WHITNEY LIBRARY,

HARVARD UNIVERSITY.

THE GIFT OF JD VA ETIENNE Sturgis Hooper Professor

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MUSEUM OF COMPARATIVE ZOOÜLOGY ds 6

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MÉMOIRES

SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE

DE FRANCE.

Se trouve à Londres,

Cuez BOSSANGE, BARTHÉS er LOWELL ; LIBRAIRES,

14, GREAT MARLBOROUGH STREET.

PARIS. IMPRIMERIE DE BOURGOGNE ET MARTINET, Imprimeurs de la Société géologique de France, RUE JACOB, 50.

MÉMOIRES SOCIETÉE GEOLOGIQUE

DE FRANCE.

DEUXIÈME SÉRIE.

A | Premi 3 ome firerner Tee renuere fiarti.

PARIS,

P. BERTRAND, LIBRAIRE, RU S-ARCS, 98.

E SAINT-ANDRÉ-DE

1844.

lverthement

La Société déclare qu'elle laisse aux Auteurs la responsabilité des faits et des opinions contenus dans leurs Mémoires.

LISTE DES MEMBRES

DE LA

SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE DE FRANCE,

EN MARS 1844.

COMPOSITION DU BUREAU.

Président :

M. le vicomte D'ARCHIAC DE SAINT-SIMON.

Vice-Présidents::

M. ÉLIE DE BEAUMONT.. M. DE BONNARD.

M. DESHAYES. M. Alcide D’'ORBIGNY. Secrétaires : : Vice-Secrétaires :

M. ANGELOT, pour la France. M. DE WEGMANN.

M. DE PINTEVILLE , pour l'étranger. M. RAULIN.

Trésorier. | Archiviste. M. VIQUESNEL (Auguste). M. CLÉMENT-MULLET,

Membres du Conseil :

M. À. PASSY. M. Constant PREVOST. M. CORDIER. M. WAEFERDIN.

M. DUFRÉNOY. M. DE VERNEUIL.

M. ROZET, M. le marquis de ROyYS. M. DESNOYERS. M. Ch. D'ORBIGNY.

M. LEBLANC. M. BONTEMPS.

vi LISTE DES MEMBRES

MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ.

MM.

ABICB, Conseiller de la Cour et professeur de minéralogie et géognosie, à Dorpat (Livo- nie).

ADAM (Gilbert-Joseph), Inspecteur général des Finances, rue Saint-Dominique , 46, à Paris.

AGaRD , Concessionnaire de mines, rue du Col- lége, à Aix (Bouches-du-Rhône).

AGassiz, Docteur en médecine et en philoso- phie, Professeur d'histoire naturelle, à Neu- châtel (Suisse).

aïROLDI, de Palerme, Membre de plusieurs Sociétés savantes, à Florence (Toscane).

ALLUAUD aîné, fabricant de porcelaine, à Li- moges (Haute-Vienne).

aLTE (Aloïse d'), Docteur en droit, à Tscherno- vitz (Autriche).

anoRé (César), Propriétaire , à Aix (Bouches- du-Rhône).

aNGELOT (Victor-Firmin), Avocat à la Cour royale, rue Saint-Jacques, 157, à Paris.

ARCHIAC DE SAINT-SIMON (le vicomte Adolphe d’), rue Vanneau, 29 bis, à Paris.

ARNOZAN (Henri) , Interne de l'asile des Alié- nés, grande rue Saint-Jean, à Bordeaux (Gironde).

AUBÉ (Léonce), Agent consulaire, à Sainte- Catherine (Brésil).

AUBÉRY, Négociant, à Orange (Vaucluse).

AvOUT (Léon d’), Capitaine du génie en chef, à Moulins (Allier).

AVRIL Charles), Graveur, rue des Noyers, 33, à Paris.

AUXY (le marquis Gaston d’), à Frasne-Buise- nal, par Tournay (Belgique).

AUZANNEAU, Professeur de mathématiques au collége de Saint-Maixent (Deux-Sèvres).

BADDELE Y (Frédéric-Henri), Capitaine au corps royal des ingénieurs , à Glascow (Écosse).

BALLY (le docteur), rue Jacob, 50, à Paris, et à Villeneuve-sur-Yonne (Yonne).

BALSAMO-CRIVELLI, Professeur d'histoire na- turelle , à Milan (royaume Lombardo-Véni- tien.

BANCENEL (de), Capitaine du génie, à Grenoble (Isère).

BARBAN (Charles), Naturaliste, cours Léotaud, 6, à Marseille (Bouches-du-Rhône).

BARNÉOUD (Marius) , Licencié ès-sciences , rue Mazarine. 80, à Paris.

MA. \

BARTHÉLEMY , Directeur du Muséum d'histoire naturelle de Marseille, correspondant du Muséum de Paris, à Marseille (Bouches-du- Rhône).

BASTÉROT (de, rue de la Villel'Évêque, 14, à Paris, et à la Choltière par le Blanc (Indre).

BAUGA, Médecin en chef de l’hôpital de Cognac, à Cognac (Charente).

BAZIN (Armand), Propriétaire, au Mesnil-Saint- Firmin, par Breteuil-sur-Noye (Oise).

BEAUDOUIN (Gustave), Officier d'artillerie, à Mutzig (Bas-Rhin). <

BEAUDOUIN (Jules) , Licencié en droit , à Châ- tillon-sur-Seine (Côte-d'Or).

BELLARDI, Membre de plusieurs Sociétés sa- vantes, ruedes Marchands, 30, à Turin (Pié- mont).

BÉRAUD , Notaire, à Aix (Bouches-du-Rhône).

BERNARD , Propriétaire à Bourg (Aïn).

BERNARD (Augustin), Botaniste, à Nantua (Ain).

BEROLDINGEN (lecomte François de), Chambel- lan de l’empereur d'Autriche, à Vienne (Au- triche).

BERSET (DE), rue Marmoreau, à Laval (Maine.

BERTIIELOT, Ancien chef de section du canal de Marseille, à Grenoble (Isère).

BERTHIER, Membre de l’Institut, Inspecteur général des mines, rue Crébillon, 2, à Paris.

BERTI, Avocat, à Padoue (royaume Lombardo- Vénitien).

BERTRAND DE DOUE, Membre étranger de la Société géologique de Londres et d’autres Sociétés savantes, au Puy-en-Velay (Haute- Loire). 3

BERTRAND-DE-LOM, Minéralogiste, rue Saint- Jacques, 340, à Paris.

BERTRAND-GESLIN, Membre de plusieurs So- ciétés savantes, sur les Boulevards, 19, à Nantes (Loire-Inférieure).

BIANCONI (Joseph), Professeur d'histoire natu- relle à l’Université de Bologne, à Bologne (Etats Romains).

BILLAUDEL, Ingénieur en chef des ponts et chaussées, Député, rue de Madame, 3, à Paris.

BLAINVILLE (DE), D. M., Membre de l’Acadé- mie des Sciences, Professeur à la Faculté des Sciences et au Muséum d'histoire .natu-

DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE. vi

MM. relle, au Muséum d'histoire naturelle, à Paris.

BLAVIER, Ingénieur en chef des mines, à Douai (Nord). À

BLÔDE, Colonel des mines, à l’état-major des mines, à Saint-Pétersbourg (Russie).

BOISSY (Saint-Ange DE), Propriétaire, rueSaint- Laurent, 8, à Nantes (Loire-Inférieure).

BONNARD (DE), Membre de l'Institut, Inspec- teur général des mines, rue Neuve-des-Ma- turins, 6, à Paris.

BONTEMPS , Officier supérieur d'état-major, rue Monthabor, 39, à Paris.

BOSC (Pierre), Négociant au Chapeau-Rouge, à Bordeaux (Gironde).

BOSTOCK , D. M., Membre de la Société géolo- gique de Londres , 22, Upper Bedford Place, Russell-Square , à Londres (Angleterre).

BOUBÉE (Nérée), Professeur de géologie, rue Guénégaud, 19, à Paris , et à Saint-Bertrand de Comminges (Haute-Garonne).

BOUCAULT, Vice-président de la Société des Sciences naturelles de Semur, à Semur (Côte- d'Or).

BOUCHARD - CHANTEREAUX , Membre de plu- sieurs Sociétés savantes, à Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais).

BOUCHEPORN (DE), Ingénieur des mines, à Tou- louse (Haute-Garonne).

BOUÉ (Ami), Docteur-médecin, Membre de plusieurs Sociétés savantes, Mittersteig schloesselgasse, 594, Wieden, à Vienne (Au- triche). ;

BOUFFARD (L.), Géographe et Graveur, rue Bagneux, 7, à Paris.

BOUILLET, Membre de plusieurs Sociétés sa- vantes, chez M. Charolais, rue du Port, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).

BOUQUOT, Conducteur des ponts et chaussées, à Cannes (Var). :

BOURASSIN, Pharmacien, à Quimper (Finis- tère). Fe

BOURGOGNE , Imprimeur de la Société, rue Jacob , 30, à Paris.

BOURJOT, Professeur d'histoire naturelle au collége Bourbon, rue Geoffroy-Lasnier, 28, à Paris.

BOUVY-DE-SCHOMENBERG , Ingénieur civil des mines, rue de Llauder , 5, à Barcelone (Es- pagne).

MM.

BRAUN (Max.), Ingénieur civil des mines, à

Carlsruhe (grand-duché de Bade).

BREUNER (le comte Auguste), Chambellan, Conseiller supérieur du Ministère des finan- ces (section des mines), à Vienne (Autriche).

BRIOTET, Garde-mines, à Poitiers (Vienne).

BROCHANT (Hippolyte), Avocat, rue Saint-Do- minique-Saint-Germain, 73, à Paris.

BRONGNIART (Alexandre), Membre de lPAcadé- mie des Sciences, Professeur de minéralogie au Muséum d'histoire naturelle, rue Saint- Dominique-Saint-Germain , 71, à Paris.

BRONGNIAR1T (Adolphe), Membre de lAcadé- mie des Sciences, Professeur de botanique au Muséum d'histoire naturelle, au Jardin- des-Plantes, à Paris.

BROUILLET , Notaire, à Charroux, arrondisse- ment de Civray (Vienne;.

BRUNEL (Pierre-Éloi), Capitaine d'artillerie, allée Lafayette, à Toulouse (Haute-Garonne).

BUCHWALDER, Colonel du génie, à Delémont, canton de Berne (Suisse).

BUCKLAND , Professeur de géologie à lPUniver- sité d'Oxford, etc., à Oxford (Angleterre). BUNBURY (Edward Herbert) , Secrétaire de Ja Société géologique de Londres, Lincoln’s Inn

Fields, 15, à Londres (Angleterre).

BURAT (Amédée), Ingénieur civil, rue d’Anjou- Saint-Honoré, 35, à Paris.

BURDETT (le colonel), place Vendôme, 23, à Paris, et Cornwal Cottage Yorck, place Re- genŸs park , à Londres (Angleterre).

BURGUET, Directeur du Muséum d'histoire na- turelle et Secrétaire de la Société linnéenne de Bordeaux, à Bordeaux (Gironde).

BUTEUX, Membre du conseil général du dépar- tement de la Somme, à Fransart, près Roye.

BU VIGNIER (Amand), à Verdun (Meuse).

caPpOCCI (Ernest , Directeur de l'Observatoire de Naples, à Naples (Royaume des Deux- Siciles).

GASARETTO (Jean), à Gênes (Etats-Sardes).

CATULLO (R.-A.), Professeur d'histoire natu- relle à l’Université de Padoue, à Padoue (royaume Lombardo-Vénitien).

CHALLAYE (Charles), Attaché aux affaires étrangères, rue Jacob, 54, à Paris, et à Can- ton (Chine).

CHAMOUSSET (l'abbé), Professeur de physique au grand séminaire de Chambéry, à Cham- béry (Savoie).

VIII LISTE DES MEMBRES

MM.

cBassy, Major du 59° de ligne, à Rennes (Ille- et-Vilaine).

CHAUBARD, Naturaliste, rue de Seine-Saint- Germain , 68, à Paris.

CHAUVIN, Propriétaire, à Pisieux, près Mamers (Sarthe).

CHEVALIER (Eugène), Lieutenant de vaisseau, rue Jacob, 37, à Paris.

CHOULOT (le comte DE), à Mimont, près Pou- gues (Nièvre).

S.M. CHRISTIAN Vit, Roi de Danemark.

CHRISTOL (Jules DE), Professeur de minéralo- gie et de géologie à la Faculté des Sciences de Dijon (Côte-d'Or),

CHRISTOPHE-COLOMB, Propriétaire, sur le Cours, 86, à Toulon (Var).

CLAUSSEN (Pierre), Membre de l’Institut bré- silien, à Rio-Janeiro (Brésil).

CLÉMENT-MULLET, Membre de plusieurs Socié- tés savantes, rue de Paradis-Poissonnière, 52, à Paris.

COLOMBIER, Propriétaire, rue Faubourg-Bour- gogne, 1, à Orléans (Loiret).

COQUAND, Directeur de mines de cuivre, chez M. le comte Lardirel , à Campiglia, près Li- vourne (Toscane).

CORDIER, pair de France, Inspecteur général des mines, Membre de l’Académie des Scien- ces, rue Cuvier, 25, à Paris.

CORNUEL, Avocat-avoué, à Wassy (Haute- Marne).

COTTEAU (Gustave), Étudiant en droit, à Cha- telcensoir, par Coulanges-sur-Yonne (Yonne).

CoTTET, Professeur à l’École normaleprimaire de Troyes (Aude).

COUPERY, Avocat à la Cour royale, faubourg Poissonnière, 6, à Paris.

COUVREUX (Charles), Maître de forges, à Chà- tillon-sur-Seine (Côte-d'Or).

COYNART.(Arsène DE), Capitaine d'état-major, rue de Beaune, 5, à Paris.

CROIZET (l'abbé), Curé de Neschers, par Is- soire (Puy-de-Dôme).

CURTET, Capitaine du génie, rue Neuve- Luxembourg, 8, à Paris.

DAMOUR, Sous-chef au Ministère des affaires étrangères, rue de la Ferme-des-Mathurins, 10, à Paris.

DARWIN, Membre dela Société géologique de Londres, Great-Marlborough Street, 36, à Londres (Angleterre).

MM.

DAUBRÉE (Auguste), Ingénieur des mines, Pro- fesseur à la Faculté des sciences de Stras- bourg, à Strasbourg (Bas-Rhin).

DAVIDSON (Thomas), Esq', Muirhouse et Hat- ton , près d'Edimbourg (Ecosse).

DEFRANCE , Membre de plusieurs Sociétés sa- vantes, à Sceaux (Seine), et rue Godot-Mau- roy, 8, à Paris.

DEGOUSÉE, Directeur de la compagnie géné- rale de sondage, rue de Chabrol, 35, à Paris.

DELAFOSSE, Professeur de minéralogie à la Faculté des sciences, rue d’Enfer, 47, à Paris.

DELANOUE, à Vicogne, près Anzin (Nord).

DELAVAL , Ingénieur civil, rue Saint-Georges, 15, à Paris.

DELESSE (Achille), Ingénieur des mines, à l’É- cole des mines, rue d’Enfer, 34, à Paris.

DELHOMME, Professeur, à Bressuire (Deux- Sèvres).

DELNEUFCOURT, Ingénieur des mines, à Mons (Belgique).

DE MEY , Docteur en médecine, Propriétaire et Directeur de l'établissement des eaux ther- males de Saint-Gervais en Savoie,rue de Ma- dame, 6, à Paris.

DEMIDOFF (le comte Anatole DE), rue Saint- Dominique, 105, à Paris.

DENIS, Maire d'Hyères (Var), Membre dela Chambre des députés, rue de l’Université, 94, à Paris.

DESHAYES , Membre de plusieurs Sociétés sa-

vantes, Professeur de conchyliologie, rue des Marais-Saint-Germaïin, 19. à Paris.

DESMOULINS (Charles), Membre de plusieurs Académies, au château de Lanquais, par Lalinde (Dordogne).

DESNOYERS (Jules), Secrétaire de la Société de l’histoire de France et Bibliothécaire au Muséum d'histoire naturelle, à Paris.

DESPINE, Inspecteur général des mines, à Turin (Piémont).

DESPLACES DE CHARMASSE , Propriétaire, à Autun (Saône-et-Loire).

DESPORTES (Narcisse) , Conservateur du Mu- séum d'histoire naturelle du Mans (Sarthe).

DESPRÉAUX, Docteur en médecine, à l'hôpital militaire de Marseille , à Marseille (Bouches- du-Rhône).

DEVILLE , Ancien élève de l’Ecole des mines, rue Cassette, 24, à Paris.

DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE. x

MM.

DEVONSHIRE-SAULL (William), Membre des Sociétés géologique et astronomique de Londres , 15, Aldergate-Street, à Londres (Angleterre).

DIDAY, Ingénieur des minés, à Marseille. (Bouches-du-Rhône).

DOAZAN (Paulin-Jules) , Chancelier du consu- lat de France, à Palma (îles Baléares).

DOUBLIER, à Draguignan (Var).

DRÉE (le marquis DE), rue Saint-Guillaume, 27, à Paris.

DUFRÉNOY , Ingénieur en chef des mines, Membre de l'Institut, Professeur à l’École des mines et à celle des ponts et chaussées, Inspecteurdes études à l'Ecole desmines, elc., rue d'Enfer, 34, à Paris.

DUGUÉ , Ingénieur des ponts et chaussées, à Mamers (Sarthe).

DUMAS (Emilien), à Sommières (Gard).

DUMONT, Professeur de minéralogie, rue de la Régence, 7, à Liége (Belgique).

DUPERREY, Membre de l’Institut, Capitaine de frégate, rue de Furstemberg, 6, à Paris.

DUPUY , Colonel d'état-major en retraite, Membre de l'Académie des Sciences de Tou- louse, rue et faubourg Saint-Michel, 35, à Toulouse (Haute-Garonne).

DUROCHER, Ingénieur des mines, à Rennes (Ille-et-Vilaine).

DUTEMPLE (P.-P. Aimé), Propriétaire, à Pierry, près Epernay (Marne),

DUVAL (Louis-Victor), Directeur des forges de Saint-Laurent en Royans (Drôme).

EDHEM-BEY (le général), au Caire (Egypte).

ÉLIE DE BEAUMONT, Membre de l’Institut, Professeur au Collége de France, Ingénieur en chef des mines, etc., avenue de Boufflers, 3 bis, à Paris.

ERBREICH, Ingénieur des mines, à Brieg (Prusse).

ESTIENNE (Edouard), Docteur en médecine, rue de Varennes, 44, à Paris.

ÉTAULE (D’), Capitaine du génie, rue du Fau- bourg-Montmartre, 54 bis.

EZQUERRA DEL BAYO (Joaquin), Professeur à l'école des mines de Madrid , et Membre de la direction générale des mines, à Madrid (Espagne).

FAVRE (Alphonse), à Genève (Suisse).

FAUVERGE (H.-G.), Membre de plusieurs So- ciétés savantes, rue deSèvres, 63, à Paris.

SOC. GÉOL. SÉRIE. T. I.

MM.

FERRIER DU CHATELET (le barGn DE), rue Ge Seine-Saint-Germain, 10, à Paris.

FILIPPI (Philippe pe), Docteur. médecin, à Milan (royaume Lombardo-Vénitien).

FISHER (le rév. John Hutton), Membre de la Société géologique de Londres, à Kirby- Lonsdale (Angleterre).

FITTON (William-Henry), Membre des Sociétés royale et géologique de Londres, à Londres (Angleterre).

FLEURIAU DE BELLEVUE, Correspondant de l'Académie des Sciences, etc., à La Rochelle (Charente-Inférieure).

FONSCOLOMBE (DE), Propriétaire, à Marseille, (Bouches-du-Rhône).

FORSTER (L.-W.), Membre de la Société géolo- gique de l'Ohio, à Zanesville , Ohio ( Etats- Unis d'Amérique).

FOURCY (DE), Ingénieur des mines, rue du Pot- de-Fer, 14, à Paris.

FOURNET, Ingénieur civil des mines, Directeur des mines d’Aniche , par Cambray (Nord).

FRAPOLLI, rue d'Enfer, 47, à Paris.

FRÉMERY (Nicolas Corneille ne), Professeur de chimie et de minéralogie, à l’Université d'Utrecht, à Utrecht (Hollande).

FRÉTEAU DE PÉNY (Héracle), rue Sainte-Croix- d’Antin, 1, à Paris.

GALLIENNE, Curé de Sainte-Cérotte, à Sainte- Cérotte, par Saint-Calais (Sarthe).

GARRAN (Félix), Ingénieur civil des mines, à Saint-Maixent (Deux-Sèvres).

GEFFROY (Prosper), Docteur-médecin , rue de Vaugirard, 41 bis, à Paris.

GENTE (Aug.), Membre de plusieurs Sociétés savantes, rue de Bussy. 14, à Paris.

GERVAIS (Paul), rue Neuve-Saint-Etienne, 7, à Paris.

GILLOT (Aug.) , Conservateur du cabinet mi- néralogique de Nevers, cité Berquin , 9, à Nevers (Nièvre).

GILLOTE(Jos.), Propriétaire, à Nuits (Côte-d'Or).

GIULI (Joseph), Professeur d'histoire naturelle, à Sienne (Toscane).

GLEIZES (Auguste), Colonel du génie en re- traite, commandeur de la légion d'honneur, rue Boulbonne, 50, à Toulouse (Haute-Ga- ronne).

GODELLE (Camille), Membre du conseil général du département de l'Aisne, à Guise (Aisne).

GOEPPERT , Professeur d'histoire naturelle, et

B

x LISTE DES MEMBRES

MM.

Membre de plusieurs Académies et Sociétés savantes, à Bresiau (Silésie).

GOSSART, Pharmacien, à Mons (Belgique).

GOUVENOT, Curé d’Auxonne, à Auxonne (Côte- d'Or).

GRAFF (Léonhard), Ingénieur civil des mines, rue Lafayette, 6, à Grenoble (Isère).

GRANGE, Médecin de la marine, rue Pavée- Saint-André-des-Arcs, 15, à Paris.

GRAS, Ingénieur des mines, à Grenoble (Isère).

GRASSET, Maire de Mauriac, à Mauriac (Cantal)

SREENOUGH (G.-B.), membre des Sociétés royale et géologique de Londres, etc.,à Lon- dres (Angleterre).

GUEYMARD , Ingénieur en chef des mines, à Grenoble (Isère).

GUIBAL, Ancien élève de l’École polytechnique, faubourg Stanislas, 1, à Nancy (Meurthe).

GUIET (l'abbé), Aumônier de l’hospice civil et militaire d'Aix, à Aix (Bouches-du-Rhône).

GUILLEMIN (Jules), Directeur gérant des forges, fonderies et laminoirs d’Anzin (Nord).

GUIRARD (Victor), Concessionnaire de mines, à Puget-les-Fréjus (Var).

HAGUETTE , Docteur en médecine, rue des Déchargeurs, 3, à Paris.

HAUSER, Négociant, boulevard du Gommier, à Marseille (Bouches-du-Rhône).

HAUSLAB (DE), Lieutenant-colonel au corps des ingénieurs-géographes autrichiens, à Vienne (Autriche.

HENNEZEL (DE), Ingénieur des mines, à Ville- franche-de-Rouergue (Aveyron).

HENWVOOD (W.-J.), Secrétaire de la Société royale géologique du Cornouaiïlles, Clarence- Street, 4, à Penzance (Angleterre).

HÉRICART DE TEURY (le vicomte), Membre de l'Académie des Sciences, Président des So- ciétés d'agriculture et d’horticulture, rue de l’Université, 29, à Paris.

HIBBERT-WARE (Samuel), Docteur en méde- cine , Membre de la Société royale d’Édim- bourg et de plusieurs autres Sociétés sa- vantes, à York (Angleterre).

BISINGER, Membre de l'Académie des Sciences et de plusieurs autres Sociétés savantes , à Stockholm (Suède).

OSFER, docteur en médecine, passage Tivoli, 14, à Paris. ;

ROENINGHAUS , Membre de plusieurs Sociétés savantes, à Crefeld, en Westphalie (Prusse).

MM.

HOGARD (Henri), Membre de plusieurs Sociétés savantes, à Épinal (Vosges).

HOLDSWORTH (J.), Esq., Leicestershire, à Sou- thampton (Angleterre).

HOMBRES-FIRMAS (le baron D’), Correspondant de l’Institut, à Alais (Gard).

HOMMAIRE DE HELL, Ingénieur civil des mines, rue des Beaux-Arts, 4 bis, à Paris.

HORNER (Léonard), Membre des Sociétés royales de Londres et d’Édimbourg, et de la Société géologique de Londres, 2, Bedford, Place Russell-Square, à Londres (Angle- terre).

HOTESSIER (Saint-Cyr), Propriétaire, à Marie- Galande, rue Neuve-des Capucines, 7, à Paris.

HUGARD (J.), place Saint-Victor, 8, à Paris.

HUNTER (William Perceval), membre de la So- ciété géologique de Londres, à Londres (An- gleterre).

auoT, Membres deplusieurs Sociétés savantes, à Versailles (Seine-et-Oise).

ITIER, Inspecteur des douanes, à Belley (Aïn).

JACKSON (Charles-J.), D. M., Membre de plu- sieurs Sociétés savantes, à Boston, Massachu- setts (États-Unis d'Amérique).

JAMESON (Robert), Professeur de géologie, etc., 21, Royal circus, à Edimbourg (Ecosse).

JAN (Georges), Professeur de botanique à l’Université de Parme, à Parme (duché de Parme.)

JANICOT , Répétiteur de chimie à l’école de Saint-Etienne (Loire).

JAY (John-Clarkson), M. D., Trésorier du Lycée d'histoire naturelle, à Bond-£treet, 22, New- York (Etats-Unis d'Amérique).

S. A. I. l’Archiduc JEAN D’AUTRICHE, à Vienne (Autriche).

JÉHAN , rue du Cygne, 8, à Tours (Indre-et- Loire). et au château du Poradis, près Blézé (Indre-et-Loire).

JENNINGS (Marc), Agent général de la compa- gnie des mines d’Anzin, rue Neuve-des-Capu- cines, 12, à Paris. ,

JUSSIEU (Adrien DE), Membre de l’Académie des Sciences, Professeur au Muséum d'his- toire naturelle, au Jardin des Plantes, à Paris.

KEILHAU , Professeur de minéralogie à l’Uni- versité de Christiania, à Christiania (Nor- vége).

KEYSERLING (le comte pr), Officier des mines

DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE. xI

MM. au corps des mines de Saint-Pétersbourg (Russie.)

KLENCK (Alphonse) , Manufacturier , à Vy-les- Lure (Haute-Saône).

KLIPSTEIN (DE), Professeur à l'Universilé de Giesen, à Giesen (Hesse-Darmstadt).

LABADYE (Eugène DE), Propriétaire, rue de la Ferme-des-Mathurins, 12, à Paris.

LA BÈCHE (DE), Secrétaire pour l'étranger de la Société géologique de Londres, etc., So- merset house, à Londres (Angleterre).

LACORDAIRE, Ingénieur en chef des ponts et chaussées , à Dijon (Côte-d'Or).

LAGUENS , Juge au tribunal civil , à Bagnères- de-Bigorre (Hautes-Pyrénées).

LAISNE, Professeur de mathématiques au col- lége Rollin, rue des Postes, 4, à Paris.

LAIZER (le colonel comte DE), à Clermont- Ferrand (Puy-de-Dôme).

LA JOYE (Félix) , Propriétaire, rue du Pot-de- Fer, 20, à Paris.

LA MARMORA (Albert DE), Général au corps royal d’état-major-général de S. M. sarde, à Gênes (Etats Sardes).

LAMBEL (le comte DE) , Général du génie, rue Saint-Dominique, 37, à Paris,

LAMOTHE (DE), Capitaine d'artillerie employé à l’École d'application, à Metz (Moselle).

LANDRIN (Henri) , Ingénieur civil, à Paris.

LANDRIN fils (Charles-Henri) , à Paris.

LANDRIOT (l'abbé), Supérieur du petit sémi- naire d’Autun , à Autun (Côte-d'Or).

LARDY , Conservateur des forêts du canton de Vaux a Lausanne (Suisse).

LARÉVEILLERE LÉPEAUX , rue Royale-Saint- Honoré, 20, à Paris.

LAS-CASES (le comte Emmanuel de), Membre de la Chambre des députés, rue Saint-Flo- rentin, 9, à Paris.

LA TOURETTE (DE), Docteur-Médecin, à Lou- dun (Vienne).

LAURILLARD , Conservateur du cabinet d’ana- tomie comparée, au Muséum d'histoire na- turelle, à Paris.

LA-VIA (le Père), Prieur des Bénédictins, à Ca- lane (Sicile).

LEBLANC, Chef de bataillon du génie, rue Madame, 3, à Paris.

LECAISNE-LEMAIRE , Propriétaire, à Saint- Quentin (Aisne).

LECHATELIER , Ingénieur des mines, rue Ma- dame, 1, à Paris.

MM.

LE COCQ , Ingénieur des mines à l’Arsenal, di- rection des poudres, à Paris.

LEGUILLOU (Elie), Chirurgien de la marine, rue du Four, 70, à Paris.

LENOIR (P.-N.), rue Saint-Hyacinthe-Saint-Mi- chel, 19, à Paris.

LEVALLOIS Ingénieur en chef des mines, à Dieuze (Meurthe).

LEVÊÈQUE (l'abbé), Professeur à l'institution de l'abbé Poilou, à Vaugirard, près Paris.

LEYMERIE, Professeur de géologie à la Faculté des sciences de Toulouse , rue Deville, 11, à Toulouse (Haute-Garonne).

LINTH (Escher DE La), à Zurich (Suisse).

LOCKHANT, Directeur du Cabinet d'histoire naturelle d'Orléans, Membre de plusieurs Sociétés savantes , à Orléans (Loirei).

LOGAN (William-Edmond) , à Montréal, C2- nada (Amérique du Nord).

LOISSON DE GUINAUMONT, rue de la Victoire, 12, à Paris.

LORRIEUX (Théodore), Ingénieur en chef des mines, à Nantes (Loire-Inférieure).

LUCE , Propriétaire, rue du faubourg Poisson- nière, 62, à Paris.

LYELL (Charles) , Membre des Sociétés royale et géologique de Londres, et de plusieurs So- ciétés savantes, à Londres (Angleterre).

MACEDO (Jose da Costa de), Secrétaire perpé- tuel de l'Académie des sciences de Lisbonne, à Lisbonne (Portugal).

MAIRE (Ernest), Avocat, à Lunéville (Meurthe).

MALBOS (Jules DE), au château de Bérias, près Les Vans (Ardèche).

MALINOWSKI (Jacques), Licencié ès-sciences naturelles, Professeur d'allemand au collége de Semur, à Semur (Côte-d'Or).

MANDELSLOHE (le comte DE), Membre de plu- sieurs Sociétés savantes, et Conseiller fores- tier, à Ulm (Wurtemberg).

MANNATI (Hyacinthe), place Charles-Félix, 14, à Turin (Piémont).

MARCHAND , Inspecteur des forêts, à Porren- truy (Suisse).

MAROT , Ingénieur en chef des mines, à Péri- gueux (Dordogne).

. MARSCHALL (le comte DE), Chambellan et em-

ployé supérieur au ministère des mines, à Vienne (Autriche). MARTIN (Eugène), à Hyères (Var).

XIT

MM.

MARTIN (Honoré), Professeur, aux Martigues (Bouches-du-Rhône).

MARTINS (Charles), Docteur ès-sciences, agrégé à la Faculté de médecine de Paris, rue Pa- radis-Poissonnière, 40, à Paris.

MARY , Ingénieur en chef des ponts et chaus- sées, rue de la Chaïse, 24, à Paris.

MATHERON (Philippe), Agent-voyer en chef, boulevard Chave, 51, à Marseille (Bouches- du-Rhône).

MAUDUYT, Conservateur du Cabinet d’histoire naturelle de Poitiers, à Poitiers (Vienne). MAY, Directeur de mines, rue Faubourg-Pois-

sonnière, 74, à Paris.

MELLEVILLE , Propriétaire, à Laon (Aisne).

MÉRIAN (Pierre), Professeur, à Bâle (Suisse).

MERMET , Agrégé des sciences , professeur de physique au collége de Pau, à Pau (Basses- Pyrénées).

MEYENDORE (le baron DE), Conseiller des finances, directeur du commerce à Moscou (Russie).

MEYNARDI (Charles), Avocat, place Victor- Emmanuel, 2, à Turin (Piémont).

MICHEL (G.), Concessionnaire de mines, rue Bellegarde , 13, à Aix (Bouches-du-Rhône). MILLARD (Auguste), Propriétaire , rue de la

Vieille-Estrapade, 3, à Paris.

MILLET (César), àla Direction générale des eaux et forêts, à Paris.

MILLET, Secrétaire général de la Société d’A- griculture , Sciences et Arts d'Angers , à An- gers (Maine-et-Loire).

MIRANDA CASTRO (DE), rue et hôtel Corneille, 5, à Paris.

MOLINI, Libraire, à Florence (Toscane).

MONTALEMBERT (de Fourhoüe), Officier supé- rieur en retraite, à Guéret (Creuse), et rue de Milan, 11, quartier Saint-Lazare, à Paris.

MORDRET, Ingénieur en chef des ponts et chaus- sées, à Pithienville, par Évreux (Eure).

MOREAU, Professeur de mathématiques au collége d’Avallon, à Avallon (Yonne).

MOREAU (Adolphe), Juge au tribunal de Saint- Mihiel, à Saint-Mihiel (Meuse).

MOREAU , Bibliothécaire , à Saintes (Cherente- Inférieure).

MULOT , Mécanicien, entrepreneur de puits ar- tésiens, rue Rochechouart, 67, à Paris.

MURCHISON (Roderick-Impey) , Membre des Sociétés royale et géologique de Londres, 16, Belgrave-Square, à Londres (Angleterre).

LISTE DES MEMBRES

MM.

MUTEL-DELISLE, Avocat à la Cour royale, quai de la Tournelle, 41, à Paris.

NAGELMACKERS(Armand), Directeur des mines de houille de Siero et Langreo, à Oviedo, dans les Asturies (Espagne).

NAYLIES (le colonel vicomte DE), rue de Gre- nelle-Saint-Germain, 126, à Paris.

NEWBOLD le capitaine), assistant-commissaire à Kurnool, présidence de Madras (Inde).

NICOLESKO (Nicolas ne), Propriétaire, à Bu- charest (Valachie), et rue de Seïne-Saint- Germain , 66, à Paris.

NICOLESKO (Staurace-Alexandre DE), proprié- taire, à Bucharest (Valachie), et rue de Seine-Saint-Germain, 66, à Paris.

NICOLET, Pharmacien, à la Chaux-de-Fonds, canton de Neuchâtel (Suisse).

NIEPCE (Isidore), boulevard des Gobelins, 4, à Paris.

NODOT (Charles), Pharmacien, à Semur (Côte- d'Or).

NysT (Henri), Membre correspondant de l’A- cadémie royale des sciences et belles-lettres de Bruxelles, rue des Chats, 4, à Louvain (Belgique).

ODERNHEIMER (Frédéric), Ingénieur des mines à Dillenburg (duché de Nassau).

OLIVIER DE LA LEU, Propriétaire, à Cisay, par Montreuil-Bellay (Maine-et-Loire).

OMALIUS D'HALLOY (D), Membre de l’Acadé- mie royale de Bruxelles , à Halloy. près Na- mur (Belgique).

ORSIGNY (Alcide D’), rue Saint-Hyacinthe- Saint-Honoré, 4, à Paris.

ORBIGNY (Charles D’), Membre de plusieurs Sociétés savantes, rue de Seine-Saint-Ger- main, 47, à Paris.

PAILLETTE (Adrien), Ingénieur civil des mines, rue Montholon, 18, à Paris.

PARANDIER , Ingénieur en chef du chemin de fer de Dijon à Chälons, à Dijon (Côte-d'Or).

PARET , Ingénieur civil à la mine de Saint- Laurs, par Coulonges (Deux-Sèvres).

PARETO (le marquis Laurent), à Gênes (Etats Sardes).

PARIS (DE), ancien Magistrat, rue du Hasard, 13, à Paris.

PARISET , Docteur-médecin, secrétaire de l’A- cadémie de médecine , rue de Poiliers , 8, à Paris.

PAROLINI (Albert), Propriétaire, à Bassano,

DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE. x

MM. province de Vicence (royaume Lombardo- Vénitien).

PASINI (Louis), Membre de plusieurs Sociétés savantes, à Schio, près Vicence (royaume Lombardo-Vénitien).

passy (Antoine), sous-secrétaire d’État au dé- partement de lintérieur, membre de la Chambre des députés, rue Caumartin, 5, à Paris.

PEGHOUX , Docteur-médecin, à Clermont-Fer- rand (Puy-de-Dôme).

PELLISSIER (Victor), Capitaine d’artillerie, ad- joint à la manufacture d’armes de Saint- Étienne, à Saint-Étienne (Loire).

PEREZ, Docteur-médecin, à Nice (États-Sardes).

PERRIN, Officier en retraite, à Lunéville (Meurthe).

PERRIN (Willam ve), Ingénieur civil des mines, à Rouvray (Côte-d'Or).

PHILLIPS (John), Professeur de géologie et directeur du Muséum, à York (Angleterre). PILLA (Léopold) , Professeur de géologie à la Faculté des sciences de Pise, à Pise (Tos-

cane).

PINGAULT, Docteur-médecin, professeur d’his- toire naturelle à l'Ecole préparatoire de médecine et de pharmacie de Poitiers, à Poi- tiers (Vienne).

PINTEVILLE-CERNON (Antonin DE), Propriétaire, rue Neuve-Luxembourg , 27, à Paris.

PISSIS, Membre de plusieurs Sociétés savantes, rue Saint-Victor , 6, à Paris.

PITORRE , Docteur-médecin , rue Neuve-des- Capucines, 9, à Paris.

PLATTARD , Ingénieur civil des mines , à Rive- de-Gier (Loire).

POULLET (l'abbé) , Chef d'institution , à Senlis (Oise).

PRESTWICH (Joseph), Membre de la Société géologique de Londres, à Londres (Angle- terre).

PREVOST (Auguste), Propriétaire , rue Saint- Antoine, 165, à Paris.

PREVOST (Constant) , Professeur de géologie à la Faculté des sciences, Membre de la So- ciété philomatique , etc., à la Sorbonne, à Paris.

PROVANA DE COLLEGNO (Hyacinthe), de Turin ancien Officier d'artillerie, Doyen de la Fa- culté des sciences de Bordeaux, à Bordeaux (Gironde).

MM.

PUEL (Timothée), Docteur-médecin, rue Saint- Antoine, 164, à Paris.

PUTON (Ernest), Propriétaire, à Remire- mont (Vosges).

PUZOS , Sous-intendant militaire, rue de la Sourdière, 21, à Paris.

QUERRY, Vicaire général du diocèse de Reims, à Reims (Marne).

RAQUIN (l'abbé), Professeur à l'institution de M. l’abbé Poilou, à Vaugirard, près Paris. RASPAIL (Eugène), Directeur de l’usine à gaz à

Avignon (Vaucluse).

RATHIER (Antoine), Avoué, (Yonne).

RAULIN (Victor), Attaché au Muséum d'histoire naturelle, rue Sainte-Croix-de-la-Bretonne- rie, 28, à Paris.

REGGI (Ferdinand), Professeur à l’Université de Modène, à Modène (Duché de Modène). RÉGUIS, Chef d’escadron, Commandant l’artil- lerie de Marseille, à Marseïlle (Bouches-du-

Rhône).

REICHENBACH (le baron Karl), Docteur ès- sciences, et Directeur des mines et usines de Blansko (en Moravie), à Vienne (Autriche).

REINWARDT, Professeur, à Leyde (Hollande).

RENAUX , Architecte, à Avignon (Vaucluse).

RENDU (l’évêque), Secrétaire perpétuel de la Société royale académique de Savoie, à Chambéry (Savoie).

RENOIR , Professeur de mathématiques et de physique, à Belfort (Haut-Rhin).

REQUIEN, Administrateur du Muséum, à Avi- gnon (Vaucluse).

RÉVENAZ (Amédée), ancien élève de l'École polytechnique, rue du Sentier, 21, à Paris. REVERCHON, Ingénieur des mines, à Metz (Mo-

selle).

à Tonnerre

RIBOT, Capitaine du génie, à Cherbourg (Manche). k RIO (le comte Nicolo da), Membre de lInsti- tut impérial et royal Lombardo-Vénitien , à Padoue (royaume Lombardo-Vénitien). RIVIÈRE, rue de l'Est, 27, à Paris. ROBERT (Eugène) , Docteur en médecine , rue des Beaux-Arts, 2, à Paris. ROBERTON (le docteur), décédé. Sur la proposition du Conseil, la Société a décidé, dans sa séance du 9 novembre 1840, que lenom de M. Roberton serait maintenu sur la

liste commune , en témoignage de sa reconnaissance pour le legs qu’elle

en a recu,

XIV LISTE DES MEMBRES

MM.

ROBIN-MASSÉ , Docteur en médecine, à Saint- Amand-Mont-Rond (Cher. 4

ROBINEAU DESVOIDY , Docteur en médecine, à Saint-Sauveur (Yonne).

ROLLAND (Louis), Directeur de la mine de Layon -et- Loire, à Châlonnes-sur-Loire (Maine-et-Loire).

ROLLAND DU ROQUAN fils, Propriétaire, à Car- cassonne (Aude).

ROSALES (Henrique),chezM RamondelaSagra, caille de Altocha, 33, à Madrid (Espagne). ROTOVA (le comte DE), place de la Madeleine,

8, à Paris.

ROUAULT (A.), rue Neuve-Sainte-Geneviève, 2 bis, à Paris.

ROUSSEAU (Louis) , Aïde-naturaliste, au Mu- séum d'histoire naturelle, à Paris.

ROYER (Ernest), Maître de forges, à Cirey-le- Château (Haute-larne).

ROYS (le marquis DE), ancien élève de l'Ecole polytechnique, rue de Verneuil, 46, à Paris.

ROZET, Capitaine au corps royal d'Elat-major, rue du Bac, 102, à Paris.

RUELLE , Chef au ministère des finances , rue de la Michodière, 12, à Paris.

RUELLE, Payeur du trésor pour le département du Rhône, rue Sainte-Hélène, 14, à Lyon (Rhône).

RUELLE (Adrien), Ingénieur des ponts et chaus- sées, à Aurillac (Cantal).

RUINART DE BRIMONT (Claude-Edouard), Em- ployé au ministère des finances, rue Cas- sette, 7, à Paris.

RUUK (DE), Membre du conseil de régence, à Arnheim (Hollande).

SAINT-LAURENT (DE), Capitaine du génie, Boulevard des Capucines, 19, à Paris.

SALDANHA (le maréchal DE), Ministre de Por- tugal à Vienne (Autriche). ;

SALMEAN , Professeur de Chimie, à Oviédo, Asturies (Espagne).

SAPORTA (Charles DE), rue Grand’-Horloge, 21, à Aix (Bouches-du-Rhône).

SAUVAGE, Entrepreneur de sondages, rue d’Arcole, 19, à Paris.

SAVI (Paul), Directeur et professeur au Cabi- net d'histoire naturelle de l’Université de Pise, à Pise (Toscane).

SCHEYRER, Rentier, rue de l’Echiquier, 23, à Paris.

SCHMITT (Henri), Agent voyer en chef, à Niort (Deux-Sèvres).

MM.

SCHREIBERS (le chevalier DE), Conseiller de Cour, Membre des Etats-Généraux de l’Au- triche inférieure , Directeur du Cabinet im- périal d'histoire naturelle et membre deplu- sieurs Académies, à Vienne (Autriche).

SCHULTZ (Guill.), Membre de la direction gé- nérale des mines, à Madrid (Espagne).

SEDGWICK, Professeur woodwardien à l’Uni- versité de Cambridge, etc., à Cambridge (Angleterre).

SELLIGUE, Ingénieur civil à l'usine à gaz , ave- nue de Clichy, 67, aux Batignolles, près Paris.

SÉNARMONT (DE) Ingénieur des mines, rue Ga- rancière, 17, à Paris.

SHEPARD (Charles), Professeur d'histoire na- turelle au collége de Yale, à New-Haven, Connecticut (Etats-Unis d'Amérique).

SIBUET (le baron Prosper), Avocat et auditeur au conseil d'Etat, rue de la Paix, 14, à Paris.

SICOTIÈRE (Léon DE LA), Avocat , à Alencon (Orne).

SIMON (Victor), Secrétaire-Archiviste de l’Aca- démie royale de Metz, Vice-Président du tribunal civil de Metz, Président de la So- ciété d'histoire naturelle du département de Ja Moselle rue du Haut-Poirier, 10, à Metz (Moselle).

SISMONDA (Ange), Professeur de minéralogie , à Turin (Piémont).

SOBOLEWSKI (w.), Major au corps des ponts et chaussées, à Saint-Pétersbourg (Russie). SOLAGES (lemarquis DE), Propriétaire de houil-

lères, à Carmeaux (Tarn).

SOPWITH (Thomas), Ingénieur civil, Membre de la Société géologique de Londres , et de l'Institut des ingénieurs civils de Londres, à Newcastle-on-Tyne (Angleterre).

STOBIECKI (Lucien), Agent voyer central de Vaucluse, à Avignon (Vaucluse).

STUDER, Professeur de géologie, à Berne (Suisse).

TALABOT (Paulin), Ingénieur des ponts et chaussées, à Nimes (Gard).

TALAVIGNES ( Auguste), étudiant, rue du

Collége-Royal, 14, à Toulouse.

TASLÉ (Julien) , Vice-Président au tribunal de. première instance de Rennes, à Rennes (Ille- et-Vilaine).

TASSY, Docteur en médecine, rue de Hanovre, 10, à Paris.

TCHEFFKINE (le général), Major-général des

DE LA SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE. xV

MM. ingénieurs des mines, à Saint-Pétersbourg (Russie).

TCHIHATCHEFF (DE), Chambellan de S. M. l’em:- pereur de Russie, à St-Pétersbourg (Russie).

TEISSIER (Jules), Membre de plusieurs Sociétés savantes, à Anduze (Gard).

THIRRIA , Secrétaire du conseil général des mines, rue de Tournon, 17, à Paris.

THORENT, Vérific. des douanes, à Toulon. (Var).

THURMANN (Jules) , Directeur de l'Ecole nor- male , à Porrentruy, par Belfort (Suisse).

TORIBIO (Zancajo), Pharmacien, à la Havane, île de Cuba (Amérique).

TRIGER, Propriétaire, exploitant de mines, rue Belon, 5, au Mans (Sarthe), et aux mines du Désert, près Châlonnes-sur-Loire (Maine-et- Loire).

TROOST, Professeur, à Nashville, dans le Ten- nessée (Etats-Unis d'Amérique).

TROTTI (Louis), à Milan (royaume Lom- bardo-Vénitien ). ÿ

VALDAN (DE), Capitaine d'état-major , rue du Bac, 83, à Paris.

VAN BREDA, Secrétaire perpétuel de la Société hollandaise des sciences, directeur du musée Teïlevien, à Harlem (Hollande).

VAN-DEN-HECKE (labbé), Vicaire-général de lévêché de Versailles, rue Satory, 53, à Ver- sailles (Seine-et-Oise).

VAN-DER-MAELEN , Membre des Académies royales de Bruxelles et de Turin, etc., à l’é- tablissement géographique de Bruxelles (Belgique).

VAN-DER-WIJCK (le général), à Manheim (Grand-duché de Bade .

VAN-WINTER, Membre de la Société cuviérienne de Paris, à Leyde (Hollande).

VAULTRIN, Professeur d'histoire naturelle, au collége royal de Nancy (Meurthe).

VAUTERIN (Emile), Ingénieur civil des mines, à Collobrières (Var).

VEGEZZI BUSCALLA (Juvénal, Chef de division au ministère de l’intérieur, membre de plu- sieurs Académies , à Turin (Etats Sardes).

VÈNE, Ingénieur des mines, à Toulouse (Haute- Garonne).

VERNEUIL (Edouard pe), Avocat, rue de la Madeleine, 53, à Paris.

VIBRAY (le comte Paul DE), rue de Varennes, 10, à Paris:

VIEILBANC (DE), Propriétaire, à Thouars(Deux- Sèvres).

MM.

VIENNA Y (Paul ËE), au château du Val Pineau, près Mamers (Sarthe), et quai Saint-Michel, 25, à Paris.

VILLEMETTE, Ingénieur des mines, rue Saint- Louis. 5, aux Batignolles, près Paris, et à Gréasque, près Aix, par Roquevaire (Bou- ches-du-Rhône).

VILLENEUVE (DE). Ingénieur des mines, à Mar- seille (Bouches-du-Rhône).

VILLERS (DE), ancien officier du génie, rue Rumfort, 14, à Paris. !

VILLIERS DU TERRAGE (le vicomte DE), Pair de France, rue de Vaugirard, 17, à Paris.

VINARD, Ingénieur en chef des ponts et chaus- sées, à Nîmes (Gard).

VIQUESNEL (Auguste), Propriétaire, rue Neuve Saint-Georges, 5, à Paris. :

VIRICEL , Docteur-médecin, à Lyon (Rhône).

VIRLET D’AOUST (Théodore), Ingénieur civil des mines, rue de Castiglione, 6, à Paris.

WALFERDIN, Membre de plusieurs Sociétés sa- vantes, rue du Mont-Parnasse, 6, à Paris.

WARDEN (D.-B.), ancien Consul des Etats-Unis, correspondant de FlAcadémie royale des sciences, rue du Pot-de-Fer, 12, à Paris.

WATERKEYN , Professeur de minéralogie et de géologie à l’Université catholique de Lou- vain , à Louvain (Belgique).

WEGMANN (DE) , Propriétaire, rue Castellane, 12, à Paris.

WATT BLOODGOOD (DE), Président de l’Institut d’Albany, à Albany (Etats-Unis d'Amérique).

WURTEMBERG (le comte Guillaume DE), Colo- nel d’artillerie, à Stuttgard (Wurtemberg).

WYLD (James), Membre de la Commission ar- chéologique-de l'arrondissement d’'Epernay, et Membre correspondant de l’Académie de Reims, à Epernay (Marne).

YATES (James }, 49, Upper Bedford place, à Londres (Angleterre).

ZAHLBRUCKNER, Secrétaire particulier deS. A. I. l'Archiduc Jean d'Autriche, et Membre de plusieurs Sociétés savantes, à Vienne (Au- triche).

ZARCO DEL VALLE, Lieutenant-général , rue del Clavel, 1, à Madrid (Espagne).

ZIGNO (Achille DE), à Padoue (royaume Lom- bardo-Vénitien ).

Le Docteur GRAUGNARD , Agent de la’ Société; rue du Vieux-Colombier, 26, à Paris.

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MÉMOIRE

SUR QUELQUES UNES DES IRRÉGULARITÉS

QUE PRÉSENTE

LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE,

PAR M. ROZET,

CAPITAINE D’ÉTAT-MAJOR.

(Lu à l’Académie des Sciences, le 7 mars 1841.)

Le dépôt général de la guerre vient de publier le second volume de la Nouvelle description Géométrique de la France (1), ouvrage dans lequel M. le colonel Puissant, membre de l’Institut, a rassemblé les opérations primordiales , géodé- siques et astronomiques qui servent de fondement à la nouvelle carte de France, ainsi que tous les résultats numériques déduits de ces mêmes opérations.

Le chapitre V de ce second volume, intitulé Figure de la terre, renferme les résultats déduits de la comparaison entre un grand nombre d'observations géo- désiques et astronomiques , calculées et combinées par les savantes et élégantes méthodes de M. Puissant , qui intéressent au plus haut degré la Géologie.

Je vais présenter ici un court extrait de ce chapitre, en supprimant tous les calculs de hautes mathématiques sans lesquels il serait impossible d'arriver aux curieux résultats qui y sont consignés, mais en conservant néanmoins la marche suivie par l’auteur , afin de les rendre intelligibles à tous les géologues.

J'ai également placé à la suite de cet extrait les résultats d'observations géo- désiques et astronomiques, faites dans d’autres parties de l’Europe , qui confir- ment les découvertes de M. Puissant, ainsi que ceux déduits d'observations du pendule à secondes et du baromètre qui viennent aussi leur prêter un grand appui. Enfin , j'ai essayé de déduire de tous ces résultats quelques unes des con-

séquences remarquables , auxquelles ils conduisent, pour l’histoire géologique de notre planète.

(1) Deux volumes in-4°, avec cartes. Chez Piquet, quai de Conti. SOC. GÉOL. SÉRIE. T. L Mém. 1. 1

2 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS (N.1,p. 2.)

S | à Observations géodésiques et astronomiques faites en France.

Les opérations géodésiques pour la mesure d’arcs de méridiens exécutées au cap de Bonne-Espérance par Lacaille, à l'équateur par Bouguer et Lacondamine, en France par Cassini, en Laponie par Clairaut et Maupertuis, ont prouvé, con- formément à la théorie, que , sur la surface du globe terrestre , les degrés de la- titude vont en croissant de l'équateur aux pôles, où, par conséquent, elle est aplatie. Mais, la valeur de l’aplatissement variant selon que l’on compare entre eux deux de ces arcs, on a été porté à penser que quelques unes de ces mesures n'étaient pas d’une rigoureuse exactitude , ou que la terre différait sensiblement d’un ellipsoïde de révolution, solide que l’on avait cru convenir à l'ensemble des phénomènes que sa surface nous présente.

Après l'invention du cercle répétiteur par Borda, le gouvernement français, pour établir un système uniforme de poids et mesures , ordonna une nouvelle dé- termination de l'arc du méridien compris entre Dunkerque et le parallèle de Mont- jouy. Ce travail fut exécuté par Delambre et Méchain avec tout le soin désirable, et l’arc mesuré fut ensuite comparé à celui de l’équateur, parce que ce dernier a toujours inspiré beaucoup de confiance, et qu'il est très éloigné du premier. Cette comparaison , faite par une commission de savants français et étrangers, on en a déduit, en supposant la terre elliptique, pour la longueur du quart du méridien, à 13°/R-.20 00 CE ON RS 1 07/20 ItoiSeS

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Plus tard Delambre , ayant révisé ses propres calculs, et fait aux positions ap- parentes des étoiles employées par Bouguer , des modifications fondées sur une connaissance plus intime des lois de la nutation et de l’aberration, assigna au

quart du méridien une longueur de 5131111,4 avec un aplatissement de En au

. 1 ,. . A 2 lieu de + qu'il aurait trouver, comme M. Puissant le prouve dans son ou- vrage. Les valeurs des inégalités lunaires, tant en longitude qu’en latitude,

combinées par Laplace avec les mesures des degrés terrestres et les observations

, . 1 . . du pendule, ont donné pour aplatissement >, valeur qui paraît convenir

assez bien à l’ensemble du globe. La commission royale de la nouvelle carte de France , présidée par ce grand géomètre, voulut que l’on adoptât l’aplatisse- ment consigné dans la base du système métrique dans le calcul des positions géographiques des points, ce qui, du reste, ne pouvait donner que des diffé- rences peu sensibles.

Sur plusieurs points de la France, déterminés géodésiquement, on a fait des

(N.4,p.53) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 3 observations astronomiques pour en comparer les résultats avec ceux obtenus par la géodésie, et cette comparaison a révélé des anomalies notables. Dans un mémoire lu, en janvier 1833, à l’Académie des sciences , M. Puissant à montré que les différences entre les éléments géodésiques et astronomiques compa- rables, résultaient en partie de la supposition que les divers réseaux de triangles, dont est formé le canevas général de la carte de France, sont liés à une seule base, orientés à l’aide du seul azimuth, de belle assise sur l'horizon du Pan-

théon, et projetés sur un ellipsoïde , dont l’aplatissement est +. De là, des discordances plus ou moins sensibles entre des valeurs qui devraient être iden- tiques. Mais, en ayant égard à une rectification de la méridienne , entre Pithi- viers et la parallèle de Bourges , faite par M. le commandant Delcros, il s'établit un accord plus satisfaisant entre les côtés communs à ces réseaux et les sept bases mesurées en diverses parties de la France; et la plupart des résultats géodési- ques éprouvent des modifications qui les rapprochent des résultats astrono- miques. Toutefois, la relation entre la longitude et l’azimuth en un point quel- conque de la surface de la terre, qui est donnée par la théorie du sphéroïde irrégulier exposée au livre de la Mécanique céleste , est loin de se vérifier gé- néralement, ce qui tient, sans doute, aux influences locales dont la direction du fil à plomb se trouve affectée.

Pour discuter ce point délicat de géodésie, M. Puissant a effectué toutes les rectifications, exigées par la nature des choses , des principaux résultats dont il s’agit. Il a trouvé ainsi qu'à Dunkerque la latitude géodésique surpasse de 3 ,1 la latitude astronomique; qu’à Bourges, Evaux, Carcassonne et Montjouy , toujours sur la méridienne de Paris, les différences entre les latitudes géodési- ques et astronomiques allaient jusqu’à 7”, et celles entre les azimuths jusqu’à 23” et 26”. Sur le parallèle de Brest à Strasbourg , à Brest, Crozon , Saint-Martin-de- Chaulieu , Longeville et Strasbourg, les différences entre les latitudes géodési- ques et astronomiques ne dépassent pas 3”, mais entre les longitudes, elles vont jusqu’à 14" et jusqu’à 10” entre les azimuths. Pour le parallèle de Bourges à Angers, Puits-Berteau , Bréri, Genève, les différences des latitudes vont jusqu’à 9", celles des longitudes jusqu’à 16”, et celles des azimuths jusqu’à 38”. Pour le parallèle moyen, celui qui s'étend depuis la tour de Cordouan jusqu’à Fiume, en Istrie, à Marennes, la Ferlandrie, Omme, Montceaux et le mont Colombier, les différences entre les latitudes vont jusqu’à 9”, celles entre les longitudes jusqu’à 24", et celles entre les azimuths dépassent souvent 28’. Enfin, pour le dôme de Milan, situé sur le prolongement de ce parallèle hors de France, la latitude géodésique surpasse de 15” celle donnée par l'astronomie, et la longitude de 19 ,8. Pour une ligne de Marseille aux Pyrénées, à la tour de Borda, à l’ancien phare de Planier et à l'observatoire de Marseille, la plus grande différence entre les latitudes géodésiques et astronomiques n’est

4 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS (N-1,p. 4.) que de 3”, et celle des longitudes de 4”, mais celle entre les azimuths va jusqu’à 31”, et même 41[”. On voit par ce qui précède, que c’est suivant la di- rection des arcs de méridiens que les différences entre les latitudes géodésiques et astronomiques sont les plus grandes , et que c’est en suivant les parallèles que l'on observe les plus grandes anomalies entre les longitudes.

Bien que les valeurs numériques de toutes les anomalies que nous venons de signaler soient purement relatives, cependant leurs variations, qu'aucune loi ne lie entre elles et dont les erreurs d'observation ne forment qu’une très petite partie, décèlent des influences locales qui indiquent le sens de la déviation du fil à plomb, et qui peuvent par conséquent jeter quelques lumières sur la con- stitution physique du terrain.

Deux anomalies notables se remarquent surtout dans les latitudes d'Evaux et de la station d'Omme, points situés l’un au pied nord de la chaîne du Limousin, et l’autre sur le versant oriental de celle du Puy-de-Dôme. La première avait déjà été reconnue par Delambre; la seconde, qui est un peu plus forte, +9”, est en- core moins extraordinaire que la discordance de 10/,5 trouvée entre les latitudes de Montceau et du mont Colombier, seulement distants l’un de l’autre de 44,000 mètres, et surtout que celle de 47/,84, que M. Plana a trouvée dans la petite amplitude céleste de 27/, comprise entre Andrate et Mondovi. On re- marque, en outre, des anomalies très considérables dans quelques unes des longitudes, celles du mont Colombier, par exemple.

Laplace à donné une méthode pour déterminer la différence de longitude entre deux points peu éloignés l’un de l’autre, en mesurant les azimuths des ex- trémités de la ligne de plus courte distance qui joindrait ces deux points et qui serait en même temps perpendiculaire au méridien de l’un d'eux, qui est pres- que indépendante de l’aplatissement terrestre. Cette méthode appliquée n’a pas donné des résultats plus satisfaisants que les précédentes : les différences trou- vées entre les longitudes géodésiques et astronomiques sont même souvent plus considérables.

Après avoir mis tout-à-fait hors de doute les grandes anomalies qui existent entre les résultats obtenus par la géodésie et l'astronomie dans l'hypothèse de =, M. Puissant a cherché la valeur de celui qui jouirait de la

l'aplatissement de =, propriété d’atténuer le plus possible ces anomalies, et il a trouvé —, qui, bien que diminuant sensiblement les différences , est loin cependant de les faire dispa- raître. En se servant de ce nouvel aplatissement pour calculer le rayon de l’équa-

teur et celui des pôles, il a trouvé. . . . . . . a = 6,380,190" b— 6,354,357"

et pour la différence des deux axes. . . . . . . 25,833" ou à peu près cinq lieues,

(N1,p.5) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 5 pour le quart du méridien. . . . . . . . . . g = 10,001,700" ce qui donne pour le mêtre. . . . . . . . . SO RE SI et cela par les seules mesures de France.

Par l'emploi de formules très simples auxquelles il est parvenu, et qui servent à corriger immédiatement les positions géographiques calculées dans une cer- taine hypothèse d’aplatissement, pour les faire concorder avec un autre aplatis- sement, M. Puissant est arrivé aux résultats suivants :

Pour qu’en partant de Paris, placé à la surface de l’ellipsoïde osculateur au- quel sont rapportés tous les points de la carte de France, la latitude et l’azimuth géodésique à Angers s'accordent avec les déterminations astronomiques, l'apla-

tissement du sphéroïde devrait être de + a. En exécutant les mêmes calculs

pour toutes les stations à la fois géodésiques et astronomiques, situées à l’occi- dent du méridien de Paris et combinées avec la position de l'Observatoire royal,

: . . s ARE 1 x ° il a obtenu les aplatissements suivants : à Crozon +, à Angers +—, à Puits-

Berteau +, à la Ferlandrie > à Ja tour de Borda

Tous ces aplatissements particuliers, qui passent du positif au régatif en allant du nord au sud, dévoilent certainement de grandes irrégularités dans les parallèles terrestres : par exemple, de Brest à Angers, le rayon de l'équateur excède celui du pôle, bien que la valeur de l’aplatissement soit beaucoup plus petite qu’elle ne devrait l'être; et à Puits-Berteau il s'opère un changement telle- ment brusque, que la concordance entre les résultats géodésiques et astronomi- ques ne saurait être établie en ce point qu'en supposant Paris et Puits-Berteau sur un ellipsoïde très allongé. Ensuite, relativement à la Ferlandrie, près de Saintes, les deux demi-axes sont presque égaux; et à l'égard de la tour de Borda , le rayon du pôle redevient sensiblement plus grand que celui de l'équateur. Il suit évidemment de qu'aucun ellipsoïde de révolution, même en faisant la part des erreurs d'observation la plus grande possible, ne saurait satisfaire exactement à la fois à toutes les stations que nous venons de considérer. Mais il paraît que la sphère tient à peu près le milieu entre les deux sphéroïdes aplati et allongé, que l’on obtiendrait, d’une part, en groupant les stations qui répon- dent à un aplatissement positif, et, d'autre part, celles qui répondent à un apla- tissement négatif.

Partant de là, si, dans les calculs, on fait l’aplatissement nul , on trouve qu’à l'exception de l’azimuth géodésique à la station de Crozon, les erreurs de ceux qui se rapportent aux quatre autres stations sont beaucoup plus faibles sur la sphère que sur l'ellipsoïde, dont l’aplatissement serait Æ. Cependant, ni la sphère ni cet ellipsoïde ne conviennent, à la rigueur, à la station de la tour de Borda, et il existe toujours à Puits-Berteau, dans la figure de la terre, des irré- gularités qui font dévier la méridienne de l'Observatoire de Paris de la direction qu'elle aurait sans cela.

6 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS (NA, p.6)

En examinant par le même procédé ce qui se passe à l'orient du méridien de Paris, et supposant toujours les ellipsoïdes particuliers tangents à la surface de la terre au point de Paris, dont la latitude est 48° 50° 13”2, on trouve

Û x re 1 : 1 Û 1 3 pour aplatissement, à Bréri + &, à Omme+ =, au mont Colombier + =, à

Genève + _ , à Marseille + 5 obtenus en combinant les stations deux à deux se trouvent positifs et plus 1 509

. De ce côté du méridien, tous les aplatissements

grands que celui de - adopté dans les calculs des déterminations géodésiques

relatives à la carte de France. Leurs variations assez sensibles annoncent néan- moins, comme à l'occident, de grandes irrégularités à la surface de la terre. En cherchant, par la méthode la plus avantageuse, un ellipsoïde qui soit

approprié le mieux possible à la totalité des stations orientales, M. Puissant a

trouvé pour l’aplatissement + _

des observations géodésiques et astronomiques faites à l'orient du méridien de Paris. Mais bien que, dans ce cas, les erreurs en azimuths, ailleurs qu’à Genève et au mont Colombier, soient moindres que sur l’ellipsoïde dont l’aplatissement est —, cependant les latitudes sont encore loin d'y être bien représentées aux mêmes stations, surtout au mont Colombier et au signal d'Omme, près Cler- mont Ferrand.

_ De quelque manière que l’on s'y prenne donc pour tâcher d'atténuer les erreurs par le choix d’un ellipsoïde de révolution, il en est qui sont inhérentes aux inégalités de la terre, et qui se manifestent dans toutes les hypothèses. Ainsi, de ce côté du méridien comme de l’autre côté, la déviation du fil à plomb nous paraît incontestable, dit M. Puissant, et les plus grandes perturbations se ma- nifestent dans les azimuths, peut-être aussi à cause de l'influence des réfractions latérales.

, Tésultat qui convient assez bien à l'ensemble

En définitive, ni l'aplatissement TL trouvé ci-dessus, ni aucun de ceux auxquels on parviendrait en groupant séparément les stations occidentales, comme nous l'avons dit précédemment, ne seraient déterminés d’une manière absolue quant à présent, malgré l’exactitude des données sur lesquelles on les fait reposer. Il y a même lieu de croire qu'ils seraient tous modifiés si l'on mul- tiphait davantage, dans le même espace, le nombre des stations, ou si l’on chan- geait le point de tangence commun à tous les ellipsoïdes, ou enfin si l’on em- ployait de bonnes différences de longitudes astronomiques et géodésiques.

Bien que les résultats précédents ne puissent laisser aucune espèce de doute, . M. Puissant à cependant voulu savoir si, par des considérations d’une autre na- ture, il arriverait aux mêmes conséquences ; il a employé la méthode de la rec- tification des arcs à calculer la longueur de ceux de méridiens entre deux points comprenant entre eux de petites amplitudes géodésiques ou astronomiques.

Parmi les sommets des triangles orientaux, il en est quatre qui se trouvent

W1,p.7) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 7 à une très petite distance du méridien de Dijon , Longeville, Bréri, Montceau et Marseille. La rectification des arcs partiels, opérée au moyen de leurs ampli- tudes géodésiques, a donné les résultats consignés dans ce tableau.

LATITUDES ARCS

STATIONS. OBSEBVÉES. CALCULÉES.

Hongevilles M2": DANSE L8°4Ah 7/7

246018ètres- A 133414 251839

BRÉTI A SE an POP RQ TNT 2 L6 A7 36 MONECEAU AR OP NE PET Ur 5 35 33 Marserless em han Et L3 17 48

En faisant subir à ces longueurs quelques réductions provenant principale- ment des différences que donnent les diverses bases mesurées sur la surface de la France, elles deviennent

LATITUDES LONGUEUR CHANGEMENT MOYENNES. : DU DEGRÉ. POUR 10. () A 216018" 47° 45! 51/ 414933% - ae B 133495 46 11 34 144145 sh C = 254816 44 26 A 111012 ;

Bien que les longueurs de ces degrés décroissent en allant du nord au sud, et accusent un fort aplatissement, cependant elles ne sont nullement en rapport avec l’hypothèse d’un ellipsoïde régulier et de révolution, puisque, dans ce cas, le décroissement qui devrait être à peu près de 18" par degré à notre latitude, est d’abord de 75" et ensuite de 60".

Pour la méridienne de Paris, M. Puissant donne le tableau suivant, conte- nant les résultats trouvés par Delambre, et ceux qui proviennent tant de leur rectification, due à la discordance des bases de Melun et de Perpignan, que de la correction faite de l'erreur qui avait été commise dans l'évaluation de la distance méridienne de Montjouy à Formentera. »

2

MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS (N.1,p.8.)

LATITUDES LONGUEURS DES DEGRÉS CHANGEMENT STATIONS. ; SELON POUR 10, OBSERVEES. TT, : Selon Puissant. Delambre. Puissant. Greenwich. . . . 51° 28/ 107’ 111284,5 411284,5 Dunkerque . . . DANS 447,0 (c) É 111266 111266 || Panthéon. . . . . 8 50 A9 11 ,0 411230 111239 Eaux TE MEN 16 10 43 63 ,2 411052 411061 | Carcassonne . . . L3 12 54 Ah ,0 ia EG pr 111018 411026 D Ontjouy . . . . 3 pes 110992 141040 Formentera . . . 38 39 56

Ce tableau nous montre qu'entre Dunkerque et Paris la surface est déprimée, mais légèrement, parce que le degré décroît un peu moins que cela ne devrait être d’après la théorie, qui donne—18". Entre Paris et Evaux lasurface se déprime encore ; mais entre Evaux et Carcassonne, le méridien passe sur les chaînes du Limousin, de l’Auvergne et des Cévennes, la forte diminution dans la lon- gueur du degré 63" annonce un bombement très prononcé de la surface. De Carcassonne à Montjouy la surface se déprime de nouveau, bien que dans ce tra- jet la ligne passe à l’extrémité orientale des Pyrénées. Enfin, de Montjouy à Formentera l’allongement du degré dénote une forte dépression. Nous ferons voir plus loin que les observations du pendule sont d'accord avec ces résultats.

Les observations géodésiques et astronomiques effectuées à l’ouest de la mé- ridienne de Paris, et en différents points de celle d'Angers, nous offrent égale- ment le moyen d’en déduire la mesure d’un arc de méridien , composé de trois parties , placées à peu près symétriquement à celles du méridien de Dijon. Toutes les réductions et les corrections faites, voici les résultats de ces observations.

AE

STATIONS.

LATITUDES ARCS LONGUEURS | CHANGEMENT | MOYENNES. CORRIGÉS. DES DEGRÉS. POUR 10.

(d) Saint - Martin -de -Chaulieu. : h8 6! 8/ | 110889%,5 411153,4 Angers (observatoire). . 3,0 d L6 36 24 191600 ,6 411148 ,9 La Ferlandrie. . . . . + 18 ,1 hh L3 12 226039 ,1 4114182 ,7 Tour de Borda .

De ce côté de la méridienne de Paris, on remarque d’abord un très faible

(N.149 pe 9.) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 9 » aplatissement en allant du nord au sud , puis tout-à-coup un allongement des » degrés ; et c'est aussi ce qui a été reconnu précéäemment en cherchant quels »seraient les ellipseïdes qui satisferaient aux observations célestes, en combinant » les stations deux à deux, celle de l'Observatoire de Paris étant commune à tous » ces ellipsoïdes. IL est donc suffisamment prouvé que les deux parties de la sur- » face de la France que nous venons d'examiner (autant, du moins, que le per- » met la géodésie encore incomplète du royaume), sont dissemblables, et que » l'arc du méridien terrestre, dans nos contrées, est une courbe à double cour- »bure assez prononcée, puisque , si la terre était réellement un solide de révo- » lution , les différences entre Les azimuths géodésiques et les azimuths astronomi- » ques correspondants, seraient nulles sur tous les points de cette ligne , quel » que fût l'aplatissement , abstraction faite toutefois des petites erreurs d’obser- » vation. Enfin , il est incontestable que quand la direction du fil à plomb, dont » dépendent essentiellement les valeurs absolues des coordonnées d’un point de la terre, est troublée, soit par l'attraction de quelque montagne voisine, soit » parce que la densité du terrain est plus grande ou plus petite que la densité » générale de la croûte terrestre, on ne peut vérifier, non seulement la loi de » Ja variation des degrés des méridiens et des parallèles dans l'hypothèse ellip- » tique, mais en outre la relation qui existe, sans cette cause perturbatrice, entre »les azimuths et les longitudes sur un sphéroïde irrégulier peu différent d’une » sphère. Ainsi, ces anomalies nombreuses tiennent nécessairement à des varia- »tions d’une grande étendue dans la nature du sol de la France et de l'Italie , et » les mesures géodésiques comme celle du pendule à secondes, lorsqu'elles réu- » nissent toutes les conditions requises , sont éminemment propres à les signaler » aux géologues. »

Tels sont les curieux résultats auxquels M. le colonel Puissant est parvenu, et les conclusions qu'il en a déduites. Voyons maintenant ce que nous apprennent les opérations géodésiques et astronomiques exécutées dans d’autres parties de l'Europe.

$ IL.

Observations géodésiques et astronomiques faites hors de France.

La différence de + 47”,84 dont nous avons parlé page #4, trouvée par MM. Plana et Carlini (1) entre l'amplitude géodésiqueet l'amplitude astronomique 727, comprise entre Andrate et Mondovi, est attribuée par ces observateurs à des forces attractives qui ont dévié le zénith d’Andrate de 281 vers le sud , et celui de Mondovi de 19/74 vers le nord. Mais, ajoutent-ils, « si les causes extérieures » pouvaient suffire pour expliquer cette espèce de perturbation dans la direction

(1) Opérations géodésiques et astronomiques , etc., t, II, p. 347. SOG. GÉOL. SÉRIE T. L Mém. 1. 2

10 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS (N.1, p.10.)

» du fil à plomb, il faudrait l’attribuer du côté du sud à la chaîne des Alpes » maritimes, et du côté du nord à la chaîne des Alpes groïennes; mais il est » possible aussi que ce singulier phénomène soit produit en grande partie par » une irrégularité dans ia densité des couches terrestres ; les données nécessaires » pour séparer ces deux effets manquent. Si l’on était disposé à vouloir considérer » la masse des montagnes comme une cause prépondérante, on serait aussitôt » arrêté, en comparant la latitude géodésique de Parme , déduite en partant de » Milan , avec la latitude astronemique qui y fut observée. Ici l’on trouve une » différence de 20"4, et cependant ces deux villes sont situées au milieu d’une » plaine, à une distance telle des montagnes, qu'elle ne permet guère de regarder » l'attraction de leur masse extérieure comme capable de produire un effet aussi » considérable. Au reste, le principe de l'analogie, et le résultat de plusieurs » autres observations, concourent à faire croire que les anomalies que l’on vient » de citer ne sont pas purement locales ; il est probable que la cause qui les » produit s'étend à toute la Péninsule, et même à toute l’Europe, en se modifiant » différemment. Les travaux géodésiques exécutés dans ces derniers temps se- »yaient très propres à faire connaître la marche de ce phénomène; mais ces » travaux n'étant pas tous publiés, on n’a pu profiter que des morceaux détachés » que l'on trouve dans divers ouvrages. » D'où il résulte que, dans les lieux énumérés ci-dessous, on trouve, pour la différence entre les latitudes géodé- siques et astronomiqnes :

À Clefton + 1”,4, à Arbury + 6,4, à Blenheim 48,2, à Greenwich + 5,4, à Dunose + 2”,0 en Angleterre; à Vienne 4,8, à Wels + 13",4, à Munich 4",1, à Erlau + 6 1, à Common + 8 ,2, à Inspruck en Allemagne; à An- drate + 28",1, à Milan + 15°,0, à Vérone + 13,6, à Venise + 2/,3, à Padoue + 17,5, au mont Cenis + 8,5, à Turin + 8’,1, à Parme 6/,9, à Modène —— 5",1, à Gênes 37,3, à Mondovi 19,8, à Florence 14,6, à Pise 6,1, à Rimini 127,2, à Rome 1”,5, en Italie.

En calculant la longueur des arcs du parallèle moyen , avec un aplatissement de ——, MM. Plana et Carlini ont trouvé :

309 2

PAR LA GÉODÉSIE. | PAR L'ASTRONOMIE. DIFFÉRENCES.

De Milan à Turin. . . . 118128°,71 117743%,h 635,3

au mont Cenis. . 177017 ,30 177248 ,h + 231 ,1 au Colombier . . 270317 ,32 270444 ,h —+ 127 ,1 PA ESSONNE h75121 ,06 74712 ,0 09 ,h

«Le plus grand écart, ajoutent-ils, tombe sur la longueur de l'arc compris

(N.1,p.11.) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 11 » entre les observatoires de Milan et de Turin, aux extrémités duquel les obser- » vations ont été faites avec les meilleurs instruments et répétées un plus grand » nombre de fois; on ne peut donc se refuser d'admettre une irrégularité assez » considérable dans la figure de la terre. »

Dans un travail que nous citons plus bas, M. de Beaumont a remarqué que l'arc, Turin, mont Colombier, qui se compose de la somme des deux arcs, Turin mont Cenis ,et mont Cenis mont Colombier, qui présente une courbure trop rapide, comme le montre le tableau, puisque les longueurs astronomiques sur- passent celles données par la géodésie, est, pour ainsi dire, à cheval sur le système des Alpes occidentales, et coupe perpendiculairement la ligne tirée de Marseille à Zurich, qu'il considère comme [la direction dominante dans cette partie des Alpes, et un des axes principaux du continent européen. Le même tableau montre aussi que de Milan à Turin, et du Colombier à Ysson, espaces la ligne traverse de grandes vallées, celles du Pô, du Rhône, de la Loire, de l'Allier, la courbure générale est moins forte qu'elle ne devrait être dans l’hypo- thèse adoptée; car les longueurs géodésiques sont beaucoup plus grandes que celles déduites des observations astronomiques.

L'ensemble des opérations exécutées en France et en Italie par Les ingénieurs géographes français et les savants étrangers, sur Îe parallèle moyen, dont la la. titude est 50:8 45° 43" 12", fournit le moyen d'établir la comparaison suivante entre les amplitudes astronomiques et géodésiques, pour huit arcs partiels de cette ligne qui comprennent toute son étendue, depuis l'Océan jusqu'à l'Adria- tique ( Puissant, t. II, p. 622).

DIFFÉRENCES

AMPLITUDES DES AMPLITUDES

ARCS PARTIELS. A

ASTRONOMIQUES. GÉODÉSIQUES. EN TEMPS. EN ARC. 1. De Marennes à Saint-Preuil. [0h 3/48 990/0b 3/49 130! 0” 440] 6” 601 2. De Saint-Preuil à Sauvagnac. 0 6 23 09410 6 22 910, + 0 184) + 2 76 3. De Sauvagnacà Ysson (signal). :0 6 51 39110 6 51 160! + 0 231}, + 3 A6 (f) h. D’Ysson au mont Colombier. 0 10 22 71010 10 24 4179| 1 A69| 22 O3} 5. Du Colombier au mont Cenis. |0 44h 03010 4 4h 342] 0 312] A4 68 6. Du montCenisàMilan (dôme). 10 9 © 8060 9 O0 102, + 0 704] + 10 56| 1. De Milan (dôme) à Padoue. |0 10 45 38310 10 45 230, + 0 153] + 2 29} 8. De Padoue à Fiume. . . . 10 10 143 53610 10 15 310! 1 774] 26 61

Arc total : . -: |45 97 9% 9n0!4n 2/42/ 663] 2” 723] 40” 85

12 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS (N.1, p.12.)

L'examen de ce tableau montre que de Marennes à Saint-Preuil, espace situé dans le voisinage de l'Océan, la ligne est déprimée, puisque l'amplitude géodé- sique surpasse de 660 l'amplitude astronomique; mais de Saint-Preuil à Sau- vagnac, elle passe par-dessus des montagnes, la courbure augmente; de Sauvagnac à Ysson, la ligne passe par-dessus la chaîne de l'Auvergne, elle augmente encore davantage, puisque la première différence était + 2/76 et que la seconde est + 3/46; mais du signal d'Ysson au mont Colombier, situé au sommet du Jura, la courbure diminue beaucoup, car la différence des ampli- tudes est 2% 03, et, dans cet intervalle, la ligne passe par-dessus de grandes dépressions, les vallées de l'Allier, de la Loire, de la Saône et du Rhône; du mont Colombier à l'observatoire du mont Cenis, la courbure augmente considéra- blement, puisque la différence n’est plus que de 4/68, mais elle est cepen- dant encore moins forte que celle de l’ellipsoïde : aussi la ligne a-t-elle à tra- verser ici la grande dépression qui sépare le Jura des Alpes. Mais du mont Cenis à Milan, espace dans lequel se trouve le grand escarpement des Alpes, viennent au jour une quantité de roches plutoniques, mélaphyres, serpentines, la courbure augmente de 10/56, et d’après le tableau (e), cette augmentation a seulement lieu du mont Cenis à Turin; mais de Turin à Milan, la courbure diminue, puisque l'amplitude géodésique surpasse de 635" l'amplitude astro- nomique , et l'arc passe par-dessus les grandes vallées du Tessin et du P6. De Milan à Padoue, se trouvent de petites montagnes, il y a augmentation de courbure; enfin, de Padoue à Fiume, sur le bord de l’Adriatique, la courbure diminue plus que partout ailleurs, puisque la différence des amplitudes est de 26! 61.

La discussion des différentes courbures du parallèle moyen nous conduit done aux mêmes conclusions que celle des courbures de la méridienne de Paris, tableau (c), c’est-à-dire que la courbure des lignes augmente très sensiblement toutes les fois qu'elles passent par-dessus des chaînes de montagnes, et qu'elle diminue dans les intervalles qui séparent les chaînes les unes des autres, ainsi que dans le voisinage du bassin des mers.

La discussion des autres lignes géodésiques qui traversent la France, les mé- ridiennes de Bayeux et de Sedan, les perpendiculaires de Brest à Strasbours, de Bourges et de Rhodez, conduirait aux mêmes résultats. Voyez la carte.

Dès l’année 1818, l'Angleterre et une partie de l'Écosse étaient couvertes de triangles destinés à former le canevas d’une grande carte topographique des îles Britanniques. À cette époque, le capitaine Mudge publia, dans un magni- fique ouvrage (1), l’ensemble des observations géodésiques et astronomiques exécutées à cet effet et les résultats numériques qui en ent été déduits. Ces ré-

(1) An account of the operations carried on for aecomplishing a trigonometrical survey of England and Wales, etc.

NA,p15) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 13 sultats s'accordent généralement assez bien avec l'hypothèse admise sur la forme du globe; mais dans la partie orientale de l'Angleterre, celle le sol est le moins accidenté, ils présentent des anomalies très fortes : la détermination de l'amplitude des arcs entre deux points, par l'observation des étoiles, a donné ‘les résultats contenus dans le tableau suivant.

STATIONS. LATITUDE MOYENNE. LONGUEUR DU DEGRÉ.

Arbury-Hill et Clefton . . . . 2 30/ 60766 Faths. Bleinheim et Clefton. . . . . 56 60769 Greenwich et Clefton. . . . . 60794

Dunose et Clefton . . . . . 60820 Arbury et Greenwich. . . . . 60819 Dunose et Arbury. | 60864 Bleinheim et Dunose. . . . . 60890 Dunose et Greenwich . . . . 60884

« Ce tableau (1) présente un résultat bien singulier et bien inattendu. On savait » bien que des degrés consécutifs pouvaient présenter des irrégularités prove- » nant soit des erreurs inévitables des observations ou des instruments, soit » enfin des irrégularités de la terre; mais, dans l’opération de France (celle de » la méridienne), les degrés allaient tous en décroissant avec les latitudes : ici » c’est tout le contraire; quelle en peut être Ia cause? Les observations sont » nombreuses et s'accordent en général autant qu’on pouvait le désirer. Si une » pareille masse de distances (les hauteurs d'étoiles), qui présentent un pareil » accord, peut cependant conduire à des conclusions qui paraissent contraires » à la théorie, il faudra dire du secteur de Ramsden ce que cet artiste disait du » cercle de Borda : que des observations bien ensemble pouvaient cependant » conduire à des résultats erronés.» Après avoir montré que ces différences singulières ne proviennent ni des erreurs d'observation ni de celle de l’instru- ment, le capitaine Mudge ajoute : « Je sais bien qu’il est possible de faire une » supposition qui expliquerait une déviation de cette force; ainsi, dans un pays » se trouve beaucoup de matière calcaire, comme dans la partie sud du » royaume , si l'instrument était placé juste à la limite de deux couches dirigées » vers l’est et l’ouest, l'une de chaux et l’autre d’une matière plus dense, on » aurait les effets observés; mais on ne peut appliquer ce principe à Dunose, et

(1) Connaissance des Temps pour 1818, page 270, etc.

14 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS (NA, p.14.)

» aucune apparence extérieure n indique que la supposition soit plus juste pour » Arbury et Clefton.

» Si l’on emploie l’arc terrestre entre Blenheim et Dunose avec l'arc céleste » correspondant, à trouver l'arc céleste total, on aura 2°51” 11/8, ce qui donne » 11/8 de déviation à Clefion. Si l'on emploie au même calcul l'arc terrestre, » entre Dunose et Greenwich, on trouvera 10 3. En général, les observations » conspirent à prouver que le fil à plomb a été attiré vers le sud à toutes les » stations ; et cela par des forces attractives qui augmentent en allant vers le nord.»

Pour rendre les résultats plus indépendants des attractions locales, le capi- taine Mudge a mesuré deux arcs de méridiens passant par Dunose et de Delamère- Forêt, dont la différence en longitude est de 28° 55", et de cette manière il a trouvé :

LATITUDE. DEGRÉ MOYEN.

Entre Dunose et Clefton. . . . 59 9 30/7 | 60823,0

Dunose et Delamère-Forêt. DANS SANTE 60830,3 Dunose et Arbury-Hill . HN). 117 60864,0

«Ces trois degrés, dit-il, vont encore en augmentant quand la latitude di- » minue, et le résultat d'Arbury n’en reste pas moins inexplicable; car on ne » voit pas comment un secteur qui n'a point d'erreur sensible, ou qui a sensi- » blement la même erreur qu'à Dunose, Clefton et Delamère-Forêt, a pu con- » tracter à Arbury une erreur de 5”. De tout cela, le capitaine Mudge conclut : » It will be improper to dwell on this matter at present. Le moment n'est pas » encore venu de s'occuper de cette matière. » Ainsi, dans les îles Britanniques comme sur le continent, les irrégularités dans la structure du globe terrestre sont donc mises hors de doute par la comparaison entre les mesures géodésiques et astronomiques. Nous pourrions, par des recherches plus étendues, montrer que pour les autres contrées de la terre ces deux genres d'observations ont été exécutés ensemble, les mêmes méthodes conduisent à des résultats semblables à ceux qui précèdent; mais, outre que les matériaux sent rares et difficiles à se procurer, cela n’est pas indispensable pour atteindre le but que nous nous propo- sons dans ce Mémoire. Voyons maintenant comment les observations du pendule concordent avec les précédentes.

(Nip) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 15

$ IIL

Observations du pendule à secondes, faites sur différents points du globe.

Les observations du pendule faites par MM. Arago, Biot et Mathieu, de Dun- kerque à Formentera, sur le méridien de Paris, ou à une très petite distance de cette ligne, donnent, de Dunkerque aux Pyrénées, une longueur un peu plus courte pour le pendule à secondes que celle déduite du calcul en supposant le

globe ellipsoïdal avec un aplatissement de + (1), et dans cet espace, la courbure

de l'arc du méridien est un peu plus forte qu’elle ne devrait être d’après la théorie; mais à Formentera, c’est au contraire la longueur observée qui est la plus grande; elle excède de 0"",008 celle donnée par le calcul , et entre ce point et Montjouy la géodésie signale une augmentation sensible dans la longueur du degré de latitude, une diminution de courbure de l'arc. Ce résultat nous por- terait à croire que le pendule bat moins vite sur les bombements que dans les dépressions de la surface de notre globe. Pour savoir s'il en est effectivement ainsi, nous avons rassemblé dans le tableau suivant une partie des observations du pendule faites à la surface des mers et des continents par les navigateurs et les physiciens les plus éminents.

(1) Recueil d'observations géodésiques, astronomiques et physiques, page 575.

16 MEMOIRE SUR LES IRREGULARITES (N.1, p. 16.) VIBRATIONS STATIONS. LATITUDE. DIFFÉRENCES| OBSERVATEURS. DR RE OBSERVÉES. CALCULÉES. Rawak. QP (f 86261,16 | 86264,86 | 3,10 | Freycinet. Saint-Thomas 0 24 68,84 64,87 | L 3,97 | Sabine. Galapagos. 0 32 64,56 Géo | = 0:32 AA Para . : 107 60,61 65,00 | ,39 | Foster. Maranham. . 2 il 58,7h 65,304 =EN6/56N INFOS: Ualan. 5 21 75, lu 66,178 | + 8,66 | Leutke. Ascension. 1055 72,26 69,06 | E 3,20 | Fos. Sierra-Leone. 8 29 67,54 CONON EE ICRIRS" Porto-Bello . 9 32 72,01 70,96 | + 1,05 | Fos. TAnteil, à 61e 10 38 67,24 72, H2 UN 518 MINT OS. Bahia re ur 12 59 72,38 76,07 | 3,69 S. Madras Ne Re AS ANNe 72,36 716,19 | 3,83 | Goldingham. Game FAR 13 26 80,64 76,8k | EL 3,410 | Leutke. Sainte-Hélène . . 15 34S. 88,29 81,54 | + 6,75 | Leutke. Id. LT 15 56 88,29 81,54 | + 6,75 | Fos. Jamaique. 47 56 N. 84,66 SD O0 ET AMIE" [| ile de France. . . 29 95. 97,60 91,20 | + 6,40 | Duperrey. Id. PUR 29 10 98,08 94,23 | L 6,85 | F. Te Mowi.. 20 52 N. 97,52 93,00 | + 4,52 | EF. Saint-BIas 21 32 88,80 OT OT REA Rio-Janeiro. . . 2255" 93,48 CRE Ve SUR TR Bonin-Island. . .: 21 li 322,06 310,81 | 41,25 | Leutke. Valparaiso. . . . 9 2 328,16 330,82 | 2,66 | Leutke. || Paramata . . . 33 A8 331,18 3381000007 07m) BTISDANE: | Port-Jackson. . . 33 51 332,94 333,68 | 0,74 | Duperrey. Cap de Bonne-Esp. 33 54 8633139 1M86382,008 00/5HMIRE0S Montevideo . . . 3h 54 34,36 DA) ess 512 RTE New-York, . . . 0 42 N. 58,06 DODO REA PICRIES" FROID 5 0 do 0 BS 7 67,16 CS,AS | 32 NDuperrey: CE, à > à 5 A6 » » 9,09 | Biot. Mathieu. MAN MORE NN 15 28 » » » ! Biot. PARIS ANRT MEUSS A8 50 86388,56 | 86390,54 | 41,98 | Duperrey. Greenwich . . . 51 28 399,79 00,58 | 0,79 | Moyennede5résultats. | ÉONUTES EE RE RE Gi ail 399,72 AOC IP CNRS Falkland-Island. . HiL Dil 399,8/ 00,78 | 0,94 | Duperrey. l Arbury-Hill . . 52MD 103,68 h03,35 | + 0,3 Kater. ACIefton PT ES 5 27 07,48 OT ON NN 0; 510 NKater. AICON A ENPENRERE Ha) à | 08,98 08 29NIENOTOMS: Staten-Islands SAC M5 02 12,80 | LE 9,42 | Fos. CapPAHOED SEE 55 Hi REN 17,98 16,72 | + 1,26 | K. Pétersbourg. . . 59 56 | 32,20 30,94 | + 1,26 1 Leutke USENET TEE GES, | 85,10 33,64 | + 14,76 | Kater S. = Shetland. . . 02 66 ! hh,52 h0,65 | Æ 3,87 | Fos Drontheim . . . 628252 38,64 HO ONE RES CRIRS: | Hammerfest .… 70 0 | 61,14 62,23. | 0,09" 1"S: Port-Rawen. . . Ta 8 | 70,48 68,06 | + 2,42 | Fos. Groënland. . . . TS 20) 70,72 70,75 | 0,03 | S. SO. ob à 79 50 | 83,28 79,58 | + 3,70 |S.

Ce tableau montre que le nombre d’oscillations, ou la longueur du pendule à seconiles , croît en allant de l'équateur vers les pôles conformément à la formule {= À + B sin°2, dans laquelle A étant la longueur à l'équateur, À + B la lon-

(N.1,p. 17.) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 17 gueur au pôle, est la longueur en ur point quelconque dont la latitude serait à Mais cet accroissement est loin d’être régulier, comme on peut s’en convaincre en jetant les yeux sur la colonne des nombres de vibrations observées. L'examen de cette colonne montre que c’est dans les îles éloignées des continents, Saint- Thomas, l’Ascension, Sainte-Hélène, Ile de France, île Mowi, Bonin-Island, Staten-Island, Unst , South-Shetland, etc.; sur des côtes plates, Porto-Bello , cap Horn, Pétersbourg, Spitzberg, etc., que le nombre d’oscillations est le plus grand, quelle que soit du reste la latitude, et que c’est au contraire sur les continents et dans le voisinage des chaînes de montagnes que le pendule bat le moins vite, Rawak, Para, Maranham, Sierra-Leone, la Trinité, Madras , la Jamaïque , Rio- Janeiro, Valparaiso , Paramata. cap de Bonne-Espérance , Montevidéo, Toulon, Clermont, Milan, Drontheim, Hammerfest, etc. Les chaînes de montagnes auraient-elles donc une influence marquée sur la marche du pendule, comme sur la direction de la verticale? Les deux phénomènes seraient-ils intimement liés? Mais avant de chercher à quelles conséquences peut conduire cette liaison , voyons de quelle manière varie la hauteur de la colonne barométrique , ramenée à la surface des eaux tranquilles, quand on parcourt un grand espace sur la terre.

$ IV.

Observations barométriques faites sur un grand nombre de points de la surface des mers ; et des continents.

M. J.-E. Schouw, professeur de botanique à Copenhague, a publié dans le tome LITE, pag. 113 et suivantes des Annales de chimie et de physique , un ma- gnifique travail sur la hauteur moyenne du baromètre au niveau de la mer , dans lequel il a rassemblé la plus grande partie des moyennes barométriques déter- minées par divers observateurs sur la surface des continents et des mers. Il a discuté la valeur de toutes les observations dont il rapporte les résultats; il a fait à quelques unes les corrections nécessaires pour les faire entrer en compa- raison avec les autres. Il est allé lui-même observer en Islande, en Italie et dans les îles de la Méditerranée, muni de deux baromètres, l’un à cuvette et l’autre construit d'après les principes de M. Gay-Lussac. Partout cela lui a été possible, il à comparé ses instruments avec ceux qui avaient servi pendant plu- sieurs années à établir les moyennes locales, et toujours il a tenu compte des différences, qui n’ont jamais été bien considérables. Enfin, toutes les moyennes contenues dans le tableau suivant ont été ramenées au niveau de la mer pour chaque localité à la température de ( et corrigées de la variation de la pesanteur et de l'effet de la capillarité. Les grandes différences qui existent entre les nombres de ce tableau ne peuvent aucunement être attribuées à des influences locales accidentelles ; car l'expérience a prouvé que, pour des moyennes ré- sultant de périodes de 6, 8 et 12 ans d'observations, la plus grande différence entre celle de deux années quelconques n'excède pas 1,8, et que pour des périodes de 1 à 4 ans, la variation ne s'élève pas à une ligne. Ce sont donc

SOC. GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. n. 1. ô

18 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS (N.1,p. 18) des causes permanentes, inhérentes à la position des lieux qui donnent les grandes différences entre les moyennes barométriques, quoique souvent les points de station soient peu éloignés l’un de l’autre, comme Paris et la Rochelle, Marseille et Nice, Malte et Tripoli.

Voici le tableau PR Ne una. à à la fin du mémoire de M. Schouw.

MOYENNES DURÉE LATITUDE. LIEUX DE STATION. EN LIGNES. DES OBSERVATIONS. lig. Nord. 75° Spitzherg. . 335,47 6 à 12 ans. 7 Ile Melville . 335,61 2 ans. 73 Upernavik. . 33,74 4 an. 68 Godhawn. . 334,03 2 mois. 66 Egafiord . . 334,06 2 mois. 6h Godthaab. . 333,33 6 mois. 64 Reïkiavig. . 333,36 12 ans. 62 Frederiksh. . 331,80 7 mois. 60 Bergen. . . 335,58 L ans. 60 Christiania. . 336,30 7 ans. 60 Pétersbourg . 336,89 20 ans. 59 + Stockholm. . 335,65 5 ans 59 + Spydberg. . 336,16 2 ans 56 Edimbourg. . 336,09 6 ans 5h + Kæœnigsberg. . 336,95 2 ans 53 L Manchester . 331,82 25 ans 52 Z Port Peter-Paul. 334,06 4 an. 51 + Londres. . . 331,33 7 ans. A9 Paris RME 337,93 41 ans. 6 La Rochelle . 338,10 L ans. L5 Padoue. . . 337,87 45 ans. hh + Bologne. . . 337,87 5 ans. Un Avignon. . . 331,80 10 ans. Ll Nicer ui one 336,50 20 ans. h3 + Marseille . . DORA 10 ans. L3 : Florence . . 337,16 9 ans. h1 Naples. . . . 337,94 7 ans. 39 Cagliari. . . 331,03 | 3 ans. 38 Palerme UNS 338,21 35 ans. 36 Malte. . . 336,79 Quelques mois. 33 Tripoli. . . 340,19 Id. 32 Madère. . . 339,20 2 ans. 28 = Ténériffle . . 338, 277 3 ans. 28 Grand Canaria 339,09 Quelques mois. 23 Macao. . . 338, 93 1 an. 33 La Havane. . 336,99 3 ans. 49 Saint-Thomas. 337,13 A an. 10 Cumana. . . 336,28 9 Sierra-Leone. 336, 10 Quelques observations. Sud. 40 Timor. . . 336. 23 8 Ascension. . 838,13 12 à 13 Pérou. . . 331,39 20 Ile de France. 338,92 . 23 Rio-Janeiro . 2911. 759 1 an. 33 Le Cap. - 338. 2h 9 ans.

5 Port Famine. Se 13 7 mois.

(N1,p.19) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 19 Ce tableau montre que la hauteur moyenne de la colonne barométrique , dé- duite de plusieurs années d'observations, varie très sensiblement à la surface des eaux tranquilles, ce qui est tout-à-fait en opposition avec la théorie; en le parcourant, nous remarquerons qu’à la Rochelle, ville située sur le bord de la mer, à l'occident du méridien de Paris, la géodésie annonce une dépression, la moyenne barométrique surpasse de 0,6 ou de 0"0013 celle de Paris; à Nice, sur la direction de la chaîne des Alpes, ia moyenne est plus faible d’une ligne que celle de Marseille, de Florence et de Naples; à Paris et à Londres, il n'existe pas de chaînes de montagnes, les hauteurs barométriques sont sensi- blement égales ; dans quelques îles éloignées des continents, à l’Ascension, l'Ile de France, Madère, Ténériffe, grand Canaria, etc., les moyennes barométriques sont très fortes, elles atteignent 339,2 et 338,7; mais en se rapprochant des continents elles deviennent plus faibles : à Rio-Janeiro la hauteur du mercure n'est que de 337,6.

En combinant entre elles les hauteurs du tableau précédent, M. Schouw a déduit le suivant pour les points situés entre 45° de longitude orientale et 45° de longitude occidentale, comptés à partir du méridien de l'île de Fer, c’est-à-dire pour la région du globe principalement occupée par l'Atlantique.

HAUTEUR MOYENNE LATITUDE.

DU BAROMÈTRE.

lig 331,0 337,5 338,9 339,0

338,0 337,0 339,9 333,0 334,0 333,0

Ce tableau montre que les plus fortes moyennes barométriques se trouvent entre 20° et 40° de latitude nord , précisément à l'endroit de la plus grande largeur de l'Atlantique, et qu’elles vont ensuite en diminuant à mesure que l'on avance vers l'équateur et vers le pôle, les terres se rapprochent sensiblement : à l’équa- teur, la largeur de la mer est encore considérable, quoique très diminuée, la

920 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS (NA, p. 20.) moyenne barométrique est de 337'%,0 ; mais vers le pôle, les terres d'Amérique et d'Asie se touchent presque, la moyenne n’est plus que de 334"*,0 ou 335°°,0.

Plus d’un an après la lecture de ce Mémoire à l’Académie, et avant que les commissaires nommés par elle fissent leur rapport, M. Herman lui a présenté l'extrait d’un grand travail sur les différences de la pression atmosphérique à la surface des mers (1), dans lequel il a combiné 14,000 observations faites par lui au niveau même de l'Océan, et, par conséquent, dégagées de toute influence du relief du sol, sur une corvette russe, qui a traversé quatre fois, en suivant des méridiens différents, l’espace compris entre 55° de latitude N. et 58° de latitude S. Voici les résultats auxquels il est arrivé :

À partir de 60° de latitude S., et suivant le méridien, les moyennes pres- sions barométriques augmentent sensiblement jusqu'au 25° degré, limite méri- dionale des vents alizés. A partir de ce parallèle, elles décroissent régulièrement jusqu'à l'équateur, elles atteignent un minimum relatif, puis elles augmentent de nouveau jusqu’à la limite boréale des vents alizés, 25° de latitude nord. Dans notre hémisphère, les phénomènes se reproduisent d’une manière symétrique, comme dans l'hémisphère opposé. La différence de pression entre l'équateur et les limites des vents alizés est de 40"",06.

A partir du maximum de pression que l’on trouve à 25° de latitude, en se dirigeant vers le pôle , la diminution de pression est plus rapide que dans la zone des vents alizés; elle est telle, que les pressions moyennes, au Kamtschatka et au cap Horn, sont respectivement de 12""”,86 et 12"",18, inférieures à la pression maximum du Grand Océan.

La pression moyenne de l'atmosphère est dépendante de la longitude : à latitude égale, elle est de 3°”,50 plus forte sur l'océan Atlantique que sur la mer Pacifique. Ce dernier résultat a été obtenu par la comparaison des observations faites sous vingt-quatre parallèles différents, en tenant compte de l'influence des saisons; ét sur ces vingt-quatre comparaisons, aucune n’a affecté un résultat individuel d’un signe contraire à celui de leur moyenne.

Enfin, l’auteur s’est assuré que les mêmes relations subsistent pour l'air sec comme pour la totalité de l'atmosphère: seulement, la pression maximum, dans chaque hémisphère, est un peu plus reculée vers les pôles, et la différence entre ce maximum et le minimum équatorial est bien plus forte, puisqu'elle s'élève à 11°”,96. Par contre, la diminution de pression vers les pôles est bien moins rapide pour l'air sec que pour l'atmosphère totale.

Les résultats auxquels est parvenu M. Herman sont parfaitement d'accord avec ceux de M. Schouw : à l'équateur, s’observe un minimum de pression, se trouvent aussi le minimum de largeur de l'Atlantique d’une part, et l'immense archipel de la mer du Sud de l’autre; aux 25° degrés de latitude N. et S. sont

(1) Compte-rendu des séances de l Académie des sciences pour 1842, no 5, page 244.

(X.4,p.2.) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 21 les maxima de pression, comme ceux de largeur de l'Atlantique et âu Grand Océan ; ensuite, du côté du nord, les terres se rapprochent de plus en plus, et les découvertes récentes annoncent qu'il existe des terres très étendues près du pôle sud. Enfin, quant à la différence de pression à latitude égale sur l’Atlan- tique et sur le Grand Océan, il faut remarquer que ce dernier est beaucoup moins profond que l’autre, comme le prouve cette immense quantité d’îles et de rescifs à fleur d’eau dont la surface est parsemée.

Il résulte donc de l’ensemble des nombreuses observations faites ou réunies par MM. Schouw et Herman, sur les mers et les continents, que les moyennes barométriques ramenées à la surface des eaux tranquilles sont d'autant plus - fortes que l’on est plus éloigné des côtes, pour la mer, et des endroits le sol présente des aspérités, pour les continents. D’après cela, il est probable que les inégalités de structure de notre planète exercent une action marquée sur la hau- teur du baromètre en chaque lieu. Mais avant de pousser plus loin cette impor- tante question , cherchons à découvrir les causes des perturbations de la verticale et les principales conséquences qui peuvent s’en déduire.

S Y.

Causes des variations de la direction de Îa verticale, et conséquences qui en résultent.

Pour découvrir les véritables causes des variations que présente la direction de la verticale en passant d’un point à un autre, cherchons quelle influence peut exercer sur cette direction la partie extérieure des chaînes de montagnes , que nous supposerons uniquement composée de basalte, la roche la plus dense de toutes celles connues (1).

Soit donc un ménisque de basalte dont la densité est 3, ayant un kilomètre de hauteur , et cherchons son action sur le pied d’une verticale, menée à un point très éloigné du sommet. L'action de toute la portion du ménisque située

AISNE en dehors de la verticale,

\ fig. 1, se trouve anéantie X par celle d’une partie égale située du côté opposé, en sorte que la déviation ne peut être produite que par le - prisme triangulaire restant.

Si on décompose ce prisme en bandes longitudinales et transversales par des plans verticaux, tellement disposés que les centres de gravité de chacun des prismes que lon obtiendra ainsi soient à 1 kilom. de distance les uns des autres, l'action:

(1) Dans cette recherche, j'ai été aidé des conseils du capitaine Hossard , mon camarade.

92 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS (N.4,p. 22.) 5 mn du prisme total sera ae (cos 0 + 2 cos’ 1 + 2 cos 1’ + 2 cos’ 1” + etc.).

En désignant par 72 la masse d’un des prismes partiels, par 4 la distance de son

FIG. 2. centre de gravité au pied de la verticale, et par 0,1, 1”, etc., 8.2, Les angles d’inclinaison de la droite qui joint ce pied avec le centre de gra- vité de chaque prisme sur le plan suivant lequel la déviation a lieu, en prenant 5 pour la den- sité moyenne du globe, son.action sur la verti-

| ; 4rR 207R; cale sera 5. = la tangente de Ù

la déviation produite par le prisme sera donc

(cos 0 + 2 cos’ 1 + 2 cos’ + 2 cos’ 1" + etc.). 20 7 R 3

Après avoir calculé cette expression , en déterminant convenablement le vo- lume de chaque prisme , et les angles 1,1”,1” au moyen d'une figure géométrique, j'ai dressé le tableau suivant des différentielles de la déviation :

| 5m

cos. 0 | 2cos.5t 2 cos.34r | 2cos.3 4x |2 cos.34ur 2 cos.8 Av | 2 cos.3 Av | 2 cos.3 Avr | 2 cos.34vx | 2c0s.3 fvur D os de 1x | 4/45] 0/82 0/21 0/09 0/03 2 0 70| 0 98 05200022 0 11 0/07 0/04 3 0 A8| O 80 0 50 0 28 | 0 18 | 0 40 | O0 06 li 0 36| 0 64 0 8 0 26 | 0 20 | O0 14 0 07 5 0 29| O0 54 0 4h 0 33 0 23 0 16 0 13 0/12 0/06 6 0 21| O4 0 39 0 32 0 25 0 20 0 45 0 11 0 08 7 0 20| 0 38 0 34 0 28 0 24 | 0 20 0 15 0 09 0 07 8 0 18| O0 34 0 32 0 29 0 25 0 21 0 17 0 14 0 10 9 0 16| 031 0 5 0 24 0 23 0 20 | O0 45 0 13 0 11 0/5 0 14| O0 27 0 26 0 24 0 21 0 19 0 16 0 4 0 12 0 6 0 12] O0 22 0 22 0 20 0 19 0 16 0 15 0 14 0 11 0 9 0 10! O0 19 0 19 : O0 18 0 16 0 44 0 13 0 11 0 09 0 7 0 08] O0 415 0 15 0 4h 0 13 0 12 0 11 0 09 0 07 0 07| O0 413 0 13 0 13 0 42 0 40 0 10 0 09 0 07 0 06| 011 0 414 | 011 0 10 0 09 0 09 0 07 0 05| 0 09 0 09 0 09 0 08 0 07 468 |4-6/41 |+4/68 |+3/410 42/71 |+2/16 |41/66 |+1/923 +088 +027 |=28/,08centésimaes.

{

Il résulte de que l'influence sur le pied de la verticale de 1 kilomètre cube de Lasalte devient tout-à-fait insensible à 16 kilom. de distance; que celle

(N.1,p.2%) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 93 d'un prisme triangulaire de 16 kilom. de base, et de 1 kilom. de hauteur , est seulement de 2808 centésimales ou 9” sexagésimales.

Pour appliquer à la chaîne des Alpes les résultats précédents, je ferai re- marquer que, dans ces montagnes , le plus grand nombre des sommets et des crêtes se trouve au-dessous de la limite des neiges perpétuelles (2634"). Le ni- veau du lac Léman, qui occupe la dépression entre les Alpes et le Jura, est à 2268" au-dessous de la limite des neiges. On peut donc prendre 2 kilom. pour la hauteur moyenne des sommets des Alpes au-dessus du lac Léman. Dans cette chaîne, la somme des vides , c’est-à-dire l’espace occupé par les vallées, est au moins égale à celle des pleins ou l’espace occupé par les reliefs (1), ce qui donne 1 kilom. pour la hauteur du ménisque que l’on obtiendrait en jetant dans les vallées la matière des montagnes, jusqu'à ce que l’on füt arrivé à une sur- face horizontale. Mais comme , vers le centre de la chaîne, le fond des vallées s'élève jusqu’à 700" au-dessus du lac Léman, et pour prévenir toute objection, nous supposerons au ménisque une hauteur de 1*,5. C'est l'influence seule de ce ménisque, qui dévie sensiblement la verticale ; celle du ménisque provenant de la déformation de la surface de niveau par suite de la production de la chaîne est insensible. En effet, la plus grande déviation observée dans la. sphère d'activité des Alpes est de 28” (page 10). Ce nombre est en même temps l'angle que les deux tangentes aux courbes de niveau tracées sur la surface normale et sur la surface déformée font entre elles, ce qui donne 0“:0067 pour la hauteur du ménisque compris entre ces surfaces, en supposant à la chaîne une largeur de 100", et par suite 9 (0,0067) 0,06 pour la déviation produite par le ménisque ; car l'attraction de prismes de même base et de même matière varie comme la hauteur. Le maximum de déviation de la masse entière des Alpes serait donc 9 (1.5) 135, en supposant cette masse toute formée de basalte, ce qui donne un nombre certainement trop grand. Maintenant, à Andrate, au pied oriental de ces montagnes, la déviation a été trouvée de 28”, et de 8”,5 au mont Cenis, presque sur le sommet du ménisque, elle devrait être insen- sible (2). La latitude géodésique de Parme, déduite de celle de Milan, diffère de 20”,4 de celle donnée par l'astronomie, et ces deux villes sont situées dans une plaine, l’une à 30 kilom. du pied des Alpes, l’autre à 16 kilom. de celui des Apennins, distance à laquelle l'influence de la partie extérieure des mon- tagnes est négligeable. Enfin, à Omme, sur le versant oriental de la chaîne de l'Auvergne , la latitude astronomique surpasse de 9” celle de la géodésie (pag. 4), et en ce point, la hauteur du prisme triangulaire, qui se détermine facilement par

us les différences de niveau (fg.

nn 960 2 ï mm 3), est de 280 mètres seule >" Ë ment ; ce qui donne (0,28) 9 (4) Ge qui peut parfaitement se voir sur une carte topographique. (2) L'observatoire du mont Cenis est à 14,700" au-dessus du lac Léman.

24 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS (N-1,p. 24.) 291 5 pour la déviation, en supposant tout le prisme formé de basalte, tandis qu'il est réellement formé, en grande partie, de granite et de calcaïre au milieu desquels le basalte s’est injecté.

Les déviations de la verticale, constatées sur un grand nombre de points de la surface terrestre, ne peuvent donc pas être attribuées uniquement à la partie extérieure des montagnes, ainsi que l'avaient déjà présumé MM. Plana et Carlini, Puissant et de Beaumont; elles dépendent nécessairement de la structure inté- rieure du globe, et leur marche exige que, dans les bombements, la densité de la matière ait considérablement augmenté, et qu'elle ait diminué dans les dé- pressions. |

Dans son Mémoire sur les révolutions du globe (pag. 273, note 2), M. de Beaumont a discuté Les diverses déviations du fil à plomb constatées en un grand nombre de points de l'Italie, du Piémont, de la Suisse et de l'Allemagne. Il re- marque que le zénith d’Andrate, située au nord du mont Rose, est déplacé par l'attraction de cette montagne sur le pied de la verticale de 28" vers le sud, tandis que celle de Mondovi, éprouvant de la part des Alpes maritimes, situées au sud de cette ville, une action diamétralement opposée, le zénith se trouve rejeté de 19°,4 vers le nord. Turin étant placé plus près d’Andrate que de Mondovi, et l'action exercée par le mont Rose étant plus forte, le zénith de Turin se trouve légèrement déplacé dans le même sens que celui d’Andrate; l'observatoire du mont Cenis, situé à peu de distance du méridien du Mont-Blanc, a lui-même son zénith déplacé vers le sud d’une quantité plus grande que celui de Turin; les observatoires de Milan, de Vérone, de Venise (page 10), situés à des distances variables du pied méridional de la chaîne principale des Alpes, ont aussi leur zénith déplacé vers le sud de quantités plus ou moins grandes. Au contraire, les observatoires de Munich, de Vienne, situés au nord de la même chaîne, ont leur zénith déplacé vers le nord. La même action se manifeste d’une manière analogue à Inspruck ; à Genève, la déviation est encore dans le même sens, elle se trouve être très faible, par suite peut-être de l’action du Jura, dont une des principales cimes, la Dôle, est située presque exactement au nord. Cette influence d'une chaîne différente des Alpes se manifeste d'une manière bien sensible à Wells, entre Vienne et Munich; le zénith de Wells se trouve fortement déplacé vers le sud, mais aussi cette ville est bâtie au pied sud du Bœhmerwald-Gebirge , qui agit fortement sur le pied de sa verticale. M. de Beau- mont ne croit pas que cette action des montagnes sur le fil à plomb soit due en totalité à la portion de leur masse qui s’élève au-dessus de l’horizon : «Il est » beaucoup plus vraisemblable, dit-il, qu’elle dérive, en partie, d'irrégularités » dans la structure intérieure du globe, qui peut-être sont elles-mêmes en rap- » port avec les mouvements intestins qui ont donné lieu à l'élévation des mon- » tagnes. »

Il est donc parfaitement constaté que les montagnes exercent une action mar-

(N.1,p.%.) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 25 quée sur la direction du fil à plomb, dont elles attirent le pied , d’où résulte le déplacement, en sens contraire du zénith, des points situés dans leur voisinage. Nous avons démontré $ 2 que, dans les régions occupées par les chaînes de montagnes, la surface avait être écartée du centre du globe; et, pour que le fil à plomb se trouve plus fortement attiré vers les lignes de dislocations qui se sont produites dans cette action , il faut absolument que la masse solide y soit devenue plus considérable qu'elle n’était auparavant.

Mais il résulte du calcul, page 22, que la partie intérieure des masses mon- tueuses est tout-à-fait insuffisante pour rendre compte du phénomène: il est donc nécessaire qu'au-dessous la densité soit beaucoup plus considérable que partout ailleurs. Laplace a démontré que la densité du globe allait en croissant de la surface au centre, et des observations du pendule faites en Angleterre, dans les lieux profonds, ont confirmé ce résultat. C’est, du reste, un fait dont il est très facile de se rendre compte : les expériences de Cavendish et de quel- ques autres physiciens ont démontré que la densité moyenne du globe est à peu près 5,50; la moyenne de celles des matières qui composent la surface, en y comprenant le spath-fluor, la barytine et le piroxène, qui ont des densités de 3,2, de 3 et de 4,4, n'est que de 2,9; il est donc de toute nécessité que la densité croisse avec les profondeurs pour que [a densité moyenne soit 5,5. La grande augmentation de densité sous les chaînes exige donc que là, des matières soient montées du centre vers la surface : effectivement, dans l’intérieur des chaînes de montagnes, il existe une quantité de roches plutoniques, granites, porphyres, serpentines, diorites, que les géologues admettent être venues de l'intérieur de la terre, et dont les densités sont plus fortes que celles des couches d’origine aqueuse à travers lesquelles elles ont été lancées. Dans les intervalles qui séparent les chaînes les unes des autres, la convergence des verticales est diminuée, il a fallu, par les mêmes raisons, que la matière fût descendue de la surface vers le centre. La production de ce double effet exige nécessairement que l'intérieur du globe ait été à l’état fluide; ainsi donc, par le seul moyen des observations géodésiques et astronomiques, on peut arriver à démontrer la fluidité intérieure de la terre aux différentes époques de formation de chaînes de montagnes.

Ïl résulte.clairement de ce qui précède que les chaînes de montagnes et leur base, loin de présenter de vastes cavités, comme Bouguer l'avait avancé, et plu- sieurs géologues et géographes l'ont répété après lui, présentent au contraire une plus grande accumulation de matières que les autres points du globe. L'erreur de Bouguer vient de ce qu'il attribuait au globe une densité beaucoup trop considérable, 7 à 8 fois plus grande que celle de la surface, dont elle n’est réellement que le double. Il est donc bien constaté que, dans les altérations que la surface du globe a éprouvées, la matière s’est accumulée sur les points il s’est produit des bombements, et qu’elle a diminuer au-dessous des parties

SOC. GÉOL. SÉRIE. T. IL. Mém. n. 1. Li

26 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS (N:1, p: 26.) qui se sont affaissées. Quand la matière ascendante a trouvé des ouvertures, des crevasses, une partie s’est répandue au-dehors; mais dans le cas contraire elle est toute restée condensée sous les bombements.

Les bombements comme les dépressions, c’est-à-dire les déformations de la surface de niveau générale, sont très peu de chose comparativement aux dimen- sions du globe terrestre; c'est ce dont on peut s’assurer par un calcul très

FIG. 4. simple. En jetant les yeux sur la figure #4, on verra Dan facilement qu'en nommant x la flèche positive ou RE négative de la déformation, 2C l'amplitude de l’arc

mesuré, à la déviation de la verticale aux extrémi-

tés, ce qui donne + 20 pour la différence entre l'arc géodésique et l'arc astronomique, et R le rayon

a Wa de la terre, on aura Vo! 7 ua _ C + sin. 4 —h=R| sin. C Ho d—sin. (C4 4) }. 7 sin. (C + 4) sin. (C + 0) é V2 d'où l’on tire, en développant en séries et multi- pliant par sër1” pour réduire les arcs en partie du 0 rayon : s=Rc} 1 no (sin. 1/72.

En nous servant de cette formule (1), nous avons calculé les flèches de tous les ménisques de déformations positives ou négatives, pour tous les arcs du pa- rallèle moyen et de la méridienne de Paris, aux extrémités desquels on a à la fois des observations géodésiques et astronomiques, et les résultats de ce calcul sont réunis dans les deux tableaux que voici :

(1) Nous avons été aidé par notre camarade Hossard dans la recherche de cette formule.

CN, p.27.) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 27

PARALLÈLE MOYEN. MÉRIDIENNE DE PARIS. A LT EE

DES POINTS ten” se DES POINTS 2e Se RS: LE LE MÉNISQUES. : NÉNISQUES.

Marennes 74h07" 079 Greenwich. . . .( 49198" Saint-Preuil. . . .( 3435” Te Dunkerque. . . .| 1591”

Saint-Preuil . 124182" 0 56 Dunkerque. . 243520® 5745" +0 56 |panthéon 1879"

3 D éon. . 852"; 133345 , +0 57 Panthéon hu

3291147; Carcassonne . . . . | 10668,

Carcassonne. . 203623"

—0"33

TO + 92

Mont Colombier L

Mont Colombier .{ 92215" Mont Cenis. . . .| A260/ Montjouy . . . .| 6667/’

Mont Genis. . . .(175160" Montjouy . 299509® 6750/ +2 AT \pormentera. . . .| 9710”

ASS LE DS) PO 75

1995517 92107”

—0 69 170

6/0

—26” | —8 64

Ces tableaux nous montrent que = plus grande partie des ménisques de défor-

mation, en France, dépasse peu a du UE terrestre, qui est de 6367334",

et qu'en général elles n’atteignent pas la ——— partie de ce rayon. En opérant de

la même manière sur les autres lignes géodésiques l'on a à la fois des obser- vations géodésiques et astronomiques, on arriverait à des résultats semblables, puisque les déviations observées dans la direction de la verticale ne sont pas plus fortes que celles que nous venons de considérer. Nous avons tracé dans la planche 1 les deux courbes de déformation données par les tableaux précé- dents; en jetant les yeux dessus, on verra qu'elles diffèrent très peu de l'arc ellipsoïdal. Comme une de nos lignes traverse la chaîne des Alpes, une des plus considérables du monde, il est probable que dans aucune partie du globe les déviations de la verticale ne sont beaucoup plus considérables que les plus fortes de notre tableau; d’où il résulte que nulle part les flèches des ménisques de déformation ne seront notablement plus grandes que celles que nous avons calculées.

De tout ce qui précède on peut conclure que le globe, pris en masse, est assez ri- goureusement comparable à un ellipsoïde de révolution dont l’aplatissement serait

28 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS (N.4, p.28.) celui donné par la théorie des inégalités lunaires ; mais que cette comparaison est loin d’être aussi exacte qu’on l’a généralement cru jusqu’à présent ! La surface présente une série d’élévations et de dépressions peu considérables, mais qui correspondent à des inégalités sensibles dans la structure intérieure, qui, agissant sur le pied des verticales en passant d’un lieu à un autre, produisent les anomalies que l’on observe entre les résultats géodésiques et astronomiques, dans la marche du pendule et aussi dans celle du baromètre, comme nous le prouverons plus bas. D’après cela, il est évident que surface des mers doit présenter des irrégularités comme celle des continents, puisque l'élément de cette surface en chaque point est un plan perpendiculaire à la verticale; il en est absolument de même des couches de niveau de l'atmosphère jusqu'à Îa hauteur les inégalités de la structure du globe peuvent exercer leur in- fluence.

Nous venons de démontrer, par le calcul, que la flèche des ménisques de défor- mation pouvait atteindre 8"; il doit donc exister sur la mer en repos des points piacés à 8" de différence de hauteur. Ainsi, quand on part du niveau de la mer pour calculer les hauteurs des montagnes, on peut trouver des différences allant jusqu'à 8”, si l'on rapporte les observations à deux points de départ situés à une certaine distance l’un de l’autre. Pour éviter cette erreur, il faudrait tenir compte de la hauteur des ménisques de déformation, qu'il sera toujours possible de calculer quand on connaîtra la déviation de la verticale. Sur la direction des chaînes de montagnes, la mer est notablement plus élevée que devant les inter- valles qui séparent les chaînes les unes des autres. Les différences que l’on a trouvées dans les travaux géodésiques de la carte de France, sur les altitudes d'un même réseau trigonométrique, qui aboutit à deux mers ou à deux points de la même côte très éloignés l’un de l’autre, peuvent donc être plutôt attri- buées aux inégalités de structure de la surface terrestre qu'aux erreurs d’obser- vation, qui ne sont jamais notables et se compensent presque toujours.

Les aspérités de la surface des mers ne peuvent donc plus être révoquées en doute. Maintenant, l’ellipsoïde de révolution à d'aplatissement, oscula- teur à la surface de la terre à Paris , touchant le niveau moyen de la mer à Brest, auquel sont rapportés tous les points de la carte de France, coupe évidemment la surface des mers, qu'il laisse tantôt au-dessus , tantôt au-dessous de la sienne. Il existe donc des portions fort étendues des continents qui sont au-dessous de la mer, Sans que pour cela elles soient envahies par les eaux; ce qui est à la gravitation qui les retient dans la position qu’elles occupent. Mais si, par une cause quelconque, la gravitation venait à éprouver des variations notables sur quelques points du globe, les eaux engloutiraient certaines parties des conti- nents; et comme les faits géologiques prouvent que de semblables variations ont avoir lieu à diverses époques, on a ainsi l'explication d’une foule de phéno- mèênes : les retours successifs de la mer dans certains bassins tertiaires, les

(K-1,p-23.) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 29 plages couvertes de coquilles marines qui se trouvent maintenant à une grande distance de l'Océan, etc.

Puisque les flèches des ménisques de déformation dépassent à peine la mil- lionième partie du rayon terrestre, elles ne peuvent avoir par elles-mêmes aucune influence sensible sur la variation de la pesanteur à la surface de la terre. La véritable cause de cette variation est donc l'augmentation considérable de densité dans les régions occupées par les chaînes de montagnes, provenant de ce que, dans les déformations , une partie de la matière fluide intérieure est montée vers la surface ; c’est le résultat de l’action perturbatrice de masses très denses logées dans les bombements. Les anomalies observées dans la direction de la verticale, changeant de valeur et même de signes dans de très petits espaces, entre Marennes et la Ferlandrie, distance de 30,000" seulement ; entre Omme et Montceaux; entre Montceaux et le mont Colombier, éloignés seulement de 44,000" ; entre le mont Colombier et le mont Cenis; entre le mont Cenis et An- drate, l’un sur le sommet et l’autre au pied des Alpes ; entre Andrate et Mondovi, deux points éloignés de 25 lieues seulement, où, à l’un, le pied de la verticale est dévié de 28’ vers le nord , tandis qu’à l’autre il est dévié au contraire de 20" vers le sud , etc., etc., prouvent évidemment que les masses perturbantes sont très voisines de la surface; car, si elles étaient à une certaine profondeur dans l'in- térieur du globe, leur influence se ferait sentir sur une grande étendue, et on n'observerait de variation sensible dans la direction de la verticale qu'après avoir parcouru un grand espace, plusieurs degrés. Cela posé, revenons aux variations singulières que présentent la hauteur de la colonne barométrique et la marche du pendule, ramenées toutes les deux à la surface des eaux tranquilles et débarrassées de toutes les causes d'erreurs connues. $ 3 et S 4.

L'atmosphère supposée en repos, attirée vers le centre de la terre, se disposera autour de sa surface par sonic de niveau infiniment minces, bombées sur les

EN bombementset déprimées sur les

a dépressions, fig. 5, et cet effet

OODL se continuera en s’élevant jus-

T0 LD 7 AT qu'à ce que, par l'éloignement, l'influence des masses perturbatrices devenant insensible, les couches de niveau deviennent ellipsoïdales. La pression qu'éprouve une surface de niveau étant rigoureusement la même dans tous ses points, une molécule matérielle éprouvera de la part de l'atmosphère, supposée en équilibre autour de la terre, la même pression, en quelque point qu'elle se trouve placée de la surface des eaux tran- quilles, bien que la hauteur de l'atmosphère ne soit pas rigoureusement la même au-dessus des bombements qu'au-dessus des dépressions; mais les masses très denses, logées dans les premiers, exercent une forte action sur les corps placés à la surface; au-dessus d’eux, le mercure pèse davantage qu'au-dessus des dépressions , et cette augmentation de pesanteur doit déterminer un abaisse-

30 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS CN:1, p. 50.) ment dans la colonne de mercure, qui fait toujours équilibre à la pression de l'atmosphère : soumettons ces effets au calcul.

Nous avons déjà dit que l'augmentation ou la diminution de longueur du rayon de la terre, dans les bombements et les dépressions, n'avait aucune influence sensible sur les variations de la pesanteur à la surface de la terre; celle-ci ne peut donc être notablement affectée que par les masses très denses logées dans les bombements. Soit #7 une de ces masses, 7 la distance de son centre de gravité à la surface bosselée de la terre, M la masse de celle-ci, R son rayon moyen et P la hauteur de la colonne barométrique, sous la double influence de la pression de l'atmosphère et de l'attraction vers le centre de la terre. Au-dessus de la masse 72 cette hauteur deviendra

et pour que l’abaissement soit de 0",001, il faudrait avoir \ P = j°", faisant

P = 0",760, R 6,000,000" et r = 2,000", en prenant la densité moyenne de la terre pour unité, nous aurons alors M = 904760000000 kilom. cubes, et en substituant dans l'équation précédente

m (6000000)

904760000000 (2000)2 HUE d'ou l’on tire 90476 mn TC 132 kilomètres cubes.

Si l’on suppose à la masse 772 une densité double de celle de la terre, 10 environ, on aura #—76 kilom. cubes, et si cette masse occupe un myriamètre carré, son épaisseur sera exactement de 760".

Par exemple, si l’on suppose qu’une masse métallique placée sous le Cantal, dont la base peut s'inscrire dans un carré de 5 myriam. de côté, ait produit le bombement de cette montagne, il suffirait que cette masse eût 31” d'épaisseur pour déterminer dans la colonne de mercure un abaissement de 0",001, en la supposant concentrée à son centre de gravité, il est vrai.

Mais l'augmentation de poids se fait en même temps sur le mercure et sur l'air; il faut donc démontrer que l'effet total produit sur le dernier n’est qu'une fraction de celui produit sur le premier, en sorte qu'il y a réellement un abais- sement sensible dans la hauteur du mercure.

Si nous concevons l’atmosphère divisée en couches de 500" d'épaisseur, ter- minées par des surfaces de niveau depuis la surface de la terre jusqu'au point cesse l’influence de la masse perturbatrice, on obtiendra les trois séries suivantes en prenant 0",760 pour la hauteur du mercure à la surface de la terre,

(N-1,p.51.) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 31

ÉENNUIS pour re, Lee 4 sol. DÉRROPPRENN-E 1 OPONRAON EE EE 000 2 OR RER CNP «2.016500 7% OO hi: C000 24 380 : . 5500 L05 : 5000 26

431 see . 1500 . 28

459 . L000 30

L89 - : 3500 32

521 - = 3000 34

559 - 2500 36

594 . 2000 38

629 RE - . 1500 . LA

670 = à 1000 . LU

714 5e 500 . 16

FAO) ACT ORNE ER RE 2 0 = $

dont celle de droite représente les hauteurs des surfaces supérieures des couches- au-dessus du sol; celle de gauche, les hauteurs correspondantes de la colonne barométrique, et celle du milieu, les pressions en millimètres de mercure de chaque couche comprise entre deux surfaces de niveau successives.

L'effet produit par la masse 2, dont nous supposons le centre d'action à

2000" au-dessous de la surface de la terre, à une hauteur 2 dans l'atmosphère | Tr 2000), 1

sur un millimètre de mercure, sera { 2 60 Pn effectuant le calcul pour chaque couche de 500”, dont les pressions diminuent à mesure que l’on s'élève, et sont représentées par les nombres de la colonne du milieu en millimètres de

mercure, et supposant que la pression est prise au milieu de la couche la.

32 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS COMEMEE) densité est moyenne, on obtient la série suivante pour l'effet produit sur la colonne d'air jusqu’au point cesse l'influence de la masse perturbatrice.

HAUTEURS DÉPRESSIONS

AU-DESSUS DU SOL. DE L'AIR.

500 0""0478 1000 0306 1500 0204 2000 0142 2500 0105 3000 0079 3500 0061 4000 0048 500 0038 5000 0030 5500 0025 6000 0021 6500 0018 7000 0015 7500 0013 8000 0014 8500 0009 9000 0008 9500 0007

10000 0006 10500 0005 11000 0004 11500 0003 12000 0002 12500 0001 | 13000 0""0000

ÎlEffet total. . . .| 0"1639

Complément. . . 08361

Il résulte de là, que l'influence de la masse pérturbatrice qui produirait l'abaissement de 0"001 dans la hauteur du mercure à la surface de la terre, cesse d’être sensible à une hauteur de 13,000", dans l'atmosphère, puisque elle se trouve réduite à des cent millièmes de millimètre. En supposant que l’action continuât à être de O""C0001 jusqu'à 60,000", hauteur supérieure de l'at- mosphère, ce qui est exagéré, puisqu'elle va toujours en décroissant à me- sure que l’on s'élève, la somme des 94 couches restantes ne produit pas 0”"001.

2 Que l'effet total produit sur la colonne d'air n’est que de. . 0""1639 d’où il reste pour l'abaissement du mercure. . . . . . . O0 8361 1°°0000

Ainsi done, en promenant le baromètre sur une surface de niveau , entre 0" de

CN. 4, p. 55.) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 33 hauteur, et 13,000" dans l'atmosphère, quand cette masse fluide serait par- faitement en équilibre autour de la terre, on observerait des variations sensibles dans la hauteur de la colonne de mercure : elle s’allongerait dans les dé- pressions de la surface et se raccourcirait sur les bombements , ce qui est par- faitement d'accord avec les observations ($ 4). Maintenant, que la totalité de l'effet produit soit due à l'influence des masses métalliques logées dans les bom- bements, cela n’est pas probable : nous avons supposé l'atmosphère en équilibre et en repos autour de la terre, etelle est, au contraire , mise en mouvement par une foule de causes qui déterminent des courants constants, comme entre les tropiques , les crêtes des montagnes et les vallées, etc.; de résultent des ren-

flements et des abaissements dans la partie supérieure de l'atmosphère qui in- _ fluent notablement sur la moyenne barométrique, comme M. Herman l’a constaté pour la région des vents alizés. Mais il ne reste pas moins parfaitement démontré que les masses métalliques logées près de la surface des eaux tranquilles qui produisent les inégalités de cette surface et les aberrations dans la direction de la verticale, influent sur les moyennes barométriques. Mathématiquement parlant, deux baromètres placés à une certaine distance l’un de l’autre, à Paris et au Havre , à Lyon et au mont Cenis, ete., quelque identiques qu'ils puissent être, ne sont donc pas des instruments comparables; le même baro- mètre, transporté d'un lieu à un autre, donne des résultats qui ne sont pas rigou- reusement comparables entre eux.

L'ensemble des observations du pendule réunies dans le tableau du $ 3 montre que le pendule avance généralement dans les îles éloignées des continents et dans les grandes plaines, et qu'il retarde lorsque l’on s'approche des côtes et dans le voisinage des chaînes de montagnes. Le relief de ces chaînes aurait-il done une influence sensible sur la marche du pendule observé à leur pied ? Poisson a dit dans son Traité de mécanique, t.X, p.491 À Ia surface de la terre, la varia- » tion dela pesanteur , provenant de celle de l'attraction et de la force centrifuge, »suit la même loi qu'à une distance quelconque du centre, c’est-à-dire qu'elle »est proportionnelle au carré du cosinus de la latitude. Mais pour vérifier cette » loi par les mesures du pendule à secondes, il faut que les oscillations ne soient » pas mesurées près d’une montagne; car en même temps que la composante ho- »rizontale de l'attraction écarte le pendule de la verticale dans sa position d’é- » quilibre, la composante verticale de cette force diminue la pesanteur et consé- » quemment la longueur du pendule simple. En évitant cette cause d'anomalie, » on trouve encore qu’en certains lieux la longueur du pendule à secondes s'é- » carte de la Loi de variation donnée par la théorie; ce que l’on doit attribuer à » ce que, en ces lieux , la densité du terrain dans une étendue et une profondeur » considérables est plus grande .ou plus petite que la densité générale de la » couche superficielle , d'où il résulte une augmentation ou une diminution de la » pesanteur totale , et par conséquent de la longueur du pendule simple, qui est

SOG. GÉOL. SÉRIE. T.I. Mém. n. 1. 5

34 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS (N:4, p. 54.) » proportionnelle à son intensité. Le pendule est donc aussi un instrument de » géologie, qui annonce, par ses anomalies , des variations d’une grande étendue » dans la nature du sol. »

Cherchons donc si la partie extérieure des chaînes de montagnes, dont nous connaissons l’action sur la direction de la verticale, exerce une influence appré- ciable sur la marche du pendule.

Il est démontré en mécanique que si » et 7’ désignent Les nombres d’oscillations du même pendule dans un temps donné en deux localités différentes, g et g’ les intensités de la pesanteur en ces mêmes lieux, on aura : : : g: 8°; d'où l’on peut conclure qu’en général 7 = mg (a), m élant un coefficient constant indé- terminé. En différentiant cette équation, on aura pour la variation de z, corres-

m ue, pondante à celle de £, dn Se de, et en mettant pour 77 sa valeur tirée de nr

l'équation (a)

Soit o le centre d'action d’une montagne qui, par son influence horizontale, amène la verticale AB dans la position AB’, et soit

; ES l'angle BAB'— ), r la distance du point d’observa-

| tion au centre d’action de la montagne, 2 la hauteur de ce centre au-dessus du plan horizontal passant par le point B', on aura assez exactement, en représen-

BB à : x let tant g par AB, ———tang. d; alors dg sera évi- 8 | demment représenté par CB, et on aura sensiblement TD gi AE AU | LIN, #4 (où, en multipliant ces deux équations | ; LL T CE \B LOU U 1 de TTOLLODLO TILL d £ h à PU DRE j ra ang. d , et en substituant, il viendra LP

an tang. d (c); formule qui donnera la variation dans le nombre d’oscillations du pendule, quand on connaîtra la position du centre d'action de la montagne par rapport au point de station et l’angle de déviation de la verticale.

Appliquons cette formule à la chaine du Puy-de-Dôme, au pied de laquelle MM. Biot et Mathieu ont constaté un retard de 2,09 pour un jour moyen solaire dans la marche du pendule, observée sur le pavé d’une des salles de la préfec- ture de Clermont. Le sommet de la chaîne du Puy-de-Dôme, située à l'ouest du point d'observation, est à 600" au-dessus du plan horizontal passant par ce point,

(N:1,p.55) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 39 et à 9 kilomètres de distance horizontale; nous avons déjà dit que cette chaîne déviait la verticale de 9’. Supposons que cette déviation soit toute produite par la partie extérieure de la montagne, ce qui est loin d’être vrai, comme il est démontré $ 5, nous aurons pour Clermont S 9”, r 9000" et 2 300”, en supposant le centre d'action de la montagne à 300" au-dessus du plan hori- zontal passant par le point de station, ce qui est certainement exagéré. Pour un jour moyen solaire ? 86400, substituant dans l'équation c il viendra 200

300 LS dn —h3200 9000 tang. 9/—

tang. 9/ 0,062.

Pour la chaîne des Alpes, qui domine Andrate, en supposant encore tout l'effet produit par la partie extérieure des montagnes, on aura à 28; si l'on fait À 500", 7 -- 10,000", le même calcul donne 47 = 0,29.

La partie extérieure des chaînes de montagnes ne peut donc avoir aucune influence sensible pour retarder la marche du pendule, ce qui est contraire à l'opinion de Poisson; mais il est parfaitement constaté, $ 3, que le pendule retarde au pied de plusieurs chaînes de montagnes, et aussi sur un grand nombre de points le sol est plat ou ne présente que des ondulations légères: Paris, Dunkerque, Londres, Bordeaux, etc. Cet effet doit donc tenir à une cause intérieure, par exemple à une diminution de densité du sol sur lequel on opère, comparativement à la densité générale de la croûte du globe.

En 1824, M. Carlini a observé le pendule au sommet du mont Cenis, à 1900" au- dessus du niveau de la mer, et la longueur réduite à ce niveau s’est trouvée

COPA NN RE NT ER RE. 2e lie 1,1 99888708 la longueur du pendule observée à Bordeaux par M. B. Biot,

réduite à la latitude du mont Genis, est de. . . . . . . 993, 498 la différence en plus de. . . . . MERE 0, 210

a été attribuée par M. Carlini à ant ce la none dont il supposait la densité moyenne de 2,66 ce d’après la nature des roches qui la consti-

tuent (1). Cette différence est les = de la longueur du pendule à Bordeaux. En

a prenant 3 pour la densité moyenne du mont Cenis, ou environ les de celle du globe, et seen que le pendule a été observé à 2000" au-dessus de la mer, ou à peu près-— du Ho rayon terrestre, on aura pour le maximum d’action an: 3— 10,000 000° attribué à la partie extérieure de la montagne ; il faut qu'au-dessous la densité soit plus forte que la densité moyenne de la croûte du globe, résultat auquel nous avions déjà été conduit par la considération de la déviation des verticales.

Il paraît que M. Carlini est, jusqu’à présent, le seul physicien qui ait observé

nt

de la montagne L'effet observé ne peut donc pas être uniquement

(4) Éléments de physique, par M. Pouillet, t. I, page 116, édition.

36 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS CN-4, p. 56.) le pendule sur le sommet d’une montagne. Il Serait important de faire de même sur un grand nombre de points du globe, afin de confirmer complétement le résultat déduit de la déviation des verticales : gu'au-dessous des chaînes de montagnes la densité de la croûte du globe est notablement plus considérable qu'ailleurs. ,

Le tableau du $ 3 montre, comme nous l'avons déjà fait remarquer, que sur les iles éloignées des continents le nombre d'oscillations du pendule, dans un jour moyen solaire, augmente notablement; or, ces îles sont des plateaux ou des crêtes de montagnes sous-marines, au-dessous desquelles doivent se trouver des matières très denses, comme sur les continents, qui augmentent l’action de la pesanteur et accélèrent par conséquent la marche du pendule. Il est bon de remarquer aussi que la plupart de ces îles sont couvertes de déjections volca- niques; ce qui annonce qu'au-dessous d'elles des matières sont montées de l'intérieur de la terre vers la surface : elles sont po$ées sur des bombements.

Il a été parfaitement démontré, dans le commencement de ce paragraphe, que dans les bombements la densité devait être plus considérable que non seulement celle de la surface, mais encore que la densité moyenne du globe, tandis que dans les dépressions elle doit être au contraire plus petite; il résulte évidemment de que sur les bombements le pendule doit avancer, et qu'il doit retarder dans les dépressions. Les variations de la marche de cet instrument tiennent principalement à des causes intérieures , à des variations de densité dans la croûte solide du globe au-dessous de la surface des eaux tranquilles.

Dans tous les points voisins de la trace du méridien de Paris le pendule a été observé, à Londres, Dunkerque, Paris, Clermont, Bordeaux, Fi- geac, etc., il retarde sensiblement; ce qui annonce que cette ligne est moins bombée que ne le veut la théorie, et s'accorde assez bien avec les calculs de Puissant, qui donnent un aplatissement presque nul pour la partie occidentale de la France, $ 1. Si des observations géodésiques et astronomiques, qui n'ont été faites ensemble qu'à Dunkerque, Évaux, Carcassonne et Montjouy, avaient été exécutées sur un plus grand nombre de points, leur ensemble conduirait probablement au même résultat, tandis que, en calculant d'après celles que nous possédons, on trouve le méridien de Paris un peu plus courbé que l'arc de l’ellipsoïde; à _ d’aplatissement , le tableau , page 27, donne + 0",7 pour la flèche du ménisque moyen.

Dans un Mémoire lu à l’Académie des sciences en décembre 1827, M. Biot a combiné ensemble un grand nombre d'observations du pendule, il a donné celles faites par lui dans le voisinage du parallèle au 45° degré, qui, ramenées à

celte latitude, donnent les longueurs suivantes pour le pendule à secondes dans le vide et au niveau de la mer.

(N-1,p.5.) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 37

AMBOr eau NE EN LE TERME 9032276 CNE, din AO RIRE E 0 LOUE RE 1878 Clermont-Ferrand. . . . . . . 5218 MontiGenis dis.) 7080 M. Carlini. DEEE PNR 02 TEASER 5114 PATOUEAER ES). UNE RAEE TEE EU 57162 NO, el AMEN Le RIM RRQ

IL résulte encore de que la longueur du pendule est plus courte à l'occident du méridien de Paris qu’à l'orient, ou, ce qui revient au même, que le pendule retarde; ce qui annonce une dépression de ce côté, ainsi que nous l’avions déjà conclu des observations faites près du méridien. A l’orient, dans la partie mon- tueuse de la France et de Ftalie, pour laquelle l’aplatissement peut aller

jusqu’à —, la longueur du pendule est notablement plus grande, et ses variations extrêmement sensibles méritent d'être discutées. Le grand bombement des Alpes se trouve entre Clermont et Milan, et au mont Cenis, vers le sommet de ce bom- bement , la longueur du pendule dépasse de 0"”,19 celles de deux points situés à droite et à gauche dans les dépressions. Nous avons montré, page 12, qu'il existe un bombement entre Milan et Padoue; dans cet intervalle la longueur du pendule augmente de 0"",064; de Padoue à Fiume il y a une forte dépression, et la longueur du pendule diminue de 0"”,016. Il est donc extrêmement pro- bable, d’après le petit nombre d'observations que nous venons de rapporter, que les anomalies observées dans les variations de la longueur du pendule, à la surface de la terre, sont principalement dues aux inégalités de sa structure in- térieure, constatées par la comparaison entre les résultats géodésiques et astro- nomiques : sur les Lombements le pendule avance, et il retarde dans les dépres- sions, ou il s’allonge sur les uns et se raccourcit dans les autres; ce qui est précisément le contraire de la colonne barométrique.

Dans le Bulletin universel de Férussac, M. Segey a publié un fort beau Mémoire sur les anomalies observées dans la marche du pendule, qu'il attribue à des élévations et à des dépressions du sol par rapport au niveau elliptique. D'après le principe que les longueurs du pendule à secondes sont en raison inverse des carrés des distances au centre de la terre, il a dressé un tableau de l'ensemble des élévations et des dépressions, résultant des observations consi- gnées dans celui de notre $ 3, d’où il conelut : «qu'il existe un abaissement du » sol au-dessous du niveau elliptique qui, partant de 70° N., s’en irait croissant » jusqu'au 80° degré, et probablement jusqu’au pôle. Ce résultat n’est pas cer- » tain, vu qu'on se trouve à la limite des observations : il existerait un renfle- » ment de 70 à 60°; il n’est pas non plus bien avéré, puisqu'il ne repose que sur » l'observation de Drontheim, un peu trop éloignée du méridien de Paris. Mais » de 60 à 52°, le sol se déprime certainement pour se relever ensuite de 52 » à 40°, il atteint son maximum d’élévation ; à 38° il paraït rentrer au niveau

38 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS (N.4, p- 58.) » moyen. Cette protubérance embrasse donc une étendue de 14°; sa marche est » progressive et bien marquée des deux côtés du maximum. Sans doute le niveau » réel de la mer s’élève au-dessus du niveau moyen, quand on suit le méridien » de Paris de 35 à de latitude nord, c’est-à-dire depuis les côtes de Barbarie » jusqu’à celles de Guinée; mais les observations manquent sur cette étendue » de pays, et l’on ne possède que l’observation de Sierra-Leone, qui donne une » élévation de 128"; la trace du méridien de Paris à l'équateur (au sud des » hautes montagnes de la Lune) éprouve ensuite une forte dépression, dont on ne » peut indiquer la limite australe faute d'observations. Au cap de Bonne-Espé- » rance , il y a élévation du sol.

» En récapitulant, on voit que le niveau réel de l'Océan est au-dessous du » niveau elliptique moyen dans la mer Polaire, sur les côtes du Spitzherg et du » Groenland ; sur les côtes et dans l’intérieur de la Grande-Bretagne, à l'équateur » et dans l'océan Atlantique méridional ; qu'il est au-dessus de ce niveau moyen » sur les côtes de la Norwége, dans le voisinage des monts Dofrines ; en France, » et surtout à la latitude des Alpes, des Cévennes et des Pyrénées; que cette » élévation se trouve probablement dans l'Atlas et dans les chaînes de montagnes » situées entre le Sénégal et la Guinée; elle paraît dans le voisinage de ces der- » nières et au cap de Bonne-Espérance.

» Les mêmes causes produisent les mêmes effets dans la forme de l'équateur » ou des parallèles voisins ; c’est ce que montre le tableau suivant des lieux com- » pris entre les tropiques, et dont les longitudes sont comptées à partir de Paris.

| HAUTEUR LONGITUDES. | 1 | DU SOL.

Sierra - Leone. . . . . 45° 36/0 + 128" Ascension (moyenne). . . 16 21h Bahia: 407 EAN IERNEANE A0 + 242 RIO-TANEITO 45 + 324 MAGADRAM EEE + 455 PRIE SCENE NE ET + 4l0 JAMAIQUE NN EE + 104 HeMOwWL EP USE ONE 313 MeGuamis A Nr À 188 Te Rawak: Bot + 245

Ile de France (moyenne). . 500 Saint-Thomas. . . . . 268

(N:1,2.59) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 39

» Ce tableau montre qu'il existe de fortes dépressions dans le voisinage des îles » qui sont éloignées des continents; il annonce des élévations déjà sensibles à la » Jamaïque et à Rawack, qui sont peu éloignées, l’une du continent américain, » l’autre de la Nouvelle-Guinée, et des élévations considérables sur toute la côte » orientale de l'Amérique; les élévations seraient probablement beaucoup plus » fortes sur la côte occidentale voisine de la chaîne des Andes. »

Il est clair, d’après ce que nous avons exposé plus haut, que les élévations du sol dont parle M. Segey sont des dépressions, et les dépressions des élévations ; quant aux différences de hauteur, qui peuvent aller jusqu'à 400”, elles sont beaucoup trop grandes. Nous avons prouvé qu'elles ne dépassent pas 10° dans toute la partie de l’Europe comprise entre l'Océan et la mer Adriatique. Mais M. Segey considérant des protubérances ou des dépressions d’une étendue de 14°, il peut arriver que la déformation dans un tel espace soit produite par une masse très étendue située à une grande profondeur. Alors la croûte du globe pourrait être soulevée ou abaissée de plusieurs centaines de mètres, par rapport au niveau elliptique, sans que nous pussions le constater par ie petit nombre d'observations gécdésiques et astronomiques que nous possédons. Mais comme la présence d’une masse plus dense produirait toujours un bombement, l'in- tensité de la pesanteur se trouvant augmentée, le pendule serait toujours plus long. S'il était bien démontré que ce n’est pas seulement dans les îles au-dessous desquelles se trouvent nécessairement des masses plus denses que le pendule bat le plus vite, mais sur toute la surface de l'Océan, il faudrait en conclure qu'il existe au-dessous un vaste bombement de la croûte terrestre. C’est, du reste, ce que l’on pourrait conclure de la courbure des arcs astronomiques, qui diminue notablement dans le voisinage des côtes comme dans l'intervalle qui sépare deux chaînes de montagnes.

Les grandes déformations dont il est ici question doivent présenter des inéga- lités dans le voisinage de leur surface , et c’est uniquement de celles-ci que nous nous occupons dans ce Mémoire.

De ce que les moyennes barométriques sont très fortes dans plusieurs iles éloignées des continents, le pendule bat très vite, il n’en faudrait pas con- clure qu'il ÿ à anomalie dans la marche des deux instruments. En effet, le maximum de l'accélération du pendule est de 10 oscillations en 24 heures, ou 10 oscillations sur 86400; ici, l'effet de la masse perturbatrice accroît donc

1 . re. . . de l’action de la pesanteur. La colonne barométrique devrait donc baisser

760mm

dans le même point de = 0”",1, sans tenir compte de l’effet de la masse

pertubatrice sur la colonne d’air; or l'augmentation dans ces îles allant ; usqu'à 5"” est certainement due aux influences atmosphériques.

De tout ce qui vient d’être exposé relativement à la marche du pendule et à celle du baromètre, on peut conclure, que les anomalies que présente la

0 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS CN. 1, p. 40.)

première à la surface des eaux tranquilles sont presque uniquement dues à l’in- fluence des masses intérieures ; que quant à celles de la seconde, une partie seulement de l’effet observé, mais partie notable, doit être attribuée à cette même influence.

Le but que je me suis proposé dans ce Mémoire ne me permet pas de pousser plus loin cette belle question des irrégularités de structure du sphéroïde ter- restre, et de leur influence sur la forme de la surface des eaux tranquilles; il me faudrait entrer dans des considérations d’un ordre trop élevé pour l'état actuel de la géologie. Mon camarade Hossard, dont les conseils m'ont été d’un si grand secours pour toutes les questions que je viens de traiter, ayant bien voulu se joindre à moi, nous publierons bientôt ensemble un second Mémoire dans lequel le problème sera résolu aussi complétement que possible.

des t Les différences d’amplitudes des arcs géodési-

NI / dont le point de concours des verticales s’est élevé tie / dans les bombements au-dessus de l’axe de l’ellip-

À 7 NN / soïde, et s’est abaissé au-dessous du même axe dans AUX 1 les dépressions, en considérant deux à deux plu-

\ N ° 1 sieurs verticales sur le même parallèle. Soit x cette

/ quantité, 29 la différence entre les amplitudes / géodésiques et astronomiques, 2 C l'amplitude de l'arc total, R le rayon de la terre, il est facile de voir, d’après la figure 7, que l’on aura

Porc Dont t R sin. à ents , LE —————— ; our les bombem in CL : R sin. à Pour les dépressions, sin. C

En effectuant le calcul pour tous les arcs du parallèle moyen réunis dans le tableau , page 27, nous sommes arrivé aux résultats suivants :

Entre Fiume et Padoue, C—121645" d——13/ æ— +16948% Padoue et Milan, C— 10208 0 00 Em x 120 Milan et le Mont Cenis, C0 56100 NS ENS ZT —"—.8902 le Mont Cenis et le Colombier, C— 1°35/30/ 3—— 2/3 z— + 6478 le Colombier et Ysson, GE = x = +11134 Ysson et Sauvagnac , C— 4m d— FANS D=— JA Sauvagnac et Saint-Preuil , COUT ARSS = EAUAITS æ—— 2716 Saint-Preuil et Marennes , CE DNS ETES = AR US x —+11532

Les valeurs de x sont donc considérables ; plusieurs dépassent la _ partie du

(N:ApAE) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE... 41 rayon terrestre. Or, sur un paralièle à l'équateur, toutes les verticales vont se réunir au centre qui est un point de l'axe de rotation. Dans la formation d’un bombement, ou, ce qui revient au même, d’une chaîne de montagnes, l'axe de rotation a donc se déplacer. On pourrait objecter que de chaque côté du bom- bement il se produisait en même temps deux dépressions, et que la tendance à l'élévation de l’axe d’une part a être compensée par la tendance à l’abaissement de l’autre; mais, d'après la nature des corps qui entrent dans la composition des chaînes de montagnes , et celle des forces par lesquelles ils ont été sollicités dans l’action du soulèvement, il n’est pas probable que l’un des effets ait été exacte- ment compensé par l’autre. Si l'axe s’est déplacé, quelque petit que soit le dé- placement, d’après les lois du mouvement de rotation autour d’un axe fixe démontrées en mécanique, il a fallu que la forme de la terre éprouvât une modification de même ordre, et ce changement de forme a produit les grands phénomènes géologiques.

Les moyens manquent pour calculer, même approximativement, les déplace- ments de l’axe de la terre dans la formation des chaînes de montagnes; on n'aura jamais de données suffisantes sur la quantité de matière lancée au-dehors ; on ne saura jamais comment le ménisque de l'équateur s’est modifié en même temps pour faire équilibre au déplacement de la matière intérieure. Mais la masse entière des Alpes produisant, seulement sur une largeur de quelques lieues,

, > x 4 . une protubérance dont la hauteur n’excède pas la = partie du rayon terrestre,

et surtout d'après ce qui est démontré dans le livre V de la Mécanique céleste, il est probable que les déplacements ont toujours été très petits.

Dans ce même livre V, page 347, Laplace a prouvé que, du principe de la conservation des aires, il résulte que toutes les causes qui peuvent agiter la terre, tant à la surface qu'à son intérieur , les mouvements des eaux, les vents alizés, les tremblements de terre, etc., ne produisent aucune perturbation sensible dans le mouvement de rotation : « Le déplacement de ses parties , dit-il, » peut seul altérer ce mouvement. Si, par exemple , un corps placé au pôle était » transporté à l'équateur , la somme des aires devant toujours rester la même, le » mouvement de rotation de la terre en serait un peu diminué; mais pour que » cela füt possible , il faudrait supposer de grands changements dans la consti- » tution de la terre. » C'est précisément ce qui est arrivé à chaque époque de formation de chaînes de montagnes.

Le fait consigné dans le livre V, 9, que depuis les premiers temps des ob- servations astronomiques jusqu'à nous, la longueur du jour moyen n'a pas sen- siblement varié, prouve simplement que, dans cet intervalle, notre globe n’a point éprouvé de grandes commotions, qu'il ne s’est pas formé de nouvelles chaînes de montagnes. Cependant la matière intérieure est loin d’être en repos :

les déflagrations volcaniques qui continuent encore sous nos yeux, les trem- SOC. GÉOL. SÉRIE. T.I. Mém. n. 1. 6

42 | MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS (N. 4, p.42.)

blements de terre , les mouvements continuels du sol, constatés dans les régions boréales et quelques autres contrées, etc., etc., annoncent qu'elle est au con- traire continuellement en mouvement, et, par conséquent, que l'axe de ro- tation n’est pas rigoureusement fixe. À cette cause pourrait bien être due une très petite partie du phénomène de la nutation et de la précession, peut-être les variations séculaires que les astronomes ont reconnues dans ce phénomène.

S VI

Application des résultats précédents à l’explication de phénomènes géologiques.

Il est parfaitement constaté, par ce qui a été exposé dans les paragraphes pré- cédents , que la surface de notre planète, abstraction faite de la partie exté- rieure des montagnes, la surface de niveau, celle que les mers occuperaient si elles venaient à couvrir le globe entier, présente une série d’élévations et de dépressions qui sont en rapport avec les irrégularités de la structure intérieure. Les chaînes de montagnes et leurs prolongements occupent le sommet des bom- bements, et les espaces qui les séparent correspondent aux dépressions. Il y a aussi des élévations et des dépressions dans les plaines , entre Milan et Parme par exemple, que l’on ne peut découvrir que par le secours des observations géodésiques et astronomiques, du pendule et du baromètre. Les mers paraissent placées dans de grandes dépressions de la surface du globe, mais ces dépres- sions elles-mêmes doivent présenter beaucoup d'irrégularités, puisque le pen- dule a signalé des bombements considérables sur lesquels les îles se trouvent placées.

Les calculs du colonel Puissant démontrent clairement, $ 1, que toute la partie de la France située à l’orient du méridien de Paris, et quelques portions

de l'Italie, sont placées sur divers sphéroïdes très bombés, parmi lesquels l'a-

platissement aux pôles du sphéroïde moyen serait ©, plus que double de celui

154 »

donné par la théorie des inégalités lunaires, et qui convient à l'ensemble du globe terrestre, tandis que la partie occidentale de notre pays, et quelques unes des portions de l'Angleterre que baigne la Manche, se trouvent au con- traire sur des sphéroïdes déprimés, ou allongés aux pôles, parmi lesquels le sphéroïde moyen se rapproche beaucoup de la sphère, ou, en d’autres termes, qu’à l'orient du méridien de Paris, il existe un fort bombement très irrégulier, et qu’à l'occident, au contraire, il existe une grande dépression, qui s'étend jusque dans les îles Britanniques. Or, c’est précisément de ce côté que se trouve le bassin de l'Atlantique et les points les plus bas de la surface de la France. Abstraction faite des Pyrénées, il y a peu de sommets situés à l'occident du mé- ridien de Paris qui atteignent 450" au-dessus du niveau de l'Océan ; mais à l'o- rient de ce méridien, au contraire, il existe deux séries de hautes chaînes de montagnes.

(N.1,p.4.) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 43 La première est formée par les Cévennes, dont la hauteur absolue va jusqu’à 1700"; les montagnes de l'Auvergne, se trouvent des sommets de 1500 et 1880"; celles du Forez, dont la crête atteint 1360"; celles du Beaujolais, dont les points culminants s'élèvent de 900 à 1000" ; les chaînes de la Bourgogne et du Morvan , qui atteignent 600 et 900" au-dessus de la mer; les Vosges, dont plu- sieurs sommets dépassent 1200 et 1400" ; enfin, la chaîne des Ardennes, dont l'élévation de la crête au-dessus de la mer est de 500".

La seconde série comprend les montagnes de la Provence, qui s'élèvent de- puis 1000 jusqu’à 1900”; les Alpes et leurs ramifications, dont plusieurs som- mets dépassent 3000, et même 4800"; enfin, le Jura, dont la hauteur de la crête atteint souvent 1600 et même 1700”.

Les observations du pendule, d'accord en cela avec celles du baromètre, faites sur plusieurs points de la surface de la France, de l'Angleterre et de l'Italie, conduisent à la même conséquence : elles annoncent une dépression qui part du méridien de Paris pour s'étendre vers l'occident, et un bombement notable à lorient de cette même ligne.

Cette coïncidence, parfaitement établie, de l'existence dans les mêmes régions des grands reliefs de la surface, et des bombements du globe démontrés par la comparaison entre les résultats des mesures géodésiques et astronomiques, les observations du pendule et celles du baromètre, est un fait des plus remar- quables ; elle annonce une intime liaison entre la cause, quelle que soit du reste sa nature, qui a donné naissance aux chaînes de montagnes, et celle qui a pro- duit les bombements dans lesquels les rayons des parallèles à l'équateur se trouvent un peu plus grands qu'ils ne devraient l'être pour le sphéroïde donné par la théorie des inégalités lunaires. Dans les dépressions , en France. à l'oc- cident du méridien de Paris, dans la partie orientale de l'Angleterre , etc., les rayons des parallèles à l'équateur ont été, au contraire, un peu diminués.

Les curieux résultats consignés dans ce Mémoire, qui se prêtent tous un mutuel appui, bien qu'ils aient été obtenus par des méthodes complétement différentes, et que les savants, qui ont fait les observations, ne se soient nulle- ment concertés entre eux, sont complétement indépendants des observations géologiques; voyons maintenant ce que nous annoncent celles-ci.

Les plaines les plus élevées, toutes les chaînes de montagnes. offrent des terrains évidemment formés dans le sein des eaux, et qui gisent maintenant à une grande hauteur au-dessus du niveau de l'Océan, quoique plusieurs d’entre eux, comme le terrain subapennin, le crag de l'Angleterre, etc., renferment un grand nombre de coquilles d'espèces identiques avec celles qui vivent encore dans les mers contiguës. Ces terrains, qui se présentent souvent en couches in- clinées , mais souvent aussi en couches horizontales , sont évidemment sortis du sein des eaux. Il est extrêmement probable que l'action à laquelle ils doivent leur position actuelle est la même que celle qui a déformé la surface du globe,

44 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS CN. 4, p.44.) et non pas un simple déplacement du niveau des mers, comme le supposent quelques géologues. Les déformations de la masse solide donnent une expli- cation simple et naturelle des déplacements de la masse liquide : le vaste bassin des mers est probablement composé d’une série de dépressions correspondantes aux soulèvements des diverses parties des continents, dans lesquelles les eaux ont été forcées de se réfugier à mesure que les bouleversements intérieurs et exté- rieurs avaient lieu. Comme la masse des eaux, bien qu’elle couvre les 0,75 de la surface de notre planète , n’est que le 0,0001 de la masse solide , on conçoit qu’à des soulèvements comme ceux qui ont donné naissance aux Alpes, aux Cor- dilières et aux chaînes de l'Asie, qui atteignent 4800", 5000" et 7800” de hau- . teur absolue, puissent correspondre des abaissements assez considérables pour que, malgré le raccourcissement éprouvé par les rayons des parallèles à l’équa- teur dans un grand nombre d’endroits , des portions de terre déprimées, comme la partie occidentale de la France, la partie orientale de l’Angleterre, etc., etc., aient pu rester élevées au-dessus des eaux.

Le beau travail de M. Elie de Beaumont sur les soulèvements (1) a démontré d’une manière positive, par la réunion d’un grand nombre de faits géologiques , que , depuis les premiers temps de sa consolidation , la surface de la terre avait éprouvé une série de bouleversements qui ont donné naissance aux différentes chaînes de montagnes, et que les plus considérables de celles-ci, comme les Alpes, les Cordilières , sont précisément les plus récentes. Dans ce travail, M. de Beaumont s’est déjà habilement servi des anomalies que présentent les résultats déduits des opérations géodésiques et astronomiques exécutées dans les diverses parties de l'Italie et du Piémont, et en France pour l'établissement du système métrique , ainsi que des observations du pendule faites par M. Biot, tant sur la méridienne de Paris que sur le parallèle moyen, pour confirmer les conclusions qu'il avait déduites de ses observations géologiques, et surtout pour montrer que l'action qui a donné naissance à la chaîne principale des Alpes s’est prolongée à travers les Alpes occidentales jusqu’à une grande distance à l’ouest, quoique les effets n’en soient pas apparents à l’œil. Dans cette partie de son Mémoire, ce célèbre géologue a mis en rapport certains faits géologiques avec les anomalies constatées dans la longueur des degrés de latidude et la direction du fil à plomb dans le voisinage et sur le prolongement des chaînes de montagnes. II a fait re- marquer, par exemple : que l’arc du méridien compris entre Carcassonne et Evaux, qui offre de grandes différences entre les résultats géodésiques et astro- nomiques (pag. 27) se trouve à cheval sur le prolongement mathématique de ia chaîne principale des Alpes ; qu’il passe dans le voisinage de dépôts tertiaires relevés vers le sud jusquà une grande hauteur, et que cette même méridienne

(1) Recherches sur quelques unes des révolutions de la surface du globe (Annales des sciences naturelles, 1829 et 4830 ).

: (N.1,p. 5.) QUE PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 45 côtoie les masses volcaniques du Cantal et du Mont-Dore; mais, comme les observations consignées dans la base du système métrique montrent que les anomalies existantes en Auvergne sont plus considérables que celles que présente la portion de la méridienne à cheval sur les Pyrénées , la déviation du fil à plomb en Auvergne se lierait probablement avec Îa hauteur extraordinaire qu'at- teignent les dépôts tertiaires, à peu près comme la déviation du fil à plomb observée à Gênes, à Pise, à Florence, à Rimini, etc., semble se lier à la hauteur que les terrains tertiaires atteignent sans cesser d'être horizontaux.

Après avoir discuté toutes les anomalies que présente la direction du fil à plomb dans le voisinage des Alpes, M. de Beaumont ajoute ( page 279) : « On ne » peut s'empêcher d’être frappé de la circonstance que les déviations sont plus » fortes et moins inconstantes sur les versants italiens que sur ceux qui regardent » l'Allemagne, la Suisse et la Savoie. C'est aussi sur ces versants que viennent » au jour les mélaphires, les serpentines , et ce rapprochement semble favorable » à l’hypothèse qui regarde ces roches comme les agents du soulèvement des » chaînes dont elles font partie. Les irrégularités qui me paraissent se trouver » le plus en rapport avec la bande des serpentines et le système des Alpes occi- » dentales, sont celles qui ont été constatées par les opérations géodésiques et » astronomiques pour la mesure d'un arc du parallèle moyen, exécutées en » Piémont et en Savoie pendant les années 1821, 1822 et 1823. »

IL est donc parfaitement prouvé que la forme actuelle du globe terrestre diffère notablement de sa forme primitive, et que l’état présent des choses à sa surface n’est pas Le résultat d’une seule commotion , mais bien d’un grand nombre de commotions, dont les plus considérables sont les plus rapprochées de nous.

Il y a encore plusieurs autres faits géologiques parfaitement en harmonie avec les précédents ; citons-en quelques uns. Le fond de presque toutes les grandes vallées , celles de la Saône, du Rhône, de la Loire, de la Seine, du Rhin, etc. était, jusqu'au commencement de l’époque actuelle, occupé par des lacs d'eau douce dans lesquels se sont formés les puissants dépôts d’attérissements qui le couvrent aujourd'hui; ces lacs paraissent s'être tous vidés dans le même temps géologique. Tout le littoral de la Méditerranée, quelques parties de celui des iles Britanniques, de la France, de la Scandinavie, de la Russie septentrionale de la Crimée, etc., offrent des amas de coquilles parfaitement conservées. d'espèces identiques avec celles qui vivent encore dans les mers contiguës, gisant actuellement, en couches sensiblement horizontales, jusqu’à 100 mètres au- dessus du niveau de ces mers, et quelquefois jusqu'à cent lieues dans l’intérieur des terres. Les bossellements de la surface terrestre expliquent parfaitement comment ces amas de coquilles ont été placés dans la position nous Les voyons, sans cesser d'être sensiblement horizontaux (1). Les îles madréporiques de la

(4) Dans une surface bombée d’une étendue de 20 lieues ou de 100000 mètres, dont la flèche du ménisque serait de 400 mètres, le rapport entre la flèche d'augmentation de courbure et la base étant

46 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS (N.1, p.46.) mer du Sud ont été émergées par le même effet, qui, continuant à se produire, formera probablement, avec le temps, un grand continent dans cette région d’archipels; dans le même intervalle, quelques parties des anciens continents devront être envahies par la mer.

Les régions polaires arctiques présentent une grande accumulation, dans un terrain d’alluvion et dans les glaces qui couvrent une partie de la surface de la mer, d'animaux dont les analogues ne vivent plus aujourd'hui que dans la zone torride (éléphants, rhinocéros, etc.); les débris des roches de ces régions, qui ont été entraînés vers le sud, se sont répandus en divergeant sur toute la surface émergée, en Amérique, en Europe et en Asie, jusqu'au 51° de latitude, laissant à la surface du sol de profonds sillons marqués sur les roches, des traînées étroites de débris pierreux qui annoncent le passage violent d’un grand courant aqueux venant du nord.

Ce phénomène est tout-à-fait en rapport avec une des plus récentes défor- mations du globe. Que l’on suppose, avec M. Cordier (1), que les déformations de notre planète soient le résultat de la plus grande contraction de la croûte solide, par suite du refroidissement graduel; ou, avec M. E. de Beaumont (2), que cette croûte ne se contracte plus autant que le noyau intérieur, et que la nécessité elle est de s'appliquer exactement sur ce noyau produise les déformations, cela revient exactement au même pour notre objet. Il nous suffit que les mouvements intérieurs, quelle que soit leur cause, forcent l'enveloppe solide à changer de forme; ce que M. Cordier a prouvé le premier, et ce qui est complétement confirmé par nos calculs.

Si donc une déformation, résultat d’une action intérieure, lente et continue, tend à diminuer le diamètre de l'équateur, le principe de conservation de la somme des aires dans le mouvement de rotation forcera les eaux des pôles à se rendre lentemênt et continuellement vers l'équateur pour contrebalancer cet effet. Mais une force qui tend à diminuer le rayon de l’équateur tend en même temps à faire rider la surface de la terre dans le sens des méridiens, et par conséquent à produire des crevasses dans le même sens. Si une pareille cre- vasse vient à se produire, une partie de la matière comprimée étant lancée subi- tement au-dehors, la pression cessera, et le globe cherchant à reprendre subi- tement sa forme primitive, les eaux accumulées à l'équateur retourneront vers les pôles avec une immense vitesse; là, venant affluer de tous les côtés, elles s’élèveront dans le premier moment à une grande hauteur en brisant la calotte

1 . , à à x SrNsaly de 0e l'inclinaison des couches serait de 7/ seulement, et de 13/ si le soulèvement ne s'était étendu

x > 5 1 que sur une longueur de 50,000 mètres; car le rapport entre la flèche et la base serait alors D

(1) Essai sur la température de l'intérieur de la terre. Annales des mines , série, 1827, t IL, p. 53-138.

(2) Manuel de géologie de La Bèche , traduction francaise, page 665.

(X.1.b.4) QUE: PRÉSENTE LA STRUCTURE DU GLOBE TERRESTRE. 4 de glace. Mais alors elles auront perdu leur vitesse et se trouveront subitement abandonnées à l’action de la pesanteur, qui les précipitera avec violence, et en divergeant dans tous les sens, vers le sud, emportant avec elles les débris des glaces et ceux des roches dispersés dessus.

Il existe dans la nature une immense crevasse dont l'ouverture a nécessaire- ment produit un semblable effet, celle d'où est sortie la grande chaîne des Andes, dirigée du sud au nord, la plus récente de toutes celles classées par M. de Beaumont, qu'il est tenté de regarder lui-même «comme la cause de » l'inondation passagère et subite dont on retrouve l'indication à une date » presque uniforme dans les archives de tous les peuples. » Avec la chaîne des Andes, la nature nous offre une immense quantité de productions de la zone torride accumulées dans les régions polaires, et les débris de celles-ci dispersés en abondance vers le sud. Une pareille coïncidence, qui s’accorde si bien avec la théorie , ne peut être l'effet du hasard : les deux phénomènes sont certainement intimement liés. D'après notre explication, les traces marquées sur les rochers par le courant venant du nord, et les traînées de débris laissées par lui doivent être dirigées N-.N.-E., S.-S.-0., à cause du mouvement de rotation de la terre qui s'effectue d’occident en orient. C’est effectivement ce qui a lieu dans la Scandi- navie; mais on doit dire aussi qu'en Finlande les traces des courants vont du N.-0. au S.-E. Il ne faut pas perdre de vue qu'après un pareil phénomène il s'est établi des oscillations dans la masse des eaux qui en ont modifié les effets.

Je pense que tous les déluges partiels, dont plusieurs peuples ont conservé la mémoire, ceux de Deucalion, d'Ogyses, etc., sont le résultat de l'ouverture de fentes peu étendues dans la croûte du giobe; et le littoral de la Grèce, qui présente beaucoup de volcans éteints, a surtout éprouver de pareils accidents.

Tous les phénomènes volcaniques de l'Auvergne sont des conséquences immé- diates des déformations du globe. Dans un Mémoire que je présenterai bientôt à l’Académie, je montrerai que la série des cratères éteints de cette contrée se trouve au croisement de trois grandes lignes de dislocations, du système de Ja Corse, de celui des Alpes françaises et de celui de la grande chaîne des Alpes, fait confirmé par les observations géodésiques et astronomiques, qui montrent que la courbure du parallèle moyen et celle de la méridienne de Paris augmen- tent notablement en passant par-dessus la chaîne de l'Auvergne, et qu à Omme , point situé tout près des volcans, le globe est trois fois plus bombé qu'il ne devrait l'être. (SL, pages 6 et 8; SIL, page 12.)

L’intercalation d'une formation d'eau douce parfaitement régulière, au milieu du terrain marin du bassin de Paris, a fait supposer, dès 1810, à Cuvier et à Bron- gniart, que la mer était revenue dans ce bassin après l'avoir abandonné pendant un long espace de temps, et M. de Beaumont a établi que le terrain avait été coupé en deux par la révolution qui a produit les chaînes de Corse et de Sardaigne.

On peut dire, en général, que toutes les grandes divisions faites par les géolo-

48 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS CN.4, p.48.) gues dans la croûte du globe, et qui correspondent assez exactement aux époques de grandes dislocations établies par M. E. de Beaumont, sont marquées par de puissantes masses de débris des roches préexistantes, brèches, poudingues, grès, etc., qui annoncent des mouvements violents et passagers dans les mers, tels que devaient en déterminer les changements de forme qui s’opéraient subi- tement dans la masse du globe, à chaque production d’une série de chaînes de montagnes.

Les forces qui ont produit les irrégularités du globe n'ont point encore cessé d'agir; elles nous révèlent à chaque instant leur existence par les tremblements de terre, les déflagrations volcaniques, les émanations gazeuzes, les sources thermales jaillissantes, etc., etc. Le soulèvement lent qui se manifeste d'une manière si remarquable dans les régions arctiques, que plusieurs phénomènes ont déjà fait soupçonner dans plusieurs autres parties du globe, et particulière- ment sur les côtes de France, l’activité continuelle de quelques volcans (le Stromboli, etc.), la permanence des éruptions gazeuzes et de la plupart des sources thermales, etc., annoncent que ces forces agissent d’une manière con- tinue. Ces grands bouleversements, que tous les faits annoncent avoir été subits, et dont les hautes chaînes de montagnes nous offrent de si beaux exemples, cor- respondent probablement à des paroxysmes de l’action de ces forces, résultant de ce que leur intensité s'est trouvée momentanément beaucoup augmentée sur quelques points, ou, plutôt, que certaines portions de la croûte solide conti- nuellement soumise à leurs efforts, venant à céder, les matières intérieures ont tout-à-coup jailli à travers les crevasses produites par l'effet de l'énorme pres- sion qu'elles éprouvaient, en bouleversant toutes les couches solides qui se trouvaient sur leur passage. Il ne s’est produit des chaînes de montagnes, les couches solides n’ont été fortement redressées , que quand la croûte s’est brus- quement rompue, quand il s’y est fait de grandes crevasses sous l’action des forces qui tendent à écarter certaines parties du centre. Mais, quand cette croûte a été assez flexible (1) pour céder sans se rompre, ainsi que cela est certainement arrivé dans les grandes plaines, comme celles de la Brie, de la Beauce, de la Lombardie, de la Russie, etc., les couches solides ont été écar- tées du centre dans des endroits et rapprochées dans d’autres, sans que pour cela elles aient cessé d’être sensiblement horizontales. Il faut bien distinguer les chaînes de montagnes des bombements du globe, dont elles occupent tou- jours le sommet; ce sont des parties de ces mêmes bombements, la croûte terrestre s'étant crevassée, les débris en ont été fortement inclinés, et quand les crevasses se sont étendues dans toute l'épaisseur, des matières fluides venant de l'intérieur, et passant à travers, se sont répandues au milieu d'eux. C'est

(4) Cette flexibilité a été démontrée par M. Cordier, dans son Essai sur la température intérieure de la terre,

(N.1,p.4.) QUE PRÉSENTE LA SURFACE DU GLOBE TERRESTRE. 49 ainsi qu'ont été injectées au milieu des couches neptuniennes loutes les roches feldspathiques, pyroxéniques , amphiboliques et serpentineuses, que nous pré- sente l’intérieur d’un grand nombre de chaînes de montagnes.

Les éruptions volcaniques , tant celles des temps anciens que celles des temps modernes, sont dues à la même cause : c'est un cas particulier du grand phé- nomène général de déformation du sphéroïde terrestre. Dans son Mémoire sur la chaleur intérieure de la terre (page 77), M. Cordier a prouvé qu'il suffisait d’une contraction capable de raccourcir le rayon de la masse centrale de = de millimètre pour produire la matière d’une irruption; et quesi l’on suppose que, par toute la terre, il se fait encore cinq éruptions par an, la différence entre la contraction de l’écorce consolidée et celle de la masse interne ne raccourcit le rayon de cette masse que d’un millimètre par siècle.

Quand la partie supérieure seulement de la croûte solide s'est cassée, s'est écaillée, sans que les fentes se propageassent, de haut en bas, dans toute son épaisseur, comme il arrive pour une branche de bois vert qui éclate sous l'effort que l’on fait pour la courber en rapprochant ses extrémités, les matières fluides intérieures, ne trouvant point d’issue, sont restées condensées dans les bombe- ments. Dans ce cas, les montagnes produites ne doivent présenter que des cou- ches neptuniennes plus ou moins brisées, plus ou moins inclinées, comme il arrive pour le Jura et pour quelques parties des chaînes de la Provence et du Lan- guedoc. Dans plusieurs parties des bombements, la croûte extérieure n’a point éclaté, ou les crevasses ont été si peu considérables que les débris ont à peine été déplacés. Dans ce cas encore, les matières fluides intérieures ont rempli Les cavités résultant de la production des bombements, sans pouvoir se répandre à la surface. Mais comme l'effet s’est toujours produit sur une grande étendue, et que, dans les déformations, la plus forte élévation au-dessus du niveau elliptique excède à peine 0,000001 du rayon terrestre, il en résulte qu'alors les strates des terrains, bien que soulevés, n’ont pas cessé d’être sensiblement horizontaux, comme on l’observe dans les grandes plaines.

Il résulte de ce qui précède qu’une chaîne de montagnes a se former d’un seul jet; ensuite les agents intérieurs, continuant à travailler, ont modifié leur ébauche, que l’on me passe cette expression. Comme depuis les premiers temps de la consolidation de la croûte terrestre, jusqu’à l’époque actuelle, le globe continue à se refroidir, l'épaisseur de cette croûte a aller toujours en aug- mentant , et les chaînes les plus récentes doivent être les plus élevées, ce qui s'accorde parfaitement avec les résultats auxquels M. E. de Beaumont est par- venu par une longue suite d'observations géognostiques.

Quand plusieurs chaînes de montagnes, ou grandes lignes de soulèvements, sont venues se croiser dans une même région, le relief de cette région , augmenté à chaque croisement, a devenir notablement plus considérable que celui de tout le terrain environnant. Ainsi, les grands massifs des chaînes de montagnes,

SOC. GÉOL. SÉRIE. T.L Mém. 2. dl

50 MÉMOIRE SUR LES IRRÉGULARITÉS, ETC. CN 4, D. 50.) comme ceux du Mont-Blanc, du Mont-Dore, du Cantal, etc., doivent être des régions de croisement de plusieurs lignes de soulèvement; je me suis assuré qu'il en est effectivement ainsi pour les deux derniers.

Plusieurs faits bien constatés annoncent que certaines parties de la croûte terrestre cèdent encore lentement et continuellement à l’action intérieure, comme les rives de la Baltique et du Groënland ; mais un petit effort longtemps continué produit de grands effets. Il pourrait donc arriver que quelques portions de cette croûte vinssent à céder brusquement sous l'action des forces qui les sollicitent, et alors on pourrait voir se renouveler les grandes catastrophes que le globe a éprouvées antérieurement aux temps historiques.

Les travaux des géologues, et principalement ceux de M. de Beaumont sur les soulèvements, dont les résultats laissent encore des doutes dans beaucoup d’esprits, dans ceux surtout habitués à tout mettre en équation, peuvent donc maintenant être considérés comme susceptibles d’un degré d’exactitude presque comparable à celui qu'atteignent les astronomes et les physiciens, et la science géologique, loin d’avoir rien à redouter du contact de celles auxquelles on donne si justement le titre d’exactes, peut soumettre à leur sévère examen ses belles découvertes , qui ont jeté une si grande lumière sur l’histoire de la formation de notre planète.

IT.

MÉMOIRE

SUR

LES VOLCANS DE L’AUVERGNE,

PAR M. ROZET,

CAPITAINE D'ÉTAT-MAJOR,

(Présenté à l’Académie des Sciences, le 3 avril 4845.)

INTRODUCTION.

Cette contrée est depuis si longtemps célèbre , elle a été l’objet des études de tant d'hommes illustres, les Desmaret , les Ramond , les Cordier, les Montlosier, les Daubuisson , les Beaumont , les Dufrénoy, les C. Prevost, les Croizet, les Lecoq, les Bouillet, etc., parmi les Français ; les de Buch , les Poullet Scrope, les Buckland, les Sedgwick, les Murchison, etc., parmi les étrangers, qu'il doit paraître audacieux d'entreprendre d'en parler encore. De nombreux ouvrages, accompagnés de magnifiques atlas, ont été publiés sur l'Auvergne , et les moin- dres détails des volcans de ce pays ont été illustrés. Malgré cette masse d’écrits, malgré les savantes et chaleureuses discussions auxquelles leur publication a donné lieu , la question des phénomènes volcaniques de l’Auvergne est encore loin d’être résolue, les grandes lois dont ces phénomènes dépendent sont loin d’être parfaitement établies ; il manque un travail d'ensemble sur cette contrée. C'est ce travail que je vais ébaucher, laissant encore aux observateurs qui me succéderont une belle tâche à remplir.

Je n’écris point pour réfuter ceux qui ont écrit avant moi : la nature est pour conserver à chacun la part de gloire ou de blâme qui lui est due. Je viens d'habiter pendant deux fois six mois cette magnifique région, une des plus belles et des plus curieuses du monde, tous les phénomènes de l’action volcanique sont réunis dans l’espace de quelques lieues , huit jours de marche suffisent pour embrasser leur ensemble, mais qui exige des années d'étude pour être aussi connue qu'elle mérite de l'être. Pendant que j'exécutais des travaux géodésiques pour la nouvelle carte de France, sur les montagnes de l’antique Arvernie, tous mes instants de travail, tous mes instants de loisir ont été passés sur les cônes

52 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE- (N.2. p.2.) volcaniques, dans le fond des cratères, sur les flancs des coulées. Je vais dire ce que j ÿ ai vu.

Dans ce mémoire, je n'ai point pour but de donner une description détaillée des terrains qui entrent dans la constitution géognostique de l'Auvergne ; cette tâche à été trop bien remplie par MM. Lecoq et Bouillet, Poullet Scrope , etc. Passant rapidement sur cette description, je vais énumérer les faits qui me paraissent n'avoir pas été bien observés, pour en déduire les rapports que ces faits ont entre eux. Je montrerai ensuite comment leur ensemble se lie aux grandes dislocations du globe, qui ont laissé de nombreuses traces dans toute la contrée, et dont l'existence est parfaitement démontrée par une longue suite d’o- pérations géodésiques et astronomiques exécutées par les ingénieurs-géographes, et particulièrement par le colonel Broussaud, pour l'établissement du canevas de la nouvelle carte de France.

En faisant abstraction des roches volcaniques, de celles qui, à l’état de fusion ignée, se sont répandues à la surface de la terre sous forme de grandes nappes ou de courants, ou qui, lancées dans les airs, sont retombées en s’accumulant autour des bouches qui les vomissaient, tout le sol occupé par la série des vol- cans, et même, en s'étendant, du côté de l’est, jusqu'à la crête des montagnes du Forez , ne présente que six grands terrains , qui sont, en allant de bas en haut : le terrain granitique, le terrain gncissique, le terrain houiller, le terrain tertiaire lacustre , le terrain diluvien ; enfin l'ensemble des dépôts dus aux causes encore actuellement agissantes. C'est à travers ces six terrains que les agents volcani- ques ont lancé leurs produits à trois grandes époques bien distinctes les unes des autres, mais qui sont néanmoins intimement liées entre elles. Nous allons d’abord décrire succinctement les six terrains normaux avant de parler des roches anomales qui les ont percés. Dans les terrains normaux, nous comprenons celui du granite, parce qu’il joue le même rôle que ceux-ci par rapport aux roches

volcaniques. PREMIÈRE PARTIE.

S Jer.

Terrain granitique.

Nous comprenons ici, dans le terrain granitique , les granites proprement dits et toutes les roches granitoïdes , plus ou moins stratiformes , qui établissent un passage insensible entre le granite et le gneiss. Le terrain granitique est divisé, par la vallée de l'Allier, en deux grandes masses situées à l’occident et à l’orient de cette vallée.

Masse granitique occidentale. Les roches granitiques forment le sol de la région des volcans à cratères, depuis une falaise escarpée courant nord-sud, élevée de 300 à 900" au-dessus du niveau de la mer, et de 400 à 600" au-dessus des eaux de l'Allier, qui borne à l’ouest le superbe bassin de la Limagne jusque bien au-

(N.2,p.5.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 5€ delà du lit de la Sioule, du côté du nord, et jusqu'à celui de la Couze, vers le sud. La roche dominante est un granite à grains moyens , à feldspath blanc et mica brun, exploité pour charger les routes dans le voisinage du Puy-de-Dôme, et dont on s’est aussi servi pour paver Clermont. Cette roche passe du granite porphyroïde à grands cristaux, vallée de Villar, à un granite rose à petits grains, qui passe insensiblement au gneiss à l’ouest et au sud de la chaîne du Puy-de- Dôme. Ce passage est évident dans les vallées de la Couze et de la Sioule. C'est dans une roche leptinitique , oscillant entre le granite et le gneiss, que gisent les célèbres filons de galène argentifère de Pontgibaud ; la gangue de ces filons est formée de stéatite, de quarz, de barytine, avec un peu de spath fluor. Le gneiss est bien caractérisé entre Saint-Pierre-Chatel et Laquelle ; mais dans toutes les autres parties de la vallée les roches oscillent entre le granite et Le gneiss. Il en est de même le long de la vallée de la Couze , au sud de laquelle Le gneiss prend un très grand développement.

Toute la masse granitique est traversée par de nombreux filons de porphyres, d’eurites, de trapp, d'amphibolite, de diorite, de quarz, de barytine et de basalte : le quarz, qui forme en grande partie la gangue des minerais, constitue aussi de puissants filons arides , dont le plus remarquable est celui de la Roche-Cornet, près Saint-Jacques d’Ambur. Ici le quarz est accompagné d’une masse de fluor, que l’on exploite pour les fonderies de Pontgibaud.

La masse granitique occidentale forme une chaîne bien déterminée, courant N.-$., qui se prolonge jusque dans la région du gneiss, et sur Le faîte de laquelle se trouvent placés presque tous les cratères modernes ; cette ligne marque le sommet d'un bombementtrès prononcé, de plus de 100" dans une étendue per- pendiculaire de 5,000" seulement. Ce bombement existe dans le granite lui- même , puisque l’on en voit sortir de nombreux monticules et des rochers épars du milieu des puissantes déjections volcaniques qui encroûtent le bombement : Orcines, Fontaine-du-Berger, Puy-Chopine, pied des volcans de Pariou, de Montchié, etc. ( Voyez la carte.) A l’est du bombement, les pentes sont rapides. Dans la falaise qui borde la Limagne , elles varient entre 30 et 40° ; mais à l’ouest elles sont beaucoup plus douces : l'inclinaison moyenne est de 3 à 4°.

En suivant les limites de l’espace occupé par les cratères de la chaîne du Puy- de-Dôme, j'ai reconnu qu'il est circonscrit par un bourrelet granitique fort irré- gulier, beaucoup plus saillant à lorient qu’à l'occident (fig. 1). A la côte Verse,

és un peu au nord de la Baraque, la hau- teur du bourrelet dépasse 60", ainsi qu'aux environs de Pauniat et de Beau- ny, à l'extrémité nord de la région vol- canique ,celle du faite de bombement, tandis que du côté opposé, à l’ouest, les laves ont souvent coulé dessus.

Le granite forme des collines et des montagnes qui toutes portent les empreintes

54 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N.2, p. 4.) des commotions qu’elles ont éprouvées à différentes époques ; les plus hautes sommités se trouvent à l’est des volcans ; elles atteignent jusqu’à 1,030" au-dessus du niveau de la mer, et 600" au-dessus du pied de la falaise qui borde la Limagne (côte Verse, etc.). IL n'existe pas une seule trace de terrain tertiaire, ni sur cette falaise, au pied de laquelle il a pris un très grand développement, ni sur aucun point de la masse bombée qui porte les cratères, ni dans le fond des grandes vallées, celles de Royat, de Villar, de l’Ambenne, etc., bien que ce fond soit infé- rieur à beaucoup de points ( entrée des vallées de Royat , de Villar, etc.) se trouve maintenant le terrain tertiaire relevé le long de la falaise : et, du côté du nord, à la hauteur de Moulins , le relief de la chaîne du Puy-de-Dôme, pro- longée, est considérablement diminué, le terrain tertiaire recouvre celui du trias, qui, en reposant sur le granite, forme l'extrémité de cette chaîne. La production du bombement et de la falaise est donc antérieure à la formation tertiaire ; leur direction , assez exactement N.-S., est la même que celle de la grande ligne de soulèvement de la Corse et de la Sardaigne , que, par une autre série de faits, M. E. de Beaumont a montré être d’une époque antérieure au dépôt du second étage terliaire, celui auquel appartient le terrain lacustre de la Limagne. Il y a donc quelques raisons de croire que ces deux phénomènes doivent être attribués à la même cause. Nous reviendrons sur ce point important dans la seconde partie.

Masse granitique orientale. À l'orient du cours de la Dore, depuis le point cette rivière vient déboucher dans la Limagne , près Neyronde, jusqu’à Lapa- lice, du côté nord, il existe encore une falaise granitique parallèle à la première, mais moins élevée, formée par les derniers contreforts de la grande chaîne du Forez, masse granitique allongée dans le sens du S. au N. Iei le granite est sen- siblement le même, et présente les mêmes variétés que dans la masse occiden- tale ; il passe au gneiss dans la partie méridionale, à la hauteur d'Issoire et de Saint-Germain-Lherm ; il est aussi traversé par de nombreux filons de quarz , de trapp, de diorite, d'amphibolite , d’eurite et de porphyre. Les porphyres et les trapps sont très communs aux environs de Thiers; dans quelques endroits (Esteil, etc.) , il existe des filons de galène argentifère. La crête des montagnes du Forez, dont l'altitude atteint 1,300", forme le partage des eaux entre l'Allier et la Loire. À la hauteur de Courpierre, il se détache de la chaîne un puissant rameau , dont les principaux sommets atteignent 1,005" au-dessus de la mer, et plus de 600" au-dessus des eaux de l'Allier, qui s’avance dans la direction de l'ouest, quelques degrés sud , entre Issoire et Billom, jusque sur le bord de l'Allier, il se termine à une coupure profonde, dominée par des sommets éle- vés encore de 400" au-dessus des eaux de la rivière. Cette coupure marque aussi la fin d’un semblable rameau, venant de la masse occidentale, qui se détache du massif du Mont-Dore et s’avance vers l’est. Ces deux rameaux traversent per- pendiculairement le bassin de la Limagne en relevant le terrain lacustre qui se

CN.2, p. 5.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 55 trouve sur leur crête jusqu’à une hauteur absolue de 800" ou de 450" au-dessus des eaux de l'Allier (Puy-de-Saint-Romaïn, environs de Vic-Lecomte, d'Yronde, d’Orbeil, de Saint-Sandoux, Ludesse, etc.) , et même les alluvions anciennes (Neschers, Pardines, Perrier, etc.), qui sont portées jusqu'à 240" au-dessus des eaux de l'Allier. Ces rameaux se trouvent exactement sur le prolongement de la chaîne principale des Alpes qui passe entre Issoire et Clermont, et M. E. de Beaumont à prouvé que le soulèvement de cette chaîne était postérieur aux dépôts tertiaires les plus récents, même à celui de la Bresse. Nous dirons plus bas que la trace de ces rameaux est marquée par une série d’éruptions basaltiques.

$ IL. Terrain gneissique.

Nous avons dit que le gneiss était bien caractérisé dans la partie supérieure de la vallée de la Sioule, d'où il paraît s'étendre vers l'ouest jusqu'à une assez grande distance; mais nous ne l'avons pas suivi de ce côté. A la hauteur du Mont- Dore et du Suc-d’Esteil, cette roche prend un immense développement et forme tout le prolongement, vers le sud , des deux chaînes qui bordent la vallée de l'Allier à l’orient et à l'occident. Sur ses limites septentrionales , Le gneiss se lie au granite par des nuances insensibles , et dans quelques endroits on le voit superposé à cette roche. Le gneiss commun , avec mica brun, domine dans ce terrain ; l'abondance ou la rareté de cette substance, la présence du quarz, etc., donnent naissance à une infinité de variétés de la roche. Les mêmes filons que nous avons déjà cités dans le granite se retrouvent dans le gneiss ; les filons de quarz, rarement métallifères, y sont nombreux; on y exploite quelques filons de barytine , contenant à peine des traces de galène : les porphyres y sont rares ; mais les masses transversales et les filons de granite, de leptinite, de pegmatite, d'amphibolite et de diorite y sont très abondants. Le long de l’Allier, entre Orbeil et Coude, le gneiss est traversé par des filons de basalte.

Des deux chaînes formées par le gneiss, à droite et à gauche de la vallée de l'Allier, celle de l'occident est la plus élevée; plusieurs sommets atteignent 1,400" au-dessus du niveau de la mer, tandis qu'à lorient, 1,200" est l'altitude maximum. Il est à remarquer que, de ce dernier côté, il n’existe point de volcans à cratères, ce qui semblerait annoncer que l’action qui les a produits ne s’y est fait que faiblement sentir. Il n’y a point de terrain tertiaire sur leur crête, ni depuis une certaine hauteur sur les flancs.

Entre Vieille-Brioude et Saint-Georges-Daurat , les deux chaînes gneissiques sont réunies par une ramification qui, partant de chacune, va brusquement inter- rompre la continuité de la Limagne , exactement comme au nord d’Issoire , en relevant le terrain tertiaire qui se trouve , de chaque côté de la barre, incliné en sens contraire (Fontanes, Frugières, Domeyrat, Paulhaguet). La direction

56 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. CN. 2, p. 6.) de cette barre, dont la hauteur au-dessus des eaux de la rivière dépasse 300”, prolongée est sensiblement parallèle à celle du nord, et va passer, à l’orient , par le milieu du système basaltique du Puy-en-Velay, et à l'occident, par le centre du massif du Cantal, comme la première passe par celui du Mont-Dore : sa trace est marquée par une suite de cônes culminants , qui sont des centres d’éruptions basaltiques. Quand on est monté sur le sommet du Cezallier, qui s'élève à 1,550" au-dessus de la mer, on aperçoit, du côté du sud, une longue suite de cônes venant de l’orient, qui va se perdre dans la masse du Cantal, et une pareille, du côté du nord, qui se termine aux pentes du Mont-Dore. De là, l'œil le moins exercé peut reconnaître quatre grandes lignes de montagnes qui se croisent à angle droit, et, à l'occident seulement, une cinquième sur laquelle se trouvent le Cantal , le Mont-Dore et le Puy-de-Dôme, qui coupe les autres obliquement. Ces cinq lignes forment les grands traits du relief du sol, et leurs diverses rami- fications en déterminent les accidents secondaires.

S LIL.

Terrain houiller.

Le terrain houiller, parfaitement caractérisé par ses roches et ses fossiles , et renfermant des couches de charbon exploitées avec avantage, occupe dans la vallée de l'Allier un espace de 10,000" de long sur 4,000" de large, connu sous le nom de Bassin de Brassac, et qui s'étend depuis Bournoncle-Saint-Pierre jus- qu'au-delà de Beaulieu. Ce terrain repose immédiatement sur le gneiss à Char- bonnier et au nord de Jumeaux, et dans beaucoup d’endroits il est recouvert par les marnes argileuses rouges et bigarrées du terrain tertiaire ( Vergongeon, Fru- sères , bords de l'Allier, etc.). Les strates du terrain houiller sont partout forte- ment inclinés ; à la montagne de Chambelève, ils sont presque verticaux, on les voit traversés par des filons de quarz enfumé et même noir, qui me paraissent être des ramifications de ceux du gneiss, dont le quarz se serait noirci en traver- sant la houille. Cette forte inclinaison des couches du terrain houiller annonce qu'il a été disloqué par la plupart des bouleversements qui ont fait de l'Auvergne une contrée si curieuse. Ajoutons à cela que des lambeaux de ce terrain se retrou- vent plus au sud le long de l'Allier, dans les environs de Brioude ; au nord, près de Jumeaux ; dans les montagnes , entre Esteil et Saint-Germain-Lherm ; enfin, qu’à l'occident, une série de petits bassins court, entre Mauriac et Montaigu,

parallèlement à la ligne qui joint le Cantal , le Mont-Dore et le Puy-de-Dôme. ({ Voyez la carte.)

(N.2,p. 7.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L’AUVERGNE. 57

$ IV.

Terrain tertiaire.

Nous vénons de dire que le terrain houiller repose immédiatement sur le gneiss ; on le voit aussi sur le granite, près d'Esteil et à l'occident de la chaîne du Puy- de-Dôme. Depuis cette époque géologique , si bien caractérisée, jusqu'à la for- mation du Second étage tertiaire , c’est-à-dire pendant qu'à quelques lieues seu- lement , du côté du nord, se déposait toute la série des terrains secondaires, il ne s’est formé, non pas un terrain, non pas un groupe, mais pas même une seule couche de sédiment sur les granites et les gneiss du centre de la France, en allant à l’orient, jusqu'au-delà du Puy-en-Velay, et, à l'occident, jusqu'au-delà d’Auril- lac. Évidemment, durant tout ce laps de temps , le sol de cette grande contrée est resté émergé ; mais ayant été disloqué à l’époque du soulèvement des chaînes de Corse et de Sardaigne, certaines parties ont été abaissées au-dessous des eaux , et y sont restées assez longlemps pour qu'une immense masse calcaréo-argileuse s'y soit déposée tranquillement.

Tout l'intervalle compris entre les deux grandes chaînes du Forez et de l'Au- vergne , dont la largeur atteint jusqu’à 8 lieues et la longueur dépasse 36, est couvert par uu terrain lacustre que Ton s’accordeassez ee à panier à l'étage tertiaire moyen.C& terrain se retrouve au sud de la barre méridionale à Paulhaguet et sur les rives dela Senouire ; il couvre aussi le fond des bassin du Puy et d'Aurillac ; il se montre par lambeaux épars sur les chaïnons transver- saux qui coupent la Limagne, à hauteur du Cantal et du Mont“Dore, mais seu- lement dans les limites de la largeur de cette plaine.

Le terrain lacustre de DR est composé d’une alternance de strates très réguliers, de marnes argileuses $ généralement blanchés, quelquefois rougeâtres, et de calcaire marneux : le calcaire. est quelquefois siliceux, magnésien et bitu- mineux, surtout dans le voisinage des masses basaltiques qui le traversent. Les fissures de stratification sont quelquefois remplies de.gypse, que l’on exploite à Saint-Maurice, Coran, etc. Sur le granite, les partiessinférieures du terrain lacustre sont formées par une roche arénacée, arkose, ou macigno, composée des éléments du granite réunis par un ciment siliceux ou calcaire. Plus on ap- proche du granite, plus la roche devient solide et moins le ciment est apparent, en sorte que la ligne de séparation avec lui est très difficile à tracer. Cette cir- constance a fait croire à quelques géologues que les arkoses étaient beaucoup plus anciennes que les calcaires qui les recouvrent; mais comme aux environs de Billom, de Vic-le-Comte, de Ludesse, de Champeix, etc., les strates des deux roches alternent entre eux , comme ils sont parallèles dans tous les points ils se montrent superposés, il en résulte qu'ils appartiennent à une seule et même for-

* mation. De plus, j'ai vu chez M. Bravard, d'Issoire, des ossements de rhinocéros SOC. GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. n. 2. 8

58 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N.2, p. 8.)

trouvés dans l’arkose : cette roche et les macignos ne sont autre chose que les éléments du granite décomposé, réagglutinés par la silice et le calcaire du terrain lacustre.

Sur le gneiss, la partie inférieure de ce terrain est plus généralement formée par une marne argileuse rougeâtre ou bigarrée, plus ou moins bien stratifiée, et avec laquelle les calcaires alternent aussi en un grand nombre d’endroits, sur les rives de l'Allier, entre Orbeil et Paulhaguet, pied de la tour de Montcelet, environs de Saint-Germain-Lambron , etc. Cette masse argileuse provient évi- demment de la décomposition du gneiss inférieur, longtemps exposé, comme le granite, à l'influence des agents atmosphériques. On peut suivre graduellement le passage du gneiss à la masse argileuse. M. Pissis dit ( Mémoires de la Société géologique, &. WE, p. 77) : « On chercherait inutilement un point de séparation » entre le gneiss et l’argile; ces deux roches passent de l’une à l’autre, et je pos- » sède des échantillons de moins de 3 pouces , dont la partie supérieure est du » gneiss, et la partie inférieure de l'argile. Ce fait n’est pas le seul qui prouve une » telle décomposition : de nombreux filons de pegmatite traversent le gneisS dans » tous les sens, et se prolongent jusque dans la masse argileu$e ; "mais alors ce » n'est plus de la pegmatite, c'est une argile, dont la couleur blanche ou d'un » blanc verdâtre tranche fortement sur les parties rouges qui l'environnent, etc. »

On sait combien le terrain lacustre de l'Auvergne est riche en restes organi- ques, végétaux et animaux #ils ont été recueillis et décrits par tant de personnes, que je crois inutile d’en donner la liste , que l’on trouvera, avec les circonstances de leur gisement, dans les ouvrages de MM. Bravard , Bouillet et Lecoq, Jobert et Croizet. |

Le bitume se montre fréquemment disséminé et en veines dans les diverses parties du terrain lacustre, surtout dans le oisinage des centres d'éruptions basaltiques ; les arkoses les plus inférieures, cells qui recouvrent immédiate- ment le granite, en sont imprégnées (Chamaïllère, près Clermont, etc.), au point qu'on les a exploitées pour en tirer cette substance. Nous aurons occasion de revenir sur ce phénomène®t à 1

Dans le centre des deux bassins de la Limagne, ceux de Clermont et d'Issoire, traversés longitudinalement par l'Allier, les strates du terrain tertiaire sont sen- siblement horizontaux ; mais en marchanbvers les montagnes, à l'orient comme à l'occident, vers les deux barres , au nord comme au sud, on les voit se relever d’une manière notable et assez régulière: Au pied de la chaine du Forez et des deux grands rameaux qui en partent, l’inclinaison ne dépasse guère 15°; mais au pied de celle du Puy-de-Dôme, le long de la falaise occidentale, elle va jusqu à 44° (carrière de Durtol). On observe en outre une pente générale très faible, du sud vers le nord, exactement celle de l'Allier : ainsi, la position du terrain ter- üaire de la Limagne à été modifiée par la formation du relief des chaînes qui la bordent et la traversent. Ces modificalions, considérées en général, marquent

CN. 2,p.9.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 59 - exactement le sens des mouvements du sol; les inclinaisons vers l’est ou l’ouest annoncent des mouvements dans le sens du nord au sud, tandis que celles vers le sud ou le nord résultent de mouvements dans le sens de l’est à l’ouest. Au pied du Cantal, le terrain tertiaire, bien que souvent à peine incliné, a été disloqué d'une manière moins régulière que dans la Limagne. Dans toute l'étendue de cette beile contrée, depuis Brioude jusqu'au-delà de Clermont, il existe un grand nombre de montagnes et de monticules coniques, élevés de 400 à 850" au-dessus de la mer, ou de 50 à 500" au-dessus des eaux de l'Allier (la Roche, le Montce- let, Nonette, Suc-d'Usson, tour de Boulade, Puy-du-Tellier, Puy-de-Saint- Romain , de Saint-Sandoux, Gergovia , Puy-Giroux , Puy-d’Auzelle, de Mur, de Crouel, etc.), ayant au centre une masse basaltique dont les ramifications, dans divers sens, viennent percer les flancs, sous forme de dikes et de filons. On peut dire en général , et c’est un fait d’une haute importance, que toutes les protu- bérances notables que l’on remarque dans le terrain lacustre de l'Auvergne sont dues à la présence de roches basaltiques plus ou moins apparentes , rarement complétement cachées ; et encore, dans ce dernier cas , suffit-il souvent de quel- ques coups de pioche pour les mettre à jour. Sur la seconde chaïne transversale, . des lambeaux du terrain lacustre sont portés jusqu'à 900" au-dessus de la mer, dans la région du gneiss ( Lorlange, Grenier, Massiac, la Rochette, Saint-Étienne- sur-Blesle, Autrac, etc. }. ù

Les arkoses du terrain tertiaire sont exploitées comme pierre de taille et moel- lon ; elles donnent de fort bons matériaux pour charger les routes. Le calcaire est aussi employé aux mêmes usages : c'est une excellente pierre à chaux, qui est quelquefois hydraulique. L'exploitation du bitume, très active ces années passées, est presque abandonnée maintenant.

S Y. Terrain diluvien.

Le plus grand nombre des géologues désigne sous ce nom de terrain diluvien une époque géognostique particulière , celle qui a suivi immédiatement les der- niers dépôts tertiaires, et dont les produits sont principalement composés de débris des roches préexistantes plus ou moins roulées et transportées souvent à une grande distance de leur point de départ. En Auvergne, les dépôts de ce genre sont loin d’ appartenir à une seule époque; j'ai pu en reconnaitre de trois bien distinctes; peut-être y en a-t-il davantage.

Sur les rives de la Dore et bordant le pied de la chaîne du Forez, depuis Courpierre jusqu'au-delà de Vichy, il existe un vaste dépôt de sable et de cail- loux roulés, principalement quarzeux, avec fragments de roches du terrain gra- nitique, dans iequel je n’ai point trouvé de débris de basaltes. Les roches noires que l’on y remarque sont des trapps et des diorites. Ce dépôt recouvre immé-

60 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (IN.2, p.10.) diatement le terrain tertiaire et le granite. C’est lui qui constitue le sol du pays compris entre la Dore, la route de Thiers et celle de Lezoux à Maringues. Le long de cette dernière, il va se mélanger avec et disparaître sous un vaste amas de cailloux roulés qui sont presque tous basaltiques. Ce dernier couvre une grande partie du fond de la vallée de l'Allier, depuis Maringues jusqu’à Vieille-Brioude. Les tufs ponceux de la montagne de Perrier reposent sur une alluvion très appa- rente dans le fond de la vallée, près de ce village, et que je crois de même époque que celle du pied de la chaîne du Forez.

Une grande masse de cailloux basaltiques mélangés de quarz, de granite et de gneiss roulés, couvre le fond de la vallée de l’Allier sur beaucoup de points; cette masse est principalement développée devant l’embouchure des val- lées primordiales, qui descendent des parties des chaînes Les nappes basal- tiques sont nombreuses : vallées des Couzes, car plusieurs rivières portent ce nom, de l’Allagnon, de la Senouire, etc. Aux environs de Neschers, d'Issoire, entre Issoire et Solignat, on voit la première alluvion, c’est-à-dire des sables et des cailloux quarzeux sortir de dessous l’assise de fragments basaltiques. Pour moi, la couche à ossements inférieure de la montagne de Perrier appartient à la première époque d'alluvions , et les autres, avec les tufs ponceux dans lesquels elles sont comprises, à la seconde. Une preuve en faveur de cette opinion, c’est que les espèces d'animaux gisänts dans l’une et dans les autres ne sont pas les mêmes.

À l'entrée de la vallée de l’Allagnon, près de Lempdes, sur la rive gauche de cette rivière, il existe des masses de gneiss verticales dont les faces , parallèles au cours de l’eau, sont parfaitement polies. Quelques petits sillons horizontaux, que l’on voit difficilement sur ces faces, annoncent que ce phénomène est le ré- sultat du passage rapide de corps durs comme les cailloux de basalte, qui for- ment une couche très épaisse au débouché de la vallée. Sur le versant occidental du Mont-Dore, près de Chastrex, nous avons vu , avec M. Viquesnel, des couches trachytiques dont la surface supérieure polie présentait aussi des sillons paral- lèles, dirigés dans le sens des pentes, qui m'ont paru produits par le passage de cailloux. Quant à attribuer ce phénomène à l’ancienne existence de glaciers, cela n'est pas possible en Auvergne, l’on trouve une infinité de petits cônes de scories que les glaciers auraient cértainement anéantis.

Il existe un troisième dépôt de transport qui ne peut pas être attribué à l’ac- tion des causes actuellement agissantes, puisqu'il couvre presque tout l’espace entre le pied de la chaîne du Puy-de-Dôme et l'Allier, depuis Clermont jusqu'aux rives de l'Embenne, entre Brioude et La Motte, etc. Ce dépôt est composé de marnes argileuses grises et noirâtres, avec peu ou point de cailloux roulés , mais une assez grande quantité de fragments de laves et de scories des volcans à cra- tères; la partie supérieure, extrêmement noire, esi presque entièrement com- posée de cendres et de lapilli volcaniques. Ce même dépôt se retrouve sur quel-

(N. 2, p: 44.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 61 ques plateaux, dans toutes les grandes vallées dont il forme le sol, et à leur embouchure jusqu’à une certaine distance. C’est lui qui est superposé au basalte de la tour de Boulade, près Issoire, il renferme une grande quantité d’osse- ments de quadrupèdes dont les espèces ne vivent plus dans la contrée. Dans les fissures de la coulée de Gravenaire, au sud de Clermont, M. Pomel, chasseur d'Orléans, a découvert des ossements fossiles qui sont analogues à ceux de la tour de Boulade. Le travertin qui recouvre les cailloux basaltiques , près du pont des Martres de Veyre et aux environs de Coude, doit être rangé dans la même époque géognostique. L’assise de marne argileuse qui constitue le sol des environs de Brioude renferme des couches de lignite assez étendues.

Il me paraît donc bien constaté, et c'est un point sur lequel j'insiste parce que nous y reviendrons dans la seconde partie, qu'il existe en Auvergne trois vastes dépôts d’alluvions d’époques différentes.

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Dépôts de l’époque actuelle.

Les formations dues aux causes encore actuellement er action dans la contrée sont nombreuses et extrêmement intéressantes ; leur étude bien suivie peut jeter un grand jour sur l’origine de celles dont les causes productrices paraissent avoir cessé d'agir ; mais le but que nous nous proposons dans ce Mémoire ne nous a pas permis de nous y livrer, en sorte que nous n’en donnerons que les caractères prin- Cipaux.

Dépôrs pes sources. Une foule de sources minérales et thermales, d’émanations

. gazeuses , etc., sourdent du sol de l'Auvergne, particulièrement dans le vcisinage des volcans, dont elles ne sont que les derniers soupirs, et semblent être restées pour témoigner de la persistance , dans les entrailles de la terre, des agents per- turbateurs qui ont bouleversé toute la'contrée à.différentes reprises , antérieure- ment aux temps historiques. Plusieurs de ces sources ne produisent aucun dépôt notable, mais plusieurs aussi en forment de considérables. Au nombre des plus intéressants sont ceux de Saint-Nectaire et de Saint-Allire, connus de tout le monde par l'usage que l’on fait des eaux pour cbtenir des empreintes et des incrustations d'objets répandus en grande quantité dans le commerce.

Les sources de Saint-Nectaire, minérales et thermales, dont on se sert aujour- d'hui pour les incrustations, sortent du,granite, et on ne voit aucune trace de calcaire dans la contrée que celui qu’elles ont déposé sur le sol et dans les fentes des rochers. Ces sources ont formé une puissante masse de travertin présentant une voûte sous laquelle on passe, et qui se trouve encore très élevée au-dessus de votre tête. Ce travertin, qui offre de belles stalactites, contient des fragments de granite, de basalte et de poteries romaines. C'est qu'a été trouvée cette planche enduite de ciment romain, toute pénétrée d’aiguilles d’arragonite, substance qui

2 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N-2, p.42.) forme aussi des veines dans le travertin et qui remplit des fissures du granite. Le dépôt occupe un espace très étendu autour du local se font les empreintes; on le suit fort loin à l’ouest, le long des bords du ruisseau. Sur quelques points, il est très siliceux et contient beaucoup de feuilles, de fragments de bois et des noisettes passés à l’état siliceux. Les sources de Saint-Nectairessourdent dans le fond d’une vallée dont les flancs offrent un grand nombre de cônes basaltiques qui percent le granite.

Sources de Saint-Allire. Les eaux de ce village, qui est un faubourg de Cler- mont, sont minérales et thermales. Comme celles de Saint-Nectaire, elles dépo- sent aussi du calcaire en grande quantité ; mais les empreintes et les incrustations qu'elles produisent ne sont pas aussi belles que celles de Saint-Nectaire. Tous les géologues connaissent le fameux pont de travertin formé par ces sources, et sous lequel passe un fort ruisseau. Il en existe, à 50" en amont, un second qui est en voie de formation; l'arche est maintenant à peu près au milieu du ruisseau, elle augmente d'environ 6 centimètres par année. Là, on peut parfaitement comprendre la manière dont la nature procède dans ces genres de constructions : l'eau sort de la terre chargée de carbonate calcaire qu'elle tient en dissolution, parce qu'elle est très chargée d'acide carbonique ; maïs en coulant sur les parois de l'arche, l'acide se dégage et le calcaire se dépose; les incrustations et les em- preintes se forment absolumentäe la même manière. ?

IL existe encore une belle source incrustante sur les rives de la Sioule, près du volcan de Chalucet. Les eaux thermales du Mont-Dore, dont la température at- teint 45, déposent une légère incrustation siliceuse. Les analyses de MM. Ber- thier et Longchamps ont démontré que toutes ces eaux contiennentsune petite quantité de silice.

Acide carbonique. Dans plusieurs endroïts des environs de Clermont, dans les galeries d'exploitation des mines de Pontgibaud, etc. , il existe des dégage- ments continuels d'acide carborrique. Les eaux de plusieurs sources en sont for- tement chargées (Saint-Nectaire, Saint-Allire, Jode, Clermont, Fredfont, près Saint-Nectaire, etc.), et les eaux de toutes les sources de la contrée offrent des iraces de ce gaz. Dans quelques endroits, Puy de la Poix, elles contiennent de l’hydrogène sulfuré.

Sources bitumineuses. Le bitume est sorti et sort encore de l’intérieur de la terre, comme les eaux thermales et les gaz, dans toute la contrée volcanique, mais principalement près de Clermont, Pont du Château, Puy d'Auzelle, Puy de Crouel, Puy de la Poix, Chamaillère, etc. Dans ces localités, on le voit suinter par les fentes des rochers, quelquefois en très grande quantité. Les eaux qui sortent de ces rochers en amènent aussi beaucoup avec elles, que l’on voit nager à la surface et dont elles incrustent le sol sur lequel elles se répandent. Ces eaux sont souvent sulfureuses ( Puy de la Poix), et elles contiennent toujours une petite quantité de silice, qui doit avoir produit les rosaces et gouttelctte

(CN. 2, p.45.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 63 calcédonieuses que l’on remarque sur les roches et sur le bitume lui-même, à Pont du Château , aux Puys de Crouel et de la Poix. Ce dégagement de bitume est encore un des derniers effets de l’action volcanique, comme nous aurons occa- sion de nous en convaincre dans la suite.

Tourbes. Sur les pentes du Mont-Dore, et sur les grands plateaux morcelés qui séparent le Mont-Dore du Césallier, le Cézallier du Cantal, et aussi sur les pentes de ces deux grands massifs, il existe de vastes tourbières que les habitants . exploitent pour se chauffer, cet dans lesquelles ils trouvent une grande quantité de bois, des branches, ét même des troncs de conifères avec leurs racines, assez bien conservés et qui brülent parfaitement. Ces tourbières gisent dans les dépres- sions de la surfacesdu sol eroissent des végétaux aquatiques, dont les tiges, périssant pendant l’hiver, forment ainsi chaque année une petite couche char- bonneuse.

Attérissements. Avec les dépôts de l'époque actuelle, que nous venons de faire connaître, on rencontre en Auvergne, comme partout ailleurs, ceux que les eaux sauvages forment sur le sol et“les eaux courantes le long de leurs rives, les talus qui s’établissent pär les éboulements au pied des pentes, etc. Mais parmi tous ces dépôts, il y en'a un particulier à la contrée, et dont le mode de forma tion mérite d’être décrit. La grande fertilité du bassin de la Limagne, chantée par les poëtes , adrñirée par tous les voyageurs, est due à une couche de terreau noir presque entièrement composée de lapilli et de cendres volcaniques prove- - nant de la chaîne du Puy-de-Dôme. Voici à cet égard ceque j'ai vu de mes yeux : le 17 mai 1841, vers six heures du soir, ua vent du S.-0. très violent éleva dans les volcans du Puy-de-Dôme de gros nuages d’une poussière noire qui, apportée dans un instant sur Clermont et la Limagne, y répandit pendant un quart d’heure une grande obscurité, et déposa sur les ‘terrasses et le pavé des His restés ouverts, certainement aussi sur tout le sol, une couche de à à 2 milli-

mètres d'épaisseur, composée de lapilli et de cendres volcaniques. a Fe qui survint avec force dissipa tout, et il y eut ainsi une légère couche de terreau ajoutée à celui de Limayne. Si, le vent continuant, la pluie avait tardé plus longtemps, la couche aurait été plus épaisse. Je regarde comme très probable que le terreau de la Limagne a’été ainsi formé, car de pareils transports de ma- tières volcaniques sont fréquents dans la contrée.

Telles sont l'es Six classes de dépôts dont la formation n'est pas le résulat immé- diat del action volcanique. Nous allons maintenant décrire les produits de cette action, qui « “sont. venus au jour par plusieurs espèces d'ouvertures à travers les autres terrains, qu'ils ont souyent disloqués et allérés en passant, et qui se sont épanchés dessus en coulant quelquefois jusqu'à une distance de plusieurs lieues. Ces produits appartiennent à trois grandes époques, #rachytique, ba. saltique ef lavique , que nous venons d'énumérer d’après leur ordre d'ancienneté.

64 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (n.2,p. 14)

$ VIL.

Époque trachytique.

Les roches de cette époque, caractérisées par l'abondance du feldspath , ont pris un grand développement dans les massifs du Cantal, du Mont-Dore et du Puy-de-Dôme; elles se montrent, en outre, sur quelques autres points, dans une position très remarquable. Nous allons d’abord décrire les trois grands mas- sifs formés par elles, et nous parlerons ensuite de quelques points vraiment sin- guliers gisent des masses trachytiques.

Massif du Cantal. Cette montagne, si justement célèbre par la richesse de ses pâturages, les beaux sites qu'elle présente et les phénomènes volcaniques qui y sont rassemblés, se trouve sur la limite méridionale de l'espace embrassé par mes observations. Bien que j'aie eu l’avantage de la parcourir avec M. Viquesnel, le compagnon de M. Boué dans son voyage en Orient, je ne prétends le rendre aucunement responsable de ce que je vais dire, sachant surtout qu'il à aussi l'in- tention de publier un mémoire sur l'Auvergne. |

Les points culminants du Cantal atteignent 1,850" au-dessus du niveau de la mer, c'est-à-dire plus de 400” au-dessus du vaste plateau ondulé qui se trouve à son.pied. Le Cantal présente un superbe massif qui frappe majestueusement la vue de quelque point qu'on le regarde. Ce massif est formé par une suite de chaînons, que séparent leS uns des autres des vallées profondes, dont les prin- cipaux ont jusqu'à 3 myriamètres de longueur, et qui divergent comme les rayons d'une-roue de la masse centrale, se trouvent les plus hauts sommets. Cette masse est loin d'être pleine; elle présente un grand nombre de cavités for- mant l’origine des vallées. Ce sont des cirques coniques , ouverts d’un seul côté, dont le sommet est en bas, et dont quelques uns ont jusqu'à 5,000" de large, ceux des vallées de Mandailles et de Vic, par exemple. Ces‘deux-ci sont tellement vastes et tellement rapprochés qu’ils se confondent, et produisent, au milieu de la masse centrale, un gigantesque évasement dont le diamètre dépasse, deux lieues. Dans la vallée de Vic, à la hauteur de Saint-Jacques des Blats, et dans l'autre, à Mandaillesmême, des rameaux transversaux qui descendent des crêtes viennent barrer les vallées, au point que les rivières sont forcées de se précipiter en cascades à travers une coupure qui n’a pas plus de 20" de large. L’évasement” se trouve ainsi fermé du côté du sud-ouest, et il en résulte un*cirque irrégulier au milieu duquel s'élève majestueusement le Puy-Griou, superbe cône phonoli= tique. Que ceci suffise au lecteur pour le moment; dans la seconde partie nous reviendrons sur ce fameux cirque, source de tant de discussions entre les géo- logues.

Le massif du Cantal est principalement trachytique : c’est un fait sur lequel tous les observateurs sont d'accord ; le trachyte y présente un grand nombre de

CN. 2, p.15.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 65 variétés, depuis la structure granitique jusqu'à la structure compacte, et les roches diffèrent si peu par l'aspect de celles du terrain granitique, qu’on est souvent tenté de les confondre. Ces roches sont accompagnées de conglomérats , de scories et de tufs ponceux, répandus en plus ou moins grande abondance, suivant les localités.

Les trachytes se présentent ordinairement sous forme de grandes nappes ou de coulées, qui partent de certaines masses s’élevant notablement au-dessus des crêtes ou des plateaux, et autour desquelles on trouve souvent une quantité de scories, quelques uns des sommets dominant le col du Liorant, plus au sud, le Puy-du-Cantalou , Le Puy-Brunet , le Puy-de-la-Poche, et à l’ouest les Puys Marie, de Chavaroche, etc. Il y a toujours une partie des scories englobées dans le tra- chyte; et dans les endroits plusieurs coulées se montrent superposées, on les voit souvent entre elles. Il existe aussi autour des mêmes points, et surtout entre les coulées , une grande quantité de matières ténues, cendres et lapilli, qui ont être lancées dans l'air par les bouches d'éruption, dont les sommités que nous venons de citer occupent probablement la place. Les coulées régulières sont com- posées de trachytes proprement dits; les conglomérats y sont rares, quoiqu'ils s'y montrent cependant; mais ce ne sont pas des coulées régulières superposées les unes aux autres qui constituent la grande masse du Cantal. Cette masse est principalement formée de conglomérats, c'est-à-dire d’une roche composée de fragments anguleux de toutes les grosseurs, de toutes les espèces de trachytes, au milieu desquels on remarque çà et des morceaux de gneiss ; et, dans le voi- sinage du terrain tertiaire, de Vic à Aurillac, par exemple, une quantité de fragments de silex et de calcaires de cette époque, mais pas un seul morceau de basalte : ceux que l’on a pris pour tels appartiennent à une roche brune de l’époque trachytique, qui oscille continuellement entre le trachyte et le basalte. Tous ces débris sont cimentés par le trachyte lui-même, la même matière qui forme les coulées régulières qui se montrent tantôt dessus, tantôt dessous les conglomérats. Les fragments calcaires englobés sont quelquefois des morceaux de strates ayant jusqu’à 10° de long (Giou de Mamou) (1). Les conglomérats tra- chytiques forment d'immenses masses qui ont évidemment coulé comme les tra- chytes, et dont plusieurs se rattachent aux centres d’éruption. Ce sont vérita- blement des roches ignées, bien qu’elles soient composées de débris qui offrent la plus grande analogie avec les conglomérats porphyriques des Vosges (2). Ils recouvrent le terrain tertiaire entre Aurillac et Vic, à Boudiou, la Maison- Blanche, environs d’Aurillac, en entrant dans la vallée de Mandailles, etc., et ils pénètrent même dans l’intérieur en filons et en grosses masses transversales.

Les coulées régulières , les conglomérats, les ponces, les trass, et en général

(1) Bouillet, Description de la Haute-Auvergne. (2) Rozet, Description de la partie méridionale de la chaîne des Vosges.

SOC, GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. 0. 2. 9

66 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. CN.2, p. 16.) toutes les roches qui entrent dans la constitution du Cantal, sont traversées par une immense quantité de filons de toutes les espèces de trachytes et de phono- lites, ce qui prouve que l’éruption de ces roches a duré pendant une longue pé- riode de temps. Les filons les plus nombreux et les plus récents sont ceux de la roche brune dont nous avons parlé plus haut, qui contient du pyroxène, et que l’on peut nommer tantôt trachyte, tantôt phonolite et tantôt basalte ; mais pour moi c’est bien une roche du terrain trachytique. On trouve une grande quantité de ces filons en suivant la route de Murat à Aurillac, surtout au pont de Pierre- Taillée et sur les pentes du Liorant. Un tunnel dont le percement est dirigé par M, Ruelle, ingénieur des ponts et chaussées, s'exécute maintenant dans cette mon- tagne pour en rendre le passage moins dangereux en hiver. Lorsque nous visitâmes ce beau travail avec M. Viquesnel, il était déjà poussé sur une longueur de 450" de chaque côté de la montagne, et il ne restait plus que 400" à faire pour qu'il fût complétement terminé. La constitution géologique du terrain y est parfaite- ment mise à jour : c’est une masse de conglomérats trachytiques, de tufs pon- ceux et argileux mélangés, traversée par une immense quantité de filons ver- ticaux qui ne sont pas parallèles entre eux, de trachyte gris porphyroïde, de trachyte plus ou moins compacte, de phonolite et de trachyte brun; ces derniers coupent quelquefois les autres. Il existe toujours de chaque côté des filons une petite salbande de 0",02 à 0",05 d'épaisseur, d’une matière argileuse blanchâtre, onctueuse au toucher, qui n’est autre chose que la roche encaissante décomposée. La roche brune qui forme tant de filons constitue aussi une grande partie des dernières coulées trachytiques, que plusieurs géologues regardent comme des basaltes. J'y rapporterais aussi le dyke du plomb du Cantal et tous les filons qui sont alentour : seulement ici elle est un peu plus basaltique qu'ailleurs. Mais des filons de véritable basalte traversent aussi le terrain trachytique : de puis- sanles masses de cette roche ont fait éruption au milieu de lui et se sont répan- dues dessus, surtout vers le pied des montagnes trachytiques qui forment le pourtour du massif (voyez la carte). Les véritables trachytes contiennent quel- quefois du pyroxène, même de l’olivine, prennent des teintes brunes et passent au basalte (Puy-de-la-Poche, environs de Murat, d’Aurillac, etc.), ce qui prouve qu'il n’y a point de solution de continuité entre l’éruption de ces deux roches. Le phonolite est certainement plus ancien que le basalte ; il ne se présente jamais en filons dans cette roche, qui traverse sous cette forme aussi bien les phonolites que les trachytes : Les filons de phonolite sont nombreux et puissants. Cette roche forme aussi des dykes, dont le plus considérable est le cône du Puy-Griou, qui s'élève majestueusement au milieu du grand cirque décrit plus haut; il en existe encore deux autres moins considérables entre les Puy-Violent et Marie. Les pho- nolites sont des roches de fedspath compacte, qui ne diffèrent pas essentielle- ment, par l'aspect, des eurites des terrains anciens; ils ont fait éruption dans les derniers temps de la période trachytique, mais certainement avant les basaltes.

(N.2, p.17.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 67 Telles sont les principales espèces de roches qui entrent dans la composition de la masse du Cantal. Le but que nous nous proposons dans ce Mémoire n’exige pas que nous entrions dans plus de détails à leur égard. Depuis leur épanche- ment à la surface de la terre, ces roches ont été plusieurs fois soulevées et dis- loquées par les agents intérieurs, comme l’attestent la forte inclinaison de leurs nappes, les nombreuses fentes et fractures qu’elles présentent, ainsi que les es- carpements à pic des montagnes qu'elles constituent. Une étude approfondie nous a conduit à y reconnaître trois grandes époques de dislocations, dont les directions s'étant croisées dans le massif lui-même, ont produit une foule d’ac- cidents curieux, et particulièrement la grande cavité centrale.

En partant du pied évasé du Cantal pour marcher droit sur le Mont-Dore, on ne rencontre plus de trachytes; peut-être sont-ils enfouis sous les basaltes qui couvrent l’espace compris entre ces deux montagnes; mais il en existe plus à l'est, dont nous parlerons plus tard : décrivons de suite le Mont-Dore.

Massif du Mont-Dore. La réunion de montagnes désignée sous le nom de Mont-Dore constitue un immense massif au centre duquel il existe aussi un grand vide, comme au Cantal : c'est à l'endroit la vallée de la Dordogne, d’abord dirigée N.-S., tourne brusquement à l’ouest. Mais ce vide n'offre pas l'aspect circulaire comme celui du Puy-Griou, et il n’y a point de pie au milieu. Il est environné de toutes parts par des montagnes dont la hauteur varie entre 1450 et 1700" au-dessus de la mer, et entre 450 et 700” au-dessus des eaux de la Dor- dogne (Puy-Gros, Puy-Barbier, Puy-de-la-Tache, Puÿ-de-l'Angle, le Capucin, Puy-de-Bozat, etc. ). Ces montagnes sont les centres d'autant de massifs secon- daires qui se rattachent plus ou moins directement au pic de Sancy, élevé de 1887", centre du massif principal, et qui culmine en menaçant les nues à l’ex- trémité sud de tout le système. Chacun des massifs secondaires jette des ramifi- cations dans tous les sens, en sorte que la masse du Mont-Dore se trouve com- posée d’une infinité de rameaux plus ou moins élevés, plus ou moins étendus, dont chaque système a son centre particulier, et qui, par conséquent, ne di- vergent pas de la cavité centrale comme ceux du Cantal, ce qui établit une grande différence dans l'aspect qu’offrent ces deux massifs sur la carte.

On trouve dans les Monts-Dore toutes les variétés de trachyte du Cantal, gra- nitique, porphyrique, compacte, brune, conglomérats, trass, etc. Mais ici les conglomérats sont loin d’avoir pris un développement aussi considérable que dans le Cantal ; ils ne se montrent même que sur un petit nombre de points, ils ne constituent jamais des montagnes entières. Toutes les roches passent les unes aux autres par nuances insensibles, en formant d'immenses nappes qui ont évi- demment coulé sous une petite inclinaison, comme on peut le voir dans la vallée des Bains, où, depuis la grande cascade jusqu’au coude de la Dordogne, elles n'ont point éprouvé de grands dérangements. Ici, et dans une infinité d’au- tres lieux (vallées de la Burande, de la Trenteine, de Chaudefour, de Que-

68 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N: 2, p.48.) reille, etc.), on peut compter jusqu’à cinq de ces nappes superposées les unes aux autres, séparées par des assises régulières généralement plus puissantes qu’elles, de tufs ponceux, de cinérites et de conglomérats, composés de fragments angu- leux de trachyte et de granite. Toute la masse des Monts-Dore est ainsi formée, ce qui se voit parfaitement dans les localités précitées et dans toutes les vallées dont les flancs sont escarpés. Comme au Cantal, les nappes viennent souvent se rattacher à une sommité qui s'élève brusquement sur le plateau (roc de Caca- dogne, roc Cuzeau, le Capuein, Puy-de-Bozat, Puy-Gros, Puy-de-l'Angle, Puy- de-la-Tache , etc.), autour de laquelle nous avons souvent vu des scories en quan- ‘tité; M. Viquesnel a même reconnu que le pic de Cacadogne est principalement formé de scories intimement liées aux trachytes. Ces sommités doivent occuper la place des principales bouches d’éruption ; au Mont-Dore, les trachytes pré- sentent souvent la structure prismatique régulière (vallée de la Dordogne ); les prismes sont généralement moins gros que ceux des basaltes et moins articulés, les conglomérats ne m'ont jamais présenté cette structure. Ces dernières roches sont particulièrement développées dans la vallée de la Dordogne; les travaux de la route ont parfaitement mis leur structure à jour entré Quereille et Murat-le- Quaire. Là, on les voit traversés dans tous les sens par une infinité de filons, de toutes les variétés de trachyte, mais principalement de trachytes porphyroïdes et de la même roche basaltoïide qu'au Cantal. Les filons de véritable basalte y sont aussi nombreux ; la cascade de Quereille est formée par un filon basaltique qui barre la vallée; j’en ai vu plusieurs considérables au pied du Puy-Gros, aux extrémités duquel se trouvent des points d’éruptions basaltiques ; ces filons traversent en- semble les conglomérats, les trachytes de toutes les variétés, les tufs, les ciné- rites, etc., qui séparent les nappes les unes des autres, nouvelle preuve que les éruptions trachytiques ont duré un temps immense, et que les mêmes roches se sont reproduites plusieurs fois pendant la période d’éruption. Le phonolite forme aussi des dykes et des filons dans les trachytes; mais nulle part je n’ai vu les filons de cette roche traverser les nappes de basalte qui recouvrent les trachytes sur plusieurs points.

Trois superbes dykes phonolitiques, les roches Sanadoire, Tuillère et Malviale, s'élèvent en cônes aigus dans l’intérieur du cirque qui forme l'origine de la vallée de Rochefort; c’est un point vers lequel convergent plusieurs vallées. Ces cônes, dans lesquels les structures prismatique et tégulaire se trouvent réunies, sur- tout à la roche Tuillère, présentent un grand nombre de fissures et quelques grandes fentes, qui m'ont fait naître l’idée qu'ils auraient bien pu avoir été élevés à l’état solide. Ici le phonolite a percer le granite en même temps que le trachyte, car du côté nord on le voit paraître au pied des roches Tuillère et Sanadoire.

La vallée de Rochefort est une localité les phénomènes des éruptions tra- chytiques et basaltiques sont très remarquables et faciles à étudier. Le granite

(R.2, p. 19.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 69 formant le fond de cette vallée est toujours sensiblement altéré dans le voisinage des trachytes et des basaltes, que l’on voit percer et couler dessus en plusieurs endroits. À tous les points d’éruption , il existe des scories et des conglomérats intimement liés aux trachytes, dont ils recouvrent souvent la surface. Ici, le tra- chyte contient des cristaux d'amphibole qui ont jusqu'à 0",01 de long; on voit même cette substance se disséminer dans la pâte feldspathique qui se colore for- tement en brun. Les ruines de l’ancien château de Rochefort occupent le sommet d’un dyke trachytique sorti du granite qui forme le fond de la vallée; celui-ci est fortement altéré dans le voisinage du trachyte, il est même réduit en un sable assez pur pour être employé dans la confection du mortier. La masse trachytique présente un grand nombre de grottes qui sont de véritables soufflures dont une partie des parois a été enlevée. Les dimensions de ces cavités sont très variables; il y en a de fort grandes, dont la voûte a d’élévation, et d’autres dans lesquelles il est impossible d'entrer, même en se couchant sur le ventre. Dans l'intérieur, on voit parfaitement le trachyte porphyroïde, avec amphibole, passer aux sco- ries et conglomérats qui forment la partie extérieure de la masse.

Deux filons de basalte traversent verticalement le dyke trachytique, l’un sous les ruines du château et l’autre un peu plus au sud. Les flancs escarpés de la vallée présentent aussi plusieurs points d’éruptions basaltiques au milieu du gra- nite, sur lesquels nous reviendrons dans le $ suivant. Près de Laqueille et de

Murat-le-Quaire, il existe encore quelques points le trachyte paraît s'être fait jour à travers le granite.

Les trachytes du Cantal et ceux des Monts-Dore présentent, en cristaux dissé- minés, de l’'amphibole, du pyroxène, de l'olivine, du feldspath, du quarz rare et du mica. La prédominance, la rareté ou l'absence de ces minéraux dans la roche donnent naissance à un grand nombre de variétés; le fer oligiste spécu- laire , en cristaux et en lames , tapisse souvent les fissures des roches.

Les trachytes sont employés comme pierre de taille et moellon:; ils fournissent de très bons matériaux pour charger les routes; les variétés schistoïdes et surtout les phonolites, au Puy-Griou, à la roche Tuillère, sont exploitées pour couvrir les maisons. Nulle part, dans ia contrée que nous décrivons, on n’a exploité de gites de minerais dans le trachyte; mais au Cantal et au Mont-Dore il y a des gites d'alunite assez riches, vers lesquels l’industrie n’a pas encore tourné ses regards. On trouve aussi un peu de soufre dans quelques endroits.

Massif du Puy-de-Dôme. Depuis les dernières pentes septentrionales du Mont- Dore jusqu’au pied du Puy-de-Dôme, le sol s'abaisse d’une manière très sen- sible , et les trachytes disparaissent sous les coulées basaltiques et les déjections des volcans à cratères pour ne reparaître qu’à la base de cette montagne, dont ils forment la masse, ainsi que plusieurs autres moins considérables qui s’élèvent du côté du nord. Ici, l’état d’agrégation des roches a beaucoup changé; elles sont beaucoup moins solides que dans les deux autres massifs, et même souvent

70 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N.2, p.20.) pulvérulentes. Mais cependant elles présentent exactement les mêmes substances, et dans quelques parties des montagnes elles sont dures et ne diffèrent pas de celles que nous avons décrites, surtout les porphyres amphiboliques. Ces roches, auxquelles M. de Buch a donné le nom de domites, ne sont pour moi que des trachytes altérés; elles constituent cinq montagnes, toutes situées dans les en- virons du Puy-de-Dôme : le Puy-de-Dôme, le petit Suchet, Clierzou, le grand Sarcoui et le Puy-Chopine, qui sont des cônes et des dômes isolés, autour de chacun desquels se trouvent réunis plusieurs volcans à cratères. Aucune de ces cinq montagnes n'a donné d'éruption; elles paraissent avoir été formées sur la place qu’elles occupent par une forte action de bas en haut : leur forme en cône et en dôme l'indique; et à leur pied on voit le domite qui couvre une grande étendue, en suivant la pente générale du sol, autour de Chopine et de Sarcoui, se relever notablement en approchant des montagnes. Ici le domite est recouvert par une couche d’alluvions, composée de fragments de granite, de trachyte et de basalte peu arrondis, qui est surtout bien développée à l’ouest du Puy-de-Dôme, sur l’ancienne route de Limoges. Nous avons retrouvé, avec M. Viquesnel, des restes de cette même couche sur les grands rochers du Puy-de-Dôme, à 400" au- dessus d'elle; les nombreux fragments de granite, de trachyte et de basalte ré- pandus sur les flancs de la montagne et sur les sommets inférieurs, proviennent de sa destruction par le soulèvement de la montagne. Il est important de remar- quer que le granite des fragments est exactement le même que celui exploité au mont Rodeix pour réparer la route, à 3,000" au sud-est. Depuis longtemps, M. Lecoq avait reconnu une pareille couche sur le sommet du Clierzou (1). Le cône de Chopine, qui s’est élevé au milieu d'un cirque presque cireulaire de do- mite, est composé en grande partie de cette roche, avec laquelle se trouvent mélangées des masses de granite, d’eurite , d'amphibolite et de serpentine, plus ou moins altérées; et enfin, au tiers de la montagne, du côté de l’est, un filon de basalte vient traverser ce singulier mélange des roches diverses, qui entrent toutes dans la constitution du sol servant de base aux volcans. Ce fait prouverait à lui seul que la formation du Puy-Chopine est due à une puissante action de bas en haut; mais en voici encore de nouvelles preuves : au pied N.-E. de la montagne gît une couche irrégulière d’un conglomérat compacte de fragments de domite, de basalte et de granite, réunis par un ciment argilo-domitique, qui plonge vers le N.-E. sous un angle de 30°. C’est la même couche qu’à Clierzou et qu’au Puy-de-Dôme, détruite en partie par l'élévation du cône, et dont les lam- beaux semblent être restés là, dans une position fort inclinée, pour nous révéler son antique existence et la nature de l’action qui a produit la montagne. Nous parlerons encore du Puy-Chopine en décrivant les cratères qui l'environnent. Le grand Sarcoui, dont les flancs sont recouverts au sud par les déjections

(1) Recherches sur l’origine des puys feldspathiques des monts dômes, page 83.

(N.2, p.21.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L’AUVERGNE. 71 du volcan des Goules, et au nord par celles du petit Sarcoui, est entièrement domitique. La roche, d’un blanc grisâtre presque homogène, contient très peu de cristaux feldspathiques fort petits; elle est rude au toucher, poreuse et extrè- mement légère; clle exhale sous le marteau une odeur piquante tenant à la pré- sence d’une petite quantité d'acide muriatique logée dans ses cavités. De vastes carrières, ouvertes dans la montagne pour en extraire des sarcophages, mettent à jour une structure massive qui n est interrompue que par des fissures acciden- telles produisant de gros blocs irréguliers. La forme en dôme du grand Sarcoui annonce une tuméfaction de la matière; le domite s'étend à une assez grande distance , à l’est et à l’ouest, du pied de cette montagne, et on le voit se relever notablement de tous les côtés à mesure qu'il en approche. A l'est, cette roche forme un grand nombre de petits monticules qui ressemblent assez aux hornitos de l’Amérique. Enfin, les deux cônes de scories qui forment la masse du petit Sarcoui sont posés sur des socles de domite dont nous parlerons plus loin,

Les trois massifs trachytiques dont nous venons de donner une description sommaire se trouvent assez exactement placés sur une ligne passant par le centre du Cantal et celui du Mont-Dore, qui fait avec le méridien un angle de 18° en courant S.-0. N.-E.; mais à 15,000" plus à l’est, il existe encore d’autres masses trachytiques que nous allons faire connaître.

Environs d’Allanche. Le sol des environs de cette petite ville est tout couvert de basaltes sortis de différentes bouches marquées par des scories et des masses prismatiques qui s'élèvent brusquement au-dessus du sol; mais dans le fond des vallées, à l’ouest et au sud de la ville, on exploite au-dessous des basaltes une roche feldspathique grisâtre, avec quelques paillettes de mica, qui est un véri- table trachyte : c'est elle qui a fourni et qui fournit encore toute la pierre de taille employée dans les constructions. Cette roche est intimement liée au basaite et y passe insensiblement; on dirait qu'ici ces deux roches ont été vomies en- semble, et que l’une n’est que la partie supérieure de l’autre. Cette liaison est surtout très évidente à une petite distance d’Allanche, dans les berges du chemin. de Vernols et dans quelques carrières ouvertes aux environs de cette ville.

Massif du Cezallier. Les pentes méridionales du Cezallier qui regardent Al- lanche présentent çà et dans leurs crevasses le même trachyte dont nous venons de parler; mais celles du nord sont en partie formées par un trachyte blanchâtre tendre, avec cristaux de feldspath et paillettes de mica, qui est exac- tement le même partout. Ce trachyte sort de dessous les basaltes qui encroûtent tout le sommet et une grande partie des flancs de la montagne ; la forte pelouse tourbeuse dont ils sont recouverts ne m'a pas permis de voir ce qui se passe au contact; mais sur la pente orientale, en descendant au Luguet, on trouve une roche d’un gris noir, très semblable à celle d’Allanche, que l’on prend tantôt pour un basalte et tantôt pour un trachyte ; il y aurait donc encore ici une liaison intime entre les deux espèces de roches. Le Cezallier est un massif élevé de

72 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. CN.2, p- 22.)

1,560" au-dessus de la mer, dont la forme offre de loin une certaine ressemblance avec celles du Mont-Dore et du Cantal. mais au centre duquel il n’y a point de grande cavité. De la masse centrale, qui présente plusieurs sommets, cônes ba- saltiques s’élevant brusquement sur un dôme peu bombé, se détachent plusieurs rameaux dirigés dans tous les sens. À l’ouest, une partie de ces rameaux est for- mée par les trachytes; au nord, c’est par du gneiss, et des autres côtés ils sont entièrement basaltiques, à l'exception de la roche trachytico-basaltique qui se montre çà et là, et surtout dans le fond des vallées.

Massif de Leyranoux. Cette belle montagne, entièrement basaltique, se trouve avec le Cezallier sur une ligne sensiblement parallèle à la première des éruptions trachytiques; nous n’en parlons ici que parce que le basalte est dans le même cas que celui des pentes orientales du Cezailier; sur plusieurs points, et particulière- ment au nord du sommet, il devient tellement feldspathique qu'on le prendrait souvent pour un trachyte : c'est une véritable dolérite qui oscille entre le basalte et le trachyte. Leyranoux pourrait bien avoir pour noyau une masse trachy- tique entièrement recouverte par le basalte. Une étude plus minutieuse que celle que j'ai faite des diverses parties de cette montagne fera peut-être découvrir quelques affleurements de cette masse.

Montagne de Perrier. En suivant, du côté septentrional, la direction de la ligne qui passe par le Cezallier et Leyranoux, on arrive à une masse trachytique très remarquable, comprise entre Solignat, Champeix , Coude et Issoire, que la nature semble avoir placée pour intriguer encore longtemps les observateurs. Ici, les trachytes se présentent dans un état de désagrégation et de décomposi- tion tel, qu'ils ont été nommés lufs et conglomérals ponceux; ils paraissent sur plusieurs points isolés de la route de Solignat à Issoire, à Montaigu-le-Blanc, à Neschers, Coude, etc., disposés autour d’une grande masse, la montagne de Per- rier, qui a 7,000" de long sur 4,000" de large. Sur tous ces points, les tufs pon- ceux sont sensiblement les mêmes; mais comme c’est à la montagne de Perrier qu'ils ont pris un plus grand développement, et qu'il est plus facile de les étu- dier à cause des fentes profondes et des beaux escarpements qu’elle offre, c’est à que nous allons transporter le lecteur. Toutes les variétés de trachyte des Monts-Dore, compacte, porphyrique, granitoïde, scoriacé, ponce, trass , elc., se trouvent rassemblées dans la montagne de Perrier, tantôt en masses énormes dont les cultures et les débris qui les recouvrent cachent les extrémités, et dont plusieurs paraissent sur une longueur de 40”, une épaisseur de 5”, et s’enfoncent ensuite dans la masse des tufs, tantôt en fragments de toutes les grosseurs, depuis 3" cubes jusqu'à celle du poing, de toutes les variétés de roches, mé- langés entre eux. Au milieu de cet amas se présentent à diverses hauteurs trois couches régulières de galets basaltiques, qui, bien que reparaissant sur plusieurs points, ne s'étendent pas dans toute la longueur de la montagne. À Perrier, cette masse de débris repose sur une puissante couche d’alluvions, qui est pour

(N.2, p.25.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 73 nous la plus ancienne des trois que nous avons reconnues dans la contrée; mais, en s’avançant vers l’ouest, on voit aussi Îes tufs reposer sur le terrain tertiaire; il en est de même dans les ravins des environs de la ferme de Boulade. Ici, le tuf ponceux est un véritable trachyte tendre, assez semblable à celui du Cezallier, et forme une masse continue qui m'a semblé être une portion de coulée. Les masses énormes que nous avons citées au milieu des tufs ponceux annoncent bien que les roches dont ils proviennent ont fait éruption à une petite distance de là, et qu'ils ne sont pas descendus des Monts-Dore, comme le croient plusieurs géologues. Deux couches régulières de sables fins, contenant des ossements de quadrupèdes, cerfs, chevaux, félis, éléphants, mastodontes, elc., d'espèces perdues, gisent engagées dans les tufs ponceux, l'une à la partie inférieure et l’autre à la partie supérieure ; près de Perrier, la première de ces couches est re- couverte par une coulée basaltique qui traverse les tufs ponceux. Un fait remar- quable, c'est qu'entre la couche à ossements et cette coulée, il existe une assise de 0",5 de galets basaltiques, et deux autres au-dessus dans la masse des tufs. Il résulte évidemment de que les galets basaltiques se sont produits à plusieurs reprises pendant les éruptions de cette époque et pendant ia formation des tufs ponceux. Cette masse de basalte que l’on appelle le Rocher Noir m'a paru avoir percé les tufs; à son extrémité ouest on voit plusieurs pointes pénétrer dedans. Quelques observateurs soutiennent qu'elle a été recouverte par eux; mais il est parfaitement clair qu’elle repose sur la couche de sable à ossements faisant partie des tufs. Le plateau de Pardines est formé par une immense nappe basaltique de 3,000" de long sur 1,200" de large, qui paraît avoir traversé la masse trachy- tique. La surface de cette masse est horizontale, de 1" plus élevée que le plateau de tufs qui s'étend à l’est, et ne présente pas un seul débris trachytique , tandis que si elle avait existé lors de leur venue, elle devrait en être couverte, surtout si, comme on le dit, ils étaient descendus des Monts-Dore. Dans leurs recherches sur les ossements fossiles du Puy-de-Dôme , MM. Jobert et Croizet ont figuré cette nappe, coupe #, comme reposant immédiatement sur les tufs ponceux. Mais près de Neschers, sur la rive gauche de la Couse, la question est tout -à-fait résolue (Jobert et Croizet, coupe 5) : les tufs ponceux, engagés dans une puissante masse de cailloux granitiques et basaltiques, sont recouverts par une coulée de basalte, sur laquelle ils ne paraissent en aucun point. Ce basalte de Neschers a bien évidemment coulé sur les tufs ponceux : si l’on admet que celui de Perrier ait été recouvert par eux, il en résulterait que cet amas de débris trachytiques, auquel on: donne le nom de tufs ponceux, s'est formé pendant la durée des éruptions basaltiques, ce qui, du reste, est clairement établi par la coulée de Neschers qui les recouvre , par les couches de galets basaltiques qui sont ici au-dessus et au-dessous, et par celles de la montagne de Perrier engagées à diverses hauteurs dans la masse des tufs ponceux. Il ne reste donc plus aucun doute sur la contemporanéité de la formation des tufs ponceux et des éruptions

SOC. GÉOL. SÉRIE. T. IL Mém. n. 2. 10

74 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N:2,p-24) basaltiques ; nous reviendrons sur ce fait très important dans la seconde partie.

Puys de Monton et d’Orcet. À 12,090" au nord de la montagne de Perrier, tou- jours sur la direction de la ligne qui passerait par les centres du Cezallier et de Leyranoux, on trouve le cône de Monton, dont le sommet est formé par un tuf trachytique, semblable à celui de Perrier et de Neschers. La base de ce cône est formée par le terrain lacustre, duquel sortent, à l’est, à l’ouest et au sud, trois petites masses basalliques; un peu plus à l’est, près le pont des Martres, les tufs ponceux gisent dans le fond de la vallée; et à une demi-lieue au nord, près Orcet, toujours sur la direction du Cezallier, ils forment au milieu du calcaire lacustre un cône semblable à celui de Monton, mais moins élevé. Je ne sache pas que l’on ait trouvé de tufs trachytiques au-delà du village d'Orcet.

La ligne passant par le centre du Cezallier, celui de Leyranoux, les Puys de Monton et d'Orcet, dirigée N.-E. S.-0., fait avec le méridien un angle de 22°, c'est-à-dire peu différent de celui de la ligne qui joint les centres du Cantal, du Mont-Dore et du Puy-de-Dôme, suivant laquelle s’est opérée une série d’éruptions trachytiques. Sur la première, nous trouvons deux foyers d’éruptions trachy- tiques, à Allanche et au Cezallier, parfaitement caractérisés, et plus au nord des régions offrant des trachytes évidemment bouleversés, remaniés même par les eaux après leur refroidissement, mais dont quelques masses entières sont si con- sidérables, qu'il est impossible de supposer qu'elles aient été amenées de loin, et le fait de la position de tous ces points sur une même droite parallèle à celledes grandes éruptions trachytiques prouve qu'ils sont eux-mêmes les foyers de pa- reilles éruptions.

Les deux lignes d’éruptions trachytiques sont à peu près parallèles à l'axe des Alpes françaises, dont M. Élie de Beaumont a prouvé que le soulèvement était immédiatement postérieur au second étage lerliaire, celui auquel se rapporte le terrain lacustre de l'Auvergne, et nous avons vu dans ce qui précède que c’est à cette même époque que les trachytes sont sortis du sein de la terre à l'état de fusion ignée. Ainsi, la même commotion qui à élevé les Alpes françaises se serait donc fait sentir assez fortement en Auvergne pour déterminer les grandes frac- tures par lesquelles les trachytes seraient montés. Nous ferons observer, en ter- minant, que les deux lignes d'éruptions trachytiques sont marquées par une suile de grands sommets liés entre eux par des plateaux élevés, c'est-à-dire qu’elles suivent le faîte de deux bombements très prononcés. Nous verrons, dans la suite, qu'il en est de même pour les lignes d’éruptions volcaniques des deux autres époques.

UN. 2, p.25.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 75

$ VII. Époque basaltique.

Les phénomènes de cette époque sont certainement les plus remarquables de tous ceux que présente l'Auvergne, et les plus propres à éclairer la grande ques- tion de l’éruption des roches ignées. Cependant ce sont ceux qui ont le moins attiré l'attention des observateurs ; on pourrait dire que chacun des géologues qui ont visité l'Auvergne, même ceux qui habitent le pays, au lieu d'étudier avec soin les nappes basaltiques, leurs rapports et leurs différences avec les produits des volcans à cratères, etc.. se sont bornés à faire des hypothèses sur leur mode d’éruption, les causes qui en ont détruit certaines parties, etc. On reconnaitra l'exactitude de ce que j'avance en lisant les ouvrages de MM. Montlosier, Lecoq, Bouillet, Jobert, Croizet, Bravard, Poullet Scrope, etc.; nous sommes done obligé d'énumérer minutieusement tous les faits que nous avons pu recueillir dans l'étude de cette immense quantité de nappes basaltiques répandues sur le sol de l’Auvergne et du Velay.

Tout le monde connaît le basalte: c’est une roche noire ou brune, compacte, sonore, pesant 3, qui contient de nombreux cristaux d'olivine, de pyroxène, de fer titané , et même quelquefois de feldspath vitreux ; en grand, cette roche pré- sente les structures prismatique, globulaire, stratiforme , et même quelquefois schistoïde. Dans les massifs du Cantal et du Mont-Dore, les basaltes sont intime- ment liés aux trachytes ; sur une foule de points on voit ces deux roches passer in- sensiblement l’une à l’autre, comme nous l'avons souvent montré dans le $ V.H n'y a donc point de solution de continuité entre les produits de ces deux époques volcaniques: les uns ont immédiatement suivi les autres. Mais la grande masse basaltique est certainement postérieure à la grande masse trachytique, comme nous l’avons déjà dit précédemment, et comme il va être établi par les faits sui- vants. Toute la circonférence du pied des massifs du Cantal et du Mont-Dore est garnie de vastes nappes basaltiques (voyez la carte) plus ou moins rapprochées les unes des autres, qui suivent généralement la pente totale du sol, mais dont quelques unes plongent cependant en sens contraire, au sud du Plomb-du- Cantal, par exemple. Beaucoup de ces nappes ont été fracturées, morcelées de- puis leur refroidissement ; mais beaucoup aussi sont presque entières, et, en les suivant, il est rare de ne pas rencontrer les traces des ouvertures d’où elles sont sorties, et quelquefois on trouve ces ouvertures elles-mêmes. La masse droite et prismatique du Puy-de-Chambourguet, sur le versant méridional du Mont-Dore, est le principal point d’éruption d’une grande nappe qui s'étend du côté de l’est, en couvrant les pentes jusqu'à Saint-Pierre-Collamine. Sous une inclinaison de 6 à autour de la masse prismatique, on remarque une grande quantité de sco- ries rouges et brunes, qui sont intimement liées au basalte et sur lesquelles celui-

76 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N-2, p. 26.)

ci a coulé. Ce fait annonce que cette masse occupe la place de l’ancienne ouver- ture, car le basalte s’est répandu tout autour; mais comme il devait naturelle- ment suivre la pente générale du sol, c’est du côté de l’est qu'il s'est étendu davantage. Les Puys de la Perdrix, de Charcourdat, présentent les mêmes phé- nomènes que le Chambourguet : ce sont aussi des dykes prismatiques avec scories, mais leurs coulées sont peu considérables. Dans la sphère d'activité de ces grandes bouches d’éruption, il en existe toujours un certain nombre d’autres plus pe- tites, marquées par des dykes ou des amas de scories d’où partent assez souvent des nappes, mais dont le basalte s’est le plus ordinairement mêlé avec celui sortant de la grande bouche; en sorte que chaque nappe basaltique est toujours sortie par un grand nombre d'ouvertures, dont elle a caché une partie en coulant dessus. En allant vers l’est, on rencontre, autour du lac Chambon, plusieurs points d'éruptions basaltiques marqués par des scories et des prismes ; ces points, comme les précédents, sont placés au milieu du trachyte, qu'ils ont recouvert de leurs déjections. Plus au nord, les Puys de la Croix-Morand , de Baladou, de l'Aiguiller, sont également des centres d’éruption; les nappes qui en partent suivent les pentes du sol, dont l'inclinaison dépasse 5°. En revenant dans l'in- térieur du massif, on rencontrera encore d’autres bouches basaïtiques ouvertes dans le trachyte, deux près le lac Guery, deux de chaque côté du Puy-Gros, avec des scories et même quelques bombes volcaniques. Ces dernières sont pla- cées sur la pente escarpée de la vallée de la Dordogne: aussi leurs nappes, dont le basalte est compacte, ne présentent-elles plus qu'un amas de débris formant talus sur Île flanc de la vallée. Au-dessous de ces bouches, vers le pied du Puy- Gros, et particulièrement près le hameau de Luselade, plusieurs filons de ba- salte traversent le trachyte; la cascade de Queireille doit sa beauté à un dyke de cette roche sorti dans le fond de la vallée. Les environs de Murat-le-Quaire pré- sentent aussi beaucoup de dykes et de filons basaltiques : la roche Vandeix est encore un centre d'éruption fort remarquable. Mais c’est à la Banne-d'Ordanche que l'on voit le mieux la manière dont le basalte a percé le trachyte et s’est ré- pandu dessus : on nomme ainsi un beau dyke basaltique formé de prismes irré- gulers, occupant l'intérieur d’une grande bouche d’éruption, tout autour de laquelle le basalte s’est répandu , mais dont la grande nappe suit encore la pente du sol; elle s’étend dans la direction du N.-0. Du côté sud, sur le flanc escarpé de la vallée, es débris de basalte forment un talus considérable; au pied du dyke, on voit parfaitement sur quelques points le contact du basalte avec le trachyte, qui forme les parois de Ia bouche. se trouve une quantité de scories engagées dans le basalte, qui contiennent comme lui des fragments de trachyte dont plu- siers sont à peine altérés; mais sur le bord de l'ouverture le trachyte est entière- ment décomposé : les parois présentent une pépérite formée de la matière ba- saltique scorifiée, contenant une immense quantité de fragments trachytiques décomposés. Les pépérites, les scories et le basalte compacte sont intimement

(N.2, p.27.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 37

liés ; ils contiennent tous les trois des cristaux d'olivine, de pyroxène, de fer titané , et quelques aiguilles d'amphibole. Du côté du nord-ouest, la nappe est fort régulière; elle suit la pente du sol, qui est ici de 8 à 10°; elle s’est peu étendue vers l’est. Mais, du côté du sud, la masse de débris qui couvre le flanc rapide de la vallée annonce qu'elle a été brisée depuis son refroidissement, pro- bablement lors de l’ouverture de cette vallée, qui s’étend du N. au S. Entre la Banne-d'Ordanche et le village de Laqueille, il existe plusieurs petits cônes de basalte avec scories qui ont percé le trachyte et donné de petites nappes. Si de ces points on marche vers Rochefort, on rencontrera bientôt deux superbes cônes de scories avec bombes volcaniques, mais sans aucune apparence de cratère, d’où part une vaste nappe qui s'étend, vers le nord, jusqu’à la vallée de la Sioule. À l'orient de Perpezat, il s'élève au milieu de cette nappe une bosse accompagnée de scories , qui est certainement une bouche d’éruption dont le basalte s’est mé- langé avec celui des deux précédentes. Au sud de Rochefort, de chaque côté de la vallée, une foule de points basaltiques avec scories percent le granite et le trachyte ; dans plusieurs, les parois des ouvertures sont à jour; on les voit tapis- sées d’une pépérite formée de débris des roches plusanciennes, altérés et cimentés par le basalte. Dans le fond de la vallée, le basalte pousse deux filons à travers un dyke trachytique , comme nous l'avons déjà dit dans le $ V.

Le Puy-d'Ebert, qui s'élève à l’est de 500" au-dessus de Rochefort, est un superbe centre d’éruptions basaltiques ; il en part plusieurs nappes qui s’éten- dent dans tous les sens jusqu'à une distance de 5,000"; à Saint-Pierre-Roche, Saint-Martin-de-Tour, Orcival et Rochefort. La bouche principale, placée au centre du cône, est maintenant fermée par une masse de scories rouges intime- ment liées au basalte le plus compacte : c’est du côté nord que les nappes se sont étendues davantage. Ici, leur inclinaison ne dépasse pas 4°; mais des autres côtés elle est souvent plus considérable : tout annonce qu'elles ont été dérangées depuis leur refroidissement. Dans les escarpements, qui sont nombreux, on voit des masses prismatiques régulières fortement inclinées, fig. 2, et souvent brisées.

FIG. 2. Près d’Orcival, du lac de Servières, de Vernines, / d'Aurières, etc., le sol est couvert de nappes basaltiques , qui sont appliquées sur les dernières pentes du Mont-Dore, et ont été fracturées dans le sens du nord au sud. Il existe encore dans cette contrée beaucoup de centres d'éruptions, cônes de scories avec pépérites granitoïdes : les Puys de Montenard et de l'Enfer, au sommet méridional de l’ellipse qui comprend les cratères mo- dernes , sont des points d’éruptions basaltiques et non pas de laves, comme on l'a dit; la surface des coulées de laves sorties des cratères, même lorsqu'elles se sont étendues sur un plan peu incliné (Cheire-de-Côme), offre un aspect com- plétement différent de celle des nappes basaltiques.

Si nous quittons les pentes du Mont-Dore pour marcher vers le nord, nous

ED, DLILUA

V9 f WF) CN

78 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (.2,p. 28)

verrons, de ce côté, les points d’éruptions basaltiques s'étendre parallèlement à la chaîne du Puy-de-Dôme. Citons les plus remarquables de ces points : le Puy- de-Banson, dominant le village de Saint-Jean-les-Monges, est un superbe cône de scories qui a lancé du basalte tout autour de lui et dans lequel il n’existe aucure trace de cratère; sur les pentes, le basalte est très scoriacé, et il ne devient compacte que lorsque l'inclinaison est réduite à 2. Au pied de ce cône, dans la vallée de la Sioule, on voit plusieurs dykes basaltiques percer le gneiss. Un peu plus au nord, le Puy-de-Neufond , moins considérable que le précédent, présente des faits semblables. À Haute-Roche et à la Motte, à l’ouest de Pontgibaud , deux cônes de scories sortis du granite ont jeté du basalte tout autour d'eux, mais en petite quantité. C’est aux mines de Pranal, sur la rive gauche de la Sioule, que les éruptions basaltiques appellent principalement l'attention de l'observateur : s'élèvent majestueusement, au-dessus du granite, deux superbes cônes de scories, avec une immense quantite de bombes volcaniques, les Puys-Rouges, d'où s’est épanchée une nappe basaltique qui est allée tomber dans la vallée de la Sioule, en rejetant cette rivière vers le nord-est. Les galeries ouvertes pour l'exploitation des filons argentifères qui gisent dans le granite inférieur ont montré que le basalie recouvre une assise de cailloux roulés, quarzeux et grani- tiques, probablement l’ancien lit de la Sioule, dans laquelle sont enfouis de nom- breux débris d'arbres dicotylédons dont le bois est encore bien conservé. Ceux des fragments qui sontimmédiatement en contact avec le basalte sont carbonisés, mais encore très solides, et il suffit de l’interposition d’une couche de sable ou d'argile de 0",2 d'épaisseur pour préserver le bois de toute carbonisation sensible. Dans l'escarpement de Pranal, le basalte présente de gros prismes verticaux qui ne sont séparés du granite que par la couche d’alluvions dont nous venons de parler. La nappe du grand Puy-Rouge s’est étendue fort loin du côté septentrional , et dans cette portion il existe un point très singulier, nommé volcan de Chalusset : c'est une masse de scories, très irrégulière, très fissurée, formant bosse sur la nappe, et qui ressemble à une soufflure. Par les fentes de cette masse sont passées des vapeurs acides et sulfureuses dont les traces sont encore parfaitement frai- ches. Les scories devaient être refroidies depuis longtemps, que les émanations gazeuses duraient encore : il existe tout près de ce point une source d’eau chargée d'acide carbonique, qui élève un gros rocher de travertin. Le volcan de Chalusset me paraît être une de ces bouches secondaires si communes autour des centres d'éruptions basaltiques. En continuant à suivre le versant occidental de la vallée, on rencontrera encore d’autres points de sortie de nappes basaltiques, près de Saint-Remy et de Saint-Jacques-d’Ambur. Du côté oriental, les nappes de Ville- longue de Montcegnel ont aussi leur centre d’éruption accompagné de scories ; la butte de Beaufort est un dyke basaltique dans le granite. Je n’ai vu aucune trace de points d'éruption dans la grande nappe de la roche Sauter; les fractures que présente la surface, et les nombreux débris des flancs, annoncent qu'elle à

(N:2, p.29.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 79 été fortement disloquée depuis son refroidissement. Au nord-est de cette nappe, près de la Tronche, il existe un point d'éruptions basaltiques j'ai reconnu deux bouches ; le basalte, rempli de péridot, de pyroxène et de fer titané, res- semble beaucoup à une lave, parce qu'il a coulé sur une assez forte inclinaison ; mais il n y a aucune trace de cratère en cet endroit. Enfin, le dernier centre d'éruptions basaltiques, du côté du nord, est le Puy-de-Montiroir, à 1,200" au nord de Manzat, dans la vallée de la Morge : c'est un cône de scories rougeûtres, très altérées, devenant brunes et passant au basalte, peu développé vers la base ; ces scories contiennent du péridot, du pyroxène et du fer titané.

Tels sont les principaux points d’éruptions basaltiques du versant ouest de la chaîne du Puy-de-Dôme; entre eux il y en à encore plusieurs autres de moindre importance; on remarque aussi plusieurs dykes et filons dans le terrain grani- tique. Sur toutes les parois des ouvertures par lesquelles les basaltes sont sortis, il existe un conglomérat particulier, une pépérite composée de débris des roches granitiques très altérés, cimentés par les scories, par des écumes, par le basalte lui-même, qui est évidemment le résultat du frottement de la matière ascen- dante contre les parois de la cheminée : cette pépérite passe à une masse noire ou brune peu dure, qui n’est autre chose qu’un mélange du basalte avec les élé- ments du granite décomposés. Aucune des roches précédentes ne fait efferves- cence dans les acides, caractère négatif constant pour les éruptions basaltiques qui ont eu lieu dans les terrains granitique, gneissique et trachytique.

Une pareille série de nappes basaltiques se montre sur le versant oriental de la chaîne du Puy-de-Dôme; celles-ci ont traversé les terrains granitique, ter- tiaire et diluvien. Le premier point de cette seconde bande, du côté nord, est le Puy-de-Saint-Jean-d'en-Haut, à 9 kilom. plus au sud que celui de Montiroir : c’est une pointe de basalte, avec peu de scories , quia percé un sommet granitique. Vien- nent ensuite les côtes de Châteaugay, qui sont couvertes de vastes nappes offrant les structures globulaire et prismatique réunies dans un petit espace ; la première s’observe surtout sur les pentes dont l'inclinaison est notable et au-dessus des calcaires que le basalte recouvre. Les strates de cette roche plongent vers le N.-O. sous un angle de 5 à 8, c'est-à-dire en sens contraire du versant de la chaîne, et les nappes basaltiques suivent assez exactement cette inclinaison; celle de Ja surface supérieure, dont la roche est compacte, varie entre 2 et vers l’ouest, ce qui prouve qu'elles ne sont pas dans leur position originelle. La masse basal- tique de Châteaugay est divisée en trois parties par des fractures courant N.-$., qui correspondent assez exactement à d’autres, semblablement dirigées, dans les côtes de Clermont, en sorte que la section de cette masse par un plan vertical donnerait le profil représenté dans la figure 3. Je n'ai reconnu aucune trace évi-

FIG. 5. dente de bouches d’éruptions dans le ‘plateau de Châteaugay ; cependant, au sud et à l’est, près des escarpements

Calcaire.

80 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L’AUVERGNE. CN. 2, p. 50.) qui dominent les calcaires, il existe des cônes surbaissés qui pourraient être des points d'éruptions; mais je n'ai pas trouvé de scories alentour. Je crois qu'ici le basalte est passé par des fentes et des trous ouverts sur le plateau, et qu'il a cachés en coulant dessus. Outre les cristaux ordinairement engagés dans le basalte, on en rencontre ici quelques uns de feldspath vitreux. Dans la vallée qui sépare le plateau de Châteaugay des côtes de Clermont, plusieurs cônes de wacke, passant à la pépé- rite, s'élèvent au milieu des calcaires, dont les strates ont été dérangés alentour.

Les côtes de Clermont et de Chanturgues sont aussi toutes recouvertes de nappes basaltiques de même nature que celles de Châteaugay, offrant également les deux structures prismatique et globulaire. On reconnaît encore sur les nappes des traces de l’action N.-S. qui a produit des failles si marquées à Châteaugay ; ces nappes inclinent aussi assez généralement vers les montagnes. Ici nous avons pu retrouver les marques de plusieurs bouches d'éruptions : la masse de Chan- turgués part d’un petit cône situé vers l’est et s’élend vers le nord-ouest en se courbant ; la surface de cette masse est scoriacée, la structure globulaire domine; dans un escarpement, on voit que cette structure est propre à la partie supérieure, dans laquelle le mouvement a être plus rapide: le reste de l'épaisseur ne la présente pas. Au nord et en face du sommet de Chanturgues , au-dessus de Notre- Dame-de-Nera , il existe une bouche ayant vomi une petite nappe qui couvre le calcaire en s'étendant vers le sud, et au-dessous paraît un gros filon de basalte qui traverse le calcaire, très altéré, en courant S.-0. N.-E. (fig. 4); les salbandes

FI de ce filon sont formées par des wackes et pépérites qui font effervescence. IL existe un A7 vaste, Point le calcaire, empâté dans le basalte, lai est durci et très altéré; la matière basaltique s'est injectée dans son intérieur. En descendant sur Cébazat, on rencontre plusieurs cônes avec wackes et pépérites effervescentes qui se sont élevés au milieu du calcaire. Le plateau qui porte particulièrement le nom de côtes de Clermont offre une nappe basaltique bombée dirigée E.-0., qui paraît provenir de deux centres d’éruptions, l'un à l’est et l’autre à l’ouest, dont les déjections se seraient réunies en coulant sur le sol. Au sud et au nord de cette grande masse, on remarque de petits cônes ayant donné des nappes peu étendues qui ne se sont pas mélangées avec les deux précédentes. En un mot, on voit parfaitement bien dans cette localité que le basalte est sorti sur le plateau par une infinité d'ouver- tures, autour desquelles il s’est répandu en coulant à une distance plus ou moins considérable, et que les diverses coulées, venant à se confondre, ont produit la nappe qui le recouvre aujourd'hui; Desmarest considérait le basalte des côtes de Clermont comme ayant été formé sur place.

Au N.-0. des côtes de Clermont, sur la falaise granitique, le Puy-de-Chanat est un beau cône de scories sorti du granite, d’où partent deux petites nappes qui ne se sont étendues qu'à quelques centaines de mètres; les scories passent insensiblement au basalte, et contiennent les mêmes cristaux. Au sud de ce cône,

(sh RoHS) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 81 et à une petite distance, il existe encore deux points qui ont donné du basalte prismatique. Depuis là, en suivant le sommet de la falaise granitique , on va jusqu’à la Baraque sans rencontrer de basalte ; mais, en cet endroit, il existe deux bouches fort remarquables. La première occupe justement le sommet de l’angle formé par les deux branches de la grande coulée de Pariou , que le cône basaltique à forcée de se bifurquer. A la base de ce cône, on voit parfaitement les bords d’un trou presque rond ouvert dans le granite, et rempli aujourd'hui de scories et de pépé- rites; de ce trou sortent deux nappes, dont la plus considérable a coulé vers l'est et l’autre vers le sud en suivant la pente du sol, restée sensiblement la même de- puis le refroidissement, puisque sur la route de Bordeaux une carrière met à jour une masse de prismes parfaitement verticaux. Sur les bords de l'ouverture se montre encore abondamment cette pépérite, composée de fragments de granite altérés et agglutinés par le basalte et les scories; autour, le granite n’est décom- posé que sur une épaisseur de 4 à 6”, au-delà il est intact. Au sud de la route, et en face du cône précédent, il existe une forte bosse basaltique avec scories d'où partent encore deux nappes, une petite qui a coulé vers le nord et l’autre vers l'est. Par leur rencontre avec les deux précédentes, ces nappes forment un cirque bien marqué, que les géologues de Clermont regardent comme un cratère ba- saltique d’où serait sorti tout le basalte qui gît alentour. Au pied de cette bosse. allongée dans le sens de l’est à l’ouest, on trouve du côté sud le granite très dé- composé sur une longueur de plus de 100”. Là, un fossé fraîchement creusé mettait parfaitement à découvert le contact du basalte avec le granite ; une grande fente ouverte dans celui-ci a donné passage à la matière volcanique, qui, en sortant, s'est épanchée du côté nord. Les parois de cette fente sont tapissées de la même pépérite que celles du trou qui est en face; mais cette roche contient ici de nombreux fragments de granite, dont quelques uns ont 1” de long : le basaite en contient lui-même plusieurs. Le granite de ces fragments n’est souvent altéré qu'à la surface, surtout quand ils ont une certaine grosseur. Le basalte de ces deux bouches, en coulant sur des scories qui se voient sur plusieurs points à la parte inférieure des nappes, s’est étendu jusqu’à l’escarpement de la Limagne. En approchant des cônes la roche est scoriacée , l’inclinaison des nappes est de 4; mais elle se réduit ensuite à 2, et les prismes exploités dans la carrière de la route sont verticaux. Il existe à une petite distance de là, dans l’escarpement de la route, au premier pli du lacet, un fragment de cette nappe gisant sur le granite très altéré, dont elle est séparée par des scories, et plongeant vers l’est sous un angle de 25°, fig. 5. Ici, le basalte présente la structure globulaire très pro-

re noncée, en sorte qu'il a bien certainement coulé sous une inclinaison plus forte que celui qui estau-dessus; mais il est certain que cette inclinaison, aujourd'hui de 25°, a été beau-

WW ON, 7 coup augmentée depuis le refroidissement. a. Sable granitique. b. Granite.

SOC. GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. n. 2. 411

(HTC AZ AZ

82 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N-2,p.5%2.)

Le cap de Prudelle, situé en face de ce lambeau, est couvert par une masse prismatique , que l’on a regardée jusqu'à présent comme une suite de la coulée de la Baraque; mais, en examinant soigneusement cette masse, on est plutôt porté à croire qu’elle est sortie du sommet même qu'elle recouvre. Ici, le ba- salte, bien que prismatique, présente la structure tégulaire; les prismes sont assez exactement verticaux, et la surface supérieure de la nappe plonge vers l'ouest sous un angle de 2 à 3°, c’est-à-dire en sens contraire de la nappe de la Baraque , et le basalte a une épaisseur notablement plus considérable, à l’ouest, se trouve une vaste carrière, que partout ailleurs. Du côté sud, au pied de l'escarpement, les prismes paraissent entrer dans le granite, fig. 6 ; on trouve

He des cendres agglutinées et la pépérite gra- il nitoide. A l'est, le granite forme une pe- tite pointe plus élevée que le basalte, qui paraît être une des lèvres de la bouche, et à 20" environ au-dessous de cette même pointe il existe un trou dans le granite altéré, d’où est sortie une coulée basal- tique à structure globulaire qui a recouvert la pente est de la montagne sur une longueur de 100". Ainsi donc, quand bien même le basalte supérieur ne serait qu'un lambeau de la nappe occidentale , il n’en resterait pas moins vrai que le cap de Prudelle est un point d’éruption; mais, pour moi, les deux basaltes sont sortis de la montagne même par deux ouvertures différentes. J'engage MM. Bouil- let et Lecoq, qui ne partagent pas mon opinion à l'égard du cap de Prudelle, à examiner de nouveau ce point. Au sud-ouest de la Baraque, le Mont-Rodeix est encore une pointe de basalte qui a percé le granite.

Si l’on continue à marcher vers le sud, en suivant le sommet de la falaise gra- nitique, on arrive au Puy-de-Charade, magnifique centre d’éruption basaltique situé à au sud-ouest de Clermont. Là, s'élève un cône de scories avec nom- breuses bombes volcaniques, d’où part une nappe étroite qui s’est étendue vers l'est jusqu'au Montaudou , au bas de la falaise granitique. Sur le pied occidental du cône de scories , on reconnaît assez bien les parois de la bouche formées par le granite décomposé dans une épaisseur de quelques mètres seulement, et tapissées de wackes et de pépérites granitoïdes. Sur les flancs du cône, le basalte a coulé sous une inclinaison de 7 à 8, aussi est-il très scoriacé et contient-il peu de cristaux; mais au pied, la pente se réduit à 2 ou 1°, il est compacte et pré- sente une grande quantité de cristaux de pyroxène, de fer titané et de péridot. La nappe de Charade a été coupée en deux par le volcan de Gravenaire, qui l'a recouverte de scories sur une assez grande étendue; cette nappe reparaît à l'est de ce volcan, près du Montaudou, elle se termine par un escarpement prismatique. Le Montaudou est formé par deux dykes basaltiques qui se sont élevés en se croisant au milieu du terrain lacustre , fort altéré dans leur voisi- nage : le basalte de ces dykes diffère complétement de celui de la nappe pré-

(N.2, p.55.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 83 cédente ; il est plus compacte, moins noir, et contient beaucoup moins de cris- faux.

Le Puy-de-Berzet, au-dessus de Se présente les mêmes phénomènes que celui de Charade, mais sa nappe n’a pas été rompue par l'explo- sion d’un volcan moderne ; la principale bouche d’éruption de cette nappe est encore du côté de l’ouest : elle présente {des scories, des bombes, des wackes et des pépérites granitoïdes. Près du village de Saint-Genest-Champanelle, se trouve l'extrémité de deux nappes étroites, dont les points de sortie sont près du hameau de Chatrade, sur le bourrelet granitique qui environne les cratères.

Le plus beau centre d’éruption basaltique des environs de Clermont'est cer- tainement le Puy-de-Nadaillat, ou Tête-de-la-Serre, d’où part une nappe allongée vers l’est, fort régulière, et qui s'étend sur une longueur de 9,000". La Tête-de-

‘la-Serre est élevée de 1,050" au-dessus de la mer : c’est un vaste cône de scories sur lequel on en distingue deux autres plus petits, autour desquels gisent beau- coup de bombes dont quelques unes sont moins grosses que la tête (fig. 7). Le

FIG. 7. basalte s’est répandu autour de ces cônes | en suivant les pentes du sol et couvrant

77 toutes les ramifications du massif grani -

OUI D tique au centre duquel il est sorti. En s'avançant vers le Cédite la nappe prend la forme d’une coulée analogue à celles des volcans à cratères, que l’on nomme Serre et non pas Cheire, comme celles-ci, ce qui semble anoncer que le vulgaire même fait une différence entre les deux espèces de coulée. Cette différence est vraiment très évidente; la surface de la

Serre ne présente pas toutes ces aspérités, tous ces contournements, en un mot

ces marques d'une grande agitation intérieure qui caractérisent celle des coulées vomies par les cratères modernes, elle est au contraire assez unie; depuis le pied de la Tête-de-la-Serre, son inclinaison varie entre 1 et 2: alors le basalte est compacte; mais sur les flancs du grand cône, l’inclinaison atteint jusqu’à 6°, il est tout scoriacé et présente peu de cristaux. La nappe de la Serre arrive au village du Crest, elle se termine par un escarpement, en suivant la surface d'un rameau granitique. À droite et à gauche elle est aussi terminée par des es- carpements qui sont le résultat de l’action du temps et des agents extérieurs, car dans l’origine elle a s’amincir de chaque côté en recouvrant le rameau, comme cela se voit encore en un grand nombre de points le basalte n’a pas été en- tamé. Le basalte de la Serre présente les deux structures prismatique et globu- laire; il est compacte, avec une petite apparence tigrée, et contient beaucoup de cristaux. Sur les flancs du cône d’éruption, on voit parfaitement le basalte le plus compacte passer au basalte scoriacé , et celui-ci aux scories rouges. La parfaite ré- gularité de cette nappe et son peu d’inclinaison à partir du pied du cône an- noncent qu'elle à éprouvé peu de dérangement depuis sa consolidation : c’est un exemple aussi parfait d’une nappe basaltique allongée que les deux coulées des

84 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. CN: 2, p.54.) volcans à cratère qui remplissent le fond des vallées, à droite et à gauche, le sont de celles-ci. Sur le versant occidental de la tête de la Serre, trois pointes ba- saltiques sortant du granite ont donné de petites nappes qui s'étendent vers l'ouest. Chacune de ces pointes est accompagnée de scories et de pépérite gra- nitoïde ; auprès, le granite est très sensiblement altéré : ce sont des bouches secondaires , comme nous en avons déjà beaucoup cité, mais qui n’ont pas mêlé leur basalte avec celui de la grande. Le Puy-de-Montredon, qui s'élève dans la vallée au S.-E. de la Tête-de-la-Serre, doit être considéré comme une bouche du même ordre.

Nous avons déjà cité un grand nombre de points l’on voit clairement une portion des bouches basaltiques; mais sur aucun d’eux nous n’avons aperçu les canaux suivis par la matière ignée. Dans le Puy-de-Marquerolle, situé au-dessus du village d'Olloix, au nord-est, ces canaux ont été mis à découvert sur une hauteur de 6", par une exploitation de sable granitique provenant de l’action du basalte sur la roche qu'il a traversée (fig. 8). Dans l’escarpement de cette petite mon-

FIG. 8. tagne, qui a 6" de haut, deux dykes ba-

ne saltiques s'élèvent en s’élargissant pour }. WIN, y _ 4 x 54 y a % aller verser leur matière à la surface,

>. elle forme une nappe bombée qui la cou- C0 vve en partie; un de cesdykes jette un petit

AASEPIES er tee rs Anse SD filon qui s’écarte à gauche en s’élevant. Toute la masse granitique traversée par les dykes est entièrement réduite en sable; leurs salbandes présentent une couche mince de pépérite granitoïde, formée d'un mélange de la matière volcanique avec les éléments du granite décomposé. Le Puy-de-Marquerolle montre donc d'une manière évidente, ce que l'étude d’autres points nous avait déjà fait présumer, que le basalte est sorti immédiate- ment par des fentes et par des trous pour se répandre à la surface du sol, sans s'élever auparavant dans un cratère comme les laves. La montagne nommée le Puy-d'Olloix, qui s'élève au sud du village à 1,005" au-dessus de la mer, est en- core un centre d’éruption dont le basalte s’est principalement versé au sud et à l'est; tout autour de cette montagne se trouvent des bouches secondaires, dont le Puy-de-Marquerolle fait partie, qui ont donné des nappes plus ou moins consi- dérables et quelques unes de simples dykes seulement. Aux environs de Saint- Nectaire, de Saint-Diery et de Champeix, il existe encore un grand nombre de points d'éruptions basaltiques , et dans chaque région on peut presque toujours reconnaitre une bouche principale et des bouches secondaires. Dans la vallée de Saint-Nectaire on voit plusieurs grandes nappes basaltiques qui s'étendent sur le granite, dont elles sont quelquefois séparées par une assise de cailloux roulés quarzeux, granitiques et même basaltiques. Ces nappes descendent des cônes qui dominent la vallée ; comme elles ont généralement une forte inclinaison, et que plusieurs sont démantelées, il en résulte qu’elles ont éprouvé des bouleverse-

1, 7?

LOL LT LD , L RE

(N-2, p.55.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 85 ments depuis leur dépôt. Près de Champeïx, les basaltes recouvrent souvent les cailloux roulés; ils ont percé les arkoses du terrain lacustre, qui se trouvent fortement disloquées, et les points d’éruption sont marqués par des scories rouges et des pépérites qui font effervescence dans les acides. C’est un fait général con- stant; les wackes et les pépérites basaltiques sur les terrains trachytique, grani- tique et gneissique, aussi bien celles placées dans le voisinage des bouches d’éruption que celles qui gisent à une certaine distance, ne font jamais efferves- cence, tandis que dans le terrain calcaire l’effervescence est un caractère constant ; il y a même des wackes que l’on confondrait avec le basalte si elles ne faisaient pas effervescence. Tels sont les phénomènes principaux que présente l’anneau de points d’éruptions basaltiques qui entoure le massif du Mont-Dore et les deux bandes qui flanquent à l’est et à l'ouest la chaîne du Puy-de-Dôme.

Il existe une troisième bande de pareils points suivant la trace des deux ra- meaux granitiques qui coupent la Limagne entre Billom et Issoire (S 1), dont l'axe fait, avec celui de la chaîne du Puy-de-Dôme, un angle de 85°, et se trouve exactement sur le prolongement de la chaîne principale des Alpes. Cette bande est interrompue par la crête de la chaîne du Forez ; mais elle reparaît, toujours sur la même direction, au pied oriental de cette chaîne, entre Boen et Mont- brison , se trouve une quantité de cônes basaltiques qui paraissent avoir percé le terrain diluvien, et que nous ne faisons que mentionner ici parce que nous ne les avons pas étudiés avec détail. En Auvergne, la bande basaltique dont il est ici question se trouve divisée en deux zones, N. etS., par la crête des rameaux dont elle suit la trace. Nous allons décrire successivement chacune de ces zones.

La zone septentrionale s'étend depuis la crête du rameau, à travers les terrains granitique, tertiaire et diluvien, jusqu'à la hauteur de Clermont, c’est-à-dire sur une largeur de 25**. Les points d’éruption les plus voisins de la crête, dont Ja hauteur absolue dépasse 1,000”, sont plusieurs petits cônes qui sortent du granite aux environs d'Église-Neuve-de-Liard, de Manlieu, de Saint-Babel, d'Yronde, etc. Tous ces cônes présentent des pépérites granitoïdes, des scories plus ou moins abondantes, et, au pied de quelques uns, des parties de la bouche d’éruption. Toute la vaste forêt du comté d'Auvergne est remplie de cônes basaltiques dont les nappes se sont mélangées en encroûtant le sol, dont elles ont comblé en partie les dépressions. Depuis le village de Brousse jusqu'au Puy-de-Saint-Romain , et même jusqu’à la Tête-de-la-Serre, il existe une série de points d’éruption placés sur une ligne courbe dirigée S.-E.-N.-0. ; le plus élevé de ces points est le Puy- de-la-Garde, vers l'extrémité orientale, dans lequel les prismes disposés comme

DH le montre la figure 9 donnent à la masse une appa- rence stratiforme. Entre ce cône et celui du Va- cher, qui le suit immédiatement, il existe une puissante couche d'incrustations siliceuses qui pré- sente des jaspes, des silex meulière, corné et

86 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N:2,p: 56.) résinite ; le silex forme ici sur le basalte une croûte qui paraît avoir été déposée par des sources sorties du pied du cône après l'éruption de la matière ignée. Les flancs du Puy-de-Cordeloup, qui fait suite à celui du Vacher, sont couverts d'une si grande quantité de débris basaltiques, qu'il est difficile d'y monter : ces débris sont des fragments de prismes entassés les uns sur les autres. Au nord de ce Puy, dans le hameau du Bost, le granite est traversé par un beau filon de basalte qui court N.-S. Près le château de Semier, plusieurs petits cônes basaltiques ont percé le granite, toujours très altéré autour d’eux. Près le hameau de la Forge, j'ai vu un beau filon qui court encore nord-sud. Au hameau de Royat, près Fayet, il existe, en connexion presque immédiate avec un petit cône basaltique, une puissante couche siliceuse exploitée comme meulière, qui recouvre le granite. Iei, la roche est en grande partie composée de nodules creux, affectant diverses formes, ac- colés les uns aux autres : cette couche présente du silex corné, résinite et calcé- donieux ; sur quelques points, l’oxide de fer est très abondant. C’est encore un dépôt de sources thermales sorties à la suite des éruptions basaltiques et qui se sonttaries depuis.

Les ruines de Mozun, d’Église-Neuve-de-Billom, de Montmorin, de Saint-Ju- lien-de-Copel et de Busséol, gisent sur le sommet de cônes basaltiques qui ont percé le granite. Aux environs de Vic-le-Comte, on remarque, au milieu des ar- koses et du calcaire, plusieurs cônes dont le basalte a coulé dans le bassin, lon voit les arkoses et les couches calcaires qui les recouvrent se relever forte- ment et dans tous les sens en approchant des montagnes; les dépôts diluviens sont aussi relevés.

En allant de Vic-le-Comte à Saint-Maurice, on traverse de profondes crevasses qui mettent parfaitement à jour la structure du terrain lacustre et les failles que les bouleversements y ont déterminées : c’est que l’on voit clairement l’alter- nance des strates d'arkose avec ceux du calcaire. Au pied du grand cône basal- tique de Saint-Romain , dans le village de Saint-Maurice et ses environs, le terrain lacustre est tout percé de pointes basaltiques formées de wackes noires et brunes passant à la pépérite, qui passe à son tour au calcaire : ces deux roches font ef- fervescence et affectent ordinairement la structure globulaire, qui se propage jusque dans le calcaire plus ou moins altéré qui se trouve à une petite distance. Les wackes et les pépérites contiennent des fragments de calcaire et du granite inférieur, qu'elles ont entraînés en traversant ces roches. Toutes les caves de Saint-Maurice sont creusées dans les wackes , et par leur moyen on peut parfaite- ment étudier la structure de ces roches.

Au nord du village s'élève, à 782" au-dessus de la mer et à 450" au-dessus des: eaux de l'Allier, le Puy-de-Saint-Romain, superbe centre d’éruptions basaltiques. À partir des eaux de l'Allier, qui en baignent le pied jusqu'aux deux tiers de sa hauteur, cette montagne est formée par le calcaire lacustre dont les strates, sé- parés les uns des autres par des couches argileuses, n’ont qu’une faible incli-

CN-2, p.57.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L’AUVERGNE. 87 naison dont le sens est variable; tout le reste du cône est formé par le basalte, dont les prismes, disloqués après le refroidissement, plongent dans tous les sens : en regardant cette masse, on dirait une forteresse armée d’une infinité de canons, car un grand nombre de prismes isolés sont presque horizon- taux. Au pied nord du cône basaltique, il existe une nappe qui n’en est pas sortie; elle incline vers lui sous un angle de 3°, et des traces de ses bouches d’é- ruption se voient à l’extrémité opposée, le calcaire qui constitue l'escarpe- ment inférieur est fortement altéré : il est endurci, pénétré de la matière basal- tique, devenu magnésien, siliceux, et offre la structure globulaire; les argiles, fortement chauffées, sont endurcies, noircies, et souvent transformées en un jaspe qui a conservé toutes les nuances de largile : les éruptions basaltiques ont donc encore ici été accompagnées d'émanations siliceuses. Les flancs calcaires du Puy-de-Saint-Romain sont coupés par de profonds ravins, dans lesquels pa- raissent de nombreux filons et dykes de basalte et de wacke; les salbandes de ces filons présentent toutes les altérations décrites plus haut. Le basalte le plus ho- mogène , en contact avec le calcaire, fait effervescence dans les acides ; il passe. souvent à la wacke, puis à la pépérite, et enfin au calcaire; il y a une soudure, une liaison intime entre toutes ces roches, résultat de l’action ignée sur celles déposées avant l’arrivée du basalte : c’est ce qui a fait dire à Desmarest que le basalte n’était autre chose que le calcaire ou le granite fondus par les feux souterrains. À l'extrémité supérieure du ravin de la Colavette, qui débouche près de Saint-Maurice, on voit le basalte sortir du calcaire, très altéré, et déborder dessus ; c’est le bord d'une bouche d’éruption. Il en existe encore une sem- blable à l’est, sur le chemin qui conduit du village à la chapelle. Le Puy-de-la- Roche-Noire, élevé sur le calcaire, présente aussi plusieurs points d’éruption et, dans le voisinage, de nombreuses modifications dans la nature des roches neptu- niennes.

Sur la rive gauche de l'Allier, presqu'en face de Saint-Romain, s'élève le Puy- de-Coran, qui atteint 626" au-dessus de la mer. Cette charmante montagne, dont la base est encore calcaire , se compose d’un vaste plateau basaltique incli- nant vers le N.-E. sous un angle de | à seulement. A l'extrémité sud de ce pla- teau s'élèvent deux cônes de scories rouges qui occupent la place des deux bouches principales. Les flancs de ces cônes, inclinés de 4 à 5°, offrent le passage insen- sible des scories au basalte du plateau ; les plus rouges contiennent comme lui de l’olivine et des cristaux de pyroxène. On rencontre dans les scories et sur le plateau de gros morceaux de pyroxène qui ont éprouvé un commencement de fusion, ce qui annonce que les bouches ont fourni plusieurs éruptions; c’est la dernière qui à élevé les cônes de scories. Le plateau du Puy-de-Coran est escarpé de toutes parts, et les escarpements présentent de gros prismes verticaux au pied desquels gît une quantité de débris ; le basalte se montre encore sur les flancs de ja montagne formant de petites nappes, à une certaine distance des escarpe-

88 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L’AUVREGNE. CN. 2, p. 58.) ments. Du côté de l’est, au pied du cône d'éruption, il existe plusieurs fentes par lesquelles le basalte a passé, en altérant fortement les roches lacustres et formant des wackes et des pépérites. Là, on remarque un filon vertical de basalte Lo du compacte (fig. 10) qui traverse le calcaire et les sco- ries. Le basalte de Coran, ainsi que ses scories, contient de nombreux fragments de granite empâtés plus ou moins altérés; un grand nombre de pareils cure, [ragments se trouve répandu sur le plateau : ce fait prouve que le basalte avait traversé le granite avant le calcaire, au milieu duquel il à fait éruption. L’inclinaison de la nappe basaltique, qui ne paraît pas avoir été sensiblement dérangée depuis son refroidissement, et la position des scories, annoncent bien que la principale bouche d’érup- tion se trouvait à l'extrémité sud du plateau; mais on voit parfaitement aussi, de ce côté, au pied de l’escarpement, une portion de l'ouverture garnie de pépérite et de wacke. Jusqu'à une certaine distance, le calcaire, l'argile et l’arkose sont altérés et même pénétrés par de petits filons de basalte; sur un point on voit même la matière ignée déborder sur le calcaire. Ici, les argiles ont été noircies, durcies et transformées en jaspe comme à Saint- Romain.

Le Puy-de-NMonton, au N.-0. de celui de Coran, dont le sommet est occupé par des tufs ponceux semblables à ceux de Perrier, a également une base calcaire percée par plusieurs pointes basaltiques, avec wacke et pépérite , qui annoncent que le basalte s’est accumulé au centre de la montagne sans pouvoir se faire jour au sommet. Le mont de Tilly, entre Ludesse et Saint-Sandoux, le Puy-de-Saint- Saturnin , sont encore de grosses bosses calcaires moulées sur une masse basal- tique qui en occupe le centre, et qui s'est déversée dessus en la perçant sur plusieurs points ; car chacune de ces montagnes présente de nombreuses traces de bouches d’éruption.

La montagne de Gergovia, sur laquelle s'élevait jadis la capitale des Arvernes, tout orgueilleuse d’avoir vu fuir les aigles de César et pälir l'étoile de ce fier conquérant, est l’endroit l’on peut le mieux voir la manière dont le basalte s’est introduit au milieu des roches neptuniennes en coulant dessus. Dans leur bel ouvrage intitulé : Coupes et vues des principales formations géognosti- ques de l'Auvergne , MM. Bouillet et Lecoq ont donné, pl. xxv et xxvi, deux vues de Gergovia, qui sont la copie fidèle de la nature, et auxquelles nous renvoyons le lecteur pour l'intelligence de ce que nous allons dire. Le plateau sur lequel fut bâtie l'antique cité gauloise offre deux bosses de basalte compacte, un peu scoriacé, probablement les restes de deux cônes d’éruption dont la partie supé- rieure à été enlevée par la main des hommes lors de la construction de la ville; ces cônes atteignent 744 et 734" de hauteur absolue, et la dépression qui les sépare 712" seulement; c’est l’endroit vont se réunir les deux

(N.2, p.59.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 89

nappes (fig. 11). Le basalte de ces nappes présente bien çà et quelques parties

FIG. 41. scoriacées; mais en général il est très compacte, et contient beaucoup de cristaux de péridot, pyroxène, fer titané, etc. Les flancs de la mon- tagne, au-dessous des escarpements prismatiques, sont lardés de filons basaltiques qui traversent le calcaire en le bouleversant et l’altérant; c’est du côté oriental que ces filons sont le plus puissants et le plus nombreux. Le grand filon, qui a l'apparence d'une couche, est à découvert sur une étendue de 1,200", depuis le village de Merdogne jusqu'au-dessus de celui de Bonneval; son basalte, fort dur et compacte, est riche en olivine; il pré- sente la structure prismatique bien prononcée. Quand il est en contact avec le calcaire, il passe à la wacke, surtout dans les endroits le calcaire est altéré; sur quelques points, cette roche n'a éprouvé aucune espèce d’altéra- tion, bien qu'elle soit immédiatement en contact avec le basalte : au-dessus et au-dessous de ce grand filon, le calcaire est percé par des pointes basaltiques qui paraissent en être des ramifications. Les ravins entre les hameaux de Gergovia et de Bonneval laissent voir les têtes d’un grand nombre de filons traversant le cal- caire, qui, souvent, n'est aucunement altéré; au-dessus de ces filons les couches calcaires sont arquées et même disloquées. Près de l'extrémité nord du grand filon, on voit s'élever au milieu du calcaire, très altéré et imprégné d'une grande quantité de fer, une masse irrégulière, allongée, d’un conglomérat calcaréo-ba- saltique, contenant beaucoup de fer muriaté; autour de cette masse, le terrain est tout criblé d’injections de même nature. Tous les flancs de la montagne pré- sentent des phénomènes analogues, qui annoncent qu’en faisant éruption sur le plateau, le basalte les perçait en mille endroits. Entre Merdogne et Ompe, aux environs de la tour Julia et de Jussat, plusieurs cônes basaltiques ayant donné de petites nappes percent le calcaire : ce sont autant de bouches secondaires qui se rattachent à la grande éruption de Gergovia. Dans toute cette contrée, la silice est abondante ; elle forme des veines dans les conglomérats et les calcaires, qui sont eux-mêmes devenus souvent siliceux : les éruptions basaltiques de Ger- govia étaient donc aussi accompagnées d’émanations siliceuses.

Le Puy-Giroux estun cône aigu qui s'élève à 840° au-dessus de la mer, à l’ouest de Gergovia. La nappe sortie du pied de ce cône s’est étendue vers le nord jusqu'à 3,000" de distance, en coulant sur la pente du sol, qui a été augmentée depuis, car la nappe est disloquée en plusieurs endroits. Au pied S.-0. du cône, le calcaire, fort altéré, passe à la wacke, et celle-ci au basalte. Dans les ravins, qui sont nombreux de ce côté, on remarque quelques petits filons et des pointes de basalte qui percent le calcaire en le bouleversant et l’altérant. J'ai eu l’avantage de visiter le Puy-Gi- roux et Gergovia avec M. de Pinteville, un des secrétaires de la Société géologique.

Soc. GÉOL. SÉRIE. T.I. Mém. 2. 12

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90 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L’AUVERGNE. (N: 2, p.40.)

Le mont Rognon, placé plus au nord, est un cône basallique semblable au Puy-Giroux, mais moins considérable, dont le basalte s’est étendu au nord, à l’est et à l’ouest, en encroûtant le calcaire qu'il avait percé en plusieurs endroits. Les cultures qui couvrent la montagne empêchent de voir le contact de cette roche avec le basalte; sur quelques points, nous avons cependant reconnu les altérations ordinaires, ia structure globulaire et quelques pointes de wacke. Une bouche secondaire, qui a donné une petite nappe, s’est ouverte au nord de Ceyrat, entre l’arkose et le granite.

Le Montaudou, qui s'élève à 600" de hauteur absolue à l'extrémité orientale de la nappe de Charade, est un cône obtus, résultat du croisement de deux filors basaltiques qui ont traversé les arkoses et le calcaire supérieur en les boulever- sant et les altérant; des filons principaux partent plusieurs petites ramifications qui s'étendent plus ou moins loin. Le basalte du Montaudou, qui diffère notable- ment de ceux de Charade et du mont Rognon, se mélange avec les roches neptu- niennes qu'il a percées, et il en résulte des conglomérats remarquables qui con-: tiennent des fragments de basalte. À l’approche du Montaudou , la grande coulée de Gravenaire s’est divisée en deux branches.

En continuant à s’avancer vers le nord, au pied de la grande falaise granitique, on trouve les éruptions basaltiques des côtes de Clermont, de Chanturgues et de Chäteaugay, qui ont eu lieu à travers le calcaire et dont nous avons déjà parlé. Revenons maintenant vers l'est, sur la trace du rameau des montagnes du Forez, il existe encore une série de cônes basaltiques qui se sont élevés au milieu du calcaire.

Le Puy-de-Crouei est un petit cône isolé au milieu de la plaine, que l'on aperçoit de Clermont aussitôt que l’on tourne les yeux vers l’est. L’altitude de ce cône est de 430", et sa hauteur au-dessus de la plaine de 92"; il est composé de wacke bitumineuse passant à la pépérite, toutes les deux effervescentes dans l'acide muriatique. Ces roches sont sorties du centre d’une gibbosité calcaire,

ARS dans laquelle on voit les couches

se relever tout autour du cône

(fig. 12); la wacke présente une

fausse apparence de stratification

7 très tourmentée. La surface offre des scories, et toute la masse ba-

ER ——— __)

saltique contient des fragments de calcaire dont quelques uns sont très gros; ce sont même des portions de strate qui ont plusieurs mètres de longueur, empâtés à différentes hauteurs dans la roche volcanique : plusieurs de ces fragments sont à peine altérés. Dans une ouverture pratiquée par la main des hommes sur le flanc nord du cône , on remarque plusieurs fragments de strates calcaires empâtés dans la wacke et disposés par étage les uns au-dessus des autres, preuve évidente de éruption de cette roche à travers le calcaire au point même elle git main-

(IN: 2, p- 41.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 91 tenant. Les wackes et les pépérites de Crouel sont imprégnées de bitume qui suinte par plusieurs fentes et s’encaisse en petite quantité dans les trous; cer- taines fissures de ces roches sont tapissées de gouttelettes de calcédoine, qui an- noncent le passage d’eaux siliceuses.

Le Puy-de-la-Poix est un petit monticule dont la hauteur absolue est de 337”, composé des mêmes roches que Crouel , et qui se trouve presque en face au nord de la route. Ici, les fragments calcaires empâtés sont nombreux et généralement peu altérés. Le bitume est accumulé dans les roches volcaniques en si grande quantité, que pendant les chaleurs de l'été il en coule en abondance par toutes les fentes; voilà ce qui lui a fait donner le nom de Puy-de-lu-Poix. Mais c'est une source d'eau salée sortant du monticule qui amène la plus grande quantité de cette matière; cette source est si abondante qu’elle inonde une grande cave, creusée près d'elle, malgré tous les efforts du propriétaire ; le bitume flotte à la surface de l’eau et se dépose sur les parois des conduits par elle s’écoule : en se répandant sur le sol, l’eau en a formé une couche assez épaisse. Du côté nord, on a creusé un puits de 3 à 4” de profondeur pour l'extraction du bitume, au- jourd'hui abandonnée; l’eau qui le remplit en partie est couverte d’une forte couche de cette substance A la ferme de Pralon, un peu au nord, près de Ma- Jintrat, à la Chapelle-de-Cœur, au milieu de la Limagne, il existe des monticules semblables à celui de la Poix, qui donnent également du bitume.

Si l’on va du Puy-de-Crouel à celui d'Anzelle, cône basaltique qui s'élève à 534" au-dessus de la mer, sur le massif calcaire compris entre Lempdes et Cournon, on rencontrera sur les premières pentes de petites bosses dans lesquelles le calcaire, altéré, est pénétré d’une substance brune. Plus loin, de pareilles bosses sont produites par des dykes de wacke qui altèrent et bouleversent le cal- care; ces wackes contiennent des fragments calcaires de toutes les grosseurs. Sur les salbandes, le calcaire altéré est souvent devenu magnésien; j'ai remarqué des pointes d’arkose qui paraissent avoir percé le calcaire comme si elles étaient venues d'en bas, poussées par Les roches ignées : les wackes de cette localité sont intimement liées au calcaire, et les deux roches affectent la structure globulaire. Du côté sud, la wacke, très caverneuse, ressemble à une meulière et contient beaucoup de bitume. En cassant la roche, on trouve cette substance remplissant toutes Les cavités intérieures; elle est véritablement enfermée dedans : toutes les wackes de ce massif sont très bitumineuses. En arrivant au pied du cône d’An- zelle, le calcaire se montre bouleversé et altéré de différentes manières; il passe insensiblement à la wacke, et celle-ci au basalte, qui forme le centre du cône, dont le sommet surbaissé présente plusieurs pointes. C’est un centre d’érup- tions basaltiques auquel se rattachent les diverses bosses dont nous venons de parler, les Puys-de-Crouel, de la Poix, et aussi celui de Cournon, au S.-E., qui en est séparé par une vallée. Ce dernier ne présente que des wackes plus ou moins calcaires, au milieu desquelles M. Pomel a reconnu une quantité de

92 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L’AUVERGNE. (N-2, p. 22.) cristaux de gypse groupés en rosaces, qu’il regarde comme le résultat de l’ac- tion des vapeurs sulfuriques sur le calcaire; ces roches contiennent encore du bitume.

En face du Puy-d’Anzelle, de l’autre côté de l'Allier, s’élève, à 600" au-dessus de la mer et 300" au-dessus de cette rivière, le Puy-de-Mur, cône basaltique très aigu qui perce un gros massif calcaire. À l’est s'étend une grande nappe basal- tique presque horizontale qui ne s’y rattache aucunement, et dont l’escarpement occidental présente plusieurs traces de bouches d’éruption. Il n’existe point de scories autour du cône de Mur, les cultures et les talus formés par les débris de basalte cachent le contact de cette roche avec le calcaire; mais sur les flancs, dans les fossés des vignes, on trouve le calcaire bouleversé et notablement altéré: tout le sol est couvert de petites concrétions siliceuses globuliformes. Dans le village de Dallet, bâti au pied du cône, sur le calcaire qui lui sert de base, en creusant des caves et des puits, on est tombé sur la masse basaltique à plu- sieurs mètres au-dessous de la surface supérieure du calcaire; il existe donc une nappe basaltique sous le massif calcaire du Puy-de-Mur. Près de Saint- Bonnet, Chauriat, Vertaison, Pont-du-Château, on voit des bouches secondaires qui ont donné des wackes autour desquelles le calcaire est bouleversé et fortement altéré; toutes ces roches sont bitumineuses et intimement liées les unes aux autres.

Dans le village même de Pont-du-Château , le contact des roches basaltiques et lacustres présente des phénomènes remarquables et d’une étude très facile. Les calcaires altérés , même légèrement, présentent la structure globulaire comme les wackes et les pépérites : toutes ces roches sont riches en bitume. Dans les es- carpements de la route, cette substance découle par une infinité de fissures ; leur surface présente de petites rosaces de cristaux de silice et des gouttelettes dis- persées; on en trouve même sur le bitume endurci, ce qui prouve bien que la silice est ici un produit aqueux. Les wackes et les pépérites de Pont-du-Château contiennent une grande quantité de débris du calcaire qu'elles ont traversé; on y remarque plusieurs gros fragments de strates dans toutes les positions; il en existe surtout un, de plusieurs mètres de longueur, dans l’escarpement de la

A AR route, porté par la roche basaltique, qui l’a forte- ment arqué en le soulevant (fig. 13). A l'extrémité ouest de cette masse , le calcaire en contact avec elle est bouleversé et très altéré; une pointe de wacke, qui

Gh CAEN. 1 VaUks: pénètre dedans, file le long d'une portion de strate qu'elle a redressée verticalement. Enfin, en examinant les nombreux escarpe- ments de la colline de Pont-du-Château, on reconnaîtra une infinité de phéno- mènes semblables à ceux que nous venons de décrire.

La butte de Courcœur, marquée par la tour d’un ancien moulin, est composée de wackes, de pépérites et de calcaires altérés, mélangés et intimement liés,

CN: 2, p. 45.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 93 soudés entre eux, traversés çà et par des filons d'un basalte noir très dur ; les mêmes faits se représentent dans la montagne de Vertaison. Ici toutes les ro- ches sont traversées par des filons siliceux. La jolie petite ville de Billom est do- minée à l’ouest par deux cônes basaltiques, que lon voit de fort loin, le petit et le grand Turluron, sortis d’une grosse bosse calcaréo-argileuse, à une distance de 1,100" l’un de l’autre. L’altitude du petit Turluron est de 593", celle du grand n’est que de 550" ; la bosse calcaire s'élève notablement vers le nord , se trouve le plus petit cône. On reconnaît à la base des deux Turlurons toutes les altérations du calcaire, déjà si souvent décrites; l'enveloppe de chaque cône basaltique est formée de wackes, de pépérites et de calcaires altérés, intimement liés entre eux et affectant tous la structure globulaire. Les roches basaltiques contiennent une grande quantité de fragments de calcaire, d’arkose et de granite; ces derniers sont très nombreux, et le granite ne paraît en place à la surface du sol qu’à 3,000" à l’ouest du grand Turluron. Les fragments de cette roche ont jusqu'à 0",5 d’é- paisseur, leur surface est toujours sensiblement altérée; des veines de silex et de calcaire siliceux traversent les wackes et les pépérites. Sur le flanc nord du grand Turluron , à mi-côte, il existe un petit cratère dont l'intérieur est garni de débris de basalte, qui n’a jamais vomi de laves ni de scories. Autour se trouvent amon- celés des fragments semblables à ceux de l’intérieur, parmi lesquels on en trouve plusieurs dont la surface fondue s’est crevassée en se refroïdissant; au-dessous de la partie fondue ou frittée, le basalte est intact. En décrivant les volcans à cra- tères, nous citerons un phénomène semblable dans le domite de la base du Puy- Chopine.

Il existe encore des cônes basaltiques occupant le centre de monticules cal- caires, près de Reygnat, Saint-Jean-de-Glaine, Moissat haut et bas, Salme- ranges, etc. On peut dire, en général, que toutes les montagnes et les monti- cules bombés qui s'élèvent à différentes hauteurs dans la Limagne ont pour noyau une masse basaltique plus ou moins considérable, plus ou moins appa- rente, dont les productions percent souvent les flancs et le sommet; il existe donc une liaison intime entre la formation de ces aspérités du sol et les érup- tions basaltiques.

Il a été soutenu par plusieurs géologues , il a été imprimé dans plusieurs ou- vrages, que toutes les nappes, que tous les pitons basaltiques de l’intérieur de la Limagne étaient les restes d’une vaste nappe qui s'était jadis étendue sur toute la contrée, et qui avait ensuite été déchirée par les courants diluviens. La des- cription que nous venons de donner de toutes ces productions basaltiques fait justice d'une telle opinion; mais pour lui porter le dernier coup, voici le tableau des altitudes de ces prétendus restes d’une grande nappe qui aurait s'étendre sur un sol peu incliné pour conserver la compacité de sa matière, et dont la sur- face supérieure, parfaitement conservée sur un grand nombre de points et encore adhérente à des scories qui forment de petits cônes au-dessus, Coran, La Serre,

94 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N.2, p.44.) côtes de Clermont, plateau de la Baraque, de Mur, etc., montre qu’elles n’ont jamais eu une épaisseur de plus de 20”.

SP

NOMS DES POINTS. ALTITUDES. Plateau de la baraque Le PME CNE PRE 780" Cap:dePrudelle 6. EEE te RE 700 Pliteau/delChatealgay. et NN NC OC EC RE 527 Côtes de’ Glérmont. 201: ANMNMEANEC ONE TEA Aer ART 611 SommetidelGhautureues PEN ERP RE 556 Le. Montaudon 2 Am 2e TD SNA SRE 592 Puy-Girou . . LA EEE a SUN RAM CERTES ARR Rene 838 Bosse ouest de Gergovia. RE D LG doc OU OA te ON eee te Le 74h Bosse.est.de Ger20vias 700) NN INSEE Re 734 Puv-de-Grouel: SAN PEUT NAME A NEO NS EN EEE 129 Puy-de-la-Poix. . ea ANT CR Re 337 Première bosse de la côte d'Anzelle.. 0 LP NMENIDNRNRIES A 38/ Puy-d'Anzelle PURE RE M MEN ARE OT 53h Puy-de-Cournonatet ENNEMI MONET MUR 54h Puy-de-Coran, le plateau. A AE SEP Qu I ET A ME 570 Puy-de-Coran, 1e grand con... 621

Puy-de-Saint-Romain a CE RE M RE OU AT PTE AE 782 Puy-de-Mur , le cône . LUN 1 cn A CURE ST LOC CASE RER

Plateau de Mur. : Plateau de Pont-du- Château U Petit Turluron. à Grand Turluron.

Butte de Courcœur.

Toutes ces hauteurs au-dessus du niveau moyen de la mer sont extraites des travaux géodésiques et topographiques exécutés par les officiers d'état-major pour l'établissement de la carte de France; il n’y a donc rien à objecter contre leur exactitude. Je l’ai déjà dit, la surface de plusieurs de ces lambeaux basaltiques présente de petits amas de scories rouges, incohérentes, qui y sont soudées ;

l'inspection de celle d’un grand nombre d’autres montre qu'elle n’a été que peu altérée depuis son refroidissement. Aïnsi, ceux qui persistent à soutenir, malgré l'évidence des faits, que les diverses nappes basaltiques de la Limagne sont les restes d’une croûte qui couvrait jadis toute la contrée elles se montrent, seront forcés d'admettre que cette croûte a été singulièrement disloquée dans le sens vertical depuis son refroidissement, et c’est justement ce qu'ils combattent davantage.

Si l’on continue à suivre la direction du rameau de la chaine du Forez, à tra- vers cette chaîne elle-même, on la trouvera encore marquée par des éruptions basaltiques. Sur le versant occidental, il en existe près de Vollore; celles des environs de Montboissier sont aussi dans la chaîne; et sur le versant oriental, dans la vallée de la Loire, entre Boen, Montbrison et Saint-Marcellin, toujours

(N:2, p. 45.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 95 sur la direction du rameau, il existe un grand nombre de cônes basaltiques avec nappes qui s'étendent jusque dans le fond de la vallée, ils paraissent avoir percé le terrain diluvien. Je n’ai pas eu le temps d'étudier le système basaltique de Montbrison , et je n’en parle ici que pour montrer qu'il se trouve aussi sur le prolongement de la direction des Alpes principales, comme celui de Clermont. Passons maintenant aux environs d'Issoire, sur le versant méridional du rameau.

Nous avons déjà parlé des basaltes qui paraissent avoir percé les tufs ponceux de la montagne de Perrier, et qui les ont bien certainement recouverts à Neschers. En face de cette montagne, sur la rive droite de l’Allier, il existe un petit système basaltique extrêmement remarquable, comprenant les Puys-du-Tellier, d'Ibois et de la tour de Boulade, placé sur la même direction N.-$. qui passe par les deux Turlurons, les principaux cônes de la forêt du comté, et au sud par le pic de Nonette : c’est une fente d’éruption dans la direction du système de la Corse.

Le Puy-du-Tellier, dans le voisinage duquel le terrain tertiaire se trouve porté à 300" au-dessus des eaux de l'Allier, est un cône basaltique qui s’est élevé sur la limite du granite et du terrain tertiaire en perçant les deux roches. Au-dessous du pic de basalte, les flancs du cône sont formés par une masse calcaréo-argi- leuse, dans un état de trituration et d’altération impossible à décrire; de nom- breux fragments de granite altéré sont dispersés dans cette masse incohérente. A l'ouest, des fragments d'une couche desilex se trouvent dispersés sur les flancs (C), les argiles sont toutes pénétrées de la matière basaltique, les calcaires sont de- venus magnésiens; à l’état spathique, ils forment de nombreuses veines et des géodes dans les argiles altérées. Au sud , cette masse singulière (B) est traversée par trois filons de basalte (A) qui serpentent au milieu d’elle. Son état d’incohé- rence permettant à l’eau pluviale de la ronger, les filons sont restés en saillie au-

SU ia dessus d'elle; celle du grand va [LEA jusqu’à 6". Ainsi, le Puy-de- TIR. : o ë eZ /) Tellier est bien certainement CCR D) à 2 ee 10/0) 11) une bosse formée dans les ter- a _ 7) | 0 rains granitique et calcaire par D 22 2 ) 1) n D . l'arrivée du basalte qui s’est D 2 2222000. fait jour au sommet et sur les ue rune. one © fanos(ig. lé) . Basalte, . Vacke calcaire. . Silex.

Le Puy-d’Ibois est un gros dyke prismé qui s’est élevé au milieu du terrain la- custre altéré autour; mais le grand nombre de débris et les cultures qui envi- ronnent la montagne empêchent de voir le contact des roches. En allant d'Ibois à la tour de Boulade, on remarque sur le plateau bombé plusieurs bosses cal- caréo-argileuses , dont quelques unes présentent des wackes et des pépérites; au pied d'une de ces bosses, le calcaire ne paraissait nullement altéré, une ou- verture faite à la pioche avait mis le basalte à découvert.

Les ruines de la tour de Boulade sont posées sur un cône basaltique qui domine

96 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N- 2, p.46.) ce bel escarpement, formé par des argiles et des grès de différentes couleurs, présentant des sculptures analogues à celles des façades de nos églises gothiques, ouvrage des influences atmosphériques aidées par linfiltration lente et conti- nuelle des eaux : ce cône est le sommet d’un dyke qui a percé le flanc sud de la montagne, en débordant sur les roches lacustres changées en wackes et pépérites jusqu'à une notable distance du contact. Les flancs est et ouest, terminés par des escarpements , sont percés par des filons de basalte qui ont brisé les strates ter- tiaires sans avoir dérangé beaucoup leur horizontalité. Du côté de l’ouest, deux grands filons, partant presque de la masse basaltique supérieure, traversent tout l’escarpement et se prolongent au-dessous dans le lit de l'Allier; il est bien encore évident ici qu'une grosse masse basaltique s’est élevée sous la bosse calcaréo-ar- gileuse , en lançant des ramifications qui perçaient les flancs. À Parentignac, plus au sud, une pointe basaltique s’élève au milieu de la plaine, et en continuant la même direction, on trouve, à au sud, le pic de Nonette, gros dyke de basalte qui s’est élevé à l’origine d’une bosse calcaire allongée du sud au nord.

À l’ouest de Parentignac on aperçoit le Puy-d'Usson, superbe cône aigu formé par des prismes basaltiques, dont l’inclinaison en divers sens annonce qu'ils ont été dérangés depuis leur consolidation. La gibbosité qui sert de base au Puy- d'Usson est formée par le gneiss entouré par les argiles et les grès rouges du terrain lacustre, à travers lesquels il a passé avec le basalte, qui s’est fait jour au milieu de lui. Le village et les cultures qui couvrent les flancs du cône cachent le contact du basalte avec les roches qu'il a percées; les habitants ont creusé, dans le basalte, des puits qui leur donnent constamment de l’eau excellente, et dont deux ont 40" de profondeur. Dans l’intérieur du village, à 60" au-dessous du pic, il existe une source abondante dont la quantité d’eau et la température sont con- stantes pendant toute l’année. Comme cette fontaine fournit à la plus grande partie de la commune, et que la portion du cône qui la domine est peu considé- rable, je ne puis pas croire qu’elle soit alimentée par l’eau du ciel seulement. Üsson se trouve sur la limite orientale du terrain tertiaire ; si l’on s’avance de vers l’ouest, on trouvera, aux environs de Saint-Étienne-sur-Usson , trois cônes basaltiques, dont une grande partie des prismes réduite en débris couvre mair- tenant les flancs, qui se sont élevés au milieu du gneiss en formant une bosse autour d'eux. Dans quelques points, le basalte est accompagné de pépérites gra- nitoïdes. Ces cônes, qui appartiennent à la portion du rameau engagée dans la chaîne du Forez, sont, avec ceux de Montboissier, les plus orientaux du versant ouest de cette chaîne; en la traversant, on n’en trouve plus que sur le versant oriental, il n’en est point sorti dans le voisinage de la crête. De Saint-Étienne on aperçoit, vers le sud-est, le suc d'Esteil, digne de toute l'attention des obser- vateurs.

Le suc d’Esteil est une grosse masse basaltique obtuse qui s'élève à 827” au- dessus de la mer, en couronnant une gibbosité du gneiss qu'elle a évidemment

(N-2, p.47.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 97 percée, comme on peut le voir à l’est et au sud, se trouvent des scories et des pépérites ; ici, le basalte forme une petite nappe qui s’est étendue vers l’ouest : cette nappe à été très disloquée depuis son refroidissement , car la surface et les flancs sont couverts de fragments de prismes. Le fait le plus curieux que présente le Suc-d’Esteil, c'est qu'une grande partie de la gibbosité du gneïss, jusque sous le basalte, est couverte par une épaisse couche d’un sable blanc quarzeux, sem- blable à celui de l'Allier, au milieu duquel se montrent des cailloux roulés quarzeux et de petites couches d'argile ondulées, semblables à celles que pré- sentent les dépôts de toutes les rivières de la contrée; la partie supérieure du sable contient des fragments de gneiss et de basalte. Dans un fossé récemment ouvert, j'ai vu cette alluvion singulière recouvrir les argiles bigarrées du terrain lacustre, qui reposent ici sur le gaeiss, avec lequel elles paraissent intimement liées. Le sable, aussi pur que celui de l'Allier, est exploité pour la confec- tion des mortiers. Le Suc-d'Esteil se serait-il élevé au milieu du lit d’une ri- vière, qu'il aurait porté à plus de 400" au-dessus du niveau actuel de l’Al- lier, avant que le basalte l’eùt percé pour s'épancher dessus? Le fait est que la gibbosité qui lui sert de base date de l’époque des éruptions basaltiques, puisqu'elle est couverte d’une couche de terrain lacustre sur laquelle gît une couche d’alluvion. Nous citerons plus bas un pareil phénomène près de Saint- Flour.

Depuis le Suc-d’Esteil jusqu'à la Motte près Brioude, on ne trouve plus aucune trace d’éruptions basaltiques sur le versant de la chaîne du Forez, ni même dans la Limagne, si ce n’est Le pic de la Roche, près Bournoncle-Saint-Pierre, qui est un peu plus au sud que la Motte. Il existe donc une bande de 16" de large séparant la série d’éruptions basaltiques passant par le Mont-Dore, d'une autre série semblable qui passe par le Cantal en suivant une direction sensiblement parallèle à la première. Mais avant d'entreprendre la description de celle-ci, con- tinuons à suivre l’autre.

Au sud d'Issoire, un vaste plateau basaltique presque horizontal, la Chaux- du-Broc, est dominé à l'ouest par le cône de Solignat, dont Je sommet s'élève à 200" au-dessus de lui. A la première vue, on pourrait croire que le Puy-de-So- lignat est la bouche qui à vomi la nappe qui couvre le plateau du Broc; mais en examinant les lieux, on reconnaît que les choses ne se sont pas passées ainsi : il y à une solution de continuité bien marquée entre le Puy-de-Solignat et le plateau; la nappe basaltique de celui-ci incline légèrement vers le Puy, et en suivant les escarpements on reconnaît en plusieurs endroits, et notamment près de Gignac, des traces de bouches d’éruption. Le Puy-de-Solignat est un puissant dyke basaltique sorti d’une gibbosité calcaire, comme on le voit très bien à son pied des côtés sud et ouest; tout autour se trouvent des dykes moins considérables, Antoin, Vodable, la Ronzière, etc. Il en est de même autour de la Chaux-du-Broc, aussi bien au nord qu’au sud , comme le montre la carte, en sorte qu'il existe

SOC. GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. np. 2. 13

98 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N.2, p. 44.) une région d’éruptions basaltiques dont le Puy-de-Solignat est le centre principal.

En tournant les yeux vers le S.-0., on apercevra une haute montagne en forme de dôme, qui garde la neige presque aussi longtemps que le Cézallier : c’est le Puy de Leyranoux, dont nous avons déjà parlé. De divergent plusieurs grandes nappes de dolérite passant au basalte, qui se dirigent dans tous les sens en in- crustant la gibbosité du gneiss d'où elles paraissent être sorties. Une de ces nappes, qui s'étend jusqu'à Antoin, a 9°" de long sur 2“* de large. Ici, la dolé- rite et le basalte ont évidemment coulé sur les pentes du sol, dont l’inclinaison, qui va jusqu'à 7°, n'a pas sensiblement changé depuis cette époque : aussi la sur- face des nappes est-elle toute scoriacée et offre-t-elle toutes les autres marques d'un mouvement rapide. Au village de Dauzat, le basalte s’est précipité dans la vallée en roulant comme une lave ; à la hauteur de la Ronzière au nord et de Ter- nant au sud, l'inclinaison n'est plus que de 2 à 3°, il est assez compacte et homogène. On ne voit point de scories ni de pépérites sur le sommet de Leyranoux, les bouches d'éruptions sont cachées par la matière ignée qui a encroûté toute la montagne; mais autour, les bouches secondaires paraissent en grand nombre, à Ternant, la Chapelle-Marcousse, plateau de Roche-Charles, au-dessus de Val- belex, Malnon, Chassagne et Dauzat. À Chassagne, plusieurs petites bouches d’éruption avec scories paraissent dans le fond et sur les flancs de la vallée; à l'ouest de Malnon, s'élève un gros dôme de scories rouges d'où s’est échappée une grande quantité de basalte, qui s’est mélé avec celui sorti des bouches de Leyranoux. Parmi les éruptions de ce point, il faut surtout remarquer une masse de conglomérats qui s’avance vers l’est et se termine par un bel escarpement au pied duquel est bâti le hameau de Malnon : ce conglomérat est composé d’une quantité de bombes volcaniques, de scories rouges, de fragments anguleux de basalte et de gneiss, cimentés par la matière basaltique plus ou moins compacte, plus ou moins scoriacée. Près de Malnon, le conglomérat a recouvert le calcaire d'eau douce en l’altérant, sur quelques points, cette roche est aussi traversée par des filons basaltiques qui l'ont bouleversée et injectée, suivant l'analyse de M. Viquesnel, d'une grande quantité de manganèse qui s’est disposé en den- drites dans l'intérieur; ailleurs elle est devenue magnésienne. Enfin, tout an- nonce dans cet endroit le voisinage d'une grande bouche d’éruption avec plusieurs petits évents donnant passage à des vapeurs de différentes natures.

Depuis le massif de Leyranoux, qui se trouve avec le Suc-d’Esteil sur la limite méridionale de la bande du Mont-Dore, jusqu aux pentes du Cantal, les flancs et le faîte du grand bombement sont couverts en partie par des nappes basaltiques. Ici, les deux bandes sont réunies, ce qui doit tenir à ce que, dans cetté contrée, trois grandes lignes de dislocations étant venues se croiser, la Corse, les Alpes françaises et les grandes Alpes, ils’est établi, dans toutes les directions, une grande quantité de fissures, qui ont donné passage à la matière basaltique poussée de bas en haut par les agents intérieurs. Beaucoup de centres d’éruptions, comme

CN.2, p. 40.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 99 ceux que nous venons de décrire, se montrent dans cette contrée; nous allons faire connaître les principaux.

Le Puy-de-Vaisse, qui s'élève au sud du Mont-Cinère, volcan moderne , est un cône de scories basaltiques d’où partent quatre nappes principales dirigées vers les points cardinaux. Autour du cône de Vaisse, il existe plusieurs dykes dont les nappes paraissent s'être mélangées avec celles de la grande bouche. Le grand pla- teau compris entre le Suc-de-Vaisse et le massif du Cézallier est tout couvert de basalte : le gneiss ne se montre que çà et dans le fond des vallées. Autour des villages d’Espichal, de la Godivel, de Montgreleix, etc., on remarque un grand nombre de points d’éruptions, dômes et cônes obtus avec scories, d’où partent des nappes bombées qui marchent souvent en sens contraire les unes des autres et se mêlent quelquefois en se rencontrant, ce qui tient à ce qu'elles sont parties chacune des flancs opposés d’une dépression généralement peu profonde, vers le fond de laquelle la matière fluide se dirigeait de toutes parts. Dans le sens longi- tudinal, les nappes ont toujours laissé entre elles des vallées plus ou moins pro- fondes, soit qu’elles se touchent, soit qu'elles restent à une certaine distance l'une de l’autre. Quelques unes de ces vallées n'ont pas sensiblement changé de forme depuis le refroidissement du basalte; le fond a été simplement recouvert par des débris ou des attérissements; d’autres ont été élargies par les commotions postérieures et montrent le gneiss dans leur fond; plusieurs paraissent avoir été balayées par de grands courants d’eau, qui auraient emporté les débris des ro- ches jusque dans les plaines ces vallées débouchent. Enfin, sur tout Le grand plateau compris entre le Mont-Dore et le Cézallier, comme sur celui entre le Cézallier et le Cantal, la disposition des nappes basaltiques presque intactes. tenant encore à leurs points d’éruption, offre au géologue un beau sujet d'étude. , il peut voir comment les basaltes sortis par une infinité d'ouvertures, et ja- mais par des cratères comme les laves, se sont disposés sur un sol peu incliné, mais fort inégal ; ce qui lui prouvera, par comparaison avec la série des cratères du Puy-de-Dôme , que la fluidité de la matière et le mode d'émission ont présenté de grandes différences à chacune des deux époques.

Le beau massif du Cézallier, que nous avons déjà décrit dans le $ VIT, est tout couvert de nappes basaltiques et doléritiques qui se sont mélangées et forment aujourd'hui une croûte continue sur toute la surface de la montagne; le gneiss et les trachytes ne paraissent que dans les crevasses des flancs, le basalte, brisé par les commotions postérieures à son refroidissement, a été ensuite en- traîné par les grands courants d’eau qui ont déposé dans la Limagne cette puis- sante masse de cailloux basaltiques. Les bouches principales d’éruption, mar- quées aujourd’hui par des dykes, se trouvent sur le sommet même de la montagne, à côté de notre Signal. Sur les flancs, des scories et des pépérites annoncent l'existence d’autres bouches moins considérables , et tout autour du massif, à des élévations variables, il existe une infinité de centres d’éruptions secondaires,

100 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N.2, p. 50.) marqués par des scories et des dykes, qui ont fourni des nappes plus ou moins considérables, hameau de Boutaresse, de Parot, de Tremeuge (la roche Mer- cœur), du Luguet, de la Vazeze, etc., etc.

À 14° au sud du sommet du Cézallier, la roche Matonière, dyke prismatique qui s'élève à l’est d'Allanche, à 1,200" au-dessus de la mer, est un grand centre d'éruptions basaltiques auquel se rattachent toutcs celles des environs d’Allanche, dont les principales bouches sont marquées par des dykes prismatiques environ- nés d’une immense quantité de débris, ainsi que celles de toutes les communes environnantes, Sainte-Anastasie, Peyrusse, Chanet et Vèze, dont les bouches sont aussi indiquées par des dykes et des scories. Le grand plateau de Brus, qui fait suite aux nappes de la roche Matonière, offre deux bouches principales d’éruption , l’une près du hameau de Donnenuit et l’autre près de celui de Vaux. Sur les limites de ce grand plateau, le basalte a coulé, en plusieurs endroits, jusque dans le fond des vallées en roulant à la manière des laves; les environs de Molompise offrent plusieurs exemples de ce fait remarquable.

Si d'Allanche on se dirige droit sur Murat, on traversera de vastes nappes ba- saltiques dont la surface présente beaucoup de cônes de scories et de dykes pris- més, qui marquent la place des bouches; ils sont surtout nombreux autour de l'étang de Fonnostre.

Autour de Murat, les flancs de la belle vallée de l'Allagnon sont formés par . des escarpements trachytiques tous percés par des éruptions basaltiques. Au- dessus de la chapelle d’Allagnon, il existe une masse prismée fort disloquée de laquelle part une coulée de conglomérats basaltiques, sortie avec elle du tra- chyte, composée de fragments de basalte et de trachyte mélangés, de scories et de pépérites, le tout réuni par la matière basaltique très impure. Ici, les conglo- mérats paraissent avoir coulé sur le flanc de la vallée, moins escarpé qu'il ne l'est aujourd’hui. Un peu plus au N.-E., des cônes de scories ayant donné du ba- salte et des conglomérats, s'élèvent au pied de l’escarpement dans le fond de la vallée. La ville de Murat est dominée au N.-0. par un superbe cône basaltique prismé qui est sorti du trachyte, en y produisant une grosse bosse; à l'ouest, le pied de ce cône présente beaucoup de conglomérats semblables à ceux de la cha- pelle d’Allagnon, sortis également de la bouche d’éruption. La chapelle de Bredom est bâtie sur un beau cône de scories accolé à un dyke prismatique qui en forme toute la partie orientale; celui-ci pousse un filon vers le N.-E. qui tra- verse le cône de scories de haut en bas, et se prolonge à travers le lit de l’Allagnon dans la bosse basaltique de la Grange, dont tout le flanc sud est formé par des scories. À l'entrée de la vallée d’Albepierre, il existe encore au pied des escar- pements trachytiques, plusieurs petites bouches qui ont vomi des scories et du basalte. Je renvoie le lecteur à l'excellente description de la Haute-Auvergne, par M. Bouillet, pour les détails curieux qu’offrent les éruptions basaltiques des environs de Murat, dont il a représenté les principaux par des dessins très exacts.

(N.2, p.51.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 101 Pénétrons maintenant dans l’intérieur du massif du Cantal, il existe encore de nombreuses bouches basaltiques. En suivant la route d’Aurillac, on rencontre dans le fond de la vallée de l’Allagnon, près Fresse, un centre d’éruptions basal- tiques avec plusieurs bouches marquées par des scories, dont le basalte, qui a certainement roulé sur la pente assez rapide, affecte la structure globulaire très : prononcée. Le Plomb du Cantal est un dyke doléritique, c'est-à-dire formé d'une roche basaltique dans laquelle le feldspath commence à se distinguer à l'œil nu. Dans tout le voisinage de ce dyke, le trachyte est percé par une infinité de petits filons de la même roche, qui présentent tous la structure schistoïde. Le Puy-Gros est un centre d’éruptions basaltiques d’où partent plusieurs nappes qui ont été disloquées depuis leur refroidissement. Des bouches basaltiques avec scories, d’où sont sorties de grandes nappes, se montrent aux environs du Bras-du Bouq, sur le pied des pentes orientales du Plomb; ici, quelques petites nappes plon- gent vers la montagne au lieu de suivre la pente générale du sol. Dans les envi- rons d'Aurillac, plusieurs petites nappes basaltiques sont sorties par des ouver- tures dont les restes présentent des scories, des wakes et des pépérites, en traver- sant le terrain tertiaire et les trachytes. Au pied occidental du Cantal , les points d'éruptions basaltiques sont très nombreux dans les environs de Mauriac : ils s’é- tendent de ce côté jusqu'au-delà de Pleaux, c’est-à-dire jusqu'à 5°” du centre du massif. M. Viquesnel, qui a étudié avec le plus grand soin la partie septentrionale de ce massif, a reconnu un grand nombre d'anciennes bouches basaltiques mar- quées par des cônes de scories ou des dykes prismés , qui sont souvent eux-mêmes accompagnés de scories. Au nord de Chastel, il existe un puissant dyke prismé entouré d'un grand nombre de petites protubérances. Le rocher de la Queilh , en face de Dienne, est un dyke prismé dont la base présente des pépérites et du ba- salte qui a roulé en coulant sur la pente de la vallée. De l’autre côté de cette val- lée, le rocher de Dienne est un dyke prismé que l’on voit parfaitement traverser Je trachyte. Le Puy-de-Liermont est une masse prismatique d’où part un filon qui traverse le trachyte, et dont la base présente des scories. La crête qui domine à l'est la vallée du Falgoux présente plusieurs points d’éruptions. Le Puy-de- Peire offre une masse de conglomérats cimentés par des scories rouges, traversée par un filon basaltique. À la base du Suc de Raux, qui est une masse prismée, se trouvent, du côté âu Falgoux, des conglomérats et des filons nombreux dans le trachyte. Le Puy-Violent est un dyke de basalte qui traverse une masse de con- glomérats vraisemblablement sortie de sa base; il en part un filon qui s’avance jusque dans le trachyte. En allant du Puy-Violent à Mandaille, on trouve des scories rouges sous la nappe du Puy-des-Sept-Fontaines. Près les vacheries d'En- flouqui , des pitons nombreux qui partent d’un dyke prismé traversent une nappe de conglomérats avec scories rouges. Ainsi donc, la masse du Cantal, comme celle des autres montagnes de la contrée que nous décrivons, quelles que soient les roches qui les composent, a donc été percée en une infinité de points par les

102 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N.2, p. 52-) éruptions basaltiques, dont les produits se sont répandus sur les pentes. Conti- nuons maintenant à suivre la bande basaltique qui s'étend vers l’est, depuis le Cantal jusqu’au-delà du Puy-en-Velay.

En suivant la route de Murat à Saint-Flour, après avoir monté le Lacet, on trouve au hameau de Saint-Loup, au nord de la route, un gros dôme basaltique scoriacé, avec scories rouges du côté de l’ouest, qui s’est élevé au milieu du tra- chyte, et duquel part une nappe immense qui s'avance vers l’ouest en suivant la pente douce du terrain jusqu'à la vallée de Roffiat, c'est-à-dire jusqu’à une dis- tance de 12"; sa largeur moyenne est de 2“°. Autour du Puy-de-Saint-Loup on voit plusieurs petits cônes de basalte traversant les trachytes, qui sont autant de bouches secondaires d’éruptions. Depuis ce point jusqu'à Saint-Flour, toute la surface du sol, à droite et à gauche de la route, est couverte d’une croûte basalti- que légèrement ondulée, dont la continuité n’est interrompue que par les pro- fondes vallées qui la coupent, et dans le fond desquelles paraît le gneiss. Plusieurs cônes obtus avec scories, à Malvielle, Tanavelle, Montlong, etc., qui s'élèvent no- tablement au-dessus de la croûte, marquent les bouches principales d'éruptions, auxquelles se rattachaient certainement une infinité de bouches secondaires.

Saint-Flour est bâti sur un superbe massif basaltique qui forme un cap s’avan- çant vers l’est dans la vallée de la Lende. Au midi, sur la route de Rhodez, l’escar- pement de ce massif présente une superbe colonnade connue de tous les voya- _geurs. Ici on distingue deux nappes parfaitement séparées : inférieure est com- posée d’une dolérite prismée très régulièrement, et la supérieure, d’un basalte massif ou fort irrégulièrement prismé (fig. 15). Il existe une fissure de stratifica-

MAIRE tion assez bien marquée entre les deux nappes. un 1 Dans le bas, la matière des prismes est tellement JURA pl feldspathique, qu'on la prendrait pour du trachyte. CROP Les prismes sont généralement assez bien verticaux, mais tous plus ou moins tordus et divisés en plu-

sieurs tronçons par des fissures horizontales. Ils sont exploités pour les construc- tions de la ville. La principale bouche d’éruption des nappes de Saint-Flour me paraît être le cône du Calvaire, situé à 1000" au N.-0. de la ville. Ici, une masse prismatique s’est élevée, comme à Esteil, au milieu d’une couche de sable de ri- vière, composé de grains de quarz et de feldspath, et dans laquelle on remarque aussi de petites couches d’argile ondulées. Cette couche de sable est exploitée pour la fabrication des mortiers dans plusieurs carrières , qui montrent que son épaisseur dépasse 2". Tous les flancs du cône basaltique sont couverts de sable ; il y en a même jusque sur le sommet; l'intérieur de la couche ne m'a pas pré- senté un seul fragment de basalte. Celui-ci part du Calvaire pour s'étendre vers l'est et vers le sud; mais il est probable qu'il existait autour plusieurs bouches secondaires qui ont été recouvertes par les nappes. Au-dessous de Saint-Flour, les flancs de la vallée présentent le gneiss recouvert par le basalte, et le lit de Ja

(W.2,P.55.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 103 rivière offre une couche de sable identique avec celle du Calvaire, gisant à 200" au-dessous. Aux environs de Saint-Flour, il existe au-dessus d’Andelat, du ha- meau d’Aubax , de Ville-Dieu, etc., des cônes d’éruptions basaltiques dont les nappes ont encroûlé tout le sol environnant. De ce côté de la seconde bande ba- saltique , mes observations ne se sont pas étendues au-delà de Saint-Flour. Mais on sait que les cônes de basalte continuent ensuite vers l’orient jusqu'à la ren- contre de la grande masse basaltique du Puy-en-Velay. Retournons maintenant sur le flanc septentrional de cette bande.

Au sommet, sur la ligne de partage des eaux, se trouve la célèbre montagne de la Fageole, si difficile à traverser en hiver, laquelle est un superbe centre d’érup- tions basaltiques, autour duquel se trouvent groupés plusieurs centres secondaires, Lastic, Lignerolles, Vendèse, les Chazes, etc. Plus au N.-0., entre Fournole et Saint-Mary-le-Gros, s'élève, à 1,186" au-dessus de la mer, le Mont-Journal, d’où partent plusieurs grandes nappes qui se dirigent vers les points cardinaux. Au- tour du grand cône, plusieurs autres plus petits, formés de scories, Saignelade, Videt, la Bro, Chabrial , etc., marquent des bouches secondaires qui ont mêlé leur basalte avec celui du centre. Sur tous les flancs du Mont-Journal, dont l’in- clinaison va jusqu’à 10°, le basalte est très scoriacé; mais, dans les portions des nappes sensiblement horizontales, il est très compacte.

Le Suc de Veidrine, moins élevé que le Mont-Journal, puisqu'il n’atteint que 1,000" au-dessus de la mer, est aussi un beau centre d’éruptions, situé à 6" plus au N.-E. au-dessus de Bonnac. Le sommet est formé par un dôme de scories rouges , incohérentes , parmi lesquelles on trouve une grande quantité de bombes, généralement brisées ; les cavités et la surface des scories sont sou- vent incrustées d’hyalite extrêmement limpide. La grande nappe basaltique, sor- tie de ce dôme, s’est étendue vers le nord , en coulant sur une pente dont l’incli- naison moyenne dépasse : aussi la surface est-elle mamelonnée , et le basalte affecte-t-il la structure globulaire ; sur les flancs du cône, la matière a roulé sur elle-même comme une lave; une nappe, moins considérable, qui s’étend à l'est, vers Bonnac, présente les mêmes caractères. Le basalte s’est épanché tout autour de la grande bouche d’éruptions, mais, des autres côtés, il n’a point dé- passé les flancs du cône; des scories et quelques bombes annoncent l'existence de bouches secondaires au pied de la montagne.

En continuant à marcher vers le nord, toujours dans la largeur de la seconde bande, nous trouverons un centre d’éruption basaltique à l’ouest de Massiac, dont la nappe paraît avoir été coupée en deux par l’ouverture de la vallée de l’Allagnon , dirigée ici N.-S. Le lambeau du plateau de la Madeleine correspond assez exactement à celui de la côte de Saint-Victor, qui tient au centre d’éruption. Dans l’un et dans l’autre, on reconnaît deux nappes superposées, qui ont la même ‘structure et la même épaisseur. A la côte de Grenier , le gneiss et le terrain ter- tiaire ont été percés ensemble par le basalte, qui a recouvert tout le plateau

104 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (CN: 2, p.54.) supérieur. Les deux roches traversées ont été notablement altérées sur plusieurs points. Aux extrémités N.-S. du plateau , deux bosses avec scories doivent mar- quer la place des bouches d’éruptions.

Au N.-0. de la côte de Grenier, les montagnes qui dominent Blesle présentent plusieurs petites nappes basaltiques, dont chacune a conservé des traces de ses bouches d’éruption. À une lieue à l’ouest de cette petite ville, s’élève, à 1,037" au- dessus de la mer, la montagne d’Autrac, à la base de laquelle se trouve un grand lambeau du terrain calcaire porté à 500" au-dessus des points de la Limagne il est en place. La montagne d’Autrac est un centre d’éruptions basaltiques , dont les déjections ont recouvert les flancs, en roulant à la manière des laves. Au nord , à l’ouest et au sud, le basalte s'est étendu sur des surfaces peu in- clinées , il est compacte; mais il affecte la structure globulaire. La Croix-du- Cornet,sommet de la montagne, est un cône de scories qui marque la place de la bouche principale ; au-dessous, de pareils cônes plus petits indiquent des bouches secondaires ; celles-ci sont assez nombreuses tout autour du pied de la mon- tagne ; il faut surtout en citer une près le hameau de Montmoirac, d’où est sortie une nappe étroite qui s’avance vers l’est, entre deux vallées, et que l’on prendrait pour un lambeau détaché de la grande montagne. A l’est d’Autrac, au-dessus de Torsiac , il existe une gibbosité dans le gneiss, couronnée par une nappe basal- tique sortie d'un cône de scories.

À 8“" au nord d'Autrac, les environs de la ville d’Ardes offrentun grand nombre de points d’éruptions basaltiques , placés sur les parois d’une vaste cavité, for- mée par le croisement de plusieurs vallées qui viennent se réunir au coude de celle de la Couze. Du côté N.-0., le Puy-de-Charrant est un immense croissant de scories , que l’on prendrait d’abord pour un cratère moderne ; mais en l’exami- nant de près , on reconnaît que le basalie est sorti de toutes les parties de la base, en coulant dans tous les sens. C’est du côté de l’est qu'il s’est étendu le plus loin ; il s’avance, jusque bien au-delà de Rentière, en formant une nappe qui a 5,000" de long. Sur les pentes de la montagne, dont l’inclinaison atteint 6, la - matière ignée roule comme une lave ; mais sur le plateau de Chaussebas, qui est horizontal , elle est prismée et très compacte. Autour du Puy-de-Charrant, il existe un grand nombre de bouches secondaires, Croix-de-Marcousse, Puy-de- Vieille-Prade, qui ont aussi donné des nappes. Les flancs et la base de la mon- tagne présentent un grand nombre de fentes et de trous, d’où est sorti du basalte, qui s’est souvent mêlé avec celui de la grande bouche. On peut assurer que le Puy-de-Charrant est une grosse gibbosité dans le gneiss, criblée par les éruptions basaltiques , qui ont encroûté les surfaces. À l’ouest d’Ardes, la montagne de Caure est aussi un grand centre d’éruptions basaltiques ; il en part une immense nappe qui s'étend, sous une inclinaison de 1 à 2°, jusqu'auprès de Lempdes, en couvrant un grand plateau de gneiss, dont le basalte suit toutes les ramifica- tions ; au nord et à l’est, la nappe s’est étendue sur le terrain lacusire. Un grand

(OGC PNR) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 105. nombre de bouches secondaires ayant fourni des cônes ou de petites nappes, se montrent autour du plateau de Caure, à l'ouest de Leotoing , autour de Chambe- zon , de Moriat , Segonsat, la Marge, et au-dessus d’Adres, sur tout le pied oc- cidental de la montagne. Au nord de Chambezon , dans le ravin du Reygrand, on voit parfaitement que la surface du plateau recouvert par le basalte n’était pas unie; une forte dépression qui existait au milieu a été remplie, et le basalte venait y affluer de tous les côtés. Là, on reconnaît distinctement trois nappes superposées (fig. 16); à droite et à gauche de cette dépression, le basalte , qui a

FIG. 16. coulé sur une pente de 5 à 6°, a roulé comme une lave et devient

Cr IN IE très scoriacé , tandis que sur le pla- Ni Lu ke teau il est compacte. % 17 LL \| }), La montagne de Caure est placée

a. Terrain LL b. Basalle. entre les deux bandes d'éruptions basaltiques ; il en est de même du Suc-de-Montcelet, situé au N.-E.: c'est un cône basaltique , marqué par les ruines d’un château féodal, qui a lancé du basalte _ dans toutes les directions, et autour duquel on remarque plusieurs pointes de cette roche qui ont percé le calcaire. Montcelet, Solignat, Nonette, Usson, la Croix-de-l’Aïgle et Esteil, sont des points isolés que l’on a regardés comme les restes d'une grande nappe détruite par les courants diluviens. Pour donner une idée de l'épaisseur que cette nappe aurait avoir, dans le cas il ne serait pas démontré que le basalte de ces points est sorti sur les places mêmes qu’il occupe encore, voici le tableau de leurs altitudes :

NOMS DES SOMMETS. ALTITUDES.

SUC-de-MONCele RARE EU MER TR EE LES URRE RANEUr URSS A Le 7h0® RUE SONO DA ERREUR UE (ue Lt 864

SOC NON ARR RAR RE Re 579 SUCCESS 0 APCE RES MASSE ne EE AIN UE ME PRE PA ERREUR CRRIS EG Era e 639 Suc-d’Esteil. . . D BUTS A RE NOT à ARS Er PO TE TS D 827 Suc-de-la-Croix-de-l’ Aigle. GR SE NE RE TE 836

Revenons maintenant vers le sud, pour suivre à l’est Le flanc septentrional de la bande. À l’ouest de la chapelle Saint-Laurent, s'élève le Puy-de-Laubarcé, forte gibbosité dans le gneiss toute couverte de basalte, dont le centre est occupé par une masse de scories rouges. Autour de ce cône, près La Pèze, Lignerolles, Saint Mary-le-Plain, le Mirail, etc. , il en existe d’autres plus petits qui ont donné des nappes plus ou moins considérables, partant toutes d’un cône de scories. Le Puy-de-Mirail, sur lequel est planté un de nos grands signaux, s'élève à 1,046" au-

Soc. GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. n. 2. 14

106 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N: 2, p.56.) dessus de la mer: c’est une grosse bosse dans le gneiss, incrustée de basalte, dont toute la base méridionale est couverte de scories avec quelques bombes, d’où part une belle nappe, qui s'étend jusqu'à 9°° vers le ncrd, en se divisant en trois branches , dont celle du milieu est la plus étendue. En suivant la route de Brioude, on aperçoit, au sud de Taleyrat, le Puy-d’Artige, tout couvert de basalte, dont le sommet est formé par des scories rouges. A Saint-Just, à l'est, au-dessous de ce Puy, il s’est ouvert une bouche secondaire qui a vomi des scories et une grande quantité de basalte. De là, jusqu’à Brioude, on ne rencontre plus aucune trace d'éruptions basaltiques. De l’autre côté de l'Allier, près Vialle-sur-la- Motte, il s’est ouvert une bouche qui a donné des scories et une petite nappe répandue sur le flanc de la vallée. De Vieille-Brioude, en remontant le cours de l'Allier , j'ai trouvé dans le fond de la vallée , au-dessous du village de Tapon , un dyke prismatique sorti au pied d’un escarpement de 309" de hauteur. On m'a dit qu'il en existe plusieurs autres semblablement placés aux environs de Saint- Ipize.

En suivant la route de Brioude au Puy-en-Velay, on rencontre, un peu avant le village de Chomette, l'extrémité d'une grande nappe basaltique sortie du Puy- de-Chalantier, superbe dôme qui s'élève au nord du village à 760" au-dessus de la mer. Il existe encore une forte gibbosité dans Le gneiss toute incrustée de basalte, qui s’est étendu en nappe au sud et à l’ouest, en coulant sur une pente peu inclinée, mais assez cependant pour qu'il affecte la structure globulaire ; le centre du dôme est une masse de scories rouges avec bombes volcaniques. Plu- sieurs cônes de même matière, marquant des bouches secondaires, sont dispersés autour ; il y en a une très considérable au-dessus de Senèze. Des flancs de la masse de scories, aussi bien par la bouche principale que par les bouches se- condaires, il est sorti ensemble du basalte et des conglomérats basaltiques qui se pénètrent et se recouvrent réciproquement plusieurs fois et jusqu'à une grande distance des bouches. Les conglomérats sont composés de fragments de gneiss et de basalte anguleux, ou dont les angles sont peu arrondis, agglutinés par une matière ponceuse, et, dans quelques parties, par le basalte lui-même. Cette singulière roche est tellement solide, qu’on en tire d'excellente pierre de taille, des jambages pour les portes et croisées et des auges pour le bétail; de nom- breuses carrières ouvertes pour son exploitation mettent parfaitement à jour sa structure et ses rapports avec le basalte. Indépendamment des bouches secon- daires ouvertes à Ja base même du Puy-de-Chalantier , il en existe d’autres plus éloignées , une à l’ouest de Chomette, et deux près de Salzuit, qui me paraissent dépendre de ce grand centre d’éruption. En face de Charlantier, sur le versant occidental de la vallée de la Senouire, près de Barbezy, Collat et Chaissagnes, il existe des cônes de scories, ayant donné des nappes qui font partie du grand système basaltique du Puy-en-Velay, sur lequel nous allons jeter un coup d'œil rapide, parce que nous n'avons pas eu le temps de l’étudier en détail, ce qui,

CN. 2, p.57.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L’AUVERGNE. 107 du reste, nous a paru complétement inutile après avoir lu l'excellent ouvrage de M. Bertrand de Doue (1), auquel nous renvoyons le lecteur désireux de con- naître les curieux et nombreux phénomènes que présente cette contrée.

Le pays qui porte le nom de Velay est assis sur un vaste bassin tertiaire, dont les roches arkoses, macignos, calcaires et argiles , etc., sont les mêmes que celles de la Limagne d'Auvergne ; elles contiennent aussi des coquilles d’eau douce et des - OSsements de quadrupèdes appartenant aux mêmes espèces que ceux del'Auvergne. Les roches arénacées de la partie inférieure du terrain tertiaire reposent sur le gneiss qui circonscrit le bassin et perce dans un grand nombre de points de l’in- térieur. Ces roches sont souvent intimement liées au gneiss, absolument comme dans les environs de Brioude ; les basaltes, dont les bouches d’éruption ont criblé le sol, sont sortis à travers les deux terrains, sans affecter l’un plutôt que l’autre, ni la ligne de séparation entre les deux. Placé sur la montagne de Denise, on voit les cônes basaltiques former une large bande qui s'étend vers l’ouest pour aller rejoindre celle du Cantal. La ligne de direction de celle-ci traverse le système ba- saltique du Puy, non pas par lemilieu, mais en laissant plus de basalte au sud qu’au nord. Dans la partie méridionale, il existe une chaîne basaltique de 5" de largeur qui court N. 30° ouest, parallèlement à celle dela Margeride, qui peutse rapporter au système du Mont-Viso de M. de Beaumont, dont les dislocations ont eu lieu entre les deux terrains crétacés. Une autre plus petite et dirigée de la même ma- nière, située plus à l’est, est traversée par la Loire, qui coule dans une fente N.-S. depuis Arlempde jusqu’à Vorey. Il faut remarquer que les éruptions tra- chytiques du Velay ont suivi une direction exactement parallèle à celle des ba- saltes (voyez la carte de M. Bertrand), en sorte que les deux systèmes d’éruptions, bien que déterminés, l’un par l’action qui a produit les Alpes françaises, et l’au- tre par l’action qui a donné naissance aux grandes Alpes, ont profité dans le Velay des fractures produites entre les deux dépôts crétacés, par la révolution qui a élevé le mont Viso. Une preuve que l’action générale qui a déterminé les éruptions basaltiques n’a pas eu lieu dans cette direction, c’est que la longueur de la grande chaîne basaltique du Puy qui s’étend depuis Pradelles jusqu’à Alle- gre n’est que le quart de celle de la grande bande basaltique qui s'étend depuis Pleaux à l’ouest du Cantal jusqu'au-delà d'Issengeaux , du côté de l'est.

Dans le Velay comme dans l'Auvergne, le gneiss et le terrain tertiaire, percés par de nombreux dykes et filons basaltiques, et par des bouches plus ou moins considérables, marquées par des cônes de scories, ont été fracturés et sensible- ment altérés, jusqu’à une certaine distance des ouvertures; celles-ci sont en- tourées de wakes, de pépérites et de conglomérats, qui ne font effervescence que dans le terrain calcaire. Aux environs de la ville du Puy, les conglomérats

(1) Description géognostique des environs du Puy en Velay, avec une carte coloriée. Paris, 4824, chez Levrault.

108 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N. 2, p. 58.) sont extrêmement nombreux; sur plusieurs points, à la montagne de Denise, par exemple, on voit parfaitement qu'ils sont sortis des mêmes bouches que les sco- ries et le basalte, avec lesquels ils se mélangent souvent comme en Auvergne. Les rochers si pittoresques de Corneille et de Saint-Michel, formés de conglomérats basaltiques, me paraissent s'être élevés, sur la place même qu'ils occupent, à tra- vers le terrain lacustre : ce sont des dykes démantelés par l'action du temps et des agents extérieurs. À la base de ces rochers , les conglomérats sont traversés par desfilons de basalte; en montant l'escalier de celui de Saint-Michel, on voit un de ces filons qui pénètre verticalement dans le rocher jusqu'à une grande hauteur. Dans toutes les localités que nous avons visitées, nous avons reconnu que la plus grande partie des nappes basaltiques, petites ou grandes, tenait en- core aux bouches d'éruptions marquées par des dykes, des scories et des pépé- rites ; ces bouches sont extrêmement nombreuses, en sorte qu'ici, comme en Au- vergne , le sol à été criblé par les éruptions basaltiques , sans qu'il se formât de véritables cratères. Quand la matière ignée a coulé sous une inclinaison qui dé- passe 2°, elle est très scoriacée ; si cette inclinaison arrive à »°, elle roule comme une lave, et dans les portions de nappes quin'ont point éprouvé de dérangements notables, elle n’est compacte que lorsque la pente est au-dessous de 2°. Il y a donc une identité complète entre les phénomènes que présentent les éruptions basaltiques de l'Auvergne et celles du Velay; celles-ci se trouvent exactement sur le prolongement de la ligne de dislocations parallèle à la direction des Alpes principales, qui passe par le centre du Cantal, sur laquelle le terrain tertiaire de la Limagne est porté jusqu'à 400° au-dessus de son niveau primitif : il est donc naturel d'admettre que toutes les éruptions sont une conséquence de ce grand phénomène.

Au sud de la bande basaltique du Cantal, il en existe encore une moins con- sidérable, et dans laquelle les points d’éruptions sont moins nombreux et moins continus, qui part des bords du Rhône, entre Viviers et Privas, et s’avance vers l'ouest jusqu'à Mont-Salvy, situé à six lieues au sud d’Aurillac, en sorteque sa longueur dépasserait d’un cinquième environ celle de la bande du Cantal. De cette troisième série d'éruptions basaltiques, nous n'avons vu que l'extrémité orientale, qui nous a présenté les mêmes phénomènes aue les deux autres.

Je demande pardon à mes lecteurs d’être entré dans de si grands détails sur le phénomène des éruptions basaltiques; j'avais d'abord eu l'intention de le traiter d’une manière générale , comme celui des éruptions trachytiques, mais les dis- cussions que mes communications ont soulevées dans le sein de la Société géolo- gique entre les hommes les plus éminents de la science m’ayant montré que les faits n'étaient encore que très imparfaitement connus, j'ai me décider à la longue énumération de ceux que j'ai observés, et dont les géologues pourront véri- fier l'exactitude sur les lieux, ma carte à la main. La même considération m'oblige encore à traiter de la même manière les volcans modernes; mais cependant ma

(N.2. p. 59.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 109 description sera moins longue et moins fastidieuse, grâce aux beaux dessins donnés par MM. Lecoq et Bouillet, dans leurs vues et coupes des principales formations géognostiques de l'Auvergne, et avec lesquels le lecteur en apprendra plus dans six heures qu’en lisant tous les volumes écrits sur la matière.

$ IX. Époque lavique.

C'est principalement sur les cratères éteints de l'Auvergne, et les matières qu'ils ont rejetées, soit en pluie de feu, soit en courants brülants qui ont dévasté et sil- lonné la surface du sol, que s’est particulièrement fixée l'attention des obser- vateurs. Beaucoup les ont décrits avec une grande exactitude, et notamment MM. Lecoq et Bouillet, Poullet Scrope, etc. Cependant la manière d’être de ces cratères et les phénomènes généraux qu’ils présentent, et qui sont les plus pro- pres à jeter quelque jour sur leur origine, ne sont pas bien connus. Je vais ajou- ter mes observations à celles des géologues qui m'ont précédé, dans l'espérance d'avancer un peu la solution du problème.

La série de lous les cratères éteints de l'Auvergne, des bouches qui ont élevé autour d'elles des cônes de scories avec une ou plusieurs cavités intérieures en entonnoir, et qui ont vomi des laves semblables à celles du Vésuve et de l'Etna, est dirigée dans le sens du sud au nord sur le dos du bombement de la masse granitique occidentale, presque parallèlement à la falaise granitique qui borde la Limagne de ce côté. La plus grande partie de ces cratères se trouve en- fermée dans un espace elliptique formé par un bourrelet d'escarpements grani- tiques dont le relief du côté oriental, au-dessus du fond sur lequel les laves ont coulé, est beaucoup plus considérable que celui du côté occidental ; celui-ci ne dépasse guère 40”, quelquefois même il n’est que de 4 à 6”, tandis que celui-là dépasse 100* et même 130" en plusieurs endroits. Au nord, le sommet de la courbe est fortement marqué par des escarpements granitiques qui ont 40 à 50° de hauteur, la côte d'Embène; mais au sud, le sommet n’est pas aussi bien mar- qué, et toute la partie occidentale de la courbe est formée par les tranches de vastes courants basaltiques au-dessous desquels le granite se montre encore çà et là. La continuité du contour elliptique, dont le grand axe a 30,000" et le petit 7,000", est interrompue en quatorze ou quinze endroits par des vallées dont l'évasement regarde l’intérieur ; c’est par ces ouvertures que sont passés les cou- rants de laves sortis des cratères, entraînant avec eux les débris de ces mêmes cratères et des portions de leur croûte solidifiée, souvent énormes, pour aller se répandre jusqu’à quatre ou cinq lieues de distance. Tout l’intérieur de l’ellipse est occupé par une mer de laves recouverte çà et de scories, de lapilli, et au milieu de laquelle on voit poindre des monticules de granite, principalement dans le voisinage du grand axe, annonçant que cette roche forme la base sur laquelle tous les cratères sont assis. Le domite occupe aussi des espaces notables

110 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N: 2, D. 60.) sur le fond de l’espace elliptique, entre le cône de la Louchadière et celui de Chopine, entre Chopine et le grand Sarcouï, à l’est de Sarcouï, au pied du Puy- de-Dôme, etc.

Des lambeaux de nappes trachytiques et basaltiques, que l’on rencontre aussi çà et et particulièrement au pied sud du Puy-de-Dôme, annoncent que de plus grandes masses de ces roches existaient aussi avant l’ouverture des cratères, et qu’elles ont été démantelées à cette époque; plusieurs volcans ont rejeté des fragments de domite, de trachyte, de basalte et de granite qui avaient éprouvé un commencement de fusion.

Je l’ai déjà dit, mon but n’est pas de décrire en détail tous les cratères, mais seulement de mettre au jour de nouveaux faits et de revenir sur ceux qui me pa- raissent n’avoir pas été assez bien observés.

Tous les cratères modernes, soit qu’ils aient donné des coulées de laves ou non, sont formés de matières incohérentes, scories, lapilli, cendres, rejetées par une ouverture dans le sol et accumulées en retombant tout autour d'elle, suivant les lois que suivent les matières d'une mobilité très imparfaite, roulantsur une pente assez forte. L’inclinaison des flancs des cônes varie entre 15 et 30°; l’entonnoir intérieur est le résultat du passage des matières lancées, dont le jet s’élargissait à mesure qu'il s'élevait. On peut être convaineu de cela en examinant les cratères de Pariou et du Nid-de-la-Poule, du Montenar, etc., qui sont parfaitement conservés. C’est dans cet entonnoir que la pression intérieure élevait lentement la lave en fu- sion, qui montait tant que la résistance des parois du cratère était assez consi- dérable pour résister à la pression exercée contre elles. Quand cette seconde force a surpassé la première, le cratère s’est crevé, et la lave est sortie avec violence par l'ouverture en coulant d’abord comme un liquide, mais en rou- lant bientôt sur elle-même comme une masse pâteuse, emportant des fragments de la croûte consolidée qui finissaient par hérisser d’aspérités la surface des cou- rants. Dans aucun des volcans de l’Auvergne la lave ne s’est élevée jusqu’au- dessus des bords du cratère; celui-ci a toujours été plus ou moins échancré. Souvent, Puy-de-la-Vache, de Lassolas, de Charmont, de Louchadière, l’échancrure s’est étendue jusqu’à la base; plus rarement, Puy-de-la-Nugère , de Chalar, etc., elle n’a détruit qu'une petite partie des flancs, et la lave, refroïdie dans l’état elle coulait, déborde doucement par dessus et remplit encore une grande partie de l'intérieur du cratère. Quand l’échancrure s'étend jusqu'à la base, on remarque ordinairement, Puy-de-la-Vache et de Lassolas, un cône irré- gulier de lave scoriacée qui bouche la cheminée par la lave s'élevait, et qui tient encore actuellement à la coulée. D’autres fois, la lave n’est pas montée dans le cratère, elle est sortie au pied des cônes de scories, Puys-de-Côme , des Goules, des Gouttes, de la Bannière, de Gravenaire, tous les petits cônes de scories qui sont à la base du Puy-de-Dôme, etc. ; les coulées de cette espèce sont souvent les plus considérables, celles de Côme et de Gravenaire.

(N. p.61.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L’AUVERGNE. 111

Il y a quelques cratères parfaitement conservés qui n’ont jamais donné de cou- lée, et dans lesquels la lave n’a seulement pas pénétré. Ces sortes de cratères se sont élevés sur les débris de plus grands, desquels il était sorti auparavant une grande quantité de matières fondues , de scories et de lapilli lancés dans les airs; ils paraissent être le résultat des derniers efforts de l’action volcanique, qui, n'étant plus capable d'élever jusqu’au-dessus de la surface du sol des masses de matières fondues, lançait encore cependant au-dehors une grande quantité de débris qui s’accumulaient autour de l'ouverture, les volcans de Montchal, près le lac Pavin, de Murol, du Tartaret, de Lassolas, du Petit-Puy-de-Dôme et de Pariou. Ce dernier, qui est un des plus grands et des mieux conservés de tous ceux de l’Auvergne, présente un entonnoir fort régulier de 300” de haut et de 100" de diamètre, s’élevant à l'extrémité sud d’un cratère beaucoup plus vaste, fracassé auparavant, dont les débris sont en partie enfouis sous les déjections du nouveau cône, et d’où est sorti, par une forte brèche située au N.-E., ce magni- fique courant de lave qui se divise en deux branches à la Baraque, lesquelles suivant le fond de deux vallées s'étendent, l’une jusqu’à Chamaillère, et l’autre jusqu’à Nohanent, à 8,000" de leur point de départ (voyez la carte). Les flancs du cône de Pariou, tout couverts de bruyères et de mousses, sont inclinés de 15 à 25°; l’inclinaison des cônes de scories modernes varie en général de 15 à 30°, pentes sous lesquelles les talus sont solides et couverts de végétation. Il arrive cependant quelquefois que les caux pluviales, s’infiltrant sous la couche d’humus, la détachent; alors elle tombe avec la végétation établie dessus, ce qui fait que certaines portions des flancs des cratères sont pelées et offrent une belle couleur rouge nuancée de bleu.

Manière d'étre des cratères. Les cratères renfermés dans le grand cirque el- liptique paraissent disposés les uns à côté des autres, les uns sur les autres, sans aucune régularité. Les parties sud et nord du cirque présentent des groupes de cônes volcaniques entassés les uns sur les autres : les Bannières, les Tressaux, le massif de la Nugère et de Jumes, les puys de Mercœur, de Montillet, de la Vache, Lassolas, ete. Le même cône présente quelquefois plusieurs cratères qui jamais n’ont donné des coulées : Puy-de-Lassolas, de Lachamp, de Montchié, de Côme, de Jumes, de la Nugère, etc. Il existe souvent aussi à leur pied de petits cônes de scories pleins, qui sont l'origine de petits courants de laves : Petit-Puy-de-Dôme, Puy-de-la-Goutte, etc.

Maïs dans la partie centrale du cirque s'élèvent majestueusement les cônes de domite , les cratères sont groupés autour d’eux : chacun paraît être le centre d'une puissante action dont les effets secondaires auraient été l'élévation des cra- tères et des cônes de scories qui les environnent. Autour du Puy de-Dôme, on re- marque, en commençant par le sud, les Puys de Montchié, de Salomon, des Gromanaux, de Besace, du Petit et du Grand-Sault, de Filhou, du Petit-Puy-de- Dôme, et du côté oriental, une foule de petits cônes de scories du pied desquels il

112 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L’AUVERGNE. (N. 2, p.62.) est sorti des coulées plus ou moins étendues. Autour du massif de Clierzou et du Petit-Suchet, se groupent les Puys de Balmet, de Côme, du Grand-Suchet, du Grand et Petit-Fraisse, de Pariou , et quelques cônes de scories entre Pariou et le Petit- Puy-de-Dôme. Autour du Grand-Sarcouï, sontréunis le Puy-des-Goules , le Creux- Morel , les volcans de Porcherolle, du Petit-Sarcoui, et quelques cônes de scories du côté de l’est. Autour du Puy-Chopine, on voit le Puy-de-Lantegy, le Puy-des- Gouttes, dans lequel on remarque plusieurs bouches d’éruption, et qui forme un demi-cirque autour du cône domitique ; du côté du nord, le cirque est achevé par un bourrelet de domite ; enfin, les Puys-de-Chaumont, ceux de Jumes et de Coquille, de Mauzat, de Louchadière, et quelques cônes de scories du côté de l’ouest.

IL est démontré pour nous que les puys de domite sont des centres de soulèvements partiels dont toutes les bouches d’éruption qui les avoisinent ont recouvert les flancs de leurs scories jusqu’à une grande hauteur: les Groma- naux, le Petit-Puy-de-Dôme, le Grand-Suchet, le Puy-des-Goules, le Petit-Sarcoui, le Puy-des-Gouttes, etc. Les matières volcaniques ont profité des ouvertures dé- terminées par l’étoilement du sol sur toute la base de chaque cône pour sortir au-dehors. Nous pensons, avec M. Lecoq, que l’action qui a élevé les cônes de domite a aussi produit les cratères d'éruption. Ces cônes occupent des points la couche feldspathique, dont il existe encore de nombreux lambeaux à leur pied , étant plus épaisse qu'ailleurs, n’a pu être percée immédiatement comme dans les autres endroits. Les faits suivants viennent appuyer fortement cette opinion.

Le Puy-des-Gromanaux, duquel paraissent être sorties plusieurs coulées, est placé sur une bosse de domite qui est à jour sur une grande partie de sa base et principalement du côté du nord. Le cône d’éruption des Goules a aussi une base de domite, qui se voit parfaitement dans l’espace qui le sépare du Grand-Sarcoui : il existe un segment de cône domitique qui forme une portion des parois du cône de scories. Il en est de même au Petit-Sarcouï : l'espèce de croissant que forme ce puy autour du Grand-Sarcoui résulte de la jonction de deux cônes d’é- ruption , posés sur des segments de cônes de domite qui sont très apparents du côté sud. Le cône de Chopine, assemblage singulier de domite, de serpentine, d'amphibolite, de basalte, de granite et d’eurite , sur lequel gisent des lambeaux d'une couche d’alluvions, s’est élevé au milieu d'un cirque conique recouvert en partie par les déjections des Gouttes, montagne dans laquelle on remarque des traces de plusieurs bouches d’éruption. Enfin, plusieurs volcans, les puys des Gromanaux, de Chaumont, de Coquille, etc., ont rejeté des fragments de domite en partie fondus.

On comprend parfaitement, d'après tous cesfaits, que le domite, qui offreles plus grands rapports de composition avec letrachyte, étendu primitivement , comme on voitaujourd’hui encore ce dernier, en grandes nappes , après avoir été soumis pen- dant longtemps à l’action des vapeurs acides qui accompagnent ordinairement les

(N- 2, p. 65.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 113 éruptions volcaniques, et à l’action de la force qui tendait à ouvrir des issues aux matières intérieures, à été soulevé par cette même force en cônes plus ou moins obtus dans les endroits la croûte n’a pas pu être percée, et que sur la base de ces cônes il se soit ouvert un grand nombre de bouches d’éruption; tandis que dans les endroits la croûte n’était pas assez épaisse, il s’est ouvert des trous, autour desquels le domite à été rejeté en forme de cône tronqué, et qui ont ensuite été entourés d'un cône creux, formé par l'accumulation des scories et des lapilli volcaniques. Pendant tout l’espace de temps qu'ont duré les éruptions, le domite a été exposé à l’action des vapeurs acides qui se dégageaient certaine- mentà travers toutes ses fissures en grande quantité, et qui l'ont altéré etamené à l'état nous le voyons maintenant. L'acide muriatique libre qui existe encore dans le domite du Grand-Sarcouï et de quelques localités , le fer oligiste qui en tapisse souvent les fissures (Puy-de-Dôme), l'analogie du domite avec le trachyte, les fragments de trachytes que l’on trouve dans sa masse, les lambeaux de couches trachytiques brisées qui gisent au pied méridional du Puy-de-Dôme, les couleurs variées que présentent certaines masses de domite, et qui sont le résultat des diverses altérations éprouvées par le fer qu'il contient, rendent probable la supposition que les domites ne sont que des trachytes altérés. Si le trachyte a été aliéré par le passage de vapeurs acides, le feldspath a perdre en grande partie son alcali, et effectivement la pâte des domites n'en contient plus : elle est presque entièrement formée, d'après les analyses de Vauquelin, d’un silicate d’alumine avec excès de silice, et se rapproche ainsi beaucoup du kaolin. Il n’existe guère de la potasse que dans les cristaux, qui sont toujours d'une décomposition moins facile que la pâte, et dans les portions de celle-ci qui ont conservé quelque solidité.

Tous les cratères de l'Auvergne ne sont pas compris dans le cirque elliptique dont nous avons parlé ; du côté du nord , à 5“ du sommet de l'ellipse, s'élève, au milieu du granite, le Puy-de-Chalar, cratère parfaitement conservé qui a donné une puissante coulée de lave, sortie par une brèche qui s'étend au plus jusqu'à la moitié des parois du cône. Ici on voit parfaitement la lave, formant une pro- tubérance très marquée au centre du cône, déborder par-dessus l’échancrure, onduler plusieurs fois en gros monticules, et s'étendre ensuite vers le N.-0. jus- qu'à de distance seulement. C’est à 2*° au N.-E. de ce cratère que se trouve le fameux gour de Tazena, dont nous parlerons plus bas; ces deux cratères gisent dans l'intérieur d’un cirque elliptique de 6“ de long sur de large, praüqué dans le granite, et dont le grand axe est dirigé S.-S.-0., N.-N.-E. : c'est le long du bord oriental , précisément au pied du grand escarpement, que les cratères se sont ouverts.

Dans la partie méridionale de la chaîne du Puy-de-Dôme , à 1°" du sommet de l’ellipse, après avoir traversé de vastes coulées basaltiques, venant des pentes

orientales du Mont-Dore, on rencontre, toujours sur la direction du grand axe, SOG GÉOL. SÉRIE. T, I. Mém. 2. 15

114 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. CN 2, p.64.) et dans le fond d’une vallée près de Murol , le beau volcan du Tartaret, ouvert au milieu du granite, dont le grand cratère fracassé à donné une immense coulée qui s'étend jusqu'à Néchers, situé à 2°” à l’est. Le volcan du Tartaret est envi- ronné de grands escarpements granitiques, qui forment autour de lui un vaste cirque ouvert du côté de l’orient, et dans le fond duquel se trouve le lac Cham- bon, résultat du barrage des ruisseaux qui viennent des montagnes par les dé- jections volcaniques entassées en grande quantité. Il existe plusieurs trous dans les parois du cirque granitique , desquels il est sorti des scories et des la- pili. La coulée de lave du Tartaret, dont nous aurons encore occasion de par- ler, présente à sa surface des monticules coniques de scories très élevés, qui annoncent que pendant le refroidissement de cette masse il s'en dégageait une grande quantité de gaz.

En continuant à s'avancer vers le sud, on traverse l’extrémité orientale des nappes trachytiques des Monts-Dore en partie couvertes par des nappes basalti- ques , et après avoir parcouru une longueur de 2°”, on arrive au volcan de Mont- chal, qui présente un cratère bien conservé, du pied duquel est sorti une coulée aussi étendue que celle du Tartaret, qui va gagner le fond de la vallée de la Couse, et le couvre iusqu'à Saurières ; le volcan de Montchal s’est ouvert au milieu d’une nappe basaltique , ainsi que le cratère d’explosion du lac Pavin, qui se trouve à son pied septentrional et qui sera décrit plus bas. Du côté de l'ouest, une seconde coulée assez large, mais n'ayant que 2" de longueur, sortie égale- ment du pied du volcan, s’est étendue, en moutonnant, sur un sol presque plat ; tous ses flancs présentent des bourrelets fort irréguliers. Du côté du sud, une série de petits cônes exactement semblables aux hornitos de l'Amérique décrits par de Humboldt, très bien marquée sur la carte de Cassini, touchant au volcan, cou- vre un espace de carrés; quelques uns de ces cônes ont donné de petites coulées de laves ; plusieurs sont de petits cratères desquels il n’est sorti que des scories. L'un d’eux, bien connu sous le nom de creux du Soucy , a conservé sa cheminée, que les pâtres ont bouchée avec des quartiers de laves, pour empècher le bétail de s’y perdre. Mais en même temps, afin d'exploiter la curiosité des voyageurs , ils ont eu soin de laisser une ouverture assez grande pour passer upe pierre, qui met cinq ou six secondes avant de tomber dans l’eau dont cette che- minée est en partieremplie; la distance de l'ouverture à la surface de l'eau a été trouvée de 27°. Parmi les hornitos de Montchal, on reconnaît plusieurs masses basaltiques irrégulières alignées dans la direction N.-S. qui paraissent avoir percé la croûte lavique.

À au sud du Montchal, on voit le Mont-Cinère, volcan qui s’est encore élevé au milieu d’une croûte basaltique, recouverte de ses débris et au pied duquel se trouve un lac analogue au lac Pavin. Le Mont-Cinère présente deux cratères égueulés, d’où sont sorties des laves qui couvrent d'abord tout le flanc de la vallée, sur une largeur de 1,500 et forment ensuite une puissante coulée,

(N:2, p. 65.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 115 | comprise entre deux ruisseaux , qui s'étend sur une longueur de 7°", jusqu’au Ver- dier près Valbelex, elle se termine par un gros bourrelet de 10 d'épaisseur.

Depuis le Mont-Cinère jusqu'à la Godivel, il n’y a plus de trace de volcans modernes ; mais près de ce village il existe un lac creusé dans le basalte, un cratère d'explosion dont nous parlerons plus bas, d’où il est sorti une quantité de scories et de lapilli.

A 5°" au sud de la Godivel, le Puy -de-Chamaurou est un cône de scories qui s’est élevé au milieu du basalte fracturé autour de lui, et qu'il a recouvert. Des flancs de ce cône du côté de l'orient, sont sorties plusieurs petites coulées de lave qui se sont étendues sur le basalte. De l'autre côté de la vallée, à moins de 2°” de Chamaurou, toujours sur la direction N.-S., on aperçoit le Puy-de-Montir- gue , dont le sommet offre un cratère peu profond qui n’a point vomi de laves. Le Puy-de-Montirgue est encore un cône de scories qui a éclaté au milieu du basalte; c'est le dernier volcan moderne que j'aie trouvé du côté du sud ; les autres cônes de scories des pentes du Cézallier, des environs d'Allanche et de Murat, appar- tiennent à l'époque basaltique ; ils sont tous intimement liés aux nappes basalti- ques et souvent pénétrés par des filons de basalte, ce qui ne s'observe jamais dans ceux que nous venons de décrire : ceux-ci, avec les cratères situés au-delà de l'extrémité sud du cirque elliptique qui comprend ceux du Puy-de-Dôme, sont assez exactement placés sur le prolongement du grand axe de ce cirque, comme celui de Chalar avec le gour de Tazena. Dans cette direction , la région des volcans à cratères occupe une espace de 8°" de long sur 6" de large.

Seconde ligne de cratères. Au pied des pentes du Gézallier, près le village de Mazoire , à 7“' à l’est du grand axe de l'ellipse du Puy-de-Dôme, se trouve un immense volcan avec un vaste cratère égueulé du côté nord, d’où il n'est cependant point sorti de coulée de lave. Ce volcan, nommé Puy-de-Domarège, est un cône de scories rouges, qui contiennent du péridot, du pyroxène, du fer titané ; et sur les flancs sortent çà et là, à travers lesscories, de petites coulées de lave qui n’ont que quelques mètres de longueur. Près de la base, des masses de la même matière ont traversé les scories et sont restées en saillie au-dessus par l'effet de la dénudation. Le Puy-de-Domarège est situé au milieu d’un immense cirque, dont les parois sont formées par des escarpements basaltiques tenant à des nappes, dont quelques unes s’avancent jusqu'au pied du volcan, elles disparaissent sous ses déjections. Nul doute ici que l’action volcanique n'ait brisé les nappes basaltiques , lors de l'ouverture de la cheminée par laquelle ses produits ont été lancés au-dehors. Le volcan de Domarège est complétement isolé ; mais sur le même méridien, il en existe encore deux autres placés près du sommet de la falaise granitique de la Limagne, au-dessus de Clermont et de Volvic, le premier , à une distance de 4"**, et le second, de 5” 172 ; ils se trouvent aussi l'un et l'autre à 7: du grand axe de l’ellipse du Puy-de-Dôme.

Le Puy-de-Gravenaire, situé à 4“ au S.-0, de Clermont, est un magnifique cône

116 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. CN.2, p. 66.) de scories qui a coupé en deux la nappe basaltique de Charade. Ce cône n’est pas évidé au milieu, comme le sont ordinairement ceux qui ont donné des coulées de lave ; à une certaine hauteur, sur les flancs, il existe des dépressions cratéri- formes peu étendues , et sur le sommet deux petits cratères parfaitement formés, desquels il n’est sorti que des scories ct des cendres ; l'un de ces cratères présente encore des traces de la cheminée des dernières éruptions. Sur les flancs de ce volcan etjusqu'à près des deux tiers de la hauteur, on voit les restes des courants de lave qui les ont sillonnés; quelques uns de ces courants s'étendent jusqu’à la base, mais il y en a qui paraissent s'être arrêtés avant de l’atteindre. La lave qui les compose est généralement très scoriacée, et présente tous les carac- tères d’une matière pâteuse, qui descendait en roulant sur elle-même ; maisil y a aussi quelques endroits elle est assez compacte, bien qu’elle se soit refroidie sous une inclinaison de 20° {au N.-E.). Dans la vaste carrière au-dessous de ce courant ouverte pour exploiter les pouzzolanes , la structure de la montagne se trouve mise parfaitement à jour. On y voit diverses couches de lapilli etde scories superposées les unes aux autres, et traversées par de petits courants de lave serpen- tant dans l’intérieur, ce qui annonce que pendant l'éruption la lave montait sous le cône de scories en s’injectant dans tous les sens. Mais c'est à la base du cône que les éruptions se sont principalement faites. Au nord-est, il en est sorti un vaste courant de lave que la protubérance du cône de Montaudou a forcé à se diviser en deux branches : l’une, qui s'étend jusqu'à 5" vers le N.-E. au-delà de la route d'Issoire , toute couverte de belles vignes parsemées d'arbres fruitiers et de charmantes maisons de campagne; l’autre, qui s’avance jusqu'aux portes de Clermont, est allé tomber dans la vallée de Royat, elle a pris la structure basaltique dans les cavités elle s’est accumulée , en laissant au-dessous d'elle des trous qui sont aujourd'hui des grottes très pittoresques, d’où sortent d'abon- dantes fontaines d’une eau excellente, qui alimentent la ville de Clermont. Le volcan de Gravenaire est un de ceux les divers phénomènes de l’action volca- nique sont faciles à étudier.

Le Puy-de-la-Banière, situé au nord de Volvic , n’est pas aussi intéressant que celui de Gravenaire : c'est un cône de scories établi sur le granite, dans lequel je n'ai reconnu aucune trace de cratère. À différentes hauteurs sur les flancs, se trouvent de petites masses de lave qui paraissent en être sorties. Du pied, part un courant assez considérable, qui s’est étendu jusqu’à Saint-Genest en recouvrant une nappe basaltique ; la belle coulée de la Nugères, qui donne la pierre de Vol: vic, vient recouvrir à son tour celle de la Banière.

Enfin, entre Gravenaire et la Banière , près du pied de la falaise granitique, il existe plusieurs trous qui ont vomi une assez grande quantité de scories.

Voici donc une seconde ligne de cratères modernes parallèle à la première et presque aussi étendue, mais sur laquelle il n'existe que trois cratères très éloi- gnés les uns des autres. Ceux-ci sont plus anciens que ceux de la chaîne du Puy-

CN: 2, p. 67.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 117 de-Dôme, et ils offrent une certaine analogie avec les centres d’éruptions basal- tiques , plus anciens qu'eux, puisqu'ils en ont recouvert les produits : leur lave est très compacte , et dans les cavités elle s’est accumulée , elle a pris la struc- ture prismatique, et ressemble beaucoup au basalte de Royat; mais sur les pentes inclinées , elle a coulé comme les autres laves. Les Puys de Domarège, de Gra- venaire et de la Banière forment le passage des cônes basaltiques aux cratères la- viques.

Manière d'être des luves. Les courants de lave, que les Auvergnats nomment cheires, ont toujours suivi les pentes du sol sur lequel ils se sont étendus : quand c'élait une plaine légèrement inclinée, ils l'ont toute couverte, cheire de côme; quand ils sont tombés dans une vallée étroite , ils en ont suivi le fond sans ja- mais le remplir entièrement , cheire de côme, dans la vallée de la Sioule, cou- lées du Puy-Noir , du Tartaret, de Montchal, de Pariou , etc. La surface des cou- rants de lave présente toujours un grand nombre d'inégalités et d’aspérités , provenant des contournements bizarres de la matière ignée, qui devait se mouvoir assez rapidement en roulant sur elle-même, de petits cônes de scories , résultats des dégagements de gaz qui ont eu lieu pendant le refroidissement , et que pro- duisaient çà et de petites éruptions dans l’intérieur même des coulées ; enfin des fragments de la croûte consolidée, emportés par le courant, sont restés dans une position plus ou moins verticale ou inclinée. Sur les flancs et à l'extrémité, les coulées sont toujours terminées par des escarpements qui ont souvent 30" de hau- teur. Jamais je n’ai vu les laves finir en s’amincissant , quelle que soit la surface sur laquelle elles se sont arrêtées. Sur les flancs et à l'extrémité des coulées, l’état pâteux de la matière était tel qu’elle marchait en formant de gros bourre- lets. Mais dans l’intérieur il n’en était pas ainsi; elle coulait assez facilement, comme on peut le voir par les carrières ouvertes dans les cheires de côme, de Pa- riou, de la Nugères, etc., l’on reconnaît parfaitement aussi que la roche est d'autant plus compacte que l'on s'enfonce davantage. La partie supérieure des courants de lave est toujours composée d’un mélange de scories, de lapilli et de cendres volcaniques, entremélés d'une manière assez bizarre avec la lave prc- prement dite; celle-ci a coulé aussi assez souvent sur un lit formé de ces matières incohérentes qu'elle à fortement tassées. Sur les surfaces inclinées, les laves sont généralement très scoriacées, et présentent peu de cristaux; mais sur les surfaces horizontales, et dans les trous que la lave a remplis et elle s’est re- froidie tranquillement, elle est presque aussi compacte que le basalte, et con- tient des cristaux de pyroxène et d’autres substances. Les différentes structures des coulées de lave, suivant les pentes sur lesquelles elles se sont refroidies, peuvent parfaitement être observées dans les cheires de Louchadière et de Gra- venaire , dont certaines parties ressemblent tout-à-fait à du basalte, dans les en- droits la route de Riom à Pontgibaud coupe la cheire de Louchadière; dans les grottes de Royat et le fond du ruisseau , au dessous du cône de Gravenaire. J'ai

118 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N. 2, p. 68.) cependant vu sur les flancs de cette montagne un morceau de coulée, à l'endroit même il s’est refroidi, assez compacte, sous une inclinaison de 20°. Des faits analogues m’ont été présentés encore par plusieurs autres coulées ; mais ces ex- ceptions, qui n’ont jamais lieu que dans de petits espaces, ne détruisent pas la règle , et l’on peut dire qu'en général la lave est d'autant plus compacte et qu'elle contient d'autant plus de cristaux qu'elle s’est refroidie sur des pentes moins inclinées.

On remarque assez souvent au milieu de la lave des fragments de granite ct même de basalte de différentes grosseurs, qui ne sont pas tous altérés de la même manière; souvent quelques uns paraissent n'avoir éprouvé aucune espèce d’alté- ration. Près le hameau d'Enval, entre le pied du Puy-de-Dôme et la route de Bordeaux, il existe une coulée qui contient en immense quantité des blocs de gra- nite, dont plusieurs ont { mètre de longueur. La pâte de cette coulée, très gros- sière, ressemble assez à celle des conglomérats basaltiques.

Tels sont les principaux caractères que présentent les coulées de lave des cratères de l'Auvergne; ils montrent clairement que si, minéralogiquement parlant, la matière qui les compose ne diffère pas essentiellement du basalte, il y à une grande différence dans la manière dont ces deux produits de l'action volcanique se sont répandus à la surface du sol : le basalte, sorti de la même région par une infinité d'ouvertures, dont quelques unes ont été recouvertes de scories, ne s’est jarnais élevé dans un cratère comme la lave; il a coulé sur le sol comme un métal fondu dont l'intérieur ne serait pas agité par des dégage- ments de gaz. Chaque coulée de lave, au contraire, a été vomie par une seule bouche : quand deux très voisines on fait éruption en même temps, les coulées ont pu se mélanger après avoir parcouru un certain espace ; mais on peut tou- jours les distinguer ; tandis que les produits des diverses bouches basaltiques de la même région d'éruptions sont tellement confondus qu'ils ne forment qu'une seule nappe. Sortant par une seule ouverture, la lave s’est particulièrement étendue en longueur en suivant la pente du sol; quand elle a atteint le fond des vallées, sa largeur a beaucoup diminué, et elle a formé de véritables lanières. Les matières gazeuses, beaucoup plus abondantes à l'époque lavique qu’à l'époque basaltique, après avoir accumulé autour des bouches celte immense quantité de scories et de lapilli qui forment cratère, étaient encore assez abondantes dans la matière liquide pour y produire tous les boursouflements qu'elle présente, et troubler continuellement par leur dégagement le mouvement dirigé suivant les lignes de plus grande pente. La grande différence qui existe entre le mode d’é- mission des basaltes et celui des laves, entre l'aspect qu'offrent actuellement les masses des uns et des autres, tient donc principalement à la différence qui existait dans la quantité des matières gazeuses de chaque époque.

Dans son mémoire sur quelques points de la question des cratères de soulève- ment, Bulletin de la Saciété géologique, t. IN, p. 231, M. de Beaumont a dit : «Le

(N. 2, p. 69.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 119 » mot ave désigne des masses dans lesquelles on trouve combinés les effets d’un » phénomène de mouvement, ou d’hydrodynamique, et d’un phénomène de re- » froidissement, et dont, par suite, une certaine forme de contours, une certaine » inégalité de texture, une hétérogénéité générale, sont les caractères essentiels.

» Le mot basalte désigne, au contraire, une roche qui joint à une composition » déterminée, que beaucoup de laves présentent aussi, une manière d'ètre con- » stante, et qui, à cause de cette constance même, cesse de réfléchir dans sa » structure intérieure et dans la forme de sa surface supérieure les contours des » masses sur lesquelles elle s'appuie. Le mouvement s’est pour ainsi dire solidifié » dans les laves, tandis que le basalte offre un caractère général d’uniformité qui » exclut toute trace de mouvement. L’observateur ne reconnaît plus que les effets » du refroidissement combinés avec ceux de l'hydrostatique. Si Le basalte répandu » dans une vallée rappelle par sa forme celle d'un liquide, c'est celle d’un liquide » en repos, et non, comme la lave de Volvic, par exemple, celle d’un torrent » instantanément congelé. »

J'engage le lecteur à revoir ce mémoire tout entier, ainsi que les autres publiés sur l’Auvergne, l'Etna et le Vésuve, par MM. E. de Beaumont et Dufrénoy, dans lesquels se trouvent consignés une foule de faits importants et les vues les plus philosophiques sur l'ensemble des phénomènes volcaniques.

Cratères d'explosion. Plusieurs géologues nomment ainsi des ouvertures coni- ques pratiquées par l’action volcanique dans diverses roches, desquelles il n’est jamais sorti de coulées de lave, et dont les parois sont formées par la roche même dans laquelle elles ont été pratiquées, et non pas par un amas de scories comme celles des cratères d’éruption. Nous avons déjà parlé d'une ouverture de ce genre sur le flanc nord du Grand-Turluron.

Le plus beau cratère d'explosion de l'Auvergne est certainement le Gour-de- Tazena , situé près de Manzat, à la limite la plus septentrionale des volcans mo- dernes, à 2,000" au N.-E. de celui de Chalar. Le Gour-de-Tazena est un cône circu- laire creusé dans le granite, dont le diamètre de la base dépasse 400", et le fond est occupé par un lac d’eau limpide et fraiche. Les débris du granite, rejetés à une grande distance des côtés N. et N.ÆE., forment plus d’un demi-cône tronqué autour de l'ouverture, dont la surface est recouverte d'une mince couche de scories rouges entremélées de bombes volcaniques. À l’est, dans l'intérieur du cône, le granite en place, mais très disloqué, monte jusqu'au sommet de l’escar- pement, tandis qu'il ne dépasse pas le milieu dans les autres parties. La profon- deur du lac est considérable ; les paysans soutiennent que l'on n’a jamais pu en trouver le fond. On en a retiré à différentes époques des troncs d’arbres noirs comme l'ébène, des fragments de poteries et des vases de bronze antiques.

À la base sud du Puy-de-Coquille, formée par une bosse de domite, il existe un cratère d'explosion de 50" de large, et de 8 à 10 de profondeur, duquel il n'est sorti ni coulées ni scories, mais seulement une immense quantité de frag-

120 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. CN-2, p.70.) ments de domite rejetés tout autour ; plusieurs de ces fragments ont éprouvé un commencement de fusion.

Le Puy-de-lEnfer, près Sauzet-le-Froid, à l'extrémité sud de l’ellipse qui contient les volcans du Puy-de-Dôme, centre d’éruptions basaltiques, présente à son pied un cratère d’explosion ouvert dans le basalte. Ce cratère n'a jamais été profond, car il est aujourd’hui presque entièrement comblé par des attérisse- ments, qui l'ont transformé en un marais fangeux croissent beaucoup de plantes aquatiques rares.

Le lac Pavin, au pied nord du volcan de Montchal, oceupe le fond d’un cratère d’explosion aussi vaste que le Gour-de-Tazena, ouvert dans le basalte, dont les prismes verticaux forment les parois intérieures. Autour du cône on voit de nom- breux fragments de basalte et de granite rejetés par l'explosion; du côté N.-O., il existe une grande masse de scories qui me paraît avoir plutôt été vomie par le lac Pavin que par le cratère de Montchal. L'eau de ce lac, très fraîche et très limpide, ne diminue pas notablement dans les chaleurs de l'été

Un lac semblable au précédent, mais plus long que large, et courbé du côté du volcan, dont il touche le pied, se trouve à la base du Mont-Cinère; à 4“ plus à l'ouest, le lac Chauvet, parfaitement circulaire, occupe le fond d'un cratère d’explosion ouvert dans le basalte, dont les débris ont été rejetés alentour.

Le lac situé au-dessus de la Godivel, et dont nous avons déjà parlé, est un cratère d’explosion dans le basalte qui s’est ouvert au pied de la butte de la Croix-de-Janson, centre d’éruptions basaltiques. Du côté du nord, à l'endroit même sort l’eau, se trouve une masse de scories et de lapilli rejetée par le cratère, dans laquelle il s’est fait un affaissement qui a produit une fente consi- dérable. Le lac situé à l’est de celui-ci, dans le fond de la vallée, est simplement un étang, de même que celui de Chambeauze, qui se trouve au nord du Suc de Vaisse.

Ces cratères d’explosion, répandus dans toute l'étendue de la région des vol- cans modernes, me semblentmarquer des points sur lesquels une grande quantité de gaz s’élant accumulée, probablement dans une cavité, a fini par acquérir une force élastique assez considérable pour rompre la voûte de cette cavité et s’échap- per au-dehors en en projetant les débris dans tous les sens. Zorsqu’une certaine quantité de lave liquide se trouvait dans la cavité avec les gaz, elle a certaine- ment être lancée dans l'explosion sur les débris de la voûte : Gour-de-Tazena, lac Pavin, lac de la Godivel ; ensuite une portion de la voûte même, retombée dans l'ouverture avec les débris des parois déchirées, l'ont obstruée en for- mant tout autour des parois coniques ; puis les eaux des sources voisines , étant venues s’y accumuler, l'ont remplie. Quand le cratère d’explosion s’est trouvé au-dessus du niveau des sources , Grand-Turluron, Puy-de-Coquille, il est resté à sec.

On observe encore à la surface des grandes nappes basaltiques, la Chaux-du-

(N:2,p-71-) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 121 Broc, Plateau-de-Grenier, etc., des lacs occupant des dépressions sensiblement circulaires dans le basalte, qui n’a été aucunement déchiré, M. Lecoq pense que ces dépressions se sont produites lors du refroidissement de la matière, et les compare à celles que l’on voit à la surface de la cire et du beurre fondus : « Lorsque l’on coule dans un vase de la cire ou du beurre, ou toute autre matière » susceptible de se figer en se refroidissant, dit-il, les bords se refroidissent les » premiers, ils se figent; puis la matière se refroidit peu à peu, et le centre est la » dernière partie qui devient solide. Si le vase dans lequel on opère est parfaite- » ment rond, il se forme exactement au milieu une cavité régulière; mais si les » bords sont irréguliers, et si le fond du vase offre lui-même des inégalités, il se » formera des dépressions plus ou moins régulières à la surface du bain.

» Or, ce que nous faisons en petit dans nos laboratoires, la nature l'a fait en » grand , et nous en offre de nombreux exemples en Auvergne sur les plateaux » basaltiques (1). »

Achevons cette longue énumération de faits en faisant remarquer que les eaux thermales du Mont-Dore, de Saint-Nectaire, de Saint-Maurice, de Néris, ete., les eaux minérales extrêmement nombreuses, les sources de bitume, une im- mense quantité de points sur lesquels se dégage en abondance l’acide carbonique, ce compagnon fidèle des éruptions volcaniques, Clermont, Pont-Gibaud , Saint- Nectaire, Lempdes, base du Puy-de-Corent, etc., sont des preuves évidentes que l'action si puissante qui, avant les temps historiques, a lancé au-dehors une si grande quantité de matières, n’est pas encore anéantie : quelque jour peut-être les habitants de la chaîne du Puy-de-Dôme verront-ils leurs maisons et leurs champs enfouis sous de nouvelles déjections, comme il est arrivé à ceux des pentes du Vésuve sous le règne de Titus.

Tels sont les principaux phénomènes géologiques que présente le beau sol de l'antique Arvernie; nous allons les résumer brièvement, afin de mettre le lecteur à même de mieux comprendre les conclusions auxquelles la liaison de tous ces phénomènes nous a conduit.

DEUXIÈME PARTIE.

Résumé et conclusions.

Le sol de l'Auvergne, à travers lequel les agents volcaniques ont lancé leurs CE q D

produits, offre six grands terrains. Le errain granitique, dont la roche princi- pale se modifie d’une infinité de manières et passe au gneiss sur plusieurs points, est percé par des filons nombreux de porphyre, d'eurite, de diorite, de trapp, de basalte, de quarz et de barytine avec galène argentifère. Dans la vallée

PP q y À de la Sioule, le terrain gneissique, qui se lie intimement à celui du granite, est

(1) Note sur les petits lacs des terrains basaltiques de l’Auvergne, Clermont-Ferrant, 1838. SOC. GÉOL. SÉRIE. T. I Mém. n. 2. 16

122 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N. 2, p.72.) percé par les mêmes filons; en outre, le granite lui-même s’introduit dans le gneiss par filons et grosses masses transversales. Ces deux terrains réunis consti- tuent deux grandes chaînes dirigées N.-S., qui bordent les deux bassins de la Limagne à l'est et à l'ouest. De chacune de ces chaînes partent deux rameaux, sur les parallèles du Mont-Dore et du Cantal, qui, suivant la direction E. N. à 0. 6°S., viennent traverser la Limagne, la grande vallée comprise entre les deux chaînes, en portant jusqu'à 500" au-dessus de son niveau primitif le ter- rain du fond. Le terrain houiller, qui repose immédiatement sur le gneiss et sur le granite, se trouve disséminé par lambeaux très disloqués dans la partie méri- dionale de la Limagne ct sur les versants occidentaux des deux chaînes qui la bordent.

Le fond des deux grands bassins de cette riante contrée est occupé par un ter- rain tertiaire lacustre, riche en restes organiques végétaux et animaux, formé d’une alternance de strates de calcaires, marneux et siliceux, avec des marnes et des argiles. Le terrain lacustre est intimement lié au granite et au gneiss par des arkoses et des macignos; il repose en stratification discordante sur le terrain houiller, et ne se montre nullement sur la crête des grandes chaînes est et ouest, ni même au-delà d'une certaine hauteur sur les flancs : les deux rameaux qui lient ces chaînes entre elles, en formant des barres dans la Limagne, ont porté le terrain tertiaire jusqu'à 500" au-dessus de son niveau primitif. Au pied des chaînes et des rameaux dont nous venons de parler, les strates lacustres sont assez fortement relevés: l’inclinaison varie entre 10 et 44°, mais elle diminue à mesure que l’on s'éloigne des montagnes, au point d’être sensiblement nulle vers le centre des bassins. Plusieurs dépôts d’alluvions avec cailloux roulés de granite, de gneiss, de quarz, de basalte, etc., recouvrent la surface du sol et se montrent aussi sous les produits volcaniques. On peut distinguer trois époques dans ces dépôts, tant par leurs caractères paléontologiques que par leurs carac- tères géognosliques, dont la dernière est postérieure à l'existence des volcans à cratères.

Les trachytes, roches volcaniques les plus anciennes, qui constituent les massifs du Cantal, du Mont-Dore, du Puy-de-Dôme et plusieurs montagnes pla- cées autour, qui forment la base du Cézallier et se montrent en outre sur plu- sieurs points disposés sensiblement sur une ligne passant par cette montagne, dirigée N. 25° E., ont fait éruption suivant deux grandes fentes pareillement dirigées qui se trouvent être sensiblement parallèles à la direction des Alpes françaises. Les trachytes ont percé le granite, le gneïss, le terrain tertiaire, et ont même recouvert le plus ancien des trois dépôts diluviens; leurs lignes d'éruptions ont croisé celle NS, de la chaine occidentale, à la hauteur du Cézal- lier et du Puy-de-Dôme. Les trachytes ont coulé par grandes nappes qui conver- gent souvent vers des sommités se trouvent des scories et autres marques d'anciennes bouches d'éruptions , qui devaient différer essentiellement des cra-

(N.2,p.75.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L’AUVERGNE. 123 tères d’où sont sorties les laves modernes; quelques basaltes, intimement liés aux trachytes, paraissent être sortis immédiatement après eux.

Quant à la grande masse des éruptions basaltiques, elle a suivi assez exac- tement Les deux rameaux qui traversent la Limagne et réunissent les deux chaînes du Forez et de l'Auvergne, dont J’un se trouve exactement sur le prolongement de la chaîne principale des Alpes et l’autre lui est parallèle (1). La direction géné- rale suivie par les éruptions de cette époque fait un angle de 70° avec celle des éruptions trachytiques; mais la matière en fusion, profitant des fentes déjà déterminées dans le sol par les dislocations des époques de soulèvement du mont Viso, de la Corse et des Alpes occidentales, s'est répandue au-dehors suivant des directions obliques et même perpendiculaires à celles-ci, sur une étendue en longueur qui va jusqu'au quart de celle des grandes lignes. C'est ainsi qu'entre le Cantal et le Mont-Dore, deux points les lignes de dislocations de la Corse , des Alpes françaises et des Alpes principales viennent se croiser, les nappes basaltiques, couvrant presque toute la surface du sol, sont assez unifor- mément répandues, tandis qu'à l’est et à l’ouest les deux bandes sont séparées par un espace de 18“ de large dans lequel on ne rencontre aucune trace de basalte ; à 3"*,5 au sud de Saint-Flour, il existe une troisième bande d’érup- tions basalliques parallèle aux deux autres, et dont nous n’avons observé que l'extrémité orientale. Les basaltes ont percé le gneiss, le granite, le terrain houiller , le terrain tertiaire et les plus anciens dépôts diluviens ; on les voit même souvent recouvrir des masses de cailloux roulés basaltiques; ils sont sortis par une infinité d'ouvertures dont plusieurs sont encore parfaitement reconnaissables. Beaucoup présentent des cônes de scories plus ou moins consi- dérables ; mais sur aucune on ne voit de cratères semblables à ceux qui ont vomi les coulées de lave. Les nappes basaltiques ne sont compactes que lorsque l'inclinaison sous laquelle elles ont coulé ne dépasse pas 2°; au-dessus, elles sont toujours scoriacées, et sous un angle de elles ont roulé comme des laves. Ainsi donc, lorsque l’on trouve des nappes ou portions de nappes compactes sous une inclinaison de 8 à 12°, on peut être certain qu'elles ont été dérangées postérieurement à leur consolidation.

(1) En examinant la grande carte géologique de France de MM. Dufrénoy et de Beaumont, j'ai reconnu que la bande basaltique qui passe par le Mont-Dore étant prolongée vers l’est, va ren- contrer les gîtes d’asphalte et de bitume du Jura {environs de Seyssel, etc.), qui ont les plus grands rapports avec ceux de Clermont placés dans la même bande. On sait que plusieurs géologues attri- buent une origine volcanique à ces bitumes.

La grande bande basaltique qui passe par le Cantal va, à son tour, traverser la chaîne des Alpes dauphinoïses entre Grenoble et Corps, se trouvent une quantité de spilites, de variolites et autres roches ignées d’une époque très récente. Là, j'ai reconnu aussi de nombreuses traces de disloca- tions parallèles à la direction des Alpes principales. Voilà donc des faits géologiques qui prouvent que l’action soulevante des grandes Alpes s’est propagée à travers la chaîne des Alpes françaises, ce que M. de Beaumont avait déjà démontré par une autre série d'observations.

194 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N.2, p.74.)

Tous les cratères modernes, ceux d’où sont sortis des coulées de lave sem- blables à celles de l'Etna et du Vésuve, se trouvent placés sur le faîte du grand bombement de la chaîne du Puy-de-Dôme, suivant deux lignes éloignées de 6°" l’une de l’autre, dans une direction N.-S. parallèle à celle du soulèvement de laCorse , et qui fait, avec celle des éruptions basaltiques, un angle de 85°. La plus grande partie des cratères est contenue dans un cirque elliptique, très al- longé dans le sens du nord au sud, formé par des escarpements granitiques , dont la hauteur dépasse 40"; c'est par les fractures qui interrompent la continuité du contour elliptique que les coulées de lave ont passé pour se répandre au loin. Dans le voisinage du Puy-de-Dôme , les cratères d’éruptions sont groupés autour des cônes de domite, et plusieurs se trouvent même posés sur un socle de cette roche. Sur un grand nombre de points, les volcans modernes se sont fait jour à travers les basaltes, qui se trouvent actuellement couverts en partie de leurs déjections. La grande hétérogénéité des coulées de lave , les contournements bi- zarres que leur intérieur présente, et les aspérités de leur surface, les distin- guent complétement des nappes basaltiques, avec lesquelles elles ont cependant de grands rapports pour la composition minéralogique. Dans la région des cra- tères d'éruption se trouvent des ouvertures infundibuliformes , généralement occupées par des lacs, ayant lancé des scories, mais jamais de laves, qui parais- sent être le résultat de la sortie d'une grande masse de gaz accumulée sur les points qu'elles occupent aujourd’hui.

Depuis la sortie des laves , le sol de PAuvergne n’a point éprouvé de grandes commotions; mais la quantité de sources minérales et thermales, les nombreux dégagements de gaz et de bitume que présente cette contrée, annoncent que l'ac- tion volcanique n’est pas encore anéantie.

Les trois espèces d’éruptions volcaniques de l'Auvergne, trachytiques, ba- saltiques et laviques, ont certainement duré chacune pendant un grand laps de temps, avec des paroxysmes extrêmement variés; mais il n’y a pointeu de solution de continuité entre elles, puisque leurs produits sont intimement liés : les tra- chytes passent insensiblement aux basaltes , contiennent souvent les mêmes mi- néraux, et il y a peu de différence entre la nature minéralogique des basaltes et celle des laves : quand le basalte a coulé sous une forte inclinaison , c’est une véritable lave , et quand la lave est venue remplir une cavité, comme à Royat, elle a pris tous les caractères du basalte. Ce fait prouve que tous les produits vol- caniques de l'Auvergne tirent leur origine d’une même masse, dont les éléments n'étaient pas exactement combinés de la même manière à chaque grande époque d'éruptions.

Il résulte du beau travail de M. E. de Beaumont sur le soulèvement des chaînes de montagnes, que les révolutions du globe auxquelles se rapportent les trois lignes principales d’éruptions des roches volcaniques de l'Auvergne, se sont succédé immédiatement dans l'ordre chronologique. Voici comme on peut

(2pip7E) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 125 rendre compte de ce grand phénomène : si un sphéroïde dont l'intérieur est oc- cupé par une masse fluide, se trouve comprimé dans un sens quelconque , sa surface , solide et élastique comme celle de la terre, tendra à se rider dars une direction perpendiculaire à la pression; mais si celte pression vient à cesser tout- à-coup, en vertu de l’inertie de la matière, le corps cherchant à reprendre sa forme primitive, se déformera dans un sens perpendiculaire au premier, si toute- fois il est homogène. Dans cette réaction, il se formera à la surface de nouvelles rides perpendiculaires aux premières, et cet effet se continuera jusqu'à ce que l'intensité de l’action soit diminuée au point de ne plus pouvoir produire aucun effet sensible.

IL a été démontré, dans mon Mémoire sur les inégalités de la structure du globe terrestre, que les rides de sa surface sont le résultat des mouvements de la ma- üière fluide intérieure : une première action, ayant déterminé des fissures par lesquelles la matière comprimée s’est répandue au-dehors, a cesser aussitôt, et elle a été suivie par une réaction dans un sens à peu près perpendiculaire , puisque la terre n’est pas parfaitement homogène. M. le commandant du génie Leblanc à présenté à la Société géologique un travail sur les rapports qui s’obser- vent entre les directions des montagnes d'äges successifs, etc. (1), dans lequel il dit : « Si l'on compare entre elles les directions des montagnes, en les groupant » par deux, et dans l’ordre indiqué par M. E. de Beaumont, comme étant celui » de leur ancienneté relative, on remarquera queles deux directions d’un même » groupe sont presque exactement perpendiculaires l’une à l’autre. L’anomalie que » semblent présenter les n* 11 et 12 ne tient peut-être qu'à quelque système non » Connu , ou à ce que l’on devrait considérer le 11 comme la suite du (0, » bien que d'uneépoque postérieure. » L'observation est donc bien d’accord avec Ja théorie sur ce point.

D’après cela, en Auvergne, un ébranlement quelconque de la matière inté- rieure ayant déterminé les éruptions trachytiques, la sortie des basaltes serait l'effet de la réaction de ce mouvement , et celle des laves celui de la réaction du mouvement basaltique ; l'intensité de la force s’est ensuite trouvée tellement di- minuée, qu'elle n'a plus été capable que de lancer des matières gazeuses par les fissures existantes sans pouvoir en déterminer d’autres. Si les choses se sont effectivement passées ainsi, on comprend comment les produits de deux époques d'éruptions consécutives se sont immédiatement succédé , et se trouvent intime- ment liés, sans être cependant identiques.

L'examen des feuilles de la carte de Cassini, 13, 14, 15, 52, 53 et 54, dans

es portions qui contiennent les massifs du Cantal et du Mont-Dore, fera re- connaître de grandes fentes, parfaitement marquées par des vallées, placées exactement dans les diverses directions des grandes lignes d’éruptions volcani- ques qui viennent se croiser dans ces massifs. Les fentes de l’époque trachytique

(4) Bulletin, t. XIT, page 140.

126 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L’AUVERGNE. CN 2, p.76.) sont moins apparentes que les autres, parce qu’elles ont été modifiées par celle des époques basaltique et lavique; cependant on les reconnaît encore parfaitement dans les vallées des pentes nord et sud du Cantal et du Mont-Dore, et cela sur la carte même jointe à ce Mémoire, qui est un extrait de celle de Capitaine. Les fentes de l’époque basaltique sont les plus étendues et les mieux marquées. La vallée de la Bertrande au Cantal est une de ces fentes qui s'étend vers l'ouest sur une longueur de 6" ; à l’est elle est représentée par la partie de la vallée de l’Allagnon comprise entre le Lioran et Jourzac. La vallée de la Marône suit aussi une pareille fente, qui correspond sur le versant est à une partie de celle de la Santoire. Au Mont-Dore, la vallée de la Burande, de 4" de longueur, correspond du côté de l’est avec celle de la Couze de Champeix , qui conserve la même direc- tion sur une étendue de 3°”. La vallée de la Dordogne, qui court N.-$. depuis le pic de Sancy jusqu'au village de Quereille, c’est-à-dire sur une longuenr de 8*", tourne brusquement vers l'ouest , et suit une fente de l’époque basaltique jusqu’à sa rencontre avec le Chavenoux, à une distance de 3". Du côté de l’est, elle correspond avec la vallée de la Monne, qui ne se dérange sensiblement de sa direction qu'à la hauteur d’Ollois, après l'avoir conservée sur une longueur de 15°.

Les fentes de l’époque des laves sont très bien marquées au nord du Mont- Dore par les grandes vallées comprises entre les villages de Laqueille et de Nébouzat, qui vont porter leurs eaux dans celles de la Sioule. La plupart de ces vallées coupent des nappes basaltiques, de même que leurs correspondantes, sur le revers méridional de la montagne. Sur les flancs nord et sud du Cantal, d'où elles s'étendent ensuite à une grande distance, les vallées dirigées N.-$. coupant des nappes basaltiques sont aussi très profondes et très nombreuses : au nord celles de la Véronne, de la Rue, de Loudre , une partie de celle de la San- toire, etc.; au sud, celles du Goul, du Pleaux, du Seniq, de l’'Irande, de la Brezonne, etc. Il ne faut pas négliger de remarquer l'aspect que prennent ces diverses fractures, quand elles arrivent dans le granite et le gneïss : tant qu'elles sont restées dans les trachytes et les basaltes étendus en grandes nappes, ce sont de grandes fentes presque droites ; mais en arrivant dans les terrains granitiques et gneissiques, elles serpentent et finissent par aller se perdre dans d’autres plus anciennes. Ce résultat est l'effet de la différence de résistance des roches fracturées par les forces souterraines.

Les massifs du Cantal et du Mont-Dore, qui sont les plus élevés de la contrée, occupent donc des régions dans lesquelles viennent se croiser presque toutes les lignes de dislocations qui ont influé sur le relief de cette contrée. M. Elie de Beaumont avait déjà montré qu'au Mont-Blanc, le massif le plus élevé des Alpes, viennent se croiser les deux grandes lignes de soulèvement des Alpes occidentales et orientales. J'avance presque avec certitude qu'il en doit être généralement ainsi : les régions viennent se croiser plusieurs lignes de soulèvement doivent

(N-2,p.77.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. 127 être des maxima de relief: et, réciproquement, dans les massifs qui sont des maxima de relief, doivent venir se croiser une grande partie des lignes de dislocations qui ont déterminé celui de la contrée. Il ne faut pas confondre un massif avec un sommet : les sommets sont les points culminants des massifs, le pic de Sancy au Mont-Dore, le Plomb du Cantal, etc., et il existe beaucoup de sommets isolés, comme ceux de la Limagne , qui ne sont nullement des points de croisement de plusieurs lignes de dislocations.

La direction N.-S. suivie par les cratères modernes ne correspond exactement à aucune ligne de soulèvement reconnue en Europe par M. Élie de Beaumont. Les volcans de la grande Cordilière des Andes , dont ce géologue serait porté à regarder le soulèvement « comme la cause de la grande inondation subite et passagère » dont on retrouve l'indication à une date presque uniforme dans les archives » de tous les peuples, » sont aussi alignés dans la même direction ; mais nous sommes trop éloignés de l'Amérique pour oser dire que la même direction s’est continuée aussi exactement dans un tel espace. M. de Collégno a récemment reconnu en Îtalie (1) une fente dirigée moyennement du N.5°0. au S. 5°E,, qui traverse une grande partie de la Toscane, et forme un des accidentsles mieux conservés du pays. Cette direction correspond à celle du système du Ténare de MM. Boblaye et Virlet, la plus récente des catastrophes dont on ait encore reconnu les traces à la surface de l’Europe, et se trouve être assez sensiblement parallèle à une ligne qui joindrait l'Etna et le Vésuve. Il est extrêmement pro- bable que la grande fissure sur laquelle sont placés les cratères de l'Auvergne s’est ouverte à la même époque; mais ici la direction exactement N.-$. se serait- elle rapprochée de vers le nord? cela peut être. Cependant j'aime mieux croire, puisque les volcans sont placés sur le sommet du grand bombement occi- dental produit par la révolution qui a soulevé les chaines de Corse et de Sar- daigne antérieurement au dépôt du second étage tertiaire , que la même ondulation de la croûte terrestre qui a ouvert la fente sur laquelle se trouvent établis l'Etna , le Stromboli et le Vésuve, s'étant propagée jusqu’en Auvergne, la croûte était déjà fortement disloquée dans le sens du N. au S., a déterminé de nouvelles fentes dans cette même direction, parce qu'elle présentait une région de moindre résistance, Dans le voisinage du Puy-de-Dôme, viennent se croiser les lignes de dislocations de l’époque de la Corse, des Alpes occidentales et des Alpes orientales , la fente est devenue une véritable boutonnière qui, à été remplie de volcans, tandis qu’au nord, au sud et à l’est, le terrain avait été beaucoup moins disloqué, ils n’ont pu s'établir que sur des fentes étroites.

Les quatre lignes de dislocations dont les traces sont si bien marquées dans la grande région volcanique de l'Auvergne ont toutes influé sur le relief de cette contrée. Dans la chaine du Forez, nous n'avons pu reconnaître que deux de ces lignes, celles des époques de la Corse et des Grandes-Alpes , qui se croisent

(4) Bulletin de la société géologique, t. XIII, p. 281.

128 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (N.2, p. 78.) presque à angle droit: aussi son relief est-il moins considérable que celui de la chaîne de l’Auvergne; dans celle-ci, l'altitude de beaucoup de sommets dépasse 1,800", celle d'un grand nombre va jusqu’à 1,500", et dans l’autre, la hauteur des points les plus élevés n'excède pas 1,400" ; un seul , le sommet du massif de Pierre-sur-Autre, qui s'élève à 1,634", se trouve exactement à l'intersection des deux lignes dont nous venons de parler.

C’est au croisement de toutes les lignes de dislocations que les massifs du Cantal et du Mont Dore doivent les accidents qu'ils présentent; le grand vide central du Mont-Dore, qui n’a pas la forme d’un cirque, résulte du croisement d’une grande fente de l’époque basaltique par une autre de l’époque lavique. Le grand cirque du Cantal, au milieu duquel se trouve le Puy-Griou, résulte des accidents produits par les éruptions trachytiques, croisés ensuite par Les lignes de dislocations des époques basaltique et lavique : on peut voir dans les vallées de Vic et de Mandaïlle des barres qui sont le résultat de ces dislocations, et dont les plus rapprochées du cirque le ferment au sud-ouest. Le Puy-Griou, qui est un véritable dyke de phonolite, se trouve assez exactement au croisement des lignes de dislocations , dont deux sont postérieures à la consolidation de la roche qui le forme. Je serais porté à croire qu'avant les dislocations les plus récentes, ce dyke était resté engagé dans le trachyte, et que ce sont elles qui l’ont poussé en haut comme une cheville, en achevant de construire le cirque au milieu duquelil culmine. Je dirai la même chose des dykes des roches Malvial, Tuillère et Sanadoire, au Mont-Dore, de tous les autres dykes phonolitiques et de ces pitons trachytiques qui s'élèvent à une certaine hauteur au-dessus de la roche qu'ils traversaient. Tous les dykes pris- matiques de basalte qui forment des sommets coniques sur les bosses des roches plus anciennes qu'ils ont évidemment percées, les anciens culots de Desmaret, le Mont-Rognon , le Puy-Giroux, le Puy-de-Mur, le Puy-de-Saint-Romain, les Puys- de-Solignat, du Tellier; d'Iboix, d'Usson , de Nonette, de la Roche, de Mont- celet, etc., dans la Limagne ; les cônes prismatiques des environs de Murat, etc , ont été poussés en haut après leur consolidation par les forces qui ont déterminé les éruptions laviques ; les inclinaisons des prismes en divers sens, la manière dont ils ont été fracturés, Saint-Romain, Suc-d'Esteil, etc., en sont des preuves. En disant que ces dykes ont été poussés de bas en haut après leur refroidissement, jene prétends pas que toute leur saillie actuelle soit due au soulèvement : il est bien certain que les eaux pluviales, en coulant sur les flancs, ont emporté les matières désagrégées qui se trouvaient alentour, et ont ainsi contribué à aug- menter leur saillie; mais l'effet de cette cause est beaucoup moins considérable qu'on ne pourrait le croire. Au pied de plusieurs de ces dykes, Suc-d’Esteil , Cal- vaire de Saint Flour, Puy-du-Tellier , Tour-de-Boulade, Saint-Romain, cônes des environs de Murat, etc., se trouvent des sables , des wackes et des pépérites dé- sagrégées , des scories meubles et des lapilli, qui résistent à l’action destructive des eaux atmosphériques depuis des milliers d'années. Dans toutes ces localités,

(NE 2;p°79.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L’AUVERGNE. 129 les pentes sont arrivées à ce minimum d’inclinaison sous lequel l’action des eaux cesse d’être sensible; ce qui est prouvé par les lichens et les herbes qui les tapis- sent. Les mêmes faits prouvent aussi que l'isolement de tous ces pitons n'est pas le résultat de l’action des grands courants diluviens, qui auraient rongé de vastes nappes basaltiques, au point de n’en avoir laissé pour témoins que ces minces pitons ; avant de ronger le basalte, ils auraient certainement emporté les sables, les pépérites , les wackes et les scories meubles qui couvrent la base et une partie des flancs des cônes, que l’on ose dire être restés pour témoigner de leur ancien passage.

Les grands courants d’eau qui, à différentes époques, ont accumulé dans la Limagne cette immense quantité de débris des montagnes environnantes, ont suivi les vallées primordiales des chaînes, absolument comme les rivières ac- tuelles, qui n’en sont que de faibles restes. Des traces de leur passage laissées sur les flancs de ces vallées jusqu’à une grande hauteur, alluvions , roches po- lies, etc., la grande quantité de sables et de cailloux roulés accumulée devant l'embouchure, montrent que le volume de leurs eaux était considérable. Ces eaux ne se sont cependant jamais élevées à 200" au-dessus du fond actuel de la vallée de l'Allier : il n’y a ni cäilloux roulés, ni sables, ni aucun dépôt d’alluvions, sur les plateaux de Mont-Celet, de la Chaux-du-Broc, de Pardines, de Corent, de Gergovia, des côtes de Clermont, de Château-Gay, etc., qui devraient en être cou- verts si les courants diluviens avaient passé dessus. L'aspect que présentent actuellement les diverses masses de roches volcaniques de la belle contrée que nous décrivons, doit donc être plutôt attribué à l’action des forces intérieures qu'à celle des forces extérieures.

Les dernières dislocations qui aient influé d’une manière sensible sur le relief de l'Auvergne sont certainement celles qui ont déterminé la formation de cette immense quantité de cratères laviques. À en juger par la similitude de leurs effets, elles’ se seraient étendues sur toute la surface du globe à une époque pos- térieure à l'établissement des sociétés actuelles, et dont presque tous les peuples ont conservé le souvenir. Ce sont elles qui ont mis la dernière main au relief des grands massifs du Cantal et du Mont-Dore, fracturé les nappes basaltiques, et placé un grand nombre d’entre elles dans la position inclinée qu’elles occupent maintenant, soulevé enfin les cônes domitiques de la région du Puy-de-Dôme, autour desquels s’est établi un certain nombre de cratères d’éruption , à la faveur des fissures déterminées dans le sol environnant par l’action de bas en haut.

Plusieurs grandes vallées courant N.-S. ont été ouvertes à cette époque ; celle de la Loire , entre Arlempde et Vorey: quelques parties de celles de l'Allier et de l’Allagnon ; mais elles sont beaucoup moins nombreuses que celles des époques antérieures.

Telles sont les conclusions auxquelles nous conduisent les observations géo- guostiques ; elles nous annoncent que le globe a être fortement disloqué dans

SOG. GÉOL. SÉRIE. T. IL Mém. n. 2. 17

130 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DE L'AUVERGNE. (%-2,1 #0.) tout l’espace occupé par la région volcanique de l'Auvergne, viennent se croiser quatre grandes lignes de dislocations. Ce dernier résultat, sur lequel ces observations pourraient laisser quelque doute, annoncé depuis longtemps par MM. de Beaumont et Dufrénoy, contredit avec courage par les antagonistes des soulèvements, est pleinement confirmé par les travaux géodésiques et astrono- miques exécutés par les ingénieurs-géographes, et particulièrement par le colonel Broussaud, pour l'établissement du canevas de la nouvelle carte de France.

Nous avons prouvé, dans notre mémoire sur les irrégularités de la structure du globe, que la courbure de l’arc du parallè'e moyen augmente notablement en traversant la chaîne de l'Auvergne, et que, dans cette partie, le point de concours des verticales se relève de 2,431"; que l'arc du méridien de Paris qui passe au- dessus de cette chaîne offre aussi une courbure sensiblement plus forte qu'au sud et au nord. Mais il y a plus: au village d'Opme, à 1” au sud de Clermont, sur un des contreforts de la chaîne volcanique, près de l'endroit cette chaîne est coupée par les lignes des éruptions trachytiques et basaltiques, le colonel Brous- saud a fait pendant plusieurs années, et avec toute l'exactitude exigée, des obser- valions astronomiques dans le but de contrôler les résultats de la géodésie. Eh bien, quoique les observations marchassent parfaitement entre elles, la latitude et l’azimuth obtenus se sont trouvés, l’une plus grande de 0°0’9', et l'autre plus petit de 016", que ceux donnés par la géodésie. Dans le second volume de la Description géométrique de la France (pages 631 et 632), Puissant a prouvé que pour faire concorder en ce point singulier Les résultats géodésiques et astrono- miques, il faudrait supposer au globe terrestre un aplatissement de & c'est-à- dire deux fois plus grand que son aplatissement moyen, ce qui entraîne l'existence d'un bombement considérable. Dans le mémoire cité plus haut, nous avons dé- montré (page 23) que la partie extérieure de ce bombement, en le supposant tout formé de basalte, la roche la plus dense de toutes celles connues, tandis qu'il est réellement formé en grande partie de granite et de calcaire, ne pourrait dé- vier la verticale à Opme que de 2” 5, moins du tiers de l'effet observé. Comme ici les verticales sont deux fois plus attirées vers la montagne qu'elles ne devraient l'être, il en résulte qu’au-dessous, il doit exister des matières deux fois plus denses que celles formant sa masse extérieure, ce qui exige que, dans la forma- tion du bombement, une certaine quantité de matière se soit portée del'inté- rieur du globe vers la surface, et dont celle répandue au-dehors n'est que la moindre partie.

De ces résultats mathématiquement établis, on peut rigoureusement conclure que non seulement la croûte du globe a été fortement disloquée dans toute l’é- tendue de la région volcanique de l’Auvergne, mais encore que sa courbure sy trouve notablement augmentée; de tous les phénomènes de soulèvement que présente celte région, et sur l’existence desquels on discute depuis si longtemps.

Te + Eee ——

N.2, p.81.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. 131

APPENDICE AU MÉMOIRE PRÉCÉDENT.

———— 7

VOLCANS D'ITALIE.

Pour compléter l'histoire des phénomènes volcaniques, il fallait, après avoir étudié les volcans éteints, assister à l’éruption d’un de ceux qui sont encore en activité sur notre globe. A la fin de septembre dernier (1843), ayant appris que le Vésuve était en travail, je me rendis immédiatement à Naples, et j'eus le bonheur de pouvoir observer de très près pendant plusieurs jours une petite éruption qui avait lieu dans le fond du grand cratère. Avant de parler des phéno- mènes dont j'ai été témoin, je vais jeter un coup d'œil général sur la constitution géologique de la Campanie, et montrer les rapports qu’elle présente avec celle de la partie volcanisée de l'Auvergne.

Tout le monde connaît le beau mémoire de M. Dufrénoy sur les terrains vol- caniques des environs de Naples (1), si complet, et dont l'exactitude des descrip- tions est telle, qu'il ne reste plus que très peu de chose à dire sur cette contrée. Ce mémoire m'a servi de guide dans mes courses, et j'en transcrirai souvent ici des morceaux entiers, parce qu'il est inutile de refaire ce qui a été très bien fait.

Les terrains qui se montrent au jour dans les environs de Naples sont, en allant de bas en haut, un calcaire plus ou moins compacte, plus ou moins mar- neux, qui appartient à la partie inférieure du terrain crétacé, des conglomérats trachytiques et des tufs ponceux, percés çà et par des filons et des masses de trachyte, ün terrain marin très moderne recouvrant ces conglomérats, des allu- vions de diverses époques, enfin les produits des bouches ignivomes, dont plu- sieurs sont encore en action , ou ont été en action depuis les temps historiques.

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Terrain crétacé.

La roche la plus ancienne du sol napolitain est celle qui forme la grande massé de l’île de Caprée, célèbre par la retraite de Tibère, et du magnifique cap sur lequel Sorrente est bâti, depuis la Punta-della-Campanella jusqu'à Salerne, au sud, et à Castellamare, l'antique Stabia, au nord. C'est un calcaire compacte, rarement sub-lamellaire, grisâtre, plus ou moins marneux, qui offre de l’analo- gie avec celui de l’Apennin. Ce calcaire est parfaitement stratifié ; souvent même il est fissile. Les strates plongent vers le N.-0. sous un angle de 20°, suivant une ligne de dislocation dirigée E. 20° N. à O. 20° S., à peu près comme l'axe de la grande chaîne des Alpes. A la Torre d'Orlando, près de Vico, le calcaire fissile

(1) Annales des mines, série, t. IL,

132 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. (N- 2, p. 82.) contient des empreintes de poissons (Pycrodus rhombus, Ag.) parfaitement con- servées. M. de Pinteville a trouvé des hippurites dans celui de la pointe de So- jano, à l’est de Vico. Ce géologue pense que les couches à hippurites recouvrent celles à poissons ; mais il ne m'a pas été possible de voir deux formations dif- férentes, et la seule présence des hippurites me détermine à rapporter au terrain crétacé le calcaire dont il est ici question, bien que je n’aie jamais pu trouver dans l'ouvrage de M. Agassiz dans quel terrain gît exactement le Picrodus rhom- bus, qu'il a figuré table 72 sans en avoir encore publié la description.

Le pied des montagnes calcaires du cap de Sorrente est recouvert, à stratifi- cation transgressive, au nord et à l’est, par le tuf ponceux que nous allons dé- crire, et qui se montre aussi sur plusieurs points dans la partie septentrionale de l’île de Caprée.

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Tuf porceux.

Tout le sol de la campagne de Naples, depuis la bande calcaire dont nous ve- nons de parler jusque bien au-delà des Champs-Phlégréens, vers le nord, est formé par un terrain très remarquable, que M. Dufrénoy a décrit, et auquel il donne le nom de uf ponceux. C'est à la célèbre pointe du Pausilippe que l'on peut le mieux observer les caractères minéralogiques et géognostiques du tuf ponceux : « Le tuf du Pausilippe, dit M. Dufrénoy, page 120, est composé de » débris de trachyte à plusieurs états et de différentes grosseurs, cimentés par » une pâte de même nature qu'eux. Cette pâte est composée, comme la plupart » des argiles, des parties les plus fines qui ont été longtemps suspendues dans » l'eau , et qui prennent de l'homogénéité par suite du degré de ténuité de cha- » cune d'elles. Elle fond facilement en un émail blanc analogue à celui que » donnent les substances classées généralement sous Îe nom de /eldspath. Cette » pâte est généralement peu abondante, et les fragments paraissent soudés entre » eux; cependant certaines couches en sont presque uniquement composées : » elles ressemblent alors aux couches d'argile si fréquentes dans les terrains » tertiaires.

» Une grande partie des fragments qui entrent dans la composition des tufs » ponceux sont de la pierre ponce. Quand ces fragments ont une certaine gros- » seur, la ponce a quelque solidité, et pourrait être employée dans les arts. Le » {rachyte qui se montre disséminé dans le tuf est généralement de couleur fon- » cée; il contient des cristaux très éclatants de feldspath autoclase, rarement » maclés ; on y voit aussi des galets de roches granitoïdes et des galets de calcaire gris semblable à celui du cap de Sorrente. Ceux-ci se rencontrent particulière- ment dans le tuf qui recouvre le calcaire de ce cap, et dans celui de l’île d'Ischia, à la descente de Fontana, vers le Monte-Imperatore.»

Certaines parties du tuf m'ont paru être de véritables trachytes altérés ; la pâte,

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(N:2, p.85.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. 133 homogène, caverneuse, renferme beaucoup de cristaux de feldspath altérés : pointe du Pausilippe, Monte-Barbaro, etc. La masse de ce terrain présente pres- que partout deux étages parfaitement marqués, ordinairement intimement liés, mais qui paraissent aussi quelquefois indépendants l’un de l’autre. Le plus infé- rieur de ces deux étages, dont la puissance dépasse 150" à la pointe du Pausi- lippe, et 200" dans l'escarpement du mont Epomeo de l’île d'Ischia, est une masse dans laquelle on aperçoit çà et quelques indices de stratification, et qui offre la plus grande analogie avec les tufs ponceux et conglomérats trachytiques de la montagne de Perrier, de la vallée de la Dordogne au Mont-Dore, et des val- lées du Cantal($ VIT). On yÿ voit des ponces fibreuses tout-à-fait semblables à celles de Perrier. C’est dans cet étage que sont creusées toutes les habitations si pittoresques du faubourg Pausilippe de Naples, ainsi que les deux galeries anti- ques qui traversent la montagne pour aller à Pouzzol , et dont l'une sert encore de passage aujourd'hui. Les fragments de trachyte et de ponce, très nombreux sur certains points, sont toujours inégalement distribués; rarement ils forment de petits lits horizontaux ou peu inclinés, et ordinairement parallèles aux indices de fissures de stratification, qui sontrarement continus. Dans plusieurs localités, île de Nisita, cap Misène, falaise de l'île de Procida , île d'Ischia, escarpements de l’'Epomeo, les strates apparents du tuf présentent une forte inclinaison et des contournements bizarres qui prouvent qu’il a été bouleversé depuis sa consoli- dation.

Le second étage du terrain de tuf ponceux, qui se montre plus ou moins bien développé presque partout sur le premier, pointe de Sorrente, pentes de la Somma, montagne du Pausilippe, Champs-Phlécréens, cap Misène, îles de Procida et d'Ischia, est composé de strates réguliers, d’une substance argileuse très fine, de même nature que celle de l'étage inférieur, dont elle ne paraît être que les parties les plus ténues qui seraient restées un cerlain temps suspendues dans Veau. Cet étage contient encore beaucoup de fragments ponceux, trachytiques et calcaires plus ou moins roulés. Les galets calcaires sont surtout nombreux à la pointe de Sorrente et sur les pentes de la Somma. Dans cette dernière localité, on trouve, avec les galets calcaires , beaucoup de fragments des laves amphygéniques qui constituent la montagne.

Le plus souvent les deux étages du terrain que nous décrivons sont si intime- ment liés, que l'on pourrait croire que l’un n’est que la suite du dépôt de

AE s l'autre. Mais quelquefois aussi le second re- Ê Ü couvre le premier transgressivement : dans l'escarpement N.-0. entre les deux grottes du Pausilippe (fig. 1), dans la falaise qui domine la route de Pouzzol , un peu avant la Punta- Negra (fig. 2); ici on voit mère plusieurs frag- ments de la masse inférieure placés entre les deux étages. Ces deux exemples prouvent que

134 MEMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. (N:2, p. 84.) la surface du premier étage a été pendant long-temps exposée à l'influence des agents extérieurs avant le dépôt du second ; de plus, il me paraît devoir son existence à un concours de circonstances analogue à celui qui a donné naissance aux conglomérats trachytiques et aux tufs ponceux de l'Auvergne ; tandis que le second est un dépôt aqueux semblable à celui qui recouvre les conglomérats trachytiques du pied du Cantal , aux environs de Murat.

M. Dufrénoy a vu aux Champs-Phlégréens et à l’île d’Ischia les tufs ponceux percés par des masses et des filons de trachyte. J'ai visité presque tous les points cités par ce géologue les trachytes traversent les tufs ponceux ; de plus, j'ai vu dans la falaise nord de Procida, non loin de S. Cattolico, un gros filon de tra- chyte dans le premier étage, et dont il n’a pas parlé. La masse de trachyte de la Punta-Negra est une véritable coulée, qui s’est étendue sur le premier étage du tuf et a été recouverte par le second (fig. 3) absolu- ment comme celles des vallées du Mont-Dore ($ VID), qui sont comprises entre deux assises de tufs et de conglomérats. Cette coulée, dont l'épaisseur dépasse 30", repose sur des fragments assez gros du même trachyte que celui dont elle est formée. Ces frag- ments recouvrent deux couches de scories noires et rouges, au-dessous desquelles vient le tuf ponceux.

En suivant la coulée trachytique de la Punta-Neora, on reconnaît qu’elle doit être sortie des flancs de la montagne de la Solfatare , mais nullement du cratère, sur le pourtour duquel se trouve le second étage des tufs qui recouvre cette cou- lée. Des filons et masses de trachytes se montrent au milieu des tufs ponceux dans les cirques d’Astroni et de Pianura, et sur plusieurs points de la partie sep- tentrionale de l’île d'Ischia. Ces filons me paraissent tout-à-fait analogues à ceux qui traversent les conglomérats et tufs trachytiques de l'Auvergne. Comme en France, le trachyte en fragments disséminés dans les tufs est le même que celui des filons : il offre une pâte d’un gris foncé, plus ou moins poreuse, dans laquelle sont disséminés des cristaux de feldspath blanc à cassure lamelleuse. Je n'ai ja- mais vu les filons trachytiques pénétrer dans le second étage des tufs ponceux ; cependant il pourrait se faire qu'il en füt ainsi sur quelques points.

J'ai souvent cherché des restes organiques dans les tufs ponceux des environs de Naples sans jamais en découvrir une seule trace ; mais il est bien certain que l'on a découvert sur plusieurs points des coquilles marines et même des osse- ments de grands animaux semblables à ceux du terrain subapennin (1). On n’a pas dit dans lequel des deux étages gisent ces restes organiques : ils peuvent se trou- ver dans tous les deux sans que pour cela l'inférieur soit une formation purement aqueuse ; car si les déjections trachyliques ont eu lieu sous l’eau de la mer, on

(1) Voyez Dufrénoy, pag. 132 et 137.

JO ER) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. 135 conçoit parfaitement que des coquilles marines aient été englobées dans les tufs.

Ce qui précède prouve qu'il existe une grande analogie entre les tufs ponceux de la campagne de Naples et les conglomérats avec tafs trachytiques de PAu- vergne. Avant d'aller plus loin, je dois donc déclarer que je range les tufs pon- ceux, ou plutôt la partie inférieure, celle qui n’est que très imparfaitement stra- tifiée, dans l’époque trachytique, et que je les regarde comme les roches volca- niques les plus anciennes de la contrée.

Bouleversement et altérations des tufs ponceux. Les fractures et les nombreux contournements que présentent les deux étages du terrain de tufs, et la forte incli- naison des couches du second sur un grand nombre de points, prouvent claire- ment qu'ils ont été bouleversés depuis leur dépôt. C'est principalement la partie du territoire de Pouzzol connue sous le nom de Champs-Phlégréens qui mérite d'attirer l'attention de l'observateur à cet égard.

Une personne qui ferait le tour des Champs-Phlégréens, en suivant les mon- tagnes des Camaldoli de Naples, de Marano, de Quarto, de Cume, de Baja, et reviendrait à Bagnoli par le bord de la mer, serait persuadée que les Champs- Phlégréens consistent en un massif de collines entouré d’une enceinte comme une place forte. Mais si le voyageur pénètre dans l'intérieur du massif, il sera surpris de voir que tout ce qu'il avait d’abord pris pour des collines sont de vastes cirques disposés à côté les uns des autres, entourés chacun par une enceinte sem- blable à celle qu'il vient de parcourir, mais beaucoup moins irrégulière. Chacun de ces cirques ressemble à un cratère ; ils offrent presque tous une échancrure ayant de l’analogie avec celle des volcans égueulés de l'Auvergne, qui, au pre- mier abord , paraît avoir donné passage à un courant de lave. Mais en examinant avec soin cette échancrure et le sol contigu , on reconnaît, à l'exception de celle d'Astroni cependant, qu'il n'en est absolument rien sorti. Les cratères des Champs-Phlégréens sont généralement moins profonds et beaucoup plus évasés que ceux des volcans qui ont donné des courants de lave. Ils sont tous ouverts au milieu d’une bosse de tufs ponceux ayant la forme d'un cône tronqué, dont les flancs, plus ou moins inclinés, présentent les couches de l'étage supérieur plon- geant dans tous les sens. Dans l'étage inférieur, qui ordinairement constitue presque à lui seul l'intérieur du cirque, on distingue rarement des traces de stra- üfication bien marquées, et la plupart du temps Les parois sont recouvertes par des broussailles, des bois et des vignes, qui ne laissent paraître la roche que sur quelques points. Cette roche est toujours le tuf ponceux plus ou moins solide, en ycomprenant les conglomérats trachytiques et les trachytes allérés. Ces carac- tères généraux posés, décrivons les principaux cirques des Champs-Phlégréens.

Le lac Agnano occupe le fond, presque plat, d’un cirque très évasé, ayant 1600" de diamètre, dont l’intérieur est couvert de broussailles et de cultures, qui ne laissent voir la roche que sur un petit nombre de points. La crête du cirque présente les couches du second étage plongeant en dehors sous un angle qui varie

136 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. CN. 2, p. 36.)

entre 5 et 15°. Dans l'intérieur du cirque d'Agnano, dont l’échancrure se trouve du côté de l’est, je n’ai aperçu aucun filon, aucune pointe de trachyte, ni aucune roche scoriacée, ou lave analogue à celle du Vésuve.

Le cirque d’Astroni, dont le diamètre supérieur n’est que de 1300”, offre le même aspect que le précédent; les bois et les vignes qui en garnissent l’intérieur ne laissent voir la roche que dans quelques ravins. C'est encore le tuf ponceux recouvert par son étage supérieur, dont les couches sont souvent contournées et plongent généralement en dehors. M. Dufrénoy a décrit (page 144) le trachyte qui forme un petit montcule au centre du cirque d'Astroni. C'est une roche feldspathique d’un gris foncé avec cristaux de feldspath blancs, dont il existe beaucoup de fragments dans le tuf ponceux des parois. L’échancrure de ce cirque, par passe le chemin qui mène à la Via-Campana , présente une nappe de 1 à 2" d'épaisseur d’une ponce noirâtre qui paraît avoir coulé. Cette nappe reparaît à l'extérieur sur le flanc nord; partout elle est recouverte d’une mince couche ponceuse provenant du tuf entraîné par les eaux : une petite éruption aurait-elle eu lieu en cet endroit à travers le tuf ponceux?

Cirque de Pianura. Le village de Pianura est bâti sur le fond d’un vaste cirque dont le diamètre a près de 2,000". Il est formé au sud par les pentes extérieures de ceux d’Agnano et d'Astroni, et des autres côtés par une crête circulaire qui, partant d'Astront, va passer au nord de Pianura, revient au sud par les Camal- doli, et va se terminer à l'échancrure qui se trouve de ce côté. Au pied de ses parois nord, on voit sous le tuf une masse de trachyte exploitée, décrite avec dé- tail par M. Dufrénoy, page 141. Cette masse offre un conglomérat assez semblable à ceux du Cantal (S VIT); il est formé de fragments de trachyte agglutinés par une pâte de même nature. M. Dufrénoy fait remarquer que ces fragments sont parallèles entre eux et allongés dans le sens de la stratification du tuf ponceux, et que le trachyte est lui-même un peu schisteux à la manière des phonolites.

Le vallon dans lequel se trouve le village de Quarto peut être considéré comme un vaste cirque irrégulier.

Le Monte-Barbaro, célèbre par le fameux vin de Falerne que l’on recueille sur ses pentes méridionales, n’est que l'enceinte d'un cirque aussi grand que ce- lui d'Agnano. L'échancrure qui est du côté occidental, et à laquelle conduit une antique voie romaine, présente d'énormes blocs d’un tuf ponceux granitoïde qui semble n'être qu'un trachyte altéré. Cette roche n'offre aucun indice de stratifi- cation; mais on reconnait à la position des masses qu'elle a été fortement boule- versée ; par dessus, on voit les strates du second étage qui inclinent dans divers sens. Dans l'intérieur du cirque, tout couvert de cultures et de bois, je n'ai re- connu aucune trace d’éruptions modernes.

Le lac d’Averne occupe le fond d’un cirque plus évasé, mais moins vaste que celui du Monte-Barbaro, dont l'échancrure se trouve au S.-E., au pied du Monte- Nuovo.

(N. 2, p. 87.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. 137 Le Monte-Nuovo, rendu célèbre par l'unique éruption de 1538 , qui détruisit le canal de communication entre les lacs d’Averne et Lucrin en comblant pres- que entièrement ce dernier, est un cirque ouvert dans une bosse de tuf ponceux comme tous ceux que nous venons de décrire, mais beaucoup plus petit et moins évasé, car il n’a que 300" de diamètre sur 128” de profondeur ; il ne présente aucune échancrure , bien qu'il soit sorti des coulées de lave des flancs. L’inté- rieur du cratère présente partout à découvert le tuf ponceux des Champs-Phlé- gréens, fortement raviné par les eaux pluviales. [l paraît que , depuis le passage de M. Dufrénoy, ces eaux ont fait disparaître tous les indices de stratification dont il parle page 150, car je n’en ai pas aperçu un seul ; mais, du côté nord, près de la maison bâtie sur le bord du cratère , on voit une partie de l'étage su- périeur dont les strates sont contournés, et le tuf de l’intérieur présente des traces évidentes de déchirement.

IL n'existe aucun reste de laves ni de scories dans l’intérieur du cratère du Monte-Nuovo , et bien certainement celles qui encroûtent les flancs, d’où elles sont tombées dans le lac Lucrin, n’en sont jamais sorties. Il existe trois points en dehors du cratère , sur la crête qui le termine, qui ont vomi les scories et les laves de 1538. Nous reviendrons sur l’éruption du Monte-Nuovo en parlant des phénomènes volcaniques actuels. Ce qu’il importait d'établir ici, c’est que le cra- tère que présente cette montagne n'est nullement un cratère d’éruption , mais simplement un cirque ouvert dans le tuf ponceux comme tous ceux des Champs- Phlégréens.

La Solfatare. De tous les cirques des Champs-Phlégréens , la Solfatare est cer- tainement le plus remarquable et le plus intéressant par les phénomènes qui y sont encore actuellement en action. Ce cirque, de forme elliptique, est beau- coup moins grand que ceux d'Agnano et d’Astroni; son grand axe n'a pas 1000" de longueur. Du côté de Pouzzol, il existe une forte échancrure qui donne entrée dans le cirque. L'examen de cette échancrure montre qu'elle n’a pas donné passage à la coulée trachytique de la Punta-Negra, ni à aucune autre matière pâteuse qui se serait élevée dans le cratère. Les parois de celui-ci sont en partie couvertes de bois et de broussailles ; cependant la roche est à nu dans un grand nombre d’endroits : c’est le tuf ponceux, des trachytes et des conglomé- rats trachytiques plus ou moins altérés, dans lesquels on remarque çà et des indices de couches fracassées et contournées ainsi que de gros blocs entassés les uns sur les autres. Les bords supérieurs du cirque sont for- més par le second étage des tufs ponceux, dont les couches, très conlournées, plongent généralement en dehors, sous ur angle variable qui dépasse souvent 15°, ce qui se voit parfaitement dans les sentiers creux qui les coupent de distance en distance. Le fond de la Solfatare, primitivement uni, présente aujour- d'hui beaucoup de cavités produites par les travaux de l'extraction du soufre

que contient ce terrain en veines et en petits amas. En frappant sur ce fond SOC. GÉOL. SÉRIE TL. I. Mém. 2. 18

138 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. CN-2, p. 88.) avec le pied ou avec le marteau, il résonne comme s’il y avait des cavités des- Sous.

Des crevasses du fond, ainsi que de celles des parois du cratère et des flancs extérieurs, surtout du côté de la mer, sortent des fumarolles plus ou moins con- sidérables. Les ouvertures qui donnent passage à ces fumarolles sont toutes ta- pissées de cristaux de soufre jaune et brillant. La fumée est de la vapeur d’eau avec une légère odeur d'acide sulfureux, en sorte qu’elle résulte certainement de la combustion de l'hydrogène sulfuré à son arrivée au contact de l'air. Par le passage des fumarolles, Les roches sont notablement altérées, et l'on peut suivre les progrès de l'altération, qui marche continuellement : j'ai retiré de plusieurs fentes des morceaux altérés à divers états, et souvent à une très petite distance du trou qui donnait passage à la fumarolle, la roche (conglomérat trachytique) était intacte. Les roches altérées par les vapeurs sulfureuses de la Solfatare ont la plus grande analogie avec les domites de l'Auvergne , surtout avec celles du grand Sarcouïi. En prenant ici la nature sur ie fait, on trouve tout simplement le secret de la formation de ces roches singulières qui intri- guent depuis si longtemps les géologues. Ainsi donc, comme nous l'avons an- noncé dans le mémoire précédent ($ IX), les domites sont Le résultat du pas- sage de vapeurs acides au milieu des roches trachytiques. On trouve aussi l'explication de la présence du soufre dans les divers terrains des pays volca- nisés.

Le point de la Solfatare le dégagement de vapeurs d'eau et les dépôts de soufre sont le plus considérables est à l'extrémité orientale du cirque, au pied de l’escarpement. Là, d’une dépression peu profonde et peu étendue, toute cri- blée de fentes et de trous tapissés de cristaux de soufre d’un jaune nacré, s'é- chappe une grande quantité de vapeur d’eau qui exhale une odeur sulfureuse assez forte ; c’est ici que l’on aperçoit les débris du canal antique qui conduisait l'eau thermale au temple de Sérapis; de ce canal sort encore maintenant un fort courant d’eau bouillante qui s'échappe en détonant. Ceci me porte à croire que l'hydrogène sulfuré arrive très chaud au contact de l'air, et que la chaleur des bouches qui vomissent les fumarolles n’est pas uniquement due à sa décomposi- tion.

Sur le versant méridional de la montagne, à une petite distance du bord supé- rieur du cratère, le tuf n’est point altéré, non plus que les conglomérats trachy- tiques et le trachyte de la Punta-Negra. Ainsi l’action qui alimente les fuma- rolles et les dépôts de soufre est depuis longtemps concentrée dans un petit rayon d'activité autour de la Solfatare.

J'ai examiné avec soin l’intérieur de la Solfatare, et je n’y ai reconnu aucune roche analogue à celles que présente la masse du Vésuve, c’est-à-dire aucune roche scoriacée ou ayant évidemment coulé; d’un autre côté, la montagne est intimement liée avec celles d'Astroni et d'Agnano, en sorte que la cavité qu'elle

(Hp) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. 1189 présente n'est pas plus un cratère d’éruption que les autres cirques des Champs- Phlégréens.

Le cap Misène, qui fait suite aux Champs-Phlégréens, présente aussi plusieurs cavités cratériformes semblables aux précédentes, mais moins vastes et moins régulières. L’extrémité du cap elle-même offre un petit cratère ouvert dans le tuf ponceux ; on en voit un pareil dans l'ile de Nisita, située à l'extrémité de la pointe du Pausilippe.

Du cap Misène, on passe à l’île de Procida, dont le sol est formé par le même tuf que celui des Champs-Phlégréens ; les deux étages superposés se voient par- faitement dans les falaises formées par des escarpements à pic. Les contourne- ments des strates de l'étage supérieur et leur forte inclinaison prouvent qu'ils ont été dérangés depuis leur consolidation. A l'extrémité méridionale de l’île, il existe un cirque ouvert à l’est qui forme le port de Chiajolella ; immédiatement après , vient la petite île de Vivaro, dans les falaises de laquelle les couches des tufs sont encore fortement contournées.

Il y a près d’une lieue entre l’île de Procida et celle d’Ischia, beaucoup plus grande. Le sol de celle-ci est encore formé par les tufs ponceux, à travers les- quels se sont ouvert plusieurs bouches volcaniques. Les deux étages se distinguent parfaitement sur un grand nombre de points, et les strates du second sont sou- venL contournés et plus ou moins inclinés. Le mont Epomeo, dont le sommet s'élève à 870" au-dessus de la mer, qui en baigne le pied, est le point culminant de l’île ; c’est un centre auquel toutes les parties du relief viennent se rattacher plus moins directement. Les escarpements de cette belle montagne montrent les diverses assises des tufs ponceux fortement bouleversées et les strates du se- cond étage plongeant dans divers sens : c’est le point de maximum d’action , un centre de soulèvement analogue au Puy-de-Dôme. Les ouvertures en forme de cirque incomplet sont nombreuses autour de l'Epomeo, et particulièrement au N.-E., sont les cratères qui ont vomi des courants de laves depuis les temps historiques. Les deux bouches du nord sont placées dans un grand cirque échan- cré justement du côté elles se trouvent. Entre S. Angelo et la ville d’Ischia, on voit encore plusieurs dislocations en forme de cirque incomplet. Des tra- chytes en filons et en masses transversales ont percé les tufs d'Ischia : M. Dufré- noy en à vu au Monte-Vico et à la Punta-Cornachia; le château d'Ischia est bâti sur un dyke .trachytique qui sort de la mer à une petite distance de la côte. Le trachyte d'Ischia ressemble à celui des Champs-Phlégréens ; il contient aussi de nombreux cristaux de feldspath ; mais la pâte offre des variétés assez prononcées : tantôt elle est compacte à la manière de celle des porphyres, et tantôt vitreuse comme dans les obsidiennes.

Je n'ai pas visité l'île de Caprée ; mais, d'après les observations de M. Dufrénoy, il est certain que les tufs ponceux se trouvent dans cette île reposant sur le calcaire comme au cap de Sorrente. Ces tufs sont donc assez uniformément

140 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. (N:2, p. 90.) répandus dans toute la campagne et les îles de la baie de Naples, et leur compo- sition est à peu près la même partout. Si l’on ajoute à cela les marques positives de dislocations laissées dans toutes les montagnes, les falaises des îles et celles du continent, les violentes commotions qui ont bouleversé à différentes époques et qui agitent encore journellement le sol de la contrée, on aura quelque raison de croire qu’ils formaient primitivement une grande nappe, qui a été morcelée par l’action des agents intérieurs.

D’après tous les faits que nous venons de rapporter, il est évident que l'effet le plus habituel de cette action était des’fractures en forme de cirques, exactement comme nos cratères d'explosion de l'Auvergne, comme les socles de domite sur lesquels sont placés Les cônes de scories du Petit-Sarcoui, des Goutes, des Goules et des Gromonaux ($ IX). Le peu d’élévation des cratères des Champs-Phlégréens au-dessus de la base (200") et la petite inclinaison des couches dans la plupart d’entre eux, annoncent que l'effet s’est produit très près de la surface. C’est une grosse bulle de gaz qui, après avoir formé une ampoule dans les tufs, a fini par la crever en projetant au loin les débris de la croûte. Nous décrivons plus bas un phénomène de ce genre, celui de la formation du Monte-Nuovo, qui s’est produit il y a seulement trois siècles.

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Volcans modernes.

Groupe du Vésuve. Les nombreuses et puissantes déjections de ce magnifique et célèbre volcan ont recouvert d’une couche épaisse et très étendue tout le sol qui lui sert de base ; cependant les tufs ponceux, restés à découvert sur la pres- que totalité du pourtour de cette montagne, annoncent qu'ils existent comme ailleurs. Les lambeaux de cette roche, qui s'élèvent beaucoup au-dessus des pro- duits volcaniques vésuviens, aux Camaldoli della Torre, à l'ermitage de San-Sal- vatore et sur les pentes de la Somma, ainsi que la puissante couche de débris des mêmes tufs qui couvre l'antique Herculanum, prouvent que le terrain a été fra- cassé en cet endroit lors de la formation du volcan.

Le Vésuve, pris dans son ensemble , présente à l'œil une masse conique isolée , s'élevant au milieu d’une vaste plaine, à 1200" au-dessus du niveau de la mer, dont les flots viennent battre le pied. Cette masse se compose de trois parties que l’on distingue parfaitement des ports de Naples et de Castellamare, qui en sont à trois lieues de distance. Ce sont :

Un cône très obtus, dont la hauteur excède un peu la moitié de celle de la Punta-del-Palo, qui est le point culminant du Vésuve. La base supérieure de ce

.cône obtus porte le nom de Piano; la pente de ses flancs n’excède pas 10°.

2 Sur le Piano s’élève brusquement un second cône aigu, dont la génératrice fait un angle de 30 à 33° avec l'horizon. Celui-ci est irrégulièrement tronqué à sa partie supérieure, qui présente, du côté nord, une pointe, le Palo, culminant

(NS P90) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. 141 de 80" au-dessus de la troncature (fig. 4). Le diamètre de la base du second

cône, assez exactement circulaire, est de 2000”, et celui de la troncature, de 740".

Du côté septentrional, on voit se détacher du premier cône, absolument comme une écaille, une masse escarpée, la Somma, dont la crête s'élève à 542" au-dessus du Piano , presque autant que la pointe del Palo, laissant entre elle et le second cône un espace vide demi-circulaire de 500" de large, connu sous le nom de #osso-Grande.

À la simple vue, la Somma paraît séparée du Vésuve, et l'étude de cette masse prouve qu'il en est effectivement ainsi : sur tout le périmètre du pied, et jus- qu'à plus de la moitié des pentes, on rencontre le second étage des tufs ponceux, dont l’inclinaison des couches, d’abord très faible, augmente à mesure que l’on s'élève, jusqu’au-delà de 15°; ici le tuf renferme en plus ou moins grande quan- tité des fragments de lave de la Somma, des débris calcaires et d’autres de roches analogues à certaines que rejette encore actuellement le Vésuve : « La » réunion de ces débris, dit M. Dufrénoy, page 373, donne au tuf de la Somma » une certaine apparence d’alluvion, et on pourrait le croire remanié à une » époque très moderne.» De dessous le tuf, sortent des couches assez régulières d'une lave granitoïde, dont l'épaisseur est de 0",5 à 2", mais dont quelques unes atteignent cependant une épaisseur de 10". Ces couches, qui se prolongent jusque dans l’escarpement du Fosso-Grande, sont séparées les unes des autres par des assises de scories rougeâtres, auxquelles elles sont ordinairement soudées. Les deux surfaces de chaque couche sont notablement scoriacées , et présentent beaucoup de petites irrégularités qui annoncent un mouvement lent de la ma- tière liquide ; mais l'intérieur est complétement cristallin : « La lave de la Somma, » dit M. Dufrénoy, page 378, a l'aspect général d’un porphyre composé d'une » pâte d’un gris clair et de cristaux de pyroxène et d’amphigène. Ces derniers, » de beaucoup les plus abondants, ont fréquemment plusieurs lignes de diamètre. » On y distingue en outre quelques lamelles brillantes qui paraissent appar- » tenir à du ryacolite, et des parties vitreuses d’un jaune très clair analogues au » péridot.» La pâte, qu'il regarde comme formée presque entièrement d’amphi- gène, est caverneuse et peu homogène ; examinée à la loupe, elle présente beau- coup de cristaux d’amphigène parfaitement déterminés, qui contribuent à donner à cette pâte la couleur grisâtre qui lui est propre.

149 . MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. (N.2, p. 92.)

Les pentes de la Somma sont découpées par des vallées peu profondes, en éventail , c’est-à-dire dont la plus grande largeur se trouve à l'origine dans le voisinage de la crête (fig. 5). De chaque côté de ces vallées, on voit profiler les couches de scories et de lave granitoïide généralement beaucoup plus inclinées que celles des tufs ponceux ; car l'angle sous lequel elles plongent varie entre 10 et 30°. La couche de lave supérieure va rarement jusqu'à la crête : elle est ordinairement brisée et remplacée par une autre, qui ne monte non plus que jusqu’à une certaine hauteur, et la même chose se reproduit plusieurs fois, en sorte que les couches sont imbriquées , en descendant, les unes sur les autres. La surface extéricure du cône de la Somma est presque entièrement couverte de cendres et de lapilli identiques avec ceux des flancs du Vésuve et du Fosso- Grande. On rencontre aussi çà et des blocs calcaires plus ou moins cristallins, et d’autres d'une roche grise pyroxénique, que le Vésuve rejette en grande quantité au commencement des éruptions ; quelques blocs caleaires se trouvent empâtés dans les couches de lave et dans les scories qui les séparent. Vers la partie culminante de la crête, j'ai trouvé, au-dessous des cendres et lapilli, une couche de fragments ponceux semblable à celle qui recouvre Pompéi, et dont nous parlerons plus loin. Cette même couche se montre aussi sur le tuf ponceux près l’ermitage de San-Salvatore.

L’escarpement qui vient au-dessous de la crête de la Somma offre tant de cas- sures, de plis et de ravins profonds, qu'après lavoir examiné avec attention, on ne peut se refuser à l’idée d'admettre qu'il est le résultat d’une catastrophe vio- lente. Bien qu'une grande quantité de cendres et de lapilli soit tombée et tombe encore sur cet escarpement à chaque éruption, sa structure reste à jour pres- que partout. Dans un grand nombre de profils, on voit parfaitement les cou- ches de lave granitoïde, séparées par des scories, se recouvrir assez réguliè- rement les unes les autres. Descendu dans le Fosso-Grande, on aperçoit tout l'escarpement coupé d'une infinité de filons qui montent plus ou moins verti- calement en coupant les couches; plusieurs sont brisés, et souvent les par- ties du même ne se cor- respondent plus (fig. 6).

ment : ils s'arrêtent pres- que tous à des hauteurs variables. « Ce qui fait pré- » sumer, dit M. Dufrénoy (page 381), que ce sont les fentes par lesquelles se » sont élevées les matières liquides qui ont formé par leur cristallisation les » différentes nappes de la Somma.» Je suis entièrement de cette opinion, et la présence de ces filons dans l'escarpement de la Somma est un fait de la plus haute importance pour la théorie de sa formation et la question du soulèvement

(N:2, p.95.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. 143 du sol vésuvien. La matière des filons est absolument la même que celle des couches de lave, si ce n’est qu’elle se trouve généralement un peu plus compacte. M. Dufrénoy a reconnu que la roche était d'autant plus compacte que le filon est plus étroit. La cristallisation n’est pas la même dans toutes les parties d’un même filon : les faces sont, en général, à plus petits cristaux que l'intérieur : « Beaucoup de filons se ramifient entre eux et viennent converger en un point » commun; un grand nombre d'autres se coupent et se rejettent, comme cela a » lieu pour les filons métalliques. Les filons croiseurs ont fourni la matière des » nappes les plus modernes, et doivent par conséquent s'élever plus haut dans » l’escarpement. » (Dufrénoy, page 382.)

Le fond du Fosso-Grande, qui se rattache à la base supérieure du premier cône vésuvien, est couvert d’une épaisse couche de cendres et de lapilli, de la- quelle on voit sortir çà et des pointes de lave moderne scoriacées et bizarre- ment contournées ; des blocs de calcaire saccharoïde plus ou moins gros et d'autres d'une roche pyroxénique compacte, dont quelques uns vont jusqu’à 2" cubes, gisent sur le sol, un peu enfoncés dans les cendres.

La partie septentrionale des deux cônes vésuviens est revêtue d’une croûte de lave ; le reste de leur surface présente d’étroits courants en partie enfouis dans les cendres et lapilli qui la recouvrent, et sur lesquels on rencontre encore beaucoup de blocs calcaires et de la roche pyroxénique, dont nous venons de parler. Tous les matériaux sortis des diverses bouches ignivomes, les uns projetés dans ies airs, les autres en coulant très irrégulièrement sur les pentes de la mon- tagne, couvrent un espace circulaire dont le diamètre est de 15"; mais l'é- paisseur de Ia couche de cendres et de lapilli, ainsi que les blocs erratiques, va en diminuant d’une manière très notable en s’éloignant du grand cône d’é- ruption.

Quand on monte au Vésuve par le chemin de Résina, on quitte les chevaux sur une petite plate-forme qui fait partie du Piano. Si à cette hauteur on fait le tour du second cône, en mesurant l’inclinaison des pentes au-dessus et au- dessous , on reconnaîtra parfaitement que l’on est à la séparation des deux : car d’un côté on aura de 30 à 33° pour l’inclinaison de la génératrice , et de l'autre, 10° seulement. C'est un fait de la plus haute importance, et sur lequel j'appelle particulièrement l'attention du lecteur.

À cet endroit même on laisse les chevaux, se trouve la bouche de 1822, presque entièrement recouverte par la coulée de 1839. Du côté oriental, à la même hauteur et presque diamétralement opposés, se voient les trois petits cra- tères de 1834, d’où est sortie une coulée qui a 7000" de longueur. Sur le flanc méridional, et vers le milieu de la hauteur du premier cône, les cinq bouches de 1760 sont alignées dans une direction N.-S. passant par le sommet du grand cône ; celles de 1794 sont placées sur le versant occidental , près de la sépara- tion des deux pentes. « Ces bouches, au nombre de cinq, dit M. Dufrénoy,

144 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. CN.2, p. 94.) » page 397, suivent une ligne dont la direction, E. 38° N. à O. 38°S., passe un » peu au nord de l’arête circulaire du cratère. Ces cinq bouches comprennent » une longueur de plus d'un mille ; les deux plus élevées sont couvertes par des » coulées modernes: la troisième, très allongée dans la direction particulière à » cette éruption , est une véritable fente le long de laquelle s’est élevé un bour- » relet très épais.»

Toutes ces bouches sont entourées d’un cône plus ou moins élevé formé de couches discontinues et fort irrégulières de laves scoriacées, souvent très contour- nées, et de cendres disposées sans aucun ordre. Chaque cône qui a fourni une coulée présente une profonde échancrure par elle est sortie; jamais je n’ai re- connu que la lave füt passée par-dessus les bords, si ce n’est dans le grand cratère (fig. 7). Le cône qui contient celui-ci est à peu près formé de la même manière que les précédents ; mais il présente cependant une différence assez notable, qui provient de ce qu'il a fourni plusieurs éruptions, tandis que chacun des autres n’en a fourni qu'une seule; il se trouve placé exactement sur Le som- met du cône obtus, en sorte que Von peut assurer que celui-ci sert de base à toutes les bouches d’éruption : c'est le couvercle de la grande chaudière dans la- quelle s’élaborent les matières volcaniques. Toutes ces bouches, quelles que soient leurs dimensions, ne sont donc autre chose que les cheminées du volcan, formées de matériaux rejetés dans les éruptions et soulevés quelquefois par la pression intérieure.

En gravissant le deuxième cône par le chemin ordinaire, c’est-à-dire à la jonc- tion de la croûte de laves avec le talus de cendres, je suis arrivé sur un petit plateau fort irrégulier tout couvert de blocs de lave compacte rejetés au com- mencement de l'éruption qui avait alors lieu, de fragments de scories et de cen- dres. Ce plateau, qui s’étendait alors jusqu’au bord du cratère, occupait presque toute la partie N.-0. du sommet; des autres côtés, il n’existait qu'une bande étroite entre le cratère et Les talus, sur laquelle on voyait à peine quelques blocs. Au-dessus des bords du cratère, s'élevait de 80", au N.-0., la pointe du Palo, reste de la partie supérieure d’un cône plus élevé que le cône actuel , détruite par les éruptions depuis 1822 (g. 4). Au premier coup d'œil, on pourrait croire que cette pointe a une grande analogie avec la Somma; mais en l'étudiant, on reconnaît qu'il n'en est pas ainsi : elle n’est composée que de scories, de cendres et de lapilli mélangés irrégulièrement et entassés les uns sur les autres ; sur aucun point, on ne voit de couches de lave semblables à celle de la Somma. Au mois de septembre 1843, l'ouverture du cratère présentait l'intersection de deux cercles de rayons différents dont la ligne de jonction des centres était diri- gée du S.-E au N.-0.; dans ce sens, l'ouverture avait près de 750", et 700" dans le sens perpendiculaire. Cette forme était le résultat de deux cratères accolés l'un à l’autre dont le mur de séparation avait été renversé ; alors la profondeur du grand cratere approchait de 180"; le fond brisé de celui de 1839 pouvait être

(N:2, p. 95.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. 145 de 25" plus élevé que l’autre (/£g. 8). En examinant les parois des deux cratères

8 dans le petit nombre de points il elles n'étaient pas couvertes de cen-

(XL / .) + À QI au 1 dres, j'ai reconnu la même com- QU NZ position que dans la pointe du

Palo; mais dans le fond brisé du cratère de 1839, et notablement en saillie sur les cendres, existent deux couches de lave pyroxénique com- pacte de même nature que les frag- ments rejetés qui couvraient le pla- teau supérieur, séparées l’une de l’autre par une couche de scories rouges inclinées comme elles de 7 à 8°. Au- dessous de la seconde, venait un talus de cendres qui descendait jusqu’au fond du grand cratère. L’escarpement vu en face montrait ses deux couches notablement arquées (fig. 9). J'ai examiné avec soin tout l'intérieur du grand cratère, et nulle part ailleurs je n’ai reconnu de couches semblables aux deux précédentes; mais M. Dufrénoy en a trouvé une à une bien plus grande élévation : « Sur les bords du » Palo, dit-il, page 59%, il existe une assise de roche compacte d’environ 2" d’é- » paisseur, visible dans l’escarpement intérieur, entièrement analogue à celle des » blocs rejetés. La texture lithoïde de cette assise, qui ne se produit que dans les » laves qui, par leur épaisseur, ont se refroidir lentement, me fait présumer » que ces roches cristallines ont éprouvé un refroidissement lent et gradué. Peut- » être l’assise du Palo est-elle seulement l’opercule du cratère portée à la place » actuelle par un flot de lave qui l'aurait soulevée à l’état solide; il se pourrait » également que les blocs rejetés fussent des fragments de ce même opercule. » À la fin de septembre 1843, les bords supérieurs du grand cratère, abstraction faite de la pointe du Palo, étaient sensiblement à la même hauteur que la crête de la Somma, dont le point culminant atteint 1177" au-dessus de la mer. Sur le relief fait par M. Dufrénoy, le sol du Piano est coté 636", ce qui donne 541" pour la hauteur totale du cône aigu. À la même époque, la profondeur du cratère était certainement inférieure à 200" ; il en résulte donc que les deux couches compactes du fond étaient à plus de 340" au-dessus de la base du cône dans lequel il se trouve creusé, et à 200" au-dessous de la couche analogue vue par M. Dufrénoy à la base du Palo. Ce fait remarquable me porte à dire que la masse entière du grand cône d’éruption n’est pas seulement le résultat de l'accumulation des ma- tières rejetées dans les éruptions, mais qu’elle doit être aussi en partie produite par le soulèvement de ces mêmes matières accumulées dans les cavités inférieures. Un autre fait à l'appui de cette opinion, c’est que la plupart des éruptions n'ont pas lieu par le grand cratère, mais bien par de petites bouches ouvertes sur le

Piano et sur les flancs du cône obtus, qui ont élevé autour d’elles de petits cônes Soc. GÉOI. SÉRIE.- T. I. Mém. n. 2. 19

2

146 MEMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. (N-2, p. 96.) de scories , de cendres, etc., dont toutes les masses réunies ne formeraient pas le dixième de celle du grand.

Il est inutile de répéter ici tout ce qu'a dit M. Dufrénoy sur la part que l’on peut attribuer aux soulèvements dans la formation du cône du Vésuve , et pour cela j'engage le lecteur à recourir à son Mémoire (page 398 ).

Le fait du temple de Jupiter Sérapis, à Pouzzol, abaissé subitement dans la mer, et relevé ensuite de la même manière de plus de 4”, prouve que des soulè- vements notables ont eu lieu dans la contrée depuis les temps historiques, et tout porte à croire que les effets des forces intérieures doivent être plus considérables au Vésuve qu'ailleurs.

Une immense quantité de débris ponceux a été lancée par l’éruption de 79, puisque c’est sous ces débris qu'ont été enfouies les villes d'Herculanum et de Pompéi ; maintenant encore, chaque éruption projette dans les airs des fragments ponceux et trachytiques, des blocs calcaires, ordinairement saccharoïdes, mais compactes aussi quelquefois, et très analogues à la roche de Sorrente. Il est donc probable qu’à la base du Vésuve, au-dessous des tufs ponceux, se trouve le terrain crélacé. notablement altéré par les agents volcaniques, et qu'ici la succession des groupes géognostiques est la même que sur les autres points de la campagne de Naples.

Les blocs de toute espèce rejetés dans les éruptions sont nommés bombes vol- caniques par plusieurs géologues; mais je n’ai pas vu dans tout le massif du Vé- suve une seule bombe volcanique comme celles qui se trouvent en si grande quan- tité autour des cratères de l'Auvergne. La matière même des laves , en sphéroïdes plus ou moins gros et souvent même assez compactes, lancés dans Pair , la ma- tière que j'ai vu lancer par les bouches de 1843 était entièrement scoriacée, et présentait les formes les plus irrégulières.

Phénomènes actuets. Y\ m'a été dit que vers le milieu de juillet 1843 les trous du cratère vésuvien étaient tous bouchés, que des fumarolles sortaient çà et par de petites fentes, et qu'il existait près du bord septentrional du fond une grosse bosse sur laquelle on passait facilement, quoiqu'il en sortit de la fumée par plusieurs crevasses.

Le 30 septembre, sur un ciel pur doré par les premiers rayons de l'aurore, du port de Naples, on voyait se détacher majestueusement le cône vésuvien, couronné par une superbe colonne de fumée qui s'élevait en tourbillonnant. Alors j'avais gravi la pente escarpée de ce cône, et je cheminais difficilement sur cette plaine irrégulière, couverte de blocs anguleux qui paraissaient avoir été tout récemment rejetés par la bouche volcanique ; bientôt le cratère tonnant,

rempli de feu et de fumée, s'offrit à ma vue ; il s'en exbalait une forte odeur mu- riatique, qui me força à gagner la base du Palo pour me mettre au-dessus du vent. Sur tous les bords de la coupole, les parois intérieures du cratère, et jus- qu'au sommet du Palo, s’élevaient de nombreuses fumarolles, beaucoup plus con-

CN-2, p.97.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. 147 sidérables que celles de la Solfatare. Ces fumarolles sortaient par des fentes étroites et des trous, dont quelques uns étaient enduits d’une croûte jaune-pâle due à un dépôt de muriate de fer, et d’autres environnés d’une efflorescence blanche qui était du sel marin presque pur. La fumée était composée de vapeur d’eau, avec une petite quantité d'acide hydrochlorique, très reconnaissable à son odeur piquante, et assez peu abondant pour que j'aie pu demeurer pendant plus de cinq minutes au milieu de cette fumée sans être trop incommodé. Mais étant resté assez longtemps sur une grande fente tapissée d’une épaisse croûte jaune, dans laquelle je pensais qu'il pouvait y avoir un dépôt de soufre, j'eus les jambes et mes habits teints en jaune. Quant au soufre, je n’en découvris aucune trace, pas plus que d’odeur d'acide sulfureux, après avoir examiné attentivement plu- sieurs fentes recouvertes de la croûte jaune. Ce fait négatif établissait une diffé- rence tranchée entre les fumarolles du Vésuve et celles de la Solfatare. Ces fu- marolles descendaient jusqu’à la partie inférieure du cratère formée par un talus de cendres. Le fond de ce vaste entonnoir était couvert d’un bain de lave, dont la surface, noire, extrêmement irrégulière et toute scoriacée , présentait des fentes de 0",5 de large dans lesquelles on apercevait la matière rouge en fusion. Cette surface fumait , et principalement les fentes. La fumée , beaucoup moins épaisse que celle des parois du cratère, me parut être composée de vapeur d'eau presque pure. ,

Vers le bord septentrional du fond, s'élevait, de 25 à 30" au-dessus du bain de lave, un cône noir, percé de deux bouches situées à 8 ou 10 au-dessous du som- mel , et presque diamètralement opposées (fig. 9). De chacune de ces bouches sor-

taient continuellement une forte colonne de fumée et des jets de matière fondue : elles étaient circulaires, sans cratère autour, pouvaient avoir 4" de diamètre, et

148 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. CN: 2, p. 98.) leurs bords opposés étaient éloignés de 5 à 6". La partie supérieure du cône qui les séparait était assez aiguë. La matière en fusion ne débordait pas de ces bou- ches pour couler sur les flancs du cône ; la colonne de fumée, grise, transparente, qui s'élevait en tourbillonnant, poussée par un vent du sud contre les parois du cratère, était traversée par une masse incandescente lancée dans l'air, qui re- tombait aussitôt en pluie de feu. Par intervalle de trente secondes, un bruit sourd se faisait entendre dans l’intérieur du cône, et aussitôt, avec une forte déto- nation , s'élevait à 2" au-dessus de l’une ou de l’autre bouche, et alternativement, une nappe de matière fondue, qui retombaiten se plaquant autour de l'ouverture ; au même instant, un jet de fragments de diverses grosseurs , projeté en l'air comme une gerbe d'artifice, s'élevait à 30 ou 40"; puis les fragments retombaient subitement et roulaient presque tous sur les flancs du cône, dont les plus gros seulement atteignaient la base ; ceux-ci restaient rouges pendant une à deux mi- nutes; mais les autres noircissaient presque aussitôt qu'ils étaient tombés. Ces fragments étaient des scories de forme très irrégulière ; ils n’affectaient jamais celle de sphéroïdes, comme les bombes volcaniques de l'Auvergne. La pluie de feu tombait presque entièrement dans la circonférence de la base du cône. Quelques fragments , gros comme le poing, étaient cependant lancés jusque sur les parois du grand cratère, à une distance de 60° du pied du cône en éruption. J'ai pris dans la main un de ceux-ci qui venait de tomber à côté de moi; ayant été forcé de le lâcher, je le repris deux minutes après, et le mis dans mon sac de peau, qu'il ne brüla pas le moins du monde; c'était une scorie noire et spon- gieuse : la matière en fusion lancée dans les airs se refroidit donc très vite. Au milieu de la pluie de fragments scoriacés , on apercevait de temps en temps une certaine quantité de cendres et de lapilli, qui couvrait toute la surface du cône opposée à la direction de la colonne de fumée.

Descendu dans le fond du cratère, je suis resté pendant deux heures assis sur un bloc de scories, en face, à la hauteur et à 30" de distance de la bouche méri- dionale, qui était la plus considérable, et là, je voyais assez bien ce qui se passait dans son intérieur jusqu'à deux mètres de profondeur. Les détonations qui succédaient au bruit sourd intérieur étaient étouffées, et de la force de celle d’une pièce de douze au plus. Quand elles avaient lieu, je n’éprouvais pas la moindre secousse sur mon bloc de scories, et pendant tout le temps que j'y suis resté je n'ai pas ressenti la moindre commotion. Au moment des détonations, l'ouverture de la bouche était très rouge ; mais ellenoircissait aussitôt après , rou- gissait à une nouvelle, et ainsi de suite; la matière lancée accompagnait la déto- nation. La famée qui sortait de chaque bouche était rouge jusqu à 3 ou 4* au- dessus de l'ouverture; ensuite elle devenait grise. Je n'ai jamais remarqué le moindre indice de flammes, la moindre apparence qui annonçât la combustion d'un gaz. Il m'a été impossible de voir ce qui se passait dans le fond des bouches, dans l’intérieur du cône en éruption; mais je suis bien persuadé que la matière

(N.2, p. 90.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. 149 en fusion s'élevait jusqu'à une certaine hauteur dans les canaux traversant le cône, dont les bouches d’éruption n'étaient que la partie supérieure; que les bruits sourds intérieurs correspondaient à la formation d'une ampoule à la sur- face du bain, produite par un dégagement de vapeur ; les détonations, au crève- ments de cetteampoule; les fragments lancés, provenaient de la croûte brisée, et la nappe qui retombait autour de la bouche, d'une portion de la matière en fu- sion emportée par le courant de vapeurs qui la traversait.

Nous avons déjà dit que la matière en fusion ne débordait pas par dessus les bouches : au pied sud-ouest du cône, s’élevant à au-dessus de la croûte de lave qui couvrait tout le fond du cratère (8 9 «), on remarquait une tumeur qui pouvait avoir 10" de diamètre, couverte d'une croûte brune fendillée, sous laquelle paraissait la lave incandescente , et d’où partaïent deux courants de matière fondue marchant vers l’ouest, mais si doucement , qu'il était impossible de s’apercevoir du mouvement avec les yeux. Ces courants disparaissaient sous la croûte noire, dont les nombreuses fentes laissaient voir au-dessous la matière incandescente.

J'avais parcouru la plus grande partie du contour extérieur du bain de lave formé par un escarpement de { à 2" d’une matière noire scoriacée très contour- née, qui avait repoussé les cendres et lapilli des parois du cratère comme un glacier repousse sa moraine le long des flancs d’une vallée. Cet escarpement fu- mait, mais beaucoup moins que l'intérieur du bain ; à travers les fentes, on voyait çà et la matière incandescente, mais solide.

Monté sur la croûte de lave, j'ai pu m'avancer très près du pied du cône d'’é- ruption, en passant par dessus de nombreuses crevasses, dans lesquelles la lave rouge était pâteuse; mais alors j'éprouvais une st forte chaleur, la sueur coulait tellement de toutes les parties de mon corps, que j'ai été obligé de retourner m’asseoir sur mon bloc de scorie. Dans cette excursion, j'ai tiré d'une fente, avec la pointe du marteau, un fragment de lave rouge pâteuse, sur lequel je frappais absolument comme sur un fer rouge ; ayant essayé d'y imprimer une pièce de monnaie, je ne pus jamais en venir à bout. L’odeur de la fumée du bain de lave m'a si peu incommodé, quoique je fusse resté plusieurs minutes dans des fuma- rolles assez fortes, que je la regarde comme presque entièrement formée de va- peur d’eau. Pendant que j'étais à me remettre de l'émotion que je venais d’éprou- ver, un coup de vent rabattit la colonne de fumée du cône dans le fond du cratère, et je m'y trouvai plongé pendant deux à trois minutes; l'odeur muriatique de cette fumée était tellement forte, que je fus obligé de m'envelopper la figure dans mon mouchoir. J'en sortis avec les yeux larmoyants et une toux suivie d’un mal de gorge qui dura plusieurs jours. Voilà ce que j'ai vu et ce qui m'est arrivé dans ma première descente au fond du cratère vésuvien.

Du 30 septembre au 4 octobre, la colonne de fumée que lançait le Vésuve augmenta notablement; les lueurs que l’on apercevait le soir au-dessus du cra- ière étaient devenues plus fréquentes et plus considérables ; tout semblait annon-

150 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. (N.2, p. 100) cer une recrudescence dans l’éruption. Je pensais d’après cela que le petit cône pouvait bien avoir éclaté, et qu'il s'était ouvert une grande bouche à la place. À la pointe du jour, étant parti de Résina, je montai au Vésuve par le prolonge- ment du Fosso-Grande, en suivant la coulée de 1839, qui occupe le fond. Arrivé à San-Salvatore, l'ermite me dit: Il doit y avoir du nouveau au Vésuve, car il a fait beaucoup de bruit cette nuit. Le sommet du cratère était alors couvert d’un léger brouillard en partie à l'augmentation de la fumée. Arrivé sur le bord ducratère, je reconnus quele nombre et la force des fumarolles étaient beaucoup augmentés ; il y avait une si grande quantité de fumée, qui sortait par une infinité de fentes et de trous, tant sur les bords du cratère que dans son intérieur, que l’on n’aperce- vait le cône d'éruption qu'à la faveur de la lumière qui sortait de ses bou- ches. Des deux qui existaient le 30 septembre, celle du nord était fermée ; mais il s’en était ouvert une autre à l’est, beaucoup plus grande, de 8" de diamètre, autour de laquelle on remarquait un petit cratère. La force des détonations de cette bouche était double de celle de l'autre; le jet de débris qui en sortait était lancé jusqu'au-dessus des bords du grand cratère ; mais ils retombaient encore presque verticalement, et entièrement dans la circonférence de la base du cône; la nappe liquide qui venait toujours se plaquer autour de la bouche d’éruption ne s'élevait guère plus haut que les jours précédents. La lave ne débordait pas, et elle n’avait pas débordé par cette bouche. Les détonations et les déjections de la bouche restée du 30 septembre paraissaient avoir sensiblement diminué. La tumeur, le point de sortie de la lave rouge, n'avait point changé de place, mais elle était plus étendue et plus élevée ; il en sortait alors quatre petits ruis- seaux, séparés les uns des autres par des scories noires, qui coulaient très lente- ment vers l'est, dans une direction diamétralement opposée à celle du 30 sep- tembre. Au milieu de leur course, ces quatre ruisseaux se réunissaient en un seul, à surface incandescente, de 2 à 3" de large, qui coulait à peine en ondu- lant le long de la base du cône. Celui-ci était terminé par un épanouissement de fragments de scories noires portés sur la matière rouge que l'on apercevait en- tre eux, qui s’avançait lentement en encroûtant la base du cône. L’épanouisse- ment élait terminé par une surface courbe formant un bourrelet fort irrégulier, qui marchait si lentement que dans un quart d'heure il n'avait avancé que de 0",2; malgré cette petite vitesse, la surface , que je voyais se refroidir, était toute hérissée de scories, et présentait les contournements les plus bizarres. Alors la lave s'élevait le long des flancs du cône en le contournant, et si le même effet a continué, aujourd'hui 25 décembre, il doit être entièrement enfoncé dans le bain de lave.

Les détonations et les bruits souterrains, quoique notablement plus forts que ceux du 30 septembre, étaient absolument les mêmes. Assis encore dans l'inté- rieur du cratère, à une petite distance du cône d’éruption, je ne sentais pas le moindre mouvement dans le sol. Plusieurs personnes qui sont descendues dans le

(N°2. p. 101.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. RE cratère entre mes deux visites, M. Solomiac, directeur du collége cantonnal de Lauzanne, M. Despretz, célèbre avocat de Lyon, et leurs dames, n'avaient pas éprouvé non plus la moindre commotion. Cependant, le 4 octobre, le chemin par lequel j'étais descendu le 30 septembre était éboulé, en sorte qu'il me fallut faire un grand détour pour arriver au fond du cratère : un mouvement du sol avait probablement accompagné l'ouverture de la grande bouche.

Depuis mon arrivée à Naples, le Vésuve était visité chaque jour par un grand nombre d'amateurs, et surtout par des dames, qui, partant de nuit, descendaient dans le cratère à la lueur des torches, et remontaient à la pointe du jour pour jouir du beau spectacle du soleil levant. Le 4 octobre, je m'y trouvai seul , et j'y restai seul avec mon guide la moitié de la journée ; comme je l'ai déjà dit, les fu- marolles avaient considérablement augmenté ; toute la pointe du Palo, les bords du cratère et le sommet des flancs du grand cône en étaient garnis. Dans la fu- mée, je ne reconnus encore que de la vapeur d’eau et une certaine quantité d’a- cide hydrochlorique, toujours beaucoup plus considérable dans celle qui sortait du cône en éruption que dans celle des fumarolles. Les diverses analyses faites de la fumée du Vésuve ont démontré qu'elle est composée de vapeur d’eau, d'acide carbonique, d'acide murialique et d'un peu de sel marin. La quantité qui sortait, tant des bouches d’éruption que des diverses fentes dont l'intérieur et l'extérieur

du cône sont criblés, m'a convaincu que l’eau de la mer doit pénétrer dans le

foyer volcanique : car si la fumée provenait uniquement de l'humidité du sol in- férieur , même des réservoirs souterrains que l'on pourrait supposer exister au- dessous du Vésuve, une action continuée pendant deux mois, comme celle dont j'ai été témoin, aurait certainement tout desséché; de plus, la composition de cette fumée est une preuve presque certaine qu’elle vient de la vaporisation de l’eau de la mer. En disant que l’eau de la mer doit pénétrer dans le foyer volca- nique, je ne veux pas dire que cette pénétration soit la cause principale des éruptions : cette cause a son siége dans les profondeurs du globe ; mais le dégage- ment de la vapeur d’eau à travers la matière en fusion peut contribuer puis- samment à son ascension dans les conduits qui mettent la masse fluide inté- rieure en communication avec l'atmosphère. À la fin de septembre 1843, la Solfatare fumait fortement , le Vésuve était en éruption; de violents tremble- ments de terre cffrayaient le midi de l'Italie ; l'Etna était en travail, et trois mois après il vomissait un immense courant de lave rendu à jamais célèbre par les désastres qu'il a causés. La force qui produisait l’éruption du Vésuve dont j'ai eu le bonheur d'être témoin exerçait donc son action sur une grande étendue.

Sorti du cratère, à l’extrémité de la plaine irrégulière couverte de fragments rejetés, je n’entendais plus que faiblement les détonations , et à peine avais-je commencé à descendre sur le flanc nord du cône, que je ne les entendais plus du tout. Ce phénomène devait certainement tenir à ce que le bruit qui se produisait

152 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. CN. 2, p. 162.)

dans le fond du cratère se propageait dans la direction des génératrices du cône creux jusqu'à une certaine hauteur dans l'atmosphère.

M. Dufrénoy a si bien décrit (page 392 et suivantes) la manière d’être des di- verses coulées du Vésuve sur les flancs du cône et dans la plaine, elles se prolongent souvent à une grande distance, ainsi que les divers phénomènes que présente leur intérieur, que je renvoie le lecteur à son Mémoire. Il a aussi fait exécuter un petit relief en plâtre du groupe du Vésuve, très exact, sont marqués les courants de lave des diverses époques jusqu'en 1834 et les bouches d’où ils sont sortis. On peut voir ce relief dans la salle de la Société géologique.

Il est à remarquer que c’est seulement du côté du nord que la lave a débordé par dessus la bouche du grand cratère; à, elle forme une mince croûte toute composée de fragments irréguliers, offrant les tiraillements et les contournements les plus bizarres. Ces fragments ne sont généralement pas soudés les uns aux autres ; on les fait souvent rouler avec les bras, et cela jusqu'à une grande dis- tance sur les flancs du cône inférieur, dans des endroits l'inclinaison de la coulée n’est plus que de 3 à 4°. On peut souvent voir que jusqu'à une profondeur de 2" et même de 3", la masse de la coulée est ainsi formée de fragments inco- hérents. Ce n’est que dans les cavités, que sur les plans horizontaux , que la lave est compacte; encore sa surface est-elle scoriacée et contournée dans une certaine épaisseur.

On vient d'exécuter un chemin de fer qui, suivant le bord de la mer, va de Naples à Castellamare, et coupe l'extrémité de toutes les coulées du Vésuve qui sont arrivées à la mer entre Portici et Torre-dell-Annunziata ; là, on voit parfai- tement la manière dont les coulées ont labouré le sol inférieur, en coulant au ri- lieu des cendres et des scories dont il était couvert. Sur le bord de la mer, lin- clinaison était nulle; souvent même la lave est tombée dans des trous : alors la masse est compacte, el prend quelquefois une structure prismatique irrégulière ; mais la partie supérieure est toujours scoriacée, et présente des contournements qui annoncent encore un mouvement sensible , résultant de la vitesse acquise et de la poussée des matières qui descendaient sur les flancs du cône.

La coulée de 1839, qui s’est arrêtée dans le prolongement septentrional du Fosso-Grande, sous une inclinaison de 3 à 4°, paraît entièrement composée de fragments incohérents, sous lesquels la matière compacte doit être cachée. L’es- carpement de tuf ponceux au pied duquel gît cette coulée est couronné par la lave de 79. se trouve une cavité dans le tuf, dans laquelle cette lave s'étant accumulée offre une compacité basaltique. Au-dessus de cette cavité, se voient un lit de scories et trois assises de lave presque compacte sensiblement horizon- tales. La coulée de 1834, qui s'est étendue sur une longueur de 7000", jusqu'au- delà de la villa du prince d'Ottajano, son inclinaison se trouve réduite à 2°, est aussi toute composée de scories et de fragments incohérents.

Ainsi donc, les coulées de lave sorties des différentes bouches du Vésuve sont

(N. 2, p. 105.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS DITALIE. 153 ordinairement composées, jusqu’à une certaine profondeur, de fragments scoriacés très contournés, très irréguliers, et ne se trouvent compactes dans la partie infé- rieure que lorsque la matière fondue s’est accumulée dans des cavités ou qu'elle s'est arrêtée sur des plans sensiblement horizontaux. Ces coulées diffèrent donc complétement par, leur structure des nappes de la Somma qui, granitoïdes et à pâte compacte, n’ont pu être formées sous l’inclinaison qu'elles présentent au- jourd'hui.

J'ai déjà dit que les matières rejetées par les bouches du Vésuve se refroidis- sent très vite. Les coulées elles-mêmes ne portent pas une grande chaleur avec elles : elles enfouissent et brülent la végétation sur laquelle elles passent; mais il existe sur les flancs du Vésuve, et à une assez grande distance dans l’intérieur des courants de lave, des vides de 15 à 20" de large seulement, dans lesquels les vignes et les arbres ont continué à croître bien qu'ils aient été environnés par la matière en fusion. La coulée de 1834 offre un exemple très remarquable de ce fait.

Comme on sait, le Vésuve n’est pas le seul point des environs de Naples qui ait fourni des éruptions volcaniques depuis les temps historiques, et même depuis une époque récente : en 1538, dans les Champs-Phlégréens, le Monte- Nuovo fit éruption et combla en partie les lacs Lucrin et d’Averne. Les historiens de l'antiquité ont souvent fait mention des feux souterrains qui ravageaient l’île d'Ischia. En 1301, une bouche volcanique s’ouvrit au milieu de cetteîle, et vomit une coulée de lave qui s’étendit jusqu'à la mer. Nous avons aussi étudié ces deux points intéressants pour l'histoire des phénomènes volcaniques, et voici ce que nous avons observé de plus remarquable.

Le Monte-Nuovo , silué sur le bord de la mer, à 2 milles au N.-0. de Pouzzol , est une ouverture cratériforme qui, au milieu du tuf ponceux, comme toutes celles des Champs-Phlégréens, ne présente point d’échancrure. L'intérieur du cratère, dont la profondeur est de 128* , n'offre aucune trace de lave, de scories ou de cendres, qui puisse faire supposer qu'une matière en fusion l'ait jamais rempli. On n’y voit que le tuf ponceux raviné par les eaux, dans lequel je n'ai reconnu aucun indice de stratification. Sur les portions du bord supérieur qui regardent le Monte-Barbaro, le lac Lucrin et celui d’Averne, il existe trois exhaussements formés par des scories , des cendres et des laves pon- ceuses plus.ou moins compactes, semblables à celles du Vésuve. De chacun de ces points part une nappe à surface très scoriacée qui encroûte tout le flanc de la montagne. Du côté de l'ouest, les courants de lave, dont l'épaisseur paraît être de plusieurs mètres, sont tombés dans les lacs d’Averne et Lucrin, en comblant le canal qui les mettait jadis en communication , et en grande partie le lac Lu- crin lui-même; du côté sud, la lave est arrivée jusqu'au bord de la mer ; on ja voit dans la falaise se mouler dans les cavités de la surface du tuf ponceux: ici

l'épaisseur de la coulée n’est que de 1", à 1" 50. Çà et là, elle se trouve recou- SOC.GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. n. 2. 20

154 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. CN.2, p. 104.)

verte par une mince couche d’alluvion de tuf ponceux, de fragments de sco- ries et de la lave elle-même, Ce n’est donc pas par le cratère du Monte-Nuovo que s’est faite l'éruption de 1538, mais par trois points formant un triangle presque équilatéral sur les bords extérieurs de ce cratère. En sortant des bouches d'éruption, la grande masse de lave a coulé sur les flancs de la montagne ; une très petite portion s’est étendue vers le cratère. Sur la bouche qui regarde le lac Lucrin , on voit un gros bourrelet d’une lave assez compacte, entremêlée de scories. IL est arrivé jusque sur le bord du cratère, et serait certainement tombé dedans s’il ne s'était refroidi sur la place qu'il occupe maintenant. Ainsi donc, loin de sortir du cratère, la lave tendait à y entrer.

M. Dufrénoy a rapporté, page 151, le récit de Porzio, témoin oculaire de l'éruption du Monte-Nuovo, arrivée le jour des calendes d'octobre (1538): «On vit, dit-il, le terrain s’élever et prendre la forme d'une montagne naissante. » Le même jour , à deux heures de la nuit (huit heures du soir), ce monticule de » terre s’entr'ouvrit avec un grand bruit, et vomit par la large bouche qui s'était » formée des flammes considérables, ainsi que des ponces, des pierres et des » cendres. »

Ce récit me paraît parfaitement exact , les choses doivent s’être passées ainsi : une grande masse de gaz, accumulée par les agents volcaniques dans une cavité voisine de la surface, a pu acquérir une force élastique assez considérable pour former une ampoule dans le sol supérieur, qu'elle aura fini par crever en lançant autour d’elle les débris de la calotte. Si dans la masse du gaz qui s’est alors dé- gagcé, se trouvait de l'hydrogène sulfuré, comme celui qui se dégage encore en si grande quantité à la Solfatare, porté à une haute température, et par la cha- leur intérieure et par le fait seul de la compression, il a pu brüler et donner naissance aux flammes dont parle Porzio.

Quand, pour contredire la description d’un phénomène, faite par un témoin oculaire, on n’a que des suppositions à lui opposer , il vaut mieux se taire. M'en rapportant entièrement au récit de Porzio, il me semble que ce phénomène a se passer très près de la surface, que le sol n’a pas été notablement ébranlé, et la direction de la verticale sensiblement altérée. Le temple de Pluton et celui d’Apol- lon, dont les magnifiques ruines se voient sur le bord du lac d’Averne, au pied même du Monte-Nuovo, n'ont pas sensiblement souffert de son élévation : les murs, les jambages des croisées et des portes sont restés verticaux, et les voûtes sont aussi bien conservées que celles des temples de la baïe de Baja, situés à deux milles du Monte-Nuovo. Cependant l'éruption s'est propagée jusque dans la grotte de la sibylle de Cumes : le sol de la longue galerie qui conduit à la chambre se rendaient les oracles a été couvert de 0", 50 d’une poussière noire, lancée, à ce que m'ont dit les guides, par des trous qu'ils m'ont fait voir dans les pa- rois , lors de l’éruption du Monte-Nuovo. Pour arriver à la chambre de la sibylle, porté sur le dos d’un cicérone, on passe par un pelit couloir, dont le sol en pente

(CN: 2, p: 105.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. 155 est couvert de 0”, 4 d’eau, ainsi que celui de la chambre. On prétend que cette eau est celle du lac d’Averne, ce qui annoncerait un léger changement de ni- veau : ce pourrait être aussi l’eau d’une source qui depuis longtemps vient se répandre dans la chambre. Mais, quoi qu'il en soit, l’éruption du Monte-Nuovo n'a certainement pas produit de grands dérangements dans le sol environnant.

Nous avons déjà dit qu'il existe dans l’île d’Ischia des volcans qui ont fait érup- tion depuis les temps historiques. Les deux cratères les mieux conservés se trou- ventau pied N.-E. de l’Epoméo, au-dessus de la grande coulée de l’Arzo, qui n'en est cependant pas sortie. Les cratères égueulés tous deux sont ouverts au milieu du tuf ponceux, que l’on voit parfaitement bien au-dessous des laves et des sco- ries qui en garnissent l’intérieur et les flancs. La lave paraît avoir débordé par- dessus les bouches ; elle est aussi sortie en assez grande quantité par les fentes des flancs ; roulant sur un sol très incliné, elle s’est étendue en divers sens, et n'a point formé de coulée régulière, comme celle de l’Arzo, qui estau-dessous.

Celle-ci, que les habitants d’Ischia ont vue couler en 1301, est sortie d’une bouche ouverte au pied du Monte-Rotaro ; au-dessous des deux cratères dont nous venons de parler, le cône de scories qui devait entourer cette bouche a été en- tièrement fracassé dans l’éruption , et l’on n’en voit plus aujourd’hui que les dé- bris entassés les uns sur les autres. De cet amas de ruines , sort une superbe coulée de lave qui, se dirigeant vers le N.-E., va tomber dans la mer à Ischia même. Dans toute son étendue , l’inclinaison de la surface supérieure de cette coulée reste inférieure à ; elle se trouve même réduite à en arrivant près de la mer, et cependant cette surface, toute scoriacée et présentant les contourne- ments les plus bizarres, est composée de fragments incohérents, comme celle des coulées du Vésuve. Ce courant est terminé latéralement par des escarpe- ments de 2" à de haut, formés de fragments entassés les uns sur les autres, soudés souvent par la lave lithoïde que l’on voit passer entre eux. La coulée de l’Arzo tombant dans la mer, on ne sait pas comment elle se termine à son extrémité.

« Le peu d'épaisseur de la coulée de 1301, dit M. Dufrénoy, page 158, malgré » la faible pente du sol sur lequel elle s’est répandue, me fait supposer qu'elle » était plus fluide que les laves du Vésuve ne le sont ordinairement; sa compo- » sition présente également quelques différences avec ces dernières. La lave de » l’Arzo contient des cristaux de feldspath assez nombreux, quelques paillettes » de mica et des grains jaunâtres de péridot. La pâte grise qui les renferme est » plus bulleuse en petit que les laves du Vésuve; elle a beaucoup d’analogie avec » la lave du Monte-Nuovo, qui contient aussi des cristaux de feldspath, et dont » la masse est composée d’un assemblage de grains incomplétement cristallins, » paraissant de nature feldspathique. Revenons maintenant sur le continent. »

Les habitants des pentes du Vésuve n’avaient jamais entendu parler des érup- tions de cette montagne , lorsque sous le règne de Titus, en l’année 79 de notre

156 | MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. (N.2, p. 106.) ère, la campagne fut dévastée , les villes et les villages engloutis par une terrible catastrophe, terminée par la sortie d’une puissante coulée de lave qui s’étendit jusqu'à la mer, en brülant tout sur son passage, et recouvrant la masse boueuse sous laquelle la cité d'Herculanum avait déjà disparu. Pline le jeune, témoin de cette catastrophe, l’a décrite ainsidans sa lettre à Tacite sur la mort de son oncle(}), de laquelle je passe tout ce qui n’intéresse pas directement la science:

« Quoiqu'il ait péri par une fatalité qui a désolé de très beaux pays, et que sa » perte ait été causée par un accident mémorable, qui ayant enveloppé des villes » ct des peuples entiers doit éterniser sa mémoire, etc.

» Il était à Misène (Pline l'oncle), il commandait la flotte. Le 13 août, en- » viron, à une heure de l'après-midi, ma mère l’avertit qu'il paraissait un nuage » d'une grandeur et d’une figure extraordinaires , etc. Il était difficile de discer- » ner de loin de quelle montagne ce nuage sortait ; l'événement a prouvé depuis » que c'était du mont Vésuve. Sa figure approchait plus de celle d’un pin que » d'aucun autre arbre ; car, après s'être élevé fort haut en forme de tronc, il » étendait une espèce de branchage. Je pense qu'un vent souterrain le poussait » d'abord avec impétuosité et le soutenait. Mais, soit que l'impression diminuât » peu à peu, soit que ce nuage füt entrainé par son propre poids , on le voyaitse » dilater et se répandre ; il paraissait tantôt blanc et tantôt noirâtre , et tantôt de » diverses couleurs, selon qu'il était plus chargé ou de cendres ou de terre. Ce » prodige surprit mon oncle , et il le crut digne d’être examiné de plus près, etc. » Il fait venir des galères, monte lui-même dessus..., et se presse d'arriver au » lieu d’où tout le monde fuit, et le péril paraît le plus grand...

» Déjà sur ses vaisseaux volait la cendre plus épaisse et plus chaude à mesure » qu'ils approchaient ; déjà tombaient autour d'eux des pierres calcinées et des » cailloux tout noirs , tout brûlés, tout pulvérisés par la violence du feu; déjà » le rivage semblait inaccessible par des morceaux entiers de montagne dont il » était couvert. Il donne ordre à son pilote de cingler droit à Stabie, était » Pomponianus.. Mon oncle le trouve tout tremblant, l'embrasse, le rassure, » l'encourage.. Cependant on voyait luire de plusieurs endroits du mont Vésuve » de grandes flammes et des embrasements dont les ténèbres augmentaient en- » core l'horreur. Mon oncle, pour rassurer ceux qui l’accompagnaient , leur di- » sait que ce qu'ils voyaient brûler étaient des villages abandonnés par les paysans » alarmés.… Ensuite il se coucha et dormit d’un profond sommeil. Mais enfin, la » cour par on entrait dans son appartement commençait à se remplir telle- » ment de cendres, que pour peu qu'il y fût resté plus longtemps, il ne lui au- » rait plus été possible d'en sortir; on l’éveille, il sort et va rejoindre Pom- » ponianus et les autres qui avaient veillé. Ils tiennent conseil, et délibèrent » s'ils se renfermeront dans la maison , ou s'ils gagneront la campagne; car les

(1) Livre VII, lettre xvI.

{N.2, p. 107.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. 157 » maisons étaient tellement ébranlées par les fréquents tremblements de terre, » que l’on aurait dit qu’elles étaient arrachées de leurs fondements, et jetées » tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, et puis remises à leur place. Hors de la » ville, la chute des pierres, quoique légères et desséchées par le feu, était à » craindre ; enfin on se décida à gagner la campagne. Ils sortent donc après » s'être couvert la tête d’oreillers attachés avec des mouchoirs : ce fut toute la » précaution qu'ils prirent contre ce qui tombait d’en haut. Le jour recommen- » çait ailleurs, mais dans le lieu ils étaient trois lieues au sud du Vésuve) » continuait une nuit la plus sombre et la plus affreuse de toutes les nuits, qui » n'était un peu dissipée que par la lueur des flammes et de l'incendie. On s’ap- » procha du rivage pour voir ce que la mer permettait de tenter; mais on la » trouva fort grosse et fort agitée d’un vent contraire. Là, mon oncle ayant de- » mandé de l’eau, but deux fois, et se coucha sur un drap qu'il fit étendre. En- » suite des flammes qui parurent plus grandes, et une odeur de soufre qui annon- » çait leur approche, mirent tout le monde en fuite. IL se lève appuyé sur deux » valets, et dans le moment il tombe mort... Lorsque l’on commença à revoir » la lumière, ce qui n’arriva que trois jours après, on trouva au même endroit » son corps entier, couvert de la même robe qu'il portaitquand il mourut, et dans » la posture plutôt d'un homme qui repose que d’un homme qui est mort. Je » finis donc , et je n'ajoute plus qu'un mot, c’est que je ne vous ai rien dit, ou » que jen aie vu, ou que je n'aie appris dans ces moments la vérité de l’ac- » tion qui vient de se passer n'a pu encore être altérée. »

Ce récit, comparé à celui de Porzio, montre qu'il y a une grande analooic entre l'ouverture du mont Vésuve et celle du Monte-Nuovo. Ce sont probable- ment deux phénomènes du même genre, mais dont le premier était beaucoup plus considérable que le second.

En parcourant l’antique cité de Pompéi, placée à moitié de la distance entre Stabie et le Vésuve, cité enfouie dans cette catastrophe mémorable qui causa la mort de Pline, et dont l'existence souterraine a été si longtemps ignorée, on reconnaît la justesse du récit que nous venons de rapporter. Les rues, les places publiques, les jardins , tous les édifices et les appartements des mai- sons , sont remplis d’une masse de 4 à 6" d'épaisseur, composée de fragments de ponces blanchâtres identiques avec celles de la formation des tufs ponceux, dont la grosseur varie depuis celle d’un pois jusqu’à celle d'un œuf, les plus petits étant de beaucoup les plus nombreux. Ces fragments sont engagés dans une poussière, une cendre de la même nature, dont la quantité est très variable, et qui, restée généralement pulvérulente, n’agelutine point les fragments entre eux, ce quirend les fouilles extrêmement faciles: avec mon seul marteau, en moins de cinq minutes, j'ai découvert 3” du toit d’une maison engagée

an ?4, dans l’escarpement qui se trouve vers le milieu de la ee D voie des Tombeaux (#2. 11). Sur cette masse de frag-

e er 5 EEE EE I RES

CIS

153 MEMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. CN: 2, p. 108.) ments (c) ponceux viennent deux ou trois couches d’alluvions parfaitement régu- lières (/g. 10 a et 2) formées par une cendre brune analogue à celle du Vésuve, 10 contenant des fragments de ponces, de laves du Vésuve, avec y beaucoup de débris de briques et de poteries romaines. La TEE 5 puissance de cette partie stratifiée est de 2 à 4”, et le sommet Ce de plusieurs édifices s’y trouve engagé ; c'est elle qui couvrait CPR la plus grande partie de l’'amphithéâtre, aujourd’hui entiè- rement déblayé. Ainsi la pluie de cendres et de fragments, qui devait être plus abondante à Pompéi qu'à Stabie, n'avait pas recouvert entièrement cette première ville, qui n’a disparaître tout-à-fait que longtemps après, sous les alluvions descendues des pentes du Vésuve. Cela explique le petit nombre de ca- davres et d'objets précieux découverts dans les fouilles, relativement à la popula- tion d’une cité dont l’opulence est annoncée par ses édifices et les superbes objets d'art qu'on y à trouvés.

Dans les constructions de Pompéi, on rencontre beaucoup de lave de la Somma, mais pas un seul morceau de lave du Vésuve, ce qui annonce que cette montagne n’avait point donné de coulées avant l’éruption de 79; la coulée de cette époque s’est répandue sur les flancs nord du Vésuve , et depuis, aucune de celles qui ont coulé sur les flancs sud ne se sont étendues jusqu’à Pompéi , en sorte que cette ville n’est réellement enfouie que sous les débris ponceux lancés dans les airs par la catastrophe de 79, et les alluvions de cendres des flancs du Vésuve qui sont venues les recouvrir ensuite. Plusieurs caves, et les vases à petite ou- verture, les amphores , les urnes, etc., sont remplis d’une poussière fine plus ou moins agglutinée , la même qui se trouve au milieu des fragments ponceux. C'est probablement celle-ci, emportée par les eaux fluviales qui traversent la masse de ces fragments, qui aura été emplir les vases et les portions des appar- tements que la pluie n'avait pas comblés. J'ai reconnu de nombreuses traces de la pluie de ponces de Pompéi, autour de Castellamare et sur plusieurs points du promontoire de Sorrente, elle est recouverte par une couche d’al- luvion très récente, sur les pentes et la crête de la Somma , on la voit souvent sortir de dessous le manteau de cendres du Vésuve qui enveloppe cette montagne, enfin sur le contre-fort de l’ermitage du Salvatore , elle est encore recouverte d’alluvions.

La matière qui recouvre Herculanum provient aussi de la destruction du tuf ponceux; mais ici c'est une masse compacte tellement solide , que l'on est obligé de la couper avec des instruments de fer pour déblayer les monuments. Elle présente une pâte presque homogène dans laquelle sont disséminés de petits fragments ponceux, des lames de ryacolite et des cristaux de pyroxène ; quel- ques fragments de scories semblables à ceux que lance encore actuellement le Vésuve se trouvent engagés dans la partie supérieure de la masse. Cette masse est beaucoup plus puissante que celle de Pompéi : elle a 30“ d'épaisseur au

(N-2, p. 409.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. 159 théâtre, dont on n’a encore déblayé qu'une partie; elle se trouve recouverte par la grande coulée de 79, et par toutes celles qui sont venues depuis désoler les charmantes villes de Résina et de Portici.

Herculanum paraît donc avoir été enfoui principalement sous une matière boueuse, résultat de la trituration du tuf ponceux. Cette matière boueuse, descendue des pentes du Vésuve, au pied duquel elle se trouve, auraitété recouverte ensuite par des scories etune puissante coulée de lave. Les débris de montagnes dont le rivage était couvert annoncent que la surface du sol avaitété terriblement fracturée par les forces intérieures , qui la faisaient tellement osciller, que les maisons se balançaient dans plusieurs sens. Cependant les résultats de ces dislocations du sol n'ont pas été aussi considérables qu’on pourrait le croire : les murs , les colonnes et même les statues desédifices de Pompéi et d'Herculanumsont demeurés debout. Les tremblements de terre étaient violents à Stabie , à trois lieues du Vésuve, et Pline le jeune ne dit pas les avoir ressentis à Misène, il était resté, à une distance de six lieues seulement du théâtre de la catastrophe. Il n’a point non plus été incommodé par la pluie de cendres qui, poussée probablement par un vio- lent vent du nord, s’est portée du côté sud : je n’ai reconnu aucune trace de cette pluie dans les collines qui dominent Naples , ni dans celles des Champs-Phlé- gréens.

A Stabie, la pluie de cendres et de ponces était si peu chaude, qu’au bout de trois jours la robe de Pline n'avait pas été brûlée ; dans les fouilles de Pompéi. on a trouvé des papyrus, des toiles, de petits ustensiles en bois, qui auraient certainement été calcinés, si les cendres avaient été très chaudes; lés pièces de bois que l’on voit carbonisées dans les murs d'Herculanum, ne l’ont probable- ment été que par leur séjour de dix-huit siècles dans la terre. La cendre brü- Jante serait d'autant plus extraordinaire que, dans la dernière éruption du Vé- suve, des fragments rouges gros comme le poing, lancés à moins de 100" de hauteur, étaient froids peu de minutes après leur chute.

Il me paraît résulter des faits précédents, que l'ouverture du mont Vésuve, en 79, offre la plus grande analogie avec celle du Monte-Nuovo en 1538, et que la dif- férence que présentent aujourd'hui ces deux montagnes tient uniquement à ce que l'une n’a encore fourni qu'une seule éruption, tandis que, dans l’autre, les éruptions se succèdent avec une fréquence toujours croissante depuis dix-huit siècles. Dans les deux cas, les phénomènes de dislocations ont se produire très près de la surface du sol, puisqu'ils ne se sont étendus que sur de très pe- tits espaces, aux extrémités desquels la verticalité des édifices, et souvent même celle des statues, n’a pas été sensiblement troublée.

Cependant le niveau du sol a changé notablement sur plusieurs points de la côle, et ces changements ont eu quelquefois pour cause des mouvements brusques, comme l’annoncent les trois colonnes du temple de Jupiter Sérapis , à Pouzzol. Ces colonnes, ainsi qu’on le sait, sont perforées par des pholades dans une zone horizontale de de large, dont la partie supérieure est aujourd'hui à 4", 5 au-

160 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. CN-2, p. 10.) dessus du niveau de l’eau qui couvre encore le pavé du temple. Au-dessus , ni au-dessous de cette zone, il n'existe aucune trace de lithophages , ce qui prouve que le temple, après avoir été abaissé subitement dans la mer, il a séjourné assez longtemps pour que ces animaux aient pu attaquer les colonnes comme elles le sont, a été relevé de la même manière : dans ces mouvements , le pavé a été sensiblement bosselé.

D’autres parties de la côte de Pouzzol offrent aussi de nombreuses preuves des mouvements oscillatoires du sol postérieurement aux temps historiques; on y voit, sur une grande portion de sa longueur, des constructions romaines recouvertes d’une falaise de 6 à 7" de couches de sédiment (Dufrénoy, pag. 434).

CONCLUSIONS.

Le sol de la Campanie est formé par un puissant terrain de tuf ponceux, au-dessous duquel se trouvent Les calcaires du promontoire de Sorrente et de l'île de Caprée que nous rangeons dans le terrain crétacé. Le terrain des tufs ponceux présente deux étages, dont le premier est ana- logue aux conglomérats et tufs trachytiques de l'Auvergne, et le second est un dépôt marin stratifié , formé en grande partie aux dépens de la masse inférieure. Ce terrain ponceux a été bouleversé par toutes les commotions qui, à dif- férentes époques, ont agité le sol de la Campanie. Les traces de dislocations Les plus nombreuses et les plus marquées sont de vastes cirques réunis en grand nombre dans ies Champs-Phléoréens. Ces cirques doivent être Le résultat de la puissante action de masses gazeuses concentrées près de la surface du sol, dans laquelle elles ont formé de grosses am- poules, qu’elles ont fini par crever, en lançant des débris dans tous les sens. En 1538, on vit crever une pareille ampoule avec des circonstances tout-à-fait ana- logues à celles de la première éruption du Vésuve, décrite par Pline le jeune. Cette grande similitude me porte à croire que la formation du volcan vésuvien a été pré- cédée par le dégagement d'une immense masse de gaz , qui a lancé dans les airs cette quantité de ponces et de cendres, sous laquelle la campagne, les villages et les villes ont disparu. Si le Vésuve n’eût fourni que la seule éruption de 79, nous verrions encore le cirque formé par le dégagement de la masse gazeuse comme celui du Monte-Nuovo, puisque malgré la grande quantité de cendres et de laves vomies par ce volcan, on aperçoit encore tout autour de lui des restes de la croûte de tufs ponceux fracassée lors de sa formation. IL y a ici la plus grande analogie, sinon identité complète, avec les socles de domite sur lesquels sont établis plu- sieurs cratères de l'Auvergne. L'ouverture des bouches volcaniques de l’île d'Ischia a également été précédée de la formation de cirques dans les tufs ponceux. De tous les cirques ouverts dans ces tufs aux Champs-Phlécréens , le Monte- Nuovo seul a donné des laves qui sont sorties par les flancs, et non de l’intérieur

CN.2,p. 141.) MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. 161 du cratère : il existe bien à l’échancrure d'Astroniune couche de poncenoire, qui paraît avoir coulé, mais ce n’est pas une véritable lave.

Dans celui de la solfatare, les forces volcaniques sont encore en activité; mais les gaz se dégageant continuellement ne peuvent plus former d’ampoule dans le terrain. En 1843, les fumaroles de la solfatare n’avaient pas diminué, quoique le Vésuve fût en éruption. La manière dont les roches de ce cirque sont altérées par le passage des vapeurs acides donne une explication simple et naturelle de la formation des domites d'Auvergne.

Il existe les plus grands rapports entre les divers phénomènes que pré- sentent les coulées de lave du Vésuve et celle des volcans de l'Auvergne, Le cône de scories en éruption dans le cratère, au pied duquel sortait la lave en septembre 1843, donne l'explication de tous ces cônes de scories de l'Auvergne, qui ne présentent point de cratère, ou de très petits cratères, qui n’ont jamais vomi de lave, et du pied desquels partent de puissantes coulées. La vitesse avec laquelle se refroidit la partie supérieure des coulées de lave explique cette grande quantité de débris incohérents dont leur surface est couverte en Auvergne comme en lialie.

La Campanie présente de nombreuses traces du bouleversement de la croûte terrestre à différentes époques. Plusieurs de ces traces, l’abaissement et le re- lèvement de la côte de Pouzzol, l'ouverture du Vésuve et du Monte-Nuovo, sont le résultat de phénomènes qui se sont produits sous les yeux des hommes. Mais ces bouleversements modernes n’ont avoir lieu qu’à une très petite profondeur , puisqu'ils ne se sont étendus que sur un petit espace et que les édifices bâtis au pied des montagnes qui se sont formées alors, et même les statues qui ornaient ces édifices, sont restés debout. La structure de la Somma prouve qu’elle est le résultat d’un soulèvement ; mais celui-ci est anté- rieur aux temps historiques : il doit être rapporté à l'époque de l'ouverture de la fente sur laquelle se trouvent établis les volcans des environs de Naples et ceux de la Sicile. D’après le récit de Pline le jeune, il est clair qu'avant la catastrophe de 79, il existait déjà une montagne à l'endroit nous voyons main- tenant le Vésuve; mais il paraît que cette montagne n'avait point encore produit d’éruption. Le cône aigu de ce volcan ne peut devoir son existence uni- quement à l'accumulation des matières rejetées par sa cavité intérieure , puisque c'est que les matières volcaniques se trouvent accumulées en plus grande quantité , tandis que la plupart des éruptions se sont faites à la base du cône, - par ,des bouches dont les déjections n’ont aucunement augmenté sa masse. Les fragments d’opercules du cratère reconnus dans une position inclinée à dif- férentes hauteurs, prouvent que l’action de bas en haut a avoir une influence marquée dans la formation du cône aigu : les matières accumulées dans les ca- vités volcaniques voisines de la surface du sol ont été poussées dehors par les gaz enfermés dessous, jusqu'à ce qu'il se soit produit une fissure dans la masse sou-

SOC. GÉOL. SÉRIE. T.I. Mém. n. 2. 21

162 MÉMOIRE SUR LES VOLCANS D'ITALIE. (N.2, p. 2.) levée, pour donner passage aux gaz: alors l’éruption a commencé , et toutes les parties de la croûte brisée ont été lancées au-dehors.

C'est sous les débris de l’ampoule formée dans les tufs ponceux en 79 que les villes et les villages des environs du Vésuve ont d’abord disparu; mais c'est seu- lement après que les courants de matière fondue vomis par cette montagne sont venus recouvrir çà et la masse qui les avait enfouis.

III.

APPLICATION

DE LA

THÉORIE DES CRATÈRES DE SOULÈVEMENT AU VOLCAN DE ROCCAMONEINA, DANS LA CANPANE,

Mémoire de M. LÉOPOLD PILLA, présenté au Congrès de Florence; TBADUIT DE L'ITALIEN PAR L. FRAPOLLI.

Lorsque la théorie des cratères de soulèvement soutenue par l’illustre géologue L. de Buch vint à ma connaissance, il me parut d'abord que ses principes ne pou- vaient pas être appliqués aux volcans des environs de Naples; et non seulement je gardai pendant longtemps cette opinion, je fis plus, je tâchai de m'opposer à cette théorie dans un mémoire lu il y a cinq ans devant l’académie gioénienne de Catane (1). Mais les arguments sur lesquels je m'appuyai alors pour la combattre étaient bien faibles, et maintenant ils sont loin de me convaincre. Plus tard, j'ai eu occasion de visiter d’autres régions volcaniques de notre pays ; mes idées ayant d’ailleurs acquis plus de maturité, je commençai par douter de mon opinion, et je fas enfin obligé de la modifier. J'ai été conduit à cela par l'étude attentive des faits que l’on observe dans un volcan de la Campanie qui était complétement in- connu aux étrangers, bien qu'il fût aussi digne de renommée qu'aucun autre du territoire napolitain, honneur qu'il n'aura plus désormais à désirer, puisque les descriptions que j'en ai données dans plusieurs écrits appelleront peut-être à le visiter les géologues étrangers qui parcourent notre pays en si grand nombre (2). L'exposition de ces faits, que je crois de quelque importance, sera l’objet de ce mémoire.

(1) Parallelo fra à tre vulcani ardenti dell Italia , écrit publié dans le XIT° volume des actes de l’académie gioénienne de Catane.

(2) Voici les écrits dans lesquels j’ai en occasion de parler des faits que présente ce volcan :

Observations géognostiques sur la partie septentrionale et orientale de la Campanie.

Observations géognostiques que l'on peut faire le long de la route de Naples à Vienne, art. 4 et 2; Naples, 1834.

Notice géologique sur le volcan éteint de Roccamonfina (insérée dans le Lucifero, année, n°® 36, 37; année, 463 ).

SOC. GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. n. 3.

164 CRATÈRE DE SOULÈVEMENT (N.5,p.2.)

A l'extrémité N.-0. (maestro) de la Campanie, et au milieu d’une branche dé- pendante de l’Apennin, on rencontre le volcan dit de Roccamonfina, qui tire son nom du village bâti dans son milieu (ombäilico). C'est un grand volcan central de forme conique très surbaissée, et entouré de cônes parasites. Je l'appelle vo/ can, soit pour la commodité de sa désignation , soit parce qu'on y trouve des cônes qui sont évidemment le produit d'éruptions semblables à celles des mo- dernes. Il a du reste la plus grande ressemblance avec le fameux Cantal de France; de manière que pour connaître sa configuration et la disposition de ses différentes parties, il suffirait de jeter un coup d'œil sur la carte topographique du Cantal qui accompagne le travail de MM. Elie de Beaumont et Dufrénoy sur ce pays (1).

La base de ce grand cône s'étend sur 50 milles environ de circonférence, et son sommet, profondément tronqué, se termine en forme de crête demi-circu- laire faisant couronne à une plaine du milieu de laquelle s'élève brusquement une montagne conique en forme de dôme. La carte qui se trouve jointe à ce mé- moire aide suffisamment à comprendre la description des lieux dont il est ques- tion ; elle est très exacte pour ce qui regarde la configuration du volcan, et sur- tout pour la relation de ses différentes parties, puisqu'elle est tracée d’après les travaux géodésiques exécutés avec beaucoup de soin dans ces derniers temps par les ingénieurs de notre bureau topographique.

IL y a donc dans ce volcan trois parties à distinguer :

Le grand cône tronqué (cono massimo) ;

Le cratère:

Le cône central situé au milieu du cratère.

À ces parties, l’on doit ajouter les cônes parasites qui s'élèvent autour du grand cône. Afin de suivre un certain ordre dans l'exposition de mes idées, je parlerai d'abord de la structure minéralogique et géologique de ces parties, pour revenir ensuite aux réflexions que ces observations font naître dans l'esprit.

Le cône principal s’incline au-dehors sur une pente assez douce, qui, au som- met, ne dépasse point 18°, et diminue peu à peu en descendant, pour se confondre en dernier lieu avec la plaine environnante. Cette disposition peut être très bien observée du côté de l’ouest, les différentes parties conservent encore beaucoup de leur aspect primitif ; on n’en voit aucune trace vers l'orient, elles ont été dérangées et leur position est complétement changée. L'inclinaison moyenne de la côte peut être évaluée à 15°. Elle est sillonnée par des vallons peu pro- fonds, à cause, soit de la faible inclinaison de la pente, soit de la structure parti- culière de la montagne, dont je parlerai tout-à-l'heure. Cette portion du cône, dans toute son étendue et jusqu'au sommet, se trouve garnie d'épais châtaigniers et de chênes; mais sa structure est visible à l'intérieur des ravins qui le sillon-

(4) Mémoires pour servir à une description géologique de la France, t. IT, tay. xL.

(N.5, p.53.) DU VOLCAN DE ROCCAMONFINA. 165 nent et dans les parties dépourvues de végétation. On voit alors que la montagne est formée de roches pierreuses et de conglomérats grossiers placés pêle mêle sans ordre bien distinct. Les premières appellent l'attention du géologue, soit par leur nature, soit par leur forme. Pour la plus grande partie, ce sont des laves leucitiques qui se rapportent à celles que j'ai appelées Zeucilites, auxquelles sont associés des basalies en petite quantité et quelques leucostines. Mais ce qui doit spécialement être indiqué, c’est l’absence complète des trachytes. Les leucilites sont quelquefois granitoïdes (sur la route de Sessa à Roccamonfina); mais elles sont le plus souvent porphyriques, et, dans ce cas, plus ou moins semblables aux leucitophyres de la Somma. Ces roches sont parfois compactes et renferment à peine quelques cellules, tandis que d’autres fois leur structure est comme frag- mentaire , et la texture assez lâche pour qu’elles prennent l'aspect de tufs leuci- tiques. Les leucites renfermées dans ces roches sont nombreuses et bien caracté- risées ; elles surpassent ordinairement en grandeur celles de la Somma. Mais il y à de plus certaines leucitophyres qui présentent des cristaux dont la grosseur est vraiment surprenante. Ces cristaux offrent des formes très nettes, etse terminent régulièrement en trapézoèdres ; ils atteignent jusqu'à un pouce et demi de dia- mètre, et sont si abondants que la roche en est comme empâtée (environs de Va- logno). Leurs dimensions sont si extraordinaires, et on les rencontre en telle abondance , que, lorsque je les aperçus pour la première fois, c’est à peine si j'en pus croire mes yeux, et je me souviens encore de la surprise que la vue de ces cristaux causait à MM. de Buch et Elie de Beaumont, auxquels je les mon- trais dans ma collection. Mais c’est surtout la disposition des roches ils ont leur gîte qui mérite à tout égard d’être considérée avec soin. Elles forment en général de grands amas ou des bancs irréguliers qui font saillie à la surface du sol ou bien au fond des ravins ; parfois, et notamment dans les parties supé- rieures, ces bancs sont très étendus (côte au-dessus du village de Sipicciano). En thèse générale, leur gisement est tel qu’il ne présente aucun rapport avec les coulées ordinaires. On ne les voit jamais ou presque jamais affecter la forme de lits alternants comme on les observe sur les flancs des vallons des montagnes vol- caniques. La solidité et la quasi-continuité de ce squelette du grand cône sont les causes auxquelles il doit de n'avoir point ses flancs déchirés par de profonds ra- vins. Ces roches sont presque partout dépourvues de lisières (lenibi) scoriacées ; leur structure est ordinairement cristalline, et la pâte est lithoïde et compacte ou bien criblée d’un petit nombre de cellules qui sont peu abondantes et d’un diamètre très petit, même dans la partie supérieure de la côte l'inclinaison du sol est de 12 à 15°. Les leucitophyres à cristaux gigantesques de leucites se trou- vent dans des endroits la pente moyenne de la côte est de 6 à 10° environ. La nature minéralogique, et surtout le gisement des roches lithoïdes du grand cône de Roccamonfina , sont les premiers faits qui frappent l'œil du géologue ac- coutumé à l'observation des pays volcaniques. Je crois pouvoir me dispenser de

166 CRATÈRE DE SOULÈVEMENT (N-5,p.4) parler ici des conglomérats, puisqu'ils n’ont aucun rapport avec le but de ce mé- moire. La partie supérieure du cône se termine par une crête demi-circulaire un peu dentelée, qui s’abaisse des deux côtés en partant d’une cime plus élevée qu'on appelle le Monte Cortinella. C'est de ce nom que je me servirai pour dési- oner plus facilement l’ensemble de la ceinture demi-circulaire.

Le grand cône plonge à l'intérieur par des rochers très escarpés et également disposés en ligne demi-circulaire, et qui s'élèvent en couronne sur le plan qui constitue le fond du grand cratère volcanique. De tout ce que nous avons dit ci- dessus, il résulte qu'une seule moitié du cratère est restée intacte, et c’est préci- sément celle qui regarde l'occident ; la moitié opposée a été détruite, ainsi qu'on l’observe à la Sora. La forme du cratère est un cercle parfait, comme je le ferai encore mieux remarquer plus bas. Les travaux géodésiques exécutés sur ce terrain établissent pour les différentes parties les dimensions suivantes :

Circonférence du grand cratère . . . . 7 milles 1/2. DiaMétrén ER ERNEST SE ERURNERES 1/2. Contour du Monte Cortinella. . . . .. 3 3/4.

Ces données nous montrent que le cratère de Roccamonfina est un des plus étendus qui existent dans le pays des Deux-Siciles, et peut-être sur toute la surface de l'Italie. Bien que la face interne du Monte Cortinella soit très abrupte, ce- pendant sa déclivité n’atteint point celle des parois intérieures de la Somma; elle suffit à l'entretien d’une vigoureuse végétation qui empêche d'observer l’arrange- ment intérieur des roches leucitiques du grand cône ; mais ces roches per- cent du milieu de la terre végétale, elles sont disposées encore en amas ou en bancs, ainsi qu'elles se montrent sur la pente extérieure.

Le cône central est une montagne qui s'élève du milieu du cratère , en forme de dôme, et s'appelle le Monte $* Croce. C'est la partie du volcan qui mérite de préférence l'attention du géologue ; et, je le répète, c’est en étudiant cette masse que je commençai à modifier mes opinions sur la question des cratères de sou- lèvement. Ce cône doit être considéré sous trois points de vue : sa composition, 2 sa forme, sa position.

Quant à sa composition, on peut l'exprimer en peu de mots, puisque l'en- semble de la montagne dans toute son étendue est constitué par une masse de trachyte micacé. Mais il faut noter premièrement que le trachyte se fait remar- quer par certains caractères spéciaux : il est un peu terreux, mais en même temps solide, et renferme de pelites lamelles disséminées de feldspath complétement décomposé et terne, que l’on reconnaît à de petites taches blanchôtres; il con- tient de plus une grande quantité de paillettes de mica rouge de cuivre. Ces ca- ractères rappellent à l'esprit les trachytes anciens, qui ont de si grands rapports avec les terrains porphyriques, et qui s’éloignent des trachytes laviques. Je tiens

(N: 5, p. 5.) DU VOLCAN DE ROCCAMONFINA. 167 à ce que l’on remarque cette différence, parce que j'ai observé, en Italie du moins, que les caractères physiques des trachytes plutoniens et leurs facies diftè- rent considérablement de ceux des trachytes laviques ou volcaniques, si bien qu'il serait peut-être à désirer que l'on donnât à ces deux roches des noms diffé- rents, comme on l’a fait à l'égard des trachytes, qu'on distingue des argilophyres, avec lesquels bien souvent ils ont la plus grande anaïogie. Le mica, que cette roche renferme en si grande abondance, est encore un fait assez digne de consi- dération, puisque cette substance ne se rencontre qu'accidentellement dans les laves de nos volcans, et n’en est point une partie essentielle comme dans les tra- chytes qui sont en question. De toutes ces observations, on peut conclure œue le trachyte du Honte S* Croce diffère complétement des roches leucitiques basalti- ques du grand cône, et j'ose affirmer qu'entre ces roches 1l ÿ a une plus grande opposition de caractères et un contraste plus tranché, plus évident, que je ne l'ai vu dans aucun autre volcan de notre pays.

La masse trachytique de .S* Croce affecte, comme il a été dit plus haut, la forme d’un cône, forme de laquelle elle s'éloigne légèrement vers son sommet, elle se termine par une crête découpée et dominant un petit plan irrégulier qui se prolonge vers le sud-ouest. La montagne s'élève très majestueusement au milieu du cratère ; le contour de sa base est à peu près d’un mille; son sommet est le point le plus élevé de tout le volcan, et atteint la hauteur de 1006" au- dessus du niveau de la mer (mesure trigonométrique). Le géologue le plus exercé, le praticien le plus habile dans l'observation des terrains volcaniques, ne saurait réellement découvrir aucune trace de cratère sur la sommité du cône de .$“ Croce ; et je dois ici avouer hautement que la première fois que j'y suis monté j'aurais voulu absolument y voir cette forme. Mais cela ne me fut point possible, à moins de me mettre en opposition directe avec la vérité; je fus donc contraint de la considérer comme un cône de soulèvement.

Mais ce qui m'a le plus frappé dans le volcan de Roccumonfina, c’est la po- sition du cône central lui-même. Dès ma première visite, j'avais observé qu'il s'élevait comme du centre d’un grand cercle ou cratère; mais je n’avais pas ac- cordé beaucoup d'importance à une observation qui, fondée seulement sur le ju- gement de la vue, ne pouvait être acceptée que comme une donnée probable. Après quelques années, ayant examiné le relief de cette région, d’après le plan exécuté par nos ingénieurs topographes, il m’arriva de faire avec l’un d’eux, l'estimable M. Fedele Amante, la remarque très curieuse, que la partie conservée de la crête du grand cratère, c'est-à-dire le Afonte Cortinella, constituait un demi- cercle parfait, dont le centre tombait précisément sur le haut du cône S“ Croce. Cette observation est à mon avis très importante, et nous servira de guide pré- cieux dans la recherche de l’origine du système entier de la montagne.

La carte topographique ci-jointe ( pl. IV) tend principalement à démontrer le fait énoncé ; elle a été calquée sur les cartes de notre bureau topographique que

168 CRATÈRE DE SOULÈVEMENT CN. 5, p. 6.) le directeur et les officiers de cet établissement ont mises à ma disposition avec une rare obligeance.

Avant d'en venir aux considérations sur les faits exposés, je dois dire quelques mots des cônes parasites qui sont intimement liés au grand cône, et se trouvent en grande partie appliqués sur ses flancs et sur la portion qui a été démolie. Certains de ces cônes ne laissent apercevoir aucune trace de cratère sur leur som- met, et sont constitués par une masse trachytique centrale enveloppée d’un man- teau de tufs et de pouzzolanes ; tels sont le Monte Feglio, qui est à l’ouest de la ville de Sessa, et le Monte di Casa, à Youest de Feuno. Le trachyte de ces cônes diffère considérablement de celui du Monte S“ Croce, et s'approche beau- coup des trachytes laviques, comme ceux d’/schia. D'autres cônes présentent des protubérances basaltiques irrégulières, comme on le remarque dans le Monte di Lucro , au nord de Teano. Enfin il y en a qui offrent sur leur cime des formes évidentes de cratères, ainsi qu'on le voit sur les Wonte Canneto, Monte Atana et Monte Friellr. Ces cônes sont généralement constitués par des roches trachytiques ; ils n’en renferment pas de leucitiques.

Ce sont, en résumé, les principaux faits que l’on observe dans le volcan de Roccamonfina. Passons aux liens qui les réunissent et en forment un ensemble. Je ferai d'abord remarquer que le gisement des roches leucitiques sur la pente extérieure du grand cône, et principalement près de sa limite supérieure, ne res- semble point par sa forme à celui de laves qui seraient descendues de l'orifice d’un volcan : ce ne sont pas ces traînées pierreuses longues et étroites, aspect que présentent habituellement les coulées; ce ne sont pas non plus ces assises su- perposées les unes aux autres qui caractérisent ordinairement les pays volcani- ques, mais bien des amas irréguliers qui n’ont aucune forme finie, qui ne su- bissent aucune règle dans leurs dimensions. Il paraît donc que de telles roches ne furent point vomies du grand cratère sous forme de coulées, mais qu’au con- traire on doit faire remonter leur origine à un ordre de choses antérieur à celui- ci. On arrive à la même conclusion si l'on examine la composition minéralo- gique des roches elles-mêmes. Je ne veux point parler ici de la texture compacte que présentent les leucilites et les leucitophyres sur une pente très inclinée, ni de la nature cristalline de leur pâte; je m'arrêterai au contraire quelques instants sur ces cristaux gigantesques de leucites, dont ces roches sont empâtées dans des endroits elles reposent sur un sol incliné de 6 à 10°. Or, je demande ici com- ment on pourrait concevoir la formation de tels cristaux dans la pâte d’une lave qui devait descendre avec une certaine vitesse, et qui se trouve près du bord du grand cratère. Cela est contraire à tout ce que l’on observe dans nos volcans mo- dernes. Les laves du Vésuve ne sont riches en cristaux que elles se sont ré- pandues sur un sol presque horizontal. Entre les nombreux exemples que je pour- rais citer à l'appui de cette assertion, je choisirai la lave de 1794, qui, dans sa partie supérieure et près de son origine, ne renferme qu'en petit nombre des

(N:5, p.7-) DU VOLCAN DE ROCCAMONFINA. 169 cristaux d'augite; et à son extrémité inférieure, au contraire, c'est-à-dire à la Torre del Greco , elle en contient une telle quantité que la roche en est comme empâtée. Et cela s'accorde parfaitement bien avec les conditions nécessaires pour la formation des cristaux, c’est-à-dire le repos, la place, la liberté de mouve- ment. Or, les laves à leur partie supérieure étant beaucoup plus chaudes, et cou- lant en général sur un sol très incliné, sont animées d’une plus grande vitesse, el, pour cette même cause, les molécules cristallines ne peuvent obéir aux lois d’af- finité et produire des cristaux réguliers. Vers la fin, au contraire,de leur chemin, la chaleur nécessaire pour les conserver fluides s’est en grande partie dissipée, et les laves s'étendent sur un sol presque horizontal, position qui ralentit leur mou- vement et détruit tout obstacle à l'action des polarités moléculaires qui donnent origine aux cristaux. Mais cette observation acquiert une impertance encore plus grande quand il s’agit d'expliquer la formation d’une roche singulière renfer- mant une immense quantité de leucites, qui ont la grosseur d'une aveline, d’une noix et même d'une pomme. Me voilà donc, par tous les faits observés ci-dessus, en droit d'affirmer de nouveau que les roches leucitiques du grand cône de Roccamonfina n’ont point été vomies sous forme de coulées par le grand cra- tère supérieur, mais qu'elles doivent, au contraire, leur origine à un ordre de phénomènes qui précédèrent la formation de ce cratère.

Si, du grand cône, nous passons à la considération du cône central de 5 Croce, et si nous nous arrêtons un instant pour réfléchir sur sa composition, sa forme, sa situation, quelles autres idées ne se présenteront pas à notre esprit! Cher- chons d’abord la raison de la grande différence qui existe entre le trachyte dont cette montagne se compose et les roches leucitiques qui constituent le squelette du grand cône, différence qui est trop grande, trop apparente, pour qu'on ne l'apprécie pas autant qu’elle le mérite. Aucun volcan de notre pays (et je les ai tous visités) ne m'a présenté un contraste aussi remarquable dans la nature de ces produits. Ajoutons que les autres cônes parasites de Roccamon- ftna sont composés en entier de substances trachytiques, et manquent compléte- ment de roches leucitiques, ce qui rend encore la différence plus saillante. De cette première considération dérive une conséquence bien naturelie, c'est-à-dire que les deux parties nommées plus haut dépendent de deux systèmes différents et ont des origines également différentes. La forme conique et massive que prend le trachyte de S“ Croce ne peut certainement pas nous faire penser qu'il soit le reste d’un cône cratériforme, puisque, pour écarter toute autre considération, il ressemble si parfaitement, quant à sa forme, aux trachytes anciens , comme ceux de Ponza (ile Pontia), par exemple, qu’on doit nécessairement lui attribuer un même mode de formation. Nous sommes donc conduit à regarder cette monta- gne comme étant un cône de soulèvement.

J'en viens en dernier lieu à considérer ce cône central sous le rapport de sa

position. Nous avons vu plus haut que son sommet est le centre autour duquel se Soc. GÉOL. SÉRIE. T. L Mém. 2. 22

170 CRATÈRE DE SOULÈVEMENT (N: 3,p-8)

replient symétriquement les débris du grand cratère, la montagne demi-circulaire delle Cortinelle. Or, réfléchissant à ce fait remarquable, peut-on supposer, après tout ce que l'on a ditplus haut, que cette circonstance soit simplement l'effet du hasard? Et ne doit-on pas plutôt penser qu'il y ait un lien très intime entre cette circonstance et la différence minéralogique et géologique du cône de S$“ Croce et du Monte Cortinella? Mais en attendant, et afin de pouvoir mieux juger de la va- leur de cette observation, oublions pour un instant la différence qui existe entre les deux montagnes. Supposons que le Monte Cortinella fut autrefois un plan ho- rizontal, et qu'une masse souterraine se soit soulevée sous ce plan en le brisant et le relevant circulairement autour du centre de fracture ; dans ce cas, il est bien naturel de penser que la croupe de la masse qui donna l'impulsion doit corres- pondre verticalement au centre de fracture, et que le terrain soulevé forme une pyramide tronquée dont l'arête est équidistante de cette coupe. C'est précisé- ment le cas du volcan de Aoccamonÿfina. Si nous supposons, au contraire , que l'origine du cône de S“* Croce est postérieure au soulèvement de la ceinture de la’ Cortinella, nous sommes obligé d’avoir recours à l'hypothèse d'une réunion de circonstances bien singulières et bien extraordinaires pour concevoir l'élévation de ce cône dans une position telle que son sommet vienne constituer le centre de l'arête environnante. Voilà donc, si je ne me trompe, un fait d'une très grande importance dans la question des cratères de soulèvement, fait dont l'observation ayant modifié mes idées premières, me place maintenant au nombre des défen- seurs de cette théorie tant qu’elle se renferme dans certaines limites convenables. D'ailleurs, les dimensions du cratère de Roccamonÿfina sont telles, que les rela- tions que nous y avons aperçues en deviennent encore plus importantes.

Mais les cratères de soulèvement ont à satisfaire à une condition qui est une conséquence nécessaire de leur origine. Quand une force quelconque exerce une pression sur un point de la surface inférieure d’un plan solide horizontal, et que la pression est suffisante pour vaincre la cohésion de ses parties, il doit se former des fentes dans la surface de ce plan, au moins suivant trois directions. Les cratères de soulèvement, par conséquent, doivent présenter des déchirures par rayons divergents, déchirures dont la forme la plus simple sera par trois rayons. Cela en théorie. Mais, en réalité, est-ce que l'on trouve tou- jours de ces fractures divergentes dans les cratères dont on explique la forma- tion par une action dynamique souterraine? Cest l'objection principale que l'on oppose à la théorie des cratères de soulèvement. La réponse ne m'arré- tera pas longtemps. Pour être plus bref, je ne dirai que deux choses qui s’accor- dent assez bien avec le but que je me propose. La première, c'est que les dénuda- tions qui se sont opérées dans les cratères de cette nature ont pu souvent effacer complétement leurs formes primitives, au point de ne laisser plus distinguer ces fractures des sillons qui sont l'effet de l'écoulement des eaux. La seconde, c'est que de telles déchirures doivent être moins distinctes dans le cratère de Xocca-

(N.5,p. 9.) DU VOLCAN DE ROCCAMONFINA. 171 montre dont une seule moitié est conservée, l’autre ayant été complétement démolie. Cependant on observe dans la première les traces d’une fracture très évidente qui interrompt la continuité du demi-cercle de la Cortinella et livre pas- sage à la route qui conduit de Sessa à Roccamonÿfina , qui est la seule voie de communication entre les pays qui reposent sur la pente occidentale du volcan et ceux qui sont placés dans le cratère.

Ajoutons ici les observations suivantes, qui, à mon avis, viennent à leur tour appuyer les conclusions que nous avons tirées ci-dessus. Sur le flanc occidental du grand cône, c’est-à-dire près du village de Toro, on voit une grande masse de conglomérats composés de cailloux, de wacke et de leucilite en voie de décom- position; la forme de ces cailloux est bien arrondie, et ils sont réunis assez soli- dement par un ciment volcanique. Ces conglomérats ressemblent assez à ceux que l’on observe dans les différents étages des terrains stratifiés, et nous offrent par un témoignage très concluant sur les grands mouvements qui eurent lieu dans cette région pendant l’époque géologique antérieure à la nôtre, et tout ici paraît annoncer qu'ils ont été produits par l’action de masses d’eau violemment déplacées. On arrive également à cette conséquence par l'observation du gise- ment des tufs qui se trouvent dans cette même localité. J’ai démontré, je crois, jusqu’à l'évidence (1) que les tufs qui recouvrent la plaine de la Campanie et qui pénètrent jusqu’à une grande distance dans les vallées voisines de l’Apennin, ont été produits par les déjections du volcan de Roccamonÿfina, et font partie d'une formation distincte de celle des tufs des Campi Flegrer. Les premiers sont terreux, homogènes, de couleur ordinairement cendrée, et renferment constam- ment de nombreux fragments de feldspath vitreux; les seconds sont ponceux, d'une couleur jaunâtre et sans feldspath vitreux. J’affirmerai de plus, ce que plu- sieurs regarderont comme un songe et une rêverie, mais ce que cependant je peux soutenir par des arguments irrécusables, que les mystérieux tufs volcaniques qui recouvrent la plaine de Sorrento font partie de la formation des tufs de Rocca- monfina , dont ils ont été détachés par d’autres phénomènes qui ont eu lieu postérieurement, et principalement par la dénudation. Or, le transport des ma- tériaux de ces tufs à une si grande distance ne peut s'expliquer que par deux moyens, soit par une pluie de cendres tombée d’en haut, soit par l’action de cou- rants aqueux. La première supposition ne saurait être admise, par la raison que je n'ai trouvé ces tufs que dans les vallées basses de l’Apennin voisin, et jamais sur ses plateaux ou dans ses bassins élevés, ce qui démontre jusqu’à l'évidence que leurs matériaux ne sont point tombés sous forme de pluie. Nous sommes donc obligé de recourir à l’autre supposition, c’est-à-dire à celle des courants, et l'on voit très bien que le transport par cette voie n’a pu s'effectuer qu’à l’aide

(1) Observations géognostiques sur la partie septentrionale et orientale de la Campanie, SU, P. 46 et 47.

172 CRATÈRE DE SOULÈVEMENT (NSApMAET du déplacement de masses d’eau qui pouvaient résulter des soulèvements souter- rains. Mais je ne veux point passer à un autre sujet sans faire l'observation sui- vante : les fragments de feldspath vitreux qui sont disséminés dans les tufs de la Campanie nous montrent que ces tufs sont évidemment en rapport avec la for- mation du Monte S* Croce, qui est composé de trachytes, et non avec celle du grand cône, qui ne renferme que des laves leucitiques. Il paraît donc que l'ori- oine et le transport de ces magmas volcaniques doivent être attribués au soulève- ment {rachytique de $" Croce, ce qui vient à l'appui de la vérité que je me suis efforcé de démontrer.

Enfin je rappelle ici de nouveau ce que j'ai raconté au commencement, c'est-à- dire que le volcan de Roccamonfina s'élève au milieu de deux montagnes cal- caires qui sont des branches de l’Apennin (voir lacoupe dans la figure , pl. V). L'une de ces montagnes est au nord, et s'appelle one Cammino; V'autre au midi, et c'est le Monte Massico, célèbre dans les vers d'Horace à cause de l’excel- lence de son vin. Ces deux montagnes sont si voisines du volcan que leurs pieds se réunissent etse confondent avec la base de celui-ci. Or, la roche du Massico, près du village de Cascano, elle se trouve en contact avec les matières vol- caniques , est un calcaire bitumineux gris , à couches très régulières et bien dis- tinctes, qui montrent leursaffieurements du côté du volcan ; les couches ont été ici évidemment brisées et redressées sous un angle d'environ 15°, etle redressement coïncide précisément avec l'inclinaison des toits du grand cône (fig. 2, pl. IE, près du village de Cascano). Or, il me semble que ce fait ne peut être expliqué que de la manière suivante : avant l’apparition du volcan, le A/onte Massico n’était qu'une seule et même montagne avec le Wonte Cammino, et les deux réunies formaient une branche de l'Apennin qui fut coupée dès les premières éruptions qui se sont faites dans cette localité; de la séparation des deux montagnes. Cette idée est si naturelle, qu'elle ne pouvait point échapper à l'œil très exercé et perçant de Breislak, qui, dans son ouvrage intitulé Zopographie physique de la Campanie (chap. 122), s'exprime ainsi : «Un seul coup d'œil que l’on jetterait sur la carte » (sur celle qui accompagne son ouvrage) suffirait pour faire comprendre que les » éruptions de la Xocca ont, je pourrais dire, coupé la montagne ex deux parties; » la partie septentrionale est le Aonte Cammino, et la partie méridionale le » Monte Massico.» Voilà donc le premier effet du soulèvement. Les plus an- ciennes éruptions donnèrent origine aux leucitophyres et aux autres roches volcaniques qui constituent maintenant le Monte Cortinella, roches qui, par des circonstances particulières lors de leur formation, se répandirent en lits ho- rizontaux. Plus tard, un nouvel ordre de choses commença, savoir : l’éruption trachytique de S* Croce, qui produisit le soulèvement des assises de leucito- phyres et leur relèvement circulaire autour d’un axe central.

Après être arrivé à cette conclusion, j'examinai de nouveau, et avec plus de soin, la carte topographique du Cantal dont j'ai fait mention au commencement

{N. 5, pe 11.) DU VOLCAN DE ROCCAMONFINA 173 de cet écrit; mais quelle fut alors ma surprise en voyant la grande analogie qui existe entre les conditions topographiques et géologiques de cette région et celles du volcan de Roccamonfina! Je me suis donc fait la demande suivante : Est-ce qu'il ne serait pas possible (abstraction faite des conséquences de la dénudation ) que le Puy-de-Griou se trouvât, par rapport au Plomb-du-Cantal, dans ies mêmes relations topographiques que le cône de $* Croce avec la ceinture montagneuse de la Cortinella ? Jai invité dès lors mon ami M. Elie de Beaumont, qui a si bien étudié le Cantal, à réfléchir sur cette circonstance et à comparer les cartes topo- graphiques qui représentent avec le plus d'exactitude le relief de cette région et d'autres pays qui lui ressemblent ; il est probable que l'on pourra trouver plus d’une fois la répétition de la curieuse circonstance topographique de Aocca- mnonfina.

Je suis loin de prétendre que la position des cônes au centre des cratères de soulèvement soit une condition sine qué non pour caractériser ces cratères. On comprend aisément qu'il peut y avoir de grandes différences causées par les di- verses circonstances qui accompagnèrent la formation des cônes. Ce que je veux exprimer seulement, c'est que , quand nous rencontrons des montagnes plutoni- ques placées précisément au milieu d’une couronne de roches relevées, nous pouvons regarder comme certain qu'une telle couronne a été produite par voie de soulèvement. j

Je ne saurais clore le présent Mémoire sans ajouter à ceux que je viens d'indi- quer quelques autres faits qui cadrent assez bien avec mon but. Ces faits, que j'ai observés dans d’autres localités volcaniques de notre pays, avaient déjà dis- posé mon esprit à accepter la théorie des cratères de soulèvement , sinon à bras ouverts, au moins avec celte réserve qui convient toujours à celui qui recherche la vérité. Voici l'exposition de cette théorie telle que je la conçois :

Les trachytes et les autres roches de même genre qui composent l'ile de Ponza, comme les perlites, rétinites, pumites, etc., ont un gisement tel , et le profil de leur surface est tellement disposé, qu'il ne présente aucune ressemblance avec Ia disposition des matières dans les volcans ; j’ai eu occasion de faire allusion à cette circonstance dans les Considérations générales sur les laves que j'ai exposées dans la première partie de mes Ætudes de géologie. Ces roches s'élèvent sous forme de cônes réunis à leurs bases et séparés au sommet, si bien que l’île en- tière n'est formée que d'une agrégation de semblables monticules, intacts en partie et en partie fracturés et déchirés par l’action des vagues. Un de ces monti- cules, qui se trouve sur la côte occidentale de l'ile, appelé Monte delle Capre, se fait surtout remarquer par sa forme et sa structure. La base et une grande partie de sa masse sont composées de perlite gris passant au pumile ; sa tête se trouve constituée par un trachyte granitoïde qui présente une division en prismes régu- liers, couchés en partie et en partie verticaux. La forme du perlite est celle d'un manteau qui enveloppe ou mieux encore qui constitue toute la pente de la mon-

174 CRATÈRE DE SOULÈVEMENT (N.5, p.12) tagne ; mais ce manteau a été, du côté de la mer, miné et détruit par les flots, si bien qu’une seule moitié du cône est encore debout, celle qui regarde l’intérieur de l’île. Cette circonstance nous permet de bien observer la structure interne de la montagne. On voit alors que le trachyte forme un dyke puissant qui s'élève droit et abrupt des eaux de la mer, et va se terminer en haut, il forme la pointe la plus élevée du cône. C'est ce dyke qui a évidemment soulevé le perlite, lequel, comme je l'ai dit plus haut, présente la forme d’un manteau qui entoure et recouvre le trachyte , et dont la crête supérieure, terminée en demi-lune, a toute la ressemblance possible avee un segment de cratère, cratère qui, pour être petit, n'en à pas moins {ous les caractères bien distincts. On voit aisément que cette crête et l'ouverture à laquelle elle fait couronne ont été produites par le soulèvement du dyke trachytique. Cela est prouvé, en premier lieu, par l’as- pect général du cône; en second lieu, par la forme de la crête de perlite à sa partie supérieure, elle est déchirée etoù elle présente des pointes qui font saillie vers le sommet du dyke, et, en troisième lieu, surtout par l’inclinaison dela paroi intérieure qui fait face au dyke et qui plonge, escarpée et abrupte, dans la mer, tandis que la pente extérieure s’abaisse par un plan légèrement incliné. On voit beaucoup mieux celte disposition de la montagne un peu plus loin et de la cime d’un autre cône qui s'élève vis-à-vis du premier, d’où l’on aperçoit la forme soulevée du manteau perlitique aussi distincte qu’on peut le désirer. Ce fait me parais- sant d'une très grande importance dans la question qui nous occupe, j'ai cherché à le représenter de mon mieux dans la fig. 2, pl. V, jointe à ce Mémoire.

Les adversaires de la doctrine des cratères de soulèvement, et principalement les partisans de la théorie des causes actuelles, ont essayé de combattre cette doctrine par l’analogie de ce que l'on observe de notre temps dans les volcans ac- tifs. Les volcans nouveaux, disent-ils, qui se sont ouverts depuis les temps histo- riques , les cônes qui s'élèvent souvent dans l'intérieur des cratères en activité, montrent à leurs pieds, par des indices certains, qu'ils sont le produit des scories et des sables rejetés par les explosions volcaniques, qui, retombant des airs, se disposent autour d’un axe central, s’entassent en talus, et donnent lieu , au bout de quelque temps, à une montagne conique qui présente à son sommet un gouffre circulaire en forme d’entonnoir. Les matériaux des nouvelles déjections produites par les explosions qui se succèdent retombent sur la côte de la montagne et se disposent en couches parallèles à sa pente; et si quelque coulée de lave descend sur cette pente, elle y forme une assise également inclinée et parallèle aux assises sous-jacentes. Ces opérations répétées pendant une longue série d'années donnent origine à un cône dont la coupe verticale présente une série d'assises volcani- ques très inclinées qui s'abaissent tout autour d'un axe central. Ceux, reprennent: ils, qui considèrent avec légèreté ces opérations de la nature, ou qui ne les ont pas assez profondément étudiées, sont induits en erreur par la position inclinée

(N. 5, p.15.) DU VOLCAN DE ROCCAMONFINA. 175 des assises volcaniques, qu'ilsneregardentplus comme étant la même que celle dans laquelle elles ontété primitivement formées, mais bien comme le résultat de disloca- tions et de redressements subis après leur formation, ainsi que cela se voit dans les couches des roches neptuniennes. De une théorie qui aune apparence très sédui- sante, et qui est accueillie facilement par les esprits légers, mais non par ceux qui ont suivi avec patience et sans prévention la marche des phénomènes qui sont en- core en vigueur ; en effet, ils ajoutent : Dans la nature vivante, on n’aperçoit aucun phénomène qui soit semblable à ceux qui ont donné origine aux prétendus cra- tères de soulèvement. C’est ainsi que parlent les opposants de la théorie du célè- bre géologue prussien , auxquels je répondrai que tout ce qu’ils affirment sur ja formation des nouveaux volcans , et des cônes des volcans actifs, et des cratères ouverts à leur sommet, est vrai, incontestablement vrai, et je donnerai moi- même plus de poids à ces raisonnements en disant que, depuis douze ans que j'étudie sans interruption les phénomènes du Vésuve, il m'est arrivé plusieurs fois de voir naître dans son cratère, et dans un délai de peu de jours, des cônes majestueux produits par les éruptions du volcan, et je me rappelle entre autres celui que j'ai observé avec mon ami M. Abich pendant le mois d'août 1838, et qui causa un grand étonnement dans notre esprit, soit par la rapidité de sa formation, soit par son étendue. Mais je dois dire aussi qu'avec ces phénomènes, il m'est arrivé d’en voir d’autres dans le même volcan qui tiennent de très près à la doc- trine des cratères de soulèvement, et qui lui sont d'un grand appui, en lui im- primant le cachet de la vérité. Entre Les faits nombreux que j'ai observés, il me paraît bon de choisir les suivants, qui conviennent le mieux au sujet actuel.

Pendant le mois d'août 1832, il s’est formé dans le cratère du Vésuve, au pied de la Punta del Palo , une protubérance mamelonnaire crevassée en diffé- rentes directions, et qui n’était autre chose qu'une partie de la carapace du cra- tère renflée à l'instar d’une vessie. Sa surface extérieure était d’abord très arron- die, et remplie de fentes peu dilatées ; mais peu à peu elles devinrent plus larges et plus profondes , et produisirent par leur réunion une cavité irrégulièrement elliptique , dont les parois étaient divergentes en haut, mais rétrécies et rappro- chées au fond. Cela changea complétement l'aspect primiuf de l'éminence, qui offrait alors l'image d’une grenade, telle qu'on en voit souvent ouvertes et déchi- rées. La structure et la forme des parties de cette protubérance étaient très remar- quables, puisque, dans la cavité, elle était composée d’assises de téphrine leuci- tique très solide, peu celluleux et gris, et se divisait par de nombreuses fentes en masses irrégulièrement prismatiques; le parallélisme des assises se voyait très distinctement, et on en pouvait compter quatre ou cinq disposées symétrique- ment. Quant à la surface extérieure, elle était formée de lave scoriacée noirâtre et toute parsemée d'aspérités, comme on la voit sur le sol du cratère. Les assises de téphrine formaient à l’intérieur de la cavité une paroi très escarpée, s’abais- saient très rapidement en dehors, et elles étaient toutes disposées autour de l'axe

176 CRATÈRE DE SOULEVEMENT CN.5, p.14.) central de la cavité, bien qu'un peu irrégulièrement, à cause de la forme peu ré- oulière de cette dernière. La pente extérieure de la butte n’était même autre chose qu'une portion relevée du sol horizontal du cratère, avec lequel il n’y avait pas même solution de continuité, ce qui était bien démontré par la couche scoriacée supérieure de la même pente, d'où l'on voyait très clairement que la protubé- rance et la cavité ouverte à son sommet avaient été le produit d’un soulèvement incontestable, par suite duquel les assises de lave intérieures, et auparavant cachées, avaient été disloquées et mises à nu. Cette observation est décrite avec beaucoup de détails dans mon Spectateur du Vésuve({"* livraison, $ 4, et li- vraison, $ 14), et je rappelle ici volontiers le passage suivant, par lequel se ter- mine la description ; par on verra les conséquences que j'en tirais déjà dans un temps la théorie des cratères de soulèvement m'était encore peu connue : «Dans » cette occasion, y est-il dit, nous devons avouer que l’un de nous montrait » beaucoup de réserve à reconnaître comme l'effet du choc des agents souter- , rains la formation de plusieurs montagnes et l’origine du soulèvement et du gi- , sement oblique des couches terrestres, ce qui est maintenant l'opinion favorite , des géologues; mais en observant le fait merveilleux indiqué ci-dessus, dans » l'intérieur du cratère de notre volcan, il a été contraint d’avouer que cette théo- > rie, soutenue par des géologues de premier ordre de notre époque, s'appuie sur » des faits et des arguments d’une grande importance. Et réellement, il était im- » possible de se trouver en présence du phénomène que nous avons décrit sans » s'écrier : Qu'elle est grande la puissance des feux souterrains |! » Afin de faire mieux connaître la forme de léminence dont nous avons parlé et la disposition de ses parties, j'ai jugé convenable d'en reproduire ici la figure telle qu'elle se trouve dessinée dans l'{#/as du Vésuve et de l'Etna de mon ami M. Abich. { Voir fig. 1, pl. VI.)

Dans le numéro IV du Bulletin géologique du Vésuve, qui fait suite au Spec- tateur, indiqué plus haut, on donne la description d'un cône qui se forma daus le cratère du Vésuve lors de l’éruption de juillet 1834 , et qui me présenta des faits d’une telle nature, qu'ils sont très propres à éclairer notre question. Voici

y

ÿ

Y

ce qu'on y lit :

« Mais c’est le nouveau cône élevé vers l'extrémité du promontoire qui était » surtout très remarquable par sa forme et par l’intumescence du sol environ- nant sa base; à peine posait-on le pied sur le bord du cratère, après avoir achevé l'ascension du volean, qu'il s’offrait aux regards, et on le voyait bien distincte- ment même de Naples. Il reposait sur une base très étendue, et ressemblait plu- tôt à une portion du sol du cratère soulevée sous forme de vessie (seu speritus » oris tendere vescicam solet (1), et déchirée dans le point l'impulsion avait été » plus puissante, c’est-à-dire dans le point le plus élevé. L'ouverture de cette

(4) Ovid., Métam., Hb. IX.

(N:5, p.15.) DU VOLCAN DE ROCCAMONFINA. 177 » infumescence pyramidale creusée dans son centre était un abîme majestueux et » profond, de forme ovale, dont le plus grand diamètre était d'environ quarante » pieds, et la profondeur dépassait cent. Toute la masse, aussi bien à l’intérieur qu’à » l'extérieur de l’abîme, était composée de lave scoriacée ; sur les parois et sur le » fond, on voyait distinctement des assises de lave lithoïde soulevées, et par consé- » quent en position inclinée; ces assises étaient sans doute d'anciennes coulées » qui gisaient au fond du cratère, et qui avaient été soulevées et brisées par l’ex- » plosion des substances gazeuses. Du sommet de cette intumescence partaient » comme d'un centre commun deux grandes crevasses en direction opposée, d’où » étaient sorties deux coulées pendant la dernière éruption.»

Le dessin de ce cône qui est ajouté à ce Mémoire est tracé d’après la planche qui accompagne le numéro du bulletin déjà mentionné. (Voir fig. 2, pl. VI.)

Voilà donc encore deux observations précieuses qui démontrent que de nos jours il se produit dans les volcans des buttes et des cônes d’origine différente. Les uns, et ils sont les plus nombreux, sont le produit des scories et des sables qui retombent autour de l’orifice d’éruption ; dans ceux-ci, les matières forment autour d’un axe central un manteau de strates qui plongent tout autour vers tous les points de l’horizon. Les autres, et ils sont moins fréquents , constitués par une partie de la carapace du cratère brisée et soulevée, sont composés d'assises de lave également inclinées autour de l’axe central qui correspond au centre du soulèvement. Dans l’un comme dans l’autre cas, on voit une série de phénomènes presque égaux, bien que la cause qui leur donne origine soit très différente, puisqu'il se produit toujours une butte conique avec une ouverture au sommet, et dans laquelle les matériaux sont disposés autour d'un axe. La principale diffé- rence se trouve placée dans la forme de la cavité centrale, qui, dans l’un des cas, est ronde ou elliptique, mais sans qu'il y ait solution de continuité ; dans l’autre, la forme est encore la même, mais le monticule est coupé par des crevasses dis- posées en rayons. On comprend encore, et je puis l’affirmer d’après mes propres observations, qu'il est rare de rencontrer dans les volcans de ces éminences pro- duites par une seule des deux causes indiquées avec exclusion absolue de l’autre: mais presque toujours ces causes se combinent de manière que les phénomènes d’éruption soient toujours accompagnés par ceux de soulèvement, et vice versd.

Dans l'ordre donc des phénomènes qui ont lieu présentement sur le globe, il y en a quelques uns qui produisent des effets pareïls à ceux qui sont supposés par la théorie des cratères de soulèvement, et servent par cela seul d’un grand appui à ses principes. Il est faux, comme prétendent quelques uns, que, dans l'ordre des choses actuel, il n’y ait rien qui prouve la formation des cratères par soulève- ment, et qu'au contraire tout ce qui arrive dans les volcans démontre qu'une seule ct même cause les produit toujours, c’est-à-dire l'entassement des matières par leur chute d’en haut.

Les faits que j'ai exposés me semblent ôter à ces assertions toute apparence de vérité. Mais, diront quelques personnes, ces faits, re s'étant montrés que sur une

SOC. GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. n. 3. 23

178 CRATÈRE DE SOULEVEMENT (5, p. 16.) petite échelle, perdent beaucoup de leur valeur par rapport à l'étendue que l’on est obligé d'admettre dans le soulèvement de certains cratères qui, comme ceux de Palma dans les Canaries, de Santorin dans l’Archipel, du Cantal en France, ont des dimensions remarquablement grandes, de sorte qu'il ne peut y avoir aucune com- paraison. Je répondrai quela petitesse des faits indiqués est proportionnée à la force et à l'intensité actuelle des phénomènes naturels, qui sont infiniment plus faibles qu’ils ne l’étaient dans les époques antérieures du globe. Je dirai que les prosé- lytes du principe géologique : 7 quod fuit ipsum quod nunc est, ne pourront jamais, avec leurs subtilités, établir ce principe, qui ne saurait être accepté par ceux qui, sans esprit de parti, font impartialement la comparaison de ce qui s’est passé dans les anciennes périodes du globe avec ce qui a lieu maintenant. La diffé- rence que l'on observe, tantdans la nature des roches que dans leur forme, leur éten- due et leurs modifications, enfin dans les êtres organisés qu’elles renferment, est telle, qu’on ne peut l’expliquer sans admettre un ordre de choses différent, ou sans accorder au moins aux agents d’un autre temps un degré d'énergie de beaucoup supérieur à la puissance des forces opératrices actuelles. Et lorsque les actualistes sont appelés à expliquer de telles différences, ils se voient contraints de recourir à des hypothèses au moins très hasardées et à des subtilités bizarres qui ne pour- ront jamais recevoir le cachet de la démonstration, et qui, lors même qu'elles seraient vraies , ce que je conteste, resteraient toujours au nombre de ces sys- tèmes inaccessibles à l'esprit humain, et, par cela même, hors des limites qui bornent le noble champ d’une saine philosophie. Pour appliquer cette grande vérité à notre sujet, je leur demande : voit-on des volcans nés de- puis les temps historiques ou traditionnels qui soient comparables, je ne dirai pas à l'Etna ou au Vésuve, mais seulement au Stromboli, le plus petit de tous? Et sur- tout, retrouve-t-on des volcans historiques qui aient eu une longue existence et aient établi une communication permanente entre l'atmosphère et l'intérieur du globe? Qui ne sait pas que tous, les uns comme les autres, n’ont eu qu'une durée éphémère, et qu'à peine s’étaient-ils formés, qu'ils se sont bientôt éteints ou obstrués, et ont pour la plupart disparu ?

Telle est certainement l’histoire du Monte Nuovo, du Jorullo, de l’île Sabrina, de l’île Julia, etc. Au contraire, on ne peut pas en dire autant des volcans qui sont maintenant en activité; l'existence de ces derniers est bien assurée, et ils ont eu des périodes alternantes d'activité et de repos dès les temps les plus reculés aux- quels puissent remonter les annales de l'homme.

Les volcans qui se sont formés depuis les temps historiques ont tous, jusqu'à présent, cessé d'agir dans un bref délai, et ont en même temps disparu ; mais ceux dont l’origine se perd dans la nuit des temps continuent encore leurs em- brasements périodiques. Or, si dans l’action des volcans anté-historiques et des volcans actuels on observe cette même différence d'intensité qui existe dans tous les autres phénomènes géologiques de l'une et de l’autre période, il n’est pas sur-

(N.5, p.47.) DU VOLCAN DE ROCCAMONFINA. 179

prenant que dans la proportion à laquelle sont maintenant réduites les forces ter- restres, nous ne voyions plus se produire de cratères de soulèvement comparables à ceux de la période qui précéda le berceau de l'humanité. Cela se fait par la même raison pour laquelle maintenant nous ne voyons plus paraître sur la surface du globe de grands volcans durables, par cela même qu'il ne s’y élève plus de dômes de trachyte, de serpentine, de porphyre , ni de chaînes d’Alpes et de Py- rénées; enfin, par la même cause pour laquelle nous ne voyons plus notre planète peuplée par des Ptérodactiles, Ichthyosaures, Plésiosaures, Paléothériums, ni par la nombreuse série des êtres qui ont disparu de la surface de la terre.

Après cette digression , revenant au volcan de Roccamonfina, auquel me rap- pelle le butde mon raisonnement, je dis qu’à côté des réflexions exposées, ce volcan en fait naître de nouvelles dans l'esprit, et d'une importance qui n’est pas moins grande. C’est qu’on y voit les preuves les plus évidentes du passage que l’action ignée terrestre fait de la forme plutonienne à la forme volcanique, vérité qui se manifeste dans diverses localités et par différents moyens ; il suffit, pour s’en convaincre au premier aperçu, de comparer la structure et la forme du Monte 5“ Croce, d'un côté, et de l’autre celle des cônes parasites de Canneto, Monte Frielli, etc. Ces cônes cratériformes rappellent complétement et à la première vue ceux qui, en si grand nombre, s'élèvent au pied de l’'Etna. Le Monte S“ Croce, au contraire, a parfaitement le même aspect que les cônes trachytiques de l’île Ponza. Sous ce point de vue, le volcan de ARoccamonfina est un anneau très précieux dans la série des volcans des Deux-Siciles, comme étant celui qui éta- blit le passage entre les anciens terrains trachytiques et les volcans modernes. Prenant ce principe pour guide, il me paraît que la série des terrains ignés de ce pays peut être classée de la manière suivante dans l’ordre de leur ancienneté relative :

PREMIER SYSTÈME : îles Ponces ; île de Panaria, dans les îles Éoliennes:; Monte S. Paolo, dans le J’ulture. Terrain trachytique ancien bien distinct.

DEvxIÈME SYSTÈME : Val de Noto ; Capo Passaro, en Sicile. Terrain basalti- que et mélaphyres anciens.

TROISIÈME SYSTÈME : de Roccamonfina. Cône trachytique ancien ; cratère de soulèvement; cratères éruptifs.

QuATRIÈME SYSTÈME : des Campi Flegrei; îles Éoliennes ; Y’ulture, en Basilicata. Cratères d’éruption éteints, avec des indices de soulèvement.

CINQUIÈME SYSTÈME : du ’ésuve, de l'Etna, du Stromboli. Cratères d’érup- tion en activité avec indices d’anciens soulèvements.

SIXIÈME SYSTÈME : du Monte Nuovo; île Julia. Volcans formés depuis la pé- riode historique, et éteints après un laps de temps très court.

TABLE

DES MÉMOIRES CONTENUS DANS CETTE PREMIÈRE PARTIE.

I. Mémoire sur quelques unes des irrégularités que présente la structure du globe terrestre, par M:ROZET, (capitaine dia major APR PE CN CE Page 1

II. Mémoire sur les volcans de l’Auvergne, avec un appendice sur les volcans d'Italie, par M. ROZET,, capitaine d’État-major

RO ON D OS TE M ON CT ee leo à 15 51 IIL. Application sur la théorie des cratères de soulèvement au volcan de Roccamonfina, dans

la Campanie. Mémoire de M. LÉOPOLD PILLA, présenté au congrès de Florence, et tra-

duit de l'italien, par L. FRAPOLLI. . . . . . Ma eee Ut te M RE et Ne 163

FIN DE LA TABLE DE LA PREMIÈRE PARTIE.

MÉMOIRES

SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE

DE FRANCE.

vertjiement

La Société déclare qu'elle laisse aux Auteurs la responsabilité des faits et des opinions contenus dans leurs Mémoires.

EV:

MÉMOIRE

SUR LA

CONSTITUTION GÉOLOGIQUE DES ENVIRONS DE BAYONNE,

PAR M. THORENT.

INTRODUCTION.

Nous avons pu étudier, pendant un séjour assez prolongé à Bayonne, les ter- rains des environs de cette ville et particulièrement des falaises de Biaritz et de Bidart. C’est pourquoi, l'attention des géologues paraissant s'être arrêtée depuis quelque temps d’une manière toute spéciale sur cette intéressante localité, nous venons offrir à la discussion qui s’est ouverte Le résultat de nos observations, et, dans cet objet, nous avons pensé qu’une coupe ou plusieurs coupes, représen- tant rigoureusement la disposition des couches et l'aspect même des falaises, serviraient à rendre plus intelligible la description que nous allons essayer d’en donner, en commençant par les falaises de la Chambre d'Amour, situées à l’ouest de Bayonne, pour de arriver successivement au phare de Biaritz, à Biaritz. au rocher du Goulet , et enfin à Bidart. Nous tâcherons ensuite d'établir l'iden- tité de quelques portions de terrains qui se trouvent au centre de Bayonne, ainsi qu’à l’est et au sud de cette ville, avec les couches dont se composent divers points de ces falaises.

Nous ferons ensuite connaître les résultats que nos observations géognostiques et paléontologiques nous permettront de déduire sur l’âge des terrains dont il s'agit.

Nous terminerons par quelques mots sur l'influence des vents relativement au déplacement de l'embouchure de l’Adour.

COUPE I

De la Chambre d'Amour à la roche percée à Biaritz.

Cette falaise se compose de calcaires marneux et sableux bleuâtres et grisâtres , alternant avec des lits de calcaire argilo-sableux jaunâtres. Ces calcaires et ces marnes constituent des couches plus ou moins épaisses, qui. presque horizon-

SOC. GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. n°4. 2h

182 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE (N. 4, p. 2.) tales près du phare , se relèvent insensiblement jusqu’à Biaritz , elles plongent au N.-N.-E. sous un angle variable de 20 à 25°.

Le premier de ces calcaires , depuis la Chambre d'Amour jusqu’au phare, ren- ferme peu de restes organisés bien déterminables ; nous y avons cependant rencontré les suivants : T'urritella imbricataria, Tornatella , Cardium , Cyprina ou Cytherea, Ostrea vesicularis, Exogyra et des débris de Crustacés (1). Çà et R, sur les couches les plus superficielles , il y a des lambeaux de calcaire sableux à lenticulites.

Au phare, le calcaire dont il s’agit est caractérisé par la présence des Spatan- qus ornatus, Hoffmann, suborbicularis et par la Nummulites Biaritziana.

Le deuxième, qui ne présente quelque développement qu’à partir du phare, il alterne avec le précédent, est formé tout entier de la Nummulites Biaritziana ; il renferme en outre des huîtres, dont une fort grande et très épaisse (2), des peignes , des spondyles , des pointes d’oursins , ainsi que le Spatangus ornatus ; mais ce dernier y est moins commun que dans le calcaire marneux.

Ces calcaires sableux , ainsi caractérisés, s’observent depuis les couches les plus supérieures du massif qui avoisine le phare, à la Chambre d'Amour, jusqu'aux assises les plus inférieures des rochers situés un peu au-delà du port vieux. C'est cependant sur les escarpements de l’Atalay à Biaritz que ces calcaires sont le mieux développés et contiennent le plus de fossiles , tels que les Spatangus or- natus, Hoffmanni et suborbicularis (Grat.), la Nummulites Biaritziana , le Beloptera belemnitoidea , Scutella, Echinolampas, Chama, Spondylus spinosus, Pecten ( plu- sieurs espèces ), Teredo, N'ummulites.

Nous ferons remarquer ici que la hauteur de la falaise, d'environ 25 mètres, à partir du phare, diminue sensiblement jusqu'à 700 mètres de distance du mou- lin de Biaritz, elle disparaît presque complétement, ne laissant apercevoir çà et que quelques fragments de roches éparses sur une plage basse et cou- verte par les sables de la mer. Après le moulin, les mêmes couches que l’on a vues depuis le phare se représentent au pied de l’Atalay, et constituent tout ce massif jusqu'au port vieux. Sur ce point, la falaise est plus élevée (30 mètres) ; et sans tenir aucun compte des dégradations produites par l'action incessante des vagues de l'Océan, les couches dont elle se compose sont plus redressées , et offrent de plus fortes traces de dislocation.

(4) Ges fossiles, ainsi que les suivants , déterminés par M. d’Archiac sur un premier aperçu , seront de sa part l’objet d’un travail particulier qui sera publié ultérieurement, avec les deux espèces de

Crinoïdes décrites par M. Alc. d’Orbigny. (2) Cette huître est la même que celle qui est déposée au Jardin des Plantes et qui provient du

terrain inférieur du Vicentin.

(N-4,p.5.) DES ENVIRONS DE BAYONNE. 133

COUPE 2.

Du vieux port de Biaritz jusqu'au-delà de la roche du Goulet.

Ici se présente une nouvelle série de couches qui surgissent de dessous les pré- cédentes ; elles se composent de lits de marne bleue , alternant avec un calcaire marneux grisâtre, bleuâtre ou jaunâtre , assez compacte et d'épaisseur variable. Ces couches sont en stratification concordante avec les précédentes, et présen- tent à peu près la même inclinaison; elles en diffèrent, cependant, par l'aspect et la composition.

La Nummulites Biaritziana et le Spatangus ornatus, naguère si abondants dans les couches presque immédiatement supérieures à celles-ci, ont disparu tout à- coup, et se trouvent remplacées par la Serpula spirulæa et par une très grande et très mince nummulite. Cette dernière, quoique très abondante , ne se trouve pas d’abord également éparse dans toute la roche ; on l'y rencontre çà et en nids ou amas , et ce n’est qu'un peu plus loin , dans les bancs inférieurs , que cette nummulite constitue avec une autre plus petite, également très déprimée, des couches tout entières assez puissantes. }

Ces fossiles sont les plus abondants ; ils se trouvent cependant accompagnés d'un grand nombre d’autres, surtout dans les assises les plus inférieures au rocher du Goulet baigné par la mer, entre Biaritz et Bidart.

On distingue, principalement le long de la falaise du port des Basques en decà du rocher du Goulet, des Dentalium , Turritella imbricataria, Cerithium . Spondylus , Ostrea, Turbinolia ( plusieurs espèces ), Serpula spirulæa, et dans les couches dont se compose le rocher du Goulet même, évidemment inférieures aux précédentes, les Serpula spirulæa, et plusieurs autres espèces, Guettardia stel- lata , Retepora vibigata, Lunulites (plusieurs espèces), Ceriopora , Cellepora , Caryo- phyllia, Orbitolites, Nummulites crassa, Biaritziana, globosa , Micraster, Schizaster. Echinolampas , Cidarites , Pinna.

Ces couches renferment en outre, et principalement au pied du vieux phare, le très beaux échantillons de fer sulfuré épigène et quelques fragments de

ignite.

Après avoir passé les roches du Goulet et traversé un cours d’eau venant d'un moulin situé, pas très loin de la plage, on observe Le long de la falaise une série de couches, composées d’un calcaire marneux bleuâtre et grisâtre , faisant évidemment suite aux précédentes, dont elles ne diffèrent que par les restes organisés qu'elles contiennent.

En poursuivant le jong de la plage,on arrive à un endroit la falaise se ter- mine brusquement ; le calcaire sableux jaunâtre dont elle est formée renferme plusieurs fossiles que nous n'avons pas rencontrés ailleurs, et notamment des polypiers.

184 MEMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE CN. 4,p. 4)

Ces calcaires ne contiennent plus autant de nummulites ; le Spatangus ornatus y est fort rare et toujours en fragments ; nous y avons trouvé, notamment près du ruisseau, des crustacés, et Le long de la falaise une térébratule nouvelle avec une autre fort petite striée, ayant de l’analogie avec la T. Caput serpentis (1). Il ya en outre des Ostrea flabellula, vesicularis, Vulsella, Pecten, Echinolampas , Pygo- rhynchus, etc.

COUPE 3

Suite de la falaise jusqu’à Bidart.

En quittant la falaise que nous venons de décrire , on se trouve sur une plage basse et sans rochers apparents ; on marche ainsi pendant quelques minutes , ef l'on arrive devant une falaise, composée d'une série de couches toutes nouvelles et singulièrement disposées. Tout annonce sur ce point un soulèvement à l’ ap- parition des ophites.

Avant d'aller plus loin, il importe de faire observer qu'il existe une lacune entre l'extrémité de la falaise que nous venons de parcourir et celle devant laquelle nous nous trouvons actuellement, que cette lacune présente une étendue considérable , ainsi que la coupe le fait voir, et que la formation de cette dernière falaise est entièrement indépendante de celle que nous avons étudiée depuis la Chambre d'Amour.

En effet , les couches calcaires précédentes avaient conservé depuis le phare de Biaritz à peu près la même inclinaison vers le N.-N.-E. , tandis que celles qui se présentent ici atteignent la verticale, et disparaissent ensuite sous des dépôts considérables d'argile jaune et lie de vin.

Un peu plus loin , se présentent d’autres couches d'un calcaire gris, argileux , conchoïde, dont l’inclinaison S.-S.-0. est opposée à celle des couches précédentes ; elles forment avec celles-ci un véritable cône de soulèvement , dont le centre se compose de dépôts considérables d'argile bigarrée et de gypse.

Non loin de , à environ cinquante pas en avant de la falaise, on aperçoit encore , à marée basse, un bloc considérable d’ophite ; il est accompagné de gros blocs épars d’une sorte de brèche boursouflée, composée de fragments anguleux , de grosseur variable, de calcaire gypseux jaune et lie de vin agglutiné par du spath calcaire blanc dolomitique et souvent cristallisé.

Le gypse, que l’on peut voir encore en place au bas même dela falaise, est dr un blanc grisâtre ou jaunâtre , quelquefois très blanc, et souvent même d'un beau rouge de brique ou lie de vin. Cette roche, dont la stratification n’est pas appa- rente, est plus ou moins compacte, fendillée dans tous les sens, et traversée de filons de gypse fibreux très commun et de gypse laminaire très rare. Dans les

(4) Cette térébratule est évidemment la même que celle que l’on trouve dans les Corbières, dans un terrain analogue à celui de Biaritz; nous en possédons plusieurs échantillons de ces deux localités.

(N: 4, p. 5.) DES ENVIRONS DE BAYONNE. 185 mêmes veines ou filons, se trouvent quelquefois descristaux de chaux magnésienne ( dolomie ) et de chaux carbonatée rhomboïdale.

Le peu d’étendue de cette roche sur ce point, ou plutôt la difficulté de l’obser- ver à cause des argiles ferrugineuses qui la recouvrent, ne nous a pas permis de mieux en étudier la position ; elle a paru, cependant, associée aux argiles sans que toutefois nous ayons pu remarquer aucune trace d'alternances de couches régu- hères , ce qui vient à l’appui du mode de formation qu'on lui attribue.

Le calcaire marneux gris conchoïde repose sur un calcaire siliceux dont les bancs atteignent la verticale; celui-ci se compose de couches peu épaisses de calcaire grisâtre avec silex pyromaque ou corné empâté dans la pierre, de pla- ques de 1 à 5 centim. d'épaisseur , et parailèles à la stratification. Cette roche est souvent feuilletée dans ses parties marneuses , et ne renferme d'autres fossiles que quelques empreintes de fucoïdes. Le calcaire marneux conchoïde esttrès compacte, et présente assez de dureté sur quelques points ; mais la majeure partie se décompose à l’air ; elle se fendille et se détache en fragments sphéroïdes ou rhom- boïdaux.

Ces calcaires contiennent jusqu'ici peu de restes organisés fossiles ; nous n’y avons rencontré que des échinides qui paraissent être des Ananchites ovata plus ou moins déformées.

Nous ajouterons que ces calcaires, lorsqu'ils avoisinentles gypses, sont sensi- blement altérés ou décomposés. Nous avons cependant remarqué plusieurs fois que des portions de ces mêmes calcaires, se trouvant engagées dans la pâte même du gypse encore en place, avaient conservé leur état primitif.

En longeant la falaise, on retrouve toujours le même calcaire , mais ayant plu- tôt une tendance fiscile que conchoïde. Les couches qu’il forme sont plus riches en fossiles que celles qui les recouvrent ; nous y avons recueilli un nautile dans la bouche duquel, suivant M. Alc. d'Orbigny, se trouvait un Pollicipes; elles contiennent , en outre, plusieurs espèces d’ammonites qui restent à déter- miner.

Ainsi que nous l'avons déjà fait connaître, la série de couches dont se compose la falaise à l'endroit que nous avons désigné comme un centre de soulèvement, plongent au S-S.-0. ; mais à une distance de de quelques minutes , les mêmes couches se redressent brusquement pour incliner ensuite en sens contraire , sous un angle d'abord d’environ 2°, et atteindre enfin la verticale.

En effet, arrivé au pied des falaises de l’ermitage de la Madelaine, à Bidart, on aperçoit un nouveau cône de soulèvement, accompagné des mêmes phéno- mènes qui caractérisent le précédent. La coupe que nous avons sous les yeux représente avec exactitude le point les couches ont céder aux efforts d'une puissance souterraine. La faille que l’on aperçoit encore le plisse- ment s’est opéré, les roches ondulées que l’on remarque à la partie supérieure des bancs , et les dislocations et redressements qu'ont éprouvés un peu plus loin

186 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE (N.4, p.6) les couches qui constituent la falaise de la Madelaine sont la preuve irrécusable des soulèvements qui se sont opérés.

Enfin , on retrouve ici à peu près les mêmes calcaires que nous avons fait con- naître en décrivant la coupe 2. Le calcaire siliceux est identique, et le cal- caire marneux conchoïde ne diffère de celui déjà connu que par la présence des corps organisés qu'il renferme ; il est caractérisé surtout , à la partie moyenne , par l’Inoceramus Cripsü (Mant).

Ces calcaires sont recouverts çà et par des marnes calcaires grisâtres, ou » plutôt, par des calcaires décomposés et par des argiles jaunes et lie de vin. Des dépôts de cailloux roulés et de sables, qui nous ont paru de l’époque alluviale an- cienne , reposent encore en couches horizontales sur quelques parties élevées de cette falaise.

REMARQUES GÉNÉRALES.

Nous dirons actuellement , pour compléter ce travail descriptif de la localité, que la majeure partie des couches dont se composent les falaises, depuis la Cham- bre d'Amour jusqu'à Bidart, correspondent, en général , à des couches analogues et souvent identiques, que l’on retrouve dans les environs de Bayonne ; mais tellement disloquées, qu'il est très difficile de reconnaître aujourd'hui l’ordre primitif de leur superposition.

Il existe, en effet, dans les communes de Sainte-Marie-de Gosse et de Saint- Jean-de-Marsac ( Landes), sur les bords de l’Adour et à 4 lieues S.-0. de Dax, un calcaire grossier à échinides, pétri de la Nummulina complanata et iden- tique à celui de Bayonne et de Biaritz. La ville de Bayonne repose elle-même presque tout entière sur ce calcaire, qui constitue les principales élévations qui entourent la ville, telles que les hauteurs de Saint-Pierre d'Iruby et de la cita- delle. On le retrouve encore au Vieux Boucaud, ainsi qu’à la Chambre d'Amour ; mais dans cette dernière localité, il n'y est que faiblement représenté.

En construisant donc une coupe, à partir des escarpements qu'on aperçoit sur la rive gauche de l’Adour, dans la commune de Saint-Pierre jusqu’à la Chambre d'Amour (voir la fig. 4 ), il est facile de reconnaître que les couches arénacées et poudingiformes de Saint-Pierre sont supérieures au calcaire à VNummulina complanata, et que celui-ci repose, comme on le voit, dans une excavation pra- tiquée à Saint-Léon , l'un des faubourgs de Bayonne, sur des couches d’un cal- caire marno-sableux analogue à celui dont se composent les dernières assises de la Chambre d'Amour.

Les couches du phare et de Biaritz n’ont point de représentants extérieurs dans les environs de Bayonne ; on rencontre seulement à un quart de lieue de Saint-Pierre , après avoir quitté la grande route de Saint-Jean-Pied-de-Port pour suivre le chemin de Villefranche, une série de couches inclinées vers le sud- ouest, qui offrent de l’analogie avec celles qui sont au-delà du rocher du Goulet ;

CN: 4, p.7.) DES ENVIRONS DE BAYONNE. ‘187 elles renferment , de même que les dernières , la petite térébratule striée déjà indiquée ; plusieurs espèces de Micraster, et en outre, le moule intérieur d’une très grande gryphée ayant environ 0,25 de longueur. Un peu plus loin, et se dirigeant vers le sud , on arrive au pied d’une colline l’on aperçoit en place, dans un enfoncement , un calcaire marneux bleuâtre , renfermant peu de restes organisés; sur les marnes repose un massif calcaire pétri de plusieurs espèces de Nummulites, telles que les N. Millecaput, crassa et Biaritziana. Ces calcaires sup- portent à leur tour plusieurs couches qui diffèrent des précédentes, surtout par les fossiles qu'on y trouve; elles contiennent une huître fort grande et qui paraît être la même que celle de Biaritz, ensuite des peignes et un schizaster.

Tout le massif qui constitue cette colline, d'une assez grande étendue, me paraît pouvoir être rapporté aux calcaires du rocher du Goulet d’une part, et aux calcaires marneux et sableux de la falaise d’une autre part.

Dans une tranchée pratiquée à un kilomètre environ de Saint-Pierre , dans le but d'y faire passer la route de Miscous nouvellement construite, on a mis à dé- couvert des couches très épaisses et fortement inclinées d'un calcaire marneux, compacte , nummulitique , entièrement semblable à celui qui forme la partie moyenne de la colline dont nous venons de parler. Les portions de cette roche qui se trouvent exposées aux influences de l'air se décomposent aisément et laissent ainsi la facilité de faire une ample moisson de nummulites , seuls restes organisés qu'elle renferme ; ce sont les N. Millecaput, crassa, Biaritziana et pla nospira.

Nous n'avons pas trouvé les calcaires dans les environs de Biaritz ; les seuls de la falaise qu on pourrait peut-être leur assimiler, seraient ceux dont se com- posent les bancs inférieurs du rocher du Goulet. Bien que ceux-ci soient plus sableux et moins compactes, ils renferment cependant les mêmes nummulites, à l'exception de la W. planospira.

Ainsi que nous l'avons déjà dit, les calcaires que nous venons d'essayer de rap- porter aux diverses assises de la falaise constituent tous des collines situées à l'est de Bayonne, sur la rive gauche de l’Adour et des deux côtés de la rive, et pré- sentent des cônes plus moins allongés, dont les couches plongent dans diverses directions. Il serait donc très difficile d'établir leur véritable ordre de superpo- sition. Îl nous a été également impossible de rencontrer un seul point les couches aient paru se lier avec les calcaires siliceux et conchoïdes que l’on retrouve à Mouguerre, à Briscous, à Bidache, etc., et dont ils sont toujours séparés, de même qu’à la falaise, par de larges vallées ou par des ravins très profonds.

Ici se termine la description géognostique que nous nous étions proposé de donner; elle est certainement incomplète; il y aurait sans doute encore des remar- ques importantes à faire; mais, ayant quitter Bayonne avant d’avoir pu mieux explorer ses environs , nous ne pouvons faire mention que de ce que le

138 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE CN. 4, p. 8.) temps nous à permis de bien voir. Malgré les imperfections de ce travail préli- mipaire, nous allons toutefois essayer de voir si le résultat de nos observations ne nous fournirait pas des données suffisantes pour établir l’âge relatif des terrains appartenant aux localités dont il s’agit.

Plusieurs géologues ont écrit sur les environs de Bayonne, et parmi ceux que nous avons été à même de consulter , nous avons trouvé, ou que leurs opinions sur l’âge des terrains de cette contrée n'étaient pas très arrêtées , ou qu'elles ne s’accordaient pas.

En effet, les uns ont pensé que les couches calcaires arénacées de Biaritz ap- partenaient au terrain de la craie, parce que le calcaire à lenticulites de Bayonne reposait sur les mêmes couches, et qu'il était recouvert, à Saint-Pierre-d Iruby, par le calcaire arénacé et poudingiforme qui s’y trouve.

D’autres, au contraire, ont considéré le calcaire à lenticulites de Bayonne comme tertiaire, et ne se sont point prononcés sur les assises du phare et de Bia- ritz, bien qu'ils n'aient pas paru hésiter à rapporter à la craie tous les calcaires indistinctement des environs de Bidart.

Ces dissidences résultent évidemment de ce que les uns et les autres se sont contentés de passer dans ces localités sans s’y arrêter suffisamment. Nous avions cru également , de prime abord , et l'ensemble des couches paraissait l'indiquer, que les calcaires dont sont formées les falaises depuis la Chambre d'Amour jus- qu'à Bidart étaient du même âge. Un examen plus attentif nous a démontré que c'était une erreur, et que la falaise tout entière se composait de deux séries de couches bien distinctes et d’une époque différente. Ainsi les couches presque continues qui forment la falaise depuis la Chambre d'Amour jusqu à environ {1,000 mètres au-delà du rocher du Goulet (moulin de Sopite), nous ont paru appartenir à une époque plus récente que les suivantes, dont elles sont séparées par une lacune entièrement dépouillée de rochers que présente la falaise. Cette séparation existe également dans la plaine, aux endroits mêmes qui ont subi le plus de bouleversements, et nous n’avons jamais trouvé les couches dont il s’agit, quel que fût leur rapprochement des calcaires identi- ques avec ceux de Bidart, en stratification concordante avec ces derniers. Cependant les calcaires à nummulites signalés sur la route de Saint-Pierre à Briscous reposent en stratification concordante sur un autre calcaire très com- pacte et cristallisé presque entièrement , composé de débris de coraux et de poly- piers ; les calcaires , le dernier surtout, manquent à la falaise, et leur place de- vrait peut-être se trouver à l'endroit même se trouve la lacune que nous avons signalée. Du contact seul de celui-ci avec les calcaires conchoïdes, les mêmes que ceux de Bidart, et que l’on retrouve également à Briscous, on pourrait peut-être déduire quelques probahilités de superposition que nous ne faisons qu'indiquer sans pouvoir l’affirmer.

Quoi qu'il en soit, les couches arénacées nummulitiques, avec mélange ou nor

(N°4 NP) DES ENVIRONS DE BAYONNE. 189 d’autres mollusques du phare de Biaritz et des environs de Bayonne, n'ont pas le moindre rapport avec celles de Bidart; elles diffèrent des dernières autant par leur structure que par leur composition. C’est à tort qu’on a cru qu'elles étaient en stratification concordante, et que l'inclinaison des unes et des autres était due à la même cause. Les calcaires crétacés de Bidart, de Saint-Jean-de-Luz et de tout le versant occidental des Pyrénées, affectent en général la même inclinaison, et c'est au soulèvement de ces montagnes qu’elle doit être attribuée. Mais après la période pendant laquelle les dépôts de Bayonne et de Biaritz ont être formés, d’autres soulèvements partiels , dus à l'apparition des ophites, ont eu lieu, et c'est à travers ces dernières couches et le terrain crétacé que les roches ignées se sont fait jour. De vient qu’en effet les couches crétacées de Bidart, de Saint- Jean-de-Luz , et de tout le versant des Pyrénées, offrent des traces non équivo- ques , d’abord d'un soulèvement général , et ensuite de plusieurs soulèvements partiels. De des dislocations d'autant plus considérables que les calcaires se sont trouvés plus rapprochés du foyer volcanique.

On ne remarque pas la même chose à l’écard des couches de Bayonne et de Biaritz ; ces dernières sont toutes en stratification concordante et affectent une inclinaison qui ne devient considérable que dans les environs des terrains sou- levés par les ophites , tandis que partout ailleurs les mêmes couches ne sont que légèrement inclinées, ou presque horizontales, comme on peut le vérifier au phare de Biaritz, à Bayonne et sur d’autres points que nous n'avons point visités.

Il résulte enfin de nos observations géognostiques que toutes les couches de calcaire grossier sableux et marneux de Bayonne et de Biaritz jusqu’au moulin de Sopite, en suivant la falaise, doivent être rapportés au terrain tertiaire infé- rieur, et que celles que l’on rencontre un peu plus loin, jusqu'à Bidart et au- delà , appartiennent à la craie.

Les différences que présentent les couches de Biaritz et de Bayonne, sous les rapports minéralogiques, paléontologiques et d’inclinaison , comparées à celles du bassin de Paris et de Londres, nous avaient tout d’abord suggéré la pensée de proposer de faire de ces couches une formation intermédiaire entre la craie et le terrain tertiaire; mais, depuis, nous avons pensé que le défaut d'identité qui existe entre ces terrains ne résulte très probablement que de la différence des latitudes d’une part, et du voisinage des Pyrénées de l’autre; d’ailleurs, lors même que cette division paraîtrait rationnelle dès aujourd'hui, il me paraît qu'elle ne peut pas avoir lieu dans l’état actuel de la science. Les couches dont il s’agit ne sauraient donc être séparées de l'étage inférieur du terrain tertiaire avec lequel elles ont une très grande analogie.

Il reste maintenant à examiner les caractères paléontologiques de ces deux formations bien distinctes; mais nous trouvant au dépourvu de renseignements suffisants pour traiter cette question avec tout le succès désirable, nous l’aban- donnons à M. d’Archiac, qui a bien voulu s'en charger. Nonobstant une série

Soc. GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. 4. 25

190 MÉMOIRE SUR LA CONSTITUTION GÉOLOGIQUE CN.4, p. 10.) assez nombreuse de fossiles que nousavons envoyée à ce paléontologiste distingué, nous lui avons transmis tous les documents qui étaient en notre pouvoir pour l'aider à rendre ce travail consciencieux aussi complet que possible.

Influence des vents de S.-O. sur les sables et le déplacement de l’embouchure de l’Adour.

La portion de la côte de Bayonne qui s'étend depuis la Chambre-d’Amour jus- qu'au vieux Boucaud a fixé notre attention relativement aux phénomènes qui y ont eu lieu et qui s’y renouvellent sans cesse par les influences des agents mé- iéoriques.

Sur celte côte, qui s'élève peu au - dessus de la haute mer, a été formée une plage de dunes de sables accumulés en avant des terres, par suite de la tendance des brisants à rejeter sur la côte ces sortes de détritus. Ces dunes, comme on le sait , offrent l’avantage de garantir les terrains plus bas contre l’action des- tructive de la mer; mais elles ont aussi pour effet de faire subir des modifica- tions importantes aux contrées qu'elles préservent, en s’opposant à l'écoulement des eaux , et sont cause de l’envahissement de ces sables qui s’avancent , et que les vents chassent sur les terres voisines ; ce dernier résultat, en frappant de plus ou moins de stérilité des terres jadis très productives, occasionne un grand mal; mais le premier, bien plus redoutable encore, peut dévaster toute une contrée et changer l'état du sol.

À partir de Bayonne, en suivant l’Adour jusqu’à son embouchure, on remarque que ce fleuve roule ses eaux sur un lit peu incliné, et qu'il se jette dans l'Océan avec peu de vitesse, par une embouchure dont la profondeur diminue à cause de l’action continue des brisants qui ne cessent de déposer sur la plage, et à cette même embouchure, des cailloux roulés et des sables triturés provenant des falaises de la côte voisine.

Ces sables, qui s'avancent , poussés par les vents dominants de S.-0., s’accu- mulent sans cesse, et une fois accumulés comme ils le sont déjà , depuis la balise orientale jusqu'au-delà de la balise occidentale, si un fort coup de vent, venant de la mer, parvenait à former un banc de sable à l'embouchure déjà sensible- ment obstrué de l’Adour, ce fleuve inonderait la contrée basse en arrière de la plage, et aussitôt on le verrait encore une fois changer de lit, se frayer un nouveau passage à travers les dunes, et se jeter dans l'Océan au S.-0. de lem- bouchure actuelle, et notamment vers le lieu dit l’Esquerdo.

Ces résultats paraissent inévitables par la suite des temps , et les moyens que l’on prend pour rétrécir le lit du fleuve, dans le but de le rendre plus rapide vers son embouchure, ne sauraient combattre victorieusement l’action incessante des vagues de l'Océan.

Le fleuve de l’Adour paraît donc destiné à changer souvent d’embouchure,

(N-4,p. 41) DES EN VIRONS DE BAYONNE. 191 puisque déjà les mêmes causes lui ont ouvert le passage actuel en le forçant à abandonner successivement le vieux Boucaud, et peut-être l'issue qui sert aujourd’hui d'embouchure au Bouvant.

Il est à remarquer que les changements n’ont lieu qu’à mesure que les falaises qui, autrefois, ont border toute la côte , ont été détruites ; ce qui n'a pas été sans doute fort long, s'il faut en juger par l’action destructive actuelle des va- gues , très puissante et facile à apprécier.

V.

DESCRIPTION

DES

ENTOMOSTRACÉS FOSSILES

DU

TERRAIN CRÉTACÉ INFÉRIEUR DU DÉPARTEMENT DE LA HAUTE-MARNE,

SUIVIE

D’INDICATIONS SUR LES PROFONDEURS DE LA MER QUI A DÉPOSÉ CE TERRAIN,

PAR J. CORNUEL.

État et gisement des Entomostracés.

L’argile ostréenne du grès vert inférieur (terrain néocomien) du département de la Haute-Marne renferme , dans sa partie supérieure , des plaquettes qui mé- ritent d’être signalées d’une manière spéciale à l'attention des géologues- paléontologistes (1).

Ces plaquettes, assez abondantes sur certains points, se présentent ordinai- rement sur une épaisseur qui varie entre 2 et 10 millimètres, et sous toutes grandeurs, depuis celle d’une petite pièce de monnaie jusqu’à celle de la main. Leurs contours, qui montrent souvent une cassure récente sur un ou plusieurs côtés, indiquent une structure schistoïde. Le défaut d'exploitation de l'argile on les trouve empêche de reconnaître si, dans leur gisement même, elles sont à distance l’une de l’autre, ou si elles font partie de feuillets plus étendus. Je crois cependant que c’est cette dernière hypothèse qu'il convient d'admettre, à en juger tant par l’état de leurs bords que par leur forme, qui se reproduit dans des fragments schisteux qu'on obtient en les divisant.

Leur surface est inégale et grenue ou raboteuse. À Wassy, leur couleur est le jaune-terreux, tandis qu'à Saint-Dizier elles sont grises , et de même teinte que l'argile.

La substance minéralogique qui les constitue est un calcaire argileux, conte- nant beaucoup de sable, dont les grains ne sont visibles qu’à la loupe.

(2) Voir, pour la description pétrographique du terrain, mon Mémoire sur l’arrondissement de Wassy, dans la première série, tome 1v, partie, des Mémotres de la Société géologique de France.

194 DESCRIPTION DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES (N:5, p.2.)

Les fossiles qu'on y distingue à l'œil nu sont des corps minces et légers, qui ont été transportés par les eaux marines, comme des valves ou débris de valves de petits peignes et de petites placunes , à l’état pelliculaire. Ce n’est qu'excep- tionnellement que certaines de ces plaquettes renferment des fossiles un peu Jourds, tels que des Serpula,et de minces fragments de l’Exogyrasubplicata, Rœmer, et de l'Ostrea Leymerii, Desh., ordinairement usés par le frottement. À la loupe, on y reconnaît quelques petits opercules de gastéropodes de 1 et de 2 millimètres de diamètre, des fragments et des écussons très minces, ainsi que des épines cannelées , filiformes ou sétacées, de petits oursins , et d’autres détritus de fos- siles réduits à l’état arénacé. Mais, ce qu'on y remarque avec le plus d'intérêt, c'est une multitude de tests de crustacés microscopiques ou presque microsco- piques, appartenant à la division des Entomostracés, et à l’ordre des Ostracodes de Latreille (1).

Ces crustacés fossiles consistent en une carapace bivalve, translucide, et d'ap- parence cornée. Leur couleur dominante est le jaune de miel et le jaune fauve; mais il y en a de blancs, de blancs-grisâtres, de gris-bleuâtres, de brunâtres et de bruns. Leurs valves, presque toujours séparées , sont, les unes entières, les autres brisées. Répandues ordinairement dans toute l'épaisseur des plaquettes, elles y sont quelquefois si abondantes, que j'en ai compté jusqu'à 240, toutes entières, dans Î centimètre carré, ce qui ferait plus de 3,700 par centimètre cube. Les tests, qui ont conservé leurs deux valves, sont en petit nombre; mais ils se présentent dans toutes les positions, et on les détache aisément de la pierre qui les porte. Îl y en a qui ressemblent à de l'écaille bien polie. Leur transpa- rence ferait croire qu'ils sont vides, sauf quelques particules de sédiment noi- râtre qui se seraient attachées à la paroi interne d’un des côtés. Cependant cer- taines valves que j'ai détachées, croyant isoler des individus entiers, étaient rem- plies d'une matière cristalline jaune et transparente comme le test, ce qui porte à penser que les sujets complets contiennent la même substance. Quant aux par- ties sédimentaires qui produisent la tache noirâtre , il est difficile de vérifier si elles proviennent des restes de l’animal. Je rappellerai toutefois, à ce sujet, la belle observation de Degéer, qui, le lendemain de la mue d'une Cypris qu'il avait mise en expérience, recueillit la carapace qu’elle avait abandonnée, et y re- marqua les dépouilles du corps et des membres , notamment les articles des an- tennes et de quelques pattes.

Beaucoup de valves isolées ont leur intérieur dégagé de toutes matières étrangères.

(1) Je réserve , jusqu’à plus amples recherches, et pour en faire l’objet d’une nouvelle étude , une petite espèce fossile dont je n’ai encore que peu d'individus, et qui, quoique avec l’aspect corné des entomostracés que je décris, a quelque ressemblance avec le Foraminifère que M. Alc. d’Orbigny a nommé Marginulina elongata. Quelques Foraminifères jurassiques et crétacés de la Haute-Marne attendent aussi de nouvelles investigations pour prendre place dans une notice descriptive.

(N.5, p. 5.) DU DÉPARTEMENT DE LA HAUTE-MARNE. 195 Il n’y a pas que les plaquettes calcaréo-sableuses qui renferment des Ento- mostracés. On en voit aussi, mais moins facilement ou en moins grand nombre, à la surface des alternats marno-calcaires, blancs ou blanchâtres qui les avoisinent dans l'argile ostréenne, dans la portion de ces alternats il ne s’est déposé que des fossiles légers, et l’on remarque beaucoup d'empreintes de fucoïdes. J'en ai trouvé en outre quelques uns dans des parties sableuses qui s'étaient attachées à la surface interne d'une valve d'Ostrea Leymeri après la mort de l'huître : ce qui doit faire espérer d’en rencontrer dans l’argile même.

Leur degré de conservation fait contraste avec l’état des mollusques fossiles de la même couche, dont la coquille a été dissoute, à l'exception de celle des ostracés.

Il faut le secours de la loupe ou du microscope pour bien voir tous ces cor- puscules et pour en étudier tous les détails; et l’on doit préférer à la lumière diffuse les rayons solaires gazés par de légers nuages ou par un procédé arti- ficiel ; une lumière trop vive produit des effets de transparence et de réfléchisse- ment qui incommoden t.

Détermination du genre.

On reconnaît facilement la classe, la division ou légion , et l’ordre auxquels ces menus fossiles se rapportent; mais il n’en est pas de même du genre. Pour fixer les caractères génériques, les zoologistes qui ont écrit sur les entomostracés ostracodes vivants avaient l’animal et son test. C’est l'animal seul qui leur a fourni ces caractères. Le test, ils ne le décrivent que succinctement ; ils lui donnent une charnière et un ligament, sans en préciser les détails ; et ils ne parlent ensuite que de sa forme extérieure et de ses couleurs, gênés qu'ils ont été, sans doute. par la petitesse et la transparence de cette enveloppe, et probablement aussi par les parties animales qui y adhèrent : aussi ce test, donné comme caractère com- mun à tous les genres, ne leur sert-il que pour distinguer les espèces.

[ci on possède les tests ou carapaces fossiles pour établir les espèces an- ciennes. À la vérité, on n'a plus les couleurs primitives pour les différencier. Mais, d’un autre côté, certains caractères de détail, quoique assez variables dans une même espèce, sont plus apparents et plus faciles à saisir que si le corps observé appartenait au vivant, et qu'il fallût le débarrasser de son animal.

Pour le genre, les animaux étant détruits, on ne peut le déterminer d'après leur anatomie. C’est donc à d’autres considérations qu'il faut avoir recours.

On sait que les entomostracés ostracodes se divisent en trois genres : les cypris, les cythérées et les cypridines. Les cypris habitent les eaux douces et tranquilles. Les cythérées ne vivent que dans les eaux salées ou saumâtres, et au milieu des fucus , des flustres, etc. Enfin les cypridines ne sont connues que par une seule espèce, qui appratient à l'océan Indien. Or, ce que j'ai dit plus baut

ÊN

196 DESCRIPTION DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES (N:5,p-4.) de la composition paléontologique des plaquettes qui ne contiennent que des débris d'animaux marins doit suffire pour faire comprendre que leurs ento- mostracés n’ont pas vécu dans l’eau douce, surtout quand on trouve de ces ento- mostracés, ici sur des valves d’huîtres., accompagnés de vestiges de fucoïdes, et dans des couches sont aussi des flustres. D'ailleurs, tous les autres fossiles de l'argile ostréenne sont d’origine marine.

Vainement serait-on tenté de rapporter une de nos espèces à la Cypris faba, Desm., qui caractérise si bien le terrain d’eau douce sous-crétacé de l’Angle- terre, et de distinguer dans l’argile ostréenne du département de la Haute-Marne un dépôt intercalaire qui représenterait la formation wealdienne. Les espèces dont je m'occupe n'ont ni la forme absolue ni la grandeur de la Cypris faba. Ensuite tous les fossiles du terrain wealdien sont d'eau douce, à part les Ostrea et les Car- dium, qui habitent les embouchures des fleuves , tandis que chez nous, ainsi que je viens de le-dire, tous les fossiles sont marins. Enfin, c’est sous le terrain cré- tacé inférieur ou néocomien que sont placés les dépôts wealdiens, dans les lieux ils existent (1); tandis que l'argile ostréenne est dans le milieu du terrain néo- comien de l’est de la France. Ce n’est donc pas au genre Cypris qu'il convient de s'arrêter.

Le choix entre les deux autres genres importe moins, parce qu'ils sont marins tous deux. Cependant, comme on ne connaît qu’une Cypridine, que les fossiles à décrire n’ont ni la longueur ni sa pointe mousse, qu'elle provient d’une mer plus éloignée que les Cythérées vivantes, et que, d’un autre côté, celles-ci offrent des formes plus comparables à celle de l'espèce fossile la plus commune, c’est dans ce dernier genre que je classerai les entomostracés de l'argile ostréenne.

Les caractères des espèces et des variétés qui suivent me sont fournis par des types pris dans un grand nombre de sujets, choisis eux-mêmes dans plus de vingt mille individus.

DESCRIPTION ZOOLOGIQUE. GENRE : Cythérée. Cythere , Latreille.

Carapace cornée ou cornéo-calcaire, bivalve, translucide, se fermant compléte- ment, plus longue que large ; ordinairement plus arquée , mais moins dilatée sur le dos qu'à la partie opposée ou pectorale. Charnière dorsale (2).

(4) Voir les observations de M. le docteur Fitton, Bu//. de la Soc. géol. de France, série, tome 1, page 438. Ce savant géologue, qui a visité avec moi une partie du terrain crétacé inférieur de la Haute-Marne, ne m’a manifesté aucun changement d'opinion, et m'a fait des observations dans le sens de celles qu’il a communiquées à la société.

(2) Ce serait surcharger inutilement cette description que d’y joindre celle de l'animal. On peut voir, sur ce sujet, ainsi que pour la description des espèces vivantes, le Manuel d’Hist. nat. de Bosc, revu par Desmarest; les Dictionnaires d'histoire naturelle : l'ouvrage récent de M. Milne

(N: 5, p.5-): DU DÉPARTEMENT DE LA HAUTE-MARNE. 197 i"* espèce. Cythérée amygdaloïde, Cythere amygdaloides. Nobis.

Carapace ellipsoïdale , lisse, d’une longueur double ou presque double de la hauteur, et un peu moins large que haute. Une des extrémités plus étroite que l'autre , s’écartant un peu de l’axe du test, et se portant vers le côté pectoral. Partie moyenne et transversale du test subcordiforme , à cause du renflement des valves à l'opposé de la charnière, la valve droite y étant cependant la moins proé- minente. Valve gauche plus grande que la valve droite, présentant un rebord émoussé qui dépasse celle-ci, du côté dorsal et aux extrémités, jusqu'à la iame pectorale. Bord des valves sans arêtes vives, plus épais que leur partie centrale. Charnière composée d’une fossette et d’une dent obtuse, allongées, contiguës , parallèles au bord ou un peu obliques : la fossette placée au côté interne de la dent sur la valve droite, et au côté externe sur la valve gauche. Sur cette dernière valve, un sinus linéaire partant de la fossette cardinale ou du voisinage de cette fossette, abaissant un peu l’intérieur du bord , et se prolongeant jusqu’à l’extré- mité postérieure , il se confond ordinairement avec l'évasement interne de cette extrémité. Sur la valve droite, un sinus plus étroit, à peu près semblable ; le bord se relevant un peu en dehors et le long de ce sinus. Dans les deux valves, évasement large et profond du bord antérieur ; lame saillante, longue, arquée, au milieu du bord pectoral. Un sinus ombilical, courbe ou flexueux , externe à la base de cette lame ; ce sinus restant libre sur la valve gauche, tandis que la lame pectorale de cette valve s'engage, en partie, dans le sinus ombilical de la valve droite.

Sur quelques individus bien conservés on remarque , soit directement, soit par transparence, des points ou petites taches de couleur brune ou noirâtre , au nombre d'environ cinquante sur chaque valve.

. Longueur : un millimètre à l’état adulte.

Cette espèce est très commune.

Explication des figures. Fig. {. Valve gauche vue en dedans. charnière. ! lame pectorale et sinus ombilical. a extrémité antérieure.

Fig. 2. La même valve vue un peu obliquement, pour montrer la longueur et la hauteur de la dent cardipale et de la lame pectorale , ainsi que le sinus om- bilical.

Fig. 3. Valve droite vue en dedans. Les lettres ont la même signification que dans la fig. 1.

Fig. 4. Carapace entière vue en dessous ou par la partie pectorale, pour mon- trer le sinus de la valve gauche et la lame pectorale de cette valve engagée par-

Edwards, Hist. nat. des crustacés, faisant partie des suites à Buffon publiées par Roret, ainsi que les ouvrages des auteurs qui y sont cités.

SOC. GÉOL. SÉRIE, T. L Mém. n. 5. 26

198 DESCRIPTION DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES CN. 5, p. 6.) tiellement dans le sinus ombilical de l’autre valve. a extrémité antérieure. d valve droite. g valve gauche, plus grande que l’autre, d'après des individus entiers de ma collection.

Fig. 5. Valve droite vue extérieurement. d côté dorsal. p côté pectoral.

Fig. G. Les deux valves réunies, présentant la carapace vue par le dos. Les . lettres donnent les mêmes indications que dans la fig. 4. Le bord de la valve gauche en saillie relativement à l'autre valve.

Fig. 7. Carapace vue par l'extrémité postérieure. d côté dorsal. p côté pec- toral.

Fig. 8. Section transversale des valves, au milieu de {a charnière. g côté gauche. d côté droit.

Fig. 9. Section transversale des valves, au milieu des lames pectorales. g côté gauche. d côté droit.

47 VARIÉTÉ. Cvth. amyg. var. cylindrique. Ve cylindracea. Nob.

Carapace cylindrique. Valve gauche peu saillante. Environ cinquante points, de couleur foncée, sur chaque valve (1).

Longueur : un millimètre au plus.

Assez commune.

Explication de la figure. Fig. 10. Carapace vue extérieurement et par la valve droite. d côté dorsal. p côté pectoral.

2e VARIÉTÉ. Cyth. amyg. var. pyriforme. Var. pyriformis. Nob.

Carapace affectant plus ou moins la forme d’une poire; rétrécie dans son milieu, comme si elle avait été ligaturée tantôt avec une bandelette, tantôt avec deux fils qui auraient été placés parallèle- ment. Cavité des valves ordinairement grande et circulaire à la partie antérieure, étroite et peu profonde à l'extrémité postérieure.

Longueur : comme celle de la précédente variété.

Assez commune.

Explication de la figure. Fig. 11. Carapace vue par la valve droite. d côté dorsal. p côté pectoral.

3e VARIÉTÉ. Cyth. amyg. var. arquée. Var. arcuata. Nob.

Les deux extrémités souvent égales. Régions pectorales renfoncées, quelquefois très fortement ; ce qui rend le test arqué, et lui donne la forme bien prononcée d’un rein.

Même longueur que dans les variétés précédentes.

Plus rare que ces dernières.

(4) Ce dernier caractère n’a pu être observé que sur un individu; mais il y est très prononcé.

(EE ce) DU DÉPARTEMENT DE LA HAUTE-MARNE. 199

VARIÉTÉ. Cyth. amyg. var. courte. Var. breuwis. Nob.

Carapace décrivant presque un demi-cercle d'avant en arrière, sur la ligne dorsale. Les deux extrémités semblables ou peu différentes l’une de l’autre. Bord pectoral droit. Valve gauche débordant notablement l’autre. Renflement pectoral bien marqué sur cette valve ; beaucoup moins prononcé sur la valve droite. Détails intérieurs comme dans l’espèce principale, avec cette différence cependant que le sinus interne, qui part de la charnière, parcourt presque tout le bord de la valve et paraît se dessiner jusque dans l’évasement antérieur, qui est généralement plus étroit que dans le type de l’espèce.

Longueur : environ trois cinquièmes de millimètre.

Commune.

Explication de la figure: Fig. 12. Individu entier vu de côté et par la valve droite, et montrant la saillie de l’autre valve. a partie antérieure. d partie dorsale. p partie pectorale.

Observation. On pourrait ne voir ici que l'espèce principale prise encore dans le jeune âge. Mais j'ai cru devoir y signaler une variété, parce que la forme de l'espèce type se rencontre dans un assez grand nombre d'individus aussi pe- tits que la var. brevis.

2e espèce. Cythérée harpe. Cythere harpa. Nobis.

Carapace lisse, plus haute en avant qu'en arrière. Contour marginal des valves imitant sensiblement la forme d’une harpe. Sur la valve gauche, char- nière composée , en avant, de deux fosseties voisines, l’une interne, petite, l’autre externe , grande et souvent en forme de losange; et, en arrière , d'une autre fosselte carrée ou triangulaire. Côté dorsal droit ou un peu arqué, marqué par un rebord long , rectiligne ou un peu courbe, peu saillant et aboutissant aux deux grandes fossettes. Celles-ci déterminent une oreillette latérale à chaque extrémité du bord dorsal. Un sinus long et étroit parcourant à peu près le reste de la circonférence de la valve. Bord pectoral relevé, en forme de petit bourrelet, au contact et en dehors de ce sinus. Quelquefois un faible sinus ombilical à l’exté- rieur de ce petit bourrelet. ( Valve droite encore inconnue.)

Longueur : un millimetre dans les plus grands individus.

Très rare.

Explication de la fiqure. Fig. 13. Une valve gauche vue en dedans. a extré- mité antérieure. d bord dorsal. p. bord pectoral.

Observation. Ce n’est qu'avec quelque hésitation que j'ai fait ici une espèce. Il ÿ a entre le sujet décrit et la Cythérée amygdaloïde des formes intermédiaires qui semblent conduire de l’une à l’autre et les réunir. En ne considérant la Cyth. harpa que comme une variété de la première espèce, il en résulterait que , dans celle-ci , les détails du bord cardinal se compliqueraient d'autant plus que ceux du bord pectoral seraient plus rudimentaires.

200 DESCRIPTION DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES CN. 5, p. 8.)

espèce. Cythérée auriculée. Cythere auriculata. Nobis.

Contour marginal de la carapace assez semblable à celui de l'oreille humaine. Test lisse, déprimé tout autour , vers le bord des valves. Chacune de celles-ci portant, dans son milieu , d'avant en arrière, un sillon rectiligne , large et pro- fond , ce qui donne à la convexité de la valve l'apparence d’un bourrelet reptié sur lui-même. Quelquefois deux bourrelets distincts formés par le prolongement du sillon médial. Une oreillette au côté pectoral, vers l'extrémité la plus large. Valves égales , à bords légèrement sinueux alternativement un peu saillants. Par- tie pectorale de la carapace élargie et plus ample que le bord dorsal , disposée en gouttière à la jonction des valves. ( Charnière et détails intérieurs encore in- connus.)

Longueur : un millimètre dans l’âge adulte.

Cette singulière espèce est assez rare.

Explication des figures. Fig. 14. Individu entier vu latéralement. d côté dor- sal. p côté pectoral.

Fig. 15. Le même, vu de face ou par la partie pectorale.

Fig. 16. Le même, vu par bout , l'extrémité rétrécie placée en avant , l’oreil- lette pectorale en dessous et en arrière.

1 VARIÉTÉ. Cyth. aurc. var. ridée. Var. rugosa. Nob.

Cette variété, de même forme et de même longueur que l'espèce principale, n’en diffère que par des rides très fines, contournées ou sinueuses, souvent grumeleuses, qui en recouvrent toute la surface. La fig. 19 donne un exemple de ces rides, très amplifiées par le microscope.

Très rare.

VARIÉTÉ. Cyth. auric. var. semi-marginée. Var. semi-marginata. Nob.

Dans cette variété, l'oreillette est moins saillante et plus arrondie. Le dos, plus proéminent, est plus déprimé latéralement. Le sillon rectiligne qui creuse les valves est environ aux deux tiers de leur largeur à partir de la ligne dorsale. Aucun bord saillant à la partie pectorale.

Longueur : un millimètre un cinquième au plus.

Pas plus commune que l’espèce principale.

Explication des figures. De 17. Individu vu par côté. d partie dorsale.

p partie pectorale.

F. 18. Le même, vu par bout, l'extrémité rétrécie placée en avant, et le dos en dessus.

VARIÉTÉ. Cyth. auric. var. simple. Var. simplez. Nob.

Celle-ci diffère des autres variétés de l'espèce, principalement en ce que les valves sont plus étroites et ne portent qu'un bourrelet, marqué quelquefois d’une légère rainure en place du sillon médian.

Longueur variable; ordinairement deux tiers de millimètre.

Plus rare que le type de l’espèce.

(N:5, p.9) DU DÉPARTEMENT DE LA HAUTE-MARNE. 201 he espèce. Cythérée sculptée. Cythere sculpta. Nobis.

Carapace sculptée à la manière des noyaux de pêche, mais d’un dessin plus

correct et à sinus plus réguliers et non saccadés. Quoique divisés par des bifurca-

ions , les petits bourrelets voisins du bord des valves en suivent ordinairement le contour. Les autres se disposent en méandres, principalement au milieu de chaque valve. Leurs sinuosités sont, du reste, très variables. Tous ces petits bourre- lets sont lisses. Hauteur et largeur du test à peu près égales , chacune formant un peu plus que la moitié de la longueur. Ligne dorsale très arquée. Région pec- torale large , très proéminente , un peu aplatie, divisée longitudinalement par une ample dépression , qui est elle-même partagée par la saillie du bord val- vaire. Cette saillie se continue dans tout le pourtour des valves, chaque bord étant d'ailleurs alternativement un peu plus saillant que l’autre. La ligne de jonc- tion des valves est un peu flexueuse. Vue par bout et renversée, la carapace à un aspect cordiforme. ( Charnière et intérieur inconnus ).

Longueur : un peu plus d’un demi-millimètre.

Cette jolie espèce est encore plus rare que la Cythérée auriculée.

Dans un petit individu , que je rapporte au jeune âge plutôt qu’à une variété , le dos est plus arrondi d’un côté à l’autre ; la valve est ovale-oblongue , et Darait tronquée naturellement aux deux extrémités ; les deux petits bourrelets voisins du bord valvaire décrivent une double losange.

Explication des figures. Fig. 20. Individu adulte vu de côté. d partie dor- sale. p partie pectorale.

Fig. 21. Le même, vu en dessous, c ’està-dire par la partie ou

Fig. 22. Autre individu vu par le dos.

Fig. 23. Le premier vu par bout et renversé sur le dos, pour en montrer le

contour transversal cordiforme.

Observation générale.

On sait que les entomostracés ostracodes muent, et qu’alors ils renouvellent leur test, comme le font les écrevisses. Ce test, formé d’un seul jet, fait donc partie de l’animal même , et diffère de la coquille des mollusques acéphales , qui n’adhère au corps que par quelques points, et qui, à mesure que le mollusque grandit, croît par application de molécules seulement à l’intérieur et au bord des valves. Cette circonstance doit faire comprendre pourquoi les caractères tirés de la carapace des ostracodes sont plus variables que ceux que fournissent les coquilles des mollusques : aussi, dans les ostracodes fossiles de l’argile ostréenne, les caractères varient dans des limitesassez étendues, tant dansles espèces que dans les variétés; et ils oscillent assez pour que les descriptions ne puissent embrasser tout ce que l'on peut remarquer sur chaque individu en particulier. C’est un motif pour ne pas trop multiplier les variétés ; mais cependant il .convient de

202 DESCRIPTION DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES (N.5, p. 10.) distinguer les principales , lorsque surtout il s’agit de corps entièrement libres, qui n’ont pas été contrariés pendant leur formation, comme les mollusques para- sites le sont souvent, pendant leur développement , par la forme du corps sur lequel ils sont fixés.

INDUCTIONS

Tirées de la nature et du nombre des fossiles, pour déterminer les profondeurs relatives auxquelles l’ancienne mer a déposé les couches de la partie septentrionale du département de la Haute-Marne.

La distribution des fossiles au sein des calcaires jurassiques supérieurs et des couches du terrain crétacé inférieur du département de la Haute-Marne n’est pas moins intéressante que les fossiles mêmes. En attendant que j'en fasse l'objet d'une notice spéciale, que j'aurai l'honneur de présenter à la Société géologique, et les débris organiques figureront dans un tableau comparatif, et seront appré- ciés suivant leur importance , je vais énoncer brièvement les résultats géologiques auxquels de longues recherches m'ont conduit. Ce sera d’ailleurs donner une signification à la présence des Entomostracés dans l'argile ostréenne. (Voir, pour l’ordre et la description des couches, mon Mémoire cité dans la première note , page 193.)

En remontant la série des terrains du département, à partir de l'argile kim- meridienne, qui s'est déposée dans un océan peu profond , l'on constate, par la vature et la répartition des fossiles, qu’à mesure que les couches du dernier étage jurassique se formaient, la mer qui en fournissait les éléments croissait-en pro- fondeur. Il a pu y avoir, à une certaine époque, un mouvement en sens contraire; mais il à été de courte durée. et les circonstances premières d’abaissement du sol sous-marin reprirent bientôt leur empire. Ce fut au point qu’à la fin de la pé- riode jurassique , les dépôts ne se firent plus qu'à la limite, et même au-dessous de la limite la plus basse des zones de la vie marine. Les fossiles, peu variés en espèces, mais en individus innombrables, ont été alors triés par l'effet de grands mouvements de translation des eaux, et accumulés suivant leur degré de pesan- teur spécifique, non pas sur le rivage, comme on pourrait le croire tout d'a- bord , mais évidemment plus bas que la limite la plus profonde du séjour des mollusques.

Cet ordre de choses cessa brusquement par l'effet du paroxysme qui mit fin à la période jurassique, et qui prépara la période crétacée. Le calme rétabli , non seu- lement les espèces qui se développent dans la mer nouvelle sont différentes de celles qui les ont précédées; mais encore la profondeur de l'Océan se trouve diminuée; le rivage est moins éloigné. À part l'interruption momentanée qu'occasionne la pré- cipitation de matières ferrugineuses et de sables quarzeux , un riche dépôt fossi- lifère ( la marne calcaire bleue et le calcaire à spatangues du terrain néocomien )

(N:5,p. 11) DU DÉPARTEMENT DE LA HAUTE-MARNE. 203 a lieu lentement , avec quelques agitations locales des eaux, au milieu même d'une riche zone d'animaux marins , nombreux en espèces aussi bien qu’en indi- vidus. Débris de sauriens et de poissons ; mollusques céphalopodes, gastéropodes et acéphales , annélides, crustacés , échinodermes , polypiers, restes végétaux : tout y apparaît. Pour ne parler que des animaux, et particulièrement des mol- lusques, leur état et leurs corrélations numériques indiquent clairement que le dépôt des couches s’est formé ici au milieu de leur habitat, en se rapprochant cependant un peu du rivage.

Mais bientôt le sol sous-marin est encore exhaussé. Des dépôts voisins s’opèrent. Les mollusques céphalopodes disparaissent, à l'exception d’un seul (le Nautilus Requienianus, d'Orb.), qui est très rare. Les gastéropodes diminuent singulière- ment en individus et en espèces. Les acéphales ne sont plus guère représentés que par des Cardium , des Exogyra subplicata, des Ostrea Leymerü , tous fossiles littoraux , réunis en quantités considérables , ou accumulés au point de former des lumachelles. Ce n’est même qu’en cette partie des couches qu'existe l'Ostrea Leymeru. C'est dans ces circonstances que se montrent les Entomostracés , ac- compagnés de flustres, et au milieu des fucoïdes. On est à la partie supérieure de l'argile ostréenne , dépôt plus littoral que les autres , et qui annonce la continna- tion du phénomène de l’exhaussement. ;

Surviennent les grès et sables piquetés et l’argile rose marbrée. Ils sont sans fossiles du règne animal. Mais, dans certaines localités, les flots y déposent, surtout dans les sables, beaucoup de débris de tiges de Conifères, des feuilles, des cônes entiers, amenés par les affluents du rivage, et enveloppés par des pyrites ferrugineuses. Puis , à la base du fer oolitique , apparaît l'Unio Martinu, Fitt., son unique fossile jusqu’à présent; mais fossile d'eau douce , que l’on ren- contre également dans le terrain wealdien de l'Angleterre (1). Peu s'en est donc fallu qu'il ne se formât, en ce point de la série, une véritable formation d’eau douce.

Immédiatement au-dessus du fer, dans des concrétions et dans une mince cou- che rouge argilo-calcaire , réapparaît tout-à-coup la faune néocomienne , qui, si elle ne présente pas tous les fossiles de la marne calcaire bleue et du calcaire à spatangues , en renferme d’autres qui ne sont pas dans ces dernières couches. Aucun de ces fossiles n’a été remanié, ainsi que je le démontrerai plus tard. Sur la couche rouge se pose , en grand nombre, avec des Plicatules et d’autres fossiles néocomiens , l'Exogyra sinuata. Sow. var. lata. Leym. Celle-ci disparaît bientôt pour faire place, presque uniquement, dansle milieu et dans le haut de l'argile à Plicatules (2), à quelques fucoïdes et à des céphalopodes , tels que Nautilus, Am-

(1) Voir M. Alcide d’Orbigny. Paléont. Franc. Terrains crétacés, tome 3, pages 127 et 128. Avant de décrire l'espèce, il annonce que le fer limoneux à Unio paraît être le produit de lavages terrestres.

(2) C’est l'argile aptienne de M. Alc. d’Orbigny. Les plicatules ne se trouvent qu’à la partie inférieure.

204 DESCRIPTION DES ENTOMOSTRACÉS FOSSILES (N. 5, p.12.) monites Deshayesi, raresulcatus , cesticulatus ? Leym., Müilletianus ? Cornuelianus , Nisus, Royerianus, d'Orb., bicurvatus , Mich., interruptus , Brug., Crioceras, Toxoceras? Ancyloceras. On est donc arrivé à ce que l’on peut appeler le prélude du Gault, qui vient après le sable jaunâtre et le sable vert. Le sable jaunâtre est sans fossiles. Le sable vert ne contient que des débris de troncs et de branches d'arbres , et une petite Exogyra , assez nombreuse, mais beaucoup moins que celle de l'argile ostréenne. Le tout y est accompagné de pyrites. Quant au Gault, il est assez connu pour que je m'abstienne d'en parler longuement ici. La nature et la variété de ses fossiles indiquent qu'il s’est formé au milieu d’une zone de mollusques marins. Enfin , je rappellerai que M. Leymerie a annoncé avoir re- connu, dans le département de l’Aube, une discordance de stratification à la base de l'argile à Phcatules ( Bull. de la Soc. géol., 2: série, tome I, page 39).

Quoique, dans la dernière partie de la série crétacée inférieure que je viens de parcourir, les faits prennent peut-être un caractère moins prononcé que dans la première , il me semble cependant en résulter les conséquences suivantes : la mer crétacée est redevenue plus profonde après le dépôt du fer oolitique, et à l'époque du dépôt des couches rouges et de la portion inférieure de l'argile à Pli. catules ; la profondeur aaugmenté encore lors de l'apparition des Céphalopodes dans la partie supérieure de cette dernière argile ; cette profondeur n'était plus aussi considérable lors de l’arrivée des Exogyres du sable vert et de l'enfouisse- ment de ses bois ; si l’on admet que la diminution de profondeur ait commencé immédiatement après les couches rouges et se soit soutenue jusqu’après le dé- pôt du sable vert, ce que rendrait vraisemblable la présence des fucoïdes, l'ar- rivée des Céphalopodes dans l'argile intermédiaire ne peut être expliquée qu'en admettant aussi qu'ils ont été jetés à la côte après leur mort et enfouis dans une couche vaseuse , formée trop précipitamment pour permettre le développe- ment des mollusques littoraux et des autres animaux côtiers ; la profondeur a augmenté pendant la formation du Gault ; enfin , l'époque de son minimum paraît être celle qui est indiquée notamment par les Entomostracés de l'argile ostréenne et par l'Unio du fer oolitique.

Ces oscillations n'ont rien d’extraordinaire, puisqu'il est certain qu'il y en a eu de plus considérables à tous les temps d'arrêt marqués dans la grande série des sédiments anciens. Les surgissements de chaînes de montagnes n’ont pu, en effet, manifester leur âge par le relèvement des couches préexistantes et par des discordances de stratification, sans produire au loin des abaissements et des balancements dans l'écorce du globe. Si l'émersion de nos continents a été progressive, il a bien fallu que la somme des profondeurs des mers ac- tuelles s’accrüt graduellement , ou que d’autres continents fussent submergés, pour faire place à ceux qui s’éloignaient des terres émergées. Au reste, ce phéno- mène n’a pas été sans être interrompu par des mouvements inverses, à en juger par l'accroissement de profondeur que la mer a acquérir dans le voisinage du

(N-5, p.15.) DU DÉPARTEMENT DE LA HAUTE-MARNE. 205 sol du département de la Haute-Marne , pour former l'immense dépôt de la craie blanche, par les retours alternatifs d'eaux marines et d'eaux lacustres dans les bassins tertiaires , et par les exhaussements et les abaissements qui se remar- quent , de nos jours, sur les côtes de certaines mers (1). Cette dernière particu- larité prouve même qu'il y a aussi des mouvements plus ou moins locaux dont on n a pas besoin de chercher la cause dans les révolutions du globe. A toutes les époques , ces faits ont se mettre en corrélation intime avec le changement de nature des sédiments marins et avec les migrations et les réapparitions des ani- maux dont les dépouilles ont été fossilisées. Sans doute, le développement des genres et des espèces subit l'influence des latitudes, des inclinaisons diverses des rivages, de la nature calcaire, argileuse ou sableuse, du sol sous-marin, etc.: mais cette influence ne peut pas aller jusqu'à rendre sans valeur les habitudes des genres et espèces, leurs rapports numériques et ceux de leurs individus , et - l'échelonnement de leurs habitats , quand il s’agit d'en déduire, surtout pour une même localité , les profondeurs relatives d’une ancienne mer aux différentes pé- riodes de sa durée.

(1) La faille de Lévigny, etc. , celle de La Gatère et Blécourt, le ploiement de Chatonrupt, la grande faille de Narey, etc. (Voir page 273 du Mémoire cité), qui ont produire ou accompagner un violent tremblement de terre à l’époque diluvienne , auraient suffi pour changer ousmodifier la faune marine, sur tous les points ces accidents ont abaissé le sol, s'ils étaient survenus pendant la formation des couches du grès vert inférieur.

SOC. GÉOL. SÉRIE. T.I. Mém. 5.

2 1

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VI.

JOURNAL

D'UN VOYAGE DANS LA TURQUIE D'EUROPE,

PAR M. A. VIQUESNEL.

PRÉFACE.

Le Journal d’un voyage dans la Turquie d'Europe renferme la description géolo- gique et géographique des excursions que nous avons faites dans cette contrée, en 1336, avec MM. Boué et de Montalembert, et, en 1838 , avec M. Boué seule- ment. Il se divise en deux parties : la première, insérée dans le tome V de la pre- mière série des Mémorres de la Société géologique de France (pag. 35 à 127), donne le détail de nos voyages dans la Servie, la haute Albanie, et dans une partie de la Mœsie supérieure et de la Macédoine septentrionale ; la seconde fait l'objet du Mémoire que nous avons l'honneur de présenter aujourd'hui , et complète nos observations sur la Turquie. Elle renferme la relation de nos excursions dans la Macédoine , la Mæsie supérieure , la moyenne Albanie et l'Épire.

Ce nouveau Mémoire est subdivisé en deux chapitres : le premier, consacré à la Macédoine et à la Mœsie supérieure , conduit le lecteur d'Uskiup à Salonik, en lui faisant traverser plusieurs fois les chaînes de montagnes qui séparent ces deux points extrêmes. On y trouve : la route d'Uskiup à Doubnitza par Komanova, Égri-Palanka et Ghioustendil, et une excursion dans les hautes montagnes de Rilo, qui font partie du Despoto-Dagh ; la route de Doubnitza à Prilip par Kara- tova , Istib et Kafadartzi ; la route de Prilip à Kastoria par Bitolia, Florina et le Mont-Néretska ;, 4 la route de Kastoria à Salonik par Vlako-Klisoura , Kaïlari , les lacs d'Ostrovo et de Télovo, Vodéna et les ruines de Pella ; enfin, un appen- dice renfermant notre excursion au Mont-Athos et dans quelques îles de la mer Égée.

Le second chapitre donne la description de l’Albanie méridionale; il ren- ferme : la route de Skoutari à Elbessan par Lesch, Tirana et le col du Gabar- Balkan ; la route d’Elbessan à Klisoura par Bérat; la route de Klisoura à lanina par Prémiti, Ostanitza , et les montagnes qui forment la séparation entre la vallée du Konitza et le Le de Ianina; le résumé général du Mémoire ; »° enfin un essai sur la configuration du sol.

Soc, GÉOL. SÉRIE, T. LL Mém, 6.

208 JOURNAL D'UN VOYAGE (N-6,p.2.)

Ainsi que nous l'avons exposé dans la préface de la première partie de notre Journal, M. Boué a rendu compte de notre premier voyage dans Le Bulletin de la Société (tom. VIT, pag. 14-63) ; et plus tard , il fit paraître un grand ouvrage in- titulé : la Turquie d'Europe, se trouve le résumé des observations qu'il re- cueillit dans trois voyages successifs.

Les faits intéressants signalés dans ces deux publications sont très difficiles à suivre, faute de bonnes cartes. Le lecteur rencontre à tout moment des noms inconnus de montagnes, de rivières , de villes et de villages, dont il ne peut ap- précier la situation. Le désir de faciliter l'intelligence des généralités exposées par notre savant compagnon de voyage nous a déterminé à donner les détails qui leur servent de base. Nos itinéraires atteindront, nous l'espérons, ce but pour les différentes parties de la Turquie que nous avons parcourues ; ceux que M. Boué se propose de publier incessamment reprendront les descriptions au point nous les aurons laissées, et renfermeront l'examen des faits que les circonstances ne nous ont pas permis d'observer avec lui.

Nous devons faire remarquer qu'à l'exemple de M. Boué, nous n'avons pas tenu compte de la déviation de l'aiguille aimantée. On admet généralement que, dans la Turquie occidentale, elle est de 14 à 15° vers l'O. ; nous adoptons ce dernier chiffre dans les rectifications dont nous avons besoin pour le résumé, placé à la fin de chaque paragraphe. Dans ce cas, nous rapportons au point N. les angles de direction, qui se trouvent ainsi compris entre le N. et l'O. ou le N. et l'E.

Nous continuerons à faire usage de la nomenclature de M. Cordier , dont nous nous sommes servi dans notre premier Mémoire. Nous avons pris soin d'écrire en lettres staliques la description des échantillons que le savant professeur a eu l'obligeance de déterminer; nous donnons en même temps la synonymie des roches avec les noms que M. Boué leur applique. Par ce moyen, les personnes qui dé- sirent consulter la belle collection envoyée au Musée du Jardin des Plantes par notre compagnon de voyage, el celle que nous avons donnée à l'École des mines , pourront facilement retrouver chaque roche citée dans nos Mémoires, et vérifier l'exactitude de sa description.

La carte qui accompagne l'ouvrage de M. Boué est construite sur: une trop petite échelle pour permettre au lecteur de trouver un grand nombre de loca- lités citées dans son résumé. Celle que M. le colonel Lapie a bien voulu dresser pour être jointe à notre Mémoire donne à la fois une idée claire de la configura- tion du sol, et les détails suffisants pour suivre sans confusion nos courses à travers une contrée encore bien peu connue. Cette carte est construite , comme

celle de la première partie du Journal , à l'échelle de 300000 Nous avons fait

beaucoup de recherches dans l'espoir de contribuer à la représentation exacte du relief de la Macédoine et de l'Albanie. Indépendamment de nos notes particu-

(N: 6, p- 5-) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 209

lières, nous avons fourni à notre savant géographe des renseignements tirés des publications les plas récentes. Les sources nous avons puisé ces matériaux sont : la Turquie d'Europe de M. Boué (4 vol. in-8°. Paris, 1840) ; l'ouvrage de M.A. Grisebach , professeur à l'Université de Gættingen (Reïsen durch Rume- lien und nach Brussa , 2 vol. in-8&, Geættingen, 1841); l'ouvrage de M. le colonel Leake (Travels in northern Greece, 4 vol. in-8°. 1835). Nous avons soumis à la critique des deux auteurs cités en premier lieu, les routes que nous avions des- sinées d'après leurs descriptions. Ces savants voyageurs nous ont renvoyé nos croquis corrigés, et accompagnés d'observations pleines d'intérêt. Nous nous faisons donc un plaisir et un devoir de les remercier ici de leur utile et bienveil-

lant concours. M. Grasset, consul de France à lanina , avait promis de nous donner les détails

de son ascension au Tomoros , près de Bérat, de son voyage dans le Mousaché et de ses promenades aux environs de sa résidence. Malheureusement, l’état de sa santé ne lui a pas encore permis de nous envoyer les rectifications qu'il jugeait nécessaire d'apporter au fragment dela carte dont nous lui avons adressé une copie.

M. le docteur Joseph P. Muller, de Prague , auteur d'une brochure sur l’A1- banie (1), vient de nous envoyer son itinéraire de Skoutari à Ochrida par la vallée

(1) Albanien, Rumelien und die œsterreichische montenegrinische Graenze; 103 pages m-8°. Prague , 1844. La préface de l'ouvrage de M. le docteur Muller est rédigée par M. Schafiarik, très versé dans les langues et les antiquités slaves. Ce savant, tout en rendant justice au mérite de M. Boué et à son ardeur dans la recherche de la vérité, lui reproche cependant de donner du poids à certaines observations très fausses sur la- Turquie, en les mêlant avec celles qui lui sont propres. Il nous félicite, au contraire, en des termes beaucoup trop flatteurs, d’avoir su éviter ce défaut dans la première partie de notre Journal. Nous nous estimons heureux de l’approbation de M. Schaffarik, et nous désirons vivement que notre nouveau mémoire obtienne de ce savant un jugement aussi favo- rable que le premier; mais ses éloges ne peuvent nous dispenser de repousser avec force une com- paraison injuste pour notre ami. La différence du cadre que nous nous sommes tracé l’un et l’autre nous imposait des obligations différentes. Notre Journal est un simple commentaire de l'ouvrage de M. Boué : la nature de notre travail nous force à rendre compte strictement des faits que nous avons vus; notre compagnon de voyage, au contraire, ne pouvait se dispenser de recueillir dans les auteurs qui l’ont précédé, les matériaux nécessaires pour compléter sa description générale de la Turquie. Le soin qu’il prend de citer les sources il a puisé laisse donc à ses devanciers la responsabilité tout entière de leurs opinions.

Après avoir disculpé M. Boué d’un reproche immérité, nous croyons devoir faire connaître ses excellents procédés envers nous. A son arrivée à Paris en 1839, il nous proposa de réunir nos itiné- raires à son ouvrage, dont la rédaction était presque terminée, et de faire la publication en commun. Nous refusâmes, comme nous le devions, l'honneur de joindre notre nom au sien pour un travail auquel nous aurions si peu coopéré. M. Boué nous trouvant inébranlable dans notre résolution, voulut au moins nous laisser publier notre Journal avant de faire paraître lesien , qu’il aurait pu réunir à sa description générale. Depuis son retour en Autriche, il nous tient au courant des ouvrages nouveaux sur la Tur- quie; il nous en donne le résumé et nous envoie la traduction des passages les plus saillants : « Pro- fitez de ces renseignements, nous écrit-il, et faites connaître mes erreurs. » Certes, il est difficile de pousser plus loin l’obligeance, le désintéressement et l’amour de la vérité.

210 JOURNAL D'UN VOYAGE CN 6, p- 4.) du Drin-Noir, qu'aucun Franc n'avait, à ce que nous sachions , parcourue avant lui. Par la même lettre, ce savant nous annonce son arrivée à Paris dans le cours de l'été, et son intention de nous apporter des renseignements précieux sur les localités qu'il a visitées. Les observations de MM. Grasset et Muller arriveront trop tard pour être consignées dans le texte du Mémoire; mais elles pourront, nous l’espérons encore, servir à rectifier certaines parties de la nouvelle carte, et nous leur en aurons la plus grande obligation.

M. le colonel Lapie a coordonné, avec la sagacité qui distingue ses travaux, les divers matériaux que nous lui avons fournis. De son côté, il n’a rien négligé pour donner à cette seconde carte la plus grande exactitude possible: il a tracé le contour desrivages maritimes d’après les relevés récents des navigateurs anglais, et employé les nombreux renseignements qu'il possède , notamment les itinéraires inédits des généraux Foy, Haxo, Andréossi, Tromlin, et de plusieurs officiers d'état-major de l’armée de Dalmatie. M. Lapie a désigné les routes décrites dans notre Mémoire par un double trait ; les routes de MM. Boué, Grisebach, Leake et Muller, par un trait et un pointillé ; les routes tirées des manuscrits qui lui appartiennent, par un simple trait. Les cotes de hauteur sont prises dans l'ou- vrage de M. Boué.

Nous ne saurions exprimer trop vivement nos sentiments de reconnaissance en- vers notre savant géographe, qui a bien voulu, dans le seul intérét de la science , consacrer ses courts loisirs à l'exécution d'un long et pénible travail. Grâce à sa persévérante sagacité, sa nouvelle carte résume les connaissances géologiques et géographiques le plus récemment acquises sur lAlbanie, la Macédoine et la

Thessalie.

Abréviations employées dans le cours de la deuxieme partie du Journal d’un voyage dans la Turquie d'Europe.

Les renvois au mémoire de M. Boué , inséré dans le Bulletin de la Société , tome VIIT , sont in- diqués par les initiales B. S. É

Les renvois au tome I‘ du grand ouvrage du même auteur sur la Turquie d'Europe sont dé- signés par les initiales T. E.

Les renvois à la première partie du Journal d'un voyage dans la Turquie d'Europe, insérée dans le tome V des Mémoires de la Société, sont désignés par l’initiale J.

Les directions rectifiées ou astronomiques sont distinguées des directions magnétiques par l’abré- viation Rect.

(N.6,p.3.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 211

CHAPITRE PREMIER.

Ce chapitre, divisé en quatre paragraphes, contient le récit de nos excursions en Macédoine et dans une petite partie de la Mœsie supérieure.

MACÉDOINE. $ IS. Route d'Uskiup à Doubnitza.

Distances entre ces deux villes : Hassam-Beg-Keui, à gauche, { h.; Saratschina, à droite, { h. ; sommet d’un plateau alluvial , 1/4 d’h. ; Mohiantza et Bara sur la montagne, à gauche, 1/4 d'h.; descente du plateau, 2 h. 1/3 ; Komanova, 3/4 d'h.; Nagoritch, 1 h. 1/2; Vignitza, 1 h.; lélo, à gauche, 2 h.; montée au col, 1/2h.; col de Stratzin, 3/4 d’'h.; han Stratzin, 3/4 d'h.; bas de la descente, 1/4 d'h.; Tschatsch-han, 1 h. 3/4; Egri-Palanka,2 h.; han, 1 h.; montée au col, 1 b. 1/4; col du Dvê-Laberdan, 3/4 d'h.; bas de la descente sur un plateau élevé, 3/4 d'h.; Gherléna, 1 h. 1/4; bas de la descente du plateau de Gherléna, 1 h. 3/4; Ghioustendil, 1/4 d’h.; Bagrentz, 1 h.; Ternovlak , 1/4 d’h ; han de Schétirtza et pont sur le Kara-sou, { h.; han de Kostitza, 3/4 d’h.; col, 1 h.; bas de la descente, 1/4; han de Binek-Taschi, 1 h. 1/4; pont sur le Djerma, 1/2; Doub- nitza, 1/4. Total, 29h. 1/4.

Direction de la route généralement à l’E., quelques degrés N.

La ville d'Uskiup (on prononce aussi Uskioub et Ouskoub) est située dans la plaine, sur la rive gauche du Vardar , à la hauteur absolue de 550 pieds. Le fleuve la sépare de l'extrémité orientale de la chaîne du Karschiaka, dont la cime la plus élevée atteint l'altitude de 2,600 pieds (voir la Description des environs Œ'Us- kiup. J., pag. 94 à 100). En sortant de la ville, nous nous dirigeâmes à travers la plaine, vers la base de la chaîne du Kara-Dagh. Cette montagne, dirigée du S.-0. au N.-E., surgit brusquement à 2 heures d'Uskiup. Les escarpements qu'elle présente à la vallée de Komanova sont précédés d’un plateau démantelé, dont les restes forment une corniche de 880 pieds, appuyée contre la montagne. Le vil- lage de Saratschina , situé au pied de ce bourrelet, est construit sur un travertin qui recouvre le terrain tertiaire de la plaine (T. E., pag. 306 et 307). Sur cette roche, produite par des sources thermales, aujourd'hui taries, reposent des lits de marne grise, et un terrain argileux rougeâtre contenant des fragments de diverses grosseurs de quartz, de schiste argileux, de micaschiste, etc. (T. E., pag. 305). En gravissant les pentes rapides et ravinées du dépôt alluvial, on aper- çoit plusieurs villages à gauche de la route, entre autres Mohiantza sur la déclivité de la chaîne, et une demi-lieue plus loin, Bara presque au sommet.

Le Kara-Dagh présente la même composition minéralogique que le Schar et le Karschiaka (J., pag. 95 à 98); il est formé de gneiss , de micaschiste, de talc-

212 JOURNAL D'UN VOYAGE (NORCPIPESE schiste, de schiste argileux et de calcaire grenu (T. E., pag. 224), et s'élève à une hauteur comprise entre 2,000 et 2,600 pieds.

La route côtoie la chaîne à une petite distance, pendant près de 2 heures; ensuite elle fléchit à l'E., et conduit en 3/4 d'heure, par une pente douce, à Ko- manova. La descente du plateau qui mène à la ville présente la coupe suivante de haut en bas : terrain argileux alluvial avec fragments de roches anciennes ; marnes et calcaires d’eau douce avec planorbes ; calcaire blanc grena ou lamellaire, semblable à celui du Kara-Dagh. Cette dernière roche encaisse le Goméla-Riéka , petite rivière qui descend de la chaîne voisine, traverse Koma- nova, el se jette dans l’Égri-Déré ou Kriva-Riéka, non loin de l'endroit ce cours d'eau se réunit au Vardar.

Le terrain tertiaire forme une vaste plaine, faiblement accidentée, connue sous le nom de plaine de Moustapha; elle s'étend entre le Vardar, la base du Kara-Dagh et celle des montagnes de Karatova. La route la parcourt dans la direction de l'E. 22° N., s'éloigne insensiblement de la chaîne qu'elle laisse sur la gauche, et passe à Nagoritch entre deux monticules volcaniques carrés comparables à des fortins. Deux autres buttes semblables, séparées par uue dépression, s'élèvent l’une au S. de la première, l’autre au N. de la seconde. Ces quatre îlots volcaniques réunis par leur base forment , au milieu de la plaine, une colline basse et morcelée , dirigée du N. 10° 0. au S. 10° E. Le plus petit diamètre de cet accident du sol se traverse en dix minutes de marche; le plus grand peut avoir une lieue de longueur. La roche qui le constitue est une péridotite micacée; elle se compose de feldspath , de péridot, de mica , et renferme du fer titané et un peu de pyroxène. M. Boué lui donne le nom de dolérite, et la classe dans son porphyre pyroxénique (T. E., pag. 553). Tantôt les éléments de la roche se présentent avec leurs caractères cristallographiques ; tantôt ils dispa- raissent et se fondent en une pâte homogène: La texture lamellaire ou grenue passe par degrés à la texture compacte, cellulaire et scoriforme. La couleur d'un gris plus ou moins noirâtre, ou verdâtre, passe quelquefois à une teinte rou- geâtre dans les variétés homogènes ; les scories avec mica bronzé jonchent les flanes des monticules, et se montrent çà et sur le plateau culminant.

Les produits volcaniques de Nagoritch sont postérieurs au dépôt tertiaire de Ja plaine. Les couches de ce dépôt, composées d’agglomérat calcaire, de sable et de grès, ou molasse, se relèvent en sens inverse en approchant de la colline, et plongent des deux côtés sous un angle de 15 à 20e.

Le terrain tertiaire conserve encore la même inclinaison à Vignitza, hameau situé sur la rive doite du ruisseau Tschigna (Schinie de M. Boué, T.E., pag. 305 et 306). Au-delà du ruisseau, la formation trachytique prend un grand dévelop- pement, et couvre de ses produits l’espace qui sépare le Kara-Dagh des mon- tagnes de Karatova. Un contre-fort peu élevé, placé en arrière des trachytes , et courant à peu près de l'E. à l'O., sert de liaison aux deux groupes. Les premiers

(N.6, p-7.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 213 accidents du terrain volcanique , sur les bords du Tschigna , consistent en ma- melons alignés du N. 30° 0. au S. 30° E. Entre les deux premiers, nous observà- mes une couche de calcaire d’un pied d'épaisseur, faisant une saillie de quelques pouces au-dessus du sol environnant. Ce calcaire tertiaire lacustre, blanc-jaunâtre, compacte, contient des cristaux de feldspath et de très petits fragments de ponce. I est enclavé dans le trachyte, se prolonge dans la direction du N. 30° O. au S. 30° E., et plonge presque verticalement à l'O. 30° S.; ainsi sa direction coïncide avec l’a- lignement des mamelons. La composition de cette couche, isolée au milieu des trachytes, placerait le moment de son dépôt à l’époque des premières éruptions, et son redressement aurait eu lieu lors des éruptions postérieures.

Quelques vides, causés peut-être par la décomposition de cristaux de feldspath, s’observent dans la roche volcanique au contact du calcaire. Sa pâte, d’un blanc rosâtre, contient des cristaux de feldspath blanc-jaunâtre, terreux, quelques cristaux de feldspath vitreux et des paillettes de mica noir. Ce porphyre trachytique à petits grains passe au trachyte rosâtre. On sait que, d’après la nomenclature de M Cor- dier, la différence entre ces deux roches consiste dans la texture de la pâte, qui est compacte dans le porphyre trachytique, grenue et rude au toucher dans le trachyte. Les produits volcaniques sont sortis, dans cette localité , par des fentes dont la direction est indiquée par celle de la couche calcaire et des mamelons. Les buttes trachytiques sont les culots de la matière en fusion refroidie dans les renflements des fissures.

Après un quart d'heure de marche, on voit la roche compacte faire place à un trachyte aliéré, grisâtre et jaunâtre, et à des conglomérats. Ces dernières roches frag- mentaires prennent un grand développement dans la formation plutonienne, et prédominent sur les porphyres. Elles alternent quelquefois avec eux, mais ordinai- rement elles occupent la partie inférieure visible et sont recouvertes d’une couche compacte, plus ou moins épaisse. Cet immense dépôt constitue une contrée aride, la roche se montre à nu (T. E. pag. 353 et 354). Elle présente une pente gé- nérale inclinée vers la plaine, coupée de ravins profonds et surmontée de cônes plus ou moins élevés. Ces protubérances sont formées de porphyres trachytiques , couleur gris de fer ou gris rosé, quelquefois cellulaires, contenant des cristaux prismatiques de mica. Le village Télo, situé à gauche de la route, à deux heures de Vignitza, est construit au pied d’un de ces cônes. Cette butte escarpée offre une forme elliptique dont le plus grand diamètre suit la direction du N.-0. au S.-E. À trois quarts d'heure de Iélo, on commence à gravir une énorme protubérance qui sépare la plaine et la vallée du Rankovtza.

Après lrois quarts d'heure d'une montée souvent pénible, on parvient au col se trouve un han construit auprès d’une mosquée ruinée. De cette position élevée (2,500 pieds), on voit les trachytes former le talus, qui descend au loin vers le S. dans la plaine, se prolonger à l'E. et au S.-E. jusqu'à la vallée du Kriva-Riéka,

et constituer, sur la rive opposée de la rivière, une partie de la contrée montueuse Soc. GÉOL. SÉRIE. T.I. Mém. n°6.

214 JOURNAL D'UN VOYAGE (N.6,p.8.)

de Karatova. À une lieue et demie au N., s'élève la chaîne que les géographes ap- pellent Egri-Sou-Dagh, nom inconnu dans le pays. Ce contrefort, dirigé de l'O.

22° N. à l'E. 22°S., dépasse la hauteur du col de 200 pieds environ, et lie le Kara

Dagh aux montagnes de Karatova. Le terrain volcanique s’appuie à une ou deux

lieues au N.-0. sur le contrefort , qui se compose de gneiss, de schiste argileux ou

talqueux. La jonction des deux terrains ferme l'extrémité supérieure de la vallée

du Rankovtza. Quelques mamelons coniques, peu élevés, se montrent, au N.-N.-0.,

au fond de la cavité qui sépare les deux montagnes et dont le niveau se trouve à

16 ou 1700 pieds.

Nous descendimes en une demi-heure au han de Stratzin par une pente rapide, composée en grande partie de tuf trachytique argileux et facile à se décompo- ser. L'auberge est construite sur cette roche, dans une gorge étroite, au bord d’un ruisseau tributaire du Rankovtza.

Après avoir traversé la petite colline qui borde le flanc droit de la gorge, on arrive dans une plaine d’un quart de lieue dans sa plus grande largeur, et arrosée par le ruisseau Rankovtza. À une demi-heure du han, le gneiss, dont les couches se dirigent de l'O. 22° N. à l'E. 22°$., comme la vallée, se montre dans les pentes méridionales sous la formation trachytique, et constitue la chaîne, dont les flancs escarpés bordent le côté opposé de la cavité. Un peu plus loin, on traverse le Rankovtza, ruisseau formé par la réunion des eaux qui proviennent de l'extrémité occidentalede la vallée, et qui va se jeter dans le Kriva-Riéka(Kriva-Déré, en turc). Près du confluent, cette dernière rivière profite d’une vallée, ouverte à peu près du N.-E. au S.-0. dans le terrain volcanique. Elle reçoit dans son cours inférieur les ruisseaux de la plaine comprise entre le Kara-Dagh, Les montagnes de Karatova et le contrefort qui réunit ces deux chaînes. Grossie par tous ces affluents, elle porte au Vardar un volume d’eau presque égal à celui que le fleuve possède à Uskiup. Elle opère sajonction avec le Vardar , au han Kapétan. non loin de Bania.

Satsch-han, Tschatsch-han ou Tasch-han est situé à quelques pas du gué sur la rive gauche du Kriva-Riéka. La vallée commence à se resserrer à une petite dis- tance de l'auberge. Elle est encaissée dans le gneïss et le taleschiste, dont les cou- ches se dirigent de l'E. à l'O. Bientôt elle se rétrécit en un défilé tortueux que l’on met 30 ou 40 minutes à parcourir, et dont la direction générale est presque N.-.E. S.-0. Avant de pénétrer dans cette gorge, on voit une étroite vallée se prolonger à une petite distance vers l'E. Les parois septentrionales de ce ravin sont formées de gneiss et de schiste; celles du S. se composent à leur base des mêmes roches que recouvrent des produits trachytiques. La limite du terrain volcani-- que et du terrain stratiforme paraît s'étendre au loin sur une ligne dirigée de l'O. à l'E. ou de l'O. 22° N.à l'E, 2258., comme les couches de gneiss qui constituent le fond de la vallée. |

En traversant le défilé du Kriva-Riéka, on est frappé du changement plusieurs fois répété que présente la direction des couches sur le bord du ruisseau

N-6., p.9.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 215 Les talcschistes suivent d'abord la direction du N.22° 0. au S. 2% E., et sont re- dressés verticalement; plus loin, ils vont de VO. 22° N. à l'E. 22°$., et plongent au S. 22°0. Bientôt ils reprennent leur première direction, et plongent à l'O. 22005;

Le défilé débouche dans une petite plaine dominée au N.-0. par des escarpements qui courent de VE. 22° N. à l'O. 22 $., et dont la base est baignée par le Kriva- Riéka. Du côté opposé, elle est limitée par des montagnes qui, s’élevant en pente douce, läissent entre leur pied et le torrent un espace demi-circulaire. Un con- trefort, détaché de ces hauteurs, s’avance vers les escarpements placés en regard, el donne naissance au défilé. Cette arête paraît avoir occasionné la formation d’un lac au fond du bassin. Sur Les tranches des talcschistes qui la composent, on trouve les restes d’une roche poudinguiforme, composée de débris des roches voisines. La rupture du barrage, postérieure à la formation de ce dépôt lacustre, doitremonter à l’époque d’une des dislocations qui ont amené la sortie des roches volcaniques.

La petite ville d'Egri-Palanka est située à l'extrémité opposée du bassin, sur la rive gauche du Kriva-Riéka et au pied de la montagne de Martinitza. La hauteur du fond de la vallée est de 1,700 pieds, celle des montagnes, au N. de la ville, de 2,700, et celle des montagnes, au S., de 2,600. La vue qu'on découvre au sommet du mont Martinitza est limitée de tous côtés à une courte distance. Elle permet seulement de reconnaître que les accidents du sol se composent d’une série de petits plateaux successifs et disposés en étages les uns au-dessus des autres. Ils s'élèvent graduellement jusqu’à la ligne de faîte, qui sert de point de partage à l’écoulement des eaux.

La vallée du Kriva-Riéka ne présente plus, au-delà d’Egri-Palanka jusqu’à son origine, qu’un défilé encaissé. Dirigée à son entrée du N.-E. au S.-0., elle se courbe, à trois quarts d'heure de la ville, et reçoit en cet endroit les eaux d’un torrent. La crête, à l'E. de cet affluent , se nomme Dvé-Laberdan; elle suit la direction de VO. à l’E., et sépare les cours d’eau tributaires du Vardar supérieur de ceux du Kara-sou, l’ancien Strymon. Les couches, généralement dirigées de l'E. 22° N. à l'O. 22° S., éprouvent des changements brusquées et fréquents, à partir de la courbure du défilé jusqu’au han, situé à un quart de lieue de distance. Elles cou- rent à plusieurs reprises du N. 15 à 22° O. au S. 15 à 22°E., et plongent à l'E. J5à 22%;

Le han dont nous venons de parler est situé sur la rive droite du Kriva-Riéka, en face d’une gorge profonde et resserrée. Le torrent qui la parcourt prend sa source à deux heures de là, dans les sommités qui entourent le bassin du Kriva- Riéka, et reçoit avant son confluent plusieurs petits ruisseaux provenant des hau- teurs qui accompagnent son cours. Ses eaux sont jaunies par le lavage du minerai de fer tiré des montagnes voisines. Nous visitèmes cette exploitation métallurgi- que, à notre retour à Egri Palanka. Nous allons rendre compte ici de cette excur- sion, afin de réunir tous les détails que nous devons donner sur cette contrée.

216 JOURNAL D'UN VOYAGE (N.6. p: 10.)

Le haut-fourneau se trouve à trois quarts d'heure de marche du han, sur la rive gauche du torrent. Le minerai consiste en cristaux octaèdres de fer oxidulé. Ces cristaux microscupiques sont répandus dans un talcschiste altéré, terreux, de couleur jaune-brunâtre (T. E., page 225). On les trouve dans plusieurs localités des montagnes voisines. Les points principalement exploilés, que nous observà- mes, existent sur la rive gauche du torrent, à l'O. et au S.-0. du haut-fourneau. Pour y parvenir, il faut gravir le flanc de la montagne et atteindre les plateaux supérieurs. On ne trouve dans ces lieux sauvages que les habitations des mineurs, répandues çà et dans les bois à proximité de leurs travaux. On peut, en suivant les sommités, arriver par des sentiers au mont Martinitza, situé au-dessus d'E- gri-Palanka, et descendre dans cette ville. Pendant ce trajet, on reconnaît que la direction générale du talcschiste et du gneiss va de l'E. 22° N. à l'O. 22° $S. et que le plongement est au N. 22° O.

Nous renvoyons le lecteur à la description que donne M. Boué (B. S. page 60) des procédés imparfaite employés dansle pays pour le lavage du minerai et sa mise en œuvre.

À une demi-lieue du han, on commence à gravir les flancs boisés du Dvê-La- berdan , par un sentier à peine praticable pour les chevaux. La base de la mon- tagne se compose de schistes argileux, dont les couches se dirigent du N. 22° O. au S. 22° E. et plongent à l'E. 22° N. Après dix minutes d’une marche pénible, nous observämes la superposition d'un terrain tertiaire sur la formation précé- dente. Les couches qui recouvrent immédiatement les schistes se composent de fragments grossiers de schistes argileux et talqueux, et de quartz cimentés par une pâte un peu argileuse, qui semble formée des mêmes éléments réduits à une grande ténuité. Elles alternent avec un grès jaunâtre, feldspathique, légèrement micacé, qui paraît provenir de cendres volcaniques remaniées par les eaux (T. E., pag. 354 et 355). Cette dernière roche acquiert une assez grande puissance. Les

couches tertiaires courent du N.-0. au S.-E. et plongent au N.-E. vers le centre de la montagne.

Plus haut, le porphyre trachytique altéré se montre au milieu du terrain ter- tiaire. Sa pâte, à cassure inégale et un peu terreuse, jaunâtre, gris-jaunâtre et oris-verdâtre, renferme de nombreux cristaux de feldspath blanc, dont quelques uns conservent encore leur premier éclat vitreux. On y remarque aussi des cris- taux d’amphibole. Ceite roche est accompagnée de cendres volcaniques, qui, près du sommet de la montagne, sont stratifiées en bancs réguliers.

Le col du Dvë-Laberdan atteint la hauteur de 3,062 pieds. Il traverse un petit plateau dominé par des cimes boisées, qui s'élèvent à 3,100 ou 3,150 pieds. De ce passage, on voit la gorge du Kriva-Riéka, que nous avions parcourue depuis Esri-Palanka, se courber, remonter vers le S.-E. et se terminer au pied du mont Dovanitza. Cette montagne a 4,000 pieds environ de hauteur. Ses flancs présen- tentune pente abrupte, revêtuede pâturages alpins, dont la verdure était rehaussée

CN. 6, p- 14.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 3) par plusieurs taches de neige qui avaient résisté à l’ardeur du soleil (28 juin 1836. Cette sommité, dirigée du N. 22° E. auS. 22° O., fait partie de la crête qui se rat- tache aux montagnes de Karatova. Un de ses contreforts se prolonge jusqu'à la vallée du Kara-sou, auprès de Ghioustendil. Le Dvê-Laberdane sert de liaison entre le Dovanitza et les montagnes situées au N. de Stratzin et d'Egri-Palanka. Cette chaîne, à laquelle les géographes donnent de 9 à 11,000 pieds, ne dépasse pas 5,000 pieds dans son point culminant, connu sous le nom de Kourbetska-Planina, et conserve généralement une hauteur comprise entre 3,000 et 3,500 pieds. Le Dvé-Laberdan opère, ainsi que nous l’avors déjà dit, le partage des eaux entre les affluents du Vardar et ceux du Kara-sou. Il sépare la Macédoine de la Haute-Mæsie. De notre point d'observation, nous distinguions l'enceinte circulaire, formée par la jonction des montagnes d’où s'échappent les sources du Bistritza. La con- trée montueuse située en arrière de ces hauteurs présente au N. plusieurs pitons coniques très rapprochés l’un de l’autre. Ces cimes, en forme de pain de sucre, se trouvent, d’après M. Boué, entre Grlo, Scharkoé ou Pirot et Nischa.

“1

HAUTE-MOESTE.

Le revers de la montagne se compose de roches tertiaires, qui s'élèvent jusqu’à la hauteur du col et reposent sur le porphyre trachytique.- La partie supérieure du dépôt consiste en argile schisteuse verdâtre, offrant beaucoup d’analogie avec le schiste argileux ancien, et alternant avec un grès schisteux, micacé, calcarifère, d'une teinte verdâtre. La partie inférieure se compose de roches arénacées, à tex- ture grenue, renfermant des paillettes de mica blanc et faisant effervescence dans les acides. Les couches présentent ici la direction de l'O. 22° N.àlE. 2>S. plongent au N. 22° E., et inclinent de 10° environ (T. E., page 353). Elles reposent sur des trass jaunâtres ou cendres trachytiques remaniées par les eaux. La base de ja montagne se compose de porphyre trachytique.

La descente se termine aux bords du ruisseau qui prend naissance au point le Dvé-Laberdan se réunit à la chaîne du Dovanitza. Ce cours d’eau traverse de l'E. à l'O. Le plateau élevé situé au pied des deux montagnes, décrit une courbure à la rencontre du Kourbetska-Planina, descend par une gorge profonde dans le bassin de Ghioustendil, et forme, sous le nom de Bistritza, l’un des affluents du Strymon. Au-delà du ruisseau, la route passe à une petite distance des pentes escarpées du contrefort du Dovanitza. Le porphyre trachytique paraît constituer en grande partie le sol de la plaine; mais il est ordinairement recouvert de cailloux roulés. Le gneiss forme une légère saillie aux environs de Gherléna. Ce hameau est cons- truit sur un plateau près de l'endroit le torrent, provenant de la montagne voisine, se précipite en cascade au fond d’une gorge tortueuse et encaissée.

Les couches du gneiss suivent la direction du N.-0. au S.-E. , et plongent au N.-E. Au-delà du village, elles sont coupées par des filons de granite parallèles

218 | JOURNAL D'UN VOYAGE (N.6, p.12.) entre eux et séparés par une distance de quelques mètres. La roche injectée se compose de cristaux de /eldspath rosâtre, de mica noir et de quartz hyalin. Elle est accompagnée de pegmahte , de petrosilex et d'hyalomicte à cristaux de feldspath blanc et de mica d’un blanc d'argent. Un des filons est enchâssé entre deux sal- bandes de pegmatite graphique. Bientôt des schistes argileux succèdent au gneiss et sont également traversés par des filons semblables aux précédents. À une pe- tite distance de Gherléna, commence la descente du plateau. Elle est d’abord très rapide et présente une alternance de schiste argileux, de gneiss et de diorite schistoïde formé de feuillets de feldspath et d'amphibole. Cesroches reposent, à la base de la falaise, sur Le granite à gros cristaux, Le granite constitue en cet en- droit une vaste protubérance arrondie, comprise entre le contrefort du Dovanitza, l'escarpement du plateau de Gherléna, les sources du Bistritza et Ghiousten- dil; sa surface, profondément coupée par la gorge du torrent de Gherléna et par plusieurs ravins qui viennent s’y ramifier, s’abaisse vers la vallée du Strymon. Le contrefort du Dovanitza, placé sur la droite de la route, a environ 2,600 pieds de hauteur. Il se prolonge du S.-0. au N.-E. jusqu'à Ghioustendil, son élé- vation n’est plus que de 2,200 pieds. Le sentier se rapproche des escarpements élevés qui encaissent la gorge, suit les contours de leur bord supérieur et descend au niveau de la plaine par des pentes généralement assez douces. Le granite dis- paraît sous le gneiss à un quart de lieue de la ville.

Guioustendil (Ghioustendil ou Kostendil) est situé à la hauteur absolue de 1,850 pieds, à l'endroit le ruisseau précédemment décrit débouche dans la plaine du Kara-sou, le Tzerna des Slaves, le Strymon des anciens, qu'on désigne encore dans le pays sous le nom de Strouma. Cette belle vallée a trois lieues de longueur de l'O. à l'E. et une et demie de largeur. Elle est bordée au S. par les montagnes que nous venons de traverser, au N. par le mont Kognavo ou Koniavo. Cette dernière montagne, élevée de 2,700 à 2,900 pieds, forme la séparation entre le bassin de Ghioustendil et celui de Radomir, le Kara-sou prend naissance. A l'O. de la ville, un troisième bassin, séparé de la plaine par une colline de 2,400 à 2,500 pieds, renferme les sources du Bistritza.

Pendant notre séjour à Ghioustendil, nous laissâmes MM. Boué et de Monta- lembert s'occuper d'observations sur la température des eaux thermales de la ville et parcourir les hauteurs voisines , composées de gneiss ; de notre côté nous allâmes explorer le montKognavo, dont nous allons parler.

Nous traversàmes la plaine couverte d’alluvions, et à une heure de la ville nous passâmes à gué le Kara-sou, qui coule au pied de la montagne. Le village de Kognavo, qui a donné son nom à la crête, est situé à un quart d'heure de la rivière, au N.-E de la ville. Au-delà, le terrain commence à monter et conduit au pied des pentes escarpées. Sur la tranche des calcaires compactes ou sub- grenus qui constituent la charpente de la montagne, repose un dépôt tertiaire (T.E, page 309) présentant la coupe suivante de bas en haut:

UN. 6, p.15.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 219 Conglomérat formé de fragments des roches sous-jacentes réunies par un ciment calcaire ;

2°. Brèche calcaire rougeâtre ;

Argile schisteuse calcarifère rougeâtre et jaunâtre, faisant effervescence dans les acides. Les couleurs ne sont pas limitées par les lignes de stratification, mais passent d’un lit à l’autre et donnent à la masse cet aspect bariolé si fréquent dans les marnes irisées;

Roches arénacées composées de plusieurs variétés; les unes, à grains de quartz et de feldspath blanc terreux ou kaolin, sont de véritables arkoses ; les autres sont des grès schisteux à grain fin, formés de grains de quartz et de paillettes de mica. Ces deux variétés sont inattaquables par les acides.

Sur les flancs de la montagne, le dépôt tertiaire n'existe plus que dans les an- fractuosités ; le reste a disparu ; mais au sommet de la montagne il recouvre une grande partie de la surface du plateau. Ses lambeaux, composés de grès schisteux ou molasse, conservent une certaine puissance et forment des mamelons qui par- viennent, à 30 pieds près, à la hauteur du point culminant de la chaîne. Ce terrain nous paraît identique à celui du Dvé-Laberdan. Dans les deux localités, les couches argileuses et arénacées reposent sur un conglomérat formé aux dépens de la roche sous-jacente; une partie des grès renferme des grains de feldspath ou de kaolin qui proviennent évidemment des éruptions trachytiques. Ces motifs nous engagent à considérer ces deux lambeaux, séparés aujourd hui par une distance de plusieurs lieues, comme les témoins d’un dépôt qui s'est opéré sous les eaux d'un même bassin, pendant les premiers temps de la période tertiaire moyenne.

La formation secondaire du mont Kognavo se compose, à la partie inférieure visible , d’un calcaire noirâtre très compacte ou subgrenu. La pâte extrêmement fine offre des points qui miroitent au soleil. Plusieurs couches de ce calcaire sont fendillées et les fissures remplies et soudées par du calcaire argileux rougeûtre. La partie supérieure est formée de bancs alternatifs d’un calcaire gris et blanc, très compacte, à cassure esquilleuse et translucide sur les bords. Sur le plateau, près d’une ferme qui dépend du village de Servégnano , situé dans la montagne, nous avons remarqué un banc puissant d’un calcaire gris-noirâtre très coquillier intercalé dans le calcaire précédent. Sa disposition à se partager en feuillets nous donne tout lieu de croire qu'un plus long séjour nous aurait permis de rap- porter de nombreux fossiles de cette localité. La seule coquille libre que nous ayons trouvée est une bivalve striée dont Les caractères sont indéterminables. Les surfaces de la roche, exposées à l’action des agents atmosphériques, pré- sentent des coupes nombreuses de coquilles de toutes les formes et de toutes les grandeurs. M. Boué croit avoir reconnu sur nos échantillons des Nérinées, des Polypiers, des Térébratules et des BucardesT. E., page 260). Ainsi nous ne possédons aucune preuve certaine de l’âge de cette formation calcaire. Ses ca-

220 JOURNAL D'UN VOYAGE (N. 6, p.14.) ractères minéralogiques, qui rappellent ceux des montagnes d’Ipek et de Novi-Ba- zar (J., chap. III, $ 1), nous engagent à la rapporter à l'étage moyen de la craie.

Les couches du mont Kognavo offrent plusieurs directions. Les bancs calcaires, observés en montant au plateau supérieur, courent du N. au S. et du N. 15° E. au S. 15° O., plongent à l'E. et à l'E. 15° S. et inclinent de 10°. Ils présentent, à la vallée de Ghioustendil, des escarpements disposés en gradins très étroits. Le calcaire noir à fossiles de Servégnano se dirige de l'O. 22° N. à l'E. 22S., et plonge au N. 22E. sous une inclinaison de quelques degrés. Il esten contactavec un banc de calcaire très compacte blanc-jaunâtre qui va du N. 22° E.au S. 22 O., et plonge verticalement. Le sommet de la montagne présente une plate-forme de 1,000 à 2,000 pieds de largeur livrée à la culture. Ses flancs, découpés à l'O. et au N.-0., offrent plusieurs bandes de rochers nus, parallèles entre elles et ali- gnées de l'O. 22° N. à l'E. 22° S. La crête principale se prolonge dans cette direc- tion et fait partie du chaînon qui va se rattacher aux contreforts du mont Vitoscha , situé au-dessus de la ville de Sophia.

Da haut de la montagne on découvre une vue étendue, Les cônes pointus, que nous avions aperçus du Dvé-Laberdan , se reconnaissent à leurs formes remar- quables en arrière des basses cimes situées aux sources du Bistritza. Dans cette direction , l'horizon est borné au loin par une série de montagnes sur lesquelles on ne distingue pas une seule tache de neige. On reconnaît aussi le groupe des hau- teurs boisées qui donnent naissance au Kriva-Riéka. Le mont Rilo (7,800 pieds) et le mont Périn (6,000), dont les cimes sont revêtues de grandes plaques de neige, constituent les hautes montagnes de cette contrée. Le premier, à l'E. 22S., présente la forme d’un cône surbaissé et découpé à son sommet par plusieurs échancrures. Situé sur un plan plus avancé que le mont Périn , il en cache une petite partie de la crête; cette seconde chaîne est, comme la première, une sub- division du Despoto-Dagh. A l'E. ou E. quelques degrés N., le mont Vitoscha, beaucoup moins élevé que ces deux colosses (4,500 pieds), présente un profil dont la pente, en s’éloignant du sommet principal , s’abaisse graduellement sur les deux côtés opposés. On voit au pied de cette montagne le contrefort peu élevé qui opère le partage des eaux entre les bassins de Doubnitza et de Rado- mir. Les regards plongent au N.-E. dans une partie de la plaine de Radomir, limitée dans cette direction par des montagnes peu élevées, blanches et gé- néralement dénudées. Le Kara-sou supérieur profite d'une fente, coupée à l'O. du mont Kognavo, pour sortir de ce bassin et pénétrer dans celui de Ghious- tendil.

Après avoir terminé nos courses aux environs de la ville, nous primes la route de Doubnitza. Elle descend la vallée alluviale du Kara-sou, traverse les vil- lages de Bagrentz et de Ternovlak, et longe à peu de distance la base des contre- forts du mont Dovanitza. À deux heures un quart de Ghioustendil, on traverse la rivière sur le pont de Schétirtza. En cet endroit le lit du Kara-sou est creusé dans

(N. 6, p. 13.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 221 une roche feldspathique (syénite?) et dans un conglomérat tertiaire qui la re- couvre. Le conglomérat se compose de fragments arrondis de calcaire, de gneiss, de schiste argileux et de roches feldspathiques (T. E., page 308) cimentés par des infiltrations de chaux carbonatée. Le prolongement du mont Kognavo, qui borde la vallée à plus d’une lieue au N., présente un talus en pente douce jusqu'à la rive opposée. À quinze minutes du pont, le Kara-sou, profondément encaissé dans les roches précédentes (T.E., page 309), forme quelques détours et pénètre dans une fracture ou vallée qui, à son entrée, se dirige du N. au S. Plus loin, le con- glomérat alterne avec des grès fins schisteux ou molasses dont les couches, di- rigées du N.-E. au S.-0., plongent au N.-0. Ces roches stratiformes reposent sur le diorite (B. S., page 45, et T. E., page 332). Auprès du Han de Kosnitza ou Kostitza , elles recouvrent le micaschiste et le diorite qui le traverse.

La petite vallée dirigée du N.-E. au S.-0., et à l’entrée de laquelle l'auberge est située, prend naissance dans les basses crêtes qui séparent les bassins de Doubnitza et de Ghioustendil, puis débouche à une demi-lieue du pont de Sché- triza dans le bassin du Kara-sou. Ses bords escarpés se composent de molasse ou grès tantôt fins, tantôt grossiers, généralement schistoïdes et très micacés. Les couches, inclinées de 20 à 25e, ont souvent, sur la rive droite du ruisseau, la direction de l’O. 22° N. à l'E. 2%S., et sur la rive gauche, la direction N.-S. ou N. 22° O. au S. 22° E. Elles plongent au S. 2% E., à l'O. , ou O. 22°S.

Ce terrain forme un grand plateau ondulé, coupé de vallées étroites et encais- sées , et recouvert d’un dépôt alluvial argileux à gros fragments de roches pri- maires. À une heure du Han de Kosnitza, la molasse s'appuie sur une étroite arête composée de calcaire secondaire, et dont la sommité, élevée de 2,435 pieds, présente une ligne de rochers dirigés du N. 22° O. au S. 22° E., et dépasse à peine le niveau du plateau tertiaire. Cette basse arête va se lier, au N. 22° O., au contre-fort du mont Vitoscha, qui sert de cloison entre les bassins de Doubnitza et de Radomir. Sa pente, coupée à pic du côté de Doubnitza, se compose d’un calcaire très compacte qui paraît avoir été brisé et réagglutiné sur place. Ses bancs supérieurs sont de véritables brèches dont les fragments noirâtres et blan- châtres sont réunis par un ciment de calcaire argileux. Du haut de ces rochers, le regard plonge dans le bassin de Doubnitza, bordé au S. par le mont Rilo, à l'E. et au N. par les contre-forts du mont Vitoscha, dont la principale sommité s'élève dans la direction de l'E.

La plaine, dans laquelle nous descendimes en dix minutes, offre une surface légèrement ondulée ; les accidents du sol sont formés de marnes tertiaires avec des lits subordonnés de grès, tandis que le revers opposé de l’arête se compose de molasse. Cette différence de composition minéralogique des roches prouve que les bassins de Ghioustendil et de Doubnitza ne communiquaient pas entre eux à l’époque s’opérait le dépôt de ce terrain tertiaire lacustre. Le principal cours d’eau de la plaine, affluent du Djerma , descend du col de Pobovdol, qui conduit

Soc. GÉOL. SÉRIE. T. I. Méu 6. 29

299 JOURNAL D'UN VOYAGE (N.6, p. 16.) de Doubnitza à Radomir. Il suit le pied d’une basse colline et passe non loin du Han de Binek-taschi (pierre pour monter à cheval) qui se trouve sur la route. Nous traversimes le Djerma sur un pont, dix ou quinze minutes avant d'arriver à Doubnitza. |

Ce gros bourg, dont l’altitude est de 1,725 pieds, est situé à la base des derniers contre-forts du mont Rilo, sur la rive gauche du Djerma et à l'entrée du défilé qui permet à ce torrent de quitter la vallée de Gibran, il prend nais- sance. La syénite forme, à l'E. et au N.-E. de Doubnitza, une petite ceinture qui accompagne la rive droite du cours d'eau. Sur la rive opposée, la ville est appuyée contre la pente rapide d'un plateau alluvial argileux, renfermant des fragments de gneiss, de granite, de syénite, de quarz, de quarzite, etc.

Excursion au monastère Rilo, dans le Rilo-Dagh (en turc), ou Rilska-Planina (en slave).

Distances entre Doubnitza et le monastère Rilo : premier Han , 3,4 d’h.; Djermon, à gauche, et plus loin deuxième Han, 1/2 h.; montée sur le plateau alluvial, 3 4 d'h.; arrivée sur le plateau, 1/2 h.; village,.3/4 d'h. ; village de Rilo, 3 4 d'h.: Pastra { h. 3/4; Tschiflik, ! h 1,2; monastère Rilo, 3 4 d'h.; total, 8 heures.

Direction de la route, d’abord au S.-0., puis à l'E.

La route côtoie pendant près de deux heures la rive gauche du Djerma. Quel- ques minutes avant d'arriver au confluent de ce ruisseau et du Kara-sou, elle commence à gravir au S.-E. [a pente rapide et ravinée du plateau alluvial qui s'étend à la base du mont Rilo. En montant, on peut observer derrière soi le dé- filé par lequel le Kara-sou sort du bassin de Ghioustendil, et pénètre dans celui de Djoumaa et de Doubnitza. Au-delà de cette plaine, le fleuve traverse le Des- poto Dagh, forme le lac Takinos au S. de Sérès et débouche dans la mer non loin d'Orfano. Parvenus au niveau supérieur du plateau, nous avions devant nous, à une heure et demie à l'E. l'entrée de la gorge profondément creusée qui conduit au monastère. Les sommités avec plaques de neige du Rilska-Planina se dessinent dans cette direction, s'étendent en s’abaissant vers Doubnitza et présentent au plateau des escarpements qui le limitent, sur la gauche de la route, à trois quarts d'heure de distance. La chaîne du Périn , située à cinq heures de Djoumaa. élève au S.-E. sa crête dentelée. Le village de Rilo, dontle niveau se trouve à 1,700 pieds, est construit à l'entrée de la gorge sur la rive droite du Rilska-Riéka. En sortant de cette profonde vallée, le torrent décrit une courbe, coule sur le plateau presque à angle droit de sa première direction et baigne le pied d’un contre-fort nommé Bozovê. Plusieurs villages garnissent le cours de cet affluent du Kara-sou.

La chaîne du Rilo appartient généralement à la formation du gneiss. Une grosse masse de diorite perce à sa base, dans le village même et à l'entrée de la vallée supérieure du Rilska-Riéka. Cette roche à grain fin présente deux variétés ;

(N. 6, p.17.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 223 l'une, composée de feldspath et d'amphibole en cristaux mal limités, contient de rares cristaux de quarz ; Vautre se compose de feldspath et d’amphibole en cristaux par- faitement déterminés. Elle disparaît à l'O. sous le dépôt alluvial , et à dix minutes à l'E. de Rilo sous un conglomérat tertiaire. Ce conglomérat est formé de blocs à angles vifs et très volumineux de gneiïss et de roches qui lui sont subordonnées. Il constitue des rochers de 100 pieds de hauteur bizarrement découpés, qui obs- truent l'entrée de la vallée pendant l'espace d’une petite demi-lieue et forment un défilé dont les parois sont taillées à pic. Au-delà de cette gorge, les pentes, re- vêlues de forêts , deviennent moins abruptes et laissent une plus grande largeur à la vallée. Elles se composent de gneiïss à grains plus ou moins fins, quelquefois pauvre en mica, et dont les couches, suivant la direction du N.-E. au S.-0., plongent de 20 à 25° au N.-0.

Auprès des cabanes, désignées sous le nom de Pastra, le gneiss est coupé par des filons de pegmatite à gros grain, micacée , et contenant de petits cristaux de grenat. Ün quart d'heure plus loin, sur la gauche, la vallée resserrée du Vélika débouche dans celle du Rilska-Riéka. Des blocs de syénite en descendent, entraînés par le torrent. La différence dans la grosseur des grains et abondance des éléments. inégalement répartis, produisent plusieurs variétés. La plus commune est composée de nombreux cristaux de feldspath blanc et de cristaux plus rares de quarz hyalin et d’amphibole noire. À l’'embranchement des deux cours d’eau, une protubérance de granite occupe le fond de la vallée du Rilska-Riéka, et s’étend sur une longueur d’une demi-lieue. Cette roche , à gros cristaux, altérée à la surface, se délite en plaques concentriques. Une seconde vallée latérale s'ouvre à une heure de la pre- mière , sur la gauche de la route. Le torrent qui l'arrose prend naissance, comme celui du Vélika, dans les hautes sommités du Rilo, et roule des blocs de syénite, de granite à grain fin et de pegmatite commune. Auprès du Tschiflik, construit sur un petit plateau cultivé, un filon de granite perce le gneiss, qui, dans cette localité, se charge d’amphibole, et passe au diorite schistoide. À dix minutes de la ferme, le Rilska-Riéka se subdivise. Les deux torrents qui forment ses sources les plus éloignées sont le Jambaeska-Riéka et le Kalenska-Riéka; le premier remonte vers l’E., dans la crête, qui, de ce côté, sert de clôture à la vallée principale; le second descend de l'E. 25° N. Le monastère Rilo est situé à une demi-heure du confluent, sur la rive droite du Kalenska-Riéka. Ce torrent coule près du couvent, à la hauteur de 3,900 pieds, dans une vallée profonde , qui se termine à deux ou trois heures de distance. Elle est séparée des sources du grand Isker par un col qui conduit à Samakov, village situé sur le cours supérieur de cette rivière.

Nous fimes, aux environs du monastère, deux courses dont nous allons rendre compte. Notre première excursion eut pour but de monter sur une des cimes du Rilo-Dagh, située à l'E. 25° N. du monastère, sur la rive droite du torrent ; la se- conde, de visiter une carrière de calcaire exploitée dans le gneiïss.

Ascension sur une des cimes du Rilo-Dagh. —La base de la montagne, à l'E. du cou-

2924 JOURNAL D'UN VOYAGE CNAGP 11e) vent, se compose de gneiss et de diorite schistoïde, dont les couches alternatives se dirigent d’abord du N. au S., et plongent à l'O. ; mais bientôt elles suivent géné- ralement la direction du N. 15 à 20° O. au S. 15 à 20° E., et plongent à l'O. 15 à 20° S. Un dépôt argileux d’une époque récente, qui paraît formé des détritus du gneiss, recouvre le flanc de la montagne jusqu'à une certaine hauteur. Après avoir gravi pendant trois quarts d'heure ou une heure, on arrive au niveau d’un petit plateau offrant une surface légèrement inclinée. Au moment d'atteindre cette plate-forme, on voit une masse de quarzite enclavée dans le gneiss. Cette roche semble plutôt former un accident au milieu des schistes cristallins que partager la stratification des couches. Si l’on n'avait de fréquents exemples de renflements semblables, on pourrait la prendre pour une roche d’éruption. Dans le voisinage et à la surface du plateau, nous avons remarqué dans le gneiss une couche de grenat en roche, dont la salbande est formée par une roche brune altérée. La ve- gétation vigoureuse qui recouvre le sol empêche de voir le point de contact avec le gneiss qui se montre à découvert quelques pas plus loin. Mais, pendant que nous faisions cette observation, M. Boué, de son côté, parcourait le fond de la vallée, et trouvait à un quart d'heure du monastère, sur le flanc de la montagne, la même couche grenatifère, accompagnée de calcaire grenu ou lamellaire et inter- calée dans le gneiss (voir B. S., page 48, et T. E., page 328). Le banc calcaire, si toutefois il se prolonge jusqu'au sommet du contre-fort, a échappé à nos regards. Le plateau du contre-fort domine la vallée du Kalenska et conduit en trois quarts d'heure au pied d’un talus très rapide. Le sommet, auquel on parvient, après une rude montée, fait partie d'une crête qui se courbe sur la droite et accompagne la vallée ; à gauche, elle s'étend vers les cimes les plus élevées de la chaine, et présente une surface arrondie, inégale et mamelonnée. Des plaques de neige ré- pandues de distance en distance couvraient encore, au commencement de juillet, son revers septentrional. Nous suivimes pendant près d’une heure cette crête ac- cidentée, et nous gravimes sur sa sommité la plus élevée au-dessus de la vallée. Dans tout le cours de cette ascension, nous avons vu des lits minces de gneiss, de diorite schistoïde et de leptynite constituer les accidents du sol, alterner en- semble et présenter des passages de l’un à l’autre par lasubstitution tantôtgraduelle, tantôt brusque de leurs éléments constituants. Des cristaux de grenat mal détermi- nés, d’une teinte légèrement rosée, répandus en immense quantité dans le lep- tynite, donnent à sa pâte une nuance blanchâtre passant à la couleur de chair, qui tranche sur la teinte sombre des autres roches, et produit un rubanement d’un effet agréable. La direction des couches est généralement du N. 20° O. au S. 20° E. Du haut de cette cime, dont l'altitude est de 7,000 pieds, les regards plongent dans le vallée du monastère. Des forêts, composées en grande partie de chênes, couvrent les pentes inférieures. Plus haut, elles sont remplacées par des pins et des mélèzes qui, à leur tour, font place à des pâturages alpins. Les dernières som- mités sont dépourvues de végétation et chargées de plaques de neige. L’horizon

(N.6, p 49.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 225 est limité à l'E. par les montagnes qui bordent la rive gauche du Kalenska-Riéka , et à l'O. par une ligne de sommets aigus. Ces derniers pics, situés à une lieue de distance, s'élèvent à 7,700 ou 7,800 pieds. Ils constituent l’axe de la chaîne, in- terceptent la vue du bassin de Doubnitza , et courent de l'O. 20 à 22° N. à l'E. 20 à 22° S., tandis que les cimes qui s’y rattachent se dirigent du N. 22° O. au S. 220 E. Ainsi ces deux lignes se coupent sous un angle de 46 à 50°. Vers le S., par dessus les hauteurs qui dominent le cours du Rilska-Riéka, on découvre la crête dentelée du Périn-Dagh, qui paraît se diriger du N. 30° O. au S. 30° E. Les pics les plus élevés de cette chaîne, compris entre le S. etleS. 22° O., sont revêtus de neige, et peuvent atteindre 6 ou 7,000 pieds. Vers le S. quelques de- grés E., la crête présente encore plusieurs pitons moins élevés; mais elle s’abaisse de plus en plus et disparaît derrière les hauteurs de la rive gauche du Kalenska. L'extrémité opposée du Périn-Dagh se termine au-delà du dernier pic par une pente doucement inclinée qui se prolonge au loin. En arrière de ce grand contre-fort. apparaissent dans le lointain deux lignes de montagnes peu élévées. Suivant le rapport de nos guides, ces dernières seraient dans la direction de Pétretsch ou Pétrovitch, et la crête du Périn, dans celle de Melnik, de Sérès et de Névrokoup. Du côté opposé de l'horizon, la vue s'étend jusqu'à la chaîne du mont Vitoscha, dont le point culminant se montre au N. 15° E. dans la direction de Sophie. Un peu sur la gauche du sommet principal, on reconnaît le contre-fort qui se dé- tache de sa base et va former la séparation entre les bassins de Doubmitza et de Radomir. Entre l'origine du contre-fort et les hauteurs voisines de la cime nous étions placés, se dessine l'emplacement de la dépression de Gibran, au fond de laquelle le Djerma prend naissance et coule vers Doubnitza. A la droite du sommet principal, la chaîne du Vitoscha se prolonge et disparaîtderrière les hau- teurs placées près des sources du Kalenska. Dans cette direction, les montagnes de la vallée du monastère s’abaissent pour former un col qui conduit à Samakov, dans la vallée du grand Isker. On aperçoit au-delà du col cette dernière cavité, puis une basse arête à parois escarpées, et, sur le dernier plan, le prolongement de la chaîne du Vitoscha.

Excursion dans la vallée du Kalenska Riéka. Les flancs de cette vallée présen- tent la même composition que la montagne dont nous venons de donner la descrip- tion. À une heure du monastère, presque à moitié chemin du couvent et du col qui conduit à Samakov, on voit les couches se diriger du N. 22° E. au S. 22% O., et plonger à l'O. 22° N. sous un angle de 45. Une roche granitoïde, injectée dans le sens de la stratification, interrompt souvent la continuité des couches et les par- tage en plaques plus ou moins étendues. Cette roche, composée de feldspath blanc ou rosé, de quarz hyalin et de quelques paillettes de mica noir, constitue (d'a- près la nomenclature de M. Cordier) une pegmatite commune micacée à grain fin , ou, d’après M. Boué, un granite pauvre en mica (B. S., page 16 et T. E., page 323). Les masses de rochers , tombées au fond de la vallée, donnent la preuve que la

226 JOURNAL D'UN VOYAGE (N- 6, p. 20.) pegmatite à fait éruption postérieurement à la consolidation des couches. On l'y voit envelopper des plaques, souvent considérables, de gneiss, de leptynite et de diorite schistoïde.

La carrière dont nous avons parlé se trouve non loin des rochers éboulés, sur la rive droite du torrent. En approchant du calcaire, la roche granitoïde perd une par- tie de son mica et devient très quarzeue. Elle forme le toit et le mur, tandis que, dans la carrière observée par M. Boué, à un quart d'heure du monastère, le banc exploité se trouve intercalé entre deux couches de gneiss. Le calcaire, comparable aux plus beaux marbres statuaires, présente une puissance de plusieurs mètres, une texture lamellaire et une blancheur parfaite. Il est ordinairement séparé du toit par une bande de quarz blanc-grisâtre , de 3 à 10 centimètres d'épaisseur, et par une zone de grenal compacte de la même puissance; cependant il se trouve quelquefois en contact immédiat avec la roche granitoïde, et l’on peut tailler des échantillons dont la moitié se compose de calcaire et l’autre moitié de pegmatite. Dans le voisinage de cette dernière roche, le calcaire contient des cristaux de grenat octaèdres et dodécaèdres, et des pyrites cubiques.

Un filon, dirigé comme les couches du gneiss, du N.-N.-E. au S.-S.-0., et dont l'épaisseur varie entre 50 centimètres et { mètre, partage le calcaire en deux bancs inégaux, et pousse de petites ramifications qui divergent dans tous les sens La ro- che injectée estune pegmatite à grain fin contenant tantôt des lamelles de tale, tan- tôt des lamelles de mica. Elle offre une composition très variée, et se montre ac- compagnée de veines de syénite, de diorite schistoïde, d'harmophanite ou feldspath pur. On observe quelquefois un passage gradué entre ces trois dernières roches; ainsi l’harmophanite se présente d'abord sans mélange, puis le feldspath al- terne avec des feuillets de coccolite , de quarz hyalin et de très petits cristaux dissé- minés de grenat; la coccolite disparaît à son tour, et se trouve remplacée par de l'amphibole noir. Ces parties accidentelles du filon semblent être contemporaines de la formation du gneiss ; elles sont coupées de petites veinules de feldspath qui ne pénètrent pas dans la pegmatite. Elles auront été brisées, modifiées et entrai- nées par la marche ascensionnelle de la roche d'injection.

Les phénomènes de cristallisation prennent un grand développement au contact du calcaire, quelle que soit la variété de roche qui forme la partie extérieure du filon. Une bande de quarz, quelquefois réduite à l’état rudimentaire, sert d'é-” corce à la pegmatite. Vient ensuite une zone de grenat compacte, rosâtre, plus ou moins développée. Dans ses renflements, cette zone renferme des cristaux de grenat , de l'idocrase, de l’épidote, de la coccolite, de la chaux carbonatée, du quarz gris ou passant à l’améthyste et de la wollastonite. Ces substances sont disposées par bandes ou disséminées en noyaux. La wollastonite étend ordinairement ses cris- taux rayonnants sur la surface de l'idocrase et du grenat compacte qui se trouve

en contact avec le calcaire lamellaire. A l’époque nous visitâmes le monastère Rilo (juillet 1836), on exploitait le

(N. 6, p. 21.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 297 calcaire pour la reconstruction de l'église. Parmi les matériaux apportés à cet effet, nous remarquâmes de grands blocs d'amphibolite bruts ou taillés en co- lonnes. Cette roche, tirée des montagnes de la vallée, est à gros grains, talcifère et composée de gros cristaux d’amphibole disposés dans tous les sens. On la voit, dans quelques points d'un même bloc, se charger de feldspath en cristaux allon- gés et passer au dorite micacé à gros grain. Ainsi les éruptions de diorite que nous avons observées à plusieurs reprises, à la base de la chaîne du Rilo, ont amené leurs produits au jour jusque dans sa partie centrale.

Résumé du paragraphe précédent.

TERRAINS STRATIFIÉS. La formation du gneiss constitue le Rilo-Dagh et les contre-forts du Dovanitza, qui s'étendent, d’un côté, vers la première chaîne, de l’autre, vers le Kara-Dagh. Les couches du Rilo, traversées par de nombreusesin- jections de roches plutoniennes, présentent une texture éminemment cristalline; elles se composent de diorite schistoïde, de gneiss, de leptynite, et renferment des bancs subordonnés de calcaire lamellaire et de quarzite. Une grande variété de minéraux se développent dans le calcaire au contact des filons. Parmi ces sub- stances cristallisées, le grenat est la plus abondante; elle entre même dans la composition des couches de leptynite ei des filons de pegmatite. Les contre-forts du Dovanitza, moins tourmentés par l’action des roches éruptives, se composent de gneiss, de micaschiste, de schiste argileux et de taleschiste. Le diorite schistoïde ne se montre qu'au voisinage du granite. La seule substance cristallisée que nous ayons rencontrée s'observe dans le micaschite ou le talcschiste, et consiste en cristaux octaèdres de fer oxidulé. Ils s’y trouvent en assez grande abondance pour donner lieu à une exploitation importante.

La chaîne du Rilo présente une direction générale de l'O. 22° N. à l'E. 22S$., ou N. 83° O. (Rect.), tandis que les couches affectent les directions suivantes :

NOMBRE |DIRECTIOSS | DIRE CTIONS des 3 DIRECTIONS.| MAGNETIQUES. | RECTIFIEES.

Gneiss sur la pegmatite de la carrière de calcaire. . . . . , 4 N. ©. N. 60° ©.

dans la montagne au-dessus du monastère. . . . . 2 N. 20° O. | N. 35° O. OU meme HIOCaiHé en drone. 0 ME) ANNE NE TEMMTQAI + 2 N. 45° O0. | N. 30° 0. : Galcaire lamellaire de Ja carrière. . . . . . . . . . 4 N. 2%E. | N.7E. | Gneiss de la vallée du Rilska-Rieka. . . . . . . . . . 4 |

N. E. N. 30° E. |

228 JOURNAL D'UN VOYAGE (N: 6, p.22.) Les couches des contre-forts du Dovanitza présentent les directions suivantes (1).

NOMBRE | DIRECTIONS | DIRECTIONS des DIRECTIONS.| MAGNÉTIQUES. | RECTIFIÉES.

Gneiss de la vallée du Rankovtza, avant Tschatsch-han. . . Gneiss et talcschiste du défilé entre Tschatsch-han et PRÈS Palanka. 0 Er . : s

Gneiss de Gherléna . Talcschiste du mont Voukiftza entre Kavakli et Vouk- han. Gneiss et talcschiste du défilé de Tschatsch-han . Talcschiste de la montée au col du Dvê-Laberdan. Gneiss et talcschiste entre Egri-Palanka et la montée au col . Gneiïsset talcschiste du mont Martinitza au-dessus d’Egri- -Palanka. Gneiss et talcschiste entre Egri-Palanka et la montée au col.

40° Gneiss et talcschiste après Tschatsch-han. .

41° Talcschiste de la vallée de Karatova.

429 entre Vouk-han et Kavakli.

O. 22° N. | N. 8320.

N. O. N. 6000.

N. 15° O. | N. 30° 0

. E. 22° N. | N. 55 E

LDC) N. 75° E.

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l ( $ $ n. 22 0. | N. 37° 0. ? ) { ( |

En comparant les deux tableaux précédents, on arrive aux conclusions suivan-

s : les directions les plus constantes des couches du Rilo-Dagh courent au N. 30 à 37° O.; les couches des montagnes de Tschatsch-han, d'Egri-Palanka et de Karatova sont principalement redressées par deux dislocations voisines de la ligne E.-0., qui ne s’observent pas dans les couches du Rilo-Dagh; l’une de ces dis- locations (N. 83° O.) coïncideavec la direction générale des crêtes de cette dernière chaîne et des escarpements de Tschatsch-han.

La formation secondaire nous offre les faits suivants :

DIRECTIONS | DIRECTIONS MAGNÉTIQUES. | RECTIFIEES.

O. 22° N. | N..83° O. Les couches calcaires du mont Kognavo, que nous FARDOROUS avec doute au N. N,45%0: terrain crétacé, présentent les directions. . . . . So one à of) Nb HEP IE N.

N. 22° E. N°70E:

Dans ces quatre directions, l’une est voisine de la ligne E.-O. ; les trois autres oscillent autour de la ligne N.-S., et coupent la première sous un angle presque droit. La crête du mont Kognavo suit la direction N. 83° O., particulière aux som- mités du Rilo-Dagh et aux escarpements de Tschatsch-han; l’arête qui sépare les bassins de Ghioustendil et de Doubnitza s'étend du N. 22° O. au S. 22° E., soit N. 370 (Rect.), direction que nous retrouvons dans les couches du Rilo-Dagh et des montagnes d’'Egri-Palanka.

Le terrain tertiaire, composé de grès et d'argile schisteuse, renferme des débris trachytiques. Ses couches inférieures sont ordinairement formées de conglomé- rats dont les éléments, plus ou moins grossiers, proviennent de roches sous-

(4) Nous comprenons dans ce tableau trois directions relevées dans le mont Voukifzta, près de Ka- ratova, qui fait partie du même groupe, ainsi que nous le verrons dans le paragraphe suivant.

QG 15 220) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 299 jacentes. Ce dépôt se montre en couches horizontales dans les anfractuosités et sur le plateau du mont Kognavo. Au col du Dvè-Laberdar, il s’adosse au porphyre trachytique, et repose, d’un côté de la montagne, sur le gneiss ,et de l’autre sur les cendres volcaniques. Les couches du revers méridional suivent la direction du N.-0. au S.-E., ou N. 60: O (Rect.); celles du revers opposé, la direction de VO. 22° N. au S. 22° E., ou N. 83° O. (Rect.). Cette dernière direction, qui domine dans les couches de gneiss et de talcschiste des montagnes voisines, se retrouve dans les crêtes des monts Rilo et Kognavo. Elle se montre encore dans la molasse de Kosnitza,

DIRECTIONS DIRECTIONS MAGNETIQUES. RECTIFIEES.

: : N. 220. | N. 37° O. Combinée avec les directions suivantes. . . . . . . . . . . . .) NN N. 45° O.

N. E. N. 30° E. | ) D a

Dans cette localité, les couches plongent de toutes parts sous un angle de 20 a 25° vers le centre du bassin de Ghioustendil, et leur disposition en éventail paraît due à un affaissement qui s’est produit à l'endroit la direction de la vallée vient couper le prolongement de la fracture N.-S., dont le Kara-sou profite pour sortir de la cavité.

En résumé, dans le Rilo-Dagh, les couches de gneiïss sont principalement redres- sées suivant la ligne N. 30 à 37° O.; la direction N. 83° O. domine dansles gneiss, micaschiste ou talcschiste des montagnes d’Egri-Palanka et dans les calcaires se- condaires du mont Kognavo. Cette dernière dislocation a produit les crêtes du Rilo, les escarpements du Kognavo et de Tschatch-han, et les dépressions de Ghioustendil et de Doubnitza, dans lesquelles s’est opéré le dépôt de la molasse. Un second soulèvement, voisin de la ligne E.-0. (N. 75: E.), mais postérieur au premier, a façonné plusieurs parties des montagnes d'Egri-Palanka et le contre- fort du Vitoscha, dont le Kognavo forme le prolongement occidental. Il a fré- quemment dévier de sa direction normale dans un pays déjà accidenté par une dislocation peu différente. Nous attribuons à cette déviation l'élévation actuelle de la chaîne du Rilo et la direction N. 83° O0. observée dans le terrain tertiaire du Dvé-Laberdan. Enfin une dislocation N. quelques degrés 0. a dérangé accidentel- lement les couches de tous les terrains stratifiés. Ses principaux résultats sont les fractures qui donnent issue aux eaux des bassins de Radomir et de Ghioustendil, et les défilés bordés de hautes terrasses tertiaires et alluviales (au S. de Djou- maa), défilés que suit le Kara-sou pour se rendre à la mer.

TERRAIN D'ORIGINE 1GNÉE. Deux protubérances de granite à gros grains, placées l'une par rapport à l’autre sur une ligne N. 83° O., soulèvent le gneiss ; la pre-

mière à l'O. de Ghioustendil, la seconde dans la vallée du Rilska-Riéka. Au voisi- SOC. GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. n. 6. 30

230 JOURNAL D'UN VOYAGE (N: 6, p. 24.) nage des deux masses granitiques, on observe des filons de gramite à petits grains, de pegmatite commune, de pegmalite graphique, de pétrosilex , d'hyalomicte, de syé- mte et de diorite. Les deux dernières roches forment entre le village de Rilo, Doubnitza et Ghioustendil des bandes importantes, mais beaucoup moins consi- dérables que le granite. La pegmatite est ordinairement grenatifère. À une heure à l'E. 22° N. (magnétique) du monastère Rilo , cette roche, que M. Boué désigne sous le nom de granite pauvre en mica, empâte de grands blocs de gneiss, pénètre en filon dans une couche de calcaire grenu et développe au point de contact une grande variété de substances cristallisées. Elle redresse les couches suivant la ligne N. E.

Le trachyte, accompagné de trass et de conglomérats , occupe une surface consi- dérable, que nous avons reconnue sur une étendue de dix lieues, entre Vignitza , Stratzin, Kavatova et Istib (Voir le $ suivant. Il est recouvert, au Dvê Laberdan, par le terrain tertiaire ; ses débris entrent dans la composition de la couche ver- ticale du calcaire lacustre de Vignitza et des grès du Dvê Laberdan; enfin la péri- dotite de Nagoritsch soulève la molasse et se répand à sa surface. Ainsi on peut distinguer au moins trois époques d'éruptions trachyliques en Mascédoine; les pre- mières déjections, caractérisées par l’amphibole (porphyresyénitiquede M. Boué), précèdent l’existence du terrain tertiaire moyen; les secondes sont synchroniques de son dépôt; tes dernières , caractérisées par l'abondance du péridot (porphyre pyroxénique de M. Boué), lui sont postérieures. Toutes les variétés de roches tra- chytiques renferment une grande quantité de mica. La péridotite de Nagoritsch, pla- cée en dehors de la limite du groupe volcanique, présente la même composition qu'une multitude de coulées trachytiques du Mont-Dore (coulée du plateau à l'E. des bains , etc. , etc.). Sa sortie paraît remonter à la même époque que les érup- tions du Cantal et du Mont-Dore.

En résumé, le granite à gros grains, la syénite et le diorite se montrent au jour sur une ligne N. 83° O. La pegmatite redresse les couches suivant la direction N. E. Le trachyte s'est fait jour à travers le sol déjà disloqué par des mou- vements antérieurs et s’est répandu à la base de chaînes dirigées N. 83 O. et N. 75° E. ; mais il paraît se prolonger au N. et au NE. de Stratzin, former des cimes alignées à peu près du N. au S. et s'étendre jusque dans la vallée de la Mo- rava (T. E., page 354). Ce trachyte est sorti à Vignitza par une fissure dirigée N. 45° O. et la péridotite, par une fissure dirigée N. 25° 0. M. Boué (T. E., pages 364 et 365) cite entre Radomir et Sophia des buttes de son porphyre pyroxénique alignées du N.-N.-E. au S.-S.-E.

$ II. Route de Doubnitzaà Prilip ou Perlépé.

Distances entre .ces deux villes: Ghioustendil, 6 h. 1/4; Egri-Palanka, 7 h.; Tschatsch-han , 2 h.; Kavakli, 1h. 1/2; montée au co! , 1 h.; col de Vouk-han,

(N.6, p. 23.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 231 { h.; bas de la descente, 1/2 h.; Karatova, 1/2 h.; Blizentzi, à gauche sur un plateau élevé, { h.; Lesnovo et monastère Svêti-Otatz dans une gorge élevée, 1 h.; bas de la descente, 1 h.; Zlétovo, à gauche, 1/4 d'h. ; Tripotantzi, rive gauche du Zlétovska-Riéka, 3/4 d’h.; Lépopéotzi, même rive, 1/2 h.; Gouinovtzi, t/2h.; Pischitza, 1/2 h. ; Jighiantzi , sur la rive gauche , 1/4 d'h.; Ouarizié, à 1/4 d’h. à gauche au confluent du Zlétovska-Riéka et du Brégalnitza, 1/4 d'h.; Kroupischtié, à gauche sur la rive droite du Brégalnitza, 1/4 d'h.; gué du Brégalnitza, village de Karbintzé, à gauche, 1/4 d'h. ; Tzerko-Karbintzé, 1/4 d'h.; Taraïntzi, 1/4 d'h.; Baolvan, à 1/4 d’h. sur la rive droite, 1/4 d'h.; Kara-Orman, 1/4 d’h.; Istib et village de Novo-Sélo à la sortie de la ville, 1 h.; Ribnik, à droite, sur la rive gauche du Brégalnitza , 1/4 d'h. ; confluent du Blakavitza, 3/4 d'h.; montée au col, et village de Drava sur les premières pentes, 1/2 h.; col de Drava, 3/4 d'h. ; Radiredjépli, à gauche, 1/4 d’h.; tombeau et han de Schéoba, 3/4 d'h.; fin de la descente et entrée dans la vallée du Vardar, 1 h. 1/4; Pépélischta, 1/2 h.; bac sur le Vardar, 1/4 d'h.; Niégotin, 1/4 d'b.; Marina, 3/4 d’h.; Glissitsch, 1/4 d'h.; Kafadartzi, 1/4 d’h.; sommet de la colline de Schivez, 3/4 d'h.; Ouozartzé (Vo- sagé de M. Boué), 1/2 h.; vallée du Raetz, 1/4 d'h.; défilé du Dévol, 1/2 h.; col de Varisch-Dervent, 1/2 h.; Toplitz à une 1/2 h. à droite et Radobil à 1 h. sur le plateau de la rive opposée. 1 h. 3/4; Troïak, 1/2 h.; montée au col, 3/4 d’h.; col de Pléfar ou Plévat, 3/4 d’h. ; Oréovatz, 1/4 d'h. ; Linischta, à gauche, 1/4 d'h.: bas de la descente, village de Krestetz à 1/4 d’h. à droite, 1/4 d’'h.; Prilip ou Perlépé, 3/4 d’h. Total, 42 heures 3/4.

Direction de la route, à partir de Tschatsch-han, généralement au S.-0. ou à l'O.-S.-0.

Des circonstances indépendantes de notre volonté nous forcèrent à reprendre la route de Ghioustendil, d'Egri-Palanka et de Tschatsch-han, et nous firent re- noncer bien à regret au projet que nous avions conçu de nous rendre directement de Doubnitza à Karatova, en traversant le groupe inconnu des montagnes qui sé- parent ces deux localités. La description de la route que nous avons suivie au re- tour jusqu'a Tschatsch-han se trouve consignée dans le paragraphe précédent ; nous reprendrons par conséquent la suite de notre voyage à partir de cette auberge.

MACÉDOINE.

Tschatsch-han est situé à une petite distance de la fracture qui permet au Kriva- Riéka ou Egri-Déré de sortir des montagnes. Au-delà du défilé, la vallée s’élargit, et la route suit le cours de la rivière jusqu’au village de Kavakli. Laissant ce village sur la droite, nous nous dirigeämes vers les contre-forts qui séparent les vallées de l’Ecri-Déré et de Karatova. Entre Kavakli et le pied des montagnes, le sol est coupé par des ravins dont le fond sert de lit à de faibles ruisseaux. La for- mation trachytique recouvre la plus grande partie de l’espace et repose sur des talcschisies qui font saillie de distance en distance. Auprès du village, on trouve

232 JOURNAL D'UN VOYAGE (N: 6, p. 26:) d'abord une roche tertiaire poudingiforme associée avec des trass et des conglo- mérats volcaniques à grain fin. Ce dépôt, stratifié par les eaux, repose sur le tra- chyte, et renferme une couche de silex résinite en partie décomposé (T. E., p. 354). Un quart d'heure plus loin, le taleschiste paraît à découvert et se montre entouré d'une zone d’argiles rouges, qui paraissent provenir de son altération. À peu de distance, des couches argileuses rougeâtres, parfaitement horizontales, alternent avec des bancs d’une roche arénacée, composée d'éléments d'origine volcanique. À une heure de Kavakli, les talcschistes s'élèvent en montagnes; leurs couches, généralement dirigées de l'E. à l'O., plongent au S.; mais, sur le revers opposé, elles plongent en sens inverse. Nous les avons vues, en montant au col de Vouk-ban, suivre dans un point la direction du N.-0. au S.-E., et plonger au S.-0. (1). Le talcschiste constitue une ligne de faîte dont les points culminants, auprès de Karatova, prennent le nom de Voukiftza (montagne du loup), et s'élèvent à 3,000 ou 3,100 pieds. Cette crête se rattache au mont Dovanitza et aux montagnes si- tuées à l'E. d’Egri-Palanka. Elle s’abaisse au col de Vouk-han (auberge du loup), et n’atteint plus dans cette partie qu'un niveau de 2,600 pieds. De elle se pro- longe entre les vallées de Karatova et de l'Egri Déré, et diminue graduellement de hauteur en s’avançant vers la plaine.

Ainsi que nous venons de l’exposer, la base du talcschiste est enveloppée par un dépôt stratifié, formé en grande partie de débris volcaniques. La route de Ka- vakli à Vouk-han, tracée sur la pente de la montagne, suit souvent le point de jonction des deux terrains. Avant d'arriver au col, nous avons remarqué une ruche fragmentaire composée de débris de calcaire, de talcschiste, et renfermant des huîtres, des baguettes d'oursin, es polypiers, etc. (T. E., p. 308 et 354). Ce con- glomérat, à éléments plus ou moins fins, repose sur un grès schistoïde, formé de feuillets alternatifs de grains quarzeux et de tale verdâtre et blanc grisâtre. L’au- berge du colestconstruile sur cette molasse tertiaire. La descente du revers opposé de l’arête présente la coupe suivante: sous le grès talcifère, conglomérat quarzeux, qui passe inférieurement à un grès talcifère d’un jaune ocreux; le poudingue et le grès renferment des cristaux d'amphibole et d'autres fragments d'origine volcanique; argiles talcifères; érass et conglomérat rougeâtres, for- més de cendres et de débris trachytiques remaniés par les eaux : ils font une légère effervescence avec les acides; taleschiste. Aïnsi les produits d’origine ignée constituent la partie inférieure du dépôt; ils entrent pour une faible proportion dans la partie moyenne et disparaissent dans les couches supérieures. La sortie du trachyte a donc précédé, dans cette localité, le dépôt de la molasse.

La petite ville de Karatova est située au fond et à l'extrémité supérieure de la vallée. Deux ravins principaux remontent jusqu'aux sommités qui bordent cette dépression et opèrent leur jonction dans la ville. Les quartiers désunis de Karatova communiquent entre eux au moyen de plusieurs ponts jetés sur le filet d’eau qui

(4) Nous avons indiqué ces directions dans le tableau du paragraphe précédent (page 228’.

(N.6, p. 27.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 233 descend des hauteurs (1). La formation trachytique prend un immense développe- ment dans les environs de la ville. À Blizen{zi (une heure E. de Karatova), elle s'élève à la hauteur de 2,900 pieds, c'est-à-dire à 100 ou 200 pieds de moins que les talcschistes du mont Voukiflza. Les ravins dont nous avons parlé coupent profondément les produits volcaniques et facilitent l'étude de ce terrain. Entre Karatova et Blizentzi, la roche dominante est un trachyte altéré d'an blanc grisâtre, traversé par des filons de 2? à 4 pouces d'un porphyre trachytique, quarzifère, à petit grain. Elle alterne avec des conglomérats quelquefois ponceux, et avec des porphy- res trachytiques d'un gris plus ou moins foncé ou passant à une teinte violacée. Sur le plateau de Plizentzi, la roche se décompose en boules, en couches planes ou concentriques (T. E.. p. 337). En descendant la vallée, on voit le trachyte altéré servir de salbande à plusieurs filons. Sa pâte, d’un blanc grisâtre, jaunâtre ou rosâtre, contient des cristaux de feldspath blanc terreux ou kaolin, d'amphibole ordi- nairement altéré, et de nombreux cristaux tabulaires de mica noir. On trouve, à un quart d'heure de Karatova, un puissant filon de porphyre trachytique, couleur oris fer, très difficile à briser, et dont la pâte contient de petits cristaux de feldspath blanc vitreux. Quelques minutes plus loin, existe une autre masse de porphyre trachytique d'un gris moins foncé que la précédente. Elle est parsemée de petites taches ferrugineuses dues probablement à la décomposition de quelques cristaux d'’amphibole. Les cristaux de feldspath qu’elle renferme ont souvent perdu leur éclat vitreux. La base visible du filon est entourée d’un conglomérat grisâtre, formé de fragments de taleschiste verdâtre, de grains de quartz améthiste clair et de cendres volcaniques. Cette composition rappelle celle des roches fragmentaires que nous avons signalées à la descente de Vouk-han; mais leur gisement indique une diffé- rence notabie ; ici le conglomérat sert de salbande au filon qui l'a produit; à la descente du col, les éléments du conglomérat ont été remaniés par les eaux. Au contact du filon et de la salbande, on remarque un dyke de dix à douze pieds d’é- paisseur de porphyre trachytique brun rougeûtre. Cette jolie roche est une variété du trachyte altéré, qui remplit la plus grande partie de la vallée ; elle n'en diffère que par la compacité de la pâte, par sa teinte foncée et par la conservation des substances cristallines, qui ne présentent aucune trace d’altération.

Un dyke énorme, situé sur la rive gauche du ruisseau, constitue l'accident vol- canique le plus remarquable de la vallée, et présente à l'observateur, placé au fond de la cavité, un aspect des plus imposants. Il est entouré, jusqu'aux deux tiers de sa hauteur, par une ceinture du trachyte altéré, dont la couleur varie, à son approche, du blanc grisâtre au rouge plus ou moins foncé. Les escarpements à

(4) Cette description diffère en tous points de la position que les géographes donnent à Karatova. Cette ville est située sur un petit affluent de l'Égri-Déré, à deux lieues de cette rivière, et à six lieues du Brégalnitza (Braonista des Cartes). L'Égri-Déré, suivant nos renseignements confirmés par les voyages de M. Grisebach, se jette dans le Vardar à Han-Kapétan, et le Brégalnitza se réunit au même fleuve, au N. de Pépélischta.

234 JOURNAL D'UN VOYAGE CN. 6, p.28.) pic qui terminent sa partie supérieure se composent d'un érachyte amphibolifere, passant au porphyre trachytique (1). Cette roche est formée d’une pâte grisâtre, renfermant des cristaux de feldspath d’un blanc un peu mat, des cristaux d'amphibole et des paillettes de mica noir. Elle se subdivise en tables plus ou moins épaisses, qui tantôt s'élèvent perpendiculairement, tantôt présentent leurs tranches à la vallée. Ce dyke ressemble à une île isolée de toutes parts, dont le plus grand diamètre s'étend, comme la vallée, dans la direction de l'E. 22 à 30°S. à l'O. 22 à 30° NII a plus d'une demi-lieue de longueur sur 1,000 à 2,000 pieds de largeur. Son alti- tude est de 2,400 pieds environ, par conséquent bien inférieure à celle du mont Voukifiza et du col de Vouk-han. Les montagnes qui bordent la cavité décrivent un vaste cirque ellipsoïde dont ce dyke occupe le centre. Un second îlot volcanique semblable au premier, dont il est séparé par une grande dépression, s'élève, à un quart de lieue de distance, au fond de la vallée. Le grand axe des deux collines se trouve sur le prolongement d’une même ligne. Leur base septentrionale est baïi- gnée par le ruisseau de Karatova; leur base méridionale ne reçoit que des eaux pluviales. Le sommet du premier dyke présente un plateau couvert de pâturages. Bornée de tous côtés par les hauteurs voisines, la vue ne peut s'étendre que vers le S. et le S.-0. Dans cette direction, les contre-forts du mont Voukiftza sont couronnés par un chapiteau de roches stratifiées horizontalement, dont les décou- pures offrent l'aspect de murailles en ruines. Cette disposition annonce que les coulées trachytiques s'étendent au-delà de la vallée de Karatova, comme nous le verrons tout-à-lheure. Par-dessus ces premiers accidents du sol, on aperçoit au loin les crêtes neigeuses qui s'étendent de Kalkandêlen vers Monastir et le lac d’Okrida (Ochrida).

Avant de quitter la vallée de Karatova, il nous reste à parler des alunites qu'on y rencontre, à trois quarts d'heure de la ville, en descendant le cours du ruisseau. Ces roches sont répandues dans un conglomérat trachytique à fragments ponceux. Les échantillons que nous avons rapportés de cette localité ont reçu de M. Cordier la détermination suivante: Roches argileuses sur-épigènes provenant de l’altération d'un pépérino par des vapeurs acido-sulfureuses et privées en presque totalité de leurs parties alunitiques. Elles présentent toutes les nuances du blanc plus ou moins pur au rouge et au brun verdâtre. Cette variété de couleurs produit souvent des acci- dents agréables à l'œil, et permet de recueillir des échantillons d’un beau rouge maculé de taches orbiculaires blanchâtres et grisâtres (T. E. page 355). Dans le voisinage, on trouve adossées au talcschiste des argiles rouges qui paraissent pro- venir de l’altération de la roche talqueuse.

En sortant de Karatova , nous remontâmes le cours du ruisseau , dans l'intention de nous rendre à Istib. Arrivés au sommet de la montagne, nous laissâmes Bli-

(1) Nous ferons observer que M. Boué adopte , pour les variétés de porphyre trachytique amphi- bolifère précédemment décrites, une classification différente de la nôtre. Il les range dans son por- phyre syénitique (T. E. , pages 336 et 356, et B. S., pages 51 et 52).

(N. 6, p. 29.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 235 zentzi sur la gauche ; ce village est situé sur le plateau légèrement incliné d'un contre-fort qui se détache du mont Voukiftza et se prolonge du N. au S. Plusieurs arêtes trachytiques , parallèles aux parois de la vallée de Karatova, partent du revers occidental du contre-fort et donnent naissance à des ruisseaux, affluents de l'Égri-Déré. Vers l'O. on aperçoit la dépression coule cette dernière ri- vière , et au-delà la chaîne du Kara-Dagh. Dans la direction opposée, les monta- gnes de Karatova forment un groupe dont les points culminants ne paraissent pas dépasser la hauteur du mont Voukifiza.

Des filons très riches en galène argentifère et dirigés environ de l'E. à l'O.. traversent le trachyte amphibolifère altéré du plateau de Blizentzi (T. E. pages 337 et 377). Le minerai se trouve disséminé dans une gangue trachytique, blanchâtre, parsemée de réseaux de quarz hyalin. Il est accompagné de chaux carbonatée et de pyrites qui sont quelquefois passées à l'état d'hydrate de peroxide de fer. L’ex- traction du minerai s'opère dans plusieurs points plus ou moins rapprochés de Blizentzi et de Boukova, et ordinairement à la jonction du contre-fort et de ses arêtes occidentales. Le grillage etla fonte s’exécutent à Karatova. (Voir les pro- cédés très imparfaits employés par les Turcs : B. S. , page 51.)

Le monastère Svêti-Otatz (Saint-Père) est situé à la hauteur de 2,200 pieds en- viron, près du hameau de Lesnovo, sur lerevers oriental du contre-fort et dans une petite vallée qu'arrose le Schtona. Les hauteurs qui l’environnent s'élèvent à 1C0 ou 200 pieds au-dessus du monastère et forment les derniers accidents élevés du groupe de Karatova. Elles se composent de conglomérais trachytiques fins ou grossiers qui, par suite d’altération , ont passé au porphyre siliceux molaire (de cer- tains auteurs). Cette dernière roche, exploitée pour faire des meules, se compose d'une pâte gris jaunâtre renfermant des cristaux de feldspath blanc terreux. Elle doit sa grande tenacité au ciment siliceux dont elle est imprégnée (B. S. page 53 et T. E. page 355).

Le groupe de montagnes que nous venons de décrire s’abaisse brusquement à cinq minutes du monastère. De basses collines, composées d'agglomérat et de cen- dres volcaniques stratifiées , se déploient à sa base et s'étendent jusqu’à la vallée du Brégalnitza. Le Schtona glisse en cascade sur la pente rapide qui conduit en une heure de marche au fond de la vallée du Zlétovska-Riéka. Ce dernier ruisseau sort d’une gorge profonde ouverte dans le terrain trachytique et se jette dans le Brégalnitza à trois heures de Zlétovo. La route côtoie la rive droite du ruisseau et conduit sur Les bords du Brégalnitza, que nous traversèmes à gué entre Karbintzé et Tzerko-Karbintzé. Lorsquela rivière est gonflée par les pluies, on la traverse sur un pont en pierre, construit à quelques minutes au N. d'Istib. La grande vallée du Brégalnitza, occupée par de nombreux villages, descend du N.-E. au S.-0. Elle est bordée au N.-0 par les basses collinestrachytiques. au S.-E. par une chaîne boi- sée, dont le point culminant, nommé Platschkovitza, s'élève à 4 ou 5,000 pieds et fait face à la vallée du Zlétovska Riéka. Entre Kara-Orman et Istib, la rive gauche

236 JOURNAL D'UN VOYAGE (N-6.p. 50.) de la rivière présente un escarpement l'on observe la coupe suivante : Marres argileuses rouges, jaunes et vertes; Grès fin ou molasse; alternance des deux roches; Calcaire blanc compacte et souvent pisolitique formant la partie supérieure de l’escarpement. Ces couches tertiaires, inclinées de 5 à 10 degrés , plongent tantôt dans un sens, tantôt dans l’autre. (B. S. page 41 et T. E., page 306).

Le terrain tertiaire repose à Istib sur une protubéran ce de syénite. Cette der- nière roche, coupée par une fente dont le Brégalnitza remplit toute la largeur , constitue sur la rive gauche un monticule déchiqueté, de 8 ou 900 pieds de hauteur absolue, couronné par lesruines d’un ancien château-fort. La ville d'Istib est située à la base orientale du rocher qui la sépare de la rivière, à l'altitude de 590 pieds. L’extrémité d'un contre-fortdu Platschkovitza décrit alentour un demi-cercle pro- fondément raviné. Ses déchirures mettent à découvert des couches rougeûtres et jaunâtres probablement tertiaires. Au sortir du défilé syénitique , le Brégalnitza coule de l'O. à l'E, reçoit à trois quarts d’heure d'Istib le Blakavitza etdécrit ensuite une courbe. Ce dernier changement de direction est occasionné par la rencontre d'une chaîne N.-S qui barre le passage à la rivière et la force à se porter vers le N. Le Brégalnitza profite bientôt de l’abaissement de la chaîne pour pénétrer dans la vallée du Vardar et se réunir à ce fleuve. Au lieu de suivre les détours de la rivière, nous marchâmes au S.-0., dans l'intention de traverser les montagnes qui séparent les deux vallées. La route passe sur les alluvions déposées au pied de la chaîne et entamées par le ruisseau de Drava, tributaire du Brégalnitza. Elle franchit les premières pentes, conduit au village qui a donné son nom au ruisseau, et monte, à partir du hameau, par unsentier rapidetracé sur la tranche des couches. Le col se trouve à l'altitude de 1,400 pieds; il est dominé au N par le mont Serta, dont le sommet arrondi parvient à 1,700 ou 1,800 pieds, et auS. par des protubé- rances moins saillantes. Le revers occidental de la chaîne présente , à la vallée du Vardar, une pente aussi rapide, mais beaucoup plus longue que le revers opposé. H est entamé par un immense ravin ou vallée de deux lieues de longueur, profon - dément encaissée, et dont les ramifications dérobent plusieurs villages à la vue des voyageurs. Partout dans ce trajet on voit dominer le grès tertiaire ou molasse. Près d'un tombeau (1) qui prend d'un hameau voisin le nom de Schéoba, Le grès alterne avec un calcaire noir très dur, semi-grenu, qu'on rapporterait à un dépôt plus ancien, si on ne le trouvait associé avec une roche évidemment tertiaire

‘(T. E. page 306). Les couches plongent généralement sous un angle qui dépasse 45 degrés et s'approche quelquefois de la verticale.

L’extrémité inférieure du ravin, obstruée sur un grand espace par des débris

de toute grosseur . débouche dans la grande vallée du Vardar à 3/4 d'heure de

(4) Un dervisch commis à la garde du tombeau distribue du café aux voyageurs et vit de leurs aumônes.

(N-6,p-51.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 237 Pépélischta. On distingue à l'O. les hautes montagnes de Babouna , et au S-.O. celles qui accompagnent le cours du Tzerna (Vardar-Sarigoul ou Kara-Sou). Une ceinture de collines boisées limite le reste de l'horizon et borde le cours du Var- dar. Un bac, placé à une demi-lieue au-dessous de Pépélischta, nous transporta sur la rive droite du fleuve. En abordant, on reconnait que le lit du Vardar est creusé dans des couches horizontales de calcaire argileux schistoïde grisâtre, et renfermant des impressions charbonneuses de plantes (T. E., page 306, el B.S. page 41). Cette roche fait partie du terrain tertiaire qui constitue les deux côtés de la vallée. La même formation couvre l’espace qui sépare le Vardar du Tzerna, son tributaire. Elle repose sur la base des montagnes de transition, situées au S. de Kafadartzi , et s’étend de vers le N. entre les deux cours d’eau. Ce promon- toire, coupé de collines et de vallons, présente une surface ondulée dont la pente générale s’abaisse du N. au S. Des alluvions remplissent le fond des dépressions. Le torrent de Kafadartzi, desséché en été, roule, pendant la saison des pluies, des blocs de trachyte et de porphyre trachytique amphibolifère semblable à celui de Karatova.

L'’existencedes roches volcaniques dans les montagnes au S. de Kafadartzi, mise hors de doute par la nature des cailloux roulés, se trouve encore confirmée par le relief de la contrée. Entre le village, dont l'altitude est de 550 pieds, et le hameau de Ouozartzé (Vosadgé de M. Boué), situé sur le bord du Tzerna, on rencontre une colline de 800 pieds environ. Du haut de cette faible arête, les regards sont frappés, à 3 ou 4 lieues de distance dans la direction du S.-0., par les formes bizarres de la haute montagne de Scheschkova. Cette sommité, de 4,000 pieds environ, termine l'extrémité septentrionale de la haute chaîne du Nidjé qui borde la rive droite du Tzerna. La blancheur des roches, les pitons du revers oriental, les escarpe- ments de toutes les pentes, et la hardiesse générale des formes décèlent la nature calcaire de la montagne. Le terrain tertiaire déposé à sa base présente de nom- breuses découpures. Parmi les accidents du sol , on distingue plusieurs buttes co- niques. Ces monticules isolées rappellent par leur forme lesdykes trachytiques que nous avons signalés dans la formation plutoniennede Vignitza et de Karatova. Leur position relativement à celle de Kafadartzi annonce que les blocs volcaniques, roulés par le torrent du village, proviennent de ces protubérances. Ainsi les érup-

“tions ont éclater à la base du mont Scheschkova (T. E., page 358).

A Ouozartzé nous passâmesà guéle Vardar-Sarigoul (Tzerna des Slaves, Kara-sou des Turcs). Cette rivière , après avoir arrosé la grande vallée de Monastir, comme nous le verrons plus loin , s'engage, à l’extrémité du bassin, dans des défilés di- rigés du S. au N. et coule dans un sens diamétralement opposé à la partie supé- rieure de son cours, pour confluer avec le Vardar à quelques heures de Ouozartzé. On distingue , à une lieue O. de ce bameau, l'extrémité des montagnes de tran- sition qui bordent de leurs pentes escarpées les défilés du Tzerna. Le terrain ter- tiaire forme, à la base septentrionale de la chaîne, un plateau dont l'altitude paraît

SOC. GÉOL. SÉRIE. T.I. Mém. 6. 31

238 JOURNAL D'UN VOYAGE CN-6, p.52.) correspondre à celle des collines de la rive opposée. Il se compose, comme aux environs de Kafadartzi, de molasse et de calcaire argileux compacte d’appa- rence lacustre. Cette dernière roche occupe la partie supérieure du dépôt. A quel- ques minutes du gué, la route descend dans la vallée du Raetz, remonte le cours du torrent, et conduit au pied d’une arête, nommée Dévol , placée en avant de ia chaîne principale. Ce contre-fort, dirigé du N. 22° O. au S.22°E., présente des escarpements à la plaine. Il est coupé à angle droit par une fracture dont les pa- rois s'élèvent à pic comme des murailles. Cet étroit défilé, baigné dans toute sa largeur par les eaux du Raetz, sert de communication entre Kafadartzi et Perléné. L'entrée du défilé est formée par les couches d’une dolomie grenue d’un blanc grisâtre ou légèrement bleuâtre. Cette roche repose sur un calcaire compacte, ordinairement mélangé d'argile, d’une couleur gris foncé, qui finit par prendre la texture schistoïde , et passe inférieurement au schiste argileux. Les couches suivent la direction du N. 22° O. au S. 22° E. et plongent à l'E. 22° N. (B. S. page 28,etT.E., page 231). À mesure que le calcaire perd de sa cohésion, il présente des formes de moins en moins abruptes. Le défilé s’élargit et débouche dans un petit bassin, d'une demi-lieue de longueur, rempli par un dépôt très puissant de conglomérat et de molasse. Ce dépôt forme la prolongation du terrain tertiaire qui remplit la vallée supérieure du Raetz, dont il se trouve en partie séparé par une arête de calcaire, en couches verticales, semblable à celui du Dévol. Le torrent s'est creusé dans la roche un étroit passage au fond duquel il roule avec impétuosité. La molasse recouvre les flancs et le sommet de l'arête et s'élève à la hauteur de 1,400 pieds (B. S., page 41, et T. E., page 307). Du haut du col, nommé Varisch-Dervent, on aperçoit la vallée du Raetz dirigée du S.-0. au N.-E. et terminée par la chaîne se trouvent les sources du torrent. Des montagnes, composées de schiste argileux, de calcaire grenu et compacte et de dolomie, la bordent des deux côtés; les plus élevées la dominent au N.-0. et présentent la forme d'un grand plateau incliné couronné de sommets isolés. Le plus remar- quable de ces points culminants est le mont Koziak, qui s'élève à près de 3,500 pieds à l'O. 10°S. du col. Sa cime conique et la blancheur de ses rochers dé- nudés contrastent avec les formes et la riche végétation des cimes voisines. Plu- sieurs autres sommités se dessinent entre le Koziak et Le Bêliak, situé au N.-N.-0. du col. Cettesérie de pics, dont l'altitude moyenne est de 3,000 pieds, se prolonge du S. au N., sépare les vallées du Raetz et de Prilip et va se relier au groupe élevé du Baboua.

La descente du col conduit au fond d’une petite vallée, près du confluent d’un ruisseau qui provient du mont Bêliak. Au-delà de ce cours d’eau, le sentier re- monte la vallée du Raetz, et tantôt longe la rive gauche du torrent, tantôt s'élève à mi-côte. Le terrain tertiaire de cette dépression acquiert une grande puissance. La partie inférieure se compose de bancs épais d'un conglomérat très grossier, formé de débris des montagnes voisines; la molasse occupe la partie moyenne, et

(N-6, p. 55.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 239 se trouve recouverte par un calcaire compacte lacustre. Ce dépôt constitue, dans la vallée, un grand plateau, à surface généralement horizontale, coupé dans toute sa longueur par un canal étroit et profond qui sert de lit au torrent. Des cavernes percent, de distance en distance, les escarpements tertiaires. Parmi les cailloux roulés, nous avons remarqué un bloc de grauwacke, en partie composée de fragments de roches protogéniques. Ce fait annonce la présence de la protogine dans les mon- tagnes qui renferment les sources du Raetz. De nombreux villages sont répandus sur le plateau et sur les flancs de la vallée. Le seul hameau qu’on rencontre sur la route , nommé Troïak , et situé à quinze minutes du torrent, sur les dernières pentes calcaires du mont Koziak, se trouve à l'altitude de 1,167 pieds. La montée au col de Pléfar ou Plévat commence à trois quarts d'heure de Troïak. Une dolo- mie blanche, grenue, disposée en couches de 10 à 15 cent., forme la base visible de la montagne. En gravissant la pente, on voit la dolomie admettre des feuillets discontinus de mica blanc, et passer insensiblement à une roche composée de feuillets alternatifs très minces, de dolomie et de mica d’un blanc d'argent. Ce calcaire surmicacé renferme des cristaux de grenat, et se trouve recouvert au N. du col par une couche de 2 ou 3 mètres de gneiss composé de feldspath blanc et de mica vert (B. S., p. 30, et T. E., p. 227 et 231). Les couches suivent la direction de l'O. 15°S., et plongent au N. 15° O. La sommité que nous venons de décrire est séparée du mont Koziak par une cime qui paraît présenter la même composi- tion. Les escarpements blanchâtres de cette dernière sont couronnés par une roche offrant une disposition à se diviser en masses prismatiques. Nous pensons que cette roche forme le prolongement du gneiss à mica verdâtre, dent elle par- tage le niveau, la couleur sombre et la direction. Elle ne paraît pas s'étendre jus- qu'au montKoziak ; du moins nous ne l’avons pas remarquée dans les escarpements dénudés de sa masse conique. Les couches de cette sommité, observées de loin, semblent courir dansune direction plus ou moins voisine de la ligne N -S. D’après les fragments recueillis aux environs de Troïak, elles se composent d’un calcaire compacte gris-noirâtre, semblable à celui des défilés du Dévol et de Varisch-Der- vent. Ces circonstances semblent indiquer que le calcaire du Koziak, inférieur au calcaire argileux du Dévol, est adossé contre les schistes cristallins et les dolomies de Pléfar.

Le col, formé de dolomie , atteint le niveau de 2,684 pieds. Ii est dominé au N. par les hauteurs dont nous venons de parler, au S. par une chaîne N.-$. de 3,000 à 3,200 pieds. La vallée du Raetz décrit une courbure, se prolonge au pied des escarpements de la chaîne et reçoit plusieurs affluents des montagnes qui bordent le côté opposé de la vallée, et la séparent du cours inférieur du Tzerna. En des- cendant le revers occidental du col, on voit le gneiss succéder à la dolomie, suivre la direction de l'O. 15° N. à l'E. 15°S., et plonger au N. 15° E. Ainsi les couches ont la même allure sur les deux flancs opposés de la montagne. Celles de la chaîne, au S. de la route, vont du N. au S., et plongent à l'O. Trente minutes après

730 . JOURNAL D'UN VOYAGE (NL6, p.54) . avoir quitté le point culminant du passage et 150 pieds plus bas, on trouve en: face de Lénischta une bande de conglomérat calcaire appliquée sur les tranches du gneiss. Une roche absolument semblable s’observe, au même niveau, de l’au- tre côté de la montagne, dans le bassin du Raetz. Sa position, dans cette dernière vallée, au-dessus du terrain tertiaire, sémble annoncer que son dépôt remonte à l'époque alluviale. L'absence de la molasse et conglomérat sur le col prouve que les deux bassins n’ont jamais eu de communication entre eux. Au-delà de Lénischta, la bande étroite du conglomérat disparaît et ne se rencontre plus sur aucun des points de la vallée qui conduit à Perlépé. Cette dépression, creusée dans le gneiss, remonte vers le N., et se termine, à deux heures de distance, au col de Babouna, que traverse la route de Perlépé à Keuprili. Elle est bordée à l'O. par une crête dirigée du N. au S., dont l'altitude est de 2,000 pieds environ, en face du col de Pléfar, et de 1,800 pieds, au château en ruine de Marko-Kraliévitch, situé à son extrémité méridionale, à trois quarts d'heure de Prilip. Par-dessus cet écran, on aperçoit les hautes montagnes qui accompagnent à FO. la vallée du Tzerna.

La ville de Prilip (en ture, Perlépé) est construite à unealtitude de 1,597 pieds, sur le cours du Kandri-sou , affluent du Tzerna, au pied de la chaîne N.-$. que nous venons de traverser, dans une plaine de trois lieues de longueur sur deux de largeur. Ce bassin, séparé de la grande vallée du Tzerna par de basses collines, reçoit les eaux de la chaîne voisine et du contre-fort qui supporte les ruines du château de Marko-Kraliévitch.

Résumé du paragraphe précédent.

TERRAINS STRATIFIÉS. L’arête de séparation entre les vallées de Troïak et de Prilip, composée de gneiss et de couches subordonnées de dolomie et de calcaire lamellaire, forme le prolongement méridional de la chaîne du Baboura. Le cal- caire compacte du mont Koziak semble plutôt s’adosser aux schistes cristallins que faire partie de cette formation. Les couches du gneiss suivent, sur les deux revers du col, la direction de l'O. 15° N. à l'E. 15° S. ou E.-0. (Rect.); dans les montagnes au S. du col, elles courent N.-$. ou N. 15° O. {Rect.), comme l'axe de la chaîne du Babouna. Le talcschiste du mont Voukifiza, près de Karatova, pré- sente généralement la direction E.-0. ou N. 75° E. (Rect.).

Le terrain de transition se compose, dans la vallée du Raetz, de dolomie grenue, de calcaire compacte ou schistoïde et de schiste argileux. Il forme, en avant de la chaîne cristalline , des contre-forts qui partagent la direction des couches N. 22° O. au S. 22° E,, soit N. 37° O. (Recr.). Ainsi, l'allure des couches vient s'ajouter aux circonstances de position et aux caractères minéralogiques, pour nous déter- miner à séparer ce terrain de la formation précédente.

Le terrain tertiaire couvre la totalité de l’espace qui s'étend de la vallée du Raetz à la vallée du Brégalnitza. Il s’est déposé au pied des montagnes de transi-

CN.6, p- 55.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 241 tion et de schiste cristallin, dans le vaste bassin dont plaine de Moustapha oc- cupe le centre. Ce terrain se compose généralement de grès tendre ou molasse, de calcaire compacte, quelquefois pisolitique, et, sur les bords du bassin, de con- glomérats formés aux dépens des roches voisines. Ses couches, ordinairement hor;zontales, constituent, entre le confluent du Vardar et du Tzerna, un pays de collines dont les sommités ne dépassent pas 8 ou 900 pieds, et s'élèvent à 1,800 pieds dans la montagne de Serta, à deux lieues d'Istib. Dans cette dernière loca- lité. on les voit se redresser dans une position presque verticale, et le calcaire prendre une texture cristalline. Les roches présentent tous les caractères d’un dépôt lacustre, à l'exception d’un conglomérat situé près du col de Vouk-han, à l'altitude de 2,600 pieds, sur la pente du mont Voukiftza. Cette roche arénacée, contenant des fossiles du terrain tertiaire moyen, repose sur la molasse dont les couches inférieures renferment une quantité prodigieuse de débris volcaniques, et recouvrent la formation trachytique. Ainsi les premières éruptions de Karatova ont précédé le dépôt du terrain tertiaire lacustre qui, plus tard, a été recouvert de couches marines. L’altitude se trouve aujourd’hui cette formation, en Macé- doine et en Mæsie (Voir le résumé du paragraphe précédent), attestent les bou- leversements qui ont agité la contrée depuis la période tertiaire.

Des conglomérats de l’époque alluviale s’observent sur les deux revers du col de Pléfar. -

En résumé la direction N. 15° O., qui domine dans les crêtes et les couches des montagnes de Perlépé, formées de schistes cristallins, est coupée au col de Pléfar par une dislocation E. ©. Le terrain de transition de la vallée du Raetz est redressé suivant une ligne N. 37° 0. Le terrain tertiaire, ordinairement horizontal, subit un soulèvement N.-S. au mont Serta, et prend une position voisine de la verticale.

TERRAINS D'ORIGINE 1GNÉE. La syénite forme à Istip une masse qui s'élève comme une île au milieu du terrain tertiaire. Elle est coupée par une fracture N.-S. dont le Brégalnitza occupe toute la largeur. Une source d’eau thermale sulfureuse sort des fissures de la roche, en face de la ville, sur la rive droite de la rivière.

La formation trachytique que nous avons signalée dans le chapitre précédent se lie aux montagnes volcaniques de Karatova, et, comme nous l'avons fait ob- server, recouvre une étendue considérable que nous avons reconnue sur une lon- gueur de dix lieues. Elle se compose de trachyte, de porphyre trachytique, de trass et de conglomérat ; les deux premières roches, généralement très micacées, occupent la partie centrale, tandis que les deux dernièresse trouvent ordinairement à la partie extérieure du groupe. La puissance du terrain volcanique est formée de plusieurs coulées superposées , réunies à leurs extrémités, et dont les points de sortie se trouvent à des distances plus ou moins rapprochées. On y remarque de nombreux filons caractérisés, les uns par des cristaux de quartz, les autres par des cristaux d’amphibole. Cette dernière variété produit dans la vallée de Karatova de grands

242 JOURNAL D'UN VOYAGE (N. 6, p. 56.) dykes disposés sur une ligne droite, et forme sur le plateau de Blizentzi des filons très riches en galène argentifère. Il est à remarquer que la vallée de Karatova et les vallées parallèles qui l’avoisinent au N. suivent, comme les dykes et les filons, la direction de l'O. 22 à 30° N. à l'E. 22 à 30°S., ou N. 75 à 85° O. (Rect.}. Le relief de cette partie de la contrée représente la direction des fissures qui ont été remplies par le porphyre trachytique amphibolifère(porphyre syénitique de M. Boué). Les conglomérats renferment des alunites à l'O. de Karatova et du porphyre si- liceux molaire (de certains auteurs) à Lesnovo.

En résumé, la formation trachytique parvient à l'altitude de 3,000 pieds (col du Dvê Laberdan, plateau de Blizentzi); mais elle ne constitue pas, comme en Auvergne, des massifs isolés comparables au Cantal et au Mont-Dore. Elle se trouve toujours à la base ou sur les flancs des chaînes ( Vignitza . Stratzin , Ka- ratova, Kafadartzi). La direction N. 75 à 83° O. des dykes amphibolifères de Ka- ratova coïncide avec celle de la chaîne du Rilo, du mont Kognavo, etc. Nous considérons le relief principal de ces montagnes comme le résultat de la commo- tion qui a donné issue au porphyre trachytique à cristaux d'amphibole.

$ III. Route de Prilip à Kastoria.

Distances entre ces deux villes : Lago, à gauche, | heure ; Oba, à une 1/2 lieue à droite, 1/2 h ; ruisseau, et à sa sortie des montagnes, village de Stavitscha à une {/2 h. à gauche, 1/4 d’h. ; base septentrionale de la colline formant l’extré- mité méridionale de la plaine de Prilip, et village de Roustzê, à une 1/2 lieue à gauche, 1/4 d'h. ; Moustolintzé, à un 1/4 de lieue à gauche, et Krouschovo, à { h. à gauche, 1/4 d'h.; Schévêlertzi, 1/4 d'h. ; base méridionale de la colline, et village à une 1/2 lieue à gauche, 1/2h.; Klépotsch, sur la route et Konaklé, à dix minutes à gauche, 1/4 d'h.; Noschpol, 1/4 d'h.; pontsur le Tzerna, ou Ka- ra-sou, Î h. 1/4; Mouschila (Morliva de M. Grisebach et Barschébar des cartes),

1 h. 1/4; Monastir, ou Bitolia, 1 h. 3/4; Boukova, à 1/4 de lieue à droite, dans une petite vallée , 3/4 d'h.; Zlokoutiani, à droite; à gauche, Bistritza et Kravari; ces trois villages sont situés sur le ruisseau du Bistritza, 1/2 h.; Olé- vêné, à droite, 1/4 d'h.; Bareschan, à droite; à gauche, Jabani, à une 1/2 lieue, 1/4 d'h.; Kan, à droite, 1/4 d’h.; han de Porodin; le village reste à gauche, 1/4 d’h.; Vêlouschina, à droite, 1/4 d'h.; Lajetz, à gauche; Gradeschnitza , à droite, 1/2 h.; Dragosch, dans la vallée que dominent les escarpements d'une cime revêtue de neige nommée Oprina , {/4 d’h.; Lênar, dans une vallée au pied du Tschetschêvo, sommité couverte de neïge faisant suite au mont Oprina, 1/4 d'h. ; Kleschtina-Dolna , à une 1/2 lieue à gauche, et, 5 minutes plus loin, Bitouch, à droite sur un ruisseau, 1/4 d'h.; Kleschtina-Gorna, à droite, sur un gros ruisseau nommé Isvor (source), 1/4 d'h.; Klandorop, à droite, 1/4 d'h. ; Kavasnitza, à droite 1/2 h.; Florina, 3/4 d’h.; Kotori-Gorna et Kotori-Dolna , à droite, dans une gorge (haut et bas Kotori, le Taornia des cartes), 1/4 d'h., Mala ou Mahala, à gauche, 3/4 d’h.; montée au col, 1/4 d’h.; col du Néretska,2h. ; Babschiol (Papso

(N- 6, p. 57.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 243 des cartes), 1 h.; fin de la descente, sur le bord d’un ruisseau qui forme l’une des sources du Dével, 1/2 h.; col de Vijéné : le village est à 1/4 d'h., à gauche, au pied du revers S.-E. du contre-fort, 3/4 d’h.; défilé du Vlaka, 3/4 d'h. ; Léko ou Viako (Longa des cartes), et, à 1/4 de lieue à gauche, Tivolischta, 1/4 d'h.; Tschiflik, à gauche, sur le bord du lac, 1/2h.; Kastoria, 3/4 d'h. Total, 21 heures.

Direction de la route : De Prilip à Bitolia, au S. et au S.-0.; de Bitolia à Flo- rina, au S. et au S.-E. ; de Florina à Kastoria, à l'O. et au S.-0.

La route de Prilip à Monastir traverse, dans sa longueur, le bassin du Kandri- sou. Elle passe jusqu’à Noschpol, à 15 ou 30 minutes de la base de la chaîne N.<$., qui s'étend du col de Babouna et de Pléfar à l'extrémité méridionale de la grande cavité de Monastir. A deux heures de Prilip, elle gravit une colline de 2 ou 300 pieds au-dessus de la plaine. Ce bas contre-fort de la chaîne voisine court de l'E. à l'O , et sépare les bassins du Kandri-sou et du Tzerna. Les couches de gneiss qui le composent suivent la direction du N. au S. Du haut de la colline, dont le pla- teau et les pentes sont couverts de nombreux villages, on aperçoit, à deux lieues de distance vers l'O. et le S.-O., les escarpements de la haute chaîne qui accompagne la rive occidentale du Tzerna. Les cimes, chargées de plaques de neige (16 juillet 1836), contrastent par leur hauteur de 6 à 7,000 pieds avec les montagnes de la rive opposée, dont l’altitude se maintient entre 2 et 3,000 pieds. Plusieurs frac- tures très profondes interrompent la série des escarpements. Les plus remarqua- bles, celles du Schemnitza et du Dragor, débouchent, la première à Mouschila (Morliva de M. Grisebach), la seconde à Monastir. Le Tzerna, gonflé par les eaux qui en descendent, coule, au niveau de 1,400 pieds environ, dans une plaine de 2 ou 3 lieues de largeur sur 13 ou 14 lieues de longueur. Les sources de cette rivière se trouvent sur le revers méridional des montagnes qui ferment au S. le bassin de Tettovo ou de Kalkandêlen (Voir la description du cours et des affluents du Tzerna Vardar-Sarigoul, T. E., p. 178 et suiv.). À partir de Noschpol, nous traversà- mes le fond marécageux de la vallée, dans la direction du S.-0. La rivière décrit un cours lent et tortueux, au milieu d’un sol tourbeux à surface presque hori- zontale. Un pont en bois, construit à égale distance de Noschpol et de Mouschila, réunit les deux rives. De Mouschila à Monastir, cn côtoie le pied des dernières pentes de la chaîne occidentale.

La ville de Monastir ou de Bitolia est située au niveau de 1,574 pieds, à la base des escarpements inaccessib!es du mont Péristéri, dont les cimes dépassent 7,000 pieds. Elle est arrosée par le Dragor. Ce torrent prend sa source dans les sommi- tés de l’axe de la chaîne occidentale, suit Les contours d’une vallée dont la direc- tion générale court de l'O. à l'E., reçoit de nombreux affluents, et débouche au N. de la ville. La route de Monastir à Okrida (ou Ochrida) par Resna remonte cette profonde dépression. Le gneiss, accompagné de micaschiste, constitue la base du mont Péristéri, et présente ses couches dirigées du N. au S. Il est associé, dans la vallée du Dragor, avec des talcschistes et des roches chloriteuses. Dans son ascen-

52 E

244 JOURNAL D'UN VOYAGE (X.6, p.58.) sion au sommet du Péristéri, M. Grisebach a rencontré le micaschiste jusqu’à la hauteur de 4,000 pieds, et le granite (protogine ?) ou des roches granitoïdes dans toute la partie de la cime supérieure à ce niveau (1).

Le même terrain forme le prolongement S.-E. de la chaîne qui accompagne la rive gauche du Vardar-Sarigoal. La route de Monastir à Florina contourne la base des contre-forts. Dans ce trajet un grand nombre de vallées, profondément ravinées, pénètrent jusqu'à l'axe central, et laissent apercevoir des cimes revêtues de pla- ques de neige. Des villages, placés dans les gorges et dans la plaine, à droite et à gauche de la route, annoncent l'abondance de la population et la fertilité du sol. À la hauteur de Florina, on voit le Tzerna décrire une courbure, changer sa di- rection du N.-0. au S.-E., pour prendre celle du S.-0. au N. E. Cette modification dans le cours de la rivière est occasionnée par l'existence d'une chaîne dirigée de l'O. à l'E., qui s'élève de 500 à 1,000 pieds au-dessus du niveau du bassin, le sé- pare de la vallée de Kaïlari et sert de liaison entre la chaîne occidentale et celle du Nidjé (2). Parmi les affluents qui descendent de ces montagnes, les principaux sont: le ruisseau de Florina (petite ville construite au niveau de 1,526 pieds), le Malska-Riéka, le Prout (Bruto des cartes) et le ruisseau de Krouschérat. Le Tzerna reçoit tous ces cours d’eau avant de pénétrer dans les défilés du Nidjé.

Nous quittâmes à Florina la grande plaine du Tzerna, et, traversant une basse colline, nous entrâmes dans la vallée du Malska-Riéka. Cette petite rivière prend ses sources dans les sommités centrales de la chaîne occidentale, et reçoit, à vingt

(4) L’excursion de M. Grisebach donne des renseignements précieux sur l’orographie de la con- trée. Les angles que le savant professeur a pris du sommet de la montagne, combinés avec ceux du Nidjé , nous ont servi à déterminer la position relative de plusieurs points importants. Malheureuse- ment les distances fournies par M. Boué et par plusieurs voyageurs n’ont pas permis à M. le colonel Lapie de changer de place le lac de Presba, et par suite celui d’Okrida, M. Grisebach a vu la pre- mière nappe d’eau entre le S. 57° O. et le S. 70° O. , et la dépression de la chaîne qui sépare les deux lacs au S. 89° O. La route de Resna profite de cette dépression pour franchir la montagne , et descendre vers le N.-0. à Okrida. Il résulte de ces données que le méridien des deux lacs passe au S. du méridien de Monastir, contrairement au tracé adopté par les géographes et par M. le colonel Lapie dans la carte jointe à ce mémoire.

Le mont Péristéri est un contre-fort très élevé de la chaîne occidentale. I] se compose de plusieurs somuets alignés environ du N.-E. au S.-O. , et forme un angle presque droit avec la chaîne princi-- pale, dont l’axe suit la direction d N. 1°° O. auS. 17° E.

Nous faisons observer que les angles ci-dessus, relevés par M. Grisebach à l’aide de la boussole, se rapportent au méridien magnétique, comme tous ceux que nous donnons dans le cours de ce mémoire.

(2) Dans son trajet d’Ostrovo à Monastir par le col du Nidjé, M. Grisebach a vu le Tzerna s'enga- ger dans les défilés qui existent entre la base de cette dernière montagne, et l’extrémité méridionale de la crête placée à l'E. de Prilip. Nous avons traversé la même rivière, à sa sortie des défilés, au village de Ouozartzé (voir le paragraphe précédent). Ainsi la direction du S. au N. dans le cours in- férieur du Tzerna , devinée en 1822 par M. le colonel Lapie, se trouve confirmée par des observa-

tions positives.

æ

(N. 6, p. 39.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 245 minutes de Florina, le ruisseau de Kotori. Trois quarts d'heure plus loin, on ar- rive à l'extrémité inférieure d’un contre-fort, dirigé de l'O. à l’E., dont la croupe conduit au col du Néretska ou Néretschka. Ses deux versants sont arrosés à leur base par les ruisseaux qui forment les principales sources du Malska-Riéka. Le village de Mala ou Mahala, situé au confluent des deux ruisseaux, donne son nom à la rivière formée par leur jonction.

Les schistes cristallins constituent la masse des montagnes qui s'élèvent entre Florina et le lac de Kastoria. Ils se composent de gneïss et de micaschiste, asso- ciés avec des talcschistes et des chlorites schistoïdes. Au bas de la montée, sur la rive droite du ruisseau, on voit saillir un dyke de syénite empâtant des fragments de schiste cristallin profondément modifiés (T.E., p.332). En gravissant les pentes

du contre-fort qui mène au col du Néretska, on observe, en rapport avec la syénite,

une roche formée de feldspath subgrenu et de tourmaline aciculaire. La disposition dans un même plan des cristaux de la dernière substance donne à la roche un as- pect stratiforme. Cette variété, très développée dans la montagne, appartient au . système des leptynites de M. Cordier. Le talcschiste quarzifère, en contact avec elle, perd sa couleur vert pâle, prend une teinte blanc jaunâtre, et forme en grande partie le plateau supérieur du contre-fort (T. E., p. 225). Il renferme quelquefois des cristaux d’actinote, tantôt isolés, tantôt réunis en faisceau rayonnant, et passe au gneiss talqueux ou protogine schistoïde. Les abords du col, facilités par la faible inclinaison du contre-fort, deviennent extrêmement rapides en s’approchantdel’axe de la chaîne. Le gneïss constitue la masse centrale de la montagne; il atteint au col l'altitude de 4,922 pieds, et forme au N. et au S. deux cimes qui dépassent cette hauteur de 5 ou 600 pieds. La sommité septentrionale porte le nom de Né- retska ou Néretschka-Planina.

Parvenus à la partie supérieure du col, nous apercevions au loin, entre leS. et leS.-0., les sommités du Pinde couvertes de plaques de neige, et, vers leS.-E une montagne élevée, l’'Olympe sans doute, dont l’état brumeux de l'atmosphère ne permettait pas à l'œil de saisir les contours. Un ravin, dirigé du N.-0. au S.-E., prend naissance sur le revers occidental de la chaîne, forme l’origire d'une vallée et présente une descente excessivement rapide. Le village de Babschiol (Papso des cartes) est situé sur cette pente inclinée, près du torrent, à une heure dix minutes du col et à une demi-heure du fond de la vallée. Le contre-fort qui borde la rive gauche du cours d’eau subit une forte dépression, à une demi-heure du village, et se relève à une petite distance pour former la sommité de 2,900 à 3,000 pieds que M. Pouqueville désigne sous le nom de mont Vitzi. Le ruisseau de Babschiol contourne la base septentrionale de cette montagne et va pro- bablement se jeter dans le Dévol, dont il forme une des branches princi- pales (1).

(4) Il se pourrait que le ruisseau de Babschiol fût un affluent de l’Indjé-Karasou ; mais nous avon:

pensé qu'il était plus naturel d’en faire un tributaire du Dévol, par la raison que, dans la course SOG. GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. n. 6. 32

246 JOURNAL D'UN VOYAGE (APCDIE. 1)

La route profite de l'abaissement du contre-fort pour passer dans la vallée du Vlaka-Riéka. Arrivés au sommet de la colline, nous avions sous nos pieds le ha- meau de Vijénê (Vizani des cartes). Ce village est situé sur le bord du Vlaka- Riéka, qui prend sa source dans les sommités de la chaîne, parcourt une vallée dirigée, comme la précédente, du N.-E. au S.-0., et s'engage, à une demi- heure de Vijéné, dans un défilé par lequel il pénètre dans le bassin de Kastoria. Par- dessus l’échancrure produite par le canal d'écoulement, nous aperçûmes pour la première fois, vers le S. 25° O., Le lac de Kastoria.

A l'approche du défilé, le gneiss s'appuie sur une masse de protogine (B.S., p.47, etT.E., p.331). Cette roche se compose de cristaux de feldspath blanc oulé- gèrement rosâtre, de quarz hyalin, de talc verdâtre et de quelques paillettes de mica noir. Elle est colorée en vert par le talc. La protogine forme la paroi de la rive gauche du canal, au fond duquel roule le ruisseau devenu torrent. La paroi op- posée, bordée par des roches serpentineuses de diverses couleurs, présente moins de résistance que la protogine aux dégradations causées par les agents atmosphé- riques et par les efforts du torrent. Elle est exposée à des éboulements qui ren- dent les talus très rapides et forcent le voyageur à rester sur la rive gauche. Le vil- lage de Lêko ou Vlako (Longa des cartes) est construit à la sortie de la gorge dans la plaine. Le lac de Kastoria s’étendait probablement autrefois jusqu'à cette dis- tance, et baignaïit la base des montagnes protoginiques et serpentineuses. Il en est aujourd’hui séparé par une plaine d’une demi-lieue composée de cailloux roulés. A moitié route de Lèko et de Kastoria, un calcaire très compacte ou subgrenu succède à la serpentine et forme la ceinture de hauteurs qui borde la rive occiden- tale du lac. Au point de contact, il est noirâtre et coupé par des filets blancs de chaux carbonatée. Outre ces veines principales, il présente une immense quantité de petites lignes blanches ou ocreuses, comme s’il avait été broyé et réagglutiné sur place. Le calcaire prend COURENT une teinte d’un jaune ocreux ou la cou- leur blanc-grisâtre.

Une presqu'ile, désignée sous le nom de Kostel, s'élève au milieu du lac et communique avec la rive occidentale par un isthme qui n’a pas un quart de lieue dans sa plus grande largeur. La ville de Kastoria est bâtie sur les ‘eux pentes opposées de cette bande de rochers, dont le plateau supérieur reste en grande partie sans habitations. L’isthme se compose de schiste argileux d’un rouge lie de vin, sur lequel repose un conglomérat poudinguiforme à fragments quarzeux et schisteux , cimentés par une pâte siliceuse. Les couches se dirigent du N.22 O. au S. 22° E., et plongent à l'E. 22° N. La protubérance qui s’élève au milieu du lac est formée de roches calcaires. À sa jonction avec l’isthme, on

d'Okri (Ochri) à Kastoria (T. E., t. 1v, p. 538), M. Boué n’a remarqué dans les montagnes aucune échancrure qui pût permettre à ce cours d’eau de confluer avec les torrents qu'il signale entre Ka- pouschtitza et Ormani, et que ces torrents ont trop peu d'importance pour avoir un cours aussi étendu (Voir le cours du Dévol, chapitre II, II de ce Mémoire).

(N.6, p. M.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 247 trouve un calcaire bréchiforme composé de petits fragments ordinairement apla- tis, très compactes ou subgrenus, blancs ou colorés en rose plus ou moins foncé et parsemé de mouches de talc verdâtre. On rencontre plus haut une dolomie grenue, couleur de chair. Le reste de la butte se compose de calcaire subgrenu, blanc-orisâtre, parsemé de quelques taches rougeâtres, à cassure esquilleuse en petit etinégale en grand. Ces roches ont la direction du N. 22° O. au S. 22° E. etle plongement à l'E. 22° N. des calcaires , observés sur la rive occidentale du lac, et des schistes rouges de l’isthme. Il résulte de ces faits que les couches schis- teuses recouvrent ces dernières roches et sont recouvertes par les calcaires de la péninsule (T. E., p. 274). Malgré leurs caractères ninéralogiques, les caïcaires de Kastoria , les schistes et les conglomérats quarzeux, qui leur sont subordonnés,. nous paraissent faire partie du terrain crétacé à Hippurites du Pinde (Voir le pa- ragraphe suivant). Malheureusement nous n’y avons rencontré aucun fossile pût nous permettre de démontrer la liaison géologique des deux localités.

Le point cuiminant de la pretubérance calcaire se trouve à peu près au centre de la péninsule. Cette butte isolée s’élève à 150 ou 200 pieds au-dessus de la surface du lac, dont le niveau se trouve à 1,923 pieds. Elle prend la forme d'un cône surbaissé. Sa base présente des découpures et couvre une étendue qui peut s’évaluer à cinq ou six fois la largeur de l’isthme. Du haut de cette espèce d'ob- servatoire, on reconnaît que le lac de Kastoria (T.E., p. 187 et 188), bordé par une plaine de 1/4 à une 1/2 lieue d’étendue, occupele fond d’une cavité cratériforme et que son diamètre est d'environ deux lieues en tous sens. Alimenté par plusieurs cours d’eau, il tend à se combler tous les jours ,et n’a plus que 60 pieds dans sa plus grande profondeur. La ceinture de hauteurs qui l'enveloppe offre des pentes ra- pides. Les sommités de ces montagnes s'élèvent, sur la rive occidentale, à 250 pieds environ au-dessus de la surface du lac, et celles de la rive opposée à 4 ou 500 pieds. Vers le N. on découvre la chaîne du Néretska et ses contre-forts, que nousavons

décrits, et en avant la cime calcaire du mont Vitzi. L'écoulement de la nappe _ d’eau s'opère au S.-0. par un canal de 250 à 300 pieds de largeur, bordé de col- lines calcaires de 60 à 80 pieds de hauteur. Par-dessus cette basse arête, on re- connaît la cavité de la grande vallée de l’Indjé-Kara-sou, que limite une chaîne calcaire placée à plusieurs lieues de distance. Derrière cette première ligne, on aperçoit, entre l'O. et l'O. 22°$., une série de sommités couvertes de plaques de neige. Une autre crête, nommée Aramina , moins étendue mais aussi élevée que la dernière, se montre à l’0. 35 à 40°S. On distingue au S.-0. le mont Olympe, dont les formes s’effacent au milieu des vapeurs de l'atmosphère.

Résumé du paragraphe précédent.

TERRAINS sTRATIFIÉS. La formation des schistes cristallins constitue les deux chaînes qui accompagnent la vallée du Tzerna. Dans la chaîne occidentale, elle

248 JOURNAL D'UN VOYAGE (N: 6, p. 42.) se compose de gneiss, de micaschiste, de taleschiste et de roches chloriteuses. Les couches présentent les directions suivantes :

DIRECTIONS | DIRECTIONS MAGNÉTIQUES. | RECTIFIÉES.

Gneiss de la colline qui sépare les bassins de Prilip et de Monastir.

Micaschiste, etc. , de Monastir. . .

Gneiss, talcschiste et roches chloriteuses du contre-fort conduisant au col N. 15° 0. du Néretska. : : : 2 Ce

lL° Gneiïiss du col du Néretska :

Gneiss de la colline entre Babschiol et Vijéné . ; N°uE. N. 30° E.

Gneiss de Babschiol. ME PEL ER E. 22° N. |. N. 530 EF.

Gneiïss de la vallée de Kotori. ) NC N. 75 E

8°” Gneiss de la valléeduMalska-Riéka, rivegauche, en face de la montée au col. | Ni

Les couches suivent généralement la direction N. 15° O., tandis que l’axe de la chaîne court, d’après M. Grisebach, du N. 17° O. au S. 17° E,, ou N. 32° O. (Rect.). La basse arête qui réunit le Nidjé à la chaîne occidentale et plusieurs contre-forts des environs de Florina présentent un allongement N. 75° E., direction qui se retrouve dans les couches des vallées de Kotori et de Mala. Ces deux lignes s’ob- servent dans les montagnes de Pléfar et de Perlépé ( voir le paragraphe précé- dent). Ainsi les deux bords opposés de la cavité de Monastir, composés de schistes cristallins, portent les traces des mêmes dislocations. L'existence de cette dé- pression paraît être fort récente ; on n'y rencontre aucune trace de terrain ter- üaire ou alluvial, bien que le Tzerna communique aujourd'hui avec le Vardar et que la molasse du Raetz parvienne à la hauteur de plus de 2,000 pieds, c’est-à- dire à 7 ou 800 pieds au-dessus de Monastir et de Florina.

Nous rapportons au terrain crétacé à Hippurites du Pinde les calcaires com- pactes et les dolomies grenues de Kastoria, renfermant des couches subordon- nées de schiste argileux et de conglomérat à ciment siliceux. Les roches sont redressées sur une ligne N. 22° 0. au S.2% E., ou N. 37° O. (Rect.).

Des alluvions modernes couvrent le fond de la vallée de Monastir et la petite plaine au N. du lac de Kastoria.

En résumé , la direction dominante des schistes cristallins N. 15° 0. est rem- placée aux environs de Florina par la direction N. 75° E. Les couches du terrain crétacé de Kastoria se prolongent au N. 37° O., c’est-à-dire suivant une ligne presque parallèle à l'axe de la chaîne occidentale de la vallée de Monastir.

TERRAINS D’ORIGINE IGNÉE. Suivant M. Grisebach, le mont Péristéri se com- pose de trois sommets principaux , et alignés environ du N.-E. au S.-0. La cime la plus haute est placée sur l'axe de la grande chaîne ; la cime la plus septentrionale, dont l'altitude est de 7,237 pieds, domine de ses escarpements à pic la ville de Monastir. Ce contre-fort granitique, que M. Boué croit être en grande partie formé de protogine , fait avec la direction de la chaîne un angle presque droit.

N. 6, p.45.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 249

La protogine constitue la paroi orientale du défilé du Vlaka, et de s'étend vers le N.-E., comme nous le verrons dans le paragraphe suivant. Sa direction serait donc à peu près la même que celle des cimes du Péristéri.’

Un filon de syénite s’observe sur le bord du Malska-Riéka.

La serpentine se trouve au contact de la protogine du Vlaka ,et se prolonge vers le N. jusqu’au terrain crétacé. A son approche le calcaire est noirâtre, et paraît avoir été broyé et réagglutiné sur place.

En résumé les roches granitoïdes qui percent les schistes cristallins semblent affecter une direction voisine de la ligne N.-E.

$ IT. Route de Kastoria à Salonik.

Distances entre ces deux villes : Tschiflik neuf, 1/2 h.; Tschiflik vieux, 1,4 d’h.; Klandorop, à gauche, 1/4 d'h.; Vodénitza, et à une 1/2 lieue, à droite, sur le bord du lac, Lepschista (Listitza de la carte), 1/2h.; Gornitza et Komanitch (Gorintzi et Komanitzovo de la carte), tous deux à droite, au pied de la montagne et à dix minutes l’un de l’autre, 3/4 d'h.; Derbend ou Dermen, à droite, dans la même position que les deux villages précédents, 114 d'h.; Bombolié, à gauche, 1/4 d’h.; Olischta, 3/4 d'h.; monastère Aghia Arghiri (sainte d'argent) ou Bogoroditza, en slave (Mère de Dieu), 1/2 h.; retour à Olischta, 1/2 h. ; Zagoritsch ou Zagoritza, à gauche, 1/4 d'h.; montée au col, près d’un Tschiflik, 1/2 h.; Bobousch (Bobista de la carte), à gauche, 1/2 h.; col de Vlako-Klisoura; le gros bourg qui porte ce nom se trouve à cinq minutes du col , sur le revers oriental de la chaîne, 1/2 h.; fin de la descente, 3/4 d’h.: Mokrina (Mokréni de la carte), à droïte, 1/4 d'h.; entrée dans la vallée de Ko- nouïé; on aperçoit Dzébré à { heure de distance, à droite, 1/2 h.; Konouïé, au pied d’une très basse colline, 3/4 d’h. ; Kaïlari, 1 h. 1/4; ruisseau et village d’AI- ban-keui ; à droite, Koutschiouk-keui, à 1/4 d'h., 1 h.; Tscherdjiler (Kalguilar de Ja carte), à une 1/2 lieue, à gauche, età 1/4 de lieue du lac d'Ostrovo, 3/4 d’h. ; ha- meau,à droite, 1/4d'h.; Mourolar, à gauche, sur le lac, 1/2 h. ; Kotschêna ou Kotjèna (Kæsélé de M. Boué), à gauche, 1 h.; sortie de la vallée de Kotschêna; le lac d'Ostrovo reste à dix minutes, à gauche, et le village d'Ostrovo, à 3/4 de lieue, 3/4 h. ; entrée du défilé de Vladova, 1/2 h. ; col du défilé, 1/4 ; lac de Télovo ou Tiavo, 1 h. ; hameau, à l'extrémité orientale du lac, 3/4 d’h.; Vodéna, 1 h. ; Schat- lek , à droite, 1/2 h.; pont en bois sur la rivière de Vodéna, et petite ville à 1/4 , d'h., à droite, 1 h. 1/2; gué du Karadjova, entre Turk-keui sur la rive droite et Kouloudê à dix minutes, à gauche, sur la rive opposée, 1/2h.; Dort-larmourt (quatre pommes), 3/4 d’h. ; Baladjé ou Iéni-keui, à droite, 1 h. 3/4; lénidjé, à gauche, { h.; ruines de Pella, 1 h. 1/4; Han de Sariléa; le village reste à gauche, 3/4 d'h.; pont sur le Vardar, { h. 3/4 ; Tékéli, 2 h. 1/4; Salonik , 2 h. Total : 31 heures 1/2.

Directions générales de la route: de Kastoria à Kaïlari , au N.-E., puis à l'E. ;

250 JOURNAL D'UN VOYAGE CN. 6, p. 44.) de Kaïlari à Ostrovo, au N. et au N.-N.-E. ; d'Ostrovo à Vodéna, au N.-E., à l'E. et au S.; de Vodéna à Salonik, à l'E. quelques degrés S. et au S.-E.

Nous quittâmes, à 25 ou 30 minutes de la ville, la route qui longe les rochers et qui nous avait conduits à Kastoria ; ensuite nous côtoyâmes les bords du lac jusqu'à Vodénitza. Ce village, situé à l'entrée de la vallée du Partzélista, est adossé à la base de la masse de protogine que nous avons vue border, au défilé du Vlaka-Riéka, la rive gauche du torrent. La même roche se prolonge vers VE. 22° N. et forme la paroi septentrionale de la vallée du Partzélista. La paroi méridionale se compose d'un calcaire reposant sur des talcschistes et remar- quable par la nudité et la blancheur de ses sommités. Entre Bombolié et Dermen ou Derbend, la vallée change de direction et remonte vers le N. Au lieu de nous rendre directement au col de Vlako-Klisoura (défilé des Valaques), nous sui- vimes.le sentier qui mène au fond de la vallée, dans l'intention de visiter le monastère de Bogoroditza (en slave, mère de Dieu) que les Grecs nomment Aghia Arghiri (sainte d'argent). Ce cloître est bâti sur la protogine, au-dessous de la crête qui accompagne le cours du Partzélista. On y monte du hameau de Olischta, en 40 minutes, par une rampe formée de schistes arsileux altérés, ordinairement jaunâtres , quelquefois bleuâtres et contenant de gros filons de quarz blanc. La protogine offre des pentes rapides, et se prolonge vers le N. Ainsi nous avons suivi les contours de cette roche, à partir du défilé du Vlaka-Riéka, sur une étendue de trois ou quatre heures. Des couches stratiformes paraissent s'appuyer sur cette masse plutonienne à une heure environ du monastère, et fermer l'extrémité su- périeure de la vallée. Deux ruisseaux descendent de cette impasse; l’un arrose le hameau de Olischta, l’autre le village de Zagoritsch ou Zagoritza, situé à trois quarts d'heure du premier. Ces cours d’eau forment les sources du Partzélista.

Nous traversâmes diagonalement le fond alluvial de la vallée et reprîmes, à une lieue de Olischta , la route directe de Kastoria à Vlako-Klisoura. Elle remonte la pente d’une gorge, dirigée de l'E. à l'O., qui débouche dans la vallée du Partzé- lista et conduit à un col de 3,309 pieds peu inférieur à l'altitude générale de la chaîne. La montée se compose de schistes argileux noirâtres, quelquefois tal- queux, passant au grès fin ou très grossier, et dont les couches suivent la direc- tion du N. au S. et plongent à l'O. Ces roches passent sous le calcaire noirâtre subgrenu qui forme les escarpements au-dessus de Dermen et au S. de Vodénitza. Le grand village de Vlako-Klisoura est construit à cinq minutes du col sur le revers oriental de la chaîne. Le plongement général du terrain à l'O. produit, au-dessous du bourg, une descente escarpée qui met à découvert les tranches des couches inférieures et conduit au fond d’une vallée transversale dominée par des contre-forts élevés. Les schistes argileux et talqueux que nous avons signalés dans la montée constituent la partie supérieure de la montagne. Ils renferment au col une couche de 2 mètres d'épaisseur d'une roche uniquement composée de grains feldspathiques désagrégés et altérés. Quelques uns des grains conservent encore la

CN: 6 p: 45.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 251 forme et l'éclat particuliers au feldspath. La désagrégation de cette roche est d'au- tant plus remarquable qu’elle n’a été facilitée par la présence d'aucune substance étrangère discernable. On voit, en descendant, le talcschiste passer au gneiss tal- queux ou protogine schistoïde et alterner avec lui. Ces deux roches renferment souvent de beaux cristaux d'’actinote, tantôt isolés, tantôt rayonnants. Le gneiss talqueux devient dominant à la base de la montagne.

La vallée débouche dans la plaine à une heure de la descente rapide de Vlako- Klisoura. À moitié route, en face de Mokrina (Mocréni des cartes), elle est barrée par une colline, formant une saillie de 100 pieds, composée de talcschiste dont les couches suivent la direction du N. 22° 0. au S. 22 E, et plongent à l'E. 22° N., tandis que les conches du col plongent à l'O. L'inclinaison en sens contraire démontre que la rupture du sol s’est opérée à la base du revers oriental de la chaîne.

La plaine, dans laquelle aboutit la profonde fracture de Vlako-Klisoura, prend naissance au village de Dzébrê, qu'on aperçoit à une lieue S. 22° O., au pied des montagnes peu élevées qui la terminent. Elle s'étend du S. 22 O. au N. 22° E., et se trouve bordée d’un côté par la base des contre-forts de la chaîne talqueuse, de l’autre par une colline de 100 pieds de hauteur qui la sépare de la plaine de Kaïlari. Sa surface est nivelée par un dépôt alluvial de cailloux roulés. Le ruisseau qui l’arrose conflue avec celui de la plaine voisine et se décharge dans le lac d'Ostrovo. La basse colline qui sépare les deux bassins se compose, au vil- lage de Konouïé, de conglomérats dont les éléments sont réunis par un ciment calcaire très rare, d'argile micacée ou talqueuse schistoïde, de marne sableuse et de sable calcarifère. Ces différentes roches alternent plusieurs fois, et paraissent appartenir plutôt à l'époque alluviale qu’à la période tertiaire.

Le bourg de Kaïlari se compose de deux groupes d'habitations, situés à dix mi- nutes lun de l’autre et construits à une altitude de 1,576 pieds; il s'élève au milieu d’une plaine aride, d'une lieue et demie à deux lieues de largeur, dirigée dans le sens de sa longueur, à peu près du S. 22° O. au N. 22° E. A une heure de Kaïlari, cette cavité perd son caractère de plaine, au pied des coteaux qui la ter- minent vers le S.-0. Ces premiers accidents du sol forment l'extrémité inférieure des contre-forts disposés en gradins qui soutiennent les cimes calcaires et dénudées, placées à l'horizon. La plus remarquable de ces sommités, connue sous le nom de Platsch, paraît avoir 1,000 à 1,200 pieds au-dessus de la vallée. La crête, for- mée par cette série de gros mamelons calcaires, sert de liaison entre la chaîne de Vlako-Klisoura et celle du Bourénos. Un contre-fort de cette dernière chaîne constitue la paroi orientale de la vallée, et présente une cime allongée dont la hauteur, de 1,000 à 1,500 pieds au-dessus de la plaine, se maintient avec une ré- gularité remarquable sur une étendue de plusieurs lieues. Ses pentes, arides et calcaires, sont baignées à leur base par le cours d’eau qui parcourt la cavité.

Poursuivant notre route, nous traversâmes , au village d'Alban-Keui, le ruis-

252 JOURNAL D'UN VOYAGE (N. 6, p. 46.) seau gonflé par les petits affluents qui descendent des vallées voisines. Ce ruis- seau décrit une courbe à une demi-lieue du village, reçoit les eaux de la plaine de Konouïé, arrose une vallée d'une lieue et demie de long sur une lieue de large, et se jette dans le lac d'Ostrovo. Laissant le ruisseau sur notre gauche, nous longeâmes les hauteurs qui accompagnent la rive orientale. A Mourolar, vil- lage situé à l'extrémité S.-0. du lac, un petit contre-fort de ces montagnes vient border la nappe d’eau, se prolonge jusqu’à l'extrémité opposée, et présente, dans toute cette étendue, des escarpements de 100 ou 200 pieds. La base de ces rochers, baignée par le lac, ne laisse pas le moindre espace pour la construction d’une route. Le voyageur se voit forcé de franchir un col bas et de descendre le vallon de Kotschèna, creusé entre le petit contre-fort et les montagnes élevées dont il fait partie. En montant au col, on trouve un calcaire dolomitique blanc, saccharoïde, divisé en couches verticales de 4 à 10 pouces d'épaisseur, et dirigé de l'E. 35 N. à l'O. 35° S. Des bancs horizontaux ou légèrement inclinés, de la même roche, viennent s'appuyer contre les couches redressées, et forment la partie supérieure du passage. À une demi-heure de distance, la direction va du N. 15° O. au S. 15° E., sur les bords du ruisseau de Kotschëna; entre ce point et le col, elle varie à de courtes distances. A l'extrémité inférieure du vallon, le calcaire repose en stra- üfication concordante sur le talcschiste, suit la direction du N.-E. au S.-0., et plonge au S.-E.; ainsi il présente au lac la tranche de ses couches. Les montagnes qu’on nous désigna sous le nom de Karêtéria {serait-ce une corruption de Kara- Véria ?) atteignent à une altitude de 2,500 à 3,000 pieds; elles se rattachent à l'extrémité d’une branche méridionale du mont Tourla, situé au-dessus de Niausta. Leurs escarpements, au-dessus du vallon de Kotschéna, sont alignés du N. 22° E. au S. 22° O., direction qui se trouve accidentellement dans les couches près du col.

La petite vallée, que nous descendions, débouche dans le bassin d'Ostrovo, à dix minutes au-delà de l'extrémité N.-E. du lac, et conduit près du ruisseau qui s’é- eoule dans Ja plaine, non loin de la colline de Vladova. Une masse de serpentine perce les talcschistes, à l'endroit les sources du ruisseau arrivent, en bouillon- nant, à la surface du sol. Le contre-fort de Vladova, dont la hauteur absolue par- vient à 1,900 pieds, sert de liaison entre la chaîne du Karêtéria et celle du Nidjé, située sur la rive occidentale de la cavité, et forme le point de partage des eaux qui s'écoulent, d’un côté vers le lac de Télovo et de l'autre vers le lac d'Ostrovo. Ce dernier, placé à l'altitude de 1,245 pieds, peut avoir deux lieues de longueur, une lieue dans sa plus grande largeur, et, d’après M. Grisebach, 24 toises de profon- deur. Suivant le même auteur, il n'a pas d'écoulement souterrain vers Vodéna, et son niveau offre des variations assez notables. Malgré cette autorité, il est difficile d'admettre que l’évaporation suffise pour enlever la masse des eaux qui provien- nent, soit des dépressions de Kaïlari et de Konouïé, soit des chaînes du Nidjé et du Karétéria. Il paraît plus probable que les eaux trouvent à s’infiltrer à travers

(N.6, p.47.)

DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 253 les fissures de dislocation que nous avons signalées dans les couches du vallon de Kotschêna, ou bien encore entre le taleschiste et le calcaire. Quoi qu'il en soit, le lac semble avoir atteint autrefois un niveau plus élevé et couvert un espace plus considérable qu'aujourd'hui. Cette hypothèse peut trouver sa confirmation dans l'existence de puissants dépôts de conglomérat à fragments calcaires que nous avons observés entre Alban-Keui et Mourolar, au col de Vladova, et que M. Grise- bach a retrouvés à la même hauteur sur le flanc du Nidjé (6 ou 700 pieds au-dessus d'Ostrovo). A l'époque se formaient ces dépôts, la nappe d'eau se déversait dans le lac de Télovo, d'où elle s’écoulait vers Vodéna.

La chaîne du Nidjé (1) se compose de micaschiste et de calcaire grenu non stratifié. La première roche s'élève, sur le revers oriental, à la hauteur absolue de 18 à 1,900 pieds, reparaît à peu près à la même altitude sur la pente opposée, et constitue, de ce côté, tout le bas de la montagne ; elle forme encore le col qui se trouve à 4,870 pieds et une cime placée auN. du passage. Le calcaire rem- place le micaschiste dans la plus grande partie du groupe. La chaîne du Nidjé se compose de plusieurs sommets alignés du N.-E. au S.-0.; la cime de mi- caschiste a 5,544 pieds ; la plus élevée et la plus septentrionale du groupe, sépa- rée de cette dernière par une dépression d'une demi-lieue, dépasse 6,000 pieds et s'aperçoit de Vodéna à l'O. 26° N. ; une autre cime calcaire, placée au S. du col, constitue l'extrémité méridionale du Nidjé; elle est la plus voisine d'Ostrovo et s'élève à l'O.-N.-0. du village. Cette dernière sommité se lie à une plus basse croupe, dirigée du N. au S., qui fait avec la chaîne un angle de 45°. La cour- bure, formée par la rencontre des deux systèmes, se trouve au-dessus du coin N-0. du lac d’Ostrovo (2).

(4) Nous devons la description de la chaîne du Nidjé aux détails, extraits par M. Boué, de l’ouvrage de M. Grisebach.

(2) Nous donnons ici le résumé des détails recueillis par le savant professeur de Gottingen, dans la route qu’il suivit pour se rendre d’Ostrovo à Monastir, en traversant la chaîne qu'aucun voyageur n'avait encore explorée.

Distances d'Ostrovo à Bitolia ou Monastir : Torrent du Nidjé, 1/2 h. ; base orientale de la chaîne, 4 h.; Zejjen?, 1 h. ; col du Nidjé, 2 h. ; base occidentale de la chaîne, environ 3 h. 1/4 ; Krousché- rat, 4 b. ; gué de plusieurs branches du Tzerna, environ 1 h. 1/4; han et village d’Aramanli, environ 3/4 d’h. ; pont sur le Tzerna, 1/2 h. ; Egri, 1 h. 1/2; Bitolia, 2h. 1/4. Total, 15 heures.

Direction de la route : de Krouschérat à Bitolia généralement vers l'O.

M. Grisebach traverse à Ostrovo le lit desséché d’un torrent provenant du col de Vladova, et, plus loin, un second torrent qui descend du Nidjé. Il côtoie les bords du lac, couverts d’alluvion, pendant une heure et demie. Parvenu au pied de la montagne, il monte au S.-O. par un sentier rapide, et ar- rive à Zejjen?, village construit à 2,650 pieds. De le sentier se dirige vers le N.-E., contourne la montagne et conduit au pied méridional des cimes. Le col, dont l'altitude est de 4,870 pieds, passe entre la cime de micaschiste et la cime calcaire, placée à l'extrémité S.-O. de la chaîne. Du haut de cette dernière, on aperçoit au S.-E. le mont Tourla, dont le sommet, élevé d'environ 5,000 pieds, cache l'O- lyinpe. A l'O. du Tourla, il n’existe que de basses montagnes avec une cime en forme de bière (pro- bablement je Bourénos). On voit au N.-O. la plaine de Bitolia; à l'O. 16° N., le mont Péristéri; au

SOC. GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. 6. 33

254 JOURNAL D'UN VOYAGE (N. 6, p.48.)

Le col de Vladova, profondément encaissé, sert de communication entre ce bassin et Vodéna , et conduit à l'extrémité occidentale du lac de Télovo ou Tiavo. Cette nappe d’eau couvre une surface d’une lieue de long sur cent ou deux cents pas de large. Alimentée par un ruisseau qui descend du col, elle baisse considé- rablement en été et se cache sous des roseaux dans une grande partie de son éten- due. Elle occupe le fond d’une cavité allongée de VO. à l'E., bordée de monta- gnes à pentes rapides dont l'altitude atteint 2,500 pieds, ou 1,500 pieds environ au-dessus du lac. En traversant le défilé servant de col, on voit le talcschiste et le calcaire grenu disparaître sous une masse puissante de conglomérat à fragments cal. caires, semblable au dépôt de même nature qui garnit les flancs du Nidjé et ceux de la chaîne opposée. A la descente du col de Vladova , des argiles calcarifères noi- râtres et brunâtres alternent avec du calcaire grenu d’un gris plus ou moins foncé. Près du lac, le calcaire contient des fragments noirâtres qui ressemblent à des débris de fossiles ; les surfaces exposées à l’air présentent des traces de corps orga- nisés parmi lesquels M. Boué croit avoir reconnu des Hippurites et des Polypiers (B. S., page 36, et T. E., page 275). Il serait donc possible qu'une grande partie des calcaires , sinon la totalité, que nous avons vue reposer, de Kaïlari à Vodéna, en stratification concordante sur le talcschiste, appartint aux terrains crétacés.

À quelques minutes de la sortie du lac, le ruisseau se réunit à un gros tor- rent qui sort d’un défilé dirigé du N. au S. et porte le nom de Kortschovo ( pro- bablement corruption de Karadjova). Cette fracture sépare les contreforts du Nidjé de la chaîne du Karadjova qui se prolonge du N. au S. jusqu'à Vodéna. La rivière du Voda ou Bistritza, formée par la réunion des deux cours d'eau, coule pendant quelques minutes sur une plate-forme d’où elle tombe en cascade à 100

N. O., une sommité revêtue de plaques de neige (probablement le Babouna à l'O. de Bagni). Du haut de la cime de marbre, on découvre, au S.-0., un bout de la plaine de Bitolia, la dépression se trouve le bas col entre Kaïlari et Florina, et le lac de Kastoria, qui se voit par-dessus de basses crêtes, à l'O. de Kaïlari.

Sur le revers occidental du Nidjé, une vallée longitudinale, dirigée du N. au S., dans sa partie su- périeure, tourne brusquement vers JO. pour traverser les contreforts de la chaîne et déboucher à Krouschérat, dans la plaine du Tzerna. La descente du col aboutit au fond de cette vallée, à l'endroit commence la courbure vers l'O. A partir de Krouschérat jusqu’à Bitolia, la route est en plaine. A une heure du village, elle traverse à gué plusieurs branches du Tzerna, qui coulent du S.-O. au N.-E., et pénètrent, après s'être réunies, dans les défilés ouverts immédiatement au N. du sommet principal du Nidjé. Au-delà du village d’Aramanli, on passe pour la seconde fois le Tzerna sur un pont en bois ; mais ici la rivière coule du N.-0. au S.-E. ; plus bas elle décrit la courbure qui lui permet de couler en sens inverse au pied du Nidjé et de sortir de la cavité de Monastir. Dans notre route, de cette ville à Kastoria, nous avons dit que le Tzerna reçoit plusieurs affluents à la hauteur de Florina. Il serait possible que ces tributaires formassent les cours d’eau que M. Grisebach regarde comme des branches de cette rivière. Entre le pont et Bitolia, notre voyageur rencontre le village d’Egri, et compte douze villages, situés au pied des contreforts du Péristéri. I] laisse au loin Boukova sur la gauche, et arrive à Monastir, sans rejoindre la route de Florina.

(N. 6, p. 49.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 255 pieds de profondeur. Un dépôt de travertin, formé de plusieurs couches épaisses, encroûte la paroi très inclinée du rocher, et subsiste encore dans plusieurs en- droits de l’étroite vallée qui conduit la rivière à Vodéna (les Grecs prononcent Vodina). Cette ville est construite sur un petit plateau formant une corniche composée de la même roche, et dont la hauteur absolue atteint 681 pieds. Elle est adossée aux pentes rapides que présente l'extrémité méridionale de la chaîne du Karadjova. Les eaux du Voda ou Bistritza, distribuées en petits ruisseaux, cir- culent dans les rues et forment plusieurs cascades qui se précipitent à 100 pieds de profondeur dans une vallée d'un quart de lieue de large (1). Cette cavité, dominée au N. par les escarpements calcaires du Karadjova, à l'O. par une branche septentrionale du mont Tourla, au S. par un contre-fort de la der- nière chaîne nommé Kara-Dagh, se dirige à peu près de l'O. à l'E., s’élargit bientôt et débouche dans la plaine marécageuse qui entoure le lac de lénidjé.

Un sentier taillé dans le travertin conduit, en quelques minutes, de Vodéna au fond de la vallée. Les vergers plantés au pied de l'escarpement, la fertilité du sol, l'abondance des eaux et la vue des cascades rendent ce séjour enchan- teur. À une demi-heure de la ville, nous laissâmes sur la droite le village de Schatlek , et une heure et demie plus loin, une petite ville située dans la plaine à un quart de lieue du pont en bois jeté sur le Bistritza (2). De ce point on aper- çoit la chaîne de l'Olympe par-dessus l'extrémité orientale du Kara-Dagh. Au-delà du pont, une colline , composée de trachyte et d'agglomérats, sépare les cours du Bistritza et du Karadjova. Les roches volcaniques forment une série de petites buttes qui partent du pied des escarpements et vont, en diminuant de hauteur, mourir au confluent des deux rivières. Le même terrain paraît s'étendre sur larive gauche du Karadjova et entrer dans la composition des montagnes qui la bordent au loin. Ce cours d’eau descend de la vallée de Mogléna, dominée à l'O. par la chaîne du Karadjova, à l'E. par celle du Paik? (voir Les ouvrages de MM. Leake et Grisebach). Avant d'entrer dans la plaine, la rivière se replie, décrit un grand arc de cercle et coule vers le S.-E. entre le pont de Kouloudè et le village de Kur-keui ou Turk-keui ; à quelques lieues du confluent, elle se jette dans le lac de Ténidjé, d’où elle sort pour porter son tribut au Vardar.

Laissant à gauche la route ordinaire, nous traversâmes à gué le Karadjova près de Turk-keui et les marais à peine praticables qui s'étendent jusqu'à Dort- Jarmourt (quatre pommes). Entre ce village et Baladjé ou léni-keui, nous pas-

(4) Voir la description du travertin, des cascades et de la ville de Vodéna (B. S., pages 42 et 43, et T. E.. pages 186, 299 et 300). Voir encore (B. S., tome XIII, pages 143-145) les hypothèses de MM. Grisebach et Boué, sur la formation du travertin, et consulter les coupes jointes à cette disser- tation.

(2) Nos guides donnaient à cette ville le nom d’Aoustos. D’après M. le colonel Leake, qui a fait le trajet de Vodéna à Niausta (Niagosta ou Aoustos), cette dernière ville est bâtie à 4 heures de Vodéna, sur la base du mont Tourla : ce n’est donc pasla même. Existerait-il deux localités du même om?

256 JOURNAL D'UN VOYAGE (N. 6, p. 50.) sâmesle Baladjoun, que M. Grisebach a traversé à une heure et demie de lénidjé et qu'il a vu sortir du système du Paik? A la hauteur de Téni-keui, la plaine acquiert une grande largeur ; elle se termine au N. à une lieue et demie au pied de l’extrémité méridionale des montagnes qui se subdivisent en deux branches; la ramification occidentale, composée de roches qui semblent, d’après leur couleur blanche et leur aridité, devoir être la continuation du calcaire du Karadjova, se trouve sépa- rée de la seconde par une vallée d’où sort probablement le Baladjoun. Ce dernier chaînon, nommé Tantza ou Janitza, se distingue du premier par la teinte sombre de ses rochers qui annonce une composition minéralogique différente. Les deux branches de la chaîne, dirigées du N. au S., présentent à la plaine des escarpe- ments de 5 à 700 pieds, alignés de l'E. à l'O. La ville de lénidjé ou [énidsché- Vardar est située sur un plateau, à deux lieues environ de la base du mont [anitza. De basses collines occupent l’espace intermédiaire.

À partir de lénidjé, on tourne le dos à la montagne. La route passe devant une fontaine qui coule encore sur l'emplacement de l'antique Pella, aujourd'hui nommé Allah-Kilissia (1). Plus loin, la descente du plateau dans la petite vallée se trouve le han et le village de Sariléa laisse voir le calcaire compacte d’eau douce, le travertin et l'agglomérat calcaire dont le sol se compose. Le même ter- rain se retrouve entre le han et la grande vallée du Vardar (T. E., page 300). Ce fleuve, dont nous avons décrit les principales sources dans le premier para- graphe de ce mémoire, coule ici entre de basses collines et se jette dans la mer, à quelqueslieues de distance du pont sur lequel nous le traversàmes (voir le cours du Vardar, T. E., pages 196-198). Une plaine aride, arrosée par le Galliko et par plusieurs ruisseaux, s’étend de la rive orientale jusqu’à Salonik. Elle se com- pose de sables que les flots ont refoulés au fond du golfe. Sa surface , élevée de quelques pieds au-dessus de la mer, se recouvre, en été, d’efflorescences salines.

La ville de Salonik est construite au pied du Koruatsch. Cette montagne, qui se compose à sa partie inférieure de schiste talqueux et à sa partie supérieure de calcaire grenu grisâtre, présente deux sommets; l'un, placé au N.-0., regarde le Vardar ; l’autre, placé au S.-E., domine le côté septentrional de la vallée de. Vasilika. D'après M. Grisebach, l'altitude du premier serait de 3,894 pieds; celle du second, de 3,420. Le Kortiatsch se rattache par de basses collines aux contre- forts des montagnes qui séparent les cours du Vardar et du Kara-sou. Il forme, avec le Cholomonda ou Holomonda (Salomon de M. Boué) et des crêtes dirigées de l'O. à l'E., le talus septentrional de la Chalcidique, dont la base est baignée par les lacs de Langasa et de Beschik. La grande dépression, en partie occupée par ces deux nappes d’eau, semble isoler la péninsule du reste de la Macédoine (T.E.,

pag. 176. et 227).

(4) Voir la description des ruines de cette cité et des tumulus qui l’environnent, dans l'ouvrage du

colonel Leake.

(N.6, p. 51.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 257 Appendice (1).

Mont Arnos. La chaîne de l’Athos, l’Aghion-Oros des Grecs modernes, court environ du N.-0. au S.-E., et conserve une altitude moyenne de 2,500 à 3,000 pieds. Elle se termine brusquement au S.-E par un pic de 6,438 pieds, qui pré- sente de tous côtés des pentes escarpées. Son extrémité N.-0. se subdivise en deux branches dont la hauteur s’abaisse graduellement. La direction de la chaine dé- termine la forme de la péninsule, qui en suit toutes les courbures. Dans une grande partie de son étendue, entre le pic principal et la ville de Kariès ou Karais, et bien au-delà, elle présente un revers plus court et plus rapide au S.-0. que du côté opposé. L'isthme, qui réunit la péninsule à la terre ferme, est une vallée couverte de prairies presqu'au niveau de l'eau, &’une demi-lieue de long sur cent mètres de large. M. Grisebach considère cette dépression transversale comme une fente de soulèvement, parallèle à celle qui sépare Tassos du Rhodope et à celle des lacs de Beschik et de Langasa. Suivant le même auteur, un dépôt d’agglomérat et de calcaire blanc, d'apparence tertiaire, s'appuie sur le mica- schiste qui forme, vers Jérissos ou Hiérissos, le côté septentrional de l’isthme.

La chaîne de l’Athos se compose principalement de taleschiste verdâtre, de micaschiste gris-cendré et de calcaire grenu d’un blanc légèrement grisâtre. Entre les monastères Saint-Denis et Simopétra, situés sur le revers S.-O. de la pénin- sule, nous avons observé des bancs de conglomérat à fragments de roches feldspathi- ques, intercalés dans la formation. Le pic culminant de la chaîne estinarbordable du côté qui domine le monastère Saint-Paul. Pour y monter, il faut contourner l'extrémité S.-O. de la presqu'ile et chercher, entre la chapelle Sainte-Anne et le monastère de Sainte-Laure, des pentes moins abruptes. Dans cette excursion, nous vimes le calcaire grenu alterner à plusieurs reprises avec du micaschiste gris et du talcschiste verdâtre et passer à cette dernière roche par des calschistes. A la base de la montagne, le calcaire est disposé en bancs inclinés de 60 à 80°. Les couches suivent la direction du N.-E. au S.-0. et du N. 22° E. au S. 22° O., plongeant au S.-E. et à VE. 22° $. (2). Ainsi elles coupent l’axe de la chaîne sous un angle de 67 à 90°.

Nous ajouterons ici quelques renseignements sur la Chalcidique, extraits par M. Boué, de l'ouvrage de M. Grisebach. Cette contrée forme un système séparé dela Macédoine centrale. Elle constitue un plateau escarpé à l'E. et dont les parties sail-

ntes atteignent une altitude de 1,200 pieds environ. La plus haute proéminence

(4) Nous plaçons dans cet article le résumé des observations que nous fimes avec M. de Montalem- bert, après nous être séparés, à Salonik, de notre savant compagnon de voyage M. Boué.

(2) Un violent orage nous empêcha de tenter l’ascension de la montagne. Plus heureux que nous, M. Grisebach a pu parvenir au sommet et étudier le piton dans son ensemble (Voir sa coupe, B. S., t. XII, p. 447, pl. 2, fig. 2).

258 JOURNAL D'UN VOYAGE (N.6, p. 52.) est dominée par le mont Cholomonda, qui dépasse 2,900 pieds et s'élève près de La- régovi, sur le bord septentrional du plateau. Cette montagne est placée sur une ligne droite, dirigée à peu près N.-0. S.-E., aux deux extrémités de laquelle surgissent la chaîne de l’Athos et le mont Kortiatsch, près de Salonik. Les péninsules de Kas- sandre et de Sithonia courent parallèlement à l’Athos, et forment, avec cette der- nière, la partie méridionale de la Chalcidique.

Cette contrée se compose de micaschiste passant aux schistes argileux, quelque- fois colorés en rouge, notamment près des anciennes mines, au N. d’Isvor (source), que les Grecs prononcent Nisvoro. Un agglomérat alluvial existe dans la vallée de Galatzista. Une donnée intéressante, prouvant le croisement de deux systèmes de soulèvements, consiste dans la diversité des directions et inclinaisons observées dans les roches schisteuses cristallines. À Larégovi, les couches se dirigent du N. au S., et plongent à l'O. ; par conséquent elles coupent celles de l’Athos, que nous avons vues courir du N.-E. au S.-0. et du N.-N.-E. au S.-S.-0.

ÎLE pe Tassos. Nous abordâmes au havre de Paléo-Kastro, situé au N. de l’île, en face de la petite île de Tasso-Poulo. La plaine alluviale, d'une demi-lieue de largeur qui s'étend du pied des montagnes à la mer, est couverte de ruines antiques et de sarcophages en marbre blanc. Nous nous rendimes à Panaghia, principal village de l'île, construit à deux heures du port, sur la pente orientale de la montagne. On y parvient en remontant une petite vallée qui conduit à un col d’où l’on des- cend à Panaghia. Dans ce trajet, on voit au bas de la montagne le gneiss passant au micaschiste recouvert de calcaire grenu. La même superposition s’observe sur le rivage oriental, dans la crique qui sert d’embarcadère aux habitants de Panaghia. Le reste de la montagne se compose d’un calcaire grenu à grandes la- melles, d’un beau blanc, divisé en bancs de 10 à {5 pouces d'épaisseur et d’une excellente qualité pour la sculpture. Le mont Ipsarios, point culminant de Pile, atteint la hauteur de 3,428 pieds, d’après les mesures trigonométriques de M. Copeland.

ILE pe SamoTarAcE. Une haute montagne, allongée de l'E. à l'O., constitue en grande partie l'ile de Samothrace. Elle présente au N. des escarpements à pic, dénudés et baignés par la mer. Sa pente méridionale, moins abrupte, est précédée de coteaux qui s’abaissent graduellement et se terminent à trois quarts d'heure de distance. Le corps de la montagne est formé de schistes argileux ou talqueux et de calcaire grenu bleuâtre, dont les couches se dirigent de l'O. 22° N. à l'E. 22° S., et plongent au S 22° O. M. Virlet ayant trouvé des spirifères et d'autres fos- siles de transition dans le calcaire du village de Samotraki, a rapporté cette for- mation au terrain silurien (Voir B. S., t. XI, p. 174).

Les collines placées à la base de la montagne sont en grande partie d’origine ignée. Elles se composent: de diorite compacte basaltoïde, roche d’un vert foncé contenant de petits cristaux de feldspath; d'euphotide dans laquelle la diallage est tantôt compacte, tantôt lamellaire ; de serpentine; de porphyre trachytique

(N: 6., p. 55.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 259 unphibolifère. Ces roches traversent la formation silurienne. Au point de contact, le calcaire est tantôt argileux, brunâtre et compacte; tantôt talcifère, verdâtre, lamellaire, imparfaitement feuilleté. Quelquefois il est bréchiforme, et présente des nuances rosées, parsemées de filets verdâtres.

Sur le bord de la mer, on observe quelques rochers formés de calcaire siliceux, compacte et cellulaire. Ce lambeau tertiaire renferme des coquilles turriculées et recouvre les roches plutoniennes. Aïnsi son dépôt est postérieur aux éruptions trachytiques.

Ice D'Imsro. Cette île est bordée au S.-0. de rochers escarpés d’origine volca- nique. Du haut de cette ceinture, on n'aperçoit que de basses collines qui parais- sent appartenir à la même formation. La roche dominante est un porphyre trachy- tique amphibohfère et micacé, sur les surfaces altérées duquel on trouve quel- quefois du quartz améthyste et de petits cristaux noirs et brillants de pyrite décomposée. Des couches argileuses, formées de cendres volcaniques, se montrent au pied des hauteurs, sur le bord de la mer.

Il existe encore du trachyte à des distances plus ou moins rapprochées d’Im- bro et de Samothrace. M. Virlet en signale dans les îles de Lemnos et de Ténédos (B.S., t Il, p. 344); M. Grisebach, dans les environs d'Enos, en contact avec le terrain tertiaire (B. S., t XIII. p. 143); M. Boué, au N. de Féred, d'où il se pro- longe sur une ligne N.-S. dans la vallée de la Maritza (T. E., p: 359. Des rapports souterrains existaient probablement entre ces différents centres d'éruption.

Darpanerzes. Le rivage de la mer, auprès du premier château bâti sur la côte d'Europe à l'entrée des Dardanelles, est formé par un terrain tertiaire, repo- sant sur des schistes argileux de transition, et composé de calcaire marneux friable , de marne mélangée d'une forte proportion de sable, de marne argi- leuse et de couches subordonnées d'un calcaire presque uniquement formé de moules intérieurs de coquilles bivalves. Le calcaire marneux paraît être aussi composé des mêmes moules désagrégés. Cette formation se rapporte évidemment à celle de Constantinople, décrite par M. de Verneuil (B.S., t. VIIL, p. 271-273), et observée par M. Boué dans la Thrace (T. E., p. 318-325).

Résumé du paragraphe précédent.

Terrains srrATiriés. Les observations géologiques que nous avons recueillies sur Ja route de Kastoria à Salonik sont insuffisantes pour tracer les limites de séparation entre les schistes cristallins, le terrain de transition et la formation crétacée. De même qu’en Mæsie, en Bosnie et en Albanie, on voit des masses de calcaire grenu ou très compacte et des dolomies reposer sur des schistes demi- cristallins , alterner avec eux , et ces dernières roches passer inférieurement au gneiss parfaitement caractérisé (J., pages 86, 91, 99); nous rappellerons plus particulièrement le passage bien constaté du calcaire à Hippurites de Gouzinié

260 JOURNAL D'UN VOYAGE (N. 6. p. 34.) au talcschiste, par l'intermédiaire de couches alternatives de calcaire et de schiste talqueux (J., pages 108 et 109). Des circonstances analogues se rencontrent dans la contrée que nous venons de décrire. Ces considérations suffisent pour démon- trer la difficulté de distinguer, dans une excursion rapide, les masses calcaires intercalées dans le terrain de cristallisation des masses de même nature apparte- nant à des formations d'une époque plus récente : aussi nous présentons comme un simple essai et sous toutes réserves la classification des terrains que nous avons observés.

Le calcaire grenu non stratifié, intercalé dans le micaschiste du mont Nidjé, paraît former le prolongement de la formation cristalline du mont Olympe, s'étendre du lac d'Ostrovo jusqu'aux environs d'Uskiup et constituer dans ce trajet une partie des cimes qui bordent le cours inférieur et supérieur du Tzerna. Ces roches semblent, par leur caractère minéralogique, appartenir plutôt au terrain de transition modifié qu'aux schistes cristallins.

La classification des calcaires superposés en stratification concordante aux talc- schistes présente des difficultés plus sérieuses. À Kastoria, les calcaires com- pactes, subgrenus et quelquefois dolomitiques ou bréchiformes renferment des couches subordonnées de schiste argileux couleur lie de vin et de conglomérat siliceux (voir le paragraphe précédent) : or, ces dernières roches forment le pro- longement du terrain à Rudistes du Pinde signalé par Pouqueville. Les calcaires de Kastoria se retrouvent sur la rive orientale du lac et constituent, au S. de Vodénitza et de Bombolié, les escarpements de la vallée du Partzélista ; ils se lient aux gneiss talqueux à cristaux d’actinote (protogine schistoïde amphibolifère) de Vlako -Klisoura , par des couches alternatives de talcschiste, de schiste argileux et de grès à ciment aïgileux. Dans le vallon de Kotschêna, près du lac d'Ostrovo, le calcaire, accompagné de couches dolomitiques , repose sur le talc- schiste; entre Ostrovo et Télovo, il renferme des couches subordonnées d'argile calcarifère noirâtre et de schiste argileux, et dans ces deux localités il contient, d'après M. Boué, des Hippurites et des Polypiers. Ainsi l'existence du terrain crétacé , dans cette partie de la Macédoine, nous paraît positivement établie. Mais doit-on placer sa limite inférieure? Les schistes argileux diversement colorés en contact à Olischta avec la protogine, les talcschistes de Vlako-Klisoura passant au gneiss talqueux à cristaux d’actinote, et les taleschistes du vallon de Kotschéna, sont-ils des pointements de la formation cristalline qui constitue l'Olympe et le Nidjé, ou bien appartiennent-ils encore en tout ou en partie aux couches mo- difiées du terrain secondaire? Notre impuissance à résoudre ce problème nous décide à grouper ici les différentes traces de dislocations que nous avons obser- vées dans le cours de la route.

CN.6, p.55.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 261

DIRECTIONS DIRECTIONS OBSERVÉES. RECTIFIEES.

4 Calcaires de Kastoria et taleschiste de Mokrina. . . . . . . . . .| N. 22° 0. | N. 37° O. Calcaire de Kotschêna. . . N. 45°0. | N. 30° O Couches de Vlako-Klisoura ; axe de la crête qui borde a l'O. ‘le Tac d'Ostrovo

et se lie au Nidjé ; direction du défilé du torrent de Kortschiovo, qui recoit

les eaux du lac de Télovo et descend à Vodéna. ë N. N.452%0 Calcaire du vallon de Kotschêna; direction des escarpements ‘du mont

Karêtéria ; axe des vallées de Konouïé et de Kaïlari. : Ne 992 FA DNS Calcaire du vallon de Kotschêna; allongement du lac d? Ostrovo. - 35%E. [NN 20%F. Calcaire superposé au talcschiste du vallon de Kotschêna ; alignement des

sommités du Nidjé. . . DONNE Ne N. E. N. 30°E Calcaire dolomitique de Mourolar. E. 35° N. | N.A0E Allongement du lac de Télovo; escarpements de la vallée de Yodéna IDS(DE N. 75°E

Ces huit directions peuvent se An aux cinq directions suivantes : N. 30 à 37° O.; 2 N. 15° O.; N. E.; N. 20 à 40° E. dont la moyenne est N. 30°E.; N. 75° E. ou voisine de la ligne E. 0: ; cette dernière est la seule qui nese trouve pas dans l'allure des couches.

La chaîne du Païk? aux environs de Iénidjé, paraît devoir ses formes les plus saillantes à des dislocations à peu près N.-$. et E.-0.

Le mont Kortiatsch, près de Salonik, et toute l'étendue de la Chalcidique sem- blent appartenir à cette formation demi-cristalline que nous venons de signaler. Les couches qui, dans le mont Athos, courent N 22° E. et N.-E., ou N. E. et N. 30° E. (Rect.), suivent à Larégovi la direction N.-S. ou N. 15° 0. (Rect.). Les monts Kortiatsch, Cholomonda et Athos sont placés sur une ligne droite, voisine de la direction N.-0., c’est-à-dire parallèle à celle des trois pointes qui décou- pent l'extrémité S.-E. dela Chalcidique; enfin une profonde dépression E.-0. isole cette contrée de la Macédoine. Ainsi, à l'exception de la direction N. 37 O., la Chalcidique présente les mêmes traces de dislocations que les montagnes situées entre Kastoria et Vodéna.

Les cavités de Kastoria, de Kaïlari, d'Ostrovo et de Télovo ne renferment au- cun dépôt que nous puissions attribuer à la période tertiaire. La basse colline, à l'E. de Kaïlari, formée de couches alternatives de conglomérats, d'argile schis- toïde, de marne et de sable, nous paraît l'équivalent des conglomérats grossiers qui encroûtent le pourtour du lac d'Ostrovo et le col de Vladova. Le travertin de Vodéna, qui s’est déposé sur le terrain secondaire, non loin de la formation tra- chytique, doit son origine à des sources acidules actuellement taries, produites par les derniers efforts de l'action volcanique. L'association du travertin avec le calcaire d’eau douce etle conglomérat calcaire de Pella nous porte à considérer toutes ces roches lacustres comme un dépôt formé, au commencement de la pé- riode alluviale, dans un vaste lac dont le grand dianètre dirigé de l'E. à l'O. se trouvait sur le prolongement de la dépression de Beschik et de Langasa. Cette

SOC. GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. n. 6. 3h

262 | JOURNAL D'UN VOYAGE CN. 6, p. 56) nappe d’eau baignait d’un côté la chaîne du Tourla, d’un autre, les montagnes de . Vodéna et de Janitza, et sur un troisième côté, le Kortiatsch ; sa limite méridio- nale, aujourd’hui détruite, existait probablement au S. de Salonik et formait la continuation orientale des contre-forts qui bordent la vallée de Galatzista, en Chalcidique.

M. Grisebach cite du conglomérat alluvial dans cette dernière vallée, du calcaire blanc d'apparence tertiaire et des conglomérats calcaires sur le micaschiste qui forme la paroi septentrionale de l’isthme de l’Athos.

En résumé, les gneïss et les micaschistes de la vallée de Monastir présentent généralement les caractères minéralogiques des schistes cristallins. Ils passent à des schistes argileux, talqueux ou chloriteux. Les calcaires massifs du Nidjé sont intercalés dans des micaschistes ou des talcschistes, et semblent, par leur asso- ciation , appartenir au terrain de transition. La formation crétacée , composée de calcaire compacte ou grenu, de dolomie et de couches subordonnées de schiste argileux ou talqueux , se lie inférieurement à des talcschistes. Ces trois terrains présentent les mêmes traces de dislocations. Le relief de la contrée résulte de sou- lèvements dirigés N. 30 à 37° O., N. 15° O., N.7°E.,N. 30° E. et E. un peu N. Ce dernier système de fracture a produit le lac de Télovo, les escarpements de Vodéna, la grande plaine située entre le Kortiatsch et la chaîne du Tourla, et les dépressions qui séparent imparfaitement de la Macédoine la Chalcidique et complétement du continent les îles de Tassos et de Samothrace. Son influence se reconnaît principalement dans une bande de douze lieues de largeur dans laquelle se trouvent compris tous les lacs de la Macédoine, quelles que soient les dislo- cations antérieures qui ont dessiné leurs formes. L'existence de ces cavités paraît très récente; en effet, les bassins d'Ostrovo et de Kaïlari , la plaine de Pella et les principales vallées de la Chalcidique , dépourvues de terrain tertiaire, ne ren- ferment que des dépôts d’alluvion. Le travertin se groupe aux environs de Vodéna, non loin de la formation trachytique.

ROCHES D'ORIGINE IGNÉE.— La protogine, que nous avons vue dans le dernier pa- ragraphe former la paroi orientale du défilé du Vlaka, s’avance sur les bords du lac de Kastoria, tourne au N E., puis au N., et constitue l’ mec occidental de la vallée du Partzélista.

La serpentine se montre en contact avec la protogine au défilé du Vlaka, et pro- duit plusieurs pointements dans le taleschiste entre Ostrovo et le col de Vladova.

La formation trachytique , composée de porphyres trachytiques et de conglomé- rats, s'élève en coteaux au pied des escarpements de Vodéna , entre les cours du Bistritza et du Karadjova.

En résumé, la protogine forme une protubérance allongée du N.-E. au S.-0. dont nous avons reconnu l'existence sur une longueur de quatre lieues; au S.-E.

decette bande, les buttes de serpentine de Kastoria et d'Ostrovo se trouvent pla- cées sur une ligne à peu près parallèle à l'axe de la protogine; enfin la formation

(N.6, p. 57.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 263 trachytique paraît remonter versle N. dans la vallée du Karadjova. Nous ferons remarquer que le groupe volcanique de Kafadartzi se trouve au N. quelques de- grés 0. des éruptions dont nous parlons, et que les trachytes d'Imbro, d'Énos, de Féred et de la vallée de la Maritza semblent placés sur une fracture N. quelques degrés E.

CHAPITRE II.

Nous subdivisons ce chapitre en cinq paragraphes; les trois premiers renfer- ment le récit de nos excursions dans l'Albanie méridionale; le quatrième est consacré au résumé général du mémoire; le cinquième et dernier paragraphe contient un essai sur la configuration du sol.

HAUTE-ALBANIE.

$ Ier. Route de Skoutari à Elbessan ou Elbassan.

Distances entre ces deux villes : Lit desséché du Drinassi ou Kiri, 1/4 d’h.; rive gauche du Drin, { h.; Bouschatz (Buchéra dela carte), à droite, 1/4 d'h.; passage du Drin en barque , sous Zadrima, situé sur la rive orientale, ! h 3,4; Linischta, 1,4 d'h.; Poborik, à droite, sur la rive occidentale, 1 2 h.; Baldrin (Baladier de la carte). à droite, sur la rive occidentale, 1 h.; Lesch (Alessio), 3/4 d'h. ; ruisseau, 1/4 d'h.; Muroudita, à gauche, dans la plaine, 1! h.; Matsoniou, à2 h., à gauche, sur les hauteurs, 1/4 d'h.; gué du Mati ; Schoulazi reste à 1 h., à gauche, dans un ravin, 1/2 b. ; Schinavli-Han, 3,4 d'h.; Koulana, à gauche, dans un ravin, { h.; ruisseau Ku- kurli, courant au pied d’une colline, 1/4 d'h.; Mamour-Han, à gauche, à la base op- posée de la colline, 3/4 d'h ; Bouros-Han, à gauche, au pied d’une seconde colline, 3/4 d'h.; Lus-Han, à la base opposée de la colline; la ville de Krouïa reste à unelieue, à gauche, sur une corniche de la montagne, 1 h.; Tourkousa, 1 h. 1/2; Valiès, 1/2 h.; gué du Lana, 1 h.; Tirana, 1/2 h.; colline à franchir, 1 h.; Têké, à la base oppo- sée de la colline, sur la rive droite du Rzan ou Arzendè-Tiran ; Pétrova (Pétrella de la carte) reste sur la colline, à droite, 1/2 h.; gué du Rzan, 1/4 d'h.; Najikiovo, 3/4 d'h.; montée au col du Gabar-Balkan dans le lit du Mrdar, 1/4 d'h.; Prschida-Han : le viliage reste à droite; Ip, à gauche, 1 h.; col du Gabar-Balkan, 1/2 h.; bas de la descente sur les bords du Koutscha ; Baltès à gauche, Mamili à droite, sur les pentes des hauteurs, 1 h. 12; montée à un col de 900 pieds; le monastère Svêti-Ion (Saint-Jean) reste à 1/4 d’h., à droite, sur la rive occidentale du Koutscha, 3/4 d’h.; col de 900 pieds, 1/2 h.; bas de la descente dans une vallée N.-S., 1/2 h.; vallée du Skoumi, 1/2 h.; Elbessan ou Elbassan, 1/4 d’h. Total, 24 heures.

Direction de la route généralement au S. jusqu’au torrent du Lana, près de Tirana; ensuite au S. 25 à 30° E., des bords du Lana à Elbessan.

Nous avons donné, dans notre premier mémoire (page 114), la description du .

264 JOURNAL D'UN VOYAGE (N: 6, p- 58.)

. bassin de Skoutari et des montagnes qui l'entourent. Nous rappellerons seulement ici que la ville, construite sur la rive gauche de la Boïana, est adossée au rideau de très basses collines qui forment l'enceinte méridionale du bassin, et relient les hautes chaînes des deux bords opposés.

Ces légers accidents du sol se composent de schiste calcarifère et de calcaire schistoïde en couches inclinées, que nous avons rapportées au terrain crétacé. Au-delà du rideau, s'étend une grande plaine couverte d’alluvions, traversée par le Drinassi ou Kiri et deux petits ruisseaux tributaires de ce torrent. Le Drinassi, dont le lit reste desséché pendant l'été, sort de la vallée de Drivasto, passe au pied méridional des collines et se jette dans la Boïana. Son cours inférieur n’est séparé de celui du Drin par aucune protubérance; on arrive, par une route toujours en plaine, sur les bords de cette dernière rivière (1). Le Drin se dégage du profond défilé, son cours se trouve resserré à l'E. de Skéla-Mjed, et débouche dans la plaine, à une demi-lieue de Ia route. Au lieu de se rendre directement à [a mer, en continuant à couler vers l'O. il tourne versleS., quitte la plaine et entre dans une vallée dirigée du N. 22° O. au S. 22° E. Cette dernière est dominée, à l'E., par des collines calcaires de 8 à 900 pieds, derniers contre-forts des monts Kéroubi ; à l'O., par des coteaux de 2 ou 300 pieds, arrondis près de Bouchatz, et coupés à pic aux environs de Zadrima. Dans cette dernière localité, les escarpements se composent de calcaire compacte, et dans la première, des grès quarzeux, percés par un mamelon de serpentine, forment les accidents du sol. La roche éruptive doit faire partie de ces masses considérables, signalées par M. Boué dans les mon- tagnes voisines, entre Skéla-Mjed et Le confluent du Drin blanc et du Drin noir (T.E., p. 346 et suiv.).

Un système de coteaux se détache des collines orientales, s'avance dans la vallée au S. de Zadrima et force la rivière à couler au pied des escarpements de la rive droite. Arrêté par cet obstacle, le voyageur est obligé de passer sur la rive oppo- sée, au moyen de barques étroites. Il traverse les ruisseaux qui descendent des vallons, le premier à Linischta (Blinisti des cartes), le second presque en face de Pohorik, village situé sur la rive droite du Drin. La vallée se resserre aux environs de Baldrin (Baladier des géographes), et finit par former un défilé devant le village de Lesch (Alessio). Au-delà de cet étranglement, le Drin coule en plaine jusqu’à la mer. Le même calcaire, observé près de Zadrima, constitue la colline qui sup- porte le château ruiné de Lesch.

A la sortie du village, la route se dirige vers le S., à travers une plaine basse, bordée, à une heure de distance à l’'E., par des collines de 600 pieds. Ces hauteurs se rattachent à celles de Lesch et s'étendent du N. au S. Elles sont coupées, à deux heures du village, par un défilé très étroit, qui livre passage au Mat, torrent dont les nombreux tributaires descendent d’un vaste bassin très montueux, habité

(4) Voir les sources du Drin, T. E., p. 76 et suiv., et voir aussi J., p. 83 et suiv.

CN. 6, p. 59.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 265 par les Albanais Myrdites (Voir la description du Mati, T. E., p. 65 à 69). Après avoir traversé à gué le lit presque desséché du torrent, nous marchàmes au S.-E. et nous alteignîimes en trois quarts d’heure Schinavli-han, auberge construite non loin de la base des escarpements calcaires, sur un tertre de 89 pieds d'altitude, qui, dans la plaine, forme la séparation entre les cours du Mati et de l'Hismo. À partir de cet endroit, la route suit à peu de distance la base des pentes escarpées dont {es points culminants s'élèvent à 1,200 ou 1,500 pieds, et dominent à l'E. cette dernière vallée. On aperçoit dans les ravins les ruines d'un fort, un monas- tère et Le village de Koulana, et l’on arrive sur les bords d'un ruisseau nommé Kukurli (en turc, Koukourlou-sou, T. E., p. 382), dont les eaux sulfureuses et blanchâtres sourdent d'une caverne, à une demi-lieue du chemin, dans une petite vallée. Au-delà du cours d’eau, on trouve un dépôt composé de grès dont les élé- ments quarzeux sont faiblement agrégés par un ciment calcaire. Les couches ho- rizontales de la roche arénacée sont séparées par des feuillets d’une argile ferru- gineuse et alternent avec des argiles feuilletées et des marnes mélangées d’une forte proportion de sable quarzeux. Les marnes, qui forment la partie supérieure de ce terrain tertiaire, contiennent une quantité prodigieuse d'individus d’une espèce de Melanopsis, et sont recouvertes de marnes argileuses pétries de cail- loux roulés de quartz, de gneiss, de calcaire, de serpentine, etc. (T. E., p. 297). M. Boué considère les coquilles, que nous avons recueillies entre Koulana et Lus-han comme une variété remarquable du Melanopsis Dufour ; mais, après une étude attentive, M. le vicomte d'Archiac leur a trouvé des caractères suffisants pour en faire une espèce nouvelle, qu'il nomme Welanopsis Lus-hani, et dont il a bien voulu faire la description suivante (voir pl. XIE, fig. 14) :

« Coquille ovale allongée, pointue aux extrémités, lisse ou présentant des stries » d’accroissement plus ou moins régulières et peu prononcées; spire composée » de 4 à 6 tours, tantôt surbaïissés, tantôt régulièrement élancés, formant une » rampe concave, limitée par deux bourrelets arrondis, décurrents et continus. » Le dernier tour, qui constitue à lui seul les deux tiers et quelquefois les trois » quarts de la hauteur totale de la coquille, est muni de deux bourrelets très » saillants dont l’un borde la suture, et l’autre est piacé dessous. Les stries d’ac- » croissement, en passantsur ces bourrelets, s’infléchissent en arrière et forment, » sur le bord droit, deux sinus dont l’inférieur seul persiste, le supérieur étant » Obstrué par la callosité du bord gauche, et s'appliquant sur le bourrelet de l’a- » vant-dernier tour. Ouverture ovale allongée, rétrécie à ses extrémités. Le bord » droit, mince, tranchant, arrondi vers sa base et pourvu, vers le tour supérieur, » d’un sinus correspondant au second bourrelet, s'applique ensuite contre la cal- » losité jusqu'au bourrelet supérieur. Bord gauche revêtu dans toute sa hauteur » d’une callosité épaisse qui entoure la columelle, dont l'extrémité est pointue et » un peu tordue. Canal très court, coupé obliquement en arrière.

» Les plus grands individus dans lesquels la spire est proportionnellement la

266 JOURNAL D'UN VOYAGE (N. 6, p. 60.) » plus courte ont: hauteur, 29 millimètres; largeur, 14; hauteur du dernier » tour, 20.

» Ce Melanopsis, peu constant dans sa forme, comme la plupart des espèces de ‘» ce genre, à aussi le sommet de la spire usé et rongé par le frottement. Il se rap-

» proche plus du M. Narsolina Bonelli, du terrain tertiaire du Piémont, que du » M. Dufour de Férussac, de Dax. Il diffère cependant du premier par sa taille » toujours plus grande, par sa forme générale plus renflée et plus courte, et par » les deux bourrelets décurrents beaucoup plus saillants. Le W. Narsolina est » plus fusoïde, et le bourrelet inférieur, à peine sensible, ne produit pas d’échan- » crure au bord droit. Le M. Dufour n’a point de bourrelets; l’'enroulement de » la spire est beaucou pplus oblique par rapport à l'axe de la coquille. Le dernier » tour forme les quatre cinquièmes de la hauteur totale de la coquille ; au lieu que dans le M. Lus-hani, il n’en constitue que les deux tiers ou à peine les trois quarts. Enfin l’absence de bourrelets rend l'ouverture très différente; il n'y a point de sinus au bord droit, ce qui suffit pour indiquer dans les animaux de ces deux coquilles des différences assez essentielles pour les distinguer comme » espèce. »

Le dépôt lacustre, appuyé contre la paroi orientale de la vallée, constitue un : plateau coupé de petites plaines et de collines dont la plus grande hauteur s'élève à 200 pieds au-dessus de l'Hismo. IL est sillonné par les ruisseaux qui prennent naissance à la base des escarpements ou descendent des ravins, et s'étend jus- qu'au-delà de Valiès, au N. de Tirana. Parmi ces cours d’eau, le plus remarquable est, sans contredit, le ruisseau sulfureux qui passe à Lus-Han ou Lous-Han. Il sort, à une demi-lieue de l'auberge, d’une caverne ouverte, presque au niveau du sol (200 pieds), au bas de la corniche sur laquelle la ville de Krouïa est construite (1,200 pieds). Ses eaux, arrivées au contact de l'air, laissent déposer une quantité de soufre suffisante pour troubler leur limpidité, jusqu'à une demi-lieue de la source (T. E., p. 382). L'acide sulfhydrique, devenu libre, passe à l’état d'acide sulfurique, et forme, aux dépens des parois de la caverne, une croûte de sulfate de chaux concrétionnée en chou-fleur. La roche qui constitue la base des escar- pements est un calcaire dolomitique grenu, disposé en couches horizontales et renfermant des Huîtres et des Nérinées. Nous les regardons comme formant la continuation du calcaire de Schalia, de Schkrel et de Dêdagné (J , p. 113), et par conséquent comme appartenant au terrain crétacé. Ses débris, accumulés aux abords de la source du ruisseau sulfureux, ont formé, à l'époque alluviale, un ag- glomérat semblable à celui du bassin de Skoutari (J., p. 114 et 115).

La ville de Tirana est construite, à une altitude absolue de 474 pieds, presque à la base des escarpements, entre deux tributaires de l'Hismo; lun des cours d’eau passe au S. des dernières maisons; l’autre, connu sous le nom de Lana, se change en torrent dans la saison des pluies, et passe à un quart de lieue au N. de la ville. Depuis Skoutari jusqu’au torrent, la route suit, malgré les détours, une direction

(N: 6, p. 64.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 267 générale du N. au S.; elle tourne vers le S.-E. ou le S.-S.-E., à partir du Lana, et conserve cette direction jusqu'à Elbessan.

On rencontre, à trois quarts d'heure de Tirana, un dépôt de grès quarzeux, micacé, à ciment calcaire, dont les premiers accidents opèrent la séparation entre la vallée évasée de Tirana et le cours resserré du Rzan ou Arzendé-Tiran. Les cou- ches arénacées, probablement tertiaires, se sont accumulées entre les escarpements opposés du calcaire crétacé. Elles se montrent d'abord dans une position presque horizontale; mais, en remontant le cours du torrent, on les voit se redresser de plus en plus vers le col du Gabar-Balkan. Elles sont coupées presque à pic, en face de Najikiovo, plongent au N.-0., sous un angle de 15 à 20°, et présentent une puissance totale de 300 ou 400 pieds.

En montant au col, on peut suivre de l'œil le cours supérieur du Rzan ou Ar- zendô-Tiran. Ce torrent prend naissance au pied d’une sommité couverte de pla- ques de neige, qui fait partie de la chaîne placée sur la rive droite du Drin noir. IL parcourt les sinuosités d’une vallée profondément encaissée, dominée par de hautes montagnes à pentes escarpées, et dirigée de VE 20° N. à l'O. 20°S Dansce long trajet, l’Arzendè reçoit de nombreux affluents, puis à la sortie d’un étroit défilé, le Mrdar et près de Najikiovo, le ruisseau de Prschida, qui descendent du col du Gabar-Balkan; il décrit une courbure au N. et s'engage dans une vallée N.-0. entre le village de Têkê et la colline à l'extrémité de laquelle s'élèvent les ruines dela forteresse de Pétrova (Pétrella des cartes). Nous n'avons pu recueillir dans le pays aucun renseignement précis sur le cours inférieur de cette rivière (1).

Le Mrdar (en albanais , Mrda-Oui) descend par un couloir très incliné, dont on profite pour monter au col du Gabar-Balkan. Après une heure de marche, on voit ce torrent se courber et sorlir d'une gorge calcaire dirigée, comme celle de l’Ar- zendè , de l'E. 20° N. à l'O 20°S.; on quitte le bord du torrent, et l’on arrive en quelques minules au han de Prschida, construit sur une petite plate-forme. De on gravit au col en quarante minutes par une pente rapide. Le Gabar- Balkan (en albanais Kiaph-Garaba), dont la hauteur absolue est de 1,860 pieds, forme la limite entre la haute et la moyenne Albanie. Les cimes calcaires, qui le dominent à l'E. et au N.-E, s'élèvent à 2,300 ou 2,500 pieds, et conservent * cette altitude en se prolongeant dans la vallée de l’Hismo ; les sommités à l'O.

(4) A moins que M. le docteur Muller, mieux favorisé par les circonstances, ne puisse nous four- nir, en temps utile , des données suffisantes pour éclaircir ce fait géographique, nous nous range- rons à l'opinion généralement admise, et nous représenterons , sur la carte jointe à ce mémoire, le Rzan ou Arzendé-Tiran comme formant la source principale de l’Hismo. Deux considérations nous ont engagé, à l’exemple de M. Boué, à prendre ce parti: 40 l’épithète de 7iran, qui paraît indiquer que le torrent passe dans la vallée se trouve la ville de Tirana; la configuration du sol qui, ob- servée du col du Gabar-Balkan, semble indiquer que les escarpements occidentaux de la vallée de l’Hismo se prolongent sansinterruption. Mais on sait combien les apparences peuvent induire en erreur ; il ne serait pas impossible qu’une fracture, dissimulée par les accidents du sol, persmnît au Rzan de . descendre directement à la mer, en poursuivant son cours à peu près de l’E. à l'O.

268 JOURNAL D'UN VOYAGE (N.6, p. 62.)

22°, du col parviennent à 2,100 ou 2,200 pieds environ. Le contrefort, qui s’en détache pour former la paroi occidentale de la vallée de l'Hismo, s’abaisse rapi- dement et ne conserve plus que 900 à 1,000 pieds à Pétrova , 400 à 500 pieds plus loin au N. Le revers opposé du col donne naissance au Koutscha , dont les eaux parcourent une vallée encaissée, dirigée du N. 20° O. au S. 20° E., et se jettent dans le Skoumi, à une lieue environ à l’O. d'Elbessan. Les contreforts du mont Gabar perdent rapidement leur hauteur en approchant de cette grande vallée et laissent apercevoir, précisément au S., la cime isolée du haut Tomor ou Tomoros, près de Bérat.

MOYENNE ALBANTIE.

La dernière partie de la montée au col du Gabar-Balkan se compose d’un grès quarzeux micacé, à ciment calcaire, de couleur grisâtre, ordinairement dis- posé en bancs épais, quelquefois en feuillets minces. Il alterne avec des marnes schisteuses grisâtres qui renferment, près du col, une couche de lignite, se dirige du N. au S. et plonge à l'O. sous un angle de 40°. Le grès offre une tendance à se diviser en plaques d’une forme pseudo-régulière. Cette structure, que l'incli- naison des couches rend encore plus évidente, donne à la roche arénacée l’ap- parence d'une chaussée pavée ou d’un ouvrage en maçonnerie. Les ravins qu’on aperçoit sur la gauche démontrent jusqu'à l'évidence que ce terrain s’appuie laté- ralement contre les escarpements du calcaire crétacé. En descendant le revers méridional du Gabar-Balkan , nous avons trouvé , à 50 pieds environ au-dessous du col , une couche composée de coquillages et de fragments arrondis calcaires très riches en fossiles, répandus dans une pâte marno-calcaire. Nous en avons extrait le Cerithium pictum, Bast., deux espèces de Cardium (C. simulans, Partsch, et C. plicatum, E.), une Mactre , une Vénus, une Telline ( nova species), une Natice, un Dentale, une Néritine (N. Montalemberti non décrite) et des Huîtres. La couche fossilifère paraît se continuer dans l’intérieur de la montagne et passer sous les grès fortement redressés qui constituent la dernière partie de la montée opposée. Elle repose sur des marnes calcaires el des marnes argileuses grisâtres, jaunâtres, rougeâtres , qui contiennent des lits subordonnés de grès el de calcaire marneux grisâtre. L'ensemble de ces couches inclinées acquiert un grand déve- loppement et se montre jusqu’au bas de la descente, qui se trouve à une hauteur absolue de 775 pieds sur les bords du Koutscha. Nous n’y avons observé aucun fossile en place ; mais nous avons recueilli, dans le lit du torrent, un fragment de calcaire argileux grisâtre qui renfermait une Nummulite. Malheureusement nous avons égaré cet échantillon précieux, avant d’avoir pu le soumettre à l’exa- men de nos savants conchyliologistes. Néanmoins la présence des Nummulites, dans les calcaires subordonnés aux marnes, nous paraît suffisante, d’après les con- naissances acquises sur la position de ces fossiles dans les terrains méditerra- nécns, pour considérer la presque totalité du dépôt comme appartenant à la craie.

(N.6, p- 62.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 269 Une faible partie des couches marneuses représente probablement les marnes bleues viennoises qui, en Autriche, supportent le calcaire avec les fossiles précé- demment cités. Les grès à structure pseudo-régulière, accompagnés de marnes à lignites , paraissent former ici la partie supérieure du terrain tertiaire.

Les profondes découpures qui entament les couches marneuses rendent la des- cente du col excessivement rapide. La route contourne d'abord à sa naissance un immense ravin de la rive gauche du torrent; au-delà, elle forme plusieurs zigzags et conduit en une heure et demie au fond de la vallée. Dans ce trajet, on aper- çoit le village de Mamli à droite et le hameau de Baltès à gauche, construits sur le flanc des montagnes. Le monastère Saint-Jean (Svêti-lon , que les Albanais prononcent Schi-[on } se trouve, à une heure de la descente du col, sur la rive droite du Koutscha. Un quart d'heure avant d'arriver au monastère , nous gra- vimes les pentes de la paroi orientale de la vallée, et nous passâmes, à une hauteur de 960 pieds, un col qui conduit dans une petite vallée, tributaire du Skoumi. Le calcaire dolomitique crétacé forme l’arête de séparation, constitue ensuite les montagnes opposées qui s'élèvent au N. et à l'E. et s'étend jusqu'aux environs d'Elbessan. Une pente douce facilite la descente du col dans la petite vallée N.-S. qui débouche dans la plaine à 20 minutes à l'O. d'Elbessan. Cette ville, dont l’al- titude est de 200 pieds, est située à 10 minutes du Skoumi, sur la rive gauche du Dzaranika, et non loin du Monasdéré, qui passe du côté opposé. Ces deux tor- rents prennent naissance dans les montagnes calcaires placées au N. et au N.-E.

Résumé du paragraphe précédent.

TErRaINs sTRATIFIÉS. Le terrain crétacé, qui constitue les montagnes du bassin de Skoutari, se prolonge sans interruption jusqu'à Elbessan, et forme, sur la rive orientale de la vailée de l’'Hismo, des escarpements quelquefois percés de cavernes d'où s’échappent des ruisseaux dont les eaux sont plus ou moins sul- fureuses. Entre la partie supérieure des escarpements et l'axe de la chaîne, il existe ordinairement une corniche élevée très étroite. La chaîne s'étend du Gabar- Balkan à Skéla-Mjed, sur le Drin, à l'E. de Skoutari, et se trouve coupée trans- versalement par les gorges resserrées du Mati et du Rzan. Les sommités les plus élevées (2,500 à 3,000 pieds), comprises entre cette dernière vallée et Tirana, se dirigent du N.-0. au S.-E. ; au-delà de Tirana, la ligne de faîte se prolonge vers le N. 15° O. (Rect.), en s’abaissant graduellement. Son altitude est de 2,000 pieds à Krouïa, de 1,500 à 1,800 pieds entre Koulana et Schinavli-han , et de 600 à 800 pieds entre Lesch et le Mati.

Un puissant dépôt dont les couches fortement redressées plongent vers la vallée de l'Hismo, s'appuie contre les escarpements du calcaire crétacé à Nérinées et à Rudistes , qui dominent le col du Gabar-Balkan. Sa partie supérieure, composée

de molasse, recouvre une grande épaisseur de marnes argileuses , accompagnées SOC. GÉOL. SÉRIE. T.I. Mém. 6. 35

270 JOURNAL D'UN VOYAGE (N. 6, p.64.) de couches subordonnées de calcaire argileux et de grès. Au dessous de la mo- lasse, on trouve des coquilles marines caractéristiques du terrain tertiaire moyen. Au fond de la vallée du Koutscha, on ne voit en aucun point le dépôt marneux se lier au calcaire à Nérinées , et cependant la présence des Nummulites, dans un calcaire subordonné aux marnes, permet de rapporter leur partie inférieure au terrain crétacé. Cette particularité très remarquable ne peut s'expliquer que par une discordance de stratification entre deux étages de la même forma- tion. Les déchirements du sol, qui ont porté le terrain rummulitique à sa hauteur actuelle , ont soulevé en même temps le terrain tertiaire moyen à l’alti- tude de 1,900 pieds. Enfin la molasse règne dans une partie de la vallée de l'Hismo, elle se trouve recouverte de marnes à Mélanopsides, d’un conglomérat alluvial et d’alluvions modernes. ;

En résumé, les accidents les plus remarquables du sol sont : la chaîne de la vallée de l'Hismo , se présentent les deux directions N.-0. et N. 15° O.; Les fractures transversales du Rzan et du Mrdar , dirigées de l'E. 22° N. à l'O. 22° $S., ou N. 53° E. (Rect.) ; la chaîne du Gabar-Balkan, dont le prolongement oriental paraît suivre une direction parallèle au cours du Rzan, tandis que la par- tie occidentale semble courir à peu près de l'E. à l'O. comme le cours inférieur du Skoumi ; Le défilé E.-0. du Mati, qui coupe la chaîne de la vallée de l'Hismo.

Roces D'ORIGINE 16NÉE. Un mamelon de serpentine perce les grès quarzeux subordonné; au terrain crétacé, près de Bouchatz, dans la vallée du Drin. Il doit se rattacher aux éruptions serpentineuses des monts Pouka et Kiapha-Mala, éruptions si curieuses par leur importance et leur association avec le diorite et l'euphotide.

$ IL. Route d’Elbessan au Han de Klisoura.

Distances entre ces deux localités : Pont en bois sur le Skoumi, 1/4 d'heure: ruisseau sortant d’une gorge, à gauche ; à droite, ruines d'un pont en pierre sur le Skoumi, 1/2 h.; ruisseau: entre ce cours d’eau et le précédent, on laisse à gauche Bostandjiez dans un vallon, 1/2 h.; Mourikien ou Gherghian à 1/4 d'h., à gauche, sur la pente d'une colline, {/2 h.; entrée dans une large dépression , creusée presque au niveau du fond de la vallée du Skoumi, 1/2 h.; village, à gauche, au pied des collines, 1/4 d’h.; gué du Dévol, près d'un moulin: les ruines d'un pont en pierre sont à gauche, à à minutes de distance, 1/2 b.;Turk-Keui ou Kur-Keui, à gauche, 3/4 d'h ; han ruiné; à gauche, Môlas (Daulas des cartes) sur la hauteur, à l’entrée d'une vallée, 1/2 h.; lit d'un torrent, desséché en été, 3/4 d’h. ; défilé du Dévol, 1/2 h. ; montée au col d'un contrefort du mont Draschi, 1/4 d’h.; sommet de la colline, 1/4 d'h.; Goran et Polovin, à droite, presque au sommet, sur la pente N. de la colline, 1/2 h.; bas de la descente, 1/4d'h.; Koutschova (Klouka des cartes), gauche, 1/4 d’h.; pontsur le Laparda, à droite; Séner-han et village de Prékonondri (Pétrodi des cartes), sur Ja rive occidentale du ruisseau , 3/4 d’h.; pont surle Laparda, 3/4 d’h.; han de

(CN: 6, p. 65.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 271 Douschnik ; le village est situé à gauche, sur la colline, 1/4 d'h.; Bérat, 1/2h; han, à l'entrée de la gorge de Kodvitza ou Voditza, au S. de Koutschova (Kusovitza des caries), 1/2 h.; Voditza ou Kodvitza, à gauche, sur le flanc de la vallée, 3/4 d'h.; montée au col, 1/4 d'h.; col, 1/4 d’h.; bas de la descente, 1/4 d'h.; Téman-han; à droite, Malinat, sur une rocher, 1/4 d'h.; montée au col de Tojari, 1/2 h.; col de To- jari; à droite et à gauche, se voient les groupes d'habitations composant le village de Tojari, 1/4 d'h.; bas de ladescente, 1/4 d’h.; Bogopolié ( Vanga Polia des cartes). à gauche, 1/2h.; torrent, àdroite, sortant d'un grand ravin dont on peut profiter pour se rendre à Tépélen, 1/2 h.; montée au col de Boubici (Bubi des cartes), 1 h. 1/4; col; le village de Boubici est au S.-0., sur la pente de la montagne, 1/2 h.; bas de la descente (le han ruiné de Boubici se trouve 7 minutes plus loin), 1/4 d'h.; vallée du Desnitza ou Deschnitza, à gauche, 1/2 h. ; han de Vino-Kastro ou Vino- Kazê, 1/2 h.; village, à droite, sur la hauteur, 2 h. {/4; han de Klisoura; la ville de ce nom est bâtie à une demi-lieue, à droite, sur la pente de la montagne, 1/2 h. Total, 19 h. 1/4.

Direction de la route : généralement au S.-0., d'Elbessan à Bérat, et généra- lement au S.-E. et au S.-S.-E., de Bérat au han de Klisoura.

A l’époque M. Boué fit paraître son ouvrage sur la Turquie d'Europe, il ne connaissait pas la description de la Grèce continentale, publiée par M. le colonel Leake. Notre savant compagnon de voyage, dont amour désintéressé pour la science est assez connu , nous indiqua cette publication, qui a éclairci plusieurs faits géographiques que nous ne pouvions jusqu'alors expliquer d'une manière satisfaisante. En comparant nos observations avec les détails recueillis par le voyageur anglais , nous sommes parvenu à redresser des erreurs importantes, et à donner au relief de la moyenne Albanie une exactitude plus conforme à la vé- rité qu'on ne l'a fait jusqu’à présent. Ces considérations expliquent la différence qu’on remarquera entre les descriptions tracées par M. Boué et celles que ren- ferme ce deuxième paragraphe.

Un pont en pierre jeté sur le Skoumi, à dix minutes au S.-0. d’Elbessan, permet de passer sur la rive gauche et de suivre la route tracée au pied des collines méridionales qui bordent la vallée. Le Skoumi (on prononce aussi Skomi, Skoumbi et Schkoumbi) prend naissance dans les montagnes qui bordent la rive occidentale du lac d'Okrida et du Drin noir. Les sources les plus éloignées de son embouchure descendent d’un col peu élevé qui sert de séparation entre la partie supérieure de la vallee et la plaine de Goritza, dont les eaux se réunissent dans le lac Malik et forment, sous le nom de Dévol, une rivière complétement dis- tincte du Skoumi. Ce dernier cours d’eau suit d'abord une direction N.-S., pénètre entre Isbat et Koukousa dans un défilé E -0., sort des montagnes à une heure d'Elbessan, et parcourt une plaine marécageuse dont le fond à environ une demi-lieue ou trois quarts de lieue de largeur. Les collines basses, qui limitent la vallée au S. de la ville, se composent généralement de marnes argileuses et de

272 JOURNAL D'UN VOYAGE (N.6, p.66.) molasse. On voit ces couches tertiaires encroüter, près de Bostandijiez, les affleu- rements d’un calcaire dont les surfaces, exposées à l'air , présentent des saillies dues à des corps organisés, parmi lesquels nous avons cru reconnaître des Num- mulites. Par dessus ces collines, dont la route côtoie le pied, on aperçoit au loin vers l'E. leschaînes élevées du lac d’'Okrida, et dans l’espace intermédiaire une sé- rie de crêtes dont les hauteurs sont décroissantes, et qui, s’échelonnant en gradins, présentent l'apparence d’un plan très étendu et légèrement incliné vers VO. L’ho- rizon est borné au N. par la chaîne du Gabar-Balkan , dont les contreforts, à pentes très abruptes, s'abaissent rapidement en approchant de la vallée du Skoumi.

À une heure et demie d'Elbessan, on franchit l'extrémité du coteau qui supporte le village de Mourikien (probablement lemême que Gherghian) et qui se détache d’un contrefort servant de séparätion entre la vallée du Skoumi et le cours du Dévol. À une heure plus loin, la crête présente une large échanerure, dirigée du N.-0. au S.-E., qui s’abaisse presque au niveau de la vallée (550 pieds environ) et permet au voyageur d'arriver par des pentes insensibles sur les bords du Dévol (Déol de M. Boué). Cette rivière torrentueuse prend naissance au S.-0. de Monastir, dans la chaîne du Péristéri, forme le lac Malik, et pénètre dans les défilés bordés au N. par les contreforts du Lénia et au S, par les contrefortsdel'Opar, du Kopari et du Tomor. A l'endroit nous le traversâmes à gué (1), le Dévol, dont le lit se trouve à la hauteur de 414 pieds, sort d’une étroite vallée, dirigée de l'E. à 'O., encaissée par des parois calcaires escarpées, et dominée à l'E.-S.-E. par des som- mités de 2,000 à 2,600 pieds. Au lieu de profiter de l’échancrure que nous avons signalée pour se mêler au Skoumi, le torrent décrit une courbure au S.-0, par- court une vallée d'une demi-lieue de largeur, s’en échappe par un défilé E.-0., ct se répand dans la plaine du Mousaché, il reçoit le Laparda et le Loum , dont nous parlerons tout-à-l'heure. (Comparer les cours du Dévol et du Skoumi, que nous venons de tracer (2) avec les descriptions de M. Boué, T. E., pag. 74 et suiv.)

(4) Trois quarts d'heure avant d’arriver sur les bords du Dévol, nous avions aperçu, au S. 30° E. ou S.-E. (Rect.), une haute cime qu'on nous désigna sous le nom de Soulova. Cette montagne ren- ferme, dit-on, les sources du Dévol. A sa base et à dix-huit heures du gué, se trouve le village de Gos- tima, qui donne son nom au torrent. Les premiers voyageurs que nous rencontrâmes appelaient celte rivière Gostima-Loumi; les seconds la nommaient Déol (corruption de Dévol). Le mot Loum ou Loumi des Albanais paraît correspondre au Fiume des Italiens, au Riéka des Slaves, au Sou des Turcs, etc.

Le mont Soulova semble former, comme le Tomor, un massif isolé qui domine les montagnes dont il est environné. Les détails que nous avons recueillis sur sa position , combinés avec la direction dans laquelle nous l’avons apercu, nous conduisent à penser qu’il fait partie de la chaîne du Pinde, et se trouve situé entre Goritza, Kastoria et Monastir. Nous faisons observer que la carte de M. le colonel Lapie (1822), et celle du dépôt de la guerre autrichien (1829) placent un village, nommé Ostima, à l'O. du mont Sarakina, dans une position à peu près analogue à celle que nous indiquons.

(2) Il nous paraît indispensable de donner ici le résumé des observations recueillies par M. le colonel Leake, dans son trajet de Goritza à Bérat, et de décrire brièvement la géographie physique d’une con- trée presque inconnue. ;

Distances entre Goritza et Bérat: Votskop : l’ancien Voskopolis), au bas de la montée, 4 b. 1/4;

(N- 6, p. 67.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 275 La route que nous suivimes sur la rive gauche du Dévol passe sous les villages de Turk-keui et de Môlaz (Daulas des cartes), et conduit en deux heures à l'entrée d'un défilé. Dans cet espace, la vallée est bordée au S.-E. par des escarpements de calcaire crétacé à Nummulites ; au N.-0. par un chaînon, à pentes abruptes, formé

sommet de la montée, plateau ondulé, { h.; Moskop (le nouveau Voskopolis), 1 h. ; sommet d’une chaîne, 4 h. 3/4; lit du Khélidoni, 1 h. ; Lavdhari, sur le mont Opari, 1 h.; suivre le flanc de la mon- tagne pendant 4 h. 3/4; Duschari, 3 h. ; col de Kaméno-Lithari (en albanais, Guri-Préi), 1 h. 3/4; Dombréni, 4/2 b.; lit du Tomoritza, 1/2; extrémité N. de cime du Tomor, ? h. ; village de To- mor, 3 h 3/4; lit de l’'Uzumi (notre Eoum ou Eoumi), 3 h. 3/4 ; Bérat, 1 h. Total, 25 heures.

En sortant de Goritza, M. le colonel Leake traverse la plaine de VE. à l'O. dans sa largeur, et, à partir de l’ancien Voskopolis, commence à gravir la pente des montagnes, dont le prolongement sep- tentrional est coupé par le défilé qui livre une issue au Dévol, à sa sortie du lac Malik. Le dos de la montagne présente, jusqu’au nouveau Voskopolis, une série de collines couvertes de vignes. Ces pro- tubérances, comparées aux sommités voisines, peuvent être considérées comme formant un plateau ondulé. Au-delà du village, la route traverse quelques hauteurs incultes, avant d’atteindre le point culminant de la chaîne, et descend ensuite en zigzag sur les bords du Khélidoni, qui coule de LE. à lO., entre deux hautes montagnes dont les flancs sont garnis de nombreux hameaux. Les groupes d'habitations répandues dans cette étroite vallée et dans les gorges qui viennent y déboucher compo- sent le district de Khopari.

Après avoir traversé le torrent, le voyageur remonte la pente du mont Opari et arrive à Lavdhari, village situé sur une arête. Les sommets qui le dominent immédiatement, nommés Ostrovitza, se voient de Goritza, à l'O. N., et forment la continuation du Khopari. Cette dernière chaîne renferme les gorges du Khélidoni. La vue du Tomor reste cachée par l’interposition des monts Opari et Kho- pari ; mais on aperçoit au N.-0O. le Lœnia, comparable au Tomor par sa masse imposante et son élé- vation. C’est à sa base, située sur la rive droite du Dévol, que cette rivière recoit les eaux du Khélidoni, gonflées par ses divers affluents.

Le colonel poursuit sa route sur les flancs de la montagne, et, aux environs de deux ou trois hameaux, rencontre des jardins les poiriers et les pommiers annoncent un changement de climat. Il com- mence à descendre après une heure trois quarts de marche, traverse une branche du Khélidoni, coulant du S. au N., gravit la pente très rapide de la paroi opposée, arrive à Protopapas, et, conti- nuant à monter, parvient à Duschari, village situé au-dessous du pic boisé nommé Bosnia, qui forme la continuation du Khopari. De on voit le Dévol, qui coulait d’abord au N.-0., changer de direction à la base S.-E. du mont Lœnia, après avoir recu le tribut du Khélidoni. Le voyageur traverse l’af- fluent le plus occidental de cette dernière rivière, à une demi-heure de Duschari, et gravissant toujours, à partir du village, il atteint un col situé au sommet d’une crête parallèle au mont Lœnia. Le passage, défendu par une tour (en albanais, Æoula), consiste en une brèche coupée dans le rocher sur le point le moins élevé de la chaîne, et recoit des Grecs le nom de Xaméno-Lithart, et des Albanais le nom de Guri-Préi (rocher coupé). Cette arête forme la séparation entre le bassin hydrographique du Khéli- doni et celui du Tomoritza, l’une des branches les plus considérables du Dévol.

Le sentier qui.descend du col passe à Dombréni, traverse le Tomoritza, remonte quelque temps le cours du torrent, franchit les rampes inférieures du Tomor, et conduit au pied d’un escarpement d’une hauteur immense. Après deux heures de marche, à partir des bords de la rivière, le colonel se trouve avoir contourné l'extrémité N. de la cime principale, et commence à suivre le revers occidental, en restant au-dessous de la partie la plus élevée, alors voilée par des vapeurs. Dans les courts moments le temps s’éclaircit, il aperçoit une portion de la plaine du Mouzakia et de la mer. Un peu avant la

nuit, il distingue le village de Tomor, construit dans une position très élevée de la montagne, au pied

274 JOURNAL D'UN VOYAGE (N. 6, p. 68.) de molasse. Cette dernière roche passe sur la rive gauche du torrent, va s’adosser au calcaire secondaire, et constitue un petit contrefort du mont Draschi.

Du haut de la colline tertiaire, on aperçoit les villages de Goran et de Polovin situés à quelques minutes à droite , sur le penchant septentrional du contre-fort, et ceux de Draschi et de Biélobosch, à une ou deux heures de marche à gauche surla montagne. On descend par une pente douce, en quelques minutes, dans Le vallon calcaire et sans eau de Koutschova (Klouka des cartes), et l'on arrive sur le bord du Laparda. Ce ruisseau sort à 40 minutes au S. de Prékonondri (Pétrodi des cartes), d’une vallée dirigée de l'E. à l'O., débouche dans la vallée du Loum sans se méler avec cette rivière, et va se jeter dans le Dévol. En traversant le pont en bois placé sur le ruisseau , à son entrée dans la plaine, nous aperçûmes à une heure de distance à gauche le village de Laparda, qui lui a donné son nom. Vingt mi- nutes plus loin, la route franchit, près d’un han, un petit ruisseau qui descend de la colline sur laquelle s'élève, à gauche, le village de Douschnik et va confluer avec le Loum. Bientôt après on tourne le pied de la colline, qui supporte la citadelle de Bérat, et 1 on entre dans la ville.

Bérat (en slave Béograd), se compose de trois quartiers séparés. L’un de ces quartiers se trouve renfermé dans la forteresse ; les deux autres ; COn- struits à l'entrée d’un défilé E.-0. sur les rives opposées du Loum, sont réunis par un pont en pierre. En sortant de la gorge, le torrent décrit une courbe au N. et coule dans une vallée d'une lieue de large , sur un sol composé de leuss orossier mélangé de petits cailloux roulés. Cette large vallée, fermée , à 2 ou 3 heures au S. de Bérat, par le mont Spiragar, reçoit les eaux qui descendent du col et forment le Vélabitsch.

La cime pointue la plus élevée, placée à l'extrémité supérieure de la vallée, paraît avoir 2,000 pieds de hauteur. A partir de ce point, le contrefort qui ac- compagne le cours du Louun s’abaisse en se prolongeant vers le N. Ces montagnes,

d’un grand précipice qui entoure le sommet; à droite, il commence à découvrir au loin l'extrémité d’un long contrefort, le château de Bérat et la vallée du Loum, qu’il désigne sous le nom d’Uzumi. Le lendemain matin , M. Leake aperçoit du village de Tomor, vers le S.-E., les montagnes de Kudhési, au S.-E. d’Avlona, et sur la gauche, mais à une plus grande distance, la cime de Dukai- Dukhadès dans la Khiméra. Suivant son récit, des ruines de fortifications existent sur le sommet du Tomor, à une demi-heure au S. du village.

Le sentier qui descend de la montagne est tracé sur une pente très rapide, coupée par des aspérités et de nombreux ravins. Il conduit au fond de la vallée du Loum. Cette rivière coule du S. au N. entre les escarpements du Tomor et les parois d’une crête allongée, mais peu élevée. Parvenu sur les rives du Loum, on tourne vers l’O., et l’on prend, à peu de distance de Bérat, la route qui conduit de cette ville à Ianina.

D’après ces détails, on reconnaît que M. le colonel Leake a suivi le revers septentrional d'une chaîne continue, dont l'extrémité orientale se lie au Grammo, dans les environs de Goritza, et dont l'extrémité occidentale se termine par le massif bordé de précipices du Tomoros. Cette longue chaîne, dirigée à peu près de l'E. à l’O., sert de séparation entre le cours du Dévol et le cours du Loumi.

CN. 6, p. 69.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 75 dépourvues de végétation , sont formées à leur base d'un calcaire compacte à pâte très fine, à cassure légèrement conchoïde, parsemé de filets minces de chaux carbonatée et présentant quelque analogie avec la scaglia.

La même roche, surmontée de calcaire marneux friable et de grès quarzeux calcarifère, constitue les escarpements qui encaissent le défilé de Bérat. En re- montant le cours du torrent, on voit les couches s’arquer et plonger en sens inverse. À quelques minutes de la ville, la gorge s’élargit insensiblement, et acquiert une largeur d’un quart de lieue. La triple cime du Tomor (Tomoros des Grecs), assise sur une vaste base, se montre alors dans toute sa magnificence, à une distance de quelques lieues au S.-E. Les proportions de cette montagne paraissent d'autant plus colossales que son point culminant s’élance à une hauteur de 5,000 pieds, tandis que le Loum coule, au pont de Bérat, à 130 pieds seule- ment au-dessus du niveau de la mer. Les escarpements inaccessibles qu'elle pré- sente à l'occident ressemblent à une muraille immense, dirigée du N. auS. Au lieu de pénétrer dans la gorge N.-0. S.-E. qui mène au pied de la montagne, la route tourne au $ , quitte la vallée du Loum (1) et remonte le cours d’un petit affluent profondément encaissé dans un terrain composé de grès et de marne. Ce ravin se termine à un col de 1,042 pieds d’élévation , dont le revers opposé conduit dans ja vallée de Téman-han. Les eaux divisées de cette impasse profitent d’une issue, existant du N. de l'auberge, pour se réunir au Loum. Bientôt on monte au col de Tojari , qui atteint à une hauteur de 1,102 pieds et se trouve dominé à l'O. par des sommités arrondies, plus élevées de 100 ou 200 pieds. Plusieurs groupes d’ha- bitations, formant le village de Tojari , sont disséminés à diverses hauteurs, à droite et à gauche de la route, sur le revers méridional du col. La montagne se compose de calcaire compacte et de marnes calcaires ; près du han de Tojari, situé au bas de la descente, elle renferme des couches presque uniquement com- posées de Nummulites qu’un rare ciment calcaire tient à peine agrégées. Cette roche friable alterne avec un grès grossier formé de fragments de coquilles, de Polypiers, de Nummulites passées à l’état spathique, de grains de quarz, de plaques d’argile, et de grains noirâtres ou verdâtres provenant sans doute de roches feldspathiques ou serpentineuses.

Les eaux qui descendent du revers méridional du col de Tojari se réunissent au Théropol, ruisseau formé de deux branches principales. L'une de ces ramifi- cations prend sa source sur la pente septentrionale du col de Boubici; l'autre sort d'un profond ravin qui sert de communication entre les vallées du Théropol et du Voïoutza. Le torrent s'échappe par une gorge coupée dans la paroi orientale, à dix minutes au N. de Bogopolié (Vokopol des Albanais, le Vanga-Polia des car- tes), et s'écoule vers le Loum, qui passe à une demi-lieue ou trois quarts de lieue de là, au pied des escarpements du Tomoros. Par-dessus les berges du défilé, on

(1) C’est en ce point que M. le colonel Leake rejoignit la route de Ianina à Bérat, en descendant du Tomor (Voir la note des pages 272, 273 et 274).

276 JOURNAL D'UN VOYAGE CN. 6, p. 70.) aperçoit à l'E. N. la cime de 5,000 pieds, dont on croirait n'être séparé que par une distance d’une lieue en ligne droite.

En remontant le cours du ruisseau qui descend du col de Boubici, on voit des couches puissantes de marnes et de grès recouvrir, en stratification concordante, : le calcaire à Nummulites. Le calcaire est généralement très compacte; quelque- fois il devient cellulaire et prend une cassure inégale; d’autres fois enfin il se présente sous la forme d’un poudingue très grossier, dont les éléments arrondis renferment les mêmes espèces de Nummulites que la pâte qui les réunit. Cette dernière structure semble indiquer que la roche a subi une dislocation locale qui n'a pas interrompu les conditions nécessaires à son dépôt.

Le col de Boubici, formé du même terrain, s'élève à une hauteur de 1,711 pieds, et se trouve dominé à l'O. et au S.-0. par le mont Skrapari, dont la cime : allongée conserve généralement une altitude de 3,000 pieds. Le contrefort qui supporte le col se détache du Skrapari et opère la séparation entre le cours du Loum et le cours du Desnitza. Cette arête forme les limites naturelles de la moyenne et de la basse Albanie. Les aspérités voisines du passage ne permettent pas aux regards de plonger dans la vallée du Loum; on aperçoit seulement la haute pointe du Tomor, au N. 26° E., et l’on voit les escarpements qui la supportent s’abais- ser brusquement et s’interrompre sans se réunir au contrefort. Le relief du sol indique clairement que le Tomor est placé à l'angle formé par la rencontre de deux chaînes dirigées, l’une de l'E. à l’O., l’autre du N. au S. ou du N.-N.-0. au S.-S.-E., et que le cours supérieur du Loumi se trouve encaissé au N. par le contrefort du Skrapari, au S. par la chaîne continue dont le Tomor, le Khopari et l’Opar forment les points culminants. Ces deux faits se trouvent d’ailleurs con- firmés par la description de la route de M. le colonel Leake ( Voir la note des pages 272, 273 et 274). l

BASSE-ALBANIE OU ÉPIRE.

Le revers méridional du col présente une forme circulaire coupée au S. par la gorge étroite dirigée du N. au S., qui livre passage aux deux ruisseaux fournis par la montagne. Le village de Boubici (Bubi des cartes), situé au S.-0. du col, est construit sur la pente aride de l’amphithéâtre, à une heure de la route. Parvenu au fond de la vallée, nous suivimes le cours du ruisseau et passâmes devant le han de Boubici, dont les ruines existent à la sortie de la gorge et à sept minutes de la descente. La vallée s’élargit au-delà de l'auberge, et forme une plaine aride, d’une demi-lieue de largeur sur une lieue et demie de longueur, couverte de blocs et de cailloux roulés. C'est à moitié route du han de Boubici et du han de Vino-Kazê (en grec, Vino-Kastro) que l'on rencontre la grande vallée du Desnitza ou Desch- . nitza. Ce cours d’eau baigne le pied méridional de l’arête que nous venions de tra- verser, et coule parallèlement au Loum jusqu’à la base du Skrapari. |

(N:6., p.74.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 277 De Vino-Kazê-Han, on aperçoit la pointe la plus élevée du Tomor au N.26°E ; du côté apposé et par-dessus les contreforts du Skrapari, on voit au S. E, le sommet qui domine l'entrée du défilé de Klisoura, au S. 14° E. la base de la montagne dans la vallée du Voïoutza, et au S. 23° E. le piton situé sur le prolon- gement de la chaine au-dessus de Prémiti.

Le Desnitza, gonflé par le ruisseau de Boubici et par un autre affluent qui des- cend à l'O. de Vino-Kazé Han, s'engage, à un quart d'heure de l'auberge, dans une gorge sinueuse, dirigée du N. 22° O. au S. 22° E., et bordée à l'E. par des col- lines de 12 à 1,300 pieds (le niveau de la vallée se trouvant à 1,010 pieds à Vino- Kazé- Han), à l'O. par les contreforts escarpés du Skrapari. En suivant la route tracée sur la rive gauche, on traverse, à leur confluent avec le Desnitza, six ruis- seaux qui descendent des collines orientales. À peine sorti de la gorge, le torrent se jette dans le Voïoutza, à quelques minutes du han de Klisoura et à un quart d'heure du célèbre défilé qui conduit à Tépélen ou Tépédélen.

Toute l'attention du voyageur se fixe sur la haute chaîne qui se prolonge du col de Boubici à Ostanitza, et qui de se continue jusqu’à Metzovo. Dans toute cette étendue , elle n'est coupée que par le défilé de Klisoura, dont la direction , à son entrée, va de l'O. 25° N. à l'E. 25° $. La partie de la chaîne située au N. de la fracture porte le nom de Skrapari; l’autre partie se nomme Némertschka. Le Voïoutza dont nous verrons le cours supérieur dans le paragraphe suivant , ar- rose la base S.-E. de cette dernière chaîne, et, arrivé à Klisoura, petite ville construite sur la pente du Skrapari, il s'engage dans le défilé pour se rendre à la mer. Cette fracture a environ cent pieds de large à son origine , et les escarpe- ments à pic qui la dominent se composent de calcaire très compacte, blan- châtre ou grisätre, quelquefois traversé de filets de chaux carbonatée , et renfer- mant des parties siliceuses qui semblent avoir appartenu à des corps organisés. Quelques couches sont pétries de Nummulites et de débris de coquilles.

Résumé du paragraphe précédent.

La combinaison de nos observations géographiques et des faits importants re- cueillis par M. le colonel Leake, dans son voyage de Goritza à Bérat, nous a permis de déterminer le cours, jusqu’à présent mal figuré sur les cartes, du Skoumi, du Dévol, du Loumi et du Desnitza.

Le terrain crétacé à Nummulites occupe la presque totalité de l’espace qui s’é- tend entre Elbessan, situé dans la vallée du Skoumi, et l'étroit défilé du Voïoutza, dont l'entrée est dominée par la ville de Klisoura. Sa partie inférieure visible se compose d’une série très puissante de bancs calcaires renfermant des couches subordonnées de calcaire friable, de marnes et de grès; ces dernières roches pré- dominent dans la partie supérieure. Le grès présente les mêmes caractères miné- ralogiques que la molasse tertiaire, subit les mêmes contournements que le cal-

SOC. GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. 6. 36

278 JOURNAL D'UN VOYAGE (N.6, p. 72.) caire, et se lie avec lui par des couches arénacées nummulitiques. La liaison entre ces parties d'un même groupe est trop évidente pour nous laisser aucur doute sur leur âge. Les couches, quelquefois horizontales, sont généralement dirigées du N. au S. ou N. 15° O. (Rect.) et N. 22° 0. au S. 22° E. ou N. 37° O. (Rect.). Les dislocations qui ont accompagné leur redressement produisent les accidents les plus remarquables du sol. Aïnsi les escarpements du Tomor et la chaîne du Spiragar près de Bérat s'étendent suivant une ligne N. 15 à 20° O. : la chaîne du Skrapari et les crêtes du Tomor suivant une ligne N. 37 à 40° O. Un système de fractures parallèles, dirigé O. 25° N. ou N. 80° O. (Rect.), c’est-à-dire voisin de la ligne E.-0., coupe les deux directions précédentes, produit les deux défilés du Dévol, les vallées supérieures du Loumi et du Desnitza, et contribue à l’exhaus- sement du Tomoros, dont la cime colossale se trouve sur le prolongement de la chaîne de l'Opar et du Kopari. Il constitue le relief de la contrée montagneuse placée sur les limites naturelles de l'Albanie moyenne et de l'Épire. Le défilé de Klisoura paraît devoir son origine à une fracture N.-E.,etsa profondeur actuelle à des dislocations N.-$. et N. 80° O.

Le terrain tertiaire, composé de marnes argileuses de diverses couleurs et de molasse, repose en stratification discordante, près de Bostandjiez, sur le calcaire à Nummulites. Il forme, au S.-0. de Môlaz, la chaîne de 900 pieds qui sépare le Dévol de la vallée du Skoumi. Ses couches, dirigées N. 15° O. au col du Gabar- Balkan, se trouvent coupées entre Môlaz et Koutschova par un défilé E.-0. Ainsi, postérieurement au dépôt tertiaire moyen, le sol de l'Albanie moyenne a pris part à des dislocations voisines des deux lignes N.-S et E.-0.

On observe des conglomérats d’alluvion ancienne dans la vallée du Desnitza et du leuss dans la vallée du Loum, au N. de Bérat.

En résumé, le terrain crétacé à Nummulites a été principalement redressé par des soulèvements N. 15° O. et N. 37° O. Les fractures N.-E., N., N. 80° 0. et E.-0., sont postérieures à la molasse tertiaire.

RocnEs D'ORIGINE 1GNÉE.—Nous n'avons rencontré aucune roche d’éruption entre Elbessan et Klisoura.

SIIT. Route du han de Klisoura à Ianina.

Distance entre ces deux localités : Pont en bois, sur un ruisseau, 1/4 d'heure; lit desséché d’un torrent, 3/4 d’h.; ruisseau, 1/4 d’h.; pont en bois sur le Patzo- mit ; Bréjam ou Bréjani, à droite, sur la rive gauche du Konitza, 1/2h.; Kossina (Rossina des cartes), à gauche ; Rapitska (Arabesca des cartes), à droite, sur la rive gauche du Konitza, 1/4 d’'h.; torrent à sec en été, 3/4 d'h.; pont de Prémet ou Prémiti, sur le Konitza; la ville est située sur la rive gauche à quelques mi- nutes du pont, { h.; ruisseau et pont, 3/4 d’h ; pont de Badilion, sur le Konitza, en amont du confluent du Levkovitza; le village de Badilion reste à droite, sur la pente d’un contrefort, 1/2 h. ; ruisseau , 1/2 h.; ruisseau , 1/4 d'h. ; han de Tou-

CN. 6, p- 75.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 279 ranik, 1/2 h.; montée au Karaoul de Fourka, 3/4 d’h.; Karaoul (corps-de-garde), sur le sommet de la colline; le village en ruine de Fourka est à 1/4 de lieue, à gauche, sur le flanc des hauteurs, 1/4 d’h.; bas de la descente sur le bord d’un ruisseau, 1/4 d'h.; torrent de Leskovik, 3/4 d’h.; han de Séran, près d’un ruisseau; le village se trouve à gauche, sur la pente de la colline; à droite, Karamourat et plusieurs autres villages construits sur des rochers de la chaîne du Némertska, 3/4 d'h. ; gué du Saranta-Poros, 1/2h. ; pont sur le Konitza, et han de Ostanitza sur la rive gauche; le village est à 1/4 d'heure, à droite, sur le flanc de la’ chaine, 1/4 d’h. ; ruisseau et montée au col deSahli-Pascha ; le village de Konitza est situé à gauche, à une lieue et demie de distance, sur un monticule placé à la jonction

. de deux profondes vallées, 3/4 d'h. ; Karaoul (corps-de-garde) au sommet de la montée, sur une route en corniche, 3/4 d’h.; han de Sahli-Pascha, dans un val- lon élevé, 3/4 d'h.; Alizot-Tschiflik, à gauche, sur un plateau élevé; à droite, à plusieurs lieues de distance, district de Pogonia, dans une vallée, 3/4 d'h.; som- met d'un contrefort; Mavrovoun, à droite; Messovoun, à gauche, 1/4 d’h.; bas de la descente au fond d’une gorge, 1/2 h.; petit lac de Ravégna ; le village, à 1/4 de lieue, à l'O., sur un monticule; à une lieue et demie, à l’'E., Artschista, sur le penchant de la montagne de Mavrovoun, 1/2 h.; han de Kalbaki, sur un plateau élevé, au pied d’une colline, entre deux ruisseaux; le village de Véla est à 3/4 de lieue, au S., sur le penchant de la montagne, 1/2 h.; sources du deuxième ruisseau, et quelques minutes plus loin, montée au col, 1/4 d'h.; entrée du cou- loir ou défilé servant de col, 1/2 h.; extrémité opposée du couloir, descente, 1 1/2h.; bas de la descente sur le bord du lac de Labschistas, 1/2 h.; Noutza- han ; passage du lac en barque, en amont d’une étroite chaussée en partie détruite, 1 h.; Tanina, 2 h. Total, 20 h. 1/4.

Direction de la route: généralement au S.-E., de Klisoura à Ostanitza, auS., depuis Ostanitza jusqu’au han de Kalbaki, et au S.-E. de cette dernière localité à Tanina.

Le Voïoutza prend, d’un village situé près de sa source, le nom de Konitza qu’il conserve jusqu’à Klisoura. Dans ce trajet, le torrent borde le pied de la chaîne continue à laquelle nous conservons le nom de Némertska ou Némertschka-

. Malia (Malia en albanais signifie montagne), bien que cette dénomination appar-

tienne spécialement au piton qui domine la ville de Prémiti. Cette longue arête, dépourvue de contreforts et de végétation, et présentant à la vallée des pentes très rapides ou escarpées qui se terminent ordinairement aux bords du Konitza, court d’abord du N. 25° O. au S. 25° E., comme le Skrapari, dont elle forme le prolongement, et prend bientôt la direction du N.-0. au S.-E. Elle conserve gé- néralement une altitude de 3,000 pieds entre le défilé de Klisoura et Prémiti, s'élève à 3,900 ou 4,000 pieds au S.-0. de cette dernière ville, et atteint son point culminant de 4,900 à 5,000 pieds au S.-0. de Badilion. Plusieurs pics presque aussi élevés couronnent son prolongement S.-E La chaîne s’abaisse aux environs

280 JOURNAL D'UN VOYAGE CN.6, D. 74.) d'Ostanitza ; le col qui conduit dans le district de Pogonia passe à 2,031 pieds, entre des protubérances arrondies de 2,200 ou 2,300 pieds. La hauteur de la chaîne parait d'autant plus considérable que le fond de la vallée se trouve au niveau de 999 pieds au: han d'Ostanitza , à 996 au han de Touranik et à 890 Jens au han de Klisoura.

La rive droite est accompagnée par des collines de 1,200 à 1,500 pieds, dont les sommités, plus ou moins rapprochées du Konitza, laissent de distance en distance de petites plaines qui s'étendent entre leur base et le torrent, et sont séparées l’une de l’autre par des coteaux ou des contreforts. De nombreux cours d'eau descendent de ces collines; les plus considérables prennent leurs sources à des distances souvent considérables, et divisent en plusieurs parties ce sys- tème de hauteurs, parallèle à la chaine du Némertschka. Ces derniers affluents sont: le Patzomit (Liobnitza des cartes) qui prend son nom d’un village situé sur son cours, et se jette dans le Konitza entre le han de Klisoura et Prémiti; le Levkovitza, qui, débouchant en aval du pont de Badilion, d'une gorge très étroite resserrée entre des parois taillées à pic, entraîne avec lui des cailloux rou- lés dont l'abondance démontre l’impétuosité de ses eaux et l'éloignement de ses sources ; le ruisseau qu'on rencontre à trois quarts d'heure au S.-0. de Séran ; le Sazanta-Poros, dont le confluent se trouve à dix minutes du han d’Osta- nitza ; les deux torrents qui forment les sources du Voïoutza, et qui, avant de se réunir à l'O. du village de Konitza, contournent la base escarpée d'un pie de 5,000 pieds d'altitude.

Entre le han de Klisoura et Prémiti, la route côtoie la rive droite du Konitza. Les escarpements qui resserrent la vallée, à l'E. de Prémiti, forcent le voyageur à traverser le torrent et à rester sur la rive gauche jusqu’au pont de Badilion, la route repasse sur la rive droite. Entre ce pont et le han de Séran , un amon- cellement considérable de cailloux roulés, quelquefois réunis par un ciment calcaire, se trouve profondément coupé par le cours du Konitza, et forme des espèces de promontoires au fond de la vallée, notamment l’éperon sur lequel est établi le Karaoul de Fourka. Ce dépôt s’est accumulé à la base des pitons les plus élevés de la chaîne du Némertschka. Les ravins , taillés à pic, qui descendent des cimes neigeuses, ont probablement servi de couloirs aux avalanches et aux débris des montagnes voisines. La chute de ces débris dans le lit du torrent a causer, à plusieurs reprises, des barrages temporaires que le rétrécissement de la vallée entre le pont de Badilion et Prémiti rendait difficiles à renverser. Retenues par ces obstacles, les eaux du Konitza paraissent avoir donné lieu à des inondations fréquentes dans la partie supérieure de la vallée , et avoir formé un lac, jusqu'au moment elles sont parvenues à se frayer un passage. Le dépôt de cailloux roulés repose tantôt sur le calcaire à Nummulites, tantôt sur les marnes, les calcaires marneux et les grès qui le recouvrent. Le calcaire constitue les cimes du Némertschka et les escarpements opposés de la rive droite. Près de Séran,

UN. 6, p. 75.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 281 les grès et les calcaires marneux, appliqués contre les flancs des montagnes, s'élèvent jusqu’à la moitié de la hauteur de la grande chaîne; ils supportent le village de Karamourat et plusieurs hameaux dontles habitations, construites sur des rochers isolés, ressemblent à de petites forteresses carrées. Leurs couches, en stratification concordante avec le calcaire, suivent une direction N.-S., plongent tantôt à l'E., tantôt à l'O., et présentent de nombreux contournements.

A dix minutes du confluent du Saranta-Poros, on traverse le Konitza sur le pont d'Ostanitza, et laissant à droite le village situé sur le penchant de la montagne, on remonte la rive droite da torrent, à partir du han jusqu'au pied du contrefort qui conduit au col d'Ostanitza ou de Sahli-Pascha. En cet endroit, la vallée pré- sente une plaine d’une forme triangulaire, terminée à l'E. par une cime de 5,000 pieds qui domine le village de Konitza, bordée au N. par les bas contre- forts d'une sommité de même hauteur et au S. par un piton de 5,000 pieds, dont le Voioutza et l’un de ses affluents baignent les bases opposées. Le village de Konitza, construit sur un monticule, occupe le sommet du triangle et commande l'entrée de deux gorges profondément encaissées par les trois hautes cimes que nous venons de citer. Parvenu au Karaoul, qui est placé à l'entrée du col de Sahli-Pascha sur la cime du contrefort, nous apercevions Konitza à une lieue et demie à l'E. et Leskovik à quatre ou cinq lieues au S. 10° E. Ce dernier village, situé au sommet d'une arête de 1,700 pieds environ , est séparé de la vallée du Voïoutza par l'interposition de deux chaînons parallèles, dirigés à peu près de l'E. à l'O.

Au-delà du Karaoul, une route en corniche contourne les sinuosités de la montagne, et conduit, sans monter , daps le vallon élevé ; dirigé du N. auS., se trouve le han de Sahli-Pascha. Le ruisseau qui l’arrose forme une des sources du Kalamas ; ainsi le point de partage des eaux se trouve entre Le Karaoul et l'auberge.

- Le vallon de Sahli-Pascha débouche sur un plateau marécageux dirigé de l'E. à l'O., qui supporte le Tschifflik-Alizot, et est limité au S. par un contre-fort de 200 pieds, dont l'altitude atteint 2,100 pieds. Arrivé au sommet de cette mon- tagne, entre les villages de Mavrovoun et de Messovoun, on découvre, à trois ou quatre lieues de distance à l'O. 10° N., l'extrémité supérieure de la vallée dans laquelle se trouvent disséminés les groupes d'habitations du district de Pogonia. Cette vallée, complétement privée de végétation et de cours d’eau, laisse voir à découvert les roches calcaires qui constituent le sol. Elle est com- prise entre le revers méridional d’un pic du Némertschka et un contrefort de la chaîne. Les eaux pluviales qui en descendent se réunissent aux ruisseaux de Sahli-Pascha et d’Alizot, dans une gorge profondément creusée à l'O. au pied de la montagne de Mavrovoun, contournent ensuite l'extrémité occidentale du contrefort, et se portent vers le S.

La descente de Mavrovoun au petit lac de Ravégna ou Ravénia par une gorge

282 JOURNAL D'UN VOYAGE (N: 6. p. 76.) tortueuse dirigée du N. au S., présente une pente très rapide, et se compose de grès, de marnes et de calcaire. La flaque d'eau, privée d’issue apparente, se trouve au pied de la montagne , à 700 ou 800 pieds au-dessous du sommet. On aperçoit, à quelques minutes de la route à l’O., le village de Ravégna sur un mon- ücule, à une lieue à VE. le village d'Artschizta ou Artischta, situe à mi-côte, à la naissance d’une vallée, probablement tributaire du Voïoutza. Un rideau de basses collines sépare le lac de Ravégna et le plateau de Kalbaki, l’on arrive par une pente très douce en suivant un vallon N.-S. La route côtoie le pied des collines qui limitent à l'E. la plaine élevée et conduit au han de Kalbaki. Ce pla- teau, qui forme en partie le district de Zagori, s'étend de l'E. à l'O. entre le contrefort de Mavrovoun et les montagnes qui constituent l'enceinte septen- trionale du lac de fanina. Il est bordé à l'O. par un chaînon courant du N.auS., à deux ou trois lieues de l'auberge : cette arête paraît former le prolongement du contrefort qui borde à l'O. la vallée de Pogonia. Elle présente une étroite frac- ture dont profitent, suivant toutes probabilités, les eaux pluviales de Pogonia, et les ruisseaux réunis de Sahli-Pascha et de Tschiflik-Alizot, pour se rendre au Kalamas. Les eaux de la partie orientale du plateau, arrêtées par un léger bombement du sol, suivent un autre cours. On les voit prendre naissance dans le voisinage du han Kalbaki, contourner la base de la montagne s'élève à mi- côte Le village de Véla, et pénétrer dans une fraîche vallée dont l'entrée est em- bellie par des arbres d’une vigueur admirable. Avant de sortir des montagnes, et de s’écouler vers le Kalamas, elles forment, dit-on, un petit lac qui sert de but de promenade aux habitants de Ianina.

En quittant le han de Kalbaki, on remonte au S. 22° E. une vallée comprise entre la montagne de Véla et le prolongement de la chaîne du Mitschikéli. Le ruisseau qui l’arrose sort du calcaire à Nummulites, à vingt minutes de l'auberge. A partir de ce point, la montée devient plus rapide et conduit à un couloir ser- vant de communication entre le bassin de Tanina et le district de Zagori. Ce pas- sage, d’une lieue et demie de longueur , placé à une altitude de 1,769 pieds ou 405 pieds au-dessus du han de Kalbaki , et 200 pieds environ au-dessus du bassin de Janina, présente une pente insensible et renferme un petit lac dont les eaux ont un écoulement souterrain. On voit, dans une partie de son étendue, les couches du calcaire à Nummulites se dirigeant du N. 22 à 45° E. au S. 22 à 45° O,, plonger, d’un côté, à l'E. 22° S$. et au S.-E,, et de l’autre côté plonger à l'O. 22° N. et au N.-0. Cette inclinaison en sens inverse semble démontrer que le col est en partie le résultat d’une fracture qui s’est produite au sommet de l'angle formé par le plissement des couches.

Après avoir dépassé la fontaine construite à l'extrémité méridionale du sillon, on découvre au bas, et sur la droite, le lac de Labschistas; à quelques lieues de distance au S. le lac de lanina , et dans l'intervalle le canal étroit qui réunit les deux nappes d’eau. Ces lacs présentent une forme allongée du N. 22° O. au $.

(SEC DE 200) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 283 29°E, parallèlement à la chaîne du Mitschikéli, dontils baignent la base occiden- tale. Leur altitude au-dessus de la mer est de 1,600 pieds; celle du Mitschikéli parvient à 3,000 pieds. Des montagnes moins élevées complètent l'enceinte du bassin ; à l’O., une arête parallèle au Mitschikéli, et dont la hauteur varie de 2,000 à 2,500 pieds, envoie des contreforts qui tantôt s'étendent jusqu'aux bords des lacs, tantôt se terminent à quelque distance. Par-dessus cet écran, on aper- çoit vers le S. une haute montagne calcaire, dénudée, de forme triangulaire, escarpée de toutes parts et formant un massif isolé qui domine les contrées en- vironnantes ; par-dessus l'extrémité méridionale du Mitschikéli, on découvre une partie du Kakardista qui s’élève à 6,000 pieds et borde la vallée de l'Arta.

Un sentier en pente douce conduit du col au fond du bassin. En côtoyant les bords du lac pour se rendre à Noutza-Han, on voit sortir à la base du Mitschikéli quelques unes des sources qui alimentent la nappe d’eau. L'auberge se trouve en face du pont ou chaussée à plusieurs arches , qui réunissait autrefois les deux rives du canal naturel servant de communication entre les lacs de Labschistas et de Tanina. De petites barques en très mauvais état transportent aujourd'hui les voyageurs et leurs chevaux sur la rive orientale. On prend ensuite, jusqu'à Janina , une route tracée dans la plaine et à une distance plus ou moins rappro- chée du lac.

La ville de [anina, bâtie en amphithéâtre sur la pente d’une colline calcaire, s'étend jusqu'au pied de la forteresse, dont les murs sont baignés en partie par les eaux du lac. Les pierres emplovées dans les constructions constituent un calcaire très compacte, blanchâtre, renfermant des Nummulites et des coquilles bivalves et parsemé de filets de chaux carbonatée. Dans la petite île qui s'élève en face de lanina, on voit ce calcaire reposer en stratification concordante sur un grès à ciment argileux , composé en grande partie de fragments de roches feld- spathiques, et montrant une tendance à se diviser en dalles.

Nous avons fait dans la vallée du Dipotami une excursion dont nous allons rendre compte.

Distance entre Tanina'et le han Kira : Han, 1/4 d'heure; village et han de Kat- schika, 1/2 h.; Moulin souterrain, 1/4 d'h. ; Baldoun-Han, au pied de la montée, 1 b.; col, { h.; Kira-Han, 1 h. ; gué du Dipotami, 1/4 d'h. Total, 4 h. 1/4.

La route suit, jusqu'à Baldoun-Han, les bords du lac, autant que les maré- cages permettent de s’en approcher. Au-delà du village de Katschika, elle con- tourne l'extrémité méridionale de la nappe d’eau, et passe sur une chaussée en pierre qui aboutit au pied des escarpements calcaires de Hella. C’est dans cet intervalle que se trouvent les principales fissures qui livrent une issue souterraine aux eaux du lac de Tanina (voir la description de ce katavothron et du moulin souter- rain, donnée par M. Boué, T. E., page 55). L’écoulement le plus connu du lac de Labschistas existe dans un ravin qui débouche dans le Kalamas, sur la route de lanina à Philatès. Le pourtour des lacs est revêtu de distance en distance,

284 JOURNAL D'UN VOYAGE (N.6, p.78.)

comme toutes fes cavités à katavothron, d'un limon argilo-marneux , coloré en rouge par le peroxide de fer.

Les escarpements caicaires de Hella forment un cap avancé et constituent l’ex- trémité septentrionale d’une basse arête dirigée du N. au S. Après avoir con- tourné leur base, baignée par le lac, on s’avance en plaine jusqu'à Baldoun-Han. Au-delà de l’auberge,commence la montée vers le col tortueux qui se trouve, à 2,774 pieds,entre le mont Mitschikéli et le mont Driskos, et qui conduit à la nais- sance d’une vallée encaissée. Ce profond ravin débouche près du Han-Kira, dans la vallée du Dipotami, à peu de distance de l'endroit ce torrent, dont les sources se trouvent à Metzovo, conflue avec le torrent qui reçoit les eaux du revers oriental du Mitschikéli. La réunion de ces cours d’eau prend le nom de rivière d’Arla.

Du Han-Kira , on aperçoit l'entrée de la vallée qui conduit à Metzovo, et le Dipotami, dont le lit se trouve à une altitude de 1,300 pieds. La vallée est bor- dée au N. par des montagnes de 2,500 pieds. et au S. par le Kakardista, dont le sommet s'élève à 6,000 pieds. Cette dernière montagne décrit une courbure en face du han-Kira, et domine l'extrémité supérieure de la fracture N.-S. au fond de laquelle l’Arta s'écoule.

Ici se termine la description de nos excursions en Turquie. Atteint d’une mala- die grave , nous fùmes forcé de retourner à Janina et de laisser notre savant com- pagnon de voyage, M. Boué, continuer seul ses explorations (1). En quittant la capitale de l’Epire pour nous rendre à Corfou par Philatès et Sayadès , nous étions réduit à un état de faiblesse qui ne nous permit pas de prendre des notes suivies. Nous nous contenterons de faire observer que le terrain crétacé à Nummulites paraît se prolonger jusqu’à la mer et constituer les montagnes calcaires qui en- caissent la profonde vallée du Kalamas. Aux environs de Philatès existent des bancs épais de conglomérat grossier à fragments calcaires , appartenant, suivant toutes probabilités , au terrain tertiaire, et dont les couches inclinées suivent la même direction que le terrain crétacé. Des faits analogues se présentent dans les îles Ioniennes , notamment dans l’île de Zante, nous avons eu l’occasion de les observer avec M. de Montalembert. L’excellent mémoire de M. H. E. Strick- land, inséré dans les Transactions de la Société géologique de Londres (t. V, pages 403 et suivantes), nous dispense d'entrer dans des détails à cet égard. Il nous paraît démontré que, dans ces contrées, le terrain tertiaire s’est déposé sur la formation secondaire déjà redressée par une dislocation N.-N.-0., et que plus tard il a pris part à un mouvement du sol, dirigé dans le même sens que le premier.

Il nous reste à signaler la présence, dans la vallée du Kalamas, d’un dépôt

(4) M. le docteur Clérici, de Milan , vice-consul de Grèce, et agent consulaire de France, eut la bonté de nous donner l’hospitalité. Nous devons le retour à la vie à ses soins éclairés et aux attentions délicates dont nous avons été entouré par tous les membres de sa famille.

(N:6, p.79.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 285 argilo-marneux coloré en rouge par le peroxide de fer. Nous l'avons observé dans l’espèce de bassin se réunissent les sources supérieures du Kalamas fournies par les districts de Pogonia et de Zagori, le Velchis, regardé comme servant d'écoulement souterrain au lac de Labschistas, et le Térino (ne serait-ce pas une corruption de Tzerno?), dont la rive orientale est dominée par les hau- teurs qui bordent à l'O. le lac de anina. L’élévation à laquelle ce dépôt parvient sur la pente des montagnes semble indiquer l'existence, en cet endroit, d’une ancienne nappe d’eau qui s’écoulait par des Katavothrons, avant la destruction de sa digue occidentale.

Résumé du paragraphe précédent.

Tous les accidents du sol compris entre Klisoura et lanina sont formés par le terrain crétacé à Nummulites. Ce terrain, fortement disloqué, conserve dans cet espace les caractères qu’il présente dans la moyenne Albanie; il se compose de calcaire ordinairement très compacte, de calcaire marneux, de marnes et de grès. Les couches, généralement redressées suivant les lignes N.-$.etN. 22° 0. au S. 22° E., ou N.15° 0. et N. 37° O. (Rec.), offrent quelquefois la direction N. 22 à 45° E., ou N. 7 à 30° E. (Rec.). La chaine du Némertska, hérissée de pics de 4 à 5,000 pieds, entre Prémiti et Séran, s’abaisse à 2,000 pieds auprès d’Ostanitza. Les deux pitons calcaires de 4,800 à 5,000 pieds qui dominent Konitza sont séparés de l'axe de la chaîne géographique par une profonde fracture N.-S.; l’un d’eux se relie au Pinde par un contre- fort dirigé N. 60° 0. ; l’autre, au prolongement de la chaîne du Némertschka, qui s'étend ainsi jusqu’au mont Zigos, situé au - dessus de Metzovo. De cette dernière localité au défilé de Klisoura, la crête présente une longueur de 25 à 30 lieues et une direction générale du N.-0. au S.-E. ou N. 60° O. (Rect.). Parmi les directions que présentent les couches, on retrouve la ligne N. 37° O. dans la chaîne du Mitschikéli et la cavité de Tanina; la ligne N. 15° O., dans la fracture qui sépare les pics de Konitza de la chaîne du Némertschka, dans le vallon de Sahli-Pacha, dans plusieurs vallées ou ravins au S. d'Ostanitza, et dans la profonde vallée de l’Arta; puis la ligne N.-E. dans le défilé de Klisoura. Enfin le grand système de fractures voisin de la ligne E.-0., que nous avons signalé dans le paragraphe précédent, a façonné les contreforts du Pinde qui viennent border la rive droite du Konitza, au S. de la chaîne du Némertschka. Sa direction N. 75 à 83° O. coïncide avec celle du système du Rilo et l'Hœmus ( voir chap. F, $ 1); mais il est très probable qu’elle résulte ici de la combinaison de deux sou- lèvements différents, comme nous l’exposerons à la fin de notre mémoire (voir VEssai sur la configuration du sol).

Entre lanina et la mer, le terrain crétacé présente particulièrement ces traces de dislocations N.-0., N.-N.-0. et N. Des fractures rapprochées des lignes

SOC. GÉOL. SÉRIE. T, I. Mém, n. 6. 37

286 JOURNAL D'UN VOYAGE (N. 6, p. 80.) N.-E. et E.-0. donnent issue aux eaux qui coulent dans les vallées longitudi- nales et parallèles aux systèmes précédents.

Nous n’avons rencontré le terrain tertiaire qu'en approchant des rivages de la mer. Nous y rapportons des couches de conglomérat à fragments calcaires, ob- servées dans les environs de Philatès, et dirigées N.-N-0 , comme celles du même âge qui existent dans l’île de Zante. Le redressement du terra tertiaire suivant une direction déjà empreinte dans les couches du terrain crétacé in- dique que le sol de la contrée a subi deux dislocations semblables, à deux époques différentes.

Un conglomérat de l’époque alluviale encroûte en plusieurs endroits les pa- rois de la vallée du Konitza. Lors de son dépôt, le défilé de Klisoura existait déjà, mais il n’était pas creusé à sa profondeur actuelle. Les eaux retenues au fond de la cavité formaient un lac qui s’étendait jusque dans la vallée du Des- nitza. L’amoncellement des blocs et des cailloux roulés surajoutés aux conglo- mérais, entre Séran et Prémiti, paraît être postérieur à l'écoulement du lac, qui a été occasionné par des commotions récentes. Les pics élevés qui dominent la vallée en amont du défilé E.-0. de Badilion ont fourni la quantité prodigieuse de débris accumulés à leurs pieds. Le transport de ces matériaux a s’effectuer à plusieurs reprises pendant l’époque actuelle, former un barrage et produire des inondations dans la partie supérieure de la vallée. Des alluvions tourbeuses existent sur le plateau du Tschifflik-Alizot. Enfin on trouve sur les bords du lac de lanina et dans la vallée du Kalamas un dépôt argilo-marneux rougeûtre ana- logue au terrain des cavernes à ossements. Sa présence dans la dernière localité indique l'existence, à une époque récente, d’unsecond lac dirigé parallèlement à celui de Janina, dont il était séparé par les hauteurs qui s'étendent au S.-S.-E. et au N.-N.-0. de Velchistas.

En résumé, le terrain crétacé à Nummulites règne sans interruption dans la contrée que nous venons de décrire, et présente les traces de dislocations N. 75° à 83° O., N. 60° O., N. 37° 0., N. 15 à 22% 0, N. et N. 30 à 45° E. Le redressement du terrain tertiaire donne la preuve du retour d’un soulèvement N.-N.-0. C’est probablement cette dernière commotion qui a creusé le lac de lanina et celui de Velchistas, dont l'écoulement paraît remonter à une époque très récente.

ROCHES D'ORIGINE IGNÉE. Nous n'avons à signaler la présence d'aucune roche éruptive, si ce n'est celle de la serpentine, dont quelques fragments existent en cailloux roulés, dans la vallée du Konitza, entre Séran et Badilion.

(N. 6, p. 81.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 287 $ IV. Bésumé général.

La première partie de notre journal (voir J., page 115) se termine par le résumé de nos observations relatives à la Servie, à la Bosnie et à l’Albanie supérieure. Il ne nous reste plus qu’à considérer l’ensemble des faits consignés dans Les deux chapitres précédents, qui forment la seconde et dernière partie de nos voyages

en Turquie. Terrains stratifés.

SCHISTES CRISTALLINS ET TERRAIN DE TRANSITION. Nous avons rapporté au terrain de transition des couches, souvent très puissantes, de calcaire grenu , de dolomie saccharoïde, de grès et de schiste argileux, dans lesquels nous n’avons pas pu découvrir la moindre apparence de corps organisés. Ces roches alternent avec des talcschistes , et passent insensiblement aux schistes cristallins. Souvent le gneiss le mieux caractérisé renferme des couches subordonnées de calcaire, de dolomie et de quarzite. La présence de ces substances minérales, qui , d’après les opinions généralement admises aujourd’hui, sont considérées comme le résultat d’un dépôt neptunien, permet de concevoir que le gneiss de la Macé- doine doit ses caractères cristallins à l’action du métamorphisme.

Nous laissons à de futurs observateurs le soin d'établir des subdivisions qu'il nous paraît possible de déterminer, en prenant pour base la discordance de stra- tification et la direction des couches, quoique très variable, d’une localité à l’autre et souvent dans un même groupe de montagnes. La rapidité de nos excursions ne nous à pas permis d'aborder une question aussi difficile. Tout en reconnais- sant l'insuffisance d’une classification géologique reposant uniquement sur des caractères minéralogiques, nous divisons en deux groupes les roches que nous ve- nons d’énumérer; nous rapportons les unes aux schistes cristallins, les autres au terrain de transition.

Ces deux formations constituent le tiers de la surface de la contrée comprise dans les limites de la carte qui accompagne notre mémoire. Ils forment, à l'E. du Strymon , les chaînes élevées du Rilo et du Périn; à l'O. les montagnes du Kour- betska, du Dovanitza et du Platschkovatska. De ils se prolongent sans inter- ruption vers leS. jusqu’à Salonik, et composent le sol découpé de la Chalcidique. A l'O. du Vardar, ces terrains comprennent le revers macédonien du Schar, et les chaînes placées au S. d'Uskiup, qui renferment le cours du Tzerna. Leurs limites septentrionales et orientales se trouvent en dehors de la earte ; à l'O. etau _S. elles sont tracées par une ligne tortueuse qui, partant de l'extrémité méridio- nale du Schar, passerait par les montagnes situées à l'E du Drin noir et du lac d'Okrida, au N. du lac de Kastoria, au N.-N.-0. du lac d'Ostrovo, à l'E. du cours inférieur du Vardar et du golfe de Salonik. Un second massif, composé des

288 JOURNAL D'UN VOYAGE (N. 6. p- 82.) mêmes terrains et séparé du premier par les montagnes crétacées de Niausta, de Kara-Véria et de Schatista, et par le golfe de Salonik, constitue les chaînes de l'Olympe, du Pélion et de l'Ossa.

Les schistes cristallins du Rilo-Dagh et du Périn-Dagh se composent de gneiss qui alterne avec le leptynite et le diorite schistoïde ou amphibolite, et qui renferme rarement des couches de calcaire grenu et de quarzite. Dans les contreforts du mont Dovanitza, entre Ghioustendil et Karatova, le gneiss se trouve associé au micaschiste et surtout au talcschiste. TI ne passe au diorite schistoïde qu’au voisinage du granite. Les montagnes qui accompagnent à l'E. et à l'O. le cours du Tzerna, dans la vallée de Monastir, sont formées de gneiss , de micaschiste, de taleschiste et de chlorite schistoïde. Des passages curieux du talcschiste avec cristaux d’acti- note à la protogyne schistoïde amphibolifère ( gneiss talqueux à cristaux d’actinote) s’observent à l'O. de Florina et près de Vlako-Klisoura. La dolomie du col de Pléfar, intercalée dans les schistes cristallins, se lie à ces derniers par une roche composée de feuillets alternatifs de dolomic et de gneiss ou de mica.

Les couches suivent généralement la direction N. 30 à 37° O. dans le Rilo- Dagh, celle du N. 83° O. dans les contreforts du Dovanitza , situés entre Ghious- tendil et Karatova , et celle du N. 15° O. dans les montagnes qui bordent à l'E. et à l'O. la vallée de Monastir.

Le terrain de transition se compose , dans la vallée du Raetz, de calcaire ordi- nairement compacte et renfermant des couches subordonnées de schiste argileux et de dolomie. Il paraît s’adosser aux schistes cristallins qui constituent le col de Pléfar. Ce terrain s’étend vers le N. dans les chaînes du Babouna, du Karschiaka et du Schar, dont nous avons donné la description ailleurs (voir J., pages 92 et 100). Il forme les escarpements calcaires du Kara-Dagh, au N.-0. de Komanova. Son prolongement méridional se trouve dans les sommités calcaires ou dolomitiques qui bordent le cours inférieur du Tzerna, depuis la vallée du Raetz jusqu'au mont Nidjé, placé au N.-0. du lac d’Ostrovo. Dans cette dernière localité, le cal- caire grenu alterne avec le talcschiste. Le sol de la Chalcidique, formé de terrain de transition , se compose de taleschiste , de schiste argileux, de conglomérats et de calcaire grenu Ce même terrain existe encore dans les îles de Tassos et de Samothrace.

Les couches suivent généralement la direction N. 30 à 37° O. dans le Schar et dans la vallée du Raetz , et celle du N. 7 à 30° E. dans la Chalcidique.

TERRAIN CRÉTACÉ. Cette formation couvre plus de la moitié de la surface du sol figurée sur la carte, et constitue la totalité de la contrée occidentale comprise entre la mer Adriatique et le groupe des terrains dont nous venons de présenter les traits généraux. Elle pénètre sur un seul point au milieu du sol ancien, qu’elle partage en deux massifs, comme nous l’avons déjà fait observer. Par conséquent le terrain crétacé comprend l’Albanie supérieure et moyenne, l'Épire , la Thes- salie occidentale et la partie de la Macédoine limitée d’un côté par l'extrémité

(N. 6, p: 85.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 289 septentrionale de la chaîne de l'Olympe , et de l’autre par les montagnes de Kas- toria, du Nidjé et du lanitza. Au N. de Doubnitza et de Ghioustendil , il existe un petit massif du même terrain, qui se trouve séparé du précédent par toute la lar- geur des montagnes anciennes de la Haute-Moœsie. Enclavé au milieu des schistes cristallins , il se rattache vers le N. au grand dépôt crétacé de la Bulgarie.

Dans notre premier Mémoire, nous avons donné la description du calcaire à Hippurites de la Haute-Albanie, et nous avons essayé de démontrer qu'il passe vers le bas par des talcschistes au gneiïss talqueux ou protogyne schistoïde , tandis que les couches supérieures passent quelquefois à la dolomie. En Macédoine, les calcaires formant le prolongement du terrain à Hippurites du Pinde sont com- pactes ou subgrenus, quelquefois dolomitiques, et renferment des couches subor- données de schistes argileux rougeâtres , de conglomérat siliceux et d'argile cal- carifère noirâtre. Ils se lient à la protogyne schistoïde amphibolifère par des couches alternatives de taleschiste , de schiste argileux et de grès à ciment argileux. Leur liaison avec des roches présentant les caractères des schistes cristallins , jette de l'incertitude sur les limites des deux terrains. Le calcaire à Rudistes que nous avons observé en Albanie , dans les montagnes situées à l’E. du lac de Skoutari , borde la vallée de l'Hismo, et se prolonge vers le S.-S.-E. jusque dans le Pinde.

À l'O. de cette large bande, le terrain crétacé, caractérisé par les Nummulites, constitue une partie de l’Albanie moyenne et de l’Épire. Il se compose d’une série très puissante de bancs calcaires renfermant des couches subordonnées de calcaire friable, de marnes et de grès. Le calcaire est généralement très compacte, quelquefois siliceux et parsemé de filets de chaux carbonatée. Au pied méridional du Gabar-Balkan , un calcaire argileux à Nummulites , intercalé dans des argiles marneuses, repose en stratificationdiscordante sur le calcaire à Rudistes. D’après cette observation , nous considérons le premier comme formant, sur les bords de la mer Adriatique, un étage plus récent que le second. Cependant nous faisons ob- server que des Nummulites se trouvent quelquefois associées aux Hippurites dans la Servie, l’Albanie supérieure et le Pinde. Ainsi, ce genre de fossiles se trouve à diverses hauteurs de la formation.

Les couches du terrain crétacé à Rudistes suivent généralement la direction N. 37° O. dans les environs de Kastoria, et N. 83° O. dans le mont Kognavo au N.-E. de Ghioustendil ; les couches du terrain crétacé à Nummulites suivent la direction N. 15 à 25° O. dans l'Épire et les îles loniennes.

TERRAIN TERTIAIRE. Nous ne connaissons dans cette partie de la Turquie que l'étage moyen et l'étage supérieur.

Étage moyen. M constitue des bassins isolés dans plusieurs dépressions du sol, et se compose généralement de grès tendre micacé ou molasse, de sable, de cal- caire, de marnes et d’argiles. Ordinairement , sa partie inférieure est un pou- dingue formé de débris des roches sous-jacentes.

Ce terrain se montre aux environs de Ghioustendil, au fond de la vallée du

290 JOURNAL D'UN VOYAGE CN.6, p.84.) Strymon , s'élève à 2,900 pieds sur le sommet crétacé du mont Kognavo, et repose à 3,000 pieds sur le trachyte du col du Dvé-Laberdan. Le bassin de Doubnitza se trouvait en communication avec le précédent, dont il était séparé par une arête basse et démantelée, mais suffisante pour déterminer, à la base de la formation, le dépôt de sédiments arénacés dans la première cavité, et le dépôt argilo-cal- caire ou marneux dans la seconde.

Le plus grand bassin tertiaire de la Macédoine est bordé de tous les côtés par les montagnes qui dominent Uskiub, Keuprili, Kafadartzi, Istib, Vignitza et Koma- nova. Dans les environs de cette dernière ville, les marnes et le calcaire renfer- ment des coquilles d’eau douce; près d’Istib, le calcaire est pisolitique; à Pépé- lischta, sur le Vardar, il passe à une argile calcarifère noirâtre , contenant des traces charbonneuses de plantes qui paraissent avoir vécu dans des marécages. Tous ces caractères semblent annoncer que le sol de la plaine de Mousta- pha est le produit d’un dépôt lacustre : cependant au col de Vouk-Han, entre Kavakli et Karatova , à l’altitude de 2,600 pieds, on trouve sur la molasse une roche fragmentaire pétrie de fossiles marins. L'existence de ce petit lambeau prouve que la mer tertiaire est venue baigner les flancs du mont Voukiftza, etson isolement actuel peut donner une idée des dénudations considérables que le terrain de cette époque a subir. Le point le plus rapproché M. Boué a dé- couvert des coquilles marines se trouve dans les environs de Grlo et de Sophie. Dans cette localité, les couches sont bouleversées par des trachytes à cristaux de péridot ( porphyre pyroxénique de M. Boué) , tandis qu’à Vouk-Han et au col du Dvê-Laberdan , les couches inférieures de la molasse se composent en partie de débris du trachyte amphibolifère, remaniés par les eaux. Il nous paraît donc dé- montré que le lambeau marin de Vouk-Han forme une dépendance du bassin de la Thrace , avec lequel il communiquait avant que le Dvé-Laberdan et lemont Kognavo fussent portés à leur hauteur actuelle. L'absence de tout dépôt marin au N., à l'E. et au S. de Karatova vient à l'appui de notre opinion. Sur le cours inférieur du Vardar, nous n’avons observé que des terrains d’alluvion ; sur plu- sieurs points de la vallée du Strymon, de Djoumaa jusqu'à la mer, et dans la vallée de l’Indjé-Kara-Sou , M. Boué signale de la molasse et de l'argile mar- neuse, qu'il considère comme des dépôts d’eau douce.

Le terrain tertiaire de l’Albanie fait partie du vaste bassin de l’Adriatique. On en trouve des lambeaux dans les îles Ioniennes et aux environs de Philatès. Il pénètre dans les vallées de l’'Hismo et du Koutscha, et constitue les collines qui séparent le cours inférieur du Skoumi et du Dévol. A l'époque de son dépôt. la mer baignait les rivages d’une île crétacée qui se trouvait séparée du continent par un détroit d’un quart de lieue de large , situé à l’endroit existe aujour- d’hui le col du Gabar-Balkan. Dans cette localité, le terrain tertiaire , fortement redressé, parvient à l'altitude de 1,900 pieds et renfermedes fossiles caracté- ristiques de l’étage moyen.

(N. 6, p. 85.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 291 Les couches se présentent souvent dans une position horizontale , et plus rare- ment dans une position inclinée. Elles suivent, en Mœsie , des directions très variables ; en Macédoine, elles courent souvent N. 15° 0.,N.25°0., et N, 45° O. ; en Albanie, elles se dirigent généralement N. 15 à 25° O.

Étage supérieur. Il est représenté par quelques dépôts lacustres qu’il n’est pas toujours facile de distinguer des précédents, par suite de l'absence ou de la rareté des fossiles. Nous rapportons à cet étage les conglomérats formant des rochers de cent pieds de hauteur à l'entrée de la vallée du Rilska-Riéka , ceux du petit bas- sin d'Egri-Palanka et certaines couches composées de marne , d'argile et de sable occupant la surface de quelques dépressions.

Une partie des travertins dont nous allons parler s’est formée avant la fin de la période tertiaire ; l’autre partie appartient à l’époque alluviale.

TRAvERTIN. Cette roche, formée par des sources thermales aujourd’hui taries, se montre dans le voisinage des éruptions trachytiques. M. Boué signale du tra- vertin avec coquilles fluviatiles dans le bassin de Radomir. Nous en avons observé des masses considérables en Macédoine. A l'O. et à l'E. d’Uskiup, elles reposent au pied des montagnes sur le terrain tertiaire, et sont recouvertes, à la base du Kara-Dagh, par l’alluvion ancienne. Au S. du lac de Télovo , elles reposent sur le terrain crétacé, encroûtent le lit de la rivière qui arrose Vodéna, et forment, au-dessus et au-dessous de cette ville, les escarpements d’où les eaux se précipi- tent en cascade. Entre Ténidjé et le Vardar , le travertin, associé à des conglomé- rats et du calcaire d’eau douce, constitue de basses collines , notamment celle de l'antique Pella. Il présente, dans les environs de Vodéna , toutes les variétés de texture qui lui sont particulières. Nous n'avons rencontréaucune trace de travertin en Albanie, les éruptions trachytiques n’ent pu parvenir à se frayer un passage.

ALLUvIONS. Les alluvions anciennes existent dans presque tous les bassins ter- tiaires. Dans la Mæsie supérieure , elles forment à la base du Rilo-Dagh un pla- teau raviné qui présente du côté de la plaine de Doubnitza un talus très rapide de 200 ou 300 pieds de hauteur, et qui se compose d'argile sableuse renfermant des fragments de gneiss, de granite, de syénite, de quarz, de quarzite, etc. D'après M. Boué, des lambeaux du même terrain encroûtent la pente de la montagne qui sépare les vallées de Radomir et de Doubnitza, et des blocs de quarzite et de granite jonchent son sommet. Nous avons trouvé des débris de même nature sur le plateau tertiaire qui s’élève entre les bassins de Doubnitza et de Ghioustendil : ainsi les alluvions du Rilo-Dagh ont nivelé autrefois le fond de la cavité de Doubnitza.

En Macédoine, la base du Kara-Dagh supporte une corniche formée de marne grise et d'argile rougeâtre contenant des fragments de quarz, de schiste argileux, de micaschiste, etc. Ce dépôt, dont la puissance peut avoir 150 pieds, recouvre le travertin et le terrain tertiaire de la plaine. Un conglomérat de l’époque alluviale, composé de fragments calcaires, existe dans la vallée du Raetz, au-dessus du terrain

299 JOURNAL D'UN VOYAGE CN: 6, p:86:) tertiaire, à la hauteur de 2,500 pieds, et se montre au même niveau sur le revers opposé du col de Pléfar. Le pourtour du lac d’Ostrovo se trouve aussi encroûté d’un conglomérat calcaire dont les restes démantelés subsistent à l'altitude de 1,900 pieds sur les flancs du Nidjé et forment le contrefort de Vladova. Dans la même cavité, des sédiments moins grossiers se rattachant presque sans interruption aux précédents, constituent, entre Konouïé et Kaïlari, une colline qui s'élève de 100 pieds au-dessus de la plaine, dont la hauteur absolue est de 1,600 pieds. A l’époque ces roches se déposaient, les eaux de Kaïlari et d'Ostrovo se déver- saient dans le lac de Télovo par-dessus la colline de Vladova, qui sépare aujour- d’hui complétement les deux bassins.

En Albanie, des conglomérats à fragments calcaires se sont formés sur les bords du lac de Skoutari, dans les vallées de l’Hismo , du Desnitza , du Konitza, etc.

Les alluvions modernes accompagnent la plupart des cours d’eau. Elles forment notamment le sol marécageux de la grande vallée de Monastir et de la vaste plaine qui entoure le lac de lénidjé. Les sables du rivage , refoulés chaque jour par les flots au fond du golfe de Salonik, contribuent à augmenter l'étendue de la plaine aride qui règne entre cette ville et le Vardar, et dont la surface, élevée de quelques pieds au-dessus de la mer , se recouvre, en été, d’efflorescences salines.

Conczusioxs. La position relative du petit nombre de terrains que nous venons d'énumérer conduit à reconnaître que les eaux de la mer ont, à plusieurs reprises , abandonné et recouvert certaines parties de la contrée comprise dans les limites de la carte.

L'absence des terrains secondaires, inférieurs à la formation crétacée , dé- montre.que le sol ancien de la Haute-Mœsie et de la Macédoine est resté émergé pendant que ces terrains se déposaent en Europe.

2 Le sol ancien s’est affaissé d’une quantité suffisante pour former les rivages de la mer crétacée.

Un exhaussement général de la contrée mit fin au dépôt de la formation secondaire, et souleva hors des flots le sol de l’Albanie et de la Bulgarie.

4 À l’époque du dépôt tertiaire moyen, un nouvel affaissement a immergé la partie occidentale de l’Albanie, dont les limites avaient une étendue beaucoup plus considérable que de nos jours. Ce cataclysme permit à la mer Adriatique tertiaire de pénétrer dans plusieurs vallées de l’Albanie actuelle, tandis que la mer de Thrace s’étendait jusqu'aux environs de Sophie et de Karatova.

5 Avant le dépôt de l'étage tertiaire supérieur, les eaux marines abandon- nèrent pour toujours le sol de l’Albanie, de la Macédoine et de la Haute-Mœæsie.

Roches d’origine ignée.

GraniTe. Le granite à gros grains forme deux énormes protubérances, l’une à l'O. de Ghioustendil, entre cette ville et le col du Dvé-Laberdan, l'autre dans la

(N.6, p. 87.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 293

vallée du Rilska-Riéka, entre Doubnitza et le monastère Rilo. Elles sont recou- vertes de gneiss passant au diorite schistoïde (amphibolite). Dans leur voisinage ue observe de nombreux filons de granite à petits grains, de pegmatite commune, de pé- trosilex et d’hyalomicte. Tantôt ces diverses roches granitoïdes coupent les couches, tantôt elles sont injectées dans le sens de la stratification. La pegmatite commune se trouve aux environs du monastère Rilo, en contact avec une couche de calcaire grenu, s’y introduit en filons et y développe une grande variété de substances cristallisées. Le granite de quelques sommités de la chaîne passe à la syénite.

M. Boué signale des dômes de granite dans le Périn-Dagh, dans le mont Kreschna , et dans l’espace intermédiaire entre Gumentsché et Schaftscha. Cette roche existe en filon-couche dans le gneiss, au château de Marko Kraliévitsch, près de Perlépé.

Sxémre. Elle forme une crête peu élevée à l'E. de Doubnitza, et se montre as- sociée au granite du Rilo-Dagh et des environs de Ghioustendil. Elle est recou- verte près d'Istib par le terrain tertiaire. rh

Diorire. Dans notre premier Mémoire nous avons décrit plusieurs localités le diorite massif paraît être, malgré la différence de ses caractères minéralo- giques , un produit des mêmes éruptions qui ont amené au jour la serpentine et l'euphotide avec lesquelles il se trouve associé. Nous n'avons aucun fait analogue à citer dans cette seconde partie de notre journal. Nous n’avons observé de diorite qu'au village de Rilo et dans la vallée du Strymon, entre le pont de Schétirtza et le han de Kosnitza. Il semble constituer, en Mæœsie, une variété de la syénite qui passe elle-même au granite. Ces trois roches sont comprises dans l'épaisseur d'une bande dirigée N. 83 O.

Prorocyxe. Un massif de protogyne dirigé N. 45° E. s'étend sur une longueur de 4 à 5 lieues depuis le défilé du Vlaka, situé au N. de Kastoria, jusqu’au fond de la vallée du Partzélista, dont elle suit la rive droite. Sa hauteur moyenne est de 2,500 à 3,000 pieds; elle se montre à la limite des schistes cris tallins et du terrain crétacé. La même roche paraît former en partie les sommités du Péristéri qui dominent la ville de Monastir, dépassent 7,600 pieds de hauteur absolue et suivent une direction voisine du N.-E.

SERPENTINE ET EUPHOTIDE. Les roches diallagiques, si abondantes en Servie, en Mœæsie et sur les bords du Drin en Albanie, deviennent assez rares au S. de ces contrées. Le torrent du Vlaka pénètre dans le bassin de Kastoria par un défilé bordé d’un côté par la protogyne, de l’autre par la serpentine. Cette dernière roche se prolonge vers le S. et disloque le calcaire crétacé qui forme la rive occi- dentale du lac de Kastoria.

La serpentine perce encore le taleschiste du lac d'Ostrovo. D'après MM. Pou- queville et Boué, elle se montre accompagnée d’euphotide dans le Pinde et sur plusieurs points de l’Epire.

Tracuyres. Dans la Servie, la Bosnie et la Haute-MϾsie, les roches trachy-

SOC. GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. 6. 38

294 JOURNAL D'UN VOYAGE (N.6, p. 88.) tiques ne couvrent que des espaces très limités comparativement aux grandes étendues qu'elles occupent en Macédoine. Les divers foyers d’éruption de cette contrée peuvent se rapporter à deux bandes distinctes, placées, l’une au S. l'autre à l'E. de la plaine de Moustapha. La première, dirigée à peu près N.-N.-0., comprend les trachytes de la vallée du Karadjova, à l'E. de Vodéna, et ceux qui percent, au S. de Kafadartzi, à la base des montagnes dominant le cours infé- rieur du Tzerna. Si l’on cherche à connaître les points que toucherait le prolon- gement septentrional de cette bande, on voit qu'une ligne menée de Kafadartzi vers le N.-N.-0. suivrait le pied des escarpements qui bordent à l'O. la plaine de Moustapha, à l'E. celle de Kosovo, et passerait par la vallée de l'Ibar, en Servie, de nombreuses éruptions trachytiques se coordonnent suivant la même direction.

La seconde bande, beaucoup plus considérable que la première, renferme les centres volcaniques les plus importants de la contrée. Les groupes dont elle se compose sont arrivés à la surface du sol par de longues fissures qui se coupent sous des angles très différents; mais , en considérant la position relative de ces masses, on reconnaît qu elles sont disséminées dans un espace allongé du N. au S., dont le plus grand diamètre est de 30 lieues au moins, et le plus petit de 12 ou 13 lieues, dans sa plus grande largeur. Cette bande renferme les groupes suivants : le groupe de Vignitza, de Stratzin et de Tschatsch-han; 2 celui de Karatova; celui du Dvê-Laberdan ; # enfin les divers groupes observés par M. Boué dans le Schiroka-Planina. Ces derniers paraissent être sortis par des fentes N.-E.; les trois premiers sont disposés suivant une ligne N. 83° O., à la base des montagnes qui lient le Kara-Dagh et le Dovanitza ; ils s’élevent à la bau- teur de 2,800 à 3,100 pieds sur les deux versants de la chaîne, et attei- gnent à peu près son altitude moyenne. Le massif de Vignitza remonte vers le N. dans la vallée du Tsigna, y forme des crêtes dirigées N.-S., traverse les montagnes et se prolonge jusque dans la vallée de la Morava Bulgare; vers le S., il se lie au groupe de Karatova, dont les produits couvrent l’espace compris entre le mont Voukivtza et la vallée du Brégalnitza.

En dehors des groupes précédents, à l'E. et à l'O. de la bande, la péridohte { trachyte avec cristaux de péridot }, sortie par des fentes N. 25° O., constitue des protuhérances à sommets plats ou arrondis et quelquefois coniques. On la trouve accompagnée de scories à Nagoritch, situé à une lieue et demie O. de Vignitza. Partout ailleurs elle n'existe pas, d'après M. Boué, dans le voisinage du trachyte. Ce géologue, qui la désigne sous le nom de porphyre pyroxénique, en a observé des dépôts à Bresnik et sur la route de Grlo à Pirot ou Scharkoé.

Enfin une troisième bande d’éruptions trachytiques, dirigée N. quelques degrés E. , comprend les groupes de Samothrace et d’Imbro, ceux de la vallée de la Maritza et ceux du bassin tertiaire dela Thrace.

Le terrain volcanique se compose de porphyre trachytique , de trachyte, de péri-

(N:6,, p: 89.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 295 dotite, de conglomérats et de trass. Les deux premières roches occupent géné- ralement la partie centrale et forment des coulées superposées que séparent ordinairement des bancs de trass ou de conglomérat. Ces deux derniers produits, stratifiés par les eaux, se trouvent plus fréquemment à la partie extérieure des groupes. Ils renferment quelquefois des alunites et du prophyre siliceux molaire (de certains auteurs). Les coulées qui se rattachent aux filons et aux dykes si fréquents au milieu de la formation se réunissent et se soudent pour ainsi dire à leurs extrémités. Les filons et les dykes se composent de porphyre tra- chytique micacé , caractérisé tantôt par des cristaux de quarz, tantôt par des cristaux d'amphibole. Quelques uns renferment de la galène argentifère, aux en- virons de Karatova. La péridotite est une variété de trachyte qui forme de nom- breuses coulées en Auvergne ( coulée à l'E. des bains du Mont-Dore, etc. ).

Les premières éruptions trachytiques de la Macédoine ont précédé le dépôt du terrain tertiaire moyen qui les recouvre sur plusieurs points, et dont il renferme les débris dans ses couches inférieures Elles se composent de porphyre trachytique amphbolifère ( porphyre syénitique de M. Boué). Des éruptions plus récentes ont redressé à Vignitza, suivant une ligne N.-0., les couches tertiaires qui ont con- tinué à se déposer à leur base. Enfin la péridotite ( porphyre pyroxénique de M. Boué) est venue à la surface du sol postérieurement au dépôt de la molasse qu’elle soulève et couvre de ses nappes et de ses scories.

Conczusion. Les rapports observés entre les roches d'origine ignée et les ter- rains siratifiés conduisent aux résultats suivants :

Le granite, 1a syénite et le diorite qui les accompagne ne redressent que les schistes cristallins.

La protogyne, la serpentine , l’euphotide, et le diorite associé aux deux der- nières roches, soulèvent les couches du terrain crétacé.

Le trachyte, dont les premières éruptions sont antérieures au terrain tertiaire Moyen, a continué à s'épancher après son dépôt.

$ v.

Essai sur la configuration du sol.

Les contrées que nous venons de décrire sont situées entre les 40° et 43° degrés de latitude et les 17€ et 21° degrés de longitude à l'E. du méridien de Paris. Dans un espace aussi resserré, les couches présentent un grand nombre de directions qui se coupent sous des angles différents. La même divergence, reproduite dans les chaînes de montagnes, démontre que le sol a. subi des dislocations à plusieurs époques successives.

Le relevé général des directions observées dans les couches des divers terrains met en évidence les systèmes de soulèvement qui ont produit le relief de la contrée. Pour éviter la répétition des détails contenus dans le cours de ce mé-

296 JOURNAL D'UN VOYAGE (N:6, p.90:) moire, nous résumons dans le tableau A toutes les directions, quelles que soient les parties de la contrée elles se rencontrent. Nous désignons par un asté- risque celles qui sont causées par de simples accidents de localité. Le tableau B, placé en regard du premier, renferme les mêmes directions rapportées aux prin- cipales divisions de la boussole. Nous l'avons construit conformément à la mé- thode adoptée par M. Elie de Beaumont. (Voir CADAVAHOR de la carte géologique de France, tome [°, page 464.)

A. TABLEAU COMPARATIF de toutes les directions obser- B. TABLEAU COMPARATIF des directions générales con-

vées dans les couches des divers terrains. tenues dans le tableau À , et rapportées aux prin- cipales divisions de la boussole.

SCHISTES ERISTALLINS RU TBBRAIN SCBISTES CRISTALLINS No TERRAIN ET TERRAIN TERRAIN CRÉTACÉ. ET TERRAIN TERRAIN CRÉTACÉ. DE TRANSITION. TERTIAIRE. DE TRANSITION. TERTIAIRE. XN. 90° O. N. 83° O N. 83° O. *N. 83° O. N. 83° O. N. 83° O. N. 60° O. *N. 60° O. N. 60° O. N. 459 O. N. 45° O. N. 370 O. N. 37° O. N. 37° 0. N. 35° O. N. 36° O. N. 37° O. N. 38° O N. 30° O N. 30° O. N. 25° O. N. 23° O. N. 23° O. N. 23° O. N. 15° O. MP 15° O. N. 15° O. N. 15° O, N. 45° O. N. 15° O. N. N. TE. U72E. N. 7°E, INR *N. 20° E. N. 30° E, N. 80° E. N. 300 E. N. 50° E N. 30° E. N. 30° E *XN. 40° E XN. 53° E, *N. 53° E N. 75° E. N. 75° E. N. 75° E

En comparant les divers résultats consignés dans le tableau B, on reconnaît dans le sol ancien les traces de sept dislocations, dont une partie seulement se trouve empreinte dans les terrains secondaire et tertiaire. On voit encore que les directions N. 37° O. et N. 15 à 23° 0., si profondément gravées dans la formation crétacée antérieurement aux dépôts tertiaires, se sont reproduites dans les cou- ches de ces derniers. Le retour des mêmes phénomènes provient sans doute de la persistance des foyers éruptifs des diverses époques à se maintenir dans certaines parties intérieures du sol. Les trachytes sont généralement arrivés au jour sur les points déjà fissurés par des commotions antérieures et accidentés par des injections de diverses roches. Nous avons déjà insisté sur ce fait dans notre premier mémoire.

Les données précédentes vont nous servir de guide pour classer les traits prin- cipaux de la contrée dont nous nous occupons parmi les systèmes de soulèvements reconnus en Morée par MM. Puillon-Boblaye et Virlet. (Voir Expédition scienti- fique de Morée, tome Il, deuxième partie.) La direction des systèmes ne coupe

CN.6, p.91.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 297 pas précisément sous le même angle le méridien de la Grèce et celui de Monastir, placé à peu près au centre de notre carte ; mais les différences qui résultent de la forme sphérique du globe étant de moins d’un degré pour des points si rap- prochés, elles peuvent être négligées dans les recherches auxquelles nous allons nous livrer. En conséquence, nous citerons sans correction les chiffres donnés par les deux savants géologues.

SYSTÈME OLYMPIQUE (système "du Morvan). Ce système, regardé par MM. Boblaye et Virlet comme le plus ancien de la Morée, se dirige à peu près N. 44 à 45° O. Il correspond à celui du Morvan et du Bæœhmervald-Gebirge, qui, d’après les observations de M. Elie de Beaumont, a mis fin au dépôt du trias et a précédé le grès du lias.

La Chalcidique doit à ce système les trois péninsules qui découpent son extré- mité méridionale et l'alignement des monts Kortiatsch, Athos et Cholomonda. En Macédoine, sa trace , altérée par des soulèvements postérieurs, est dif- ficile à reconnaître. La direction N. 37° O., si fréquente en Albanie, affecte le terrain crétacé; elle est donc plus récente que le système olympique.

SYSTÈME PINDIQUE (système du mont Viso). En Morée, il se dirige N. 24 à 25° O. Parmi les systèmes de M. Elie de Beaumont , celui qui s’en rapproche le plus est le système du mont Viso, dont la direction ne fait avec le méridien de la Grèce qu'un angle de 14 à 15°. Malgré cette différence, MM. Boblaye et Virlet regardent l'époque du soulèvement comme contemporaine, et la fixent entre le dépôt de l'étage moyen crétacé et celui de la craie blanche.

Dans la Macédoine et l’Albanie , la direction N. 15° O. nous paraît être la ligne normale du système pindique, dont les directions N. 23° O. et N. 37° O. seraient des déviations produites par des circonstances locales. Les perturbations de ce genre ne sont pas sans exemple. M. Elie de Beaumont à démontré que, lorsqu'une dislocation vient rencontrer sous un angle aigu un système de rides plus ancien, elle dévie de sa direction normale et tend à se rapprocher de celle qui l'a précédée : ainsi les couches anthraxifères de la Belgique , plissées par le système du Haïnaut, suivent très souvent la direction du système du Hundsruck: Cette théorie explique d’une manière satisfaisante les faits que nous avons obser- vés. Nous admettons que le terrain crétacé s’est déposé dans un bassin accidenté par le système olympique, et que l'influence de ce dernier s’est fait ressentir à l’é- poque les couches secondaires ont été redressées par le soulèvement du Pinde.

Les chaînes crétacées qui bordent la vallée de l’Hismo et se prolongent, malgré le croisement à angle droit du Gabar-Balkan, jusqu'aux bords du Skoumi, présentent les deux directions N. 15° O. et N. 40° O. Le terrain tertiaire moyen, caractérisé par les fossiles marins qui lui sont particuliers en France et en Italie, la molasse et des couches à Mélanopside , ont pénétré dans l'intervalle qui sépare ces montagnes. L'époque du soulèvement des deux chaînes parallèles se trouve donc fixée entre le dépôt des couches inférieures et moyennes de la

298 JOURNAL D'UN VOYAGE CN. 6, p.92.) formation crayeuse et le dépôt du terrain tertiaire moyen. Nous attribuons à ce système une parte des sommités du Pinde entre Metzovo et le lac d'Ochrida, le mont Mitschikéli à l'E. de fanina, les chaînes du Spiragar et du Skrapari, la te du Tomoros , et les escarpements du Dévol au-dessus de Môlas.

En ele il a façonné les chaînes qui accompagnent le cours supérieur du Tzerna (Vardar-Sarigoul). Nous trouvons la preuve de son action dans la position du terrain tertiaire qui s’adosse aux escarpements des contreforts du Babouna entre Uskiup et Keuprili, et qui pénètre par la vallée du Raetz jusqu'au centre de la chaîne , sur le revers oriental du col de Pléfar. La chaîne du Périn- Dagh, dont la base est flanquée de molasse dans la vallée du Strymon (Karasou), doit encore sa direction au système pindique.

SYSTÈME ACHAÏQUE (système des Pyrénées). Il s’est produit entre la fin de la période secondaire et le commencement de la période tertiaire. En Morée, sa direction N. 59 à 60° O. diffère de 1 à 2 degrés de l’angle que le prolongement des Pyrénées fait avec le méridien de la Grèce.

Nous trouvons une direction semblable dans la chaîne du Némertschka entre Prémiti et Metzovo, dans le contrefort à l'E. de Konitza, dans le cours supérieur du Voïoutza et dans les monts Acrocérauniens. La chaîne de l’Opar et du Ko- pari et les rides parallèles qui encaissent le cours du Loum, du Desnitza, etc., conservent encore sur quelques points l'empreinte du système achaïque. Son allure normale se trouve en partie effacée par un système plus récent qui a donné à ces montagnes leur direction moyenne N. 80° O. Nous reviendrons sur cette particularité en parlant du système argolique.

SYSTÈME DU RiLO-DAGn ET DE L'Hoemus (particulier à la Turquie). MM. Boblaye et Virlet ont reconnu, en Morée, deux et peut-être trois systèmes de disloca- tion très voisins de la ligne E.-0. L'un des systèmes, malgré une légère diffé- rence avec la direetion E. N., leur paraît être le résultat du grand phénomène qui a soulevé la chaîne principale des Alpes ; par conséquent ces observateurs le placent entre la fin de la période tertiaire et les alluvions anciennes. Ils restent dans le doute s'ils doivent rapporter les deux autres directions à la même époque ou bien à une époque antérieure.

Dans la Turquie occidentale, les couches et les accidents du sol présentent deux systèmes de dislocation rapprochés de la ligne E.-0.; l'un, faisant avec l'O. un angle de N. (soit N. 83° O.), constitue le système que nous désignons sous le nom de système du Rilo; l’autre, faisant avec l'E. un angle de 15° N. (soit N. 75° E.), correspondrait au soulèvement de l'Erymanthe. Les dislocations N. 85° E. et E.-0., qui ont si puissamment contribué au relief de la contrée, ne paraissent pas avoir redressé les couches des terrains. Nous regardons la pre- mière comme représentant la direction normale du système de la chaine prinei- pale des Alpes, dont la seconde serait une déviation accidentelle.

Si nous manquons de données suffisantes pour ériger la ligne E.-0. en système

(N- 6, p. 95.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 2299 indépendant , il n’en est pas de même pour la ligne N. 83° O.; la vallée de Ghioustendil , les escarpements et le sommet crétacés du mont Kognavo présen- tent cette dernière direction, qui se trouve aussi dans les couches du terrain secondaire. La molasse tertiaire déposée dans la vallée encroùte les flancs de la montagne et recouvre de ses couches horizontales le plateau supérieur.

Ainsi l’âge du soulèvement N. 83° O., probablement plus récent que celui du système achaïque , se trouve fixé entre la fin de la période secondaire et le dépôt de l'étage tertiaire moyen.

‘Ce soulèvement à fait surgir la crête dentelée du Rilo-Dagh, le mont Kognavo; | les montagnes d'Egri-Palanka, dont les escarpements dominent, d’un côté la plaine de Moustapha, de l’autre la cavité de Ghioustendil, etc. Nous lui attribuons encore la chaîne de l'Hœmus, qui, d'après M. Boué, court O. quelques degrés N.

Les roches eruptives du système sont des trachytes amphibolifères dont les débris entrent dans la composition des couches de la molasse. Elles sont sorties par des fentes N. 83° O.: or, des roches granitiques semblablement alignées existent dans les schistes cristallins du voisinage. Notre système offre donc un nouvel exemple de 1a récurrence , à des époques très différentes, de dislocations analogues (1).

SYSTÈME DE LA CORSE ET DE LA SARDAIGNE. Les auteurs de l'expédition scienti- fique de la Morée admettent, dans ce pays, deux systèmes de dislocation très voisins de la ligne N.-$ .: l’un, appuyant de 4 à à l'E., correspondrait exacte- ment au système de la Corse et de la Sardaigne , que M. Elie de Beaumont place entre le premier et le second étage du terrain tertiaire ; l’autre, appuyant au con- traire de 4 à à l’O., serait d’une époque plus récente, et porte le nom de sys- tème du Ténare

Des faits analogues existent en Macédoine. Nous citerons seulement ici les accidents que nous rapportons au système de la Corse et de la Sardaigne.

Les vallées de Kaïlari et de Konouïé et les escarpements du Karêtéria, à l'E. du lac d'Ostrovo, suivent une direction N. E. ; une partie de la vallée du Drin Noir , le cours inférieur du Tzerna (Vardar-Sarigoul) et les chaînes qui accom- pagnent ces deux rivières se dirigent N. 10° E. L'absence du terrain tertiaire moyen , au fond des cavités que nous venons de citer, jette quelque incertitude sur l’époque elles ont été creusées. Cependant, si l’on considère que ce dépôt ne pénètre dans aucune des vallées supérieures de l’Albanie moyenne et de l'Epire, on est amené à conclure que les schistes cristallins et la formation cré- tacée constituaient, pendant la formation tertiaire, une île dont la surface a pu se trouver affectée par des dislocations trop peu profondes pour donner accès à la mer. Dans cette hypothèse ,'le système de la Corse et de la Sardaigne a

(1) Le système du Hainaut fait, à un degré près, avec le méridien de Monastir, le même angle que le système du Rilo-Dagb.

300 JOURNAL D'UN VOYAGE (N. 6, p-94-)

laissé son empreinte dans le relief du sol; la profondeur actuelle des: vallées de Kaïlari, du Tzerna et du Drin Noir est le résultat d’affaissements posté- rieurs.

Nous avons dit ailleurs qu’en Servie la sortie du porphyre pétro-siliceux quarzi- fère et de certains trachytes coïncide avec les soulèvements de cette époque (voir J., pages 50 et 126). Le trachyte forme seul en Macédoine la roche éruptive du système.

SYSTÈME DE L'ERYMANTHE (particulier à la Morée). Ce système, dirigé N. 68 à 70° E., paraît s'être produit en Morée, entre le premier et le second étage tertiaire, et par conséquent à peu près à la même époque que le précédent, dont la direction est complétement différente : ainsi le système de l’Erymanthe devrait son origine à un phénomène particulier et bien distinct.

En Macédoine, la direction N. 75° E., observée dans les couches des schistes cristallins et de la formation crétacée, ne se retrouve plus dans celles du terrain tertiaire. Elle paraît donc résulter du soulèvement de l'Erymanthe. Il est assez probable qu'avant le soulèvement des Alpes occidentales et celui des Alpes principales, ce système dessinait les limites septentrionales de la plaine de Moustapha etde Doubnitza.

La vallée du Raetz renferme du terrain tertiaire moyen, et présente une di- rection rapprochée du N.-E. Nous n’osons pas décider si elle doit son origine au système de l’Erymanthe ou bien à celui de la Côte-d'Or, dont MM. Boblaye et Virlet n’ont pas pu constater les effets en Morée.

SYSTÈME DARDANIQUE (système des Alpes occidentales). En Morée, ce système, di- rigé N. 40° E., diffère de 4 à 5 dégrés de l’angle sous lequel le système des Alpes occidentales coupe le méridien de la Grèce. Il a interrompu le dépôt de l'étage moyen tertiaire et a précédé celui de l'étage supérieur.

Sur les limites de l’Albanie , de la Mœsie supérieure et de la Macédoine, nous avons signalé plusieurs chaînes formées de roches anciennes, qui tantôt coïnci- dent avec cette direction , tantôt s'en écartent de 10 degrés. Parmi les terrains qui s’observent à leur base, la molasse a subi de nombreuses dislocations, tandis que les puissants dépôts de travertin , recouverts d’alluvions , n’ont éprouvé aucun dérangement. Ces considérations nous engagent à regarder les chaînes du Schar, du Karschiaka au S. de Kalkandélen, du Karadagh à l'E. d'Uskiup, et plusieurs autres chaînes parallèles de la Macédoine, comme formant les traits les plus remarquables de ce système. Nous croyons aussi pouvoir lui attribuer le soulève- ment de la crête granitique du Péristéri, à l'O. de Monastir, le contrefort protogini- que, au N. du lac de Kastoria, et les cimes, formées de calcaire et de micaschiste, du Nidjé, qui domine au N.-0. le lac d’Ostrovo. La direction N. 20° E. de cette dernière cavité paraît être une modification du système causée par le croisement du soulèvement de la Corse et de la Sardaigne, dont les caractères s’obser- vent sur la rive orientale dans les escarpemens du Karêtéria. En Albanie, les

(N.6,p. 93.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE. 301 accidents de cette époque sont : les vallées du Rzan et du Mrdar, le défilé de Klisoura , la valiée de Metzovo, etc.

SYSTÈME ARGOLIQUE (système des Alpes principales). Dans l’article consacré au soulèvement du Rilo- -Dagh , nous avons exposé qu’à l'exemple de MM. Boblaye et Virlet nous attribuons au système des Alpes principales les dislocations N. 85° E. et E.-0. qui ont mis fin à la période tertiaire.

Les résultats les plus évidents du système argolique s’observent , en Macédoine, aux environs de Salonik. Dans cette contrée, plusieurs chaînes parallèles se dirigent à peu près de l'E. à l'O. L’intervalle qui les sépare renferme les lacs de Béschik et de Langasa et la vallée de Galatzista. En étudiant sur la carte le prolongement de ces accidents. on est frappé de voir tous les lacs de la Macédoine, et même la grande vallée alluviale de Monastir, se coordonner dans une bande de 15 lieues de large, passant au S. du 41° degré de latitude. La plupart de -ces dépressions doivent évidemment leurs formes à des systèmes différents ; mais il nous paraît très probable que leur profondeur actuelle résulte en grande partie d’affaissements produits par le soulèvement argolique. Le petit lac &e Té- lovo et l’immense lac alluvial de Iénidjé présentent seuls un allongement de l'E. à l'O. Le dernier, dont les limites méridionales ont disparu, baïgnait au N. la base des escarpements qui terminent l'extrémité des chaînes des monts Tanitza, Paik ou Bora, et Karadjova. Si l’on prolonge à travers l'Albanie la bande dont nous parlons, on trouve dans sa largeur le Gabar-Balkan, plusieurs défilés au Dévol, notamment la gorge à l'O. de Môlas coupée dans la molasse tertiaire, et enfin les chaînes qui encaïssent le cours supérieur du Loumi et du Desnitza. La direction meyenne N. 80° O. de ces dernières rides parallèles paraît résulter de la combinaison des dislocations N. 60° ©. et N. 85° E.; en d’autres termes, le sys- tème.argolique, en ébranlant le sol d'une contrée déjà façonnée par le système achaïque, a produit une série de lignes de faîtes tortueuses et composées de parties différemment dirigées.

Si l’on porte le regard vers lorient, en dehors des limites de la carte, on trouve le prolongement des accidents que nous venons de décrire dans les dislo- cations qui ont dessiné les formes générales du rivage de la mer et séparé du continent les îles de Tassos et de Samothrace.

Nous attribuons encore au système argolique plusieurs traits importants du sol en Macédoine et le profond défilé du Drin, qui débouche à l'E. de Skoutari, en Albanie , et se trouve dominé au N et au S. par des montagnes élevées.

SysrÈuEe pu Ténare. En Morée, le système du Ténare fait avec le N. un angle de 4 à 5 degrés vers l'O. MM. Boblaye et Virlet le placent entre l'étage supérieur du terrain tertiaire et les alluvions anciennes; par conséquent, à peu près à la même époque que le soulèvement des Alpes principales.

Nous avons également observé des traces de dislocations très récentes que nous : rapportons au système du Ténare. Son action s’est fait ressentir dans une contrée

SOC. GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. 6. 39

302 JOURNAL D'UN VOYAGE (N.6, p. %.) déjà sillonnée par le soulèvement du Pinde et celui de la Corse et de la Sardaigne qui se rapprochent plus ou moins de la ligne N.-$ ; on doit donc s'attendre à voir le système du Ténare dévier fréquemment de sa direction normale.

Son empreinte se trou ve dans les couches du terrain tertiaire moyen. Il re- dresse les calcaires à fossiles marins du col du Gabar-Balkan, produit de nom- breuses dislocations dans la molasse de la plaine du Vardar, place dans une position presque verticale les calcaires et les grès du mont Serta, situé à l'O. d’Istib, et dérange les couches de la cavité de Ghioustendil et celles des petits bassins isolés que traverse aujourd’hui le cours du Strymon.

Les résultats les plus remarquables du système du Ténare sont: la chaîne du Tourla, située à l'O. de Kara-Véria et de Vodéna; le contrefort du Nidjé, à l'O. du lac d’'Ostrovo ; la montagne de Vlako-Klisoura et l'exhaussement des chaînes déjà ébauchées qui bordent le cours du Drin Noir et du Tzerna ou Vardar-Sarigoul.

À la même époque, les mouvements du sol ont occasionné des affaissements considérables qui ont produit les cavités des lacs d'Okrida et de Kastoria , les val- lées alluviales du Drin Noir et du Tzerna inférieur et supérieur, certains défilés du Vardar et la direction du cours inférieur de ce fleuve. Parmi les dépressions que nous venons de citer, les plus larges se trouvent comprises dans la bande E.-0. dont il est question dans le système précédent, et par conséquent à l'inter- section des deux systèmes les plus récents.

Nous attribuons au même soulèvement les défilés qui servent d’écoulement aux cavités de Radomir et de Ghioustendil et les fractures qui, longeant la base occi- dentale du Périn-Dagh, mettent en communication les bassins tertiaires autrefois isolés et traversés aujourd’hui par le cours du Strymon.

En Albanie, le système du Ténare prend ordinairement la direction N.-N.-0. du système pindique : cependant il conserve à peu près sa direction normale dans les montagnes qui bordent la profonde vallée de l’Arta, dans la fracture à JO. de Konitza, dans le vallon de Sahli-Pascha et dans plusieurs vallées ou ravins situés au S. d’Ostanitza. Les lacs de lanina et de Velchistas doivent leur origine à des affaissements de la même époque; enfin, l'écoulement de la dernière nappe d’eau est probablement un évènement des temps historiques.

AVERTISSEMENT.

C'est avec le plus vif regret que nous avons renoncer à l'espérance de re- cevoir les renseignements géographiques que MM. Muller et Grasset avaient pro- mis de nous adresser. Nous n'avons aucune nouvelle de ces deux voyageurs; en conséquence, leurs observations ne peuvent être insérées dans la nouvelle carte de M. le colonel Lapie.

(N. 6, p- 97.) DANS LA TURQUIE D'EUROPE.

Préface .

$ I.

$ II.

$ IV.

K Je.

TABLE DES MATIÈRES.

A LE NE 2. MNNSEPNPaTe

CHAPITRE PREMIER. MACÉDOINE et HAUTE-MŒSIE,

Route d'Uskiup à Doubnitza par Komanova, Nagoritsch, Vignitza, Stratzin, Tschatsch- ban, Egri-Palanka, Gherléna, Ghioustendil, les hans de Schétirtza, de Kostitza et de Binek-Taschi. RE

Excursion au monastère Rilo, et fms les Heu ae Rilo- rt Résumé du paragraphe précédent.

. Route de Doubnitza à Prilip ou Perlépé par Ghioustendil, Eau Palanka, Tschatsch- en.

Kavakli, Karatova, Lesnovo, Istib, Drava, Pépélischta, Niégotin, Kafadartzi, la vallée du Raetz et le col de Pléfar. Résumé du paragraphe précédent. Route de Prilip à Kastoria par Bitolia ou Monastir, use Le mont it Néretska, Pb hol et Léko ou Vlako : Résumé du paragraphe Drétélene Route de Kastoria à Salonik par Vodénitza, Vlako- Ksodra, KonouE Kaïlari, Mural, les lacs d’Ostrovo et de Télovo, Vodéna, Baladjé, lénidjé, les ruines de Pella, Tékéli. Appendice : Mont Athos, Chalcidique, îles de Tassos, de Samothrace et d’Imbro. Résumé du paragraphe précédent. AR a ms RE

CHAPITRE SECOND. ALBANIE.

Route de Skoutari à Elbessan par Bouschatz, Zadrima, Lesch, Schinavli-han , Lus-ban, Tirana, le mont Gabar-Balkan. . Résumé du paragraphe précédent. PR RE ES ne Route d’Elbessan au han de Klisoura par Bérat, les cols de Téman-han, de Tojari et de Boubici, et le han de Vino -Kazé. Résumé du paragraphe précédent.

. Route du han de Klisoura à Ianina par Prémiti, ke ins % Han de Sen et

d’Ostanitza, les cols de Sahli-Pascha et de Mavrovoun , le lac de Ravégna , le han de Kalbaki, le col de Véla, le han de Noutza et les bords du lac de [anina.

Excursion dans la vallée du Dipotami. . 5 ©

Résumé du paragraphe précédent.

. Résumé général du Mémoire.

Essai sur la configuration du sol.

FIN DE LA TABLE.

303

207

211 222 227

263 269

270 277

278 283 285 287 295

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VIT.

MÉMOIRE GÉOLOGIQUE

SUR

LA MASSE DES MONTAGNES ENTRE LA ROUTE DU SINPLON ET CELLE DU SAINT-GOTHARD,

PAR M. STUDER.

Le pays représenté dans la carte jointe à ce mémoire a été visité et décrit par les géologues les plus éminents. De Saussure nous à donné une relation de son voyage par le Simplon , et déjà les rapports remarquables qu’on observe dans cette partie des Alpes entre lecalcaire et le gneiss semblent avoir fixé son atten- tion. Nous devons à M. Lardy une description détaillée du groupe du St-Gothard, accompagnée de divers profils et d'une carte géologique qui coïncide à peu près avec le tiers oriental de la nôtre. M. Sismonda a publié un mémoire et une carte géologique sur le nord-est du Piémont qui embrasse toute la partie de ce royaume comprise dans notre travail. Je regrette de n'avoir pu profiter d’un mémoire de M. de Colleono sur le St-Gothard, inséré dans le vol. VI du Bulletin de la Société géologique. Après ces publications, dont le grand mérite est garanti par le nom de leurs auteurs, je ne me permettrais pas d'appeler de nouveau l'attention sur.ce pays, si la complication de ses terrains et l'importance de leurs rapports mutuels dans ce nœud central des Alpes ne me paraissaient pas deman- der encore les efforts-soutenus des géologues et l'analyse des résultats de leurs observations sous des points de vue divers. L'étendue et la nature sauvage de. ces montagnes et la courte durée de leur été ne permettant pas d’ailleurs qu'un seul observateur les parcoure dans toutes leurs parties, s’il ne veut consacrer à l'investigation de ce seul groupe plusieurs années de suite, chaque nouveau visiteur peut espérer d’en avoir vu des portions restées inconnues à ses devanciers.

Si l'on se donne la peine de comparer ma carte avec celle de mes célèbres amis, M. Lardy et M. Sismonda, on y trouvera d'assez grandes différences, lesquelles cependant sont en partie plutôt apparentes que réelles, en ce qu'elles ne résultent pas d'erreurs commises dans l'observation directe des roches, mais bien de la différente manière de coordonner ces roches dans un même terrain. M. Lardy, par son système de coloriation, a cherché à exprimer autant que

Soc. GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. n. 7:

306 MÉMOIRE GÉOLOGIQUE (N,7,p. 2.) possible le caractère minéralogique des roches, à colorier en micaschiste ce qui est micaschiste, en calcaire ce qui est calcaire , et, afin de ne pas trop multiplier les couleurs, il a réuni au micaschiste Les taleschistes et les schistes argileux. Notre savant collègue cependaat n’a pas manqué de faire observer que si ces der- nières roches sont associées au vrai micaschiste, elles se trouvent d’un autre côté si étroitement liées par des passages et des alternances aux schistes calcaires à Bélemnites , qu'il n’est guère possible de les en séparer, de manière qu'on serait également en droit de coordonner les schistes argileux aux calcaires. Mais, en outre, la réunion du schiste argileux aux schistes cristallins me paraît avoir ce dou- ble inconvénient que les micaschistes et les schistes argileux associés aux roches calcaires nese distinguent pas de ceux qui sont subordonnés aux gneiss, et que les roches calcaires et dolomiques ne sent pas indiquées sur la carte selon leur impor- tance, comme faisant partie d’un grand terrain continu , mais au contraire comme des accidents subordonnés et perdus dans la masse dominante des roches feld- spathiques. Quant à moi, j'ai cru que la continuité et la distribution du terrain à Bélemnites devait être relevée avant tout, et. en conséquence, j'ai réuni sous la même couleur l’ensemble de ces schistes argileux noirs qui alternent avec des schistes calcaires et des micaschistes, tandis que les micaschistes qui tiennent de près aux roches feldspathiques ont été réunis au gneiss, dont ils ne sont réellement qu'une variété. Le même système de coloriation qui, dans les Alpes, paraît indiqué par la nature, a déjà été suivi dans ma carte géologique des Grisons, publiée en 1837 et 1839. Il fallait un nom simple et indépendant de toute opinion systématique pour désigner ce terrain composé de schistes argileux, calcaires et micacés, et je me suis servi, comme dans les mémoires antérieurs, du nom de flysch, que l’on donne dans l’Oberland bernois à toute roche schisteuse. Ce sera un terme simplement pétrographique pour désigner ces terrains univer- sellement répandus dans les Alpes qui sont caractérisés par des schistes argileux et argileux-calcaires noirs et gris, passant tantôt au calcaire schisteux, tantôt à des grès très compactes analogues à la grauwackc allemande, tantôt à des talc- schistes et à des micaschistes ; un terme enfin qui servira provisoirement jusqu'à ce que le gisement ou la découverte de fossiles caractéristiques aient assigné à chacun de ces terrains sa place exacte dans la série géologique. Ce terrain de flysch coïncide à peu près avec celui que M. Sismonda a appelé dans ses mémoires terrain jurassique métamorphique, de même qu'avec le terrain jurassique modifié de la nouvelle carte géologique de la France. Cependant l’échelle de ma carte a permis d'en séparer les parties purement calcaires , dolomitiques et gypseuses, et de réserver la couleur du flysch pour les schistes argileux et leurs modifica- tions. Plusieurs des différences qu’on remarquera entre les limites des cartes que je viens de citer et celles de la mienne résultent d’ailleurs de ce que je n’ai pas cru devoir étendre le terrain de flysch de manière à y comprendre de véritables gneiss que , pour ma part, je ne saurais distinguer des gneiss primitifs de

(N.7,p.5) SUR LES MONTAGNES DU SIMPLON ET DU SAINT-GOTHARD. 307 M. Sismonda; d’autres différences peuvent dériver aussi de ce que l’on n’a pas visité les mêmes localités, ou bien de ce que, d’un côté ou de l’autre, l’on s’est trompé sur la nature de la roche; il sera nécessaire par conséquent que d’autres géologues aillent examiner les points contestés pour prononcer sur la valeur de ces diverses manières de représenter les faits observés.

Le Haut-Valais.

En descendant des hauteurs du Grimsel vers Ebergestelen, on voit peu à peu les couches de gneiss et de micaschiste qui, sur le col, étaient verticales, s’in- cliner au N. 28° O, et cette inclinaison vers l’axe de la chaîne se soutient jusqu'au pied de la montagne. Les schistes cristallins composent le versant méridional de la chaîne, comme le versant opposé de la Handeck et de Guttannen, et ce n'est qu'au bas de la descente que l’on voit affleurer, au pied de la montagne, des flyschs, ou schistes argileux noirs, identiques avec ceux de Bryg et de Sion, et s’enfonçant sous les couches de gneïss. En longeant le pied de la montagne vers Oberwald, on trouve une carrière de calcaire gris, grenu , chargé de paillettes de mica, mais stratifié et appartenant évidemment au terrain de flysch. Le même calcaire accompagné de flysch se voit de l’autre côté de la vallée, et, en montant vers le glacier du Rhône, ce sont toujours les mêmes schistes argileux-calcaires ou quarzeux, noirs, gris ou verdâtres , en stratification verticale qui forment le fond du défilé et la base de ses parois. Ce fiysch est immédiatement lié aux schistes calcaires du col de la Furca , et c’est précisément dans ces derniers que MM. Escher et Lardy ont trouvé en 1842 des Bélemnites. Ces restes organiques nous démontrent que ce terrain de flysch et de calcaire doit être envisagé comme un vrai terrain neptunien, et que l’époque de sa formation ne peut, d'après l'état actuel de la science, remonter plus haut que l'époque liasique. Ce même terrain cependant plonge du côté nord sous le gneiss du Grimsel et du grand massif du Finsteraarhorn; du côté du midi sous le gneiss du St-Gothard.

La largeur du flysch dans les environs d'Obergestelen est peu considérable. En descendant la vallée, on ne voit à sa droite que des gneiss et des micaschistes, en stratification verticale ou inclinée au N. jusqu'à l'approche de Viesch. Avant d'atteindre ce village on trouve, près de la route, une roche verte qui fait effer- vescence avec les acides , et qui est stratifiée en grandes tables verticales. Ce n'est cependant qu’au-dessous de Viesch que le terrain de flysch et calcaire se présente de nouveau en couches suivies sur la rive droite du fleuve. Le schiste gris ou noir est toujours la roche dominante; entre Lax et Mærel, il passe à un talschiste éclatant rouge et vert, qu'on ne saurait distinguer d'un schisie des terrains feldspathiques ; et, près de Naters, il renferme de grandes masses de gypse qui, sur la rive gauche du fleuve, s'étendent jusqu'à l'embouchure du torrent de la Binna. De ce côté de la vallée, le flysch ne paraît pas non plus exister depuis

308 MÉMOIRE GÉOLOGIQUE (N-7, p. 4) Obergestelen jusqu'à Aernen , à moins qu’il ne se retrouve sous la terre végétale et sous les décombres qui cachent le sol du milieu de la vallée. En entrant, vis-à- vis d'Ulrichen, dans la petite vallée latérale d'Eginen, qui conduit aux passages du Gries et de la Nufenen, on se voit, dès l'entrée, entouré de micaschistes quarzenx, qui plongent au midi sous un très grand angle, et plus haut suivent des gneiss. Les mêmes roches sont traversées par la vallée de Blinnen qui débouche vis-à-vis de Reckigen, et on les retrouve encore jusqu'aux environs d’Aernen.

Ces schistes cristallins et feldspathiques font partie du massif du St-Gothard. A l'instar de la structure en éventail des autres massifs feldspathiques des Alpes, les strates du versant septentrional de celui-ci sont inclinés au midi; ils se relèvent vers le faite du massif, ils sont verticaux, et s’inclinent au N. sur le versant méridional. La direction générale des couches est vers le N. 62° E. comme au passage du Grimsel, dans le massif du Finsteraarhorn ; elle dévie, autant que l’on peut se fier à nos cartes, de 10° vers l'E. de la direction du cours du Rhône, depuis sa source jusqu'à Bryg, de la ligne du Lotschthal au Todi, qui suit la plus grande dimension du massif du Finsteraarhorn, du lac de Brienz et de plusieurs chaînes de nos Alpes calcaires; la direction de tous ces alignements étant sous le N. 52° E.

À mesure que le massif du St-Gothard s’avance vers l'O., il se rétrécit de plus en plus. En suivant la grande route, depuis Hospital on traverse toute la montagne, avant de trouver, au-dessous d’Airolo, la limite méridionale du gneiss. Cette limite est marquée, à l’entrée du val Canaria, par des roches amphiboliques, contenant beaucoup de grenats: au-dessous sont des taleschistes également chargés de gros gre- nats ; puis des quarzites micacés très puissants, et enfin la dolomie blanche saccha- roïde qui recouvre le gypse. Toutes ces roches, commele calcaire et le flysch du Haut- Valais, s’enfoncent sous le gneiss. En suivant, depuis Airolo, le Tessin vers ses sour- ces, par Villa et Ronco, on voit à sa droite, partout la roche est à découvert, des dolomies saccharoïdes ou cargneules, des gypses et des schistes noirs ; et, à quelques centaines de mètres plus haut, la limite du gneiss est signalée par une terrasse , au fond de laquelle les strates presque verticaux du gneiss s'élèvent en parois escarpées. Au col de la Nufenen, ce sont encore les roches du terrain de flysch, en stratifica- tion verticale, qui composent le sol, et c’est dans les éboulements des paroïs méri- dionales qu’on trouve dans des schistes noirs, micacés et calcaires, des Bélemnites et des pentacrinites , associées à des grenats et à des grains et des tiges courtes, arrondies , si peu caractérisées, que l’on ne sait si on doit les envisager comme des restes organiques ou comme des cristaux imparfaits. La quantité de ces grains donne au schiste un aspect noduleux très frappant. Le col fait la limite entre les schistes noirs ou le flysch et les gneiss, et, en descendant par la vallée d’Ecinen, on marche, dès qu'on a quitté le pied du col, entre des couches verticales de gneiss et de micaschiste, coupées à angle droit par la vallée. La largeur de la zone de gneiss est donc ici réduite à peu près à la moitié de ce que l’on avait trouvé au

&-7,p:5) SUR LES MONTAGNES DU SIMPLON ET DU SAINT-GOTHARD. ‘309 St-Gothard ; les vallées latérales qui remontent du Rhône les traversent jusqu'à sa limite méridionale, et le partage des eaux est reculé vers le midi, dans la zone du flysch d’Airolo. Les mêmes rapports s’observent dans la vallée de Binnen. Le fond de cette vallée est entouré de hauts escarpements de flysch, couronnés de nappes de neige et de glaciers , et les schistes noirs noduleux de la Nufenen y sont largement développés. La limite des deux terrains et leur stratification sont encore verticales. Dans la gorge étroite par laquelle s'écoule, vis-à-vis de Lax, le torrent de la Binna, les roches du St-Gothard paraissent représentées par des micaschistes, et le gneiss, s’il existe encore, y doit occuper peu d’espace. Le fiysch, le calcaire-et le gypse dominent d’Aernen et de Grengiols fort en avant dans le défilé, et, avant d’avoir atteint la vallée de Binnen, on se voit de nouveau dans les schistes noirs et la dolomie de la Nufenen. La connexion du flysch avec le micashiste du défilé est même si intime que ce dernier n’est peut-être qu'une variété de flysch, dans laquelle le mica qui, dans la roche ordinaire, reste comme fondu dans la masse, à reçu un plus grand développement. Encore plus à VO. enfin, sur la route du Simplon, on monte de Bryg jusqu’à la vallée Ganter, en traversant les deux zones de flysch, sans rencontrer une trace, ni de gneiss ni de véritable micaschiste, et dès lors les deux flyschs ne forment plus qu'une seule masse qui remplit la vallée du Rhône dans toute sa largeur et qui s'étend, vers le midi principalement, sur un espace de plusieurs lieues du .N.aus.

Il n’est pas facile de se faire une idée exacte des rapports de gisement des trois bandes parallèles de schistes que nous venons de parcourir de la route du St-

Gothard jusqu'à celle du Simplon. En voyant, dans les coupes des vallées

d'Eginen et de Blinnen, les trois terrains se succéder l’un à l’autre en position verticale, on peut se demander si, en réalité, il y a alternance, de manière qu'on ait à distinguer deux masses différentes de flysch, séparées par le gneiss intermédiaire. La parfaite identité minéralogique des deux flyschs n’est pas

cependant favorable à cetteopinion. Les Bélemnites, trouvés à la Furca comme à la Nufenen, tendent de même à faire envisager les deux flyschs comme du même âge. Leur réunion enfin, à Bryg, en une seule masse, paraît constater entière- -ment les conclusions tirées de leurs caractères minéralogiques et organiques. Mais, en admettant l’unité des deux terrains qui entourent le massif du Saint-Gothard, il se présenteune question, celle de savoir si ce terrain de flysch est inférieur ou supérieur au gneiss, et, pour le moment, nous sommes forcé de suspendre toute décision à cet égard; le but de ce travail étant justement d’éclaircir, s’il est pos- sible , par de nouvelles données, les rapports de ces deux terrains. Il est vrai que,

dans le territoire qui nous occupe, partout le contact des deux terrains peut

être observé et la limite n’est pas verticale, le flysch et les roches qui, comme le

calcaire, la dolomie et le gypse, lui sont subordonnées, s’enfoncent sous le gneiss,

et la question serait décidée, si notre jugement ne devait reposer que sur l’évi- S0G. GÉOL. SÉRÆ, T.I. Mém. n°7. 40

310 MÉMOIRE GÉOLOGIQUE (N-7, p.6.) dence des faits que nous fournissent ces localités. Nous trouvons même une con- firmation de cette manière de voir dans les rapports connus, entre le calcaire et le gneiss, sur les deux versants du massif du Mont-Blanc, sur le versant méridional des Aiguilles-Rouges à Chamouni , et enfin dans les rapports analogues observés dans les Grisons entreles deux terrains. Dans toutes ces localités le calcaire ou d’au- tres roches neptuniennes affleurent au pied des versantsetplongent sous le gneiss, qui forme comme un coin colossal implanté dans le terrain généralement répandu de flysch. D'autre part, cependant, nous voyons, près d’Orsières, dans la vallée d'Entremont, des masses calcaires qui, selon toutes les apparences, font la con- tinuation de celles du val Ferrex, au midi du Mont-Blanc, reposer sur le gneiss du Mont-Catogne qui lui appartient au massif du Mont-Blanc ; nous savons aussi que, dans les environs de Bex et de St-Maurice, le lias est superposé au gneiss de Morcles , qui fait corps avec celui des Aiguilles-Rouges; et, même dans le pays qui fait l’objet de ce mémoire, dans le Haut-Valais, si nous examinons, au-dessous de Bryg, la ligne de contact entre le calcaire et le gneïiss du côté droit de la vallée, nous voyons que. de Razon jusqu'aux bains de Loueche, le terrain feld- spathique, forme , à quelques exceptions près, la base des montagnes, et que le calcaire qui, au-dessus de Leizinen, renferme une quantité prodigieuse de Bélemnites, le recouvre; la manière enfin dont nous avons vu finir, dans la gorge de la Binna, le massif du Saint-Gothard dans le flysch, appuie encore l'opinion qui regarde le gneiss comme le terrain fondamental et inférieur au flysch. Le Simplon.

La zone méridionale de flysch touche au midi à une nouvelle masse de gneiss et de micaschiste. Les particularités offertes par cette masse, ainsi que par la ligne du contact, sont si variées, qu'il sera utile de la traverser en plusieurs profils.

En montant la route du Simplon depuis Bryg, on trouve la première roche cristalline dans la vallée de Gantez , avant d'arriver à Persal. C’est un stéaschiste vert qui s'incline sous un angle de 50° vers le N. 45° O., en plongeant sous la chaîne de flysch du Kienhorn, la même que, dans la gorge de la Binna, nous avons vue coupée jusqu’à sa base. Tandis que dans ce profond défilé, le flysch est en stratification verticale , il présente à l'extrémité occidentale de la chaîne une structure en éventail qui, de l’autre côté de la route du Simplon, se prolonge dans le Glyshorn et les hauteurs voisines. Sur le versant N. de la chaîne du Kienhorn, les couches de flysch tombent vers le S. 45° E., puis elles se redressent jusqu’à la verticale, et, après quelques contournements, elles s’inclinent au N. 45° 0., comme le stéaschiste qui les supporte. On voit par que la structure en éventail, qu'on aurait pu croire uniquement bornée aux massifs feldspathiques, s'étend aussi au terrain de flysch; et il importe d'ajouter que cette chaîne du Kienhorn se trouve alignée sur l'axe même du St-Gothard. Le même fait se

(N.7,p.7.) SUR LES MONTAGNES DU SIMPLON ET DU SAINT-GOTHARD. 311 répète ailleurs dans les Alpes. A l'extrémité orientale du terrain feldspathique du St-Gothard, la structure en éventail de ce massif continue dans le flysch du passage de la Greina, qui conduit de la vallée de Sumvix à celle de Blegno; et, plus à l'E. encore, l'éventail du grand massif de gneiss de la Scaletta et des glaciers de Selvretta et Fermont est indiqué déjà par la structure analogue du terrain de calcaire et de grès rouge de Bergun, sur la route de l’Albula.

En continuant de suivre la route de Persal, par l’hospice et le village du Simplon, on ne traverse guère que des gneiss et des micaschistes. Au-dessus de la première galerie on voit des couches subordonnées, mais assez puissantes, de schiste amphibolique qui font sur quelques points de jolis plissements. Près du premier refuge , après avoir passé l’hospice , on trouve un four à chaux qui, probablement, est alimenté par un nid de calcaire intercalé dans le gneiss. L’inclinaison des couches varie beaucoup, et passe plusieurs fois du N. au S., et réciproquement, avant qu'on ait gagné la hauteur du passage. Cependant, si on observe ce groupe de quelque point éloigné, on remarque facilement qu'un peu à l'E. de l'hospice. il y a une grande rupture anticlinale, dans le massif du gneiss, qui sert de réservoir au glacier de Kaltwasser. Les montagnes au N. de cette rupture ont, en général, leurs couches inclinées au N., tandis que de lhospice jusque près d’Algaby, la vallée change de direction, le gneiss est incliné vers le S. 55, O.

Après la descente d'Algaby , dans le défilé étroit et escarpé qui conduit, dans la direction de l'O. à l'E, au V. Vedro et à Crevola, on trouve une couche de marbre blanc qui a déjà été remarquée par de Saussure : elle est associée à des schistes amphiboliques et subordonnée au gneiss: sa puissance est d’environ deux mètres, son inclinaison de 30 à l'O. On peut la suivre de l'œil à une distance considérable vers les parties supérieures du flanc gauche de la vallée, et lors même qu'on l’a perdue de vue, sa présence sur les hauteurs s'annonce . par les débris calcaires dans les éboulis. Si par ce calcaire on mène une droite parallèle à la direction générale de cette partie des Alpes, c’est-à-dire vers le S. 52° O., elle coupera à peu près le calcaire et le flysch de See, dans la vallée de Saass ; le calcaire au-dessus de Herbrigen, dans la vallée de St-Nicolas, et la puissante masse calcaire qui forme derrière Zermatt et jusqu’au glacier de Zmutt, des parois de plusieurs centaines de mètres de hauteur, en plongeant sous le gneiss du Weisshorn. Cette bande calcaire me paraît former la limite méridio- nale du massif de gneiss que nous venons de traverser par le Simplon; et le changement subit qui s’observe dans la direction de la vallée et dans la position des couches paraît confirmer cette manière de voir. En effet, le V. Vedro, paral- lèle aux vallées plus méridionales de Bugnanco, d’Antrona et d'Anzasca, et dont le fond est à peu près horizontal , appartient à un système de formes extérieures très différent de celui dont on vient de sortir ; à un système que nous voyons largement développé dans beaucoup de vallées des environs de Domo-d'Ossola et

312 MÉMOIRE GÉOLOGIQUE (N:7, p.8) qui s'étend à l'E. jusqu'au V. Maggia. Ce n’est pas sans doute par hasard que les couches de gneiss, généralement inclinées dans les Hautes-Alpes, sont à peu près horizontales dans la plus grande partie du V. Vedro et sur une grande étendue des environs, et cette circonstance paraît avoir exercé une influence directe sur le nouvel aspect du pays.

Arrivé à Enzo-Crevola, on est surpris cependant de se voir entouré de couches verticales de gneiss; et c’est dans cette série de strates que l’on exploite une masse de marbre blanc de f0 mètres environ de puissance, subordonnée au gneiss. La mème transition subite de la stratification horizontale à la verticale s’observe dans le V. Maggia, au midi du chef-lieu qui donne son nom à la vallée, eten V. Verzasca, entre Brione et Lavertezza. Dans ces deux vallées du canton de Tessin, la connexion des strates verticaux avec le gneiss horizontal de la partie moyenne des vallées est difficile à saisir; mais à Enzo-Crevola on voit distinc- tement les couches horizontales du mont Bual, au S.-0. de la route, s'arquer et passer à une position verticale, comme la branche descendante d’une voûte. En supposant que cette courbure ne soit pas un accident local, les couches d’Algaby, inclinées à l'O., peuvent être regardées comme la branche opposée de la voûte, et il deviendra probable que les calcaires d’Algaby et d’'Enzo ont dans l’origine appartenu à une même masse subordonnée au gneiss, dont peut-être on retrou- verait d’autres membres dans des localités intermédiaires. En effet, quand on se trouve sur les hauteurs au-dessus de Trasquèras, vis-à-vis du mont Bual, on croit voir le faîte de cette montagne couronné de flysch, et au midi d’Algaby, une masse puissante de flysch et de calcaire grenu compose en partie le col du Passo della Pietra (2,487 mètres), qui conduit, par le V. Vaira, de Gondo dans la vallée d'Antrona.

Vallée de Binnen.

Un passage assez facile et couvert de pâturages jusque sur la hauteur con- duit de Persal dans la vallée de Binnen. Ce passage, nommé le col de Rosswald, suit à peu près la limite entre le gneiss et le flysch du Kienhorn. Un second col plus méridional, séparé du premier par un pic de gneiss et micaschiste, conduit de même à la vallée de Binnen, mais en traversant un glacier. C'est sur la hau- teur de ce col, dans les éboulis du pic intermédiaire, que l’on trouve les belles macles de ruthile recherchées pour les collections. Sur le col de Rosswald, on voit affleurer, tantôt de la dolomie blanche saccharoïde, tantôt du gypse. La puis- sance de cette masse dépasse 20 mètres ; sa stratification est verticale, ainsi que celle du flysch , ou schiste noir et gris, talqueux, mais effervescent avec les acides, qui la suit au N. Vue de quelque point éloigné, cette puissante couche de dolomie, qui se prolonge à l'O. er à l'E. , se distingue aisément par sa couleur blanche, et on la voit encore au milieu du flysch noir, dans la coupe abrupte de la Wandfluh, par laquelle la chaîne du Kienhorn se termine en formant une

(N: 7, p. 9.) SUR LES MONTAGNES DU SIMPLON ET DU SAINT-GOTHARD. 313 des parois du défilé de la Binna En descendant du col dans le vallon de la Stadtalp, on trouve, à la base de la pente, du micaschiste incliné au N., sous un angle qui ne dépasse pas 45°, et plus bas encore, auprès de la chapelle de Ste-Croix, ou H. Kreuz, la roche, toujours inclinée vers le N., 55° O., passe au gneiïss. Dans tout ce trajet de Bryg à Ste-Croix, le gisement réciproque du flysch et du ‘gneiss ne conduirait donc jamais à penser que celui-ci soit superposé au premier; toujours nous voyons le gneiss former la base, le stéaschiste ou le micaschiste repose sur le gneiss, sur celui-ci la dolomie et le flysch, et la stratification

verticale de ces dernières roches, comparée à la position moins inclinée des cou- ches de gneiss, pourrait même conduire un observateur superficiel à admettre entre les deux terrains une discordance de stratification.

Mais les choses prennent un aspect différent dans la vallée de Binnen propre- ment dite; la haute crête qui borde la vallée au N. se compose encore de flysch, en stratification verticale, ou même un peu inclinée au S. Dans le fond de l’alpe (en désignant par ce mot, comme enitalien et en allemand , un ensemble de pâturages de montagnes qu’on ne fauche pas), dans le fond de l'alpe de Feldbach, qui, sur le dos de cette crête, forme une petite vallée longitudinale, on voit affleurer de la dolomie saccharoïde , et près d'elle du schiste amphibolique et du flysch micacé avec grenats. Cette dolomie, dont les roches adjacentes rappellent celles du V. Canaria, n’est pas la continuation de la dolomie du col de Rosswald; elle a moins de puissance, et sa direction prolongée passerait au N. de la crête du Kienhorn. Mais, en descendant dans la vallée de Binnen, on retrouve cette dernière dolomie vis-à-vis d’'Imfeld, à une centaine de mètres au-dessus dela Binna. C’est une dolomie saccharoïde, d’au moins 30 mètres de puissance, qu'on peut suivre, sur la rive gauche de la Binna , jusqu'à la jonction de ce torrent avec celui qui descend de Ste-Croix. Dans le couloir vis-à-vis d'Imfeld, cette dolomie renferme beaucoup de pyrites, de l’arsenic sulfuré rouge et jaune, du zinc sulfuré jaune, de l’antimoine sulfuré argentifère gris. Les couches de cette dolomie inclinent au S. sous un très grand angle, de même que le flysch et la dolomie de Feldbach, et la terrasse qui la termine en haut à l’origine du couloir est dominée au midi par une paroi de gneiss, dont les strates sont également inclinées au S., sous un angle plus petit. Les rapports de gisement entre le gneiss et le flysch de cette localité paraissent donc absolument inverses de ceux qu’on a observés plus à V0. , et cet ordre de choses se soutient sur une si grande étendue, qu’on ne saurait décider lequel des deux modes de gisement doit être considéré comme représentant l’ordre régulier. Au passage de l’Albrun, qui, du fond de la vallée de Binnen, conduit à Formazza, on marche sur du gneiss toujours incliné au $., et, vers le N., on voit lui succéder une grande masse de dolomie, puis une masse de flysch, puis une seconde masse de dolomie qui , selon toute apparence , fait la continuation de celle du Feldbach, et, plus arrière encore, s'élèvent de hautes cimes de flysch qui séparent le fond du Binnenthal de celui de la vallée de

314 MÉMOIRE GÉOLOGIQUE (N. 7, p.10) Blinnen et se lient sans interruption au flysch du Gries et de la Nufenen. Dans ces masses de flysch du fond du Blinnenthal, la stratification est verticale, et il est assez probable que les inclinaisons, tantôt au N., tantôt au S., que nous venons d'observer entre Bryg et l’Albrun, ne sont que des oscillations accidentelles au- tour de cette même position verticale, desquelles en conséquence on ne peut tirer aucune induction sur la position réciproque primitive de deux terrains. On est confirmé dans cette opinion en voyant à sa droite, sur la terrasse au midi d’'Imfeld, la coupe transversale d'un chaînon de gneiss, dont les couches, au lieu de s'incliner au S.. à l'instar de celles de la haute chaîne, sont inclinées au N., de manière qu'entre ce chainon et la paroi méridionale il se forme un vallon anticlinal, le Flaschenthat, par lequel on peut aller directement de la terrasse à la chapelle de Ste-Croix.

: Girques de Veglia et de Dever.

La question de la superposition relative des deux terrains restant indécise de ce côté de la chaîne centrale, nous résolùmes de la traverser , afin de gagner une connaissance plus détaillée du grand massif de gneiss que nous avons vu former la limite méridionale de la dolomie. Un passage, praticable pour les chasseurs et les contrebandiers, nommé passo di Boccareccio sur la nouvelle carte du Pié- mont, et passage de Levi par les habitants de Binnen, conduit de Ste-Croix dans les alpes de Davedro ou de Veglia (en allemand Levi) , situées au fond de la vallée Vegero. La hauteur absolue de ce col peut être évaluée à près de 3,000 mètres. On monte d’abord une paroi assez roide, au S.-0. de Ste-Croix, et, après deux heures de marche environ, on atteint une vaste plaine circulaire, entourée de toutes parts, excepté au N., par un mur de rochers de plusieurs centaines de mètres de hauteur: c’est la Giebelalp, un des plus beaux cirques que je connaisse dans nos montagnes. Aux environs de Ste-Croix, le gneiss domine exclusivement. Ses couches faiblement inelinées au S., à la base de la montagne, sont évidemment horizontales sur la Giebelalp même et dans les escarpements qui l'entourent. Nous verrons tout-à-l’heure que cette nouvelle position des strates se soutient dans la majeure partie de la chaîne centrale, et que celle-ci, par sa structure, se rapproche plutôt du système à stratification horizontale des vallées méridio- nales que des montagnes qui environnent le Haut- Valais. La limite entre les deux systèmes de stratification horizontale et verticale semble passer par Ste-Croix et le Flüschenthal ; elle indique une rupture profonde dans le sol, dont fait proba- blement partie la haute vallée anticlinale du glacier de Kattwasser.

Sur les sommités qui dominent le cirque de Giebelalp, sur le Halsen à l'E., sur le Hillenhorn à l’O., et sur d’autres points encore, on remarque une calotte régulièrement superposée, dont la roche noire contraste avec la couleur très claire et presque blanche du gneiss, et l'examen des éboulis démontre que cette

(N-7, p.44.) SUR LES MONTAGNES DU SIMPLON ET DU SAINT-GOTHARD. 315 roche n’est autre que le véritable flysch , ou schiste noir, tantôt talqueux ou mi- cacé, tantôt calcaire, ne différant en rien de celui du Kienhorn et du Valais en général. Ici donc, on ne saurait en douter, le flysch est réellement superposé au gneiss, et quoiqu'il soit difficile de rendre raison des grandes anomalies de gise- ment que nous venons d'observer, il est probable que le même ordre de succession entre les deux terrains doit être admis pour tout le pays.

Ce ne fut pas sans traverser quelques mauvais pas que nous parvinmes sur la hauteur du passage, après avoir escaladé la paroi de gneiss et une forte pente de neige au fond du cirque. Mais toutes les difficultés furent oubliées à la vue du magnifique tableau qui se présenta devant nous au bord méridional du col. A nos pieds nous vimes un cirque profond, ayant au moins trois fois les dimensions de celui de Giebelalp , presque entièrement fermé par des rochers abruptes ou en terrasse en partie couvertes de glaciers, dont les eaux ne s’écoulent que par une gorge étroite au pied du mont Leone. A peine nous fut-il possible de distinguer dans le fond de cet amphithéâtre, à 1,500 mètres peut-être au-dessous de notre poste, les chalets de Veglia et la chapelle de San-Giacomo.

Il faut une demi-heure environ pour traverser le col d’un versant de la chaîne à l’autre. Le sol, sans être uni, se présente comme une plaine, comparé aux inéga- lités colossales qui l’avoisinent. Les couches les plus supérieures que l’on atteint

‘au passage sont encore de gneiss passant au micaschiste ; en descendant la paroi escarpée, on trouve un gneiss, ne différant en rien de celui de Domo-d’Ossola , et qui se continue jusqu'à une terrasse de peu de largeur, à quelques centaines de mètres au-dessous du col. Comme on devait s’y attendre, cette interruption de la pente signale un changement dans la nature du sol. En effet, la roche dominante de cette terrasse est un calcaire gris, schisteux, passant à un marbre blanc ou jaune, entrelacé de feuillets de talc et de mica, et alternant avec des couches plus considérables de taleschiste et de micaschiste, renfermant des grenats et des nids de quarz. Les couches de cette masse calcaire s’inclinent, sous un angle assez faible , vers le N., et la même inclinaison s’observe sur tout le contour du cirque, tant à l'O. qu'à l'E. Vers l’intérieur du cirque , la terrasse est cou- pée à pie, et il faut la tourner par l'E. pour continuer [a descente vers les pre- miers chalets. Ici, à 100 mètres environ au-dessous du bord supérieur de la terrasse, la roche est toujours le même mélange de calcaire et de micaschiste à grenats, et rien n'indique que la masse intermédiaire soit d'une composition différente. De ces chalets au fond du cirque, il y a une dernière descente d'envi- ron une demi-heure de marche; mais la roche du sol est cachée par les pâturages et les éboulis. A l'issue enfin de la gorge par laquelle leseaux du cirque se précipitent en cascades vers la belle plaine de Campo, on ne voit, jusqu'à la base des escarpemens , que des dolomies blanches saccharoïdes, divisées en couches qui plongent faiblement au N., et la même roche continue tout autour de la plaine. La base du gneiss de la chaîne centrale est donc formée ici par une

316 MÉMOIRE GÉOLOGIQUE CN. 7, p. 12) masse colossale de calcaire et de dolomie; masse dont la puissance, estimée du haut de la terrasse jusqu'au fond de Campo, ne peut guère être au-dessous de 1,000 mètres. A la place des granites et des porphyres, ou d’autres roches er- ruptives, que nos théories nous faisaient supposer au fond de ce cirque , la nature semble avoir mis à découvert par un puits gigantesque la véritable base de nos hautes Alpes, nous trouvons des roches distinctement stratiliées , aux- quelles on est forcé d'attribuer une origine neptunienne!

L'examen des masses voisines de Veglia ne laisse d’ailleurs aucun doute sur la réalité de la superposition du gneiïss au calcaire dans une très grande étendue du pays, et la faible inclinaison des couches dans toutes ces montagnes ne permet pas, comme sur l’autre versant de la chaîne, d’avoir recours à des accidens de surplomb ou de renversement, pour rendre raison d’un fait aussi général.

En contemplant, d'abord, depuis les chalets de Veolia l’ensemble des masses qui ferment le cirque vers l'O., on reconnaît facilement, sur le bord droit de la gorge d'écoulement, des escarpements de dolomie ou de calcaire qui s'élèvent à peu près à la hauteur de la terrasse du fond, et dont les couches, régulière- ment inclinées au N., passeraient dans le corps même de cette terrasse, Sur ces couches calcaires on voit reposer les couches parallèles de gneiïss qui constituent la masse supérieure du mont Leone et dont le prolongement répondrait au gneiss du passage de Levi. En montant le Campo par la pente droite de la vallée, à l'alpe de Valé, nous avons suivi ces couches de dolomie et de calcaire jusque sur les hauteurs qui dominent Trasquèras et Isella. Non loin de Valé on voit affleurer le même schiste micacé avec grenats que nous avons vu sur les hauteurs au-dessus de Veglia. Sur la crête même cependant, au-dessus d’Isella, le calcaire prend un aspect si peu cristallin que nous fûmes longtemps à y chercher des fossiles, mais sans succès. Et ce même calcaire est ici recouvert par un gneiss parfaitement caractérisé, en couches parallèles à celle du calcaire. Nous avions cependant à peine commencé à descendre vers la route du Simplon, que nous irouvâmes le gneiss à la base aussi du calcaire, s’inclinant comme lui, sous un très petit angle, au N. La masse de dolomie et calcaire, si puissante dans le cirque de Veglia, va donc presque se terminer en coin vers le midi, et il est assez pro- bable que la couche de marbre d'Algaby, s’élevant vers l'E. avec le gneiss qui la renferme, rejoint cette masse affaiblie; elle paraîtrait former une seule couche subordonnée au gneiss, si l'on ne connaissait que ces affleurements dans le fond et sur les hauteurs du V. Vedro.

Les mêmes rapports entre les deux terrains s'observent quand on descend de Campo par le V. Vegero à Varzo. La plaine de Campo est un cirque imparfait, dont la paroi abrupte présente la tranche de couches horizontales de dolomie saccharoïde et de calcaire blanc grenu , alternant avec des couches de micaschiste noir et gris d'un éclat très brillant. Ces masses puissantes continuent dans la

(N-7,p.15) SUR LES MONTAGNES DU SIMPLON ET DU SAINT-GOTHARD. 317 paroi gauche de la vallée, en s’élevant peu à peu vers lemidi , et paraissent com- poser en grande partie le mont Cistello, dans les éboulements duquel on remarque, comme à Campolongo, des cristaux de trémolithe renfermés dans la dolomie saccharoïde. Ces roches blanches se distinguent aisément sur les hauteurs laté- rales de la vallée jusqu'au-dessus de Varzo; mais sur la route, elles font place au gneiss et au micaschiste, dont les couches horizontales ou à peine inclinées au N. se montrent au jour lorsqu'on descend à Varzo.

En traversant les hauteurs qui séparent le cirque de Veglia des alpes de Dever, nous avons suivi le calcaire dans une troisième direction. Des chalets de Veglia on monte vers LE. , le col de Valtener offre un passage conduisant à la vallée de Bondaler, latérale de celle de Croveo. Des deux côtés du col, le marbre blanc, en couches inclinées au N. et présentant, sur la gauche surtout, de hauts escar- pements , est la roche dominante, et la direction du chemin étant à peu près pa- rallèle à celle des couches, la même roche, toujours très abrupte, continue jusqu'à Bondaler. On y trouve des couches subordonnées de micaschiste très éclatant qui atteignent quelquefois une puissance de quelques toises. Dans plu- sieurs de ces couches , évidemment intercalées dans le calcaire sur la droite du col, on distingue facilement des paillettes de feldspath qui cependant ne sont pas assez fréquentes pour qu’on ose donner à la roche le nom de gneiss. Mais si, pour éviter la descente à Bondaler qui obligerait de remonter pour atteindre Dever, on monte sur la gauche du col au bord supérieur des escarpements, on ne peut plus conserver de doute sur la nature de la roche qui forme des couches puissantes intercalées dans le calcaire. C'est un gneiss aussi parfaitement caractérisé que celui qui forme les parois du V. Antigorio, ou la chaîne centrale elle-même qui sépare ce pays du Valais. Je dois insister particulièrement sur le fait que ces alternances de gneiss et de calcaire ne rappellent en aucune manière l’intrusion violente de roches pyrogènes dans une masse stratifiée sédimentaire. On ne re- marque pas de contournements brusques ou un tissu plus cristallin dans le cal- caire à l'approche du gneïss ; ses couches ne sont pas coupées obliquement par celui-ci. Les deux roches alternent entre elles, comme le gneiss alterne avec le micaschiste, ou le calcaire avec le flysch. Au milieu même de ses masses les plus puissantes, le calcaire, comme un marbre cipolin, renferme des paillettes isolées ou des strates très minces de mica; sur d’autres points, ces paillettes sont si serrées qu'on distingue à peine les parties calcaires ; sur d’autres encore, la roche possède entièrement l'aspect et les éléments d'un vrai micaschiste, et la présence de quelques grains de spath calcaire ne s'annonce que par les acides; le micaschiste enfin se développe et passe au gneiss.

Après une montée d'environ 200 mètres, nous nous trouvions dans la partie la plus élevée des alpes de Muscagne qui descendent vers Dever, en formant une Jarge terrasse haute et escarpée du côté du midi. Un passage par la haute chaine communique d'ici avec la Kriegalp, dont les eaux se réunissent au-dessous de

SOC. GÉOL. -— SÉRIE. T. I. Mém. 7. 41

318 MÉMOIRE GÉOLOGIQUE CNT, p. 14.) Ste-Croix avec la Binna. Une descente assez forte et des escarpements séparent la terrasse de Muscagne de la plaine de Dever. Cette plaine, élevée de 836 mètres au-dessus de Premia en Antigorio et de 1,639 mètres sur la mer, est encore une vallée-cirque , à fond plat à peu près circulaire en partie marécageuse , entourée d'escarpements qui laissent échapper les eaux par une fente étroite, d’où elles tombent en magnifiques cascades dans la vallée de Craveo pour se réunir à la Toccia près de Baceno. Le croisement avec la vallée longitudinale de Muscagne et son prolongement oriental du côté de l’Albrun, est cause cependant que la forme de cirque est moins frappante que celle du cirque de Veglia.

On peut passer directement de Binnen à Dever par un col nommé la Rossa en italien (le Gaïspfad en allemand). Vis-à-vis d'Imfeld, on monte d’abord à la ter- rasse qui sépare la dolomie du gneiss, et, après l'avoir traversée, il faut escalader la paroi de gneiss, abrupte comme un mur, au fond de cette terrasse. A la moitié de la hauteur environ, le gneiss est recouvert par une puissante nappe de serpentine, et cette roche compose toute la partie supérieure de la montagne. C'est une ser- pentine, tantôt massive, tantôt schisteuse à feuillets contournés et ondulés : une variété de l'espèce schisteuse, à feuillets très minces, plans et translucides, a reçu le nom d’antigorite; l'espèce massive surtout renferme beaucoup de parties cristallines de diallage, d’actinote et de fer magnétique. Vers le N.-E., la masse de serpentine se termine brusquement contre des masses de gneiss qui font corps avec le gneiss inférieur, en s’élevant considérablement au-dessus du col. Vers le S.-0. elle finit avant d'atteindre le passage de Kriegalp, entre lequel et celui de la Rossa s'élève le grand Cermandon, la plus haute cime de la chaîne entre le col de Boccareccio et l’Albrun. D’après les indications d’un habitant de Binnen qui y était monté à la recherche de minéraux rares dont il fait un petit commerce, la cime du Cermandon serait de flysch, à l'instar des autres sommités de cette chaîne ; au-dessous du flysch il y aurait un banc assez puissant de dolomie , puis un banc de gneiss ou micaschiste, au-dessous de celui-ci de la serpentine, et plus bas encore on trouverait la même grande masse de gneiss qui supporte la serpen- tine de la Rossa.

La largeur du passage est assez considérable, moins cependant que celle du col de Boccareccio. La serpentine y présente les formes moutonnées que l'on regarde comme un indice du séjour d’anciens glaciers, et plusieurs de ses rochers sont polis et striés comme ceux de Zermatt ou d’autres localités voisines des gla- ciers actuels. En descendant du côté méridional, on voit la serpentine passer à un schiste serpentineux ou talcschiste vert, et immédiatement sous ces schistes on a le même gneiss qui. du côté opposé, fait la base du passage. Les couches de ce gneiss, ainsi que celles de taleschiste, inclinent au N., sous un angle d'environ 15°, tandis que sur le versant septentrional l’inclinaison, toujours très faible, est vers le midi. La hauteur du col au-dessus de Dever est de 86 mètres, et la puissance de la serpenline pouvant être évaluée au quart de ce nombre, il

(N:7,p.15) SUR LES MONTAGNES DU SIMPLON ET DU SAINT-GOTHAR D). 319 reste plus de 600 mètres pour celle de la masse de gneiss qui la supporte. De cette épaisseur il y à cependant environ 50 mètres à déduire pour la masse inférieure au gneiss, et dont nous allons nous occuper.

Au pied de la descente, les éboulements cachent la roche; mais on la trouve au jour, soit à droite, soit à gauche. À lO., immédiatement sous le gneiss, il y a du micaschiste brunâtre dont les grains de quarz sont unis à des grains de spath calcaire et qui renferme beaucoup de grenats. A la base de l'escarpement, des roches qui font saillie consistent en calcaire blanc grenu. Le même ordre à peu près se répète sur la gauche. Sous la dernière couche de gneiss, on trouve, en contact avec elle, un calcaire blanc grenu, très chargé de mica, et environ 10 mètres plus bas, à la base de la pente abrupte, des escarpements de dolomie blanche, saccharoïde, de 20 mètres de hauteur. En avant du pied de la montagne sont les collines qui font le bord de la plaine du côté N.-E. D’après l'inclinaison générale vers le N, ces collines présentent des pentes fortes et souvent rocheuses vers l'issue de la vallée, et toutes celles que nous avons examinées sont compo- sées de marbre blanc, alternant avec du flysch, du micaschiste et de véritable gneiss. Les mêmes roches composent encore la grande descente de Dever à la terrasse de Golio, la vallée de Bondaler se croise avec celle de Croveo. Le flysch, ou un calcaire grenu tellement chargé de mica quil faut l'épreuve des acides pour en discerner la aature, et un micaschiste noir d'un éclat brillant, sont les roches: dominantes, et leurs couches plongent sous un assez petit angle sous le gneiss de la haute chaîne. Au-dessous de Golio, un micaschiste à grenats alterne avec du gneiss jusqu’au débouché de la vallée. L'église de Pre- mia est construite sur un micaschiste grenatifère, et, en montant la vallée par S.-Rocco, on ne voit jusque sur la terrasse du V. Formazza que des couches de gneiss qui, d’après la faible inclinaison générale vers le N.-0., doivent être superposées au micaschiste de Premia, en séparant celui-ci du micaschiste de Golio.

Au lieu de faire ce détour, on peut se rendre directement de Dever à Formazza et traverser les hauteurs au-dessus des villages allemands d’Ager (Agaro) et de Saley (Saleccio). Sur toute cette route, nous vimes jusqu’à la pente qui descend vers Saley, les flysch calcaires de la gorge de Dever, passant tantôt à un schiste calcaire identique avec celui des montagnes de Brienz ou du Simenthal, tantôt à un quarzite pareil à ceux qui alternent avec le marbre de Veglia et de Bondaler. L'inclinaison est toujours au N.-0., le flysch recouvre donc ici le gneiss, de même que dans les vallées de Croveo et de Davedro. Ce flysch s'étend de même sur les montagnes à l'E. de la V. Antigario. Depuis les hauteurs au-dessus de Saley on distingue, dans les hautes cimes de la chaîne opposée, le schiste noir du terrain de flysch recouvrant le gneiss qui compose la masse de la chaîne, et, en passant de Formazza à Bosco j'ai rencontré sur le col un schiste amphibolique et un schiste argileux vert sale foncé, comme on en voit souvent parmi les schistes du

320 MÉMOIRE GÉOLOGIQUE (N:7, p. 16.) fiysch. On trouve dans les voyages de de Saussure une description assez détaillée des roches de ce passage.

Avant de pousser plus loin nos recherches, il sera convenable de nous arrêter quelques instants, afin de fixer, s’il est possible, nos idées sur les faits exposés jusqu'ici, ne füt-ce que pour nous mettre en garde contre quelques conclusions séduisantes, dont peut-être on n’entrevoit pas d’abord toutes les difficultés.

En voyant des deux côtés de la haute chaîne, à la base du col de la Rossa, les couches de dolomie plonger vers l'axe de la chaîne, on pourrait facilement admettre que ces dolomies, identiques dans leurs caractères minéralogiques, traversent la montagne, en ne formant qu'une seule masse, qui supporterait le oneiss qui la recouvre comme un terrain en supporte un autre plus récent; et le gneiss lui-même étant recouvert de flysch, tandis que la masse supérieure de dolomie et calcaire repose sur le gneiss d’Antigario, il en résulterait une double alternance de gneiss et de calcaire sur une échelle colossale. Cette manière de voir n'aurait rien d'inadmissible. Ce ne sont point d’abord les dimensions qui doivent effrayer dans les Alpes, et des alternances de gneiss, de calcaire et de dolomie sont si ordinaires dans ces montagnes, les exemples de nids calcaires enclavés dans le gneiïss et finissant en coin sontsi rapprochés Algaby, à Crévola et ailleurs), qu'on sera assez disposé à croire qu'un lambeau du flysch et de la dolomie du Valais à pu s'étendre vers le midi jusque sur les hauteurs d’Anti- gario pour s'y terminer en coin. Il est vrai que la grande rupture que nous avons remarquée sur le versant valaisan de la haute chaine ne permet pas de supposer une connexion immédiate des deux masses dolomitiques ; cette rupture cepen- dant, ayant eu lieu évidemment au milieu de la masse de gneiss, ne paraît pas indiquer une différence d'âge entre les terrains en stratification horizontale et ceux stralifiés verticalement; c'est, selon toute probabilité, un accident méca- nique et postérieur à l'origine de deux terrains ; et si l'on fait tourner les strates verticaux de la vallée de Binnen jusqu'à ce qu'ils deviennent horizontaux, il est clair que la dolomie de cette vallée se trouvera à peu près de niveau et en contact avec celle de Dever. D'autre part, les gneiss supérieur et inférieur, soit sur la route du Simplon, soit dans la vallée Formazza, ne paraissent former qu'une seule et même masse, de manière qu'en admettant la connexion du flysch de Dever avec celui du Valais, il faudra supposer qu'un lambeau du flysch valaisan ait percé par le milieu de ce massif de gneiss, qui au-dessus formerait une espèce de pont, ce qui semble peu naturel. Rien d’ailleurs n’oblige à cette supposition, et l'isolement de tant d’autres masses de calcaire ou deflysch dans le gneiss étant hors de doute, on peut admettre sans inconvénient celui de la masse de Veglia et Dever. Cette masse, envisagée de cette manière, sera l’analooue des masses calcaires d’égale puissance, enclavées dans le gneiss des vallées de Lauterbrunnen, de Grindel- wald, d'Urbach et de Guttanven ; et il faut ajouter qu’en tirant par Viesch une perpendiculaire à la direction générale du Haut-Valais, cette droite va joindre

CN. 7, p: 17.) SUR LES MONTAGNES DU SIMPLON ET DU SAINT-GOTHARD. 321 à peu près la Rossa d’une part et la Jungfrau de l’autre. Ces grands noyaux calcaires enveloppés par le gneiss se trouvent donc presque exactement vis-à-vis l'un de l’autre sur les deux versants du système alpin.

Une autre question, et ce n’est pas la moins difficile , se rapporte aux formes extérieures de ce groupe de montagnes. Des cirques aussi frappants par leur étendue , leur profondeur et la régularité de leur contour que ceux de Giebe- lalp , de Veglia et de Dever, doivent avoir une origine commune, et tous leurs caractères nous portent à admettre, pour expliquer cette origine , des effondre- ments partiels, analogues à ceux qui, dans les terrains meubles, donnent lieu aux entonnoirs du gypse. C’est par le même principe que les plus célèbres de nos géologues s'accordent à expliquer les grands cirques des pays volcaniques. Quant à la fréquence des cirques dans cette partie des Alpes, on en trouvera des rai- sons suffisantes dans le peu de solidité des roches qu'on trouve à la base du gneiss et dans l’horizontalité des couches. La dolomie saccharoïde , en effet, est souvent si peu cohérente qu’elle devient friable, et, sur beaucoup de points, elle est as- sociée à des amas de gypse, roche plus destructible encore ; et 1l est évident que des couches solides horizontales, quand elles ne sont plus supportées, doivent se rompre à plomb sur des espaces à peu près circulaires, tandis que , dans des systèmes de couches très inclinées, une partie des couches glissera sur les plans de stratification et fera naître des crevasses ou des vallées longitudinales. Cepen- dant, si nous admettons pour nos cirques une origine pareille, nous devons ne- cessairement nous attendre à trouver dans leur intérieur, en partie du moins, et quoique rompues en grands fragments, les roches qui forment le bord supérieur de leurs parois , savoir, du gneiss dans celui de Veglia, de la serpentine dans ce- Jui de Dever ; et à la base des escarpements, il faut supposer une faille continue qui sépare la roche du sol de celle des parois. Or, il suffit de regarder nos coupes pour se persuader qu'il en est tout autrement. Nous voyons le calcaire et Le flysch sortir de dessous les parois de gneiss et s’avancer en faisant saillie l’un sous l'autre, vers l'intérieur du cirque , sans aucune apparence de faille, et ce n’est que dans la partie assez resserrée du fond, celui-ci est parfaitement plan et couvert de pâturages, qu’on pourrait supposer qu'ont eu lieu une rupture du sol et un affaissement. L'ensemble des formes extérieures et de la disposition des masses porte plutôt à l'idée que ce sol a été mis à découvert par une destruc- tion quelconque et par l'enlèvement des masses qui, à l’origine, devaient com- bler le vide actuel des cirques; il rappelle ces grands et nombreux cirques du Jura suisse, dans lesquels on trouve des terrains de plus en plus anciens à me- sure que l’on avance de la circonférence vers le centre, et la théorie qui expli- quera l’origine de ces derniers pourra probablement être appliquée aussi aux cirques qui viennent de nous occuper.

Nous terminerons ces réflexions par. quelques mots sur la serpentine de la Rossa. Quelle est, demandera-t-on, l’origine de cette masse étrangère? Devons-

322 MÉMOIRE GÉOLOGIQUE CN. 7, p.18.) nous croire qu'un dyke de serpentine à percé le gneiss sur l'axe de la chaîne, pour s’épancher à sa surface, à l'instar des basaltes et des mélaphyres ? Je ne le pense pas.

Dans les Grisons, en- Valais, en Piémont, en Toscane, dans ces pays classi- ques de la serpentine, je ne connais aucun fait qui püt être cité à l’appui d’une pareille hypothèse. Cette roche se présente d'ordinaire dans les terrains schis- teux sous forme de grands amas dont les schistes suivent le contour; et lorsque l'on voit des ramifications partir de ces amas, elles forment des filons-couches , et ne coupent jamais les plans de stratification des roches traversées. Quelquefois aussi, la serpentine forme des couches d’une grande puissance, intercalées entre des couches de schistes ou de gneiss ; ou bien elle devient schisteuse elle- même, et sa liaison avec les autres schistes est si intime qu'on ne saurait lui assi- gner une origine différente que la leur. Il me paraît résulter de que l'on suivra de plus près les analogies de la nature, en envisageant la serpentine de la Rossa comme un membre subordonné, soit du terrain de gneiss , soit de flysch , mis à découvert par la destruction des masses superposées, dont peut-être nous voyons le dernier reste dans le Cermandon. On pourra alléguer en faveur de la connexion les masses de pierre ollaire subordonnées au gneiss vertical du Valais qu'on ex- ploite près d'Aernen, dans la vallée d’Éginen et au midi d'Oberwald. En admet- tant que le flysch de Binnen corresponde à celui de Dever, le gneiss vertical, en remettant ces masses dans la position horizontale, se trouvera juxtaposé au gneiss de la Rossa , et la pierre ollaire prendra la place de la serpentine, qui a à peu près la même composition chimique. D’autres raisons, presque aussi fortes, parlent plutôt en faveur de la réunion de la serpentine avec le flysch. C’est d’a- bord la roche à laquelle la serpentine se trouve ordinairement subordonnée dans les Alpes et dans tout le midi de l’Europe; et nous en avons vu un exemple peu éloigné au midi de Visp, à l'entrée de la vallée de St-Nicolas. Donc, puisque nous savons que le flysch couvre la plupart des sommités aux environs de la Rossa, on concevra que sur quelques points ce terrain de fiysch puisse être re- présenté par un de ses membres subordonnés , et que, de même que sur d'au- tres points nous voyons la dolomie ou le calcaire prendre la place du flysch, ce soit la serpentine qui représente ce terrain sur la Rossa.

Val Formazza et sources de la Maggia.

La succession des terrains dans la partie supérieure du val d’Antigario dans celui de Formazza est assez connue , et je ne l’indiquerai que sommairemnent. On sait que de Soppiano, qui est sur un gneiss faiblement incliné au N.-0., on monte par un gradin abrupte à la terrasse de Formazza, qui ferme le fond de cette longue vallée méridienne que parcourt la Toccia. Sur la hauteur de la Cima Rossa, que l'on laisse à sa droite en sortant du passage de l’Albrun par Lebendu , on remar-

(N. 7, p. 19.) SUR LES MONTAGNES DU SIMPLON ET DU SAINT-GOTHARD. 323 que, à plusieurs centaines de mètres au-dessus de la vallée, et composant toute la partie supérieure de la montagne, une puissante masse de flysch, et avant d'atteindre Frutval, le flysch se montre sur plusieurs bandes parallèles dans la vallée même. Ce flysch paraît plonger sous le gneiss granitique qui constitue les rochers par lesquels se précipite la belle cascade de la Toccia, et c’est à peu près que passerait la direction prolongée du massif de gneiss du Simplon. Au haut de la chute, le gneiss se cache sous des micaschistes qui alternent avec des dolo- mies, tantôt saccharoïdes , tantôt caverneuses ( cargneules ) , etqu'on ne saurait séparer du véritable flysch. En effet, soit que l’on s’avance vers le passage du Gries, soit que l'on prenne à droite par la longue plaine de Valdesch ou de S. Giacomo, on n’a bientôt des deux côtés de la vallée que des montagnes à schistes bruss et noirs; et les éboulements ne contiennent que du flysch micacé, du schiste noir noduleux, pareil à celui dela Nufenen, et soit à la séparation des deux vallées soit à l'approche des deux cols du Gries et de S. Giacomo, des dolomies, des marbres blancs et du gypse. L'inclinaison au N. se soutient dans la vallée qui con- duit au Gries , en devenant de plus en plus forte à mesure que l’on s'élève vers le col; elle est verticale sur le col même. Dans la vallée de San Giacomo, au contraire, l'inclinaison de la chaîne orientale est constamment au S. 28°E., et à la séparation des deux vallées. Aux environs de Marasc, on voit aussi à l'O. de la vallée, au mi- lieu des montagnes d'une inclinaison opposée, un groupe de montagnes inclinées au S., dont fait partie le Thalihorn.

Pour reconnaître ces rapports remarquables entre les schistes feldspathiques et le flysch jusqu’à la grande vallée Levantina , il nous restait à traverser le groupe de hauteurs presque inconnues, dans lequel les trois vallées de Bavona, de Peccia et de Fuzio se joignent au midi d’Airolo par des cols très voisins, mais assez sauvages et peu fréquentés. Ce n’est même que depuis peu qu'on a distin- gué la vallée de Bavona de celle de Bosco, que les meilleures cartes jusqu'ici avaient réunies en une seule vallée.

Après avoir passé le pont de Tessin, au-dessous d’Airolo, nous prîmes la route de Fontana pour monter aux hauteurs au - dessus: du val Cristallina. Avant d'atteindre le premier village, notre attention se porta sur plusieurs blocs de cal- caire noir, rendu miroitant par despaillettes presque imperceptibles de tale ou de mica , mais se dissolvant en grande partie et avec une forte effervescence dans les acides. Ces blocs renferment des Bélemnites pareilles à celles de la Nufenen. L’é- loignement cependant des deux localités et les différences de la roche font présu- mer que l’origine des blocs de Fontana doit être cherchée dans les ravins derrière ce village , un calcaire semblable se trouve en place. Ce serait donc un troi- sième point dans les limites de notre carte l'on aurait découvert des restes organiques dans le terrain de flysch, et je pense qu'en prenant plus de temps que nous ne l'avons fait pour ces recherches, on parviendra à multiplier davan- age encore ces localités.

324 MÉMOIRE GÉOLOGIQUE CN: 7, p. 20.)

Au-dessus de l’alpe de Cristallina, située dans une ouverture de la haute chaîne de flysch qui limite vers le midi la vallée du Tessin, on se voit en face d'un beau groupe de montagnes, en partie couvertes de glaciers , dont le versant méridional descend dans le fond du val Peccia. Ce groupe se joint vers l'E. à la chaîne que l’on vient de passer par le col de Narret qui conduit à l’alpe très étendue de Campo-la-Forba et à Fuzio ; à la droite , un col ou une espèce de pla- teau conduit au val Bavona. Ayant décidé de commencer notre exploration par cette dernière vallée, nous eûmes d’abord à gravir une longue pente de neige qui conduit au col, ayant à notre droite des escarpements de marbre blanc très chargé de mica, dont les couches plongent au S. sous un très grand angle. Sur le col, une vue très imposante, mais rien moins que pittoresque, se déploya de- vant nous. À nos pieds , nous voyions un vaste et profond entonnoir , dont le fond est occupé par un Jac sans issue visible, et presque entièrement gelé, quoique nous fussions à la fin de l'été ; au N. et du côté opposé au col, des sommités abruptes et déchirées ; vers le S.-0., par-dessus le bord méridional de l’en- tonnoir, le majesteux massif du grand Pasadan, couvert de glaciers et de neiges. Les éboulements que nous traversàmes pour gagner ce second col ne contenaient que des fragments de gneiss; mais la roche perce à travers les éboule- ments, c’est toujours du flysch noir ou brun micacé, pareil à la roche domi- nante de la chaîne que nous venions de passer à Cristallina ; et ce n’est qu'après avoir atteint le col que nous marchâmes sur le gniess en place; c’est , en effet, le gneiss qui compose le col et la continuation de ses rochers vers le midi. La direc- tion des couches subit ici une inflexion qui, nous le verrons plus loin ,est d'un haut intérêt. L'inclinaison, au lieu d’être vers le S. 28° E., comme dans la chaîne de flysch et dans les terrains de la plaine de S. Giacomo, tourne à VE. ou vers le S. 80° E.; et, si l'œil ne nous a pas trompé, ce sont les mêmes couches, d’abord inclinées au midi, qui, en se couchant, prennent cette nou- velle inclinaison vers l'E.

La descente de ce col dans les alpes les plus reculées du val Bavona est rapide et très longue. À la base d’une première marche d'à peu près 300 mètres de hauteur verticale, on se trouva dans une gorge très étroite qui remonte vers le N. et le N.-0., en communiquant avec des creux ou des cirques déserts et rocheux, en partie occupés par de petits lacs, et dont les pentes moins abruptes sont couvertes deglaciers et de champs de neige. La roche inférieure au gneiss est un schiste amphibolique qui lui-même recouvre une puissante masse de dolomie saccharoïde, ces deux roches plongeant vers l'E. comme le gneiss qui leur est superposé. Le torrent a creusé son lit dans la dolomie, et le tournoiement des cailloux produit par l'impulsion de l’eau y à creusé et y creuse encore de nombreuses cuves de toute grandeur. [Il se pourrait que cette dolomie fût la con- tinuation de la masse du marbre blanc qui au N. borde le premier col; peut- être aussi traverse-t-elle la chaîne vers l'O, en faisant corps avec celle qui

7,Pp.2.) SUR LES MONTAGNES DU SIMPLON ET DU SAINT-GOTHARD. 325 affleure dans la vallée de S. Giacomo, et, dans ce dernier cas, on pourra l’envi- sager comme le prolongement de la dolomie que nous avons vue plonger sous le gneiss de la Rossa dans la vallée de Binnen.

À l'issue de la gorge dolomitique, on se trouve sur le bord supérieur d’un nou- veau précipice, égal en profondeur à celui que l’on vient de descendre. Le fond de cette vallée inférieure est resserré entre de hautes parois de rochers noirs, en partie bombés et sans stratification apparente , rappelant l'aspect extérieur de roches éruptives. En examinant le pied de ces sombres rochers, nous leur trou- vàmes une composition assez singulière. À la première vue on croirait voir un gneiss très chargé de petites paillettes de mica noir et renfermant des nœuds, souvent assez considérables, de quarz grenu et d’autres d’amphibole noire chatoyante ; mais, en essayant l'effet des acides, cette roche fait une vive effervescence dans presque toutes ses parties, et on reconnaît bientôt à la simple vue que les paillettes blanches dispersées dans toute la masse , et principalement dans ces nœuds de quarz , paillettes que l’on prenait pour du feldspath, sont en réalité du spath calcaire. On ne peut douter que cette roche, d’une puissance de plusieurs cen- taines de mètres, n’appartienne essentiellement au même système calcaire et dolomitique que la dolomie qu’elle supporte, et on y reconnaît encore une de ces transitions remarquables entre les roches calcaires sédimentaires, et celles réputées primordiales qui se sont offertes sur une si large échelle dans les alen- tours de Veglia et de Dever.

En sortant de la gorge on se trouve auprès des chalets de Campo, et après une nouvelle descente on atteint la chapelle de S. Carlo. C’est bien du vrai gneiss qui compose ici tous les rochers ; mais, son extérieur présentant le même aspect que la roche calcaire derrière Campo , il nous fut impossible de déterminer la limite entre les deux terrains. Dans toute la vallée inférieure, jusqu’à sa réunion avec la vallée de la Magoïa près de Cavergno, le gneiss domine seul. On se trouve de nou- veau dans le système de gneiss à couches peu inclinées qui occupe de si grandes surfaces dans les vallées d’Antigorio, d’Osernone et de Maggia. Aux environs de Cevio, l’inclinaison de ce gneiss est au S. sous un angle de 15 à 20°; et à une lieue environ au-dessus du village, sur la belle route qui s'élève en nombreux zigzags jusqu'à Cerentino , ce gneiss enveloppe une couche de marbre blanc.

Mais si l’on monte dans la vallée principale de Bignasco à Broglio et à Peccia, on voit, dès le premier de ces villages, ces faibles inclinaisons et la direction des couches qui étaient suivant le système des Alpes remplacées par des directions qui oscillent entre la 9" et la 3% heure de la boussole, et par de fortes inclinai- sons vers l'est: et cela, sans qu’on puisse apercevoir une transition entre les deux directions par une courbure des couches. De même que dans le val For- mazza , à l’ouest de Marasc, les massifs diversement stratifiés sont enchâssés les uns dans les autres comme des cristaux d’un clivage différent qu'on aurait forcés au contact par une pression latérale. Ce système de couches inclinées vers l'E.

SOG. GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. 7. 42

326 MÉMOIRE GÉOLOGIQUE @-7, p. 22.) acquiert une grande extension dans la partie septentrionale du canton du Tessin, el il a déjà été indiqué par M. Escher et moi, sous le nom de système de l’Adula, dans notre Description géologique des Grisons. Le col de S. Giacomo peut être regardé comme la limite occidentale de ce système; à l'E. il s'étend pour le moins jusqu'au Bernina , et il importe de remarquer que son étendue du N. auS., en suivant la direction des couches, n’est à peu près que le quart de celle qui est parallèle au système principal des Alpes.

Dans le val Peccia, le gneiss et le micaschiste, inclinés à l'E., ou plus exactement vers le N. 40° E., sont les roches dominantes jusque dans le fond très : élevé la vallée touche au Campo-la-Torba. Sur l’alpe de Suena , à une grande hauteur au-dessus du bord droit de la vallée, on exploite une puissante couche de pierre ollaire subordonnée au gneiss. Cette couche traverse la montagne et s’exploite aussi dans le val Bavona. C'est à Suena principalement qu'autrefois les collecteurs de minéraux trouvaient les beaux cristaux d’apatite, de sphène, de ruthile, etc. Vers le fond de la vallée, on traverse une masse de marbre blanc et de flysch de près de 100 mètres de puissance qui, peut-être, est contiguë à celle de Campo dans le fond du V. Bavona; la direction anomale des couches cependant jette une grande incertitude sur ces rapprochements. On pourrait même hasarder une combinaison beaucoup plus frappante entre la pierre ollaire de Suena et celle du Haut-Valais. En effet, si l’on admettait que la superposition apparente du gneiss au terrain de flysch fût réelle, le gneiss du val Peccia serait la branche descendante de la grande voûte de gneiss, dont le faite formerait les couches horizontales de la chaîne centrale qui sépare Veglia et Dever du Haut- Valais, et les couches de pierre ollaire, tant à Peccia qu’en Valais, conjointe- ment avec la serpentine de la Rossa, seraient alors des membres détachés d'une même couche talqueuse, subordonnée à cette voûte.

La haute vallée de Fusio est séparée de la vallée inférieure par un gradin assez rapide, analogue à celui qui sépare Formazza d'Antigorio. La belle route, prati- cable pour les voitures, qui, de Peccia, s'élevait en serpentant jusqu'à Fusio, a été détruite par les inondations de 1834, et le village de Peccia lui-même, au pied de ces éboulis, est voué à une ruine presque certaine par la chute des roches qui, depuis ce désastre et en suite du déboisement progressif des montagnes, ne cessent de se détacher des hauteurs du côté gauche de la vallée. Les blocs de ces éboulis sont de gneiss, et, en montant vers Fusio, on ne voit dans Les escarpe- ments du côté droit ou occidental que des gneiss et des schistes amphiboliques fortement inclinés vers le N. 70° E. Les mêmes roches dominent de ce côté de la vallée jusqu’au Campo-la-Torba, etsi, à une lieue au nord de Fusio, on franchit la chaîne gauche par la crête de Sassello, on ne sort du gneiss qu'après être des- cendu d'environ 300 mètres sur le versant oriental de la chaîne. A eette hauteur, les escarpements du gneiss se terminent à une terrasse de collines à pâturages et en partie boisées, occupée par les alpes de Prato et de Ruvina, et on se retrouve

UN 7,p 23.) SUR LES MONTAGNES DU SIMPLON ET DU SAINT-GOTHARD. 327 dans le flysch de Cristallina et de Fontana. La stratification de ce flysch est ver- ticale, dans la direction de h.8 de la boussole: avec les schistes noirs ordinaires alternent des couches de calcaire gris grenu, et, plus en avant, près de Nante, ce flysch renferme des masses puissantes de dolomie qui, dans la paroi droite de la vallée du Tessin, forment des escarpements jusqu'aux environs de Dazio- Grande.

Au midi de la crête de Sassello, la chaîne de gneiss subit un abaissement très considérable, qui donne lieu à un passage facile et fréquenté entre Fusio et le val Leventina par l’alpe de Campo-Longo. Cet abaissement annonce un changement dans la nature de la roche, et l’on sait en effet que ce col était connu dès le siècle passé par ses belles dolomies saccharoïdes et les cristaux de trémolithe , de corin- don , de tourmaline verte et blanche et d’autres minéraux qu’elles renferment. La dolomie est amplement développée sur le faîte même du col; sa largeur doit être de près d'une demi-lieue , et elle s'étend assez loin sur les deux versants de la montagne. On la voit affleurer jusqu’à l'approche de Fusio. Sur le col elle repose, en couches inclinées au midi, sur le gneiss de Sassello, et , d’après les blocs descendus des hauteurs méridionales , elle est recouverte par du mica- schiste grenatifère et du quarzite qui, peut-être, ne sont que des roches subor- données dans ce terrain de dolomie et de flysch dont l'étendue vers le midi paraît être très considérable. En effet, si l’on va de Fusio à Mogno , on voit le pied de la montagne composé de flysch dont les couches participent à l’inclinaison vers l'E. des roches de Fusio et de Peccia, et derrière Mogno on exploite du calcaire blanc grenu comme pierre à chaux. Sur le versant opposé, on trouve de même des car- rières à chaux dans la commune de Dalpe, au midi de Dazio. Cependant le terrain dolomitique ne descend pas de ce côté jusqu'au fond de la vallée; car, près de Dazio , à l'entrée de la gorge de Faido, on a du gneiss, et, entre Piota et Madrano , un micaschiste qui fait également passage au gneiss, compose les rochers dernièrement percés par des galeries et traverse la vallée, en formant une saillie abrupte sur la rive droite du Tessin.

Le gneiss de Sassello , entouré de trois côtés par le flyseh et la dolomie, ter- mine vers l'E. le grand massif de gneiss du Simplon, dont nous avons suivi les limites pas à pas depuis la route du Simplon jusqu'ici. Ce massif, qui, dans sa partie occidentale et moyenne, suit la direction du Haut-Valais, subit une in- flexion à son entrée dans le système de l’Adula, et s'éloigne davantage du méridien pour suivre la direction de la vallée de Ronco. Sa largeur avait paru déjà très restreinte au passage de la Rossa, et quoique, plus à l'E., sa limite méridionale soit difficile à déterminer et plus difficile encore à tracer avec exactitude sur nos mauvaises cartes, elle ne paraît plus augmenter en s’avançant , et, sur les hau- teurs au-dessus de Fusio, la vue embrasse facilement le terrain du flysch de Campo-la-Torba d'une part, les dolomies de Campo-Longo de l’autre, et, entre eux, le gneiss de Sassello.

328 MÉMOIRE GÉOLOGIQUE (N.7, p.24.)

Réflexions générales.

Si nous essayons de tirer des faits exposés quelques conséquences sur l’origine et le mode de formation de ce groupe de montagnes, nous nous trouvons arrêtés dès l’abord par la même question fondamentale qui déjà, dans le siècle passé, a divisé les géologues entre les opinions de Pini et celles de de Saussure, et que nous ne voyons pas encore irrévocablement résolue de nos jours ; je veux parler de la question sur la cause primitive et la vraie signification de la structure stra- tifiée des gneiss et des micaschistes. Doit-on regarder ces couches souvent verti- cales des roches cristallines comme ayant été successivement déposées sur un sol horizontal, puis redressées en leur position actuelle, ou bien sont-elles dues aux effets d’une action moléculaire ou de retrait, et analogues aux divisions ta- bulaires et prismatiques des roches d’origine ignée; ou enfin, est-ce l'étirement d’une masse visqueuse en mouvement qui à fait naître cette stratification , comme nous voyons de nos jours cette cause produire un effet pareil dans les glaciers et dans îes courants de laves ?

On ne peut méconnaître qu’en adoptant une de ces dernières manières de voir, on débarrasserait le problème à résoudre de ses plus grandes difficultés, puisqu'il serait permis de négliger à peu près toutes les considérations qui se rapportent aux différences de stratification , et que les faits les plus obscurs s’expliqueraient assez facilement par les théories reçues. On supposerait, avant l'origine de nos alpes, un terrain de flysch et de calcaire largement développé en couches hori- zontales ; puis, par la pression des agents souterrains, ce sol aurait été rompu sur plusieurs lignes parallèles, et les fluides de l'intérieur se seraient répandus à la surface par-dessus les calcaires, comme à Veglia et dans l'Oberland bernois; ils auraient enveloppé des fragments de couches brisées, comme à Algaby , Crevola et Cevio; ou les auraient portés à de grandes hauteurs, comme aux sommités du Cermandon et d’autres pics de la chaîne centrale ; des filons-couches auraient percé Les schistes, peu résistants dans le sens de leur stratification ; par suite de la chaleur et des vapeurs minérales, les roches traversées auraient été modifiées et en partie imprégnées des substances épanchées; la pression latérale exercée par la masse poussée en dehors aurait redressé les couches horizontales, et, par son retrait lors de son refroidissement , les couches les plus voisines auraient-été entraînées vers l’axe des dykes. En un mot, le gneiss et le micaschiste de nos Alpes centrales auraient joué le rôle du porphyre pyroxénique du Tyrol méridio- nal, et l’on n'aurait qu'à leur appliquer la théorie admirée à si juste ütre qui a donné un nouvel essor à la géologie moderne.

Le classement des schistes cristallins parmi les roches d'épanchement pourrait être soutenu par des arguments qui ne manquent pas de force. Le fait seul que pour chaque roche massive on peut citer une roche schisteuse composée des

(N.7,p-%.) - SUR LES MONTAGNES DU SIMPLON ET DU SAINT-GOTHARD. 329

mêmes éléments minéralogiques et que ces deux espèces de roches passent souvent de l’une à l'autre, semble démontrer que leur origine nedoit pas être très différente. En effet, au Saint-Gothard, au Grimsel, et dans tous les massifs des Alpes en géné- ral, l'union entre le granite, le gneiss et le micaschiste est si parfaite que, malgré la grande divergence de leurs théories, Pini, de Saussure et M. Lardy setrouvent d'accord sur l'impossibilité de séparer ces roches quant au mode de leur forma- tion; M. Escher et moi nous sommes arrivés à la même conclusion, soit pour la ser- pentine massive et schisteuse, soit pour le gabbro massif et le schiste diallagique, dans le cours de notre exploration géologique des Grisons. En voyant d’ailleurs les schistes cristallins, au contact avec les rochers sédimentaires, exercer des influences analogues à celles des roches pyrogènes, par le développement d'un état plus cristallin et de divers minéraux, comme le grenat, l'amphibole, la py- rite et d’autres, on en conclut naturellement que les conditions dans lesquelles ces roches ont agi au contact doivent avoir été les mêmes. D'autre part, l'examen des roches schisteuses qui font partie des terrains neptuniens et disposés par couches nous prouve qu’en bien des cas la structure schisteuse est en discor- dance avec la division des couches, et que la règle de de Saussure, qui jugeait de cette dernière d’après la position des paillettes de mica, se trouve quelquefois en défaut. De ce fait il résulte nécessairement que l’état schisteux n’est pas un effet de la pesanteur comme la stratification par couches, et que l’on commettrait une erreur très grave, si l’on admettait que partout il ÿy a des schistes obliques ou verticaux, il y ait eu un redressement. Il paraîtrait que, même pour les terrains sédimentaires, l'on risque de se tromper sur le sens de la véritable stratification par couches. Dans la paroi de l'Eiger qui fait face au glacier de Grindelwald, on aperçoit dans le calcaire stratifié horizontalement un grand nombre de divisions à peu près verticales , parallèles au plan de contact avec le gneiss, tandis que les séparations des couches sont presque effacées, et si, à une plus grande distance du gneiss, la véritable stratification n’était pas évidente, on ne douterait pas que ce calcaire n'ait été redressé dans une position verticale. Supposons. donc qu'une autre masse de gneiss soit venuese placer en contact avec l'escarpement septentrional de l'Eiger et qu’elle y ait produit le même effet; il en serait résulté une bande de calcaire stratifiée verticalement, intercalée entre: deux masses de gneiss, et pareille à la bande de filysch dans le Haut-Valais. L'on sait enfin par les profils des montagnes de l'Oberland bernois publiés par M. Es- cher dans le vol. II des Mém. de la soc. helv., que, jusqu’à une distance de plu- sieurs centaines de mètres du contact, le gneiss qui recouvre le calcaire ne possède aucune straüfication distincte ; que, le feldspath y étant peu développé, la roche est plutôt un quarzite et renferme des blocs de calcaire alignés parallè- lement à la ligne du contact, et qu’à une assez grande distance seulement, dans le véritable gneiss auquel le quarzite fait passage . l'on reconrait cette stratifica- tion verticale qui divise la masse du gneiss en grandes tables de plus de 1,000

330 MÉMOIRE GÉOLOGIQUE CN.7 , p. 26.)

mètres de hauteur. Mais, par sa régularité même, cette stratification du gneiss contraste fortement avec celle des chaînes calcaires les plus voisines. Ces strates

cristallins, toujours plans et droits, suivent la même direction à des journées de

distance, tandis que les couches calcaires offrent les contournements les plus

bizarres, et cependant on aurait s'attendre à voir augmenter les indices des. actions mécaniques et le désordre dans la position des strates à mesure que l’on

s'avancerait vers le centre des grands massifs cristallins, dans lesquels probable-

ment ces actions ont pris naissance.

Des raisons non moins fortes cependant ont de tout temps déterminé les géo- logues qui ont fait des schistes cristallins leur étude particulière, à regarder les strates du gneiss et des roches analogues comme de véritables couches produites par la pesanteur, quoique déposées à l’origine peut-être sous des formes diffé- rentes de celles que nous leur trouvons aujourd'hui. D'abord on n’a pas réussi jusqu'ici à découvrir dans ces roches les caractères les plus ordinaires des roches d'épanchement : on ne les a pas vues en véritables filons, limités par des salban- des, traverser les strates d’autres terrains; je ne connais même pas de filons de quarzite ou de granite qui, à quelque distance du contact, donnent passage à une roche schisteuse; jamais encore ces roches ne se sont montrées divisées en pris- mes ; leur structure schisteuse est trop régulière et uniforme pour qu'on puisse la comparer à cet étatschisteux sous lequel on voit quelquefois, mais toujours sur des espaces très limités, les roches massives et même les laves récentes, et qui paraît, en effet, résulter d’un étirement ou mouvement intérieur. Mais ce sont principa- lement les alternances des couches du gneiss avec des couches d’autres roches qui paraissent s'opposer à sa réunion avec les roches d’épanchement ; en effet, on ne doit pas oublier que ces roches intercalées ne sont pas seulement des amphiboli- thes, des micaschistes, des serpentines schisteuses ou ollaires, des quarzites, des feldspaths compactes et des roches analogues d'une origine également probléma- tique, mais parfois aussi des grès et des conglomérats, comme en Tarentaise et à Valarsine, des calcaires et des dolomies , comme dans le pays qui vient de nous occuper. Il faut convenir qu’en voyant sur de grands espaces les assises de gneiss régulièrement parallèles à ces couches étrangères et partageant toutes leurs in- flexions, on ne peut leur refuser le nom de véritables couches, sans risque de mettre en doute les bases mêmes de notre science. Et encore pourrait-on peut- être, dans l'espoir d'échapper à d’autres difficultés majeures, se résoudre à ne voir dans ces roches subordonnées que des fragments de couches étrangères enve- loppées par le fluide igné, si la roche enveloppante était toujours du gneiss ou une autre roche feldspathique. Nous savons qu'il n’en est pas ainsi. Les mêmes rai- sons qui nous feraient accepter le gneiss comme une roche éruptive parleraient avec non moins de force pour le micaschiste, le taleschiste, le schiste chlorité, le schiste argileux ; non seulement toutes ces roches et bien d’autres encore alternent entre elles, mais elles passent l’une à l’autre par des nuances insensibles, et ces

O-7,p.27) SUR LES MONTAGNES DU SIMPLON ET DU SAINT-GOTHARD. 331 masses d’un caractère mixte atteignent souvent des puissances immenses. Le ré- sultat le plus précis auquel M. Lardy, dans sa description du Saint-Gothard, ait cru devoir s’arrèter, c’est que toutes les roches de ce groupe, depuis le gneiïss gra- nitique de la hauteur du passage jusqu’au schiste de la Nufenen, devaient être regardées comme des membres d’un seul terrain et des produits de même forma- tion. Or tous les géologues qui ont eu l'occasion de comparer les roches du Saint- Gothard à celles des vallées entre ce groupe et celui du Mont-Blanc conviendront avec nous que, dans cette partie des Alpes, la séparation du gneiss, comme roche éruptive , des autres schistes, même calcaires, qu'on regarderait comme des ro- ches de sédiment, ne pourrait être admise sans faire violence à la nature en fa- veur d'une idée préconçue. De même donc qu’en partant des terrains neptuniens le mieux caractérisés, on s’est vu conduit successivement au milieu des terrains cristallins et. feldspathiques sans trouver fixer une limite entre les uns et les autres ; de même, en suivant la marche opposée, on se verrait dans la nécessité de ranger dans les terrains d’épanchement des roches dans lesquelles on court à chaque pas le risque de trouver des fossiles.

L’impossibilité de séparer le gneiss et le micaschiste des roches dont l’origine neptunienne est évidente, a presque généralement fait adopter la théorie qui considère les schistes cristallins, les marbres, les dolomies et les gypses comme des roches nepluniennes modifiées postérieurement à leur déposition, et l’on sait que c'est en particulier dans les Alpes que ce principe, déjà entrevu par de Saussure et les géologues de son CRT, a trouvé la base la plus large et les appli- cations les plus évidentes.

Je n'hésiterais pas à désigner par le mot de métamorphisme ces altérations des roches, si je n’avais à craindre qu’on attachât à ce terme un sens trop précis, et qu'on ne me supposât la présomption de croire avoir expliqué, en me servant de ce mot, des choses qui, à mon avis, sont inexplicables dans l’état actuel de la phy- sique et de la chimie. En effet, un grand nombre de géologues me paraissent res- treindre le terme de métamorphisme aux épigénies produites par une masse ignée, telles que nous les observons au contact des filons ou des nappes de roches pyrogènes ; et, en partant de ces faits, on se croit obligé, chaque fois qu'il est question d’une roche transformée , de supposer la présence d’une masse de gra- nite ou de porphyre, par laquelle ces effets aient été produits. Mais n'est-ce pas dépasser les bornes de toute analogie que d'étendre les effets minimes observés au contact des roches à l'ensemble du plus puissant système de montagnes de notre continent? Ne doit-on pas admettre que l’action par laquelle des masses de 2 à 3,000 mètres de puissance ont être changées en gneiss , et en mica- schiste, est très différente de tout ce que nous connaissons des effets de la chaleur la plus intense et des affinités Les plus énergiques ? Et donc irons-nous cher- cher la roche qui doit être le centre de cette action dans un pays dépourvu de toute roche non stratifiée? Dirons-nous qu’elle reste cachée sous le sol, lorsque

332 MÉMOIRE GÉOLOGIQUE CN: 7, p. 28.) nous voyons les terrains transformés occuper les sommités et le faîte des chaînes, recouvrant de puissantes assises de terrains non altérés? Ce ne sera qu'autant qu’il me sera permis de signaler par le mot de métamorphisme le fait seul qui résulte de l'observation, savoir, qu'une roche ne possède plus son état primitif, et en éliminant tout ce qui se rapporte aux forces physiques ou chimiques par les- quelles sa transmutation peut avoir été produite , que j'en ferai usage dans le cas présent. La métamorphose, dans cette acception du mot, aura à peu près en géo- logie la même signification que le mot analogue de pseudomorphose en minéra- logie, et, de même que le minéralogiste qui désigne un cristal comme pseudo- morphique, ne prétend pas expliquer par ce terme le mode de sa formation, de même le géologue n'aura plus à craindre les objections souvent fondées de la chimie, quand celle-ci enfin se sera convaincue que le métamorphisme n'est pas l'expression d’une théorie, mais la description d'un fait. La connexion intime d'ailleurs que nous voyons établie entre les schistes cristallins et les roches mas- sives de même composition nous fera un jour peut-être envisager ces dernières comme l'extrême des altérations éprouvées par les premiers au lieu d’y voir leur cause. Le gneiss schisteux qui, par les intermédiaires de granite veiné et de gneiss granitique ou granite stratifié, passe au granite massif, rappelle les passages ana- logues du calcaire stratifié au marbre et à la dolomie. La métamorphose, en ga- gnant graduellement d'intensité, finit par effacer toute trace de stratification , et cet effet, ne pouvant avoir lieu sans un déplacement intérieur des molécules, prélude à la fluidité complète, signalée par les épanchements et les filons formés par ces roches.

Malgré l’obscurité dont ces transmutations des roches alpines sont enveloppées dans l’état actuel de la science, nous sommes, je crois , en état de reconnaître, dans les montagnes décrites ci-dessus, un fait d’une haute importance pour l'his- toire du système alpin , savoir, l'indépendance mutuelle entre la structure du sol ou la stratification et la nature des roches ; un fait duquel il suit évidemment que la métamorphose et cette structure ne sont pas entre elles dans le rapport de la cause à son effet. Cette indépendance nous est signalée par la grande diversité des directions et des inclinaisons qu’affectent les couches des schistes cristallins, et par le fait que ces variations de la structure ne s'accordent nullement avec celles de la composition des roches. Dans le Valais, la stratification du gneiss est verti- cale, et sa direction vers le N. 62° E. ; dans le groupe entre le Mont-Leone et l'Albrun, cette direction domine encore, mais la stratification est presque hori- zontale ; l’inclinaison du versant septentrional est au S., celle du versant opposé au N.; et nous avons fait remarquer que de l’hospice du Simplon jusqu'au fond de la vallée de Binnen, la stratification verticale passe à l'horizontale par une espèce de coude ou de ligne anticlinale ; dans les ramifications supérieures enfin du val Maggia, les inclinaisons sont de nouveau assez fortes, mais elles sont tournées vers l'E, et la direction fait presque un angle droit avec la précédente ;

(N°#7:1p°29.) SUR LES MONTAGNES DU SIMPLON ET DU SAINT-GOTHARD. 333 el dans tous ces systèmes de directions et d'inclinaisons si diverses, la roche reste la même. D’autre part, toutes les particularités de la stratification du gneiss se retrouvent dans le flysch, le calcaire et la dolomie; la stratification verticale se voit dans le flysch et la dolomie du Valais, la stratification horizontale dans le flysch et le calcaire des environs de Veglia , l’inclinaison à l'E. dans la dolomie du val Bavona et de Fusio, et la structure en éventail, qu'on aurait pu croire ca- ractéristiquepour les massifs de gneiss, tels que ceux du Mont-Blanc ou du Saint- Gothard, est développée sur une grande échelle dans le flysch du passage du Gries, dans le même flysch qui, un peu à l'E, renferme les Bélemnites de la Nufenen.

En considérant dans leur ensemble tous ces enchevêtrements de flysch, de calcaire, de dolomie, de gneiss et de micaschiste, on croit voir un terrain unique très puissant, composé d’alternances de marnes et de calcaires, et qui, sur plusieurs lignes parallèles et à différentes hauteurs , aurait été métamorphosé avec plus ou moins d'énergie, soit en gneiss et en micaschiste , soit en schiste argileux, soit en marbre et en dolomie, etil semble que ces transmutations étaient terminées, lors- qu'une nouvelle action mécanique est survenue, par laquelle le gneïss et le flysch ont été disloqués de la même manière. L'effet principal de cette action doit avoir été un soulèvement général, dans la direction du système alpin, entre la plaine de la Lombardie et la partie basse de la Suisse ; mais les détails de la structure nous laissen! encore discerner une grande pression latérale, par laquelle Les couches ont été forcées dans une position verticale sur un espace plus petit en largeur que celui qu’elles devaient oceuper avant le redressement. Cette pres- sion, dans le pays qui nous occupe, paraît avoir agi du N.-0. au S. E., et les fortes inclinaisons dans le Haut-Valais et au Saint-Gothard, ainsi que la rupture sur le versant septentrional de la chaine du Cermandon, trouveront leur expli- cation dans une telle pression. Quant à la cause qui l'aurait produite, je ne me permettrai d'énoncer aucune hypothèse à cet égard; mais il faut cependant rap- peler que les effets d’une pression analogue, quoique agissant en sens inverse (du S.-E. au N.-0.), se font remarquer, sur le bord septentrional du système alpin, dans les Alpes calcaires de la Suisse, qui, par elle, ont été refoulées sur le ter- rain de la molasse. La pression semble donc avoir pris son origine dans le massif de gneiss de Linsteraarhorn, et signaler une grande dilatation du sol, proba- blement contemporaine de son soulèvement, sur l’axe de ce système; mais ces grandes commotions étaient, selon toute apparence, elles-mêmes un effet de la métamorphose de ce massif, laquelle donc a être postérieure à celle qui a agi sur le sol des régions méridionales.

Il est d’ailleurs peu nécessaire de faire remarquer qu'un soulèvement unique n'éclaircirait qu’en partie les divers accidents de structure que nous avons fait connaître. Les inclinaisons à l'E., par exemple, à Peccia et à Fusio, exigeront de nouveaux incidents dans les bouleversements de l’ancien sol alpin ; l'on admettra

SOC. GÉOL. % SÉRIE. T. IL. Mém. n. 7, 43

334 MÉMOIRE GÉOLOGIQUE CN: 7, p.50.) peut-être que cette inclinaison soit antérieure au soulèvement qui a eu lieu dans | le sens des Alpes , et que tout ce groupe du système de l’Adula, caractérisé par la direction méridienne de ses couches , ait fait partie d’une série de chaînes qui s’étendaient du N. au S.; et cette explication paraîtra d'autant mieux fondée qu’elle découle directement des principes posés par M. Élie de Beaumont. Quant aux fortes inclinaisons du gneiss sur la ligne qui passe par Crevola et Mag- gia, elles dépendent probablement du soulèvement général dans le sens des Alpes, la direction des couches lui étant parallèle.

Ces divers mouvements cependant ne suffiront pas encore, si l’on se propose de remonter à l’origine de la configuration actuelle du sol; car l'inspection la plus su- perficielle du pays nous apprend que l’alignement des hauteurs et le cours des vallées ne dépendent immédiatement ni de la stratification seule, ni de la distri- bution des roches. Si l'on ne peut méconnaître que les grands massifs de gneiss aient eu leur part dans le relief de ce pays qu'ils entourent, il est evident que l'action directe du soulèvement y a largement contribué par la formation de grandes ruptures , telles que la vallée de Formazza et d’Antigorio, et les vallées supérieures du V. Magoia, et peut-être aussi par des failles et des dislocations partielles. L'érosion enfin aura élargi les fentes en vallées par le délaiement et l'entrainement des masses qui lui offraient moins de résistance , et la coïncidence de plusieurs des vallées mentionnées, du Haut-Valais et du val Bedretto, par exemple, avec l'alignement du flysch, n’est sans doute pas fortuite.

Cette partie des Alpes présente trois directions principales, dont l'influence sur les élévations et les dépressions du sol peut être imaginée d'avance. La pre- mière, qui est celle du massif du Mont-Blanc, coupe le méridien terrestre en N. 35° E., et se retrouve dans la direction de la chaîne du Niesen, et peut-être dans celle des lacs Majeur et de Côme ; mais, dans le pays intermédiaire, je ne connais aucune chaîne ou vallée qu'on puisse, avec quelque raison, rattacher à ce système de parallélismes. La seconde de ces directions est celle déjà men- ionnée, dont l’azimut est N. 52° E., et qui est parallèle au massif de Linsa- teraarhorn. Nous la retrouvons dans le cours du Rhône, d'Oberwald à Bryg, et dans la chaîne du Cermandon, depuis le point culminant du Simplon jusqu'au passage du Gries. La troisième , enfin, est celle du massif du Saint-Gothard , et se trouve parallèle au Valais de Martigny à Bryg, à la dépression de la vallée d’Urseren , au val Bedretto et à celui du Rhin antérieur ; mais, au midi de ces vallées, elle ne paraît pas avoir affecté sensiblement la forme extérieure du sol. L'azimut de cette direction est N. 62 E., elle coïncide par conséquent avec celle qui domine dans la stratification. A l'O. du Simplon, la même influence se fait sentir dans la direction des couches jusque dans les vallées supérieures d'Erin, tandis que, dans la vallée limitrophe de Bagne, la stratification est dirigée vers le N. 18° E., et se rapproche de celle du système des Alpes occidentales. Il paraîtrait donc que l'influence du massif du Linsteraarhorn sur la stratification

(N.7,p.51.) SUR LES MONTAGNES DU SIMPLON ET DU SAINT-GOTHARD. 335

devient à peu près nulle dans les Alpes, au midi du Rhône. Cependant, en exa- minant plus en détail les directions des couches mesurées sur les lieux à la bous- sole, on s'aperçoit bientôt que cette conclusion serait une erreur; en effet, la direction N. 52° E. est assez fréquente dans le Haut-Valais, dans la vallée de Binnen, et dans celle de la Toccia; la stratification passe souvent du N. 52° E. au N. 62E., et même, quoique plus rarement, au N. 70° E., ne se fixant pas plus qu'ailleurs à un seul azimut avec une rigueur mathématique. Mais l’indécision dans laquelle nous laisse la stratification disparaît si l’on se tient à la distribution des roches et à la direction des massifs de gneiss; on ne peut guère douteralors que la différence de 10 entre les directions des massifs du Saint-Gothard et du Lins- teraarhorn, qui assigne à ce dernier une position intermédiaire entre Le Saint-Go- thard et le Mont-Blanc, n'existe réellement. Le flysch de la Tarentaise, en traver- sant les deux Saint-Bernard et le col de la Fenêtre, suit sans interruption la direc- tion N. 52 E. jusqu'au col de la Furca, il se courbe pour s’aligner suivant le massif du Saint-Gothard ; de même les roches feldspathiques qui, à l'E. de la val- lée d'Erin, composent le massif du Simplon, commencent à se faire jour dès l'issue du val Pellina, au-dessus d’Aosta, et vont joindre, aux environs du col d'Erin, les gneiss du Weisshorn et du Simplon, en s’alignant suivant cette même direc- tion N. 52° E.; nous retrouvons enfin ce parallélisme dans le flysch méridional du val Tournanche, jusqu'au val Formazza. Donc, en résumé, l'influence du massif du Mont-Blanc sur le pays décrit n’apparaît nulle part, ni dans ses formes ni dans sa structure ; celle des deux autres massifs se balance dans la stratifica- tion, mais l'influence du massif des Alpes bernoises domine dans la distribution des roches et dans l'alignement des chaînes voisines du Haut-Valais ; les princi- paux traits enfin de la configuration extérieure paraissent dus aux ruptures du sol, provoquées par le soulèvement général, et à l'action de l'érosion.

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MÉMOIRE

SUR

LE TERRAIN A NUMMULITES

# (ÉPICRÉTACÉ)

DES CORBIÈRES ET DE LA MONTAGNE NOIRE,

PAR M. A. LEYMERIE(1).

INTRODUCTION.

Parmi les types géognostiques qui caractérisent le S. de l'Europe, et notam- ment les régions qui sont en relation avec la Méditerranée , il n’en est pas de plus remarquable ni de plus étendu que celui qui est ordinairement désigné par le nom deterrain ou système à N'ummulites, à cause de la grande quantité de Nummu- lites qu’il renferme (2).

La présence de fossiles crétacés, que l’on a crus plus nombreux et plus im- portants qu'ils ne le sont en réalité, et ensuite la puissance, l'aspect ancien des couches et leur concordance ordinaire avec le terrain à Hippurites , auquel elles semblent mêmese lier, ont porté un certain nombre de géologues, et notamment les auteurs de la carte géologique de France, à ranger ce système à Nummulites dans le groupe crétacé, tandis que les Nummulites d’une part, et les espèces tertiaires de l’autre, ont déterminé d'autres géologues et, de plus, les paléonto- logistes, à rapprocher ce même terrain des couches à Nummulites du N., et par conséquent à le considérer comme tertiaire.

Cette divergence si prononcée tient sans doute principalement à la difficulté du

(4) Ce mémoire a été soumis au jugement de l’Académie des sciences, qui, sur le rapport de MM. Alexandre Brongniart, Beudant et Dufrénoy (rapporteur), a bien voulu voter des remerciements à l’auteur et déclarer même qu’elle aurait réservé son travail pour le Recueil des savants étrangers , si elle n’avait appris qu’il devait être publié ailleurs (VW. Comptes-rendus, séance du 1 dé- cembre 1845).

(2) Une étude plus approfondie des gisements de l'Italie et de la Sicile, comparés entre eux et à ceux des autres contrées le système a été signalé, conduira probablement les géologues à reconnaître que l’on a confondu sous la dénomination de système à Nummulites plusieurs terrains très différents ; mais jusqu’à présent cette distinction n’a pas été faite. Si un jour elle vient à s'établir, le type que nous décrivons dans ce mémoire devra appartenir à la partie supérieure, ainsi que ceux de Nice, du Vicentin et de la Crimée.

SOC. GÉOL. SÉRIE. T. IL Mém. 8.

398 MÉMOIRE SUR LE TERRAIN A NUMMULITES (EEE) sujet, mais elle dépend beaucoup aussi du peu de notions exactes que nous pos- sédons sur le terrain dont il s’agit. En effet, dans une détermination de cette nature, l'élément paléontologique doit jouer un grand rôle ; tout le monde est d'accord sur ce point, et cependant personne jusqu'ici n’a travaillé sérieusement à introduire dans la question cette donnée sans laquelle la solution nous paraît impossible. Nous exceptons toutefois M. 4lexandre Brongmart, qui nous a si bien fait connaître le gîte constitué par les terrains calcaréo-trappéens du Vicentin. Chez tous les autres auteurs , on ne trouve que des indications vagues de quelques fossiles, sans descriptions ni figures qui puissent permettre des rapprochements sûrs et susceptibles de conduire à quelque conclusion motivée.

Dans cet état des choses, le premier besoin de la science, eu égard à la connais- sance du terrain nummulitique, est, par conséquent, de seprocurer, pour les prin- cipaux gisements, une description analogue à celle que nous venons de signaler. Le but de ce travail est de satisfaire ce besoin pour le gisement le plus important des Pyrénées françaises.

C'est donc un mémoire paléontologique que je soumets aujourd'hui aux géolo- gues ,et non une description complète du gisement que nous venons de signaler. En ayant d’autres prétentions, en effet, je semblerais méconnaître les travaux de M. Dufrénoy sur cette partie des contrées pyrénéennes, etles études plus détaillés que nous devrons bientôt à M. ’ène, ingénieur en chef des mines , chargé de la carte géologique de l’Aude. Mais quand on veut déduire des conclusions géolo- giques de l'étude des fossiles d’une contrée, il est indispensable d'étudier aussi le gisement et de mettre à chaque instant les espèces en rapport avec les coaches qui les renferment ; car en séparant ces deux ordres de considération, on s’expo- serait à des erreurs très graves. C’est pourquoi j'ai faire précéder mes des- criptions paléontologiques d’un aperçu topographique et géognostique, dans lequel j'ai pris soin de bien constater, au fur et à mesure, pour chaque gîte par- ticulier , les espèces qui peuvent servir à le caractériser, et d'indiquer les rappro- chements et les conclusions auxquels conduit naturellement la considération de ces types organiques.

Cet aperçu, pour lequel j'ai fait plusieurs fois usage des coupes de M. Dufrénoy et de quelques notes que je dois à l’obligeance de M. Vène , composera la première partie de mon mémoire.

Pour la seconde partie (la description des fossiles ), je crois pouvoir dire que tout était à faire , et c'est ce qui m'a décidé à entreprendre ce travail. Je n’ai rien négligé pour le rendre, sous ce rapport, aussi complet que possible. À différentes reprises je me suis rendu sur les lieux pour y reconnaître les véritables gisements. Je me suis mis en rapport avec les géologues qui habitaient les villes adjacentes (Carcassonne, Narbonne, Perpignan.…), parmi lesquels je dois citer M. Braun, jeune ingénieur wurtembergois déjà connu dans la science; M. Rolland du Roquan, auquel nous devons une monographie très soignée des Rudistes de Mont-Ferrand

(N. 8, p. 5.) DES CORBIÈRES ET DE LA MONTAGNE NOIRE. 339 - (Corbières), et M. Tournal, dont on connaît le zèle et les travaux. J'ai vu tous les fossiles que ces messieurs avaient recueillis, et ils se sont empressés de me com- muniquer ceux que je ne possédais pas. Je dois ici une mention toute spéciale à M. V’ène, qui, dans les nombreuses tournées qu'il a faites dans ces parages comme chargé de la carte géologique de l’Aude , a recueilli un grand nombre d'individus avec des indications de gisements exactes et consciencieuses, dont j'ai pu libre- ment disposer. Il ne fallait rien moins que ces précieux secours pour remplir d’une manière convenable la liste des fossiles de ce terrain, dont la plupart des couches ne présentent que des moules incomplets.

Muni de ces objets, après un examen préalable, je les ai portés à Paris, je les ai sérieusement étudiés et comparés avec le secours des collections et des ou- vrages qu on ne peut trouver que dans ce grand centre scientifique. j ai montré ma collection à toutes les personnes qui pouvaient me fournir quelque renseigne- ment. Enfin, mes déterminations faites , j'ai prié M. Deshayes de vouloir bien les contrôler. De retour à Toulouse, j'ai repris chaque espèce une à une, et je me suis occupé à décrire et à figurer celles que les épreuves précédentes m'avaient fait reconnaître comme étant nouvelles.

Ces détails suffiront, je pense , pour excuser auprès des personnes auxquelles j'avais annoncé mon travail, le long retard que j'ai mis à l'arrêter définitivement et à le livrer à l'examen et à la critique des géologues. Malgré toutes les res- sources que je viens d'indiquer et malgré toutes les précautions que j'ai prises, je n'ai pas la prétention d’avoir fait connaître tous les fossiles du terrain à Num- mulites de l'Aude. Le nombre assez considérable de fragments indéterminables que j'ai été obligé de laisser sans emploi semble prouver le contraire. Malgré cette circonstance, je crois avoir donné la masse des espèces, et notamment les espèces caractéristiques et habituelles, qui sont réellement les seules importantes pour les applications géognostiques.

PREMIÈRE PARTIE. ÉTUDE DES GISEMENTS.

$ I*. Corbières. A. Coup d'œil général.

Les Corbières, qui forment la partie principale du gisement de l'Aude (voyez la carte (1) ), constituent, au pied des Pyrénées, une petite chaîne dirigée à peu

(1) La petite carte annexée à ce mémoire n’est autre chose , géographiquement , qu’un calque de celte partie de la carte géologique de France, sur lequel nous avons ajouté quelques nouvelles loca- lités citées dans notre texte. Quant aux limites géognostiques , nous avons été conduit à y introduire des modifications assez importantes que nous ferons successivement connaître.

Topographie

Géognosie.

340 MÉMOIRE SUR LE TERRAIN A NUMMULITES (N.8, p.84.) près du S.-0. au N.-E. et limitée du côtédus. et de l'O. par les vallées de la Boulsane et de l’Aude, se trouvent St-Paul de Fenouillet, Quillan, Alet..…; au N. par la vallée du canal du Midi, et à l'E. par le canal de Narbonne, par la mer et par la plaine du Roussillon (1).

Ce petit groupe montagneux présente des accidents variés et prononcés d’une manière bizarre. Il est découpé par un grand nombre de vallées dont la princi- pale encaisse l’Orbieu, quitraverse presque toutlemassif du S.-0. au N.-E. depuisle pic de Bugarach jusqu’à St-Martin, cette rivière se jette dans l'Aude. Ces val- lées et les vallons qui en dépendent sont sinueux, étroits et profondément en- caissés entre des talus rapides. Fréquemment ces talus se terminent par des crêtes abruptes et quelquefois crénelées comme de vieilles fortifications démolies. La direction de ces crêtes ne peut pas être considérée comme étant constante ; toutefois M. Dufrénoy a remarqué qu’elle coïncidait assez fréquemment avec celle des Pyrénées.

On distingue dans cette petite chaîne deux parties, dont l’une, celle qui se trouve la plus rapprochée des Pyrénées, et qui, en général, est la plus élevée, prend le nom de Hautes-Corbières. Le pic de Bugarach (altitude 1230) en est le point culminant ; on y distingue aussi le mont Tauch 879"). L'autre partie qui descend au N. vers la vallée du canal , et à l'E. du côté de Narbonne, est désignée par la dénomination de Basses-Corbières, bien qu’elle offre quelques cimes assez hautes. Sa dernière crête, celle d’où l’on descend immédiatement au canal du Midi, entre Lézignan et Carcassonne , est fort escarpée du côté de l’intérieur et se dessine au loin d’une manière très marquée pour un observateur placé dans la plaine : c’est le mont Alaric, dont l'altitude est de 600".

Trois grands éléments composent essentiellement les Corbières (voyez la carte et la coupe pl. A), savoir : le terrain de transition, le terrain crétacé incontestable, et le terrain à Nummulites. Les éléments accessoires sont : deux petits gîtes houillers et plusieurs lambeaux de lias dispersés çà et d’une ma- nière assez singulière , un peu de terrain tertiaire moyen qui s'élève sur la lisière; enfin des ophites qui ont percé en un certain nombre de points, surtout dans la partie haute de la chaîne, oùelles ont déterminé la formation de gypses, de dolo- mies, et même de dépôts salifères.

Les deux divisions indiquées par la topographie sont assez en rapport avec la constitution géognostique. Ainsi les Hautes-Corbières sont formées par le terrain de transition et par le terrain crélacé, tandis que les Basses-Corbières , sauf un lambeau de terrain crétacé qui descend entre Lézignan et Narbonne, sont com- posées de roches appartenant au système à Nummulites.

Les couches de ces deux derniers terrains se relèvent , en général, de plus en

(4) Nous omettons ici, à dessein, le petit massif de la Clape qui sépare Narbonne de la mer, quoiqu'il fasse partie géologiquement des Corbières, parce qu'il est tout-à-fait étranger au sujet qui nous occupe,

(N. 8: p. 5.) DES CORBIERES ET DE LA MONTAGNE NOIRE. 341 plus en approchant du terrain de transition qui constitue la gibbosité centrale, et s'appuient contre lui de toutes parts; toutefois l'influence des ophites qui ont percé en différents points ou qui, en beaucoup d’autres, ont seulement tenté de se faire jour , a produit beaucoup d'inclinaisons anomales accompagnées de dis- locations fréquentes et prononcées, lesquelles ont puissamment contribué à donner à cette petite chaîne son relief âpre et ruiné , aussi bien que l'aspect sau- vage de ses vallées. Les inclinaisons sont généralement plus fortes du côté de Perpignan que du côté de Carcassonne , les couches deviennent presque ho- rizontales comme celles du terrain miocène qui constitue le fond de la vallée.

On doit admettre que le soulèvement principal des Corbières, quel qu'il soit, est postérieur au terrain à nummulites, et dans tous les cas, il est évident que le dépôt de ce dernier terrain a succédé à celui des couches crétacées sans aucune interruption ni discontinuité : car ces deux systèmes sont partout concordants, et l’un semble faire suite à l’autre. Cette circonstance, au reste, n’est pas particulière à cette contrée, elle se retrouve dans toute l'étendue des Pyrénées. C'est proba- blement au surgissement de cette chaîne, qui a porté le calcaire à nummulites jusque sur la crête au mont Perdu, qu’il faut attribuer la formation de la gibbo- sité fondamentale des Corbières. Toutefois le redressement du terrain tertiaire miocène tout autour de ce petit groupe, et particulièrement du côté de Nar- bonne, indique de plus un soulèvement plus moderne, qui date, d’après M. Dufrénoy, de l’époque de l'apparition des ophites.

Nous ne donnerons aucun détail sur ja composition du terrain de transition des Corbières, ce serait inutile pour notre sujet. Ce terrain est, en général, schis- teux, fort relevé, et contient de nombreux gîtes métallifères consistant princi- palement en minerais de fer et de manganèse.

Il est, au contraire, presque indispensable, pour donner une idée suffisam- ment complète du dépôt que nous avons l'intention de faire connaître, d'indiquer brièvement la composition du groupe crétacé, ses relations avec le système à nummulites, et ce que nous savons sur la classification des principales divisions de ce terrain. C'est ce dont nous allons d’abord nous occuper.

Les caractères purement géognostiques des couches dont il s’agit, c’est-à-dire des couches à nummulites et crétacées que nous embrassons d’abord ensemble dans nos considérations, avaient porté les géologues qui se sont les premiers occupés des Pyrénées, à les regarder comme appartenant à cette division vague qu'ils désignaient par le nom de calcaire alpin, division dont les Alpes avaient présenté le type et qu'ils considéraient comme étant plus ancienne que les terrains secondaires proprement dits. M. de Charpentier, dans son essai sur la constitu: tion géognoslique des Pyrénées, a, depuis , assimilé une partie du terrain qui nous occupe au calcaire du Jura. Telle à été aussi la première idée que l’aspeet des Corbières a inspirée à M. Dufrénoy. « La première fois que je visitai ce pays, » dit-il en parlant des environs de Lagrasse , je venais de parcourir Les Cévennes,

SOC. GÉOL. SÉRIE. T. I. Mém. 8. Li

342 MÉMOIRE SUR LE TERRAIN A NUMMULITES CN: 8, p- 6.)

» composées , en grande partie, de cette dernière formation calcaire (lias); je fus » tellement frappé de cette analogie que je n’hésitai pas à regarder le calcaire des » Corbières comme appartenant à la même formation (1).» Toutefois, après un examen plus détaillé, et s’aidant du précieux secours des fossiles, il renonça bientôt à cette manière de voir et il se décida à ranger ces couches dans le groupe crétacé. Cette détermination, qui a fait faire un si grand pas à la géognosie des contrées pyrénéennes, a été généralement adoptée et professée jusqu’à ces der- niers temps , et elle reste encore vraie aujourd'hui pour la partie la plus ancienne de ce système, et notamment pour celle qui renferme des hippurites et des sphé- rulites; mais pour la partie postérieure, c’est-à-dire pour le terrain à nummu- lites , elle est contestée d’une manière très vive.

Le but de ce mémoire étant simplement de faire connaître un fait, nous ne devons entrer dans aucune discussion théorique sur cette question importante ;: il est essentiel , toutefois, pour la clarté de l'exposition , que nous rappelions ici que, dans une lettre adressée à M. E. de Beaumont, laquelle se trouve insérée dans le Bulletin de la Société géologique de France (t. XIV, p. 527), nous avons proposé de séparer des couches crétacées incontestables, le terrain à nummulites, et notamment les calcaires qui avaient paru dans l’origine à M. Dufrénoy iden- tiques avec le lias, pour en faire provisoirement, sous le nom d’épicrétacé, un type particulier plus récent, en partie, que le terrain crétacé proprement dit.

Après avoir isolé ce terrain supérieur , chose que nos observations nous portent à considérer non seulement comme possible, mais encore comme nécessaire, il reste, au-dessous, une masse considérable de calcaires, de marnes et de roches arénacées que nous avons été conduit par nos études, combinées avec les coupes de M. Dufrénoy , à diviser en trois étages qui correspondent assez bien à ceux que l’on a reconnus dans le nord de la France et en Angleterre. Cette classification, que nous espérons pouvoir compléter et améliorer par la suite, se trouve résu- mée dans le tableau ci-joint. Nous y avons fait entrer quelques indications sur la nature des roches et sur les principaux fossiles caractéristiques, indications au moyen desquelles nous pourrons nous dispenser de nous arrêter plus longtemps sur cet ensemble, et passer de suite à la description spéciale du terrain à nummu- lites ou épicrétacé.

(1) Mémoires pour servir à une description géologique de la France, t. XX, pag. 59.

N.#,p.7.) DES CORBIÈRES ET DE LA MONTAGNE NOIRE. 343

ESQUISSE

D'UNE

CLASSIFICATION DES TERRAINS SÉDIMENTAIRES SUPÉRIEURS DES CORBIÈRES.

COUCHES MARINES. COUCHES D'EAU DOUCE.

| ROCHES. FOSSILES. ROCHES. FOSSILES.

f Grès calcaire à grains Nummuliles Atacicus ; Alveo- Ée fins; Calcaires sableux| Zina sub-Pyrenaïca ; Millio- | | = ou marneux; Caleaires| lites: Ostrea multicostata ; = compactes de couleur| Zucina Corbarica; Spatan- = = claire (Montolieu, Con-| gus obesus...— Terebratula = < ques , Coustouge). Venei.—Turbinolia sinuosa; Z >. & /Marnes noires (Couiza,| Crassatelia securis. Turri- NME Coustouge); Calcaires| tella imbricataria , Veneri- | | 2 = compactes (Lagrasse). cardia minuta; Nerita co-|Calcairesblancsou Physa, Lymnæa , | = à ÎMarnes (Albas, Fonjon-| noïdea ; Fusus bulbiformis.| grisätres (Monto-| Bulimus, Cyclos-| 1 couse); Poudingues ,| Cerithium acutum; Ce-| lieu, Conques, le| toma , gyrogoni-| Æ Grès et Marnes (Albas,| rith.Venei. Naticaacutella...| Rabe). Cale. noir! tes. Paludines ? 2 | Alet). un peu marneux.| Mélanies? avec des Ostracées. | l /Marnes sableuses, Cal-|Hippurites bioculata; H. or-|? Psammites gris ? Tortues d’eau caires, Grès schisteux| ganisans; Spherulites ven-| schistoïdes (Pra-| douce: feuilles micacé ; Marnes noires| tricosa... Cyclolites et au-| dines). de Saule. Cr et calcaires noirâtres| tres Polypiers; Spatangus | \ (Bains de Rennes, Bu-| gibbus; Spondylus spino- | | garach , Soulatge). sus; Cirrus depressus ; Pec- | ten quinquecostatus; Am- \

monites.

/ Grès siliceux à lignites ;|Exogyra sinuata; Exog. co- Marnes et Calcaires en| Jlumba ; Terebratula sella ; GRÈs général gris ou noirà-| Pholadomya Langii; Trigo- À vert. | tres compactes (La-| nia alæformis? Huitres cré- | | \ at mt:| “Tama |

SYSTÈME CRÉTACÉ.

clape, Bugarach.….). tées; gros Nautiles à côtes brisées.Grosses Ammonites. |

| Terra: { Calcaire saccharoïde ou|Dicérates (Chama ammonia?). | | | néo- esquilleux ( Estagel ;| Hippurites ? Polypiers. | » |

comien. Bugarach ). é |

B. Étude de l’ensemble du système épicrétacé des Corbhières.

La masse principale du terrain à nummulites, ou épicrétacé, se montre au N. de la petite chaîne que nous étudions , sous la forme d’un triangle qui occupe la plus grande partie des basses Corbières et dont le sommet s'avance dans la vallée. en traversant l'Aude, jusqu’à Roubia Au N. et à l’O., cette masse s’enfonce sous le terrain tertiaire miocène et sous les alluvions de la vallée suivant une ligne qui passe par Roque-Courbe , Capendu, à l'O. de Monze et à l'E. de Belcastel. Pu

344 MÉMOIRE SUR LE TERRAIN A NUMMULITES (N-.8,p.8) côté de l'E. elle s'appuie au contraire sur le terrain crétacé, dont la limite suit à peu près le Rabe en se maintenant à une certaine distance de sa rive droite jusqu'à : Fonjoncouse. Les deux limites que nous venons de faire connaître forment les deux côtés du triangle; sa base s'appuie sur le terrain de transition en suivant une ligne dirigée à peu pres de l'E. à l'O. et passant au S. d’Albas et de Villerouge, et au N. de Villardebelle (1).

Le massif dont nous venons de faire connaître les limites se lie par un étroit ruban, entre Alet et Belcastel , à la zone de l’Ariége, dont l'extrémité orientale appartient encore aux Corbières. Cette petite partie a pour limites , d'une part, l'Aude , et, d'autre part, une ligne polygonale passant par Alet, Arques, près les bains de Rennes , et se terminant à Quillan.

On voit, par cette indication des limites du terrain à nummulites , que nous comprenons dans l’espace qu’elles circonscrivent , non seulement la région colo- riée en jaune sur la carte géologique de France et que M. Dufrénoy a considérée comme du terrain crétacé supérieur , mais encore une partie de celle qui porte la couleur verte affectée au terrain crétacé inférieur.

Nous ne reviendrons pas sur les caractères orographiques que nous avons in- diqués d’une maniere générale pour les couches secondaires des Corbières : ils s'appliquent d’une manière toute spéciale au terrain que nous décrivons.

La puissance de ce terrain varie d’une contrée à une autre ; mais si l’on consi- dère qu'il occupe à peu pres la moitié de la largeur de la chaîne, et que les couches se redressent vers la partie centrale dans la plupart des cas, on sera forcé d'admettre qu'elle doit être très considérable, et nous ne croyons pas exa- gérer en portant jusqu'à 1000" sa valeur maximum. |

Les roches qui composent les couches épicrétacées sont des calcaires gris ou noirâtres , purs ou marneux, souvent compactes et contenant fréquemment de petits points blancs que l’on considère comme des milliolites et qui en présen- tent quelquefois, en effet , les caractères ; des calcaires compactes suberistallins de couleur claire assez souvent pétris de mélonies (alvéolines) ; des calcaires arénacés passant à un gres à grains tres fins et dont certaines parties sont très riches en nummulites ; des marnes ordinairement noirâtres , quelquefois cepen- dant grises, rouges ou jaunâtres, présentant, en beaucoup de localités, de nom- breux fossiles el notamment des turritelles (T.imbricataria), et prenant çà et des nœuds solides se concentrent les nummulites ; enfin des grès et des pou- dingues. Les calcaires forment la roche dominante.

A l'exception de quelques calcaires contenant des coquilles d'eau douce, les-

(4) Si l’on s’en rapporte aux observations faites jusqu'à présent, le terrain crétacé véritable ne paraîtrait pas exister de ce côté sous le terrain épicrétacé, qui reposcrait alors immédiatement, comme dans la montagne Noire, sur le terrain de transition. Si les choses existaient réellement comme nous le supposons ici, ce serait, pour le type que nous cherchons à établir, un nouveau trait d’indépen- dance.

(M8 /P29°) DES CORBIÈRES ET DE LA MONTAGNE NOIRE. 349 quels se montrent vers la base du terrain, tout ce système doit être considéré comme un dépôt marin, les caractères des couches sont très variables même lorsqu'on ne change pas de niveau géognostique. En général , ces caractères rap- pellent, comme nous l'avons déjà dit, les assises jurassiques les plus anciennes.

Quant à l'ordre dans lequel les divers éléments du terrain se trouvent superpo- sés , il ne paraît pas être bien fixe; toutefois on pourrait peut-être admettre que les poudingues, les calcaires d’eau douce et certaines marnes fossilifères (Albas) occupent la partie inférieure, tandis que les roches les plus riches en nummulites et en alvéolines se développent particulièrement à la partie supérieure.

C. Étude spéciale des gîtes fossiliféres.

Nous commencerons l'étude des gîtes particuliers par les environs de Lagrasse, petite ville située sur l'Orbieu au centre du terrain épicrétacé.

Si, placé sur le pont qui réunit la ville aux ruines de la célèbre Abbaye dont l’histoire de ces contrées nous a conservé tant de souvenirs, on jette un regard autour de soi, on ne voit de toutes parts que des roches arides et escarpées, et il semble que l’on se trouve placé au fond d'un gouffre sans issue. Cette impres- sion n’est pas au reste le résultat d'une illusion trompeuse, et il est très vrai que, à moins de suivre les rives tortueuses et excessivement étroites de la petite ri- vière que nous venons de nommer, on ne peut sortir de cette position qu’en gravissant des côtes escarpées ou au moins très rapides.

Ces escarpements sont formés par des couches rompues et redressées assez faiblement vers leS.-0.,composées principalement de calcaires auxquels s'associent secondairement des roches marno-arénacées. Le plus élevé d’entre eux termine un massif qui forme comme un mur de séparation entre la vallée de l'Orbieu et la plaine de Tournissan ; il offre une bonne coupe naturelle qu'a donnée M. Du- frénoy, et que nous avons reconnue à quelques détails près. En négligeant d’a- bord les couches les plus inférieures sur lesquelles nous allons revenir, cette côte présente, en premier lieu, des calcaires noirs compactes, puis un système de marnes diversement colorées passant ordinairement à un grès fissile et alter- nant çà et avec quelques couches de calcaire et de grès solide à grains fins. Le tout se termine par une crête crénelée composée d’un calcaire gris compacte et esquilleux M. Dufrénoy indique des milliolites, des mélonies et des num- mulites. L'examen que nous avons fait des collines qui encaissent l'Orbieu du côté opposé à cette muraille, c’est-à-dire à l'O., nous à fait reconnaître que la roche dominante y était un calcare gris subcompacte (1) et que les marnes aré- nifères et les grès proprement dits y étaient encore moins développés que du côté oriental.

(1) Les calcaires de cette contrée sont durs et difficiles à travailler : mais ils fournissent des pierres

d'appareil d’une excellente qualité. On les exploitait activement, lors de mon excursion , pour la construction d’un nouveau j'ont.

Lagrasse,

Mont Alaric, Monge.

346 MÉMOIRE SUR LE TERRAIN A NUMMULITES (N-£, p. 40.)

A la base de cette masse puissante dont nous venons de faire connaître som- mairement les caractères généraux, on trouve à Lagrasse même et surtout à Ri- baute , village situé à une lieue plus loin en descendant la rivière, une assise de marne noire et un banc de calcaire un peu marneux fort remarquable M. Du- frénoy a signalé des univalves d’eau douce (paludines ? mélanies?) mélées à des ostracées et à quelques autres fossiles marins indéterminables. Nous avons re- trouvé ce banc, qui n’a que deux décimètres d'épaisseur, sur la rive gauche de l'Orbieu, à l'endroit indiqué par M. Dufrénoy, d’où il paraît s’élever jusque sur le coteau qui encaisse de ce côté la rivière. il est exploité comme marbre (1).

Toutes les roches des environs de Lagrasse, sauf le banc dont nous venons de parler, d’ailleurs rien n’est déterminable, ne présentent que très rarement des fossiles autres que des milliolites. Nous avons cité néanmoins, d’après M. Dufré- noy, des nummulites et des mélonies qui suffiraient à la rigueur pour légitimer un rapprochement entre ce terrain puissant dont l'aspect rappelle les terrains secondaires anciens, et les couches abondent les nummulites, et qui sont nette- ment caractérisées par la présence de nombreux fossiles inédits ou tertiaires. Mais il n’est plus permis de conserver le moindre doute à cet égard, depuis que l’on a découvert tout près de Lagrasse, au milieu des calcaires qui forment la roche dominante de la contrée, un gisement de marne semblent s'être réfugiés plusieurs fossiles habituels du terrain. Ces fossiles se rapportent particulièrement à ceux que nous signalerons bientôt dans les marnes de Tournissan et de Cous- touge. Les principaux sont : T'urritella imbricataria; Venericardia minuta, Crassa- tella securis.

Le mont Alaric est formé par des couches de calcaire compacte gris d’appa- rence jurassique et par des calcaires plus clairs qui souvent ont une structure presque cristalline. Nous avons déjà dit que ces couches s'inclinaient vers la vallée de l'Aude. Leurs têtes forment, du côté de l’intérieur de la chaîne, une crête qu'on pourrait comparer à une haute muraille dont la direction serait parallèle aux Pyrénées, et qui serait élevée de 500" environ au-dessus du niveau du canal.Les fossiles sont rares dans ces couches; on ytrouve néanmoins des mélonies (Alveolina sub-Pyrenaica) qui, lorsqu'elles sont nombreuses et très rapprochées, semblent communiquer à la roche qui les renferme une couleur plus claire et une compacité cristalline. M. Braun y a rencontré un Pygurus mutilé. M. Dufré- noy a cité de plus, dans les couches du vallon de la Bretonne qui dépendent de ce groupe, des térébratules (7. Montolearensis?), des huîtres ( Ostrea multicostata ? ) et des nummulites. Sur la rive gauche de la petite rivière que nous venons de nommer, du côté opposé au mont Alaric, on trouve au-dessus des roches précé-

(4j Les coupes de coquilles spirées que cette roche renferme, en se dessinant en blanc sur un fond noir, produisent un effet assez agréable. On doit regretter seulement que la grossièreté et la fis- silité de la pierre s'opposent à ce que l’on puisse lui donner un poli d’une beauté suffisante.

OPEL cg DES CORBIÈRES ET DE LA MONTAGNE NOIRE. 347 dentes, d’après M. Dufrénoy, d’abord des calcaires noirs marneux, puis des grès schisteux à grains fins alternant avec des marnes , une assise marneuse très riche en huîtres , et qui contient en outre des cérites, d’autres petites coquilles turbi- nées (1) et des nummulites ; le tout est terminé par de nombreuses couches de grès solide à grains fins.

Nous ajouterons que vers la base de mont Alaric, du côté de la vallée, on trouve à Font-Couverte, au-dessus des calcaires qui composent ce massif, des marnes noirâtres qui présentent plusieurs fossiles intéressants dont nous de- vons la communication à M. Tournal ; ce sont:

Teredo Tournali. Ostrea gigantea, Dubois. Terebratula tenuistriala. Dents de squale. Terebratula Montolearensis; var. Major. Pointes d’oursins.

Le gisement de Roubia, qui se trouve non seulement tout-à fait dans la vallée. mais encore au-delà de l’Aude et du canal, et par conséquent au pied dela mon- tagne Noire, est identique avec celui de Font-Couverte, et doit être rapporté, comme celui-ci, aux Corbières. Il consiste également en marnes qui paraissent reposer sur le prolongement des couches du mont Alaric. On y trouve les fossiles

suivant(s : Venus Rubiensis. Ostrea lateralis? Terebratula Venei. Terebratula Defrancii ? Neritina conoïdea, P. Serpula quadri carinata ?

Il est remarquable de voir dans ces deux gîtes , qui appartiennent évidemment à un séul et même ordre de choses principalement caractérisé par la Terebratula V'enei et la T. tenuistriata, des fossiles propres au terrain épicrétacé associés à une coquille du bassin parisien (Weritina conoidea), et à trois espèces dont deux, Ostrea lateraliset Terebratula Defrancü, n'ont encore été trouvées que dansles couches cré- tacées, et l’autre, Serpula quadricarinata, dans le terrain jurassique. Je dois dire tou- tefois, quant à la détermination de ces dernières espèces, qu'on ne doit pas la consi- dérer comme certaine, vu le petit nombre et l’état incomplet de nos individusd’une part, et relativement à la serpule, à cause de la difficulté de ; juger, sur une figure, de l'identité des formes de fossiles si difficiles à caractériser. Je signalerai encore. avant de quitter ce gîte intéressant, la présence, à Font-Couverte , de l'Ostrea giyantea, qui joue un si grand rôle dans le terrain à rummulites de Crimée (2).

(4) Ges fossiles appartiennent probablement, la plupart au moins, aux espèces que nous avons déterminées ; mais, n’ayant pas eu l’occasion de les examiner , nous sommes forcé de nous en tenir à ces vagues indications.

(2) Depuis la rédaction de ce travail, j'ai eu l’avantage de visiter, à Bordeaux, la riche collection des fossiles de Dax formée par M. Grateloup, et j'y ai retrouvé l’Osfrea gigantea associée à la 7ere- bratula Defrancii? et à l’'Ostrea lateralis ? Ces fossiles se trouvent aux environs de Dax et de Saint- Sever, dans des couches inférieures aux faluns bleus, et que l’on a considérées jusqu’à présent comme appartenant au terrain crétacé.

Font-Couxerle

Roubia.

Youruissan,

Saint-Laurent.

Le KRabe, Coustouge.

348 MÉMOIRE SUR LE TERRAIN A NUMMULITES (N- &; p.12.)

La liaison des calcaires d’Alaric avec ceux de Lagrasse, leur position bien plus rapprochée dela vallée de l'Aude, l’existence des mélonies et des nummulites dans ces couches, l'absence des fossiles crétacés des Corbières , l’association de ces calcaires aux marnes de Font-Couverte et de Roubia, prouvent incontestablement que le massif d’Alaric appartient au système épicrétacé. Il semble même quil doive être considéré, au moins en partie, comme plus moderne que les couches de la région centrale.

Revenons maintenant vers cette dernière région, afin d'y rattacher les gîtes fossilifères du Rabe , qui ont une grande importance.

Si, en partant de Lagrasse, on franchit la colline escarpée qui domine cette ville à l'E., et dont nous avons donné la coupe en commençant, on trouve, du côté opposé, la plaine de Tournissan. En descendant vers cette plaine , on marche d'abord sur des calcaires compactes, puis l’on rencontre un système de marnes rouges avec des nœuds et des bancs de grès ayant la même couleur. Ces roches, qui communiquent une teinte rougeâtre à toute la partie de la vallée qui les avoi- sine, se montrent constamment à gauche, elles occupent la moitié inférieure des coteaux, la partie supérieure étant occupée par des calcaires formant les crêtes qui dominent cette vallée. On peut les suivre jusqu’à Tournissan, d’où elles se prolongent encore assez loin vers l'E.

Entre Tournissan et Saint-Laurent, au bord du chemin de Narbonne surtout, on trouve encore un lerrain marneux; mais il présente d’autres caractères. Sa couleur est jaunâtre, et l'on y voit se développer des parties dures de grès cal- caire ou de calcaire sableux pétriesdenummulites(W. Atacicus). Les marnes elles- mêmes sont très riches en turritelles (T°. imbricataria); on y trouve aussi l'Ostrea mullicostata et d'autres fossiles épicrétacés. La relation de ces marnes à turritelles et des calcaires de Lagrasse est difficile à établir. M. Dufrénoy, ne voyant pas les marnes reparaître dans la vallée de l'Orbieu du côté de cette petite ville, a pensé que ce système marneux buttait derrière le massif calcaire qui sépare les deux gites par l'effet d’une faille. La découverte de marnes à turritelles à l'O. de La- grasse, dans la vallée que nous venons de rappeler, et la grande variabilité des ro- ches qui constituent le terrain que nous étudions , me porteraient plutôt à penser qu'il serait bien possible que les marnes fussent un faciès particulier des calcaires dans lesquels elles se termineraient en pointe du côté del Orbieu. Le contraste topographique qui se fait remarquer de partet d'autre de la crête qui domine Lagrasse, tiendrait, dans cette hypothèse, à la différence des effets de la dénuda- tion qui, du côté de Tournissan, aurait pu s'étendre en largeur à cause de la faible cohésion du terrain.

Les talus de la petite rivière du Rabe que l'on rencontre à une petite distance à l'E. de Saint-Laurent, sont formés par des grès fins passant au calcaire, repo- sant sur des marnes bleuâtres que l’on voit surtout bien développées derrière le village de Coustouge. Ces deux assises sont l’une et l’autre très riches en fossiles.

N.8, p.15.) DES CORBIÈRES ET DE LA MONTAGNE NOIRE. 349 Nous donnons ici la liste des espèces déterminables , nous avons noté spéciale- ment celles qui se trouvent dans le grès (1).

#Porites elegans (grès). *Venericardia minuta. Turbinolia sinuosa. Venericardia trigona (grès). Nummulites Atacicus. Venericardia vicinalis (grès). Operculina ammonea. Cardium hyppopœum, P. (grès). Serpula quadricarinata ? Chama gigas, P.

*Crassatella securis. Natica brevi spira.

*Lucina Corbarica (grès). Turritella Archimedis. Lucina sulcosa. *Turritella imbricataria , P. Cytherea Custugensis. Terebellum fusiforme, P.

Cytherea Rabica.

On ne trouve ici aucun fossile crétacé, mais bien un mélange d'espèces pro- pres au terrain que nous décrivons et d'autres espèces qui caractérisent le sys- tème à nummulites du N. de la France. Parmi les fossiles de la première catégorie, on n’en rencontre que deux qui aient été déjà décrits, savoir, la Turbinoha si- nuosa et la T'urritella Archimedis. Elles existent , d’après M. Brongniart, au mi- lieu de nummulites très probablement identiques avec les nôtres, dans le terrain épicrétacé du Vicentin.

L'observation de ce gisement nous a démontré un fait que nous avons eu oc- casion de remarquer encore en beaucoup d’autres points, fait que M. Dufrénoy a signalé dans son mémoire : c'est que les diverses espèces du terrain à nummulites ne gisent pas indifféremment dans telle ou telle assise. On voit ici les grès prendre des fossiles qu'on ne trouve jamais dans les marnes, et réciproquement. Il en est cependant un certain nombre qui peuvent être considérés comme communs aux deux roches et qui servent à établir une contemporanéité, les Vummulites et les Turritelles, par exemple; mais, parmi ceux-ci même, les espèces abondantes dans une assise ne le sont pas dans l’autre. Ainsi les nummulites sont plus nom- breuses dans le grès, et les turritelles dans la marne.

Ce gîte du Rabe est encore intéressant par la présence, au fond du vallon, sur les bords de cette petite rivière, d’un calcaire à Lymnées et Planorbes qui oc- cupe ici exactement la place de l’assise lacustre que nous signalerons à la base du terrain à nummulites de la montagne Noire (2).

La localité de Fonjoncouse, village situé à une petite distance au S.-E. de Cous- touge, près de la limite de la formation, présente une grande partie des fossiles que nous venons dementionner, plus, d’autres identiques avec ceux d’Albas, dont

(4) Dans toutes nos listes particulières, les fossiles caractéristiques du gisement, lesquels doivent toujours être, pour nous, en même temps habituels, sont désignés par un astérisque; la lettre P indique les fossiles parisiens ; les noms des espèces nouvelles sont en italique.

(2) C’est à M. Vène que nous devons la connaissance de ce fait.

Soc. GÉOL. SÉRIE. T.I. Mém. 8. F5

Fonjoneouse.

350 MÉMOIRE SUR LE TERRAIN A NUMMULITES (N:3, p.14.) nous allons parler ci-après, et d’autres encore propres à ce point des Corbières. Les fossiles différents de ceux de Coustouge sont les suivants :

Astræa contorta. *Natica aculella.

Astræa distans. Natica Albasiensis. *Lobophyllia Micheliana. *Cerithium acutum, P.

Panopæa elongata. Voluta ambigua, P.

Le village d’Albas, situé à peu près sur la limite du terrain à nummulites et du terrain de transition , est séparé de Fonjoncouse par une colline escarpée dontl'é- tude est intéressante en ce qu'elle nous fait connaître les couches inférieures du système que nous étudions. Ces couches, qui plongent au N., probablement sous les calcaires de Lagrasse, sont constituées à la base du coteau , sous le village même d’Albas, par des poudingues calcaires et des grès de couleur rouge, au- dessus desquels se montre une assise puissante de grès marneux bigarrés dont le jaunâtre est la couleur dominante. La partie supérieure présente un calcaire mar- neux associé à des roches arénacées quartzeuses. Lorsqu'on a franchi cette colline, on descend du côté de Fonjoncouse sur des marnes grises qui s'appuient sur les couches précédentes, et qui renferment les fossiles que nous allons faire connai- tre. À ces marnes, qui forment une assise assez épaisse, succèdent enfin d'autres marnes argileuses rouges et des calcaires à pâte fine qui paraissent représenter le sytème de composition analogue que nousavons rencontré dans la vallée de Tour- nissan, derrière la crête qui domine l'Orbieu. Ces couches ne renferment pas, en général, de fossiles déterminables, si ce n’est la marne grise, qui, en revanche, forme un des gisements les plus riches de ces contrées. Voici la liste de ceses- pèces d'Albas :

*Nummulites Atacicus. Cerilhium Deshayesianum. Venericardia minuta. Cerithium fusiforme. Cardium hyppopœum, P. *Cerithium involutum , P.

*Neritina conoïdea , P. Cerithium propinquum, P.

*XNalica acutella. *Cerilhium Venei.

*Natica Albasiensis. Voluta ambigua, P.

*Cerithium acutum, P. | Fusus bulbiformis, P.

*Cerithium Albasiense.

Malgré la position géognostiquement inférieure de ce gîte, on y voit réunis les nummulites, des fossiles propres, et sept espèces, dont cinq appartiennent aux couches à nummulites du bassin parisien, et deux, €. involutum et C. propinquum, aux couches supérieures du calcaire grossier. Cette localité est en outre remar- quable par les nombreuses espèces de Cérites qui s’y trouvent pour ainsi dire rassemblées.

Nous venons de signaler à la partie inférieure des couches d’Albas un poudin- gue à noyaux calcaires. Nous rappelerons qu’un poudingue semblable a été ob- servé par M. Dufrénoy près d’Alet au-dessus des couches à Hippurites des bains

GREEN ES) DES CORBIÈRES ET DE LA MONTAGNE NOIRE. 351 de Rennes, circonstance qui semble bien prouver que les couches d’Albas con- stituent , ainsi que je l'ai indiqué plus haut, la partie inférieure de la formation.

Puisque la citation du poudingue d’Alet nous a transporté dans la partie du terrain épicrétacé des Corbières qui forme l'extrémité orientale de la bande de l'Ariège , nous nous y arrêterons un instant pour observer les marnes fossilifères de Couiza, qui forment un gisement d'une grande importance.

Les collines dont ces marnes font partie longent la rivière d’Aude sur sa rive gauche. Les couches qui les composent sont épaisses, en général, et affectent une inclinaison médiocre vers l'aval. Elles sont principalement constituées par des calcaires à milliolites alternant avec des grès. Les marnes forment une assise vers la partie supérieure de ce système, qui paraît correspondre aux calcaires de Lagrasse, En face du village de Couiza, immédiatement après avoir passé le pont , on se trouve à peu près au niveau de ces marnes, l'on peut recueillir de nombreux fossiles. Voici la liste de ceux que j'y ai observés (1) :

Lunulites punctatus. *Venericardia minuta.

Poriles elegans. Chama gigas, P.

Astræa distans. Modiola cordata, P. *Turbinolia sinuosa. k Neritina conoïdea, P. *Operculina ammonea. Turritella Dufrenoyi.

Operculina granulosa. à #Turritella imbricataria , P.

Serpula gordialis? Voluta ambigua, P. *Serpula quadricarinata ? Fusus bulbiformis , P.

Crassatella scutellaria ? P. Fusus longævus, P.

On voit que , sur dix-huit espèces, il en est seulement sept propres aux Cor- bières; une, Turbinolia sinuosa, existe dans le terrain épicrétacé du Vicentin, et huit appartiennent aux couches à nummulites du N. de la France. Nous ne disons rien des serpules, dont la détermination, d’une part, laisse toujours des doutes, et qui, d'un autre côté, sont considérées généralement, et avec raison je crois, comme ayant peu de valeur dans les rapprochements géognosliques.

Sur la rive droite de l'Aude ce système de marnes et de calcaires a été modifié et dérangé par les ophites, que l'on ne voit cependant pas à la surface. Les cou- leurs noire et grise sont alors remplacées par des teintes plus vives et notamment par le rouge, et l’on voit apparaître en même temps, sur les flancs des vallons ou des ravins, des masses gypseuses activement exploitées.

6 IL. Montagne Notre. Nous avons déjà dit que le terrain épicrétacé se présentait sur le versant S de

la montagne Noire, sous la forme d’une bande étroite. C'est au-dessus de Saint-

(4) Depuis la rédaction de ce mémoire, j'ai reçu en communication de M. Rolland du Roquan un bel exemplaire d’un Casque d’assez grande taille et que je crois nouveau.

Couïza.

352 MÉMOIRE SUR LE TERRAIN A NUMMULITES CN: 8, p. 16.) Papoul (arrondissement de Castelnaudary) que cette bande commence. A partir de jusque vers la rivière d'Orbiel, elle recouvre et cache entièrement le ter- rain-de transition, et sa limite N. s'appuie par conséquent d’une manière immé- diate sur le granite. A Montolieu, cette partie du gisement de la montagne Noire est coupée et à peu près interrompue par le profond vallon de la Rougeane, qui montre à nu le granite et quelques indices de roches de transition. Entre ce point et l’Orbiel, elle s’élargit considérablement eu égard à tout le reste de la bande générale, qui, passé la rivière que nous venons de nommer , se trouve réduite à un ruban étroit, resserré alors, dans toute son étendue, entre le terrain tertiaire et le terrain de transition. Elle se termine en pointe à une petite distance de St-Chinian, au-dessus de Villespassan, dans le département de l'Hérault.Quelques renseignements qui nous sont parvenus tendraient à faire croire que le terrain à nummulites reparaît à l'E. de StChinian (1); mais nous n'avons besoin dele suivre de ce côté pour le but spécial de ce mémoire, et nous nous contenterons de rap- peler qu'il en existe à Bize un affleurement très limité dans lequel se trouve la ca- verne ossifère bien connue par les observations intéressantes de M. Tournal et de quelques autres géologues.

Un des caractères les plus importants de ce gisement de la montagne Noire est son indépendance par rapport au terrain crétacé , dont rien n’annonce ici l'exis- tence. Les couches qui le constituent s'appuient immédiatement sur le terrain de transition ou sur le granite.

Ces couches se redressent, sous des angles assez faibles, vers la montagne, à la- quelle elles présentent leurs têtes , laissant entre elles et Les roches anciennes qui en forment la masse une espèce de fossé.

C'est vers le fond de cette ligne creuse que paraît en plusieurs points, notam- ment à Conques et à Montolieu , une assise composée de calcaires ordinairement blanchâtres, quelquefois subcristallins, existent de nombreux fossiles d’eau douce, parmi lesquels M. Braun a reconnu environ quatorze espèces, probablement inédites, appartenant aux genres Bulime, Agathine, Auricule , Cyclostome, Mail- lot, Planorbe, Lymnée, Physe. Cette assise remarquable, dont nous devons la con- naissance à MM. Vène et Braun , peut avoir, d'après ce dernier géologue , environ 10 mètres de puissance aux environs de Conques, On trouve encore dans cette même position un calcaire coloré en noirâtre par du bitume, et qui contient aussi des coquilles d’eau douce associées à des gyrogonites.

Au-dessus de cette assise paraît la masse, ici peu puissante, du terrain à nummulites, lequel est principalement composé de calcaires arénifères ou mar- neux, grossiers, d’un gris sale, renfermant de nombreux fossiles ordinairement à l’état de moules corrodés à la surface. Des nœuds en forme d'amandes de calcaire

(1) Astruc, dans ses mémoires pour servir à l’histoire naturelle du Languedoc, signale, près de Balaruc , au bord de l’étang de Thau, plusieurs rochers tout couverts d’une quantité prodigieuse de pierres numismales de toutes grandeurs.

COSARENC) DES CORBIÈRES ET DE LA MONTAGNE NOIRE. 353 plus dur, pétri de nummulites, se développent au milieu de ces couches, qui sont d’ailleurs fréquemment séparées par des lits marneux riches en Ostrea multicos- tata et par des marnes sableuses grisâtres ou verdâtres pullulent les nummu- lites. Un autre élément qui paraît occuper souvent la partie supérieure de la for- mation, et que l’on trouve particulièrement développé à Moussoulens, est un calcaire blanc remarquable par la multitude de mélonies (4/veolina sub-Pyrenaica) qu'il renferme.

Nous réunirons dans une seule liste les fossiles marins que l’on trouve dans toutes ces couches à nummulites de la montagne Noire, parce que les divers gisements qui les présentent sont presque identiques dans toute l’étendue de la bande. Quant aux fossiles d’eau douce et terrestres, nous avons déjà dit que nous laissions à MM. Braun et Rolland le soin de les spécifier, et nous nous en tien- drons , à cet égard , à l'indication des genres qu'on trouvera dans notre tableau général,

LISTE DES FOSSILES MARINS DU TERRAIN ÉPICRÉTACÉ DE LA MONTAGNE NOIRE.

a. FOSSiLF3 DÉTERMINABLES.

*Nummulites Atacicus. Natica brevi spira. *Nummulites globulus. *Natica longispira. *Alveolina sub Pyrenaica. Natica sigaretina ? P. Spatangus obesus. Solarium simplez. Echinolampas conoïdeus. Cerithium giganteum ? P. Teredo Tournali. ° Terebellum Carcassense. <Lucina Corbarica. ; Terebellum obvolutum ? Chama gigas, P. UE Terebellopsis Brauni. *Ostrea multicostata, P. Nautilus Lamarckii, P. *Terebratula Montolearensis. Nautilus Rollandi.

Neritina conoïdea, P.

b. FossiLES INDÉTERMINABLES.

Lucina. Rostellaria ?

Venus. Cassidaria ?

Cardium. Mitra.

Lima. Cypræa.

Natica. Dents de squale. Cerithium. Dents de Pycnodonte.

L'examen de cette liste nous montre d’abord que la bande épicrétacée de la montagne Noire constitue un gîte spécial assez différent de ceux des Corbières. En effet, sur dix-neuf espèces bien déterminées, il s’en trouve douze qu'on ne rencontre pas dans la petite chaîne que nous venons de nommer, parmi lesquelles plusieurs , le T'erebellopsis Brauni et la Natica longispira, par exemple, jouent un rôleimportant. D'ailleurs, les Turritelles(T. imbricataria), la Turbinoliasinuosa, etc... si communes de l’autre côté de la vallée, ne reparaissent pas ici, la pre-

354 MÉMOIRE SUR LE TERRAIN A NUMMULITES (N- 8, p.48.) mière de ces espèces semble être remplacée par l'Ostrea multicostata. La présence de deux Nautiles, dont l'un se trouve dans les couches à nummulites du bassin pa- risien , est encore un fait caractéristique et bien remarquable dont nous devons la connaissance à M. Rolland du Roquan. C'est encore à ce géologue et aussi à l'un de mes auditeurs, M. Tallavignes, que je dois la communication de deux moules de grands cérites , dont l'un annonce up individu de la taille et probable- ment de l’espèce du C. giganteum. Dans tous les cas, ce dernier cérite est sem- blable à celui que l'on a signalé dans le terrain à nummulites de Crimée et d'E- gypte (voyez la remarque partie, page 367). Le Spatangus obesus, dontM. Braun a recueilli aux environs de Conques d’assez nombreux individus, est encore un fossile assez important à cause de sa similitude avec Le Spatangus ambulacrum, qui n’a été trouvé jusqu’à présent que dans le terrain épicrétacé de Bayonne, de Corse et d'Egypte. Nous devons encore faire remarquer particulièrement l’E- chinolampas conoideus. Agassiz, Galerites conoideus. Lam., qui a été rapporté de Villegailhène par M. Vène, fossile qui caractérise les couches à nummulites, non seulement des contrées que nous venons designaler , mais encore du Cressenberg, de Vérone et de la Crimée.

Enfin nous retrouvons encore, dans cette liste, le mélange des fossiles propres au terrain épicrétacé et de plusieurs espèces parisiennes, et notamment l'Ostrea mullicostata, qui joue ici le rôle de fossile habituel et caractéristique, la Meritina conoidea, le Nautilus Lamarckü, et probablement le Cerithium giganteum.

D'un autre côté, la présence des nummulites et des alvéolines des Corbières et celle de plusieurs autres fossiles que nous avons souvent rencontrés dans ces montagnes (Lucina Corbarica, Chama gigas, Neritina conoïdea, Natica brevispira.…), ne peuvent laisser aucun doute sur la correspondance des couches de l’un et de l’autre gisement. La bande de la montagne Noire n'est évidemment autre chose qu'un affleurement de la formation épicrétacée des Corbières qui passe sous le terrain tertiaire miocène de la vallée.

S III. Aésumé et conclusions.

Le gisement de l’Aude, qui comprend la plus grande partie des basses Corbières, et un ruban étroit qui se montre sur le revers méridional de la montagne Noire, offre le terrain à nummulites ou épicrétacé avec un développement et des carac- tères plus prononcés que dans tout le reste de la bande sous-pyrénéenne.

Il se compose de tous les terrains du département de l’Aude coloriés en jaune sur la carte géologique de France, et rapportés par M. Dufrénoy au terrain cré- tacé supérieur, plus, d’une partie de ceux qui offrent la couleur verte affectée à l'étage inférieur du même groupe.

Les caractères des roches qui constituent ce gîte varient beaucoup, à la même hauteur géognostique , lorsqu'on passe d’une localité à une autre. En général, les

Ë (N-8, p. 19.) DES CORBIÈRES ET DE LA MONTAGNE NOIRE. 359 couches inférieures consistent en des poudingues associés à des grès et à des marnes, et recouverts par des argiles à cérites ( Albas). C’est à cette hauteur que se développent des calcaires caractérisés par des coquilles d’eau douce et terres- tres probablement inédites (Ribaute, le Rabe, Montolieu, Conques). Le reste du terrain , il paraît difficile de faire des subdivisions, consiste en calcaires sub-compactes à milliolites associés à des grès et à des marnes arénifères (La- grasse), en marnes rouges, jaunâtres et noirâtres qui renferment fréquemment divers fossiles et surtout de nombreuses turritelles ( Tournissan, Couiza ), en grès fins passant au calcaire plus ou moins consistant, gisent principalement les nummulites accompagnées d'autres fossiles ordinairement à l’état de moule, et enfin en calcaires de couleur claire , à pâte fine et presque cristalline, abon- dent, en beaucoup de localités , les mélonies { Alaric, Moussoulens ).

Dans les parties méridionale et orientale des Corbières, ces couches reposent sur celles du terrain crétacé ; mais du côté N. de ce petit groupe , et dans la mon- tagne Noire, elles paraissent immédiatement appuyées sur les roches anciennes et prendre ainsi l'allure d’une formation indépendante.

Le système épierétacé affecte, dans les Corbières, un relèvement général vers le massif de transition qui forme la gibbosité centrale. Ce relèvement que suit également le terrain crétacé, concordant avec le terrain à nummulites partout il se trouve en relation avec lui, paraît dater de l'époque du soulèvement princi- pal des Pyrénées. Ces terrains ont été, en outre, localement disloqués et modifiés par l'influence des ophites, qui presque toujours sont restées au-dessous du sol dans la partie basse dela chaîne, tandis que, dans les hautes Corbières, elles se sont fait jour en beaucoup de points.

Un des principaux effets des relèvements et des dislocations que nous venons de rappeler, a été de produire des crêtes escarpées et souvent crénelées comme de vieilles fortifications, qui, d'après M. Dufrénoy, offrent souvent la direction normale des Pyrénées et des vallons profonds et sauvages. Cest aussi à ces per- turbations géologiques qu'il faut attribuer l’aspect ruiné et la stérilité de cette partie du département de l'Aude.

La bande étroite qui borde les terrains anciens sur le flanc de la montagne Noire n'offre pas ces caractères prononcés de dislocation. Les couches s'y trou- ventsimplement relevées , sous des angles faibles, en général, vers la chaîne cen- trale, à laquelle elles présentent ordinairement leurs têtes sous la forme d’une crête légèrement saillante.

Le tableau général annexé à ce mémoire présente 107 espèces de fossiles, dont 82 seulement ont pu être déterminées spécifiquement. Sur ces 82 espèces, il en est 56 propres au terrain qui nous occupe, dont 42 marines que nous avons décrites et figurées (voyez la partie de ce mémoire), laissant à MM. Braun et Rolland le soin de faire connaître les espèces d’eau douce et terrestres. Les autres espèces, au nombre de 26, appartiennent, d’une part, au bassin parisien, et, d'autre part,

356 MÉMOIRE SUR LE TERRAIN A NUMMULITES (CN: 8, p. 20.) à des gîtes plus ou moins bien étudiés, dépendant de la grande zone à nummulites du midi de l’Europe et des parties adjacentes de l'Asie et de l'Afrique (Nice({), Vicentin, Crimée, Egypte). Nous avons recherché avec soin les indications de ces gîtes, et nous les avons consignées dans notre tableau général, à côté de celles des localités de l'Aude, et en regard des noms des espèces. Ces 26 espèces connues comprennent aussi deux fossiles crétacés dont la détermination laisse encore quelques doutes. |

Les fossiles les plus habituels du gisement del’Aude, considéré dans son en- semble, se trouvent rassemblés dans la liste suivante :

Turbinolia sinuosa, C. Terebratula Montolearensis, M. Nummuliles Atacicus. Neritina conoïdea.

Nummuliles globulus. Natica longispira, M. Operculina ammonea. Turritella imbricataria, C. Alveolina sub-Pyrenæca. Terebellopsis Brauni, M.

Serpula quadricarinata. ? Cerithium acutum . . C. |. Crassatella securis, C. Cerithium involutum, C. a 8 Lucina Corbarica. Natica acutella. . . . C. £3 Venericardia minuta, C. Natica Albasiensis. LC 88

Ostrea multicostata, M.

Parmi ces fossiles, les uns se rapportent plus particulièrement aux Corbières : nous les avons désignés par la lettre G; les autres à la montagne Noire: la lettre M nous a servi à les indiquer.

On peut voir que, sur ces {9 espèces principales, 5 sont également habituelles dans les couches inférieures du bassin parisien ; ce sont : Ostrea multicostata, Neri- tina conoidea, T'urritella imbricataria, Cerithium acutum, Cerithium involutum, tandis qu'aucune espèce crétacée ne s’y trouve comprise. Les fossiles propres au groupe crétacé que nous avons rencontrés dans le terrain à nummulites de l'Aude se ré- duisent à deux (Ostrea lateralis, Terebratula Defranciüi) ; encore leur détermination laisse-t-elle des doutes, et n'ont-elles été présentées, jusqu’à présent, que par

(1) J'ai vu tout récemment au Muséum d'histoire naturelle de Paris, et à Versailles chez M. le grand- vicaire Van-den-heck, des suites fort intéressantes de fossiles provenant du terrain à nummulites des environs de Nice, et, malgré des différences assez grandes entre la faune de cette contrée et celle du département de l'Aude , qui tiennent à la différence de position géographique, il ne m'a pas été diffi- cile d’y reconnaître le type que nous avons décrit dans le présent mémoire. Ce sont absolument les mêmes calcaires avec les mêmes espèces de nummulites et d’operculines accompagnées de fossiles propres, dont un certain nombre sont communs aux deux localités, et de nombreuses espèces pari- siennes. Un fait fort remarquable que présente la localité de Nice consiste dans la présence du véri- table Cerithium giganteum bien caractérisé, réuni à la grande espèce de Valognes (C. cornu copiæ) que l’on trouve à Nice dans un très bel état de conservation.

Dans ce gisement, comme dans l’Aude, le terrain crétacé incontestable existe sous le terrain épi- crétacé, dont il se distingue parfaitement, au moins par les fossiles,

(N. 8, p.21.) DES CORBIÈRES ET DE LA MONTAGNE NOIRE. 357 la localité particulière de Roubia (1). Il est remarquable que ces espèces parais- sent occuper ici une position supérieure à celle de la plupart des fossiles tertiaires parisiens que nous avons signalés (2).

Les espèces du terrain crétacé incontestable des Corbières, que nous avons eu souvent l’occasion de comparer avec celles du terrain épicrétacé, nous ont tou- jours montré des caractères différents. Les nummulites , notamment, et les ru- distes ne se mêlent pas dans les mêmes couches, à moins que cela n'ait lieu vers la surface de contact des deux formations l'on pourrait peut-être admettre une liaison que semblent indiquer les observations de MM. Dufrénoy et Vène.

En un mot, il existe bien réellement dans les Corbières , si l’on considère les choses en grand , une puissante formation caractérisée par les nummulites, des fossiles tertiaires et par l'absence presque complète de fossiles crétacés, la- quelle se développe d’une manière indépendante, ou se trouve superposée à la formation crétacée, et notamment aux couches, qui renferment les rudistes.

(1) Depuis la rédaction de ce Mémoire , M. Vène a rapporté des Martigues (grès vert) une téré- bratule qui appartient évidemment à l'espèce que nous avons nommée Zerebratula Vener.

(2) Ces coquilles ne se trouvent pas dans le terrain crétacé des Corbières et ne sauraient servir , par conséquent , à lier ce terrain avec le système à nummulites.

SOC GÉOL. SÉRIE. T . I. Mém. n. 8. 46

358 MÉMOIRE SUR LE TERRAIN A NUMMULITES

IN. 8, p. 22.)

DEUXIÈME PARTIE.

ÉTUDE DES FOSSILES.

$ EI. Indication des principaux caracteres des espèces nouvelles.

POLYPIERS.

1. LUNULITES PUNCTATUS. . . B.—1abcde.

Petite et élégante espece ayant la forme d’un cône extrêmement déprimé. Du sommet partent, en rayon- nant, de fines rangées de tres petites dépressions sub- hexagonales très serrées,et portant chacune, au centre, un point saillant. Ce point n’existe pas dans la Lu- nuliles androsacea, Michelotti, du Piémont, espèce, à cela près, identique avec la nôtre. Ces dépressions sont si régulièrement disposées, que, dans le sens transverse, on peut les considérer comme formant des rangées concentriques. C’est même cette dernière disposition qui frappe le plus lorsqu'on regarde le fossile sans le secours de la loupe. Le dessous de ce petit polypier est légèrement concave, et porte de fines stries rayonnantes qui séparent des côtes arron- dies et serrées. La circonférence de la base est élé- gamment crénelée.

Diamètre variant de 5 à 41 millim.

Gisement : Marnes de Couiza , elle ne paraît pas être très rare.

2. PORITES ELEGANS. . . B.— 1, 2.

On rencontre ce polypier sous la forme de masses lobées arrondies, quelquefois pédiculées, ou en ra- meaux branchus. Ses étoiles sont grandes et assez égales, ordinairement hexagonales, creuses et conti- guës. Du fond de chacune partent des filaments ar- rondis et serrés, qui, rencontrant sur le périmètre de l'étoile ceux de l’étoile voisine, forment des arêtes crénelées ou granulées. L'ensemble de ces arêtes constitue un réseau saillant, qui n’est pas dépourvu d’une certaine élégance.

Gisement : Coustouge, ac. en masses lobées et pé- diculées (B-2), dans le calcaire sableux. Couiza, ar. en portions de rameaux aplatis, dans les marnes (B-1).

Observation : À l’article Porite du Dictionnaire clas- sique d'histoire naturelle, M. Eudes Deslongchamps dit qu’on n’a jamais trouvé ce genre à l’état fossile, si ce n’est peut-être à Dax. Cette Porite de Dax se- rait-elle notre espèce?

B. 5 a b. Espèce en rameaux contournés et reliés par des

3. ASTRÆA CONTORTA.

appendices membraniformes. Étoiles subhexagonales très pelites et rapprochées. Les cavités assez pro- fondes qu’elles forment montrent des lames diver- gentes, rares et médiocrement épaisses, qui rappellent les rais d’une voiture.

Les espaces séparant les étoiles sont étroits, et offrent, à la surface extérieure, la forme d’un bour- relet réticulé.

Gisement : Fonjoncouse, r.

4. ASTRÆA DISTANS. B, 6 a b.

Espèce en rameaux cylindriques, dont la surface est chagrinée par de tres fines granulations. Sur ce fond se montrent des étoiles sub-orbiculaires petites, égales et équidistantes , dont chacune présente six lames. L'espace occupé par les étoiles est moindre que celui resté intact , de telle maniere que la dis- tance qui sépare deux de ces étoiles se trouve plus grande que le diamètre de l’une d'elles. Ce carac- tère, bien plus marqué dans notre espèce que dans l’Astræa rarislella Defr., que l’on trouve dans les terrains tertiaires de Turin et de Bordeaux, est un trait de dissemblance sans lequel les deux espèces pourraient peut-être se confondre.

Gisement : Couiza, Coustouge, ar.

Elle se trouve aussi à Dax dans les faluns infé- rieurs.

5. LOBOPHYLLIA MICHELINIANA. B. 3.

Espèce disposée en rameaux contournés et comme déprimés, dont la surface est couverte de linéaments fins, arrondis et serrés, affectant une direction longi- tudinale ou convergente vers les sutures ou extrémi- tés des rameaux. La cassure de ces rameaux affecte une forme allongée et comme pincée, et présente des stries transversales qui sont des indices de cloisons. Cette espèce est voisine du Lobophyllia contorta Mich., qui se trouve dans le terrain tertiaire des environs de Turin.

Gisement : Ce fossile paraît être assez commun dans le terrain épicrétacé de Fonjoncouse.

FORAMINIFÈRES

appréciables à la vue simple.

6. NUMMULITES ATACICUS. . . . B—13abcde. À ssez petite espèce dont le diamètre ordinaire égale

à peu prés celui d’une pièce de 25 centimes, lenti- forme, très légèrement contournée , à bords presque

UN. 8, p. 23.)

tranchants. Section horizontale médiane composée , dans les individus adultes, de 7 à 8 tours de spire cloisonnés, cloisons normales et rapprochées. La sec- tion transverse montre un pareil nombre d’enveloppes concentriques en forme d’ellipses allongées aiguës et comme pincées vers les extrémités du grand axe. La surface est à peu près lisse. Lorsqu'elle a été légère- ment usée, on y remarque des lignes sinueuses rayonnantes quiindiquent les cloisons du dernier tour.

Diamètre maximum , 15 millim. ; épaisseur, 4.

Les dimensions ordinaires sont inférieures à celles- ci, sans toutefois s’en écarter beaucoup.

Il nous paraît extrêmement probable que c’est cette espèce que M. Al. Brongniart a citée comme venant de Ronca ( Terrain du Vicentin , pag. 51); car il dit que cette Nummulite, qu’il désigne, d’après la col- lection de M. Defrance, par le nom de Nummiformis, est très analogue au N. lœvigata Lamk., dont elle ne diffère qu’en ce qu’elle est plus convexe au centre et plus tranchante sur les bords , caractère différentiel qui convient très bien au N. Atacicus. Nous regret- tons que l’auteur n’ait pas donné la figure de ce fos- sile important, et qu’il se soit contenté de renvoyer aux figures de Fortis, qui sont tres insignifiantes ; d’ailleurs ce dernier naturaliste, dans son texte (vol. IT, pag. 101 ), attribue des bords obtus à la Nummulite de Ronca.

Gisement : Le N. Atacicus est tellement abondant en certaines parties du terrain épicrétacé que les cal- caires en sont comme pétris. On Je trouve aussi à l’état libre dans les parties marneuses de cette for- mation, dont il est le fossile caractéristique par ex- cellence.

7. NUMMULITES GLOBULUS. . . . .B. 14 abc d. Cette Nummulite semble passer à la précédente. Cependant, dans l’état ordinaire des choses, elle s’en distingue par son diamètre, qui est beaucoup plus petit, par sa plus grande épaisseur , et par ses bords un peu arrondis. Elle ressemble beaucoup à un bou- ton de gilet (globulus) (1). Ses tours enveloppants sont aussi bien moins nombreux et plus distan£s que ceux du N. Afacicus. Diamètre, 3 à 4 millim.; épaisseur, 2 à 3. Gisement : Elle est très commune dans l’Aude, elle est souvent accompagnée du N. Atacicus.

B. a b.

J'ignore si ce petit foraminifère a été décrit et figuré dans quelque ouvrage spécial : je ne l’ai vu dans aucun de ceux que j’ai été à même de consul- ter; et comme il joue un rôle assez important dans nos marnes à Turritelles , j’ai cru devoir lui donner provisoirement un nom, et indiquer ses principaux caractères par une figure accompagnée de quelques mots d'explication.

Dans l’état on la trouve babituellement, cette

8. OPERCULINA AMMONEA.

(4) Depuis que j'ai donné ce nom à cetle espèce, j'ai appris qu'aux environs de Nice, elle existe abondamment en com- pagnie du M. Atacicus, les paysans l’appelaient Bouton de guêtre. g

DES CORBIERES ET DE LA MONTAGNE NOIRE.

l

399

operculine est petite, discoïde, plate et si mince, qu’elle laisse passer la lumière. Elle se compose de 4 à 5 tours de spire enroulés sur un même plan, et se terminant vers le centre de la coquille. Chaque tour est limité extérieurement par un petit bourrelet qui fait paraître creuse la surface qu’il borde. Ce bourrelet semble être la charpente du fossile que de- vait recouvrir, lorsqu'il était entier, un tégument papyracé excessivement mince. Dans cet état, il de- vait ressembler à une Nummulite. Les tours de spire sont divisés en une multitude de petites loges par des filets cloisonnaires presque droits, transversaux et assez rapprochés. Dans son Mémoire sur le terrain crétacé du sud de la France, M. Dufrénoy compare ce fossile à une moitié d’ammonite.

Diamètre maximum , 40 millim.

Gisement : Marnes à Turritelles de Couiza et calcaire à Nummulites de Bize, elle paraît se rencontrer assez fréquemment.

9 OPERCULINA GRANULOSA. . B.—12abc. Cette petite Operculine, que l’on trouve dans les mêmes gisements que la précédente, nous paraît de- voir en être séparée. Elle est constamment plus pe- tite; ses cloisons, qui se montrent en formant un léger relief à la surface du test infiniment mince qui renferme les spires, sont ici proportionnellement plus serrées. Cette espèce très plate se compose de 3 à 4 tours de spire. Elle porte à sa surface, de chaque côté, un certain nombre de fines granulations qui se trouvent irrégulièrement distribuées sur les petites côtes en relief qui correspondent aux cloisons inté- rieures. Ces points saillants, rares sur les derniers tours , se trouvent agglomérés au centre chez beau- coup d'individus. Diamètre , 4 à 5 millim.

10. ALVEOLINA SUB-PYRENAÏCA. B.—9 abc. 10 abc.

Ce fossile a été désigné par M. Dufrénoy sous le nom de Mélonie (d’après Denis de Montfort), à cause de sa ressemblance avec un melon, dont les côtes se- raient striées très finement dans le sens horizontal. Ces côtes sont au nombre de 6. La section transver- sale montre environ 8 zones concentriques enrou- lées en spirale, séparées par des espaces très étroits dans lesquels la loupe fait apercevoir des stries per- pendiculaires. Sa forme générale, je veux dire le rap- port entre le grand et le petit axe, varie un peu sui- vant les localités. Les individus les plus nombreux (fig. 9 abc)ont un axe presque double de l’autre, tandis que d’autres alvéolines ( var. globosa, fig. 10) sont presque globulaires. Ces deux variétés princi- pales ont été décrites et figurées par Fortis (Mémoires sur les Discolithes, pl. IT, fig. 6, 7, 8), qui cite comme gisement les collines sub-pyrénéennes. Il les considérait comme des espèces différentes et distinctes toutes les deux d’une autre alvéoline, qu'il figure aussi, et qu'il dit provenir de Grignon. Celle-ci, qui est probablement l’Alveolina oblonga Desh., est, en

360

effet, plus allongée que les nôtres, et plus pointue aux sommets. L’Alveolina sub-Pyrenaica offre encore, d’après M. d’Archiac (Mémoires de la Soc. géol., t. Il, p. 191), de l’analogie avec l’espèce de la Sain- tonge et du Périgord qu’il a nommée À. crelacea, sans toutefois en donner aucune figure ; mais , ainsi que ce géologue l’a remarqué lui-même, la nôtre est constamment plus grande, souvent même double en hauteur. :

} FEES é RSS à

MÉMOIRE SUR LE TERRAIN À NUMMULITES

(N. 8, p. 24.)

Longueur, de 5 à 7 millim.; largeur, 3 à 4.

Variété : Globosa.

Longueur, 6 millim. ; largeur, 5 à 5,5.

Gisement : Ces fossiles se montrent en abondance dans certains calcaires de la montagne Noire et des Corbières, ils semblent remplacer les Nummulites. On les trouve aussi libres dans certaines parties meu- bles, ils sont assez souvent accompagnés du Fo- raminifère que nous venons de nommer.

RADIAIRES,

11. SPATANGUS OBESUS. B. 15 ab.

Après avoir comparé avec soin ce Spatangue, d’un côté avec la figure du Sp. ambulacrum donnée par M. Deshayes dans sa Description des fossiles caracté- ristiques, et, d’autre part, avec les échantillons de la collection Agassiz moulés sur des individus des Basses-Pyrénées, nous nous étions décidé à considérer les uns et les autres comme appartenant à la même espèce. Nous avions bien reconnu cependant que notre Spatangue était plus globuleux et plus obèse que le type de M. Deshayes, et que notamment les protubé- rances latérales, ordinairement très saillantes dans le Sp. ambulacrum , étaient assez peu accusées dans

nos individus : toutefois ces différences ne nous avaient pas paru suffisantes pour donner lieu à un nouveau type. Si nous nous décidons aujour- d’hui à prendre ce dernier parti, c’est pour Dous con- former à l’opinion émise par le savant auteur de l'espèce qui nous avait servi de terme de compa- raison.

Gisement : Le Spatangus obesus a été trouvé plu- sieurs fois par M. Braun dans le calcaire à Nummulites de la montagne Noire, particulièrement à Conques.

Je l’ai reconnu dans la collection rapportée d'Égypte par M. Lefèvre, avec d’autres fossiles du système épi- crélacé (1).

CONCHIFÈRES.

12. TEREDO TOURNALI. C— 1, 2, 3, 4.

Nous n’avons de cette espèce qu'un beau tronçon de tube (fig. 3) provenant des marnes épicrétacées de Fontcouverte (Corbières ), dont nous devons la com- munication à M. Tournal ; d’autres fragments enga- gés dans le calcaire à Nummulites de l’Ariége, qui nous ont été donnés par M. le docteur Larrey ; enfin un moule pierreux (Térédolite) recueilli à Conques (montagne Noire) par M. Braun. Ce moule , qui est figuré sous le 4 de la planche C, est terminé, d’un côté, par une protubérance globuleuse sur laquelle les valves de la coquille ont laissé leur empreinte. Des deux fragments, figures 1 et 2, provenant de M. Larrey, l’un offre la section d'un tube flexueux de 6 à 7 millimètres de diamètre, vers l'extrémité duquel on remarque une série de cloisons assez ré- gulières et très rapprochées; l’autre montre les ori- fices de deux canaux intérieurs séparés par une très mince cloison.

M. Deshayes, qui a vu ces échantillons, soupçonne qu'ils pourraient bien appartenir à une espèce encore inédite, qui se trouve dans les couches inférieures du bassin de Paris.

1 3. PANOPÆA ? ELONGATA. . C.—8ab. Coquille allongée transversalement , médiocrement renflée; crochets occupant le tiers à peu près de la

(4) J'ai vu tout récemment à l’école royale des Mines un Spatangue provenant d'un gisement nummulitique dont j'ignore la position géographique, qui ne différait du nôtre que par la forme générale plus glubeuse. Il avait élé étiqueté par M. Agas- siz Holaster globosus , Ag.

longueur totale; un pli assez faiblement prononcé sur Chaque valve du côté le plus long; stries d'accrois- sement marquées ; test mince. Elle ressemble beau- coup a la Pholadomya plicata, Melleville (Journal des sciences géologiques de M. Rivière), qui se trouve dans les sables inférieurs du Soissonnais; mais elle n’a pas les plis intérieurs indiqués comme caractéris- tiques de cette espece.

Hauteur, 22 millim.; longueur transverse, 50; épaisseur, 16.

Gisement : Cette coquille se rencontre assez rare- ment dans les couches marno - sableuses du terrain épicrétacé des Corbières (Coustouge et Fonjoncouse). Son test forme ordinairement, à la surface du moule intérieur, une pellicule blanche friable.

14. CRASSATELLA MINIMA. . C. 9 a b. 10. Très petite relativement aux autres espèces de ce genre ; allongée transversalement, tres inéquilatérale ; arêtes anguleuses sur chaque valve; régulierement et largement lamelleuse à la surface, comme la Crassa- tella lamellosa, à laquelle elle ressemble un peu pour la forme générale. Hauteur, 5 millim.; longueur, 10 ; épaisseur, 4 à 5. Gisement : Marnes à Turritelles des Corbières, elle se rencontre assez rarement.

13. CRASSATELLA SECURIS. . . . C. 12 a b. Assez petite espèce transverse, très inéquilatérale, peu épaisse, tranchante sur les bords : angle anté- rieur des valves très prononcé ; lunule assez allongée, profonde ; surface lamelleuse. Elle se rapproche beau-

(N. 8, p- 25.)

coup de la Crassatella lamellosa, Lamk., dont elle se distingue d’ailleurs par la taille, qui est toujours bien moindre dans notre espèce , par l’irrégularité et le grand nombre de ses stries et par ses bords tranchants qui lui donnent quelque ressemblance avec le fer d’une hache (securis). L’individu représenté C. 12 a b. est un des plus grands que nous connaissions; voici ses dimensions :

Hauteur, 21 millim.; largeur, 30 ; épaisseur, 14.

Gisement : Ce fossile se trouve habituellement dans les marnes à Turritelles de Coustouge, de Lagrasse, etc. (Corbières).

C5, 6,1

Cette espèce doit être considérée comme la plus grande des Lucines, puisqu'elle surpasse, sous ce rap- port, la Lucina gigantea, que M. Deshayes considere comme la plus grande du genre ( Description des Co- quilles fossiles des environs de Paris, t. II, p. 91). L’épaisseur de cette coquille est faible ou médiocre. Le test montre constamment, à l'extérieur, des stries concentriques laissant entre elles des lignes fines, saillantes, qui ne sont autre chose que les bords re- levés des lames d’accroissement ; ces lignes sont ordi- pairement serrées et assez irrégulières. Cette coquille est remarquable par la variabilité de sa forme géné- rale, circonstance qui nous a contraint à la subdi- viser en trois variélés que nous désignons par les épi- thètes de regularis, elongata, quadrata.

16. LUCINA CORBARICA. .

LUCINA CORBARICA REGULARIS. CS: Subtransverse, crochet submédian; un sinus sur chaque valve sous les crochets ; faiblement lunulée. Cette variété est la plus régulière, c’est celle qui atteint la plus grande taille. Hauteur, 102 millim.; largeur, 104 ; épaisseur, 51.

C. 7. Allongée dans le sens de la hauteur, anguleuse au sommet; erochet submédian ; côté antérieur protu- bérant; pas de sinus sous les crochets. Côtes obso- lètes rayonnantes sur le moule intérieur. Hauteur, 95 millim.; largeur, 78; épaisseur, 41.

L. CORBARICA ELONGATA. . .

39 L. CORBARICA QUADRATA. . - C. 6.

Cette variété se distingue des autres par sa forme générale subrectangulaire , laquelle résulte de ce que le côté cardinal postérieur est beaucoup plus allongé que le côté antérieur, tandis que dans les lucines pré- cédentes les côtés sont à peu pres égaux.

Hauteur, 83; largeur, 70; épaisseur, 33.

La Lucina Corbarica se distingue des L. gigantea et L. mutabilis du bassin parisien par ses fines côtes toujours saillantes et par sa forme générale, qui or- dinairement n’est pas transverse. Les côtes obsolètes signalées sur les moules de la deuxième variété ne sont pas d’ailleurs comparables aux stries fines et di- vergentes que M. Deshayes donne comme un bon ca- ractère pour reconnaître la L. mutabilis.

Gisement : Cette coquille est une des plus carac-

DES CORBIÈRES ET DE LA MONTAGNE NOIRE.

361

téristiques parmi celles que présentent les couches épi- crétacées des Corbieres et de la montagne Noire.

17. Lucina suLcosA. CE "13 ab 14.

Petite espèce, toujours moindre que la Luc. sul- cata, Lamk, mais qui partage avec elle la propriété d’être plus haute que large et de porter des stries ré- gulières et concentriques fines et serrées. La forme générale des deux coquilles est aussi fort analogue : la nôtre cependant est un peu moins orbiculaire.

Hauteur, 15 millim.; largeur, 14; épaisseur, 9.

Ces dimensions se rapportent à un moule prove- nant des Corbieres , lequel porte encore quelques tra- ces de test qui nous ont permis de reconnaitre des stries.

La figure 14 représente un autre moule plus petit se trouve très bien marquée l'impression anté- rieure allongée qui caractérise les Lucines.

Gisement : Se rencontre dans le terrain épicrétacé des Corbières.

18. CYTHEREA CUSTUGENSIS. . D. 1 a b. 2.

Coquille d’une taille assez petite, ovalaire, assez épaisse, trèsinéquilatérale , puisque la place des cro- chets se trouve au tiers de la largeur totale : point de lunule. Test ordinairement de couleur blanche, assez mince, lisse ou portant de fines stries d’ac- croissement.

Hauteur, 149 millim.; largeur, 26; épaisseur, 12.

La figure 2 représente une coquille blanche et lisse que je crois être unjeune individu de la même espèce, malgré l’inégalité plus grande des deux côtés car- dinaux.

Gisement : On la rencontre assez rarement, mais toujours libre et pourvue de son test, dans les marnes a Turritelles des environs de Coustouge et de Saint- Laurent.

19. CYTHEREA RABICA, D.—3 a b.

Coquille assez petite, qui ne diffère de la précé- dente que par sa longueur transverse, qui est beau- coup plus grande, et aussi par une moindre épaisseur. Elle ressemble beaucoup aussi à la Venus? Maura, Al. Brong., de Ronca (terrain du Vicentin, pl. 5, fig. 11), mais celle-ci porte des stries caractéristiques que la nôtre ne montre pas.

Gisement : Rare dans les marnes qui renferment la Cythérée de Coustouge. L’individu représenté fig. a b. 3, provient des bords du Rabe, pres Saint-Laurent.

D. 6 a b. Petite espèce, transverse, régulière, subovalaire, convexe : test mince et lisse; crochets courts, lége- rement projetés en avant; lunule petite, mais assez profonde. Hauteur, 12 millim.; largeur, 14; épaisseur, 9. Gisement : Marne de Roubia, vers le bord du canal du Midi. Elle est rare.

20. VENUS? RüBIENSIS. .

D. 5 a6. Petite ; transverse, inéquilatérale , subrectangu-

21. VENUS ? SUB-PYRENAICA.

362 MÉMOIRE SUR LE TERRAIN À NUMMULITES

laire du côté postérieur; test mince, portant des sries régulières, mais d’une très grande finesse.

Hauteur, 11 millim.; largeur, 15; épaisseur, 8.

Ces dimensions appartiennent au plus grand in- dividu qui ait été jusqu’à présent rencontré: les individus ordinaires ont une taille moindre.

Gisement : Elle n’est pas très rare dans les marnes de Roubia et dans quelques localités des Corbières. Elle se présente à l’état de moule intérieur portant encore quelques lambeaux de test.

22. VENERICARDIA MINUTA. . . . D. —4a bec.

Cette jolie espèce est constamment de petite taille ; assez peu épaisse; suborbiculaire, suboblique, por- tant sur chaque valve 20 à 25 côtes étroites et tail- lées en dents de scie aiguës. Sous les crochets qui se rapprochent presque jusqu’au contact, s’enfonce une lunule petite et cordiforme.

Hauteur, 12 millim.; largeur, 11; épaisseur, 7.

Sa forme générale rappelle la Venericardia acuti- costa Lamk, dont elle se distingue par la taille, qui est bien moindre, et par la forme des côtes. Elle se rapproche aussi de la V. asperula, Desh. ; maïs elle est plus petite, et ses côtes sont plus profondément dentées et plus écartées.

Gisement : Ce fossile est habituel et caractéristique pour les marnes à Turritelles des Corbières ( Couiza, Esperaza , Coustouge , Albas).

D. 8a b. Grande et belle espèce, médiocrement convexe; oblique , très inéquilatérale, plus trigone que les au- tres espèces du genre ; base presque droite; crochets cordiformes très rapprochés et très portés en avant. Lunule petite, mais profonde. Côtes aiguës vers les crochets, mais subconvexes dans tout le reste de la coquille, larges d'ailleurs et séparées par d'étroits sillons ; elles sont croisées vers la base par des stries d’accroissement. Hauteur, 55 millim.; largeur, 57; épaisseur, 45. Cette Vénéricarde offre quelque analogie avec la Venericardia planicosta, Lamk; mais elle est moins grande et plus inéquilatérale ; celle-ci est d’ailleurs suborbiculaire, tandis que la nôtre est trigone. Gisement : Elle se trouve rarement dans les couches épicrétacées des Corbières. Le bel exemplaire figuré provient des bords du Rabe, entre Saint-Laurentfet Coustouge.

23. VENERICARDIA TRIGONA. .

D. 9.

Le nom imposé à cette espèce est destiné à rappe- ler son analogie avec la Venericardia asperula, Desh., dont elle se distingue par sa forme générale plus al- longée. Ses côtes sont beaucoup plus nombreuses et plus serrées que dans notre Venericardiæ minuta, et les dentelures se réduisent à des granulations très rapprochées. Sa taille est d’ailleurs presque double de celle de l’espèce que nous venons de citer.

Hauteur, 23 millim.; longueur présumée, 21; épaisseur, 12. |

24. VENERICARDIA VICINALIS.

(N. 8, p. 26.) Gisement : Saint-Laurent (Corbières). Rare.

25. TEREBRATULA MONTOLEARENSIS. D.—13 a b. 14. 15-

Cette espèce ressemble beaucoup, au premier aspect, à la Terebratula biplicata, acula , de Buch, du ter- rain néocomien ; mais en la comparant attentivement, chez M. Deshayes , avec de petits individus de la T7. bisinuata , Desh., nous avons reconnu que la cour- bure des côtés était bien plutôt celle que présente cette dernière espèce. D'ailleurs le pli du front est plus aigu dans notre Térébratule qu'il ne l’est dans la T. biplicata, et il commence sur l’une et l’autre valve plus près de la base de la coquille. Les côtés cardinaux et latéraux se confondent mieux aussi dans une même courbe. La Térébratule de l'Aude, d’un autre côté, me paraît différer de la T. bisinuala par plusieurs caractères : sa taille est presque toujours moindre , son ouverture est plus petite et plus arron- die, son crochet est autrement courbé, son test est plus solide; enfin on n’y remarque pas ces irrégula- rités de forme qui sont habituelles à l’autre espèce.

Dans le jeune âge, notre Térébratule est orbiculaire, et le pli n’est indiqué , comme dans les jeunes T. bipli- cala , que par une tres légère inflexion.

Dans l’état adulte, elle est oblongue.Cependant cer- tains individus, qui atteignent zne taille plus considé- rable, deviennent proportionnellement assez larges. J'en fais une variété que je désigñe par l’épithète major.

En général, les dimensions de la T. Montalearensis sont assez variables ; voici celles des individus qu’on peut considérer comme types :

Hauteur, 22 millim.; largeur, 15 ; épaisseur, 10.

Dimensions de la variété major :

Hauteur, 28 mÿllim.; largeur, 23; épaisseur, 14.

Gisement : On trouve assez fréquemment cette es- pêce entre les couches du calcaire à Nummulites de la montagne Noire, principalement entre Moussou- lens et Montolieu, M. Tournal l’a recueillie a Font- couverte (Corbières), dans des marnes analogues à celles de Couiza.

Observation : Des Térébratules de la même section (Sinualæ) citées par M. de Buch ( Mém. de la Soc. géol., t. 3, p. 225) comme provenant du terrain à Nummulites du Cressenberg, fossiles que ce célèbre géologue rapporte à la T. harlani, Morton, pourraient bien appartenir à notre espèce

26. TEREBRATULA VENEI. . . D.—10 a b.

Jolie petite espèce appartenant à la division des Dichotomæ (de Buch); toujours allongée dans le sens de la hauteur, ovalaire et obsolète. Crochet court ; ouverture grande, se prolongeant. dans le type prin- cipal, jusqu’à la valve ventrale; area petite, mais sen- sible et verticale comme l'ouverture. La valve que nous venons de citer se relève brusquement à partir du natis , et atteint presque de suite sa plus grande hauteur. À partir de ce point culminant, elle descend rapidement des deux côtés, et aussi vers le front, elle ne montre pas d'accident caractérisé, si ce n’est

(N. 8, p.27.)

une sinuosité très légère. La valve dorsale n’offre rien de particulier ; en approchant du sommet, on la voit former, sur les côtés, un pli assez marqué pour venir rejoindre l’autre valve. L’angle des arêtes cardinales est moindre qu’un droit, ordinairement de 80°. Les deux valves sont couvertes de plis ronds plus ou moins fins, suivant les individus, et conservant une largeur à peu prés constante dans toute leur étendue. Les plis principaux partent de l’origine même des valves, au crochet, et se prolongent jusqu’au front, d’une part, et en divergeant sur les côtés, d’autre part. Des plis secondaires naissent entre ceux-ci à de certaines dis- tances du sommet, et remplissent uniformément les intervalles en se comportant du reste comme les pre- miers. Les deux valves montrent en outre assez sou- vent trois ou quatre grosses stries d’accroissement.

Hauteur, 14 millim. ; larg. , 10, 5 ; épaiss. T7, 5.

La T. Venei differe, par la taille, des T. substriata, striatula, Defranciü, qui sont toujours beaucoup plus grandes. Elle est d’ailleurs plus convexe et porte un moindre nombre de stries. Si on la compare particu- lièrement à la T. substriata, qui est celle qui lui res- semble le plus, on verra que celle-ci a l’ouverture moins grande, qu’elle est moins allongée et que ses côtes sont plus fines et plus serrées.

DES CORBIERES ET DE LA MONTAGNE NOIRE. 363

Gisement : On trouve cette Térébratule à Roubia et à Fontcouverte, avec la T. tenuistriata, la T. Defran- cii ? l'Ostrea lateralis ?, le Nummulites Atacicus, des Serpules, des Vénus... dans des marnes du même âge à peu près que les marnes à Turritelles.

27. TEREBRATULA TENUISTRIATA. . D.—11 ab.

Nous avions d’abord considéré cette espèce comme une variété de la T. Venei, à laquelle elle semble pas- ser. Nous nous décidons cependant à en faire un type spécial décidément plus plat, plus aigu au crochet et à plis bien plus fins et plus serrés que celui que nous venons de décrire. D'un autre côté la T. lenuistriala est susceptible de s’allonger et de s’élargir de manière à offrir des passages à l’espèce que nous avons rapportée, avec doute, à la T. Defrancii. Celle-ci paraît, en effet, offrir beaucoup de rapport avec la nôtre, dont elle ne diffère guère que par la taille.

Hauteur, 10 millim.; largeur, 8, 3 ; épaisseur, 4.

Gisement : Roubia et Fontcouverte, avec la T. Venei et les autres fossiles signalés dans la description de cette dernière espèce.

MOLLUSQUES.

28. NATICA ACUTELLA. . . . D. 16 a b.

Coquille assez petite, ovale, un peu oblongue, à spire médiocrement courte et aiguë , composée de six à sept tours arrondis; sutures subcanaliculées ; om- bilic petit ; ouverture.

Hauteur, 21 millim.; largeur présumée, 16.

Elle ressemble beaucoup à l’Ampullaria Wilmetii , Desh.; mais elle est constamment plus petite. Elle diffère de la Natica Albasiensis , qui l’accompagne dans ses gisements, par sa spire, qui est plus aigué; d’ailleurs celle-ci est beaucoup plus globuleuse.

Gisement : Elle ne paraît pas être rare à Albas et à

Fonjoncouse, dans les couches inférieures du système à Nummulites.

29. NATICA ALBASIENSIS. D. 17 ab. Assez pelite espèce globuleuse, à spire courte et moins aiguë que dans l'espèce précédente , composée de six à sept tours arrondis; sutures subcanaliculées ; ombilic plus profond que dans la N. acutella , et ca- ché en grande partie par la lèvre gauche de l’ouver-

ture , qui est toujours incomplète dans nos échan- tillons.

Hauteur présumée, 21 ; largeur, 18.

Cette espèce ressemble beaucoup, pour la forme, à lAmpullaria perusta, Defr. (Al. Brongniart, T. du Vicentin (Ronca), pl. 2, fig. 17); mais sa taille est environ deux fois moindre.

Gisement : Alhas et Fonjoncouse, elle est assez commune.

30. NATICA BREVISPIRA. . E. 4 a b.

Taille moyenne, subglobuleuse; spire courte et comme déprimée , composée de cinq à six tours sub- rectangulaires ; ces tours sont séparés par des gout- tières assez profondes, rachetées par un méplat ; ombilic en grande partie recouvert; test lisse a la surface.

Hauteur, 23 millim.; largeur, 24.

Gisement : Se trouve assez fréquemment dans la montagne Noire (Montolieu , Bize) et dans les Cor- bières (Coustouge.…..).

E. 3 ab.

Taille ordinairement médiocre, quelquefois assez grande, forme allongée ; spire aiguë et conique, oc- cupant environ la moitié de la longueur totale ; cette spire se compose de sept à huit tours assez larges, assez peu arrondis, séparés par des sutures marquées et étroites. Ombilic petit.

La taille varie d’un individu à l’autre. Le plus grand que nous possédions, représenté fig. 3 a, at- teindrait 35 à 36 millim. de longueur, s’il était complet.

Gisement : On rencontre assez souvent cette Natice avec la précédente dans la montagne Noire (Conques, Montolieu), mais toujours à l’élat de moule inté- rieur.

31. NATICA LONGISPIRA, . .

32. SOLARIUM SIMPLEX. . . . E. —Tabc. Espèce voisine, pour la taille, du Solarium bi- striatum , Desh., dont elle diffère d’ailleurs par la

364 plupart de ses caractères. Elle a la forme d’un cône déprimé. Ses tours, légèrement convexes et arron- dis, au nombre de sept à huit, sont couverts de stries simples et concentriques, autant qu’on peut en juger par les traces laissées sur nos moules, et sépa- rés par une rigole bien marquée. Le dernier tour est, comme dans tous les cadrans, aigu à la périphérie et plat en dessous. La bouche est subquadrangulaire. L'’ombilic, large et étagé, parvient jusqu’au sommet de la coquille.

Hauteur, 10 millim.; diamètre de Ja base, 28,

Gisement : Se trouve assez rarement dans les cal- caires sableux et marneux, à Nummulites, de la montagne Noire (Conques , Montolieu).

33. TURRITELLA DUFRENOYI. . E. 5.

Espèce turriculée , allongée, à tours convexes et couverts de filets très fins , assez serrés et parallèles à la spire. Elle offre beaucoup d’analogie avec plusieurs espèces du bassin de Paris , et notamment avec la T. imbricataria , Lamk., et avec le T. sulcifera , Desh. ; mais elle diffère essentiellement de ces deux espèces par la manière dont ses tours sont séparés. Dans celles-ci, en effet , il existe entre les tours un sillon ou un canal, tandis que, dans la turritelle que nous décrivons, on ne remarque qu’un vallon large et strié. D’ailleurs, dans notre espèce, les tours sont convexes et n’offrent aucune apparence d’imbrication; sa taille, d’un autre côté, est moindre que celle de la T. sulcifera, dont la forme est d’ailleurs plus al- longée.

Longueur présumée, 75 à 78 millim.

Gisement : Les marnes de Couiza, elle accom- pagne la Turritella imbricataria. Elle n’est pas, à beaucoup près , aussi abondante que cette dernière espèce. On ne trouve jamais que des individus plus ou moins mutilés.

34. CERITHIUM ALBASIENSE. E. 12 a b. Petite espece, allongée ; spire composée de 11 à 42 tours étroits et presque plats, séparés par des sutures prononcées , bordées d’un filet extrêmement fin. Chaque tour est couvert d’une triple série de granulations rondes et serrées. Ces granulations, égales pour chaque tour dans les jeunes individus, deviennent, chez les adultes, plus grosses dans la rangée inférieure que dans les deux supérieures de la même série, Dans certains échantillons, les grains que nous venons de décrire semblent résulter de l’in- tersection de deux catégories de filets saillants, dont les uns seraient longitudinaux , tandis que les autres se dirigeraient dans le sens transversal.

Longueur, 19 à 20 millim.; largeur max., 6 millim. Cette jolie espèce diffère évidemment de toutes celles du bassin de Paris , malgré l’analogie qu’elle semble présenter au premier aspect avec plusieurs d’entre elles, et notamment avec le C. thiara, Lamk. Elle ressemble beaucoup au C. baccatum , Defr., recueillie à Ronca par M. Brongniart (Terrains du Vicentin , pl. 3, fig. 22), dont peut-être elle n’est qu’une va-

MÉMOIRE SUR LE TERRAIN A NUMMULITES

(N. 8, p.281.

riété. Cependant sa taille est constamment moindre, et ses protubérances sont de simples points et non des tubercules , comme celles du C. baccatum.

Gisement : Albas, elle paraît être assez com- mune.

35. CERITHIUM DESHAYESIANUM. E. 6.

Espèce de moyenne taille, médiocrement allongée, plus cependant que le C. fiiferum , Desh., dont l’a- nalogie avec notre espece est telle, pour les détails de la surface, que nous croyons pouvoir nous dispenser de les décrire. Toutefois il est certain que notre Cérite doit constituer une espèce particulière ; car, outre le plus grand allongement relatif que nous ve- nons de signaler, il existe entre les deux coquilles d’autres différences constantes, telles que la taille, qui est presque moitié moindre dans le C. Deshaye- sianum , et l'absence d’un véritable sillon entre les tours de spire.

Longueur, 51 millim. ; largeur max. , 16.

Le C. Deshayesianum ressemble au C. mullisulca- tum Al. Brongn., de Ronca ( T. du Vicentin, pl. 3, fig. 14 ab); mais il a moins de côtes longitudinales, et ses stries transverses sont plus fines et plus pro- noncées.

Gisement : Albas, elle se rencontre fréquemment.

36. CERITHIUM FUSIFORME. . E.— 11.

Espèce d’assez petite taille , allongée, pointue au sommet; spire composée d’environ 11 tours médio- crement larges : ces tours sont séparés par une suture assez profonde bordée supérieurement par un bour- relet très saillant. Chacun d’eux est couvert de stries transverses très prononcées et médiocrement serrées, et porte de grosses côtes longitudinales, saillantes, subobliques , traversées elles-mêmes par les stries dont nous venons de parler. Le dernier tour, con- vexe à sa base, se prolonge supérieurement en un canal étroit et droit, toujours incomplet dans nos échantiHons. La longueur probable de ce canal, ainsi que sa forme , donne à cette coquille l’aspect de cer- tains fuseaux.

Longueur présumée, 29 à 30 millim.; largeur max., 9,5.

Ce Cérite ressemble beaucoup au C. fragile Desh. ; mais il porte des côles, tandis que ce dernier n’a que des nœuds : d’ailleurs le Cérite parisien ne montre aucun bourrelet à la suture.

Gisement : Albas. Assez rare.

37. CERITHIUM POLYGONUM. E. 13 ab.

Petite espèce, courte, ayant la forme d’une pyra- mide à 6 faces concayes. Spire composée de 11 tours environ, assez étroits, séparés par des sutures simples. Ces tours portent chacun six varices longitudinales anguleuses et saillantes, qui se correspondent d’un bout à l’autre, laissant entre elles de larges gout- tières qui règnent dans toute la longueur de la co- quille, sans autre interruption que celle qui résulte du sillon formé par la suture. Le tout est traversé

(N- 8, p. 29.)

par une quadruple série de stries laissant entre elles autant de rangées de fines granulations.

Dans les jeunes individus, les varices se réduisent à des côtes tuberculeuses, et la forme hexagonale est à peine prononcée. Dans les vieux, au contraire, les caractères indiqués sont très marqués, et les varices semblent se terminer à la base des tours supérieurs, et surtout du dernier, par des tuber- cules saillants.

Longueur présumée, 22 millim.; largeur max., 11.

Cette espece offre de grandes ressemblances avec le C. hexagonum Lamk. ; mais elle est plus petite, et d’après ce que j'ai pu apercevoir du dernier tour dans les individus matilés, cette partie de la co- quille, si singulièrement développée dans l’espèce de Lamarck, aurait dans la nôtre une forme toute dif- férente. Néanmoins il serait possible que l’on trouvât par la suite des individus entiers qui viendraient mo- tiver la réunion des deux espèces. Le C. polygonum se rapproche aussi beaucoup du C. Castellini Al. Brongn. (T. du Vicentin), maïs sa taille est bien moindre.

Gisement : Albas. Assez rare.

38. CERITHIUM SUBPYRENAICUM. . . . E.— 10.

Ce Cérite est de moyenne taille, assez court propor- tionnellement. Sa spire, qui se termine en pointe as- sez aiguë, est composée de 11 à 12 tours, portant chacun, vers le milieu, une rangée de gros nœuds très saillants. Toute la coquille est couverte, comme dans le C. filiferum Desh., de stries transverses pro- fondes et rapprochées qui laissent entre elles de fines saillies comparables à des fils qui seraient ici d’une grande finesse; sutures assez profondes et bien mar- quées , surmontées d’une rangée de petites granula- tions.

Longueur présumée, 41 millim.; largeur max., 15.

Cette coquille se distingue du C. fiiferum par sa taille, qui est moitié moindre, par ses nœuds et par les granulations de la suture. Ces deux derniers caracte- res, ainsi que la netteté de la suture elle-même, la séparent du C. Deshayesianum.

Gisement : Veraza (Aude). Rare.

39. CERITHIUM VENEI. . . . E. 14 a b.

Espèce petite et très élégante, courte relativement, très pointue au sommet. Spire composée de 10 à 11 tours presque plats, régulièrement ornés de quatre rangées transverses de granulations rondes et serrées, entre lesquelles paraissent souvent , sur les derniers tours , de nouvelles rangées à grains beaucoup plus petits et moins réguliers. Le dernier tour est ordinai- rement granulé sur toute sa surface jusqu’à la bouche. Les sutures sont nettement indiquées par un fin sil- lon élégamment bordé par une petite ligne saillante. Le canal de la base paraît fort court.

Longueur, 17 millim. ; largeur max., 7.

Ces dimensions sont celles des individus ordinaires; mais il en est qui atteignent jusqu’à 25 millimètres de longueur : tel est celui que nous avons représenté

SOC. GÉOL. SÉRIE. T. I.

Mém. n°8.

DES CORBIÈRES ET DE LA MONTAGNE NOIRE. 365

fig. 14. Parmi les nombreux Cérites parisiens décrits par M. Deshayes, plusieurs offrent comme le nôtre quatre séries de granulations ; mais ils sont tous plus allongés que le C. Venei. D'ailleurs, le C. plicatulum Desh., qui se rapproche plus que tout autre de ce dernier, a des côtes longitudinales que celui-ci ne pré- sente pas, et ne porte pas de granulations sur son dernier tour de spire.

Gisem. : Albas, cette coquille est assez commune.

40. TEREBELLUM CARCASSENSE. . . E.— 9 à b.

Espèce fusiforme, obsolète, à spire assez allongée, pour legenre, composée de 5 à 6 tours. Le dernier, qui forme plus des deux tiers de la longueur totale, est légèrement convexe vers le centre, et s’atténue ensuite insensiblement jusqu’à une petite distance de la base, il s’infléchit et semble vouloir se renfler de nou- veau. Ouverture allongée et étroite.

Longueur présumée, 58 millim. ; largeur max., 20.

Gisement : Se rencontre assez rarement au nord de Carcassonne, dans le calcaire à nummulites de la Mon- tagne Noire.

41. TEREBELLOPSIS BRAUNI. . . . E 8.

Quoique nous n’ayons de cette coquille que des in- dividus brisés à la base, il est facile de voir qu'elle ne peut se rapporter à aucun des genres Connus jus- qu'ici. Ses tours de spire, larges et très obliques, lui donnent quelque ressemblance avec certaines physes, mais la forme de l’ouyerture ne permet pas ce rap- prochement non plus que le gisement de te fossile au milieu d'espèces toutes marines. I] nous paraît évident qu’elle doit être placée dans la famille des enroulées, à côté des tarières , avec lesquelles elle offre beaucoup de ressemblance par la forme du dernier tour et par celle de l'ouverture, maïs dont elle’ se distingue, d’un autre côté, par l'étendue de la spire, par la lar- geur des tours et par la profondeur des sutures. C’est cette analogie que nous avons voulu exprimer par Ja dénomination de Terebellopsis, que nous proposons pour ce nouveau genre.

Le Terebellopsis Brauni est une coquille tres allon-- gée, enroulée, à spire très oblique. Les tours, qui pa- raissent être au nombre de 7, sont larges, presque plats et séparés par un sillon trés étroit, mais assez profond. Le dernier tour, qui occupe à peu près la moitié de la longueur totale, est tres légèrement renflé vers la partie moyenne, et s’atténue en formant une légère inflexion à mesure qu’il s'approche de la base. L'ouverture est allongée et tres aiguë à sa naissance.

Longueur, 80 millim. ; largeur max., 18.

Gisement : Ce fossile doit être considérécommeétant un des plus habituels et des plus caractéristiques parmi ceux que présentent les couches à nummulites de la montagne Noire (Montolieu, Conques, Villegalhene).

F 1. Grande espèce tres renflée en son milieu, s’amin-

cissant assez rapidement vers le dos, qui est subcaréné. Cloisons espacées, s’accusant à la surface, de chaque

47

42. NaurTiLus ROLLANDI.

366 côté, par des lignes mollement sinueuses. Siphon médiocrement large et un peu plus voisin du ventre

que du dos. Le seul exemplaire que nous connaissions du N.

Rollandi ne consiste, comme on le voit sur les figures, -

qu'en une moitié de moule intérieur. On n’y découvre pas l’ombilic; mais le siphon est très apparent. Les caractères tirés de la forme générale, de la figure des cloisons et du siphon, suffisent pour faire reconnaitre que ce nautile diffère de tous ceux qui ont été dé- crits jusqu’à ce jour et notamment des espèces du terrain parisien. Il se distingue, par la position du

MÉMOIRE SUR LE TERRAIN A NUMMULITES

|

(N. 8, p. 30.)

siphon, d’abord du N. zigzaÿg ; par son dos subcaréné, du N. umbilicaris ; enfin, par sa forme renflée et la simplicité de ses cloisons, du N. Lamarckiü. Le premier de ces deux derniers caractères le sépare encore du N. Fleuriausianus d'Orbigny, auquel il ressemble assez d’ailleurs.

Diamètre, 200 millim.; largeur max., 123. (Les figures le représentent réduit à moitié de. grandeur

naturelle.) À Gisement : Il n’a été rencontré qu’une fois à Fraissé

(montagne Noire) avec le N. Lamarcki , par M. Rol- land du Roquan (1).

SIL. Remarques sur quelques fossiles rapportés à des espèces connues.

TURBINOLIA siNuosA , Al. Brong. . . B—7,8.

Les figures que nous donnons de cette turbinolie, qui est si commune à Couiza, se rapportent , l’une à la forme la plus ordinaire, et l’autre à une variété allongée, que nous désignons sous le nom d’elongala, laquelle porte, comme le type principal, la sinuosité médiane d’où M. Brongniart a viré le nom spécifique (T. du Vicentin, p. 83, pl. 6, fig. 17).

Ce petit polypier, qui accompagne les nummulites, à Ronca, paraît devoir être considéré comme un des fossiles les plus caractéristiques du systeme épicrétacé pris dans son ensemble. Il est vrai qu'il a été signalé a M. Brongniart comme se trouvant dans le Roussil- lon, à Banyuls-les-Aspres (terrain tertiaire supérieur); mais nous pensons qu’il y a eu à cet égard quelque méprise; car tous les individus sous-pyrénéens, que nous connaissons, proviennent sans exception des couches épicrétacées.

Nous croyons que l’on a quelquefois confondu cette espèce avec la T. elliptica du bassin de Paris.

C—11.

C’est avec doute que nous rapportons à cette espèce parisienne le moule figuré pl. C, fig. 11, qui provient des marnes de Couiza, En tenant compte des rapports de forme qui peuvent exister, en général, entre la coquille d’une crassatelle quelconque et son moule in- térieur, il m’a bien semblé que le moule de la C. scu- tellaria devait avoir la forme du nôtre. Toutefois, je conserverai mes doutes jusqu'au moment il me sera possible de comparer nos échantillons avec les moules de ceux de Paris. L

A cette occasion, je me permettrai d'émettre ici un vœu qu’appuieront, j'en suis certain, tous les géologues : c’est que les auteurs d’espèces qui peu- vent multiplier à leur gré les figures voulussent bien joindre, autant que possible, à la description et à la figure de chaque coquille fossile, une indication suffisante de son moule intérieur. Les fossiles se pré- sentant fréquemment dans ce dernier état, la réali- sation de ce vœu doublerait presque les ressources que la paléontologie a jusqu'ici offertes à la science des terrains.

CRASSATELLA SCUTELLARIA , Desh.?...

OSTREA GIGANTEA Dubois. . F 2.

Ostrea latissima , var.: Desh.

C’est à M. Tournal que nous devons la communi- cation de la grande huître , figurée F 2, qui se trouve à Fontcouverte (Corbières) avec la Terebratula Venei. T. Montolearensis, Teredo Tournali et d’au- tres fossiles encore du terrain épicrétacé. La fig. la représente avec les deux valves réunies, et la fig. montre la forme de la valve supérieure. Il n’est pas douteux pour nous que cette espèce ne soit l'Ostrea gigantea, Dubois , que M. Deshayes considère comme une variété gibbeuse de son Ostr. latissima , des couches inférieures de Paris et de Bruxelles. En effet, sauf un enfoncement de la valve supérieure, qui donne à la coquille une forme concave de ce côté, et qui probablement est accidentel , la forme géné- rale de notre huître est bien celle représentée pl. 6, fig. 1,2 et 3, dans les Mémoires de la Société géologique, tome III. La description donnée par M. Deshayes (note, pag. 19) convient aussi parfaitement à l’huître des Corbières, nous retrouvons notamment les carac- tères indiqués pour la surface cardinale et pour la position de l'impression musculaire, et jusqu’au re- lèvement des valves. Quant à la forme particulière de l’impression, elle se rapporterait plus précisément à celle de l’Ostrea latissima, telle qu’elle a été décrite dans le grand ouvrage sur les Coquilles fossiles des environs de Paris; et si à cette circonstance on ajoute que la taille de notre huître est intermédiaire entre celle de l’huître de Crimée et celle de l’huître de Pa- ris , On arrivera naturellement à cette conclusion, qu'elle semble établir entre les formes propres à ces deux contrées un passage qui vient appuyer leur réunion dans une même espèce.

Sous le point de vue géogrostique, ce fossile est tres important : car sa présence dans les couches épicré- tacées des Corbières, et dans les bassins de Paris et de Bruxelles, conduit à un rapprochement entre ces terrains et le système à nummulites de Crimée,

(1) M. Tallavignes m'a apporté dernièrement, de Montulieu, un Nautile de la même taille que le N. Rollandi, et qui doit probablement être rapporté à cette espèce. 11 paraît cependant moins large.

CN. 8, p.51.)

l’Ostrea gigantea joue, d’après M. Dubois de Mont- péreux , un rôle de premier ordre.

OSTREA LATERALIS. Nilson? . D 7.

Cette petite ostracée réunit les principaux carac- tères de l'Ostrea lateralis, Nilson, qui se trouve, comme on sait, dans le terrain crétacé du nord de l’Europe; toutefois ce n’est qu'avec réserve que nous la rappor- tons à cette dernière espèce.

Elle est petite, allongée, un peu ovalaire, le cro- chet assez aigu et fortement tourné à gauche, comme dans les exogyres; la valve supérieure porte des côtes tranchantes, concentriques et séparées par de larges vallons qui montrent çà et là, sur certains individus, quelques plis longitudinaux. Ces côtes se resserrent à mesure qu’elles se rapprochent du sommet de la valve, et finissent par montrer, en cet endroit, une ten- dance à la disposition spirale, comme pour obéir à l'inflexion du crochet. La valve inférieure est sub- carénée, et montre ordinairement du côté gauche un appendice en forme d’aile.

Tous nos échantillons sont brisés dans leur partie inférieure (1); malgré cette fâcheuse circonstance, il est facile d’y reconnaître une forme allongée et une taille très peu différentes de celles que nous offrent les figures connues de l’Ostrea lateralis.

On ne trouve ce fossile que dans la localité de Rou- bia, au milieu de marnes, caractérisées d’ailleurs par les Terebratula Venei et Defrancü?. Elle existe aussi dans un terrain analogue, aux environs de Dax.

TEREBRATULA DEFRANCIT, Al. Brong.?.... D—12.

Nous ne possédons, ilest vrai, que des individus ° un peu écrasés et mutilés de la térébratule figurée; mais en les réunissant , on peut prendre une idée as- sez exacte de la forme générale qui paraît bien être celle de la T. Defranciüi, qui n’a été citée jusqu’à pré-

(4) La valve supérieure, représentée entière fig. 76, nous a été obligeamment communiquée par M. Grateloup, qui l'avait recueillie à Saint-Sever dans le même terrain qui offre aussi la Terebratula tenuistriata.

DES CORBIÈRES ET DE LA MONTAGNE NOIRE. 367

sent que dans la craie. La nôtre seulement est peut- être un peu moins allongée que celle représentée par M. Brongniart, pl. 3, fig. 6, dont la taille est d’ail- leurs plus considérable; mais ces différences ne sont pas essentielles , et peuvent être présentées par des individus appartenant, sans aucun doute, à l’es- pèce de M. Brongniart. Quant aux détails plus impor- tants du bec, de l’ouverture et des stries , ils nous paraissent différer très peu de ceux qui caractérisent cette dernière espèce, à laquelle nous rapportons, avec doute, notre Térébratule.

On trouve assez rarement ce fossile à Roubia, avec la Terebratula Venei et la T. tenuistriata , à laquelle

elle semble passer par des individus d’une taille inter- médiaire.

CERITHIUM GIGANTEUM , Lam.? . . E—2.

Nous devons à M. Tallavignes un tronçon de moule provenant de la montagne Noire, que nous croyons pouvoir rapporter provisoirement au Cerithium gigan- teum, quoiqu'il ait les tours plus plats que ne les ont ordinairement les cérites parisiens. Nous aurions bien désiré pouvoir donner la figure de ce moule dans nos planches, afin de mettre chacun à même de voir jusqu’à quel point cette détermination pourrait être admise; mais il a fallu y renoncer faute de place. Quelle que soit, au reste, la valeur de notre déter- mination , le moule dont il s’agit pourra toujours ser- vir à lier entre eux les gisements nummulitiques de l'Aude et d'Égypte, car il rappelle exactement la forme de ceux que feu M. Lefèvre avait rapportés de cette dernière contrée.

Nous avons plus de doute encore sur l'identité avec le véritable C. giganteum, d’un autre moule plus complet que le précédent, mais très aplati et d’une taille moindre, que nous avons fait représenter de grandeur naturelle, pl. E, fig. 2.

Ce moule, dont nous devons la communication à M. Rolland du Roquan, a été recueilli par ce conchy- liologiste dans le calcaire épicrétacé de Fraissé (mon- tagne Noire).

368

MÉMOIRE SUR LE TERRAIN A NUMMULITES

(N.8,p.52.)

TABLEAU DES FOSSILES

QUE SE TROUVENT DANS LE TERRAIN ÉPICRÉTACÉ

DES CORBIÈRES ET DE LA MONTAGNE NOIRE.

Nora. Les noms des espèces nouvelles sont en caractères TOMains ; ceux des espèces déjà connues sont en italique. Pour désigner la figure d'une espèce dans un auteur, nous employons deux numéros ou plus ; le premier se rapporte à la planche, el les suivants, séparés de celui-ci par un point,

indiquent les figures. Une notation analogue est aussi employée pour les planches et figures anuexées à ce travail: seulement, le point de séparation

est ici remplacé par un petit trait horizontal , et le chiffre de la planche est indiqué par une lettre majuscule,

GENRES. ESPÈCES. AUTEURS. LOCALITÉS ; PROPORTION. OBSERVATIONS. | POLYPIERS. Lunulites . - .. .. punetatus. .|[Leyu. B—4abcde. . .|Couiza, ar. : Porites . . . . .. . .[elegans . .ILEymM. B—1. 2. . |Couiza, ar. Coustouge et Saint-Laurent, ac. Astræa . ....... contorta. .[Leym. B—5 ab. . [Fonjoncouse, r. Dr distans. . . . . .|Leym. B—6 ab. . .[Couiza, ar. Fonjoncouse, ar. Dax, Faluus bleus, Grateloup. Nice. Lobophyllia or. Micheliniana. . .|LEvm. B—3. . . . |Fonjoncouse, ac. Turbinolia. . :... sinuosa . .|AL. BRONGNIART. T. du Couiza, cc. Saint-Laurent, ar. Vicen-| Vicentin. 6. 17. . tin, T. à nummulites. Brongniart.—Nice. ES CN ML MO DT Var. elongata.…. . Levi. B—8. . Couiza, ar. FORAMINIFÈRES.

Nummulites . . . . .| Atacicus.

» globulus. . Operculina. , . .|lammonea .

» granulosa. Alveolina. -[Sub-Pyrenaica.

Var. globosa. .

Spatangus . . . . . .|obesus, .

Pygurus . Diadema . ......

indéterminable. . indéterminable. .

Baguettes d'oursins de diverses formes.

Echinolampas. . . .|[conoideus.. . . Clipeaster . Galerites. Lam.

. | AGASSIZ.

GoLpr. 41.8. GRATELOUP. 2

1

. Leyu. B—13 abcde. .

.|Leyu. B—14 abcd. . .|Leym. B—11 ab.

.|Levm. B—12 abc. .|Leym. B—9 abc. .

.|Lexn. B—10 abc.

. Leym. B—15 ab.

.3.

.|cc. Montolieu, Conques (montagne Noire)» c. Coustouge, Saint-Laurent, Albas…. {Corbières). Nice. Basses-Alpes ? Vicentin. Brongniart. Egypte.

.|c. Mèmes localités.

.|ac. Couiza, Bize. Haute-Garonne. Basses-Pyrénées. Nice.

.|[ac. Couiza, Bize. Nice.

.|cc. Montagne Noire; Corbières. Haute- Garonne.

Idem. idem.

RADIAIRES.

. | Montagne Noire, ac. Tercis, Grateloup? Egypte, Lefèvre.

Mont-Alaric, r.

Conques (Montagne Noire) , r. Ce diadème est sub-pentago- nal et paraît se rapprocher du D.Lucæ, Agass., que l’on trouve à la perte du Rhône. Toutefois le nôtre est un peu plus déprimé.

Diverses localités.

Villegailhène (montagne Noire), r. Dax, Graeloup. Nice. Vérone, Lesk.— Kressenberg, AL. Brong. Crimée. Du- bois , de Verneuil. Egypte, Lefèvre.

CN. 8, p. 55.)

DES CORBIERES ET DE LA MONTAGNE NOIRE.

369

GENRES. ESPÈCES. AUTEURS. LOCALITÉS; PROPORTION. | ANNÉLIDES. ‘Serpula . ....... gordialis ? .[ScLor in Gozpr. 69. 8.!Coniza, ac. T. crétacé et jurassique de B—16. é diverses localités. = quadricarinata ? .| Munster in GoLpr. 70. 8. Couiza, Coustouge, Roubia, c. Tercis, B—17 ab, 18 "Arch. Grès vert de Ratisbonne, 2 © 7°) Eii indéterminable. . _— Couiza. CONCHIFÈRES. Teredo......... Tournali. . . . .|Levm. C—1, 2, 3, 4. . .|Font-Couverte (Corbières); Conques (mon- tagne Noire). Ariége. au N. de Foix.— Paris ? Nice. Panopæa ? ...... elongata. .[Levu. C—8 a b. .|Coustouge; Fonjoncouse, ar. = indét.. . . . Idem. Crassatella. . . . . .|minima. .|LEYM. C—9 a b 10. .|Corbières, ar. = scutellaria ? . . .|Desx. C—411.. . . -[Couiza, r. Ariége, c. Environs de Beauvais, Desh. securis. . . . . .|LEym. C—12 ab... .|Coustouge, c. Lagrasse. Lucina......... Corbarica . . . .|LEeym. C—5, 6, 7. .|c. Coustouge; Fonjoncouse; Saint-Lau- rent (Corbières). = Var. regularis . . CSS An Montolieu , Conques, Villeneuve-les-Cha- noines (montagne Noire). = elongata.. . CT Le RS D quadrata . . C—6. . JA = sulcosa.. . . . .|LEevm. C—13 ab. 14. .|Coustouge , r. = HOLe 85 à 0 Coustouge et Fonjoncouse. eu INdétEN ne e Idem. . . .... idem. = indét.. . . . Montolieu. Cytherea........ Custugensis . . .|Leym. D—1 ab. 2 .\ac. Coustouge, Fonjoncouse, St-Laurent. TA Rabica . . . . .| Levy. D—3 ab . [Bords du Rabe (Corbières), r. Venus ?......... Rubiensis . . .|Levm. D— 6. ab .|Roubia, r. St Sub-Pyrenaica. .|LEym. D—5, ab . [Corbières , Roubia. 5 indét.. . . . .. _— Montolieu, r. Venericardia. -[minuta.. . . . .|Levs. D—4 abc .|ac. Coustouge, GCouiza, Albas.… (Cor- bieres ). Nice. Égypte, Lefèvre. A trigona.. . .|Leyu. D—8 ab .|Goustouge, r. és re vicinalis. ITEVMAD = 9 ER En Coustouge , 7. rdium. ....... hyppo È DESH. 27. 3, Z.. Saint-Laurent, Albas, ». Chaumont, PPCPEUM 1 7 © © © “| Parues, Mouchy... Desh. Aisne, d’Ar- chiac. indét.. . . ... AL Coustouge; Fonjoncouse. La é: indét.. . ï Montolieu , Conques , Bize. Chama. . ..... + -Igigas. . . . . . .|DEsH. 37. 5,6... . . . . ac. Couiza, Coustouge, Montazels, Monto- lieu. Parnes , Chaumont , Desh. |Modiola. ....... cordata., . . . .| Lam. in Desx. 39.17, 18, |Couiza, rr. Avec le Cerithium gigan-

teum, à Parnes, Grignon... Desh.

Aisne , d'Archiac.

49.

OBSERVATIONS.

Espèce plus large et plus dé- primée que la précédente.

Peut-être cette crassatelle doit-elle former une espèce par- ticulière.

Espèce d’une moyenne taille, orbiculaire , aplatie,

De la taille de la précédente, forme transverse,

Assez grande; subtransverse, Cette espèce se trouve à l’état de moule intérieur avec des in- dices de fines côtes assez espa- cées. Peut-être est-ce un jeune individu de la Z. Corbarica.

Espèce d'assez pelite taille, dont on ne trouve jamais qu'une valve déformée par la pression, On y remarque des côtes assez élégantes.

Petite espèce à l’état de moule,

370 MÉMOIRE SUR LE TERRAIN À NUMMULITES (N:8, p.54.)

GENRES. | ESPÈCES. AUTEURS. LOCALITÉS ; PROPORTION. OBSERVATIONS. Lima... use 0 O0 oo do Er Montolieu , r. Beaucoup plus grande que la L. Obliqua, Lam., à laquelle d’ailleurs elle ressemble assez. Ostrea. .......: gigantea. . . . .|Dupois in Desx., Mém.Soc. |Fontcouverte (Corbières). Dax, Grate-| ' latissima. Var.a,| géol.T.3.6.1,2,3.—| loup. Bruxelles, T. tertiaire inf. , Desh 19220) Desh. Nice. T. à nutmmulites de Se EP CTIMÉ CE D DOS lateralis. . . . .|Nizson in Gopr. 82. 1. .|Roubia, ac. Gensac {Hautes-Pyrénées). D—7 Environs de Saint-Sever, Grateloup. ° | —T. crétacé de différents pays, Nilson,

Goldf., d'Arch., Leym.

multicostata. . .|Desx. 57. 3, 4, 5,6. . .|Montagne Noire, c. Plus rare dans les| Elle est habituellement gry- Corbières. Nice. Soissonnais, Desh.,| phoïde ou exogyrale. d’Arch. Egypte, Lefèvre.

...|Defrancii?. . . .|AL. BroxG. 3. 6—D—192.|Roubia. Gensac, ar. Sainte-Colombe, HG LOC 2e F près Saint-Sever, Grateloup.

Montolearensis. .|Leym. D—13 a b, 14, 15. Montolieu, Conques, ac. Fontcouverte Var. major . . D—15. (Corbières).

Véneél Mae Leym. D—10 ab. . . . .|Roubia, Fontcouverte, ac. Gensac (Hautes-Pyrénées). Martigues (Bou- ches-du-Rhône).

Itenuistriata . . .|LEym. D —11ab.. . .. Le Mêmes localités. Saint-Sever (Grase- oup). ; MOLLUSQUES. Bulimus. - -.--: .| nova species. . . FT Montagne Noire, Couches inférieures du| Petite taille. système épicrétacé. Agathina . ..... k AE. NE —= Idem. Petite espèce allongée etstriée Auricula. . .....: idem. . . . . . _ Idem. Très petite. AM: re Idem. Idem. Cyclostoma. . . - - - idem. . dla 8 ro Tiens _— Pupa.. . . -::.. .| ‘dem... . .. En Idem. F idem. . . . . . Idem. = Planorbis. . . - .-- idem. . . . . . Idem. : Très pelite espèce. DATE 0 8 a do Idem. Ldem. Lymnæa. .......| ‘dem... ... = Idem. ü 7 idem. . . . . . Idem. Fe Mio eve 0 « Idem. De JTE or 880 0 Idem. A ARE pa e p.00 AS Te du A te Ph. gigantea , Michaud, de Rilly (Marne). Paludina? ..... .|indéterminable. . Bords de l'Orbieu (Corbières). Melania? ....-..| îdem.. .... = Idem.

Nora. Tous les mollusques précédents sont des espèces d'eau douce dont nous devrons bientôt la description à MM. Braun et Rolland du Roquan.

Neritina. . . . .-.. conoïdea. . . . . DEsg. 18. . . . . . . .|Couiza, Albas, Roubia, ac. Montolieu, Villandonel. Paris, Soissonnais, Desh. Aisne, d’Arch. Belesta, mont Per- du, Dufr. Nice. Vicentin, Brongn. Egypte, Lefèvre. Nation EU acutella. . . . .|Leym. D—16 @b.. . . .|Albas, c. Fonjoncouse, ac.

Albasiensis. . . .|Leym. D—17 &b.. . . .|Albas, c. Fonjoncouse, ar.

brevispira. . . .|LEym. E—4 ab. . . . .|Coustouge, ac. Albas, Montolieu, Bize.

longispira. . . .|LEym. E—3 ab. . . . .|Conques, Montolieu... ac. Nice.

sigaretina? . . .|DEsx. 21. 5. 6.. . . . .|Conques, Montolieu, Villeneuve-les Cha- noines, ar. Soissonnais, Grignon, Courtagnon... Desh.

(N: 8, p. 55.) DES CORBIÈRES ET DE LA MONTAGNE NOIRE. 371

GENRES. ESPÈCES. AUTEURS. LOCALITÉS ; PROPORTION. OBSERVATIONS.

Natica . ........ indét.. . . . . .|DEsH. 21. 5. 6. . . . . Conques, ». Espèce à spire très allongée. |

Solarium. - . .-: .Isimplex. . . . .|Leym. E—7 abc. . . .|Conques, Montolieu, ar. Turritella. - . - . .. Archimedis. . . .|AL. BronG. 11.8 (T. du|Goustonge, r. Vicentin, Brongn. Vicentin). . . . . . .| Égypte, Lefèvre? = Dufrenoyi. . . .|Leym. E—5. . . . . . .JCouiza, ac. _. ae Me 2 : . : s issan.… ette espèce , très abondante imbricataria . .|Lam. in Desx. 35, 36, 37, |cc. Couiza, Coustouge, Donner en tac des des Ko os colon ot Lavellanet. Basses - Alpes, Gras. —|Corbières , offre toutes les va- Paris, Soissonnais.. Desh., d’Arch. —|;jétés figurées par M. Deshayes, Nice. Vicentin, Brongn.— Crimée ; |et notamment celles qui carac- Dubois. Égypte, Lefèvre? térisent les sables inférieursdu Saissonnais, Gerithium. . . . - .. acutum.. . . . .|DESH. 43. 1, 2, 3, 4. . . Fonjoncouse, Albas, c. Véraza. Re-| Plusieurs variétés. Nos indi-

theuil, Guise-Lamothe, Desh. Aisne, |vidus deviennent souvent poly-

d'Arch. gonaux vers la pointe,etse char- Q Ê ent de stries. = Albasiense. . . .|Leym. E—12 ab. . -|Albas , ac. = Deshayesianum. .|Leym. E—6. . . | Albas, r. Nice.

fusiforme. . . . .|LEeym. E—11. . . .. giganteum? . . .|Lam. in Des. 42. 1,2. E—-2.

+ |Albas, ar. Nice. -|Conques, Caunes (montagne Noire), r. Il est assez probable que l’un Nice. Bassins de Paris et de Londres. |des moules que nous possédons, Aisne, d'Arch. Vérone, Kressen- celui qui est figuré pl.E , ap- berg , E. de Beaumont. Crimée, Du-|partient à une espèce parlicu- : À bois, Huot. Égypte, Lefèvre. lière.

-| Law. in Des. 41.10 à 13. Albas, c. —Houdan, Guise-Lamothe, Desh. Aisne, d'Arch.

-| Albas, ar.

-| Albas, r. Acy, Betz, Desh.

.| Véraza (Aude), r.

involutum.

.|Leym. E—13 ab.. Desu. 41. 14, 15, 16. . LEym. E—10. :

polygonum. . . propinquum. .. Subpyrenaicum. .

Venei. .| Levy. E —14 ab. . - | Albas, ac. li à ET indét Longue et jolie espèce portant co De Laserre, r. des côtes longitudinales. a G Espèce assez courte et ven- indét.. . De Gonques, ac. true. Ses tours paraissent porter une double carène au-dessus de la suture, F'Osus: Ne Le bulbiformis.. . .|Lam. in DeEsx. 78. .|Couiza, Albas, ac. Paris, Soissonnais,

Desh.

.|Coniza, r. Paris, Soissonnais.. Desh. Nice.

Véraza , r.

= , longævus. . . . .|DESH. 74. 18 à 21.

Petite espèce. Espèce de moyenne taille por-

indét.. ..

Rostellaria ? . .... indéter. . = Montagne Noire, ar. ant ielesante estelle Cassidaria? ...., indét. . . Montagne Noire, r. Égypte, Lefévre? N Ra

Mitra ? indét 1 Conques, r. Costellée longitudinalement, Voluta: . EN. . ambigua. . .|Law. in Desx. 93. 10, 11.|Albas, Fonjoncouse, Couiza, ar. Re-

theuil , Desh. Aisne, d’Archiac.

Bize /Aude). Plusieurs localités sub-py-

Cypræa....,....lindét.. . . .. rénéennes , Dufr. Nice.

Terebellum. . . ... Carcassense.. . .|Levm. E —9 ab. . .|Montagne Noire , ar. fusiforme. . .|Lam. in DEsx. 95. 30, 31.|Saint-Laurent, ». Retheuil, Parnes. Desh. = obvolutum ?. .|BronG. Vicentin, 2.15. .|Montagne Noire, r. Vicentin, Al.

Brongniart.

Terebellopsis. . . . .|Brauni. . . . . .|Leym. E—8. . . . . . .|Montagne Noire, ac. Nautilus. . ...... Lamarckii. . . .|Desm. 100.1. . . . . . .|Fraissé (montagne Noire), r. Grignon, Parnes.. Desh. Rollandi. . .ILEym. F1. .|Fraissé , 7.

Fossiles détachés qui ne se rapportent pas aux divisions précédentes.

Cancer :: EPP ES NE ENS ee Corbières. Dax, Sainte-Colombe , Grale- loup.

Squale (dents). ......,.... ER AS Foutcouverte (Corbières), Caunes (mon- tagne Noire), r.

Pycnodonte (dents).......... Ho —_ Caunes.

Gyrogonites. ......,,..,..... : Conques. Calc. d'eau douce inférieur aux

couches à nummulites.

372 MÉMOIRE SUR LE TERRAIN A NUMMULITES (N. 8, p- 56.)

RÉSUMÉ.

Ce tableau comprend 107 espèces, dont 82 déterminables, savoir :

RE DEC REPRISE TREND EE VPN ET EP NE EN E 7 PC PRD PP ET PERL PIE ST PIETRE VAE EEE EEE (IS CEE SENREEEENENEE PERRET EEE OUEN PRE EVER RPE TENTE PEN MP ENENEN FRERES FT LI TINTIN É NOMBRE TOTAL DEÉSIGNATIONS. \ DES ROTÈCRE, ESPÈCES CONNUES. ESPÈCES NOUVELLES.

POlYDiers 0 CCE TIC 6 1 5 Foraminiféres. - . . . . . . . . . . 5 5 3 Radiaires:! 0 ENTREE PNR D 4 1 Annélides:" NON CN. CAE 2 2 5 Conchifères LM MNT 24 8 16 Mollusques (d'eau douce) . . - . . . . 14 » 44 Mollusques (marins). . . . . . . . . . 29 14 15 } TOUR LCR IUT ENAE 82 26 56

APPENDICE (mars 1846).

Une nouvelle excursion que je viens de faire dans la montagne Noire m’ayant permis d’apprécier par moi-même quelques faits que je ne connaissais qu’indirectement lorsque j’ai rédigé mon mémoire, je crois faire une chose utile en consignant ici ceux de ces faits qui peuvent conduire à rectifier quel- ques parties de mon travail.

La bande de T. à nummulites signalée entre le T. de transition et le T. tertiaire, sur le revers S. de la montagne Noire, s’accuse à la surface du sol sous la forme d’un plateau aride, pierreux et presque stérile , légèrement incliné au S. Ce plateau s’appelle Causse dans le pays. Les calcaires qui composent la plus grande partie de la bande dont il s’agit sont très souvent pétris de mélonies (Alvéolines). Ces fossiles existent en aussi grand nombre dans le bas que dans le haut de la formation, qu'ils caractéri- sent principalement , les nummulites y étant beaucoup moins abondantes. Parmi ces dernières ; le N. globulus est au moins aussi commun que le N. afacicus.

2 Lorsqu'on monte directement sur la montagne Noire à partir du canal du Midi, dans les envi- rons de Carcassonne, on traverse d'abord le T. tertiaire, ensuite la Causse à mélonies ; puis, avant d'arriver aux schistes de transition, on rencontre en général une assise de calcaire d’eau douce. C’est celte position qui a fait penser à quelques géologues que ce dernier calcaire était inférieur géologique- ment au T. à mélonies, opinion que j'ai adoptée provisoirement dans mon mémoire. Aujourd’hui, après avoir vu les terrains en place, je crois qu’il ne serait pas impossible d'admettre que ces couches lacustres font partie de la formation de calcaire d’eau douce tertiaire de Conques. Nulle part je n'ai pu voir le calcaire à physes et le calcaire à mélonies en relation dans une même coupe verticale. De plus, le premier forme des collines élevées entre des crêtes de T. à mélonies. Je me propose, au reste,

(CN 8, p.57.) DES CORBIÈRES ET DE LA MONTAGNE NOIRE. 313

d'étudier encore cette question, et j'espère arriver à la résoudre. En attendant , je prie mes lecteurs de rester avec moi dans une sage réserve.

L’îlot nummulitique qui perce le T. tertiaire à lignites au N.-N.-O., et tout près de Bize , est évidemment le résultat d’un soulèvement local (1). Les couches de ce massif (le Quayla) sont très disloquées en général, et affectent les directions les plus bizarres et les plus variées. Elles paraissent souvent se redresser et même se courber vers un bouton central. Le Vummulites atacicus est très abondant dans certaines de ces couches ; d’autres sont très riches en mélonies.

(1) L'ilot dont il s’agit ici est situé sur la rive droite de la Cesse, vis-à-vis celui qui est marqué sur la rive gauche dans la carte géologique de France. Ce dernier est principalement constitué par des calcaires compactes sans fossiles , existent les cavernes à ossements, si connues des géologues.

FIN DE LA DEUXIÈME PARTIE DU TOME PREMIER,

SOC, GÉOL, SÉRIE, T, IL Mém. 0. 8, 48

EE

mnt

Il.

VIII.

TABLE

DES MÉMOIRES CONTENUS DANS CE VOLUME.

. Mémoire sur quelques unes des irrégularités que présente la structure du globe ter-

restre, par M. ROZET , capitaine d'état-major. : . . HR ru ABage Mémoire sur les volcans de l’Auvergne, avec un Lonentes sur QE volcans d’Italie, par

M. ROZET, capitaine d'état-major . : Application sur la théorie des cratères de Une ren au Era æ Fo moutdas ne

la Campanie, Mémoire de M. LÉOPOLD PILLA, présenté au congrès de Florence, et traduit de l'italien par L. KFRAPOLLI. . . . À

. Mémoire sur la constitution géologique des environs de Ba ones par N. ro

Description des entomostracés fossiles du terrain crétacé inférieur du département de la Haute-Marne, suivie d'indications sur les profondeurs de la mer qui a déposé ce ter-

Trains par iIM J ICORNUEL Re CCC CE EC CE CRE

. Journal d’un voyage dans la Turquie d'Europe, par M. A. VIQUESNEL. . . . . . . . . . Mémoire géologique sur la masse des montagnes entre la route du Simplon et celle du

Saint-Gothard ,. pat Me STUDER 02 RENE EP rRE Mémoire sur le terrain à nummulites ES (ÉpIGTÉTAE) des Corbières et de la montagne Noire,

PAM A AD EMMERIE EN NO EN RER CE CT EC EEE

FIN DE LA TABLE,

181

207

305

ERRAT A.

Page 204, ligne 3 en remontant, pour faire place à ceux qui s’éloignaient, lisez pour faire place aux eaux qui s’éloignaient. Id. 265, ligne 20, au lieu de PI. XII, fig. 14, lisez PI. XVI, fig. 1. Id. 359, en tête de la description de l’Operculina ammonea, on a oublié 11 , qni est le numéro de Ja figure. C’est par erreur que , sur plusieurs exemplaires , la planche d’Entomostracés fossiles relative au Mémoire de M. Cornuel est numérotée VII; elle doit porter le chiffre VIII.

‘Tu HAN rieA 0089 NE HI RS y} é Pal 3 & 45 ae HE Ste DÉCtEN (10 te. LOS EE STEREE aient 3 EE é « L L

Ménoires de la Job, Cell. de Luce. ZESerre, TIEPL,T.

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Soulevement crateriforme du sol du Cratère du Vesuve arrive en 1852

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CARTE GÉOLOGIQUE

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Nota: Par suite daccident, cette planche nest qu'un décalque de la Gravure de Avril.

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