,s VM visa inoiRËS im EiA ■^ ^t^£» ^fcib 'vi"*^a snz CififlBOURG. TYPOGRAPHIE DE CEÀU.FORT ET LECAUF. 1^38. Jl'j MÉMOIRES DE I.A G^oaebe^ cixo xiaie^ t/bcadeuiti 1 \Xj& DE mtm^ $^2 SI. mëhioiees SE t r lUOIlim ROYiLË ACADEMIQUE »B (§iiî®iii3®iïr]3ill(iué tant aux afTaires» ei«'ilC!S qa'aiis: affaires erîiuînelEes , Par m. CoorrEv, Juge ac Tribunal Civil , Secrétaire de LA SociiÎTK Royale Acadibmique. Lorsqii'en 1833, nous avons insère dans les mémoires de la Société un tableau de Tadminis- tration de la justice criminelle en Normandie dans le moyen-âge, et spécialement dans le temps de ^< -_2 — Fempire anglo- normand, nous nous propo- sions , si ce premier essai inspirait de Tintérêt , de poursuivre Tctude des anciennes institutions normandes. Des suiFrages qui on dépassé les es- pérances de notre amour-propre nous rendent indispensable la continuation d'un travail qui nous intéresse beaucoup personnellement. Au nombre des encouragements, nous nous félicitons depouvoir citer l'approbation deM. Dupin, prési- dent de la chambre des députés , si capable , en raison de ses profondes études , d'apprécier des recherches sur nos anciennes lois. § i . Composition et formes du Jury normand. Le combat udiciaire fut usité en Normandie comme dans toute l'Europe pour la décision des causes criminelles où le point de fait était am- bigia, mais, ainsi que nous l'avons prouvé (1),ily fut entouré de précautions qui lui étaient la plus (1) Mémoires de la Société Royale Académique de Cher- bourg, année 1835, imprimerie de Boulanger, Beaufort et compagnie, à Cherbourg. grande partie de la cruelle absurdité dont il était marqué partout ailleurs. De plus il y avait tou- jours pour Taccusé un moyen de Téviter , c'était de demander V enquête du pays, expression familière de la vieille jurisprudence normande. Cette enquête du pays consistait dans la déclaration de vingt-quatre de ses concitoyens , choisis avec les plus grandes précautions , et toujours ceux qui étaient les plus à portée de connaître Tac- cusé et les circonstances du crime (1). Il fallait vingt voix sur vingt-quatre pour une condam- nation à mort. Aucunes conditions d'éligibilité » résultant des titres ou de la fortune, n'étaient re- quises ; le jury, suivant les expressions naïves du Coutumier normand du Xlir siècle, devait être composé des plus pi eude s hommes^ desplus créa- bles, et qui sachent mieux comment le cas est ad- venu. L'accusé avait le droit d'en récuser, en dé- duisant ses motifs , et le haillif, de concert avec ses assesseurs, jugeait le bien ou le mal fondé de la récusation ; alors ceux des vingt-quatre pre- miers convoqués qui se trouvaient ainsi éli- minés étaient remplacés par d'autres , soumis comme leurs prédécesseurs aux récusations mo- (1) Coutumier normand duXllI" siècle, chapitrfis de Suite de Meurdro , de Jiireurs , de Assise. livées de racciisé. Quand le jury était définitive- ment constitué et qu'il avait pris connaissance des charges , il délibérait en secx'et, et rapportait son verdict; quand il acquittait, la mise en liberté de Taccusé avait lieu sans retard ; quand il dé- clarait coupable, la sentence était exécutée sur le champ ; il n'était accordé au condamné que le temps de se confesser et de se recommander à Dieu, car, comme le remarque le vieux commen- tateur du Coutimiier, justice frappe le corps pour l'exemple , mais ne veut jamais tuer les âmes. Quand il s'agissait d'un voleur, le haillij ^ de concert avec le sergent de Vépée , fonctionnaire qui était ce qu'est maintenant un officier de gen- darmerie , choisissait les jureurs dans trois en- droits , savoir : dans le lieu où l'accusé était né ou avait passé la majeure partie de sa vie, dans le lieu oi!i le vol avait été commis, et enfin dans les deux ou trois paroisses environnantes. Les jurés n'étaient donc jamais étrangers à la réputation et aux antécédents de l'accusé ; cumulant les fonctions de témoins et de juges, leur convic- tion pouvait se former en partie d'observations personnelles , plus susceptibles d'être senties profondément que d'être parfaitement expliquées, dont la force morale se communique difllicile- ment à ceux qui n'ont jamais connu Taccusé , ni vu de leurs propres yeux les circonstances ma- térielles du fait. Définissons avant d'aller plus loin ce que c'est que le jury comparé aux autres modes d'adminis- trer la justice. Chez la plupart des peuples, ceux qui sont chargés des redoutables fonctions de décider de la vie, de la liberté et de la fortune de leurs seml^lables, sont des hommes entourés de plus ou moins de pouvoir et d'honneurs, qui les élèvent au-dessus du vulgaire ; en un mot , administrer la justice est une dignité. Chez d'au- tres peuples, en plus petit nombre, le citoyen est jugé par ses égaux dont le nombre a été le plus généralement fixé à douze ; ce mode est usité en France pour les crimes seulement ; les tribu- naux d'anondissement restent saisis de la con- naissance des faits que le législateur a qualifiés délits et punis correctionnellement ; en Angleterre le jury a une compétence un peu plus étendue,' Dans tous les cas ces douzesjuges improvisés pro- noncent sur le point de fait ; les magistrats appli- quentlaloi: unefoislepointdefaitdécidc, lesjurés redeviennent simples citoyens comme auparavant . Avant notre révolution de 1789, l'institution du jury n'existait qu'en Angleterre , et nos k'-gis- — 6 — lateurs en rétablissant chez nous poui^ le juge- ment des crimes crurent lui en faire Temprunt. Cependant nous allons établir avec le dernier degré de l'évidence que dans le moyen-âge et notamment dans le temps où la monarchie an- glo-normande était si puissante et si opulente , le jury a été généralement en usage , non-seule- ment pour le jugement des crimes et délits , mais pour celui des points de fait importants et dou- teux dans les procès civils. Ce sont les enfants du Danemarck et de la Scandinavie qui ont implanté cette institution nationale sur le sol neustrien d'abord, et ensuite dans la Grande-Bretagne , où les Saxons avaient déjà toutefois établi quelque chose plutôt d'équivalent que d'identique. Son organisation en Normandie a été vigoureuse et complète. Nous examinerons après comment il s''est fait que dans cette province il n'en existât plus aucunes traces à l'époque de la révolution , pas même un souvenir dans les commentateurs les plus renommés des lois normandes. Quoi, dira-t-on ! le jury appliqué aux affaires civiles comme aux crimes en Normandie dans les ténèbres de l'ignorance et la barbarie du moyen-» âge ! ce qu'on ne jugerait pas possible dans un siècle de civilisation et de lumières comme le nôtre Va été dans les XV et XII" siècles ! le sim- ple citoyen de nos jours , qui n''a pas étudié le droit et joint la pratique à la théorie , se perdrait dans le labyrinthe compliqué d'une discussion im- portante entre deux habiles avocats ; et dans des siècles si grossiers , le bourgeois ignorant , le paysan abruti^ le noble qui ne savait que ma- nier les armes , ont pu se connaître au jugement des procès î J'avoue que bien des personnes ^ d'ailleurs passablement lettrées _, ont hésité à croire ce fait , et avec tous les ménagements de la politesse m'ont paru croire , et m'ont presque dit que j'étais atteint de la maladie du père Har- douin , qui ne voulait pas avoir étudié pendant longues années pour répéter ce que les autres avaient dit avant lui. Nous ferons comme ce phi- losophe devant qui on soutenait par des argu- ments subtils l'impossibililé du mouvement, et qui pour toute réponse se leva et marcha : nous citerons des documents authentiques devant les- quels toutes les objections devront disparaître ; ils concerneront les affaires civiles plutôt que les af- faires criminelles, sur le jugement desquelles nous avons parlé avec assez d'étendue dans le volume déjà cité (1). (1) Mémoires de la Société Royale Académique de Chci - bourg, année 18S5 , pages 73 et suivanles. La réforma lion de la coutume de Normandie en 1 583 par les trois états de la province supprima les deux tiers au moins du vieux Coutumier rédigé dans le XI) I® siècle, lequel est re^té comme un simple monument historique fort curieux, mais devenu très rare depuis que les praticiens nV ont plus vu rien d'applicable à V actualité. Le ré- dacteur de ce recueil de l'ancienne législation normande le donne comme étant les lo s et les usages de la Normandie , depuis le premier duc RoUon; effectivement ce rédacteur, quel qu'il soit, ne prend nulle part le ton d'un législateur , mais il parle partout comme un compilateur des an-^ çiennes institutions de sa patrie. C'est de ce li- vre précieux que nous extrairons d'abord nos preuves. Les autres ouvrages dont nous ferons princi- lement usage sont : 1 .° Le traité de le gibus et con- suetudinibas Angliœ par Glanville , ministre de la justice sous le x^oi et duc Henri II ; 2°. les ins- titutions de droit de Britton , écrifes en langue romane, auxquelles le roi Edouard IV donna force de loi j 3.° un traité de jurisprudence écrit en latin dans le XIIP siècle par un jurisconsulte qui a pris le nom de Flela ; 4." le traité des Te- nures . édité par Litllelon , dont le stjle sent !ç — 9 — XII* ou le XIIP siècle; il y a entre ces quatre ou- vrages composés en Angleterre et le Coutumier normand du XIIP siècle , rédigé à une époque où la Normandie et la Grande-Bretagne étaient sé- parées depuis Philippe-Auguste, une telle confor- mité dans le fond des lois , dans le style même et les formules de la procédure , quVn ne peut s'empêcher, à moins qu'on ne ferme les yeux , d'y voir des ruisseaux partant d'une source commune. Ces ouvrages nous offrent donc le ta- bleau de la législation anglo-normande. Depuis la séparation de la Normandie et de l'Angleterre, par la réunion de la Normandie à la France , les deux pays ne se sont connus que pour se faire la guerre . Revenons au Coutumier normand. Après plu- sieurs chapitres consacrés aux affaires crimi- nelles , où l'on voit constamment que l'accusé pouvait refuser le combat judiciaire et recourir au jugement du pays (1) , l'auteur en vient aux affaires civiles. La première matière dont il s'oc- cupe , est la nouvelle dessaisine dont il est in- dispensable de donner la définition. (1) Titres de 5'«;/c de Mcurdrc , de Trci>cs cnfrainlcsy de ^Içhain^^ d\hsaiift de C/tarruc, de Robciie, cli;. — 10 — Tout individu jouissant d'un immeuble ou d\m droit immobilier , depuis au moins une année , qui en était dessaisi par une voie de fait , avait le droit de demander à y être réintégré provi- soirement , sauf la discussion ultérieure sur la propriété (1). Sous l'empire de la législation ac- tuelle , ceux qui sont en possession paisible , de- puis une année au moins , ont de même le droit d'y être maintenus , ou réintégrés , et ce genre d'affaires est de la compétence des juges de paix, qui pour éclairer leur religion visitent les lieux et entendent les témoins que leur administrent l'une et l'autre parties. Voici de quelle manière les causes possessoires se jugeaient en Normandie dans le moyen-âge : (2) . Pierre se plaint que Jea?i lui a usurpé un champ dont il était en possession depuis plus d'une année avant celte usurpation. Il s'adresse au duc de Normandie, seul et unique Justicier de sa duché, dont les autres justiciers ne sont que les substituts et les mandataires 5 il articule formelle- ment l'époque où il a été dessaisi , la durée de (1) La possession annale, avec ses effets, est un des points les plus fondamentaux de la législation anglo-normande. (2) Covitumier normand, chapiires de ISo^elle dcssai^ sine; de Feut, de Possessions non mouvables. — 11 — de sa possession antérieure , et il demande à y être réintégré. Cette demande étant conforme aux lois normandes qui maintenaient en posses- sion provisoirement celui qui avait joui à titre de propriétaire pendant an et jour, le duc rend un bref qui ordonne au baillif du lieu où sont situés les biens cette réintégration sans délai , si les faits sont trouvés vrais par la recoiinais- sance de douze jiireurs ^ qui soient douze che- i'aliers , ou douze autres preudes hommes cre'a- hles (1). Ainsi le souverain a examiné le point de droit, il ne reste plus qu^à juger le point de fait, savoir si le plaignant avait en effet , pendant une année avant le trouble, loyalement, paisiblement et comme propriétaire, la posses- sion qu"'il allègue , et s'il en a été dessaisi in- dûment ; cette question de fait était de la compé- tence du jury. Sur le vu de l'ordonnance du prince^ le baillif s^entendnit avec le sergent de Vépe'e pour convoquer vingt personnes , voisines des lieux en litige, les plus à postée de connaître la vérité des fails, et fixait le jour pour la visite de ces mêmes lieux, oùles parties expliquaient elles-mêmes leurs prétentions. Cette visite, toujours indispensable , ayant eu lieu , le magistrat assignait un jour où (1) Mêmes titres. Chapitres coriespondaïUs de Brilton et — 12 — devaient comparaître à son audience les parties et les vingt personnes qui avaient assisté à la vi- site. Là il entendait les récusations des parties et les jugeait avec ses .assesseurs ordinaires. Enfin quand par suite des récusations admises , des re- tranchements d"'office , des nouvelles convoca- tions pour remplacer les récusés , il se trouvait douze preudhommes (1) , nobles ou non , con- tre lesquels les parties n'avaient rien à alléguer de fondé, le jury se trouvait constitue définitive- ment. Ici je vais me borner à traduire littérale- ment le vieux français du Coutumier pour don- ner une idée de ce qu'était une audience au douzième siècle pour la décision d'une cause de possession , et mettre par là les connaisseurs à portée de comparer cette audience avec celle d'un juge de paix de nos jours. Les don/fi /«re//r.ç ayant pris siège à côté du tribunal, le baillif, chargé de la direction des dé- bats , leur rappelle la question. Le premier des jureurs se lève, et , les mains posées sur le livre des évangiles , il dit : Ecoutez^ seigneur baillif^ (1) Le mot prudhomme y ou preudliornmc , dans le langage du moyen-âge , comprenait les deux idées d'homme probe et d'homme inslruit. Ce mot n'a pas d'équivalent dans le français moderne. — i:^ — je vous dirai la vérité sur la question que vous nous avez proposée , ainsi m'assistent Dieu et ses saints. Tous les autres juraient dans les mêmes termes ; il y avait toujours un livre d^é- vangiles à Taudience , quelquefois même des re- liquaires garnis de saints ossements. A partir du serment jusqu'au jugement , personne ne pou- vait parler aux jureurs , le baillifseul pouvait communiquer avec eux; lesparties étaient enten- dues; quand elles avaient tout dit poilr la défense de leurs droits respectifs, avant que d'envoyer les fureurs délibérer en secret , ce magistrat leur adressait ces paroles : Diaprés la foi et la crojance que vous avez en notre Seigneur J.-C. et le serment que vous venez de faire , vous sou- mettez-vous , si vous mentez de rien , à ce que vos âmes soient à jamais damnées dans Vahjme de V enfer ^ et que vos corps n'aient que honte et douleurs en ce mondel Sur Tassentiment des jurés , le baillif leur réitérait la position de la question en fixant Tépoque précise où le plai- gnant prétendait avoir été dessaisi d'une posses- sion qu'il avait paisiblement depuis plus d'une année avant la dessaisine , après quoi les jurés se retiraient seuls dans une chambre pour se conseiller^ dit le Coutumier; nul ne pouvait communiquer avec eux. Un juré , d'après la — u — nature des choix , cumulait ordinairement les fonctions de témoin et de juge , mais ne se re- gardant point comme le témoin de tel ou tel plaideur, ses déclarations étaient franches, com- plètes , impartiales , propres à éclairer ses col- lègues , moins parfaitement instruits des faits -, quand leur rehgion était sufïisamment convain- cue , ils revenaient vers le baillif , qui les atten- dait, séance publique tenante, et là ils décla- raient à haute voix leur opinion , qui faisait la règle immuable des parties : en cas de dissenti- ment , la simple majorité l'emportait. La déci- sion rendue , les jurés rentraient dans la classe de leurs concitoyens (1). Mettons ici en regard le mode de jugement des causes possessoii'es dans notre temps, Celui qui se plaint d'avoir été troublé dans sa possession assigne sa partie dans Tannée de trouble et offre de prouver par témoins Pusurpation. Le juge de paix , au lieu de choisir les témoins , ce qu'il n'a pas le droit de faire , entend tous ceux qu'il plaît aux deux plaideurs d'administrer. Malheureuse- ment chacun d'eux produit ses amis et ses parti- sans. Après deux enquêtes , souvent contradic- (1) Ancien Coutumier, chapitres de Possession non mou-f vable j de Nouvelle dessaisine , de p^ue. -15- toires , le juge de paix a de la peine à démêler la vérité dans ce calios de témoignages qui se combattent. Enfin il sentencie seul, sans asses- seurs , sans conseillers, sans cette salutaire coo- pération qui a fait adopter au bon sens du peu- ple ce proverbe , que deux yeux voient mieux qu*'un. Je laisse à ceux qui par leur état ont été à portée d^apprécier le pour et le contre , à dé- cider laquelle des deux procédures , ^e celle du moyen-âge , ou de celle de notre siècle , offrait le plus de garantie de Téquité des jugements. Ces questions de possession seront toujours très importantes ; mais elles Tétaient beaucoup plus dans des siècles où Técriture était rare , où les ventes , échanges ou autres contrats se faisaient verbalement , à moins que ces actes ne concer- nassent les couvents ou églises ; car le clergé était très soigneux d^avoir des cliartes en forme , bien et dûment accompagnées de sonsciiptions et de sceaux , sans parler des anathèmes fou- droyants en style biblique contre ceux qui y por- teraient atteinte à Pavenir. Aussi la matière de la nom'elle dessaisine est-elle traitée avec beaucoup d^étendue , et avec une sagacité qui signale des jurisconsultes expérimentés , par Glanvillc, Fleta^ et surtout par Britlon. — 16 — A défaut (le charte ou admettait la preuve par tt'moins des conventions , mais il fallait qu'il y en eût deux au moins^ qu'ils prêtassent serment, et que leui's connaissances fussent positives, claires, certaines. Ce n'est que beaucoup plus tard et par l'ordonnance royale de Moulins que la preuve testimoniale fut restreinte. Elle a dans certains temps paru préférable à la preuve écrite. Cette force de la déclaration de deux témoins parais- sait fondée sur les lois de Moïse , les épîtres de Saint-Paul , et les paroles de Jésus Christ même (1). Le jury avait lieu dans les cas où il n'y avait ni chartes précises, ni témoignages positifs. Dans toutes ces circonstances la procédure était semblable à celle déjà retracée des procès de nouvelle âessaisine. Ainsi , par exemple _, si un mari avait vendu le bien de sa femme , si celle-ci le revendiquait _, ou demandait son douaire à des acquéreurs , douze jurés jugeaient les questions de fait (2). Parcourons succincte- ment quelques-uns des autres cas textuellement prévus par le Coutumier normand. (l^'i Deuteronome , chap. 17, verset 6. Cliap. 19, verset 15. Evang. St. -Math. Chap. 18, verset 16. 2'' Épitrc aux Corinthiens, chap. 13 , verset 1. (2) Coutumier, ch. de Bref, de Douaire , de Bref ùt Mariette encombré. 17 Le patronage cV église était une chose fort importante ; leseigneur, patron d'une église, avait la garde de ses biens et le droit de présen- ter à Tautorité épiscopale le prêtre qui devait occuper la place de curé , ou, comme on disait , de recteur; presque toutes les églises parois- siales avaient été bâties par les seigneurs nor- mands, qui avaient occupé notre province, alors presque entièrement déserte ; on n''en peut pas douter , quand on voit que ces églises sont don- nées ou vendues par eux, comme une propriété. Le droit de proposer un candidat pour une cure n''étaitpas seulement honorifique, mais il était ac- compagné de profits en argent , qui en faisaient un chapitre de revenus féodaux. Le juriscon- sulte Fleta le fait figurer, parmi les recettes d'un seigneur, dans un chapitre fort curieux, dont nous donnerons l'analyse dans une autre cir- constance pour établir en quoi consistait le reve- nu d'une seigneurie (1). De plus, la protection des biens d'une église devait être payée par une indemnité annuelle. Lorsqu'une église avait per- du son curé , et qu'il y avait procès entre deux seigneurs sur le droit de présentation , ce procès (1) Livre second , cliapilro 71. — 18 — ëtait jugé pariin jury composé de douze cJwvaliers ou gentilshommes , composition assez naturelle , puisque les nobles seuls étaient en possession des patronages ; il devait Tétre dans les six mois de la vacance de la place , faute de quoi Tévêque nommait qui il voulait; mais jusqu^à l'expiration des six mois , défense de nommer lui était noti- fiée par le baillif en ces termes : Nous vous dé- fendons feimement^ de par le duc deNormanilie, que vous ne receviez aucune personne à cette c'glise devant que le plaid soit fini {\). Le roi Philippe- Auguste substitua au jury de douze nobles pour juger les causes de patro- nage une commission composée de quatre nobles et de quatre ecclésiastiques (2). Il y avait deux cas où le procès civil prenait une teinte de criminel : quand un immeuble avait été donné en gage pour dettes , ou loué à un fermier , sans écrit , ni preuve de témoins , il arrivait quelquefois que le fermier ou Tengagiste soutenait être propriétaire , en se prévalant d\me possession paisible , publique, dont toutes les (1) Coulumier, de Patronage. (2) Ibid., de la chartre du roi Philippe; — 19 — circonstances annonçaient un vrai propriétaire. Alors le plaignant , dupe d'une mauvaise foi équivalente à un vol , n^était pas sans ressources ; il exposait son cas au duc , qui autorisait le ma- gistrat à convoquer douze prudhommes du voi- sine ipour juger la question de fait. Mais vu d\ni côté la force de la possession ; vu de l'autre la négligence du plaignant qui avait à se reprocher de ne s''être pas procuré une preuve positive quelconque : vu encore , comme dit le commen- tateur , que le cas était gra^fe , puisque Tenga- giste ouïe fermier reconnu usurpateur était con- damné à une forte amende , il fallait pour cette condamnation une majorité d'onze voix sur douze (1 ) . Quand un seigneur était en possession de per- cevoir de son {ielTalaire, ou vassal, telle ou telle redevance , et que le fieffalaire prétendait que c'était par une usurpation , ou par une erreur an- cienne , que la redevance était fixée à un taux trop élevé , il avait le droit de réclamer un bref de surdemande, d'après lequel un jury composé de nobles et de non-nobles statuait sur sa préten- tion. Mais Comme il s'agissait de changer un état (1) Chapitres de bre/ de ficf cl gatje , de Iref de fief et fisnne. — 20 — Je choses établi par une possession paisible , et de le changer sans l'aide d'une preuve positive contraire, la coutume exigeait aussi dans ce cas onze voix sur douze (1). Le cas le plus ordinaire de Tapplication du jury aux procès concernant la propriété était celui-ci : Une partie revendique un fonds contre quel- qu'un qu'elle soutient l'avoir usurpé ; ni le de- mandeur , ni le défendeur n'ont de titre écrit ; ce dernier n'a pour lui que la possession , mais il ne peut établir par des témoins la cojivention qui l'a approprié ; la question doit donc se déci- der d'après la croyance d'un jury. Mais le récla- mant devait au moins produire un témoin de certain à l'appui de sa revendication, avant que le jury fût convoqué. Cette procédure se nom- mait clameur de loi apparente. Nous ne citerons pas d'autres exemples des cas où le jmy avait heu en matière civile , de crainte d'ennuier nos lecteurs par des détails de procé- dure généralement peu intéressants, même lors- qu'il s'agit de procédures modernes. Nous dirons seulement en résumé que d 'après le Coutumier normand les points de fait douteux en matière (1) Chapitre de Bref Ac Sourdemandc , — 'il — ■ civile , étaient soumis à la décision de douze ju- rés ; et que le magistrat nY'tait que le directeur des débats. Le jury se composait-il de non-nohtes comme de nobles? La solution de cette question résul- terait sufiisamraent de ce que^ partout , le code normand du moyen-âge en parlant des jurés les désigne par ces inols : Le s plus prude s hommes et les plus cre'ables du voisiné^ qui sachent mieux Iwvéî'itê delachose) par voisiné^ on en- tendait un rayon d'une lieue au tour d'un ter- rain en litige. Mais dans le chapitre intitulé de hrej d'estahlie on lit textuellement : Si Von ne peut trouver au voisiné c/ievaliers ni gentils hommes, l'ejiqueste soit tenue par autres hom' mes du voisine', qui soient de bonne renommée. Sous le titre du bref de fie f et gage , le commen- taire, presque aussi ancien que le texte, remar- que que les jurés étaient le plus souvent des non- nobles , parce que les chevaliers et les nobles étaient en plus petit nombre qu'auparavant et occupés au service militaire. C'était à la suite des croisades malheureuses de Saint-Louis et pendant les guerres de Philippe-le-Be) contre les iVnglais. — 22 — Au titre des pèlerins et marchands dépossé- dés de leurs biens pendant leurs voyages , on voit quHl n''est pas nécessaire (ï appeler cheva- liers, ^omyii que les jureurs soient des gens crêahles et du voisine' ; cependant, observe le commentateur , s"'il s''agit de fiefs nobles, le jury- doit se composer de nobles, si on en trouve dans le voisinage , pourtant que l'on les treuve en voisiné. Ainsi , quand dans le rayon d'une lieue il ne se trouvait pas douze nobles pour juger une question de fait concernant un fief noble, des roturiers étaient appelés à la juger. A plus forte raison , les roturiers devaient-ils siéger a"u jury , quand il s'agissait dliéritages roturiers. La cour de Pécliiquier de Normandie , tribu- nal suprême et véritable cour de cassation de la province, douée en outre d\ine portion de la puissance législative , prononça en 1389 un arrêt de règlement d'après lequel , conformément à Tusage déjà introduit , les nobles ne seraient plus appelés à composer le jury, dans les affaires qui ne concernaient pas des héritages nobles (1). Donc en Normandie au moyen-âge les rotu- (1) Voy. Terrien, Commentaires du droit cinil , tant pu- blic que privé, olscrvc au pays de Normandie, 1573, livre 9^ p. 388 , le texle lalin dv l'arrêt y est eité lout nu long. — 23 — riers comme les nobles faisaient partie du jury , sauf en cas de concurrence la préférence due aux nobles, et même insensiblement un jury roturier finit par connaître de toutes les affaires , excepté des contestations relatives aux fiefs nobles^ et en- core, en ce dernier cas, en connaissait-il quand il n'y avait pas de nobles dans le rayon d'une lieue. ^i Les auteurs qui ont écrit sur la législation en Angleterre depuis sa séparation de la Norman- die, savoir : Glanville, Britton, Flela, déjà cités, sont parfaitement d'accord avec le Coutumier sur les formalités de la convocation du jury , de la tenue de l'audience, des délibérations des jurés et relativement à la souveraineté de leurs déciy sions ; les citer serait entrer dans des répétitions inutiles (^1). § 2 Peines contre le juré prévaricateur. Motifs iV exemption, de récusation, ou d^ exclusion. msssad^i^^&^isssx^ La principale garantie d'un jugement conscien- (1) Glanville, livre 11. Flela chapitres de brcvi im-œ disseùinœ , de vercdicto juratorum. Britlon, chapitre de ihaUengc de furours et autres. — 24. — cieux de la part des jurés était le serment fondé sur la base d\ine solide foi religieuse. Dans toutle cours du moyen-âge, vous rencontrez quelque- fois de grands coupables , ou des vices produits par la grossière ignorance ; Forgueil et Tinquié- lude naturelle à Fesprit humain enfantent des hé- résies , mais rincrédulité sur le fond même de la religion y est sans exemple. Aussi la crainte des châtiments éternels de Tautre vie et des punitions temporelles infligées dès ce monde même par la justice divine , a été dans ces temps-là le prin- cipal frein des passions criminelles ou de la mau- vaise foi. L'homme qui, la main sur Févangile ou sur. les reliques des saints, avait prononcé un serment, tremblait de manquer à sa parole ; s'il Tavait fait , le remords eût été son premier bour- reau. Le serment n'est plus qu\ine simple pro- messe , quand une profonde croyance religieuse n'y fait pas intervenir la divinité, etPincrédule de notre siècle , ou Thomme indifférent eu matière de religion , qui a juré le faux , n^en est pas plus troublé que d'un mensonge ordinaire , quand loulefois il n'a pas donné prise aux poursuites du ministère public. Si pour éviter ce mal, vous renforcez le sérieux et le solennel d'une pres- tation de serment, vous ne ferez que justifier celte observation de Napoléon , que du sublime au ridicule , il n'y a qu'un pas. -- 25 — Mais le juré qui prononçait contre sa con- science subissait d^autres châtiments que le re- mords dans la législation anglo-normande ; les lois lalteignaient d\me manière terrible (1). L'énormité du crime méritait un jugement so- lennel et exemplaire ; avoir consulté la faveur ou la vengeance , quand on avait juré de ne dire que la vérité , était qualifié crime contre Dieu et contre les hommes. Les jurés étaient au nom- bre de douze en matière civile , il en fallait vingt-quatre pour juger Taccusation de parjure contre un ou plusieurs jurés Ils devaient être de lu même condition que Taccusé , ou d^unc condition supérieure (2). Les auteurs cités dis- tinguent avec beaucoup de jugement les déci- sions fausses des jurés imputables à une erreur de celles ou il y a crime, et font avec un admira- ble discernement la part de la faiblesse humaine qui s'égare sans mauvaise foi . Le juré prév.aricateur était condamné à une prison perpétuelle , noté d'infamie , déclaré in- (1) ¥\c\i\, liv. ti, cliap, 12, fie jura la ni us assiste ; liv. 5 , chap. 22 , (le convictionibiis. Britlon , cliap. de allcyntes cl lus suivants. (2) l'.jusdcin condiltonis vcl /nc/inns; Flcta. — 26 — digne de toute croyance à Tavenir , prive de iouie franche loi , c^est-àdire de tous les droits de riiomme libre ; ses meubles étaient confis- ques , ses immeubles retournaient au seigneur de qui il les tenait ; s'il en possédait en franc-aleu , c"'est-à-dire sans relever d'aucun seigneur , ces biens étaient ravagés avec un appai-eil effrayant; on en coupait toutes les plantations , on labou- rait les prairies ; les maisons étaient rasées et les bois en étaient brûlés sur le lieu même, ou sur la place du marché public le plus voisin La mort lui était épargnée , parce qu'une infamie éter- nelle semblait une peine mieux appropriée au crime de celui qui avait juré en vain le nom de Dieu , et menti à sa conscience. Il faut avoir lu textuellement ces détails dans des auteurs graves, dans des auteurs contemporains de ces mêmes lois , pour croire que dans Tame de nos ancêtres il ait existé une telle énergie de vertu et d'indi- gnation contre le crime (4). Tous les hommes libres étaient appelés à com- poser le jury , sans distinction de revenu ou d'é- (1) Voy.;, outre les auteurs déjà cités, les instilittes de Lillleton, édition de Houard, t. 1" , p. 6 85; le Coutumier normand du Xni'= ûgcXg ,àefoifaiturcs. Coke, inslitufcs du flmU anglais. — 27 — lut. C'est un piùicipc c[iii lessoil de loules parU des ouviages de législalion anglo-normande. H Y avait toutefois des motifs d'exemption et d'ex- clusion ; les parties pouvaient de plus récuser les jurés dans certains cas. Devaient être exemptés sur leur réclamation et même d'office par le baillif et le sergent de Tcpée convocateurs, 1". les septuagénaires ; 2" les malades et infirmes j 3" ceux qui possédaient un revenu annuel de moins de vingt sous en im- meubles , quand il ne fallait pas sortir du comté pour exercer ses fonctions, ou quarante sous quand il fallait en sorlir. Ce revenu de vingt et de quarante sous représentait approximative- ment un revenu de 300 et de 600 francs de nos jours , je dis approximativement , car la compa- raison de la valeur des monnaies à diverses épo- ques éloignées présente des questions très- diffi- ciles, quand on cherche upe solution rigou- reuse. La composition du jury élant l'ouvrage du chef de la justice dans un district, nommé vicomte en Angletrre , baillif ou justicier en Norman- die , cette opération pouvait donner naissance à des abus et à des actes arbitraires. Par faveur ou par toute autre cause , des gens riches étaient — '28 — exemptes des fonctions pénibles du jury , qui re- tombaient ainsi sur les classes les moins opulen- tes. Souvent on convoquait plus de vingt per- sonnes afin de pouvoir en éliminer davantage par faveur ou moyennant paiement. Souvent, faute d'avoir pris des renseignements suffisants, on appelait des gens //z/F/v/z^j-, méhaif^nés^ crampiis de goutte (1) , ou domiciliés hors du rayon d'une lieue du lieu contentieux, ou qui possédaient moins de vingt ou de quarante sous de revenu annuel en biens immeubles. Outre le déslionneur, résultant des fonctions mal remplies , le magis- trat pouvait dans ces cas être condamné à une amende. Si on ajoute à cette punition le con- trôle de récusation qui appartenait aux parties , on conçoit que la composition d'un jury était une des fonctions les plus graves du magistrat^ et qui exigea'ent le plus de soin de sa part. Les fonctions de juré étant obligatoires, comme de nosjours , et souvent pénibles et oné- reuses , il aiTivait alors ce qui arrive présente- ment, que chaque citoyen qui n'était pas embrasé d'un vif amour du bien public , cherchait à se dérober à celte charge. Il y eu avait même qui aliénaient leurs biens afin que, n'ayant plus le re- (1) Brillon^ diapilrc de plusaïf lurts. — 29 — venu de vingt ou quarante sous , ils fussent dis- pensés de la jurée. Les réfractaires n'en étaient pas moins assujettis à remplir leurs fonc- tions, et de plus ils étaient passibles d\me amende pour avoir vendu leui's biens fraudideuse- ment (1). Étaient récusables les amis et ennemis spé- ciaux de Tune ou de Tautre des parties , les cou- sins , tous ceux de qui l'on puisse avoir soup- çons d'amour ou de haine ; ceux qui avaient intérêt à la querelle ou qui l'avaient conseil- lée, menée ou défendue; ceux qui étaient trop éloignés de la chose litigieuse pour la con- naître ; ceux qui étaient débiteurs, créanciers ou comptables d'un des plaideurs. En un mot, on retrouve parmi les motifs de récusation à peu près tous ceux que nos codes actuels énumè- rent comme pouvant servir à faire récuser un témoin ou un juge (2). Etaient exclus du jury : Ceux qui avaient été convaincus de faux ser- ment ; (1) Voir les ailleurs anglo-noiniands déjà cités ^ surtout Britton, C\\&\fiive de plusurs torts. (2) Mêmes auteurs, et surtout le Coutumicr normand du \ni® siècle, chapitre âajurcurs. — 30 — Ceux qui avaient subi une condamnation à mort , au bannissement , à la mutilation , ou au pilori ; Ceux qui n'avaient pas encore rage de discré- tion ; le mineur âgé de quatorze ans était recon- nu capable d'administrer ses biens , mais pour être juré pour ester en jugement, ou aliéner sa propriété , il fallait être âgé de vingt ans; Les femmes : C'est vuie maxime universelle qu'elles ne peuvent occuper aucune fonction publique, hormis celle de reine ou d'impératrice dans certaines contrées , elles pouvaient être en- tendues comme simples témoins ; Les prêtres et les moines : Ils pouvaient être entendus comme témoins , mais ils étaient exclus du jury , les preraiejs en raison de la sainteté de leur ministère, qui ne leur per- mettait pas de se mêler d'affaires temporelles, et surtout d'après cette maxime que l'église abhorre le sang, qui leur interdisait une condamnation à la mutilation ou à la mort , et les moines , parce que le religieux était mort civilement et censé n'être plus de ce monde. Les lépreux : Ce terrible fléau de la lèpre a — 31 — eu une telle extension en Europe dans le moyen- âge, qu'elle fit établir dans toutes les provinces des hôpitaux sous le nom de léproseries ou ma- liidrcjies , où Ton séquestrait les malheureux qui paraissaient atteints de cette maladie contagieuse. Comment a-t-elle disparu de l'Europe après y avoir répandu pendant tant de siècles une épou- vante universelle ? cette question n'enti^e pas dans notre plan. Quoiqu'il en soit sur ce point d'histoire , la lèpre inspirait encore de la terreur aux rédacteurs de la coutume de Normandie ré- formée en 1583, puisqu'ils y maintinrent un ar-- ticle portant que le lépreux, jugé comme tel, était inhabile à succéder. Malheur au lépreux qui avait des cohéritiers avares! la dernière affaire pour lèpre qui ait occupé les tribunaux normands a eu lieu en 163(5 ; les parents d'un sieur Micliel Piquet, avocat à Carentau, l'actionnèrent pour le faire déclarer lépreux; il fut visité par des mé- decins qui ne reconnurentpas de lèpre sur sa per- sonne, et il gagna son procès (1J'. Depuis ce temps nul procès pour lèpre n'a paru en Normandie. Les excommuniés : Cette classe de gens était frappée d'un anathème qui la privait de ses droits (1) Commentaire de Basnagc sur l'art. 274 de la cou- tume. — 32 — de citoyen et même de ceux d'homme ; îeboire, le manger, Thabitation leur étaient impitoyablement refuses ; ils ne pouvaient être témoins dans les affaires les plus simples , toute action en justice leur étant interdite ; si Texcommunié réclamait d'un débiteur le paiement d'une créance , il suf- fisait à ce dernier d'alléguer la tache abominable de Fexcommunication pour ebtenir décharge de l'action la plus légitime, au moins jusqu'à ce que le créancier se fut fait absoudre ; quandl'excom- munié au contraire était débiteur , ou défendeur dans toute autre espèce de cause , il ne fallait pas que l'excommunication l'empêchât d'être con- damné , ce qui aurait été fort commode pour certains excommuniés de mauvaise foi ; le juge accordait un ou plusieurs délais pour qu'il obtînt son absolution, et s'il ne l'obtenait pas , il était jugé par défaut^car un excommunié ne pouvait être entendu en justice (1). Les vilains, villani: On entendait par ce mot les hommes attachés à la culture des terres , in- séparables de cette culture , vendus ou donnés avec ces terres et incapables d'acquéiir des pro- priétés pour eux-mêmes. (1) Détails extraits de Bi'itton,de Fleta et du traite i/c tenurcs de Liltleton. Il se présente ici une remarque historique très importante. Celte exclusion se trouve énoncée danslesouYrages(leGlanville,deBritton,deFleta, de Littleton composés en Angleterre, lorsqu'il ne s'en trouve pas un mot dans le Coutumier normand duXIIF siècle ; vainement chercherait-on soit au litre des tenures ^ soit à cehxi àes jurein^s où de nombreux empêchements sont énumérés , on ne trouverait ni dans le texte , ni dans le com— m^entaire à peu près contemporain , les mots mêmes de villains ou serfs , si fréquemment ré- pétés dans les auteurs de droit de la Grande-Bre- tagne au moyen-âge , qui ont traité avec soin de ces deux classes de personnes. Pourquoi donc le Coutumier n'en aurait-il pas parlé de même? Le seul passage qui ait quelque analogie avec la inlleiiage est au titre des tenures , où nous trou- vons au dernier rang des tenanciers les person- nes qui possèdent les fonds à charge de faire les vils services ; ailleurs il est dit , les villains ser- vices ce qui ne signifie pas les services hon- teux , mais les travaux de la culture des terres 5 il nV a certes rien là qui caractérise la servi- tude de l'homme attaché à la glèbe , de l'es- clave incorporé avec un fonds et le laboui^ant pour un autre : encore le Coutumier dit-il que ce genre de teniire appelé bordaqe du mot 6orr 3 — 34 — (Je ^ qui signifie maison, petite ferme, métairie, n''existait que dans aucunes parties de la Nor- mandie. Enfin ce boi'dage n'^était pas un escla- vage , parce que le Coutumier n''observerait pas qu'à regard de ces terrains il n'était pas dû d'hommage , qu'il n'était dû que le service sti- pulé. La servitude de la glèbe et Tesclavage person- nel n'existaient donc plus dans notre province au XIIF siècle, ou s'ils y existaient, c'étaient des exceptions rares , des restes isolés d'un ancien ordre de choses que le temps avait détruit , tan- dis que les serfs et les villains couvraient en- core l'Angleterre , la France et l'Europe en- tière. L\me et l'autre de ces conditions avaient ce- pendant existé précédemment sous les ducs sou- verains de la Normandie j et il était difficile qu'il en fût autrement, puisque Rollon et ses compa- gnons , en s'établissant dans une des provinces du royaume de France, y avaient trouvé l'esclavage établi, et qu'ils partaient eux-mêmes de contrées où il existait également. On doit voir un exemple de la servitude personnelle dans cette charte du duc Richard le-Bon, conservée à l'abbaye de Fé~ ^35 — camp, et éditée par Don Mai tene (1), où nous voyons que le duc, en assignant le douaire de son épouse Judith sur une centaine de domaines situés dans le Cotentin , lui fait concession à titre de propriétaire , coucedo tibi jure propiio , de cinq cents personnes des deux sexes pris parmi les gens de sa maison ," pour être au service de ladite épouse. C'est le seul témoignage que nous ayons ren- contré de Fesclavage personnel sous Tempire de nos ducs, et encore ce passage n'est-il pas absolument décisif 5 car enfin ce prince au- rait pu céder à la femme cinq cents personnes de sa maison sans qu'il résultât nécessairement de cette donation que ces cinq cents personnes fus- sent des esclaves forcés d'obéir, et auxquels il était interdit d'offrir leurs services à d'autres maîtres. Quant à la condition des villains , attachés à la culture des terres , il est impossible de ne pas reconnaître, eu lisant les nombreuses chartes de ces temps-là, insérées dans la Gallia Christaniai partie de la Normandie , qu'il y avait alors des hommes, attachés à certains domaines, qui en (1) Thésaurus anecdotarupi; t. J. p. 122. 36 fdisaient une partie intégrante , au point qu'on les énonçait formellement dans les cession» de ces domaines. Ainsi, dans les donations faites au couvent des religieuses de Montivilliers près Rouen , par les ducs Richard III , Robert-le-Magnifique et Guil- laume-le- Bâtard, on voitle don dVin certain nom- bre d'hôtes ou habitants des domaines, îiospites, ou de bordiers hordarios , aUachés aux biens donnés; nous en avons compté en tout cent douze. Ainsi dans la charte de fondation de l'abbaye de Lessai en 1056 au diocèse de Coutances , on remarque , entr'autres concessions , celle d'une terre avec le Vavasseur qui l'occupe^ un jar- din et le jardinier , horlolanum , la terre de trois valets dans le Bautoîs , terrain iriiiin famulo- riixn. Une charte du duc Robert en 1006 donne au monastère de Fécamp la troisième partie des hôtes appele's colons avec la terre labourable gui regarde cette troisième partie , qace ad îp- sam tertiam partem pertinet. On rencontre de même très souvent dans cette précieuse collection de chartes dont uii grand nombre a disparu , une église donnée avec le sacristain_, ou le prêtre qui la dessert , des pêche- ries avec les pêcheurs, des bergeries avec le,s bergers, des vacheries avec les vachers. Dans la charte de fondation de Fabbaye de Sigj, au diocèse de Rouen, en 1 052, le fonda- teur, nommé Hugues, donne, entr'autres choses, un manoir et dix charretiers, un pêcheur avec sa terre , les terres de tel et tel , dénommés par leur nom de baptême: dans ce dernier cas , ce nVst plus Thomme qui est donné , c'est la terre qui est Pobj et direct de la donation; évidem- ment les dix charretiers, ou valets de harnois^ et le pêcheur, étaient de vlllains annexés à la terre , et dans le cas des terres de tel et tel , les hommes qui les détenaient étaient libres et les possédaient moyennant les redevances conve- nues . On pourrait multiplier les citations de ce genre. Maisc'est surtout dans les chartes des donations faites aux deux monastères de Saint-Etienne et delà Sainte-Trinité, àCaen, par Guillaume-Ie-Bà- tard , que nous venons ressortir le plus nette- — 58-. ment les différentes classes dliommes qui com- posaient le peuple , c"'est-à-dire ce qui n''était ni là noblesse guerrière , ni le clergé occupé du service de Dieu. En Tannée 1 077 , le duc Guillaume donne au monastère de Saint-Etienne despi-opiétésrurales , au nombre desquelles figurent les villages de Cabourg et Allemagne , avec les colons et les hommes conditionnaires ou libres, cum colonîs et conditionariis seu liberis hominibus-, dans deux de ces propriétés il cède ceux des hommes qui ne tiemient point une terre franche^ quifrancam ter- rarn non tenent)\\ les cède, disons-nous, pour le service du monastère , excepté toutefois qu'il se réserve leur service à la guerre, dans le cas où les frontières de la Normandie seraient attaquées par l'ennemi. On voit, dans la même cliarte, un hôte donné avec sa terre ^ hospitem unum cum terra sua. Les hôtes, colons , villains, étaient une même classe. Dans la charte en faveur de Fabbaye de la Sainte-Trinité , le duc et la duchesse donnent, entr'autres choses, la terre de deux hommes li- bres 5 dans un autre endroit encore, la terre de deux hommes libres -^ ailleurs, un paysan^ rusti- — 39 — cwn cum terra sua;, dans les deux premiers cas," c^est la terre qui est l'objet de la donation ; dans le troisième , c''est le paysaa lui-même, 11 y avait donc alors en Normandie des hom- mes francs , et des hommes qu'on pouvait don- ner ou vendre; qu'étaient les hommes condition- naiT'es dont parle le duc? la définition en est don- née bien clairement par Liltleton, ou plutôt dans le traité anglo-normand, édité par lui (1), où nous voyons que parmi les tenures libres figurait d'a- bord \e fie f simple ^ qui consistait dans la cession d'un fonds à quelqu'un pour lui et ses héritiers," moyennant le prix librement convenu entre le vendeur et l'acheteur ; venait ensuite \efefcon- difîonnaire, qui n'était que viager ou transmis-^ sible seulement à telle ou telle classe d'héritiers ," ou réversible au vendeur dans tel ou tel cas. S'il y avait le moindre doute sur le sens de ce mot conditionnaire ^ il serait levé par ce passage du vieux Coutumier au chapitre des eschéances : « Eschéance par condition vient quand fief en w est vendu ou baillé par telle manière que JM L • (1) Chapitres de fée simple, àc fée tail, tcnure à term» de vie , tenure à terme d'ans. — 40 — ») quand cil qui prend sera mort il reviendra à cil I» qui le baille, ou àaultre, si comme la condition )) estfaicte entre cil qui le baille et cil qui le prend. )) Ce sont les coustumes qui anciennement ont » esté gardées en Normandie. » Les terres en franc-aleu^ c'est-à-dire celles qui n''étaient tenues de personne, pas même du duc lui-même, étaient très-nombreuses en Nor- mandie. Ainsi la classe des possesseurs de francs-aleux, celle des fieffataires simples et celle des fieffatai- res conditionnaires , formaient en Normandie dans le moyen-âge une partie du peuple impor- tante ; c'est du milieu d'elle que le baillif, cliargé de l'administration de la justice, tirait commu- nément ses jurés. Nous reviendrons sur ce point. Le silence absolu du Coutumier normand du XlIIe siècle sur les serfs et les villains^ lorsque les auteurs de droit qui ont écrit en Angleterre? à la même époque, traitentavecsoin de ces classes de personnes, portent à penser que s'il y avait eu en Normandie, sous l'empire de ses derniers ducs, des paysans attachés à des domaines et des es- claves faisant partie du mobilier de leurs mai- *- /. I — très, cet état de choses avait cessé d^exister dans le XIHe siècle et même long-temps auparavant, parce que le rédacteur du Coulumier a soin fréquemment d'avertir qu'il a recueilli les an- ciennes lois et les anciens usages de sa patrie , et de noter les changements y apportés depuis la réunion de la Normandie à la France. Cest donc chez les jurisconsultes anglo-nor- mands qui ont écrit en Angleterre que nous de- vons chercher ce qu étaient ces liâtes^ colons^ oxxvillnins. Glanville, ministre de la justice sous Henri II, duc de Normandie et roi d'Angleterre, traite longuement des esclaves attachés à la per- sonne, et des hommes attachés indissolublement à la culture des fonds (1). On y voit que, quand il y avait procès sur la qualité d'mi individu , sa- voir s'il était libre, ou serf^ ou viliain, la ques- tion était résolue par un jury choisi dans le voi- sinage , ad 'vicinetum erit recurrendum. Britton , dont l'ouvrage rerut force de loi par l'ordonnaiTce d'Edouard IV, consacre un chapitre aux divers genres d'esclavage existant de sou temps en Angleterre ; il explique comment on '■■■ (1) Livre \ de queslione status et de nativis. — /12 — devient esclave, comment on acquiert sa liberté » le mode de jugement par un jury de voisins des procès qui regardent ces questions (1). Dans un autre chapitre , il développe le principe que le villain ne peut acquérir pour lui_, que tout ce qu'il achète et tout ce qui lui est donné appar- tient de plein droit à son maître (2). Incorporé avec le domaine qu'ail labourait, il ne faisait siens que les aliments qu'il mangeait, et Pair qu'il res- pirait . Dans un autre ouvrage compose peu de temps après celui de Britton et intitulé le Miroir de Justice^ on voit que le sort des villains est amé- lioré, et que leur état est distingué de celui des serfs d'une manière tranchante; les scj^U sont^ sui- vant cet ouvrage^ ceux dont le sort est absolu- ment à la discrétion du maître, qui ne sont ca- pables de rien acquérir, ni de rien perdre, qui ne savent le matin ce qu'on fera d'eux le jour , que le maître peut châtier de toute manière, pourvu qu'il leur laisse la vie et les membres saufs. Les villains au contraire sont quittes de tout en justi- fiant qu'ils ont labouré fidèlement, et en i^emettant (1) Chapitre de naifté. (2) Chapitre de yurchas de villain. — 43 — à leur maître le revenu tle sa terre, Je Jucdou faite de leur nourriture et de leur vêtement, ainsi que de ceux de leur famille. On leur permet même des profits , quand le maître a lui-même réglé la somme d'argent, ou la quantité qui lui revient an- nuellement ; le surplus appartient au villain. S'il ne peut quitter la terre à laquelle il est attaché, de son côté le maître est obligéde Vy maintenir tant qu'il cultive honnêtement. Enfin il est réputé pro- priétaire des animaux et des ustensiles qui lui servent pour ses travaux aratoires, (1). Nous le répétons, lors de la rédaction du Coutu- tumier normand du XIIF siècle^ il ne devait plus exister de serfs ou de viUains en Normandie, puis- que ce recueil de la législation contemporaine n'en dit pas un mot, et cet état de choses durait depuis long-temps selon toutes les apparences , ainsi que nous l'avons déjà remarqué. Avant que de quitter cette espèce de tableau de l'état des personnes en Normandie dans le moyen - âge, observons l'immense différence entre la condition des villaiiis et l'esclavage tel qu'il existait ches les Romains et les Grecs, ou l'esclavage des noirs tel que l'ont fait plus tard des nations policées et chrétiennes. Il ne faut pas sans (1) The Myiror of Justice, chap. de Naisfer. ^ 44 — cloute, comme un savant magistrat, le président Bouhier (1) , voir dans le sort des villains la A raie et suprême félicite de Tagriculteur, et leur appliquer ce vers de Virgile : O l'orlunalos nlmiùm sua si bona noiint ; La manie du paradoxe a pu seule inspirer cet enthousiasme apologétique. La dignitéde Thomme ne permet pas de préférer à une liberté, mênïe indigente et inquiète, la nonchalance, Pinsou- ciance, la paresse d^un homme attaché irrévoca- blement à un fonds, et ne faisant qu\in tout avec cet immeuble. Cependant cette vie d'un labou- reur inamovible, d'un berger inamovible, d'un pêcheur inamovible, dont les emplois et ceux de leurs familles étaient fixés à jamais, qui naturel- lement et avant tout prenaient leur nourriture et leur vêtement sur les produits àeXenvvillenage^ cette vie, pour des gens que dévorait rarement le désir du changement , ne devait pas être sans douceur. Ils devaient s'attacher singulièrement Hux troupeaux, au fleuve, à la terre, objets uni- ques et immuables de leurs travaux et de leurs soins_, sans connaître les amertumes et les tor- tures de l'ambition. Encore une fois ne regret- (1) Ancien lépeiloiie de jaiispnid. au mot main morte. — 45 — Ions pas, comme le président Bouliier, cette béa- titude des villains du moyen- âge; mais d'un autre côté, comme il faut dans Tétude de This- toire s^appliquer à voir les objets tels qu'ils furent, ni plus beaux ni plus laids, nous dirons qu'indu- bitablement , cette condition était préférable à celledes malheureux Africains que des chrétiens ont cru avoir le droit d'assujettir à un esclavage cent fois plus tyrannique. § 5. Le jurtj tel qu^il existait e-n IVorman' die suppose une classe roturicrey libre, nombreuse et éclairée. Avant que d'entrer dans les développements que comporte et qu'exige cette proposition , je crois devoir traduire les réflexions que faisait au quinzième siècle un des chanceliers les plus distingues de l'Angleterre , lord Fortesciie dans son traité sur les lois de sa patrie , de laudihus leginn Jngliœ , qu'il composa , lorsqu'il était émigré en France avec le jeune roi Henri VI, à la suite du triomphe d'une faction contraire. L'ouvrage a la forme d'un dialogue entre le prince et le chef de la justice , qui fait sur- — 4G — tout l'éloge (le Tinstitulion du jury alors in- connue à toute l'Europe , excepté à la Grande- Bretagne. « Le chancelier: L'innocent peut-il crain- » dre une condamnation injuste à mort lorsque )) la loi a créé en faveur de sa vie tant de mo- » yens de protection , lors qu'il a pour j u ges sespro - » près voisins , des hommes probes et conscien- )) cieux dontil a faille choix lui- mcme? L'acquit- j> tement de vingt criminels serait mille fois pré- » férable à la condamnation injuste d'un inno- )> cent. Cependant l'iiomme vraiment coupable » n'échappera point à la peine , parce que ceux )) qui le jugent doivent eux-mêmes craindre de w replacer dans leur société un scélérat. Dans » celte procédure rien de cruel , rien d'inhu- » main ; l'innocent ne craint ni pour sa vie ni » pour ses membres ; les calomnies de ses enne- )) mis ne peuvent le faire emprisonner ou tortu- )) rer provisoirement. Sous une telle législation le )) citoyen vit tranquille et sans inquiétude. » Le prince : Le choix n'est pas douteux en- w tre cette législation et celle des autres pays où )) un homme désarmé et indéfendu peut se trou- » ver à la merci de ses ennemis et sentir sa li- — ht — )) Lerté , ses biens , sa vie dépendre de deux » témoins , qui peuvent lui être inconnus, avoir » même été choisis et produits par ses adversai- 1) res. S''il évite une condamnation à mort , c''est » toujours un malheur très-grave d''avoir été » accusé, mis à la question et d'avoir, dans les » tortures de Pinstruction, contracté des infir- » mités et des douleurs qui dureront toute la vie; » car avec la manière d'instruire les affaires cri- « minelles suivie en France , il n'y a pas d'homme » méchant qui, avec un peu d'astuce, ne puisse » plonger l'innocent dont il est l'ennemi dans de » si effrayants malheurs. Un tel danger n'est » pas à craindre , quand les témoins font leurs » dépositions en présence de douze jurés voisins )) du lieu oix le fait s'est passé et de celui où sé- )) journe l'accusé , qui connaissent l'accusé et les )) témoins également et peuvent apprécier quelle » confiance ceux-ci méritent. Mais je suis vive- » ment surpris qu'une loi si juste , si désirable , » ne règne qu'en Angleterre et ne soit pas éta- )) blie dans le monde entier. » Le chancelier : Mon prince, vous étiez en- )) core bien jeune quand vous avez quitté l'An- )) gleterre , ce qui fait que vous ne connaissez » pas tous les avantages de cette contrée et les _ /,8 — » désavantages des autres; si vous aviez été » à portée de faire cette comparaison , votre j) étonnement n'aurait pas lieu. L'Angleterre )> est d'une fertilité qui surpasse celle des autres » pays; ses vallons, ses montagnes et ses forets » sont d'une telle fécondité naturelle que les )> récoltes en sont aussi abondantes que celles » des lieux cultivés. Les pâturages y sont en- )> clos de fossés plantés d'arbres , qui mettent }) les troupeaux à labrl des tempêtes et des )) grandes chaleurs , et sont arrosés partout » de ruisseaux et de petites rivières qui servent M souvent de clôture naturelle ; il n'y a ni loups, )> ni ours , ni lions , dans toute l'Angleterre ; il » résulte de là que les troupeaux n'ont besoin j) d'être gardés ni le jour ni la nuit. Ces liabi- » tants ont conservé Fusr.ge de leurs ancêtres )) qui préféraient la vie pastorale aux pénibles » travaux de l'agricultnr3 ; l'un de ces états laisse ») du loisir et favorise la culture de l'esprit ; les » fatigues du labourage énervent l'esprit aussi » bien que le corps. Il ne faut pas s'étonner » qu'un peuple riche de ses troupeaux ait l'intel- )) ligence plus développée^ plus propre au ju- )> gement des causes, que celui qui, affaissé sous )) le poids des peines journalières du labourage , i) de travaux accablants et rebutants, devient I — 49 — » ignorant, grossier, inhabile à toute contention » d'esprit. L'Angleterre est tellement remplie de w libres possesseurs de terres que dans le village » le plus petit vous trouverez quelque cheva- )> lier, quelque écuyer, quelque père de famille M riche, de ceux auxquels on donne vulgaire- » ment le nom de Jranklin , des tenanciers » libres , des vassaux de seigneurs qui possè- » dent des patrimoines considérables de plus w de six cents écus de revenu annuel, ce qui fait » que dans les causes les plus importantes le jury » est facile à composer ; aussi le plus souvent y » voit-on figurer à la fois des chevaliers^ des » édiyers et des propriétaires libres dont le re- » venu est de plus de mille écus 5 avec de M tels jurés la corruption et la subornation » sont impossibles , non seulement pour la » crainte de Dieu, mais pour leur hoBneur et » celui de levu' postérité : telle n'est pas la situa- » lion des autres royaumes ; car^ encore bien » qu'il y ait des personnages d'un grand pouvoir » et de vastes possessions^ cependant, à côté de » ce petit nombre de riches , presque tous no- » blés, il n'y a plus que des pauvres ou des fer- i» miers qui ne peuvent figurer dans les jurys. Les » nobles eux-mêmes ne connaissent point la vie w pastorale , et leur condition ne leur permet 4 '■'' — 50 — » ni de lenir la charrue , ni de cultiver la vigne. » Comment dans ces pays composer un jury )) d'hommes probes^ éclaires, indépendants, du )) voisinage du lieu où s''est passé le fait qu'il >• s'agit déjuger , lorsque l'accusé a le droit de w trente récusations sans en déclarer le motif? Il » faudrait donc aller chercher au loin des jurés )) étrangers aux faits, ou composer le jury de )) pauvres chez qui n'existent pas au même de- )> gré le sentiment de l'honneur et la crainte de )) la perte de leurs biens. D'ailleurs, le pauvre )) dont l'intelligence est obscurcie ou étouffée î) par des travaux mêlés de peines d'esprit n'est » pas fait pour saisir facilement les questions î) d'une affaire. Ne soyez donc pas étonné, mon j) prince , si le mode de chercher la vérité em- 3) ployé par la justice anglaise n'est pas usité •» chez les autres nations , parce que chez elles » on ne pourrait pas trouver les éléments con- » venables d'un jury. » Le docte chancelier fait ensuite un tableau hideux de la misère où la France était plongée à la suite des guerres de Charles VII et sous le rè- gne alors contemporain du scélérat Louis XI. 11 en revient ensuite à son principe, que le jury est impossible avec si peu de citoyens libres et dans Faisance. Nous pensons comme lui que si le luxe — 51 — et la mollesse dépravent les hommes , d'un autre côté la pauvreté réelle, c'est-à-dire la réunion de travaux durs , d'inquiétudes habituelles et d'une dépendance humiliante, dégrade et abrutit nécessairement la nature humaine. Revenons maintenant à notre proposition. Le jury en Normandie était appelé à résoudre les questions de fait douteuses en matière criminelle ou civile ; c'était un jury du voisiné^ choisi dans le rayon d'une lieue au plus ; les assises ayant lieu de quarante jours en quarante jours , il est aisé d'apercevoir que pour un tel service il fal- lait un fonds de jurés assez considérable , surtout si on ne perd pas de vue combien il existait de cas de récusation , d'exemption et d'exclusion j les non-nub/es^ ainsi que nous l'avons vu, sié-»- geaient avec les nobles^ et lorsque ceux-ci étaient appelés à la guerre , le fardeau du jury retombait alors le plus communément sur les non-nobles j il n'est pas permis de croire que le magistrat appelât à rendre la justice auprès de lui sur Bori siège des individus couverts dessales haillons de l'indigence , ou dont le travail aurait oblitéré les facultés intellectuelles. A la vue de ces faits il est impossible de douter qu'à l'époque où la Nor- mandie a formé un état indépendant fortement -. 52 — organisé pav des hommes de génie , tels que Rol- lon et Guillaume-le-Bàtard, il n'ait pas existé à côté de la noblesse et du clergé un tiers état ri- che^ libre , digne de coopérer à l'administra tion de la justice par son caractère moral et son intel- ligence. On adoptera encore plus facilement cette opi- nion si on examine comment , après la conquête de la Neustrie par les intrépides enfants du Nord, cette province fut repeuplée. Ce pays avait été, en liaison de sa position littorale , si souvent ravagé par les pirates, qu'il était devenu entière- ment désert^ et comme l'exprime énergiquement le plus ancien de nos chroniqueurs , Dudon de Saint-Quentin^ la terre était inculte, privée de charrue, de gros et de menu bétail et d'habitants humains (1 ). Je laisse de côté la question de savoir si la Flandre fut offerte en sus à Rollon pour qu'il pût nourrir son armée , et si la Flan- dre ayant été refusée à cause de ses marécages , la Bretagne lui fut concédée , parce que la Nor- mandie était tellement déserte qu'il ne pouvait pasy vivre, au moins provisoirement; cette tradi- tion adoptée par le même Dudon et par Guillaume "■' ■"■ '—■■■■■■■■ ■■■ i. .-!■■■ ■ ■■■ ^pp. 1,^^ . .^^^■^^ , ,.., M (1) Dudon, livre II. — 53 — de Jumiége ( 1 ) , ne ferait que confirmer la réa- lité dePétat de dévastation complète où se trouvait la contrée. La troupe de Rollon, selon les pro- babilités^ ne s^élevait pas à vingt mille hommes ; chacun d'eux pouvait donc se pourvoir ample- ment de beaux domaines dans un territoire na- turellement fertile, qui nourrit aujourd'hui plus de deux raillions d'habitants, et la majeure partie en devait rester encore inoccupée , après que chaque conquérant avait pris son lot. Rollon, que tout annonce avoir été aussi bon législateur que bon guenier , sentit la nécessité de remplir ces vides , et de se former une population propor- tionnée aux ressources du sol. Pour atteindre ce but , disent les mêmes auteurs , il donna pleine sécurité à tous les étrangers qui voudraient s'y établir et obligea ses chevaliers à vivre en paix avec ces étrangers ainsi admis ( 2 ). Ce n'eût pas été une proposition engageante que celle de venir vivre en Normandie comme esclaves , ou comme villa'ms des hommes du Nord. Il dut se former donc une classe de propriétaires libres (l)Diidoii, même lien. Guillaume de Jumiége, livre II, chapitre XIX. (2) Securitatem omnibus gcntibus in sua tcvrâ ma- ncrc cupienlibus fccit. Dudon et Guillaume tic Jumiége , aux lieux cités. ■ — 5A — • tenant ses terres en franc- aîeu , ou du prince uniquement , ou ne dépendant du seigneur voi- sin que par le lien de Thommage. § 4. Pourquoi le jury a-t-il cessé d'être en usage en Normandie, même d'y cire V objet d'un souvenir? Causes de cette disparition. Avant que d^aborder cette question , nous croyons indispensable de poser certains prin- cipes de Tinstruclion des affaires criminelles et civiles , et surtout de bien définir ce qu'on entendait jadis par preuves en Normandie. Ce n'est que long-temps après que Finstinct naturel de la justice a suggéré des règles de con- duite que la science les réduit en articles précis et les classe dans un ordre logique. Celte théorie ajoute assez rarement quelque chose à ce quV dicté Téquité naturelle toute seule. Le pire état est celui qui est intermédiaire entre le bon sens abandonné à lui-même et la théorie perfection- née , parce qu"'alors l'équité est faussée, obscur- cie, irrésolue, et la science n"'est pas encore assez développée et clarifiée pour y suppléer. • - oo Quelles sont les idées en mallère de preuves d'un peuple chez qui existe plutôt une grande énei'gie de sentiment et de bon sens qu\ine science subtile ? Nous les trouverons dans le Cou- tumier normand du moyen-âge. On y distingue la preuve de certain et la preuve de credence ou croyance. La preuve de certain a lieu quand des témoins en nombre légal vien- nent dire : J'ai vu , ou s''il s'agit d'offenses ver- bales , j'ai ouï. Quand un assassin est saisi sur le fait, ou dans le moment de la première cla- meur , et qu'un nombre suffisant de témoins viennent dire : Nous l'avons vu tuant un tel, il y a preuve de certain. Il en est de même du voleur qui a été aperçu ou saisi volant. L'aveu fait par le criminel en présence du juge et de ses asses- seurs était regardé aussi comme une preuve de certain. Dans les causes civiles , une charte pré- cise, une déposition d'au moins deux témoins attestant positivement une convention, étaient des preuves de certain ( 1 )• Mais après qu'une population ignorante a donné le nom de preuves à des faits qui ne peuvent lais- (1) Coutumier, iWicsdejugcmc/if, de assise, de hii' prou- vable, de toi apparente, de tcino'ms. — 56 — ser matièi'e au doute , se présentent en suite à sa conscience ces cas embarrassants, où, par exem- ple, un individu semble coupable, quoiqu"'il n^ait pas été surpris ni vu d^aucune manière commet- tant le crime, et qu'il ne l'avoue pas, ou s'il s'agit d'une cause civile, tout annonce la mauvaise foi d'une des parties. Cette opinion est parfois en- vironnée des nuages du doute, d'autrefois elle apparaît si claire et agit si puissamment sur l'ame de celui qui pèse et médite les faits, qu'il ne peut s'empêcher de s'écrier : Oui l'accusé est coupa- ble , oui , telle partie est de mauvaise foi ; il le déclare, parce qu'il le croit-^ c'est ce que la légis»- lation normande appelait preuve de cre'dence , enquête du pays , loi apparente. Si on n'a pas d'abord bien saisi cette distinc- tion, l'étude de cette législation intéressante pré- sentera de graves difficultés ; à chaque pas on croira rencontrer des contradictions inexplica- bles; avec cette distinction, tout devient clair et facile à comprendre. Quand il y avait preuve de certain , le baillif jugeait seul avec ses assesseurs ordinaires et sans jury ; bien plus , en cas de flagrant délit , le vi- comte, chargé d'une juridiction inférieure à celle — 57 — du baillif, le seigneur à qui une charte du prince avait concédé le droit d^administrer la justice , pouvaient, sans attendre une instruction que la loi regardait comme inutile, juger sans jury et faire pendre le malfaiteur. En matière civile, le tri- bunal du baillif appliquait, sans Taide d\m jury, les articles clairs et précis d^une convention établie par chartes ou par des témoins de certain. Mais quand les faits étaient douteux , quand la preuve ne pouvait résulter que d\me crédence, par exemple, quand dans le cas Renouvelle des- saisine il fallait classer et rapprocher un certain nombre de faits pour en tirer une conclusion, lin juiy choisi dans le voisinage de Pendroit liti- gieux déclarait quelle était sa crojance^ et les plaideurs avaient pour juges douze des plus gens de bien de leurs voisins , non récusés par eux. Le combat judiciaire n^ayant lieu que pour suppléer aux preuves évidentes, se nommait aussi loi apparente (1 ). En général on était frappé de l'idée que, quand un crime avait été commis, que la voix publique , à défaut de témoins qui (1) Normannis nostris summopciè duelliim plaçait, ipsis et Glanvillœ noslro legoin apparentem nunciipatuin. Spclman , codex legiiin vcleruin icgni Angliiv; règne de Guillaume-lc-Bâtard. — 58— eussent vu le fait, on accusait un homme diaprés une réunion de présomptions graves , celui-ci devait subir le combat ou \e jugement du pays , c''est-à-dire la déclaration de vingt-quatre de ses concitoyens en Normandie , et de douze en An- gleterre ( 1 ). Tout ce que nous venons de dire semble avoir pour but de fixer de plus en plus la nature du jury normand , plutôt que d^expliquer les cau- ses de sa cessation , comme le promet Tintilulé de ce paragraphe. On va voir pourtant que ces réflexions sont d"'utiles préliminaires pour la solution de la question posée. En effet, le jury ne devant être convoqué que dans le cas oi^i un fait paraissait douteux, et le baillif, avec ses assesseurs , restant juge de tous les au- tres cas, la juridiction de ceux-ci étant habi- tuelle et permanente , celle des jurés occasion- nelle , momentanée , impi'évue, propre à les contrarier en les enlevant à leurs occupations ordinaires, on conçoit avec quelle facilité la ju- ridiction des magistats a du envahir les fonctions des jurés, et finir insensiblement par s''en passer. (1) Coutuniier normand, chapitres de suite de mcnidrç, de ineurdre et homicide, dejitreurs. -^ r>9 — lorsque surtout les circonstances ont favorisé cette invasion , et que les citoyens eux-mêmes liront pas été fàclics de n*'ctre plus convoqués. Les fonctions de Juré, pour être exercées avec aclivité et zèle , exigent un fonds de vertu, de patriotisme, d''amour désinléiessé du bien pu- blic Sitôt que Tindifférence , Tapalhie, Pégoïsme ont remplacé ces sentiments nobles, chacun aime à se tenir chez soi et à y faire ses affaires. L'esprit national dut s'éteindre en Normandie à la suite de sa réunion à la France Pendant trois siècles il avait régné entre les Français elles Normands une rivalité pareille à celle qui a divisé si long-temps TAngleterre et la France. Après la conquête de l'Angleterre , les Normands furent la première puissance militaire de TEurope ; Guillaume-le-Bàtard pouvait lever cinquantemille chevaliers dans la Grande-Bretagne et autant dans la Normandie et le Maine. L'ennemi n'avait franchi les frontières de notre province que par surprise, et pour un peu de temps, et nos an- cêtres , au contraire, avaient vaincu tour à tour dans leurs propres états les monarques de France, les ducs de Bretagne, d'Anjou et de Flandre, mais tout est destiné à prendre une fin. Lorsque le roi Philippe-Auguste eut fait prononcer par le — 60 — tribunal des pairs de France la confiscation de la JVormandie à son profit, en punition de l'assassi- nat commis par Jean-Sans-Terre , sur la personne de son neveu Arthur , les barons normands firent peu de résistance à Texccution de cette sentence, parce que c'eût été prendre la défense d'un sou- verain aussi lâche qu'il était scélérat, et que les hautes qualités du roi de France étaient faites pour lui concilier les esprits. Il n'en est pas moins vrai qu'à partir de cette époquela Normandie , après avoir été si long-temps un état indépendant et puis' sant, ne fut plus qu'une province française. Dès- lors il n'y exista plus d'esprit national ; les barons s'occupèrent à faire leur cour au roi de France, et le peuple à soigner ses intérêts privés. Cependant la principale cause de l'abolition de l'institution du jury, fut la propagation de l'é- tude de la jurisprudence, et la transformation pro- gressive des procédés du bon sens et de l'instinct naturel de l'équité en une science profonde, éten- due, subtile, qui eut ses adeptes, ses docteurs, qui exigea des études longues et au-dessus de la portée du vulgaire. Montesquieu attribue à cette cause la cessation de la juridiction des barons et hommes de Jie/ dont nous parlerons bientC^t (1). (1) Esprit des lois ;, liv. 28^ cap. 62 et suivants. — 61 — Mais c^est rétudc des monuments historiques de la législation en Normandie, depuis lloUon jus- qu^à la réformation de la coutume, en 1583, qui prouve le plus clairement cette résolution opérée par la science dans le mode d'administration de la justice. Le droit romain , basé généralement sur les prii>cipes d\me haute philosophie , fut inconnu aux peuples du Nord établis dans la Gaule sep- tentrionale, jusqu^à ce que la découverte du Di- geste en Italie dans le onzième ou douzième siècle donna naissance à un nouveau genre d''études. Nous avons cherché le plus soigneusement qu'il nous a été possible dans le Coutumier normand, rédigé au XIII* siècle , et présenté par le rédac- teur comme étant le recueil des lois établies par Rollon lui-même, sHlne s^ trouverait pas quel-» ques règles , quelques maximes , quelques mots seulement, dont Torigine serait romaine, et nous n'avons pas pu en rencontrer un seul exemple. Ainsi, riiypothèque , création du droit romain , et la partie la plus importante de la législation civile moderne y est inconnue ; le mot même ne s'y trouve pas. Cet assujettissement d'un immeu- ble au paiement d'une obligation, quoiqu'il reste toujours en la possession de l'obligé , est une idée — 62 — nbstraite qifon ne renconticra point Jans les lois d^une nation ignorante. A la suite de cet an- tique monument édité par Rouillé se trouvent des ordonnances royales et des arrêts de règle- ment du ti'ibunal suprême de Téchiquier, trans- formé en parlement sous Louis XII ; là commen- cent à percer les germes d^une législation doctri- naire et les expressions techniques de la juris- prudence romaine. Sous le vieux Coutumier c'étaient les par- ties qui exposaient leurs moyens respectifs; le nom d''avocats notait pas encore connu , celui (ï'atioîinié^ procureur, s^appliquait à tout porteur de pouvoirs , pour plaider ou pour passer un acte, mais il devait arriver souvent qu'une par- tie , qu'un procureur lui-même , par ignorance ou par timidité, ou par une difficulté de parole, n'osât pas se hasarder à porter une cause ; alors il lui était permis de présenter quelqu'un pour expliquer les faits à sa place, et ce personnage se nommait un conteui'. Cet homme-ci doit parie j^ pour moi, disait le plaideur , et quand il aura parlé je le garantirai. Alors le conteur s'acquit- tait de sa mission, et quand il avait tout conte\ le juge demandait à la partie si elle garantissait tout ce qui venait d'être dit ; sur sa réponse affir- — G3 — mative , les faits avancés par le conteur' étaient réputés l'avoir été par le plaideur lui-même. Tel fut le barreau anglo-normand dans le moyen- âge (1). Jl serait trop long de tracer ici le tableau de la renaissance de Tétude du droit et de rétablisse- ment dV'coles à ce destinées. En fait^ il est con- stant qued'abordj en Italie et ensuite enFi-ance, la découverte des monuments de la législation romaine fut suivie d'une vive impression vers l'é- tude do ces lois, étude que Saint-Louis encoura- gea , ainsi que ses successeurs. La Normandie imita le reste de la France ; dès-lors pour plai- der une cause et pour la juger , il ne suffit plus du simple discernement naturel , il fallut être sa- vant. Les discussions prirent une étendue plus vaste , une forme plus didactique , et il fallut de la sagacité pour réduire à sa plus simple ex- pression une affaire longuement débattue. Les co;//e«r^ ne furent plus admis à porter la parole, et furent remplacés par les advocats. On n'é- tait reçu au nombre de ces derniers qu'après des éludes suivies d'examens; l'échiquier rendit en 1 426 l'arrêt de règlement suivant : « Est ordonné par la cour que désormais au- (1) Coulumici* , titres de attournez, de conteurs. -, 64 — » cun ne soit reçu à patrociner en cour laie de- I) vant les baillis , vicomtes et autres juges du » pays de Normandie , pour postuler et exercer » office d'advocat ou conseiller public , si pre- » mièrement il n'est trouvé suffisant expert et » habile , et ait fait serment en assise. » Nous avons pour nous conduire dans Thistoire delà décadence du jury en Normandie, outre les ordonnances de Técliiquier, le stjle de pro- céder^ imprimé à la fin du Coutumier, et le com- mentaire de Terrien sur la coutume de Norman- die, en 1374, avant sa réformation. Cest d'apics ces monuments que nous énoncerons comme cer- tains les faits suivants. D'abord les nobles ne se présentèrent plus aux assises, soit par négligence, soit parce qu'ils étaient occupés à la guerre. Une décision de Te- chiquier annonça qu'à l'avenir le service des as- sises se ferait par des /aï^y'i/^j' , exceplé dans les causes de fiefs nobles, où l'on appellerait des che- valiers. Cette charge dut alors devenir insup- portable pour la classe laïque. Les assesseurs du Bailli/ étaient de droit les hauts dignitaires de l'église et de l'ordre militaire qu il trouvait sous sa main pour l'assister, ou ^ 65 — qui voulaient venir siéger à côté de lui (1). Ces grands personnages , soit qu''ils sentissent leur in- capacité , soit que l'administration de la justice les fatiguât, laissaient souvent le baiilif juger tout seul. L'échiquier ordonna donc que les as- sesseurs du baiilif seraient pris parmi les nchocats^ plus capables effectivement d'entendre et déjuger les procès. L'écriture étant devenue plus commune dans les 1 4^ et 1 5" siècles, l'échiquier crut devoir _, pour plus de clarté des instructions, ordonner que dans tout procès chaque partie présenterait par écrit ses moyens de fait et de droit , et qu'elle offrirait la preuve par témoins des faits utiles à sa cause , lesquels seraient spécifiés en détail. Il est évident qu'il n'est plus là question des preu- ves de cî^edence , mais des preuves de certain . Le jury est incompatible avec ce mode d'instruc- tion. Quand un procèsétait instruit de cette manière, les avocats assesseurs du baiilif et celui-ci, juris- consulte lui-même, ne devaient pas songer à s'ai- der àeVo'^imonàesjureurs. Sila preuve leur sem- (1) C-outumier , chapitre (i.e jugement. — 66 — blait faite ou faillie , ils prononçaient en consé- quence sans autre procédure. Il était toutefois difficile de fermer les yeux à la clarté du texte de Tancien Coutumier , qui soumettait les questions de fait douteuses à douze jurés en matière civile, et à vingt-quatre en ma- tière criminelle. L'ancien style de procéder^ composé de morceaux de différentes dates, dont la plus ancienne pourrait remonter au 14^ siècle, donne le nom de témoins de credence aux douze/«- reiirs ^ dit qu\me partie pourra faire passer dans le nombre ses témoins de certain , et semble préférer partout la preuve de certain à la preuve de credence , entre lesquelles preuves chaque partie, suivant ce traité , a le droit de choisir. On conçoit facilement que la preuve de cer- tain , ou plutôt ce qu'on qualifiait ainsi , a dû éliminer la preuve de credence. Mais le texte du Coutumier offrait nécessairement de l'embarras; aussi le commentateur Terrien, qui a précédé de 30 ans la réformation de la coutume, a-t-ilsoinde remarquer, à l'égard de toutes les causes _, pos- sessoires ou pétitoires^ où douze jureurs senten- ciaient précédemment sur la question de fait, que cette loi, quoique non révoquée , était tom- bée en désuétude , et que les questions étaient — 67 — jugées par le baillif assiste d'avocats, et sur des té- moignages de certain. En matière criminelle oi!ile jury était composé de vingt-quatre citoyens , voisins de Taccusé , cette institution , si équitable et si libéi'ale , ne pouvait être' foulée aux pieds sans quelques mé- nagements. Suivant le style de procéder, les ma- gisti'ats doivent procéder d'abord par voie de témoins de certain ; l'accusé peut seulement de- mander l'enquête du pays ; cette mesure pure- ment facultative devait être requise rarement par l'accusé, peu à portée de comparer la valeur des deux méthodes. L'ordonnance de Louis XII de 1498 porte : « Et afin que les baillis , vicomtes et juges » royaux puissent plus sûrement procéder à dé- )) cerner ou bailler la question ou torture, sen- » tence de mort, ou autre peine corporelle, » avons ordonné et ordonnons qu'ils appellent » avec eux six ou quatre pour le moins des con- » seillers et praticiens de leurs auditoires, non » suspects ni favorables, lesquels seront tenus )) signer le procès , sentence , ou dicton qui sera )> donné à l'encontre desdits prisonniers, sans » déroger toutefois aux coutumes , usages et -68 — n droits observés en plusieurs lieux particuliers » de notre pays de Normandie, oii on a occou- )) tumé de juger lesdits criminels en assistance » par hommes ingénieux ou autres notables et » en compétent nombre. »> Ce monarque, tout en respectant Tusage du ju- ry, établissait un mode de juger qui, étant con- forme à celui que récliiquier suivait déjà, dut né- cessairement devenir une loi générale. Biais que reprochait-on au jury pour Tavoir laissé tomber en désuétude ? C'est ce que Ter- rien, commentateur de la coutume non ré-* formée explique en ces termes, en parlant de Tancienne poursuite du meurtre et de l'enquête du pays par vingt-quatre jurés : « Cette enquête soûlait être faite ancienne- )) ment quand le prisonnier la voulait attendre , » en la présence de quatre chevaliers non sus- j) pects par vingt-quatre hommes non reprocha- )) blés , du lieu où Faccusé avait conversé , ou » du lieu où le délit avait été commis , qui con- » nûssent la vérité de sa vie et de ses faits , les- w quels étaient fail s venir soudainement et à dé- » pourvu , sans savoir pourquoi ils étaient ainsi » mandés par justice , afin que les amis du prl- — 69 — )) sonnier ne les divertissent, coiTompîssent, ou » fissent aucune chose dire , par prière , par » loyer, ou par quelqu^autre moyen illicite. Si » vingt desdils gens croyaient que ledit prison- » nier eût commis le cas, il était puni par Topi- •) nion des assistants. Si moindre nombre que » vingt le croyaient , et les autres non , il était )) absous et mis en pleine délivrance. Mais telle » forme de jugement n'est plus gardée , car pour )) la renommée et crédulité seulement des té- u moins on ne doit procéder à condalnmation » et se faille procès d'un prisonnier selon la forme )) contenue aux ordonnances royaux, et si le pri« M sonnier confesse le cas , on en est atteint et )) convaincu par témoins de certain. » ( 1 ). Ainsi le jury n'avait cessé en Normandie par suite d'aucune loi expressément abolitive , mais parce que X^preuve de certain^ ou ce qu'on appe- lait ainsi , sembla préférable à la preuve de cro- yance , et parce que la composition plus savante des tribunaux eut pour résultat une tendance progressive à se passer de l'assistance des gens illétrés. De quel côté y avait-il le plus de raison? nous n'hésitons pas à dire que c'était du coté de la ju- risprudence tombée en désuétude. Il était natu- Temen , 1574 , pag. 608 — 70 — rel de qualifier preuves de certain le flagrant dd- lit, raveu spontané , etc., qui généralement ne laissent aunnn doute ; la déclaration de deux té- moins sur un fait précis semblait faire une preuve diaprés Paiitorité sacrée de l'ancien et du nouveau testament ; cependant il y avait plusieurs cas où le Coutumier exigeait plus de deux témoins de certain , en raison de la gravité des faits. Mais avoir reconnu en sus de cette preuve de certain une preuve de croyance y c''est de la part du légis- lateur normand une idée judicieuse et profonde. Au fond, qu'est-ce qu'une preuve qu\m fait pro- pre à donner au juge une conviction complète et sans aucun doute ? On conçoit findifférence des populations qui ne demandèrent pas mieux que d'être débarras- sées d'un fardeau qui revenait tous les quarante jours, car telle était la périodicité des assises. § V. De r origine de l'institution du jury. -^ — Quel que fût le pouvoir de la démocratie dans les républiques de l'antiquité , on n'y trouve rien de pareil au jury; les juges, quoique choisis par le peuple, n'en sont pas moins pendant un temps 1 ^71 — plus ou moins long , des dignitaires éminents , et ne présentent que des rapports vagues avec le jury, tel que les nations modernes Pont conçu. Le système établi dans les Gaules sous les em- pereurs romains y ressemble encore moins. Dans les parties septentrionales de cette vaste pro- vince de Tempire il paraît que les lois romaines n'ont jamais été mises à exécution. Il existe une comédie latine, composée dans la Gaule méridionale , sous Tempereur Théodose f intitulée Querolus ou le plaintif, et insérée dans plusieurs recueils ; dans celte pièce il s'agit d'un. jeune homme, avide de jouissances et privé d'ar- gent , qui désire s'en procurer et consulte à cet égard le dieu lare de sa maison : « Ne pourrais-je )) pas , lui dit-il , trouver le secret , en faisant )) des procès aux gens , de me faire payer des u sommes qui ne me seraient pas dues? La » chose est facile, répond le dieu lare, ne res- » tez pas dans ce pays où les loix sont sévères ; » passez la Loire , vous arriverez dans une con- » trée où les procès sont jugés sous un chêne; ce 1) sont des paysans qui plaident, et de simples )) particuUers qui jugent. » -v Illic rus lici pérorant et privali judicant. — 72 — Voilà bien une image clu jury , mais nous n'avons pas de documents historiques qui nous apprennent la nature et la forme de cette juri- diction champêtre du nord de la Gaule. Il est probable que Fauteur de cette comédie a voulu parler des Germains , puisque dans la Gaule la justice était rendue par les Druides , ordre pri- vilégié, aristocratique et sacré , s'il en fut jamaisi « Dans les assemblées publiques ^ dit Tacite, » (moeurs des Germains , chapitre XII) , on élit j) ceux qui doivent rendre la justice dans les j) bourgs et dans les villages, et chacun d'eux » prend avec soi cent personnes du peuple pour » former son conseil. » Le plus ancien historien des nations du nord^ connu sous le nom du grammairien Saxon , Sa- xo grammaticus , qui écrivait au douzième siè- cle, en Danemarck, dit d'un des rois danois nom- mé Lodbrog , le même dont il existe un chant de mort célèbre , parmi les anciennes poésies du nord, et qui régnait dans le iX." siècle : (( Il institua que toute contestation serait sou- )) mise au jugement de douze pères de famille »> approuvés des parties , sans admettre aucune » allégation ni de la part du plaignant ni de la — 73 — « part (lu défendeur; il crut que parle bienfait )) de cette loi les procès téméraires seraient di- » minués, et qu^il y aurait une garantie suffisante )» contre les calomnies des méchants. » (1 ) Les sagas présentent fréquemment des exem- ples de ce tribunal duodénaire. (2) En 1 787 Tacadcmie des inscriptions et belles lettres ouvrit un concours sur les questions suivantes : 1 . Quelles étaient les formes judiciaires danS les causes criminelles chez les anciens Francs et sous nos premiers rois ? 2. A quelle époque s^est introduit dans le ro- yaume Fusage de faire juger les accuses par leurs pairs ou par les jurés ? Combien de tems a duré cet usage et pourquoi ne subsiste-t-il plus que pour quelques classes de citoyens ? (1) Grammaticvis Saxo, histor. lib. 19. (2) Lettre à nous adressée sur cette question par M. Rafn, secrétaire de la société des antiquaires du Nord, établie à Copenhague. De l'état des sciences en Suède dans le temps du paga- nisme, parle chevalier de Slierman, secrétaire des archi- ves du roi de Suède. _74 — 3. Dans quel temps celte forme de jugement s^est-elle établie en Angleterre , et comment sV est-elle conservée ? Le prix fut parlagé entre deux auteurs , Ber- nardi et le Grand Delaleu. Ce dernier fit impri- mer son ouvrage; l'autre en a donné un abrégé à la fin de son institution au droit français. A cette époque Houard commençait à mettre au jour les monuments de la législation norman- de et anglo-normands , connus auparavant d'un petit nombre de savants , tels que Pasquier et Ducange, Nos deux concurrents , cherchant leur solution dans les capilulaires et dans les coutumes des environs de Paris, crurent trouver Forigine du jury dans Tusage des témoins qui jujYiient avec une partie pour faire triompher sa cause , et dans celui d'appeler les vassaux d'un seigneur à sa cour pour rendre la justice à leurs égaux . Une lecture attentive des capitulaires de nos rois des deux premières races éloigne Tidée que les co-jureurs eussent une juridiction; ce sont tout simplement des témoins à décharge \ si assez souvent leur nombre est fixé à douze;,il est quel- quefois plus nombreux , quelquefois moins ; ils — 75 — ne sont point cliuisis par le magistrat , ni soumis aux récusations de Taccusé; ils ne siègent point à côté du magistrat pour écouter les l'aisons des parties et prononcer ensuite un verdict après délibéré. La dilFérence entre eux et des jurés est tranchante. Quant à la coutume d''appellcr les hommes d\m fief à la cour de leur seigneur pour lui ai- der à rendre la justice à leurs co-vassaux , il est difficile d^ voir autre chose qu'une redevance féodale, destinée à débarrasser le seigneur d\nie tâche onéreuse , au lieu d\ine institution libérale et indépendante comme celle àa j'tirj' normand. On conçoit facilement que le développement de ces thèses historiques exigerait une foule de citations. Nous pensions dV^bord à consacrer no- tre dernier paragraphe à un tableau de l'histoire du jury. Cherchez et vous trouverez^ dit Pévan- gile ; mais en cherchant nous avons trouvé tant de choses qu'il nous a paru avoir assez de maté- riaux pour un gros volume in 8.° Il a fallu alors changer de plan , puisque nous ne devons pas occuper nous seuls le volume des mémoires de la société académique de Cherbourg. Si , à Taide de l'analyse cl de la méditation , nous pouvons 76 fondre tous ces matériaux en une histoire abré- gée qui n'ait pas plus tVune centaine de pages, nous la destinerons au prochain volume de notre société. L'histoire du jury a été traitée en allemand par M. Biener, de Berlin, en 1 837, et par un savant Danois établi à Edimbourg, sous le titre : A his~ torîcal treatlsc on trial by jury ^ 1832. M. le professeur Rafn , secrétaire de la société des antiquaires du Nord à Copenhague , profon- dément versé dans Fhistoire de l'ancienne Scan- dinavie, nous a promis sa savante coopération. M. Meyer, auteur d'un ouvrage intitulé : Es- prit ^ origine ^ e t pj^ogrès des institutions judi- ciaires des principaux pays de l'Europe , im- primé à la Haye en 1819 , a commis beaucoup d'erreurs sur le jury anglo-normand; il nous semble n'avoir lu du vieux Coutumier ; que l'inti- tulé des chapitres. La thèse que nous nous proposons de soutenir est celle-ci : « Le jury , d'origine Scandinave , )» a élé établi en Normandie par Rollon et trans- it mis à la Grande-Bretagne par Henri II, duc de » Normandie et roi d'Angleterre . Ce dernier pays — 77 — » l'a seul conservé. LHnstitution a disparu progres- )) sivement de la Normandie depuis Tépoque de » sa réunion à la France. La France, en Tem- j) pruntantàFAngleterre , n"*a fait que reprendre » son bien. » Quelques observations générales sur Tctude de riiisloire du moyen-âge avant de finir : A la x'enaissance des lettres , l'antiquité grecque et latine fut Tobjet des études et du fanatisme des savants. Sous Louis XIV, Téloquence et la poésie se modelèrent sur les poètes et orateurs anciens j la connaissance du moyen-âge était très-bornée ; quelques savants dont les ouvrages avaient peu de lecteurs avaient seuls parcouru, étudié , mesuré , décrit ce continent peu fré- quenté ; dans le siècle suivant, Kécole voltai- rienne , dont le but principal était de tout ridiculiser, fit la parodie ou la caricatui-e du moyen-âge, plutôt que son histoire véritable. Cette mode de rire de tout a passé comme tant d'autres, et peut-être notre siècle est-il appelé à faire le tableau réel et exact des siècles inter- médiaires entre la chute de TEmpire Romain et la civilisation grandiose du siècle de Louis XIV. — 78 — Ce qui a nui le plus jusqu"'ici à cette étude, c'est que beaucoup crécri vains , doues d'une vive imagination^ mais n'ayant pas assez cen- versé avec les titres, les chartes, les histoires , les poèmes de ces temps-là, ont fait du moyen- âge des portraits de fantaisie, les uns plus hi- deux , les autres plus beaux que la réalité. Celui-ci n'a vu que des troubadours , de belles châtelaines , des chevaliers braves et amoureux , en un mot , un âge de féerie et de poésie ; celui-là, au contraire, n'a pu supposer que des seigneurs , toujours scéléral s , commettant dans leurs chàieaux à donjons et à souterrains des forfaits insupposables , ou des prêtres cachant sous le masque de Thypocrisie une ame noire et atroce , telle qu'on aurait de la peine à la sup- poser au diable lui-même ; dans tous les cas , le peuple accablé sous un joug de fer , abruti par l'ignorance et l'esclavage , ravalé à l'égal ou au-dessous des animaux domestiques. Ces deux tableaux sont également chiméiùques. La lecture habituelle des ouvrages composés dans le moyen-âge , des chartes publiques et privées , des monuments historiques conservés dans les archives des villes ou des familles , la visite des antiques châteaux, couvents et églises, I -79- Félude surtout de la législation , voilà, ce nous semble , les cléments de la science historique du moyen-age , époque oii tant d^auteurs , en prose ou en vers , on., placé mille extravagances. Lorsqu''après une jeunesse livrée à Tadmira- ration des littératures anciennes, je me portai à étudier dans ses sources Fhistoire de France et surtout celle de la Normandie , je fus frappé de tout ce qui reste à faire pour donner une his- toire vraie et consciencieuse de ce qu''on est convenu d'appeler le moyen -âge; spécialement, je ne pus m'erapêcher de reconnaître dans la législation anglo -normande des pensées fortes, solides, profondes, deTensemble, des principes, peut-être ce qu"'il y avait alors de plus approprié au temps Pour mieux rendre mon impression , je rappellerai Texemple du roi Pyrrhus, lorsqu'il vint en Italie pour conquérir lîome , croyant n'avoir à combattre qu'une population ignorante et mal disciplinée ; prêt à livrer bataille et con- templant d'une hauteur le camp des Romains , il dit à ceux qui l'accompagnaient : Nous nous sommes trompes , l'ordre de ce campement n'annonce point dutout une nation harhare. m. ,„..,^^ REXDU PAR MAIRE DE CIIERBOVRa , COe âoii aiumiiùttatiotj vouv VCxeicÀcti «855. Séance du 1." Août 1836. Je vous présente aujourtriiui mon compte cVadininistration pour Texercice 1 835. Le résultat financier en est assez satisfaisant.' Il offre un reliquat cléfmitifde 45,447 fr. 68 cent, formant Vexcédant des recettes sur les dépenses. Ce boni est particulièrement dû à Pélévation des produits de Foctroi qui ont monté à 26,97G fr. 99 cent, au delà des prévisions. Les autres recettes qui ont donné des excé-^ dants de quelque importance consistent dans 6 — 82 — 1' La location de Tentrepôt qu't a fourni 1,161 fr. 71 cent. 2° La vente des terrains du Trotebec; 4,287 f. 3° L'attribution sur les patentes, 1 ,334 fr.OI c. Ensemble 32,819 fr. 86, en y ajoutant les «utres excédants qui sont moins considérables. A cette première nature de boni , nous avons à en ajouter une seconde qui provient de la di- minution sur un certain nombre de dépenses. Vous trouverez dans la colonne des restes an- nulés , f. 1659 , 57 à Tart. frais de perception de Toctroi, 732 , 98 sur Téclairage, 252 , 49 sur les rentes dues à Thospice, 3841 , 01 sur Poccupation des lits militaires, 333 , 34 sur le maître de chant des écoles pri- maires , 3432 , 14 sur les dépenses imprévues , — 83 — 1 G23 , 79 sur les frais de contrats d'acquisi- tions , 266, 27 sur les réparations de la rue du Roule. Ensemble 13, 893 fr. 80 cenî. , en y compre- nant les économies d'une moindre importance que vous rencontrerez sur plusieurs autres ar- ticles. Je vais entrer , MM. , dans quelques explica- tions qui formeront le compte moral _, prescrit de nouveau par l'instruction ministérielle du 10 avril 1835 sur la nouvelle comptabilité commu- nale. L'art, des centimes additionnels aux contri- butions directes présente vm boni de 61 1 fr. 25 cent. C'est là un avantage dont nous sommes loin d'avoir à nous féliciter , car il a pour ori- gine une augmentation considérable dans notre contingent foncier , qui a été élevé en principal de 43,622 à 53,093 fr. L'attribution sur les patentes, résultant de la loi du 2ventose an XllI, nous a fourni aussi un excé- dant assez important ; il s'élève à 1 ,334 fr. 01 c. — 84 — et il est clû à un nouveau travail fait en 1834 par Fadministration des contributions directes. C'est F octroi , comme je vous Fai déjà dit , qui aie plus puissamment contribué à l'élévation de nos produits pendant Fannée 1835. Cette bran- che de Fadministration , qui vous rapporte près de 200,000 fr. et qui emploie un personnel de 21 employés, mérite à tous égards une attention particulière. Je vais en parcourir sommairement les diverses parties. Les objets soumis à la taxe se composent , comme vous le savez , de quatre grandes divi- sions: boissons, comestibles_, combustibles et ma- tériaux. Les boissons prises eu masse ont donné 93,691 fr. 07 cent. C'est près de 18,000 fr. de plus qu'en 1834. Plusieurs causes ont concouru à cet excédant, qui doit être attribué presque exclu- sivement au cidre. D'abord, la consommation qui n'avait été que de 55000 hect. Fannée précé- dente , s'est élevée à 63000 ; et en second lieu, une surtaxe de 20 cent, a exercé son influence dès le deuxième mois de Fannée jusqu'à la fin. ■~ 85 — Cette consommation du cidre , due à Tabondance de la récolte et au bas prix qui en est la con- séquence , est énorme , si on la compare à celle des années piécédentes. Le terme moyen ne dé- passait guère 45000 hect, , et en 1831 , elle ne s'est élevée qu'à 34000. Elle a donc été presque double de celle qui a eu lieu dans cette dernière année, et supérieure d'une moitié à la consommation moyenne. Qu'on ajoute à cette quantité de G3000 liect. celle qu'on débite en dehors des limites de l'octroi , tout autour de la ville , et on sera vraiment effrayé ; car mal- heureusement un tel résultat n'est pas du à une augmentation sensible du nombre des consom- mateurs , mais bien à l'accroissement de la con- sommation par chacun d'eux ; et comme la plus grande partie de la population qui est compo- sée d'hommes sobres , de femmes et d'enfants , n'a pas bu plus que de coutume , il s'en suit que la plus faible partie, qui se livre à cette funeste habitude , a contribué seule à cette augmenta- lion considérable , et a bu , non seulement bien au delà de ses besoins , mais encore bien au delà de ce qu'elle avait Thabitude de faire. Le vin, l'alcool et la bière présentent un dé- — 86 — ficit sur 1 834 1 na^is il est bien loin d'être en pro- portion avec rexcédant du cidre. Ce déficit est même d'une très-faible importance sous le rap- port du produit , attendu Faugmentation du tarif sur les deux premières boissons. Dfiiix causes secondaires ont contribue aussi a rélévation de cette brandie de produits. Un dé- bitant sur la Digue a oblenu Tentrepôt pour le? boissons qyC'û vend aux nombreux ouvriers qui y travaillent , et un autre débitant , placé à la porte sud de Tenceinte du port militaire , four- nit aux consommations journalières des ouvriers de la marine , qui s'approvisionnaient autrefois àEqueurdreville, et introduisaient enfraude unç partie de ces boissons. L'augmentation sur le chapitre des comestibles est de 2,400 fr. comparée à Tannée précédente. Elle est due à faugmentation du tarif sur les veaux, et à une introduction plus considérable de porcs , de moutons , et surtout de suif en boule venu de Pai^is. Une diminution notable dans la consommation des boeufs a eu lieu par suite du désaccord qui s'est prolongé pendant près de cinq mois entre la garnison et les boucliers. X^a ration de lard a été substituée à celle du 1 87 bœuf, et a causé ainsi raccroissement que nou« avons remarqué sur la consommation des porcs. Le chapitre des combustibles a donné un excé- dant assez considérable sur 1^34 , il est de 5,144 fr.73 cent. Cette augmentation est particu- lièrement due au charbon de terre et à la sur- taxe du bois au stère. La consommation du char" bon va toujours croissant, à cause des bateaux à vapeur employés aux travaux de la Digue. Celle des huiles a fait aussi beaucoup de progrès depuis plusieurs années. Le chapitre des matériaux présente un déficit de 3,000 fr. environ , et cependant , outre l'introduction ordinaire du bois indigène , 36 navires étrangers ont apporté près de 1 5000 st. de bois de sapin , et environ 1200 stères de bois de chêne , tandis qu'en 1834 ces importation^^ ne s'étaient élevées qu'à 12000 pour la premièie espèce et à 800 pour la seconde. Des causes puissantes ont donc agi sur cetle branche de produits. Elles résident dans les modifications que vous avez apportées à votre règlement dans le but de favoriser ce commerce important. Les nouvelles dispositions adoptées admettent à l'en' — 88 —, trepôt toute espèce de bois de sapin , et autori- sent la sortie à un stère au lieu de deux. A ce moyen , les sorties sont plus nombreuses , les écritures plus multipliées, et la vérification infini- ment plus difllcile. Cette diminution de produits, d'une part , et cette augmentation de travail de l'autre, réduisent à peu de chose le revenu net provenant des bois étrangers . Il est à regretter que le conseil n'ait pas cru devoir adopter la proposition qui lui a été faite , il y a quelques années , d'imposer les pierres à bâtir et autres matériaux . On aurait retrouvé par là une ample compensation au déficit que je viens de signaler. Contentieux . Les rigueurs de la loi du 24 mai 1 834, qui prononce une amende de 1 00 à 200 f , pour fraude en matière d'octroi , ont exercé une influence salutaire sur le nombre des contraven- tions. L'amende de 100 francs n'a été appliquée que deux fois dans le cours de l'année 1835. Les balances et les marques placées dans les bureaux d'octroi ont aussi été fort utiles pour la répression des petites contraventions qui , répé-: tées très-fréquemment , finissaient par devenir importantes. — 89 — Personnel. L'administration de Toctroi com- prend , comme vous le savez , Messieurs , un service de bureaux et un service actif. Tous les receveurs sont des hommes très-probres , rem- plissant bien leurs fonctions. Elles sont difiiciles pour quelques-uns d'entre eux. Le bureau du Port , outre toutes les déclarations des marchan- dises venues par mer, a plus de cent comptes ouverts avec tous les négociants et les marchands de cette ville , qui jouissent de Fentrepôt à do- micile. Le service actif n^est pas moins bien di- rigé ; il a à sa tête un homme plein de zèle et d'intelligence. Les proposés surveillants remplis- sent bien leur devoir ; malheureusement ils n*'ont pas tous le degré d^instruclion qui serait néces- saire. Je me suis appliqué , dans les remplace- ments faits , à choisir des hommes qui pussent , par la suite , occuper convenablement les postes supérieurs , et je crois y avoir réussi, autant que le permet la modicité des appointements attribués à ces fonctions. Je ne dois pas terminer ce qui concerne Toctroi , sans payer à son chef le tribut d'éloges qu'il mérite. L^administration lui doit toute son estime , et je ne crains pas môme de dire qu'il a acquis des droits à sa reconnaissance. Jl.cs droits de location de places aux halles ^ 90 — présente -it un petit excédant de 205 fr 90 cent, sur les prévisions. Ce résultat est du à la trans- lation des farines et des cendres de sarrasin qui étaient précédemment à découvert. Le fermier se plaint que le nombre de sacs apportés à la halle , diminue tous les jours. Le fait n'est pas entière- ment exact: le nombre des sacs apportés en 1835 a été de 3T9A9 , tandis qu'en 1834 il n'avait été que de 35577 ; mais il est certain que ce nom- bre a diminué considérablement depuis l'ou- verture de la halle. Avant cette époque, le nombre des sacs variait entre A5 et 55000 , et on l'a même vu s'élever à plus de GOOOO. Lors de la présentation du budget de 1 837 y je vous proposerai des mesures propres à pré-- venir le déficit qui résulte de cet état de choses,, pour la caisse municipale. Le magasin d'entrepôt a donné sur les prévi- sions un excédant de 1,161 fr. 71 cent., et il devient encore plus considérable si on le rapproche des produits de 1834. Ce résultat peut être attribué en général à deux causes qui sont opposées entre elles: ou bien les marchandises entreposées ont été plus considérables , ce qui dénote un commerce plus actif , ou bien les mê^ — 91 — mes marchandises sont restées plus long-temps en magasin , ce qui annonce au contraire un ralentissement dans les transactions. Malheu- l'eusemenl c'est cette dernière cause qui a élevé nos produits en 1835. Les sels , les thés et les eaux-de-vie, qui for- ment les trois principales branches du revenu de Tentrepôt , sont entrés en quantités moindres qu'en 1834. Mais ces marchandises y sont restées plus Icng-temps. Dans les recettes extraordinaires , nous trou- vons un boni considérable sur la vente des ter- rains du Trotebec , mais ce boni n''est que fie - lif ; ce que nous avons touché déplus en 1835, nous l'eussions touché en 1836 et dans les an- nées suivantes. La plupart des acquéreurs ont mieux aimé se libérer d'avance. Au titre des recettes supplémentaires on lo- marque Tatlribution sur les patentes de 1834 , parce que la liquidation ayant été faite postérieu- rement à la clôture ^e cet exercice , il a fallu eu reporter le chiffre au compte de 1835. Nous allons passer maintenant à rexamen des dépenses de ce même exercice. — 92 — Celle Jeuxième partie du compte comprend, comme la première , trois titres: dépenses or- dinaires , dépenses extraordinaires et dépenses supplémentaires. Ces trois titres compremient ensemble 95 articles , dont quelques-uns com- prennent chacun un assez grand nombre de sub- divisions . Vous n'attendez pas de moi , MM., que je vous donne sur chacun de ces articles tous les déve- loppements dont ils seraient susceptildes : il y aurait de quoi former un volume. Je m'arrêterai seulement à ceux qui méritent le plus crattention et qui peuvent être Tobjel de remarques utiles. Le chapitre premier intitulé , frais d'adminis- tration ^ traitements , a absorbé en 1835 une somme de 104,028 fr. 08 c. ; mais quand on exa- mine les détails de cette dépense , on aperçoit que la plus grande partie répond fort mal au li- tre que je viens d'énoncer. On trouve effective- ment dans ce chapitre un article de 12,265 fr. pour le montant des 10 pour cent du produit net de l'octroi attribué au trésor; on y trouve encore un article de 55,322 fr. montant de la contribu- tion mobilière. Ces deux sommes qui forment un — 93 — total ce îliUiquair^ô ^€ nonnant>ir, SÉANCE PUBLIQUE DE i829. as»i SUR LA DECOUVERTE -y. ^ ^ S S D'UNE HABITATION HOMAÎNE DiUîs la iîlifllc î>f CljiTbouvig. (a) La vente des Miellés , à Test de Cherboui g , a rendu à la culture une plaine de cent cinquante hectares ( environ trois cents arpents ) , dont la mer occupait une partie et avait couvert l'autre de sables depuis un temps immémorial. Les ter- rains que la mer couvrait, au moins pend mt les grandes marées , étaient ceux qui sont à Test du port et du bassin de commerce : ils occupaient à peu près le tiers de Tespace entre cette ligne et la l'edoute de Tourlaville ; et dans Fautre direc- tion , du nord au midi , ceux qui s'étendaient (a) La circonscription actuelle de Cherbourg comprend , dans le territoire de celle ville, toute la partie de la Miellé dont il s'agit , qui était autrefois sur Tourlaville. On avait donné le nom de Miellé à cette immense étendue de grève. — 160 — jusqu''au bas de la Montagne du Roule. En fouil- lant les sables dans toute cette partie , on n'^est point arrivé jusqu^à la texTe végétale , et les puits qu''on y a pratiqués ont été entièrement creusés dans le sable ; cependant ils donnent une eau douce , et meilleure pour les usages de la vie que celle des puits creusés dans la ville aux abords du port et du bassin. L'autre partie de la Miellé , bien plus consi- dérable en étendue , qui borde aussi le rivage dans toute sa longueur , a été cultivée dans les temps anciens , mais ensuite couverte par les sables que les vents y ont portés , et accumulés au point d'en avoir rendu la culture impossible. C'est cette partie qui mérite de fixer l'attention à cause des découvertes qu'on vient d'y faire. Depuis trois ans seulement que les acquéreurs en sont en possession , ils trouvent déjà , dans les produits de leur culture, la récompense de leurs peines , et d'une partie des dépenses qu'ils ont faites pour aplanir et clore leur nouvelle pro- priété. C'était une mer de sable à perte de vue ; elle était couverte de dunes plus ou moins rap- prochées les unes des autres ; quelques plantes seulement y apparaissaient de loin en loin , telles que le millegrcust , triticum junceuiii -^ l'arréte- boeuf ou bugrande , ononis repens ; le caille-lail ou pelit VLxna^uet , gnlïum ^lerum; le cliaidon- rôland , eryngîum campestre ^ elles deux espèces de junciis acutus^et mari limas. Maintenant c^est une vaste campagne divisée enjaidius, herbages et closlabourés et dVm aspect agréable, parce qu''elle présente Timage de la fertilité. Déjà aussi on y a élevé un grand nombre d habitations sur le bord des rues qu^on y a distribuées : ce sera bientôt un nouveau quartier pour la ville de Cherboux'g ,' et il ne sera pas le moins agréable. On a la preuve que les terrains de la Miellé n^onl pas toujours été ensevelis sous les sables ,' par les fondements de Tancienne chapelle de la Madelaine qu'on y a retrouvées. Etant à quelque distance du rivage , elle a dû être envahie parles sables plus tard que le reste : une tradition qui s''est perpertuée en avait conservé le souvenir et transmis le nom aux habitants ; on en a aussi la preuve par d'autres découvertes qu'on y a faites. Elles sont Tobj et principal dont je me propose de rendre compte dans cette Notice. Pendant le cours de l'été 1820, plusieurs des — 162 — nouveaux propriétaires , en faisant des fouilles pour aplanir leurs terrains, ont trouvé la terre végétale à cinquante ou soixante centimètres (dix- huit ou vingt pouces ) ; cette découverte encou- ragea tous les autres à aller la chercher , et ils firent fouiller plus ou moins pour défaire ce que la mer avait fait, c''est-à-dire pour remettre la terre à la surface et le sable au fond. Les sieurs Content, Latour, et Le Comte, habitants de Cher- bourg , acquéreurs d\me étendue de terrain qui borde le rivage de la mer , suivirent cet exemple. J'ai cité le sieur Latour parce que, dans la partie du terrain qu'il a acquis^ il a trouvé un bout de mur qui s^ termine, une vingtaine de médailles romaines de bronze, quelques cônes de briques , ronds ou carrés à quatre pans , de différentes grosseurs , pesant chacun deux ou trois kilogr., et quelques petits fragments de poterie fine et co- lorée comme celle du Châtelet , ayant des orne- ments ou petites figures en relief, mais dont aucuns ne sont entiers. Il faut observer que la fouille d'où il a tiré tous ces objets est à trente pas au plus de distance du lieu où se trouvent les restes de l'habitation et des antiquités dont jo vais bien- tôt m'occuper. Ses fouilles ne sont pas terminées. — 103 — tJn autre des acquéreurs , le sieur Coulent , mit à découvert un ancien puits et un reste de mur: il faut citer cette découverte , parce qu'il fut dit alors qu'on avait trouvé un puits romain, et la curiosité de quelques habitants les porta à aller le voir; mais celte découverte était réelle- ment sans résultat pour les conséquences qu'on voulait entirer, car ce puits ayant quiUrervingt- cinq centimètres de largeur , n'est point d'une antique conslruction ; il est maçonné grossière- ment sans mortier de chaux et sans une seule pierre taillée ; il est probable qu il aura été cons- truit pour les besoins des troupes qui ont campé dans la Wielle à diverses époques. Ce qui peut donner quelqu'appui à cette opinion , c'est que,' parmi beaucoup de vieux morceaux de fer défi- gurés par la rouille , on a pu reconnaître des tenailles , des verrous et des mors de brides qui ne sont pas antiques ; cependant on y a trouvé aussi quelques fragments de poterie et plusieurs briques taillées en cônes , comme ceux que j'ai cités plus haut. Mon ancien compatriote et ami , M. Duche- vreuil , d'honorable mémoire, en avait rapporté quelques petits fragments de poterie , et je crois — 464 -^ deux ou trois médailles de bronze ; ce sont là j autant que j'ai pu m'en assurer , les seuls pro- duits de cette partie de terrain : ils auraient passé inaperçus saus les autres découvertes plus nombreuses et d'un plus grand intérêt , qui ont été faites dans le même terrain , à vingt pas de distance environ , dont voici les détails. Je ren- ferme dans une série de numéros les antiquités romaines qui y ont été trouvées. N.° 1 . Le sieur Le Comte ( Christophe ) , quî est propriétaire de ce terrain, en faisant faire des tranchées pour ramener la terre à la surface , a misa découvert les fondements d'une maison carrée ; ils avaient neuf mètres de longueur sur sept de largeur: M. Virla , ingénieur des ponts et chaussées , qui se trouva avec moi sur le ter- rain, voulut bien en prendre la mesure. La ma- çonnerie, qui remplissait ces fondations , avait été faite à peu de frais , et elle a subsisté aussi long-temps, parce qu''elle était encaissée dans ces fondations , qui , elles-mêmes, étaient en- fouies sous 65 centimètres de sable ; les pierres en étaient enlevées sans beaucoup d'efforts à 4 mètres environ. En-dehors de ces fondements, ies ouvriers y en continuant leurs fouilles , dé-: — 165 — couvrirent un grand nombre de médailles | eTles étaient disséminées sous le sable et sur la surface même de la terre , dans un espace de 2 mètres et demi , ou 3 mètres carrés: il n'y avait aucun vase ni débris dans lequel on pût supposer qu'elles eussent été renfermées. Ces médailles sont presque toutes des moyens bronzes du haut empire , avant Septime Sévère ; toutes ont la même patine d'un vert pâle. Les ouvriers en avaient porté 90 à M. de Gerville : j'en ai vu chez M. Duchevreuil à peu près 50 , et j'en avais acquis un pareil nombre ; beaucoup d'autres ont passé dans différentes mains , de manière qu''il ne devait pas y en avoir moins de trois ou quatre cents ; la plupart sont d'une assez bonne conservation. On y trouva aussi trois ou quatre impériales d'argent et autant de grands bronzes: j'en possède un de Trajan , au revers àe forum Ti'ajani , qui est un des plus rares de cette tête d'empereur ; on y trouva enfin deux ou trois consulaires d'argent , dont une , de la famille Didin , deux quinaires de la famille Porcin , que j'ai aussi recueillis ; voilà tout ce qui com- posait le trésor , en numéraire , de l'habitant de la maison . — 166 — N.° 2. Dans le même terrain et à la même distance des fondements de la maison , les fouil- les ont produit douze ou quinze figurines de Vé- nus: elles sont toutes de terre cuite et du même moule , plus ou moins mutilées. Vénus est repré- sentée sortant du bain ; sa main droite atteint son oreille où elle a réuni une poignée de ses cheveux qu'elle tient serrés. Sa main gauche, qu'elle pose sur un socle recouvert d\me drape- rie, est abaissée au niveau de ses reins: la hauteur de celte statuette est de 25 centimètres , en y comprenant le petit socle qui est une moitié d'eUipse coupée dans sa longueur. M. Revers , correspondant de l'Institut , qui a laissé un nom si honorable dans la mémoire de ses confrères de la Société des Antiquaires de Normandie , et dans les annales de cette société , a trouvé la même figurine , plusieurs fois répétée , à Baux , département de l'Eure , avec beaucoup d'autres diliérentes , sur lesquelles il a fait de savantes observations dans le compte qu'il eu a rendu ( tome III, des Mémoires de la Société des Anti- quaires de Normandie). Il a remarqué que ces figures sont formées de deux demi -bosses , et réunies au moyen d'un collage: j'ai la preuve de la justesse de cette observation dans une de ces I — 167 — Vénus que je possède, dont les deux demi-bosses sont séparées _, parce que le collage a manqué , mais le rapprochement s''en fait avec tant de précision , qu'on aperçoit à peine la trace du raccordement. M. Duchevreuil, en rendant compte de plusieurs antiquités trouvées à Digul- leville , décrit cette même figure , qui en faisait partie. (Tome V des Mémoires ci-dessus, p. 50.) N.° 3. Des figurines de chevaux , au nombre de cinq ou six; leur longueur est de 14 centi- mètres ; ils sont mutiles , de manière quHl n'en reste que le corps et la tête sans les jambes; ils sont dans Taltitude d'être lancés au galop et nus , avec un licou seulement : ces figures de chevaux ont quelque ditlérence et ne sortent pas du même moule. Une autre figure de cheval, encore plus fruste que les autres , est cependant plus remar- quable , en ce qu'il y reste une moitié du corps du cavalier qui le montait : elle pose à nu sur le dos du cheval qu'elle enfourche : on voit aussi une de ses jambes. Le dos de ce cavalier est couvert d'un court vêtement qui n'arrive pas jusqu'à ses reins. — 168 — Ces figures de chevaux , qu'on trouve dans les laraires des romains parmi leurs dieux domesti- ques , ne laissent pas de doute qu'ils faisaient partie du culte de Neptune , et qu ils lui étaient consacrés. La mythologie leur enseignait que ce dieu , en frappant la terre de son trident , en avait fait sortir le cheval , et qu'il avait appris aux hommes à s'en servir pour leurs voyages , et pour les autres usages et commodités de la vie. N." 4. Une autre figure , que j'ai aussi recueil- lie, est comme les autres enterre cuite , et d une conservation parfaite ; c'est une femme assise dans un grand fauteuil , soutenant de ses deux bras un enfant appuyé sur sa poitrine ; sa hau- teur est de douze centimètres ; la tête est belle et d'un bon travail ; les tresses de cheveux dont elle est ornée et la hauteur à laquelle ils s'élè- vent pour se réunir au-dessus du front , forment une coiffure élégante , semblable à celle qu'on voit sur les médailles des impératrices romai- nes ; mais les bras , les genoux et l'enfant n'ont pas de saillie et ne sont , pour ainsi dire , qu'in- diqués : le fauteuil sur lequel elle est assise s'é- lève jusqu'au niveau des épaules , et les côtés — 169 — ont un repos à la hauteur des coudes pour les appuyer ; il est formé de tresses verticales con- tenues dans une bordure qui l'entoure. On voit encore dans nos campagnes d'anciens fauteuils fabriqués avec des tresses de jonc ou de paille , qui ont la même forme ; mais ceux-ci , au lieu d'être terminés à la hauteur des épaules , s'élè- vent en demi-voûte au-dessus de la tète , et enveloppent de tous côtés la personne qui y est assise : on a trouvé dans la même fouille plusieurs fragments de la même figure ; j'en ai rapporté une tête bien entière , qui est sortie du même moule. Dom Martin a fait graver cette même figure ( Religion des Gaulois , tome II , page 264 , planche 37.^ ) ; elle avait été trouvée dans un tombeau à Blois , en 1770 ; il parle d\me au- tre trouvée à Arles. Dom Montfaucon eu cite de pareilles qu''il a vues dans le cabinet de M. de Foucault, et d\m autre antiquaire ( Antiquités , supplément , tome V , page 142 ) : ce savant , justement célèbre , a cru que celte figure était une allégorie à fimmortalité de Pâme , qui était la croyance universelle des Gaulois , et un des principaux dogmes de leur religion j et que la — 170 — femme qui tient un enfant^ pouvait étr^ la terre ^ notre mère , qui nous élève et nous nourrit, et qui nous reçoit dans son sein après notre mort, Dom Martin , sur la foi de son savant con- frère y adopte cette opinion et lui donne de nou- veaux développemens qui n'établissent pas mieux, cette conjecture. L'erreur de ces deux hommes illustres dans la science des antiquités , trouve son excuse dans Popinion dont ils s'étaient im- bus , que celte figure ne se trouvait que dans les tombeaux gaulois ; qu'il fallait par conséquent lui trouver une explication conforme à son ori- gine gauloise , et ils en concluaient que c'était la yenus infera de ces peuples , ou l'emblème de la mort et du sommeil. Si ^ au lieu d'avoir trouvé cette figure dans un tombeau gaulois , dom Martin l'avait trouvée à Baux , comme M. Revers , parmi un grand nombre de figurines évidemment romaines , ou dans les ruines tou- tes romaines de notre Miellé , il aurait envisagé celle figurine sous un autre point de vue, et il l'aurait comptée au nombre des dieux domesti- ques dont les Romains avaient les images dans leurs laraires. M Revers a retrouvé quatre de ces mêmes fi- — 171 — gures parmi celles qifil a découverles en assez grand nombre à Baux ; elles sont gravées dans Tatlas des Mémoires de la Société des Antiquaires de Noi'mandie pour Tannée 182G. Il est loin d^a* dopter la discussion métapliysique , et ce qu''il appelle les hypothèses de doni Martin , et s'ap- puyant de l'opinion d"'un autre savant , M Lan- glois, du Pont-de-PArche , tous deux ne balan- cent pas à prononcer que celte figure est évidem.- ment romaine ; mais ils ajoutent que c''est une figure de Lalône , parce qu^une de ces figures tient deux enfans: tout en professant mon res- pect pour deux honorés confrères dont Topinion est d'un grand poids , tout me porte à croire que c'est plutôt une figure de Lucine , déesse des accouchements. Latône appartenait à une mythologie plus élevée que Lucine , et par con- séquent plus éloignée des idées communes: on ne trouve nulle part qu'elle ait eu l'attribut de présider aux accouchemens: ses couches seule- ment furent célèbres à cause de la naissance de Diane et d'Apollon dont elle était mère , et à cause de la haine de Junon qui ne lui laissait aucun lieu sur la terre pour s'y arrêter: Lucine^ au contraire , avait cet attribut , et elle l'avait — 172 — seule ; aussi , elle était une des divinités les plus populaires , parce que c^était celle que les familles avaient le plus souvent besoin d'invoquer, et on a retrouvé son image plusieurs fois répétée parmi les autres dieux domestiques dans les laraires qu'on a découverts. Beaucoup de médailles des impératrices romaines qui étaient mères, portent la légende Junoni Lucinœ , et les poètes latins nous rendent le témoignage que c'était toujours à Lucine que les femmes en travail adressaient leurs invocaiionset leurs prières. Casta fave Lu- cîna Lucina feropem ; il y avait même des formules de prières qu'on recommandait aux femmes de lui adresser dans les douleurs de l'en- fantement. Dicile tu lumen nobis Lucina de— clisii. Je crois donc que cette figure est celle de Lucine ; elle est assise au repos , après avoir pré- sidé le travail de l'accouchement , et elle lient dans ses bras l'enfant qui vient de naître.. N" 5. Une tête d'enfant que M. Lemonnier, pro- fesseur d'hydrographie, avait acquise à l'époque des fouilles de la Miellé, et qu'il a bien voulu me céder. Celte figure, d'un bon travail, exprime le rire bien caractérisé : la tôle est entière et bien conservée ; mais il ne reste à peu près rien du buste. On trouve le même , bien entier, dans Ie& j^nliquités de Caylus ( tome VII, page 323, planche 93 ). Sa hauteur totale est de vingt-six centimètres. // a été trouvé ^ dit M. de Cajlus, auprès de la voie romaine qui conduit de Reims à Trêves^ près de la rivière de Bar^ entre Rhétel et Sedan. La description qu'il en donne , et la gravure qui le représente , sont d\me concordance parfaite avec celui dont je m''occupe. Il est, comme les autres statuettes trou- vées dans la Miellé ,dVme argile blanche d'un grain très-fin, et d'un poli dont M. de Caylus dit qu'il approche de celui du marbre. Il ne dit point à quel caractère de l'antiquité, ni à quelle allé- gorie on peut attribuer cette figure ; il observe seulement que cet ouvrage Tie doit point être re- gardé comme gaulois, et qu'il ne peut être attri- bué qu'aux Romains. Je n'entreprendrai point non plus de définir cette tête remarquable , ni de do'Kier des conjectures sur l'application qu'elle pouvait avoir chez les anciens. N° 6. Un Mercure de bronze , avec tous ses attributs. Celte statuette est d'une bonne conser- vation , mais d'un travail assez barbare pour qu'il annonce la décadence : sa hauteur est de — 174 — vingt-deux centimètres. 11 m'a été impossible den faire racquisilion , pour le réunir dans le musée de Cherbourg à toutes les autres antiqui- tés provenant de la Miellé , décrites dans cette notice , qui y sont déposées , parce que le ci- toyen Fauvel , qui en est le possesseur , et qui le communique volontiers aux amateurs d'antiquités, est décidé à ne point le céder^ n'imporie quel prix on lui en offrirait. N.° T. Des meules de petits moulins à moudre du grain pour un ménage. Ils sont composés de deux meules seulement , Tune convexe et l'autre concave ; leur diamètre est de 42 centimètres environ ; on en a trouvé sept ou huit dont plu- sieurs étaient des fragments. J'en ai recueilh deux entières qui sont faites pour marcher en- semble, et qui forment un de ces mouUns complets : elles sont d'une pierre granitique qui n'est pas rare dans le pays. Une de ces meules, qui paraît êlrc de porphyre, est dans la collection de M. Duchevreuil ; d'autres, ou seulement des frag- ments^ ont passé dans des mains incomiues; M. de Jaucour a vu des mouhns pareils : ils les appelle moulins du Levant^ et il dit qu'ils sont encore d'usage dans ces contrées. Voici la description qu'il en donne : — 175 — « Ces moulins consisteiU en deux pierres pïa- » tes et l'onJes d'environ G6 centimètres , que » l'on fait l'ouler Tune sur Fautre par le moyen » d'un bâton qui tient lieu de manivelle. Le blé » tombe sur la partie inféineure par un trou qui » est au milieu de la partie supérieure, laquelle, » par son mouvement circulaire , le répand sur » la meule inférieure où il est éci-asé et réduit » en farine. Celte farine , s'échappant par le » bord des meules , tombe sur un plancher ou » on la ramasse. Le pain qu'on en fait est de » meilleur goût que celui de la farine moulue » au moulin à vent ou à eau ; ces moulins à bras » ne se vendent qu'un gros écu , ou une pistole. )> (Article moulins à bras du Levant). Celte espèce de moulins n'est pas en usage seulement dans le Levant , ils étaient fort com- muns autrefois dans le Colentin et dans la Hague, el il n^est pas rare d'y en voir encore dont on se sert habituellement pour le repas de bouillie : chaque jour, à onze heures, la ménagère fait elle-même la moulure de son sarrasin et en pré- pare le dîner. Les personnes qui s'en servent s'accordent à dire , comme M. de Jaucour , que cette farine est meilleure que celle qu'on fait aux autres moulins à vent et à eau. — 176 — M. de Jaucour dit , dans sa description des moulins du Levant , que les deux meules qui les composent sont plates et rondes : sans doute quand elles sont en mouvement , elles peuvent écraser le grain ; mais les deux meules du mou- lin romain, étant Tune convexe et Fautre con- cave, sont bien plus avantageuses pour Faction de moudre , parce que le grain , placé dans le creux qui est au haut de ces deux pierres , ten- dant à descendre pendant qu'elles sont en mou- vement, il se trouve écrasé en les traversant et il s'écoule en farine par le bord des meules quand il parvient au bas. Enfla , il ne faut pas omettre d'autres objets d'antiquité provenant de cette fouille , quoiqu'ils présentent peu d'intérêt ; tels sont une tête d'Apollon en terre cuite ; on la reconnaît à sa volumineuse chevelure : beaucoup de fragments de figurines , assez petits pour qu'on ail peine à les caractériser ; ils servent seulement à prouver qu'ils ont été brisés par un choc violent : une pierre d'un grès, pareil à celui des petites meules dont je viens de parler , elle a environ 28 centi- mètres de diamètre; elle est grossièrement arron- die, et assez creusée pour avoir pu être destinée — 177 — à servir de mortier : une boule de granit bien arrondie, de 10 centimètres environ de dia- mètre : la carcasse en fer d^un casque assez mal conservé pour qu''on ait peine à le reconnaître, lia étéreceuillipar M Duchevreuil : une hache, Un harpon aussi en fer , mais dévorés par la rouille ; d^autres morceaux de fer ou restes d'ou- tils qu^on ne peut définir parce qu'ils n'ont plus aucunes formes ; des briques faîtières en assez grand nombre ; des fragments de poterie de mé- nage et de bouteilles en terre cuite. J'ai rapporté la partie haute d'une de ces bouteilles dont il reste le cou et l'anse, et qui suffit pour faire juger quelle était la forme qu'on leur donnait. Enfin, des débris trop exigus pour être cités , de cette poterie romaine , dont M. l'abbé de Tersan a rapporté beaucoup d'échantillons des fouilles de la petite ville du Chatelet , et qu'on imite si bien dans la belle manufacture de poterie de Sar- guemines. Mais ces exigus débris offrent dea res- tes de figui'es et d'ornements , qui quoique muti- lés, sont encore les indices du goût des anciens pour les arts , dont ils faisaient l'emploi sur les moindres ustensiles à leur usage. Il n'est pas douteux qu'on a trouvé d'autre» .12 — ne — objets qui auront passé dans des mains incon- nues f et qui peut-être ne sont pas les moins précieux : on m'a parlé d'un cheval monté par son cavalier, en bronze , et d'une autre statuette de Cérès. Je ne les ai pas vus ; mais j'ai tenu tous ceux que je viens de décrire , et j'en ai re- cueilli la très-grande partie. Ces débris et ces objets antiques ont sans doute peu de valeur, si on ne les considère que sous ce point de vue ; car il n'y avait là ni or, ni argent ■ ni marbre , ni inscription , rien de mo- numental ; mais j'ai eu pour but de constater un fait, celui de la découverte des res'es d'une habitation romaine enfouis sous les sables de la Miellé de Cherbourg , et , pour en donner des preuves suffisantes , j'ai dû citer tout ce qu'on y a trouvé d'antiquités , sans considérer le peu de valeur qu'on peut attacher à une douzaine de statuettes en terre cuite ; à quatre cents médail- les romaines environ , toutes communes ou mal conservées ; à des débris de poterie qui ne con- servent que quelques restes de figures ou d'orne- ments eni'elief j à d'autres objets , ou ustensiles, dont tout le mérite est leur antique origine , conome des meules de petits moulins à bras en — 179 — grès ; quelques poids romains de différentes grosseurs , en terre cuite, et des briques faîtières à rebords , enfin les restes de murs de fondation d'une habitation que leur enfouissement avait conserves , depuis le quatrième ou cinquième siècle , sous un terrain que la mer avait ensuite envahi et recouvert de sables. Je ne me dissimule pas que les détails dans lesquels j'ai cru devoir entrer, pourront paraître minutieux, et qu''en effet ils seraient df'placés dans une histoire générale dans laquelle on di- rait seulement , en parlant de Tanliquité de Cherbourg , que cette ville et le pays qui l'en- vironne , ont été occupés pendant cinq siècles par les Romains, qui y ont laissé de nombreuses traces de leur séjour ; mais , dans une histoire locale , et surtout dans une simple notice, il me semble qu'il n'y a rien de minutieux en faits matériels , et que ce sont les détails de ces faits qui conduisent à établir des vérités historiques. Alors toutes les antiquités , trouvées dans les fouilles de la Miellé de Cherbourg , quelle que soit leur valeur, seront toujours des pièces jus- tificatives de l'ancienneté de cette ville. Ce sont ses archives matérielles qu'il est nécessaire — 180 ^ de conserver clans Tinlérêt de son histoire. Telle est ridée qui a dominé la composition de cette notice. Il faut dire aussi que ces antiquités ont une notoriété incontestable , car elles sont toutes sorties de sous terre en présence de beaucoup d'habitants que la curiosité y appelait pour assis- ter à leur découverte , et qui les retroutent dans le musée de cette ville , où elles sont dépo- sées pour n*'en plus sortir. Il est difficile d'expliquer comment et à quelle époque cette habilalion romaine a été enfouie sous les sables. On ne peut à cet égard donner que des conjectures ; mais quand elles deiivent de faits matériels , elles peuvent devenir plt^ que des probabilités , et conduire à la vérité. Voici ce qui est réel : c''est que la mer s'avançait plus autrefois dans la Miellé que de nos jours , et qu'elle continue visiblement à s'en éloigner pour envahir à une lieue de distance les terrains de la côte de Bretteville à l'est , et ceux de la baie de Sainte - Anne à l'ouest ; de plus , dans cette même partie de la Miellé dont nous nous occupons , la mer s'«st fait elle-même à sa rive — 181 — une digue de sable qui sYlève peu à peu, et qu'elle ne dépasse plus , en laissant en avant de cette digue un long ravin qu'elle occupait et qu'on défriche maintenant pour le mettre en culture ; c'est immédiatement au-dessus de ce ravin qu'était située l'habitation romaine. Elle n'est au moment actuel qu'à cent vingt mètres de la pleine mer ; mais alors elle touchait au ri- vage au moins dans les grandes marées. Après avoir ainsi établi la situation des lieux , on peut dire qu'il a suffi d'une tempête violente au moment de la pleine mer d'une grande ma- rée ;, pour frapper dans sa fougue cette habita- tion et la détruire sans que rien put s'y opposer. Toutes les médailles qu'on a trouvées dans un , espace d'environ deux mètres et demi carrés , étaient sur la surface de la terre sans y être en- fouies, et cependant sous le sable. Les figures et autres objets se trouvaient jetés , comme les médailles , dispersés et brisés à quatre , même à cinq mètres de l'habitation. Le désordre , enfin, dans lequel on a retrouvé tout épars çà et là , ne laisse pas de doute que «etle destruction a été TefTet d'une catastrophe — l82 — subite qui n'a pas laissé le temps trenlever ces objets ; et cette catastrophe ne peut être attri- buée qu'à une de ces violentes tempêtes aux- quelles rien ne résiste , car on n'a trouvé aucune trace ni indice d'incendie. Il est une observation que j'ai faile sur le terrain , et qui peut être de quelque poids ; c'est qu'on n'a rien trouvé dans l'emplacement même de la maison , soit que l'habitant soit venu lui-même chercher et em- porter ce qu'il aura pu y retrouver de son mo- bilier, soit que la distance à laquelle les objets d'un moindre poids avaient été jetés ait rendu ses recherches inutiles. Quant à l'époque de cette destruction , on ne peut en trouver d'indice que dans les deux mé- dailles de Constantin V^, qu'o;i y a trouvées. Elles sont dans la collection de M. Duché vreuil ; ce sont les plus rapprochées de nous , et toutes les autres qu'on y a trouvées sont antérieures au règne de cet empereur. Si l'habitation avait sub- sisté après lui , il n'est pas douteux qu'on aurait trouvé des médailles de ses fils et de ses succes- seurs , qui sont Irès-communes dans toutes les collections. Alors cette habitation aurait été détruite au commencement du quatrième siècle, 183 — époque à laquelle les Romains occupaient encora la presqu'île du Cotentin. DÉCOUVERTE D'il DEPOT DE HÉDAIllES ROMAiES, À SOTTEVAST (a). Le propriétaire d'une grande terre « à Sot- tevast, M. de Chivré, ayant fait détruire un ancien fossé pour lui donner une autre direc- tion , et en ayant fait enlever les décombres, y fit mettre la chan^ue le 19 mars 1819. Au pre- mier tour qu'elle fit en traversant le bout de (a) Cette commune «et à trois liettea de Cherbourg , et deux de Valognes. ^ — 184 — cet ancien fossé , qui faisait angle avec un autre, celui qui la conduisait s'aperçut qu''elle avait rencontré un obstacle , et qu'après Paveir fran- chi , elle ramenait à la surface de la terre une grande quantité de petites pièces de monnaie. Elles étaient tellement enveloppées de terre , et noircies par le temps , qu'on ne pouvait y dis- tinguer ni lettres , ni figures ; il jugea que c'était autant de mauvais deniers. Il en parla à ceux qui passaient , et le bruit s'en étant bientôt ré- pandu , les habitants y vinrent les uns après les autres , et en prirent autant qu'ils voulurent. Le propriétaire se rendit lui-même sur le terrain , et il n'empêcha personne d'en ramasser. Ce même jour, les habitants se distribuaient ces pièces pour rien , et ils se les jetaient en di- sant ; Qui veut de vieilles pièces. Il y en eut de vendues au prix de quelques sous le cent. On a cité un rémouleur qui en acheta en passant deux ou trois cents à un moindre prix que le poids du cuivre ; cette vileté de prix cessa cependant dès le lendemain, parce qu'un habitant eut l'idée d'en mettre à bouillir dans l'eau avec du sel, il vit qu'elles prenaient la couleur d'argent; cette nouvelle s'étant bientôt répandue , ceux — <85 — qui en avaient devinrent beaucoup moins pro- digues. Je fus informé de cette découverte par quelqu'un qui m'en apporta plusieurs. Etant dans l'impossibilité de me rendre à Sottevast, j'envoyai le jour même un homme de confiance, avec ordre de m'en acheter ; il m'en apporta un bon nombre qu'il prit au hasard et qu'il paya , sans trop s'arrêter, au prix assez élevé qu'on lui demanda , parce que je lui avais dit qu'il fallait m'en apporter. Au total j'eus lieu de n'être j^as mécontent de ses acquisitions ; quatre jours après je pus me rendre à Sottevast, pour voir le lieu où était ce dépôt de médailles ; un de mes neveux m'accompagnait , nous y passâmes la journée , et nous eûmes tout le temps d'ob.erver l'emplacement du dépôt, de voir les possesseurs de médailles et de leur faire toutes les questions qui pouvaient y avoir rapport ; nous fûmes en cela favorisés par l'accueil bienveillant que nous fit le propriétaire , M de Chivré , et son hono- rable famille ; il eut la bonté d'être presque tout le temps avec nous. Il avait pris dès lors une autre idée de ces médailles que le premier jour qu'il en laissait prendre à tout venant , car nous le trouvâmes recueillant lui-même celles qui sentaient encore de la fouille j et beaucoup >. 486 — d^habilants venaient lui en remettre , de manière qu'il a dû en réunir une collection assez nom- breuse ; nous rapportâmes encore des médailles acquises à un prix qui s'élevait de plus en plus : quelques étrangeis étaient là aussi pour en ache- ter ; j'ai pu in'assurer, d'après ce que j'ai vu et d'après les réponses que les habitants ont faites à mes questions , que le nombre de médailles que ce dépôt a fournies , est de quatre mille au moins ; quelques personnes disent cinq mille. J'ai pris aussi des informations sur le vase qui les contenait , il était de cuivre ; mais on l'a ra- massé en si petits fragments , n'ayant que l'é- paisseur du papier, qu'il a été impossible de ju- ger quelle était sa forme. Ces médailles , qu'il a été facile de nettoyer , sont des impériales de la suite d'argent ; elles sont toutes des empereurs et impératrices du moyen empire, c'est-à-dire, que celte suite commence à Septime-Sévère , et finit à Gallien. On n'en a point trouvé d'antérieures ni de pos- térieui^es. Ainsi elles embrassent un espace de soixante-quinze années , seulement , depuis que Septime-Sévère eut pris le titre d'empereur , jusqu'à la mort de Gallien, — 187 ~ r Cette époque est celle où les monnaies ro- maines ont commencé à être altérées, car depuis Septime-Sévère , elles vont en empirant , de ma- nière que les dernières contiennent autant de cuivre que d'argent. Mais celte époque n'en est pas moins intéressante et recherchée par la ra- reté de quelques têtes , et par la variété des re- vers dont quelques-uns sont rares. J'ai vu parmi les médailles de ce dépôt, une Didia Clara, un Gordien d'Afrique, père, un Gordien d'Afrique, fils , et les autres têles moins rares , mais plu- sieurs fois répétées , d'Albin , Macrin , Diadu- menien , Aquila - Severa , Orbians , Maxime , Balbin , Pupien , ^mihen , Mariana. Il y avait en outre , parmi le très-grand nombre de mé- dailles dont les têtes sont communes , beaucoup de i-evers plus ou moins rares : je citerai seulement Julia - Maesa , au revers de sa consé- craiion; Alexandre Sévère et Gordien-Pie, tous deux au revers des vases pontificaux, etSalonin, au revers de l'aigle enlevant l'empereur. Il n'est point parvenu à ma connaissance qu'on ait trouvé des médailles très-rares de DideJulien , de ManUa-Scantilla , de Tranquilline , et de Pacalien ; mais je dois dire que je n'ai vu que — 188 — quinze ou dix-huit cents des médailles de ce dépôt , et ce n'est pas la moitié de ce qui en est sorti ; il n'est pas douteux que dans ce grand nombre il y avait des raretés dans la même pro- portion que de celles que j'ai pu voir ; alors quel regret pour l'intérêt de la science , que toutes ces médailles , avant d'être dispersées , n'ayent pas été mises sous les yeux d'un amateur, qui aurait pu y trouver de grandes raretés , comme la Didi a-Clara , ou même des revers incon- nus (a). Ces médailles sont en général d'une belle conservation ; beaucoup à fleur de coin , et cela n'est pas étonnant , vu le peu de temps qu'elles | ont été en circulation ; car les dernières étant du règne de Gallien , le dépôt a dû en être fait «ous ce malheureux règne où l'empire était atta- qué de tous côtés par les barbares , en même temps qu'une foule de tyrans , qui prenaient le titre d'empereurs , étaient en révolte contre (a) Si l'ouvrage de M. Mionnet, de la rareté des raédail- ij les romaines , avait besoin d'être juslifîé , il le serait par la proportion qui s"est trouvée dans ce dépôt entre les ! grandes; les moyennes raretés^ et les médailles communes. — 189 — Gallien , et traversaient Tempire en tous sens avec leurs bandes armées. Ce fut sans doute dans un de ces moments d'alarmes _, que donne l'ap- proche des ennemis , ou après une défaite , que le possesseur de ce trésor l'aura caché, et n'aura pu venir le reprendre. Le champ dans lequel ces médailles étaient déposées , s'appelle , de temps immémorial , TAncien-Hameau , et cependant il n'y existe pas une seule maison , mais tout le monde a pu voir dans ce champ des briques , des pierres enduites de mortier et des débris de construction , ce qui justifie son nom de l'Ancien-Hameau. Les habi- tants disent qu'autrefois il y en avait davantage, mais qu'on en purge ce champ toutes les fois qu'on le laboure ; on peut présumer que là où on a trouvé le trésor, il y eut une maison dans laquelle il a été enfoui ; qu'elle aura été détruite par le laps du temps , ou par toute autre cause , et que le hazard ayant fait aboutir un angle de If fossé sur le lieu même où était le dépôt , on n'aura pas eu besoin d'enlever les décombres qui la couvraient , et il aura resté là enseveli pen- dant près de 1600 ans. Il est toujours certain que si on n'avaitpas eu besoin de défricher cette 190 masse de fossé , ce trésor aurait pu y rester en- core pendant bien des siècles. AUTRESDÉCOUVERTESD'ANTIOllTBS, FAITES DE NOS JOURS, SANS LES ARRONDISSEMENTS DE On ferait beaucoup de pages de la seule indi- cation des découvertes d'antiquités celtiques et romaines , qui ont existé dans ces deux arron- dissements , si les hommes n'avaient pas détruit ce que le temps aurait respecté ; mais il ne reste aucune trace ni souvenir des découvertes an- I — 191 — ciennes. Que de médailles détruites à la fonte ; que de figurines et autres objets d^art , et de mo- numents brisés , et par conséquent que de docu- ments perdus pour l'histoire (a). Nous ne pou- vons donc reporter celte indication au delà de notre époque ; au moins devons-nous constater les nouvelles découvertes dont nous pouvons dire que nous avons été les témoins ; on jugera par le nombre de celles-ci combien on doit en avoir fait pendant les quinze siècles précédents. Je ne donne aujourd'hui la liste que des antiqui- tés romaines ; celle des antiquités celtiques se- rait longue, et demanderait beaucoup de détails et d'explications; j"'aurai peut-être une autre occasion de la publier. Je ne comprends point dans celte liste les fouilles très-remarquables que M. de Foucault (a) Ou trouve souvent dans les terrains qui bordent nos côtes des coins celtiques de bronze ; mais on n'avait point encore vu de moules qui servaient à les fondre. Un fut porté , il y a environ deux ans , chez un fondeur à Cher- bourg ; M. Duchevreuil le remarqua par hazard , en fit l'acquisition , et ainsi il a conservé un monument unique qui allait être détruit. — 192 — a fait faire dans la paroisse d'Alleaume , fau- bourg deValognes, en 1091, parce qu'on en trouve les détails dans plusieurs écrits , notam- ment dans le recueil d'antiquités de M. Caylus ; je n'y comprends point non plus le tombeau ro- main découvert en 1741 , dans une fissure de la montagne du Roule , à peu près au milieu de son penchant vers Cherbourg , parce que l'aca- démie des inscriptions envoya deux de ses mem- bres sur les lieux , pour observer cette décou- verte , et leur rapport se trouve dans le seizième volume , in-quarto , des Mémoires de cette aca- démie , page 1 31 . En 1765 on environ, deux habitants de Tour- laville, allant sur la montagne di» Roule faire de la pierre à bâtir pour leur besoin , trouvèrent deux plaques d'or, ayant la forme de hausse- col ; il n'y avait ni caractère , ni ornement. Le sieur Leforestier, orfèvre à Valognes , auquel ils les portèrent, leur en offrit 1 ,500 fr.;ne trou- vant pas cette somme assez forte , ils les portè- rent eux - mêmes à Caen , où ils en trouvèrent sans doute davantage : on n'en a plus entendu parler. En 1768, un particulier, allant faire de la — 193 ~ blête ( espèce de tourbe) pour son chauffage, trouva une figurine en bronze , haute de quatre centimètres ; elle est d'un très-beau travail et bien conservée. Elle représente un personnage en toge , couronné de laurier, tenant une patère dans une main, et dans Taulre le volumen ou rouleau. On a dit que c'était un sacrificateur ro- main j mais ces attributs et surtout le volumen sont regardés comme ceux du dieu Génie. Cette figurine est dans la collection de M. Du- chevreuil , acquise par la mairie de Cherbourg , pour la ville. En 1 782 , le sieur Lair ( Alexis ) , de la pa- roisse du Vicel , dans le Val-de-Saire, en fouil- ■ lant, pour construire dans le terrain au-dessous de la chapelle Saint-Jean , trouva quelques mé- dailles de bronze ; un peu plus loin , il découvrit un bout de colonne de granit ; il était creusé dans sa partie haute , et recouvert par un autre bloc de granit. Il y avait dans celle espèce d'encaissement environ mille impériales d'ar- gent du haut et bas empire , et deux petites cuillères d'or qui se terminaient par un anneau , au lieu de notre spatule : tout ce petit trésor a passe dans beaucoup de mains. 13 — 194 — En ITS") , un liabilant voisin du Mont-Câlie , trouva, sous un vieux chêne qu'il dëiacinait , une plaque d'or pesant au moins neuf onces : le sieur Dubos , orfèvre à Valognes, en fît l'acquisition ; on ne put deviner, d'après sa for- me , à quel usage elle était destinée. M. Duché- vreuil , toujours zélé pour la conservation des monuments de Tantiquitc , fut la voir et en donna avis aux conservateurs du cabinet du Roi , en priant le sieur Dubos de ne pas se pres- ser de la mettre à la fonte ; mais il arriva que les conservateurs^ MM Milîin et Gosselin, étaient alors à Marseille pour recevoir des caisses d'anti- quités venant d'Alexandrie : leur réponse , qui était affirmative pour l'acquisition , et avanta- geuse pour le vendeur, tarda trop long - temps , le sieur Dubos ne put l'attendre , et il l'avait dé- truite. En 1788, des ouvriers qui exploitaient les pierres de la côte , pour la construction de la Digue , apportèrent un matin à l'entrepreneur, M, D , qui les employait, soixante ou qua- tre-vingts médailles lomaines qu'ils venaient de trouver sous une grosse pierre , tout près du Grand-Câtet , à un endroit appelé le Br k. C'é- — 195 — laienl des médailles romaines , toutes de grand bronze ; il n'y mit aucun intérêt et leur dit d'aller boire avec ces pièces ; il en prit cinq ou six , et il lui en restait trois qu"'il me donna ; une de Trajan , au revers f'^in Trajann , et deux Marc-Aurèle , dont un au revers de sa consécra- tion , avec Vaigle éployé sur un autel. En 1 791 , des ouvriers employés par made- moiselle Dumoncel , à Etoubeville , paroisse de Hellc ville , pour relever un mur de son jardin , trouvèrent^ dans une partie de fondation qu'ils creusaient , toutes les médailles d'or indiquées ci-après : ils se les partagèrent , en gardèrent le secret, et , pour cacher leur infidélité , ils ne les vendirent qu'à des étrangers. Cependant ces mé- daillons et médailles précieuses ont fini par aboutir presque toutes au cabinet du Roi où on les conserve. De Constantin P*^, un médaillon de 50 milli- mèlres de diamètre , au revers , Salas et spes reipiiblîcœ. Prix : 600 francs, Pietas Augustin médaillon : diamètre, 35 millimètres. Prix : 1 50 francs. 196 Gaudium Jugusti , médaillon : diamètre , 32 millimètres. Prix : 150 francs. Gloria Constantini Aug., médaillon : diamè- tre , 24 millimètres. Prix : 120 francs. Même inscription, revers différent : diamètre, 24 millimètres. Prix : 120 francs. Trois autres médailles du même empereur : De Constantin jeune , Félicitas perpétua Àiig. et Cœs. N. N. , médaillon : diamètre , 48 millimètres. Prix : 500 francs. Une médaille du même. De Constant I", trois médailles. De Constance II, un grand médaillon et deux autres médailles (a). En 1792 , il se fît un petit éboulement sur une des falaises qui bordent la côte dans la commune de Gréville - Hague. Le premier habitant qui (a) Les prix ci-dessus sont ceux qu'indique M. Mionnet, membre de l'Institut , dans son ouvrage De la rareté et du prix des médailles romaines. — 197 — s^ transporta aperçut environ soixante médailles romaines de grand bronze qui étaient dans un creux mis à découvert par Téboulement. Il vint les porter à M. Bon -Marin Duval (a). Ce respec- table ami en fît Tacquisilion et m'en apporta près de cinquante. Au moment où il arrivait, M. Duchevreuil était chez moi , qui , voyant que ce n'était pas la totalité , se décida à partir sur le champ pour Gréville, d'oi!i il revint le lendemain avec deux ou trois de ces médailles qu'il y avait recueillies; elles étaient toutes du haut empire : quelques - unes tout - à - fait frustes ; d'autres avaient de bons revers J'ai conservé celles-ci. • En 1 806 ou environ , un Néron et un Marc- Aurèle , tous deux d'or, fux-ent trouvés dans la forêt de Brix , près du Mont-à-la-Kaine ; M. De- laville , alors maire de Cherbourg, eut l'occasion d'acquérir pour moi le Marc - Aurèle. Domicilié alors loin de Cherbourg, je n'ai pas su dans (a) Homme excellent , dont les personnes de mon âge , qui l'ont connu , aiment à se souvenir ; il était le conseil et l'appui des habilanls de la Hague : c'est lui qui a obtenu l'clablisscmcnt d'un canton àBeaumont, et celui des deux foires du Hagiicdy et de la Monlalivet. 198 — quelles mains le Néron a passé , mais je conserve le Marc-Aurèle , sur la face duquel la pioche qui Ta frappé lors de sa découverte a laissé un© trace profonde. En 1818 , deux habitants de Hardinvast trou- vèrent deux Trajan d'or et huit ou dix médailles d"'argent du haut empire , dans un déblai d^an- ciens décombres. Les deux Trajan , assez mal conservés , étaient au revers d'Hercule , avec quelque difféi'énce. Les médailles d'argent étaient tellement frustes et même décomposées , qu'elles n'claient bonnes qu'à mettre à la fonte. Un l\orloger de Cherbourg, le sieur B , con- duisit chez moi ces deux habitants ; j'acquis le tout avec un de mes neveux qui se trouvait chez moi et qui désira y prendre part. En 1822, la découverte des figures de divini- tés et d'animaux consacrés au culte des Romains, trouvés à Digulleville. Il suffit de citer cette dé- couverte, dont M, Duchevi'euil a fait un rapport à la Société des Antiquaires de Normandie. Il est imprimé dans le tome 1" des Mémoires de cette société , page 50; les figures sont gravées dans l'altas qui appartient à ce volume. — 199 — Enfin, celte année même 1830, un habitant de Beaiimont-Hague , en creusant un fossé , a trouvé mi Trajan d'or ; il a été acquis par M. Ragoride , professeur de seconde au collège de Cherbourg , qui a bien voulu me le céder. Comme le Marc-Aurèle dont j'ai parlé , sa face est traversée par le coup de pioche qui l'a dé- couvert, en y laissant une trace profonde. Il a au revers l'aigle éployé, avec la légende Cos.V^. p.p. s. p. q. r. optimo princ. m Mimm iitt0 EX VERS FRANÇAIS f«rM. Aiig. A»tul:n. - Seconde Eilition. JDisce, puer, vittutem ex me, verum que lahorem; Fortunam ex aliis • "VtRO., £nbidb, lit. XII, vsRs 435* Uue édition de ces distiques a été faite en 1832 pour les élèves du Collège de Cherbourg. 11 en fut lemis un exem- plaii't à chacun de ceux qui étaient appelés pour recevoir de prix ou des accessit. II^STITIJTIO PUERILIS, AucTORE Antonio Mureto. 1. Dàm tener es, MdRETE, avidîs liœc aiiribus hauri : Nec memori modù conde animo, sedel exprime factis. Impriinù ^>enerarc Deuin ; venerare parentes Et quos ipsa loco tibi dat natura parent uni. Mentiri noîi. Nunquàm mendacia prosunt. .. Si'quid peccarù, venia est tibi prompt a fatenti. Disee libens. Quid dulcius est quàm discere multa ! Discentem comitantur opes , comitantur honores. Slquis te oljurget, malè cùm quidfeciris , illi Gratiam habe, et ne iteriini queat objurgarc cavtto. 6. Netemeiè hune credas tibi qui blanditur amicum. Pecrantempuerum quisquis non corrigit , odit. LA LKCON PATERNELLE, Traduite du latin d^ Antoine Muret. 1. Jeune encore , ô mon fils , pour être homme de bien f^coiile , et dans Ion cœur grave cet entretien. 2. Sers , honore le Dieu qui créa tous les êtres ; Sois fils respecluetix , sois docile à tes maîtres. 3. Ne ments point. Un menteur est toujours méprisé : En avouant ses torts , ont est presque excuse. 4. Qu'il est beau d'être instruit ! Aime, acquiers la science ; Assez d'honneurs, de biens seront ta récompense. D'un reproche obligeant , au lieu d'être confus , Rends grâce à l'amitié, mais n'en mérite plus. 6. Crains la louange : il est l'ennemi tie l'enfance , Celui qui , pour ses torts , n'a que de l'indulgence. — 204 — 7. Qui semel ineautum blando scrmone fefellit , Ille idem , dabilur quoties occasio , fallet. 8. Nec cui'uis sapiens, nec nulli credere débet : FallitUT aller sœpéy fidem sibi detrahit aller. Si quidfortè mali autfacias , aut mente volutes ; Vt lateas homines , certè Deus omn'iacernit. 10. Non nisi spectatis arcana sodalibus effer : Quodque tacere voles , alioa , prior ipse taceto. 11. Nil cupide specta , nisi quodfecisse décorum est : Turpia corrumpunt teneras spectacula mentes. 12. Averteprocul impuris à sermonibus aures : Et qui mis gaudent horum consortia vita. 13. Principio studii radix inamœna videtur; Sed profert dulces , pqrvo post tempore ,fructus. — 205 7. Souviens-toi qu'un flatteur qui, par de beaux discours; Une fois t'a trompé , te trompera toujours. 8. Ne rien croire est un tort ; tout croire est impiudence : Il faut avoir assez , pas trop de défiance. 9. Quand tu fuis pour mal faive , en des lieux à l'écart , Songe que Dieu te voit : il voit tout d'un regard. 10. Choisis de ton secret un bon dépositaire ; Mais n'en choisis aucun pour ce que tu dois taire. 11. Observe en tes regards une austère pudeur : L'œil de l'homme est toujours son premier corrupteur. 12. Ne prête point l'oreille à d'impures saillies ; Fuis les méchants railleurs ; fuis les langues impies. 13. La science , d'abord , n'offre que des dégoûts , Surmonte-les ; alors ses fruits seront bien doux. — 20G — 14. Ludo indnlsisli'l subito evolut illa volujjtax , Legistil utililas studio pcrcepta manebit. 15. Utaioderata ijitics prodcst , viresquc ministrat : Sic hebetat corpus nimia, inqeinumquç rctundil. 16. Si prodesst: aliis i tudeas , libi proderis ipsi : At nui âmes altos , et te quoque niiUus ainabit. 17. Successus faustos nunquàm admirare maîorum : Sera licet , tainen olim illos sua pœna sequetur. 18. Si tibi grata quies , juvenis ne parce labor't : Dux ad honoratam est homini labor ipse quielem, 19. Inspice te in spcculo : et bona seu tibijorina vide/ur , Moribus obscœnis illamfœdare caveto. 20. Seu tibi substraxù vultus natura decorem , Ingenio , ut forma compenses damna labora. — 207 — 14. Jouer est un plaisir , mais court , souvent fuiu ste ; C'est l'étude qui donne un bien qui toujours leste. 15. D'un repos nécessaire use , mais sobrement ; L'excès énerve, éteint tout noble sentiment. 16. Faire aux autres du bien , c'est en faire à soi-a.ènie : Les hommes n'aiment point à moins qu'on ne les aime. 17. Ne crois pas qu'un méchant prospère impunément : Le ciime , tôt ou tard , reçoit son châtiment. 18. Ton vœu , c'est le repos : eh bien ! de ta jeunesse Le bon emploi t'assure une douce vieillesse. 19. Si tu reçus du Ciel le don de la beauté, Plus qu'un autre des mœurs joins-y la pureté. 20. Et s'il te refusa celle beauté si fréle. Aie des taleii,^ ; ils sont plus estimables qu'elle. — 208 21 Nilfacitoquodturpe putes fecisse viclcri : Et cura ut mu/lis tibi sis pro testibus l'pse. 22. Ut nos pauca loqui, plura autem audire moncrct , Linguam unain nature, duas dédit omnibus aures. 23. Quœ servarc voles , ne crebrd invisere parce, Namque minus furem metuunt quœ sœpc videntur. 24. Blanditur primo, sed perdit inertiafamam . Aspera res primo est , sed fer t indus tria laudem. 25. Aut vinum ne tange , aul multa prolue limphâ : Cùm i'ino indulges , ignipuer adjicis ignem. 26. Fac tihi sit vuîtus comis , sermoque modcsius : Sir nmîtos facile tibi conciliabis amicos. 27. Semper opum studio prafer virtutis amorem : Non opibus virtus, sed opes virtute parantur. 229 — 21. Ne fais rien pour avoir à rougir à tes yeux , Et pour toi-même sois un témoin rigoureux. 22. Ecoute , et parle peu : Dieu mit à ton usage Deux organes pour l'ouïe , un seul pour le langage; 23. Surveille et prends le soin toi-même de ton bien ; La présence du maître est le meilleur gardien. 24. La paresse avilit, c'est le sommeil d'un lâche : La louange est au bout d'une pénible lâche. 25, Ne point noyer dans l'onde un vin trop généreux, C'est aux feux de ton âge ajouter d'autres feux. 26. Ce qui prévient toujours en faveur du jeune âge , C'est un maintien décent , un modeste langage. 27. Regarde la vertu comm e le premier bien j L'honneur est tout : sans lui la lichesse n'est rien: 28. Disee , et quœ diacis mcMori sub peclore conde / Aut faciès tantumdem ac si cribro hauseris undam. 29. Irasci noli temerè : nilfœdius ira Quant quacumque movere soient, ea temnrre laits fst. 30. yenti agitant cehis posilas in monlibus ornos , A quibus in mediâ tuta est arbuscula valle , 31. Sic et opes agitant majora pericuïa magnas : Tutior angustos ccmitaturvita pénates. 32. Pauca loqui puero , sed tempestiva décorum est : Hac etenim ingenium res indicat , illa pudorem. 33. Seire cupis quœ sitfamœ via certa parendœ ; Taîem te prœsta , qualem te posais haberi. 34. Dulcia surît quamvis, nunquam tamen appete quœ sunC Aut damnum allatura, aut incussura pudorem. — 211 — 28. Pour bien apprendre , rien ne doit élre pénible î Lire sans retenir , c'est verser dans un crible. 29. La colère est honteuse ; évile-la, mon Fils .• Ce qui fâche, souvent , ne vaut que du mépris. 30. Ce sont les pins ailiers que le vent déracine .• L'arbuste en paix fleurit au pied de la colline. 31. Ainsi de grands revers frappent l'ambitieux : Câ sont les humbles toits qui cachent les heureux. 32. Ne parler qu'à propos , ou garder le silence : L'un montre le bon sens, l'autre sied à l'enfance. 33. Tu voudrais un grand nom , la gloire est ton objet ; Eh bien ! pour l'obtenir , sois grand homme en effet. 34. N'étends point tes désirs sur une chose aimable , Quand elle peut te nuhe, ou te rendre coupable. ~ 212 — 35. Paupeiiem ns eut misera exprobravens unquam Cuj'us munus opes , ejusdem est munus ejcstas. 36. Quàm fcUx puer est , virtus in quo anteit annos ! Ilîum omnes mentis certatùn ïaudibus ornant : Et spectant cupide , et feîicia cuncta precantur. At contra nemo alloquio dignatur inertes, Spernuntur cunctis , et viilgi fabula Jiunt : Vix oculis pater ipse illos satis aapiclt œqui.<. 39. Non tantùm in prœsens obsunt peccata , sed hoc plus , Ad mala quod pioclivcm animum adsuetudine reddunt, 40. Verbera non metuet , metuet quijussa magistri) Hœe qui contemnet , merito miser illa timebit. 41, 'jiceeptum offictum memora atque ex toile, sedabs te Collatum exténua , tt potius sine prœdicet alter. Qute lona sunl sectarc , etîam si dura fidentur Trincipioi longus pauîatim ea molliet usus. — 213 — 35 Au pauvre ne dis rien qui le fasse rougir : La main de Dieu pouvait , comme toi , l'enricliir. 36. Heureux l'enfant qui croît ea vertus comme en âge ! Un murmure flatteur l'accueille à son passage : On le contemple , on l'aime , on fait pour lui des vœux Mais le mépris , partout , poursuit le paresseux ; Délaissé, sans amis , à peine si son père Le supporte , et contient devant lui sa colère. 39. Chaque faute qu'on fait a ceci de fatal , Qu'on prend de plus en plus l'habitude du mal. 40. La ci-ainte de son maître est un joug salutaire . Celui qui ne craint rien est bien près de mal faire. AI. Voici , pour un bon cœur , la règle des bienfaits : Dis ceux que tu reçois ; cache ceux que tu fais. Suis en tout la verîu , son abord est austère } Mais , plus on fait le bien , plus on aime k le faire^ — 214 — 43. Sub laceris crebro v'irtus latet aurea pannis , Cum stohdas aurum pecudes et purpura veslit, 44. Vnlùas quoties pugnare videtur honesto , Ne dubitare quidemfas est , qutn vincat konestas. 45. Divitias nec amare nimis , née spernere debes; Quamqnam etenim nequeunt facere ac prccstare beatum, Magna tamen vitœ sunt instrumenta gerendœ. 46. iVt? laudis causa Jacito , et tamen omnîa laudem Quœ tibl conciiiare queunt, ea sedulusurge. 47. Quàm sunt cuncta hominum i>an'a atque mcerta notato : Ne te unquàm aut adversa premant , aut prospéra tollant. 48. Fac contentas eo quodcontigit usquefruaris : Sic tamen ut minquam meliora requirere parcas. 49. Pauca quidem hœc , sed quœ studio servata perenni Mirificos fructus progressu temporis edent, — 215 — 43. De vils haillons souvent nous cachent la vertu , Quand d'une toison d'or le vice est revêtu. 44. A l'intérêt alors que le devoir s'oppose , Whésite point, sois juste avant toute autre chose. 45. Aimer l'or k l'excès, ou trop le mépriser , C'est d'un bon serviteur ne pas savoir user : L'or ne fait pas d'heureux; l'entasser c'est folie ; Il n'en faut qu^à suffire aux besoins de la vie. 46. Mérite la louange , et fais que l'on t'estime ; Mais que ce ne soit pas le seul but qui t'anime." 47. La vie est un mélange et de joie et de deuil ; Souffre sans murmurer , prospère sans orgueil.; 48. Vis content dans la sphère où le sort l'a fait naître ; Mais dans un plus haut rang , sois digne de paraître. 49. J'en ai peu dit : au moins profites*en , mon Fils ; Ce germe , avec le temps , produira d'heureux fruit*.' — 216 ^ Aspiret tantum cceptis Deus omnia cujus ConsUio œterno et certâ ratione reguntur. Quem tu et luce , puer , prima cum strata relinquts Jmpiger , et dulcem repetis cum t'espère , somnum , Supplicibusfacito places an te omnia votia. Ille tibi ingeniumque sagax , corpusque salubre , Etmulto meli'ora dabi't ,• dijfidere noli : Tu modo ad illius semper refar omnia laudem. Les Distiques d'Antoine Muret sont le résumé des meilleurs principes d'une conduite morale et religieuse; ils sont aussi ex- primés avec une élégance et une précision telles que peu de mots renferment un grand sens. Nous n'avons pas asses d'ou- vrages élémentaires de cette espèce dans notre langue. Il n'existe point de traduction en vers français des excellents distiques de cet auteur, celui peut-être des modernes qui a le mieux saisi les tours et l'élégance du latin , dans ses vers comme dans sa prose. M.François de Neufchâteau, qui, dans le siècle précédent, a joui de quelque réputation comme poète, en a fait seulement une imitation, en avertissant qu'il n'a point eu l'intention de traduire; alors il ne s'est point renfermé dans le texte de son auteur, et l'ouvrage qu'il a laissé est plutôt le sien que celui de Muret. D'ailleurs , son imitation, qui peut paraî- tre longue, puisqu'il rend toujours les deux vers de chaque distique par un quatrain , n'est point complète ; cinq de ces distiques sont omis, et on ne sait pourquoi, car ils ne inéri- taient pas d'être négligés : ce sont ceux indiqués sous les nu- méros 35 , ^ifl^,^5et 46. Pour moi , je dois dire que j'ai eu l'intention de traduire , autant cependant que cela est possible ; car il est des tournure» latines ) «t même des pensées qao noue langue, et surtout U — 217 — Prends courage : et du Dieu qui gouverne le monde, Toujours sur la bonté que ton espoir se fonde : Quand le jour apparaît et quand il va finir, Qu'il ait tes premiers vœux, ton dernier souvenir ; La prière sur nous appelle sa tendresse ; Il te donnera tout , bonheur , santé , sagesse ; Espère plus encore avec un tel appui : Mais auteur de tous biens rapporte tout à lui. langue poétique, ne peut admettre; alors il faut bien trouver un équivalent qui ne s'éloigne point de la pensée de son auteur ; en -e cas, trop de fidélité serait, dit M. Delille, une véritable infidélité. Si , par exemple, le rithme a forcé l'auteur à em- ployer une expression qui , sans être déplacée , n'est pas la vé- ritable, et si le traducteur est obligé de la conserver par l'ex- pression correspondante , c'est exiger que le traducteur dépare son original, et qu'il le traduise mal en présentant ainsi son cdté faible. Ces licences doivent cependant être Lien rares , car les meil- leures traductions, quand, d'ailleurs , elles sont élégantes, sont toujours celles qui se rapprochent le plus de leur original. Je ne puis mieux faire, en parlant de traductions, que de citer l'opinion de Cicéron en parlant de celles qu'il avait faites. Il me semble qu'il indique la véritable mesure que le traducteur doit garder entre la servitude de la lettre et la licence que se donne relui qui se contente d'imiter. « J'ai traduit ( dit-il ) les Ha- e« rangues d'Eschine et de Démostbène, non comme un com- « mentateur, mais comme un orateur, en conservant les pcn- « sées et les images , mais en les accommoilant à ce que me « prescrivait ma langue, et sans m'asservir a rendre le mot-à- « mot. » Nec converti ut interpres, sed ut orator senlentiis Us- (îem et earum formis ianquam figuris ; t'erbis ad nostrani cort- — 218 — suetudinem aptiSf in quibus non verbum pro verbo necesse habui reddere. ( Cicero de optimo génère oratorum. ) Ces trailuctions n'étant point parvenues jusqu'à nous , nous ne pouvons faire la comparaison de ses principes avec leur application. Ne pourrait-on pas dire d'une bonne traduction ce qu'Ovide dit des filles de Doris. Faciès non una 2fec diversa tamen, qualem decet esse sororum. LE EAPPEL. Pourquoi te couvres-tu de crêpes et de voiles? Pourquoi , pendant la nuit, sous un ciel sans étoiles , Sur le bord des torrents , dans le fond des déserts , Assise sur des rocs brise's par les hivers , Muse , viens-tu semer tes chants mélancoliques Et vouer à la mort tes funèbres cantiques ? N'aimes-tu désormais que les pleurs et le sang , Et les cœurs déchirés, dans l'ombre gémissant , Les champs ensanglantés et les sables livides, Los dépouilles des morts dans les sillons ajidcs , — 220 — Les arbres dont la fleur distille le poison Et dont l'ombrage épais fait mourir le gazou'' Voilà donc désormais tes asiles funestes : S'il est sous l'échafaud de déplorables restes , Au fond des noirs cachots des ossements séchés , Sous leurs fardeaux sanglants de vieux arbres penchés ; Iras-tu découvrir ces ruines impures , Tremper ton bras céleste au fond de ces souillures ? Yas-y, mais n'éteins pas le flambeau qu'en naissant, Pure encor, tu reçus des mains du Tout-Puissant ; Va , mais ne porte pas dans ta sombre carrière La torche au feu rougeâtre , obscure , incendiaire , La flamme dérobée aux gouffres infernaux , La flamme dont Satan revêt les longs anneaux ; Porles-y la clarté de ta première aurore , Et que rhomme avec toi regarde au ciel encore. Oui , Dante est descendu dans l'abîme sans fond , Dans la cité dolente il a sauté d'un bond , Et sapa cesse roulant sur l'immense spirale , En passant , il a lu l'inscription fatale : C'est là que vit la haine embrassant les remords ; Là vivent à jamais les damnés , les vrais morts ; Souillés d'or ou de sang ou d'une impure flamme , Maudissant leur naissance , et le ciel et leur âme , Ils frémissent encore de leurs derniers plaisirs, Et n'ont pour nous mortels que d'atroces désirs. Mais Dante , en s'y plongeant , n'a pas brisé ses ailes ; Il parcourt en planant ces vagues éternelles , Ces flots d'un feu vengeur, bleuâtres , rutilants , Ces fleuves abiqjés et toujours renaissants , — 221 — Il plane , et l'aile d'or le sauve du naufrage , Et son pied touche à peine aux fanges du rivage : Ije cratère sur lui ne s'est point refermé , Son flambeau dans les feux ne s'est point consumé ; Il remonte , il entend du sein de la souffrance Des cantiques d'amour et des chants d'espérance , Aux lieux où les mortels faibles , souillés encor Au creuset des douleurs s'épurent comme l'or ; Puis enfin il s'envole à ces sphères divines , Où les anges rangés sur les saintes collines , Avec les hommes purs , célèbrent à jamais Dieu dont la majesté règne sur ces sommets. Omuse, diras-tu qu'il n'est plus d'espérance Eteins plutôt ta voix dans l'éternel silence; Toi qui savais jadis apaiser nos douleurs , Eclairer les esprits en épurant les cœurs , O toi que par pitié le ciel vers nous envoie, Pour donner aux mortels une innocente joie , Dédaignes-tu la terre et le ciel qui se plaint , Renonces-tu d'aimer le beau , le vrai , le saint? Serait-ce du trépas le douloureux délire, Et prêle à nous quitter parles-tu pour maudire? Mais si tu dois mourir avant que le soleil Rencontre à l'occident une nuit sans réveil , Si les jours sont venus oîi ta course est finie , S'il faut n'entendre plus ton antique harmonie , Si ta harpe, où les vents âpres ou gémissants , En la touchant , rendaient de purs et doux accents , Se brise ; si les sons que l'on entend encore , C'est le dernier éclat de la corde sonore ; — 222 — Adieu ; mais laisse au moins à ceux qui survivront , Laisse , à nous, à nos fils , avant ce deuil profond , Un souvenir de toi , noble , doux et durable , Meurs comme une victime et non comme un coupable. Quand le cygne du nord , sur les roseaux fleuris , Expire , on n'entend point de lamentables cris , Au bord des flots d'argent son noble cou se penche , Il semble s'endormir^ ferme son aile lilanche ; Il salue en mourant et les fleurs et le ciel , Et fait ses plus doux chants de l'adieu solennel. II. Ainsi j'accusais cette muse ; Mais elle , apparaissant à mes yeux cplorés : Ecoute , a-t-elle dit ; vers les cieux azurés , Je pars ; mais que ma voix , ami , te désabuse. Le monde est vieux , chélif , il ne sait plus aimer. Les pleurs ne coulent plus sous sa froide paupière , Ni le grand , ni le saint ne peuvent l'enflammer. Vois ce qu'il est , et dis si je puis m'y complaire. Les uns aujourd'hui pleins de jours Regardent le soleil , les eaux , les paysages , Voient les bords écumants des plages , Des profondes forêts écoutent les bruits sourds. — 223 — Et quand tout reverdit sur les rives fleuries, Ils promènent leurs pas et leurs pensers cirants, Mais les lacs , les forêts, les coteaux , les {nairies Ne calment point leurs cœurs souffrants. Car ils ne trouvent point de cœur qui les ce niprenne , Et , comme un cerf blessé , courent à perdi e haleine , Fatigués, saignants , altérés , Cherchant dans les halliers , dans les bois ignorés, Les eaux d'une claire fontaine, Laissant trace partout de leurs pieds déchirés. Ils ne s'efforcent point de guérir leurs blessures , Ils cultivent leurs maux , chérissent leurs douleurs , Et leur orgueil préfère aux douceurs les plus pures , Les rêves insensés , l'amertume des pleurs ; Ils maudissent le jour et leur première aurore, Mais ils craignent l'oubli , les soins simples et doux D'une commune vie , et leur cœur est jaloux Du sombre feu qui le dévore. Que ne relèvent-ils leurs regards vers le ciel , Si la terre pour eux n'est que sable et que fange , Si nulle fleur n'a plus de miel , Si le monde n'est rien qu'une prison étrange; Ils trouveraient là-haut un abondant espoir, Une main pour sécher leurs larmes , Un ami pour les recevoir, Au sortir de ces jours pleins de troubles et d'alarmes. Ne les accusez point : plaignez-les ; ce qu'il faut. Ce n'est point le dédain avec le froid sarcasme ; Ce n'est point de passer l'air riant , le front haut , Auprès de l'homme fort que creuse le marasme. — 22A — Car ces hommes tombés ont souvent un grand cœ Jr, Qui de nobles desseins se peut encore éprendre ; Souvent un feu sacré se cache sous la cendre , Ces fronts humiliés laissent voir leur splendeur. Tel Byron enchantait et désolait le monde ; Ange déchu qui traîne en s'éloignant des cicux , Du soleil dans l'abîme une trace profonde , Sur sa lêle coupable un cercle lumineux. Ce qu'il faudrait , hélas ! c'est vous , hommes futiles, Qui l'avez arraché , vous , raisonneurs stériles , C'est vous qui leur faites souffrir, Seuls , oubliés de tous , tant de peines amères , Vous qui nommez vaines chimères, Les maux qu'on ne sait plus guérir. D'autres que vous nommez hommes de sens et sages , Ont appris , dès vingt ans , à tout voir de sang-froid : Le monde n'a pour eux de concerts ni d'images , La vie est un chemin tout montant et tout droit. Au terme où leurs regards se dirigent sans cesse , Du pouvoir et de l'or éclatent les attraits ; Ils rêvent des flatteurs dont la foule les presse, Des fêtes dont le luxe a seul fait les apprêts. Enfants , ils n'offraient pas à leur mère attendrie Le laurier qui paya leurs arides travaux , Mais ils s'applaudissaient d'écarter des rivaux , De préparer de loin le gain de leur partie. Jeunes , l'amour jamais ne les a fait rêver, Ils n'ont jamais gémi sous de saintes ruines , Ils n'ont jamais erré sur les vertes collines , Pour voir du frais avril les soleils se lever. — 225 — Les nuils d'été , les brises murmurante*»-, Tant de concerts parmi les bois cachés , Les vents d'hiver dans les feuilles mourantes 5 Les longs sentiers de dépouilles jonchés j Rien ne fait naître en eux de ces vagues pensées , Fleurs qui s'ouvrent sans crainte au riant avenir, Et qui pâles plus tard , pendantes et froissées , Gardent comme un parfum quelque doux souvenir. Et la foule : elle passe indifférente et froide ; L'art est bien peu de chose aux hommes de ces jour» ; L'artiste qui s'épuise en un chemin si roide , ' En vain pour le gravir attendrait leur secours." Ils n'ont guère souci des pensers de leurs pères , Et des vieux monuments et des saintes poussières. Temples, colonnes , tours, et marbres des tombeaux , Tout , oublié , s'écroule au bruit des lourds marteaux. Vos demeures d'un jour sont faites de leurs dalles , Et d'obscurs ateliers tiennent les vastes salles. Les ormes bien aimés des simples villageois, Les chênes , vieil honneur, seul reste des grands bois , Tout tombe sous le fer : il faut que tout se fonde En vains plaisirs , en luxe ou bien en lingots d'or ; Car l'avenir n'est rien , le passé moins encor ; \,Q présent est à nous : jouissons , dit le monde. Et courbés sur la terre , ils nomment insensé , Quiconque en de tels biens sent son cœur oppressé. On a vu près de soi tant de rares spectacles , Que l'art voudrait en vain étaler ses miracles. 45 — 226 — Un jeune homme en ce siècle a vu de ses regards Plu3 de morts , de grandeurs , de sceptres , d'étendards , Que n'en ont su jadis les pères de ses pères, L'un à l'autre léguant leurs re'cits séculaires. Or, toute poésie est faible en ces moments , Toute voix tombe au bruit de tels évéuements , Et tes mortels battus par la longue tempête, Ne trouvent plus d'abri pour reposer leur tête ; Leur oreille est troublée à tant de vents confus ; Etoiles, gouvernail , rien ne se trouve plus ; , Toute foi meurt : chacun se retire en soi-même , Ce n'est qu'en soi qu'on croit , ce n'est que soi qu'on aime. Laisse-moi donc , mortel , retourner vers les cieux , Et ne f'irrite pas qu'en ces tristes adieux. Sur vous la poésie à cette heure se venge ; Que sa voix soit un bruit audacieux , étrange , Qu'elle accuse le monde, et maudisse en ces jours Les hommes devenus indifférents et sourds , III. Ainsi parlait la Muse , et pâle , échevelée , Elle semblait quitter la terre désolée ; — 227 -^ Et d'une faible main touchant son aile d'or, J'osai vers les mortels la rappeler encor, Muse , reviens, le monde aime tes harmonies," L'œil peut encor s'ouvrir aux clartés infinies , L'oreille aux célestes accents ; Nous avons trop gémi de tes plaintes funèbres , Nous voulons qu'un rayon , lancé dans les ténèbres , Eclate sous tes traits puissants. Quand aux champs deSennar, les peuplades errantes, A l'ombre des palmiers , dressaient leurs vastes tentes , Et laissaient errer leurs troupeaux ; Que , lassés de tracer des routes toujours neuves , Ils s'arrêtaient le soir, sur le bord des grands fleuves Où s'agenouillaient les chameaux : Tu chantais, et les rois et la famille immense , Se pressant alentour, écoutaient en silence Les pompeux récits d'autrefois ; Car tu leur lacontais le monde jeune encore, Comment dans le néant Dieu fit naître l'aui ore , Comment l'homme entendit sa voix. Puis, sur la harpe sainte , au fond du sanctuaire , Tes chants avec l'encens s'élevaient de la terre , Hymne touchant et glorieux , Qui du ciel irrité comme la foudre tombe , — 228 — Ou descend , dans son vol doux comme la colombe , Messagère du roi des cieux. Et si Dieu t'a laissé profaner ce langage, Aux dieux d'or ou de bois adresser un hommage Qu'à lui seul on devait offrir, Tu conservas du moins de ta haut* origine , Parmi l'humaine erreur, une trace divine , Dans tes rêves un souvenir. Souviens-toi de ces jours où ta voix solennelle , Couronnant les héros d'une gloire immortelle. Soutenait leurs mâles labeurs ; Ces jours où célébrant la gloire et la pairie , Ta voix aux rangs pressés d'une foule attendrie Arrachait de nobles clameurs. Les drames de Sophocle et les récits d'Homère Parlaient à tous les Grecs de leur commune mère , De leurs autels , de leurs aieux ; Archives oii les rois , les libres républiques , Tous retrouvaient leurs noms , leurs souvenirs antiques, Gravés en vers harmonieux. Souviens-toi de ces jours où les voûtes gothiques Entendaient résonner les sublimes cantiques , Inspirés au pied de la Croix ; Quand sous les humbles mains d'une foule inconnue Les temples s'élevaient d'une seule venue , Et brillaient de tout l'oi- des rois. — 229 — Plus tard la poésie , à sa seconde aui ore , Dans un monde nouveau vit ses œuvres éclore , Avec tous les tributs des arts ; Quand Tasse et Raphaël , et Michel-Ango et Dante, Jetaient du Rédempteur l'auréole éclatante Sur la terre des vieux Césars. L'orgue chrétien chantait avec les hymnes saintes. Et traduisait à tous leurs désirs et leurs plaintes , Tracés en langage éteinel : Et repentir heureux , amour, joie innocente, Espoir tendre et soumis d'une patrie absente , Remplissaient le jour solennel. L'art n'était point alors un passe-temps frivole , Les dômes ciselés , les marbres , la parole , Les chants , les accords, les couleurs , Tout était bon à tous / les humaines niisci es , Désespoirs et dégoûts , souffrances populaires. Se consolaient en ces splendeurs. IV. Viens donc bannir la nuit funeste Que troublent des rêves affreux j — 230 — Tiens ranimer le feu céleste , Commandft aux hommes d'être heureux , Réveille leur âme assoupie , Rends-leur le flambeau de la vie , L'amour, l'espérance et la foi , Réchauffe qui respire encore , Et du poison qui les dévore Brise la coupe devant toi. Aux uns explique leur détresse Par les douleurs du Dieu vivant/ De la chaîne qui les oppresse Lève l'anneau lourd et cuisant. Tes chants seront comme la source Que , sur le midi , dans sa course , Trouve un voyageur altéré ; Ils seront la douce lumière Qui rappelle vers sa chaumière L'enfant dans les bois égaré. Aux autres dont l'âme flétrie Aime son lâche désespoir, Parle de Dieu , de la patrie, De culte , de lois , de devoir ; Mets dans leur main inoccupée Le soc , l'aviron ou l'épée ; Jette-les aux maies travaux : Fais voir qu'un citoyen utile Vaut mieux que le rêveur débile Rampant sur l'herbe des tombeaux. — 231 — Aux bords de l'élernel royaume , Ange de gloire couronné, Va cueillir le céleste baume Qu'attend de toi l'infortuné ; Porte au fond des prisons obscures Le remède à tant de blessures , Montre un dieu juste à l'innocent ; Au plus malheureux , au coupable. Annonce un juge secourable , Qui veut des pleurs et non du sang. Viens aussi , compagne sereine, De l'hiver charmer les loisirs , Avec toi que l^enfant apprenne ; Rends au vieillard ses souvenirs ; Embellis une simple fête , Quand les fleurs couronnent la tèle D'un père roi de ses foyers ; Mêle quelques chansons légères Aux coupes, aux propos sincères , Sous les lambris hospitaliers. Lu à la séance publique de la Société royale académique de Cherbourg , le 10 novembre 1836 , par M. E. Dei.acha- FELLE. Miiiîii PAR M. J. TRAVERS, MEMBRE COHRESPONDA?(T. Q»e ( Parabole de Lavater. ) Écoutez , écoutez !. ... de ce qu'ont vu mes jeux Ecoutez le récit. Un homme vertueux Rencontre en son cliemin la Mort , au front sévère : — « De l'immortalité , salut ! ô messagère , » Dit l'homme , en l'abordant sans sourciller. — « Eh quoi! Fils du péché , ton front est calme devant moi ! » — '■ Qui me ferait trembler, lorsque ma conscience Est en paix? » — " Peux-tu voir avec indifférence L'essaim des maux du corps , mon triste avant-coureur ? Pc mes ailes ilcgoulle une froide sueur — 234 — Elle glace..- .; un frisson dans tes veines circule ; Tu pâlis , devant nous ton audace recule « — « Rien ne trouble mon cœur, rien n'altère mon front , « Dit l'homme vertueux. — « D'oii ce calme profond Te vient-il ? » s'écria la Mort avec furie. — « De mon ardente foi dans une patrie , Où , bravant ton pouvoir, tout est beau , tout est bien. » — « Qu'espère-tu ? ■> — « Le ciel.» — " Qui donc es-tu?» [ — « Chrétien. » ] Au souffle de la Mort aussitôt il succombe ! Comme ils disparaissaient, sous leurs pieds , une tombe S'ouvre , et laisse entrevoir je ne sais quel objet , Sans forme , sans couleur, immobile , incomplet,.... J'en détourne les yeux , et voilà qu'un nuage Emportait le chrétien au céleste rivage. Il joignait les deu* mains , et montait sans effort, Content et souriant , comme devant la Mort. Des anges près de lui brillaient les auréoles ; II était beau comme eux ! De sublimes paroles , Su4- les modes hardis des instruments divins , Sortaient à flots d'un chœur de brûlants chérubins , J'abaissai de nouveau mon regard vers la terre ,• Il plongea dans la tombe , en souda le mystère Ecoutez ! écoutez ! ... il reconnut l'objet , Sans forme , sans couleur, immobile , incomplet , Par la mort jeté là , trame à jamais brisée ! Ce n'était du chrétien que la dépouille usée. I^B SII.^N€£. STANCES IMITEES DE TOPE. Infidèle à tes lois, je te chante , ô silence. — Fils de l'éternité , tu devanças le temps , Et, de tout ce qu'au jour attendait l'existence, Solitaires , en toi dormaient les éléments. Du néant invisible invisible symbole , Tu régnais incréé , profond , mystérieux , Avant que du Très-Haut la féconde parole De la source de l'être eût fait jaillir les cicux. Quand la terre à son tour s'envola dans l'espace , Un peu de son limon fermenta : ce levain Fit éclore à l'instant une bruyante race , De nos jours, plus bruyante encor : le genre humain. La langue , à son début , n'eut qu'un parler timide ; Bientôt le faux savoir et le faux bel esprit , L'impétueux courroux, la discorde rapide, A sa mobilité commandèrent le bruit. — 236 — Quels Cris de toutes parts I — Eh bien ! raornc silence , Tes plus fiers ennemis se courbent sous ta loi : C'est vainement qu'à flots leur parole s'élance ; Ils se taisent... heureux de revenir à toi. Quand les lourds arguments fatiguent nos cervelles, Et que l'œil a besoin d'un plus doux horizon , Ta présence est toujours , en nos folles querelles , Un écueil à l'erreur, un port à la raison . Qu'à toi seul humblement la sottise s'adresse , D'une obligeante nuit tu voiles ses défauts. Que le faix du malheur accable la sagesse. En ton sein protecteur elle trouve un repos. A ta discrétion chacun se recommande ; L'adulateur des rois , qui rampe dans les cours ; L'ardent conspirateur, fils de la propagande ; L'impure Messaline , aux infâmes amours. Ah ! soumets à ton joug la prolixe éloquence Des avocats bavards , aigles de nos ban eaux ; Des hardis colporteurs de leur maigi-e science , Des féconds barbouilleurs de stériles journaux. Passe ton froid niveau sur ces œuvres de crime , Drames , romans , couverts d'un vernis suborneur : Au nom de la vertu , plonge-les dans l'abîme Où s'enfonce à jamais cet hymne en ton honneur. IE)©S(ÊïàpM®aii SUCCINCTE DES THAZiASSIOPHYTES inarticulées , RECCEILLIES SUR LES COTES DE l'aRBCNDISSEMEST VAa P.A. SEI.ACHAPZXZ.E (i). Les inarticulées comprennent toutes les plan- tes marines , à tiges planes ou comprimées , cy- lindiùques dans quelques espèces , dont le tissu cellulaire est continu , c^est-à-dire , qui ne pré- sentent , le long des tiges ou rameaux , aucunes (1) Dans le dernier volume des Mémoires de la Société royale académique de Cherbourg, j'ai donné le catalogue méthodique des plantes matines articulées. — 238 — * cloisons transversales , paraissant les diviser par articulations. Cette série comprend les quatre ordres suivants: ORDRES. GENRES. CYSTOCEIRA, Agaidh. . FUCUS , Ag. DESMARETIA , Lamouroux. fucacées. l FURCELLARIA , Lamour, LAMINARIA , Lamour. LICHINA , Ag. CHORDA , Lamour. DUMONTIA, Lamour. HALYMENIA , Duby. DELESSERIA , Lamour. CHON DRUS, Lamour. GELIDIUM , Lamour. floriâèes.{ PLOCAMIUM , Lamour. LOMENTARIA , Gaillon. LAURENCIA, Lamour. GIGARTINA , Lamour. POLYDES , Ag. SPOROCHNUS, Gain. dictioLces.' ulvacces. — 239 — DYCTYOPTERIS , Lamour. DICTIOTA , Lamour. PADINA, Lamour. ASPEÎIOCOCCUS , Lamour. BRYOPSIS , Lamour. SCYTOSIPIION , Ag. ULV A , Lamour. SPONGODIUM , Lamour. !"• OllDUE. LES FUCJCEES, Les fucacées renferment toutesles plantes ma- rines (Inorganisation ligneuse , de couleur olivâ- tre , se iléchirant longitudinalement avec facilité, et la déchirure offrant à Foeil Taspect d\nîe organisation fibreuse ; exposées à Pair, et par la dessication , ces plantes prennent une teinte noire , souvent très - intense. La fructification , dans les fucacées , se présente , à Pextérieur, sous l'aspect cVune masse polymorphe, tubercu- leuse , souvent manifestée par le renflement de Textrémité des l'ameaux ; quelquefois placée sur le disque même de la fronde ^ ou attachée à un pédicule. Si Ton ouvre une de ces masses fruc- — 240 — lifères , on s\iperçoit que le lissu cellulaire est dislendu par un fluide mucilagineux , souvent filamenteux et coloré , contenant des séminules propagateurs , agrégés en globules plus ou moins colorés ; ces tuméfactions qui se forment soit dans le lissu même de la fronde , soit à sa sur- face ^ et sous des formes très-variées , sont dési- gnées sous le nom de conceplacle. Les petites agglomérations de grains colorés ou séminules qui y sont contenues , sont appelées élylres. Presque toutes les plantes de cet ordre, outre leurs conceptacles fructifères , sont pourvues de vésicules aériennes plus ou moins saillantes , in- nées dans les rameaux, ou portées sur des pédi- cules. La place qu'occupent ces vésicules , leur présence ou leur absence , aident à la détermi- nation des espèces. ir ORDRE. LES FLORIDÉES, Cette division comprend toutes les espèces dont le tissu est analogue à celui des pétales de plantes phanérogames : les planles de cette divi- sion , lorsqu'elles ont été exposées à l'action de — 241 — Tair, présenlenl les couleurs les plus biillanles , depuis le rose jusqu'au pourpre ; vivantes et fraîches , elles sont d\iii rouge-foncé, qui n'a rien d éclatant. La fructification , dans cet or- dre , se présente sous la forme de tubercules spliériques ou hémisphériques , sessiles ou pédi- cules, situés sur la fronde ou sur les rameaux ; elle se montre , dans beaucoup d^espèces , sous deux aspects différents , sur la même plante ; outre les conceptacles , on remarque , dans le tissu même des feuilles , des concrétions puncli- formes soulevant l'épidei'me , et paraissant comme des points colorés. M. Gaillon , qui a donné le nom d'anthospermes à ces concrétions, s'est convaincu que ces points colorés sont les rudiments de la fructification conceptaculaire dite tuberculeuse. ISI^ ORDRE. LES DICTIOTÉES,^ Les espèces qui composent cet ordre , se rapprochent du premier par leur couleur oli- vâtre , mais moins foncée , tendant à passer à. la couleur verte , sans jamais devenir noire. Après la dessication , elles se distinguent facile- 16 - !242 — ment de toutes les autres espèces par leur or- ganisation réticulée, dont les mailles ou cellules, souvent irrégulières , présentent des polygones , hexagones ou quarrés , faciles à voir à l'aide d'une loupe , et souvent même à Foeil nu, La fructification est graniforme , formant des I taches un peu saillantes , éparses sur la fronde , ou disposées sérialement en lignes simples ou doubles, transversales ou longitudinales. IV' ORDRE. LES ULVACEES, Ce quatrième ordre réunit les espèces à orga- nisation herbacée, d\me belle couleur verte, violette dans quelques espèces , d'une consis- tance papyiacée , et à surface comme vernis- sée ; exposées à Pair, elles deviennent jaunâtres ou blanchâtres. Leur fructification est composée de points isolés , épars , jamais saillants , innés dans la substance même de la planle , et ne paraissant à Textérieur que comme des points opaques répandus irrégulièrement sur toute la surface de U fronde. — 243 — ORDRE r^ LES FUCACÉES. CYSTOSEIRA y^i,'. Fucus, Lnmour. Tiges rameuses , cylindriques , provenant souvent d'une base renflée et rugueuse , émet- tant des expansions foîiiformes , pinnées ou di- chotoraes , les inférieures quelquefois planes, les supérieures filiformes. Vésicules aériennes ovoï- des , souvent au nombre de 2 à 5, en forme de chapelet , innées dans les rameaux ou les fo- lioles. Les conceplacles sont terminaux , denliculés , ou munis de pointes au sommet. Obsv. Dans plusieurs espèces les vésicules aériennes manquent , mais \q faciès particulier à ce genre les fait aisément reconnaître. C. FiBRosA. A^. Fucus fihvosuSy Lamour. De. Fl.Jr., n 52. Tiges cylindriques , longues de 3 à 5 pieds, de la grosseur d'ime plume de cygne , rameuses, se divisant en expansions filiformes , subdivisées en lanières sélacées , entières ou bifurquées au som- met. Vésicules aériennes elliptiques, de la gros- — 244 — seur d'une semence de vesce, quelquefois soli- taires , le plus souvent au nombre de 3 à 4 , en forme de chapelet. Situés dans la partie supé- rieure des folioles, les conceptacles sont linéaires, tuberculeux , longs d'un pouce et plus , et for- ment rextrémité des folioles. Cette plante , de couleur olive-jaunâtre , de- vient absolument noire par la dessication. Elle se trouve en tout temps sur nos rivages où elle est jetée par les flols. C. BARBATA. Jg. Fucus harbatus , Turn. Stack, FI. //•., n° 55. Celte espèce que j'ai toujours rencontrée pri- vée de vésicules aériennes , se distingue par ses folioles filiformes, dicliotomes , et sans appendi- ces épineux, les conceptacles terminaux , courts, elliptiques, terminés par une pointe. Rejelée par la mer. Assez commune. C. GRANULATA. Jg. Fucus coHcatenatus . Fu- cus mucronaius , Lamour. Ess, p. 18. Cysto— seira concatenata , Àg. Tige renflée et rugueuse dans le bas de la — 245 — plante, émeltant de tous les côtés des rameaux grêles , cylindriques , flexibles et longs , se divi- sant en expansions filiformes , garnis d'appendi- ces épineux. Les vésicules aériennes sont situées vers Je sommet au nombre de 3 à 5 , petites , allongées et rapprochées ; elles sont surmontées par des conceptacles linéaires , presque subulés, garnis de quelques appendices en forme d'épines. Cette plante , d'un vert-olivâtre , prend une teinte plus foncée » mais ne devient point noire par la dessication. Croît sur les rochers à Querqueville. La var. Setacea , Âg-t qui croît sur la Digue, rade de Cherbourg , se distingue par l'absence de vésicules aériennes, et par ses appendices spiniformes plus nombreux et plus allongés. C. ERicoiDES. Jg. Fucus ej'icoides , Linn. Fucus tamaîùscifolius , Lamoiir. Es s. , p. 18. De. Fl.Jr., 7z" 53. Plante touffue , haute de 1 à 2 pieds , tige grosse , cylindrique , striée , et comme pUssée , émettant de tous côtés des rameaux garnis d'ap- pendices coui ts , aigus , donnant à celte espèce — 246 — l'aspect d^une plante hérissée d^épines ; les vési- cules aériennes sont solitaires , rares et peu vi- sibles; les conceptacles fructifères, cylindriques, donnent naissance à une foliole qui se pi^olonge au sommet. Cest toujours vers l'extrémité des rameaux supérieurs que se développe la fructifi- cation. Une remarque que j'ai faite sur toutes les es- pèces vivantes fixées sur les rochers où elles croissent , c'est que les rayons lumineux sont décomposés par cette plante , et que les jeunes pousses présentent à l'œil les couleurs assez dis- tinctes de l'arc-en-ciel. Croît sur les rochei^s de Quer queville au ni- veau des basses mers de vive eau. Peu commune. C. DISCORS. Àg. Fucus discors. De. FI. fr.y 7i° 57. Lamour. Ess.,p. 17. Fucus fœnicula- ceus., Turn. Tige droite , ferme , un peu comprimée , gar- nie surtout dans le bas d'appendices pointus, feuilles pinnées , les inférieures linéaires , lan- céolées, dentelées sur les bords , pourvues d'une nervure médiane , les supérieures , filifoi^mes et — 247 — entièrement déchiquelées, se renflant au sommet en vésicules lancéolées, donnant naissance à des conceptacles lancéolés, linéaires. Croît sur les rochers dans la baie Saint-Anne. G. ABROTANiFOLiA. Ag. Fucus nhvoianifoUus , Lvin. De Fl.fr.^ n° 56. Fucus fnnhriatus^ La- jnour. Diss. t. 34 et 35. De. FI. fr.y n° 77. Celte espèce , qui a beaucoup de rapport avec le C. discors , s'en distingue par sa fronde pin- née au sommet et non dichotome , par ses feuil- les un peu épaisses et privées de nervure mé- diane. Ses vésicules aériennes solitaires sont prolifères , et émettent des folioles qui se ren- flent en conceptacles spiniformes. Cette plante , d'un bruu - rougeàtre , devient noire par la dessicatiou , et croît sur les rochers de Querqueville. FUCUS. Jg. Lnmour. Frondes de formes diverses , planes , avec une nervure médiane , ou sans nervure , prenant alors l'aspect de feuilles , cylindriques , et pou- vant alors être comparées à des tiges nuçs. Les ~ 248 — plantes de ce genre sont munies ou privées de vésicules aériennes ; la fructification est essen- tiellement terminale; c'est toujours rexlrémité des ramifications qui se tuméfie en un concep- tacle granuleux , qui n'*est jamais surmonté par aucun appendice ni aigu ni foliacé. 4- Frondes planes . une nervure médiane. F. vESicuLOSus. Ag. Lnmonr. Ess.^ p. 18. De. FI. fr., n° 39. Fronde haute de 1 à 2 pieds , divisée en ex- pansions dichotomes _, entières sur les bords. Munie d'une nervure médiane , se prolongeant depuis la base jusqu'aux dernières ramifications qui sont stériles ou fructifères. Les sommités des premières sont obtuses , arrondies , quelquefois échancrées. Les autres se renflent eu concepta- cles entiers, granuleux, ou divisés en deux lobes arrondis. Les vésicules aériennes sont or- bicuîaires au nombre de 2 à 3^ et ordinairement situées au-dessous de Taisselle des expansions foliiformes ou rangées le long de ces expansions. Cette plante , d'un vert -brun , prend par la dessicatioa une teinte plus foncée. Croît sur tous jios rochers, — 2'i9 — La var. /'. --/g h^ictts spiralis ^ De. FI. fr.^ 71° AO, diiïière Jii type par Tabsence des vésicules aériennes , par sa fronde plus étroite , se con- tournant en spirale à Télat frais. Celte variété , peu commune , se trouve re- jetc'e par la mer sur notre rivage. Agardli présente 14 vaiiétés de cette espèce , établies sur la présence ou 1 absence des vésicu- les aériennes, la forme des conceptacles et la grandeur de la plante. Nous aurions pu signaler plusieurs de ces variétés ; mais les caractèi es qui les distinguent du type , sont si fugaces , que si nous osons émettre une opinion , nous pensons que les dilTérences que Ton remarque dans les nombreux individus qui croissent sur nos côtes , tiennent aux diverses circonstances , dans les- quelles ce varech s''est trouvé; le plus ou moins de profondeur d'eau , la nature du rocher sur le- quel il a cru, peuvent influer sur sa végétation ; et présenter ces différences qui pourra-ent faire prendre pour une variété, un individu que des circonstances particulières auraient modifié dans 3on développement. -. 250 — F. CERANOIDES. ^g. LUiu. Liimoiu . Ess. , p. 18. De. FI. /r.,n AI. Celte espèce qui a beaucoup de ressemblance avec \e fucus i>esicnlosus , et qui peut-être n'en est qu''une vaiicté , s'en distingue par sa stature plus petite , p.ir sa fronde étroite , fasciculée et M totalement privée de vésicules aériennes. Le bas ■ de sa tige est constamment dénudé de mem- brane latérale ; ses conceplacles , allongés et ai- gus, se prt'sentent principalement aux extrémi- tés des expansions latérales. Se trouve sous les falaises de Flanianville , rejetée par la mer. F. SERRATus. /ig. Linn, Lamour. Ess., p. 19. Dc.Fl./r.,n° U3. Cette espèce , très-commune sur nos rochers, se reconnaît facilement à sa fronde dentée en scie , tandis que les bords sont entiers dans les espèces précédentes. Cette plante , par la dessi- cation , prend une couleur feuille morte très-, prononcée. -\-\- Point de nen'urc médiane. -\- CoTicej)tacles pédoncules et latéraux. — '251 — F. siLicosus. De. FI. fr., n° 46. Laniour. Ess.^ p. 17. Cystoceira silicosa ^ yJg. Halj~ dry s silicosa , Lyngb. Racine à disque arrondi , conique ; tige com- primée , longue de 2 à h pieds , large de 1 à 2 lignes ; rameaux distiques ; raniules simples , entières, courte^; vésicules aériennes oblongues, en forme de silique cloisonnée , portées sur des pédoncules ainsi que les conceplacles, qui sont lancéolés et terminaux. Celle espèce , flexible et de couleur olivâtre à Tétat fiais, devient cas- sante et prend une couleur noire très-intense par la dessication. Celte plante est très-commune sur tous nos rochers. F. NODOSus, /ig. Lamonr. JCiS.,p. 19. De. FI. fr., /i' M. lldlydris nudosa , Lyn^h. Tige comprimée , haute de 2 à 4 pieds , de 2 à /i lignes de large , renflée d'espace en espace par des vésicules aériennes grosses et ovoïdes. (]es tiges se divisent en rameaux dicholomes dans le bas de la plante , pinnés dans le haut. Celte fionde ou lige émet de chupie côté des ramules — 252 — comprimées , linéaires , atténuées à la hase , longues d'un pouce environ , les unes stériles , les autres se terminant par un conceptacle ovoïde et granuleux. -}--{- Conceptacics scssilcs et terminaux. F. cANALicuLATUs. ^g. Lamour. Ess.^p. 20. De. Fl.fr., 71° k^o. D'un disque arrondi s'élève une touffe de 3 à 4 pouces de haut, de frondes memhraneuses, li- néaires, larges à peine de 1 à 2 lignes , plusieurs fois bifurquées et figurant un espèce de canal , formé par ses bords relevés. Les extrémités se renflent en conceplacles tuberculeux , compri- més , ohlongs , obtus , entiers ou bifides. Cette plante , commune sur les rochers , est d'un vert-olive , et devient d'un brun-foncé par )a dessicalion. F. TUBERcuLATUs. Jg. Lamour. Ess.^p, 20. 7^. Bifurcatus. De. FLfr.., n° 50. Les frondes qui s'élèvent de la racine sont cy- lindriques , de la grosseur d'un tuyau de plume, et se bifurquent irrégulièrement en rameaux as- — 253 — cendauls, tic même forme ; les supérieures , en touffes atteignant la même liautiur. Les ra- meaux fertiles se distinguent par leurs sommités renflées qui deviennent des conceptacles fructi- fères, cylindriques^ d'un pouce de long environ, ne dilFérant des rameaux stériles, que par leur grosseur qui est double de ceux-ci. Cette plante à Télat frais tst d'une couleur olive et d'une consistance gélatineiisc , sa saveur est acre et poivrée , désagréable : séchée , elle devient cassante et d'un noir très-intense. Croîtsurles rochers de Querqueville au niveau des basses mers d'équinoxe. "h i" i" Conceptacles rcpundus sur toute la surface de la fronde. F. LOREus. Jg. Lmn. Lmnoiir. Ess. , p. 19. De. FI. fr. , /z." 51. H) mantalia^ lorea ^ Ljngb. Racine composée d'un disque petit , entier, donnant naissance à une feuille stipitée , ronde , concave, à bord entier, d'un pouce de diamètre environ ; du centre de cette espèce de soucoupe s'élèvent une ou deux tiges comprimées, de deux — 25A — à quatre lignes de laii^e , longues souvent , de plus de 10 pieds , à bords entiers et parallèles , se bifurquant régulièrement de la base jusqu'à rexlrémité. Cette plante , lisse et mucilagineuse dans sa jeunesse , devient rugueuse en vieillis- sant, par les tubercules fructifères qui se déve- loppent sur toute sa surface : sa couleur olive devient noire par la dessioatiou Croît sur les rochers au niveau des basses mers d'équinoxe. LAMINARIA. Lamour. Jg. Racines à empâtement garni de crampons rameux 5 frondes planes sans nervures^ entières ou divisées. L. DiGiTATA. Jg. Lamour. Ess.^ p. I"!. Fucus digitatusj Linn. Uh>a ch'^îtata^ De. Fl./}\,n° 35. Racine composée de crampons rameux de la grosseur d''une plume de corbeau, et disposés en une rosette de 1 à2 pouces de diamèti^e : de cette racine s'élève un stipe cylindrique de 2 à 3 pieds de longueur , de la grosseur du pouce ; son ex- trémité s'évase en une fronde plane , arrondie à 255 lu base, de 6 à 12 pouces de larijeur se divisant en 7 à 8 lanières à bords cnlieis, Ce 3 à A pieds de li)ngueur La couleur de celle espèce, qui est d'un brun- olive, change peu par la dessicalion. Commune sur le rivage. L. BULBOSA. Jg. Lnmonr., Ess. p. 22. Fucus bulbosus^ Linn.Ulva brdbosa, De, FLfv., ii 36. Sa racine est globuleuse, creuse, comme divisée en deux bulbes; sa grosseur vaiie depuis celle d'un oeuf à celle de la télé d'un enfant; la face extérieure est mimie de crampons courts et tor- tueux qui fixent la plante sur les rochers. Le stipe est très- comprimé, épais, huge d'un pouce environ, court , s'épanouissant en une fronde divisée profondément en lanières ensiformies , atteignant de 2 à 10 pieds de longueur. La var , B. Turneri^ liory.,, dilTère du type, par son stipe qui est muni sur ses bords d'une membrane ondulée et comme crépue. Cette plante , ainsi que sa variété, de couleur olivâtre et d'un aspect luisant, noircissent parla dessicalion ; se trouvent sur le rivage. L. 5ACCHARINA. J^. Lauiouv. Ess.fp.22, — 25G — jFucns saccharinnsy Linn. Uha saccharina.Dc. Fl.fr. , «" 34. Sa racine est composce de crampons rameux recourbés à rextrcinité, et formant comme dans la L. Di^itata , une espèce de griffe hémisphé- rique ; de celle racine s''élèvent un ou pkisieurs stipes cylindriques ou un peu comprimés, de la grosseur d'une pkime de cygne, longs de 6 pou- ces à 1 pied, s'évasant subitement en une fronde plane , entière, linéaire, ondulée et frisée sur ses bords , large de 2 à 6 pouces , longue de 6 à 8 pieds, de couleur olivâtre et à surface comme vernissée. Commune sur le rivage, rejetée par la mer. L. PHiLLiTis. Jg. Lninour.) Ess. p. 22. Lam.^ Papjrina^ Bory. CJh'a pliiUitis. De. Fi. fr. Ji^ 33 . Cette plante, qui par sa forme , a beaucoup d'analogie avec Tespèce précédente , a été par plusieurs botanistes , regardée comme un jeune individu du L. Saccharina. Sa fronde est large de 1 à 2 pouces, de 12 à 15 pouces de longueur, mince, d'une consistance papy racée, translucide, d'une couleur jaune-verdâlre , ne changeant — 257 — presque pas de couleur, et adhérant au papier par la dessicatioD. Ilejetée par la mer. Obs, Les quatre espèces ci-dessus croissent en grande quantité sur les rochers de nos côtes, mais seulement au niveau des plus basses mers d'équinoxe. Ce n'est qu'à cette époque que l'on peut les recueillir sur place; dans tout autre temps , on les trouve sur le rivage où la mer en rejette une très-grande quantité, sur- tout après des coups de vent. L. DEBiLis. Jg. Var. B. Dictjotoides^ Bot. Giillic. Zofiaria plantaginea , Jg, Ulva plan- tûginea. Eug Bot. Sa racine est formée d'un petit tubercule, d'où s'élève une fronde plane, mince, à bords entiers et droits, longue de 5 à 8 pouces, de 1 pouce de largeur , obtuse au sommet , quelquefois divisée en 2 à 4 segments; la surface de cette plante est ponctuée; sa consistance , papyracée, est d'une couleur d'un vert un peu jaunâtre. Cette espèce très-rare ne croît point sur les rochers de nos rivages ; on ne la rencontre que lejetée par la mer. — 258 — DESMA.RETIA. Lamour. Gaill. Spoî'ocus , Frondes planes, étroites, linéaires , très-ra- meuses , rameaux et ramules se rétrécissant en pétioles, ayant leurs bords garnis de petites épi- nes. Fructification inconnue. D. AeuLEATA. Lamour , Ess.^p. 25. Spoi^o- chniis acideatuSy Jg.Fucus aculeatus, De. FI. fr., 71° 78. Plante haute de 3 à 6 pieds ; la tige, d'abord cylindrique , de la grosseur d\uie plume de cor- beau, se comprime en s'éloignant du bas et émet des rameaux nombreux eux-mêmes ramifiés. Ces rameaux et ramules, toujours distiques, sont atténués aux extrémités et garnis sur les bords de dents en forme d'épines. Cette espèce, qui est d'une coideur jaune-olive , et d'une consistance cartilagineuse à l'état frais , devient dure et cas- sante par la dessication. Cette plante, commune sur nos rivages , y est toujours rejetée par la mer* D. LiGULATA. Lamour. , Ess.^ p. 25. Sporo- chnus ligulatus^ j4g. Fucus ligulaiuSy De. FI. Jr., rf 79. — 259 — DVnie racine petite , charnue , s^élève une fronde haute de 1 à 2 pieds , comprimée dès la base, émettant des rameaux distiques, pinnés à pinnules opposées d'environ 4 pouce de long , larges de 1 à 2 lignes et atténuées aux extrémités j les bords sont garnis de dents sétacées ; cette plante cartilagineuse et seulement comprimée à Pétat frais , d'une couleur brune-olive-luisante , devient , presque aussitôt qu'elle est arrachée de son lieu natal, d'un vert-bleuâtre ; elle perd son épaisseur et prend une consistance molle et mem- braneuse; à l'état sec, elle est papyracée et d'une couleur feuille-morte. Cette espèce rare croît sur la Digue de la rade de Cherbourg au niveau des basses mers d'équinoxe. FURCELLARIA. Lamoiir. ^g. Racines à fibres rampantes , frondes cylindri- ques fascieulées, fructification en forme de siHque allongée. F. LUMBRicALis. Lamour. F. fastigiata^ ^g. Fucus lumbricalis^ De. FI. fr.^ n° A9. /^«c. Fucus fastigîatus ^ De. FI. fr.^ rf 83. Furcel- lavia lumhricaUs ^ Lamour. ^ Ess.^ p. 26. F. Jastigiata f Lamou?\, Ess., p.2Q. 260 Cette espèce a 8 à 1 0 pouces de haut ; sa racine est fibreuse ; la tige cylindrique, de la grosseur d'une piude de moineau, se divise en rameaux plusieurs fois dicbctomee, de la mênae forme que la lige et atteignant tous le même niveau ; la fructîf:.C3iior: n"'c&t pohit apparente à Texlérieur, ce sont les dernières ramifications, qui ont la forme d'une siliquc allongée et subulée, qui con- tiennent lesseminules ; on distingue les rameaux fertiles c. Fl.Jr,, n° 26. Cette espèce dépourvue de nervures et de veines , est d'un rose-vif; sa fronde , large de 3 à 4 lignes , se divise en lanières dicliotomes , linéaires , entières sur les bords généralement bifides avec les exti^émités arrondies. La fructi- fication est composée de tubercules graniformes, disposés en anneau et formant sur le disque de la fronde des taches arrondies , de 1 à 2 lignes de diamètre , et d'une couleur pourpre-foncé. Cette plante , très-rare sur nos côtes , croît sur les rochers de Querqueville au niveau des basses mers d'équinoxe; privée de fructification, cette espèce peut être facilement confondue avec VU. lacerata et Y H. hifida. H. PUNCTATA. Duh. Delesseria punctata^ Jg. — 277 — Hante d'une consistance membraneuse, papy- racée , privée de nervures et de veines ; dilatée dès la base en une fronde plane , arrondie , se divisant en segments allongés , linéaires , larges d'un pouce , souvent bifurques au sommet ; les tubercules fructifères sont hémisphériques , co- lorés, répandus sur toute la surface de la fronde, à laquelle elle donne un aspect ponctué. Cette espèce , d'un rose-foncé , adhère au papier par la dessication : rare, rejetée par les flots principalement dans Tété. ) H GMELiNi. Dub. Delesseria gnielini\ La- mour. Ess.fp. 36. Delesseria Bonnemnisoni^ 4g. Cette plante, très-voisine àeV Halimeriia punc- tata, s'en distingue par des veines très-marquées à la base de sa fronde ; cette fronde arrondie est souvent divisée en lobes aussi arrondis au som- mett; elle est tellement mince que presque tou- jours on la trouve percée de plusieurs trous ; les tubercules fructifères , peu nombreux , sont toujours placés sur le disque de la feuille, et non rejetés sur ses bords. Cette espèce rare, sur nos rivages, y est rejeiée par la mer. — 278 — DELESSERIA. Gaillon. Tige simple ou rameuse , d'une consislauce cornée, subligneuse à la base, émetiant des expansions foliiformes, à nervures longitudina- les, continues jusqu'à rexlrémité de la fronde j fructification double : l '^ conceptacles sessiles ou plus rarement pédoncules ; 2° antliospermes granuleux. D. HYPOGLOSSUM. Ag. d. Hfpoglossa^ Lamoiu. Ess.^ p. 36. Fucus hj'poglossum , Tnrn^ Linn. tJlva lingulata , De. Fl.fr. , n 31 . Cette plante, très- voisine du deless. rusci- jfo lia, souvent confondue avec cette dernière par quelques botanistes, a dos caractères dilTéi'entiels bien marques; ses feuilles sont allongées, linéaires, longues de 1 à 2 pouces , à peine larges d'une ligne, aiguës au sommet; sa nervure est prolifère, mais elle n'émet point de veines transparentes, et tout le tissu de la feuille est uniforme. Les tuber- cules fructifères sont hémisphériques, situés sur la nervure ; cette espèce , peu commune , est rose ; elle croît sur les stipes des laminaires. D. RusciFOLiA. Jg. Fucus ruscî/oUuSy Tum:, — 279 — d. rusêîjoliay Lamour.^ Ess.^p. 3G. Fucus hy* poglossum 5 De. Fl.J}:, n' 60. Cette jolie plante , haute de 2 à 3 pouces , a une tige ailée, des feuilles distinctes, très-entiè- res , ovales , lancéolées, obtuses , de 4 à 8 lignes de longueur sur 1 à 2 lignei de large ; elles sont pourvues d'une nervure saillante, prolifère (c'est- à-dire produisant de nouvelles feuilles), émettant des veines transversales, parallèles et pellucides. La transparence do ces veines distingue bien eelte espèce. Les tubercules fructifères sont splieriques , sessiles , placés sur les nervures des plus jeunes feuilles; la couleur de cette plante est d\m rose- vif: elle se trouve sur les stipes des grands fucus; elle est rare sur nos côtei. D. ALATA. ^g. Lamonr., Ess., p. 36. Fucus alatiis, Linn. IIucls. Turn. De. FL fr.^ n 64. Cette plante, disposée en touffe, est composée de frondes de 2 à 4 pouces de haut , atteignant quelquefois jusqu'à 8 pouces ; ces frondes, for- mées d'une nervure bordée de chaque côté d'une membrane d'une ligne de large, sont dicbotomçs — 280 — dans le bas de la plante , incisées et pinnatifides dans le haut , et à lobes arrondis à Textrémité. Cette nervure ou côte , très-marquée à sa base , se fond vers le sommet dans la substance de la fronde , et émet des nervures transversales et parallèles , mais souvent peu visibles. Cette plante , d'un très-beau rose , prend presque toujours une teinte pourprée par la des- sication : elle se trouve assez communément sur les stipes des laminaires. D. SANGUINEA. j4g. Lamour. ^ Ess., p. 36. Jeudis sanguineus , Linn. 2'urn. De. FI. fr. , n" 61 . Une tige courte et ramifiée, donne naissance à des feuilles longues de 3 à 6 pouces , larges de 1 à 2 , ovales , entières , traversées par une côte longitudinale qui émet desnervures transversales_, opposées et parallèles; la substance de ces feuilles est membraneuse , mince , transparente , d'une couleur rose-vif. Cette plante, remarquable par sa beauté, sou- vent rejetée sur nos rivages, paraît croître à une grande profondeur , car les plus basses marées — 281 — ne m^eii ont jamais laissé trouver de fixées sur les rochers. Les individus que Ton rencontre riiiver sont presque toujours réduits aux côtes principales des feuilles, le pai^enchyrae membra- neux et les nervures secondaires se trouvant détruites, soit par l'action des flots, soit que celte espèce étant annueilp^ trouve en elle-même des causes de destruction C'est toujours privée de membranes, que Ton trouve cette plante en fructification ; alors la côte principale est chargée de tubercules fruc- tifères, pédicellés, en forme de massue. Cette espèce adhère faiblement au papier. D. SiNuosA. Àg. Lamoiir., Ess., p. 36, Fu- cus sînuosus , 7 urn. Fucus rubens , Linn. Stasch. Fucus crenatus , Qinel. Cette espèce, quoique ayant beaucoup de rap- port avec la précédente, s'en distingue facile- ment par ses feuilles lobées et crénelées sur les bords , et par sa nervure principale moins épaisse. Cette plante , peu commune , se trouve près- — 282 — que toujours fixée sur les stipes des grandes laminaires qui sont rejelées par la mer sur le rivage. CHOP^DRUS. Lamouroux. Spherococcus. Ag. Tige presque nulle , arrondie à la base , se dilatant en une fronde plane divisée en lanières dichotomes , sans nervures ; les tubercules fruc- tifères , hémisphériques ou ovoïdes , sont innés dans la fronde et placés sur son disque, C. NORVEGicus. Lamoiir.^ Ess., p. 39 Sphœ • roeoccus norvégiens, Jg, Fucus polyniorphns, P^<^\' Lamour. Diss., t. SJ. 16. Fucus noj'vegicus , Vc. Fl.fr., 71° 63, supplément. La rabine de cette plante est une petite callo^ site en forme de disque , d^où naissent en touffe plusieurs tiges rondes à la base , s'aplatissant de suite , et formant une fronde dichotome^ divisée profondément en lanières linéaires , entières sur les bords , larges d'une ligne et longues de 2 à 3 pouces, arrondies au sommet, quelquefois un peu ondulées sur ses bords , et tendant à se con- tom^ner. Cette plante est d\uie couleur pourpre- vineuse , plus foncée à sa base que dans sa partie -. 283 -^ supérieure; les tubercules fructifères sont hémis- phériq[ues et placés sur le disque de Ja fronde. Elle croît sur les rochers de Qaerqueville , au niveau des basses mers d^équinoxe. G. cRisPus. Diib. Fucus crispas^ Lirin. Fucus polrinojyjJuis , Lamour.^ Dîss. (exe. la 4"^^ sé-^ ri.e). Cliondrus poljinorpltus ^ Lamour., Ess., p. 39, Ulva crispa, De, FI. /f., «° 30 (excl. var. ) Fucus ceranoïdes , Gniel. Cette espèce a beaucoup de rapport avec la précédente ; comme elle , ses frondes croissent en groupe, mais elles se dilatent d'une manière différente. Dans plusieurs variétés, les segments sont cunéiformes , laciniés au sommet en la- nières aiguës ; dans d^autres , les frondes sont dé- coupées dès la b-ise en lanières étroites , à bords parallè'es , se bifurquant successivement , de' manière à donner à celle fronde Paspecl de ti- ges dicliolomes. Les tubercules fructifères sont hémisphériques , situés sur le disque de la fronde, et foi^mant une cavité sur la face opposée. La couleur de cette planle est brune - vineuse, rouge , verdàtre ou blanchâtre. ~ 284 — Parmi lesn )mbreuses variétés de celte espèce, signalées par plusieurs botanistes , nous avons reconnu celles ci- dessous. A. JEqvA.Lis.Turn. Fucus polymovphus , /^7?r. Lamour.j Diss.y t. 8,/. 16 et t. 9 f. 22. Fronde cartilagineuse , épaisse , à lanières égales et linéaires , toutes obtuses au sommet. B. PATENS. Turn. Fucus polymorphus^ Vai\ Lamour.^ Dîss.., t. 6,/. \2 et \S y tab. 8, /.17, t. 12,/: 28. Fronde canaliculée, dichotome, à segments éta- lés, dont les extrémités sont obtuses et arrondies. C. LACERUS. Turn. Lamouv..^ Diss.^ t. 13, /; 29 et 30, t.\k,fig. 31 , t. 15,/. 33. Fronde très-rameuse , laciniures du sommet étroites , longues et aiguës. D. PLANus. Turn. Lamour.^ Dîss.^fA. t. 1 Fronde à laciniures très-laiges, arrondies et écliancrées au sommet. E CORNEUS. Jg. — 285 — Fronde filiforme , comprimée , d'une consis- tance cartilagineuse , cornée , d'une couleur jaunâtre. Cette espèce , ainsi que ses variétés, croît sur les rochers de nos rivages , au niveau des basses mers, ou se trouve rejetée par les flots. C. MAMiLLOsus. Galll. SphcBT'ococcus mam'il— losus , yig. Fucus mamillosus , Tiirn. F. polf- morphus, Lamour.j h^ série ^ Diss.j t. IT,/"- 37, t. 18,/. 38. Ulva crispa ^Tar. P., De. Fl.fr., «°30. Cette plante est tellement semblable au C. crispus , que plusieurs botanistes en ont fait une variété de ce dernier ; le seul caractère dislinc- tif existe dans les tubercules fructifères. Ces tu- bercules sont en forme de mamelons hémisphé- riques , pédicules ; ils sont tuberculeux , papil- laires ou foliiformes ; souvent les bords de la fronde , dans celte espèce , ont une tendance à se courber, ce qui leur donne Taspect canaliculé. Assez commune , cette plante croît sur les ro- chers , au niveau des basses mers. — 286 -- GELIDIUM. Lamour. Sphœrococciis j Jgi Fronde linéaire , à rameaux étroits, sans ner- Yure ; tubercules presque opaques , oblongs , situés sur leurs rameaux ou à leurs extrémités. G.coRNEUM. Lamour. Sphœroccoc us corneiis^ Àg. Sph. brachiatus, Boimem. Fucus conieuSj Dc.FLfr.,nlh. Plante de 3 à 6 pouces de hauteur, d'une consistance cartilagineuse , cornée ; tige d'une ligne de large, comprimée , émettant de chaque côté des rameaux semblables , opposés et pinnés, à pinnules atténuées aux deux extrémités. La fructification se développe dans les ramules la- térales ; alors ces ramules se renflent dans leur partie supérieure , et présentent l'aspect d'un conceptacle ellipsoïde pédicule. Cette espèce , qui croît sur les rochers , au niveau des basses mers de vive eau , est pourpre , souvent vaiiant de cette dernière couleur jusqu'au jaune-ver- dâtre. J^ar. A. crinale. Gel, setaceum , Lamour. fucus temdssîmuSf Wulf. Sph. conieus, Far., — 287 — ci-inaliSf Jg. Fucus trîcuspidatus , Thorc. Fa^ eus crinalis , Turn. Gel. crinale^ Bot. GalLic. Celte variété se dislingue par sa fronde fili- forme ; ses rameaux , souvent fascicules dans» lé haut de la plante , sont bifurques ou trifurqucs . au homraet , et se ramifient presque toujours d^un seul côté. Rejetce par la mer, mais très- lare. Obs. Dans le Botmiicum Gallicum , cette plante est décrite sous le nom de G. crinale. Je Tai conservée comme une variété du G. coj"- Tieum : il m'a paru que ces deux plantes avaient trop de rapport entre elles pour en faire deux espèces distinctes. G. coRONOPiFOMUM. Lciinow.^ Ess.^ p. 4^. Fucus coronopifolius , Do. FI. J., ?i° 75. Sph. coronopifolins , Jg. D'une racine , à empalement entier , s'élève une tige , d'abord épaisse , comprimée , se divi- sant dès la base en rameaux aussi comprimés , larges de 2 à 4 lignes , se rétrécissant insensible- m.ent jusqu'à leur exirémité. Ces rameaux nom- breux , surtout dans le haut de la plante, émet- — 288 — tent , sur le même plan , des ramules distiques , dont les dernières ramificalions sont droites, bi- furquées et très-aiguës. Les tubercules fructifè- res sont en globules , pédicules , placés sur les côtés des rameaux. Cette plante , haute de 4 à 10 pouces , et quelquefois davantage , est d'une consistance cartilagineuse ; sa couleur est d\m pourpre-obs- cur à sa base , s^éclaircissant vers le sommet. Cette espèce , que l'on trouve rejetée par la mer , croît sur les rochers de Querque ville , au niveau des basses mers d'équinoxe. Obs. Dans son développement , cette plante a beaucoup de rapport avec le plocnmiiim vulgare^ mais ses proportions sont beaucoup plus grandes. PLOCAMIUM. Lamour. Delesserla , Ag. Plitota , Jg. Fronde très-rameuse , distique , comprimée , ramules aiguës , peclinées , conceptacles globu- leux , latéraux ou axillaires. P. vuLGARE, Lamour. Delesserla plocamîum^ Ag. Fucus coccineus ^ Turn, Stakh. Fucus plocamium^ De. Fl.Jr., n° 70. — 289 — Fronde comprimée , cartilagineuse , de 7 à 8 pouces de haut, à rameaux nombreux , de 2 à 3 lignes de large , toujours disposés sur le même plan. Les dernières ramifications sont légère- ment recourbées en dedans, et portent du même côté 2 ou 3 dents en forme de peigne. Cette es- pèce, souvent rejetée par la mer, est très-com- mune sur nos côtes ; elle est remarquable par sa belle couleur rose. Cette plante croît sur les rochers de Querque- ville , au niveau des basses mers d'équinoxe. La var., D. uncinata ^ ^g") beaucoup plus rare , diffère du type par sa stature plus petite , sa fronde filiforme et flexueuse , et par ses dents subulées et recourbées. P. plumOsum. Lamour.^ Ess. p. 50. Ptiloia plumosa , Jg. F tiens plumosus , De. FI. fr.^ n" 71 . Tige comprimée , dichotome et pinnée , à pinnules garnies de chaque côté d'un rang de petites folioles opposées , rapprochées, linéaires, courtes^ formant une ramule pectinée des deux côtés. 19 — 290 — Cette plante, d'une consistance cartilagineuse, fest de 2 à 4 pouces de haut ; sa couleur est d\in pourpre-violet, ne changeant pas par la dessica- tion ; elle adhère fortement au papier. Cette plante croît abondamment sur les revers et dans les creux de rocher , depuis Cherbourg jusqu'à Querqueville , au niveau des basses mers de vive-eau. La var., F. teimîssima , ne diffère du type que par la petitesse de ses parties constituantes ; elle croît sur la Digue de la rade de Cherbourg. LOMENTARIA. Gaillon. Gigartinn^ Lamour. Chondria et haljmenîa , Jg. Frondes et folioles arrondies , tubuleuses, sub- gélatineuses , souvent comprimées , contractées ou atténuées de distance en distance , formant dans les intervalles des expansions planes ou com- primées; conceptacles globuleux , sessiles, adnés aux rameaux ou aux folioles de la fronde. ta. TENTJissiMA. Gaill. Gigartitia tenuissima , Lamour. , Ess.^ p. 48. Chondria tenuissima J A g. Fucus tenuissimus , Turn. — 294 — Plante altoignant environ 1 pied de haut; lige ronde , très- rameuse , à contractions peu appa- rentes , à peine grosse comme un fil , excepté vers le bas où elle est un peu renflée ; les ra- meaux sont très-longs^ setacés , émettant des ramules espacées, courtes, et tellement amincies aux extrémités, qu''elles ne paraissent joindre le rameau que par un très-petit point. Cette espèce , d'une couleur jaunâtre , d'une consistance gélatino-membraneuse , perd son épaisseur par la dêssication, et adhère au papier. J'ai trouvé cette plante sur nos côtes, rejetée par la mer sur le rivage de la baie Ste-Anne au mois de juillet. L. iNTERTEXTA. Choudrln implexa , Chauvin. Fronde de 2 à 4 pouces de haut , à tige et rameaux arrondis , tubuleux et légèrement con- tractés, à des intervalles rapprochés ; cette plante, d'une couleur rose , est flexible , et ses nom- breuses ramifications , souvent entrelacées, sont allongées et atténuées aux extrémités. Trouvée en automne; rejetée par la mu* dan* la baie Ste-Anne. — 2«J2 «- L. DASYiTiYLLA. C.nill. Fucus iii «•iiiuniJ leur poiiil (ratlaolui aux l'ontiaclituiH t|U(i lor- luuut los roiilluiiiciilvs sm* la li^t^ 1 1 les raniuaiix. (lollt! plaiilo , iriiiio (-oiilciiir vaiiaith^ , ()s( ([luiIqiK'l'ois i»»il^«'àli't) , «'l NOUVCMil tl^ia jiiiiiiu- vci'dùti'c; su coiisislaïu'O eat |U'cs([tiu (^rlaliiioiiso; (^llc [H'.n\ son 4'|iaisscui° |>:ii' la (h.'ssicatioii , «t adliùnt au papioi'. (letto osptNco J p(Ui coninuino, se (ronv»' Vélé^ riîjcti'O [jar la ni \\\ /(D l)\iii(î pcîliUî racine , on «lisqinî , s\''I«'ivt»nf. plusieurs lif-es , rameuses, conlradres à (U-s (;liées, ce (pii filiforme , à rameaux 20 — 306 — lâches et irréguliers, conceptacles globuleux , sessiles ou pédoncules. S. RHisoDES. Jg. Conferva vcmicosa ^ Eng. Bot. Cerainium tuberculosum , Roth. Racine petite , entière , fronde de 12 à 15 pouces de haut , de la grosseur d^une plume de corbeau , dans le bas de la plante, s'atnincissant bientôt , et se divisant en rameaux disposés sans ordre , ordinairement bifurques au sommet ; la partie inférieure de la fronde est lisse ; les ra- meaux supérieurs sont garnis d'espèces de verrues qui font paraître ces rameaux noduleux; cette plante , d'une couleur olive-jaunâtre , de- Yient brune par la dessication , diminue beau- coup dans ses proportions, et adhère au papier. Rejetée par la mer, mais très-rarement : on la trouve attachée sur les grands fucus. S. PEDUNCULATUS. y/g. Fucus pedunculatus , Linn. Gigartina pedunculnta , Lamour. Fronde rameuse de 4 à 8 pouces de haut, tige ronde, rameaux allongés, filiformes, disposés irrégulièrement sur la lige j conceptacles ellipti- -. 307 — ques portés sur des pédoncules courts , horizon- taux , alternes ou opposés le long des rameaux ; ces conceptacles sont couronnés par une touffe de filets confervoïdes , courts et d'une couleur jaunâtre ; cette plante , à Fétat fi-ais , est translu- cide et d\m brun-jaunâtre ; elle prend par la dessication une couleur plus intense , et adhère au papier. Cette espèce rare est rejetée par la mer : trou- vée sous le fort de Querqueville dans le mois de septembre. ORDRE Iir LES DICTYOTÉES. DICTYOPTERIS. lamour. Halizerîs , Aq. Fronde plane , dichotome , à bords entiers , obtuse au sommet, traversée longitudinalement par une nervure saillante , qui n'est que la con- tinuation de la tige arrondie à sa base. D. POLYPODioiDES , Lomour. Halizerîs poly-- podioides , Ag. Fucus poljpodioides , Stackh: Ulva poljpodioides ^ De, Fl.fr., n° 32. Cette plante , haute de 7 à 8 pouces, est d'une — 308 — couleur olive - clair , ne changeant pas par la dessication. De sa racine s'élèvent plusieurs tiges naissant en touffe ; chaque tige , se bifurquant dans sa partie supérieure , est bordée de chaque côté d'une membrane pellucide , large de 3 à 4 lignes , et lui donnant l'aspect d'une feuille à nervure longitudinale. A l'état frais, cette espèce est remarquable par son odeur forte et désagréa- ble. Elle croît sur les rochers , sous le fort de Querqueville , au niveau des basses mers de vive eau . Trouvée au mois de septembre . DICTYOTA. Lamouroux. Zonaria, Jg. Frondes planes , sans nervures . dichotomes ou laciniées « à substance réticulée ; fructifica- tions granuliformes , situées à la surface de la fronde, soit en lignes longitudinales ou flexueu- ses , soit éparses. ' D. DicHOTOMA. Zfïmowr., Ess, p. 68. Zonaria dichotomaj A g. Viva dichotoma , De. FI. fr , n**25. Fucus zosteroïdes , Lamour.:^ Dis s. Fronde plane, foliacée, haute de 2 à 4 pouces, se divisant dès la base en lobes larges de 1 I — 309 — à 2 lignes , dichotomes , redressés , linéaires , arrondis et obtus au sotntnet; sa couleur estj d^un vert-olivâtre. Celte plante rare est rejetée par la mer : dessé- chée , elle adhère au papier. La var., B. Int/'lcata , beaucoup plus com- mune , diffère du type par ses lobes nombreux , plus étroits , entrelacés et souvent contournés en spirales ; cette variété n'adhère point au papier. D. iMPLEXA. Lamour., Ess.p. 58. Fronde plane, étroite , divisée en un grand nombre de lobes muliifides et entrelacés. Celte espèce , au premier aspect , pourrait être prise pour la précédente ; mais elle en diffère essen- tiellement par la fructification ; dans celle-ci les tubercules fructifères sont disposés en lignes transversales, dans le d. dichotomn y au con- traire, ils forment des glomerules arrondis , épars sur le disque et les bords de la fronde . Celle plante, rejetée par la mer , est rarement trouvée sur noire rivage. — 310 — D. LAciNiATA. Lamour. d. Penîcillata^ La- monr. Zonaria inidtifida , Ag. Plante de 8 à 1 0 pouces de haut, fronde mem- braneuse , foliacée , d'abord entière et atténuée à la base , se divisant en lanières dichotomes , étroites et pointues au sommet. Les tubercules fruciifères sont disposés en points arrondis, épars sur le disque de la fronde. Cette espèce , de couleur olive-jaunâtre , change peu par la dessication ; elle se trouve sur nos rivages , où elle est souvent rejetée par la mer. D. ciLiATA. Lamour. ^ Ess.^ p. 58. Zonaria atomaria, var. è., ^g. Fucus pseudociliatus ^ Diss., t. 25 /. 2. Ulva serrata , De , FI. Jr.^ n° 24. Fronde plane, foliacée, haute de 5 à 6 pouces, atténuée à la base , et bientôt se divisant en la- nières allongées , ciliées sur les bords, pri ici] a- lemen l vers le somme tj la couleur de cette pJanle est fauve-verdâtre . On remarque sur sa fronde des lignes transversales plus foncées, ce sont les granules fructifères qui forment ces «ones. Cette -.' 311 -> espèce , rare ^ur nos côtes , y est rejetée par U mer. PADINA Gaill. DictyotUy Lnmour. Zonarîa^ Frondes reniformes, planes, sans nervures , ayant à leur surface des fructifications granoïdes, disposées en zones transversales , courbées en cercle et concentriques. P. PAVONiA. Bot. Gallic. Zonaria pavonia , ^g. Fucus pavonins ^ Liiin. Ulva pavonia, De. FI. fr.^ n^ 37. Dict/ota pavonia^ Lamour.., Ess., p. 57. Fronde haute de 1 à 2 pouces, atténuée en stipe à la base , et sMpanouissant en éventail , arrondie par le haut ; cette fronde paraît striée en long ; elle est marquée en travers de lignes concentriques. La consistance de cette plante est membraneuse, flexible ; sa couleur, d'un fauve- verdâtre , paraît recouverte d'une poussière blanche . Elle croît dans les mares sur les rochers , baie Ste-Anne^ près Cherbourg. — 312 — P. DEUSTA. Zonaria deusta , /4g. ASPEROCOCCUS. Lamour. Encœlium, Jg. Tiges simples , fîstuleuses , à substance réticu- lée , tubercules fructifères saillants à la super- ficie , et rudes au toucher . A. RUGOsus. Lamourf. Ess.^ p. 62. Ulva ru- gosa^ De. Fl.fr.^ «° 16. Encœl'mm tichinatimiy Plante formée d'une touffe de tiges simples , lubuleuses , de 6 à 1 0 pouces de long , renflée vers le milieu , presque filiforme au sommet. La couleur de celte espèce est d'un brun-fauve ; elle ne croît point sur nos rivages : je l'ai trou- vée rejetée par la mer, baie St-Anne , dans le mois de juillet. ORDRE IV*^ LES ULVJCÉES. BRYOPSIS. Lamour. Jg. Racine formée d'une petite callosité , frondes filiformes, capillaires, tuhuleuses , très-rami- fiées , d'une couleur verle-foncée. B. ARBUSCULA. Laîîiour,, Ess., p. 66. B. plu-' - ma — mosn y Jg. Fucus nrhiiscula , De. FI. ft.^ n° 82. B. composita , j4g. Plante de 2 à 3 pouces de haut , formée dune touffe de liges , à peine de la grosseur d'un fil , recouvertes de nombreuses ramifications. Ra- meaux distiques _, pinnés , opposés, fin» comme des cheveux Cette plante adhère fortement au papier où elle prend un aspect luisant comme vernissé. Elle croît sur les bois immergés dans le port militaire de Cherbourg. B. HYPNOiDES. Lamour. B. arbuscula^ Jg, Celte espèce , haute de 1 à 2 pouces , est ra- meuse dès la base ; ses rameaux , diffus , allon- gés, sont souvent entrelacés. Celle plante, qui croît au niveau des basses mers de vive eau , est toujours fixée par sa base sur la face verticale des rochers , où elle se fait remarquer par ses touffes pendantes et sa couleur d'un vert-foncé. Automne. SCYTOSIPHON. B. a. Jlacine en forme de disque , donnant nais- — 3U — »anco à une fronde filiforme, non tubuleuse ;, à rameaux nombreux et sétacés. S. FOENicuLACEus. Jg. Ceramium fibrosum , Roth. Fucus suhtilis , Turn. Plante formant une touffe de 6 à 8 pouces de haut , la tige cylindrique , de la grosseur d'une plume de moineau , émet de tous côtés des ra- meaux fins comme des cheveux, souvent entre- lacés. Cette espèce , d'une couleur olive-jaunâ- tre , croît sur les pierres et les grands fucus ; «échée , elle adhère fortement au papier. Com- mune. J ULVA. Lamour. Ulva , Solenîa^ Porphjra , t>' Frondes planes , papyracées ou cylindriques et fîstuleuses , conceptacles graniformes , innés dans la fronde. -J- Frondes Jistuleuses. U. FiSTOLOSA. Huds. Vlv. lumbn'calis J Lam. Ess., p. 65. Ulv.Jistulosa , De Fl.fr..^ n° 13, a. suppl. Scjtosi phon Jilum , T^ar. fistulosum , Jg. l — 315 — Plante formée de filets cylindriques , simples, de 1 à 2 lignes de diamètre , hmgs de 6 à 10 pouces, atténués à la base. Cette espèce , d'un vert-olivâtre , perd toute son épaisseur par lu dessication , et adhère au papier ; elle croît sur les rochers de Tourla ville. U. INTESTINALIS. Liflll.j Dc. Fl. Jv. H 15. Soletiia inlestinalis , ^g. Cette plante, longue de 8 à 10 pouces, est formée d\m filament simple , cylindrique , atté- nué à son extrémité inférieure , se dilatant en un tube souvent de 4 à 5 lignes de diamètre, si- nueux et renfermant souvent des bulles d^air. Sa couleur est d'un vert-obscur, devenant jaunâtre sur la fin de sa vie. Cette espèce est rejetée sur le rivage ; on la trouve aussi dans les mares sur le bord de la mer. U. VENTRicosA. Dc. Fl fr.^ n 16. a. Solenia intestinalis , Var..^ V. maxhua^ A^. Celte espèce diffère de la précédente par son diamètre , souvent de plus d'un pouce , et par — 316 — les nombreuses anfracluositcs qiron y remarque. Uejetée par la mer. Rare. U. COMPRESSA. De. FI, Jr.y n 14. Solenia compressa , A^. Sa fronde, dabord plane et linéaire, se gonfle "vçrs le sommet ; elle est fixée sur les pierres par une espèce de pédoncule qui n^esl que le prolon- gement de cette fronde. Cette plante est t^imple ou rameuse , quelquefois simplement bifurquée , mais toujours les ramifications sont simples , atténuées à la base, et élargies au sommet. Le tissu cellulaire de cette fronde est réticulé , à aréoles disposées régulièrement en lignes droite». La couleur de celle espèce varie du vert-obscur au vert-jaunâtre ; elle croît abondamment sur tous nos rochers. Lavar , V. Crinita Jg. Ulva capillaiis^ La- mour. u. coTifervoïdeSy Thuil. Solenia clathrata^ Ag. conferva crinita^ Roth.j diffère du type par sa fronde et ses ramifications toutes filiformes et capillaires. Moins commune que Tespèce , cette plante se trouve dans les mares près du rivage de la mer. — 317 -^ U. LiNZA. Jg. De. FI. fr , ?i" 22, Soleiiia linza , Jg. La grandeui' de celle plante varie beaucoup : souvent de plus de 1 pied de long sur 1 pouce et 1 [2 de large ; elle foime des rubans à bords parallèles, ondulés ou crépus. Ces rubans tendent souvent à se replier sur eux-mêmes. Cette fronde, amincie à son extrémité en un espèce de pétiole, est formée de deux membranes distinctes , mais appliquées Tune sur l'autre, ce qui la fait paraître plane. Cette plante est rejetée par la mer sur le rivage. SPONGODIUM. Lamour. Codiumy Jg, Fronde rameuse, à tiges et rameaux composés de tubes courts , filiformes, entrelacés , donnant par leur réunion une forme spongieuse àla plante. S. TOMENTOSUM. Lamour. Ess.^p. 73. Co- dium tomentosum , Ag. Ulva tomentosa , De. , FLfr.,u n. Cette plante est fixée au rocher par un renfle- ment de sa tige qui est courte , grosse comme le — 318 — pouce, cylindrique ; elle se divise dès la base en rameaux cylindriques de la grosseur d'une plume de cygne; les dernières ramifications sont simples ou légèrement bifurquées; cette plante est d'une consistance spongieuse et d'un aspect velouté ; elle acquiert un pied et plus de hauteur , et for- me souvent une touffe considérable , d'une cou- leur verte très-foncée ; elle croît au pied des rochers , dans la baie Ste-Anne , au niveau des basses mers d'équinoxe. + 4- Frondes planes et membraneuses. U. LACTUCA. Amn, U. Latissima, Ag. U. pli- cata , A§. V. rigida Jg. Cette plante, très-commune, est formée d'une feuille mince, pellucide, verte, entière ou lobée, souvent déchirée sur ses bords et reployée sur elle-même ; n'affectant ni forme , ni grandeur constante , généralement de 2 à 4 pouces; on en trouve qui atteignent près d'un pied de longueur. Elle croît sur tous les rochers. U. PURPUREA. De. FI. fr., «M9. Porphjra pur pure a , A g' 319 Sa fronde est entière , lancéolée à sa base , crépue et ondulée sur ses Ijords , large d'un pouce , et allant en diminuant jusqu'au sommet qui est pointu; cette fronde atteint de 4 à 8 pou- ces de long. Cette plante est d'une couleur pour- pre et devient violette par ladessication. Sa con- sistance est membraneuse , tenace , papyracée j elle croît en gazons étalés sur les rochers grani- tiques , où elle est fixée par une petite callosité située à la base de sa fronde . Elle croît sur les rochers, au pied des falaises de Flamanville, près du trouBaligan. Cette plante, annuelle, se trouve depuis le mois de mai jusqu'au mois de septembre. Var. B. uinbilicata Ag. Ulvn uinbilicalis. De. FL fr. Cette variété , à feuille ombiliquée, arrondie ou ovale , est d'une couleur brune-vi- neuse , atteignant jusqu'à 6 pouces de diamètre; elle se présente aussi sous forme lancéolée, lobée, déchirée sur ses bords , toujours dans des pro- portions beaucoup plus grandes que le type. Cette variétd croît en abondance sur les rochers de Tourlaville. #r PUVEllE THÉORIE DES PARALLÈLES, Z.'UN : SITB. ^A 1 ll^lif ïil 11 l'AïtSl, l'autre : SUR liR voHstriictlon des plans liydrograpliiqiies, PAR Je Fe E» LD MOMMEM9 C^evaftcir ôo fou .Çegiot? ô'^ouMCuir ec ^to- feâicuu ô'êuDtoatapSte De fa «^TTsariHe au uoil oc CftetCoutn, IXTRODUCTIOIV. La théorie des parallèles touche aux fonde- mens de la géométrie ; sans elle , Tétude de cette science se trouvant arrêtée dès son principe , de- viendrait stérile. De là ces efforts de tant de géomètres célèbres , pour en acquérir la certi- tude par le raisonnement ; mais dans cette lutte , il s''est présenté une difficulté qu'on a regardée comme insurmontable (1) Euclide l'avait éludée par la onzième maxime de son premier livre (2). Bezout , à l'exemple de ce grand mathématicien , crut devoir adopter la conviction par le sens intime , craignant sans doute de se jeter dans des voies inextricables. Le Gendre^ peu satisfait de ces ménagemens et voulant atteindre la rigueur mathématique, a fait plusieurs tentatives ; mais sans en retirer le fruit qu'il s'en était promis. Bertrand de Genève ^ seul, (1) Introduction à la philosophie, par M. Laurentie ,' page hll. (2) De ce postulaium peut surgir toute la théorie des parallèles. Le P. Dechalles s'est refusé en quelque sorte à l'accorder à sou auteur, et n'a rien gagné à une substitu- tion qui se rattache au système d'Euclide. — 324 — a paru mieux inspiré et avoir triomphé de tous les obstacles : cependant sa marche n'a pas la rectitude désirable , en ce qu'elle a le défaut d'ad- mettre la comparaison entre des espaces infinis de nature différente (1) Ces considérations n'étaient guère propres à me stimuler: néaramoins j'ai médité attentive- ment sur un sujet si important , et d'abord , il m'a semblé que la difficulté consistai t à établir les deux propositions suivantes , touchant deux lignes pa- rallèles: 1° Toute perpendiculaire à l'une , Vest a Vautre \,1° Les pei'pendiculair^es menées de Vune sur Vautre^ sont égales entielles. Ensuite je me suis aperçu que les géomètres modernes avaient donné constamment la priorilé à la même proposition : d'où vient celte persévérance ? pour- quoi n'avoir pas interverti l'ordre des proposi- tions ci-dessus? quoi qu'il en soit , j'ai voulu exa- miner l'effet de ce déplacement, et c'est ainsi que je suis parvenu à trouver une théorie nouvelle que je fais paraître aujourd'hui , dans la pensée qu'elle pourra contribuer aux progrès des scien- ces exactes, (1) Voir la note qui est à la page 23 des Eléments de Géométrie ) par Lacroix, û* édition. NOUVELLE THEORIE Deux droites tracées sur un même plan sont dites parallèles , lorsqu'elles ne peuvent se ren- contrer, à quelque distance qu'on les imagine prolongées : telles sont deux perpendiculaires à une même droite. THËORÉIUE i.er Si deux lignes B''B et D'D ( fig. 1 ) , sont à la fois perpendiculaires à une même droite AC et par conséquent parallèles entr''elles; je dis : 1 ." que toute perpendiculaire EF abaissée sur Vuîie D^D^ cC un point E prisa volonté' sur Vautre B''B , sera e^ale a AC ; 2.° que EF qui coupe U'Dà angles droits^ en fera autant à V égard de B'B, Menons par le point E sur EF , une perpendi- culaire indéfinie G "G : alors nous aurons deux lignes G'G et D'D qui , coupant perpendiculaire- ment EF, ne sauraient se rencontrer ; en sorte que Tespace compris entr'elles sera susceptible d'une extension infinie des deux côtés de EF : un autre -- 326 — espace B^D^DB existe pareillement entre les per- pendiculaires B^B et D'D , de part et d'autre de AC. Mais il arrivera de deux choses Tune : ou G'G se dirigera suivant B'B , ou s'en écartera ; dans le premier cas , les espaces G^D'DG etB^D'DB n'en feront qu'un seul ; dans le deuxième cas , ils seront équivalens , car ils auront une partie com" mune EG'D'DB , tandis que leurs parties restantes seront les espaces angulaires B'EG' et GEB , que l'on pourra faire coïncider. Cela posé^ si EF n'était pas égale à AC, il est évident qu'elle se- rait plus grande ou plus petite que celle-ci. Sup- posons d'abord que EF soit plus grande que AC et continuons cette dernière jusqu'en H , de ma- nière que CH soit égal à EF ; puis élevons au point H sur CH , la perpendiculaire indéfinie l'I qui n'at- teindra B'B d'aucun côté , à cause que B'B est aussi perpendiculaire sur CH. Maintenant nous aurons par cette construction un nouvel espace l'D'DI qui sera supei'posable sur G'D'DG : en mettant le point C sur le point F etCH dans la direction de FE j et comme ces droites sont égales, il en résulte que le point H se placera en E : en même temps CF se couchera sur FD , vu que les angles ACF et EFDsont droits; il en sera de même de CD' rela- — 327 — tivement à FC ; de plus VI se confondra avecG'G, puisque ces lignes se trouveront à la fois perpen- diculaires sur EF au même point E. MaisTespace TD'DI couvrant ainsi G'D'DG , sera équivalent à B'D'DB : de sorte qu'on aura la partie égale au tout , chose impossible ; donc EF ne saurait sur- passer AC. On s^assurerait d'une manière analo- gue que EF ne peut être moindre que AC ; donc ces lignes sont égales entr elles. Pour prouver la seconde partie du Théorème , prenons sur le prolongement de CF , une partie FM qui soit égale à CF ; ensuite élevons, au point M sur D'D , la perpendi culaire ML , jusqu'à la ren- contre de AB en un point L , cette perpendicu- laire sera égale àCA, en vertu de ce qui précède. Actuellement si Ton fait un pUdans la ligne FE et que Ton renverse l'espace FL sur l'espace FA , FM se dirigera selon FC , attendu que les angles en F sont droits et le point M coïncidera avec le pointe, du moment que FMr=FC; d'ailleurs ML prendra la direction de CA : par l'effet de la perpendicularilédes lignes LM et AC sur D'D; et comme LM:^AC^ le point L occupera la po- sition du point A. D'un autre côté , le point E ;— 328 — étant resté commun aux droites EA et EL , ces lignes se confondront; dès lors les angles FEL et FEA se couvriront mutuellement , ce qui déter- minera leur égalité ; mais ces angles étant ad- jacens , seront nécessairement droits ; donc EF sera perpendiculaire sur B'B , aussi bien que sur D'D. 11 résulte du théorème précédent que les deux lignes parallèles B'B et D^D sont également éloi- gnées Tune de l'autre ^ et que leur distance unique est essentiellement représentée par EP , ou par toute autre droite qui serait menée sem- blablement. THÉORÈME II. Si par tant de points A, D, F, I^etc, (flg.2)que l'on voudra d'une droite indéfinie AB , Ton traee des droites AC, DE, FG, IH, etc. , dans une di- rection perpendiculaire à AB et égales entr'elles, je dis qix^elles abontux>nt à des points Ç ■> E , G, H , etc. , situés sur une même di oite perpendi-^ culaire à la ligne AC, Elevons, eu C sur AC, laperpendiculaire indpfl- — 329 — nie ex. Si cette ligne n'atteint pas DE au point E, elle passera au-dessous ou au-dessus de ce point; soit K le point de rencontre : alois on aura DK = AC, et comme Ton a d'apiès Thypollicse DE=AC, il s'en suivra que la partie DK sera égale au tout DE, ce qui est absurde ; donc la renconlre ne peut se faii'e au-dessous du point E ; par la même raison, elle ne saurait avoir lieu au-dessus ; donc elle se fera en E. C'est ainsi que Ton prouverait que la ligne CX passe par les points G , H , etc. , donc les points C, E, G, H, etc., appartiennent à une droite perpendiculaire à AC et par consé- quent parallèle à AB. De ce principe , il suit que dans un plan il ne peut exister de ligne équidistante dhine droite sans être droite elle-même , et que ces lignes sont toujours perpendiculaires à une troisième. THÉORÊIIE III. Une oblique AX et une perpendiculaire BY ( fig. 3) à une droite AB, étant situées sur un même plan , se rencontreront nécessairement du côté vers lequel celte oblique iait.^ avec AB , un angle aigu BAX. — 330 — Pour le démontrer , après avoir pris AC arbi- trairement , faisons CD=r:AC ; puis abaissons les perpendiculaires CE et DF sur AB : ces lignes se- ront parallèles enlr''elles. Soit prolongée la droite CE jusqu'en G, à la rencontre d'une perpendicu- laire menée du point D sur cette ligne : or il est clair queDGet EF seront parallèles et égales l'une à l'autre ( théor , 1 ^^ ). Superposons Tespace CGD sur son opposé CAE : à cet effet, faisons tourner CGD vers la droite autour du point C jusqu'à ce que CD soit venue prendre la direction de C V ; ces lignes étant égales entr'elles , le point D se placera en A ; il n'est pas moins certain que CG se dirigera suivant CE à cause de l'égalité des angles GCD et ACE. Dans cet état de choses , le point G tombera sur le point E : autrement il tomberait ailleurs en O , et l'on aurait deux perpendicu- laires AE et AO , abaissées du point A sur une même droite CE , ce qui n'est pas possible ; donc le point G viendra se joindre avec le point E et GD avec AE : donc DG=AE et comme on a déjà EF=rDG , l'on aura encore EF=rAE. Cela posé, admettons que AEsoit contenue m fois dansx\B, (m étant un nombre entier): alors si l'on porte AC _, m fois à partir du point A dans la direction AX , ;]3i on arrivera de toule nécessité à un point de la peipendiculaire iiulélinie BY. Supposons présen- tement que AE n'étant pas partie aliquote de AB, y soit contenue m fuis avec une fraction : dans ce cas portant AC , {in-\- \) fois dans la même direction , ( partant toujours du point A ) Ton iiaversera la ligne BY et l'on parviendra quelque part sur la perpendiculaire IK élevée au peint I où vient se terminer lintervalle Al composé de AEpris(m+ l)fois(l). Si Tangle BAX ( fig 3 bis ) était obtus , Ton prolongerait AX et BY en X' et Y' , après quoi Ton ferait une construction pareille à celle qui pré- cède , pour prouver que la rencontre des lignes AXetBY s'effectuerait du côté de l'angle aigu BAX\ Ce théorème fournit cette conséquence : poiu' ne pas ie rencontrer ou être parallèles entr elles , deux droites^ tracées sur un même plan, doivent être perpendiculaires à une troisième . (1) Celte démonstration est rigoureuse , attendu que les parties AE, EF et toutes les subséquentes, étant égales cntr'ellcs, le rapport do AB à AE est essentiellement li- mite par les grandeurs respectives de ces lignes. — 332 — En effet , soient B'B et D'D (fig 1) ces droites qui existent dans un même plan , sans pouvoir se rencontrer. Rien n^empèche de concevoir une autre droite AC abaissée d'un point quel- conque A de B'B et coupant D'D perpendiculai- rement : or si Tangle CAB n'était pas droit , B'B serait une oblique et D'D une perpendiculaire à une même droite AC ; dès lors ces lignes B'B et D'D se rencontreraient nécessairement , ce qui serait contre la supposition . jy. B. C'est du reste à ce même théorème que se réduit le fameux postulatum cCEuclide : ef- fectivement ce pas franchi la théorie des paral- lèles ne rencontre plus d'osbtacles. Le Gendre l'avait insinué : voyez à la suite de ses élémens de Géométrie , 1 2" édition^ la note II, page 280. THÉORÈME IV. Par un point C (fig. 4), pris hors d'une droite AB , il ne peut passer qii'une seule ligne CD , parallèle à cette droite. Supposons qu'il en exis'e une seconde CE. — 333 — Pour lors, si l'on conçoit , par le points C une droite CA qui coupe AB perpendiculairement , elle ne pourra manquer de couper semblablement les deux parallèles CD et CE ( théor. 1" et 3 ) : ainsi Ton aura deux perpendiculaires élevées sur CA à un même point C et dans un même plan , ce qui est absurde ; donc CD est la seule paral- lèle à AB, passant par le point C, THÉORÊIIIE V. Si deux droites AB et CD (fig. 5 ) sont paral- lèles chacune à une troisième EF , située dans nn même plan avec ses droites, celles-ci seront parallèles entrelies. Pour le prouver , tirons une droite IH qui soit perpendiculaire à EF à tel point G que l'on vou- dra : elle le sera aussi sur les parallèles AB et CD et réciproquement ; de sorte que ces der- nières seront à la fois perpendiculaires à une même ligne IH ; donc elles seront parallèles en- tr'elles. THËORÉIUE VI. Si deux parallèles AB et CD (fig. 6) sont cou- — 334 — pées par une troisième ligne EF que l'on ap- pelle sécante , il en résuUera les propriétés sui- vantes : 1.° Deux angles alternes-internes AGH et GHD seront égaux ; 2," Deux angles intermes-externes ou corres- pondants EGB et GHD seront égaux j 3.° Deux angles alternes-externes EGB et CHF seront égaux ; 4° Deux angles internes d'un même côte' BGH et GHD vaudront ensemble deux droits ou seront supplément l'un de Fautre ; 5." Deux angles EGB etFHD externes d'un mente co^c seront supplément l'un de l'autre. DÉMONSTRATION. 1 ^* PARTIE. Abaissons du milieu I de GH une perpendiculaire IL sur CD ; puis pro- longeons IL jusqu'en K à la rencontre de AB, nous aurons ainsi une ligne KL qui coupera AB per- pendiculairement ( tliéor. \ ") Maintenant si l'on superpose l'espace IGK sur l'espace IHL, en agissant comme au théor. HI , la ligne GK géra .- 335 — exactement appliquée sur HL. Cela étant , la coïn- cidence des angles IGK et IHL se trouvera effec- tuée ; donc les angles AGH et GHD, qui ne diffè- rent pas des précédents, seront égaux entr'eux. Deux autres angles alternes internes existent, savoir : les angles BGH et CHG qui sont égaux, parce qu^ils ont pour suppléments les angles AGH et GHD dont on vient de faire voir l'égalité. 2.^ Partie. L'angle EGB est égal à son opposé au sommet AGH j mais celui-ci est égal à GHD ; donc aussi EGB=GHD. 11 en est de même des angles BGH et DHF. De l'autre côté de la sécante , on aura encore AGH=GHF et AGE-CHG. 3^ Partie EGB est égal à AGHj mais ce dernier est égal à son correspondant CHF ; c'est pourquoi Ton aura EGB=:CHF. On aura pareillement AGErrFHD. 4^ Partie. L'angle BGH , avec son adjacent AGH , vaut deux droits, et comme celui-ci est égal à l'angle GHD , les angles BGH et GHD — 336 — vaudront ensemble deux droits , ou seront sup- plément Tun de Tautre. On en peut dire autant des angles AGH et CHG. 5/ Partie EGB a pour supplément BGH ; mais celui-ci est égal à son correspondant DHF ; donc EGB aura encore pour supplément DHF. Sur la gauche de EF , Ton verra de même que EGA a pour supplément CHF. Ce théorème nous apprend que lorsque deux parallèles AB et CD sont coupées obliquement par une sécante EF , // en résulte des angles les uns aigus , les autres obtus : de telle sorte que ceux de même espèce sont égaux respecti've- mentj tandis que les autres^ pris deux à deux, avalent deux droits ou sont supplément l'un de Vautre S''il arrivait que la sécante EF ( fig. 6 bis ) fût perpendiculaire aux deux parallèles AB et CD , les angles pi^ovenant du concours de ces lignes seraient droits indistinctement , et par conséquent tous égaux entr^eux. — 337 — TUÉOEÉIIE VII. Si deux droites AB et CD (fig. 7) , tracées sur Un même plan et coupées par une troisième EF , ont Tune quelconque des cinq propriétés dont jouissent deux parallèles , dans leur rencontre avec une sécante , je dis que ces droites seront parallèles ent/'''elles : 4 ."Supposons que les angles AGH et GHD qu ont la position d'alternes-internes, soient égaux. Si AB n'était pas parallèle à CD , l'on pourrait mener par le point G , une autre droite IK dans une direction parallèle à CD : ce qui donnerait IGH=GHD (ces angles étant alternes-internes) ; mais on a par la supposition AGH=GHD ; donc on aurait IGH^AGH ou la partie égale au tout : résultat absurde; donc AB est parallèle à CD. On établirait, avec la même facilité, le parallé- lisme des droites AB et CD par chacune des autres propriétés énoncées ci-dessus. THÉORÈME VIÏI. Si deux angles ABC et DEF ( fig. 8. ) > sont --. 338 — tournés dans le même sens et ont les côtés parai-* lèles chacun à chacun , ces angles seront égaux. Car Tangle ABC est égal à son correspondant DGC, et comme celui-ci est égal pareillement à DEF , on aura ABCzi^DEF. JV. B. Dans la fig. 8 bis , il faut prolonger DE jusqu'en G à la rencontre de BC. Si Ton continuait AB et BC indéfiniment vers I et H , on obtiendrait trois nouveaux angles , dont les côtés seraient parallèles respectivement à ceux de Tangle DEF; or il est clair qu'on aurait \ ° HBIz^ABCrzrDEF ; 2.° ABH ou IBG pour le supplément de ABC et conséquemment de DEF. THËORÊME IX. Si deux angles ABC et DEP ( (ig 9. ) , ont le» côtés perpendiculaires chacun à chacun et dirigés dans le même sens^ ils seront égaux. Pour le prouver, élevons au point E les droi- tes EG et EH respectivement perpendiculaires ~ 339 — aux côtés ED et EF de Tangle DEF ; mais AB est par hypothèse perpendiculaire à ED; en conséquence les lignes AB etEG seront parallèles entr'elles : il en sera de même des lignes BC et EH ; dès lors les angles ABC et GEH seront égaux ( théor.viii). Or si des angles droits CED et FEH , Ton ôte la partie commune DEH , les restes GEH et DEF seront égaux ; mais on sait que ABC = GEH , donc aussi ABC —DEF. Dans la fig. 9 bis , les angles GED et FEH sont droits : ajoutant de part et d'autre DEH, l'on aura pour résultat les angles GEH et DEF qui seront égaux. N. B. L'angle DEF peut être considéré comme n'étant autre chose que Tangle GEH qui aurait fait un quart de révolution en tournant autour de son sommet , pour déterminer ses cô- tés à passer de Tétat de parallélisme à celui de perpendicularité, comparalivemenî aux côtés de l'angle ABC. Si Ton prolongeait AB et BC indéfiniment vers K et !_, Ton formerait trois nouveaux angles dopt les côtés seraient respectivement pcrpendicu- — 3A0 — laires à ceux de l'angle DEF ; alors on aurait : r IBK^ABC— DEF ; 2° IBA et CBK ayant cha- cun pour supplément ABC ou DEF qui lui est égal. Dans le cas de Tangle droit ABC ( fig. 9"), ED serait parallèle à BC , et par conséquent perpen- diculaire à EF ; ainsi Fangle DEF serait droit ; donc il serait égal à Tangle ABC. REMARQUE. Des deux derniers théorèmes découle cette conséquence nécessaire : deux angles qui ont les côtés parallèles ou perpendiculaires chacun à chacun sont égaux , lorsqu'ils sont de même es- pèce , et supplément Tun de l'autre dans le cas contraire; d'où il suit qu'on ne saurait dire, dans un sens absolu , que deux angles qui ont ainsi les côtés parallèles ou perpendiculaires sont égaux , ni qu'ils sont supplément Vun J? l'autre. PROBLÈME. Mener par un point donné C {fig- 10 ), une parallèle à une droite AB. — 341 — 1*^® Solution. Par ce point C , l'on tirera une droite CE qui coupe AB perpendiculairement ; ensuite Ton élèvera sur CE la perpendiculaire CD , dans le plan qu'on imagine passer par AB et le point C : cette ligne CD sera la parallèle demandée. 2' Solution. Pai le point C, Ton tracera une droite indéfinie qui traverse AB quelque part en G ; api'ès quoi Ton mènera par le même point C une nouvelle droite ('D faisant avec CG un angle GCDi=:EGC : et cette ligne CD sera la pa- rallèle requise par la première propriété des pa- rallèles ( théor. VII. ). Chacune des autres propriétés peut fournir un moyen pour mener une parallèle. Du reste , il existe des procédés plus simples pour le tracé des parallèles ; mais ce n'est pas ici le lieu de les exposer. SUR LA TRISECTION DE l'AïGlE, On sait que les anciens géomètres se sont fort occupés de la résolution du problême , qui a pour but de partager un fuigfe rectilignc ou un — -342 — arc de cerch^ en trois parties égales. Cest en se livrant à une profond© méditation à cet égard que Nicomède découvrit sa Conchoïde ; mais cette courbe ne dut pas répondre à son attente , vu que son tracé ne saurait s'eflfectuer par une méthode géométrique. De nombreuses recher- ches faites ultérieurement dans le même dessein, ayant été infructueuses, j'avais pensé que ce fa- meux problême n'était pas du ressort do la géo- métrie élémentaire : toutefois elle m'a suggéré, sur le même sujet , une idée que j'ai accueillie. M'étant demandé si un angle qui a son sommet hors d'un cercle et qui est formé par deux sé- cantes pouvait pi-endre pour sa mesure l'arc convexe compris entre ses côtés , j'ai reconnu que la chose était possible , et que , dans ce cas particulier, Tare convexe serait le tiers de l'arc concave. En effet , soient a l'arc concave et a' l'arc convexe. La mesure de cet angle valant ^ n — \ a\ si Ton veut qu'il soit mesuré par a\ il faudra que l'on oii a'=i\a — ^a': d'où l'on déduira successivement 2 a'=^a — a' ; 'ia'=^a et finalement «'= î^. Je me suis permis d'édifier sur cette base, C'est ce qu'il me reste à expliquer. — 343 — Soit AUCD ( fig.11 ), un losange dont chaqtie eôté soit égal au rayon d'un cercle qui a son centre en C : or il est évident que les côtés op- posés de ce losange étant parallèles , on aura EG=BD et HF=rl3D ; mais IV'galilé des angles GCH et BCD donne GH=:BD : d'où Ton voit que EF=: 3 BD , qu\ainsi BD est le tiers de EF. D'après cela , si Ton avait un instrument com- posé d'un système de règles AE , A F, BH , DG ( fig. 12 ), mobiles autour de quatre points d'at- tache A , B , C , D , disposés en losange , je dis qu'on pourrait s'en servir pour diviser en trois parties égales un arc IK ( Cg. 1,3 ) appartenant à un cercle quelconque. Dans cette vue , Ton décrirait avant tout un arc concentrique IIS d'un rayon égal à l'un BC des côtés du losange ( fig. 12 ) ; puis l'on tire- rait les droites CI et CK (fig. 13), lesquelles tra- verseraient l'arc RS en deux points E et F que l'on marquerait soigneusement. Cela posé, l'on appliquerait l'instrument de manière à ce que le point d'attache interne fût sur le centre C com- mun aux deux arcs , et que les deux lègles ex- térieures passassent par les points E et F : aussi- — 344 — tôt les deux règles intérieures indiqueraient d'elles-mêmes les points L et M où Tare IK se- rait divisé en trois parties égales. Car, diaprés ce qui précède , Tare EF serait partagé également en G et H ; dès lors les angles ECG, GCH, HCF, seraient égaux; conséquemment les arcs IL, LM, MK , par lesquels ils pourraient être aussi mesu- rés ^ le seraient pareillement. Si Ton adaptait à ce système de règles un cer- cle qui eût pour rayon BC , l'on serait dispensé de tracer Tare auxiliaire RS. L'instrument dont je viens de donner la des- cription et de montrer lusage , participerait évi- demment de la règle et du compas. On pourrait l'appeler compas de trisection. SUR LA CONSTRUCTION DES plans liyilregrapltiqiies. PROBLÈME. Étant à Id vue de trois points A, B, C, (fig.14) — 345 — d\ine côte, on a sondé en un certain point D dont on demande la position : connaissant les dis- tances AB et BC , de même que les anj^les ADB et BDC sous lesquels ces distances ont été obser- vées du lieu D de la station. l^ou^eUe 8oliitiou« Pour cela , imaginons que E soit le centre du cercle dont la circonférence passerait parles trois points A , B , D ; et concevons la perpendi- culaire EF qui divisera la corde AB en deux parties égales. Nous obtiendrons ainsi un trian- gle EBF rectangle en F dans lequel nous con- naîtrons : FB moitié de ABj et Tangle E égal à Tangle ADB, comme ayant chacun pour mesure la moitié de l'are AB. Dans ce triangle , pour calculer le rayon EB, Ton fera cette analogie R : Sin. E :: EB : FB. On déterminera ensuite de la même manière , le rayon BG du cercle dont la circonférence contiendrait les trois points D, B,C. Voici maintenant en quoi consiste l'opération — 346 — graphique par laquelle on achèvera la résoluUon (lu problème. On prendra sur l'écheUë du plan une ouver- ture de compas d'autant de parties égales que le calcul aura donné d'unités pour le i-ayon du pre- mier cercle ; puis des points A et B(fig. 15 ), pris successivement comme centres, Ton tracera deux arcs qui viendront se couper en un point E qui sera le centre de ce premier cercle : alors du point E, et avec la même ouverture de com- pas , l'on décrira un arc indéfini HI. On se con* duira semblabloment pour parvenir au centre G du deuxième cercle , et de ce point G l'on tra- cera un dernier arc KL avec l'ouverture de compas prise pour rayon de ce second cercle : l'intersection D des arcs III et KL indiquera la position du point de sonde. Il ne s'agira plus que d écrire à côté le brassiage qui a lieu lors des basses marées d'équinoxe , et s'il est nécessaire f la qualité du fond. Il faut remarquer que les arcs précités doivent être tracés au crayon , afin qu'on soit plus à même de les eflacer, lorsqu'on aura obtenu le point D qui seul devra être marqué à l'encre. — 347 — N. B. Si les centres E et G venaient à 6e ccm- fondre , les points A,B,Cj seraient avec ie point D sur une même circonférence, et le pro- blême resterait indéterminë. FIN. I. TMILIE, Membres de la Société royale académique de Cherbourg, en 1838. Pflgf s II. Du Jury en Normajidie , dans le moyen-âge , appliqué tant aux affaires civiles qu'aux affaires criminelles, par M. COUPPEY. i III. Compte moral rendu par M. Noël -Agnès, maire de Cherbourg , de son administra- tion , pour l'exercice 1835. 81 IV. Éloge historique de Gilbert , par M. VE- RUSMOR. 125 Pages. Uodce sur la ddcouvcrle des restes d'une ha- bitation roniainc dans !a Miellé de Cher- bourg, et sur d'autres antiquités trouvées de no3 jours dans les arrondissements de Cherbourg et deValogncs, par M. Aug, ASSELIN. 157 YT. Les ["S Distiques de Muret , traduits en vers français , par M. Aug. ASSFXIN. 201 VU. Le Rappel, par M. A.-E. DELACIIA^ PELLE. 219 Vin. La Mort du Chrétien , parabole de La^^- ter, par M. Julien TRAVERS. 23S li. Le Silence , stances imitcfs de Pope , par M. Julien TRAVERS; S35 Dt<6cription succincte des Thalassiophyles inarticulées , recueillies sur les côtes de l'arrondissement de Cherbourg , par . M. P.-A. DELACHAPELLE. 327 XL Nouvelle Théorie des parallèles, suivie de deux articles , l'un sur la trisection de l'angle ) l'autre aur la eoniHiiictioij Je* plans hydrographiques , par "M. J.-F.-B. LE MON JN 1ER. 3n ^^:^,M.,J:^^ Fit/. 4. u K - • y B H.. B/ / / *^ K A c o •r- E 4. HV Fi<î.lo. . 0 ;••: Fie;. i5. E h""-L lU J IhII rf. BPitufort -. Ltnnjnf „ % ^- r G - B li > F M D Fi Lf . '-t. D F I B \ C K BI Fiif.Z.L Fiif.U. o \ ri — H Fi