s. MÉMOIRES DE LA SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE ET D'HISTOIRE NATURELLE DE GENÈVE. TOME III. Première Partie. 1^' fJl 03. GENÈVE, DE L'IMPRIMERIE DE J. J. PASCHOUD. A MEMOIRES LA SOCIÉTÉ DE PHYSIQUE ET D'HISTOIRE NATURELLE DB GENÈVE. TOME III. Première Partie. GENEVE , CHEZ J. J. PASCHOUD, LMPRIMEUR-LIBRAIRE. PARIS, MÊME MAISON DE COMMERCE, KDE DE SCINE , N." 48. 1825. an MÉMOIRE SUR LES CUCURBITACÉES. Par m/ N. C. SERINGE. Lu à la Société de Physique et d'Histoire naturelle , le /G Septembre i8j4. A-YANT été chargé de faire pour le Prodromus syslematls regni vegelabilis la famille des Cucurbikicèes , j'ai dît chercher à connoître les travaux de mes prédécesseurs et particulièrement ceux de MM. Diichesne (i) et Auguste St.-Hilaire (2), et puiser dans leurs ouvrages les connois- sances nécessaires pour travailler une famille très-ditiicile et qui pour etie bien connue exige une monograpliie. Le temps que je pouvois lui consacrer ne m'a pas permis pour le moment de l'avancer beaucoup , mais j'espère chaque année f tise de nouvelles observations sur le frais et pouvoir présenter parla suite des résultats satisfaisans. Cependant, tout incomplet qu'est mon travail , il offrira. (ij Liimarck , Dict. encycl. 2. p. i 55. (2) !Mcnio)re sur les CucuiLitacëes ci les Passillorécs , dans les Mémoires (lu IMusée , vol. g, p. 190. Me'm. de la Soc. de Fhfs. et d'Hist. nat. T. III. i .'*= Part, i // 4. 2 MEMOIRE sur une fiimille peu connue, quelques observations, qui pourront n'être pas entièrement dénuétb dintérêt. Privé des dessins de M. Duchesne, qui m'auroient été d'un grand secours , trouvant peu d'espèces bien gravées , surtout dans les détails, et les herbiers offrant en général peu d'espèces de cette famille , outre les figures de Hheede , hortus inalabaricus , celles de Rumpliius , heibariuni amboinense ^ et d'un autre petit nombre d ouvrages, j'ai été réduit à observer une vingtaine d'espèces ou variétés que nous avions cette année dans le jardin botanique de Genève, et voici ce que j'ai pu tirer des matériau K peu nombreux que javois sous la main. OrgctJies de la végétation. Je n'ai encore examiné qu'un fort petit nombre d'espèces dans leur germination, et les cotylédons m'ont paru en général oblongs , entiers, un peu charnus et à trois nervures palmées. Ils sortent de terre, et la partie de la tige qui les porte dans le Cucurbita anguria est com^^rimée. La racine paroît constamment dans la même espèce ou fibreuse ou tul^éreuse ^ et cette dernière modification offre quelquefois un volume considérable , le plus souvent elle ■ est annuelle. La tige auroit presque toujours toute l'apparence des tiges sarmenteuses si elle étoit ligneuse. Elle est grimpante et offre souvent une longueur considérable , quelquefois de 8 — la pieds. Elle présente toujoui'sdes renflemens légers au point de départ des feuilles , qui est ordinairement le même que SUR LES CUCURBTTACÉES. 3 celui des vrilles ( cirrhi ) , et des bractées , qui existent rare- ment. Elle est quelquefois cylindroïde, mais le plus souvent assez irrégulièrement anguleuse, et ses angles sont par fois étroitement ailés. Rarement la tige s élève en tronc, si toute- fois plusieurs des genres qu'on rapporte aux Cucurbiiacées leur appartiennent réellement. La pubescence offre quelques caractères assez particu- liers à cette famille. Toutes les parties d'une texture foliacée sont garnies , surtout dans les espèces à fortestiges et à grandes feuilles , de poils fragiles, coniques, piquans et inégaux , remplis d'un liquide parfaitement limpide , inco- lore et presque insipide. Ces poils , comme la très-bien ob- servé M.Auguste St.-Hilaire, sont articulés, ou peut-être pour parler plus correctement et commele pense M. de CandoUe, cloisonnés (tab. i. f. lo). Presque tous les fruits en sont plus ou moins garnis dans leur jeunesse ; mais ils se dessèchent facilement , tombent, et conséquemment le fruit mûr en est presque toujours entièrement privé. Dans quelques espèces ( particulièrement dans le Benin- casa cerifera) ^ on en rencontre qui, quoique toujours cloisonnés, sont cylindriques, très-égaux en tr eux et souvent très-seri'és. Ils laissent quelquefois transuder une humeur légèrement visqueuse et odorante. On trouve encore ( dans le Bryonia clloica par exemple) des poils capités sur les pédoncules, les calices et en partie sur les pétales, quel- quefois mêlés avec des poils coniques ou cylindriqiies. Le seul genre Gronovia, qui pourroit bien ne pas appartenir à cette famille , offre des poils longs, en massue, simplement ou doublement crochus et cloisonnés comme les autres, ils sont 4 MÉMOIRE mêlés avec d'autres poils , qui probablement ne doivent leur brièveté qu'à leur avortement partiel. Cet avortemenl est qiieiquefois si complet, que la surtace des feuiilos n'a plus que les bulbes de ces poils, ^e qui les rend exré- menl rades. Ces bulbes, desséchés, produisent souvent des espèces de taches faïencées , assez semblables à celles* ïjue Ion remarque sur les Borraginées. Ces feuilles sont généralement d ua verd jauuâtre, d'autres fois d'un verd foncé, rarement elles ont une teinle glauque. Le pétiole est quelquefois presque nul, et dans d'autres '.espèces très- long; il est assez généralement cylindroïde et très-souvent strié. Les feuilles sont disposées quinconcialement. Leurs ner- vures saillent beaucoup en dessous, tandis qu'elles sont assez manifestement déprimées sur la surface supérieure. Le limbe passe en général de loblong an circulaire , et , outre l'échancrure basilaire , offre des lobations plus ou moins profondes, qui toutes tendent plus ou moins dis- tinctement à prendre la forme p.almée ou pédiaire. Les feuilles sont d'autant plus profondément lobées, qu'on les observe plus haut sur la plante 5 conséquemment les divi- sions artificielles établies dans le genre Cucumisne peuvent être que des causes d'erreurs. On peut prol^ablement en dire autant des Bryonia. Elles sont embrassantes dans leur esti- vation. Ces feuilles sont d'un tissu assez semblable à celui .- des Borraginées j comme elles , elles se fanent aussitôt qu'elles sont cueillies , probablement à cause du grand nombre de pores dont elles sont munies. Les vrilles, qui existent presque constamment dans les SUR LES CUCURBITACÉES. 5 plantes de cette famille , naissent de la partie latérale des feuilles. Ce sont, d'après M. Auguste St.-Kiiaire, des sti- pules unilatérales d'une nature très-particulière. Cet organe est si particulier à cette famille, que je me crois obligé de transcrire ici le passage du savant mémoire de M. Auguste St.-lîilaire, sur ce singulier organe. « Tous les auteurs, qui ont fait mention des vrilles des Cucurhltacèes en général, les ont dites axillaires. Au premier abord la descication les fait paroître telles ; mais avec un peu d'attention on reconnoît facilemejit qu'elles naissent sur le côté des feuilles. J'ai trouvé ce caractère dans une foule d'espèces sèches ou vivantes , dont j'ai fait l'examen; et ce qui prouve son exactitude, c'est qu'il a été signalé par les botanistes toutes les fois qu'ils ont eu à décrire des espèces isolées, qu'ils avoient étudiées avec quelque soin. On a dit d'un petit nombre d'espèces que leurs vrilles étoient opposées aux feuilles. J'ai étudié quelques-unes d'entr'elles, et je leur ai trouvé des vrilles latérales. « Tout le monde sait que les vrilles ne sont point des organes particuliers, mais que, suivant les espèces, elles remplacent tantôt des feuilles ou des portions de feuilles , tantôt des pédoncules ou des rameaux. Dans les Cucur- hitacées , les vrilles ne sont pas des feuilles, puisqu'elles existent conjointement avec ces dernières. On ne doit pas non plus voir en elles ni des pédoncules , ni des rameaux , car elles ne sont placées ni de l'autre côté de la feuille , ni à son aisselle. Le seul organe qui naisse à côté des feuilles, ce sont les stipules j donc les vrilles des Cucur~ 6 MÉMOIRE bilacées sont des stipules unilatérales d'une forme par- culière. Quelquefois même cette forme , qui les déguise , disparoît , et alors on ne peut plus conserver de doute sur leur véritable nature. Adanson dit positivement (fam. a, p. 137. ) que chez l Elaterium\si\v\i\e est remplacée par une petite stipule en forme de languette triangulaire, et dans la variété du Cucurbita pepo , appelée Palisnon, les vrilles, suivant M. Duchesne (Dict. encycl. 2 , p. Sy ), se changent en petites feuilles terminées par un ou deux filets. « Il n'en est pas de même de la vrille dans les Passi- Jlorées comme dans les Cucurhitacées ; celle des Passi- florées naît bien réellement à l'aisselle des feuilles, ainsi que l'ont dit tous les auteurs j et ce qui prouve qu ici ce n'est point une stipule , c'est qu'indépendamment de la vrille , il existe encore des stipules véritables à droite et à gauche de chaque feuille etc. « La situation des vrilles m'a souvent été utile pour déterminer si des individus incomplets ou mal desséchés appartenoient aux Cucurhitacées , ou aux Passijïorées. Mais c'est particulièrement lorsque la vrille est latérale, que l'on peut tirer parti de sa position \ car ce caractère étant je crois particulier aux Cucurhitacées , contribnerA à rapprocher de cette famille les plantes sur lesquelles on auroit d'ailleurs quelques doutes : ainsi le Zucca de Commerson , dont on ne connoît que la fleur mâle, appartient à cette dernière famille. » Quand les tiges des Cucurhitacées sont placées en 1 air et horizontalement , les vrilles, dans quelque point de la tige SUR LES CUCURBITACÉES. 7 quelles naissent, ont une grande tendance à se diriger vers la terre , ce qui m'avoit fait croire un moment que ce pourroit bien être des racines, mais leur couleur ver- dàtre , outre les raisons exposées par M. Auguste St- llilaire, m'en ont dissuadé. Toutes les Cucurhitacées que j'ai eu l'occasion d'exa- miner ont, vers la fin de leur végétation , des rameaux» et ils naissent constamment, lorsqu'ils sont solitaires, non à l'aisselle delà feuille, mais entrelafeuUle et la vrille, parti- cularité de plus dans cette singulière famille. Dans les cas où l'on trouve un second rameau partant d'un même nœud, celui-ci est alors vraiment axillaire. Le point d'origine de ce premier rameau m'empêche d'adopter l'opinion de M. Auguste St.-Hiiaire et de regarder la vrille comme une stipule, car je ne connoispas dans d'autres familles d'exem- ple de naissance d'un rameau entre la feuille et l'une de ses stipules. Il me suffit donc d'indiquer le fait 5 peut-être quelque modification de l'un des organes se présentera-t-elle et nous fera-t-elle connoître par la suite la vraie nature des vrilles des Cucurhitacées. Je me contenterai de dire pour le moment que je soupçonne les feuilles géminées et l'une d'elles transformée en vrille. Quoi qu'il en soit de cet organe , il tend à avorter dans quelques espèces, surtout dans celles dont les tiges sont rabougries , comme dans le Cucurbita maxima y. Courgero , oîi l'on en trouve cependant encore des trace» assez notables. SfîiMOîRE Organes de la reprodaclîoji. Les organes de la reproduction ofificnt aussi dans les Cucurbitucées des caractères qui leur sont propres. Les /leurs sont presque constamment axiliaires danscetle famille 5 il taut toutefois en excepter le genre Qronovia, dont j'ai déjà indiqué que la place me paroît encore ti-ès- incertaine , et où les fleurs sont opposées aux feuilles. En outre, la disposition toute particulière des fleuis de ce genre (elles sont en cime) me fait craindre que lors- qu'on en connoîtra les fler.rs femelles, on ne se trouve forcé de le retirer de la famille, qui offre tant de carac- tères si naturels. Les fleurs des Cuciirbitacées me semblent devoir être primitivement hermaphrodites , car parmi les fleurs mo- noïques, on en trouve de temps en temps accidentelle- ment d'hermaphrodites. Mais peu de familles offrent autant de modifications que celle-ci dans les organes de la reproduction. Dans le plus grand nombre d'espèces, les fleurs sont monoïques, plus rarement dioïques, assez rarement aussi hermaphrodites. Dans quelques cas leurs fleurs naissent solitairement de la même aisselle, d autres lois une fleur mâle et une fleur femelle naissent du même point , tandis que parfois une seule fleur femelle ou her- maphrodite nait de la même aisselle qu'un bouquet de fleurs mâles ( comme dans le LiiJJàfœtida ) , et ces mâles s'ouvrent progressivement , mais long-temps après que les hermaphrodites de la même aisselle sont défleuries et SUR LES CUCURBITACEES. 9 même souvent à une époque où le fruit a déjà six pouces de long. Cependant, eu général les fleurs t'emelles sont solitaires, rarement géminées , les mâles sont solitaires, en grappes, en ombelles, rarement en épi. En passant en revue les organes sexuels je reviendrai sur cet article. Les fleurs sont ordinairement sans bractée à leur base, cependant le Ct/cuniis CitruUus en offre presque cons- tamment une oblongue, qui, par sa position décidément axiilaire, ne peut absolument être prise pour une stipule. Le genre Monwrdica offre aussi dans un grand nombre d'espèces ( et peut-êti'e même dans toutes ) ime bractée large et approchant de la forme circulaire 3 elle naft plus ou moins bas sur le pédoncule. Un autre exemple, mais qui me paroît beaucoup moins clair, ne l'ayant vu qu'en dessin, est dans le Sechiuin palmatum Ser., oii cette espèce de bractée? ou plutôt de stipule ? est palmé-trilobée et semble former un involucre nionophylle à chaque nœud. Mon genre Involiicrarla (tab. 5) offre un exemple de brac- tées que je crois unique dans la famille ; les fleurs mâles sont presque sessiles, disposées en ombelles et chacune est accom- pagnée d'une large bractée dentée vers lextiémité libre. L'en- semble de ces bractées forme un involucre très-remarquable. Le ccilice offre tant de modifications de soudure entre ses sépales et la corolle , que je ne puis comprendre comment on n'a voulu attribuer aux Cucuibitacées que l'un de ces organes. Cette idée sera probablement Aeuue de ce que dans le genre Cucurbita^ dont plusieurs espèces, et encore plus de variétés, sont constamment sous nos yeux, Mem, de la Soc. de Fhys, et d'Hist, mt. T. 111. i." ParU 2. 1 0 MEMOIRE on .1 va le calice, déjà presque pétaloïde, se terminer en une rorolîe campanuk'e. Je dis à dessein se terminer^ car véiitaijiement le bord du tube calicinal semble donner naissance à la corolle. Ce genre offre dans la fleur 1 ex- trême des soudures possibles; car non-seulement le calice se termine en corolle , mais encore les pétales sont soudés entr'eux presque jusqu'au sommet, les filets des étamine» sont triadelphes et les anthères svTigénèses. On attribue au genre Elateriuni un calice nul et une corolle hypocratériforme , mais on a confondu ces deux organes. Le calice dans les fleurs mâles est campaniforme , et son limbe est plus ou moins évasé et plus ou moins distinct, et les pétales sont à peine soudés entr'eux. Si dans quelques cas ces deux organes ne sont pas bien distincts dans les fleurs mâles, ils deviennent incontes- tables dans \es fleurs femelles. Le calice y offre trois parties bien distinctes : i.° sa base, qui entoure le torus et y ad- hère dans toute son étendue. 2.° Plus haut le calice offre un rétrécissement souvent très-long et quelquefois filiforme que je nomme col (ces deux parties manquent tout natu- rellement dans les fleurs mâles). 3,° Puis ce calice s'évase brusquement en cloche, et alors cette troisième partie est la seule qui existe dans les fleurs mâles. 4-° Enfin le limbe est formé de cinq dents, parfois peu prononcées, tandis que d'autres fois il se termine en cinq longues lanières. Les pétales, à peine soudés par leur base, naissent évi- demment de la face interne de la partie campanulée du calice et conséquemment VElaterium n'a pas une corolle campanulée comme on a bien voulu le lui attribuer. D'ail- SUR LES CUCÙPBITACÉES. Il leurs le calice se rompt souvent après la fleuraison au bas du colj et le col, la partie campanulee, le liinLe et la corolle tombent alors ensemble. Le nombre 5 est assez général dans cette famille, sur- tout si on l'applique aux sépales, aux péfales et aux éta- mines. Quant aux pistils , le nombre 3 est le plus fréquent , cependant on trouve des fruits de Cucurbltacécs à 4 et à 5 carpelles. Plus rarement il existe avec 3 stigmates une seule graine , mais peut-être par l'avortement complet et constant dans quelques genres des deux autres carpelles et des autres graines du troisième, à l'exception d'une seule, comme cela se rencontre dans le genre Sechiu/n. J'ai vu passer sur le même individu du nombre 5 à 4 et à 3 les sépales et les pétales, mais le nombre vraiment normal est 5. Dans quelques genres , particulièrement dans les Lujfà, les 5 sépales sont à peine soudés entr'eux dans leur tiers inférieur, et la corolle en prend naissance au-dessous de la gorge calicinale , sans contracter au-dessus la moindre adhé- rence avec lui, et elle se détache en se fanant, comme une corolle polypétale. Ces deux organes sont donc ici évidem- ment distincts. On trouve ensuite dans les Cucurh'Uacées tous les degrés de soudure du calice avec les pétales. Le calice dans les fleurs mâles offre tout naturellement, commeje l'ai dit à l'article Elalerium, un beaucoup moins long tube que dans les fleurs femelles 5 dans celles-ci il recouvre ordinairement les carpelles en y adliérant médiale- ment parle torus,plus ou moins prolongé ; mais, comme ce torus est presque nul dans les mâles, le calice a fort peu de chose à recouvrir j d'un autre côté son limbe est 12 MEMOIRE toujoui's plus prononcé que clans les fleurs femelles. Cet organe peut, par la soudure plus ou moins couiplète de ses sépales, ou par son adhérence plus ou moins complète avec la corolle, fournir des caractères de genre, souvent très- distincts. La soudure des sépales est presque toujours recon- noissable, soit par des lignes déprimées, soit par dea lignes d'une couleur différente du reste du fruit, comme dans le Cucuiblla ovijera. Ces lignes sont constamment en rapport avec les cinq angles qu'offre le pédoncule, angles formés des cinq faisceaux de fibi'es vasculaires , qui répondent au milieu dechaquesépaleou autrement dit à la nervure pi us ou moins prononcée de-chacun d'eux. Quelquefois le limbe est réduit à de petites dents, mais dans tous les cas il est très-recon- noissable. Le tube du calice des fleurs femelles offre difté' rentes formes que je mentionnerai à l'article fruit. D'ailleurs ce tube n'est souvent libre que tout près de sa gorge , et cest vers ce point de cessation d adhérence que, dans les fleurs femelles ou hermophrodites, il se rompt, peu de jours après la fleuraison, comme on peut l'observer dans le genre Cucurhlta. Le limbe du calice dans les fleurs femelles de ce genre tombe toujours peu de temps après la fleuraison ,• mais il offre deux modifications très-notables. Dans quelques espèces le sommet du tube est fortement étranglé au-dessous du limbe , et c'est là que la rupture se fait 5 conséquemment l'extrémité du tube calicinal, son limbe et la corolle tombent ensemble, et les carpelles sont entièrement enfermés {Cucurbitamaxiina, C. ovifera etc.), ou bien le tube du calice est très-court, évasé, en forme de toupie , se rompt un peu au-dessous du limbe , et qe SUR LES CUCURBITACÉES. l3 limbe ainsi que la corolle tombent ou se fanent sur place ; mais dans ce second cas , le calice très-évasé est terminé par une espèce de bourrelet circulaire, formé par la cission du calice et d une partie du tor4is, et presque la moitié de l'étendue des carpelles saille plus ou moins régulièrement hors du calice. Les espèces de ce genre sont ou les moins Jjien limitées ou plutôt les moins bien connues. C'eût été surtout dans ces cas que les figures qu'a données M. Duchesne auroient été pour moi d'un grand intérêt. Dans les espèces où le tube calicinal est campanule, cette gorge est très-large et elle laisse sortir les carpelles plus ou moins soudés entr'eux , mais privés de calice et de torus. C'est ce qui s'obsei-ve toujours dans le Pâtisson ( Cucurbita Melo-pcpo ). Les fleurs mâles tombent complètement un ou deux jours après avoir fleuri 5 leur pédoncule se rompt vers son milieu si la fleur est solitaire, ou à l'un des points de leur pédi^ celle, si les fleurs sont en grappe, en ombelle ou en épi. Relativement à la corolle, je n'entrerai pas dans diffié- rens détails que j'ai déjà donnés à l'article calice^ j'ajouterai seulement que je ne l'ai vu manquer que dans le genre Myrianihui; lieauv. qui ou n'appartient pas à cette famille, ou en forme une tribu extrêmement tranchée. Elle est d'ailleurs constamment formée de cinq pétales ou libres entr'eux, au point où ils abandonnent le calice, ou soudés plus ou moins haut entr'eux ou avec ce même calice; ils (ïiaissent toujours de la face interne du tube , et consé- quemment eu tapissent l'intérieur jusqu'à lendroit où naissent du torus. D'après cela cette corolle se prolonge l4 MÉMOIRE davantage et tapisse une assez grande partie du calice dans les fleurs mâles , tandis que dans les fleurs femelles elle naît assez brusquement du torus sans adhérer, pour ainsi dire, au calice. Les pétales sont généralement obovés dans leur circonscription et doivent nécessairement former en se sou- dant jjne corolle campaniforme , une partie du sommet étant libre et déjetée en dehors. La couleur des pétales est d'une beaucoup plus grande importance dans cette famille que dans beaucoup d'autres , elle peut y concourir à caractériser les genres. Je ne connois qu'un petit nombre d'exceptions, qui probablement dispa- roîlront lorsqu'on aura une connoissance exacte de toutes les espèces. La corolle est blanche dans les genres Logenaria et Trichosanlhes , rouge ou rose dans les y^nguria et jaune daus tous les autres. Dans les fleurs mâles , comme dans les fleurs femelles , elle setend jusqu'au point où finit le torus. Le bord des pétales est ordinairement entier , cependant il est manifestement frangé dans les Tricho- sanl/ies, et malgré que la découpure soit plus ou moins profonde dans diiïérentes espèces de ce genre, je ne sache pas qu'on ait remarqué ce caractère dans aucun autre. Le io/us, qui est quelquefois si peu apparent, que beau* coup de personnes , qui se sont bornées à IVtude de peu de familles, ont eu de la peine aie reconnoître, s'alonge d autres fois tellement, qu'il est difficile de douter de son existence. U est constamment, mais, comme je l'ai dit, par fois d une manière très-peu apparente, la souche des organes mâles et conséquemment de la corolle , qui n'en est qu une modi- fication. Dans les Papavéracées , par exemple , il est sur, LES CUCDUBITACÉES. l5 réduit à un peîit pied qui porte lovaire et d'oi!i naissent les étamines. Dans les Caryophylices , il est souvent plus étendu. Dans quelques tribus des Rosacées^ telles que les Rosées et les Pomacées , il est extrêmement visible et offre deux modifications. Dans les Rosées , par exemple , JI tapisse tout le tube du calice et, vers sa gorge , donne naissance aux pétales et aux étamines. Dans ce cas il adhère donc à un seul organe, au calice, et les carpelles sont libres. Dans la tribu des Pomace'es, au contraire, non-seu- lement il adhère à la face interne du calice , mais encore il embrasse étroitement les carpelles, et je ne puis mieux à cet égard comparer les Cucurbitacées qu'à cette dernière tribu des Rosacées, car le torus y présente les mêmes adhé- rences. Ce torus forme en grande partie la chair du fruit des Pomacées et celle des Cucurbitacées (i). Dans les fleurs •mâles, oii cet organe ne peut adhérer à l'ovaire, il est collé à la face interne du calice et présente une concavité notable (2), qui dans les fleurs femelles est remplie par les carpelles. Le torus est souvent très-visible dans les fleurs femelles, où Ion observe assez fréquemment des rudimens des étamines d'un jaune pâle (3), tandis qu'un peu plus inté- rieurement on trouve la fin de ce torus d'une couleur plus foncée et d'une consistance presque tubéreuse (4). Les étamines m'ont paru constamment au nombre de ^1) Ces idées sur le lorus et sur les fruits , m'ont été en partie suggérées par celles qu'a émises M. de CandoUe , non-seulement dans sa précieuse théorie élémentaire , mais encore dans ses cours et dans la conversation. (2) Table 1 , fig. a,c. de ce mémoire. (3) Table I, fig. 3, d. (4j Table 1 , fig. 3 , e. l6 MÉMOIRE 5. Elles offrent un grand nombre de modifications dans ladhérence de leurs filets, de leurs anthères et dans les tortuosités de ces mêmes anthères. Les filets et les anthères sont absolument libres dans les genres Luffa et G/onovia, iTionadelphes dans les Sechiurn , triadelphes dans les Lage- naria, triadelphes et syngénèses dans les Cucicrblta. Outre cette nouvelle source de caractères de genres dans les modi- fications de cet organe, les anthères en particulier en offrent encore. Elles sont cordi formes, courtes et à deux loges très- prononcées dans le Gronovia , extrêmement flexueuses dans le Lagenaria , presque droites jusqu'au sommet ou jusqu'à la base du connectit, puis elles se courbent brusque- ment deux fois dans le genre Cacurbita, etc. Ces anthères sont extrorses et à deux loges, mais tellement étroites que ce n'est qu'en saisissant bien le moment de leur déhiscence que Ion peut, sur les grandes espèces, manifestement aper- cevoir la cloison mince qui les sépare. Le pollen m'a paru formé, du moins dans les espèces que j'ai eu occasion d'observer, parfaitement globuleux. Le connectifçst quelquefois de la longueur des anthères» d'autres fois il les dépasse. 11 est presque de la même texture que la chair de la courge ordinaire, et quelquefois muni de nombreuses papilles obiongue-aigues, situées entre les circonvolutions des anthères (Lagenaria vu Igaris Sev.). Quelques parties des pistils offrent aussi des caractères importans. Les stigmates sont généralement très-distincts» souvent au nombre de trois, plus rarement 4- 5 et presque constammentbifidesoubilobés. Ils sont couverts de papilles! stigmatiquesnoixd)reuses. Un seul genre delà famille paroîtj SUR LES CUCURBITACEES, I7 avoir un caractère propre à lui, il présente ses stigmates minces et frangés , et c'est l'un des attributs du genre Melotkna. Les styles sont soudés dans presque toute leur longueur et ne m'ont paru présenter aucun caractère générique , ni spécifique. C'est dans l'organisation de ïovaire que se trouve l'une des plus grandes particularités de cette famille. La théorie de la formation des fruits a tellement été avancée et simplifiée par M. de Candolle , que dans un bien grand nombre de cas il n'est plus très-difficile, je ne dirai pas de les classer , mais au moins de pouvoir les comprendre. Ce savant naturaliste a l'idée qu'un fruit simple, tel que nous le présente un pois , est formé d'une feuille ployée sur sa nervure médiaire et que sur ses bords sont des gemmules, qui, trouvant des circonstances favorables pour se déve- lopper, forment des graines. C'est donc cette feuille, ployée et portant des ovules, que M. de Candolle, sans cesse occupé à dévoiler les mystères du règne végétal , nomme Carpelle. Ce carpelle répond ordinairement par son bord séminifère à un centre idéal dans le cas d'umté de carpelle et ce fruit est toujours alors sans symétrie. C'est cette nécessité de symétrie qui lui a fait annoncer qu'on trouve- roitdes Légumineuses à plusieurs gousses sortant d'un seul calice, et cela sans avoir recours à la théorie des soudures j effectivement on en a déjà trouvé une vingtaine d exemples. En supposant un second carpelle adossé à ce premier par son bord séminifère, puis un troisième dans la même position , l'on aura le fruit d un Delphinium à plusieurs Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hist. nat. T. III. 1/'= Part. 3 l8 MÉMOIRE carpelles, ou d'un Aconitum ; mais ces carpelles ne seront que rapprochés. Qu'on observe ensuite le genre Nigellay non-seulement il présente plusieurs carpelles rapprochés en verticilles, mais ils sont encore soudés dans différentes espèces à des hauteui's bien différentes , et voilà un fruit muUiloculairc , mieux nommé /)oA)'c«/y:>/e/2. Je crois donc que rigoureusement parlant il n'existe pas de fruit mono- carpien, car la symétrie ne peut s'y rencontrer, et que dans le cas d'unité de carpelle il y a avortement. Dans les Caryophyllées uniloculair^s le fruit esî certainement formé de plusieurs carpelles , dont le bord intérieur de chacun d'eux est exactement soudé en cclonne, tandis que les parois entre le bord seminii'ère et le bord stérile sont oblitérées j c'est ce qui arrive probabiemeni, aussi dans les Primulacées. ?1 n'est pas rare de trouver des capsules de Caryophyllées dont la base est pluriloculaire, tandis que le sommet est uniloculaire. Sans celte explication comment se figurer la formation des placentas centraux libres? D'ail- leurs il est facile de concevoir que ces carpelles soient plus ou moins charnus , puisque les feuilles offrent toutes les consistances possibles. Si ces carpelles déjà verticilles sont entourés d'un torus prolongé , qui enveloppe étroitement tous les carpelles, on aura une cause de carnositéou d'aug- mentation de carnosité, et si enfin le calice vient encore se souder à tout cet appareil, comme dans les poires et les pommes , on aura une troisième cause d augmentation de cette chair. L'une des modifications que je viens de citer est ce qu'offre un grand nombre de fruits , mais ce n'est pas absolument celui des Cucurbilacées. SUR LES CUCURBITACÉES. Ig Dans tous les cas que je viens de citer , l'inflexion des feuilles, pour former les carpelles , a lieu comme je l'ai dit, de manière que la face supérieure devient interne et que son bord séminifère répond à l'axe du fruit , tandis que la grosse nervure, qui forme l'autre bord du carpelle, répond à la circonférence du fruit. Quand les bords des carpelles , composant un fruit , sont très-rapprocliés l'un de 1 autre, le réceptacle est dit central, si au contraire le carpelle a ses bords très-écartés , comme cela se présente dans le genre Ribes , dans les PassiJIora , les réceptacles sont dits pariétaux, mais ce n'est là qu'une modification bien simple puisqu'elle n'est due qu'à un écartement plus ou moins considérable du bord séminifère du carpelle. D'un autre côté si les bords rentrans se prolongent et se roulent dans le carpelle , les placentas deviennent plus ou moins centraux dans chaque carpelle. Cène sont vraiment là que trois modifications du même mode d'enroulement. Mais comment se figurer que cette feuille de Ciicurbitacée , ployée comme il vient d'être dit, pourra se retourner dans le fruit et son bord séminifère se trouver dans la circonférence au lieu d'occuper le centre : c'est cependant ce qu'il faut se figurer pour comprendre lorganisation des Cucarbita- cées. Le genre Phaca offre Ijien un exemple de renver- sement dans son fruit , la gousse pendant sa maturation se tourne sur sa base, mais comment le supposer dans une courge , dont les carpelles sont entourés du torus et du calice? Cette position des carpelles existe cependant dans cette singulière famille, et me paroît tellement incom- préhensible que j'ai eu de la peine à me décider à 1 annoncer. ~0 MÉMOIRE J'ai fait des coupes de fruits très-jeunes , demi-mùrs et mûrs de bien des Cucurbitacées , et j'ai toujours trouvé la même position des carpelles. Uue monstruosité singulière du Cucurhita op^/èra confirme cette position (voy. 1. 1, f. 4-5). Je faisois dessiner des détails de Cucurbitacées et le hasard nous fit tomber M. Heyland et moi sur une fleur femelle* dont le style très-court et un peu déformé , étoit entouré ou d etamines transformées en carpelles , portant sur ses bords des ovules , ou de carpelles qui s'étoient prolongés hors du fruit. Il est difficile d'affirmer auquel de ces deux organes est due cette monstruosité, elle prouve au moins encore la position des carpelles déjà signalée ailleurs , et la naissance des ovules sur les bords des carpelles. D'après tout ce qui vient d'être dit sur les fruits des Cucurbitacées et au moyen de la tab, i f. 6 de ce mémoire on pourra mieux comprendre la position des graines , qui sont dirigées de dehors en dedans. La laxité du tissu cellulaire dans cette famille et surtout de celui des fruits explique facilement la grandeur et la gros- seur extrême qu'ils acquièrent quelquefois , et en même temps l'extrême rapidité de développement de presque toutes leurs parties dans les temps chauds. D'un autre côté il tait comprendre combien le froid, ainsi que les pluies et l'humidité donnent à ces plantes un air souff'rant. C'est à cette même laxité de tissu et à l'extrême facilité qu'il éprouve de se dénaturer , ainsi qu'à la facilité de l'avor- tement des graines , que l'ou doit toutes les déformations des fruits qu'off"re cette famille. Les graines semblent avoir dans le Lagenaria yulgaris et dans beaucoup d'autres SUR LES CUCURBITACEES. 21 espèces ou variétés une certaine prédisposition à avorter dans telle ou telle partie, et cet avortement se fait déjà remarquer dès la fleuraison. Plus la partie d'un fruit a de graines fécondées, plus elles attirent de suc. Non -seule- ment alors le volume dufruit est augmenté parleur pré- sence , mais encore en ce que la partie charnue augmente aussi. On observe absolument l'opposé dans les endroits où l'on rencontre un étranglement notable pi-édisposé ou accidentel, le centre est dans un état de marasme, de séche- resse, et ce tissu si succulent dans l'état sain, ressemble à de la moelle de sureau un peu séchée. Il faut donc dans les familles où le tissu des fruits est très-mol et très-déve- loppé , surtout dans les Cucurbitacées , ne mettre d'impor- tance à la forme des fruits que pour caractériser les variétés. Autant la couleur des fleur» m'a paru fixe dans cette famille , autant celle des fruits varie, non-seulement dans la même espèce, mais encore sur le même individu et souvent même d'une aisselle à l'autre , conséquemment il ne peut encore servir que pour caractériser les variétés. On peut reconnoître assez facilement, dans une coupe transversale faite vers la partie la plus évasée du fruit de Cucurbitacée , les différens organes qui le composent, et l'une des figures ci-jointes, tab i. £ 6., représente cette coupe .1.° Dans la circonférence se trouve une série de points assez écartés , ordinairement verts, qui indiquent les vaisseaux du calice. Ils se courbent en raison des flexions des parois du fruit : vers le pédoncule ils s'étendent d'abord presque horisontaleraent, montent ensuite, puis se cour- 2a MEMOIRE bent vers le sommet du fruit. Le deuxième cercle est épais et formé de nombreuses fibres circulaires, manifestement creuses comme le prouve la coupe longitudinale du fruit : c'est le torus. Les usages de ce torus ne me paroissent pas encore déterminés. Le troisième cercle présente de nom- breux vaisseaux divisés transversalement , dans la coupe transversale , ils forment le réseau mol que l'on remarque surtout bien distinctement dans le melon blanc de Mal- thé-^ et qui est excessivement dur dans le L.ujf'afœlida desséché. Ce réseau n'est que le squelette des carpelles , dépourvus de leur parenchime, et l'on peut souvent les suivre depuis la base du fruit jusqu'à son sommet. La grosse nervure ou autrement dit le gros faisceau des fibres de chaque carpelle s'y remarque très-distinctement encore , dans la position indiquée , c'est-à-dire répondant à l'axe. Les graines offriront probablement dans leur forme des caractères de genre, mais je n'ai encore pu les observer dans im bien grand nombre de Ciicurbilacées. Elles sont placées horisontalement dans un grand nombre d'espèces polyspermes. Elles sont toujours fixées par leur plus petite extrémité, et dirigées de dehors en dedans. L'une de leurs faces, car elles sont le plus souvent manifeste- ment comprimées, répond vers la base et l'autre vers le sommet du fruit. Ces graines m'ont paru constamment munies d'une arille , car il est impossible de donner un autre nom à ce tissu cellulaire infiltré d'une grande quantité d'un liquide insipide, incolore et très-transparent, et qui, par la dessication, forme cette pellicule blanchâtre et trans- parente qui les revêt, lorsqu'elles n'ont pas été trop frois- sées en les touchant. SUR LES CUCURBITACÉES. ^3 Non-seulement la forme, mais encore le bourrelet mar- ginal qui entoure les graines, les rugolités qui les recouvrent quelquefois , et la manière dont elles sont tronquées à leur base fourniront probablement, quand on connoîtra mieux cette famille, d'excellens caractères de genres. On trouve toujours, à l'extrémité la plus mince d'une graine de Cucurbilacée , le hile , d'autant plus marqué qu'on l'observe dans de plus grosses espèces. 11 m'a paru toujours obliquement placé. Dans la ligne blanche qui s'y remarque, aboutissent le ou les vaisseaux stigmatiques , qui percent aussitôt le spermoderme, ce qui est très-facile à distinguer dans une coupe longitudinale (tab. i. f 8). Ces vaisseaux se détachent de très - bonne heure du hile, et le cordon ombilical, qui est tuméfié près de son insertion, ne tient plus que par les vaisseaux nutritifs. Ceux - ci suivent dans la graine une toute autre direction ; au lieu de percer de suite le spermoderme , ils en font le tour et forment eu partie le bourrelet si prononcé qui borde plu- sieurs graines de Cucurbilacées. Le Spermoderme est d'une consistance ferme et comme papyreuse, si je puis m'exprimer ainsi, et les trois parties qui le forment y sont extrêmement distinctes ( tab. i. fîg. f)., a. b, c). Par la macération, le teste se détache facile- ment du sarcoderme, qui souvent est verdâtre , et l'endo- plèvre est absolument membraneuse. Rapports naturels des Cucurhitacées. La famille des Cucurhitacées est tellement distincte de a4 MÉMOIRE toutes les autres que sa place est assez difficile à assigner j mais je renvoie les personnes qui voudroient connoître tou- tes les liaisons qu'on a cru lui trouver avec un assez, grand nombre de familles , à l'excellent mémoii'e de M. Auguste St.-Hilaire déjà cité, et à la note de M. de Candolle sur la place que doit occuper cette famille dans la série des famil- les ( pag. 33 ) , et qu'il a bien voulu me permettre de join- dre à mon mémoire. Patrie des Cucurbitacées. La patrie des Cucurbitacées n'est pas toujours bien déter- minée , surtout pour les espèces cultivées \ en général ou ©acompte : en Europe 3 Asie 7» Afrique. . 32 > Amérique 5o Patrie inconnue. . , 27 Total 182 Division méthodique des Cucurbitacées. J'ai cherché à établir des tribus dans cette famille encore trop peu connue, et je l'ai divisée, en attendant quelque chose de mieux , d'après ses corolles gamopétales ou à pétales libres entr'eux , et d'après leur soudure ou leur non adhé- rence avec le calice , malgré que cette division ne soit pas encore appuyée sur des caractères bien tranchés et qui SlTR LES CUCURBITACÉES, a5 ne sont pas en rapport avec quelques parties du fruit , ils offriront toujours en attendant quelque commodité. Voici un petit tableau qui donnera au moins une légère idée de la division que j'ai établie dans les Cucurbitacées pour le Prodromus systematis naturcdis regni çegetabills. Trib. 1 Benincasè^. Petala inter se non coalita et calyce valdè distincta. Species. I Lagenaria 3 2. Cucutnis 17 3 Luffa 6 4 Benincasa 1 5 Turi'a 5 Trib. 2 CucurbitEjE. Petala inter se in corollam gamopetaiam coalita et saepissimè cum calyce adnata. 6 Bryonia 45 1 Sicyos 6 8 Elaterium 10 9 Momordica ^ 1 5 10 Neurosperma. . . ;. iVl ; 1 11 Sechium 3 1 2 MeloUiria 3 i3 Trichosanthes. i4 14 Cucurbita , 14 i5? InvoIiJcraria i 16 Muricia i5 I 7 Angiiria 7 -j- Gênera Cucurbitacearum affinia. 1 8 Papaya g 19 Ailasia i ■2.0 Fevillea 4 2.\ Zanonia i 22 Gronovia i sa Myrianthus 1 24 Hydnora i 25 Zucca ( ex Auguste St.-Hilaire ). Mém, de la Soc. de Phys. et d'Hist. nat. T. III. i." Part.~^^ 4 2.Q MÉMOIRE 11 est très-probable que si Ton trouve à appuyer le raractère des anthères libres ou soudées par quelque autre tiré du frLiit, on établira une troisième tribu, qu'on ne peut que présumer encore. La famille des Cucurbilacées n'est pas encore assez connue pour pouvoir savoir si elle est susceptible de grands changemens j voici cependant quelques notes sur ceux qui m'ont paru nécessaires. J'ai établi le genre Ijagenaria , extrêmement distinct des CucurbUa et qui n'a probablement été établi jusqu'à présent , que parce qu'on n'avoit pas étudié cette famille. Le tableau qui précède , fera facilement concevoir les gran- des différences qui existent entr'eux. J'ai été obligé de transporter le Cucurbda CUrullus dans le genre CucutiiLs , dont il a les étamines triàdelphes et les pétales libres , tandis que le genre CucurbUa est caractérisé par des pétales soudés en corolle campaniforme et des étamines syngénèses. Le genre Bryonia , offre trois sections prononcées, mais les espèces sont encore trop imparfaitement décrites pour pouvoir les rapporter dans ce moment à l'une ou à l'autre d'entr'elles. Je me contente donc de les indiquer pour fixer l'attention des botanistes. Quelques espèces {Bryonia dioïca etc.) ont des graines ovoïdes, sans zone sensible et pourra porter le nom de Oospcrma. D'autres ont leurs graines munies d'une zone en relief bien distincte , et constitue- ront la section Zonosperma. La troisième section , qui peut-être est un genre, peut se nommer Rostraria.eWe est caractérisée par des fruits surmontés d'une pointe très- SUR LES CUCURBITACÉES. 27 prononcée, les Bryonia rostrata et ^fricands^y rappor- tent. Il se pourroit cependant que cette dernière section dût rentrer dans le genre Melolhria. La disposition de toutes les parties de la végétation d'une plante envoyée du Napaul à M. de CandoUe par M. Wal- iich , est tellement semblable à celle des CucurbUacées , que malgré que les deux exemplaires que j'ai vus man- quent de fruits, js n ai pu m'empêcher d'en constituer un genre. La singulière disposition de ses fleurs mâles> rassemblées en ombelle , et munies chacune d'une grande bractée profondément dentée vers son extrémité libre, me Va iaitïiommeï Jnvolucrarla. Ces fleurs mâles , pres- que sessiles, sont portées au sommet d'un long pc'doncule qui dépasse souvent la feuille et qui naît, ainsi que dans les autres CucurbUacées , de l'aisselle formée par la tige d'un côté et la feuille et la vrille de l'autre. A la base de ce pédoncule se trouve une grande bractée oblongue con- cave. Je ne puis mieux comparer les boutons de ces fleurs , qu'à de petits boutons de rose un peu alongés. Le tube cali- cinal est obconique , le limbe est de la longueur du tube et cette portion libre des sépales est linéaire-aigue. L'im- perfection des exemplaires et la jeunesse des boutons n'ont pu me permettre de distinguer la forme des pétales, mais les étamines me paroissent avoir la même conformation que dans le genre Cucurbita. Le pédoncule qui porte l'om- belle est quelquefois solitaire et d'autres fois accompagnée d'une fleur femelle ( toujours unique au bout d'un long pédoncule). Les vrilles ne se divisent en 3 ou 4 branches (disposées en ombelle), qu'à la hauteur du limbe de la feuille. 28 .^^Tî'^ATr-MEMOIRE Les feuilles sont de la graudeLu* et de la forme de celles de la vigne découpée, et leurs angles rentrans sont très- échrancrés; d'ailleurs elles paroissent avoir été d'un verd foncé et sont garnies en dessous de poils roides et Ijlancs. Je crois en général les genres de cette famille bons , mais ils pourront être appuyés sur des caractères plus solides et plus multipliés qu ils le sont actuellement. J'ai commencé à leur en ajouter quelques-uns, et une étude plus approfondie donnera plus de fixité non-seulement aux genres , mais encore aux espèces, dont les dilVicultés seront en partie levées par l'étude comparative des organes de la fleur. Quoique l'emploi des Cucurbitacées comme substances alimentaires soit assez bien connu , il n'en est pas de même de celui de toutes leurs parties , qui nécessiteroient des analyses chimiques, qui peut-être ne seroient pas san intéi'êt, soit pour les fruits, soit pour leurs graines. Je termine cette esquisse en demandant aux botanistes leurs remarques, des graines de toutes les espèces rares ou communes et des exemplaires desséchés, afin de parr venir à en donner une monographie pour laquelle Je recueille des matériaux. s - ùfT SUR LES CUCURBITACEES. 2() EXPLICATION DES PLANCHES. Table L Cucurbita ovifera a pyriformis.' Fig. 1, Fleur mâle avant son épanouissement, a , pédoncule. — 6 ,base du calice. — c , limbe du calice. — d, corolle. — e, filets des étamines triadelphes. — f, antlières syngénèses. Fig. 2. Torus de fleur mâle en c. — a , pédoncule. — b , base du calice. Fig. 3. a , pédoncule de fleur femelle. — b , tube du calice. — c, son limbe. — c * , base de la corolle. — d , base des étamines avortées. — e, torus. — f, style. — g, stigmate. Fig. 4- 5- Monstruosité. Cucurbita maxima y Courgero. Fig. 6. Coupe transversale d'un fruit jeune. — a ,calice. — b , torus. — c. vaisseaux nourriciers. — d, l'un des carpelles adhérant dans une partie de son étendue aux deux carpelles voisins. — e , cordons ombilicaux. — f, graines. ' ' " ' '.' ' Fig. 7. Graine de Cucurbita ovifera. Fig. 8. Coupe longitudinale de Cucurbita maxima, a, canal féconda» teur , qui traverse brusquement le spernioderme. — b , commencement du canal nourricier. — c, fin du canal nourricier. Fig. 9. Graine de Cucurbita maxima dont les trois parties du spermo- derme sont disséquées, a , teste. — b , sarcoparpe. — c , endoplèvre. — d , embryon. Fig. jo. Poil cloisonné grossi de Cucurbita maxima. Table IL Lagenaria vulgâris J" clavata. Fig. 1, Calice de fleur mâle et partie de son long pédoncule. ÔO MEMOIRE Fig. 3. Etamines de grandeur naturelle. Fig. 5. Etamines grossies. Fig. 4. Fleur femelle privée de sa corolle, Fig. 5. Fleur femelle complette. Fig. 6. L'un de ses pétales. Fig. "j. Réunion imparfaite des deux sexes. Fig. 8. Graine enveloppée de son arille et terminée par son cordo» ombilical ( figurée un peu trop petite , en proportion des deux graines). Fig. g. Deux graines de Lagenaria uuigaris a gourda. Table III. CucuMis maculatus. Fîg. I. Extrémité de rameau de grandeur naturelle, a, fruit très-jeune-. — h , fleur mâle. Fig. 2. Fleur mâle vue par sa face supérieure. Fig. 3. Fleur mâle vue par sa face inféiieure. Fig. 4- Etamines triadelphes vues par leur face externe , et surmontées de leur connectif. Fig. 5. Les mêmes etamines vues par leur face interne. Fig. 6. Fleur femelle de grandeur naturelle. Fig. "j. Fleur femelle grossie. Fig. 8. Fleur femelle jeune, privée de sa corolle et grossie. Fig. Q. Fleur femelle grossie , terminée par ses stigmates, autour desquels on remarque des rudimens d'étamines. Fig. 10. Fruit de grandeur naturelle. Fig. II. Coupe transversale du fruit. Fig. X2. Graine ds grandeur naturelle. Table IV. Benincasa cerifera. Fig. 1, Rameau de feuilles, de grandeur naturelle avee une flenr femelle. Fig. 2. Fleur mâle de grandeur naturelle. Fig. 3. Fleur mâle et son calice (privée de sa corolle). Fig. 4. Etamines écartées et laissant à découvert le torus presque entiè» rement avorté. SUR LES CUCURBITACÉES. 3l Fig. 5. F'cur mâle plus avancée , à calice très-developpé ( privée du calice et do la corolle. Fig. 6. Fleur femelle de grandeur naturelle privée de sa corolle. — a ,' calice. — ■ b , étamines avortées. — c , stigmates. Fig. 7. Fleur hermaphrodite à organes sexuels assez imparfaits, mais ce- pendant où la brièveté du tube caliciual indique plus d'imperfectiou dans les pistils, que dans les étamines. Table V. Involucraria Waluchiana. Fig. 1. Portion de rameau, de grandeur naturelle. Fig. 2. Bractée. Fig. 3. Vrille. Fig. 4" Ombelle de fleur mâle. Fig. 5. Bouton de fleur mâle. Fig. 6. Fleur femelle. Mie îL.H.naf.T. m. l«^*p.^p.32 fcvé. 1 ^^t^^^/è^ ût^y^Ti^ oC ^^?mJ. 6^ 6- ^J^l'€^(ù(/?z4:o cCe-u. e^j'C€c^^. Ccé.ca/?^ùt/ .^9?taoc//m^ ^ Catùrae^'t?. S^e^^r^-^ nie Ei. H. liât. y m. i"^l>.^ î 52 ^ib. K. =_2^^ \aas/ia/%^iy iz-fU^^ 'i/tiÂf////'ù) d^o/a/m/^-t. ytr^. J ^ ■^ V Il le ït, H. 3iat^T. m. 1'":p " p 32. fT^l IT (^ fJc^nd cU^ . 1ân4^?'2^az^hZ' c^rr^e^rtz/. t.^'^i4fiG4::ft- .}■■ solet. » ^ Du Mercure. 1/^ Expérience. Le 5 Mai , deux ou trois plantes de haricots , qui crois- soient dans un vase , furent arrosées avec environ deux onces d'eau contenant en solution 12 grains de muriate de mercure. Le lendemain, les plantes avoient l'air malades, les feuilles se penchoient beaucoup , et les tiges étoient d'une couleur brmie jaunâtre. J'arrosai encore les plantes avec la même quantité du même liquide. Le lendemain , 7 Mai, je les trouvai complètement mortes^ les tiges étoient tout-à-fait jaunes, et les feuilles sèches et fléti'ies. Ayant fait tremper pendant quelque temps les feuilles des plantes dans de l'eau distillée, j ai pu facilement reconnoître, au moyen des réactifs ordinaires , la présence du muriate de mercure. 2.^ Expérience. Le 3 Avril, une branche de rosier portant deux ou trois boutons de rose à moitié développés , fut introduite par son extrémité, dans un flacon contenant une solution de 6 grains de muriate de mercure dans une once d'eau. 4(5 MÉMOÎHB Le 5 Avril, il s'est manifesté des raiea d'une couleur brune jaunâtre , qui s etendoient le long des embranche- mens des feuilles; les pélales extérieurs des fleurs étoient fanés 5 la fleur cependant sembloit s être un peu épanouie. La l;)ranche avoit absorbé pendant les 4<) heures, 24 grains du liquide. Le 6 Avril, les raies étoient devenues plus larges et d'une couleur plus foncée; les feuilles serabloient d'ailleurs très-malades. Le 7, les raies couvx'oient la plus grande partie des feuilles; il ny en avoit que les bords qui res- tassent encore un peu verts : la branche étoit d'ailleurs tout-à-fait sèche. Les pétales intérieurs delà fleur n étoient point flétris , mais me sembloient être devenus d une cou- leur un peu plus foncée. La plante avoit absorbé en tout 32 grains du liquide , c'est-à-dire , près d un demi-grain du poison. 3,° Expérience, Le 10 Mai, je fis dans la tige d'un cerisier un trou qui pénétroit jusque dans la moelle, et j'introduisis dans ce trou quelques gouttes de mercure métallique. Je couvris alors en- tièrement le trou de manière que l'eau ne put pas y entrer, et que l'arbre ne pût pas souff^iùr de l'action des élémens exté- rieurs. Aujourd'hui (le 10 Mars iSaS), l'arbre se porte par- faitement bien , et n'a point encore soutïert de faction du mercure. Je suis d'autant plus surpris du résultat de cette expérience, que j'avois souvent entendu dire que l'on parvenoit à tuer les arbres, en les assujettissant de cette mfinière à l'action du mercure métallique. 8UR l'action des POISONS etc. ^ 47 De l'Étain. Le i3 Avril , une branche de rosier portant deux ou trois boutons de rose à moitié développés, fut introduite par son extrémité dans un flacon contenant une solution de miiriate détain de la même force que les solutions pré- cédentes. Le i5 Avril, il s'est manifesté le long des nervures des feuilles, des raies d'une couleur brune jaunâtre semblables à celles produites par l'action du muriate de mercure j elles étoient seulement plus larges et d'une couleur plus foncée. Le i6, la branche étoit morte, et la presque tota- lité des feuilles étoit devenue jaunâtre. Ayant fait tremper pendant quelque temps les feuilles dans de l'eau distillée , *t ayant ajouté à cette eau une solution d'or, la présence de l'étain s'est manifestée de la manière ordinaire. JL action de l'étain sur les haricots est tout- à- fait sem- blable à celle du inuriate de mercure. Du GviVRE. Une plante de haricot fut ôtée de la terre, et intro- duite par les racines dans un vase d'eau contenant une solution de sulfate de cuivre dans la même proportion que dans les expériences précédentes. Au bout de 24 heures, les feuilles de la plante étoient tout-à-fait flétries. Si j'arrosois la plante en la laissant en terre, il falloit pour la tuer, l'arroser plusieurs fois; et avec une pro- portion plus con.sidérable de sulfate de cuivre. 48 MÉMOIPtE Je trouve dans le voluine 19, page 76, des Annals of P/dlosophy , que le D.'' Philipps, ayant répandu des solu- tions de cuivre autour du pied d'un jeune peuplier, l'arbre mourut bientôt après. Les feuilles des branches inférieures se séchèrent les premières. Un couteau , employé à couper une branche de cet arbre, se trouva couvert de cuivre j ce qui prouve évidemment l'absorption du métal. Du Plomb. Des haricots furent introduits par la racine dans une solution d'acétate de plomb de la même force que les solu- tions précédentes. Les feuilles inférieures étoient flétries au bout du second jour, mais ce n'est que le troisième jour que la plante fut morte. Il en a été précisément de même, lorsque j'ai employé du muriate de baryte. Avant de passer aux poisons végétaux, je dirai quelques mots sur laction de trois autres substances non-métalli- ques : l'acide sulfurique, la potasse, et le sulfate de magnésie. Des haricots furent introduits par leur racine dans de r.icide sulfurique étendu avec trois fois son poids d'eau. Au bout de peu d'heures , ils commencèrent à se pencher, et au bout de 24 heures , ils furent complètement flétris. Il en a été précisément de même lorsque j'ai soumis des haricots a l'action de la potasse liquide étendue de la même quantité d'eau. Mon but en soumettant des haricots à l'action du sulfate de magnésie, a été de démontrer, qu'en faisant sbsorUer .SUR l'action des poisons etc. JiQ aux plantes des substances minérales qui ne sont point nuisibles au règne animal , celles-ci n'en souffriroient aucunement. J'introduisis les racines des haricots détachés de la terre dans un vase contenant 12 grains de sulfate de magnésie dans deux onces d'eau. Au bout de 24 heures , les plantes n'étant point affectées, j'ajoutai encore 12 grains du sel à la solution, et au bout de 48 heures j'en ajoutai encore 12 autres grains, faisant en tout, une solution de 36 grains du sel dans deux onces d'eau. Malgré cela, le troisième jour, les feuilles étoient parfaitement vertes, et la plante ne paroissoit pas aff'ectée d'une manière sensible (1). J'obtins les inêmes résultats en faisant une expérience analogue avec le sel ordinaire. Ces résultats serviront à prévenir l'objection de ceux qui pourroient alléguer que, dans les expériences précé- dentes, la mort des plantes soumises à l'action des poisons métalliques, étoit due moins à l'action corrosive de ces poi- sons, qu'a linfluence qu'ils exerçoient, en obstruant peu à peu les pores des racines, et en empêchant l'absorption du liquide. (1) M. Necker de Saussure m'a dit avoir observé des plantes végéter très- bien dans un terrain magnésien. Le Professeur Carradori, de Florence , dans un mémoire intitulé DeLCazione venefica délia niagnesia sui vege- tabiii, etc. , paroit être d'un avis contraire. Mém. de la Soc. Je Pays, et dHist. nat. T. III. i." Part. 7 5o MÉMOIRE SECONDE PARTIE, Action des Poisons végétaux. L'action de la plupart de ces poisons paroît chez les animaux se porter sur le système nerveux, et détruire la vie en affectant cette partie du corps d'une manière parti- culière. Les expériences suivantes sont destinées à déter- miner le genre d'action de quelques-uns de ces poisons sur le règne végétal. En général , dans ces expériences , j'arrachois soigneu- sement de la terre les haricots que je soumettois à l'action des divers poisons, et j'en introduisois les racines dans un verre qui contenoit une solution du poison en question. Par cette méthode, j'ai cru pouvoir déterminer l'action directe des poisons d'une manière plus précise que si j'avois laissé la plante en terre. D'ailleurs, je ne pouvois souvent pas me les procurer en quantité assez grande pour que je pusse en éprouver les effets , en arrosant les plantes , lorsque celles-ci étoient en terre. Je commençai par m'assurer au moyen de plusieurs expé- riences, que des haricots arrachés de la terre, et introduits par les racines dans de l'eau ordinaire , restoient en très- bonne santé pendant un espace de six à huit jours, et continuoient à végéter comme si je les avois laissé dans- la terre. SUR l'action des poisons etc. 5i Quelques-uns des poisons dont je rendrai compte, lors- qu'ils sont dissous , même en petite quantité , dans de l'eau, rendent cette eau sensiblement plus visqueuse qu'elle ne 1 est dans son état ordinaire. J'ai cru donc devoir m'assurer , que lorsque les plantes que je soumettois à l'action de ces poi- sons , venoient à mourir, cette mort n'étoit due nullement à la viscosité du liquide, quoique l'on put croire que cet état de viscosité eût seul suffi pour détruire la plante , en obstruant peu à peu les pores des racines. J'ai déterminé ce fait, en introduisant des plantes de hari- cots dans de l'eau contenant une solution de gomme arabique en quantité suffisante pour rendre cette eau plus visqueuse qu'elle ne l'est devenue dans aucun cas par la dissolution des substances dont je me suis servi dans le cours de ces expériences. Ces haricots sont restés vivansetont conservé leur fraîcheur pendant un espace de cinq à six jours (i). Je vais à présent décrire l'action de quelques-uns des poisons végétaux sur les plantes. De l'Opium. Le lo Mai , à 9 heures du matin , une plante de haricot fut introduite par sa racine dans une solution de cinq à six grains d'opium dans une once d'eau (2). Déjà le soir les feuilles commencèrent à se pencher. Le lendemain, (1) Les plantes mouroient cependant plutôt, si l'on ajoutoit plus de dix grains de gomme arabique , pour cliaque once d'eau. (2) Après avoir dissout le poison , je passai toujours la solution à travers du papier Joseph , de manière à la rendre la moins visqueuse possible. 53 MÉMOIRE au milieu du jour, je trouvai la plante complètement morte ; les feuilles étoient fanées sans changement de couleur. Je remis la plante dans de l'eau pure, mais i.e- ne pus pas réussir à la faire revivre. L'extrait aqueux de morelle agit sur les plantes préci- sément comme l'opium : seulement son action est un peu moins rapide que celle de ce dernier poison. M. Julio, ayant placé des branches chargées de ffeurs dit Mesemhranthemuni barbatuni , les une^ dans des vases pleins d'eau pure, d'autres dans des vases pleins d'eau mêlée avec une petite dose d'opium dissout dans le suc gastrique du corneille , s'est aperçu que les fleiu's de la branche placée dans l'eau qui contenoit de l'opium, s épa- nouissoient plus tôt le matin et se fermoient plus tard le soir que celles qui étoient attachées à la branche placée dans de l'eau pure. Il en conclut, que certaines substances, agissent comme stimulans sur les végétaux. De la Noix Vomique.. Le 9 Mai, à 9 heures du matin, une plante de haricot fut introduite par sa racine dans une solution de 5 grains de l'extrait aqueux de noix vomique dans une once d'eau- Au bout dune heure, la plante commença à avoir lair malade. A une heure , les feuilles n'avoient point changé de couleur, mais tous les pétioles ou petites branches aux- quels elles étoient attachées, étoient courbés, et pour ainsi dire, rompus par le milieu, de manière à se fléchir de haut en bas. Ce phénomène ma prouvé que le poison avoit SUR l'action des poisons etc. .53 bien pénétré dans l'intérieur de la plante ; car une autre plante de même espèce que j'avois arrachée de la terre à 9 heures, et que je n'avois introduite dans aucun liquide, eomraençoit aussi à se faner au bout de trois ou quatre heures^ mais dans ce cas, c'étoit les feuilles seules qui étoient atïectées, et point du tout les pétioles, lesquels étoient restés parfaitement tendus. Le soir du même jour, la plante empoisonnée fut morte. J'ai essayé de déterminer l'action de la noix vomique introduite daas la tige d un lilas qui avoit près d'un pouce en diamètre. Le i5 Juillet, j'y fis une fente d'un pouce et demi de longueur, et pénétrant jusqu'à la moelle. J'insérai dans la fente environ i5 grains de l'extrait aqueux de noix vomi- que que j'avois préalablement délayé dans quelques gouttes d'eau. Je rapprochai alors les portions fendues de la tige , et je les attachai fortement dans leur position naturelle avec des liens d'osier. Le 28 Juillet , les feuilles des deux grandes branches de l'arbre les plus voisines de la partie de la tige oh le poison avoit été inséré, ont commencé à se sécher. Le 5 Août, ces deux branches étoient tout-à-fait sèches. Les autres branches ont fini par se sécher dans le courant de I automne (1). (i) De la même manière , j'ai appliqué à divers arbies plusieurs des poisons dont j examinerai les eOels dans la suite de ce mémoire. Ces arbres n'ont pas paru allieclés avant l'époque ordinaire de la cliûte des feuilles ; et au moment artiu'l ( i i Février), la saison est trop peu avancée pour que l'on puisse juger du résultat de l'expérience. 54 MÉMOIRE L'opium et la noix vomique produisent tous les deux la mort des animaux en agissant sur le système nerveux : suivant M. Orfila, l'opium paroît agir spécialement sur le cerveau, et la noix vomique sur la moelle épinière. Des Semences du Gogulus Menispermis. Une plante de haricot fut introduite par la racine dans un vase contenant une solution de dix grains de l'extrait aqueux des semences du Coculus menispermis dans deux onces d eau. Peu de momens après 1 introduclion des racines de la plante dans le liquide, il y eut une crispation légère de l'extrémité des deux feuilles les plus voisines de la tige. Dans chacune, l'extrémité se replia sur la surlace supé- rieure de la feuille. J'essayai de déplier les feuilles crispées , mais je m'aperçus qu'elles tenoient fortement à leur nou- velle position, et qu'elles y revenoient de suite, si je les déroulois. Au bout de quelques heures, les feuilles voisines delà partie inférieure de la tige changèrent de position , de manière que depuis le sommet du pétiole, elles se plièrent de haut en bas, prenant une position telle que l'extrémité supérieure des feuilles se trouvoit plus directement penchée vers la terre qu'elle ne l'étoit auparavant. Les feuilles se roidi- rent dans cette position , et y restèrent pendant quelques heures, la reprenant si on les en dérangeoit. Au bout d'un certain temps elles commencèrent à devenir fléisques. Enfin, au bout de 24 heures depuis le commencement de SUR l'action" des poisons etc. ^ 55 l'expérience, la plante entière étoit morte ; tous les pétioles étoient courbés par le milieu j et toutes les feuilles ctoient fanées. Ce genre de poison , lorsqu'il est administré aux ani- maux , paroît agir le plus souvent sur la moëlie épinière, en produisant le tétanos et bientôt la mort. De l'Acide prussique. i/^ Expérience. Le 12 Mai, à 8 heures du matin, une plante de haricot fut introduite par sa racine dans de l'acide prussique. Il n'y eut point de crispation des feuilles , comme dans le cas de quelques-uns des poisons précédons 5 mais les pétioles com- mencèrent à se courber par le milieu et les feuilles à se pencher au bout de deux ou trois heures, comme dans le cas de 1 opium. Au bout de douze heures , la plante n'avoit plus de vie j tous les pétiules étoient comme brisés et fléchis de haut en bas par le iTiiiieu. 2.^ Expérience. Dans cette expérience , je tâchai d'éprouver l'action de l'acifie prussique sur la sensitive ( mimosa puclica ). Dans ce but une ou deux gouttes de l'acide concentré furent vergées sur rextrémité d'une des branches à laquelle étoient attachées quatre feuilles. Au bout de quelques momens , toutes les feuilles se fermèrent. 11 arrivoit cependant quel- 56 MÉMOIRE quefois que tous les folioles de chaque feuille ne se sont pas fermés, mais seulement ceux qui étoient les plus rap- prochés de l'extrémité de la hranche, sur laquelle l'acide prussique avoit été versé. Les feuilles se rouvrirent au hout d'environ un quart d'heure, mais elles avoient perdu la plus grande portion de leur sensibilité : elles ne la recou- vrirent qu'au bout de quelques heures. Lorsqu'on tenoit de l'acide prussique dans une cuiller un peu au-dessous des feuilles de la sensitive, quelques- unes de ces feuilles se fermoient au bout de quelques momens. De naême , lorsqu'on présentoit le flacon d'acide prussique ouvert à une feuille, les folioles se fermoient presqu'immédiatement. Dans les deux cas, les feuilles sou- mises à l'expérience ne regagnoient complètement leur sensibilité primitive qu'au bout de quelques heures. 11 paroît qu'ainsi même la vapeur de l'acide prussique exerce une action sur les feuilles de la sensitive. M. Th. Becker a fait dernièrement quelques expériences relatives à l'action de l'acide prussiquesurlespiantes.il en conclut , que ce poison détruit les végétaux en agissant sur eux à peu près de la même manière que sur les ani- maux. Les graines qui ont été trempées dans cet acide, perdent , selon lui, la faculté de la germination : les plantes délicates exposées à son action périssent plus tôt que les plantas robustes, etc. Voyez : Dissertaiio de acicli hydro- cyaniol vi perniciosâ in plantas; lena , i^v.'i -, elyj nnals of Pfiilosophy , Octobre 1824. ', Ç-âijfc^ . . "... SUR l'action des poisons etc. &7 De l'Eau distillée du Laurier Cerise. Le 8 Mai , à midi, une plante de haricot fut introduite par la racine dans de l'eau distillée du Laurier Cerise. Au bout de quelques moinens, quelques-unes des feuilles se crispèrent par leurs extrémités, en se repliant sur elles- mêmes. Cet état de crispation dura environ une demi- heure : au bout de ce temps, les feuilles se déplièrent , et devinrent tout-à-fait flasques. Le soir, la plante étoit com- plètement morte. En répétant plusieurs fois cette expé- rience, je me suis aperçu que la crispation des feuilles varioit beaucoup suivant les circonstances, et que quel- quefois même la plante périssoit sans qu elle eut lieu d'une manière sensible. De la Belladone. Le 19 Mai, à 9 heures du matin, j'introduisis la racine d'une plante de haricot dans une solution de cinq grains de l'extrait aqueux de Belladone dans une once d'eau. Je n'aperçus pas de crispation de l'extrémité des feuilles : mais, au bout de quelques minutes , les deux feuilles inférieures attachées à la tige changèrent de position , se pliant depuis le sommet du pitiole de haut en bas, et prenant une posi- tion telle que leur extrémité se trouvoit plus penchée vers la terre qu'elle ne lest dans l'état naturel , précisément comme dans le cas de la plante empoisonnée par les semen- ces du Goculus Menispermis. A 9 heures du soir, lès feuilles sétoient rapprochées de leur état naturel , mais étoient devenues un peu flasques. Le lendemain matin, Mem. de la Soc. de Phys. et dltist. mil. Y. VA. i .™ Part. 8 58 MÉMOIRE elles avoient repris la position décrite ci-dessus ; elles y sont restées pendant 24 heures, et les feuilles supérieures ont commencé à se pencher. Le 1 1 , les feuilles inférieures, qui avoient ainsi changé de position , commencèrent à devenir jaunâtres. Ce jaunissement commença par les extré- mités, et s'étendit peu à peu sur la plus grande partie des feuilles. Le i3 , enfin, la plante entière fut morte. La Belladone paroît tuer les plantes plus lentement que plusieurs autres poisons végétaux; mais elle n'en agit pas moins sur elles d'une manière très-distincte, et produit le plus souvent des effets très-singuliers. Ce poison , selon M. Orfila, exerce sur les animaux une action locale peu. violente j mais elle est absorbée et transportée dans la cir- culation , et occasione la mort en agissant sur le système nerveux , et principalement sur le cerveau. De l'Alcool. Une plante de haricot fut introduite par les racines dans de l'alcool mêlé avec un volume égal d'eau. Je trou^ ai la pknte morte au bout de 12 heures ; les feuilles étoient flétries, et étoient devenues tout-à-fait flasques. Après avoir dissout trois grains de camphre dans une demi-once d'alcool foible , j'y introduisis une plante de haricot. Elle mourut au bout de douze heures; mais, outre que les feuilles étoient flétries comme dans le cas précé- dent , les pétioles avoient l'apparence d être rompus par le milieu, comme dans le cas de la noix vomique. M. Julio, ayant placé des branches chargées des fleurs du Mesembrantlyijiiuin barbatum dans de l'eau conte- SUR L'ACTION DES POISONS etc. Bg Bant un peu d'alcool , s'est aperçu que ces fleurs s'épa- nouissoient plus tôt le matin et se fermoient plus tard le soir, que celles d'une autre branche quiétoit placée dans un vase contenant de l'eau pure. De l'Acide Oxalique. 1 .'^'^ Expérience. Le 12 Avril, h lo heures, une branche de rosier portant une fleur à l'extrémité , fut détachée de l'axbre et intro- duite dans une solution de cinq grains d'acide oxalique dans une once d'eau. Le lendemain, la couleur des pétales extérieurs delà fleur étoit devenue plus foncée, et les feuil- les commençoient à se faner : la plante avoit absorbé sept grains du liquide. Le 1 4 Avril, les feuilles et la tige de la branche étoient complètement sèches , et les pétales de la fleur étoient tout-à-fait fanés. La plante n'avoit absorbé dans les dernières 24 heures qu'un grain du liquide; et l'absorption entière pendant les 48 heures n équivaloit pas H un dixième de grain d'acide oxalique pur. Ce poison, lorsqu'il est administré aux animaux en quantité considérable, agit comme les acides minéraux, en détruisant le tissu de l'estomac. Il tue cependant aussi très-vîte, lorsqu'il est administré en petite quantité, et il paroît que dans ce dernier cas, son action se porte princi- palement sur le système nerveux. s..^ Expérience. J'introduisis la racine d'une plante de hiiricot dans une 6o MÉMOIRE solution d'acide oxalique de même force que la précédente, et au bout de 24 heures, la plante étoit morte. Lorsque j'arrosois avec une solution d'acide oxalique des haricots en terre, la plupart du temps, ils n'en ont pas souffert. Cela est sans doute dû à la chaux que contient la terre, avec laquelle l'iicide oxalique s'unit, et de cette manière la plante an-osée ne doit absorber que de leau pure. De la Ciguë. Le 14 Mai, une plante de haricot fut introduite par sa racine dans une solution de cinq grains de lextrait aqueux de cigiie dans une once d'eau. Au bout de quelques minutes , je remarquai une crispation des deux feuilles inférieures : le lendemain , ces deux feuilles avoient com- mencé à jaunir à leurs extrémités; les feuilles supérieures n'étoient pas encore mortes. Le 16 Mai , la presque totalité de la surface des deux feuilles inférieures étoit devenue jaune, et ces feuilles étoient tout-à-fait sèches. Les feuilles supérieures étoient aussi flétries, mais sans changement de couleur. De la Digitale pourprée. Le 10 Mai, à 9 heures j'introduisis la racine d'une plante de haricot, dans vme solution de six grains de cette subs- tance dans une once d'eau. Au bout de quelques momens, il y eut une légère crispation de l'extrémité de quelques- unes des feuilles ; le soir, les extrémités de ces feuilles, étoient flétries, et 24 heures plus tard, je trouvai la plante entièrement morte. SUR l'action des poisons etc. 6i Les deux derniers poisons dont j'ai parlé, lorsqu'ils sont administrés aux animaux, détruisent la vie, en agissant sur le système nerveux. L'ensemble de ces expériences me semble avoir démontré d une manière satisfaisante : i.° Que les poisons métalliques agissent sur les végé- taux à peu près de même qu'ils agissent sur le& animaux. Ils paroissent être absorbés et entraînés dans des différentes parties de la plante, et en altèrent et détruisent le tissu par leur pouvoir corrosif. 2.° Que les poisons végétaux , et en particulier ceux d'entre ces poisons qui sont démontrés ne détruire les ani- maux que par leur action sur le système nerveux, causent aussi la mort des plantes. Or, comme l'on ne peut guères concevoir que des poisons qui n'attaquent d'aucune manière le tissu organique des animaux, puisse altérer celui des végétaux jusqu'au point de les tuer au bout d'un petit nombre d'heures pi me paroît très-probable, qu'il existe chez ces derniers êtres un système d'organes, qui est affecté par certains poisons végétaux à peu près de la mcme ma- nière que le système nerveux. Avant de terminer ce Mémoire, je ferai mention de quel- ques expériences qui se rapportent à laciion des dirférens gaz sur les racines des végétaux. C'est un fait connu , que si l'on ôte une plante de la Cz MÉMOIBK terre , et qu'on l'arrange de manière à ce que les racines se trouvent être dans un récipient contenant de l'air atmo- sphérique, imprégné d'une certaine quantité d'humidité, tandis que la tige et les feuilles sont à l'air au-dessus du récipient, il s'y trouve au bout de quelques heures une petite quantité de gaz acide carbonique (i). On a expliqué ce pliénomène, en attribuant la formation de l'acide car- bonique à la combinaison de l'oxigène de l'air avec le car- bone surabondant des racii>es. Les expériences suivantes ont été faites, dans le but de voir, si une plante périroit plus tôt lorsque ses racines se trouveroient dans un réci- pient qui ne contiendroit point d'oxigène ; et que par conséquent , la formation de l'acide carbonique , et la con- sommation du carbone surabondant des lacines , seroit impossible. Je choisis six plantes de haricots parfaitement sembla- bles , et je les ajustai chacune dans un récipient placé au- dessus de l'eau, de manière à ce que les gaz qui y seroient introduits, restassent toujours imprégnés d'humidité. Les racines des haricots se trouvoient dans les récipiens, dont le sommet étoit percé d'une ouverture par laquelle passoient les tiges, de manière à ce quelles se trouvassent, ainsi que lis feuilles , dans l'air de la chambre. Ayant lutc hermétiquement les ouvertures pratiquées (i) Ce fait a été étudié par M. Théodore de Saussure. Ce savant a fait sur de jeunes maronuîcrs , des expériences qui tendent au même liut que celles qui suivent , cl qui en général lui ont présenté des résullsts ana- logues à ceux que j'ai obteuus. S'ovez Recherches chiiiticjuc-s iur la i'ègi' tatiuii , page loa- SUR l'action des poisons etc. 63 au sommet des récipiens, j'introduisis dans chacun un gaz différent. Dans le premier, j'introduisis de l'air atmospéri- que; dans le second, de l'hydrogène^ dans le troisième, du gaz acide carbonique^ dens le quatrième, de i'oxide nitri- que ^ et dans le cinquième , de l'azote. I." Air atniospérique. La plante dont la racine fut introduite dans le récipient contenant de l'air atmosphérique, se porta parfaitement bien pendant 48 heures. Après cet intervalle , les feuilles se flétrirent peu à peu. 2." Hydrogène. La plante mtroduite dans le récipient contenant de l'hydrogène, commença à se flétrir au bout de cinq à six heures : elle étoit complètement morte au bout de qua- torze à seize heures; les feuilles étoient fanées, et la tige étoit penchée en avant. 3.° Acide carbonique. La plante dont la racine avoit été introduite dans ce gaz, commença à se flétrir au bout d'une à deux heures, et au bout de huit à dix heures, elle fut morte j toutes les feuilles étoient fanées, et la tige principale étoit courbée par le milieu. L'acide carbonique paroît ainsi être plus funeste que l'hydrogène aux racines des plantes comme il l'est aux poumons des animaux. Les plantes doivent, en effet, mourir très-AÎte , lorsque leurs racines sont plongées dans ce gaz, puisqu'il y a un excès précisément de la sulistance, que la plante par sa végétation tendroit à produire j et que l'acide carbonique, déjà formé, ne contenant point d'oxi- 64 MÉMOIRE gène libre, empêche la formation d'une plus grande quan- tité du premier gaz. 4-" Oxide nitrique. Les feuilles de la plante dont les racines avoient été plongées dans du gaz oxide nitrique, ne commencèrent à se pencher qu'au bout de 6 heures, et ce ne fut qu'au bout de douze heures que la plante mourut. Se peut-il que la vie de cette plante ait été un peu prolongée par la for- mation d'une petite quantité d'acide carbonique provenant de la combinaison de l'oxigène de loxide nitrique avec le carbone surabondant des racines ? L'oxide nitrique étant un composé facilement décomposable, le fait ne me paroît pas improbable. 5.° Azote. Une plante de haricot fut introduite par sa racine dans un récipient contenant de l'azote. Les feuilles commen- cèrent à se pencber presqu'immédiatement : au bout de 3 heures, la tige et les feuilles supérieures étoient tout-à-fait penchées et flétries, et au bout de cinq heures, toutes les feuilles inférieures étoient aussi fanées. L'action de ce gaz paroît donc être plus prompte que celle de tous les gaz que j'ai soumis à l'expérience. Il seroit intéressant de constater par expérience, si, lors- qu'il s'agit de plantes qui ont des racines pivotantes et très-profondes , il se forme une quantité moins consi- dérable d'acide carbonique; et si, par conséquent, il y a moins besoin pour les racines de ces plantes de la pré- sence de l'air atmosphérique , que pour celles qui sont très- rapprochées de la surface de la terre. De même, il seroit SUR l'action des poisons etc. 65 curieux de rechercher, si chez les plantes jeunes, qui sont en général dans ce dernier cas , il se forme plus d'acide carbonique que chez les plantes âgées, qui sont le plus souvent dans le premier cas. Le temps et les moyens que j'avois à ma disposition ne m'ont pas permis de pousser plus loin ces expériences ; j'espère toutefois un jour m'en occuper de nouveau. 3Iem. de la Soc. de Fhjs. et d'Hist. nnt. T. III. i ." Vart. g \ MÉMOIRE SUR L'INFLUENCE DES POISONS SUR LES PLANTES DOUÉES DE MOUVEMENS EXCITABLES. Par m/ J. M AC AIRE-PRINSEP. L,u à la Société de Physique et (F Histoire naturelle , le tS Décembre tSii, Ayant appris de mon ami et collègue M. Marcet, que le résultat de l'action des poisons sur les végétaux, étoit fort semblable à celui observé dès long-temps, sur l'éco- nomie animale , il me parut intéressant de suivre le rap- prochement plus loin , en déterminant , s'il étoit possible, la manière dagir des substances vénéneuses, lorsque leur influence s'exerçoit sur les végétaux. J'ai entrepris pour cet effet quelques expériences qui font le sujet de ce Mémoire. Les grandes différences que présente l'organisation appa- rente des animaux et des végétaux , rendent toujours ditîiciles et incomplètes les comparaisons qu'on voudroit faire enîre les effets relatifs des mêmes agens : les recher- ches anatomiques ijui sont d'un si grand secours dans les 68 MÉMOIRE expériences de physiologie animale, sont impossibles ou n'apprennent rien sur les végétaux. Les plus fortes loupes et de considérables grossissemens au microscope, nont fait découvrir aucune altération de tissu apparente dans les végétaux empoisonnés; quelques indices seulement, ont permis de supposer l'absorption de la substance vénéneuse dans toutes les parties du végétal et sans employer des infu- sions vénéneuses colorées , de crainte de modifier lesrésul- tats , le choix des poisons et des végétaux , pouvoit quelque- fois fournir des moyens de rendre TaLviorption apparente. Ainsi, j'ai fait tremper des végétaux, dont les couleurs tranchées sont en possession de servir de réactifs au chi- miste, par les changemens que leur font subir plusieurs corps , dans des solutions de ceux de ces corps doués de propriétés vénéneuses et j'ai eu souvent l'occasion de voir, avant la mort du végétal , produire ces changemens. Des fleurs de Violettes ( /^ioZa oc/ora^a) et d'Ancholie (^^«t- legia vulgaris ) , dont les tiges trempoient dans des solu- tions d'acétate de plomb, se sont colorées en verd, avant la mort complète de la plante qui a eu lieu au bout de deux ou trois jours. 11 n'est pas besoin de dire que dans ces expé- riences comme dans toutes les autres quil me reste à décrire , des végétaux semblables ont été mis dans de l'eau pure et n'y avoient point souffert pendant le même espace de temps. Dans quelques poisons, l'absorption n'a pas paru être aussi active ni s'étendre aussi loin dans le végétal j, ainsi dans le sublimé corrosif en dissolution , les mêmes plantes sont mortes à peu près aussi vite, mais la tige n'a préseiité de traces de sublimé qu'à une «ertaine hau- SUR l'influence des poisons etc. 69 teur et les fleurs n'ont été altérées dans leur couleur que lorsqu'elles se trouvoient très-près de la surface du liquide. Dans les acides minéraux étendus , des fleurs de violette étoient déjà rougies qu'elles n'avoient point encore perdu leur odeur. L'on pouvoit suivre sur la tige reff"et de l'ab- sorption de l'acide par la couleur rougeàtre qu'elle pro- duisoit , et la partie de la tige qui trempoit étoit toujours moins altérée que celle en dehors de l'acide. En répétant et variant des expériences du même genre, il parut assez évident que , comme on peut l'observer chez les animaux , certains poisons étoient absorbés dans la plante toute entière, et d'autres n'exerçoient leurs effets nuisibles qu'au moyen d'une action locale, transmise d'une manière inconnue, et par d'autres voies que les vaisseaux proprement dits, aux autres parties du végétal. Ceci établi , le second objet de ces recherches étoit de découvrir le genre d'action exercée sur les fonctions vitales du végétal 5 il m'a paru que le seul moyen d'y parvenir était de soumettre à l'influence des poisons de diverses clas- ses, des plantes susceptibles de mou vemens visibles, qu'il dépendit de l'observateur d'exciter à volonté. Le premier de ces végétaux si peu nombreux que j'employai ;\ ces expériences, fut l'épine \meite { Be/beris valgaiis). Cfia- cun sait que les fleurs de cet arbrisseau sont pourvues de six étamiucs qui ont la singulière propriété de s'approcher rapidement du pistil, dont elles sont fort écartées dans l'état du floraison complète, si l'on touche le filet avec la pointe d'un instrument. Le mouvement n'a lieu qu'à la base du filet, comme par une articulation, et il suffit pour le pro- 70 MEMOIRE cliiire de toucher avec la pointe d'une aiguille telle partie que ce soit du filet ou même de ianthère. Si l'on pique le tissu de i'étamine plus profondément , le mouvement est plus prompt et présente quelquefois de légères oscil- lations. Quelquefois aussi et surtout à une température basse, le mouvement est plus lent et quelques inslans s'écoulent entre l'approche de I'étamine du pistil et l'irri- tation qu'elle a éprouvée. Plongées dans l'eau pure et dans l'eau gommée, les tiges fleuries du Berbe/is conservent plusieurs jours leurs fleurs épanouies à la lumière et sus- ceptibles de contraction. Le soir, les étamines et les pétales se rapprochent du pistil comme dans les individus sur pied, et entrent dans l'état que les botanistes nomment sommeil, pour s'ouvrir et s'épanouir le lendemain. 1 ." Expérience. Des tiges d'épine vinette ayant été plongées dans de l'acide prussique (hydrocyanique) étendu, pendant quatre heures , les étamines quoique écartées encore, avoient entiè- rement perdu toute propriété contractile par lirritation. L'articulationétoit flexible et l'on pouvoil les incliner à vo- lonté avec l'instrument. Les feuilles commençoient à peine à se flétrir. En plaçant les fleurs épanouies sur la liqueur prussique, le même effet avoitlieu mais bien plus prompte- menlet les étamines avoient perdu toute leur irritabilité. 2.® Expérience. La même expérience fut répétée dans une solution SUR l'influence des poisons etc. 71 d'opium aqueuse, et après neuf heures, les fleurs furent trouvées ouvertes et les étamiaes molles et incapables de contraction. 3.^ Expérience. Des solutions étendues d'oxide d'arsenic et d'arseniate de potasse, furent ensuite employées, et après trois heures , les étamines des tiges plongées, avoient aussi perdu la fa- culté de se rapprochei- du pistil, mais il étoit remarquable qu'elles étoient roides , retirées en arrière, dures et ne pouvoient être changées de place qu'en les arrachant. On auroit dit qu'elles éprouvoient une irritalion, une inflam- mation végétale , si l'on ose s'exprimer ainsi. La solution de sublimé corrosif a les mêmes effets quoi- que moins prompts et moins sensibles. Le second des végétaux à mouvemens excitables que je pus soumettre au même genre d expériences fut la Sen- sitive ( Mimosa piidica ). Il est inutile de décrire ici les mouvemens que présente cette plante dans l'état de santé. Ils sont connus de tout le monde et ont été étuJiés par un grand nombre de bota- nistes parmi lesquels il suffira de citer M. Des Fontaines et tout dernièrement M. Dutrochet, quia ajouté des faits intéressans à ceux observés par ses devanciers. Lorsqu'on coupe une feuille de sensitive et qu'on la laisse tomber sur un vase d eau pure, elle contracte dorûinaire promptement ses folioles, mais les épanouit de nouveau après quelques minutes et redevient susceptible de les res- sei-rer par le contact d'un corps étranger comme aupara- mÉmoip^ '° • • In conserver sensible deux ou tro« vant. On peut aras, la <:°"*''^ .^^ousse et avec jours. Si même la secfon st &'=;„;, i.éparer U instrument Wentra„cW.°; ■^J ^^^^^^^,^, un la feuille sans que les f^J'^i^ieurs jours , en trem- ce végétal. ^ .^g manière. L'eau gommée réussit ae Action des Corrosifs. Sublimé. 1 • tomber sur une solution de Lorsqu'on co"pe « Ws mb . .^ ^,^_^ ,^, sublimé corrosif une f'"'"' " ,^ fe^jUe et des folioles qu. contractions assez P"™P^; ,^ ^^.ules folioles ne s pa- se ploient dune 7"'"" ™t mettre la feuille dans Veau nouissent F»'»'- .J-'"„ftes folioles sont roides et nnmo- pure. mais ■"""'™'"; '"'difficilement. , . biles, le doigt ne les pbe qn« ^„^h, épanouie Dans un vase d'eau 1- »' ™'J ^„,„,io„ de sublimé de sensitive. Von a|OUle ""J^n P"> » P"' '*'""' corrosif Les folioles -^~X^:™ et'sabaissent. Lors- manière singulière, pms se - ^^ lendemain et ,uela solution «' foible *- e contractent en se con- sent encore sensible. . ma s e ^^ ^^^^^^^^ '"rlirV^rc et "-eniate de potasse presen- tentles mômes phénomènes. SUR l'influence des poisons etc. 73 Action des Stupéfians. Opium. Une solution d'opium dans l'eau bouillante, a été re- froidie, suffisamment étendue et une feuille de sensitive y a été placée à une heure et demie. Après quelques minutes elle s'est épanouie comme dans l'eau, et essayée une demi- heure après , a donné, les signes accoutumés de contracti- lité. A 6 heures elle était épanouie, en apparence dans l'état naturel, mais elle n'étoit pas susceptible de mou- vemens par l'excitation. Les folioles en étoient flexibles à 1 articulation et présentoient un contraste prononcé avec l'état d'irritation des folioles soumises à l'action du sublimé. L'eau pure ne rétablissoit pojnt leur faculté contractile. Une large branche plongée à onze heures vingt-cinq minutes dans la solution d'opium s'y est dilatée et les folio- les se sont développées , mais à midi elle a déjà perdu une grande partie de sa sensibilité, et les folioles quoique vivantes sont comme endormies et ont besoin d être excitées plusieurs fois pour se contracter. A midi et demie les contractions ont entièrement cessé j une heure après la branche paroît morte. Acide prussique. Une feuille de Sensitive placée à la surface d'une solution d'acide prussique de la force de celui de Scheele se contracte d'abord, puis se dilate légèrement, mais est complètement insensible et les articulations des folioles Mùn. de la Suc. de IViys. et d'Hist. nnt. T. III. i.'° Part. 10 74 MÉMOIRE sont flexibles; l'eau ne les rétablit point. Si l'acide est étendu de 4 à 5 fois son poids d'eau , les folioles se dilatent comme dans l'eau pure et paroissent bien vivantes, mais aucun mouvement ne peut être excité. Une goutte d'acide prussique placée sur deux folioles d'une des feuilles dune plante en bon état, fait contracter peu à peu toutes les folioles paire par paire quoique l'eau et les solutions d'opium et des poisons corrosifs n'eussent aucun effet, placés de la même manière. Les folioles se dilatent de nouveau après quelque temps, mais elles sont devenues insensibles à une irritation étrangère et la sensi- bilité ne commence à revenir qu'une demi- heure après, mais peu à peu, les folioles paroissant comme engourdies. En exposant à la vapeur d'un flacon débouché d'acide prussique de Scheele une feuille de sensitive, on voit après une minute toutes les folioles se contracter paire par paire les unes après les autres, et lorsqu'elles se rouvrent peu à peu , on les trouve insensibles pendant quelque temps (un quart ou une demi-heure) , et engourdies pendant près d'une heure, temps nécessaire au rétablissement total de leur faculté contractile. L'ammoniaque paroît accélérer ce retour et avoir quelque influence pour combattre l'action délétère de l'acide. Si l'on place le col du flacon qui contient l'acide , sous l'embranchement des pétioles sans qu'il puisse toucher ceux-ci, les folioles se ferment bientôt d'elles-mêmes dans les quatre feuilles exposées à l'action de lacide vaporisé, en commençant ordinairement par la base et quelquefois cependant par l'extrémité ou le milieu de la feuille. Les SUR l'influence des poisons etc. 75 folioles sont insensibles lorsqu'elles se sont ouvertes et la sensibilité ne revient que peu à peu. Après avoir constaté l'influence remarquable de l'acide prussique étendu , qui détruit pour un temps ou afFoiblit selon les circonstances la faculté d'exécuter des mouvemens par l'excitation, dans la sensitive( faculté que, pour abréger, j'ai souvent nommée sensibilité) ; il me parut curieux de prolonger cette influence en changeant le moins possible les circonstances du végétal. J'ai placé sur le vase qui con- tenoit les sensitives , une coupe remplie d'acide prussique foible, de manière qu'une ou deux feuilles et quelquefois une branche plongeassent dans le liquide ou reposassent à sa surface. Les folioles restoient étendues et fraîches comme dans l'état naturel, seulement elles étoient pres- qu'aussitôt complètement insensibles. Après avoir laissé les folioles plongées dans la liqueur prussique pendant deux heures , j'enlevai la tasse et quel- ques mouvemens que j'imprimasse aux folioles, elles res- tèrent épanouies et sans contraction comme je l'avois vu précédemment , et cependant il auroit été impossible d'y reconnoître aucune apparence extérieure d'altération ou de mal-aise. A cinq heures du soir, l'expérience étoit ter- minée et les folioles abandonnées à elles-mêmes. A 6 heures, à 7 heures et à 8 heures, elles furent examinées et trouvées ouvertes et insensibles. A minuit, elles furent visitées de nouveau, et je fus frappé de voir que les feuilles soumises à 1 influence prussique étoient toujours épanouies et dans l'état de veille , tandis que toutes les autres parties de la plante et les sensitives voisines étoient abaissées, contrac- 76 MÉMOIRE tées et dans l'état que l'on nomme sommeil. Le lende- main , elles reprirent un peu de sensibilité et furent en- gourdies toute la journée. Je suis parvenu de la même manière à empêcher quelques autres plantes d exécuter des mouvemens que l'on nomme sommeil, et l'acide prussique suffiroitpour déranger toute l'horloge botanique du célèbre Linné. On peut donc sans altérer la vie d'une plante sensible , agir directement sur l'organe quel qu'il soit, qui lui fait accomplir ces singuliers mouvemens , et sans être accusé de suppositions trop hardies, ne pourroit-on pas en inférer, que ces mouvemens ne sont pas seulement dépendant des mêmes forces qui président à la nutrition du végétal ? M. Dutrochet vient de publier la découverte qu il a faite de points symétriquement arrangés dans les cellules du tissu de plusieurs plantes et particulièrement de la sen- sitive , et il n'a pas craint de les nommer corpuscules nerveux. Rien ne prouve sans doute que ces points aient aucun rapport avec les mouvemens excitables du végétal, ni que que le même mot puisse désigner lorgane duquel ils dépendent et le système admirable et compliqué de la sensibilité animale. Il faudroit qu'il fût possible de laisser végéter une plante privée de ces corpuscules comme M. Flourens a laissé vivre dix mois un animal privé de ses lobes cérébraux et si dans le premier cas comme il arrivoit dans le second , lètre organisé devenoit insensible, qui ne seroit frappé d'une analogie si marquée? or ce que le scalpel ne sauroit faire, les poisons narcotiques l'opèrent pour un temps et il sera iuléressant de voir si le microscope indi- SUR l'influence des poisons etc. 77 quera quelques changemens dans l'état des corpuscules nerveux des sensitives soumises à leur action. C'est ce que je me propose d'examiner dans la saison prochaine et en me hâtant d'abandonner ces inductions qui ne peuvent qu'égarer ceux qui s'y livrent, je rappellerai encore un autre résultat de ces expériences , je veux dire l'état de contraction et de rigidité des parties mobiles lors- que les végétaux à mouvemens excitables étoient soumis à l'action des corrosifs et la complète destruction de toute irritabilité lorsque les poisons étuient narcotiques. NOUVEAU PROCÉDÉ POUR OBTENIR L'ACIDE GALLIQUE. Par M.^ a. LE ROYER, Pharmacien. Mémoire lu à la Société de Physique et d'Histoire naturelle. OcHEELE est le premier qui ait sépare l'acide galliqiie des substances avec lesquelles la nature le présente en combi- naison , et l'ait offert pur et cristallé à l'examen des chi- mistes. Ce célèbre auteur Tobtenoit de la manière suivante. Il exposoit à l'air une décoction de noix de Galles pendant un long espace de temps, et n'y donnoit d'autres soins que de la débarrasser des moisissujes qui se formoient à sa surface; à mesure qu'elles paroissoient, l'évaporation lente qui avoit lieu changeoit le liquide en une masse solide et cristalline; il lavoit alors celle-ci à Peau froide, faisoit dis- soudre les cristaux à l'eau chaude, filtroit , et par le refroi- dissement obtenoit des cristaux acides, mais encore colorés. Deyeux, pour éviter cet inconvénient, proposa la subli- mation comme le moyen le plus sur de se procurer l'acide galiique dans un état de pureté parfaite; mais les pré- cautions qu'exige une opération aussi délicate, la foihie quantité d acide qu'on dégage proportionnellenient aux noix de galles employées , ont fait désirer de voir ce traiîenieat remplacé par quelqu'autre plus facile et moins coûteux. 8o ACIDE GALLIQtJE. En 1818, M. Braconnot reprit et perfectionna le pro- cédé de Scheele; au moyen du charbon animal il réussit à décolorer complètement les cristaux dacide gallique ; il en obtint en poids le cinquième de la noix de galle traitée, lorsque celle-ci étoit de bonne qualité. L'on ne sauroit rien reprocher à la marche q u'ila suivie, si ce n'est la longueur du temps qu'il faut y consacrer et la nécessité d'avoir recours à plus d'une purification. Le mode d'analyse que j'ai adopté et que je vais décrire me semble dégagé des difficultés que je viens d'exposer plus haut. J'épuise les noix de galles par des décoctions répétées jusqu'à ce que le papier réactif ne décèle presque plus d'aci- dité. A ces décoctions réunies, filtrées et convenablement évaporées, j ajoute une solution de gélatine, qui par son union avec le tanin doit mettre l'acide en liberté. En effet, de clair qu'il étoit d'a'oord, le liquide devient très-louche, un aljondant précipité se forme. J'ajoute du charbon animal très-pur, je fais bouillir pendant huit ou dix minutes, je filtre, et par le refroidissement j obtiens une masse de cris- taux d'acide gallique soyeux et très-blancs. Les eaux mères en fournissent encore une quantité considérable. Lorsque la noix de galle est de première qualité, j'en retire par ce procédé à la fois simple et rapide, un quart de son poids dacide parfaitement pur, quantité', comme on voit, supérieure à celle indiquée par M. Braconnot. Je n'ai pas retrouvé l'acide ellagique dont parle fauteur que nous venons de citer. Ce dernier produit ne résulteroit-il point de quelque réaction entre les principes de facide gallique ? leur longue exposition à lair donne à celte opinion quel- que poids. MÉMOIRE SUR LES APPARENCES VISIBLES. Par g. MAURICE, Docteur -Es -Sciences. Xu à la Société d* Physique et d'Histoire naturelle, le ao Janvier i8»S. JL-iES apparences visibles , selon la définition de l'Auteur des Essais de Philosophie (i), sorti pour nous un signe des phénomènes tactiles : traiter des apparences visibles , c'est donc analyser les opérations du sens delà vue, lorsqu'il cher- che à former un jugement sur l'état actuel des objets qui se trouvent hors de la portée du tact, mais qui sont placés de manière à renvoyer à notre œil des rayons lumineux; c'est déduire de cette analyse le degré de confiance qu'on peut accorder à ces jugemens, et la cause des erreurs qui les afFectent ou peuvent les affecter. Les qualités tactUes d'un objet sur lesquelles la vue peut nous instruire, sont sa place, sa grandeur et sa (i) Essais de Philosophie, par P. Prévost. T. I. p. 88 , à Paris et à Genève , chez J.-J. Paschoud. Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hist. nat. T. III. î," Part. 1 1 Sa MÉMOIRE ■forme : mais en analysant ces qualités relativement aux jugemens Ju sens de la vue , on recoiinoît que la troisième n'est qu'une coiispqueiice des deux premières; en effet, le jiigemeut que porte l'œil sur la forme réelle d'un objet, dépend entièrement de la position relative qu'il assigne aux diffé'ens points de la surface visible de, cet objet, et des rap- ports de gian;leur qu'il établit entre ses diverses parties. On pourroit encore placer à la suite des apparences visi- bles, les mouvemens apparens des corps, qui ne sont autre chose qu'une succession de positions différentes que la vue apprécie bien ou mal. La couleur d'un objet, bien qu'elle soit peut-être la pre- mière de ses qualités qui frappe nos yeux, ne rentre dans le champ des apparences visibles , que comme pouvant servir, par les nuances et les modifications qu'elle reçoit de la direction et de l'abondance de la lumière, ainsi que de la distance de l'objet, à aider le jugement de l'œil sur la place de cet objet et de ses différens points. CHAPITRE PREMIER. La Place, La place d'un objet relativement à nous est déterminée par la direction sur laquelle il se trouve , et par la dis- tance à laquelle il est situé sur cette direction. Section I. La Direction. Quant à la direction, sans reprendre ici le sujet très- délicat de la direction sur laauelle un œil place un point SUR LES APPARENCES VISIBLES, 83 observé, et sans entrer dans la discussion des diverses théories par lesquelles on a voulu expliquer la vision simple d'un point avec les deux yeux, je ne crois pas m'écarter sensiblenient de la vérité en établissant que nous jugeons un point , vu des deux yeux , sur Ja ligne moyenne entre les directions des deux axes optiques convergens sur ce point. Je ne décide point si cette ligne moyenne est celle qui partage l'angle des axes en deux parties égales, ou si c'est celle qui tombe sur le milieu de la ligne qui joint les centres optiques des deux yeux, parce que je n'ai pu imaginer aucun moyen d'opérer cette vérification : mais du reste , la différence entre les directions de ces deux lignes, devient tellement foible, lorsque le point s'éloigne au-delà de la portée du tact, qu'il me paroît sans impor- tance pour le sujet de m'arrêter à cette discussion. Ce que je dis de la direction sur laquelle les yeux placent un point observé, peut se dire également de celle sur laquelle ils placent un objet de dimensions assez bornées pour que son ensemble puisse être saisi comme instan- tanément. Section II. La Distance. Le jugement du sens de la vue sur la distance à laquelle un objet est situé sur sa ligne de direction, est beaucoup moins sûr dans bien des cas , et se réduit en général à une simple approximation, comme on le verra par la suite de ce Mémoire. Ce jugement peut être considéré comme nul , si l'on sépare complètement le sens de la vue de celui du toucher; 84 MÉMOIRE et ici je comprends sous le nom de touchers non pas seule- ment l'acte de palper de la main la surface d'un corps, mais encore la faculté de se transporter d'une place donnée à celle qu'occupe le corps observé, et de mesurer ainsi la distance qui nous en séparoit. L'expérience de Ches- selden si souvent mentionnée et répétée quelquefois dès lors, a constaté qu'avant que Ihomme se soit livré à ce* vérifications fréquentes des jugemens d'un sens par ceux de l'autre, les distances assignées par l'œil aux objets soumis à son inspection, sont ou égales entr'elies, ou même nulles. On reconnoît ordinairement cinq critères (l) ou élémens probables du jugement de la vue sur la distance des objets : 1.° L'angle optique sous lequel un objet est perçu par chaque œil , c'est-à-dire , celui qui est formé dans l'œil , par les axes des faisceaux de rayons partant des points extrêmes de l'objet, lorsqu'on connoît antérieurement la grandeur réelle de cet objet , ou de ceux qui lui sont analogues. 2." Le nombre et l'étendue des objets qui nous sépa- rent de celui que nous voulons observer, ou sur lesquels la vue peut se porter successivement avant de l'atteindre. 3.° Laffoiblissement plus ou moins grand de la teinte de l'objet ; auquel je joindrai la plus ou moins grande indé- termination de ses contours. 4.° La grandeur de l'angle formé par les deux axes (i) Qu'il me soit permis de donner ici , à l'exemple de quelques auteurs, la terminaison française au mot crUerium adopté par les DictionB;.irec modernes. SUR LES APPARENCES VISIBLES. 85 optiques lorsqu'ils sont dirigés sur l'objet, ou plutôt sur luii de ses points. 5.° A ces quatre premiers critères on a coutume d'en ajouter un cinquième, savoir l'a/us/e/we/z/, c'est-à-dire le changement de forme quel qu'il soit, opéré dans les mem- branes de l'œil par l'effort plus ou moins grand que nous paroissons faire pour voir plus distinctement un objet dont les points visuels, à cause de leur éloignement, n'ont pas leurs foyers précisément sur la rétine. Je vais examiner successivement ces différens critères, pour assigner, autant que possible, à chacun la valeur qui lui convient. §. 1.*'' U Angle optique^ L'angle soutendu dans notre œil par les points visibles extrêmes d'un objet, varie avec la distance de cet objet : la tangente trigonomé trique de cet angle est inverse de la distance ; ensorte que , s il s'agit d'objets assez éloignés pour qu'au rapport des tangentes on puisse substituer celui des angles , on dira que les angles optiques sont en raison inverse de la distance. Pour que l'ouverture de l'angle optique nous fasse juger de la distance d'un objet , il faut que nous ayons une con- noissance préalable de sa grandeur réelle. C'est ce qu'on peut vérifier par l'expérience suivante , où l'on réussit à écarter le secours des autres critères les plus influens. Que l'on fixe d'un œil au travers d'un tube, des disques de carton blanc placés au devant d'un fond noir uniforme, 86 MÉMOIRE et dont la distance et la grandeur soient variées à l'insçu de l'observateur ; celui-ci se trompera presque constam- ment sur les distances de ces disques. En effet dans cette expérience , comme on ne se sert que d'un œil, le critère de l'inclinaison des axes est écarté; le tube supprime les jobjets interposés ; les disques ne sont pas assez distans pour que leur teinte soit modifiée par les variations d'é- paisseur de la couche d'air qui les sépare de l'observateur ; et le critère de l'ajustement, en lui supposant quelque in- fluence en général, n'en doit guère avoir dans ce cas parti- culier, parce que la surface uniforme des disques n'offre pas de détails que l'œil puisse chercher à distinguer nette- ment. L'indétermination du contour subit seule quelque variation selon la distance : mais on diminue son influence en faisant l'expérience dans un demi-jour qui laisse voir les disques indistinctement quelle que soit leur distance. Reste donc uniquement le critère de langle optique: mais il n'aide en rien le jugement, parce que, ne sachant lequel des disques on lui présente, l'observateur ignore si la variation de cet angle est due à celle de la grandeur , ou à celle de la distance. Ce critère, appliqué à des objets de grandeur connue, me paroît être le critère fondamental des jugemens de l'œil sur les distances. Cependant alors même, son importance varie selon les cas. Ainsi il est principalement utile lors- que l'objet observé se détache sur un autre objet de .grandeur et de distance connues, dont la comparaison fait saisir aisément l'ouverture de l'angle optique du pre- mier. Il est difficile d'apprécier sa valeur pour le juge- ment des grandes distances, parce qu'alors il est impossible SXTR LES APPARENCES VISIBLES. 87 d'écarter le secours qui résulte de l'interposition de l'air et de liinperfei.-tion de la vision : mais lorsqu'il s'agit d'objets assez rapprochés pour que ce secours soit comme nul, on peut encore, au moyen d'un tube, se priver du critère de l'inclinaison des axes et de celui des objets interposés, sans quel oeil, réduit alors au critère de l'angle optique, tasse des erreurs notables. Seulement, comme il est aisé de le vérifier, il jugera tous les objets un peu rapprochés : peut- être leur grandeur réelle vivement rappelée à notre esprit par limage qui se peint sur notre rétine , vient-elle, pour ainsi dire , nous préoccuper, et se substituer à la grandeur apparente qui seule nous affectoit. §. 2. Les objets interposés. Ce second critère me paroît être celui qui , après le précédent, donne dans tous les cas le plus de sûreté au jugement de l'œil , que l'objet soit rapproché ou qu'il soit loin de nous. C'est ce qu'il est facile de constater. Ainsi quel que soit l'objet que l'on considère au travers d'un tube, le jugement que l'on porte sur sa distance est toujours incertain et quelquefois faux. 11 est vrai que, pour les objets rapprochés , on est privé par là du critère de 1 inclinaison des axes, qui a bien de la force ^ mais il en est de mênlo pour les grandes distance? , à l'estimation desquelles ce cri- tère n a plus de part. Il suffit même, sans employer un tube, de masquer les premiers plans d'un paysage pour produire quelque illusion sur la distance des plans posté- rieurs ; surtout si l'air est transparent, cormne il arrive dS MEMOIRE dans certaines circonstances météorologiques dont je par- lerai plus loin. Une autre preuve du grand secours des objets interposés dans les jugemens de la vue, c'est l'extrême difficulté de former une opinion juste sur la distance d'un objet lumi- neux que l'on aperçoit dans les ténèbres. On peut citer encore l'erreur où l'on tombe souvent eu estimant la distance d'objets qui ne sont séparés de nous que par une surface unie, sur laquelle aucun corps sail- lant n'aide à mesurer 1 étendue, comme celle d'un bateau sur une eau tranquille , celle d'un rocher ou d'une maison dans une plaine ouverte un peu vaste. §. 3. jdffoibllssement des teintes et indétermination des contours. On démontre par le calcul que, dans le vide, la quantité des rayons lumineux divergens d'un point, qui seroient reçus dans le champ de la pupille, diminueroit en raison inverse du carré de la distance de ce point à l'œil, que cette dimi- nution est plus rapide, mais dans un rapport moins simple, lorsque les rayons se meuvent dans un milieu , et enfin que la densité de ce milieu accélère encore cette dimi- nution progressive. Il fîécou-e de là naturellement que , à cause de l'atmo- sphère qui lious entoure, selon qu'un objet est plus ou moins ëloigiu", sa teinte varie, c'est-à-dire, que la couleur quil renvoie à nos yeux, est moins ou plus vive, et que, si nous connoissons préalablement la couleur naturelle de SUR LES APPARENCES VISIBLES. 89 l'objet, ces variations de teintes nous aideront puissam- ment à mesurer sa distance. Mais l'efficacité de ce critère varie selon l'état de l'at- mosphère , c'est-à-dire selon que lair est plus ou moins chargé de vapeur aqueuse, et que cette vapeur s'y trouve sous une forme ou sous une autre. Lorsque lair est pur, les variations de teintes causées pai* l'interposition de cet air, ne se font sentir que pour des distances consi- dérables et qui diiïèrent notablement entr'elles ; ainsi elles différencient les divers plans qui se succèdent dans le pay- sage, jusqu'à-ce que les plans situés à quelques lieues , n'of- frent plus qu'une couleur uniforme ordinairement bleuâtre. Dans le cas oij. l'air contient une forte proportion de vapeur aqueuse , mais où , soit par l'effet d'une tempé- rature élevée , soit peut-être par d autres causes que nous ignorons encore, cette vapeur demeure invisiblement sus- pendue, sa transparence est augmentée, sans qu'on puisse non plus expliquer ce résultat, et par conséquent l'effet de son interposition pour distinguer les distances est dimi- nué. C'est dans ces circonstances atmosphériques que les plans du paysage les plus éloignés, comme les montagnes qui terminent l'horison , laissent voir des contours si cor- rects et des teintes naturelles si pures, que l'œil s'étonne d'y apercevoir des détails qui lui échappent à l'ordinaire, et que la masse entière des objets semble s'être déplacée pour se rapprocher de lui, Leifet contraire a lieu si, dans une atmosphère saturée de vapeur aqueuse, cette vapeur vient à revêtir la forme vésiculaire. Alors les vésicules qui sont d'un diamètre consi- Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hist, nat. T. III. i,'''^ Part. 12 90 MEMOIRE dérable relativement aux molécules de l'air, et qui réflé- chissent elles-mêmes puissamment la lumière diffuse, inter- ceptant une forte masse des rayons que nous renvoient les objets et interposant au devant de nous leur propre éclat, peuvent éteindre les teintes des corps même les plus rapprochés. Mais sans parler de ce cas extrême , qui ne se présente que lorsqu'il y a un véritable brouillard, on a bien sou- vent l'occasion de remarquer l'effet d'une atmosphère suffi- samment mélangée de vapeur aqueuse (i) pour affecter d'une manière sensible les plans du paysage, distans de nous seulement de quelques centaines de pieds , et pour répandre sur ceux qui s'éloignent davantage un voile uni- forme blancheâtre dont l'éclat dépend de la direction selon laquelle la lumière solaire le frappe relativement à nous. L'habitude de voir les objets éloignés , non lumineux par eux-mêmes , toujours revêtus de teintes foibles , est sans-doute la cause qui fait que la distance d'un corps lumineux par lui-même vu dans l'obscurité (tel qu'un (i) Je ne parle ici que de vapeurs aqueuses , parce que , hors quelques cas rares d'exception , l'atmosphère n'offre pas d'autres fluides dont les Biolécules soient visibles. Je n'entre point dans la question délicate de savoir si la vapeur aqueuse doit être vésiculaire pour devenir visible , ou tout au moins pour augmenter l'opacité des couches d'air. Il y a encore beaucoup^ d'observations et de recherches à faire sur cet intéressant sujet : il me suffit actuellement de faire remarquer que l'atmosphère possède divers degrés de transparence, qui paroissent dépendre principalement de la présence d'une plus ou moins grande quantité de fluide aqueux. SUR LKS APPARENCES VISIBLES. 9I incentlie de nuit), est constamment jugi'e plus courte qu'elle ne 1 est réellement. Si l'interpositioa des couches atmosphériques altère les teintes des objets, à mesure qu'ils s'éloignent, l'imperfection toujours croissante de la vision de chacun des points de ces objets, rend aussi leurs contours de plus en plus indétermi- nés. C'est ce que j'ai cherché à expliquer rigoureusement dans une Dissertation sur la Vision publiée antérieure- ment (i). Le degré de lindétermination entre certainement pour beaucoup dans le jugement que nous portons sur les distances : ainsi lorsqu'on aperçoit à peine les fenêtres d'un bâtiment, ou qu'on les voit réduites à une simple ligne, on en conclut l'éloignement considérable de ce bâtiment. Cette circonstance, dont l'influence se fait déjà sentir à quelques pieds , concourant surtout avec l'interposition de l'air à répandre du vague sur la vision des objets éloignés , j'ai cru devoir réunir ces deux effets comme formant en- semble un même critère, qui a une importance capitale dans le jugeinent que nous portons sur ces grandes dis- tances. C'est l'emploi de ce genre d'effets qui constitue cette partie de l'art du peintre à laquelle on est convenu de donner le nom de perspective aérienne y pour la dis- tinguer d'une autre partie qui repose sur l'emploi des gran- deurs apparentes , dont je parlerai bientôt, et qui porte le nom de perspective linéaire. (1) Dissertation sur les premiers Elémens de la Théorie de la f^ision, par G. Maurice; chez J.-J. Paschoud à Genève et à Pans; de p. 67 à p. 84- Les principes posés dans celle Dissertation servent de base à une grande partie des raisouBemens contenus dans le Mémoire actael. ga MEMOIRE § 4- L'Inclinaison des axés optiques. Le quatrième critère indiqué est celui de linclinaison plus ou moins forte des deux axes optiques l'un sur 1 autre, selon que l'objet sur lequel ils se dirigent est moins ou plus éloigné, ou pour parler plus correctement, la conscience de 1 effort plus ou moins grand que nous faisons , pour dis- poser les globes de nos deux yeux de telle manière que les axes optiques tombent sur un même point. La théorie nous indique que ce critère ne peut avoir de l'importance lorsqu'il s'agit d'objets éloignés. En effet îe mouvement du globe de l'œil peut se mesurer par la variation d'ouverture de l'angle formé par l'axe optique et la base visuelle , c'est-à-dire, la ligne qui joint les deux centres optiques : or dès que le point observé s'éloi- gne à la distance de quelques pieds , le triangle formé par les deux axes et la base visuelle qui na guère plus de deux pouces et demi , s'allonge démesurément ;, les varia- tions de l'angle à la base correspondant à des différences considérables dans la distance du point, sont alors des quantités minimes , et par conséquent l'effort employé à les effectuer, est trop foible pour entrer avec quelque pro- babilité dans l'appréciation de ces distances. L'expérience vient confirmer ces présomptions théo- riques. On ne tombe dans aucune illusion sur la distance des objets tant soit peu éloignés, lorsqu'on se contente de fermer un œil et de se priver ainsi du critère qui nous occupe actuellement. Mais il n'en est point ainsi des objets qui nous entourent SUR LES APPARENCES VISIBLES. qS immédiatement : tout au contraire, ce critère est un de ceux qui nous aident le plus etïicacément à constater leur place. Les personnes privées accidentellement d'un œil , retrouvent bien la faculté d'apprécier la distance des objets environnans , mais c'est avec du temps , c'est seulement lorsqu'un exercice soutenu a donné à leurs autres cri- tères une force et un développement qu'ils n'ont pas à l'ordinaire. On vérifie cette assertion par l'expérience bien connue, due à Maliebranche (i), dans laquelle fermant un œil on cherche à introduire une baguette dans un anneau suspendu à la hauteur de l'autre , et tourné de manière que cet œil n'en voie pas l'ouverture. On sait qu'il est presqu'impossible d'y réussir sans tàtonnemens, surtout si l'anneau est assez éloigné pour que la baguette doive être assujettie perpendiculairement à l'extrémité d'un manche. Si l'on fixe l'anneau des deux yeux on réussit toujours immédiatement. J'ai essayé de le placer au delà d'une série d'objets propre à aider mon œil à mesui'er la distance : l'accession de ce critère n'a point suffi , et j'ai mieux re- connu par là l'importance de celui de l'angle des axes pour ces distauces médiocres. Je l'ai encore constatée en me servant alternativement d'un œil et des deux yeux, pour estimer dans l'obscurité les distances d un objet lumineux très-petit, que l'on changeoit de place à mon insçu. J'ai employé à cet usage (2) la courte spirale incandescente d'une lampe aphlogislique dont l'éclat n'est pas assez vif pour éclairer les corps environnans. (i) Mallebrauche. De la Retherche de la V érilé. T. I., p. 116. (2y D'après le conseil de M. le Prof. De la Rive fils. 94 MÉMOIRE §. 5. L'ajustement. Le cinquième critère indiqué est celui qui se tire de l'effort plus ou moins grand que l'œil est supposé faire pour concentrer en un foyer sur la rétine les rayons par- tant d'un point lumineux plus ou moins éloigné. Quelques doutes se sont élevés dans mon esprit sur l'influence ordinairement attribuée à ce critère. Et d'abord , quoique j'aie combattu dans la Dissertation que j'ai déjà citée, ceux qui , comme De Lahire, nient quil y ait dans l'aote de la vision rapprochée, ajustement, c'est-à-dire modification de forme et de position des membranes de lœil pour réunir les rayons visuels en un foyer parfait sur la rétine, cependant je ne me dissimule pas que cette opinion est contestable. Or si quelque nouvelle observation venoit à confirmer l'idée de De Lahire, le critère en question tomberoit de lui-même. Mais admettons l'ajustement j le raisonnement nous conduit à ne lui attribuer une part que dans l'estimation de certaines distances : s'il s'agit d'objets qui , selon la théorie de l'ajustement, sont situés au delà de la limite de la vision parfaite (i), l'effort de l'œil pour distinguer nettement pa- roît devoir être constant quelle que soit la distance de ces objets ; ils peuvent s'éloigner et devenir de plus en plus confus , l'effort d'ajustement porté à son maximum dès la limite que nous avons mentionnée , ne se proportionne plus à cette indétermination croissante , et ne peut ainsi servir de mesure dans l'estimation de la distance : mais pour (i) Selon moi, aS à 3o pouces pour une bonne vue. SUR LES APPARENCES VISIBLES. 96 les objets placés au dedans de cette limite, la conscience de l'effort dajustement devroit selon la théorie aider sensi- blement le jugement de la vue. Cependant l'expérience ne vient pas même à l'appui de cette dernière induction : soit que l'effort n'ait pas assez, d intensité pour être appréciable, soit que lame n'ait pas conscience de cet effort et qu'il s'opère comme indépen- damment de la volonté, je n'ai pu apercevoir aucun secours de ce critère. Ainsi ayant répété l'expérience de l'anneau dont j'ai parlé ci-dessus, sur un anneau cylindrique formé d'une bande de papier blanc d'un pouce de largeur, je l'ai variée en faisant un autre anneau d'une bande égale de papier, qui f ortoit des caractères assez fins pour qu'à une distance d'environ quinze pouces, l'indétermination com- mençât à les affecter. Mon but étoit de voir par là, si j'atteindrois plus aisément avec la baguette l'anneau qui donnoit prise au critère de l'ajustement, et pour cela je le plaçois à la distance oii l'on suppose parvenir, au moyen d'une légère contention, à rendre parfaite la vision d'un objf t qui se présentoit au premier coup-d'œil affecté de quelque indétermination : mais j'ai toujours manqué le der- nier anneau aussi bien que le premier. En conséquence, tout en admettant l'ajustement, je serois disposé à conserver quelque doute sur son utilité dans l'ap- préciation de la distance des objets rapprochés, et à lui refuser toute influence sur notre jua;ement lorsqu il s'agit d'objets éloignés. A légard de ces derniers, je lui substi- tuerois simplement le critère tiré de l'indétermination crois- sante des coutours , dont j'ai reconnu l'influence d'une 96 MÉMOIRE manière directe, en estimant avec un œil les distances de la spirale incandescente : je ne pense pas que l'effort d'ajus- tement fût pour rien dans cette estimation, car cet effort étoit sans succès pour diminuer sensiblement l'indéter- mination. §. 6. Résumé. En résumé, on peut dire : que pour juger la distance des objets éloignés, nous usons des quatre critères suivans; i.° La variatiojï de l'angle optique j 2.° Les objets interposés ; 3.° L'altération des teintes j 4.° L'indétermination des contours^ et que pour juger celle des objets rapprochés , les critères utiles sont encore ; i.° La variation de l'angle optique 5 2.° Les objets interposés^ 3.° L'indétermination des contours , au delà d'une dis- tance de deux ou trois pieds , auxquels il faut joindre, 4." L'inclinaison des axes optiques 5 5.° Le critère de l'ajustement, en bornant son usage probable à celui que j'ai cru devoir lui assigner. §. 7. ./applications. Les considérations précédentes sur les critères utiles à l'estimation des distances, sur leur usage dans les cas variés qu'offrent ces distances et sur leui" importance relative SUR LES APPAREXCES VISIBLES. 97 dans ces différens cas , suffisent pour expliquer un assez grand nombre des apparences décevantes qui sont ordi- nairement rapportées dans les Traités d'optique. Ainsi , par exemple , une vaste plaine irrégulièrement terminée par des bois prend à nos yeux la forme d'un cercle au centre duquel nous nous croyons ; et cette illu- sion subsiste lors même que nous changeons de place, dans certaines limites : parce que là , les objets inter- posés manquent, que le critère de l'interposition de l'air est impuissant pour nous faire apprécier les variations de dis- tance peu considérables des parties saillantes et rentrantes des bois environnans , et qu'alors nous croyons à égale dis- tance de tous les points du contour. Un changement de place ne détruit pas l'illusion, s'il n'est pas assez consi- dérable pour nous rapprocher beaucoup de l'un des côtés de la plaine , en nous éloignant de l'autre d'autant. Je ne m'arrêterai pas à citer d'autres exemples , mais j'insisterai sur une apparence dont les opticiens se sont souvent occupés, et sur laquelle il me semble qu'il y a encore quelque chose à dire; je veux parler de la forme surbaissée de la voûte céleste , ou de l'enveloppe atmo- sphérique qui s'étend au-dessus de nos têtes. Cette forme se présente à nous quel que soit l'état du ciel , qu'il soit couvert de nuages ^ ou qu'il soit pur, par- semé ou non parsemé d étoiles. 1° Dans le premier cas, le surbaissement n'est pas une apparence , il est réel 5 la couche de nuages étant concen- trique à la surface de la terre , il n'en paroît à nos yeux qu'une calotte sphérique dont la base est notre horizon Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hist. mit. T. III. i." Part. i3 «)8 MÉMOIRE sensible : si nous jugions bien delà distance de ses diffé- rentes parties nous devrions à peine apercevoir la cour- bure de cette surface , car, en supposant l'élévation des nuages dans notre climat, de looo toises ( élévation qui est sûrement au-dessus de la moyenne), il en résulteroit une calotte ayant seulement looo toises de hauteur et une base de 35 à4o lieues de rayon, c'est-à-dire que le rayon hori- zontal de cette enveloppe seroit environ quatre-vingts fois plus grand que le rayon vertical. Ce calcul repose sur la sup- position d un horizon exempt de tout accident considérable- sur un rayon de quarante lieues, supposition qui ne se réalise guère qu'en pleine mer : pour un horizon de 12 lieues, com- me il s'en présente souvent à nos regards dans l'intérieur des terres, le rapport en question se réduit à celui de 1 à 27,. Telle étant réellement la forme de lenveloppe qui nous re- couvre, il n'y a qu'un seul des critères connus qui vienne nous aider à la reconnoître, et il ne suffit pas à nous en don- ner une idée exacte : supposons en effet que nous pussions faire abstraction de la surface de pays qui nous environne et qui est la base de la calotte, nous ne pourrions estimer même approximativement les distances des diverses régions de cette calotte considérées en elles-mêmes j car comment apprécier l'éloignement des différens points d'un voile uni- forme, ou parsemé de masses dont les grandeurs réelles , ain- si que les teintes, varient continuellement? Nous devrions alors juger toutes ces distances égales et croire lenveloppe sphérique. Mais le terrain qui se développe autour de nous et qui va Joindre en apparence les bords de la couche de nuages, s'oppose à celte illusion, il rétablit à nos y^eux la longueur réelle du rayon horizontal ; cependant comme SUR LES APPAREMCES VISIBLES. qG nous demeurons sans secours pour assigner aux parties supérieures leur véritable distance , il arrive souvent que la calotte formée d'un nuage continu et un peu clair, est loin de nous paroître aussi fortement surbaissée qu'elle lest réellement. 2.° Je passe au cas oh le ciel est sans nuages : ici le raisonnement ditfère. Pour discuter ce cas, il est néces- saire de se faire une idée de ce que voit notre œil , lors- qu'il est plonge dans un fluide composé de molécules dune trop grande ténuité pour quelles soient apercevables indi- viduellement, et dans lequel il ne se rencontre aucun corps, autre que les molécules mêmes du fluide, qui lui renvoie la lumière. Nous le plaçons dans cette situation lorsque, par un jour sans nuages, nous fixons le ciel le matin ou le soir, du côté opposé au soleil, et à une hauteur assez grande pour que cette contemplation ne soit pas troublée par la vision des objets de la surface terrestre environ- nante. L'œil re«;oit alors la sensation de la couleur bleue, et il lui est impossible d'assigner quelle est la distance des molécules qui lui procurent cette sensation , parce qu'elle ne provient pas d'une couche déterminée de ces molé- cules, mais qu'elle est le résultat, ou, pour me servir d'une comparaison mathématique, comme l'intégrale définie des impressions infiniment foibles que lui communiquent les couches successives du fluide prises de lœil même jusqu'à la limite supérieure de l'atmosphère. Dans cette incerti- tude complète , s'il vient à se présenter un corps dans ce champ vague de couleur bleue, l'œil doit s'y attacher et rapporter le champ à la distance même qu'il assigne à ce corps. Les astres d'un diamètre sensible à l'œil nu, sont lOO MÉMOIRE donc les corps qui doivent déterminer son jugement sur la distance des parties supérieures du firmament j or le plus grantl nombre des observateurs s'accordent à dire que le diamètre de la pleine lune ( à 45° de hauteur ) leur paroît d'environ demi-pied : l'angle optique de la lune étant de 3o' , il en résulteroit que, par un jugement porté sans réflexion et par une suggestion rapide (selon lexpres- sion de l'auteur des Essais de Phil.), nous assignons seule- ment ii5 ou 120 pieds pour la distance du firmament dans sa région moyenne. Mais si l'œil quittant les parties supérieures du ciel , s'abaisse sur l'horizon, alors cet horizon toujours éloigné de nous de quelques lieues, recule d'au- tant les parties de l'atmosphère auxquelles il sert comme de cadre. Ainsi, en supposant même le rayon vertical un peu plus grand que le rayon à 45° , il n'en devroit pas moins résidter dans ce cas, entre le rayon vertical et le rayon de la base de la calotte céleste, une disproportion apparente plus forte encore que dans le cas précédent, et plus forte qu'elle n'est sans doute à nos yeux. 11 faut croire qiie cette disproportion est alfoiblie par laconnoissance que nous avons antérieurement de la distance réelle des astres, connoissance dont le souvenir vient immédiatement modi- fier le premier jugement que nous avions porté, L idée que nous nous sommes formée de la distance des parties supérieures du firmament en y voyant la lune et les constellations, se conserve dans notre esprit et détermitie notre jugement sur cette même distance, lorsque nous ne voyons pas les astres. C'est ainsi que s'explique la forme surbaissée du ciel pendant le jour. SUR LES APPARENCES VISIBLES. lOl Il semble d'abord que pendant la nuit , la surface du terrain qui nous sépare de 1 horizon n'offrant à notre œil aucun détail qui lui en fasse mesurer l'étendue, le rayon horizontal apparent de la voûte céleste devroit s'accourcir : mais il existe alors une autre cause qui lui conserve la même longueur 5 c'est la diminution de l'éclat des astres à mesure quils se rapprochent de ce rayon horizontal, diminution qui est due à l'interposition d'une couche d'air beaucoup plus considérable et beaucoup plus dense. CHAPITRE SECOND. La Grandeur. Après avoir traité des distances apparentes, je dois ana- lyser les opérations du sens de la vue lorsque nous cher- chons à former un jugement sur les dimensions d'objets que nous ne pouvons mesurer tactilement. La connoissance préalable de la grandeur réelle des objets, jointe à l'observation de l'angle optique qu'ils sou- tendent dans l'œil , constitue, comme on l'a vu, l'un des critères qui aident le plus puissamment à l'estimation de la dislance de ces objets. Cette estimation combinée à son tour avec fangle optique, nous guide dans l'appréciation des grandeurs réelles que nous ne connoissons pas, et comme elle a été discutée au long dans le chapitre précédent, l'analyse que je présenterai dans celui-ci en sera plus brève. .l'ai dit ce qu'on entendoit par \' angle optique. Les 102 MEMOIRE sinus des angles oplic^ues souteadus par des objets placés à même distance de lœil sont proportionnels aux di- mensions linéaires de ces objets. Si la distance est assez considérable pour qu il soit permis de substituer le rapport des angles à celui du sinus, on pourra dire que les angles sont proportionnels aux dimensions. Le jugement porté sur les dimensions relatives d'objets également éloignés de nous, reposant donc uniquement sur la comparaison des angles optiques qu'ils soutendent , est alors parfaitement sûr, pourvu toutefois que nous n'ayons aucune difficulté à reconnoître que la distance de ces objets est bien la même, c'est-à-dire, que nous soyons servis également bien pour chaque objet, par tous les critères qui nous aident en pareil cas. Ainsi je suppose que nous ayons à comparer entr'eux deux édifices sur les dimensions desquels nous n'ayons au- cune donnée antérieure , que l'un et l'autre soient à même distance de nous , mais que le premier soit placé à l'extré- mité d une plaine uniforme dans toute son étendue , et que le second soit séparé de nous par un terrain accidenté ou diver- sifié par une succession d'objets propre à en faire apprécier le développement, la comparaison que nous établirons entr'eux sera probablement fautive, parceque le critère des objets interposés ne nous sert pas également dans les deux cas. Si, par exemple, les deux édifices sont de mêmes dimensions, bien que leurs angles optiques soient égaux, le premier nous paroîtra plus grand que le second, parce que la surface unie qui nous en sépare nous le fait juger plus rapproché. Le jugement se complique et devient plus incertain, SUR LES APPARENCES VISIBLES. Io3 i." s'il s'agit de comparer entr'eux des objets situés à des dislances diverses , 2. si nous voulons estimer la gran- deur absolue d'un objet isolé, ou environné d'autres oI>jets sur les dimensions desquels nous n'avons que des notions vagues_. i.° Examinons d'abord le premier cas. On a vu que l'angle optique étoit inverse de la distance 5 je viens d'ajou- ter qu'il éloit proportionnel à la grandeur réelle : ce n'est donc que par une appréciation préalable de la distance et par une comparaison de cette distance avec l'ouverture de l'angle optique, que l'on peut estimer les grandeurs réelles relatives des objets inégalement éloignés de l'œil. Ainsi, dans tous les cas cii il a quelque difficulté à estimer la distance, à cause de l'absence d'un ou de plusieurs des critères qui nous aident dans cette opération , il y a aussi incertitude dans le jugement que nous portons sur le rapport de grandeur qui existe réellement entre les objets observés. Chacun peut moflifier pour ce cas-ci l'exemple des deux édifices , que j'ai proposé dans le cas précédent : il suffira de les supposer inégalement éloignés, au lieu de les sup- poser à même distance. 2.° Lestimatian des grandeurs absolues des objets est sujette à plus d incertitude encore que celle des dimensions relatives de plusieurs objets comparés entr'eux : elle n'a quelque sûreté que lorsqu'elle repose sur cette comparaison même, c'est-à-dire, lorsque l'objet en question est vu en même temps que d'autres dont la grandeur nous est anté- rieurement connue plus ou moins exactement. Ainsi, en voyant une maison ou un arbre dans l'éloignenaent;, nous. 104 ■ MÉMOIRE hésitons à prononcer sur leur élévation, jusqu à-ce qu'un homme passant auprès, vienne offrir à notre jugement une mesure de comparaison à peu près certaine . de même nous jugeons la hautevu* d'une colline, . eu la comparant au bétail que nous voyons sur sa pente. Lorsque l'œil est privé du secours de ces comparaisons, et qu'il est réduit à former son jugement sur la seule combinaison de l'angle optique et de la distance estimative , il court de grandes chances d erreurs. Ainsi rien n'est plus commun que de voir différentes personnes attribuer des grandeurs diverses à un navire ou à un bateau qui paroît au loin sur la mer ou sur un lac ; on s'abuse de même sur les dimensions d'un rocher qui se montre isole au milieu dune plaine de neige, etc. Je termine en expliquant ici une apparence dans laquelle, les dimensions réelles et la distance d'un objet demeurant les mêmes , nous jugeons diversement de la grandeur de cet objet selon qu'il se montre dans une direction ou dans une autre ^ je veux parler du grossissement apparent de la lune, lorsqu'elle est près de l'horizon. Les mêmes critères qui nous font juger la voûte céleste beaucoup plus éloignée de nous à l'horizon que dans ses parties supérieures, nous engagent aussi à estimer plus grande la distance de la lune, lorsqu'elle se détache sur cette limite inférieure de la calotte : or ce jugement , combiné avec le souvenir qui nous reste du diamètre de l'astre lorsqu'il est dans ces régions que nous croyons plus rapprochées de nous, et sou- tenu de la conviction intime que nous avons, que c'est bien le même corps, est sans doute la raison qui le fait paroître SUR LES APPARENCES VISIBLES. " Io5 alors plus grand à nos yeux. Cette analyse n'aura rien d'étrange ni de recherclié pour ceux qui n'ignorent pas combien d'opérations complexes se trouvent renfermées dans les jugemens de nos sens qui paroissent les plus sim- ples au premier aspect. Tout ce que je viens de dire de l'incertitude des juge- mens de l'œil sur les grandeurs, s'applique surtout aux objets qui sont éloignés, et par-là j'entends ceux qui se trouvent au-delà d'un rayon auquel je suis porté à donner pour longueur la distance où la voix fait entendre sans efforts des sons articulés. Quant aux objets placés au- dedans de ce rayon, l'œil en possession de tous ses cri- tères, apprécie si bien leurs distances, qu'il peut décider même de leur grandeur absolue, au moins dans certaines limites d'approximation. Ce jugement se porte presque sans réflexion préalable : ainsi quand, par nos mouvemens en tous sens, nous faisons continuellement varier les distan- ces des objets à nous, et par conséquent les angles optiques qu'ils soutendent, l'estimation de la distance corrige assez rapidement la variation de l'angle, pour que celle-ci ne nous frappe point communément, et qu'elle ne soit sen- sible qu'à un observateur très-attentif. CHAPITRE TROISIÈME. La Forme. De nos jugemens réunis sur la grandeur et la distance, naît le jugement sur Informe des corps. Lorsque l'œil se Méîu. de la Soc. de Phys. et d'Hist. mit. T. III. i."' Part. i4 Io6 MÉMOIRE fixe sur un objet , les réfractions combinées des humeurs qu'il contient, rassemblent les rayons lumineux renvoyés par cet objet, de manière à peindre sur la rétine une image fiilèle de son contour apparent et des teintes qui diversifient sa surface visible : lorsque cette surface pré- sente des courbures, ou se compose de parties saillantes et rentrantes, ce n'est que l'habitude d'user des critères que nous venons d'étudier, qui nous enseigne à reconnoîtie qu'elle est réellement ainsi constituée. Par exemple, si 1 œil voit une sphère, les critères de la distance lui font distin- guer un point saillant plus rapproché de lui que tous les autres , et une surface fuyant tout autour de ce point d'une manière égale et continue : s'il voit un parallélépipède rec- tangle par l'une de ses petites arrêtes , les mêmes critères lui montrent cette arrête plus près de lui que celles qui forment le contour apparent du solide : habitué à estimer les grandeurs relatives il comprend que l'arrête postérieure, bien quelle soutende un angle optique plus petit que la première, lui est cependant égale, et par une suite de rai- sonnemens analogues il forme son jugement sur la figure réelle d'un corps dont le contour apparent lui offroit l'image d'un polygone plus ou moins irrégulier. Cependant les jugemens de l'œil sur les formes réelles des corps seroient encore bien incertains sans un secours puissant que je n'ai pas encore mentionné , celui qu'il reçoit de la direction de la lumière, et des ombres portées qui en résultent , soit sur le corps observé , soit sur les corps en^ ironnans. On reconnoîtra aisément la grande influence de la lumière et des ombres , si lou se rappelle les erreurs SUR LES APPARENCES VISIBLES. I07 dans lesquelles ou tombe sur les formes des objets lorsque la lumière est dirigée de manière que leurs ombres se portent sur les parties de leurs surfaces qui sont cachées à nos regards. Ainsi , pour reprendre les deux exemples dont je me suis déjà servi , si nous plaçons la sphère observée de manière que la lumière tombe sur elle dans une direction latérale relativement à nous, l'ombre qui se répandra sur l'hémi- sphère opposé à cette direction, et la pénombre qui, par une dégradation insensible, marquera le passage de la partie éclairée à la partie ombrée, fera saisir immédiatement à notre œil la forme sphérique dont le contour apparent lui présentoit un cercle : mais si la lumière frappe la sphère parallèlement à la ligne qui joint notre œil à son centre, alors les ombres disparoissent pour nous , et les autres critères sont souvent insuffisans pour nous faire apprécier la courbure. La surface visible de la pleine lune paroît plane à nos yeux, qui ne savent plus juger par leurs moyens ordinaires, lorsque les objets qu'ils observent sont à une distance aussi considérable. De même les ombres tranchées qui couvriront certaines faces du parallélépipède éclairé obliquement, marqueront bien mieux les positions relatives de ses faces et la direction de ses arrêtes , que ne peuvent le faire les indices plus ou moins incertains, que fournit l'estimation des grandeurs et des dislances. Aussi la théorie des ombres est-elle regardée comme un accessoire important de la perspective linéaire et de la perspective aérienne, et forme-t-elle comme une troisième I08 MÉMOIRE branche des connoissances qui constituent l'art de la peinture ; aussi des mathématiciens du premier ordre ont-ils consacré dans les dernières années , du temps et de la peine , à donner à cette théorie , par le secours de la Géométrie Descriptive , une rigueur qu'elle n'avoit pas eue jusqu'alors, et qui a beaucoup ajouté au mérite de l'art du dessin. RECHERCHES SUR LE MODE DE DISTRIBUTION DE LÉLEGTRICITÉ DYNAMIQUE DANS LES tOaPS QUI LUI SERVENT DE CONDUCTEURS. Par m/ LE Prof/ Auguste DE LA RIVE. Mémoire lu à la Sociéié de Physique et d'Histoire naturelle, en Décembre iSsS. V^UAND on compare entr'eux les effets aussi variés que nombreux de la pile de Volta , on trouve que le caractère principal qui distingue les nouveaux phénomènes nommés électro-dynamiques, des autres phénomènes produits par la même cause, consiste en ce que 1 influence à laquelle sont dus les premiers, se manifeste également dans toute létendue du circuit voltaïque , tandis que ce n'est que dans quelques portions seulement de ce circuit que se développe faction qui donne naissance aux autres. Ainsi le circuit formé par un conducteur qui réunit les deux pôles d une pile , agit également dans toute son étendue 110 MKaroiîîE sur une aiguille aimantée; au contraire, les phénomènes calorifiques ne se manifestent que clans les portions les plus minces Jes conducteurs , et les décompositions chimi- ques n'ont lieu qu'aux extrémités des fils métalliques qui partant des deux pôles, aboutissent l'un et l'autre dans la substance liquide soumise à l'action électrique. Les autres portions du conducteur ne paroissent, sous ces deux der- niers rapports , soumis à l'action d'aucune influence pro- venant de la position dans laquelle elles se trouvent. La découverte d'Oersted et celles qui lont suivie, ont donc fait faire un grand pas à l'électricité volta'ïque , eu donnant la preuve la moins équivoque de l'existence, dans toute retendue du conducteur qui joint les deux pôles d'une pile , d'un certain agent provenant de la position dans laquelle ce conducteur est placé. C'est cet agent que l'on a nommé courant électrique, pour distinguer ce nouvel état de 1 électricité, de son état de repos. Depuis quelques années, les physiciens de tous les pays se sont occupés à l'envi et avec plus ou moins de succès , de produire, de varier et de comparer les effets du courant électiique , en cherchant à les ramener à des lois générales. Mais quant à la cause de tous ces phénomènes , quant a la nature de l'agent qui les produit, on s'est contenté d une hypothèse, celle d un courant, hypothèse qui n'est fondée sur aucun fiait positif et qui n'est pas même bien spé- cifiée j et l'on n'a pas essayé de chercher dans les effets qui naissent de l'action de ce courant, quelques notions plus ou moins exactes ou probables sur sa manière d'exister danS; les corps qui lui servent de conducteurs. Je ne dois l SUR l'ÉLECTRTCITÉ dynamique. 111 pas cependant oublier de citer le travail théorique du pro- fesseur Prévost qiii, au moyen d'une analogie ingénieuse entre la nature de l'électricité dynamique et celle de Télec- tricité statique, est parvenu à rendre compte dune manière satisfaisante, des effets produits par le courant électri- que (i). M, Ampère, dans le cours de ses nombreuses recherches, a aussi quelquefois traité incidemment cette question (2) , et quelques expériences d'autres physiciens sont propres à jeter quelque lumière sur ce sujet. 11 me paroît donc qu'il seroit intéressant de chercher à déterminer le mode d'exister du courant électrique dans les corps qui lui servent de conducteurs , et les changemens que peuvent faire naître dans ce mo<:le d'exister des modi- fications de natures diverses dans ces conducteurs. A cet effet, il faut chercher dans les phénomènes dus au courant électrique, quels sont ceux qui paroissent les plus propres à conduire au but proposé , et les étudier uniquement sous ce rapport. Ainsi, dans le cours de cette recherche, j'examinerai 1.° quels sont les phénomènes de 1 électricité dynamique qui peuvent servir de base à l'appréciation des effets que j'ai en vue, et à la construction d appareils propres à indiquer et surtout à mesurer l'action du courant élec- trique dans les diverses circonstances où il peut être placé. 2.° J'essaierai de déterminer le mode de distribution de (i) Bibliolh. Univ. Se. et ArU T. XXI p. 178. (2) Recueil d'observations électro-dynamiques p. 169 _. Lettre de M, Ampère à M. f^an Beck, m MEMOIRE rélectricité dynamique dans un corps conduclcur, et d en déduire quelques conséquences sur son mode d'exister dans ce conducteur. 3.° Je chercherai à étudier les changemens qu'entraînent dans le mode de distribution de l'électricité dynamique les modifications qu'on peut faire subir aux conducteurs sous les rapports de leur forme, de leur nature, de leur nom- bre, des différentes circonstances dans lesquelles on peut les placer, ainsi que des influences extérieures auxquelles on peut les soumettre, telles que celles delà chaleur, de la lumière, etc. Je ne m'occuperai que des deux premiers points dans la première partie de ce Mémoire 5 je renvoie à la seconde partie (i) la tractation du troisième. Mon but ici, est surtout de multiplier les faits , de les réunir et de les classer dans l'ordre qui me semblera le plus convenable; peut-être ensuite placés dans des mains plus habiles, pourront-ils conduire à des conséquences géné- rales et rigoureuses. C'est ainsi que les nombreuses expé- riences de Coulomb faites dans le but de déterminer le mode de distribution de 1 électricité statique , ont servi de base aux beaux travaux théoriques de M. Poisson , et ont permis à ce savant de soumettre au calcul les lois de cette distribution et de prévoir d'une manière si exacte les résultats qui dévoient se présenter dans tous les cas. L'élec- tricité dynamique mérite qu'on s'en occupe sous le même rapport, et peut-être la comparaison entre des recherches (i) La suite de ce .Mémoire paroitra dans la seconde partie du Vol. III. des Méinotres Us la Soc. de Pliys. et d'Uist, nat. SUR l'Électricité dynamique. ii3 analogues sur l'électricité statique et 1 électricité dynami- que pourront-t-elles servir à donner des notions nou- velles sur la nature de cet agent mystérieux. §. ]." ^ pplication de quelques-unes des propriétés de ^électricité dynamique à la construction d' appareils propres à mesurer les dlfferens degrés d'intensité de cette électricité. Les trois classes de phénomènes qui peuvent surtout nous servir sous ce point de vue sont : \.° Les phénomènes résultant de l'action mutuelle des courans électriques les uns sur les autres. 2.° Ceux qui proviennent de l'action mutuelle des ai- mans et de l'électricité dynamique. 3.° Les phénomènes qui sont dus à l'action des courans voltaïques sur différens corps de la nature, en particulier sur le fer et l'acier. Parmi les phénomènes de la première classe , nous ferons usage de la propriété que possèdent les courans parallèles de s'attirer ou de se repousser suivant qu'ils sont dirigés dans le même sens ou dans un sens opposé. A cet effet, à l'extrémité inférieure du fil métallique d'une balance de torsion , on ajuste un conducteur très-mobile que sa construction rend indifférent à l'action de la terre , quand il fait partie du circuit voltaïque. Parallèlement à l'une des branches verticales du conducteur mobile est placé un con- ducteur fixe dont l'action attractive ou répulsive sur cette branche , peut être appréciée par l'angle de torsion ncces- Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hist. nat. T. III. i ."" Part. 1 5 Il4 MÉMOIRE saire pour ramener le conducteur mobile toujours au même point. La place qu'occupe le conducteur fixe est disposée de façon que l'on peut facilement et promptement placer des conducteurs de ditférentes espèces , ou ^'arier la position du même, afin de pouvoir ainsi apprécier ou comparer aussi exactement que possible , les différences qui résultent de ces changemens dans l'intensité de l'action exercée sur le conducteur mobile qui reste toujours le même. Il faut, pour avoir des résultats concluans, faire beau- coup d'expériences et prendre la moyenne des indications qu'elles fournissent , afin d éviter les erreurs qui peuvent provenir de l'intensité variable du courant électrique pro- duit par la pile. 11 faudroit aussi , pour apprécier d'une manière exacte quelques-uns des résultats fournis par lap- pai'eil décrit ci-dessus, l'étudier en examinant les eftels produits par l'action des courans passant toujours dans les mêmes conducteurs , et en cherchant à déterminer quelle est la loi selon laquelle varie a^ ec la dislance mu- tuelle des conducteurs, l'intensité d'action des courans. Celte c|uestion', qui a déjà occupé quelques physiciens, a été résolue par ftJ. Biot pour le cas de l'action exercée par un courant vertical sur une aiguille aimantée libre- ment suspendue et soustraite à l'influence du magnétisme terrestre (i). 11 a trouvé que l'intensité de l'action est inversement proporlionnclle à la simple dislance, en se servant d'un conducteur vertical assez long pour qu'on pût le regarder comme indéfini relativement à son action (i) Biûl , Précis élémeniiiire Je Fliys, , secoude cdilion , T. II.. p. 121. j, SUR l'Électricité dynamique. ii5 sur raiguille aimantée. M. de la Place a déduit analyti- quement de ces observations, que la loi individuelle des forces élémentaires exercées par chaque tranche du fil con- jonctif , etoit la raison inverse du carré de la distance. La loi déduite d'expériences faites sur l'action d'un courant électrique et d'un aimant, seroit-elle la même, s'il s'agit de l'action mutuelle de deux courans électriques ? c'est ce que MM. Ampère et Savary ont conclu analytiquement de cer- tains faits qui conduisent à deux conditions d'équilibre dans l'action des courans électriques (i). Mais cette loi n'a été déterminée que lorsqu'il s'agit de deux portions de courans infiniment petites, et l'on n'a point recherché ni théoriquement ni expérimentalement, quelle devoit être la loi qui régiroit suivant la distance , l'action de deux portions de courant d'une longueur tinie. En cherchant à déterminer cette loi expérimentalement au moyen de la force de torsion , je suis arrivé , après des expériences assez multipliées, à conclure que, non-seule- ment le décroissement dans l'intensité de l'action, suit une progression moins rapide que celle du carré de la distance^ mais aussi que celle de la simple distance. Je n'oserois, quoique le résultat précédent me paroisse parfaitement cer- tain , aller plus loin, c'est-à-dire, énoncer la loi que suit avec la distance, dans le cas de deux conducteurs égaux en longueur, la diminution da,ns l'intensité de l'action; les causes d'erreurs de toute espèce sont trop faciles , les moyens même les plus délicats , trop grossiers, pour pouvoir avancer (i) Recueil iV Observations t/ec^ro-dj-namiqi/es , p. 3t5 et suiv. Il6 MÉMOIRE avec quelque degré de certitude, une loi qui me semble assez compliquée. . D'après cela , comme je l'ai dit en commençant, jai eu soin , en me servant de Ja balance de torsion , de toujours ramener le conducteur mobile k une même distance du conducteur fixe, et les angles de torsion nécessaires pour produire ce résultat, me donnoient dans chaque cas la me- sure relative des forces à l'action desquelles les deux conduc- teurs étoient soumis. De cette manière , l'on pouvoit se passer de connoître la loi de la diminution de l'action , sui- vant la distance (i). (i) Le calcul par lequel M. de la Place a déduit des observations de M. BioL la loi de l'iaverse du carré de la distance pour l'action d"une portion infiniment petite du fil conjonclif , n'est point rapporté par les difl'é- rens auteurs qui se contentent simplement d'en énoncer le résultat. 11 est probable que l'illustre auteur de la Mécanique céleste, est arrivé à obtenir cette loi en envisageant sous ce point de vue particulier , un cas beaucoup plus géuérkl. On peut néanmoins , il me semble , arriver directement d'une manière très-simple au même résullat en intégrant l'expression 4° -j- c' dans laquelle 5 représente la longueur variable du fil conjonctif, et c la perpendiculaire qui mesure la distance de ce fil à l'aiguille , et dans laqui'lle on suppose que l'action d'une portion infiniment petite du fil sur l'aiguille , suit la loi de l'inverse du carré de la distance. En intégrant l'expression ci-dessus entre les limites 5 et — i pour indiquer que le Cl est indéfini . on trouve pour l'intégrale la quantité — qui montre que la loi devient c celle de l'inverse de la simple distance pour un fil indéfini, en partant de la loi de l'inverse du carré de la dislance pour les élémens de ce fil. Ne m'occupant que de la loi relative à la distance et ne cherchant point à obtenir une expressjou absolue dé l'intensilé de l'acliou, je n'ai fait entrer daus la diffé- J SUR l'Électricité dynamique. 117 La seconde classe de phénomènes que nous pouvons appliquer à l'évaluation des dilîérens degrés d'intensité de l'électricité dynamique , est celle qui est relative ;\ l'action du courant électrique sur les aimaas. Le moyen le plus siinple de se servir de cette propriété , est d'observer les divers angles de déviation opérés sur une aiguille de décli- naison sensible, par des conducteurs placés toujours à la inéme distance et de la même manière par rapport à cette aiguille. Or, comme la force qui éloigne une aiguille de déclinaison du méridien magnétique , est proportionnelle au sinus de l'angle que fait cette aiguille avec le méridien, on aura, en comparant les sinus des angles de déviation renlicUc ci-Jessus , aucun coëfiScîent dépendant de la nature «le cette action. La loi devient assez compliquée quand, au lieu de supposer un fil con- jonctif d'une longueur indéfinie , on le suppose fini entre certaines limites , et le calcul nécessaire pour trouver la loi que suit l'action de deux portions de conducteurs d'une longueur finie , seroit , je crois , assez difficile. Mais sans calcul , il est facile de comprendre pourquoi , ainsi que je l'ai dit , lintensilé de l'action de deux conducteurs parallèles, diminue moins rapi- dement avec la distance , que l'action d'un conducteur fini et d'un simple élément de courant. En effet, quand les deux conducteurs parallèles sont très- près 1 un de l'antre, leur action mutuelle ne dépend presque que de lactioii de chaque point de l'un sur le point de l'auti e^itué sur la même perpendicu- laire ; les points situés au - dessus et au-dessous , n'exerçant qu'une action presque nulle à cause de la grande obliquité; quand la distance augmente , il est vrai que l'action exercée suivant les perpendiculaires, doit diminuer assez rapidement; mais il n'en est pas de même de l'action exercée suivant les droites obliques, car s'il y a diminution dans l'intensité de l'action à cause de la plus grande distance , d'un autre côté , il doit y avoir une au"- mentation à cause de la direction moins oblique suivant laquelle s'exerce cette action. 1 1 s MEMOIRE proJuits par les diiTérens courans, un rapport exact entre leurs degrés d'intensité. Mais, lorsque l'on veut examiner les modifications que peuvent faire subir à un même courant des variations dans la forme, dans la nature etc. du conducteur, il est un moyen très-simple de comparer simultanément l'action de deux conducteurs différens placés dans le même courant. Ce moyen est fondé sur un fait que M. Faraday a le pre- mier fait connoître avec quelques détails (i). En faisant avancer le long d'une aiguille aimantée de forme rectangulaire , et longue de cinq pouces , un fil ver- tical de platine traversé par le courant électrique , j'ob- servai, comme l'avoit remarqué M. Faraday, une suite d'attractions et de répulsions exercées par ce fil du même côté de l'aiguille. En partant du centre, l'action du courant sur l'aiguille alloit en augmentant jusqu'à un point situé près du pôle j là atteignant son maximum, elle diminuoit jusqu'au pôle oili elle devenoit nulle. Au-delà du pôle tou- jours du même côté de l'aiguille, elle cbangeoit de sens, c'est-à-dire qu'étant attractive avant que le fil eût passé le pôle, elle devenoit répulsive au-delà, et vice versa. Laction étant contraire de cbaque côté du pôle, il devoit y avoir pour le conducteur deux positions telles que l'action attractive d'un courant placé à lune de ces positions, lût égale à l'action répulsive du même courant placé à l'autre. Pour déterminer ces deux positions , je fixai un fil vertical {\) Ann. de Chiin. et de Phjs. T. XVIH p. 371. SUR l'Électricité dynamique. 119 en dehors du pôle de manière à ce qu'il fut presque en contact avec l'extrémilc de la face latérale de l'aiguille dirigée dans le méridien. Un autre fil isolé du premier , ver- tical comme lui et absolument semblable soit par sa nature , soit par sa forme , soit par sa longueur, pouvoit éire pro- mené parallèlement à lui-même le long de raiguille entre le centre et le pôle, en restant toujours très-près dclle et dans le même plan. Les deux fils furent placés dans le même circuit voitaïque,et le courant ayant été dirigé dans le même sens dans tous deux, l'un altiroit, l'autre repoussoit l'aiguille. Je fis cheminer le fil mobile jusqu'à ce que son action étant égale à l'action exercée par le fil fixe, et lui étant contraire, l'aiguille restât en repos; soit que le courant fût dirigé dans un sens ou dans un autre, pourvu qu'on changeât à la fois sa direction dans les deux fils, l'aiguille restoit immobile, tandis que si un seul des deux fils étoit dans le circuit , elle ctoit aussitôt attirée ou repoussée. Ayant donc ainsi déterminé les deux points de l'aiguiîie qui correspondent aux positions telles que l'action sur cette aiguille de deux conducteurs absolument semblables et traversés par le même courant est nulle , on pourra à l'un des conducteurs, en substituer d'autres de ditïérenles espè- ces ; si 1 aiguille est déviée, cela ne pourra avoir lieu qu'en vertu d'une modification du courant, dépendante de l'espèce de conducteur qu'il est appelé à tra^erser, et le sens de même que le degré de cette déviation nous pernicttront de comparer les variations que produisent dans l'intensité du co.u-ant des différences entre les conducteurs. 120 MEMOIRE Remarquons encore que ce dernier procédé présente l'avantage de permettre de pouvoir comparer au même ins- tant les effets qui proviennent des conducteurs, sans qu'on puisse lien attribuer à une variation d'intensité dans le courant lui-même , puisque si cette variation avoit lieu , elle auroit lieu à la fois dans les deux conducteurs dont on compare les effets, et son influence seroit par consé- quent nulle. La troisième classe d'effets qui peut nous servir à acquérir quelques notions sur le mode de distribution de l'électricité dynamique, comprend, avons-nous dit plus haut, les phé- nomènes qui résultent de l'action du courant électrique sur les différens corps et en particulier sur le fer et l'acier. En effet, la plus ou moins grande quantité de limaille de fer que pourroit attirer un conducteur mis dans le circuit, le mode même de distribution de cette limaille sur le conduc- teur, l'excitation par influence decourans électriques dans différens corps , voilà autant de séries de phénomènes qui peuvent servir au but proposé. §, 2. Distribution de l'électricité dynamique dans un conducteur métallique. Pour connoîtrele mode de distribution de lélectricité dy- namique dans un conducteur métallique, je me servis d'une lame de cuivre longue de près d'un pied , large de deux pouces, et terminée par deux pointes situées sui- le prolon- gement de la ligne qui partageoit sa largeur eu deux por- tions égales j et destinées à mettre la lame dans le circuit SUR l'Électricité dynamique, 121' voltaïque. Celte lame fut placée dans la balance de torsion comme conducteur fixe, parallèlement à la branche du conducteur mobile sur laquelle elle devoit agir. Le courant étant établi j je présentai successivement au conducteur mobile les différentes parties de la lame de cuivre , depuis son milieu jusquà son extrémité, et je trouvai, en prenant la moyenne de plusieurs expériences, que dans le cas de la répulsion, les angles de torsion nécessaires pour ramener le conducteur mobile presque en contact avec le conduc- teur fixe , étoient sensiblement les mêmes, quellequefût la portion de ce conducteur vis-à-vis de laquelle il ëtoit situé. Je trouvai aussi dans le cas de 1 attraction , que les angles de torsion nécessaires pour détacher le conducteur mobile du conducteur fixe étoient les mêmes, quelleque fût la partie de ce dernier conducteur, que l'on fît agir sur lautre. En plaçant, pour mesurer leur force d'attraction et de ré- pulsion mutuelle, les deux conducteurs à une distance presque imperceptible l'un de l'autre, on a l'avantage d'ê. tre sur que l'action n'est due qu'à la tranche même du con- ducteur fixe qui est située vis-à-vis du conducteur mobile, l'action des autres tranches s'exerçant trop obliquement pour produire un effet appréciable. Il résulte donc de l'expérience précédente , que l'électri- cité dynamique paroît se disséminer également dans toute l'étendue d'une lame qui lui sert de conducteur, et donner lieu à autant de courans parallèles et d'une égale intensité, que l'on peut supposer de tranches infiniment minces dans la lame rectangulaire. Une particularité que présente la distribution de l'élec- Mém. de la Soc. de Phys. et dHist. nat. T. III. i.'''^ Part. 16 122 MÉMOIRE tricité dans une lame, consiste dans l'augmentation d'in- tensité que mani/esle l'action du courant électrique, quand on fait agir la lame conductrice sur le conducteur mobile par son tranchant , au lieu delà faire agir, comme je l'avois fait dans les expériences précédentes, par sa surface plane. J'ai vuplusieurs fois l'action, soit attractive , soit répulsive, augmenter quand je tournai cette lame sur son axe , de manière que le conducteur mobile, placé d'abord vis-a-vis du milieu de sa surface plane, se trouvât ensuite en tace de l'arête qui la termine. J ai constaté, au moyen des angles de déviation, opérés sur une aiguille de déclinaison, l'existence d'une distribution de l'électricité dynamique dans les conducteurs , sembla- ble à celle dont l'action des conducteurs les uns sur les au- tres m'avoit déjà fourni la preuve. Ainsi, une lame de cuivre large de quatre pouces, une surface de mercure large de neuf pouces, ont exercé sui* l'aiguille aimantée une action qui étoit de même intensité que l'aiguille fût située sur la ligne même du milieu , ou qu'elle fut plus près du bord, poi)rvù qu'elle restât toujours sur la surface métallique qu'on avoit eu soin de placer dans la direction du méridien magnétique. Il faut seulement re- marquer que l'aiguille étant nécessairement élevée de quel- ques lignes au-dessus du conducteur , faction étoit plus intense quand elle étoit placée au-dessus de la tranche du milieu de la lame , parce qu'alors faction des tranches situées de chaque côté s'exerçoit moins obliquement; mais en tenant compte de cette circonstance , il étoit fa- cile de s'assurer que l'action de chaque tranche parallèle de SUR l'Électricité dynamique. 12-3 la surface étoit sensiblement la même. Il n'est pas nécessaire de faire remarquer que la surface mélallique étoit toujours niise dans le circuit voîtaïque au moyen de deux pointes placées à ses deux extrémités et au milieu de sa largeur. Si donc , comme le prouvent les expériences précéden- tes, le courant électrique en entrant dans un conducteur métallique s'y répartit, pour ainsi dire , par petits filets pa- rallèles tous d'une égale intensité, moins le conducteur aura de volume, plus l'intensité de 1 électricité dans chaque tran- che de ce conducteur sera grande, puisque la même quan- tité d'électricité dynamique sera condensée dans un vo- lume moindre. C'est ce qu'il est facile de prouver au moyen d'une lame d une égale épaisseur dans toutes ses portions , mais inégalement large 5 l'action de cette lame conduc- trice est d'autant plus intense que la portion sur laquelle on place l'aiguille est plus étroite. De même encore le courant électrique qui en traversant un fil d'un diamètre peu considérable, sera capable d'at- tirer autour de ce fil une masse assez grande de limaille de fer, n'en attirera plus une parcelle dans son passage à travers une lame rectangulaire large de six lignes , ce qui provient de ce que le courant, pour exercer ce genre d ac- tion, doit être très-condensé dans le conducteur par lequel il est transmis. Enfin, si l'on diminue toujours plus le volume du con- ducteur, on parvient à condenser le courant à un point tel que se manifestent les phénomènes calorifiques, qui peut- être ne sont dus qu à la condensation très-forte qu'éprouve le fluide électrique semblable en cela aux fluides gazeux 124 ' MÉMOIRE qui donnent lieu à une grande chaleur, par une forte di- minution de volume. \ Mais avant d entrer dans le champ des hypothèses , il faut davantage étudier les faits 5 ce n'est qu'après avoir, dans le §. 3. de ce mémoire, examiné les changemens qui résultent dans le mode de distribution de 1 électricité dy- namique, des modifications que l'ont fait subir aux con- ducteurs sous difféi-ens rapports, que je pourrai hasarder quelques CQpiii»tures à ce sujet. Pour le moment la seule conséquej^ qu'il me semble permis de déduire des faits qui précédent, et dans le détail desquels je viens d'entrer, est que toutes les portions d'un courant électrique tendent à se repousser mutuellement-^ c'est donc en vertu de cette répulsion que toutes les différentes tranches d'une lame conductrice paraissent posséder une action d'une égale intensité, et que cette action est seulement plus énergi- que sur les bords mêmes de la lame. Cette répulsion mu- tuelle des différentes portions d'un courant électrique est un résultat auquel nous avions déjà été conduits , M. Ampère et moi, d'après une expérience d'un tout autre genre (i). Avant de terminer ce paragraphe et la première partie de ce Mémoire , je m'arrêterai un instant sur un phénomène que présente l'aclion des aimans sur le mercure placé dans le circuit voltaïque, phénomène qui se lie avec le mode de distribution de l'électricité dynamique dans les métaux. On connoît l'expérience par laquelle Davy obtint un (0 Voyez Recueil d^Obserç. éleclro-cljnam. p. ^85 , et ^nn.de Ch. et dt Fhjs, T. XXI. p. 24. siiR l'Électricité dynamique. 120 mouvement de rotation dans une surface de mercure tra- versée par le courant électrique, en approchant de celte surface le pôle d'un aimant (1). En étudiant ce phéno- mène , je suis arrivé à quelques résultats dont les uns me paraissent facilement , les autres plus difficilement rentrer dans la théorie de M. Ampère. Je suppose que l'on place verticalement un aimant cylin- drique vide intérieurement et dont l'ouverture inférieure soit fermée par un cylindre métallique (de laiton), qui entre à frottement juste dans le cylindre creux , de manière que Ion puisse laisser un espace vertical vide dune dimension plus ou moins grande. Si Ion remplit de mercure cet espace vide, et que Ton mette ce mercure dans le circuit électrique, d'une part au moyen du conducteur de laiton qui sort înférieurement au-dessous du cylindre aimanté, de l'autre part au moyen d'une pointe de platine qui plonge verticale- ment dans la surface supérieure du mercure, on voit aussi- tôt ce métal prendre un mou^ ement de rotation ; mais , toutes les autres circonstances restant les mêmes, le sens de ce mouvement dépend de la place où l'on plonge la pointe de platine; si on la place sur la direction de l'axe du cylin- dre aimanté, ou en un autre point de la surface du mer- cure près de cet axe , le sens du mouvement est préci- sément opposé à celui que Ton observe quand la pointe est placée à la circonférence même du métal en un de ses points de contact avec le cylindre creux qui le contient. 11 faut remarquer que le mouvement est toujours plus ( \) Recueil d'Observatiom électro-dyn. , p. 260 , et Ann, de Chimie et de Phys. T. XX. p. 74. 126 , MÉMOIRE prompt et plus énergique dans le premier cas que dans le second , et que le sens de la relation change avec celui du courant et avec la nature de celui des pôles de l'aimant qui est placé dans la partie supéneure oili a lieu l'action. 11 m'a paru aussi que le mouvement a lieu avec d autant plus de facilité que lespace intérieur de l'aimant creux, occupé par le mercure est plus considérable. Il est inutile de faire remarquer que , pour m'assurer que le mouvement de rotation étoit dû uniquement à l'action de l'aimant sur les courans électriques répandus dans le mercure, j'ai substitué à 1 aimant creux un tube de verre de môme diamètre , et que je n'ai , dans ce cas , observé aucune espèce de mouvement. D'après ce que nous avons vu plus haut sur le mode de distribution de l'électricité dynamique dans les métaux , et en particulier dans le mercure, le courant électrique en arrivant dans ce métal par la pointe de platine, s'y répand immédiatement de toutes parts, et donne lieu k un rayon- nement de courans horizontaux sur la surface supérieure, et à un faisceau de courans parallèles et verticaux dans 1 in- térieur du cylindre. Si c'est uniquement aux courans horizon- taux qu'est du le phénomène de rotation, le sens de ce mou- vement est tel que , pour l'expliquer dans la théorie de M. Ampère, il faut admettre que les courans électriques q u'on suppose exister dans les aimans dans des plans perpendi- culaires à leur axe, sont dirigés dans l'intérieur du cylindre creux , dans un sens précisément opposé à celui qu'ils doivent avoir extérieurement ; ce qui s'accorderoit avec l'hypothèse du physicien que je viens de nommer, savoir SUR l'Électricité dynamique, 127 que les courans électriques des aimans sont situés autour de chaque particule. Un peut aussi expliquei- , d'après la théorie du même savant sur l'action des courans qui for- ment un angle, comment il se fait que le sens du mouve- ment de rotation soit différent quand la pointe de platine au lieu de plonger dans le milieu de la surface supérieure du mercure , est placée sur le bord: Mais deux autres phénomènes me paroissent invalider un peu fhypothèse qui attribue les mouvemens de rota- tion à l'action des courans que l'on suppose exister dans laimant perpendiculairement à son axe , sur les courans horizontaux établis dans le mercure. Le premier de ces phénomènes se présente quand on place sur la base supérieure d'un aimant cylindrique plein et situé verticalement, une bulle de mercure retenue par lin petit tube de verre qu'on adapte à la suite de l'aimant. Le sens du mouvement de rotation que prend cette bulle quand elle est mise dans le circuit voltaïque , est le même que celui du mercure placé dans l'intérieur de l'aimant creux lorsque le même pôle est situé dans la partie supé- rieure 5 et il est contraire à celui que prend le mercure autour du même pôle , quand ce métal est situé extérieu- rement à l'aimant cylindrique. Le second phénomène est relatif à cette dernière espèce de mouvement de rotation 3 on peut l'obtenir facilement en plongeant verticalement un cylindre aimanté qui commu- nique avec l'un des pôles , dans une masse de mercure où Ion fait aboutir l'autre [ôie. Le mercure est contenu dans an tube de Verre fermé dans sa partie inférieure ^ et ter- 128 • MÉMOIRE miné clans sa partie supéiieure par un anneau de cuivre qui sert à établir la communication entre les deux pôles. Quand on plonge l'aimant duns le mercure, ce métal prend aussitôt un mouvement de rotation dont le sens dépend soit de celui du courant , soit de la nature du pôle que l'on plonge. En expliquant ce mouvement , comme M. Ampère, par l'action des courans de laimant sur les courans électriques qui rayonnent en tous sens de cet aimant vers l'anneau de cuivre qui enveloppe le mercure , on est conduit à conclure que le mouvement aura toujours lieu dans le même sens quand on plongera , depuis l une de ses extré- mités jusqu à l'autre , le cylindre aimanté. En effet , les courans étant toujours dirigés dans le même sens entre les deux pôles de l'aimant, et d un autre côté le sens du cou- rant électrique ne changeant point, la direction relative des courans qui sont répandus sur la surface du mercure et des courans de l'aimant que l'on présente successivement aux premiers , restera toujours la même 5 seulement si l'on renverse 1 aimant et qu'au lieu de le plonger par lun de ses pôles, le pôle N. par exemple, on le plonge en commençant par introduire dans le mercure le pôle S., le sens du mou- vement de rotation changera, parce que la direction des courans de l'aimant a changé. Or Texpérience prouve que ce n'est point ainsi que se passe le phénomène; il est bien vrai que le sens de la rota- tion dépend de celui des pôles que l'on plonge dans le mer- cure , mais cela ne tient point au sens des courans que l'on suppose exister dans laimant, mais bien à la nature diffé- rente des deux pôles. En effet, si l'on continue de plonger SUR l'électricité dynamique. 12g verticalement l'aimant dans le mercure, on voit le mou- vement de rotation s'attbiblir et devenir nul quand le milieu de l'aimant se trouve correspondre à la surface du mer- cure sur laquelle sont disséminés les courans électriques; puis en enfonçant davantage l'aimant, le mouvement re- commence , mais dans un sens opposé, et en augmentant d'énergie jusqu'à ce que le pôle supérieur soit arrive sur la surface du mercure. L'on conçoit facilement, il me semble, quesic'étoit à l'ac- tion des courans disposés dans les aimans comme les admet M. Ampère, qu'étoit dule mouvement de rotation, il devroit être le plus énergique, au lieu dêtre nul, quand c'est le milieu de l'aimant qui agit , et qu'il devroit conserver le même sens quelle que fut la portion de l'aimant qui fut en contact avec la surface du mercure, pendant toute ladurée de l'enfoncement d une extrémité à l'autre. Au reste, avant de pouvoir rien conclure sur ces mou- vemens de rotation, il faut encore les étudier beaucoup j ils présentent une série de phénomènes qu'il est , et qu'il sera peut-êfr« encore long-temps très-difficile de faire rentrer d'une manière complètement satisfaisante dans une théorie qaelconque, quelque ingénieuse d'ailleurs qu'elle puisse être. i DE LA GENERATION CHEZ LES MOULES DES PEINTRES (My(B Pictorum). Par le Docteur PREYOST. Lu à la Société de Physique et d' Jlittoire naturelle, le 17 Mars t8a5. LJ ANS les divers écrits que nous avons publiés, M. Dumas et moi, sur la génération, nous nous sommes attachés à établir que chez les vertébrés le développement de l'em- bryon n'avoit lieu qu'après le contact entre les cicatricides qu'émettent les ovaires des femelles, et les animalcules spermatiques (i). Les observations que renferme ce mé- moire montrent que les mollusques suivent la même loi 5 elles ont été faites sur la Moule des Peintres [Myœ Pictorum). La facilité avec laquelle on la rencontre dans nos marais a déterminé mon choix. Si vers l'entrée du printemps nous examinons les appa- reils générateurs de quelques sujets de cette espèce , nous serons, au premier coup d'œil, frappés des différences qu'offrent les produits qu'ils émettent. Tandis que nous (i) Voyei la noie à la fin de ce mémoire. Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hist. nat. T. III. i.« Fart. 16 122 MEMOIRE trouvons chez une partie des individus que nous ouvrons , un vt-nlabie ovaire, et des œufs en abondance ; chez les autres, lorgane analogue et semblablemeut placé, ne contient qu'un liquide épais, de couleur lactée, qui, sous le microscope, fourmille d'animalcules en mouvemens. Ces différences si tranchées ne sont ni leiïet du hasard, ni le résultat du passage d un certain état de l'ovaire à une condition subséquente. Les Moules oîi nous rencon- trons les œufs, ne donnent aucune trace du liquide épais et lacté 5 celles où ce liquide se forme ne pondent point d'œufs. En conséquence de cette division naturelle du sujet, nous nous occuperons d'abord des animalcules et de l'ap- pareil qui les émet; puis de l'ovaire et de ses œufs. L'appareil qui renferme le liquide blanc se compose de deux grosses masses placées symétriquement à droite et à gauche du corps de l'animal, et immédiatement au-dessous de la peau; ces lobes volumineux au temps de la fécon- dation, se dépriment et perdent la plus grande partie de leur épaisseur après cette époque. Ils présentent une agglo- mération de très-petites cellules, oii se rassemble la sé- crétion que leurs vaisseaux laissent échapper. Cette sé- crétion coule au dehors par deux conduits assez courts et passablement larges, placés l'un à droite, l'autre à gauche à la partie supérieure et antérieure du corps de la Moule, près de l'insertion des branchies. Si , comme nous l'avons dit plus haut, l'on soumet au microscope le liquide que versent les canaux latéraux, sous la plus légère pression, on le trouve presque entièrement composé danimalcules identiques entr'eux , doués de ce mouvement oscillatoire SUR LES MOULES DES PEINTRES. 123 vague, qui distingue tous les animalcules spermatiques que nous avons observés jusqu'ici : mais leur forme n'est plus la même; elle consiste en deux éminences arrondies, dont l'une antérieure, un peu plus grosse, s'unit à la pos- térieure par un isthme assez étroit. Leur longueur totale est i"'"\8, vu avec un grossissement linéaire de 3oo; leur plus grande largeur est o"'"\85 ils sont rapplatis comme leurs analogues chez les vertébrés, mais un peu moins; comme eux aussi, pour se mouvoir ils se placent sur le tranchant. Les acéphales ayant jusqu'ici été tous regardés comme androgynes, j'ai cherché avec beaucoup de soin, si l'organe qui nous occupe ne contiendroit pas aussi des œufs. J'ai fait cette recherche avec M. le D/ Mayor, heureux de profiter dans cette circonstance des lumières de ce savant anatomiste. Nous avons vu , à la vérité , des globules mélangés aux animalcules, mais ils étoient en petit nombre, ne ressembloient point aux œufs, et leur dia- mètre ne dépassoit pas 5""', vus avec le grossissement de 3oo. Je les ai dessinés dans la planche pour mettre chacun à même d'en juger. Les ovaires sont aussi composés de deux masses consi- dérables, étendues symétriquement, à droite et à gauche, immédiatement au-dessous de la peau; ces lobes énormé- ment volumineux au moment de la ponte, perdent aussi toute leur épaisseur après que celle-ci a eu lieu, et n'of- frent plus qu'une lame mince de tissus celluleux. Le paren- chyme des ovaires participe à l'organisation générale de ce viscère telle que nous l'avons reconnue partout; il se compose de deux feuillets celluleux, adhérents l'unàl'au- 124 MÉMOIRE tre, entre les surfaces de contact desquels les œufs se trouvent placés, et se développent; les adhérences , les plis infiniment nombreux de la membrane qui constitue cha- que ovaire, forment quantité de cellules, où les œufs tombent après avoir atteint leur maturité, et s'entassent au nombre de vingt à trente. A cette époque ils ont environ o'""\2 de diamètre j ils sont composés d'un jaune flottant dans une albumine claire et fort transparente, qu une enveloppe mince et facile à déchirer environne de toute part; une couche de mucus les enduit extérieurement, et détermine l'adhérence qu'on observe entr'eux. Les jaunes sont aussi de figure sphérique ; leur teinte varie du jaune pâle à la couleur brique foncée, et leur diamètre est o""",o6; leur substance examinée au microscope présente, comme le même corps dans tous les œufs, des gouttelettes d'une huile plus ou moins colorée , et des globules jaunes de o'"'",ooi6 de diamètre. A cette époque on ne sauroit distinguer sur les jaunes la cicatricule; mais lorsque, retenus parles feuillets de l'ovaire, ils sont encore fort transparents, on distingue à leur surface un disque plus clair, environné d'un bord obscur, tout-à-fait analogue à la partie que nous avons désignée sous le nom de cicatricule chez les vertébrés. C'est en déchirant les parois des cellules que les œufs sont émis par deux canaux pareils en tout à ceux que nous avons décrits sur l'organe qui renferme les animalcules. Les œufs, au sortir des ovaires, vont se loger dans les branchies ; celles-ci, au nombre de quatre , et disposées par paires, ne l'essemblent pas mal à des rubans alongés, asser, SUR LES BTOULES DES PEINTRES. 125 larges, juxtaposés l'un à laiitre, à droite et à gauche du corps auquel ils se lisent par leur bord supérieur, tandis que l'intiérieur est libre et flottant dans la coquille. Chaque branchie forme une cavité divisée en locules, dont l'entrée se remarque vers le bord supérieur. Oest dans ces locules que doivent se développer les œufsj l'accès en est direct et facile pour la branchie externe 5 une longue scissure vers le bord supérieur expose aux regards toutes les ouvertures de ses subdivisions; il n'en est pas lout-à-fait de même pour la branchie externe ; cependant on trouve sans peine, à la partie postérieure, le large ori- fice de l'espèce de conduit par où les œufs abordent à ses locules. Quelques jours après qu'ils ont été déposés dans les branchies, l'on commence à apercevoir sur les œufs les premiers changemens que la fécondation y apporte; le jaune augmente de volume, et sa substance devient un peu plus fluide; à sa surface se marque un trait en ligne droite, plus foncé que le champ sur lequel il est placé j plus tard l'on voit se dessiner à droite et à gauche de ce trait deux courbes symétriques, qui, tournant à lui leur concavité, viennent aboutir à ses extrémités. Ces courbes latérales s'étendent, et lorsque les surfaces qu'elles cir- conscrivent ont pris quelquopacité , l'on reconnoît en elles le limbe des valves de la coquille j la ligne moyenne qui paroît la première , correspond à la charnière. Cette der- nière partie prend rapidement beaucoup de consistance, et si on considère le fœtus de profil, on la trouve droite ou même légèrement concave, de très-convexe quelle étoit auparavant; l'espace situé immédiatement au-dessous de 126 MÉMOIRE la charnière est fort transparent; il est environné d'une bande plus olîscure en forme de croissant: si nous dispo- sons la jeune Moule de manière à se présenter entièrement ouverte sur le porte-objet, on voit que cette bande est for- mée de deux feuillets semblables, dont chacun correspond à la ^ alve au-dessous de laquelle il s'est développé. Ces feuillets sont les portions latérales des parois abdom.inales» leurs bords un peu plus épais, celles du pied. Ici comme à la même époque chez les vertébrés, l'abdomen du nouvel animal est ouvert; il se fermera dans la suite, sur la ligue médiane , par l'adhérence entr'elles des parties droite et gauche du piedj et, comme chez les vertébrés ovipares, il recevra dans sa cavité le jaune dont le volume est fort diminué. Encore renfermées dans l'enveloppe externe de l'œuf, les petites Moules qui viennent de se former, exé- cutent déjà des mouvements fréquents et rapides qui con- trastent avec la lenteur de ceux des adultes; ces mouve- ments ont aussi plus d'étendue ; ceci tient à ce que la suture médiane de l'abdomen n'existant pas encore, l'écartement des valves ne rencontre aucune opposition. Je ne m'arrête- rai pas davantage sur le développement de ces foetus; plus de détails à cet égard m'éloigiieroient du but que je me suis proposé, et je passe aux deux conséquences qu'il me semble permis de tirer des faits exposés dans ce travail. 1.° Je remarquerai que le liquide blanc sécrété par les organes générateurs d'une moitié des individus chez les Moules des Peintres, a trop d analogie avec le sperme des vertébrés, pour qu'on ne soit pas conduit à le regarder I SUR LES MOtLES DES PEINTRES. Ï27 comme une substance semblable appelée à jouer le même rôle. 2.° Que, puisque nous ne trouvons pas les œufs et la liqueur séminale sur le même sujet, les sexes doivent être séparés, contre l'opinion généralement admise que tous les acéphales sont androgynes. Les conclusions que j'énonce demandoient toutefois à être confirmées par des expériences directes, et j'ai fait les suivantes : J'ai mis dans un large baquet, des Moules dont les œufs prêts à être pondus distendoient les ovaires. Je me suis assuré que c'étoit bien des œufs qu'elles portoient, en en faisant sortir quelques-uns de leur flanc, au moyen d une légère poncture. Dans un autre baquet j'ai placé des Moules que je regardois comme du sexe masculin , ayant, par le même moyen que dans le cas précédent , vérifié que leurs organes générateurs renfermoient la semence , et non pas des œufs. Les femelles, au bout d'un mois plus ou moins, ont pondu des œufs stériles, qui après quelque temps ont été rejetés des branchies, défigurés et à moitié détruits. Les mâles présentent encore à l'époque oii j'écris, la semen- ce dans le même état oii elle étoit au commencement du printemps; elle gonfle fortement les testicules; et il s'en émet de temps en temps au dehors. Dans un troisième baquet, où j'avois mélangé les sexes, les branchies des Moules femelles se sont trouvées distendues, par de jeunes Moules, nouvellement écloses, très-vives, et bien dévelop- pées. Les unes étoient encore renfermées dans les enve- 128 MÉMOIRE loppes de ïœn(; d'autres les avoient déchirées et ne se trou- voient retenues que par la couche de mucus extérieur. Je n'ai rien vu quant à la manière dont le mâle féconde la femelle; il y a toute apparence que, placé près délie, il répand simplement sa semence. Celle-ci est délayée dans l'eau qui baigne l'intérieur de la coquille, puis rejetée au dehors avec ce véhicule dans ce mouvement alternatif qui constitue la respiration de l'animal. L'eau spermatisée vient à son tour en contact avec les œufs de la lemelle, soit à leur passage de l'ovaire dans les branchies , soit lors- qu'ils sont arrivés dans celles-ci. NOTE. K J'ai désiré jusqu'à présent ixi'abstenir de toute discussion sur la tlicorîe proprement dite de la généra lion , attendu que nous n'avons pas les données au moyen desquelles on peut éclaircir ce sujet d'une manière complète. Comme il me paroît cependant qu'on ne se fait pas une juste idée de ma manière d'envisager ce phénomène, j'esquisserai brièvement ici l'hypothèse qui m* paroit la plus probable , en rappelant toutefois au lecteur que je n'y atlach» qu'une très-légère importance. « Les animaux destinés à remplacer ceux que la mort détruit, se développent par la répétition des mêmes actes qui ont amené leurs devanciers; pour les étudier d'une manière utile au but que nous nous proposons, nous som- mes obligés de remonter aux conditions du premier de ces actes, et nous trouvons que c'est le contact entre la liqueur prolifique du mâle et les œufs émis par l'ovaire de la femelle. Un examen plus aiientif encore nous fait SUR LES MOULES DES PEINTRES. I29 reconnoître que ce sont les animalcules spermatiques qui forment l'élément essentiel à la génération dans la semence du mâle, et qu'il est infiniment probable que le nombre des animalcules employés correspond à celui des foetus développés ; l'action de ces animalcules que nous regardons comme les agens masculins de la génération , est donc individuelle et non pas collec- tive.— Passant ensuite à l'élude des œufs, nous voyons sur ceux-ci un appa- reil qu'on a nommé la cicatricule , et dans l'aire transparente duquel se dessinent les premiers rudimens du foetus ; c'est là que nous rechercherons les agens générateurs de la femelle. — En conséquence nous soumettrons à un très-bon microscope l'aire unnsparente des cicatritules que portent les jaunes encore retenus dans l'ovaire , chez une poule dont le coq n'a jamais approché, et nous y remarquerons un petit nuage alongé qui se dirige do la circonférence au centre; puis répétant la même observation sur un œuf fécondé , en ayant soin de le retirer de l'oviductc, afin d'être sûr qu'il n'a été soumis à l'incubation pour aucun espace quelconque de temps , nous y ren- contrerons dans la partie moyenne du nuage , un trait central qui rappelle l'animalcule spermatique; à l'eniourde cette ligne se prononceront symétri- quement les formes du poulet dès les premières heures de l'incubation; aussitôt que l'embryon peut être disséqué, nous recherchons cette partie qui semble l'axe du système qui s'établit; mais elle a disparu, son existence n'est que temporaire , elle ne doit point demeurer portion intégrante du fœtus. La nubéculequi entoure le trait central n'est pas non plus en minia- ture l'image du futur animal ; on ne sauroit y reconnoître ces formes arrê- tées qui ne feroient que grandir si elles avoient préexisté ; ici au contraire l'observateur assiste à une véritable construction , il voit se canevasser dans la cicatricule des parties qui, d'abord plus grandes, se dépriment, se fa- çonnent , pour arriver à la figure qu'elles conserveront , et avec laquelle elles n'ont pas la plus légère ressemblance. Les faits que nous retraçons sont peu favorables à la doctrine de l'emboitement des germes, et nous y retrouvons avec plaisir des argumens contre une opinion qui cadre mal avec les propriétés connues de la matière , et rebute l'imagination par la stérilité des conséquences qu'on peut en tirer; ils tendroient plutôt à nous montrer le foetus comme lé résultat de l'action que l'animalcule sper- matique exerceroit sur le corps opaque de l'aire transparente; ni l'un ni Mém. delà Soc. dePhys. etd'Hist. nat. T.III. i."Part. 1 7 l3o MÉMOIRE l'autre de ces agens ne formeroient une partie de l'être qui se crée ; ils ne fcroient que donuer naissance au premier des actes successifs en rerlu des- quels cet être seroit produit. Cette manière d'envisager le phénomène nous fournit une meilleure explication delà ressemblance des hybrides an père et à la mère; elle nous indique qu'une bonne analyse du développement et de la nutrition d'un organe nous découvrira les lois qui président à l'organogénésie en général ; et j'espère montrer l'application de ce principe dans un travail que je termine en ce moment, sur la régénération de* membres de la salamandre aquatique, i» Explication de la planche. a. Une Moule des Peintres , dont l'appareil générateur émet des animal- cules spermaliques ; l'animal repose sur le côté gauche, et l'on a disséqué la peau pour laisser voir le lobe droit de l'appareil générateur. b. Une Moule des Peintres placée sur le côté droit; la dissection présente le lobe gauche de l'ovaire; l'épingle est introduite dans le canal des œufs. c. Une portion de testicule , grossie au microscope , pour faire voir la forme des cellules de cet organe, d. Les animalcules spermatiques et quelques-uns des globules qui sont mélangés dans la semence ; ils ont ici une longueur de sis cents fois celle qu'ils possédant réellement. e. Une portion de l'ovaire grossie , pour faire voir la manière dont les oeufs sont rassemblés dans ses cellules. /. Un œuf prêt à être pondu ; le globule central est le jaune; le gros- sissement linéaire est de 45 à 5o. g. Autre œuf où le fœtus commence à se développer ; on distingue sur le jauae un trait plus opaque. SUR LES MOULES DES PEINTRES. l3l h. Autre œuf un peu plus avancé, placé de manière à présenter par le côlç le liait opaque. i. Jeune fœtus sur lequel on distingue les valves de la coquille. l. Le même vu de piofil. /. Foetus plus avancé , vu d'avant en arrière; cette position montre le rapplatissement qu'ont subi les parties latérales. m. Le même foetus placé sur le coté ; on distingue une partie du jaune au travers de l'espace transparent , situé au-dessous de U charnière. n. Autre spécimen de Moules plus avancées. y '-^\ U > ^ i % i 3 y ^ c/ l » SÇ.«^é<^ ^ ^^Cct(^i»uxtton,c^CMmouL'àMj>«utbU4. ^?'.y£^^j> J^^uAy. HISTOIRE ABRÉGÉE DES POISSONS DU LAC LÉMAN, Extraite des manuscrits de feu M. le professeur Jcrine , et accompagnée de planches dessinées et gravées sous sa direction. PRÉFACE De la Commission de rédaction de la Société de Phy- sique et d'Histoire naturelle, relativement à V His- toire des poissons du lac Léman par M. Jurine. Monsieur le professeur Jurine setoit occupé pendant plusieurs années de l'histoire des poissons du lac de Genève, et avoit mis à ses recherches sur cet objet le soin et l'exac- titude dont il a fait preuve dans ses autres travaux,- il avoit lié des relations intimes avec les personnes les plus propres à lui fournir des documens sur les mœurs des poissons du lac, et avoit recueilli un grand nombre de notes fournies par MM. Berger, Perrot et Mayor, mem- bres de la Société, ainsi que par M. Ravy, directeur des ï34 HISTOIRE DES POISSONS pêcheries de la ville de Genève, et quelques autres per- sonnes. Il avoit réuni de nombreuses observations sur les caractères distinctifs des poissons, et commencé à rédiger plus ou moins complètement Ihistoire de la plupart. Enfin il avoit fait faire sous ses yeux des dessins soignés et des gravures de chacune des espèces dont son ouvrage devoit se composer. Une mort prématurée, en l'enlevant aux sciences avant raibèvement de son entreprise, auroit pu faire perdre le fiuit de ses recherches: mais Monsieur son fils, qui, quoi- que livré à d'autres occupations , connoît tout le prix des sciences naturelles, a mis les manuscrits de son père à la disposition de la Société pour en publier tout ce qu'elle en jugeroit utile. La Société a accepté avec reconnoissance une oilre qui tendoit à enrichir sa collection de documens précieux sur les productions de notre pays, et à honorer la mémoire d'un savant et d'un collègue qui lui étoit cher à plusieurs titres. En conséquence, elle a engagé quelques païens et amis de l'auteur, et en particulier M. Louis J urine, à revoir ses manuscrits et à en extraire les portions relatives soit à la description soit à 1 histoire des poissons du lac Léman qui paroissoient nouvelles pour la science , ou que M. J urine avoit du moins vérifiées d'une manière spéciale. Nous savons quà plusieurs égards il possédoit sur les poissons du lac des connoissances qui ne se sont pas retrouvées dans ses manuscrits , ou qui n'y étoient consignées que d'une manière abrégée; mais on s'est borné à extraire ce qui paroissoit suffisamment élaboré pour être présenté au public. Les planches étoient tellement pré- DU LAC LÉMAN. l3S cieuses, par le soin avec lequel elles avoieiit e'té faites sur le vivant , qu'il paroissoit important de les publier j et nous espérons qu'en faveur de ces planches , qui par elles- mêmes font déjà si bien connoître nos poissons, les lec- teurs voudront bien user dindulgence relativement à ce qui peut manquer dans les descriptions qui les accompa- gnent. La Commission réclame, d'accord avec les per- sonnes qui ont coopéré à la rédaction définitive, l'indul- gence du public pour un ouvrage qui doit se ressentir d'avoir passé par plusieurs mains. Elle offre ici ses remer- ciemens soit à M. J urine fils pour l'avoir mise à même de profiter des derniers travaux de son père, soit à ceux qui ont pris la peine de compulser les manuscrits originaux pour en extraire les notices ci-jointes. Elle sait que fun des élèves et des amis de M. J urine a continué dès lors de s'occuper de l'ichthyologie de notre lac, et elle espère que la publication des planches et des notes qui les ac- compagnent l'engagera à compléter cet ouvrage en faisant connoître au public ses propres observations. Le Musée académique de Genève a, depuis quelques années, commencé à réunir des échantillons des poissons des divers lacs de la Suisse : l'un des naturalistes qui l'administrent a déjà communiqué à la Société plusieurs notes sur cette ichthyologie helvétique, et nous espérons que ce travail pourra être assez, complété pour le publier. l36 HISTOIRE DES POISSONS INTRODUCTION. Je m etois proposé de publier l'histoire des poissons de la Suisse, mais les difficultés que j'ai éprouvées pour me procurer les poissons particuliers à chaque Canton , pour faire peindre loin de moi, et avec exactitude, ceux que je ne pouvois recevoir frais, enfin pour obtenir les rensei- gnemens positifs sur les mœurs de chaque espèce, tout m'a décidé à borner mon travail à la description de ceux du lac Léman. J'aime à croire que mes compatriotes s'empresseront de suivre mon exemple et que dans peu on aura une histoire complète des poissons de la Suisse. Quoique le nombre des poissons qui habitent notre lac soit très-limité, il peut néanmoins fournir inatière à beaucoup de recherches; en effet, il ne suffit pas d'en indiquer et d'en décrire les espèces, d'ajouter au nom spécifique de chacune d'elles celui qu'on leur donne chez nous , il faut de plus constater l'exactitude de la synonymie des auteurs qui en ont parlé. Si l'on réfléchit sur la formation des vallées oii se trou- vent les divers lacs de la Suisse 5 si l'on considère la hau- teur des montagnes calcaires qui ceignent la plupart de ces bassins; si l'on se transporte par la pensée à l'é- poque où la mer dépassant les montagnes menaçoit de DU LAC LÉMAN. iSy couvrir les pics primitifs les plus élevés, on est tout natu- rellement porté à se demander comment ces lacs ont pu se peupler de poissons dont la plupart sont maintenant étrangers à l'eau de la mer; ou, en d'autres termes, quelle a été l'origine des poissons d'eau douce. Quoiqu'il soit difficile de répondre à cette question d'une manière satisfaisante, cependant je vais présenter les deux hypothèses qui m'ont paru les plus raisonnables. Première hypothèse. La nature , par l'organisation qu'elle a procurée aux poissons divers , a tracé une ligne de démarcation entre ceux qui dévoient toujours vivre dans l'eau salée et ceux faits pour habiter l'eau douce. Cette supposition est d'autant plus admissible , qu'on voit, chaque année, des espèces passer de la mer dans les fleuves et en redescendre ensuite sans paraître en souffrir j et que pourtant le nombre des espèces de poissons d'eau douce ne s'augmente pas de ceux qui sont remontés de la mer. Dans la seconde hypothèse on peut admettre que les lacs remplis d'eau salée au moment de la retraite de la mer ont perdu peu à peu leur salure par l'admission des eaux pluviales qui descendoient des montagnes; de sorte qu'il s'est insensiblement opéré dans les poissons marins qui y avaient été renfermés des modifications suffisantes pour en faire des poissons fluviatiles et les rendre dans la suite inhabiles à pouvoir passer subitement de l'eau douce dans la mer (i). (i) M. Beudant a publié un mémoire sur la possibilité de faire vivre Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hist. iiat. T. III. i ." Part. 1 8 i38 HISTOIRE DES POISSONS L'iclityologiste (étant appelé à suivre les contours dg§ iacs et les sinuosités des rivières, ne verra pas sans intérêf à peu de distance de Genève les eaux qui descendent du .lura et du Jorat se diviser en deux parties dont Tune coule dans l'Océan, l'autre dans la Méditerranée. Ces yersemen^ d'eau en sens contraire se font ou par des rivières ou par une suite de lacs disposés en échelons ef qui se déchargent les uns dans les autres au moyen de diverses cpiiimunir cation^. D'une part, surlereyers nord-oupst delà prefnjère \i-r sière du Jura, à partir du bassin de Genève, on trouvp d'abord le lac des Rousses qui se décharge par l'Orbe dans celui de Joux j les eaux de ce dernier, après s'être engouffrées et avoir coulé quelque temps sous terre, rassortent de^ rochei-s au-dessus de Valorbe, et continuent }eur cours jusque dans le lac de Neuchàtel, qui coinmunitjue par la Tliiele avec celui de Bienne. On voit de même les eaux qui coulent au nprd du Jorat se rassembler pour former lîi Brove , et cette rivière , après avoir traversé le lac de Morat ^ se jeter dans celui de Bien"*?; ses eauîj: se rendre dans l'Aar, dansleRiiin, et continuer à couler jusqu'à oequ'eiles aient pris leur dernier niveau dans l'Océan. De l'autre part, toutes les eaux qui appartiennent à la pente méridionale de ces mêmes montagnes forment de petites rivières qui viennent se rendre dans le lac Lémaii que traverse leRhônej ce fleuve voit, à peu de distance de Ge- dcs mollusques fluvialiles dans les eaux salées , et des mollusques marins dans les eaux douces. DU LAC LÉMAN. iS^ hève, son cours grossi par le tribut que lui fournissent les lacs d'Annecy et du Bourget. Le point de départ où s'établit le partagé des eaux du Jorat est élevé de 1680 pieds au-dessus du lac Léman. On ne doit pas être surpris que le lac Léman, malgré son étendue bien plus considérable que celle des aulies lacs de la Suisse, soit privé de plusieurs poissons qui se trouvent dans ces derniers ; dès qu'on sait qu'il ne com- muniqué pas comme eux avec l'Océan par le Rhin; il pourroit à la vérité en être amplement dédommagé par ceux qui remontent de la Méditerranée, si la Perle du ixhùné ïiopposoit à leur passage un obstacle insurmontable, con- clusion rendue probable par lexamen des espèces qu'on trouve dans les lacs ou rivières qui se jettent dans ce Heuvé plus bas que ce gouffre. D'après cela on peut presser» tir que lé nombre des es- pèces qui habitent notre lac doit être bien restreint. Je n'en ai compté qtte vingt et une, dont voici l'en umération détaillée. 1. Murœna yé nguilla, l'Anguille. 2. G ad us Lbla , la Lotte. 5. Cottus Gobio ^ le Chabot ou SécliCt. 4. Perça fluvicitills ^ la Perche. 5. CobiUs Barbalulay la Loche franche ou Dot- mille. G. Salmo Trutta , la Truite et ses variétés. 7. Salmo Uinbla, l'Omble chevalier. 8. Corregonus Thymallus , l'Ombre. 9. Corregonus Fera, la Fera. 10. Corregonus Idienialis, la Gravenche. I l4o HISTOIRE DES POISSONS 11. Cyprinus Carpio, la Carpe. 12. Cyprinus Tinca, la Tanche. i3. Cyprinus Jeses, le Meunier ou Chavêne, j4. Cyprinus Erythrophtalrtius , le Rotengle ou la Raufe. i5. Cyprinus Rutilus, la Rosse ou le Vangeron. 16. Cyprinus Gobio, le Goujon. 17. Cyprinus Alburnus^ l'Able ou le Rondion. 18. Cyprinus Jaculus, la Vandoise ou le Dard; l6. Cyprinus Bipunclatus, le Spirlin ou le Flate, ao. Cyprinus Phoxinus, le \ éron ou V airon. •2.1. Esox Lucius, le Brochet. On dit que le barbeau et la brème ont été pris autrefois dans le lac ; cela peut être . mais comme je ne les y ai jamais vus, et que je n'ai voulu m'en rapporter ni aux traditions, ni aux yeux des autres, je n'ai pas cru devoir les ajouter à cette liste (1). Comme il ne manque pas d'ouvrages sur l'organisation des poissons , et que mon intention , en composant celui- ci, n'a été que de faire connoître ceux de notre lac, je ren- voie aux ouvrages d'ichtyologie générale pour tout ce qui ne tient pas à 1 histoire locale de nos poissons, et me con- tente de présenter ici quelques remarques sur la valeur des (i) £je Conservateur Suisse, année i8i3, tome 5 , donne au lac Léman 2Ç) espèces de poissons. Razowmowsky, dans son Histoire naturelle du Jorat, n'en nomme que i6 , et encore ajoute-t-il le naze. Dans le second volume de Vou^tage inûla\é Notices d'utililè publique , on trouve à la page 1 3 la liste des poissons du Léman réduite à treize espèces. DU LAC LÉMAN. i^t divers caractères spécifiques employés par leurs auteurs* On peut bien pour classer les poissons se sei-vir des carac- tères extérieurs, mais la variété qu'ils présentent dans les individus suivant l'âge, le sexe, etc. , ont retardé Tichtyo- logie. Les modernes ont adopté pour un de leurs caractères essentiels, le nombre des rayons dont les nageoires sont composées; et cependant beaucoup d'auteurs ont commis à cet égard des erreurs grossières qui font soupçonner quelques imperiections dans leur manière de préparer les na- geoires. Voici celle que j'ai adoptée de prétéreace , pour éviter toute méprise. Je coupe près de la peau les nageoires, que j'étends sur un verre pour les faire sécher, et rendre ainsi leurs rayons beaucoup plus apparents. Dans le compte que je tiens de ces os, je ne néglige pas les plus courts, et j'ai soin d'en- visager chaque nageoire sous ses deux faces , parce que le premier rayon forme souvent une demi-gouttière, qai, se jetant plus d'un côté que de l'aulre, peut induire en erreur. Après mètre assuré que le nombre de ces rayons est sujet à de fréquentes anomalies, et qu'il est souvent le même chez des individus d'espèces différentes, j'ai renoncé à ce caractère, et j'en ai cherché ailleurs de nouveaux; cepen- dant comme il avoit été employé par les auteurs , j'ai cru devoir l'ajouter comme un supplément aux miens. J'en ai fait autant pour les feuillets de la membrane brachiostège. Si l'on admet qu'il y ait des espèces différentes parmi les poissons , il faut nécessairement admettre aussi que la na- ture a eu un moule particulier pour chacune d'elles, et que rindividu qui est sorti de ce moule doit présenter dans i^ HISTOIRE DES POISSONS qiieli^ués-tines de ses parties externes des différences Sp- prc'cîables. Cottïme les- peintres calculent la longueur du corps hit- main par le nombre des têtes, j'en ai fait autant à l'égard des poissons, en mesurant dans chaque espèce la longueur de la tête, pour saToir combien de fois elle se trouvoit con- tentie dans celle du corps. Le résultat de ces termes de' Comparaison à été assez positif pour me déterminer à ert former uil de mes cai^actères spécifiques. Afin d obtenir une mesure exacte qui soit urriformîé ponf iouâ les poissons , jie la prends du bout du rnuseau à la; par- tie la" plus éloignée de la" plaque qui couvre les J)rànchies, et depuis cet endroit à la partie de la queue oii se termi-" ftent les écailles. On pourifoit supposer que l'âge ou le âexé dèvroient àpportei'' de grands changements dans les rapports de ces mesures : mais on seroit dans l'erreur r ceux qu'on observe sont trop k'gers pour permettre de confondre des espèces' différentes, en s'aidant surtout d un autre caractère dont je vais parler. S'-- Dès que les écailles solit disposées par rangées sur lé corps des poissons, et qu'elles le sont dnne manière invariable dans les mêmes espèces, que les individus soient petits ou gros, jeunes ou vieux, on pouvoit être certain de trouver dans la différence du nombre de ces rangées tni autre caractère spécifique dont on n'avoit pas encore fait usage. Après melre assuré de la valeur de ce caractère, j'en ai fait l'application aux espèces que j'ai décrites, en meiï servant de la manière suivante f u, ,sw>' ÎHJ LAC LÉMAN, I^? J} faiioit d'aboid choisir deux points de départ pour re- conno^tre combien il y avoit de ces rangées sur une des. faces du poisson, soit en longueur, soit en largeur. Le' premier de ces points m'a été fourni par la ligue latérale,' dont les écailles sont rendues plus apparentes par la saijlié 4e leur demi-gouttière. J'ai pris le second point dans la partie la plus large du corps , c est-à-dire, depuis les pre- miers rayons de la nageoire dorsale, à la base de la ventrale. Mais comité cette ligne transversale se trouve interrompue à peu près au milieu parla ligne lîftérale, je lai divisée eu deux parties, lune supérieure qui est la dorsale, l'autre inférieure qui est la ventrale. D'après cela on comprendra facilement la signification des expressions suivantes 'qui précéderont Igi description de chaque espèce : jicaiiles de la ligne latérale 12. 4orsale§ 12. yentraleç 12. Pour fîjLire connoître plus ejçactement cette manière de compter les rangées d' écailles, et pour éviter toute méprise à ce sujet, j'ajouterai les détails suivants. Je ne comprends pas dans le nombre des écailles de |a Jigne latérale, les petites et iuordinées qu'on voit à l'insertion de la queue, me bornant à celles qui sont marquées par I4 de mi'goutti ère. Le tranchant du dos étant formé, chez la plupart des poissons, par une écaille semblable à la tuile courbe qui couvre le faîte des toits, je ne compte pas cette écaille, parce qu'elle appartient aux deux côtés également, non plus que les petites incomplètes et inordinées qu'où voit souvent à la base des rayons de la nageoire dorsale. l44 HISTOIRE DES POISSONS Comme le bas-ventre est garni d'un grand nombre de petites écailles qui seroient incalculables avec précision, je commence à compter les rangées par 1 écaille qui se trouve entière au-dessus des écailles longues qu'on sait être pla- cées à Ifi base de la nageoire ventrale. Puisque la ligne latérale partage toujours une écaille en deux parties égales, et que cette ligne sert de limite , on ne sera pas surpris de voir paroître une demi-écaille en addition au nombre des rangées tant dorsales que ventrales. On objectera vraisemblablement que ce caractère spé- cifique n'est pas applicable à tous les poissons, puisqu'il y en a qui n'ont pas d'écaillés, que chez d'autres ces écailles sont incalculables à cause de leur petitesse, et qu'il ne peut servir que pour les poissons de l'ordre des abdominaux,, dont la nageoire dorsale se trouve opposée aux ventrales. Si Ton considère que les espèces comprises dans cette objection sont en petit nombre, et que d'ailleurs elles ont toutes d'autres caractères spécifiques assez saillants pour qu'on ne puisse passe méprendre sur leur compte, on en conclura que la justesse de ce caractère ne peut pas être atténuée par de telles restrictious. On pourroit encore employer dans la détermination spé- cifique des poissons, les organes internes et le nombre des os qui composent leur colonne vertébrale j cependant j'ai négligé d'y avoir recours, étant convaincu qu'on peut sup- pléer à ces dissections par d'exactes descriptions, et par la précision des dessins. J'ose même espérer que mes lec- teurs me sauront gré de leur avoir épargné l'ennui de ces détails anatomiques. I DU L,AG LÉMAN. f^S Les figures des poissons qu'on trouve gravés dans les ouvrages des anciens auteurs, et même dans la plupart de ceux des modernes, sont si mauvaises qu'on ne p'ut en faire usage dans la nomenclature. On peut donc diie que, jusqu'à la publication de louvrage de tiiock vi), lichtyo-; logie étoit restée tort en arrière sous ce rapport. Cet au- teur ayant senti la difficulté de pouvoir représenter assez fidèlement la nature avec des mots, a accompagné la des- cription de chaque poisson d'une figure coloriée, autant que possible de grandeur naturelle. Quoique les planches de cet ouvrage aient été exécutées avec soin, cependant lors- qu'on les examine avec l'impartialité dune critique judi- cieuse, on en trouve plusieurs qui sont assez défectueuses pour faire naître des doutes sur les déterminations des es- pèces voisines l'une de l'autre. Je me plais à croire qu on ne fera pas le même reproche à celles qui accompagneJit le mien, n'ayant rien négb'gé pour leur donner le degré d'exactitude dont elles sont susceptibles, et qui en fait le seul mérite. J ai représenté les poissons avec leurs nageoires étendues pour mettre en évidence le nombre des rayons dont elles sont composées. Je terminerai cette introduction par l'explication de quelques expressions adoptées par nos pêcheurs relative- ment à la topographie de notre lac. On nomme Beine, la portion du lac la plus voisine du bord; elle otïre dans son fond une surface presque plane, ( I ) Histoire naturelle des poissons , par Marc Eliezer Block ; à Berlin , 1 7 86. Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hist. nat. T. III. 1." Part. 19 l46 HISTOIRE DES POISSONS peu profonde, et qui selon les endroits s étend plus ou muins en avant jusqu à la naissance du Monl. Le terrain de la Beine est jonché de blocs de roches primitives, dont quel- ques-uns ont un volume très-considérable; on les voit en plus grand nombre sur la rive gauche du lac que sur la droite. La où finit la Bclne commence le Mont, ou pour mieux dire les Monts, puisque du tond du lac s'élèvent divers monticules dont la hauteur varie et qui paraissent se diri- ger du nord-est au nord-ouest comme les montagnes voisines. A mesure qu'on descend le Mont, on se trouve sur le Noir , dénomination qu'on ne doit attribuer qu'à l'intensité de la couleur bleue de l'eau produite par sa grande pro- fondeur. On appelle Couche la base des Monts ou la partie la plus basse du sol du lac. La profondeur en varie beaucoup selon les endroits oh elle a été mesurée : celle du petit lac, c'est-à-dire de la partie qui s'étend de INion ou d'Yvoire iusqu à Genève, n excède pas deux ou trois cents pieds 5 vis- à-vis du village de Meillerie elie est de 960 pieds à un tiers de lieue environ du bord; à la même distance d'Evian de 620 pieds, et près du château de Chillon de 3 12 pieds. Le Travers forme une bande ou zone sablonneuse , qui s'étend transversalement dans le petit lac dune rive à l'autre, de Ruth p.èsde Cologny à Sécheron. Les divers procédés qu'emploient les pêcheurs ont été étudiés et classés par Duhamel; nous nous contenterons de renvoyer à cet ouvrage pour l'explication des termes de pêche employés dans le courant de notre Mémoire. DU LAC LÉMAN. l47 IN." I. MURJBNA AnGUIL.I,A. — L'AnGUILLE. PI. I. {Malacopterygiens Apodes. — Anguîlliformes. ) Cuvier, tome II, p. aôi. — Block, tome II, pi. 75. On trouve rarement ce poisson dans le lac de Genève, à cause de la perte du Khôae, qu'il ne peut franchir que lorsque les eaux recouvrent ce goutfre. C'est ordinairement au printemps que les anguilles passent de la mer dans les rivières et les lacs ; leur agilité et leur force musculaire leur font surmonter beaucoup de difficultés, et dans leurs longs voyages elles marchent de préférence pendant la nuit; mais quand le besoin de retourner à la mer se fait sentir, c'est d'une manière si impérieuse, qu'à la rencontre des obstacles qu'on leur présente, elles s accumulent et se pressent, sans qu'on en voie aucune remonter aux lieux qu" elles viennent de quitter. La plupart des dessins que l'on a donnés de languîHe, la représentent comme si ses mouvements ondulatoires de progression s'exécutoient de bas en haut et de haut en bas sur un plan vertical; c'est une erreur, elle nage en se mou- vant toujours dans une direction latérale. S'il est vrai que l'angudle sort de 1 eau pendant la nuit, pour aller manger des vers et des plantes légumineuses , l48 HISTOIRE DES POISSONS il seroit intéressant de s'assurer si elle se meut sur terre de même manière que dans l'eau. On n'a encore que des données peu sures sur la manière dont s'opère la multiplication de cette espèce. Le célèbre Spailanzaui lui-même n'ayant pu reconnoître ni œufs ni fœtus dans les anguilles des eaux douces d'Italie et de Sicile , nous sommes portés à admettre que les opéra- tions reproductives s'effectuent toutes pendant leur séjour à la mer. L anguille est du reste un poisson tellement connu qu'il est inutile d'en donner ici aucune description. G A DU s Lot A. — La Lotte. PI. a. ( Malacopterygiens Subbrachlens. — Gades. ) Cuvier , tome II , page 2 1 5. — Block , tome I, page 1 58 , planche 70. La. lotte, que nous plaçons après l'anguille, est encore un de ces poissons tellement caractérisés entre ceux qui habitent ie lac de Genève, qu'il est inutile de le définir. Si l'on en croit la tradition, la lotte n'existoit pas dans le lac de Genève il y a quelques siècles, et y a été apportée du lac de INeuchàtel. Quoi qu'il en soit , elle est devenue dans I ^ ' iv LAC LÉMAN. 1 49 le lac de Genève le plus commun de tous les poissons, et y acquiert une taille beaucoup plus considérable que dans l'autre lac; on en prend qui pèsent jusqu'à sept livres. Elle habite prétérablement les grandes profondeurs du lac , où elle fraye en Février; elle y détruit les œufs des ombles chevaliers et de la fera qui fraye dans les mêmes lieux , et le fretin de la perche qui s'y retire. Sa couleur, qui varie plus que celle de tout autre poisson, est d'autant plus pâle qu'elle habile des lieux plus profonds. Un remarque dans celles prises à cent brasses et au-dessous que la vessie à air est souvent atrophiée^ cette maladie, qui a peut-être une cause commune avec une autre maladie de la perche qui atteint quelquefois la lotte, mériteroit d'être étudiée, d'autant plus qu'elle est très-commune et qu'empêchant la lotte de nager entre deux eaux , elle doit modifier ses habitudes: souvent même elle est accompa- gnée d'une cécité complète. C'est pendant la nuit que la lotte chasse; le jour elle se tient tranquille au fond de l'eau. Aussi est-ce de nuit qu'on là prend au filet traînant de 35 à 4o brasses sur un fond uni mais couvert de cailloux; si le fond n'est pas uni ou qu'il soit plus profond, on ne la prend qu'au hameçon; la meilleure amorce est leséchot et le goujon. Ce poisson est si vorace qu'on a trouvé dans l'estomac d'une lotte qui ne pesoit qu'une demi-livi'e , jusqu'à quinze per- chettes presque entières. l5o HISTOIRE DES POISSONS N." 5. CoTTVs GoBio. — Le Chabot. PI. 2. ( Acanthopterygiens. — Perches. ) Cuvier , tome II , page 5o5. — Block , tome I , planche 59. Membrane branchiostège ', 6 feuillets. Rayons des nageoires: pectorales XIV; ve?itrale iv. Anale XII. Première dorsale VU; seconde dorsale xvi. Caudale XIV, On l'apelle à Genève séchot, et chassot dans le Canton de Vaud. La nageoire ventrale thorachique se compose de quatre rayons, mais le premier est formé de trois filets osseux, tandis que les trois autres n'en ont que deux. Le bord du préopercule des branchies est garni d'une épine osseuse aiguë recouverte de peau, et dont la pointe est dirigée vers le derrière de la tête. L'opercule lui-même se termine par un angle cartilagineux placé au-dessus du dernier rayon de la membrane branchiostège et dont la pointe a la même direction que l'épine du préopercuie. La ligne latérale semble formée de petites losanges un peu saillantes, avec une dépression dans le milieu, et tenant l'une à l'autre par leur angle le plus aigu; on en compte jusqu'à trente; la peau enlevée et séchée conserve la saillie que cette ligne formoit sur l'animal vivant. DU LAC LÉMAN. l5l La série des arêtes latérales se laisse apercevoir quel- quefois sous la peau un peu au-dessous de la ligae latérale, mais seulement jusqu'au milieu du corps. Le palais a des dents moins sensibles que celles des deux mâchoires. Les rayons des nageoires pectorales ne sont pas rami- fiées j la Ijiturcation des rayons de la caudale n'existe que pour les dix du milieu qui se subdivisent encore quelque- fois, mais irrégulièrement et à leurs extrémités; les quatre autres rayons sont simples; les deux derniers de ceux-ci sont assez courts et assez minces pour ne pouvoir être que difficiiement distingués sans loupe. Le dos du chabot laisse ordinairement apercevoir quatre bandes plus foncées que le reste de cette partie, et qui se perdent en approchant du ventre. On pêche ce poisson sui' les bords du Rhône, non seule- ment avec la séchotière, mais encore de la manière sui- vante: Un homme chaussé de grandes bottes de fer-blanc entre dans le fleuve avec un douteux ou trouble qu il place dans la direction du courant j il remue ensuite avec les pieds les cailloux qui se trouvent au-dessus 5 les chabots effrayés prennent la fuite et entrent dans le filet où les entraine la rapidité de l'eau. Les enfants lui font aussi une guerre active : ils soulèvent àvec*précaution les pierres sous lesquelles il se blottit, et le transpercent d'une fourchette solidement attachée au bout d'un bâton. l52 HISTOIRE DES POISSONS N.° 4. Perça Fluviatilis. — La Perche. PI. 5. ( Acanlhopterygiens. — Perches. ) Cuvier , tome II , page 29S. — Block , tome I , planche 52. Ecailles de la ligne latérale 7 o. Écailles du plus grand diamètre du corps 26-28. Rayons des nageoires : P. Xiv-xy. V, ri. A. XII' i." D. XVI. 2.™<^ D. XVI. C. xx-xxir. Les grosses perches sont appelées hoilla par les pêcheurs, et les petites d'environ trois à quatre onces brandenaille. Quoique la perche soit trop bien caractérisée par les larges bandes colorées qui ceignent une partie de son corps pour qu'il soit nécessaire d'en donner une description dé- taillée, je présenterai néanmoins quelques caractères re- marquables de son organisation extérieure. ;. Les narines ont deux ouvertures assez écartées l'une de l'autre. Le bord orbitaire inférieur présente une espèce de frange qui s'étend jusqu'à la mâchoire supérieure L'oper- cule des branchies se termine en pointe j il est dentelé sur 1 un des bords et couvert en partie de petites écailles. La ligne latérale un peu inclinée en haut est bien plus près du dos que du ventre. Les écailles sont dures et trè«-adhérentes à la peau par plusieurs dentelures. Les nageoires pectorales et l'anale paroissent échancrées, DU LAC LÉMAN. l53 ce qu'on ne doit attribuer qu'à la brièveté des premiers rayons non articulés et terminés en poiaie. La preni.ère dorsale est en raison de sa slructure une ai me dt-iensive^ ea^ effet, les rayons dont elle est composite sont de virilable& os lisses et terminés aussi en pointes très-acérées et dépas- sant ainsi la membrane qui les unit, de sorte que qn^nd la perche tient cette nageoire relevée, aucjn autre poîssun ne peut en taire sa proie sans s exposer à éire grièvenjent blessé. Pendant leté les perches habitent les plages herbeuses dulac^ pendant Ihiverelles seretin-utdans les jiruiundeui-s. Comme elles sont très-voraces , on les prend facilement au hameyon. Lorsqu'on les pêche en hiver a\ ec le grand filet sur un fond de 4° à 5o brasses, on en voit beaucoup flotter à la surface de 1 eau avec Testomac refoulé hors de la bou- che; elles périssent au bout de quelques jours si on ne fait pas rentrer celte vessie en la perçant avec une épingle; mais celles qu'on prend dans Ci-que Ion nomme le petit lac, c'est-à-dire,' depuis la pointe de Bellerive à Genève, n'ont jamais de poche, parce que les eaux y ont moins de pro- fondeur. « Il suffit que la perche ait été touchée par la corde avec laquelle on retire le filet, pour que 1 accident lui arrive. « Celte pêche se fait de nuit, et l'accident est beaucoup plus commun quand la lune est sur l'horizon; les petites perches ont seulement le ventre gonflé , mais la veasie ne sort point par la bouche. « Ou explique vulgairement ce phénomène en disant que les perches ont beaucoup de fierté, et que quand elles Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hist. nul. T, III, i/'^Part. so l54 HISTOmE DES POISSONS sont touchées, la colère leur monte à la tête et leur fait sortir la gonfle. Mais voici une explication plus probable: Les perches retirées à 5o brasses ou plus profondément encore supportent le poids de plus de 1 1 atmosphères^ l'air contenu dans leur vessie natatoire et dans la cavité abdominale perd sous cette compression une grande partie de son vo- lume 5 il est extrêmement probable que le volume ainsi soustrait est remplacé par une sécrétion dont l'agent n'est pas encore connu des naturalistes; et lorsque la perche tranquille dans ses profondes retraites, y est touchée par le filet traînant, elle s'élance pour fuir et arrive plus pi es de la surface de l'eau; alors l'air contenu dans sa vessie et la cavité abdominale se dilatant par la diminution de com- pression , rompt les enveloppes , et ne pouvant trouver une issue, chasse sous la forme de vessie vers la partie qui lui offre le moins de résistance l'organe qui s'oppose à sa sortie complète j cet organe est l'estoanac qui se renverse sur lui- même comme un gant et qui vient saillir considérablement hors de la bouche; la vessie natatoire n'est pas rompue, elle est ordinairement flasque. «Les lottes présentent quelquefois, mais plus rarement, le même phénomène; cependant elles habitent des retraites encore plus profondes que les perches, mais elles n'en sont point retirées aussi brusquement, et l'on peut croire que ce qui diminue chez elles la fréquence de ce phénomène, c'est 1 atrophie de la vessie natatoiie de presque toutes les lottes prises à de grandes profondeurs, (i) » (t) Les paragraphes marqués de guillemets («) out été extraits de notes fournies à M. Jurine par M. Perrot. DU LAC LÉMAN. ï5 5 Comme les perches craignent en été l'ardeur du soleil , et cherchent l'ombre, on place, pour les attirer à queL^ue distance du bord, ce que l'on nomme un bouquet ; on va quelque temps après l'entourer d'une étole, on trappe l'eau pour effrayer les perches, et elles se prenneat au filet en fuyant. 11 y a des perches dont les nageoires sont d'un rouge vif, les autres seulement roses, d'autres qui ne sont point colorées; ces modifications sont absolument subordonnées à leurs aliments et à celles du sol où elles vivent habituellement. La perche ne parvient guère qu'à la longueur de i8 à 20 pouces; alors elle pèse environ 4 Hvres: dans quelques pays plus au nord on assure qu'il y en a de Leaucoup plus grandes. Dans le Conservateur Suisse, on trouve probablement par erreur le Perça cernua au nombre des poissons du lac Léman. l56 HISTOIRE DES POISSONS N.° 5. CoBiTis Barbatula. — La Loche franche. PI. 2. ( Malacopteryglens abdominaux. — Cyprins. ) Cuvier, tome II, p. 196. — Block, tome I, pi. di. Ecailles très-petites et incalculables. Rayons des nageoires : P. XI. V. VII. A. vii-Kiii. D. X. C. xxiv-xxvi. On l'appelle à Genève clorniille, baro/nèlre;k Versoix et à St. Prex rnouslache , petit barbot; à llolle gremeliette; h Lutry moutaile, motaile de ruisseau. La loche franche a le corps en dessus et sur les côlés d'un jaune olivâtre avec quelques taches noir.àtres; sa tête est applatie ; les yeux petits ont l'iris jaune; les narines sont plus près des yeux que de iextrémité du museau; la mâchoire supérieure dépasse i intérieure et loge son bord dans uiie légère rainure. La lèvre supérieure fait en devant deux sail'.ies d'où naissent 4 barbillons; les deux extrêmes sont les plus longs, il y en a deux autres près de la com- missure des deux mâchoires. L'ouverture de la bouche est petiie; ia lèvre inférieure est bilobée; les nageoires courtes, rougeàtres et plus ou moins tigrées de brun 5 la dorsale et les ventrales se trouvent sur la même ligne. Ce peut poisson, moins abondant que le chabot, habite DU LAC LÉMAN. 1 By comme lui les ruisseaux, le bord des rivières et des lacs; comme lui il se lient -sous des pierres, d'où il s échappe, quand on les remue, avec une telle vitesse t^ue lœil peut à peine le suivre. Un peut le conserver long-temps en vie dans des bocaux, sans qu il soit nécessaire de renouveler l'eau trop sousent. Le développement des ovaires se faisant au printemps, je présume qu'il fraye à celte époque de l'année. La loche vit de vers et d'insectes; sa chair est grasse et délicate. Un lui donne à Genève le nom de baromètre parce qu'à rapproche de l'orage elle se tient à la surface de l'eau; mais cest plutôt pour saisir les moucherons qui s en rap- prochent alors davantage, que pour annoncer par instinct vm changement dans l'état de 1 atmosphère. Le Conservateur Suisse a mis au rang des poissons du lac de Genève le cobilis tœnia sans faire mention du bar- halula ; mais comme je n'ai jamais rencontré le premier, et que le dernier est assez commun, on doit présumer qu'il y a dans cette citation une erreur typographique. l58 HISTOIRE DES POISSONS N.° 6. Salmo Trutt^. — La Truite. PI. 4- {Malacopterygiens uibdominaux. — Salmones. ) Cuvier, tom. Il, p.i6i. — Block , tome I , pi. 21 , 22, 2.3 ; tom. II, pi. io4* Ecailles de la ligne latérale 1 20- 1 26 ; Dorsales 27^ ; Ventrales 25|. Membrane branchiostège 10- 11 feuillets. Rayons des nageoires: P. XIII. F. IX. A. XI. D. XIII. C. XXVI; au reste sujets à de fréquentes anomalies. La truite présente dans la coupe de sou corps un ovale alongé , qui de toutes les formes paroît être la plus propre à lui faire surmonter aisément la résistance de l'élément pour lequel elle étoit destinée. La tête de ce poisson, bien proportionnée à la longueur du corps, est cunéiforme j sa bouche est armée d'un appareil de dents acérées; son œil de moyenne grandeur a l'iris argenté, un peu tigré en haut de jaune et de noir. La mâchoire supérieure dépasse toujours un peu l'infé- rieure, lorsque la bouche est fermée, et il ne peut pas en être autrement, puisque le crochet qui paroît dans les mâles d un certam âge au bout de la mâchoire inférieure doit se loger dans une cavité qui se forme dans le bord antérieur du palais; les truites qui ont ce crochet s appellent bécards. Malgré cette invariable disposition des mâchoires, on voit DU LAC LÉMAN. iSQ cependant dans la liste des truites signalées par les auteurs figurer quelques espèces auxquelles on a donné pour caractère spécifique plus de longueur à la mâchoire intérieure qu'à la supérieure, erreur qu'on ne peut attribuer qu'à ce que la première se porte un peu en avant quand la bouche est ouverte. Puisqu'il a été question du caractère des truites, passons de suite en revue ceux qu'un a adoplés pour distinguer les nombreuses espèces qui ont été décrites , en commençant par celui qui repose sur la couleur du manteau. Les truites, comme plusieurs autres poissons, présentent une grande variété de teintes dans leur manteau j on en voit qui l'ont presque noir, ou fortement bistré, tandis que chez d'autres il est à peine coloré; dans le plus grand nombre la couleur violette dt mine et offre des reflets cuivrés très-agréables; il y en a de petites qui l'ont d'un vert jau- nâtre ; il en est enfin dont la couleur blanche du dos ressem- ble tout-à-t"ait à celle des feras (i). On sera sans doute moins surpris de ces espèces d'ano- malies , lorsqu on saura que ce n'est pas dans les écaiiles que réside la couleur du manteau de ces poissons, ni celle des taches qui s y remarquent; cette matière colorante se trouve dans le corps muqueux de la peau , et elle est suscep- tible de modifications particulières, dépendantes d'une infinité de causes secondaires. De Saussure rapporte que dans le petit lac d'Oberalp au St. Gothard on prend des (i) 3e ferai reiaarquer que lorsque je parle du manteau des truites je fais abstracùob de la peau du ventre qui est ordinairement blanclie. l6o HISTOIRE DES POISSONS truites saumonées les unes blanches, les autres noires , qui toutes ont la chair ronge (i)- I^os pêcheurs affirment que les petites truites pâles du lac .^e colorent différemment m passant dans les ruisseaux qui s'y rendent , et que celles qui entrent dans la Versoix, y prennent des points rougis qu'elles n'avoient pas eu y entrant; que dans Li JPrunien- thou.se elles deviennent toutes noires, tandis que dans les eaux de l'Auhonne elles restent blanches ou blanchi>senl j mais il tant remarquer qu'il n'est poii t de poisson qui se colore avec autant de facilité que la truite; eiie peut en- suite perdre la couleur qu'elle a prise et reprendre la pre- mière. Un peut s'assurer de ce fait en regardant ces poissons déposés dans un baquet rempli deau, immédiatement après qu'ils ont été pris. Comme j'ai assisté long-temps à la levée des nasses éta- blies sur le Rhône, dans lesquelles j'ai vu prendre un grand nombre de truites de toute grosseur, je vais entrer dans quelques détails à ce sujet. Dès qu'on lesavoit mises dans lauge du bateau, le dos de quelques-unes dentre elles ne tardoit pas à se couvrir de plusieurs taches brunes, irrégulières et de grandeur dif- férente, lesquelles s'étendoient de la tête à la queue; c'étoit surtout chez, celles de deux à trois livres que ces taches paroissoient le plus. J'ai vu dans de plus grosses tout un côté de leur corps se colorer en bistre foncé, tandis que l'autre ne changeoit pasjsurun grand nombre )ai remarqué qu'il se formoit (i) Voyage dans les Alpes. T)V LAC LÉMAN. l6l des Jeux côtés trois ou quatre bandes transversales noirâtres qui se prolongeoient du dos au ventre; quelque forte que fût la coloration de ces taches ou bandes, elle n'en étoit pas moins fugitive et ne tardoit pas à disparoître dès que ces poissons avoient été placés dans un grand réservoir oii l'eau pouvoit se renouveler constamment. C'est vrai- semblablement à la diminution de l'oxigène contenu dans l'eau du baquet, quoique fréquemment changée, qu'on doit attribuer l'apparition des marques observées sur le coips de ces truites j mais quand on réfléchit que de telles marques ne peuvent être produites aussi promptement que par une altération dans la circulation des vaisseaux cellullaires, on peut préjuger quelle duit être la réaction du système ner- veux sur celui de la circulation, de sorte que, malgré la petitesse du cerveau, on ne pourra refuser aux nerfs qui en sortent une très-grande influence sur l'économie générale des animaux de cette classe. D'après des observations suivies je crois pouvoir conclure que, toutes choses égales d'ailleurs, la vivacité dans la cou- leur de la peau des truites est toujours en rapport avec la quantité de lumière qui pénètre dans les eaux où elles vivent; de sorte que les teintes de leur manteau sont d'autant mieux prononcées que les eaux sont moins profondes. Après avoir émis mon opinion à ce sujet, je vais exami- ner les taches qu'on trouve disséminées sur la robe des trui- tes de ruisseaux , de rivières ou de lacs , pour savoir si elles sont subordonnées aux mêmes agents. Huit petites truites d'égale grosseur, prises le même jour 2Uém. delà Soc. dePhys. et d'Hist. mt. T.lll. i.''Part. 21 l62 HISTOIRE DES POISSONS dans le GiiTre (i), m'ont offert des nuances assez variées dans la couleur de ces taches; aux unes ces taches étoieut petites, d un rouge pâle et entourées d'un cercle blanchâtre; aux autres elles étoient grandes, d'un rouge de cinabre avec u n anneaunoir^ chez une deces dernières l'éclat des taches rou- ges étoit terni par un pointillé noirâtre^ la queue de toutes ces truites avoit une bande noire à l'extrémité. Quatre truites pesant chacune environ dix onces , péchées en même temps dans un petit lac alpin sous le Sloekhorn (2) , m'ont présenté dans la couleur de leurs taches des variétés plus remarquables encore que les précédentes j dans les femelles ces taches étoient moins nombreuses et d'une couleur violette, tigrée de plusieurs points bistrés. De Berne à Zurich la route est fréquemment coupée par de petits ruisseaux d'eau vive et courante , qui descen- dent des montagnes voisines et dans lesquels il y a une grande quantité de petites truites dont le poids n'excède pas ordinairement une demi-livre 5 le nombre de ces poissons est si grand qu'il n'y a pas d'aubergiste qui n'en ait assez en réservoir pour en offrir à tous les voyageurs. Ces truites qui se rapportent à celle que Block à nommée fario et représentée ( planches 2 2ret 23 , ) m'ont donné plusieurs va- riétés de couleur, soit dans les taches, soit dans le manteau (i) Le Giflreest un torrent produit par la fonte des neiges du Buet et des montagnes voisines, lequel , après avoir parcouru la jolie vallée de Samoéns, se ielte dans l'Arve au-dessus de Bonneville, (2) Le Stockhorn est une haute montagne située à peu près vis-à-vis de Thuu et élevée de 6767 pieds au-dessus de la Méditerranée. DU LAC LÉMAN. I 63 qui est ordinairement d'un vert jaunâtre; j'en ai même vu quelques-unes dont la nageoire adipeuse étoit couverte de points rouges. Il y a des truites du lac qui ont des taches d'un noir plus ou moins foncé, d'autres d'un jaune d'ocre sans aucun iris; celle dont j'ai donné la iigure dans les planches de cet ouvrage est remarquable par les caractères hiéroglyphiques noirs qui remplacent ces taches. J'en ai trouvé , mais rarement , qui n'en a^ oient aucune , pas même à la nageoire dorsale, quoiqu'on ait regardé les taches sur cette partie comme un des caractères spécifiques de ce poisson. On m'apporta en Décembre un mâle d environ trois livres , déjà un peu bécard et dont le manteau étoit couleur de suie; les taches noiresqui se distingiioientà peine étoient répandues sur le corps avec une telle profusion, que j'en comptai 65 sur un des côtés de la tête 5 cet individu portoit en outre une nageoire adipeuse presque monstrueuse, puisque de la base à l'extrémité elle avoit deux pouces de longueur et une largeur proportionnée. Je ne finirois pas si je voulois décrire toutes les variétés que j'ai observées dans les truites relativement aux taches de la peau. Puisque donc ce caractère est aussi variable et qu'il se trouve soumis à des circonstances particulières aux individus, on est forcé de convenir quil ne peut pas être regardé comme spécifique. il est un autre caractère que l'on a regardé comme fort important pour la détermination des espèces parmi les trui- tes -. savoir, 1 echancrure plus ou moins profonde de la queue. Si cette echancrure se rencontroit dans une espèce et non pas dans d'autres, et si elle suLsistoil à tout Age, cela suffiroit l64 HISTOIRE DES POISSONS sans contredit pour établir un bon caractère; mais le résul- tat de mes observations m'a prouvé que dans les jeunes truites la queue est presque fourchue, que dans If s plus âgées elle n'est [)lus qii'échancrée,etquedans celles qui sont parvenues à une cenaine grosseur, elle est coupée carrément. On a cru, mais à tort, pouvoir établir une différence spécifique dans la couleur de la chair des truites; avant d'avoir ouvert un de ces poissons, il est impossible de déci- der si la chair en est rouge ou si elle ne l'est point. M. de Courtivron , très-bon observateur , écrivoit au célèbre Duhamel qu'il n'avcit aperçu aucune marque extérieure et constante qui pût faire distinguer les truites saumonées des autres, et que les pêcheurs de bonne foi faisoient le même aveu. Il ajoutoit qu'ayant trouvé des pêcheurs qui prétendoient les distinguer parfaitement , il leur présenta un grand nombre de truites et leur dit de mettre à part les saumonées ; ils se trompèrent si fréquemment qu'il resta convaincu qu'ils ne s'y connoissoient pas mieux que les au- tres (i). Dans les mêmes lacs et les mêmes rivières on prend simultanément des truites dont lachair a toutes les couleurs; dans le jardin même de M. Courtivron passait une rivière très-abondante en truites : « J'en ai vu , dit cet observateur, sur un même plat dont la chair étoit rouge, orangée , blan- che comme du lait, ou d'un blanc livide (2). » Les opinions des auteurs sur la cause de cette différence (1) Description des arts et métiers, tomeio, page 55o , Neuchàtel 177* (2) Même ouvrage, page 329. DU LAC LÉMAN. l65 dans la coloration de la chair des truites ne reposant ni sur des observations assez exactes, ni sur des expériences assez bien faites pour porter la conviction, je les passerai soussiience, me toruant à rapporter ici textuellement la note intéressante qu'a bien voulu m'adresser à ce sujet Son Altesse le Grand-Duc de Saxe-Weimar ; « Le château de Kothberg, appartenant à la famille de Stein, à la distance de cinq lieues de Weimar et dans une position beaucoup plus élevée, est entouré d'un fossé pleia d'eau qui peut être mis à sec à volonté. Depuis bien des années on savoit que les truites blanches qu'on y jetoit se changeoit-nt en peu de semaines en truites saumonées, c'est-à-dire, que la chair en devenoit rouge; on nettoya ce fossé il y a près de dix ans 5 on enleva toutes les plantes qui y croissoient, puis on fit rentrer leau ; dès ce moment les truites blanches qu'on y mit ne se colorèrent plus. Cela dura ainsi pendant quelques années, mais depuis trois ou quatre ans les mousses ayant repoussé, les truites s'y colo- rent de nouveau, u Son Altesse voulant remonter à la cause de ce fait singu- lier, chargea M. Dœbereiner , professeur de chimie à l'uni- versité d' Yéna, d'analyser comparativement l'eau du ruisseau où l'on pêchoit les truites et celle du fossé où on les mettoit; le résultat de cette analyse m'ayant été communiqué, je vais en donner ici l'extrait. « La cause de la rougeur des truites n'est ni moins re- marquable ni moins inconnue que celle qui fait rougir les écrevisses dans l'eau bouillante, quoiqu'elle ne soit pas la même, car les écrevisses deviennent également rouges si on ï€6 HISTOIRE DES POISSONS les plonge dans de l'esprit de vinj celles-ci traitées de la même manière paroissent avoir été bouillies, mais elles ne conservent pas moins la puissance de pincer fortement ceux. qui veulent les prendre. « L'eau qui rougit les truites est chargée de sélënite, et contient moins d oxigène ; la quantité de ce gaz relati\ e- menfà l'azote est comme i est à 4-5, tandis que celle de l'eau du ruisseau est comme i : 2. Dès que ce rapport des élémens aériens ne fait pas rougir la chair des truites, et que cet eiïet a lieu dans une eau pauvre en oxigène , on pour- roit conclure que le manque relatif d oxigène dans l'eau où vivent les truites, est la cause de leur changement en rouge. Cette conclusion paroîtra peut-être hasardée, quoiqu'elle ne soit pas logiquement fausse^ en effet on peut prouver que l'état de décoloration dans les substances organiques des êtres vivants, est le résultat d une oxidation non inter- rompue, tandis que l'état coloré est la suite d une désoxi- dation dans laquelle l'élément foncier des substances orga- niques produit la couleur avec plus ou moins d'hydrogène, souvent aussi et simultanément d azote, qui devient libre ou pré\alant. « Comme l'eau peut par toutes sortes de moyens perdre son oxigène, il s en suit qu'on pourroit par des essais exa- miner plus particulièrement cette théorie, au point de former une piscina auratoiia. » Si les remarques que j'ai faites sont justes, et si pour caractériser les diverses espèces de truites qu'on a désignées par des noms particuliers, l'on ne trouve aucun caractère spécifique plus exact que ceux du prolongement de la DU LAC LÉMAN. 167 mâchoire inférieure sur la supérieure, de la couleur de la chair, de celle du manteau, de l'existence de ses taches, de leur grandeur, de leurs nuances, de l'échancrure de la cjueuej il en résulte qu'on ne pourra reconnoître qu'une seule et même espèce de truite, dont l'apparence sera subordonnée à des modifications dépendantes de l'âge , du sexe , des sai- sons, de la nature des eaux, du genre d'aliment et de l'in- fluence de la lumière; de sorte que les dénominations de truite ordinaire , saumonée, de lac et de rivières, des Alpes , fario et carpione , disparoîtront du catalogue des poissons, ce qui simplifiera la nomenclature, et tour- nera au profit de la science. Voici encore quelques remarques sur ce qui concerne la coloration de la robe des truites. Quand ces poissons sont parvenus à une certaine grosseur, ils sentent comme les jeunes saumons l'impérieuse nécessité d'abandonner les lieux qui les ont vus naître, pour aller chercher ailleurs une plus grande quantité d'eau, et une nourriture plus abondante ou plus conforme à leurs besoins. Cela est si constant, si naturel, qu'on peut fixer à peu de chose près le dernier terme de grandeur qu'atteignent les truites qui vivent habituellement dans une rivière dont on connoît la profondeur, je dis habituellement, voulant par cette expression en exclure celles qui paroissent momenta- nément à l'époque du frai. Comme il est certain que les truites de ruisseaux , de ï'ivières, et même celles qui habitent les lacs des monta- gnes , sont plus fortement colorées que celles du lac Léman, on sera tout disposé à en conclure que quand les premières l68 HISTOIRE DES POISSONS sont descendues dans ce vaste bassin , elles voient insensible- ment changer la couleur de leur manteau par linflaence du nouveau pays quelles habitent, et par la natui'e des aliments qu'elles y trouvent. Telle est la manière dont s'opère la décoloration des truites et la disparution des belles couleurs de leur jeunesse ; telle est enfin, à mon avis, la marche que suit la nature pour ramener ces diverses espèces à une seule. 11 est presque impossible d'obtenir des renseignements positifs sur l'accroissement annuel des truites; on ne peut en avoir que d'aproximat ifs au moyen de celles qu'on élève dans de grands réservoirs où elles sont bien nourries. Voici un résultat d'observations faites à ce sujet pendant plusieurs années. Les truites d'une livre augmentent dans une année du quart de leur poids; celles d'environ trois livres d'un sixième; de plus grosses gagnent j usqu'à une livre dans le même temps; mais on ignore l'accroissement annuel de celles qui pèsent au-delà de neuf à dix livres. On rapporte qu'on a pris dans le lac des truites de 5o à 60 livres poids de 18 onces j je ne contesterai pas la vérité de cette assertion, me bornant à dire que je n'en ai pas vu au-delà de trente-six, et que la plus grosse de celles qui aient été prises depuis quiiize ans (i) dans. les nasses du Rhône n'en pesoit que trente-deux (2), (r) En i8i5. (a) Grégoire de Tours dit positivement, dans son Traité de la gloire des murljrs, qu'on pèchoit dans le lac destruitesd uuquinialjmaissi cela arri>oil DU LAC LÉMAN. I69 La plus grande longueur du corps des truites paroît avoir été fixée par la nature à 4o pouces environ j celles de vingt livres l'ont déjà presque atteinte, de sorte que l'augmen- tation continuelle de leur corps se fait alors en épaisseur et surtout en largeur. Les truites réduites en captivité refusent tout aliment pendant les premiers jours; mais ensuite, pressées par la faim, elles mangent les poissons qu'on leur donne et se conservent long-temps dans une eau vive (i). Celles qu'on tient en réservoir privées de toute nourriture maigrissent rapidement, et les petites d'une manière plus prompte ou plus apparente que les grosses. Les truites comme les saumons se plaisent dans les eaux vives et courantes; comme eux, elles remontent à l'époque du frai les rivières et les torrents avec non moins d'adresse et de force; comme eux , elles retournent dans les eaux d'où elles sont sorties après avoir déposé leurs œufs 5 comme eux , les mâles deviennent bécards à un certain âge ; comme eux , enfin, elles parviennent au poids d'environ ^o livres, sans dépasser de beaucoup ces limites. La force de natation que développent les truites annonce de son lemps, dit l'auteur du Conservateur Suisse (tome 3, p.92), c'est-à-dire, dans le sixième siècle, il en faut au moins réduire la moitié dans le nôtre. La plus grande truite dont parlent nos naturalistes fut prise ta it65; elle pesoit 62 livres, et fut envoyée de Genève à Amsterdam cachée dans les profondeurs d'un énorme pâté. (j) Les truites mises en réservoir se mangent souvent les unes les autres; j'en ai vu de 10 à 12 onces en rejeter , immédiatement après leur mort, d'un peu plus petites qu'elles venoient d'avaler et qui étoicnt encore entières. Mém, de la Soc. de Phys. et d'Hist. nat. ï. IIL i.'^ Part. 2.2. lyO HISTOIRE DES POISSONS l'étendue de leurs nageoires et la vigueur des muscles qui les mettent en mouvement; pour en faire connoître la grandeur, je vais indiquer les mesures prises sur un indi- vidu de deux pieds deux pouces. Nageoires pectorales 3 pouces i ligne ventrales 2 5 anale 2 8 Plusieurs faits prouvent le degré de puissance qui réside dans la queue de ces poissons. Le passage des truites du lac î^u Rhône et du Rhône au lac est connu à Genève sous le nom de descente et de remonte. Des observations suivies pendant plusieurs années portent à croire que les époques de ces migrations sont soumises aux influences atmosphériques, comme les migrations des oiseaux ; car dès que la surface de l'eau commence à se réchauff'er, les truites ne tardent pas k quitter ^e lac qui est leur demeure d'hiver , et déjà dans le mois d'Avril on en voit quelques-unes descendre le Rhône j alors leur manteau est moins coloré, leur ch.iir grasse et très-delicate. C'est doiiQ avant qu'elles aient frayé qu'il faut manger les truites pour en apprécier la bonté. On croit en général que les mâles sont préférables aux femelles; mais c'est une erreur^ les ama- teurs trouveront une diff'érence remarquable en faveur de ces dernières pour la saveur et la délicatesse. L'époquede la descente estannoncée par de petites truites^ ce sont elles qui ouvrent la marche j après celles-ci viennent les moyennes, et la procession est terminée par les plus grosses. Celles qu'on prend en Juin et Juillet laissent déjà couler leurs œufs, ce qui prouve qu'elles frayent long-temps DU LAC LEMAN. Ï7I avant que les grosses paroissent. Aussi y a-t-il une ordon- nance relative à la fernae sur la pêche du Rhône par la- quelle il est enjoint d'enlever pendant 6 mois , à dater de la fin d'Avril, trois vannes du clayonnage disposé en zigzag à la naissance de ce fleuve, afin d'ouvrir un passage à ce poisson et d'assurer par-là sa reproduction. Comme le cours du Rhône est d'ailleurs complètement fermé par ce clayonnage , et que dans les angles qu'il forme on a placé des nasses pour la descente, il arrive que quelques truites y entrent et s'y prennent; une partie de celles qui ont profité de la liberté du passage ne tardent pas à devenir la proie des pêcheurs disséminés le. long des bords del'Arve et du Rhône, de sorte qu'on verroit diminuer bien plus sensiblement encore le nombre des truites du lac sans les nouvelles recrues four- nies parles torents et les rivières qui viennent y porter leurs eaux. Les grosses truites mesurent pour ainsi dire la quantité d'eau d'une rivière avant de trop s'y engager. Comme l'Arve ne leur offre pas partout un lit assez profond, elles ne s'y hasardent que lorsque les eaux sont abondantes^ ce qui en détermine plusieurs à frayer à la naissance du Rhône au sortir de Genève. Quand on se promène en automne sur les hauteurs qui dominent le cours de ce fleuve , on découvre au fond de ses eaux limpides et transparentes de grandes places blanches presque circulaires; c'est là que frayent les truites; opération qu'elles se facilitent en se frottant le ventre contre la terre et les cailloux qui par là en demeurent blanchis. <^uani les truites ont déposé leurs œufs, elles remontent du Rhône et des rivières voisines pour rentrer dans le lacj 172 HISTOIRE DES POISSONS ce qui commence à avoir lieu du 22 au 24 d'Octobre; la plupart sont alors si maigres qu'on les a nommées pour cela fourreaux ; dans cette saison la chair en est plus coriace et moins savoureuse, ce qui établit un nouveau rap- port entre la truite et le saumon. Lorsque les truites veulent remonter du Rhône dans le lac, elles ne trouvent plus de portes ouvertes pour leur pas- sage, parce que les vannes ont été replacées ; les nasses seules leur présentent une ouverture perfide dans laquelle elles entrent pour y trouver la mort. Le nombre des truites qui se prennent à Genève chaque année dans les nasses, est sujet à d'assez grandes variations, comme on pourra s'en convaincre par les tableaux ci-jointsj d'après le résultat de 4^ années d'observations, on croit pouvoir en conclure que celles où les raisins ont bien mûri , cest-à-dire les plus chaudes, ont été les plus favorables à la pêche de ce poisson, 11 pourra paroître surprenant de voir en même temps les truites remonter le Rhône en Valais, et le descendre à Genève, pour satisfaire au même besoin. Si l'on veut se rendre raison d'une conduite en apparence si opposée, il ne faut pas perdre de vue l'instinct qui les porte à remonter jusqu'aux sources des fleuves et des rivières pour y déposer leurs oeufs. En Valais on pêche à la nasse pendant le temps de la remonte qui commence dès les premiers jours de Mai et dure jusqu'en Octobre. Les nasses dont on se sert sont construites en bois et sont moins grandes que celles de Genève; on choisit les chûtes d'eau et les plus forts courants pour les y placer. DU LAC LÉMAK. lyS La descente des truites n'y dure guères que 6 semaines, et commence vers la fin d'Octobre. La manière de prendre ce poisson est alors un peu différente; le lit du Rhône se trouvant traversé par un clayonnage qui forme un angle au milieu de son cours, on place en cet endroit une nasse où les truites viennent se prendre j c'est ce que l'on nomme dans le pays la pêche du vanel. La truite est de tous les poissons celui qui en été recher-' che avec plus d'empressement la fraîcheur des eaux j aussi la trouve-t-on dans les lacs les plus élevés : celui dOberalp, qui est à 890 toises d'élévation; celui du Mont-Cenis , à 982, et celui de Luzendro, plus élevé que celui de l'hospice du St. Gothard qui lui-même est à 1 062 toises au-dessus du niveau delà mer, fournissent d'excellentes truites; mais il paroît que c'est à peu-près à cette hauteur, c'est-à-dire à environ 1 100 toises, qu'est fixé dans notre pays le dernier terme d'élévation où ce poisson puisse vivre , puisque dans le lac du Grand St. Bernard, a 1260 toises, on n'a pu en conserver quoiqu'on en ait porté à différentes fois , effet qu'on ne peut attribuer qu'à des causes locales. Linnée attribue l'existence des truites sur de hautes mon- tagnes où les lacs sont séparés de toutes les rivières qui pourroient les y avoir conduites, à de grandes inondations qui les y ont laissées. Dès qu'on sait que, si les lacs des montagnes n'ont pas de communication avec les rivières les plus voisines , il en existe de souterraines , on ne sera pas surpris d'y voir arriver des truites, quand on connoît surtout la persévérance et la force avec lesquelles ces poissons luttent contre les obs- 1 174 HISTOIPiE DES POISSONS taclesj cène seroit donc que dans le cas où ces obstacles fussent insurmontables que ces lacs ne pourroient recevoir dans leurs eaux cette espèce de poisson. Le célèbre professeur d'Upsal s étonne de ce que les truites peuveut vivre dans ces lacs très-élevés quin' offrent ni plantes ni insectes , ni aucun autre poisson. Le professeur Schrank fait la même remarque en parlant de l'ombre du Kœnig- sée. « La manière , dit-il, dont ce poisson se nourrit, est pour moi ujie véritable énigme, car l'eau est si nette qu'il ne doit s'y trouver que peu d insectes, et je n'y en ai trouvé aucun. » Si les truites étoient forcées de passer toute l'arjnée dans des lacs si élevés, elles ne pourroient certainement pas y vivre; mais en admettant qu'elles n'y restent que pendant l'été, on peut croire que la nourriture ne leur manque pas j à la vérité , ce ne sera pas avec d'autres poissons qu'elles sou- tiendront leur existence, puisqu'elles seules habitent ces eaux, mais ce sera avec des coléoptères, des hyménoptères, des nevroptères, etc. Pour peu qu'on connoisse la fré- quence et la force des vents sur ks hautes montagnes, et qu'on ait visité dans la belle saison ces régions élevées, on aura vu souvent la surface des plus petites mares couvertes de ces insectes transportés par le vent; les plateaux mêmes des neiges éternelles en offrent à l'amateur d'intéressantes récoltes. L'empressement avec lequel les petites truites sautent sur les éphémères, les phryganesetc, la rapidité avec laquelle les plus grosses s'élancent sur un hameçon couvert de plumes , attestent que les insectes peuvent fort bien DU LAC LÉMAN, ij^ suffire à la nourriture de ces poissons , surtout quand ils sont jeunes. Dans l'Histoire littéraire de Genève, Senebierdit (tom. i, p. 65) qu'en i543 la truite sevendoit 2 sols la livre. iSôy 4 » 1600 6 > 1624 1 florin. 1657 3 « 1786 45 » Mais il faut en même temps remarquer qu'en i548 lecu valoit 4 fl. 8 sols. 1614 8» 4 » 6 deniers. 178b' 10 » 6 9 Je ne terminerai pas ce qui concerne les truites sans rapporter que j'en ai vu quelques-unes bossues et contre- faites. J'avoue que la première qu'on me présenta me sur- prit singulièrement par sa forme arquée et tout-à-fait en S. Ne voulant pas supposer que les poissons fussent, comme l'espèce humaine, exposés au rachitis, je ne pouvois trouver l'explication de ce phénomène que dans un accident qui auroit dérangé la rectitude de la colonne vertébrale. Pour éclaircir ce fait, je disséquai cet individu, et ne re- marquai aucune affection locale à laquelle on pût attribuer la cause de ces courbures; depuis lors j'ai vu un gros bro- chet contrefait toujours de la même manière, c'est-à-dire qu'à partir de l'occiput le dos s'arrondissoit , puis le milieu du corps se courboit en sens inverse pour se relever près de la queue qui conservoit toujours la rectitude naturelle. J'ai aussi examiné avec beaucoup de soin les vertèbres de ce poisson sans pouvoir pénétrer la cause de cette déviation. 17^ HISTOIRE DES POISSONS Tableau du nombre des truiles prises, soit à la descente soit à la remonte, dans les nasses établies sur le Rhône à Genève, pendant 27 ans (i). Années. Descente. Remonte. Total. 1761 54 307 36l Années. Descente. Remonte. Total. 1775 62 557 419 1762 90 570 665 1776 35 344 379 1763 52 192 244 1777 68 787 855 1764 37 276 3l2 1778 6'9 535 402 1765 5i 541 392 1779 324 602 926 1766 85 494 579 1780 96 656 752 1767 i36 553 689 1781 49 356 4o5 1768 43 367 4io 1782 49 566 6x5 1769 49 3o5 354 1783 40 643 685 1770 67 298 365 1784 25 345 370 1771 67 389 456 1785 29 463 492 1772 89 33o 419 1786 17 402 419 1773 i36 459 595 1787 24 353 577 1774 83 522 6o5 Si l'on cherche la moyenne résultante des vingt-sept années de pêche présentées dans ce tableau, on trouve 489 pour le nombre des truites , dont 4^9 à la remonte , et 70 à la descente. (i) Ce tableau a été publié dans le Journal de Geuève eu Mars 1788 , par M. le professeur Pictet , mon ami et mon collègue. DU LAC LEMAN. I77 II. Tableau du nombre des truites prises, soit à la descente , soit à la remonte , dans les nasses établies sur le Rhône à Genève , pendant le terme de six années consécutives. Aunées. Descente. RemoDte. Total. ^°"^„* ^° ''""^^ Poids moyen de 18 onces. ■' 1802 2o5 453 658 4o55 6 liv. 5 onc i8o3 632 632 1264 73o2 5 i5 1804 547 710 1267 6182 4 i6 i8o5 355 478 833 5374 6 8 1806 438 526 964 7200 7 9 1807 4 14 457 871 5229 6 Je dois faire remarquer que si dans ce second tableau le nombre des truites prises à la descente est bien plus con- sidérable que dans le précédent, on ne doit l'attribuer qu'à l'inexactitude des inspecteurs sur la pêche. Les vannes qu'on doit enlever au 3o d'Avril restoient souvent en place très- avant dans la saison, de sorte que les truites qui vouloient passer du lac au Rhône pour frayer , ne trouvant pas d'autre passage , étoient forcées d'entrer dans les nasses ; un tel abus n'aura plus lieu. Mém, de la Soc, de Phy i. et d'Hist. nat. T. III. i .'"^ Part. 23 178 HISTOIRE DES POISSONS m. Tableau du nombre des truites prises chaque mois pen- dant ces six années. Années Avril Mai Jiiia Juillet Août Septembre Octobre INovembre Décembre Janvier Février ÎVIars 1802 i8o3 1804 i8o5 1806 1807 19 20 38 26 39 53 96 262 100 »9 4 i5 i3 44 169 75 124 23 l 346 i58 9 9 i3 22 27 55 47 5o 210 219 484 \Zz 6 10 i» 8 22 41 49 45 117 i36 257 i38 u 7 i3 19 23 54 39 40 86 226 3:î3 206 34 6 10 24 58 92 28 81 179 276 129 8 4 9 Hi 0 > 0 (A 9 "3 S O* « 3 :> «5 J 01 'u ^4) > S < ^ U5 0) -2 s •ji s 5 s- ^3 > On fera remarquer que, dans ce tableau, l'année com- mence au mois d'Avril, tandis que dans le précédent c'est au mois de Janvier, ce qui établit quelques différences dans le produit total de l'année. DU LAC LEMAN. 179 N." 7. Salmo Umbla. — L'Omble chevalier. PI. 5. {Maîacopterygiens Abdominaux. — Salmones. ) Cuvier, tome II, p. 16a. — Block, tome II, pi. 99 et loi. Ecailles de la ligne latérale 94-98 ; Dorsales 33^ ; Ventrales 34^. Membrane branchiostège xofeuillets. Rayons des nageoires: P. XIII. y. IX. A. XI. D. XIII. C. XXVI. Un omble de moyenne grandeur a dans sa forme quel- que chose de plus gracieux que la truite, ce qui dépend de ses mâchoires et d'une moindre convexité dans les os du crâne. Quand la bouche est fermée, les deux mâchoires sont d'égale longueur; ouverte, la mâchoire inférieure dépasse l'autre 5 sur le bord des deux mâchoires se trouve une rangée de dents crochues et acérées qui s'étendent jusqu'à la com- missure de la bouche. Le palais est aussi garni de deux rangées de dents qui suivent le contour de la mâchoire entre elles et la direction de la ligne qui les réunit; en avant se trouvent sept autres dents rangées en V dont la pointe est tournée vers le fond de la bouche. La langue, légèrement sillonnée dans le milieu, porte sur chaque coté de son extrémité six dents, dont les trois pre- mières en ligne parallèles au sillon, et les trois autres croisées. i8o HISTOIRE DES POISSONS La ligne latérale n'est pas comme dans les autres poissons rendue seiisible parle renflement demi-c\lindrique des écailles qui la tonnent, mais bien par une séparation entre elles, quiéquivaut à l'espace qu'elles occupent elles-mêmes, de manière que, composée de 94 écailles, elle n'a que la moitié de celles qui se trouvent dans les deux rangées qui la touchent en dessus eten dessous, et dans lesquelles l'écaillé qui correspond au vide de la ligne latérale empiète un peu sur elle. C'est donc cette séparation recouverte d'une peau plus colorée que celle qui recouvre les écailles qui tait connoître la ligne latérale, laquelle se présente comme une chaîne d'ainieau, bout-à-bout, dont le milieu plus blanc est formé par l'écaiUe. Les taches du manteau, tantôt plus pâles que lui, tantôt plus colorées, sont dues, quand elles existent, ce qui n'arrive pas toujours , à des écartements ou des raprochements des molécules colorantes de l'épiderme. Les écailles des ombles les plus gros sont à peine de la grandeur de celles des plus petits cyprins. Les nageoires pectorales, ventrales, l'anale, et même la partie inférieure de la caudale, ont le premier rayon, et quelquefois le ?,." et le 3.% ainsi que la membrane qui les unit, d'un blanc de lait, quelle que aoit d'ailleurs leur teinte générale. Une remarque à faire chez tous les poissons du lac, et qui s'étendroit probablement aux espèces de forme ana- logue, c'est que la prunelle se détache sur l'iris non eu cercle régulier comme le représentent la plupart des dessins, DU LAC LÉMAN. l8l mais en forme de poire dont la pointe est toujours dirigée en avant du côté du museau , ce qui sembleroit résulter du travail de cet organe pour reconnoître non-seulement les objets qui se présentent latéralement, mais encore ceux qui se trouvent placés devant le poisson. Tous les ombles ont la peau du dos un peu verdâtre; celle du ventre varie entre le blanc, le rose , l'orangé, nuances qui se rencontrent indistinctement chez les mâles comme chez les femelles. Quant aux taches de leur manteau, les unes sont blanches, les autres jaunâtres; il en est qui ont au centre un petit point rougeâtre; plusieurs sont entourées d'un iris foiblement coloré; cependant, quoique ces taches soient apparentes dans presque tous les individus, elles ne sont ni aussi gran- des ni aussi prononcées qu« dans les truites. Je n'aurais jamais supposé que la couleur habituelle de ces poissons fût aussi susceptible de changement. On m'apporta un omble d environ trois livres, à ventre orangé, dont les oper- cules étoient complètement noirsj à la première inspection je ne doutai pas que ces parties n'eussent été accidentelle- ment noircies, mais en les examinant plus attentivement je reconnus que ce passage du blanc argent au noir le plus brillant étoit l'ouvrage de la nature. Dans la suite j'ai vu des ombles dont une grande partie de la tête, 1 intérieur de la bouche, la langue et le ventre étoient noirs; leurs nageoires pectorales, ventrales, ainsi que l'anale, participoient à cette coloration et oflfroient une bigarrure remarquable. Nos i)ê- cheursprétendentquelesombles à ventrenoir voyagent plus que les autres et s'avancent davantage près des bords du lac. l82 HISTOIRE DES POISSONS La peau de l'omble est recouverte d'un épiderme qu'il faut enlever pour arriver aux écailles j si on se contejitoit dexaniiner superficiellement ces écailles qui sont très-petites, on les croiroit très-distantes les imes des autres, mais quand on en a arraché quelques-unes, on reconnoît qu'elles sont assez rapprochées sans qu'elles soient pour cela nicontigucs ni embriquées. Tous les auteurs qui ont décrit l'omble ont donné pour un de ses caractères spécifiques Téchancrure de la queuej mais ici comme chez les truites et plusieurs autres poissons, cette échancrure n'existe que chez les jeunes individus et disparoît sensiblement avec l âge : ainsi dans un omble de huit à dix livres la queue est carrée à l'extrémité. Quoique les ombles ressemblent beaucoup aux truites, ils sont bien plus longs dans l'exécution de leurs mouvements j et quand ils sont pris, ils font peu d'efforts pour s'échapper du filet; ils habitent loàii mois les profondeurs du lac, qu'ils n'abandonnent point pour remonter les rivières et les fleu- ves; pendant 25 ans on n'a pris qu'un seul omble dans les nasses du Rhône, ce qui prouve évidemment que cette espèce ne participe pas de linstinct de la truite à l'époque du frai; quand ils veulent frayer, ce qui a lieu en Janvier et Février, ils se contentent de s'élever un peu et déposent leurs œufs autour des rochers sur de petites places garnies d'herbes. C'est dans ce temps que la pêche des ombles est la plus productive; cependant en Mars et Avril on en prend encore quelque3-(ms; elle se fait avec le grand filet, le trémaillet, le ménis et les fils dont le hameçon est amorcé avec de ]etiles feras ou des vangerons. l DU LAC LÉMAN. I05 On dit qu'autrefois on prenoit des ombles de aS à 3o livres ; je n'en ai pas vu au-dessus de douze. La chair grasse et délicate de ce poisson est généralement préférée à celle de la truite; elle est un peu rougeâtre, moins cependant que celle des truites saumonées. Les mâles deviennent bécards à un certain âge, mais moins visiblement que les truites^ ainsi le reproche qu'a fait Block à Rondelet , d avoir représenté un saumon mâle au lieu d'un omble , est destitué de tout fondement. Tous nos pêcheurs s'accordent à dire que les ombles tenus en réservoir deviennent promptement aveugles, et que leurs yeux se fondent au bout d'un certain temps, sans en fixer la durée. J'ai fait quelques observations pour m'as- surer de ce fait. Dans le mois de Janvier i8i4 on m'apporta 6 ombles de grosseur différente, pris depuis quelques jours et con- servés dans l'arche d'un bateau. Sur ces six j'en remarquai un qui avoit les yeux légèrement ternesj je le tuai, et après avoir ouvert la cornée, je reconnus que cette opacité dépen- doit du crystallin qui étoit devenu par place d'un blanc de lait. Les autres furent mis dans un réservoir placé dans mie eau vive et courante. Déjà au bout de huit jours, je jugeai que l'un d'eux avoit perdu la vue , puisqu'il se tenoit immobile au fond de l'eau , à moins qu'il ne fut effrayé; alors il alloit en fuyant se heurter contre les parois. Je ne tardai pas à voir successi- vement les autres éprouver le même accident; enfin, au bout d'un mois de captivité , je m'assurai qu'ils étoient tous devenus aveugles. ï84 HISTOIRE DES POISSONS Un directeur de la ferme du Rhône à qui je communi- quai le résultat de cette observation, me dit qu'il avoit fait la même remarque deux ans auparavant , et constaté qu'a- près un séjour bien plus long en réservoir, les yeux de ces poissons sembloient s'être flétris dans leur orbite. Remarques sur la synonymie de V Omble. Rondelet. Chapitre 12 page ii5, et chap. 1 3 page 116. Cet auteur est le premier qui ait fait connoître lomble, sous les noms A'umble et diumhle chevalier. Selon. Il ne faut pas confondre Vumble de cet auteur avec son ombre de rivière qui, d'après lui, ressemble tout- à-fait à son lavaret, et n'est pas le thymallus. Je ne con- lîois aucun ichtyologiste qui ait parlé de cet ombre de rivière., quoique lielon dise qu'on le trouve abondamment en Auvergne, et au lac d'Aiguebelette en Savoie. Gessner a réuni les ombles dans son genre trutta, et leur a assigné un nom allemand dont les différences de termi- naison annoncent celles qui existent dans la grosseur de ce poisson. Ainsi il a nommé Rœtele un petit omble , Rooten un moyen , et gross Rooten l'omble chevalier. TJ^illughby. Je crois que les quatre ombles dont parle cet auteur aux $. i3, i4, i5 et 16, pages igS et 196, ne sont qu'une seule et même espèce, qui est la nôtre. Quant au salmarinus , il le regarde comme l'omble décrit par les Suisses sous le nom de Roetelc. Linné. Salmo alpinus. Faun. Suec. page 128, N.° 549- DU LAC LÉMAN. tSS Quoique la description de cet auteur ne soit appb'qnable q l'à de jeunes individus, elle n'eu est pas mo'ns exacte, à l'exception de celle de la mâchoire inférieure qu il dit un peu plus longue que la supérieure. Artédi. On peut réunir les quatre salmo décrits par cet auteur sous les n.° G , 7 , 10 et 1 1 , page 24 et suivantes, pour en faire l'application à l'omble. Block a figuré, planche 99, sous le nom de salmo salve- li/ius et salmarlnus, \ omble surnommé chevali-r, et à la planche 101 il a représenté, sous le nom àumbra, Vombre c/iei-alier^ un jeune omble. Je dois cependant remarquer que je n'ai jamais vu les cercles qui entourent les taches de la peau , aussi grands qu'ils sont figurés dans la planche 99. A la page i3i, Block dit que Gessner s'est trompé en avançant que l'omble se trouve dans plusieurs lacs de la Suisse, tandis qu'il commet lui-même une erreur en affir- mant qu'on ne le trouve que dans les lacs de Neuchàtel et de Genève. Encyclopédie méthodique. Les rédacteurs de cet ou- vrage ont fait de l'omble trois espèces différentes, qui sont la salveline, la salmarlne et V humble chevalier. Il seroit difficile de comprendre les motifs qui les ont déterminés à substituer le nom d!' humble à celui d'omble, sous lequel cette espèce a été de tout temps connue. M. La Cépède. Cet auteur, qui n'a pu voir tous les pois- sons dont il a fait mention dans son ouvrage, ni étudier leurs mœurs , a été forcé de s'en tenir à ce qu'on avoit écrit, et aux documents qu'on lui transmettoit, de sorte Mém. de la Soc. dePhys. et d'Hisl. mt. T. III. 1 .''Part. -4 \ l86 HISTOIRE DES POISSONS quil n'est pas surprenant de trouver quelques-unes de ses descriptions inexactes sous plus dun rapport. Par exemple, eu parlant du salmone gœden, tome 5, page 212, il s ex- prime en ces termes: "^'11 paroît habiter le lac de Genève, et d'après une note manuscrite adressée dans le temps à lîufFon , on pourroit croire que dans la partie orientale de ce lac il pèse quelquefois plus de cinquante kilogrammes. Peut-être taut-il aussi rapporter à cette espèce un salmone dont le citoyen De Candolle parle dans ses Observations manuscrites, et qui, suivant cet habile naturaliste, vit dans le lac de Morat, y porte le nom de salut, etc. » J'ignore si le salmone gœden a jamais existé dans notre lac, mais j'en donte fortj peut-être l'aura-t-on confondu avec des ombles chevaliers qui habitent effectivement la partie orientale du lac. Quant au sa/«^ du lac de Morat, c'est un silure qui n'a aucun rapport avec les saumons et les truites. Dans ce que dit M. \j?l Cè\yhàe sur V omble chevalier , page 2i5, il paroit encore qu'il a été mal informé, car jamais le poids de ce poisson ne s'est élevé à 3o ou 40 kilo- grammes, c'est-à-dire , soixante à quatre-vingts livres. Dans le Conservateur Suisse on a commis une double faute d'impression, en nommant ombre chevalier \q salnio umbla, et umble le salnio thymallus. M, Ebel. Dans le Manuel du voyageur en Suisse, on trouve associé comme synonyme au nom impropre di ombre chevalier, celui de salmo thymallus. 31. Cuvier, dans son intéressant ouvrage intitulé : Le règne animal distribué d'après son organisation, ne DU LAC LÉMAN, 187 donne qu'une phrase sur l'omble 5 mais comme elle est de nature à faire autorité, il est à regretter quelle soit in- exacte, puisqu'il y est dit que ce poisson est du petit nombre des espèces sans taches. COHREGONUS ThXMAZLVS. — L'OmBRE COMMUN'. PL G, { Malacopierygiens Abdominaux. — Salmones. ) Cu\îer, tome II, p. i63. — Block, pi. 24. Ècmlfes de la ligne latérale 78-80; dorsales 8| ; ventrales •]-, Membrane branchiostège 10 feuillets. Rayons des nageoires: P.xyi-xrii. V.x-xi. A. xiii. D. xx. C.xxviii-xxx. La nageoire de l'ombre est si grande , si remarquable par ses taches et ses belles couleurs, en un mot si 'différente de celle de tous les autres corrégones, qu'elle seule suffira à l'instant pour faire reconnoître cette espèce. L'ombre, par la saillie de ses petites dents, de ses mâchoi- res et de son palais , établit le chaînon qui lie les espèces du genre précédent à celui-ci. La mâchoire supérieure de ce poisson dépasse un peu l'in- férieure j la bouche est grande, et la coupe carrée de la lèvre supérieure lui doune un aspect remarquable. L'iris est d un l88 HISTOIRE DES POISSONS bianc argentin janaâtre, tacheté dans le haut de vert et de brun; la pupille est anguleuse antérieurement. La tête vue de profil a une forme agréablej la peau qui la recouvre est d'un vert olivâtre^ les opercules branchiaux présentent des reflets plus ou moins dorés. Les écailles de la ligne latérale sont plus petites que celles qui les avoisinent, et ne tiennent à la peau que par une seule languette assez longue, tandis que les autres en ont plusieurs. Sur les dorsales on remarque deux petites lignes qui divergent un peu depuis leur origine , et qui donnent h la partie de lécaille comprise entre elles un reflet plus argen- tin^ outre cela, chaque rangée longitudinale d'écaillés, se dessine d'une manière bien distincte par un mucus coloré en brun doré. La membrane des nageoires varie de couleur suivant les saisons : à l'époque du frai les pectorales ont une teinte rougeàtre, mieux prononcée dans les ventrales et l'anale, avec de légères taches noirâtres; sur la caudale et l'adipeuse se répand une couleur de bleu de lavande, tandis que la dorsale présente plusieurs zones de taches carrées nuancées de louge , de violet et de brun , très- agréa blés à la vue. Sur la partie antérieure du corps de quelques ombres on voit de petites taches noires de figure inégale, toujours obliquement situées entre deux rangées d'écaillés, et plus fortement prononcées au-dessous qu'au-dessus de la ligne latérale. J'ai compté 3^ de ces taches sur un petit individu de huit pouces de longueur, dont aucune ne remontoit jus- qu'au dos. On prétend que ceux qui sont ainsi marqués ont une chciir plus savoureuse que les autres. DU LAC LÉMAN. 189 Dès le mois de Novembre on voit paroitre des ombres dans le Rhône ; en Décembre il y en a davantage; à la fin de Février et en Mars, ce poisson remonte les torrentc qui descendent des montagnes, surtout celui que l'on nomme Alondon 5 aussi le connoît-on à Genève sous le nom d' Om- bre de r Alondon. Les ombres marchent ordinairement en troupe lorsqu'ils remontent le Rhône. Ils se nourrissent de coquillages, de vers et d'insectes aquatiques j c'est un spectacle assez, amu- sant que de voira chaque instant ces poissons s'élancer hors de l'eau pour attraper les éphémères , les phryganes , qui volent à sa surface; aussi emploie-t-on communément cette sorte d'appât pour les prendre à la ligne, quoique la manière la plus fructueuse de les pêcher soit sans contredit le filet. On ne prend que fort peu d'ombres dans les nasses à Genève, vraisemblablement parce que ces poissons trouvent un passage dans les interstices du clayonnage, ou bien parce qu'ils profitent du moment où les vannes sont enlevées pour passer dans le lac. Lorsquils y sont arrivés, ils ne tardent pas à remonter les rivières qui s'y jettent, et même le Rhône en Valais , puisqu'on en prend jusque dans le torrent de Pisse-pac^e, au-delà de St. Maurice. L'ombre recherche l'eau froide et pure qui coule avec rapidité j c'est sur les bords caillouteux que la femelle \a. déposer ses œufs en Avril et Mai, ce qui établit un rapport remarquable d'instinct entre ce poisson, le saumon et la truite. igo HISTOIRE DES POISSONS La chair de l'ombre est blanche, ferme, très-agréable au goût, et bien préférable à celle des feras. Le poids ordinaire est d'environ une livre, rarement en voit-on de deux 5 cependant en Angleterre on en trouve de 4 livres. CORREGONUS FeRA. — La FÉRA. PI. 7. ( Malacopterygiens Abdominaux. — Salmones. ) Écailles de la ligne latérale 74-80; dorsales 9^; centrales r\. Membrane branchiostège 8 feuillets. Rajons des nageoires ( Voyez plus bas). Cette espèce, par sa ressemblance avec d'autres corrégones et par la confusion qu'elle a occasionnée dans la nomen- clature, exige une description détaillée. La tête, de forme conique, est applatie latéralement j les narines sont placées un peu plus près du bout du museau que de l'œil," le nez se termine de chaque côté par une légère protubérance qu'on distingue plus aisément lorsque le poisson est resté quelque temps hors de l'eau; la peau qui couvre le dessus de la tête est d'un jaune verdàtre, pointillé d'olivâtre, que l'âge colore davantage; sur celte peau on distingue princi- DU LAC LEMAN. I91 paiement dans les jeunes individus neuf taches dont huit sont disposées par paires et s'étendent de dessous les yeux à l'occiput; la neuvième, qui est impaire, se trouve placée au milieu du crâne. La lèvre supérieure, à partir du nez, a environ deux lignes de hauteur; elle est légèrement conique, et ne dépasse l'in- férieure que d'une ligne au plus, lorsque la bouche est fer- mée. La peau des lèvres est blanchâtre, parfois un peu rosée j l'ouverture moyenne de la bouche n'a guère que quatre lignes ;4es mâchoires n'ont pas de dents, et sont à peine tuberculées. L'œil est grand , l'iris argentin ; il a dans le bord supérieur une petite zone d'un vert doré, pointillé de noir; la prunelle est toujours anguleuse antérieurement corhme chez les autres poissons de cette famille. Le dos est assez tranchant jusqu'à la nageoire dorsale; la couleur en est d'un brun gris avec des reflets d'un jaune bleuâtre ou verdàtre sur les côtés j les écailles sont argen- tines, et encadrées d'un léger pointillé noirâtre qui leur donne une apparence hexagonale; la base du ventre est blanche et assez large. Les nageoires prennent à l'époque du frai une teinte rose; la membrane des pectorales, des ventrales et de l'anale est pointiilée de noir depuis le milieu des rayons, tandis que celle de la caudale et de la dorsale changent souvent ce pointillé contre de petites bandes transversales également noirâtres. La nageoire dorsale est située plus en avant que les ventrales, et la caudale est fortement échancrée. La grandeur des nageoires chez ces poissons annonce qu'ils peuvent aisément, au moyen de ces rames, se sous- igz HISTOIRE DES POISSONS traire aux poursuites des brochets et des truites qui leur font une guerre continuelle. Le nombre des rayons dont les nageoires sont composées est sujet à de grandes et de fréquentes anomalies. Voici la preuve de cette assertion. Sexe. Poids. Pectorales. Ventrales, i .nale. 1 )orsale . Caudale. Femelle 2 liv. 16 12 H 14 28à32 Mâle 1 » i6 onc. 16 Il et 12 i3 14 28à32 Mâle 1 » 12 » 17 12 4 i5 28 à 32 Mâle 1 » Il » 18 i3 4 14 28 à 32 Femelle l s 10 » j 7 et 18 12 14 4 28à32 Mâle 1 » 9 » 17 12 i5 i5 28à32 Femelle 17 » i6eti7 i3 i5 i5 28à52 Femelle 16 » 17 et 18 la 14 14 28à32 Femelle - i5 s> laetiS II i5 H 28à53 Mâle 9 ^ 17 12 i5 i5 28à32 Femelle 8 p 36 i3 i4 14 28à32 Le nombre des écailles de la ligne longitudinale est éga- lement sujet à quelques variations qui dépendent plutôt du sexe que de l'âge ; il n'est pas rare d'en trouver 80 dans les mâles , parce que leur corps est plus alongé. Presque tous les corrégones parvenus à une certaine grosseur présentent dans la demi-gouttière des écailles qui constituent la ligue longitudinale une singulière déviation; le canal, après avoir été d'abord droit, se cou tourne ensuite du côté du ventre en diminuant de diamètre, et se termine en pointe qui représente assez, bien une virgule, dont la I I DU LAC LÉMAN. lf;3 moitié seroit en ligne droite, et l'autre fortement inclinée. Une telle déviation, bien apparente surtout dans les poissons desséchés, laisseroit supposer que ce canal parvenu à peu près à la moitié de l'écaillé se trouve gêné par la base de la sui- vante et est forcé de prendre une direction différente de celle qu'il avoit eu dans l'origine. La fera appartient essentiellement aux eaux du lac; elle ne les quitte pas à des époques fixes comme le font les truites pour descendre ou remonter le Rhône; car elle n'est pas connue en Valais, et l'on n'en prend pas dans les nasses à Genève. En hiver elle se retire dans les profondeurs du lac, et c'est le moment où la chair en est la moins bonne. Vers le 12 au i5 Février elle commence à frayer sur l'herbe dans les bas fonds. Du 10 au i5 Mai elle paroît en Beine, et s'y nourrit surtout des insectes ailés qui voltigent à la surface de l'eau; on la nomme a.lorsféra du l'rai^ersj on la pêche au grand filet jusqu'au 10 ou 1 5 Juillet. A cette époque les feras abandonnent ces parages et remontent le lac en se répandant sur les deux rives; en effet on en prend beaucoup sous Coppet , Crans, Morges, Evian, Meillerie, etc. Pendant trois mois cette pêche est très-fructueuse, sur- tout dans les nuits obscures, car quand la lune éclaire, les feras distinguent le filet et l'évitent en sautant par dessus comme les carpes. Il faut que le nombre des feras qu'on prend pendant ces trois mois soit immense, à en juger du moins par celui des bateaux qui apportent chaque jour ces poissons à Genève. Les feras sont fort délicates et meurent très-promptement , surtout en hiver; on peut à peine les garder un jour en 3Iém. de la Soc. de Phys. et d'Hest. na t. ï. 111. 1 .' ' Part. 25 ■194 HISTOIRE DES POISSONS réservoir, et déjà au bout de quelques heures leurs yeux commencent à blanchir. La promptitude aveclaqueilece pois- son périt offre un caractère spécifique qui sert à le distin- guer des autres corrégones du iac j quelques pêcheurs eta- bhsseiit des variétés dans cette espèce , et leur donnent des noms particuliers; ainsi ils nomment fera Manche celle qui vit dans les bas-fonds, fera verle celle qui se tient à la surface de l'eau peur se iiourrii' de moucherons, fera du Travers celle dont le poids s élève de deux à quatre livres , fera noire cV herbe celle qui est moins grande que la précédente. D'après ce que j'ai dit sur le manteau des truites, on sentira le peu de valeur de ces divisions. Il est rare de voir des feras de trois ou quatre livres; on prétend néanmoins qu'il y en a de 5 à 6 5 la dernière limite de leur longueur paroît être 18 pouces; quand elles l'ont atteinte, leur corps gagne alors en largeur et en épaisseur. De telles feras sont fort prisées, et rivalisent avec les meilleurs poissons du lac pour la délicatesse et la saveur de leur chair. La fera étant dépourvue de dents, ne mange point d'autres poissons, et se nourrit essentiellement de coquil- lages et d'herbes. Un genre de vie aussi simple sembleroit devoir la sous- traire aux maladies ; cependant elle est sujette à une affeclion grave, qui ne tarde pas à la faire périr j sa peau est soule- vée de place en place par des tumeurs plus ou moins grosses et irrégulièrement disséminées; si l'on enlève avec précau- tion la partie de la peau qui fait saillie , on met à découvert DU LAC LEMAN. IQO un sac mince et blanc rempli d'un liquide semblable à de la crème, et qui n'a ni goût ni odeur 5 les chairs environ- nantes sont violettes et décomposées, et les os complètemr nt mis à nu. J'ai compté jusqu à treize de ces tumeurs sur !e corps d'un de ces poissons ; les plus grosses étoient du volume d'une noix, les plus petites comme des pois. Cette maladie a été improprement nommée petite vérole des poissons, puis- qu'elle n'a aucun rapport avec cette dernière , et qu'elle a son siège dans les chairs et non sur la peau. 11 est assez remarquable, relativement aux poissons du lac Léman , de voir les incertitudes delà synonymie porter sur les espèces qui y sont les plus communes.^ On a long-temps confondu entre eux les poissons ou dénominations de poissons suivants : besoleou besule, platte, ferra, farra ou pala, et lavaret. Ce dernier étant en particulier très-distinct delà fera, il sera bon de donner leurs caractères respectifs , et d'abord les dimensions rela- tives prises sur des individus de même longueur. La Fera. Pouces. Lignes.' Longueur. 12 Largeur, ' 3 4 Longueur du corps comparée à celle de la tête : Un peu moins de quatre têtes. Longueur du bout du nez à l'occiput. i 8^ Longueur du bout du nez à la partie la plus éloignée du bord de l'opercule des branchies. 2 41 Diamètre de la tête pris d'aplomb sur la prunelle. 1 2 igG HISTOIRE DES POISSONS Ponces. Lignes. Diamètre de la tête pris d'aplomb de la base du crâne. i 95 Ecailles de la ligne latérale n.° 79. Le Lavaret. Longueur. 12 Largeur. 2 10 Longueur du corps comparée à celle de la tête : Quatre têtes et demie environ, Longueur du bout du nez à l'occiput. 1 10 Longueur du bout du nez à la partie la plus > éloignée du bord de l'opercule des branchies. 2 2 Diamètre de la tête pris d'aplomb sur la prunelle, i Diamètre de la tête pris d'aplomb de la base du crâne. I 8 Il résulte de ces tableaux ainsi que des.observations faites d'autre part sur ces deux poissons ; 1." Que le lavaret a la tête plus petite et surtout plus cunéiforme que la fera. 2.° Que le nez est mieux prononcé; que les tubérosite's nasales en sont plus apparentes, et la lèvre supérieure cou- pée plus carrément. 5.° (^ue sa forme est plus effilée et moins large. 4.° (^ue les nageoires sont moins grandes. 5." Que les écailles sont plus petites et en plus grand nombre. 6.° (^ue l'époque du frai est différente. DU LAC LEMAN. I97 7.° Que le lavaret dépose ses œufs sur les bords des lacs, et les feras dans leurs profondeurs. 8.° Que le goût de la chair en est différent. Comme les feras , les lavarets meurent promptement quand ils sont hors de l'eau; on a essayé vainement den transporter du lac du Bourget dans celui d'Annecy , mal- gré la proximité des lacs : ils ont péri avant d'y arriver, quoiqu'on eût l'attention de renouveler l'eau du tonneau où ils étoient contenus. Le lavaret se trouve dans le lac de Constance et non dans celui de Zurich; on le nomme dans la Suisse allemande Btaufelchen et jeune Gangfisch. La fera se nomme Blauling ou Bralfisch à Zurich, pp^eisfelchen à Constance. M. Coulon de Neuchàtel m'a fait parvenir les poissons nommés palêe blanche et palée noire; le premier me pa- roit identique avec le lavaret , quoiqu'il soit beaucoup plus large que celui du Bourget, et ait une rangée de plus dans les écailles dorsales et dans les ventrales. Le second, quoiqu'il ressemble beaucoup à la fera, en » diffère néanmoins par une forme beaucoup plus alongée; ce qui fait qu'il porte un bien plus grand nombre d écailles sur la ligne latérale. J'en ai compté 88 dans la femelle, et une de moins dans le mâle , quoique je n'aie trouvé ni dans l'un ni dans 1 autre 4 têtes dans la longueur du corps. igS HISTOIRE DES POISSONS Remarques sur la synonymie de la fera, de la besole^ et du lavaret. Rondelet est le premier auteur qui ait décrit ces pois- sons. Voyez les chapitres i5, 16 et 17, JBelon a commis une erreur en avançant que le lavaret se trouvoit dans le lac de Genève. Quant à la hesule, il se contente de dire qu'elle est plus grande que le Livaret ^ sans la décrire nulle part. Gessner s est borné à copier Rondelet , ajoutant, à la page 38 , qu'il soupçonne que la fera est le poisson nommé Sulz à Zurich, et i^e/c/iera en Allemagne. En parlant de son albula nobilis , il dit : Quœrenduni est an hic sit lavaretus Gultoruni. Tî^illhugbl , après avoir passé en revue ces divers corrégones, page i8(5, $. 6 , s'exprime de la manière sui- vante : « Mihl ergo duœ tantum species albularuni cognitœ sunt. 1.° Harengiformis , lavaretus seu Schelley y nani hl duo pisces specie convenue videntur. 2.° Salmoni simi/es, Guiniad, ^Ibelen, Ferra ^ nani hœc ej usdem speciei piscis diversa nomina sunt. Arlèdi, page 1 9, n." 2 , assigne au lavaret pour caractère spécifique, maxilla superiore plana. Il réunit Li fera à T albula parva de Gessner , et la besole à falbala cœrulea du mt'me auteur. Linné, Faun. Suec. page laS , laisseroit croire qu'il a décrit le lavaret dont parie Block , en disant, maxilla superiore longlore-^ cependant il rapporte dans sa syno- nymie le lavaretus uillobrogum^ I DU LAC LÉMAN. ig^ Blocl- auguré aux planches 25 et 26, sous le nom de lawarei, une espèce qui n'est pas celle de Rondelet 5 et à la planche io5, il a représenté , sous le nom de salmo TVartmanni^ celle que je crois être la même que celle du lac du Bourget; mais dans sa description il y accole les synonymes de la besole, et des albula, sans ajouter celui de Rondelet. La Cépède, tome 5, page 246, en disant que la tête du lavarel présente un trait particulier, savoir, la prolon- gation de la mâchoire supérieure qui est molle et charnue, prouve qu'il a décrit celui que Block a figuré. A la page suivante il ajoute qu'on trouve ce poisson dans l'Océan Atlantique septentrional, dans la Baltique, dans plusieurs lacs, et notamment dans celui de Genève. Cette dernière assertion seroit tout-à-fait inexacte, si l'on ne voyoit, dans le même paragraphe , cet auteur confondre le lavaret dont il parle avec la. fera. encyclopédie méthodique. Ses rédacteurs ont pris pour type de l'espèce lavaret, celui que Block a représenté sous ce nom, en lui associant comme variété, une espèce qu'on trouve dans le lac de Zurich, et laféra de celui de Genève. Ils disent ensuite que le salmo TP^arimanni, ombre bleu , se trouve également dans le lac Léman. M. £bel., dansle Manuel du voyageur en Suisse, page 81 du 3."^ volume, donne pour synonyme à la fera le salmo lavaretus. Le Conservateur Suisse a donné, sans fondement, le lavaret aux eaux du lac Léman , et a fait , sans nécessité , de la besole une espèce particulière. 20O HISTOIRE DES POISSONS M. Cuvier, ouvrage cité plus haut, page i63, connois- sant fort bien la confusion de la synonymie des auteurs , relativement au genre corrégone, s'est exprimé en ces termes : « Nous devons désirer que les naturalistes suisses mettent de Tordre dans ce genre , en donnant avec de bonnes figures une liste exacte des noms que chaque poisson porte dans les différents lieux. » N.° 10. CORREGONUS HIEMALIS. — La GrAVEKCHE. PI. 8. ( Malacopterygiens Abdominaux. — Salmones. ) Ecailles de la ligne latérale 72-78,- dorsales 9^; ventrales 7I. Ray. des nageoires: P. xy II. F. XI II. A.xik. D. xv. C. xxxir. Quoiqu'il y ait beaucoup d'analogie entre la forme du lavaret, delà fera, et de la gravenche, cependant on dis- tinguera facilement la dernière par la courbure de son dos à partir du bout du nez jusqu'à la nageoire dorsale, d'oii il résulte que la gravenche semble baisser la tête, et les deux autres la relever; outre cela, le ventre est moins arrondi que celui des feras, et décrit une ligne peu inclinée de la bouche à l'anus. La tête de la gravenche est, proportions gardées, plus grande que celle de la fera , et conséquemment du lavaret ; DU LAC LÉMAN. 201 la peau qui la couvre a une teinte d'un violet pâle et à la loupe on voit qu'elle est tigrée de petits points noirâtres qui s étendent jusqu'aux mâchoires j on trouve aussi sur le sommet de la tête les quatre paires de taches jaunes , mais limpaire manque ; le nez, légèrement tubercule des deux côtés, forme un petit prolongement conique; la mâ- choire supérieure dépasse un peu l'inférieure quand elles sont rapprochées ; la bouche n'a point de dents , et l'ouver- ture est un peu plus grande que celle des feras; l'œil est grand , l'iris argentin , et la pupille assez petite ; les opercules des branchies n'ont que de foibles teintes d'un vert jaunâtre doré. Les couleurs du manteau sont peu saillantes , ce qui fait que quelques-uns de nos pêcheurs nomment ce poisson \a fera blanche^ dénomination qui peut aussi dépendre de ce que les écailles latérales sont encore plus argentines que celles des feras ; celles du dos sont d'un gris tirant sur le violet, et celles des côtés sont encadrées par un léger poin- tillé noirâtre. Si l'on avoit besoin d'autres caractères spéci- fiques pour reconnoître la gravenche, on en trouveroit dans la longueur des nageoires pectorales , qui, étant ren- versées, atteignent le bout du museau; dans les beaux reflets irisés que donnent les ventrales quand ce poisson est vivant, et dans le redressement presque perpendiculaire dont les rayons de la dorsale sont susceptibles, tandis que dans la fera ils restent plus inclinés. Toutes les nageoires de la gravenche sont plus pâles et moins tigrées de noir que celles des feras; les pectorales n'ont que quelques points noirâtres à leur extrémité, et la Mém. de lu Soc. de Phys. et d'Hist. nat. T. III. i." Part. -6 202 HtSTOIRE DES POISSONS membrane de la dorsale n'a le plus souvent qu'une teinte légèrement enfumée. Les gravenches vivent pendant 1 1 mois dans les profon- deurs du lac; ce n'est qu'au commencement de Décembre qu'elles en sortent pour venir frayer au bord du rivage sur un fond graveleux. Cette opération ne dure pas au-delà d'une viijgtaine de jours, après quoi elles retournent dans leurs retraites ordinaires, de sorte qu'il est très-rare d'en apercevoir depuis cette époque. Ces poissons marchent en troupes; on les entend de loin au bruit qu'elles font en ouvrant et fermant la bouche h fleur d'eau, de manière à imiter assez bien le barbolement des canards, La plus grande longueur qu'atteignent ces poissons, n'excède pas un pied 5 alors ils pèsent une livre; on les pêche ordinairement de nuit, souvent à la lueur de feux allumés sur la grève 5 quand on les retire du filet avec pré- caution, ils peuvent vivre en réservoir un couple de mois, pourvu que l'eau soit clmre et fréquemment renouvelée; passé ce terme, ils deviennent rougeàtres , et ne tardent pas à périr j sous ce rapport les gi-avenches diffèrent des feras et des lavarets, qu'on ne peut garder aussi long-temps en captivité. J'ai trouvé dans l'estomac de ces poissons des coquillages et des débris déplantes aquatiques; quoi qu'il en soit de leur nourriture, leur chair est plus ferme et le goiit en est moins fade que celui de la fera. Je ne connois aucun auteur qui ait décrit lagravenchej M. Lacépède est le seul qui en ait fait mention; mais ce qu'il dit, n'est qu'une simple indication nominale. DU LAC LÉMAN. 2o3 Comme ce corrégone ne paroît dans le lac qu'en hiver, et qu'on ne l'y trouve plus le reste de l'année, je l'ai nommé hleinalis , en lui laissant le nom françois sous lequel il est connu dans le pays. Pour mettre à même d'apprécier exactement la différen- ce qu'il y a entre les nageoires d'une gra^•enche , d'une fera, et d'un lavaret , je vais en donner les grandeurs compara- tives , prises sur des individus de 1 1 pouces de longueur. Nageoires. Gravencîte. Fé ra. Lavaret. Pectorales 2 pouc. 3 lig- 2 pouc. » %• 1 pouc. 8 lig. Ventrales 2 1 1 loi 1 9 Anale 1 4i I 5 1 I Dorsale 2 2 2 1 10 Caudale o ■ 9 2 8 2 5 »04 HISTOIPŒ DES POISSONS N." 11. CYPRII^i^u^s Carpio. — La Carpe. PI. 9. ( Malacopterjgiens Abdominaux. — Cyprins. ) Cuvier, tome II, p. igi. — Block, tome I, pi. i6. Ecailles de la ligne latérale 38; Dorsales 6|; Ventrales 5^. Membrane branch. "à feuillets. Rayons des nageoires: P. XV-xyil, F, X. A. riii. D. xxn-xxiii. C. xxiv, La carpe est un poisson trop connu pour qu'il soit nécessaire de s'y arrêter. L'extrémité sud-ouest du lac en présente fort peu en comparaison de l'autre extrémité; c'est à Villeneuve et à la porte de Sex qu'on pêche la plupart de celles dont on peuple nos étangs; l'adresse avec laquelle ce poisson s'é- lance au-dessus de l'eau, pour éviter le filet qui l'entoure et le presse de toutes parts, est vraiment remarquable : pour faire ce saut, il s'élève près de la surface , se place sur le côté, courbe son corps en relevant sa queue, avec la- quelle il frappe l'eau assez fortement pour bondir au-delà du filet. Cette manière d'échapper oblige les pêcheurs à placer deux ou trois filets à une petite distance les uns des autres , de sorte que , si les carpes échappent au premier , eUes sont prises dans le second ou le troisième. DU LAC LÉMAN. 2o5 N.° 12. CrpRzt^zrs Tinc^. — La Tanche. PL 10. {Malacopterygiens abdominaux. — Cyprins, ) Cuvier, tom. II, p. igS. — Block, tom. I, pi. i4. Écailles de la ligne latérale 96; dorsales 28|; ventrales 2o|. Rayons des nag. : P. XVII. V. XI. A, X. D, XH. €. XXII-XXir. La tanche est un poisson remarquable par la pelitesso de ses écailles , par la riche couleur de son manteau , par la mucosité dont son corps est enduit , et par ses barbillons. Moins grand que la plupart des cyprins, son oeil a l'iris fortement coloré en jaune doré, et, chose assez singulière, la prunelle paroit toujours dirigée en bas ; les lèvres sont égales , la supérieure protractile ; entre la narine et le bord de la lèvre supérieure , commence une rangée de pores ou orifices de petits canaux, laquelle se porte en arrière et con- tourne la partie basse de l'orbite j une autre i-angée naît du bord de la lèvre inférieure, et s'étend sur la plaque de l'o- percule des branchies. On croit que c'est par ces canaux que suinte l'humeur gluante qui couvre ces parties, et se répand sur les branchies de manière à entretenir si long- temps la vie à ce poisson lorsqu'il est hors de l'eau. Le dos de la tanche est rond , d'une couleur verte plus 2o6 HISTOIRE DES POISSONS foncée que celle des côtés 5 le dessous du ventre est tantôt jaunâtre, tantôt violet, tantôt blanchâtre 5 au reste ces couleurs sont sujettes à des variations selon làge et le sexe. La ligne latérale est légèiement recourbée du côté du ventrej la saillie des écailles n'est pas la même que celle des autres cyprins. La membrane des nageoires est terne et enfumée j la queue est arrondie chez les individus âgés , et un peu échancrée chez les jeunes. Ce poisson habite les eaux tranquilles et stagnantes; en hiver il s'enfouit dans la vase. La chair est compacte et de digestion difficile, et sent trop souvent la boue pour être recherchée. La tanche fraye à la fin de Mai et en Juin, autour des herbes marécageuses, et multiplie beaucoup 5 elle devient assez grosse , et acquiert souvent un poids de trois ou quatre livres 5 quand on la pêche au filet, elle bondit par dessus comme la carpe j aussi celte pêche se fait-elle de préférence pendant la nuit. DU LAC LEMAK. 207 N." l3. Cyprinus Ieses. — Le Chevesne, PI. II. ( Malacopterygiens Abdominaux. — Cyprins. ) Cuvier, lom. II , p. ig5. — Block , tom. I,pl. 6. Ecailles de la ligne latérale ^'ô ; dorsales 7^; i>entrales 25. Rayons des nageoires : P. xrj. V. ix. A, x. D. x, C. xxii. Ce poisson est nommé , à Genève , chevêne ; en France , vilain, meunier, chevanne, têtard, barboteau, chaboiseau, garbottin, garboileau; àNeuchâtel, scnew. Il seroit difficile de remonter aux motifs qui ont fait donner à ce poisson tant de noms différens; si on l'a appelé meunier, c'est vraisemblablement parce qu'il se plait à nager contre les courans rapides qui font mouvoir les moulins. Quoi quil en soit, le chevêne sera facilement dis- tingué des autres cyprins par l'épaisseur de son corps, et l'arrondissement de la partie supérieure de sa tète. L'ou- verture de la bouche est grande; la T-vre supérieure, qui est protractile, dépasse l'inférieure. L'iris est blanc et teint de jaune en haut; les opercules des branchies sont argen- tins avec des reflets dorés, surtout chez les mâles. Les écailles latérales sont grandes, blanches, avec une foible teinte jaunâtre; chacune d'elle est striée, dentelée, et 208 HISTOIRE DES POISSONS pointillée de noir vers son extrémité libre; celles du dos sont d'un brun olivâtre. La ligne latérale est un peu courbée du côté du ventre. Les nageoires sont colorées de rose, l'anale plus que les autres^ la caudale se termine souvent par une bande bleu- âtre, et la dorsale est placée un peu plus en arrière que les ventrales. On prend les chevênes dans les eaux vives et courantes avec toutes sortes de filets, dans les nasses, et avec des lignes amorcées de divers appâts, même végétaux. C'est, je crois, le seul cyprin qui mange d'autres poissons , et morde aux hameçons auxquels tient un chabot ou une loche. Ce poisson fraye en Avril sur le sable des rivières et des ruisseaux; il multiplie beaucoup et ne se développe qi:e lentement j il parvient à une grosseur assez considérable, puisqu'il n est pas rare d'en prendre de 4 à 6 livres. Quoique sa chair soit blanche et délicate , on la prise peu , à cause du nombre des arêtes. DU LAC LEMAN. 209 N.° 14. Ctprinus Ertthrophtalmus. — Le Rotengle. PI. 12. [ Malacopterygiens Abdominaux. — Cyprins.) Block , tome I, planche 1. Écailles de la ligne latérale 40; dorsale 7^; ventrale 3^. Rayons des nageoires: P. Xlii-xvi. V. x. A. xiv. D. xi. C. xxiv-xxvi. Ce poisson se nonnme, àGenève, raw/èjàEvian, platelle:, à St. Saphoiin.- plateron. Une petite tête relativement à la grandeur du corps qui est large et plat et se rétrécit subitement de l'anus à la queue^ les nageoires ventrales , l'anale et la caudale d'un rouge de cinabre; les yeux dont l'iris est d'un jaune doré pointillé de noir; de grandes écailles striées, et la ligne longitudinale courbée du côté du ventre , sont des caractères sujfïisants pour distinguer la raufe des autres cyprins du lac ; mais ce qui signale cette espèce d'une manière plus exacte, c'est l'insertion delà nageoire dorsale, beaucoup plus en arrière que celle des ventrales. La couleur des nageoires de la raufe augmente d'intensité par làge, de sorte qu'on pourroit facilement confondre les jeunes avec d autres poissons, tels que le spirlin, etc. Mais en observant que dans celui-ci c'est la base des nageoires Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hist. nat.T. III. i." Part. 27 2Î0 HISTOIRE DES POISSO^'S qui est colorée, tandis que dans les petites raufes c'est 1 ex- trémité , on ne tardera pas à les distinguer les uns des au- tres. Ce poisson ne vient pas grand , il pèse rarement deux livres j il est très-abondant dans les fossés de Genève , et dans les marais de Villeneuve; il se nourrit de plantes, de coquillages et de substances animales^ c'est de tous les cyprins celui qui se prend le plus aisément à toutes sortes d appâts , et même dans des nasses placées au hasard. La chair est peu estimée, parce qu'outre qu'elle est remplie d'arêtes, elle conserve le goût de la vase oix il vit de préférence. C'est en Mai que frayent chez nous les raufes , d'abord après les vangerons 5 elles déposent leurs œufs autour des plantes aquatiques , et même sur le limon. Le Conservateur Suisse donne mal à propos à la raufç le nom spécifique de rutilus, DU LAC LEMAN. n 1 l N.° 13. I Cyprisus RuTiLus. — La Rosse. PI. i3. ( AJalacopleryglens Abdominaux — Cyprins. ) Ciivier, tom.lT, p-igS. — Blotk , tome I, pi. 2. Écailles de la ligne latérale 43-445 dorsale tÔ; ventrale 3^. Ray. des nageoires: P. xiv-xvii. V. IX-X, A. XIII-XIV. D. XII. C. XXIV-XXVI. Ce poisson s'appelle, ù Genève, vangeron ; à Evian , français; à St. Saphorin, raufe ; àLutry, fago. La tête du vangeron est petite, l'œil grand , liris ordinai- rement blanc est teint en jaune plus ou moins dore dans la partie supérieure et pointillé de noir j à l'époque du frai il se colore davantage ^ l'ouverture de la bouche de celui dont nous avons déterminé les dimensions n'a que l^~ lignes ; la lèvre supérieure, qui est protractile, dépasse un peu l'in- férieure quand la bouche est fermée; les narines sont situées à une égale distance des yeux et du bout du museau j les opercules sont argentins avec des reflets d'un vert doré dans la partie supérieure. Le dos est caréné depuis l'occiput à la nageoire dorsale, et arrondi depuis cette nageoire à la queuej le corps a une forme ovale un peu resserrée depuis l'anus; la ligne latérale est légèrement courbée du côté du 212 HISTOIRE DES POISSONS ventre; les écailles du dos sont d'un vert brun, tandis que celles des côtés sont blanches, brillantes, grandes, striées longitudinalement et comme encadrées dans un losange foiblement coloré de bruiij au printemps ces écailles pren- nent souvent une couleur rosée fort jolie. Les nageoires pectorales, ventrales, l'anale et la caudale, conservent toute Tannée une couleur rougeâtrej la dorsale ne se colore guère qu'à l'époque du frai, encore n'est-ce que foiblement; le premier rayon de cette nageoire correspond au milieu de l'écaillé longue de la ventrale. Le vangeron ne vient pas aussi gros que plusieurs autres cyprins, et pèse rarement une livre ; il se nourrit de subs- tances végétales, sans répugner pour cela aux animales, à n'en juger du moins que par le grand nombre que l'on en voit autour des abattoirs établis sur nos fossés; il est même si peu délicat sur le choix des aHmens qu'il se prend avec toutes sortes d'appâts. On trouve ce poisson dans tout le lac, et même dans le Rhône; en été il choisit de préférence l'embouchure des ruisseaux; en hiver il se retire plus profondément, à moins qu'il ne se trouve quelque abri près du bord. En Avril et au commencement de Mai il fraie. J'ai vu dans les fossés de la ville ses œufs indistinctement répandus , de sorte qu'il ne paroît pas émigrer pour aller les déposer dans d'autres eaux que celles qu'il habite ordinai- rement. A l'époque du frai on rencontre souvent des van- gerons couverts d'aspérités. De jeunes vangerons ayant à peine deux pouces de lon- gueur, ont déjà leur ovaire et leur laite tout-à-fait dévelop- DU LAC LEMAN. 2l5 pée. Une telle précocité rend raison de l'abondance de ce poisson qu'on recherche peu à cause de ses nombreuses arêtes, quoique sa chair soit délicate et légère. Les truites , les ombles , les brochets et surtout les pê- cheurs, lui font une guerre continuelle; ceux-ci l'em- ploient de préférence pour amorcer leur fils. On trouve fréquemment dans les vangerons un tœniâ logé hors des intestins , ce qui distend leur ventre au point que les pê- cheurs ont fait de ces individus une espèce particulière à la- quelle ils ont donné le nom de ventru ou goitreux. J'ai souvent vu des vangerons dont le corps étoit sen- siblement plus large , et les nageoires bien plus colorées que chez d'autres de même grandeur, de sorte qu'au premier aperçu on auroit pu facilement les prendre pour une espèce différente j comme je ne pouvois attribuer la cause de cette variété à la présence de vers intestinaux, niau sexe, ni à l'influence des saisons, j'ai supposé que le frai de ce poisson pouvoit être fécondé quelquefois par des raufes ( cyprinus erythrophtalmus) qui habitent les mômes lieux, et produire ainsi une espèce de métis. ^ Remarques sur la synonymie de la Rosse. Rondelet, chap. 9 page 112, est le premier auteur qui ait fait connoître ce poisson sous le nom de vangeron. Belon, page 3 19, dit peu de chose sur la rosse, qu'il croit être quelque bâtard de la brème, constituant cepen- dant une espèce différente. 3l4 HISTOIRE DES POISSONS Gessner, page 965, .n parlé du vangeron sous le nom de ridilus , ou lubdlus fiuviatilis. TViLlhugby ^ chap. 7, page sSa, La description qu'il fait da rutilas fiuviatilis est courte et imparfaite. jiilédl, n." 18, page 10, donne pour phrase spécifitjue de ce poisson ; Iride, pinnis ventralibusac anali pleruni- qiie rubentibua, ce qui est exact; mais il rend sa synony- mie défectueuse en y ajoutant les mots allemands Rolaiig et Rotoge qu'il avoit déjà donnés à lespèce n.° 3 qui est Yerythrophtalnius. Linné, n.° 872 , page i3o. Cet auteur a resseiré sa sy- nonymie dans d'exactes limites , en adoptant la phrase d'Artëdi. Du/ianiel, art. 5 , page 3 10 , dans son Traité des pêches, a décrit la rosse de rivière et le gardon , de manière ù faire apprécier la ditférence qu'il y a entre ces deux espèces de cyprins; mais la description qu'il fait du premier de ces poissons laisseroit croire qu'il a eu en vue Xcrylhrophtabnus plutôt que le rulilus, quoique la figure qu'il en donne appartienne plus au rutilas par la position de la nageoire dorsale presque oppose'e à la ventrale, Block , tome 1, planche 2. La couleur des nageoires de la rosse de Block est tellement rouge qu'on seroit en droit de se demander si c'est bien le rutilas que cet auteur a voulu représenter; mais la synonymie quil rapporte le prouve évidemment. Ce qu'il y a de plus remarquable, c'est de voir cette figure, accompagnée d une description dont toutes les phrases sont plus ou moins étrangères à notre vangeron. Comment concilier, par exemple, les observations I DU LAC LÉMAN. 2l5 qu'il rapporte de M. Lund avec les nôtres, relativement à la manière dont fraye ce poisson. Voici ce qu il en dit : « Les rosses passent dans Tordre suivant, des mers où Ion pêche rarement, pour aller frayer dans les rivières. Une partie part quelques jours auparavant et forme l'avant- garde. Ce qu'il y a de plus singulier, c'est que cette première troupe n'est composée que de mâles; ensuite viennent les femelles, puis encore des mâles. C'est un spectacle diver- tissant, de voir avancer en ordre cette petite armée. Chaque division est composée de poissons d'égale grandeur, qui jiagent tout près les uns des autres, dix, vingt, cinquante à cent de file. Quelquefois, ce qui pourtant arrive rarement, cet ordre est interrompu par la frayeur ou quelque autre accident, mais ils se remettent bientôt, et cherchent les endroits couverts d'herbage ou de branches pour y déposer leurs œufs, a Block dit encore qu'il n'a pas trouvé de vers dans le corps du rutilus; cependant le vangeron est peut-être de tous les cyprins du lac, celui qui est le plus sujet à en avoir. La Cépède, tome 5 , page 58 1 , donne au cyprinus ruti- las, le nom de cyprin rougedlre, et le peu qu'il en dit, est extrait de l'ouvrage de Dlock. Bonnaterre, Tab. encycl. , page 198. La phrase spécifi- que de Block, toute défectueuse quelle est, a été rappor- tée par cet auteur: Iride, pinnisque omnibus rubris\ anali radiis 12, et comme si l'on prenoit à tâche d'aug- menter la confusion par de nouveaux noms, il a donné celui de rousse à ce poisson. 2l6 HISTOIRE DES POISSONS Razoumowshy , tome i, page i5i, affirme que le vangeron est le même poisson que la grislagine , ce qai n'est pas fondé. Dans le Conservateur Suisse, cette erreur se trouve répétée, et l'on met en outre parmi les poissons du lac Léman , le gardon , sous le nom de cyprinus rutilus , ce qui n'est pas exact. L'auteur des Notices sur Futilité publique, tome 2 , 1." cahier, confond le vangeron avec la dobule. D'après la description du gardon faite par Rondelet, Belon et Duhamel, javois soupçonné que ce poisson pouvoit être notre vangeron. Afin de dissiper mes doutes à ce sujet , j'ai voulu consulter d'autres auteurs français; ma surprise a été grande en voyant que son nom ne se trouvoit , ni dans le Tableau encyclopédique de Bonnaterre , ni dans l'ouvrage de M. La Cépède, ce qui m'a déterminé à faire venir de Paris dans de l'eau de vie, quelques-uns de ces poissons^ en les examinant, j'ai reconnu que, quoique ces deux es- pèces fussent très-voisines , elles étoient néanmoins différen- tes. Le corps du gardon m'a paru un peu plus étroit que celui du vangeron, la tête bien plus épaisse, et le dos rond plutôt que caréné; outre cela, la nageoire anale est moins longue, n'étant composée que de onze rayons, de même que la dorsale. Quant à la couleur des écailles et des na- geoires, je ne peux rien en dire, parce quel eau de vie les avoit altérées. DU LAC LEMAN. 217 N.° 16. CvpnrNcrs Gonio. — Le Goujon. PL li. ( Malacopti/ygiens ^dbdominaux. — Cyprins. ) Cuvicr, tome II, p. irp. — BIoclc, tome i, pi, 8. Ecailles de la ligne latérale 4o; dorsales 5^ ; ventrales 3^. Rayons des nageoires: P. XIV-XV. V. vili-ix. A. FUI. D. X. C. XXV m. Le goujon le dispute presque au véron pour l'éclat et la variété des couleurs de son manteau. Sur son dos olivâtre règne unesuccession de marques noires à peu près carrées; des taches de même forme, mais bleuâtres, se voient sur les côtés depuis la tête à la queue 5 entre ces dernières sont des écailles d'un jaune doré, dont l'éclat est rehaussé par le cadre noirâtre qui les entoure ; au-dessous de la ligne latérale les écailles sont argentines et brillantes ; elles pren- nent sous le ventre de quelques individus une teinte rosée ou violette; si l'on ajoute à cela les taches d'un noir bleuâ- tre qui accompagnent chaque écaille de la ligne latérale , et l'effet agréable que produisent les nageoires presque trans- parentes et tigrées de noir, on sera forcé de convenir que ce poisson mérite la place que nous lui avons assignée. Le corps du goujon, quoique épais et un peu arrondi, Mém. delà Soc. dePhys. et d'Hist. nat. T.lll. i." Part. 28 ai8 HISTOIRE DES POISSONS a une forme assez gracieuse: la tête est conique, légère- ment appiatie eu dessous, et se termine en dessus par une élévation nasale aux deux côtés de laquelle il y a une ligne noire qui s'étend jusqu'aux yeuxj la lèvre supérieure , qui est protractile, dépasse l'intérieure et porte près de sa com- missure un barbillon assez long; les yeux, plutôt grands que petits, ont l'iris d'un blanc un peu jaunâtre, taché de noir dans la moitié supérieure j les couvertures des branchies sont argentines, pointillées de noir, et ont des reflets dorés. La ligne latérale est un peu sinueuse , c'est-à-dire , qu'elle descend dès son origine, pour remonter ensuite sous la na- geoire dorsale et se terminer à la queue par une ligne droite. Les goujons vivent ordinairement dans le lac , d'oii ils sortent en Mai à l'époque du frai pour remonter dans de petites rivières; ils voyagent en petites troupes et paroissent se plaire les uns avec les autres : lorsqu'on en prend un , on est presque assuré d'en prendre plusieurs. C'est dans les lieux les plus solitaires, et à l'ombre des pierres ou des feuillages, qu'il faut les chercher; c'est là qu'ils vont déposer leurs œufs. Le goujon se nourrit de vers , de plantes aquatiques , de coquillages ; on assure qu'il mange le frai d'autres poissons ; comme il est peu nombreux en comparaison des autres cyprins, on le sert rarement sur les tables , quoique sa chair blanche, grasse, délicate, soit excellente. Les pêcheurs prennent ce poisson avec un filet particu- lier qu'ils nomment goujonnière, et l'emploient de préférence pour amorcer leurs fils; on peiit le conserver en réservoir, DU LAC LÉMAN. 219 ftiais en peu de temps son corps se couvre de mousses, ce qui le fait mourir. J'ignore si, comme le dit le Conservateur Suisse, on donne le nom de vairon au goujon , dans quelque partie des bords du lac ; mais j'ai tout lieu de croire (Jue c'esl encore une erreur typographique. N.° 17. Cyprinus Alburnvs. — L'Able. PI. 14. ( Maîacopterygiens Abdominaux. — Cyprins. ) Cuvier, tom. I!, p. 195. — Block , tom. I, pi. 8. Ecailles de la ligne latérale 5o-52; dorsales 7^; centrales 3^. Rayons des nageoires : P. xvi. V. IX, A. xxi, D, xi. C. xxiv, Lé'able ou ablette se nomme, à Genève, rondion ou mange-merde-^ dans le Canton de Vaud et en Savoie, hlanchet, blanchaille ^ sardine. Ce petit cyprin , qui dans son plus grand développement n'excède guère quatre pouces, a une forme effilée et est reinarquable par la blancheur éclatante des écailles de son ^ entre, laquelle contraste agréablement avec la couleur ■\erte ou bleue de celles du dos, et la ligne dorée qui les 220 HISTOIRE DES POISSOKS sépare; celle-ci ne paroît dans tout son éclat que lorsqu'on la regarde sous un certain jour , et que le poisson est vivant. Quand la bouche est fermée, la mâchoire supérieure dé- passe très-peu l'inférieure ^ mais quand elle est ouverte , c'est le contraire; la lèvre inférieure se termine par une pointe obtuse j l'œil est grand, l'iris argentin et coloré en vert foncé dans le bord supérieur 5 les narines sont très-ouver- tes, et occupent une grande partie de l'intervalle qui se trouve entre l'oeil et l'extrémité de la mâchoire. La ligne latérale est un peu inclinée en bas ; les écailles sont finement striées , et si peu adhérentes à la peau, qu'elles tombent au moindre attouchement. La nageoire dorsale est située bien en arrière des ven- trales, et quoiqu'elle ne soit pas large, ses derniers rayons correspondent presque à la hauteur des premiers de l'anale; celle-ci se fait remarquer par sa longueur, et la caudale par sa profonde échancrure. Les ables frayent en Mai près du rivage et s'y rassemblent en troupes; à cette époque, on voit, dans les mâles surtout, le dessus de la tête, du dos, et même des opercules , hérissé de petites aspérités qui transforment cette partie de la peau en une espèce de râpe; en hiver ce poisson quitte les bords, et cherche à s'abriter contre les poursuites des brochets et des truites; pour cela il se retire dans les anses, les fossés et les ports ; dans celui de Morges on le pêche avec la traî- nasse ou monte , après avoir cassé la glace , et l'on en vend toutes les années plusieurs quintaux aux pêcheurs qui s'en servent pour amorce. DU LAC LEMAN. 2 21 L'able se mange peu, quoiqu'il ne soit pas mauvais; pré- paré comme l'anchois, il peut presque le remplacer, et vu son abondance dans le lac, il pourroit devenir une véritable source d'économie domestique; on pourroit même en faire un objet de commerce avec la Savoie, le Valais, et les habitants du Jura. On se sert des écailles de Table pour composer l'essence d'orient dont on fait les perles fausses. Le Conservateur Suisse dit que ï cible est très-rare dans le lac Léman , et le naze fort commun; on ne doit attri- buer cette équivoque qu'au nom de naze donné près de Vevay au premier de ces poissons. Cyprinus Jacvlus. — La Vandoise, PI. i4. ( Malacoplerygiens abdominaux. — Cyprins. ) Cuvier, tom. II, p. igS. — Block , tom. II, pi. 97. Ecailles de la ligne latérale 44 >' dorsales 7^ ; ventrales 3^. Ray. des nag. : P. xri-XVll. V. ix-x. A. xiv. D. XI. C. XXVIII, On nomme aussi ce poisson daro. Il a été long-temps confondu avec l'able à qui il ressemble beancoup ; cepen- dant on le reconnoît très-vîte à la grajideur de sa nageoire anale , et au nombre de ses rayons. 222 HISTOIRE DSS POISSONS é J'ai donné, peut-être mal à propos, le nom de vandoise à ce poisson 5 mais c'est l'inspection d'une figure que Block en a donnée, qui ma fait lui conserver le nom qui y cor- respondoit. En voici la description , car aucun auteur n'en a donné une satisfaisante : La tête de notre vandoise est petite; l'ouverture des na- rines très-ample j l'œil fort grand; liris argentin, foiblement teint de jaune paille , et pointillé de noir en haut; les mâ- choires sont d'égale longueur quand la bouche est fermée, et quand elle est ouverte , la mâchoire inférieure ne dépasse pas, comme chez Table, la supérieure. Le corps est plus épais et plus large que celai de Table ; les écailles sont assez grandes , et argentines sur les côtés ; chacune d'elles a trois, quatre ou cinq petites stries longi- tudinales, comme la plupart des autres cyprins; la base est pointillée de noir, et à l'extrémité on remarque un assez, grand nombre de zones demi-circulaires , qui commencent à Ten- droit où se terminent les stries. Les écailles du dos ont durant la vie de Tindividu une couleur olivâtre, qui passe promptement au bleu après la mort 3 entre ces écailles et celles du ventre il y a une bande à reflets j lunâtres et un peu dorés. Au printemps, à Tepoque du frai, les nageoires de ce poisson sont fréquemment lavées d'une teinte rougeâtre, qui n'a rien de commun avec la régularité des marques orangées qu'on voit à la base de celles du spirlin. La dorsale se trouve placée dans l'intervalle qui sépare les ventrales d'avec 1 anale, et le remplit presque entièrement. DU LAC LÉMAN. 223 Là grandeur ordinaire de nos vandoises est de quatre pouces, rarement elle va jusquà six 5 du moins je n'ai pas encore vu de ces poissons qui aient dépassé cette dimen- sion. Ce poisson se trouve dans les fossés de la ville, et au bord du lac; Q est moins commun que Table, dont on le dititinguera, comme je l'ai dit, par la longueur de la nageoire anale. On peut croire que cette espèce fraye en Mai , d'après les ovaires que l'on trouve bien développés chez les femelles à cette époque. Remarques sur la synonymie de la Vandoîse. 11 semble que plus les espèces se rapprochent , plus les auteurs devroient mettre d'exactitude dans les descriptions de chacune délies, en s'appliquant surtout à faire ressor- tir le caractère spécifique qui les distingue; quand cela n'a pas lieu , il en résulte une telle confusion , qu'on est tenu, le plus souvent, dans une fluctuation désespérante, dont on ne sait comment sortir , sans s'exposer à commettre quelque erreur. Ce qu'a dit Rondelet, chap. 14, page i38, au sujet de la vandoise, n'est nullement piopre à la faire connoître, et encore moins à la faire distinguer d'avec d'autres espèces. Belon, page 3i3, commence par comparer la vandoise avec le chevesne, ce qui pourroit faire présumer, entre ces deux espèces , une analogie qui n existe certainement 224 HISTOIRE DES POISSONS pas; ensuite il la rapproche de Table, et dit: « Si l'on confère une vandoise avec un aLle de même grandeur , on la trouvera avoir les ailes moindres , les écailles plus petites, et Table être un peu plus trapu, et sa lèvre d'en bas plus ancrée, ayant la ligne des côtés plus courbée, mais la van- doise est plus ronde avec sa longueur. » Cette comparaison manque d'exactitude. Au-dessus delà gravure delà vandoise, Gessner, p. 3o, a place cette phrase: Pro icône Rondelelii delineavinius pisci- culuni nostrum queni J^augelen vacant. Si Ton compare la longueur de la nageoire anale de cette figure avec celle de Table du même auteur, qui est Valbiirnus ausonii, on trouvera cette dernière de moitié plus courte , ce qui éta- blit une confusion entre ces deux espèces. Willugby, chap. 17, page 260, ne donne que 9 ou 10 rayons à la nageoire anale de la vandoise. 11 ajoute que ces poissons se tiennent ordinairement cachés sous les racines des arbres , qu'on les voit aussi se jouer dans les grandes eaux, et même dans les fleuves. Si la vandoise décrite par cet auteur est la même que la nôtre, il faut convenir que ses habitudes sont différentes, puisqu'elles sont semblables à celle de Table, avec lequel on la rencontre fréqurmment. Artédi , page 9 , n'a parlé de la vandoise que dans sa des- cription des espèces, et Ta fait d une manière très-succincte, en disant : Cyprinus noi-e/n digUorum^ iiitilo longior et angustior, pinna ani rad'.oruni decein ; ce qui pour- roit également s'appiiqu^^r à la grislagiue dont voici la phrase spécifique : Cyprinus oblong un figura ratiii, pinna T5U LAC LÉMAN. sul) l ani ossicuîorum decern-^ puisque parmi ces cyprins ii y en a de plus étroits que d'autres. Linné, qui, dans sa Fauna, n'avoit pas fait mention de ce poisson, la caractérisé dans son Systenia de la ma- nière suivante : Cyprinus leuciscus pinna aniradiis decem, dorsali iindecbn. On ne trouve pas dans la description donnée par ces deux auteurs le caractère spécifique le plus essentiel peut-être, savoir les i4 rayons de la nageoire anale. Duhamel, page 3o3, s'est exprimé sur la vandoise de la manière suivante: « C'est un petit poisson d'eau douce, de la longueur d'un hareng, mais plus large 5 il est rare d'en prendre qui aient un pied de long; son corps est moins rond que celui du gardon j son museau est plus pointu j ses écailles sont de moyenne grandeur; la prunelle est noire; l'iris jaune; la mâchoire supérieure un peu plus longue que l'inférieure. Les nageoires pectorales sont for- mées de 9 à 10 rayons, les ventrales de 6, l'anale de 9 à 10, la dorsale de 6 à 7. » Si l'on compare celte description avec la nôtre, on ne tardera pas à voir combien elle est défectueuse. Je ferai remarquer en outre que nos plus grandes vandoises n'ont pas au-delà de cinq à 6 pouces. Block, tome 2, page 119, commence la description de la vandoise en ces termes : « Les onze rayons qui sc;:t à la nageoire de l'anus, et les dix à celle du dos, me parois- sent des caractères suffisants pour pouvoir distinguer cette espèce des autres poissons du même genre. » La figure qu'il a donnée, la seule que je connoisse passablement exécutée, Mém. de la Soc. de Pliys. et d'Hist. nat. T. III. i." Part. 29 aaG HISTOIRE des poissons se rapproche tout-à-fait de la nôtre , excepté que la na- geoire dorsale est mal placée, et le nombre des rayons inexact. Bonaterre, tableau encyclopédique, page 196, a copié la phrase synonymique de Block, et changé le nom de vaiidoise en celui de vaudoise fort mal à propos. M. La Cépède , t. 5, p. 58o, a adopté le nom de vaudoise , sans rien dire de caractéristique au sujet de ce poisson. Quelques auteurs ont donné à ce poisson le nom de dard, à cause de la rapidité avec laquelle il fuit quand il est épouvanté. . N." 19. Cyprinus Bipunçtatus, — Le Spirliw. PI. 14. {Malacopterygiens abdominaux. — Cyprins.) Cuvier, tom. II , p. 195. — BlocV, tom. I, pi. 8. Écailles de la ligne latérale /^Q-^Z; dorsale 10^; ventrale S^. Hayons des nageoires; P. XVI, F. IX. A.XVXii, D. X. C. XXIV- XXVI. On nomme ce petit cyprin , à Genève , platel ; à Coppet, horoche. I DU LAC LK.UAN. 227 11 se distingue facilement des autres , pai- la couleur orano;ée de la base de ses nageoires, par la grandeur de ses yeux, par la double rangée de points noirs qui accom- pagnent les écailles de la ligne latérale , et par l'aplatisse- ment de son corps. Ouand la bouche du spirlin est fermée, la mâchoire s upérieure ne dépasse linférieure que dune manière peu sensible 5 l'iris est d'un jaune de soufre tigré de noir en haut; les couvertures des branchies sont argentines, un peu violettes dans la partie supérieui'e; le dos est d'un vert olivâ- tre, tandis que les côtés sont d'un beau blanc; cependant, quand on regarde attentivement les écailles qui sont gran- des et sillonnées, on voit qu'elles sont toutes marquées de petits points noirs ; la ligne latérale est courbe au bas, et les taches noires qui en suivent le contour ont engagé lilock à donner à ce cyprin le nom de hipunciatus. A l'é- poque du frai, les écailles qui constituent cette ligne ont quelquefois une teinte rougeàtre. Les nageoires pec- torales, ventrales, l'anale et même la dorsale, sont orangées à la base; la dernière est située plus près de la queue que les ventrales; la caudale est fourchue; quand l'anale n'est pas étendue, elle paroît échancrée dans le milieu, parce que ses premiers rayons sont bien plus longs que les autres; cette nageoire, qui est très-grande , égale à sa base le quart de la longueur de ce poisson. Le spirlin se plait dans les ruisseaux d'eau vive et cou- rante, et joue à la surface, excepté quand il veut frayer, ce qui a lieu en Mai ; alors il cherche les fonds pour y déposer ses œufs. (Quoique ce petit poisson soit peu abon- ZzS HISTOIRE DES POISSONS dant, il n'y a guère de i-ivières autour de Genève qui n'en fournissent: c'est à la ligne et à la truble qu'on le pêche; il vit long-temps dans des bocaux de verre dont on renou-^ velle l'eau, et alors il se nourrit de substances végétales. Remarques sur la syjionymie du spirlin. Il paroîtroit que Block est le premier auteur qui ait décrit cette espèce, du moins à en juger d'après son texte. Je serois disposé à croire que le Phoxinus squaniosus de Gessner, page 844» ^^t le spirlin, décrit en ces termes: « Iris oculoruin crocea : qui tamen color etlam ad pin- narum initia omnia spectalur, in pinnce dorsi quoque initio in majoribus et adultis. » Bonaterre et La Cépède en ont parlé, d'après Block, isous le nom de spirlin. DU LAC LÉMAN. 22Q N.° 20. Cyprinus Pnoxitrus. — Le Véron. PI. i4. ( Malacopterygiens Abdominaux. — Cyprins. ) CuTier , tom. II, p. igS. — Block, tom. I, pi. 8. Rayons des nageoires ; P. XI r. V. VIJI. A. X. D. IX. C. XXVt- XXVIII, On appelle ce poisson , vèron ou vairon ; à Ouchi et à Allaman , aneron , gremoiilion ; à Lutry , petit saumon ; à Meillerie, lebetle; en Valais, grisette. Le véron est plus petit que le goujon ; sa forme est moins arrondie ; sa tête est si obtuse qu elle pourroit seule présenter un caractère suffisant pour le faire connoître. Les lèvres , parsemées de petits points noirs , sont parfois teintes de rose sur les bords; les narines évasées sont rap- prochées l'une de l'autre, et au-dessous de chacune d'elles se trouve une légère fossette ; les yeux sont petits , le bord pupillaire est d'un jaune de soufre ; l'iris d'ailleurs est blanc, plus ou moins tigré de noir dans la partie supérieure; les couvertures des branchies ont un fond légèrement ver- dàtre dore ou argenté. La ligne latérale, tant soit peu fléchie en bas, est à peine visible; les écailles sont fort retites, poin- tillées de noir et irisées; celles du ventre sont ordinaircaunt 2.30 HI.'îTOIRE DES POISSONS blancljàlres et quelquefois d'uu rouge de cinabre, d'au- tres fois noirâtres ; les nageoires un peu jaunâtres prennent en été une teinte plus forte et qui passe souvent au jaune orangé. Sur chaque face latérale du corps de ce poisson , on peut distinguer cinq zones principales: la première ou la dorsale est tantôt grise, tantôt brune, tantôt verdàtrej ia seconde, plus étroite, est marqut'e de taches presque trapù- soïdales et brillantes ; la troisième, plus large que la précé- dente, s'étend jusqu'à la ligne latérale et présente le mélange de diverses couleurs ; la quatrième, ordinairement d'un vert doré, est encore plus large que la troisième; la cin- quième enfin, que Ton peut nommer la ventrale, est blanche et argentine; l'espace qui se trouve occupé par ces deux dernières zones paroît dépourvu d'écaillés, ou s'il en existe, elles sont moins apparentes que celles du dos. Outre ce» zones longitudinales le corps du véron a des lignes trans- versales un peu obliques, au nombre d'environ trente-deux, qui semblent suivre la direction des côtes. Ce petit poisson habite rarement les lacs et les rivières; il se 1 1 fugie de préférence dans les ruisseaux qui ne lui oflrent pas autant d'ennemis redoutables. Pendant l'hiver, il se cache au fond de l'eau autour des herbes qui y végètent ; mais dès que l'atmosphère a été réchauffée par les rayons solaires , les vérons viennent en troupes jouer à la surface duliquide, en s' élançant souvent au-dessus, ce qui fait que lors'^uon veut les conserver dans des bocaux, où ils vivent long-temps, il faut avoir l'attention de les couvrir. l DU LAC LÉMAN. sSl N.° 21. Esox Lucius. — Le Brochet. PI. i5. ( Malacopterygiens ^abdominaux. — Esoces. ) Cuvier, tom. II , p. i83. — Block , lom. I , pi. 32. Ecailles de la ligne latérale 120-126; dorsale i^j; Ventrale 11 5. Membrane branch. 1^ feuillets. Rayons des nageoires: P. XIII. V. XII. A. XVIII. D. XX. C. xxr. Le brochet est un poisson tellement connu que nous n'entrerons à son égard dans aucun détail descriptif. Dans les fossés de la ville de Genève il y a beaucoup de brochets; c'est dans cette enceinte limitée qu'on peut facilement observer les mœurs de ces animaux féroces ; c'est là qu'on les voit s'attaquer avec acharnement, et de- venir tour à tour meurtriers et victimes. J'ignore s'ils chassent de nuit, mais pendant le jour il y en a qui restent dans une immobilité telle qu'on pourroit les supposer profondément endormis , ce qui permet de les pêcher d'une nouvelle ma- nière : un homme placé sur un bord élevé du fossé, lance à une certaine distance du brochet un harpon attaché à une ficelle, et le ramène doucement jusqu'à ce que ce crochet en soit très-près; le tirant alors avec rapidité, il l'enfonce dans le corps du poisson, qui se débat en vain m 23a HISTOIRE DES POISSONS contre le fer dont il est transpercé. II y a des gens si \>'eri exercés à ce genre de pêche, qu'ils manquent rarement le ^ir coup. Les brochets sont beaucoup plus rares dans la partie nord-est du lac, que sud-ouest; vraisemblablement à cause de la différence dans les degrés de la profondeur des eaux. On n'en prend pas dans les nasses établies sur le Rhône en Valais, et l'on cite comme fait extraordinaire l'entrée d'un brochet qui se prit dans une de ces nasses , il y a plus de 25 ans. DU LAC LÉMAN. 233 TABLEAU des dimensions relatives du corps et de la tête dans la plupart des esjjéces décrites dans ce Mémoire. I Coltiis gobio. La longueur du corps est à celle de la têle comme 2,t : Perça fiiwiatilis 2^ : Cobitis barbalula 3{ : Salmo trutla 3 : dans les grosses, comme a^ : Salmo umbla 3 : dans les individus de lo liv. et au-delà , comme 27 : Corregonus thym allas 4 • » fif^ 3', rarement 4 • » hiemalis. 3|, rarement 3^ : Cyprinus tinca 3 : » jeses 3^^ : » erylhrophtalmus 3| : » rutilas 3| : " gobio 2| : » albarnus 4 '• » jacalus 3| : » bipunclatus 3^ : » phoxinus 3^ : Esox lucias 2I : 31ém . de la Soc. de Phys. et d'Hist . //ft/. T. 1 1 1. i .' ' Part. 3o û34 HISTOIRE DES POISSONS Table des noms latins et français , et des noms vulgaires donnés aux poissons du lac Léman. NB. Les caractères italiques indiquent les noms vulgaires. Pages Pages Able 219 Corregonus fera 190 uiùletie id. » hiemalis 200 Aneron 229 » thymallus 187 Anguille 14; Cottus gobio i5o Barhot i56 Cyprinus alburnus 219 Barboteau aoj » Eipimctatus 226 Baromètre j56 » carpio 204 Besole )g5 » eryihrophtalmus 209 Blanchaills aig » gobio 217 Blanchet id. » jaculus 221 Blaufelchen 197 » jeses 207 Blauling id. » phoxinus 229 BoiUa l52 » yuiilus 211 Boroche 226 » linca 205 Brandenaille l52 Dard 226 Bratfisch 197 Daro 221 Brochet 201 Dobule 216 Butz 198 Dormille i56 Carpe ao4 Esox lucius 201 Chahoiaeau 207 Fago 211 Cbabot i5o Ftlchen i9« Chassol id. Fe'ra 190 Clievanne 10-, Péra Lia nch.e 201 Chevesne id. Français 31 r Cobiiis barbalula i5G Gadus lo La ii8 DU LAC LEMAN. 235 . Piges. Gangfisch Ï97 Platelle Garhoiteau 207 Plaleron Garbolin id. Platet Gardon 2i4, ai6 Plat le Goujon 217 Raufe Gravenche 300 Rondion Gremdietle i56 Rosse Gremoillion 329 Rotàug Grisetle id. Rotengle Grislagine 216 Salmo traita Humble ï85 » umbla Lavaret 195 Sardine Lebette 229 Scnew Loche franche i56 Séchot Lotte i48 Spirlin Mange-merde 219 Tanche Meunier 207 Têtard Motaile i56 Truite Moustache id. Vairon Moutaile id. Vandoise Murœna anguillit^ ,47 Vangeron Naze 221 Vaudoisa Omble chevalier 179 Véron Ombre commua .87 Vilain Pa/ée 197 Umble Perça fluvialilis l52 Weissfekhen Perche id. aog id. 226 195 209 219 211 2l4 209 i58 179 Ï79 •07 i5o 226 2o5 207 i58 229 221 an 226 329 207 '97 TABLE DES MÉMOIRES CONTENUS DAiSS LA PREMIERE PARTIE DU TOME TROISIEME. MÉMOIRE sur les cucarbitacées ; par M/ N. C. Seringe. i Noie sur la place de la famille des cucurbllacées dans la série des familles naturelles; par M/ De Cakdolle. 33 De l'aclion des poisons sur le règne végétal ; par M/ F. Marcet. 87 Mémoire sur l'influence des poisons sur les plantes douées de mouvements excitables; par M.'' J. Macaire-Prinsep. 67 Nouveau procédé pour obtenir l'acide gallique ; par M/ A. Le Royer, pharmacien. 79 Mémoire sur les apparences visibles; par M."^ G. iNLiURiCE, docleur-ès-sciences. 8i Recherches sur le mode de distribution d« l'électricité dyna- mique dans les corps qui lui servent de conducteurs} par M.' le professeur Auguste De La RivE. 106 De la génération chez les moules des peintres {Miœ Picta- ?-um); par M."' le docteur PrEvost. 122 Histoire abrégée des poissons du lac Léman, extraite de^ manuscrits de feu M.' le professeur JuRiNE, et accompa- gnée de planches dessinées et gravées sous sa direction. i3a DE L'INFLUENCE DU DESSÈCHEMENT SUR LA GERMINATION PLUSIEURS GRAIMES ALIMENTAIRES. Lu à la Société de Physique et d'Histoire naturelle, le tj Mars iëii. Par m. Thkod. DE SAUSSURE. On sait que les plantes développées requièrent en général la présence de l'eau pour soutenir leur force végétative, et quelles offrent à cet égard un contraste frappant avec les germes de plusieurs semences qui conservent dans letat sec , pendant un grand nombre d'années , la faculté dç germer ou de végéter lorsqu'on leur fournit l'eau nécessaire à leur développement j mais on ignore encore , à ce que je crois, si la présence de ce liquide est également nécessaire au maintien de la force végétative des graines germées dans l'intervalle compris entre une première germination et un entier développement; on demande si une graine germée participe sous le rapport delà vitalité, à la faculté d'une graine non germée, ou, en d'autres termes, si la graine Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hist. nat. T. III. 2." Part. i 2 MÉMOIRE sèche germée doit être considérée en général comme une plante sèche» morte et sans valeur pour une végétation ultérieure ? J'ai cherché inutilement dans les principaux auteurs, des éclaircissements sur la solution de cette question, qui, dans son application aux semences les plus utiles, est d'un grand intérêt pour les cultivateurs; elle fait l'objet des expériences que je vais décrire, en reconnaissant qu'elles sont loin d'avoir l'étendue qu'on pourra leur donner dans la suite. Je diviserai ce travail en deux parties : dans la première, je rechercherai si une graine desséchée à l'air libre et à la température atmosphérique, peut, après avoir été conservée un certain temps dans cet état, être rappelée à la végéta- tion par l'humectation : je donnerai le nom de dessèche- ment ordinaire au procédé employé pour ce mode de re- cherches. Dans la seconde partie, ;o soumettrai les graines ger- mées et non germées à un dessèchement poussé beaucoup plus loin que le précédent, ou que celui qu'elles peuvent atteindre naturellement; j'emploierai , à cet eiFet, la dessica- tion produite dans le vide sous l'influence de l'acide suif u- rique suivant le procédé de Leslie. Les graines dont je m'occupe avaient e'té récoltées depuis un an , et conservées dans unlieusec où l'hygromètre à che- veu se soutenait entre le 75/ et le 85.*^ degré , et où la tem- pérature moyenne était de i5.° centig. Je les ai fait germer entre deux éponges mouillées : lorsque les semences étaient très-petites, telles que celles delà raiponce, du pavot , etc., \ SUR LE DESSECHEMENT DES GRAINES. 0 elles y étaient placées entre des feuilles de papier brouillard que les éponges maintenaient au degré d'humectation con- venable. J ai examiné, autant que je l'ai pu, les graines germées dans les trois époques suivantes : i." Dans le moment où la radicule commence à saillir ou à salonger; elle ne surpasse pas ordinairement à cette époque la moitié de la longueur de la graine. 2..° Dans le moment où la radicule est égale ou com- mence à surpasser la longueur de la graine, sans qu'il y ait un dégagement total de la plumule. 3.° Dans le moment où la plumule entière commence à paraître hors de ses enveloppes. Je n'ai pas toujours pu suivre rigoureusement ces dis- tinctions, parce que dans plusieurs graines, telles que le froment et le seigle , la plumule se montre presque en même temps que la radicule ; tandis que dans d'autres, telles que le sarrasin et le chou , la plumule bien formée reste long- teinps coiffée ou recouverte par des enveloppes. Pour éviter des méprises à ce sujet, j'ai joint à ce mémoire une planche qui représente par les nombres i , 2 , 3 , les trois degrés de développement où j'ai examiné les graines , en suppri- mant celles qui, en raison de leur petitesse, ne laissaient pas facilement apercevoir leur premier degré de germination. Les figures qui ne portent point de numéro, montrent les graines avant leur germination. J'ai été aidé par ma femme pour ces observations qui exigeaient autant d'assiduité que de patience. 4 MEMOIRE Du dessèchement ordinaire des graines gennées. Je comprends sous le nom de dessèchement ordinaire , celui où les graines germées doivent être le plus souvent exposées dans nos climats , lorsqu'elles sont abandonnées , dans un lieu sec, à la température atmosphérique. Pour cette dessication , les semences germées et séparées du milieu où elles s'étaient développées , ont été placées pendant plusieurs jours dans une étuve sèche, chauffée au 35.""^ deg. centig.; elles ont été exposées ensuite à l'air libre dans un lieu sec où l'hygromètre se maintenait entre le 76.° et le 85.°, et le thermomètre à une température moyenne de i5.° Après un mois de séjour à celte exposi- tion, elles étaient ordinairement sèches, et je ne les consi- dérais comme telles, que lorsque leur poids se trouvait inférieur ou tout au plus égal à celui qu'elles avaient avant la germination. Deux ou trois mois après leur premier développement , elles étaient placées entre des éponges humectées pour les rappeler à la végétation. Ces graines germées avaient d'abord été exposées dans l'étuve, afin de les préserver, par un dessèchement subit, de la moisis- sure et de la corruption ; leur poids en était d'autant moins diminué; plus le dessèchement delà graine est lent, plus aussi elle -est exposée à éprouver un commencement d'al- tération ou de fermentation qui diminue son poids par une toute autre cause que celle de son dessèchement propre- ment dit. Il est important de noter ce changement de poids dans les recherches dont je m'occupe , parce qu'il SUR LE DESSÈCHEMENT DES GRAINES. f) sert, jusqu'à un certain point , à mesurer l'altération ac- cidentelle que la graine a subie dans la germination , ou dans son dessèchement. Ble ( Triticum hyhernurn , L, ) commence à germer au bout de deux jours d'humectation à une température de i5.° à 17.° centig. , en poussant des radicelles d'un à deux millimètres de long , représentées par la figure n.* 1 ; on a séparé les graines germées à mesure qu'elles se pré- sentaient pour les sécher à l'étuve , les exposer ensuite à l'air libre pendant plusieurs semaines, et les peser lors- qu'elles étaient réduites au même degré de dessèchement que celui où l'on avait pris la graine pour la faire germer. Elle a perdu par ce premier développement la 7^5"'" partie de son poids. Après deux mois et demi de dessèchement , ce froment germé n.° i a été placé entre des éponges mouillées en même temps que du froment non germé. Le premier a été rappelé à la végétation entre quarante-huit et soixante heures , à la même époque où le froment non germé commençait à se développer j leur végétation ulté- rieure n'a présenté aucune différence. J'ai soumis à la même épreuve le froment germé n.° 2 dont les radicelles avaient environ un centimètre et les plumules trois rhillimètres de long. Après deux mois et demi de dessèchement, il a été rappelé à la végétation sous la température précédente par une humectation de cinq jours , ou dans un terme plus long que le froment non germé n'en mettait à montrer un premier développe- ment. Les plumules du froment n." a ont continué à s'a- longer dans la reprise sans avoir subi aucune altération Mi G MÉMOIRE par le dessèchement; il n'en a pas été de même des ra- dicelles : elles se sont presque entièrement décomposées ; il sen est formé , il est vrai, de nouvelles, mais en petit nombre, et la perte des premières a rendu, en général, la végétation de ce numéro et du suivant moins vigoureuse que si elle n'eût point souffert d interruption. Le froment n.° 3 , dont les plumules avaient un centi- mètre, avec des radicelles au moins doubles de cette lon- gueur, a pu encore être rappelé à la végétation après une dessication conforme à la précédente : il a fallu cependant employer ici des précautions particulières ; la reprise n'a eu lieu que dans un petit nombre de graines , qu'en sou- mettant laplumule à l'action d'une lumière diffuse, d'un air renouvelé très-humide, et d une humectation directe qui atteignait seulement la base de la plantule ; si celle-ci eût été couchée sans précaution entre des éponges hu- mectées, elle serait morte sans retour. La reprise de ce n.° 3 n'a été sensible qu'après sept jours au moins d'humeo- tation 3 d'ailleurs le développement ultérieur de ce froment, tout en se soutenant, a été extrêmement lent. Quinze jours après la reprise, il n'avait que deux pouces de haut , tandis que le n.° a s'était alongé ti-ois fois plus dans les mêmes circonstances. Seigle {Secale céréale hyberniim, L. ). Les graines les plus précoces ont mis deux jours à germer entre i5.°et i6.° centig. : il a présenté dans sa reprise, aux différentes époques de la germination, et après un dessèchement de deux mois, des résultats analogues à ceux du froment j seulement, dans ce cas, le seigle n'a pas diminué de poids SUR LE DESSÈCHEMEKT DES GRAINES. 7 après la germination et le dessèchement n.° i. Len." 3 a repris en quatre ou cinq jours, ou plus promptement que le froment. Orge ( Hordeum vulgare vemum , L. ) a employé au moins trois jours pour germer au premier degré, à une température de i5 à 16 degrés centig. Cette graine a perdu la ^'^' de son poids par ce développement. Après deux mois de dessèchement, elle a été rappelée à la végétation par huit jours d'humectation à la température précédente. Il en a été à peu près de même du n." 2. Le n." 3 n'a pas pu reprendre. Avoine (ylçena sn/iVa , L. ) germée et desséchée comme les précédentes , n'a pu, dans aucune période de sa germina- tion, être rappelée à la végétation, lors même que le dessèche- ment n'aduréque trois semaines. Ces expériences on tété fai- tes sur de l'avoine pourvue de sa baie; mais en les répétant, d'après le conseil de M. le Prof. Vaucher,sur la même graine détachée de sa baie, j'en ai obtenu les re'sultats suivants : elle a mis deux jours à germer au premier degré, à une température de 17. '' centig.; elle a perdu 2,33 p.'^ de son poids par la germination. Après deux mois et demi de dessèchement , le n.° i a été rappelé à la végétation par deux jours d'humectation. Les n.°^ 2 et 3 n'ont point pu reprendre. Blé de Turquie ( Zea JMaïs , L. ) variété brune , a commencé à germer au bout de huit jours d'humectation à la température moyenne de 20°. Après deux mois de dessèchement, le n.° 1 a été rappelé à la végétation par douze jours d'humectation à la température précédente : les n."^ 2 et 3 n'ont pas pu reprendre. s MÉMOIRE Blé sarrasin ( Potygonum fagopyrum , L. ) a com- mencé à germer au bout de quatre jours d'humectation entre i5.° et i6.° centig. Cette graine a perdu la -^'"'' de son poids par la germination n.'^ i. Dans cet état, et après deux mois de dessèchement, elle a été rappelée à la vé- gétation par six jours d'humectation à la température précédente. Le sarrasin n.° 2 , dans les mêmes circons- tances , et après deux mois de dessèchement , a exigé quatorze jours d'humectation pour être rappelé à la végé- tation; le tiers des graines de ce numéro s'est pourri avant la reprise pi en a été à peu près de même du n.° 5, dont quelques plantules, après une longue humectation, ont survécu entre un grand nombre qui se sont décomposées. Pesette , soit vesce cultivée ( Ficia saliva, L. ). Les plus précoces ont commencé à germer dans deux jours entre 1 5.** et 17.° centig. Elles ont perdu deux centièmes et demi de leur poids par la germination n.° 1. Après deux mois et un quart de dessèchement, elles sont rentrées en végéta- tion par l'humectation dans un temps aussi court que celui qu'elles avaient employé à faire leur premier déve- loppement. Les vesces n.° 2 ont exigé, après le même dessèchement , quatorze jours d'humectation pour donner des signes de végétation. La reprise du n.° 3 n'a été bien décidée qu'au bout de dix-sept jours , et elle n'a eu lieu que pour la moitié des plantules. Lentilles {Ervum lens , L. ) ont commencé à germer dans quatre jours à i5 degrés centig. Elles ont perdu ;|^ de leur poids par la germination n.° 1. Après deux k StP, LE DESSÈCHEMENT DES GRAINES. 9 mois de dessèchement , elles ont employé à reprendre, à la température précédente, à peu près le même temps qu'elles avaient mis à germer. Les lentilles n.° 2 , dans les mêmes circonstances, ont employé deux jours de plus pour entrer en végétation; leurs radicules ont souffert, et par cette raison la végétation des plantules a été interrompue par le dessèchement. 11 a t'ait périr sans retour les lentilles n." 3. Pois ( Pinum saUviim , L. ). Les plus précoces ont com- mencé à germer au bout de quatre jours d'humectation, à une température de iS" centig. 100 parties en poids de ces graines ont perdu 1,1 par ce développement. Au bout de trois semaines de dessèchement, les n.°* i et 2 ont tous re- pris par l'humectation 5 mais au bout de six semaines de dessèchement et de six jours d'humectation, le tiers seule- ment des pois a pu reprendre avec des radicules décompo- sées; les dcux autres tiers se sont pourris. Les n.°^ 3 n'ont point pu reprendre. Haricot {Fhaseolus vulgaris , L. ). Les grains les plus précoces ont mis huit jours à germer à une température de i5."cenlig. ; ils n'ont pu, dans aucune époque de leur germination, être rappelés à la végétation après six semaines de dessèchement. Fève de jardin ( Ficiafaba^ L.) ont commencé à ger- mer après huit jours d'humectation à une température de i5.° centig. Elles ont perdu la —" partie de leur poids par la germination n.° i. Elles n'ont pas pu reprendre après deux mois de dessèchement. Trèfle blanc ( TnfoUam repens , L. ) a commencé à germer dans un jour à la température de 21." R. La cin- quième seulement des graines germées n.° 1 a pu re- Mém. dclaSoc.de Phys. cl d'Bist. nat. T. 111. 2.' Part. 2 lO MÉMOIRE prendre par huit jours d'humectalion, après deux mois et demi de dessèchement. Le reste s'est pourri, ainsi que les n.°^ 2 et 3. Cresson alénois {Lepidium satlvum, L. ) a mis deux jours et demi à germer à une température de i5.° centig.j il a perdu la Tf^"'^ partie de son poids par la germination n.° I. Après deux mois et un quart de dessèchement, il a commencé à reprendre par cinq jours d'humectalion ; mais, quoique sa végétation ait coulinué à se soutenir pen- dant plusieurs semiiines, il ne s est point élevé, parce que le mucilage qui entoure la graine n'a pas pu , après le dessèchement, se ramollir assez pour permettre à la plu- mule de se dégager complètement de cet enduit. 11 en a été de même du n.° 2 qui a mis à reprendre plus de temps que le n.° 1. Je n'ai pas éprouvé le n° 3. Chou (Brassica oleracea, L. ). La plupart des graines ont commencé à germer dans quatre jours à une tem- pérature de i5.° centig. j elles ont perdu la 7^™ partie de leur poids par cette première germination. Après deux mois de dessèchement, el'es ont repris par quatre jours d'hu- mectalion à la température précédente. La plupart des choux germes n.° 2, après deux mois et un quart de dessè- chement, ont repris par quatorze jours d'humectalion. Les n.°* 3 n'ont puint pu reprendre. Moutarde noire {Smapis nigra, L.) a commencé à germer dans vingt-quatre heures à la température de 21.° centig. Après deux mois et demi de dessèchement, le n,°i a repris par deux jours d'humectalion , ainsi que le n.° 2 entre trois et quatre jours dhumectation à la température précédente. SUR LE DESSàcHEMENT DES GRAINES. Il Chanvre ( Cannabis sativa, L.) a germé dans quatre jours à une température de i5.°centig. Il a perdu par la germination n.° i la y^'"" partie de son poids. Après deux mois de dessèchement , la plupart des graines germées ont été rappelées à la végétation par quatre jours d'humectation. Les n.°^ 2 et 3 n'ont pas pu reprendre. Laitue { Lactuca saliva, L. ) a germé dans deux jours à la température de i 7." à 1 8." centig. Après deux mois et demi de dessèchement , la plupart des graines germées n.° 1 ont pu être rappelées à la végétation par six jours d'humectation à la température précédente : les radicules étaient entièrement décomposées 3 cependant les cotylédons replantés et traités dans de la terre végétale avec beau- coup de soin, ont donné, au bout d'un temps très-long, des laitues qui m'ont paru aussi belles que si leur végétation neût pas souffert d interruption. Les n.°^ a et 3 n'ont pas pu reprendre. Reine Marguerite ( Aster sinensis , L. ) a levé dans deux jours à la température de 21.° centig. ; n'a pu, dans aucune époque de sa germination, être rappelée à la végétation après deux mois et demi de dessèchement. Pourpier { Porlulaca oleracea , L. ) a commencé à germer au bout de deux jours à une température de 2.0° centig. Cette graine germée n'a pas repris après deux mois et demi de dessèchement. Raiponce {Canipanula rapunculus. L.) a commencé à germer dans quatre jours, à une température de si." R. Cette graine germée n.° 1 n'a pas pu reprendre après deux mois et demi de dessèchement. 13 MÉMOIRE Panais cultivé {Pastinaca saliva , L. ) a commencera germer dans quatre jours à une température de 21.° centig. Cette graine germée n.° i n'est pas en général douée de la faculté de reprendre après un dessèchement de deux mois et demi 5 une seule graine sur quatorze n." 1 a re- pris par un mois d'humectation. Pavot {^Papaver so7nniferuni , L.!) a commencé à germer au bout de trois jours à une température de 2.0° centig. Cette graine n'a pu reprendre à aucune époque de sa germination après deux mois et demi de dessèchement. Lorsque les graines germées ont la faculté de reprendre après leur dessèchement, elles peuvent, immédiatement après la reprise , et jusqu'à un certain terme de leur ac- croissement, subir de nouvelles alternatives de dessèche- ment et de végétation sans en périr ; j'ai fait ces observa- tions sur le froment, le seigle, les pois et le blé noir. De r influence d'une température élevée ^ sur les graines germées^ Je crois avoir atteint, dans les expériences précédentes, le degré de dessèchement auquel les graines germées par- viennent ordinairement à l'ombre dans nos climats ; il me reste a reconnaître si elles résistent dans cet état de dessè- chement à la température élevée qu'elles peuvent prendre par l'action directe du soleil qui donne à certains sables, en été, sur le bord des rivières et de la mer, une tempéra- ture de 65.° à 70.° centig. (1). Quoique je n'aie jamais pu (i) Annales de Chimie et de Physique , Décembre iSai. SUR LE DESSÈCHEMENT DES GRAINES. l3 observer sur un sol cuitivé une température aussi élevée, je l'ai adoptée, comme le terme extrême de dessèchement que les graines peuvent recevoir par la chaleur des rayons solaires. Spallanzani a déjà reconnu (Opuscules de physique ani- male et végétale, lomel, p. 5g) que les graines sèches germées pouvaient être exposées pendant deux minutes à une température de 60 ° R. sans que leur germination en éprouvât aucun préjudice. Il a vu que les radicules de plusieurs graines en vé- gétation, ou non desséchées, pouvaient être plongées pen- dant le même temps dans une eau chauffée au So." et sou- vent même au 55." R. sans que la végétation des plantules en souffrît; mais il n'a point fait ses expériences sur des graines sèches germées; et le terme de deux minutes au- quel il réduisait son épreuve était trop court pour offrir un résultat satisfaisant. J'ai soumis à mes recherches, des graines germées prises parmi celles que j'ai employées précédemment , et qui avaient, après un dessèchement de plusieurs jours dans une ëtuve chauffée à35.°centig. et de deux mois (1) dans un lieu sec à la température de 15." centig. , pris un poids or- dinairement inférieur, ou tout au plus égal à celui qu'elles avaient avant leur germination. Elles ont été chauffées à sec pendant deux heures par un bain marie dont l'eau avait une température de 70.° à 74.° centig. , mais qui ne com- (1) J'en excepte les pois qui n'ont subi cju'uu dessèchement de trois semaines. l4 MÉMOIRE muniqiiait aux grains qu'une température de 66.° à 70,* centig. Les n.°' I germe's du froment, du seigle, du chou, du sarrasin , de vesce, qui avaient éprouvé ce degré de cha- leur, ont repris par Ihumectalion à la température moyeime atmosphérique. Cette reprise a été retardée de quelques jours sur celles des graines semblables qui n'avaient pas éprouvé de chaleur extraordinaire. Les n.*^ i germes de l'orge, du chanvre et des pois qui ont été soumis à la tem- pérature de 'é^." à 70.° n'ont point pu reprendre. Les grai- nes n." 1 qui nont pas succombé à ce degré de chaleur étaient sèches quand elles l'ont reçu; mais je me suis assuré que si on les y exposait subitement , pendant le même temps , lorsqu'elles étaient récemment germées et impré- gnées de toute leur eau de végétation , elles en périssaient sans retour. Les n. '^ 2 de toutes les graines précédentes ont été ex- posées dans létat sec à cette température élevée ^ mais aucun d'eux , après cette exposition, n'a pu être rappelé à la végétation.} il en était de même à plus forte raison lors- qu'ils étaient humides. Au reste, une température naturelle aussi élevée que la précédente nest pas commune 5 elle ne se rapporte qu'à im sol d'une couleur très-foncée , et d'une nature par- liculière^ j'ai eu plusieurs fois l'occasion d'observer que les graines germées n." 1 résistent même dans l'état humide au dessèchement, et à la température que les rayons directs du soleil produisent dans une terre ordinaire. SUR LE DESSÈCHEMENT DES GRAINES. l5 De la durée de la force végétative des graines sèches ger niées. Lesgrainesgermées que j'ai soumises précédemment à une dessiccation ordinaire ont été rappelées pour la plupart à la végétation après avoir été conservées pendant deux ou trois mois dans l'état sec. J'ai recherché si leur leprise aurait également lieu dans un terme plus éloigné, en essayant de faire végéter, après un an de dessèchement, les graines germées n." i de froment, de seigle, d'orge, davoine mondéei de maïs , de blé sarrasin , de vesce, de lentille , de laitue, de cresson alénois, et de chou; mais aucune d'elles àcctte époque n'a pu reprendre j cependant les graines germées n." 1 et 2 de froment ont été rappelées à la végétation après six mois et demi de dessèchement; les autres graines n'ont pas été éprouvées dans cette circonstance. Les expériences suivantes paraissent montrer que le dessèchement n'a pas d'influence bien marquée sur la mort du froment germé qui a été conservé pendant un an dans létat sec. Cinq grammes de froment ont été soumis à la geiiTiination : cinq autres grammes de la même graine ont été pesés en état non germé dans les mêmes circons- tances atmosphériques que le froment germé. Après trois semaines de dessèchement, le froment germé pesait 5,o35 grammes. Le froment non germé pesait alors par des changements hygrométriques de l'air 5,o65. Au bout d'un an, le froment germé pesait 5 grammes, et le froment non germé en pesait 5,o45. l6 MÉMOIRE Il suit de ces résultats , que cinq grammes de froment sec non germé ont perdu par un dessèchement prolongé dans l'espace de onze mois, 0,02 gramme, tandis que le froment sec germé a perdu dans le même temps o,o35 gr. ^ or 1 on verra plus bas que le froment sec germé peut perdre par un dessèchement ultérieur , mais moins prolongé, une quantité d'eau quinze fois plus grande sans que sa force végétative en reçoive aucune atteinte. Au reste, si lembryon seul était alfecté par le dessèche- ment d'une année, il pourrait mourir par cette cause, sans quelle fût très-sensible à la balance, à cause de la peti- tesse de cette partie de la graine. Des graines séchées au-delà du terme quelles atteignent naturellement. En soumettant les graines germées et non germées à un dessèchement plus avancé que celui auquel elles parvien- nent dans les circonstances atmosphériques, j'ai eu pour ]ïut de reconnaître : i .° si les graines non germées peuvent perdre par le seul dessèchement la faculté de germer ; 2." si la reprise des graines germées et séchées à la tem- pérature atmosphérique vient de ce qu'elles acquièrent par la germination la faculté de retenir un excès d'eau qui y conserve une force végétative analogue à celle que les plantes grasses possèdent en partie en raison de leur état succulent et de leur défaut de porosité. Les graines que j'ai soumises au dessèchement extraor- dinaire , ont été prises parmi celles qui avaient subi le SUR LE DESSÈCHEMENT DES GRAINES. 17 dessèchement ordinaire : il avait duré environ deux mois pour les graines germëes (en exceptant les pois qui exi- gent pour leur reprise un terme plus court) 5 elles ont été exposées dès lors pendant quatre semaines dans le vide sous l'influence de trois livres et demie d'acide sul- furique. Je n'ai pas prolongé ordinairement au-delà de ce terme le dessèchement des graines germées dont j'ai provoqué la reprise , parce que je n'avais pas la certitude qu'elles pussent reprendre après un dessèchement ordi- naire qui aurait duré plus de trois mois. Quant au des- sèchement extraordinaire des graines non germées, il a e'té prolongé j usqu à six mois dans le vide. La force végétative de toutes les semences non germées que j'ai soumises à cette longue dessiccation, n'en a Jamais été détruite. La germination de plusieurs d'entr' elles qui se trouvent dans les plus petites ou les plus minces en a été retardée de quelques jours^ telles sont le,« graines de pavot, de raiponce {campanula rapunculus), de pourpier et de pa- nais {paslinaca oleracea)y mais toutes les graines d'un certain volume, telles que le froment, le seigle, l'orge, l'avoine, le maïs , le blé sarrasin, les lentilles, les pois, la vesce et même quelques graines d'un petit volume, telles que le trèfle blanc, la moutarde, la laitue, la reine marguerite, n'en ont éprouvé aucun retard. J'ai reconnu , il est vrai , par les résultats dont on trouve le détail dans le tableau annexé à ce mémoire , qu'elles ne sont pas parvenues à un dessèchement absolu ; car les mêmes graines réduites parla trituration ou la pulvérisation Mcm. de la Suc. de Plijs. et d'Hiit. nal.T. 111. 2.'' Part. 3 l8 MÉMOIRE à leur plus grand état de division, ayant été exposées dans le vide sous l'influence de l'acide sulfurique, y ont subi, dans le même temps , une plus grande perte que les graines entières. La différence des pertes de poids dans ces deux états peut indiquer les quantités d'eau que les graines en- tières ont retenue dans chaque expérience. Cette indication ne paraît être juste que pour les se- mences qui , telles que les céréales , les légumineuses , le blé noir, se réduisent en poudre, et ne forment point de pâte par la trituration, La laitue, la raiponce, le panais, et toutes les graines huileuses (i), se réduisent, par la tri- turation , en parcelles agglutinées ou en masses liées qui se dessèchent quelquefois moins que la graine dans son état naturel. (Jn pourrait sans doute faire parvenir les graines en- tières à un dessèchement plus avancé, en ajoutant au pro- cédé de LesUe, l'action d'un bain marie bouillant, ainsi que l'a fait M. Gay-^Lussac pour d'autres corps ; mais plu- sieurs substances végétales, et particulièrement celles qui contiennent de l'albumine (2), commencent à s'altérer à une température inférieure à 100.° centig., et l'on ne peut pas toujours distinguer, quand on en vient à la germination, si l'altération que cette fonction subit, tient à la chaleur que la graine a éprouvée, ou à son dessèchement. (1) Mes résultats paraissent indiquer d'ailleurs que les graines huileuses contiennent beaucoup moins d'eau hygrométrique que les graines farineuses. (2) Les gousses de pois qui sont presque blanches après leur dessèche- ment ordinaire , passent au brun foncé par une exposition de quelques heures à sec sur un bain marie bouillant qui ne leur communique qu'une température de 91.° centig* SUR LE DESSicHEMEKT DES GRAINES, I9 Cent parties de graine de pois pulvérisée ont perdu 10,72 parle dessèchement à froid dans le vide pendant un mois; cette perte n'a pas augmenté par un dessèchement ulté- rieur. Cent parties des mêmes graines entières ont perdu 10,1 par un dessèchement de trois mois dans le vide; elles ont germé ensuite aussi facilement que dans leur état naturel. Cent parties des mêmes graines soumises pendant sept heures à l'action d un bain marie bouillant , n'y ont perdu que 7,5, et elles n'ont point pu germer; il n'est pas dou- teux que dans ce cas elles n'aient perdu leur faculté ger- minative par l'effet de la chaleur, et non par le dessè- chement. Toutes les graines ne se comportent pas de la même manière que les précédentes; 100 parties de blé pulvérisé ont perdu 1 1,78 par leur dessèchement à froid dans le vide : 100 parties de la même graine entière ont perdu 9,65 par le même procédé continué pendant six mois; cette graine ainsi séchée a germé par l'humectation aussi promptement que dans son état naturel. "Cent parties de la même graine soumise pendant sept heures à l'action d'un bain marie bouillant, ont perdu 10,2. Ce froment a exigé dès lors pour entrer en germination sept jours de plus que celui qui n'avait pas subi cette épreuve; on ne peut décider si ce retard est dû à l'effet de la chaleur ou à celui du dessèchement. Je crois cependant pouvoir conclure du procédé de Leslie, sur plusieurs graines qui, en raison de leur ténuité, offrent 20 MÉMOIRE beaucoup de prise au dessèchement, que ce dernier poussé très -loin retarde la germination 5 on peut même prévoir qu'il parviendrait à l'empêcher entièrement, en exposant la graine humectée k se putrifier avant qu'elle eût atteint le terme requis pour sa reprise. Si le dessèchement par l'effet du vide n'a ôté avant la germination à aucune des graines que j'ai éprouvées , la fa- culté de germer, il n'en a pas été de même pour la reprise de toutes les graines germées qui avaient survécu à l'effet d'un dessèchement ordinaire. Les graines germées n.** i de pois , de lentilles, de vesce, de maïs, de blé sarrasin, sont mortes sans retour par un vide sec de trois ou quatre semaines ; mais un grand nombre d'autres graines germées ont été rappelées à la végétation après ces épreuves; tels sont le froment, le seigle, l'orge et les choux : c'est un phénomène singulier, que de voir la plumulen." 3 du froment, réduite par le dessèchement dans le vide à l'état d'une extrême fragilité , se ramollir insensi- blement , et commencer à prendre de l'accroissement , seu^ lement après une humectation de plusieurs semaines : je dois observer que, dans ce dernier cas, la reprise n'a pas lieu dans toutes les plantules, et qu'elle exige beaucoup de soins pour empêcher la pourriture ou le dessèchement par excès ou par défaut d'arrosement. La faculté plus ou moins grande que les graines germées ont d'être rappelées à la végétation après le dessèchement extraordinaire, est subordonnée au pouvoir qu'ellesontavant la germination de résister au dessèchement , et non pas à un excèi d'eau qu'elles auraient acquis dans la germination ; SUR LE DESSÈCHEMENT DES GRAINES. 21 car, en comparant dans le tableau les dessèchements des mêmes grauies germées et non fermées , on voit en général que les premières contiennent moins d'eau que les secondes ; on voit de plus, en comparant avant la geimination les dessèchements des graines entières farineuses, et des mêmes graines pulvérisées, que celles qui dans le premier mois (i) résistent le plus au dessèchement, telles que le blé, l'orge et le seigle, sont précisément celles qui, étant germées, peu- vent être rappelées à la végétation après un dessèchement extraordinaire, tandis que les graines qui, telles que les pois, la vesce, le maïs, abandonnent presque toute leur eau dans la première époque de leur dessiccation, meurent sans retour, après la germination, par ce même dessèchement. Instruction sur le tableau du dessèchement des graines dans le vide^ J'ai employé pour le dessèchement dans le vide, trois livres et demie d'acide sulfurique du commerce , qui n'avait point été exposé à l'air depuis sa fabrication. Le vide se soutenait entre deux et trois millimètres dans la pompe pneumatique. Les noms latins correspondants aux noms français des graines sont indiqués dans la partie du mémoire qui traite de leur dessèchement ordinaire. (i) On ue peul juger que daus les premières époques du dessèchetneut , de la manièie dunt elles lui résistent 5 parce que, à une époque beaucoup plus xeculée, elles approchent presque égalemeut d'un dessèchemeul complet. 2 2 MÉaiOIUE Lorsque le nom de la plante est désigné sans autre qua- lificalion , il indique seulement la graine entière non germée. Lorsque le mot germé sans autre qualification est ajoute au nom de la graine, il désigne le degré de germination repre'- senté sous le n.° i dans la planche et dans le mémoire. Les graines pulvérisées sont celles qui, après avoir été ré- duites par le pilon dans leur plus grand état de division, pré- sentent une poudre déliée : j'ai distingué sous le nom de broyées celles qui, après cette opération, offrent une pâte ou des parcelles plus ou moins liées, quoique ces deux termes puissent représenter d'ailleurs le même résultat. On voit dans le tableau, que loo grammes de graines de blé séché à l'air libre et à la température atmosphérique perdent 7,1 grammes parleur exposition pendant un mois dans le vide sous l'influence de l'acide sulfurique, et que cette perte monte à 8,21 grammes lorsque ce séjour dure trois mois, etc. Je n'ai fait l'observation directe que sur une quantité de graine qui n'excédait pas cinq grammes. On comprend que ces résultats doivent présenter quelques dif- férences dans la même espèce de semence suivant sa grosseur. SUR LE DESSECHEMENT DES GRAINES. 20 Pertes que cent parties de graine en poids éprouvent par le dessèchement dans le vide. Noms des gYaines. Deuècliemcnt d'un 1 Jesscchemeot de lr©is Dessèchemeot de six mois. 1 mois. mois. Blé pulvérisé. 11,78 11.78 Blé. 7'i 8,21 9,65 Blé pulvérisé. germé. 10,93 10,93 10,93 Blé germé. 7,o3 Blé germé, n.° z. 7^1 Blé germé, n." 3. 7.1 Seigle pulvérisé. 10,4 10,4 Seigle. 6,96 9,47 Seigle germé. 6,96 9.75 Orge pulvérisée. ii>94 Orge. 6,8 Orge germée. 6.8 Avoine mondée pulvéï'isée. l3,12 i3,ia Avoine mondée. 8,41 12,84 Avoinemondée, germéeetpul- vérisée. 11,86 Maïs pulvérisé. 9.6 Maïs. 9,0 Maïs germé. 7,6 Vesce pulvéri- sée. 9.91 Vesce. 9.«7 Vesce germée. 9,6 2-4 Nomi (tes graines. Pois pulvérisés. Pois. Pois germes puivérisés. Pois germes. Lentille pulvé- vérisée. Lentille. Trèfle blanc pulvérisé. Trèfle blanc. Blé sarrasin pulvérisé. Blé sarrasin. Blé sarrasin ger mé pulvérisé Chou broyé. Chou. Moutarde noire broyée. Moutarde noire. Chanvre broyé. Chanvre. Pavot broyé. Pavot. MEMOIRE Dessccbement d'un mois. 10,7a 10,0 1 0,3 1 9»93 9J 12,46 10,29 10,34 6,09 5,93 6,75 Dcssècberaent de trois uioU, 10,1 10,44 9,33 6,09 6,96 8,29 7.91 Dsssèchcmeni de six mois. io,S 12,46 11,84 10,34 6,09 5,813 6,941 5,3 5,i4 Pourpier pulvé- rise. Pourpier. 8,86 SUR LE DESSECHEMENT DES GRAINES Koms des graines. Laitue broyée Laitue. 25 Reine margue- rite broyée. Reine margue- rite. Panais broyé. Panais. Raiponce broyée. Raiponce. lirisècheaieal d'un inoiv. DeiiLLÎiemeitL de II ois mois. 8,43 9,18 8,95 9,oiJ 6.14 7^89 Uessètlicnicni tiesix 5,398 5,377 Résumé des principales observations contenues dans ce mémoire. La plupart des graines alimentaires germe'es conservent leur force végétative après le dessèchement le plus avancé qu'elles peuvent éprouver à Tair libre , à l'ombre , ou sous une température de 35.°^ telles sont le froment , le seigle, l'orge , le maïs , la vesce , les lentilles , le cresson alénois , le chanvre, le chou, la moutarde, la laitue, le blé sarrasin. Les graines qui m'ont paru dépourvues de cette faculté sont la fève, le haricot, le pourpier, la raiponce, le pavot. Parmi les graines germées qui peuvent être rappelées à la végétation après un dessèchement fait à l'ombre ou à 55." cenlig., on en trouve qui conservent cette faculté à la tem- pérature de 70.° centig. ou à la température la plus élevée Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hisl .nat.T. 111. 2.' Part. i 26 MÉMOIRE que le soleil peut communiquer au sol dans nos climats ; telles sont les graines de froment, de seigle, de vesce et de chou, dans la première époque de leur développement. Leur force végétative ne s'est, toutefois, maintenue dans ce cas, qu'autant quelles paraissaient sèches, ou dépourvues de leur eau de végétation , avant d'être soumises à cette tempéra- ture élevée. Une graine germée et desséchée emploie à reprendre après son humectation, au moins le même temps , et souvent plus de temps qu'une graine de même espèce non germée n'en met à germer. D'après ce résultat , on conçoit que des graines lentes à germer et disposées à la putréfaction, telles que les fèves et les haricots, ne doivent pas , lorsqu'elles sont sèches etgermées, rentrer en végétation; elles se putréfient avant d'avoir atteint le terme requis pour leur reprise. D'ailleurs la cause la plus commune de la perte des graines germées paraît dépendre de la disposition du germe à un dessèchement trop avancé. Les graines germées et desséchées mettent, toutes choses égales , d'autant plus de temps pour commencer à faire un nouveau développement par l'humectation.que leur germi- nation était plus avancée avant le dessèchement. Les graines sèches germées (pour peu que leur germina- tion ait été prolongée avant le dessèchement ) perdent leurs i-adicules dans la reprise. Cette perte, qui réduit les plantules à des espèces de boutures, rend la végétation moins vigoureuse qu'elle ne l'aurait été si elle n'eût pas souffert d'interruption. . Dans l'état sec une graine germée perd plus prompte- SUR LE DESSÈCHEMENT DES GRAINES. 27 ment qu'une graine non germée la faculté de végéter. La plupart d'entr'elles la conservent au moins pendant trois mois de dessèchement j mais je n'en ai vu aucune qui l'ait conservée au bout d'un an. Un dessèchement artificiel beaucoup plus avancé que celui auquel les graines peuvent parvenir naturellement, na ôté, à aucune d'elles, avant la germination, et sous la tem- pérature atmosphérique, la faculté de végéter. Quelques-unes d'entr'elles seulement ont requis pour germer, après cette épreuve , une humectation plus prolongée. Le même dessèchement apphqué aux graines germées a privé certaines espèces de toute leur force végétative, et n'a porté aucun préjudice à la reprise de plusieurs autres. Celles qui y ont succombé , sont les graines germées n.° i de vesce, de pois, de lentille, de maïs et de blé sarrasin : celles qui y ont survécu, sojnt .les graines de froment, de seigle, d'orge et de chou. ; -.în. Un peut juger si une graine farineuse germée a la faculté de reprendre après un dessèchement extraordinaire, en sou- mettant, pendant trois ou quatre semaines au vide sec, les graines non germées dans l'état entier, et dans l'état pul- vérisé, et en comparant les dessèchements qu'elles subissent dans ces deux états. Celles qui y éprouvent des pertes de poids peu différentes , ou qui ne diffèrent au plus que d'un cinquième, n'ont pas, lorsqu'elles sont germées et séchées extraordinairement, la faculté d'être rappelées à la végéta- tion ^ celles au contraire qui subissent une beaucoup plus grande perte dans l'état pulvérulent que dans 1 état entier , ont cette faculté. 28 MÉMOIRE Les observations précédentes nous ont conduit à montrer que plusieurs espèces de graines qui ont germé à la surface du sol sans y avoir pénétré, et qui y ont éprouvé tout le dessèchement que l'ardeur du soleil doit produire, peuvent, après une mort apparente, être rappelées à la végétation par la seule humectation ; nous avons vu qu'une même graine peut, dans les différents degrés de sa germination, supporter successivement et à plusieurs reprises ces alternatives de d -ssèchement et de végétation sans en périr, et cela jusqu'à ( e |ue les racines aient pris un alongement suffisant pour [é létrer profondément dans la terre, et garantir la plante d'un dessèchement devenu dès lors fatal à sa conservation. Toutes les semences germées n'ont pas , il est vrai, une vitalité aussi remarquable^ mais il est intéressant d'observer que le froment et le seigle , qui dans nos climats tiennent le premier rang parmi les graines alimentaires , le conservent encore par l'avantage de subir facilement cette sorte de ré- suiTection. MdeFA.Rjiat. ToL HT 2.'^j>.' jp^v^ 28. ij^!i/»n.ent>: -/ 2 ^^ 3 Ût^^. '^yv'ùuej . €^ r^a^i^'l>tXJ^/i^. / 2 1 ■^i /e'i^.e'. o ^ (yf:£^>-c^?ty oo^Si^t&t^. / 2 1 / 2 ù/ùz^z/f^^e/f i 2 / 2 3 , '^^'^:rt^ NOTICE SUR LA MATIÈRE QUI A COLORÉ EN ROUGE LE LAC DE MORAT AU PflINTEMPS DE iSzS. PREMIERE PARTIE. sur la matiere rouge consideree sous le rapport de l'histoire naturelle. Par m. le Professeur DE CANDOLLE. LiE lac de Morat a présenté, surtout vers la fin de l'hiver 182.5, un phénomène remarquable, savoir , qu'il s'est trouvé couvert en plusieurs places d'une matière rouge qui le co- lorait d'une manière si extraordinaire que tous les habi- tants riverains en furent vivement frappés. Un article in- séré par M. le docteur Engelhardt dans le Schweizer-Bole appela sur ce phénomène l'attention des naturalistes suisses. Ceux de Genève mirent dès lors un grand intérêt à en connaître les détails, et, s'il était possible, l'origine. M. Col- ladon écrivit à M. Schultess, pharmacien à Morat, pour obtenir des renseignements à ce sujet, et reçut par cette voie, de M. le docteur Engelhardt , non-seulement dans lettres qui racontaient les faits , mais plusieurs bouteilles 3o MÉMOIRE remplies des diverses matières qui paraissaient concourir à la formation du phénomène j M. Trechsel fils, de Berne, écrivit aussi à M. le docteur Vaucher un récit assez cir- constancié de ce qu'il avait vu, M. Colladon, toujours animé du désir de connaître ce qui tient à l'histoire naturelle du pays, distribua les matières qu'il avait reçues entre les naturalistes et les chimistes de Genève pour les étudier sous différents points de vue. Nous allons exposer successivement : i.° le récit des fait» d'après les observateurs qui ont pu les étudier sur le lac de Morât même ; 2.° les résultats , sous le rapport de l'histoire naturelle, de l'observation des matières qui ont été remises par M. Colladon à M. De CandoUe. Les résultats des analyses chimiques de MM. Colladon et Macaire feront l'objet d'une seconde partie annexée à ce Mémoire, ■f , ■ ■ §. i. Récit du phénomène , tiré des lettres des observateur» MM. Engelhardt et TrechseL Le phénomène qui, par son intensité, a appelé cette année d'une manière spéciale l'attention des naturalistes sur le lac de Morat , n'est pas nouveau ; il se présente pres- que tous les printemps, et les pêcheurs expriment ce fait en disant que le lac fleurit (1) 5 il est possible que ce soit à (i) On dit aussi que le lac de GenèVe fleurit au printemps dans les environs de Vevey ; mais ee phénomène n'a point été étudié j et on igooie encore s» ses apparences et ses causes oui du rapport avec ce qui se passe au lac de Morat. f SUR LA MATIÈRE QUI COLORE LE LAC DE MORAT. 3l ce phénomène que Sulzer ait fait allusion à la page 1 2 de son Voyage en Suisse, et Haller au 2109 de son Histoire des plantes de Suisse; mais ils donnent l'un et l'autre trop peu de détails pour pouvoir rien affirmer à cet égard. Cette année, le phénomène a duré depuis le mois de Novembre jusqu'aux mois de Mars et d'Avril, et paraît même s'être prolongé en Mai , puisque c^est à cette époque que les matières qui le causent ont été expédiées à Ge- nève, Les observateurs paraissent croire que la douceur de l'hiver et le peu d'élévation des eaux du lac ont pu favo- riser le développement de la matière évidemment organi- que qui cause la rougeur du lac. « Pendant les premières heures du jour on ne remarquait rien de particulier sur le lacj mais bientôt après, dit M. Trechsel, on voyait de longues lignes rouges très-régulières et parallèles le long des bords du lac et à quelque distance du rivage ; les brises poussaient cette matière dans les petits golfes , et elle s'amoncelait autour des roseaux. Là «lie couvrait la surface du lac d'une écume fine, rou- geâtre, formant des couches de couleur variant d'un noir verdàtre jusqu'au rouge le plus délicieux ; on en voit de jaunes , de rouges , de grises , de toutes les couleurs 5 quel- ques-unes sont marbrées, d'autres présentent des figures assez semblables à celles produites par l'électricité posi- tive sur i'électrophore. Pendant le jour cette masse exhale ime odeur infecte,- pendant la nuit tout disparaît pour reparaître le lendemain, a Lorsque le lac est agité par des vents trop violents, le phénomène disparaît ; il se représente de nouveau quand le calme se rétablit. 32 MÉMOIRE Plusieurs espèces de poissons , telles que la perche et le brochet, avaient ( proljablement pour avoir mangé de cette matière) les arêtes et même les chairs teintes en rouge, comme si on les eut nourries de garance , mais sans autre inconvénient, dit le docteur Engelhardt j ce même observateur, ainsi que M. Trechsel, racontent que d'autres petits poissons qui viennent à la surface pour respirer ou donner la chasse aux mouches périssaient après quel- ques convulsions lorsqu'ils traversaient cette matière, soit, selon les uns , pour en avoir avalé , soit , selon les autres, à cause du méphitisme de l'air qui se trouvait à sa surface- §. 2. Examen des matières envoyées de Morat , fait sous le rapport de l'histoire naturelle. Les matières envoyées de Morat , prises sur le boi-d du lac et renfermées dans des bouteilles closes, sont ar- rivées à Genève au bout de vingt-quatre heures ; lors- qu'on les ouvrait, elles exhalaient une odeur extrêmement fétide. On les a versées dans des vases , et on a vu qu'il s'y présentait deux matières fort distinctes, savoir, une matière très-menue et d'un rouge brun, et une autre en plaques irrégulières et d'un vert sale. Nous allons les examiner séparément. Lorsqu'on filtre la masse , on obtient en grande quan- tité la matière d un rouge brun. Cette matière placée dans l'eau vient nager à la surface; si on l'a obtenue sans fil- tration, et si on la mêle dans l'eau, on voit le liquide pré- senter trois zones, une supérieure qui renferme la ma- 3r Ph et ITnat Tm 2*^' :Baj, ■ej :s:i. 3 fi SUR LA MATIERE QUI COLORE LE LAC LE MORAT. Oo tière presque pure , une intermédiaire qui est de 1 eau, et une inférieure qui est un amas de divers immondices ou fragments qui étaient mélangés avec la matière brune. Le premier jour, l'eau qui sépare ces deux couches est parfaitement claire et sans couleur ; mais au bout de deux ou trois jours, on voit cette eau se colorer en lilas- rose, puis en rouge-lilas très-vif, comme on le voit repré- senté dans lafig. i. La fig. 2 représente l'eau colorée sé- parée de toutes les autres matières. Cette couleur commence toujours par la partie supérieure j elle va en descendant dans le liquide, et il est évident qu'elle provient de la ma- tière brtmâtre qui surnage. Lorsqu'on agite le vase, toutes les zones se mêlent et le liquide paraît d'un lilas sale et plus ou moins brunâtre ou rougeâtre. Il est donc certain que la coloration de l'eau tient essentiellement à la ma- tière rouge-brune qui forme la couche supérieure et flot- tante. C est cette matière qui a du être examinée avec le plus d'attention. Lorsqu on l'examine à la loupe seulement, ou à un faible microscope, on n'y voit qu'un amas de filets cylindriques très-menus , et on conçoit que si c'est ainsi que Haller l'a observée, il a pu la désigner par les expressions suivantes : Conferva purpurea aguis innatans. Hanc stagnorunt aquis et confi^rvls innalanlem confervani vidi, tenerum poUlnein i qui tamen continu ain crustain efficerat , lœtè purpureuni. (Hist. st. helv. n.° 2109.) Mais lorsqu'on la soumet à un fort microscope , alors la scène change : les filets cylindriques sont marqués de raies transversales le plus souvent entières et en an- mém.delaSoc,dePhYS.etd'Hist.nat.T.m.2.'Part. 5 34 MÉMOIRE neaux , quelquefois interrompus ; ces anneaux sont très- i-approchés les uns des autres et assez réguliers; ce rap- prochement des anneaux pouvait déjà faire présumer que ces filets n'étaient point des conferves, mais appartenaient au genre des oscillatoires de M. Vaucher; ce doute s'est changé en certitude lorsque l'on a vu le nlOu^ement propre de ces filets j on les voit se fléchir ou se courber, tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre, avec assez de rapidité et de ma- nière à ne laisser aucun doute sur leur animalité. La matière qui coloie en rouge le lac de Morat est donc une oscillatoire, et elle paraît même très-analogue à Yoscil- latoria subfusca décrite par Vaucher dans son Histoire des conferves, p. i63, et figurée pi. i5, f. 5. M. Vaucher ayant trouvé cette espèce dans le Rhône, nous a mis à portée de la comparer avec celle du lac de Morat. Celle du Hhône se présente à la vue simple sous la forme d'un petit tapis d'un vert foncé, un peu olivâtre, qui recouvre la boue et les pierres; vue au microscope elle offre des tubes presque transparents de même grosseur que celle de Morat, mais munis d'an- neaux beaucoup moins rapprochés et moins épais. L'es- pèce qui a coloré le lac de Morat paraît donc une espèce dis- tincte qu'on pourrait appeler Osc'dlatoria rubescens. La fig. 4 représente les filets de cette oscillatoire tels qu'ils se présentent sous le microscope d'Amici à un grossissement de 4oo fois. Les anneaux paraissent être situés à l'intérieur d'un tube membraneux ; du moins on voit souvent des por- tions tubulaires du filet dépourvues d'anneau et des frag- ments plus ou moins complets d'anneaux flottants dans le liquide du porte-objet. La matière colorante paraît conte- m SUR LA MATIÈRE QUI COLORE LE LAC DE MORAT. 35 nue ou dans les anneaux ou entre les anneaux j il est vrai- semblable que, par la fermentation ou la putréfaction de ces matières, qui a lieu, soit à leur mort, soit peut-être déjà dans un ëtat maladif, cette matière colorante se dissout dans l'eau et forme cette belle couleur lilas-rose qui finit par se développer dans l'eau sur laquelle les oscillatoires nagent. Les lambeaux d'un vert sale qui étaient mêlés avec cette matière rougeâtre dans l'eau envoyée de Morat, sont plus difficiles à bien apprécier ; on les a comparés avec assez de justesse, quant à l'apparence, à des fragments du thallus de quelque lichen foliacé j ce sont des lambeaux fétides un peu mous , à peu près de la pesanteur de l'eau , presque tous irréguliers et déchiquetés sur les bords , d'un côté blanchâtres, de l'autre dun vert sale, de demi-pouce à trois pouces de long, et de demi-pouce à un pouce de largeur. Lorsqu'on les met sous le microscope, on n'y aperçoit pres- qu'aucune trace distincte d'organisation, sinon de petites raies qui annoncent un tissu mal déterminé 5 il est possible que ces lambeaux soient des débris des grands végétaux qui vivent dans le lac, tels que des nénuphars et des scirpes; ils est possible qu'ils aient été des matières analogues à quelque espèce d'ulve ou de rivulaire maintenant à moitié décomposée j il est possible qu'ils soient les débris du four- reau de l'oscillatoire et soient analogues aux corps que M. Vaucher a figurés dans son Oùcillaloriavaginaiu,\)\. i5, f. i5, et dans tous les nostochs; si cette dernière hypothèse venait à être vérifiée par ceux qui étudieront le phénomène sur sa place originelle, elle tendrait à confirmer l'idée indi- quée plus haut que l'oscillatoire de Morat est une espèce dif- 36 MÉMOIRE férente de Voscillatoria subfusca; mais la grandeur et même lapparence de ces fragments laissent beaucoup de doute à cet égard. La matière qui tombe au fond de leau sur laquelle nagent les oscillatoires , est uu mélange confus et analogue à de la lie; il se compose de menus débris de ces fourreaux, de fragments de la boue du lac, et de débris de matières or- ganiques végétales ou animales; ou y trouve aussi, mais en petite quantité, des débris des filets d'oscillatoires sans mou- vement et probablement morts. Lorsqu'on a placé des oscillatoires du lac de Morat dans de l'eau, on les a vues se disposer sur les bords du bocal, en filets assez longs , de couleur brune dans leur partie infé- rieure, et verts à la partie supérieure : cette partie verte fait-elle partie intégrante de l'autre? est-ce un commence- ment de la formation d'un fourreau? est-ce un âge particu- lier de l'oscillatoire ? est-ce une formation étrangère à son essence ? toutes ces questions n'ont pas encore de réponse complète. L'analogie avec les autres espèces du genre sem- ble confirmer l'opinion que cette production verte fait réel- lement partie du développement de l'oscillatoire et est peut- être un commencement de la formation du fourreau. L'histoire de ces êtres ambigus est trop difficile pour cher- cher à la débrouiller entièrement à foccasion d'une espèce transportée" hors de son lieu natal, et que nous ne pouvons observer que dans un état incomplet et à plusieurs égards morbide j nous nous contenterons donc de conclure, des observations précédentes, que la cause de la rougeur ex- traordinaire observée dans le lac de Morat est le développe- SUR LA MATIERE QUI COLORE LE LAC DE MORAT. 5'} ment d une multitude immense d'une oscillatoire qui paraît n'être pas décrite par les naturalistes et que nous désigne- rons dans le langage et la forme des livres d'histoire naturelle comme suit : Oscillatoria rubescens , pi. fig. 3 et 4- O. fiUs cylindricis tenuissimis ( ^ lin-diam ) fusco- rubescenéibus confertissimè annulatis. Confervapurpurea aquis innatans , Hall. helv. n. 2 1 09? Hab. in lacu Morattensi ; prœclpue hjeme et vere; interdum tej?iperie favente valdé multiplicata , ad super- ficiem fiuitans et aquam rubram efficiens. SECONDE PARTIE. EXAMEN cmMIQUE DE LA MATIERE ROUGE DE MORAT. Par mm. COLLADON-MÂRTIN et MACAIRE PPJNSEP. Le mémoire que l'on va lire est destiné à servir de suite et de complément aux observations qui vous ont été pré- sentées sur la matière rouge du lac de Morat ; et comme les apparences physiques y ont été décrites avec grand soin, les auteurs de ce petit travail n'y reviennent point et passent sur-le-champ aux résultats que leur a fournis l'analyse chi- mique. Jetée sur un filtre ou digérée dans un peu d'eau froide, la matière rouge du lac de Morat laisse séparer une petite quantité d'une liqueur opale, rougeàtre, d'une odeur mare- ^8 MÉMOIRE cageuse, d'une saveur fade. Elle rougit le tournesol; se- clairoit par les acides étendus 5 donne avec la potasse pure un précipité gélatineux, soluble dans les acides; précipite en blanc le muriate de baryte. L'alcool en sépare une ma- tière blanchâtre et légère que l'eau redissout ^ l'oxymuriate de mercure n'y donne aucun précipité, ce qui indique qu il n'y a pas d'albumine; le protonitrate de mercure donne un précipité gélatineux, l'intusion gallique un abondant dépôt violet. Chauffé à une douce chaleur, puis porté à i'ébuUition, le liquide ne se coagule point et dépose pari'évaporation une matière légèrement transparente, cornée, ayant l'odeur de la colle forte, soluble à froid sans résidu dans l'acide mu- riatique, ce qui indique dans la liqueur examinée la présence de la gélatine et de quelques sels. Si Ion laisse .séjourner quelque temps dans l'eau la matière rouge, les produits de la fermentation qui s'établit, et en particulier le souscar- bonate d'ammoniaque, rendent plus soluble dans l'eau la substancecolorante, et la liqueur filtrée est couleur lilas; quel- ques gouttes d'acide sulfurique, en saturant le sel, en précipi- tent une substance d'un beau violet. L'alun y forme une la- que violette. La chaleur seule peut aussi, par le dégagement du sel ammoniacal, laisser déposer la résine colorante et si- muler ainsi une coagulation ; mais ce phénomène n'a point lieu avec la matière fraîche. La matière solide égouttée et séparée par la décantation des corps étrangers, était en masse molle, tenace, plastique, à peu près comme une pâte glutineuse dont elle avait assez bien l'odeur, d'une couleur ro;jge légèrement brunâtre. Le chlore liquide la décolorait et la laissait soas l'apparence de fibres ou tubes entrelaces. n SUR LA MATIÈRE QUI COLORE Lï; LAC DE MORAT. 3q de couleur blanche. Desséchée sur le feu, elle se décolore et devient grisâtre. On l'a mise alors dans un petit tube fermé par un bout, à l'extrémité ouverte duquel étaient deux papiers réactifs, 1 un bleu (tournesol ) et l'autre jaune ( curcuma ), et l'on a chauffé graduellement la matière. L'action du feu a fait dégager d abord une grande quantité d'eau acide qui a rougi le papier bleuj puis bientôt une abondante produc- tion de souscarbonate d'ammoniaque a rougi le papier jaune et bleui de nouveau le tournesol précédemment rougi. Il s'est dégagé une huile noire, fétide; la matière s'est bour- soulïlée et a laissé un résidu charbonneux, léger et abon- dant. Ce charbon examiné a paru contenir mie quantité notable de souscarbonate de potasse. Cent grains de la matière rouge ont été mis en digestion dans une suffisante quantité d'éther sulfurique; ce fluide s'est coloré en jaune orangé vif, et colorait le papier en orangé, rougissant à l'air, lin filtrant et lavant la matière avec de nouvel éther, elle est entièrement dépouillée de la teinte rouge, et reste à l'état de filaments verdâtres. La liqueur éthérée rouge, évaporée à une douce chaleur, laisse déposer une substance pulvérulente d'un rouge orangé très-vif j cette substance est sulubie à froid dans l'éther , dans l'alcool, in- soluble dans l'eau qui la précipite de ces dissolutions éthé- rées et alcooliques. Elle se dissout dans l'essence de térében- thine, qui par la chaleur la fait virer au vert j dans la po- tasse caustique elle se dissout sans altération, verdit dans l'a- acide nitrique, et par la chaleur elle s'y dissout. La liqueur acide évaporée à siccité laisse un résidu blanchâtre, qui n'est pas amer, se dissout dans l'eau, rougit le tournesol, préci- 4o MÉMOIRE pite abondamment l'eau de chaux en blanc grenu , a tous les caractères de l'acide oxalique. Par l'action du feu, la matière colorante rouge verdit," puis se boursouffle, noircit, donne lieu à un vif dégagement d'acide acétique, et répand l'odeur des matières végétales brûlées. Une légèx'e chaleur la t'ait virer au vert, et elle a éprouvé une altération qui la rend soluble dans l'eau 5 cette substance paraît avoir toutes les propriétés d'une sub- stance résineuse de nature végétale. L'alcool froid ou bouillant agissant sur le résidu vert de la matière traitée par l'alcool , se colore en vert légèrement jaunâtre, et les tubes lavés avec de nouvel alcool sont com-- plètement blanchis. L'alcool évaporé laisse déposer une substance verte, soluble dans l'eau, Ihuile, les alcalis, l'al- cool, ayant une grande analogie avec la résine verte des vé- gétaux appelés chlorophylle par Pelletier et Caventon. Elle donne au feu des produits de nature végétale. Le résidu est traité par de l'eau distillée bouillante, et filtré. La liqueur presqu'incolore précipite abondamment la noix de galles en blanc, ne précipite point avec le sublimé co- rosif, et passe à la putréfaction animale. L'évaporation donne une grande proportion de gélatine, et quelques sels, comme sulfate de magnésie et de chaux, etc. L'acide acétique bouillant dissout encore une grande pro- portion de gélatine j la liqueur ne donne pas d indices de dissolution de fer. -'.■ ■■'''■■■- Le résidu épuisé par tous' ces menstrues a été traité à chaud par l'acide muriatique étendu , qui a dissous un peu de fer, du sulfate de chaux, et a donné des indices d'une dis- solution nouvelle de gélatine. I SUR LA MATIÈRE QUI COLORE LE LAC DE MORAT. 4^ Le résidu séché et incinéré a donné trois à quatre pour cent d'une poudre grisâtre, composée de sulfate, carbonate et phosphate de chaux, oxide de fer, et de manganèse et silice. En résumant les faits énoncés dans ces recherches, on voit que la matière rouge du lac de Morat est composée : i.° D'une matière colorante rouge, résineuse. 2." Dune résine verte ( chlorophylle?). 3." D'une très-grande proportion de gélatine. 4." De quelques sels terreux ou alcalins, d'oxide de fer, etc. L'analyse chimique, d'accord avec lobservation micros- copique, démontre l'existence, dans cette matière du lac de Morat, d'une substance animale organisée, que le célèbre bo- taniste qui nous a précédés regarde comme appartenant au genre oscillatoire. Ce résultat est de quelque intérêt en ce qu'il paraît confirmer l'opinion de quelques naturalistes, sur l'origine des produits de nature animale, rencontrés dans ces derniers temps par plusieurs chimistes dans un gia,nd nombre d'eaux minérales. Dernièrement encore, M. Vauquelin a fait l'analyse d'une substance verte trouvée dans les eaux de Vichi et qui lui a paru avoir avec l'albumine de grandes analogies. M. de Gimbernat a cru de même retrouver des substances voisines de la gélatine dans plusieurs eaux minérales, et l'existence de cette matière ani- male en grande proportion dans les oscillatoires du lac de Morat nous paraît rendre fort probable que l'action des eaux sur des animaux de même genre explique la présence des substances animalisées que 1 on y a rencontrées. L'effet /tlém . de la Soc. de Phys. et d'IIist, nat. T. III. i." Part. 6 4^ MÉMOIRB des alcalis et autres substances actives contenues dans la plupart de ces eaux, l'influence de la température, et la diversité des espèces qui peuvent habiter différentes eaux, permettent aussi de concevoir les différentes modifications que ces matières présentent à l'analyse dans les différents lieux. JirdtJPA. elKsagyt. p ), il y a trois stigmates, donc trois loges ( en théorie), et que nous transposions eJicore les points n o, t p, x r ea Mérn. de la Soc. de Phys. et d'Iust. nat. T. III. 3.^ Part. 7 5o MÉMOIRE n' o', t' p', x' r', nous aurons une baie à trois placenta et ce- pendant uniloculaire (f. III <''),etc. Toutes ces transpositions n'ont certainement pas lieu; mais cette théorie, dont l'usage très-concis n'est qu'un moyen de nous faire comprendre ce que nous offre la nature, t-amène à une organisation déjà connue ces fruits qui semblaient pour toujours s'en écarter. Peut-être serait-il plus avantageux de supposer que ce plan de symétrie est particulier, car tout pour l'expli- quer n'est qu'hypothèses; la baie dans toutes ses phases présente la même structure; le jeune ovaire dans le bour- geon jusqu'à parfaite maturité est toujours uniloculaire; c'est ce que j'ai vérifié sur un grand nombre d individus et pendant près de trois années. Parmi les excellentes descriptions que nous donne M. Kunth, des plantes équinoxiales de MM. Humboldt et Bon- pland, on remarque la description d'une baie de R. Kunlhii (R. multiflorum Kunth), qui a 3 stigmates et 5 placenta, ce qui semble une confirmation de la théorie ci-dessus, de sorte que ce prétendu ovaire monstrueux serait peut-être l'état normal. Chaque baie , selon les espèces, renferme des graines en nombre variable : il y en a 12-43 dans celles du R. uva crispa, 5-27 dans celles du R. nigrum, et 2-5 dans celles du R. rubrum : elles sont petites, assez dures, nichées comme celles des cactus dans une pulpe succulente. Les cordons ombilicaux attachés à deux placenta opposés , situés laté- ralement et longitudinalementsur les parois de la baie, sont assez longs, laissant quelquefois distincts près de leur point d'attache les deux ordres de vaisseaux qui les compo- SUR LA FAMILLE DES GROSSULARlÉES, 5r sent : le plus souvent ils s'épanouissent en aiille qui comme une cupule entourent une partie de la graine. M. Turpin a figuré i'arille en-dessous, ce qui est possible; je l'ai tou- jours remarqué à la partie la plus obstuse de la graine, au hile, point où aboutit le cordon ombilical après avoir passé en-dessous dans toute sa longueur. L'albumen remplit toute la cavité formée par le spermo* derme, excepté dans quelques graines de R. nigrum^ où il laisse une fort petite cellule au centre \ il est blanchâtre, un peu dur et peut-être même corné. L'embryon, petit, jaunâtre ou plutôt d'un blanc roux , est logé à l'extrémité la plus étroite de la graine , c'est-à-dire , à celle opposée au hile ; sa partie supérieure est bilobée, ce sont les cotylédons j l'autre plus obtuse et entière est la radicule. La germination m'est inconnue; je n'ai pu encore l'ob- tenir, malgré plusieurs tentatives, même à l'aide des acides. SECTION IL HISTOIRE DE LA FAMILLE, elC. Les Grossulariées ne paraissent pas avoir été connues des anciens, ou du moins que d'une manière très-imparfaite. M. Léman dit « que Théophraste a voulu parler de « quelques-uns de nos groseillers communs , en traitant * des plantes qu'il désigne par isos ou œsos; il en décrit à .« fruits blancs et à fruits noirs, à fleurs blanches et à fleurs Sa MÉMOIRE purpurines.» Les Grecs modernes, d'après M. SDjthorp, nomment le Pi. uva crispa, Aa>oK6pao-(«. « Les anciens auteurs arabes, tels que Mesué , 5érapion, « etc., ont notnmé une plante i2/'Z>(?s Ribasiurn , qu'on a « long-temps méconnue. Glusius, C. liauhin y ont reconnu « l'espèce de Rhubarbe que les botanistes désignent par « Rheuni rlbes , laquelle croit dans le Levant, la Perse, et « que £auhin nomme Ribes des Arabes à feuilles pèta- * sites.» (M. Léman. ) Le nom de Ribes, qui en arabe signifie aigre, a été trans- posé des rhubarbes aux groseillers par Linné, qui, profitant d'une comparaison triviale d'un voyageur, et montrant son autorité, ne voulut pas admettre le nom de Grossularia établi antérieurement par ïournefort. C/«5iMs, dans son Historia planlarum, publiée en 1601, est le plus ancien botaniste qui parle d une manière posi- tive des Ribes : il ne décrivit que trois espèces j en 1719 Tournefort en connaissait 4i eii lySS LinnaeusG, en 1789 M. de Lamarck 8, en 1797 Willdenow en indiqua 14, en i8o5 Persoon 28, en 1819 MM. Rœmer et Schultes 45, et enfin eu 1825 M. Sprengel en admet Sg. Plukenet en 1696, et Dillenius en 173-2, sont les premiers auteurs qui aient connu une espèce américaine; Linné n'eu connaissait que trois , et tous les auteurs antérieurs à Plukenet ne citent que des espèces européennes. NB. « D'après M. de Jussieu, le nom de groseiller est ^ appliqué aussi , mais improprement, à quelques espèces « de Melastoma observées dans les Antilies par Plumier; " une espèce épineuse de Solanum, dont les fruits sont SUR LA FAMILLE DES GR05SULARIÉES. 53 * ronges et aigrelets, porte aussi à Cayenne ie même nom; « le Dactus Pereskid ou Pereskia de Plumier a été aussi * nommé Groseiller d'Amérique. Répartition géographique. Les groseillers habitent pour la plupart les zones tem- pérées de lun ou de l'autre hémisphère, quelijues-uns la zone torride, aucun n'arrive dans les zones polaires. Les zones tempérées sont celles qm" en renferment le plus grand nombre; dans la zone de 1 hémisphère boréal on Compte 4o espèces, dont 9 en Europe, 3 se retrouvent aussi en Asie, 7 bornées à l'Asie, et 24 en Amérique : celle de l'hémisphère austral ne nous offre que trois espèces. La zone torride, bien moins riche que les précédentes, renferme 9 espèces j toutes habitent sur des montagnes, à des hauteurs considérables, qui sans doute compensent bien les latitudes pour lés faire considérer comme jouissant d'une température analogue à celle des zones tempérées. Combinant les stations et les habitations, nous voyons que les grossulariées aiment les pays froids ou tempérés, et que, si qiielques-unes s'en éloignent, ce n'est que pour s'éle- ver à de grandes hauteurs , ou si, au contraire, elles se rap- prochent des pôles, elles habitent les plaines, les bords des fleuves, etc. Une seule espèce paraît commune à l'ancien et au nouveau monde, mais cette exception n'existe probable- ment pas. ïhunberg cite le R. cy no sb ati commi spontané dans le Japon j les caractères qu'il donne à celte plante joints à la localité font présumer que c'est une espèce nouvelle dnléreiite de celle du Lauada. 54 MEMOIRE Usage , propriété et culture. Les baies sont le seul produit utile de ces végétaux; les fleurs de la plupart à peine visibles ne les font pas placer au rang des plantes d agrément. Gouan dit que dans le Nord on remplace le thé par les jeunes feuilles du R. ni- gruin ; elles sont, dit-on, sudorifiques : est-ce aux glandes dont elles sont douées qu'il faut attribuer cette propriété ? Selon Bergius , les baies sont toniques et stomachiques. La seconde ecorce mise en séton guérit les vaches de 1 epiz.ootie ; ces vertus ne sont pas bien confirmées. Pallas assure que les baies du R. triste servent en Sibirie à teindre les vins ; i'ai trouvé la même propriété dans celles des R. nigrum et Pensylvanicum , mais leur mauvais goût et leur mauvaise odeur empêchent de s'en servir dans ce but. Quelques méde- cins recommandent la gelée faite avec les fruits du R. ru- brum ( raisin de Mars ) comme étant d'un grand secours dans les maladies aiguës et inflammatoires. Dans les pays du Nord, tels que l'Angleterre, on fait du vin de groseillers avec les baies du R. uva crispa j souvent on aide la fer- mentation en ajoutant du sucre. L'acidité de la groseille réside dans un mélange de l'acide malique et de l'acide citrique; on y trouve encore une matière sucrée, mais en fort petite quantité. La culture de tous les Ribes est très-simple; ils viennent pour la plupart dans presque tous les terrains, préférant l'exposition du nord. Dans les terres trop légères, on dit quils languissent, perdent leurs feuilles et donnent peu SUR LA FAMILLE DES GROSSULARlÉES. 55 de fruits; au contraire, dans une terre douce et sablonneuse, ils acquièrent plus dt; volume et soat plus sucres. La repro- duction de ces végétaux par graine est tellement lente quon n'y a recours que pour obtenir de nouvelles variétés ; aussi ne les multiplie-t-on que de rejetons enracinés ou de bou- tures et de marcottes. Les fruits des jeunes pieds sont plus gros que ceux des anciens d où ils ont pris naissance. Le M, aureum est recherché par les amateurs à cause de ses fiturs jaunes dune odeur suave et d'un port agréable. II est à désirer que l'on puisse introduire dans les jardins le l^.fragrans^ soit pour ses baies excellentes, ou l'odeur bal- samique de cjt arbrisseau , qui, au rapport de Pallas , a des jfeuiiles qui suintent une résine odorante. Division du genre. La division la plus ancienne des Ribes est celle de Linné', suivie encore par quelques auteurs; elle repose sur l existence ou 1 absence des aiguillons, caractères bien minimes, puisque le R. orientale en a dans l'état spontané, et point cultivé. Une division plus récente et meilleure est celle de IM. Ach. Richardj sa première section est très-boime, mais les deux dernières n'en peuvent constituer qu'une , jusqu'à ce que les groseillers soient mieux connus : un ovaire plus ou moins infère se retrouve sur tous les fruits presque d'un même pied, et enfin on ne sait trop quelles sont les espèces exotiques qui rentreraient dans l'une ou dans l'autre section. Le genre Ribes pourrait pour le moment être divisé de la ïnauièi-e suivante. 56 MÉMOIRE Section i. Robsonia, Calice hémisphérique, limbe deux fois plus long que le tube , sépales bosselés k leur base. Etamines 5 ? 4 plus lon- gues et la 5/ peut être avortée. Arbiisseaux épineux. Section 2. Grossularia. ( ^c/i. Rlch. ) Fleui-s jamais en grappes (pédonculesi-5-fIores)^ Feuilles pliées dans le bourgeon en éventail. Galice plus ou moin» campanule. Arbrisseaux presque tous épineux. Ovaire intère. Section 3. Ribesia. ( Berl. mss. } Fleurs en grappes. Feuilles dans les bourgeons pliées en éventail. Galice un peu tubulé ou campanule. Arbrisseaux presque tous dépourvus d'aiguillons. Section 4. Symphocalyx. (Berl. mss.} Fleurs en grappes. Galice tubuleux et }aune. Feuilles roulées en cornet. jéffinités, Adanson, en 1763, plaçait les Ribes dans sa famille des Portulacées, dans laquelle se trouvaient des genres tout- à-fait hétérogènes, tels que la cuscute, lesdrosera, etc. Ce- pendant placée entre les Sciadophyllum et les Saxifraga, elle ne choquait pas les rapports naturels. M. deJussieu, en 1789, les fit rentrer dans ses no- palées, entre les saxifragées d'un côté, et les cactus de lautre. SUR LA FAMILE DES GROSSULARIÉES. 67 M. Ventenat, en 1 799 , les plaça dans les saxifragées; mais M. De Candolle (en 1 So/j.) les considéra comme une famille distincte sous le nom de Grossulariées (que M. Richard a changé en Ribesiées ), et qu'il plaça entre les nopalées et les crassulariées. Trop faible pour prononcer sur la place que doit avoir une famille dans la série naturelle, je me contenterai de citer les affinités et les différences avec les familles voisines. Les nopalées se rapprochent des grossulariées par leurs épi- nes (qui dans les ribes sont des aiguillons), par l'ovaire adhé- rent, le fruitbacciforme, uniloculaireetà parois séminifères ; mais ils en diffèrent par le nombre des étamines et des pé- tales, la forme de lembryon, etc. Les grossulariées se rapprochent des crassulacées par le nombre détermine des pétales et des étamines, le nombre des graines, leur pe'ri- sperme, Tembryon droit et la radicule inférieure; elles en diffèrent par leur calice libre, le nombre des ovaires et le point d'attache des pétales. Les rapports avec les saxifra- gées sont l'ovaire plus ou moins adhérent, qui cependant est quelquefois libre dans ces dernières, 1 insertion des pétales et l'ovaire simple; mais elles s'en éloignent par le fruit qui est une capsule biloculaire, etc. Au reste elles offrent un tel passage pour arriver aux ombellifères par le moyen du genre Hydi'angea, que leur place est d'un côté fixée pour long-temps. Je terminerai cette notice par le simple tableau des sec- tions et des espèces du genre Ribes qui compose seul la fa- mille des Grossularic'es. Mém. delà Soc. dePhys. etd'Hisl. nat, TAU. 2.' Part. S "58 MÉMOIRE GROSSULÂRIEAE. DC.fl.fr. 4. p. 406. Grossularia Tourn. Gœrtn. Ribes Linn. Ribesiées Ach. Rich. Gen. i. RIBES Lin. Sect. 1. RoBSONiA. Ç^Berl. mss.) i, R? fuchsioïdes Moc. et Sessé.fl. mes. ined. Sect. 2. Grossul.vria, {Ach. Rich. ) * Species aculeatœ. 2. R. oxyacanthoïdes Linn. 3. R. ferox Smith. 4. R. lacustre Pojr. 5. R. stramineum Smith, G. Ta.. Menziezii Pursh. 7. R. speciosum Pursh. 8. R. aciculare Smith. 9. R. (Jva-crispa £wn. a. sylvestre Z?C j8. spinosissimum 5er/. wis. 7. reclinatum Berl. mss. ( R. reclinatum Linn.). J'. Resserianum Berl. mss. (R. hjbridum Bess.). t. inerme Berl- mss. Ç. sativum DC. n. macrocarpum DC. mss. 6. bracleatum (Berl. mss. ) baccis bracteis 2-4-5 rectis, coloratis, suboppositis vestitis. 10. R. Caucasicum Adams. 11. R. rotundifolium ikftcA^. 12. R. liirtelluin Michx. i3. R. glacile Michx. 14. R. microphyllum Humi. Bonpl, et Kunih. i5. R. cyiiosbati Linn. j6. r. triHorum Willd. SUR LA FAMILLE DES GROSSULARIÉES. 69 ** Species inermes. 1 7. R. cuneifolium Ruiz. et Pw. Sect. 3. RjBESiA. (Berl. rnss.") Ribes et Botrycarpum Ach. Rich. i8. R. orientale Pair. 19. R. saxatile Pfl//. 20. R. diacantha Linn. 21. R. Alpinum Z««n. a, stérile Wallr. /8. bacciferum Wallr. 22. R. resinosum Pursh. 23. R. ciiialum ^. 5. in reliq, Willd. (R. Jorullense H. B. et Kunth.) 24- R' macrobotrys i?wiz ei Pw. 25. R. albifolium Ruiz. et Pai>. 26. R. hirtum //. B. in reliq. Willd. (R. frigidum H. B. et Kunth.) 2."] 4 R. fragrans Pall. 28. R. procumbens Pa//. 29. R. multiflorum Kit. (non Kunth), 30. R. spicatum Robs. 3i. R. rubrum Zwn. a. sylvestre D^. /3. hortense Z>C. 7. carneum Berl, mss, J^. variegatum Berl. mss, t. album Desf. 32. R. petraeum Wullf. in Jacq. ;8. cultum Lam, 33. R. triste Pall. 34. R. nigrum Linn. 35. R. trifidum Michx. 36. R. glaiidulosum /îutz. e^ Pai>. 6o MÉMOIRE 07. R. campanulaliim Humb. et Bonpl, in rel. WîllJ. (R. affine. H. B. et Kunth. ) 38. R. Kunlliii Berl. mss. (R, mulliflorum. H. B. et Kunthet non Kit.) Sg. R. Kieber&lcinii Berl. mss. (R.Cducasicam Bieb. non j4(Iams.) f 40. R. rigens Mich. 41. R. albinervium Mich^ 42. R. Magellanicum Pair. 43. R. viscosum Buiz. et Pai>. 44. R. punclatum Buiz. et Pai>> 45. R. recurvalum Mich. 4B. R. laxiflorum Pursh. 47. R. viscosissimum Pursh. 4S. R. sanguineum Pursch. 4y. R. inalvaceum Smith, 5o. R. floridum L'herit. Sect. 4- SYxMPhocalyx. {Berl. mss,') 5i. R. aureum Purs^ ., /3. villosum Berl. mss. (R. longiflorutn Fras. cat. iSsS ex Edw. ). 52. R. flavum ( Berl. mss. ). Planta omniiio similis R. aureo. Folia glabra, parva, 3-loba, jiiniora crassiuscula, lobis divergen- tibus , apice dentatis. Rracteas minimae oblongo-lanceolatae , caducae. Pedicelli basin versus articulati, decidui. Flores lulei , sepalis lineari-lanceolalis , rigidis et non rotundalo-obtusis (ut in R. aureo ) petalis apice suberosis , semper albidis ( et non dein rubriusculis ). Si^lus simplex , stigma vix bifidum. Raccne , lœves, glaberrimae, subrotundae, nigrae. 5. Occurit in liortis sub nom. R. coccinei ( v. v. cuit, in hort. Genev. ). f Species non salis nota, 53. R. carpathicum Kit. f NOTE SUR LA RÉGÉNÉRATION DV TISSU NERVEUX. Par le Docteur PREVOST. Zjt à la Société de Physique et d'Histoire naturelle de Genève en 1S26. Il est en physiologie peu de questions d'un intérêt plus général que celle de la régénération des tissus 5 malheureu- sement, chez les vertébrés, le phénomène qui nous occupe ne se présente à un certain degré de perfection que dans quelques-uns des animaux à sang froid; sur les vertébrés à sang chaud les régénérations de tissus sont si imparfaites , qu'un des plus grands anatomistes de nos jours les a niées pour tous les tissus, à l'exception du cellulaire; l'analogie s'opposait évidemment à de pareilles conclusions j mais les objets que Bichat avait constamment sous les yeux permettaient de douter; et son imagination céda au plaisir de poser une de ces grandes généralités qui ont tant d'attrait pour l'esprit humain. Beaucoup d'observateurs distingués ont fait de bonnes expériences sur les greffes animales; mais leurs travaux, 62 MÉMOIRE entrepris dans un but pratique , nous ont fourni peu de lumières sur lorganisation des tissus régénérés^ de nouveaux faits, examinés sous un point de vue purement scientifique, offrent donc de l'intérêt, alors même qu'ils sont isolés, et c'est ce qui m'engage à publier l'observation suivante; elle est relative au tissu nerveux. L'été dernier, ayant pris cinq jeunes chats à leur nais- sance, je divisai à chacun d'eux le nerf pneumogastrique gauche; j'enlevai une portion de ce nerf d'environ six mil- limètres de longueur, afin que les bouts supérieur et infé- rieur fussent séparés l'un de l'autre par un intervalle notable. Aucun des chats ne parut affecté par cette opéra- tion ; la cicatrisation de la plaie fut rapide ; ils continuèrent à se nourrir comme s'il ne leur fût rien arrivé. Un mois après, je coupai à l'un d'entr'eux le pneumogastrique opposé, c était le droit ; l'animal parut très-souffrant j il bâilla fré- quemment, cria beaucoup dune voix rauque; sa respiration devint de plus en plus gênée, puis fort rare; au bout de quinze heures il était mort. J'examinai avec soin le nerf pneumogastrique, divisé un mois auparavant; les deux bouts supérieur et inférieur en étaient renflés; ils s'étaient diiigésl'un vers l'autre ; un tissu blanchâtre, assez semblable à du nevrilemme épaissi et défiguré, les unissait. L'on peut juger d'après l'événement que cette substance ne propa- geait pas l'action nerveuse. J''attendis encore un mois, et je répétai sur le second de mes chats la même opération; il était plus fort, et mou- rut toutefois comme le précédent, mais seulement après trente-six heures j l'autopsie présenta sur le nerf pneumo- SUR LA RÉGÉNÉRATION DU TISSU NERVEUX. 63 gastrique gauche la mâme substance dont nous avons parlé plus haut, et qui semblait causer une solution de conti- nuité entre les filets de la portion supérieui'e et ceux de l'intérieure du nerf. Il me restait encore deux chats, le cinquième ayant péri par un accident. Cette fois j'attendis deux mois, et j'opérai le troisième alors âgé de quatre mois; il parut peu éprouvé; comme trois jours après il était encore plein de vie, je me décidai à diviser aussi le pneumogastrique droit à son ca- marade, qui n'en souffrit pas plus que lui; quinze jours s'étaient écoulés, et les deux chats se portaient à merveille. Il s'agissait de décider si la préservation de leur vie ne dépendait point de quelque anastumose, qui aurait rétabli la communication nerveuse; en conséquence, je redivisai sur le premier des deux le nerf pneumogastrique droit im- médiatement au-dessus de la place où il l'avait été la pre- mière fois; l'animal supporta très-bien cette opération; sa respiration n'en éprouva aucune gêne; trente-six heures après je divisai sur le même sujet le pneumogastrique gau- che au-dessus de sa première section; au bout de trente heures, le chat mourut , comme si les deux nerfs de la hui- tième paire eussent été divisés en même temps. Je disséquai avec beaucoup de soin les troncs nerveux que l'on avait divisés ; les deux portions supérieure et inférieure du pneumogastrique gauche étaient unies l'une à l'autre par un renflement dur, d apparence blanchâtre, sur lequel le nevrilemme paraissait bien pi us épais que partout ailleurs. Je fendis ce renflement, et j'enlevai avec soin tout le nevri- lemme grossier , qui en formait la couche la plus externe; 64 MÉMOIRE je comprimai le reste entre deux lames de verre; et le plaçant sous le microscope, je vis distinctement les filets du tronc nerveux supérieur se prolonger dans le tronc inférieur au travers de la substance interposée, indi- quant ainsi la restauration du tissu dans son intégrité. Comme point de comparaison, j'examinai de la même ma- nière la cicatrice qui s'établissait dans la section récente j l'on n'y suivait point de filets. Je répétai identiquement la même expérience sur le dernier de mes chats , avec un résultat entièrement analogue, et je déduis de ces faits les conclusions suivantes : 1.° Lorsque l'on a divisé un nerf, il ne suffit pas, pour que l'action y soit rétablie, que les deux portions divisées soient, comme cela arrive bientôt, réunies par ce tissu cellu- laire blanchâtre qui s'interpose enti*' elles et adhère à l'une et à 1 autre. 2.° Il faut que dans cette substance interposée, il se pro- longe des filets nerveux de la partie supérieure à l'infé- rieure. 3,° Cette prolongation n'a paru avoir lieu qu'après un temps assez long. J'ajouterai encore que les filets prolongés n'étaient plus juxtaposés les uns aux autres avec cette régularité qu'on remarque dans les cordons nerveux; ils étaient, au contraire, sépares comme s'ils s'étaient frayés avec difficulté une route au travers de la substance in terpose'e. A REVUE DE LA FAMILLE DES LYTHRAIRES. Par m. le Professeur DE CAÎSDOLLE. I §. 1. Caractères généraux de la famille. IVIessieurs Bernard de Jussieu, Adanson et Antoine Lau- rent de Jussieu avaient établi, sous le nom de Salicaires, une famille détachée des Calycanthèmes de Linné; Ventenat, sen- tant l'inconvénient de ce nom déduit dune espèce et non d'un genre, et provenant originairement de celui du Saule, pro- posa de réserver pour ce groupe le nom de Calycanthèmes, que Linné donnait au groupe plus vaste composé des Loa- sées, des Onagraires, des Mélastoniées et des Salicaires. M/ Antoine-Laurent de J ussieu a dès lors préféré ( Dict. se. nat.) donner à cette famille le nom de Lythraires, déduit de celui du genre Lylhrum (i), et je me rangerai à cette nomencla- ture conforme aux règles générales. (i) Le nom de Tjylhrum a été établi par Linné (Gen. pL éd. i. n. 387), d'après le mot auTjo. qui signifie sang noir ou sang caillé et fait allusion à la couleur des fleurs de l'espèce la plus commune. Ce genre était appelé Salica- ria par Tournefort, et Lysimachia par Dioscorides ; ce dernier nom, qui aurait dû être conservé au Lylhrum, a été, comme on sait, transporté à une toute autre plante; mais celle-ci est trop connue sous ce nom pour qu'il y eiil pos- sibilité de le changer. âltin. de la Soc. de PJiys, et d'Hist. nat. T. III. 2,"= Part. 9 66 MÉMOIRE Les Lythraires sont remarquables parmi les Caliciflores. ( et c'est ce qui leur avait tait donner le nom de Calycan- thèmes), parce que leurs pétales prennent naissance au sommet du tube du calice, et les ëtamines vers le bas ou le milieu de ce même tube ; ainsi , dans celles où le calice est tubuleux, comme les Lythrums, les pétales naissent fort au- dessus de lovaire, et devaient cependant, dans l'ancienne manière de les décrire, être appelés infères j exemple qui, joint à plusieurs autres, tend à prouver combien cette expression est inexacte. Le calice des Lythraires est formé de 3, 4» 5 , 6 ou rare- ment 7 sépales soudés en tube ou en cloche , et dont les sommités seules restent libres sous forme de dents; ces lo- bes ou dents sont en estivation ou préfloraison valvaire, tantôt exactement rapprochés parles bords, tantôt assez écartés pour que leur disposition primitive ne soit pas bien évidente 5 il arrive fréquemment que les sinus de ces lobes soient déjetés en dehors de manière à former des dents ou cornes extérieures alternes avec les véritables lobes; cette organisation rappelle celle qu'on connaît dans les Campa- nules à sinus réfléchis. On a coutume de dire que les Lythrai- res ont un calice à 8 , lo ou j2 lobes , quand ils ont réelle- ment 4> 5 ou 6 lobes primitifs et un égal nombre de dents ou de cornes provenant des sinus. Le nombre des pétales est en général très-inconstant, puisqu'on trouve dans cette fa- mille des espèces 37,6,6,4 pétales, et même des genres qui en manquent complètement ;mais on doit observer que, lorsque les pétales existent, ils sont toujours en nombre égal à celui des sépales ou des vrais lobes du calice j doù rér SUR LA FAMILLE DES LITRHAIRES. 6j suite que, lorsque les sinus ne sont pas proéminents, le nom- bre des pétales est égal à celui des lobes du calice, et que, quand les sinus sont prolongés en dents ou en cornes, les pétales paraissent en nombre égal à la moitié des divi- sions du calice et toujours placés devant les dents extérieu- res, qui proviennent des sinus. Quant aux cas où les pétales manquent, on ne peut le couisTdérer que comme un simple avortement, et il est des genres d'ailleurs assez naturels où une partie des espèces est munie de pétales, tandis que l'autre en est dépourvue : tels sont les genres LytJirum et Ammania \ il est même des es- pèces, telles que le Peplis porluloy que Ion trouve indiffé- remment avec ou sans pétales. Au reste, les pétales des Ly- thraires sont onguiculés ou très-rétrécis à leur base ; ils ne tiennent au calice que par un point , ce qui les rend très- caduques ^ il peut bien se faire que quelques-unes des espèces qui ont été décrites dans les herbiers comme n'ayant point de pétales, en eussent réellement dans le commence- ment de la fleuraison. Ce doute porte sur le Lithrum num- fiiularlœfolium , et sur la plupart des Ammania sans pé- talesj mais lors même qu'on viendrait à prouver que quel- ques-unes ont des pétales, l'e.vistence deLythraires sans pé- tales n'en serait pas moins démontrée par les genres Pe- plis, Ameletia, Sujf'rcnia^ Rotala, et parcelles des Am- mania sans pétales qui ont été vues vivantes. Les étamines sont en rapport avec le nombre des pétales ou des vrais lobes du calice; ainsi elles sont égales au nom- bre de ces lobes dans quelques Lythrum, dans la plupart des Ammania^ dans le Peplis, PAmeklia et le Rolala. Elles 68 MÉMOIRE sont en nombre^gal à la moitié des vrais lobes du calice dans le Suffrenia. Elles sont doubles du nombre des sépales ou des pétales dans les génies Lafoensia, Qrislca, Adenaria^ Ginoria, Lawsonicis Nesœa, Peniphis^ Acisanlhera^ Cuphea, et dans quelques espèces de Lythrum et à'Amma- nia-y triples ou quadruples dans les genres Lagerstrœmia , A nthery liuin et Crenea. Ces étamines ont des filets droits ou peu courbés , e7 des anthères ovales ou oblongues, attachées par le milieu de leur longueur, nullement pliées ni courbées, et sont ainsi très-différentes de celles des Mélastome'es avec lesquelles les Lythraires ont été quelquefois confondues. L'ovaire des Lythraires est libre de toute adhérence avec le calice, ce qui distingue cette famille de celle des Ona- graires, où il est constamment adhérent ; c'est par ce motif que les genres Isnardia et Beckea, qui avaient d'abord été placés dans les Lythraires, ont été rejetés, le premier dans les Onagraires , le second dans les Myrtacées. Le style est simple , filiforme, surmonté d'un stigmate simple ou plus souvent en tête. Le fruit est une capsule de consistance ordinairement membraneuse , entourée ou couverte par le calice. Ce fruit est originairement formé de 2, 3, ou 4 carpelles soudés, qui, «n se repliant par leurs bords vers le centre, forment au- tant de loges ; la partie rentrante des carpelles est très- membraneuse et porte vers le centre un placenta épais et charnu. Lorsque les parties rentrantes des valves persistent jusqu'à la maturité, le fruit est évidemment à 2, 3 ou 4 loges, et les graines attachées à une masse centrale formée SUR LA FAMILLE DES LITHRAIRES. 69 par les placentas soudés et qui communique par son som- met avec la base du style; lors au contraire que les parties rentrantes des valves se détruisent avant la maturité ou ne parviennent pas jusquau sommet, alors le fruit semble uniloculaire et muni d'un placenta central- La déhiscence du fruit est ordinairement peu régulière; tantôt elle a lieu dans le sens longitudinal vers le milieu des loges, tantôt la partie supérieure du fruit se détache sans vraie déhiscence et en imitant grossièrement ce qui a lieu plus régulièrement dans les capsules dites boîtes à savonette ou ci/vumscissè déhiscentes. Les graines sont nombreuses, petites, sans albumen ; l'em- bryon est droit, la radicule dirigée vers l'ombilic et les deux cotylédons planes et foliacés. Les Lythraires sont des herbes ou des arbrisseaux; leurs jeunes rameaux sont le plus souvent tétragones, et cette forme persiste quelquefois jusque sur les tiges; les ra- cines sont fibreuses; les feuilles opposées, rarement alternes, toujours simples, entières, penninerves et sans stipules; les fleurs naissent solitaires ou plusieurs ensemble à l'aisselle des feuilles ; lorsque les feuilles florales sont grandes j ou dit les fleurs axillaires; lorsqu'elles sont petites, les fleurs, quoique réellement axillaires, forment des épis ou des grap- pes au sommet des rameaux. Cette famille a des rapports intimes avec les Onagraires , les Haloragées et même avec les Loasées et quelques Myr- tacées, dont elle diffère par son calice libre; avec les Rosa- cées, dont elle s'écarte par son style vraiment terminal et la forme de ses fruits; avec les Mélastomées, dont elle se dis- yo MÉMOIRE tingiie par la forme des anthères et la nervation des feuilles ; enfin avec les Tamariscinées et les Portulacées, dontelle dif- fère par le port et en particulier par la structure du fruit et l'insertion des pétales versle haut du calice. §. 2. Revue des tribus et des genres des Lythraires, M. de Jussieu avait jadis (Gen. pi. p. 33o ) divisé les Ly- thraires en deux sections, caractérisées par la présence on l'absence des pétales; plus tard (Dict. se. nat. 27, p. 453) il avait proposé trois sections, déterminées, la première par les fleurs poiypétales à étamiues indéfinies, la seconde par les fleurs poiypétales à étamines définies , la troisième par 1 ab- sence ordinaire des pétales. Quoique je m'écarte peu de la série admise par le cé- lèbre naturaliste que je viens de citer, je ne saurais admettre les caractères sur lesquels il se fonde; en effet : i.° quant à l'absence des pétales, elle est évidemment accidentelle ; certains genres, tels queV y4 mrnania, ont des espèces les unes avec, les autres sans pétales, et le Peplis présente ce double état dans des variétés de la même espèce et même dans diver- ses fleurs du même individu. 2.° Le nombre des étamines est toujours défini, simple, double, triple ou quadruple de celui des pétales. Je pense donc qu'il est plus conforme à la réalité de divi- ser les Lythraires, d'après le port des plantes et la structure des graines, en deux tribus , savoir : j," Les Lagerstrœmiées, qui répondent à la première section de M. de Jussieu, mais qui sont éminemment ca- ractérisées par leurs graines bordées d'une aiie membra-^ I SUR LA FAMILLE DES LITHRAIRES. 7 l neuse. A ce caractère nous ajouterons que leurs espèces sont toujours des arbres ou des arbrisseaux ; que les lobes de leur calice sont en estivation valvaire très-exacte 5 que les pétales ne manquent jamais, et que les étamines sont en nombre double ou triple des pétales. 2.° Les Saligariées, qui comprennent la n/ et la 3/ sec- tion de M. de Jussieu, et sont caractérisées par leurs graines non bordées ; à quoi il faut ajouter que cette tribu renferme des arbrisseaux ou plus souvent des herbes; que les lobes du calice sont souvent trop écartés pour que leur estivation puisse être rigoureusement appelée valvaire^ que les pétales manquent quelquefois; que les étamines varient tantôt en nombre égal aux pétales, tantôt double ou triple, tantôt inférieur à celui des pétales. Ces deux tribus sont tellement distinctes par le port , qu'on serait tenté de les considérer comme deux familles. Les genres de la i/" tribu se réduisent à deux, qui ont été souvent et diversement confondus, savoir: le /.a^er- strœrnia et le T^afoensia. Le genre Lagerstrœinla a été primitivement institué par Linné pour lespèce de Chine et du Japon que Kasmpfer avait fait connaître sous le nom de Sibi, et que Linné eut l'idée de nommer L Indica, nom d'autant plus malheureu^^ qu'elle est presque la seule du genre qui ne soit pas de l'Inde. Dans la suite, il fonda le genre Afunck/iausia, qui ne diffé- rait du précédent que par ses étamines presqu'égales ^ M. de Lamarck rétablit ensuite le genre Adambea de Kheede, dis- tingué par son calice marqué de sillons ou de plis longitu- dinaux. Ces trois genres ne me paraissent point mériter 7-2 MEMOIRE d'être conservés autrement que comme des sections d'im genre unique. Ce genre auquel je conserve le nom primitif sera donc caractérisé par son calice à 6 lobes distincts, ses 6 pétales onguiculés, ses étamines en nombre triple, quadruple ou quintuple des pétales, et son fruit à plus de 2 loges (or- dinairement 3 à 6). On peut le diviser commodément en 3 sections : Les Sibia, qui ont le calice non sillonné , et les 6 étamines extérieures plus longues etplus grosses que les au- tres j c'est ici que se rapportent les L. Indica et parviflora. 2.° Les Munchhausia , qui ont le calice non sillonné et les étamines sensiblement égales; j'y rapporte le L. speciosa de Persoon , et le L. grandiflora^ espèce indiquée sans ca- ractères par Roxburgh dans le catalogue du jardin de Cal- cutta, et dont je donnerai ci-après la description ( Voyex n." i). 5.° Les Adaniheciy qui ont les étamines égales comme les Alunchhausia, et le tube du calice plissé et sillonné longitudinalementj c'est ici que se rapportent les L. Re- ^i>ïœ et /ii/-s«to , et peut-être le h. floribunda, quoiqu'il ait les étamines inégales. Le genre Lafoensia a été établi en 1788 par Vandelli ( fl. lus. et bras. ) , qui en a donné une description et une fi- gure exactes. Six ans après, les auteurs de la Flore du Pérou l'ont proposé de nouveau sous le nom de Calyplectus , se fondant sur un caractère erroné ( le fruit uniloculaire ), pour le séparer du Lafoensia. Le nom de Vandelli me pa- raît devoir être conservé, soit à cause de son antériorité, soit même en ce que le caractère donné par cet auteur est exact. Le Lafoensia&e distingue du Lagerstrœmia, \.° par son ca- lice à 10 ou 12 lobes, lesquels ne sont pas complètement dis- SUR LA FAMILLE DES LYTHRAIRES. 73 tints, mais réunis par une membrane fine intermédiaire et qui se plisse en-dedans pendant l'estivation, laquelle reste ainsi valvaire malgré la forme apparente du calice; 2.° par ses étamines en nombre double (et non triple ou quadruple) des pétales ; 3.° par son ovaire à 2 loges (et non à 3, 4 ^ 5 ou 6 ).Les Lagerstrœmia sont tous de l'Inde ou de la Chine, les Lafoensia tous des parties chaudes de l'Amérique, Je compte 4 espèces de Lafoensia, savoir : 1.° l'espèce du Bré- sil, désignée par Vandelli, que je nommerai L. Fandelliana; 2.° celle du Pérou, indiquée par Ruiz et Pavon, qui sera le L, acuminata ; 3.° celle de la nouvelle Grenade, décrite par M. Kunth, ou L.spesiosa; 4-° une espèce nouvelle, décou- verte à Sainte-Marthe par M.. Bertero, que je décrirai ci-après (n." 2) sous le nom de L. punicœfotia et qui paraît se re- trouver au Mexique, d'après les dessins inédits de la Flore mexicaine. Les genres de la seconde section des Lylhraires ou des Salicariées proprement dites, sont : 1." Le GnisLEAde Lœfling et de Linné, dont le TJ^ooclfor- dia de Salisbury ne peut se séparer ; il faut remarquer que la description de Saiisbiiry est très-exacte et fait bien connaître le genre, tandis que Roxburgh a mal décrit le fruit, quoi- que rapportant l'espèce à son vrai genre. Quant à l'espèce primitive de Lœfling, elle est encore très-mal connue, et il est douteux que la plante décrite en détail par M. Kunth, sous le nom de G. secundo, soit la même. 2.° Le genre Adenaria de Kunth. 3." Le Gi>:oRiA de Jacquin. 4."^ Le DoDECAS de Linné fils^ que M.'' E. Meyer a Mtin. de la Soc. de Phys. et d'Hist. nat. 'ï. IIL 2.'= Part, 10 74 MÉMOIRE prouvé appartenir à cette famille, et dont il a donné une excellente description dans les Actes de la Soc. d. cur. nat. de Bonn, v. 12. p. 800. Un échantillon de cette plante re- cueilli à Demerari par M,. Parker, et qu'il a bien voulu me communiquer, ma conduit aux mêmes résultats que M." Meyer. 5.° L'Antherylium de Rohr, qui peut-être sera déplacé lorsqu'il sera mieux connu. 6.° Le Lavksonia de Linné, réduit peut-être au seul L. albai en effet, les L. falcata Lour. et coccinea de Smith sont à peine connus , et le L. Acronychia de Linné fils est totalement différent de ce genre. Déjà à la seule lecture de la description très-incomplète j'avais jugé que le genre ^cronychia de cet auteur devait être conservé distinct du Lciwsonia. M. Labillardière vient d'achever cette démon- stration en prouvant que ce genre appartient à la famille des Aurantiacées ( Sert, austr. caled. p. 65. t. 65}. 7.° Le Crenea d'Aublet. 8.° Le Nesœa avait été primitivement établi par Com- merson, pour désigner le Lythruni triflorum de l'Ile de France, et a été mentionné en note sous ce nom par M."" ' de J ussieu (en 1 78g ) ; ensuite Gmelin (en 1 79H ), dans son Sjsterna naturœ, établit le genre Dtcodon pour le Lythruni verLlclUatuin d'Amérique; puis M.M. Link et Willdenow désignèrent, le premier sous le nom àHeujiia{eï\ i8:ia), et le second sous celui de Chrysoliga, un genre fondé sur une espèce de la Nouvelle Espagne, découverte par M. de Hum- boldt.31. Kunlh (en i823ja réuni tous ces genres sous le nom de Nesœa, qui dans cette opinion devrait en effet être pré- féré conmie le plus ancien ; ce geiire se distingue du Ly- SUR LA FAMILLE DES LYTHRAIRES, jS thrum par son fruit à 3 ou 4 loges, au lieu de 2 ; par son calice campanule et non cylindrique; par son ovaire glo- buleux, etc.; mais il renferme 3 groupes tellement pro- noncés par le port entier et même par les caractères, qu'il me paraît impossible de ne pas conserver les trois genres établis par les auteurs que j'ai cités : je conserve donc le nom de Nesœa au genre tel que Commerson l'avait établi. Ainsi circonscrit, ce genre se distingue des deux suivants par son ovaire à 4 loges, du Decodon par ses étamines égales, et de ÏHeiniia par son calice dépourvu de bractéoles à sa base. Son port est aussi très-différent de l'un et de l'autre ; c'est une herbe basse, glabre, à feuilles opposées et à pédon- cules axillaires terminés par trois fleurs bleues. Cette herbe est de rile de France, et il me paraît presque certain qu'il y a eu quelque erreur d'étiquette lorsque Linné fils a dit qu'elle était d'Amérique. 9.° Le Decodon de Gmelin et d'Elliot se distingue du Nesœa par ses parties florales en nombre constamment quinaire, savoir ; 5 pétales et 10 étamines; en ce que 5 de ces étamines sont beaucoup plus longues que les 5 autres , et en ce que son ovaire est à 3 loges j il diffère de VHeimia soit par l'inégalité des étamines, soit par l'absence de toute bractée à la base du calice. Ce genre ne comprend que le Lythrum verticillatum de Linné, qui est originaire des Etats-LInis; c'est une herbe droite, pubescente, à feuilles lancéolées, opposées ou ternées, et à fleurs purpurines ag- grégées aux aisselles des feuilles. io.° L'Heimia de Link correspond au ChrysoUga de l'herbier de Willdenow, et comprend l'espèce déci'ite par 7^ MÉMOIRE M. Kiinth sous le nom de Ncsœa sallcifoUa. II se distingue des deux précédents par son calice muni de deux bractées à sa base; son calice est à 12 lobes; ses pctales au nombre de 6; les 12 Staminés sont sensiblement égales, et l'ovaire est à 3 loges. Les Heimia sont des arbrisseaux originaires du Mexique et du Brésil, à feuilles alternes, opposées ou verti- cillées , à fleurs jaunes portées sur de courts pédiceiles axil- laires. Outre les H. salicifolia et spaciosa indiquées par M. Kunth, il en existe une troisième espèce dont j'ai con- naissance par la Flore inédile du Mexique de MM. Sessé, Moçino et Cervantes; elle ressemble à Y H. saLiclfolia, mais ses feuiiles sont alternes, linéaires, lancéolées et très- rapprochées les unes des autres; les auteurs de l'ouvrage que je viens de citer, croyant qu'elle appartenait au genre Qinorla, lui donnaient le nom de Ginoria slphllitica, que je convertis en Heimia siphditica ; elle porte au Mexique le nom de Hanchinol; son suc exprimé et pris en boisson à la dose de 4 onces, détermine des sueurs et des excrétions urinaires et alvines; il est employé avec succès parles Mexi- cains contre les maladies siphilitiques. M. de Humboldt a indique une espèce de Cuphea qui jouit des mêmes pro- priétés. ii.° Le Pemphis de Forster. 13.° L'Agisalsithera de P. Browne. i3.° Le Cuphea de Jacquin. Ce genre est devenu très- nombreux depuis que les voyages en Amérique se sont multipliés , et renferme aujourd'hui quarante-deux espèces plus ou moins bien connues; il fait exception à toute la famille par son calice bossu à sa base sur lun des côtés , SUR LA FAMILLE DES LYTHRAIRES. 77 par ses pétales inégaux , et par la singulière déhiscence de sa capsule, qui se rompt longitudinalement et dont le placenta centrai se déjette de côté avec élasticité. M. Kob. Brovvn a observé, et je l'avais reconnu de mon côté par l'examen des fruits, que les genres Melanium et Parsonsia de P. browne ne peuvent être sépares du Cuphea-^oii sait déjà que le Balsamona de Vandelli et \e Melvilla d'Ander- son ne sont que des Cuphea. Malgré les nombreuses es- pèces de ce genre, décrites par M. Kunth, j'en ai encore trouvé quatre dans la Flore inédite du Mexique qui me pa- raissent entièrement nouvelles, savoir: les C. tricolor, secun- dijlora , cyanœa , coccinea., qui appartiennent à la division des Cuphées à longues fleurs. Le Melanium hlrtuni de Sprengel, découvert à St. Domingue par M. Bertero, forme une véritable espèce de Cuphea analogue au C. Melanium de R.BroAvn.ll est vraisemblable, d'après les manuscrits de la Flore du Mexique, que V A panxaloa d'Hernandès (Mex. 353 , f . 2 ) doit être rapporté à ce genre. 14.° Le genre Lytrhum réduit aux limites que Tourne- fort lui assignait en le nommant Salicaria, et que M. de Jussieu avait dès-lors adoptées. Il se caractéi'ise principale- ment par son calice cylindrique et non campanule , et par sa capsule oblongue et à deux loges. Je le divise en trois sections très-distinctes. La première conservera le nom pro- pre de Salicaria, qui a été de toute ancienneté donné à 1 une de ses espèces , et ensuite à tout le genre ; elle a pour ca- ractère d'avoir les étamines en nombre double des pétales, et ses fleurs verticillées aux aisselles et disposées en épis terminaux. C'est à elle que se rapportent le L. Salica/iu dont 78 MÉMOIRE quelques-uiles des variétés devront peut-être un jour être considérées comme des espèces , et ie L. virgaluin, dont le L. acuininatuin est une simjjle variété. lia seconde section est connue dès le temps de Gas- pard Bauhin sous le nom de HyssopifoUa , et tout récem- ment M. Rafinesque en a fait un genre sous le nom de Pythagorea, nom déjà admis par Loureiro pour un tout autre objet. Cette section se distingue par ses fleurs solitaires aux aisseiles des feuilles ; elle offre quelques espèces un peu douteuses , où le nombre des étamines est, comme dans la précédente, double des pétalesj tels sont le L. quintupiiner- vlum et le L. Jlexuosum^ dont je ne puis juger que par les descriptions de Nées et de Lagasca, et le L. Grœfferl de Tenore, espèce très-curieuse, confondue par les uns avec le L. virgalurn, et par les autres peut-être justement avec le L. hyssopifolium. Toutes les autres ont les étamines éga- les ou inférieures en nombre aux pétales j tels sont les L. hyssopifolia, thymifolia et lineare de Linné, le L. ikesioides deBieberstein, le L.alatum de Pursh, qui se trouve dans les livres postérieurs sous les noms de L. vulnerarla et de L. Kennedy ctnum , le L. laiiceolatum d'EUiot qui est le i. virgatum de Pursh, enfin les />. album, et niaritimum de Kunth. Toutes ces espèces sont des herbes petites, glabres , à teinte un peu glauque , et remarquables par la variabilité du nombre des étamines. Enfin la troisième section, que je nomme Ammannioides^ pourrait former un genre intermédiaire entre le Lythrum et V ué mmanniaif son calice est presqu'en cloche comme dans ï Ammannia, mais sa capsule est à deux loges comme daus SUR LA FAMILLE DES LYTHRAIRES. 79 les Lythrum Les pétales manquent dans mon échantilion, et iVl. Duby, qui eu possèJe de plus beaux individus, y a de même reconnu i'ab^ence des pétales. Les étamines sont au nombre de 4 à 6 , et le calice a de 8 à 12 dents. C'est ici que se rapporte le Lythrum nutnmularlœfoUum de Loiseleur ; cette espèce est originaire de la Corse ; on as- sure qu'elle se retrouve dans la bourgogne; mais n'tiW ayant vu aucun échantillon, j'ai quelque peine à admettre cette identité. i5.° Le genre Ammannia d'Houston et de Linné est un de ceux dont les caractères, quoique clairs en eux-mêmes, ont été le plus souvent méconnus. 11 se distingue facilement des Lylhrum par son calice presque toujours en cloche (i) et non cylindrique, et par sa capsule à quatre loges au moins dans sa jeunesse. Ce dernier caractère l'écarté aussi du PeplLs avec lequel plusieurs de ses espèces ont été con- fondues. Les espèces qui d'après ce diagnostic composent le genre Arnniannla ont un port très-analogue ; ce sont des herbes aquatiques, glabres, souvent tetragones, à feuilles opposées, entières, oblongues ou linéaires, souvent auricu- lées à leur base, à fleurs petites, sessiles, ou presque sessiles aux aisselles des feuiiles. Malgré cette analogie de port, elles offrent des anomalies singulières dans les caractères floraux, (1) La seule exci'ptiou à ce caractère est X Ammannia e/c/ prochée des MyriophyLLum. i6.° Le genre Peplis de Linné se trouve réduit au P. portuLa et au P. allernifolia. Je laisse encore à la suite de ces deux espèces le Peplis diandra de Nuttall, qui, selon toute probabilité, formera un genre particulier, et qui paraît avoir le fruit analogue à XAmniannia^ les étaminesdu Sujf renia et un port qui lui est particulier. 17.° J'établis sous le nom d'AMELETiA ( qui vient d'a^w'^iToç, négligé) un genre particulier pour la plante que Willdenow a décrite le premier sous le nom de Peplis Indica, et que Sprengel avait rejetée parmi les Arninannia sous le nom à'Ammania peplvïdes. Ce genre a un calice en clociie tubuleuse, à 8 dents , dont 4 ovales, droites, grandes, et 4 SUR LA FA-MILLE DES LVTHRAIRES. 8!> autres très-pelites placées aux sinus. Les pétales manquent; les étamines sont au nombre de quatre, insérées à langle des lolies du calice , et par conséquent alternes avec ceux-ci ; l'ovaire est ovale, le style filirorme, le stigmate en tête; la capsule est ovale, biloculaire dans sa jeunesse, autant que je puis l'affirmer sur le sec, et uniloculaire à sa maturité. Ainsi YAinelelia diffère A(è\ A mmannia par son calice plus alongé, et par sa capsuleovale , qui n'est pas à 4 loges; il se distingue du /'e/î/f«parson calice en tube plutôt qu'eu cloche, à8 dents au lieu de 12, et dont les dents qui naissent des sinus sont à peine visibles; par ses étamines au nombre de 4' ^t 1^ présence d'un style filiforme assez, prononcé. Par ses ca- ractères, y A mêle lia se rapprocherait davantage du Suf- f renia , mais il a quatre étamines et le Suffrenia n'en a que deux. Outre ces différences déduites de la fructification, il faut ajouter que \Ameletia diffère de tous les genres voi- sins par son inflorescence ; c'est une herbe qui a quelque ressemblance d'aspect avec les Amaranthes ; ses feuilles sont opposées, entières, à nervures latérales, pennées et assez prononcées; de l'aisselle de ces feuilles partent des épis sessiles, garnis de bractées foliacées, à l'aisselle desquelles les fleurs sontsituées: celles-ci sont sessiles, munies de deux bractéoles à leur base. La figure ci-jointe Ipl. m, fig. A) est destinée à faire connaître cette inflorescence , particulière dans cette famille. 18.° Le Suffrenia de Bellardi , que j'ai observé en abon-* dance dans les rizières de Verceil et de Novare , n'offre rien de nouveau à mentionner. 19.° Le RoTALA de Tjinné est rapporté ici d'après l'obser- vation de M. Aug. de Sainl-Hiiaire. 84 MÉMOIRE Il résulte des observations précédentes que la fa- mille des Lythraires se compose aujourd'hui de i!2 genres et de i3o espèces. Sur ce nombre, on en compte i5 en Europe ou dans la partie d'Asie qui touche à l'Europe j 6 dans l'Afrique, savoir dans l'Egypte ou le Sénégal; 26 dans rinde orientale; 2 aux îles Maurice; 67 dans l'Amé- rique équinoxiale, et 7 dans l'Amérique boréale extra-tro- picale. On n'en a encore retrouvé aucune espèce dans l'ex- trémité méridionale de l'Amérique du Sud, et deux espèces, ou variétés qu'on a trouvées au Cap de Bonne Espérance y sont peut-être arrivées d'Europe. Je terminerai ce mémoire en donnant la description des espèces iiouvelles que j'y ai mentionnées. §. 3. Uescjiptlon de quelques espèces inédites. 1. Lagerstrœmia grandiflora, Roxb. Cat. Cale. p. 38. L.Jbliis ovatis basi cordatis apice breviter acuminalis ulrinque glabris, paniculis subcorymbosis terminalibus^ pelalis ovali-oblongis breviter unguiculatis. Hab. in Indid orienlali. Cette brillante espèce de Lagerstrœmia n'est encore con- nue que par son nom, inséré dans le catalogue du jardin de Calcutta pour 1814. Roxburgh dit qu'elle est originaire de la province de Chittagong dans le Bengale, qu'elle est nommée en sanscrit Indradroog , qu'elle fleurit dans la saison sèche et porte ses graines en Juillet et Août. Les échantillons que j'ai sous les yeux proviennent, les uns de Roxburgh , les autres du jardin de Calcutta. Toute la plante paraît entièrement glabre; les rameaux SUR LA FAMILLE DES LYTHRAIRES. 85 sont cylindriques , ou à peine obtusément tëtragones dans leur jeunesse ; l'écorce en est lisse, un peu brunâtre. Les feuilles sont opposées, munies d'un pétiole peu apparent , et qui ne dépasse pas deux lignes de longueur. Leur limbe est de forme ovée, échancré en cœur à la base, tantôt obtus , tantôt terminé en pointe , soit abrupte , soit continue avec le re^te de la feuille j les bords sont entiers ; la surface un peu lisse et de couleur glauque; la consistance demi- coriace ; les nervures sont pennées, un peu proéminentes; les latérales s'anastomosent à quelque distance du bord, de manière à former une espèce de nervure un peu sinueuse parallèle au bord; la feuille a de 4 à 7 pouces de long, sur 3 à 4 de largeur. Les fleurs forment au sommet des branches des espèces de corymbes peu fournis; chacune d'elles est munie d'un pédoncule long de i à 2 pouces , articulé vers sa base ou le milieu de sa longueur^ on observe sous l'articulation 2 cicatrices oppose'es, qui indiquent la place de bractées ca- duques; la partie inférieure à l'articulation est un vrai ra- meau persistant j la supérieure se détache après la fleu- raison. Le calice est épais, coriace, d'un pouce et demi de diamè- tre, persistant, divisé au-delà du milieu en 5 ou 6 lobes en forme de triangle alongé et pointu; ces lobes indiquent que l'estivation a été régulièrement valvaire. Les pétales sont insérés sur la base du calice , alternes avec ses lobes , ovales ou un peu oblongs, obtus au sommet, rétrécis à leur hase, d'un pouce de longueur. Les étamines sont très-nom' hz-euses, à peu près de la longueur des pétales ou un peit 86 MÉMOIRE plus courtes , sensiblement égales entr'elles, à filels libres, grêles , glabres et à anthères alongées , à deux loges linéaires, souvent tortillées et attachées au filet par le milieu du dos. Lovaire est à peu près globuleux, sessile , lisse, de la grosseur dun poisj il se prolonge en un style comprimé, épais, long de 16 à 18 lignes, saillant au-dessus des éla- mines, et terminé par un stigmate en tête ovoïdej le truit est diviséen 5 ou 6 loges séparées par des cloisons verlicales. Je n'ai pas vu les graines et ne pcxssède que des fruits qui n'ont pas atteint leur maturité. Cette belle espèce appartient à la division des Munchhau- sîa , à cause de son calice non sillonné et de ses étamines égales eritrelles,- elle diffère du L. speciosa par ses feuilles élargies et échancrées en cœur à la base au lieu d'y être rétrécies, et par ses pétales ovales ou oblongs et non or- biculaires. 2. LaFOE»SIA PUNICiEFOLIA , Tab. 1. L. foUlf» oblongis obtuse acuminatis neruo medio sublus ad apicern poroso , frucùbus ovalo-globosis las- vibus subapiculatls. Jiab. ad Sanclam- Martham. Cette plante a été découverte à Sainte-Marthe par M," Bertero, qui m'en a communiqué an échantillon sous le nom de Calyplectiis punicœJ'oUus; je coliserve le nom d'espèce qui peint parfaitement l'apparence du feuillage, et je subs- titue au nom de genre celui de Lafoensia par les motifs expri- més plus haut. Je présume que cette plante se trouve aussi dans quelque partie de l'ancien royaume de la IN ."Espagne, r^'êJ^-^^' ■: ^ '«i.VvX Jif J<^ l'A. etM:MCLt.'^I^^^J>ajr^ S6. TJZr.J>.'^£ ,^..„.y .^-^ Z,AW&2^JrS'//JL /vf/ntcœA/f'a/?. SUR LA FAMILLE DE5 LYTHRAIRES. 87 d'après une fig. inéd. de la Flore mexicaine de Sessé, Moçino et Cervantes. D'après mon échantillon, la plante paraît en- tièrement glabre. Ses rameaux sont ligneux, cylindriques, légèrement ix)sselés vers les cicatrices des feuilles et surtout vers 1 origine des pédoncules , tétragones et verdàtres dans leur jeunesse, d'un gris un peu roussâtre à l'état adulte. Les feuilles sont opposées , munies d'un pétiole long de 2 à 3 ligues, de forme elliptique alongée, un peu rétrécies à la base, entières sur les bords, prolongées au sommet en une espèce de pointe courte, large, obtuse ou échancrée; la nervure moyenne est saillante en dessous et porte à son sommet, précisément dans cette espèce de pointe mousse, un pore ou glande creuse d'une nature singulière. La feuille est coriace, lisse , longue de deux pouces sans compter le pétiole, et large de 7 à 9 lignes. Les pédoncules des fleurs naissent vers l'extrémité des branches, opposés ou terminaux, dépourvus de bractées, articulés à leur base sur la tige, longs d'un pouce environ, comprimés, et chargés dune seule fleur. Leur réunion doit former une panicule terminale^ mais la plupart étant tombés dans mon échantillon, je ne puis en avoir qu'une idée imparl'aite. On observe au sommet de ce pédiceile, immédiatement sous le calice , deux cicatrices qui indiquent la place de 2 bractées caduques. Le calice a son tuba lisse , en cône renversé très-obtus à sa base, évasé en un limbe élargi où l'on observe les traces de i5 lobes triangulaires alongés, réunis entr'eux par des membranes intermédiaires, continues avec la surface interne du calice. Il résulte de ce mode de soudure des lobes , qu« 88 MÉMOIRE le limbe est à peu près entier ou simplement un peu sinueuîC au sommet. Les pétales sont déjà tombés dans les deux fleurs que j'ai sous les yeux; si la figure de la Flore du Mexique , que j ai citée plus haut, se rapporte réellement à cette espèce, le nombre des pétales serait de 5 à 7 seulement, de couleur abricot, de forme ovale, un peu dentés sur les bords, ré- trécis à leur base en onglet, et de moitié plus courts que les étamines. Celles-ci sont visibles dans mon échantillon 5^ elles sont insérées à la base du calice, au nombre de 5o. Leurs filets sont filiformes, un peu épais, jaunâtres, longs d'un pouce et demi , tortillés et persistants après la fleu- raison. Les anthères sont tombées dans mon échantillon. L'ovaire est rétréci à sa base en cône renversé, puis ovoïde, terminé en pointe j du sommet de cette pointe s'é- lève le style, qui est déjà tombé dans mon échantillon, mais qui, d'après la figure citée, serait filiforme, de la lon- gueur des étamines. Après la fleuraison , le calice se coupe en long et par la hase, et le fruit devient une baie sèche, ovoïde, rétrécie à la base, surmontée d'une pointe saillante, lisse à la sur- face, indéhiscente. E.rpfication de fa planche i. 1. Un rameau de l'arbuste, de grandeur naturelle, et efiargé cïe jeunes fruits, d'après l'échantillon recueilli à Sainte-Marthe par M. Bertero. 2, 3 et 4- Détails de la fleur, copiés d'une planche inédite de la Flore du Mexique, dcrnt le feuillage ressemble parfaitement à la précédente, savoir: •' t^bofti _,i^^^^4e--»-*<:«:^ t. WWIA. c6x/&ca/n.cl^Mt/^. SUR LA FAMILLE DES LYTHRAIRES. 89 3. Fleur ouverte et dépouillée de pétales. 3. Fleur entière. 4. Un pétale. 3. Ammannia dodecandra , Tah. 2. A. foliis Uneari-lanceolatis aculis basi oblasè sub- aiirlculatls , floribus ad axilLas subsessilibus , petalls 5-7, staminibiis 12-14. Hab. in Senegaliâ. Cette espèce àH Ammannia, la plus grande et la plus re- marquable du genre, a été recueillie au Sénégal par M. Per- rottet, qui m'en a envoyé de beaux échantillons sous le nom de Lythrum grandiflorum. Elle y fleurit aux mois de Décembre et de Janvier. La plante est entièrement glabre et d'un vert un peu glauque j la tige est haute d'un pied A un pied et demi, droite, tétragone, divisée en un grand nombre de rameaux opposés, simple, à quatre angles plus aigus que ceux de la tige. Les feuilles sont opposées, sessiles, lancéole'es- linéaires, pointues , entières sur les bords, munies d'une nervure longitudinale un peu saillante en dessous, lon- gues de près de 2 pouces , sur 2 à 3 lignes de largeur ; celles du bas de la tige sont un peu élargies et légèrement échancrées en cœur à leur base ; celles du haut et des rameaux n'offrent presque pas de trace de cette échan- crure. Les fleurs naissent aux aisselles de presque toutes les feuilles, excepté celles qui sont au-dessous des rameaux, ou qui donnent naissance à des rameaux; les pédicules Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hist. nat. T. lll. 2.^ Pari. i 2 go MEMOIRE axillaires sont longs de 3 à 4 lignes, solitaires, opposés, munis à leur sommet de 2 bractées foliacées, longues de 2 lignes, et portent de 1 à 3 fleurs. Le calice est en forme de cloche un peu tubuleuse et légèrement resserrée en godet vers le sommet, marqué d'un nombre de nervures égal à celui des lobes; ceux-ci sont au nombre de 10 à 14, savoir: 5 à 7 qui sont les vrais lobes, dressés, de forme triangulaire, un peu pointus et disposés avant la fleuraison en estivation valvaire; et 5 â 7 alternes avec les précédents, petits, déjetés à l'extérieur, sous la forme de petits tubercules mousses et qui ne sont autre chose que les sinus un peu proéminents. Les pétales naissent h l'angle interne de ces sinus, insérés sur le calice, en nombre égal à celui des vrais lobes , de forme oblon- gue, obovée, très-obtus et presque échancrés à leur sommet, rétrécis à leur base , 3 à 4 fois plus longs que les lobes du calice, de consistance délicate et d'une couleur d'un violet pâle, autant que je puis en juger sur le sec. Les étamines sont insérées à la base du calice, alternativement devant et entre les vrais lobes, et sur deux rangs; les filets sont grêles, glabre», rougeâtres, pluslongsque le calice, plus courts que les pétales, chargés d'anthères jaunes, ovales, bilocu- laires , attachées par le milieu du dos. L'ovaire est libre, sessile, ovoïde, à 4 ou 5 sillons, surmonté d un style cylindrique ou un peu comprimé, qui dépasse la longueur des étamines et se termine en une petite tête obtuse et comme tronquée. Le fruit est une capsule de forme analogue à l'ovaire et entourée par le calice, qui persiste autour d'elle et est SUR LA FAMILLE DES LYTHRAIRES. 9,1 tie la même longueur. Cette capsule est à 4 ou 5 valves et à 4 Ou 5 loges au moins dans sa jeunesse; à la matu- rité, les cloisons se détachent des valves, et il semble n'y avoir plus qu'un placenta central à i- S ailes, qui sont les déJjris des cloisons , et à 4 " ^ côtes obtuses , chargées d'un grand nombre de graines; celles-ci sont petites, ar- rondies , un peu rougeàtres, sans albumen, à 2 cotylédons planes, ovales, foliacés et à radicule dirigée vers le hile. Cette espèce a beaucoup de rapports avec l'A. sanguîno- lenta de Swartz et l'A, auiiculata de Willdeno\y ; mais elle s'en distingue facilement par ses fleurs qui ont toujours plus de 4 pétales et de 8 étamines. L'A. auriculala a aussi été trouvé dans le Sénégal par M. Perrottet, qui me l'a envoyé sous le nom de Lythruiii ramosum. Explication de la planche. A. La sommité de la plante de grandeur naturelle. I. Le calice avant la fleuraison, grossi, ainsi que toutes les fi^ gures suivantes. 2.- La sommité de ce calice vue par-dessus et offrant l'indice des £ lobes. 3. Le calice ouvert et portant les 5 pétales et les lo étamines, nombre plus rare que 6-7 pétales, 12.- i^ étamines. 4. Une sommité d'éfainine vue par derrière. 5. La dite vue par devant. 6. La sommité du style. 7. L'ovaire grossi. 8. La capsule s'ouvrant. 9. Le placenta central avec les débris de cloison. 10. Coupe transversale du fruit. 11. Exemple de la sommité du calice quand il est à 7 lobes. 12. La fleur entière vue avant son développement complet. 92 MEMOIRE 4. Ammannia elatinoides, Tab. ô ,Jîg. B. u4 . caulc basi decumbente , ramis erectis filifonni-suh- tetragonis siinpUcibus , foliis opposiLis ., cauUnis oblongo- Uncarlbus , rameis ovatis, florlbus ad ax^illas rameales solitariis sessillbus apetalis I^-andris. Hab. in Senegaliâ. Cette plante m'a été communiquée par M. Perrottet sous le nom de Lythrum unijiorum, et pourrait en effet être classée parmi les Lythrum à cause de son calice cy- lindrique; mais son port et surtout sa capsule à 4 loges m'engagent à la mettre de préférence parmi les Amman- nia. Elle croît au Sénégal dans les lieux humides et peut- être inondés, et rappelle par son port tantôt le Suffrenia, tantôt les E latine. Sa surface est entièrement glabre j sa tige est grêle, as- cendante ou plutôt couchée à sa base et divisée en ra- meaux peu nombeeux et ascendants (1), Ces rameaux sont très-menus et légèrement tétragones. Les feuilles sont toutes sessiles, opposées et entières ; celles de la tige sont oblongues ou linéaires; celles des rameaux ovées, plus larges, plus courtes et plus obtuses que les précédentes. Les plus longues ont 5 à 6 lignes de longueur; les plus courtes n'ont guères que 2 à 3 lignes. Les fleurs naissent le long des rameaux , solitaires , à l'aisselle des feuilles, et par conséquent opposées; elles sont (i) La figure ci-jointe représente la tige trop dressée. MdtUÂ./téM.zia^. jxi^e, &2 . T JaL.^^2 d :pi m JS. ^MMâMWIA eâtû^&€:a^ô. SUR LA FAMILLE DES LYTHRAIRES. gS presque sessiles, et plus courtes que la feuille florale, même à l'époque de la maturité du fruit. Le calice est cylindrique comme dans les Lythrum-^ il est court au moment de la fleuraison et s'alonge ensuite; mais je n'ai pu le bien observer qu'à cette dernière époque, vu Tàge de mes e'cliantillons. Le calice est divisé à son sommet en 4 dents ou lobes triangulaires. Les sinus sont dépourvus de replis saillants, ou en offrent à peine des traces. Je n'ai aperçu aucun pétale, mais fâge de mes échantillons en rend l'absence douteuse; les étamines sont petites, au nombre de 4' insérées entre les lobes du calice. Le fruit est une capsule ovoïde dans sa jeunesse , puis un peu alongée et marquée de 4 sillons longitudi- naux; elle est divisée en 4 loges qui renferment chacune plusieurs graines attachées vers le centre. Ces graines sont marquées d'un côté d'un sillon longitudinal. Explication de la planche Z,JJg. B. B. La plante de grandeur naturelle, mais représentée un peu trop dressée. 1. La fleur après la fleuraison, de grandeur naturelle. z. La dite grossie ainsi que les figures suivantes. 3. La capsule mûre. 4. La dite coupée en travers. 5. La graine vue à la loupe du côté du dos. 6. La dite vue du côté opposé. 5. Ammannia microcarpa. A. caule ereclo ramoso tereti , ramis szjhfefragoîiis, foliis lanceolato-linearlbus sessilibus basi subdilalala §4 MÉAioraE eordatcs , umbellis axillaribus multifloris hreviler peduji- cululis, floribus apelalis letrandris^ capsula obovatâ calycts langiludine. IJab. in Timor. Cette espèce est originaire de l'île de Timor, aussi bien que V A.lndica à laquelle elle ressemble beaucoup; ces deux plantes sont fréquemment confondues dans les herbiers, mais elles dilîèrent clairement en ceci que dans VA. Indica ( Lam. ill. n. i555) les feuilles sont rétrt'cies à la base en une espèce de pétiole très-court, tandis qu'elles sont dilatées, un peu échancrées en cœur et deiri-embrassantes dans notre nouvelle espèce, qui sous ce rapport se rapproche de Va. Senegalensis , dont elle se distingue par lil petitesse de ses fruits. Notre plante est entièremen glabre, haute d'un pied: sa tige est droite, divisée en branches opposées et dressées; celles-ci sont tétragones, tandis que la tige est presque cylindrique à sa base. Les feuilles sont opposées, sessiles, demi-embrassantes, lancéolées-linéaires, dilatées à leur base en oreillettes courtes et très-obtuses , légèrement échancrées en cœur, entières sur les bords, terminées en pointe, traversées dans leur longueur par une nervure moyenne, longues d'un pouce, sur deux lignes de largeur vers leur base. De l'aisselle de tontes les feuilles des branches et de celles de la tige , qui sont situées au-dessus de lorigine des rameaux, naît un pédicule court, ramifié en un petit corymbe composé de 7 à 8 fleurs; l'ensemble de cette inflorescence est trois à quatre fois plus court que la feuille. On aper- çoit de très-petites bractéoies à l'origine des ramifications du pédicule. i SUR LA FAMILLE DES LYTHRAIRES. g5 Les fleurs sont nombreuses , petites , d'un vert tirant un peu sur le rougeàtrej leur calice est en forme de cône ren- versé, ou de cloche à huit stries, à quatre dents courtes et peu apparentes. Il n'y a point de pétales; on trouve 4 petites étamines adhérentes au calice, alternes avec ses dents , Le style est filiforme, simple, saillant hors du calice, obtus à son sommet. L'ovaire, et par suite la capsule, est de forme obovée, sessile dans le calice, dont elle atteint la longueur à sa maturité, sans le dépasser notablement; cette capsule est membraneuse , un peu rougeàtre, s'ouvre à son sommet d'une manière irrégulière, et ne présente à sa maturité qu'une loge avec un placenta central et un grand nombre de très-petites graines. 6. Ammannia filiformis. A. caule erectiusculo base ramoso^ ramis diffusis fili- fbrmi-tetragonis , foliis linearibus , umbelUs axillaribus plurifloris laxiusculis pedunculalis , floribus apetalis tetrandis , capsula globosâ calicem superanie. Hab. in Senegaliâ. Cette petite espèce est originaire du Sénégal, oii elle a été découverte par M. Perrottet, qui m'en a envoyé des échantil- lons sous le nom de Lythrum. filiforme ; elle a de grands rapports avec \'A. Scnegalensis , dont elle se distingue comme l'A. Indica de VA. microcarpa ., en ce que la base de ses feuilles n'est ni dilatée, ni embrassante, ni échan- crée en coeur. Cette plante est annuelle, entièrement glabre; sa racine est blanche, fibreuse j sa tige, qui n'a guère plus de 3 à 4 pouces de longueur, est droite, mais elle se ramifie dès sa base en 96 MÉMOIRE branches opposées et étalées j la tige, ainsi que les branches, sont grêles, presque filiformes, mais à 4 angles au moins dans leur jeunesse. Les feuilles sont opposées, linéaires, obtuses à la base, pointues au sommet, entières sur les bords, longues de 5 à G lignes sur i de largeur, munies d'une seule ner- vure longitudinale. L aisselle de chaque feuille donne naissance à un pe'don- cule grêle, qui se ramifie de manière à présenter 3, 5 ou rare- ment 7 fleurs en corymbej ce pédicule est long de 3 à 4 lignes dans le bas de la tige, et de làa dans le haut; chaque pédi- celle propre est muni à sa base d'une petite bractée étroite, aiguë et d'apparence foliacée. Les fleurs sont petites, verdàtres, et ensuite rougeàtres ; leur calice est en forme de cloche arrondie par la base, à 8 stries et à 4 dents courtes, larges et à peine pointues; les dents du calice sont en estivation valvaire, et à cette épociue les sinus forment de petites dents qui disparaissent ensuite. Il n'y a point de pétales. Les étamines sont petites, au nombre de 4» alternes avecles dents du calice. L'ovaire est globu- leux, surmonté d'un style très-court, terminé par un stigmate en tête; le style et le stigmate n'ont pas une demi-ligne de longueur, et se détruisent après la Heuraison. Le fruit est une capsule globuleuse, rougeàlre, membra- neuse , qui dépasse la longueur du calice, se rompt irrégu- lièrement vers le haut ; les graines sont très-nombreuses, attachées à un placenta qui à la maturité paraît libre de toute adhérence avec les valves. Cette espèce s'approche beaucoup du genre Peplis par la brièveté de son style, mais elle se rattache à \ Ainmannia par le nombre quaternaire de ses parties. MOUVEMENTS PRODLITS PAR LE CONTACT MUTUEL DE DIVERSES SUB- STANCES, ET EXPLICATION DE CES MOUVEMENTS, Par feu Bénédict PREVOST; RÉDIGÉ Far Pierre PREVOST. Xn à la SociêU de Pliys, et d'Uist. naf. le 30 Avril et h 4 Mai iSoG. Avertissement du Rédacteur, v_jette explication et l'exposé des faits auxquels elle se rapporte sont tirés de quelques lettres que Bénédict Prévost m'adressait vers la fin de Tannée 1814. Comme il ne les a pas publiés, Jai cru devoir les soumettre au jugement des physiciens. A cet effet , j'ai divisé ce mémoire en trois par- ties. La première, qui a exigé quelque soin de rédaction, est le simple exposé de l'expérience fondamentale et de son explication. La seconde contient un assei grand nombre de détails, ou de faits analogues au fait principal, rangés par l'auteur lui-même dans un ordre convenable, et que je n'ai eu presque qu'à transcrire, en y insérant les notes ad- Mém, de la Soc. de Phys. et d'Hist. iiat. T. II I. 2." Part. 1 3 gS *^ " '' " '"wPouWBTîfîfïS" PRODUITS ditionnelles que m'a fournies la suite de sa correspondance, La troisième partie reste presque entièrement vide , et devrait contenir des développements de théorie, dont je n'ai p«i rettquver jusqu'ici qu'une simple indication, .«IV" -^ . PARTIE I." EXPÉRIENCE FONDAMENTALE. Le phénomène est celui-ci : Une petite quantité de ruer- cure , étant versée sur une assiette de porcelaine , s'y étend sous une forme plus ou moins arrondie. Si alors on touche le mercure, vers le milieu de sa surface, avec une petite goutte d'huile, le mercure s'afFaisse et déborde en consé- quence de tous côtés au-delà de ses premières limites. Ce débordement, communément d'une ligne, peut aller, en chauffant , à deux ou trois. Pour bien saisir l'expérience, et surtout pour la répéter, quelques détails sont indispensables. Et d'abord le mercure et l'assiette doivent être parfaitement propres, c'est-à-dire, exempts de toute matière huileuse ou graisseuse. La quan- tité requise de ce métal n'est pas très-déterminée,- trois ou quatre onces suffisent. Cette quantité se répand le plus souvent sous la forme d'un ovale de deux ou trois pouces de long et à peu près d'un pouce de large. L'huile d'olive peut être employée, mais l'huile essentielle de térébenthine est préférable sous divers rapports. On prend une petite goutte de cette huile avec une baguette de verre, ou de toute autre manière plus commode. Pour reconnaître l'af- PAR LE CONTACT MUTUEL, etC. 99 faissement du mercure, on entoure ses bords de petites bandes de papier à la distance de demi-ligne. Avant de passer à l'explication du phénomène, il est bon d'en prévenir mie , qui fut proposée dans le sein de cette société, lorsque l'expérience y fut cjimmuniquée en 18 13. Gomme il est difficile de débarrasser le, mercure de l'eau qu'il contient, on a cru pouvoir attribuer a cette eau l'expansion du mercure au contact de l'huile. Mais le mercure desséché par tous les moyens connus, donne, dans cette expérience, les mêmes résultats, au moins aussi apparens. Cette réponsesuffit; et divers détails la confirment. Passons à l'explication que va nous fournir la théorie des attractions moléculaires. C'est un principe qui n'est point contesté, que l'attraction moléculaire ne s'exerce sensiblement qu'à des distances in- sensibles j et que l'intensité de cette attraction décroît avec une rapidité extrême à mesure que la distance augmente. De ce principe, Laplage a déduit rigoureusement la con- séquence , que tous les corps doivent exercer à leur surface une force attractive dirigée de dehors en dedans. Et cette force varie selon la nature des substances. Cest en vertu de cette force, que les liquides se forment en gouttes ar- rondies. Ainsi, dans l'expérience dont nous nous occupons, si le mercure n'était point soumis à l'attraction moléculaire, il céderait à la force de la pesanteur, et ses molécules , roulant les unes sur les autres , finiraient par se répandre , en couche infiniment mince , sur le plan sur lequel elles reposent. L'arrondissement de la petite masse, le petit es- carpement de ses bords arrondis , est le résultat nécessaire 100 MOUVEMENTS PRODUITS de l'action mutuelle des molécules dont cette masse est composée. Supposons maintenant, qu'au lieu de mercure, on sub- stitue, en tout ou en partie, une substance différente; l'attraction moléculaire changeant fera changer la forme de la masse et par conséquent aussi les limites dans lesquelles elle est contenue. Le liquide substitué est-il doué d'une at- traction moléculaii'e plus forte? la masse aura une tendance à se contracter en une forme plus arrondie. Le nouveau li- quide est-il au contraire moins attractif dans ses molécules? il cédera davantage à l'action de la pesanteur et s'applatira plus que le mercure ; par conséquent, il débordera sa pre- mière limite. Quel est donc le liquide qui produit cet effet dans notre expérience ? C'est une substance mixte que l'on pourrait presque appeler un oléure de mercure. A l'instant oh la pe- tite goutte d huile touche la surface du métal , elle s'y ré- pand comme elle ferait sur l'eau; et produit au contact une substance composée , ou une espèce d'amalgame oléa- gineux. 11 y a même quelque raison de croire que cette combinaison ( peu intime à la vérité, et comparable à une dissolution) pénètre fort avant ; car si l'on fait l'expérience à chaud , c'est-à-dire, en chauflFant le mercure et l'assiette, et que l'on verse ce mercure, légèrement huileux, de l'assiette dans un autre vase , on s'aperçoit qu'il file comme l'huile. 11 paraît donc que le mercure a été changé en une nou- velle substance; et l'on peut conclure de l'expérience même, que cette nouvelle substance, ce mélange d'huile et de mercure, cette espèce d' oléure mercuriel, est doué d'une PAU LE CONTACT MUTUEL, etC. 101 attraction moléculaire inférieure à celle du mercure. Dès lors l'applatissement observé s'explique fort bien. L'aclion de la pesanteur lutte avec plus d'avantage contre l'attrac- tion moléculaire de cet amalgame que contre celle du mé- tal pur. Pour d >nner à cette explication plus d'étendue et en constater la solidité, il conviendrait de répéter l'expérience sur plusieurs substances diverses ; mais il faut observer que le cas où on emploierait quelque substance, telle que la petite masse répandue sur l'assiette dut se contracter en «arrondissant, que ce cas , dis-je , présente un obstacle qui n'a point lieu dans le cas inverse. Dans celui-ci, dès que le mercure perd de sa force atlractionnelle , il s'atTaisse en vertu de la pesanteur ; l'applatissement est produit par cette force inévitable et toujours agissante. Si au contraire il faut que la petite masse de liquide ( de mercure ) se con- tracte et s'arrondisse; la force qui tend à produire cet effet devient difficilement sensible, parce qu'elle agit contre l'ef- fort de la pesanteur. D'autres circonstances encore peuvent modifier certains résultats. Les détails relatifs à ce sujet doivent être réservés pour la seconde partie de ce mémoire. Nous ne mentionnerons ici qu'un fait additionnel , qui n'est pas seulement relatif à l'explication donnée ci-dessus, mais qui offre un moyen particulier d éprouver la pureté du mercure employé dans l'expérience (condition indispensable pour la faire réussir). Il suffit de jeter sur le mercure deux ou trois parcelles decamphre( très-petites, presqje impercepti- bles à des yeux ordinaiies ). A 1 instant, ces parcelles doivent /> I02 MOUVEMENTS PRODUITS •"•* voltiger avec la légèreté et la prestesse d'un insecte ailé ; aii point que , se portant quelquefois vers le bas de l'escarpe- ment de la couche de mercure, elles l'emontent presque toujours d'elles-mêmes à la surface supérieure. Voici comment ce phénomène s'explique. Lorsque la par- celle de camphre louche le mercure , il s'y forme une sub- stance nouvelle, une espèce de camphrure mercuriel , mais qui ne s'étend pas comme la goutte d'huile; soit à cause de sa nature projîre, soit à raison de son extrême petitesse. Dès lors pressée totit à l'entour, par la force attractionnelle supérieure des molécules du mercure , elle cède et forme vme saillie , doù la parcelle de camphre est lancée (i). "^^' PARTIE II. DÉTAILS ET TAITS AKALOGUES. Premier fait. Si, sur une goutte de mercure bien pur, dans une assiette de faïence , de porcelaine ou de verre, on place une petite goutte d'huile de térébenthine; une partie de celle-ci s'étend sur le mercure, et le métal s'affaisse sensiblement : la convexité de la goutte de mercme dimi- nue visiblement, son diamètre est agrandi dans une propor- tion considérable. (i) On varie l'expérience en jetani les parcelles de camplire sur le mer- cure blanchi avec de la poudre de blanc d'Espagne ; la pelile aréole bril- lante de mercure qui se forme autour du chaque pareille , les mouvements que l'on y observe , semblern indiquer une succesiion de crcu\' et de ren- flements, ou une espèce d'ondulation rapide. I PAR LE CONTACT MUTUEL, elC. >a3 On peut substituer à l huile de térébenlhine d'autres huiles essentielles, ou des huiles fixes, et même plusieurs substances odorantes et volatiles; mais l'eftet est moins marqué selon les substances que l'on emploie. — Un morceau de camphre un peu gros, touchant le bord d'une certaine quantité de mercure, dans une assiette de faïence oli de porcelaine, produit un effet analogue, mais local, et seulement après quelque temps, non de suite et généralement comme lors- qu'on touche le mercure avec une goutte d huile. Si loa entoure le mercure de camphre, tout le mercure s'affaisse après quelque temps. Si l'on place un fragment de camphre d'une certaine grosseur ù une petite distance ( une -!; ligne environ, ou même un peu plus) des bords du mercure, après quelque temps le mercure s'affaisse vis-à-vis de l'en- droit où est le camphre. Si l'on porte le camphre ailleurs , le mercure s'affaisse aussi vis-à-vis ; et quand on l'a porté dans plusieurs points tout autour, il file si on le verse. Second fait. On peut substituer aux substances hui- leuses ou odorantes, une pince'e de limaille ti'ès-fine de plomb (0 ; l'effet est encore plus marqué, mais il n'est pas si prompt. Remarque relative à ces deux premiers faits. Le mercure est ensuite moins liquide, moins fluide; il laisse sur l'assiette, lorsqu'on le transvase, une espèce d'étamure ou d amalgame, beaucoup plus sensible dans la (i) Et je pense aussi (quoique je ne l'aie pas essayé) d'élaiii, d'argent ou d'or. Io4. MOUVEMENTS PRODUITS seconde expérience que dans la première. Il file, il f ail la queue, comme disent les ouvriers. Troisième fait. Le camphre , qui, avant l'expérience , se mouvait très-vîte sur le mercure, ne s'y meut plus du tout. Remarque. De petits fragments de clous de girofle et autres substances imprégnées de quelque huile essentielle se meuvent aussi sur le mercure, mais ni aussi vite, ni aussi long-temps. Quatrième fait. Lorsqu'on a saupoudré très-légèrement le mercure avec du blanc d Espagne en poudre très-fine, et qu'on place un morceau de camphre un peu gros en contact avec les bords du mercure, la poussière blanche s éloigne du camphre , à peu près comme s'il en partait un souffle léger, et le mercure découvert paraît brillant aux environs. Pour que l'effet ait lieu , il n est pas nécessaire que le camphre touche le mercure, ni même l'assiette j il suffit qu'il soit très-près du mercure. De très-petites parcelles de camphre, sur du mercure ainsi saupoudré, y chassent tout autour d'elks la poudre blanche, et y dessinent comme des espèces de têtards nageants sur le mercure. Jolie expé- rience , qui fait spectacle , mais bien en petit. Remarque. On peut observer en passant que, quelque fine que soit la poudre et quelque légère que soit la cou- che de blanc , deux gouttes de mercure ainsi préparées ne se réunissent point, comme quand sa surface est brillante; ce qui fait voir que l'attraction moléculaire nagit sensi- blement qu'au contact sensible. Au reste, f ai eu souvent PAR LE CONTACT MUTUEL , etc. lo5 occasion de constater ce dernier fait avec deux gouttes d'eau, et plus commodément avec deux gouttes dhuile d'o- live, observées à la loupe ou au microscope; c'est-à-dire, que, pour peu qu'on aperçoive ( même avec le secours des verres) de distance entre les gouttes, elles ne se joignent point, elles ne se réunissent et ne se confondent point. — C'est donc à tort que quelques physiciens s'expri- ment de manière à présenter une attraction moléculaire» qui se manifeste avant le contact apparent. (Voyez , p. ex., Hauit , Traité de physique, seconde e'dit. T. i. §. 77 j et troisième edit. $. 78}. Cinquième fait. La plu« petite goutte dhuile ou de graisse liquide, appliquée à la surface du mercure , sur le- quel se meuvent de petites parcelles de earaphre, suffit pour arrêter subitement ce mouvement. Sixième fait. Lorsque des parcelles de camphre sont en mouvement sur du mercure, si l'on présente à une ou deux lignes de sa surface , au-dessus de ces parcelles , un pa- pier imbibé d'huile essentielle de térébenthine ; le camphre perd son mouvement : mais en général, il ne le perd pas instantanément ; il faut quelques secondes. Septième fait. Lorsqu'on retire le papier , le mouvement recommence quelque temps après. Huitième fait. J'ai quelquefois laissé exposé à l'air, sur une assiette, le mercure oii voltigeaient très-lestement de petites parcelles de camphre. Elles cessaient de se mouvoir après quelques heures; mais en remuant le mercure, de manière à i-enouveler les surfaces , ces parcelles s'y mou- vaient de nouveau. — Je soupçonne que l'air de la chambre Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hist. nat. T. 111. 2.' Part. j4 lo6 MOUVEMENTS PRODUITS pourrait être si tranquille, ou la chambre si propre, que cela n'arriverait pas; car le mercure étant au fond d'un verre à boire et ce verre couvert, le camphre qu'on y jette de temps en temps s'y meut toujours très-vîte, pourvu qu'on ne fasse les essais qu'avec de très-petites parcelles à là fois. Neuvième fait. Le camphre cessé bientôt de se mouvoir sur le mercure , si l'on en met autour une quantité consi- 'dérable. Dixième fait. Sur une plaque d'argent ou d'or poli, ou de tout autre métal bien décapé, une goutte d'eau de 3 ou 4 lignes se trouve placée de manière à demeurer très-convexe. Si, dans cette position, on applique légèrement sur la goutte l'extrémité d'un brin de paille ou de chenevotte bien sec, il n'arrive rien de remarquable. Mais si, au bout de cette paille, il y a un peu d'huile essentielle de térébenthine, la goutte s'applatit très-sensiblement, au point quelquefois de doubler son diamètre horizontal. L'huile, pour peu que la quantité en soit considérable, se répand tout autour de la goutte d'eau, en laissant à sa surface une pellicule ou couche extrêmement légère. On s'assure de l'existence de cette pellicule en touchant le sommet de la goutte d'eau avec un papier fin à filtrer, qui s'imprègne d'huile et en acquiert l'odeur. 11 se peut sans doute aussi que quelques parties d'iiuile pénètrent dans l'eau au-delà de la pellicule; si la goutte d'eau repose sur le mercure , une partie de l'huile se répand et forme la pellicule autour de la goutte j mais le reste ne tombe pas et ne se distribue pas de même , il demeure au contraire suspendu et rassemblé au-dessus. PAR LE CONTACT MUTUEL, etC. I07 Onzième fait. Que l'on rapproche une goutte d'eau d'une goutte d huile essentielle de térébenthine (/'V^. /) ; puis, que l'on augmente petit à petit' cette dernière, jusqu'à ce qu'en s'étendant elle vienne à rencontrer la goutte d'eau. A l'ins- tant, celle-ci sapplatit considérablement , au point de pren-' dre quelquefois un diamètre double, ou presque double. Elle s'avance en même temps toute entière, et très-sensi- blement, du côté de l'huile; en d'autres termes, elle s'étend plus de ce côté que du côté opposé. Une petite partie de l'huile forme une pellicule sur l'eau 5 le reste se répand tout autour (comme dans l'expérience précédente). Mais l'effet est si prompt, qu'il est difficile de décider si toute l'huile passe par-dessus la goutte d'eau pour redescendre ensuite tout autour, en laissant sur l'eau une pellicule (peut-être en s'y dissolvant en partie) j ou bien, si la plus grande partie de 1 huile se répand d'abord tout autour, tandis qu'une petite partie seulement remonte pour former la pellicule ( peut-être aussi se dissoudre). Vraisemblablement l'effet a lieu, selon certaines circonstances, tantôt de l'une de ces manières et tantôt de l'autre. Une partie de la goutte d huile, après le contact et l'en- veloppement de l'eau qui en est la suite, reste en quelque sorte en arrière; de sorte qu'elle présente l'aspect d'une goutte d'huile alongée et élargie d'un côté, amincie de l'au- tre , à peu près de la forme d'une bouteille, contenant d un côté dans son sein toute la goutte d eau, et de l'autre la partie d'huile qui est demeurée en arrière {Fig. 2). ^^'ff- '• *eJ|h:S -^S"- n;:: 108 MOUVEMENTS PRODUITS Le même phénomène a lieu avec les huiles fixes ou graisses Iquides; mais les effets ne sont pas aussi marques. Il en est de même des autres huiles essentielles. L'expérience peut être variée sous la forme suivante: On place sur une table un plan de papier blanc fin collé, ou une carte à jouer bien propre, de manière que le plan se trouve un peu incliné à l'horizon, de 6 à 8 deg. par exemple. Des circonstances , aussi difficiles à prévoir qu'à décrire, peuvent engager à diminuer cet angle d'inclinaison pour assurer le succès de l'expérience. Vers le bas du plan, on place une goutte d'eau, que l'on a puisée avec un brin de chenevotte, ou de paille, ou mieux encore, avec une ro- gnure de vitre. Mais quelque matière que l'on empliae , il faut que l'instrument et l'eau soient très-propres j c'est ce dont on s'assure en voyant la goutte prendre beaucoup de convexité lorsqu'elle se trouve place'e seule sur le plan. Au-dessus de cette goutte d'eau on en met une d huile: celle-ci doit s'emboire dans la carte ou le papier , s'il est de qualité convenable. En s'embuvant, l'huile s'avance vers l'eau et arrive enfin au contact. Peu après que ce contact sensible a eu lieu, la goutte d'eau semble s'avancer un peu sur la tache d'huile. Mais c'est mie illusion, qui a lieu lorsque le petit appareil est placé entre l'observateur et la fenêtre d'où vient le jour. Dans la réalité, ce n'est pas la goutte toute entière qui s'avance; ce nest que sa partie la plus élevéesur le plan et par conséquent la plus voisine de l'huile; cette avance provient de l'applatissement que cette partie éprouve au lieu du contact. Bientôt l'applatissement s'étend de proche en proche tout autour de la goutte. Enfin 1 huile PAR LE CONTACT MUTUEL, etC. I09 se répand brusquement sur leau et y dépose une couche très-fine. Cette pellicule est légèrement irisée; mais les couleurs ne peuvent être vues que par un jour favorabLe. 11 est à remarquer, qu'avant le contact de leau, l'huile s'avance lentement dans la substance du papier 5 tandis qu'après le contact, elle se répand brusquement autour de la goutte d'eau. L'expérience, sous celte forme, est aussi agréable que facile à répéter, Reniaïque relative à ces deux derniers faits, ''■'■ Les deux expériences ( dixième et onzième ) que nous venons de décrire font voir que c'est à tort que l'on a dit et répété, dans presque tous les ouvrages élémentaires de physique, qu une goutte d'eau et une goutte d'huile se re- poussent , lorsqu'elles sont arrivées au contact sensible , on très-près l'une de l'autre. Douzième fait. Sur une couche d'eau d'un quart ou un tier^ de ligne d'épaisseur, dans une assiette de fa'ience ou de porcelaine, mettez une goutte d'huile essentielle de tért-ben- thine; aussitôt 1 eau s'éearle tout autour considérablement. Cet écart augmente ensuite k plusieurs reprises, et comme par oscillations. On remarque, lorsque la couche est épaisse, que le fond de l'assiette ne se découvre point au premier ins- tant j mais qu'une couche du liquide se retire sur l'autre, en laissant cette dernière sur le fond; et que celle-^ci se retire à son tour et laisse ce fond à nu. Quelquefois il y demeure, pendant un certain temps, une pellicule si mince qu'elle a les couleurs de i'iris. XIO MOUVEMEKTS PRODUITS La inème chose arrive , el d'une manière plus marquée encore , si l'on substitue de l'éther à l'huile de térébentiiine. Le même effet a lieu aussi d'une manière plus marquée avec l'alcohol, toutes les huiles essentielles, l'ammoniaque liquide, l'eau forte, l'acide muriatique, le camphre, etc. Le même phénomène est encore produit , mais d'une ma-» nière peu sensible, avec les huiles fixes, les graisses li^ quides,etc. Treizième f ail. Lorsque la couche d'eau est mince 5 il sutïit, pour produire un effet analogue, de lui présenter, même d'assez, loin (1), l'élher, le camphre, les huiles essen- tielles, etc. Quatorzième fait. De petits morceaux de clous de gi- rofle, de cannellej de petits fragments de liège imprégnés d'huile essentielle, etc., surtout de petits fragments de cam[)hre, se meuvent sur l'eau avec beaucoup de vitesse, souvent en tournant sur eux-mêmes, ou autour des bords du vase. Quinzième fait. Si l'on place sur l'eau un petit disque de feuille d'étain , de fer-blanc , etc. ( de 5 lignes environ de diamètre), avec un petit morceau de camphre dessus (2), à peu près au milieu; ce disque se meut très-sensible- ment (3) aussi long-temps que le camphre conserve une certaine grosseur; ce qui va quelquefois jusquà 8 ou 10 heures , et davantage. Seizième-fait. 11 en est de même de l'éther, de l'alcohol el (i^ De 3 , 3 , ou 4 lignes; el de plus loin, si c'esl de l'élher. (2) Grossièrement spUériqne , d'une ligne environ de diamètre, (3) Tournant quelquefois trcs-régulièremeni aalour des bords du vase. PAR lE CONTACT MUTUE*, efC. III des huiles essentielles, qu ou peut placer sur l'eau datis de petites coupes évasées de inotal; mais l'expérience est moins aisée à faire avec ces dernières suljtances. Dix-septiéme fait. L'extrémité d'une paille imprégnée d huile fixe, plongée dans l'eau oii se meut du camphre (soit à nu, soit sur le disque, et principalement dans ce dernier cas), fait cesser de suite le mouvement, en lançant néan- moins le disque de côté ou d'autre brusquement, au mo- ment oii il s'arrête. Cette dernière circonstance prouve , pour le dire en pas- sant, que la pellicule d'huile, qui se forme à la surface de l'eau, s'y e'tend très-rapidement. Dix-huUièine fait. Sur un verre à boire ordinaire rem- pli d'eau jusquaux 7 ou aux | de sa hauteur, où se meut un disque chargé de camphre, si Ion place une glace, qui ferme exactement ou presque exactement; le disque s'arrête. — Lorsqu'on décou\ re le vase, le disque se remet en mouve- ment. — Si le vase est grand et que la hauteur de leau soit loin d'égaler celle du vase; le disque continue long-temps à se mouvoir, lors même que-le vase est fermé exactement par la glace. Dix-neiwié/nç fait. Si c'est un petit morceau de camphre à nu, qui se meuve dans l'eau^ le mouvement ne diminue pas sensiblement. Mais si le morceau de camphre est très- gros , ou qu'il y en ait plusieurs; surtout si l'on réduit en- core l'espace vide; le mouvement diminue: et si l'on met beaucoup de camphre dans le même vase ; le mouvement cesse presque tout-à-fait, même sans couvrir. Vingtième fait. Certaines dissolutions , étendues en IlE MOUVEMENTS PRODUIT» eouche mince sur une assiette, paraissent être écartées par d'autres, dont on place une goutte dessus, ou par l'eau purej et réciproquement. Vingt-unième fait. Si l'on place sur l'eau d'un bassin , même recouvert d'une glace, un disque de feuille d'élain ou de fer-blanc, et qu'on porte sur les bords de ce disque le foyer d'une lentille; le disque se porte du côté opposé au foyer. 11 en est de même si l'on présente au bord du disque un corps chaud , ou rouge de feu. Vingt-deuxième fait (i). Lorsque l'oif' place, sur une plaque d'or ou d'un métal quelconque bien décapé, une goutte d'eau; et à côté de celle-ci, une goutte d'alcohol ; et qu'en augmentant pelit à petit l'une des deux gouttes, on fait qu'elles viennent à se toucher; au moment du con- tact, o\\ observe un mouvement très-vif, une espèce d'ébul- iition, à la surface de l'eau, à mesure que l'alcoliol s'y mêle. Si la goutte d'eau est un peu alongée, et que l'on mette dessus un peu de sciure de liège ( laquelle prend ordinaire- ment place au sommet de la goutte); au moment où i'al- cohol et l'eau arrivent au contact, le liège se meut rapide- ment en tournant, ou suivant à peu près le contour de l'ex- trémité de la goutte d'eau, la plus voisine de l'alcohol; ou bien en oscillant et s'élançant d'un côté à l'autre de cette extrémité, — Lorsqu'on n'a pas mis d'abord beaucoup d'al- cohol , on peut en remettre de nouveau 5 et l'on observe alors plus commodément le mouvement du liège, parce qu'il n'est pas tout-à-fait aussi rapide. (1) L"autenr observe (jiie ce fait n'esl pas ici à ss vraie place. Il non« a p«ru peu iraporiaui de le replacer ailleurs, Note du Rédactfur. PAR LE CONTACT MUTUEL, CtC. n3 PARTIE III. VUES DE THÉORIE. JSote du Rédacteur. J'ai annoncé que je ne peux qu'in- diquer ces vues, dont l'exposition n'a pas été retiouvée jus- qu'ici dans les manuscrits de l'auteur. Voici comment il s'exprimait en m'envoyant quelques additions aux détails contenus dans une précédente lettre ( détails et additions, qui composent la seconde partie de ce mémoire) : « Venons « maintenant, disait-il, aux émanations des corps odorants, « que je considère aujourd'hui comme des phénomènes ca- « pillaires ou purement chimiques 5 c'est-à-dire, que je « rapporte mes premières explications (i) ( un peu modi- « fiées cependant ) à des phénomènes plus généraux. » Dans la même lettre, en date du 18 Septembre 1814, il annonçait une suite , que je n'ai pas le souvenir d'avoir reçue. Quoi qu'il en soit, on ne peut beaucoup s'écarter des vues théoriques de l'auteur en cette matière. Elles tendaient à rapporter tous les faits de la classe de ceux qu'il a rassem- blés ici (en particulier les phénomènes que présentent les émanations des corps odorants ) aux lois, bien reconnues, des attractions moléculaires. Mais il entrait sûrement à ce sujet dans des développements utiles, nécessaires peut-être, pour établir cette théorie d'une manière générale et solide. (1) Il entend celles qu'il avait insérées aux Annales de cliimie en 179J et 180X ; T. 21 , 25. , 23 , 34 et 42. N. du Red. Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hist. nat. T. III. 2.' Part. 1 5 NOTE LES RAPHIDES OU POILS MICROSCOPIQUES INTERIEURS, OBSERVÉS DANS PLUSIEURS ESPÈCES DE VÉGÉTAUX. Par Alph. DE CANDOLLE. Lue à la Soc. de Phys. et cCHist. Nat. de Genève , le aa Juin i8a6. J-;es organes que je me propose de décrire dans cette no- tice, ont été découverts par M. Sprengel dans leFipermag- nolicefolium, mais décrits imparfaitement par cet auteur. M. Kieser les a observés dans le Catla ^thiopica , le Musa paradisiaca, \u4loe veiriicosa et \e Cypripedium calceolus. M. le docteur Prévost et mon père les ont aussi trouvés dans le Tritoma avaria, à la suite d'un grand nombre d'autres observations microscopiques pour les- quelles ces Messieurs se sont souvent réunis il y a à peu près une année. Ayant vu et dessiné les échantillons qu'ils observaient, et ayant depuis découvert ces singuliers or- ganes dans deux autres espèces, la Belle-de-nuit et la Bal- samine, je réunis ici tout ce que j'ai pu recueillir sur leur histoire. I 1 6 NOTE Lorsqu'on enlève l'e'piderme de la feuille du Tritoma uvaria , et qu'on soumet au microscope vuie tranche bien mince du tissu intérieur ainsi mis à nu, on voit le tissu cellulaire tout marqueté de taches opaques alongées, 2-3 t'ois plus longues que les cellules voisines. L'eau qui en- toure l'échantillon se trouve remplie d une multitude in- nombrable de petits filets ou de petits poils pointus aux deux extrémités et longs d'environ ^ de ligne. Un voit fa- cilement avec un grossissement plus fort, et en disposant les échantillons de différentes manières, que les taches vues dans le tissu cellulaire ne sont autre chose que des amas de ces petits poils ou filets, que mon père propose de nom- mer Kaphides , nom qui signifie pelUes aiguilles. Les Raphides du Tritoma sont naturellement agglomérées et toutes dirigées dans le même sens, qui est celui des fibres de la feuille. On en voit souvent qui divergent un peu en éventail; mais il est probable que c'est un dérangement produit par le scalpel , et par la manière plus ou moins oblique avec laquelle on a coupé l'échantillon. Les fibres sont trop opaques pour qu'on puisse voir si elles contiennent des Kaphides : j'ai vu seulement une trachée, saillante hors d'une fibre, qui en était toute entourée. L'épiderme de la feuille n'en contient point , mais 1 intérieur en a une im- mense quantité. J'en ai trouvé en plus grande abondance encore dans le Nyctago Jalappœ ou Belle-de-nuit. Llles y sont plus petites que dans le Tritoma, et m'ont paru disséminées dans les cellules, ce qui tient peut-être à la manière dont les échan- tillons observés avaient été coupés. J'en ai trouvé dans SUR LES HAPHIDES. II7 toutes les parties de la plante , dans le périgone de la fleur, mais surtout dans l'intérieur des feuilles et de la tige. Lors- qu'on enlève 1 epiderme de 1 une de ces deux parties , on est très-étonné de voir le tissu intérieur briller comme s'il ^tait composé de petites paillettes, ou de petits cristaux mélangés à la matière colorante verte. A la loupe ces mêmes paillettes paiaissent plus grosses, et on en découvre en outre une quantité d autres plus petites. Lorsqu'on cher- che à les enlever avec la pointe d'un scalpel, et qu'on trempe ensuite cette pointe dans de l'eau, celle-ci se trouve toute remplie de Raphides, dont chacune n'a guère que 7^ de ligne de longueur. J'ai vu depuis, que le même phénomène qui m avait trappe dans la Belle-de-nuit se trouve aussi, mais d'une manière bien moins apparente , dans le Tritonia. Une seconde espèce dans laquelle j 'ai trouvé des Raphides, c'est la balsamine. 11 paraît quelle en contient beaucoup moins que les précétlentes. Ces Raphides ressemblent d'ail- leurs tout-à-fait à celles de la Belle-de-nuit, Sprengel en a trouvé dans le Piper magnotiœfoUum. Il les considère comme de petits cristaux , mais il donne fort peu de détails sur ce sujet. Une planche qui se trouve dans son ouvrage, nous montre cependant que ce qu'il a vu était bien des Raphides. Le docteur K.ieser (1) donne deux très- bonnes planches des Raphides qu'il a observées dans \u4loe veirucosaet le Calla yiùthiopica. Les premières ( fig. 21) ressemblent beaucoup à celles du Trilorna; les secundes (fig. 22), plu-, petites et divergentes, se rapprochent de celles de \d Bcilsarnine. (i; G.undzuge der Aiiaioinie dtr Pflauzen, Jena i8i5. Il8 HOTE On ne doit pas confondre ces organes avec les poils que MM. Rudoiphi , Mirbei et Amici ont observés dans les ca- vités aériennes des Nymphœa. Ceux-ci se rapprochent plus des véritables poils; ils sont assez gros pour être vus à lœil, ou du moins pour donner une apparence veloutée aux cavités oii ils se trouvent. D'ailleurs, vus au microscope, ils sont coniques, couverts de granulations et insérés pro- f<)ndément dans Iq tissu de la plante. Ce sont autant de diiférences d'avec les organes dont nous parlons. .jiLes Kaphides me paraissent aussi différentes des organes décrits par M. Dutro.l20. TAB.l. f yia/y/ua ^//Sc^ . SUR UNE APPARENCE DE DÉCOMPOSITION DE LA LUMIÈRE BLANCHE PAR LE MOUVEMENT DU CORPS QUI LA RÉFLÉCHIT, Par feu Bénédict PREVOST ; XXTSAIT CE SES MANOSCniTS Par Pierre PREVOST, professeur émérite. Lu à la Société de Phys. et d'Hist. naturelle le ai Septembre tSaS, Note du rédactevr. Pour la première seclîon , je n'ai fait qu'office d'édlleur; c'est conslamment l'auteur qui parle; et j'ai rejeté dans les notes le peu d'éclaircissements que j'avais à y joindre. La seconde section a dû for- cément être rédigée, et j'y parle en mon nom; mais en citant presque toujours textuellement. SECTION h" Exposé de l'expérience. L^ANS une chambre suffisamment obscure, où pénètre un rayon du soleil, agitez un carton blanc rectangulaire, large de deux pouces environ, comme si vous vouliez Mem.delaSoc. dePhys. et d'Hist. mt. T.UI. 2.^ Part, 16 1-3 APPARENCE DE DÉCOMPOSITION couper ce rayon à peu près perpendiculairement à son axe (i). Au moment oii le carton blanc traverse cet axe, l'œil qui le regarde reçoit évidemment de cet objet une lumière blanche, comme si le carton restait immobile à cette place. Il arrive cependant que le disque, éclairé par le rayon dont il représente la section, paraît coloré; il nesl blanc que dans le milieu. Le très-petit espace blanc, qui entoure le centre, se change en un violet, d'autant plus foncé qu'il s'en éloigne davantage. La tache violette est entourée d une zone de couleur indigo foncé, bien nette et bien tranchée, ressemblant tout-à-fait au fond de la couleur delà pensée ( viola tricolor ). Autour de cette zone indigo, est une zone d'un jaune verdâtre, également bien terminée; puis, tout autour en dehors, une nuance rouge. Si même on fait bien attention, et que l'on saisisse les moments et les situations les plus favorables; on voit que le blanc du rayon xéfléchi par le disque a été décomposé, comme il l'aurait (i) L'auteur remarque que lors même que la clianiHre ri'esl obscure qu'im- parfiiilemenl , l'expérience ne manque point. Il ne donne pas le diamètre du rayon qui doit y pénélier. Un pouce est une mesure assez convenable; et probablement celle que l'auteur employail. Le mot a^;7er exprime un rapide mouvement oscillatoire du carton , allant et venant tour à leur en deux sens contraires. Dans les expériences de l'auteur, il traversait à peu près 20 pouces en 10 tierces; ainsi deux pouces en une tierce; ce qui suffisait pour qu'en une tierce tout le carton (dans sa largeur) eût traversé le rayon. Quant à la lon- gueur Au carton, elle reste indéterminée; la plus commode est la meilleure. Du reste on voit assez que l'on peut substituer au carton du papier ou tout autre corps blanc. P. P. p. DE LA LUMIÈRE BLANCHE. 123 été par le prisme, en sept couleurs principales, rangées à peu près clans le même ordre. Si au carton blanc on substitue un carton rouge , ou rougeàtrej la décomposition du rayon paraît encore plus nettement. Si , au contraire , on emploie un carton d'une teinte azuréej cette décomposition est moins nette qu'avec le blanc. Du reste, toutes ces couleurs sont sujettes à varier selon diverses circonstances, telles que la vitesse du mou- vement, l'obliquité sur l'axe du carton qui le coupe, la distance de la section à l'origine ou à la base du rayon lumineux, les diverses teintes ou nuances du carton, l'intensité de la lumière, etc. Mais il y a toujours une dé- composition apparente. Avec un carton jaune, on voit extérieurement une aréole circulaire d'un jaune plus brillant que n'est celui du carton, lorsqu'il n'a point de mouvement. Avec un carton noir, il n'y a aucune coloration , si ce n'est une nuance enfumée dans le milieu. Encore est-il probable que cette nuance provient de ce que le noir du carton est loin d'être parfait. Un carton garni de velours noir ne présenterait vraisemblablement aucune apparence de décomposition (i). f i) L'auteur de celle expérience l'a dxplica- lion , sans l'appuyer ni la conibatlre. Mais nomme elle semble, au premier coup-d'oeil, peu d'accord avec la théorie de la combinaison chimique; je présenterai ici deux lemarques, dans le but d'engager les physiciens à ne pas la rejeler sans examen; ou, s'ils la repoussent, à lui en substituer une meilleure. I. Le temps requis pour une combinaison et pour une résolution ou dé- composition subséquente, peut êlie aussi court que l'exige l'explication du phénomène. La nature opère , par les mêmes forces, à divers degrés de vitesse, ' 2. L'idée d'une combinaison pourrait-elle être convertie en celle d'un simple passage ? Ce passage ( par conductibilité ) pourrait-il être inégalement rapide pour les diverses couleurs? N'est-ce pas pour oblenii' celle inégalité, que l'on a eu recours à la combinaison chimique ? DE LA LUMIÈRE BLANCHE, I29 Supposant cette disposition bienveillante, j'ajoutei'ai un mot de plus. Si l'expérience dont nous venons de nous occuper paroît avoir quelqu importance par ses rapports avec la théorie des couleurs, ou avec celle des sensations; le premier soin de ceux qui la discuteront sera probablement de lui donner plus de précision , en substituant au mouvement de la main un mécanisme régulier : après quoi , on pourra s'assurer de la nature du phénomène, en soumettant les rayons colorés à diverses épreuves. Mais l'observateur, qui entreprendra ce sujet, n'aura sans doute aucun besoin d'indications anticipées sur la manière de le traiter. Du reste , je souhaite d'autant plus de voir corriger ou remplacer l'explica- tion proposée, qu'elle m'a toujours paru sujette à une objection, tout-à-fait indtpendante de celle qui est lirëe des principes de la chimie. P. P. p. Mém. de la Soc. de Phjs. et d'Hùt. nat. T. III. 2.^ Part. ANALYSE DU VEPiNIS DE LA CHINE Mémoire lu à la Société de Physique et d'Histoire naturelle, en Avril 1826. Par m/ MACÂIPiE-PRINSEP. On a primitivement nommé vernis dans les arts, des dissolutions de diverses substances solides dans des liquides appropriés, susceptibles d'être étendues facilement à la sur- face des corps et par l'évaporation de la partie fluide d y laisser une couche plus ou moins épaisse propre à les garantir des influences extérieures (i). Les qualités essen- tielles d'un bon vernis sont, comme chacun sait , de former à la surface des corps une couche luisante et continue sans couvrir ni altérer leur poli ou leur couleur, de se sécher facilement et entièrement, et enfin de se mêler intime- ment aux diff"érentes substances colorées que l'on peut désirer d'y incorporer. C'est à donner aux vernis ces diverses (i) Les progrès de la science onl Fait inventer une nouvelle classe de vernis que l'on pouirail nommer vernis chimiques et qui sont le résultat de combi- uaisoQs nouvelles des corps qui les constituent. l32 MÉMOIRE perfections que se sont appliques les artistes qui en font usage, et l'on peut dire qu'en s'efforçant d'imiter le produit naturel qui fait le sujet de ce mémoire, s'ils ont fait aussi bien , ils n'ont pas fait mieux que la nature et le suc précieux dont elle a enrichi l'Asie orientale est encore égal ou supé- rieur aux meilleurs vernis. Les Chinois et les Japonais ont en effet fait usage de vernis bien long-temps avant que nous en eussions en Europe la moindre connoissance. Les missionnaires envoyés à la Chine dans le i5.'"^ siècle furent les premiers qui don- nèrent dans leurs écrits quelques notions confuses sur ces enduits remarquables dont on couvrait dans ce pays loin- tain presque tous les ouvrages des arts, mais quoiqu'ils contribuassent essentiellement à faire rechercher ces ou- vrages, personne ne songea à les imiter. Dans le 17,°* siècle seulement les pères Jésuites, Martino, Martini et Kircher en ayant parlé avec plus de détail, un Ermite français de l'ordre de St. Augustin , le père Jamart, trouva le moyen de mettre à profit les notions encore vagues répandues sur le vernis de la chine, et vendit sous ce nom une composition dont il fit un secret et qui quoique sûre- ment bien différente du véritable vernis, en ayant assez bien l'apparence se répandit rapidemeiit dans le commerce, et lui procura de grands profits. Dès-lors beaucoup de per- sonnes cherchèrent à l'améliorer et à en imaginer de nou- veaux, en combinant de diverses manières les heaumes, les gommes, les résines, les huiles volatiles, etc. Enfin le père d'IncarviUe nous apprit positivement que le fameux vernis employé par les Cliinois à couvrir leurs meubles et SUR LE VERNIS DE LA CHINE. l33 presque tous leurs ustensiles, était le produit naturel d'un arbre particulier qu'ils nommdieat Tsi-cJiu ou arbre à vernis. Ceux qui savent avec quelle inquiète et vigilante jalousie les Chinois mettent obstacle à toute relation avec les peuples d'Europe, ne seront pas surpris de l'incertitude des' données acquises par les botanistes sur le nom et la place qu'on doit attribuer à cet arbre précieux, qu'on n'a, je crois, jamais vu en Europe. Loureiro qui paroît mériter le plus de confiance, puisqu'il a seul été à portée de juger par ses propres yeux , a fait dans la flore de Cochinchine pour l'arbre au vernis un genre particulier, qu'il nomme Augia, du mot grec a-n" splendor. 11 donne pour caractère à ce genre un petit calice dune seule pièce, 5 pétales oblongs attachés au réceptacle, un grand nombre d'étamines attachées au même point , un ovaire terminé par un style et un stigmate obtus, un drupe applati de haut en basa peu près comme une lentille, petit, luisant et renfermant sous lenveloppe charnue un noyau applati de la même manière et n'ayant qu'une loge. Ce genre d'après Loureiro n'a qu'une espèce connue qu'il nomme A. Sinensis et qui est le seul arbre qui produise le vernis. 11 croît dans la Cochinchine, la Chine et le royaume de Siam, sa hauteur est médiocre, ses rameaux s'élèvent verticalement et sont garnis de feuilles ailées, composées de cinq paires de folioles entières placées le long du pétiole commun, terminée par une impaire; ses fleurs sont disposées vers les sommités des rameaux où elles forment des pannicules. Lorsqu'on veut obtenir le vernis on blesse l'écorse et il découle de l34 MÉMOIRE la blessure sous la forme d'un suc résineux très-visqueux. On l'emploie pur ou mêlé de diverses substances colorées. On l'emploie comme médicament dans l'Inde après l'avoir fait bouillir pour lui enlever un principe volatil très-acre. Les médecins de la Cochinchine donnent la résine qui en résulte en piliules , comme échauffante, résolutive, emmè- nagogue et vermifuge; sur celte description de Loureiro M. de Jussieu a mis le genre Augia parmi les Guttitères, mais M. le prof. De CandoUe fait remarquer qu'aucune espèce de cette famille n'a, comme le dit Loureiro de l'Au- gia sineusis, les feuilles ailées. Ce dernier caractère le clas- serait fort bien parmi les terebinthacées auxquelles le» propriétés chimiques de son suc propre l'assimilent aussi; mais, toujours d'après M. De Candolle, les terebinthacées n'ont jamais les pétales et les étamines insérées sur le ré- ceptacle. M. deLamarck rapporte auBadamier,Terminalia vernis, de la famille des Myrobolans, l'arbre au vernis ou Tsi-chu des Chinois; ses feuilles oblongues, linéaires , de'pourvues de poils le font distinguer des autres Badamiers. 11 croît en Chine et aux Moluques; il contient dans toutes ses parties un suclaiteux très-caustique quirend ses exhalaisons dan- gereuses ainsi que tout contact avec ce végétal. Lorsque le tronc est d'une grosseur suffisante, ce suc en découle sponlanément ou par des fentes artificielles; il s'épaissit et devient brun et tout-à-fait noir lorsqu'il a acquis toute sa consistance. Pendant qu'il est encore liquide les habitans en enduisent leurs meubles qui portent en Europe le nom de meubles de laque. Le principe caustique du vernis se SUR LE VERNIS DE LA CHINE. l35 volatilise pendant qu il se dessèche et Ton peut boire sans danger dans des vases qui en sont enduits : l'on mange aussi les graines rôties. Cette description ne peut convenir au vernis de la Chine, puisque cette substance ne noircit point à l'air et il est probable que M. de Lamarck l'aura confondu avec le vernis du Japon qui est produit d'après Adauson par un Sumach, Rhus vernix. Cet arbre, dit ce naturaliste, est vénéneux et produit sur la peau comme le R. Toxycodendron des effets analogues aux symptômes d'une erésy pèle. On fait des incisions à l'arbre, il en découle une liqueur blanche et visqueuse que l'on recueille dans des vases de bois, et qui noircit par l'exposition à l'air. On la conserve dans des vaisseaux recouverts d'une peau huilée, mais il est loin d'égaler le vernis de la Chine. M. Perrotet revenant d'un voyage autour du monde, remit en 1823 à M. le prof. De CandoUe un échantillon de vernis de la Chine, et ce savant a bien voulu m'en donner à son tour, une petite quantité, suffisante pour l'examiner. Le vernis de la Chine est d'une couleur jaune, légèrement brunâtre, d'une odeur aromatique particulière, d'unesaveur forte, légèrement astringente, prenant l'arrière bouche , per- sistente, assez analogue à celle du baume de la Mecque ou de Copahu^ sa consistance est visqueuse, semblable à celle de la térébenthine épaisse. Il forme, étendu sur les corps, un vernis continu, brillant, séchant facilement, et d'un beau poli. 11 délaye fort bien les couleurs qu'on y mélange, comme le minium, le cinabre, le noir de fumée, et forme de beaux vernis colorés, qui ne s'écaillent point en séchant. Pour apprécier les diiîéreaces que présente- l3G MÉMOIRE raient comme vernis la térébenthine et le ba-ime de copahu dont les propriétés physiques et t'himiques sont si semblables, j'y ai délayé des couleurs qui s'y mêlent très-bien aussi; mais lorsqu'on les étend sur les corps, on trouve que le vernis ne sèche jamais et après trois mois d'exposition à l'air, il prend encore l'empreinte du doigt qui le presse, ce qiiiles rend absolument impropres à tout emploi de ce genre. Versé dans un vase d'eau distillée, le vernis s'étend à la surface sous la forme d'une couche jaunâtre , qui peu-à-peu absorl>e de l'eau entre ses molécules et devient blanche et complètement transparente ," de sorte que l'on pourrait dire que le vernis est hydrophane, comme les minéralogistes l'ont trouvé de certaines pierres. La térébenthine n'a point la même propriété, et le heaume de copahu ne la possèdie qu'à un moindre degré. Si l'on égoutte le vernis , il devient opaque et bientôt jaunit de nouveau par l'évaporation de l'eau qu'il avait absorbée. L'eau prend une saveur légère- ment amère. Dans l'alcoliol , le vernis se dissout lentement à froid et plus vite par 1 action de la chaleur. L'eau en précipite une résine blanche abondante. Il se dissout de même dans l'éther et à froid dans l'essence de térébenthine. Traité par de l'eau portée au degré de l'ébullition, le vernis blanchit et devient semblable à du lait caillé, l'odeur propre du vernis se dégage et après une longue ébuUition , il reste une résine blanche, solide, cassante lorsqu'elle est froide, se ramollissant et se fondant dans l'eau bouillante, soluble dans l'alcohol en toutes propor- tions, dont l'eau le précipite en poudre blanche soluble dans ■ SUR LE VERNIS DE LA CHINE, iSy de terc'benthine, la potasse caustique , etc. Chauffe'e dans un tube à un feu soigneusement gradué , la résine laisse de'gager beaucoup d'eau qu'elle avait absorbée. Cette eau est fortement acide et contient de l'acide benzoique comme je le dirai bientôt. La résine privée de leau qu elle avait absorbée reste transparente et jaunâtre; refroidie elle est sèche et cassante, se ramollit et se fond au feu et en graduant la chaleur il se sublime des cristaux blancs aiguillés, soyeux, flexibles qui sont de l'acide benzoique. Bieutôt après il se dégage une eau très-acide (Acide acétique) la résine noircit, et il y a commencement de décomposition. Lorsqu'on examine l'eau dans laquelle a bouilli le vernis on trouve quelle rougit le tournesol et garde une saveur légèrement acre. Evaporée elle laisse un léger résidu soluble dans l'alcohol dont l'eau semble le précipiter en partie. Cet acide saturé par un peu d'ammoniaque semble se com- porter avec les réactifs comme le ferait l'acide benzoique, de sorte que le vernis cède cet acide à l'eau par la simple ébul- lition. Cette propriété n'est pas au reste particulière au vernis, car du benjoin et du baume de la Mecque bouilli dans l'eau lui ont aussi communiqué une acidité marquée et l'eau saturée avec un peu d'alcali volatil s'est comportée avec les réactifs comme l'aurait fait une dissolution de Ben- zoate d'ammoniaque. 11 restait à s'assurer si l'acide ainsi dissout dans l'eau était bien l'acide benzoique, je me rappe- lais que des chimistes italiens avaient constaté la présence de l'acide succinique dans les térébenthines et ce dernier acide pouvait bien se rencontrer aussi dans le vernis. En cher- chant donc à reconnoitre lequel de ces deux acides me Mém. de la Soc. de Pliys. et d'flist. nat. T. III. 2.'' Part, 1 8 l38 MÉMOIRE présentait mon analyse , j'ai trouvé avec quelque surprise , qu'il était à peu près impossible de les distinguer, par les moyens employés jusqu'à ce jour. En effet les deux acides se fondent tous deux par l'action de la chaleur, et se volatilisent en laissant un léger résidu charbonneux , tous deux se présentent alors en aiguilles blanches, satinées, flexi- bles. La propriété si remarquable des succinates de préci- piterle fer en brun jaunâfe et de former un sel soluble avec le manganèse, propriété qui l'a rendu si utile dans les analyses, appartient aussi aux combinaisons de l'acide benzoique. lis précipitent de la même manière les sels de plomb, d'argent, d'étain, ne précipitant point les sels d'an- timoine. Tous deux, seuls d'entre tous les acides végétaux, se dissolvent sans se décomposer dans l'acide nitrique et par l'évaporation de celui-ci, l'acide soumis à son action, reste sans altération dans la cornue. On obtient cependant quelque- fois quelques vapeurs rutilantes et lorsqu'on emploie facide benzoique, l'on trouvequ'en le dissolvant après lëvaporation de l'acide nitrique , il se dégage une odeur assez marquée d'amandes amères, quoique satui'é par la potasse et mis en contact avec du sel de fer on ne puisse obtenir de preuve de la présence de l'acide prussique. Aussi quelques chimistes ont penché à croire à l'identité des deux acides et ont attribué à la présence presque constante de corps étrangers les légères différences qu'ils présentent. Cependant en recher- chant quelque moyen de les distinguer, jai trouvé deux circonstances dans lesquelles les acides benzoique et succi- nique m ont paru se comporter différemment. Avec les sels de cuivre une dissolution bien neutre de benzoate d'ammo- SUR LE VERNIS DE LA CHINE. \5q Iliaque a donné un précipité bleu pâle, cendré, pulvérulent, tandis que le succinate d'ammoniaque a fourni un précipité abondant, cailleboté, d'un beau verd. Les deux acides seuls ne précipitent point les dissolutions de cuivre. Avec les sels de cobalt le benzoate d'ammoniaque donne un précipité floconneux abondant d'un blanc légèrement rosaire; le succinate d ammoniaque louchit à peine la liqueur et ce n'est qu'au bout d'un jour que l'on voit se déposer un précipité rose presqu'insensible. En employant ces deux réactifs j'ai pu reconnoître que l'acide retiré du vernis se comportait comme l'acide benzoique; je dois seulement ajouter que lorsque j'ai traité par l'acide nitrique, le résidu laissé par l'évaporation de l'eau dans laquelle avait bouilli le veinis il s'est produit, outre l'acide benzoique non décomposé, une très-petite quantité d'acide oxalique, dont j'ai attribué la formation à une atome de matière gommeuse qui ac- compagnait l'acide benzoique et qui rendait légèrement louche lalcohol dans lequel on le dissolvait, mais qui était en trop petite proportion pour pouvoir être séparée en quantité notable. Si le vernis est distillé avec de l'eau dans une cornue,'!! passe dans le récipient une huile essentielle , blanche, transparente, surnageant l'eau, d'une odeur très-forte rap- pelant celle du vernis, d'une saveur très-acre, désagréable et persistente, ayant toutes les propriétés des huiles essen- tielles et n'en présentant point de spéciales. l^.ouiili avec de l'acide sulfurique étendu, l'odeur acre du vernis se dégage, il se forme à la surface du liquide une pellicule blanche irisée, et le vase paroît teint sur ses bords l4o MÉMOIRE d'une belle couleur d'un rouge de sang ou pourpre légère- ment violet. Cette couleur subsiste sans se détruire si l'on retire la capsule du feu, mais la liqueur elle-même ne se colore point. Les lavages à l'eau froide ne l'altèrent point , la capsule reste couverte d'une couche d'un beau pourpre que l'on peut enlever en écailles. Elle est sèche, insipide, solu- ble à froid dans l'essence de térébenthine quelle colore en jaune, insoluble à froid dans la potasse caustique qui ne la de'colore pas. Elle se décolore et devient brune dansTalcohol et l'éther, puis peu-à-peu elle perd toute couleur et reste en flocons grisâtres qui se dissolvent peu-à-peu et blanchissent la liqueur; par l'addition de quelques gouttes d'eau, l'alcohol devient notablement acide; chaufFëe à feu nud la matière pourpre se ramollit, se fond, la couleur s'avive et devient éclatante, mais bientôt se décolore, devient noire et rougit fortement le tournesol. Chauffée dans de l'eau distillée à la température de lébullition, la matière pourpre se décolore sans que l'eau prenne de couleur. Celle-ci devient acide et rougit le tournesol et le résidu se dissout en entier dans l'alcohol à l'aide de la plus légère chaleur. L'eau rend la dissolution laiteuse, et ce résidu paroît n'être qu'une résine peu ou point altérée. La liqueur examinée a paru contenir une petite quantité d'acide qui saturé par la potasse, éva- poré et chauffé fortement a laissé dégager une odeur sen- sible de gaz acide sulfureux, caractère de l'acide hyposulfu- rique; le résidu était du sulfate de potasse. La matière pourpre paroît donc un composé de résine et d'acide sulfurique modifié dans sa composition élémen- SUR LE VERNIS DE LA CHINE. j4i taire et u être par conséquent qu'une altération du tannin artificiel. Ceci me porta à penser que le tannin artificiel produit par l'action de l'acide sulfurique sur la résine pourrait donner des résultats analogues. En effet de l'acide sulfurique étendu de deux fois son poids d'eau, ayant été mélangé avec de la colophane en poudre, la liqueur s'est colorée en brun, et par une très douce chaleur (celle du soleil) il y a eu dégagement d'acide sulfureux; la liqueur brune filtrée évaporée et lavée, à présenté tous les caractères chimiques du tannin. L'excès d'acide sulfurique ayant été séparé par la baryte , on a évaporé, et le sel a laissé dégager par la chaleur l'odeur d'acide sulfureux comme l'aurait fait un hyposulfate. Il me paraît en conséquence qu'il faut con- sidérer le tannin artificiel comme une combinaison de résine et d'acide hyposulfurique, ce qui au reste était assez, conforme aux faits qui ont amené la découverte de cette modification de l'acide sulfurique, pour pouvoir être sup- posé. La colophane en poudre traitée à l'aide de la chaleur par l'acide sulfurique très-étendu, ne donne au reste point naissance à la matière pourpre; elle se colore seulement en brun. Le benjoin, le heaume de copahu produisent aussi- bien que le vernis la matière pourpre par l'action de cet acide. La térébenthine n'en donne point. L'acide benzoique n'a cependant point la propriété de se colorer en rouge dans les mêmes circonstances. Il résulte des faits contenus dans ce mémoire que le vernis de la Chine est composé, i." d'acide benzoique, a.° d'une résine, et 3.° d'une huile essentielle particulières et que ce n'est qu'à l'heureuse proportion de ces corps l42 MÉMOIRE SUR LE VERNIS DE LA CHI>rE. et aux légères diflférences qu'ils présentent dans leurs propriétés, avec leurs analogues connus, que cette subs- tance doit la supériorité qui l'a rendue si précieuse dajis son emploi dans les arts. NOTE SUR L'ACIDE LIBRE CONTENU DANS L'ESTOMAC DES HERBIVORES. Lue à la Soc. de Phyi. et cPHist. Nat. de Genève, le 21 Septembre i8a6. Par mm. PREVOST Doct. et LE ROYER Phaim. Uai\s les recherches physiologiques et chimiques de MM. Leuretet Lassaigne p. iS5, l'on a avancé sans en fournir la preuve, que nous nous étions trompés en regardant l'acide libre que l'on rencontre dans l'estomac des herbi- vores comme de l'acide hydrochlorique. Dans une note du sixième volume des annales des sciences naturelles p. 486, les rédacteurs de ce journal critiquent aussi les arguments au moyen desquels le 0/ Prout étaye son opinion sur la nature de l'acide libre contenu dans l'estomac de divers vertébrés. «Si l'on soumettait, disent-ils, à lebullition, un mélange d'acide lactique ou phosphorique et de sel marin, il s'en dégageroit de l'acide hydrochlorique; lexpérience du D/ Prout est donc sans résultat. » Pour écarter celte objec- tion , nous avons recherché la nature de l'acide libre de l'es- tomac par une autre méthode. l44 NOTE M. le D/ Dufresne médecin distingué de notre canton nous avait donné l'idée de neutraliser l'acide par un alcali végétal, et d'examiner ensuite la nature du sel ainsi formé après l'avoir isolé : nous avons suivi cette marche. Les bols alimentaires des estomacs de trois lapins tués en pleine digestion, ont été réunis 5 ils formaient une masse très-acide du poids de 489 gramesj nous avons lavé à l'eau distillée, cette masse jusquà-ce que les eaux de lavages ne donnassent plus aucune teinte au papier tournesol; après avoir mêlé toutes ces eaux, Ion a saturé l'acide libre qu'elle contenait avec de la morphyne puis évaporé la saturation à un feu très-doux j le résultat de l'évaporation a été repris par l'eau distillée pour le débarrasser de la morphyne, puis filtré et évaporé avec les mêmes précautions j le résidu a été repris par l'éther et légèrement chauffé; l'éther a dissout le sel de morphyne seul, l'on a filtré de rechef; et l'éther en se vaporisant, a laissé déposer des cristeaux d'un sel formé par l'acide que nous recherchions et la morphyne. Cescristaux ont présenté les caractères suivants : ils brûlaient sans laisser de résidu; dissouts dans l'eau distillée, ils préci- pitaient par l'ammniaque, et ce précipité se redissolvait dans l'alcohol chaud et lui communiquai la saveur arrière propre à la morphyne. Une autre portion des mêmes cristaux dissouts dans l'eau distillée a donné par le nitrate d'argent, un précipité blanc quia bruni a la lumière, et ce précipité par lammoniaque s'est redissout en entier j caractères qui ont montré que l'acide combiné avec la morphyne était l'acide hydrochlorique. Mais n'y avait-il point eu durant les traitemens quel- SUR l'acide libre. iSy qu'action chimique en vertu de laquelle la nature des sels préalablement formés eut varié. Cette supposition si peu probable d'après notre manière de procéder, nous avons voulu toutefois la soumettre à l'expérience. En conséquence nous avons dissout 5,32 gram- mes d' hydrochlorate de soude dans de l'eau distillée et nous avons ajouté à celte solution 1,29 grammes d'acide phosphorL que très-pur, nous avons saturé l'acide avec un excès de mor- phyne, puis évaporé le mélange a siccitéj le résidu repris par l'éther filtré, évapore', nous avons examiné les cristaux des sels qui s'étaient déposés; ceux-ci dissous dans l'eau distillée ont donné par l'ammoniaque un précipité de mor- phyne; et par le muriate de chaux un précipité de phos- phate de chaux. Ce résultat nous paroît démontrer la nature de l'acide contenu dans l'estomac des herbivores; quant à une autre assertion de MM. Lauret et Lassaigne , que l'aliment dans le duodénum des ruminans est acide; nous répondrons seulement que dans plus de cinquante cas que nous avons examinés, nous n'avons jamais rien vu de semblable. Il est bien vrai que nous avions la précaution de ne pas laisser passer en remuant le canal alimentaire ; les contenus de la caillette dans le duodénum. Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hïst. nat. T. III. 2.*^ Part. 1 9 MÉMOIRE SUR LE PHENOMENE DES GRANDES PIERRES PRIMITIVES ALPINES, DISTRIBUÉES PAR GROUPES DANS LE BASSIN DU LAC DE GENÈVE ET DANS LA VALLÉE DE l'aRVE; ET EN PARTICULIER DES GROUPES QUT SONT ENTIEREMENT COMPOSÉS DE GRANITES, SCIYI DE CONJECTUKES SUR LA CAUSE QUI LES A AlîiSI DiSTMBUÉS, Par Jean-André DE LUC neveu. Lu à la Société de Plijiiqiic cl d'HUloire nalitrclle^ le 21 Seplcmbre 1826. Il y a quelques années que j'eus l'honneur de lire dans cette société le commencement d'un travail sur le terrain de transport qui recouvre le bassin du lac de Genève; je ne traitai alors que deux des phénomènes que nous présente ce teirain , savoir , le nombre des espèces de roches alpines dont il se compose, et la dispersion des fragmens de chaque espèce. Aujourd'hui je traiterai des grandes masses (i) qui (1) Celles fjLii oui trois pieds de diamètre et au-delà. l4o MÉMOIRE, appartiennent à ce terrain, de la manière dont elles sont distribuées, des lieux qu'elles occupent, tant sur les bords de notre lac qu'à la base de nos montagnes ou sur leurs pentes. Nous verrons une distribution par groupes bien remarquable, surtout des granités (i). Pour se faire une j uste idée de la grandeur du phénomène que présente la dispersion des granités, il faut connaître la grandeur des masses, leur nombre, et l'étendue du pays qu'elles occupent, on voit alors que le phénomène est proportionné à la grandeur des montagnes où il a pris nais- sance, je veux parler du Mont-Blanc et des aiguilles de Chamouni. Les principales observations que je décrirai, ont été faites dans les années 1819, 1820 et 1822, j'aurai occasion den citer d'autres faites en ]8i3 et 181 5 (2). Nous suivrons la direction de notre bassin du Nord-est au Sud-ouest, et nons commencerons par le groupe que l'on observe sur une montagne située à l'Orient de Thonon , de là nous viendrons au bord du lac sous cette ville, et nous le suivrons jusqu'à Genève. Nous examinerons si les grandes pierres se con- tinuent jusqu'au Vouache et au mont de Sion qui ferment notre bassin au Sud-ouest. C'est au sommet de ce dernier mont que nous ferons l'observation la plus importante sur (i) J'appelle granité la roche que De Saussure nommait ainsi, composée de quartz, feldspath, chloiite ou stéalile. Il aurait été plus correct de l'ap- peler pro/o^me d'après M. Jurine, mais ce mot aurait été iucoimu de la plupart de mes lecteurs. (2) Ce tnémoire est le résultat d'un grand nombre de courses faites dans l'espace de neuf ans. SUR LES BLOCS DE GRANITE. l4l la distribution des granités par groupes. A cette occasion nous ferons mention d'autres groupes semblables que l'on observe sur le côté occidental du montSalève, et de ceux qui dans les vallées de l'Arve sont plus rapprochés des montagnes granitiques d'où ils ont tiré leur origine. Nous citei'ons quelques exemples de groupes de granités que Ton observe sur la pente du Jura vis-à-vjs des Alpes. Il nous restera à parler de la cause de cette distribution par groupes, et en général de la cause qui a détaché et dispersé les granités et les autres roches primitives alpines; nous citerons les opinions de quelques géologues. Le phénomène des pierres éparses est si important pour servir à nous éclairer sur les révolutions du globe, que l'on ne saurait rassembler trop de faits pour le faire connaître dans toutes ses circonstances. Article I. Groupe de Reyvroz (i). Le village de Reyvroz est à deux lieues au Sud-est de Thonon, il est situé à l'entrée des vallées de Lullin et de Betlevaux, et sur la route qui conduit au Biot. Depuis Thonon on monte pendant une heure et demie à travers des collines composées d'amas immenses de graviers, mêlés de sable, de terre et de cailloux roulés, ces collines en s'élevaut graduellement vont s'appuyer contre la mon- (ij Rçsuiué de deux courses en 1820 et 182a. l42 MÉMOIRE tagne à.^ Armone. La route cotoye ensuite l'exlrémîté INord-est de cette montagne et se trouve alors élevée d'en- viron mille pieds au-dessus du lit de la Dranse que l'on voit à sa gauche à une grande profondeur. On tourne ensuite vers le Sud-est pour atteindre le village de Reyvroz. En examinant l'extrémité Nord-est de lamontasrne d'Ar- moue on conçoit que dans cet endroit elle a été coupée trans- versalement à sa direction, par un afFaissement qui en a fait disparoître la continuation j on voit quelques restes de celle-ci le long du lit de la rivière , ce sont des rochers à pic qui s'élèvent à la hauteur de cent ou deux cents pieds comme des ruines ou des tours. Ces rochers par leur couleur et par leurs couches, paraissent de la même nature calcaire que ceux de la montagne. Les rochers sur la rive droite de la Dranse, forment pour ainsi dire, la base d'une colline fort étendue dont la hauteur est de plus de 1200 pieds au-dessus du niveau du lac, s'élevant graduellement depuis le lac et s'avançant 1 espace de trois lieues environ jusqu'à la base des montagnes qui forment l'entrée de la vallée du Eiot. Cette colline parait entièrement composée d'un amas de terre , de graviei* et de cailloux roulés dont la section vers la Dranse est sillonnée par un grand nombre de ravins où l'on reconnoît le même sol de transport. La même colline dans sa longueur s'étend jusqu'au lac près de la Tour-Ronde, village situé entre Evian et Meillerie. La section Nord-est de la montagne d'Armone se trouve faire face à cette colline, et par conséquent à la partie su- périeure du lac, tandis que les montagnes qui forment l'en- SUR LES BLOCS DE GRANITE. 1 43 trce de la vallée du Biot sur la rive droite de la Dranse sont plus reculées d'environ une lieue et quart. Cette disposition nous fera comprendre pourquoi les flancs de la montagne d'Armone sont charge's de gros matériaux de transport. J'ai dit que des amas immenses de graviers et de cailloux roulés venaient s'appuyer contre le flanc Nord-ouest de cette montagne, outre cela on voit plus haut sur la même pente quelques gros blocs de granité. Ce qu'il y a de remar- quable c'est que ces pierres disparoissent quand on traverse la section transversale de la montagne, ce que Ton pourrait attribuer à ce que la pente était trop rapide, pour qu'elles pussent s'y arrêter. Mais dès que l'on commence à tourner vers le flanc oriental, on rencontre un grand nombre de granités. Ceux- ci sont épars sur les pentes herbées et cultivées de la mon- tagne, et remontent jusqu'à plus de 3oo pieds au-dessus du chemin, c'est-à-dire, à environ i5oo pieds au-dessus du niveau du lac. Ces granités sont au nombre de plus de 4.00 disséminés ou grouppés; leurs dimensions varient beaucoup, j'en mesurai trois de 12 pieds de diamètre dont un avait pour piédestal les rochers calcaires de la montagne. Mais le plus grand de tous a 27 pieds de longueur, 10 de largeur et 21 de hauteur j il est situé dans un champ au- dessus du chemin, à 5 minutes au Nord du village de Reivroz. De là en regardant vers le haut de la montagne, j'en comptai 54 épars dans les champs, parmi lesquels on en remarque sept très-gros près les uns des autres. Un homme que je rencontrai me montra un champ oii l'on avait enterré une vingtaine de ces granités pour pouvoir l44 MÉMOIRK labourer le terrain, il me dit qu'il n'en manqnoit pas sur la montagne. Tous ces blocs m'ont paru de granité ea masse et ceux que j'ai examinés de près, sont de la variété à quartz légèrement violet transparent , avec chlorite noirâtre micacée (i), deux seulement m'ont présenté une roche veinée talqueuse brillante. Les blocs de granité ont remonté dans la vallée de Belle- vaux et dans celle du Biot jusqu'à St. Jean d'Aulps à 6 lieues du lac 5 j'en ai vu une trentaine sur la pente au-dessus du chemin qui conduit au premier village depuis ReivroZ. Quant à la vallée du Biot et de St. Jean d'Aulps , une per- sonne de ma connaissance en remontant cette vallée jus- qu'à Morsine, avait rencontré des granités çà et là tout le long de la route. Ces matériaux de transport ont pu remonter facilement dans ces vallées, parce que du côté du lac aucune montagne n'en obstrue l'entrée; l'obstacle même de la montagne d'Armone placée en avant , a pu forcer une partie de l'eau chargée de débris qui descendait par le débouché du Valais, à refluer dans ces vallées, d'au- tant plus que le niveau de cette eau était fort élevé au-dessu d'elles; ce dont nous avons une preuve évidente dans la hauteur à laquelle les granités ont été portés sur la mon- tagne que nous venons de nommer. On doit supposer en même temps que le profond ravin oij coule la Dranse n'exis- tait pas et qu'il a été creusé depuis lors par cette rivière. Il est possible aussi que ces granités soient arrivés à une (i) Voyage dans les Alpes par De Saussure, §, 172. SUR LES BLOCS DE GRANITE. l53 époque antérieure a celle où le bassin de Genève fut cou- vert d'autres débris alpins. La position des granités sur la montagne d'Armone et dans les vallées qui sont à l'Orient, nous éclaire sur la route que suivirent ceux du petit Salève. Ces deux montagnes présentaient au même courant, leurs extrémités comme des éperons contre lesquels et sur lesquels les eaux descendant parla vallée du Rhône, déposèrent une partie des débris qu'elles chariaient. 11 y a des situations de granité sur le petit Salève qui paroissent inexplicables quand on suppose qu'ils sont descendus par la vallée de l'Arve. On s'étonnera peu que l'on rencontre environ 3 700 blocs de granité tant sur le petit Salève, que sur la colline et dans le vallon qui borde les petit et grand Salève à l'Orient, (quoique venus par un chemin qui paraît aussi détourné que celui de la vallée du Rhône), quand on saura quon trouve un nombre plus de moitié égal de ces grandes pierres (1), à la base occidentale du grand Salève jusqu'à son extrémité près du mont de Sion, et sur le sommet de ce dernier mont. Ce qui déjà nous donne une idée de la grandeur du phénomène que présente la dispersion des granités. Les faits positifs qui prouvent que les pierres alpines quï reposent sur le petit Salève, sont descendues par la vallée du Rhône, sont trois fragments du poudingue de Trient (1) On se rappellera qne je ne coraple que celles qui ont au moins trois pietls de diamèlie, et qu'il y en a un tiès-grand nombre qui ont entre jo et 3o pieds et plus, Mem. de la Soc. de Phys. et d'Hist. nat. T. III. z." Part. :;o l54 MÉMOIRE qu'on a trouvé parmi elles, et quelques cailloux de Jade rencontrés sur le revers du petit Salève; ces deux roches appartiennent au Valais, et nullement à la vallée de l'Arve. Je pourrais citer d'autres roclies qui sont dans le même cas, et qui se trouvent sur le petit Salève. Article IL Groupe de Thonon et de Corsari, Nous commencerons dans cet article la description des groupes de grandes pierres primitives que l'on observe le long des bords orientaux du lac, depuis Thonon jus- qu'à Genève, ce qui t'ait un espace de six à sept lieues. Le premier groupe que l'on renconti'e en partant de l'ex- trémité supérieure du lac, est celui du golfe de Thonon. Ce groupe commence au-dessus de cette ville, et s'étend jusqu'à la distance d'une lieue au Sud-ouest. Dans cet espace le rivage est plus ou moins parsemé de blocs, les uns sont en partie couverts parles grandes eaux, les autres sontconstam- inent au-dessous de leur surface (i). On voit clairement que ceux qui sont les plus près de la côte, ont été une fois en- terrés; mais que les vagues à la suite des siècles, ont enlevé la terre, le sable et le gravier qui les enveloppoient et les ont mis ainsi à découvert, il y en a même quelques-uns qui ne sont qu'à moitié dégagés. Sous Thonon la côte forme une (i) Je fiiisais mes observations en bateau , et je choisissais la saison des basses eaux, c'esl-à-Jire les mois de Mars el d'Avril, SUR LES BLOCS DE GRANITE. l55 falaise de i5 à 20 pieds de hauteur, delà le terrain s'élève graduellement jusqu'au plateau sur lequel est bâti la ville, et oii passe la grande route. Le nombre des blocs que j'ai comptés sur le rivage de près ou de loin , se monte à 65o, mais je ne doute pas que leur nombre né soit plus considérable. Ceux que l'on voit sous les eaux du lac à la faveur de leur transparence, sont encore plus nombreux, ils se montent à plus de mille. Ces derniers ont ceci de remarquable, c'est que la plu- part sont anguleux j on les prendroit pour des fragments de rocher brisés tout nouvellement. Un conçoit qu'étant constamment sous l'eau, et de plus encroûtés d'un limon durci, ils peuvent conserver les arêtes vives qu'ils ont eues dès l'origine, tandis que ceux qui sont alternativement à sec et couverts par les eauxi, éprouvent une légère décompo- sition à la surface qui émousse leurs angles et leurs arêtes: je crois donc qu'on ne peut donner ni aux uns ni aux autres la dénomination de blocs roulés qu'on leur donne ordinai- rement, parce que cela supposeroit qu'ils sont arrondis, mais qu'il faudroit les appeler blocs transportés. Les plus grandes pierres qui appartiennent au groupe de Thonon sont en premier lieu des granités tle 9, 10, 13 et 21 pieds de longueur; en second lieu des roches veinées composées de quartz et destéatite ou mica, c'est proprement le schiste talqueuxj c'est cette roche qui présente ici les plu3 grandes masses; il y en a deux entr'autres qui surpas- sent de beaucoup toutes les autres, elles sont situées sous le village de Corsan , elles se nomment la mure et la pierre /o/?^ïi!t;3 la première a 55 pieds de longueur sur 26 de lar- l56 MÉMOIRE geur et 25 de hauteur, ses angles ne sont qu'e mousses la seconde qui est à a ou 5oo pas de la première, a 42 pieds de longueur sur i3 de largeur et 10 hauteur, elle se termine en pointe irrégulière aux deux extrémités j la surface su- périeure est toute hérissée d'aspérités loiigitudinales, com- me si elle avait été rongée par le temps. Dans ce groupe ce ne sont pas les granités qui dominent, ils ne forment qu'un quinzième du nombre total, ce sont les schistes talqueux ou les roches stéatiteuses veinées , entre- mêlées de quelques roches de corne vertes ou vert-bleuàtres de De Saussure , et de quelques blocs de la seconde espèce de granité du même auteur (1). JNous avons dit que ce groupe occupait sur le rivage, une longueur d'une lieue , plus loin pendant l'espace d'une demi lieue on n'aperçoit aucune grande pierre, puis vient un petit groupe de trente environ : on arrive alors au fond du golfe de Coudre où le rivage n'est composé que de sable et de gravier. On parcourt ce golfe jusqu'à la colline qui s'étend â^' Esséi^enex à Y voire ^ et c'est là que les grandes pierres recommencent. I Article III, Groupe d'Yvoire et d'Essêvenex. Parmi les endroits des bords du lac où le phénomène des grandes pierres alpines rassemblées en grand nombre, se présente d'une manière remarquable, est la pointe (i) Voyage dsns les Alpes §. 807, 144. SUR LES BLOCS DE GRANITE. iSj d'Yvoire. Cette pointe est située à deux lieues à l'Ouest de Thonon et à quatre lieues et demi auN. N.E. de Genève. Les pierres sont rassemblées sur la côte qui regarde le golfe de Coudre ou l'Orient, on les voit sur la pente du terrain qui descend vers le lac, sur le rivage et sous les eaux du lac. La colline est coupée par des falaises qui s'élèvent de 3o à 4o pieds, et l'on voit clairem^^nt qu'autrefois elle descendait jusqu'au niveau de leau, mais leffort répété des vagues du grand lac, a rongé le terrain et a formé des falaises. Toutes les grandes pierres renfermées dans ce terrain ont été dégagées et se trouvent maintenant sous les eaux du lac jusqu'à une certaine distance du bord. Une partie de la colline entre Essévenex et Yvoire est garnie de iJhataigners qui doivent leur conservation à la présence de ces grandes pierres, trop rapprochées les unes des autres pour qu'on puisse mettre le terrain en culture. Quand on se promène au milieu de ces arbres, on est étonné de voir le nombre de ces pierres qui s'élèvent de plusieurs pieds au-dessus du gazon. L'étendue de la côte occupée par ces débrits des Alpes, est d'environ trois quarts de lieue, dont le village d'Essëve- nex occupe le milieu, et sa largeur peut être évaluée à 600 toises en mesurant depuis la route qui conduit de ce village à Yvoire, et allant jusqu'aux grandes pierres les plus éloignées qui sont sous les eaux du lac. Pour me former une idée du nombre de ces pierres, je les comptai partout où je pouvais en voir plusieurs à la fois, leur nombre se trouva de 11 00. Mais je ne doute pas qu'il ne soit plus considérable, car pour les compter l58 MÉMOIRE exactement, il faudrait circuler en tr'elles dans toutes les directions, parce qu'elles se cachent mutuellement, et qu'un arbre, un creu suffisent pour en cacher plusieurs, sui tout celles qui sont en grande partie enterrées. 11 y a quelques remarques à faire sur la distribution de celles qui sont au bord du lac. On voit d'abord qu'elles sont rassemblées en plus grand nombre devant les pointes de terre , ainsi j'en comptai successivement 4o , 5o , 66 , 112 devant quatre pointes. Il y en a moins dans les petits golfes. Cela vient de ce que les pointes sont attaquées avec plus de force par les vagues dans les grandes eaux, que la terre est emportée, et qu'ainsi les grandes pierres sont laissées à découvert sur le rivage; leur taille permet de les yoir à une grande distance. : Waus avons dit que les grandes pierres ne se voyoient que devant et sur la colline d'Essévenex, tandis que dans le golfe de Coudre oili la terre est basse, on n'en voyait au- cunes. On a fait une remarque tout-à-fait .semblable, sur la côte méridionale de la mer Ijaltique dans les Duchés dé Mecklenbourg et de Holstein où le phénomène des pierres e'parses est aussi grand que dans le voisinage des Alpes, Au pied de toutes les falaises , ou devant toutes les collines qui sont coupées à pic du côté de la mer ou de- vant les caps, on voit de ces pierres primitives dont plusieurs sont recouvertes par les eaux , mais elles cessent devant lentree d un vallon ou devant les côtes basses. Cela prouve que les pierres que Ion voit dans la mer en face des côtes escarpées sont sorties du terrain à mesure que celui-ci a été^ dégradé par les vagues; et s il n'y en a point devant i SUR LES BLOCS DE GRANITE. iBg rentrée des vallons ou devant les côtes basses, on doit supposer qu'elles sont enterrées. Ce n'est pas que cette con~ séquence soit parfaitement sûre, car il peut y avoir telle circonstance que nous ignurons, qui a chargé les collines de ces pierres, sans en laisser dans les vallons. Quant aux roch^dont les grandes pierres du groupe d'Yvoire et d Essévenex sont composées, elles sont à peu près les mêmes que sur la côte de Thonon, les granités ne forment qu'un quinzième du tout , ceux-ci sont rassemblés principalement au sud d'Essévenex , les deux plus gros ont 20 pieds de longueur. Les roches les plus abondantes sont celles comprises dans les deux premiers genres de roches feuilletées de De Saussure, §. i6o-i63, elles présentent des veines ondulées de quartz et de stéatite verte brillante. Je rencontrai dans les bois de Chataigners entre Esséve- nex et Yvoire trois espèces de roche que je n'avais pas vues sous Thonon; c'étaient 1.° un bloc de 10 pieds d'une roche d'amphibole bleu verdâtre, micacée, renfermant une mul- titude de petits grenats. 2.° un bloc de i4piedsde serpentine à surfaces planes, feuilletée, très-dure, d'une couleurvert foncé bleuâtre. 3.° huit gros blocs du poudingue de Trient dont les plus grands avaient 12,14. i<^ pieds de longueur; le fond de la roche est gris , ils renferment tous des cailloux arrondis de quartz blanc, et quelques uns en outre des cailloux de gneiss gris d'environ deux pouces (i). La plus grande des pierres qui font partie du groupe (i) Lis fiagraens rie celte roche, ainsi que ceux de Jade sont répandus «1.^5 ton! Dotrc liassiii d'uue manière remaïquablct ï6o MÉMOIRE d'Yvoire est dans les eaux du lac immédiatement devail la pointe du château, on l'appelle \a pierre des Carmes^ elle a 22 pieds de longueur sur i4 de hauteur. Elle est composée de feldspath blanc laminaire, de quartz translu- cide et de stéatite vert clair brillante, le quarti y est en très-petite quantité. 4^ Composition de la colline d^Yvoire. Cette colline s'élève dans l'intérieur jusqu'à la hauteur de 200 pieds, elle est entièrement composée de terrain de transport, du moins dans ses coupes vers le lacj c'est un mélange de terres glaises, de sable, de gravier et de petit cailloux. Les falaises qui s'ëténdent d'Yvoire à Nerni au Sud-ouest, ont environ 5o pieds dans leur plus grande élévation j elles sont composées d'un lit fort épais d'une glaise pure bleuâtre propre à faire des tuiles : cette glaise ne renferme aucuns cailloux. Les falaises au Sud-est d'Y- voire sont compose'es d'une glaise mêlée de sable et de gra- vier. Elles renferment quelques grosses pierres dont le diamètre varie entre deux et cinq pieds; \e n'en comptai qu'une vingtaine étant en bateau. Plus loin dans la même direction la colline est toute composée de sable terreux mêlé de petit gravier, je n'y ai point remarqué de grosses pierres; cette espèce de sol paroît s'étendre jusqu'au village de Filly, entre Essévenex et Coudre. Les grands blocs sont tous à la surface du sol, et ceux qu'on voit au bord du lac et sous ses eaux, ont été une fois à la surface du terrain, mais il sont tombés à mesure que celui-ci a été rongé et emporté par les vaguesj on pour- SUR LES BLOCS DE GRANITE. l6l rait en conclure que la colline existait avant le transport des grandes pierres et qu'ils se sont arrêtés sur sa pente. Dans quel moment la cavité du lac s'est-elle formée? Est-ce avant ou après l'accumulation des matériaux dont la colline d'Yvoire et d'Essévenex est composée. Il me semble que c'est après , car on ne conçoit pas comment un courant qui devait remplir toute l'enceinte des monta- gnes, aurait déposé les matériaux de la colline, sans com- bler en même temps le golfe de Coudre, et le lac dans toute sa largeur jusqu'à la côte opposée de Molle et de JVion. Article IV. Groupes des bords du lac , depuis Yvoire jusqu'à [Genève. Si nous suivons les bords du lac depuis la pointe d'Yvoire en nous dirigeant vers Genève, nous rencontrerons d'autres groupes qui sont devenus apparens parce qu ils ont été dégagés du terrain par l'effort des vagues (i). Pour procéder avec ordre, nous nommerons le groupe (ij Celte disti'ibution par groupes sur les bords du lac peut n'é'.re qu'ap- paieiile en quelques eiidiDils , et résulter de ce qu'il n'y a que de Uislaiice eu dislauce des portions de tei lain élevées qui ont été dégiadées par les vagues par où les grandes masses qu'elles renfermaient ont clé mises à nud , tandis que dans les inlervalles où le terrain est trop bas pour être attaqué , les grandes niasses restent enteriées. Méin. de la Soc. de Phys. et d'Hist. nat. T. III. 2.'' Part. 21 1 62 MÉMOIRE de Thonon et de Corsan le premier groupe, et celui d'Esséve- nex et d'Yvoire le second; ce senties plus considérables que je connaisse , les suivans sont plus petits. Troisième et quatrième groupes. Les blocs sont en très-petit nombre dans ces deux grou- pes, on les voit au bord du lac entre Yvoire et Nerni, dont la distance n'est que de demi lieue. Cinquième groupe. Au Sud-ouest A' Hermance on voit dans le lac de grosse» pierres soi'ties des falaises. Sixième groupe. Au bord du lac à demi lieue au N. N. E. du château de Bellerive on rencontre un sixième groupe qui est com- posé de iio blocs reposant les uns sur le bord du lac, les autres sous ses eaux. Les roches dont ils sont composés sont: 1.° le granité dont on voit une masse de 1 6 pieds. 2.° Les roches veinées. La masse la plus remarquable , se nomme la pierre du bois , elle est de plusieurs toises en avant dans le lac, mais sa hauteur est si grande que dans les basses eaux, elle s élève de quatre pieds au-dessus de leur surface. Sa hauteur est de 22 pieds et sa longueur de 27 , elle repose sur un de ses côte's étroits. C'est une roche feuilletée talqueuse d'une couleur jaunâtre avec des veines de quartz. Les feuillets ou veines tiennent toute la lon- gueur de la pierre, ils adhèrent entr eux si fortement qu'ils ne se délitent point. A côté de cette pierre, on en voit une SUR LES BLOCS DE GRANITE. l63 autre de même nature qui paraît avoir fait partie de la première, et qui en se détachant s'est couchée presque de plat sur le fond de leau , sa longueur est la même, c està- dire de 27 pieds, elle a i5 pieds de largeur sur 12. de hauteur. Autour de ces deux grandes pierres on en voit 4o petites de 2 à 4 pieds éparses sur le fond de leau (1). Au bord du lac, plus de 3o pierres du groupe, sont rassemblées dans un petit espace, le plus grand nonibre sont de roches veinées. En regardant depuis ce groupe les bords du lac du côté d'Hermance, on n'appercevait aucun bloc sur le rivage. Septième groupe. Il est situé sous la côte de Cologny. Ce groupe est éloigné d'une lieue du précédent. Dans rintervalle on ne voit qu un fond de terre glaise sans aucune grosse pierre: seulement çà et là des petits galets, comme devant la Belotlc et Ruth^ et ainsi jusqu'à la pointe de Bellerive. Ce septième groupe est en grande partie placé devant les campagnes de MontaUgre et de Belle-Fontaine à demi lieue de Genève. 11 est composé d'environ 240 blocs épars sur les couches de molasse qui forment le fond du lac. Ces couches de molasse étaient une fois recouvertes de terre que les vagues ont emportées à la suite des siècles, les blocs sont ainsi restés à découvert. C'est là qu'autrefois (1) Il faut se rappeler que loules ces observalions ont été faites dans le» basses eaux , c'est-à-due, aui muis de Mais el d'Avril el en bateau. 1 64 MÉMOIRE on avait ouvert les carrières qui sont maintenant submer- gées même dans les plus basses eaux. A une distance d'environ 80 pas du bord, les couches de molasse cessent tout-à-coup , elles sont rompues et coupées à pic, ensorte que le lac devient tout-à-coup plus profond. On peut voir cependant à la faveur de la transpa- rence de l'eau que le fond est là couvert dune multitude de grosses pierres ou galets, sans gros blocs. Devant la campagne de Belle-Fonlaine et sous les eaux du lac, on compte plus de cent blocs assez près les uns des autres. L'un d'eux s'appelle le pain de sucre, c'est un bloc de granité de i5 pieds de haut dont la pointe sort de l'eau en hiver. Un second de granité a 20 pieds de longueur, il est fendu en deux; nous avons déjà vu un exemple de cet accident dans la pierre du bols et il y en a d'autres. Un troisième de i5 pieds, plusieurs de 8 à 13 pieds, les autres plus petits, je dois rappeler ici que je ne compte que ceux qui ont plus de trois pieds de diamètre. Entre Monlalègre et Ruth , les grandes pierres sont clairsemées; on en compte cependant encore 46 dont une de 18 à 20 pieds de roche stéatiteuse verte, une seconde de 27 pieds de la forme d'un parallépipède dont les côtes sont coupés à angle droit et les arêtes vives : sa surface supé- rieure est plate; cest une roche très-dure à veines minces parallèles de talc brillant argenté, alternant avec du quartz, les bateliers l'appellent la pierre d'argent. On ne peut pas l'appeler mie pierre roulée, mais une pierre transportée, car elle ne porte aucune marque d'avoir roulé. La pierre la plus remarquable entre Montalègre et Ruth SUR LES BLOCS DE GRANITE, l65 est un bloc de i5 pieds de Jade d'une couleur blanc bleuâtre moucheté de vert noirâtre ; on y remarque une veine de quatre pouces d'épaisseur de grenat en masse d'un brun rougeâtre, mêlé de talc écaiUeux verdâtre ou jaunâtre dans lequel il y a des aiguilles d'actinote ou d'amphibole vert clair. On v voit une autre veine de talc vert de mer un peu terreux lié intimement avec du grenat rouge clair. Le Jade lui-même renferme dans un morceau , de la diallage et quelques parcelles de grenat. Sous la campagne de Ruth on voit un bloc de Jade de huit pieds qui présente les couleurs verte , blanche et bleuâtre. Le plus grand nombre des 240 blocs qui forment le groupe de Coiogny et ceux qui sont épars dans son voisi- nage, sont de granité chloriteux ou protogine. Ils reposent presque tous sur les couches de molasse qui étaient une fois recouvertes par un sol meuble composé de terre, de sable et de gravier ; et il me paroît clair que ce sol s'étendait une fois jusqu'au bord des couches de molasse, là ou elle sont coupées et où le lac devient tout-à-coup plus profond. Huitième groupe , celui des Eaux- Prives ou des pierres du Niton. En quittant les bords du lac sous Coiogny pour s'appro- cher de Genève, on ne voit presque point de grandes pierres dans le lac, il y a même d assez, grands espaces où il n'y en a point du tout. Je n'en ai compté que dix dans l'espace d une demi lieue qui sépare le groupe sous Coiogny de celui des Eaux-Vives ou des pienes du Niton. Deux de ces dix blocs sont plats ayant très- peu d epaisseui*. lG6 MÉMOIRE Le groupe des pierres du Niton est composé de 24- Les deux plus grandes seulement s'élèvent au-dessus de la sur- face dans les grandes eaux, La plus grande et la plus avancée dans le lac a 82 pieds de longueur sur douze de hauteur; sa forme est alongée avec une arête longitudinale formant le sommet, elle est placée comme Ia pierre du bois dans la direction du lac. La seconde pierre qui est proprement celle qu'on appelle pierre du Nilon a 2 1 pieds de longueur et de largeur sur 14 pieds de hauteur, elle présente deux surfaces verticales et une troisième en talus. La nature de ces deux grandes pierres est de granité chloriteux à grands cristaux de feldspath, le quarlz est légèrement violet, la chlorite est légèrement verdàtre. C'est la variété la plus répandue dans notre bassin depuis St. Gingough jusqu'à l'extrémité Sud-ouest du mont Salève. Autour des deux grandes pienes, on en voit sous l'eau plusieurs d'une moindre taille, une de 18 pieds, une de i5 qui est plate, une cinquième de 12 pieds, une sixième de forme triangulaire plate de 10 pieds et les autres plus petites, en tout 24 occupant une espèce d'environ 26 toises de diamètre. Les arêtes inférieures des grandes pierres paroissent vives et garnies d aspérités^ elles paroissent parleur forme exté- rieure être toutes de granité. Aunqaart de lieue au Nord de ce groupe et devantSécheron on voit dans le lac une grande pierre de 26 pieds delongueuF dont le granité est à quartz légèrement violet comme celui de la pierre du Nitou. SUR LES BLOCS DE GRANITE. 167 Nous voyons que dans chaque groupe les blocs sont de toutes les grosseurs depuis les plus petits jusqu'aux plus grands-, c'est ainsi qu'ils sont partis et quils ont été transportés. Les groupes de Cologny et des Eaux-Vives différent de ceux de Thonon et d'Yvoire, en ce que les granités y do- minent, tandis que dans les derniers, ce sont les roches Veinées, ou de schiste talqueux. 11 est très-possible que les 24 pierres du ISiton, aient été une fois enterrées, et que les vagues les aient dégagées en emportant les graviers et le sable q li les entouraient et en prolongeant le lac jusqu'à ses bords actuels. Car avant que les hommes se fussent établis dans ce pays , et avant qu'ils eussent songé à garantir leurs terres contre les envahisse- mens des vagues, celles-ci doivent avoir fait bien du dégât. Article V. Pays qui s'étend depuis le lac jusqu'au Vouache et au mont de Sion. Il était intéressant de savoir si entre le lac et les mon- tagnes basses qui ferment notre bassin au Sud-ouest, on continueroit à rencontrer de grandes pierres semblables à celles que nous venons de voir sur les bords du lac ; pour cela je suivis les bords du Rhône jusqu'au passage de l'Eclusesurunedistancedeôlieuesjje remontai lehtdes ruis- seaux et des petites rivières qui aboutissent aux deux rives du fleuve, car il était natiuel de croire que c'était dans les lieux l68 MÉMOIRE les plus bas que ces pierres se trouveraient. Dans toutes mes recherches je ne rencontrai aucun grand bloc de granité, les deux plus gros n'avaient que sept pieds de longueur; ils étaient dans le nant de Longet et dans le nant de Lologni entre Chanci et le passage de l'Ecluse. La plus grande masse était un bloc de i6 pieds de serpentine ol!aire,que je trouvai en remontant le nant de Longet. Dans le lit de la rivière London sur la rive droite du Rhône, on ne rencontre aucune grande pierre à l'excep- tion d'un bloc de poudingue de Trient de 12 pieds de lon- gueur. Les pierres de cette roche dans le lit de cette petite rivière sont assez fréquens. On n'y voit aucun granité excepté près de Malval où l'on en rencontre trois dont le plus gros a 6 pieds. On pourrait supposer que les grandes masses de granité et de roches feuilletées sont à une plus grande profondeur, sous l'accumulation de gravier; mais cela n est pas probable car dans le nant de Cologni qui est le plus bas, je comptai 5o blocs de 3 à 8 pieds de longueur , dont 3 étaient de granité, et deux de schiste talqueux. Puisque ces 5o blocs ont été mis à découvert, il me semble que s'il y en avait eu de plus gros dans cet endroit , ils auraient été dans le même cas, et qu'on ne doit pas s'attendre à les trouver à une plus grande profondeur, d'autant plus qu'on n'en remar- que aucun dans le lit du Rhône qui est encore plus bas. Sur la pente du Vouache en allant depuis le Rhône aux Villages de Chevrier et de Vuibin^ on ne rencontre que huit ou dix granités fort éloignés les uns des autres dont les deux plus gros ont 10 et i5 pieds. SUR LES BLOCS DE GRANITE. 169 Article VI. Groupe du mont de Sion. Nous arrivons au mont de Sion qui s'appuye contre le mont Salève à l'Orient. Deux grandes routes le traversent à la distance d'une lieue l'une de l'autre, celle d'Annecy et celle de Frangy. Le point culminant de la première est élevé de 212 toises ou 1272 pieds, celui de la seconde de 837 pieds au-dessus du niveau du lac de Genève (i). Entre ces deux routes et très-près de la première, selrouve la partie la plus élevée du mont de Sion qui pent avoir i4oo pieds. C'est en partant de ce point le plus élevé et nous dirigeant vers l'Ouest ou vers la route de Frangy que nous décrirons les pierres éparses. On rencontre d'abord quatre gros granités très-écartés les uns des autres, dont le plus grand a i4 pieds de lon- gueur, il est plat. Plus loin on en rencontre quelques petits égrenés, mais ils cessent tout-à-fait dans un espace assez considérable j on n'en voit aucun dans toute létendue des champs et des pelouses qui recouvrent le sommet. Puis on arrive tout-à-coup sur une pente qui est parsemée de gra- nités d'une très-grande taille, on peut en compter environ cent dont le moindre diamètre est de dix pieds. Les dix plus grands ont de 18 à 26 pieds de longueur. Les plus remarquables pour la forme sont les quatre suivans : le premier de 'j.Z pieds sur 17 aplati. Le second (1) Voyage dans les Alpes par Do Saussure, §. 453 et ii58. Méiii. de la Soc. de PJiys. et d'Hist. nat. T. 111. 2.." Part. 22 170 MEMOIRE de 20 pieds de longueur sur 5 de haut, surface supérieure plane. Le troisième de 2.3 sur 20 et 7 pieds de haut dans sa partie visible, forme circulaire. Le quatrième de 26 pieds en longueur et en largeur. Il y en a beaucoup de i5 et 16 pieds. La pente sur laquelle ces granités reposent est tournée vers le N. N. O. ou vers la partie du Jura qui est au-dessus de Toiry. A l'Ouest il y a un enfoncement ou un petit vallon qui sépare cette pente d'un monticule appelé La motte. Ici nous arrivons à un des groupes les plus remarquables que je connoisse par sa situation , par son isolement et par le nombre des blocs réunis dans un petit espace, quoi- quà une distance d'environ trente lieues de leur origine. Ce monticule qui fait partie du sommet du mont de Sion, a une forme allongée dans le sens de la direction du lac de Genève. Sa hauteur au-dessus de ce niveau doit être de 1 100 pieds au moins, c'est-à-dire, d'environ 3oo pieds au- dessus du point culminant de la route de Frangy qui en est éloignée d'une petite demi-lieue à l'Ouest. Ce monticule peut avoir environ 7 00 toises de longueur sur la moitié de cette distance en largeur. Or dans cet espace peu étendu j'ai compté 812 blocs dont les dimensions varioient entre trois pieds et 27 pieds (i). Les plus grands forment comme une arête au sommet, et quand on est au milieu d'eux, leur masse et leur situa- tion frappe d'étonnement, quelques-uns s'élèvent de 5, 6 (i) J'ai déjà aveiii que je ne compte que ceux qui oui au moins trois pieds de diamètre, d'ailleurs dans cet endroit je n'eu ai pas remarqué de pi us petits. SUR LES BLOCS DE GRANITE 171 et 7 pieds au-dessus du terrain, leur base étant enfoncée sous le gazon. Tous les autres sont plus ou moins enterres, et il n'y a pas de doute que le monticule n'eu récèle un grand nombre dans son intérieur. Pour donner une idée du nombre de ceux que l'on volt à la surface , et de leur grande proximité entr'eux , il suftit de dire que sans bouger de la place, j eu comptai eu deux endroits plus de 200 autour de moi, sans compter deux fois les mêmes (1). En examinant leur nature , soit au moyeu des fragmens que je rompis, soit par les surfaces inférieures qui n étaient pas couvertes de lichens , ils m'ont paru presque tous de la même variété de granité chloriteux en masse et à gros grains (2). Je n'ai apperçu parmi eux aucunes roches veinées ou feuilletées, si faciles à reconnoître par des veines ou des fentes rectilignes et parallèles rongées par le temps. Les cinquante plus gros ont au moins 12 pieds dans leur plus grande dimension , parmi lesquels il y en a huit qui ont de 18 à 27 pieds de longueur. Les plus remarquables par leurs formes sont les quatre suivans : 1.° De 21 pieds sur la surface supérieure, et 18 pieds sur le côté; il s'élève de 7 pieds au-dessus de terre. Un y distingue trois nids ou rognons de chlorite brune. (i) L'espace qu'ils occupent n'a jamais élé cullivé , et en tffel il serait impossible de conduire la charrue au milieu de tant d'obstacles, ce lieu est donc intacte et par cela même très-imppriant pour l'observateur. (2) On trouve la même variélé aux aiguilles du Plan et de Blailière ÛKuCes au Nord-eat du Mout-Blajit, d'après la comparaison que j'ai faite avec la collection de J urine déposée au musée d'iiisloire naturelle. 172 MEMOIRE 2.° De 24 pieds sur la surface supérieure, et 21 pieds sur le côté. 11 est plat et ses arêtes sont aiguës. A côté de celui- ci on en voit un autre de 12 pieds, dont les arêtes sont également aiguës; ils n'ont donc été roulés ni l'un ni l'autre , quoique transportés, et par conséquent on en peut dire autant de tous les autres, puisqu'ils doivent être venus tous ensemble. 3." De 19 pieds de long sur 5 pieds de haut. 4.° De i5 pieds sur 12. 5.° De 27 pieds sur 18 j celui-ci ne s'élève que de i à 5 pieds au-dessus de terre; sa surface est plane et l'on peut marcher dessus facilement. Etant assis sur cette grande masse, je comptai environ 220 blocs autour de moi, tous situés vers l'extrémité Sud-ouest du monticule. Nous trouvons encore ici des masses de granités dont l'épaisseur n'est que le quart de leur longueur; d'autres qui ont conservé leurs arêtes vives, malgré le nombre des siècles pendant lesquels ils ont été exposés aux injures de l'air sur le sommet d'une montagne où rien ne les abrite contre les orages. Le monticule de la Motte a une forme allongée dont la direction est la même que celle du lac dans sa partie étroite de INyon à Genève, c'est-à-dire du Nord-est au Sud-ouest; cette direction est une des preuves que les granités qui composent ce groupe, ont été transportés par un coui'ant venant dans la direction parallèle au Jura et au mont Salève (i). (1) Un groupe beaucoup plus pelit que celui de la Molle, mais (jui présente uu aiTaugemenl semblable, et uue semblable uniRriuité de conij-osllion, \ SUR LES BLOCS DE GRANITE. 1 yS Si l'on quitte ce monticule pour regagner la grande route de Genève par un petit chemin de traverse , un rencon- trera une vingtaine de grosses pierres composées d une roche dilïérente, c'est une roche veinée talqueuse brillante, mêlée de quartz,c'est proprement un schiste talqueux. L'une de ces pierres a 12 pieds et une autre 21 pieds de longueur. Le groupe du mont de Sion que nous venons de décrire nous offre un exemple des plus remarquables des faits géné- raux recueillis par MiM Escher et DeBuch dans le voisinage des Alpes de la Suisse. Ils avaient remaïqué que les blocs sont quelquefois rassemblés en groupes, que les grandes masses se trouvent dans les endroits les plus éloignes comme dans les plus rapprochés de la chaine primitive^ que ces masses sont ordinairement anguleuses avec des arêtes, cependant peu tranchantes j que les blocs de granité ont été transportés plus loin , en plus grand nombre , en masse et aux hauteurs les plus grandes. Tous ces faits se trouvent réunis dans le groupe du mont de Sion , et ce qui a dii frapper , c'est le nombre considérable des granités de s'observe près de la route qui couduitde Genève à Thonon, et à trois quarts de lieue de celte dernière ville. Ce sont 5i grandes pierres formant trois tertres rongés sur la même ligne du Nord-est au Sud-ouest sur un espace d'environ 25o pas. Ces pierres sont presque toutes composées d'un pélrosilex gris bleu- àlro, reiilerniant des grains de quartz, les plus grandes ont lo , 12, l5et 20 pieds de longueur, une de ces dernières a 16 pieds de haut. Je connais Jans nuire bassin au moins quatre grandes pierres d'une forme allongée et de plus de viugl pieds de longueur, dont la plus grande dimension est placée dans la direction du courant qui doit les avoir chai'lées. 174 MÉMOFRE la plus grande taille quon y observe, qiioiqu'à une si grande distance de la chaîne primitive. Les groupes de granité se rencontrent en d'autres parties de notre bassin, et dans les valltes que 1 Arve parcourt; je vais en citer quelques-uns. Article VII. Groupes à la base occidentale du mont Salève, i.° Le groupe du bois de Crevin au pied du grand Salève où 370 blocs presque tous composés de granité, sont réunis dans un espace de 4 à 5oo pas. Les dix plus gros, c'est- à-dire ceux qui ont de 10 à 22 pieds de longueur, ne sont qu'à 5o pas les uns des autres. Les deux plus grands ont 1 arête de leur base aiguë, tandis que les angles et les arêtes supérieures sont émousse'es, ce qui prouve que cet effet n'est dû qu'aux injures de lair. Quelques-uns des petits blocs ont aussi des arêtes vives. 2." Le groupe du passage de la Croiselte au-dessus du village de Collonge; ce sont 45 granités épars sur la pente rapide de la montagne à la hauteur d'environ 1900 pieds au-dessus du niveau du lac; les plus gros ont jo et 12 pieds de longueur , ils sont place's dans un enfoncement de la mon- tagne que ion ne peut pas voir depuis Genève. 3.° Dans les prairies qui sont au-dessous de l'ancienne chartreuse de Pomier et dans celles de la lerme de iMikcrn , on rencontre 268 granités dont six ont au moins 20 pieds de longueur; ces prairies peuvent être élevées de 900 pieds au-dessus du niveau du lac. SUR LES BLOCS DE GRANITE. 175 4.° Entre Pomier et le village du Cliable qui est à une demi lieue au-dessous, on voit un petit groupe de aS gra- nités dont trois ne sont qu'à six pas les uns des autres et sont remarquables par leur grandeur. Ils ont 16, 21 et 28 pieds de longueur. Lorsque je les visitai en 1818, on les dégageoit de la terre qui les enveloppait en partie, pour les exploiter en meules de moulin. La position de tous ces granités à la base occidentale du montSalève, c'est-à-dire sur le côté oppose à la chaîne des Alpes, est bien extraordinaire ; comment sont-ils venus se ranger et se grouper le long de cette montagne, pour- quoi, lorsqu'ils étaient entrainés par le vaste courant qui suivait le bassin du lac, dont la plus grande largeur est de huit lieues , ne sont-ils pas restés au milieu du bassin ? Article VIIL Roches primitives Alpines éparses sur le petit Saîève, dans le vullofi de la JlJure, et sur la colline d'£sery. J'intercalle ici un article qui ne faisait point partie da mémoire , mais qui renferme des phénomènes tellement liés avec ceux qui en font le sujet, que je saisis cette occa- sion pour les faire connaître. Nous commencerons par le petit Salève sur lequel repose le plus grand nombre des blocs de granitej ils sont épars sur toute sa surface depuis le sommet jusqu'à la base. On peut eu compter plus de 1200 de toutes les grandeurs , depuis trois pieds jusqu'à 45 de longueur. Il y a en outre l'jS MÉMOIRE un nombre plus considérable de plus petits fragmens de pierres primordiales. Quoique les blocs soient épars sans aucun ordre à toutes les hauteurs, on remarque cependant qu'ils sont plus rapprochés les uns des autres dans la partie moyenne de la montagne , c'est-à-dire à la hauteur de 7 à 800 pieds au-dessus du niveau du lac. Sur le dos de la montagne on remarque cinq blocs de 18 à 29 pieds de longueur, et trois monticules qui sont jonchés de blocs petits et moyens, dont le nombre total se monte à plus de 4oo; plusieurs sont serrés les uns contre les autres , ils sont en grande partie cachés par des buissons. Sur la pente orientale et aux deux tiers de la hauteur du petit Salève on trouve un endroit où sans bouger de la place on peut com.pter 100 granités de différentes grosseurs dans un demi-cercle de 3oo pas de rayon. Le plus grand repose sur l'arête des rochers qui regarde le vallon de Monetier, il a 33 pieds de longueur sur 20 pieds de largeur et 6 pieds d'ë- paisseur seulement. De ce point je comptai de nouveau les blocs que je voyais autour de moi dans un rayon de i5o pas; j'en trouvai i5 gros et 90 petits ou moyens très-près les uns des autres (1). Parmi les premiers, il y en avait trois très-applatis dont l'épaisseur n'était que la cinquième ou la sixième partie de leur longueur. Les deux granités les plus remarquables qnel'on observe sur la pente orientale du petit Salève, sont: i.° ceUii que les habitans appellent la Table, il a 46 pieds de longueur, (i) Je nomme gros, ceux qui ont de i2 à 4o pieds de longueur, moyens ceux qui oui de 6 à 12 pieds, el peliU ceux de 3 à 6 pieds. SUR LES BLOCS DE GRANITE. lyy sur 22 de largeur et seulement 7 d'épaisseur; 2.° celui qu'on appelle la pierre à trois étages ou le pied de la Fèe^ il a 4i pieds de longueur, sur 27 de largeur et i3 de hauteur. Vers la partie inférieure delà pente orientale , les granités sont de nouveau nombreux, on en compte plus de 60 dont le plus grand a 25 pieds de long sur 6 d'épaisseur. Au nord du village de Mournex, la montagne est toute parsemée de gros granités, on peut en compter 60 en re- gardant autour de soi. Quand on descend de Mournex à Etrambiéres en passant par le vallon qui sépare le petit Salève de la coîliue sur laquelle sont les ruines du château deMournex,on continue à trouver des granités dont le nombre se monte à plus de i5o, trois desquels ont de 20 à 25 pieds de longueur. Le petit Salève étant coupé presque à pic du côté occi- dental qui regarde la plaine de Genève , un très-petit nom- bre s'y sont arrêtés; en comptant ceux qui sont à l'entrée du vallon deMonetier de ce côté là, on en trouve environ 36o tant petits que gros. Ceux dont la situation est la jîlus extraordinaire, reposent à nud sur les rochers calcaires, il y en a i3 très-gros. Le plus grand a 34 pieds de longueur, un autre en a 22, un troisième i5. Si l'on s'avance dans le vaiion de Monetier qui sépare le petit du grand Salève, les granités deviennent très-rares et même ils disparoissenl presque entièrement dans les champs qui occupent le fond du vallon au-delà du village; on ne les retrouve qu à son extrémité orientale et sur les rochers qui le terminent. Ce l'ait est un de ceux qui prouvent que Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hist. nat. T. ÎIl. :i.'= Pari, -ij lyS MÉMOIRE les roches alpines éparses sur le petit Salève, ne sont pas descendues par la vallée de l'Arve , car si telle avait été leur route, il y en aurait eu un grand nombre qui auraient pris la direction du vallon de Monetier et qui s'y seraient arrêtés; au lieu qu'en descendant par la vallée du Rhône et du lac, le courant a été divisé en deux parla montagne, et les pierres alpines n'ont pas pu entrer dans le vallon. Sur le grand Salève les roches alpines sont en très-petit nombre et leurs dimensions sont beaucoup moindres; on en compte à peine cent de i à i4 pieds de longueur. Elles sontéparsesçàet là sur cette partie du sommet de la monta- gre qui s'étend depuis les arbres, jusqu'au passage de la Croiselte, espace de trois quarts de lieue, dont l'élévation est de 2000 à 2600 pieds au-dessus du niveau du lac. On y observe quelques blocs de gneiss ou de granité veiné micacé ,qui est une roche différente des blocs de granité épars sur le petit Salève, ce qui me ferait croire que les premiers sont venus avant les autres, ou qu il y a eu quelque circons- tance diflférente dans leur transport etdansleui origine. J'ai cru qu'il était intéressant de faire connoître en détail le phénomène des pierres alpines éparses sur le mont Salève , parce que De Saussure est extrêmement bref sur ce sujet, il se borne à dire (§. 3-28) qu'on rencontre sur le haut du petit Salève des blocs de granité et d'autres roches primi- tives, très-grand et en très-grand nombre, et même sur le grand jusqu'au sommet de la montagne à plus de 460 toises au-dessus du niveau du lac; et (§. 280) que de Monetier à l'extrémité de la montagne auprès d'Etrambières , ces blocs sont très-fréquens et très considérables. SUR LES BLOCS DE GRANITE I79 Il nous reste à parler de la colline d'Esery. Cette colline composée de couches de grès , est située à demi lieue à l'Orient du petit Salève et du vallon de Monetier. Elle en est séparée par un profond ravin où coule le petit torrent appelé le f^iaison j son élévation est de 4oo à 700 pieds au-dessus du niveau du lac. Sur le sommet de cette colline et sur ses pentes on rencontre plus de 700 granités dont quelques-uns sont d'une très-grande taille (i)j j'en mesurai un de 5o pieds, un second de 33 pieds en longueur et en largeur, un troisième de l^o sur i5 pieds de hauteur, et un quatrième de 5o pieds. Les trois premiers se voyent près du hameau nommé Césarde accompagnés de 200 plus petits. Le quatrième est situé sur le dos de la colline à ru. N. O. du château d'Esery; il est remarquable non- seulement par sa grandeur, mais encore par ses angles et ses arêtes aiguës, par trois gradins qui s'étendent presque d'un bout à l'autre, et par son peu d'épaisseur qui n'est qu'un sixième de sa longueur. A cinquante pas de cette masse on en voit une autre de 3o pieds d'une forme plate. La colline d'Esery est séparée du mont Salève par un vallon où se trouvent les villages d'Esse/ Is, d'Anna, de la Mure et du Sapey. Ce vallon est parsemé de roches alpines jusqu'à la distance de deux lieues et demie en comptant depuis l'extrémité du petit Salève ou du lit de l'Arve; ces (i) De Saussure (§. 299 ) dit que la surface du côleau d'Esery est parsemée de grands blocs de graiiile el d'aulres pit-rre» Alpines. Ceux d'Esery soiil les plus grands ; j'en ai uiesuréplusieurs, dit- il, de plus de 20 pieds de diamètre. l8o MÉMOIRE roches sont éparses sur la base orientale du grand Salive , dans le lit du Viaison et sur la pente de la colline opposée. le nombre des bJocs, qui sont presque tous des granités, se monte à environ 1800. Entrons dans quelques détails. Sur la base du grand Salève ily a deux de ces blocs qui sont remarquables par leur grandeur. Le premier se voit dans un bois de châtaigniers au Sud-ouest d'£sseris , il a 36 pieds de longueur, 20 de largeur et 6 d'épaisseur. Le second se trouve au-delà du même bois et au-dessus du hameau A^^nna; il a 34 pieds en longueur et en largeur, et 18 dans sa plus grande hauteur; on peut marcher sur toute sa surface maigre ses creux et ses bosses. Les habitans l'appellent la pierre à Rulan. Tout près de ce grand bloc il y en a un autre de forme allongée de 3o pieds de longueur sur 19 de largeur, on dirait qu'il a fait partie du précédent. Au Sud-ouest de la Mure à environ 200 pieds au-dessus de ce village, on peut compter cent blocs dont 25 sont composés d'un gneiss ou granité veiné dont les veines de mica sont très ininces, ces derniers sont si près les uns des autres et tellement disposés qu'on dirait qu'ils faisaient partie de la même masse qui s'est brisée en tombant. A une lieue au Sud-ouest de la iMure dans la paroisse du Sapey, près d'un hameau appelé ThibolUet et derrière la partie la plus élevée du grand Salcve appelée le Piton, on voit encore plusieurs blocs de granité épars dans les champs qui couvrent la pente de la montagne à une hauteur d'environ i4oo pieds au-dessus du niveau du lac. 11 y en a trois qui ont i5 pieds de longueur; le lieu où ils sont situés est à deux lieaes et demie à angle droit du cours de l'Arve. SUR LES BLOCS DE GRANITE. l8l Dans le lit du Viaison en remontant depuis le pont du Loup situé au-dessous dEsserls, jusqu'à une lieue au- dessus de la Mure, on rencontre 8Go blocs dont quinze ont de i4 à 20 pieds de longueur. Une partie de ceux d'une taille intérieure forment deux amas ou groupes, l'un à dix minutes au-dessous de la Mure , et l'autre à cinq mi- nutes au-dessusj le premier est composé de i5q, et le çecond de 1 10 tant petits que moyens. Le nombre des débris de roches primitives alpines et principalement de granités épars sur le mont Salève et sur son revers oriental , est vraiment prodigieux quand on considère la distance de cette montagne secondaire à la chaîne primitive des Alpes, et quand on considè''e sa posi- tion isolée et entourée d un grand pays beaucoup plus abaissé. Quoiqu'il nous paroisse d'après des faits cités ci- dessus que la plus grande partie de ces débris soient des- cendus par la vallée du Rhône et du lac, il n'est pas im- possible qu'une petite partie soit venue par la vallée de l'Arve. Par cette dernière route ils n'aurtiient eu que 18 lieues à parcourir, au lieu que par la première ils en auraient eu 28 au moins. Article IX. Groupes de granités dans la vallée de Maglan sur la rive gauche de l'Arve. Quand on s'avance vers la chaîne primitive en remon- tant les vallées de l'Arve, on rencontre de nouveau les l82 MÉMOIRE granités distribués par groupes. Il y en a un à l'entrée de la vallée du Keposoir; ce groupe est composé de 120 blocs de granité dont le diamètre varie entre 3 et 20 pieds. Ils remontent dans la gorge jusqu'à la distance d'une iieue du cours de l'Arve, et jusqu'à la hauteur d'environ 800 pieds au-dessus du niveau de cette rivière. Les groupes de la vallée de Maglan sont situés sur la rive gauche de l'Arve, ils commencent au pont de Cluses. Si à l'entrée de ce pont on monte par un chemin pavé qui con- duit au village de Nancy sur Cluses et qu on s'élève j usquà la hauteur d'environ 3oo pieds au-dessus de l'Arve, on rencontrera successivement sur les rochers calcaires de la iriontagne, plusieurs blocs de granité stéatiteux dont le nombre se monte à 60 environ et dont les dimensions varient entre 6 et 20 pieds. Les plus élevés sont les plus gros. Le plus grand nombre d'entr'eux reposent sur la pente qui regarde le Nord ou la vallée de Cluses. Quelques-uns sont sur une arête d'où l'on voit en même temps cette vallée et celle de Maglan. Pour continuer mes observations sur la rive gauche de l'Arve, je traversai cette rivière à Maglan à une lieue de Cluses et je la remontai jusqu'à Sallenche. Dès que j'eus passé le pont je montai par des prairies rapides jusquaux hameau appelé filiar, \e rencontrai sur mon ciiemin une trentaine de blocs de granité de trois à dix pieds de diamètre; en ni'élevant au-dessus du hameau jusqu'à un petit bois, j'en rencontrai plus de i3o dont quelques-uns avaient 12 pieds, plusieurs étaient entassés les obs sur les autres. A quelque distance do Viliar, avant d arriver à un moja- I SUR LES BLOCS DE GRANITE. l83 lin à scie', je vis sur la pente rapide des prairies, plus de 20 blocs de grosseur moyenne assez près les uns des autres. Plus loin ils disparoissent tout-à-fait et je marchai pendant une demi heure sans en appercevoir un seul, soit près du chemin soit dans les prairies rapides qui remontent à une assez grande hauteur sur la pente de la montagne. Ce ne fut qu'au de là du village de Gravins que je trouvai un troisième espace où il y avait une vingtaine de blocs sur la pente gazonnée; le plus gros avait 16 pieds, ses arêtes étaient vives. Plus loin le sentier s'approche de l'Ai ve dans un endroit où l'on a fait contre cette rivière une digue composée en grande partie de petits blocs de granité; de là le sentier s'èiève contre le flanc de la montagne et l'on arrive à un entassement de plus de 5o granités, dont le plus gros a 22 pieds de long sur i5 de haut, il est remar- quable par une arête qui descend du sommet à la base. A une petite distance de cet entassement on trouve un cin- quième amas ou groupe qui n'est composé que de dix. De là on passe par Evorsier ^vemier village de la commune de Sallenche à urfe petite lieue de cette ville. La nuit qui survint m empêcha de continuer mes observations, je re- marquai cependant dans un endroit parmi les broussailles des mîisses détachtes qui pouvaient bien être des blocs de granité. On peut demander pourquoi il y a un grand nombre de granités sur la rive gauche de l'Arve dans la vallée de Maglan, tandis quilyen a peu ou point sur la rive droite. Pour le comprendre, il suffit de faire connoître la différence quil y a entre les deux côtés de la vallée. Sur la rive droite l84 MÉMOIRE OU orientale, les rochers escarpés sont très-près de la rivière, il i)'y a à leur base qa'uu talus de rocailles de loo à 200 pieds délévalion; mais sur la rive gauche, les rochers escarpés sont fort reculés et leur base est déjà très-élevée ; on y arrive par une pente graduelle qui s'élève à plus de 2000 pieds; cette pente est entrecoupée de prairies, de champs cultivés et de forêts. On conçoit donc que dans cet espace le courant a pu s'étendre, se ralentir un peu, et déposer de distance en distance une petite partie des matériaux dont il était chargé. Article X. Groupes de SaUenclie et de la vallée de Chamouni. Le groupe de Sallenche est le plus considérable de tous; il recouvre la pente de la montagne qui est au Sud-est de cette ville, jusqu'au village de Comblou. Toute cette pente dont iétendue est d'une lieue est jonchée de granités au nombre de plus de trois mille (i). Ils ont efi général de très- grandes dimensions, jusqu à 5o et 63 pieds de longueur, lis sont en plusieurs endroits serrés les uns contre les autres, et même entassés ou empilés; ils forment ainsi plusieurs groupes partiels qui étonnent par la grandeur et le nombre des masses. C'est là surtout qu'on peut se former une idée de l'épouvantable bouleversement qui a pu les détacher et les transporter. Je vais décriie deux de ces groupes partiels. (ij QuauJ je dirais cincj mille je n'exagérerais sûrement pas. • SUR LES BLOCS DE GRANITE. 1 85 Le premier forme un monticule où les blocs sont d'une taille gigantesque jusqu'à 60 et G3 pieds^ quelques-uns dentr'eux s'appuyent les uns contre les autres, et laissent un vuide par lequel on peut passer. Ce monticule fait partie d'un espace considérable tout couvert de blocs j il est situé à une demi lieue au Sud-est de Sallenche. Le second est un entassement de blocs énormes rangés sur une même ligne horizontale d'environ 5oo pas de lon- gueur; ils se touchent presque tous, et sont souvent entas- sés les uns sur les autres jusqu'à former des piles de cinq. 11 y en a plusieurs de 20 et de 00 pieds de longueur. Ils don- nent 1 idée d'une vague énorme qui les aurait portés là tous ensemble et par un seul eflfort. On voit cet entassement sur la gauche de la route qui monte à Comblou à une hauteur d'environ cent toises au-dessus de rArve(i). Le vaste groupe de Sallenche que nous venons de décrire fait face à cette portion de la vallée de l'Arve qui conserve la même direction jusqu'au village de Scrvoz. On conçoit donc qu'au moment du bouleversement où les eaux descen- dirent delà vallée de Chamouni, un grand nombre de gra- nités des aiguilles qui suivaient avec le courant la direction delà vallée, furent portés contre la pente delà montagne située au Sud-Est de Sallenche, et là ils furent déposés, tandis que les autres débris suivirent avec le courant le con- tour de la vallée qui tourne vers le iNord. (i) De Saussure ne connaissait aucun de ces groupes; il ne fait mention que des grands blocs de granile e'pars sur l'ancienne roule qui conduisait de Sal- lenche au village de St. Gervais, § iijo de ses voyages dans les Alpes. Méuu de la Soc. de Hiys. et d'Hist. mit. T. 11!. z."" Part. ^4 I l8G MÉMOIRE Dans la vallée de Chamouni au pied même du Mont- Blanc et des aiguilles, on remarque deux groupes princi- paux; le premier se voit près du torrent de Taconaz. Là sur un espace de 627 pas comptés sur le chemin , et sur une largeur qui peut être moindre, on rencontre plus de 3oo granités dont plusieurs ont 4o et 5o pieds de longueur, le plus grand en a 90. Une partie de ces granités forment un monticule couvert d'arbres, les autres sont dispersés. Le se- cond se voit un peu au-delà du Prieuré , sur la gauche du chemin , il est composé de i3o granités dont 5o forment un monticule, tandis que les autres sont dispersés sur un espace de 35o pas. Quelques-uns de ces blocs ont plus de 20 pieds de longueur (i). Article XL Groupes sur la pente du Jura. La distribution des granités par groupes, à quelque dis- tance qu'ils soient de leur origine, est un fait si remarquable qu'on ne saurait en citer trop d'exemples, surtout quand on (i) Les babilanls de la vallée de Chamouni, ("De Saussure §. 5ia.) disent que CCS blocs ont été entraînés dans celle place, par une grande avalanche qui élail descendue du haut des Aiguilles; niais celle opinion est inadmissible pai- des raisons qui je pourrais facilemenl énumérer; il en esl de même de ceux du Naul de Taconaz dont De Saussure ne fait aucune mention; ce grand Géo- logue ne fait pas mention non plus des granités éparssur la pente de la mon- tagne nommée Boucha ou Bouchière qui esl vis-à-vis du village des Ouches, ïur la rive droite de l'Arve. Les granités éparsdans la vallée de Chamouni sont les premiers qui se sont arrêtés lors du grand bouiversemenl auquel ils doivent tous Leur dispersiou. SUR LES BLOCS DE GRANITE. 187 le voit se répéter en d'autres lieux très-éloignes des précé- dens. Unsait que toute la pente du Jura qui fait face aux Alpes, est parsemée de pierres alpines, celles-ci ont même pénétré dans les vallées du Jura qui sont ouvertes du côté des Alpes. A cette grande distance delà chaîne primitive, on rencontre encore des groupes de granités et dautres roches alpines. Jen citerai quelques exemples. Au-dessus de Ligneroles et de Myébergemenl, villages situés entre Orbe et le Mont Suchay, on rencontre trois groupes de roches primitives alpines. Dans l'un les blocs sont entassés les uns sur les autres; dans un autre il y a une masse d'environ 16 pieds de haut qui paroît s'être brisée en arrivant, car on en voit plusieurs autour qui paraissent en avoir fait partie. Ces groupes font partie des débris alpins qui sont sortis par le débouché du Valais (1). (ij Pour compléter les f'ails qui concernent les groupes de roclies prlini- lives alpines reposant sur la base du Jura et fai.'ant partie du bassin du lac , je ferai mention de ceux de St. Jean de Gomùlle et île Farges, villages situés à trois et à quatre lieues à l'Ouest de Genève. Le premier est composé de 5o blocs épars dans un bois de chataigners, situé à une demi-lieue au-dessus du village de St. Jean. La roche de ces blocs est un schiste stéatileux avec des veines de quartz; les plus gros ont de 9 à 10 pieds de diamètre. Douze des petits sont placés les uns à l'égard des autres de ma- nière à faire croire qu'ils faisaient une fois partie de la même masse. A un quart de lieue de là vers le Nord-est on découvre trois grands blocs de granité veiné, l'utt de 12 pieds de haut traversé par une grande veine de quartz blanc de six pouces d'épaisseur. Le second de 21 pieds de longueur sur 12 de hauteur, d'une forme très-irrégulière, il renferme un grand nid de quartz. Le troisième est remarquable par sa iiauteur de i5 piedssur une longueur de 18 pieds, il se termine en pointe émoussée avec des arêtes latérales. Jl renferme des veiues de quai tz avec de la stéalile verte brillante. lS8 MÉMOIRE Je citerai encore deux autres groupes que l'on trouve dé- crits dans les voyages géologiques de feu mon parent ( i). Le premier s'observe à l'entrée du Val Travers au midi de Noi- ralgue. Le lieu s'appelle le creux du vent : C'est un cirque de rochers en forme de demi-cercle d'environ 5oo pieds d é- lévation. Ce cirque est formé du côté de Noiraigue, par l'ex- trémité de la montagne qui borde la vallée delaKeuse. C'est à une certaine hauteur sur cette montagne que se trouve le groupe dont il est ici question. La grandeur et l'abondance des granités dans ce lieu, leur donne l'apparence d'un ha- meau de cabanes; ils sont si rapprochés les uns des autres qu'ils ne laissent entr'eux que des passages étroits. L'un d'eux avait au moins 25 pieds de longueur sur lo à i5 de largeur et de hauteur, sans compter la partie qui est enter- rée; les autres mesuraient de lo à i5 pieds dans tous les sens. Le second groupe est situé au Nord-est de Bienne, sur l'arête supérieure des couches inclinées de la montagne (2). C'est un monceau de granités qu'on dirait avoir été rassem- blés là dans un but particulier. Ils sont aussi grands que les cabanes habitées par les bergers des montagnes. Le groupe de Farges est composé de 1 1 2 blocs de 3 à ri pieds de longueur, ils sont épais sur la peule du Jura à différentes hauleurs. La roche doul ils sont composés est le sehisle talqueux avec des veines de quartz , c'est une variété dif- férente de ceux du groupe de Si. Jean. (i) Voyages géologiques dans quelques parties de la France, delà Suisse, et l'Allemagne, par J. A. De Luc; Londres, 181 5. Vol. L p. 69. §. 49 5o. (3) Ibid. p. 137. J. laU. SUR LES BLOCS DE GRANITE. 189 Les deux derniers groupes sont situés à 26 et à 3o lieues du Grimsel où l'Aar prend sa source et où la même roche se trouve. Article XII. Cause de la distribution par groupes. Quelle peut être la cause de cette distribution par groupes des blocs de granité, de cette roche qui ne se trouve que dans les parties centrales des Alpes. Comment s'expliquer leur réunion à des distances aussi considérables du lieu de leur origine, distances qui sont de 20, 26 et 3o lieues (1). On a ordinairement recours aux courans de l'Océan lors- qu'il recouvrait tout le globe jusqu'au niveau des plus hautes montagnes, ou bien au passage momentané des eaux de l'Océan par dessus les continens qui étoient auparavant peuplés de plantes et d'animaux terrestres. Quelqu'ait été la cause des mouvemens de l'Océan , les courans durent être d'une vélocité extrême, car ce n'est que par un transport subit et pour ainsi dire instantané que l'on peut concevoir la nondispersion des blocs d'un même groupe. Il fallait que ces courans fussent tellement rapides que les plus grandes masses étaient entraînées avec la même (i) Poui- les blocs et les cailloux de Jade qui sont épars dans loul le bassin du lac, la dislaiice du lieu de leur origine est encore plus grande , puisqu'elle est pour les plus éloignés d'environ 45 lieues jusqu'aux vallées de Saas et Si. Nicolas dans le haut Valai-i, où le Jade forme des rochers immenses accom- pagnés d'une multitude de débris. igo MEMOIRE facilité que les plus petites et que l'impulsion fût égale pour tous, malgré que les plus grandes opposassent plus de ré- sistance à se mouvoir que les petites. Si les courants avaient été lents comparativement, les blocs se seraient sépares, les plus gros et les plus plats seraient restés en arrière et les plus petits auraient seuls atteint les plus grandes distances; ils auraient tous roulés sur le fond des eaux et ce frottement aurait retardé leur mouvement plus ou moins suivant leur poids. L'état de conservation des parties saillantes de ces masses, conduit également à l'idée d'un transport subit qui ne leur aurait pas permis de rouler sur le fond des eaux où ils au- raient nécessairement éprouvé un frottement qui aurait abattu leurs angles et leurs arêtes. Ils ont donc été trans- portés pour ainsi dire à la surface des eaux ; et c'est ici que nous arrivons encore à l'idée dune vélocité telle que l'effet de la pesanteur sur ces masses, aurait été suspendu par l'extrême rapidité de leur transport (i). Je trouve que ces conclusions sont les mêmes que celles de M. de Leopold De Buch qui calcule même quelle devait être la vélocité des courants par seconde pour produire cet effet j il a trouvé qu'il aurait f.llu que les courants parcourussent 543 pieds par seconde ; il trouve ensuite par diverses consi- dérations que l'on pourrait réduire celte vélocité à 1 70 pieds (1) La vélccîlé de ce transport est encore indiunée par ces masses nui se sont briu;es en arrivant au lieu ou nous les obserTons; il faut qu'elles aient éprouvé un choc (lès-vioteut de l;i pati de l'obstacle qui les a aiiêtées. SUR LES BLOCS DE GRANITE. igi par seconde et arriver au même résultat, celui du transport des blocs jusque sur la pente du Jura et jusqu'à la hauteur de 1900 pietls au-dessusdes lacs de Neulchàtel et de Bienne, malgré que dans l'intervalle il y ait la cavité du lac de Goiève et un grand espace de pays fort abaissé. M. Conybeare, un des auteurs de la géologie de l'Angle- terre publiée en 1822, trouve tant de difficultés à ce trans- port, qu'il suppose qu'il eut lieu lorsque le profond bas- sin du lac de Genève n'existait pas encore, et lorsque le pays abaissé qui sépare la chaîne des Alpes de la chaîne du Jura, n'était pas encore excavé. Il regarde comme impos- sible que des courants, comme d'autres sisyphes, aient pu faire remonter ces masses contre les pentes rapides du Jura. Cette objection n'est cependant pas péremptoire, puisque dans l'hypothèse , les blocs ne seraient point descendus jusqu'au fond des eaux. Nous venons de considérer le phénomène de la réunion des granités en groupes dans leur position à une grande dis- tance de leur origine, et dans la nature de la cause qui doit les avoir transportés. 11 nous reste à les considérer au mo- ment de leur départ. Puisqu'ils sont encore réunis au terme de leur voyage, à plus forte raison, ils devaient être réunis au moment de leur départ, ou ne former qu'une seule masse (i). Il fallait donc que chaque groupe eût été déta- ché de la même pointe, ou de la même saillie de rocher. (0 II paroît bien que c'est le cas de certains groupes , car les fragments dont ils sont composés, sout lelleinent placés les uns par rapport au.'t aulres, (ju'on dirait que c'est au moment de leur arrivée qu'ils se sont séparés, uomme pat l'efFct d'un choc ou d'une chute. iga MEMOIRE Fixons nos regards sur les aiguilles granitiques de Cha- mouni d'où une multitude de fragmens sont descendus en même temps par la vallée de l'Arve et par celle ilhône. Chaque aiguille grande ou petite aura fourni son groupe qui aura pris une direction différente et qui sera arrivé dans un lieu différent. Mais ce qui présente la plus grande diffi- culté, c'est de trouver la force qui a détaché ces fragmens pour les livrer aux courans, c'est de trouver la cause qui a imprimé aux eaux de l'Océan, même à leur point de départ, des mouvements assez violents pour transporter cette mul- titude de fragmens énormes à des distances aussi considé- rables. C'est ici que nous sommes ari'êtés par l'insuffisance de nos moyens d'explication. J'essayerai cependant d'en donner une et je la prendrai dans une idée qui a frappé si souvent 1 illustre De Saussure lorsqu'il contemplait les Aiguilles de Chamouni et les pointes dont elles sont hérissées, c'est qu'elles avaient été redressées par un refoulement, (i). Cette hypothèse se déduit de la position verticale et du parallélisme des feuillets dont ces aiguilles sont composées; elle se déduit aussi du relève- ment des couches des montagnes environnantes contre le massif du Mont-Blanc. Par l'effet du refoulement chaque pic granitique sera sorti séparément de 1 intérieur de la terre, il en sera résulté de telles ruptures, de tels déchiremens que des fragmens innombrables se seront détachés ; et dans le même moment fi) Voyages dans les Alpes, §. 1677, 1166, 1996. T. IV. p. iSi, 186, el 5,919. SUR UES BLOCS DE GRANITE, igS les eaux de l'Océan recevant une prodigieuse impulsion vers l'Ouest, elles se seront portées de ce coté là avec uneteile vé- locité qu'elles auront entraîné avec elies tous les tragn^ens et en auront porté un grand nombre jusqu'aux points les plus éloignés où les eaux ont conservé leur vélocité, c'est- à-dire jusqu à 3o lieues et plus. Si l'on voulait supposer qu'au moment du transport des de blocs de granité, les aiguilles de Chamouni étaient depuis long-temps telles que nous les voyons à présent, je deman- derois où les courants auraient-ils trouvé cette immensité de débris qu'ils ont répandus sur leur chemin j comment auraient-ils pu par leur seule force les arracher, surtout étant à leur origine où leur vélocité ne pouvait pas encore s'être accélérée. 11 fallait donc un bouleversement non seule- ment pour briser les rochers et produire une quantité im- mense de fragments, mais encore pour imprimer une vélo- cité extrême aux courants dès leur origine. 11 fallait aussi , comme s'exprime De Saussure (§.210.) des abîmes ouverts en dehors de la chaîne vers lesquels les eaux se portèrent. Dolomieu avait eu la même idée de refoulements : 11 sup- pose un choc qui, frappant obliquement contre i'écorce consolidée de notre globe, laurait refoulée, aurait, en les rompant avec violence déplacé et soulevé les bancs, et au- rait forcé les uns à s arcbouter et se contrebouler entrVux en se soutenant en l'air, telles que les masses qui consti- tuent le Mont-Blanc, etc. M. De Buch en décrivant les colosses de Dolomie de la Carinthie et de la Carniole, exprime l'opinion qu'ils ont été soulevés, et il déduit cette opinion de leur forme élancée. Le Méin. de la Soc. de Phys. ei d'Hïst. nat. T. 111. 2." Part. 2.0 194 MEMOIRE. même Géologue croit au soulèvement des Alpes, et il attri- bue cet effet à la formation pyroxénique qu'il croit régner sous cette chaine et que l'on voit paroître dans le Tyrol. M. Palassou était parvenu sur les flancs du pic du midi d'Ussau (i) jusqu'à la hauteur d'environ 1200 toises, il se trouvoit sur des rochers très-éleyés à l'Orient du pic. Pen- dant qu'il était assis, sa vue plongeait dans la vaste enceinte qui s'ouvrait à ses pieds. Frappé de la prodigieuse quantité de blocs de granité qu'elle renferme et de leur grosseur, il croyait y voir le terrible effet d'une crise épouvantable de U nature. Ces amas de décombres , cet affreux cahos lui pa- raissaient les anciens matériaux d'une montagne entière, agitée par les plus violentes secousses, ébranlée jusque dans ses fondements et dissoute en une infinité de morceaux , horriblement fracassés dans leur chute. M. Palassou ajoute qu'on trouve les débris du pic du midi dans toute la vallée d'Ussau et même dans les plaines. De Luc dans ses lettres sur l'histoire de la terre et de l'homme, après avoir parlé des entassements de blocs de granité que 1 on observe sur quelques montagnes qui appar- tiennent au prolongement du Brocken situé au centre du Hartz, fait la réflexion suivante : «Cette destruction des flancs de quantité de montagnes de granité, semble se lier à la dispersion de leurs débris bien loin de leur lieu origi- naire et aider à la comprendre. Car tout ce désordre an- Ci) Sommilé graiiilique des Pyrénées occidentales , situce au midi de Pau. SUR LES BLOCvS DE GRANITE. igS nonce de violentes secousses » etc. . . des commolions de la croûte du globe (i). Si les aiguilles de Chamouni ont été soulevées par refoule- ment, ou si elles ont été agitées par de violentes secousses, cette révolution n'est pas fort ancienne, puisqu'elle serait contemporaine de la dispersion des granités. En effet quand on voit la fraîcheur de cassure des pointes innombrables dont les aiguilles sont hérissées, on est forcé de reconnuitre qu'il n'y a pas un bien grand nombre de siècles qu elles ont été redressées. Au moment du terrible bouleversement qui redressa ou ébranla les aiguilles , les fragments de granité détachés pri- rent deux routes différentes, lune par la vallée du Rhône et l'autre par la vallée de l'Arve, et Ion peut croire qu'au même moment ces vallées transversales s'ouvrirent, suivant l'opinion d'Escher. Les aiguilles qui fournirent les granités de la vallée du Rhône sont celles qui dojninent la vallée de Ferret j ce sont les aiguilles xlOrnex, du Jo\\v çt d'Argen- tière. Ces mêmes aiguilles du côté, de .l'Occident., dominent la vallée de Trient et la,, partie supérieure de la vallée de Chamouni. Les aigu^illçs qui fournirent les granités de la vallée de l'Arve, sont celles qu'on appelle la Verte, les grandes Jorasses, le Géant, les Charmos, le Crépoji, les aiguilles du Plan , de Blaitière , du Midi et le Mont-Blanc (2). (i) Tome IV, p. 56;, 619. Tome V, p. 48. (2; Nous avons vu que la variélë de gianile ilcnl le groupe du mont de Siou est composé, est la môme que celles des aiguilles du Plan et de Eluilière. J'iijoulerai ici que la variété à quartz légèiement violet qui est la plus répandue igG MÉMOinE Dans les deux débouchés le nombre des granités est pro- digieux quand on les prend dès leur origine , d'un côté dans le Val d'Entremont qui conduit au grand St. Bernard, et de Vautre dans la vallée de Charaouni; et quand on les suit jusque sur la pente du Jura au-dessus de Lasana, di Orbe et de Granson, et ensuite dans tout le bassin du lac de Genève jusqu'au mont Salève et au mont de Sion. Leur nombre est si grand, et ils occupent une si vaste étendue de pays, de concert avec beaucoup d'autres roches alpines, que lorsqu'on veut se faire une idée des causes qui les ont détachés et dispersés, on est effrayé de leur magnitude; c'est alors qu'on sent que ces causes ne pouvaient être qu'un bouleversement capable de redresser ou d'ébranler ces co- losses qu'on appelle aiguilles, et de donner aux eaux de l'Océan des mouvements d'une violence et d'une étendue prodigieuses. Nous voyons donc que. la dispersion des roches alpines est nécessairement liée ûvéc les bouleversements des cou- ches dont -les montagnes primitives sont composées. Ces phénomènes ne sont point particuiier's aux Alpes; ils s'ob- servent dans toutes les chaînes de nlontagnes et dans leur voisinage et sur les deux côtés d'une même chaîne. ''" 11 se présente ici une grande ditïiculté à résoudre, celle de disposer des eaux de l'Océan avant, pendant et aprèsla catastrophe. Comme il y a une multitude de faits qui prou- vent qu'immédiatement avant ce grand événement, les dans le bassin du lac de Genève , se trouve aux grandes Jorasses, aux aiguilles du Plan et du Midi. I SUR LES BLOCS DE GRANITES. J97 continents étaient à découvert et peuplés de plantes et d'animaux, on se voit forcé d'avoir recours à quelque cause inconnue qui a déplacé momentanément les eaux de l'O- céan, qui les a fait sortir de leur lit pour se verser sur les continents et s'élever jusqu'aux plus hautes montagnes ; et après y avoir produit de très-grauds ravages, rentrer dans leur réservoir accoutumé. POSTSCRIPTUM. Si au moment des commotions du globe , qui imprimè- rent aux eaux de l'Océan des mouvements si violents , les montagnes granitiques furent soulevées ou redressées , il n'est pas nécessaire de supposer que les eaux se soient élevées jusqu'aux sommet des plus hautes montagnes , parce que les fragments s'en seraient détachés avant qu'elles eussent atteint leur plus grande élévation. En estimant la hauteur à laquelle les blocs de granité ont été portés sur la montagnes dArmone, sur le mont de Sion et sur le Jura , nous avons trouvé une confirma- tion des faits généraux recueillis par Escher et de Buch , savoir, que les granités ont été dispersés de préférence sur les hauteurs , qu'ils ont été transportés le plus loin , en plus grand nombre, en masses et aux élévations les plus grandes. On pourrait en conclure qu'ils sont partis les premiers, au moment du plus grand effort des courans, et que les com- motions du globe ont agi d'abord sur les couches de gra- nité pour les rompre et les redresser. 11 résulterait aussi de là que les montagnes primitives des Alpes , avec les formes et la hauteur que nous leur voyons , ne seraient pas aussi igS MÉMOIRE anciennes qu'on l'imagine ordinairement, qu'elles seraient même postérieures à la formation des couches de molasse (i). En traitant des grandes masses qui appartiennent au sol de transport du bassin de Genève , nous n'avons pas eu occasion de citer la plus considérable do toutes , parce qu'elle est composée d'une roche très-peu répandue. Cette masse est située dans le bois de Cran , à trois lieues au nord de Genève; elle a yS pieds de longueur, sur 20 pieds de hau- teur dans sa partie visible. La roche dont elle est compose'e est le pétrosilex décrit par De Saussure, §. 1046 et loSy , comme formant de grands rochers entre Saint-Maurice et Marligny. Deux autres grandes masses delà même roche se ren- contrent à une très-grande distance de la première ; l'une est située à un quart de lieue au-dessus de JVIorges, près du village d'Echichen ; ses dimensions sont 33 pieds en lon- gueur et en largeur , sur 3o pieds de hauteur; l'autre est dans le lit de l'Arve sous Pinchat, à une demi-lieue de Ge- nève; sa longueur est de 4o pieds, quant à ses autres di- mensions on ne peut pas en juger , parce qu'elle est enterrée dans le gravier. Ces trois pierres, ainsi que d'autres d'une autre nature appartenant également à la vallée transversale entre Saint - Maurice et Martigny , viennent appuyer l'opinion d'Escher, que ce fut lors du grand bouleversement qui dispersa les pierres alpines que les vallées transversales s'ouvrirent. (1) Ce an'iuoiie est accoaipagin; d'une carie du bassin de Genève où les lo- calités des groupes sont iudiciuées par des croix. SUR LES BLOCS DE GRANITE. I99 Nous avons suivi les granités dans toutes les vallées que l'Arve parcourt jusqu'à la vallée de Chamouni, c'est-à-dire, jusqu'à leur source ; nous en ferons autant , mais d'une manière beaucoup plus brève, pour ceux du bassiu du lac et de la vallée du Rhône en remontant jusqu'aux vallées d'En- tremont et de Ferret, situées à la base INord-est des aiguille?. Outre ceux que nous avons décrits sur les bords du lac jus; qu'à Thonon , nous en trouvons encore quelques-uns à Meillerie et à Saint-Gingough. Dans la vallée du Rhône on commence à les trouver à Colombey et à Monthey. Ici les granités sont en très-grand nombre dans les vignes et les bois de châtaigniers qui dominent la ville au Nord-ouest. Le plateau de Verossaz, au-dessus de Saint-Maurice en est tout couvert. Quand on arrive au bourg de Martigny , à l'entrée de la vallée de Sembranchier, on les retrouve en grand nombre j de nouveau entre ce dernier village et celui dOrsière et jusqu'à Lidde, sur la route du grand Saint- Bernard. Dans la vallée qui monte d'Orsière au col de Ferret , ou rencontre des blocs énormes de granité ( De Saussure, §. 1022). On en rencontre encore dans la vallée de Champeix , tendant aux Valleltes au Sud -ouest de Martigny. Une situation bien remarquable de ces pierres détachées est le Levron . montagne située à une ou deux lieues à rOrient de Martigny. lischer traversant cette montagne en 1818 pour pahser dans la vallée de Bagne, vit que sa crête et sa pente niéiidionale étaient toutes couvertes de granités. Nous voyons que ces pierres se multiplient à mesure que lious approchons de leur source , c'est-à-dii'e 200 MÉMOIRE , etC. des aiguilles granitiques qui dominent la vallée de Ferret au INoid. Quand on traverse le Rhône à Saint-Maurice et qu'on suit sa rive droite , on rencontre ces grandes pierres pri- mitives dans les gorges qui aboutissent à la grande vallée du Rhône, telles que celles de l'Avançon et de la Griunne près de lies; celles de la Grande-Eau au-dessus d'Aigle, et du cirque de Luan au-dessus des villages d'Yvorne et de Corberier. Les blocs de roches alpines qui ont été d. posés dans ces gorges par le grand courant , atteignent une hauteur de 3ooo pieds au-dessus du Rhône , comme par exemple, à Arvey, à Chessières, au bas de Chorogne, situés au Mord de Bex. Depuis la vallée du Rhône jusqu'au Jura, en passant par Lausanne et La Sarra , on ne perd pas la trace des débris de roches alpines. J'ai cru utile de joindre ces faits, dont la plupart m'ont été communiqués par des correspondans , à tous ceux que j'ai rassemblés dans ce mémoire , pour donner une idée aussi complète que possible de l'immensité dedébris qui sont partis du massif granitique dont les aiguilles de Cha- mouni font la partie principale. Quoique je me sois occupé presque uniquement de la dispersion et de l'origine des granités , on doit comprendre que dans les débris qui sont descendus par la vallée du Rhône, on rencontre toutes les roches qui composent les montagnes du Valais. M. oU Pk.ttff.nat. V. m. p.' 2. p. 200. RECHERCHES ■;ui^fi-i:iii;mfnnr- ■'.'> xijab tri; . ■ ■■ SUR UNE PROPRIÉTÉ PARTICULIÈRE DES C0]SDUCTEUT\S MÉTALLIQUES DE L'ÉLECTRICITÉ, PAR M. LE Professeur A. DE LA RiVE. mémoire lu à la Soc. dé Phya. et cP'HUl. Nal. de' GeÀèi>é, le 22 Juin xtX.^" l* J'avais indiqué, a la fin d'un précédent mémoire (i), que les conducteurs métalliques de l'électricité voitaique qui ont servi à la décomposition d'un liquide, conservent, quand ils sont hors du circuit, une certaine quantité d'électricité, et qu'ils peuvent donner naissance à un courant d'une in- tensité remarquable quand on les place dans des circons- tances favorables. — Cette propriété des conducteurs m'a paru mériter d'être mieux étudiée, et ce sont quelques-uns des résultats que j'ai obtenus sur ce sujet que jai Ihonneur de communiquer à la société. . Fait fondainentaL — Je termine le^ deiix pôles d'une pile par deux fils de platine qui plongent dans une solution (i) Annales de Chimie et de Physique. T. XXVIII, p. 190. Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hist. nat. T. III. ^."^ Part. s6 aeifty>«— ■ Il ». . Ml - RECHERCHES ->ij.«.w».^-..— « d'hydrochlorate d'ammoniaque ou dans tout autre liquide conducteur qu'ils décomposent; quand la décomposition a eu lieu pendant quelques instans, j'enlève les deux fils et je mets chacun d'eux en communication avec les extrémités d'un galvanomètre; en même temps un liquide conducteur reçoit les mêmes portions de ces deux fils qui auparavant plongeaient dans le liquide que l'on avait placé dans le circuit voltaique. Aussitôt la déviation de l'aiguille aimantée an- nonce l'existence d^ns le galvanomètre d'un courant élec- trique; et le sens de cette déviation indique que le courant que je supposerai partir de celui des deux fils de platine qui était au pôle positif de la pile, traverse d'abord le fil métal- lique du galvanomètre, arrive au second fil de platine qui avait servi de pôle négatif de la pile; puis de ce fil traverse le liquide jusqu'au fil d'où nous sommes partis j ce qui com- plète le circuit. En d'autres termes, le fil qui a servi de pôle positif de la pile agit comme un métal négatif, et le fil qui a servi de pôle négatif comme un métal positif, quand ils sont placés l'un et l'autre aux extrémités du galvanomètre. Il résulte delà que le courant va dans le liquide qui réunit ces deux extrémités dans un sens précisément contraire par rapport aux deux fils de platine, à celui suivant lequel il chemine, quand il traverse le liquide soumis à l'action galvanique (i) J'ajouterai quelques observations au simple exposé que je viens de faire de l'expérience précédente. (i) Je ne m'arrête point à exposer les détails relatifs à la manière dont je fais l'expérience ; il suffît de dire que j'établis toutes les communicatious au moyeu du mercure. SUR l'Électricité. 2o3 1." Le courant qui est dégagé jjar les deux fils de platine n'est point instantané; il dure quelques instans, et même l'on peut plonger plusieurs fois les fils avant qu'ils soient complètement déchargés. 2." 11 n'est point nécessaire pour que l'expérience réusisse, de plonger la portion même des deux fils de platine qui a servi à la décomposition; on peut la couper et plonger la partie du fil qui se trouvait hors du liquide dans le circuit voltaique ; l'effet seulement est moindre et va en diminuant d'autant plus que la partie plongée est plus éloignée de celle sur laquelle s'opérait la décomposition. Cette observa- tion prouve, que ce nest point à une action chimique du li- quide conducteur sur l'élément de la solution saline décom- posée qui aurait pu rester adhérent au fil de platine, que le phénomène est du, mais bien à une propriété particulière que possèdent les fils métalliques qui ont servi de conduc- teurs à l'électricité voltaique ; propriété complètement diffé- rente de l'électricité ordinaire et que je nommerai pour la distinguer de celle-ci propriété étectrodynamique. — Je me suis assuré d'ailleurs directement, qu'il n'existe dans la pro- duction du phénomène aucun effet provenant de l'action chimique du liquide conducteur, soit sur les fils de platine, soit sur la portion du liquide décomposé qui aurait pu rester attachée aux fils eux-mêmes (i), 3.° Un seul fil suffit pour déterminer le courant , pourvu (i) J'iivois toujours soin de m'assurer que les fils de platine que j'em- ployais n'excilaienl par eux-mêmes aucun courant , quand placés aux extré- mités du galvanomètre ils étaient plongés dans le conducteur liquide. 8o4 . tj -recherches que l'auti-e extrémité du galvanomètre communique avec le même liquide dans lequel plonge ce fiU.Le conducteur de platine qui sert à établir cette communication fait donc l'of- fice d'un métal négatif, quand le fil place au galvanomètre est celui qui avait été mis au pôle négatif de la pile , de mé- tal positif avec le fil qui avait été au pôle positif. — L'effet est alors toujours moindre (de moitié environ) dans les mêmes circonstances, qu'il rie l'était avec lés deux fils électrisés. , Deux circonstances importantes paraissent influer sur l'intensité du courant, l'une le temps pendant lequel les deux fils sont soumis à l'action de la pile, l'autre la nature des conducteurs qui complètent le circuit. \. Le temps. Les premières fois que je répétai l'expérience fondamen- tale que je n'avais jamais faite auparavant qu'accidentelle- ment, je fus très-surpris de ne point re'ussir; je m'aperçus bientôt que cela provenait de ce que je ne laissais les fils que quelques instans dans le circuit galvanique j en les y laissant plus long-temps, j'obtins des effets sensibles et d'au- tant plus considérables quele tempsétait plus long. Ainsi, tou- tes les circonstances restant les mêmes, j'obtins relativement au temps. Pour 1 minute '"66° de déviation. ' ■^'''-" y, 3' 70" . » 4' 75° à 80° » 5' 85°. L'influence du temps se fait sentir même au-delà de i I SUR l'Électricité. 2o5 quelques minutes, moins sous le rapport de l'intensité du courant, que sous deux autres points de vue. 1." Plus les fils ont été long-temps soumis à l'action vol- taique, plus long-temps ils conservent la propriété électro- dynamique, quelques opérations qu'on leur tasse subir- un fil conducteur laissé 20 à 3o minutes dans le courant, lavé ensuite et bien essuyé possède encore au bout de quel- ques jours la propriété d'exciter un courant. 2.° La durée du courant que l'on produit par des conduc- teurs qui ont été pendant un temps passablement long ex- posés à l'action de la pile, est beaucoup plus considérable que lorsque les fils n'y ont été exposés que pendant quelques instans. Il résulte de ce qui précède que l'état dans lequel les fils métalliques se constituent, quand ils servent de conducteurs à 1 electriciti voltaique, ne s'établit pas instantanément, mais seulement au bout d'un temps plus ou moins long. Je n'ai pas vu beaucoup d'avantage à laisser les conducteurs dans le courant au-delà de 3o minutes. II. Nature des conducteurs. Dans les expériences précédentes, je n'ai employé que des liquides susceptibles d'être décomposés, soit pour mettre les fils dans le circuit, soit ensuite pour les réunir quand ils sont placés aux extrémités du galvanomètre. Avec de meil- leurs conducteurs, c'est-à-dire des conducteurs métalliques, je n'ai jamais pu obtenir aucun effet appréciable. Ainsi quand je réunissais les deux fils métalliques placés 2o6 RECHERCHES aux deux pôles , soit par du mercure, soit par 1 simp le con tact, je n'obtenais aucun effet en les transportant ensuite aux extrémités du galvanomètre et en les réunissant par un conducteur soit métallique, soit liquide. Cependant le cou- rant qui avait travei-sé les fils dans ce cas était beaucoup plus énergique , comme le prouvait un galvanomètre placé de manière à indiquer toujours l'intensité du courant produit par la pile. Je ne réussis pas mieux en réunissant par un conducteur métallique les deux fils placés à l'extrémité du galvanomètre, lors-même que ces deux fils avaient servi à la décomposition ; et ce qui est assez singulier, c'est qu'ils n'avaient point perdu par ce contact, leur pouvoir électro- dynamique que l'on pouvait développer ensuite , en se servant de l'intermédiaire d'un liquide conducteur. 11 paraît donc qu'il est nécessaire que le circuit renferme un conducteur imparfait , comme si la résistance qu'éprouve l'électricité à le traverser, ou la diminution de vitesse du courant permettaient aux fils de garder une portion de cette électricité, ou plutôt leur laissaient le temps de se constituer dans l'e'tat qui les rend propres à produire l'effet observé. Mais , s'il est indispensable que le circuit renferme un conducteur liquide , il n'est pas moins nécessaire que ce conducteur soit aussi bon que possible. Plusieurs expé- riences m'ont prouvé que les conducteurs , dans un même temps , acquièrent une action électrodynamique d'autant plus intense, que le conducteur liquide est plus parfait soit à la pile, soit au galvanomètre. Avec de l'eau pure, les fils de platine laissés dans le circuit plus de i5mi- . >_C- SUR L ELECTRICITE. IO7 nutes n'ont jamais produit plus de lo" de déviation, quand même ils étaient réunis au galvanomètre par un liquide bon conducteur, et moius encore quand ils étaient aussi réunis par de l'eau pure. Avec une solution faible d'hy- drochlorate d'ammoniaque, ils ont produit 4o à 4^^ de déviation, avec une solution plus forte 60° en n'étant laissés dans le courant qu'une minute, 65 à 70° pour deux mi- nutes , et yo° pour un temps plus long. Avec une solution très-concentrée du même sel ou avec de l'acide sulfurique pur , les conducteurs soumis seulement pendant une mi- nute à l'action voltaique, ont donné 90° de déviation, 180° environ dans deux minutes. Dans ces diverses expériences le galvanomètre de la pile indiquait le degré relatif de con- ductibilité de chaque liquide, lequel se trouve être dans un rapport assez exact avec le degré d'intensité du pouvoir electrodynamique acquis par les conducteurs. Je remar- querai en passant, que l'intensité de cette même action m'a paru être , au contraire , inversement proportionnelle au degré de conductibilité du métal employé pour conducteur. J'ai déjà fait remarquer que toutes ces expériences don- nent les mêmes résultats, quand on coupe la portion des fils conducteurs qui ont servi à la décomposition , ou qu'on la lave et qu'on la frotte ; mais l'effet dans chaque cas est diminué dans une certaine proportion, ce qui provient, à ce que je crois, en partie de ce que le contact entre le fil et le liquide se trouve alors moins parfait, en partie de ce que l'énergie du pouvoir électro dynamique va en dimi- nuant, à partir de l'extrémité du fil où elle est la plus intense. 11 résulte de ce qui précède , que la présence dans le circuit d'un conducteur liquide susceptible d'être décom- 2o8 RECHERCHES pose , est nécessaire pour que le fil conducteur acquière la propriété électro-dynamique; et ce phénomène , ne heiait-il point lié avec les phénomènes singuliers que présente le passage du courant électrique à travers des conducteurs métalliques et liquides qui alternent entr'eux , phéno- mènes qui ont fait le sujet du mémoire cité au commen- cement de celui-ci. Ce qui paroît être évident, cest que les liquides exercent comme conducteurs sur les courans électriques une modification tout-à-fait spéciale, qui pré- sente des analogies éloignées peut-être, mais qui n'en sont pas moins réelles , avec certains phénomènes de la lu- mière et du calorique. Essai de théorie. Avant d'entamer une nouvelle série d'expe'riences , il n'est pas inutile de chercher à donner quelque explication des phénomènes qui ont été déjà observés , afin de savoir de quel coté on peut avec avantage diriger son travail. Deux circonstances paraissent surtout importantes et devoir guider dans la recherche d'une théorie : i° le sens du courant, qui est produit parles fils conducteurs; 2." la nécessité d'un conducteur liquide , pour que le phénomène ait lieu. L'explication suivante est fondée sur une hypo- thèse relative à la natuie du courant, et sans y attacher une grande importance, je ne la présente que comme un moyen satisfaisant dans leîat actuel de la science, de se rendre compte du phénomène. J'admets que le courant él ctrique qui est établi dans un conducteur, n est autre chose qu'une succession de dé- compusitions et de recompositions rapitles de lélectricité sun l'électricité. 209 propre de chacune de ses molécules. Quel sera donc Vëtat électrique d'un des fils métalliques , par exemple , de celui qui est fixé à l'extrémité positive de la pile ? Pour le savoir, ne considérons qu'une rangée de molécules j il en sera de même pour toutes les autres. La molécule a immédiate- ment en contact avec le liquide est en -1- du côté de ce li- quide, en — du côté de la particule suivante; la particule b est en -t- vers le — de la particule a et en — du côté de la par- ticule c et ainsi de suite; le ■+■ de la particule a est neu- tralisé par le — de la particule liquide décomposée , le -f de la particule b par le — de la particule a etc. J'enlève le fil ; il se trouve alors dans une disposition assez semblable , rela- tivement à l'électricité, à celle que l'on suppose dans l'acier relativement au magnétisme , quand on admet la théorie de Coulomb ; son extrémité positive n'est plus neutralisée par l'élément négatif du liquide, et elle ne peut se réunir au — de la même particule a retenu par le -+■ de la parti- cule b, si du moins l'on admet comme pour le magnétisme une espèce de fi)rce coercitive. Le fil placé à l'extrémité négative de la pile se trouvera dans un état électrique sem- blable ; seulement le — doit-ctre remplacé par le H- , et le -+- par le—. Fil placé au pôle positif .^^l*:*'Q Q ^ ^ < m^. Fil placé au pôle négatif • • • © © Q Ç^ Mem. de la Soc. de Phys. et dllïs t. nat. T. 111. 2.'' Part. 2.". 2 lO RECHERCHES Si je fais communiquer, soit ensemble, soit arec un autre conducteur, par l'intei-raédiaire du galvanomètre , chacun des fils ainsi éiectrisés , chaque molécule pourra se remettre dans son état électrique natui'el, et neutraliser son -I- par son propre — , et non parle — de la suivante. Ce rétablisse- ment donnera lieu à un courant dirigé dans un sens con- traire à celui qui a électrisé les fils ; car celui-ci va tou- jours dans chaque molécule du —au -H, c'est-à-dire , dans le sens où sont portés les -h , ainsi que lindique la flèche su- périeure; l'autre qui opère la recomposition va aussi dans le sens dans lequel sont portés les-f-, c'est-à-dire, alors du -+- au| — dans chaque molécule, comme l'indique la flèche inférieure. 11 n'est donc pas étonnant que , conformément à 1 expérience, le courant dégagé par les fils soit dirigé dans un sens contraire au sens du courant qui leur a imprimé le pouvoir électrodynamique. Mais, pourquoi faut-il un conducteur liquide pour ré- tablir l'équilibre électrique dans les fils qui ont conservé la propriété électrodynamique ? S'il est vrai que ce ne soit pas au peu de sensibilité des moyens d'observations, mais bien à la nature du phénomène qu'est due la nécessité d'un conducteur liquide, je crois qu'on peut l'expliquer par la remarque suivante : savoir, que si les conducteurs qui joignent deux à deux les quatre extrémités des fils sont l'un et l'autre métalliques, il n'y a pas de raison pour que réquilibre se rétablisse dans un sens plutôt que dans 1 autre j tandis que lorsque l'un des conducteurs est liquide , sa présence , tout en rendant le circuit complet (couclition nécessaire pour le rétablissement de l'équilibre) SUR L ELECTRICITE. 211 n'empêche pas que le courant ne passe avec plus de fa- cilité par le conducteur métallique , et permet aux fils de se décharger et de revenir à leur état naturel. Ainsi , d'après les considérations théoriques qui précè- dent, les particules de chaque conducteur traversé par le courant, auraient leur fluide électrique naturel décom- posé en deux , la partie ■+■ toujours tournée dans le sens sui- vant lequel se dirige le courant. De même encore que dans les courans , il y aurait une certaine force coercitive propre à chaque conducteur qu il faudroit vaincre , d'oii il doit résulter, comme l'expérience le confirme , que létat électrique du fil ne peut pas s'établir d une manière ins- tantanée, dès qu'il est dans le courant , et qu'une fois établi il doit se conserver pendant un temps plus ou moins long. Appliquant à cette hypothèse la théorie des aimans , dans la supposition de deux fluides magnétiques , il est facile d expliquer de la même manière , pourquoi toute une extrémité est positive, et toute l'autre est négative; la pile et les deux fils qui la teniunent, peuvent être considérées comme un grand aimant dans lesquels le fluide magnéti- que e-ît remplacé par le fluide électrique , qui du reste est distribué de la même manière. Au reste, la supposition d'une force coercitive pour l'é- lectricité qui seroit dans les corps solides inverse de la con-»- ductilùlité, me paraît expliquer beaucoup d'autres phéno- mènes relatifs à l'électricité , comme j'aurai occasion de le faire remarquer, soit dans ce mémoire, soit dans d'autres rechercIu'S sur des sujets analogues. 213 RECHERCHES Expériences et observations à l'appui de la théorie qui ^'' *' précède. L'analogie que nous avons établie entre un aimant et un conducteur qui a été soumis à laction d un courant , sera encore plus parfaite , si nous considérons un fil de platine qui unit deux capsules pleines d'un liquide con- ducteur à chacune desquelles aboutit l'un des pôles de la pile. On sait que ce fil est positif à celle de ses extrémités qui plonge dans la même capsule oh se trouve le pôle négatif de la pile, négatif à l'autre extrémité qui se trouve dans le même liquide où aboutit le pôle positif de la pile. Porté au galvanomètre avec un fil de platine non électrisé, ce fil agira comme un fil qui a été au pôle -+- de la pile , ou comme un fil qui a été placé au pôle —, suivant que l'on plongera dans le liquide conducteur l'une ou 1 autre de ses extrémités. Non- seulement les deux bouts du fil, mais chacune de ses por- tions agira comme l'extrémité dont elle est la plus voisine ; seulement 1 intensité de laction sera d'autant moindre , qu'on approchera plus du milieu où elle sera nulle , et ira en décroissant très-vîte, à partir des deux extrémités. Si l'un partage ce même fil en deux parties, et que l'on place chacune d'elles aux extrémités du galvanomètre , tout se passe comme lorsque nous y placions deux fils séparés , lun positif, iauti'e négatif j le sens du courant est paifai- temeiit le même dans f un et l'autre cas. Une (expérience importante, dont le résultat est très- propre à confirmer la théorie exposée plus haut , consiste à couper daiïs une portion de son étendue le fil rendu SUR l'électricité. 2,i3 électrodynamique, et à éprouver le sens du courant pro- duit en plongeant les deux parties séparées dans un même liquide conducteur. Comme dans lt*s aimans, les portions séparées doivent acquérir à chacune des extrémités qui se trouvaient auparavant unies, des pôles opposés j le sens du courant indique que le phénomène a bien lieu ainsi ; mais ce courant a été faible et souvent nul , comme cela arrive toujours quand on ne se sert pas des portions mêmes des fils qui ont plongé dans le liquide soumis à l'action de la pile. Le peu d intensité du courant ne proviendrait-il point de la faiblesse de la force coercitive du conducteur rela- tivement à 1 électricité? Ce sujet mérite d'être mieux étudié^ et je m'occupe actuellement d'un travail dans lequel je cherche à comparer la force coercitive à la conductibilité dans les corps solides ; quelques essais semblent m'indi- c[uer que ces deux propriétés quant à leur degré relatif d'intensité dans chaque corps, sont inverses l'une de l'autre ; c'est-à-dire, que de deux fils de même diamètre et de même longueur que l'on place dans les mêmes circonstances , celui qui est le moins bon conducteur acquiert un pouvoir électrodynamique plus grand j ce résultat, pour mériter quelque confiance , doit encore être obtenu par des expé- riences plus variées et faites avec plus de soin. Mais celles-ci sont très-délicates , parce que l'on peut déranger l'état élec- trique du fil , soit en le coupant, soit en lavant et essuy- ant les portions du métal qui plongeoient dans le liquide, et qui placées aux extrémités du galvanomètre, p lurraient, sans cette précaution, agir chimiquement sur le mercure qui sert à établir les communications. 21 4- RECHERCHES Avant de teriniuer , il ne sera pas inutile de faire sentir, la grande différence qui règne entre l'état ordinaire de tension électrique , et Tetat électrique dans lequel se trouvent les fils qui ont acquis le pouvoir électrodynamique. 1.°) Ces fils ne présentent pas le moindre indice d'élec- tricité de tension, même avec les électroscopes les plus sensibles. 2.°) Le contact des meilleurs conducteurs, le frotte- ment et d'autres actions mécaniques ne leur enlèvent point le pouvoir électrodynamique. 3.° ) L'état électrique dans lequel se constitue le fil qui unit les deux capsules dans lesquelles se fait la décompo- sition , ne présente aucun rapport avec l'état électrique du ruban de Volta^ car il ne donne aucun signe d'électricité de tension. Je n'ai jamais pu produire avec un conducteur liquide un eifct semblable à celui que produit le fil. Ainsi, un vase rectangulaire, dont le fond renfermait une couche d'un liquide conducteur d'un demi-pouce d'épaisseur, après avoir été quelque temps dans le circuit, a été mis en com- munication avec le galvanomètre par deux pointes de pla- tine que l'on a eu soin de faire plonger précisément où étaient les deux pôles de la pile ; et jamais il n'y a eu le moindre courant, 4.° ) Enfin , si letat électrique des fils était dû à ce que l'électricité rencontrant un liquide mauvais conducteur, ne peut passer et reste par conséquent accumulée dans chaque fil , le pouvoir électrodynamique devrait être d'autant plus intense que le liquide serait plus mauvais conducteur j or c'est précisément le contraire qui a lieu. l SUR l'Électricité. 21 5 Remarquons en outre , que plus le conducteur est e'pais et plus il offre de points de contact au liquide , plus le pou- voir qu'il acquiert est énergique. Un peut même tellement condenser la force électrodynamique avec une alternative de trois lames de platine séparées par un conducteur liquide, que Ton obtient, après que cet assemblage a été quelques ins- tans dans le circuit voltaique, un courant capable de faire raffoler l'aiguille et de la tenir pendant quelques momens à une dé^iation constante de plus de 20°. Mais ce qu'il y a de remarquable , c'est qu'après avoir enlevé tout le li- quide qui se trouve entre les lames de platine pendant l'action voltaique et lui en avoir substitué de l'autre, l'ac- tion électrodynamique a lieu de la même manière. Cette dernière expérience prouve ainsi que les précédentes, que ce n'est point à une réaction mutuelle du liquide et du conducteur qui ont été ensemble dans le circuit, mais bien à un état particulier dans lequel se constitue le conduc- teur seulement, qu'est du le phénomène général que j'ai eu pour but d'étudier dans ce mémoire. Résutné. Je crois pouvoir conclure de ce qui précède : 1.° Que les corps solides qui ont servi de conducteurs à l'électricité, acquièrent quand ils sont placés dans les cir- constances favorables, la propriété de donner lieu à un cou- rant, propriété que l'on peut nommer pouvoir électro- dynamique. 2." Que ces conducteurs ne peuvent acquérir et déve- lopper ce pouvoir que lorsqu'une portion du circuit ren- ferme un liquide conducteur non métallique. 2|6 RECHERCHES SUE l'ÉLECTRICITÉ. 5.° Que les conducteurs liquides placés dans les mêmes circonstances ne sjnt pas susceptibles comme les solides , d'acquérir cette propriété. 4." Que toutes les circonstances qui accompagnent la production du phénomène, semblent conduire à la consé- quence que le courant s'établit dans les conducteurs, par une décomposition et recomposition successive du fluide naturel de chaque molécule, et qu'il existe dans les con- ducteurs solides une force coercitive qui peut les maintenir pendant un temps plus ou moins long , dans 1 état électri- que qui leur a été imprimé par le passage du courant. NOTE SUR L'ANALYSE DE QUELQUES SUBSTANCES VÉGÉTALES. Par m.' F. Marcet. Lue à la Société de Phys. et d'Hist. naturelle le i5 Avril iSii.. CiE n'est que depuis un petit nombre d'années que les chi- mistes sont parvenus à découvrir une méthode d'analyse par laquelle on puisse déterminer d'une manière assez exacte les proportions des éléments qui constituent les corps organisés. Dès lors , la composition d'un grand nombre de ces corps a été étudiée. Il existe cependant plu- sieurs matières, soit animales , soit végétales , qui n'ont jamais été soumises à ce genre d'analyse. J ai examiné der- nièrement quelques substances végétales qui étaient dans ce cas; et je vais exposer à la Société les résultats que j'ai obtenus. La méthode que j'ai suivie dans l'analyse de ces subs- tances est celle qui a été proposée par M. Gay-Lussac, et adoptée ensuite par M. Bérard et le D." Ure. Elle consiste à chauffer au rouge , dans un tube de verre, une quantité connue de la matière que Ton veut analyser mélangée avec de l'oxide de cuivre , et à calculer ensuite la composition Mem. de la Soc. de Phys. et d'Hist. tuU. T. III. 2." Part. 28 2l5 NOTE de la substance , d'après la diminution du poids de l'oxide de cuivre, et la quantité de gaz que l'on obtient (i). Lorsque la substance que j'examinais m'a paru devoir contenir de l'azote , il m'a fallu prendre des précautions pour empêcher que la petite quantité d air atmosphéri- que qui devoit se trouver nécessairement dans le tube , disséminé même entre les grains de l'oxide de cuivre , ne fit naître de l'incertitude sur la quantité d'azote ren- fermée dans la matière soumise à l'analyse. Dans ce but , j'ai chauffé au rouge dans un tube de même longueur et de même diamètre, un mélange d'oxide de cuivre et d'une substance que je savais ne pas contenir de l'azote , et j'ai déterminé combien il fallait laisser passer de gaz avant que tout l'air atmosphérique fût entraîné, et que le gaz qui se dégageait ne fut plus que de l'acide carbonique parfaitement pur. Alors , lorsque j'analysais des substances que je soupçonnais devoir contenir de l'azote , je laissais toujours passer au moins cette quantité de gaz avant que de recueillir celui sur lequel je devois opérer pour déter- miner la quantité d'azote qu'il renfermait. Je crois avoir ainsi entièrement évité la source d'erreur dont j'ai parlé. De l'uémidon. On sait que l'amidon torréfié au point où il commence à exhaler des vapeurs , passe à une couleur brune jaunâtre, (i) Avant d'inhoduite la matière que je voulais analyser dans le tube de verre, j'avais toujours soin de la priver complètement de toute l'eau qu'elle pouvait contenir , en la tenant pendant quelque temps avec de l'acide sul- furique sous le récipient de la pompe pneumatique. SUR l'analyse de quelques subst. végétales. 219 acquiert la propriété de devenir entièrement soluble dans l'eau froide, et de former une dissolution semblable à celle des gommes. Il jouit d'ailleurs dans cet état d'un grand nombre de propriétés qui lui sont propres , et qu'on ne re- trouve pas dans l'amidon ordinaire. Avant de passer à l'analyse de cette substance dont la composition me semblait devoir différer de celle de l'amidon ordinaire , je me suis attaché à examiner comment elle se comportait avec l'iode. De l'amidon torréfié jusqu'à -ce qu'il fût devenu d'un brun jaunâtre, fut dissout dans de l'eau et ensuite éva- poré à siccité. Quelques grains du résidu de l'évaporation furent triturés dans un mortier avec une quantité égale d'iode. Au moment où l'on met ce mélange en contact avec la plus petite quantité d'eau , il devient immédiatement d'une très-belle couleur pourpre et se dissout complètement dans l'eau, si celle-ci est en quantité suffisante (1). Le même phénomène a lieu en versant dans une solution d'a- midon torréfié une solution d'iode dans l'eau; le liquide devient immédiatement d'une belle couleur pourpre. L'eau bouillante , l'alcool , les acides et les alcalis déco- lorent la solution , et lorsqu'elle a été décolorée par un acide , la couleur ne revient plus par i'addilion d'un alcali, comme cela a lieu dans le cas de l'iodure d'amidon. En laissant même évaporer la solution à l'air libre, l'iode dis- paraît, et lamidon torréfié l'este seul au fond du vase. (i) M. Lassaigne,dans le Journal de pharmacie (annde 1819) fuil mention en passant de ce phénomène , mais sans eulrer dans aucun détail. 220 NOTE Je ne crois donc pas que l'on puisse dire qu'il y ait dans ce cas une combinaison entre l'iode et l'amidon torréfié analogue à celle qui se forme dans les mêmes circonstances entre l'iode et l'amidon ordinaire. Mais je ne peux expli- quer la production de cette couleur pourpre, qu'en sup- posant une action particulière de l'iode sur l'amidon tor- re'fié, car le même phénomène ne se produit pas avec de la gomme , ni avec aucune des substances végétales que i ai examinées. loo parties d'amidon torréfié étant soumises à l'analyse m'ont donné : Carbone. ... 35, 7 Oxigène. ... 58, 1 Hydrogène. . 6, 2 Une analyse comparative de l'amidon ordinaire, m'a donné : Carbone. . . . 4^, 7 Oxigène. ... 49» 7 Hydrogène. . . 6, 6 Il paraît donc que l'amidon torréfié contient beaucoup plus d oxigène et moins de carbone que l'amidon ordinaire. Il paraît aussi contenir un peu moins d'hydrogène que cette dernière substance. Lamidon torréfié diffère aussi considérablement de la gomme dans sa composition chimique , quoique d'ailleurs ses propriétés semblent le rapprocher beaucoup plus de cette substance que de l'amidon ordinaire. En effet , la SUR LANALY.se de quelques SUBST. végétales. 221 gomme arabique est composée , suivant MM. Gay-Lussac et Thénard de Carbone. . . 42» 2.3 Oxigène. . . 5o, 84 Hydrogène . 6, gS L'amidon contenu dans la drèche devient, peut-être par l'espèce de torréfaction qu'a éprouvé cettte dernière subs- tance, soluble jusqu'à un certain point dans l'eau froide. L'analyse de l'amidon de la drèche m'a donné î Carbone. . . 4i' 6 Oxigène. . . 5i, 8 Hydrogène. . 6, 6 De V Hordeine. M. Proust a donné ce nom à une matière fort sem- blable par ses propriétés chimiques à la sciure de bois ♦ qu'il a trouvée en grande quantité dans la farine dorge. On se procure facilement cette substance , en malaxant entre les mains de la pâte de farine d'orge , et en faisant tomber sur cette pâte un filet d eau qui entraîne l'amidon mêlé à l'hordeJne. 11 suffit ensuite de faire bouillir ce me'- lange avec une certaine quantité d'eau pour en séparer l'ami- don, et pour obtenir, après quelques lavages, 1 hordeine pure. Queli^ues chimistes ont regardé cette substance comme étant une modification de l'amidon ; d'autres l'ont envi- sag«ecotnme étant analogue dans sa composition à la sciure de bois ; enfin , M. 1 homson paraît la regarder comme 22 a NOTE étant de la même nature que le parenchyme de la pomme de terre. Il m'a .semblé que l'analyse de l'hordeine pourrait servir à éclaircir ce point , et à montrer de laquelle de ces substances elle se rapproche le plus. loo parties d'hordeine soumises à l'analyse m'ont donné : Carbone. . . 44i 2 Oxigène. . . 4?^ 6 Hydrogène. . 6, 4 Azote 1, 8 Ce résultat diffère beaucoup de celui que j'ai obtenu par l'analyse comparative du parenchyme de la pomme de terre, dont 100 parties m'ont donné : Carbone. ... 87, 4 Oxigène. ... 58, 6 Hydrogène. . 4' Elle ne semble pas non plus se rapprocher par sa com- position de la sciure de bois. Car cette substance est com- posée suivant MM. Gay-Lussac et Thénard de Carbone. . . . 62, Oxigène. ... 4^1 4 Hydrogène . . 5, 6 D'après ces analyses , je suis disposé à considérer l'hor- deine comme étant une substance parfaitement distincte, et assez éloignée par sa composition des substances dont j'ai parlé , auxquelles on a cru devoir l'assimiler. C'est de l'amidon qu'elle se rapproche le plus par sa composition , et l'azote qu'on y trouve tendrait à faire croire que le gluten entre pour quelque chose dans la composition de ce corps. SUR l'akalyse de quelques subst. végétales. 2a3 Du Gluten. Le gluten est une de ces substances végétales qui se rap- pi'ochent beaucoup des substances animales par la grauJe quantité d'azote quelle contient. Du gluten extrait de la farine de froment et soumis à l'analyse ma donné : Carbone. . . . 55, 7 Oxigène. . . . 22, o Hydrogène. . . 7. 8 Azote i4, 5 Cette analyse rapproche tout-à-fait la composition du gluten de celle des substances animales , et en particulier des parties constituantes du sang. Suivant M. le professeur Taddei , le gluten peut être décomposé en deux principes distincts, le zimome et le gliadine. Je me suis procuré du zimome par la méthode indiquée par M. Taddei, en faisant bouillir pendant quel- que temps le gluten dans de l'alcool. Je l'ai soumis à l'analyse , mais elle ne m'a pas semblé différer par sa com- position du gluten ordinaire. Du Ferment. Le ferment est une autre substance végétale qui se rapproche beaucoup des substances animales par la grande quantité d'azote qu'elle contient. Elle est aussi remar- quable par la grande quantité d'oxigène qu'elle renferme 224 KOTE , etc. relativement au carbone. Cette substance soumise à l'a- nalyse m'a donné : Carbone. ... 3o, 5 Oxigène. ... 67, 4 Hydrogène. . . 4. 5 Azote 7» 6 DE L'INFLUENCE QUE LA DÉPRESSION DU SOL PEUT AVOIR SUR LA GELÉE DES PLANTES PENDANT LA NUIT. Par P. PREVOST . Professeur ëmërite. Lu à la Sociclè de Physique et d'HisC. naturelle^ le 21 Juillet et le 18 Août 1826. Section première. Le fait. §. 1. Ihéophraste avait déjà remarqué que les effets pernicieux du froid sur les plantes avoient lieu principa- lement dans les endroits bas. Vells, qui cite cet auteur, observe que le fait a été certifié par d'autres (i). Lui-même ^1) Ou peut joindre à cesautorilés celle que nous fournit la note suivante d'un auteur que nous serons appelés à citer plus d'une fois : « On lit dans le Gentltman's Magazine , March i-jS5 , que les effets d'une forte gelée de Dé- cembre 1784 sur les plantes furent beaucoup plus fâcheux dans les vallées que sur les collines. Le thermomètre indiquait des différences de 5 à 17 de- grés de F. entre diverses stations. » Six , Experim. on local heat , Pliil. Irans. i j88 j p. )o4. — Mais il faut y joindre surtout le témoignage du Rer. Gilbert White dans son Histoire naturelle de Selborne. Cet auteur (né en 1720) a vu (eu 1784) les plantes délicates périr de la gelée au pied d'une colline , tandis que sur la colline elles n'en étaient pas atteintes. Vol. a. p. 147. Mem. de ta Soc. de Phys. et d'Hist. nat. T. III. z.'= Part. 29 3 26 INFLUENCE ne l'admet pas comme universel; il croit qu'il faut le res- treindre, d'un côté aux lieux bas suffisamment découverts, de l'autre aux nuits calmes et sereines. Dans ces circons- tances il l'attribue à deux causes , résultant l'une et l'autre de la tranquillité de l'air, laquelle est plus grande dans les lieux bas. i.° L'air y étant moins renouvelé , le froid pro- duit par le rayonnement y est moins troublé par l'accès d'un air plus chaud, z." En vertu de cette tranquillité, le même air reste plus long-temps en contact avec le sol, il y demeure dépouillé de son humidité ; et produisant moins de rosée, il dégage moins de chaleur latente. Telles sont les causes auxquelles cet auteur a recours pour expliquer la chaleur de l'air relativement au sol dans les circons- tances indiquées. 11 entre ensuite dans la discussion d'un phénomène in- timement lié à celui qu'il vient d'expUquer. Non-seulement, dans les nuits tranquilles et sereines , le sol est plus froid que l'air; mais les couches les plus basses de lair sont aussi les plus froides. Passant à l'explication de ce fait, il prouve que l'air, malgré sa transparence , intercepte les rayons ca- lorifiques, lien infère qu'il doit émettre, par voie de rayon- nement, la chaleur qu'il a reçue. Telle est la cause de son rayonnement nocturne. Mais l'air rayonne moins que le sol , et en conséquence celui-ci se refroidit davantage. Ce refroidissement du sol se communique aux couches d'air les plus voisines , puis de proche en proche aux couches superposées , mais avec une intensité décroissante (i). (i) Wells , on dew , 2.' édit. p. 2i4 et suiv. DE LA DÉPRESSION DU SOL. 2 27 iTout ce beau travail d'expérience et de raisonnement laisse quelque chose à désirer dans l'exposition. C est un défaut qui se fait sentir çà et là dans toat louvrage et qui tient à une cause bien connue. La santé chancelante de l'auteur, enlevé à la science peu après lui avoir payé un si honorable tribut , l'empêcha ( comme il le dit lui- même ) d'y mettre la dernière main et de raccorder en- tr'elles ses premières et ses dernières opinions sur la nature du rayonnement (i). il ne sera donc pas inutile de pré- senter d'une manière plus régulièx'e le phénomène et son explication , en usant de tous les moyens que nous offre l'état avancé de la science , c'est-à-dire essentiellement de ceux dont Wells l'a enrichie (2). §. 2. Pourquoi la gelée des plantes pendant la nuit a-t-elle lieu plus fréquemment dans les endroits bas ? A cette question on peut répondre par un simple rap- prochement (3). Pour que la rosée se manifeste , il y a (i) Two Essaya, London 1818 , Memoirs , p. XXXVI. — p. 122. — On dtw, p. igS. (2) Indépendamment de l'intéiêt que peut inspirer celte recherche par ses rapports avec une des plus importantes sections de la physique, il neal pas impossible qu'elle trouve quelque application de pratique immédiate dans les utiles travaux de l'agriculture , suit en faisant découvrir quelques moyens préservatifs , soit en dirigeant le choix des objets de culture convenables à l«lle ou telle situation. Mais c'est sans aucune vue de ce genre , et unique- ment sous le rapport scientifique , que j'ai cru devoir m'en occuper. (3) Dans ce rapprochement nous commençons par considérer la gelée blanche, soit parce qu'on en parle plus souvent en cette matière, soit parce que le rapprochement eu devient plus rigoureusement exact. 2a8 INFLUENCE deux conditions requises : i .° des vapeurs aqueuses répan- dues dans l'air et prêtes à le quitter ; 2..° un froid suffisant, à la surface des corps que cet air entoure, pour convertir ces vapeurs en eau concrète. De même pour que la gelée blanche ait lieu, il faut que lair ambiant contienne de l'eau en vapeur , prête à s'en séparer; et que les plantes et le sol soient assez froids pour convertir cette eau en glace. Or, dans les lieux bas, on observe que l'air est plus chargé de vapeurs (1) et que la surface du sol ou des plantes est plus refroidie. 11 doit donc y avoir dans ces endroits là, plus de rosée, ou plus dégelée blanche, selon l'état ther- mométrique de l'atmosphère. Pour la gelée simple et intérieure , il suffit du froid de la plante (2). Les vapeurs dont l'air est chargé ne contri- buent pas à la produire. $. 3. Tout ce raisonnement n'a de valeur, qu'en admet- tant les données sur lesquelles il repose, La seule à laquelle nous devions nous arrêter est le froid relatif des endroits bas pendant les nuits calmes et sereines. Cette donnée se vérifie; 1.° en comparant la température du sol à celle de l'air placé au-dessus de lui. Le D.*^ Wells a vu constam- ment dans les nuits calmes et sereines , le sol humecté de (i) Surtout dans les nuits calmes et sereines. Voy. entr'autres les §§. 546 et 349 des Essais sur L'hygrométrie d'il. B. de Saussure. (s) Le froid extérieur qu'éprouve une plante est la cause de sa congélation et de la désorganisation qui en est la suite. Celle-ci peut donc avoir lieu dans un air sec, comme dans un air humide. Il suffit que la plante , ou quelque partie délicate de la plante , soit suffisamment refroidie. La gelée blanche exige de plus un air chargé de vapeurs. C'est une circonstance accessoire, étrangère à la question principale. DE LA DÉPRESSION DU SOL. 229 rosée plus froid à sa surface que l'air au-dessus de lui , à toute hauteur depuis un pouce jusqu'à neuf pieds (i). Avant lui, WiLsoN avait observé la même chose sur un sol cou- vert de neige (2). Non-seulement, dansées nuits là, l'air est plus chaud que le sol; mais en montant graduellement, jusquà une hauteur qui n'a pas encore été déterminée, les couches supérieures sont plus chaudes que les inférieures. §. 4. Ce simple énoncé du phénomène a, dans sa seconde partie, une apparence de paradoxe; puisque, d'un autre côté, rien n'est plus évident que le froid relatif des couches hautes. Aussi les premiers physiciens , qui en firent l'ob- servation , éprouvèrent-ils une vive surprise (3). Ce sen- timent peut se reproduire encore. Il sera bien de le prévenir d'entrée par une simple distinction. Le froid des couches supérieures de latmosphère est un froid moyen et absolu; celui des couches inférieures est le froid d'une époque par- tielle, et il dépend de l'état du ciel. Il n'y a nulle contra- diction à ce qu'une moyenne de 24 heures présente un (i) On dew , p. if)3. (2) Phil. trans. , 17S0 et 1781 , el Edinb. phil. trans, , T. l. — Oa lit aufsi dans un des mémoires de Six , qu'il aTait vu l'eau répandue sur la lene se ccnvcilir en glace , landis qu'à 5 ou 6 pieds de hauteur le ihermomèlie était au-dessus du poinl décongélation. Pliil. trans., 1784, p. 45 1. — Voy. aussi ibid. i7°'b, p. 106. — Leslie a confirmé ces obser- vations par celles que j'ai rappfrlées dans un précédent mémoire inséié dans ceux de la Soc. de Genève pour î823. Six remarque de plus , que la diSé- rence de lempéralure du sol et de l'air à 6 pieds au-dessus était la tnème à ses deux stations distantes de 2i4 pieds. Phil. trans. , 1788, p. 107. (3) PiCTET, Ensai sur le feu , §. i56. — Six, PliU. Irans. , 1784 — WaiTE , naturel hislory of Stlborne. London iSaa, T. 2 , p. i4o. a3o INFLUENCE résultat opposé à celui d'une nuit calme et sereine (§. 3.). Passons à la preuve. §. 5. Dès 1778 et I7'79, PicTET (dont les expériences ont si efficacement contribué à avancer la théorie de la cha- leur rayonnante ) observa le premier la différence de tem- pérature de deux thennomètres , placés, l'un à 70 pieds, l'autre à 5 , au-dessus du sol. L'objet de ces expériences n'exigeait pas qu'il les répétât dans les heures avancées de la nuit. 11 se contenta de suivre la marche générale du phénomène. 11 reconnut que, par un temps calme et serein, ces deux thermomètres se rencontraient deux fois en vingt- quatre heures; 2 heures après le lever et quelque temps après le coucher du soleil. Depuis celte dernière limite jus- qu'à onze heures du soir, le thermomètre inférieur éprou- vait une baisse relative de 4 à 5° F. (1). La même différence subsistait à la pointe du jour; d'où l'observateur concluait, que cette différence demeurait probablement la même pen- dant tout le cours de la nuit (2). Ces expériences com- muniquées à J." And. de Luc en 177X), furent publiées dans le 5.^ vol. de son Histoire de la terre , et rappelées dans le 2.A vol. des Voyages aux Alpes , d'H. Bén. de Saussure. §. 6. Ainsi Pictet a vu , dans les nuits calmes et se- reines, l'air à 76 pieds de hauteur plus chaud de 4 o^i 5 degrés que l'air à 5 pieds. Quelques années après , Six (i) Deux degrés octogésimaux. — Pour faciliter les comparaisons el pour éviter des fiaclioiis incommodes , j'emploie conslammeut la même noïalioii qu'onl employée les auteurs que je cite le plus fréquemment. (2) PiCTET, Essai sur le Jeu , chap. 8. DE LA DÉPRESSION DU SOL, 23 1 trouva , à la hauteur de 220 pieds , l'air plus chaud de 10° qu'à 7 pieds au-dessus du sol (1), et à 1 10 pieds, il observa une température intermédiaire (2). 11 faut en outre rap- peler ici l'observation de Wells, qui se trouve comprise (1) Phil. irons. 1784 et 1788. (2) P/ul. tran.1, 1784, p. 432 — White a tu aussi l'air d'une colline de 200 pieds plus chaud que celui de la plaine dans les nuits froides. La dif- férence , par un temps très-rigoureux f en Décembre 1^84 ) fut, entre les deux stations de Newton ei de Selborne, de lo à 12° pendant le cours de la gelée; une de ces nuits-là, celle différence s'éleva à i8°. Cela semble une exception à la règle, puisqu'à 2Jo pieds Six n'énonce qu'une différence de 10°. Il peut donc y avoir eu en effet quelque cause accidentelle , qui ait agi en ce cas pour modifier celle dont finlluence est si constante et si manifeste. Mais il faut remarquer que Vhite ne donne pas le délail de son observation, et qu'il s'expiime avec peu de précision sur certaines circonstances essen- tielles. Il ne dit pas que Newton fût exactement de 200 pieds plus élevé que Selborne; il dit seulement dans une parenthèse rapide, «à 200 pieds, ou plus , au-dessus de ma maison, w II ne détermine pas non plus l'élëvalion précise de sa station inférieure , moindre peut-êlre que celle de Six. Indépendam- ment de l'omission de ces circonstances , il y en a d'autres qui peuvent expli- quer la légère anomalie que nous venons de faire remarquer. Le résultat que Six énonce est une espèce de moyenne, puisqu'il a vu des différences supé- rieures à celle de 10°; Vhite au contraire énonce un maximum de 18° : et quanta sa moyenne de 10 à 12" , elle résulte d'observations faites pendant un froid extraordinaire , dont l'effet est toujours d'accroître la différence (§. 21 , 0°). Enfin il ne serait pas absurde de supposer que le maximum de l'effet (du refroidissement produit par le sol ) fût à la hauteur de 200 pieds, et que les couches plus élevées fussent refroidies à un moindre degré. Mais les circonstances remarquées ci-dessus rendent beaucoup plus probable que ce maximum n'a pas été atteint. Quoiqu'il en soit , il semble que l'observation faite à Newton , loin de présenter une exception n la loi , est propre à la confirmer. a32 INFLUENCE dans celle que nous avons citée ( $. 3 ) et qui , dans le» termes généraux sous lesquels il rénonce(i), peut s'appli- quer à notre sujet. A la hauteur de 4 pieds, dans les nuits calmes et sereines , cet observateur a trouvé 1 air plus chaud que la surface du sol, très-souvent de y, 8 ou 9 degrés, assei souvent de 10, 11 ou 12. Nous pouvons donc la fixer sans trop d'écart et par une espèce moyenne , à 10°. Admet- tons en même temps, par une simplification suffisamment autorisée, qu'une hauteur de 2 ou 3 pieds au-dessus de 4> n'ait pas d'influence sensible sur les diiFérences observées à de grandes hauteurs (2) ; on trouve , dans les circons- tances indiquées, que l'air a été plus chaud que la siu"facc du sol à 4 pieds de 10° (Wells) à 75 lo-f- 4 = 14 (Pictet) à no 10+. . . ^ (Six) (3) à 220 io-l-io. = ao (Six) On peut donc bien affirmer que, jusqu'à ime hmite, les (i) On dew , p. i55. (2) Celte supposition , qui n'a rien de forcé , n'esl employée que pour per- mettre une expre^isioa déterminée des nombres qui présentent des différences rapportées à une commune base. Si à la moyenne de 10°, prise ici pour la sc- périoiité de chaleur à 4 pieds, on en substituait une moindre; il en résulte- rait dans la loi un peu plus d'évidence , et tn\ersement si on substituait une quantité plus grande. D'un côté nous l'agrandissons en supposant que la hau- teur de 75 pieds était comparée à celle de 4, tandis qu'elle l'était à celle de S j mais de l'autre nous obtenons un eifet contraire en éleranl un peu la moyenne des degrés ; et ce second eflet est sans doute le plus grand. (3) La moyenne des observations à iio pieds e»t difficile à prendre à cause du mélange des nuits olmes et sereines avec les aulres. Mais en luut elle paraît intermédiaire. DE LA DÉPRESSION DU SOL, 233 couches supérieures sont ( dans les circonstances indiquées ) plus chaudes que les inférieures; sans que l'on puisse donner plus de rigueur à l'expression de la ioi; en convenant même, qu'à cette loi il ne peut guères manquer d y avoir des ex- ceptions accidentelles. §. 7. Pour compléter l'exposition du phénomène, il faut voir ce que disent les observateurs au sujet des nuits qui ne sont pas favorables à sa production. Pictet dit que, dans les temps complètement ou uniformément couverts et lorsqu'il régnait un vent violent ou un brouillard épais , ses deux thermomètres distants de 70 pieds s'accordaient à peu près (i). Il n'a pas trouvé de diiïéi'ence thermométri- que notable entre les deux stations , lorsque la nuit n'était pas calme et sei-eine. C'est à peu près le même résultat qu'ont obtenu d'autres observateurs (2), Six a vu généra- lement ses thermomètres , dans les temps couverts , au même degré à ses diverses stations j quelquetois cepen- dant il y a aperçu certaines différences ; et la différence, lorsqu'elle avait lieu, était en sens contraire de celle qu'il observait constamment daiis un temps serein j les couches (i) Essai sur le feu , §. i35. (2) En particulier AVhite , qui a Irès-tien vu et le froid supe'tieur et l'effet U'uu iiuyge qui masque le ciel. Voici comme il s'exprime à la suite de ses observations du grand froid du 3 Janvier 1768 : « Nous avons souvent observé que le froid semble descendre d'en hiuil ; car, quand le lliermomèlro est suspendu en dehors diius une nuit de gelée, rinlervenlioa d')ui nuage élève iminédiatement le mercure de dix degrés; et un ciel clair le force à redes- cendre à saprécédenle hauteur. » Nat. hisl. oj' Selbùrne , Vol. 2, p. i34 répété p. Soi. — Et aiileuis: «La ^elée a lieu, sur la Colline ou dans la vallée, partout où l'air se trouve le plus clair et le plus dégagé de vapeurs. » p. 5oo. Mcm, de la Soc. de Phys. tl d Hist. mit. 1. 111. 2.' Part. 3o 234 INFLUENCE supérieures étaient un peu plus froides que les inférieures (i ). Wells énonce, d'une manière générale et sans développe- ment , un fait particulier déduit de ses propres observa- tions. Dans les nuits qui n'étaient pas calmes et sereines, le sol et l'air, à une certaine hauteur déterminée, étaient au même degré de chaleur ; et ce degré était d'autant plus bas , que la hauteur de la couche d'air était plus grande (2). §. 8. Dans tout ce qui a été dit de la température de l'air comparée à celle du sol , il est question uniquement du sol à sa surface. Si l'on pénètre plus avant dans l'in- térieur de la terre, ne fût-ce que de quelques lignes; on trouve , à cette petite profondeur , la température com- parativement chaude , lors même que la nuit est calme et sereine (3). §. g. Si ces dernières remarques (§§. 7 et 8) semblent compliquer le phénomène et offrir peut-être une opposi- tion apparente avec les faits généraux ; sans nier qu'en bien des cas , des circonstances inobservées et l'imperfection même des observations n'engendrent de telles difficultés , nous croyons qu'elles disparaîtront presque entièrement , en entrant dans quelque détail sur la cause du froid du sol et des couches basses de l'atmosphère , dans les nuits calmes et sereines. (1) P/t/7. trans. 1788, p. 106 et 107. — Phil. Irans. 1784, p. 43o. (2) Ofiilew, p. 220. L'énoncé de refait esl Irop peu développé pai- l'auleiir. (5)PiCTJiT, Essai aur le feu, J. j54. — Wells, on dew , p. i65, etc. jj DE LA DÉPRESSION DU SOL. 235 Section II, La cause. §. 10. Les physiciens, qui les premiers ont observé le froid nocturne des couches inférieures de l'air, cherchèrent à l'expliquer par l'évaporation ; mais cette cause est lout- à-fait étrangère au phénomène qui nous occupe. 11 suHît, pour le prouver, de faire obsener , que le plus souvent ce phénomène se manifeste dans le temps môme où la rosée se dépose abondamment de l'air sur le sol; qu'il ne se montre pas dans les nuits qui ne sont pas calmes et se- reines; qu'il se fait remarquer sur les corps exempts d'hu- midité; et que souvent il se soutient pendant toute la durée de la nuit. Le fait est que le phénomène dépend d une cause, dont l'action n'a été pleinement analysée, qu'à une époque postérieure à celle des premières observations exactes du refroidissement nocturne du sol et de l'air in- férieur. Ce phénomène ne peut s'expliquer que par la théorie du rayonnement. $.11. D'après cette théorie ; i° Le rayonnement est ré- ciproque. Si un corps envoie de la chaleur à un autre corps qui en contient lui-même ; celui-ci lui en renvoie en même temps et les deux courants opposés se croisent sans se troubler. 2.° Le rayonnement croît et décroît avec la chaleur intérieure du corps qui l'émet. 5." Quelques substances rayonnent plus que d'autres. 4.° Celles qui émettent plus sont aussi celles qui reçoivent plus ; ou qui, dans un même instant , sont plus abondamment pé- nétrées par la chaleur arrivant à elles du dehors. Les phy- 236 INFLUENCE siciens, qui se sont spécialement occupés de ce sujet (i), reconnaissent que, dans les diverses substances, ces deux propriétés sont directement proportionnelles. Chaque subs- tance peut donc être dite radiable à tel ou tel degré, soit que l'on considère sa radiabllUé du côté de l'émission ou de celui de limmission, du dedans au dehors ou du dehors au dedans, à l'entrée ou à la sortie du corps. Ces quatre faits sont rappelés ici comme des lemmes suffisants pour fonder l'explication que nous avons en vue. $. 12. La question que nous nous étions proposée ($. 2) , se trouve maintenant remplacée par les deux suivantes ($• 3) : i." Pourquoi , dans les nuits calmes el sereines, le sol est-il plus froid que l'air placé au-dessus de lui? 2° Pourquoi y dans ces nuits là, les couches d'air infé- rieures sont-elles plus froides que les supérieures ? §. i3. Première question. La raison pour laquelle le sol est plus froid que l'air, dans les circonstances indiquées, est qu'il rayonne plus que lui; qu'il est d une nature plus radiable {§. 11). 11 reçoit plus de chaleur en excès pendant le jour et en émet plus en perte pendant la nuit. 11 arrive de là, qu'à cette dernière période, il se trouve dépouillé de sa chaleur acquise, assez long temps avant que l'air ait émis la sienne, il est donc plus refroidi. §. 14. Pour plus de développement, il faut se souvenir que la radiabiliié est une propriété des surfaces. Elle est remplacée , dans l'intérieur des substances , par la conduc- (1) LESLiEet Wells. —Et Thomson;, 5;yâ<. de chimie, T. i , p. 49 de la Uad. ff. DE LA DÉPRESSION DU SOL. 2.3j tJbilité, Et loin que ces deux propriétés soient de la mt^nie intensité dans la même substance ; on remarque au con- traire quelles sont plutôt, et assez souvent, dans chaque substance, en quelque rapport inverse l'une de l'autre (i). C'est ainsi que le charbon , par exemple, qui est éminem- ment radiable, est un mauvais conducteur de chaleur. 11 en est de même de la terre , du gazon , du sol en culture. La terre a donc le soir sa surface refroidie ; tandis que, quel- ques lignes au-dessous , elle se maintient plus chaude que l'air {§. 8). JKlle conduit lentement, de dedans en dehors, sa chaleur moyenne et celle qu'elle a emmagasinée pendant le jour; puis en érnet, par voie de rayonnement, la partie que comporte sa radiabilité. Quant à l'air, il laisse passer, comme par transparence , une partie du calorique ; une autre est retenue par ses particules matérielles. Celles-ci , par leur propre nature , sont très-peu radiables; car c'est à elles seules, que peut être due la propriété connue de l'air de fermer en quelque sorte le passage au calorique et de l'empêcher de s'échapper des couvertures et enveloppes ( de coton , de laine , de lycopode, etc. ) dans lesquelles elles sont elles-mêmes comme emprisonnées (2). C'est donc avec raison que nous avons envisagé ces particules comme recevant peu de calorique en excès pendant le jour , et en émettant en perte pendant la nuit en moindre quantité que le sol. Telle est notre réponse à la première des deux questions proposées {§. 12) : La surface du sol est plus refroidie que l'air superposé, parce quil émet la nuit avec plus d'a- (1) Wells , on dew , p. 253. Il cite Leslie en dclail. (2) Thompson (Rumford) Phil. irans. vol. 82/7. 48. 238 INFLUENCE bondance et de promptitude sa chaleur interne , en par- ticulier celle quil a acquise pendant le jour. §. i5. Seconde question. Pourquoi, dans les nuits calmes et sereines , les couches inférieures de i'atmosphèi'e sont-elles moins chaudes que les supérieures ? Nous répondons que les couches inférieures , étant plus rapprochées du sol, participent plus à son refroidissement. §. i6. En effet, l'état de température (i) d'un corps se communique à un corps qui le touche par voie de con- ductibilité; avec un corps qui ne le touche pas, cette com- munication peut se faire par voie de rayonnement. De Tune et de l'autre manière, les couches d'air inféiieures doivent être plus affectées que les supérieures du refroidissement du sol. 1.° Sans s'attachera cette distinction des modes de propagation de la chaleur , les expériences les plus fami- lières suffisent à prouver notre assertion. Si, dans un vaste local (en plein air, par exemple), on introduit un corps plus froid ou plus chaud que l'air ambiant j les couches tout autour de ce corps qui en sont le plus rapprochées en recevront la plus forte impression , et à une certaine distance l'effet sera insensible. 2.° Examinons en particu- lier le cas d'une atmosphère , qui repose sur un soi refroidi. D'abord , et dès le premier instant , toutes les couches de lair superposé éprouvent de la part du sol quelque perte (I) D'après la théorie du rayoïiiiemeiit réciproque ^ la propagation du froid est soumise aux mêmes lois que celle de la chaleur. Ainsi nous sommes auto- risés à comprendre l'une et l'autre sous une même formule. Le passage du cliaud au froid et celui du froid au chaud, produit par la communicutiuu éta- blie eulre deux corps, u'exigentpas une discussiou béparée. DE LA DÉPRESSION DU SOL. 2.3^ de rayonnement. Mais, en conséquence des interceptions, cette quantité perdue est moindre pour les couches plus élevées. Ces couches doivent donc éprouver un moindre refroidissement. 3.° Q.iant à la conductibilité , qui opère au contact du sol et de la première couche ; de celle-ci de la deuxième ; ainsi de suite j la propagation , si elle a lieu sous cette forme, doit se faire à peu près suivant la loi commune (approximativement représentée par une logarithmique , dont l'axe est la durée de l'action ou de la source réfrigérante ; et les ordonnées , les différences de température du sol et de la couche d'air , aux ins- tants successifs) (i). Et sans prétendre à beaucoup de précision , on peut bien affirmer , qu'en montant d'une couche à l'autre , le changement produit au contact ira toujours en décroissant. Soit donc que nous prenions en considération le rayonnement ou la conductibihié ; nous reconnaîtrons que le refroidissement du sol agit plus effi- cacement pour opérer celui des couches inférieures , et se transmet à une couche quelconque d autant plus faible- ment que cette couche est plus éloignée de la source ou plus élevée au-dessus du sol , selon une fonction quelcon- que de cette hauteur. Dans les nuits claires , les couches supérieures de l'atmosphère sont plus chaudes , non qu'elles (i) On fait ici abstraction des coiirans produits par les int?gales tempéra- tures. C'est une cause accessoire, dont il sera fait mcnlion ci-après (§. 'jî) et qui concourt à l'eiTet de la cause principale. Celle-ci doit être considérée seule , avant de faire état des causes subuirdoaiiées et des ciicoustances qui la mo- difient. 24o INFLUENCE reçoivent ou développent une cFialeiir nouvelle, mais parce qu'elles éprouvent un moindre refroidissement, §. 17. Ainsi, pour résumer nos deux réponses: i." le sol, dans les nuits claires est refroidi parle rayonnement j z.° la couche d'air contiguë et toutes les couches super- posées participent au refroidissement du sol , mais inégale- ment , soit par conductibilité , soit essentiellement par rayonnement ; les supérieures éprouvant une moindre perte dans la quantité du calorique qu'elles recevaieat du sol avant son refroidissement. §. 18. Tout donc, en dernière analyse, dépend du rayon* nement. Par conséquent , le double phénomène que ce rayonnement explique (§. 3) ne peut avoir lieu dans le» cas oii le sol ne peut pas s'épuiser en rayonnant , c'est-à- dire , lorsqu'il fait des échanges qui compensent ses émis- sions. Si le ciel ou l'espace dans lequel le calorique va se perdre sans retour , vient à être masqué par un écran qui renvoie au sol sa chaleur ; l'etfet dont nous parlons doit cesser. Aussi observe-t-on que, dans les temps couverts, il n'y a pas de différence sensible entre les différentes couches d'air, §. 19. Deux observateurs ont vu quelquefois , dans ces nuits défjvorahles au rayonnement ,les couches supérieures un peu plus refroidies que les inférieures {§. 7); mais ces cas là , e'taut peu nombreux ou rapportes sans dévelop- pement, ne permettent pas d'en proposer une explication pleine et détaillée. Je me bornerai à remarquer que si , la nuit, dans un temps couvert, le sol et l'air se trou- vent maintenus par le rayounement réciproque au même CE LA DÉPRESSION DU SOL. z^i degré de température ; trois causes peuvent altérer cette égalité de manière à produire dans les couches supérieures quelque infériorité. La première est celle qui agit constam- ment pour abaisser la température des hautes régions de l'atmosphère , et qui se manifeste dans les basses régions à des hauteurs suffisantes. Mais dans des hauteurs aussi petites que celles qui ont été l'objet des observations dont nous nous occupons , l'effet de cette première cause a dû être très-faible. La seconde dépend du refroidissement des Duages , provenant de la perte qu'éprouve ( la nuit ) leur surface supérieure en rayonnant vers le ciel. Ce refroidis- sement , à raison du voisinage , doit affecter un peu plus les couches supérieures. La troisième cause est la chaleur propre de la terre. En supposant le rayonnement des nuages e'gal à celui du sol , en ce sens que les premiers renvoient tout ce qu ils reçoivent ; il y a néanmoins , à chaque instant , quelque émanation additionnelle de la terre , qui doit échauffer un peu plus les couches les plus voisines , c'est-à-dire , les inférieures. Ces trois causes agissent dans le même sens, mais faiblement. Du reste, il suffit à notre but de reconnaître que , d'après les théo- ries les mieux établies , le froid nocturne inférieur ne peut avoir lieu que lorsque l'air est serein. §. 20. Des trois causes qui peuvent agir en sens contraire de celle qui refroidit, par le rayonnement, le sol et les cou- ches basses de l'atmosphère et qui ont pu se manifester dans les nuits qui n'étaient pas calmes et sereines {§. ig), la troisième fournit l'explication d'un fait, qui au premier coup-d'œil a pu paraître en opposition avec la loi. L'in- Mem.de laSoc.de PJiys. et d'Hist.nat.l. m.zS Part. 3i 24^ INFLUENCE térieur du sol , dans les nuits calmes et sereines , a été constamment trouvé plus chaud que la surface et même que la couche d'air immédiatement superposée (§. 8-). Le sol jouit de sa chaleur moyenne et perd lentement, par voie de conductibilité, celle qu'il a emmagasinée pendant le jour ($. i4. ). (). 2 1. Si l'air est agité ; comme il y a des transports con- tinuels de quelques masses de ce fluide d'un lieu dans un autre , il ne peut y avoir constance dans les variations ihermomé triques. Il paraît même que le résultat le plus ordinaire d'un tel mélange doit être une température moyenne; la même pour différentes couches. G est aussi ce qui a été observé, autant que l'on peut en juger p-tr les rapports contenus dans les écrits à notre portée (§.7). Ce genre d'observations est moins susceptible de précision que celui qui se rapporte à la sérénité de l'air , par des raisons assez évidentes. On a vu aussi les brouillards trou- bler la loi qui se manifeste constamment dans les nuits sereines. Les brouillards arrêtent le rayonnement. Mais ce sujet, un peu plus compliqué, nous entraînerait au-delà des limites que nous nous sommes prescrites , si nous en- trions dans plus de détail, §. 22, Après avoir exposé la cause principale du phéno- mène, il reste à dire un mot des causes subordonnées et des circonstances accessoires. Entre les causes subordon- nées la plus importante à considérer est celle qui produit des courans dans l'air à chaque changement de tempéra- ture. L'etîet général qui en résulte est la descente de l'air froid , ou la permanence dans les lieux bas de celui qui s'y DE LA DÉPRESSION DU SOL. 243 refroidit. Cette cause concourt donc avec la principale pour accroître le refroidissement relatif des couches inférieures, produit par le rayonnement du sol. §. 2.5. Queli^ues circonstances favorisent l'action de ces causes et en modifient quelquefois les effets: i." La tran-* quillité de l'air n'a pas seulement l'effet de prévenir le mé- lange des masses de température différente, mais (comme il a été dit (§. i.) , d'après Wells) l'air, en déposant ses vapeurs, devient peu-à-peu desséché et ne dégage plus de chaleur latente ou de feu de vaporisation. 2." Par la même raison, si l'air, au temps de 1 observation , se trouve con- tenir peu de vapeurs ; le froid nocturne de la couche in- férieure en doit être accru. Et l'expérience a fait voir qu il l'est en effet (1). 3.° Si le froid absolu (du jour ou de la saison) est plus intense; l'air, prêt à laisser convertir ses vapeurs en eau concrète, en contient une quantité moindre qu'à une température plus élevée. Par conséquent , il en doit déposer moins dans les mêmes circonstances, et laisser échapper moins de chaleur latente. De là vient , quea hiver le froid relatif d'un sol couvert de neige a été vu plus grand de quelques degrés que celui qu'on observe en été (2). §. 24. Indépendamment des effets liés dune manière générale à la cause principale du phénomène , il y a des circonstances particulières , qui peuvent avoir beaucoup d'intiuence : i° La première est toute modification locale (i) AVells , on dew , p. i85. (2) i6t£/. ,p. 175 el 188. S44 INFLUENCE de la double condition du calme et de la sérénité de l'air 5 et toute circonstance de situation , qui substitueroit au rayonnement à perte de la part du sol , un rayonnement réciproque , produit par les parois d'un enfoncement ou par des corps qui masquent le ciel. C'est un détail étranger à l'objet de ce mémoire. 2.° Je mentionnerai toutefois une circonstance de situation, qui peut se rencontrer fréquem- ment et que Wells n'a pas omise. Sur une colline isolée, l'air qui en recouvre le sommet, descend à mesure qu'il se refroidit j et va refroidir les pentes , peu-à-peu même la plaine. C'est une cause de difTérence entre les deux sta- tions; et elle agit dans le même sens que la cause principale. §. 25. Remarquons enfin que , dans l'application à la gele'e des plantes , indépendamment des circonstances de situation , il faut avoir égard à l'état de ces corps orga- niques (1). Cet état, en particulier celui de leurs parties les plus délicates , est soumis à tant de variations, que les effets de la gelée sur les plantes ont paru dépendre de causes purement individuelles. C'est à travers toutes ces individualités , qu'il faut saisir une cause générale. Celle-ci paraîtra donc souvent en défaut. Il arrivera qu'un canton, moins affecté de la gelée qu'un autre à telle ou telle époque, (1) Sous ce point de vue , tout-à-fait étranger à l'objet de ce mémoire , je tue bornerai à nue seule observaliou qui m'est suggérée par M. De Candolle el qui me semble ne pas devoir être omise. Les lieuK bas sont généralement plus humides; les piaules mêmes sont plus aqueuses, leurs vaisseaux sont plus remplis. Par celle raison , le froid porté au point de la congélalion doit produire dans ces plantes plus de ravages que dans celles qui , étant situées dans des lieux plus élevés , sout plus sèches et donnent par là moins de prise à la gelée. m DE LA DÉPRESSION DU SOL, 245 le sera davantage à une autre époque. Mais à la longue et dans un cercle d observations suffisamment étendu , il paraît que l'influence de la cause générale ne peut être méconnue (i). (i) Nous n'avons point louclié à la question du fi'oid constitulionnel des couches élevées de l'alinosphère. Les discussions précédentes portent à allri- buer principalement la chaleur do l'atmosphère à celle de la terre. Nous ne croyons pas devoir aller au-delà de cette simple indication, à l'occasion d'ua sujet qui en est à peu près indépendant. Nous avons écarté de mêrae quel- ques autres questions qui auraient fait ici digression , bien qu'elles fussent Liées à notre sujet sous certains rapports. NB. Ce mémoire est lié, par quelques rapports, à celui qui a été publie sous ce titre : Z)e (quelques phénomènes dépendans de la radiation du calorique. Par cette raison je juge plus à propos de placer ici un errata qui s'y rapporte. Errjt^ , T. 2, Part. 3 , p. i63, 1. 7. L'influence d'une cet instrument, Ajoutez , ou plus exactement « L'influence de chaque rayon li émis d'un point donné de la surface est proportionnelle au sinus de son « inclinaison sur ce plan , ou au cosmusde l'angle qu'il fait avec la normale.» Ibid , p. 171 , 1. 1 5. Soleil, lisez sol. NOTICE SUR UNE MIGRATION DE PAPILLONS. Par P. HtBER. Au mois d'Août dernier (1826) j'eus l'honneur de com- muniquer à la Société de Physique et d'Histoire naturelle de Genève le fait suivant que je croyais absolument neuf dans l'histoire des papillons : iM'en ayant pas été témoin oculaire , je serai obligé d'entrer dans tous les détails propres à inspirer la confiance à mes lecteurs, et l'on voudra bien m'excuser si , pour répondre au vœu du Comité , et donner une plus grande publicité à ce phénomène , je n'omets dans ce nouveau récit aucune des circonstances propres à établir la réalité des faits. Cette singulière observation a été faite par tous les mem- bres d'une famille respectable de INeuchàtel en Suisse , établie pendant l'été dans le district de Grandson (Canton de Vaud) , dans la campagne nommée la Outre. Le 8 ou le 10 du mois de Juin dernier M.""" de Meuron Wolf , vit avec surprise , passer devant la fenêtre de la salle à manger , qui est au plein-pied de sa maison et tournée au levant, une foule d'objets volants, auxquels elle n'avait fait d abord aucune attention ; mais le phénomène se pro- 248 NOTICE longeant de manière à exciter sa curiosité', et se défiant de sa vue basse , elle pria son fils Jems d'aller voir ce qui se passait sur la terrasse. M. Jems de M revint aussitôt appeler ses parens, pour leur faire voir une chose très-singulière , une chose éton- nante. C'était une foule immense de papillons qui traver- saient le jardin avec la plus grande rapidité. Aussitôt on quitta la table pour voir cette curiosité' : effectivement cela valait la peine , et sans être naturaliste on aurait pu admirer ce beau spectacle. - Ces papillons étaient tous d'une seule espèce et d'entre les plus belles de notre pays , on en prit plusieurs au filet avec la même facilité que l'on pêche aux harengs. On les reconnut alors pour le papillon diurne du chardon , appelé en français la Belle-dame. Ces papillons volaient à tire d aile; ils allaient tous dans la même direction , traversant le jardin en diagonale et exactement du sud au nord. La pré- sence de l'homme ne les effrayait pas , ils ne s'écartaient point à droite et à gauche et volaient assei rapprochés les uns des autres. Toute la famille neuchateloise , avec un vrai tact de naturaliste, se partagea alors pour mieux observer ce phénomène. Les uns plus jeunes et plus lestes suivirent long-temps ces papillons dans la direction où ils allaient , les autres se dirigèrent, au contraire du côté d'où venait la colonne; mais qnoiquils l'aient accompagné fort long- temps, ils ne réussirent à voir ni le commencement , ni ta fin de cette armée inoffensive. SUR UNE MIGRATION DE PAPILLONS. 24^ Ce passage dura plus de deux heures , sans aucune inter- ruption, depuis le moment où on l'apperçut , et il y avait probablement déjà quelque temps qu'il avait commencé lorsqu'il trappa les yeux de M.™^ de M... La colonne avait de lo à i5 pieds de largeur; ces pa- pillons ne s'arrêtoieut point sur les fleurs, leur vol était bas , rapide et égal. Tels sont les documens qui m'ont été transmis à l'una- nimité, partons les membres delà famille éclairée et in- téressante qui fut témoin de ce curieux phénomène. Tout ce qui était susceptible d'être observé dans ce fait remar- quable a été examiné comme par de vrais naturalistes et avec ce genre d'intérêt qui ne néglige aucune des cir- constances caractéristiques dans une question nouvelle , par de jeunes gens occupés de collections et très-versés dans l'histoire naturelle des insectes. Le fait ne laisse donc aucun doute : Mais il me paraît d'autant plus singulier, qu'il concerne une espèce de papillon dont les chenilles ne vivent point en société ( du moins dans notre pays ) et sont même isolées dès leur sortie de l'œuf. J'eusse été moins surpris si l'on, m'eût appris l'émigration des papillons Pelite-tortue, Paon de jour oa Morio , dont les chenilles vivent en commun et en très-nombreuses familles sur l'hortie et sur le saule : toutes les chenilles qui vivent en société semblent retenues ensemble par le lien d'une utilité commune , chacune d'elles va à la découverte et laisse après elle des soies qui servent à conduire ses compagnes sur la branche où elle a trouvé de la pâture : mais une fois pourvus d ailes , ces Mém. de la Soc. de Phys. et d'Hist. nat. T. III. 2.' Part. 3z aSo NOTICE insectes ne paraissent plus se reconnaître, comme si l'état dechrisalide, ce sommeil deTinstinct, pendant lequel le dé- veloppement des organes est cependant si actif, comme si, dis-je , cet état de transition leur eut fait perdre la mé- moire de leurs rapports mutuels. Quant aux Papillons Belle-dames , isolés dès leur nais- sance , quelle singulière cause a pu motiver leur réunion en si nombreuse phalange et les décider à quitter leur patrie pour un climat septentrional, montagneux et sé- vère? de quelle région venaient-ils, en quels lieux devaient- ils s'arrêter? Un fait aussi saillant devoit avoir fait sensation en d'au- tres lieux : effectivement, ces mêmes Papillons ont été vus en Piémont par M. le professeur Bonelli, de l'Académie de Turin, à une époque antérieure à celle où ils ont paru en Suisse : d'après sa relation , dans une lettre adressée à M. Moricand, du i5 Janvier 1827. L'apparition des Papil- lons Cardui a eu lieu à la fin de Mars 1826, aux environs de Turin. Ces papillons, quoiqu'ils fissent quelque séjour dans les lieux qu ils parcouraient , avaient en masse une direction du sud au nord. L'air en était rempli partout où il y avait des fleuri , et le soir toutes les plantes en étaient couvertes: le 29 Mars fut le jour où ils furent le plus abondants. On en vit encore, en nombre considérable, pen- dant plusieurs jours consécutifs. Dès lors leur nomlire di- minua sensiblement : il en resta cependant beaucoup jus- qu'au mois de Juin. Le fait a été commun dans tout le pays et notamment à Coni , Kacconni , Suse , etc. Un passage pareil a eu lieu SUR UNE MIGRATION DE PAPILLONS. aSi à la (în du siècle dernier ; M. le comte de Loche en a donné la relation dans les mémoires de l'Académie de Turin. Il y a donc peu de doute qu'une partie de cette colonne, une forte division ne se soit dirigée sur la Suise, où elle se sera probablement subdivisée pour occuper nos ditïé- rentes vallées. J'ai lieu de soupçonner que l'une d'elles a pris sa route le long de la vallée du lac de Genève et s'est portée dans celle du Rhône, ayant ouï dire à de jeunes antomologistes que le nombre des papillons Belle-dames , répandus cette année aux environs de Lausanne, jusqu'à Bex , et même jusques sur les montagnes qui terminent cette vallée, était infiniment plus considérable quil ne lest communément. Ce beau papillon , sans être rare , n'est pas un papillon commun dans notre pays; mais cette année et avant d avoir eu connaissance de leur grande migration , j'avais moi- même observé, avec étonnement, une multitude incroyable de ces insectes dans les districts de Grandson et d'Yverdun, et ce qu'il y avait de singulier c'est que ce n'était point encore 1 époque où ils paraissent ordinairement , qui est la fin de lété et l'automne : Ils étaient aussi en général plus grands et plus beaux qu'ils ne le s&nt communément par la vivacité de leurs couleurs et leur belle couservation. J'en retrouvai un grand nombre au pied des montagnes et jusques sur le Jura où leur brillant aspect ne contribuait pas médiocrement à l'embellissement de la nature. Ces papillons dispersés sur les fleurs ne paraissaient plus ûSa >fOTicE avoir entreux aucune autre connexion que celle des sexes. Leurs chenilles ont été dès-lors fort communes : non- seulement elles trouvaient leur pâture sur les chardons et les cardes : mais la vipérine et les feuilles des passeroses en étaient attaquées. Voilà donc un fait nouveau pleinement constate'. Une des plus belles espèces de nos Papillons nous vient du midi , elle vole en colonne sert ée , se répand dans nos con- trées et se propage de là probablement jusqu'en Alle- magne: Mais ces migrations sont- elles fréquentes, sont- elles annuelles ? La lettre du savant naturaliste Italien nous apprend qu'on avait déjà vu ce phénomène peu d'an- nées auparavant en Piémont. On ne doit pas inférer de leur irruption vers le nord qu'ils émigrent de nouveau en automne de nos climats, où leur multiplication naturelle n'est pas assez forte pour donner lieu à de pareils rassemblemens. Ces migrations ne ressembleraient donc pas en cela à celles des oiseaux de passage; cependant, dans notre ignorance complète sur les causes ou sur les motifs qui les déterminent , il im- porte de recueillir tous les faits qui s'y rapportent et d'en étudier soigneusemet toutes les circonstances. Les naturalistes de tous les pays où parviennent nos mémoires , sont donc invités à nous communie] uer les observations analogues. 11 serait de plus très-intéressant de couuQÎtre jusqu'où s'étend dans le Midi la multipli- SUR UNE MIGRATION DE PAPIIiLONS. 253 cation et l'existence de cette espèce , pour connaître exactement d'où elle nous vient premièrement , en quels lieux elle est le plus commune , pourquoi elle les aban- donne , etc. La réponse à ces questions formerait l'un des chapitres les plus curieux de Ihistoire des insectes. ( ERIL4TA Pour le Mémoire de M. De Saussure , sur l'Influence du dessèchement sur la germination , T. III , z.^' partie. Page 2, ligne 12 , graine dessi^chee , lisez graine germée , dfsse'chce. Pages i3 , lignes 6 et 7 , graines sèches germe'es, lisez graines scclies , non germe'es. Table des Mémoires contenus dans la seconde partie du troisième volume. JJe Tinjluence du dessèchement sur la gerniinatlon de plusieurs graines alimentaires , par M. Théodor. De Saussure , Pi'ge i Notice sur la matière qui a coloré en rouge le lac de Morat, auprintemps de 1825 , par MM. le Prof . De Candolle , et Macaire-Prinsep 29 Mémoire sur la famille des Grossulariées , par M. J. J. Berlandier , 45 Note sur la régénération du 2 issu nerveux , par le Doct. Prévost , 61 Revue de la famille de Lytliraires , par M. le Prof. De Candolle , 65 Mouvements produits par le contact mutuel de diverses substances, et explication de ces Mouvements, par feu Bénédict, Prévost , rédigé par P. Prévost , 9-7 Note sur les Raphides ou poils Microscopiques intérieurs , observés dans plusieurs espèces de végétaux , par yilph. De Candolle. ii5 Sur une apparence de décomposition d'une lumière blanche par le mouvement du cojps qui la réfléchit , par feu Bénédict. Prévost , extrait de ses manuscrits , par P. Prévost , 121 Analyse du vernis de la Chine, par M. Macaire-Prinsep , 1 01 Note sur l'acide libre contenu dans l'estomac des Herbivores , par MM. Prévost, Doct., e« Le Royer , Pharm, , i43 Mémoire sur le phénomène des grandes pierres primitives Alpines , distribuées par grvupes dans le bassin du lac de Genève et dans la vallée de l'Arve, par Jean-Andr-é De Luc , neveu , ik-j Recherches sur une pr-opriété particulièr-e des conducteurs métalliques de l'électricité, par M. le Prof. A. De La Rive , 201 Note sur l'analyse de quelques substances végétales , par 3I'Y. Marcet, 217 De l'influence que la dépression du sol peut avoir sur la gelée des plantes pendant la nuit , par P. Prévost , aa5 Notice sur une migration de papillons , par M-' P, Huber, 347 i«\t\\\«l\\^\\V\tVV\\« TABLE. A. Able, I' p., 219. Acide libre dans l'eslomac des herbivores , p. II , i43. Ammania dodecandra , p> II , S9. A. elaliiioides, 92. — A. rnicrocarpit , g3. A. filiforniis, 95. Analyse de quelques substances vtîgétales, p. Il, 217. Anguille, p. I, 147. Apparences visibles ( Mémoire sur les ) p. I, 81. — Laplace, 82. — La direction, 3i. — La distance , 83. — L'angle optique, 85. — Les objets interposés , 87 . — Aftaiblissement des teintes j elc, 88. — Inclinaison des axes opiiques, 92. —Résumé, 96, — Applications, 96. — La grandeur, 101. — La forme, io5. B. Benincassa cerifera , p. I, 3o. Benincasseœ, p. I, 25. Brochet , p. I , aBi. C. Carpe , p. 1 , 204. Chabot , p. I , i5o. Chevesne , p. 1 , 207. Cobilis Barbatula , p. I , i56. Conducteurs électriques (Recherches sur une propriété particulière des ) jj. 11, 201. — Influence du temps , 20-i. — De la nature des conducteurs , 2o5. — Théorie, 208. — Résumé, 21 5, Corregouus ihymallus , p. 1 , 187. — C. fera, 190. — C. hyemalis , 200. ■258 TABLE. Cottus gobio, p. I, i5o. Cucumis tnaculalus, p. I, 30. Cucurbila ovifera , p. I, 29. — C. maxima , 29. Cucurbitacées ( Mémoire snr les ; , p. 1 , 1 . — Organes de la végétation, 3. — Organes de la reproduction , 8. — Rapports naturels, 20. —Patrie, ii. — Genres ,25. — Note sur leur place dans la série des familles ,33. Cucurbiteae, p. I, 25. Cyprinus carpio, p. 1 , 2o4. — C. finca, 2o5. — C. Jeses, 207. — C. Ery- Irophthalmus , 209. — C. rutilus, 211. — C. gobio, 217. — C.alburnus, a/g.— C. jaculus, 221. — C. bipunptalus, 226. — C. Phoxinus , 229. E. Electricité ( B^exherches sur une propriété particulière des conducteurs mé- talliques de 1' ^ , p. II , 201. Electricité dynamique ( Recherches sur le mode de dislribullou de V ) dans le8 corps qui lui servent de conducteurs , p. 1 , 109. EsQx Lufius, p. I, 23 1. F. Fera , p. 1 , 1 90. G. Gadus Rota, p. I, i48. Galllque ( nouveau procédé pour obtenir l'acide ) , p. I, 79. Gaz (action des) sur les racines des végétaux , p. 1 , 61. Celée des plantes ( de l'Influence de la dépression du sol sur la) , p. IT, 225. Génération (de la) , chez les Moules des Peintres, p. I, 121. Germination ( de l'Influence du dessèchement sur la ) de plusieurs graines ali- mentaires , p. II , I. Goujon , p. I, 217. Gravanche , p. I , 200. Grossulacées ( Mémoire sur la famille des ) p. II, 43. — Histoires des organes, 44. de la famille , 5i. Crossulariaeae , p. II, 58, I. larolucraria Wallichiana , p. I , sg. TABtB. 359 L. Lafoensia punicœ folia , p. II , 86. Lagenaria vulgaiis , p. 1 , 29. Lagesirœinia graudiflora, p. II, 8i. Loche franche , p. I, 166. Lolte, p, I, i48. Lumière blanche ( sur une apparence de dëcomposilion de la ) par le moure- ment du corps ^ui la réllécliit , p. II ^ iji. — Théorie, 135. M. Matière rouge ( Notice sur la ) qui a coloré le lac de Moral en iSaS , p. II , 3o. — Considérée sous le rapport de l'histoire naturelle , 32. — sous le rapport chimique, 57. Mimosa pudica , p. I , 71. Mouvemens produits par le contact mutuel de diverses substances el explica- lion de ces mouveraens, p. II, 97. Mursena anguilla , p. 1 , 14^. Mya pictorum , p. I, 121. O. Omble chevalier, p. 1,179. Ombre commun , p. I, 187. P. Papillons (Notice sur une migration de) , p. II, aéy. Ferca fluviatiiis , p. 1 , 162. Perche, p. J , i52. Pierres primitives alpines dans le bassin du lac de Genève, p. II, iSg — Cau- ses de la distribution par groupes , i8q. Poisons (de l'action des ) sur le règne végétal, p. I, 5"], —Des Poisons mé- talliques , 40. — Des Poisons végétaux , 5o. Poisons ( Influence des ^ sur les plantes douées de mouvemens excitables, p. I, 67. — y\clion des corosifs , 71, 72. — Desstupéfians, 70, jS. Poissons ( Histoire abrégée des) du lac Léman, p. I, i33. R. Raphides ( Note surles) ou poils microscopiques intérieurs des végétaux , p. II, ji5. aGo TABLE. Rf'géncralion ( Noie sur la ) du Tissu nei veux , p. II , 6i . Bosse, p. I, 21 1. Roleugle, p. I, 209. S. Salmo truUa , p. I , i58. — S. umbla , 179. Spirlui , p. I, 226. Tanche, p. I, 2o5. Tannin artificiel , p. II , i4l. Truite, p. I, i38. V» Vandoire , p. I, 221. Veron, p. I, Sîg. Vernis de la Chiue ( Analyse du) , p. Il , i3i. ["WM?) (• FIGl P( LTIISTOmE ABRÉ( LAC I Mémoires de la Société ^e Phjsic[ue et d'îlistoir X. '-- ^m GEf J. J. PASCHOUD, B Pi RUE DE SELVE , N.» 48 , fRES JR rÉE DES POISSONS u ÉMAN. ^^ Naturelle de Genève; Tome III ^ première partie. >*^ff«a.Twa. .(ts'î^v ( o//ii.> C/nrii>- ft-j^^iaf^*^ * <-* ,^ v~ ' "^ ^ . 1^^.^^ /ru 7/^,- ./,y/,y,' //■ ^ rtcff^yrr^ .:/i^ ■f-^f t 'crcai fUd'tatiuj '^CrrA. I ■'7'^-^.^ ^ ^ < hilinn F/ltif/n i /^ À. I 5^ K .Inlino llmola ir/: mm^iK'"' W fe .^ L orrtrrcrnuj . //u/j,ui//,,.j ^ /. ■^'■vyff^^y^y^y- Cc>rrcqoTiii.i ^^^\'/a y.r . '/y /yr . ■•iirf N '•'>«yi-r./r/i//i '' \ ■y'"r'./a,/i^' ^ oc \ \ ayruiiu ( arpio. i '■'yr-^ .Ay^Ai^. ^ Vt/k>/-i/u(.i. ^ triai 4 ^ ' ^rU'y/'r . /rf/^/. '': > -<^Cii^f^>^ ^ci/rÀ \jtiprinicJ t VcicJ . k > \ ^ )0 :/r/Y e/rr^^i C '/ujriruuf Cfyt/iro/^/i/a/// '//tti.i /,- • '^ c/f-^/iyA '^ml I ^ N 10 ri 'dri^^^-^ t y?/ //////.! y^rt «L_ A/^'/u . Il ;:^ à -/-'■■- vx yxi-^:K\-'Jx: ,\^\; ^. / ( lluiUUt.f ( ^flr,//,,.j. ( ///.'/■/////.' (/"/'/( .'e- . Zr Ôc/y»'^ YJ/t c ^j^f- 'àl^JUUI lOJCUULJ. h^-7i, ( up/-i/7//.i ■ ///>///-nii.) , /Vfl ;> V ^ 1^ ./r/i'yi'^/- .i^y^^ .^ fT.y^/V- ■^ri fc^ N ~T(r—. I S^ ^ y. r.r^^^-//,y^- J::/iy^Y^^^ I