. Supposons que l’on ait une gamme de bleu verdätre bien dégradée, sauf que les tons inférieurs seront trop jaunes pour les tons élevés; on pourra la retoucher de la manière suivante. On laissera macérer pendant une demi-heure, dans 150 fois le poids de la soie d'eau de Seine, un écheveau très-jaune, celui qui aura reçu 0,010 de liqueur normale ferrugineuse, par exemple; puis on passera succes- sivement dans cette eau et pendant cinq minutes les quinze premiers tons. On les chevillera fortement sans les laver, puis on les fera sécher. Il n’est guère possible d’aller au delà sans retomber dans le bleu. 56. Je vais donner les résultats d'expériences faites sur deux gammes bleues tirant au verdâtre. Les bains ferrugineux furent faits conformément aux proportions indiquées pour l’eau de Seine. 1. Gamme d'un bleu un peu verdätre. La durée des bains ferrugineux fut de trois heures. La durée du bain de l’hydrocyanoferrate de potassium non acidulé fut d’une heure, et celle du bain acidulé par 0,05 de centimètre cube d'acide hydrochlorique fut pareille- ment d’une heure. Les seize premiers tons furent avivés dans 16 parties d’eau de Seine au lieu de 150. L’immersion ne dura que trois heures, au lieu de quatre heures et demie. Le dix-septième ton fut avivé par une immersion d’une heure et demie dans 12 parties d’eau de Seine. SUR LA TEINTURE. 543 Et les 18, 19 et 20 le furent par une immersion d’une heure dans 10 parties d’eau de Seine. 2. Gamme d’un bleu verdätre. Cette gamme ne comprenait que les douze premiers tons bien corrects. Les cinq premiers tons avaient été avivés par une immer- sion de deux heures dans 12 parties d’eau de Seine ; Les sept autres, par une immersion de deux heures dans 8 parties d’eau de Seine. Les tons 13, 14, 15 et 16, n'ayant pas subi d’avivage, ne détonnèrent pas d'abord; mais au bout d’un moisils n'étaient plus assez verts. Quant aux tons 17, 18, 19 et 20, ils étaient trop viole- tés. Les ayant plongés dans un bain de 1 centimètre cube d’hydrocyanoferrate de potassium durant trois heures, puis tordus à la cheville et séchés, sans lavage ils parurent plus unis, plus violetés. Ils ne pouvaient donc entrer dans la gamme. 54/ RECHERCHES CHIMIQUES CHAPITRE HIT. Des procédés au moyen desquels on fait une gamme de bleu de Prusse rabattu par du peroxyde de fer. 57. Il suffit de plonger chacun des tons de la gamme bleue avivée dans un bain de sel de fer neuf, semblable à celui où ce ton a été piété de fer, pour obtenir ce même ton rabattu. Je supposerai que la gamme à été faite avec l'eau distillée. La durée de l'immersion des 5 premiers tons dans leurs bains respectifs ferrugineux est de... ... FOR HUE Mn ss cure cpl 2 heures. celle des tons 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13 et 14 est de....... 3 celle de l'immersion du ton 15........... RE teeiese tests  celle de l'immersion du ton 16..................... et e CO celle de l'immersion du ton 17....... AS OS E idee bhte 22 REMARQUE. 58. Si l’on trouvait qu'un écheveau n'eüt pas pris assez de fer, il faudrait prolonger la durée du bain; si, après cela, il n'était pas encore assez rabattu, il faudrait le plonger dans un bain fait avec la moitié de liqueur ferrugineuse qui aurait été employée dans le bain qu'il a reçu précédemment, et l'y tenir pendant le quart ou la moitié du temps qu'il avait été plongé dans ce même bain, suivant qu'on jugerait qu'il lui faudrait plus ou moins de verdâtre. 59. On observe que les tons 5, 6, 7, etc., en pre SUR LA TEINTURE. 545 nant du jaune brun, s'élèvent en couleur au-dessus du ton bleu qu'ils avaient d’abord; tandis que les tons voisins du dix-neuvième ton, en prenant du jaune brun, s'abaissent. Enfin, on remarque encore que, si la soie employée était bien blanche, le jaune brun, en s'appliquant sur le bleu des 1, 2 et même 3 tons, en neutralisant du bleu, abaisse le ton de la couleur. RÉSUMÉ ET CONSÉQUENCES. 1° Quand on teint la soie dans la cuve d'inde pour faire une dégradation, l’étoffe absorbe, avec l’indigotine, une matière jaune orangeâtre qui en modifie plus ou moins la couleur violette. Les tons clairssont verdätres, tandis que les tons supe- rieurs, où l'indigotine domine, sont violets. Si l’on trouve dans la gamme un ton bleu, ce ton résulte de ce qu'il y a des proportions telles, que le jaune, le rouge de l’indigotine et une portion de son bleu sont complémentaires. 2° Il est possible de rendre une gamme de tons teints à l'indigotine harmonique, soit en faisant usage de ce principe colorant à l’état de pureté, qu'on désoxygène alors par le protoxyde de fer sous l'influence de la potasse, soit lors- qu'on a fait usage de la cuve d'inde, en enlevant par une macération dans l’eau pure les parties jaunes et rougeâtres qui se sont fixées en même temps que l’indigotine. 3° Quoique les tons supérieurs teints à l'indigotine soient plus beaux que ceux qui ont été faits dans la euve d'inde, cependant le peu de brillant et le peu de solidité des tons in- férieurs doivent faire considérer cette gamme comme n’étant pas d’un usage avantageux. Et je crois devoir ajouter que F-XXEV. 69 546 RECHERCHES CHIMIQUES l'indigotine pure m'a paru moins stable que l’indigotine impure. 4° On peut dégrader le bleu de Prusse sur la soie avec la plus grande précision, et tout teinturier capable de se servir d’une balance, ainsi que de cloches et de pipettes gra- duées, et qui en outre saura faire des proportions géome- triques, y parviendra en suivant les procédés que j'ai décrits. 5° La gamme au bleu de Prusse a sur la gamme à l'indigo la supériorité sous le rapport du brillant et de la solidité. 6° S'il est vrai de dire que les fabriques d’étoffe de soie n'ont pas le même besoin d’avoir une gamme de bleu de Prusse aussi nombreuse en tons que la gamme nécessaire aux travaux des manufactures royales, cependant je ne doute pas que le commerce ne tire un parti avantageux de plusieurs tons de ma gamme, lorsque les teinturiers seront certains de les produire à volonté. Et déjà plusieurs fabricants d'é- toffes de Lyon m'ont témoigné le désir de connaître mes procédés pour les exécuter. Fajoute qu'il me paraît bien difficile de faire des blanes azurés et des bleus légers plus beaux que les premiers tons de ma gamme. 7° Tous ceux qui estiment la simplicité des procédés, et qui pensent que, dans l'application des sciences aux arts, la première chose est de déterminer d’une manière précise l'é- tendue de l’action des agents les plus généraux de nos opé- rations en grand, afin de reconnaître l'effet que chacun d’eux est capable de produire dans des circonstances données, sentiront les avantages que l’on peut retirer de l’eau pour modifier les couleurs, en s'en servant comme je l'ai fait dans des circonstances déterminées. Ainsi l'on a vu dans l’intro- SUR LA TEINTURE. 547 duction que c’est faute de cette détermination qu’on n'a pas enlevé aux soies teintes dans la cuve d’inde la couleur jaune qui verditles tons clairs, et assurément c’est parce qu’on igno- rait toute l'influence que l’eau exerce dans l’avivage des soies teintes au bleu de Prusse qu’on a eu recours au sous-carbo- nate d'ammoniaque pour violeter le bleu Raymond. Etautant que j'en puis juger par les difficultés que j'ai rencontrées moi-même dans mes recherches sur la dégradation de ce bleu, je dois penser que c’est pour avoir ignoré quelle est précisément l'influence de l’eau distillée et celle des eaux naturelles sur la soie sortant du bain d'hydrocya- noferrate, que plusieurs personnes qui ont essayé de dégra- der le bleu Raymond ont été arrêtées par le défaut d'har- monie qu’elles remarquaient dans les échantillons de leurs essais. nt (4 ARMES | LS 1: 20 1 fra Yi Î Witterh ue rec our an on HG: RS EU ; F ; put + ù 1 un yf Hasdp : Or "CE | DIU 1 { L à "y wiri TT retire: vi ré { DLTTE RCE DRNLTAZCEE Pros pentes grrr rh LL = Lui E L a Ko ut ire HN UT E itrrroe ep D. ne ui { | TMTIT f sas À CU PE Eee LS FAI tr , SET { L F i Mt tra « (a un Lu L HtiMyeti ter + LL Sciences. Tome XXV = EE S TE € 7 / 7 C7 CL CZ np P Dan sr Hautateniéller Paris RECHERCHES CITIMIQUES SUR LEA TEINTURE Par Monsieur CHEVRFUL. RAR MERE LS LAS LAR LE TEE DES ENS LES RSS SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE, DANS LES TOMBEAUX DE RHAMSÈÉS VI ET DE RHAMSÉS IX. DEUXIÈME ET DERNIER MÉMOIRE. Par M. BIOT. (Présenté à l’Académie des sciences, le 46 août 1853.) S 1. Ce débris de l'astronomie des anciens âges a été déjà l'objet d’un premier travail que je présentai à l’Académie il y a six mois (*), et qui est maintenant imprimé dans le recueil de ses Mémoires. Je me proposais seulement alors d’en ex- traire les dates absolues des deux levers extrêmes de Sirius qui y sont mentionnés pour certains jours marqués de l’an- née égyptienne, le premier comme ayant lieu à l’aube du (*) Ce premier travail est inséré, comme celui-ci, au tome XXIV des Mémoires de l’Académie des sciences. Voyez aussi l'extrait que j'en ai donné dans les Comptes rendus de l’Académie, tome XXXVI, séance du 7 fé- vrier 1853, page 249. L'analyse du mémoire actuel se trouve au tome XXX VII du même recueil, page 257. TEEN. 70 LISA SAS RAR SELLE LES LELAERS SELLES VAL LUL LILI SET SNS 550 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE jour, le dernier à l'entrée de la nuit. Je prouvai que ces da- tes en reportent la confection à l'an 1240 avant l’ère chré- tienne, ce qui fait remonter au moins jusqu'à la même époque le règne du prince dans le tombeau duquel on l'avait inscrit. Des indications pareilles y sont aussi données pour une série d'astérismes stellaires désignés par leurs dénomi- nations égyptiennes, desquels les levers précèdent ou suivent celui de Sirius, à des intervalles qui se succèdent de quinze jours en quinze jours pendant tout le cours d’une année. Quels étaient ces astérismes, etcomment les reconnaître dans le ciel? C'était sans doute un curieux sujet d'investigation, et c'est un de ceux que je traite dans mon mémoire actuel. Mais alors il m'aurait trop détourné de mon but. Je me bor- nai donc à établir les seuls éléments de discussion qui me fus- sent nécessaires, et qui étaient autant de préparatifs pour une analyse plus détaillée. J'exposai l'ordonnance générale de ce calendrier, son mode de construction, et j'en repro- duisis le squelette graphique dans trois planches qui en font apercevoir tout l’ensemble. Je remets aujourd’hui ces trois planches sous les yeux du lecteur ; et, espérant qu'il voudra bien recourir à l'explication que j'en ai donnée dans mon précédent mémoire, je vais pénétrer dans les détails où j'avais évité de m'engager d’abord pour ne pas compliquer inutile- ment les premières déterminations que j'avais en vue d’ob- tenir. Dans cette nouvelle étude, je n’appuie sur un document qui a pu seul me la rendre abordable. C'est la traduction complète que notre savant confrère, M. de Rougé, a faite de toutes les légendes par lesquelles l'auteur égyptien caracté- rise les étoiles ou les groupes stellaires qu'il a voulu men- re A QE Go Ds nl + TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 551 tionner aux diverses lignes de son tableau. Chacun pourra s’éclairer comme moi de cette traduction, car M. de Rougé m'a permis de l’annexer à mon mémoire. Elle ne sera pas moins nécessaire au lecteur pour en suivre la marche, même pour le comprendre, qu’elle ne me l’a été pour le composer. En effet, si l’on n'avait pas ce guide sous les yeux, on ne se formerait aucune idée des astérismes que chacune des lignes du tableau égyptien peut désigner. On ne sentirait pas la nature, la connexion et la force des caractères qui les identi- fient nécessairement à telle ou telle partie du ciel. On ne verrait que des hypothèses disjointes là où il y a des faits cer- tains enchaïnés entre eux. Et pour découvrir ces identifica- tions, pour les établir, quels secours ne vous fournit pas un texte fidèlement, littéralement traduit dans ses moindres dé- tails ; qui, parmi toute la multitude d'étoiles se montrant en- semble à l'horizon oriental, à une date donnée, vous apprend si l’astérisme que vous cherchez doit être restreint ou étendu, isolé ou rattaché à d’autres dont les parties sont énumérées consécutivement, soit dans les diverses lignes d’une même colonne, soit dans des colonnes différentes! Si je suis parvenu à reconnaître un grand nombre de ces astérismes, dans l'état de mutilation partielle où se trouve le tableau égyptien, je le dois à la traduction que M. de Rougé m'en a donnée. Je les aurais identifiés tous par les mêmes méthodes, grâce à ce fil conducteur, si ses colonnes eussent été complètes. $ 2. Afin d'établir cette étude sur une base solide, je vais d'abord poser théoriquement, à titre de conception idéale, les conditions astronomiques dans lesquelles un tableau pa- reil à celui que l’astrologue égyptien a voulu construire pourrait être réalisé en toute rigueur. Quand ces conditions 70. 552 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE abstraites seront connues, les dissemblances qu'elles auront avec celles que l’état réel du ciel présente, nous découvri- ront les nécessités auxquelles l’auteur égyptien a dü se sou- mettre pour faire entrer les données célestes dans l’ordon- nance de son tableau. La connaissance des parties du ciel où leur exigence est la plus forte nous servira en outre pour ne pas lui imputer comme fautes, ou attribuer à l’inadvertance de son seribe, des irrégularités apparentes qui ne sont que l'application fidèle de faits réels. Je procède donc prélimi- nairement à cet exposé, qui nous offrira le type idéal, mais rigoureux et simple, du travail qu’il avait à faire. S 3. Supprimons l’obliquité de l’écliptique. Mettons le so- leil en permanence dans le plan de l'équateur ; et faisons-lui décrire les 360° de ce grand cercle, par un mouvement uni- forme, en 360 jours. Supposons enfin un observateur placé sous ce même équateur, en sorte qu'il ait les pôles terrestres à l'horizon. Dans ces conditions idéales, et pour celles-là seules, on pourra construire, en toute rigueur, un tableau astronomique ordonné comme celui de Rhamsès VI, présen- tant des relations analogues entre les époques des premières apparitions et la succession des levers de toutes dans une même nuit, et ne différant de l’'égyptien que par l'exclusion de certains détails incompatibles entre eux, incompatibilité que la discussion préalable de ce cas abstrait nous fera im- médiatement reconnaître. $ 4. En effet, les choses étantainsi disposées, le soleil, par son mouvement propre, décrira, sur le contour de l'équa- teur, 1° par jour, vers l’orient, conséquemment 15° en 15 jours. Chaque jour solaire pourra être subdivisé en 24 heures, 12 de nuit, 12 de jour, constamment égales entre elles; et TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPIE. 553 pendant que chacune s’accomplira, il passera au méridien un arc de l'équateur comprenant 15° plus + de degré; de sorte que, pour des observations faites à la vue simple, on pourra, sans erreur appréciable, les assimiler, pendant la durée d'une même nuit, à des heures sidérales qui comprendraient 15° juste, puisque cette erreur ne s’élèvera, en somme, qu'à + degré, représentant 2" de temps. Ceci admis, choisissons, pour composer notre tableau, des étoiles également brillan- tes, dont l'éclat soit tel que leur premier lever du matin de- vienne perceptible quand le soleil sera abaissé de 15° sous l'horizon oriental, auquel cas il marquera la fin de la X[° heure temporaire de la nuit. Puis, nous bornant à les observer pendant les nuits suivantes, tant que leur lumière ne com- mence pas à s’affaiblir dans le crépuscule du soir, notons dans notre tableau, comme leur dernier lever du soir, celui qui s'opère pour chacune d'elles à l’entrée de la nuit close, quand le soleil se trouve abaissé de 15° sous l'horizon occidental, au- quel cas il marquera la fin de la [°° heure temporaire de la nuit. Pour que ces deux levers extrêmes d’une même étoile concordent successivement avec les deux positions angulaires que nous venons d'attribuer au soleil, il faudra qu'entre les époques où ils s’opèrent, cet astre ait décrit, par son mouve- ment propre, un arc nocturne comprenant 180° — 30°, ou 150°; ce qui, à raison de 1° par jour, correspond à un inter- valle de 150 nuits. Si nous divisons cet intervalle total par quinzaines, en notant seulement, pour une même étoile, ceux de ses levers qui ont lieu à chacune de ces époques inter- mittentes, nous aurons à enregistrer pour chaque étoile onze levers, séparés entre eux par des intervalles de 15 nuits, les- quels remonteront précisément de 1 heure par quinzaine, 554 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE en allant de l’aube du jour jusqu’à l'entrée de la nuit close, où s’opérera le 11° et dernier. Toutes nos étoiles suivant exac- tement cette même marche, et ayant par supposition un égal éclat, choisissons-en une, Sothis, par exemple; et, parmi tou- tes les autres, considérons celles dont la première apparition précède ou suit la sienne à des intervalles de 15, 30, 45, en général d’un nombre entier de quinzaines de nuits. Alors, dans une même nuit, les levers de ces étoiles, y compris ce- lui de Sothis, se succéderont entre eux, d'heure en heure, pendant les dix qui seront comprises entre le commence- ment de l'obscurité complète et l’aube du jour ; c'est-à-dire, depuis la fin de la I heure de la nuit jusqu’à la fin de la XI°. Pour montrer, en quelque sorte matériellement, l'ordre suivant lequel cette succession s'opère et se limite dans cha- que nuit, construisons une colonne où nous inscrirons, sur autant de lignes parallèles, tous les levers qui appartiennent à la nuit dans laquelle Sirius ou Sothis fait sa première appa- rition à la fin de la XI° heure. Nous devrons l'inscrire sur la dernière ligne de la colonne, à cette heure-là. Au-dessus de lui, àla X° heure, nous marquerons l'étoile dont la première ap- parition précède la sienne d'une quinzaine; plus haut, à la IX heure, celle qui lui est antérieure de deux quinzaines ; et ainsi de suite en remontant jusqu’à l'entrée de nuit, ou la fin de la °° heure, que nous appliquerons à l'étoile qui fait sa pre- mière apparition 10 quinzaines, ou 150 jours avant lui. La même opération, réitérée individuellement pour chacune des 2 quinzaines que contient une année de 360 jours, donnera un tableau composé de 24 colonnes, qui sera exactement pareil, par son ordonnance, à celui que l'on a voulu cons- truire dans le tombeau de Rhamsès VI; sauf que les levers Cr < #- 0 7 D LS EE —————— TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 555 de chaque nuit étant restreints à ses 10 heures d’obscurité, chacune n’en comprendra que 11, séparés les uns des autres par des intervalles horaires de 15°, ce qui donnera seulement 11 lignes aux colonnes affectées à chaque quinzaine. Si l'on veut qu’elles en aient un autre nombre, par exemple 13, comme dans le tableau égyptien, ce qui donnera 13 levers dis- tincts dans chaque nuit, toujours restreinte aux 10 heures d’obseurité, on pourra encore faire que ces 13 se succèdent à des intervalles horaires égaux entre eux ; mais ces interval- les seront moindres que les premiers, dans la proportion de 10à 12; de sorte qu'ils comprendront, sur l'équateur des ares de 12° =, non de 15°. Alors les étoiles qui les fourniront ne feront plus leurs premières apparitions à 15 jours de distance les unes des autres ; mais seulement à 12} +; ou, par approxi- mation, à des intervalles alternatifs de 12 jours et de 15. Faire ceux-ci de 15 jours, et vouloir en obtenir 13 levers dis- tincts pendant les dix heures d’obscurité d’une même nuit, implique une contradiction manifeste, qui ne pourra étre sauvée, dans la pratique, qu'en se dispensant de satisfaire exactement à l’une ou à l’autre de ces deux conditions : Supposons que l’on s’astreigne fidèlement aux réductions corrélatives qu’elles imposent, et admettons qu’une certaine étoile, par exemple Sothis ou Sirius, soit individuellement désignée pour faire partie du tableau. Le choix de celles que l’on pourra lui associer ne sera nullement arbitraire, puisque celles-là seules y pourront être introduites, dont les levers auront entre eux et avec le sien les relations d’épo- que ci-dessus spécifiées. On ne devra donc pas s'attendre à trouver, dans une pareille représentation, un état complet des groupes stellaires qui étaient reconnus ou distingués au 556 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE temps où on l'a construite. Elle offrira seulement un extrait fort restreint de ces groupes, pris parmi ceux dont les levers successifs ont entre eux les relations d’intervalles exigées par la construction. De plus, on ne devra pas s'attendre qu’un tel tableau, supposé qu'il soit réel et non pas fictif, sera entiè- rement ou même principalement composé d'étoiles très-bril- lantes. Car, une de celles qu'il doit contenir, Sirius par exem- ple, étant donnée, toutes les autres, pour chaque quinzaine, ne pourront être choisies que parmi celles qui arrivent si- multanément dans l'horizon à cette date-là ; et si l’on n’y en trouve pas de grandes, il faudra bien en prendre de petites. S 5. Les conditions abstraites que nous venons de spécifier ne se trouvent pas remplies conformément à leur énoncé ma- thématique dans le ciel réel ; et même, en l’idéalisant, comme nous lavons fait, elles ne sauraient l'être pour des lieux si- tués hors de l'équateur terrestre, sans qu’il ne survienne des modifications notables dans les résultats. Maintenant, pour envisager ceux-ci dans les particularités de leur accomplisse- ment effectif, il faut y faire intervenir toutes les circonstan- ces qui concourent à les produire, quand on passe des con- ceptions idéales aux réalités. Premièrement : le mouvement propre du soleil, d'occident en orient, est inégal. A la vérité, ses inégalités sont assez faibles pour que l’on puisse n’en pas tenir compte dans des observations de levers faites à la vue simple; et, sans doute, les astrologues qui ont construit le tableau de Rhamsès VI n’y ont pas eu égard, si même ils en connaissaient l'existence; d’où il suit que leur œuvre doit, selon toute vraisemblance, être interprétée dans cette suppo- sition. Une particularité plus notable, c’est que la révolution annuelle du soleil s'accomplit en 365 jours et quelques heu- “she 72 ed TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 597 res, non pas en 360 jours; de sorte que sa durée ne peut pas être subdivisée exactement en quinzaines complètes, comme le supposele tableau égyptien. Toutefois, les cinq jours excédants peuvent être omis dans une pareille application, comme Pto- lémée lui-même s’est permis dele faire ; et, puisque cette tolé- rance a été admise dans la construction égyptienne, il faut bien l’admettre aussi dans l'interprétation. Mais il est indispensa- ble de faire intervenir dans celle-ci deux autres circonstances, qui ontune influence considérable sur les intervalles de temps compris entre les levers de différentes étoiles, influence dont les effets ont dû se faire sentir, même à l'insu du construc- teur, dans les données d'observation qu’il employait. La pre- mière consiste en ce que le soleil se meut dans un plan oblique à l'équateur, non pas dans l'équateur même; et cetteobliquité n'est pas si petite que l'on puisse n’en pas tenir compte. Car, vers le temps de Rhamsès VI, elle approchait beaucoup de 24°. La seconde, c'est que Thèbes n’est pas située sous l’équa- teur terrestre, mais au nord de ce plan, par une latitude de 25°.42'; de sorte que l’axe autour duquel la rotation diurne du ciel s'exécute, s’y trouve élevé sur l'horizon de cette même quantité. Ces deux circonstances influent simultanément sur les époques absolues des levers des étoiles, selon qu'elles sont plus ou moins distantes de l'équateur, et selon que le point de l’écliptique, qui se lève avec elles, est plus ou moins pro- che des points équinoxiaux ou solsticiaux : ce qui altère toute la régularité de la correspondance que nos supposi- tions abstraites établissaient entre les nombres de jours qui séparent leurs premières apparitions et les intervalles horai- res qui séparent leurs levers successifs, dans une même nuit. Le tableau égyptien ayant dû être intentionnellement, sinon T. XXIV. 71 558 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE théoriquement, approprié à cet état physique des choses, dont les conséquences s’offraient aux yeux toutes réalisées, on devra, s'il en est une représentation fidèle, retrouver, dans les détails de sa contexture, l'empreinte des conditions de variabilité qui les affectent. Toutefois, d'après l’appré- ciation que nous venons de faire des causes d’où cette varia- bilité résulte, on comprend qu'elles pourront bien modifier, en quelques parties, le type idéal que nous nous étions formé d'abord sans en tenir compte, mais qu’elles ne sauraient aller jusqu'à dénaturer son ensemble. De sorte que, pour arri- ver à connaître exactement la contexture intime du docu- ment égyptien, il faudra nous guider sur ce type, en exami- nant toujours jusqu'à quel point, et par quels artifices, le constructeur aura réussi à s’en rapprocher. Cette voie est la seule à suivre pour distinguer avec süreté les éléments d'identification légitimement applicables que l’on puisse lui emprunter. $ 6. La cause principale de dissemblance, qui doit se faire sentir dans le tableau égyptien, comparé à notre type idéal, c'est qu'en établissant celui-ci, nous n'avons tenu compte, ni de l’obliquité de l’écliptique sur l'équateur, ni de l’inclinai- son de ces deux plans sur l'horizon du lieu où l'observateur est placé. Ainsi, dans ce cas simple, en choisissant des étoi- les dont le premier lever perceptible du matin et le dernier de l’entrée de la nuit, enregistrés dans nos colonnes, fussent supposés s’opérer quand le soleil est abaissé verticalement de 15° sous l'horizon oriental ou occidental, nous avons trouvé que, pour chacune d'elles, ces deux phénomènes devaient com- prendre un intervalle constant de 150 jours ; d’où, par sup- plément, leur temps de disparition devait en comprendre TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 559 210, si l'on veut faire l’année solaire de 360 jours. C’est le théorème d’Autolyeus. Mais il n’est plus vrai qu'approxima- tivement, eten moyenne, dans l’état réel des choses; même en conservant par hypothèse toutes les autres conditions conventionnelles, de choix, d'éclat, et anssi d’uniformité de mouvement attribuée au soleil. L'intervalle réel de visibilité sera bien encore toujours plus petit qu'une demi-année s0- laire; mais, pour des étoiles d’un éclat égal, il sera plus grand que 150 jours ou moindre, selon les plages du ciel où elles sont placées, et selon que l’époque de leur lever est plus ou moins proche des instants où les points équinoxiaux sont dans l'horizon. Par une conséquence évidente, leur temps d'invisibilité varie en sens inverse, étant toujours plus long qu’une demi-année solaire, mais moindre ou plus grand que 210 jours. Ces différences de durée doivent nécessaire- ment se manifester dans un tableau construit d’après des observations réelles. Aussi les découvre-t-on dans le docu- ment égyptien; et l'on se méprendrait fort si on les y attri- buait à des incorrections ou à des fautes, tandis qu’elles sont, au contraire, des preuves de fidélité. S 7- Pour montrer comment ces modifications de la règle abstraite résultent géométriquement des deux particularités que nous avions omises, je vais considérer les effets de celles- ci, dans deux cas extrêmes où leur influence est la plus forte en sens opposé. Tel est l’objet des fig. 1 et 2. Elles représentent les principaux cercles de la sphère cé- leste, projetés orthogonalement sur la face orientale du méridien à Thèbes, aux instants où les points équinoxiaux de printemps et d'automne, désignés par leurs signes astro- nomiques Y, :, se trouvent l’un ou l’autre amenés à l’ho- Ie 560 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE rizon oriental par le mouvement de rotation du ciel, le pre- mier simultanément avec l'étoile S,; le second, simultané- ment avec l'étoile S,. On voit, par le tracé mème, que, dans ces deux cas, l’inclinaison de l’écliptique sur l'horizon orien- tal est bien différente. Évaluons-la en nombres, pour nos deux figures. La lettre 2 y désigne la hauteur du pôle boréal P, laquelle est à Thèbes 25°. 42"; w' désigne l'obliquité de Féclip- tique sur l'équateur, laquelle était 23°.51".45" à l'époque de notre tableau. D'après cela, linclinaison de l'équateur au-dessous de l'horizon oriental, figurée iei par les angles H,rQ,,H,:Q,, est 90° — 4, ou 64°.18". Or, dans la figure 1"° l'inclinaison 1, de l'équateur sous l'horizon oriental est 90° — h — ';et, dans la figure 2, cette inclinaison est 90 — } + w'. Ainsi, en remplaçant les symboles littéraux par les nombres qu'ils représentent, on aura : Dans la fig. 1°°, 1, — 40°.26".15”; dans la fig. 2°, I —88°.0 .45". [, est la plus petite de toutes les valeurs que puisse avoir l'inclinaison [, dans les circonstances d'époque et de localité qui nous sont assignées ; [,, au contraire, est la plus grande de toutes ces valeurs. Elle rend l’écliptique presque perpendi- culaire sur l'horizon de Thèbes, comme la figure 2 le fait voir. Dans les positions intermédiaires de l’écliptique, l'angle I varie entre ces limites, mais non pas uniformément. Sa va- leur actuelle peut toujours se calculer par une formule que je rapporte ici en note, lorsque l'on se donne l'ascension droite a du point de l’écliptique, qui se trouve alors dans l'horizon (*); en l’évaluant ainsi, pour les deux cas où ce point (*) Cette formule est une application très-simple de la trigonométrie : des Sciences. Tome AXIV. : SAME Pade 560 l'ace omentale du méridien vue du point EST. Sud u, u, Nord Face orientale du méridien vue du point EST. « il, Nord & TROUVÉ À THÈBES EN KGYPTE. 561 coincide avec l’un ou l’autre solstice, on trouve : I — 66°.38',5". Ce résultat, rapproché des deux précédents, montre toute la marche des variations que l'angle T éprouve. Lorsque le point de l’écliptique amené à l'horizon oriental est compris entre le point solsticial d’été et le point solsticial d'hiver suivant, l'inclinaison I reste fort grande. Elle diminue pro- gressivement jusqu’à sa dernière limite, quand le point de l’écliptique amené à ce même horizon , est situé entre le point solsticial d’hiver et le point solsticial d'été qui le suit. S8. Ces variations de l'angle I se reportent sur l'intervalle de visibilité propre à chaque étoile; et elles lui Ôtent la du- rée constante de 150 jours, que nous lui avions trouvée dans notre type idéal. Voilà ce qui me reste à exposer. Prenons d’abord à part la figure 1; et considérant l'étoile S, qui s’y trouve à l'horizon oriental avec T, admettons conventionnellement que sa première apparition du matin et son dernier lever de l'entrée de la nuit, enregistré dans le tableau, ont lieu à un même intervalle horaire, avant le En — sphérique. Sa démonstration estexposée au tome IV de mon Traité d'astro- nomie, page 629, avec le même Système de notation dont j'ai fait ici usage. En l’adoptant, on a généralement : cos I — cos à; sin w' cos À + cos w/ sin h. Sous la latitude de Thèbes 25°.42', et à l'époque de notre tableau, les coefficients constants ont les valeurs suivantes : log sin w’ cos À — 1,5617253; cos w” sin À — 0,39658 9637. Quand l'ascension droite a, est celle d'un point solsticial, cos a, est nul, et cos I se réduit au terme constant. 562 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE lever, ou après le coucher du soleil; en sorte que, dans les deux cas, l’abaissement de cet astre sous l'horizon oriental ou occidental ait pour mesure un même are vertical OV, que j'appellerai H. Quand cette condition d’abaissement sera remplie pour le lever du matin, la distance actuelle du s0- leil à l'horizon oriental, mesurée sur l’écliptique, sera l’hypo- ténuse rO© du triangle sphérique rectangle x V9; et, en la nommant e,, on l’obtiendra par la formule (1) sin & mine sin I, D'après la symétrie des conditions que nous avons établie, la distance du soleil à l'horizon occidental mesurée sur l’éclip- tique sera pareillement e,, à l'époque où s’opérera le dernier lever de l'entrée de la nuit que nous enregistrons. Re- tranchant donc ces deux arcs de la portion de l’écliptique comprise sous l'horizon, laquelle est toujours égale à une demi-circonférence, les deux points de ce grand cercle où se trouvera le soleil aux instants de nos deux levers, compren- dront entre eux un intervalle de longitude égal à 180° — 2e,. C’est ce que j'appellerai l'arc de visibilité. L'emploi de ce rai- sonnement n'est pas particulier à la figure 1. Il s'appliquerait également à la figure 2, et à toute autre que l’on voudrait construire pour une position quelconque de l’écliptique relativement à l'horizon. En y conservant la même symétrie de conditions pour les deux levers extrêmes, l'arc de visi- bilité aura toujours pour expression : 180°— 2e; l'arc e étant caleulé par la formule générale : sin H sin I (1) sin e— ; TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 563 où il faudra donner à l’inclinaison I sa valeur locale, et pren- dre l’abaissement H tel qu'il convient pour l'éclat de l'étoile que l’on veut considérer. L’arc d’invisibilité ou de disparition devant être le sup- P plément à une circonférence entière de son opposé, son ex- pression sera : 180° + 2e. $ g. Réduisons ces formules en nombres pour les trois va- leurs de I que nous avons tout à l’heure déterminées ; et, afin d'embrasser les cas extrêmes de leur application, faisons suc- cessivement, dans chacune d'elles, l'arc d’abaissement H égal à 11°, 12°, 13°, 15°; la première de ces valeurs s'appliquant aux étoiles que l’on appelle de 1" grandeur, la seconde à celles de 2°, la troisième à celles de 2° — 3°, la dernière enfin à celles de 3° — 4°, qui sont les plus petites que l’on puisse supposer observées à la vue simple. Les résultats de ces cal- culs sont rassemblés dans les quatre tableaux suivants : 1° Étoiles de 1°° grandeur. H = 11°. DÉSIGNATION du point de l'équateur VALEURS qui se lève de e. ARC . ARC de visibilité d'invisibilité PARA var 3 180° — 2e. 180°+ 2e. avec l'étoile considérée. ” ‘ [22 © LA 0 “ [12 5 Équinoxe vernal 17. 6.30 145.47. o 214.13. O Solstices. 11.59.48 156. 0.24 203.59.36 11. O.21 157.59.18 202. 0.42 564 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE 2° Étoiles de 2° grandeur. H— 12°. DÉSIGNATION du point de l'équateur ARC ARC de visibilité d'invisibilité 180°— 2e. 180°+ 2e. VALEURS qui se lève de €. avec l'étoile considérée. fee Lee " k ’ " é i] " | Équinoxe vernal....... | 18.41.55 143.36. 10 216.23.50 l:Solstices ts Rene 13. b.24 13.49.12 206.10.48 Équinoxe automnal. .... 10: 155.59.14 204. 0.46 3° Étoiles de 2°-3° grandeur. H — 13°. DÉSIGN ATION | ARC ARC du point de l'équateur VALEURS qui se leve | de e. de visibilité d'invisibilité Al rt Re 180°— 2e. 180°+ 2e. avec l'étoile considérée. a ———— ! : " El r Équinoxe vernal 20.17.33 139.24.54 Solstices 14.11. 4 151.37.52 Équinoxe automnal. .... 13. 0.25 153.59.10 4° Étoiles de 3°-4° grandeur. À = 15°. DÉSIGNATION à ARC \ VALEURS FAC du point de l'équateur mr ANDRE I ; se de visibilité d'invisibilité qui se lève de e. k es Sr 180°— 2e. 180° + 2e. avec l’éloile considérée. me | 7 Équinoxe vernal 23.31. 4 132 .57.54 Solstices cc cc 16.22.34 147-14.52 212.4). 8 Équinoxe automnal.. ... 15. 0.29 149.59. 2 210, 0.58 TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 565 Je vais discuter ces résultats par ordre, pour voir com- ment on pourra les employer à la construction d’un tableau où les levers, tant du matin que du soir doivent être espacés par quinzaines de nuit complètes, comme ils le sont dans le document égyptien. $ 10. 1° Étoiles de 1° grandeur. Dans la plus grande por- tion du contour du ciel, leur arc de visibilité surpasse quel- que peu 150°. Il devient égal à 150°, lorsque le point de l'équateur qui se lève avec l'étoile est placé à + 4o°.3'.2” autour de l’équinoxe vernal (*). Entre ces deux limites, il est (*) Ce nombre se tire de la formule qui exprime la relation de l'angle I avec l'arc a,, formule qui est annexée en note au $ 8. Pour que l'arc de visibilité 180° — 2e devienne 150°, il faut que e soit égal à 15°. Prenant donc en outre H = 11°, on aura : sin H sin 11° sine sin 15°? sin = de là on tire : I — 470.29/.45"; etparsuite: cos I — —0,67564 369. Mettant cette valeur de cos I dans la relation générale de I et de a, propre à notre document, et rapportée en note $ 7, cos a, y reste seule inconnue, et l'on en déduit : a = © 400.3'.2", En appliquantle même procédé de calcul aux étoiles de 2° grandeur, pour lesquelles nous avons pris l’abaissement H— 12°, et à celles de 2°-3° gran- deur, pour lesquelles nous avons pris H — 13°, on trouvera que leur arc de visibilité devient égal à 150°, quand on a: pour H— 12°; a —2+560.55.3"; pourH=—13°; a, —+74°.24/.33". Entre ces limites, l'arc de visibilité est toujours moindre que 150°. Quant aux étoiles de 3°-4° grandeur, pour lesquelles nous supposons l'abais- sement H — 15°, leur arc de visibilité n’atteint jamais cette valeur, pas même à l’équinoxe automnal, comme le montre le tableau qui s’y rapporte. T. XXIV. 72 566 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE moindre, et il s’y restreint jusqu'à sa plus petite valeur 145°.47. Par conséquent, si une étoile de cet ordre avait sa valeur de a, comprise dans ces limites, son lever du matin ne pourrait être régulièrement introduit que dans les 9 der- nières quinzaines du tableau, au delà desquelles il ne reste à parcourir qu'un intervalle de 135 jours au plus, équivalant à peu de chose près à 135°. Car, si l’on introduisait ce lever du matin dans les quinzaines précédentes, le dernier lever de l'entrée de la nuit n’atteindrait pas le commencement de la 10° quinzaine qui les suit, puisque l'arc de visibilité est moindre que 150°. Mais, quand la valeur a, propre à l'étoile de 1"° grandeur, s’écartera de l’équinoxe vernal au delà de æ 4o°.3'.2", son lever du matin pourra être introduit sans inconvénient à une quelconque des colonnes du tableau. Car l’are de visibilité n’excédant 150° que de 8° au plus, lorsqu'on aura conduit l'étoile jusqu’au commencement de la 10€ quin- zaine qui suit son introduction, et qu'on y aura mentionné son lever de l’entrée de la nuit, tous les levers suivants, qui pourront être encore perceptibles, setrouverontcompris dans cettequinzaine-là, et pourront lui être légitimement attribués. C'est ce qui est arrivé pour Sirius, comme je l’ai fait remar- quer dans mon premier mémoire, page 55. Relativement à cette étoile , on avait, page 91 : DTA SRE AIES 1==160 10 PS avec H = 11°, cette valeur de I donne CE L2 41-390 ours o— 26 — 10/40.36. 040: Dans ces conditions, l'arc de visibilité excédait assez peu 150° pour que le lever de l'entrée de la nuit püt être légiti- FLE ee — TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 567 mement inscrit au commencement de la 10° quinzaine après le lever du matin. $ LT. 2° Étoiles de »° grandeur. Pour celles-ci leur arc de visibilité devient égal à 150°, quand le point de l'équateur qui se lève avec elles est placé à + 56°.55'.3" autour de l'équinoxe vernal. Entre ces limites il est moindre que 150", et le lever du matin ne pourra être introduit régulièrement que dans les 9 dernières quinzaines du tableau. Hors de ces limites de a,, l'arc de visibilité excède toujours quelque peu 150°, et le lever du matin peut être introduit sans inconvé- nient dans une quelconque des colonnes du tableau. Nous verrons plus loin que la condition extrême d’admissibilité, ici définie, est réalisée presque exactement pour l’astérisme égyptien appelé l'étoile de Sahou, dont le lever du matin est marqué à la 1" colonne même, comme précédant de 15 jours celui de Sirius. Nous reconnaîtrons, en effet, que cet astérisme est 4 d'Orion, très-belle étoile de 2° grandeur, pour laquelle la valeur de à, était 57°.15". On a donc pu légiti- mement l'inscrire à cette place, en la supposant observée dans l’arc d’abaissement de 12°, ce qui n'offre rien que de très-possible, et lui faire parcourir complétement les dix quinzaines suivantes qu’effectivement l’auteur égyptien lui attribue. S 12. 3° Étoiles de »#-% grandeur. Pour celles-ci leur arc de visibilité devient égal à 150°, quand le point de l’équa- teur qui se lève avec elles est placé à + 74°.24'.33" de l’é- quinoxe vernal. Entre ces limites il est moindre, et le lever du matin ne serait pas admissible dans les colonnes au delà desquelles les levers perceptibles devraient se succéder pendant 150 nuits. Si la valeur de a, sort des bornes que 72. 568 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE nous venons de fixer, le lever du matin est admissible dans toutes les colonnes, parce que l'arc de visibilité dépassera toujours quelque peu 150 nuits. $ 13. 4° Étoiles de 3°-f° grandeur. Pour ces dernières leur are de visibilité n’atteindra jamais 150 nuits, même dans le cas où le point de l'équateur qui se lève avec elles serait placé à l'équinoxe automnal. On ne pourra donc introduire leur lever du matin que dans les dernières quinzaines du ta- bleau, assez rapprochées de sa fin pour que l'on n'ait pas be- soin de conduire leurs levers ultérieurs au delà des bornes qu’embrasse leur are de visibilité actuel. $ 14. Telles sont les modifications que notre type idéal doit subir pour s'adapter aux réalités. Sans doute, le cons- tructeur égyptien n’a pas pu, comme nous, les prévoir et les déterminer théoriquement. Toutelois, s’il a construit son ta- bleau d’après des observations effectivement faites sur le ciel, il a dû être amené, par nécessité, à s’y astreindre, même sans avoir aucune notion des causes qui les produisaient. Il sera donc très-important d'étudier à ce point de vue les détails de son tableau, pour y chercher cette preuve irrécusable de son caractère astronomique. C’est ce que je ne manquerai pas de faire, toutes les fois que l’occasion s'en présentera. $S 15. Mais, avant d'aborder cette recherche curieuse, il faut discuter une opinion qui est venue à quelques person- nes : c'est que les levers extrêmes de chaque astérisme, mar- qués dans le tableau égyptien comme ayant lieu à la XIIe heure et à l’entrée de la nuit, seraient des levers vrais, tels qu'on pourrait les apercevoir avec une lunette aux instants du lever et du coucher du soleil. De sorte que ces deux ter- mes extrêmes auraient été établis, pour chaque astérisme, TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 569 théoriquement, par computation; tandis que les intermé- diaires seuls auraient été mentionnés pour l'usage pratique, tels qu'on pouvait effectivement les observer à la simple vue, aux dates de jours et d'heures qui leur sont respectivement assignées. Or je dis que le tableau même fournit plusieurs genres d'indications, qui prouvent péremptoirement que cette opinion n’est pas fondée. Il y a d'abord à lui opposer une remarque générale : c’est que,surles 12 intervalles horaires compris dans le tableau en- tre la XITe heure et l’entrée de la nuit, il n’y en a jamais que 10 au plus qui soient successivement affectés à un même as- térisme, le constructeur lui faisant toujours sauter deux de ces intervalles à des époques intermittentes, ce qui réduit réellement à 11 le nombre total des levers qui lui sont assi- gnés dans 10 quinzaines de nuits consécutives. C’est en effet là, pour chaque étoile, le plus grand nombre de levers, observables à la vue simple, qui puissent s’opérer de quin- zaine en quinzaine, dans l'intervalle de 150 nuits ; et, si l’on place le premier à l'aube du jour, le dernier à l'entrée de la nuit close, on trouvera sur les Z du contour du ciel beaucoup d'étoiles qui pourront les fournir. Mais aucune n’en donnera plus de 11, qui s'appliquent ainsi à des commencements de quinzaines. Donc, si l'on voulait que, sur les 1 1 quele tableau égyptien assigne à chaque astérisme, les deux extrêmes, celui dela XIe heure et celui de l'entrée dela nuit, fussent des levers vrais, conséquemment invisibles, il y en aurait deux de réel- lement visibles, qui se trouveraient toujours arbitrairement supprimés, pour le motif d’en marquer deux que l’on ne sau- rait voir. Cela serait trop contraire à toute idée pratique pour être raisonnablement admis. 570 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE $ 16. D'ailleurs les nombres mêmes que le tableau fournit détruisent cette supposition, et nous découvrent la véritable intention du constructeur. Elle se manifeste avec une évi- dence indubitable, quand on fait une juste application des caractères qui distinguent les levers vrais de ceux qui sont observables à la vue simple. Pour une étoile quelconque, le {ever vrai du matin a lieu, quand le soleil se trouve avec elle dans l'horizon oriental. A chaque révolution suivante du ciel, lorsque létoile est ramenée dans ce même horizon, le soleil, en vertu deson mou- vement propre, s'est avancé, par-dessous ce plan, vers l’'ho- rizon occidental qu’il atteint quand il à décrit ainsi une demi- circonférence de l’écliptique, comprenant 180° de ce grand cercle, ce qui exige un intervalle de temps égal à la moitié d’une année solaire. A cette époque, le soleil se couche quand l'étoile se lève; et cet état d'opposition diamétrale constitue ce que l’on appelle le /ever vrai du soir. Depuis lors, le soleil, poursuivant sa marche propre, se trouve de plus en plus rap- proché del’horizon oriental chaque fois que l'étoile y revient; et, après avoir décrit ainsi au-dessus de ce plan l’autre moitié de l’écliptique, ce qui exige encore une demi-année solaire, il s'y retrouve de nouveau avec l'étoile, ce qui ramène un se- cond lever vrai du matin. Le caractère de ces phénomènes, pour toutes les étoiles, est donc que : depuis le lever vrai du matin jusqu’au lever vrai suivant du soir, il s’écoule six mois solaires pendant lesquels le soleil décrit 180° de l’écliptique ; et que, depuis ce lever du vrai soir jusqu’au lever vrai sut- vant du matin, il s'écoule six autres mois pareils, pendant lesquels le soleil décrit également sur l’écliptique 1 80°. Les levers observables à la vue simple, et que l’on appelle, TROUVÉ A THÈBES EN EGYPTE. 571 d’après cette condition, levers apparents, s'opèrent à des époques, et se succèdent par des alternatives, toutes différen- tes. Pour qu’une étoile quelconque devienne perceptible Ze matin, quand elle surgit à l'horizon oriental, il faut que le soleil se trouve alors au-dessous de ce plan. Il faut donc que, depuis l’époque du lever vrai, où il s’y trouvait avec l'étoile, il ait décrit un certain arc de l’écliptique qui l’en éloigne as- sez pour qu’elle puisse être aperçue. Je le désigne générale- ment par la lettre e. Quand cette condition sera remplie, l'étoile continuera pendant un certain temps d’être visible, dans ses levers ultérieurs. Mais elle cessera de l’être quand le soleil n'ayant plus à décrire sur l’écliptique qu’un certain arc e pour atteindre l'horizon occidental, au moment où elle se lève, ilse trouvera trop peu abaïssé au-dessous de ce plan pour qu’elle puisse être alors aperçue. Ce dernier terme de visibilité caractérise le lever apparent du soir. Ainsi, entre les époques où s’opéreront ces deux levers apparents extré- mes, le soleil n'aura pas eu à décrire 180° de l’éciptique, mais seulement 180° — e— e. C'est ce que j'appelle l’are de visibilité de l'étoile considérée, Par une conséquence évi- dente, les levers resteront invisibles, pendant que le soleil décrira le reste du contour de l'écliptique comprenant 180° + e + e’. J'appellerai celui-ci l'arc d’invisibilité ou de disparition. Les arcs e, e', ont des valeurs différentes pour les diverses étoiles, selon leur éclat, et selon que le point de l’équateur qui se lève avec elles est plus ou moins proche des points équinoxiaux de printemps et d'automne. C’est ce que nous avons établi au $ 9. Pour plus de simplicité nous y avons fait l'arc e’ égal à l’are e, ce qui semble assorti au mode de 572 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE construction du tableau égyptien. Mais cette supposition ne changerien aux caractères généraux qui distinguent les levers vrais des levers apparents. Lorsque nous extrairons ceux-Ci du document où ils sont mentionnés, il nous sera utile de connaître les relations de leurs dates, avec celles des équi- noxes et des solstices sous le méridien de Thèbes, dans l’an- née égyptienne vague pour laquelle il m'a paru établi. Les voici telles que je les ai extraites des tables abrégées de . M. Largeteau. J'ai placé en regard les dates juliennes et va- gues qui s’appliquaient aux mêmes phases solaires; et j'ai conservé, dans les unes comme dans les autres, les heures minutes, secondes, afin de laisser mieux apercevoir leurs relations d’équidifférence. En appliquant ces deux genres de dates, il est essentiel de se rappeler que le jour julien civil com- mence à minuit, et que le jour civil égyptien commence au lever du soleil, ce qui rend son origine absolue très-variable dans les diverses saisons de l’année solaire. C’est pour éviter d’in- troduire explicitement ces variations dans les énoncés des dates égyptiennes, que j'y ai énuméré les heures à partir de midi, comnie Ptolémée l’a fait par le même motif. DATES JULIENNES. DATES ÉGYPTIENNES. Année de la période WE EE julienne 33738. Solstice d'été. ......... Juillet4, jour 186°.rgl. 1,30*, Thot 6, jour 6°. 7h. 1m,30+, Apres midi. Équinoxe automnal.... Octobre4, jour 278°. 5". gm.51°. Choiak 7, jour 97°.17t. 9m.515, Après midi: Solstice d'hiver... Décembre 3r, jour 366°.r4" .41m.30%, | Phaménoth 6, jour 186°. 2 .41".30*. Aprèsmidi 34720. Équinoxe vernal....:... Avril, jour gr‘.18M. 9m,20", Paoni 7, jour 277°. 6". 7m.30*, Après midi, Ces éléments de discussion étant établis. nous n’avons qu'à en faire l'application aux arcs de visibilité ou d’invisi- bilité que le tableau égyptien attribue aux divers astérismes qu'il mentionne; et par cela seul, sans avoir besoin de les con- TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 573 naître, nous pourrons voir avec une entière certitude si l’on a voulu y marquer des levers vrais ou des levers apparents. $ 17. Je prends pour premier exemple l’astérisme appelé l’é- toile de Sahou. I] paraît pour la première fois le 1° Thot, à la XII heure. Si cette première indication désigne son lever vrai du matin, son lever vrai du soir aura lieu au 181° jour de l’an- née, c’est-à-dire le 1° Phaménoth. La colonne relative à la 1" quinzaine de ce mois est incomplète. Les cinq premières lignes commençant à l’entrée de la nuit sont effacées. Mais, par la série des astérismes qui se succèdent d’heure en heure, dans les lignes restantes, on voit que l’étoile de Sahou, ne devait pas être comprise dans cette colonne. Elle ne l'était pas non plus dans la colonne précédente, celle du 15 Méchir, dont les six premières lignes subsistent. Mais elle est mar- quée à l'entrée de la nuit, à la première ligne de la colonne qui porte la date du 1° Méchir, postérieure au 1° Thot de 150 nuits. La distance de cette dernière apparition à la pre- mière, marquée à la XIIe heure, peut représenter l'inter- valle de deux levers apparents d’une même étoile, pris l’un au commencement, l’autre vers la fin de son arc de visibilité. Mais il ne convient nullement à l'intervalle de deux levers vrais du matin et du soir, qui devrait être de 180 nuits. Main- tenant l’auteur du tableau a-t-il pu légitimement attribuer à cet arc une telle durée ? C’est ce que nous pourrons savoir quand nous aurons reconnu quel est l’astérisme dont il s’a- git. J'ai déjà fait pressentir dans le $ 11 que l'application est d’une parfaite justesse. Mais cette question d’exactitude est indépendante des caractères par lesquels nous venons de décider l'alternative que nous avions à examiner. T. XXIV. 73 574 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE $ 18. Je prends pour second exemple l’astérisme appelé la téte du Lion. Il paraît pour la première fois à la XII° heure le 1° Hathyr, jour 61°; et pour la dernière fois, à l’en- trée de la nuit, le 1% Pharmouti, jour 211°. l'intervalle de ces deux dates convient à des levers apparents compris dans un are de visibilité plus grand que 150°, et qui ne saurait excéder 158° pour aucune étoile. Mais on ne peut y voir l'in- tervalle de deux levers vrais consécutifs du matin et du soir, qui embrasse toujours 180°. Cet astérisme que le tableau nomme la téte du Lion, est marqué, par sa date, comme faisant sa première apparition matutinale 45 jours après celle de Sirius ; et la partie subsé- quente du même groupe, appelée la queue du Lion, fait la sienne 15 jours plus tard encore. Ce groupe est donc entiè- rement distinct du Lion grec, dont toutes les parties, à l’épo- que du tableau, se levaient aussi, à Thèbes, après Sirius, mais à une bien moindre distance de lui. A l'intervalle de 45 jours, toutes les étoiles du Lion grec se trouvent considé- rablement élevées au-dessus de l'horizon oriental; et, à l’in- valle de 60 jours, cet horizon traverse le milieu du corps de la Vierge. Il n'y a donc aucun rapport entre ces constellations grecques et le Lion du tableau égyptien. Aussi verrons-nous plus tard que celui-ci est composé bien différemment. $ 19. On éprouve souvent de la difficulté à déterminer, sur le tableau , l'intervalle complet des levers extrèmes d’un même astérisme: 1° à cause des erreurs occasionnelles de ivanscription, qui sont rendues manifestes par la disconti- nuité de marche dans les quinzaines successives; 2° parce que le dernier lever tombe dans des colonnes totalement effacées ou incomplètes. Ces deux inconvénients se remarquent, par exemple, pour les astérismes appelés les deux étoiles, et les F6 TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. b70 étoiles de l'eau ; lesquels se levant à 15 jours de distance, le 1 Paophi jour 31°, et le 15 Paophi jour 45°, doivent se sui- vre, dans chaque nuit, à une ligne horaire d'intervalle, et avoir leurs derniers levers perceptibles, l’un dans la 1°, l’'au- tre dans la 2° quinzaine de Phaménoth, lesquelles manquent, soit en partie, soit en totalité. Ajoutez à cela que la ressem- blance de notation de ces deux astérismes, et leur succession immédiate dans chaque nuit, ont donné lieu au scribe d’inter- vertir plus d’une fois leurs rangs, par erreur. Néanmoins, à travers toutes ces dérogations à la régularité de l'ordonnance générale, on ne trouvera pas, dans le tableau , deux levers extrêmes d’un même astérisme qui soient séparés par un In- tervalle de 180 nuits, comme cela devrait être si c’étaient des levers vrais. Je ne crois pas nécessaire de multiplier ici da- vantage les preuves de cette assertion. Elles se représenteront à chaque pas, dans les applications que nous aurons à faire. L’astérisme que je viens de mentionner sous le nom des deux étoiles a été identifié, d’après cet énoncé, avec les Gé- meaux grecs. Mais cette identification est inadmissible. Car l’astérisme dont il s’agit est porté sur le tableau comme se levant à la XII° heure 15 jours après Sirius. Or les Gémeaux grecs se levaient alors 36 ou 37 jours avant lui. $ 20. Ce fait général, que les levers marqués dans le ta- bleau égyptien sont des levers apparents, non des levers vrais, se conclut également, et avec plus d’évidence encore, des intervalles d’invisibilité attribués à chaque astérisme. Je prends d’abord pour exemple celui qui est appelé les deux plumes de Nacht. I est mentionné à l'entrée de la nuit , le 1% Thot, jour 1°"; et il reparaît à la XII° ligne horaire le 1% Pharmouti, jour 211°. L’intervalle de ces deux dates est 73, 576 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE 210 jours ou 18oï + 3oi. Il ne convient donc pas à des levers vrais du soir et du matin, entre lesquels le soleil doit décrire 180° de l’écliptique, ce qu’il accomplit en une demi-année solaire, bien moindre que 210!. Mais cet intervalle de 14 quinzaines peut très-bien exister, dans beaucoup de circons- tances, entre le lever apparent d’une étoile à l’entrée de la nuit et sa réapparition ultérieure à l'aube du jour, comme le montrent nos tableaux formés 9. L'intervalle réel de ces deux phénomènes pourrait même être un peu moindre que 210}, sans que l’indication cessàt d’être juste; parce que le lever de l'entrée de la nuit, qui est mentionné en tête de la 1e des 14 quinzaines, peut avoir été suivi d’un petit nombre d’autres encore perceptibles, et appartenant aussi à cette quinzaine-là. L'application des deux dates à des levers vrais est donc inadmissible ; tandis qu’elle est très-naturellement admissible pour des levers apparents. Voici un autre exemple encore plus décisif. L’astérisme appelé le marchepied de Nacht est mentionné à l’entrée de la nuit le 16-15 Hathyr, jour 76°-75°; et il reparaît à la XI: ligne horaire le 1° Épiphi, jour 3o1°, qui commence l’a- vant-dernier mois de l’année égyptienne. L’intervalle de ces deux dates comprend 225 jours, ou 15 quinzaines complètes. Il ne saurait évidemment s'appliquer à des levers vrais. Mais peut-il se réaliser entre des levers apparents ? Nos tableaux du $ 9 montrent que cela n’est possible qu'aux conditions suivantes : 1° si l’astérisme mentionné a pour déterminatrices des petites étoiles, de 2°-3° ou de 3°-4° grandeur; 2° si elles sont tellement situées, que le point de l'équateur qui se lève avec elles soit très-proche de l’équinoxe vernal. Or la date de la réapparition matutinale au 1°* Épiphi annonce déjà l’ac- complissement de cette dernière condition. Car, étant pos- TROUVÉ À THÈBES EN ÉGYPTE. 577 térieure seulement de 23 jours au 7 Paoni, époque où le soleil était dans cet équinoxe, le même astérisme devait faire son lever vrai précédent, à un jour très-proche de celui où le soleil y arrivait. Par conséquent, le point de l'équateur qui se levait avec cet astérisme devait être très-peu distant de celui auquel l’équinoxe vernal est attaché. Quant à la première condition, celle de la petitesse des étoiles, nous verrons qu’il n’y en avait que de cette sorte près de l'horizon orien- tal, dans la partie du ciel où la date donnée nous conduira. Le vague des dénominations, et les irrégularités du ta- bleau, tel que nous l’avons aujourd’hui, ne permettent pas d'obtenir des résultats aussi précis, pour toutes les autres parties de Nacht, et pour quelques autres astérismes qui se prêteraient à la même épreuve. Mais, à travers toutes ces incertitudes, on n’en trouvera pas un seul dont l'intervalle d'invisibilité, conclu de ses dates extrêmes, n'excède de beaucoup 180 nuits, et ne dépasse ainsi considérablement l'espace de temps qui doit s’écouler depuis un lever vrai du soir jusqu’au lever vrai suivant du matin. $ 21. Étant ainsi bien assurés que le constructeur du ta- bleau n’a voulu y indiquer que des levers qui pouvaient s’observer effectivement, et non pas des levers théoriques, _ dont la considération, à de pareilles époques, n'aurait au- cune vraisemblance, il faut chercher comment, d’après quel principe, il a choisi les treize qu’il a marqués dans chaque colonne, et qu'il y fait succéder les uns aux autres par douze intervalles temporaires, dont la durée nous restera ensuite à découvrir. Ce nombre de treize astérismes contenus dans chaque co- lonne égyptienne présente une dérogation considérable du 578 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE type idéal que nous avons construit d’abord, en négligeant l’obliquité de l’écliptique et l’inclinaison de l’équateur sur l'horizon local. Car ce type, établi sur des principes d’ailleurs rigoureux, ne nous fournissait que onze astérismes pour cha- cune de ses colonnes; et l'influence des deux particularités que nous avons alors omises ne peut aller jusqu’à en exiger partout deux de plus. Pour montrer avec évidence que cette adjonction a une autre cause, je forme ici le modèle général d’une co- lonne égyptienne, prise à volonté parmi les 15 premières, où les astérismes introduits à la XII° heure ont tous des ares de visibilité qui embrassent 10 quinzaines de nuits complètes sans jamais excéder ce nombre d’une unité. Je désigne gé- néralement par le symbole A les astérismes qui la compo- sent, en l’accompagnant d'indices numériques qui indi- quent la ligne horaire à laquelle chacun d’eux y est porté. On a ainsi l’ensemble figuratif suivant, dans lequel j'ai seu- lement spécifié les époques physiques assignées aux levers apparents des deux astérismes extrêmes. A, Entrée de la nuit. PAOPHI. _ L'étoile e de ou. | Sothis. oile Le sommet Les étoiles étoiles. de la page 579. (Acad Enregard de la page 579. THOT I Il AALtoile | L'étoile de de Sahou, | Sothis. PAOPHI. HATHIR. CHOIAC. TOBY © a — , ——, I IT I IL I Il il IL Le Les La tête Sa Les Les ser- Le Le pied sommet | étoiles | du Lion.| queue | étoiles | viteurs |serviteur| de des deux | de l'eau, (uLion).] nom- |qui pré-|de Ména.| l'Hippo- étoiles. breuses. | cédent potame. Ména. MECHIR Ier, jour 151°, 1'8 quinzaine. Entrée de la nuit. L'étoile de Sahou...... H°1®, L'étoile de Sothis......... DO00 H°II°. Les deux étoiles.............. H°III®, Les étoiles de l'eau............ H°IV°. Latètedulion............. ô (Sa queue)................. H° V®. Les étoiles nombreuses......... H° VI‘. Le porteur deluth............. He VIe. Les serviteurs qui précèdent Ména. H° VIII. Ména...................e.e. H°IX:. Le serviteur de Ména.......... H° Xe. La jambe de l'Hippopotame..... He XI°. Le milieu de ses jambes........ | He XIIe. Le.........,.......v....esse (Académie des sciences, t. XXIV.) NOMBRE DE NUITS qui se sont écoulées, depuis la 1°° apparition de chaque astérisme, jusqu'à son lever actuel. 100 ccoe réf . 120 .. 10 . 90 dos 9 : 60 REMARQUES, Omise. Iutroduit. Introduit. Dédoublés, du pied. Introduit.. TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 579 Cherchons maintenant à voir comment les diverses lignes de cette colonne pourront être remplies par l’arrivée successive des astérismes qui auront fait antérieurement leurs pre- mières apparitions matutinales à des intervalles relatifs de 15 Jours, puisque tel est le principe d'organisation du ta- bleau égyptien. L'astérisme À,, apparaît pour la première fois comme faisant son lever héliaque à la date marquée en tête de la colonne. L'astérisme A, a fait le sien 150 nuits Où 10 quinzaines de nuits auparavant. Ces 10 quinzaines an- técédentes ne peuvent fournir à la colonne actuelle que 10 astérismes, lesquels, associés à A,,,ne font en tout que 11. Donc, puisque chaque colonne en mentionne 13, il faut necessairement que le constructeur en ait introduit au moins deux nouveaux, dont le lever héliaque propre n’a pas été antérieurement spécifié. Je dis au moins deux, parce que le nombre de ces astérismes intercalés peut s'élever jusqu’à trois, où même plus encore, si un ou plusieurs de ceux qui ‘avaient leur lever héliaque marqué dans les 10 colonnes pré- cédentes, avaient dû être occasionnellement supprimés dans celle-ci par quelque motif que nous ignorons. Cette nécessité d’intercalation que le raisonnement nous démontre avoir été inévitable, s’apercevra manifestement dans un exemple que je vais tirer du tableau même. Il m'est fourni par ses onze premières colonnes qui , heureusement, sont complètes, et plus régulièrement ordonnées que toutes les suivantes. Elles comprennent les 11 quinzaines qui se succèdent en continuité, depuis la 1° de Thot jusqu’à la 1" de Méchir inclusivement. L'extrait que j'en donne ici suffira pour notre but. 580 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE Dans les dix premières colonnes, j'ai pris seulement l’asté- risme qui est désigné comme faisant son lever héliaque à leurs dates respectives, et qui, en conséquence, s’y trouve porté à la XII division horaire. A leur suite, j'ai placé la traduction complète de la 11° colonne, la 1" de Méchir. En marge de celle-ci, j'ai indiqué la provenance des 13 asté- rismes qu'on y voit relatés; soit qu'ils y aient été amenés progressivement, depuis leur première apparition spécifiée à la 15° ligne d’une des 10 colonnes antécédentes, soit qu'ils y aient été introduits additionnellement à ceux-là. Sur quoi il est essentiel de remarquer que les astérismes ainsi inter- calés devront avoir fait leurs premières apparitions à des époques intermédiaires aux autres, et toujours comprises dans les 10 quinzaines de nuits antérieures à la colonne où on les trouve mentionnés; puisque ces 10 quinzaines em- brassent l'intervalle total des 150 nuits affectées aux levers visibles de chaque astérisme. Ainsi, dans notre exemple, tout astérisme qui aurait fait sa première apparition avant le 1° Thot ne pourrait atteindre la 1° colonne de Méchir. $ 22. Examinons maintenant la composition de celle-ci. En tête, à la 1" ligne, est l'étoile de Sahou, qui, ayant fait sa première apparition le 1° Thot à l'aube du jour, et faisant ici la dernière à l'entrée de la nuit se trouve avoir parcouru tout son intervalle de visibilité. Pour la remonter ainsi de la 13° ligne à la 1°, par 11 changements de place, il a fallu qu'a deux reprises on lui en fit sauter occasionnellement une, comme cela est en effet arrivé. Les quatre lignes sui- vantes sont respectivement occupées par les astérismes qui ont fait leurs premières apparitions 1, 2, 3, 4 quinzaines après l'étoile de Sahou. Mais, à la suite de la téte du Lion, le TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 581 dernier de ceux-là, sa queue est omise ; et, à sa place, on a remonté d’un rang les étoiles nombreuses. Cette suppression est immédiatement compensée par l'introduction d’un nou- vel astérisme, le porteur de luth, dont la date de première apparition n’est marquée à aucune des quinzaines précéden- tes, ayant été introduit par intercalation, pour la première fois, à la XIe division horaire, dans la »° quinzaine de Choïak, entre les étoiles nombreuses et les serviteurs qui précèdent Ména. Par là on voit que ce porteur de luth a dû faire sa première apparition entre le 1% et le 15 Choiak, sans qu’on puisse dire précisément à quel jour. Ceci nous ap- prend : 1° que la date du lever héliaque d’un astérisme ainsi intercalé ne peut se conclure par rétrogradation, du rang de la ligne horaire où on le trouve porté dans une colonne, qu'avec une incertitude de 13 jours ; 2° qu'une tolérance de cet ordre peut être légitimement admise, dans l’identilication des asté- rismes pour lesquels le tableau ne nous fournit pas la date pré- cise de leur première apparition ; remarque qui nous sera fort utile pour interpréter plusieurs des astérismes qui précèdent Sothis. Poursuivant l’analyse de notre 11° colonne, entre les serviteurs qui précèdent Ména et le serviteur de Ména, nous voyons intercalé, à titre d’individualité, l’astérisme même Ména, dont la première apparition n’est pas marquée dans les colonnes précédentes, y ayant été primitivement intro- duit avec cette même application intermédiaire à la XI° di- vision horaire, dans la 1"° quinzaine de Toby. De là, comme de sa place actuelle dans notre 11° colonne, nous pouvons inférer que son lever héliaque propre a dù avoir lieu dans l'intervalle du 15 Choiak au 1% Toby. Enfin, une dernière ‘intercalation a été opérée, par le dédoublement du pied de T. XXIV. 7Ü 582 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE l’Hippopotame, en deux astérismes distincts, la jambe de l’Hippopotame et le milieu de ses jambes; l'un et l’autre ayant dû faire successivement leurs premières apparitions à différents jours de la 11° quinzaine de Toby, sans que nous. ayons aucun moyen d'en déterminer plus précisément les dates. En résumé : si l'on considère l'introduction du porteur de luth, comme compensant la suppression occasionnelle de la queue du Lion, il y aura dans notre colonne deux autres astérismes qu'on y a intercalés pour remplir les 13 li- gnes horaires qu'on voulait lui faire contenir ; lesquels vien- nent s’y interposer parmi les 10 qui avaient fait leurs pre- mières apparitions aux dates marquées dans les 10 quinzaines précédentes. Et, pour ces astérismes additionnels, les dates des premières apparitions ne peuvent être assignées que dans une amplitude d'incertitude de 13 jours. $ 23. Quoique ces dates intermédiaires n’appartiennent pas à des commencements de quinzaines, il n’est pas impos- sible qu'un astérisme ainsi intercalé ait son dernier lever de l'entrée de la nuit marqué en tête d’une des quinzaines sui- vantes, et le tableau égyptien offre plusieurs cas pareils. En effet, supposez que l’are de visibilité de l’astérisme in- tercalé embrasse 150° + x, + désignant un nombre positif de degrés qui sera toujours moindre que 15. Si sa première apparition s’est opérée antérieurement à une certaine quin- zaine, mais à une distance moindre que x jours, cet astérisme fournira encore 150 levers, ou plus, qui seront visibles après cette quinzaine-là ; de sorte qu'on pourra légitimement l'ins- crire à l’entrée de la nuit, en tête de la quinzaine ultérieure où ils arrivent. Je prends comme exemple l’astérisme Wéna. À travers quelques fautes de transcription évidentes et faciles PI, V, relative au $ 24 il | ne ÉE ANGLE HORAIRE | DISTANCES | | de < ee du © du lever de Sothis | INDICATIONS IE [4 heure temporaire BHENOMENE, ax is ons be ne ompté de l'horizon| du tabl ARTE | raires qui le com- bleau égyptien. | be ï. | occidental LE nt | äutre | | | ——— | ——— | —— me | Coucher du ©. Origine des heures de la nuit ä | | ucherdu)O" Origine des heures dela nur... 0. 0", 0 A {Fin de la [heure temporaire de la nuit... ce 2, 9".33t | | na les ; Dee AN rl échir IL LH) * { Lever de Sothis leur bre 11. Méchir 1 ever de Sothis,.......... DO oc : 1".14.37 : Entrée de la nuit nelle deux 13li- ————_—_—— D | | | ÿ ïen- / Commencement de la Il° heure temporaire de la nuit... zh | Dre- à d lines t, SJése | Membre 26, Méchir 1"... L'e10 222 Tiever dE (S0this:, 45. me ecrans : av, 11,15 ÉC l* heure tes 0 1 29° qu que Fin de Ja I heure temporaire de la nuit. ; at, 12". | LT Commencement de la I heure temporaire de la . 9°.34' RE / poraire de la nuit 9".34 te 07.53, 10! FES émbre 11. Toby Il‘. 1". 4".47* | Lever de Sothis Mirrerisies ; 3, a.44 BALAOEE Il‘ heure eils, fn: Fin de la Il° heure temporaire de la nuit sitif ie Commencement de la IV* heure temporaire de la » lin- me Mbre 27. L'oby l"....... 1", a",59 Leyeride Sotlias.: essences 5 ; 3", 5om, 3° DÉCECAEE IV: hèure rès ñ Fin de la IV* heure temporaire de la nuit... ...... : j". 11", 50! | ure | na. Commencement de la V* heure temporaire de Ja nuit. les Dübre 12. Choïok 1° Lever de Sothis,.,,,..,. LE = : 4".34".43 cette V' heure Fin de la V* heure temporaire de la nuit Commencement de la VI‘ heure temporaire de la nuit Lever de Sothis., aénsionsas ess s. rh Panne VI heure 03623! Plembre 27. Choiak 1" Fin de Ja VI‘ heure temporaire de la nuit........... 5.54", 19° MINUIT. Commencement de la VIL* heure temporaire de la nuit... 5", 42°. 49° MINUIT. 20" VIII heure. Septembre 12. Athyr Il... 0.59". 8 Lever de Sothis Fin de la VIL heure temporaire de la nuit... ——_—_—_—_—_—_— Commencement de la VII! heure temporaire de la nuit. .39° Lever de Sothis. . . . EEE PÉSETILS HE: "44". 10 SOL IX° heure. | Août 28. Athyr 1......... o*. Fin de la VILL' heure temporaire de la nuit... Commencement de la IX* heure temporaire de la nuit... Later: ARSOMIS, so cree ccm nds mence PE 7.39". 40 Rss X° heure. Août 13. Paophi I... Fin de la IX* heure temporaire de la nuit. ——_—————————…….…"…. …."…"—….…"—…"…—….…"…"….….….…".….…_—.——…—— Commencement de la X° heure temporaire de la nuit... 0°.52".36 Lever de Sothis........:.....-...:.. DEELEEEE 8°.307.43 sense XI heure. Juillet 39. Paophi 1°,,,,.., | Fin de la X* heure temporaire de la nui 8°.45".58" Commencement de la XI° heure temporaire de la nuit... 0!,50,24" .. XI heure. où. 17.3 Juillet 14. Thot 1',,..,.,. 0.51%,55 Lever de Sothis, TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 583 à corriger par la loi de continuité, voici quelle est sa marche. Il est introduit, par intercalation, à la XIe division horaire, dans la colonne du 1* Toby, jour 121°. Sa première appari- tion matutinale doit done avoir eu lieu le jour 121 — x, x étant positif et moindre que 15. Son lever de l'entrée de la nuit est marqué régulièrement au 1° Paoni, jour 271°. Son intervalle de visibilité est donc l'excès de ce dernier quan- tième sur le premier, c’est-à-dire 150 + x. L'organisation du tableau égyptien ne s'oppose nullement à ce qu'il ait été employé ainsi. $ 24. Mais, puisqu'elle ne répugnait pas à ces intercala- tions, que l’on y voit effectivement admises en règle géné- rale, quelle signification astronomique pouvons-nous désor- mais attribuer aux 12 signes horaires, qui sont inscrits en succession dans chaque colonne, comme se suivant depuis l'entrée de la nuit jusqu’à l'aube du jour ? Il n’y a plus à se figurer que ces 12 signes désigneraient des intervalles égaux de temps, qui partageraient en 12 portions égales les 10 heures temporaires comprises entre ces extrêmes. Car, si la condition d’équidistance était remplie pour les asté- rismes qui composent une colonne quelconque, elle ne leserait plus quand on aurait introduit, entre deux de ceux- là, un astérisme intercalaire qui aurait agrandi leur inter- valle primitif, sans changer celui des autres. On peut donc seulement se demander, si l'application de ces signes aux différents astérismes de chaque colonne n'aurait pas quel- que rapport régulier, même approximatif, avec le lieu de leur lever nocturne dans les heures vraies? Voilà le seul mystère qui nous reste maintenant à éclaircir, pour avoir la compréhension intime et complète du tableau égyptien. 74. 584 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE Parmi les tentatives multipliées, et longtemps inutiles que j'ai faites pour résoudre cette énigme, j'en rapporterai une qui n'a pas eu plus de succès que les autres, mais qui était de nature à mettre en comparaison certaine avec le ciel les instants de chaque nuit auxquels le tableau faisait successi- vement apparaitre un même astérisme, quelle que füt la du- rée des intervalles temporaires admis par le constructeur, entre les 13 levers qu'il signale dans chaque colonne depuis l'entrée de la nuit, jusqu'à l’aube du jour. Cette épreuve dé- cisive m'a été fournie par Sirius. Connaissant, dans notre année julienne 3469, les jours et les heures de ses levers, ob- servables, aux deux limites de visibilité ci-dessus assignées, j'ai calculé les époques de ses levers intermédiaires, espacés de quinze nuits en quinze nuits, ce qui m'a donné en tout les 11 que le tableau égyptien mentionne. J’ai porté chacun de ces 11 levers dans l'heure temporaire babylonique qui le contenait lorsqu'il s'est opéré, en ayant égard à la durée propre de ces heures, aux diverses saisons. J'ai obtenu ainsi un état complet de ses apparitions successives, dans chacune des nuits où il est mentionné, état que je reproduis intégra- lement à la suite de ce mémoire dans la planche V. Alors, en regard de chaque époque rigoureusement définie par ce caleul, j'ai placéles divisions horaires que le tableau égyptien assigne au lever de la même quinzaine; et j'ai reconnu indubitablement, par comparaison, que ces désignations n’ont aucun rapport, même approximatif, avec les heures temporaires réelles, dans lesquelles les 11 levers dont il s’agit se sont opérés. Ceci est un résultat de fait, dont chacun pourra se convain- cre, en jetant les yeux sur la planche V, où j'ai exposé ces comparaisons dans tous leurs détails. ete mn en TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 585 $ 25. Renoncçant donc à considérer les signes horaires du tableau égyptien comme désignant des divisions fixes du temps semblables à celles que nous appelons aujourd’hui des heures, j'ai été conduit, par une nécessité invincible, à voir qu'ils avaient une signification d’un emploi infiniment plus simple, dont l'application, indépendante de toute théo- rie, était pratiquement très-légitime, et qui satisfaisait par- faitement à tous les usages, astrologiques comme astronomi- ques, auxquels ce tableau pouvait être destiné. Nous avons reconnu que son ordonnance est astreinte à deux règles générales : 1° on y assigne à chaque astérisme 11 levers visibles au plus; le petit nombre de ces levers que chaque 2 pouvait ultérféurement fournir, étant tacite- ment compris Je 2 11° quinzaine où elle est mentionnée à l'entrée de la nuit; 2 les étoiles qui fournissaient un peu moins de 150 levers visibles ne sont admissibles que dans les dernières quinzaines du tableau où il leur restait moins de 150 nuits à parcourir pour en remplir les colonnes. Pour que ce plan fût exécutable, il fallait que l’équinoxe vernal, où les arcs de visibilité, pour l’horizon de Thèbes, devenaient les plus courts, tombât dans les 6 dernières quinzaines du ta- bleau. Or, justement, l’on avait cet avantage en le construi- sant pour l’année égyptienne que l’on a choisie; parce que son commencement coincidait presque avec le solstice d’été, ce qui rejetait l'équinoxe vernal au 7 Paoni, deux mois et 23 jours avant sa fin. Ce système de construction étant adopté, et la possibilité de son exécution reconnue, l'observation fournissait immédiatement les deux termes extrêmes de chaque colonne. Il suffisait de noter, au commencement de chaque quinzaine, deux astérismes qui fissent leurs levers apparents, l’un à l’entrée de la nuit, l'autre à l'aube du jour, 586 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE ce dernier ayant un arc de visibilité assez grand pour four- nir des levers perceptibles pendant toute la suite des quin- zaines où la construction exigeait qu'il fût mentionné ; con- dition que le ciel offrait toujours les moyens de remplir, en vertu de la distribution actuelle des équinoxes et des solsti- ces dans l’année vague. Si le constructeur du tableau s'était borné à y insérer les levers intermédiaires de ces astérismes extrêmes, dans la série des quinzaines que leurs arcs de visi- bilité embrassaient, il n'aurait eu ainsi que 11 lignes dans cha- cune de ses colonnes ; au lieu qu’il a voulu en avoir 13, affectées à autant de levers d’astérismes distincts, se succédant les uns aux autres pendant les 10 heures temporaires d’obscurité de chaque nuit. Il a obtenu ce résultat, comme nous l'avons vu, en intercalant dans chaque colonne deux ou occasionnel- lement trois astérismes, dont la première apparition était in- termédiaire entre deux quinzaines consécutives. Ces 13 levers de chaque nuit se sont donc trouvés comprendre entre eux 12 intervalles temporaires, dont il a exprimé le caractère succes- sif par un signe horaire commun, auquel est annexé un nombre ordinal, qui marque leur rang relatif, depuis I jus- qu'à XIT inclusivement. Or, pour exécuter cette partie inté- rieure de sa construction, et pour la rendre pratiquement applicable, il n’y avait aucun besoin que ces 13 levers se succédassent, dans chaque nuit, par des intervalles tempo- raires astronomiquement égaux entre eux. Il suffisait qu'ils sesuivissent mutuellement, à des distances convenables, pour signaler dans chaque nuit 13 époques distinctes, qui en subdi- visassent la durée totale d'obscurité, en portions suffisamment nombreuses pour les usages pratiques. Le constructeur avait donc seulement à choisir des étoiles dont les levers fussent répartis dans chaque nuit, conformément à cette condition TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 587 d'ordre relatif, sans s’astreindre à prendre continüment les mêmes dans toutes les quinzaines consécutives ; pouvant au contraire à sa convenance y supprimer occasionnellement un astérisme, le dédoubler, le remplacer par un autre, et faire ainsi au besoin sauter à chacun deux lignes horaires, dans le cours des 10 quinzaines que ses levers perceptibles devaient tout au plus embrasser, afin de les restreindre au nombre total de 11, qu'il devait fournir, quand il faisait sa première apparition matutinale dans une quelconque des 14 premières colonnes du tableau. Ces conditions ne pouvaient être remplies comme elles le sont, dans tout le cours de ce document, que par suite d’une observation très-attentive des arcs de visibilité de chaque étoile, selon son éclat propre, et selon la saison de l’année où son lever s’opérait. Je ne veux pas dire que le constructeur égyptien ait connu ces relations par théorie : cela n’était pas de son temps. Mais il s'y est certainement conformé par pratique, avec beaucoup de jus- tesse, comme on le reconnaîtra dans ce qui va suivre. Par là, son œuvre se montre infiniment supérieure aux notions va- gues et incomplètes que l’on aurait pu déduire du théorème abstrait, énoncé sans démonstration par Autolycus, 900 ans plus tard. On n'aurait pas imaginé qu’une antiquité si haute pût nous offrir un monument d’ observation aussi étendu, et aussi correctement exécuté. $ 26. La distribution purement successive des 13 asté- rismes mentionnés dans chaque nuit, sans aucune fixation définie des intervalles de temps qui les séparent, nous ôte un des éléments les plus certains sur lesquels nous aurions pu nous appuyer, pour les reconnaître dans le ciel. Les seules données d'identification que le tableau nous fournisse, ce 588 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE sont : les dates qu'il assigne aux levers héliaques des astéris- mes inscrits à la douzième division horaire de chaque co- lonne ; la condition de succession intermédiaire à ceux-là, qui est attachée aux astérismes intercalés; enfin les dates affectées aux derniers levers visibles à l’entrée de la nuit, tant des uns que des autres, quel qu’ait été leur mode d'introduction. Cette dernière indication est moins absolue que celle des premières apparitions matutinales, parce que, dans les cas où l’are de visibilité de l’astérisme excédait quelque peu 150°, le petit nombre de levers encore perceptibles qui s’o- péraient dans la dernière quinzaine de son parcours ont dù y être tacitement compris; tandis que la date de la pre- mière apparition matutinale est seulement passible de l'er- reur que l’observateur a pu commettre en la déterminant par expérience, erreur qui a bien pu s'élever occasionnelle- ment à 1 ou 2 jours, en plus ou en moins, même pour des praticiens exercés. Nous manquons malheureusement de ca- ractères qui nous la décèlent quand elle existe, par l’impos- sibilité où nous sommes d’assigner à priori les arcs d'abais- sement du soleil auxquels les astérismes que l’on a voulu mentionner devenaient perceptibles. Ceci toutefois ne com- porte qu'une incertitude assez restreinte, puisque, pour toutes les étoiles visibles à la vue simple, l'arc d’abaissement ne varie qu'entre 11° et 14°, ou 15° au plus, dans des cas très-rares. Enfin, lorsqu'une étoile a été reconnue convenir dans ces limites, dans ses relations de date avec Sirius ou Sothis qui nous est connu, les présomptions d'identité sug- gérées par ces dates et par les indications célestes peuvent ètre amenées jusqu'à une certitude presque entière, si l'on trouve, soit dans les usages religieux, soit dans les monu- TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 589 ments écrits ou figurés, des éléments de détermination ac- cessoires, desquels on puisse raisonnablement inférer que tel astérisme a dù être choisi de préférence à tel autre, quand son lever s'opérait fort approximativement dans les condi- tions de dates et d’intervalles requises par l'ordonnance du tableau. Alors l'archéologie vient en aide à l’astronomie, et, sous ce rapport, l'assistance infatigable de M. de Rougé ne m'a rien laissé ignorer de ce qui pouvait éclairer ces détermi- nations. $ 27. Dans ce travail de discussion critique, il faut se pré- server d’une illusion qui pourrait sembler fort naturelle. Ce serait de croire que les astérismes mentionnés dans le tableau égyptien dussent tous, ou la plupart, contenir des étoiles re- marquables par leur grand éclat. Une telle disposition eût été impossible à réaliser. En effet, ayant admis au nombre de ces astérismes l'étoile déterminatrice du décan Sothis, c’est- à-dire Sirius, on ne pouvait, d’après le mode de construc- tion du tableau, lui associer régulièrement à la XII division horaire, que celles dont les levers héliaques précédaient ou suivaient le sien, à des intervalles séparés entre eux par des nombres entiers de quinzaines de nuits complètes. Supposant donc la première nuit d’une de ces quinzaines assignée par sa date relative, on ne pouvait, à la rigueur, y marquer qu’une des étoiles qui se trouvaient dans l'horizon oriental à la fin de cette nuit-là, concurremment avec un abaissement vertical du soleil qui les y rendit perceptibles à la vue sim- ple, pour la première fois de l’année. Si donc il n’y avait alors dans ce grand cercle de la sphère que des étoiles de 2° ou même de 3° grandeur qui se trouvassent dans ces conditions spéciales, ce qui est arrivé plusieurs fois, comme je le mon- era 7 590 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE trerai dans un moment, il fallait bien, par nécessité, que le choix tombat sur une de celles-ci. En outre, lorsque le ta- bleau mentionne successivement les parties d'un groupe stellaire, naturel où conventionnel, de quelque étendue, comme il le fait, par exemple, pour les personnages astro- nomiques, Sahou, Nacht, et beaucoup d’autres, si l’une des dates de quinzaines amenait le lever héliaque de quelque étoile brillante qui lui appartint, et que cette circonstance eût fait choisir pour l’inscrire dans le tableau à cette date, elle imposait pour les quinzaines suivantes des exigences pa- reilles à celles de Sothis. De sorte qu'il fallait bien se rési- gner à prendre, pour y satisfaire, de petites étoiles, si l'on n'en rencontrait pas d’autres dont les premières appari- tions s’opérassent au jour prescrit. Et encore, lorsque les parties consécutives d’un même personnage se succèdent ainsi à l'horizon oriental, fallait-il que, dans le passage d'une quinzaine à une autre, les étoiles choisies ne fussent pas réparties sur des plages du ciel si distantes entre elles, qu'on ne pût pas naturellement les comprendre dans l’en- semble d’une configuration continue. Sans doute, il n’est pas présumable que l’on se soit toujours astreint, avec une ri- gueur mathématique, à ces exigences des époques des levers, quand on rencontrait près dé l'horizon quelque étoile re- marquable par son éclat, ou par des circonstances tradition- nelles, que sa spécialité rendit désirable .de choisir, et qui püût être rapportée à la date prescrite, sans trop d'erreur. Nous en trouverons des exemples iñdubitables dans les levers de l'entrée de la nuit, dont la limite pratiquement observa- ble, admettait une indétermination de quelques jours. Maïs, ne connaissant pas l'étendue de la tolérance que l'on a cru TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. bgi pouvoir se permettre, en principe, dans de tels cas, nous de- vrons nous borner à signaler, comme possibles, les ambigui- tés d'identification qui en résultent, en attendant que l’étude de monuments qui pourront être ultérieurement découverts fournisse des indications plus précises pour les décider. $ 28. Ayant rassemblé tous ces éléments théoriques et critiques de nos déterminations, je vais chercher d’abord à reconnaître quelques-uns des astérismes que notre tableau désigne comme faisant Jeur première apparition matutinale sur l'horizon de Thèbes, avant celle de Sothis; et, pour fa- ciliter l'intelligence des raisonnements que je vais leur ap- pliquer, je transcris ici toute la colonne, datée du 15-16 Thot qui les contient avec lui, en renvoyant le lecteur à la traduc- tion générale annexée à ce mémoire, lorsque j'aurai besoin de m’appuyer sur des indications prises dans la colonne pré- cédente, ou dans celles qui suivent. Mois de Thot 16 — 15, qui est une fête. Commencement de la nuit, Sommet de Nacht. Heure [r° sa nuque. Heure Il° son dos. Heure IIT° son genou. Heure IV° son marchepied. Heure V° Sara (*). Heure VI® la tête de l'Oie. Heure VII son derrière. Heure VIIT l'étoile de Choou. Heure IX° l'étoile de Ari. Heure X° la tête de Sahou. Heure XI° l'étoile de Sahou. (Aube du jour) Heure XII° l’étoile de Sothis. (*) Get astérisme, et celui qui est marqué ici à la IX* division horaire, Tia 592 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE J'ai à peine besoin de rappeler que les divisions horaires annexées aux divers astérismes n'indiquent pas des inter- valles de temps égaux, mais seulement l’ordre dans lequel leurs levers se succèdent depuis le commencement de la nuit jusqu'à l'aube du jour. $ 29. Enfin, j'annexe ici un document numérique dont l'emploi va nous devenir à chaque instant nécessaire. Il pré- sente, par ordre de dates, le mouvement vrai du soleil en longitude, dans l'intervalle de toutes les quinzaines du tableau égyptien, dont les colonnes sont encore assez bien conservées pour que j'aie tenté d'y appliquer une discussion suivie. Ces mouvements ont été déterminés par M. Picqué, examinateur d'admission à l'École militaire de Saint-Cyr, d’après les ta- bles du soleil de Delambre, pour l’année de la période julienne 3469", qui est celle dans laquelle j'ai calculé les levers de tous les astérismes que l’auteur égyptien a mentionnés. C'est en- core un service essentiel que je dois à l’obligeance de ce pa- tient calculateur. échangent fréquemment leurs dénominations, et chacun d'eux est appelé, dans le tableau, tantôt Sara, tantôt Ary, indifféremment. Mais, dans ces mutations, ils conservent toujours leur même place parmi les astérismes entre lesquels ils sont insérés; et ils conservent aussi une marche propre dans la série des colonnes, ce qui permet de les distingner toujours l’un de l’autre, sans aucune équivoque, quand on les suit individuellement. On s'en convaincra par l'usage que nous ferons de ces signes de reconnais- sance. TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 593 LONGITUDES - du soleil à ob, ARCS temps moyen de CONCORDANCE DE L'ANNÉE ÉGYPTIENNE Paris, correspondantes aux mêmes dates juliennes à Thèbes ee de jour à Thébes dans les années d’essai 6 Hn. 34698 — 3470. A de 10 heures semi-noclurnes avec la julienne, temporaires dans les années 34738 — 3474C. Époque du tableau de Rhamsès VI. 10 H». Thot r 16—15 Paophi r 16—15 Hathyr 1 16—15 Choïak 1: 16—15 Toby 1 16—15 Méchir 16—15 Phaménoth 1 16—15 Pharmouti r 16—15 Pachon 1 16—15 Paoni 1 16—15 Épiphi r 16—15 Mésori 1 16—15 Épagomène 1 . 106€— 105€ ‘121 . 136—135e Da atC . 166°— 165€ . 181° . 196—195° . 226°—225° .. 241e . 256°—255e are .. 286°— 285e Pos tue . 316°—315e .. 346°—345e Juillet... 14 29 Aoùt..... 13 28 Septembre 12 27 Octobre.. 12 27 Novembre 11 26 Décembre. 11 26 3474C. Janvier .. Février... Mars..... jour r36e 1 101€ . 166€ . 181e . 196€ . 211° . 226€ . 241° . 256€ 2710 . 286° . 3o1e . 316€ . 33re - 346° . 361° jour ro 0 [ [12 41.28.10 55.44. 8,3 70. 1.33,2 84.21.28,5 94.46.30, .55,0 127.56.47,7 :45,9 157.38.49,r .34,5 187.50.55,6 203. 5.26,9 218.22.56,6 233.41.42,3 248.58.34,3 130.58 .56,6 129.38. 129.48. 131.29. 134.27. 136.37. 142.50. 147.37. 152.32. 157.23. 161.57. 165.55. 168.5r. 594 SUR UN CALENDRIER ASYRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE Dans mon premier mémoire, j'ai choisi l’année de la période julienne 3473", pour y rapporter l’époque absolue de notre document, parce que ce choix donnait le plus destabilité pos- sible à la date qu'on lui attribuait. Toutefois, comme les le- vers, tant vrais qu'apparents des étoiles, dans un même lieu, restent pendant très-longtemps attachés aux mêmes dates juliennes de jour, j'avais pu, sans craindre aucune erreur, les calculer pour l’année 3469’, qui ne diffère de celle-là que par une période quadriennale, et que j'avais prise, dans l’ori- gine, à titre d'essai. J'ai usé ici de la même liberté, afin d’u- tiliser tous les éléments de calcul qui se trouvaient déjà dé- terminés dans mon premier mémoire. Seulement, pour que l'application de ce mode de transport soit légitime , il faut d'abord établir les concordances des jours égyptiens et juliens, pour l’année julienne même que l’on admet comme époque, et qui est ici 3473"; puis, conservant les mêmes dates ju- liennes de jour, on les applique à l’année semblable qui en est peu distante, comme est ici notre année d'essai 34697. C'est d’après ces principes qu’on a disposé les colonnes du tableau inséré à la page précédente. La première contient les concordances de jour pour l’année 3473; la seconde contient les longitudes du soleil, pour les mêmes jours ju- liens de l’année 3469". J'y aï joint, quand je l’ai jugé utile, les valeurs correspondantes de l’arc semi-nocturne et de l’are qui comprenait 10 heures temporaires actuelles à Thèbes ; ce dernier exprimant l'intervalle moyen des leversextrèmes d’une mème nuit, restreinte à ses 10 heures temporaires d’obscu- rité, Sa connaissance nous fournira un élément de vérification d'une extrème importance, et d’une application continuelle pour confirmer les uns par les autres les résultats que nous TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 595 aurons déduits isolément des premières apparitions matuti- nales de chaque astérisme. Ces rapprochements auront d’au- tant plus de force, que l’are de 10 heures temporaires éprou- vait de grandes variations aux époques diverses de l’année. De sorte qu'en voyant les résultats du document égyptien s'y adapter toujours exactement , on sera bien obligé de conve- nir, d’une part, que l’auteur en a tenu compte, ce qui n’était pas une des moindres difficultés dé son œuvre; et, de l’autre, que nous l'avons fidèlement interprété. Mais l'emploi de ces documents rigoureux avait besoin d'être dirigé par des aperçus approximatifs, et pour ainsi dire, visuels. $ 30. Reconnaître dans le ciel des étoiles isolées, ou des groupes stellaires formés conventionnellement, sans savoir autre chose sur eux que les dates des jours où ils se lèvent dans une année connue, et les dénominations qu’on leur a données , c'est un problème dont l’indétermination est trop grande pour qu'on puisse l’attaquer directement par le cal- cul mathématique. Ce caleul ne péut y servir qu'après que la question a été restreinte par des procédés d'investigation gé- néraux, qui indiquent, au moins avec vraisemblance, les ob- jets célestes auxquels il faut l’appliquer. J'ai employé pour cela deux moyens préparatoires, qui m'ont été d’un grand secours. Le premier m'a été fourni par un instrument que j'ai fait construire il y a bien des années pour la Faculté des sciences de Paris, et qui, par sa disposition, comme par la perfec- ton avec laquelle il est exécuté, peut, dans de semblables recherches, guider très-utilément , très-sûrement le calcul, même souvent le remplacer. C’est un globe céleste, dont l'axe équatorial est rendu coniquement mobile autour du pôle de 596 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE l'écliptique, de manière que l’on puisse à volonté amener et fixer les pôles de la rotation du ciel sur les directions suc- cessives que la précession leur assigne parmi les étoiles, aux époques diverses que l’on veut considérer. Le même axe équa- torialentraîne avec lui des cercles métalliques gradués, repré- sentant son équateur, ses colures solsticiaux, et les cercles de déclinaison rendus mobiles autour de ses pôles; de manière à marquer sur le contour de l'équateur les ascensions droites actuelles des étoiles sur lesquelles on veut les diriger, et à donner en même temps leurs distances polaires. Cet ins- trument, ainsi armé, a, dans les recherches d'astronomie an- cienne, une utilité si grande, que j'ai cru devoir le décrire en détail, avec des figures, au tome IV de mon 7raité d’as- tronomie , p. 641 et suiv., en expliquant la manière de l’ajus- ter à la latitude de chaque lieu, ainsi qu'à l'époque précise pour laquelle on veut reconstituer l’état du ciel. Je l'ai donc adapté par ces procédés à la latitude de Thèbes et à l’année de la période julienne 3473", que nous avons reconnue être celle de notre tableau. Puis, afin d’éprouver jusqu'à quel point je pouvais me fier à cet instrument, j'ai dirigé le cercle de déclinaison mobile sur Sirius, et j'ai trouvé ses coordon- nées équatoriales sensiblement les mêmes que je les avais ob- tenues par le calcul à la page 87 de mon premier mémoire , où je les ai désignées par a”, d”, avant d’y avoir appliqué les effets de la réfraction et du mouvement propre, dont le globe ne tient pas compte. Toutefois, même avec ces restrictions, la comparaison ne peut être qu'approximative, parce que le globe suppose l'obliquité de l’écliptique constante, tandis qu'à l’époque de notre tableau elle était de 24° plus grande que de nos jours. Pour seconde épreuve, j'ai amené Sirius à PO © à de Bo mr ER EE = | 5 omntées EE TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 597 l'horizon oriental du globe; puis j'ai relevé la longitude Ldu point de l’écliptique, ainsi que l'ascension droite a, du point de l'équateur qui se levait avec lui. Je les ai trouvées encore aussi approximativement pareilles aux valeurs calculées. Ceci prouvait donc que les indications du globe suffisaient pour reproduire, aussi fidèlement qu’il était nécessaire, les élé- ments célestes d’après lesquels le document égyptien a été construit. Néanmoins, quand j'entrerai dans le détail des ap- plications, on verra que je n’emprunte jamais à cet instru- ment qu'une seule donnée graphique, laquelle se lit avec autant de facilité que d’exactitude sur son équateur métal- lique divisé. C’est l’ascension droite a, du point de cet équa- teur qui se lève avec l'étoile que je veux considérer. De là, par deux formules très-simples , appropriées au temps et au lieu où les observations ont été faites, je déduis rigoureuse- ment la longitude L du point orient de l’écliptique et l’in- clinaison I de ce plan sur l'horizon local ; ce qui fournit tous les éléments nécessaires pour le calcul des levers héliaques, en ayant égard à la variation séculaire de l’obliquité, qui se trouve naturellement introduite dans les deux formules em- ployées. Cette réduction des données graphiques à une seule, qui se lit, avec une précision presque astronomique, sur l’é- quateur mobile et divisé, rend la détermination de tous les éléments du calcul très-facile, et y introduit un degré d’exac- titude que l’on ne pouvait pas atteindre en se servant des instruments analogues exécutés antérieurement. $ 31. Mais les dénominations fournies par le tableau égyp- tien n'indiquent pas toujours des étoiles ou des groupes stellaires isolés. Elles désignent fréquemment des parties d'animaux ou de personnages, quelquefois très-étendus, dont T: Ne 76 598 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE l'application astronomique était sans doute définie conven- tionnellement à titre d'ensemble. Alors, quand on a amené dans l'horizon oriental du globe le point de l’écliptique assi- gné par les dates comme devant se lever avec ces groupes stellaires conventionnels, on éprouve beaucoup plus d’indé- termination à les reconnaître parmi la multitude des étoiles qui se trouvent simultanément à cet horizon. Dans de tels cas, je me suis aidé très-utilement de l’atlas céleste composé par Flamsteed; on y voit toutes les constellations de la sphère grecque représentées dans leurs rapports de position et de forme avec les figures d'hommes et d'animaux qu'on leur avait associées. Ce n’est pas qu'il y ait la moindre ressem- blance, la moindre analogie entre ces figures et celles qu’a- vaient imaginées les astrologues égyptiens au temps de Rhamsès VI: Mais l’idée de personnification étant commune, les séries d'étoiles, souvent fort petites, qui présentaient dis- tinctement des formes droites ou courbes, ont dü, aux deux époques, affecter les yeux et l’esprit de la même manière. Donc, si la spécialité de leur configuration a paru assez mar- quée aux uns pour en faire un groupe particulier auquel ils auront approprié certaines parties de leurs emblèmes figuratifs, il y a toute raison de croire que les autres ont pu en faire une application pareille à des emblèmes différents; et cette présomption nous autorise presque indubitablement à identifier ces groupes dans les deux systèmes, lorsque les dates égyptiennes amènent à l'horizon oriental quelques- unes de leurs parties, qui, si on les considérait isolément, ne présenteraient plus un caractère d'ensemble saisissable. Ce principe trouvera plus d’une fois son application dans ce qui va suivre. gr 2j fe fie TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 59g $ 32. Muni de ces deux procédés indicateurs, je reprends l'étude de la colonne du 16-15 Thot, que j'ai transcrite $ 28 ; et je considère d’abord l’astérisme qui est marqué à la XI° di- vision horaire, commese levant le premier avant Sothis, dans cette nuit-là. Il est appelé l'étoile de Sahou, ce qui le désigne comme une étoile unique. À la ligne horaire immédiate- ment précédente, est mentionné un autre astérisme appelé le sommet de Sahou ; d’où l’on voit que les deux font partie d’un même groupe stellaire, dont Sahou était le nom d’en- semble. En effet, sur les représentations astronomiques dé- couvertes dans le tombeau de Séthos 1% et ailleurs, en avant de la déesse Isis, accompagnée de l'étoile déterminatrice du décan Sothis, c’est-à-dire de Sirius qui lui était de tout temps consacré , et comme, la précédant immédiatement dans le ciel, on remarque un personnage mâle, appelé aussi Sahou LE tout environné d'étoiles, que sa position rela- tive, sa grandeur et son attitude animée ont fait identifier conjecturalement, mais non sans vraisemblance, à l'Orion grec; assimilation qu’il faut sans doute restreindre à l’en- -semble de ce groupe, le plus brillant du ciel, sans l’étendre aux limites artificielles que les Grecs lui ont données. Réser- vant donc ces analogies, pour servir de confirmation à des preuves positives, si nous en trouvons de telles, je vais cher- cher à reconnaître l'étoile de Sahou, dans le ciel, d’après les seuls caractères que le tableau égyptien nous fournit. $S 33. Dans la colonne immédiatement antérieure à celle que nous étudions, ce même astérisme est porté à la XII° di- vision horaire. Ceci le désigne donc comme faisant sa pre- mière apparition matinale à la fin de la nuit du 1° Thot, 76. 600 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE quinze jours avant celle de Sirius. Cette indication s'accorde avec la marche qui lui est attribuée dans les colonnes sui- vantes. Car, à celle du 1% Méchir, jour 151°, il est porté à la première ligne, comme se levant à l'entrée de la nuit, après avoir parcouru ses 10 quinzaines de visibilité, La fixa- tion de son lever héliaque au 1* Thot est donc un élément certain du tableau. Il s’agit maintenant de voir comment on pourra l'employer, pour reconnaître cet astérisme dans le ciel. $ 34. A ceteffet, rappelons-nous la série des opérations par lesquelles on résout le problème inverse. Quand on veut déterminer le jour auquel une étoile désignée S se lève hé- liaquement, dans une certaine année julienne, sur l'horizon d’un lieu défini, il faut calculer : 1° la longitude L du point de l’écliptique qui se trouve simultanément avec elle à cet horizon ; 2° l'arc e de ce grand cercle que le soleil devra ultérieurement décrire, afin d’atteindre le degré d’abaisse- ment vertical H auquel l'étoile deviendra perceptible à l'ho- rizon oriental, pour la première fois. Cet abaissement varie avec l'éclat de l'étoile. Comme limites extrèmes, je l'évaluerai - approximativement à 11° pour les étoiles de 1" grandeur, et à 13°.30’ ou 14° pour celles de 2°-3° grandeur. Ces der- nières sont les plus petites que l’on puisse aisément apercevoir à la vue simple; et, dans un calendrier usuel, à moins d’une obligation toute particulière, il ne serait pas convenable d’en mentionner de moindres, qu'il serait trop difficile de distin- guer. La relation de l'angle H avec l’arc e dépend de l'angle I que l’écliptique forme avec l'horizon oriental du lieu, lors- que l'étoile considérée se trouve amenée dans ce plan par la C1 dE CRT ner TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 601 rotation diurne du ciel. Le calcul fait connaître cet angle I. Alors, quand on s’est donné l’abaissement vertical EL, l'arc e s'obtient par la formule : (e) sin e — La longitude du soleil, au moment du lever héliaque de l’é: toile S, est L+ e. On connaît donc sa valeur. Il ne reste plus qu’à chercher, par les tables de cet astre, à quel jour de l’année désignée il l’atteint. $ 35. Dans notre investigation actuelle, nous ne pouvons pas assigner à priori les arcs L, H, et l'angle I, puisque l'étoile à laquelle ils doivent s'appliquer nous est inconnue. On nous donne seulement le nombre de jours qui séparent son lever héliaque de celui de Sirius, dont la date julienne absolue a été déterminée par un calcul préalable. Il faut donc exprimer généralement cette condition d'intervalle, pour voir les indications qu’elle nous fournira. Elle se trouve gé- néralement remplie dans le tableau du S 29, où l’on à trans- formé les dates vagues des levers en dates juliennes, déduites de celle du 14 juillet, à laquelle le lever héliaque de Sirius s’est opéré dans l’année de la période julienne 3473", à la- quelle nous avons rapporté la confection du tableau égyp- tien. Sachant d’ailleurs que les dates juliennes des levers hé- liaques d’un même astérisme restent pendant longtemps fixes, nous pourrons les considérer sans erreur appréciable, comme appartenant à notre année d'essai 3469. Cela nous permettra de leur appliquer les longitudes du soleil don- nées par les tables, pour les diverses quinzaines égyptiennes de cette année-là, et que nous avons eu besoin de calculer pour suivre les apparitions de Sirius, ce qui nous évitera de 602 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE recommencer ce pénible travail. Alors, connaissant la date julienne à laquelle chaque astérisme égyptien a dû faire sa première apparition matutinale sur l'horizon de Thèbes, nous n’aurons qu'à prendre dans le $ 29 la longitude du so- leil qui correspond à cette date et à chercher, dans le ciel, les étoiles ou les groupes stellaires dont le lever héliaque peut y convenir. $ 36. Je vais appliquer cette méthode à la recherche de l’astérisme que l'auteur égyptien appelle l'étoile de Sahou, et l'exposition que j'en ferai pour celui-là servira pour tous les autres. Sa première apparition matutinale, anté- rieure de 15 nuits à celle de Sirius, est marquée au 1° Thot qui concorde avec le 29 juin julien. A cette date, la longi- tude du soleil dans notre année d'essai était 84°.21'.28",5, à o° temps moyen de Paris compté de minuit, ou 2° 1" sous le méridien de Thèbes. Soit + l'intervalle de temps moyen qui a dû s'écouler, depuis cette origine, jusqu’au moment où l'astérisme considéré a pu être aperçu à l'horizon oriental. Si l'on suppose + exprimé en heures équinoxiales, et que l’on désigne par "le mouvement horaire actuel du soleil en longi- tude, celle de cet astre à l'instant de l'observation sera 84°.21.28",5 +m'r. Ainsi, en adoptant les désignations in- troduites dans le $ 29, elle devra se trouver égale à L+e; ce qui donnera analytiquement : (L) L+e—84.21.28/,5 + m'r. r nous est inconnu. Mais comme il ne peut s'élever qu’à 2 ou 3 heures au plus, le produit »"7 ne dépassera pas 4 ou 5 mi- nutes de degré, que l’on pourrait très-bien négliger dans cette première approximation, sauf à en tenir compte dans une pie ris"; dt api Je ; Sr * TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 603 appréciation ultérieure, comme je l’ai fait pour Sirius, dans mon premier mémoire. Quoique les identifications que nous avons en vue d'obtenir n’exigent pas absolument cet excès de rigueur, puisqu'elles ne peuvent être sûres qu’autant qu’elles ne dépendent pas de si petites quantités, je pousse- rai le soin jusque-là, pour la clarté de l’exposition plutôt que pour une utilité réelle. Je conserverai donc le terme m"+ qui complète la valeur théorique-de L; et, dans les calculs définitifs, je lui attribuerai la valeur numérique qu’il doit avoir dans chaque cas, en supposant que les premières appa- ritions matutinales soient observées 5" avant la fin de la XI° heure temporaire de la nuit, ce qui doit s'éloigner très- peu de la vérité. L’arc e reste encore inconnu dans L, puisque nous igno- rons le degré d’abaissement H qui convient à l’ordre d'éclat de l'étoile cherchée, ainsi que l’angle I que l’écliptique forme avec l'horizon au moment où elle se lève. Mais, pour une première opération approximative, nous pouvons restrein- dre cette indétermination dans des termes assez étroits. En effet, le lever que nous considérons ne précédant que de 15 jours celui de Sirius, l’angle I sera seulement un peu moindre que [, qui était sa valeur alors, parce que, à cette distance de l'équinoxe vernal, il diminue en même temps que L. Négli- geons la différence dans une première approximation, et donnons à I la valeur 60°.30'.23", qui est celle de L,, quand on ne tient pas compte de la réfraction (*). Si l'étoile cher- (*) Gomme le globe ne tient compte ni des mouvements propres, ni de la réfraction, j'ai calculé de nouveau les éléments du lever héliaque de Si- 60/4 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE chée est de 1° grandeur, on devra prendre par aperçu H=—11°. Si elle est de 2‘-3° grandeur, on pourra supposer H—1 50.50". En calculant, dans ces deux suppositions l'arc e, par l'équation (e) du $ 34, sa valeur véritable sera comprise entre elles. Nous aurons ainsi très-approximativement : Si l'étoile cherchée est de 1'° grandeur : C—1209 474; et, par suite: L—7:1°.41".41". Si elle est de 2°-3° grandeur : e—11)°- 594260; et, par suite: L—68. 48. 2. $ 37. Pour tirer parti de ces résultats, j’amène dans l'horizon oriental du globe le point de l’écliptique qui est intermé- diaire entre ces deux longitudes. Puis je regarde si, dans cet horizon, ou à peu de distance, soit au-dessous, soit au-des- sus, le ciel présente quelque étoile qui se distingue des au- tres par son éclat propre, ou comme partie essentielle d’un groupe stellaire naturellement défini. Je n’en trouve dans ces conditions qu'une seule x d’'Orion de 2° grandeur, qui est placée vers la pointe de l’épée de l’Orion grec, et forme la rius, pour notre année d'essai 3469", dans ces suppositions restreintes ; et j'ai trouvé à l'instant de ce phénomène ; 1 Ascension droite du point orient de l'équateur. .......... ado) — 74°.46!.23/" Longitude du point orient de lécliplique.............. L, —87°.18.46" Inclinaison actuelle de l'équateur sur l'horizon de Thèbes.. 1, — 60°.30'.23. Le globe a reproduit ces valeurs avec toute la précision que peut at- teindre un instrument pareil, ce qui m'a fait voir que je l'avais très-bien ajusté au temps et au lieu ; de sorte que l’on pouvait se fier à ses indica- tions. TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 605 pointe australe du quadrilatère de cet astérisme, la plus pro- che de Sirius. Voyant donc que l'étoile de Sahou semble s'identifier mieux que toute autre avec ce x, je soumets celui-ci à une épreuve spéciale, qui nous apprendra décidément s'il peut ou ne peut pas convenir. À cet effet je l'amène, avec toute la précision possible, dans l'horizon oriental du globe, et je lis, sur l'équateur mé- tallique divisé, l’ascension droite a, du point de l'équateur qui se lève avec lui. Cette lecture me donne : CRT ER 1 Ceci est la seule donnée graphique que j'emprunte à l’ins- trument. Au moyen de deux formules très-simples que je rapporte ici en note (*), et qui sont appropriées au lieu ainsi qu'à l’époque du tableau égyptien, j'en déduis rigou- reusement : [— 53.34.22"; L — 70°.20'.49". ————_—_—_—_—_—_—_—]——"—""""" (*) En conservant toutes les notations employées dans la note 2 de mon précédent mémoire, on a généralement : sin @; Cos cos 1=— cos a; sin w’ cos À + cos w’ sin L; et en outre : sin L— Tr Sous la latitude de Thèbes et à l'époque de notre tableau, les coeff- cients coristants de ces formules ont les valeurs suivantes : log sin w' cos — 1.5617253; cos w' sin 4 == 0,39658 9637; log cos À —1,9549610. Quand à, est donné par le globe, pour l’étoile que l'on veut considérer, on calcule d’abord cos I, ce qui fait connaître l'angle I; après quoion en déduit sin L et l'arc L. Les valeurs que j'ai attribuées aux coefficients se forment avec facilité d'après les éléments numériques de leurs facteurs, établis dans les pre- mières pages de la note 2 que j'ai citée. T. XXIV. 77 606 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE En égalant la valeur ainsi obtenue de L à l'expression géné- rale du même élément formée $ 36, la valeur de l’inconnue e qui y correspond se trouvera déterminée, puisqu'on devra avoir : 70°.20'.49" + e —85°.21".28",5 +m'r. D'où l’on tire: e—= 14°.0'.39",5 + m'r. Si l’onse donnait l'heure de l’observation + serait connu, et la valeur de e pourrait s’évaluer complétement en nombres. C'est ainsi que nous avons opéré pour Sirius, dans mon pre- mier mémoire, comme on peut le voir au $ 14 de la note 2. Admettons, à titre de convention générale, que l'étoile ait dû être observée 5" avant la fin de la X[° heure tempo- raire nocturne, c’est-à-dire à 5H, — 5" après minuit. La lon- gitude du soleil donnée par les tables répond à 2° 1", comp- tées de la même origine. Ainsi + sera égal à 5H,— 2° 6" en temps, ou 5H, — 31°.30° en arc. Or le tableau formé $ 29 donne ici, pour le 29 juin: DH} — 64240014; d'où retranchant 31° 30’, il reste: LS 00 TOR Ts 2 CE = rire La longitude vraie du soleil pour la même date est également exprimée au $ 29. Avec cet argument la table XXXIIT de Delambre donne le mouvement horaire : IR —TADÈE (*) La réduction de la longitude du soleil à l'heure du lever héliaque, TROUVÉ À THÈBES EN ÉGYPTE. 607 De là on tire : m''r = 5'.17",8 estimée approximativement comme nous venons de le faire dans cet exem- ple, devra être appliquée à tous les cas analogues. Dans cette prévision il ne sera pas inutile d’en calculer d'avance les valeurs, pour les deux sup- positions extrêmes où le lever aurait lieu précisément, soit au solstice d'été, soit au solstice d'hiver. C’est ce que je vais faire en admettant tou- jours la même convention, que l'observation est faite 5” avant la fin de la XIe heure temporaire de la nuit. Les éléments fondamentaux de ce calcul sont : L’obliquité actuelle de l’écliptique......... w’ —23°.51/.44/!;7 La hauteur du pôle sur l'horizon de Thèbes.. k —25°.42 .0". Avec ces données on trouve : AU SOLSTICE D'ÉTÉ. AU SOLSTICE D'HIVER. 6Hp.... 77.42.29" 102°.17/.30" 10Hn.... 1290.30'.48" 170°.29'. 12" 5 Hn.... 64.45.24" 85°.14!.36/ En opérant sur ces valeurs de 5H, comme il est dit dans le texte $ 36. on en tire : : Ë 330.15/.24" À 2 53°.44/.36" Au solstice d'été: 7 — EE =92b130,1°,6—0h,219111 | Ausolsticed'hiver:T7— ET —3t ,34m.58",4— 3h ,58229 or, on a alors par les tables. ...... de AT m'—143,66 or, on a alors par les tables. .... Serena ot ml =152/,84 CHROME EE. Sacpede TT 20 272 NN IAONC 0 HÉBESES mx = 547,5 —=9".7",5 Quand je composai mon mémoire, je ne supposais pas que les observa- tions égyptiennes pussent être assez précises, pour qu'il valüt la peine d’appliquer à chacune d’elles la valeur propre de m"7 qui convient à sa date. En conséquence je me bornai à employer, pour toutes, la valeur constante m7 — 5.24" que je jugeai approximativement suffisante; et je ne songeai à y introduire le mode de rédaction conventionnel exposé au $ 37 qu'après que tous les calculs étaient faits et mon mémoire entière- 77: 608 sUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE et, par suite, la valeur complète de e devient : BEA 0 DO, d’où l’on tire par l'équation (e) : Hal Aro male Cette valeur de H exprime l’abaissement vertical du soleil sous l'horizon oriental de Thèbes, lorsque x d’Orion s’est trouvé dans cet horizon le 29 juin au matin. Il a pu très- bien y être aperçu dans de telles circonstances par un ob- servateur exercé, doué d'une bonne vue, qualités que lPau- teur égyptien paraît avoir réunies. Si l’on voulait supposer 1 jour d'erreur, en sorte que l'étoile aurait dü être percep- tible 1 jour plus tôt, où 1 jour plus tard, qu'il ne l'a mar- quée, il faudra faire : — + 24, ce qui donnerait pour le produit m'+, = 5714", qui était le mouvement diurne du soleil au 29 juin. Appliquant donc successivement ces deux modifications à la valeur précédente de e, chacun dans leur sens propre, on aurait : ment rédigé, Quoique l'application des valeurs de m°+ ainsi évaluées pour chaque lever fût sans doute préférable, elle pourrait tout au plus modifier occasionnellement de 2 ou 3 minutes les valeurs de l'arc de longitude e et de l'arc d'abaissement H, obtenues avec l'emploi de la constarite 5°.24", ce qui laisse subsister, sans aucun changement, toutes les identifications auxquelles je suis arrivé. Je n'ai pas eu le courage de recommencer un si pénible travail, pour y faire des corrections numériques, dont les résul- tats ont si peu d'importance. Je me suis borné à mettre en note les valeurs de mr, calculées selon la convention ici introduite, en laissant au lecteur qui aurait la curiosité d’en faire usage, le soin d'en déduire les ares e, H, qui conviennent à chacun des cas que j'ai discutés. TROUVÉ A THÈBES EN EGYPTE. 60 le] our le 28 juin e— 13°. 8/.44/; our le 30 juin e — 150.3'.12/; P j p j HE loke ÿ À de : où l'on tirerait respectivement, par l'équation (e): H—10°.32'.38" ; natale La première de ces valeurs de H est inadmissible, comme beaucoup trop petite pour une étoile de 2° grandeur. Ainsi l'observation ne peut pas être reculée au 28 juin. La seconde valeur de H ne serait pas incompatible avec une portée de vue ordinaire ; ainsi l’observation pourrait n'avoir été faite que le 30 juin. Mais, dans l'incertitude où nous sommes sur l'aptitude physique de l'observateur égyptien, il n'ya au- cune raison qui nous autorise à rejeter la date qu’il a donnée. $ 38. Cette identification peut être soumise à une autre épreuve tout à fait indépendante des précédentes. Selon le tableau égyptien, l'étoile de Sahou fait sa première appari- tion matutinale le 1°" Thot, jour 1°; et son dernier lever de l'entrée de la nuit, le 1° Méchir, jour 151°. Ces deux dates extrêmes comprennent entre elles 150 jours. Donc, en ad- mettant que l’astérisme ainsi désigné soit x d'Orion, et qu’on lui applique les valeurs corrigées de H et de e, ici trouvées. sera-t-il vrai que son arc de visibilité aura embrassé effecti- vement 150 jours ? C’est une question essentielle à examiner; et il est facile de la résoudre d'après les principes que nous avons établis aux $$ 8 et 9. La valeur de e conclue de l'équation {L) nous donne... ne —"asosryt 56! De là on tire l'arc de visibilité. ...,,...,...,.... ... 1800 — 2e — 151°.48'. 4" Maintenant, notre tableau du $ 29, construit d’après les tables du soleil de Delambre rectifiées pour la précession, nous fournit les longitudes suivantes du soleil, à 2° 1" de temps moyen au méridien de Thèbes : 6:0 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE 1e Thot, juin 29, jour 181€ ......, O= 84°.21'.28",5 4 1e" Méchir, novembre 26, jour 331° ....... © = 233°.41.42",3 Intervalle en jours complets 150. Are décrit : 149°.20".13",8 L'arc réellement décrit par le soleil, entre les deux levers extrêmes marqués dans le tableau, était un peu moindre que cette valeur. Car, si le premier de ces phénomènes s’est opéré le jour 181° à minuit + 5H,, le second a du s’opérer le jour 331€ à minuit — 5H, environ. De sorte que leur intervalle en temps a dü être 150 — 5H, — 5H,, L'arc de visibilité de x d'Orion suffisait donc pour que son lever de l'entrée de la nuit atteignit la 11° quinzaine du ta- bleau, où l’auteur l’a marqué. Il fournissait même encore, par delà cette limite, un petit nombre de levers observables, qui se trouvaient compris dans cette quinzaine-là. D'après toutes ces circonstances si justes, et si exclusive- ment spéciales à x d'Orion, il me semble de toute évidence qu'il s'identifie parfaitement avec l'étoile de Sahou, et que lui seul peut la représenter dans le ciel. Suivant les résultats rapportés $ 16, dans l’année de la pé- riode julienne 3473, qui est celle du tableau égyptien, le sois- tice d'été avait lieu le 6 Thot vers 7° du soir, sous le méridien de Thèbes. x d’Orion, ou l'étoile de Sahou, se levait héliaque- ment le 1° Thot, vers la fin de la nuit. Ce lever était donc antérieur au solstice d'environ 4}. Il pouvait ainsi très-con- venablement servir pour l’annoncer, si même on ne le croyait pas coincidant avec cette phase solaire comme cela est fort pos- sible. Car, fixer la date précise d’un solstice est une opération TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. Gri A très-difficile, et qui devait l’être surtout alors. Le solstice de Méton est en erreur de plus d’un jour. Le solstice d’A ristarque devait être encore plus fautif, puisque Ptolémée n’a pas même daigné dire à quel jour Aristarque l'avait placé. Une erreur de 4!+, dix siècles plus tôt, est très-supposable. Dans tous les cas, comme les quatre phases cardinales d’une année solaire se suivent à des intervalles d'environ 90 jours ou 6 quinzaines de jours, on devra leur trouver des relations d’é- poque aussi proches, avec les astérismes dont le lever hélia- que est marqué dans le tableau à ces quinzaines-là. Mais, soit que les Égyptiens aient ou n'aient pas remarqué ces concor- dances, elles ont été une conséquence nécessaire de l’ordon- nance du tableau, où les levers héliaques sont distribués à des intervalles composés de quinzaines complètes, autour de celui deSirius, qui avait lieu 10 jours après le solstice d'été. $ 39. L’astérisme que nous avons maintenant à considérer est celui qui est appelé la téte de Sahou. Il est porté dans la colonne du 15-16 Thot à la X° division horaire, comme pré- cédant immédiatement l'étoile de Sahou. Dans les colonnes suivantes, la traduction dit parfois le sommet de Sahou, au lieu de la téte; mais ce sont des dénominations équivalentes, comme le prouve l’invariabilité de sa relation avec l'étoile de Sahou, dans les lignes horaires. Ce mème astérisme est porté à la XI° de ces lignes dans la colonne du 1% Thot ; mais nous ne pouvons pas le suivre jusqu'à la XIL*, qui nous donnerait la date certaine de son lever héliaque , parce que le tableau ne remonte pas en avant de la première colonne de l’année. En sorte que ces deux premiers pas de sa marche dans les lignes horaires nous laissent seulement apercevoir qu'il se s lève avant l'étoile de Sahou; sans que nous puissions affirmer 612 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE que ce soit précisément à quinze jours d'intervalle, c’est-à- dire le 14 juin juste, selon la règle d'équidistance qui s’ob- serve dans toutes les colonnes postérieures au mois Thot.'Tou- tefois, si l’auteur du tableau a dérogé ici à cette règle, commeil en avait la liberté, puisqu'il n'avait pas à mentionner la date précise du lever de l’astérisme qu'il appelle le sommet de Sa- hou, on doit présumer que ce lever aura été plutôt postérieur au 14 juin qu'antérieur. Car le lever de l'entrée de la nuit est marqué au 16-15 Toby, jour 135° de l'année ; à quoi ajoutant 15, dont la première apparition matutinale aurait précédé le 1 Thot, suivant la règle d’équidistance, cela composerait un intervalle de visibilité qui comprendrait 150 jours au moins. Or, le point de l'équateur qui se lève avec l’astérisme dont ils’agit, devant être beaucoup plus rapproché de l'équi- noxe vernal qu'il ne l'était pour x d'Orion, l'intervalle de visibilité, partant du 14 juin, ne comprendrait pas 150 jours complets, à moins que l'étoile ne soit de 1" grandeur, et par conséquent il n'attendrait pas le 135° jour après Thot, comme on l’a marqué dans le tableau égyptien. Si donc nous découvrons une étoile qui, faisant sa première apparition matutinale quelques jours après le 14 juin , satisfait à cette condition finale de visibilité, en remplissant d’ailleurs toutes les autres convenances que nous pourrions lui adjoindre, cette dérogation anticipée à la règle d’équidistance ne serait pas une raison de l’exclure, mais un motif pour l’adopter. $ 4o. Pour ne rien préjuger, je procède à cette recherche comme si le lever héliaque du sommet de Sahou avait dû s'opérer précisément au 14 juin, sauf à rectifier cette supposi- tion, si nous venons à en reconnaître la nécessité. Prenant donc, dans notre tableau du & 29, la longitude du soleil pour TROUVÉ A THÈBES EN EGYPTE. 613 ce jour-là, à 2° 1% après minuit au méridien de Thèbes, l’é- quation (L) à laquelle nous devons satisfaire deviendra ici : (L) L+e—30o.1.33" + m'- ou,en attribuant à n°7 la valeur approximative 5’.24", quisup- pose que le lever a lieu ce jour-là même, vers 5 heures tem- poraires après minuit : (L) L+e— 70°.6.57" (*). Des essais préliminaires, tout pareils à ceux que j'ai em- ployés pour découvrir x d'Orion, et qu'il serait par consé- quent inutile d'exposer encore ici en détail, m'ont fait voir que trois étoiles seulement pouvaient satisfaire à ces conve- nances approximatives. Ce sont : « d'Orion, de 1" gran- deur ; « des Gémeaux, Castor, de 1"°-2*; et 6 de l’Éridan de 3°. Toutes les autres que l’on rencontre dans ces parages sont trop petites, ou trop distantes des limites de longitude requises, pour avoir été préférées à celles-là; et ces trois mêmes se présentent avec des aptitudes très-inégales. d'Orion se trouve tout au sommet de ce groupe brillant, qui commence à x; ce qui la rend plus propre qu'aucune au- tre à marquer le sommet de Sahou. 8 de l'Éridan, malgré sa petitesse , se montre avec 4 assez peu au sud du groupe pour qu'on ait pu l'y comprendre et l’associer à : pour en dési- gner la sommité. Castor, au contraire, malgré son éclat, semble être trop éloigné de ce groupe pour qu'on ait eu l’idée de l'y (*) Lei la valeur de »"+, calculée conformément à la convention adoptée S 37, serait 5.18", ce qui donnerait seulement 6” de moins sur L + e. Les conséquences de cette modification numérique sont tout à fait négli- geables. TRI 78 61/4 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE réunir. Car il se lève à 35°au nord de « d'Orion, et il se rejoint beaucoup plus naturellement à 8 des Gémeaux, Pollux, auquel les Grecs l'ont associé. Mais celui-ci est beaucoup trop loin sous l'horizon quand Castor se lève pour s'adapter à nos dates. D'a- près cet aperçu, je me suis borné à relever sur le globe les va- leurs de a, pour les trois autres, comme étant les seules qu’il pût être utile de soumettre à des appréciations plus précises. J'ai trouvé ainsi : Pour «x d'Orion..,.. a; — 460. D'où j'ai déduit par le calcul : 1— 499.28/.22/; L — 580,30/,48/ 8 de l'Éridan.. a; = 43°. 1 49°. 7.48"; L—570.24!.50!/ x des Gémeaux. a; — 44°.30/. I 48°.57.36/ ; L— 560,51/.41/ En substituant dans l'équation (L) les valeurs respectives de L, propres à nos trois étoiles , j'ai obtenu celles de e, qui satisfaisaient à l'égalité requise. Alors, en les associant aux valeurs diverses de l'angle TL qui y correspondent, j'ai con- clu, par l'équation (e), les valeurs des abaissements H aux- quels les trois étoiles auraient dù être aperçues, si elles avaient été observées ce même jour 14 juin au matin. J'ai trouvé ainsi les résultats suivants: 4 D'ORION, $ DE L'ÉRIDAN. G@ DES GÉMEAUX. ——— Valeurs de e, données par l'équation (L) r°.36/. 9" 1.4. 7! 13°,15°.r6" Valeurs de H, déduites de l'équation (e) 89.47! .35" 9° 34.16" g0.597'.30" S 41. La valeur de H relative à « d'Orion est inadmis- sible. Une étoile, même de 1° grandeur comme celle- là, ne peut pas avoir été perceptible à l’horizon, sous un si petit abaissement vertical du soleil. I faut done qu’elle n'ait pas été observée le 14juin même, mais quelques jours après, lorsque H avait acquis une plus grande valeur. Pour éva- luer ce retard, admettons que l'observation ait dû être faite, quand l’abaissement H était devenu égal à 11°. Alors, par l'équation (e), nous en conclurons: TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 615 M — x4°.32.r0 Soustrayant la valeur de é, donnée par l'équation (L) . : : :.. e— 110.36, 9” Iljen/ résulter! ss Me 8 MONS SRE AT ee —" + 22-56. 10! é —e est l’arc de l’écliptique que le soleil a dû décrire de- puis le 14 juin jusqu’au jour où l'étoile a dû être effective- ment observée. A cette époque de l’année, le mouvement diurne de cet astre en longitude était fort approximative- ment 0°.57.21". Ainsi, par proportion, e —e représente à peu près 3 jours; c’est-à-dire que le lever héliaque de 4 d'O- rion, a dû s'opérer vers le 17 juin, et non le 14. Il reste à examiner si, d’après ces circonstances, l’étoile a pu faire son lever de l'entrée de la nuit dans la quinzaine qui commencé au 16-15 Toby, le 136°-135° jour dé l’année égyptienne. Pour que cela ait eu lieu, il suffit que l'intervalle de visibilité de x d'Orion atteignit ou dépassät quelque peu 135) + 12, en somme 1/47 jours. Or, la valeur de e’ donne’ ....... dé —= 59°. 4/.38/# d’où l'on conclut l'arc de visibilité. 1860 — 6° — 150°.58/.22!" Cet arc de visibilité suffisait donc pour que, depuis sa pré- mière apparition matutinale au 17 Juin, les levers percepti- bles de « d'Orion pussent atteindre la deuxième quinzaine de Toby, et même la dépasser de quelques jours. $ 42. Je passe à 8 de l'Éridan. La valeur de H que lui as- signe l'équation (L) est pareillement beaucoup trop faible pour une étoile de 3° grandeur. Elle n'aurait pas été per- ceptible à l'horizon, le soleil étant aussi peu abaissé au- dessous de ce plan. Sa première apparition matutinale a donc aussi été observée après le 14 juin. Pour une étoile de cet ordre, on ne peut guère supposer l’abaïssement H' moin- dre que 130.30’, De là on déduit par l'équation (e) : 78. 616 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE re hot rar d’où retranchant..... CE COST Ur on obtient.......... et —e — 5°.16/.55" Cet arc correspond à un retard de 5 ou 6 jours; de sorte que l'observation n'aurait dü être faite que le 19 ou le 20 juin, bien plus tard que celle de « d'Orion. Il serait donc peu vraisemblable que l’on eût choisi cette petite étoile préféra- blement à « d'Orion, qui s’éloignait beaucoup moins de la rè- gle d'équidistance. En admettant la valeur de e’ relative à 8, il en résulterait : 2e — 350.58". 4" ce qui donne l'intervalle de visibilité. .., 1800 — 2e — 144°. 1.56" Partant donc de 9 ou 10 jours avant le 1% Thot, les levers de l'entrée de la nuit auraient pu tout au plus atteindre la deuxième quinzaine de Toby. $ 45. Considérant enfin + des Gémeaux, la valeur de H don- née par l'équation (L) est aussi trop faible. Pour une étoile de cet ordre on ne peut guère supposer H moindre de 120.30’. De là on déduirait : EU — 15°:1U2 37/0 d'où retranchant..... 150 19 ET OU on obtient.......... e —e— 920 4!.ar" Cela correspond à un retard d'environ 2 jours, et met l’ob- servation au 16 juin au lieu du 14. Cette valeur de e’ donne: 1 2e — 302.39/.14" d’où l'on conclut l’are de visibilité 180° — 2e! = 1490.20'.46" La première apparition matutinale ayant eu lieu 13 jours avant le 1° Thot, le lever de l’entrée de la nuit pourrait attein- dre la deuxième quinzaine de Toby. $ 44. En résumé: : d'Orion doit avoir été la détermina- trice ou l’une des deux déterminatrices du sommet de Sahou, TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. d 617 selon que les Égyptiens auront séparé « des Gémeaux du groupe brillant de l'Orion grec, ou l'y auront réuni. La pre- mière de ces suppositions est la plus vraisemblable. Mais l’alternative ne pourra être complétement décidée que par d’autres documents. $ 45. Lorsque Champollion visita le petit temple de la chaîne libyque à Thèbes, qu'il décrit dans ses Lettres d’É- gypte, p. 313, il remarqua une particularité très-curieuse relativement au personnage Sahou. Il y était figuré avec son nom, courant en avant de la vache, emblème d’Isis et de Sothis, les bras étendus, lui présentant d’une main une étoile, et en tenant une autre dans la main la plus éloignée, comme embrassant des deux tout le groupe stellaire auquel il présidait. Ce passage a été maladroitement omis à l’im- pression. Mais M. de Rougé l'a extrait des manuscrits de Champollion, conservés à la Bibliothèque impériale. M. Lepsius a publié une représentation analogue du même personnage, où il est figuré dans la même attitude et dans la même relation stellaire avec Sothis. Cette étoile la plus pro- che, qu'il lui présente, est sans doute notre x d'Orion, et la plus éloignée 4. L'expression qualificative, téte ou sommet de Sahou, s'applique parfaitement à celle-ci, qui se levait avant toutes les autres de ce groupe si naturellement défini et si distinct de tout ce qui l’environne. $ 46. En continuant à explorer la colonne transcrite S 28, nous rencontrons deux astérismes appelés Æry et Choou, deux noms connus comme précédant immédiatement Sahou, dans la liste des décans, soit égyptiens, soit grecs ; de même qu’ils précèdent ici la téte ou le sommet de Sahou. Mais il faut se méfier des identifications que cetteanalogie de noms et de 618 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE place relative pourrait suggérer. J'ai fait remarquer $ 23 le système d’intercalations que le constructeur dutableau a em- ployé dans ses colonnes, pour y obtenir en succession treize astérismes ; ce qui l'oblige d'en introduire dans chacune 2,en sus des 10 que les levers héliaques des 10 quinzaines précé- dentes lui fournissaient. Or, ici, les dates d'introduction de cet Æry et de ce Choou ne nous sont connues que comme ayant dù précéder celle du sommet de Sahou, c'est-à-dire de « d’Orion, sans autre indication plus précise; et nous ne pouvons pas l'inférer de leurs levers ultérieurs à l'extrée de la nuit, car ni l’un ni l'autre ne sont amenés jusque - là. Choou ne remonte pas plus haut que la 11° ligne horaire, qu'il atteint le 15 Toby, jour 105°; 4ry, pas plus haut que la 1e qu'il atteint le 1° Toby, jour 121°; de sorte que le ta- bleau ne donne ni les époques de leur première apparition matutinale, ni celle de leur dernière phase de visibilité. J'abandonne done pour le moment ces deux astérismes, sauf à y revenir plus tard par des procédés d'exclusion, si nous pouvons parvenir à reconnaître ceux qui les précèdent, comme nous avons reconnu ceux qui les suivent; et je vais reprendre l'analyse de la colonne par son extrémité supé- rieure, pour tâcher de les rejoindre. Elle nous offrira heu- reusement moins de soupçons d'interealation arbitraire, moins de discontinuité dans la marche.ultérieure de ses astérismes, et des indications numériques mieux définies pour les re- trouver dans le ciel. S 47. Je faciliterai cette étude en tirant, du tableau même, un nouveau caractère déterminatif qui nous guidera dans les choix que nous aurons à faire, et qui achèvera de les fixer, dans beaucoup de cas. Pour l’établir, j'ai besoin de mettre TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 619 sous les yeux du lecteur la première colonne du tableau qui 2 se rapporte à la première quinzaine du mois Thot, et précède , immédiatement celle de Sothis que nous avons commencé à à explorer. En voici la transcription , sauf l'énoncé des in- fluences astrologiques : Mois de Thot. Comm: de la nuit. Les deux plumes de Nacht (le Héros ou le Vainqueur). Heure ['° le sommet du bâton (ou masse d'armes) de Nacht. Heure Il: dessus de sa nuque. 1 Heure III° son dos. ? Heure IVe son genou. Ë Heure V® son marchepied. Heure VI:< Ary. Heure VII‘ Ja tête de l'Oie. Heure VIIL son derrière. Heure IX° l'étoile de Choou. Heure X° l'étoile de Sara. Heure XI° le sommet de Sahou. (Aube du jour) Heure XII l'étoile de Sahou. Les astérismes mentionnés dans les six premières lignes de cette colonne, depuis le commencement de la nuit jusqu’à la V'division horaire, doivent, d’après les rapports de leurs dénominations, appartenir à un personnage figuré qui oc- cupe une grande place dans le ciel. On en peut juger par les dates que le tableau assigne ultérieurement aux réappari- tions matutinales de ses termes extrêmes. On revoit en effet plus tard, à la XI division horaire, c’est-à-dire à l'aube du jour : Les deux plumes de Nacht. Pharmouti r. jour 21e Son marchepied:......., Épiphi r. jour 3o1° Intervalles de’ces leversen jours. ........... go: 620 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE La continuité de l’ordre dans lequel se succèdent les appari- tions matutinales des portions intermédiaires de la constella- tion Nacht, prouve indubitablement que les deux astérismes ici reproduits sont les mêmes qui sont mentionnés dans la première colonne du mois Thot, sous les mêmes dénomina- tions. Or, l'intervalle de 90 jours compris entre leurs levers montre que la constellation à laquelle ils appartiennent, em- brasse environ un quart du contour du ciel. $ 48. L'identification des parties d’un personnage astra- nomique, dont on ignore la configuration, est un problème que son excessive indétermination rend impossible à résou- dre d’après leurs noms seuls, même quand on connaîtrait à peu près la plage du ciel où est placé leur ensemble; puis- que l'on ne saurait dire quelle disposition le caprice de l’ima- gination leur a donnée, ni jusqu'où elles s'étendent, ni quelles étoiles on a pu leur attribuer individuellement. Iei, toutefois, sachant que les parties extrèmes de ce personnage ont leurs levers héliaques postérieurs à celui de Sirius, et séparés de lui par des nombres donnés de jours, dans l’année égyp- tienne à laquelle le tableau s'applique, nous pouvons en pré- parer la reconnaissance par le globe, et l’achever par Île calcul, comme nous l'avons fait pour x d'Orion. Mais, addi- tionnellement à ce procédé indicateur, le mode de construc- tion du tableau nous en fournit un autre, d’un emploi tout aussi sûr, même plus facile, qui pourrait au besoin le sup- pléer, si la date du lever héliaque nous manquait, par suite de la mutilation de la colonne où elle devait être inscrite. C'est ce procédé subsidiaire qu, va nous servir pour recon- naître, dans le ciel, les deux plumes de Nacht, S 49. Le caractère binaire conservé à cet astérisme dans En 0 2m IE PSS EE cu 7! A 2 TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. G2t tous ses énoncés le désigne comme contenant au moins deux étoiles principales peu distantes entre elles, et que leur proxi- mité, jointe à la prédominance de leur éclat, distingue parmi toutes celles qui les environnent. Dans la colonne du 1° Thot il est désigné comme se levant à l'entrée de la nuit, c'est-à- dire quelques minutes après la fin de la I" heure temporaire nocturne ainsi que nousl'avons reconnu sur Sirius, dans mon premier mémoire, au 26 de la note 2. D’après ce que nous avons reconnu également aux $$ 16 et 18 de la même note, l'étoile de Sahou, qui s'identifie à x d'Orion, devait faire sa première apparition matutinale quelques minutes avant la fin de la XI° heure temporaire de cette nuit-là. L’intervalle de temps compris entre ces deux levers extrêmes du 1° Thot, doit donc être un peu moindre que 10 heures temporaires de cette même nuit.Sa valeur exprimée en arc sera ainsi généralement 10H, — x; x désignant un nombre positif qui, devant repré- senter quelques minutes de temps, tout au plus + d'heure, ne devra pas excéder 3 ou 4 degrés. Pourutiliser cette condition , je désigne par a,(° l'ascension droite du point de l'équateur qui se lève avec : d'Orion,et par a, l'ascension droite du point de ce même grand cercle qui selève avec l’astérisme inconnu, les deux plumes de Nacht. La dif- férence a°, — a, exprimera donc l'arc de l'équateur qui tra- verse le plan de l'horizon entre ces deux levers. Ainsi, en l’égalant à sa valeur précédente, on aura la condition gé- nérale : ae) — a; —10Hn — x; d’où l'on tire : (A) a; — at) — 10 Hy +z. Le second membre de cette expression ne contient d’inconnu que +, dont on sait seulement que ce doit être un très-petit TEXIV. 79 622 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE arc. Les deux autres termes peuvent s’évaluer en nombres. C’est à quoi je vais procéder. À l’époque du 1°° Thot, ou 29 juin, le tableau formé S 2g nous donne: 10Hy —129°.38!.2" En amenant x d'Orion à l'horizon du globe, nous avons trouvé $ 36: ao — 57°,15 Il ne reste plus qu'à substituer ces nombres dans la for- mule (A). A cet effet j'écris le dernier 417°.15',enlui ajoutant une cir- conférence entière de 360°, pour éviter les résidus de sous- traction négatifs, artifice très-licite puisqu'il revient à compter l'ascension droite a,° à partir del’équinoxe vernal immédiatement précédent , lequel deviendra aussi l'origine de «,. J'obtiens ainsi, par l'équation (A) : a, — 287°.36.58" + x x reste encore inconnu. Je le néglige d'abord, et j'amène à l'horizon oriental du globe le point de l'équateur dont l’as- cension droite est 287°.36".58". L'opération est la même que si, ayant placé x d'Orion à l'horizon du globe, on faisait tour- ner la sphère céleste autour de son axe équatorial en sens contraire du mouvement diurne, jusqu'à lui imprimer une rétrogradation angulaire de 129°.38".2", pour retrouver l’as- térisme qui se serait levé 10 heures temporaires juste avant ». À cette limite précise, on ne voit à l'horizon rien de remar- quable; rien surtout à quoi l’on puisse appliquer le carac- tère binaire spécifié dans la dénomination égyptienne, les deux plumes de Nacht. Mais, sachant que l'arc additionnel x ne doit pas être absolument nul, qu'il doit au contraire avoir une petite valeur habituellement positive, je le fais ? L L & % £ ge 2 PA re MP | TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 623 croître peu à peu dans ce sens, en continuant à étudier ce qui se présente à l'horizon; et quand je l’ai amené ainsi à une valeur de 3.53, ce qui porte celle de a,, en nombres ronds, à 291°.30', le problème se trouve évidemment résolu. En effet, à cette valeur de a,, l'horizon du globe bis- secte l'intervalle vertical de deux étoiles de 2° grandeur, yet à du Capricorne, situées tout près de l’écliptique, et distantes entre elles de 2° à peine; sans que l’on en voie d’autres,soit dans ce plan, soit au dehors à une notable distance, qui ne soient d’un ordre beaucoup moindre et toutes dispersées. La spécialité de distinction et de rapprochement que pré- sentent ces deux étoiles, les a fait placer ensemble par les Grecs dans la queue du Capricorne ; et cette même partieu- larité, jointe à la prédominance de leur éclat sur celles qui les environnent, a déterminé les astronomes arabes à leur donner des noms individuels. Si, à tous ces caractères d’ap- propriation si frappants, on ajoute qu’elles ont été amenées ici SOUS nos yeux, par une condition numérique tirée du do- cument égyptien même, on ne pourra guère douter que ces deux étoiles ne composent effectivement l’astérisme appelé les deux plumes de Nacht. La valeur 3°.53' que nous trou- vons à l'arc æ montre que, dans la nuit du 1° Thot, il s’est écoulé 15°.32° de moins que 10 heures temporaires actuelles, entre leur lever à l'entrée de la nuit, et le lever de x d'Orion, à l’aube du jour. Cette détermination d'intervalle est phy- siquement très-admissible. Elle met seulement chaque lever à 2".16° plus près de minuit que nous ne l’avions présumé. Or l'observation des levers peut varier dans des amplitudes de cet ordre, d’un jour à un autre. $ 50. Toutefois, l'identification de cet astérisme, qui ouvre 79 62! SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE la série de tous les autres, m'a paru trop importante pour ne pas la soumettre à une autre épreuve plus rigoureuse, dont le tableau nous fournit les éléments. La première apparition matutinale des deux plumes de Nacht y est marquée au 1° Pharmouti, jour 211*; celle de Sirius, marquée au 15-16 Thot, lui est antérieure de 195 jours. En dates juliennes de notre année d'essai 3469, qui est bissextile, le lever héliaque de Sirius coïncide avec le 14 juillet, jour 196°; à quoi ajoutant 195, on a pour somme le jour 391°, ou le 25 janvier de l’an- née julienne commune 3470. Maintenant, est-il vrai qu’en moyenne, 7 et à du Capricorne grec se soient levés héliaque- ment ce jour-là sur l'horizon de Thèbes, 195 jours après Si- rius ? C’est une question à décider par le caleul. A cet effet, je prends, dans la Connaissance des temps de 1804, les longitudes et les latitudes de ces deux étoiles au 1* janvier de l’année 1800. Elles sont : POUR Verre ereeeLeCe l=—=318°.59.14" À—— 20.32". 6” (australe) POUTIC eE Terre 1 = 320°.44!.25" À — 2°.33 .50" ce qui donne en moyenne / — 319°.51.49/,5 À=— 2°.32".58" Opérant sur ces coordonnées écliptiques, comme j'ai fait sur celles de Sirius, dans la note 2 du précédent mémoire, j'en déduis les coordonnées équatoriales transportées a!—92780.29/.51"; d'! = — 25° .50!.48/,4 (australe). Et, négligeant cette fois l'effet de la réfraction, je tire tout de suite de celles-ci, comme à la page 88 de la note citée : TROUVÉ A THÈBES EN EGYPTE. 625 Différence ascensionnelle OA............................ œ——139.28/.55/! Ascension droite du point orient de l'équateur, YO : G—a—u— 291.58 .46/ Longitude du point orient de l'écliptique: VL.............. L= 259°. r.57" Inclinaison actuelle de l’écliptique sur l'horizon oriental: YLO I— 530.47.40/,6 log sin T=—1,9274438 Dans les opérations graphiques effectuées avant ce calcul, le globe nous avait donné OT;ou...... di = 2910.30" De là, par les formules annexées au $ 37, je tire L — 280°.10/.58" I 57°.58.55" Comparées aux résultats calculés, ces évaluations en diffèrent à peine. Elles donneraient déjà des identifications à peu près certaines. Elles prouvent donc que notre globe est assez exactement construit, comme assez correctement ajusté à l'époque du tableau, pour que l’on puisse se laisser conduire par ses indications , et même s’y confier entièrement, lorsque le choix des astérismes qu’elles vous désignent est d’ailleurs justifié par des spécialités évidentes, comme cela a lieu dans beaucoup de cas. $ 51. Il faut maintenant nous donner l'arc d’abaissement vertical H du soleil, qui convient à nos deux étoiles. Comme elles sont de 2° ou 3° grandeur, je le fais, par une évaluation provisoire, égal à 13°.30'. Le remplaçant donc par cette valeur dans l'équation (e) sine — où l'angle I est déjà connu, j'en tire: Arc de l'écliptique, compris sous l'horizon entre le point orient L et celui dont l'abaissement vertical est 13°.30/.............,............. se UE —1310%07,Hh7! ajoutant la longitude de ce point orient. ............................... L—279°. 1.57” on a: longitude du soleil à l'instant du lever héliaque de y et 5 du Capricorne L+ e = 295°. 2’.52" Il ne reste plus qu’à trouver, à quel jour et à quelle heure, le 626 suR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE soleil atteindra cette longitude? Or les 270 premiers degrés nous conduisent au solstice d’hiver dont nous avons déjà la date julienne : année 34698 , décembre 3r.15h ,22® ,r1°. Temps de Thèbes compté de minuit. Ces 270° défalqués de L + e laissent 25° à décrire à partir du 31 décembre, ce qui doit amener la date au 25 janvier de l’année julienne suivante 3/470°, comme le dit notre tableau. Toutefois, cette épreuve étant une des plus décisives que je pusse faire, à cause du grand nombre de jours qu'embrassent les éléments qu'on y combine, j'ai prié M. Picqué, qui m'avait déjà été si utile, de vouloir bien calculer directement par les tables de Delambre la longitude vraie du soleil pour ce 25 janvier même; et le résultat, ramené à la valeur de la pré- cession que j'ai adoptée dans l’ensemble de ces calculs (”), a été: année 3470C . janvier 25. (@) — 9°.240.27".56",2 à oh. Temps moyen à Paris compté de minuit. A ce même instant, on avait, par les mêmes tables : mouvement horaire du soleil, en longitude 149.87 tempsiraiet set. aire fehneties — 17" .0°,2 longitude de Thebes à l'orient de Paris.... 2h .1". $ donc temps vrai à Thèbes.......... T = 1 .43m.59",8 Pour cette longitude du soleil et l’obliquité w’ de l’écliptique, la déclinaison de cet astre est (”) : d— — 21°.36 .20" australe, et l’on en déduit, pour la durée des heures temporaires de nuit, à Thèbes Hy—16°.49.52/% en temps 1". 9m.19°,5 An — 84-0023 re 5 .36%.37°,6 (*) Voyez, dans le précédent mémoire, le $ 11 de la note 2. (*) Jbid., $ 9 de la même note, TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 627 Admettons que le lever héliaque de nos deux étoiles ait dû l: être observé précisément à la fin de la XI° heure temporaire | de la nuit, c’est-à-dire lorsque l'angle horaire du soleil, compté du méridien inférieur, a été égal à 5H,. Il sera posté- rieur à l'instant T de 3°.52”".37°,8, pendant lesquellesla longi- tude du soleil s’accroîtra proportionnellement de 9'.40",6. Alors, au moment du lever ainsi observé, cette longitude sera, d’après nos tables : © = 294°.37.36",8 l'abaissement H, que nous avions hypothétiquement admis, nous a donné, $ 51: Læ+e — 295°. 2°.52/,0 Coco aan ee ROBE So DO rc ETAT OE 0°.25/.15//,2 or la valeur de e, déduite de celle de H, était.................................... 16°. 0°.55” donc la valeur corrigée de e, qui rétablira l’accord, sera :........................ e — 15°.35.39",8 et de là, par l'équation (e), on tire la valeur corrigée de H........................ H=— 139. 8.53". Cet arc d’abaissement du soleil est parfaitement admissible pour nos deux étoiles. Toutefois, une considération très-légi- ‘time peut, doit même, nous le faire obtenir de quelques se- condes plus fort. En effet, nous avons placé l'observation du lever juste à la fin de la X[° heure temporaire de la nuit. Or, pour Sirius dont l'éclat est bien supérieur, nous avons trouvé qu'il précédait de quelques minutes la fin de cette XI° heure. A plus forte raison doit-il en être ainsi pour y et à du Capri- corne dont la perception exige une moindre illumination de l'atmosphère. Si nous supposons que leur lever héliaque dut être antérieur de 10°, à cette époque de la nuit, la valeur corrigée de H serait 13°.9.13". Mais ce sont là des rigueurs d'appréciation, auxquelles il ne faut pas prétendre quand il s’agit de pareils phénomènes. La réfraction horizontale, que nous avons omise, y aurait une influence bien plus sensible. En ne portant pas nos exigences plus loin que la question ne le comporte , ce qui précède suffit pour prouver que la date re nn Par …. . 628 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE absolue assignée par le tableau égyptien à la première appa- rition des deux plumes de Nacht convient très-bien au groupe des deux étoiles y et à du Capricorne; à quoi l'ins- pection du ciel permet d'ajouter qu'aucun autre, à cette date, ne présente des motifs aussi spéciaux pour être si- gnalé. La coïncidence d'époque marquée dans le tableau, entre son lever de l'entrée de la nuit et la première apparition matutinale de x d'Orion, nous l’a fait déjà trouver par une autre voie, Ainsi ces deux identifications se confirment l’une par l’autre. $ 52. Les résultats numériques auxquels nous venons de parvenir à la fin du paragraphe précédent, nous fournissent la matière d’une vérification fort importante. La valeur de l'arc e qui amène la réapparition des deux plumes de Nacht à la date précise de jour et d'heure que le tableau lui assi- gne nous donne : Ae— 31.11.10) de là on conelut l'are d'invisibilité 1 80° + 26— 211°.11/.19" Le tableau fait correspondre cet arc à un intervalle d'in- visibilité de 210 jours, à quoi il faut ajouter 10 heures tem- poraires, dont la réapparition matutinale est plus tardive que le lever précédent de l'entrée de la nuit. Or, en prenant dans notre $ 29, les longitudes du soleil aux deux dates ex- trêmes de disparition et de réapparition que le tableau égyptien assigne aux deux plumes de Nacht, on a, en comptant continüment les jours : 1er Thot, année 3473P , juin 29. ........ jour PESTE LR Ne res © = 84°.21.28/,5 1° Pharmouti, année 3474€, janvier 25.. jour 3g1® .............. © = 294°.27.56//,2 donc intervalle d'invisibilité : En jours complets 2101 en arc : 210°. 6/.27//,7 ajoutant les quantités sensiblement équivalentes OO AN 0°.25/ on a intervalle d’invisibilité : en temps. ...... 210) + 10Hn ........... 210°.31.28" TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 629 La valeur de cet intervalle, conclu du mouvement du so- leil entre les dates des deux phénomènes, diffère done à peine de 0°.40’ de celui que nous indiquait la valeur de e. Si l’on veut considérer que les deux termes extrêmes de la compa- raison ne sont pas physiquement déterminables avec une rigueur mathématique, on verra, je crois, dans un accord si proche, une vérification satisfaisante des principes sur les- quels nous avons établi nos calculs, et une preuve frappante de la justesse d'observation avec laquelle le tableau égyptien a été construit. $ 53. Je passe à la recherche de l’astérisme qui est appelé le sommet du bäton (ou sceptre) de Nacht, et qui suit immé- diatement les deux plumes, dans les lignes horaires, consé- quemment dans l’ordre de succession des levers. D'après ce que m'en à appris M. de Rougé, ce bâton était une sorte de sceptre ou de massue, terminé par un bouton de métal, et que les monuments représentent tenu dans la main droite des monarques, soit avec d’autres armes ou seul. La dési- guation spéciale de ce sommet ou bouton terminal, comme caractère déterminatif de l’astérisme ici mentionné, semble restreindre son application astronomique à quelque étoile brillante et isolée, ce qui pourra nous servir pour la recon- naître parmi celles dont les levers seront de même date, si nous en trouvons une qui présente exceptionnellement ces particularités. Examinons maintenant les époques extrêmes d'apparition que le tableau lui assigne. Il marque d’abord son lever de l'entrée de la nuit au 16-15 Thot, jour 162-15€ de l’année; et 1l place sa réapparition matutinale subséquente au 16-15 Pharmouti, jour 226%225€: ce qui lui attribue un intervalle T. XXIV. 80 630 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE d’invisibilité comprenant 210 jours, comme celui des deux plumes de Nacht. L'astérisme que nous cherchons suit done régulièrement ces deux plumes à 15 jours de distance, dans les levers du soir comme dans les levers du matin. $ 54. Indépendamment de ces diverses conditions aux- quelles il doit satisfaire, le tableau nous en fournit une autre dont l'application est très-facile. C’est que, à cette même date du 16-15 Thot, où il se lève à l’entrée de la nuit, ou, comme nous l’interprétons, quelques minutes après la fin de la F" heure temporaire nocturne, Sirius fait sa première appari- tion matutinale quelques minutes avant la fin de la XI, Nous pouvons donc appliquer ici la méthode d'investigation qui nous a déjà servi dans le 49, pour trouver les deux plumes de Nacht, par la relation analogue qu'elles avaient avec x d'O- rion. Jei, de même, en désignant par &,° l'ascension droite du point de l'équateur qui se lève avec Sirius, et par a, l’as- cension droite du point de ce même grand cercle qui se lève avec l’astérisme cherché, nous devrons avoir, comme au 49, (A) a, = a; — 10H, + x x représentant un arc positif, dont l'amplitude ne peut pas excéder un petit nombre de degrés. La valeur de 10H,, à l’époque des deux phénomènes, se déduit de nos recherches précédentes sur Sirius. La durée des heures temporaires de cette même nuit a été évaluée dans mon premier mémoire au $ 15 de la note 2. Il en résulte qu'on avait alors... .................................. 10Hn —129°.48.35" La valeur de a (relative à Sirius a été trouvée ci-dessus, 6 35, de 74°.46".23". En y ajoutant une circonférence entière de 360°, j'écris. ,......,...... ao) = 434°,46'.23" Ces nombres substitués dansl'équation (A) donnent finale- ment : | TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 631 (A) a, = 304°.57.48" +æx Je néglige d’abord x, et j'amène à l'horizon oriental du globe le point de l'équateur dont l’ascension droite est égale à la partie constante de &,,en nombres ronds, 305°. A cette limite précise, l'horizon ne contient que de petites étoiles irrégulièrement disséminées. Mais, en faisant croître x seule- ment de 1°.32’.12", ce qui porte &, à 306°.30', on voit arriver dans ce plan , et toute seule de son ordre, la belle étoile x de Pégase de 2° grandeur, la plus brillante des quatre qui com- posent le carré spécial à cette constellation grecque. Elle est presque dans l'équateur, et les deux plumes de Nacht, qui se trouvent 23° ou 24° plus au sud , en sont séparées par un arc de grand cercle d'environ 37° + (*). Une telle distance ne sem- ble ni trop grande, ni trop petite, pour aboutir au sommet du sceptre qu'un personnage de dimensions aussi étendues que Nacht devait tenir à la main, dans une place nécessaire- ment écartée de sa tête et de son corps. $ 55. Il faut maintenant examiner si cette identification tirée de Sirius, satisfait aux autres rapports d'époque, tant absolues que relatives, que le tableau égyptien établit, entre les levers de cet astérisme, et ceux des deux plumes de Nacht. Dans cette vue, je reprends la valeur trouvée par le globe, pour « de Pégase : | ai = 306°.30'. D'où je conclus par les formules annexées au $ 37 : 1— 52°.9/.47/ ; L— 293°.29/.48". L'étoile étant de 2° grandeur, je suppose éventuellement H— 13°. Cette valeur de H étant introduite avec celle de I dans l'équation (*).Je prends graphiquement ces mesures d'arc sur le globe. 80. 632 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE (e) sin e = ST il en résulte : e— 16.32.56" Alors l'intervalle des deux apparitions matutinales se cal- cule comme il suit. on à d'abord pour x de PEBASer ee eee memes cie ein ele nel en ae isoler eine lee L — 293°.29!.48" 167.321. 560 L] Il L+He — 310°. 2':44” pour y et à du Capricorne, représentant les deux plumes de Nacht, les tables du soleil au moment de leur apparition matutiuale, nous ont donne $ 51, page 627................................ L,+ € — 2940.37 .37" différence, ou intervalle de longitude décrit par le soleil entre les deux levers....................,... LD 200 LT or, du 1 Pharmouti, 25 janvier, au 16 — 15 Pharmouti r9 février, année 3474, les tables donnent pour le mouvement total M du Soleil en longitude. .............................................. M— :15°.18'.20" correction de e — 0°. 6.45" donc e corrige 16°.26'. 9” d'où Ton'tire par l'EqQUatton/(e). eee. H corrigé 12°.54/.43"° Cette valeur corrigée de H, qui accorde l'intervalle des deux levers avec nos tables solaires, est physiquement très- admissible. De sorte que les deux identifications que nous avions établies individuellement par d’autres méthodes, se trouvent confirmées par la nouvelle condition à laquelle nous les voyons satisfaire. $ 56. La valeur corrigée de e, ici trouvée, nous donne pour « de Pégase 26 — 32°.52°.18" d'où l'on conclut: l'arc de visibilité. ... 180° — 2e — 1490. 7!.42" l'arc d'invisibilité.... 180° + 2e — 2120.52 .18" Ces résultats vont nous fournir plusieurs remarques dont l’expose est indispensable pour faire comprendre pleinement la contexture du tableau égyptien. L'astérisme que nous considérons a été introduit à l’en- trée de la nuit le 16-15 Thot, jour 16e-15€; et sa réappa- rition matutinale est placée au 16-15 Pharmouti, jour 226€-225e, Ainsi letableau luiattribueun intervalle d’invisibi- lité de 210 jours, tandis que nous le trouvons de 213. Ces deux CID En Pad d = és TROUVÉ A THÈBES EN EGYPTE. 633 choses ne sont pas inconciliables. Le tableau étant distribué par quinzaines complètes , lorsqu'un même astérisme y était mentionné dans ses deux levers extrêmes, il fallait, pour qu'ils y fussent admissibles, que leur intervalle satisfit naturelle- ment à cette loi, ou qu'il pt y être ramené artificiellement. J'ai déjà expliqué, dans le 9, comment, et dans quel cas, cette seconde condition pouvait être remplie pour les asté- rismes qui parcouraient les colonnes, seulement pendant leur intervalle de visibilité ; soit que cet intervalle füt un peu plus grand ou un peu moindre que 150 jours. Le même ar- tifice permet d'admettre des intervalles d’invisibilité qui dé- passent quelque peu 210 jours, sans déplacer ni fausser la date de la réapparition matutinale. Je prends comme exem- ple celui de « de Pégase que nous considérons en ce moment. Pour le réduire à 210 jours, il suffit d'admettre que le lever mentionné le 16-15 Thot, à l’entrée de la nuit, a été choisi parmi ceux qui, étant encore perceptibles à la vue simple, s’o- péraient à la fin même de la [°° heure temporaire nocturne, ou quelque peu avant sa fin. L'application des 210 jours, ainsi interprétée, devient parfaitement légitime. Or la très- petite valeur que nous avons trouvée à l’are x dans le & 54, quand nous avons employé ce lever du soir de « de Pégase, montre bien qu'il avait été ainsi choisi. $ 57. Mais ce procédé de réduction ne peut plus être em- ployéquand l'arc d'invisibilitéexcède beaucoup 210 jours,sans atteindre 225, ce qui le rendrait de nouveau admissible dans les colonnes, en lui ajoutant une quinzaine complète. Cette dit- ficulté a dü se présenter au constructeur égyptien , à mesure que les valeurs de a,, propres aux étoiles considérées, se rap- prochaient del’équinoxe vernal; cequi affaiblit graduellement 634 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE les inclinaisons I et allonge les arcse, comme nous le trouvons | déjà pour « de Pégase, relativement auquel cetécart du point + | n'est plus que de 360° — 306°.30', ou 53°.30', Il s’est tiré de ce | cisément aux astérismes dont il avait mentionné la disparition, mais à des parties du même groupe, ou du même personnage astronomique, quelque peu différentes des premières, pour lesquelles ces phénomènes tombaient juste à des dates de quinzaines; et il n’est revenu aux mêmes dénominations an- térieures que lorsque l'intervalle d’invisibilité s’est trouvé atteindre 225 jours, contenant 15 quinzaines juste au lieu de 14. C’est ce que prouvent les comparaisons suivantes, que j'extrais de son tableau. LEVERS APPARITIONS INTERVALLE DATES. : matutinales. à l'entrée de la nuit. en jours. A ————_—_— Thot 1, jour rer... 16—15, jour 16°—15e Paophi 1, jour 31°.. 16—15, jour 46°—45€ Hathyr 1, jour 61€.. 16—15, jour 76€—75° Choiak 1, jour ge. Les deux plumes de Nacht. Le sommet du bâton de Nacht. Sa nuque. Son dos. Son pied. Son marchepied. L'étoile de Sara. Pharmouti 1, jour 211°... 16—15, jour 226°—225e Pachons 1, jour 241°... 16—15, jour 256°—255° Paoni 1, jour 271e... 16—15, jour 286°—285° Épiphi r, jour 3o1e…. 16—15, jour 316°—3 15° Les deux plumes de Le sommet du bâton de Nacht Lesonimet du bâton de Nacht (repété sic). Sa gorge, Son dos? (Lecture douteuse.) Sa jambe. Son marchepied..... L'étoile de Sara (man- que; on la conclut par continuation). pas en appliquant les réapparitions matutinales, non pas pré- TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 635 Dans les deux premières lignes, les dénominations des astérismes , aux deux époques, sont concordantes. A la troi- sième ligne des apparitions matutinales, l’astérisme qui fai- sait la sienne le 1°" Pachon, devait, à cause de l’accroisse- ment de l’arc d’invisibilité à cette date, avoir fait son lever de l'entrée de la nuit entre lé 16-15 Thot et le 1° Paophi, peut-être le 26 Thot par exemple, si on lui attribue un in- tervalle d’invisibilité de 215 jours. Il ne pouvait donc pas avoir été mentionné antérieurement à un commencement de quinzaine, soit à la 2° de Thot, soit à la 1° de Paophi; et l'application qu'on lui fait de la dénomination déja em- ployée dans la ligne précédente ne saurait être correcte, à moins qu’elle ne porte sur quelque partie du bäton de Nacht, distincte du sommet, puisque celui-ci nous a été donné par une identification directe, à la place que lui assignent les époques de ses deux levers extrêmes. Les changements de dénomination que l’on remarque dans les lignes suivantes ont évidemment pour but d'obéir à l'accroissement progres- sif de l'intervalle d’invisibilité. L'identité ne se rétablit que pour le marchepied de Nacht, parce que le point de l’équa- teur qui se levait avec cet astérisme , se trouvant très-proche de l’équinoxe vernal, comme je le démontrerai plus tard, son arc d'invisibilité embrassait 225 jours complets. Mais, avant de m'attacher à celui-là, qui nous donnera la dernière limite des parties indécises de Nacht, dont nous connaissons déjà la première, je le quitte un moment, pour en chercher d’autres plus restreints, et mieux définis, dont la connaissance nous le fera trouver par des voies diverses quand nous re- viendrons à lui. $ 58. Je prends d’abord celui qui est porté dans le tableau 636 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE égyptien comme faisant sa première apparition 15 jours après celle de Sirius, le 1° Paophi, jour 31°. Il est appelé le sommet des deux étoiles. En ajoutant 150 jours à cette date, ce qui est l'intervalle de visibilité admis dans les premiers mois du tableau, son lever de l’entrée de la nuit devra se faire au jour 181°, c'est-à-dire au 1° Phaménoth. Mais les deux co- lonnes appartenant à ce mois manquent. De sorte qu'il faut nous en tenir à la date de la première apparition, qui, heu- reusement, doit être toujours la plus sûre. La dénomination attribuée à cet astérisme, nous le désigne comme composé de deux étoiles, dont l’une se lève avant l’autre, l’antérieure étant celle à laquelle la date est attachée. La spécification qu'exprime le mot sommet semble même indiquer qu'elles doivent se succéder à l'horizon oriental, suivant une direc- tion à peu près verticale. Il faut, en outre, qu’elles soient peu distantes l’une de l’autre. Car, dans les lignes horaires des colonnes suivantes, ce groupe est occasionnellement sub- divisé, pour les intercalations, en deux portions distinctes : le sommet des deux étoiles, puis les deux étoiles, ou cette dernière seulement. Il est placé, par exemple, sous cette der- nière dénomination à la II° ligne horaire de la 1"° quinzaine du mois Méchir, jour 151°; ayant fait antérieurement ses deux sauts occasionnels d’une de ces lignes. Ainsi la loi de continuité devrait le porter à la 1° division horaire dans la 2€ quinzaine de Méchir, et l’amener à l'entrée de la nuit dans la colonne suivante, la 1° du mois Phaménoth. Mais, comme je l'ai dit, celle-ci manque; et dans la 2° de Méchir le scribe l’a maintenu, par erreur, à la même place que dans la 1°, ce qui est hors de toute possibilité. En rectifiant par la pensée cette incorrection évidente, l’arrivée du dernier lever à l’en- TROUVÉ A THÈBES EN EGYPTE. 637 trée de la nuit du 1% Phaménoth est manifeste, et concor- dante avec la date de la 1°° apparition, au 1°" Paophi. Par là, et par les caracteres spéciaux de configuration qu’assi- gnent à cet astérisme les dénominations que le tableau lui donne, nous allons le retrouver dans le ciel. $ 59. L'observation étant datée du 1° Paophi, 29 juillet, je prends la longitude du soleil pour ce même jour dans uotre tableau du $ 29, et l'équation générale (L) devient ici : (L) L+e—113.17.55" + m'= que je change en : (L) L+e— 113.23 .19" pour ramener approximativement la longitude du soleil à l'heure où le lever a dü s’opérer (”). Pour calculer exactement l'arc e, il faudrait connaître l'angle I que l’écliptique forme avec l'horizon oriental quand l'étoile cherchée se lève. Comme première approximation, je lui attribue la valeur 1, ou 60°. 30’. 23" calculée $ 36 pour le lever de Sirius, qui a lieu 15 jours auparavant. Puis, prenant successivement H égal à 11° et à 13°. 30’, j'en tire de même que dans le $ 36 les deux limites suivantes : Si l'étoile cherchée est de ze grandeur: e—12°.39'.54; et parsuite, L— 100°,43/.24" Si elle est de 2°-3° grandeur.......... e—15°.33.26; et par suite, L=— 97°.45’.53" J'amène donc à l'horizon oriental du globe les points de (‘) La valeur exacte de "5 calculée d’après la convention adoptée $ 37 est 5'.25”,95, ce qui accroîtrait seulement de 2” la valeur de L+e, Les conséquences de cette modification seraient évidemment du même ordre, et tout à fait négligeables. T. XXIV. 81 638 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE l’écliptique désignés par ces valeurs de L, et j'examine toute la plage du ciel qui se trouve dans ce plan ou à peu de distance, soit au-dessus, soit au-dessous. Le couple que nous cherchons se découvre aussitôt avec des caractères de spé- cialité si évidents qu'il est impossible de le méconnaître. Il est formé par les deux étoiles à et y du grand Chien, l’une et l’autre de 2€ grandeur, distantes entre elles de 4° +, qui sur- gissent successivement à l'horizon dans la disposition pres- que verticale ici figurée. H É H Parcourez tout le contour de l'horizon oriental, vous n'y verrez que de petites étoiles distribuées tout différemment. Ce couple y est le seul de son ordre; le seul aussi qui s'a- dapte à l’idée qu’en donne la légende du tableau égyp- tien. Puisqu’elle applique expressément la date du lever au sommet des deux étoiles, c'est à qu’elle nous désigne. J'a- mène done celle-ci à l'horizon du globe, et je trouve pour elle : a, — 88°.30' De là, par les formules annexées au $ 37, je déduis : 166%" 194; L —100°.x:1.49 Pour cette valeur de L, l'équation (L) donne : e— 198 218 5 d’où l’on conclut, par l'équation (e) : Ë H—=1r27%191:331 Cette valeur de l’abaissement H est très-admissible pour un couple d'étoiles de 2° grandeur, fort proches l’une de l’au- TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 639 tre. Ilest impossible de décider qu’elle aurait dû être de quel- ques minutes plus grande ou moindre, dans les circonstances où l’observation fut faite. En l’adoptant, il faut admettre aussi la valeur corrigée de e, d’où elle dérive. Or celle-ci donne 2e — :24°.19.46 De là on tire l’arc de visibilité... . .. 1800 — 2e— 1550.40'.54 Maintenant, si l’on prend, dans le tableau du $ 29, le mouvement de longitude M du soleil, depuis le 1° Paophi jusqu’au 1° Phaménoth, c’est-à-dire pendant les 150 jours de visibilité attribuée par l'auteur égyptien aux levers de cet astérisme, on trouve : M=—= "15075538! Ces levers observables atteignaient donc la 11° quinzaine après la première apparition matutinale, comme l’auteur égyptien l’a marqué, et ils dépassaient son commencement d’un très-petit nombre de jours qui s'y trouvaient compris. Aucune autre étoile ne satisferait, à beaucoup près aussi bien, à toutes les conditions de dates et d’énoncé qui sont spéci- fiées dans le tableau égyptien. En conséquence, l’identifica- tion de à du grand Chien avec le sommet des deux étoiles me paraît tout à fait indubitable. $ 60. Je passe à l’astérisme qui est marqué comme faisant sa première apparition matutinale 15 jours plus tard, le 16- 15 Paophi, 30 jours après Sirius. La légende qui le désigne se traduit sans incertitude les étoiles de l’eau, étant composée du signe de l’eau FR d'un vase U, signe d'appartenance, et de trois étoiles **, symbole de la pluralité. Ce dernier caractère ne nous désigne donc pas une étoile isolée, dont le lever individuel s'opère précisément à la date donnée. II ô1. 640 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE laisse une certaine latitude d’indétermination, de laquelle nous devrons nous prévaloir dans de justes limites, si, comme nous devons nous y attendre, nous ne trouvons dans le ciel aucune étoile d’un éclat remarquable qui s'adapte ri- goureusement à cette date. Mais, préalablement à toute dis- cussion critique, il faut, comme dans les cas précédents, pré- parer les éléments d’une première appréciation approxima- tive qui nous apprenne sur quelle partie du ciel nous de- vons fixer nos regards. L'observation étant postérieure de 30 jours au lever hélia- que de Sirius, qui s’est opéré le 14 juillet au matin, jour 196°, je prends dans le tableau du $ 29 la longitude du soleil pour le jour 226°, ou 13 août; et l'équation générale ([) donne à cette date : (L) L+e—127°.56.48" + m's que je change en : (L) L+e—128. 2'.12/ pour l’adapter à peu près à l'heure où l'étoile observée a dû paraître à l'horizon oriental (”). Les approximations préliminaires m'ont appris que 2 valeur de L devait être comprise entre les limites suivantes : Si l'étoile est de 1° grandeur.. : e—12°, 3°. 4/; et par suite : L=— 115°.58'. 8 Si l'étoile est de 2°-3° grandeur : e—14°.48'.10/; et par suite : I— 113.14. 2" J'amène done à l'horizon oriental du globe les points de (*) La valeur exacte de m””r, calculée d'après la convention adoptée $ 37, serait ici d'. 41,92; ainsi la valeur de L+ e s'en trouverait aug- mentée de 18”. | : TROUVÉ A THÈBES EN EGYPTE. 641 l'écliptique ainsi désignés. Je ne vois dans ce plan, ou à peu de distance, aucune étoile de 1 grandeur. La plus proche est Régulus, « du Lion grec. Mais elle est beaucoup trop élevée au-dessus de l'horizon pour que l’on puisse y songer. Le point de l’écliptique qui se lève avec lui a pour longitude moins de 107° ; et, d'après ce que nous montrent nos calculs prépara- toires, parmi les diverses classes d'étoiles qui pourraient faire leur lever héliaque à la date donnée, les plus brillantes doivent avoir les plus grandes valeurs de L, celles de e qui s'y ajoutent étant moindres. Dans toute la bande horizon- tale qu'embrassent nos deux limites de 1, on ne voit que deux étoiles qui puissent attirer l'attention. C'est d’abord « de l’'Hydre de 2° grandeur, avec le nombreux cortége de toutes petites étoiles qui la suivent; puis à du Lion grec, de 2°-3° grandeur, qui est isolé dans le nord à 5o° de distance du point de l'horizon où l’autre se lève. Il est peu vraisem- blable qu’on les ait réunies toutes deux en un même groupe conventionnel pour en faire les étoiles de l'eau. Mais, pour ne pas préjuger la question, je les soumettrai toutes deux à une seconde approximation individuelle. Les ayant donc amenées successivement à l'horizon du globe, j'ai trouvé : pour « de l’Hydre a, — 102°; d'où j'ai déduit par le calcul : 1 — 72.17.20 L— 1110.28/.35/ pour à du Lion a, — r04° I 920. 2,15 L— 1130.11/.51" Ces valeurs de L, étant substituées successivement dans l'équation (L), donnent : & DE L'HYDRE, Ô DU LION. les valeurs résultantes de e...:.....,........,................. 160.33'.379" 140.50',21/ d’où l'on conclut par l'équation (e) les valeurs correspondantes de H... 150. 39.43 140. 6'. S 61. La valeur de H relative à à du Lion est parfaitement 642 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE admissible. Celle qui s'applique à « de l'Hydre semble un peu trop forte, pour une première apparition observée avec une vue moyenne. Si l'on supposait H'=— 14°, ce que Pto- lémée adopte habituellement pour les étoiles de 2° grandeur, l'équation (e) donnerait : e = 149.47.55" tandis que par l'équation (L) nous trouvons... ... 2 160-323 -370 d'OMILTEUIIE Res ed Li CCE —e—— 10.45.42 Ceci montre que la première apparition de « de l'Hydre aurait pu être observée environ 2 jours plus tôt que le 16- 15 Paophi, c'est-à-dire le 11 août au lieu du 13. Cette pré- somption se fortifie encore, si l’on considère que la grande valeur de e, déduite de l'équation (L), donnerait un are de visibilité 180°— 2°, qui n’embrassait pas tout à fait 150 jours; en sorte que le lever ultérieur de l'entrée de la nuit n'aurait pu être marqué, en tête d’une quinzaine, qu’en le prenant parmi ceux qui sont encore observables, au delà de ce terme, dans le crépuscule du soir. Ce retard étant admis en fait, on l’expliquerait fort naturellement par l'impossibilité où s’est vu l'auteur égyptien de trouver, dans le ciel, des étoiles de même ordre dont le lever s’adaptât plus approximative- ment à la date donnée du 16-15 Paophi. Mais il y a une autre interprétation, beaucoup plus plausible, qui l’exempterait d'avoir commis cette petite erreur, ou de s'être permis cette tolérance. J'ai déjà fait remarquer qu'il est peu à croire qu'une toute petite étoile, comme 3 du Lion, eùt été réunie dans un même groupe conventionnel avec « de l'Hydre, dont elle est si éloignée. Un autre motif, contre son adop- tion, se déduit encore de sa grande distance au point de l'équateur qui se lève avec elle. Car tous les astérismes du TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 643 tableau que l’on peut reconnaître, paraissent avoir été choisis à dessein non loin de ce plan, condition que remplissait pré- cisément 4 de l’Hydre, qui s’en trouvait tout proche. Écar- tons donc, pour le moment, cette idée d'association peu vraisemblable, etattachons-nous à 4 de l'Hydre, puisque c’est la seule qui approche de satisfaire aux données du problème, si à du Lion est exclu. La légende égyptienne ne nous dési- gne pas l'étoile, mais les étoiles, de l’eau. Supposez que l'astérisme ainsi appelé coutienne + de l'Hydre avec le cortége de petites étoiles qui la suivent en descendant jusqu'à x ‘de 5° grandeur, pour laquelle a, = 108, et L— 116°. 39. 0”. Cette dernière excédera-tant soit peu la limite de longitude requise, comme: on peut aisément s’en assurer par le calcul. Alors, l’arrivée de ce groupe à l'horizon oriental satisfera en moyenne à la date donnée, Si donc quelque particularité d'application, ou d'usage antérieur, avait rendu désirable de signaler dans le tableau le lever héliaque de 4 de l'Hydre, qui précédait de si peu un commencement de quinzaine, on y aurait réussi par cette adjonction, en l'indiquant, comme on l’a fait, par le signe de pluralité; à moins qu'elle ne fût déjà admise dans les dénominations vulgaires. Or, qu'il y ait lieu de croire que ce soit là le vrai sens de la légende, les étoiles de l’eau, c’est ce dont je vais apporter des raisons très-puissantes. $ 62. Dans les habitudes égyptiennes, l'emblème de l'eau RW associé à l'idée de temps ou d'époque, n'avait pas une signification abstraite. Il désignait, par une allusion ma- nifeste autant que spéciale, la turgescence du Nil, qui venait, chaque année, féconder leurs terres à des époques solaires 64/4 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE fixes, attendues avec une anxiété générale, et soigneusement observées. C'est ainsi que le symbole MA caractérisait particuliè- rement les quatre mois qui comprenaient la crue du Nil et l'inondation, aux époques périodiquement intermittentes, où l’année vague, composée alors de 360 jours, revenait en concordance de notation avec l’état des cultures de l'Égypte, après des intervalles qui alternaient entre 69 et 70 années solaires. T'astérisme porté dans le tableau égyptien comme faisant sa première apparition le 15 Paophi, se trouvant caractérisé par des symboles qui ont si évidemment une ap- plication analogue, il devient essentiel d'examiner quels rapports cette date pouvait avoir avec la crue du Nil, au temps où le tableau fut construit, c'est-à-dire dans l’année de la période julienne 3473. Pour le savoir, j'ai d’abord cherché, par les tables de M. Largeteau, quelle était la date julienne du solstice d'été dans cette année-là. J'ai trouvé qu'il avait eu lieu à Thèbes, le 4 juillet, par conséquent 10 jours avant le lever héliaque de Sirius, qui s’y opérait le 14 juillet ou le 16-15 Thot. Ce solstice coïincidait donc alors avec le 6 Thot de l’année va- gue, de sorte que le 16-15 Paophi lui était postérieur de 40 jours. Or, parmi les phases successives de la crue du Nil, il y en a une qui, dans tous les temps, a dû être pour la population égyptienne d’une extrême importance; et son arrivée est en- core aujourd’hui l’occasion d’une cérémonie solennelle, qui n'est sans doute qu'une répétition traditionnelle de celles par lesquelles on l’a toujours signalée. Cette phase remar- quable répond au moment où les eaux du fleuve sont de- La HA { | 4 2 \ , 45 TROUVÉ A THÈBES EN EGYPTE. 645 venues assez hautes, pour que l’on juge convenable de cou- per les digues qui les contiennent, et de les laisser se répandre dans les canaux d'irrigation. De nos jours, pendant l’occu- pation de l'Égypte par l'armée francaise, cette opération s'est effectuée au Caire, deux années de suite, 30 jours envi- ron avant l’équinoxe d’automne, ou 60 jours après le sols- tice d’été (*). On conçoit que, sur les divers points du cours du Nil, l'époque n’en saurait être la même. Elle doit différer selon le degré d’encaissement local du fleuve, selon le ni- veau relatif des terrains cultivables qui le bordent, et selon les travaux d’art que l’on a effectués pour le contenir. Nous ne pouvons aujourd'hui déterminer l'effet complexe de ces diverses circonstances, pour les temps anciens. Mais il en est ‘ une dont l'influence, non moins importante, est permanente, et peut être approximativement appréciée : c'est la distance des lieux, aux points supérieurs d’où les eaux descendent. D'après les observations des ingénieurs français, à Esné (la- titude 25°. 47), la crue a commencé d’être sensible 11 jours plus tôt qu’elle ne le fut au Caire (latitude 30°. 2”) (**). Cette différence se réduirait proportionnellement à 10 jours pour Thèbes située par 25°. 42', toutes choses étant supposées égales d’ailleurs. Elle doit être plus grande entre des phases, ( Description de l'Égypte, état moderne, tome II bis, page 364; jour- val des mouvements du Nil, observés au Méquäs de Roudah. Voici le re- levé des dates, dans deux années : Année 1799. Août..... 23. Ouverture des canaux d'irrigation. Septembre 23. Maximum de la crue. 1800, Aoùûl..... 17. Ouverture des canaux d'irrigation. Octobre... 4. Maximum de la crue. (*?) 1d., ibid., page 533. T. XXIV. 82 6146 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE de la crue plus avancées. Toutefois, en nous y bornant, on voit que la date du 15 Paophi, postérieure de 4o jours au solstice d'été, précéderait seulement de 10 jours celle de 50, qui, d’après ces comparaisons approximatives, aurait été convenable pour l'ouverture des canaux à Thèbes; et elle s'applique encore mieux au signalement d’un astérisme dont le lever héliaque aurait été mentionné, comme présageant seulement de près cette opération. Par tous ces motifs, nous pouvons admettre, avec une grande vraisemblance, que l’astérisme mentionné au 15 Paophi, sous le titre les étoiles de l'eau, a été expressément avec cette intention ; de sorte qu’en le cherchant dans le ciel, d'après les conditions de date que le tableau assigne à sa première apparition, comme nous l'avons fait plus haut, il faudra aider ou justifier notre choix par tous les indices qui pourraient lui donner quelque rapport traditionnel avec le Nil. $ 63. J'avais d'abord songé à Régulus, l'étoile principale du Lion grec, parce que Plutarque et le scoliaste d’Aratus disent que les Égyptiens avaient dédié cette constellation (äsrgov) au soleil, à cause de la présence de cet astre dans les étoiles de ce groupe pendant les phases les plus marquées de la crue du Nil; coïncidence qui a en effet subsisté pen- dant toute la durée de l'empire égyptien, et même plus tard. Mais, aux temps que nous considérons, le lever héliaque de Régulus à Thèbes était beaucoup trop proche de celui de Sirius, pour satisfaire à l’intervalle de 30 jours assigné par notre tableau. Les données graphiques fournies par le globe à pôles mobiles suffisent pour prouver ce fait, sans qu'il soit besoin de recourir au calcul. Cet instrument nous montre qu'à l'époque du tableau le lever matutinal »rai de PE TS LOST D CP a PR AE) TROUVÉ A THÈBES EN EGYPTE. 647 Régulus s’opérait à Thèbes 19 jours seulement après celui de Sirius. L’éclat de ces étoiles est de même ordre ; ainsi leur premier lever perceptible, exige le même arc d’abaissement du soleil, sous l'horizon oriental. Mais, quand Régulus se lève, l’écliptique fait avec cet horizon un angle beaucoup plus grand qu'au moment du lever de Sirius. Il faut donc moins de temps pour que le soleil atteigne le même abaissement vertical, dans le premier cas que dans le second, ce qui rend l'intervalle des deux levers héliaques encore moindre que l'intervalle des levers vrais. Get intervalle ainsi réduit est donc absolument inconciliable avec celui de 30 jours que le tableau met, entre le lever héliaque de Sirius, et celui de l’astérisme que le tableau appelle les étoiles de l'eau. $ 64. Régulus étant exclu, le calcul et le globe nous ont indiqué un autre groupe stellaire qui, seul dans le ciel, s'adapte très-exactement aux dates assignées. C’est celui qui comprend 4, le cœur de l’'Hydre grecque, avec le cortége de petites étoiles qui l'entourent et qui la suivent. Or, précisément, des considérations traditionnelles, spéciales à l'Égypte, viennent appuyer, on pourrait dire justifier, cette identification. Quand on examine la sphère grecque, on a peine à se rendre compte des motifs qui ont pu y faire introduire ou admettre une constellation aussi peu naturellement définie que celle de l’'Hydre, composée d'étoiles qui, à l’ex- ception de «, sont toutes très-petites, et dont la série s'étend, comme un mince ruban sinueux, sur un quart de la circon- férence du ciel; sa tête confinant aux étoiles qui sont au milieu de la constellation du Cancer, et sa queue venant aboutir à celles qui sont au milieu de la Balance. De sorte 82. 648 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE qu'à l'époque où on la voit paraître dans la sphère grecque, elle embrassait toute la portion de l'écliptique que le soleil parcourait en go jours, en allant du solstice d’été à l'équinoxe d'automne, depuis le temps de l’année où le Nil commence à croître, jusqu à celui où il atteint son maximum d’élévation. Cette concordance si précise d'époque et d'intervalle tem- poraire avec un phénomène si important pour l'Égypte, mais qui n'avait aucune application à la Grèce, donnerait à penser que la constellation qui la réalise aurait été primi- tivement constituée par les Égyptiens, en vue des rapports qu'ils voulaient lui donner avec les mouvements du Nil, et que les Grecs, qui tirèrent d'eux les premiers rudiments de leur astronomie, se la seraient appropriée, en l’adaptant à leur mythologie sous le nom de l’Æydre, dérivé de ÿJv9, eau. Ce soupcon fort naturel est appuyé par le passage suivant du scoliaste d'Aratus, que l’on croit être Théon d'Alexandrie (*). Je le rapporte, en y supprimant seulement les noms de mois pris dans l'année égyptienne devenue fixe, qu’il énonce con- curremment avec les mois juliens qui y correspondent, les- quels suffisent pour fixer le sens :« Les Égyptiens ont ap- « pelé cette constellation (l'Hydre) le Nil, et ils en donnent «des raisons très-plausibles. Car sa tête se trouve dans la « dodécatémorie sacrée du Cancer (celle qui, dans le zodia- «que grec, rendu mobile par la précession, a toujours pour «origine le point solsticial d'été), vers le mois romain juillet. «Le milieu de son corps se trouve au commencement (du «signe) du Lion dans le mois d’Auguste, lequel concorde « précisément avec le milieu de la crue du Nil. L’extrémité (*) Arat. Phæn, Scolie sur le vers 443, p. 302 et 303; éd. Leipz. TROUVÉ A THÈBES EN EGYPTE. 69 « de ce même corps se trouve dans (le signe) de la Vierge qui «répond au mois romain septembre, lequel est aussi celui «où le Nil cesse de s’accroître. De là, sa queue s'étend sur la «tète du Centaure, et se prolonge jusqu'aux serres du Scor- « pion. Car, dans le mois d'octobre (auquel le soleil parcourt «ce signe), le Nil s'abaisse ; et c’est ce que le Corbeau placé «sur la queue de l’'Hydre annonce avec évidence, signifiant, « par sa couleur noire que le Nil va disparaître. » Cette der- nière analogie s’appliquerait mal au Corbeau grec, qui est posé sur l’Hydre fort loin de sa queue, dans la dodécatémorie de la Vierge, non du Scorpion. Au reste, en rapportant cette tradition d’origine, telle que le scoliaste d'Alexandrie nous la donne comme existant de son temps, c’est-à-dire vers la fin du [°' siècle de notre ère, je suis très-éloigné de vouloir en conclure que la constellation de l’'Hydre eût été déja cons- tituée tout entière chez les Égyptiens, avec sa configuration grecque, du temps de Rhamsès VI; encore moins qu'ils rap- portassent dès lors ses diverses parties aux dodécatémories écliptiques prises sur le cercle mitoyen du zodiaque, cercle qui peut-être, probablement même, n’était pas encore défini par eux dans cette acception abstraite. Maïs, en trouvant plus tard cette relation intentionnellement établie entre le cours de cette constellation et les mouvements du Nil, eela me semble rendre plus facilement supposable que l’on eût choisi fort anciennement son étoile principale « pour signaler, par son lever, l’arrivée prochaine d’une des phases les plus im- portantes de la crue du Nil à Thèbes, celle qui permettait l'ouverture des canaux d'irrigation ; cette étoile associée aux plus petites qui l’accompagnent, formant un groupe parfai- tement approprié à cet usage, comme nous l'avons reconnu. 650 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE $ 65. A la quinzaine suivante, la 1° d'Hathyr, l’astérisme que le tableau de Rhamsès VI désigne comme faisant sa première apparition matutinale 45 jours après Sothis ou Sirius, est appelé la téte du Lion. Ici l'on ne découvre plus aucun rapport avec la sphère grecque. A cette date, toutes les étoiles du Lion grec sont levées, même la dernière de la queue, qui est de 2° grandeur et que nous nommons 6. Très- loin dans le sud, on voit la belle étoile Canopus, de r'° gran- deur, + du Navire grec. Mais elle est déjà fort au-dessus de l'horizon, et le calcul prouve que sa première apparition matutinale a dû s’opérer environ sept jours plus tôt, dans l'arc d'abaissement de 11° qui convient à son grand éclat. D'ailleurs, les identifications que nous avons faites jusqu’à présent nous montrent que le constructeur du tableau égyp- tien à pris tous ses astérismes dans la zone du ciel que nous appelons zodiacale, et à peu de distance de l’équateur. De sorte qu'il est peu supposable qu'il fût allé choisir si loin Canopus, même quand la date de son lever aurait pu conve- nir ; à plus forte raison quand elle discordait complétement. Or, par une circonstance singulière, et pourtant indubi- table, depuis le 45° Jour après le lever héliaque de Sirius Jusqu'au 60° inclusivement, ce qui correspond aux dates des deux quinzaines du mois Hathyr, où le tableau place les pre- mières apparitions matutinales de la téte, puis de la queue du Lion, Von ne voit se succéder à l'horizon, sur tout son con- tour oriental, que de petites étoiles, dont les plus distinctes, comme aussi les seules qui soient rassemblées en groupe, ou disposées en série continue, appartiennent à la constellation grecque de la Coupe ou à la continuation de l'Hydre ; de sorte que la tête, le corps et la queue du Lion égyptien ne peuvent TROUVÉ A THEBES EN ÉGYPTE. 651 être placées que là, faisant suite à 4 de l'Hydre, détermi- natrice de l’astérisme précédent, les étoiles de l’eau. I reste donc à chercher, dans cette partie du ciel, les étoiles qui ont fait leurs levers héliaques aux deux dates assignées ; en s’as- treignant à la condition de les choisir telles, qu’elles puissent avoir été réunies dans un même ensemble figuré, sans pré- senter entre elles des écarts de position, qui s’opposeraient à ce qu’on les eût ainsi associées. $ 66. Le 16-15 Thot, jour du lever héliaque de Sirius, concordant avec le 14 juillet, jour 196° de l'année correspon- dante qui est bissextile, le 1°" Hathyr, jour égyptien 61°, où le tableau marque le lever héliaque de la téte du Lion, coin- cide avec le julien 241°, qui est le 28 août. Prenant donc dans le $ 29 la longitude du soleil pour ce jour-là, l'équation générale (L) y deviendra (L) L + e— 142°.43,46" que je change, comme à l'ordinaire, en : (L) L + e — 142°.49'.10 pour la ramener approximativement à l'heure du lever ma- tutinal (*. J'ai rencontré, pour la détermination de cet astérisme, les mêmes difficultés que l’auteur égyptien a dû éprouver pour l’assigner, à cause du manque absolu d'étoiles tant soit peu remarquables que présente cette partie du ciel, parmi celles qui peuvent s'associer configurativement dans cette quin- a (*) Le vraie valeur de »"7, calculée d’après la convention adoptée $ 37, serait ici 5'.54",05. Elle accroîtrait ainsi de 30! la valeur de L + e. 652 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE zaine et dans la suivante. Après bien des essais préliminaires, j'ai reconnu que le cercle horizontal qui s'adapte le mieux à la date donnée, doit être placé entre ceux qui contiennent les petites étoiles 4 et v de l’'Hydre, toutes deux de 4° grandeur; et je choisis, comme intermédiaire, celui qui contient la petite étoile +’ qui n’est que de 5°, sans prétendre attribuer à cette fixation plus de rigueur que l’auteur égyptien n’a pu lui- même y en apporter. Amenant donc $' à l'horizon oriental du globe, j'ai trouvé pour elle : a,— 1219.30; d'où j'ai conclu, par le caleul............ 1= 780. 6!.21/ ;L—1280.11:".55" cette valeur de L étant substiluée dans l'équation (L) donne e —14°.37'.11" 1 d’où l'on déduit par l'équation (e)...................... Lo dr Cette valeur de H pourrait sembler un peu faible si on l'appliquait isolément à l'étoile 4’. Mais le lever de y de l’'Hydre a pu être perceptible dès le 27 août, et celui de y de l’'Hydre ne l’est devenuque le 30. En sorte que, si l'observateur égyptien a défini sa téte du Lion par l'ensemble de ces deux étoiles, le cercle horizontal qui passe par 4’ s’adaptait très- bien, comme moyenne, à la date donnée. Il convenait encore sous un autre rapport. En effet, la valeur de e tirée de l’é- quation (L) donne : 2e— 29°.14/.22" d'où l’on déduit l'are de visibilité... .. 1800 — 2e — 150°.45'.38" Or, le lever de l'entrée de la nuit de la téte du Lion est marqué au 1* Pharmouti, 150 jours après le 28 août, jour 241°, ce qui conduit au jour 3g1°, ou 25 janvier de l’année suivante. D'après notre $ 29, on avait ce jour-là : longitude du soleil. ......... DS TTC 294°.27/.56" retranchez-en la valeur de celte longitude au 28 août 142°.43.46" vous aurez l’are de longitnde décrit par le soleil dans l'intervalle de ces 150 jours. . 151°.44'.10" L’arc de visibilité atteignait donc cette limite à 1° près; LA A LA F- TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 653 et l’on pouvait aisément le conduire jusque-là, en prenant pour lever de l'entrée de la nuit celui du 25 janvier même, qui s’opérait à un degré d’abaissement du soleil un peu moindre que H, ce qui le rendait encore parfaitement per- ceptible. Or, en effet, nous allons voir que l’auteur égyptien a usé de cet artifice dans le cas présent. A cette même date du 1° Pharmouti, 25 janvier, le tableau marque la première apparition matutinale des deux plumes de Nacht, que nousavons reconnues être y età du Capricorne grec. Ces deux levers extrêmes d’une même nuit doivent done comprendre entre eux un intervalle de temps très-peu différent de 10 heures temporaires actuelles, et habituelle- ment de quelques minutes moindre. Appliquant donc ici l’é- quation (A) formée dans le $ 49 pour des cas pareils, nous devrons avoir : (A) a, = a) — 10H, + x où a,° représente l’ascension droite du point de l'équateur qui se lève avec les deux plumes de Nacht, identifiées à} et à du Capricorne ; a, , l'élément analogue pour la téte du Lion ; et x un très-petit arc équatorial, qui se trouvera positif, ou négatif, selon que les deux levers considérés comprendront entre eux moins ou plus de 10 heures temporaires. Or, nous avons trouvé : dans le & 50, par le globe........... ae) —291°.30" dans le $ 51, 5Hn — 840.9'.23", d’où 10Hy — 168°.18'.46" il en résulte donc, par différence. . ..... a —1230.11 14 + or, en considérant +’ de l’Hydre comme la déterminatrice moyenne de la tête du Lion, le globe nous a donné pour cette étoile............ &—121°.30" pour accorder ces deux expressions de a,, il faut faire............... x ——1°.41/.14" ce qui équivaut à 6". 45° de temps équinoxial. Le signe négatif de x nous indique donc que l'intervalle T. XXIV. 83 654 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE des deux levers a excédé quelque peu 10 heures temporaires actuelles, comme nous l’avions pressenti. Si l’on veut faire porter cet excès tout entier sur l'observation du soir, le lever mentionné de la téte du Lion aura dùà s’opérer 6".45° avant la fin de la 1° heure temporaire nocturne, c’est-à-dire un peu plus de 1 heure équinoxiale après le coucher du soleil, de sorte qu'il était parfaitement observable à la vue simple. Ceci confirme donc pleinement l'identification de la tete du Lion avec 9’ de l'Hydre,que nous avons déjà reconnue par une voie toute différente. Un accord si juste entre des ré- sultats si éloignés a de quoi surprendre. Pour qu'on ne le croie pas préparé artificiellement, je dois déclarer ici que l'épreuve numérique qui vient de nous le donner, n’a été effectuée qu'après que les deux étoiles avaient été choi- sies individuellement sur le ciel, comme s’adaptant le mieux possible à leurs dates propres, et après que les deux va- leurs 4°, &,, qui s'y rapportent avaient été aussi mesurées individuellement sur le globe, telles que je les ai employées. $ 67. Je considère maintenant l'astérisme appelé la queue du Lion. Sa première apparition matutinale est marquée au 16-15 Hathyr, 15 jours après la précédente, ce qui la met au 12 septembre julien, 60 jours après le 14 juillet, où le lever héliaque de Sirius s’est opéré. Prenant donc dans le $ 29, la longitude du soleil pour ce 12 septembre, l’équa- tion générale (L) devient ici (L) L+e— 157.38 .49" + m'r que je change en (L) L+e— 157.44 .13" . ba di TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 655 pour la ramener approximativement à l'heure où l’appari- tion matutinale a pu être observée (”). Les épreuves préliminaires ne montrent que deux étoi- les qui puissent convenir à la date donnée. Ce sont y de la Vierge, 3° grandeur, et ë de l'Hydre, 4° grandeur. Je suis obligé de les soumettre l’une et l’autre à un calcul exact, parce qu'elles donneraient à la queue du Lion égyptien des direc- tions différentes : la conduirait dans la Vierge grecque, peut-être jusqu’à l'Épi; et £ la continuerait sur les sinuosités de l’'Hydre, peut-être jusqu’à «et 8 du Corbeau. Les amenant donc successivement à l'horizon du globe, je trouve : pour y dela Vierge a, — 141°.30'; d'où je déduis parle calcul :1=—83°.40'. 0” L—145°.38'.27" pour Ë de l’'Hydre a: —143°.30'; d’où je déduis.......... I=8%0. 3.20” L—71470.23.34" Les valeurs de L ainsi obtenues, étant successivement subs- tituées dans l'équation (L), donnent les résultats suivants : Y DE LA VIERGE, Ë DE L'HYDRE. valeurs de e, déduites de l’équation (L)...................... Ja ND 6 LD 208300 d’où l'on conclut par l'équation (e) les valeurs de l’abaissement H 12°. 1/.16/ 10°.17'.19" La valeur de H relative à £ de l’'Hydre est inadmissible. Une si petite étoile n'aurait pu devenir perceptible à l’hori- zon, dans un si faible abaissement du soleil. Le moindre que l'on peut raisonnablement lui attribuer serait 14°.30', d’où résulterait e — 14°.34'.48". Son apparition matutinale n’au- rait donc pas été perceptible plus tôt que le 16 septembre, non le 12, comme on l’a marqué. La valeur de H relative à ; x (*) La vraie valeur de #7, calculée conformément à la convention adoptée $ 37, serait ici 6.26”,58, au lieu de la constante 5’.24" que j'ai employée. Cela augmenterait donc de 1’.3'’ la valeur de L + e, de laquelle on déduit les arcs e, H. 83. 656 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE de la Vierge est peut-être aussi un peu faible pour une étoile de 3° grandeur. On la supposerait plus vraisemblable- ment de 13° ou même de 14°; ce qui reculerait l’époque de la première apparition perceptible au 13 ou 14 septembre. Mais, comme le ciel ne présentait aucune autre étoile dont le lever matutinal s’'adaptât d'aussi près à la date présente du 16-15 Hathyr, l’auteur égyptien a bien été forcé d'admettre cette anticipation de 1 ou 2 jours, qui, pour une vue très- perçante, aurait pu se réaliser en fait. D'après cela, en admettant que les indications du tableau et nos évaluations graphiques fussent complétement rigou- reuses, on en devrait conclure que y de la Vierge est assuré- ment l'étoile déterminatrice de la queue du Lion égyptien. Alors la tête de ce Lion partant en moyenne de + de l’'Hydre, il s’'étendrait dans une direction très-oblique à l’'ho- rizon, transversalement à l'équateur et à l’écliptique, en comprenant les étoiles de la Coupe, pour se prolonger dans la Vierge. Mais les incertitudes dont ces éléments sont passi- bles permettent seulement de considérer cette conclusion comme très-présumable, en attendant que nous l’ayons sou- mise à d’autres épreuves qui vont se présenter. Du reste, l'alternative ne peut porter que sur y de la Vierge et € de l’'Hydre. Car le ciel ne présente aucune étoile qui satisfasse, à beaucoup près aussi approximativement que ces deux-là, aux conditions assignées. S 68. Les valeurs de à,, et la grandeur des angles I qui s'y rapportent, montrent que ces deux étoiles sont situées dans les parties du ciel où les intervalles de visibilité embrassent 10 quinzaines complètes de jours; et, en effet, les valeurs de e qui sont propres à leur ordre d'éclat feraient Farc 180°— 2e TROUVÉ A THÈBFS EN EGYPTE. 657 égal à 153° ou 154°, pour la première, à 15o° pour la seconde. Les indications du tableau égyptien sont conformes à ce résultat théorique. Car il place la 1"° apparition matu- tinale de la queue du Lion au 16-15 Hathyr, jour 76°-75°; et son lever de l’entree de la nuit au 16-15 Pharmouti, jour 226°-225°, ce qui comprend un intervalle de 150 jours. Seulement, pour le trouver à cette date, où la loi de conti- nuité l’amène, il faut corriger une faute évidente de trans- cription commise par le scribe, qui lui a substitué mal à propos, à cette place, l’astérisme Ména , dont les serviteurs, précédents et suivants, sont inscrits trois et quatre lignes plus bas, dans la même colonne, au rang que la loi de conti- nuité leur assigne. De sorte qu’on ne saurait y mettre à la 1 ligne Ména lui-même, puisqu'il doit être toujours compris entre eux, ou absent. Cette faute de copie étant corrigée, et la queue du Lion rétablie à la 1"° ligne de la colonne comme elle doit y être, nous pouvons la retrouver dans le ciel par une épreuve toute différente des précédentes. Car, à la der- nière ligne de cette même colonne le tableau signale la pre- mière apparition matutinale du sommet du bâton de Nacht, que nous avons reconnu être « de Pégase; d’où il suit que ce phénomène, et le lever de l'entrée de la nuit de la queue du Lion, doivent avoir compris entre eux un intervalle de temps égal ou presque égal, à 10 heures temporaires de cette nuit-là. La recherche de celui-ci par l’autre, qui nous est connu, sera donc encore une application de l'équation formée & 49 : (A) a, =a— 10H, + x dans laquelle a désignera l’ascension droite du point de l'équateur qui se lève avec « de Pégase, a, l'élément analogue 658 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE pour l'étoile déterminatrice de la queue du Lion, et x un petit arc habituellement positif, qui ne devra pas excéder 3 ou 4 degrés. S 69. La date donnée 16-15 Pharmouti est postérieure de 210 jours au lever héliaque de Sirius, qui, dans notre année julienne de concordance, s’est opéré le 14 juillet, jour 196°. L’addition de 210 jours nous conduit au jour 406° de cette même année, c’est-à-dire, puisqu'elle bissextile, au 9 février, jour 4o° de l’année commune qui suit. Or, d’après les tables de M. Largeteau, le solstice d'hiver était arrivé le 31 décem- bre précédent, en sorte que la nuit que nous considérons était postérieure de 4o jours à ce solstice. La déclinaison du soleil devait donc être sensiblement la même que 40 jours avant le 31 décembre, c’est-à-dire le 21 novembre. Alors, en interpolant les longitudes du soleil des 1 1 et 26 novembre rap- portées dans le tableau du $ 29, j'en ai conclu pour le 21 avec une approximation suffisante : ? la longitude’ du soleil 228°.35'.27" ; et par suite, sa déclinaison d — — 170 39.45 de là j'ai déduit l'are semi-nocturne.....,.........,......... 6Hy — 98°.47.54 conséquemment 3Hy — 49°.23'.47" Hy — 162.27".56/ et enfin 10Hy — 1640.39 .37" en outre, au $ 55, le globe nous a donné pour & de Pégase al°) — 3060.30" Ces nombres étant introduits dans l'équation (A), il en résulte par différence : al 141°,501.280 1% Maintenant, le globe nous a donné directement : pour y de la Vierge a, —141°.30'; ce qui suppose: æ— — 0°,20/.23/, ou en temps — 1m,15° pour ë de l'Hydre a1=—143.30'; ce qui suppose: æ — +1°.49/.37/, ou en temps + 7.19" Par la première de ces déterminations, le lever du soir de y de la Vierge, et le lever du matin suivant de à de Pé- TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 65g gase, auraient compris entre eux 10 heures temporaires ac- tuelles, plus 1".15*. Le fait est très-possible; et cet excédant, inappréciable aux observations, ne saurait suffire pour auto- riser à exclure y, qui convient si bien sous tous les autres rapports; d'autant que les mesures de 4, données par le globe, ne peuvent pas être considérées comme süres, jusque dans de si petites quantités. La détermination relative à € de l'Hydre donnerait l’inter- valle des deux levers un peu moindre que 10 heures tempo- raires actuelles, comme cela s’est trouvé avoir lieu, dans la plupart des autres cas analogues que nous avons eu l’occa- sion de considérer. Mais cette petite étoile satisfait beaucoup moins que y à l'intervalle requis des longitudes, si même on ne doit plutôt dire qu’elle y répugne absolument. Il serait donc singulier, même bizarre, qu'on l’eüt choisie, pouvant prendre y qui était beaucoup plus belle. En résumé, l’une de ces deux étoiles doit avoir été la dé- terminatrice de la queue du Lion, puisqu'on n’en trouve au- cune autre qui puisse les suppléer. Mais le choix de y paraît le plus vraisemblable. $ 70. Je passe à l’astérisme qui est désigné comme faisant sa première apparition matutinale le 1° Choiak, 15 jours après la queue du Lion, 75 jours après Sirius. Il est appelé les étoiles nombreuses. Si cette dénomination collective de- vait être prise dans un sens d'application rigoureux, elle semblerait ne pouvoir convenir qu'à un groupe d'étoiles rapprochées les unes des autres, ou à une bande d'étoiles qui se lèveraient simultanément à la date donnée. Mais, à défaut de ces particularités exceptionnelles, on pourrait encore concevoir que l’on eût désigné ainsi un ensemble nombreux 660 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE d'étoiles, dont les levers se seraient succédé, vers cette date, à peu de jours de distance. L'étude du ciel pourra seule nous apprendre laquelle de ces interprétations a été possible. Je commence par établir les conditions de date auxquelles les levers considérés doivent satisfaire. Dans l’année égyp- tienne à laquelle les légendes s'appliquent, Sirius se levait héliaquement le 16-15 Thot, concordant avec le 14 juillet, jour 196*del’année juliennecorrespondante. Ajoutez 75 jours, vous arrivez au Jour julien 271° ou 27 septembre qui concorde avec le 1° Choiak, jour du lever de l’astérisme qui nous est désigné. Prenant donc dans le $ 29 la longitude du soleil pour ce jour-là, l'équation générale (L) deviendra ici : (L) L+e— 172°.42.35" + m'= que je change en (L) L+e—172°.47.59" pour la ramener approximativement à l'heure du lever (*). S 71. J'ai d’abord cherché à reconnaître dans le ciel une ou plusieurs étoiles, qui satisfissent éso/ément à cette condition. J'en ai trouvé deux très-belles, qui paraissaient devoir s'y adapter mieux que toutes les autres. L'une est Arcturus, : du Bouvier de 1"° grandeur; l’autre l'Épi, « de la Vierge, aussi de 1" grandeur. Les ayant donc amenées successivement à l'horizon oriental du globe, cet instrument m'a donné : pour Arcturus : a,—154°.30'; d'où j'ai déduit par le calcul: 1=—86°. 7.3 OL —r590. 7-0" pour l'Épi : &—1570.10" I1=860.3r.27" L—159°.29'.38" (*) La vraie valeur de »’7, calculée conformément à la convention adoptée $ 37, serait ici 6°.53",06, au lieu de la constante 5'.24" que j'ai employée. Cela augmenterait donc de 1°.29" la valeur de L + e d'où l’on pioy! 5 déduit les arcs e, H. TROUVÉ A THÈBES EN EGYPTE. 661 Ces valeurs de LI, substituées dans l'équation (L), donnent ce qui suit : L'ÉPI. ARCTURUS, _—— —— MaléUTS dE SE Re A Ne 13°.18/.21/ 15°,40".409!/ valeurs correspondantes de H, conclues par l'équation (e) ....... 13°,16/.31" 15°.39/. 4" L'abaissement H trouvé pour Arcturus, est beaucoup plus fort qu'il ne convient à une étoile de cet ordre, située, comme celle-là, très-loin du vertical du soleil. Elle aurait dû être perceptible à l'horizon 4 ou 5 jours avant le 27 sep- tembre. En outre, pour l’admettre, il faudrait supposer que l’auteur égyptien aurait dérogé, dans ce cas, à la règle géné- rale qu’il s'était prescrite, de prendre ses astérismes le plus proche possible de l'équateur et de l'écliptique, quand il en pouvait trouver de tels, qui s'adaptaient aux dates de son tableau. La valeur de H trouvée pour l'Épi semblerait aussi, au premier aperçu, être un peu plus forte qu’il ne convient en général à une étoile de 1° grandeur. Mais il faut consi- dérer que l'Épi se trouvait alors, précisément, dans le vertical du soleil; de sorte que, pour qu’elle devint perceptible à l'horizon, il fallait que cet astre fût plus abaissé que si elle en eût été plus distante. Ptolémée fait expressément cette distinction au chap. VI du livre VIII de l’Almageste, et elle est très-fondée en raison. D’après cela, on voit que l'Épi convient parfaitement comme déterminatrice, ou l’une des détermi- natrices, de l’astérisme égyptien appelé les étoiles nom- breuses. $ 72. La valeur de e obtenue pour cette étoile nous donne 2e — 926°.36/.42" d'où l'on déduit l'arc d’invisibilité. . 1800 — 2e — 1530,24/.18/ Cet arc embrasse un peu plus de 10 quinzaines de nuits FOX LV: 84 662 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE complètes. Aussi l’astérisme auquel il appartient est-il em- ployé dans le tableau égyptien pour ce nombre de quin- zaines précis. Car, faisant sa première apparition le 1°" Choiak, jour gi*, son lever de l'entrée de la nuit arrive ainsi au jour 241°, c'est-à-dire au 1° Pachon, où l’amène effectivement la loi de continuité de sa marche dans les colonnes précé- dentes. Seulement, pour le trouver à cette dernière place, il faut, comme cela nous est déjà arrivé, y corriger une faute évi- dente du scribe, qui lui a encoresubstitué mal à propos l’asté- risme Ména, quoique ce même Ména se trouve encore inscrit nominativement trois lignes plus bas, à son vrai rang, dans cette même colonne, entre les deux serviteurs qui le suivent et le précèdent toujours. Cette rectification étant faite, le ta- bleau se retrouve d'accord avec le ciel dans tout l'intervalle de visibilité de l’astérisme appelé les étoiles nombreuses, dont les levers extrêmes s’identifient ainsi complétement avec ceux de l'Épi. $ 73. Il reste maintenant à découvrir ce qui aurait pu donner lieu à cette désignation, qui implique une idée si marquée de pluralité. Le ciel nous l'indique encore. Au- dessous du cercle horizontal qui contient l'Épi, il existe un grand nombre d'étoiles, la plupart de 3° grandeur, qui se lèvent presque toutes ensemble, quelques jours plus tard. Cette bande horizontale est formée par les étoiles qui se trouvent à la crosse du bâton du Bouvier grec, sur son épaule gauche, sa main gauche et sa jambe gauche, vus sur le globe (”). Tout près au-dessous se trouve le beau groupe de (*) Cette spécification est nécessaire. Sur les globes célestes, la sphere TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 663 la Couronne boréale. Cet ensemble d’étoiles qui se levaient après l'Épi, dans la même quinzaine, a pu être très-naturel- lement compris avec elle par les Égyptiens, dans une même constellation que l’on aurait appelée les étoiles nombreuses ; et l'on ne voit absolument rien, dans cette plage du ciel, qui puisse justifier, ou même suggérer, une autre interprétation. $ 74. J'ai rencontré des incertitudes du même genre, et plus variées encore, pour découvrir les serviteurs qui précè- dent Ména, le serviteur suivant de Ména et Ména lui-même, lequel introduit par intercalation à la XI° division horaire dans la colonne du 1* Toby, jour 121°, est amené, à travers quelques fautes de transcription évidentes, à faire son lever de l’entrée de la nuit le 1° Paoni jour 271, après 150 jours de présence dans les colonnes; comme s’il eût fait sa pre- mière apparition matutinale le 1 Toby même, et non pas quelques jours auparavant. Pour débrouiller cet imbroglio, autant qu'il est possible de le faire aujourd’hui, d’après des indications rendues indécises par le caractère de pluralité qui les accompagne, je me suis attaché à découvrir dans le ciel des étoiles, ou des groupes d'étoiles, dont les premières apparitions matutinales aient du s’opérer aux dates pres- céleste est représentée convexe et vue par dehors; sur les cartes célestes, on la suppose concave et vue de son centre. Dans les deux cas, les figures des personnages font face au spectateur. Leur gauche, quand on les re- garde sur les globes, devient donc leur droite quand on les regarde sur les cartes. Du reste, comme leurs configurations et leurs attitudes sont identiques dans les deux modes de représentation, les mêmes étoiles s’ap- pliquent aux mêmes parties, dont le sens, relativement au spectateur, est seul interverti dans les énoncés. 84. 664 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE crites pour les serviteurs précédents et le serviteur suivant de Ména, en y joignant comme conditions : que le premier soit multiple, le second simple; qu'ils se suivent dans le ciel, de manière à pouvoir être réunis sous cette dénomination com- mune d’accompagnateurs; et qu'enfin il existe entre eux quelque étoile remarquable par sa situation ou par son éclat, dont le lever leur soit intermédiaire ; de sorte que, bien qu'elle n’ait pas pu être admise en tête d’une quinzaine , on ait eu un intérêt assez réel à la signaler, pour l'avoir intro- duite par intercalation, comme en effet nous voyons que l'on a introduit Ména. Tel est évidemment l’ensemble des conditions auxquelles il nous faut satisfaire, et je ne déses- père pas d'y avoir réussi. $ 75. Les serviteurs qui précèdent Ména font leur première apparition matutinale le 16-15 Choiïak, concordant avec le 12 octobre julien. Prenant donc dans le $ 29 la longitude du soleil pour ce jour-là, l'équation générale (L) devient : (L) L+e— 187°.50'.56" + m''7 que je change en : (L) - L+ e — 187°.56'.20" pour la ramener approximativement à l'heure du lever (*). Aux époques des levers que nous considérons, l’angle I est presque droit; les arcs e surpassent à peine les arcs H. Ainsi leurs valeurs d'application doivent de même se trouver (”) La vraie valeur de mr, calculée conformément à la convention adoptée $ 37, serait ici 7 .19",81 au lieu de la constante 5'.24" que j'ai employée. Cela augmenterait donc de 1'.46"” la valeur de L + e d’où l'on déduit les ares e, H. TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 665 comprises entre 11° et 13° ou 14°. Conséquemment les va- leurs de L qui satisferont à l’équation (L) devront être un peu moindres que 180°; c’est-à-dire que l’astérisme appelé les serviteurs qui précèdent Ména doit se lever quelque peu avant le point de l’équateur qui marque l’équinoxe au- tomnal. En amenant ce point à l'horizon du globe, on ne voit im- médiatement au-dessus de lui que de très-petites étoiles ; du moins, quand on se restreint à les prendre dans le voisinage de l'équateur et de l’écliptique, comme l’auteur égyptien pa- raît l'avoir fait. Ce qui semble s'adapter le mieux à -nos conditions, c’est le groupe des quatre petites étoiles g, k, 4, ë, qui sont toutes proches les unes des autres, dans la joue du Centaure grec. Comme : se lève un peu avant les trois autres, qui atteignent l'horizon ensemble, je prends séparé- ment ces deux parties du groupe, et je trouve par le globe : pour £... a; = 172°; d’où je conclus par le calcul.. 1— 87°.57/.32" L—1720.47.28" POUI 2, Kyo se Gi — 14 names eme ncoe Le A OC Je substitue ces valeurs de L dans l’équation (L) et j'en tire ce qui suit : ë. Sh,k. valeurs de e, tirées de l'équation (L)................ 15°.8/.52! 13°.20'.47" valeurs de H, déduites de celles-là par l'équation (e).... 15°.8/.16 13°.20'.19" En considérant ces valeurs de H isolément, celle qui est relative à & pourrait sembler un peu forte, et celle qui est relative à g, k, k un peu faible. Mais, probablement, l’obser- vateur égyptien a pris le groupe des quatre étoiles dans son entier, ce qui rend la moyenne des valeurs H parfaitement applicable. 666 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE La première apparition matutinale de ce groupe est mar- quée au 16-15 Choiïak, jour 106°-105°. Le lever ultérieur de l'entrée de la nuit est marqué au 16-15 Pachon, jour 256e- 255*. Cela compose un intervalle de visibilité comprenant 150 jours, comme le donnent les valeurs de 180°—2e tirées de nos évaluations. Je crois donc pouvoir admettre que l’astérisme appelé les serviteurs qui précèdent Ména est bien représenté par les quatre étoiles qui sont dans la joue du Centaure. S 76. Je passe au serviteur suivant de Ména, dont la pre- mière apparition matutinale est marquée au 1° Toby, jour égyptien 121°, concordant avec le 27 octobre julien, 15 jours après celle des serviteurs précédents. Prenant donc dans le S 29 la longitude du soleil pour ce 27 octobre, l'équation générale {L) devient : (L) Le — 2030597 pur que je change en : (L) L+e— 203.10 .5r pour la ramener approximativement à l'heure du lever (*). Cette équation nous montre d'avance que la valeur de L devra excéder notablement 180°, c'est-à-dire que l’astérisme cherché devra se lever notablement après le point de l’équa- teur qui marque l’'équinoxe automnal. faut de plus qu'il ait pour caractéristique une étoile (*) La vraie valeur de »7"+, calculée conformément à la convention adoptée $ 37, serait ici 7'.48",90, au lieu de la constante 5'.24" que j'ai employée. Cela augmenterait donc de 2’,25" la valeur de L +- e d'où l’on déduit les arcs e, H. TROUVÉ A THÈBES EN EGYPTE. 667 unique, peu distante de l’écliptique et de l'équateur. Je n’en vois qu’une seule dans ces conditions. C’est ; de la Balance, de 4° grandeur. Je l'amène donc à l'horizon du globe, et je trouve pour elle : a; —=1y2°; d’où je conclus par le calcul: 1=—87°.41.21" L—190.48'.24" Cette valeur de L étant substituée dans l’équation (L), il en résulte : e= 120.22/.27/ et par suite, en vertu de l’équation (e).... H=— 12°.21/.50" Cette valeur de H semble un peu petite pour une étoile de 4 grandeur. On serait porté à croire que y n’a pas dü être visible à l'horizon le 1% Toby même, mais seulement le », peut-être le 5. Toutefois, comme il n’en existait près d’elle aucune autre qui püt la suppléer, il serait fort naturel que l'observateur égyptien se füt permis cette légère anticipation de date, ne pouvant mieux faire. L’arc de visibilité 180°—2e embrasse un peu plus de 155°; ce qui, en ajoutant 150 au 1% Toby, jour 121°, porte le lever de l'entrée de la nuit au jour 271°, c’est-à-dire au 1° Paoni. Il se trouve amené en effet à cette date dans le tableau par la loi de continuité. Mais on l'y a supprimé, et on a substitué à sa place l’astérisme Ména, dont nous allons nous occuper tout à l’heure. D’après l’ex- posé que je viens de faire, je ne vois aucune autre étoile que 7 de la Balance qui puisse représenter le serviteur suivant de Ména. $ 77- J'arrive enfin à ce Ména, dont la première apparition matutinale a dû s’opérer entre celles des deux astérismes désignés comme ses serviteurs, C'est-à-dire entre le 12 et le 27 octobre. Le ciel nous présente une belle étoile, parfaite- ment assortie à ce rôle intermédiaire. C’est « de la Balance 668 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE australe, qui est de 2°-3° grandeur. Elle coïincidait alors, précisément, avec le point de l’équateur et de l’écliptique où se trouvait l’équinoxe automnal; de sorte qu'à ce titre il yavait un grand intérêt à la signaler. Mais, comme son le- ver héliaque ne s’opérait pas à une des dates de quinzaines du tableau, on n’a pul’yintroduire que parintercalation, entre les deux astérismes dont les levers, appartenant à des com- mencements de quinzaines, précédaient et suivaient le sien. Ceci reconnu, j'amène « de la Balance à l'horizon oriental du globe, et je trouve pour elle : &— 1810.15"; d'où je conclus, par le calcul... 1 — 88°.10°.42" L=— 1810.8'.10" Comme tous les résultats de nos calculs décèlent dans l’ob- servateur égyptien, une grande habileté pratique et une bonne vue, je supposerai l'observation faite dans un abais- sement H — 12°; d’où je déduis par l'équation (e) l’are e— 12°. 0’. 22”. Ceci ajouté à L donne donc : longitude du soleil au moment du lever héliaque de & de la Balance australe L+ e — 193°.8/.32" Si l’on compare cette longitude aux valeurs analogues trou- vées plus haut pour les deux astérismes dont les levers doi- vent comprendre celui de Ména on trouve ce qui suit : lever héliaque des serviteurs lever héliaque du serviteur précédents de Ména.... (+) —187°.56.20" suivant de Ména....... © = 203°.10".51" Ména (>) — 193%. 8'.10" Ména (©) —193°. 8'.32" Ména antérieur de 10°. 2!.13" d’où l’on conclut : Ména postérieur de 5° É .12/.19/ Ainsi, le lever héliaque de Ména s'opérait environ 5 jours après celui de ses serviteurs précédents, et environ 10 jours avant celui de son serviteur suivant. D'après cela, pour que Ména ait pu être substitué à son serviteur suivant, dans le lever du soir de la première quin- zaine de Paoni, il faut, qu'à cette époque, il ait encore pu TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 669 fournir des levers perceptibles, après 160 jours de visibilité. Il nous reste à examiner si cette prolongation a pu être phy- siquement vraie. Soit H'l’abaissement du soleil auquel une étoile fait son dernier lever perceptible dans le crépuscule du soir, e l'arc de l’écliptique qui correspond à cet abaisse- ment. La longitude du soleil au moment du phénomène sera : 180°+—6; qui deviendra pour Ména..… 361°.8/.10! — €’. La valeur limite de H'est beaucoup moindre que la valeur de H dans l'apparition matutinale, parce que la lumière de l'étoile est beaucoup moins effacée par l'éclat du soleil dans l'opposition que dans la conjonction. En conséquence je sup- poserai ici H'— 8”, ce qui est 1° de plus que Ptolémée n’admet habituellement pour Sirius. Cela donnera par l'équation (e) e— 8°. 0’. 15". En introduisant cette valeur de e’ dans l’é- quation précédente, et combinant ce résultat avec celui que nous avons obtenu pour l’époque de la première apparition matutinale, on aura longitude du soleil lors du dernier lever de Ména, perceptible dans le CTÉDUSCUTE AU SDIN ae es: mEe eee Ps 3530. 7!.55!! la même lors de la première apparition matutinale................. 193°. 8/.32" différence, ou arc de longitude décrit par le soleil entre les deux levers. 159°.59/.23" Cet arc concorde très-bien avec l'intervalle de 160 jours que l’auteur égyptien a établi entre les époques des deux phéno- mènes, profitant pour cela de ce qu’il n'avait pas été obligé de mentionner la date précise de la 1"° apparition. Mais, pour avoir dérogé dans cette circonstance à la règle générale qu'il s'était faite, de n’étendre l'application de ses quinzaines que jusqu'aux derniers levers de l'entrée de la nuit, sans les prolonger ostensiblement dans le crépuscule, il faut qu'il ait connu l'intérêt qui se rattachait à son astérisme Ména, T. XXIV. 85 670 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE comme coincidant si juste avec le point équinoxial d’au- tomne. Cette connaissance, à une telle époque, n’est pas une des moindres preuves du soin qu’il avait mis à choisir ses astérismes, d’après une étude remarquablement attentive du ciel. $ 78. J'ai trouvé beaucoup plus de facilité pour découvrir l’astérisme appelé le pied de l’Hippopotame, lequel fait sa première apparition matutinale 15 jours après le serviteur suivant de Ména, conséquemment le 16-15 Toby, jour 136°- 135°, concordant avec le 11 novembre julien. Prenant donc dans le $ 29 la longitude du soleil qui correspond à cette date, l'équation générale (L) devient ici : (L) L+e— 218.22 .57" + mr que je change en : (L) L + e— 218.28'.21" pour la ramener approximativement à l'heure du lever (*). En retranchant du second nombre les valeurs que l’on peut raisonnablement attribuer à e, et regardant le ciel dans les environs des valeurs résultantes de L, on est immédiate- ment conduit à une très-belle étoile, Antarès, « du Scorpion grec de 1"° grandeur, qui aura dù fixer tout de suite le choix de l’auteur égyptien, si l'époque de son lever héliaque ne s'écartait pas trop de la date que son rang dans les quinzai- nes lui assignait. Afin d'éclaircir ce soupçon, je l'amène à (*) La vraie valeur de »''+, calculée d'après la convention adoptée $ 37, serait ici 8 .15/,67, au lieu de la constante 5.24" que j'ai employée. 307) vd Cela augmenterait donc de 2°.52” la valeur de L + e d'où l'on déduit les arcs e, H. TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 671 l'horizon oriental du globe, et je trouve pour elle : di — 208°.30'; d’où je conclus par le calcul... 1 — 85°.37/.45" L — 9060.39 .40/ Cette valeur de L étant substituée dans l'équation (L), il en résulte : € —120,55.40"! d’où par l'équation (e) on déduit l'abaissement vertical. . .. H — 120,53. 34 La valeur de H pourrait sembler un peu forte pour une étoile de cet ordre, si l'observation était faite par un beau ciel d’été sur un point de l'horizon éloigné du vertical du soleil. Mais ici elle est faite par un ciel de novembre, et pres- que dans le vertical du soleil, ou tout proche. Il est donc très-concevable que le soleil ait dû être un peu plus abaissé au-dessous de l'horizon oriental, peut-être de 1° par exemple, pour que l'étoile devint perceptible à son arrivée dans ce plan. La valeur de e fournie par l'équation (L) nous donne : l'arc de visibilité. 180° — 2e — 1549.19. 40" Il embrassait donc un peu plus de 10 quinzaines de nuits. Le tableau égyptien est conforme à cette conséquence. A la date de la première apparition matutinale 16-15 Toby, jour 136°-135°, ajoutez 150 jours. Vous arrivez au jour 286°-285e, ou au 16-15 Paoni. C’est en effet à cette date même que le pied de l'Hippopotame se trouve porté comme se levant à l'entrée de la nuit. $ 79. Dans cette même colonne de 16-15 Toby, où le pied de l’'Hippopotame fait sa première apparition matutinale, le sommet de Sahou, que nous avons identifié avec x d'Orion, est marqué comme se levant à l'entrée de la nuit. L’intervalle de ces deux phénomènes doit donc comprendre exactement, ou à très-peu de chose près, 10 heures temporaires de la 85. 672 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE nuit du 11 novembre. Il est important de voir si cette con- dition se trouve remplie par nos deux identifications. Pour cela nous n'avons qu’à transporter au cas actuel tout ce que nous avons établi S 49, quand nous avons consi- déré la relation analogue des levers de l'étoile de Sahou et des deux plumes de Nacht aux deux termes extrèmes de la nuit du 1* Thot. Désignant donc ici par a,° l'ascension droite du point de l'équateur qui se lève avec le pied de l'Hippopotame identifié à Antarès, et par à, l'ascension droite du point du mème cercle qui se lève avecle sommet de Sahou, identifié à « d'Orion, nous devrons avoir entre ces quantités la même équation : (A) a, —= af — 10H, + x dans laquelle x représente un très-petit arc de l'équateur, qui devra être positif ou négatif, selon que les deux levers con- sidérés comprendront un peu moins ou un peu plus de 10 heures temporaires. D'après la longitude du soleil au 11 novembre rapportée S 29, on avait à cette époque : 10Hn — 1610.57'.23/ le globe nous a donné, pour Antarès...... ao) = 2080.50" ilen résulte donc par l'équation (A)...... a, —= 46°.32".37" + x a, est l'ascension droite du point de l'équateur qui se lève avec le sommet de Sahou. Or, en identifiant directement ce- lui-ci avec « d’Orion, nous avons trouvé $ 40 a, = 46° Pour accorder ces deux évaluations il faut faire æ——0°.32'.37"; ce qui vaut en temps équinoxial — 2m ,1 05,5 c'est-à-dire que l'intervalle des deux levers aurait excédé de TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 673 cette quantité les 10 heures temporaires actuelles, celui du soir ayant été observé par exemple un peu avant la fin de la le heure temporaire nocturne, ou celui du matin un peu après la fin de la XI°. Mais cette interprétation est purement spéculative. Car l'observateur égyptien n'aurait certaine- ment pas pu répondre de fractions de temps si petites; et, en outre, les mesures graphiques des ascensions droites a °, a,, ne peuvent pas non plus être considérées comme absolument rigoureuses. La conséquence légitime à tirer de ces résultats, c’est que le pied de l’Hippopotame est bien représenté par Antarès, comme le sommet de Sahou par « d'Orion. De sorte que ces deux identifications obtenues isolément se confirment l’une par l’autre, avec une précision qu'il aurait été difficile d'espérer. $ 80. Les colonnes qui suivent celles que nous venons d’é- tudier, sont pour la plupart incomplètes ou entièrement ef- facées. Les intercalations et les dédoublements d’astérismes y sont très-multipliés, de sorte qu'il est extrêmement dif- ficile d’attacher un sens astronomique précis à leurs déno- minations successives. C’est pourquoi je n’entreprendrai pas d'explorer avec continuité cette dernière partie du tableau égyptien, et je tâcherai seulement d’en extraire quelques élé- ments propres à compléter ou à confirmer les notions que nous avons acquises par les études précédentes. Le premier essai de ce genre que je tenterai, aura pour objet de déterminer les limites de la grande constellation Nacht. Nous connaissons déjà le sommet de son ornement de tête, qui s’identifie avec les étoiles + et à du Capricorne. Sa dernière limite nous est désignée par l’astérisme que l’on ap- pelle son marchepied. I] est marqué comme se levant à l’en- 674 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE trée de la nuit le 16-15 Hathyr, jour 76°-75°, et comme faisant sa première réapparition matutinale le 1° Épiphi, jour 3o1°, ce qui lui attribue un arc d’invisibilité qui comprend 225 ou 226 jours. Cela nous apprend déjà que cetastérisme doit être composé d'étoiles fort petites, au plus de 3° grandeur. Car, d'après ce que nous avons établi au & 9 la réunion de ces cir- constances est nécessaire pour produire un are d’invisibilité aussi étendu. Aussi sera-ce avec l’ensemble de ces caractè- res qu'il va se présenter à nous dans le ciel. La première opération que nous avons à faire, c’est de transformer la date égyptienne de la réapparition matuti- nale, en date julienne. Tel est le but des concordances suivan- tes que j'établis pour le méridien de Thèbes et pour l’année de la période julienne 3473, qui est celle de notre tableau. DATES ÉGYPTIENNES. DATES JULIENNES CORRESTONDANTES. 1e" Thot, jour 1°, à minuit. Année, 34738, 29 juin jour 181€, à 0". » Ajoutez, des deux parts 300!, eumplets............... + 300 +- 300 Vous aurez... "CNE EE ee 1er Épiphi, jour 3o1*,a minuit. Année 3473B ....... jour 48re, a 0”. ce qui équivaut à : Anuée 3474, 25 avril, jour 115€ à 0°. Ajoutez encore des deux parts 5° tempor®s actuelles. .... . +.5H; + 5H} Vous aurez finalement. .............. 1° Épiphi, jour 3o1°, à 5H; après minuit. Année 34740, 25 avril, jour 115e, à 5Hy Ces dernières dates, tant l’égyptienne que la julienne, marquent maintenant, chacune sous leurs formes, le jour, et à très-peu de chose près, l’heure locale à laquelle la 1° ap- parition matutinale du marchepied de Nacht a dû s’opérer sur l’horizon de Thèbes, dans l’année égyptienne pour la- quelle le tableau est construit. Comme ce genre de phéno- mènes, une fois rapporté à sa date julienne, y reste très- longtemps fixe, nous pouvons sans aucune erreur appréciable TROUVÉ A THÈBES EN EGYPTE. 675 reporter celui qui nous occupe aux années juliennes anté- cédentes 3469", 3470°; ce qui nous permettra de lui appli- quer les longitudes du soleil calculées dans celles-ci, pour les mêmes dates de jour et d'heures, telles que nous les avons rassemblées au $ 29. Extrayant donc de ce recueil la longi- tude du soleil calculée pour le 25 avril de l’année 3430°, et lui ajoutant 360° pour la commodité des calculs, l’équation générale (T,) deviendra ici : Œ) Le 3Baorv.r0" + mr que je changeen.......... (L) L +e = 382° 16.34" pour la ramener approximativement à l'heure du lever (*). Le seul aspect de cetteéquation décèle déjà les particularités que nous avions pressenties. Dans la plage du ciel où notre étude nous amène, les valeurs de l’arce sont très-grandes; et, d’après le S9, elles dépassent facilement 20°. La valeur de L, qui satisfera à l’équation (L) devra donc s’écarter peu de 360°, c'est-à-dire que l’astérisme cherché devra approcher beaucoup de se lever avec l’équinoxe vernal. Étudiant donc l'horizon oriental aux environs de ce point, on n’y voit que des étoiles d’un faible éclat, parmi les- quelles une plus remarquable que les autres semble devoir s'adapter aux conditions prescrites. C’est 4 du Lien des Pois- sons, de 3° grandeur. Présumant donc qu’elle aura pu être la déterminatrice principale de l’astérisme appelé le marche- pied de Nacht, je l'amène à l’horizon du globe, et je trouve pour elle: (*) La valeur exacte de »'’r, calculée d’après la convention adoptée $ 37, serait ici 6°.33",56 au lieu de la constante 5/.24" que j’ai employée. Cela augmenterait de 1.9" la valeur de L + e d'où l'on déduit les arcs e, H. 676 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE a; = 3570; d'où je conclus par le calcul: 1— 40°.28/.54" L =355°.50!.3" Cette valeur de L étant introduite dans l'équation (L) donne : e— 260.26".3 1 d’où l’on déduit par l'équation (e)........ H—16°.48!.r2" Cette valeur H pourrait être de 1° plus faible, qu'elle con- viendrait encore spéculativement à l'étoile désignée. Mais on ne saurait affirmer que pratiquement elle n’ait pas été telle que nous la trouvons, dans les circonstances où l’observa- tion fut faite. D'ailleurs la dénomination attachée à l’asté- risme égyptien ne nous le désigne pas comme contenant une seule étoile, mais probablement plusieurs, dont « du Lien a pu être la principale, sans que l’on sache précisement quelle partie de cet ensemble on a pu choisir pour signaler l'instant du lever, Enfin, il importe de remarquer que toute autre étoile, située comme celle-là, à peu de distance de l’équa- teur et de l’écliptique, satisferait beaucoup moins bien à l’é- quation (L). En nous y arrêtant, la valeur trouvée pour e donne : ” l'are d'invisibilité.…. : 180° + 2e — 2320.53.0 Il embrassait donc pleinement l'intervalle de 225 jours ou 15 quinzaines que le tableau égyptien lui attribue, et il ne l’excédait pas d’une quinzaine entière; de sorte que les deux levers extrêmes ne pouvaient y être espacés autrement qu'ils ne le sont. Il est assurément bien remarquable que le cons- tructeur du tableau ait reconnu la nécessité exceptionnelle d'un si grand intervalle d’invisibilité dans cette partie du ciel, et qu'il s’y soit aussi fidèlement astreint. $ 81. Cette identification à laquelle nous venons d’être conduits directement peut être soumise à une vérification. À TROUVÉ À THÈBES EN ÉGYPTE. 677 la même date du 16-15 Hathyr, où le marchepied de Nacht est marqué comme se levant à l'entrée de la nuit, la queue du Lion, dont nous avons identifié la déterminatrice à ; de la Vierge, fait sa 1" apparition matutinale à l'aube du jour. Désignant donc par a, l'ascension droite du point de l’équa- teur qui se lève avec ce y, et par a, l'ascension droite du point de ce même grand cercle qui se lève avec la détermina- trice du marchepied de Nacht, ces deux éléments a, a,, de- vront être liés entre eux par l'équation générale : (A) a, = a; — 10H, + x æ étant un arc de l'équateur qui sera occasionnellement po- sitif ou négatif, selon que l'intervalle des deux levers aura compris un peu moins ou un peu plus que 10 heures tempo- raires actuelles, mais qui devra se trouver toujours fort pe- tit dans les deux cas. Or, à la date du 16-15 Hathyr le tableau du $ 29 nous donne................. Mer ee 10Hn — 1420 * Ja valeur de a,{°), propre a y de la Vierge, a été trouvée au $ 67; et en l’augmentant de 360°, elle est.. a {°) — 5010. Avec ces nombres l’équation (A) donne : ascension droite du point de l’équateur qui se lève avec le marchepied de Nacht.................... ai = 358. par l'identification directe avec « du Lien, le globe nous a douné......................,,....... ai = 357 Pour accorder ces deux valeurs il faut faire : Z—=— 10.39.45", ce qui équivaut en temps équinoxial à — 6®.12° c’est-à-dire que l'intervalle des deux levers aurait excédé de 6.12" les 10 heures temporaires de cette nuit-là. Ce résultat n'a rien d'impossible. Il s'accorde même à ce que nous avons remarqué au $ 67, que yde la Vierge semble avoir été observé dans un arc d’abaissement du soleil un peu trop petit; c’est- à-dire un peu après la fin de la XI° heure nocturne. Dans tous les cas, de si petits écarts entre des déterminations si lointaines n’ont pas de quoi surprendre; et l’on doitbien plu- T. XXIV. 86 .50'.15" 678 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE tôt s'étonner de les trouver aussi restreints. Car l’observa- teur égyptien ne pouvait guère répondre de ses apprécia- tions dans des limites de temps aussi étroites; et nos déter- minations des valeurs &,, a! par le globe ne peuvent pas non plus avoir une rigueur absolue, De tout cela je crois pouvoir conclure que l'identification de : du Lien, comme déterminatrice du marchepied de Nacht, est aussi certaine que l’on puisse le désirer. $ 82. En joignant à ces résultats ceux que nous avons éta- blis dans les deux $$ 49 et 50, relativement aux deux plumes de Nacht, lesquelles sont attachées comme ornement à la tête de ce personnage astronomique, les intervalles de temps et de longitude parcourus par le soleil, entre les époques des F levers héliaques de ses deux extrémités, se trouveront définis comme il suit: DÉSIGNATION ÉTOILES LONGITUDES DU SOLEIL AUXQUELLES DE L'ASTÉRISME. DÉTERMINATRICES. DATES DES LEVERS HÉLIAQUES. LES LEVERS SE SONT OPÉRÉS. L+ e. Les deux plumes de Nacht.. yet à du Capricorne.. Année 3474C, janvier25, jour 25e.......... 294° 27'.56" Son marchepied........... a du Lien des Poissons. ............ avril 25,jour1r5*.......... 382°,11/.10/ Intervalles des deux ilevers ES res seee ce -nreehptieeereccl Eu jours..... 90 en arc: 87°.43.14" Ce qui montre la grande amplitude céleste occupée par ce personnage astronomique du tableau égyptien. Après la 1° quinzaine d'Épiphi, à laquelle le m”arche- pied de Nacht fait sa première apparition matutinale, le ta- bleau égyptien devait contenir trois colonnes : une affectée à la seconde quinzaine d’Épiphi, les deux autres aux deux quinzaines de Mésori, le dernier mois de l’année vague. Ces deux-ci manquent absolument; et dans la 2° d'Épiphi, qui est incomplète, les légendes appartenant aux lignes ho- L TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 679 L raires X, XI, XII, sont effacées. Ainsi, pour ces trois der- & nières colonnes du tableau, nous n'avons aucune indication directe des noms des astérismes dont l'apparition matutinale devait y être signalée. Toutefois, les levers de ces astérismes devant suivre celui du marchepied de Nacht, à des intervalles précis de quinzaines, ils doivent avoir été identiquement ou approximativement assimilables à ceux dont les levers de l’entrée de la nuit sont marqués dans les colonnes antérieures, comme suivant le sien dans le même ordre de succession. C’est pourquoi j'extrais du document égyptien la série de ces levers anté- rieurs, avec les noms des astérismes qui y sont attachés ; et les rangeant par dates, les uns à la suite des autres, j'en forme la liste continue que l’on voit ici. DATE DE SON LEVER DATE DE SA RÉAPPARITION NOM DE L’ASTÉRISME. de l’entrée de la nuit. matutinale. Le marchepied de Nacht. | Hathyr 16—15 jour 796°—75°.. | Épiphi... 1 jour 3ore Réalisée, L'étoile de Sara Choiak... 1 jour g1....... Épiphi. 16—15 jour 316°—315e Supposée d’après La tête de l’Oie Choiak. 16—15 jour 106e—105e | Mésori ... j la continuité de succession. Son derrière oby.. ... jour 121° Mésori. 16—15 jour 346e—3/5° Le sommet de Sahou.…. loby. . jour 136°—-135° | Hors des quinzaines du tableau. L'étoile de Sahou échir. . . jour 151€ Hors du tableau et des 12 mois égyptiens. Cette réunion comparative de mois et de dates va nous fournir plusieurs remarques indispensables pour compléter l'intelligence du document égyptien. $.83. 1° Les trois astérismes qui ont fait leurs levers 86. 680 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE de l'entrée de la nuit, 1, 2, 3, quinzaines après le marche- pied de Nacht, doivent nécessairement avoir des valeurs de a, progressivement plus grandes que la sienne; c’est-à-dire qu'ils se lèvent avec des points de l'équateur progressivement plus distants de l'équinoxe vernal, lequel se levait presque exactement avec l'étoile déterminatrice du marchepied. Leurs intervalles d’invisibilité propres doivent donc, d'a- près le $ 9, être, à éclat égal, graduellement moindres que le sien. Ainsi ces intervalles n’atteindront pas l'amplitude maxi- mum de 225/-226), qui serait nécessaire pour que les trois astérismes dont il s’agit fissent leurs réapparitions matuti- nales aux dates précises de quinzaines marquées dans notre dernière colonne. Par conséquent, il aura fallu que, dans ces trois dernières quinzaines, l’auteur égyptien les ait remplacés par d’autres, ou qu'il ait appliqué la réapparition matuti- nale à des parties de chacun d’eux tant soit peu différentes de celles auxquelles il avait antérieurement appliqué leurs levers de l'entrée de la nuit; précisément, comme il l’a fait, par le même motif, pour les parties de Vacht, comprises entre le sommet du bâton et le marchepied, ainsi que nous l'avons prouvé au $ 57. S 84. 2° Ces trois astérismes changés, ou reproduits avec de légères modifications dans les trois dernières quinzaines, étant considérés dans leurs levers de l'entrée de la nuit, rejoignent immédiatement le sommet de Sahou; sans qu'il reste de place, entre eux et celui-ci, pour y en intercaler d’autres, à des intervalles de quinzaines. Or, si l'on se reporte aux deux premières colonnes du tableau égyptien, que nous avons transcrites aux $$ 28 et 47, on en voit deux, Choou et Ary,qui se trouvent ainsi intercalés entre le derrière de l'Ote et le sommet de Sahou, sans que l’auteur les amène jusqu’à TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 681 l'entrée de la nuit dans les colonnes suivantes, où il n’avait pas de place à leur donner. Ces deux astérismes ont donc été introduits là, seulement à titre supplétif, non astrono- mique, par des motifs que nous tâcherons d'indiquer, lors- que nous aurons déterminé la portion du contour du ciel dans laquelle ils sont nécessairement renfermés. $ 85. Ceci étant établi, il ne nous reste plus qu’à essayer de reconnaître les trois astérismes qui font suite au marche- pied de Nacht, et qui complètent le cercle des quinzaines, en prenant pour données les dates respectives de leurs levers de l'entrée de la nuit, ce qui est un élément de détermina- tion beaucoup moins précis que les dates des premières ap- paritions, comme nous avons eu l’occasion de le constater à plusieurs reprises. Le premier auquel je m’attacherai est la téte de l’Oie. Son lever de l'entrée de la nuit est marqué au 16-15 Choiak concordant avec le 12 octobre de l’année julienne 3473. A cette même date, et dans cette même nuit, les serviteurs qui précèdent Ména font leur première apparition matutinale à l'aube du jour. Ces deux levers doivent donc être liés entre eux par l'équation de condition du $ 49: (A) a, = a %— 10H, + x dans laquelle à,° représente l'ascension droite du point de l'équateur qui se lève avec les serviteurs de Ména ; a,, l'ascen- sion droite du point analogue pour la téte de l’Ore ; 10H,, l'arc de l'équateur compris dans 10 heures temporaires de la nuit considérée , et x un arc de ce même grand cercle qui peut être occasionnellement positif ou négatif, mais toujours très- petit, dans les deux cas. 682 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE Au $ 75, nous avons identifié les serviteurs qui précèdent Ména avec les quatre étoiles z, g, k, k, qui sont la joue du Can- cer grec; et, pour celles-ci, le globe nous a donné en moyenne : ait) — 153 pour la nuit du 16—15 Choiak les tableaux du $ 29 nous donnent... 10H; — 1 52°.32'.35" de là il résulte donc... as — 20°.27.35/+x Le point de l'équateur qui a pour ascension droite la partie numérique de a,,amène immédiatement à l'horizon oriental du globe le sommet des Hyades, :, à, y, pour lesquelles je trouve : a, = 200.30 ; d'où je conclus, par le caleul : 12 420,96.21” L— 270.59 57" Cette valeur de a,, étant introduite dans l’équation (A), il en résulte : x = + 0°.2’.35"; ce qui équivaut à 10° de temps équinoxial, c'est-à-dire que l'intervalle des deux levers aurait été sen- siblement égal à 10 heures temporaires de la nuit pendant laquelle ils s’opéraient. Ceci nous découvre l'identité de la téte de l'Oie avec le sommet des Hyades, trop précisément pour qu’il reste le moindre doute à cet égard. S 86. Toutefois j'ai voulu soumettre ce résultat à une autre épreuve. Aldébaran, l’une des plus belles étoiles du ciel, est si proche du groupe des Hyades, qu'on l’y a toujours naturellement annexé. 1l est donc peu à croire que les Égyp- tiens l’en aient séparé; et il est très-probable que l’auteur égyptien l'aura intentionnellement compris dans la téte de l'Oie, si son lever de l'entrée de la nuit ne s’écartait pas trop de la date prescrite. En conséquence, j'ai amené Aldé- baran à l’horizon du globe, et j'ai trouvé pour lui: ai —230.30'; d’où j'ai conclu par le calcul: 1—42°.57'.21" L=—340.49.17" TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 683 En mettant cette valeur de a, dans l'équation (A), formée tout à l’heure, il en résulterait : = — 3°.2.35/!; ce qui vaut en temps équinoxial —12®.10: C'est-à-dire qu'entre le lever du soir d'Aldébaran et celui des serviteurs de Ména, à l'aube du jour, il se serait écoulé 12".10° de moins que 10! temporaires complètes. Cette réduc- tion apportée aux deux limites généralement adoptées dans le tableau n’aurait pas suffi pour faire exclure Aldébaran, si le le- ver du sommet des Hyadesne s'était pas ajusté beaucoup mieux que le sien à l'intervalle prescrit des 10 heures temporaires. S 87. J'ai été curieux de savoir si le calcul astronomi- que, effectué directement sans le secours du globe, confirme- rait cette préférence. Pour cela j'ai opéré sur Aldébaran, comme j'avais opéré sur Sirius dans la note > de mon pre- mier mémoire. J'ai pris, dans la Connaissance des temps de 1804, la longitude et la latitude d’Aldébaran, pour le 1° Janvier 1800, ce qui m’a donné: 1 —=660.59'.37"; 1=— 50.28.46" australe. Je leur applique alors les mêmes formules de transport que j'ai appliquées à Sirius, dans la note citée, sans tenir compte de la réfraction, ni du mouvement propre; et j'ai trouvé : a —230,1".51"; [= 420.56'.27"; L— 31°,9'.47" La valeur de a, est moindre de 28 que celle que le globe nous a donnée. C’est le plus fort écart que j'aie rencontré entre les indications du calcul et les indications de cet ins- trument; mais cela ne peut pas apporter une différence 684 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE essentielle dans les résultats. Une différence de même ordre en provient naturellement dans L; l'effet en est insensible dans l’inclinaison I. Comme mon but était d'obtenir exactement les dates vraies des levers, j'ai corrigé ces éléments de la réfraction, et ils sont devenus : a — 20/2608 20; 2010120; L — 300.23'.38" Alors, m'appuyant sur les lieux du soleil déduits des tables de Delambre et qui sont rapportés au & 29, j'y ai adapté ces éléments, comme je l'avais fait pour Sirius dans la note citée; et j'en ai conclu : Époque du lever héliaque d’Aldébaran à Thèbes dans l’année d'essai 3469". Le 20 mai, jour 141°, à 4.34" .4o° du matin, temps moyen de Thèbes, compté de minuit; 3".49° après la fin dela XT° heure temporaire nocturne ; o".51".33 avant le lever du soleil, cet astre étant abaissé de 10°.45'.0" sous l'horizon oriental. Le lever héliaque de Sirius ayant lieu dans la même année le 14 juillet, jour 196°, il en résulte que celui d’Aldé- baran le précédait de 55 jours, ce qui le rendait de 40 jours antérieur au 1% Thot, et le mettait en dehors du tableau. Mais son lever héliaque suivant s’y trouvait compris, Car, en le maintenant à la même date julienne de l’année suivante, ce qui est à peu près exact, ils’ y trouvait répondreau 25 Épiphi, conséquemment hors d'un commencement de quinzaine, de sorte qu'il ne pouvait pas y être employé. S 88. Toutefois son lever de l’entrée de la nuit aurait pu y être admis, sans un trop fort écart, avec celui du sommet TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 685 des Hyades, à la date commune du 16-15 Choiak, ou 12 oc- tobre julien. En effet, en calculant l'heure de son lever pour ce jour-là par les mêmes méthodes que J'avais appliquées à Sirius dans la note 2 de mon premier Mémoire, $ 21 et suiv., j'ai trouvé : Éléments du lever d'A ldébaran à Thèbes le 16-15 Choïak ou 12 octobrede l'année d'essai 3469". Instant du lever 4".57". 55, avant minuit, 7" -10° aprés la fin de la re heure temporaire nocturne; 1.8" .11° après le coucher du soleil, cet astre étant abaissé 150. 18.49" sous l'horizon oc- cidental. Ce lever arrivait donc lorsque la nuit était déjà très-close. Le sommet des Hyades, qui se levait un peu plus tôt, s’appli- quait bien mieux à l'entrée de la nuit. Ainsi, après toutes les épreuves directes et indirectes que nous venons d'effectuer, il n'y a pas de doute que le groupe des Hyades ne soit celui que l'on a appelé la téte de l’Oie, soit qu'on y ait, ou qu’on n'y ait pas compris Aldébaran. $ 89. Ce point bien établi, j’entreprends la recherche de l'étoile de Sara, celle qui suit immédiatement le marchepied de Nacht dans les deux colonnes du 1° et du 16-15 Thot. La date de sa première apparition, étant antérieure au 1% mois de l’année égyptienne, ne nous est pas donnée. Mais son lever de l'entrée de la nuit est marqué au 1% Choiak, jour gi°, 15 jours seulement après celui du marchepied, pour lequel a, — 357°. Conséquemment, le point de l’équa- teur qui se lève avec cette étoile de Sara ne doit être posté- rieur à l’équinoxe vernal que d’un petit nombre de degrés, en sorte que, si elle est de 2° ou de 3° grandeur, il est possible que son arc d'invisibilité embrasse aussi 225 jours, comme T. XXIV. 87 686 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE celui de l’astérisme qui la précède; auquel cas sa réappa- rition matutinale devrait arriver aussi 15 jours après la sienne, c’est-à-dire le jour 316°-315°, qui est le 16-15 Épiphi. Or, à la vérité la légende de la XIT° division horaire de cette colonne est effacée. Mais la loi de continuité y amènerait évidemment l'étoile de Sara, si son are d’invisibilité pouvait s'étendre jusque-là ; et, dans cette supposition, l’auteur du tableau n'aura pas manqué de l'y reproduire, comme il a re- produit le marchepied à la colonne précédente du 1° Épi- phi. Ce sera donc là une éventualité que nous ne devrons pas négliger si nous la trouvons réalisable. Dans cette même colonne du 1° Choiïak où l'étoile de Sara est marquée comme se levant à l'entrée de la nuit, l’astérisme appelé les étoiles nombreuses, auquel nous avons trouvé pour détermination l'Épi , Ou « de la Vierge, fait sa première apparition matutinale. Nous pourrons découvrir l’un par l’autre, en appliquant ici l'équation générale : (A) a, = a — 10H, + x dans laquelle a," représentera l'ascension droite du point de l'équateur qui se lève avec l'Épi; &, l'élément analogue pour l'astérisme cherché, l'étoile de Sara ; 10H,, l’are de l'équateur compris dans 10 heures temporaires de la nuit du 1°" Choiak, et + un arc de ce même grand cercle qui peut être éventuel- lement positif ou négatif, mais qui doit toujours être fort petit. Les éléments de cette application s’obtiennent de la ma- nière suivante : $ à TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 685 Au $ 71 le globe nous a donné pour l'Épi..................... a{o) = 157°.10' notre tableau du 6 29 nous donne pour la nuit du 1°" Choiak... 10H; — 1470.37.55" avec ces nombres, l'équation (A) devient ici...........,...... a — 90.32. 5" +zx La valeur de a, propre à l'étoile de Sara ne s'éloigne donc pas beaucoup de l’équinoxe vernal, ainsi que nous l’a- vions prévu. Pour réaliser cette valeur, j'amène à l'horizon oriental du globe le point de l'équateur que désigne sa partie cons- tante. Je trouve alors, à peu de distance de ce plan, trois asté- rismes qui au premier coup d'œil sembleraient pouvoir s’y accorder. Ce sont « du Cocher (la Chèvre), de 1° grandeur ; les Pléiades, et + de la Baleine, de 2° grandeur. Ces trois seuls peuvent attirer l’attention dans ces parages. Je les amène donc successivement à l'horizon du globe, me réservant de discuter plus tard leur aptitude individuelle. J’obtiens ainsi : pour la Chèvre ax 6°.30'; d’où je conclus par le calcul : 1—%40°.38’.29" L— g°. 0. 5" pour les Pléiades ai— 8°.30 1=40°.47.24" L—7x110.45".49" pour & de la Baleine a; — 11° TA TRUE VE EC EE (ON $ 90. La Chèvre donnerait à l'indéterminée x une valeur négative — 3.2'.5", ce qui représente en temps équinoxial — 12°.9$, c'est-à-dire que l'intervalle des deux levers excé- derait 10 heures temporaires de cette quantité. Cela n’est pas impossible, mais cela est peu ordinaire dans le tableau égyptien. D'ailleurs, la Chèvre est très-distante de l’équateur et de l’écliptique, et nous avons toujours reconnu que l’au- teur égyptien a pris ses astérismes le plus près possible de ces deux plans. I] n'aura donc pas été choisir la Chèvre, si une autre étoile convenait mieux , sous le rapport de la situation et de l'heure, comme nous allons voir que c'était le cas. 87. 688 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE Les Pléiades donneraient à x une valeur négative, mais beau- coup moindre que la précédente. Elle serait seulement — 1%.2'.5", ce qui représente en temps équinoxial —4".5;, quantité très-admissible pour sa petitesse. Mais les Pléiades se présentent à tous les yeux comme un groupe d'étoiles, et nullement comme une étoile unique. Or l’astérisme égyptien est dénommé dans toutes les colonnes, à titre singulier, l'étoile de Sara. Nous ne devons donc pas nous écarter de cette spécification, sans une nécessité absolue. Reste + de la Baleine. Celle-ci donnerait à l’indéterminée xune valeur positive 1°.27.55", ce qui représente en temps équinoxial + 5.555. C'est-à-dire que l'intervalle des deux levers comprendrait 5".55$ de moins que les 10 heures tem- poraires actuelles. Cela est très-acceptable; d'autant que, l'Épi étant une étoile très-brillante, elle a pu facilement deve- nir perceptible à l'horizon, quand la XI° heure de la nuit finissait ou était très-près de finir. D'ailleurs, 4 de la Baleine est peuéloignée del’écliptiqueet del’équateur de cette époque, Elle offrait done beaucoup de motifs pour être choisie pré- férablement aux deux autres. Ainsi, sous tous les rapports, elle se présente seule comme convenable pour être identifiée à l'étoile de Sara. $ 91. Une considération tout à fait indépendante des précédentes vient confirmer cette conclusion. J'ai fait remar- quer que, d’après la continuité invariable avec laquelle l'é- toile de Sara suit le marchepied de Nacht dans toutes les colonnes du tableau, la réapparition matutinale de cet asté- risme semblerait succéder aussi à celle du marchepied après un intervalle d'une quinzaine; ce qui la placerait au 16-15 Épiphi concordant avec le 10 mai de l’année julienne 3474°; ne re ET , É rr r, ea e TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 689 les valeurs de a, relatives à ces deux astérismes étant assez proches de l'équinoxe vernal, pour que leurs ares d’invisi- bilité propres aient eu sensiblement une même étendue. Maintenant, supposé que l'étoile de Sara soit « de la Baleine, il nous faut examiner si celle-ci a pu faire effectivement sa réapparition matutinale à la date donnée. Pour le savoir, je transporte cette date dans notre année d'essai 3469-3470; et, prenant dans notre $ 29 la longitude du soleil, calculée par les tables pour le 10 mai désigné, je forme pour ce cas l'équation générale : (L) L+ e— 36°.28.46" + m''7 que je change en : (L) L+e— 360.34'.10" pour l'adapter approximativement à l’heure du lever (*). Alors, si l’on y substitue à L la valeur 159-109. 30 qui nous a été donnée par le globe pour « de la Baleine, on en tire : € — 210.24.14" d'où l’on déduit par l'équation (e).... H—13°.53.r0" Cet abaissement H est parfaitement admissible pour une étoile de 2° grandeur. Ainsi « de la Baleine a fait réelle- ment sa première apparition matutinale au jour indiqué 10 mai 3474 ou 16-15° Épiphi. Cette même valeur de e nous donne : 2e— 420.48/.28" d’où l’on déduit l'arc d’invisibilité. ... 180° + 2e — 222°.48!/.28" (*) La vraie valeur de »”r, calculée conformément aux conditions du - $ 37, serait ici 6 .7",82, au lieu de la constante 5’.24" que j'ai employée. Cela augmenterait donc de o’.43/” la valeur de L + e d'où l'on déduit les arcs e, H. 690 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE Or, depuis le lever de l'entrée de la nuit au 1% Choiak, jour 91°, jusqu’à la réapparition matutinale au 16-15 Épiphi, jour 316°-315°, il s'est écoulé 225 jours. Si l’on prend dans le $ 29 les longitudes du soleil, à chacune de ces deux dates, et qu'on les retranche l’une de l'autre, on trouve que l’arc décrit par cet astre dans l'intervalle a été 223°.47. 10". Il s’accordait donc très-suffisamment pour la pratique avec l’are d'invisibilité conclu de e. Car les limites de cet arc dé- finies par l'expression 180° + 2e ne doivent évidemment être considérées comme ayant une application mathématiquement rigoureuse. Pour ne laisser aucun doute sur ce résultat, j'ai voulu vérifier les indications du globe par le caleul direct. J'ai done pris dans la Connaissance des temps de 1804 la longitude et la latitude de 4 de la Baleine pour le 1° janvier 1800, ce qui m'a donné : [= 419.30'.32" À —— 12°.35,48" (australe). Opérant alors sur ces coordonnées, comme je l'avais fait sur Sirius dans la note 2 de mon premier mémoire, mais sans tenir compte de la réfraction ni du mouvement propre, j'en ai déduit les coordonnées équatoriales correspondantes pour l’époque du tableau égyptien; et j'ai trouvé ainsi : GE ADN 00: d'"'—— 120.4.53" De là, par les méthodes exposées dans la note citée, j'ai déduit les trois éléments déterminatifs du lever héliaque : A0 296408; 01 400 8 RO 1402282007 Les valeurs de a, et de L diffèrent quelque peu de celles que nous avait donnéesle globe, comme on devait s’y attendre; mais elles doivent être naturellement préférées, pour des TROUVÉ À THÈBES EN ÉGYPTE. 6g1 applications absolues. En mettant la dernière dans l'équation (L), on en tire: e— 122%05/.35" d'où l’on déduit par l'équation (e).. H= :14°.:16.47" ce qui donne l'arc d’invisibilité.... r80c 2e = 2240.11/.14 Toutes ces valeurs sont parfaitement admissibles. Celle de Hestun peu plus forte que ne la donnait notre premier calcul fondé surles indications du globe. C'est-à-dire, qu’à la rigueur, la réapparition matutinale aurait pu être déjà perceptible un jour plus tôt que le 16-15 Épiphi, surtout par l'effet de la réfraction. Mais s’il en a été ainsi, l’auteur égyptien a très- bien pu attendre celle de ce jour-là qui s’adaptait exacte- ment à la date de sa quinzaine, puisque le phénomène de l'apparition n’en devenait que plus facile à observer. Nous pouvons, je crois, conclure de ceci en toute assurance que l'étoile de Sara est « de la Baleine, et que sa réapparition matutinale à pu être très-légitimement marquée au 16-15 Épiphi, comme Ja loi de continuitée l'indiquait. Mais on n'aura pas pu reproduire ainsi la téte de l’Oie à la quinzaine suivante, la 1" de Mésori, sans faire porter la réapparition sur une portion de l’astérisme, tant soit peu différente de celle à laquelle on avait attribué le lever de l'entrée de la nuit ; parce que la valeur de a, qui lui est relative, s’éloignant déjà davantage de l'équinoxe vernal ,» l'are d’invisibilité d’un même point de la constellation n’était plus assez grand pour embrasser 225 jours. $ 92. Il ne nous reste plus qu'à identifier le derrière de l’'Oie pour avoir parcouru le cercle entier des astérismes qui sont mentionnés dans le tableau égyptien, pour leurs levers observables, soit à l'entrée de la nuit, soit à l'aube du jour. 692 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE Ce sera encore une application de l’équation (A), qui nous a servi tant de fois. En effet, dans la même colonne du 1% Toby, où le derrière de l’'Oie est marqué comme se levant à l'entrée de la nuit, le serviteur suivant de Ména fait sa première apparition matutinale. Au $ 75 nous avons identifié directement celui-ci à y de la Balance; et nous avons trouvé, pour lui, par le globe : ao) = 1920 d’après le 6 29, dans cette même nuit du 1e Toby, on avait.... 10H» — 157°.23/.22" donc, si l’on nomme a, l’ascension droite du point de l'é- quateur qui se lève avec le derrière de lOie, l'équation (A) deviendra ici : a, — 340.36 .38" + x Cette expression de a, nous amène sur la fin de la ligne de petites étoiles, g, x, q, r, que les Grecs ont placées sur la peau qu'Orion tient dans sa main droite, vue sur le globe. En arrêtant l'horizon sur r, je trouve a, = 34°.30'; d'où je conclus par le calcul: 1=459.68.47" L = 65°.221.40" Cette valeur de &,, mise dans l'équation (A), donne æ = — 0°,6.38"; ce qui équivaut à — 27,5 de temps équinoxial. L'intervalle des deux levers aurait donc embrassé 10 heures temporaires de cette nuit-là, plus cette petite quantité inap- préciable 26,5. La dénomination égyptienne de cet astérisme, et la petitesse des étoiles sur lesquelles il vient se placer, ne lui donnent pas sans doute un caractère rigoureusement défini. Mais la disposition de cette série d'étoiles, immédiatement à la suite des Hyades et d’Aldébaran, formant la téte de l'Oke, s'adapte très-juste à l’idée que le nom égyptien en donne; et l’on ne trouve rien dans le ciel que l’on püt lui substituer. TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 693 $ 93. Reportons-nous maintenant aux deux premières co- lonnes du tableau que nous avonsentièrement transcrites aux $$ 28 et 47; et attachons-nous d’abord à celle-ci, qui ouvre l'année. Parmi les astérismes qu’on y voit mentionnés, nous avons parcouru consécutivement tous ceux qui sont effecti- vement employés, dans cette colonne ou dans les suivantes, pour leurs levers de l'entrée de la nuit ou de l’aube du jour. Nous avons reconnu, au & 82, que le derrière de l’Oie et le sommet de Sahou se rejoignent et se suivent dans le pre- mier de ces phénomènes, sans aucun intermédiaire. Pourtant, dans cette première colonne du tableau, nous en voyons entre eux deux autres, que l’auteur nomme Æ#ry et Choou. Il s’agit d'examiner par quel motif il les a ainsi insérés, et s'il a pu le faire légitimement. Or c’est à quoi il est facile de répondre. D'abord, quant au fait de l'insertion, il lui était indispen- sablement nécessaire pour avoir 13 lignes dans cette colonne comme dans toutes les autres, condition à laquelle il s'était généralement astreint. Quant à la légitimité de l'insertion, il suffisait pour la jus- tifier que les deux astérismes ainsi introduits se succédassent consécutivement à l'horizon oriental, entre le lever du sommet de Sahou et le derrière de l’Oie, quels que fussent d’ailleurs les intervalles de temps qui subdivisassent cet intervalle. Or le sommet de Sahou étant identifié à « d'Orion, et le derrière de l’'Oie étant identifié aux étoiles de la peau d'Orton, il fallait seulement prendre des étoiles quelconques, dont les le- vers successifs se trouvassent compris entre ces deux ter- mes, et qui fussent situées dans cet intervalle à peu de dis tance de l’équateur et de l'écliptique. C’est à quoi pouvaient Te XKIV- 88 694 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE très-biensatisfaire deux belles étoiles: y d'Orion bellatrix, de 2° grandeur, qui se levait après «; puis n des Gémeaux aussi de 2° grandeur, qui se levait après y et avant le derrière de L Oie identifié avec ÿ, r, q, r, de la peau d’'Orion. Que l'Égyptien ait choisi ces deux-là, ou d’autres également intermédiaires, il était parfaitement libre de les intercaler comme marques de temps. Mais, d’après ce caractère même, il ne pouvait pas les amener ultérieurement en tête des quinzaines, soit à l’en- trée de la nuit, soit à l'aube du jour. Aussi ne l’a-t-il point fait. $ 94. Reste à savoir pourquoi il les a nommées Æ#ry et Choou, qui sont deux noms des décans. On peut en donner une raison très-plausible. Mais, pour en comprendre l’appli- cation, il faut connaître ce qu'étaient les décans chez Les anciens Égyptiens. Les astrologues grecs appliquaient cette dénomination à des arcs de 10° sexagésimaux, par lesquels ils divisaient cha- que signe zodiacal en trois portions égales; ce qui leur don- nait en tout 36 décans, dont chaque triade portait le nom du signe auquel elle appartenait. Il y avait ainsi les décans du Bélier, du Taureau, de la Vierge, ete. Et, comme lasubdi- vision grecque du zodiaque en 12 signes était alors trop ré- cente pour que la précession les eùt sensiblement séparés des constellations auxquelles on les avait fait primitivement correspondre dans le ciel, les influences astrologiques de chaque signe, et de ses trois décans, étaient censées invariable- ment provenir des étoiles qu'ils contenaient. M. Lepsius a découvert que les anciens Égyptiens avaient aussi des décans, mais d’une nature et d’une application toute différente, laquelle ne supposait ni la connaissance du cerele soit. n'ai ni en RES . + TROUVÉ À THÈBES EN EGYPTE. 695 zodiacal, ni aucune notion théorique. C’étaient de simples divisions du temps, comprenant chacune 10 jours consécu- tifs présidés par autant de génies spéciaux. Ce mode de sub- division ne pouvait s'adapter qu'à une année de 360 jours, comme paraît avoir été celle des Égyptiens dans les très- anciens temps. Après qu'on eut introduit les cinq épagomènes, les 36 décans ne pouvaient plus suffire. Aussi M. Lepsius a-t-il trouvé, dans une des listes, la mention d’un 37°, avec des successions de dates courantes , d’après lesquelles M. de Rougé a reconnu la loi périodique de son application occasionnelle. Concevez, en effet, les 36 décans primitifs mis en concordance successive avec les 360 premiers jours d’une année de 365. Quand leur liste était épuisée, il restait encore 5 jours avant que l’année ne füt finie. Alors, comme l'explique ingénieusement, M. de Rougé, on mettait à leur suite le 37° décan supplémentaire, qui empiétait de 5 jours sur l’année suivante ; après quoi les 36 décans primitifs reprenaient leur marche ordinaire; de manière que le cycle total des 73, ac- complissait son évolution entière en deux années de 365 jours, contigués l’une à l'autre. $ 95. Lorsque les astrologues grecs s’'approprièrent l’in- vention égyptienne, ils donnèrent à leurs 36 divisions zodia- cales les noms des 36 décans égyptiens, traduits dans leur langage, en supprimant le 37° décan supplémentaire, qui leur devenait inutile. Ils les rangèrent aussi dans le même ordre de succession. Mais de plus, ils maintinrent l'identité d'application dans un autre détail, dont la connaissance est aujourd’hui pour nous d’une grande importance. Dans les listes de décans inscrites sur les monuments égyptiens, quel- ques-uns sont occasionnellement associés à des personnages 88. 696 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE figurés, accompagnés d’astérismes stellaires, et embrassant un certain nombre de décans contigus; de sorte que cette suite de décans semble avoir été affectée à un groupe parti- culier d'étoiles, composant une constellation égyptienne à laquelle le personnage figuré présidait, peut-être donnait son nom. De ce nombre est le décan Sothis, le 36° de la liste égyptienne. Son astérisme déterminatif, appelé dans notre tableau l'étoile de Sothis, s'identifie indubitablement à notre SIRIUS, par toutes les traditions et tous les témoignages de l'antiquité. Le symbole À: qui le désigne sur les monu- ments, est habituellement annexé à la figure de la déesse Isis, l’une des grandes divinités égyptiennes, à laquelle Sirius était de tout temps consacré. Or les astrologues grecs ont appliqué la dénomination équivalente à leur 36° décan z0- diacal, qu'ils ont pareillement affecté à la constellation du grand Chien, dont Sirius est l’étoile principale; et, comme ils ont conservé aux décans précédents le même ordre de suc- cession relatif qu'ils avaient dans la liste égyptienne, on voit que les homologues, surtout les plus proches de Sothis, ont dû être rapportés par eux, exactement, ou très-approximati- vement, aux mêmes groupes stellaires auxquels les décans égyptiens répondaient; ce qui, pour ceux-là en particulier, nous fournit un élément d'identification très-précieux, qui nous sera fort utile dans ce qui va suivre. $ 96. Pour en faire immédiatement usage, j’extrais de la liste égyptienne les symboles des huit derniers décans, dont la série se termine à Sothis. J'y joins leurs noms individuels, par lesquels ces symboles se traduisent, avec les noms des personnages figurés auxquels on les trouve rapportés, soit individuellement, soit par groupes. Enfin, je mets en regard TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 697 de chacun son nom grec, pour que l’on apercçoive clairement la correspondance parfaite de ces désignations. J'ai à peine besoin de dire que tout cela m'a été fourni par M. de Rougé. Numéros d'ordre des huit derniers décans Leurs noms égyptiens traduits de leurs symboles hiéroglyphiques Ouar....|Penuher..|Suti. Leurs noms grecs dans la liste d'É- phestion Oùape...|Dovép...|Ewtc. La correspondance des noms et des rangs dans les deux listes est évidente. On y découvre quelques lacunes; mais elles doivent résulter , au moins en partie, de ce que l'application des noms égyptiens n’est pas à beaucoup près la même sur tous les monuments. Dans quelques-uns la dénomination collec- tive Sahou en embrasse cinq, sur d’autres quatre. La liste grecque paraîtrait avoir été tirée d’un cas pareil. Quelques fois les deux décans Æry et Choou sont séparés, comme je les ai représentés ici; d’autres fois on les trouve réunis en un seul; et la place absorbée est remplie ultérieurement par un autre, qui complète le nombre des 36. La liberté qu’on a pu prendre ainsi, à diverses époques, d'introduire et d'admet- tre de pareilles mutations, montre avec évidence que ce mode de subdivision de l’année était spécialement astrologique, et ne devait pas être employé dans les usages civils, pour l’énu- mération officielle du temps. $ 97. Ces notions préliminaires vont nous servir à expli- quer la mention intercalaire de 4ry et de Choou, dans notre 698 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE tableau de Rhamsès VI. Pour cela il faut remarquer quelles placesils y occupent. Considérons spécialement la 2° colonne, celle du 16-15 Thot, où l'étoile de Sothis est mentionnée à la XII° division horaire comme faisant sa première apparition matutinale à cette date, Sur tous les monuments égyptiens cette étoile, qui s’identifie indubitablement à Sirius, était la déterminatrice unique du 36° décan; et elle était consacrée de tout temps à Isis, l’une des plus grandes divinités de V'É- gypte. Les Grecs lui ont conservé cette place dans leur liste. Ils l'ont employée aussi comme déterminatrice du 36° décan, le troisième du signe solsticial du Cancer. Mais, à partir de ce point commun, les deux applications se séparent. Sur les re- présentations astronomiques découvertes en Égypte, dans le tombeau de Séti [° et ailleurs, les cinq décans immédiate- ment précédents, du 31° au 35°, sont affectés à un personnage mâle appelé Sahou, lequel s'écrit symboliquement , tout comme dans notre tableau. Il est tout environné d'étoiles, et court ex avant de Sothis, à laquelle il en présente une d’une main, tenant de l’autre son sceptre orné aussi d’une étoile, comme pour embrasser tout le domaine céleste qui lui est at- tribué. Ces particularités avaient fait présumer à Champol- lion qu'il devait être assimilé à l'Orion grec. L'analyse astro- nomique du tableau égyptien nous a prouvé, qu'en effet, l'étoile de Sahou et le sommet de Sahou sont les deux ex- trêèmes de ce groupe céleste. En avant de lui, dans la liste des décans, vient le 30°, dont le nom égyptien est Æry; puis le 29°, dont le nom égyptien est Choou qui signifie les rnilliers. On ne les à pas trouvés jusqu'ici figurés par des personnages spéciaux comme Sahou et Sothis. Mais, dans le tombeau de Séti I", le père de Rhamsès IT, leurs symboles sont écrits sépa- “ - ; Û TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 59g rement, avec des particularités qui peuvent jeter quelque lumière sur les groupes célestes qu'on y rapportait. Ary est symbolisé par plusieurs étoiles, parmi lesquelles une très- grosse, à huit rayons, se distingue de toutes les autres; etelle est accompagnée d’un caractère, qui assimile son éclat à celui du ciel. Au contraire Choou, les milliers, est symbolisé par un amas de petites étoiles toutes de même ordre. Si l’on consi- dère que ces deux symboles appartiennent aux décans im- médiatement placés en avant de Sahou, qui embrasse tout le groupe d’Orion, il devra paraître très-présumable que Æry, avec sa grosse étoile, désigne les Hyades avec Aldébaran; et que Choou les milliers, tout formé de pe- tites étoiles, désigne les Pléiades, C’est en effet sur les ali- gnements menées du pôle, à ces deux groupes stellaires, que les deux décans Ary, et Choou, se trouvent respective- ment marqués sur le contour du médaillon de Denderah, où ils constituent deux décans du Taureau. Maintenant, le constructeur du tableau de Rhamsès VI, ne pouvait pas pla- cer ainsi les Hyades et les Pléiades immédiatement avant les parties de Sahou dans ses colonnes, parce que leurs levers héliaques, venaient relativement beaucoup trop tard pour qu'il pût les en rapprocher à ce point. C’est pourquoi il a mentionné les Hyades plus haut , à leur place astronomique dans les quinzaines, en les appelant la téte de l’Oie ; et, au- dessus d'elles, il a négligé les Pléiades qui ne s’adaptaient pas à ses quinzaines, pour mentionner, sous le nom de l’é- toile de Sara, x de la Baleine qui s’y adaptait parfaitement. Alors, entre le sommet de Sahou, pour lequel a, = 46°, et le derrière dé L Oie pour lequel a, = 34°.30', il lui restait, dans chaque nuit, un intervalle équatorial de 11°.30', comprenant 700 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE 46" de temps équinoxial, qui aurait été dépourvu de signaux stellaires. Il l’a jugé trop long pour le laisser vide; et comme il avait d’ailleurs besoin de deux astérismes additionnels, pour compléter ses 13 lignes, il a comblé cette lacune en y intercalant deux étoiles intermédiaires que le ciel lui four- nissait, lesquelles étaient seulement assujetties à se lever l’une après l’autre dans cet intervalle de 11°.30° ou 46" de temps. Or, les prenant pour ce seul usage d’intercalation, sans pou- voir, ni vouloir, les suivre ultérieurement jusqu’à des limites de quinzaines , il eut toute liberté de les appeler Æry, et Choou, à ce titre qu'elles devenaient les précédents immé- diats de Sahou dans ses colonnes. Cette explication me sem- ble la plus naturelle que l'on puisse imaginer. S 97. Pour rassembler sous un point de vue général, les déterminations que nous venons d’obtenir isolément, je pré- sente ici, dans le tableau annexé à cette page, la liste des as- térismes égyptiens dont nous avons pu retrouver les étoiles déterminatrices. Je les ai rangés dans l'ordre suivant lequel leurs levers du matin se succédaient sur l'horizon de Thèbes, à l'époque où l’on composa le tableau que nous avons ana- lysé. J'ai annexé à chacun d’eux des renvois, qui indiquent les paragraphes du Mémoire dans lesquels leur identification est individuellement établie, | DÉNOMINA1 des astérismes| a queue du Lion.... étoiles nombreuses e pied de l'Hippopotai ; | . En regard de la DÉNOMINATIONS des astérismes égyptiens smmet de Sahou. . fauile de Sahou. aile de Sothis. » » » Mu étôilés:- 2 eee étoiles de l'Eau iéte du Lion. queue du Lion......... étoiles nombreuses fn (intercalé serviteur suivant de Ména. . pied de l'Hippopotame, . deux plumes de Nacht. sommet du bâton de Nacht mrchepied de Nacht. vile de Sara. xète de l'Oie. derrière de l'Oie bou et Ary serviteurs qui précédent Ména. . DÉSIGNATION DES ÉTOILES DÉTERMINATRICES qui les caractérisent MUONON See scenesesssee rer x d'Orion....... . . SITIUS «ss « ÿ et y du Grand Chien... a de l'Hydre, et les petites étoiles qui la suivent. . u et v de l'Hydre......... de la Vierge... AQU SA OCLUUL a de la Vierge (l'Épi), suivie d'une bande nombreuses d'étoiles du Bouvier qui se levent toutes simultanément, après elle 8 lo À, de la joue du Centaure. à, précédente du groupe i, a de la Balance australe. .....,. sovarns ose y dela Balance... SBRo Ad) C6 00 ADO PAU æ du Scorpion (Antarès).........ss.e.scsesosesseses ee y ct 8 du Capricorne... corsones a de Pégase......... nana ee eus &Üu Lien des POISSONS... heu a de la Baleine... Le sommet des Hyades #, à, + petites étoiles g, #, 9, r, de la peau d'Orion, milieu La série € Deux astérismes intércalés sous ces dénominations, être attachés à des commencements, ni à des fins de quinzaines En regard de là page 700: Académie des sciences, 1. XXIV ASCENSION droite du point de J'équateur qui s détérmipairice 172°. 0 1810,15 192. 0 208°,30 2919.30" 306°, 30 119, 0 209,30" 34°, 30 INDIC prouve ATION paragraphes où les tification se trou- vaut exposdes 39 — 45 36 — 38 caleul 57 — 59 60 — 64 65 — 66 D7E09, Ty} TA A À 7777 76 — 76 78 — ntre le derrière de l Ole, etle sommet de Sahou, pour cc iden- REMARQU el confirmées par le € L Porlions de l'# tam pour qu'on puisse los ide DIVERSES TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 7OI $ 98. Je termine ici ce pénible travail, sur un des monu- ments les plus curieux, que l’antiquité nous ait transmis. Je me suis efforcé d'y apporter toute l'exactitude que le sujet exigeait, et plus qu’on ne croira qu’il en admettait peut- être. Par ces motifs, je le présente avec confiance aux égyp- tologues et aux calculateurs, espérant que le soin que j'y ai mis me permettra de leur dire sans trop de témérité : Si quid novisti rectius istis, Candidus imperti; si non his utere mecum. Il ne reste qu’à découvrir des mentions d’éclipses de s0- leil et de lune. C’est la le but vers lequel, aujourd’hui, doi- vent tendre tous les efforts. Paris, le 2 août 1853. JB /BIOT M XXIV. 8g TEXTE DU DOCUMENT ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE DÉCOUVERT PAR CHAMPOLLION A THÉBES, DANS LES TOMBEAUX DES ROIS ÉGYPTIENS RAMSÈS VI ET RAMSÈS IX. TRADUIT PAR M. E. DE ROUGÉ, MEMBRE DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES. Nora. Cette traduction a été faite d’après les manuscrits de Champollion et la copie de M. Lepsius, conférés ensemble, Les notes annexées aux diverses colonnes, et qui ne portent pas de signature sont de M. de Rougé. Le petit nombre de celles que j'y ai ajoutées, sont signées J. B. 89. 704 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE CHampoLLioN, Monuments, pl. cczxxn bis et suivantes, Complétées d’après les calques de M. Lepsivs. Mois de Tnorx, commencement de la nuit, les deux plumes de Vacht. Heure Fre..... le sommet du bâton de Nact, sur l’oreille (gauche?). Heure 1I°..... dessus de sa nuque, vers le milieu, ITeure III°.... son (dos?), vers le milieu, Heure IVe.... son (genou?), sur le bras droit. Heure Ve..... son marchepied, sur les yeux droits [sic). Heure VIe.... Ari, vers le milieu. Heure VITe.... la tête de l'Oie, vers le milieu. Heure VIII... son derrière, sur l'œil gauche. Heure IX°. ... l'étoile de Chou, vers le milieu. Heure X°..... l'étoile de Sara, vers le milieu. Heure XI°,... le sommet de Sahou, vers le milieu. Heure XII°.... l'étoile de Sahou, sur le bras... Nora. Dans le calque de M. Lepsius, cette première quinzaine n'existe plus; Champollion l'a peut-être tirée du tombeau de Ramsès IX. Taorn, 16-15, qui est une fête, commencem, de la nuit, sommet de Vacht. Heure 1°..... sa nuque, sur l’œil droit. Henreslf"" son (dos?), vers le milieu. Heure III.... son (genou?), sur le bras droit. Heure IV*.... son marchepied (?), vers le milieu. Heure Ve..... Ari, sur l'œil droit, Heure VI®.... la tête de l’Oie, vers le milieu. Heure VII.... son derrière, de même. Heure VIII... l’étoile de Chou (1), vers le milieu. Heure IX°. ... l’étoile de Ari (2), sur l’œil droit. Heure X°.,... la tête de Sahou (3), vers le milieu. Heure XI°.... l'étoile de Sahou, vers le milieu. Heure XII. .. l'étoile de Sorhis, sur le bras gauche. (1) Le nom cette constellation signifie mille. (2) Cette constellation est nommée alternativement Ari et Sara. (3) La tête ou le sommet de Sahou est toujours distinct de l'étoile proprement dite de Sahou. TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 70) Mois de Paorar, commencement de la nuit, la nuque de Vacht, vers le milieu. Heure Ir°,.... son (dos?), vers le milieu, œil droit (sic). Heure IE..... son (genou?), vers le milieu. Heure IlIe.... son marchepied, vers le milieu. Heure IV°.... Ari, vers le milieu. Heure V°..... la tête de l’Oie, vers l’œil droit. Heure VIe.... son derrière, vers le milieu. Heure VIL.... l'étoile de Chou, vers le milieu. Heure VIII:... l'étoile de Sara, vers l'œil gauche. Heure IX°. ... le sommet de Sakou, vers l'œil gauche. Heure X°..... l'étoile de Sahou, vers l'œil gauche. Heure X[e.... l'étoile de Sothis, vers l’œil droit, Heure XIIe.... le sommet des deux étoiles, vers le milieu. Nora. La douzième heure ne se trouve que dans le calque de M. Lepsius. Champollion l'avait indi- quée au crayon, dans son manuscrit; mais l'éditeur n’en a pas tenu compte, et la planche imprimée s’arrêle à la XIe heure. Le calque de M. Lepsius est beaucoup plus complet dans tout ce mois. Paorut, 16-15, commencement de la nuit, le dos de Nacht, vers le milieu. Heure F°..... le (pied?) de Nacht, vers le milieu. Heure Il°..... son marchepied, vers le milieu. Heure IIIe.... Ari, vers l’œil droit. Heure IVe.... la (huppe?) de l’Oie, sur l'œil gauche. Heure V°..... son derrière, vers le milieu. Heure VIe.... l’étoile de Chou, sur l’œil droit. Heure VII.... l’étoile de Sar, vers l'œil droit. Heure VII... le sommet de Sakou, vers l'œil droit. Heure IX°. ... l’étoile de Sahou, vers le bras droit. Heure X°..... vient après l'étoile de Sothis, sur le bras gauche (1). Heure XI°.... le sommet des deux étoiles, vers le bras gauche. Heure XII. .. Les étoiles de l’eau, vers le milieu. Nora. Lepsius est plus complet en certaines parties. (x) Lepsius a le bras droit, 706 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE Arayr, commencement de la nuit, le pied de Vacht, vers le milieu. Heure ['°..... son marchepied, vers le milieu. Heure Il°..... Ari, sur l’œil droit. Heure IIIe.... la tête de l’Oie, sur l’œil droit. Heure IV°.... son derrière, vers le milieu. Heure Ve..... l'étoile de Chou, vers le milieu. Heure VIe.... l’étoile de Ari, vers le milieu. Henre VII.... sommet de Sahou, vers le milieu. Heure VIII... l'étoile de Sakou, sur l'œil gauche. Heure IX®.... vient après l’étoile de Sothis, vers l’œil droit. Heure X°..... le sommet des deux étoiles, vers le milieu. Heure XI°.... les étoiles de l’eau, vers le milieu. Heure XIIe... la tête du Lion, vers le milieu. (1) Le calque de Lepsius porte en outre, apres l’article du commencement de la nuit, 16 ronds see qui semblent désigner un nombre d'étoiles. Arayr, 16-15, commencement de la nuit, le (marchepied?) de Nacht, vers le milieu. Heure l'*..,.. Ari, sur l’œil droit. Heure II:..... la tête de l'Oie, vers le milieu. Heure IIIe. ... son derrière, vers le milieu. . Heure IVe. ... l'étoile de Chou, vers le milieu. Heures l'étoile de Sar, sur l’œil gauche. Heure VIe, ... le sommet de Sahou, vers le milieu. Heure VII.... l'étoile de Sahou, sur l'œil droit. Heure VIII... vient après Sohis, sur l’œil droit. Heure 1X°.... le sommet des deux étoiles, vers le milieu. Heure X°...., les étoiles de l’eau, vers le milieu. Heure XI°.... la tête du Lion, vers le milieu. Heure XII°.... sa queue, vers le milieu. TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 707 Cnorak, commencement de la nuit, l’étoile de (Sar?), œil gauche. Heure I'e..... la tête de l’Oie, vers le milieu. Heure II..... son derrière, sur l’œil droit. Heure III-.... l’étoile de Cou, sur le bras droit. Heure IVe.... l'étoile de Sara, sur le bras droit, Heure V°..... l'étoile de Sahou, sur l’œil gauche. Heure VI<.... vient après Sofkis, vers le milieu. Heure VII... sommet des deux étoiles, sur le bras gauche. Heure VIII... les deux étoiles, sur l’œil droit. Heure IX, ... les étoiles de l’eau, sur l'oreille droite. Heure X°..... la tête du Lion, sur le bras droit. Heure XI°.... sa queue, sur le bras droit. Heure XII°.... les étoiles nombreuses, sur l’œil gauche. Cork, 16-15, commencement de la nuit, la tête de l'Oie, vers le milieu. Heure [°,..... son derrière, vers le milieu. Heure IL..... ’étoile de Chou, sur loreille droite. Heure IILe.... l'étoile de Sara, sur l'oreille droite. Heure IVe.... l'étoile de Sahou, vers le milieu. Heure Ve..... l'étoile de Sothis, sur le bras droit. Heure VI°.... les deux étoiles, sur le bras droit. Heure VII°.... les étoiles de l’eau, sur l’œil gauche, Heure VIII‘... la tète du Lion, sur l'œil gauche. ‘ Heure IX°.... sa queue, sur l’œil gauche, Heure X°..... les étoiles nombreuses, vers le milieu. Heure X[°.... le porteur de Luth, vers le milieu. Heure XIF.... les serviteurs qui précèdent WMéra, vers le milieu. 708 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE Tosyx, commencement (de la nuit), son derrière (de l'Oie), vers le milieu. Heure Heure Heure Heure Heure Heure Heure Heure Heure Heure Heure Heure Heure Heure Heure Heure Heure Heure Heure Heure LESC l'étoile de Sar, sur l’œil gauche. TRÉSs0 le sommet de Sahou, vers le milieu. IIE.... l’etoile de Sahou, sur l’œil droit. IV:.... vient après Sokis, sur l’œil gauche. \Etrase les deux étoiles, sur l’oreille gauche. VI°.... les étoiles de l’eau, sur l'oreille gauche. Vile.... la tête du Lion, sur l'œil gauche. VIII... sa queue, vers le milieu. IX°. ... les étoiles nombreuses, vers le milieu. XP les serviteurs qui précèdent Ména, sur ..... gauche. XI. ... Ména, sur l’œil gauche. * XII°.... le serviteur de Ména, sur l'œil gauche, Tony, 16-15...... sommet de Sahou, sur l'oreille gauche. I5..... l'étoile de Sahou, sur le bras gauche. IEass l'étoile de Sothis, vers le milieu. IIE.... le sommet des deux étoiles, vers le milieu. IV°.. . les deux étoiles, sur l'oreille gauche. V°..... les étoiles de l’eau, vers le milieu. VIs.... la tête du Lion, vers le milieu. VII... sa queue, sur l'œil droit, VIII... les étoiles nombreuses, vers le milieu. IX°.... les serviteurs qui précèdent Ména, sur le bras gauche. ARC Ména, œil gauche. XIe.... le serviteur de Ména, sur le bras gauche. XII. .. le pied de l’Hippopotame, sur le bras gauche, % Dou Do % Dow # Dow # Dow % Dow # Dow % Dow % Dow # Dou X Dow # Don... % Dow. Comm! de la nuit 16-15 Paopur -I° heure If heure LOS ....Ill° heure. ......V" heure -... VI heure -.VII* beure 2 .. VINS heure -.IX* heure x x heure XI° heure. ......XII" heure Comm! de la nuit 16-15 Caoux. ee. I heure ...Il* heure. Ill heure. -.IV* heure. : À: Ve heure -..VIe heure -VII* heure. VIII heure .IX* heure. ..X* heure. .XI° heure, ...XII* heure k k XX X XX K X XX XX *kX %X XX *X *X XX XX *X XX Dow. Comm! de la nuit....... Paornr Dow. . .....l heure. Dom.......................1l heure. DOM eee es rene Ge ce Ille heure. DOM... mere IVe heure Dow. .... re..........V* heure. Dom... .. VI heure. Dow “............VIl heure Does. .... VIII heure, Dosr ..IX* heure Do. : ser.s.Xe heure Dors rec À: XI° heure. Dow. . ..XII° heure. Dow. Comm! de la nuit.......Caorar DOM. :.-.,..-peene-soscees I heure. Don Ile heure. DOM ce ne enene een trees Ile heure + heure, * heure. beure. heure. Dou........ ss... VII® heure. Doi ass sais e eco IX° heure Dow heure. Dow 4 heure DOMSe-errrr- este XI" heure % Do. Comm de lu nuit.. 16-15 Tnor X Dow. ......... OC I heure. X Dow .....Il heure. * Dom. heure. Fo QE CHOC ROU eric en IV heure. PRDOMS sr rss r e ue V* heure. X Dow heure, TT BONE LA AALe VI heure. DÉT ane nn one Ville heure DE DOM es re=rneene seen IX* heure. # Dos... s.s-sssX* heure X Dou.....................XIt heure Dom... Az XII heure X Dou. Comm‘ de la nuit 16-15 Hatavn LT COHEN CO Pan) Ie heure. # Dow... ob Le one one Ile heure. AR UDME ent cesser scene. Ile heure. al Corn oeil IV* heure. MCIDOMe ve satamrasescsnssts V* heure. # Dom. ..,.......... eee VI‘ heure. X DOM... VII: heure. % Dou...............@x VII heure. DOME ebeeenecchess IX* heure. + Dos. ..X* heure, DOM eme. eeeeheeee XI° heure. MCIDoMre- res sussusosseece-< AIN DEUTE. % Dow. Comm de Ju nuit £ Fate ME DONS == eeesemmessec te 1° heure, X Dow. « Il" heure A DOM sd ranennns essaie IN® heure X Dox......................IVO heure. ADO Serena V° heure % Dow serrenseerenss VI® heure. A DOME Ne reuesassne- ess VIS lieure, D DOM raser. VINS heure %X Dow . . IX" heure X Dou......... ...X° heure. DOM = e NIUE, # Don... ss... MIS heure Dow. Commt de ln nuit... Haruyn. DOM. +... . 1" heure DOM... . I heure DOM: : 2... ee = [I OUrO DOMssn me csrcansoen .....IV* heure ace... V° lieure. VI‘ heure. Don. ..... sunsnnrrse .. Ils heure. VIII* heure. Does te À: IX* heure Dom................. .…....X* heure. .....XI* heure k K k XX XX XX Ok X XX ds È XI heure V, page 714 Dos... Ac . des sciences, Lt. DOUTE $ : eu Lau 1 sb 2AimO) U- 8 + APR AI e té M da ART A J L CP O À | IS PERPEPRENREEREE ds VOIE À L F4 C2 PS ADN CL: 2250400 20 NOT Ÿ NE Ayo A SnO I: TE NT soi }1 you 71 LÀ: SORTE css MO # nuit VLC x PO PV a Ra Ce Do sut, COONRRRE HAE 17,20, Nada NT TRS RE rh ini #1V ON Vans NT 0 OI 4 JUS Y Vu UV. PER RAR NE ET, US tee) MAIS 2% CA UT, +, x D PR Te 0 Te mot # É it 1% 4 , ;sauls où T% Fr ATOM NAN € dom ai cb VE 1} août # tord OA one el ul D. BPM TT En 7 NP . | DU LUELL ES PEER Corn 1,1. ." re MO 3 F CLR: teur Ur e À NEO ‘LK. 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Comm de la nuit 1645 Errprt + Dow -I° heure CDOMES. sente ......ll heure X DOM..-..mssmsonsre II heure HINOME Se von -mscssese ÉD CD IV: heure M DOM... -mecmssresnecss ess Ve DOUTE M Dress Fes recense VI: heure JEDOM Ce danser cena eset VII heure. J DOM.-.s.r-sm.memmossnns VII heure. X DOM. ess sresnseres ea X UN bEUrE. OL EE CLEO ....X* heure. nennsse messes XI hOUrE. Ie heure, % Dow. Comm! de la ue re + Dow . , I heure JE DO Mess ve me sue see ten Ie heure. X Dou........... ...........Il heure, # Dow. heure x Dow V* heure. JE DOM rc sse ces eanaesveecss Ve EU, DOME, ne sereuresse VI NEUTE, Dou.....................NI" heure ME TDOM- ss essentoe ce 40 2200 IX* heure À DOM..essssncncenenessreseX° HUre, À DOM es munase cesse. LIU DO. # Dou.....................XIl heure. # Dow. Comm! de la nuit. ......Ertenr x Dow... I‘ heure, Does 27 P 2 CL Ile heure # Dom... heure. X Do. heure. DE LDOM Sn ----ee Neo eas Ve heure % DOM. -......esseecrs-sees VIS heure. JE DOM» 2 no sata qe sais amies se a VIT* heure. # DOM. msn ssrsmsnens - VIN heure. % DOM..-nsserssss.. IX" heure. + Dow... X° heure. SC Don ess 1e ar g in XI heure. # Dow... s.........XII* heure. Acad. des sciences, t. XXIV, page 714. EI Mém. de l'Acad. des Sciences. Tome XXII. MAHEEUU Il \ À \ \ Né, MINE AUS WI A 7 AD TE L Lerromée dir. Lmp Dourhaut r. des Cannes 6 Rglet 2. Ostrea edulis . Locillon et Lackerbauer del. E 5 et 4. Anomia ephipprum. f “ ant eee 26 « A LIL £ cn €. CRETE KE hém. ae l'Acad. des Sciences, Tome XXI lic. A Fi T M li6. 2 / 5e L | 7 7 6.2 Fi.1. 1a 10. 10. Pinna nob 24) Zmp. Lo: Be] rs Ne LES BCE D au DA RS UD DM MNT y) pl uit \ Pat ES Pan) = A. === 2] = PA) === ZA) — ill -=S= Mém. de l'Acad. des Sciences. Tome XXE PIS: fl 272 & 0ag À NN NN nn F. À Zackerbauer del ct Focilim Znp Loupfaut rder Ctrmes, 6 Zorromée dir F:6.1. Iithodomus caudigerus. 2. Ungulina rubra. . 5. Lueina tigerina Se > £ 5 « tr : US é FE. 4. Cytherea complanata. FE. 5. Pecten maximus y branchül 1 Mem. de l'Acad. des Sciences. Tome XXII. P1°7e L//274 b ox ap Lachorbauer ot Fraïllon dot F6-1. Ostrea edulis. 2. Anodontes cvéneus . F5. Trigonia australis . F4. Unçgulina rubra. s ï . ; L “ : “; . - « + MES CH £ re BCE L Ê DEV : À LEE * 4 5, ’ + y $ DA ONE TT T0 PL8 et 9 Lors F.7. Solen vagina. TAB T f = _ f PAR RR. REC RARES RCD ROUEN Ve EVE RARE PS, HE N 7) Locilon et Lackerbauer del. = solenoïdes . F.2. Mesodftraria = Fi6. 1. l'et 1! Cardium edule. dau e théhhbilg ——. 4 ( Nr Q\( SN PI. 13 Grave par Borromée als. Ste iu € Le Panopea Mem. de l'Acad.des Sciences. Tome XXITIT. Fiy.1 Focillon. Fig-2 et 3, Lacherbauer del . TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 709 | Mécnir, commencement de la nuit, l'étoile de Sahou, sur le bras gauche. Heure [re..... l'étoile de Sothis, sur l'oreille droite. Henre LIEU les deux étoiles, sur l'oreille gauche, Heure Ille.... les étoiles de l’eau, sur l’œil gauche, Heure IV°.... la tête du Lion, sur l'oreille gauche. Heure Ve..... les étoiles nombreuses, vers le milieu, Heure VIe.... le porteur de Luth, vers le milieu. Heure VII°.... les serviteurs qui précèdent Ménra, vers le milieu, Heure VIII... Ména, sur l'oreille gauche. Heure IX°.... le serviteur de Ména, vers le milieu. Heure X°.-.:. la jambe de l’'Hippopotame, sur ..... gauche, Heure XI°.... le milieu de ses jambes, sur....... Heure XII.... (le sommet de?)......, Nora. La fin est fruste, Mécnir, 16-15...... Heure [®°..... venue de Sothis (?), sur le bras gauche. Heure II°..... les deux étoiles, sur l'œil droit. Heure III.... la tête du Lion, sur le bras droit. Heure IV®.... sa queue, sur l'œil gauche. Heure V£..... les étoiles nombreuses, vers le milieu, Nora. Très-mutilé. REV 0 710 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE CHamPoLLION, pl. 272 quinquies, n° 23. Série intitulée Mésori, probablement par erreur, et tirée du tombeau de Ramsès IX (restituée par M. Lesormanp, à la première quinzaine de Phaménoth. Voyez le premier mémoire, note 1). J. B. PHaMeNoTH..... (1). Heure VI... Ménra -.... Heure VII.... le serviteur de Ménra, sur l'œil gauche. Heure VIII... le pieds de l’Hippopotame, sur l'œil gauche. Heure IX°..... sa jambe, vers le milieu, l’épée (?) sur l'œil gauche. Heure Xe" le milieu de ses jambes, vers le milieu. Heure XI°.... sa cuisse, vers le milieu. Heure XII. ... sa mamelle, vers le milieu. (x) Dans cette première ligne on devait avoir écrit à l'entrée de la nuit, l'astérisme appelé Les deux étoiles. Voyez le $ 19 et le 658 du Mémoire cité. J. B. Pnamenotx (16-15)...... Heure Rte les deux étoiles,.… droit. Heure Il°..... sa queue (du Lion), milieu. Heure IIIe,... les étoiles nombreuses, milieu. Heure IV*.... le porteur de Luth, milieu. Heure V°..,.. lés serviteurs qui précèdent Méra, œil droit. Heure VI°..... Ména, milieu,.... droit (sic). Nora. Il parait y avoir du désordre dans celte liste. Le Lion n'ayant pas été nommé, on ne de: vait pas dire sa queue mais a queue du Lion. TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 711 Paarmoum , commencement de la nuit, la tête du Lion, vers le milieu. Heure I®..... sa queue, sur l’œil gauche. Heure les étoiles nombreuses, œil droit. Heure IIT.... le porteur de Luth, œil droit. Heure IV£..... les serviteurs qui précèdent Ména, œil gauche. Heure V°..... le serviteur de Ména, œil droit. Heure VI*..... les deux pieds de l’hippopotame, sur l'œil gauche. Heure VII.... sa jambe, milieu. Heure VIII... le milieu de ses jambes, milieu. Heure IX°.... sa cuisse, milieu. Heure X°..... sa mamelle, oreille droite. Heure XI°.... son diadème (?) bras droit. Heure XII-.... les deux plumes de Wacht, oreille droite. Paarmonri, 26-25 (1), commencement de la nuit (2), Mena,... droit. Heure I®..... les étoiles nombreuses, œil gauche. Heure II..... le porteur de Luth, œil droit. Heure II°.... les serviteurs qui précèdent Méra, œil droit. Heure IV°.... le serviteur de Ména, œil droit. Heure V°..... les deux pieds de l’Hippopotame, œil gauche. Heure VI°.... sa jambe, milieu. Heure VII:.... son bah (?) (3), milieu. Heure VIII... sa cuisse, bras droit. Heure IX°.... sa mamelle, bras droit. Heure X°..... son diadème, bras droit. Heure XI°.... sommet des plumes de Macht, .... droit. Heure XII.... le sommet du bâton de Nacht(h), .... droit. (x) Ce doit être une faute de copiste, parce que 26 ne s'écrit jamais avec le symbole représen- tatif de 1 dixaine, plus seize unités , comme il l’est ici ; mais toujours avec deux dixaines et six unités. (Par une rencontre, au moins très-singulière, les nombres 226-225, expriment précisement le rang ordinal du 15—16 Pharmouti dans la série de jours de l’année.) J. B. (2) Ce doit être encore une faute d’inadvertance, il ne peut y avoir ici que la queue du Lion. Za faute est d'autant plus évidente que les serviteurs qui précèdent et qui suivent Mera sont inscrits consécutivement quelques lignes plus bas, à leur rang véritable, dans cette même colonne ; de sorte que l’astérisme intermédiaire Mena, ne peut être placé en avant d’eux. Mais, d'après ce qui a été expliqué $ 25, l'auteur égyptien a pu le supprimer occasionnellement dans cette colonne, et le reprendre dans les suivantes, comme il le fait en réalité; puisqu'il était seulement astreint à en remplir les lignes par des astérismes qui se levassent successivement dans une même nuit, depuis Le commencement de l'obscurité jusqu’à l'aube du jour. J. B. (3) Bah peut signifier l’uterus. (4) Dans Champollion les deux premiers mots manquent. 90: 712 SUR UN CALENDRIER ASTRONOMIQUE ET ASTROLOGIQUE Pacnows, commencement de la nuit, Ména (1), sur l'oreille droite. Heure P®..... les serviteurs de Wéna, sur l’œil gauche. Heure IE..,.. Ménra, sur l’œil gauche. Heure IIE.... le serviteur de Ména, sur l'œil gauche. Heure IV°.... les pieds de l’hippopotame, milieu. Heure V°..... sa jambe, milieu. Heure VE..... son bah, oreille droite. Heure VII°.... sa cuisse, bras droit. Heure VIII... sa mamelle, oreille droite. Heure IX°.... ses deux plumes, oreille droite. Heure X°..... sommet des deux plumes de Nacht, .... droite. Heure XI°.... les deux plumes de Nacht, .... oreille droite. Heure XII°.... sommet du bâton de Nacht, oreille gauche. (x) Ceci est encore une faute évidente du scribe, puisque Ména se trouve inscrit deux lignes plus bas, à sa vraie place entre ses deux serviteurs, précédent et suivant. L’astérisme qui doit être men- tionné ici, à l'entrée de la nuit, c’est celui qui est appelé les étoiles nombreuses. Voyez le Mé- moire, $ 72. J.B. Pacnows, 16-15, commencement de la nuit, les serviteurs , œil gauche. Heure 1..... Ména, œil droit. Heure II°..... le serviteur de Méra, œil gauche. Heure III*.... les pieds de l’'Hippopotame, milieu. Heure 1V°..... sa jambe, milieu. HeurenVe se" son bah, bras droit. HeureiVI 0 sa cuisse, bras droit. Heure VII*..,. sa mamelle, oreille droite. (1) < Heure VIII... les deux plumes, oreille droite. Heure IX°..... sommet des plumes de Nacht, oreille gauche, HET EE les deux plumes de Nacht, oreille gauche. Heure X[*.... sommet de son bâton, milieu. Heure XII... sa gorge, bras gauche. (1) Par une négligence du dessinateur, il y a ici heures Ve, VIe, VITe,- VIILe, IX° ; il s’est cor- rigé à la XI°. Le =. TROUVÉ A THÈBES EN ÉGYPTE. 719 Paoxr, commencement de la nuit, Mena, vers le milieu. Heure 1". .... les deux pieds de l’Hippopotame, milieu, Heure II°..... sa jambe, œil gauche. Heure IIl°..... son (bah?), milieu. Heure IV®..... sa cuisse, milieu. Heure V°..... sa mamelle, œil gauche. Heure VI°..... son diadème, œil gauche. Heure VII.... ses deux plumes, oreille droite. . Heure VIII... sommet des plumes de Nacht, oreille droite. Heure IX2.... les deux plumes de Mach, milieu. Heure X°..... sa gorge, milieu. Heure XI°.... sa mamelle, milieu. Heure XII°.... son dos (?), milieu. Duplicata de Paoni. — Paowr, commencement de la nuit, Ména. Heure Fe. ,... le pied de l’'Hippopotame, vers le milieu, Heure II°..... sa jambe, œil droit. Heure III°.... son bah, vers le milieu. Heure IVe.... son échine, vers le milieu. Heure Ve..... sa mamelle, œil droit. Heure VI..... son diadème, sur l'œil gauche, Heure VII°.... les deux plumes, sur l'oreille droite. Heure VIII... ..... de Nacht, sur l'oreille gauche. Heure IX°.... les deux plumes de Wacht, vers le milieu. Heure X°..... sa gorge, vers le milieu. Heure XI°.... sa mamelle, vers le milieu. HEURE SE EEE CCE Nora. Ce duplicata fait voir que le dessinateur égyptien a souvent confondu les signes de la gauche et de la droite. Paows, 15-16,commencem. de la nuit, les pieds de l'Hippopotame, milieu. Heure I'*..... sa jambe, milieu. Heure II°..... son..... milieu. Heure III°.... sa cuisse, milieu. Heure IV°.,... sa mamelle, œil droit. Heure V°..... son diadème, œil droit. Heure VIe..... les deux plumes, oreille droite. Heure VII.... les deux plumes de Vacht, oreille gauche. Heure VIIE... sommet (de Nacht), milieu. Heure IX®..... sa gorge, milieu. Heure X°..... sa mamelle, bras droit. Heure XI°..... son (dos?), oreille droite. Heure XII°.... sa jambe, milieu. Nora. Les étoiles des heures VII et VIII® semblent avoir échangé leurs places, sans doute par négligence du dessinateur égyptien. 714 SUR UN CALEND. ASTRON. ET ASTROL. TROUVÉ A THÈBES. Éprpnr, commencement de la nuit, l'épée (?) de l'Hippopotame, œil gauche. Heure-T:-... sa cuisse, milieu. Heureaile-"" sa mamelle, œil gauche. Heure III..... son diadème, milieu. Heure IV‘..... ses deux plumes, milieu. Heure Ve... sommet des plumes de Nacht, milieu. Heure VI-..... les deux plumes de Nacht, œil gauche. Heure VII‘.... sa gorge (1), milieu. Heure VIII... sa mamelle, milieu. Heure IX°.... son (dos?), milieu. Heure X°..... sa jambe, œil gauche. Heure XI°.... son {(sebekes?), milieu. Heure XII°.... son marchepied, milieu. (x) Dans Lepsius, il y a sa nuque. L'un des deux a emprunté sa variante à l’autre tombeau, sans nous en prévenir, Éperpxi, 16-19, ...... Heure" sa mamelle (de l'Hippopotame), milieu. Henreëtl: son diadème, milieu. Heure TIL°..... les deux plumes, milieu. Heure IV®.... sommet de Vacht, milieu. Heure V°..... les deux plumes de Nacht, œil gauche(r). Heure VIf..... sa gorge, milieu. Heure VII‘.... son (dos?), milieu. Heure VIII‘... sa jambe, milieu. Heure Ex". -""""t""1œIl sauce: HEIN MER ee SU HO ‘Heure XI‘.... (2)..... milieu. (1) Lepsius, œil droit. (2) D'après la loi de continuité, on devait avoir inscrit ici l'étoile de Sara, et le calcul confirme celte induction. Voyez le Mémoire, $ 89 et 9 1. J. B. Nora. Les deux colonnes afférentes aux deux quinzaines du mois Mésori, le dernier des douze, n'existent plus. FIN DU TOME VINGT-Q ATRIÈME. ss DIT ANTE vx. IL Se es Gi, RER = = Ut (à Hi] HE Fu A (Hhel (1 ’ jet K in RATES hi ; re .e : " 4 2 25 Hit sh <